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Comportement Mécanique des Matériaux

Elasticité et Plasticité des Matériaux

A. Elasticité des solides homogènes isotropes

La théorie de l’élasticité étudie la relation entre les déformations subies par un objet et le
système de forces qui lui est appliqué. En pratique, si on se limite aux petites déformations,
l’analyse du comportement réversible (élastique) d’un matériau se ramène à l’étude d’un
certain nombre de types de déformations simples et à la détermination des constantes
élastiques correspondantes. Ces déformations élastiques simples sont l’extension uniaxiale,
le cisaillement simple et la compression uniforme.

A.1. Extension uniaxiale

Lorsqu’on soumet une éprouvette prismatique à une extension axiale, elle subit un
allongement x qui est proportionnel à sa longueur initiale x0.

Contrainte E
z x= Fr/S0

x0 x Déformation x=x/x0
z0
F F
Fr Fr
y0 x
S0
y

Figure1 : Extension uniaxiale d'un barreau élastique

Le rapport entre l’allongement et la longueur initiale définit la déformation relative :

εx  Δx
x 0

Cet allongement entraîne l’apparition d’une force de rétraction Fr qui est égale en valeur
absolue et de sens opposé à la force appliquée F :
F + Fr = 0

Si on se limite aux petites déformations, il existe une relation simple (loi de Hooke) qui
relie la contrainte x qui est la force de rétraction par unité de section, et la déformation
relative x:

σxSF Eεx
0
Dans cette expression qui définit la loi de Hooke, S0 représente la section initiale de
l’éprouvette et E le module d’élasticité ou module d’Young. Celui-ci est un paramètre qui
caractérise la résistance du solide à la déformation uniaxiale.

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Nous avons rassemblé, au tableau ci-dessous les valeurs du module d’élasticité d’un certain
nombre de matériaux. Les variations observées du diamant aux caoutchoucs s’étendent sur
six ordres de grandeur. La valeur du module d’élasticité est fonction de plusieurs facteurs :
énergie des liaisons, nature des forces de rappel élastiques, structure amorphe ou cristalline
du matériau.

Matériaux E (GPa) Matériaux E (GPa)


Diamant 1000 Or 80
Carbure de silicium (SiC) 450 Verre à vitre 70
Tungstène 400 Aluminium 70
Alumine (Al2O3) 400 Béton 50
Fibre de carbone 300 Magnésium 40-45
Magnésie (MgO) 250 Bois aggloméré 7
Acier 210 Polystyrène 2
Cuivre 125 Polyamide 6-6 2
Titane 115 Polypropylène 1.5
Laiton, bronze 110 Polyéthylène (densité moyenne) 0.7
Silice vitreuse (SiO2) 90 Caoutchoucs ~0.001

Tableau 1 : Valeurs indicatives des modules d'élasticité E à température ambiante.

A.2. Contraction latérale et coefficient de Poisson

L’allongement de l’éprouvette dans le sens de la traction entraîne une augmentation du


volume. Celle-ci n’est que partiellement compensée par une contraction radiale :
y z
 y

y0
et  z

z0
Pour un matériau isotrope, les déformations relatives y et z sont égales. L’effet de la
contraction latérale est généralement mesuré par rapport à la déformation dans la direction
de la traction. On définit ainsi le coefficient de Poisson  :

   y

 z

 x  x
On relie aisément la variation de volume durant l’extension uniaxiale au coefficient de
Poisson , dans le cas des petites déformations, par la relation suivante (démontrée dans le
cours) :
   x 1  2
Les diverses valeurs du coefficient de Poisson  sont résumées à la figure 2.

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Métaux Céramiques Polymères


0.5 Caoutchoucs nat.

Pb PE
Ag
Cu PMMA, PS, PA 6-6
Al
0.3 Fe, Acier, W
Verre minéral
Al2O3, WC, MgO
SiO2 amorphe

0.1 Diamant

Figure 2 : Valeurs indicatives des coefficients de Poisson  à température ambiante

La valeur limite supérieure de  est égale à ½ . Elle correspond à une variation nulle du
volume d’extension (=0). Cette valeur limite est atteinte pour les caoutchoucs qui se
déforment en traction de manière élastique sans variation de volume. Pour les métaux, le
coefficient de Poisson est voisin de 0.33, pour les céramiques,  est généralement compris
entre 0.17 et 0.27. On peut également noter que plus la liaison interatomique est forte
(diamant), plus l’augmentation du volume lors de la traction est élevée.

A.3. Cisaillement simple

Les forces de cisaillement jouent un rôle très important dans le comportement des
matériaux. Ce sont des forces de cisaillement qui interviennent quand on applique les patins
d’un frein sur la jante d’une roue de vélo ou entre les mâchoires d’un frein à disque de
voiture. Un exemple de déformation de cisaillement est représenté à la figure 3.

z S0
z0 F

y
 0
y0 y
F
x x0

Figure 3 : Exemple de déformation par cisaillement simple.

Une barre prismatique est fixée par une face de surface S0 sur un support rigide, tandis que
sur la face opposée, on applique une force transversale parallèle au plan (Oxy). Cette force
induit une déformation qui est mesurée par l’angle de cisaillement  = y/z0. Pour cette
déformation qui s’effectue à volume constant, il existe une relation entre la contrainte par
unité de surface, dite cission  = F/ S0 et l’angle de cisaillement  :

 = G tg   G

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Pour les petites déformations tg    = y/z0 . Le module correspondant à cette


déformation est appelé module de cisaillement G.

A.4. Compression uniforme (hydrostatique)

La compression uniforme constitue le troisième type de déformation simple. Celui-ci


apparaît lorsqu’un solide est soumis à une pression hydrostatique. Il existe une relation
simple entre la contrainte, pression hydrostatique p, et la variation relative de volume  =
V/V. Celle-ci s’écrit :
p=-K

Dans cette expression, K est le module de compressibilité volumique. Le signe négatif qui
intervient dans cette expression résulte de ce que la variation de volume est négative quand
la pression est positive.

A.5. Relation entre les différents modules élastiques

Nous avons défini trois modules E, G et K qui permettent de caractériser le comportement


élastique d’un matériau. Ces trois constantes résultent de la proportionnalité qui existe
entre la contrainte et la déformation pour ces trois types de déformations simples :

(Extension uniaxiale :   E )
(Cisaillement simple :   G )
(Pression uniforme : p   k  )

Ces trois expressions de la loi de Hooke ne sont valables que pour les petites déformations
(élasticité linéaire). Cette limite d’application est située à environ 0.1% de déformation pour
les matériaux à haut module. Au-delà de cette limite des phénomènes de déformation
permanente (plastique) interviennent dans un grand nombre de cas.

Les trois modules E, G et K, ainsi que le coefficient de Poisson  sont reliés entre eux par
les équations suivantes:
9KG
E  3K(1  2 )  2G(1   )
G  3K
En d’autres termes, parmi les quatre constantes élastiques, il n’existe que deux qui soient
indépendantes. Ces relations ne sont valables que pour des solides isotropes. Dans le cas
plus général d’un solide anisotrope, il existe 21 constantes indépendantes.

Le cisaillement simple et la compression uniforme constituent deux types de déformation


élémentaires car elles maintiennent l’une le volume, l’autre la forme de l’éprouvette
constante. L’élongation uniaxiale n’est pas une déformation élémentaire car elle fait varier
simultanément, sauf pour les caoutchoucs, le volume et la forme de l’éprouvette.

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Etat physique K G,E


Liquide grand 0
Caoutchouc grand petit (E,G K)
Cristaux, verres grand grand (E,G  K)
Tableau 2 : Relation entre K,G et E

Dans le tableau 2, nous avons résumé les valeurs relatives des constantes élastiques. Dans le
cas des caoutchouc, K est grand vis-à-vis de E et G, c'est-à-dire que pour les déformations
mécaniques, les élastomères peuvent être considérés comme des corps pratiquement
incompressibles, ce qui signifie que le coefficient de Poisson  est pratiquement égal à 0,5 et
que l'équation IV-14 se réduit à :

E  3G et K

A.6. Essai de traction

A.6.1. Principe de l’essai

L'essai consiste à soumettre une éprouvette (figure 4) à un effort de traction et


généralement jusqu'à rupture en vue de déterminer une ou plusieurs caractéristique
mécaniques. On impose en général une déformation croissante à une éprouvette sur
laquelle on a tracé deux repères initialement distants de L0 et on mesure simultanément
l'effort F et l'allongement L - L0.

Figure 4 : Principe de l’essai de traction

A.6.2. Eprouvettes de traction

Les éprouvettes (figure 5) peuvent être usinées ou brutes. Elles comportent une partie
calibrée et très généralement deux têtes d'amarrage. La section droite de l'éprouvette peut
être circulaire, carrée, rectangulaire, hexagonale ou, dans des cas spéciaux d'une autre
forme. Les éprouvettes sont définies par :

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d = diamètre de la section (section circulaire) ou diamètre du plus petit cercle circonscrit à


la section ;
a : épaisseur de l'éprouvette plate ;
b : largeur de l'éprouvette plate ;
L0 : longueur initiale entre repères ;
Lc : longueur de la partie calibrée ;
S0 : section initiale.

(a) (b)

Figure 5 : Eprouvettes de traction - (a) : cylindrique, (b) : prismatique

Une éprouvette est dite proportionnelle lorsque sa longueur initiale entre repères L 0 est
déduite de la section initiale S0 par la formule : L0 = k. S0 avec k = 5.65.

Les tableaux suivants donnent les dimensions des éprouvettes classiques :

d (mm) S0 (mm²) L0 (mm) Lc (mm) Lt (mm)


20  0.105 314 100 100 à 140 Lt  Lc + 2d ou 4d
10  0.075 78.5 50 55 à 70
a (mm) b (mm) L0 (mm) Lc (mm) Lt (mm)
0.5 - 3.0 exclus 20 80 120 140
0.5 - 2.0 inclus 12.5 50 75 87.5

A.6.3. Diagrammes de traction

a. Diagramme conventionnel

Le diagramme de traction (figure 6) est dit conventionnel lorsque l'on rapporte


respectivement les mesures de résistance unitaire et d'allongement unitaire aux valeurs
initiales S0 et L0 de l'éprouvette. Il représente l'évolution de la charge R = F/S0 en fonction
de l’allongement : e = (L-L0)/L0

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Figure 6 : Diagramme conventionnel de traction

On distingue les domaines suivants :

OA : domaine élastique à déformation réversible : R = E . e


A : Seuil du domaine élastique. La contrainte en ce point s’appelle limite élastique R e
(MPa).
AB : domaine de déformation permanente homogène ou de déformation plastique
répartie.
B : point de charge maximale ou début de la striction. La contrainte en ce point s’appelle
résistance mécanique ou charge à rupture Rm (MPa).
BC : domaine de striction ou de déformation plastique localisée.
C : point de rupture de l’éprouvette.

b. Caractéristiques classiques de l’essai de traction


1. La limite apparente d’élasticité (Re)
Fe
Re =
S0
avec Fe : charge à la limite apparente d’élasticité (N).

Certains courbes de traction ne présentent pas de limite apparente d’élasticité nette (aciers
austénitiques, aluminium...). C’est pourquoi qu’on la définit à 0.2% de déformation
plastique.
F (0,2%)
La limite d’élasticité conventionnelle est : Re (0.2%) = e
S0
2. La résistance à la traction (charge de rupture)
F
Rm = m
S0
avec Fm = charge maximale

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3. L’allongement après rupture


L  L0
A= u . 100 avec Lu = longueur de l’éprouvette après rupture.
L0
4. Le coefficient de striction
S  Su
Z= 0 . 100 avec Su = section de l’éprouvette après rupture.
Su
c. Diagramme rationnel

Le diagramme rationnel est une représentation de la courbe de traction avec en ordonnée la


contrainte réelle et en abscisse la déformation réelle.

* Contrainte réelle  : la contrainte vraie tient compte de la variation de section au cours de


l’essai et égale à la charge rapportée à la section instantanée.
F
=
S
En admettant que le volume de la partie calibrée de l’éprouvette reste constant, on aura :

S0 S
S0L0 = SL = S(L0 + L)  S = = 0
L 1e
1
L0
F
D’où = (1 + e) = R (1 + e)
S0
* Déformation rationnelle  : L’allongement instantané est égale à L / L. et au même
instant. l’allongement depuis le début de l’essai est. en considérant des allongements
infiniment petits dL :
LdL L L 0  L L
= L0 = ln
L
= ln (
L0
)   = ln
L0
= ln (1 + e)
L 0

La différence entre e et  devient significative au-delà de 20% de déformation (cas des


aciers).

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A.7. Chargement multiaxial

Les différents comportements et équations vus précédemment correspondent à un


chargement uniaxial, c’est à dire que l’application des efforts est considérée selon une seule
direction. Cependant, le chargement en réalité est plutôt multiaxial, ce qui nous amène à
étudier les comportements des matériaux lorsque le chargement se fait dans les trois
directions. En utilisant des notions de MMC, on montre (démonstration dans le cours) que
pour un solide homogène isotrope chargé d’une manière multiaxiale, la relation entre les
tenseurs de contraintes et déformations est donnée par la loi de Hooke généralisée
suivante :

 ij1E  ij3E  m ij
Avec :
ij : Tenseur de contraintes et ij : Tenseur de déformations
m = (11 + 22 + 33)/3 et (ij = 1 si i=j et ij = 0 si ij)
E : Module d’élasticité (MPa)
 : Coefficient de Poisson

B. Plasticité des solides homogènes isotropes

Lorsque la contrainte appliquée à un solide devient élevée, il peut se produire soit la


rupture du solide (matériaux fragiles) soit une déformation irréversible du solide (matériaux
ductiles). Dans ce dernier cas on dit qu'il s'est produit un phénomène de plasticité.

La plasticité des matériaux est caractérisée par l'écrouissage, propriété à l'origine du succès
de ce type de matériaux. L'écrouissage représente la consolidation du métal, c'est-à-dire la
nécessité d'augmenter la contrainte si l'on veut poursuivre la déformation plastique. Il est
caractérisé par le taux de consolidation (pente de la courbe ) qui est de l'ordre de 10-2 à
10-3E.

La contrainte séparant le domaine élastique du domaine plastique est désignée par le seuil de
plasticité ou la limite élastique.

B.1. L’écrouissage

Quand un cristal se déforme plastiquement, les dislocations le traversent. La plupart des


cristaux ont plusieurs plans de glissement ; par exemple la structure CFC, dans laquelle les
plans de glissement sont de type (111) en a quatre. Les dislocations de chacun de ces plans
sécants interagissent, se gênent les unes les autres dans leur mouvement, et s’accumulent
dans le matériau. Il en résulte un écrouissage : la courbe contrainte-déformation au-delà de
la limite élastique présente une pente raide. Tous les métaux et les céramiques subissent
l’écrouissage. Ceci peut être néfaste : si l’on veut laminer une tôle mince, l’écrouissage
augmente rapidement la contrainte à tel point que l’on doit arrêter le processus et recuire le
métal (le chauffer pour éliminer les dislocations qui se sont accumulées) avant de pouvoir

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poursuivre. Mais l’écrouissage peut aussi être utile : c’est un moyen de durcissement efficace
qui peut être combiné avec d’autres méthodes pour produire des matériaux résistants.

B.2. Les dislocations dans les cristaux

La présence des dislocations a été postulée depuis les années 1930 et depuis, leur existence a
été prouvée par plusieurs techniques expérimentales, notamment par le microscope
électronique à transmission (MET). Les dislocations peuvent adopter deux formes idéalisées
montrées en figure 7 : les dislocations coin et les dislocations vis. Les premières peuvent
être représentées par un plan cristallographique qui se termine à l’intérieur du réseau
cristallin, (fig. 7a) . Les secondes peuvent être comprises comme la ligne de séparation entre
le réseau cristallin non perturbé et une zone de décalage partiel du réseau cristallin par
rapport à la région avoisinante du réseau, (fig. 7b).

aa)) bb))
a) b)
Figure 7 : Schémas des deux types de dislocations
7a) : dislocation coin – 7b) : dislocation vis

Les dislocations sont caractérisées par leur vecteur de Burgers, b . Il est défini comme le
vecteur résultant d’une boucle fermée de vecteurs élémentaires du réseau autour de la
dislocation, transférée dans une région du réseau non perturbée. La détermination du vecteur
de Burgers pour les dislocations coin et vis est également schématisée dans la figure 8.
a) b)

Figure 8 : vecteur de Burgers, perpendiculaire à la ligne de la dislocation coin (8a), parallèle à la


ligne de la dislocation vis(8b) (d’après Bargel/Schulze et TdM1)

Notons que, pour les dislocations coin, le vecteur de Burgers est perpendiculaire à la ligne
de dislocation tandis que pour les dislocations vis le vecteur de Burgers y est parallèle. En
réalité, une ligne de dislocation est souvent un mélange entre les deux types de dislocation
suivant l’angle entre le vecteur de Burgers et la ligne de dislocation.

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La densité de dislocations (figure 9), qui s’exprime en longueur de dislocation par unité de
volume (de façon habituelle en cm/cm3 ou cm-2 ), est de l’ordre de 106 à 108 cm/cm3 dans un
métal recuit (c’est un métal qui a subi un chauffage à une température et pendant un temps
bien défini) et de 1011 à 1012 cm/cm3 dans un métal très déformé.

Figure 9 : Réseaux de dislocations dans le fer (MET).

Le déplacement des dislocations produit la déformation plastique. La figure 10 montre


comment les atomes se réordonnent au passage de la dislocation, et pourquoi la partie
inférieure du cristal se déplace d’une distance b par rapport à la partie supérieure lorsqu’une
dislocation traverse le cristal de part en part.

Ce mouvement de dislocation est analogue à la façon dont on déplace un lourd tapis dans
une grande pièce, simplement en déplaçant des plis le long du tapis, ce qui est bien facile
que de déplacer tout le tapis d’un coup. (figure 11).

La déformation plastique se fait donc par glissement de plans cristallins. Mais ce glissement
ne peut pas se faire d'un seul coup (figure 12) : il faudrait que tous les atomes concernés par
le plan de glissement (soit environs 1014 par mm2, soit 100 000 milliards !) se soulèvent en
même temps. L'énergie, la force qu'il faudrait est bien supérieure à ce qui a est mesuré.

Figure 10 : déplacement des atomes . Fig.11 : la propagation d’un pli le long


lors d’un tapis
du passage d’une dislocation analogue au mouvement d’une dislocation
coin

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Figure 12 : impossibilité d'un glissement global du plan cristallin

B.3. Mouvements des dislocations

Il existe deux types de mouvement des dislocations : le glissement, qui correspond au


mouvement de la dislocation dans le plan défini par son vecteur de Burgers et la direction de
sa ligne et la montée qui correspond au mouvement en dehors du plan de glissement.

B.3.1. Le glissement

Ce mouvement est dit "conservatif" car il ne nécessite pas de transport de matière. Il


s'effectue de proche en proche par la rupture et le recollement des liaisons atomiques à la
manière dont on ferait glisser une double fermeture éclair. Ce type de mouvement est
particulièrement efficace pour propager la déformation, et se produit généralement sans
autre apport énergétique qu'une faible contrainte extérieure. De façon imagée, on s'imagine
très bien qu'il est plus facile de traîner un tapis sur le sol en faisant propager une série de
petites bosses plutôt que de tirer l'ensemble du tapis.

B.3.2. La montée

Pour déplacer une dislocation en dehors de son plan de glissement, il est nécessaire de
déplacer des atomes sur de longues distances : le processus est non conservatif et a lieu grâce
à la diffusion des lacunes ou d'atomes interstitiels dans le matériau vers le cœur de la
dislocation. Comme la quantité des lacunes/interstitiels et leur diffusion est un processus
thermiquement actif, la montée apparaît généralement à haute température.

B.4. Le glissement cristallographique

Comme nous l’avons vu précédemment, la courbe de traction de nombreux matériaux


présente une transition élastique-plastique, caractérisée par la limite d’élasticité laquelle
détermine la transition entre le domaine élastique et le domaine plastique. Nous allons
examiner ce qui se produit physiquement dans le matériau quand cette limite est atteinte.

Lorsqu’on déforme plastiquement un polycriostal de cuivre, par exemple, jusqu’à une


déformation voisine de 10%, on constate, au microscope optique, que la surface de ses
grains est couverte de bandes qui témoignent de la déformation irréversible de chacun

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d’eux. Un examen plus détaillé révèle que ces bandes de glissement sont en fait constitués
de lignes de glissement plus fines et très rapprochées.

Cette déformation plastique permanente, limitée à certains plans cristallographiques, est


beaucoup plus spectaculaire lorsqu’on effectue un essai de traction sur un monocristal, dans
lequel les bandes de glissement sont toutes parallèles (figure 13). La dénivellation entre les
diverses bandes de glissement est d’autant plus importante, et le nombre de bandes de
glissement est d’autant plus élevé, que la déformation plastique permanente à laquelle on
soumet l’éprouvette est grande.

Figure 13 : Déformation plastique par glissement (monocristal métallique).

Puisque le matériau est cristallin, donc anisotrope il est logique de supposer que ce
glissement se produit selon certains plans et selon certaines directions cristallographiques.
On peut facilement vérifier cette hypothèse en effectuant des essais de traction sur des
monocristaux d’un même métal, mais dont l’orientation cristallographique par rapport à
l’axe de traction est différente. Des études cristallographiques révèlent que les plans de
glissement actifs, dans les métaux et les alliages de structures courantes (CC, CFC, HC),
sont les plans de forte densité atomique. Par ailleurs, dans chacun de ces plans, la direction
de glissement est la direction de plus grande densité atomique. Le tableau ci-dessous présente
et résume ces données pour plusieurs métaux.

Structure cristalline Métaux Plans de glissement Direction de glissement


CFC Al, Ag, Cu, Ni, Au 111 110
CC Fe, Mo, Nb 011, 112 111
HC Ti, Zn, Mg, Cd, Be 0001, 10 1 0 11 2 0

On appelle système de glissement la combinaison d’un plan de glissement et d’une direction


de glissement située dans ce plan. Le nombre de systèmes de glissement possibles pour une
structure cristalline donnée fournit une première indication sur la ductilité dont cette
structure peut faire preuve. Les cristaux dont la symétrie est faible, donc qui possèdent peu
de systèmes de glissement, sont moins ductiles.

B.5. Cission critique théorique de glissement

Puisque le glissement cristallographique des matériaux ductiles est dû à un cisaillement qui


agit sur certains plans bien définis, il faut considérer non pas la valeur nominale de la
contrainte P/S0 à laquelle on soumet l’éprouvette de traction , mais uniquement la

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composante tangentielle de cette contrainte, dans le plan de glissement et selon la direction


de glissement, soit la cission  (figure 14).

Un raisonnement géométrique simple permet de trouver que cette cission est déterminée
par la relation :
  P cos cos
S0
où S0 : section droite de l’éprouvette,
 : angle formé par la normale au plan de glissement et l’axe de traction,
angle formé par la direction de glissement et l’axe de traction.

Cette équation est connue sous le nom de loi de Schmid, et l’expression (coscos) est
appelée facteur de Schmid.

Figure 14 : Décomposition de la contrainte appliquée P/S0

Selon cette loi, lorsqu’on effectue des essais de traction sur des monocristaux d’un même
matériau, mais dont l’orientation cristallographique par rapport à l’axe de traction est
différente, on obtient des valeurs expérimentales de la contrainte appliquée (P/S 0)
différentes pour chaque monocristal ; en effet, si on suppose qu’un seul système de
glissement est activé à chacun des essais, le facteur de Schmid associé à ce système de
glissement est différent de celui associé au système de glissement précédent.

En fait, la seule valeur constante est celle de la cission critique * , à laquelle correspondent
les premiers glissements cristallographiques. Au delà de cette valeur, le matériau entre dans
le domaine plastique et se déforme de façon permanente.

Cette valeur constante de la cission appelée cission critique de glissement caractérise le


passage entre le comportement élastique et le comportement plastique du matériau.

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B.6. Les critères de plasticité

Le but de ce paragraphe est de trouver à partir d’un essai de traction simple donnant la
limite d’élasticité conventionnelle Re, un critère plus général s’appliquant à un régime de
sollicitation multidirectionnel.

B.6.1 Critère de TRESCA

Lorsque le cisaillement maximal sur une facette en un point du matériau atteint une valeur
critique c , le matériau se plastifie en cet endroit.

Soient I, II , III les contraintes principales associées au tenseur des contraintes appliquées
sur le matériau, telles que I > II > III , alors :

σI σIII
Si < c le matériau est dans le domaine élastique.
2
σI σIII
Si = c le matériau est dans le domaine plastique.
2
Re
Par un raisonnement simple à partir d’un essai de traction, on montre que c =
2

B.6.2 Critère de VON MISES

Le matériau se plastifie lorsque son énergie de distorsion élastique atteint une valeur
critique K. L’énergie de distorsion = l’énergie de déformation totale – l’énergie de
dilatation. Elle est définie comme suit :  d    di j  di j

Où d est le déviateur du tenseur des contraintes, et d est celui de déformation.

Soient I, II , III les contraintes principales associées au tenseur des contraintes appliquées
sur le matériau.
Si (I-II)² + (I-III)² + (II-II)² < 2Re²  le matériau reste élastique
Si (I-II)² + (I-III)² + (II-II)² = 2Re²  le matériau se plastifie.

B.7. Principe de Saint-Venant

Il permet de trouver une relation entre les contraintes et les déformations dans le domaine
plastique, en sollicitations multiaxiales.

Ce principe stipule que l’incrément de déformation plastique est proportionnel au


déviateur des contraintes :
d1p  d2p  d3p
 1 m  2 m  3 m
où  m = 1323 est la contrainte moyenne.

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Série d'exercices n°1 : Elasticité et plasticité

Exercice n°1
On donne les valeurs du module de Young et de l’allongement à la rupture pour les
matériaux suivants :

Métal E (GPa) Ar (%)


Nickel 215 65
Cuivre 125 55
Acier doux X 210 30
Aluminium 70 50

1. Classer ces différents matériaux suivant leurs rigidités et leurs ductilités, qu'est ce qu'elles
traduisent ces propriétés.

2. On peut modéliser la loi de comportement de l'acier doux X par :


Dans le domaine élastique par la loi de Hooke :

0    270 MPa  = E. avec E = 210 GPa

Dans le domaine plastique par la loi :

270 MPa    495 MPa  = 0. n

Avec 0 = 631.7 MPa et n = 0.13 (Les contraintes et les déformations sont vraies)

Compléter le tableau suivant :

 0 105 270 343 396 424 452 477 487 495


 0
e 0
R 0

2.2 Tracer la courbe conventionnelle R = f(e).


2.3 Donner les caractéristiques classiques de cet acier.

Exercice n°2

On s'intéresse au même acier doux (exercice n°1), mais on le sollicite cette fois d'une
manière multiaxiale suivant le tenseur ci-dessous :

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Comportement Mécanique des Matériaux

100 200 0 
 
   200 500 0  MPa
0 
 0 300 

1. Décomposer ce tenseur en tenseurs sphérique et déviateur.


2. Calculer les contraintes principales.
3. En déduire le tenseur de déformation dans le repère principal, sachant que cet acier
obéit à la loi de Hooke généralisée.
4. Dans quel état se trouve l'acier ainsi chargé.

Exercice n°3
Ce principe donne une relation entre les déformations plastiques et les contraintes. La
première hypothèse concernant une déformation plastique élémentaire est qu’elle s’effectue
sans variation de volume, ce qui se traduit par d1p + d2p + d3p = 0, les axes 1, 2 et 3 étant
les axes principaux de contraintes. On a vu que la surface de charge correspondant au
critère de Von Mises est un cylindre d’axe D parallèle à (1, 1, 1).

d 1p
1. Que peut-on dire du vecteur d 2 p par rapport à la surface de charge ?
d 3 p

2. L’équation de la surface de charge correspondant au critère de Von Mises est :


2)2 + 3)2 1)2 = 2Re2

Quelles sont les composantes de la normale en un point ) à la surface de charge ?


  2  3
Exprimer ces composantes à l’aide de  m  1
3

3. Ecrire la relation exprimant que la déformation plastique s’effectue normalement à la


surface de charge : vous obtenez le principe de Saint Venant. Montrer qu’il lie la
déformation plastique au déviateur des contraintes.

4. Montrer avec les hypothèses précédentes, qu’un tenseur de contraintes isostatiques


(sphériques) ne peut pas produire de déformation plastique.

5. Déduire des relations entre déformations plastiques dans les cas suivants :
a/ Traction équibiaxiale 
b/ Cisaillement 

Exercice n°4

Les tubes utilisés pour transporter certains gaz toxiques sont des cylindres qui peuvent être
considérés dans une première approximation comme des enceintes à parois minces. Ils sont
fabriqués à partir d’un acier de limite élastique Re = 400 MPa.

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Comportement Mécanique des Matériaux

Ces cylindres qui sont soumis à une pression interne uniforme P ont un diamètre intérieur
D = 20 cm, et une épaisseur e = 1 cm. On utilise un système de coordonnées cylindriques
(O, r,, z) qui coïncide avec le repère des contraintes principales.

1. Déterminer le tenseur des contraintes se met sous la forme.

2. Décomposer le tenseur des contraintes en la somme d’un tenseur sphérique et d’un


tenseur déviatorique. Lequel de ces deux tenseurs occasionne-t-il la déformation
plastique (1 pt)
3. Calculer la valeur de P au delà de laquelle il y a plastification des tubes, en appliquant
 Le critère de Tresca
 Le critère de Von Mises.
4. Lequel des deux critères est plus sécurisant, justifier votre choix.

Exercice n° 5

On considère un cylindre de grande longueur, fermé et sollicité simultanément en traction


(force F) et en torsion (couple C). Ce cylindre est fabriqué d'un acier ayant les
caractéristiques mécaniques suivantes : E = 210 GPa ;  = 0.3 ; Re = 800 MPa

Le tenseur des contraintes dans ce cylindre s'écrit en système de coordonnées cylindriques :

~   0 0  
0 0 0
  
 0  

1. Décomposer le tenseur des contraintes en la somme d'un tenseur sphérique et d'un


tenseur déviatorique.

2. Calculer le tenseur des déformations élastiques que subit ce cylindre si on prend  = 120
MPa et  = 50 MPa (ces valeurs numériques ne sont valables que pour la question 2).

3. Calculer en fonction de  et  les contraintes principales I, II et III en les classant de la
manière suivante : I > II > .

4. En utilisant le critère de TRESCA, trouver la relation entre et la limite élastique Re


pour que le matériau reste dans le domaine élastique.

5. En utilisant le critère de VON MISES, trouver la relation entre et la limite élastique
Re pour que le matériau reste dans le domaine élastique.

6. Tracer dans le plan ) les surfaces de charge correspondant aux critères de TRESCA
et de VON MISES.

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Comportement Mécanique des Matériaux

Exercice n°6

On étudie la compression d’un pion en élastomère que l’on place dans un cylindre
métallique indéformable de rayon R0 = 9,5 mm. La compression est exercée à l’aide d’un
piston indéformable qui coulisse sans frottement dans le cylindre. Lorsque le piston vient
au contact du pion cylindrique, la hauteur de ce dernier est égale à h0 = 13 mm. Des essais
préliminaires ont montré que le module d’Young de l’élastomère avait pour valeur
E = 2,83 MPa.

Compte tenu des conditions de symétrie de l’essai, on rappelle les loi de l’élasticité donnant
les contraintes en fonction des déformations en coordonnées cylindriques.

E 3ν
σ rr  (ε rr  ε m)
1ν 1  2ν
E 3ν
σ θθ  (ε θθ  ε m)
1ν 1  2ν
E 3ν
σ zz  (ε zz  ε m)
1ν 1  2ν
On rappelle aussi la relation entre les tenseurs sphériques correspondants
σ rr  σ θθ  σ zz E
σm   3Kε avec 3K 
(1  2 )
m
3
L’essai de compression confinée est réalisé à déplacement imposé : pour une variation h de
la hauteur du pion, on enregistre une variation F de la force de compression avec :F/ h =
4.104 N/mm.

1. Donner, pour cet essai, les valeurs particulières des déformations rr et . Ecrire zz et
m en fonction de h et de h0.
2. En déduire les expressions de rr ,  , zz et m en fonction de h , de h0 , de E et de .
3. A partir de l’expression donnant zz déterminer l’équation qui explicite K en fonction
de F/ h, de S0 , de h0 , et de .
4. Si on accepte l’hypothèse que les élastomères sont très peu compressibles. Proposer une
expression simplifiée de K en fonction de F/ h , de S0 , et de h0 . Application
numérique
5. Donner l’expression de  en fonction de E et K . Application numérique. Votre
hypothèse est-elle vérifiée.

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Comportement Mécanique des Matériaux

Mécanique linéaire de la rupture

Introduction

Les phénomènes de rupture sont extrêmement couteux : lorsqu’ils surviennent, si par


bonheur ils n’entrainent pas de pertes de vie humaine en plus de replacement des
équipements détériorés, il convient de compter les heures et les productions perdues,
l’image de marque abimée, les marchés disparus…

De nombreux essais ont été imaginés pour évaluer la résistance à la rupture des matériaux et
certains d’entre eux sont depuis longtemps couramment pratiqués dans l’industrie. On
mesure alors l’intérêt des essais de choc sur éprouvettes entaillées mis au point notamment
par Charpy il y a une centaine d’années. Ils permettent, notamment de déterminer le risque
de rupture fragile des aciers, à certaines températures. Néanmoins, ces essais ne fournissent
pas d’indication sur les charges que peuvent supporter les pièces contenant des défauts.
C’est la mécanique de la rupture et les essais qui en dérivent qui permettent de le faire. Ils
ont connu un grand développement depuis une quarantaine d’année, particulièrement dans
les industries nucléaire, aéronautique spatiale et pétrochimique. Même s’ils sont plus
couteux et nécessitent l’intervention de spécialistes, ils se répandent. D’ailleurs, on assiste
à une rapide évolution de la normalisation dans ce domaine.

1. Historique

Durant la seconde moitie du 19ème siècle, l'usage de l'acier et d'autres alliages métalliques se
développa considérablement. Avec cet essor se multiplièrent aussi les accidents dus à
l'utilisation inadéquate de ces matériaux, de même que bien souvent à des faiblesses de
conception et dimensionnement.

En janvier 1919, un énorme réservoir de molasse, de 27 mètres de diamètre et 15 m de


hauteur se déchira soudainement, répandant 7,5 millions de litres de molasse dans les rues
de Boston (USA). Douze personnes trouvèrent la mort et une quarantaine furent blessées
dans cet accident.

Dans les années 30 et 40, plusieurs ponts « Vierendeel » franchissant le canal Albert, en
Belgique, furent victimes de ruptures fragiles, L'un deux s'effondra même complètement,
un matin de mars 1938, par temps très froid.

En janvier 1943, un pétrolier en construction soudée, le « Schenectady » se brisa


complétèrent en deux parties. Durant les dix années suivantes, plus de deux cents navires
construits pour les besoins de la guerre furent plus ou moins sévèrement endommagés par
des ruptures fragiles. Parmi eux, neuf cargos T-2 et sept Liberty Ships se brisèrent
totalement. La plupart de ces ruptures prirent naissance en des points de concentration de
contraintes.

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Comportement Mécanique des Matériaux

Bien que ces ruptures soient finalement en nombre très faible, par comparaison avec celles
causées par surcharge (plastification) ou instabilité, elles sont particulièrement dangereuses.
En effet, elles ne peuvent que difficilement être détectées à l'avance, car elles se produisent
avec peu ou pas de déformation préalable. Par ailleurs une fois initiée, la rupture fragile se
propage a une vitesse telle (2000 m/s) que toute action corrective est impossible, Ces
caractères justifient l’immense effort de recherche qui y a été consacré et qui a abouti à la
création d'une nouvelle discipline : la mécanique de la rupture.

2. Concentration des contraintes

Considérons une plaque percée d'un trou elliptique, chargée en traction. Inglis a montré que la
contrainte à l'extrémité du grand axe de l'ellipse est supérieure à la contrainte appliquée dans le
sens du petit axe.

Soit, en introduisant le rayon de courbure  = b2/a

Supposons que cette ellipse représente un défaut au sein de la plaque. La contrainte à son
voisinage peut égaler plusieurs fois la contrainte appliquée σa le facteur de proportionnalité étant
appelé facteur de concentration de contrainte KT :

En conclusion plus un matériau contient de défauts ou plus la géométrie d'une pièce est
tourmentée, plus le risque est élevé. II s'agit la du phénomène appelé «effet d'entaille».

Cependant, l’effet d’entaille ne définit pas à lui seul le caractère de la rupture.


L’environnement joue un rôle primordial, en particulier la température qui conditionne la
nature de la cassure.

3. Essai de Résilience

La sensibilité d'un matériau à l’effet d'entaille se mesure par un essai de résilience consistant
en un chargement statique ou dynamique d'une éprouvette entaillée. L'essai le plus
traditionnel est l'essai de flexion par choc sur éprouvette bi-appuyée, communément appelé
essai Charpy.

Au cours de cet essai, l’éprouvette est rompue par choc sous l’effet d’une masse pendulaire
(mouton-pendule). L’énergie absorbée par la rupture de l'éprouvette est appelée Résilience.
Elle s’exprime en Joules/cm2 ou simplement en Joules lorsque l'éprouvette a des
dimensions normalisée.
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Comportement Mécanique des Matériaux

Des essais Charpy réalisés à différentes températures montrent que la résilience est
étroitement liée à la température (fig.1). II est en effet évident que si la température baisse,
le matériau devient «cassant», donc sujet à une rupture fragile. A température plus élevée,
on constate au contraire que la rupture s'accompagne d'une plus grande déformation
plastique, caractère révélateur d'une rupture ductile. Les températures où se manifestent ces
comportements dépendent du matériau considéré.

Cette courbe permet de distinguer trois zones de température. La zone I, à basses


températures, est celle ou la rupture est fragile. La zone III, à températures plus élevées, est
celle ou la rupture est ductile. Enfin la zone II, dite zone de transition, est celle ou la
rupture est mixte, c'est-a-dire se produit avec une déformation plastique limitée, le faciès de
fracture est composé d'une zone à grains (fragile) entourée d'une zone à nerfs (ductile).

Résilience J/cm²

Zone I Zone II Zone III

Température °C

Figure 1 : Essai de Charpy en fonction de la température

La température à laquelle se manifeste la transition fragile ductile dépend donc


essentiellement du matériau employé. Il s’en suit que le choix d’un matériau repose en
grande partie sur la température de service de la structure à construire. Il est très délicat de
faire reposer le choix d'un matériau sur sa température de transition.

4. Notion de la mécanique de la rupture

4.1. Modes de rupture et contraintes au voisinage d’une fissure

La mécanique de la rupture est une philosophie de conception visant à développer un


critère de ruine prenant en considération les fissures existant au sein du matériau. Pour cela,
il importe de pouvoir comparer un facteur de charge à un paramètre caractéristique du
matériau. La première étape consiste donc en la définition d'un facteur caractérisant la
sévérité de la situation obtenue par application d'une charge sur une pièce fissurée. Ce
facteur s'obtient par considération des contraintes et déformations au voisinage du front de
la fissure, pour les trois modes de fissuration élémentaires illustrés sur la figure 2.

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Comportement Mécanique des Matériaux

Figure 2 : Modes de rupture et états des contraintes au voisinage de la fissure

Ces contraintes ont été calculées par Irwin à l'aide de la théorie de l'élasticité. Elles sont
exprimées par les relations ci-après, avec les notations de la figure 2 et les connotations
suivantes :  coefficient de Poisson, CP : contraintes planes et DP : Déformations planes

En mode I

en CP, en DP et

En mode II

en CP, en DP et

En mode III

et

Les facteurs Kl, Kll et Klll caractérisent à la fois les géométries de l’éprouvette et celle de la
fissure, et la nature des sollicitations. Ils sont appelés facteurs d'intensité de contrainte et
s'expriment en MPa m1/2.

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Comportement Mécanique des Matériaux

4.2. Critère de ruine en mode I

4.2.1. Bilan énergétique

Considérons un solide de surface initiale S0 dans lequel on crée une fissure A(t) variable
dans le temps. L’équilibre thermodynamique du corps requiert que :

Avec : U : le travail effectué par les forces extérieures,


V : l’énergie élastique récupérable stockée dans le solide,
T : l’énergie cinétique
D : la somme de toutes les énergies dissipées de façon irréversible.

En notant S(t) = S0 + A(t) la surface totale du solide, on peut écrire, en supposant une
situation quasi-statique (dT/dt = 0) :

Où,  est l’énergie nécessaire à la création d’une surface de rupture unitaire.

Le terme à gauche de la relation ci-dessus représente l’énergie disponible pour la rupture


tandis que celui à droite représente l’énergie nécessaire à cette rupture.

On démontre, en mode I, que la différence énergétique est liée au KI par la relation :


GI : force d’extension de la fissure
a : longueur de la fissure
E* = E en CP et E* = E/(1- ²) en DP

4.2.2. Critère de ruine

La fissure ne peut se propager que lorsque GI atteint une valeur critique GIc caractéristique
du matériau, ce qui signifie qu’ il existe aussi une valeur critique KIc du facteur d’intensité
de contrainte telle que la fissure ne se propage de façon instable que lorsque : KI ≥ KIC

KIc appelée ténacité, caractérise la résistance du matériau à la propagation plane des fissures
en mode I. Sa valeur est indépendante de la géométrie du détail et des conditions de
chargement, à condition que le matériau soit isotrope.

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On admet qu’en mode I, la contrainte responsable de la propagation de la fissure est la plus


grande contrainte principale perpendiculaire au plan de la fissure et que l’expression
générale de KI est de la forme :

Où F(a/W) est une fonction de forme, dépendant des géométries de l’éprouvette et de la


fissure.

Donc, une structure sera considérée comme sûre si :

Il s’ensuit que le concepteur peut théoriquement agir sur trois facteurs afin de réaliser cette
inégalité :

 Sélection d’un matériau ayant une meilleure résistance à la rupture, c’est à dire
possédant un KIc plus élevé à la température de service.
 Abaissement du niveau de sollicitations, soit globalement par diminution de la
contrainte nominale, soit localement en évitant les concentrations de contrainte
dans les régions sujettes à fissuration.
 Contrôle des défauts de la structure de façon à abaisser la dimension critique des
fissures.

4.3. Zone plastique

D’après les expériences des contraintes au voisinage du fond de fissure énoncées


précédemment, celles-ci deviennent infiniment grandes lorsque r tend vers zéro. En effet
pour  = 0, la contrainte normale yy varie en fonction de r d’après l’équation ci-dessous :

En réalité, la contrainte est bornée par la limite élastique e du matériau. Il existe donc une
zone au voisinage du front de fissure où la contrainte atteint la limite élastique. En
première approximation on peut admettre que cette zone plastique est circulaire de
diamètre rp tel que :

En fait, la limitation impose une redistribution des contraintes (figure 3), de sorte
que la zone plastique est plus étendue que ne l’indique le calcul précédent. Il est
généralement admis de considérer que la zone plastique est circulaire de rayon rp (et non
plus de diamètre rp).

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Comportement Mécanique des Matériaux

Figure 3 : Schéma de la zone plastique d’après Irwin

Le calcul précédent est valable en état de contraintes planes seulement. Lorsque l’on est en
état de déformations planes, la triaxialité des contraintes change ce calcule, ainsi le rayon de

la zone plastique devient :

La forme circulaire de la zone plastique que nous avons admise au cours de cette première
approche n’est que grossière approximation. En fait, si l’on adopte soit le critère de Tresca,
soit celui de Von Mises, on obtient une forme sensiblement différente qui, de plus, varie
dans l’épaisseur de la pièce puisque la surface règne un état de contraintes planes alors qu’à
cœur l’on se rapproche davantage d’un état de déformations planes. La figure 4 illustre ce
phénomène dans le cas d’un calcule fondé sur le critère de Von Misés. On remarque que la
taille de la zone plastique est sensiblement plus faible à mi-épaisseur qu’en surface.

Figure 4 : Forme de la zone plastique en mode I (critère de Von Mises)

Dans le cas des modes II et III, la forme et la taille de la zone plastique sont sensiblement
différentes. La figure 5 indique ces zones, dans le cas d’un calcul fondé sur le critère de Von
Misés.

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Figure 5 : Forme de la zone plastique en mode II et III (critère de Von Mises)

Dans ces deux cas, la prise en compte de la redistribution des contrainte est assez délicate et
requiert l’usage de méthodes de relaxation, ceci a été fait par Stimpson, Eaton, et Mc
Clintock. Malgré ces nombreux modèles, la taille et la forme de la zone plastique restent
mal connues. Par ailleurs, la difficulté de la mesure de la zone plastique rend quasi-
impossible toute vérification expérimentale, que ce soit par microscopie électronique à
transmission ou par rayon X.

Lorsque la taille de la zone plastique n’est pas négligeable en regard des dimensions du
corps ou de la longueur de fissure, la longueur à considérer est alors une longueur dite
effective aeff, telle que aeff = a + rp.

L’existence de cette zone plastique, et surtout la variation de sa taille selon l’état de


contraintes ont pour conséquence de faire varier KIc avec l’épaisseur de l’éprouvette utilisée.
En effet, il faut que l’épaisseur soit suffisante pour que l’on ait au sein de la pièce un état de
déformations planes. La condition sur l’épaisseur est traduite par :

t = épaisseur de la pièce ≥ 2.5 (KIc/e)²

Si cette condition n’est pas vérifiée, on propose une correction du K Ic pour prendre en
considération les effets des dimensions de la pièce, selon l’équation ci-dessous :

[KIc_corrigé ]² = [KIc]²[1 + (1.4/t²)(KIc/e)4] avec : KIc_corrigé ≈ KIc.

Si la valeur corrigée est très supérieure à la valeur de KIc, les effets des dimensions sont trop
importants, on conclura que la mécanique linéaire de la rupture n’est pas applicable.

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5. Mécanismes de rupture fragile

Les principaux mécanismes que l’on peut mettre en évidence sont les suivants :

5.1. Coalescence des pores

Il s’agit ici de la rupture de particules fragiles


conduisant à la formation de pores au sein
du métal, lesquels grossissent et coalescent
jusqu’à rupture finale. Le faciès de la surface
de rupture fait très nettement apparaître ces
pores, lesquels ont des formes d’autant plus
allongées que la contrainte de cisaillement est
importante. Figure 6 : Rupture par Coalescence de pores
de l’alliage Al-Mg0.4Si1.2.
5.2. Clivage

Il est associé à une rupture fragile. Il met


en jeu une faible énergie car la fracture est
transcristalline le long de plans cristallins
(figure 7). On notera sur la figure le
curieux aspect de la surface rappelant
rivières et affluents dont le cours est dans
la direction de la propagation de la
rupture. Figure 7 : Rupture par clivage d’un arbre
d’ascenseur en acier.
5.3. Fracture intergranulaire

Il s’agit là du faciès le plus aisément


reconnaissable. La rupture se produit le
long des surfaces intergranulaires et se
trouve en général associée à un
comportement fragile résultant d’un
traitement thermique inadéquat ou
improprement appliqué

Figure 8 : Rupture intergranulaire d’une vis


zinguée en acier.

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Comportement Mécanique des Matériaux

5.4. Analyse par fractographie : Etude de cas

Ces images ont été prises au MEB après rupture fragile d’un acier. La fissure se propage sur
100 microns. La rupture montre des micro-mécanismes de clivage différents selon la
microstructure locale du métal : ferritique (Fig. 9) ou bainitique (Fig. 10). Les facettes de
clivage de la ferrite sont caractérisées par leur aspect lisse qui ne montre que les rivières de
clivage. La taille des facettes dans la ferrite correspond bien à la taille de grains observée en
microscopie, qui est de 10 microns de long. Pour le clivage de la bainite (Figure 10), on
observe que les facettes sont plus petites. Sur certaines d’entre elles, on distingue des reliefs
rappelant des joints de faible désorientation entre lattes ou groupes de lattes (photo en bas à
droite de la Figure 10).

Figure 9 : Clivage transgranulaire dans la ferrite et languettes de clivage (flèches noires)

Figure 10 : Clivage transgranulaire dans la bainite

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Comportement Mécanique des Matériaux

Conclusions

La rupture fragile est caractérisée par l'absence de déformation plastique macroscopique, et


donc par la propagation très rapide des fissures avec faible consommation d'énergie. La
rupture est bien nette, elle suit des plans cristallographiques, on parle de rupture par
clivage. Le matériau rompt avant d'avoir quitté le régime élastique, c'est le cas des
céramiques, métaux cubiques centrés à basse température, et certains polymères à basse
température.

La mécanique de rupture ne s’applique pas pour toute taille de défaut et notamment pour
les très petits comme pour les très grands. Ces limites dépendent d’ailleurs des
matériaux. La limite inférieure est très faible pour les métaux, assez grande pour les
composites. Pour ces derniers, la dispersion des résultats ne permet d’ailleurs pas de
trancher entre un critère de rupture type mécanique de rupture ou analyse limite.

Les concepts précédemment énoncés ne sont valables que dans le cas d’un matériau isotrope
ayant un comportement élastique parfaitement plastique. Par ailleurs, la concentration de
contrainte en fond d’entaille crée une plastification locale. Il est nécessaire que la taille de
cette zone plastique reste petite par rapport à la longueur de la fissure et aux dimensions de
la structure de façon à ne pas perturber la distribution élastique des contraintes.

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Comportement Mécanique des Matériaux

Série d’exercices n°2 : Mécanique Linéaire de la Rupture

Exercice n°1

Un barreau en acier (Re = 1790 MPa, KIc = 90 MPa.m1/2) de section carrée 120 * 120 mm²
est soumis à une force de traction F = 12 MN. Ce barreau contient une fissure d'angle en
quart de cercle de rayon a = 1 cm (voir la figure ci-dessous).

a
Le facteur d'intensité de contraintes pour ce cas de figure K I  2 (1.12)² 

Est ce que le barreau va résister à la charge appliquée ?

Exercice n°2

Un tuyau en acier de rayons intérieur r = 2 cm et extérieur R = 10 cm sert au transport


d'un fluide dont la température excède l'ambiante d'une quantité T. On sait que dans une
telle situation, la face interne du tuyau est soumise à une contrainte circonférentielle
exprimée comme suit :
 
α.E.ΔT  2 1 
σ   
2(1  ν) 1  ( r ) 2 log( R ) 
 R r 
Où :
 : coefficient de dilatation thermique = 11.88 .10-6 °C-1
E : Module d'Young = 206 GPa
 : coefficient de Poisson = 0.3

On donne :
La ténacité KIc = 44 MPa.m1/2 et la contrainte théorique de rupture est u = 1390 MPa.

Le procédé de fabrication et les moyens de contrôle laissent penser que des fissures radiales
de profondeur a = 5 mm peuvent exister sur la face interne du tuyau.

1. Sachant que la formule simplifiée du facteur d'intensité des contraintes est


K I  1.12 σ πa , trouver le gradient de température maximal admissible.

2. Quel serait ce gradient de température si l'on négligeait l'effet de la fissure.


Commenter.

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Exercice n°3

Une plaque d'acier de largeur 10 cm et d'épaisseur 2 cm contient une fissure doublement


traversante de largeur égale à 3 cm située au milieu de la largeur de la plaque et orientée à
60° par rapport à la direction du chargement (voir figure ci-dessous). Pour cet acier Re =
2070 MPa et KIc = 27.5 MPa.m1/2

1. Quelle est la contrainte de rupture de la plaque.


2. comment serait le faciès en cas de rupture

Un critère de rupture possible dans cette configuration est donnée par 60°
2 2
 KI   K II 
l'équation suivante :     1 (figure 2) 2a
 K Ic   2K Ic 
b b
Dans le cas où b >> a, on donne K I   sin ² a ; K II   sin  cos  a

Dans notre cas, il faut tenir en compte de la largeur de la plaque, donc il faut multiplier les
deux facteurs d'intensité de contraintes par un facteur de forme correcteur :
a' a' a'
1  0.5  0.37( ) 2  0.044( ) 3
a' b b b
f( ) 
b a'
1
b
Où a’ est la projection de a sur la normale à la ligne de chargement.

Exercice n°4

Un réservoir cylindrique sous pression (int = 40 cm et ext = 48 cm) est fabriqué en alliage
d'aluminium (Re = 385 MPa et KIc = 44 MPa.m1/2). Ce réservoir doit supporter une
pression interne P = 70 MPa. Les techniques d'inspection ne permettent pas de déceler en
service des fissures débouchantes sur la face interne de moins 0.5 cm de profondeur et 3 cm
de largeur.

Pour cette configuration, on donne :


πa
K I  1.12σ ( est un facteur de forme qui est égale à 1.07 pour notre géométrie)
Φ

1. Est ce que le réservoir pourra-t-il supporter la pression interne.

2. Si non, qu’est ce que vous proposez pour le rendre sûr

ENSAM/MEKNES 32 Moulay Rachid Kabiri

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