ENTREPRENEURIAT ET MILIEU RURAL : OPPORTUNITÉS ET SYNERGIE

Cet article présente quelques constats issus d’une analyse menée sur les Très Petites entreprises dans les
espaces ruraux en Wallonie. Elle a été réalisée par la Cellule d’Analyse et de Prospective en matière de
Ruralité (Cellule CAPRU) ; une collaboration entre le Ministre de la Ruralité de la Région wallonne et
Gembloux Agro-Bio Tech, faculté de
l’université de Liège.

Qu’est-ce qu’une Très Petite Entreprise ?

L’approche développée a pris appui sur la
nécessité de mettre en œuvre des actions
Le terme de « Très Petites Entreprises » a été défini pour cette
participant à la revitalisation et au étude sur base de trois critères :
développement socio-économique des 1. un critère de l’effectif : la TPE est composée d’au
zones rurales. A partir d’une analyse maximum 10 personnes ;

bibliographique, il est apparu qu’un des 2. un critère juridique : la TPE est une entité économique
qui a le statut de personne physique ou morale
vecteurs semblant pouvoir répondre à cette
(société), travaillant seule ou employant du
attente est celui des Très Petites
personnel, à l’exclusion des agriculteurs, des sociétés
Entreprises (TPE), d’ailleurs souvent cité de droit public et des a.s.b.l. ;
par les décideurs et responsables de la 3. un critère géographique : le siège d’exploitation de la
politique économique. TPE se trouve dans l’une des six communes
sélectionnées pour cette étude.

En 2002, 96.6% des entreprises wallonnes

sont composées de moins de dix
travailleurs indépendants et salariés
confondus1. En 2005, une entreprise de
petite taille sur quatre (26.4%) est située en milieu rural2. En termes de densité, cela représente 7.0 TPE
pour 100 ruraux, contre 5.3 TPE pour 100 habitants du milieu urbain. Malgré leur omniprésence, ces
entreprises sont encore peu reconnues comme moteurs de développement économique, facteurs de
cohésion sociale et pourvoyeurs d’emploi par la population. Dans, ce sens, il est apparu intéressant de
dresser un état des lieux de leur situation actuelle. Les objectifs principaux de l’étude étaient les
suivants : dresser le profil de l’entrepreneur rural et celui de son entreprise, identifier les impacts locaux
de l’entreprise rurale, mettre en exergue les atouts et les contraintes du milieu rural envers
l’entrepreneuriat ainsi que ses perspectives d’avenir dans ce milieu et dégager des pistes de
développement de l’entrepreneuriat en milieu rural. L’étude complète est disponible sur le site internet
de la Cellule CAPRU, via le lien suivant : http://www.fsagx.ac.be/eg/capru/.
Fiche technique

La collecte des informations s’est réalisée en 2006 sur base de contacts de terrain auprès de 94 entrepreneurs ruraux,
localisés au sein de six communes wallonnes (Aywaille, Couvin, Frasnes-lez-Anvaing, Hotton, Incourt et Vresse-sur-
Semois). Celles-ci ont été sélectionnées afin d'intégrer des spécificités territoriales des zones rurales. Outre la
représentation des cinq provinces wallonnes, l’échantillon de communes intègre différentes dynamiques
démographique et résidentielle, différents niveaux de richesse (interprété selon le revenu net moyen imposable par
habitant), de densités en entreprises (exprimées en nombre de TPE/km² et nombre de TPE/hab.) et d’intensité de
création d’entreprises (nombre d’entreprises en déclin, stable ou en croissance entre 2001 et 2004). L’échantillon sondé
a permis d’atteindre un taux de couverture de 13% des petites entreprises effectives des communes sélectionnées.

Il a été décidé de mettre l’accent sur des secteurs d’activité reposant sur la valorisation d’une ou de plusieurs
caractéristiques rurales et/ou locales. Notamment : la qualité de l’environnement, la typicité de certaines productions
agro-alimentaires, un savoir-faire traditionnel et le patrimoine culturel. Ainsi, nous avons rencontré des pépiniéristes,
ébénistes, menuisiers, exploitants forestiers et commerçants en mobilier pour représenter le secteur du bois (21
répondants), des brasseurs, négociants en boissons ou aliments, boulangers, bouchers, fromagers, pisciculteurs et
fruiticulteurs pour représenter l’agro-alimentaire (16 représentants), des gérants d’entreprises dans le domaine de la
restauration et de l'hébergement (35 répondants) ainsi que dans celui des activités de loisirs, culturelles et touristiques
(12 répondants), parmi le lequel on compte des organisateurs de spectacle, animateurs de fêtes et organisateurs de
randonnées (principalement équestres). Le secteur des technologies de l'information et de la communication (7
répondants), qui témoigne de la modernisation du cadre de vie et celui des eco-entreprises (3 répondants), qui
internalise les problématiques environnementales, sont également représentés par quelques entrepreneurs moins
nombreux. Ayant déjà fait l’objet d’une étude menée par la Cellule CAPRU en 2005 (article paru dans les Nouvelles de
l’Hiver- 2007), le secteur agricole n’a pas été retenu dans le cadre de cette étude.

L’analyse des résultats a été opérée sur base d’une approche globale portant sur l’ensemble de l’échantillon mais aussi
selon une approche par secteur (selon les secteurs d’activité ciblés) et le milieu d’origine de l’entrepreneur (issu de la
ville ou de la campagne). Les témoignages récoltés auprès des entrepreneurs ont ensuite été confrontés à l’opinion
d’autres acteurs du monde rural (agents de développement, associations locales, organismes d’aide à l’emploi, Maisons
du Tourisme, mandataires communaux, etc.) au travers d’ateliers de travail organisés au sein des communes
sélectionnées. Ces ateliers se sont construits sur deux temps : une restitution des résultats d’enquêtes, suivie d’un débat
initié par plusieurs pistes de réflexion issus d’éléments transversaux des témoignages recueillis.
Qui sont les créateurs d’entreprises rurales ?

La question suivante a été posée aux entrepreneurs : « Quelles ont été les motivations qui vous ont poussé à créer
votre entreprise ? ». Les réponses étaient spontanées et trois motivations pouvaient être énoncées. Des
témoignages recueillis, il ressort que c’est essentiellement la dynamique psychologique qui intervient dans la
création d’entreprise. Les entrepreneurs recherchent autonomie et indépendance. Ils veulent prendre des initiatives
et devenir leur propre patron dans ce sens. Ils sont
animés par la volonté et le plaisir trouvé de proposer des
Motivations à devenir son
Entrepreneurs
propre chef produits et/ou services nouveaux. Ils recherchent aussi
Vivre de sa passion 51 %
une certaine qualité de vie, trouvée pour certain par la
Besoin d'autonomie et d'indépendance 47 %
Continuité familiale 20 % possibilité de travailler à domicile et pour d’autre par
Pouvoir d'initiative 19 % celle de travailler à son rythme ou en famille. La
Opportunité 12 %
valorisation d’un patrimoine familial et l’envie de
Meilleurs revenus 9%
Suite à un licenciement 7% perpétuer un savoir-faire local sont également énoncés.
Gestion d'équipe, esprit d’animation 4% Au cours des entretiens tenus avec les entrepreneurs, il
Par facilité : reprise d'une clientèle
2% est apparu que ceux-ci étaient pleins d’énergie et de
existante

motivation et qu’ils avaient un réel besoin de réalisation

personnelle.

Carte d’identité de l’entrepreneur rural

C’est un homme [85%]

Il est originaire du milieu rural [78%]
Il habite près de son entreprise [93%] et il n’envisage pas de s’en éloigner
[81%]
Il a souvent terminé ses études secondaires supérieures [79%], 10% ont fait
des études universitaires
Il passe souvent par une phase d’apprentissage avant de devenir son propre patron [75%]
Il crée sa propre entreprise [66%] plutôt que de succéder à un prédécesseur
Il est âgé de moins de 30 ans quand il lance (ou reprend) son entreprise [56 %] et il ressent bien souvent des
craintes au lancement de cette activité [62%]
La création d’entreprises rurales semble être le fait d’enfants du terroir. En effet, près de 80% des entrepreneurs
rencontrés sont originaires du milieu rural. Bien souvent, la création ou la reprise de l’entreprise a lieu avant le
trentième anniversaire de l’entrepreneur (56%). Au-delà de 40 ans, entreprendre une telle activité devient plus rare
(9%). L’entrepreneuriat féminin est peu représenté au sein de l’échantillon sondé (15% des entrepreneurs). Les
quelques femmes rencontrées, principalement actives dans le secteur de l’hébergement et de la restauration (23%
des entrepreneurs de ce secteur), ainsi que dans celui des loisirs et du tourisme (33% des entrepreneurs de ce
secteur) contribuent essentiellement à développer une économie d’accueil des territoires ruraux.

Dynamique entrepreneuriale : quand la qualité de vie prime sur les profits économique et technique

Comme annoncé précédemment, une grande majorité des entrepreneurs rencontrés est originaire de la campagne.
L’analyse des propos recueillis fait donc apparaître une forte filiation au milieu rural. Toutefois, dans l’échantillon
d’entrepreneurs composé, 20% sont issus de la ville, et parmi ceux-ci, un entrepreneur sur deux s’est délocalisé
vers le milieu rural expressément pour y implanter son entreprise. Pour 50% des autres entrepreneurs venus de la
ville, le choix de vivre et de travailler à la campagne s’est fait en même temps. Ces constats laissent supposer que
nos campagnes disposent d’un pouvoir attractif auprès des jeunes entrepreneurs et présentent de réelles
opportunités de développement pour ceux-ci. Pour confirmer cette hypothèse, nous avons interrogé les
entrepreneurs quant à leurs motivations à s’être implanté dans nos campagnes.

Pour environ 60% des entrepreneurs, le cadre de vie agréable offert à la campagne, y compris la possibilité d’en
profiter pour travailler (travail à domicile) ont été déterminants dans leur choix d’implanter leur entreprise en
milieu rural, est cela qu’ils soient originaires de la ville ou de la campagne. Des résultats obtenus, il ressort que le
cadre et le mode de vie (travail à domicile, proximité de la famille) prévalent sur les possibilités de promotion
(dynamisme de la région, concurrence réduite), sur la recherche de garantie de rentabilité (existence d’un marché
potentiel, proximité d’une ville d’influence) ou celle de facilités pour le fonctionnement de l’entreprise (proximité
des partenaires et des ressources exploitées, infrastructures routières de qualité). La recherche de profits n’est donc
pas l'élément majeur ou est en tout cas, plus faiblement ressenti, et la recherche d’un mieux être prévalant sur un
plus avoir n’est pas marginale. Saleilles (2005)3 confirme ce phénomène en précisant que le projet entrepreneurial
s’inscrit dans un large projet qui correspond à un véritable projet de vie. Au cours des discussions tenues avec les
entrepreneurs, il est d’ailleurs parfois ressorti une volonté affirmée à garder un caractère artisanal à leur activité. Ce
constat n’est pas nouveau et confirme bien la multitude de travaux français effectués sur le sujet.
 "Parmi les facteurs proposés, quels sont ceux qui ont été déterminants dans votre
choix d'implanter votre entreprise en milieu rural?"

Travail à domicile 66%

Natif du milieu rural 65%
Cadre de vie agréable 61%
Existence d'un marché potentiel 51%
Foncier disponible et favorable 49%
Existence de liens familiaux 47%
Vie sociale 32%
Dynamisme de la région 27%
Concurrence réduite 25%
Proximité des ressources exploitées 25%
Valoriser les traditions locales 19%
Infrastructures routières 19%
Proximité des partenaires 14%
Proximité d'une ville d'influence 13%
Internet et GSM 9%
Moyens de transport 5%
Fiscalité résidentielle favorable 3%
Aide des pouvoirs publics 2%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%
Entrepreneurs (%)

"Parmi les facteurs proposés, quels sont ceux qui ont été déterminants dans votre
choix d'implanter votre entreprise en milieu rural?"
90%
82%
80%
68%
70%
62% 62%
60% 57% 57%
Entrepreneurs (%)

53% 52%
49%
50% 44%
38%
40%
33%
29%
30% 24% 23%

20%

10%
0%
0%
Natif du Travail à Cadre de vie Existence de Foncier Existence d'un Vie sociale Dynamisme
milieu rural domicile agréable liens familiaux disponible et marché de la région
favorable potentiel
Milieu d’origine de
l’entrepreneur : Milieu rural Milieu urbain
Par ailleurs, comme le stipulent Calay et al. (2005)4, il serait simpliste de considérer la création d’entreprise
uniquement du point de vue de l’individu. Certains éléments du contexte économique peuvent en effet être
considérés comme susceptibles d'avoir un impact sur la décision de la création d'entreprise en milieu rural. En
choisissant ce milieu pour installer leur entreprise, les investisseurs évitent en effet des surcoûts fonciers (énoncé
comme facteur de localisation par 49% des répondants). L’existence d'une demande locale peut également
déterminer la localisation des nouvelles entreprises (facteur de localisation pour 51% des répondants). On constate
aussi qu’une forte présence de petites entreprises et une population dense et en croissance (dynamisme de la
région : facteur de localisation pour 27% des répondants) influencent positivement la création de nouvelles
entreprises.

A contrario, d’autres facteurs semblent être sans incidence sur la localisation des entreprises : facteurs
institutionnels, tels que les aides publiques à la création ou fiscalité réduite. Alors que la localisation de l'entreprise
pourrait s'insérer dans le cadre d'une stratégie de réduction des coûts de transport, en s'implantant à proximité de
partenaires, d’une ville d’influence ou d'infrastructures de transport de qualité, il ressort de l'étude que ces
éléments ne sont que très peu pris en considération par les entrepreneurs. Nos résultats confirment l'étude menée
par Janssen (2003) qui n'a pas constaté d'effet significatif du niveau de développement des infrastructures
routières, moyens de transport et réseaux de communication (internet, GSM) sur la croissance entrepreneuriale.

L’entrepreneuriat : de nombreuses retombées positives

Les multiples politiques d’entreprises et d’innovation menées au niveau de la Communauté européenne et en

Région wallonne témoignent de la place importante qu’occupe l’entrepreneuriat en termes de croissance
économique de nos régions. Il suffit de citer le Contrat d’Avenir, le plan 4x4 lancé en 2002 par le Ministre wallon
de l’Economie mais aussi la Charte européenne des petites entreprises, l’initiative Leader +, le programme
pluriannuel pour les PME et le plan d’action BEST adoptés par l’UE, sans oublier les nombreuses aides
financières et services de soutien mis à la disposition des entrepreneurs.

Outre les effets sur la croissance économique que nous ne cherchions pas à démontrer au travers de cette étude, la
rencontre des entrepreneurs a permis de constater que les TPE participent activement au développement local en
procurant des activités utiles et satisfaisantes qui contribuent à l’éveil social et culturel de la communauté. Non
seulement elles dynamisent le milieu par la création d’emplois, mais elles maintiennent l’offre de services variés et
répondent à une demande locale. Elles permettent aussi l’exploitation des ressources locales, l’utilisation des
talents et de la créativité des personnes et participent à la vitalité sociale des territoires par la création d’un large
tissage relationnel. Ainsi, les TPE jouent le double rôle d’acteurs économiques et d’acteurs de développement rural
global.
 Tissage relationnel et vitalité sociale

Services variés et réponse
à une demande locale
68% des TPE proposent plusieurs services et/ou
types de produits
La diversité est souvent indispensable : équilibre
entre activité infructueuse et essai concluant,
échelonnement d’activités saisonnières et parfois
mode de vie recherché pour le rythme de travail
qu’offre la diversité des activités.
Développement culturel
64% des TPE participent aux
évènements locaux :
parrainage de clubs sportifs et
d’écoles, participation aux
manifestations festives.
72% des entrepreneurs ont parmi leur clientèle des habitants
de leur commune.
Des réseaux entrepreneuriaux se créent à l’échelle locale :
62% des entrepreneurs entretiennent des relations
professionnelles avec d’autres entreprises de la commune
(client, fournisseur, sous-traitant).
Des synergies entre entreprises existent : échange de conseils,
matériel, savoir-faire, maintien des spécificités de chacune afin
de rester complémentaires, publicité mutuelle.

1/3 des TPE a sa clientèle principalement composée 85% des entrepreneurs s’accordent pour dire que les TPE
d’habitants de la commune et des communes permettent de renouer des liens sociaux entre les différents
avoisinantes. acteurs locaux.

Talents et créativité

Des entrepreneurs expliquent qu’ils

créent leur job, motivés par le plaisir de
proposer des produits et services
nouveaux.
Pour certains, l’innovation est
incontournable pour rester compétitif,
Polyvalence et esprit d’initiative mais aussi pour motiver les plus grands
déplacements parfois nécessaires pour Emploi
95% des entrepreneurs estiment que se rendre en milieu rural
leur personnel doit être plus polyvalent 68% des TPE engagent du personnel
que celui engagé au sein d’une Taille moyenne d’une TPE : 3.9 travailleurs
entreprise de plus grande taille
L’emploi créé est local… Deux entreprises sur trois
Moins nombreux, les employés doivent engageant du personnel ont plus de 50% de leurs
s’adapter à la diversité des tâches qui travailleurs issus de la commune dans laquelle est
leur sont demandées. Exploitation des ressources locales localisée l’entreprise.
57% des TPE valorisent des ressources Les entrepreneurs expliquent qu’ils préfèrent
locales. Les principales ressources engager leur personnel dans leur entourage, pour
utilisées sont des matières premières et plus de flexibilité et de disponibilité (car proximité)
produits du terroir, le et participer localement à leur notoriété.
patrimoine naturel, architectural et
culturel ainsi que la main d’œuvre qui
dispose d’un savoir-faire spécifique et
local.

Les entrepreneurs nous disent aussi que la conciliation de la vie de famille et du travail peut être facilitée dans ce
type d’entreprises et estiment que les emplois y sont plus intéressants étant donné leur appel à l’esprit d’initiative et
à la polyvalence, les travailleurs étant moins cloisonnés dans une seule tâche bien définie. 95% des entrepreneurs
sont en effet d’accord pour dire que le personnel d’une TPE doit être plus polyvalent que celui d’une entreprise de
plus grande taille. La flexibilité du personnel est également une caractéristique attendue au sein des TPE : 73% des
entrepreneurs estiment que le personnel d’une TPE doit être plus flexible en termes d’horaires que celui engagé au
sein d’une entreprise de plus grande taille. Mais si le chef d'entreprise sollicite de la flexibilité de la part de son
personnel, il lui octroie également plus de souplesse, ce qui facilite parfois l'organisation familiale. Les
entrepreneurs expliquent que la petite taille de l’équipe facilite la proximité entre eux et leur personnel. La gestion
paternaliste, conditionnée par la petite dimension du collectif de travail offre des avantages accessibles au
personnel de la petite entreprise rurale. Par exemple, les circonstances exceptionnelles de la vie privée de l’employé
peuvent donner lieu à une négociation plus facile avec le patron. Bien entendu, ces attentions complémentaires
reposent sur une base interpersonnelle qui laisse une grande latitude d’appréciation à l’employeur, notamment
basée sur l’intensité de l’effort et l’attachement à l’entreprise du travailleur. Enfin, le climat de travail au sein des
TPE a souvent été qualifié de « bon ». La cohésion entre les membres du personnel et l’esprit d’équipe sont jugés
meilleurs au sein des TPE que dans les entreprises de plus grande taille.

"Quelle est votre opinion par rapport aux affirmations suivantes?"

100% 0%
5% 0%
6% 6%
4% 12%
90% 10% 27%
9% 25%
80%
34% 25%
70%
Entrepreneurs (%)

14%
60% 36%

50%
40%
70%
30% 56% 59% 59%
20% 43%

10%
0%
"L'ambiance au sein des "Le dirigeant d’une TPE "La cohésion du "Le personnel d'une TPE"Le personnel d'une TPE
TPE rurales est bonne" est plus proche de son personnel et l’esprit doit être plus polyvalent doit être plus flexible au
personnel que celui d’une d’équipe au sein d’une que dans une entreprise niveau des horaires que
entreprise de plus grande TPE sont supérieurs aux de plus grande taille" dans une entreprise de
taille" entreprises de plus plus grande taille"
grande taille"

Tout à fait d'accord Assez d'accord Pas d'accord Sans avis

Pérennité économique de la TPE rurale

Les résultats traités dans leur globalité indiquent que 62% et 14% des entreprises voient respectivement leur
chiffre d’affaires augmenter et rester stable. 9% des dirigeants préfèrent ne pas se prononcer (ne savent pas, trop
tôt pour le dire ou ne répondent pas à la question) et les 15% restants ont malheureusement un chiffre d’affaires
qui diminue. La TPE rurale est donc, en général, une entreprise en bonne santé. Cependant, une analyse par
secteur d’activité montre que la répartition susmentionnée ne s’applique pas à tous. Certains secteurs, tels que ceux
de la restauration, de l’hébergement et des activités de détente et de loisirs semblent en effet être plus propices que
d’autres à une évolution croissante.
 "Quelle a été l’évolution de votre chiffre d’affaires ces dernières années ?"
100%
10% 8% 8%
90% 19% 6%

80% 19% 25%

23%
70%
31% 0%
Entrepreneurs (%)

60% 19%

50%

40% 19%
67%
30% 63%
52%
20%
31%
10%

0%
Bois Agro-alimentaire Hébergement et restauration Loisirs, tourisme

Augmente Stable Diminue Pas de réponse

Les entrepreneurs ont ensuite été interrogés quant à leur prévision globale envers leur avenir. On constate alors
qu’il n’y a pas de lien direct entre la prospérité actuelle de l’entreprise et la confiance qu’à son dirigeant en son
avenir. En effet, alors que les entrepreneurs du secteur de l’agro-alimentaire rencontrent plus de difficultés à
accroître leur chiffre d’affaire, ils sont toutefois 63% à s’attendre à un avenir serein.

Afin d’identifier les difficultés attendues par

"Comment voyez-vous votre avenir ?"
Secteur Serein Incertain Sans avis l’entrepreneur d’une TPE rurale dans son
Bois 48% 29% 23% avenir proche, une liste de suggestions lui a
Agro-alimentaire 63% 31% 6% été soumise. Plusieurs réponses étaient
Restauration et hébergement 86% 11% 3%
possibles. Définies comme pesantes et
Loisirs, culture et tourisme 75% 25% 0%
Total 63% 22% 15%
décourageantes, les charges administratives
Total : indique les résultats obtenus à partir des six secteurs ciblés. arrivent en tête du panier. Celles-ci nécessitent
beaucoup de temps, qui ne peut alors plus être
valorisé au sein de l’entreprise. Les secteurs de l’agro-alimentaire et de la restauration appréhendent principalement
les modifications récurrentes de la réglementation et les difficultés financières à s’y tenir. Pour compléter ce duo,
est citée par plus de la moitié des entrepreneurs, l’évolution défavorable que prend la conjoncture économique du
pays. Ils s’inquiètent quant à la place octroyée aux plaisirs et à la qualité différenciée des produits alimentaires dans
le futur budget du ménage.
Les charges salariales font également parties des préoccupations de plus de 50% des petits entrepreneurs et la
suppression des aides reçues obligerait certains à diminuer leur personnel. Les entrepreneurs expliquent aussi qu’il
est de plus en plus difficile de trouver de la main d’œuvre qualifiée, ou du moins motivée à apprendre le métier. Ils
dénoncent la trop faible différence entre les barèmes salariaux qu’ils peuvent allouer à leur personnel et les
allocations de chômages facilement reçues. Certains entrepreneurs déplorent encore leur impossibilité d’engager
de la main d’œuvre pourtant devenue nécessaire à la survie de l’entreprise.

"Quelles sont les difficultés Agro- Restauration

Bois Loisirs Total
attendues ?» alimentaire &hébergement
Charges administratives 62% 81% 74% 58% 66%
Réglementation 38% 88% 77% 50% 64%
Conjoncture économique 48% 63% 63% 58% 56%
Charges salariales 57% 50% 63% 50% 55%
Manque de clients, de contrats 19% 50% 46% 42% 43%
Mesures d'aide et de soutien 29% 38% 40% 17% 31%
Qualification du personnel 19% 38% 40% 17% 30%
Motivation du personnel 14% 19% 43% 25% 27%
Problèmes d'infrastructures 10% 25% 29% 17% 24%
Problèmes internes organisationnels 5% 13% 23% 8% 14%
Aucune 14% 6% 3% 0% 6%
Total : indique les résultats obtenus à partir des six secteurs ciblés.

Le milieu rural : des atouts pour l’entreprenariat

Nous avons soumis aux entrepreneurs toute une série d’éléments et nous leur avons demandé s’ils les
considéraient comme des atouts ou des contraintes du milieu rural ou sans effet sur le bon fonctionnement de leur
entreprise : organisation de leurs activités quotidiennes et développement des débouchés. Des résultats obtenus, il
ressort que les entrepreneurs ne considèrent bien souvent pas les caractéristiques spécifiques du milieu rural
comme étant des obstacles à leur fonctionnement et nous font plutôt part de leur satisfaction d’avoir leur
entreprise implantée en milieu rural. Dans ce sens, ils nous indiquent les avantages de l’entrepreneuriat rural. Cité à
la quasi unanimité, le cadre de vie plaisant et sécurisant est l’une des caractéristiques principales dont bénéficie
l’entreprise rurale. L’espace vert, l’air pur, le calme et le retour à l’authenticité sont cités et sont selon les
entrepreneurs autant appréciés par les clients que par l’entrepreneur lui-même. Ils expliquent encore que dans
cette atmosphère reposante, la convivialité peut généreusement s’installer avec leurs clients. Certains définissent
encore leur petite entreprise rurale comme un lieu de rencontre accueillant et chaleureux où les acteurs locaux
apprécient s’y retrouver. A nouveau, nous constatons la prévalence du bien-être environnemental sur le bien-être
économique.
 "Considérez-vous l' élément suivant comme un atout, une contrainte ou sans effet pour le
fonctionnement de l'entreprise ?"

Cohabitation avec la fonction résidentielle 2% 31% 67%

Distance aux villes 34% 16% 50%
Mentalité des ruraux 31% 21% 48%
Mentalité des néo-ruraux 29% 18% 53%
Densité en entreprises (ent./km²) 40% 8% 52%
Qualification de la main d'œuvre locale 21% 18% 61%
Ressources locales 40% 4% 56%
Fluidité du traffic 47% 9% 44%
Etat des voiries 50% 15% 35%
Densité de population locale (hab./km²) 48% 17% 35%
Revenu de la population locale 49% 18% 33%
Demande locale 58% 3% 39%
Patrimoines naturel, architectural et culturel 58% 3% 39%
Possibilités de stationnement 62% 13% 25%
Qualité des réseaux internet et de téléphonie mobile 68% 3% 29%
Accessibilité des grands axes routiers 67% 6% 27%
Cadre de vie 89% 1% 10%
Contact avec les clients 90% 1% 9%
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

Entrepreneurs (%)

Atout Contrainte Sans effet

L’accessibilité aux grands axes routiers (et non la proximité, qui n’est pas spécifique au milieu rural) est aussi
considérée comme un privilège dont bénéficient les entreprises rurales bien implantées. Les trajets à effectuer,
même plus longs, sont souvent plus rapides étant donné la fluidité du trafic rural.

Des stratégies de coopération sont également de mise entre les petites entreprises rencontrées. Achat groupé ou
partage d’équipement, publicité réciproque, complémentarité dans les services et produits offerts apparaissent
comme autant de formes d’organisation consistant à sortir les entreprises de la concurrence classique. Selon les
dirigeants, ces synergies entrepreneuriales sont
"Où est principalement
facilitées lorsqu’ils sont peu nombreux à être Entrepreneurs
localisée votre clientèle ?"
implantés sur un même territoire, la densification en Commune 14%
Commune limitrophe 20%
entreprises les entraînant dans l’individualisme. Parmi
Province 19%
les quelques réseaux informels de solidarité que nous Région wallonne 9%
avons découverts, nous pouvons notamment citer Région flamande 6%

celui d’un gîte rural, d’un centre de thalassothérapie et Région bruxelloise 1%

Belgique 14%
d’un restaurant. En créant un site internet commun et
Etranger 17%
en proposant une « formule mid week », ces trois
entrepreneurs contribuent à augmenter leur visibilité.

En outre, les témoignages recueillis ne confirment pas les nombreux ouvrages français dénonçant la distance aux
grandes agglomérations comme un handicap majeur que doivent subir ou compenser les unités de productions et
de services en milieu rural de faible densité. L’éloignement des marchés ou l’isolement (moins marqué en zones
rurales wallonnes que françaises) ne semblent en effet pas compliquer les relations et les échanges. Pour la
majorité, cette distance est sans effet et pour plus de 30%, elle représente même un avantage (surtout pour le
secteur des loisirs et du tourisme, qui est à la recherche d’espaces verts). Ce constat est toutefois à mettre en
relation avec la localisation géographique des débouchés des entreprises. Nous avons donc interrogé les
entrepreneurs sur ce point. Autant d’entrepreneurs (34%) ont une clientèle principalement locale (commune où
est située l’entreprise et communes limitrophes) que d’entrepreneurs ayant des clients dispersés à l’échelle
nationale (14%) et internationale (17%). Pour deux tiers des entrepreneurs ruraux, la clientèle locale ne suffit pas à
leur viabilité, mais l’éloignement des marchés n’est pas pour autant considéré comme un désavantage de leur
localisation. L’isolement, souvent évoqué comme contrainte rurale, n’est donc pas vérifiée par l’analyse et participe
de ce fait aux rumeurs qui ont cours à propos de la viabilité des entreprises dans les villages. Enfin, les plus jeunes
entrepreneurs déclarent que le milieu rural est davantage propice aux échanges d’expériences, soutien moral et
entraide qu’en milieu urbain, et sert dès lors, de terreau à l’implémentation des entrepreneurs naissants. Dans ce
sens, plusieurs entrepreneurs conseillent les jeunes porteurs de projets à venir les rencontrer afin de leur venir en
aide et les conseiller dans leurs démarches.

Brulard C, Dogot Th, Lebailly Ph &Sunnaert D.

ULg - Gembloux Agro-Bio Tech
Département d’Economie et Développement rural - Cellule CAPRU
http://www.fsagx.ac.be/eg/capru
Passage des Déportés, 2 - B-5030 Gembloux
E-mail : capru.gembloux@ulg.ac.be
Tél. : 081/62.23.65

1 Données de la TVA juridique. Rapport 2007 sur la Démographie d’entreprise et entrepreneuriat en Région wallonne [Ministère de la Région wallonne,

Direction de la Politique Economique].

2 Nombre d’entreprises actives en 2005 : données fournies par la TVA juridique. Milieu rural défini sur base du critère de l’OCDE : densité de population ≤

150 hab./km².

3 Saleilles S., 2005. Accompagner le candidat à l’installation en milieu rural. Colloque « Accompagnement des jeunes entreprises : entre darwinisme et
assistanat », à Montpellier, 26 mai.

4Calay V., Guyot J. et Van Hamme G., 2005. Primo-créateurs d’entreprise et contexte locaux : analyse empirique de la situation wallonne. IWEPS-
Discussion Papers n°0503.