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Droit maritime
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DROIT FONDAMENTAL
COLLECTION DIRIGÉE PAR
STÉPHANE RIALS
Professeur à l'Université de Paris II, Panthéon - Assas
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DROIT COMMERCIAL
Droit maritime
ANTOINE VIALARD
PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ MONTESQUIEU - BORDEAUX IV
ISBN 2 13048111 6
Dépôt légal —Ire édition : 1997, octobre
0 Presses Universitaires de France, 1997
108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris
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Sommaire
Abréviations et sigles 9
Introduction 13
LIVRE PREMIER
LE DANGER DE LA MER
Chapitre 1 / L'abordage et les autres accidents de la mer .. 45
Section 1 - L'abordage, une notion vague 46
Section Il - Responsabilité civile en cas d'abordage 48
Chapitre 2 / La solidarité humaine en mer 53
Section 1 - La solidarité externe : l'assistance et le sauvetage .. 53
Section Il - La solidarité interne : l'avarie commune 68
Chapitre 3 / La solidarité organisée : les assurances mari-
times 83
Section 1 - Présentation générale: péril de la mer et recherche
de la sécurité financière 83
Section Il - Lecontrat d'assurance maritime 90
Chapitre 4 / La limitation de responsabilité du propriétaire
ou de l'exploitant d'un navire 125
Section 1 - La limitation traditionnelle de responsabilité 127
Section Il - Les limitations spécifiques de responsabilité: nu-
cléaire, hydrocarbures, marchandises dangereuses . 143
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LIVRE DEUXIÈME
LES PROFESSIONS MARITIMES
Chapitre 1 / L'armateur 155
Section 1 - La notion d'armateur 155
Section Il - Les difficultés de mise en œuvre de la notion d'ar-
mateur 164
Chapitre 2 / Les marins 170
Section 1 - Le capitaine 171
Section Il - L'équipage 181
Chapitre 3 / Les auxiliaires techniques de l'arrnateur : pilo-
tage et remorquage 192
Section 1 - Le pilotage 192
Section Il - Les contrats de remorquage 200
Chapitre 4 / Les auxiliaires commerciaux de l'armateur.
Consignataires, courtiers, commissionnaires et transi-
taires 212
Section 1 - Les consignataires 212
Section Il - Les courtiers maritimes 217
Section III - Commissionnaires, transitaires 222
LIVRE TROISIÈME
LES BÂTIMENTS DE MER
Chapitre 1 / Notions fondamentales 235
Section 1 - Le navire 235
Section Il - Les autres bâtiments de mer 255
Chapitre 2 / Le statut du navire 257
Section 1 - Le navire est un meuble particulier 257
Section Il - Le navire, objet de droits réels 273
Sous-section 1 - Les droits réels principaux : propriété et
copropriété 273
Sous-section 2 - Les droits réels accessoires sur le navire :
hypothèques et privilèges 295
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LIVRE QUATRIÈME
L'EXPLOITATION COMMERCIALE DES NAVIRES
Index 477
ABRÉVIATIONS ET SIGLES
Préface posthume
en forme de dédicace
collection ne lui a pas permis de mettre enpleine lumière toutes les sub-
tilités du droit maritime que je l'avais accoutumé à discerner au long
cours de mes courts cours, ni d'exprimer l'air marin queje savais impri-
mer à mes enseignements. Il dira encore que le droit maritime a unpeu
perdu de son originalité (je disais: son autonomie) et qu'il est désor-
mais plus difficile qu'autrefois de le présenter comme une branche à
part, et unpeufantasque, de notre ordonnancementjuridique. Il dira...,
ilprétendra...
De ses explications confuses et unpeu courtes, on retiendra simple-
ment l'aveu qu'il n'a pas été en mesure d'égaler le maître quej'ai été
pour lui. Mais si, à la différence de ce qu'espérait Ibn Tufayl (Lephilo-
sophe sans maître), il n'a été en mesure ni de m'égaler, ni a fortiori de
me dépasser, le lecteur pensera peut-être de lui: il fut le disciple et
l'admirateur de Paul Chauveau, il ne peut donc pas être absolument
mauvais!
Paul CHAUVEAU, Outre la tombe d'Espouey.
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Introduction
I | DÉFINITIONS PRÉLIMINAIRES
1. Cette entrée en vigueur était subordonnée à la ratification par 60 États. Cette condition s'est trouvée
réalisée en novembre 1993, avec cette particularité que, panni les 60 pays ayant ratifié, 58 sont des
pays du Tiers Monde ; les deux autres sont l'Islande et la Bosnie. Les pays développés étant totale-
ment hostiles au titre XI de cette convention, traitant de l'exploitation du fond des mers, et de la mise
en place d'une Autorité et d'une Entreprise hallucinatoires, un «Agrément » est intervenu en juil-
let 1994, selon une procédure dont le «Machin »a le secret ; au résultat de cet Agrément qui se sub-
stitue en fait à l'ancien titre XI, les modalités de l'exploitation du fond des océans sont sensiblement
allégées et libéralisées. On en espère des ratifications significatives des pays développés, ratifications
qui, d'ailleurs, conditionnent l'entrée en vigueur de cet Agrément. Sur ce tour de passe-passe : Patrick
J. S. Griggs and David H. Anderson, The 1982 United Nations Law of the Sea Convention, CMI
News letter 1995, n° 1.
2. Cette convention de 1982 consacre, d'une part, l'extension des eaux territoriales sur une largeur de
12 milles marins à partir des lignes de base et, d'autre part, une notion inconnue du droit internatio-
nal public maritime classique : la notion de zone économique exclusive, qui peut s'étendre sur une lar-
geur supplémentaire de 188 milles au-delà de la limite extérieure des eaux territoriales. Alors que
l'État riverain a pleine souveraineté sur les eaux territoriales, sous réserve du droit de passage inoffen-
sif reconnu aux navires des pays tiers, il ne dispose sur la zone économique exclusive que d'une com-
pétence limitée à certains aspects de l'exploitation des ressources océaniques.
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2 LEDROITMARITIMEESTLEDROITDESACTIVITESHUMAINESEN
MER.—Il a vocation, à ce titre, à saisir toutes les activités que
le progrès technique moderne a d'ailleurs multipliées. Traditionnelle-
ment, cependant, le droit maritime est compris comme étant, surtout
et d'abord, le droit du commerce sur mer. C'est là une vue bien
étroite des activités humaines qui se déploient sur mer, vue qui
conduit à faire l'impasse à peu près complète sur nombre d'utilisa-
tions actuelles de l'espace et des ressources de la mer. Nous tombe-
rons pourtant dans le travers : les dimensions de l'ouvrage nous
conduisent à faire une présentation classique du droit maritime. Nous
tenterons cependant, autant que possible, d'ouvrir quelques perspec-
tives vers des domaines habituellement laissés dans l'ombre, tels que
l'activité de la pêche en mer ou la navigation de plaisance. Même
encore, cela n'est pas représentatif de l'ensemble des industries que la
mer permet de nos jours et qui, depuis la fin de la deuxième guerre
mondiale, se sont considérablement diversifiées, mais cela contribuera
à faire saisir que le droit maritime ne peut pas se cantonner à la seule
étude du droit des transports maritimes.
I. Ce volume est énorme. Pour faire image, on en donnera l'illustration suivante, quasi polytechni-
cienne : si l'on voulait assécher les océans, et qu'on puisse pour cela inverser le cours de l'Amazone
qui viendrait se déverser à sa source dans un gouffre sans fond à la vitesse de 200000mJ/s, il faudrait
plus de deux cent mille ans pour faire disparaître mers et océans.
2. Mais il est des terroirs qui ne sont pas quelconques : ainsi, du Médoc, cette terre que la Terre nous
envie !
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6 LEDROITMARITIMEAUNEFORTEDIMENSIONINTERNATIONALE.
—L'harmonisation internationale du droit maritime est le
résultat des efforts de plusieurs instances : Comité maritime interna-
tional (CMI), Organisation maritime internationale (OMI), Conférence
des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED)
ou Conférence des Nations Unies pour le droit commercial interna-
tional (CNUDCI).
7 CMIETDROITMARITIMEINTERNATIONAL.—C'est le CMI,asso-
ciation internationale très représentative des intérêts engagés
danslemondedushipping, quis'est attelé, lepremier, àl'élaboration de
conventionsinternationales dedroitmaritimeprivé, àpartirdelafindu
XIXesiècle, dans l'espoir de parvenir à une harmonisation internatio-
nale des règles gouvernant les activités humaines enmer. L'œuvre du
CMIest immensemêmesi, bienentendu, elle estloin derecouvrirtout le
champ du droit maritime. Desconventions internationales dues à son
initiative formentle soclejuridique denombreusespratiqueset institu-
tions contemporaines du droit maritime : abordage (convention du
23 septembre 1910), assistance maritime (autre convention du 23sep-
tembre 1910), transports de marchandises par mer (convention du
25 août 1924), saisie conservatoire des navires (convention du
10mai 1952),responsabilité despropriétaires ouexploitants denavires
(convention du 10octobre 1957), parmi beaucoup d'autres questions,
nepeuventsecomprendreaujourd'huiqu'à travers l'œuvreduCMI.
Cependant, au cours des années 1960, le CMIva progressivement
perdre son statut de concepteur privilégié des conventions internatio-
nales de droit maritime. Les dernières conventions qu'il élabore ne
reçoivent qu'un accueil parcimonieux de la communauté maritime
internationale, mis à part, sans doute, la convention de Bruxelles du
10 octobre 1957 sur la limitation de responsabilité des propriétaires
de navires de mer ou, encore, la convention de Bruxelles du
23 février 1968 (dite Règles de Wisby) modifiant la convention du
25 août 1924«pour l'harmonisation decertaines règles enmatière de
connaissement». Ultimes succès, avant que le relais ne soit pris par
des organismes internationaux, émanation politique ou technique de
l'Organisation des Nations Unies.
En effet, aujourd'hui, l'œuvre unificatrice du droit maritime au
plan international est poursuivie essentiellement par deux organes
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1. Commission des Communautés européennes c/ République française, affaire 167/73, Rec., p. 359.
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1. 22mai 1985, Parlement européen c/ Conseil des Communautés européennes, aff. 13/83, Rec., p. 1513.
2. Règlement n° 4055/86 portant application du principe de la libre prestation des services aux trans-
ports maritimes entre Etats membres et entre États membres et pays tiers ; n° 4056/86 déterminant les
modalités d'application des articles 85 et 86 du traité de Rome aux transports maritimes ; n° 4057/86
relatif aux pratiques tarifaires déloyales dans les transports maritimes ; n° 4058/86 concernant une
action coordonnée en vue de sauvegarder le libre accès au trafic océanique.
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1. Arrêt du 25 juillet 1991, The Queen c/ Secretary of State for transport, aff. C. 221/89 ; et arrêt du
4 octobre 1991,Commissiondes Communautés européennes c/ Royaume-Unide Grande-Bretagne et
d'Irlande, aff. C. 246/89.
2. Cf. n°96-151 du 26 février 1996 relative aux transports.
3. JO, 27 février, p. 3094.
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12 LEDROITMARITIME,UNDROITAUTONOME?—Toute introduc-
tion au droit maritime se doit d'aborder la fameuse question
de son autonomie. On débat énergiquement, en effet, du point de
savoir si le droit maritime est une branche de droit autonome, par
rapport aux autres branches du droit, et notamment au droit privé
terrien, ou bien si, au contraire, on doit le considérer comme une
branche de droit simplement un peu particulière, qui serait, pour l'es-
sentiel, subordonnée aux règles et principes d'un droit communsupé-
rieur (qui serait sans doute le droit commercial). Detrès vives contro-
verses doctrinales ont ainsi pu se développer sur ce thème: l'enjeu en
est techniquement important.
Eneffet, siledroit maritimeestundroit autonome,il constitueàlui
seul unesciencejuridique principale, dotée desespropres règles, deses
propres principes, de ses propres techniques : s'il ya lieu à interpréta-
tiondetelle outellerègle, detelle outellenotion, ilfaut entrouverlaclé
sans aller chercher ailleurs. Si, au contraire, le droit maritime est un
droit simplement particulariste, les difficultés d'interprétation qu'il
soulève peuvent être résolues en faisant appel à des notions et à des
règles qui lui sont extérieures et supérieures ; le droit maritime, dans
cettedeuxièmehypothèse, estunesciencesubordonnée.
Pour nous entenir à la doctrine la plus récente, onpeut dire qu'un
auteur commeChauveau était favorable à l'idée d'autonomie dudroit
maritimetandis qu'unautreauteurcommeRodièreétaitplusprochede
l'idée de simple particularisme. Ce dernier estimait, assez nettement,
queledroit maritimen'était, tout comptefait, qu'une branchespéciale
dudroit commercial,et, plusprécisément, dudroit destransports.
Pour nous, la réponse à apporter à la question n'est pas uni-
voque: le droit maritime nous paraît à la fois autonome et particula-
riste. Autonome, il doit l'être chaque fois que la notion qu'il utilise
puise ses racines dans l'histoire spécifique du droit maritime (ainsi,
par exemple, pour l'avarie commune)ou chaque fois quela notion ou
la technique puise sa source dans une convention maritime interna-
tionale (abordage, transports maritimes, responsabilité des proprié-
taires ou exploitants de navires) ou dans la pratique internationale
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1. Unmoyen commode pour connaître l'état des ratifications, adhésions ou approbations de ces conven-
tions internationales de droit maritime privé est la consultation de l'annuaire du Comité maritime
international. Comme son nom l'indique, cet annuaire est annuel !
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IV | ANNONCE DU PLAN
II / Point à débattre.
22 L'AUTONOMIE DU DROIT MARITIME. —La question clé de toute introduction
au droit maritime est celle de sa place et de son avenir dans l'ordonnancement juri-
dique. C'est la question de l'autonomie du droit maritime.
Tous les auteurs discutent de l'autonomie ou du particularisme ; chacun, au-delà de ses
positions personnelles, reconnaît à cette branche du droit une originalité irréductible. Trois
facteurs sont essentiellement présentés comme devant conduire à l'autonomie, au point de
faire du droit maritime une science principale : le facteur historique, par lequel on montre
que l'origine du droit maritime est autonome par rapport à celle du droit terrestre ; le fac-
teur géographique par lequel on montre que le droit maritime est appelé à s'appliquer dans
un monde hostile et étranger au monde terrien ; et le facteur international, d'ailleurs lié au
précédent, par lequel on montre que le droit maritime est par essence celui des relations
internationales et qu'il se doit, dans un souci de sécurité, de proposer des solutions aussi
universelles que possible, tranchant par le fait même sur le nationalisme, le chauvinisme
inhérent des systèmes juridiques territoriaux.
Qu'en penser ? Si l'histoire a certainement une vertu pédagogique, il faut tout de même
relativiser son rôle en droit positif. Ce n'est pas parce que les Phéniciens, les Égyptiens, les
Grecs ou les Romains ont eu telle ou telle initiative originale, que la règle en résultant soit
nécessaire à notre temps. On explique l'origine de la règle, mais pas nécessairement sa per-
tinence contemporaine, sauf à la passer à l'épreuve de la critique. Si le péril de la mer,
conséquence traditionnelle du milieu dans lequel se déploie l'activité maritime, conditionne
le droit maritime, c'est dans la mesure de son intensité : or, le risque de mer reculerait au
fur et à mesure qu'avancerait le progrès technique. Ces deux premiers facteurs de l'autono-
mie du droit maritime ont donc perdu un peu de leur acuité persuasive. En revanche, plus
que jamais, le troisième facteur, le facteur international, paraît rendre nécessaire l'autono-
mie contemporaine de nombre d'institutions du droit maritime. L'économie mondiale
repose sur les échanges internationaux par voie maritime : les statistiques sont là pour
prouver à quel point la société moderne est dépendante du commerce sur mer, et, dans une
certaine mesure, de la pêche en mer ; il n'est pas jusqu'à la plaisance pour se mouvoir dans
les espaces prétendument infinis des océans, pour ne rien dire de la recherche scientifique.
Cette dimension internationale des activités humaines en mer conduit à les inscrire dans un
cadre uniforme : il n'est de sécurité juridique possible que si le marin sait, à tout instant, à
quelle règle il sera accommodé. Mais on voit alors que le droit maritime se détache inéluc-
tablement de tout système juridique terrien qui prétendrait l'annexer.
Dès lors, la réponse à la question de l'autonomie du droit maritime paraît couler de
source : c'est une réponse normande, et il en coûte à un Girondin de le reconnaître. Chaque
fois que l'institution, la notion, la règle à appliquer est d'origine internationale, y compris
dans ses transpositions en droit interne, cette institution, cette notion, cette règle doivent
être considérées comme autonomes par rapport au droit terrien, a fortiori si l'histoire le
recommande, et si la géographie l'explique. Chaque fois, au contraire, que la technique ou
la règle paraît appartenir à un vieux fonds commun de principes juridiques, il n'y a pas d'in-
convénients à l'y rattacher, quitte à dire que le droit maritime n'est plus alors que particu-
lariste : ainsi, par exemple, on peut sans trop de complexes faire appel à la théorie des vices
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LIVRE PREMIER
LE DANGER DE LA MER
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Introduction
23 LE PÉRILDEMER,ÉLÉMENTCENTRALDUDROITMARITIME. —
Le péril de mer est l'élément d'originalité essentiel du droit
maritime, et qui conduit à mettre en place des règles juridiques spéci-
fiques. Il est donc juste de le traiter comme l'une des clés de voûte du
droit maritime. C'est, à la mer, une réalité de tous les instants'.
Qu'est-ce que le péril de mer? Vers quelles conséquences entraîne-t-il
dans les cas extrêmes ?
II 1CONSÉQUENCESJURIDIQUES
ATTACHÉESAUPÉRILDEMER
26 L'impact juridique de la survenance d'un péril marin est
variable selon qu'il setrouvera à l'origine d'une avarie particu-
lière, ou qu'il compromettra plus ou moins gravement le sort de l'ex-
pédition maritime dans son ensemble. C'est évidemment dans ce der-
nier cas que le droit maritime met en place des règles véritablement
typiques. Onle constatera en étudiant le régimejuridique de l'un des
accidents majeurs de la navigation, l'abordage (chap. 1), et les réac-
tions de solidarité, à chaud ou à froid, que tout événement majeur est
susceptible deprovoquer, au travers d'institutions commel'assistance
maritime et les avaries communes, réactions quasi instinctives de soli-
darité en présence du danger (chap. 2), ou les assurances maritimes,
solidarité rationalisée et organisée en prévision des événements à
venir (chap. 3). Le péril de la mer explique aussi, écho du risque
couru, l'une des institutions les plus originales du droit maritime : la
limitation de responsabilité du propriétaire ou de l'exploitant du
navire (chap. 4). Mais, auparavant, il est bon de signaler que les acci-
dents de mer sont le terrain de prédilection de la compétence d'une
juridiction spécifique: les tribunaux maritimes commerciaux.
III 1LESTRIBUNAUXMARITIMESCOMMERCIAUX
27 Événements de mer et accidents maritimes sont souvent reliés
par la faute humaine, faute de navigation, faute contre la disci-
plineenprésenced'undanger, etc. Cesfautes sont susceptiblesdecons-
tituer des infractions pénales (ou disciplinaires) qui, le moment venu,
devrontêtrejugées. Sicesfautes sontdescrimes,cesontlesjuridictions
du droit commun, les cours d'assises, qui sont compétentes (art. 25
CDPMM).Dèslors quecesinfractions nesont quedesdélits, le tableau
judiciaire se complique: à côté des tribunaux correctionnels, investis
d'une compétence générale pourjuger ces infractions, existent eneffet
lestribunauxmaritimescommerciaux(TMC).Bienmalnommés,cestri-
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1. M. Rèmond-Gouilloud, n° 197.
2. La jurisprudence de la Cour de cassation, appelée à juger des conflits positifs de compétence entre le
TMCet le tribunal correctionnel, lorsque les mêmes faits sont susceptibles d'être qualifiés infractions
maritimes et infractions de droit commun, donne systématiquement compétence aux tribunaux cor-
rectionnels. En ce sens: Cass. crim., 29janvier 1957, Rolla III, BOmar. march., 1957, p. 207; 30jan-
vier 1980, Bull. crim, n° 42.
3. P. Bonassies, Le droit positif en 1993, DMF, 1994, p. 9, n° 4.
4. Paris, 4juillet 1956, Champollion, D., 1956, p. 686, note Ripert ; DMF, 1956, p. 584, note Ripert.
5. Avec un problème de représentation particulier lorsque le prévenu est un plaisancier, poursuivi pour
abordage ou échouement de son navire, par exemple. Dans ce cas, son «pair » sera un capitaine de
navire de commerce ayant une expérience personnelle de la plaisance.
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Chapitre 1
L'abordage
et les autres accidents de la mer
Section 1
L'abordage, une notion vague
1. Caen, 19 octobre 1987, DMF, 1988, p. 743, et observations P. Bonassies, Le droit positif en 1988,
DMF, 1989, p. 17, n° 13. Il s'agissait de l'éperonnage volontaire d'un yacht par un des chalutiers pré-
tendant interdire l'entrée et la sortie d'un port.
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time s'appliquent «sans qu'il y ait lieu de tenir compte des eaux où il
s'est produit» (art. 1, convention; art. 1, al. 2, loi 1967). Cette défini-
tion impose d'ailleurs que l'on se fasse une idée précise de la notion
de navire ; c'est l'un des intérêts de l'étude qui en sera faite1.
Pour la loi interne, la définition de l'abordage est beaucoup plus
large : s'il y a abordage, comme dans le cas précédent, en cas de colli-
sion entre navires «de mer» ou entre navires «de mer»et bateaux de
navigation intérieure (art. 1, al. 1), l'alinéa 2 de ce même article élar-
git assez considérablement le champ d'application du régime en assi-
milant soit au navire, soit au bateau de navigation intérieure «tout
engin flottant non amarré à poste fixe ». Cette extension soulève au
moins deux questions spécifiques au droit interne :
— Peut-on appliquer le régime de l'abordage à la collision de deux
engins flottants non amarrés à poste fixe, lorsque ni l'un ni l'autre
n'a, à l'évidence, la nature d'un navire «de mer»? La cour de
Rennes le pense, qui applique la loi de 1967 à l'accident mettant
en cause deux planches à voile, mais nous tiendrons cette solution
p o u r erronée2.
— Que d o i t - o n considérer c o m m e u n engin flottant « n o n a m a r r é à
poste fixe » ? Bien qu'il y ait p e u de j u r i s p r u d e n c e à ce sujet, n o u s
dirons qu'est u n engin flottant « n o n a m a r r é à poste fixe », l'engin
qui, p o u r être opérationnel, suppose qu'il soit en d é p l a c e m e n t ;
r é p o n d e n t alors à cette définition tous les engins qui, destinés à se
déplacer a u cours de leur exploitation, s o n t de t e m p s à a u t r e pro-
visoirement a m a r r é s (à u n quai, p a r exemple : cas d u navire en
escale d a n s u n port)3.
Section II
Responsabilité civile en cas d'abordage
36 ABORDAGESFORTUITSOUDOUTEUX,ABORDAGESFAUTIFS. —
Indépendamment de la responsabilité pénale de l'auteur d'un
abordage fautif (art. 81 CDPMMet autres infractions de droit com-
mun: coups et blessures, homicides involontaires, etc.), que ni la
convention ni la loi précitées ne traitent, l'abordage soulève essentiel-
lement un problème de responsabilité civile. Or, le régime mis en
place par la convention, bien suivi par la loi, repose sur des distinc-
tions qui contribuent à le séparer nettement de la responsabilité civile
du droit commun. Les textes du droit maritime opposent, en effet,
l'abordage par cas fortuit ou de force majeure3 ou l'abordage dou-
teux, d'une part, à l'abordage pour faute prouvée, d'autre part.
1. Dijon, 3 novembre 1992, Jurisdata n° 051189, affaire rendue intéressante par le fait qu'il s'agissait du
chavirage d'une barque provoqué à distance par le remous d'un hors-bord «habilité à la navigation
maritime ».
2. Aix, 14septembre 1984, DMF, 1985, p. 601, obs. P. Bonassies; Cass. com., 7avril 1987, DMF, 1988,
p. 670.
3. Le concept jurisprudentiel de force majeure est, là comme ailleurs, abusivement restrictif: la rupture
de son amarrage, préalablement renforcé dans lesrègles de l'art, par un méthanier amarré dans le port
de Sète, au cours d'une tempête dont la Méditerranée a le secret, ne peut constituer un cas de force
majeure, puisque le coup de vent, de force 10 à 12, avait été annoncé par la météorologie nationale
(qui ne s'était pas trompée cette fois-là) ; du même coup, l'événement manquait de l'imprévisibilité
nécessaire pour constituer un cas de force majeure : Cass. com., 16octobre 1990, Benjamin Franklin,
DMF, 1991, p. 577.
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pour les dommages causés par un navire lorsque les conditions d'un
abordage ne sont pas réunies : par exemple, pour les dommages
causés par un navire à des installations portuaires ou à tous autres
biens qu'on ne peut considérer comme engins flottants non amarrés à
poste fixe.
. 38 CORESPONSABILITÉETSOLIDARITÉ. —En cas d'abordage dû à
la faute commune de deux ou plusieurs navires, ces navires
sont-ils solidairement responsables des dommages causés aux tiers?
La loi distingue entre les dommages matériels et les dommages corpo-
rels. Pour les dommages matériels, les navires coresponsables ne sont
pas solidairement tenus à la réparation (art. 4, al. 2) ; pour les dom-
mages corporels, au contraire, la loi pose le principe d'une solidarité
(art. 4, al. 3).
39 COMPÉTENCEJUDICIAIRE. —Il existe deux conventions inter-
nationales du CMI(Bruxelles, 10mai 1952), l'une sur la compé-
tence pénale en matière d'abordage, fruit direct de l'affaire du Lotus'
qui défraya la chronique dans les années 1926-1927, l'autre sur la
compétence civile.
En matière pénale, la règle, simple, est que les infractions pénales
commises à l'occasion d'un abordage sont de la compétence exclusive
de l'État du pavillon, sauf d'ailleurs abordage dans les ports, rades ou
eaux intérieures d'un État étranger.
En matière civile, cela est un peu compliqué par la superposition
de la convention de 1952 précitée et de la convention européenne du
27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution
des décisions en matière civile et commerciale (cette dernière conven-
tion ne s'appliquera que par défaut, lorsque la convention de 1952 ne
s'appliquera pas). En supposant que la convention de 1952 s'ap-
plique, le demandeur a le choix d'assigner le défendeur devant les tri-
bunaux soit de la résidence de ce défendeur, soit du lieu où le navire
1. Abordage en haute mer, le 2 août 1926, du paquebot français Lotus et du charbonnier (à voile) turc
Bozkourt, faisant plusieurs victimes turques. A l'escale à Istanbul (alors Constantinople), l'officier
français responsable avait été arrêté, jugé et condamné aux geôles turques (Midnight Express). Grand
émoi, saisine de la Cour permanente dejustice internationale, qui retient la thèse turque de la compé-
tence turque, à raison de la nationalité turque des victimes (arrêt du 7septembre 1927); cf. Rodière,
Événements de mer, n° 100.
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41 BIBLIOGRAPHIE. —P. Chauveau, Traité de droit maritime, Litec (1958), nos 576
et s. ; R. Garron, La faute du navire dans le droit de l'abordage, DMF, 1964,
p. 579 ; M. Rèmond-Gouilloud, Droit maritime, nos 387 et s. ; Rodière, Traité général de
droit maritime. Les événements de mer, nos 8 et s. avec, spécialement, l'importante bibliogra-
phie citée p. 17, n. 1; La faute dans l'abordage, DMF, 1971, p. 195 ; La compétence des tri-
bunaux français en matière d'abordage et la convention de Bruxelles de 1968, RCDIP,
1979, p. 341 ; Rodière et du Pontavice, nos 433 et s. ; Y. Tassel et al., Droits maritimes,
p. 348 et s. ; D. Veaux et P. Veaux-Fournerie, Abordage, J.-Cl. com., fasc. 1232 et s.
(1989) ; J. Villeneau, La fixation des dommages-intérêts en matière d'abordage, DMF,
1987, p. 195.
R. Sturt, Collision Regulations, 3e éd., LLLP.
42 DISCUSSION. — Faut-il s'étonner du régime de la responsabilité civile encourue
en cas d'abordage ? En 1996, il peut paraître étonnant que les « bienfaits » de la
responsabilité objective, du fait des choses, n'aient pas irradié le traitement juridique de cet
accident maritime. Pourtant, la communauté maritime internationale reste attachée à ce
mécanisme. Peut-être faut-il se garder de francomorphisme juridique et re-situer le pro-
blème dans son contexte historique et international. La convention du 23 septembre 1910
date.... de 1910 ! Étonnant, non? On évolue alors, même en France, dans un système de
responsabilité civile fondé sur la faute prouvée. C'est, au plan international, une espèce de
dénominateur commun. La responsabilité civile du fait des choses, du type de celle que la
Cour de cassation vient de découvrir, en 1896, dans une affaire aquatique rappelant
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Sommaire
L E D A N G E R D E LA M E R
L'ABORDAGE ET LES AUTRES ACCIDENTS DE LAMER
LA SOLIDARITÉ ORGANISÉE : LES ASSURANCESMARITIMES
LA LIMITATION DE RESPONSABILITÉ DU PROPRIÉTAIRE
OUDE L'EXPLOITANT D'UN NAVIRE
LES P R O F E S S I O N S M A R I T I M E S
L'ARMATEUR
LES MARINS
LES AUXILIAIRES TECHNIQUES DE LARMATEUR :
PILOTAGE ET REMORQUAGE
LES AUXILIAIRES COMMERCIAUX DE LARMATEUR :
CONSIGNATAIRES, COURTIERS, COMMISSIONNAIRES ET TRANSITAIRES
L E S B Â T I M E N T S DE M E R
NOTIONS FONDAMENTALES
LE STATUT DUNAVIRE
L'EXPLOITATION COMMERCIALE
DES NAVIRES
LESCONTRATS D'AFFRÈTEMENT
Généralités et règles communes
Les différents contrats d'affrètement
LES CONTRATS DETRANSPORTMARITIME
Le contrat de transport de marchandises par mer
Le déplacement maritime des personnes
Les ventes maritimes
228 FF 22412723/10/97
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