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AMAE .................................................................................................................................... 2
CADRE (LE CADRE PSYCHANALYTIQUE) ......................................................... 16
CONFLIT (LE) .................................................................................................................. 40
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (LA) ............................................. 100
CONTRE-TRANSFERT (LE) .................................................................................... 115
ÉNACTION (L') ............................................................................................................. 150
INCONSCIENT (L') ...................................................................................................... 172
INTERSUBJECTIVITÉ (L') ....................................................................................... 263
NACHTRÄGLICHKEIT ............................................................................................. 351
SELF (LE) ........................................................................................................................ 391
THÉORIE DE LA COMMUNICATION DE DAVID LIBERMAN (LA) ....... 478
THÉORIES DE LA RELATION D'OBJET (ORT) .............................................. 491
TRANSFERT (LE) ........................................................................................................ 589
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AMAE
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Takayuki Kinugasa (Amérique du Nord),
Elias M. da Rocha Barros (Amérique Latine) et Arne Jemstedt (Europe)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)
I. DEFINITION INTRODUCTIVE
Amae est un mot japonais utilisé dans la langue courante. C'est une forme
nominale du verbe amaeru. Les deux sont dérivatifs de l'adjectif amai, qui signifie
“saveur douce.1” Amaeru est une combinaison du verbe eru, qui signifie « avoir », ou
« obtenir », et de amai. Ainsi, le sens premier de amaeru est littéralement d'obtenir de
la douceur. Dans l'usage courant, le terme amaeru fait référence à un comportement
infantile, de type dépendent qui cherche à susciter de l'indulgence, à obtenir ce qui est
désiré : que cela soit de l'affection, de la proximité physique, du soutien émotionnel
ou actuel, ou se voir accorder une demande. C'est un comportement qui vise à
recevoir des soins ou de l'attention et qui présuppose un rapport de familiarité ou
d'inimité. Typiquement, un enfant pourrait solliciter une figure maternelle ou un
proche de manière tendrement dépendante pour obtenir la réalisation d'un désir.
Les comportements amae et amaeru ont lieu en dehors de l'environnement familial et
au-delà de la famille, dans les interactions interpersonnelles japonaises. Cela peut être
dans des amitiés personnelles proches, dans l'intimité d'une relation de couple, dans la
famille élargie ou dans des petits groupes cohésifs avec les camarades de classe ou les
membres d'une équipe. On les distingue également dans des relations où des
divergences de pouvoir ou de statut existent : enseignant/élève,
responsable/subordonné ou collègues sénior/junior. Selon les circonstances
interpersonnelles, le phénomène amae est, d'une part, généralement accepté comme
un signifiant de la force et de la solidité d'une relation mais, d'autre part, il peut être
négativement perçu et indiquer l'immaturité d'une personne, l'auto-indulgence, la
culture du « tout m'est dû » ou le manque de conscience et de bon sens de quelqu'un.
Dans le dictionnaire complet de la psychanalyse nord-américain, Salman
Akhtar (2009) y définit Amae ainsi : « Un terme japonais, qui dénote une interaction
intermittente, récurrente dans un schéma culturel dans laquelle les règles ordinaires de
propriété et de formalité sont interrompues, permettant aux gens de recevoir et de se
donner les uns les autres du soutien affectif moïque » (p12). Cette définition du terme,
1
NdT : saveur douce/goût sucré
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qui développe celle de Takeo Doi (1971/73), est déployée davantage selon la
terminologie de la psychologie du Moi de Daniel Freeman (1998), en : « une
régression mutuelle interactive au service du Moi qui gratifie et favorise une
croissance progressive intrapsychique et le développement des deux participants »
(Freeman, 1998, p.47). Les rédacteurs du dictionnaire japonais de la psychanalyse
(Okonogi, K, Kitayama, O, Ushijima, S, Kano, R, Kinugasa et al., 2002) ont
également développé la définition de Doi et soulignent les complexités de la
dépendance émotionnelle de base préverbale qui est contenue dans les fondements
dynamiques de l'amae.
Aucun dictionnaire ou glossaire connu dans aucune des langues européennes et
d'Amérique latine n'inscrit le terme amae, qui reste globalement inconnu du grand
public psychanalytique jusqu'à ce jour. Cette entrée l'élabore et le développe à partir
des sources susmentionnées.
« Une autre chose importante au sujet du concept amae est que même s'il
indique principalement un état d'esprit apaisé lorsque son besoin d'amour
trouve la réciprocité dans l'amour donné par quelqu’un d'autre, il peut
également faire référence à ce même besoin d'amour parce que l'on ne peut
pas toujours compter sur l'amour de l'autre, quand bien même nous le
souhaiterions. Il s'ensuit donc que l'état de frustration contenu dans amae, dont
les différentes phases peuvent être décrites par des mots japonais différents,
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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« Soi familial » prédominant dans la psyché japonaise, lequel est enraciné dans les
relations hiérarchiques émotionnelles subtiles de la famille et du groupe par rapport
au « Soi individuel » occidental. Reischauer (1977) observe que les japonais ne sont
pas tout à fait autant attachés à leur famille mais davantage aux groupes auxquels ils
sont entourés. Cela peut suggérer la notion d'un « Soi collectif » dans le sens qu'un
enfant s'identifie très tôt et internalise sa place dans un groupe.
Une fête rituelle traditionnelle appelée Hichi-Go-San illustre bien cette
dynamique. Les enfants âgés entre 2 à 3 ans, 4 à 5 ans et 6 à 7 ans sont le point focal
d'une fête en costume traditionnel, où ils sont amenés au temple local de la
communauté. Ils obtiennent en cadeau des friandises et des jouets pour fêter
collectivement leur passage dans l'enfance.
Comme nous l'avons évoqué plus haut, le concept amae que Doi a proposé,
dans le but de démontrer ce phénomène particulier dans la société japonaise et dans
les interactions cliniques, était à bien des égards exact et perspicace. Cependant, cette
première définition du concept amae (1973), notamment qu'il implique « un besoin de
dépendance, dans l’impuissance » et de « désir d'être aimé » a déclenché un certain
nombre de débats théoriques et cliniques. Du point de vue développemental, amae
précède l'acquisition du langage par l'enfant. Par exemple, les japonais disent de
l'enfant qui exprime activement son désir pour sa mère : « Cet enfant est déjà si
dépendant émotionnellement (amaeru). » Lorsque l'enfant continue de vivre
l'expérience du désir de la présence de sa mère, cette configuration émotionnelle se
positionne au cœur de sa vie émotionnelle, consciemment et inconsciemment. Cela
peut se comparer à ce que Freud disait du concept de « sexualité » exclusif à la
psychanalyse. « Nous nous servons du mot sexualität [‘sexualité’] en lui attribuant le
sens élargi du mot allemand lieben [‘aimer’]» (Freud, 1910). Dans ce sens, les
japonais considèrent que le complexe d'Œdipe est en quelque sorte un amalgame où
l'amour et le sexe sont entremêlés, même s'il n'y a pas de mot équivalent à lieben, ou
amour, dans la langue japonaise. Par analogie, nous pouvons considérer que la notion
« amae » représente le corps principal de la vie émotionnelle tout au long de notre
existence avant le complexe d'Œdipe, même dans une culture en dehors du Japon, où
le mot « amae » n'existe pas encore. Alors qu’amae est un concept verbal qui
ressemble à l'amour, contrairement à l'amour, cependant, il se caractérise par le fait
qu'il ne contient pas de « sexualité » en elle-même. De plus, certains éléments
indiquent que dans amae des états psychiques variés y sont contenus, qui sous-
entendent une certaine ambivalence. Dans ce cas, il peut être utile de comparer amae
à des différents concepts psychanalytiques connus.
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Freud précisait qu'il existe deux courants amoureux : le courant tendre et le courant
sensuel. « De ces deux courants le plus ancien est le courant tendre. Il provient des
toutes premières années de l’enfance ; il s’est formé en se fondant sur les intérêts de la
pulsion d’autoconservation et il se dirige sur les personnes de la famille et celles qui
donnent les soins à l’enfant [...] » (Freud, 1912, p. 180). Cela correspond bien aux
fondements d'autoconservation et instinctuels d'amae. Le courant tendre qui en
découle a été absorbé plus tard dans le concept de narcissisme (Freud, 1914). Sur cet
aspect, Freud souligne que même si l'observation directe ne peut confirmer le
narcissisme primaire, il peut s'apercevoir par : « l’attitude de parents tendres envers
leurs enfants, […où] l’on est obligé d’y reconnaître la reviviscence et la reproduction
de leur propre narcissisme qu’ils ont depuis longtemps abandonné. » (Freud, 1914,
pp. 90, 91). Bien que Freud (1930) avait plus tard renoncé à sa conception de l'instinct
d'autoconservation et était parvenu à la conclusion que la tendresse (« affection »)
était une manifestation de l'Eros (pulsion sexuelle) dont le but initial est refoulé, Doi,
quant à lui, suggère que l'amae correspond à l'instinct d'autoconservation selon la
première théorie de l'instinct de Freud en précisant que l'amae est un besoin de
dépendance instinctuel.
De plus, Freud (1921) avait constaté que l'identification était la plus précoce
des expressions du lien émotionnel avec une autre personne, qui est ambivalent depuis
le début. Par cette définition, l'identification selon Freud pourrait correspondre aux
propriétés identificatoires et ambivalentes sous-jacentes d'amae.
Doi mène le concept plus loin dans le cadre de la matrice de la relation d'objet
(1989, p.350) et réitère qu'amae est dès le départ concerné par la relation d'objet. Bien
que le terme ne corresponde pas tout à fait au concept de narcissisme primaire de
Freud, il « s'accorde très bien avec tout état d'esprit que l'on peut qualifier de
narcissique3 » (ibid, p.350). Dans ce sens, les propriétés narcissiques d'amae sous-
entendent un amae « alambiqué » qui s'explique par les termes 'enfantin', 'obstiné' et
'exigeant'. Dans la même veine, Doi (1989) ajoute : « un nouveau concept d'objet du
Soi que Kohut a décrit comme étant 'ces objets archaïques investis de libido
narcissique' (1971, p. 3), et qui sera bien plus facile à comprendre par rapport à la
psychologie amae, puisque la 'libido narcissique' n'est autre que l'amae alambiqué4 »
(Doi, 1989, p. 351). Dans ce cadre, les analystes japonais considèrent que les 'besoins
des objets-Soi' (Kohut, 1971) sont presque équivalents à amae. De plus, l'observation
de Balint semble pertinente, lorsqu’il précise que, dans la phase finale du traitement,
les patients commencent à exprimer des désirs instinctuels infantiles oubliés depuis
longtemps et à exiger de leur environnement leur gratification (Balint, 1936/1965),
parce que « l'amae primitif se manifestera uniquement lorsque les défenses
narcissiques ont été psychiquement élaborées par l'analyse5 » (Doi, 1989; p. 350).
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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phase ont été négociées avec succès. La mère existe en qualité de personne distincte et
lorsque son ravissement indulgent bienveillant par rapport à l'enfant a été internalisé.
Si tel est le cas, la structure psychique du Surmoi est également dans un
processus d'émergence. Les pratiques japonaises qui prévalent en termes d'éducation
des enfants semblent soutenir cette vision. Une attention maternelle abondante, avec
une réactivité empathique non verbale et physique, ainsi qu'une proximité
émotionnelle sont toutes disponibles pour que le développement satisfaisant de
l'enfant puisse se réaliser par le biais de la phase symbiotique et de la phase
d'individuation par la séparation. Les avancées dans la recherche sur l'enfance (Stern,
1985) ainsi que la self psychologie, ces dernières années, confirment cette approche
parentale pour promouvoir la croissance vers un sentiment de soi dans la sécurité.
Dans le résumé schématique du développement de Gertrude et Rubin Blanck
(1994), nous pouvons constater qu’amae se manifeste dans un processus de
neutralisation de la pulsion agressive en même temps qu'il engage la séparation-
individuation dans une progression active. En commençant par l'apprentissage de la
propreté et la capacité de contrôle des fonctions physiques et l'affirmation des
expressions individuelles du point de vue phallique, une pondération de la pulsion
agressive par le développement du Surmoi pourra s'effectuer. A contrario de ce
scénario typiquement occidental, Reischauer (1977) observe que l'apprentissage de la
propreté et la discipline comportementale des enfants japonais sont effectués par une
attention douce constante, d'exemples, d'encouragements et de rappels. Ces méthodes
encouragent l'identification de l'enfant aux figures parentales, qui visent à tempérer la
pulsion d’agression et renoncer aux besoins individuels pour s'adapter aux exigences
externes et ainsi arriver, par un chemin différent, à la formation du Surmoi.
Néanmoins, les règles externes souvent restrictives et de plus en plus complexes, les
rôles, les exigences d'harmonie et d'obéissance, etc., sont des valeurs culturelles
difficiles à transmettre et entraînent des pressions considérables sur une psyché encore
fragile. Mais la honte par le jugement externe et la menace de privation/retrait de liens
affectifs peuvent être utilisés pour provoquer l'obéissance aux exigences du Surmoi, à
renoncer aux besoins propres à l'enfant.
Dans ces négociations conflictuelles qui proviennent des exigences du Surmoi
et du Ça, une régression peut avoir lieu dans la phase développementale de
rapprochement, dans lequel l'enfant recherche la rassurance temporaire d'un confort
maternel symbiotique avant de progresser sur une autre voie individuelle et distincte.
Akhtar (2009) et Freeman (1998) ont tous deux décrit l'aspect émotionnellement
revitalisant de la fonction amae. Freeman observe qu’amae est un désir ardent
intermittent, temporaire, et sa focalisation sur le bénéfice mutuel réciproque de
l'interaction amae confirme cette hypothèse. Si l'on mène plus loin son observation de
l'aspect mutuel de l'interaction amae, il convient de comprendre aussi qu’amae peut
être engagé par la personne « dépendante », principalement pour le bénéfice de l'autre
personne. Par exemple, un destinataire d'amae pourrait percevoir, consciemment ou
non, l'angoisse de sa mère et son besoin d'être rassurée par l'enfant, parce que son
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propre besoin de se séparer d'elle est perçue par sa mère comme un rejet ; amae peut
également satisfaire le besoin d'un patron fragilisé d'exercer son autorité sur un
subordonné flatteur, ou bien un parent âgé peut avoir besoin de se sentir important
vis-à-vis d'un enfant adulte compétent. D'ailleurs, un comportement amae ‘amiable’
pourrait parfois cacher une exigence agressive formulée de manière judicieusement
dépendante, ce qui correspondrait à ce que Doi (1989) signifie par ‘amae
négatif/alambiqué.’
Mais Doi avait au départ formulé que l'amae (1971, 1973) était 'un désir
impuissant d'être aimé' en soulignant son aspect passif, et cette dimension passive
semble porter sa propre complexité. Tout comme Doi (1971, 1973,1989), Balint
(1935/1965; 1968) considère qu'amae est un désir/besoin primaire d'amour
principalement biologique, Bethelard et Young-Bruehl (1998) considèrent qu'amae de
Doi est l'espoir instinctif, depuis la naissance, d'être aimé de manière indulgente, ce
qu'ils appellent être chéri. Comme Doi avant eux, ils proposent de reprendre en
considération l'hypothèse d'auto-préservation instinctuelle du Moi, en rapport avec
amae. Compte tenu des travaux de recherche récents sur l'enfance, qui indiquent la
plus grande capacité de l'enfant à s'engager activement, le spectre 'passif-actif' en lien
avec amae pourrait bénéficier d'une étude complémentaire. Dans le contexte d'amae,
cette activité observée dans son comportement, par exemple dans les études de
Bowlby (1971), sont indicatives d'une expérience interne, dont l'attachement est sa
manifestation comportementale (Doi, 1989). Nous pourrions faire l'hypothèse que
psychanalytiquement parlant, amae est un concept stratifié qui représente une
aspiration instinctuelle/affective de recevoir de l'amour de manière passive, d'être
choyé.
Une alternative à la définition d'amae par Doi de « désir-pulsion » serait de
reformuler la définition d'amae en une forme spécifique de défense, particulièrement
prévalente dans la psychologie japonaise bien qu'elle existe certainement ailleurs, en
Orient comme en Occident. Nous pourrions voir en l'amae une opération défensive du
Moi, un appel à l'indulgence-permissivité, en arbitrage des exigences du Surmoi et de
celles du Ça, ou les désirs individuels quels que soient l'endroit où ils se situent dans
le cycle de vie du développement. Cette forme de défense du Moi peut être nécessaire
pour s'adapter à une société stricte, qui requiert une conformité inflexible au Surmoi.
L'ordre relationnel hiérarchique et l'orientation du groupe, avec un respect strict des
règles, des rôles, de la conduite où les pensées personnelles et les émotions doivent
rester secrètes et où les conflits sont résolus par la honte semblent tous représenter
une manière de gérer la formation du Surmoi fondée sur une société féodale. Afin de
fonctionner avec ces exigences du Surmoi rigides ou rigoureuses, amae s'appuie sur la
communication et les réactions émotionnelles non-verbales d'empathie et de « douce
» compréhension de « permissibilité » – « indulgence » – une défense nécessaire
contre sa pulsion agressive ou l'angoisse de la perte potentielle de l'objet. La
médiation du Moi d'amae donne la place à la vie émotionnelle privée d'une personne
et permet quelques ouvertures à l'expression des pulsions humaines individuelles,
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qu’elles soient libidinales ou agressives. Amae est fondée sur l'identification à des
expériences préverbales d'une figure parentale indulgente, avec une capacité de capter
les besoins et les désirs émotionnels de l'enfant auxquels elle répond avec empathie,
de manière analogique, sans doute, au concept de ‘préoccupation maternelle primaire’
de Winnicott (1965), qui caractérise la ‘mère ordinaire dévouée’. Dans ce contexte, la
différenciation que fait Winnicott entre la mère-environnement qui procure une
‘relation au Moi’ (holding, tendresse, empathie) et la mère-objet envers laquelle les
impulsions/pulsions du Ça sont dirigées, pourraient représenter une restitution
ultérieure, du point de vue de la relation d'objet, de la division que Freud avait faite au
tout début de ses travaux, entre les courants de l'amour tendre et de l'amour sensuel.
Les communications comportementales Amae et amaeru peuvent se canaliser
par des opérations défensives diverses telles que le refoulement, la régression et la
régression partielle, l'annulation (rétroactive), la formation réactionnelle, le ‘secret
mutuel’ ou même par une trajectoire de sublimation.
Dans cette formulation de défense-adaptation également, la notion de
‘mutualité’ est impliquée dans amae du point de vue développemental, relationnel et
transférentiel : le concept de l'infans et de la mère ajustés (« fitting together ») de
Hartmann (1958) ; l'idée du « holding environment » de Winnicott (1965), ainsi que
le concept « contenant/contenu » de Bion (1962), le concept des « objets-soi » de
Kohut (1971) et « l'accordage affectif » de Stern (1985) pourraient s'appliquer. Les
comportements Amae peuvent être opérationnels tout au long de la vie, à tout
moment, lorsque les désirs et les besoins d'une personne entrent en collision avec les
restrictions du surmoi culturelles.
VI. CONCLUSION
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indirectes d'amae, autant positives que négatives, si elles sont considérées comme des
besoins primaires, comme des aspirations instinctives, des processus de défense ou
comme des configurations développementales dynamiques complexes de tout ce qui
précède. De même, l'orientation collective des patients japonais ne peut pas
simplement se comprendre en termes de manque de limites ou d'individuation,
comme cela pourrait être simplement le cas dans la culture occidentale.
Bien que nous devions la découverte du concept amae au contexte spécifique
japonais, il peut s'entrevoir à des degrés différents dans les autres cultures. Dans un
contexte psychologique collectif, son rapport au besoin particulier d'un individu de
vivre, et d'appartenir, à un cadre collectif donné est complexe. Du point de vue
développemental et clinique et bien que les échos des pratiques maternelles de
« refueling » (‘se recharger en énergie’), de contenance et de ‘holding’ y sont
perceptibles, la dynamique interactive interne d'amae se déploie tout au long du cycle
de la vie de l'individu (Doi, 1989; Freeman, 1998).
La contribution fondatrice de Doi sur amae gagne à être considérée du point
de vue d'un concept japonais clinique et développemental à portée internationale, qui
peut enrichir la maîtrise théorique et la sensibilité clinique au-delà des frontières
géographiques, de la culture psychanalytique et des conditions individuelles.
RÉFÉRENCES
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Amérique Latine : Révisé par Elias M. da Rocha Barros, Dipl. Psych., et les consultants
latino-américains
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I. DÉFINITION
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souligner que les deux aspects du cadre influencent l'un l'autre. Le patient devra
accepter les conditions du cadre et être disposé à coopérer du mieux possible pour les
accomplir. L'analyste devra également se conformer à ces mêmes conditions. Le
cadre, dans les cas où le patient ne le respecte pas, rentrera dans l'analyse en y
devenant un élément du processus analytique. Le patient, cependant, prête au cadre
son propre point de vue, influencé par ses fantasmes inconscients qui nécessitent une
interprétation de la part de l'analyste. L'analyse se doit également de prendre en
compte toute observation que l'analyste pourrait faire de ses propres erreurs.
(Rosenfeld 1987 ; Limentani 1966)
Ferenczi revendiquait une plus grande élasticité technique ; pour lui, maintenir
un cadre plus traditionnel dans le traitement de patients plus sérieusement malades
pourrait compromettre l'évolution et la survie de la thérapie. Ferenczi (1928, 1955) a
proposé l'idée de ‘tact’, selon lequel les analystes pourraient changer de technique
selon les patients, afin de faciliter le progrès de l'analyse. Cela ne voulait cependant
pas dire que les analystes seraient justifiés de faire tout ce qu'ils veulent dans leur
cabinet de consultation. Ferenczi faisait la distinction entre la notion de tact
analytique et celle de la gentillesse. Il a évoqué la seconde règle fondamentale de la
psychanalyse, selon laquelle celui qui souhaite analyser doit lui même être analysé
d'abord. Ferenczi pensait que de cette façon, les différences techniques entre les
analystes pourraient disparaitre.
José Bleger (1967), qui a probablement été le premier analyste à effectuer une
étude systématique du cadre, à la suite de Gitelson (1952), a précisé que la situation
analytique 6 7 représentait la totalité des phénomènes qui ont lieu dans la relation
analyste-patient. Il a décliné cette situation comme ceci : Le processus : un
phénomène qui peut être étudié, analysé et interprété et le cadre : un non-processus,
dans le sens qu'il est composé de constantes dans lequel le processus peut évoluer.
Selon Bleger, lorsque le patient rencontre la situation proposée par l'analyste —le
cadre idéalement normal — les fantasmes inconscients, qui restent muets, sous-
jacents, ne sont pas simples à détecter : ils ne deviennent apparents que lorsqu'une
perturbation survient dans le cadre. Pour Bleger, le fantasme inconscient prédominant
du patient est que le cadre est le lieu où son corps est en fusion avec le corps maternel
primitif. Ainsi, il y aurait le cadre de l'analyste qui fonctionne comme le contenant du
cadre ‘muet’ du patient, ce qui sous-entend ‘l'élément psychotique de la personnalité’.
Par cela, Bleger signifie le moi primitif, indifférencié en raison des liens symbiotiques
avec le corps de la mère.
Meltzer (1967), sur la question de ce qu'il appelle « l'histoire naturelle du
processus analytique, » (1967, p. 10) fait la distinction entre deux questions
techniques. L'une concerne ce qu'il désigne ‘l’instauration progressive (gathering) du
transfert’ ; l'autre, la ‘création du cadre’. Il distingue ces deux points, tout en
6
Ndt : développée dans l'article « Psychanalyse du cadre analytique », in : Crise, Rupture et
dépassement, Dunod, 1979, pp. 255-285
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NdT : Le terme de « cadre » est généralement utilisé en français pour traduire deux différents termes
auxquels la littérature en langue anglaise fait référence : le « setting », mais aussi le « frame ». Or en
anglais l'usage courant du mot « frame » (cadre simple) se rapporte à un cadre de structure générale, un
système, une forme ou constitution simple. Ainsi pour faciliter la lecture du présent article, nous
proposons d'en clarifier le sens dans les deux langues.
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Citation traduite pour cette édition
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divan, et qu'ils/elles préféraient rester dans cette position, surtout si ils/elles fermaient
les yeux pour parler de leurs maux. Plus tard, il évoque un motif subjectif pour éviter
la position en face-à-face : le sentiment de gène et de perte de liberté ressenti lorsque
le patient observe l'analyste. Mais il donne d'autres raisons : « […] [le patient] se voit
épargné de tout effort musculaire, toute impression sensorielle, capables de détourner
leur attention de sa propre activité psychique » (Freud, 1904. SE:7. p. 250). Et pour
l'analyste : « Puisque, pendant que j'écoute le patient, moi aussi, je m'abandonne au
cours des pensées inconscientes, je ne souhaite pas que mes expressions de visage ne
deviennent pour le patient prétexte à des interprétations ou qu'elles ne l'influence dans
ce qu'il me dit. » (Freud, 1913 SE : 12. p. 134). Une centaine d'années plus tard,
l'expérience accumulée nous permet de confirmer la validité de ces recommandations.
L'utilisation du divan pour faciliter la concentration du patient sur son activité
psychique permet implicitement la régression psychique, pour que l'expression des
fantasmes inconscients et des conflits puissent émerger dans un réseau d'associations.
Pour Winnicott (1954), le cadre analytique offre les conditions dans lesquelles les
troubles du développement, qui émergent des échecs développementaux et des
traumatismes, peuvent être exprimés, reçus et interprétés afin de leur faciliter la
progression développementale. (Voir la partie plus loin sur le cadre et la régression).
Durée. Leur durée consiste en des sessions de 45 à 50 minutes ; d'une fréquence
d'entre trois et cinq sessions par semaine. Bien que la durée du traitement total soit
difficile à déterminer, puisqu'une période particulière sera nécessaire pour chaque
patient, elles impliquent en général plusieurs années. Alors qu'une compréhension
plus importante de la vie psychique s'est développée depuis, en particulier en ce qui
concerne les niveaux primitifs et psychotiques de tous les patients, la durée de la
psychanalyse s'est allongée.
De nos jours, la fréquence des sessions est un problème polémique. Pour
certains analystes, le nombre de sessions est sans importance, alors que pour d'autres,
il l'est. Les premiers considèrent que ce qui est important sont les attitudes et la
fonction analytique de l'analyste ou du ‘cadre interne’. D'autres analystes pensent que,
dans le but de développer la fonction analytique et un cadre interne adapté pour un
patient spécifique, une relation intense est nécessaire et une fréquence élevée de
sessions un facteur essentiel. En outre, ils considèrent cela essentiel pour que le
patient puisse explorer sa vie psychique par des associations libres sur les plus
profonds niveaux et surtout pour la possibilité d’élaborer les interprétations de
l'analyste. En ce qui concerne la fréquence des sessions, Freud disait : « Je travaille
avec mes patients tous les jours, sauf le dimanche et les jours fériés, donc en règle
générale, six jours par semaine10. Pour les cas légers, ou dans les cas de reprise d'un
traitement déjà bien avancé, trois jours par semaine seront suffisants. Toute restriction
de fréquence à celle-ci ne sera d'aucun avantage ni au docteur ni au patient […]. Dans
les cas où le nombre d'heures de travail est moins fréquent, il existe un risque de ne
pas être capable de suivre la cadence de la vraie vie du patient, et que le traitement
10
Citation traduite pour cette édition
19
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perde le contact avec le présent et celui d'être contraint à des déviations. (Freud, 1913
SE : 12. p. 127). Bien qu'une grande fréquence de sessions ne soit pas une condition
suffisante, elle reste un facteur nécessaire pour de nombreux analystes. Cependant,
d'autres éléments de la méthode psychanalytique doivent également être pris en
compte : l'attention au transfert - contre-transfert, dont les niveaux primitifs et
psychotiques du patient et de l'analyste, ainsi que l'interprétation de l'analyste.
Autres conditions externes. Le cabinet de l'analyste a des caractéristiques
spécifiques (mobilier, décor, température de la pièce, etc.) qui reflètent la personnalité
de l'analyste. Le corps de l'analyste fait également partie du cadre. Dans ses écrits
concernant l'analyse de femmes par une femme analyste, Enid Balint (1973) a suggéré
que pour le patient, à un niveau inconscient, le cabinet de l'analyste prend la
signification du corps de la mère. Lemma (2014), à la suite de l'idée de Bleger, a
développé la conceptualisation du ‘cadre incarné’, particulièrement chez les patients
dans un transfert symbiotique. Elle a relevé comment l'apparence physique de
l'analyste est un puissant stimulus dans le monde interne du patient et combien tout
changement corporel de l'analyste est profondément déstabilisant.
Les autres composants du ‘contrat’, tels que les tarifs et les périodes de
vacances devraient également faire partie du cadre externe. En ce qui concerne les
tarifs, le patient peut avoir besoin de de soutiens financiers de la part de certains
organismes (surtout de nos jours), ce qui implique inévitablement la présence d'une
partie tierce, un élément qui doit être considéré lors du contrat initial. Cette tierce
partie peut varier de pays en pays : elle pourrait provenir des services de sécurité
sociale, d’une mutuelle de santé, de la clinique psychanalytique d'un institut, dans le
cas de candidats.
11
NdT : Citations traduites pour cette édition
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ont été approfondies, spécialement par les idées de Bion en termes de rêverie. Selon
Bion, la rêverie est « un état d’esprit ouvert et réceptif à tout ce qui provient de l'objet
aimé, et donc réceptif aux identifications projectives de l’enfant [patient], qu'elles
soient ressenties comme bonnes ou mauvaises par l'enfant [le patient]. » (Bion, 1962,
p. 36).
D'autres composants importants du cadre interne sont la neutralité et
l'abstinence. La définition de la neutralité, selon Laplanche et Pontalis est une attitude
de l'analyste par laquelle il doit rester « neutre quant aux valeurs religieuses, morales
et sociales […], neutre au regard des manifestations transférentielles, […] neutre enfin
quant au discours de l'analysé, c'est-à-dire ne pas privilégier a priori, en fonction de
préjugés théoriques, tel fragment ou tel type de significations. »" (Laplanche,
Pontalis, 1973 p. 271). Anna Freud a défini la neutralité en termes selon lesquels
l'analyse a besoin de rester à équidistance du moi, du surmoi et du ça du patient
(1936). Pour Laplanche et Pontalis, l'abstinence signifie que l'analyste devrait « se
refuser à satisfaire les demandes du patient et à remplir effectivement les rôles que [le
patient] tend à lui imposer. » « (1973, p. 2).
Freud a relevé les dangers du zèle thérapeutique dans ses articles sur la
technique (1912-1914) et a donné la description célèbre de l'analyste agissant tel un
chirurgien. Cette dernière comparaison a donné lieu à de mauvaises interprétations et
critiques si elle est prise littéralement (comme dans l'idée de l'analyste silencieux).
Rycroft (1985) a souligné le fait que l'analyste ne doit pas uniquement donner des
interprétations ‘correctes’, mais qu'il lui sera important de faire en sorte que sa
relation avec ses patients permette qu'un processus analytique puisse s'y développer.
Aron (2001) confirme que l'interaction en analyse est asymétrique. Pour l'une de ces
asymétries, bien que les deux participants ne seront pas en mesure de maintenir le
cadre simple ou ‘frame’, il en revient à la responsabilité de l'analyste à restaurer le
cadre par le biais de l'analyse. C'est une question aussi bien éthique que
métapsychologique, liée au devoir et à la fonction de l'analyste. La neutralité et
l'abstinence forment également la base de la dimension éthique de l'attitude de
l'analyste envers son/sa patient(e) et son travail. Sans une internalisation authentique
de ces capacités, les besoins narcissiques de l'analyste pourraient mener à une
exploitation de la vulnérabilité du patient. L'étude des violations éthiques (Gabbard et
Celenza, 2003) a révélé l'importance et la signification de l'abstinence analytique et de
la nécessité constante que l'analyste surveille son propre contre-transfert.
Bien que le cadre interne se réfère habituellement à l'analyste, il n'y a cependant
aucune raison que cela ne soit pas également pris en compte en ce qui concerne le
patient également. La spécificité de la situation analytique se situe dans la volonté du
patient à permettre la libre expression de ses affects, conflits et fantasmes
inconscients, et la réactivité de l'analyste à l'appréhender. Pour que le patient soit
capable d'exprimer ses fantasmes inconscients, il lui sera nécessaire d'être dans un état
psychique particulier, pas facile à réaliser, lui permettant d'accepter l'implication qui
consiste à essayer de se conformer à la libre association. Selon Freud, cette règle
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NdT : Citation traduite pour cette édition
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NdT : Citations traduites pour cette édition
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Ndt : version française, Chapitre 10 « Les aspects métapsychologiques et cliniques de la régression
au sein de la situation analytique » (1954), in : « De la pédiatrie à la psychanalyse »
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s'agirait donc de fournir un cadre professionnel qui donne confiance à l'analysant, lui
permettant « la régression à la dépendance » (Winnicott, 1954, p. 287), une
dépendance saine susceptible de réinitialiser les premiers processus
développementaux. Une parallèle intéressante pourrait être faite avec le concept de
transfert ‘en creux’ de Laplanche, lequel régresse également aux origines, c'est-à-dire
aux désirs énigmatiques des figures parentales précoces (Laplanche, 1997, 2010).
D'autres analystes, tels que Etchegoyen (1986), pensent que le cadre n’est pas
conçu pour créer une régression, mais pour le découvrir et le contenir. Dans la
métapsychologie kleinienne, la régression est plutôt considérée comme une ‘retraite
psychique’ (Steiner, 1993) ; la régression n'est pas l'aboutissement du cadre, mais la
pathologie du patient mise en évidence, dans des conditions de travail spécifiques que
le cadre analytique procure.
V. CADRE ET PARAMÈTRES
15
Ndt : version française : Loewenstein, R.M. – « Variations de la technique classique ». - Internat. J.
Psycho-Anal., 1958, 39, 202-211.
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Certains auteurs ont fait la distinction entre le ‘cadre’ (cadre simple ou ‘frame’)
et le cadre (‘setting’) psychanalytique ; le premier est le cadre que l'analyste fournit,
dans lequel le processus psychanalytique peut avoir lieu, comme le cadre d'un tableau
(Milner 1952a), alors que le setting se réfère au processus lui-même. Selon Milner, le
cadre simple (frame) est essentiel pour démarquer ce qui est intérieur de ce qui est
d'extérieur ; le cadre (frame) démontre « que ce qui est à l'intérieur doit être perçu,
interprété de manière différente de ce qui est à l'extérieur ». Le cadre « délimite une
zone dans laquelle ce qui est perçu doit être pris comme un symbole, une métaphore,
pas littéralement. »17 (1952b, p 80-81). Rycroft (1958) et Heimann (1957) l'ont plutôt
dénommé ‘la forme et le fond’ plutôt que le cadre. D'autres auteurs considèrent que
les termes cadre (‘frame’) et cadre (‘setting’) sont synonymes. Dans cette entrée, les
deux mots sont utilisés en termes de synonymes, sauf indication explicite.
Les expérimentations de Lacan avec les aspects temporels du cadre ont
provoqué de grandes réflexions sur les implications cliniques et théoriques du cadre
classique (1958-1997). Une autre innovation de Lacan a été son postulat de l'analyste
en tant que sujet-supposé-savoir. Cette notion a été à la fois profondément
respectueuse de la nécessaire asymétrie intersubjective de la relation analytique, et se
voulait également ironique concernant les prétentions normatives de certains analystes
qui s'estiment incarner, pour leurs patients, leur moi sain d'esprit. Dans ce point de
vue, le cadre classique est implicitement paradoxal. Sans ‘autoritarisme’ en soi, il
permet plutôt que la projection imaginaire du patient soit tolérée et progressivement
détrompée dans le travail interprétatif (1947-1997,1945-1966). Aulagnier, dans une
série de plusieurs textes pas encore traduits (1968, 1969, 1970, 1977), a scruté
16
Ndt : Version française : Otto Kemberg. « Les troubles limites de la personnalité », chapitre 3
17
NdT : Citation traduite pour cette édition
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l'imbrication inéluctable du sujet dans les projections de l'autre. Elle a précisé que
l'injonction de « dire tout ce qui vient à l'esprit » peut avoir l'effet de mettre le patient
dans un état d'esclavage absolu, qui le transforme en un robot parlant. Dans ce cas et
d'autres, elle a analysé l'aliénation potentielle perpétuée par l'application irréfléchie du
cadre. Dans son concept de l'inévitable « violence de l'interprétation », elle a situé la
personne soignante et l'analyste dans la même position paradoxale du risque
d'interprétation ‘excessive’, une mise en garde qui a conduit les analystes
francophones des deux côtés de l'Atlantique à exprimer des réserves au sujet de
l'utilisation inconsidérée du contre-transfert pour comprendre les patients. Les auteurs
francophones ont été particulièrement sensibles à l'inhérent potentiel ‘séducteur’, à la
fois nécessaire et abusif, qui fait partie intégrante du cadre analytique.
Donnet (2001) fait la différence entre le site analytique et la situation
analysante : « le site analytique contient l'ensemble de ce qui constitue l'offre d'une
analyse. Il inclut l’analyste en fonction et la situation analysante résulte,
aléatoirement, de la rencontre suffisamment adéquate du patient et du site18. » (p.138).
Les sources principales relatives à la théorisation actuelle sur le cadre sont
Winnicott (1956) et Bleger (1967). Certains auteurs se reportent aussi sur la théorie
du champ des Baranger (1983), qui considèrent que la situation analytique est une co-
création (à deux) ; les deux membres de la paire analytique intimement liés, aucun
d'entre eux ne pouvant être compris l'un sans l'autre. Le champ analytique est
configuré comme un fantasme inconscient du couple analytique et sera ainsi considéré
tout au long de l'analyse.
L'article fondateur de André Green, “The Analyst, Symbolisation, and Absence
in the Analytic Setting (1975) (« L'analyste, la symbolisation et l'absence dans le
cadre analytique », 1974) 19 a été dédié à la mémoire de Winnicott, qu'il a fait
connaître en France. Selon la lecture que Green fait de Winnicott, le cadre, et la
qualité de la présence analytique qui l'accompagne, est fait de ‘l'environnement’ du
jour présent, dans son rôle facilitateur ou d'empiètement, sur la capacité du patient à
l'espace transitionnel et à la pensée créative. La pensée est ici signifiée dans son sens
non-hallucinatoire, les pensées non-projectives subjectivées, faisant partie de soi.
Dans un prolongement de son ouverture théorique, le travail de René Roussillon a mis
l'accent sur la qualité des ‘gribouillis : le cadre peut devenir une invitation à ce que le
patient participe à une zone/champ de jeu, ou de co-pensée, partagés, où le patient
peut ‘réagir’ de sa propre manière (Roussillon, 1995) et qui auront pour conséquence
d'être soit ‘tenu’ par l'analyste, ou interprété. L'analyste et son cadre deviennent un
‘médium malléable’ dans son sens de ‘l'utilisation de l'objet’ (1988, 1997, 2013).
18
NdT : In: « De la règle fondamentale à la situation analysante ». Revue française de psychanalyse
2001/1 (Vol. 65)
19
NdT :, in « La nouvelle revue de psychanalyse », 1974, n°10 et dans la « RFP », 1974, n°6.
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NdT Citation traduite pour cette édition
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NdT. Citation traduite pour cette édition
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Que le terme cadre (‘setting’) n'occupe aucune place dans les dictionnaires
psychanalytiques fréquemment consultés est plutôt significatif. Néanmoins, certains
éléments du terme ‘setting’ peut se trouver dans ces dictionnaires : la libre
association, l'attention flottante, l'abstinence, la neutralité et la technique. Les uniques
exceptions dans le contexte d’entrées qui contiennent le terme ‘Setting’ ou un terme
correspondant se trouvent dans : Psychoanalytic Terms and Concepts, Eds :
Auchincloss, E. and Samberg, E. (2012) sous « Analytic Process », Dictionaire
international de la psychanalyse, Ed : De Mijolla, A. (2013) et Diccionario de
Psicoanálisis Argentino, Ed : Borenzstejn, C. (2014) sous « Bleger/Encuadre/Frame »
et « Campo Psicoanalítico/Field ».
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Le cadre analytique tel que Freud l'a conçu est clairement resté d'actualité dans
la pratique clinique actuelle des trois régions. Les évolutions ont eu lieu de manière
prédominante dans la conceptualisation et la compréhension des significations
inconscientes du cadre pour le patient et l'analyste, particulièrement à la suite des
travaux de Bleger et de Winnicott. Le concept de ‘rêverie’ de Bion a conduit à des
élaborations du travail de l'analyste (le cadre/setting interne) et du processus
analytique en soi. L'accent posé sur l'attitude analytique et le travail de l'analyste est
également lié à l'enrichissement du concept de contre-transfert.
Les termes ‘setting’ (cadre) et ‘frame’ (cadre simple) sont utilisés de manière
interchangeable, alors que d'autres différencient les deux termes en relation aux
‘règles’ et limites du cadre (setting) et le processus qui a lieu à l'intérieur du cadre
simple (frame).
En Amérique latine, la question actuelle explicitée concerne le besoin d'adapter
le cadre psychanalytique classique aux réalités sociales et culturelles actuelles, qui
sont considérées aller à l'encontre de l'acceptation du cadre traditionnel.
Peut-être que davantage d'importance est désormais accordée au terme ‘setting’,
car une préoccupation s'est installée au sujet des changements de conditions
concernant la réalisation du traitement, (c'est-à-dire par les nouvelles technologies
impliquant une présence virtuelle) qui pourraient engendrer le risque de perdre le sens
et l'importance de ce concept fondamental.
Dans le texte ci-dessus, les pages 1 à 10 ont été principalement écrites - mais non
exclusivement - par des sources psychanalytiques européennes, les pages 10 à 13
proviennent de sources américaines et les pages 13 à 14 de sources latino-
américaines.
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Auchincloss, E. and Samberg, E., Eds. (2012). Psychoanalytic Terms and Concepts.
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Amérique du Nord : Jon Tabakin, PhD, Adrienne Harris, PhD, et Allannah Furlong,
PhD
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CONFLIT (LE)
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Christine Diercks (Europe),
Daniel Traub-Werner (Amérique du Nord) et Héctor Cothros (Amérique
Latine)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili
I. INTRODUCTION ET DEFINITIONS
Freud inaugura la psychanalyse sur la base du conflit psychique : le
fonctionnement de l'esprit humain et le reflet de l'interaction des forces et tendances
opposées. La psychanalyse met particulièrement l'accent sur les effets des conflits
inconscients définis par les interactions de l'esprit entre des pulsions dont l'individu
n'est pas conscient. Lors de conflits, les désirs contrariés, les sentiments, les besoins,
intérêts, idées et valeurs sont confrontés les uns avec les autres. Dans la théorie
psychanalytique, le conflit psychique est au cœur de la dynamique de l'esprit humain
et, selon la vision théorique classique, il est alimenté par l’énergie pulsionnelle
médiée par des fantasmes investis affectivement. Tous les processus mentaux sont
fondés sur l'interaction de forces psychiques en conflit, lesquelles sont ensuite en
interaction avec les stimuli externes.
Les sujets primaires de la psychanalyse sont des aspects latents inconscients
du conflit psychique, édifiés par les désirs infantiles refoulés. Ces contenus
inconscients reviennent à la surface de manière déformée par le biais des rêves, des
actes manqués, des symptômes et sous forme de manifestations culturelles.
Pour Freud, le conflit constitutif de la psychanalyse est le conflit œdipien.
Cette lutte, située entre le désir infantile et l'interdit, est fondamentale en ce qui
concerne la dynamique de la vie psychique et ses manifestations. En sus de ses
qualités dynamiques, le conflit est doté de plusieurs composants métapsychologiques :
topographique (conscient, préconscient, inconscient), économique (surstimulation
sensorielle, le principe de réalité et de plaisir), génétique (selon le développement des
fonctions du Moi) et structurel (conflits entre le Moi, le Surmoi et le Ça). De plus, le
23
N.d.T : Lettres à Wilhelm Fliess, 1887-1904 Sigmund Freud (PUF)
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Repérer les variations qui ont marqué les conceptualisations que Freud à
formées au sujet du conflit permet de définir plusieurs périodes dans son
développement théorique. La manière particulière qu'utilisent les trois différentes
psychopathologies pour organiser leurs conflits est symptomatique. Les hystériques
transforment leur lutte entre la sexualité et la société par des symptômes physiques, ce
qui génère un conflit entre l'esprit et le corps. Les obsessionnels déplacent leur lutte
entre une idée et son affect par une obsession apparemment anodine. Les patients
paranoïaques projettent leurs expériences incompatibles sur le monde extérieur, ce
qui engendre un conflit entre les mondes internes et externes. Ces moyens particuliers
42
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A cette époque, les conflits entre les affects sont pour Freud associés à des
expériences traumatiques et aux interdits moraux de la société. Ils désignent des
conflits interpersonnels, internes-externes où la notion de forces internes opposées est
en jeu (Freud, 1893 - 1895). En 1899, en comparant les rêves avec les symptômes
hystériques, Freud revient sur sa représentation du conflit de 1894 : « Ce n'est pas
seulement le rêve qui est une réalisation de désir, mais aussi l'accès hystérique. C'est
exact pour le symptôme hystérique et sans doute aussi pour tous les faits névrotiques,
ce que j’avais déjà reconnu dans la folie aigue. Réalité-réalisation d’un désir, telle est
la paire contrastée d’où émane notre psychisme » (Freud, 1899, p. 278). Dans ses
premiers travaux auprès d'hystériques, Freud s'est aperçu que les désirs sexuels
entraient en conflit avec les normes sociales et que la résolution pathologique de ce
conflit se situe dans le symptôme. Les symptômes sont des moyens inadaptés de
résoudre des conflits : « les patients se trouvaient en bonne santé psychique jusqu'au
moment où se produisaient dans leur vie représentative, un évènement, une
représentation, une sensation se présentant à leur Moi, éveillant un affect si pénible
que la personne décida d'oublier la chose, ne sentant pas la force de résoudre par le
travail de pensée la contradiction entre cette représentation inconciliable et son Moi ».
(1894a, p. 47).
Sur la base des expériences de Josef Breuer avec Anna O et des
démonstrations par Charcot de paralysies hystériques post-traumatiques, ainsi que les
travaux de déclenchement expérimental de paralysies hystériques, et leur
renversement par suggestion hypnotique, Freud et Breuer ont supposé (Freud et
Breuer , 1895) que dans le cas de conversion hystérique, des circonstances mentales
spécifiques émergent dans lesquelles l’abréaction des affects traumatiques violents ne
se produit pas, et sont donc transformés en des symptômes physiques. Ces symptômes
se sont transformés par le corps mais n'en sont pas originaires, ils servent à exprimer
de manière symbolique l'évènement qui a déclenché le développement de la condition
hystérique. La voie liée à remémorer l'évènement déclenchant a été interrompu,
dissociée de l'état de conscience éveillée. Freud précise que : « Dans la névrose
traumatique, la maladie n’est pas vraiment déterminée par une passagère blessure du
corps, mais bien par une émotion : la frayeur, par un traumatisme psychique. Nous
avons, de façon analogue, constaté que la cause de la plupart des symptômes
hystériques méritait d’être qualifiée de traumatisme psychique. Tout incident capable
de provoquer des affects pénibles : frayeur, anxiété, honte, peut agir à la façon d’un
choc psychologique et c’est évidemment de la sensibilité du sujet considéré […] que
dépendent les effets du traumatisme. » (Freud and Breuer 1895, pp.5-6).
43
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Les idées et les pulsions illusoires qui rentrent en conflit avec d'autres valeurs
peuvent engendrer des symptômes si elles sont refoulées. C'est en 1894 que Freud a
formulé un premier modèle du conflit par la formation de symptômes de conversion à
l'œuvre dans l'hystérie, dans la névrose obsessionnelle et dans les phobies, qu'il a
résumé par le terme psychonévroses de défense (Freud 1894a, b). En contraste à la
formation du conflit, dans les psychonévroses de défense, Freud considère alors que
les symptômes des névroses elles-mêmes, dont les névroses de l'angoisse et la
neurasthénie (Freud 1894c ; Freud 1898), représentent non pas un fonctionnement
normal des processus mentaux mais une transformation libidinale toxique
occasionnée par une énergie sexuelle mal déchargée. De plus, il comprit clairement
que « Chez les personnes du sexe féminin, de telles représentations inconciliables
croissent le plus souvent sur le terrain de l'expérience de vie et de la sensibilité
sexuelles » (Freud 1894a, p. 47). De plus, Freud relève que ces idées sont liées à des
expériences pendant la petite enfance, ce qui le conduit à induire que ses patients
avaient probablement subi une séduction de la part d'un adulte (Freud 1896, p.203).
Par conséquent, les symptômes hystériques sont des descendants directs des mémoires
opérationnelles de ces expériences, lesquelles réapparaissent rétroactivement et
deviennent pleinement effectives lorsqu'elles sont déclenchées par des évènements
actuels. Il précisa de surcroit que l'effet pathogénique de ces évènements pendant
l'enfance reste actif à condition qu'ils restent inconscients (ibid, 211).
Mais dans sa célèbre lettre adressée à Wilhelm Fliess, en septembre 21, 1897,
il lui confia que : « Je ne crois plus à ma neurotica [théorie des névroses] » (Freud,
1897, p. 259). Car « il n'existe aucun indice de réalité dans l'inconscient de telle sorte
qu'il est impossible de distinguer la vérité et la fiction investie d'affect. » (ibid, p. 260)
a conduit Freud à douter de sa théorie de la séduction. Par l'analyse de ses propres
rêves, Freud a formulé, en date du 15 octobre 1897, un insight crucial : « Il ne m’est
venu à l’esprit qu’une seule idée ayant une valeur générale. J'ai trouvé en moi comme
partout ailleurs des sentiments d'amour envers ma mère et de jalousie envers mon
père, sentiments qui sont, je pense, communs à tous les jeunes enfants, même quand
leur apparition n’est pas aussi précoce que chez les enfants rendus hystériques. […]
Chaque auditeur fut un jour en germe, en imagination, un Œdipe et s'épouvante
devant la réalisation de son rêve transposé dans la réalité, il frémit suivant toute la
mesure du refoulement qui sépare son état infantile de son état actuel. » (ibid, p.
265).
Mais peu après, il présenta de nouveau des cas traumatiques d'abus sexuel et
dans une lettre adressée à Fliess, il proclama, en citant Mignon de Goethe, « un
nouveau motto : Que vous a-t-on fait, pauvre enfant ? » (Freud 1897, p. 289; Goethe
1795/96). Sans jamais abandonner complètement l'étiologie du traumatisme, il hésita
dans les deux sens, bien que malgré tous ses doutes au regard des conséquences
psychiques des séductions traumatiques remémorées, il rejoignit une idée, en 1897,
selon laquelle les « symptômes névrotiques ne se reliaient pas directement à des
événements réels, mais à des fantasmes de désir ; pour la névrose la réalité psychique
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avait plus d'importance que la matérielle. » (Freud 1925, p. 34). Pour lui, le concept
de traumatisme était désormais opposé à l'idée de fantasmes de désir infantiles issus
de la pulsion, enracinés dans le monde ‘intérieur’ et installés dans le conflit entre le
désir inconditionnel et l'interdit. Il s'agit ici du sujet rationnel des Lumières à la
rencontre du moi, propulsée par des désirs inconscients et réagissant vis à vis d'un
environnement duquel il/elle est extrêmement dépendant au début de sa vie.
L'interface de cette dynamique cruciale est le conflit Œdipien engendré par des
pulsions d'amour et de haine envers nos objets primitifs. Il se rappela, en 1925, que
« J'avais rencontré ici, pour la première fois, le complexe d'Œdipe, qui devait par la
suite acquérir une signification dominante, mais que sous un déguisement aussi
fantastique je ne reconnaissais pas encore. » (Freud 1925, p. 34, italiques de l’auteur).
Les conséquences des crises œdipiennes conflictuelles sont fondamentales en ce qui
concerne la dynamique de la vie psychique et ses manifestations.
En ce qui concerne le traumatisme vis-à-vis du conflit, Freud adopta des
positions différentes. Par exemple, dans ses conférences précédentes, à ce sujet, il
précisa « qu'en ce qui concerne l'intensité et le rôle pathogène, il existe, entre les
événements de la vie infantile et ceux de la vie ultérieure, le même rapport de
complément réciproque que celui que nous avons constaté dans les séries
précédemment étudiées. Il est des cas dans lesquels le seul facteur étiologique est
constitué par les événements sexuels de l'enfance, d'origine sûrement traumatique et
dont les effets, pour se manifester, n'exigent pas d'autres conditions que celles offertes
par la constitution sexuelle moyenne et par son immaturité. Mais il est, en revanche,
des cas où l'étiologie de la névrose doit être cherchée uniquement dans des conflits
ultérieurs et où le rôle des impressions infantiles, révélé par l'analyse, apparaît comme
un effet de la régression. Nous avons ainsi les extrêmes de « l'arrêt de
développement » et de la « régression », et entre ces deux extrêmes, tous les degrés de
combinaison de ces deux facteurs. » (Freud, 1916-1917, p. 364). Dans ce texte
rétrospectif des années autour 1925, il fit référence à sa découverte de l'aspect
illusoire des fantasmes de l'enfance : « […] je dus cependant reconnaître que ces
scènes de séduction n'avaient jamais eu lieu, qu'elles n'étaient que des fantasmes
imaginés par mes patients, imposés à eux peut-être par moi-même » (Freud 1925, p.
33). Globalement, la théorie psychanalytique et la théorie de la pathogénèse deviendra
graduellement plus complexe dans les formulations de Freud. C'est ainsi que la notion
de conflit lié au traumatisme, ses causes et conséquences multiples, prendront une
tournure surdéterminée et complémentaire : la notion d'excitations traumatiques fortes
qui, provenant de l'extérieur transperce le bouclier protecteur ou la barrière de
stimulus externe (Freud, 1920) s'est peu à peu effacée en faveur de la définition du
traumatisme comme l’incapacité ou la détresse du Moi face au danger interne ou
externe, réel ou imaginé (Freud, 1926), qui peut avoir lieu à tout moment de la vie et
dont l'immaturité du Moi du sujet l'y prédispose davantage.
Les productions névrosées sont-elles attachées à de vraies expériences
traumatiques ou bien par des fantasmes de désir ? Ces scènes de séduction sont-elles
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entre eux est la relation du sujet par rapport à la douleur. Le principe du plaisir se
comprend mieux comme le principe de haine de la douleur, lequel recherche le plaisir
pour occulter et réduire la douleur. Pour réduire la douleur, l'esprit fantasme ou
hallucine la satisfaction lorsqu'aucune n'existe. Lorsque l'esprit réalise que les
hallucinations ne créent pas de réelles satisfactions, il apprend à concilier la réalité,
même si elle comprend de la douleur :
« C’est seulement le défaut persistant de la satisfaction attendue, la déception
qui a entraîné l’abandon de cette tentative de satisfaction par le moyen de
l’hallucination. A sa place, l’appareil psychique dut se résoudre à se
représenter l’état réel du monde extérieur et à rechercher une modification
réelle. Par là un nouveau principe de l’activité psychique était introduit : ce
qui était représenté, ce n’était plus ce qui était agréable, mais ce qui était réel,
même si cela devait être désagréable. Ce développement du principe de
réalité s'est avéré être une étape capitale. » (Freud, 1911a, p. 219).
L'assertion de Freud selon laquelle l'esprit décide de former une conception de
la réalité sera pour Bion le point de départ de ses théories. L'on rencontre un
changement subtil de terminologie dans cet article, lorsque Freud fait pour la première
fois référence au conflit qui a lieu entre le plaisir et la réalité en tant que principes,
puis les qualifie de différents aspects du Moi. L'accent posé sur le Moi et son clivage
entre deux différentes orientations vis à vis du monde définit le début de ce qu'il vient
à appeler sa ‘psychologie du Moi’, en présage à la théorie structurale de 1923. Ce que
le Moi ne juge pas acceptable, il le refoule, ce qui endommage la capacité de la
conscience à être en contact avec la réalité.
Dans le cas de L'Homme aux rats, Freud (1909a) résume sa
psychopathologie : Tout au long de sa vie.... il fut nul doute victime d'un conflit entre
l'amour et la haine, au regard de sa dame mais aussi de son père. (1909a). Quatre
années plus tard, dans « Totem et Tabou » (1912-13), Freud le qualifiera de conflit
d'ambivalence émotionnelle, lorsqu'il en parle en termes d'interdits tabous :
« Le principal trait caractéristique de la constellation psychologique ainsi fixée
consiste en ce qu'on pourrait appeler l'attitude ambivalente de l'individu à
l'égard d'un objet lui appartenant, à l'égard de l'une de ses propres actions. Il
est toujours tenté d'accomplir cette action - l'attouchement -, mais-il en est
chaque fois retenu par l'horreur qu'elle lui inspire. L'opposition entre les deux
courants n'est pas facile à aplanir, car (et c'est tout ce que nous pouvons dire)
leur localisation dans la vie psychique est telle qu'une rencontre, une collision
entre eux est impossible. » (Freud, 1913, p. 29).
Freud démontre là l'idée que, outre les conflits entre les idées et les affects, il
existe également un conflit au sein des émotions elles-mêmes.
L'idée d'ambivalence émotionnelle présentée ici peut être considérée avoir lieu
dans un contexte de relation d'objet rudimentaire, laquelle représente cette période de
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la pensée de Freud. C'est à cette époque que sa pensée se tourne à l'élaboration de son
concept de narcissisme (Freud, 1914), l'un des points de départ de nombreuses
théories de la relation à l'objet. Le conflit dans ce cas prend la forme d'une lutte entre
l'investissement du Moi par rapport à l'investissement de l'objet, ou bien comme il le
décrit, entre le narcissisme et le choix d'objet. Cette question devint particulièrement
importante dans le travail de Freud sur la perte, l'identification et l'élaboration
ultérieure des conflits du Moi dans « Deuil et mélancolie » (Freud, 1917).
Freud remarque que l'esprit ne peut supporter la perte d'une chose précieuse et
nécessaire, par conséquent lorsqu'il y a perte dans le monde externe, cet objet est
incorporé en fantasme afin que l'objet puisse désormais exister dans le monder
interne : une façon de nier son absence dans le monde externe. Il précise que : « Le
conflit dans le moi, contre lequel la mélancolie a échangé le combat pour l’objet, agit
nécessairement comme une blessure douloureuse. » (Freud, 1917, p. 258). D'un autre
point de vue, cela pourrait s'expliquer comme une lutte pour intégrer l'absence, ce qui
deviendra plus tard une dimension importante dans la pensée de Lacan.
La période suivante dans sa pensée sur la théorie topographique débute avec
« Au-delà du principe de plaisir » (1920). Ainsi la pulsion d'agression a été ajoutée à
la pulsion sexuelle, la conception du conflit devient une pulsion instinctive vs.
défense/refoulement (Freud, 1920). Les défenses de types différents étaient associées
à des différents stades du développement de la personnalité. L'angoisse était toujours
considérée provenir du refoulement (première théorie de l'angoisse). Généralement, le
terme refoulement était alors utilisé comme synonyme à la notion de défense.
Dans « Au-delà du principe de plaisir » Freud (1920) propose la notion de
conflit primaire de l'esprit, qu'il situe entre la vie et la mort, sous forme d'instincts qui
cherchent à renouveler la vie et d'instincts qui cherchent à répéter les traumatismes,
un conflit entre l'élan vers un degré supérieur et le retour à la matière inorganique. Sur
la question des détours développementaux que sa théorie des instincts a connus au fil
des années, Freud souligne clairement sa perspective fondamentale sur le conflit :
« Notre conception était dualiste dès le début … » (p. 53). Sur ce point, pour Freud, le
développement de l'esprit est la conséquence du conflit. Lorsqu'il fait référence à la
tendance, inhérente à l’homme, « à la perfection » il explicite que « S'ajoutant aux
effets du refoulement, ces efforts [d’Eros, tendant à réunir les unités organiques]
seraient peut-être de nature à nous fournir une explication des phénomènes qu'on se
plaît généralement à attribuer à la tendance en question.» (Freud, 1920, p. 43). Le
conflit entre Eros et le refoulement d'Eros engendre le désir de perfectionnement
lequel augmente la capacité de sublimation, ce que Freud avait déjà souligné dans son
article sur Léonard de Vinci (Freud, 1910), lequel a inauguré la psychanalyse
appliquée.
Freud est revenu sur cette vision vers la fin de sa vie, et en a amplifié
l'importance. Il considère ensuite que la notion de conflit, qui se situe entre les
instincts de vie et de mort, est fondamentale pour conceptualiser l'ensemble du
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(Modern Conflict Theory and Contemporary Structural Theory)
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continue d'être un déclencheur et la cause des défenses à l'origine des autres états de
déplaisir. L'angoisse concerne le déplaisir qui submerge le Moi. Rangell présume que
la prise d'une décision inconsciente fonctionne dans le Moi et façonne éventuellement
la conséquence psychique spécifique. Par l'interaction entre le Moi et les
représentations d'objet, des actions d’essai intrapsychiques, qui relèvent d'un conflit
de choix intrasystémique du Moi, interviennent. Les objets sont évalués en vue d'une
décharge intentionnelle. Le Moi est évalué en vue d'un sentiment d'angoisse qui
signale le danger, la sécurité ou la maîtrise.
Cette activité omniprésente à l'arrière-plan que Rangell (1963) considère
comme une séquence perpétuelle de conflits microscopiques et d'actions d’essai
internes, peuvent s'étudier du point de vue du fantasme inconscient. Arlow donne au
fantasme inconscient et à la fonction du fantasme inconscient une place centrale en ce
qui concerne l'exploration du conflit intrapsychique. Alors que Freud considérait le
fantasme inconscient comme étant dérivé du désir inconscient, Arlow le voit comme
une formation de compromis contenant tous les composants du conflit structurel.
Autant Rangell met l'accent sur la nature perpétuellement omniprésente des processus
microscopiques de conflits et d'actions d’essai, Arlow (1969) souligne l'influence
persistante des fantasmes inconscients sur tout aspect du fonctionnement humain,
dont dans les domaines relativement libres de conflits. Du point de vue d'Arlow, le
fantasme inconscient apporte une base mentale qui organise la perception et le
fonctionnement cognitif en général.
En ce qui concerne la conceptualisation de l'action thérapeutique que donnent les
auteurs de la théorie moderne du conflit, Abend (2007) quant à lui, attire l'attention
sur les ensembles d'attitudes transférentielles qui correspondent aux fantasmes
inconscients qui se concentrent spécifiquement sur le cadre et le processus
psychanalytiques. Le ‘close process monitoring’ de Gray, c'est-à-dire l'observation
affinée des processus du fonctionnement défensif du flux verbal de chaque séance, se
concentre sur l'analyse du transfert concernant les potentielles réactions de jugement
de la part de l'analyste, dans le cadre du paradigme de la théorie du conflit.
Les études de suivi réalisées sur les psychanalyses terminées corroborent les
perspectives contemporaines qui affirment que les conflits ne sont jamais
complètement résolus. Même après l'analyse, les conflits restent des éléments actifs et
accessibles dans la psyché d'un individu. Ce qui change est la capacité individuelle de
réagir de manière plus adaptée à la stimulation d'un conflit (Papiasvili, 1995; Abend,
1998).
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instincts, un conflit entre les émotions et un conflit des objets internes, qui à leur tour
engendrent un conflit dans le Moi ainsi qu'avec l'objet externe, ce dernier que l'on
pourrait qualifier de conflit entre le fantasme et la réalité. A partir de ces conflits
inhérents, Klein façonna une théorie du développement entre deux positions
psychiques divergentes. Le moyen le plus direct de comprendre ces deux positions
psychiques est de réaliser qu'elles sont conceptualisées autour de la simple
problématique fondamentale de la vie psychique : l’amour. La théorie de Klein est
essentiellement une théorie de l'amour, où une question se pose : comment l'amour
peut-il survivre dans une psyché également capable de générer de la haine ?
Cette notion forme le conflit primaire dans le développement mental. C'est
ainsi que de nombreux Kleiniens considèrent ce postulat tacite être la clef de voute de
la pensée de Klein : que la haine est plus facile que l'amour. Imaginons un bâtiment.
Bâtir une structure peut prendre des années, mais elle peut être détruite en une minute.
Construire est complexe, détruire est simple. Aimer un objet frustrant exige un
développement compliqué ; haïr un objet frustrant n'exige aucun développement. A
partir de là, la théorie de Klein reconnait que dans la psyché non-développée où
l'amour existe depuis le début, la haine, quand elle émerge, domine l'amour. En
contraste, lorsque l'esprit se développe au-delà de l'état instinctif, l'amour a le
potentiel de dominer la haine. Klein dénomme ces trois configurations psychiques-
affectives les positions paranoïde-schizoïde et dépressive respectivement, où la
position paranoïde-schizoïde a lieu en premier et la position dépressive qui évolue
ensuite. L'élément de définition essentiel qui sert à distinguer les deux positions se
trouve dans la façon de conceptualiser et d'interagir avec ses propres objets. Dans la
position paranoïde, le sujet se concerne de sa propre survie : celui-ci considère que ses
propres objets coopèrent à, ou menacent, sa survie. Pour cette raison, Klein considère
que la position paranoïde est la position narcissique. Dans la position dépressive, la
définition de la relation d’objet postule que la survie de l'objet devient plus
importante, ou égale, à la survie du Moi, parce que l'on comprend qu'il est impossible
de survivre sans la relation à une autre personne.
Le terme utilisé pour chaque position reflète la nature des défenses qui sont
impliquées. L'identification projective est également un principe d'organisation parce
qu'elle place géographiquement des objets très différents à des endroits différents, afin
d'éviter un conflit entre eux. L'essence des défenses paranoïde-schizoïdes est qu'elles
sont invoquées par un sens d'omnipotence, comme le déni omnipotent de la réalité et
particulièrement la réalité affective de la relation d'objet. La position dépressive
concerne son propre sens du conflit. Dans ce cas, le conflit entre l'amour et l'objet
commence à se résoudre du côté de l'amour pour l'objet. Le fantasme fonctionne de
manière omnipotente en ce qui concerne la réalité jusqu'à ce qu'une relation entre les
deux soit établie, ce qui peut avoir lieu dans la créativité où les fantasmes qui ne
communiquent pas avec la réalité de l'expérience de l'autre produisent souvent des
formes ratées d'expressions artistiques.
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au domaine des fonctions mentales. Dans sa première période théorique, Bion (1957)
a théorisé un conflit inhérent entre les parties saines et parties psychotiques de la
psyché, fondé sur les instincts de vie et de mort respectivement. La partie psychotique
de la psyché de veut rien savoir ni de la réalité externe, et encore moins de la réalité
interne. Là où Klein remarque que l'esprit gère le conflit en instaurant un clivage,
Bion (1959) affirme qu'un mécanisme plus primitif et destructeur est à l'œuvre, qu'il a
appelé « l’attaque contre les liens ». Attaquer les liens entre deux objets, ou deux
parties du psychisme, est une méthode psychotique de gérer les conflits en éliminant
toute connexion qui met en contact entre eux deux objets distincts.
La théorie de Bion est fondée sur sa conception du conflit primaire. Selon lui,
le problème technique est celui qui concerne la résolution du conflit du narcissisme et
du social-isme (Bion, 1962a, p. 118), une reformulation de la tension entre les
relations d'objet narcissiques et le choix d'objet sain de Freud et la distinction entre les
positions paranoïde-schizoïde et dépressive de Klein. Le conflit sous-entendu qui
génère des attaques contre les liens concerne un conflit entre la fusion et la
séparativité. Cette idée a conduit Bion (1963) à modifier le concept du complexe
d'Œdipe. Pour Bion, ce dernier n'évoque pas tant le conflit entre la sexualité et la
meurtrialité, entre Laïus et Œdipe, par exemple, mais qu'il se situe entre la quête de la
vérité et celle de l'ignorer, entre Tirésias – le devin aveugle qui connait la vérité – et
Œdipe.
Bion théorise davantage ce conflit dans ses livres Learning From Experience
(Aux sources de l'expérience) (1962b) et Elements of Psychoanalysis (Éléments de la
psychanalyse) (1963) dans lesquels il postule qu'il existe trois sortes de liens que l'on
peut avoir avec un objet : L(ove), H(ate)et K(nowing) (soit : Amour, Haine,
Connaissance). L et H sont les aspects traditionnels du complexe d'Œdipe ; K est la
conceptualisation supplémentaire de Bion. En effet, Bion conceptualise un monde
d'anti-liens dominé par le grand conflit des fonctions mentales entre K et moins K (K
; K-) ; entre le désir de créer des liens et de savoir et le désir d'attaquer le lien et ne
pas savoir, ce qui est en corrélation avec les pulsions de vie et de mort. Bion termine
cet apport à Freud et à Klein en transposant les conflits instinctuels en des conflits
mentaux analogues entre K et moins K. Dans son article « The Language of the
Schizophrenic » (« Le langage et le schizophrène ») de 1955, où Bion réinterprète le
complexe de castration de Freud, la peur de la perte des organes génitaux, qui a lieu
entre le moi, où du point de vue de ses ouvrages « Aux sources de l'expérience » et
« Éléments de la psychanalyse », la castration des fonctions mentales du moi en
rapport à la pensée est effectuée par moins K.
L'évolution de la pensée de Bion développe davantage le conflit entre K et
moins K sur une catégorie plus large de vérité vs. mensonge. Ceci ensuite se relie au
concept de l'expérience de Bion (Bion, 1959, 1962b). L'expérience devient un creuset
de vérité en termes de sa propre aptitude, ou capacité, à avoir, à s'impliquer dans, et
endurer, sa propre expérience. La raison, pour Bion, n'est pas synonyme de vérité ;
l'expérience l'est, ce qui signifie sa propre expérience émotionnelle. Les premiers
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débouche plus tard aux conflits que Klein et Freud explicitent. Pour Winnicott il n'y a
pas de structure psychique avant que cette intégration puisse avoir lieu. Le point de
départ de Winnicott se repère mieux si l'on considère que Freud, Klein et Bion avaient
chacun construit une théorie à partir du conflit primaire instinctuel et émotionnel qui
émane des expériences de la vie et de la mort, et à l'origine du Ça. Contrairement à
cette idée de conflit primaire, Winnicott propose un état de « non-intégration »
primaire, où les conflits ne sont engagés que lorsque cette intégration primaire a eu
lieu. Pour Winnicott, par conséquent, « Le ça n’existe pas avant le Moi » (Winnicott,
1962, p. 56) et le développement du Moi n'a pas lieu sans une mère suffisamment
bonne, qui procure un environnement contenant (holding) permettant à l'enfant de
commencer à intégrer ses différentes parties dans un Moi rudimentaire. Puis, et
seulement à ce moment-là, les processus de formation de symboles et l'organisation
de « contenus psychiques personnels » débutent et forment une base de départ pour
des « relations vivantes ». (Winnicott, 1960, p. 45) Comme Winnicott le dit lui-même,
à ce stade l'enfant n'est pas encore une entité dotée d'expériences (1962, p. 56). Par
contre, selon Klein il y a un Moi rudimentaire, une certaine conscience de la réalité,
ainsi que des processus projectifs et introjectifs dès la naissance. Pour elle, l'enfant est
bien, à ce stade, dans un processus d’expérience.
Dans le second ouvrage regroupant des articles que Winnicott a écrit depuis la
fin des années 1950 jusqu'au début des années 1960, The Maturational Processes and
the Facilitating Environment (Processus de maturation chez l'enfant), publié en 1965,
il met en lumière les processus de maturation qui nécessitent d'être soutenus par un
environnement pour favoriser leur croissance. Si l'on compare sa propre position par
rapport à celle de Klein, Winnicott (1960) relève que Klein avait reconnu l'importance
de l'environnement dans les stades précoces du développement dans le sens que son
travail sur les mécanismes de défenses de clivage, sur les projections et introjections,
ainsi que d'autres, était une tentative d'évaluer les effets du manque de provision
environnementale en termes de l'individu. (p. 50). Cependant, il n'y a pas pour
Winnicott, d'individu sans environnement. Alors que Freud, Klein et Bion
s'occupaient d'explorer les profondeurs de la situation œdipienne, Winnicott
conceptualisait un état préœdipien de l'être, où la mère et l'enfant forment initialement
une unité unique. Au lieu du conflit inné, Winnicott a porté son attention sur la
privation environnementale. L'état d'être (préœdipien) de l'infans est au centre de ses
préoccupations. Pour lui, le développement ne se limite pas au conflit et à sa
résolution, mais davantage à sa continuité d’être.
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conflit, pour expliquer les pathologies sévères, est le déficit qui a lieu dans les stades
indifférenciés précoces du développement.
La self psychology et les avancées ultérieures à la self psychology (Kohut
1977; Ornstein et Ornstein 2005) ainsi que les écoles relationnelles et intersubjectives
(Harris 2005) remettent en question la position centrale du conflit intrapsychique
inconscient. Au lieu de cela, les psychopathologies sévères sont attribuées au déficit
psychique, ce qui déploie davantage les origines de la psychopathologie aux stades du
développement dans lesquels la différentiation entre la représentation de soi et la
représentation de l'objet n'a pas encore été établie.
Ainsi, la différentiation des trois structures psychiques dans lequel le conflit se
développe (le Ça, le Moi et le Surmoi) devient imparfaite. Selon ce point de vue, les
besoins en jeu dans le processus psychopathologique concernent principalement les
carences au cours du développement : les souffrances traumatiques, la perte et en
général l'absence d'un objet capable de répondre émotionnellement qui perturbent le
développement de la structure du Moi. Cela implique bien plus de troubles qui
découlent des dérivés de pulsions libidinales et agressives.
Contrairement à la pathologie fondée sur le conflit qui a lieu entre des
systèmes (inter-systémique), la pathologie fondée sur le déficit concerne les carences
dans la structure du self (intrasystémique). Les questions concernant les carences
développementales et la psychopathologie du déficit sont largement partagées par les
écoles psychanalytiques postfreudiennes et post-kleiniennes contemporaines. Même
sans rejeter complètement la notion de conflit, ces problématiques ont représenté un
défi au monopole que le concept de conflit avait occupé dans la théorie traditionnelle.
Le conflit n'a plus autant d'importance qu'auparavant. Ce qui a le plus influencé le
déclin de son importance a été la focalisation portée sur le rôle que le véritable objet
joue sur la construction d'une structure psychique blessée par une relation traumatique
avec les déficits de fonctionnement qui en résultent : ce point de vue est validé par un
grand nombre d'études sur le traumatisme dans l'enfance.
Pour de nombreuses écoles psychanalytiques contemporaines, le concept de
conflit n'est pas complètement rejeté mais plutôt marginalisé et complété par le
concept du déficit. Ainsi, le spectre de la compréhension psychopathologique, et donc
la technique clinique, est déployé dans ce sens. Amplifier la compréhension
psychopathologique, c'est-à-dire concevoir que la souffrance psychique n'est pas
uniquement issue du conflit mais qu'elle est également organisée autour d'une
structure du Moi blessé, permet tout autant le développement de l'approche
psychanalytique classique. Bien qu'elles soient fondées sur la reconnaissance du
conflit, de son interprétation et d'un travail d’élaboration, les stratégies analytiques
qui s'inspirent des questions de déficit ne se basent pas sur une quête de sens refoulés,
ni encore sur le dépassement des résistances, mais plutôt d'assister le Moi à trouver un
sens et le sentiment que quelque chose puisse avoir une capacité d'être (Killingmo,
1989).
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Traduction du titre non disponible en français : « Ce que les patients apportent dans l'analyse »
(NdT)
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soi (« self-state) et les autres états de soi. Ce qui était impensable peut désormais être
pensé et ressenti et ce qu'il reste à faire peut être considéré. Avant cela, lorsque le
matériel était dissocié, il ne pouvait ni être réfléchi ni être ressenti, donc la question
de ce qu'il fallait en faire ne pouvait même pas se poser. Dans des publications
ultérieures, en particulier « The Eye Sees Itself » (l'œil se voit lui-même) de 2004,
Stern posa l'idée que dans une théorie de l'esprit fondée sur la dissociation, le conflit
est une réussite et non pas une inévitabilité. Dans cette perceptive, par contre, le
conflit inconscient est considéré impossible. Si l'inconscient est informulé, rien n'a
assez de structure dans l'inconscient pour qu'un conflit avec quelque chose puisse
avoir lieu. A partir de ce point de vue, la notion de fantasme inconscient pourrait être
remise en cause s'il s'applique à ce qui est inconscient et en même temps structuré.
Si l'inconscient est informulé, la signification inconsciente n'a ni forme ni
structure, mais une potentialité, qui pourrait devenir une expérience consciente. L'idée
est en rapport à la dissociation, qui dans le cadre de référence de Stern signifie
l'instance inconsciente de maintenir l'expérience dans son état potentiel ou informulé,
pour des raisons défensives inconscientes. La dissociation est le refus inconscient de
penser, de créer du sens. Ainsi, l'expérience dissociée ne peut simplement pas rentrer
en conflit avec toute autre partie de l'esprit parce qu'elle n'a pas encore accédé à la
forme symbolique, ou réalisation, dans laquelle elle pourrait rentrer en conflit.
Le conflit existe entre deux personnes, il n'est pas interne à l'un ou l'autre
esprit. Les deux esprits sont comme les deux parties d'une assiette proprement cassée :
elles s'emboitent correctement mais chaque partenaire n'a que de l'une des deux
parties. Dans la résolution d'une énaction, un conflit externe devient interne dans
l'esprit d'un participant et cela provoque un développement similaire dans l'autre
esprit. Le conflit interne se produit de cette manière la première fois. C'est la raison
pour laquelle le conflit est une réussite.
Stern, Davies et Bromberg situent le conflit dans un modèle d'états fluctuants
du soi, où il est acté dans des expériences dissociées et discontinues, dans les ruptures
de la continuité d’être (« going-on-being »). Appréhender le conflit interne dans un
traitement brombergien est rendu possible par la création d'un champ interpersonnel
dans lequel l'analysant peut tolérer le regard d'une autre personne et peut emprunter
ou absorber sa capacité d'observation.
La conscience du conflit est une caractéristique émergente de ce type de
travail relationnel, elle présuppose que des conditions de sécurité interpersonnelles
soient établies afin que le matériel dissocié puisse être retenu à la conscience.
L'attention que porte Davies au conflit inconscient correspond à une harmonisation
nuancée vers des formes fluctuantes d'identification (partielles ou complètes) qui se
jouent dans des permutations variées dans le cadre de la relation analytique. L'une des
images qui la confirme est celle du kaléidoscope, qui suggère l'expérience mutante
protéiforme des identifications multiples, ainsi que les fluctuations subtiles que les
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apparait dans les travaux de Hegel, plus complexe que Wunsch, et qui suggère une
intensité au-delà du souhait, c'est-à-dire la passion, la lubricité, ou la convoitise. Les
mots de Freud Wunsch et de Hegel Begierde sont connotés par celui de Lacan désir et
les deux pourraient être représentés en anglais par le mot desire mais pas autant par le
mot anglais wish. En prenant en considération les différents termes wish (souhait) et
desire (désir), nous rencontrons des variations en ce qui concerne la fonction du
fantasme et de l'inconscient même. L'idée de Brenner selon laquelle les souhaits ou
désirs originaux sont essentiellement réalistes et ne deviennent des fantasmes refoulés
que par le conflit et avec des désirs encore plus forts, par exemple pour éviter la
désapprobation, etc. est complètement différente de l'idée de la constitution du désir
dans le fantasme inconscient de Lacan : le fantasme inconscient peut être évoqué par
des différentes désirs discrets.
Le sujet divisé est en demande d'aide de la part de l'analyste, il/elle demande
de l'aide pour réduire l'expérience douloureuse ou désagréable. Cependant, l'analyse
se déroule en s'adressant à ce que ces demandes pourraient signifier d'autre. En faisant
autrement, en se tournant immédiatement à l'effort de réduire le déplaisir, signifierait
la forclusion d'une possibilité d'analyse. L'inéluctable conclusion serait qu'il y a bien
un autre souhait caché derrière cette demande d'aide, et peut être celle qui s'orienterait
vers l'idée d'un analyste omniscient et les cadeaux que cet analyste expert pourrait
décerner (c'est-à-dire dans le transfert). Cet autre souhait reflète la division qui existe
entre la demande (consciente) et le désir (inconscient). Le travail psychanalytique a
lieu sur l'axe de cette division. En français une requête (‘request’ en anglais) est une
demande. Ainsi cette division dans le sujet de psychanalyse semble s'adresser aux
traductions anglaises de la pensée lacanienne, qui sont considérées se situer entre la
demande et le désir.
La distinction entre la demande et le désir est similaire à la célèbre distinction
entre le contenu manifeste et le contenu latent, bien que pas tout à fait. Pour Lacan, le
contenu manifeste de la demande est moins important que sa logique. Le demande est
dotée de la logique d'une solution imaginée pour pallier le manque : « Si je pouvais
avoir ce que je veux je serais comblé. » Parce que le souhait porte l'implication d'une
complétude imaginée, elle est narcissique dans sa forme. Elle présume une réparation
imaginée à la blessure imaginée. Ce qui explique que cela soit frustré dans une
analyse qui fonctionne. Lorsque la demande d'une solution imaginaire est frustrée,
l'analyste dirige le traitement plutôt sur l'expression de nouvelles métaphores du
manque, des nouvelles expressions du désir. Il existe une résonnance dans cette vision
avec la notion du nouvel objet dans l'analyse de Loewald (1960), et peut être dans la
célèbre notion, provenant de l’école de la psychologie du moi, de la création des
formations de compromis. La vision lacanienne de cette nouvelle possibilité se base
sur la différence essentielle entre la structure du désir, dans sa qualité d'expression
symbolique progressive du manque inéluctable et celle de la conviction que la
complétude, l'intégration ou la cure est une solution au manque. Bien que les deux
intentions soient différentes dans leur structure et leur logique, il est impossible de
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rencontrer une pure expression de désir puisque dans la demande, le désir est caché
par l’expression de ce dernier
Le désir n'apparait jamais sous une forme purement déclarative. Une requête
d'aide, de conseil, d'affection, de soutien, d'amour sera nécessairement un support
pour exprimer quelque chose au-delà de cette demande sur le registre du désir
inconscient. Et l'occasion de ce désir surviendra toujours dans le ici et maintenant
sous forme d'expression d'une demande interpersonnelle. Ainsi, si l'on peut penser au
désir et à la demande par rapport au conflit : c'est un conflit dialectique où s'ils sont
pris ensemble, l'on peut trouver quelque chose de nouveau. Le rôle de l'analyste n'est
pas de guérir, ou même de recoudre cette division mais d'en être à l'écoute, d'amener
l'analysant à la conscience de celle-ci et de lui indiquer que la voie qui passe par
l'impasse symptomatique qui a motivé l'analysant de faire une demande d'analyse, se
trouve bien ici. C'est semblable à ce dont Hans Loewald faisait référence par
« l'appropriation consciente du jeu et de la communication entre les modes
inconscients et conscients de la « mentation » et du désir. » (1978, p. 50-51) 35. La clé
qui relie la vision de Loewald avec celle de Lacan est la phrase modes de mentation.
Ce n'est pas le contenu qui différencie le désir de la demande, ni même le Ça et le
Moi, c'est le mode par lequel il est représenté.
Etre à l'écoute de l'expression du désir en arrière-plan du sens apparent de la
demande suggère que l'analyste ne devrait pas se focaliser entièrement sur le fait de
comprendre mais qu'il devrait plutôt écouter les modes d'expression (modes de
« mentation ») qui s'exercent en même temps que le sens manifeste. Le processus
d'écoute en termes de dialectique entre le désir et la demande serait-il en mesure de
nous apporter quelque chose de mieux que, par exemple, les catégories
psychanalytiques plus traditionnelles de dérivés de la pulsion et des défenses ? La
question reste entière. L'idée lacanienne de baliser les expressions de désir, de
ponctuer le discours de l'analysant de différentes manières pour indiquer que quelque
chose d'autre aurait été dit au-delà du discours d'intention est très sensible à la façon
particulière de l'analyste d'être à l'écoute et d'intervenir. Dans la technique clinique,
renseignée par ces idées, l'expression du désir dans la parole participe toujours aux
substitutions figuratives du sens attendu, rendu possible par la structure du langage.
Interpréter le Ça au lieu du contenu du Moi n'est pas ce qui est en jeu dans l'écoute de
l'expression du désir. Etre à l'écoute de la nature de l'énoncé et à sa capacité d'évoquer
un jeu de sens surdéterminé est un meilleur guide pour que l'analyste décide comment
faciliter la subversion des certitudes imaginaires. Toute intervention explicative,
qu'elle soit dans le but de s'adresser aux défenses ou aux dérivés pulsionnels, court le
risque de faire échouer le discours dans une certitude d'identifications, d'une
objectification du sujet qui bloque le jeu du sens, c'est-à-dire la carte de visite du
désir.
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Les forces de liaison dans la psyché ne sont pas moins sexuelles que les autres
forces. Elles s'abreuvent néanmoins de certaines totalités : la totalité de notre
semblable humain qui représente un être unifié ; la totalité du Moi, de sa forme et de
ses idées.
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Selon André Green (1975, 1998) les conceptualisations que sont la ‘mère
morte’, le ‘travail du négatif’, ‘l'objet analytique’, l'interconnectivité entre l'objet et la
pulsion, l’intrapsychique et l’intersubjectif, la ‘coopération antagoniste’ entre affect et
représentation sont profondément enracinés soit dans la notion du conflit psychique
localisé ou dans les états conflictuels plus généraux.
Dans ses écrits au sujet des patients psychotiques borderline, Green relève deux
mécanismes qui donnent lieu à un aveuglément psychique : l'exclusion somatique, où
le refoulement dissocie le conflit de la sphère psychique au somatique, et l'expulsion
(du conflit) par l'action, sa contrepartie psychomotrice. De plus, le clivage et le
désinvestissement présentent pour les patients borderline un dilemme de délusion ou
de mort (du processus psychique). Dans ce cas, une attention exacerbée aux subtilités
de la communication, un équilibre optimal est nécessaire entre la présence non
intrusive et l'absence, de la part de l'analyste, permettant une symbolisation potentielle
et l'émergence de processus de représentation.
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Agir, action ou passage à l’acte (NdT)
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interne ne reste. Les affects d'angoisse ou de dépression qui par ailleurs pourraient
submerger la capacité individuelle du patient à y faire face, restent en dehors de la
conscience. Selon la théorie de McDougall, c'est un mécanisme de ‘forclusion’,
similaire à la répudiation de la psyché’ freudienne (différente du refoulement ou du
déni) qui modère la manœuvre économique de l'acting-out et du déchargement des
tensions.
IV A. Angel Garma
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Dans ce contexte, Garma offre une nouvelle définition du concept des pulsions
de vie et de mort en relation à la conceptualisation des conflits dans le masochisme.
Selon cette vision, les pulsions de vie et de mort ne sont pas des forces élémentaires
mais l'aboutissement d'expériences vécues et internalisées pendant la structuration de
la psyché. En référence aux nations, qui, selon Freud, peuvent s'interpréter de la
même manière que les individus névrotiques, Garma développe une conceptualisation
des pulsions érotiques et thanatiques : « Parmi les réactions des expériences passées
qui persistent dans les réactions du présent, certaines d'entre elles pousseront les
nations au progrès et au bien-être, alors que d'autres, par contre, sont plus destructives
et provoquent la souffrance, de sorte que dans une théorie psychanalytique, il est
possible de déclarer simplement qu'il peut y avoir dans une nation des tendances ou
pulsions progressives et vitales et dans d'autres des pulsions régressives,
autodestructrices ou mortelles » (1978, p. 47 41 ). Sur le même sujet par ailleurs, il
déclare que : « …[celles-ci] sont fondées sur le postulat selon lequel les
comportements pathologiques [...] sont la conséquence des soumissions et des
agressions dirigées à l'encontre des objets persécutoires internes [...] généralement
orientées contre la génitalité. A leur tour, ces objets persécutoires internes proviennent
de leur soumission à des circonstances actuelles infantiles et héréditaires qui sont, et
ont été, nuisibles » (in : Raskovsky de Salvarezza (1974, p. 16942).
IV B. Arnaldo Rascovsky
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p.316 43 ). Une action filicidaire est poursuivie dans la relation entre le Moi et le
Surmoi. Les tendances parricides sont secondaires aux tendances filicidaires ; elles
répondent au mécanisme d'identification à l’agresseur (1974, p. 314). Rascovsky
retrace les témoignages de filicide dans la mythologie de différentes cultures et dans
la bible, qui pour lui représente le fondement de la conception monothéiste et du
processus socioculturel (1981).
IV C. Mauricio Abadi
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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fils retenu pour le libérer ou, à son tour, le posséder. La guerre des sexes prend de
cette façon une tournure de disjonction : « pour que je puisse vivre, tu dois mourir ».
Cette relation du père au fils se caractérise par l'angoisse du père vis-à-vis de sa
propre stérilité et le désir en conséquence de voler le fils. La relation de la mère par
rapport au fils est un lien fondé sur une tentative de procréer pour ensuite retenir son
fruit, duquel le père doit être exclu.
Sur la base des travaux de Freud, Klein, Bion, Winnicott, Lacan, Laplanche,
Green et autres, Norberto Carlos Marucco se distingue par sa référence à la
‘dialectique’ à la place du ‘conflit’. Son expérience clinique avec des patients
borderline a mené Marucco (1997) à revoir la théorie psychanalytique de la sexualité
et de la représentation sur la base de la dialectique entre la pulsion sexuelle et le
statut de l'objet. L'auteur présente l'idée d'une scission de la structure psychique entre
le désaveu de la castration et la création d'un objet virtuel (fétiche non pathologique),
dans lequel chaque choix d'objet et les conditions liées à l'amour sont fondés sur ce
dernier. Du point de vue de l'auteur, l'objectif du traitement est d'atteindre un équilibre
entre la reconnaissance de la castration et le désaveu qui préserve les pulsions, une
dialectique également à la base de la proposition d'une théorie de la sublimation.
L'objet virtuel doit être entretenu et métaphoriquement recréée dans une relation
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V. CONCLUSION
Par sa créativité et son insight, Freud a modifié ses propres théories au fil du
temps. Après son décès, la diversité et la controverse s'est intensifiée, comme les
débats polémiques entre les disciples d'Anna Freud et de Melanie Klein l'ont
exemplifié en Angleterre pendant la seconde guerre mondiale. La complexité du
paysage psychanalytique postfreudien était en quelque sorte le reflet de la situation
théorique britannique, avec ses traditions freudienne et kleinienne distinctes et ses
visions respectives sur la centralité du conflit, additionnées des perspectives
françaises de plus en plus influentes.
Avec l'arrivée d'éminents analystes européens en fuite du régime nazi, tout
particulièrement les proches de Sigmund et d'Anna Freud, la psychanalyse
postfreudienne nord-américaine a été au préalable systématisée sous la rubrique de
l'ego psychology, avec sa focalisation sur les conflits structurels intrasystémiques.
Dans les années 1970, qui coïncident avec la mort de Heinz Hartmann, la « période
Hartmann » est petit à petit rentrée dans l'histoire et l'époque du pluralisme en théorie
et en pratique s'est développée.
A travers le monde, les influences croissantes de la relation d'objet britannique
de Klein, Bion et Winnicott, les perspectives lacaniennes et non lacaniennes
françaises, leur synthèse avec les théories de Freud dans le travail des auteurs latino-
américains et l'émergence de la self-psychology de Kohut, les perspectives
intersubjectives et relationnelles ainsi que le bourgeonnement des études axées sur
l'enfance et les avancées dans les neurosciences modernes ont coïncidé avec la ‘portée
croissante’ de la pratique clinique psychanalytique et ont enrichi la pensée
psychanalytique sur le conflit dans de nombreuses directions.
Un changement a pris place, depuis l'accent porté au conflit œdipien vers des
nouvelles formulations de conflits (préœdipiens) qui impliquaient les plus précoces
processus identificatoires projectifs et introjectifs dans les relations d'objet dyadiques
internalisées, dans l'angoisse de séparation, la perte de l'objet, la perte de l'amour de
l'objet, la perte de l'identité et la perte de la réalité, avec les stades précoces relatifs à
la structuration psychique par la représentation et la symbolisation. Les anciennes
controverses (et conflits) sur l'importance du traumatisme vs. du conflit inconscient,
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RÉFÉRENCES
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I. DÉFINITION
Le concept ‘contenant-contenu’ de Wilfrid Bion était censé analogiser la
situation du couple analytique du point de vue de la situation de soins maternels mère-
enfant. Il désigne la mère non seulement en sa qualité de donatrice de lait apaisant et
épanouissant, mais également d'organe réceptif qui reçoit la douleur émotionnelle de
l'enfant et porte la capacité d'apaiser cette douleur pour l'enfant et la replacer à son
échelle gérable à sa juste mesure. Selon Bion, plus généralement parlant, cela
représente la transformation de la douleur depuis le point O (la terreur sans nom) au
point K (connaissance), comme pour « maintenant je peux penser l'impensable ! »
À partir du point de vue de l'évolution de la théorie, le concept présente un
prolongement de la théorie de l'identification projective (voir l'entrée spécifique
L'IDENTIFICATION PROJECTIVE), depuis son point d'entrée en qualité de théorie
du fantasme primitif et de défenses à une théorie d'une forme archaïque de
communication nécessaire au développement de la pensée.
En tant que modèle relationnel du fonctionnement mental, le processus de
contenance développe une interaction linéaire réciproque entre la dyade contenant-
contenu par les étapes suivantes : un état mental (‘contenu’) est relayé par l'expéditeur
au destinataire ; le destinataire le ‘contient’ potentiellement et le transforme par un
travail psychique ; le contenu transformé, ainsi que sa ‘fonction de contenant’ sont
ensuite réintrojectés par l'expéditeur.
Bien que le prototype développemental de ce modèle soit la relation mère-
enfant, le concept s'applique également en tant que communication inconsciente
particulière, qui se déroule aussi bien dans les relations dyadiques et dans les groupes
que dans le processus psychanalytique. Il s'applique également à la compréhension du
processus intrapsychique où l'individu s'efforce à contenir, convertir/transformer et
communiquer ses émotions par les mots.
Dans une situation clinique, le processus de contenance a une signification
particulière dans la compréhension des processus psychanalytiques et dans le
développement de la pensée/symbolisation. Techniquement parlant, cela signifie bien
plus que de supporter silencieusement les cris des enfants/patients, ou autres
manifestations de la douleur. La contenance implique l'identification, la
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Le concept a pris ses racines en Angleterre pendant les années 1940, lors de
recherches cliniques dans le domaine de la schizophrénie (trouble de la pensée
psychotique), qu'étudiaient Melanie Klein et ses disciples Herbert Rosenfeld, Hanna
Segal et Wilfred R. Bion. (Le terme peut également être relié à l'expérience de Bion
dans ses fonctions de commandant de char d'assaut pendant la guerre. L'endiguement,
dans le sens militaire du terme, signifie restreindre et minimiser le conflit sur le
champ de bataille, sans pour autant l'éradiquer, rendant ainsi la situation plus gérable.)
Les « Notes on Schizoid Mechanisms » (« Notes sur quelques mécanismes
schizoïdes ») de Melanie Klein (1946) ont élucidé sa vision du point de fixation
pathologique, dans la schizophrénie, dans la phase initiale primitive de la vie de
l'enfant, depuis la naissance jusqu'à trois mois, qu'elle a nommée la position
‘paranoïde-schizoïde’. Dans cette position, les relations d'objet partiel, l'angoisse de
persécution et d’annihilation et les mécanismes de défense primitifs, tels que le
clivage, l'identification projective, le déni et l'omnipotence, sont actifs. Rosenfeld
(1959, 1969) en particulier, a approfondi la compréhension de ‘l'identification
projective’ lors de ses études cliniques (1950-1970). Il a révélé les processus dans le
monde infantile et primitif du patient : le patient projette ses objets internes, objets
partiels et les parties conflictuels du soi dans l'objet – le sein de la mère et le
corps/thérapeute – pour intéragir avec eux par l'intermédiaire de l'objet, et ensuite les
intègre au moi, les réintrojecte et s'identifie à eux. Ce processus de projection et de
réintrojection a constitué un élément fondamental dans la recherche de Bion sur le
concept contenant-contenu.
Les premières références embryonnaires à la théorie ‘contenant-contenu’ sont
apparues dans les écrits de Bion en 1950, particulièrement dans « Development of
Schizophrenic Thought » (« Le développement de la pensée schizophrénique »)
(1956, dans : Bion, 1984) ; « Differentiation between Psychotic and Non-Psychotic
Personality » (« Différenciation des personnalités psychotique et non-psychotique »)
(1957, in : Bion, 1984) ; « On Hallucinosis » (« L’hallucination ») (1958, in : Bion,
1984), et « Attacks on Linking » (« Attaques contre la liaison ») (1959). En faisant
référence à la relation du nourrisson au sein, dans le cadre de la théorie de Melanie
101
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102
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103
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Plus tard, dans le contexte clinique, cette réciprocité est mise en évidence :
«L'indice se trouve dans l'observation des fluctuations par lesquelles l'analyste est, à
un moment donné, le ‘contenant’ (♀) et l'analysant le ‘contenu (♂)’, et au moment
suivant, les rôles sont inversés… »44 (Bion, 1970, p.108).
Tout au long de ses écrits, Bion souligne que ‘contenir’ implique une activité
et un processus qui permet une pensée de se former et de se transformer en des mots :
ce qui est en opposition à l'usage banalisé et contraint de ‘contenir’ et ‘recevoir’ en
termes signifiant une simple réceptivité passive. L’exposé complet sur la complexité
et les nombreuses facettes et processus de transformation sont au centre de sa
publication « Transformations: Change from Learning to Growth »
(« Transformations : Passage de l'apprentissage à la croissance »). C’est ici que Bion
présente le concept métathéorique 'O', le début mais également potentiellement le
point final des processus de transformation multidirectionnels. Il englobe l'impensable
‘terreur sans nom’, les ‘éléments bêta’, les ‘choses en soi’ ; mais aussi la ‘Réalité
Ultime’, la ‘révérence’ et ‘l'émerveillement’ (awe) (Bion, 1965 ; Grotstein, 2011a, p.
506).
La notion contenant-contenu faisant partie du système scientifique déductif de
Bion, la théorie de la pensée et du processus de la pensée (Bion, 1962a, 1962b, 1963,
1965, 1970), il est important de la placer dans son contexte. Selon ce champ théorique
vaste, les ‘pensées’ et ‘l'appareil à penser’ ont des origines distinctes par lesquelles les
‘pensées’ existent de manière indépendante de leur appareil à penser. Les ‘pensées’ ne
sont pas générées par l'appareil à penser. Dans les deux, la relation contenant-contenu
est séminale. C'est ainsi que la relation contenant-contenu peut être considérée comme
l'embryon de la vie mentale.
Selon cette théorie, la genèse de la ‘pensée’ est un processus dans lequel la
relation contenant-contenu est la première étape. La condition pour que le contenu
psychique (émotion, perception sensorielle) réalise une qualité mentale
(représentation, pensée) est celle de l'existence du contenant qui est en mesure de la
contenir. L'objet prototypique de cette fonction (‘contenant’, avec le signe ♀) est le
sein de la mère, une préconception innée en attente de réalisation. Les stimuli
sensoriel et émotionnel (‘contenus’), conjugué avec ce ‘contenant’ adéquat, se
transforme en un ‘contenu’ (avec le signe ♂), par la même créant la relation
‘contenant-contenu’, un premier moment développemental d'une pensée par le
penseur. Cette relation contenant-contenu (♀-♂) permet l'apparition d'une ‘expérience
émotionnelle’, qui sera caractérisée par le lien qui la qualifie, L (love/amour), H
(hate/haine) ou K (knowledge/connaissance). L’attention de la conscience maintenant
portée sur cette expérience émotionnelle, peut se transformer en élément alpha, la
monade de la vie mentale, par l’opération de la fonction alpha.
L'apparition de ‘pensées’ entraine la création d'un appareil capable de les
traiter. Deux mécanismes fondateurs y conjuguent à cette fin, c'est à dire le contenant-
44
NdT citation traduite pour cette édition
104
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45
(Ndt) Version française : « Aux sources de l’expérience », page 27.
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46
(Ndt) Version française : L'Année Psychanalytique Internationale, 2006:121-139.
107
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47
Ndt: Version francaise : Grotstein, J.S. (2006). La «transidentification projective»: une extension du
concept d'identification projective. L'Année Psychanal. Int., 2006:121-139. L'Année Psychanal. Int.,
2006:121-139.
108
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109
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5. cette chimère doit être ‘comprise et transformée’ par l'analyste. Ce travail peut
être conçu comme une ‘digestion psychique’ tout aussi bien des projections du
patient/enfant que des conflits et affects de l'analyste/mère mobilisés par la
projection. Il doit ensuite restituer un ‘contenu digeste’, avec le danger d'envoyer
au patient une identification contre-projective.
En Amérique Latine, Cassorla (2013) a approfondi le thème de la fonction
symbolisante contenante de l'analyste, dans le contexte d’une ‘mise en acte
chronique’ (voir l'entrée distincte ÉNACTION). Il décrit la capacité à symboliser en
conséquence de l'action contenante de la fonction α symbolisante implicite, que
l'analyste utilise pendant les énactions (mise en actes) chroniques. Dans ce contexte,
la fonction α implicite de l'analyste est la capacité de l'analyste à tolérer (contenir) les
mouvements obstructifs qui ont envahi le processus analytique, sans pour autant
abandonner la quête de nouvelles approches visant à mieux comprendre ce qui a lieu,
et à se préparer à des interprétations futures potentielles (des énactions), si, par son
expérience, l’analysant les considère significatives »
V. CONCEPTS VOISINS
110
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puisse se créer. Ces derniers diffèrent de Bion dans ce sens qu'ils mettent l'accent sur
les états où l'espace psychique est supposé ne pas être encore atteint, et sur les autres
façons primitives d'être en relation (avant l'identification projective), telles que
l'identification primaire et l’identification adhésive.
Voir aussi :
ÉNACTION (L’)
IDENTIFICATION PROJECTIVE (L’) (bientôt)
111
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RÉFÉRENCES
Anzieu, D. (1989). The Skin Ego. New Haven: Yale University Press
Auchincloss, E. and Samberg, E. (Eds.) (2012). Psychoanalytic Terms and Concepts.
New Haven: Yale University Press
Bick, E. (1968). The Experience of the Skin in Early Object Relations. Int.J.Psycho-
Anal., 49: 484-486.
Bion W.R. (1959). Attacks on linking. International Journal of Psychoanalysis
30:308-15, 1959, republished in Bion, W.R. (1967). Second Thoughts. Heinemann,
1967, pp 93-109
Bion, W.R. (1962a). Learning from Experience. London: Tavistock.
Bion, W.R. (1962b). The Psycho-Analytic Study of Thinking. International Journal
of Psycho-Analysis, 43:306-310
Bion, W.R. (1963). Elements of Psycho-Analysis. London: Heinemann.
Bion, W.R. (1965). Transformations: Change from Learning to Growth. London:
Tavistock.
Bion, W.R. (1970). Attention and Interpretation. London: Tavistock.
Bion, W.R. (1984). Second Thoughts: Selected Papers on Psychoanalysis. London:
Karnac.
Britton, R (1998). Belief and Imagination, London: Routledge.
112
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113
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Amérique latine : Vera Regina, J.R.M. Fonseca, MD, PhD; João Carlos Braga, MD,
PhD; Antonio Carlos Eva, MD, PhD; Cecil Rezze, MD; et Ana ClaraD. Gavião, PhD
Amérique du Nord : Louis Brunet, PhD; Eve Caligor, MD; James Grotstein, MD;
Takayuki Kinugasa, MD; Judith Mitrani, PhD; et Leigh Tobias, PhD
114
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CONTRE-TRANSFERT (LE)
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Anna Ursula Dreher (Europe),
Adrian Grinspon (Amérique Latine), et Adrienne Harris (Amérique du Nord)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)
115
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analytique.
* Un sentiment ou idée inconscient(e), qui entre en conflit avec l'idéal du moi de
l'analyste, entrave la capacité de réceptivité et le fonctionnement autoréflexif et auto-
analysant de l'analyste et entraîne des points aveugles conceptualisés de différentes
manières, qui freine l'analyse du patient, ou l'accumulation de la contre-résistance de
l'analyste.
* Un état chez l'analyste, plutôt qu'un problème/phénomène temporaire, donc une
position de contre-transfert, à partir de laquelle le moi de l'analyste est en train de
percevoir, penser et ressentir. Dans la mesure où une attitude/position ou état interne
ne se traduit pas en action, mais se vit comme étant "induite", elle peut inclure des
identifications projectives différemment conceptualisées et/ou une certaine résonance
aux rôles48.
* Une énaction (mise en acte, ou ‘enactment’), si le contre-transfert non résolu est
déchargé dans l'action. La question de l'utilité et de l'inévitabilité d'un tel phénomène
fait l'objet de grands débats. De nombreux auteurs contemporains avancent des points
de vue selon lesquels les énactions du contre-transfert permettent l'émergence
d'éléments inconscients (archaïques, symbolisés toujours de manière partielle) par
ailleurs inaccessibles, et que si elles sont comprises et interprétées, présentent à la
paire analytique une opportunité de trouver une signification nouvelle. Dans la
mesure où les énactions sont perçues comme étant suscitées/induites/inspirées
inconsciemment par les actions (quand bien même subtiles) du patient, elles peuvent
comporter des identifications projectives différemment conceptualisées et des
résonances aux rôles, et ils pourraient signifier une intensification de la position
contretransférentielle, ou un état, évoqué ci-dessus (Voir l'entrée concernant
l'ÉNACTION).
48
Ndt : la notion de « role responsiveness » de Joseph J. Sandler
116
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jusqu'aujourd'hui, ils ont tous deux été considérés comme une quasi "voie royale"
menant à l'inconscient des deux acteurs.
Cette entrée s'évertuera tout d'abord à suivre l'évolution des différentes
significations portées au contre-transfert, au travers de l'évolution de la théorie
psychanalytique et de l'évolution des cadres conceptuels, et se propose ensuite de les
catégoriser, dans la partie conclusion de cette entrée. Le caractère remarquablement
international de l'évolution conceptuelle est mis en valeur tout au long de cette entrée.
Pour des raisons de style, les titres des publications figureront en lettres
majuscules entre des guillemets ; les guillemets suivis des numéros de page, lesquels
désignent des citations mot pour mot ; la forme italique surligne les caractéristiques
déterminantes du concept lié à une école particulière de pensée, ou terminologie
émergente.
49
Ndt : « De la technique psychanalytique » PUF, 1953, p. 23.)
117
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118
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119
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Étant donné que le transfert est omniprésent, l'on comprend que le transfert des
analystes sur leurs patients sera de même que celui des patients envers eux. (Les
sentiments seront en grande partie inconscients aussi bien pour le patient que pour
l'analyste).
Dans « Analysis Terminable and Interminable » (« L'analyse terminable et
interminable ») (1937b), Freud illustre ce point en précisant combien le contact
permanent avec le refoulement du patient peut également motiver les demandes
pulsionnelles chez l'analyste, lesquelles seraient par ailleurs refoulées et cela pourrait
même engendrer des ‘dangers’ pour l'analyste, qui justifieraient la nécessité d'une
auto-analyse régulière (1937b, p. 249). Si on le compare à d'autres formulations
précédentes, nous avons là un aspect différent de la relation patient-analyste : les
réactions à l'inconscient du patient pourraient activer des processus, et même
provoquer des changements chez l’analyste.
Dans un premier temps, le contre-transfert était principalement conceptualisé
comme étant un risque : selon cette optique, le transfert de l'analyste l'empêche
d'évaluer impartialement le patient, et constitue une entrave à l'objectivité, la
neutralité et l'efficacité clinique de l'analyste. Dans la perspective postérieure de
Freud, en revanche, qui représente l'ensemble de l'autre orientation allusive de sa
pensée sur le sujet, le contre-transfert n'est pas uniquement une question liée aux
dynamiques intrapsychiques de l'analyste, mais l'aboutissement de processus
interpsychiques ; une perspective qui présage définitivement les développements
ultérieurs.
120
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50
Ndt. De l’anglais « understand »” signifiant le verbe comprendre, et non contenir
51
Ndt. Edition française : Paula Heimann, « A propos du contre-transfert » (1950), in « Le contre-
transfert». Paula Heimann, Margaret Little, Lucia Tower, Annie Reich
121
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sur l'analysant des résidus d'états inconscients antérieurs. Dans cette perspective plus
large, le terme « contre-transfert » se réfère à tous les sentiments, les fantasmes et les
expériences de toutes sortes, qu'un thérapeute puisse avoir au sujet d'un patient, non
pas uniquement ceux qui proviennent de ses pulsions et angoisses inconscientes, de
ses objets internes et relations précédentes.
Cette perspective amplifiée sur le contre-transfert a été perfectionnée
simultanément par d'autres penseurs éminents tels que Donald Winnicott (1949) au
Royaume-Uni et Heinrich Racker en Argentine (1948, 1953, 1957, 1968). Ces
développements parallèles au Royaume-Uni et en Amérique Latine ont été remarqués
par Horacio Etchegoyen (1986), qui a précisé que les travaux de Heimann et Racker
se sont développés de manière indépendante, avec des similitudes, mais aussi
différences, considérables.
Au Royaume-Uni, la nouvelle perspective que Heimann avait récemment
définie résonnait dans un contexte de débats controversés autour de l'adoption du
concept "d'identification projective" par l'école de pensée Kleinienne (Klein 1946,
Meltzer 1973). Bien que le terme « identification projective » ait déjà été utilisé
auparavant par Edoardo Weiss (1925) et Marjorie Brierley (1944), c'est à Melanie
Klein qu'il a souvent été donné d'avoir conçu le concept avec le fantasme omnipotent
d'intrusion dans l’objet correspondant. Bien que Klein n'était apparemment pas
intéressée par l'usage clinique du contre-transfert (Spillius, 1994), son concept
d'identification projective est intimement lié au concept du contre-transfert dans son
sens le plus large : l'identification projective (voir l'entrée IDENTIFICATION
PROJECTIVE) implique que le patient projette en l'analyste ses propres sentiments
(au départ avec un fréquent relief sur les "mauvais" et les destructeurs, avant que le
concept soit élargi davantage). Théoriquement parlant, dans le domaine du contre-
transfert, par conséquent, les sentiments inconscients et les fantasmes que l'analyste
éprouve seraient induits par l'analysant.
Racker (1948, 1953, 1957), en Argentine, a introduit le concept
d'identification projective spécifiquement dans le contexte clinique du contre-
transfert. Alors que l'on peut discerner tout aussi bien les influences de Freud et de
Klein dans les conceptualisations du contre-transfert de Racker, le travail de De
Bernadi (2000) sur la tradition latino-américaine, dans le domaine du contre-transfert,
situe Racker plus proche de Klein que de Freud, généralement, de par les idées qu'elle
puise sur le fantasme inconscient et sur les mécanismes de projection et d'introjection.
Selon Racker, le contre-transfert est la propre réaction de l'analyste à
l'identification projective du patient : Dans les réactions émotionnelles vis à vis des
projections du patient, l'analyste peut soit s'identifier aux objets internes du patient
(identification complémentaire) ou au moi du patient (identification concordante).
Menant encore plus loin le concept de contre-transfert de Deutsch, dans sa
qualité de « position complémentaire » (Deutsch 1926), Racker a fait référence à la
tendance de l'analyste à s'identifier à l'analysant avec la partie interne de celui-ci.
122
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52
Ndt Dans la version française de l'ouvrage : D. W. Winnicott (1969), De la pédiatrie à la
psychanalyse.
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une nouvelle création entre patient et analyste, un « troisième » (sujet) selon le terme
de Ogden (1994b).
En Argentine, un enrichissement notable a eu lieu sur la portée du débat au
sujet de la métapsychologie et de la théorie clinique, sur le sujet des engagements
projectifs-introjectifs contretranférentiels (dont les dramatisations et les énactions) qui
a été enrichi davantage par Leon Grinberg (1956) et sa conceptualisation de la contre-
identification projective.
Alors que pour Racker et Heimann, et bien que leur conceptualisation soit
différente, l'utilisation des mécanismes identificatoires de projection dans le contexte
du contre-transfert se situaient dans la réponse identifiante de l'analyste envers
certains objets internes ou aspects du moi du patient, Grinberg s'est focalisé sur les
aspects communicatifs archaïques de l'échange projectif-introjectif, une orientation
que Bion a repris plus tard. Au départ, la proposition de Grinberg stipulait que la
contre-identification projective faisait un ‘court circuit’ dans la communication du
couple analytique. Selon ce postulat, le patient 'dépose' dans la psyché de l'analyste
certains aspects de lui-même ou d'elle-même avec une telle violence projective que
l'analyste, en tant que récepteur passif, les assimile effectivement et concrètement
comme siens (1956, p. 508). En se référant à son concept en rapport à la notion de
‘acting-out’ (mise en acte, ou passage à l’acte), Grinberg (1968) écrit : « L'analyste
qui succombe aux effets des identifications projectives pathologiques du patient
pourrait y réagir comme s'il avait effectivement acquis les éléments qui ont été projeté
sur lui (les objets internes du patient ou des éléments du moi). L'analyste se sent
'passivement ‘entraîné’ à jouer le rôle que le patient, de manière active,
quoiqu'inconsciente, a littéralement 'forcé' en lui. J'ai qualifié ce type spécifique de
réaction contretransférentielle la ‘contre-identification projective’ » (p. 172).
Par rapport au contre-transfert complémentaire de Racker, où la réaction
émotionnelle de l'analyse était fondée sur ses propres angoisses et conflits, par
l'identification avec les objets internes semblables à ceux de l'analysant, Grinberg a
conceptualisé la réaction de l'analyste comme étant relativement indépendante de ses
propres conflits. Le mérite de Grinberg a été de souligner que le propre inconscient de
l'analyste n'était pas principalement impliqué et, en conséquence, l'introspection de
l'analyste ne serait pas suffisante pour accéder immédiatement aux racines de cette
contre-identification projective. Grinberg a souligné ce qui a été connu par la suite
sous l’expression de caractère irréductible des actions subtiles du ‘micro-acting-out’
du contre-transfert une aire intermédiaire dans la quête que l'analyste poursuit vers la
découverte des éléments archaïques de la psyché du patient. Cette aire ne peut pas être
évitée si l'analyste veut connaitre la texture complète de l'objet en transfert (Grinberg,
1982).
La contribution de Grinberg (1956) a été de constater que l'intentionnalité
inconsciente de l'analysant produisait des effets sur la psyché de l'analyste par
identification projective, laquelle n'était plus désormais perçue comme un fantasme
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patient, estimant que ces termes sont plus proches de leurs expériences (Sandler,
1976).
En Angleterre, Sandler (1976), avec son concept de 'rôle en résonance',
propose une spécification provenant d'une autre orientation théorique, les ‘freudiens
contemporains’ britanniques. Il décrit comment le patient tentera d'actualiser, de
ramener dans la réalité (c'est à dire dans le comportement interactif) ses relations
d'objet internes. Cette interaction intrapsychique, qui implique un rôle pour le sujet et
un autre pour l'objet interne, va susciter une réaction particulière chez l'analyste.
Parfois, l'analyste observera une impulsion à se comporter d'une certaine manière,
mais le plus souvent constatera uniquement après qu'il ou elle aura déjà commencé à
se comporter d'une certaine manière avec son patient (le contexte du débat sur le
concept de ‘l’énaction’ (enactment), à la différence du contre-transfert, est ici
spécifiquement pertinent). Selon Sandler, les réactions contretransférentielles de
l'analyste sont des compromis : elles font écho aux attentes et aux désirs inconscients
du patient, mais également aux propres tendances de l'analyste que souvent le patient
aura, inconsciemment, remarquées et exploitées. La conscience de telles résonances
aux rôles peut être un indice vital au conflit transférentiel dominant chez le patient.
Entre-temps, la psychanalyse traditionnelle nord-américaine des années 1950-
60, ancrée dans la psychologie du moi/théorie structurelle, est restée inscrite dans son
appartenance au one-person model, (modèle en individuel ou modèle à une personne),
en accord avec la définition plus étroite du contre-transfert. Les conceptualisations
classiques situaient le contre-transfert 'dans' la psyché des analystes, dans un éventail
de sentiments, résistances, de conflits internes, points aveugles, attitudes conscientes
et inconscientes envers les patients, de réactions au transfert du patient et de transfert
sur le patient. Cependant, le travail analytique d’enfants, d'Anna Freud, très influent
aux USA, dans des situations cliniques très développées, concernant l'enfant et ses
figures parentales ainsi que le travail analytique avec les psychotiques réalisé dans la
Chestnut Lodge (Fromm-Reichmann, 1939) et avec des patients traumatisés et
borderline, à la Menninger Clinic (Menninger, 1954), ont confirmé l'influence
profonde des facteurs environnementaux et des relations d'objet sur le développement
et la formation des structures intrapsychiques. Alors que des expériences cliniques de
ce type ont souligné l'importance du champ d’interaction transféro-
contretransférentiel dans la situation analyste/analysant (Moscowitz, 2014), son
intégration théorique systématique n'est intervenue que plus tard, dans le travail de
Loewald (1960, 1971, 1975).
Loewald a été une force motrice de transformation, depuis les années 1960.
Fortement influencé au départ par la phénoménologie de Heidegger, (1962) Loewald
pourrait être considéré en relation à Winnicott (1947, 1950, 1972), Erikson (1954),
Kohut (1977), Mitchell (1993, 1997), Aron (1996), Hoffman (1998), et Bromberg
(1998) entre beaucoup d'autres, avec une version de la théorie des pulsions et des
relations d’objet plus comparables à celle d’un ‘système ouvert’. Dans ce modèle
développemental, le moi de l'enfant émerge d’un noyau d'implication mutuelle
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53
Citation traduite pour cette édition
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faire face et doit gérer (parfois) ses propres réactions internes fortes par rapport aux
projections des relations d'objet primitives du patient. Dans son modèle récent de la
‘psychothérapie focalisée sur le transfert’ (Transference Focused Psychotherapy
(TFP), il présente le paradigme de se focaliser ouvertement sur les réponses
transférentielles du patient limite, tout en surveillant étroitement le contre-transfert de
l'analyste. Dans ce modèle, l'analyste interprète à partir de la position ’tierce’, en
interprétant l'interaction des deux participants dans le dialogue (Kernberg 2015).
Figure générative entre les théories des relations d'objet et les théories
relationnelles, Mitchell (1993, 1997) explicite le sens profond selon lequel l’affect
dans le contre-transfert est le moteur de la mobilisation psychique. Ses vignettes
saisissent souvent la paire analytique dans des moments de grand désespoir. Sans
l'expérience du désespoir, Mitchell soutient que l'analyste ne serait pas poussé à
effectuer le travail nécessaire pour comprendre le processus par lequel une telle
impasse est survenue. Il y a toujours deux personnes de pouvoir dans son travail.
La situation actuelle dans la tradition globalement classique est l'objet d'un
débat permanent au sein de, et entre, les orientations diverses sur le statut, les
fonctions et les limites de l'analyse contre-transférentielle (Gabbard 1982, 1994,
1995). Le travail théorique original de Jacob (1993) sur l'utilisation du contre-transfert
de l'analyste s'inspire des relations d'objet, des freudiens contemporains (Sandler
1976), et de la psychologie du moi. Avec Jacobs, le contre-transfert apparait dans des
formes les plus florissantes et configurées de multiples façons, aussi riche (à sa façon)
et problématique que le transfert. Dans son travail, la totalité de l'instrument de
l'analyste, l'utilisation créative de toute expérience corporelle, mentale,
interpersonnelle et du fantasme, est crucial pour le travail analytique. Désormais le
contre-transfert n'est pas un problème mais (en partie) une solution, un registre
nécessaire pour le travail de l’analyste. Partie intégrante de l'hypothèse de Jacobs, et
de son utilisation de la subjectivité analytique se situe son postulat des
communications envahissantes (pervasive communications) – méta, conscientes,
préconscientes et inconscientes – qui soutient et se constituent en réseau par les
expériences de tous les couples analytiques. Faire sens, une co-construction tellement
riche, nécessite inévitablement que l'analyste comprenne et explore très profondément
sa propre part dans ces communications complexes. Pour Jacobs (1991, 1999, 2001)
et Smith (1999, 2000, 2003), et pour les analystes de la relation d'objet, tels que
Ogden (1994, 1995) et Gabbard (1994), nonobstant les différences entre eux, la
subjectivité de l'analyse est cruciale pour l'auto-analyse qui permet au travail
analytique d'avancer. Dans ce courant de pensée, le contre-transfert s'entend plus
souvent comme une ‘énaction’ (enactment) (Harris, 2005; voir aussi l'entrée
ÉNACTION).
En s'interrogeant sur les aspects répétitifs et compulsifs du contre-transfert,
Smith (2000) suggère que le contre-transfert peut à la fois (même simultanément)
retarder la progression analytique et la déployer. Ce que Smith fait là pour le contre-
transfert est analogue à ce que Freud a fait pour le transfert, notamment en démontrant
132
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qu'il peut tout aussi bien constituer une résistance, qu'être moteur de changement. De
même que toute compulsion de répétition, l’impulsion vers la santé et vers la maladie
sont présentes simultanément.
Apprey (1993, 2010, 2014) prolonge davantage la notion du contre-transfert
de Sandler, porté par le rôle en résonance, pour « aborder les requêtes et les
demandes, ainsi que tout l'encouragement dans le continuum transféro-
contretransférentiel conduit par les volontés inconscientes à répéter ou relever les
griefs anciens dans l'espace publique du cadre clinique contemporain 54 »
(communication personnelle adressée à Papiasvili, 2014) Dans ce qu'il considère être
un prolongement, et un usage, Nord-américain contemporain et unique, du concept,
Apprey, freudien actuel qui fait le lien entre les complexités de l'identification
projective, les énactions (enactments) et rôles en résonance, dépeint l'analyste dans
son rôle en résonance, comme étant celui qui potentialise ‘l'émancipation psychique’
des ...objets internes, oppressifs et destructeurs qui de manière intrusive tourmentent
et enfreignent le patient depuis l'intérieur de sa psyché.
Freedman, Lasky et Webster (2009) présentent une combinaison complexe de
concepts de symbolisation et de triangulation freudiens, lacaniens et winnicottiens,
dans la matrice intersubjective , en faisant la distinction entre les soi-disant contre-
transferts ordinaires et extraordinaires : les contre-transferts ordinaires sont des
perturbations transitoires, et les contre-transferts extraordinaires sont des impasses,
intolérables pour les analystes à un point tel qu'ils doivent rester hors de leur
conscience. La théorie lacanienne du contre-transfert, vue par l’intermédiaire du désir
(Lacan, 1977) rencontre sur ce point le cadre winnicottien du ‘processus analytique
suffisamment bon’ et son ‘effondrement’ potentiel (Winnicott 1972, 1974).
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Citation traduite pour cette édition
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IV. CONCLUSION
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Voir aussi :
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Europe : Maria Vittoria Costantini, Dr.ssa. med. ; Anna Ursula Dreher, Dr. phil. ; et
Dipl. Psych. Henrik Enckell, MD, PhD
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ÉNACTION (L')
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Rosemary Balsam (Amérique du Nord),
Roosevelt Cassorla (Amérique Latine), et Antonio Pérez-Sánchez (Europe)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)
I. DÉFINITION
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Le verbe énacter est lié au verbe acter et l'une des significations du verbe acter
est de jouer un rôle dramatique ou théâtral. Le terme d'énacter, avec son nom
commun correspondant, l'énaction, se trouve, en version imprécise, dans la littérature
psychanalytique initiale et contemporaine. Il se réfère aux externalisations
dramatiques du monde interne du patient, soit dans une session ou dans la vie
ordinaire. Le terme ré-énaction a le même sens.
Dans son article fondateur « On Countertransference Enactments » (« À propos
de l’énaction (la mise en acte) du contre-transfert »), Jacobs (1986) précise que les
énactions sont des situations où l'analyste est surpris de son propre comportement
contre-transférentiel apparemment inapproprié. Plus tard, l'analyste pourra percevoir
des connexions en rapport dans son propre comportement, l'induction émotionnelle du
patient et des facteurs personnels lui appartenant. Jacobs (1991, 2001) a défini encore,
précisé et vulgarisé le terme de ‘énaction’. Il utilisait le terme pour identifier un
évènement spécifique en analyse dans lequel la psychologie d'un participant est jouée
vis-à-vis de l'autre. Il voulait transmettre l'idée que les énactions sont des
comportements provenant du patient, de l'analyste, ou des deux, qui surviennent en
réaction aux conflits et fantasmes suscités par le travail thérapeutique en cours. Bien
que liés à l'interaction du transfert et du contre-transfert, ces comportements sont
également reliés par la mémoire, aux pensées associées, aux fantasmes inconscients et
aux expériences provenant de l'enfance auxquels ils sont associés. Ainsi, pour Jacobs,
l'idée de l'énaction contient en elle la notion de la ré-énaction, c'est-à-dire celle de
revivre des éléments, ci et là, du passé psychologique des deux parties dans la
situation psychanalytique.
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rôle de l'analyste est multidimensionnel. Il ou elle est à la fois metteur en scène mais
représente également des personnages différents dans la vie du patient. Le patient et
l'analyste sont des co-auteurs de cette dramaturgie qui est vécue à la fois comme un
fantasme et une actualité. Au lieu de simplement assumer les rôles, l'analyste les
renvoie et le patient éventuellement peut accéder à sa vie interne, puis petit à petit
s'approprie la mise en scène, le script. L’allusion d’Aristote à l'imitation de l'action
sous forme d'action, correspondrait, en termes psychanalytiques, aussi bien la
‘reénaction’ qu’à la répétition. Schafer (1982), un collègue de Loewald à l'époque,
estimait également que les multiples récits narratifs personnels (self-narratives) ou
‘storylines’ pourraient être considérés représenter des versions divergentes de
l'histoire fondamentale de l'analysant mise en scène avec un analyste (par exemple,
drames d'emprisonnement, renaissance ou rivalité œdipienne).
Sandler (1976) a mis l'accent sur l'induction mutuelle entre les membres d'une
dyade et les réactions spontanées de l'analyste aux stimuli inconscients du patient,
qu'il a qualifiée de rôle en résonance.
Progressivement, l'idée de l'énaction est devenue plus largement utilisée et les
débats sur ce thème sont devenus plus courants dans la littérature psychanalytique
(McLaughlin, 1991 ; Chused, 1991 ; Roughton, 1993 ; McLaughlin & Johan, 1992 ;
Ellman & Moskovitz, 1998 ; Panel, 1999). Pour certains, l'énaction remplace tout
simplement le terme de acting-out, bien qu'il n'est pas inutile de rappeler que acting-
out est l'équivalent en langue anglaise du mot allemand Agieren. En allemand, « er
agiere es » est l'équivalent de « ne fait que traduire en actes »). « [L]e patient n’a
aucun souvenir de ce qu'il a oublié ou refoulé et ne fait que traduire en actes. » Freud,
1914. p. 149).
Dans certaines cultures psychanalytiques, le terme acting-out a commencé à
désigner les actes plus ou moins occasionnels et impulsifs qui s'imposent dans la libre
association anticipée, ce qui a restreint le concept de Agieren. Au même moment, le
terme a été utilisé pour étiqueter les comportements de personnalités psychopathiques
et impulsives. Les connotations morales de acting-out ont contaminé le langage des
professionnels de la santé mentale et dans le droit. Le remplacement du terme acting–
out en faveur de l'énaction visait à éliminer la confusion conceptuelle et les aspects
péjoratifs du terme.
Il existe une connotation légale du terme anglais ‘enactment’ d’une loi, un
mandat or un décret : une ordonnance devant être exécutée, qui a également été prise
en compte. Le concept psychanalytique a incorporé les deux significations. Il est
également vrai que par définition, les deux membres de la dyade participent à
l'énaction et sont insuffisamment conscients de ce qui se déroule. L'analyste est
conduit par la relation, assujetti à ses propres problématiques internes et ses points
aveugles. Par contraste, dans l'acting-out, l'analyste prend note de ce que le patient
décharge et ne se permet pas d'y être impliqué.
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De nombreux analystes ont décrit des situations similaires à celles que nous
avons qualifiées de énaction, sans pour autant les nommer comme telles. Le concept a
permis de rassembler des phénomènes similaires qui ont été associés à Freud et
précisés par des psychanalystes d'orientations diverses, par des termes tels que la
répétition, revivre, externaliser, acting-out, etc. Ce terme a progressivement fait partie
de la base commune de la psychanalyse. Des débats et études récents se retrouvent
chez Paz (2007), Ivey (2008), Mann & Cunningham (2009), Borensztejn (2009),
Stern (2010), Waska (2011), Cassorla (2012), Sapisochin (2013), Bohleber et al
(2013), et Katz, (2014).
Les énactions divergent en qualité et intensité en raison des différents taux de
déficit ou de déficience dans la capacité à symboliser. La plus faible intensité serait
sous forme d’‘actualisations’ (Sandler, 1976), celles-ci gratifient les souhaits
transférentiels sur l'analyste. La plus maligne impliquerait, de la part de l'analyste, une
capacité déficiente, menant à des abus de son autorité qui dépasseraient largement les
limites de ce que l'on considère acceptable dans un traitement analytique (Bateman,
1998).
Les débats dans la littérature psychanalytique examinent le potentiel nuisible,
ou bien nécessaire et utile, des énactions. La tendance est de considérer que les
énactions surviennent naturellement quand un analyste est confronté à des
configurations psychotiques ou borderline, même lorsque les aspects névrotiques
prédominent. Elles sont certainement utiles une fois comprises et cette compréhension
peut survenir uniquement après leur identification, c'est à dire de manière
Nachträglichkeit (‘après-coup’ ou en action différée). Les énactions qui ne sont pas
suffisamment identifiées bloquent le processus analytique et peuvent le détruire.
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portrait d'une histoire naturelle spécifique du processus analytique, dans les cas de
travail où les processus de symbolisation sont perturbés. Les faits cliniques révèlent
des organisations défensives qui évitent la perception de la réalité triangulaire, vécue
de manière traumatique. L'expérience clinique démontre la séquence suivante :
Phase 1. L'analyste sait qu'il a devant lui un patient auquel il est difficile
d'accéder et qui attaque le processus analytique et le subvertit. Il est cependant certain
qu'avec de la patience et de la persévérance les difficultés seront comprises.
Moment M: À un point donné, l'analyse se surprend lui-même à faire une
intervention ou effectuer un acte, souvent impulsif, qui le gêne, le culpabilise et lui
donne l'impression d'avoir perdu sa capacité d'analyse. Il craint avoir heurté quelque
peu son patient et imagine les complications imminentes.
Phase 2. L'analyste, porteur de ses sentiments négatifs, prend note des
conséquences de son comportement. À sa grande surprise, le processus analytique
devient plus productif et le réseau symbolique de la pensée s'amplifie. L'appréciation
du Moment M renforce le lien analytique et le patient l'associe aux précédentes
situations traumatiques qui font l'objet d’un travail d’élaboration.
C'est par une recherche supplémentaire dans les faits décrits que l'analyste
réalise que lors de la Phase 1, il était impliqué dans une collusion prolongée avec son
patient (mise en acte chronique) dans certains points du fonctionnement de la dyade
analytique, qu'il n'avait pas perçue. Les collusions, désormais identifiées, alternent
entre des scénarios sadomasochistes et scénarios d'idéalisation mutuelle. L'analyste et
le patient se contrôlent l'un l'autre mutuellement et deviennent des prolongations l'un
de l'autre.
Lorsque l'analyste passe en revue le Moment M, il réalise qu'en fait il a perdu
sa capacité analytique non pas à ce moment-ci, mais avant, en Phase 1. En fait, le
Moment M a indiqué que sa capacité était en train de se recouvrer. Par exemple,
l'agression supposée de l'analyste aurait démêlé une collusion masochiste, ou bien une
relation d'idéalisation mutuelle qui bloquait le processus analytique (Phase 1). Le
Moment M a révélé qu'une mise en acte aiguë qui avait démêlé la mise en acte
chronique antérieure, l'a rendue perceptible en même temps. Par conséquent, la mise
en acte chronique a révélé le traumatisme d'être entré en contact avec une réalité
triangulaire. Il est parfois possible qu'avant la réalisation claire de la mise en acte
aiguë, ces contacts momentanés avec la triangularité soient emprunts de ‘micro-
énactions’ presque imperceptibles, où l'organisation défensive revient à des ‘mises en
actes chroniques’ (Cassorla, 2008). Pendant que les mises en actes chroniques ne sont
pas perçues, l'analyste continue de travailler de manière persistante même s'il pense
ne pas être suffisamment productif. Même dans ce cas, son travail, dans des domaines
parallèles, continue implicitement à donner du sens aux lacunes traumatiques dans le
réseau symbolique. L'organisation défensive se démêle progressivement même si ce
n'est pas apparent dans le champ analytique. L'mise en acte aiguë, c'est-à-dire la
perception soudaine de la réalité triangulaire, émerge lorsqu'une restauration
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Citation traduite pour cette édition
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.
V. CONCLUSION
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Bien que le point de vue prévalent dans les trois cultures psychanalytiques
continentales soutienne que les énactions doivent être comprises et finalement
interprétées, il convient de garder à l'esprit les cas d'énactions contre-transférentielles,
où lorsque la capacité analytique contenante de l'analyste est défaillante, elles se
communiquent non seulement de manière non-verbale, mais également verbale, et
même de façon déguisée dans une interprétation.
******
RÉFÉRENCES
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INCONSCIENT (L')
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Allannah Furlong (Amérique du Nord) et Judy Gammelgaard (Europe)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)
172
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173
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174
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l'importance des phénomènes de résistance, comme étant “chez le patient une force
psychique qui s’opposait au fait que les représentations pathogènes deviennent
conscientes." (remémorées). «Sans s'être révélée à moi, il me vint à l'esprit que ça
devait être exactement la même force psychique qui avait agi à l'encontre du
symptôme hystérique - au début - et qui en ce moment empêchait l'idée pathogène de
devenir consciente.» (Breuer & Freud, 1893-1895, p 268, balisage d'origine). Cette
force de résistance, ainsi que son contrepoint opposé, la force ascendante du matériel
pathogénique repoussé, était jusqu'à un certain point quantifiable par les souvenirs
‘stratifiés’, en relation à leur proximité du ‘noyau pathogène’. De plus, c'était
précisément par le biais de leur refoulement que l'idée est devenue la cause des
symptômes morbides, c'est-à-dire pathogènes (ibid., p 285). Pour réussir, le
refoulement exige une charge constante de force. Les symptômes sont issus de l'échec
du refoulement, c'est-à-dire le retour du refoulé. Simultanément, l'affect extirpé de la
représentation refoulée se convertit en ‘innervation somatique’ (ibid., p 285), qui
apparaît comme une conversion hystérique en un symptôme corporel. La méthode
psychanalytique innovante de libre association est apparue de par le constat qu’il n'y a
aucune chance d'avancer (vorzudringen) directement au noyau de l'organisation
pathogène (ibid., p 292) puisque les strates internes de l'organisation pathogène sont
de plus en plus étrangères au Moi (ibid., p 290).
Toutes les expériences de la petite enfance ne font pas l'objet de refoulement.
La théorie freudienne a stipulé que les contenus de l'inconscient consistent en des
fixations de désirs chez l'enfant, marqués par la sexualité infantile. Dans cette période
initiale, ainsi que sa correspondance avec Fliess l'atteste (Freud, 1892-1899), Freud
développait ce qui plus tard a été connu sous le terme de théorie de la séduction :
l'enfant a été séduit par un adulte, cette relation dépose des traces troublantes qui
apparaissent plus tard à la conscience, de manière déplacée et déformée, par des
forces s'opposant à ce qu'elles deviennent conscientes. La théorie de la séduction était
essentiellement une théorie du traumatisme sexuel pathogène pré-adulte, déterminant
unique de psychopathologie ultérieure. L'expérience traumatique pendant l'enfance
peut avoir été oubliée, dissociée ou refoulée, pour ensuite être réactivée, ou exercer un
effet traumatique en différé dans la période adolescente, après la puberté. Un héritage
persistant de l'aspect dynamique de l'inconscient concerne la notion des forces
associées en opposition dynamique, menant à de nouvelles formations psychiques.
Pendant les années 1893-1895, Freud avait évoqué l'opposition entre les affects
associés aux évènements traumatiques et les prohibitions morales de la société.
Pendant son auto-analyse entre 1895 et 1900, Freud vint à considérer de plus en plus
les forces opposées comme étant internes : pendant cette époque, la construction de sa
conception initiale de l'appareil mental, organisé par deux forces associées en
opposition dynamique, le désir inconscient et la prohibition orientée par la réalité,
suivait son cheminement.
A cette époque, lorsque la théorie de l'inconscient n'était pas encore
systématisée, Freud avait été frappé par l'idée que le matériel psychique est de temps
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Tout au long de ses écrits, Freud a clairement été préoccupé par le défi d'articuler
l'impact de la stimulation traumatique, provenant de l'extérieur sous forme de
perceptions, avec les stimulations traumatiques venant de l'intérieur de l'esprit, sous
forme de pulsions et de fantasmes.
Dans la même veine, Freud, à partir de 1897, a progressivement dessiné les
grandes lignes des processus et des mécanismes qui gouvernent l'inconscient, qu'il a
qualifiés plus tard de ’processus primaires’. Le 7 juillet 1897, il écrit : « Je connais
globalement les règles qui régissent la construction de ces structures et les raisons
pour lesquelles elles sont plus fortes que les souvenirs réels, et c'est ainsi que j'ai
appris de nouvelles choses qui pourront contribuer à caractériser les processus
inhérents à l'Ics61 » (Freud, 1892-1899, p. 258). C'est également à cette époque qu'il
posa les racines de sa ’première théorie de l'angoisse’ (Freud, 1892-1899, pp. 189-
195), qui affirmait non seulement la transformation directe de la libido refoulée dans
l'affect de l'angoisse, mais représentait aussi la première reconnaissance et rapport
causal entre l’angoisse et ce qui a ensuite été qualifié d'état traumatique.
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T.)
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laquelle l'énergie peut être transférée, les idées intermédiaires, qui ressemblent à des
compromis, sont construites par le processus de condensation. Les lois de la pensée
logique sur la base de la réalité – le processus secondaire et son symbolisme par le
langage – ne s'appliquent pas au processus primaire. Cela concerne avant tout la loi
des contradictions. Les idées contradictoires existent ensemble sans se supprimer les
unes des autres. Elles peuvent se combiner de telle manière que la pensée consciente
ne pourrait jamais tolérer. Enfin, dans les processus primaires, les idées s'échangent
entre elles leurs intensités, dans des relations mutuelles des plus vagues. Bien que
Freud fût au départ en accord avec l'idée d'attribuer à la censure le rôle décisif de
l'inconscient dans les processus irrationnels, il a fini plus tard par donner au processus
primaire une place prépondérante, tout comme aux pensées logiques de la conscience.
Les processus irrationnels, dit-il, sont les processus primaires. Ils apparaissent lorsque
les idées sont abandonnées par l'investissement du préconscient quand elles sont
livrées à elles-mêmes et peuvent être chargées de l'énergie désinhibée de l'inconscient
qui s'efforce à trouver un exutoire. Ainsi, le processus primaire est un mode de
fonctionnement dans la vie psychique, libéré des inhibitions de la pensée consciente.
Le processus primaire se comprend comme un principe organisateur, qui dans la vie
adulte normale, fait office d'alternative aux processus secondaires de dominance
logique et verbale, avec son symbolisme communicatif par le biais du langage. Une
caractéristique importante du processus primaire est la tolérance à l'ambigüité et à la
contradiction. Une autre est son couvert hallucinatoire, qui tend à la réalisation des
vœux, un acte perceptuel coexistant avec le présent (1912a). Ainsi appréhendé, le
processus primaire est un processus cognitif très différent de la définition du mot
cognition que lui donne la psychologie cognitive.
Cependant, ce sont dans ses textes métapsychologiques que Freud (1915 a,b,c)
a stigmatisé le concept de l'inconscient dans ses postulats économiques, dynamiques
et topographiques.
Dans son ouvrage « Instincts and Their Vicissitudes » (Freud, 1915a)
(« Pulsions et destins de pulsions »), les pulsions sont définies comme un concept
frontière, entre le corporel et le psychique.
Dans ses écrits, notamment « Repression » (Freud, 1915b), (« Le
refoulement ») Freud fait la distinction entre le refoulement primaire, qui est le
représentant psychologique (idéationnel) de la pulsion dont l'accès à la conscience lui
est refusé, et le refoulement proprement dit : le refoulement après coup
(Nachdrängen).
C'est dans “L'inconscient” (1915c), que la théorie topographique atteint son
apogée. Freud a premièrement effectué une réévaluation du concept d'inconscient
dynamique, celui qui exerce un contre-courant à l'acte de refoulement. Il a ensuite
constitué l'existence de l'inconscient par ses dérivés : les actes manqués, les
symptômes et rêves, et a démontré que ressentir, penser, remémorer et agir sont en
grande partie également sous l'influence des dérivés de l'inconscient. Freud fait la
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différence entre les actes latents, qui sont uniquement temporaires et seulement
inconscients en termes descriptifs, mais qui peuvent devenir conscients en les reliant à
un mot ; et les processus et contenus refoulés, qui sont inconscients de manière
permanente et dynamiquement tenus à l'écart de la conscience (l'équivalent de
l'inconscient dynamique). Il n'y a pas, dans l'inconscient ‘l'un ou l'autre’ ; le processus
primaire et ses caractéristiques – emboîtement, déplacement et condensation –
s'appliquent tout aussi bien à l'inconscient tout comme cela été le cas quinze années
auparavant pour le ‘processus des rêves’. Freud a suggéré la présence de deux
censures, l'une entre les systèmes Ics et Pcs qui, dans certaines circonstances, peuvent
être contournés, et une seconde censure entre les systèmes Pcs et Cs. Les émotions,
les sentiments et les affects sont exclus de l'Ics. Un affect est considéré être
‘inconscient’ uniquement si la connexion entre l'idée refoulée et l'émotion est
restituée.
Après avoir précisé les différents modes de fonctionnement des systèmes
conscients et inconscients, Freud a développé les processus du devenir conscient et
ceux du devenir inconscient. Il a présenté deux hypothèses alternatives : 1) la thèse
d'une inscription dans les deux endroits, et 2) la thèse d'un changement fonctionnel.
Lorsqu'une idée psychique se transpose depuis l'inconscient vers le conscient, cela
signifie-t-il, demande-t-il, que nous avons là un « nouvel enregistrement – pour ainsi
dire, une deuxième inscription – de l'idée en question... et en parallèle l'enregistrement
inconscient initial qui continue d'exister. Ou sommes-nous menés à penser que la
transposition consiste en un changement de l'état d'une idée, un changement qui
implique le même matériel et qui a lieu au même endroit ? »62 (Freud, 1915c, p. 174).
La première hypothèse est topographique et donc connectée à la séparation
topographique des systèmes conscients et inconscients. Elle suggère qu'une idée peut
exister de manière simultanée dans deux endroits de l'appareil psychique et, si elle
n'entre pas en résistance avec la censure, elle peut se déplacer d'un système à l'autre.
L'hypothèse s'appuie sur le postulat que l'interprétation peut créer une connexion entre
les deux inscriptions localisées dans les systèmes inconscients et préconscients
respectivement. L'expérience démontre cependant que cela n'est pas toujours le cas.
La nature de l'inconscient est assez différente de ce que nous communiquons par les
mots ou, comme Freud l'avait écrit, l'information donnée au patient au sujet de sa
mémoire refoulée ne le met pas nécessairement en lien avec la trace mnésique
inconsciente : avoir entendu et avoir vécu quelque chose sont par leur nature même
deux choses différentes, même si le contenu des deux est le même. Un examen plus
approfondi du mécanisme de refoulement, considéré comme un désinvestissement ou
retrait de l'investissement est en faveur de la seconde hypothèse. Freud s'est ensuite
penché sur la question de quel système le désinvestissement a lieu et à quel système
l'énergie désinvestie appartient. Sur la base de son expérience, selon laquelle une idée
refoulée garde son investissement, il conclut que seul l'investissement préconscient
peut être retiré de l'idée. Reformulé différemment, le refoulement est un processus qui
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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infantile, est également d'intérêt pour l'attention d'avant-garde qu'il porte sur le
phénomène inconscient dynamique du transfert.
Dans les « Three Essays on the Theory of Sexuality » (1905b) (« Trois essais
sur la théorie de la sexualité » Freud a exploré les stades du développement
psychosexuel et de la sexualité infantile (inconsciente).
Les subtilités en ce qui concerne la censure contournée par le biais de
l'ambigüité des processus primaires en libérant partiellement les motions
pulsionnelles par l'humour, fait l'objet d'une étude approfondie dans son ouvrage
« Jokes and their Relation to the Unconscious » (1905c) (« Le mot d'esprit et sa
relation à l'inconscient »).
Dans « Totem and Taboo » (1912-1913) (« Totem et Tabou »), Freud a
développé la transformation de l'hostilité inconsciente en affection excessive (p. 49),
ainsi que la projection inconsciente de l'hostilité sur le défunt, comme suit :
« L'hostilité, dont on ne sait rien et ne veut rien savoir, est projetée de la perception
interne dans le monde extérieur... ce n'est plus nous, les survivants, qui sommes
contents d'être débarrassés de celui qui n'est plus ; bien au contraire, nous pleurons sa
mort : mais c'est lui qui est devenu un mauvais démon, que notre malheur réjouirait et
qui cherche à nous faire périr. Aussi les survivants doivent-ils se défendre contre cet
ennemi : ils ne se sont libérés d'une oppression intérieure que pour l'échanger contre
une angoisse ayant une source extérieure » (pp.62-63). Le texte est un exposé exquis
des schémas phylogénétiques qui se manifestent par les fantasmes primaires, en l'un
des contenus que l'inconscient compose.
Dans l'ouvrage « From the History of an Infantile Neurosis » (1918)
(« Histoire d'une névrose infantile ») Freud faisait référence aux difficultés que
traversent les jeunes enfants à faire la différence entre ce qui est conscient et ce qui
est inconscient, et ce qui constitue la ‘réalité’ et ce qui constitue un ‘fantasme’. La
difficulté survient parce que « le système Cs est en cours de développement » (p.105).
C'est une autre conception de la nature duale de l'esprit en développement, que Freud
avait déjà théorisée trois années auparavant, dans sa description de la communication
entre les systèmes Cs et Ics , selon laquelle une division tranchée et finale entre le
contenu des deux systèmes n'a pas lieu en règle générale avant la puberté.
Dans « A Child is Being Beaten » (1919), (« Un enfant est battu »), un présage
à la théorie de la dualité des pulsions, Freud a exploré les fantasmes sadomasochistes
inconscients que les garçons et les filles auraient d'être battus par leurs parents. Dans
ce texte clef sur la formation du fantasme, Freud a identifié trois phases dont la
première commence par l'enfant témoin d'un autre enfant qui est battu. Cependant,
c'est la seconde phase qui est considérée être la plus importante et la plus mémorable
pour deux raisons. D'une part, le masochisme est considéré être une formation/phase
secondaire de la pulsion sadique qui s'est retournée contre soi et s'est refoulée en
même temps. Ceci est en rapport à la sexualité infantile inconsciente universelle à la
base du phénomène névrotique : Voilà pourquoi la sexualité infantile, qui est soumise
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Freud. Bion (« la capacité négative »), Lacan (« le mot est le meurtre de la chose »),
Green (« Le travail du négatif »), Zaltzman (« l’impulsion anarchiste ») et d'autres,
ont reconnu que l'inconscient n'est pas uniquement une présence cachée en quête de
représentation mais qu'elle est également constituée de formes puissantes d'absence,
des indications aussi bien protectrices que destructrices.
Le contenu du moi du modèle structurel/deuxième topique est en grande partie
préconscient, mais une partie significative est dynamiquement inconsciente. Cette
notion contient également ses précurseurs dans la première topique (topographique),
quand Freud avait déjà remarqué, dans son article de 1915 « L'Inconscient », qu’une
des grandes parties du préconscient est originaire de l'inconscient. Dans un travail
d'élaboration, Freud avait noté les pensées qui selon lui démontraient toutes les
caractéristiques de s'être formées inconsciemment, mais qui semblaient être
extrêmement organisées, libres de toute auto-contradiction, d'avoir profité de chaque
acquisition du système Cs., et qui seraient difficilement discernables des formations
de ce même système. C'est ainsi que même avant la théorie structurelle de 1923,
Freud avait présenté une pensée qui se forme dans l'inconscient, comme étant issue de
processus de pensée secondaires. Cependant, l'élaboration systématique de ce type
d'observations des différents composants du moi ont dû attendre l'émergence du texte
« Le Moi et le Ça » (Freud, 1923a), qui a inauguré la théorie structurelle/deuxième
topique.
« The Ego and The Id » (1923a) (« Le Moi et le Ça ») est souvent considéré
avoir été le dernier travail théorique majeur de Freud. Il affirmait là deux types
d'inconscients : ‘l'inconscient latent’ et ‘l'inconscient dynamique’. L'inconscient latent
peut devenir conscient (par des connections avec les mots), et devrait strictement être
considéré être un terme descriptif. L'inconscient dynamique est la partie de
l'inconscient qui, en raison du refoulement primaire, n'est pas capable de parvenir à la
conscience. Freud ajoute que le terme ‘inconscient’ devrait être réservé à
‘l'inconscient dynamique’ même si, selon lui, il est impossible d'éviter une certaine
ambigüité entre l'inconscient descriptif et l'inconscient dynamique. Le Moi, dont le
contenu est en grande partie préconscient, a deux espaces, l'un interne et l'autre
externe. En contraste à son association initiale du Moi à la conscience, dans le cas du
modèle structurel, c'est uniquement l'espace perceptuel externe, qualifié également de
‘Moi cohérent’ qui est conscient. En même temps, l'espace interne, face au Pcs, est
dynamiquement inconscient. C'est là que le problème de résistances inconscientes
s'est présenté à Freud, l'un des plus importants facteurs qui a contribué au changement
vers le modèle structurel et qui était central à la question de la difficulté que pose de
limiter le processus primaire à l'inconscient refoulé. Il écrit : « Mais comme cette
résistance émane certainement de son Moi et en fait partie, nous nous trouvons devant
une situation que nous n'avions pas prévue. Nous avons trouvé dans le moi lui-même
quelque chose qui est inconscient aussi, qui se comporte exactement comme le
refoulé, c’est-à-dire qui produit des effets puissants sans devenir lui-même conscient
et qui nécessite un travail particulier pour être rendu conscient. » (p.17) Freud
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les patients hystériques souffrent de réminiscences, qui sont en quelque sorte des
‘corps étrangers’. En 1937, cette thèse est remise en cause lorsqu'il observe que
lorsqu'il proposa une construction à un patient, celui-ci réagit par une remémoration
‘ultra-claire’ une Sachbesetzung der Objekt. Freud interprète ces remémorations
comme des hallucinations qui reproduisent des expériences psychiques depuis la
petite enfance, initialement oubliées, puis récupérées en ces remémorations ‘ultra-
claires’. Les remémorations ‘ultra-claires’ révèlent une manifestation de
l'inconscient, sous la forme de ‘présence’ sans médiation, d’un retour/ regain
perceptuel-sensoriel d’une ‘pensée’/fantasme rudimentaire non verbalisé ou refoulé.
Un autre exemple des premières idées revisitées dans un nouveau contexte est
illustré dans « Moses and Monotheism » (Freud, 1939). (« Moïse et le
monothéisme ») Dans cet ouvrage, Freud décrit le destin de l'inconscient, de la
mémoration et du refoulement sous une perspective socio-historique ainsi : « Alors
que Moïse apporta au peuple l'idée du dieu unique, elle n'était rien de nouveau mais
signifiait au contraire la réanimation d'un évènement issu des temps primitifs de la
famille humaine, évènement qui avait disparu depuis longtemps de la mémoire
consciente des hommes […] Nous avons appris par la psychanalyse des individus, que
leurs impressions les plus précoces, recueillies à une époque où l'enfant ne fait encore
que balbutier, provoquent un jour, sans même resurgir dans le conscient, des effets
obsédants. Nous sentons qu’il doit en aller de même quand il s’agit des événements
les plus précoces vécus par l’humanité. »(pp.129-130). De manière Nachträglichkeit,
Freud a également récapitulé l'idée de l'étiologie traumatique de la névrose depuis
l'époque de la soi-disant théorie de la séduction, développée en 1895-7, par la formule
remaniée suivante : « Traumatisme précoce—défense—latence—éruption de la
maladie névrotique—retour partiel du refoulé » (Freud, 1939, p. 80) en référence à la
psychologie individuelle.
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britanniques de l'école anglaise British Middle School et des premiers kleiniens, les
contemporains de Hartmann ont continué leurs débats sur les relations d'objet en
approfondissant davantage les aspects conscients et inconscients des toutes premières
périodes développementales. Edith Jacobson (1964) a exploré le Moi et les mondes
objet, et Margaret Mahler (1963 ; Mahler et al. 1975) a contribué par les formulations
classiques de séparation-individuation que Stern (1985) a plus tard revisitées. Une
attention particulière a été donnée à l'impact de la période pré-œdipienne de l'enfance
sur le développement ultérieur, ainsi qu'à la façon dont les contrôles externes, exercés
en partie par les transactions entre l'enfant et ses parents, sont internalisés. L'accent se
pose ici sur la manière dont les désirs inconscients (engagés, filtrés, gratifiés ou niés
dans une composition psychologique/relation d'objet) ont été modelés à partir du
concept central de Freud, sur les dangers de perte de l'objet, de perte d'amour de
l'objet et de la castration, pendant l'enfance.
La contribution particulière de Jacobson (1964) à l'inconscient postule que
l'énergie instinctuelle indifférenciée se développe en des pulsions libidinales et
hostiles « sous l'influence des stimulations externes63 » (1964, p. 13). La frustration et
la gratification, fixées en traces mnésiques des conflits vécus pendant l'enfance,
organisent ces expériences affectives dans le spectrum plaisir-déplaisir personnel de
chacun, et selon certaines limites personnelles minimales et maximales. Ce nouveau
modèle psychologique du Moi a dévoilé une meilleure vision de l'évolution du Moi et
des représentations d'objet que l'on pensait présentes dans les trois instances
psychiques (le Ça, le Moi et le Surmoi).
La psychologie du Moi a connu des changements que les théoriciens ont
apportés en insistant sur les découvertes cliniques pour soutenir le postulat
métapsychologique. Cette évolution s'est construite par les apports de quelques
membres du groupe initial, (e.g. Mahler, Jacobson) ainsi qu'une nouvelle génération
d'intellectuels (e.g. Beres, 1962 ; Arlow & Brenner, 1964 ; Kanzer, 1971 ; Rangell,
1952 ; Wangh, 1959). Cette nouvelle ère a été marquée par la monographie d’Arlow
and Brenner (1964), dans laquelle ils ont décliné la perspective métapsychologique
sous le point de vue structurel. Ce changement a permis l'ouverture d'une nouvelle
porte sur de nouvelles réflexions concernant l'inconscient, dont celles des nouveaux
intégrationalistes qu'étaient Kernberg (1966), Kohut (1971), et Rangell (1969b).
L'approche psychologique du Moi traditionnelle est devenue maintenant le modèle
structurel, une approche au départ acceptée par une majorité d'analystes en Amérique
du Nord jusque dans les années 1970.
L'un des principaux changements apportés dans le zeitgeist de cette pensée est
provenu des réactions émises alors contre l'orientation métapsychologique. Influencée
par la méthodologie de ‘l'opérationalisme’ (focalisation sur les opérations concrètes),
l'accent anti-métapsychologique s'est premièrement développé dans les travaux des
théoriciens interpersonnels/culturels, HS Sullivan (1953), Horney (1941) et Fromm
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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(1941), qui ont souvent utilisé le concept de manière sélective uniquement dans le
sens du terme descriptif secondaire, plutôt que de le considérer en un aspect majeur de
la vie psychique. Cependant, même selon leurs formulations, ces parties de soi
‘aliénées’, ‘mauvaises’, ‘non-moi’ devaient rester en dehors de la conscience, et
plantées profondément dans l'inconscient ‘immuablement privé’. Bien que non
spécifique, cette approche a contribué directement et indirectement aux
conceptualisations psychanalytiques, ainsi qu'au travail dynamique effectué sur les
pathologies critiques, les conceptualisations sur le développement dans la petite
enfance, et a permis d'approfondir la compréhension des transactions inconscientes
dans le domaine transféro-contretransférentiel.
Le prochain défi responsable d'avoir influencé les conceptualisations sur
l'inconscient venait du point de vue métapsychologique lui-même. Ceux qui y ont
contribué étaient Merton Gill, qui avait renoncé à la perspective topographique (1963)
puis le reste de la métapsychologie (1976 ; 1994) ; et George Klein (1976). Ils ont
éventuellement délimité deux théories psychanalytiques : (1) Une théorie clinique sur
la base de l'observation empirique incontestable ; et (2) une théorie spéculative
abstraite. Roy Schafer (1976) proposa un langage de l'action qui tenterait d'expliquer
les phénomènes psychologiques par des formulations dynamiques composées de
verbes et d'adverbes et non pas de noms et d'adjectifs. De plus, Shafer recommande
l'usage de la langue pour y inclure les forces motivationnelles (forces motrices ?) et
leurs actions en conséquence, selon des séquences d'actions. C'était encore un autre
clin d'œil à l'intersubjectivité. Plus tard, Kohut (1977) et Gedo (1979) ont fait partie
des anti-métapsychologues. Gedo répudia la métapsychologie parce qu'elle avait
perdu la vision de la ‘personne’ dans sa qualité ‘d'agent’, et proposa un modèle du
Moi en relation à ses objets pour y pallier. De nouveaux groupes se sont développés
pour y inclure des praticiens de la psychologie du Moi interpersonnelle et de la
perspective relationnelle (Gerson, 2004 ; Hatcher, 1990). Leur point de focalisation
clinique était interpersonnel à l'exception de Thomas Ogden (1992a & b) et de Jay
Greenberg (1991), qui étaient tous deux retournés aux forces motrices de
l'inconscient.
Ces développements ont été accompagnés d'autres ‘modifications
métapsychologiques’, qui ont relevé l'usage du modèle structurel et du conflit
psychique (Arlow & Brenner, 1964), le rôle et la fonction du fantasme inconscient et
du transfert (Arlow, 1961, 1963, 1969a&b ; Arlow et Richards, 1991 ; Abend, 1990,
Gill, 1982 ; Gill et Hoffman, 1982), le développement du caractère (Abraham, 1923,
1925 & 1926 ; Reich, 1931 a & b), l’enchaînement du processus intrapsychique
(Rangell, 1969a), la fonction inconsciente de prise de décision (Rangell, 1969b, 1971),
et d’une perspective élargie de la formation du compromis (Brenner 1976, 1982,
2006).
Les changements relatifs à la conceptualisation de l'inconscient, que les
développements théoriques ont tissé, c'est-à-dire la vision d'un inconscient statique,
focalisé de manière prédominante sur son contenu, est désormais considérée dans ses
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Cependant, Loewald a porté cette pensée plus loin lorsqu'il a déterminé que
l'interaction est un aspect critique de l'internalisation des représentations subjectives
du Moi et de l'autre. En allant plus loin encore, il s'est détaché du sens réifié de
l'instance psychique, des conflits inter/intra systémiques et des défenses. Il s'est
focalisé plutôt sur la nature de l'interaction avec l'environnement (humain), en
soulevant « le rôle de l’interaction dans la formation, le développement et l’intégrité
de l'appareil psychique » (1960, p. 221). Pour Loewald, l'interaction est maintenant
non seulement à l'origine des pulsions (1960, 1971, 1978), mais un aspect central des
processus inconscients. Cet accent sur l'interaction comme pierre angulaire de l'esprit
a soutenu la théorie de l'inconscient de Loewald, qui s'est inspiré des aspects
génétiques et adaptatifs de la métapsychologie de Freud et les a modifiés
considérablement, tout en laissant à la dérive les modèles structurels/topographiques.
Selon lui, « […] en analyse, […] nous avons l'opportunité d'observer et d'explorer les
processus d'interaction primitifs, ainsi que les plus avancés, c'est-à-dire les
interactions entre le patient et l'analyste qui conduisent à l'intégration ou la
désintégration du Moi, ou les forment.64 » (1960, p.17) De même que pour Winnicott
au Royaume-Uni, Loewald et Jacobson aux USA peuvent être considérés être les
précurseurs du mouvement intersubjectif.
A l'aube des années soixante-dix, les expériences vécues avec les personnes
environnant le monde de l'enfant étaient devenues indispensables à la
conceptualisation du développement psychique (Arlow et Brenner, 1964 ; Spitz,
1957 ; Mahler et al, 1975 ; Jacobson 1964). Ces expériences vécues avec les objets
initiaux, de par leurs gratifications et frustrations inévitables, forgent et colorent les
fonctions du Moi de l'enfant en cours de développement (dont l'autodéfinition par les
identifications) ainsi que les principes moraux/éthiques. Dans le cadre
psychanalytique, ces expériences initiales avec les autres façonnent le tissu des désirs
et de l'angoisse inconscients qui peuvent invoquer l'acting out, les actualisations
transféro-contretransférentielles, les énactions et la transgression des limites.
Tout au long des années 1960 et 1970, Arlow a déployé davantage la notion de
fantasme inconscient de Freud. Alors que Freud considérait le fantasme inconscient
comme un dérivatif du désir inconscient, Arlow le voit comme une formation de
compromis contenant tous les composants du conflit structurel (Papiasvili, 1995).
Selon ce point de vue élargi, le fantasme inconscient organise les désirs moteurs
puissants, les angoisses et les impulsions autopunitives que déclenchent les tâches
développementales. Chaque individu créée ses propres fantasmes inconscients. Ceux-
ci reflètent les ensembles psychiques qui tentent de comprendre, de réagir, de gérer et
d'intégrer des conflits majeurs, des expériences et des relations. Abend (1990) a plus
tard mené plus loin encore ce concept et ajoute que les fantasmes « peuvent
fonctionner de façon à changer et déguiser d'autres fantasmes ainsi qu'à fournir une
certaine gratification65 » (Abend, 1990, p. 61). Tout au long du développement, la
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conceptualisation, les affects, qui sont intégrés progressivement dans les pulsions,
sont considérés constituer un système (inconscient) motivationnel primaire (Voir les
entrées THEORIES DE LA RELATION D'OBJET (LES) et CONFLIT (LE)). Plus
récemment, Bach (2006), Ellman (2010), C. Ellman et al. (1998) ont incorporé les
idées de l'école britannique de la relation d'objet, la British Object Relations School,
et se sont penchés spécifiquement sur les peurs liées à la séparation, la perte du moi et
l'utilisation de l'objet par le moi. En pointant la difficulté de percevoir le point de vue
d'une autre personne, ils ont présenté l'empathie comme un outil servant à rendre
conscient ce qui fut impensable. Ellman (1998) a déployé l'accès à l'inconscient en
conceptualisant les énactions en ponts pour comprendre les fantasmes inconscients.
193
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de déni, tels que la minimisation, dont la tendance à insister sur d'autres réalités (telles
que les mémoires non symbolisées et procédurales) sont utilisées pour recouvrir une
réalité spécifique indésirable (dans ce cas, pour la plupart des personnes, il s'agit d'un
refoulement actif ou des mémoires déclaratives et leurs effets afférents).
Par cette méthode, qui consiste à différencier des processus et des modes de
pensée différents, les psychologues du Moi contemporains abordent l'étude des
mémoires post-traumatiques non traitées et non symbolisées sans pour autant
amoindrir l'intégralité de l'inconscient et son processus primaire à ce mode de
remémoration et ce processus psychique. En dehors de la psychologie du Moi
américaine, de nombreux auteurs ont proposé des conceptualisations qui relèvent de
ce qui est insymbolisé (par exemple Bion, 1962 ; De M'Uzan, 2003). Quand bien
même leurs expositions cliniques ont été tout aussi précieuses, les psychologues du
moi les considèrent colliger des processus différents, tels que les développements liés
au développement du moi et le développement du processus secondaire en dehors du
processus primaire, avec le processus traumatique. Dans le domaine de la psychologie
du Moi américaine, Alvin Frank (1969), dans son article dont le titre est pour le moins
évocateur, « The Unrememberable and the Unforgettable: Passive Primal
Repression » (« l'Immémorable et l'inoubliable : le refoulement originaire passif ») a
détaillé ce domaine de fonctionnement non traité et l’a illustré de très impressionnants
exemples.
Plus récemment, le terme ‘processus zéro’ a été proposé pour ce type de
fonctionnement mental (Fernando, 2009, 2012), le distinguant des processus
primaires. Par exemple, la caractéristique du processus zéro du moment présent figé,
c'est à dire qui se déroule toujours sans ne jamais changer, et qui décrit sa nature
‘intemporelle’, est assez différente des caractéristiques de processus primaires en roue
libre mais intarissables, qui dépeignent leur nature ‘atemporelle’. De la même
manière, le ‘concret’, le ‘manque d'abstraction’, le ‘manque de processus secondaire
de symbolisation’, et le ‘manque d'intégration’ sont des marqueurs qui peuvent
s'appliquer aussi bien au processus primaire qu'au processus zéro, mais parfois ils ont
des significations quelque peu, ou très, différentes dans le cas de chacune de ces
importantes classes de processus psychiques. Le ‘processus zéro’ représente un outil
utile pour conceptualiser le fonctionnement psychique post-traumatique, pour en
scruter les caractéristiques. En même temps, l'importance des deux autres grandes
classes du traitement psychique, les processus primaires et les processus secondaires,
et de la façon dont l’appareil psychique s'organise et fonctionne par le biais de ces
processus, peut être traité. L'interaction entre ces formes de fonctionnement est ainsi
révélée. Dans le processus zéro se trouve une différente forme d'inconscient, une
forme étrange d'univers parallèle dans lequel les personnes peuvent se glisser ou s'en
retirer, de façon différente du ‘système inconscient’ ou du Ça que Freud avait décrit.
Selon les points de vue des psychologues du Moi, tous ces domaines de l'inconscient
sont toujours des facteurs importants dans le fonctionnement psychique normal et
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196
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Klein, l'inconscient se caractérise par les mécanismes de défense de l'enfant, qui est
poussé à se débarrasser des parties du Moi empreintes de sadisme et d'angoisse,
dominées par la pulsion de mort, par les processus inconscients de clivage et
d'identification projective. Sont ajoutées en outre les défenses de déni et
d'idéalisation. Le concept de l'inconscient issu du refoulement originaire proposé par
Freud ne concorde pas avec le concept kleinien de l'inconscient (Mancia, 2007). Dans
la théorie kleinienne, la vie interne de l'individu est fondée sur le phantasme
inconscient et est gouvernée par des positions paranoïde-schizoïde et dépressives
(PSP-PD) (Klein, 1935). Ce sont des modes de fonctionnement intrapsychique qui
reflètent la manière dont une personne entre en relation avec ses propres objets
internes et qui donc influencent profondément comment elle entre en relation avec les
personnes du monde extérieur. Le concept initial kleinien d'identification projective
est devenu progressivement orienté vers la relation, évoluant ainsi dans le modèle
théorique bionien en une forme de communication particulière et une sollicitation
inconsciente à la contenance et la rêverie. Dans le fonctionnement mental inconscient
de la fonction alpha, que Bion a détaillé (1962, 1965), l'on peut y entrevoir la manière
dont l'Inconscient se développe dans un contexte relationnel : le psychisme conscient
et inconscient de l’enfant est structuré par la fonction maternelle de rêverie, élément
crucial de l'organisation de la vie inconsciente du jeune enfant. Avant l'émergence du
refoulement, l'inconscient est façonné par la facilitation transformative effectuée par
le psychisme du parent des expériences sensorielles et émotionnelles qui accèdent à
l'enfant dans le domaine des relations primaires.
Toutes les régions et les cultures psychanalytiques ont été influencées par le
concept central kleinien de ‘fantasme inconscient’. Le ‘fantasme’ (phantasy), qui
s'épelle en anglais avec un 'ph' plutôt qu'avec un 'f', met l'accent sur la référence du
terme à la forme basique de la structure psychique et son contenu idéationnel
spécifique, plutôt qu'uniquement le scénario d'un souhait élaboré des dérivatifs
pulsionnels ou du rêve éveillé. La base théorique sur laquelle l'esprit est considéré être
organisé par, et autour, de ces pierres d'assise de base de la structure psychique, fait
suite à l'assertion de Melanie Klein, selon laquelle la connaissance de, ou au moins le
sentiment par rapport à, l'objet, comme but ou source de satisfaction, fait partie
inhérente des pulsions. En contraste à la théorie freudienne en ce que les pulsions
existent avec leurs dérivatifs dans la psyché et l'objet doit être ‘trouvé’ afin d’être
placé en équation inconsciente, Klein stipule que l'objet de la pulsion est
là, ab initio, in-né et intrinsèque. De même avec l'objet, il existe également un
sentiment inné du soi en sa qualité de sujet, c'est-à-dire le sujet désirant qu'elle que
soit sa qualité partiale, vague ou primitive, et donc l’unité fondamentale du ‘je qui
désire quelque chose de vous’, ou ‘je qui fait quelque chose à vous’ (en tant qu’objet
partiel ou total) est assumé depuis les premiers débuts de l'activité psychique.
Le concept freudien de ‘barrière de contact’ a été élargi par Bion, qui l'avait
récupéré depuis le « Project for a Scientific Psychology » ” (Freud, 1895), (« Projet
pour une psychologie scientifique ») et en avait proposé une nouvelle façon de le
197
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conceptualiser. Selon les termes freudiens, le refoulement était représenté comme une
barrière qui défend le système conscient de celui de l'inconscient. Bion a théorisé
l'inverse, en ce que le refoulement a pareillement défendu le système Ics des stimuli
sensoriels originaires du système Cs. (Bion 1962, p.27 ; Grotstein, 2008). La barrière
de contact divise et unifie à la fois les phénomènes mentaux conscients et
inconscients : grâce à la perméabilité sélective, un échange entre les systèmes Cs et
Ic. est rendu possible. La perméabilité sélective de la barrière de contact entre le
conscient et l'inconscient est créée et renforcée par la fonction alpha par laquelle les
données sensorielles brutes (les éléments bêta) sont transformées en éléments alpha
qui peuvent être utilisées à penser et à rêver. La fonction alpha comprend aussi bien
les processus et fonctions primaires que secondaires dans les deux systèmes que sont
les Cs. et Ics. (Grotstein 2004, 2007). Selon la pensée de Bion, dans le domaine de la
fonction alpha, les principes de plaisir et de réalité sont tous deux inclus : ils ne sont
pas considérés être des principes distincts comme le théorisait Freud, mais conjoints
en des oppositions binaires dans les deux systèmes et fonctionnant normalement de
manière coopérative (Bion, 1962, 1963, 1965).
Depuis le concept de la barrière de contact découle celle de ‘vision
binoculaire’ : une capacité fondée sur une double focalisation qui favorise la
coopération entre les fonctions mentales conscientes et inconscientes (Reiner, 2012).
Bion s'y réfère, quand il ajoute qu’une sorte de vision mentale binoculaire nous est
nécessaire : un œil aveugle [au monde sensuel], l'autre doté d'une vision suffisante
(Bion, 1975, p.63). La vision binoculaire apporte une profondeur et une résonnance à
l'expérience, Grotstein (1978) la considère comme une ‘voie qui suit un chemin
parallèle’, qui facilite l'appréhension des phénomènes qui ont lieu au cours d'une
analyse. Les systèmes Ics et Cs peuvent être considérés comme les deux yeux ou les
deux hémisphères cérébraux réceptifs aux intersections de ‘O’ en constante évolution,
depuis leurs points d’observation respectifs (Grotstein 2004). Une telle vision
binoculaire permet à l'analyste de prêter attention et de tenter de comprendre ce qu'il
voit, depuis une perspective réversible: une consciente et une autre inconsciente qui à
son tour favorise une façon de voir les choses depuis des perspectives différentes (De
Bianchedi, 2001).
Bion considère qu'en qualité d'analyste, nous devrions utiliser à la fois notre
esprit conscient et inconscient pour être réceptif à ‘O’ « comme Vérité Absolue (au
sujet de) la Réalité Ultime » (Bion 1970, p.88). La théorisation de l'inconscient, en
tant que système, dérive de ce concept, qui coïncide partiellement avec ‘O’, ce qui est
inconnaissable et inconnu puisqu'il reste en dehors de la conscience réflective. La
seule façon d'y accéder s'effectue par la résonance en ‘O’ avec celui-ci. En présentant
le concept de ‘O’ et en le reliant à la chose en soi et ‘l'infini’, Bion propulse le
concept de l'inconscient dans l'ère postmoderne de la compréhension, qui est ainsi
relié à l'infini, le chaos et la théorie de la complexité, la théorie de la catastrophe et de
la spiritualité (Grotstein 1997). Il convient de souligner qu'une forte corrélation entre
l'environnement primaire et la possibilité de contact avec ‘O’ existe : la qualité des
198
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Puisque les éléments bêta sont des stimuli sensoriels jusqu'à ce qu'ils aient
acquis un sens, ils sont différents du concept de ‘représentations’ de Freud. Bien que
ce dernier puisse être conscient ou inconscient, les éléments bêta sont par définition
au-delà, ou plutôt avant, la conscience, en ce qu'ils sont non pas psychiques, mais en
ce qu'ils ‘existent’ ou sont enregistrés uniquement à un niveau neurobiologique ou
somatique (les organes sensoriels et le cerveau font partie du premier). Cette
formulation concerne le premier modèle de l'arc de Freud, tel qu'il est décrit dans son
« Projet d'une psychologie scientifique ». Il est important de noter que les éléments
bêta sont nécessairement inconscients, parce qu'ils ne sont pas encore psychiques,
non pas parce qu'ils auraient soit été soumis au refoulement, ou auraient subi une
quelconque autre modification défensive rendue nécessaire par un conflit avec le
surmoi, ou par une angoisse produite par leur contenu ou signification illusoire ou
effrayante. Une fois les éléments bêta transformés en éléments alpha – c'est-à-dire
199
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une fois qu'ils sont devenus psychiques – ils peuvent ensuite devenir saturés de
significations, acquérir un statut symbolique, être reliés à d'autres éléments mentaux
pour former des éléments narratifs et des chaînes associatives, etc. C'est ensuite qu'ils
acquièrent le statut de représentations et peuvent être utilisés pour former des pensées
et des idées qui peuvent être menées à la conscience ou refoulées dans l'inconscient
en raison de l'angoisse qu'ils suscitent.
Ainsi, la théorie de Bion de la fonction des éléments bêta et alpha est une
métapsychologie de la formation, de la structuralisation et de la croissance psychique.
O contient les graines de l'évolution psychique et de la croissance futures qui a lieu
par les processus initialement intersubjectifs (rêverie maternelle, contenant/contenu)
et dépendants de la présence d'un objet facilitateur, qui prête sa propre fonction alpha
à celle du patient, ou du jeune enfant, pour former un ‘couple qui pense’ plus efficace.
Une fois la fonction atteinte, soit par l'assistance d'un autre esprit ou l'introjection
d'une fonction alpha maternelle et le ‘couple qui pense’, alors le processus continu de
la transformation des éléments bêta en éléments alpha, qui produit ensuite ‘la barrière
de contact’ et l'inconscient dynamique, ou refoulé, de Freud, devient possible. C'est
un processus qui se déroule tout au long d'une vie. Ainsi, la psychanalyse est pour
Bion la sonde qui développe le même domaine qu'elle tend à explorer. Par ailleurs, la
constatation par Bion, que la fonction alpha peut être inversée, les éléments alpha
cannibalisés, évacués tels des fèces mentaux pour appauvrir l'esprit, et la barrière de
contact remplacée par un écran bêta rigide, contribue à une vision dynamique et
dialectique de l'esprit qui déploie ses efforts à maintenir l'ancrage développemental
qu'il a réussi à développer. Dans la déclaration paradoxale que Winnicott avait
prononcée en 1960, que « [...] un bébé, cela n'existe pas ! » (ibid. p. 587), l'on peut
remarquer à quel point la subjectivité et l'être inconscient de l'individu requièrent
l'existence d'un autre sujet et dépendent de la relation primitive avec l'environnement.
Un développement du concept de l'inconscient, orienté vers la relation, concerne
l'‘impensé connu’ de Bollas (1987), en un point de convergence avec les
neurosciences. L'impensé connu est constitué de traces silencieuses de l'inconscient
non refoulé et de résidus des interactions précoces de l'individu. Il représente une
forme relationnelle inconsciente profonde de connaissance qui imprègne ‘l'idiome’ et
l'être intégral de l'individu.
Bien que la pensée de Klein, ainsi que celles de Bion et de Winnicott aient été
vivement influentes partout en Europe et en Amérique latine, l’accueil spécifique
donné aux théories de Klein en Amérique du nord n’a pu être qu'uniquement
progressif et quelque peu idiosyncratique. Dans l’ensemble, jusque dans le milieu des
années 1970, les articles et idées kleiniens initiaux et contemporains n’étaient pas
enseignés dans les instituts nord-américains. Cet état de fait de la vie psychanalytique
est survenu en grande partie en conséquence des tensions irrésolues qui ont persisté
entre les disciples de Melanie Klein et Anna Freud, et de la circonstance fortuite que
tous les analystes qui se sont enfuis d’Europe et sont devenus importants en Amérique
du Nord fassent partie du camp de Anna Freud. En conséquence, jusqu'à une date
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C'est en partie parce que Bion a résidé pendant les nombreuses années de la
dernière partie de sa vie en Californie, que l'influence de sa pensée s'est installée aux
USA, où un groupe d'analystes américains a été exposé à ses enseignements. Ainsi
que Grotstein et Ogden, Harold Boris (1986, 1989) a également transmis la pensée de
Bion à Boston : autant de sources influentes de la pensée bionienne aux Etats-Unis
d'Amérique. Il semblerait que Bion ait décidé de vivre au États-Unis pour se libérer
des pressions inévitables que provoquent l'appartenance à un groupe, le groupe
kleinien de Londres, auquel il était devenu l'un des plus éminents collaborateurs.
Comme ses écrits le reflète, il pensait que cette appartenance à un groupe, et bien plus
encore la grande notoriété qu'il avait obtenue, produirait inévitablement des pressions
qui le mèneraient au conformisme et à l'inertie plutôt qu'à la constante création et
découverte de nouvelles idées. De cette tendance et de cette lutte entre le ‘mystique’
(individuel créatif) et ‘l'Ordre établi’ (le groupe), il en avait conscience, en était averti
et contre laquelle il s'était battu toute sa vie.
Le sens que l'influence de Bion avait pris en Amérique du Nord reflète ces
points de vue, car sur la question de créer une école ‘bionienne’, ou même de former à
sa façon d'analyser, il était inflexible. Cette position est caractéristique de ‘Bion’ dans
la dernière partie de sa vie : claire en ce qui concerne l'indépendance dans la pensée et
dans la recherche, dans la nécessité de la créativité et du changement, même face à la
mutation catastrophique qu'il pensait être provoquée par la croissance.
Le ‘tiers analytique’ de Ogden (Ogden, 1994), la ‘rêverie’ et la ‘pensée du
rêve éveillé’ de Bion (Bion, 1962), ainsi que la ‘transidentification projective’ de
Grotstein (2005, 2008) peuvent être considérées être des expansions de l'inconscient,
selon la théorie des relations d'objet, pour désigner l’attitude psychique de l'analyste
provenant directement de cette notion de l'inconscient. Ces expansions sont les clés de
voute de la rencontre analytique, que l'on peut signifier de ‘rencontre réciproque’
(Bion, 1978). De ce point de vue, la ‘transidentification projective’ de Grotstein
(2005, 2008, 2014), qui se réfère à l'aspect communicationnel inconscient de
l''induction mutuelle’, en relation à l'inconscient ‘binaire’, lequel fonctionne en
compensation mutuelle des processus symétriques primaires et asymétriques
secondaires, peut être reliée à la conception latino-américaine de ‘logique
inconsciente’ de Matte-Blanco (ci-dessous), alors que le concept d'inconscient en
expansion de Bion et d'Ogden est davantage impliqué et déployé par les théoriciens
de terrain notables que sont Antonino Ferro et Giuseppe Civitarese. Toutes ces
expansions (Grotstein, Bion, Ogden, Ferro, Civitarese) sont comprises dans la pensée
synthétique latino-américaine sur la ‘communication inconsciente’ (ci-dessous).
Ferro et Civitarese mettent en application ces développements des
conceptualisations de l'inconscient pour se différencier davantage de la technique
classique. Ferro (2004, 2009, 2016), qui conceptualise la séance analytique comme un
champ, considère que l'accent mis par Bion et Grotstein, sur le développement de la
capacité de penser la communication inconsciente, est primordial : « [ce] n'est pas une
question de faits historiques, ou de ramener au présent des choses du passé, au lieu de
202
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cela, l'accent est porté sur l'effort qui est investi à développer la capacité du patient,
ou plutôt du champ, à penser (rêver), au moyen aussi de la transformation en rêve de
manière constante de la communication du patient66 » (Ferro and Frangini, 2013, p.
371 ; l'aspect du champ ajouté à : Ferro and Civitarese, 2016). Civitarese (2014,
2015 ; Ferro and Civitarese 2016), quant à lui, a suivi l'invitation que Bion et Ogden
ont donnée à l'analyste, qui consiste à oublier les contradictions qui surviennent des
analyses rationnelles, pour être dans un état d'hallucination. Dans cette illustration de
la perspective ‘dramatique’ cité précédemment, afin d'être capable de voir ce que le
patient voit, Civitarese, en citant Ogden, soutient que « l'analyste doit prendre
sérieusement en compte toutes les impressions, les sensations et les idées qui rentrent
apparemment en conflit avec les aspects de la réalité matérielle, parce qu'elles
racontent une histoire différente de celle qui est apparente, une histoire qui pourrait
même être encore plus vraie » (Ogden, 2005, p.73), puisque « […] l'inconscient parle
avec la qualité du vrai, ce qui est différent de... plus riche que ce que l'aspect
conscient du soi est capable de percevoir et de transmettre [...]67 » (Ogden, 2003, p.
602). Les ‘personnages’ évoqués dans le ‘texte de l'analyse’, distribués dans leurs
rôles par le patient ou l'analyste, qui figurent en eux-mêmes et entre eux, sont perçus
éprouver des transformations constantes afin de permettre l'expression de ce qui
devient progressivement pensable dans le ici-et-maintenant de la séance (Civitarese &
Ferro, 2013 ; Ferro & Civitarese, 2016).
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Citations traduites pour cette édition (N.d.T)
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Le célèbre dictum de Jacques Lacan (1993) selon lequel « l'inconscient est ...
dans son fond structuré, tramé, chaîné, tissé de langage »69 a influencé les générations
d'analystes ultérieures, qu'ils aient été opposés ou en accord avec cette idée. Un large
groupe d'analystes de la Société Psychanalytique de Paris, dont, entre autres, Pasche,
Marty, Lebovici, Diatkine, Fain, Braunschweig, McDougall, Green et Neyratt se sont
opposés à la théorie de Lacan et ont refusé de mélanger la pulsion et le langage. Pour
Lacan, l'inconscient n'est pas quelque chose de donné, en attente d'interprétation ; il
69
N.d.T. In: Le séminaire : livre III : Les psychoses (1955-1956), p 135
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est plutôt révélé dans l’acte, pour la plupart (mais non exclusivement) par un acte de
parole. Lacan a par ailleurs mis en garde contre le malentendu de considérer
l'inconscient comme n'étant que le siège pur et simple des instincts. Pour Lacan, le
terme inconscient concerne l'idée de savoir comment conceptualiser le sujet. Toute
son œuvre concerne en conséquence l'étude du sujet inconscient. Lacan (2004) a
remanié la terminologie freudienne des représentations par les signifiants, selon le
modèle du langage de Saussure. L’argument de Lacan était convaincant, dans son
insistance sur les possibilités combinatoires du signifiant, lesquelles déterminent
l'expression ultime des pulsions. Quelque chose (le refoulement) entrave l'expression
des signifiants qui circulent dans l'inconscient. Selon cette version, l'inconscient
consiste en des signifiants refoulés, qui a leur tour contrôlent l'accès aux dérivatifs des
pulsions. Cela présente un modèle de la psyché moins biologiquement réductionniste
et finalement plus culturellement sensible que celui où elle est censé être fondée sur
l’excitation des zones érogènes.
Aux USA, au moment même du célèbre séminaire de Lacan, l'accent était
davantage posé sur l'idée selon laquelle les fantasmes formaient le contenu de
l'inconscient. C'est ainsi que fut stimulée l'émergence d'un style différent de l'écoute
clinique attentive aux indications énonçant un fantasme déguisé sous le couvert de la
libre association. L'approche française a enseigné (de façon freudienne) que l'attention
de l'analyste devrait se poser sur les mots eux-mêmes et le non-dit entre eux. Par
ailleurs, la notion des défenses (autre que le refoulement) que l'on considère
nécessaires à ce que les signifiants demeurent dans l'inconscient, et bien sûr l'analyse
des défenses, autre que le développement novateur lacanien de la ‘forclusion’, est
moins proéminente dans la pensée française. Il a été reproché à Lacan d'avoir
transformé la psychanalyse en linguistique structurelle. Cependant, l'intérêt lacanien
n'est pas porté sur le langage en lui-même. Au contraire, ce qui est intéressant sont les
limites, là où le langage échoue. Selon Lacan, l'inconscient ne peut pas être identifié.
Il se révèle dans les traces qu'il laisse, surtout en son absence. Il a soutenu son
approche linguistique par l'idée que ce n'est que lorsque l'inconscient est mis en mots
que nous pouvons le saisir et en outre que l'inconscient fonctionne conformément aux
figures linguistiques de la métonymie et la métaphore.
Enfin, Lacan insiste sur la notion de l'inconscient en tant que discours, c'est-à-
dire le discours de l'Autre. L'inconscient est l'effet du signifiant sur le sujet. Le
signifiant est ce qui est refoulé et ce qui revient sous la forme de symptômes,
d'humour, d'actes manqués et de rêves. Le concept lacanien de l'inconscient a
cependant franchi un pas important quand il a retravaillé les trois registres de
l'Imaginaire, le Symbolique et le Réel, dans le « Séminaire XX », qu'il a entrelacés
dans les anneaux borroméens (Lacan, 1999). Cette supposition d'un conflit
intrapsychique, au moins pour Lacan, s'est vue remplacée par l'idée d'une articulation
entre ces trois registres. Une conséquence de taille s'est révélée dans une fissure du
concept de l'inconscient, une partie jusqu'à un certain point déchiffrable ou accessible
au langage conventionnel et l'autre partie qualifiée de ‘lalangue’, un terme inventé par
208
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Lacan pour préciser ce qui précède le langage de l'ordre symbolique. Ainsi nous
avons là deux types de connaissance : la connaissance du langage et la connaissance
de lalangue. L'inconscient-lalangue est fondamentalement situé en dehors du
symbolique mais nous affecte à un degré supérieur à notre connaissance énoncée.
Evans définit lalangue en un « substrat chaotique primaire de polysémie sur lequel
s’érige la langue » (1996, p. 97).
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Cs. Ce type de fonctionnement psychique est présent dans les registres non-
névrotiques.
Tout ce travail confirme le postulat du lien intime entre l'inconscient et la
pulsion dans la théorisation contemporaine française. L'examen approfondi de la
‘construction’ de la pulsion à partir des réflexes physiologiques de base est également
un thème important. Ainsi, la pulsion est muable, en transition perpétuelle, elle
prolifère dans toute l'activité mentale (‘mentation’) et se créée de nouveau dans
certaines expériences subjectives. L'environnement des premiers soins apportés à
l'enfant est censé tenir un rôle crucial dans l'élaboration et l'évolution des contenus
ainsi que dans les processus des opérations inconscientes de l'individu. C'est ainsi que
lors des plus archaïques manifestations, l'inconscient n'est jamais constitué d'une
énergie instinctuelle strictement débridée, mais plutôt de pulsion intimement marquée
par la dépendance humaine vis-à-vis des autres adultes spécifiques, dont il en contient
les traces. Ainsi Aulagnier (2001) précisa « pour que les perceptions et les
expériences sensorielles de l'infans, ainsi que ses sentiments de plaisir et de douleur
deviennent représentables psychiquement […] il est essentiel [qu'elles] soient
libidinalement investies par la psyché maternelle71 » (p xxi). Elle remarqua également
que son point de vue est similaire à la rêverie maternelle de Bion. Laplanche (1999) a
proposé le concept ‘d'intromission’ en contraste à ‘l'implantation’ pour décrire la
transmission violente de la sexualité inconsciente non atténuée par le refoulement et
l'élaboration secondaire chez l'adulte. Une autre conceptualisation analogue qui prend
en compte la qualité de la présence parentale dans la construction de l'inconscient est
celle de Christophe Dejours (2001). Lorsque le soignant attaque le processus de
pensée de l'enfant, la capacité de refoulement est mise hors d'état, selon Dejours, ce
qui engendre un inconscient ‘amential’ (sans pensée), qui est dépourvu de la
générativité associative et élaboratrice de l'inconscient refoulé.
Une nouvelle tournure en ce qui concerne la connexion entre l'inconscient et la
représentation se faufile avec l'analyste canadien francophone Scarfone (2016a, 2016b
en cours de publication) qui souligne que la langue anglaise comporte les deux mots :
‘consciousness’ (conscience, connaissance) et ‘awareness’ (conscience dans le sens
de ‘prise de conscience’). L'étymologie du terme nous renseigne que la partie ‘ware’
de ‘awareness’ se réfère à ce qui n'est pas perdu de vue. Mais la conscience
‘awareness’ semble n'être qu'un premier pas en direction de la conscience, en ce que
l'on peut être conscient de quelque chose sans pour autant comprendre pleinement en
quoi nous le sommes. Etre ‘conscient’ pleinement demande de la conscience
‘awareness’ + la signification de ce en quoi nous sommes conscients. Selon
Wittgenstein, la signification c'est l'usage. Par conséquent nous pourrions dire que
d'être conscient signifie avoir un certain usage, dans les mots ou dans les faits, de ce
en quoi nous sommes conscients. A l'inverse, le terme ‘inconscient’ désigne ce qui
réside à l'intérieur ou à l'extérieur de la conscience (awareness) mais pour lequel nous
en avons aucun usage volontaire, ni en pensée ni en fait.
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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pas au sens dynamique de ce terme (mise à part son importance) mais celle d'un
monde qu'il appela malheureusement l'inconscient – dirigé par des lois entièrement
différentes de celles qui gouvernent la pensée consciente. Il ne fut pas le premier à
parler de l'inconscient et, dont des connaissances à ce propos s’étaient développées
avant lui, mais il fut le premier à faire la découverte de cet étrange ‘Royaume de
l'illogique’, soumis, quoique illogique, à des lois précises qu’il découvrit en un extra-
ordinaire coup de génie. ». Dans une étude des travaux de Matte-Blanco, Henry Rey
(1976, p.491) constatait que : « Matte-Blanco était extrêmement concerné, de ce qui
semblait être sa première préoccupation, de la tournure que la notion d'inconscient
avait prise dans les écrits de Freud et chez d'autres psychanalystes. ‘L'inconscient’, au
départ considéré comme un aspect vivant de la personnalité avec des activités
gouvernées par certaines lois, a été reclassé à la simple qualité d'être inconscient ».
En ramenant les conceptions de Freud à des propositions mathématiques,
Matte-Blanco a développé le concept de la logique inconsciente (bi-logique),
gouvernée par deux principes : 1) Le principe de généralisation, selon lequel la
logique de l'inconscient, contrairement à la logique du système conscient, ne
considère pas les individus comme des unités, mais des membres de groupes toujours
plus grands (classes, ensembles). Le déplacement a lieu selon ce principe ; 2) le
principe de symétrie, qui requiert de l'inconscient qu'il traite le contraire/revers de
chaque relation de la même manière, comme s'ils étaient toujours à l'identique.
L'intemporel est une conséquence de ce second principe. Les deux principes opèrent
par la condensation et l'absence de contradiction. Il précisa que ce ‘domaine de
l'inconscient’ était pour Freud la véritable réalité psychique. Dans ce domaine, l'esprit
fonctionne par une bi-logique, par le fonctionnement simultané du principe
d'asymétrie en termes d'individus et de leurs différences, qui définit la logique
quotidienne et les fonctions de pensée scientifiques, la conscience et le processus
secondaire de Freud, ainsi que le principe de symétrie, qui gouvernent le processus
primaire freudien. Pour Matte-Blanco, le déplacement est à la base de la projection,
de la sublimation, du transfert, du retour du refoulé et de la division des objets. Dans
le cas d’un individu en état de déplacement, l'objet vers lequel il opère un
déplacement, est conçu comme un élément d'une classe doté d'un attribut spécifique,
qui peut ne pas être apparent à sa pensée consciente, mais qui l'est à son inconscient.
Ainsi, si quelqu'un perçoit en son chef un père dangereux, nous pourrions dire,
en termes de logique symbolique, que son inconscient traite son chef et son père
comme les éléments d'une, et d'une même, classe : ils sont identiques
inconsciemment. Toute structure de tout système est un ensemble ; une classe est un
ensemble de tous les individus qui possèdent les attributs et les qualités par lesquels la
classe est définie. Lorsqu'un ensemble est infini, dans ce sens qu'énumérer ses
éléments ne peut prendre fin, ainsi la partie devient équivalente à la totalité : c'est ce
qui a lieu dans la logique symétrique et dans l'opération de l'inconscient.
Les structures bi-logiques de Matte-Blanco stratifient l'éventail de la vie
psychique en des niveaux différenciés par la présence plus ou moins grande des
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sont présents. Les concepts que sont le Conscient et l'Inconscient sont reformulés en
termes de bi-logique et de stratification de l'esprit. Cela a conduit Matte-Blanco à
explorer de manière exhaustive le concept kleinien d'identification projective en
termes de logique symétrique. Selon cet angle, l'identification projective est une
manifestation bi-logique de la pensée symétrique et asymétrique.
Les idées de Matte-Blanco sur la symétrisation et l'infinitisation sont
explicitées cliniquement par Erick Rayner (1981, 1995a, 1995b) qui a fondé le
Groupe bi-logique de Londres. Son travail d'élucidation et de développement de la
théorie des émotions de Matte-Blanco, et de sa théorie de la logique inconsciente, l'a
mené à écrire sur la symétrisation dans le domaine des sentiments, où le sujet et
l'objet tendent à devenir indifférenciés ou réversibles et où les affects tendent à
’s'infinitiser’. La symétrisation ne peut permettre aucun développement psychique et
la conséquence évidente est celle d'un processus d'infinitisation, une répétition sans
fin.
En exemple d'une infinitisation de la symétrisation, serait le cas des
impulsions érotiques qui s'infinitisent sous la pression d'angoisses intenses : un
homme impliqué dans une succession de frénésie sexuelle, ou simultanée, avec un
groupe de femmes, remplaçant fébrilement les précédentes rencontres passionnées
avec la dernière femme de ‘l'ensemble’ par des nouvelles femmes. Après l'extase,
lorsque la fusion totale est atteinte, il repart rapidement rencontrer la prochaine
femme et à ce niveau de symétrisation, les femmes sont interchangeables. Lui-même
se retrouve dans une sorte de trance infinitisée, de type hypnotique, sur la beauté
féminine, qui est vécue de manière mutuellement enrichissante. Un examen plus
approfondi révèle que cette structure érotique sert d'exutoire vital en raison
d'angoisses claustrophobes intenses qu'il éprouve dans ses activités professionnelles et
dans sa vie maritale. Mais aussitôt l'extase jouissive terminée, la femme qui y est
impliquée devient un autre objet claustrophobique. Une étude clinique de ces
infinitisations de symétrisations soulève la symétrie du rôle de la proie et du
prédateur qui progressivement mène à l'abandon de la centralité de la frénésie
érotique à des relations plus tranquilles et des états d'esprit plus confortables.
L'infinitisation est aussi une compulsion de répétition, mais elle porte un lien plus
direct avec l'expression instinctuelle, un domaine de non pensée.
Le concept de Matte-Blanco de logique inconsciente concerne la strate la plus
profonde de l'inconscient, la racine de la psyché, l'inconscient structurel non refoulé,
connecté profondément aux sensations somatiques. Dans ce contexte, il est considéré
être relié à des conceptualisations telles que celles d'Armando Ferrari (l'éclipse du
corps) (Lombardi, 2000) et des processus transformatifs de Bion (1962), qui tous
mettent l'accent sur la difficulté structurelle de penser face à la poussée troublante
biopsychologique des émotions. La pression qu'exerce le corps sur le fonctionnement
psychique constitue les premiers éléments structurels de l'infinitisation, comme une
trace psychique en contact avec le corps. La notion de la trace mnésique de Freud
nous mène au « Project for a Scientific Psychology » (1895) (« Esquisse d'une
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utilise la bi-logique pour créer son message, et qui peut devenir source potentielle de
croissance et de rétablissement.
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sont pas saisis directement. L’intermédiaire est le Moi, dans lequel l'inconscient de
l'autre personne est introjecté. Afin de comprendre l'autre, nous n'avons pas à chercher
à atteindre son esprit mais à le sentir inconsciemment dans notre Moi » (ibid. p. 464),
puis : « Je disais que ces impulsions inconscientes dans un esprit induisent des
impulsions similaires dans l'autre : dans ce cas dans l'analyste77 » (ibid. p. 468).
Cependant, une grande contribution à la compréhension de la communication
inconsciente a eu lieu lorsque Klein a découvert le mécanisme d'identification
projective, qu'elle a développé dans ses écrits en 1946. Assimilé initialement au
fantasme du patient, le concept a été développé davantage par plusieurs auteurs :
Bion, Heimann, Racker et d'autres. Dans ce fantasme, le patient dépose dans la
psyché de l'analyste quelque chose en lui-même qu'il ne peut tolérer, ainsi, il se libère
temporairement de cet aspect de sa personnalité. Bien que l'effet ne soit que
temporaire, le patient peut se débarrasser du contenu, mais aussi d'une partie complète
de lui-même ce qui résulte en un appauvrissement, de son esprit vidé.
Dans « Attacks on Linking » (1959), (« Attaques contre la liaison »), Bion a
précisé ce concept dans son aspect communicatif entre l'analyste et le patient. Un
processus d'interaction entre les deux psychés s'ensuit : une intention de la part de
l'analysant de produire un effet sur la psyché de l'analyste. Dans « Learning from
Experience » (1962), (« Aux sources de l’expérience »), Bion est allé encore plus loin
en proposant le concept d'identification projective réaliste où l'analyste est
véritablement affecté par l'identification projective du patient. Sur ce point, Ogden
remarque que (1980, p. 517) : « implicitement, l'identification projective est un
concept qui porte sur l'interface de l'intrapsychique et de l'interpersonnel, c'est-à-dire
la manière dont les fantasmes d'une personne se communiquent et exercent une
pression que l'autre doit porter. »78 Il convient de souligner que si le travail de Klein
sur l'identification projective s'est porté sur son aspect fantasmatique, selon elle les
pulsions sont, dès le tout début, en quête de l'objet. De cette façon, sa théorie a semé
une graine pour le développement par le travail de Bion, sur l'aspect communicatif de
l'identification projective. Une connaissance instinctuelle implicite de l'objet existe et
la pulsion la recherche. Le travail de Bion sur la fonction alpha, la rêverie, le
contenant-contenu et le travail du rêve ont esquissé les mécanismes inconscients dans
la psyché de la mère. C'est ainsi que s'est nourrit notre connaissance de son rôle
facilitateur, et celui de l'analyste, sur le développement de la capacité du nourrisson-
patient à penser, afin qu'il puisse apprendre de l'expérience. Les idées de Bion ont
tracé l'interaction entre la psyché et celle des autres.
En parallèle à ces développements, le concept d'identification projective a
contribué à notre vision du contretransfert, en ce qu'il n'est pas seulement une
manifestation de l'analyste, comme Freud l'évoquait, mais un outil essentiel à la
compréhension du matériel analytique. Dans ce sens, les articles de Paula Heimann
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and Heinrich Racker ont posé des jalons d'influence (voir aussi les entrées
CONTRETRANSFERT (LE) ET IDENTIFICATION PROJECTIVE (L'). Puisque,
selon Heimann (1950), le contretransfert est l'aboutissement du désir inconscient de
transfert que le patient exerce sur l'analyste, de ses affects, qu'il n'est pas en mesure de
reconnaître, l'analyste travaille son contretransfert pour y révéler un insight. Pour
Racker (1953), la source principale des sentiments de l'analyste provient de la psyché
du patient qui transforme le cadre en un champ bipersonnel. Racker précise ce
concept ‘d'identification concordante’ dans laquelle l'analyste introjecte les différents
objets du monde interne du patient, lui permettant de se mettre à la place du patient.
C'est un élément essentiel à la compréhension empathique, qui permet également au
psychanalyste de ressentir ses propres émotions. La différentiation entre les deux
protagonistes est préservée. Par contre, le concept d'identification complémentaire de
Racker, dans lequel l'analyste et le patient communiquent par identification projective
réciproque, signifie que le psychanalyste projette sur son patient. En conséquence, le
processus culmine en énaction. En 1962, Grinberg a proposé le concept de
‘contridentification projective’ pour décrire l'impact de l'identification projective de
l'analysant sur la subjectivité de l'analyste. Lorsque cet effet est majeur, la réaction de
l'analyste est considérée être déterminée par l'identification projective du patient,
indépendante de ses propres conflits. Grinberg a étudié la nature de la relation interne
de l'analyste avec les objets internes du patient qui lui sont projetés.
Les développements décrits dans l'étude de la communication inconsciente
par le transfert et le contretransfert ont conduit à ce que le champ bipersonnel de la
relation analyste-patient, fondamentalement subjectif, soit conceptualisé. Cependant,
le terme est utilisé pour signifier une compréhension très différente. Lawrence Brown
dans « Intersubjective Processes and the Unconscious » (2011) (« L'inconscient et les
processus intersubjectifs ») a précisé que « le terme intersubjectivité est souvent
associé à l'école relationnelle américaine 79 » que Green (2008) avait qualifié
d'épidémie en Amérique du Nord. Cependant, Grotstein (1999) et Brown (2011)
déclarent que le contretransfert a été converti en intersubjectivité, ce à quoi Brown
ajoute : « De plus, l'intersubjectivité est un processus de communication inconsciente,
de réceptivité, de construction de sens de la part de chaque membre de la dyade, pour
y introduire un sens propre au champ émotionnel partagé qui interagit avec la fonction
analogue du partenaire80 » (Brown, 2011, p. 7).
Le concept de champ analytique de Brown dont il est question trouve ses racines
dans les travaux de Baranger et Baranger : « The Analytic Situation as a Dynamic
Field » (1961) (« La situation analytique comme champ dynamique ») publié de
nouveau en espagnol en 1968 et traduit en anglais seulement en 2008. Cette
innovation théorique fondamentale n'a été connue de la communauté psychanalytique
que récemment. Baranger et Baranger avaient décrit leur projet ainsi : « Cet article
aborde les conséquences de l'importance que les articles récents accordent au
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l'analyste. Cette construction peut également avoir lieu par la négociation du sens et
par le langage utilisé pour l'exprimer (Barnà, 1990, 2007a).
Suite aux investigations de Le Doux sur l'interaction implicite des systèmes de
mémoire multiples, dans des conditions de troubles traumatiques que vivent des
adultes, plusieurs études longitudinales ont poursuivi les recherches sur les
conséquences neurobiologiques des expériences liées à l'attachement pendant la petite
enfance (Balbernie, 2001 ; Segal, 1999 ; Schore, 2003, 2006, 2007, 2010) chez des
enfants qui ont soit vécu des expériences traumatiques ou des enfants qui n'en ont pas
vécu. En général les conclusions sont compatibles avec le postulat de Bowlby, selon
lequel l'attachement stable facilite (et l'attachement instable diminue) la résilience au
stress et au traumatisme tout au long de la vie. Les premières expériences néfastes
pendant l'enfance, et leurs conséquences neurobiologiques, en termes de dégâts, sur le
système limbique, dont le cortex orbifrontal, peuvent résulter en une série de
problèmes cognitifs, émotionnels et comportementaux, et entacher leur adaptation au
monde adulte. Le cortex orbifrontal est fondamental dans la formulation de la carte
cognitive-affective et relationnelle. C'est également le lieu où les expériences
associées à celles des premiers attachements et aux mémoires émotionnelles sont
encodées (Segal, 1999 ; Balbernie 2001 ; Bettmann et al. 2011). Le message clé que
nous énoncent les études neuroscientifiques du développement du cerveau est que
« les connexions humaines forgent les connexions neuronales desquelles l'esprit
émerge » 86 (Siegal 1999, p. 2). Pendant les trois premières années de la vie, trois
circuits cortico-limbiques principaux, liés à l'autorégulation des affects, sont activés et
façonnés par les interactions avec les soignants, ils forment ainsi le fondement de la
manière dont les émotions significatives seront vécues et traitées. Dans ce contexte,
Schore (2003, 2007) a également étudié les corrélats neurobiologiques de l'apparition,
pendant la petite enfance, de la dissociation parmi des enfants dont la structure
rythmique avait été constatée en adéquation avec les états de troubles d'hypervigilance
et d'hypovigilance dissociatifs de leur mère.
Dans le langage de la théorie de l'attachement, les transactions d'attachement
sont imprimées dans la mémoire procédurale implicite, médiée par l'amygdale (non
pas par l'hippocampe, qui est impliqué dans le refoulement et la symbolisation
inconsciente, et sous-développé pendant la première année de la vie), formant ainsi
des ‘modèles fonctionnels’ durables de schémas d'encodage des réactions et des
stratégies d'adaptation dans le contrôle des affects face aux défis de l'environnement
(Schore, 2000, p. 35). Lorsqu'elle est activée, la mémoire procédurale génère une
anticipation inconsciente des états d'esprit futurs. Ceci est particulièrement pertinent,
pour Siegal, en ce qui concerne les traumatismes pendant la petite enfance, car les
expériences répétées de terreur et d'angoisse peuvent être enracinées dans les circuits
du cerveau sous la forme d'états d'esprit. Lorsque les occurrences sont chroniques, ces
états peuvent devenir plus promptement activés (récupérés) à l'avenir et devenir ainsi
des traits qui caractérisent l'individu. (Siegal, 1999). Les processus de synaptogénèse
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et de myélinisation des axones dans le cortex orbitofrontal sont toujours actifs dans la
seconde année de la vie. Après cette période de neuroplasticité maximale de
l'apprentissage émotionnel qui dépend de l'expérience, les ‘modèles fonctionnels’ des
relations ont tendance à conserver leur particularité. Cependant, le cortex orbitofrontal
conserve un taux remarquable de neuroplasticité tout au long de la vie, il est donc
possible que par ces circuits, la thérapie psychanalytique de fond peut avoir un impact
neurobiologique : « une psychothérapie soutenue peut être considérée comme une
reconstruction et une refonte à long terme des mémoires et des réactions
émotionnelles qui ont été enracinées dans le système limbique »87 (Andreasen, 2001,
p. 331).
Les débats à long cours sur le caractère dynamique des premières impressions
implicites non refoulées demeurent un sujet de controverse à long terme, et donc leurs
implications pour le travail clinique. Une perspective (Clyman, 1991 ; Fonagy, 1999 ;
BCPSG, 2007) considère que les premières impressions d'encodage procédural
cognitif du ‘soi avec l'autre’ est analogue à la conduite d'une bicyclette. Selon ces
termes strictement procéduraux, la réénaction du transfert a lieu parce qu'un aspect de
la relation analytique est suffisamment similaire à une ‘procédure’ de modèle
fonctionnel relationnel déjà constitué, de sorte que ‘l'amorçage’ (un processus
automatique non motivé) provoque le schéma relationnel procédural. Le changement
peut avoir lieu dans des ‘moments de rencontre’ pas forcément interprétables, alors
que dans le paradigme dynamique de Shevrin, les intentions et attentes inconscientes,
au delà du contexte et des attentes dans une situation actuelle, contribuent à
déterminer ce qui sera récupéré, et comment. « La récupération [des souvenirs] n'est
jamais simplement automatique ni non motivée… » (Shevrin, 2002, p. 137)88. Shevrin
propose que les ‘mémoires procédurales’, bien qu'elles ne soient pas refoulées ni
symbolisées inconsciemment, ne sont pas implicitement automatisées, mais plutôt
soumises aux modifications transférentielles dynamiques-conflictuelles chaque fois
qu'elles sont récupérées. Ce point de vue est compatible avec les concepts
dynamiques de la temporalité psychique et les notions freudiennes de
Nachträglichkeit et de souvenirs-écran. Il est également compatible avec les
approches freudiennes contemporaines et de relations d'objet, par rapport aux
énactions de transfert, considérés sous-symboliques mais ‘symbolisables’ et donc
interprétables (Ellman, 2008 ; Grotstein, 2014, communication personnelle). La
différence entre les deux interprétations des résultats neuroscientifiques semble être
associée à l'exclusion ou l'inclusion de l'interaction dynamique des mondes
représentationnels internes, une marque de fabrique de la perspective
psychanalytique. Abandonner notre vision historique de l'inconscient jusque là
considéré comme un recueil d'expériences indésirables implique naturellement un
différent traitement du rôle de l'analyste dans son cabinet.
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l'objet de débats chez Freud (1940), Winnicott (1949), Alexander (1936, 1964),
McDougall (1974, 1993), Green (1999), et plus récemment Hinshelwood (2015),
Pulver (2003), Blass et Carmeli (2007, 2013, 2015), Yovell, Solms et Fotopoulou
(2015), Albertini (2015), Scarfone (2015), et bien d'autres qui ont couvert un large
éventail de perspectives. De nombreux analystes considèrent qu'il est utile de
s'informer des découvertes émergentes proches des intérêts psychanalytiques, par
exemple les corrélats neurobiologiques des traumatismes lors de la petite enfance, et
leur réversibilité partielle par le traitement psychanalytique, ont été documentés
(Kernberg, 2015 ; Blum, 2003, 2008, 2010 ; Mancia, 2006a,b. ; Busch, Oquendo,
Sullivan et Sandberg, 2010). La proposition de Canestri (2015) de discuter sur
« l'intersection entre les disciplines qui sont différentes en termes de langue, de
méthodologie et d'épistémologie » (p. 1576)90 permet à tous de continuer à s'écouter
les uns les autres.
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inconscientes et conscientes, imposés par des groupes, ont été responsables des
conséquences des plus grandes sublimations et des plus bénéfiques, mais aussi des
plus malveillantes et destructrices, comme l'esclavage, les génocides violents, les
guerres, les dérives et victimisations, tout au long de l'histoire.
Les contributions de W. Bion (1961), de Rice (1969), d'Anzieu (1981), de
Kaes (2010, 2014) et de Lebovici, Diatkine et Kestenberg (1958) ont porté plus loin
encore les idées de Freud, sur les fantasmes originaires déclenchés par le groupe et
les processus identificatoires-introjectifs-projectifs-primitifs spécifiques aux groupes,
ainsi que les modèles d'identification projective et/ou de ‘réalité psychique’ et
‘d'espace dynamique intersubjectif’. Bion (1961) postule que les impulsions
primitives détachées de leur source originale par l'identification projective, ont
contribué à la formation des ‘présupposés de base’ (appelés aussi ‘hypothèses de
base’) gouvernés par des mécanismes de dépendance, d’attaque-fuite, et de couplage
alors que la fonction du ‘groupe de travail (groupe rationnel) est une collaboration
élaboratrice orientée vers la réalité. Anzieu (1981 rend compte des différentes
expressions fantasmatiques et illusions groupales, des images de menaces orales et de
l’angoisse d’annihilation, tel que le groupe-bouche, les fantasmes de casse et du
groupe-machine, qui reflètent les structures primaires de la psyché et du niveau
psychotique de la personnalité, tels qu'ils se manifestent dans les processus de groupe.
Kaes (2010, 2014) précise le modèle de la réalité psychique inconsciente du groupe,
qui consiste en des processus associatifs interférents, de l’espace onirique commun et
partagé, et des alliances inconscientes. Dans ce système de métapsychologie
intersubjective complexe, il y a une triple exigence d’alliance, de nature
fondamentalement narcissique, entre l'Idée, l'Idéal et l'Idole. Cette alliance reflète la
tyrannie de l'imago maternelle idéalisée et omnipotente et l'usage des divers
mécanismes primitifs de défense, de clivage, de déni et du désaveu des angoisses
archaïques. De tels concepts, ainsi que d'autres, ont été facilement applicables aux
groupes de thérapie analytique, mais également aux groupes institutionnels et
organisationnels.
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V. CONCLUSION
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Les analystes latino-américains, qui sont enracinés dans les écrits de Freud sur
le sujet, et qui intègrent des découvertes ultérieures sur les conceptualisations du
transfert, du contretransfert et sur l'identification projective, ont conceptualisé la
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Voir aussi :
CONFLIT (LE)
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (LA)
CONTRE-TRANSFERT (LE)
IDENTIFICATION PROJECTIVE (L’) (bientôt)
THÉORIES DE RELATION D’OBJET (LES)
RÉFÉRENCES
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Europe : Cono Aldo Barnà, MD : Judy Gammelgaard, Professeur, Dr. Phil ; Maria
Ponsi, MD
Amérique du Nord : Fred Busch, PhD ; Allannah Furlong, PhD ; Daniel Traub-
Werner, MD ; (Consultants)
G. Abelin-Sas, MD ; M. Anderson, MD ; J.L. Bachant, PhD ; F. Baudry, PhD ; L.
Brown, PhD ; I. Cairo, MD ; D. Carveth, PhD ; E. Debbane, MD ; J. Fernando, PhD ;
J.L. Fosshage, PhD ; A. Harris, PhD; L. Kirshner, MD ; H.B. Levine, MD ; C. Lovett,
PhD; A.A. Lynch, PhD ; M. Meloche, MSW ; R. Oelsner, PhD ; E.D. Papiasvili, PhD
; G.S. Reed, PhD ; W. Reid, MD ; A. Reiner, PhD ; A.D. Richards, MD ; A.K.
Richards, CSW ; D. Scarfone, MD ; R. Sosnik, MD ; A. Wilner, MD (Auteurs,
Conseillers)
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INTERSUBJECTIVITÉ (L')
Entrée tri-régionale
Conseil éditorial interrégional : Adrienne Harris (Amérique du Nord),
Abel Fainstein (Amérique latine), et Christian Seulin (Europe)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)
I. INTRODUCTION GÉNÉRALE
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dépendent l'un de l'autre : sans la reconnaissance mutuelle, aucun des deux ne peut
réaliser une conscience de soi adéquate. Il y a là une réorientation depuis le modèle
solipsiste cartésien « one-person » au modèle dyadique « two-person » de l'esprit.
Edmund Husserl (1859-1938), le fondateur de la « phénoménologie transcendantale
» mena plus loin la question de l'intersubjectivité : comment nous prenons conscience
des autres subjectivités. La réciprocité intersubjective, remplaçant la relation sujet-
objet par une relation sujet-sujet venant du contexte de l'idéalisme allemand aussi bien
de Hegel que de Husserl, est fondée sur la supposition qu'il n'y a pas de sujet isolé
sans un monde. Selon Husserl, la conscience individuelle est toujours en relation à une
autre : le moi individuel est entraîné dans un processus d'individuation dialogique qui
ne peut se reconnaitre qu'au travers de l'autre. Les précurseurs de l'intersubjectivisme
en psychanalyse de langue allemande peuvent se reconnaitre dans le concept de la
rencontre : mis à part le transfert, une rencontre existentielle se développe pendant le
traitement, pour laquelle le patient n'est pas pris pour un objet de connaissance, mais
pour un partenaire de dialogue qui transcende la dynamique du
transfert/contretransfert. (Bohleber 2013, pp. 807-809).
En rappel de Platon, Husserl cherchait à trouver la conscience du monde telle
qu'il est véritablement. Il posa le postulat selon lequel la conscience d'autres sujets
émerge de l'empathie par rapport à eux. De manière paradoxale, (comme bien plus
tard Stolorow en fit la remarque au sujet de Husserl, mais aussi Heinz Kohut) cette
intersubjectivité est résolument à sens unique, dans ce sens qu'elle a lieu uniquement
dans l'esprit d'une personne – celle qui éprouve de l'empathie. Elle donne cependant à
la présence de l'autre une entité subjective comme la sienne propre et elle parvient à la
conscience de l'autre en tant qu'entité subjective, similaire à celle de soi-même, par le
biais de l'empathie, sans aucune lutte pour la reconnaissance comme le proposait
Hegel. Pour Martin Heidegger (1889-1976), l'intersubjectivité est la condition
humaine fondamentale. Sa notion de Dasein représente un « être-dans-le-monde »
lequel ne peut se concevoir indépendamment de l'autre. Dasein se définit par le
questionnement de son être propre, qu'il est impossible de connaitre et qui dépend
d'une conscience de la fin de l'être, c'est à dire la mort, la temporalité. Un
développement ainsi ancré mène à l'analyse existentielle de Ludwig Binswanger,
l'autre à Jacques Lacan, et encore un autre à Hans Loewald, souvent cité par les
intersubjectivistes américains des États-Unis de progéniteur considérable. Pour aussi
bien Heidegger que Lacan, le langage est le moyen de l'inconnaissance, qui structure
la pensée autant qu'il la rend invisible.
La philosophie structuraliste du 20ème siècle – les études menées par Paul
Ricoeur (1913-2005) sur la structure métapsychologique du travail de Freud et les
explorations de Hans Georg Gadamer (1900-2002) dans les subtilités de la
communication intersubjective – étaient toutes deux également pertinentes pour la
rencontre clinique en psychanalyse.
Merleau Ponty (1918-1961), influencé par la psychologie gestalt de Kurt
Lewin (ainsi que l'était l'école de « personologie » de Henry Murray qui, pour
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est l'un de ses premiers articles (Stolorow, 1978), où il affirme que les formulations
structurelles de Freud à la fois contiennent et obscurcissent ses insights cliniques de
l'expérience subjective du conflit et il propose que le Ça, le Moi et le Surmoi doivent
être considérés comme « une représentation symbolique de la structuration tripartite
du monde subjectif expérientiel dans les états de conflit émotionnel » (ibid, p.314)94.
S'ensuit toute une série d'articles dans lesquels Stolorow souligne régulièrement que
la théorie de l'intersubjectivité ne cherche pas à remplacer Freud, puisqu'elle existe à
un niveau d'abstraction et de généralité différent que celle de Freud et d'autres
théories psychanalytiques, en ce sens qu'elle n'avance aucun contenu psychologique
particulier … C'est une théorie du processus …. Elle apporte en outre un cadre
permettant d'intégrer des différentes théories psychanalytiques en les
contextualisant » (Stolorow 1998, p.424)95 Un exemple d'une telle contextualisation
serait une pensée intersubjective sur le conflit : « Lorsque le conflit se libère de la
doctrine de la primauté de la pulsion instinctuelle, le conflit spécifique devient alors
une question empirique à explorer de manière psychanalytique. La focalisation... se
déplace depuis les vicissitudes présumées de la pulsion vers les contextes
intersubjectifs dans lesquels les états de conflit se cristallisent » (Stolorow 1994, p.
224) 96 . Stolorow (1998) souligne également que le point de vue intersubjectif
n'élimine pas la focalisation traditionnelle psychanalytique de l'intrapsychique. Il le
contextualise. Le problème avec la théorie classique, pensait-il, ne concerne pas sa
focalisation sur l'intrapsychique mais son incapacité à reconnaître que le monde
intrapsychique dépend du contexte. Cet aspect de la pensée intersubjective de
Stolorow devint particulièrement pertinent pour les écoles relationnelles (ci-dessous).
Alors que généralement, nous pouvons considérer que les concepts cliniques
que sont le contretransfert, l’énaction, l’identification projective et la contenance (voir
les entrées ÉNACTION, CONTRETRANSFERT, CONTENANCE,
IDENTIFICATION PROJECTIVE), ainsi que les termes apparentés de l’écoute
clinique décentrée, de la rêverie et d’autres, propulsent la tendance vers
l’intersubjectivité, la pertinence clinique de l’intersubjectivité devient plus claire
quand on l’observe dans le contexte d’un contraste entre une approche « one-person »
et une approche « two-person » du processus psychanalytique, comme le conçoivent
les subjectivistes des États-Unis :
Dans l'approche one-person, l'inconscient (de analysant) se considère comme
le but du processus, comme suit : « rendre l'inconscient conscient » dans le paradigme
de la théorie topographique et/ou « là où était du ça, doit advenir du moi » dans le
paradigme de la théorie structurelle. Dans ce cas, l'analyste est doté de l'autorité qui
consiste à détenir la connaissance des paramètres de base de l'inconscient et sa
capacité à dominer tous les processus psychologiques des personnes. Une exposition
nuancée de cette approche resituée dans la vision contextuelle interactive
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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personnel, est censée englober les expériences psychiques qui émergent et qui sont
constituées et vécues dans un système dyadique ou composé de multiples éléments.
Il peut être utile de considérer que l'intersubjectivité est en contraste avec les
dimensions intrapsychiques de l'expérience. Traditionnellement, l'intrapsychique se
réfère à un système one-person, qui décrit l'expérience interne consciente et
inconsciente de la personne. L'interpersonnel ou le relationnel, qui se forme de
manière antiphonée par rapport à l'intrapsychique, est un concept qui s'applique
comme suit :
Éléments conceptuels (de l'intersubjectivité) :
a) La dimension sociale de l'expérience individuelle ;
b) Le champ bi-personnel que l'on imagine comme étant inconscient,
préconscient et conscient ;
c) L'expérience partagée de manière interpersonnelle ou collective ;
d) Les expériences individuelles ou dyadiques/multiples qui émergent avec les
caractéristiques uniques d'un cadre fusionné, conceptualisé ;
e) L'effet constitutif de l'intrusion de ‘l'altérité’ chez le sujet, un ‘autre’ aussi
grand que l'état et aussi microscopique qu'une transformation d'état partagée
f) Implications cliniques de l'intersubjectivité, par exemple les énactions.
Sándor Ferenczi
Le travail de Ferenczi (Ferenczi, 1949 ; Dupont, 1988) représente une
influence importante pour le développement des théories qui mettent l'accent sur les
dimensions intersubjectives du travail analytique, dont la mutualité, l'énaction et la
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bidirectionnalité des processus psychiques (Bass, 2015, 2009 ; Aron and Harris,
2010). Son expérience brève dans l'analyse mutuelle elle-même, comme il l'a décrite
dans son journal clinique (1988) est la représentation la plus radicale d'une thérapie
entièrement intersubjective de notre histoire. Ferenczi est l'ancêtre commun de deux
écoles : le British Independent Group (Parsons, 2009) et la American Relational
Group (Bass, 2009), qui ont joué un rôle important dans l'application des idées
intersubjectives dans la psychanalyse. Le journal clinique (Dupont, 1988) et la
correspondance entre Freud et Ferenczi qui a suivi ont révélé une sensibilité
commune profondément ancrée dans l'histoire des idées psychanalytiques. Les idées
de Ferenczi au sujet de la relation analytique (l'analyste est une personne réelle, un
sujet, dans une véritable relation, ainsi que l'objet dans une relation de transfert) ont
offert le potentiel de forger avec le patient un nouveau début, en exploitant à chaque
moment des potentiels inexplorés de croissance et d'évolution.
L'école interpersonnelle américaine, et l'école relationnelle qui a suivi ensuite,
a développé une perspective clinique en phase avec les découvertes de Ferenczi.
Celles-ci placent à son centre la reconnaissance radicale que l'analyste est un
participant inévitable au cœur du processus avec le patient, dans la cocréation de leur
expérience analytique partagée en une rencontre particulière entre deux subjectivités,
leur expérience consciente et inconsciente. Elle souligne que le transfert et le
contretransfert sont inévitablement complémentaires, chacun entrainant l'autre comme
dans un ruban de Möbius d'influence mutuelle et de transformations qui peuvent être
étudiées et explorées à bon escient dans la relation psychanalytique. L'analyste est un
observateur participant, ainsi l'impact de sa propre personnalité et ses façons
idiosyncrasiques d'être et de rentrer en relation avec le patient constituent des
dimensions importantes de l'expérience analytique qu'un point de vue intersubjectif
considère essentiel.
Ces idées avaient également été anticipées par Ferenczi qui avait lui-même
noté le caractère central du contretransfert, un complément au transfert façonné
mutuellement. Il avait décelé le rôle de l'influence réciproque dans la relation
analytique, ainsi que l'importance cruciale de la reconnaissance de l'analyste par
rapport à son propre impact sur le patient, un facteur dont il avait reconnu la grande
capacité d'améliorer les inévitables risques iatrogènes de la rétraumatisation. Ferenczi
souligne ce que le traitement implique en ce qu'il reconnait l'analyste comme une
véritable personne (idées reprises dans l'école britannique, par Fairbairn, Guntrip et
Balint, et dans l'école américaine par Thompson, Wolstein, Singer, Levenson et bien
d'autres).
Ferenczi avait détecté que le patient lit et réagit aux plus petites nuances du
comportement de l'analyste. Selon l'entrée dans le journal clinique de Ferenczi, en
1932 (in : Dupont, 1988), le patient « détecte par les petits gestes (la façon de se
saluer, la poignée de main, le niveau de dynamisme, etc.) la présence des affects »
281
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(ibid, p. 11)99, qui peuvent révéler au patient davantage de choses que l'analyste en ait
conscience. Les observations de Ferenczi ont rendu obsolète la métaphore du miroir
(ci-dessous) pour beaucoup d'analystes ; elles ont été considérées essentielles à la
perspective de nombreux psychanalystes interpersonnels des années 1950 et au-delà,
ainsi que pour les théoriciens de la théorie relationnelle qui ont suivi, lorsque
l'intersubjectivité parvint progressivement plus au cœur de la théorie.
Pour Freud (1912) et sa métaphore téléphonique : « L’analyste doit faire de
son inconscient un organe récepteur à l’endroit de l’inconscient du patient qui émerge
- de même que le récepteur transmue en ondes sonores les vibrations électriques
induites par les ondes sonores, de même l’inconscient du médecin est capable de
reconstruire l’inconscient du patient. » (ibid, pp. 115-116) 100 qui a déterminé ses
associations libres ; l'inconscient de l'analyste doit être utilisé comme un instrument
d'écoute extrêmement sensible, guidé par les principes clef tels que la neutralité,
l'anonymat et l'écran opaque ou la fonction miroir.
Cela signifie que la fonction transmettrice de l'analyste doit rester très
disciplinée, faute de quoi sa réception par l'appareil d'écoute du patient met en danger
le processus par lequel le transfert doit se développer sans entrave. Du point de vue de
la perspective relationnelle-intersubjective, c'était comme si Freud incorporait
prophétiquement dans sa métaphore téléphonique une touche de mise en sourdine.
Présenté de cette manière, cela ne représentait fondamentalement pas une théorie
intersubjective. Alors que l'analyste utilise son inconscient comme un instrument
d'écoute, l'inconscient du patient ne semble pas avoir la même capacité. La
subjectivité du patient en ce qui concerne l'analyste n'est pas prise en considération.
Freud s'était rapproché du mode réciproque de l'écoute en 1915, dans son article
« L'inconscient », où il précise qu’« Il est très remarquable que l'Ics d'un homme peut
réagir à l'Ics d'un autre homme…» (Freud, 1915, 107). Cependant, ce point précis est
resté sans appui théorique tout au long de son œuvre.
Ferenczi a lui-même reporté avoir traversé des expériences transformatrices
avec ses patients qui l'avaient poussé à se forger un éventail plus large de
compréhension psychanalytique et qui lui a permis de prendre au sérieux pour la
première fois les dimensions bi-personnelles et réciproques, et donc intersubjectives
de l'expérience et de la transformation psychique. Ainsi que Ferenczi le formulait (in :
Dupont, 1988, p. 84), « Lorsque deux personnes se rencontrent pour la première fois,
un échange a lieu qui se déclenche pas uniquement consciemment mais également
inconsciemment. » 101 Il avait adopté le terme « dialogue de l'inconscient » pour
décrire le dialogue inconscient qui a toujours lieu entre le patient et l'analyste et qui se
déroule sur une voie à deux sens.
99
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
100
NdT : In « Conseils aux médecins », Paris : PUF, 1953, p.61-71, p.66.
101
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
282
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283
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participant peut vivre en présence de l'autre, surtout en ce qui concerne les aspects
affectifs de l'expérience. D'une part, le champ est la somme totale de ces influences,
conscientes et inconscientes, que chaque participant exerce sur l'autre. D'autre part, le
champ est le résultat de toutes ces influences, la relation et l'expérience créée entre
deux personnes du fait de la façon dont ils se comportent l'un avec l'autre.
Aussitôt qu'il existe une incidence dans le champ – aussitôt que le champ se
transforme pour accueillir les influences exercées par ses participants – cette
incidence devient partie intégrante de l'influence du moment suivant dans la relation.
Tout comme les influences qui ont lieu en va-et-vient, les incidences dans le champ
ne sont pas nécessairement conscientes. C'est ainsi que la séquence se déroule :
chaque moment d'influence dans le champ interagit avec les personnalités de ceux qui
sont influencées pour créer les prochains moments de relation (relatedness)102 ; et ces
moments de relation, à leur tour, font partie des influences conscientes et
inconscientes qui s'exercent sur l'expérience de chaque participant du moment qui
s'ensuit.
Pour la plupart des théoriciens du champ interpersonnel, même lorsque le
processus de formuler l'expérience consciente se déroule sans inhibition défensive,
sans rupture ou détour indus, le cours de cette formulation est défini au moment
même où il a lieu et par conséquent sa forme finale surgit uniquement quand elle entre
dans notre esprit. Avant ce moment-là, selon les analystes interpersonnels et
relationnels, ce qui devient une expérience formulée n'est qu'une possibilité. C'est à
dire l'expérience consciente ne préexiste pas sa formulation ; elle n'est pas
prédéterminée mais émergente, ce n'est pas la révélation de quelque chose qui est déjà
« là » dans l'esprit, mais un processus, une activité. C'est ainsi qu'il est possible
d'atteindre la dimension interpersonnelle, relationnelle ou intersubjective :
l'expérience qui peut être formulée dans la dyade analytique est fonction de la nature
de la relation entre deux personnes. Les potentiels de changement des contenus de la
conscience sont déterminés par la nature tout autant fluctuante du champ
interpersonnel.
Le champ est une configuration de la relation créée conjointement, un moyen
social qui résulte de l'implication consciente et inconsciente et de l'intersection de
deux subjectivités, dont l'interaction de ce que d'autres traditions qualifient d'objets
internes. Les participants dans le champ peuvent être conscients ou non des influences
que le champ a sur eux ; cela dépend en partie des conséquences qui découleraient de
cette conscience. Le champ ressemble davantage aux concepts du tiers analytique ou
intersubjectif (Ogden, 1994 ; Benjamin, 2004), ou de ce que Samuel Gerson (2004)
appelle l'inconscient relationnel, plutôt qu'à un simple contexte ou alentour. Le champ
est la configuration des influences qui donne continuellement au processus clinique sa
forme évolutive particulière et sa nature.
102
NdT: ‘Relatedness’ peut se traduire par ‘relation’ ou ‘être-en-relation’
284
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Que le champ soit lié aux subjectivités ne signifie pas cependant que c'est une
simple combinaison additive d'influences. Au lieu de cela, c'est une création unique,
une nouvelle gestalt en évolution constante qui exprime et représente le présent, les
états de la relation en mouvement entre le patient et l'analyste. Le champ n'est pas
synonyme du concept de transfert-contretransfert. Pour que l'idée du transfert-
contretransfert conserve son sens (c'est-à-dire s'il n'est pas devenu dilué au point de
faire référence à l'ensemble de la relation analytique), il doit faire référence à des
schémas de relation modelés sur la nature de l'expérience avec les personnes
importantes du passé. Le champ interpersonnel est plus vaste que cela. Il comprend
les influences exercées sur chaque participant de l'intégralité du nexus des affects, des
motifs et intentions, des protopensées, comportements significatifs, métaphores et
fantasmes qui surviennent quand deux personnes se sont impliquées ensemble.
De quelle manière le champ est composé à tout instant peut encourager des
articulations spontanées de l'expérience vécue ou les décourager. De même, nous
pouvons dire que la composition du champ est créée par l'interaction des états de soi
(« self-states ») de ses participants et qu'il est par conséquent en flux permanent. Alors
que les états de soi se transforment dans l'esprit de chaque participant, comme c'est le
cas régulièrement, dans une réciprocité réactive aux états de soi de l'autre participant
(Bromberg, 1998, 2006, 2011), le champ se transforme aussi.
Le champ interpersonnel reste un concept et non pas une expérience. En ce
qui concerne l’« experience-near » (l’expérience proche du vécu), les changements
qui ont lieu dans le champ correspondent à des changements par rapport aux
possibilités qui peuvent avoir lieu dans la relation – c'est-à-dire dans les types de
relations qui sont facilités ou inhibés. Nous ne « connaissons » le champ que
rarement. Pour la plupart, le champ parvient à notre attention uniquement par le biais
de ce que nous pouvons sentir ou ressentir de ses influences. Mener une réflexion
explicitement sur le champ requiert un effort conscient, que peu de personnes à part
les psychothérapeutes et psychanalystes, et leurs intérêts professionnels, ont une
raison de développer ; et il existe de nombreuses circonstances, ou des aspects du
champ, qui ne donnent même pas l'opportunité d'une telle réflexion. Au niveau
phénoménologique, lorsque la nature du champ change, sans généralement attirer
notre attention consciente, des différents types de relations paraissent plus évidents ou
naturels pour les participants. Le patient et l'analyste tombent particulièrement
facilement dans certains schémas relationnels (et en ressortent). Ces évènements sont
inaperçus, ordinaires, en un mot « naturels ». Alors qu'une sorte de relation devient
naturelle (par exemple, l'amitié), d'autres (comme l'irritabilité) restent en arrière-plan
et semblent moins agréables, faciles ou naturelles à créer dans cet environnement, où
elles sont même activement évitées, parfois pour une raison dynamique inconsciente
(c'est-à-dire une raison défensive inconsciente).
De cette perspective, deux points supplémentaires s'ensuivent : en premier
lieu, si nous prenons en considération les influences favorisantes et inhibantes du
champ sur le contenu des esprits des personnes, nous devons également adopter la
285
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l'histoire que l'analyste interprète au patient, mais tout ce qui a lieu entre le patient et
l'analyste ne provient pas uniquement du patient : le patient peut également être
l'interprète de l'expérience de l'analyste ou affecter le contretransfert de l'analyste.
Ainsi, les deux participants peuvent cocréer le champ analytique qui est, en quelque
sorte, plus grand que la somme des parties formées de deux personnes (« two-
person »). Les psychologues de l'ego intersubjectivistes portent simultanément les
deux perspectives, et ainsi modifient chacune d'entre elles.
Le psychologue de l'ego intersubjectiviste Warren Poland (1996) exprime
cette intégration avec les mots suivants : « Comment se peut-il qu'aucun homme soit
une île et qu'en même temps chaque homme en soit une ? Il est illusoire de parler
avec désinvolture d'une psychologie « one-person » en opposition à une psychologie
« two-person ». Aucune personne n’existe en dehors d'un champ humain, connecté à
l'objet ; l'espace analytique imprègne la manière dont une personne unique parvient,
par l'autre, à la compréhension et à l'insight. En même temps, l'esprit de toute
personne peut être engagée par quelqu'un d'autre tout en restant fondamentalement à
part, un univers privé d'expérience interne » (Poland, 1996, p. 33)103
Dans le sens où cette double focalisation sur la profondeur de l'expérience du
sujet, ainsi que la reconnaissance du profond impact du contexte sociétal-culturel,
selon Chodorow (2004) la psychologie intersubjective de l'ego contemporaine est une
descendante directe de Hans Loewald et de Erik H. Erikson, tous deux émigrés de
l'Europe occupée par les Nazis. Elle décrit particulièrement les écrits d'Erikson sur ses
études de cas, en dressant le portrait des tragédies de la vie interne ainsi que les
incontrôlables accidents de sa famille et son histoire. Elle met également en relief le
concept de développement psychosocial d'Erickson (Erikson 1964) et son intérêt
socio-culturo-politique plus large, comme le démontre ses écrits sur la pauvreté, la
maltraitance vis-à-vis de la population native indienne américaine et la dépression et
auto-culpabilité que l'immigration dans une société fondée sur des préjugés raciaux
peut engendrer (Erikson, 1964). Dans son chapitre sur l'identité américaine, dans
Childhood and Society (L'enfance et la société) Erikson (1950) fait grande éloge à
l'individualité américaine mais en même temps condamne le racisme, le capitalisme,
l'exploitation et la société de masse. S'adressant à la focalisation sociétale et
individuelle de Loewald, Chodorow relève ce que ce dernier appelle la grande
trahison de Heidegger pendant la période nazie, ainsi que l'accent développemental
qu'il pose sur l'inévitable meurtre de ses propres parents et la réparation (atonement)
œdipienne et sa reconnaissance de l'inextricabilité de certaines réactions
thérapeutiques négatives fondées en partie sur l'instinct de mort. Hans Loewald fut
l'un des premiers freudiens révisionnistes des années 1960, 1970 et 1980 à construire
un lien entre l'ego psychology freudienne et la théorie des relations d'objet, pour créer
une théorie psychanalytique qu'il considérait plus proche de l'expérience que les
personnes vivent dans leur vie. Ses principales préoccupations se focalisaient sur les
103
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
288
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commence par une reconnaissance de la subjectivité unique qui se créée chez chaque
individu par les affects inconscients, les pulsions, les fantasmes, les conflits, les
formations de compromis et une histoire personnelle dynamique, avec la
reconnaissance de ce que deux sujets apportent d'unique à eux-mêmes au champ
analytique transféro-contretransférentiel, le champ analytique de contretransfert qu’ils
créent également, dans un environnement analytique culturel et particulier, que l’
« intersubjective ego psychology » –la fusion américaine de l'ego psychology et de la
psychanalyse relationnelle – continue de croitre.
Dans ce contexte, Elliot Adler et Janet Bachant (1996) réexaminent une
fondation essentielle de la technique classique, la situation psychanalytique, qu'ils
définissent en termes d’éléments de base dans la relation psychanalytique, qui permet
l'exploration profonde de la motivation humaine. La situation psychanalytique dans ce
cas est : « un arrangement interpersonnel extraordinaire, ancrée par deux différentes
manières d'être en relation clairement différenciées bien que complémentaires :
l'association libre et la neutralité analytique » (Adler and Bachant, 1996, p. 1021)105.
L'association libre, décrite comme le pôle des « conditions réciproques du rôle » serait
ainsi un prérequis de liberté expressive pour engager une rencontre introspective, avec
les agitations émotionnelles les plus profondes, dans le contexte d'une interaction
avec une autre personne (ibid, p. 1025 ; italiques de l’auteur). Dans sa qualité d'outil
d'interprétation elle dépasserait même les ressources de la connaissance théorique.
Ainsi, le rôle analytique est complémentaire à celui du patient. Sa fonction est de
protéger la liberté expressive du patient. La situation psychanalytique et la technique
sont donc un processus « two-person » de l'exploration analytique d'une névrose
« one-person » : une névrose à une personne, (« one-neurosis ») et non pas un modèle
« one-person » de traitement analytique » (ibid., p. 1038)106.
Parmi les domaines d'intérêt que les psychanalystes freudiens contemporains
suivent et leur pertinence à l'intersubjectivité, figurent les partages inconscients
d'« états de conscience » (Libbey, 2011), les influences inconscientes
bidirectionnelles et le domaine intrapsychique (McLaughlin, 2005), les études
complémentaires au sujet du champ créé par le patient et l'analyste, selon Ogden
(1994) et W. Baranger et M. Baranger (2008), l’énaction ou enactment (Ellman and
Moskowitz 1998, 2008) et l'énaction selon Reis (Reis, 2009) et d'autres.
105
NdT. Citation traduite pour cette édition.
106
NdT. Citation traduite pour cette édition.
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108
NdT. Citation traduite pour cette édition
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subjectivité, qui est mise en exergue. En d'autres termes, bien qu'au départ, le concept
d'identification projective avait été conçu dans un cadre psychologique « one-person
», au fil du temps et progressivement son sens est entré dans un cadre « two-person ».
C'est la raison pour laquelle ce concept a connu un grand succès également en dehors
du milieu kleinien d'où il provenait.
Très proche du style kleinien dans sa manière de concevoir l'identification
projective, s'est posé le concept de rôle en résonance (« role responsiveness ») que
Joseph Sandler, figure prestigieuse de la tradition d'Anna Freud (Malberg & Raphael-
Leff, 2012) formule en 1976, afin de souligner le type de comportement qu'un analyste
peut avoir et qui « […] peut être quelquefois utilement envisagée comme une
formation de compromis entre ses propres tendances et son acceptation en retour du
rôle que le patient lui assigne. » (Sandler 1976, p. 47).
En plus d'élargir le sens que le contretransfert et l'identifications projective ont
permis, le virage relationnel pris par la psychanalyse européenne a été influencé par la
psychanalyse relationnelle nord-américaine, où un ensemble d'éléments provenant de
l'ego psychology, de la self psychology et de l'interpersonnalisme a donné lieu à
plusieurs écoles de pensée relationnelles dans leur fond, avec une variété de noms, tels
que le « constructivisme », « l'intersubjectivisme », la « perspective post-moderne »,
etc. Au carrefour de ces thèmes relationnels cliniques et conceptuels, le concept de
l'énaction (enactment) (voir entrée ÉNACTION L') se développait des deux côtés de
l'océan atlantique, aux États-Unis ainsi qu'en Europe (Bohleber et al. 2013).
Ce qui a progressivement donné au terme d'intersubjectivité un sens plus
spécifique a été la valeur ajoutée que l'on donnait alors à la notion de sujet dans la
rencontre clinique : ainsi le rôle de l'analyste devient à moindre mesure celui d’un
observateur neutre et objectif d'évènements analytiques et un objet neutre des
manifestations du transfert, et dans une plus grande mesure une personne qui participe
à des évènements interactionnels avec ses propres caractéristiques, en utilisant sa
propre posture subjective pour comprendre la dynamique inconsciente du patient
(Ponsi 1997). Le point de vue à sens unique classique de l'analyste neutre uniquement
affecté à l'occasion par des réactions contretransférentielles non-désirées est remplacé
par une vision à multiples facettes de l'expérience de l'analyste, dont ses
compréhensions contretransférentielles, ainsi que la force originaire et formatrice de
sa propre subjectivité. Les termes tels que la subjectivité ou l'intersubjectivité
soulignent le caractère innovant et inédit de la rencontre analytique, en laissant à
l'arrière-plan ce qui est prédéterminé par les schémas de transfert-contretransfert, ce
qui se profile dans la potentialité créative de l'expérience analytique (Turillazzi
Manfredi & Ponsi 1999).
III. Bb. L'intersubjectivité et la recherche sur l'enfance
Les études qui se sont développées dans les domaines de la recherche sur
l'enfance et la théorie de l'attachement, qui soutiennent la vision de la personnalité
organisée en termes d'une matrice intersubjective de « soi-avec-l'autre » et qui
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incorporent les mondes interne et externe (Ammaniti & Trentini 2009, Cortina &
Liotti 2010, Fonagy & Target 2007, Stern 1985), ont contribué à consolider un cadre
conceptuel dans lequel l'interaction entre deux sujets est un prérequis nécessaire au
développement psychique ainsi qu'à la cure psychologique : une autre personne, une
figure parentale ainsi qu'un analyste, est nécessaire pour faire ses expériences et
développer le soi, ou, dirons-nous en d'autres termes, pour « devenir sujet ».
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définition différente de l'ego (le moi) qui est subjectif, bien plus un soi (self) que la
créature défensive de l'ego psychology. Dans ce contexte, tout ce qui est de l'ordre du
Moi émerge de l'inconscient. L'idée d'une sphère libre de conflit est inexistante. Le
Moi est également composé d'objets inconscients et d'objets partiels. 6. L'attitude de
l'analyste est de payer une attention particulière à la réaction du patient par rapport à
la distance. L'analyste est en conscience en qualité d'objet, relié inconsciemment avec
le sujet. L'asymétrie est strictement maintenue. 7. Reconnaissance d'une connexion
proche entre la pulsion et l'objet, où l'objet se comprend comme le révélateur de la
pulsion (Green 2002). Dans l'imbrication de la connexion entre l'objet et la pulsion,
l'analyse comprend la récupération de l'éros (la vie, l'amour) et de la sexualité en tant
que fonction.
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découverte théoriquement en dernier lieu, mais elle précise une situation précoce dans
la vie de chacun.
Du point de vue du sujet inconscient, les personnes qui se situent dans une
dimension de névrose normale ont une vie « interne », alors que les sujets borderline
et psychotiques ne perçoivent pas que leurs pulsions ou fantasmes sont « internes ».
Pour que le sujet puisse passer de la logique du processus primaire, où il perçoit que
ses désirs sont satisfaits, à celui où il peut éprouver ses désirs dans un espace
transitionnel de vérité et de contre-vérité, l'intervention d'un parent suffisamment bon,
dans sa fonction de prothèse temporaire et de contenant, est nécessaire. Selon ce
modèle, chaque être humain débute sa vie dans une situation de processus psychique
« two-person », où le nourrisson et à la fois son environnement sont une unité
opérationnelle, et c'est uniquement avec le temps, grâce à un travail psychique
considérable (la plupart du temps inconscient) de la part des deux sujets concernés
qu'une autonomie « one-person » intrapsychique relative peut s'installer. Ce modèle
constituerait un développement idéal universel que tous n'auront pas accompli, en
général, en raison de carences dans la rencontre première primordiale « two-person ».
Selon ces penseurs du modèle de « la troisième topique » qui ont été nommés ainsi
rétrospectivement, l'esprit « one-person » est une concrétisation, qui est fluctuante,
pouvant se perdre dans des cas de stress interne ou externe.
De manière indépendante, mais presque simultanée, Jacques Lacan et
Donald Winnicott ont tous les deux formulé un dilemme humain : afin de devenir
quelqu'un, chaque sujet doit passer par un autre réel, conflictué, individuel. Les deux
auteurs font état de la fonction miroir de l'objet, dans le cas de Winnicott (1967), pour
retrouver la réflexion de son propre « vrai » self, alors que pour Lacan, (1949/1977;
1966) cette fonction de miroir marque le début d'une aliénation permanente dans
lequel le Moi, dans sa soif d'être l'objet du désir de l'autre, prend, pour être lui-même,
d'autres formes.
Piera Aulagnier (2001[1975]), ancienne disciple de Lacan, a approfondi le
rôle intime de la figure parentale du nourrisson dans l'activité de représentation chez
l'infans. Elle remarque que pour l'infans il existe une certaine « violence
d'anticipation » inévitable dans « l'ombre parlée » du discours maternel. Elle précise
que : « De sorte que le discours maternel est l’agent et le responsable de cet effet
d’anticipation imposé à l’infans dont on attend une réponse qu’il n’est pas en son
pouvoir de donner, c’est aussi ce discours qui illustre de manière exemplaire ce que
nous entendons par le concept de violence primaire. » (2001/1975, p. 11). De plus,
elle insiste sur le rôle central de « l’après-coup de la nomination de l’affect », l’action
différée de nommer l’affect (une action différée parce qu'il a lieu une fois que la mère
a observé la réaction de l'enfant et avant que l'enfant ne puisse en parler lui-même) ce
qui, en désignant la relation de l'enfant aux autres qu'il a investi, identifie et constitue
le Je (p 97).
299
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Pour Winnicott, l'objet (sujet en conflit à part entière) joue également un rôle
essentiel dans la naissance d'un appareil psychique qui fonctionne, qui soit capable de
faire la distinction entre fantasme et perception. L'objet gère cette transformation et
construction au travers de deux moyens principaux d'interaction avec l'enfant. Il y a
premièrement, ce qui est « trouvé-créé » dans l'offre empathique, au bon moment, de
la mère qui apparait exactement quand l'enfant en a besoin. Puis, la « survie » de
l'objet à être « utilisé » en tant qu'objet des pulsions aide l'enfant à différencier ses
désirs de la réalité externe. Winnicott (1960 b, p. 141) affirme que pour l'enfant les
pulsions instinctuelles et les affects sont tout autant étrangers au Moi qu'un coup de
tonnerre. Par une négociation réussie de deux catégories d'interactions que sont le
« trouvé-créé » et « l'utilisation de l'objet » (1953, 1969), l'enfant assujette
progressivement la pulsion et la distingue des forces environnementales. Ainsi le
caractère particulier de la « rencontre » entre l'élan spontané, dirigé sur l'objet de
l'enfant, et la « réponse » du parent, façonne littéralement, si l'on peut dire,
l'expérience intrapsychique du sujet. Avant que la pulsion puisse être ressentie
comme faisant partie de soi-même, elle doit bifurquer par la réaction de l'autre externe
; de cette façon, et plutôt que d'être simplement « innée » la pulsion, pour Winnicott,
est essentiellement « construite » dans la relation avec l'autre.
Selon le point de vue d’André Green (1997), la pulsion est la matrice du
sujet, comme dans la théorie freudienne, le Moi survient de l'interaction/affrontement
entre les pulsions et le monde externe. Green a suppléé au concept winnicottien de
« présence (maternelle) optimale » sa propre conceptualisation de « l'absence
optimale » qui favorise les processus de symbolisation et de représentation. (La
dialectique de l'intrapsychique et de l'intersubjectif, selon Green, sera spécifié ci-
dessous.)
La reformulation ambitieuse des « Nouveaux fondements pour la
psychanalyse » de Laplanche (1989b) apporte une autre vision de la relation entre
l'objet et la pulsion. Laplanche (1999a) critique la nature « ptolémaïque » de la vision
freudienne qui situait la psyché individuelle au cœur de sa destinée. Laplanche, quant
à lui, considère que la « situation anthropologique » fondamentale de la petite enfance
est complètement décentrée par la « primauté de l'autre », faisant de la petite
personne une « copernicienne » dans sa révolution autour de l'adulte. La drastique
asymétrie entre l'adulte et l'infans sur laquelle Laplanche met l'accent, en raison de
son immense conséquence pour la structure psychique de l'enfant, repose sur le fait
que l'adulte est un être sexuel et doté de parole et d'un inconscient, alors que le
nourrisson n’est ni sexuel ni capable de parler et n'est pas encore divisé
intérieurement. A peine deviné par l'intuit de l'adulte, le déclenchement de sa
sexualité infantile inconsciente se réalise dans l'intimité primaire avec le corps de
l'enfant. Cette sexualité inconsciente « contamine » les échanges intimes avec l'infans
sous forme de « messages énigmatiques » que l’enfant n'a pas le moyen cognitif,
émotionnel ou corporel de décoder et qui créé des fantasmes pulsionnels et
inconscients éprouvés par l’enfant sous forme de pression interne de se donner une
300
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« traduction ». Pour Laplanche, cette sexualité infantile, énigmatique par nature, n'est
pas innée mais implantée par l'autre réel, bien que la réalité qui compte (dans un
dérivé fortement critique et une refonte de Lacan) est la réalité du « message », une
tierce réalité que Laplanche ajoute aux réalités psychiques et matérielles freudiennes.
Ainsi la sexualité, pour Laplanche (entendant par là médiée par le fantasme) provient
de l'autre et est « autre » (other), aliénée et étrangère au Moi. (L'approche
métapsychologique de Laplanche, au regard de l'intersubjectivité, sera précisée ci-
dessous)
Loewald aux États-Unis, récemment ajouté au groupe par les analystes
canadiens francophones (voir l'entrée THEORIE DE LA RELATION D'OBJET) et,
mis à part Winnicott, son unique théoricien analytique non-francophone, avait
également rejeté l'indépendance des relations d'objet et des pulsions dans une révision
du concept de l'instinct lui-même (1972/1980). Il suggère que les pulsions
instinctuelles, considérées comme des forces psychiques, soient conceptualisées de
sorte qu'elles sont organisées par les interactions au sein du champ psychique primitif
mère-enfant unifié plutôt qu'en termes d'acquis constitutionnels ou innés (p 324). Par
l'importance qu'il avait accordé au concept freudien de « liaison » (Bindung), Loewald
a réalisé que les implications relationnelles non apparentes chez Freud, où la fusion et
la défusion, la liaison et la non-liaison, pourraient sembler survenir dans un vide sans
objet. Loewald a observé que la liaison des instincts fait appel à la « médiation » de
l'objet, tant au sens de leur « apprivoisement » que de leur « représentation. » Bien
que pour le mot « trieb » il utilise la traduction de Strachey « instinct », les analystes
nord-américains francophones contemporains considèrent que la pensée de Loewald
est conforme aux contributions de la troisième topique, ainsi que la citation longue ci-
dessous le précise :
« Tout, en ce qui concerne les forces psychiques, que nous pourrions appeler
les pulsions instinctuelles, surviennent et sont organisées au départ dans la matrice du
champ psychique mère-enfant unifié, à partir de laquelle la psyché infantile, par de
nombreux processus interactionnels au sein de ce champ, se détache progressivement
vers une aire d'activité psychique plus autonome. Selon ce point de vue, les pulsions
instinctuelles, dans leur forme d'origine, ne sont pas des forces immanentes au sein
d'une psyché primitive distincte, mais elles résultent des tensions dans la matrice
psychique mère-enfant et plus tard entre la psyché infantile immature et la mère. En
d'autres termes, nous considérons que les instincts sont des phénomènes relationnels
dès le début et non pas des forces autochtones en quête de décharge, où l'on comprend
par le mot ‘décharge’ une sorte de vidange du potentiel d'énergie, dans un système
fermé ou vers l'extérieur. » (Loewald 1972/80, p 242)110.
110
NdT. Citation traduite pour cette édition.
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comme autre, comme l’autre-sujet. (ibid, p.3) Les relations intersubjectives se relient
à deux sujets intrapsychiques. La force et le sens sont entrelacés et allient leurs effets.
Pendant son voyage à New York en 2004, Green souligne que lorsque nous
travaillons avec les patients, nous travaillons de sorte à créer des représentations. Les
représentations ne sont pas des éléments primitifs essentiels du Ça, ils sont leurs
transformations présentes dans le Moi. Le premier pas est la transformation de la
pulsion instinctuelle à la représentation inconsciente. La transformation n'est pas
spontanée. Elle fonctionne grâce à la rencontre de la pulsion instinctuelle avec l'objet.
C'est l'objet qui favorise la création de la représentation inconsciente, la
représentation-chose (thing-presentation, Sachvorstellung) qui sera transformée en
une représentation-mot (word-presentation, Wortvorstellung) et qui donne à l'état
initial de la pulsion une forme transmissible par le langage.
Dans le portrait de la psyché que Green dépeint, le facteur économique des
pulsions est essentiel : l'inconscient consiste en un réseau ramifié de dérivés de la
pulsion (représentations-choses) en quête d'une voie de décharge. La nature
dynamique de ces représentations, qui représentent une forme primaire de la pulsion,
les dirige vers une certaine action ou conscience. L'aspect dynamique des pulsions
corporelles de l'inconscient, en recherchant toujours une décharge, et déterminant les
actions de l’individu, sont la source de résonance clinique quotidienne (Green, 2002).
En faisant référence à l'inconscient en tant que non-symbolisé, ce qui n'a
jamais été symbolisé y est inclus (c'est-à-dire ce que l'on appelle les « états primitifs »
ou les contenus du « refoulement primaire ») ou ce qui est dé-symbolisé, c'est-à-dire
dont les liens avec le reste du réseau symbolique ont été rompus (c'est-à-dire ce qui a
été refoulé en seconde instance est soumis au refoulement secondaire). Dans les deux
cas, ce qui ne peut être mis à l'usage (c'est-à-dire devenir conscient) fera son chemin
vers d'autres voies d'expression, avec les deux principales catégories qui en résultent,
l'énaction (enactment) et la somatisation.
René Roussillon (2004a,b) plaide en faveur de l'intégration du concept
d'intersubjectivité en psychanalyse. Bien qu'il considère que les moyens utilisés par la
conception nord-américaine de l'école intersubjective soient réducteurs, il précise que
cette notion peut devenir un concept psychanalytique par une approche
métapsychologique fondée sur une compréhension psychanalytique solide du sujet, en
d'autres termes, sur une conception du sujet qui comprenne la dimension inconsciente
de la subjectivité. Sur la base des travaux de Winnicott, mais aussi sur les
développements de Trevarthen sur l'intersubjectivité primaire, l'intersubjectivité est,
pour Roussillon, une rencontre entre un sujet mû par des pulsions et doté d'une vie
inconsciente, avec un objet qui lui aussi est un « autre-sujet », doté de pulsions et
d'une vie inconsciente. Il insiste sur le besoin de s'adresser au rôle des pulsions et de
la sexualité dans l'intersubjectivité : pour lui, la pulsion est un message (la pulsion
messagère), dans la mesure où elle aspire à la reconnaissance par un objet. Pour
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personne ne pouvait adhérer à l'idée de l'ego psychology, d'un Moi sans une
pulsionnalité liée aux actions et aux conflits. L'idée d'un « vrai soi » et d'un « faux
soi » (D.W. Winnicott) était bien acceptée mais pas complètement, car l'idée d'un Soi
(self) complètement différent du Moi n'était pas bienvenue. Certains auteurs font
référence au soi de manières différentes, pas exactement le self de Jacobson ou celui
de Kohut. Utiliser la notion de Soi de manière claire est un problème, qui explique, en
partie, probablement, son manque de succès en France (voir l'entrée SOI (SELF)
(LE)).
Ces difficultés ont mené les analystes à utiliser le concept de sujet mais avec
un sens différent de celui de Lacan, dont la théorie et la pratique n'étaient pas suivie
par les psychanalystes français de l'API. L'idée stipulait qu'une partie du Moi intègre
les impulsions pulsionnelles par le lien avec les objets, c'est-à-dire le sujet. Ce fut le
travail de Raymond Cahn (1991) qui mit spécifiquement l'accent sur le processus
d’appropriation subjective plutôt que sur le sujet lui-même. Ce travail s'est suivi d'une
réflexion sur le processus de subjectivation avec des contributions principales de
Bernard Golse et de René Roussillon, dans un livre édité par François Richard et
Steven Wainrib (2006). Face à cette complexité, Green (2002), a suggéré une « lignée
subjectale ».
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III. Cdc. L'intersubjectivité : La question des deux psychés, des deux sujets et la
dimension relationnelle
André Green (2002) a donné un cadre à la conception française de
l'intersubjectivité, prenant en compte le couple constitué de la pulsion et de l'objet.
L'objet révèle la pulsion : « La construction de l’objet mène rétroactivement à la
construction de la pulsion qui construit l’objet. » (Green A, (1984), p105). Le travail
intrapsychique et intersubjectif semble être les deux faces d'un même phénomène :
d'un côté la pulsion tend à la représentation, de l'autre l'objet joue un rôle
transformateur dans son travail de représentation. Par conséquent, l'intersubjectivité
est dans ce sens une double rencontre de deux personnes et de deux appareils
psychiques, dont l'inconscient et les instances sont investis par les pulsions.
René Roussillon, propose, en 2008, une définition de l'intersubjectivité,
inspirée du travail de D.W. Winnicott : « [J’utilise donc] le terme intersubjectif pour
penser la question de la rencontre d’un sujet, animé de pulsions et d’une vie psychique
inconsciente, avec un objet, étant aussi un autre-sujet, et qui lui aussi est animé par
une vie pulsionnelle dont une partie est inconsciente » (Roussillon 2008, p.2) Allant
plus loin qu'André Green, Roussillon propose la fonction du messager de la pulsion :
si la pulsion est significative pour l'appareil psychique du sujet, la pulsion est
également, et ce par le biais des affects, des conversations, de l'action et du
comportement, une représentation qui se réfère de manière significative à l’objet. Et
cela signifie que la réponse de l'objet face au message pulsionnel du sujet est
fondamentale dans le travail psychanalytique. Dans « Intersubjectivité et inter-
intentionnalité » (2014), R. Roussillon propose l'idée qui stipule qu'au cœur de
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en anglais « the One », NdT.
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convergentes en grande partie avec celles de Sullivan qui postule que le concept de
besoin est une alternative aux pulsions et désirs. Il parle de trois types de besoin, c'est-
à-dire le besoin d'auto-préservation et de sécurité, le besoin émotionnel et le besoin de
développement et d'épanouissement personnel et social. Selon Espada, l'inconscient
est, pour Pichon-Rivière, un champ intrapsychique de nature impersonnelle et
groupale, une qualité de la psyché qui est constituée d'une série de schémas
comportementaux que les sujets accumulent en relation aux liens dans lesquels ils
participent et le rôle qu'ils jouent au sein de ces liens.
Pour Ana Pampliega de Quiroga (1977), la définition du groupe selon
Pichon-Rivière est :
« Un groupe restreint de personnes, liées par des constantes temporelles et
géographiques, et articulées par leur représentation interne mutuelle, qui
s'engagent explicitement ou implicitement dans une tâche qui constitue leur
objectif et qui interagissent par leurs mécanismes complexes d'adoption et
d'attribution de rôles. Cette articulation de besoins et la satisfaction de ceux-ci,
la fondation de chaque tâche et de chaque expérience d'apprentissage, définit
les sujets en tant que sujets de l'acte, en qualité d'acteurs, et les situe sur la
base de leurs tâches spécifiques, dans leurs dimensions historiques, leur vie
quotidienne et dans leur temporalité. » (Communication orale avec
Nemirovsky).
Bien que les idées de Pichon-Rivière avaient été éclipsées par le
développement simultané de la théorie kleinienne, puis par la prévalence de la théorie
lacanienne, elles avaient enrichi la pensée de nombreux analystes prestigieux latino-
américains tels que J. Bleger, D. Liberman, T. Gioia, E. Rolla, H. Racker, S. Resnik,
E. Rodrigué, M. et W. Baranger, S. Bleichmar, F. Ulloa, H. Kesselman, N Caparrós,
H. Bleichmar et H.Fiorini, ainsi que d'autres professionnels de la santé mentale en
dehors de la sphère psychanalytique. Parmi eux, Mauricio Goldenberg, psychiatre et
précurseur révolutionnaire d'une conception de la santé mentale qui considère que la
santé résulte d'interactions complexes avec le milieu social ; ce fut lui qui mit en place
le premier service de psychiatrie dans un hôpital général dans la province de Buenos
Aires en Argentine. Il y convoqua des médecins, psychologues, assistants sociaux,
infirmiers, thérapeutes en musicothérapie et ergothérapeutes pour composer une
équipe interdisciplinaire en phase avec sa propre conception de la santé mentale.
Heinrich Racker (1957), quant à lui, focalise son attention à la suite de
Ferenczi sur l'observation de l'analyste sur leur propre participation dans le champ
analytique. Bien qu'il utilise le vocabulaire kleinien, Racker ne considère pas que
l'hostilité provienne des pulsions mais qu'elle est réactive. En outre, il souligne la
vertu curative de l'amour de l'analyste (Avila Espada, 2013), en citant Mitchell
(1997). Pour Mitchell qui a entièrement porté les idées de Racker dans le contexte
relationnel plus large, le transfert et le contretransfert sont les deux composants d'une
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seule unité : ils donnent vie l'un à l'autre et créent la relation interpersonnelle de la
situation analytique.
José Bleger (1967), éminent disciple de Pichon-Rivière, a développé une
théorie comportementaliste sur la base du structuralisme et des idées marxistes. Il
propose trois niveaux d'expression comportementale, c'est-à-dire l'esprit, le corps et le
monde externe. Ces trois niveaux interagissent de manière dynamique.
Madeleine et Willy Baranger étaient des psychanalystes nés en France, qui
avaient déménagé en Argentine en 1946 et avaient rejoint l'Association
psychanalytique d'Argentine (de León de Bernardi, 2000). Selon W. Baranger (1959,
p. 81),
« Sur la base de sa pratique, la psychanalyse doit déployer ses propres
principes d'objectivation et accepter son rôle en sa qualité (d'une certaine
manière exceptionnelle) de science de l'être humain. Elle doit accepter sa
nature scientifique du dialogue (c'est-à-dire une psychologie bi-personnelle),
de science interprétative [...] avec essentiellement des lois originales et des
techniques de validation qui sont différentes de celles qui gouvernent les
sciences naturelles. La première responsabilité de la recherche
épistémologique est de formuler les conditions qui pourront valider nos
interprétations »113.
La vision des Barangers cependant est différente d'une position subjectiviste extrême
ou interprétative focalisée en premier lieu sur le point de vue de l'analyste créateur de
l'interprétation. Selon ces auteurs,
« L’étude systématique de ce qui a lieu dans la situation analytique bi-
personnelle est l'unique route d'accès à une validation idéale de la
connaissance de ce qui est vraiment spécifique à la psychanalyse. Cet idéal
actuellement concevable a été réalisé (sans avoir été formalisé) dans plusieurs
essais récents différents qui donnent une description très complète de la
situation analytique, avec des interprétations et des changements qui ont lieu
dans des cadres temporels limités. » (W. Baranger 1959, p. 81)114.
Ils affirment également que puisque l'observation de l'analyste implique
l'observation du patient et une auto-observation corrélative, elle ne peut qu'être une
observation du champ dans sa définition (M. et W. Baranger, 2008). Plus tard,
lorsqu’ils développent la notion de bastion, ils suggèrent qu'un deuxième regard peut
être réalisé sur la totalité du champ analytique, surtout sur les obstacles dans le
processus, qui sont posés par aussi bien le patient que l'analyste. Dans leurs propres
mots,
113
N.d.T Citation traduite pour cette édition.
114
N.d.T Citation traduite pour cette édition.
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Terencio Gioia (1996) s'est penché sur la théorie des instincts et ses
corrélations avec l'éthologie. Il nie catégoriquement la présence de la pulsion de mort
chez les êtres vivants. Il fonde ses conclusions cliniques sur les théories de Bowlby et
de Peterfreund et postule que la crainte génère la haine et l'hostilité et non pas le
contraire.
Hugo Bleichmar (1997, 2000), auteur argentin installé à Madrid, propose
l'approche transformationnelle modulaire dans les années 1990. C'est un modèle
transformationnel-modulaire du fonctionnement psychique qui est fondé sur la
coexistence de divers systèmes motivationnels tels que le narcissisme, l'hétéro-
préservation/préservation de soi, l'attachement et les systèmes se sensualité/sexualité.
Cet auteur affirme que l'inconscient « est une structure complexe, avec des modules
gouvernés par des règles de fonctionnement, et qui ont des origines et contenus
différents, dont les inscriptions sont composées de multiples degrés de représentativité
et d'intensité ou de force115» (H. Bleichmar, 1997, p.14).
Bleichmar ne considère plus que l'inconscient fonctionne de manière
homogène. Au lieu de cela, les différents modules ou systèmes, générés par une
inscription secondaire, une inscription primaire ou une non-inscription, sont
responsables de différent modes de fonctionnement. Selon cet auteur, il existe cinq
types d'inconscient : l'un génère les interactions, l'un les identifications, un autre où le
refoulement prévaut, l'un encore où d'autres modes de fonctionnement dominent et
enfin un inconscient désactivé.
Bleichmar affirme que le modèle modulaire est à l'encontre du principe
d'homogénéité dans la théorie psychanalytique. Il précise les deux conceptions dans le
travail de Freud, notamment les conceptions modulaires et les conceptions
d'homogénéité qui prévalent de manière alternative. Le principe d'homogénéité
apparait dans la conception évolutionnaire du développement psychosexuel, qui est
marqué par la satisfaction libidinale de zones corporelles dont les vicissitudes
déterminent non seulement les formes que les liens prennent par rapport aux objets,
mais aussi les syndromes psychopathologiques. Le principe d'organisation, qui
caractérise l'homogénéité, s'applique aux stades développementaux de la libido, à
partir desquels la constitution de caractères (oral, anal etc.) et leurs séries de
symptômes résultent. Le principe d'homogénéité domine également dans le domaine
de la thérapie.
Freud focalise sa technique sur la mise en conscience de l’inconscient
(« rendre conscient ce qui est inconscient »). Il considère que si quelque chose est
restitué à la conscience il cesse d'avoir un effet de par l'inconscient. A son tour,
Bleichmar souligne le sens de l'hétérogénéité sur la base de la théorie modulaire-
transformationnelle et sur les caractéristiques de l'objet.
115
investissement, ou cathexis en anglais, NdT
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Bion fait allusion aux éléments béta et à un écran béta en termes d'« agglomérat non-
intégré et de terreur sans nom » Winnicott fait référence à la crainte de
l’effondrement, « comme un signe-trace qui n’a pu être symbolisé ». Lacan met en
évidence le réel hors du langage et inaccessible à la symbolisation. Dans cette
catégorie, Zukerfeld y ajoute également les notions de l'« originaire » et du «
pictogramme » de Piera Castoriadis-Aulagnier (1975) ; du « théâtre de l'impossible »
et de l'hystérie archaïque de Joyce McDougall (1991) ; du « clivage primordial » de
M’Uzan (1978/1994) ; des « dynamismes parallèles » de Pierre Marty (1990) ; du
concept de « l'irreprésentable » de André Missenard (1990) ; de la notion de
l'« inconnu et l'inconnaissable » de Guy Rosolato (1978) ; de l'idée de l'archaïque et
de la « négativité radicale » de Kaës (1976) ; du concept du « pré-refoulement » de
Roussillon (2004a,b) ; de la délégation du « non-figurable » et du « psychique au-delà
de la frontière » (psychic beyond-country) de Césare Botella ; les idées du « pré-
psychique », du « travail du négatif » et du « clivage » de Green (1998) ; la notion de
l'« immortel double » de Julio Aragonés (1999) ; les « traces ingouvernables » de
Norberto Marucco (2007) ; l'« inconscient primaire » de Christophe Dejours (1991) et
l'« inconscient originaire » de H. Bleichmar (1997).
L'objectif de Carlos Nemirovsky (1993, 2007, 2008, 2011, 2018) est
d'articuler les théories de la pulsion/défense (essentiellement les développement
freudiens et kleiniens) avec les principes de la théorie relationnelle fondée sur
Mitchell. Nemirovsky (2017, 2018) a développé le concept de l'édition en
psychanalyse, un mécanisme où il est possible de créer la psyché sur la base d'une
rencontre entre deux sujets, l'un disposé à faire confiance et l'autre disponible pour
répondre par une action spécifique. Cette rencontre peut générer une (néo)formation
de la psyché jusqu'alors non-existante. Cette notion diffère de celle de Jaime
Lutenberg (1995) qui, sur la base des idées de Bion, précise que l'édition donne lieu à
la naissance mentale de facettes de la personnalité de l'analysant qui n'étaient pas au
préalable conscientes ou inconscientes parce qu'elles restaient en dehors de la région
dynamique de l'esprit : des secteurs de la personnalité qui en raison du clivage du
Moi, et d'une défense secondaire qui s'y est rajoutée, est restée submergée dans des
liens symbiotiques ou incorporés dans la personnalité.
Pour Nemirovsky (2018), la structure qui est générée par la rencontre n'était
pas présente antérieurement dans la psyché. Elle manquait d'existence, puisque le
sujet n'avait pas eu l'expérience qu'il est en train de vivre pour la première fois. Les
échecs de l'environnement déficient empêchaient la rencontre d'avoir lieu à un stade le
plus précoce de la subjectivation. Nemirovsky compare l'édition à la création de
l'objet subjectif par Winnicott. Sur la base d'une rencontre avec un objet, un nouvel
objet est créé qui n'existait pas dans la psyché du sujet jusqu'alors. L'objet créé est
différent de l'objet apporté par l'environnement. Le terme édition se reporte aux
situations qui apparaissent pour la première fois, sans précédent, nouvelles (elles ne
sont pas répétées dans le traitement, mais ont lieu pour la première fois). Il peut se
distinguer clairement des termes ré-édition ou répétition (que Freud utilise pour
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V. CONCLUSION
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présence de deux sujets, avec leurs pulsions et leur inconscient, le patient et l'analyste,
chacun agissant sur l'autre avec un pouvoir de transformation, qui évoque le rôle de
l'objet dans le développement d'un sujet. En outre, les analystes européens ont une
définition nuancée des différences entre l'interaction, l'interpsychique (Bolognini,
Brusset), l'interpersonnel (Bolognini) et l'intersubjectivité (Green, Roussillon).
Généralement, par l'exposition complète des approches psychanalytiques
diverses de l'intersubjectivité dans leurs propres terminologies culturellement
contextuelles, un tableau riche, multidimensionnel à multiples niveaux, de
l'intersubjectivité est en train d'émerger potentiellement, au sein duquel une
fertilisation croisée partagée peut se développer en apprenant à coexister et
communiquer ensemble. Plus spécifiquement, il est à la fois possible et souhaitable de
comparer les conclusions que chacune de ces approches propose, non pas uniquement
au regard de leur conception du fonctionnement mental et de leur dysfonctionnement
qui génère des symptômes et des pathologies de la personnalité, mais aussi en ce qui
concerne les propositions thérapeutiques qui en dérivent. Ce type de comparaison
systématique permet de réaliser un aperçu riche des divergences et des convergences
à explorer et à nuancer.
Bien que la relation entre le cerveau et les activités psychiques ne soit jamais
directe, des conclusions récentes provenant d'études neuroanalytiques et des
neurosciences du développement affectif confirment la valeur de la connectivité
multiple intersubjective non-consciente et dynamiquement inconsciente dans le
contexte du développement précoce et potentiellement dans la diversité des situations
dialogiques non-verbales. Comment ces résultats sont interprétés et appliqués au
dialogue et au cadre psychanalytique peut dépendre de l'intérêt et de la perspective
psychanalytique spécifiques.
Evoquée de manière inclusive, l'évolution du paradigme intersubjectif et sa
contextualisation semble impliquer une nouvelle conceptualisation du statut du sujet
dans lequel tout phénomène subjectif, dont les organisations relationnelles et
intrapsychiques, sont structurées dans et à partir de leurs contextes intersubjectifs.
Sur tous les continents de toutes pluralités de conceptualisations,
l'intersubjectivité, perspective psychanalytique autrefois non suffisamment théorisée,
révèle les subtilités de la relation analytique et la dimension two-person du processus
analytique. Elle préserve de tout absolu, de certitude, de dogmatisme ou de rigidité
autocratique dont des anciennes et nouvelles orthodoxies. Dans la mesure où elle se
focalise sur la communication bilatérale consciente, préconsciente et inconsciente,
elle sensibilise également l'analyste aux sources potentielles de connaissance et de
« non-connaissance » nuancées chez les deux partenaires de la quête analytique.
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Voir aussi :
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (LE)
CONTRE-TRANSFERT (LE)
EGO PSYCHOLOGY (L') (bientôt)
ÉNACTION (L')
THÉORIES DE LA RELATION D'OBJET
IDENTIFICATION PROJECTIVE (L') (bientôt)
SELF (LE)
INCONSCIENT (L')
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NACHTRÄGLICHKEIT
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Maurice Apprey et Eva Papiasvili (Amérique du
Nord), Bernard Chervet (Europe), Victoria Korin (Amérique latine)
Co-chaire de coordination interrégionale : Arne Jemstedt (Europe)
Le substantif Nachträglichkeit dénote l'un des concepts les plus complexes et non-
linéaires que Freud a créés. Il prolifère un corpus théorique de la métapsychologie et
des théories cliniques sur la mémoire, la causalité psychique et la temporalité, la
sexualité, le trauma et le développement. Pour saisir l'ensemble de sa portée, une
élaboration substantielle serait requise.
De multiples acceptions et emphases à la mesure de l'évolution complexe du
concept par Freud, ainsi que des traductions et interprétations diverses, ont donné lieu
à différentes versions et définitions de Nachträglichkeit dans la pensée
psychanalytique européenne, nord-américaine et latino-américaine.
En Europe, avec la renaissance du concept par Jacques Lacan (1956, 1966, 1971),
tout d'abord, ainsi que par d'autres auteurs francophones qui ont suivi, la focalisation
semble se poser sur la logique de la régression temporelle qui s'étend depuis une
scène récente jusqu'à une scène passée, dans une voie régressive et un processus de
remémoration. Uniquement dans ce cas, l'expression manifeste du symptôme figure
sur une voie progressive. Ainsi, ce sont les souvenirs porteurs d'effets différés qui
constituent le levier d'action thérapeutique lors de séances psychanalytiques. Pendant
le processus de l'après-coup (L’après-coup étant la traduction française de
Nachträglichkeit. La traduction littérale d'un « après-coup » étant dans ce cas un
coup, ou choc réactif), le processus révèle une structure temporelle à un niveau
supérieur à la rétroaction. Ici, « l'après » attend que « l'avant » assume sa place dans
un processus circulaire et non réciproque.
Suite au « retour à Freud » de Lacan et outre la notion de travail régressif
psychique et de la double causalité (du présent au passé et du passé au présent), de
nombreux auteurs francophones mettent l'accent sur le principe de surdétermination
et de transposition du matériel inconscient sur la réalité de la perception, et son
internalisation dans la réalité psychique au moyen de l'identification, avec une
focalisation sur le travail psychique de représentation et de représentabilité. Ils
considèrent l'après-coup comme un processus qui transforme l'économie régressive
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116 Ex post est une locution latine signifiant « en partant de ce qui vient après » (N.d.T).
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Aux Etats-Unis, Arnold Modell (1989) a proposé en premier lieu une autre
traduction anglaise de Nachträglichkeit, notamment « subsequentiality »
(« subséquentialité ») puis une en latin, a posteriori, pour finalement revenir au terme
allemand d'origine de Freud, Nachträglichkeit.
Si l'on examine l'usage du concept dans les écrits en langue espagnole, l'on
remarque un usage pluriel de traductions différentes du terme, dont l'effet différé,
l'après-coup, l'action rétroactive, la resignification, et a posteriori. En Amérique
latine, les termes les plus fréquemment utilisés sont a posteriori, action rétroactive,
après-coup ainsi que le mot allemand Nachträglichkeit.
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ne pas avoir pleinement profité dans le passé de sa nourricière allaiteuse, alors que – à
l’âge adulte – il observait une autre jolie nourricière entrain d'allaiter un autre
nourrisson. A partir de ce moment-là, le phénomène perd sa spécificité dans le champ
de la pathogénèse des psychonévroses et devient ainsi partie prenante de la pensée
quotidienne, dont l'humour et la dérision.
Dans « Le Petit Hans » (1909b), ses interprétations suivent les logiques de
l'après-coup, sans qu'il soit pour autant nommé ainsi. Ce n'était pas le cas en ce qui
concerne le texte sur L'homme aux loups (1918c) dans lequel il attribue au concept
une plus grande complexité lorsqu'il considère que les séances elles-mêmes et le
transfert sont des après-coups nécessaires au but de la cure. Le célèbre rêve des loups
et la phobie des guêpes étaient tous deux le premier et le second après-coups de la
scène primitive qui a eu lieu auparavant et qui n'avaient pas été assimilés à ce
moment-là. Dans ce texte, la notion du temps devient très importante pour Freud, qui
tente de situer chacun des évènements dans le temps.
Étonnamment, le terme Nachträglichkeit disparait (sauf quelques exceptions)
de ses écrits à partir de 1917, alors que l'implication du processus à double sens
devient plus fréquente.
Freud crée ce concept alors que sa recherche était dominée par ses
préoccupations étiologiques. Ces dernières devinrent isomorphes avec la tendance
déjà observée par Breuer, à la remémoration selon un cheminement temporel à
rebours. Breuer avait décrit une rétrogression (c'est-à-dire, le fait de reprendre
l’histoire à partir d'un point précis du passé et de la répéter, dans l'objectif de la
reconstruire et de s'en libérer), qui lui avait permis de concevoir la méthode
cathartique (Freud et Breuer, 1895a). Freud poursuivit la voie de cette régression
temporelle et lui a ajouté une obligation de s'exprimer par le biais de la verbalisation,
donc par la production d’après-coup verbaux. Il s'est servi de cette tendance à la
régression, associée à la contrainte de soutenir un lien verbal avec la conscience, au
service du but thérapeutique. Ainsi, il promut une nouvelle méthode, la cure psycho-
analytique définie par son protocole, sa règle fondamentale, laquelle requiert la libre
association verbale, et un travail psychique spécifique, le travail de l’après-coup.
Lors de son observation d’Emma, dans « Esquisse d’une psychologie
scientifique », partie II, chapitre 4, « Le proton pseudos hystérique » (1895b, p. 352),
Freud donne une description précise de l’après-coup (Nachträglichkeit) en se
focalisant sur la régression temporelle dans les séances. Il décompose alors le temps
1, celui du coup, en deux scènes rétrogrades, desquelles l'une (scène I, au sujet des
deux employées de magasin qui se moquent de sa robe quand Emma a 12 ans) est
récente et re-mémorable, et l'autre (scène II, le souvenir refoulé d’avoir subi d'un
épicier des attouchements sexuels à travers ses vêtements quand elle avait 8 ans) est
plus ancienne et inconsciente dans le sens strict du terme. Il fonde sa pensée sur la
théorie du traumatisme de Charcot qu'il avait déjà exposée dans l'ouvrage « Etudes
sur l'hystérie » (Freud et Breuer, 1893-1895), avec la formation diachronique des
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Suivant la même méthode que Freud, Lacan invente le substantif après-coup (un
néologisme) sur la base de l'adverbe et de l'adjectif courants après coup. Mais deux
épellations étaient possibles, avec ou sans le tiret. Plus tard, et afin de stabiliser une
différence d'épellation entre le nom et l'adjectif ou l'adverbe, certains auteurs tels que
Laplanche découvrent deux termes en français : « après-coup » et « effet d’après-
coup », ou suggèrent (Chervet 2006) que le tiret soit réservé pour le substantif : donc
« l’après-coup » (substantif) et « l'après coup » (adjectif et adverbe).
Grâce à cette accentuation sur Nachträglichkeit, Lacan exprime alors son
inquiétude au sujet de la dévaluation que la psychanalyse a subi pendant l'entre-deux-
guerres, marquée d’un génétisme psychologisant et développemental, d’une théorie de
la temporalité linéaire et chronologique, et par l’Ego-Psychology. Dans son propre
style, Lacan tente de se saisir du procès de l'après-coup (Chervet, 2010). Partisan d'un
retour à Freud, il soutient que le procès de l'après-coup est « toujours à
recommencer » (1972) ; « la nature de la construction du symptôme est d'être
nachträglich » (1956) ; « Tout discours doit être force de toujours se reprendre au
principe, comme nachträglich, l’après coup » (1969, p. 295-307, italiques d'origine) ;
« le nachträglich, (rappelons-nous que nous avons été le premier à l'extraire du texte
de Freud), le nachträglich ou après-coup selon lequel le trauma s’implique dans le
symptôme, révèle une structure temporelle d'un ordre plus élevé [que la rétroaction] »
(1966, p. 839/2006, p. 711, italiques d'origine). Et en référence aux deux temps et à la
mise en latence, il écrit : « L'après faisait antichambre, pour que l'avant pût prendre
rang » (Lacan, 1966, p. 197/ 2006, p. 161).
Lacan perçoit clairement la dévaluation dont est atteint le concept de l'après-coup
quand il est réduit à un adverbe temporel et à une détermination linéaire entre deux
évènements successifs. Cependant, il évite les implications économiques du procès de
l'après-coup en ce qui concerne la véritable nature de l'évènement traumatique qu'il
réalise grâce à son travail régressif ; et il insiste seulement sur le rôle de la
surdétermination impliquée dans la chaîne verbale « par l'action différée » l’après-
coup de sa séquence » (1966 [1958], p. 532/2006, p. 446). C’est ainsi que surgit de
nouveau au cœur de la causalité lacanienne une primauté donnée à la temporalité
progrédiente.
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En fait, des échanges, des débats et des études ont bien lieu et sont également
publiés ; ils démontrent que la rencontre entre les deux courants est possible et que
l'incompatibilité résulte de la simplification. Deux faits peuvent être pris en
considération. D'une part, et cela depuis Freud, le phénomène de l'après-coup est
souvent actif, et d'ailleurs reconnu, sans être dénommé. D'autre part, le terme d’après-
coup est fréquemment utilisé par les analystes dans sa simplification courante en tant
que déplacement temporel et de réflexivité antérograde, qui n’impliquerait pas les
attractions de l'inconscient et le travail conséquent requis, au même degré que le
concept lui-même.
Enfin, toutes les études psychanalytiques peuvent également être considérées
comme des après-coups de ce qui a motivé le travail de Freud. En effet, en lui
emboîtant le pas, elles développent, affinent et donnent une signification nouvelle à
ses propositions. De plus, en faisant face à des aspects de la réalité qui sont restés
inexplorés dans le travail de Freud, elles l'enrichissent et la modifient dans leurs
fondamentaux. Un retour aux conceptions de la source traumatique est ainsi
nécessaire afin qu’une nouvelle ère de pensée puisse advenir, s’intégrer à la
précédente et remanier l’ensemble.
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L'action rétroactive n'implique pas une régression à quelque chose qui aurait déjà
été constitué ; au lieu de cela, le mouvement d'action rétroactif représente ce qui
résulte de la scène antérieure et sa signification en voie de constitution. C'est la
constitution du sujet qui permet la signification de quelque chose qui ne pouvait être
signifiée auparavant.
Les études des deux cas d’Emma et de L'homme aux loups sont en général perçues
comme des paradigmes quand il s'agit de tenter d'identifier la problématique de
Nachträglichkeit dans les écrits de Freud.
En ce qui concerne Emma, le symptôme qu’elle décrit au sujet de son analyse
avec Freud (la compulsion de ne pas pouvoir entrer seule dans un magasin) ne dépend
pas de la trace de la scène qui s’est déroulée quand elle avait huit ans (scène II, avec
l'épicier), mais plutôt des transformations multiples qu'elle subit après la scène qui a
eu lieu quand Emma avait douze ans (ce que Freud a appelé la scène I, avec les
vendeurs), scène associée par la patiente lors de la séance. Les deux scènes sont
reliées par des liens superficiels (les rires, les vêtements). De cette façon, la trace
prend du sens et devient traumatique quand le symptôme est constitué. L'agression
sexuelle, en tant que telle, n'explique pas le symptôme.
Cependant, du point de vue de l’approche latino-américaine, le problème qui
surgit concerne ce qui a lieu lorsque le concept est perçu de cette manière. Cette
vision peut suggérer une lecture évolutive plus proche de celle des « Trois essais sur
la théorie sexuelle » (Freud, 1905) qui serait en mesure de contredire le noyau-même
du concept. Le lecteur pourrait se demander si la théorie peut être construite ou mise à
jour.
La présence permanente (Pontalis, 1968) de l'idée de l’après-coup n'a pas été
altérée par la découverte de la sexualité infantile, qui est constituée de cette même
action rétroactive. Le terme n'a pas non plus disparu avec la formulation de la pulsion
de mort, puisque dans ce cas ce n'est pas une question de retour à un état antérieur –
ce n'est pas un pur mouvement pulsionnel à rebours, c'est plutôt un mouvement des
traces mnésiques qui sont « corrigées » par des nouveaux vécus. Loin de se dispenser
de l’après-coup, ces deux concepts sont en accord avec le terme.
Si l'on regarde l'Homme aux loups d'une perspective latino-américaine, l'on peut
dire que l'enjeu se situe dans la relation entre la visualisation de la scène primaire et le
rêve des loups.
Lorsque le patient rêve, les conditions sont données de manière que se produise,
par une action rétroactive, la resignification des traces de la scène primaire. Il n'y
aurait pas de scène primitive sans rêve.
Cela remet en question la notion du déterminisme, selon laquelle il est possible de
savoir à l'avance ce qui peut être traumatique. Les scènes appartenant à la petite
enfance ne sont pas reproduites sous forme de souvenir ; elles sont plutôt constituées
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a posteriori. C'est sur ce point que la controverse qui existe entre la scène traumatique
et le fantasme régressif apparait.
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qu'Arnold Modell ravive le concept dans une série de publications (1989, 1990, 1992,
1994, 1995, 1997, 2008). Sa publication de 1990 « Other Times, Other Realities »
(« Autres temps, autres réalités ») reste la plus compréhensive en ce qui concerne les
développements nord-américains au sujet de l’après-coup. La traduction de Strachey
(« deferred action »/ « action différée ») étant pour Modell fallacieuse, il préfère
utiliser le terme original Nachträglichkeit et continue à relier fermement le concept à
la remémoration, en termes de sa retranscription postérieure (ou ses nombreuses
retranscriptions et recontextualisations qui y surviennent) dans un contexte
développemental, motivationnel et émotionnel différent.
La renaissance de Nachträglichkeit par Modell intervient à la suite de la
découverte indépendante de son ami et lauréat du prix Nobel, Gerald Edelman, en
termes d'un mécanisme biologique cérébral similaire, notamment la ré-
contextualisation-reconfiguration permanente des cartes neuronales inhérente à la
théorie de la sélection des groupes neurologiques (Theory of Selection of Neural
Groups) évocateur du modèle de Freud explicité dans le « Draft G » (« Lettre G ») de
décembre 1894. Il est bien évident qu'il est possible de trouver un lien analogique
entre les deux domaines.
L'appréhension du concept par Modell et son lien fort à la mémoire remonte
aux débuts de la formulation de la « théorie de la séduction ». Selon Modell (1994),
« Freud et Breuer (1893-95) ont observé « que la mémoire affective du trauma est
logée dans la psyché comme un corps étranger qui continue son action longtemps
après l'évènement traumatique » (Modell, 1994, p. 92). C'est dans cet article que
Freud et Breuer précisent que « les hystériques souffrent principalement de
réminiscences » (Freud and Breuer, 1893-95, p.7). Trois années plus tard, Freud
développe une théorie plus sophistiquée au sujet de la recontextualisation des
mémoires (Modell, 1990). Modell, qui propose une traduction anglaise plus exacte de
Nachträglichkeit – la « subsequentiality » (la subséquentialité) – cependant reconnait
la lourdeur du terme, et continue d'utiliser la version allemande Nachträglichkeit de
Freud. Modell note que Freud reste convaincu de la primauté de la mémoire dans le
processus thérapeutique longtemps après avoir abandonné sa théorie de l'hystérie en
termes de séduction. Il rappelle l'article de Freud de 1914, « Remembering, Repeating
and Working Through » (« Remémorer, répéter, élaborer »), dans lequel Freud
rappelle que l'objectif de la psychanalyse est de « combler les lacunes de la
mémoire... » (Modell, 1994, p.92).
Alors qu'il relie le développement et la psychopathologie au concept de
Nachträglichkeit, Modell (1994), dans son article « Memory and Psychoanalytic
Cure » (« La mémoire et la cure psychanalytique »), revient à l'usage initial du
concept de Freud, où, d’après lui, la psychopathologie résulterait d'une interférence
vis-à-vis du processus de retranscription de la mémoire. Freud explique cela en termes
d’un échec de traduction de la mémoire, ce qui était sa compréhension initiale du
mécanisme de refoulement (et de l'étiologie de l'hystérie). Modell fait ainsi une
supposition développementale selon laquelle Freud, à la suite de la formulation du
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IV. CONCLUSION
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Voir aussi :
ÉNACTION (L’)
BIBLIOGRAPHIE
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Contributeurs régionaux :
Amérique du Nord : Maurice Apprey, Ph.D., Adrienne Harris, Ph.D., Eva Papiasvili,
Ph.D., Dominique Scarfone, M.D. et Laurie Wilson, Ph.D.
Le Dictionnaire encyclopédique de la psychanalyse de l'API est placé sous le contrat de licence Creative
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SELF (LE)
Entrée tri-régionale
Conseil éditorial interrégional : Gary Schlesinger (Amérique du Nord),
Rafael Groisman (Amérique Latine) et Sandra Maestro (Europe)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)
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telles que le « lien au self » (self-link) et le « self lié » (linked self) qui illustrent les
aspects relationnels de liaison entre représentations de soi et d'objet, et qui, dans leur
version étendue, comprennent également la formation interne inconsciente du groupe,
ont occupé une place importante dans l'identité psychanalytique latino-américaine
(Pichon Rivière, 1971 ; Arbiser, 2013 ; Losso, Setton et Scharff, 2017).
En ce qui concerne la question de style dans cette entrée-ci, le « Self » peut
apparaître différemment selon le contexte, soit comme « Self » ou parfois « self »,
pour préserver la terminologie précise d'un auteur ou d'une région.
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393
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129
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
130
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
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131
N.d.T. « The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud », des
œuvres de Freud liées à la psychanalyse est la traduction de l'allemand en anglais, sous la direction
éditoriale de James Strachey, en collaboration avec Anna Freud et avec l'assistance d'Alix Strachey et
d'Alan Tyson.
132
N.d.T. Citation en version anglaise traduite par « […] normalement, rien n'est plus stable en nous
que le sentiment de nous-mêmes, de notre propre Moi. » (Revue française de Psychanalyse, t. VII, n° 4,
1934, p. 692, et t. XXXIV, nº I, 1970, p. 9)
133
Citation en version anglaise traduite par : « Le moi malade du patient nous promet une franchise
totale, […] De notre côté, nous lui assurons la plus stricte discrétion... » (Freud S., 1938, Abrégé de
psychanalyse, Paris, PUF, 1992, p.41).
396
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134
Citation en version anglaise traduite par : « quand le moi a pu résister à la tentation de commettre
une action réprouvée par le surmoi, son amour-propre s'en trouve flatté et sa fierté s'accroît, comme s'il
avait réalisé quelque gain précieux. » (Freud S., 1938, Abrégé de psychanalyse, Paris, PUF, 1992).
135
Citation en version anglaise traduite par : [les instincts, opposés l'un à l'autre, de conservation de soi
et de conservation de l'espèce], ainsi que ceux, également contraires, d'amour de soi et d'amour
objectal » (Freud S., 1938, Abrégé de psychanalyse, Paris, PUF, 1992).
136
N.d.T. Traduite en français par « le traitement psychique ».
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N.d.T. « moi » ici signifiant le pronom personnel.
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le moi spirituel, et le construit théorique du « pur Ego » (Pure Ego). Chacun de ces
moi empiriques est capable de susciter des sentiments et des émotions qu'il appelle
« sentiments du moi » (Self-feelings) et chacun d'eux est capable d'inciter une action
de « quête de soi » (Self-seeking) et de « conservation de soi » (Self-preservation).
James confirme également les conflits entre les différents moi expérientiels, qui sous-
entendent des besoins en conflit. Le « pur Ego » est un construit théorique, qui
consiste en une identité personnelle et d'un pur soi (Self) d'unité personnelle.
138
N.d.T. Traduction française : « […] nous séparons de même en psychanalyse les instincts de
conservation, ou du moi, des instincts sexuels ». (Freud, 1917).
400
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grandiosité, l'idéalisation et les choix d'objet narcissiques. Alors que Freud concevait
que l'objet d'amour était un but développemental, selon lui le narcissisme était ce à
quoi l'enfant avait besoin de s'échapper. En présage cependant à certaines découvertes
de la self psychology, Freud en vint à considérer que le pouvoir permanent du
narcissisme de l'enfant est lié au maintien de l'estime de soi, qui se développe par
l'accomplissement des idéaux du Moi, par l'amour porté à l'autre qui détient les
qualités propres à cet idéal, ou en étant aimé. Dans « Pour introduire le narcissisme »,
Freud indique, parmi les choix d'objet « selon le type narcissique [...] ce que l’on a été
soi-même » (1914, p.90), une manière entre autres d'amener l'être humain au choix de
l'objet (les « voies menant au choix d’objet », ibid.). Ainsi, « le malade se dérobe
maintenant à la poursuite du traitement pour faire un choix amoureux » (ibid, p.101).
Dans les années 1930, le terme Self réapparait de nouveau comme l'équivalent du
Moi, lorsque Freud, comme indiqué ci-dessus, considère que : « Normalement, rien
n'est plus stable en nous que le sentiment de nous-mêmes, de notre propre Moi. »
(Freud, 1930a, p. 65).
En affirmant qu'en plaçant l'objet à l'intérieur du Moi, par l'introjection,
l'incorporation et l'identification, « le caractère du moi résulte de la sédimentation des
investissements d'objets abandonnés », Freud (1923, p.29) semblait indiquer que ce
que les théoriciens ultérieurs appelleraient le « self » se développe par le
remplacement progressif des aspirations libidinales de l'enfant pour ses parents, avec
les identifications. Ceci rentre en résonance avec les articles précédents « Pour
introduire le narcissisme » (Freud, 1914) et « Deuil et mélancolie » (Freud, 1917).
Ainsi, le concept d'identification donne un lien entre le monde intrapsychique et
interpersonnel de l'enfant. L'identification permettait également à la « réalité » de
jouer un rôle majeur dans le développement de soi, ouvrant la voie aux écoles
postfreudiennes et aux conceptualisations du Self et son développement dans l’ego
psychology, notamment de l’école britannique et de l’école nord-américaine de la
relation d'objet, la Self psychology et dans les perspectives relationnelles-
interpersonnelles.
401
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Ferenczi qu'est imputé d'avoir présagé la self psychology, pour son insistance sur le
rôle pivot de l'empathie des figures parentales dans le développement d'un rapport à
soi sain. Globalement, Ferenczi considérait que les pathologies du self provenaient
des échecs d'empathie, desquels les plus extrêmes disposent au traumatisme.
402
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Ronald Fairbairn
Dans sa théorie psychanalytique, Fairbairn (1952, 1963) n'utilise pas
directement le mot self mais « ego » (moi), tout comme Freud utilisait « das Ich »
dans ses écrits pré-structurels pour désigner le self. John Sutherland (1994) confirme
que : « Fairbairn accepte que le « self » soit un mot plus approprié dans la plupart de
ses considérations, puisqu'il se réfère au tout à partir desquels les sous-selfs sont
clivés. Le moi (ego) est utile pour le self central, c'est-à-dire la partie dominante du
self qui incorpore les buts et objectifs principaux de la personne dans ses relations
avec le monde externe et avec lequel la conscience est habituellement associée »
(Sutherland, 1994, p21) 140.
Les fonctions du self dans la théorie structurelle de Fairbairn sont les suivantes
:
La personne existe en relation d'objet ; par conséquent le self se définit par la
relation. L'enfant/la personne cherche l'objet plutôt que le plaisir. Le self existe depuis
le début et n'est pas le fruit de l'expérience. Il représente sa précondition et en même
temps la précondition d'autres expériences et de développements. Le self apporte une
continuité et influence le développement futur.
« Le self dans la théorie de Fairbairn est un centre vivant qui s'auto définit,
qu'il perçoit comme le point initial du processus psychique humain ; de ces principes
les plus fondamentaux il en découle directement que le self peut avoir des relations
avec d'autres êtres humains, même s'ils ne sont pas différenciés de manière
représentationnelle en tant qu'objets distincts du self. Initialement, ce self est en
relation avec le monde avec peu de fondement expérientiel en ce qui concerne la
différentiation self/objet. » (Rubens, 1994, p. 432)141
Pendant le développement, les sous-systèmes au sein du self, qui font partie de la
structure endopsychique de Fairbairn, se forment. Fairbairn (1963) définit cela ainsi :
140
N.d.T. Citation traduite pour cette édition
141
N.d.T. Citation traduite pour cette édition
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« […] le moi originel [« self »] est clivé en trois « moi » - un moi central
(conscient) attaché à l'objet idéal (idéal du moi), un moi libidinal refoulé attaché à
l'objet attirant (ou libidinal), et un moi antilibidinal refoulé attaché à l'objet rejetant
(ou antilibidinal). […] Cette situation interne représente une position schizoïde de
base qui est plus primitive que la position dépressive présentée par Mélanie Klein. Le
moi antilibidinal, en vertu de son attachement à l'objet rejetant (antilibidinal), adopte
une attitude implacablement hostile envers le moi libidinal, ayant ainsi pour effet de
renforcer puissamment le refoulement du moi libidinal par le moi central. » (p.35)
C'est dans ce sens que, selon Robbins (1994), certaines des idées de Fairbairn
dans la théorie de la relation d'objet anticipent les développements qui culminent dans
la self psychology de Kohut. (Grotstein et Rinsley 1994). (Voir l'entrée THÉORIES
DE LA RELATION D'OBJET).
Donald Winnicott
Acteur principal de la « middle school » de l’école britannique de la relation
d’objet, l'influence historique et contemporaine de Donald Winnicott dans l'évolution
du concept du Self dépasse largement les frontières de son Angleterre natale. Bien que
son influence soit bien plus marquée en Europe, elle prolifère aussi largement dans la
pensée contemporaine des conceptualisations nord-américaines et latino-américaines.
Winnicott (1965) place la relation mère-enfant au centre du développement du
Self. Selon son modèle, l'enfant recherche instinctivement la reconnaissance et le
support de la mère. Il considère que le « self » émergeant de l'enfant est capable de la
« geste spontané » et de « l’idée personnelle » (Winnicott, 1960, p. 148). Mais le
« self » peut seulement se développer dans le contexte d'une série d'interactions avec
une figure parentale aimante. Sur la base de ses années d'expérience en pédiatrie,
Winnicott insistait sur l'impact de la « vraie relation » entre la mère et l'enfant. Selon
son point de vue, l'omnipotence de l'enfant est soutenue initialement par le « holding
environment » (un environnement favorable de soutien maternel) ; mais les échecs
inévitables parentaux, dans le contexte d'un maternage « suffisamment bon »
(Winnicott, 1953) permet à l'enfant de développer un self sain et résilient (« le vrai
self »). Dans le meilleur scénario possible, l'enfant est capable d'utiliser l'objet (la
mère) « impitoyablement » sans égard envers la subjectivité de l'objet (la mère). Un
développement sain du self est contingent sur la capacité de l'objet-mère à
« survivre », c'est-à-dire à subvenir aux besoins de l'enfant de manière « suffisamment
bonne » tout en gardant sa propre subjectivité. De cette façon, l'enfant peut prendre
conscience d'un « autre » qui survit à son agressivité et existe en dehors de son
contrôle omnipotent : cela permet le développement d'un self capable de vraie relation
d'objet et d'empathie. Si la subjectivité propre de la mère perturbe sa propre capacité à
gérer l'hostilité de son enfant, mais qui répond pourtant à ses besoins, le sentiment de
frustration qui en résulte, ainsi que la fragmentation, engendrent un « faux self »
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conditions ne peuvent être trouvées, il faut alors que se réorganise une nouvelle
défense contre l'exploitation du vrai ‘self’ [...] Dans l’état de santé : le faux ‘self’ est
représenté par toute l’organisation que constitue une attitude sociale polie, de bonnes
manières et une certaine réserve. » (1960b, p 142-143).
Un aspect, souligné par Winnicott (1949), du faux self et sa fonction
prématurée de holding, a lieu lorsque la pensée de la personne commence à prendre la
relève pour prendre soin du psyché-soma, alors que chez un sujet sain, c'est à la
fonction de l'environnement de le faire. La psyché est « séduite » par l’esprit
(l’intellect), à l’écart de la relation intime que la psyché avait au début avec le soma.
« Il se développe, dans ce cas, une dissociation entre l’activité intellectuelle et
l’existence psychosomatique » … [avec une] « tentative de la part de l’individu de
résoudre son problème personnel en utilisant un intellect brillant, le tableau clinique
qui en résulte a ceci de particulier qu’il peut très facilement abuser autrui. » (1960b, p
144). Pour la personne, il existe dans cette situation la perte du sens profond du self
pour lequel un lien intime entre psyché et soma est essentiel.
Winnicott est intentionnellement vague quand il aborde le thème du vrai self.
Pour lui, « Définir l’idée d’un vrai ‘self’ n’a que peu d’intérêt, si ce n’est pour tenter
de comprendre le faux ‘self’, car le vrai ‘self’ ne fait guère plus que rassembler dans
ses détails l’expérience liée au fait de vivre. » (1960b, p. 148). Le vrai self est un
potentiel inné, unique pour chaque personne et fondamentalement dépendant d'un
environnement favorisant pour qu'il soit articulé et vécu. C'est la source de la
créativité de se sentir réel et vivant : « Au stade le plus primitif, le vrai self est une
position théorique d’où provient le geste spontané et l’idée personnelle [...] Le vrai
self provient de la vie des tissus corporels et du libre jeu des fonctions du corps [...] Il
est étroitement lié à l'idée du processus primaire » (ibid.). C'est-à-dire qu'il a un
profond rapport avec l'inconscient et le rêve. Dans l'un des articles de l'ouvrage
Playing and Reality (Jeu et réalité), Winnicott écrit au sujet du « rêve profond » qui
est au centre de la personnalité (1971, p 109). C'est-à-dire le vrai self est primaire, et «
[…] le concept de la réalité individuelle intérieure des objets s'applique à un stade
plus tardif que celui auquel s’applique le concept de ce qu'on appelle le vrai ‘self’. »
(1960b, p 149).
Dans l'article à la fois riche et complexe « Communicating and Not
Communicating Leading to a Study of Certain Opposites » (« De la communication et
de la non-communication, suivi d’une étude de certains contraires », 1963), Winnicott
approfondit sa pensée au sujet du vrai self et lui donne une qualité plus énigmatique.
Il suggère que « […] chez l'individu bien portant, il y a un noyau de la personnalité
qui correspond au vrai ‘self’ de la personnalité morcelée. Je pense que ce noyau ne
communique jamais avec le monde des objets perçus et que l'individu sait qu'il ne doit
jamais entrer en communication et qu'il ne doit pas être influencé par la réalité
extérieure. [...] Au cœur de chaque personne se trouve un élément de non-
communication qui est sacré et dont la sauvegarde est très précieuse. » (1963, p 187).
Ce « self » central est « […] pour toujours inaccessible au principe de la réalité et
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pour toujours silencieux. » (Ibid., p192) Il est silencieux dans le sens ou n'existe
aucune communication avec le monde extérieur ainsi que dans le sens où il existe une
communication silencieuse ou personnelle, une communication onirique avec des
objets et phénomènes subjectifs qui « portent en eux un sentiment du réel » (ibid., p
184). Réel, puisque cela implique une connexion avec l'élément central profond
personnel de l’individu.
L'accès à ce centre interne non-communiquant est inhérent à la capacité de la
personne saine d'être seule, car c'est à partir de là que provient la capacité spontanée
de créer le lien. Winnicott qualifie de « directe » la communication centrale
silencieuse et la communication avec des objets externes d’ « indirecte ». Elle est
indirecte dans le sens qu'elle n'a qu'une connexion dérivée avec le centre de la
personnalité, et en même temps elle rend vivante la communication avec l'autre.
La pensée de Winnicott a une influence directe ou indirecte de différentes
manières sur de nombreux développements successifs des théories du Self, sur tous les
continents psychanalytiques, dont celles de Mahler, Bollas, Modell, Gaddini,
Gammelgaard, Badaracco, Bleichmar et bien d'autres.
409
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l'investissement libidinal non pas du Moi, mais du soi (the self). (Il peut aussi
être utile d'appliquer le terme représentation de soi (self-representation) en
opposition à représentation des objets). » (Hartmann, 1950, p. 84f.).
Dans le domaine du self, Hartman fait la distinction entre le self, l'image de soi (self
image) et la représentation de soi (self representation) qu'il met en opposition et en
réciprocité aux représentations objectales. Essentiellement sur la base de l'article de
Freud « On Narcissism » (« Pour introduire le narcissisme ») (Freud, 1914), antérieur
au modèle dualiste de la théorie des pulsions de 1920, ainsi qu'à la théorie structurelle
de 1923, la définition économique du narcissisme de Hartman en termes
d'investissement libidinal du soi (self) ne portait pas sur l'agressivité et les problèmes
dans les concepts interdépendants du narcissisme, du Moi et du self et leur relation à
l'appareil psychique, sa structure et sa fonction (Blum, 1982). Toutes ces questions
restent ouvertes à ce que les prochaines générations de penseurs freudiens les
explorent (Jacobson, 1964 ; Blum 1982 ; Rangell, 1982 ; Kernberg, 1982), et à
l'émergence d'autres théories du self (ci-dessous).
Cependant, la distinction naissante que fait Hartman entre le self en tant que
personne et la représentation intrapsychique de la personne, ou la « self-
représentation », reste une contribution durable qui dans l'élaboration générale
ultérieure de Jacobson et de Mahler (ci-dessous), reprend certains des aspects doubles
du Ich freudien.
Erik H. Erikson (1950, 1956, 1959) développe le modèle du conflit de Freud
en le plaçant dans un contexte social et culturel dans lequel le développement a lieu.
En contraste à la focalisation intrapsychique et psychosexuelle de Freud, Erickson mit
l'accent sur le rôle central des facteurs sociaux et environnementaux dans le
développement. Pour lui, le développement est un processus qui se déroule tout au
long d'une vie : il le décompose en huit stades, chacun étant organisé autour d'un
conflit psychosocial pivot (par exemple, stade un : la confiance versus la méfiance).
Selon lui, toutes les identifications, qui débutent pendant l'enfance et continuent tout
au long de l'enfance, sont le mode principal du « self-développement », l'adolescence
est en revanche la trajectoire entre l'enfance et la vie adulte, période critique pour la
solidification de l'identité. Selon Erikson, l'identité se forme en général après une
expérience de confusion des rôles et d'expérimentation sociale. Il invente ainsi la
formule « crise identitaire » pour décrire la turbulence qui accompagne souvent le
développement du self. Pour Erikson, cette étape charnière dans le développement
humain semble impliquer une réconciliation entre la personne qui est devenue ce
qu'elle est et la personne à laquelle la société s'attend. Ce sentiment de self émergeant
comprend le processus de forger les expériences passées avec les anticipations du
futur.
À la suite de Freud et de Hartmann, Edith Jacobson (1964), en s'appuyant sur
son expérience clinique avec des clients psychotiques, clarifie davantage la
différentiation entre les représentations de soi et d’objet des introjections primitives et
410
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le développement de ces structures. Elle cherche alors à réconcilier l'accent que posait
Freud sur les processus internes pulsionnels, avec l'importance de l'expérience réelle,
en proposant un modèle développemental soulignant leurs interactions et influences
mutuelles et permanentes. Elle insiste sur l'idée que le Moi et le Surmoi se
développent de manière concomitante avec les représentations du soi (self) et de
l'objet, et souligne le rôle central de l'affect dans ce processus. Elle développe la
conceptualisation des « images » en spécifiant la genèse des représentations de soi et
de l'autre comme déterminants-clé du fonctionnement mental (Fonagy, 2001).
Jacobson (1954) avait constaté qu'avant la formation des limites du soi et de
l’autre, la perception de l'infans par rapport à l'autre façonne l'expérience du self.
Ainsi, l'important jeu qui a lieu entre l'expérience vécue et la pulsion (libido et
agressivité) entraîne la tonalité du sentiment de ses propres expériences antérieures et
prépare le terrain d'images d'objet et du soi qui peuvent déterminer ce que nous
pouvons finalement ressentir envers nous-mêmes et les autres. Par exemple, des
expériences troublantes peuvent nous amener à internaliser des images d'un objet qui
entrave et retient, et d'un self frustré, en colère, alors que la prépondérance
d'interactions satisfaisantes peut mener à l'internalisation d'images positives du self et
de l'autre.
Dans sa conceptualisation de la séparation-individuation, Jacobson s'est
inspirée de la description de la libido et de l'agressivité de Freud (1940) comme étant
des forces permettant la formation, mais aussi la rupture, des liens. Elle considère que
la libido est un élément essentiel permettant à l'enfant d'intégrer des images opposées
d'objets bons et mauvais et du bon et mauvais soi, et que les sentiments d'agressivité
en proportions variables alimentent la séparation et la différentiation entre les images
du soi et de l'autre. Cependant, une agressivité excessive peut faire dérailler ce
processus. Jacobson avait constaté que l'intégration des images bonnes et mauvaises
(c'est-à-dire la mère « bonne » et « frustrante ») facilite la capacité de tolérer les états
relatifs aux sentiments conflictuels, ce qui à son tour renforce la capacité à
l'expérience émotionnelle et interpersonnelle complexe.
Dans son ouvrage précurseur « The Self and the Object World » (« Le soi et le
monde objectal ») de 1964, Jacobson intègre la théorie métapsychologique classique à
la phénoménologie de l'expérience humaine et suggère que les pulsions instinctuelles
ne sont pas des « dons » mais des « potentiels innés » forgés par des processus
internes de maturation ainsi que par des facteurs environnementaux. Ainsi, le
« monde représentationnel » de l'enfant (Sandler et Rosenblatt 1962), est construit à
partir de l’expérience de soi-même dans l'environnement ainsi que de substrats
psychobiologiques innés.
Pour Jacobson, l'enfant acquiert ses représentations de soi et d'objet par le
biais de valences bonnes (aimantes) ou mauvaises (agressives) selon les expériences
de gratification ou de frustration vécues avec la mère. Son terme « représentation » se
réfère à l'impact expérientiel des mondes internes ainsi qu'externes. Ainsi, les
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sur le narcissisme primaire et une barrière des stimuli. Dans ses théories ultérieures, la
barrière des stimuli devient un « filtre aux stimuli », terme que lui avait suggéré Blum
(Blum, 2004b).
Cependant, bien que Mahler elle-même avait abandonné la phase autistique et
modifié ses conclusions au sujet de la phase symbiotique, de nombreux analystes
européens ont gardé sa description initiale des deux phases en ce qu'ils représentent
des précurseurs archaïques (la « préhistoire ») de l'émergence du Self qui seraient
potentiellement et manifestement présents dans des pathologies sévères du self chez
les enfants et les adultes, selon leurs différentes conceptualisations.
La description originale de Mahler explicite que la phase normale autistique
comprend une absence relative d'investissement de stimuli externes et que les
processus physiologiques, plutôt que psychologiques, dominent. Dans cet état de
narcissisme primaire absolu, l'objectif est d'atteindre un équilibre homéostatique de
l'organisme dans le nouvel environnement externe. L'état autistique est un état
d'indifférenciation, ou de fusion avec la mère, dans lequel le Moi n'est pas encore
différencié du non-Moi, et où la réalité, interne et externe, commence seulement
progressivement à être perçue de manière différenciée.
À partir du second mois, c'est-à-dire la phase symbiotique, il était alors
supposé que l'infans fût seulement faiblement conscient des objets, dans un état de
fusion « somato-psychique délirante » (Mahler et al, 1975, p.45), un état positif d'être
en relation ayant lieu dans un contexte intrapsychique d'absence de limites entre le
self et l'autre (Fonagy, 2001). C'est ainsi que la mère, en phase avec l'enfant, effectue
et maintient un dialogue affectif et moteur approprié, par le contact avec les yeux, les
expressions du visage, le toucher, le holding, etc., ce qui contribue à ce que l'enfant
puisse intégrer la capacité de moduler et de réguler ses affects (Blum, 2004).
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l'omnipotence infantile est compensé par les identifications sélectives avec la mère
dotée de qualité de compétence, de tolérance et d'affection (Blum, 2004b). La
réalisation de la constance de l'objet pendant la période de 24 à 36 mois et de la
constance du Self, représente la sous-phase finale du processus de séparation-
individuation et un jalon majeur du développement. Les deux épreuves principales de
cette période sont le développement d'un concept stable du Self et un concept stable
de l'autre ; ils sont organisés autour des coparticipants dans toutes les relations d'objet
de l'enfant (Greenberg et Mitchell, 1983). Idéalement, l'enfant peut désormais garder
un sentiment de sa propre individualité, ainsi que le sentiment de l'autre comme une
présence interne positivement investie. Il peut fonctionner de manière autonome en
l'absence de la mère/autre, avec la capacité de mieux comprendre l'expérience
distincte du self et de sa mère, de son propre esprit distinct et des intentions et intérêts
de l'autre. En assimilant la bienveillance de sa mère et de ses fonctions régulatrices, il
peut désormais mieux tolérer les séparations, les frustrations et les déceptions. Au
36ème mois, la maturation des fonctions du Moi et la constance libidinale de l'objet
permettra la consolidation de l'identité du Self ainsi que le potentiel de séparation.
Mahler a su créer une interface entre la théorie classique de la pulsion et la
théorie développementale des relations d'objet en utilisant le concept de la symbiose
pour désigner la relation dans la réalité ainsi que le fantasme interne déterminé par la
libido (Greenberg et Mitchell, 1983). L'usage que fait Mahler des concepts
« d'environnement moyen prévisible » (Hartmann, 1927 [1964]) et « d'adaptation »
(Hartmann, 1939) a décalé le modèle de la pulsion dans une direction qui donne à la
relation à l’autre un rôle central bien plus important (Greenberg et Mitchell, 1983,
p.282). Afin de spécifier l'environnement moyen prévisible, Mahler (Mahler 1961 ;
Mahler et Furer, 1968) s'est aussi inspiré du concept de la « mère
dévouée/suffisamment bonne ordinaire » de Winnicott (1960). De cette façon elle
assimile l'environnement précoce de l'enfant à la personne spécifique de la mère.
La théorie contemporaine de la séparation-individuation inclut la mère réelle
et l'enfant, ainsi que les concepts d'intégration et de représentation interne. La théorie
de Mahler met en corrélation l'observation obtenue par l'analyse avec les
transformations développementales intrapsychiques : « Les changements
intrapsychiques peuvent comporter une évolution dans les limites du Moi (ego), la
différentiation des représentations d'objet et de soi, la cohésion ou le clivage de ces
représentations et l'accomplissement de la constance du self et de l'objet. Les deux
partenaires dyadiques doivent être pris en compte142 » (Blum, 2004b, p 551). Dans la
modification et la reformulation contemporaine proposée, Harold Blum (2004b)
intègre les conclusions menées par la recherche ultérieure dans le domaine du
développement (Stern 1985 ; Pine, 1986 ; Bergman, 1999 ; Gergely, 2000 ; Fonagy,
2000). Ses modifications concernent la phase symbiotique ainsi que celle de la
séparation-individuation, avec une attention particulière donnée à la différentiation et
au rapprochement. Il souligne que la « différentiation [néonatale] précède l'émergence
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l'enfant et ses objets. Plus loin dans son raisonnement, Loewald identifie l'interaction
comme un aspect déterminant dans l'internalisation de la représentation subjective du
self et de l'autre, en soulignant que l'interaction est un constituant de base de l'esprit.
Le travail de Loewald a transformé la métapsychologie psychanalytique et a
permis à d'autres approches nouvelles de conceptualiser le matériel clinique. Son
influence, directe et indirecte, est apparente dans des développements au sein de
différentes écoles de la pensée psychanalytique (exemple : relations d'objet,
relationnelle/intersubjective, self psychology) que l'on peut considérer comme des
ponts entre les perspectives de la psychologie one-person et two-person sur le
processus clinique psychanalytique. Plus généralement, de même que pour Winnicott
au Royaume-Uni, Loewald et Jacobson aux États-Unis seraient considérés comme les
précurseurs du mouvement intersubjectif.
Ce sont dans les années 1980, que la pensée progressivement plus complexe et
inclusive freudienne est exemplifiée par des révisions et des développements
exhaustifs des conceptualisations du self dans les travaux de Leo Rangell (1982) et
Harold Blum (1982). Rangell rectifie la définition du narcissisme de Hartmann en un
investissement non pas du self mais des représentations du self, en précisant que :
« Tout ce que l'ego connait au sujet de lui-même, le 'Je' ['I'] qui l'environne et duquel
il fait partie, est l'état actuel des représentations du self (self-representations) à chaque
étape du développement et à chaque moment de l'existence 145 » (Rangell 1982, p.
879). Sur les complexités des premiers développements selon Mahler (Mahler et al.
1975), Blum répond : « Aucun concept du self (self-concept) n'est possible avant que
l'enfant n'émerge de l'orbite symbiotique avec l'émergence progressive du processus
de séparation-individuation 146» (Blum 1982, p. 971). Son approche est la synthèse
développementale inclusive du « dialogue réciproque » de Rene Spitz (1965), de
« l'objet transitionnel » de Winnicott (1965) et de la « permanence de l'objet » de
Piaget (1951) tissée dans le modèle de « séparation-individuation » de Mahler, qui
présente un schéma complexe de changements progressifs-régressifs dans la matrice
des relations d'objet et de conflits sous-jacents qui donnent lieu à l'émergence de
représentations du self cohésives et d'un sentiment de self relativement continu, mais
uniquement après l'évolution de la constance du self et de l’objet dans la troisième
année de la vie.
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N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
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V. A. Modèles intégratifs
Otto F. Kernberg
Depuis les années 1970, Otto F. Kernberg développe une version de la
théorie des relations d'objet dans le cadre du modèle structurel et de l’ego psychology.
Dans cette approche, les « unités d’affect-soi-objet » (self-object-affect units)
(Kernberg, 1977) sont les déterminants primaires des structures de l'esprit (c'est-à-dire
le Ça, le Moi, le Surmoi). Dans le modèle de Kernberg (1982, 2004, 2012 2013, 2014,
2015), un self « supra-ordonné » est la somme totale des représentations de soi
partielles, puis progressivement plus complètes. Sa théorie psychanalytique des
relations d'objet intègre l'activation neurobiologique des systèmes affectifs, la
différentiation du self par rapport aux autres, le développement d'une théorie de
l'esprit et de l'empathie, l'évolution de la structure du self et le développement des
processus de mentalisation.
Dans son article « Self, Ego, Affects and Drives » (« Le self, le moi, les
affects et les pulsions ») (Kernberg, 1982), Kernberg clarifie sa vision sur le
développement et la formation de structure et propose une modification du modèle
dualiste de la théorie des pulsions. C'est à ce moment-là déjà qu'il propose de réserver
le terme self' pour la somme totale des représentations de soi en lien étroit avec la
somme totale des représentations d'objet. Lorsqu'il définit le self en tant que structure
intrapsychique provenant du Moi/ego (Ich/I) et y étant incorporée, Kernberg reste
proche de l'insistance implicite de Freud selon laquelle le self et le Moi/ego (Ich/I/)
sont liés de manière indissoluble. Dans ce modèle, le self est investi par des dérivés
pulsionnels libidinaux et agressifs, intégrés dans le contexte de leur composante de
représentations de soi. Par un nouvel examen de l'usage des termes « Trieb » (pulsion)
et « Instinkt » (instinct) de Freud, il en arrive à la conclusion que « Freud préférait
Trieb, plus justement traduit par drive, justement parce qu'il concevait les pulsions
comme des systèmes psychiques de motivation relativement continus, à la limite du
physique et du mental, par opposition aux instincts, qu'il considérait comme des
dispositions comportementales discontinues, rigides, innées. » (Kernberg 1982,
p.909). Cependant, l’édition standard de l’ouvrage de Strachey traduit constamment le
terme Trieb (pulsion) par instinct. S'adressant au développement des représentations
les plus précoces, de soi et d’objet, pertinentes pour le développement du self,
Kernberg intègre les conclusions de la neurobiologie contemporaine, ainsi que les
études sur le développement de l'enfant, avec sa formulation révisée du modèle
dualiste de la théorie de la pulsion (dans la langue initiale allemande de Freud) à la
lumière des relations entre les affects et les pulsions. C'est ainsi que de nombreux
affects font partie du système motivationnel primaire, qui relient les représentations
de soi et d’objet graduellement différenciées et intégrées, avec des affects qui
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Arnold Modell
Pendant les 50 dernières années, Arnold Modell (1968, 1984, 1990, 1993,
2003, 2007) avait pour but de définir la nature paradoxale du self en tant que produit
contingent évolutif et de noyau durable. Cette quête l'a mené de la théorie freudienne,
par les relations d'objet winnicottiennes à l'intersubjectivité et la neuroscience.
Modell était l'un des premiers analystes des États-Unis à vouloir incorporer la
pensée de Winnicott et la focalisation clinique sur la naissance du self, par les
mécanismes miroir et l'usage de l'objet. L'accent porté sur la création de sens par
l'implémentation d'un espace transitionnel entre l'infans et la mère est devenu un point
central dans la théorie initiale du self par Modell (Modell 1968).
Bien que fondamentalement une élaboration des concepts winnicottiens,
l'ouvrage Object Love and Reality (L'amour objectal et la réalité) de Modell (1968)
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Thomas Ogden
Dans une synthèse de Klein et Bion et dans une démarche de développement
de Bick, Meltzer et Tustin, Ogden (1989) reconnait un mode primitif, présymbolique
essentiellement sensoriel, une position « autistique-contiguë », comme étant
déterminant dans les expériences de soi (self-experiences) rudimentaires pendant le
développement précoce et lors de troubles psychotiques de l'autisme :
« Cette position est une organisation psychologique primitive en vigueur
depuis la naissance [...] Elle est dominée par la sensorialité dans laquelle un
sentiment de soi le plus inachevé se construit sur le rythme de la sensation,
particulièrement sur la surface de la peau. [...] Les séquences, les symétries, la
périodicité, le 'moulage' du peau à peau sont des exemples de contiguïté, les
ingrédients par lesquels les débuts de l'expérience de soi rudimentaire
surviennent. [...] » (Ogden 1989, p. 30-31).
Dans ses écrits sur la rêverie et la métaphore, ingrédients essentiels du travail
psychanalytique (Ogden 1997), il pose dans le self une dualité, le self en tant qu’objet
et le self en tant que sujet :
« …ce qui a lieu dans le processus de construction de la métaphore est la
création des symboles verbaux qui donnent corps et substance émotionnelle au
self en tant qu’objet ('moi'), créant ainsi les symboles qui servent de miroir
dans lesquels le self en tant que sujet ('Je') se reconnait et se créé. » (Ogden,
1997, p. 729)147.
Saturé par la « mentation » du processus primaire, la dualité du self, selon
Ogden, dans la rêverie et dans la métaphore, rappelle la contribution antérieure de
James Grotstein sur les soi multiples (multiple selves) du rêveur (Grotstein, 1979).
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seraient dominés par la culpabilité générée par des impulsions inconscientes, mais ils
paraissaient manquer d'un sentiment de self, résilient et vigoureux. Au lieu de ce qu'il
appelait « l'homme coupable » freudien, Kohut était à la rencontre de « l'homme
tragique » (1977) qui souffrait d'un sentiment de vide et de désespoir. Kohut se mit
donc à chercher ce qui devrait avoir lieu dans la période de développement entre les
enfants et les parents pour qu'ils puissent développer un sentiment de self suffisant.
Dans la self psychology de Kohut, le self n'est pas présent à la naissance mais il
émerge au début de l'enfance par les relations avec une figure parentale (Galatzer-
Levy et Cohler, 1990). Kohut vint à considérer le self comme une unité fonctionnelle,
déterminée par l'expérience plutôt que par les pulsions internes.
En consonance avec ses idées sur le développement du self, il présente donc
une réévaluation du concept du narcissisme, ni pathologique, ni indésirable, mais
faisant partie de l'expérience humaine (Kohut, 1966). C'est ainsi qu'il considère le
narcissisme comme un phénomène développemental normal, qui peut apporter un
sentiment d'identité, de valeur, de sens et de permanence. Les transformations
globales du narcissisme, selon Kohut, constituent « l'humour, la créativité, l'empathie
et la sagesse » (Kohut, 1966, p. 257). La ligne de développement narcissique est
active depuis le début de la vie ; elle est une précondition au fonctionnement adéquat
de la personnalité. L'intégration du narcissisme dans une personnalité saine
représentait une distance radicale vis-à-vis de la conception du monde
psychanalytique qui pensait le narcissisme en termes péjoratifs (Siegel, 1999).
Le cœur de la self psychology est le self, le noyau de la personnalité. Elle est
conceptualisée comme un système mental qui organise l'expérience subjective d'une
personne en relation à une série de besoins développementaux (Wolf, 1988). Ceux-ci
incluent les compétences, les talents et le tempérament qu'une personne acquiert à la
naissance. Le self est l'essence de l'être psychologique et consiste en des sensations,
des sentiments, pensées et attitudes envers soi-même et le monde (Banai, Mikulincer
et Shaver, 2005).
Le sentiment de self d'une personne se développe et est soutenue par ses
expériences du « soi-objet » (self-object) (Kohut, 1984). Le concept d'un self-object a
été initié par Kohut pour décrire un aspect d'une fonction dans la relation entre le self
et les autres. Depuis la naissance, selon Kohut, nous sommes intimement connectés
aux autres, nous avons besoin de sentir qu'ils sont disponibles, qu’ils soient en mesure
de nous apporter la nourriture émotionnelle nécessaire à notre développement optimal
(Wolf, 1988). Ce dont nous avons besoin des autres et comment nous avons besoin
que les autres y répondent, change tout au long de la vie (Kohut, 1984).
Ces fonctions consistent en des mécanismes miroir, d'idéalisation et de
jumelage (Kohut, 1977). La fonction miroir fait partie du développement du self
grandiose, dans lequel la réaction parentale à l'enfant construit l'estime de soi et
renforce le sentiment de self de l'enfant (Kohut, 1971). L'idéalisation se caractérise
par une soif de l'objet omnipotent auquel l'on s'attache dans un effort de se sentir
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entier, en sécurité et solide (Siegel, 1999). Le jumelage est le besoin de l'autre qui
inspire un sentiment de similarité (Kohut, 1971).
Selon Kohut, les besoins du soi-objet sont fondamentaux pour l'expérience
humaine ; ils sont essentiels pour la cohésion du self (1971). Le développement d'un
self cohésif a lieu selon trois axes :
(a) L'axe de la grandiosité, (b) l'axe de l'idéalisation et (c) l'axe de la connexité de
l’alter ego (alter-ego-connectedness) :
Le self grandiose ou le soi-objet en miroir : Les fonctions associées au self
grandiose incluent l'expérience d'être affirmé et reconnu par un autre qui est le miroir
de son état interne. Le résultat en est un sentiment de valeur, de considération de soi
et d'expérience d'être respecté et approuvé par un « autre » qui nous félicite et nous
complimente de manière authentique. Certaines de ces expériences peuvent mener à
ce qu'une personne reçoive un sentiment de dignité et de respect de soi. Les
expériences d'admiration et de se sentir aimable peuvent mener à un sentiment
d'équilibre, de confiance en soi et d'assurance. Les expériences d'être approuvé dans la
poursuite d'expériences nouvelles et encouragé dans la maitrise de défis qui dépassent
sa portée engendrent un sentiment de fermeté dans le sentiment du self, qui renforce
un sentiment vigoureux de gouvernance personnelle (Kohut, 1968, 1971, 1972, 1975,
1978).
L'imago du parent idéalisé ou l’idéalisation : Les fonctions associées à l'imago du
parent idéalisé comprennent les expériences de sécurité qui proviennent de la foi dans
la force et l'omnipotence d'une personne qui agit en qualité de protecteur. Partager la
force de cette personne et l'expérience d'être protégé entraine la fonction de se sentir
habilité et efficace dans sa qualité d'être humain. L'expérience d'être modéré par
autrui dans l'excitation de soi ou dans des sentiments trop stimulants mène au
développement du contrôle de soi, à l'autodiscipline et à l'autorégulation. L'expérience
d'être apaisé, réconforté et calmé par autrui qui apporte réconfort et soutien ainsi
qu'une vitalité joyeuse favorisent la capacité d'enthousiasme et d'équanimité. Enfin,
l'expérience d'apprendre les règles de comportement qui représentent le contenu des
valeurs et idéaux d'une culture devient consolidée dans un système de valeurs et dans
une série d'idéaux qui servent de guide dans la vie de la personne. Ils donnent le
sentiment d'avoir un but dans la poursuite de ses objectifs (Kohut 1968, 1971, 1978).
L'alter-ego ou la connexité : Les fonctions de l'alter-ego du soi-objet (self-object)
étaient au départ associées au transfert en miroir, comme une forme archaïque de ces
transferts, mais elles reçurent plus tard un statut distinct (Kohut, 1984). Les fonctions
associées à l'alter-ego comprennent l'expérience d'un lien commun avec les autres
pouvant mener à un sentiment d'appartenance à autrui, de façon à ce que rien de ce
qui est humain ne me semble étranger. L'expérience du caractère intact de soi donne
un sentiment de bien-être et de complétude sans lequel nous nous sentirions
déshumanisés.
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Joseph Lichtenberg
Sur la base de la self psychology de Kohut et de l'intersubjectivité de Stolorow
(Stolorow et Atwood, 1992), Joseph Lichtenberg développe une théorie des systèmes
motivationnels dans lequel le « self » est conceptualisé comme un self expérientiel ou
sens de soi (sense of self). Ce sens du self existe dans un contexte complexe de
sensations et d'information venant du corps d'une personne et de la capacité d'être en
relation avec d'autres personnes, d'autres groupes et d'autres cultures, depuis la
résonance et l'adaptation aux objets inanimés et aux autres non-humains animés. Dans
la matrice de l'expérience de l'attachement, le sens du self de l'enfant provient de la
gouvernance, c'est-à-dire d'être ce que l'on est : quelqu'un d'actif, qui donc agit,
s'approprie, initie et réagit. Selon Lichtenberg (Lichtenberg, Lachmann et Fosshage,
2016), ce qui est indispensable aux intentions et aux objectifs du sentiment de
gouvernance du self sont : de trouver une base sûre en cas de danger et de perte
(Bowlby, 1988), que les figures parentales répondent par des affirmations en miroir,
d'établir un sentiment de points communs partagés (jumelage ou twinship), d'admirer
(idéaliser) les autres (Kohut, 1984) et être admiré. Une modération mutuelle réussie
de ces relations fondamentales d'attachement aux autres et l'affiliation à des groupes
(famille, pairs, etc.) donne lieu à des changements équivalents dans le sens du self,
chez l'autre, et développe une ambiance positive généralisée qui influence d'autres
attentes et d’autres adaptations. Alors qu'il s'agit d'un sentiment noyau du self,
d’identité individuelle, l'expérience du self est différente avec la multiplicité des
intentions et des objectifs. Globalement, Lichtenberg (1989) décrit cinq systèmes
motivationnels dans le développement du self, dont les besoins : 1. de modération
psychique des exigences corporelles ; 2. d'attachement et d'affiliation ;
3. d'exploration et d'affirmation ; 4. de réactivité aversive ; 5. et de besoins sexuels et
sensoriels.
Dans des situations adaptatives normales, le sens du self change avec une
prééminence, présence ou absence fluctuante d'intention de modérer les exigences
physiologiques, de former des liens d’attachement avec des personnes et des
affiliations à des groupes ; de donner et recevoir des soins, d'explorer son entourage et
d’affirmer ses préférences, d'exprimer de l'aversion par antagonisme et par repli, et/ou
de chercher le plaisir des sens et l'excitation sexuelle (Lichtenberg, 2008). En réaction
au stress chronique et/ou traumatique, le sentiment du self peut être fragmenté dans
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les états dissociés restreints par arrangement pathologique, et réduit et détérioré dans
les états dépressifs et régressifs. Les attaques sur le sentiment de gouvernance,
l'estime de soi et sur le sentiment de valeur, surtout faits à une personne vulnérable à
la honte, à la culpabilité et à la perte de fierté et de confiance en soi touchent le
sentiment de self jusqu'à la rage, la suspicion et la préoccupation par des fantasmes de
vengeance. De manière globale, le sens du self, comme acteur actant, est soutenu par
des expériences d'empathie, ou rendu vulnérable à la perte d'un sentiment de cohésion
si le lien empathique est interrompu ou absent (Kohut, 1977).
Dans beaucoup de brassage entre la self psychology et les perspectives
relationnelles, Howard Bacal (1985, 1998a,b) identifie la « self psychology
relationnelle » où l'accent se porte sur le contexte de la relation subjective plutôt que
sur la relation elle-même. En questionnant le rôle de la « frustration optimale » dans
son développement en thérapie, il plaide en faveur du terme « résonance optimale »
(optimal responsiveness), comme meilleure description de ce qui est nécessaire au
self.
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expérience » (p. 139)153. Alors que certaines conceptions traditionnelles du self (par
exemple Freud, Klein, Winnicott) peuvent sembler organisées de manière verticale
avec des parties socialement adaptées, construites de manière plus défensive en
surface, masquant les parties sous-jacentes moins acceptables, parfois inconscientes,
les théoriciens relationnels/interpersonnels contemporains sont en faveur d'un modèle
horizontal. Ainsi que Donell Stern (2010) l'évoque : « L'esprit n'est pas ici une
organisation verticale de matériel conscient et inconscient, mais un ensemble de self-
states organisés de manière horizontale, chacun en relation dynamique avec les
autres » (p. 139)154.
Probablement l'expression la plus radicale d'une approche contemporaine du
self interpersonnel se trouve dans le travail de Edgar A. Levenson (1972, 1991) : il
fait fortement valoir la nature fondamentalement inextricable du self et de l'autre et
considère que l'analyste et le patient sont inévitablement et inconsciemment impliqués
l'un envers l'autre de manière fortement et affectivement chargée. Levenson est
inlassablement post-moderne dans sa conviction selon laquelle toute tentative de
définir ou d'expliquer quoi que ce soit au sujet d'une personne n'est qu'une perspective
(par exemple d'une personne, d'une interaction, d'une expérience) et, en tant que telle,
qu'elle soit organisée de manière défensive pour exclure d'autres perspectives qui
pourraient contenir d'autres aspects essentiels d'une personne et de son expérience.
C'est ainsi qu'il considère que les concepts psychanalytiques tels que le « self » sont
des réifications de quelque chose d'inévitablement fluide, qui ne peuvent qu'être
considérés comme appartenir à un « processus » ou un « contexte ». Le self de
Levenson, comme le self-system de Sullivan, consiste en une variété de stratégies que
nous employons pour négocier les dangers de notre monde interpersonnel. Ainsi, dans
la démarche de trouver du sens dans notre monde, les personnes développent un
schéma qui, s'il fonctionne, à tendance à être réutilisé. Pour Levenson, la relative
rigidité ou flexibilité de ces schémas peut être un biais par lequel la psychopathologie
peut se décrire. Il pense que le besoin de continuellement nous adapter à un ensemble
de circonstances en constante mutation est responsable du développement de l'esprit à
fonctionner dans un « système qui s’auto-organise » (Levenson, Hirsch, et Iannuzzi,
2005, p. 612). Levenson confirme : « [qu’] il y a quelque chose d'autonome dans la
personne qui organise, qui vit, qui l'utilise et le retire et le réorganise ». (p. 613)155.
Ainsi, Levenson considère que le self est un processus plutôt qu'une structure.
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Christopher Bollas a longuement écrit sur le concept du self, ses origines, son
expression, sur le sens du self. Influencé par le concept du « vrai self » de Winnicott,
il l'a élaboré de manière unique. Dans ses écrits sur ce domaine, il se réfère souvent à
la littérature, à la poésie et aux arts.
Dans les Forces of Destiny (1989) (Les forces de la destinée) Bollas écrit que lorsque
Winnicott propose le terme « vrai self' » pour signifier un potentiel héréditaire qui
trouve son expression dans l'action spontanée, il conceptualise un aspect de la relation
psychanalytique (et de la vie) qui jusque-là n'avait pas été théorisée. La théorie du
vrai self de Winnicott est pour lui juste un concept par lequel il est possible de décrire
quelque chose de l'analyse dont nous pouvons avoir connaissance, mais que nous
n'avions pas pu penser jusque-là. Dans ses écrits, Bollas élabore et précise ses propres
pensées sur le vrai self, pour lequel il substitut progressivement le terme « idiome ». Il
le fait en partie parce qu'il trouve que l'hyper usage d'un terme mène à une perte de
sens par des sollicitations incantatoires, dévalorisant le potentiel impensé des mots
(1992, p 64), mais aussi parce qu'il souhaite trouver son propre chemin dans ce
domaine insaisissable.
Dans le chapitre « La fonction multiple du psychanalyste » (1989) il écrit :
« Le vrai self ne peut pas être entièrement décrit. Il s’apparente davantage au
mouvement d’une musique symphonique qu’a l’expression d’une signification
par des mots qui permettent d’isoler une unité de sens dans l’emplacement
d’un signifiant [...] Chaque individu est unique, et le vrai self est un idiome
organisateur que cherche à constituer son monde personnel à travers l’usage
d’un objet. […] La construction d’une vie s’apparente quelque peu à une
esthétique : c’est une forme qui se révèle dans la manière d’être d’un
individu. » (1989, pp.109-10)
Dans « L’objet transformationnel », de l'ouvrage The Shadow of the Object :
Psychoanalysis of the Unthought Known (L’Ombre de l’objet : la psychanalyse de
l’impensé connu) (1987), Bollas explore les débuts de l'élaboration par le nourrisson
de cette esthétique individuelle fondamentalement dépendante d'un environnement
facilitateur. Si la mère ne répond pas sensiblement au geste spontané de l'enfant, ses
expressions idiomatiques seront bloquées et remplacées par des fausses adaptations.
Mais si elle est sensible au self émergent de l'infans, elle aura la capacité par des
interactions conscientes et inconscientes subtiles avec son nourrisson, de répondre à la
communication du vrai self de l'enfant.
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meilleur des cas, une joie de l'existence puisque nourrie par la rencontre »
(Bollas 1992, pp. 59-60)156.
Dans plusieurs cas, Bollas explicite le profond « sens du self ». Dans le
chapitre « What is this thing called self ? » (« Quelle est cette chose que nous
appelons le self ? ») de l’ouvrage Cracking Up – the Work of Unconscious
Experience, (S’effondrer : le travail de l'expérience inconsciente) (1995), Bollas
considère le self comme un « sens distinct ». Le sens du self n'est que le potentiel de
chaque personne, qui est née avec cette capacité de sens, qu'elle développera plus ou
moins. (Ibid., p 154). Ce sens du self peut être bloqué ou frustré lorsqu'une personne
n'a eu que trop peu de réactions sensibles à ses expressions idiomatiques, et qui a
ressenti un sens de vide et de manque de contact interne. Dans le sens du self, Bollas
explique qu'il existe là un sentiment d'être-là, que quelque chose est là, mais qui n'est
pas quelque chose que l'on peut soit toucher ou connaitre, c'est uniquement un sens, et
c'est le plus important phénomène que nous ressentons dans notre vie. (Ibid., p 172).
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self, dont les fluctuations occasionnelles peuvent se percevoir dans l'état d'esprit du
patient, dans les contenus de ses rêves et l'atmosphère de la session. L'analyste peut
choisir d'observer ce théâtre de rêve ou y prendre part de manière active. Dans le
premier cas, il travaille principalement par le Moi, dans le second cas, son propre self
y entre en jeu également. Des combinaisons variées et des permutations du travail
analytique qui englobent des contacts entre le Moi et entre les self de l'analyste et du
patient conduisent à des processus qui impliquent la croissance et l'émancipation du
Moi (à partir du Ça et du Surmoi) d'une part, et d'autre part à l'expansion et à
l'enrichissement du self qui vont de pair : « L'expérience nous apprend que dans une
bonne analyse, ces deux processus de développement sont destinés à se rencontrer et à
se mélanger de manière harmonieuse, malgré ce que les théoriciens proéminents
peuvent en dire : le résultat en est une personne dotée d'un Moi valide et d'un self
riche... » (Bolognini, 1991, pp. 348-349)157.
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comme-si » se réfère à des patients dont la réalité interne est caractérisée par l'absence
d'un Self, qui peut se représenter par une enveloppe vide, dont les limites externes
sont investies de garder à l'écart les objets, représentations et affects. Jacobson décrit
la personnalité du psychotique, qui, au contraire, souffre d'une fragmentation de son
propre Self, dans une réalité psychique interne « trop remplie » dont les limites sont
constamment menacées par la réalité externe. De plus, bien qu'il soit en désaccord
avec la distinction que fait Hartmann entre le Moi (Ego) et le Self, ce qui poserait un
défi à la contradiction intrinsèque du Ich freudien, Pontalis reconnait le mérite de
Hartmann pour avoir enrichit le champ de la recherche psychanalytique aux troubles
du spectre narcissique par le développement de ses théories du Self respectives. Étant
donné cette contradiction apparente entre le cadre théorique et les expériences qui
émergent des profondeurs du travail clinique, Pontalis propose que la notion de Self
puisse concourir à souligner la composante subjective du patient et de l'analyste dans
le travail psychanalytique. Finalement, Pontalis propose un nouvel examen de certains
éléments centraux des idées de Winnicott (l'espace transitionnel, la création de l'objet
transitionnel, la distinction entre le vrai et le faux self) à partir desquels il s'inspire
pour proposer sa propre conceptualisation du Self. Pour qu’une conscience et une
expérience du Self deviennent possibles, il faut qu’un Moi, si rudimentaire soit-il, se
soit constitué :
« Le moi, avons-nous dit, est le représentant de l’organisme comme forme,
fragile par sa vulnérabilité et rassurante par sa fixité, comme l’image dans le
miroir : espace clos et comme enchâssé entre l’espace du Ça, toujours prêt à
l’envahir, et l’espace extérieur […]. Le Self est non l’élan vital, mais, dans
l’espace psychique, le représentant du vivant : espace ouvert […] aux deux
bouts sur l’environnement qui le nourrit d’abord et qu’en retour il crée »
(Pontalis, 1977/1980, p. 178).
C'est en reprenant l'idée de Winnicott selon laquelle le Self est le gardien du
sentiment d'exister, que Pontalis conclut qu’être quelqu'un de vivant, c'est une tâche
déjà accomplie, programmée pour l'organisme animal, mais toujours inventée pour
l'homme (Pontalis 1977/1980, p. 178) ; en cela il met l'accent sur la question de la
propriété auto-inventive du Self.
Judith Gammelgaard
Dans son article précurseur sur le sujet de « Le Moi, le Self et l'altérité »,
(Gammelgaard 2003), Gammelgaard résume la philosophie française de Ricoeur
(1992) avec la tradition psychanalytique française de Laplanche (1992), Green (2000)
et de Aulagnier (1975) avec la notion de l'espace transitionnel de Winnicott (1971),
pour articuler en termes contemporains la conceptualisation contradictoire et ambiguë
de Freud du Ich (Je) décentré, dont le moi, le self ainsi que l'altérité. Elle situe le self
dans le lieu intermédiaire de l'expérience, suivant l'accent que Winnicott pose sur la
différence entre être en relation avec l'objet et utiliser l'objet. Winnicott (1971) précise
437
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que : (a) le sujet, de façon fantasmatique, détruit l'objet, et (b) l'objet survit la
destruction fantasmatique afin d'acquérir sa propre autonomie. Ayant ainsi survécu,
l'objet, dans la pensée de Gammelgaard, peut maintenant être perçu et conçu comme
l'autre, menant à l'émergence d'une perception rudimentaire de « Je » (I), « moi »
(Me), qui à son tour est la première représentation de l'idée de « Je » avec « moi »
dedans.
Ces premières représentations correspondent au pictogramme d'Aulagnier
(1975) qui peut précéder la formation fantasmatique primaire, mais qui n'est pas en
dehors de la sphère de représentation. Le pictogramme est la première représentation
à laquelle est donnée la toute première activité psychique, qui reflète aussi bien
l'activité et l'activation et, de manière plus importante, il englobe l'autre. C'est là que
Gammelgaard retourne fermement sur le territoire de la psychanalyse française : le
pictogramme, en tant qu'illusion, appartient au je ou au moi existant dans la psyché
comme un « message énigmatique » jamais compris venant de l'autre (Laplanche
1997, Gammelgaard 2003, p.107).
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Daniel N. Stern
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entrent en jeu dans l'usage ultérieur des objets qui sont reconnus comme des objets
non-self. L'acquisition de ces capacités soutient l'enfant dans les adaptations qui lui
sont nécessaires pour se confronter à la réalité externe, distincte du self. Tustin
propose ensuite une classification clinique de l'autisme pathologique fondée sur les
mécanismes de défense que l'enfant met en place pour se protéger des échecs dans
l'élaboration de la séparation du self par rapport au non-self.
Chez les enfants « encapsulés » (encapsulated), le développement
psychologique est bloqué, le « self corporel » maintient un clivage des sensations et le
non-self est encapsulé dans le self.
Ces enfants maintiennent une condition fusionnelle par le clivage de leurs propres
sensations et en y incluant le « non-self » (sensations qui proviennent du corps de
l'autre, ou des gestes de l'autre, actions, émotions, etc.) dans leur propre self. Ces
enfants s'accrochent à des objets durs qui sont source de sensations froides et
métalliques ; ces sensations aident l'enfant à construire une représentation somato-
psychique de la coquille dans laquelle ils sont encapsulés.
Chez des enfants « troublés » au contraire, le self est fragmenté et déconcerté
par le non-self et le développement psychologique est gravement désorganisé. Le non-
self est submergé dans le self et enfermé dedans, par des sensations corporelles
excitantes. Chez les enfants tant encapsulés que troublés, le noyau central consiste en
une tentative de maintenir une condition fusionnelle entre le self et le non-self.
Globalement, l'enfant encapsulé effectue une sorte de clivage/aliénation des
sensations de son propre corps ; l'enfant troublant/troublé est comme avalé par ses
sensations corporelles.
Selon Renata Gaddini (1977, 2004), le mot « self » est utilisé dans un
contexte de maturation fondé sur la théorie du développement. Dans ce contexte, le
self est la conséquence de l'expérience corporelle totale de l'infans dans les premiers
mois de sa vie. Il y a des sensations qui pendant la croissance s'élaborent
progressivement dans un processus de mentalisation. Les études longitudinales
effectuées sur le développement des enfants ont démontré qu'au cours de la
croissance, l'enfant passe des sensations aux perceptions et des sentiments aux
symboles et finalement aux pensées. L'objet transitionnel est la première étape
observable dans la symbolisation précoce, une base pour le développement du
processus de pensée secondaire. Sur la base de ces études longitudinales, Gaddini a pu
démontrer comment la qualité de l'interaction mère-enfant permet le développement
du self corporel. En fait, le self constitue la première organisation de la personne
venant de naître, alors qu'elle essaie de s'adapter à la nouvelle homéostasie. L'infans
travaille à sa formation dans les tout premiers mois. Dans l'organisation du self se
trouve la contribution de la mère qui touche son nourrisson et, ce faisant, délimite les
limites physiques de l'infans de la contribution innée du nourrisson. Le self du
nourrisson émane d'une convergence de ces deux contributions. La complétude de ses
sensations périphériques, venant du contact peau à peau et de l'impact de son corps
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dans l'espace, est ce qui est le plus important pour que l'infans puisse construire son
sens du self. Le fonctionnement du corps (les fonctions variées des organes) est le
langage du corps ; le langage du corps en voie de devenir psychique (d'une manière
ou d'une autre) est le langage du self. Gaddini précise que « Chaque fois que nous
faisons référence au self, nous avons immédiatement affaire à une activité mentale
liée au (qui concerne le) corps [...] par les fonctions du self, nous constatons le
contrôle des réactions organiques du corps ». (Gaddini 1977, p.264)158 Les activités
mentales proviennent des expériences corporelles et permet à l'enfant de maitriser les
angoisses et les peurs de désintégration et son fantasme l'aide à se prémunir de la
désintégration.
Anne Alvarez
Formée au Canada, aux États-Unis et en Grande Bretagne, Alvarez est membre de
nombreuses sociétés psychanalytiques de l'enfance et universitaire en Amérique du Nord
et en Europe.
Analyste de l'enfance et de l'adolescence dans la tradition post-kleinienne,
dont les conceptions se sont informées de ses études approfondies et de son travail
clinique avec des enfants autistes mais aussi des enfants impactés au niveau
développemental, Alvarez théorise qu’« il est presque impossible de penser au self
sauf en relation à l'objet » (Bach, Mayes, Alvarez, Fonagy, 2000, p. 11) 159 . Elle
nomme trois facteurs qui la poussent à se pencher sur la question de l'être-soi
(selfhood).
158
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
159
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
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Selon Tommaso Senise (1980, 1985, 1986), le Self représente un objet du Moi
– « Le Self est le ‘je’ qui est vécu comme un objet par le Moi-sujet » (Senise 1980, p
1) 161 – et l'identité personnelle résulte de l'acquisition d'un sentiment de l'image
unitaire globale du Self. Senise précise les processus d'identification, ces processus
endo-psychiques qui permettent la constitution subjective de sa propre identité, en une
image de la personne dans sa totalité. Les processus d'individuation permettent la
constitution, la permanence et la continuité du Self en qualité d'identité interne, même
lors du changement permanent de sa représentation spatio-temporelle, comme
fonction des développements dialectiques des relations du Moi, aussi bien
intrasystémiques (Moi, Surmoi et Ça) et « inter-systémiques » (dans les relations avec
les objets externes ; contrairement à l'usage que faisait Hartmann du terme « inter-
systémique » dans le cadre du conflit du Moi : voir l'entrée CONFLIT (LE). La notion
du self est tout autant un fait de notre expérience concrète (le sentiment du self) et
l'une des fonctions du Moi. Le self en tant que fonction du Moi se constitue et se
développe comme un système permanent, une référence permanente, une image
miroir d'émotions et de pensées, un agent du Moi corporéal et en relation à la réalité.
Les modifications structurelles de l'organisation psychique qui engendrent une
rémodélisation du Moi et du Surmoi empruntent des chemins tortueux et
contradictoires, avec des épisodes d'angoisse, de tension, de confusion et de
désorganisation auxquels les changements concomitants et conséquents des
expériences de l'image du Self, et donc de l'identité personnelle, correspondent.
Pendant la vie de l'adulte normal et mature, une fluctuation permanente, continue et
réciproque entre le Moi et le self permet au sujet de vivre comme un objet dans les
relations ; en lui-même, dans la réalité intrapsychique et avec la réalité externe.
L'expérience de l'image du self (self-image) ne reflète pas la situation actuelle du Moi.
Ainsi, les perturbations identitaires, les erreurs de jugement au sujet de ses propres
161
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
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conceptuelle »), Grinberg et al. (1966) se penchent sur les difficultés conceptuelles et
sémantiques de l'usage habituel du Moi et du Self et s'attache à les résoudre.
Dans la partie étymologique de l'article, Grinberg trace les origines du terme
« self » (ipse en latin), qui est utilisé comme préfixe d'un mot composite, pronom et
adjectif, dans ses racines en latin classique et en anglais ancien : sur treize mots
composites originaires du vieil anglais qui contiennent « self » (ipse) comme préfixe
dans un sens réflexif, le terme « self will » (auto-détermination) est le seul utilisé de
nos jours. S'il est utilisé comme pronom et comme pronom adjectif, cela indique
qu'une référence est faite à la personne, ou chose, explicitée et rien d'autre. De plus,
bien que ses formes non-déclinées étaient d'usage courant depuis le 12ème siècle,
l'usage littéraire antidate l'usage courant : des nouvelles formes non-déclinées se
trouvent déjà dans le poème, Christus de Cynewulf, des années 900 A.D. Avec le sens
de « même » (« mismo » en espagnol, le terme était déjà apparu à Beda dans Historia
ecclesiastica gentis Anglorum (L'histoire de l'église des peuples britanniques) entre
les années 673 et 735 A.D.
S'adressant lui-même aux questions conceptuelles, Grinberg souligne que « la
question autour de la conceptualisation psychanalytique du Self avait déjà été investie
explicitement par Hartmann, lorsqu'il fait la distinction entre le terme « Ego » (Moi),
dénotant un système psychique et le « Self » qui se réfère à « soi-même » (Grinberg et
al., 1966, p. 239) 162, bien qu'il mentionne aussi un antécédent important dans une
contribution antérieure par Federn (1928), qui étudiait le Moi en tant que sujet des
fonctions moïques ainsi qu'en objet des expériences internes. Selon Grinberg, la
contribution d'Hartmann a permis d'ouvrir la porte aux expressions de
l'autoreprésentation de Jacobson. Après avoir révisé les idées sur le sujet de Freud et
les modèles du Self proposés par Klein-Segal, Hartmann-Jacobson et Wisdom, c'est
en s'appuyant sur le modèle des introjections et projections nucléaires et orbitales de
Wisdom, en conjonction aux représentations du self et de l'objet de Jacobson, et des
processus introjectifs et internalisants, que Grinberg et ses collaborateurs ont proposé
leur propre « tentative de systématisation » (ibid, p. 239) :
Le Moi (Ego) décrite par Freud, est la structure psychique qui comporte le
fantasme inconscient du Self dans le Moi. Il correspond au noyau du modèle de
Wisdom et il contient la représentation de soi de Jacobson.
Le Non-Moi (Non-Ego) est situé dans le Self ; il comporte l'orbital de Wisdom
(les objets internes, le Surmoi et les représentations objectales de Jacobson).
Le Self inclut le Moi et le Non-Moi. Il représente la totalité de la personne. Il
comprend également le corps et toutes ses parties, la structure psychique et tous ses
composants, le lien avec les objets externes et internes et le sujet, plutôt que le monde
des objets.
162
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
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Salomón Resnik
Dans son ouvrage « El yo, el self y la relación de objeto narcisista » (« Le
Moi, le Self et la relation d’objet narcissique ») Resnik (1971-1972) répertorie les
différentes significations de la notion de self traduisant la notion allemande de Selbst,
ainsi que ses usages théoriques en anglais, dans d'autres domaines comme par
exemple l'usage du terme Self dans l'ouvrage de James, The Principles of Psychology
(les Principes de psychologie) de 1890, Resnik réexamine la description du Moi qui,
selon Freud, est une structure avec des fonctions (pensée, coordination,
fonctionnement synthétique et intégratif, mécanismes de défense), mais « le Selbst
reste une idée ambiguë, à laquelle les psychanalystes de langue anglaise ont attribué
un sens dans l'expérience clinique » (Resnik, 1971-1972, p 267)163. Si l'on considère
le fardeau culturel que la notion de self porte, Resnik met en relief l'importance de
débattre sur l'usage du self que font des différents auteurs, spécifiquement quand il
s'agit du discours clinique spécifique d'une personne en analyse. Cependant, en tant
qu'expérience vécue, la « notion de self de Selbst surpasse les limites d'une culture,
puisqu'il n'existe pas d'équivalence exacte dans d'autres langues... Ce problème ouvre
certainement des possibilités d'exploration dans le domaine des relations entre la
philologie, la linguistique et la psychanalyse » (Resnik, 1971-1972, p. 267,
soulignement ajouté). Resnik illustre comment différents aspects de l'expérience du
163
N.d.T Citation traduite pour cette édition.
449
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self dans le processus clinique entrent en relation entre eux et comment ils émergent,
par exemple la relation du Self à la dépendance et la découverte de sa propre identité,
ou d'une image globale de soi-même, quand elle est observée par l'élaboration d'une
relation avec un objet narcissique. L'auteur maintient que dans le discours clinique, le
Self découvre son vrai self' par l'altérité ou la présence de l'autre ; et la relation
dyadique s'ouvre de manière synchrone à la relation triangulaire, et par conséquent à
la multiplicité.
164
N.d.T Citation traduite pour cette édition.
165
N.d.T Citation traduite pour cette édition.
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Cabral (2017) fait une distinction entre ces auteurs, avec lesquels une
proximité temporelle est partagée et ceux qui, pour leur capacité de percevoir la
subjectivité de leurs temps, ainsi que leurs ombres, méritent d'être considérés comme
étant contemporains. Ainsi, la capacité de Pichon Riviėre d'entrevoir l'utilité
conceptuelle du « self lié » et de développer le pont entre la psychanalyse et la
psychologie sociale le place véritablement dans l'époque contemporaine.
VII. B. Les années 1980, les années 1990 et le début du XXIème siècle
Roberto Doria Medina Eguía, l'un de premiers à étudier la psychologie du
Moi et du Self en Argentine, a étudié la relation entre la psychopathologie des
perversions, du trouble borderline (états limites) de l'acting out et du faux self dans
l'homosexualité féminine (Doria Medina Eguía et Raggi de Leonetti, 1980).
Jorge García Badaracco, en 1986, présente « Identification and its
vicissitudes in psychoses: the importance of the concept of ‘maddening object’ »
(« L'identification et ses vicissitudes dans les psychoses : l'importance du concept
d’objet qui rend fou ») au Congrès de l'API en 1985, dont une partie est une
expression de la relation entre sa propre contribution originale de son « objet qui rend
fou » (voir l'entrée THEORIES DE LA RELATION D'OBJET [LES]) et les
conceptualisations du self selon Winnicott et Kohut.
Suite à sa publication de 1979, « La psicología psicoanalítica del self » (« La
psychologie psychanalytique du self »), qui passait en revue les idées de Kohut sur le
développement du self, la pathologie et les manifestations cliniques dans les troubles
de la personnalité narcissique, c'est le travail de Juan Miguel Hoffmann en 1989,
« La teoría del self como posible nexo entre investigación empírica y clínica
psicoanalítica » (« La théorie du self comme liaison possible entre la recherche
empirique et la clinique psychanalytique ») qui lance alors la recherche empirique
psychanalytique sur le concept du Self.
Au début des années 1990, un groupe de psychanalystes argentins, coordonné
par Ethel Cayssials de Casarino et Marcelo Casarino, chercheurs spécialisés dans
le travail de Kohut, développent des séminaires sur la recherche et l'étude du Self et
publient quatre ouvrages annuels à partir de 1995. Parmi eux se trouvent « Why a
Psychology of the Self? » (« Pourquoi une psychologie du Self ? ») de Casarino
(1995) et « The Self and the Person in the thought of Heinz Kohut » (« Le Self et la
personne dans la pensée de Heinz Kohut ») de Cayssials de Casarino (1996). En 1997,
Paul et Anna Ornstein viennent à Buenos Aires et donnent des conférences dont les
transcriptions sont aussi incluses dans l'un des livres annuels (Ornstein, P., 1998 ;
Ornstein, A. 1998). Ce développement s'est rapidement suivi d'une application
clinique déjà publiée de la self psychology de Kohut sur le traitement des pathologies
graves (Raggio, 1992).
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452
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Les auteurs brésiliens Anna Lucia Melgaço Leal Silva (1999), Bruno
Salésio da Silva Francisco (1994), Alfredo Naffah Neto (2007) et d'autres, quant à
eux, ont travaillé alors sur des aspects différents du faux self. Certains des thèmes
furent : le faux self chez les politiciens, la psychosomatique, la métapsychologie, les
organisations perverses, le self et l'image du miroir, le self et la sexualité, la violence
et le faux self dans une perspective intersubjective, le développement précoce et les
perturbations dans la formation du self chez les patients schizoïdes et borderline.
Ricardo Rodulfo (2009) s'est penché sur la relation entre les aspects destructifs et
créatifs dans la pensée de Winnicott.
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VIII. CONCLUSION
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réinterprétation des idées de Winnicott, l'étude du Self reçoit une nouvelle impulsion.
Au 21ème siècle, une résurgence de critiques liées au dogmatisme dans la technique,
ainsi que le besoin d'aborder les troubles dans lesquels l'isolement et l'apathie
prédominent ont donné lieu à une emphase sur les aspects relationnels qui à son tour
accompagne un intérêt et un développement de la psychanalyse interpersonnelle et
relationnelle dans la région. Cela provoque encore un élan pour de nouveaux
développements théoriques qui de manière proéminente concerne le concept du Self.
En forte résonance avec l'identité culturelle latino-américaine, qui s'applique à
l'échelle mondiale, la conceptualisation psychanalytique de Pichon Rivière des liens
et ponts entre les mondes internes et externes, ainsi que sa « spirale dialectique »
reliant des mouvements contradictoires de régression et de progression, prolongée sur
des mouvements contradictoires de toutes sortes, est envisagée dans son applicabilité
au contexte large des élaborations de concepts du self dans les différentes régions et
dans diverses écoles psychanalytiques.
Dans toutes les orientations et cultures psychanalytiques, le panorama
multidimensionnel des conceptualisations théoriques du self, avec leurs implications
pour une pratique psychanalytique clinique contemporaine sensiblement harmonisée
dans un éventail large de conditions cliniques graves, peut apporter une protection
intégrée contre le dogmatisme et contre la rigidité des anciennes et nouvelles
orthodoxies.
Voir aussi :
CONFLIT (LE)
CONTRE-TRANSFERT (LE)
ÉNACTION (L')
THÉORIES DE LA RELATION D'OBJET (LES)
INTERSUBJECTIVITÉ (L')
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BIBLIOGRAPHIE
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Contributeurs régionaux
(Membres consultants and contributeurs des Conseils éditoriaux régionaux)
Europe : Sandra Maestro, Dr.ssa. ; Lesley Caldwell, Prof. Univ. ; Arne Jemstedt,
MD, and Michael Sebek, PhD ; Anne Alvarez, PhD (version de réponse)
477
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THÉORIE DE LA COMMUNICATION
de David Liberman (LA)
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Samuel Arbiser (Amérique Latine), Arne Jemstedt
(Europe), Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)
Co-chaire de coordination interrégionale : Elias M. da Rocha Barros
(Amérique Latine)
166
Titres des publications traduites pour cette édition (N.d.T)
478
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le voir dans les tableaux ci-dessous, il emprunta de Jurgen Ruesch ses formulations
(Ruesch and Bateson, 1951) qui étaient apparues récemment à cette époque, mais
pour appliquer les idées psychanalytiques en vigueur en Amérique latine dans les
années 1960, il pensait que ces formulations pouvaient être corrélées à des
présuppositions psychanalytiques de base telles que les ‘fantasmes inconscients’, les
‘angoisses fondamentales’ et les ‘mécanismes de défense’ (Klein, 1952) qui se
manifestent dans la situation psychanalytique sous l'influence de la relation transféro-
contre-transférentielle.
167
Titre de l’ouvrage traduit pour cette édition (N.d.T)
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participation, en se clivant de ses affects, ce qui permet une perception globale et une
perception détaillée. La connexion aux objets est exclusivement perpétuelle au détriment
de ses propres affects et de ceux des autres. Ces patients correspondent
approximativement aux schizoïdes dont il est question dans la terminologie classique.
Dans la nomenclature qu'il a utilisée dans son ouvrage, en 1962 La Comunicación en la
Terapéutica Psicoanalítica (La communication dans la thérapie psychanalytique168), ils
sont, pour Liberman, des personas qui « observent mais qui ne participent pas ».
Boîte 2 : Le style lyrique. Comme dans le cas précédent, le facteur source y est
également impliqué en ce sens que ce style est similairement centré sur l'interlocuteur,
mais c'est une question de fonction expressive, par exemple « Je sens » ; le clivage chez
ces patients est au détriment de la perception alors que la participation des affects
augmente. Ainsi, la perception devient contrainte et biaisée en raison du risque d'être
submergé par les affects. La distance entre le Moi et l'objet est réduit de telle sorte que le
sujet devient inclus et impliqué, ce qui laisse les relations d'objet et le contexte en dehors
du champ de la perception. Cela concerne principalement les personas dépressives selon
les systématisations précédentes (1962) et les personnes atteintes de dépression
névrotique ou psychotique, selon la classification classique.
Boîte 3 : Le style épique. Il fait référence au facteur destinataire et la fonction conative
est impliquée. Le Moi développe la capacité d'enregistrer des désirs personnels et de
détecter les vulnérabilités de l'environnement humain afin de traduire ces désirs en
action. Cela signifie prendre une décision après avoir trouvé un équilibre entre nécessité
et possibilité. En ce qui concerne la terminologie précédente (1962), les personas qui
actent, ou les psychopathes dans le sens classique du terme, l'acting-out, les dépendances
et les perversions y sont comprises.
Boîte 4 : Le style narratif. Nous faisons référence ici au facteur contextuel et à la
fonction référentielle. Pour le Moi cela implique la capacité de s'adapter à des
circonstances selon le type de lien, qu'il soit horizontal (avec ses pairs, selon des degrés
d'intimité) ou vertical (père-fils, figures d'autorité-subordonnés). En contraste au cas
précédent (Boîte 3), la pensée, dans son sens répétitif, remplace l'action ou la reporte de
manière indéfinie. Dans le discours, étant donnée la prééminence du contexte, il est très
difficile de distinguer l'idée principale des idées secondaires : les personas logiques
(1962) de la névrose obsessionnelle et de la personnalité anale dans le sens classique du
terme.
Boîte 5 : Le style dramatique, qui recherche l'inconnu et créée le suspense. Le facteur en
jeu est le canal et la fonction phatique. Cette fonction fait allusion à la capacité du Moi à
réussir un contact avec l'objet avec un minimum de transmission d'information et une
sécurité maximale vis-à-vis de la connexion. Par exemple, nous pourrions prendre
comme modèle, dans la vie moderne, les appels téléphoniques interminables dans
lesquels les interlocuteurs n'échangent pas d'information mais ne font que garder les
canaux de communication ouverts. Ce qui est impliqué ici est la capacité de maintenir un
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Titre de l’ouvrage traduit pour cette édition (N.d.T)
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niveau d'angoisse utile, d'anticiper de terminer une action une fois que le lien est établi,
la décision prise et les circonstances observées (Boîtes 1, 2, 3, 4). Cela est lié au moment
où le Moi se développe, quand il apprend à utiliser l'angoisse signal (Freud, 1926) : de
cette façon, cela le libère de la tyrannie de l'angoisse traumatique ou de la nécessité de
possession inconditionnelle de l'objet qui l'accompagne : les personas craintifs/intimidés,
ou ceux portés à la fuite (1962), ainsi que l'hystérie d'angoisse et les caractéristiques
phobiques classiquement parlant.
Boîte 6 : Le style dramatique avec impact esthétique. Le facteur en jeu est le message et
la fonction poétique de Jakobson. Cela concerne la capacité du Moi à rassembler en un
seul message le plus haut degré de combinaisons entre l'action, l'affect et la pensée dans
l'usage de la langue verbale et le symbolisme communicatif. Cet effet s'observe dans les
slogans publicitaires réussis figurant des personas démonstratives (1962) et des névroses
de caractère hystérique classiquement parlant, ainsi que dans les névroses de l'hystérie de
conversion.
Cette classification peut également être utilisée pour définir le Moi idéalement
plastique, qui consiste en une combinaison de fonctions du Moi qui s'ajustent à chaque
instant dans des circonstances relatives au champ social, qui concerne l'interaction du
sujet et qui correspond à une absence relative de psychopathologie, c'est-à-dire la
normalité (en d'autres termes, la plasticité ou 'l'astéréotypie’).
C'est dans cette perspective du processus analytique en tant qu'interaction
thérapeutique que l'idée de styles complémentaires peut être justifiée, en ce sens que
l'analyse, qui utilise différents codes de communication dans ses interprétations, doit
également opter entre d'infinies possibilités de construire les signaux porteurs de son
message interprétatif, afin de donner ses réponses interprétatives. Le desideratum de la
complémentarité stylistique est que la forme et le contenu de tout résultat d'intervention
est la réaction interprétative la mieux ajustée en termes du point de vue de l'urgence, de
l'angoisse prédominante et des défenses concernées à tout moment.
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par un dispositif symbolique déficient. Lorsque les stimuli provenant du corps ne sont
pas intégrés dans le processus psychique, l'esprit souffre d'un déficit qui engendre la
prédominance de l'extériorité sur l'intériorité. Les liens conceptuels avec la notion du
‘nourrisson savant’ traumatisé de Sándor Ferenczi(1931, 1949) et du ‘faux soi’ de
Donald Winnicott (1955), qui se développent dans des conditions de ‘maternage pas
suffisamment bon’, sont perceptibles.
Comme nous l'avons indiqué au début, la nécessité d'avoir recours à des
disciplines dites auxiliaires provient d'une décision méthodologique en rapport à son
projet de fournir à la psychanalyse une plus grande base scientifique, d'où la nécessité
pour Liberman de mettre en place une base spécifique empirique pour la
psychanalyse.
Appréhender la session analytique comme un dialogue organisé dans le cadre
de l'interaction humaine demande que l'étude de l'inconscient dans la séance même
soit différenciée de l'étude de la séance depuis l'extérieur, auquel cas la performance
des deux membres de la dyade, ainsi que la responsabilité de chacun dans l'issue du
processus thérapeutique ou iatrogénique, doit être évaluée avec la moindre
subjectivité possible. C'est impossible dans la séance, en plus d'être déconseillé, de se
détacher de sa propre subjectivité, puisque les deux membres sont de fait immergés
dans le climat émotionnel du transfert/contre-transfert. Le cas est différent lorsque la
séance est examinée depuis l'extérieur. Pour obtenir une telle objectivité, Liberman
insistait sur le besoin de compter dans cette observation sur les « disciplines
auxiliaires ».
Il convient de noter que Liberman ne remplaçait pas l'ancienne par une
nouvelle psychopathologie : sa contribution a permis une « systématisation du travail
clinique psychanalytique » commençant par la spécificité de sa méthode. Celle-ci était
la conséquence de la décision méthodologique susmentionnée.
Le point de vue de Liberman, selon lequel la thérapie psychanalytique est un
dialogue, implique l'évidence depuis le tout début d'une perspective «
d'interconnexion » construite dans l'interaction évoquée précédemment, comme il le
décrit lui-même :« la séance psychanalytique est un processus interactif dans lequel le
comportement de l'un des membres du couple [analytique] détermine la réaction de
l'autre et vice versa 169 … » (Liberman, 1976, p. 21). Le dialogue analytique de
Liberman, fondé sur le postulat de la théorie de la communication, peut se concevoir
comme une interaction entre trois circuits de communication superposés :: deux sont
intrapsychiques (ceux du patient et de l'analyste) et l'autre est le circuit interpersonnel
qui est créée entre eux.
Dans son ouvrage Communication in Psychoanalytic Therapy (La
communication en thérapie psychanalytique 170
, 1962) Liberman emploie les
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contributions de Jurgen Ruesch pour classifier les types différents de ‘personas’ selon
leur manière de communiquer avec leurs interlocuteurs. Il les énumère et les met en
corrélation en premier lieu avec la nomenclature classique de O. Fenichel (1945), puis
avec ses propres systématisations futures, comme ces tableaux suivants l'indiquent :
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essentiellement sur l'état et la nature des objets. Dans un exemple récent de brassage
de cultures psychanalytiques, Kernberg propose sa propre contribution à la définition
de De Mijolla (2013, p. 1175) dans le dictionnaire international de la psychanalyse :
« Les théories des relations d'objet positionnent l'internalisation, la structuration et la
réactivation clinique (dans le transfert et le contretransfert) des premières relations
d'objet dyadiques au centre de leurs formulations motivationnelles (structurelles,
cliniques, génétiques et développementales)174 »
Cette variabilité susmentionnée peut être classifiée selon un éventail de
définitions :
1. De façon très générale, la théorie des relations d'objet concerne l'étude
psychanalytique de la nature des relations interpersonnelles et du développement des
structures intrapsychiques qui découlent des relations internalisées avec les autres,
dans le contexte des relations interpersonnelles actuelles et de l'organisation globale
de la personnalité et du fonctionnement. Dans ce contexte plus large, la théorie des
relations d'objet intègre toutes les vicissitudes de la relation entre les domaines de
l'intrapsychique et de l'interpersonnel. De ce point de vue, la psychanalyse, en termes
de théorie générale, est en fait elle-même une théorie des relations d'objet. Dans ce
sens plus large, la théorie des relations d'objet est qualifiée de terrain intermédiaire,
un langage ‘médian’ entre les ‘langages’ métapsychologiques et cliniques
(Mayman1963 ; Rapaport and Gill, 1959). Cette conceptualisation large est utilisée, et
a été intégrée, aux Etats-Unis, à la Psychologie du Moi, par Schafer (1968) et Modell
(1968).
2. Dans une définition ‘médiane’ plus restreinte, la théorie des relations d'objet sous-
entend une construction progressive de « représentations intrapsychiques dyadiques
ou bipolaires (images du Moi et de l'objet) qui représentent la relation d'origine entre
l'infans et la mère et son développement ultérieur dans des relations interpersonnelles
internes et externes dyadiques, triangulaires et multiples175 » (Kernberg, 1977, p 57).
Le point commun entre ces nombreuses variations est essentiellement la nature
bipolaire dyadique de l'internalisation à l'intérieur de chaque unité de l’image du Moi
et de l'objet qui a été déterminé dans un contexte affectif donné. Cette approche
s'appuie historiquement sur l'École britannique de Melanie Klein (1934, 1940, 1946),
de Fairbairn (1952), Winnicott (1955, 1958, 1960a, b, 1963), Bowlby (1969) les
approches de la psychologie du Moi d'Erickson (1956), Jacobson (1964), et Mahler
(1968 ; Mahler, Pine, Bergman, 1975) ; et de manière différente les écoles culturelles
et interpersonnelles (Sullivan, 1953). Aujourd'hui cette définition comprend
également des différentes approches relationnelles psychanalytiques définies de
manière variée (S. Mitchell, 2000 ; Greenberg and Mitchell, 1983 ; Harris, 2011).
Ainsi, la théorie des relations d'objet, dans ses implications cliniques et sociologiques
se superpose ci et là, bien qu'il faille le dire, sur des prémisses variables, avec de
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caractéristiques partagées ont conduit à des attitudes théoriques sur les aspects
fondamentaux du modèle psychanalytique de la psyché, dont la motivation, la
structure, le développement et la psychopathologie. Les théories des relations d'objet
donnent un lien naturel à l'étude de la dynamique de la famille et des groupes, ainsi
que l'étude du développement, comme pour la psychologie du développement.
Les théories des relations d'objet varient entre elles selon plusieurs critères :
1. Le rapport à la théorie des pulsions : Klein, Jacobson et Mahler sont restés
intimement liés à la théorie des pulsions. Loewald, Kernberg, Sandler et Winnicott
sont parmi les théoriciens des relations d'objet qui ont gardé une version de la théorie
des pulsions avec le concept de la pulsion quelque peu modifié, en mettant l'accent
sur les éléments constitutifs des pulsions que sont l'affect et les relations d'objets.
Alors que Fairbairn, Guntrip et Sullivan seraient les plus éloignés de la théorie de la
pulsion freudienne. 2. L'importance de l'agression dans la vie psychique : bien que
Klein se focalise sur l'agression, les analystes kleiniens pensent qu'il serait plus exact
de dire que sa théorie se focalise sur le clivage, ce qui peut inclure le clivage entre
l'amour et la haine, qui prend un rôle central dans la vie psychique. 3. L'importance de
l'interaction existante par rapport à l'interaction fantasmée : la théorie interpersonnelle
de Sullivan se focalisait sur la véritable interaction ; la théorie de Klein se focalisait
sur le ‘fantasme’, la représentation de l'instinct et comment ces représentations
colorent l'objet. 4. La question de savoir si la situation clinique est façonnée
principalement par les relations d'objet internalisées ou par la véritable interaction
dyadique patient-analyste : Klein et Kernberg ont mis l'accent sur la première ;
Greenberg et Mitchell se sont focalisés sur la dernière.
Les relations d'objet sont devenues une problématique théorique dans l'histoire
de la psychanalyse avant la contribution de Klein dans les années 1920 et la
formulation ultérieure de la théorie des relations d'objet au Royaume-Uni dans les
années 1940 et 50. Le concept des relations d'objet ne fait pas partie de la
métapsychologie de Freud, la théorie des pulsions classique n'accorde pas non plus de
signification particulière à l'histoire développementale au-delà de la théorie des stades
libidinaux. Cependant le problème des relations d'objet est inhérent à la théorie
classique, en ce sens que « la pulsion se dirige vers l'objet et l'objet n'a de
signification que si l'individu est doté d'une quantité d'énergie pulsionnelle pour vivre
la relation. » (Rycroft 1995 : 83-4).
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Alors que les relations d'objet et les pulsions ne sont pas nécessairement des
opposés intrinsèques dans le sens formel du terme, néanmoins la distinction peut
s'appliquer dans le contexte des évaluations pratiques et des discriminations cliniques,
surtout du point de vue des relations d'objet de l'école britannique. En conséquence de
quoi, les perspectives psychanalytiques ont été historiquement divisées entre les
théories de l'instinct et les théories des relations d'objet.
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en quelque sorte l'objet qui puisse satisfaire ces pulsions. Lorsque cet objet, le sein de
la mère, lui est en réalité offert, il l'accepte et l'incorpore en fantasme180 » (1942: 10).
Robert Hinshelwood attire l'attention plus récemment sur le fait de l'expérience des
objets internes, qui créent un monde animiste dans lequel tout [ce qui est animé et
inanimé] éprouve et a des intentions (1989 : 75).
L'attribution de l’intentionnalité à l'énergie psychique, aussi bien à la pulsion
de vie qu'à la pulsion de mort s'applique, du point de vue de la perspective kleinienne,
dès le début de la vie : « l'amour et la haine, les fantasmes, les angoisses et les
défenses sont actives dès le commencement et, indissolublement liées ab initio aux
relations objectales. » (Klein 1952a : 53). Selon Klein, depuis le commencement de la
vie, le Moi introjecte les ‘bons’ et ‘mauvais’ objets, pour lesquels le sein de la mère
en est le prototype (1935 : 262). Contrairement à Freud, pour lequel l'objet est
toujours l'objet d'un but instinctuel, Klein fait le postulat qu’une relation à l'objet est
un déterminant primaire de l'action humaine (1952a : 51). Cela s'applique autant à
l'amour qu'à la haine, qui sont comprises en termes de relations de forces
intentionnelles inhérentes dès le début. Dans le cas de l'attachement libidinal, Klein
propose que les sentiments d'amour et de gratitude surviennent directement et
spontanément chez le jeune enfant en réponse à l'amour et aux soins de sa mère
(1937 : 311). Dans la même veine, les impulsions destructrices sont des
manifestations de haine intentionnelle innée et du sentiment d'envie envers l'objet
bon, tout-puissant (1959 : 249). Dans les premiers mois de son existence, l'enfant a
des pulsions sadiques dirigées non seulement contre le sein de sa mère, mais aussi
contre l'intérieur de son corps. (1935 : 262).
Les notions freudiennes de ‘libido’ et ‘d'agression’ sont remaniées et
deviennent des émotions directionnelles. A ce titre, Klein cherche à intégrer la théorie
des pulsions à la théorie des relations d'objet : qu'elle représente les pulsions en
termes de phénomène intentionnel signifie que c'est une théorie des origines et de la
nature de l'objet. Cela soulève des questions concernant la constitution du psychisme,
par rapport à l'équilibre des facteurs constitutionnels et environnementaux. L'équilibre
des acteurs internes et externes, c'est-à-dire le complexe des éléments biologiques et
personnels, ainsi que la nature de l'environnement au début de la vie, est exprimé de
manières différentes selon les périodes des écrits de Klein.
Tout au long d'un raisonnement constant, Klein fait état d'une connaissance
inconsciente innée de l'existence de la mère (1959 : 248), les objets sont inhérents
dans les pulsions et en ce sens sont relativement autonomes vis-à-vis des objets
externes, en particulier, la mère de l'enfant. La connaissance instinctuelle, ou la
préconception innée est ainsi la base de la relation première de l'enfant avec sa mère
(1959 : 248). L'idée selon laquelle les premiers objets des pulsions sont véritablement
des extensions des pulsions elles-mêmes, plutôt que de simples évènements
relationnels, est soutenue à double titre. Klein présuppose en premier lieu que le désir
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base de la notion selon laquelle les imagos internes sont des « tableaux
fantastiquement déformés des objets réels auxquels ils renvoient » (1935 : 262).
Davantage un mécanisme de défense, le processus de projection-introjection serait
ainsi un mode de rencontre normal, une façon d'entrer en relation avec le monde en
général. Selon cette considération, l'imago de l’objet interne se forme autour d'un
noyau de véritable expérience perceptuelle ; le monde interne est peuplé d'objets qui
proviennent de l'environnement actuel de l'enfant et de son histoire interpersonnelle.
Au fur et à mesure que les cycles de projection et d'introjection continuent, à
un moment donné (autour de 4 à 6 mois selon Klein), l'enfant réalise que l'objet haï
qui est expulsé et vigoureusement attaqué en fantasme est le même que l'objet aimé
nourrissant que l'enfant souhaite intégrer avec amour. L'infans a donc un début de
conscience de ses attaques sur l'objet aimé. Si cette coexistence de figures aimées et
haïes peut être supportée, au lieu de l'angoisse de persécution et de survie de la
position schizo-paranoïde où les ‘objets partiels’ fantasmatiques règnent, l'angoisse
commence à se centrer sur le bien-être et la survie de l'autre en tant ‘qu’objet total’.
Progressivement, la persécution donne lieu à une culpabilité emplie de remords et à
une tristesse poignante en lien avec la profondeur de l’amour. Alors qu’on se languit
de ce qui a été perdu ou endommagé par la haine survient un désir ardent de
réparation. Les capacités du Moi s’agrandissent et le monde est perçu de façon plus
riche et plus réaliste. Le contrôle omnipotent sur l'objet, perçu alors comme étant plus
réel et séparé, diminue. C'est là que se situent les débuts de la position dépressive. La
maturation est donc intimement liée à la perte et au deuil. Comme Roger Money-
Kyrle (1955) le souligne, la théorie de Klein comporte une moralité naturelle intégrée,
fondée sur l'amour et la culpabilité, qui se découvre pendant le développement de
l'enfant, plutôt que par l'apprentissage.
Reconnaître l’autre comme un être séparé de soi-même prend en compte les
relations aux autres ; c’est ainsi que la prise de conscience de la situation œdipienne
accompagne inévitablement la position dépressive. Ronald Britton (1989, 1992)
explique ensuite en détail comment la position dépressive et le complexe d'Œdipe ne
sont pas uniquement concurrents du point de vue développemental, mais qu'un travail
d'élaboration psychique de l'un implique nécessairement une élaboration de l'autre.
Dans la position schizo-paranoïde, Klein (1932, 1952a) postule l’existence d’un
couple parental terrible et persécutant : le fantasme de la « figure parentale
combinée » : le corps maternel contenant le pénis du père, et les bébés rivaux. Cette
version primitive du couple fantasmé comme étant en relation sexuelle continuelle,
comprend des caractéristiques sadiques orales, urétrales et anales dues aux projections
de la sexualité et du sadisme infantiles. Cependant, dans la position dépressive, il y a
conscience d'un véritable objet tiers, interne et externe, lequel même s'il suscite des
sentiments de jalousie et d'envie, donne un sens de stabilité à la situation interne.
« La capacité du bébé de jouir en même temps de sa relation avec ses deux
parents, qui est un trait important dans sa vie psychique et entre en conflit avec
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par des objets partiels (et des parties de soi) vers la position dépressive de tolérance de
l'ambivalence et par l'intégration de divers objets partiels dans des objets totaux. La
psychopathologie est manifeste dans la fixation ou la résurgence d'aspects de position
paranoïde-schizoïde ou dépressive.
Selon Klein (1929, 1946), tous les processus internalisés (relatifs aux objets
internes) sont liés à la gestion de l'angoisse pour que l'agression ne puisse anéantir le
bon objet. Bien que Klein se soit identifiée davantage à la propension d'observer et de
s'adresser à la question de l'agression (point 6 ci-dessus) pour de nombreuses raisons,
une desquelles était de développer la vision d'Abraham quelque peu négligée
jusqu'alors, sa position théorique s'adressait également aux inclinations libidinales
innées et se focalisait sur les facteurs qui contribuent à inhiber l'introjection du bon
objet interne et de le préserver. Ses préoccupations se concentraient sur les conflits
œdipiens non-résolus de la petite enfance, dominés par le mécanisme du clivage :
« [l’]un des phénomènes inattendus que je rencontrai fut un surmoi très
précoce et sauvage. Je découvris aussi que les jeunes enfants introjectent
leurs parents – tout d’abord la mère et son sein – d’une manière
fantasmatique, et je fus amenée à cette conclusion en observant le
caractère terrifiant de certains de leurs objets intériorisés […] ils sont,
avec d’autres figures terrifiantes, clivés d’une manière différente de celle
par laquelle le surmoi est formé, et ils sont relégués dans les couches plus
profondes de l’inconscient. » (Klein 1958, p.241)
Klein a souligné la nécessité pour le clivage d'avoir lieu tôt pour qu'il se
déplace de l'angoisse diffuse sur l'angoisse paranoïde-schizoïde (persécutrice), celle
qui est concernée par la préservation de soi. Elle a démontré comment cette angoisse
précoce filtre la perception de l'objet avant que ce type d'angoisse puisse être intégré
dans ce qu'elle appelle les angoisses dépressives : celles qui se regroupent autour
d'une préoccupation autour de l'objet. Cette focalisation permet une vision plus
détaillée de la façon dont l'objet est ‘connu’ par l'amour et la haine en constante
interaction. Le but de cette compréhension permet au Moi affaiblit par des pulsions
destructrices de retrouver le bon, et donc la force et l'espérance, de l'objet.
Bien que selon Judith L. Mitrani (2007), le rôle des influences
environnementales n'est pas toujours apparent dans le travail de Klein, elle fait
référence à l’article de Klein, « On the Importance of Symbol-Formation in the
Development of the Ego » (« L’importance de la formation du symbole dans le
développement du Moi ») (1930). Klein y présente ses observations depuis l'analyse
d'un garçon autiste de 4 ans, qu'elle a appelé Dick, qui ont introduit le concept du
« développement prématuré du Moi » pour résumer la problématique de Dick. Elle
décrit la précocité de cet enfant en termes « d'empathie prématurée » pour une
« identification prématurée et exagérée » avec la mère. Elle y propose que le trouble
de Dick provient d'un début trop précoce de position dépressive. En d'autres termes,
dans le transfert, Klein avait observé et déduit que le problème ultime du jeune enfant
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III. B. Bion
Wilfred Bion a développé les théories de projection-introjection de Klein,
notamment en ce qui concerne le rôle communicationnel des processus projectifs-
introjectifs dans le développement humain normal : « Je supposerai qu’il existe un
degré normal d’identification projective, mais sans fixer les bornes à l’intérieur
desquelles se tient la normalité, et que l’identification projective, associée à
l’identification introjective, fournit les bases sur lesquelles repose le développement
normal. » (1959 : 103). Dans ce cas, l'identification projective concerne le lien de
l'enfant au sein, ce qui lui permet de s'adapter aux sentiments trop puissants à contenir
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dans sa personnalité même (1959:106). Bion indique à quel point ce lien fondamental
peut être perturbé, « attaqué » de deux manières, soit par le refus maternel de recevoir
l'identification projective de l'enfant ou l'envie de l'enfant par rapport au bon sein, ou
un ensemble des deux. Dans les deux cas, cela entraîne des « identifications
projectives excessives » où l'intention communicative initiale de l'identification
projective est détruite, ce qui mène à un « arrêt grave du développement [...] [E]n
raison du déni de la principale méthode dont dispose le petit enfant pour faire face à
ses émotions trop intenses, la conduite même de la vie émotionnelle, qui en tous les
cas est un problème grave, devient intolérable. » (1959 :107). Un objet [interne]
s'installe qui exerce la fonction d'un Surmoi destructeur du Moi. Dans ses écrits
ultérieurs, Bion (par exemple : 1962, 1963) développe la théorie du processus
projectif-introjectif sur le modèle du « contenant » et du « contenu », termes qu'il a
introduits pour signifier le jeu entre les identifications projectives de l'enfant et la
fonction réceptive de la mère dans ses aspects autant créatifs, enrichissants que
destructeurs. (Voir aussi l'entrée CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU).
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Fairbairn remplace le double aspect de l’instinct par une théorie radicale des relations
d'objet lorsqu'il précise que les pulsions représentent l'aspect dynamique des
structures du Moi, et impliquent forcément les relations d'objets (1951 : 167), la place
de l'échec décisif fondamental venant de l'environnement reste ouverte, et son ‘objet
excitant-Moi libidinal’, son ‘objet rejetant-Moi antilibidinal’ ; et son ‘objet idéal-Moi
central’ sont des structures qui ont reçu ultérieurement des critiques pour leur
caractère hypersimplifié. Par contre, ses études cliniques, qui ont démontré que la
pathologie du développement sexuel est intimement liée aux schémas évolutifs du
développement intrapsychique et interpersonnel, ont été globalement reconnues et
constituent une contribution pérenne.
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premier stade de la vie extra-utérine n'est pas narcissique, mais orienté vers l'objet sur
la base de l'expérience prénatale. Pour Balint (1937 : 98-99), au départ, cette relation
d'objet était passive, il décrit alors l'attitude motivationnelle de l'enfant ainsi : « Je
dois être aimé et satisfait sans avoir rien à donner en retour. Ceci est, et restera
toujours, le but final de tout désir érotique » (1937 : 99).
L'objet d'amour primaire « n'est lié à aucune zone érogène ; ce n’est pas de l’amour
oral, oral-de-succion, anal, génital, etc., mais quelque chose de particulier. »
(1937 : 101). En tant que tel, Balint (1951 : 156) a cherché à étendre l'éventail
expérientiel de la vie humaine primitive précoce, en supplément de la ‘sphère orale’.
Ce qui, par contre, n'a pas occasionné de rupture de la théorie classique des pulsions.
A contrario de Fairbairn, Balint maintient que la libido est autant en quête de plaisir
que d'objet. L'hypothèse de la ‘libido en quête d'objet’ est donc revue dans ce sens :
en plus de la qualité de la libido jusque-là bien étudiée, c'est-à-dire sa tendance à la
quête du plaisir, les observations cliniques, selon lui, ont prouvé sans le moindre
doute que cette tendance à la quête de l'objet est au moins aussi importante
(1956 : 291).
2. L'amour d'objet actif et mature, ainsi que Balint le décrit, implique la récapitulation
de la satisfaction primordiale d'un besoin par de nombreux sentiers et déviations
développementaux : les étapes successives du développement, des relations d'objet
anales-sadiques, phalliques et finalement génitales ont un fondement non pas
biologique mais culturel (1935 : 63). De même, le phénomène primaire de la théorie
de la pulsion freudienne est considéré sous l'angle de l'échec environnemental à un
stade précoce, qui donne lieu à un ‘défaut fondamental’. Notamment, l'agression est
généralement conçue comme une réaction à la frustration, plutôt qu'un but en soi, et
plus particulièrement pour Balint (1951) qui considère que la haine est toujours un
phénomène réactif, secondaire et non pas l'une des pulsions primaires fondamentales
de la personne. De même, la définition du narcissisme primaire est revue en termes
d'un investissement libidinal dans l'auto-érotisme, exactement là où l'enfant n'a pas
reçu suffisamment de soins, dès le début.
3. La distinction entre les types de régression ‘bénins’ et ‘malins’ (1968 : 146)
pourrait correspondre à un ‘modèle mixte’. Ainsi, le premier type serait manifeste
dans la relation thérapeutique sur la base des besoins relationnels primaires et le
second sur la base du plaisir instinctuel infantile.
Par conséquent, Balint traitait les aspects thérapeutiques de la régression dans
le contexte de sa psychopathologie des relations d'objets révisée (Voir l'entrée
RÉGRESSION). Le modèle freudien classique, fondé sur l'interprétation de la
résistance pour déclencher l'insight, présuppose que les patients peuvent assimiler ou
‘prendre en soi’ ce qui est disponible dans la relation analytique ; que les
interprétations sont vécues comme des interprétations et pas autre chose et que le Moi
est adapté au travail d’élaboration. Le modèle révisé est requis dans les cas de patients
fortement narcissiques, borderline et psychotiques, c'est-à-dire où la centralité du
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complexe d'Œdipe ne peut être assumée ; mais aussi dans les cas où l'interprétation
immédiate des états préœdipiens primitifs prend le risque de générer une réaction
thérapeutique négative ou d'entraîner une posture docile chez le patient. La
contribution de Balint est majeure dans ce sens, selon la tradition de Ferenczi et de
l'école de Budapest, pour la compréhension de la relation thérapeutique dans les cas
de régression chez les patients. La vision relationnelle de la nature humaine est ainsi
associée à une vision de la motivation humaine orientée vers le plaisir, sur la base des
pulsions, une combinaison que Balint considère irréductible du point de vue théorique
et clinique.
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l’enfant de rester vivant ... « [C]'est le soi (‘self’) qui doit précéder l'utilisation que le
soi fait de l'instinct » (1967 : 116).
Il y aurait, pour Winnicott, une expérience initiale d'omnipotence dans
laquelle la potentialité est vécue comme une illusion. « L’adaptation de la mère aux
besoins du petit enfant, quand la mère est suffisamment bonne, donne à celui-ci
l’illusion qu’une réalité extérieure existe, qui correspond à sa propre capacité de
créer... le sein est créé et sans cesse recréé par l’enfant à partir de sa capacité d’aimer
ou, pourrait-on dire, à partir de son besoin. » (1951 : 12-4). La correspondance ou la
superposition incarnée dans l'illusion (cf. Milner 1952 ; 1977), le sentiment de l'enfant
que ce qu'il créé existe vraiment, (comme un ‘objet subjectif’ plutôt qu'un objet
‘objectivement perçu’) soutient la continuité d'être vitale et à son tour constitue le
domaine de l'expérience auquel les ‘objets transitionnels’ et les ‘phénomènes
transitionnels’ appartiennent.
L'illusion fait partie d'un processus émotionnel, qui comprend le retrait
progressif de l'illusion ; et de ce fait, le processus unitaire de l'illusion-désillusion. La
sensibilité accrue de la mère (‘préoccupation maternelle primaire’) à la volonté
d'exister initiale de l'enfant laisse place à l'échec progressif de l'adaptation, une
condition supplémentaire au développement. L'échec d'adaptation à ce stade n'est pas
autant un échec de fiabilité que l'expression d'une mère suffisamment bonne faillible,
qui est engagée dans le processus de désillusion en présentant à son enfant le monde-
objet en petites doses gérables. Ce processus permet la séparation du monde-objet du
sentiment de soi émergent de l'enfant : « Partant de l'état où il est confondu avec la
mère, le bébé est à un stade où il sépare la mère du soi et où la mère diminue son
degré d'adaptation aux besoins du bébé » (1971 : 126).
2. Comme Balint, Winnicott traitait les aspects thérapeutiques de la régression dans le
contexte d'une psychopathologie des relations d'objet révisée, en insistant que les
« enfants sont malades très précocement ». La maladie psychologique serait ainsi une
expression d'un échec environnemental, qui, selon Winnicott, peut être ‘gravement
invalidante’ et qui comprend la schizophrénie infantile ou l'autisme ; la schizophrénie
latente ; les défenses du faux-self et la personnalité schizoïde (1962a : 58-59). A la
suite d'empiètements traumatiques et d'échecs de dispositions maternelles de base au
début de la vie, les angoisses psychotiques (ou ‘agonies primitives’ ainsi qu'elles ont
été nommées ultérieurement) engagent une série de manœuvres défensives
(‘réactions’) où l'enfant cherche à protéger le noyau même du soi. Winnicott (1963c)
a développé la notion des états primitifs dans son article publié à titre posthume
« Fear of Breakdown » (« La crainte de l’effondrement ») comme suit : 1. le retour à
un état non intégré (défense : la désintégration) ; 2. ne pas cesser de tomber (défense :
l’auto-maintien [le ‘self-holding’]) ; 3. la perte de la collusion psychosomatique, la
faillite de la résidence dans le corps (‘indwelling’) (défense : la dépersonnalisation) ;
4. la perte du sens du réel (défense : l’exploitation du narcissisme primaire) ; 5. la
perte de la capacite d’établir une relation aux objets (défense : les états autistiques,
l’établissement de relations uniquement avec des phénomènes issus de soi). Plus
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III. D. Bowlby
Lors de sa supervision auprès de Melanie Klein, John Bowlby est consterné de
constater ce qu'il prit pour un intérêt exclusif de Klein dans la vie fantasmatique
intérieure de l'enfant, et d’observer son déni de la véritable relation de l'enfant avec sa
mère. Dans son analyse détaillée du développement précoce de l'enfant, notamment
les effets relatifs à une séparation traumatique de la mère, ou due à l'inaccessibilité
émotionnelle de la mère, Bowlby (1969) affirme que l'attachement à la mère
correspond à la pulsion primaire. Contrairement à la ‘pulsion de l'objet primaire’, il ne
s'adresse pas à la structuration intérieure, mais se focalise plutôt sur les schémas
interpersonnels et comportementaux. Selon Diamond et Blatt (2007), son travail
apporte un angle nouveau sur une expression comportementale des relations d’objets
internalisés dans la dyade mère-enfant.
III. E. Sandler
Au Royaume-Uni, Sandler (1963), et Joffe et Sandler (1965) suggèrent que le
développement cognitif, le développement affectif et le développement des structures
qui représentent les relations d'objet internalisés sont intimement liés. En se focalisant
sur les études du développement des ‘self-structures’, ils se retrouvent dans une
position similaire à celle de Jacobson (1964) en Amérique du Nord, en ce sens que
l'identification, qui implique nécessairement une modification de la représentation de
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soi sous l'influence de la représentation d'objet, dépend de la mesure dans laquelle une
représentation de soi donnée s'inscrit dans la configuration défensive générale du
sujet.
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associations avec des gangs criminels qui contrôlent et intimident les parties ‘saines’
de la personnalité, leur promettant un abri et un soulagement d'une angoisse
persécutoire ou dépressive. Les parties apparemment saines de ces structures
complexes sont vraisemblablement vouées à s'impliquer dans des relations collusoires
et perverses au cœur de la structure pathologique. (Voir aussi l'entrée
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU).
Le travail ultérieur de Steiner (1993) sur les ‘retraites psychiques’ élargit et
développe l'idée des organisations pathologiques. Il démontre comment ces retraites
sont omniprésentes et peuvent prendre plusieurs formes et qu'elles existent pour
maintenir l'équilibre psychique face à des angoisses ingérables.
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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V. Ab. Mahler
Après Hartmann, le développement le plus influent du modèle de la pulsion
englobé de nouvelles dimensions du développement psychologique est apparu avec
Margaret Malher. L'intérêt original que Mahler portait dans les relations d'objet
précoces de l'enfant provenait de ses études sur les pathologies infantiles graves,
notamment l'autisme et la psychose symbiotique, où elle put observer l'extrême
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incapacité de ces sujets à former avec ses figures parentales une relation fortifiante
(Mahler, Ross and DeFries, 1949; Mahler, 1952; Mahler and Gosliner, 1955). De ce
postulat s'est construite une théorie développementale de l'enfant normal dans laquelle
les relations d'objet et le self sont des émanations des vicissitudes instinctuelles. Sur la
lancée de Hartmann, le problème de ‘l'adaptation’, selon ses travaux, se construit par
la résolution de ‘l'environnement humain’ (Greenberg and Mitchell, 1983, p.272).
Pour Mahler, le point de référence d'un développement réussi ne concerne pas
la mise en place d'une primauté génitale suite à une résolution du complexe d’œdipe
réussie mais plutôt un mouvement développemental de l’ancrage dans une relation
symbiotique mère-enfant jusqu'à l'accomplissement d'une identité individuelle stable
dans un monde où les autres sont perçus de manière prévisible et réaliste. Ce
processus est appelé la « séparation-individuation » ou la « naissance psychologique »
de l'enfant. La séparation et l'individuation sont complémentaires mais sont des
processus du développement distincts. La séparation se définit par l'émergence de
l'enfant par rapport à la fusion symbiotique avec la mère ; l'individuation représente
les accomplissements qui mènent l'enfant à ses propres caractéristiques individuelles
(Mahler et al, 1975, p.4).
Bien que les principes organisationnels de Mahler fussent fondés sur les
relations entre soi et l'objet, avec un accent posé sur les aspects transactionnels de la
croissance et du développement, ils provenaient de la théorie de la pulsion classique.
Selon Mahler, l'enfant est moins une personne qui lutte avec les exigences
conflictuelles de la pulsion qu'un sujet devant se réconcilier constamment avec son
aspiration à l'existence autonome indépendante et son désir ardent de replonger dans
la fusion symbiotique duquel il a émergé.
Le développement évolue dans le temps au regard des échéances et
caractéristiques des sous-stades spécifiques. Au départ, la théorie de Mahler supposait
que l'enfant se développe à partir d'un ‘autisme normal’, par une période de symbiose,
puis de quatre sous-stades qui se déploient de manière séquentielle dans un processus
de séparation-individuation. (Mahler, Pine and Bergman, 1975).
De manière significative, elle renonça plus tard au concept du stade autistique
des deux premiers mois de la vie sur la base du narcissisme primaire et de la barrière
de protection contre les stimuli extérieurs, lorsqu’elle réalise que depuis la naissance,
les enfants démontrent de leur conscience perpétuelle de leur environnement et des
objets qu'il contient et que la ‘barrière innée de protection contre les stimuli est plutôt
le ‘filtre des stimuli’, un terme que Blum lui avait suggéré (Blum, 2004b).
A partir du second mois, c'est-à-dire le stade symbiotique, l'enfant était
supposé n'avoir qu'une maigre conscience des objets et d'être dans un état de « fusion
somatopsychique […] hallucinatoire ou délirante » (Mahler et al, 1975, p.45). Ce
stade était considéré comme étant positif ayant lieu dans un contexte intrapsychique
en l'absence de limite entre le soi et l'autre (Fonagy, 2001). C'est pendant ce stade que
l'imitation de l'affect serait d'une importance cruciale. La mère, en phase avec l'enfant,
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effectue et maintient un dialogue affectif et moteur approprié, par le contact avec les
yeux, les expressions du visage, le toucher, le holding, etc., ce qui contribue à ce que
l'enfant puisse intégrer la capacité de moduler et de contrôler ses affects (Blum,
2004). La phase de séparation-individuation, à partir de 4 à 5 mois jusqu'à 18 mois
consiste en quelques sous-phases. La première concerne ce que Mahler appelle la
phase de l'éclosion (‘hatching’), où l'enfant commence à différencier sa représentation
du self par rapport à sa mère/autre, (Mahler et al., 1975) en se dégageant de la
tendance à se mouler au corps de la mère pour se lancer dans une exploration plus
active et autodéterminée.
« Plus que tout autre théoricien psychanalytique, Mahler avait reconnu
l'importance pour l'enfant de marcher, une réussite de maturité qui le précipite dans la
‘sous-phase de pratique’, de séparation, d'individuation182 » (Blum, 2004b, p.542).
Pendant cette seconde sous-phase, l'enfant met en pratique la locomotion pour
développer sa séparation physique vis-à-vis de sa mère, et pour continuer
véritablement le processus de différentiation. C'est dans cette période que Mahler
situe la ‘naissance psychologique’ de l'enfant. Par la locomotion en position debout,
l'enfant ouvre ses horizons et découvre avec enthousiasme que le monde lui
appartient. Pour paraphraser Greenacre (1957), c'est l'apogée de son histoire d'amour
avec le monde. Du point de vue de Mahler, c'est le point culminant aussi bien du
narcissisme (secondaire) que de l'amour d'objet (Mahler et al. ,1975). C'est à ce
moment-là aussi que l'enfant atteint le sommet de son ‘omnipotence magique’ qui lui
vient du sentiment de partager les pouvoirs magiques de sa mère (Fonagy, 2001,
p.66).
La ‘sous-phase de rapprochement’ depuis l'âge de 15 à 18 mois jusqu'à 24
mois entraîne aussi une conscience de séparativité, d'angoisse de séparation et d'un
besoin accru pour l'enfant d'être avec sa mère (Mahler et al, 1975). Il devient de plus
en plus indépendant maintenant qu'il réalise à quel point il est un petit poisson dans
un grand océan, une impression qui s'accompagne de la perte d'un sentiment idéaliste
de soi et de la réapparition d'une sorte d'angoisse de séparation. Pour l'enfant, cela
signifie une prise de conscience que la mère est véritablement distincte de lui et qui
pourrait ne pas être toujours disponible pour lui. Il en résulte une ‘crise de
rapprochement’, qui dure de 18 à 24 mois environ. Selon Mahler, l'enfant est
affectivement partagé entre son besoin de s'accrocher à sa mère et un besoin puissant
de séparation. C'est la période dans laquelle le clivage atteint son apogée (Greenberg
and Mitchell, 1983). C'est aussi là que les fonctions autonomes du Moi se
développent rapidement, notamment par l'apport de l'apprentissage rapide de la
langue et par l'apparition de l'épreuve de réalité. Les différences en termes de genre et
d'identité des genres apparaissent à la conscience, et interagissent dans le processus de
différentiation. Pendant le ‘rapprochement’, le recul de l'omnipotence infantile est
compensé par les identifications sélectives avec la mère dotée de qualité de
compétence, de tolérance et d'affection (Blum, 2004b).
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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V. Ac. Erikson
Les contributions d'Erik Erikson (1950, 1956, 1968) à l'étude des relations
d'objet précoces, ainsi que leurs influences sur le développement des structures du
Moi, comprennent un pont entre la théorie structurelle de la psychologie de l'Ego des
années 1950 et l'étude clinique des vicissitudes des relations d'objet. Erikson postulait
la relève des concepts d'introjection, d'identification et de l'identité de l'ego, lesquels
ont perduré dans certaines des branches d'influence de l'école des relations d'objet
américaine actuelle (Kernberg, 1977), quoique non sans quelques modifications.
Erikson ne faisait pas la différence entre les organisations de la représentation de soi
et d’objet. Ce fut Jacobson (1964) qui notamment clarifia la différentiation entre les
représentations de soi et d'objet des introjections précoces et le développement de ces
structures.
V. Ad. Jacobson
Comme Mahler, Edith Jacobson (1964) a pu réconcilier l'accent que Freud
posait sur la constitution du Moi avec l'importance que les développementalistes
attribuent à l'environnement en s'adressant aux influences mutuelles et régulières
qu'ils exercent l’un sur l’autre au cours du développement. Elle décrit le
développement du Moi et du Surmoi en tandem avec les représentations de soi et
d'objet, en attribuant au rôle de l'affect une grande importance. Ses contributions ont
été cruciales pour avoir présenté la conceptualisation des ‘images de soi’, c’est-à-dire
les représentations de soi et de l'autre comme étant les déterminants clé du
fonctionnement psychique (Fonagy, 2001). Pour elle, l'enfant acquiert ses
représentations de soi et d'objet par le biais de valences bonnes (aimantes) ou
mauvaises (agressives) selon les expériences de gratification ou de frustration vécues
avec la mère. Comme le dit Fonagy, elle introduit le terme ‘représentation’ pour
souligner que ce concept renvoie à l'impact expérientiel des mondes internes et
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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soi. Dans cet état de fusion primitive, les objets deviennent des parties internalisées
d'images de soi et à terme le sentiment de soi le plus profond est une émanation de ces
images précoces.
Jacobson avait constaté que l'intégration des images bonnes et mauvaises,
c'est-à-dire tout autant la mère ‘bonne’ et la mère ‘frustrante’ facilite la capacité
d'intégrer les périodes de sentiments conflictuels. Les images intégrées affectivement,
de soi et de l'autre, permettent finalement une disposition aux expériences
émotionnelles plus complexes. Les premières expériences préœdipiennes de
contrainte et d'interdit maternels produisent des images initiales autour desquelles le
Surmoi se compose ensuite.
Freud (1940) avait décrit la libido en termes de force qui lie, alors que
l’agression brise les connections. Jacobson appliquait ces idées au concept de
séparation-individuation, où l'action de la libido sert à intégrer des images opposées
d'objets bons et mauvais, et de soi bon et mauvais, alors que l’agression provoque une
dissociation et des images différenciées de soi et de l'autre ; et ce faisant, elle intègre
ainsi la théorie de la pulsion classique et la théorie des relations d'objet.
V. Ae. Loewald
Hans Loewald fut l'un des premiers révisionnistes freudiens des années 1960,
1970 et 1980 à construire une connexion entre la psychologie du Moi freudienne et la
théorie des relations d'objet, pour créer une théorie psychanalytique qu'il pensait être
plus proche de l'expérience vécue des individus. Ses principales préoccupations se
focalisaient sur les suppositions fondamentales liées au développement théorique de
la psychanalyse et les préjugés de base sur la nature de l'esprit, la réalité et le
processus analytique.
Loewald pensait que Freud postulait deux différentes lectures à propos des
pulsions. La première, avant 1920, selon laquelle la pulsion a pour impératif la
décharge. La seconde lecture s'est imposée avec son introduction du concept d'Eros en
1920, dans Beyond the Pleasure Principle (Au-delà du principe de plaisir) où Freud
modifia radicalement sa définition de la pulsion selon laquelle elle aurait un impératif
de décharge, pour ensuite lui donner un impératif de connexion « en utilisant les
objets non pas pour leur gratification mais pour construire des expériences psychiques
plus complexes et pour rétablir l'unité initiale perdue entre le soi et les autres »
(Mitchell and Black, 1995, p.190187). Loewald remis en cause la théorie des pulsions
de Freud en reformulant de manière radicale les concepts psychanalytiques classiques
freudiens. Alors que pour Freud le Ça est une force biologique immuable en conflit
avec la réalité sociale, pour Loewald le Ça est la résultante interactionnelle de
l'adaptation plutôt qu'une force biologique constante. La psyché n'est pas interactive
en second lieu mais par sa véritable nature.
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V. Af. Sullivan
Harry Stack Sullivan (1953, 1964), le fondateur de la psychanalyse
interpersonnelle parfaitement américaine avait proposé que : « 1. La quête de sécurité
et celle de la satisfaction des pulsions sont indissolublement liées ; 2. La force
intégrée de ces derniers a un impact sur les relations interpersonnelles en évolution et
en est à son tour affectée par elles ; 3 Ce qui s'appelle le ‘self’ n'est rien d'autre qu'un
recueil d'appréciations réflectives des premières figures parentales ; 4. L'angoisse, qui
est une menace à la sécurité, peut uniquement avoir lieu dans un contexte
impersonnel ; 5. Le self garde son intégrité par l'inattention sélective à des aspects de
comportements qui troublent l'angoisse ; 6. Le fondement des concepts éthiques
réside dans la perception de l'enfant vis-à-vis de l'approbation ou de la désapprobation
parentale ; 7. La sexualité est importante mais elle n'est pas la source de motivation
centrale dans la vie ; 8. La psychopathologie provient de l'irruption des états du Moi
qui ont été dissociés, dont l’expression entraîne l'angoisse ; 9. Le traitement devrait se
focaliser sur le contenu relationnel de l'angoisse ; et 10. En conséquence, la
participation active du thérapeute est plus souhaitable que son anonymat décontracté.
Le contretransfert a une fonction centrale informative et directrice dans le traitement »
(Akhtar 2009, p 151189). Généralement parlant, Sullivan place que peu d'importance
dans les processus de l'intérieur psychique et dans les racines génétiques du transfert.
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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V. B. Développements contemporains
V. Ba. Kernberg
Depuis la fin des années 1970, Otto F. Kernberg développe une version de la
théorie des relations d'objet dans le cadre du modèle structurel de Freud et de l'ego
psychologie de Hartmann. Dans cette approche, les relations d'objet sont des
organisateurs essentiels du Moi (Kernberg, 1976, p. 38) et des unités d’affect-self-
objet (‘self-object-affect units’) (Kernberg, 1976), en tant que déterminants primaires
des structures générales de la psyché (Ça, Moi, Surmoi). Lors de son dernier niveau
d'intégration théorique, Kernberg (2004, 2015) propose un cadre développemental
général qui intègre la théorie psychanalytique du développement ancrée dans la
théorie des relations d'objet, avec des aspects neurobiologiques du développement.
« [Sa] conclusion générale concerne le développement parallèle et les influences
mutuelles des systèmes neurobiologiques d'affect et de cognition, contrôlés par des
déterminants génétiques et des systèmes psychodynamiques, qui correspondent
fondamentalement à la réalité tout autant qu'à des déformations motivées de relations
internes et externes avec l'autre significatif. » (Kernberg, 2015, p. 38190).
Dans ce modèle (Kernberg, 2004, 2014, 2015, 2016), les domaines pertinents
du développement neurobiologique, c'est-à-dire l'activation des systèmes d'affect, la
différentiation de soi par rapport aux autres, le développement d'une théorie de l'esprit
et de l'empathie, l'évolution d'une structure de soi et le développement des processus
de mentalisation, sont intégrés dans le contexte de la théorie psychanalytique des
relations d'objet.
De rassembler les études développementales et neurobiologiques, et les études
développementales psychanalytiques, a permis à Kernberg (2015) de souligner la
complexité dynamique des premières semaines et des premiers mois de la vie
humaine. Déjà, pendant la ‘phase symbiotique’ de la fusion ‘somato-psychique
délirante’ marquée par l'absence de limite entre le soi et l'autre (Fonagy, 2001),
lorsque le bébé et la mère sont une ‘unité opérationnelle’, les affects primaires
majeurs, ainsi que les premières aspirations à la différentiation de soi par rapport à
l'autre (un prérequis dans la théorie de l'esprit) et les rudiments de l'empathie y
émergent. Pendant les 6 à 8 premières semaines de la vie (Gergely & Unoka, 2011 ;
Roth, 2009), les infans affichent différentes réactions aux visages animés et aux
schémas inanimés ; ils sont capables de différencier la voix de leur mère d'autres voix,
de répondre par un sourire à des expériences interactionnelles ‘non-moi’ et sont
capables de transfert multimodal, d'identifier visuellement un objet spécifique en
termes de sa forme quand l'infans l'a tenu dans sa bouche. Ces premières indications
de la capacité à différencier des expériences, qui émanent du soi, par rapport aux
expériences externes, se développent de façon spectaculaire pendant les premiers
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sur le transfert donne une grande importance à l'interprétation des déformations dans
le transfert du point de vue du ‘tiers’. (Voir aussi l'entrée CONFLIT, TRANSFERT)
V. Bb. Ogden
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changement de Boston (Boston Change Process Study Group) (Stern, Sandler, Nahum
et al., 1998), ces idées découlent d'observations entre l'infans et ses parents. Les
études d'observation ont déterminé des fondements pour comprendre la vie
relationnelle de la petite enfance avec des implications pour la théorie clinique et
technique de la psychanalyse relationnelle, dont la ‘régulation mutuelle’, la ‘rupture et
réparation’, les ‘moments émotionnels intenses’ (Beebe and Lachman, 2005), et les
propriétés transformatives des moments ‘présents’ (‘now moments’) (Stern et al.
1998). La dimension temporelle de l'intersubjectif et de l'intrapsychique de Hoffman
(1998), où le passé se construit en même temps que le futur dans le sens de la
construction sociale de réalités partagées et individuelles, le travail de Benjamin
(1988, 1995, 1998) sur la complémentarité, les formes distinctes de la tiercéité
(‘thirdness’), la dyade de l'être toujours plus grande que la dualité (‘two-ness’) et, plus
récemment, le concept de ‘témoignage’ dans le processus clinique, lequel illustre la
fragilité, l'instabilité et l'incertitude des limites au sein du contexte interpersonnel et
relationnel de ‘se connaitre’, sont tous des exemples de la richesse conceptuelle des
psychologies ‘two-person’ qui émergent des différentes écoles relationnelles.
2. Le constructivisme social : la régulation sociale influencée par Fromm (1941) et
Levenson (2006) est tirée de la tradition interpersonnaliste qui considère que la
culture est une influence majeure sur la psyché individuelle. En ce qui concerne le
genre et la sexualité, les insights de Foucault (1988) et d'Althusser (1970) ont eu un
rôle d'influence. De nos jours, Dimen (2003) et Goldner (1991, 2003) font partie de
ceux qui travaillent dans cette tradition en se focalisant sur le dialogue de
l'inconscient et de la socialité, du corps et de la culture au regard du féminisme
psychanalytique et d'autres thèmes transformatifs. En effectuant la déconstruction de
la masculinité, Corbett (1993, 2009) positionne son travail dans une théorie
relationnelle et queer.
3. Etats multiples de soi : la métapsychologie relationnelle qui reflète une certaine
préoccupation vis-à-vis des états identitaires, et qui est alimentée par un processus
dissociatif à différents niveaux d'intensité, explique en grande partie le travail
dyadique analytique relationnel. ‘L'hybridité’, la ‘multiplicité’, le déplacement des
états de soi, les ‘clivages verticaux’ et les ‘dissociations’ peuvent tout autant
représenter des signes de traumatismes que faire partie des modèles normatifs de
l'esprit (Bromberg, 1998, 2006 ; Davies and Frawley, 1994). Sur cette même veine,
Ferenzci (1911, 1932) s'intéressait au départ à la communication inconsciente des
expériences traumatiques ; ses concepts ‘d'identification à l'agresseur’ et du
‘nourrisson savant’ continuent jusqu'à ce jour à être focalisés sur le traumatisme et la
transmission intergénérationnelle par la parole, le corps et d'autres manières d'entrer
en relation. Certains des travaux relationnels contemporains sur l'incarnation
(‘embodiment’) dans le contexte de l'attachement problématique (Gentile 2006 ;
Anderson 2009 ; Seligman 2009 ; Corbett 2009) et le travail sur la honte qui en
résulte (Lombardi 2008) sont tous des exemples d'orientations contemporaines dans
ce domaine.
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phase, que nous traversons et que nous passons, mais un processus continu par lequel
nous nous régissons et nous maintenons nous-mêmes.
Si l'on considère que les autres sont des aspects nécessaires de nous-mêmes,
cela nous oblige alors à modifier notre psychologie ‘two-person’, laquelle se focalise
sur les relations entre les objets, à une psychologie ‘one-person’ qui examine les
relations entre le self et ses propres objets du self.
Les implications concernées par les objets du self se déploient au-delà des
relations d'objet octroyées à la gratification des pulsions ou à leur frustration. Elles
sont en accord avec la définition de la théorie des relations d'objet de Fairbairn
(1944), qui désigne un ensemble d'hypothèses psychanalytiques et structurelles selon
lesquelles le besoin de l'enfant à entrer en relation avec l'autre est au cœur de la
motivation humaine. Cependant ces ‘relations’ ne sont pas des interactions qui sont
représentées ou reproduites dans le cerveau, mais plutôt des processus mentaux qui
sont réalisés dans le monde même. L'équation triste et regrettable entre l'esprit et le
cerveau nous a conduit à cet état de confusion. Bien que l'esprit soit certainement
généré par le cerveau, il ne peut être considéré uniquement comme tel, comme
beaucoup le supposent (Kandel, 2012) par souci, il semblerait, d'économie de mots.
Le cerveau, l'esprit et le self sont trois entités distinctes différentes. Le cerveau en tant
qu'organe génère l'esprit. L'esprit est un concept de la pensée et du sentiment qui
englobe le monde. Le self est la personne qui existe dans le monde et avec d'autres
personnes. Ces trois entités ne doivent pas être déclinées en une seule.
Pour reprendre les propos de Goldberg (lors de la communication orale avec
Eva Papiasvili, 2015b) : « Imagine, si tu le veux bien, une personne qui s'inscrit dans
l'école de commerce de Harvard. Il/elle est souvent présente à l'école de commerce
mais il/elle peut bien ne pas être souvent dans le bâtiment qui héberge l'école. Les
parents de l'étudiant imaginé viennent lui rendre visite afin de voir l'université où leur
fille ou fils est inscrit(e). On leur montre le bâtiment administratif, la médiathèque
ainsi que l'école de commerce mais une petite question innocente parait déconcerter le
guide. La mère de l'étudiant(e) souhaite savoir où l'université se trouve, mais on ne
peut que lui dire que l'université est à la fois partout et plus. Harvard n’est ni un
ensemble de bâtiments ni ne peut être localisée. C'est un peu la même chose avec
l'idée que l'esprit et le self n'est ni statique ni délimité. Harvard représente différentes
choses à des personnes différentes, comme c'est le cas pour les relations d'objet194 ».
(Voir aussi les entrées TRANSFERT, LA SELF-PSYCHOLOGY)
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de fonctionner selon son propre cercle de représentations et de les juger en tant que
telles. Pour commencer, il dépend du nebenmensch (Freud, (1950 [1895]), l'être-
humain-proche, qui consiste à s'assurer que la psyché n'est pas submergée par des
excitations internes et externes, et il dépend de surcroit de la figure parentale, de la
rêverie et des réactions tempérées, pour apprendre progressivement à distinguer le
fantasme de la réalité. La modulation de la stimulation par la figure parentale, qui fait
fonction de barrière aux stimuli, permet au nourrisson de reconnaitre éventuellement
que les pulsions d'agression et libidinales sont des parties non traumatiques de lui-
même. Ainsi, la troisième topique illustre une période dans la vie de chaque individu
avant le développement des deux autres. La troisième topique a été découverte
théoriquement en dernier lieu, mais elle précise une situation qui est précoce dans la
vie de chacun. « The Wolf-Man » (« L'homme aux loups ») (Freud 1918) révèle un
fonctionnement psychique tout à fait différent relatif aux sensations subjectives de
Lucy R. au sujet de « l’odeur d’entremets brulé ». Lors de l'hallucination de la perte
de son doigt, l'homme aux loups ne reconnait pas l’impulsion comme sienne et la
projette au dehors de lui-même. Son hallucination n'est pas qualifiée de
« subjective ». Son épisode psychotique ultérieur démontre en outre qu'il n'a pas
atteint le niveau de fonctionnement ‘one-person’ « névrosé ». L'interprétation de
Freud dans le sens de l'angoisse de castration, reliant la coupure du doigt à couper
l’arbre a produit aucun impact : l'homme aux loups n'avait pas atteint le niveau
d'appareil psychique nécessaire pour apprécier la richesse de déplacement de la
métaphore à propos de la pulsion.
Du point de vue du sujet inconscient, les personnes qui se situent dans une
dimension de névrose normale ont une vie ‘interne’, alors que les sujets borderlines et
psychotiques ne perçoivent pas que leurs pulsions ou fantasmes sont ‘internes’ (bien
que du point de vue d'une personne tierce, elles proviennent de l'intérieur). Pour que
le sujet puisse passer de la logique de processus primaire, où il perçoit que ses désirs
sont accomplis, à celui où il peut éprouver ses désirs dans un espace transitionnel de
vérité et de contre-vérité, l'intervention d'un parent suffisamment bon, dans sa
fonction de prothèse temporaire et de contenant, est nécessaire. Selon ce modèle,
chaque être humain débute sa vie dans une situation de traitement psychique ‘two-
person’, où le nourrisson et à la fois son environnement sont une unité opérationnelle,
et c'est uniquement avec le temps, grâce à un travail psychique considérable (la
plupart du temps inconscient) de la part des deux sujets concernés qu'une autonomie
relative intrapsychique ‘one-person’ peut s'installer. Ce modèle constituerait un
développement universel idéal que tous n'auront pas accompli, en général en raison de
carences dans la rencontre primordiale ‘two-person’. Selon ces penseurs du modèle de
la ‘troisième topique’ qui ont été nommés ainsi rétrospectivement, l'esprit ‘one-
person’ est une concrétisation, fluctuante qui peut se perdre dans des cas de stress
interne ou externe.
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fois que la mère a observé la réaction de l'enfant et avant que l'enfant ne puisse en
parler lui-même) ce qui, en désignant la relation de l'enfant aux autres qu'il a investie,
identifie et constitue le Je (p 97).
Pour Winnicott, l'objet joue également un rôle essentiel dans la naissance d'un
appareil psychique qui fonctionne, qui soit capable de faire la distinction entre
fantasme et perception. L'objet gère cette transformation et construction au travers de
deux moyens d'interaction avec l'enfant. Il y a premièrement, ce qui est « trouvé-
créé » dans l'offre empathique, au bon moment, de la mère qui apparait exactement
quand l'enfant en a besoin. Puis, la « survie » de l'objet à être « utilisé » en tant
qu'objet des pulsions aide l'enfant à différencier ses désirs de la réalité externe.
Winnicott (1960 b, p. 141) affirme que pour l'enfant les pulsions instinctuelles et les
affects sont tout autant étranger au Moi qu'un coup de tonnerre. Par une négociation
réussie de deux catégories d'interactions que sont le « trouvé-créé » et « l'utilisation de
l'objet » (1953, 1969), l'enfant subjective progressivement la pulsion et la distingue
des forces environnementales. Ainsi le caractère particulier de la « rencontre » entre
l'élan spontané, dirigé sur l'objet de l'enfant, et la « réponse » du parent, façonne
littéralement, si on peut dire, l'expérience intrapsychique du sujet. Avant que la
pulsion puisse être ressentie comme faisant partie de soi-même, elle doit bifurquer par
la réponse de l'autre externe ; de cette façon, et plutôt que d'être simplement « innée »,
la pulsion est essentiellement « construite » dans la relation avec l'autre.
Un autre insight winnicottien majeur dans le rôle de l'objet a été étudié
intensément par Green (1975, 1985, 2005, 2007, 2011), qui est la qualité de la
présence psychique que permet l'Autre figure parentale externe. Trop, ou trop peu
submerge le Moi émergent de stimulation, ce qui constitue un handicap pour le
potentiel transformateur du nebenmensch. Green souligne que la capacité
winnicottienne « [d’]être seul en présence de l'autre » (1958) demande au parent
suffisamment bon la capacité de rester à une certaine distance optimale, c'est-à-dire
optimalement absent. Selon Green, cette absence ne constitue pas la « perte », mais
une « présence potentielle, condition de possibilité non seulement des objets
transitionnels, mais aussi de ces objets potentiels nécessaires à la formation de la
pensée » (1975, p 14). Dans sa lecture de Winnicott, Green développe de manière
créative l'insight double lacanien du rôle de « l'absence » dans la vie psychique : que
le langage est fondé sur la capacité de représenter un objet absent et/ou de s'extraire
de sa présence concrète, en illustrant la distinction qui existe entre la plénitude
fantasmatique dyadique de l'imaginaire et la castration triadique du symbolique.
Green (2007) invente éventuellement l'expression « objectalisation » pour
dénoter la capacité, « dans une solitude peuplée par le jeu » de générer une nouvelle
catégorie d'objets en investissant des éléments, dans le monde externe, et dans
l'espace transitionnel de la culture et des idées par la pulsion. En approfondissant
davantage son appréciation de l'absence au cœur de la structure psychique, Green
(1999) met en évidence le « travail du négatif » pour décrire les nombreuses façons
que le Moi utilise pour se défendre contre la crise. Ce sont des exemples de processus
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Reid (2008a, 2008b, 2010, 2015) est un autre auteur qui s'est investi dans de
profondes réflexions sur le rôle que la figure parentale réelle, individuelle, joue à
transformer l'appareil psychique. Reed, et d'autres tels que les Botellas (2004, 2007),
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Brusset (1988, 2005b, 2006, 2013) et Seulin (2015) considèrent que non seulement la
découverte de Freud au sujet de la pensée du processus primaire a fait apparaître un
mode de fonctionnement hallucinatoire entièrement inconscient en termes d'un état
d'esprit infantile dominant chez l'humain, mais aussi que l'installation du principe de
plaisir au cœur de l'appareil psychique n'est pas un plaisir acquis mais qui résulte du
plaisir partagé par l'environnement et l'infans autour de la satisfaction d'un besoin.
‘L'état d'esprit’ freudien, comme le révèle l'ouvrage « L'interprétation des rêves », est
un esprit capable de distinguer la représentation de la perception, le désir du fait
externe. Alors qu'en ce qui concerne l'inconscient, Freud avait observé, en 1897,
qu'un désir investi affectivement est virtuellement impossible à distinguer d'une
perception. En tant que tel, l'inconscient fonctionne constamment de manière
potentiellement traumatique en ce sens que la pensée est immédiatement présumée
signifier l'action. La transformation, ou devrions nous dire plutôt, l'ajout d'un second
mode de fonctionnement cognitif qui inhibe le premier (le processus secondaire que
Freud avait désigné) requiert une intervention opportune et bénévole de l'objet. Le
holding, la rêverie et la réponse inadaptés, qui proviennent des figures parentales dans
la petite enfance, ont de surcroit l'effet regrettable de laisser une grande partie du
traitement inconscient du sujet à un niveau de fonctionnement magique et
intrinsèquement traumatique. En revanche, lorsque l'environnement a été
suffisamment bon, la « réalité » même devient simultanément perceptuelle et
hallucinatoire alors que la rencontre de l'enfant avec le monde extérieur est portée par
l'illusion créative de ses propres pulsions. De ce point de vue, la pulsion de mort est le
dérivé toxique de l'échec de la représentation imprégnée des pulsions.
Loewald, aux U.S.A., contemporain de Lacan, Winnicott et Green, avait
également rejeté la notion de l'indépendance des relations d'objet par rapport aux
pulsions dans une « révision du concept de l'instinct lui-même » (1972, p 324).
« Nous suggérons que les pulsions instinctuelles, considérées comme des forces
psychiques, soient conceptualisées de sorte qu'elles sont organisées par les
interactions au sein du champ psychique primitif mère-enfant unifié plutôt qu'en
termes d'acquis constitutionnels ou innés » (p 324) 195 . Par l'importance qu'il avait
accordé au concept freudien de « liaison » (Bindung), Loewald a réalisé que les
implications relationnelles non apparentes chez Freud, où la fusion et la défusion, la
liaison et la déliaison, pourraient sembler survenir dans un vide sans objet. Loewald a
observé que la liaison des instincts fait appel à la « médiation » de l'objet, tant au sens
de leur « apprivoisement » que de leur « représentation ». De cette façon, il semble
faire écho à la notion des « besoins du Moi » de Winnicott au sujet duquel Winnicott
déplorait « […] la lenteur de quelques-uns à comprendre que les besoins d’un
nourrisson ne se réduisent pas aux pressions de l’instinct, aussi importantes soient-
elles. » (1965, p 86). Bien qu'il traduise, comme, Strachey, le terme « Trieb » par
« instinct », la pensée de Loewald appartient à la rubrique des contributions de la
« troisième topique », comme l'indique la citation suivante :
195
Citations traduites pour cette édition (N.d.T)
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« Tout, en ce qui concerne les forces psychiques, que nous pourrions appeler
les pulsions instinctuelles, surviennent et sont organisées au départ dans la
matrice du champ psychique mère-enfant unifié, à partir de laquelle la psyché
infantile, par de nombreux processus interactionnels au sein de ce champ, se
détache progressivement vers une aire d'activité psychique plus autonome.
Selon ce point de vue, les pulsions instinctuelles, dans leur forme d'origine, ne
sont pas des forces immanentes au sein d'une psyché primitive distincte, mais
elles résultent des tensions dans la matrice psychique mère-enfant et plus tard
entre la psyché infantile immature et la mère. En d'autres termes, nous
considérons que les instincts sont des phénomènes relationnels dès le début et
non pas des forces autochtones en quête de décharge, où l'on comprend par le
mot ‘décharge’ une sorte de vidange du potentiel d'énergie, dans un système
fermé ou vers l'extérieur.196 » (Loewald 1972, p 321f).
Loewald était également explicite au regard de la symétrie nécessaire à
« l'organisation psychique à deux niveaux » qui était impliquée dans ce processus :
mère/enfant, analyste/patient. L'article de Roussillon, « The Function of the Object in
the Binding and Unbinding of the Drives » (« La fonction de l'objet dans la liaison et
la déliaison des pulsions »), en 2013 représente une suite aux réflexions sur les deux
solitudes qui ne contient aucune référence au travail de Loewald. L'asymétrie
inéluctable de la « situation anthropologique fondamentale » était un point très cher à
Laplanche (1999), bien qu'il fût moins concerné par la maîtrise plutôt que le caractère
sexuel déstabilisant de l'intrusion inconsciente de la figure parentale. Ces deux
fonctions doivent être prises en compte afin d'englober l'éventail complet de l'impact
de l'objet sur le sujet. Selon l'opinion de Seulin (2015), le caractère « démoniaque »
de (certaines) sexualités, sur lequel Laplanche et Freud insistaient, est davantage la
conséquence d'un objet en échec par rapport à son rôle, que la qualité « énigmatique »
de ses messages. Voir, cependant, Stein (2008) pour un point de vue à l'opposé.
Plusieurs des auteurs qui ont été sélectivement regroupés ici sous la
dénomination de concepteurs de la « troisième topique » semblent avoir les mêmes
conclusions au sujet de l'inefficacité relative du travail interprétatif classique avec des
personnes qui fonctionnent autrement que selon le spectre de la névrose. La valeur
thérapeutique est déplacée sur la fonction de contenant (container) et de facilitateur
de l'analyste au regard de la capacité du patient à éprouver, verbaliser et représenter.
Winnicott parlait de « holding et handling » et de la « capacité à jouer », Bion (1962a,
1962b) renvoyait à la « rêverie », Green (2003/2005) avait proposé de mettre au
travail la représentation, Aulagnier (1977) insistait sur le droit d'avoir ses propres
pensées secrètes, Reid (2008a, 2008b, 2010, 2015) faisait référence à l'accès à la
transitionnalité et aux processus psychiques « tertiaires », Roussillon (1991 ; Casoni
et al, 2009 ; Daoust, 2003) au « médium malléable » et Loewald (1960, 1970, 1971,
1972) à la « médiation » et aux « interactions intégrantes » du parent et de l'analyste.
Ce qui est apparent dans ces travaux est un autre corolaire qui semble converger dans
196
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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VI. Ab. Leon and Rebeca Grinberg : Les modalités des relations d'objet dans le
processus psychanalytique
Les Grinberg (1981) considèrent que les relations d'objet ne peuvent
s'expliquer en dehors de leur lien à la notion de l’« objet » (la nature de l'objet avec
lequel le sujet entre en relation) ainsi que l'« espace » et le « temps » dans lesquels il a
lieu. Les auteurs considèrent que la qualité du fonctionnement d'une relation d'objet
donnée dépend de l'état psychique et émotionnel du sujet, de la nature de l'objet, ainsi
que de l'espace et le temps dans lesquels cette relation a lieu. Des différents niveaux
de fonctionnement de ces relations dépendront de la prédominance d'une personnalité
psychotique ou névrosée et de l'interaction entre les deux membres du couple
analytique.
Parmi les différents types de relations d'objet qui peuvent se manifester dans
l'échange clinique, ils en dessinent trois types : ceux qui tendent de tisser un lien
« one-ness », ou lien d’unicité primitive » avec l'analyste en tant qu'objet ; ceux qui
essaient de créer un « lien de dualité » et ceux dans laquelle la relation triangulaire
prédomine (que ce soit avec des objets entiers ou partiels).
Le lien « one-ness » : certains patients vont régresser à un stade de non-intégration
d’un niveau très primitif. Ils se sentent fragmentés et ont besoin que l'analyste puisse
contenir leurs multiples parties et intégrer leurs morceaux. Le besoin de trouver un
contenant entraîne la recherche frénétique d'un objet jusqu'à ce qu'une fonction
contenante puisse être internalisée. D'ici là il n'y a qu'un espace interne très
rudimentaire, avec toutes ses confusions au sujet non seulement de sa propre identité
mais aussi celle de l'objet. Dans la situation analytique, lorsque le patient régresse
dans un état de non-différentiation et de non-discrimination, il tente d'établir une
relation avec l'analyste par le biais d'une prépondérance de fantasmes magiques et
omnipotents. Les auteurs font la distinction entre deux modalités de relations d'unité :
l'une, pathologique, prédomine habituellement dans des moments de séparation,
lorsque le patient est absolument persuadé que l'analyste connait tout du patient, tout
sur ses fantasmes et sentiments sans qu'il lui soit nécessaire de les verbaliser. L'autre
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est une relation créative d'unité, la conséquence d'une régression bénigne qui favorise
un état de fusion avec l'objet, un état d'illusion d'unité qui engendre la confiance et la
sécurité pour le développement d'un processus créatif. Si l'analyste est capable de
faire la distinction entre les deux types de relation tout en gardant une distance
optimale (ni trop proche pour ne pas provoquer la confusion, ni trop lointaine pour
devenir un contenant), cela permettra au patient de se rapprocher d'une relation de
dualité.
« Le lien de dualité » trouve son origine dans la relation primitive dyadique du
nourrisson avec sa mère ; le contenant et le contenu. Les auteurs font une description
des variétés différentes du lien dual :
*Ceux qui vivent dans un monde bidimensionnel se sentiront collés à la surface de
l'objet pour ainsi devenir l'objet et imiter son apparence et son comportement.
*Un autre type, plus étouffant et symbiotique, dans lequel existe une soumission
mutuelle entre les deux membres de la relation.
*Encore un autre type prend la forme d'une alternance dans la projection des
angoisses psychotiques.
*Lorsqu'une partie de la personnalité plus mûre et plus intégrée est impliquée dans
une relation duelle, le lien émotionnel entre le couple sera plus solide et positif, tout
en préservant l'autonomie de chaque membre.
« Le lien triangulaire » : les auteurs maintiennent une certaine distinction
entre la relation triangulaire fondée sur une relation simultanée avec deux objets
partiels, et la relation impliquée dans le conflit œdipien qui est caractérisé par l'amour,
la jalousie et la rivalité avec les objets totaux, les objets sexuellement différenciés et
autonomes. Soit l'objet idéalisé ou persécutoire est projeté dans le transfert, alors que
l'autre est projeté sur une figure externe. Dans d'autres périodes, les deux objets,
persécutoires et idéalisés, peuvent être projetés sur différents aspects de l'analyste.
(Voir aussi les entrées L’ENACTION, LE CONTRETRANSFERT)
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Surmoi. Dans les états dépressifs prolongés, le processus de deuil ne peut avoir lieu et
le sujet reste lié, de manière plus ou moins cachée, à un objet qui ne peut ni revenir à
la vie, ni mourir complètement. Une personne dans un état dépressif vit soumise à un
objet mort vivant. C'est uniquement par le biais du travail analytique que cet objet se
manifeste de plus en plus clairement, ce qui nous permet d'étudier sa structure et ses
caractéristiques.
Certains types d'objets morts-vivants ressemblent à des objets persécutoires :
d'un côté, nous sommes face à une série de structures dans lesquelles se trouvent des
objets moribonds que le Moi doit préserver à tout prix et de l'autre côté, des objets qui
y figurent et entraînent un mélange d'angoisse dépressive et paranoïde dans le
Moi/self.
Parmi les nombreux objets morts-vivants que Baranger explicite, le type
d'objet le plus important est l'objet moribond des états dépressifs. Ici, le sujet est
‘habité’ par un objet intérieur ‘presque mort’ « qui le maintient en esclavage et
l'oblige à une activité de réparation stérile […] qui reste toujours à recommencer.
Cette situation inconsciente détermine les angoisses dépressives liées aux objets
extérieurs, tels la culpabilité, les inhibitions et autres défenses que nous trouvons dans
les états dépressifs » (Baranger 1961-2).
Dans des états de deuil et de dépression, il reconnait l'existence de deux
différents objets, tous deux ambivalents, bien que différents dans leur structure et leur
fonction. Tous deux s’alimentent du Moi, l'appauvrissent et conduisent le Moi à
adopter une attitude masochiste. La fonction d'un objet mort-vivant est de contenir
des fantasmes sadiques et de permettre de contrôler l'angoisse dépressive. Le second,
l'objet idéalisé, « sert de refuge au Moi qui dépose en lui une partie de ses propres
pouvoirs et de ses capacités réparatrices pour les préserver de son propre masochisme
et du danger de sa propre mort. Le Moi, se sentant appauvri et fragile, recherche la
sécurité en un objet fort et intensément vivant. » Cette observation se présente dans
les manifestations transférentielles : l'analyste représente cet objet idéalisé et le Moi
de l'analysant participe de manière symbiotique à la vitalité de l'analyste.
Cette symbiose, qui n'a pas suffisamment été valorisée auparavant a conduit
Baranger à la conclusion que l'une des bases du deuil pathologique correspond à une
situation symbiotique antérieure du Moi avec l'objet perdu. Elle doit être différenciée
de sa contrepartie schizo-paranoïde qui fonctionne essentiellement sur la base de
l'identification projective, qui est destinée à contrôler l'angoisse paranoïde et à
éliminer toute ambivalence. Au contraire, la symbiose dépressive fonctionne par
identification introjective ainsi que projective, et les parties du Moi et de l'objet,
projetées ou introjectées, ont subi le processus particulier du clivage dépressif. En
d'autres termes, l'objet idéalisé contient des aspects fragiles ou moribonds du Moi
propre, au côté de ses pouvoirs vitaux (Baranger 1961-2). Cela s'observe dans le
transfert, où la crainte, chez le patient dépressif, de perdre l'analyste, ou de le voir
détruit, peut être intense, de sorte que le processus de porter l'analyse à sa conclusion
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peut soulever des problèmes aigus qui peuvent potentiellement provoquer des
rechutes.
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que les objets sont interchangeables ne signifie pas qu'ils sont différents les uns des
autres. L'interchangeabilité apparait au niveau de leur fonction. La trajectoire de la
phobie est une exposition de limitations, de mutilations et de castration. Le véritable
compagnon du phobique est l'angoisse, et l'angoisse en est l'objet.
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des zones. Elle fait l'hypothèse que la présence des mécanismes obsessifs indique
toujours que l'objet sur lequel ils tombent comprend des expériences corporelles
projetées, liées au fantasme sur les relations d'objet corporalisées. Elle formule
également l'existence d'une relation spécifique entre les mécanismes de défense
obsessifs et les défenses hypocondriaques qui sont caractérisées par a) une tentative
du Moi à renforcer un clivage hypocondriaque par un contrôle obsessif ; b)
l'intensification de l'obsession quand les défenses hypochondriaques s'effondrent ; c)
la modalité corporelle, concrète, des défenses obsessives lorsqu'ils contrôlent le corps
lui-même ainsi que ses contenus. Parmi les exemples de ces défenses figure
l'exploration obsessive de l'objet par l'odeur dans l'hypocondrie, comme la technique
utilisée par le patient « renifleur » (osphrésiophile) pour exercer un contrôle sur la
confusion. Nieto parle également des implications de la technique psychanalytique :
puisque les mécanismes obsessionnels fonctionnent en deux étapes, ils doivent être
amoindris dans le sens de la régression des deux manières suivantes. Dans la première
étape, le déplacement se fait de l'objet sur le corps (ou une partie de celui-ci) et dans
la seconde étape, du corps vers une pensée ou un sentiment. Si l'interprétation
contourne la corporalité et tente de lier directement les phénomènes mentaux à des
objets internes, ce ne sera pas efficace car cela laisserait intactes les défenses
fondamentales.
VI. Al. Brésil : Les théories des relations d'objet approfondies : Ruggero Levy et
Raul Hartke. La dimension intersubjective et le traumatisme
Ruggero Levy (2014) s'est plongé dans l'évolution du concept d'objet, de
Freud à Klein, Bion, Winnicott et Meltzer. Il en a conclu que les modifications
portées au concept d'objet et aux relations objectales ont eu lieu en raison des
développements continus dans la métapsychologie psychanalytique au-delà de ses
dimensions classiques (Meltzer, 1984).
Pour Klein, au départ, le développement de la métapsychologie comprend la
dimension de la géographie des espaces mentaux. Son approfondissement notable des
processus projectifs et introjectifs, qui constituent le monde interne du nourrisson, a
permis d'apprécier le rôle prédominant de l'objet dans la construction de la
subjectivité. Plus tard, grâce aux contributions portées par les bioniens, une dimension
épistémologique s'est ajoutée à la métapsychologie psychanalytique (Meltzer, 1984).
Pour comprendre le fonctionnement mental, il est devenu nécessaire de comprendre
s'il permet l'apprentissage par l'expérience. La notion de l'objet
contenant/transformateur apparaît par la fonction alpha de la subjectivité du sujet. De
cette façon, il est porteur de sens et transforme les émotions sans nom du nourrisson.
Pour Levy, Bion considère que toute nouvelle connaissance, par l'approfondissement
du réseau symbolique, a lieu dans le lien K (knowledge [connaissance]) auquel il
donne presque le statut d'une pulsion. La conséquence en est donc la connaissance
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VII. CONCLUSION
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entendre généralement dans des orientations diverses et sur tous les continents.
L'intérêt et l'appréciation globale que nous constatons sur la dynamique riche des
toutes premières expériences de vie au stade préverbal, sur les états primitifs et
archaïques et les défenses, sur la reconnaissance croissante du concept contemporain
du processus analytique ‘two-person’, sur l'intersubjectivité dans le cadre analytique,
sur l'importance des aspects non-interprétatifs du fonctionnement de l'analyste et sur
les changements de vision relatifs au contretransfert figurent parmi les nombreux
exemples de cet impact.
Les orientations contemporaines dans la psychanalyse des relations d'objet
européenne, théorique et clinique, peut s'inscrire dans le contexte historique de la
théorie britannique des relations d'objet, en termes de deux lignes de développement
principales : le développement contemporain kleinien et les plus récentes
contributions provenant de la tradition indépendante dans l'école britannique, ainsi
qu'ailleurs en Europe.
Les orientations contemporaines kleiniennes restent fermement fondées sur (i)
le concept des ‘objets internes inconscients’ ; (ii) la centralité des mécanismes de
projection et d’introjection et (iii) la version révisée de la théorie des pulsions en tant
que déterminants principaux de la motivation en conjonction avec les ‘objets
internes’. L'accent croissant qui est posé par la pensée post-kleinienne au sujet des
fluctuations, au cours de la vie, entre les positions ‘schizo-paranoïde’ et ‘dépressive’
continue de produire de nouvelles observations cliniques. Les développements se
situent d'une part entre les nouvelles perspectives concernées par les aspects de l'envie
constitutionnelle, les types différents d'organisation pathologique et les formes
primitives et psychotiques du complexe d'Œdipe et, d'autre part, entre les
développements permanents dans la technique kleinienne, dont la dynamique du
changement psychique, l'élaboration du contretransfert ainsi que les interprétations
‘centrées-sur-le-patient’ et ‘centrées-sur-l'analyste’. L'éventail complet du
développement kleinien contemporain dans la théorie et la pratique reste soutenu par
les contributions de l'analyse des enfants et la psychothérapie de l'enfance,
particulièrement les structures non-névrosées. Les développements contemporains
dans la théorie psychanalytique indépendante des relations d'objet sont fondés sur une
série alternative de préoccupations théoriques et cliniques : l'interaction humaine,
l'affect, l'environnement, le traumatisme et l'attachement. Les orientations
contemporaines dans cette perspective, ou séries de perspectives, reflètent
l'alignement historique nouveau du modèle classique freudien de la psyché, en termes
d'une conceptualisation globale des pulsions (dont, notamment, la pulsion de vie ou
‘l'amour impitoyable’), plutôt que simplement les pulsions appétitives et les
satisfactions climatiques. Par conséquent, la réalité externe continue d'être, pour les
analystes indépendants, une source fondamentale d'objets qui se sont internalisés,
avec un accent concomitant sur la rencontre analytique et la réponse de l'analyste par
rapport aux communications conscientes et inconscientes. Une génération
contemporaine de psychanalystes dans la tradition indépendante sont engagés dans
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l'exploration d'une approche orientée vers les relations objectales concernée par la
temporalité, les modes d'incorporation et types ‘d'objet intrusif’, les types de douleur
blanche, la nature de l'illusion, le sens de la notion ‘psychic home’ (‘chez-soi
psychique’), les aspects de l'écoute dans le transfert-contretransfert, le désœuvrement
et le travail du négatif, et la psychanalyse de l'espoir.
De même, en Amérique latine, et particulièrement en Argentine où la première
généalogie des relations d'objet est apparue de la psychanalyse du jeu des enfants de
Klein, les élaborations régionales des théories de la relation d'objet ont été fondées sur
la théorie kleinienne et ses développements principalement dans Bion, Meltzer et
Winnicott.
Dans ce contexte, Pichon Riviere qui a inspiré et initié ‘le visage
psychosocial’ de la psychanalyse d'Argentine, a déclenché une orientation régionale
spécifique, par son idée que la psychologie sociale soit psychanalytique et que la
psychanalyse soit considérée comme une psychologie sociale. Cette idée, qui a été
suivie par de nombreux de ses disciples, a permis de nombreuses formulations
théoriques originales de différents types d'objet : bon, mort, mort-vivant, qui rend fou,
phobique, ainsi que les effets des ombres de ces objets, particulièrement dans le deuil
et la mélancolie. De plus, les explorations cliniques des transferts précoces, les
modalités des relations d'objet dans le processus psychanalytique, la situation
analytique comme champ dynamique, la découverte de la relation par les objets
jusqu'aux liens, et lo vincular confrontent les frontières cliniques de la théorie
contemporaine des relations d'objet. Celles-ci, ainsi que les explorations théoriques et
cliniques importantes sur les thèmes du ‘féminin’ et de l'hypochondrie et l'étude de la
dimension intersubjective des relations d'objet, particulièrement au regard des patients
traumatisés, représentent les contributions et orientations principales des théories des
relations d'objet et des pratiques cliniques qui en dérivent, en Amérique latine.
Les orientations contemporaines dans la culture nord-américaine, au sujet des
théories des relations d'objet, concernent les différentes conceptualisations
intégratives de l'objet intrapsychique et la représentation du self : elles évoluent de
manière dynamique en conjonction avec la pulsion, l'affect, la mémoire et les
processus cognitifs. Ainsi, l'interaction de la pulsion, de l'affect, des relations d'objet
internalisées et des relations d'objets externes dans le développement de la structure
psychique sont fondamentales à la continuité et aux transformations
développementales pour un ensemble de perspectives psychanalytiques. Du point de
vue des divisions historiques entre les relations d'objet et la théorie de la pulsion,
certaines font remarquer une ‘fausse dichotomie’ entre elles puisqu’elles sont toutes
deux entremêlées dans le développement et tout au long de la vie. Le monde
représentationnel intrapsychique (self et objet) provient d'une part des interactions
avec le monde ‘réel’ externe des objets, mais il est également façonné par ses
‘moteurs’ dynamiques internes. En psychanalyse nord-américaine contemporaine de
toute orientation, il apparaît de plus en plus clairement que les formulations initiales
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Voir aussi :
CONFLIT (LE)
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (LA)
CONTRETRANSFERT (LE)
ÉNACTION (L’)
INCONSCIENT (L’)
INTERSUJECTIVITÉ (L’)
PSYCHOLOGIE DU MOI (LA) (bientôt)
RÉGRESSION (LA) (bientôt)
SELF (LA)
TRANSFERT (LE)
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TRANSFERT (Le)
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Marie-France Dispaux (Europe), Richard Gottlieb
and Eva Papiasvili (Amérique du Nord), Adriana Sorrentini (Amérique Latine)
Co-chaire de coordination interrégionale : Arne Jemstedt (Europe)
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Bien que dans le cas de « l'Homme aux rats », Freud (1909) avait déjà précisé
que les sentiments négatifs et positifs peuvent faire partie du transfert, c'est dans
« The Dynamics of Transference » (« Sur la dynamique du transfert »), en 1912, que
Freud présente une définition composite et clairement formulée de l'aspect théorique
du phénomène, dans la première théorie topographique (première topique). Il y
présente les points suivants : 1. Le transfert émane d'une part de pulsion libidinale
restée inexprimée et/ou inconsciente ; 2. Le transfert est omniprésent : il a lieu non
seulement pendant une psychanalyse mais également en dehors d'elle. La différence
est que dans une psychanalyse, il est en étude ; 3. Le transfert « nous apparaît comme
l'arme la plus puissante de la résistance » (ibid., p. 104); 4. Le transfert peut être
positif ou négatif ; 5. Le « transfert positif » peut se diviser entre le transfert de type
affectif, un « allié » irrépréhensible du traitement, et le transfert de type érotique, qui
nécessite une résolution interprétative ; 6. Un transfert négatif prédominant est un défi
à la réussite d'une psychanalyse ; 7. Lorsque le patient atteint une prise de conscience
(insight) des souhaits/désirs fondés sur le transfert, et comment ils s'inscrivent dans le
lien du traitement et de son histoire de vie (ibid., p. 108), il se libère d’une
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Roi est ce qu'on appelle une tragédie du destin ; son effet tragique serait dû au
contraste entre la toute puissante volonté des dieux et les vains efforts de l'homme que
le malheur poursuit. Oedipus Rex est une tragédie du destin. Il est dit que son effet
tragique provient du contraste entre la suprême volonté des dieux et les vaines
tentatives de l'homme à échapper au fléau qui le menace » (Freud, 1900, p. 262). Les
dieux représentent les parents tout-puissants envers qui l'infans reconnait sa propre
impuissance.
La tragédie renvoie aux sentiments que les êtres humains font de l'expérience
de ce complexe, elle décrit l'essence de sa constitution. Selon Freud, le complexe
d'Œdipe fait référence aux tendances à l'action incestueuse et parricide auxquelles les
sujets sont exposés en raison de leur héritage archaïque.
Freud affirme qu'une voix en nous existe, elle serait prête à reconnaître le
pouvoir irrésistible du destin de l'Œdipe. « Sa destinée nous émeut parce qu'elle aurait
pu être la nôtre, parce qu'à notre naissance l'oracle a prononcé contre nous la même
malédiction » (ibid.).
La fable d'Œdipe concerne une réaction du fantasme vis-à-vis de ces rêves
typiques (tuer le père, se marier avec la mère) et de même que les adultes en
éprouvent de la répugnance, l'épopée doit également comporter les dimensions
d'horreur et d'autopunition.
Dans l'Œdipe Rex de Sophocle, le fantasme-désir désir fantasmatique de
l'enfant est porté à la lumière et réalisé tel quel dans les rêves, alors que dans Hamlet
de Shakespeare, il reste refoulé et « nous n'apprenons leur existence – tout comme
dans les névroses – que par l'effet d'inhibition qu'ils déclenchent » (Freud, 1900, p.
264).
Nous savons que Shakespeare a écrit Hamlet juste après le décès de son père
(en 1601) et donc nous sommes en droit de supposer que pris par le chagrin, il s'était
mis à éprouver de nouveau ses propres émotions infantiles envers son père. Nous
savons également que l'un des fils de Shakespeare, mort prématurément, se
prénommait Hamnet (qui est presque identique au nom Hamlet. (Voir Freud,
« Dreams of the Death of Beloved Persons », in The Interpretation of Dreams, [Rêves
de la mort de personnes aimées, dans L'interprétation des rêves]) (V, 1900).
Œdipe et Hamlet nous apportent un exemple de deux aspects présents dans le
transfert : Hamlet, pour la pulsion parricide criminelle qui, en raison du refoulement,
se transforme en auto-reproche et Œdipe pour l'inévitabilité du destin mortel qui
cherche à consommer l'inceste et le parricide.
La tragédie d'Hamlet permet à Freud d'évoquer les aspects refoulés du
complexe d'Œdipe, alors que la tragédie de Sophocle fait allusion à un autre élément
qui relève de ce qui a été dissous, enterré, (Untergang) mais qui se manifeste dans la
manière dont les évènements se développent pour le tragique Œdipe.
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Les deux aspects sont vécus en transfert avec la personne de l'analyste, par le
bais de symptômes, de rêves et de manifestations ‘de fait’ au cœur même de la scène
du transfert.
Les rêves les plus courants sur la mort d'un proche aimé, et les rêves
d'angoisse où la censure est subjuguée sont tous deux des exemples paradigmatiques
de la présence d'une tragédie. Les cauchemars en particulier indiquent que les
mécanismes du rêve ont échoué à leur fonction de préserver le sommeil et que les
contenus tragiques se sont éclatés à la conscience et ont interrompu le sommeil. Dans
la scène du transfert, les résistances exploitent la présence de contenus tragiques pour
interrompre le travail analytique.
Freud considère que les sentiments eux-mêmes sont une conséquence de
contenus tragiques qui font irruption dans la conscience et c’est ainsi que lorsque nous
rencontrons le meurtrier incestueux que nous portons tous en nous, des sentiments
d’horreur et des comportements autopunitifs auront tendance à survenir.
En conséquence, dans le transfert lors du traitement analytique, nous devrons
faire face à des contenus originaires d'un conflit, situés entre le désir et l'interdit, ainsi
qu'à des manifestations réelles, qui proviennent de ce qui a été dissous.
Lorsque la phase du complexe d'Œdipe est terminée, une partie devient
refoulée et une autre enterrée. Cependant, rien de tout cela est complètement réussi
chez les patients névrosés : les symptômes et autres occurrences, où les aspects
enterrés (c'est-à-dire les pulsions instinctuelles incestueuses et parricides) deviennent
manifestes, ont tendance à revenir à la surface. Plus la gravité de la condition est
élevée, plus grand sera en général l'effet de présence des éléments dissous.
C'est là que se manifestent les deux aspects du transfert : ce qui est refoulé,
avec des symptômes caractéristiques de la névrose de transfert et ce qui relève d'une
tragédie provoquée par la compulsion de répétition. Au cœur du complexe dont
chaque sujet a fait l'expérience, avec son quota d'amour et de haine, mais limité à la
mise en place des interdits, une tragédie existe, une matrice qui fait partie de l'essence
humaine, revécue par chaque enfant dans sa période d'omnipotence.
Freud a identifié la relation entre la tragédie œdipienne et le drame du
personnage chez Hamlet et a posé les bases d'une théorie autour d'une compulsion de
répétition qu'il a ensuite qualifiée de résistance du Ça régit par la pulsion de mort, un
concept dont l'inclusion a représenté un tournant essentiel dans la théorie. Cette
tendance à la décharge – la pulsion destructrice – reste latente pendant le traitement et
occupera ensuite la scène transférentielle à un niveau de résistance maximale.
L'analyste perçoit une résistance active provenant du Moi inconscient qui s'oppose à
traiter le refoulé et la résistance, vis-à-vis desquels le Moi conscient se pose en
désaveu. L'élément refoulé est mis à l'écart du Moi par les résistances du refoulement
mais peuvent se communiquer au Moi par le Ça.
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Une lecture parallèle des ouvrages The Ego and the Id (Le Moi et le Ça)
(1923), et Beyond the Pleasure Principle (Au-delà du principe du plaisir) (1920)
reporte le Moi sur le registre du représentant (Repräsentanten) de la raison et de la
prudence, alors que les passions (instincts/pulsions) prédominent dans le Ça et sont
capables de briser ses frontières.
La description de la résistance au travail analytique, que Freud avait exposée
dans ses écrits métapsychologiques antérieurs à 1920, culmine dans son ouvrage
Beyond the Pleasure Principle (Au-delà du principe du plaisir), où le phénomène
clinique de la compulsion de répétition se présume de caractéristiques pulsionnelles et
exige d'entreprendre une lutte à l'encontre des besoins de punition du Moi,
conséquence de la faute tragique originaire des actions œdipiennes interdites
auxquelles le sujet est entraîné, tout en étant au même moment martyrisé par les
exigences du Surmoi.
Si le Moi se soumet à un Surmoi sans merci, avec pour conséquence une joie
masochiste, l'analyse est en danger. Même si l'analyste perçoit quelque progrès, une
réaction négative thérapeutique se présentera, donnant lieu à des manifestations
transférentielles interprétables au niveau névrotique. Les manifestations
transférentielles tragiques (tragédie œdipienne, préhistoire personnelle) telles que
l'angoisse, la léthargie, renvoient à du matériel enfoui ‘actuel’ et requièrent une
construction de l'acte, qui se produit ‘maintenant’. De plus, le matériel tragique enfoui
peut s'activer par le biais d'un traumatisme récent et produire ainsi une décharge dans
le somatique, puisque le Moi est avant tout un Moi-corps (Freud, 1923).
Dans l'optique de ces avancées théoriques explicitées dans les ouvrages Au-
delà du principe du plaisir et Le Moi et le Ça, la punition meurtrière du Surmoi sur le
Moi, enflammée par la pulsion de mort du Ça, se révèle de manières différentes autant
dans la tragédie ‘funeste’ d'Œdipe que dans l'agonie de Hamlet.
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Définir le transfert est une épreuve difficile, pas seulement en raison de son
développement rapide dans la vision de Freud mais aussi pour la complexification que
les perspectives de différents auteurs ont engendrées, dont l'ajout de qualificatifs tels
que « latéral », « positif », « négatif », « adhésif »,
« maternel », « paternel », etc. Cependant, la description de Freud sur la névrose
transférentielle qui se développe prioritairement chez les névrosés, même si elle existe
dans d'autres structures, reste un point de repère dans l'identification d'autres formes
de transfert. D'autres auteurs ont contribué progressivement par des apports ou points
de vue différents à la suite du développement de la théorie et de la technique.
Abraham fut le premier à s'intéresser au transfert dans le domaine de la
psychose. Ferenczi, quant à lui, a développé la notion de transfert narcissique. Il est
convaincu que l'introjection est un phénomène central dans la constitution du transfert
: le sujet s'empare d'objets externes dans le monde et se les associe. Pour Ferenczi par
conséquent, chaque objet d’amour ou chaque transfert est une extension du Moi, une
introjection (« Introjection and Transference » « Transfert et introjection », 1909) Son
point de vue se focalise sur l'histoire individuelle de l'enfant qu'il élabore sur la base
de l'investissement autoérotique de l'enfant de ses organes : c'est là que se situe la
matrice de ce qui est répété dans le transfert. « Le premier « objet d’amour » et ce
premier « objet de haine » sont, pour ainsi dire, les premiers transferts primordiaux,
les racines de toute introjection future » (P. 41) de sorte que le transfert n'est pas une
caractéristique de la névrose, mais l'exagération d'un processus psychique normal.
Dans son Clinical Diary (Journal clinique) et ses écrits ultérieurs, Ferenczi plaide en
faveur d'un approfondissement des théories psychanalytiques de la technique et pour
une réflexion métapsychologique sur les processus psychiques de l'analyste, et par là
même ouvre la voie aux développements futurs de nombreux analystes.
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eux-mêmes, avec leurs propres peurs et angoisses, ainsi que leurs désirs les plus
profonds. L'enfant exprime ses efforts à comprendre ses expériences et ses fantasmes
par les relations énactées dans la séance de jeu avec l'analyste. De la même manière,
le transfert dans l'analyse adulte devient une ré-énaction des expériences
fantasmatiques actuelles, qui ont lieu à partir de fantasmes conscients et inconscients,
d'objets internes et d'interactions émotionnelles dont ils sont destinataires, ainsi que
les défenses qui les protègent.
L'objet se situe toujours au cœur de la vie émotionnelle depuis le tout début,
de même que dans la situation transférentielle ; les mécanismes de défense sont
depuis le début indéfectiblement liés aux relations d'objet. Melanie Klein considère
que la quête de l'objet est fondamentale, qu'elle est un prérequis à la vie psychique
alors que pour Freud la satisfaction des pulsions est indépendante de la quête de
l'objet. Ces différences provoquent une divergence profonde dans leurs théories
respectives sur le transfert : alors que selon Freud le transfert est principalement fondé
sur les pulsions et leur besoin de décharge, ainsi que sur la reconstruction du passé,
pour Klein l'évolution du transfert devient le centre de l'attention. « […] les
changements fondamentaux (dans l'analyse) sont le fruit de l'analyse conséquente du
transfert : ils sont liés à une révision très profonde des toutes premières relations
objectales et se réfléchissent dans la vie courante du patient aussi bien que dans la
modification de ses attitudes vis-à-vis de l’analyste. » (Klein, 1952, p. 438). Klein ne
favorise pas les interprétations dans le « ici et maintenant » qui seraient déconnectées
du passé du patient mais elle reconnait que le patient projette un monde interne sur
l'analyste, qui est déterminé par les expériences passées, et que la structure de son
monde interne évolue au travers du processus qui consiste à les revivre par le
transfert.
La découverte des mécanismes du clivage dans les années 1920 a permis aux
psychanalystes de conceptualiser le transfert tel que le vivent les patients
psychotiques : le clivage dans les objets bons ou mauvais qui prédominent très tôt
dans l'enfance influe directement sur la compréhension du transfert, dans
l'interconnexion des sentiments d'amour et de haine. Les interactions des différents
aspects des objets auxquels ces émotions s'adressent suscitent un cercle vicieux
d'agressivité, d'angoisse et de culpabilité qui nécessitent une élaboration psychique
constante dans le transfert : « En fait, il y a très peu de personnes dans la vie du jeune
enfant, mais il les éprouve comme une multitude d'objets parce qu'ils lui apparaissent
sous des aspects différents. » (Klein,1952, p. 436). Klein affirme que l'analyse du
transfert négatif est une condition préalable pour avoir accès aux couches psychiques
les plus profondes, bien que les transferts positifs et négatifs soient souvent mélangés.
Klein met l'accent sur la notion de fantasme inconscient dans le ici et
maintenant de la séance. Selon Klein les évènements « réels » doivent toujours être
pris en compte dans leur interaction avec la vie fantasmatique inconsciente du patient.
La définition par Klein (et celle de Susan Isaac) du fantasme inconscient était au cœur
des controverses dans les débats du début des années 1940 et, selon Elizabeth Bott-
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Spillius et Ron Britton, l'usage des mêmes mots pour parler des concepts différents a
contribué à l'intensité du débat. Selon le point de vue de Klein, le fantasme
inconscient comporte des formes précoces de la pensée infantile : il est le moteur de
l'inconscient psychique et le représentant psychique des pulsions mais il est composé
également d'autres formes de pensée qui émergent plus tard, par le développement des
fantasmes originaires. Dans ce sens, le transfert est une expérience inconsciente dans
le « ici et maintenant », tout en étant greffé sur les mécanismes infantiles par lesquels
le patient a géré ses conflits depuis longtemps. Le fantasme inconscient influence et
marque l'expérience de la réalité et vice-versa. Melanie Klein préconise d'interpréter
en termes de fantasme inconscient, plutôt qu'en termes de pulsion vs. défense. En
conséquence, elle interprète de façon constante à l'intérieur du transfert plutôt
qu'interpréter le transfert lui-même. Selon Segal, nous pouvons démontrer au patient
comment il vit une relation qui suscite de l'angoisse ou de la culpabilité et comment il
la transforme en fantasme pour éviter la souffrance. (Segal, 1979).
De cette façon, Klein se focalise sur les angoisses du patient et sa relation aux
objets du passé et du présent, ainsi que sur les expériences qui ont eu lieu entre les
deux. Elle appelle cela la ‘situation totale’, qui comporte tous les aspects des
expériences et des fantasmes du patient, passés et présents, qui sont évoqués dans la
séance analytique : « Par exemple, les communications des patients sur leur vie
quotidienne, leurs relations et leurs activités ne font pas que donner un aperçu du
fonctionnement du moi, mais révèlent aussi — si nous explorons leur contenu
inconscient—les défenses contre les angoisses réveillées dans la situation de transfert.
» (Klein 1952, p. 437). Elle considère que tout matériel généré par l'association libre
est le récit de la partie clivée (inconsciemment) de la relation avec l'analyste. Selon
Donald Meltzer (1986), le travail de l'analyste est de ‘rassembler’ le transfert des
nombreuses représentations dont la relation avec l'analyste peut être interprétée. Le
transfert infantile apparait progressivement dans le matériel sous forme ‘d’acting-in’
(un agir pendant la séance) ou ‘d’acting-out’ (passage à l’acte) de souvenirs ou de
rêves : les reconnaître et les explorer entame le processus analytique. Betty Joseph
(1985) souligne l'importance de la ‘situation totale’, un moyen pour les patients
d'exprimer leurs pensées et leurs sentiments conscients et inconscients dans la relation
transférentielle. Elle démontre également comment les patients utilisent le transfert
non seulement pour satisfaire les impulsions mais pour soutenir également les
positions défensives.
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sécurité, peut émerger, afin que l'expérience du trauma d'origine – l'agonie primaire
de tomber dans le vide – peut être rejoué dans le transfert, et produire une transition
du faux self au self authentique. Comme Winnicott l'indique (1963), il est impossible
pour ces patients de se souvenir de quelque chose qui ne leur est pas encore arrivé,
puisque le Moi de l'enfant était trop immature pour le vivre. Dans ce cas, le seul
moyen pour le patient de se 'souvenir' est de faire l'expérience de cette chose passée
pour la première fois au présent, c'est-à-dire dans le transfert.
Une autre contribution spécifique dans le domaine de la théorisation du
transfert que Winnicott a apportée est celle de la destructivité. Dans « The Use of an
Object and Relating through Identifications », paru en 1968 (« L'usage de l'objet et le
mode de relation à l'objet au travers des identifications »), Winnicott décrit l'élan
indispensable, vital et destructeur qui permet au sujet, qu'il soit enfant ou patient
borderline, de permettre l'existence de l'objet, ou de l’analyste, en dehors de la sphère
du contrôle de son omnipotence, en dehors de la sphère de son phénomène subjectif à
condition que l'objet puisse survivre aux attaques transférentielles. Grâce à cette
épreuve fondamentale, « Ici s’inaugure le fantasme chez l’individu. Le sujet peut
maintenant utiliser l'objet qui a survécu » (p.90). Si une expérience de ce type ne peut
avoir lieu, alors, l'analyste reste pour toujours, pour le patient, une simple projection
d'une partie de son propre soi.
Dans « Hate in the Counter-Transference » (1947), (« La haine dans le contre-
transfert ») Winnicott souligne l'ambivalence que l'analyste traverse lorsqu'il fait face
à des patients difficiles. Le patient évoque une sorte de haine qui n'est pas particulière
en soi, mais dont l'intensité est spécifique à la situation en question. « Dans l'analyse
ordinaire, l'analyste n'a pas de difficulté à manier sa propre haine. […] Dans l'analyse
des psychotiques, pourtant, l'analyste assume une tension bien différente en quantité
et en qualité, et c'est précisément cette différence que j'essaie de décrire ici. » (p. 197).
Selon Winnicott, cette différence d'intensité entre la névrose et la psychose provient
de l'écart considérable entre les expériences respectives des relations et des
interactions précoces.
Dans une théorisation qui s'appuie en partie sur les notions winnicottiennes,
Roussillon (2011) évoque des patients atteints de troubles de la personnalité
narcissique qui développent « une forme de transfert paradoxal, dans lequel quelque
chose est ‘retourné’ : renvoyé à l'analysant, clivé de tout moyen d'intégrer une
expérience particulière passée, [qui ] fait subir l’expérience à l'analyste […] C'est
ainsi que le monde du transfert est davantage dominé par des questions de négativité
que par l'intégration et le lien. En même temps, la destructivité, ou certaines formes
de pulsion de mort, prend la relève de la libido. La relation d'objet paraît être
subordonnée à l'idée de l'usage de l'objet plutôt qu'à l'idée plus ‘classique’ de la
relation d'objet. » (Roussillon, 2011, p. 6-7)202.
202
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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de Mitrani. (1999, 2000, 2001, 2014). Selon sa représentation, c'est une fonction de
l'analyste, qui est essentielle à ce que Bion appelait la fonction maternelle de rêverie :
cet aspect attentif, activement réceptif, introjectif et expérientiel de l'objet contenant.
Cette fonction n'implique pas uniquement une compréhension cognitive d'une
‘adaptation empathique’ de ce que le patient peut, à tout moment, ressentir et vivre
par rapport à l'analyste. Cette fonction fait également référence à une introjection
inconsciente, de la part de l'analyste, de certains aspects du monde intérieur du patient
et à la résonance de ces éléments dans le monde intérieur de l'analyste, de sorte qu'elle
est ressentie comme si elle-même devenait vraiment cette partie non voulue du Moi du
patient, ou cet insoutenable objet avec lequel elle est identifiée auparavant de manière
introjective.
Prendre le transfert constitue probablement l'aspect le plus difficile du travail :
ce n'est pas une question de bonne volonté ou de bonne formation, mais plutôt un acte
inconscient gouverné par des facteurs inconscients.
V. LA CONTRIBUTION FRANÇAISE
V. A. Jacques Lacan
Selon Lacan, le transfert constitue l'un des quatre concepts fondamentaux de la
psychanalyse, avec la pulsion, l'inconscient et la répétition. Son approche du transfert
repose sur l'idée freudienne selon laquelle le lien avec l'analyste accueille la répétition
d'une expérience originaire provenant du passé, une réactualisation des signifiants
dans lesquels les demandes d’amour de l’enfant pourraient avoir pris forme. Mais,
même avant d'impliquer ces formes particulières, le transfert se révèle dans le
processus de la demande d'analyse, en ce que le sujet s'adresse à quelqu'un doté d'une
connaissance supposée. La figure de l'analyste en un sujet supposé savoir est centrale
si l'on prend en compte le cours du traitement selon Lacan : pendant son analyse,
l'analysant doit spécifiquement expérimenter l'illusion dans laquelle il se trouve
lorsqu'il suppose que l'analyste détient la réponse à laquelle il s'attend, en qualité de
patient, vis-à-vis de sa demande et de son devenir, de manière plus générale. Pour
Lacan, toute exigence vise ce qui a été irrémédiablement perdu dans la parole.
Cette dimension de l'expérience du transfert est, pour Lacan, la plus décisive : cela
permet à l'analyste, qui représente la figure du grand Autre, de ne pas être concerné
par le contre-transfert. Les lacaniens les plus orthodoxes considèrent que l'attention
donnée au discours linguistique du patient est exclusivement utile, alors que
l'attention portée aux processus mentaux de l'analyste constituerait une distraction au
processus d'écoute. La fin du traitement, que l'éradication du transfert représente,
coïncide avec le moment où l'analysant se détourne de cette illusion et le libère de sa
position du sujet-supposé-savoir.
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V. C. Jean Laplanche
Avec sa théorie du « signifiant énigmatique », Jean Laplanche propose un
nouveau point de vue sur le transfert. L'impact intrusif de l'autre et la traduction
impossible par l'infans des messages des adultes, qui sont « compromis » par les
interférences de fantasmes sexuels, constitue pour Laplanche le cadre d'une situation
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service des intérêts à long terme du patient. C'est ce que Freud appelait un transfert «
paternel », mais ce n'est pas ce qu'il y a de plus important. Ce qui est le plus important
est que sans ce transfert de base, l'analyse n'est pas possible. (Dans le vocabulaire
américain, c'est ce qui forme la base de l'alliance thérapeutique, ou alliance de travail
thérapeutique [« therapeutic and working alliance »]). Le transfert positif ne constitue
pas une résistance et n'est pas à interpréter. Non soumis à l'interprétation, il lui
appartient de travailler en faveur du processus d'analyse en continu.
Le second type de transfert est qualifié de « transfert proprement dit »
(« transference proper »), c'est-à-dire le transfert qui constitue en lui-même la
résistance, que ce soit un transfert négatif (« hostile ») ou « positif » (par exemple
fortement érotique ou passionné). Ce transfert proprement dit se divise lui-même en
deux sous-classes que l'on retrouve chez Freud : d'une part, les « prototypes » que
Freud a décrits dans son article de 1912 (Freud, 1912) et d'autre part le type
transférentiel d’une « […] alerte au feu pendant une représentation théâtrale » dont il
a précisé le processus dans son article de 1915. Alors que le premier parle de
reproduire quelque chose qui s'est déjà formé et qui est prêt à être projeté sur
l'analyste, dans le second il s'agit d'un évènement sans précédent : le patient ne veut
plus de l'analyse, ni ne souhaite « savoir » quoique ce soit au sujet du « sens ». La
différence entre les deux est plus claire, si nous disons, comme Laplanche, que nous
avons :
Dans le premier type de transfert – le transfert « en plein » – le patient a
tendance à répéter ce qui était déjà notable dans ses propres relations passées avec des
proches. Ce type de transfert se prête bien trop facilement à des interprétations (par
exemple : « vous rejetez mes interprétations tout comme vous avez rejeté les conseils
de votre père… ») et ne nous mène pas très loin dans le cœur du problème.
Dans le second et plus important type de transfert, un transfert « creux » (ou «
en creux »), où ni le patient, ni l'analyste ont la moindre notion de ce qui est répété :
l'analysant vit le fait d'être confronté aux énigmes qui l'ont intrigué dans le passé. Ce
qui est « répété » n'a jamais vraiment été vécu jusque-là de manière subjectivement
compréhensible. Cette notion est très proche, si ce n'est identique, à ce que Winnicott
soulève, dans son célèbre article « Fear of Breakdown » (« La crainte de
l'effondrement ») (Winnicott, 1974 ; voir aussi Clare Winnicott, 1980) c'est-à-dire que
quelque chose a eu lieu, dans le passé, mais au moment de sa survenue il n'y avait pas
eu de « je » pour l'enregistrer. En conséquence, elle doit être vécue dans l'analyse
pour la première fois afin de devenir un évènement du passé. Celle-ci est donc la
forme la plus importante du transfert, dans ce sens où ce qui survient sous une forme
mal représentée doit être vécue et travaillée dans une élaboration psychique, pour la
première fois dans la vie du patient.
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discussions les plus actives en psychanalyse »204. Il est aujourd'hui difficile, mais en
aucun cas impossible, de parler du transfert sans faire référence à son partenaire. Ce
fut une évolution radicale, un changement de paradigme peut-être.
Le point de vue selon lequel le transfert est la répétition des relations passées,
portées dans le présent, et surtout dans la relation analytique, bien que modifiées de
différentes façons (et peut-être de manière méconnaissable, selon l'école
relationnelle/interpersonnelle : voir plus loin) reste de nos jours fondamentalement
reconnu par les analystes nord-américains. Kernberg (dans cette entrée, voir plus loin)
cite probablement la grande majorité des analystes américains, lorsqu'il souligne que
l'analyse du transfert est la principale source de changement spécifique que le
traitement psychanalytique entraîne. L'analyse du transfert pourrait bien représenter la
caractéristique fondamentale qui distingue la psychanalyse d'autres psychothérapies.
La « modern conflict theory » (MCT) ou la « théorie moderne du conflit » (ou
parfois appelée « théorie du conflit » ou « analyse classique ») a représenté une
évolution par rapport à la « psychologie du Moi » (Hartmann, 1939) qui avait dominé
le secteur entre les années 1940 et 1980. Ainsi, la vision de la MCT soutenait que la
capacité au transfert se situait exclusivement et uniquement dans l'esprit de
l'analysant. Ce point de vue est en fort contraste avec ceux de la théorie « two-person
» qui de manière différente soutient que le transfert, qui est probablement, dans ce
sens, un terme inapproprié – ou mieux, disons, la relation – est une conséquence de
novo unique des interactions au cœur d'une dyade analytique particulière. Une
variante de cette idée stipule que le transfert est coconstruit et que par conséquent le
transfert apparent de l'analysant sera différent en fonction de son partenaire
analytique. L'usage du terme « transfert » peut prêter à confusion puisque les
analystes de la théorie « two-person » peuvent évoquer le transfert tout en écartant ou
en minimisant l'importance même de la répétition du passé. Alors que la vision de la
théorie « two-person » soutient que la relation analytique est créée uniquement ou
principalement à partir des éléments qui existent au moment présent, la vision de la
MCT conserve l'idée de Freud, selon laquelle la relation analytique va être fortement
influencée par le transfert dans le sens de la répétition des relations passées que le
patient a vécues. Du point de vue des analystes de la théorie « two-person », par
conséquent, il n'y a rien d'important qui puisse être transféré. Il serait donc plus
indiqué de parler de relation psychanalytique que de transfert.
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Bien que Racker insiste sur le fait que le contre-transfert ne doit pas être
confessé, il admet néanmoins qu'il doit être inclut dans l'interprétation proposée. Par
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ce qui n'a jamais constitué une expérience personnelle, suscite, au fur et à mesure du
déroulement de l'analyse, des affects et des mots chez l'analyste, en termes
d'expérience (‘Erlebnis’), puis l'analyste en déduit que cela est présent chez
l'analysant. Ensuite, il construit, en quelque sorte, une ‘performance dramaturgique’,
qui fait partie d'une tragédie dans laquelle tous deux sont des protagonistes.
Ce qui est signifié par le terme ‘construire/construction’ est la construction de
l'acte (‘akt’) présumé par rapport à l'affect, l'angoisse, le silence ou la léthargie qui
apparait depuis l'expérience (‘Erlebnis’) et des idées qui viennent à l'esprit de
l'analyste, lequel est ensuite en mesure de décrire la scène tragique qui s'affiche dans
le ‘réel’ de la séance. Ce n'est pas la même chose qu'une reconstruction historique qui
peut avoir lieu plus tard, à postériori.
La névrose contre-transférentielle représente un obstacle pour l'analyste, alors
que le contre-transfert, que l'on considère être une partie de la paire transfert/contre-
transfert, est un élément significatif du travail analytique.
Freud souligne le phénomène de résistance qui accompagne l'émergence des
transferts fondamentaux d'imagos parentaux, qui se développent inévitablement au
cours de l'analyse et qui, s'ils ne sont pas résolus et interprétés, entrainent ‘l'amour de
transfert’, une tragédie qui peut détruire le traitement. Tel était le cas emblématique
d'Anna O, une patiente de Breuer. Mené par sa résistance à reconnaitre l'étiologie
sexuelle de la névrose, il avait terminé sa collaboration avec Freud. Cette résistance,
générée par la névrose contre-transférentielle, avait retardé le développement de la
thérapie analytique au cours de sa première décennie.
La considération des ‘transferts sexuels fondamentaux’ nécessite une
définition de la position théorique en ce qui concerne le complexe d'Œdipe, qui
comprend deux structures différentes (comme nous l'avons évoqué plus haut) : l'une a
lieu avec les parents d'origine, grandioses, que Cesio appelle la ‘tragédie œdipienne’,
celle de l'inceste avec sa nature narcissique, passionnée, tragique : une unité
hermétique formée par le parricide, l'inceste et la castration qui en règle générale reste
enfouie et revient par le biais de représentations tragiques. L'autre, le complexe
d'Œdipe proprement dit se caractérise par une relation d’ambivalence avec le père, de
la tendresse avec la mère, et le complexe de castration, et résulte de l’élaboration de la
première structure avec les parents de l'histoire personnelle. Son destin est le
refoulement, et il peut se manifester en des symptômes de psychonévrose.
Dans le chapitre III de l'ouvrage Le Moi et le Ça, Freud (1923) fait référence à
la structure œdipienne primaire dans les fondations de la psyché, les fantasmes
œdipiens qui créent les premières identifications dont les effets seront universels et
durables et qui nous ramènent à la genèse de l'idéal du Moi chez l'individu, par une
première et plus importante identification qui a lieu avec les grands parents
indifférenciés de la préhistoire personnelle.
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le passé avec le présent, ce qui lui confère son caractère de réponse inadaptée,
déplacée, inadéquate. » (Etchegoyen, 1999, p.83)
Etchegoyen présente une description d'un phénomène particulier où le
processus analytique rencontre insidieusement une impasse qui se perpétue alors
qu'au même moment le cadre est préservé. L'existence de ce phénomène n'est pas
évidente mais se situe plutôt dans la psychopathologie du patient et implique le
contre-transfert de l'analyste. Etchegoyen a attribué le terme ‘impasse’ à ce
phénomène, qui consiste en un groupe de stratégies adoptées par le patient afin
d'attaquer et d'entraver le développement de la cure.
Les stratégies du patient peuvent comprendre : l'acting-out, les réactions
thérapeutiques négatives et les perspectives réversibles. Cette dernière notion consiste
en un mode de pensée particulier dont l'objectif est d'éviter la douleur psychique à
tout prix : le sujet ‘réarrange les choses’ de manière très experte afin de les
accommoder à ce qu'il pense. C'est comme cela que l'interaction stagne. C'est à ce
stade qu’Etchegoyen s'appuie sur le concept de clivage statique de Bion.
Bien qu'à un niveau manifeste le patient paraît être d'accord avec l'analyste, il
reste fermement attaché à ses propres prémisses qu'il ne communique pas, cependant,
ou dont il n'est pas conscient parce qu'elles sont inconscientes. De cette façon, le
patient réinterprète les interprétations analystes pour qu'elles se mélangent avec ses
propres prémisses. Il convient de souligner que l'analyste devient conscient
habituellement de cela seulement lorsque le processus a atteint un blocage. Selon
Etchegoyen, une perspective réversible, qui remet en cause le contrat analytique,
apparait en général dès le début. Comme Bion le fait remarquer cela constitue dans la
plupart des cas un phénomène similaire au syndrome hallucinatoire. Les phénomènes
perceptifs et mnémoniques comme les interprétations délirantes apparaissent
habituellement quand la tâche analytique risque de secouer la structure même du
patient. Cependant, ce qu'il ne faut jamais oublier c'est que ces patients viennent en
analyse parce qu'ils souhaitent guérir.
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C'était un humble point de départ, lorsque Freud avait donné un nom à une
erreur faite par la psyché humaine, jusqu'à ce que les multiples explorations depuis
lors sur le transfert, par la pensée créative de Freud et d'autres après lui, s'accordent
désormais à désigner le transfert comme l'un des aspects les plus déterminants de la
pensée et du travail psychanalytique.
Tout au long de l'évolution de la théorie psychanalytique des
conceptualisations différentes, qui portent sur les forces en jeu dans les aspects
répétitifs du transfert et comment il est activé dans un contexte interactif par rapport à
l'analyste, se sont développées. Alors que traditionnellement parlant, le déplacement
et/ou la projection étaient alors considérés constituer les mécanismes primaires qui
sont en jeu dans les passions et les conflits infantiles autour des objets du Moi,
pendant la petite enfance, tels qui sont 'rejoués' dans le transfert, le panorama est
depuis devenu bien plus complexe. Certains des points de vue contemporains
considèrent que outre le travail de recréation des anciennes relations d'objet, le
transfert implique la quête d’objets nouveaux, du point de vue développemental, et
que le phénomène du transfert peut être cocréé par le biais d'un champ dynamique
conceptualisé de manières différentes, ou par différentes conceptualisations
‘triadiques’ et/ou transitionnelles, ou bien encore par des dialectiques d'interaction
analyste-analysant.
La compréhension des connexions multiples entre les processus
intrapsychiques et interpsychiques, des communications, des 'rôles' et des
temporalités dans le contexte du cadre psychanalytique qui se sont approfondis, ont
conduit à ce que de nombreux auteurs d'écoles de pensée différentes proposent des
arguments puissants sur l'importance théorique des influences bidirectionnelles qui
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Voir aussi :
CONFLICT (LE)
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (LA)
CONTRE-TRANSFERT (LE)
SELF (LE)
RÉFÉRENCES
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