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Le Dictionnaire Encyclopédique de la Psychanalyse. (s.

 d.). FlippingBook. Consulté 25 novembre 2022, à l’adresse https://online.flippingbook.com/view/46502/17/?sharedOn=

LE DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE INTER-REGIONAL


DE LA PSYCHANALYSE DE L'API

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AMAE .................................................................................................................................... 2
CADRE (LE CADRE PSYCHANALYTIQUE) ......................................................... 16
CONFLIT (LE) .................................................................................................................. 40
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (LA) ............................................. 100
CONTRE-TRANSFERT (LE) .................................................................................... 115
ÉNACTION (L') ............................................................................................................. 150
INCONSCIENT (L') ...................................................................................................... 172
INTERSUBJECTIVITÉ (L') ....................................................................................... 263
NACHTRÄGLICHKEIT ............................................................................................. 351
SELF (LE) ........................................................................................................................ 391
THÉORIE DE LA COMMUNICATION DE DAVID LIBERMAN (LA) ....... 478
THÉORIES DE LA RELATION D'OBJET (ORT) .............................................. 491
TRANSFERT (LE) ........................................................................................................ 589
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AMAE
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Takayuki Kinugasa (Amérique du Nord),
Elias M. da Rocha Barros (Amérique Latine) et Arne Jemstedt (Europe)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)

I. DEFINITION INTRODUCTIVE

Amae est un mot japonais utilisé dans la langue courante. C'est une forme
nominale du verbe amaeru. Les deux sont dérivatifs de l'adjectif amai, qui signifie
“saveur douce.1” Amaeru est une combinaison du verbe eru, qui signifie « avoir », ou
« obtenir », et de amai. Ainsi, le sens premier de amaeru est littéralement d'obtenir de
la douceur. Dans l'usage courant, le terme amaeru fait référence à un comportement
infantile, de type dépendent qui cherche à susciter de l'indulgence, à obtenir ce qui est
désiré : que cela soit de l'affection, de la proximité physique, du soutien émotionnel
ou actuel, ou se voir accorder une demande. C'est un comportement qui vise à
recevoir des soins ou de l'attention et qui présuppose un rapport de familiarité ou
d'inimité. Typiquement, un enfant pourrait solliciter une figure maternelle ou un
proche de manière tendrement dépendante pour obtenir la réalisation d'un désir.
Les comportements amae et amaeru ont lieu en dehors de l'environnement familial et
au-delà de la famille, dans les interactions interpersonnelles japonaises. Cela peut être
dans des amitiés personnelles proches, dans l'intimité d'une relation de couple, dans la
famille élargie ou dans des petits groupes cohésifs avec les camarades de classe ou les
membres d'une équipe. On les distingue également dans des relations où des
divergences de pouvoir ou de statut existent : enseignant/élève,
responsable/subordonné ou collègues sénior/junior. Selon les circonstances
interpersonnelles, le phénomène amae est, d'une part, généralement accepté comme
un signifiant de la force et de la solidité d'une relation mais, d'autre part, il peut être
négativement perçu et indiquer l'immaturité d'une personne, l'auto-indulgence, la
culture du « tout m'est dû » ou le manque de conscience et de bon sens de quelqu'un.
Dans le dictionnaire complet de la psychanalyse nord-américain, Salman
Akhtar (2009) y définit Amae ainsi : « Un terme japonais, qui dénote une interaction
intermittente, récurrente dans un schéma culturel dans laquelle les règles ordinaires de
propriété et de formalité sont interrompues, permettant aux gens de recevoir et de se
donner les uns les autres du soutien affectif moïque » (p12). Cette définition du terme,

1
NdT : saveur douce/goût sucré

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qui développe celle de Takeo Doi (1971/73), est déployée davantage selon la
terminologie de la psychologie du Moi de Daniel Freeman (1998), en : « une
régression mutuelle interactive au service du Moi qui gratifie et favorise une
croissance progressive intrapsychique et le développement des deux participants »
(Freeman, 1998, p.47). Les rédacteurs du dictionnaire japonais de la psychanalyse
(Okonogi, K, Kitayama, O, Ushijima, S, Kano, R, Kinugasa et al., 2002) ont
également développé la définition de Doi et soulignent les complexités de la
dépendance émotionnelle de base préverbale qui est contenue dans les fondements
dynamiques de l'amae.
Aucun dictionnaire ou glossaire connu dans aucune des langues européennes et
d'Amérique latine n'inscrit le terme amae, qui reste globalement inconnu du grand
public psychanalytique jusqu'à ce jour. Cette entrée l'élabore et le développe à partir
des sources susmentionnées.

II. DEVELOPPEMENT DU CONCEPT

Le concept amae, dans sa qualité de phénomène psychologique, a été proposé


et mis en relief par Takeo Doi dans son ouvrage, en 1971, appelé Amae no kôzô (en
français, ‘Structure de l'amae’) et traduit en 1973 pour les lecteurs occidentaux (en
anglais : « The Anatomy of Dependence »). Il y précise une variété de comportements
amae dans les interactions japonaises sociales et cliniques et avance l'idée de
l'importance essentielle du concept amae pour comprendre la psychologie japonaise.
Il traduit amae en termes de « dépendance, ou de dépendance affective » (1973) et,
selon lui, la définition de amaeru signifie « dépendre et présumer de la bienveillance
de quelqu'un » (1973). Il considère que le terme est indicatif de « l’impuissance et du
désir d'être aimé » et l'expression du « besoin d'être aimé ». Pour lui, son prototype se
trouve dans la psychologie de l'enfant dans sa relation avec la mère, non pas un
nouveau-né, mais l'enfant qui a déjà réalisé que sa mère existe indépendamment de
soi (Doi, 1973). Dans son ouvrage ultérieur, Doi (1989) développe la formulation
dynamique de l'amae :

« Une autre chose importante au sujet du concept amae est que même s'il
indique principalement un état d'esprit apaisé lorsque son besoin d'amour
trouve la réciprocité dans l'amour donné par quelqu’un d'autre, il peut
également faire référence à ce même besoin d'amour parce que l'on ne peut
pas toujours compter sur l'amour de l'autre, quand bien même nous le
souhaiterions. Il s'ensuit donc que l'état de frustration contenu dans amae, dont
les différentes phases peuvent être décrites par des mots japonais différents,

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pourront également s'appeler amae, ce qui est souvent le cas, puisque


visiblement amae est ressenti plus vivement comme un désir en état de
frustration plutôt qu'en état d'épanouissement. Il est lié à cet usage en ce qu'il
est possible de parler de deux différents amae : l'un est primitif, certain d'un
bénéficiaire y étant disposé et l'autre, alambiqué, incertain qu'un tel
bénéficiaire existe. Le premier est infantile, innocent et reposant, le second est
enfantin, obstiné et exigeant : en d'autres termes, le bon et le mauvais amae,
en quelque sorte2… » (Doi, 1989, p. 349).

L'affirmation de Doi selon laquelle amae, c'est-à-dire la dépendance


émotionnelle, caractérise la psychologie japonaise de façon essentielle et unique a été
accueillie avec autant d'enthousiasme que par une critique sceptique. Les débats
qu'elle a suscités, comprennent, par exemple ces questionnements : De quelle façon
spécifique la psychologie japonaise doit-elle être perçue ? Doi propose-t-il que la
personnalité japonaise est essentiellement dépendante ? Comment le concept amae se
situe-t-il par rapport aux théories psychologiques et psychanalytiques et aux pratiques
actuelles ? Comment le concept amae se situe-t-il par rapport à la compréhension
universelle du développement humain ? Comment le concept amae contribue-t-il aux
nouveaux développements spécifiques dans la théorie et la pratique de la
compréhension psychanalytique ?

III. PERSPECTIVES SOCIO-CULTURELLES

Erik Erikson (1950) avait démontré comment les influences sociétales et


culturelles spécifiques mènent à des différents modes d'adaptation pendant le
processus de la croissance psychologique humaine et du développement. Il put
développer davantage sur les stades du développement psychosexuel pour y intégrer
les stades psychosociaux du développement humain au-delà de la résolution
œdipienne, qu'il prolonge tout au long du cycle de vie. Le concept amae de Doi et son
apport à la compréhension de la nature spécifique de la psychologie japonaise peut
également se comprendre dans ce contexte.
De nombreux scientifiques en sciences sociales et observateurs culturels ont
effectivement commenté la particularité de la société japonaise et ses adaptations
psychologiques culturelles. Le concept amae de Doi ajoute une autre dimension à ce
discours. Quelques caractéristiques importantes spécifiques à la société japonaise sont
:

2
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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1. Des relations sociales hiérarchisées ;


2. Une orientation collective de la société plutôt qu'individuelle ;
3. La séparation entre le privé et le public, les relations internes et externes
dans les pensées, les sentiments et les comportements ;

4. Une focalisation sur la honte (générée par des jugements externes) et la


culpabilité (une expression d'un jugement interne) ;
5. Une tendance à éviter le conflit, et la valeur de l'harmonie ;
6. Des styles parentaux indulgents, réactifs et permissifs pendant l'enfance et
la petite enfance, puis une attribution rigoureuse progressive des rôles sociaux
et un contrôle comportemental dans les années suivantes.
Les observations fines effectuées par des anthropologues culturels célèbres,
tels que Ruth Benedict (1946) et l'historien Edwin O. Reischauer (1977), puis
concrétisées encore par Chie Nakane, l'anthropologue japonais le plus connu en
dehors du Japon (1970), confirment l'omniprésence de la nature hiérarchique verticale
de la plupart des relations japonaises. Reliées et entremêlées dans cette verticalité, les
caractéristiques ci-dessus sont le reflet psychologique et culturel de quatre siècles d'un
système féodal de stratification politique et socio-économique rigide des classes. Sous
l'influence de l'occident, la modernisation de la société a débuté en fin du 19ème siècle
et s'est accélérée après la seconde guerre mondiale, par des nouvelles institutions
gouvernementales démocratiques et de nombreux changements sociétaux dans la vie
publique politique, économique et technologique. Cependant, des courants
psychologiques sous-jacents perdurent : ils correspondent à certaines valeurs et
caractéristiques traditionnelles culturelles. Reischauer (1977) remarque la capacité
adaptative japonaise au changement et reconnait de nombreux points communs
humains entre l'orient et l'occident. Dean C. Barnlund (1975), dans son analyse
culturelle comparative sur l'adhérence à des valeurs culturelles fondamentales
normatives transmises dans une société (américaine et japonaise), fait référence à
amae en termes de son aspect représentatif de « l'inconscient culturel. »
Les pratiques éducatives parentales sont, dans cette perspective, cruciales pour
comprendre le concept amae, en ce qu'elles apportent à l'enfant une proximité
physique constante, associée d'indulgence, de réactivité, de soins maternels
profondément empathiques ainsi que la disponibilité d'autres figures parentales dans
l'environnement de l'enfant. En raison de l'espace limité de la vie insulaire, la
proximité d'autres personnes et la nécessité de vivre côte à côte est une condition de
vie au Japon. La famille élargie mais aussi les voisins et la communauté proche font
très tôt partie de la vie de l'enfant. Tout adulte dans l'environnement proche est appelé
oji-san, un oncle, ou oba-san, une tante, et les enfants plus âgés sont soit onei-san,
une sœur plus âgée, ou onii-san, un frère plus âgé. Ils représentent des figures
parentales potentielles dans la vie de l'enfant, qui favorisent un sentiment de sécurité
par l'appartenance au groupe. Alan Roland (1991) a fortement contrasté le concept du

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« Soi familial » prédominant dans la psyché japonaise, lequel est enraciné dans les
relations hiérarchiques émotionnelles subtiles de la famille et du groupe par rapport
au « Soi individuel » occidental. Reischauer (1977) observe que les japonais ne sont
pas tout à fait autant attachés à leur famille mais davantage aux groupes auxquels ils
sont entourés. Cela peut suggérer la notion d'un « Soi collectif » dans le sens qu'un
enfant s'identifie très tôt et internalise sa place dans un groupe.
Une fête rituelle traditionnelle appelée Hichi-Go-San illustre bien cette
dynamique. Les enfants âgés entre 2 à 3 ans, 4 à 5 ans et 6 à 7 ans sont le point focal
d'une fête en costume traditionnel, où ils sont amenés au temple local de la
communauté. Ils obtiennent en cadeau des friandises et des jouets pour fêter
collectivement leur passage dans l'enfance.

IV. LES IMPLICATIONS PSYCHANALYTIQUES DU CONCEPT AMAE

Comme nous l'avons évoqué plus haut, le concept amae que Doi a proposé,
dans le but de démontrer ce phénomène particulier dans la société japonaise et dans
les interactions cliniques, était à bien des égards exact et perspicace. Cependant, cette
première définition du concept amae (1973), notamment qu'il implique « un besoin de
dépendance, dans l’impuissance » et de « désir d'être aimé » a déclenché un certain
nombre de débats théoriques et cliniques. Du point de vue développemental, amae
précède l'acquisition du langage par l'enfant. Par exemple, les japonais disent de
l'enfant qui exprime activement son désir pour sa mère : « Cet enfant est déjà si
dépendant émotionnellement (amaeru). » Lorsque l'enfant continue de vivre
l'expérience du désir de la présence de sa mère, cette configuration émotionnelle se
positionne au cœur de sa vie émotionnelle, consciemment et inconsciemment. Cela
peut se comparer à ce que Freud disait du concept de « sexualité » exclusif à la
psychanalyse. « Nous nous servons du mot sexualität [‘sexualité’] en lui attribuant le
sens élargi du mot allemand lieben [‘aimer’]» (Freud, 1910). Dans ce sens, les
japonais considèrent que le complexe d'Œdipe est en quelque sorte un amalgame où
l'amour et le sexe sont entremêlés, même s'il n'y a pas de mot équivalent à lieben, ou
amour, dans la langue japonaise. Par analogie, nous pouvons considérer que la notion
« amae » représente le corps principal de la vie émotionnelle tout au long de notre
existence avant le complexe d'Œdipe, même dans une culture en dehors du Japon, où
le mot « amae » n'existe pas encore. Alors qu’amae est un concept verbal qui
ressemble à l'amour, contrairement à l'amour, cependant, il se caractérise par le fait
qu'il ne contient pas de « sexualité » en elle-même. De plus, certains éléments
indiquent que dans amae des états psychiques variés y sont contenus, qui sous-
entendent une certaine ambivalence. Dans ce cas, il peut être utile de comparer amae
à des différents concepts psychanalytiques connus.

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Freud précisait qu'il existe deux courants amoureux : le courant tendre et le courant
sensuel. « De ces deux courants le plus ancien est le courant tendre. Il provient des
toutes premières années de l’enfance ; il s’est formé en se fondant sur les intérêts de la
pulsion d’autoconservation et il se dirige sur les personnes de la famille et celles qui
donnent les soins à l’enfant [...] » (Freud, 1912, p. 180). Cela correspond bien aux
fondements d'autoconservation et instinctuels d'amae. Le courant tendre qui en
découle a été absorbé plus tard dans le concept de narcissisme (Freud, 1914). Sur cet
aspect, Freud souligne que même si l'observation directe ne peut confirmer le
narcissisme primaire, il peut s'apercevoir par : « l’attitude de parents tendres envers
leurs enfants, […où] l’on est obligé d’y reconnaître la reviviscence et la reproduction
de leur propre narcissisme qu’ils ont depuis longtemps abandonné. » (Freud, 1914,
pp. 90, 91). Bien que Freud (1930) avait plus tard renoncé à sa conception de l'instinct
d'autoconservation et était parvenu à la conclusion que la tendresse (« affection »)
était une manifestation de l'Eros (pulsion sexuelle) dont le but initial est refoulé, Doi,
quant à lui, suggère que l'amae correspond à l'instinct d'autoconservation selon la
première théorie de l'instinct de Freud en précisant que l'amae est un besoin de
dépendance instinctuel.
De plus, Freud (1921) avait constaté que l'identification était la plus précoce
des expressions du lien émotionnel avec une autre personne, qui est ambivalent depuis
le début. Par cette définition, l'identification selon Freud pourrait correspondre aux
propriétés identificatoires et ambivalentes sous-jacentes d'amae.
Doi mène le concept plus loin dans le cadre de la matrice de la relation d'objet
(1989, p.350) et réitère qu'amae est dès le départ concerné par la relation d'objet. Bien
que le terme ne corresponde pas tout à fait au concept de narcissisme primaire de
Freud, il « s'accorde très bien avec tout état d'esprit que l'on peut qualifier de
narcissique3 » (ibid, p.350). Dans ce sens, les propriétés narcissiques d'amae sous-
entendent un amae « alambiqué » qui s'explique par les termes 'enfantin', 'obstiné' et
'exigeant'. Dans la même veine, Doi (1989) ajoute : « un nouveau concept d'objet du
Soi que Kohut a décrit comme étant 'ces objets archaïques investis de libido
narcissique' (1971, p. 3), et qui sera bien plus facile à comprendre par rapport à la
psychologie amae, puisque la 'libido narcissique' n'est autre que l'amae alambiqué4 »
(Doi, 1989, p. 351). Dans ce cadre, les analystes japonais considèrent que les 'besoins
des objets-Soi' (Kohut, 1971) sont presque équivalents à amae. De plus, l'observation
de Balint semble pertinente, lorsqu’il précise que, dans la phase finale du traitement,
les patients commencent à exprimer des désirs instinctuels infantiles oubliés depuis
longtemps et à exiger de leur environnement leur gratification (Balint, 1936/1965),
parce que « l'amae primitif se manifestera uniquement lorsque les défenses
narcissiques ont été psychiquement élaborées par l'analyse5 » (Doi, 1989; p. 350).

3
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
4
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
5
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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Les idées de Balint (1936/1965), qui a élaboré celles de Freud et de Ferenczi,


au sujet de 'l'amour d'objet passif' et de l'amour primaire sont les plus proches
conceptuellement parlant d’ « amae ». Pour Doi, les langues indo-européennes ne font
pas une distinction claire entre les deux types d'amour d'objet, actif et passif. Bien que
l'objectif soit en premier lieu passif (être aimé), s'il existe assez d'amour et si l'enfant
est suffisamment accepté par son environnement pour que ses frustrations soient
mitigées, l'enfant peut progresser dans sa capacité de 'donner de l'amour' afin de le
recevoir (configuration de 'l'amour d’objet passif'). En termes cliniques, il existe un
lien entre l'amae primitif et le terme 'régression bénigne' de Balint et entre l'amae
alambiqué et son terme 'régression maligne'.
Bien que Fairbairn (1952) ait reconnu le fait de dépendance dans les premiers
stades du développement en général, il n'a pas adopté l'idée des besoins de
dépendance dans ce système de relation d'objet. Les concepts d'envie de Klein
(higami/jaunisse) et d'identification projective (1957) peuvent se concevoir comme un
amae déformé, tout en partageant le même objet. De nombreux analystes japonais
considèrent que Bion (1961) avait 'prédit' l'amae de Doi, dans le contexte des
dynamiques de groupe, lorsqu'il a postulé qu'un sentiment de sécurité existe dans
chacun des états émotionnels qui sont associés aux trois groupes d’hypothèses de base
des fantasmes : la dépendance, la réaction d’attaque-ou de fuite et le couplage. De
même, les concepts de Bion « contenant » et « contenu », ainsi que les concepts
‘holding’ de Winnicott, ‘good fit’ de Hartmann, et ‘interaffectivité’ de Stern reflètent
des similitudes conceptuelles avec le terme amae, et en même temps font référence à
des perspectives différentes sur la dépendance pré-adaptée de l'enfant par rapport au
parent, qui sont cliniquement pertinentes pour la matrice intersubjective transfert-
contretransfert dans le processus psychanalytique.

V. PERSPECTIVES PSYCHANALYTIQUES DEVELOPEMENTALES


SUPPLEMENTAIRES

D'un point de vue de la perspective dynamique développementale, il est


nécessaire de souligner que Doi (1971) considère que l'origine d'amae se situe dans la
relation de l'enfant avec sa mère, non pas quand il est nouveau-né mais quand il
réalise son existence indépendante et considère que sa mère est une source
indispensable de gratification. Cela suggère qu'amae survient dans un stade
développemental lorsque la différenciation du Moi, telle que la cognition, le jugement
et l'identification sont déjà en place et la constance de l'objet existe déjà. Cela
implique que la phase de séparation-individuation du développement de Mahler
(1975) est en progrès, une fois que la phase symbiotique et que la pratique de la sous-

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phase ont été négociées avec succès. La mère existe en qualité de personne distincte et
lorsque son ravissement indulgent bienveillant par rapport à l'enfant a été internalisé.
Si tel est le cas, la structure psychique du Surmoi est également dans un
processus d'émergence. Les pratiques japonaises qui prévalent en termes d'éducation
des enfants semblent soutenir cette vision. Une attention maternelle abondante, avec
une réactivité empathique non verbale et physique, ainsi qu'une proximité
émotionnelle sont toutes disponibles pour que le développement satisfaisant de
l'enfant puisse se réaliser par le biais de la phase symbiotique et de la phase
d'individuation par la séparation. Les avancées dans la recherche sur l'enfance (Stern,
1985) ainsi que la self psychologie, ces dernières années, confirment cette approche
parentale pour promouvoir la croissance vers un sentiment de soi dans la sécurité.
Dans le résumé schématique du développement de Gertrude et Rubin Blanck
(1994), nous pouvons constater qu’amae se manifeste dans un processus de
neutralisation de la pulsion agressive en même temps qu'il engage la séparation-
individuation dans une progression active. En commençant par l'apprentissage de la
propreté et la capacité de contrôle des fonctions physiques et l'affirmation des
expressions individuelles du point de vue phallique, une pondération de la pulsion
agressive par le développement du Surmoi pourra s'effectuer. A contrario de ce
scénario typiquement occidental, Reischauer (1977) observe que l'apprentissage de la
propreté et la discipline comportementale des enfants japonais sont effectués par une
attention douce constante, d'exemples, d'encouragements et de rappels. Ces méthodes
encouragent l'identification de l'enfant aux figures parentales, qui visent à tempérer la
pulsion d’agression et renoncer aux besoins individuels pour s'adapter aux exigences
externes et ainsi arriver, par un chemin différent, à la formation du Surmoi.
Néanmoins, les règles externes souvent restrictives et de plus en plus complexes, les
rôles, les exigences d'harmonie et d'obéissance, etc., sont des valeurs culturelles
difficiles à transmettre et entraînent des pressions considérables sur une psyché encore
fragile. Mais la honte par le jugement externe et la menace de privation/retrait de liens
affectifs peuvent être utilisés pour provoquer l'obéissance aux exigences du Surmoi, à
renoncer aux besoins propres à l'enfant.
Dans ces négociations conflictuelles qui proviennent des exigences du Surmoi
et du Ça, une régression peut avoir lieu dans la phase développementale de
rapprochement, dans lequel l'enfant recherche la rassurance temporaire d'un confort
maternel symbiotique avant de progresser sur une autre voie individuelle et distincte.
Akhtar (2009) et Freeman (1998) ont tous deux décrit l'aspect émotionnellement
revitalisant de la fonction amae. Freeman observe qu’amae est un désir ardent
intermittent, temporaire, et sa focalisation sur le bénéfice mutuel réciproque de
l'interaction amae confirme cette hypothèse. Si l'on mène plus loin son observation de
l'aspect mutuel de l'interaction amae, il convient de comprendre aussi qu’amae peut
être engagé par la personne « dépendante », principalement pour le bénéfice de l'autre
personne. Par exemple, un destinataire d'amae pourrait percevoir, consciemment ou
non, l'angoisse de sa mère et son besoin d'être rassurée par l'enfant, parce que son

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propre besoin de se séparer d'elle est perçue par sa mère comme un rejet ; amae peut
également satisfaire le besoin d'un patron fragilisé d'exercer son autorité sur un
subordonné flatteur, ou bien un parent âgé peut avoir besoin de se sentir important
vis-à-vis d'un enfant adulte compétent. D'ailleurs, un comportement amae ‘amiable’
pourrait parfois cacher une exigence agressive formulée de manière judicieusement
dépendante, ce qui correspondrait à ce que Doi (1989) signifie par ‘amae
négatif/alambiqué.’
Mais Doi avait au départ formulé que l'amae (1971, 1973) était 'un désir
impuissant d'être aimé' en soulignant son aspect passif, et cette dimension passive
semble porter sa propre complexité. Tout comme Doi (1971, 1973,1989), Balint
(1935/1965; 1968) considère qu'amae est un désir/besoin primaire d'amour
principalement biologique, Bethelard et Young-Bruehl (1998) considèrent qu'amae de
Doi est l'espoir instinctif, depuis la naissance, d'être aimé de manière indulgente, ce
qu'ils appellent être chéri. Comme Doi avant eux, ils proposent de reprendre en
considération l'hypothèse d'auto-préservation instinctuelle du Moi, en rapport avec
amae. Compte tenu des travaux de recherche récents sur l'enfance, qui indiquent la
plus grande capacité de l'enfant à s'engager activement, le spectre 'passif-actif' en lien
avec amae pourrait bénéficier d'une étude complémentaire. Dans le contexte d'amae,
cette activité observée dans son comportement, par exemple dans les études de
Bowlby (1971), sont indicatives d'une expérience interne, dont l'attachement est sa
manifestation comportementale (Doi, 1989). Nous pourrions faire l'hypothèse que
psychanalytiquement parlant, amae est un concept stratifié qui représente une
aspiration instinctuelle/affective de recevoir de l'amour de manière passive, d'être
choyé.
Une alternative à la définition d'amae par Doi de « désir-pulsion » serait de
reformuler la définition d'amae en une forme spécifique de défense, particulièrement
prévalente dans la psychologie japonaise bien qu'elle existe certainement ailleurs, en
Orient comme en Occident. Nous pourrions voir en l'amae une opération défensive du
Moi, un appel à l'indulgence-permissivité, en arbitrage des exigences du Surmoi et de
celles du Ça, ou les désirs individuels quels que soient l'endroit où ils se situent dans
le cycle de vie du développement. Cette forme de défense du Moi peut être nécessaire
pour s'adapter à une société stricte, qui requiert une conformité inflexible au Surmoi.
L'ordre relationnel hiérarchique et l'orientation du groupe, avec un respect strict des
règles, des rôles, de la conduite où les pensées personnelles et les émotions doivent
rester secrètes et où les conflits sont résolus par la honte semblent tous représenter
une manière de gérer la formation du Surmoi fondée sur une société féodale. Afin de
fonctionner avec ces exigences du Surmoi rigides ou rigoureuses, amae s'appuie sur la
communication et les réactions émotionnelles non-verbales d'empathie et de « douce
» compréhension de « permissibilité » – « indulgence » – une défense nécessaire
contre sa pulsion agressive ou l'angoisse de la perte potentielle de l'objet. La
médiation du Moi d'amae donne la place à la vie émotionnelle privée d'une personne
et permet quelques ouvertures à l'expression des pulsions humaines individuelles,

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qu’elles soient libidinales ou agressives. Amae est fondée sur l'identification à des
expériences préverbales d'une figure parentale indulgente, avec une capacité de capter
les besoins et les désirs émotionnels de l'enfant auxquels elle répond avec empathie,
de manière analogique, sans doute, au concept de ‘préoccupation maternelle primaire’
de Winnicott (1965), qui caractérise la ‘mère ordinaire dévouée’. Dans ce contexte, la
différenciation que fait Winnicott entre la mère-environnement qui procure une
‘relation au Moi’ (holding, tendresse, empathie) et la mère-objet envers laquelle les
impulsions/pulsions du Ça sont dirigées, pourraient représenter une restitution
ultérieure, du point de vue de la relation d'objet, de la division que Freud avait faite au
tout début de ses travaux, entre les courants de l'amour tendre et de l'amour sensuel.
Les communications comportementales Amae et amaeru peuvent se canaliser
par des opérations défensives diverses telles que le refoulement, la régression et la
régression partielle, l'annulation (rétroactive), la formation réactionnelle, le ‘secret
mutuel’ ou même par une trajectoire de sublimation.
Dans cette formulation de défense-adaptation également, la notion de
‘mutualité’ est impliquée dans amae du point de vue développemental, relationnel et
transférentiel : le concept de l'infans et de la mère ajustés (« fitting together ») de
Hartmann (1958) ; l'idée du « holding environment » de Winnicott (1965), ainsi que
le concept « contenant/contenu » de Bion (1962), le concept des « objets-soi » de
Kohut (1971) et « l'accordage affectif » de Stern (1985) pourraient s'appliquer. Les
comportements Amae peuvent être opérationnels tout au long de la vie, à tout
moment, lorsque les désirs et les besoins d'une personne entrent en collision avec les
restrictions du surmoi culturelles.

VI. CONCLUSION

Il résulte de ce qui précède que les comportements et les attitudes amae ne


peuvent pas uniquement être considérés comme étant représentatifs des besoins
simples de dépendance. L'avantage est de le concevoir dans des permutations
contextuelles complexes de pulsion/désir et d'une configuration de défenses. Cette
vision complexe s'applique particulièrement aux interactions transférentielles.
L'apparition d'amae dans la dyade clinique pourrait indiquer un transfert positif de
confiance et d'honnêteté accrue par rapport au clinicien, pouvant être utile à l'alliance
de travail. Doi (1989) présume en fait que quel que soit le motif conscient qui pousse
le patient à rechercher un traitement psychanalytique, le motif inconscient sous-jacent
est celui d'amae, et qu'avec le temps amae sera le noyau du transfert. Toutefois, les
cliniciens doivent être conscients de la nature hiérarchique implicite du transfert,
particulièrement dans la situation clinique japonaise (ou d'ailleurs dans n'importe quel
cadre analytique), être sensible et en phase avec les communications non-verbales ou

11
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indirectes d'amae, autant positives que négatives, si elles sont considérées comme des
besoins primaires, comme des aspirations instinctives, des processus de défense ou
comme des configurations développementales dynamiques complexes de tout ce qui
précède. De même, l'orientation collective des patients japonais ne peut pas
simplement se comprendre en termes de manque de limites ou d'individuation,
comme cela pourrait être simplement le cas dans la culture occidentale.
Bien que nous devions la découverte du concept amae au contexte spécifique
japonais, il peut s'entrevoir à des degrés différents dans les autres cultures. Dans un
contexte psychologique collectif, son rapport au besoin particulier d'un individu de
vivre, et d'appartenir, à un cadre collectif donné est complexe. Du point de vue
développemental et clinique et bien que les échos des pratiques maternelles de
« refueling » (‘se recharger en énergie’), de contenance et de ‘holding’ y sont
perceptibles, la dynamique interactive interne d'amae se déploie tout au long du cycle
de la vie de l'individu (Doi, 1989; Freeman, 1998).
La contribution fondatrice de Doi sur amae gagne à être considérée du point
de vue d'un concept japonais clinique et développemental à portée internationale, qui
peut enrichir la maîtrise théorique et la sensibilité clinique au-delà des frontières
géographiques, de la culture psychanalytique et des conditions individuelles.

RÉFÉRENCES

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New York: International University Press.

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Consultants Régionaux et Contributeurs

Amérique du Nord : Rédigé collaborativement par : Takayuki Kinugasa, M.D. et les


membres de la Société psychanalytique du Japon ; Nobuko Meaders, LCSW ; Linda A.
Mayers, PhD ; Eva D. Papiasvili, PhD, ABPP

Europe : Révisé par : Arne Jemstedt, MD, et les consultants européens

Amérique Latine : Révisé par Elias M. da Rocha Barros, Dipl. Psych., et les consultants
latino-américains

Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili, PhD, ABPP

Assistance éditoriale anglaise supplémentaire : Jessi Suzuki, M.Sc.

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les conditions.

Traduction : Corinne O’Connor ; Edition : Caroline Williamson

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CADRE (LE CADRE PSYCHANALYTIQUE)


Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Joan Schachter (Europe),
Jon Tabakin (Amérique du Nord), Thais Blucher (Amérique Latine)
Co-chaire coordinateur : Arne Jemstedt (Europe)

I. DÉFINITION

Les conditions stables nécessaires pour effectuer l’investigation et la


transformation des phénomènes psychiques, particulièrement ceux qui
concernent l'inconscient, dans un environnement thérapeutique spécifique.
Le concept du cadre psychanalytique a été implicite depuis le début du
développement, par Freud, de la psychanalyse en une méthode de recherche et de
traitement, comme ses articles sur la Technique le démontrent (1912, 1913). Bien que
pour des raisons différentes, des modifications ont été apportées au cadre externe
proposé par Freud (6 sessions par semaine, à la même heure chaque jour), le
développement et l'élaboration du concept a eu lieu essentiellement en rapport aux
significations inconscientes du cadre, pour l'analyste et le patient, en particulier en
relation au travail thérapeutique avec des patients borderline, et difficiles à atteindre,
et au cadre interne de l'analyste, autrement évoqué par le terme d'attitude analytique
de l'analyste (Schafer 1993).
Lorsqu'il est question du ‘cadre analytique’, il s'agit spécifiquement et
exclusivement des conditions de travail nécessaires pour effectuer un processus
analytique. D'autres traitements, tels que la psychothérapie psychanalytique, ont leur
propre cadre, bien qu'ils utilisent certains éléments du cadre psychanalytique. Le
cadre concerne aussi bien les conditions externes qu'internes. Les conditions externes
sont définies dans un contexte de temps et d'espace, alors que les conditions internes
concernent l'état d'esprit nécessaire pour réaliser le travail analytique, ce qui revient
essentiellement à garder l'esprit ouvert : pour le patient, par la règle de l'association
libre et pour l'analyste, par une attention flottante et une attitude neutre et abstinente.
Bien que le cadre interne soit habituellement associé à l'analyste, il peut s'appliquer
également au patient. Ce ‘cadre interne’ du patient peut ne pas être apparent au
départ, mais il pourrait lui être nécessaire de se développer au cours du processus de
consultation. En ce qui concerne le cadre externe, certains analystes qualifient plutôt
le ‘contrat’ de ‘pacte’ entre l'analyste et le patient (Etchegoyen, 1991).
Le patient et l'analyste ont des rôles, des attitudes et des activités analogues
mais asymétriques, aussi bien dans le cadre externe qu'interne. Il est important de

16
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souligner que les deux aspects du cadre influencent l'un l'autre. Le patient devra
accepter les conditions du cadre et être disposé à coopérer du mieux possible pour les
accomplir. L'analyste devra également se conformer à ces mêmes conditions. Le
cadre, dans les cas où le patient ne le respecte pas, rentrera dans l'analyse en y
devenant un élément du processus analytique. Le patient, cependant, prête au cadre
son propre point de vue, influencé par ses fantasmes inconscients qui nécessitent une
interprétation de la part de l'analyste. L'analyse se doit également de prendre en
compte toute observation que l'analyste pourrait faire de ses propres erreurs.
(Rosenfeld 1987 ; Limentani 1966)
Ferenczi revendiquait une plus grande élasticité technique ; pour lui, maintenir
un cadre plus traditionnel dans le traitement de patients plus sérieusement malades
pourrait compromettre l'évolution et la survie de la thérapie. Ferenczi (1928, 1955) a
proposé l'idée de ‘tact’, selon lequel les analystes pourraient changer de technique
selon les patients, afin de faciliter le progrès de l'analyse. Cela ne voulait cependant
pas dire que les analystes seraient justifiés de faire tout ce qu'ils veulent dans leur
cabinet de consultation. Ferenczi faisait la distinction entre la notion de tact
analytique et celle de la gentillesse. Il a évoqué la seconde règle fondamentale de la
psychanalyse, selon laquelle celui qui souhaite analyser doit lui même être analysé
d'abord. Ferenczi pensait que de cette façon, les différences techniques entre les
analystes pourraient disparaitre.
José Bleger (1967), qui a probablement été le premier analyste à effectuer une
étude systématique du cadre, à la suite de Gitelson (1952), a précisé que la situation
analytique 6 7 représentait la totalité des phénomènes qui ont lieu dans la relation
analyste-patient. Il a décliné cette situation comme ceci : Le processus : un
phénomène qui peut être étudié, analysé et interprété et le cadre : un non-processus,
dans le sens qu'il est composé de constantes dans lequel le processus peut évoluer.
Selon Bleger, lorsque le patient rencontre la situation proposée par l'analyste —le
cadre idéalement normal — les fantasmes inconscients, qui restent muets, sous-
jacents, ne sont pas simples à détecter : ils ne deviennent apparents que lorsqu'une
perturbation survient dans le cadre. Pour Bleger, le fantasme inconscient prédominant
du patient est que le cadre est le lieu où son corps est en fusion avec le corps maternel
primitif. Ainsi, il y aurait le cadre de l'analyste qui fonctionne comme le contenant du
cadre ‘muet’ du patient, ce qui sous-entend ‘l'élément psychotique de la personnalité’.
Par cela, Bleger signifie le moi primitif, indifférencié en raison des liens symbiotiques
avec le corps de la mère.
Meltzer (1967), sur la question de ce qu'il appelle « l'histoire naturelle du
processus analytique, » (1967, p. 10) fait la distinction entre deux questions
techniques. L'une concerne ce qu'il désigne ‘l’instauration progressive (gathering) du
transfert’ ; l'autre, la ‘création du cadre’. Il distingue ces deux points, tout en

6
Ndt : développée dans l'article « Psychanalyse du cadre analytique », in : Crise, Rupture et
dépassement, Dunod, 1979, pp. 255-285

17
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soulignant que quelque soit l'importance de l'interprétation et du développement de


l’‘insight’ pour la ‘cure’, ce n'est pas le travail principal de l'analyste, pour ce qui est
de constituer et maintenir le processus analytique. Selon Meltzer, c'est bien ce que la
‘création du cadre’ permet un travail constant dans lequel les processus de transfert de
l'esprit du patient puissent trouver leur expression.
La perspective de Bion, en ce qui concerne le cadre, rejoint Freud en ce que « la
cure analytique doit, autant que possible, être conduite dans la privation », et que
« l'analyste et l'analysant ne puissent perdre le sentiment de leur isolement au sein de
la relation intime de l'analyse » (Bion, 1962, p. 15). La perspective de Bion sur
l'espace analytique conjoint l'intimité et l'isolement. La création de ce cadre intime,
quoiqu'abstinent, est nécessaire afin qu'une ambiance soit provoquée, dans laquelle la
réalité au-delà des phénomènes, de ce qui est sans forme, ou ‘O’, puisse être vécu et
puisse ‘devenir’, et non pas seulement être connu intellectuellement (1965, p. 153).
Le cadre s'organise autour du concept de ‘transformations’ de Bion, où il serait
possible de contribuer à ce qu'un sentiment de vérité émotionnelle absolue émerge (un
changement de forme), souvent évoqué comme les parties non encore nées du moi qui
naissent à la vie.
Des articles récents concernant le cadre relient les aspects du cadre externe, en
termes de temporalité et d'espace, au cadre interne de l'analyste, pour y développer
comment le cadre peut représenter le niveau le plus primaire du ‘holding’ et de la
présence maternels. Parmi ces articles concernant le cadre (setting)/cadre simple
(frame)8, nombreux sont ceux qui rejoignent Bleger sur la question des significations
inconscientes du cadre simple (frame), pour l'analyste et le patient, par l'usage du
paradigme de contenant/contenu des relations d'objet de Bion et du concept de champ
analytique de Baranger. (Barangers, 2008, Civitarese, 2008, Churcher, 2005, Green,
2006)

II. LE CADRE EXTERNE


L'espace : le divan. Freud a proposé les revendications suivantes : « il les invite
[patients] à s'allonger de manière confortable sur un divan, alors que lui-même s'assoit
sur une chaise placée derrière eux, en dehors de leur champ visuel. » (Freud 1904.
SE:7. p. 250) 9 . Freud justifie cette suggestion de plusieurs manières. Raisons
historiques : Dans les cas cliniques « Études sur l'hystérie », Freud avait remarqué que
les patients auxquels il rendait visite s'allongeaient fréquemment sur un canapé ou

8
NdT : Le terme de « cadre » est généralement utilisé en français pour traduire deux différents termes
auxquels la littérature en langue anglaise fait référence : le « setting », mais aussi le « frame ». Or en
anglais l'usage courant du mot « frame » (cadre simple) se rapporte à un cadre de structure générale, un
système, une forme ou constitution simple. Ainsi pour faciliter la lecture du présent article, nous
proposons d'en clarifier le sens dans les deux langues.
9
Citation traduite pour cette édition

18
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divan, et qu'ils/elles préféraient rester dans cette position, surtout si ils/elles fermaient
les yeux pour parler de leurs maux. Plus tard, il évoque un motif subjectif pour éviter
la position en face-à-face : le sentiment de gène et de perte de liberté ressenti lorsque
le patient observe l'analyste. Mais il donne d'autres raisons : « […] [le patient] se voit
épargné de tout effort musculaire, toute impression sensorielle, capables de détourner
leur attention de sa propre activité psychique » (Freud, 1904. SE:7. p. 250). Et pour
l'analyste : « Puisque, pendant que j'écoute le patient, moi aussi, je m'abandonne au
cours des pensées inconscientes, je ne souhaite pas que mes expressions de visage ne
deviennent pour le patient prétexte à des interprétations ou qu'elles ne l'influence dans
ce qu'il me dit. » (Freud, 1913 SE : 12. p. 134). Une centaine d'années plus tard,
l'expérience accumulée nous permet de confirmer la validité de ces recommandations.
L'utilisation du divan pour faciliter la concentration du patient sur son activité
psychique permet implicitement la régression psychique, pour que l'expression des
fantasmes inconscients et des conflits puissent émerger dans un réseau d'associations.
Pour Winnicott (1954), le cadre analytique offre les conditions dans lesquelles les
troubles du développement, qui émergent des échecs développementaux et des
traumatismes, peuvent être exprimés, reçus et interprétés afin de leur faciliter la
progression développementale. (Voir la partie plus loin sur le cadre et la régression).
Durée. Leur durée consiste en des sessions de 45 à 50 minutes ; d'une fréquence
d'entre trois et cinq sessions par semaine. Bien que la durée du traitement total soit
difficile à déterminer, puisqu'une période particulière sera nécessaire pour chaque
patient, elles impliquent en général plusieurs années. Alors qu'une compréhension
plus importante de la vie psychique s'est développée depuis, en particulier en ce qui
concerne les niveaux primitifs et psychotiques de tous les patients, la durée de la
psychanalyse s'est allongée.
De nos jours, la fréquence des sessions est un problème polémique. Pour
certains analystes, le nombre de sessions est sans importance, alors que pour d'autres,
il l'est. Les premiers considèrent que ce qui est important sont les attitudes et la
fonction analytique de l'analyste ou du ‘cadre interne’. D'autres analystes pensent que,
dans le but de développer la fonction analytique et un cadre interne adapté pour un
patient spécifique, une relation intense est nécessaire et une fréquence élevée de
sessions un facteur essentiel. En outre, ils considèrent cela essentiel pour que le
patient puisse explorer sa vie psychique par des associations libres sur les plus
profonds niveaux et surtout pour la possibilité d’élaborer les interprétations de
l'analyste. En ce qui concerne la fréquence des sessions, Freud disait : « Je travaille
avec mes patients tous les jours, sauf le dimanche et les jours fériés, donc en règle
générale, six jours par semaine10. Pour les cas légers, ou dans les cas de reprise d'un
traitement déjà bien avancé, trois jours par semaine seront suffisants. Toute restriction
de fréquence à celle-ci ne sera d'aucun avantage ni au docteur ni au patient […]. Dans
les cas où le nombre d'heures de travail est moins fréquent, il existe un risque de ne
pas être capable de suivre la cadence de la vraie vie du patient, et que le traitement
10
Citation traduite pour cette édition

19
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perde le contact avec le présent et celui d'être contraint à des déviations. (Freud, 1913
SE : 12. p. 127). Bien qu'une grande fréquence de sessions ne soit pas une condition
suffisante, elle reste un facteur nécessaire pour de nombreux analystes. Cependant,
d'autres éléments de la méthode psychanalytique doivent également être pris en
compte : l'attention au transfert - contre-transfert, dont les niveaux primitifs et
psychotiques du patient et de l'analyste, ainsi que l'interprétation de l'analyste.
Autres conditions externes. Le cabinet de l'analyste a des caractéristiques
spécifiques (mobilier, décor, température de la pièce, etc.) qui reflètent la personnalité
de l'analyste. Le corps de l'analyste fait également partie du cadre. Dans ses écrits
concernant l'analyse de femmes par une femme analyste, Enid Balint (1973) a suggéré
que pour le patient, à un niveau inconscient, le cabinet de l'analyste prend la
signification du corps de la mère. Lemma (2014), à la suite de l'idée de Bleger, a
développé la conceptualisation du ‘cadre incarné’, particulièrement chez les patients
dans un transfert symbiotique. Elle a relevé comment l'apparence physique de
l'analyste est un puissant stimulus dans le monde interne du patient et combien tout
changement corporel de l'analyste est profondément déstabilisant.
Les autres composants du ‘contrat’, tels que les tarifs et les périodes de
vacances devraient également faire partie du cadre externe. En ce qui concerne les
tarifs, le patient peut avoir besoin de de soutiens financiers de la part de certains
organismes (surtout de nos jours), ce qui implique inévitablement la présence d'une
partie tierce, un élément qui doit être considéré lors du contrat initial. Cette tierce
partie peut varier de pays en pays : elle pourrait provenir des services de sécurité
sociale, d’une mutuelle de santé, de la clinique psychanalytique d'un institut, dans le
cas de candidats.

III. LE CADRE INTERNE

En ce qui concerne le cadre interne de l’analyste, les idées principales se


trouvent dans la théorie de Freud. Le cadre interne concerne un état d'esprit qui
consiste à « diriger son attention sur rien en particulier […] et à maintenir la même
« attention également flottante (gleichschwebende Aufmersamkeit) à l'égard de tout ce
qui est entendu […] la règle de porter la même attention à tout est la contrepartie
nécessaire aux exigences portées sur le patient de dire tout ce qui vient à l'esprit11 ».
De plus, l'analyste « devrait différer toute influence consciente de sa capacité à
participer et de se consacrer complètement à sa ‘mémoire inconsciente’ […] Il devrait
simplement écouter et ne pas s'inquiéter de savoir ce qu'il garde en mémoire » (Freud,
1912. SE:12. pp. 111-112). La validité de ces idées est toujours d'actualité, mais elles

11
NdT : Citations traduites pour cette édition

20
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ont été approfondies, spécialement par les idées de Bion en termes de rêverie. Selon
Bion, la rêverie est « un état d’esprit ouvert et réceptif à tout ce qui provient de l'objet
aimé, et donc réceptif aux identifications projectives de l’enfant [patient], qu'elles
soient ressenties comme bonnes ou mauvaises par l'enfant [le patient]. » (Bion, 1962,
p. 36).
D'autres composants importants du cadre interne sont la neutralité et
l'abstinence. La définition de la neutralité, selon Laplanche et Pontalis est une attitude
de l'analyste par laquelle il doit rester « neutre quant aux valeurs religieuses, morales
et sociales […], neutre au regard des manifestations transférentielles, […] neutre enfin
quant au discours de l'analysé, c'est-à-dire ne pas privilégier a priori, en fonction de
préjugés théoriques, tel fragment ou tel type de significations. »" (Laplanche,
Pontalis, 1973 p. 271). Anna Freud a défini la neutralité en termes selon lesquels
l'analyse a besoin de rester à équidistance du moi, du surmoi et du ça du patient
(1936). Pour Laplanche et Pontalis, l'abstinence signifie que l'analyste devrait « se
refuser à satisfaire les demandes du patient et à remplir effectivement les rôles que [le
patient] tend à lui imposer. » « (1973, p. 2).
Freud a relevé les dangers du zèle thérapeutique dans ses articles sur la
technique (1912-1914) et a donné la description célèbre de l'analyste agissant tel un
chirurgien. Cette dernière comparaison a donné lieu à de mauvaises interprétations et
critiques si elle est prise littéralement (comme dans l'idée de l'analyste silencieux).
Rycroft (1985) a souligné le fait que l'analyste ne doit pas uniquement donner des
interprétations ‘correctes’, mais qu'il lui sera important de faire en sorte que sa
relation avec ses patients permette qu'un processus analytique puisse s'y développer.
Aron (2001) confirme que l'interaction en analyse est asymétrique. Pour l'une de ces
asymétries, bien que les deux participants ne seront pas en mesure de maintenir le
cadre simple ou ‘frame’, il en revient à la responsabilité de l'analyste à restaurer le
cadre par le biais de l'analyse. C'est une question aussi bien éthique que
métapsychologique, liée au devoir et à la fonction de l'analyste. La neutralité et
l'abstinence forment également la base de la dimension éthique de l'attitude de
l'analyste envers son/sa patient(e) et son travail. Sans une internalisation authentique
de ces capacités, les besoins narcissiques de l'analyste pourraient mener à une
exploitation de la vulnérabilité du patient. L'étude des violations éthiques (Gabbard et
Celenza, 2003) a révélé l'importance et la signification de l'abstinence analytique et de
la nécessité constante que l'analyste surveille son propre contre-transfert.
Bien que le cadre interne se réfère habituellement à l'analyste, il n'y a cependant
aucune raison que cela ne soit pas également pris en compte en ce qui concerne le
patient également. La spécificité de la situation analytique se situe dans la volonté du
patient à permettre la libre expression de ses affects, conflits et fantasmes
inconscients, et la réactivité de l'analyste à l'appréhender. Pour que le patient soit
capable d'exprimer ses fantasmes inconscients, il lui sera nécessaire d'être dans un état
psychique particulier, pas facile à réaliser, lui permettant d'accepter l'implication qui
consiste à essayer de se conformer à la libre association. Selon Freud, cette règle

21
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fondamentale consiste à ce que les patients « s'abstiennent de toute réflexion


consciente et s'autorisent à s’abandonner eux-mêmes, dans un état de calme
concentration, jusqu'à suivre les idées qui leur sont survenues spontanément
(involontairement) […] même si elles sont désagréables, trop insensées, peu
importantes ou manquent de pertinence » (Freud, 1924, SE:19, p. 195)12.
De nombreux autres analystes ont exploré et développé leur pensée au sujet de
‘l'attitude analytique’, à la suite de Winnicott et ses concepts de ‘holding’ et
d’‘environnement facilitant’, (Winnicott, 1965, Klauber, 1981, Bollas, 1987, Parsons,
2014), par lequel l'analyste s'offre lui-même en tant qu'objet à être utilisé par le
patient. Cela a développé le champ de la compréhension du processus analytique,
dont le transfert et le contre-transfert et la réaction affective de l'analyste (King,
1978). J. Sandler (1976) a précisé le concept du rôle en résonance de l'analyste, qui
concerne la capacité de l'analyste à s'identifier inconsciemment à l'objet interne
appartenant au patient et à s'engager dans une mise en action ou ‘énaction’ dans la
session. C'est seulement ultérieurement que l'analyste prend conscience de ce qui a eu
lieu et qu'il devient capable de formuler une interprétation concernant la signification
du fantasme qui est survenu. Ce type d'énaction peut concerner le corps de l'analyste,
au niveau d'un comportement ou d'une réaction corporelle particulière.
Parmi les psychanalystes italiens (par exemple, Bolognini, Bonaminio,
Chianese, Civitarese, Ferro), suivant les travaux de Winnicott et de Bion, la pensée
concernant les différents éléments de l'attitude analytique de l'analyste a évolué, ils
ont approfondi la compréhension des concepts de contre-transfert et de construction,
particulièrement sur ‘la personne de l’analyste’, dont le corps de l'analyste. Bolognini
a exploré l'empathie psychanalytique (2004) qu'il localise dans les moments de
contact émotionnel profond et de conscience intuitive (‘insight’) entre l'analyste et le
patient, pendant la session, « un heureux mélange d'émotion, d'imagination et de
réflexion qui a permis au patient et moi-même de comprendre complètement ce qui se
déroulait » 13 (2004, p.13). La description des quadrants du cadre analytique
d’Antonino Ferro a également enrichi le concept du cadre (1998). Ce sont les quatre
définitions principales du cadre, et bien que leur accent se pose sur des significations
prédominantes différentes, elles constituent le cadre dans son ensemble. Le premier
quadrant concerne les règles formelles (divan, fréquence, tarifs, etc.) Le second se
rapporte à la condition psychique de l'analyste, qui selon Ferro, varie selon les
identifications projectives du patient et constitue une condition clé pour l'évolution de
l'analyse. Le troisième quadrant se réfère à la dimension de l'objectif du cadre. Il
considère la rupture du cadre par l'analysant comme une tentative de communication,
surtout dans les cas de patients touchés par des pathologies graves. Ainsi, Ferro insiste
sur une perspective différente que la plus traditionnelle. Pour lui, la transgression des
règles peut constituer un mode de communication plutôt que d'être une manifestation
de l'acting-out. (Limentani, 1966, a également souligné ce point de compréhension

12
NdT : Citation traduite pour cette édition
13
NdT : Citations traduites pour cette édition

22
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vis-à-vis de l'acting-out en termes de communication). Et, enfin, le dernier quadrant


concerne la rupture du cadre par l'analyste, sur la base des idées de Bleger.

IV. LE CADRE ET LA RÉGRESSION

Le concept de régression est sujet à controverse. Pour certains analystes de la


tradition de la psychologie du moi, le cadre est une condition dans laquelle « Le
caractère immuable d'un environnement constant et passif le force [le patient] à
s'adapter, c'est à dire à ce qu'il régresse à des niveaux infantiles » (Macalpine, 1950,
p.525) afin de permettre l'analyse de la névrose de transfert. En revanche, selon
Winnicott, les aspects positifs du cadre analytique permettent un environnement
facilitant et ‘holding’ qui tend à la régression. L'accent est posé sur un environnement
actif, réactif, dans lequel le cadre représente des aspects de l'attitude de l'analyste.
Winnicott a mis l'accent sur l'importance vitale du cadre dans sa qualité d'agent
thérapeutique en soi, pour les patients dont les troubles développementaux ont conduit
à la formation d'un ‘faux self’ (1955). Ces patients ont besoin, dans le traitement
analytique, d'une profonde régression, dans laquelle le cadre analytique et la présence
vivante de l'analyste créent un environnement facilitateur nécessaire pour que le
développement sain du (véritable) moi puisse émerger : de différer les interprétations
précoces fait partie des adaptations que l'analyste doit effectuer.
Melanie Klein (1952, p. 55) considère dans ses écrits que l'espace thérapeutique
est dominé par le transfert, une ‘situation totale’ de l'interaction entre l'analyste et
l'analysant, où l'interprétation est considérée être l'outil principal de l'analyste pour
interagir avec le patient. Klein aspirait à créer, en accord avec Freud, un espace
objectif où les projections d'objets internes mauvais ou bons, ainsi que les parties du
moi, sont libres d'émerger dans l'espace analytique. Winnicott a précisé un cadre
différent de celui que Klein a construit. Alors que Klein recherche l'objectivité dans
l'espace thérapeutique, Winnicott vise un espace tout à fait différent, dans lequel la
‘fiabilité’ créé un climat qui facilite la subjectivité de l'analysant, subjectivité dans le
sens où l'espace est conforme au sens d’être soi-même du patient et ne cherche pas à
l'empiéter. « La situation analytique reproduit les techniques de maternage primitives,
les toutes premières. Elle invite à la régression en raison de sa stabilité »14 (Winnicott
1954, p, 286). La thèse de Winnicott stipule que chez certains patients il existe un état
primitif de non-intégration qui nécessite une régression aux tout premiers stades du
développement. Par cette régression, l'analysant peut se confronter à ses propres
distorsions et fixations développementales, afin d'en trouver d'autres solutions, avec le
concours de l'analyste, dans l'environnement sécure et sensible qu'il apporte. Il

14
Ndt : version française, Chapitre 10 « Les aspects métapsychologiques et cliniques de la régression
au sein de la situation analytique » (1954), in : « De la pédiatrie à la psychanalyse »

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s'agirait donc de fournir un cadre professionnel qui donne confiance à l'analysant, lui
permettant « la régression à la dépendance » (Winnicott, 1954, p. 287), une
dépendance saine susceptible de réinitialiser les premiers processus
développementaux. Une parallèle intéressante pourrait être faite avec le concept de
transfert ‘en creux’ de Laplanche, lequel régresse également aux origines, c'est-à-dire
aux désirs énigmatiques des figures parentales précoces (Laplanche, 1997, 2010).
D'autres analystes, tels que Etchegoyen (1986), pensent que le cadre n’est pas
conçu pour créer une régression, mais pour le découvrir et le contenir. Dans la
métapsychologie kleinienne, la régression est plutôt considérée comme une ‘retraite
psychique’ (Steiner, 1993) ; la régression n'est pas l'aboutissement du cadre, mais la
pathologie du patient mise en évidence, dans des conditions de travail spécifiques que
le cadre analytique procure.

V. CADRE ET PARAMÈTRES

Cette entrée présente le cadre standard nécessaire pour faciliter un processus


psychanalytique. Il existe des controverses en rapport à d'autres éléments du cadre. En
général, ces paramètres sont considérés être justifiés lorsque cela concerne des
patients qui présentent des troubles psychopathologiques sévères, qui ne pourraient
tolérer les conditions standard.
Eissler (1953, p.110) a défini en premier lieu le terme paramètre en
psychanalyse, comme suit : « une déviation, aussi bien quantitative que qualitative du
modèle technique de base, lequel nécessite l'interprétation en qualité d'outil exclusif. »
Cette modification devra être temporelle et disparaitra pour revenir à la technique
standard aussi rapidement que possible. Bien que Eissler préconise l'utilisation
d'autres interventions, plutôt que celle de l'interprétation, le terme paramètre peut être
considéré dans son sens plus large (d'autres termes ont été utilisés, comme les
variations de la technique 15 ). Cela signifie toute modification des éléments de la
méthode psychanalytique, qui, dans le cadre standard, concerne la fréquence des
sessions, l'utilisation du divan et la durée du traitement (de la session et du processus
complet).
Certains analystes considèrent qu'il est nécessaire d'apporter certaines variations
au cadre, quand il s'agit de traiter des patients atteints de pathologie sévères, tels que
les patients limite et psychotiques. C'est le cas de Kernberg, qui précise que les
« patients avec une organisation limite de la personnalité ne supportent pas la

15
Ndt : version française : Loewenstein, R.M. – « Variations de la technique classique ». - Internat. J.
Psycho-Anal., 1958, 39, 202-211.

24
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régression qui survient au cours du traitement analytique16 » (Kernberg 1968, p.601) ;


il n'affirme pas cependant que sa technique soit une technique psychanalytique, mais
plutôt pour une psychothérapie psychanalytique. D'autres analystes, au contraire, ne
modifient pas les conditions standards pour des patients semblables ; pour eux la
méthode standard est à la fois nécessaire et possible (H. Rosenfeld, 1978). Cette
différence dans les approches reflète des points de vue théoriques différents en ce qui
concerne la psychopathologie, et dans certains cas, concerne des différents types de
psychopathologie. D'autres psychanalystes, tels que Krejci (2009), ainsi que Bateman
et Fonagy (2013), dans leur théorie de la mentalisation, proposent également que le
comportement extrême d'acting-out des patients de personnalité limite (borderline)
nécessite des modifications du cadre pour instaurer le traitement.

VI. AUTRES DÉCLINAISONS DU CONCEPT DE CADRE

Certains auteurs ont fait la distinction entre le ‘cadre’ (cadre simple ou ‘frame’)
et le cadre (‘setting’) psychanalytique ; le premier est le cadre que l'analyste fournit,
dans lequel le processus psychanalytique peut avoir lieu, comme le cadre d'un tableau
(Milner 1952a), alors que le setting se réfère au processus lui-même. Selon Milner, le
cadre simple (frame) est essentiel pour démarquer ce qui est intérieur de ce qui est
d'extérieur ; le cadre (frame) démontre « que ce qui est à l'intérieur doit être perçu,
interprété de manière différente de ce qui est à l'extérieur ». Le cadre « délimite une
zone dans laquelle ce qui est perçu doit être pris comme un symbole, une métaphore,
pas littéralement. »17 (1952b, p 80-81). Rycroft (1958) et Heimann (1957) l'ont plutôt
dénommé ‘la forme et le fond’ plutôt que le cadre. D'autres auteurs considèrent que
les termes cadre (‘frame’) et cadre (‘setting’) sont synonymes. Dans cette entrée, les
deux mots sont utilisés en termes de synonymes, sauf indication explicite.
Les expérimentations de Lacan avec les aspects temporels du cadre ont
provoqué de grandes réflexions sur les implications cliniques et théoriques du cadre
classique (1958-1997). Une autre innovation de Lacan a été son postulat de l'analyste
en tant que sujet-supposé-savoir. Cette notion a été à la fois profondément
respectueuse de la nécessaire asymétrie intersubjective de la relation analytique, et se
voulait également ironique concernant les prétentions normatives de certains analystes
qui s'estiment incarner, pour leurs patients, leur moi sain d'esprit. Dans ce point de
vue, le cadre classique est implicitement paradoxal. Sans ‘autoritarisme’ en soi, il
permet plutôt que la projection imaginaire du patient soit tolérée et progressivement
détrompée dans le travail interprétatif (1947-1997,1945-1966). Aulagnier, dans une
série de plusieurs textes pas encore traduits (1968, 1969, 1970, 1977), a scruté

16
Ndt : Version française : Otto Kemberg. « Les troubles limites de la personnalité », chapitre 3
17
NdT : Citation traduite pour cette édition

25
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l'imbrication inéluctable du sujet dans les projections de l'autre. Elle a précisé que
l'injonction de « dire tout ce qui vient à l'esprit » peut avoir l'effet de mettre le patient
dans un état d'esclavage absolu, qui le transforme en un robot parlant. Dans ce cas et
d'autres, elle a analysé l'aliénation potentielle perpétuée par l'application irréfléchie du
cadre. Dans son concept de l'inévitable « violence de l'interprétation », elle a situé la
personne soignante et l'analyste dans la même position paradoxale du risque
d'interprétation ‘excessive’, une mise en garde qui a conduit les analystes
francophones des deux côtés de l'Atlantique à exprimer des réserves au sujet de
l'utilisation inconsidérée du contre-transfert pour comprendre les patients. Les auteurs
francophones ont été particulièrement sensibles à l'inhérent potentiel ‘séducteur’, à la
fois nécessaire et abusif, qui fait partie intégrante du cadre analytique.
Donnet (2001) fait la différence entre le site analytique et la situation
analysante : « le site analytique contient l'ensemble de ce qui constitue l'offre d'une
analyse. Il inclut l’analyste en fonction et la situation analysante résulte,
aléatoirement, de la rencontre suffisamment adéquate du patient et du site18. » (p.138).
Les sources principales relatives à la théorisation actuelle sur le cadre sont
Winnicott (1956) et Bleger (1967). Certains auteurs se reportent aussi sur la théorie
du champ des Baranger (1983), qui considèrent que la situation analytique est une co-
création (à deux) ; les deux membres de la paire analytique intimement liés, aucun
d'entre eux ne pouvant être compris l'un sans l'autre. Le champ analytique est
configuré comme un fantasme inconscient du couple analytique et sera ainsi considéré
tout au long de l'analyse.
L'article fondateur de André Green, “The Analyst, Symbolisation, and Absence
in the Analytic Setting (1975) (« L'analyste, la symbolisation et l'absence dans le
cadre analytique », 1974) 19 a été dédié à la mémoire de Winnicott, qu'il a fait
connaître en France. Selon la lecture que Green fait de Winnicott, le cadre, et la
qualité de la présence analytique qui l'accompagne, est fait de ‘l'environnement’ du
jour présent, dans son rôle facilitateur ou d'empiètement, sur la capacité du patient à
l'espace transitionnel et à la pensée créative. La pensée est ici signifiée dans son sens
non-hallucinatoire, les pensées non-projectives subjectivées, faisant partie de soi.
Dans un prolongement de son ouverture théorique, le travail de René Roussillon a mis
l'accent sur la qualité des ‘gribouillis : le cadre peut devenir une invitation à ce que le
patient participe à une zone/champ de jeu, ou de co-pensée, partagés, où le patient
peut ‘réagir’ de sa propre manière (Roussillon, 1995) et qui auront pour conséquence
d'être soit ‘tenu’ par l'analyste, ou interprété. L'analyste et son cadre deviennent un
‘médium malléable’ dans son sens de ‘l'utilisation de l'objet’ (1988, 1997, 2013).

18
NdT : In: « De la règle fondamentale à la situation analysante ». Revue française de psychanalyse
2001/1 (Vol. 65)
19
NdT :, in « La nouvelle revue de psychanalyse », 1974, n°10 et dans la « RFP », 1974, n°6.

26
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VI. A. Les contributions et développements spécifiques nord-américains


Un axe influent du développement de la tradition freudienne, concernant tout
particulièrement la situation/’setting’/cadre (‘frame’) psychanalytique qui participe
activement et de manière dynamique dans le déroulement du processus
psychanalytique, peut se lire dans les écrits de Stone, Modell et Spruiell. Dans sa
monographie classique, bien qu'à son époque révolutionnaire, intitulée
« Psychoanalytic Situation » (« Situation psychanalytique ») (Stone, 1961), et sa suite
« Psychoanalytic Situation and Transference » (« Situation psychanalytique et
transfert ») (Stone, 1967), Stone a présenté le concept du cadre psychanalytique
comme étant entièrement connecté au « champ des forces » dynamique qu'il génère
(1967, p. 4). Dans cette perspective, le cadre déclenche tout une série d'illusions, sous
la forme de transferts archaïques, ainsi que relativement matures, et une interaction de
différentes temporalités.
Robert Langs (1984) a argumenté la notion du cadre classique idéal, une
disposition structurelle qui précise le champ bi-personnel dans lequel les
communications inconscientes du patient peuvent émerger en sécurité (et
s'entrecroiser avec celles de l'analyste). Dans cette approche ‘communicative’, il est
précisé que : « Etablir, gérer, rectifier et analyser les infractions du champ constituent
un ensemble majeur d'interventions relativement non-reconnues et toujours
cruciales. » (Langs, 1979, p. 12) 20 . Son riche exposé des facettes multiples de la
communication projective-introjective inconsciente dans le champ bi-personnel multi-
vectoriel, que le cadre simple (frame) ‘fermement constitué et maintenu’ permet de
faire émerger – un lien doté de la capacité d'espace transitionnel, avec ses propriétés
dynamiques émergentes et la contribution de l'analyste au transfert du patient –
contient de nombreux éléments fondamentaux des riches avancées contemporaines,
qu'elles soient reconnues ou non.
Arnold Modell (1988, 1989) a étoffé la tradition de creuser les forces
dynamiques relationnelles et intra-psychiques qui émanent de la centralité du cadre
psychanalytique en un « conteneur de multiples niveaux de réalités » (Modell 1989, p.
9), dans l'optique de changer les objectifs du traitement (Modell 1988). Selon cette
approche, le cadre lui-même contient la qualité du lien entre l'analysant et l'analyste et
présente la fondation dynamique du traitement psychanalytique. À la suite de Spruiell
(1983) sur l'importance des ‘règles du jeu’, des ‘règles fondamentales’ et du ‘champ’
de Langs (1979, 1984), et de l'analogie du cadre en termes de tableau de Milner
(1952), qu'il développe davantage, Modell (1988), il considère le ‘cadre’ (‘frame’)
non seulement comme une entrave (Bleger, 1967), mais en ce qu'il « renferme une
réalité différenciée » (Modell, 1988, p.585), et l'institution d'un « arrangement
contractuel, ainsi que communicationnel, entre les deux participants 21 » (ibid),

20
NdT Citation traduite pour cette édition
21
NdT. Citation traduite pour cette édition

27
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produisant l'illusion du transfert, de manière analogue à la création de l'illusion


théâtrale. (Voir aussi J. McDougall, 1986)
L'harmonisation au cadre lui-même, conçu globalement de manière dynamique,
a poursuivi sa progression dans la théorie contemporaine nord-américaine, dans les
approches bioniennes ainsi que dans la théorie du champ (Goldberg, 2009; Peltz et
Goldberg, 2013), dans les écoles interpersonnelles (Levenson, 1987; Stern, 2009) ou
les écoles relationnelles (Aron, 2001; Bass, 2007 et autres). Hoffman (2001), par
exemple, à la suite de Gill et rejoignant Mitchell et le groupe relationnel, a écrit sur
l'interaction entre le rituel et la spontanéité. Il était attentif à la nécessité des règles et
à la suspension des règles.
José Bleger n'a été lu que relativement récemment, en psychanalyse nord-
américaine, alors que Racker (1968), ayant été vite traduit, a exercé une influence par
les travaux sur la mouvance interpersonnelle et intersubjective développée à l'Institut
William Alanson White sous les auspices de Sullivan, Thomson et plus tard, dans la
période moderne, de Levenson, Mitchell, Daniel Stern et d'autres. Les théoristes
relationnels contemporains tels que Bass (2007) considèrent que le travail analytique
est comme un espace dans lequel figurent deux personnes dans un champ bipersonnel.
Mais à l'encontre de Langs, Bass pose l'accent sur la singularité : « une approche
unique ne s'adapte pas toujours à tous » (ibid, p.12). Le ici et maintenant est imprégné
du passé relationnel, un mode de pensée en forte affinité avec les Barangers et Bleger.
Le cadre, dans le sens que Bleger l'entend, est davantage en phase avec les modèles à
deux – ‘two-person’ – du processus analytique, dont l'idée selon laquelle les questions
métathéoriques, institutionnelles et sociales sont actives dans le cadre analytique.
Proche de celle de Bleger, Peter Goldberg (2009) a développé une perspective
en termes bioniens selon laquelle le cadre (‘frame’) est la structure dans laquelle les
angoisses psychotiques sont projetées et tenues. Du point de vue de Goldberg, le
cadre (frame) devient un site dans lequel l'analyste et l'analysant évacuent les aspects
endommagés ou psychotiques du moi. Afin de comprendre tous les aspects clivés de
la dynamique transfert/contre-transfert dans certains cas, l'on considère le (simple)
cadre (frame), c'est-à-dire les éléments du cadre que l'on suppose simples et directs
qui ont été déformés et rendus toxiques par les processus d'évacuation et de
projection. Les fragments dangereux du moi ou de l'autre pourraient être cachés dans
le cadre (frame), considérés sans importance et extra-analytiques jusqu'au point où
l'analyste est en mesure d'observer et de rapatrier ces fragments clivés sur les
personnes vivantes dans la situation analytique.
Grotstein, l'un des premiers adeptes principaux de Bion aux USA, a développé
un concept du cadre (‘setting’) où les deux participants s'accordent éventuellement à
protéger la ‘solitude’ analytique. Dans ce cas-ci, le concept du cadre (setting) à
l'opposé du cadre simple (frame), devient un accord ‘sacré’ : en fondant les règles du
cadre simple (frame) et par l'accord de l'analysant, l'analyste et l'analysant créent une

28
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convention qui lie chaque participant à œuvrer à la protection du tiers, la procédure


analytique elle-même (Grotstein, 2011, p. 59)22.
Tabakin (2016) a récemment fait la distinction entre les termes de cadre simple
(ou ‘frame’ en anglais) et cadre (‘setting’). Il propose que la conceptualisation du
cadre simple (frame) soit connotée à la structure, et que le cadre (setting) implique la
relation. L'idée du frame/cadre-comme-structure a la fonction de guide servant à
évaluer et interpréter l'acting-out par rapport à cette structure. Le cadre-setting,
distinct du cadre (frame), implique l'ambiance qui définit l'effet potentiellement
transformateur du traitement. Le cadre (setting) raconte l'histoire de l'espace partagé
entre l'analyste et l'analysant, lequel devient un processus dynamique de
développement entre les deux participants.
L'évolution du concept cadre est une histoire indépendante dans le cas des
analystes francophones du Québec, qui est située à la convergence de trois cultures
psychanalytiques : leur affinité naturelle à l'analyse française continentale prédomine,
mais elle est néanmoins influencée par les trois écoles de pensée en Grande Bretagne,
et est consciente de certains des développements majeurs dont le paysage
psychanalytique américain est empreint. En ce qui concerne le cadre, le choix
identificatoire pour la communauté analytique québécoise francophone a été clair : en
faisant distance délibérément par rapport au modèle médical et également à la version
Eitingon du cadre (frame), elle s'est explicitement définie en opposition aux pressions
‘canoniques’ qui se sont transformées en ‘question qui divise’ pour de nombreux
analystes américains des États-Unis.
Contrairement au besoin assertif iconoclaste qui a eu tendance à personnifier
des tranches importantes de la théorisation américaine, l'héritage de Lacan a été de
promouvoir la liberté psychique, qui s'est exprimée dans un esprit de profonds débats
et d'extensibilité de l'œuvre freudienne. Aussi bien le travail de Green sur la
considération du cadre (frame) en tant que ‘tierce’, et en support au fonctionnement
psychique du patient et sa capacité à former un ‘objet analytique’ (1975) partagé, que
l'apport de Laplanche en la notion du transfert ‘en creux’ (1997, p. 662), déclenché
par la non-réactivité relative de l'analyste, laquelle réactive la possibilité de résoudre à
neuf les énigmes de l'enfance, sont tous deux des exemples ultérieurs. Scarfone
(2010) a mené plus loin sa réflexion sur la qualité de l'écoute de l'analyste, dans sa
notion de ‘passibilité’.
Un autre courant important dans l'évolution de la psychanalyse francophone, qui
a influencé le Québec, a été celui d'explorer les éléments non-classiques du cadre en
support à la représentation psychique et la subjectivation, spécifiquement dans les
registres intra-névrotiques : l'utilisation par Françoise Dolto (1982, 1985) du paiement
symbolique en analyse d'enfants ; les travaux de Cahn (2002), Roussillon (2013) et
Donnet (1995) sur la fonction métapsychologique de la perception visuelle de
l'analyste lors d'un travail analytique en face à face. La pratique dans les cliniques
22
NdT : Citation traduite pour cette édition

29
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psychanalytiques en France et au Québec a également été source d'innovation en


termes de ‘cadrage’, spécifiquement depuis le triple point de vue du processus
d'évaluation (Kestemberg, 2012 ; Donnet & de M’Uzan, 2012 ; Lasvergnas, 2012;
Reid, 2014), le paiement par une tierce partie (Kestemberg, 1985, 1986) et les
interventions alternatives inspirées de la psychanalyse, telle que celle de l'expansion
spécifique du cadre simple (frame) dans le ‘psychodrame psychanalytique’ de
Lebovici et Diatkine (Lebovici, Diatkine et Kestemberg, 1952) et de Gibeault (2005).
Une autre conséquence riche, bien que paradoxale, de la théorie et de la pratique de
Lacan, s'est révélée dans la recherche critique réalisée par Aulagnier (1969) et autres
analystes, concernant le potentiel de violence insidieuse dans le ‘cadre’ de
l'enseignement et de la formation dans les instituts psychanalytiques. Enfin, parmi les
analystes francophones nord-américains, il existe un consensus supplémentaire selon
lequel le cadre intensifie ‘l'étalement’ de la parole (Imbeault, 1997) de telle façon à en
rendre la logique inconsciente accessible à l'observation.

VI. B. Les contributions et développements spécifiques latino-américains


En psychanalyse latino-américaine, Etchegoyen (1986) et José Bleger (1967)
sont les auteurs les plus cités au niveau international sur les questions liées au cadre.
En raison de la diversité culturelle et de la pluralité des écoles qui ont influencé les
institutions psychanalytiques latino-américaines, il est impossible d'aborder ce thème
d'une seule façon, dans la région. Il existe un débat permanent sur le besoin d'adapter
la technique psychanalytique à la société contemporaine.
Etchegoyen (1986) préconise un cadre plus ferme bien que flexible, comprenant
des variables qui sont définies afin de fournir une structure stable qui permettra le
déroulement du processus analytique. Selon Etchegoyen, le cadre représente la réalité
présente dans la situation analytique et interprète cette réalité comme étant
l'environnement social qui nous entoure. Il pense que le processus inspire le cadre
mais qu'il ne devrait pas le déterminer.
Parmi les contributions brésiliennes à la notion de cadre, Fabio Hermann (1991)
est un théoricien important qui le considère également de frame (cadre simple). Les
analystes le fondent dans leur pratique analytique afin d'éviter de perdre leur méthode
pendant le processus analytique. Ce cadre simple (frame) agit comme une clôture
dirigée vers l'extérieur. Elle ne protège pas l'analyse d'une invasion provenant du
monde externe ; c'est une tâche impossible car le monde extérieur est toujours présent
dans le cabinet comprenant l'analyste et le patient. Mais elle protège le couple
analytique de la normalisation de la pensée. Le point fondamental de la théorie
d’Hermann est la notion de l'effondrement du champ, que l'on peut interpréter comme
un moment dans une analyse où l'analysant est en mesure de percevoir une
autoreprésentation qui était auparavant empêchée d'émerger. Selon l'auteur, la rupture
du champ actuel de la communication constitue la caractéristique principale de
l'opération analytique. C'est à l'intérieur de la clôture du cadre que les analysants

30
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deviendront conscients d'une perception différente d'eux-mêmes.


Eizirik, Correa, Nogueira et al. (2000), ont avancé l'idée que le contexte social
actuel portait des éléments spécifiques et que leurs répercussions sur le cadre
analytique doit être respecté. Ils soutiennent que la formation analytique joue un rôle
dans la constitution de l'identité analytique, laquelle doit comporter l'attitude de
l'analyste à préserver le cadre, d'en être son gardien en quelque sorte. Ils partagent la
vision de Green sur sa fonction : le cadre joue le rôle du tiers qui doit être
explicitement ou implicitement présent dans toute relation humaine, afin d'éviter
qu'elle ne devienne psychotique. De plus, ils mettent l'accent sur le sens de la notion
de cadre interne. Ce dernier permettra aux analystes de gérer la préservation du cadre
dans le contexte actuel.
Marcio de Freitas Giovannetti (2006), à la suite de Derrida, fait référence à
l'hospitalité des analystes aujourd'hui. Cette approche représente une perspective
assez thématique dans le débat psychanalytique en Amérique latine. Freitas
Giovannetti soutient l'idée que ce qui est nécessaire dans la pratique clinique
contemporaine est un cadre possible plutôt que traditionnel. Dans le monde
d'aujourd'hui, où l'idée de vitesse et d'accélération du temps a remplacé la notion de
permanence, si le cadre classique est présenté aux patients, cela pourrait provoquer le
risque d'enfreindre le développement de toute forme d'analyse. Pour cet auteur, l'un
des principaux rôles de l'analyste est d'établir progressivement un cadre possible, pour
que l'analyse puisse évoluer. Les analystes doivent aspirer à transformer un espace
virtuel sans frontière en un lieu : un lieu d'existence véritable plutôt que virtuelle.

VII. LE CADRE DANS LES DICTIONNAIRES PSYCHANALYTIQUES

Que le terme cadre (‘setting’) n'occupe aucune place dans les dictionnaires
psychanalytiques fréquemment consultés est plutôt significatif. Néanmoins, certains
éléments du terme ‘setting’ peut se trouver dans ces dictionnaires : la libre
association, l'attention flottante, l'abstinence, la neutralité et la technique. Les uniques
exceptions dans le contexte d’entrées qui contiennent le terme ‘Setting’ ou un terme
correspondant se trouvent dans : Psychoanalytic Terms and Concepts, Eds :
Auchincloss, E. and Samberg, E. (2012) sous « Analytic Process », Dictionaire
international de la psychanalyse, Ed : De Mijolla, A. (2013) et Diccionario de
Psicoanálisis Argentino, Ed : Borenzstejn, C. (2014) sous « Bleger/Encuadre/Frame »
et « Campo Psicoanalítico/Field ».

31
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VIII. COMMENTAIRES EN CONCLUSIONS

Le cadre analytique tel que Freud l'a conçu est clairement resté d'actualité dans
la pratique clinique actuelle des trois régions. Les évolutions ont eu lieu de manière
prédominante dans la conceptualisation et la compréhension des significations
inconscientes du cadre pour le patient et l'analyste, particulièrement à la suite des
travaux de Bleger et de Winnicott. Le concept de ‘rêverie’ de Bion a conduit à des
élaborations du travail de l'analyste (le cadre/setting interne) et du processus
analytique en soi. L'accent posé sur l'attitude analytique et le travail de l'analyste est
également lié à l'enrichissement du concept de contre-transfert.
Les termes ‘setting’ (cadre) et ‘frame’ (cadre simple) sont utilisés de manière
interchangeable, alors que d'autres différencient les deux termes en relation aux
‘règles’ et limites du cadre (setting) et le processus qui a lieu à l'intérieur du cadre
simple (frame).
En Amérique latine, la question actuelle explicitée concerne le besoin d'adapter
le cadre psychanalytique classique aux réalités sociales et culturelles actuelles, qui
sont considérées aller à l'encontre de l'acceptation du cadre traditionnel.
Peut-être que davantage d'importance est désormais accordée au terme ‘setting’,
car une préoccupation s'est installée au sujet des changements de conditions
concernant la réalisation du traitement, (c'est-à-dire par les nouvelles technologies
impliquant une présence virtuelle) qui pourraient engendrer le risque de perdre le sens
et l'importance de ce concept fondamental.

Dans le texte ci-dessus, les pages 1 à 10 ont été principalement écrites - mais non
exclusivement - par des sources psychanalytiques européennes, les pages 10 à 13
proviennent de sources américaines et les pages 13 à 14 de sources latino-
américaines.

RÉFÉRENCES

Aron, L. (2001). The Meeting of Minds. The Analytic Press. NY. Routledge.
Auchincloss, E. and Samberg, E., Eds. (2012). Psychoanalytic Terms and Concepts.
America Psychoanalytic Association.
Aulagnier, P. (1977-1986). Le droit au secret : condition pour pouvoir penser. In Un
interprète en quête de sens. Paris: Ramsay, 219-238.

32
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Consultants Régionaux et Contributeurs

Europe : Joan Schachter, MD et Antonio Pérez-Sánchez, MD

Amérique du Nord : Jon Tabakin, PhD, Adrienne Harris, PhD, et Allannah Furlong,
PhD

Amérique Latine : Thais Blucher, MD

Co-Chair coordinateur : Arne Jemstedt

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CONFLIT (LE)

Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Christine Diercks (Europe),
Daniel Traub-Werner (Amérique du Nord) et Héctor Cothros (Amérique
Latine)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili

« … telle est la paire contrastée d’où émane notre psychisme »


(Freud, Letter to W.Fliess of February 19, 1899 ; in Freud, S. 1886-1899, p. 278.). 23

I. INTRODUCTION ET DEFINITIONS
Freud inaugura la psychanalyse sur la base du conflit psychique : le
fonctionnement de l'esprit humain et le reflet de l'interaction des forces et tendances
opposées. La psychanalyse met particulièrement l'accent sur les effets des conflits
inconscients définis par les interactions de l'esprit entre des pulsions dont l'individu
n'est pas conscient. Lors de conflits, les désirs contrariés, les sentiments, les besoins,
intérêts, idées et valeurs sont confrontés les uns avec les autres. Dans la théorie
psychanalytique, le conflit psychique est au cœur de la dynamique de l'esprit humain
et, selon la vision théorique classique, il est alimenté par l’énergie pulsionnelle
médiée par des fantasmes investis affectivement. Tous les processus mentaux sont
fondés sur l'interaction de forces psychiques en conflit, lesquelles sont ensuite en
interaction avec les stimuli externes.
Les sujets primaires de la psychanalyse sont des aspects latents inconscients
du conflit psychique, édifiés par les désirs infantiles refoulés. Ces contenus
inconscients reviennent à la surface de manière déformée par le biais des rêves, des
actes manqués, des symptômes et sous forme de manifestations culturelles.
Pour Freud, le conflit constitutif de la psychanalyse est le conflit œdipien.
Cette lutte, située entre le désir infantile et l'interdit, est fondamentale en ce qui
concerne la dynamique de la vie psychique et ses manifestations. En sus de ses
qualités dynamiques, le conflit est doté de plusieurs composants métapsychologiques :
topographique (conscient, préconscient, inconscient), économique (surstimulation
sensorielle, le principe de réalité et de plaisir), génétique (selon le développement des
fonctions du Moi) et structurel (conflits entre le Moi, le Surmoi et le Ça). De plus, le

23
N.d.T : Lettres à Wilhelm Fliess, 1887-1904 Sigmund Freud (PUF)

40
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conflit œdipien s'inscrit dans le dualisme instinct/pulsion (pulsion sexuelle / pulsion


d'autoconservation, libido du Moi / libido d’objet, pulsion de vie/de mort).
Les conceptualisations que les théoriciens de la relation d'objet ont formulées
ont élargi le champ dans lesquels ces conflits se déroulent, en se focalisant sur les
particularités des relations (internalisées) du Moi et sur les relations d'objet. Soit le
conflit est accessible à la pensée consciente, ce qui éventuellement lui permettrait
d'être traité de manière réaliste, soit il doit être refoulé : dans les deux cas, cela
dépend de la capacité des forces instinctuelles [la pulsion] concernées et des capacités
psychiques du sujet à faire face et des conditions environnementales.
Lorsque l’on extrapole et développe le concept à partir des dictionnaires et des
écrits psychanalytiques contemporains européens, nord-américains et latino-
américains (Akhtar 2009, Auchincloss et Samberg 2012 ; Laplanche et Pontalis 1973,
Skelton 2006 ; Borensztejn 2014), les conflits (inconscients), peuvent être
conceptualisés selon les expressions binaires suivantes :
1. Les conflits externes vs. les conflits internes/intrapsychiques : les premiers
concernent les conflits entre le sujet et son environnement alors que les derniers font
référence aux conflits de la psyché propre du sujet ;
2. Les confits externalisés vs. les conflits internalisés : les premiers font référence aux
conflits internes qui ont été transposés dans la réalité externe et les derniers aux
problèmes psychiques occasionnés par l'incorporation des contraintes
environnementales opposées aux pulsions et aux désirs du sujet ;
3. Les conflits développementaux vs. les conflits anachroniques : les premiers font
référence aux conflits normatifs, transformatifs du point de vue développemental et
spécifiques à chaque stade, qui sont occasionnés par les défis parentaux vis à vis des
désirs de l'enfant, ou par les désirs contradictoires chez l'enfant lui-même (Nagera,
1966), et les derniers concernent les conflits non liés à l'âge mais qui pourraient sous-
entendre une psychopathologie à l'âge adulte. Ce binaire est spécifié de façon assez
similaire par Laplanche et Pontalis (1973) en termes de conflits œdipiens vs. conflits
défensifs.
4. Les conflits inter-systémiques vs. les conflits intrasystémiques : le premier
concerne les tensions entre le Ça et le Moi ou entre le Moi et le Surmoi (Freud, 1923,
1926) ; le dernier (Hartman, 1939 ; Freud, A. 1965 ; Laplanche 1973) sont concernés
par les différentes tendances pulsionnelles (amour-agressivité), ou d'autres attributs,
ou fonctions différentes du Moi (activité-passivité) ou différents diktats du Surmoi
(modestie-succès) ;
5. Le conflit structurel vs. conflit de la relation d’objet : le premier fait référence à une
différence tendue dans les intentions (potentiellement concurrentes) des trois
structures principales que sont le Ça, le Moi et le Surmoi (Freud, 1926) qui serait
vécue comme appartenant complètement au Moi du sujet et le dernier fait référence à
un conflit dans un espace psychique qui est antécédent à une telle différentiation

41
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structurelle (Dorpat, 1976 ; Kernberg, 1983, 2003) ; une autre formulation de ce


binaire est le conflit œdipien vs. le conflit préœdipien ;
6. Le conflit d'opposition vs. le conflit lié au dilemme ou aux choix (Rangell, 1963) ;
ou, par analogie, les conflits convergents vs. les conflits divergents (Kris, A. 1984,
1985). Le conflit d'opposition concerne le conflit entre les forces intrapsychiques qui
peuvent être rassemblées par (la formation de) compromis. Le conflit lié au
dilemme/aux choix, que l'on appelle parfois le conflit « soit l'un-soit l'autre » (‘either-
or’), concerne le conflit où de telles négociations sont intolérables, et où un choix
entre l'une ou l'autre solution, ce qui sous-entend un deuil ou bien d'avoir à renoncer à
l'une des alternatives, est impératif.
Un large éventail d'orientations psychanalytiques à l'échelle mondiale, avec
leurs propres différences complexes et redondances, donne au conflit une focalisation
variable entre elles. A un point extrème du continuum se situent les orientations
freudiennes et kleiniennes contemporaines, pour lesquelles la notion de conflit reste
un concept clé dans leurs formulations sur le développement et le fonctionnement
psychique. A l'autre point extrème du même continuum, les perspectives de la Self
psychology, une théorie développementale fondée sur les lacunes et
l'accomplissement d'une structure psychique, qui présente un paradigme tout à fait
différent dans lequel, mis à part une référence brève à l'égard des conflits entre
parents et enfants sur les différents besoins relatifs aux objets-soi, le concept de
conflit s'estompe à l'arrière plan.
Le point de vue que l'on adopte par rapport à la notion de conflit reflète l'un de
deux éléments de définition : soit celui du développement théorique de Freud ou celui
des théories psychanalytiques après Freud.

II. LES ETAPES DANS LE DEVELOPPEMENT DE LA THEORIE :


FREUD

Repérer les variations qui ont marqué les conceptualisations que Freud à
formées au sujet du conflit permet de définir plusieurs périodes dans son
développement théorique. La manière particulière qu'utilisent les trois différentes
psychopathologies pour organiser leurs conflits est symptomatique. Les hystériques
transforment leur lutte entre la sexualité et la société par des symptômes physiques, ce
qui génère un conflit entre l'esprit et le corps. Les obsessionnels déplacent leur lutte
entre une idée et son affect par une obsession apparemment anodine. Les patients
paranoïaques projettent leurs expériences incompatibles sur le monde extérieur, ce
qui engendre un conflit entre les mondes internes et externes. Ces moyens particuliers

42
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de résoudre les conflits psychiques de manière inadaptée se sont structurés


progressivement en des stades dans le développement de la théorie.

II A. Le traumatisme et la période cathartique pré-analytique (1893 – 1899)

A cette époque, les conflits entre les affects sont pour Freud associés à des
expériences traumatiques et aux interdits moraux de la société. Ils désignent des
conflits interpersonnels, internes-externes où la notion de forces internes opposées est
en jeu (Freud, 1893 - 1895). En 1899, en comparant les rêves avec les symptômes
hystériques, Freud revient sur sa représentation du conflit de 1894 : « Ce n'est pas
seulement le rêve qui est une réalisation de désir, mais aussi l'accès hystérique. C'est
exact pour le symptôme hystérique et sans doute aussi pour tous les faits névrotiques,
ce que j’avais déjà reconnu dans la folie aigue. Réalité-réalisation d’un désir, telle est
la paire contrastée d’où émane notre psychisme » (Freud, 1899, p. 278). Dans ses
premiers travaux auprès d'hystériques, Freud s'est aperçu que les désirs sexuels
entraient en conflit avec les normes sociales et que la résolution pathologique de ce
conflit se situe dans le symptôme. Les symptômes sont des moyens inadaptés de
résoudre des conflits : « les patients se trouvaient en bonne santé psychique jusqu'au
moment où se produisaient dans leur vie représentative, un évènement, une
représentation, une sensation se présentant à leur Moi, éveillant un affect si pénible
que la personne décida d'oublier la chose, ne sentant pas la force de résoudre par le
travail de pensée la contradiction entre cette représentation inconciliable et son Moi ».
(1894a, p. 47).
Sur la base des expériences de Josef Breuer avec Anna O et des
démonstrations par Charcot de paralysies hystériques post-traumatiques, ainsi que les
travaux de déclenchement expérimental de paralysies hystériques, et leur
renversement par suggestion hypnotique, Freud et Breuer ont supposé (Freud et
Breuer , 1895) que dans le cas de conversion hystérique, des circonstances mentales
spécifiques émergent dans lesquelles l’abréaction des affects traumatiques violents ne
se produit pas, et sont donc transformés en des symptômes physiques. Ces symptômes
se sont transformés par le corps mais n'en sont pas originaires, ils servent à exprimer
de manière symbolique l'évènement qui a déclenché le développement de la condition
hystérique. La voie liée à remémorer l'évènement déclenchant a été interrompu,
dissociée de l'état de conscience éveillée. Freud précise que : « Dans la névrose
traumatique, la maladie n’est pas vraiment déterminée par une passagère blessure du
corps, mais bien par une émotion : la frayeur, par un traumatisme psychique. Nous
avons, de façon analogue, constaté que la cause de la plupart des symptômes
hystériques méritait d’être qualifiée de traumatisme psychique. Tout incident capable
de provoquer des affects pénibles : frayeur, anxiété, honte, peut agir à la façon d’un
choc psychologique et c’est évidemment de la sensibilité du sujet considéré […] que
dépendent les effets du traumatisme. » (Freud and Breuer 1895, pp.5-6).

43
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Les idées et les pulsions illusoires qui rentrent en conflit avec d'autres valeurs
peuvent engendrer des symptômes si elles sont refoulées. C'est en 1894 que Freud a
formulé un premier modèle du conflit par la formation de symptômes de conversion à
l'œuvre dans l'hystérie, dans la névrose obsessionnelle et dans les phobies, qu'il a
résumé par le terme psychonévroses de défense (Freud 1894a, b). En contraste à la
formation du conflit, dans les psychonévroses de défense, Freud considère alors que
les symptômes des névroses elles-mêmes, dont les névroses de l'angoisse et la
neurasthénie (Freud 1894c ; Freud 1898), représentent non pas un fonctionnement
normal des processus mentaux mais une transformation libidinale toxique
occasionnée par une énergie sexuelle mal déchargée. De plus, il comprit clairement
que « Chez les personnes du sexe féminin, de telles représentations inconciliables
croissent le plus souvent sur le terrain de l'expérience de vie et de la sensibilité
sexuelles » (Freud 1894a, p. 47). De plus, Freud relève que ces idées sont liées à des
expériences pendant la petite enfance, ce qui le conduit à induire que ses patients
avaient probablement subi une séduction de la part d'un adulte (Freud 1896, p.203).
Par conséquent, les symptômes hystériques sont des descendants directs des mémoires
opérationnelles de ces expériences, lesquelles réapparaissent rétroactivement et
deviennent pleinement effectives lorsqu'elles sont déclenchées par des évènements
actuels. Il précisa de surcroit que l'effet pathogénique de ces évènements pendant
l'enfance reste actif à condition qu'ils restent inconscients (ibid, 211).
Mais dans sa célèbre lettre adressée à Wilhelm Fliess, en septembre 21, 1897,
il lui confia que : « Je ne crois plus à ma neurotica [théorie des névroses] » (Freud,
1897, p. 259). Car « il n'existe aucun indice de réalité dans l'inconscient de telle sorte
qu'il est impossible de distinguer la vérité et la fiction investie d'affect. » (ibid, p. 260)
a conduit Freud à douter de sa théorie de la séduction. Par l'analyse de ses propres
rêves, Freud a formulé, en date du 15 octobre 1897, un insight crucial : « Il ne m’est
venu à l’esprit qu’une seule idée ayant une valeur générale. J'ai trouvé en moi comme
partout ailleurs des sentiments d'amour envers ma mère et de jalousie envers mon
père, sentiments qui sont, je pense, communs à tous les jeunes enfants, même quand
leur apparition n’est pas aussi précoce que chez les enfants rendus hystériques. […]
Chaque auditeur fut un jour en germe, en imagination, un Œdipe et s'épouvante
devant la réalisation de son rêve transposé dans la réalité, il frémit suivant toute la
mesure du refoulement qui sépare son état infantile de son état actuel. » (ibid, p.
265).
Mais peu après, il présenta de nouveau des cas traumatiques d'abus sexuel et
dans une lettre adressée à Fliess, il proclama, en citant Mignon de Goethe, « un
nouveau motto : Que vous a-t-on fait, pauvre enfant ? » (Freud 1897, p. 289; Goethe
1795/96). Sans jamais abandonner complètement l'étiologie du traumatisme, il hésita
dans les deux sens, bien que malgré tous ses doutes au regard des conséquences
psychiques des séductions traumatiques remémorées, il rejoignit une idée, en 1897,
selon laquelle les « symptômes névrotiques ne se reliaient pas directement à des
événements réels, mais à des fantasmes de désir ; pour la névrose la réalité psychique

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avait plus d'importance que la matérielle. » (Freud 1925, p. 34). Pour lui, le concept
de traumatisme était désormais opposé à l'idée de fantasmes de désir infantiles issus
de la pulsion, enracinés dans le monde ‘intérieur’ et installés dans le conflit entre le
désir inconditionnel et l'interdit. Il s'agit ici du sujet rationnel des Lumières à la
rencontre du moi, propulsée par des désirs inconscients et réagissant vis à vis d'un
environnement duquel il/elle est extrêmement dépendant au début de sa vie.
L'interface de cette dynamique cruciale est le conflit Œdipien engendré par des
pulsions d'amour et de haine envers nos objets primitifs. Il se rappela, en 1925, que
« J'avais rencontré ici, pour la première fois, le complexe d'Œdipe, qui devait par la
suite acquérir une signification dominante, mais que sous un déguisement aussi
fantastique je ne reconnaissais pas encore. » (Freud 1925, p. 34, italiques de l’auteur).
Les conséquences des crises œdipiennes conflictuelles sont fondamentales en ce qui
concerne la dynamique de la vie psychique et ses manifestations.
En ce qui concerne le traumatisme vis-à-vis du conflit, Freud adopta des
positions différentes. Par exemple, dans ses conférences précédentes, à ce sujet, il
précisa « qu'en ce qui concerne l'intensité et le rôle pathogène, il existe, entre les
événements de la vie infantile et ceux de la vie ultérieure, le même rapport de
complément réciproque que celui que nous avons constaté dans les séries
précédemment étudiées. Il est des cas dans lesquels le seul facteur étiologique est
constitué par les événements sexuels de l'enfance, d'origine sûrement traumatique et
dont les effets, pour se manifester, n'exigent pas d'autres conditions que celles offertes
par la constitution sexuelle moyenne et par son immaturité. Mais il est, en revanche,
des cas où l'étiologie de la névrose doit être cherchée uniquement dans des conflits
ultérieurs et où le rôle des impressions infantiles, révélé par l'analyse, apparaît comme
un effet de la régression. Nous avons ainsi les extrêmes de « l'arrêt de
développement » et de la « régression », et entre ces deux extrêmes, tous les degrés de
combinaison de ces deux facteurs. » (Freud, 1916-1917, p. 364). Dans ce texte
rétrospectif des années autour 1925, il fit référence à sa découverte de l'aspect
illusoire des fantasmes de l'enfance : « […] je dus cependant reconnaître que ces
scènes de séduction n'avaient jamais eu lieu, qu'elles n'étaient que des fantasmes
imaginés par mes patients, imposés à eux peut-être par moi-même » (Freud 1925, p.
33). Globalement, la théorie psychanalytique et la théorie de la pathogénèse deviendra
graduellement plus complexe dans les formulations de Freud. C'est ainsi que la notion
de conflit lié au traumatisme, ses causes et conséquences multiples, prendront une
tournure surdéterminée et complémentaire : la notion d'excitations traumatiques fortes
qui, provenant de l'extérieur transperce le bouclier protecteur ou la barrière de
stimulus externe (Freud, 1920) s'est peu à peu effacée en faveur de la définition du
traumatisme comme l’incapacité ou la détresse du Moi face au danger interne ou
externe, réel ou imaginé (Freud, 1926), qui peut avoir lieu à tout moment de la vie et
dont l'immaturité du Moi du sujet l'y prédispose davantage.
Les productions névrosées sont-elles attachées à de vraies expériences
traumatiques ou bien par des fantasmes de désir ? Ces scènes de séduction sont-elles

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authentiques ou bien de nature fictive ? Ces problématiques ont traversé la théorie


psychanalytique entière (Rand & Torok, 1996, 305) et ce sont les cas cliniques de
Freud (Freud 1905b ; 1909a, b ; 1910a ; 1911b ; 1918) qui témoigneront le mieux de
la complexité de leur enchevêtrement. Ilse Grubrich-Simitis (1987, 2000) souligne
qu'il aurait été plus simple pour Freud d'adhérer à sa théorie initiale de la séduction.
L'abus sexuel dans l'environnement familial était connu mais il représentait une
déviance par rapport à la norme. Le modèle du traumatisme aurait souligné la
différence entre la normalité et la pathologie. A contrario, le modèle de la pulsion
témoigne du fait indéniable de sa propre conquête archaïque infantile, du désir de
mort, du caractère inéluctable de sa propre nature instinctuelle [pulsionnelle]. Bien
que tout au long de ses travaux Freud avait affirmé que le traumatisme est un facteur
étiologique crucial, il est possible que cette focalisation sur des facteurs internes
puisse avoir contribué à ce que les discussions théoriques au sujet de concepts
psychanalytiques « aient poussé les causes traumatiques par rapport aux conflits
pulsionnels, ainsi que les fixations libidinales, jusqu'à leurs limites » (Bohleber 2000,
p.80224). Les théories psychanalytiques contemporaines sur le traumatisme prennent
en compte le type et l'intensité du traumatisme, les conditions psychologiques de la
personne avant le traumatisme, la réaction des soignants et l'environnement vis à vis
de la victime de traumatisme.

II B. La théorie topographique et la première théorie de l'angoisse (1900-1920)


Pendant son auto-analyse, Freud vint à considérer de plus en plus les conflits
comme étant internes. Dans sa conceptualisation des conflits internes, il remplaça les
affects par les instincts et affirma que les forces répressives existent également à
l'intérieur. Dans l'ouvrage The Interpretation of Dreams (1900) [L'interprétation des
rêves], ces conflits ont théoriquement lieu entre les structures du conscient et de
l'inconscient. Cette structure interne du conflit psychique est clairement manifeste en
premier lieu dans son ouvrage, L'interprétation des rêves (1900), qui aura
officiellement inauguré la psychanalyse. La théorie du complexe d'Œdipe (Freud,
1900) précise tous les paramètres du conflit au cours du développement (Freud,
1905b), dans le contexte de la propre relation d'objet avec la mère, le père et le couple
parental, ainsi qu'avec les frères et sœurs. C'est là que l'amour et le désir
s'entrechoquent avec des sentiments hostiles et meurtriers, qui tous deux sont en
conflit avec la famille et la réalité sociale. La notion des conflits internes a été
développée et considérée avoir lieu entre les pulsions sexuelles et pulsions du Moi
(d’autoconservation) (Freud, 1910a ; Freud, 1911a ; Freud, 1914 : Freud, 1915a, b, c).
Cette période a été témoin d'une expansion cruciale dans la pensée de Freud
au sujet du conflit. Dans son ouvrage « Formulations sur les deux principes de
l’advenir psychique » (Freud, 1911), il décrit les vicissitudes développementales du
principe du plaisir et du principe de réalité. L'axe sur lequel la distinction se situe
24
Citation traduite pour cette édition (N.d. T)

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entre eux est la relation du sujet par rapport à la douleur. Le principe du plaisir se
comprend mieux comme le principe de haine de la douleur, lequel recherche le plaisir
pour occulter et réduire la douleur. Pour réduire la douleur, l'esprit fantasme ou
hallucine la satisfaction lorsqu'aucune n'existe. Lorsque l'esprit réalise que les
hallucinations ne créent pas de réelles satisfactions, il apprend à concilier la réalité,
même si elle comprend de la douleur :
« C’est seulement le défaut persistant de la satisfaction attendue, la déception
qui a entraîné l’abandon de cette tentative de satisfaction par le moyen de
l’hallucination. A sa place, l’appareil psychique dut se résoudre à se
représenter l’état réel du monde extérieur et à rechercher une modification
réelle. Par là un nouveau principe de l’activité psychique était introduit : ce
qui était représenté, ce n’était plus ce qui était agréable, mais ce qui était réel,
même si cela devait être désagréable. Ce développement du principe de
réalité s'est avéré être une étape capitale. » (Freud, 1911a, p. 219).
L'assertion de Freud selon laquelle l'esprit décide de former une conception de
la réalité sera pour Bion le point de départ de ses théories. L'on rencontre un
changement subtil de terminologie dans cet article, lorsque Freud fait pour la première
fois référence au conflit qui a lieu entre le plaisir et la réalité en tant que principes,
puis les qualifie de différents aspects du Moi. L'accent posé sur le Moi et son clivage
entre deux différentes orientations vis à vis du monde définit le début de ce qu'il vient
à appeler sa ‘psychologie du Moi’, en présage à la théorie structurale de 1923. Ce que
le Moi ne juge pas acceptable, il le refoule, ce qui endommage la capacité de la
conscience à être en contact avec la réalité.
Dans le cas de L'Homme aux rats, Freud (1909a) résume sa
psychopathologie : Tout au long de sa vie.... il fut nul doute victime d'un conflit entre
l'amour et la haine, au regard de sa dame mais aussi de son père. (1909a). Quatre
années plus tard, dans « Totem et Tabou » (1912-13), Freud le qualifiera de conflit
d'ambivalence émotionnelle, lorsqu'il en parle en termes d'interdits tabous :
« Le principal trait caractéristique de la constellation psychologique ainsi fixée
consiste en ce qu'on pourrait appeler l'attitude ambivalente de l'individu à
l'égard d'un objet lui appartenant, à l'égard de l'une de ses propres actions. Il
est toujours tenté d'accomplir cette action - l'attouchement -, mais-il en est
chaque fois retenu par l'horreur qu'elle lui inspire. L'opposition entre les deux
courants n'est pas facile à aplanir, car (et c'est tout ce que nous pouvons dire)
leur localisation dans la vie psychique est telle qu'une rencontre, une collision
entre eux est impossible. » (Freud, 1913, p. 29).
Freud démontre là l'idée que, outre les conflits entre les idées et les affects, il
existe également un conflit au sein des émotions elles-mêmes.
L'idée d'ambivalence émotionnelle présentée ici peut être considérée avoir lieu
dans un contexte de relation d'objet rudimentaire, laquelle représente cette période de

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la pensée de Freud. C'est à cette époque que sa pensée se tourne à l'élaboration de son
concept de narcissisme (Freud, 1914), l'un des points de départ de nombreuses
théories de la relation à l'objet. Le conflit dans ce cas prend la forme d'une lutte entre
l'investissement du Moi par rapport à l'investissement de l'objet, ou bien comme il le
décrit, entre le narcissisme et le choix d'objet. Cette question devint particulièrement
importante dans le travail de Freud sur la perte, l'identification et l'élaboration
ultérieure des conflits du Moi dans « Deuil et mélancolie » (Freud, 1917).
Freud remarque que l'esprit ne peut supporter la perte d'une chose précieuse et
nécessaire, par conséquent lorsqu'il y a perte dans le monde externe, cet objet est
incorporé en fantasme afin que l'objet puisse désormais exister dans le monder
interne : une façon de nier son absence dans le monde externe. Il précise que : « Le
conflit dans le moi, contre lequel la mélancolie a échangé le combat pour l’objet, agit
nécessairement comme une blessure douloureuse. » (Freud, 1917, p. 258). D'un autre
point de vue, cela pourrait s'expliquer comme une lutte pour intégrer l'absence, ce qui
deviendra plus tard une dimension importante dans la pensée de Lacan.
La période suivante dans sa pensée sur la théorie topographique débute avec
« Au-delà du principe de plaisir » (1920). Ainsi la pulsion d'agression a été ajoutée à
la pulsion sexuelle, la conception du conflit devient une pulsion instinctive vs.
défense/refoulement (Freud, 1920). Les défenses de types différents étaient associées
à des différents stades du développement de la personnalité. L'angoisse était toujours
considérée provenir du refoulement (première théorie de l'angoisse). Généralement, le
terme refoulement était alors utilisé comme synonyme à la notion de défense.
Dans « Au-delà du principe de plaisir » Freud (1920) propose la notion de
conflit primaire de l'esprit, qu'il situe entre la vie et la mort, sous forme d'instincts qui
cherchent à renouveler la vie et d'instincts qui cherchent à répéter les traumatismes,
un conflit entre l'élan vers un degré supérieur et le retour à la matière inorganique. Sur
la question des détours développementaux que sa théorie des instincts a connus au fil
des années, Freud souligne clairement sa perspective fondamentale sur le conflit :
« Notre conception était dualiste dès le début … » (p. 53). Sur ce point, pour Freud, le
développement de l'esprit est la conséquence du conflit. Lorsqu'il fait référence à la
tendance, inhérente à l’homme, « à la perfection » il explicite que « S'ajoutant aux
effets du refoulement, ces efforts [d’Eros, tendant à réunir les unités organiques]
seraient peut-être de nature à nous fournir une explication des phénomènes qu'on se
plaît généralement à attribuer à la tendance en question.» (Freud, 1920, p. 43). Le
conflit entre Eros et le refoulement d'Eros engendre le désir de perfectionnement
lequel augmente la capacité de sublimation, ce que Freud avait déjà souligné dans son
article sur Léonard de Vinci (Freud, 1910), lequel a inauguré la psychanalyse
appliquée.
Freud est revenu sur cette vision vers la fin de sa vie, et en a amplifié
l'importance. Il considère ensuite que la notion de conflit, qui se situe entre les
instincts de vie et de mort, est fondamentale pour conceptualiser l'ensemble du

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comportement et de la pensée humaine. « […] seule l’action conjointe et antagoniste


des deux pulsions originaires, Eros et pulsion de mort, explique la bigarrure des
manifestations de la vie […] » (Freud, 1937, p. 243).

II C. La théorie structurale (seconde théorie topographique) (1923 – 1937)


Le stade suivant du développement de la théorie, plus connue sous le nom de
théorie structurale (également connue en dehors de l'Amérique du nord sous les noms
de Seconde théorie topographique ou Deuxième topique), présentée en 1923, était un
exposé de la structure tripartite de la personnalité : Le Ça, le Moi et le Surmoi (Freud,
1923). Cette période de la théorie de Freud a lancé l'idée du conflit en positionnant le
Moi dans un jeu d'échec tridimensionnel. Dans « Le Moi et le Ça » Freud (1923a) a
intégré toutes ses idées sur le conflit en un unique système de grande complexité. Car
le Moi doit se confronter à plusieurs relations conflictuelles. En premier lieu, il doit
lutter avec ses conflits par rapport aux pulsions du Ça, lesquelles entrent en conflit
avec les pulsions de vie et de mort. En second lieu, le Moi doit piloter le conflit entre
ces pulsions et le monde externe. Et enfin le Moi, par son identification aux objets, se
créée une autre catégorie que Freud a nommé le Surmoi, pour y accueillir les objets
désormais internalisés. Ainsi le Moi a également produit un autre conflit entre lui-
même et le Surmoi. La nature complexe de l'implication du Surmoi dans le conflit est
présagée comme une autre catégorie du moi, l'idéal du Moi (Freud, 1921), et par son
développement au statut d'héritier du conflit œdipien (1924b).
La théorie du signal d'angoisse (la seconde théorie de l'angoisse), où la notion
de conflits structurels s'est affichée au grand jour, est apparue peu après (Freud,
1926). Les mécanismes de défense sont définis et localisés dans la partie inconsciente
du moi. Au-delà du refoulement déjà définit, la formation réactionnelle, la régression,
l'identification et la projection et le concept de désaveu ont graduellement occupé une
place prépondérante (Freud 1923b, 1924b). Le refoulement n'est certes qu'une des
défenses. L'angoisse est devenue la force motrice de la défense et non pas sa
conséquence. Les symptômes liés à la psychonévrose sont considérés comme des
formations de compromis émanant des conflits entre les pulsions et les défenses, avec
la participation des interdits moraux internalisées (surmoi) et des pressions externes
ressenties. Le conflit structural de cette époque est parfois appelé le conflit inter-
systémique, pour le distinguer des conflits intrasystémiques du moi, de Hartmann.
Du point de vue développemental, « les causes du refoulement étaient
désormais considérées provenir d'une succession de peurs, très convaincantes pour
l'enfant, liées à la désapprobation parentale et à la punition, lesquelles deviennent
internalisées et subsumées pendant son développement, sous l'influence de cette
fonction morale connue sous l'appellation de Surmoi, lui-même actif dans un mode

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pour la plupart inconscient25 » (Abend, 2007, p. 1420). Dans la théorie structurale, le


Surmoi devient l'héritier du complexe d'Œdipe.
Dans cette phase de développement de la théorie, l'action clinique se focalise
sur le Moi. Tout en restant ferme sur le conflit intrapsychique, Freud précise que :
« L’analyse doit instaurer les conditions psychologiques les plus favorables aux
fonctions du Moi ; cela fait, sa tâche sera menée à bien. » (Freud, 1937a, p. 250).
L'objectif est de modifier le Moi de l'analysant afin qu'il puisse mieux gérer les
attentes instinctuelles qui cherchent à s'exprimer et à être réalisées. La méthodologie
concernée par la réalisation de l'insight par le biais de la construction (Freud, 1937b)
et de la reconstruction interprétative se précise davantage. Les rôles multiples du Moi
comme initiateur de défenses, décideur et exécuteur d'actions et de synthèse
d'éléments conflictuels dans la vie psychique et comme évaluateur et négociateur des
conditions de l'environnement, ont situé le Moi au centre de l'intérêt analytique « au
point que la phase suivante de la théorie psychanalytique freudienne se fit connaitre
par le terme psychologie du Moi26 » (Abend, 2007, p. 1420).

III. LES DEVELOPPEMENTS POST FREUDIENS EN EUROPE ET


EN AMERIQUE DU NORD

Les théories psychanalytiques post freudiennes sont définies par la


conceptualisation du conflit. Deux trajectoires, qui ont dévié du travail de Freud, sont
rentrées en conflit en Grande Bretagne et éventuellement aux Etats-Unis : la
psychologie du Moi et les relations d'objet. Ce fut un conflit théorique fertile en
psychanalyse qui a inspiré de nombreux développements fondateurs dans le monde
entier.

III A. Le rôle du conflit dans le développement : Les déficits développementaux


et la psychose
Le débat ‘conflit vs. traumatisme’ s'est développé sur le modèle de déficit
structurel. Ici, les hypothèses sur la pathogénique ne font pas le postulat de conflits
mobilisés par l'activation pulsionnelle : elles travaillent davantage sur l'idée d'un Moi
à priori affaibli (en raison d'influences environnementales traumatiques ou d'une
prédisposition). Des termes connexes, tels que le « défaut fondamental » (Balint
1968), les « troubles précoces de la personnalité » et les « perturbations structurelles
du moi » (Fürstenau 1977). Les partisans de l'hypothèse de l'existence du déficit,

25
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
26
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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fondée sur la supposition d'évènements traumatiques sévères ayant lieu lors de la


petite enfance (dont certains ne sont pas évidents et bien plus souvent occasionnés par
des déficits provenant des figures parentales) stipulent qu'à la suite de l'apparition de
la psychose, le traumatisme remplit la fonction de déficit. Cela implique que les
patients sont soumis à des évènements, qu'ils sont victimes de leurs circonstances et
qu'ils n'ont pas eu eux-mêmes les capacités nécessaires à influer ces processus. En
conséquence, l'objectif du traitement vise à la substitution et à l'influence psycho-
éducationnelle.
En faisant opposition à cette conceptualisation du conflit développemental,
d'autres considérations présupposent que même les processus psychotiques sont
provoqués par des conflits intrapsychiques. Les dilemmes internes fondamentaux,
bien au-delà du conflit névrotique, qui ont lieu entre deux tendances mutuellement
exclusives, engendrent des processus de clivage, de dé-symbolisation et d'action
concrète. Dans nombreux de ces cas, des traumatismes vécus dans la petite enfance
sont signalés (Kapfhammer 2012a, 2012b). Le modèle du conflit ne considère pas que
le traumatisme en lui-même soit la cause des psychoses, mais il entend que le
fonctionnement psychotique est l'aboutissement d'un processus, dans lequel l'appareil
psychique tend à trouver une solution, en recourant au clivage psychique excessif,
pour traiter les incompatibilités internes menaçantes pour la survie, qui ont été
engendrées par des évènements traumatiques. Par conséquent, les moyens de façonner
activement le développement du symptôme sont attribués au patient par le biais des
processus du traitement psychanalytique et l'immersion dans un langage et dans une
réalité partagés pendant ce processus, en support à la ré-symbolisation et à
l'intégration de ce qui était antérieurement impensable.
Au début, la psychanalyse était une théorie du conflit psychique, un aspect
universel et constant de la condition humaine et en quelque sorte moteur pour le
développement psychique. Conçue comme principale focalisation d'un domaine
destiné à déraciner et résoudre les conflits inconscients, ce concept nucléaire, qui fut
pris comme une évidence, est devenu implicite dans une perspective psychanalytique
au point de ne pas nécessiter quelqu'une définition spécifique. En raison de
l'approfondissement des recherches dans le monde psychique et du développement
ultérieur de nouveaux moyens de comprendre la vie psychique inconsciente, le rôle du
conflit dans la dynamique psychique a été amoindri : bien que le conflit soit toujours
une préoccupation majeure en psychanalyse, la focalisation s'est déplacée sur d'autres
problématiques pour prendre en compte les différents modèles théoriques et cliniques.
L'intérêt de la théorie et de la pratique psychanalytique s'est développé au-delà de la
théorie du conflit, suite aux changements importants qui ont eu lieu dans la vision du
rôle du conflit, d'après la proposition de Hartmann et l'idée de la « sphère du Moi
libre de tout conflit » (Hartmann 1939), au milieu du vingtième siècle. Ce qui a le
plus influencé son rôle mineur dans la compréhension de la psychopathologie et de la
continuité du traitement analytique, a été l'accent posé sur les étapes pré-conflictuelles

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du développement et sur les facteurs relationnels concernés pour déclencher le


changement.
Mais un tel changement de focalisation n'a pas impliqué toutes les écoles
psychanalytiques de la même manière. Si nous faisons la supposition quelque peu
schématique et simplifiée que les nombreux modèles cliniques et théoriques
psychanalytiques se sont développés autour de quatre problématiques principales,
(pulsion, Moi, le self et les relations d'objet), nous pouvons faire le portrait du rôle
que le conflit joue dans chacun d'eux. Du point de vue de la pulsion, l'individu est
considéré par rapport aux vicissitudes pulsionnelles, qui prennent la forme de désirs
incarnés par des fantasmes conscients et inconscients, souvent vécus comme étant
inacceptables et dangereux. Par conséquent, la vie psychique serait organisée autour
du conflit et de sa résolution. Elle est ainsi signifiée par l'angoisse, la culpabilité, la
honte, l'inhibition, la formation du symptôme et par des traits de personnalité
pathologiques. Le point focal se situe sur le désir et la pulsion et les défenses à leur
encontre.
Du point de vue du Moi, l'individu est considéré par rapport à ses capacités
d'adaptation, sa perception de la réalité et ses mécanismes de défense. Du point de vue
développemental, les capacités d'adaptation, l'épreuve de réalité et les mécanismes de
défense se développent avec le temps par la dynamique pulsion-conflit. Du point de
vue de l'expérience de soi [self-experience], le sujet s'entend en termes de son état
subjectif progressif, particulièrement autour de problématiques telles que les limites,
la différenciation de soi par rapport à l'autre, le sens d’un Moi distinct, l'estime de soi,
le degré d’intégrité/fragmentation, de continuité/discontinuité. Ici, le conflit n'a pas
autant d'importance dans l'organisation de la structure psychique. Du point de vue de
la relation d'objet, le sujet se comprend en termes des images internes fondées par les
expériences de l'enfance, c'est à dire en termes d'objets qui entrent en jeu dans toute
nouvelle expérience. Dans ces approches, le conflit concerne le monde intrapsychique
autant que interpsychique et interpersonnel du sujet.
La validité du conflit vs. déficit reste controversée pendant les dernières
décennies du 20ème siècle. Les racines de cette controverse proviennent d'une
interprétation spécifique des concepts de Hartmann sur l'autonomie du Moi et la
sphère du Moi libre de conflit. Le point de vue que la théorie du conflit pose sur cette
controverse, que Blum (1985) et Murray (1995) explicitent, affirme que tout au long
du développement, le Moi utilise des mécanismes de défense qui représentent des
outils puissants, protecteurs et adaptatifs en réaction via à vis des dangers externes,
internes, réels ou imaginés. L'usage excessif des mécanismes de défense peut nuire
aux fonctions non défensives de la personnalité. Ainsi, les défenses peuvent perturber
le développement de la personnalité, donnant lieu à des restrictions et des altérations
pathologiques du moi. Cependant, le développement se déroule avec, ou sans,
expériences relationnelles traumatiques. Le postulat de Freud, selon lequel le Moi
s'ajuste aux conditions traumatiques externes, peut réapparaître temporairement lors
d'un conflit intrasystémique du Moi spécifique. Le conflit se situe entre les fonctions

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défensives et non-défensives du Moi (Papiasvili, 1995). Le contenu du conflit


intrapsychique scanné, dévoilé et analysé par la méthode psychanalytique est
concerné par les problématiques prégénitales jusqu'aux post-Œdipales. Grâce à la
connaissance clinique accumulée pendant des années, tous les stades
développementaux sont considérés présents et opérationnels dans tous les cas. La
pathologie de la représentation de soi est également impliquée de différentes
manières. Axel Hoffer (1985) a proposé une description de l'activité conflictuelle
spécifique autour du déficit dans le cadre de son concept de conflits d'autoprotection.
Ce concept dépeint des conflits intrapsychiques spécifiques qui se développent au
cours d'efforts investis à cacher des 'déficits du moi' et l'indigence farouche qui les
accompagnent souvent. « Des sentiments de honte et de mépris envers soi sont non
seulement associés au 'déficit' ressenti lui-même mais aussi aux efforts désespérés,
souvent rancuniers, d'en obtenir une compensation27... » (Hoffer, 1985, p. 773).
De nombreux théoriciens contemporains d'orientations diverses considèrent le
développement et la psychopathologie au travers d'un objectif à perspectives
multiples, dont le conflit et le déficit. Certaines théories privilégient le modèle du
déficit, par exemple la 'self-psychology' fait le postulat que les déficits de soi
proviennent d'une parentalité insuffisamment empathique et considère que la
compréhension empathique de l'analyste, à part l'interprétation du conflit, est le
composant central de l'action thérapeutique (Kohut, 1984). D'autres encore, comme
les écoles relationnelles et interpersonnelles, ont déplacé le point focal du déficit
interne et du conflit (Auchincloss and Samberg, 2012), en soulignant que le domaine
intrapsychique se forge dans une relation avec autrui dans un contexte culturel plus
large (Ingram, 1985).
Les éditeurs de la récente publication de l'association psychanalytique
américaine, Psychoanalytic Terms and Concepts [Les termes et concepts
psychanalytiques], Auchincloss & Samberg, 2012) examinent la meilleure
reconnaissance, dans les perspectives psychanalytiques contemporaines, de
l'importance des problématiques développementales en relation aux conflits.
Les conflits proviennent, dans le développement, d'une réaction à une
séquence de menaces inconscientes spécifiques à une phase du développement,
qualifiée de situation de danger interne. Dans le développement normal de la petite
enfance, les conflits préœdipiens surviennent entre l'enfant et son environnement,
entre des désirs opposés et des sentiments, et entre les précurseurs du surmoi et les
pulsions. Une menace vis-à-vis de l'enfant dans les conflits préœdipiens représente un
danger fantasmé de la perte de l'objet et de la perte de l'amour de l'objet. Les conflits
œdipiens, de grande complexité, démontrent la capacité de l'enfant par rapport aux
relations d'objet triadiques, ainsi que d'autres aspects de la maturation du Moi et de
son développement. Pendant l'étape œdipienne, la menace vis-à-vis de l'enfant
concerne le danger du fantasme d'être battu (complexe de castration). Ensuite, par le

27
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

53
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biais des processus d'internalisation et d'identification, les forces répressives, qui


étaient à l'origine associées au control parental, sont devenues des forces dans la
psyché propre à l'enfant. Un tel processus est évident dans la formation du Surmoi,
qui est un jalon développemental réalisé par la résolution du complexe d'Œdipe. Une
menace vis-à-vis de l'enfant à ce stade serait la condamnation interne du Surmoi. Bien
que certains conflits puissent se résoudre lors du développement, d'autres ont lieu tout
au long de la vie, qui peuvent engendrer des degrés différents de psychopathologie.
Comment le conflit se manifeste varie selon les niveaux de développement, la
psychopathologie et les facteurs culturels. Les psychanalystes de l'enfance considèrent
aussi que le conflit développemental est normal, prévisible et généralement transitoire
(Tyson & Tyson, 1990). Ces conflits proviennent des forces maturationnelles
normatives spécifiques et propres à la phase, que l'enfant traverse et qui le met en
conflit par rapport à son environnement. Lorsque l'internalisation de la demande
externe a eu lieu, ce conflit développemental spécifique se résorbe pour laisser la
place à une autre étape de structuration et du développement de la personnalité (ibid,
pp. 42-43).

III. B. Les perspectives psychologiques du Moi


Les modèles psychanalytiques qui donnent davantage de poids au conflit sont
ceux qui soulignent le rôle du Moi et des pulsions, comme la théorie « classique » et
la psychologie du Moi. Le conflit a reçu davantage d'importance de la part de
l'héritière contemporaine de la psychologie du Moi, appelée la théorie moderne du
conflit. Les théoriciens de la théorie moderne du conflit partent de la théorie
structurale de Freud, afin de se focaliser sur la formation de compromis, entre les
dérivés pulsionnels, les angoisses, les défenses et la pression du Surmoi. Le
compromis est la conséquence du conflit. Les compromis, comme les conflits, sont
partout, puisque chaque aspect de la psyché est conçu pour se structurer autour de la
formation de compromis : c'est à dire autour du conflit. Pour les théoriciens de la
théorie moderne du conflit, le développement psychique est considéré davantage
comme une séquence de formations de compromis plutôt que par la structure tripartite
classique de Freud (le Ça, le Moi et le Surmoi). L'objectif de la cure psychanalytique
est d'aider le patient à reconnaitre ses conflits inconscients et de comprendre, par
l'insight, la manière dont il se défend contre les dérivés pulsionnels, fondés sur les
craintes inconscientes qui proviennent de l'enfance. La tâche de l'analyste est de
structurer une situation psychanalytique qui facilite l'émergence du conflit inconscient
et des défenses, de manière la plus claire possible, et d'interpréter ce contenu
inconscient au patient, afin de l'aider à effectuer des formations de compromis plus
adaptées (Abend 2005, 2007; Arlow 1963; Brenner 1982, 2002; Druck et al 2011;
Ellman et al 1998).
A l'origine, la psychologie du Moi était d'avantage associée à Anna Freud,
Heinz Hartmann, et ses collaborateurs Ernst Kris, David Rapaport, Erik Erikson et

54
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Rudolf Lowenstein. De nombreux autres ont effectué d'importantes contributions


d'impact technique et d'influence sur les théories postérieures. Parmi eux l'on peut
nommer R. Waelder, O. Fenichel, E. Jacobson, M. Mahler, H. Nunberg, J. Arlow, C.
Brenner, L. Rangell, H. Blum et bien d'autres. L'un des psychologues du Moi qui a
porté un intérêt indéfectible au conflit, Jacob Arlow (1987), reformula les propos
d'Anna Freud, Ernst Kris (1950) et Heinz Hartmann (1939), en précisant que : « L'on
peut définir la psychanalyse comme une vision de la nature humaine du point de vue
du conflit » (p.70). Dans son ouvrage critique sur la psychologie du Moi et la théorie
structurale contemporaine, Blum (1998) soulignait que la psychologie du Moi était
« une appellation inappropriée pour une théorie structurale, et par conséquent, qu'une
‘psychologie du Moi’ littérale et intrinsèque n'existe pas... » (Blum, 1998, p. 31).
Réagissant contre la psychologie du Ça, la psychologie du Moi mit l'accent sur la
surface psychique en tant qu'élément dérivatif, et indicatif, des conflits inconscients
plus profonds. C'est alors qu'un renouveau d'intérêt s'est également développé au sujet
du préconscient et du contenu manifeste des fantasmes, rêves et souvenirs-écran.
L'interprétation était considérée comme un processus organisé de manière
séquentielle. La séquence interprétative, effectuée depuis la surface jusqu'aux
profondeurs, et ‘les défenses avant les contenus’ qui mettent en évidence les
composants de résistance des communications des patients, ont permis une analyse
progressive prolongée après la seconde guerre mondiale. Les bases théoriques
proviennent de la théorie structurale, qui considérait l'appareil psychique du point de
vue du conflit entre le Ça, le Moi et le Surmoi, où le Moi arbitre entre les deux
instances et la réalité, et intègre progressivement des considérations adaptatives,
développementales et génétiques.

III Ba. Anna Freud


Anna Freud développa les processus de défense dans la genèse du conflit. En
1926 le conflit avait clairement deux dimensions, le contenu défendu et les processus
de défense, mais Freud s'était davantage concentré sur le contenu défendu. Dans son
ouvrage fondateur, Le Moi et les mécanismes de défense, Anna Freud a élevé la
notion de processus de défense à un statut de même niveau que celui du contenu
défendu dans la genèse du conflit (Freud, A, 1936).

III Bb. Hartmann, Kris, Rapaport et Erikson


Bien que Hartman (1939, 1950) ait rédigé principalement sur les problèmes
d'adaptation et sur la psychanalyse en termes de psychologie générale, il a également
introduit les concepts d'autonomie primaire et secondaire, ainsi que les sphères du
Moi (relativement) libres de conflit, ainsi que le conflit intrasystémique du Moi, entre
les fonctions différentes du Moi. De concert avec Kris, Rapaport et Erikson,
Hartmann a développé les fonctions plus élargies du Moi, dont le fonctionnement

55
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synthétique et intégratif du Moi, la neutralisation, la sublimation et le développement


de l'identité du Moi (Erikson, 1956) etc.
L'étude approfondie du Ça que Freud avait réalisée était désormais
accompagnée de connaissances plus amples sur le Moi. Ces pionniers de la première
heure ont considéré le Moi comme un aspect du contexte plus large de la psyché.
Leurs écrits reflètent une idée d'équilibre entre toutes les forces qui proviennent de la
psyché humaine ou qui l'affecte. Le point de vue de l'analyste, avec le concours du
Moi du patient, doit être équidistant entre les trois instances psychiques et le monde
externe. Bien que la méthode psychanalytique représentait toujours le traitement du
conflit, (Freud, A. 1936; Kris, 1947; Hartmann, 1950), la théorie psychanalytique en
qualité de théorie générale, sans pour autant minimiser l'importance du conflit,
incorporait désormais le comportement autour du conflit, mais aussi indépendant de
celui-ci. Hartmann (1950) a souligné que l'autonomie primaire pouvait devenir
impliquée dans la formation du conflit et que l'autonomie secondaire pouvait survenir
à partir du conflit et être de nouveau chargée de conflit.
Néanmoins, pour certains des psychologues du Moi qui ont suivi (Blanck,
1966; Blanck and Blanck, 1972), le concept de la sphère du Moi libre de conflit et
l'autonomie du Moi semblaient indiquer que le Moi était indépendant d'autres
instances psychiques. Cette interprétation spécifique des concepts de Hartman, que
sont l'autonomie du Moi et la sphère du Moi libre de conflit a également contribué au
développement d'une tendance à adopter d'autres orientations qui limitent les conflits,
telles que la self-psychology, une théorie psychanalytique développementale qui met
l'accent sur le rôle du déficit plutôt que sur le conflit.

III Bc. Brenner, Arlow et Rangell : La théorie moderne du conflit et la théorie


contemporaine structurelle 28
Brenner et Arlow ont élargi la notion de formation psychique de Freud, qui
survient des conflits entre les structures psychiques : le Ça, le Moi et le Surmoi. Ils
font le postulat que presque toutes les conséquences psychiques, telles que les rêves,
les symptômes, les fantasmes, la personnalité et les associations libres proviennent du
conflit. Selon Brenner, même le Surmoi est une formation de compromis, ou un
faisceau de formations de compromis. Dans les propres mots de Brenner : « Tout dans
la vie psychique... est une formation de compromis... une combinaison de la
gratification des dérivés pulsionnels... du déplaisir sous forme d'angoisse et d'affects
dépressifs... de défenses qui fonctionnent pour minimiser le déplaisir et du
fonctionnement du Surmoi... Nul doute qu'aucune pensée, aucune action, aucune
intention, aucun fantasme, ni rêve ou symptôme n'est jamais simplement l'un ou

28
(Modern Conflict Theory and Contemporary Structural Theory)

56
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l'autre. Chaque comportement, sentiment ou pensée est déterminé, de multiple


manière, par tout cela29... » (in: Richards, Willick, 1986, pp. 39-40).
Cette approche complexe comporte un impact sur ce que le psychanalyste
entend :
« L'on n'écoute plus le patient pour répondre à la question : Ceci relève-t-il de
l’accomplissement de désir, des défenses ou du Surmoi ? Nous savons à
l'avance que la réponse est oui pour tous les trois, dans tous les cas. Nous
apprenons à poser à la place les questions suivantes : Quels désirs originaires
de l'enfance sont-ils gratifiés ?... Quel déplaisir (angoisse ou affect dépressif)
suscitent-ils ? Quel en est l'aspect défensif ? Quel en est l'aspect du Surmoi ? »
(Brenner, dans : Richards, Willick, 1986, p. 40).
Sur la base du principe de surdéterminisme de Freud et du principe de fonction
multiple du Moi de Waelder, Rangell renouvelle la version contemporaine, en phase
avec les notions plus larges de la formation des conflits et des compromis de Brenner
et Arlow, par le principe d'interchangeabilité des faits psychiques : Les faits
psychiques sont impliqués dans des interactions conflictuelles entre eux and sont
synthétisés de manière surdéterminée dans de nouveaux faits psychiques qui, en
second lieu, participent aux activités conflictuelles. Le dynamisme complémentaire à
la synthèse est l'analyse : disséquer les conséquences psychiques jusqu'à leurs parties
composantes tout en repérant les voies qui mènent à la racine du conflit. Dans la vie,
les composants des conflits se fusionnent en une conséquence psychique, qui est
souvent l'agrégat d'un état cognito-émotionnel contenant des symptômes primaires et
secondaires superposés à l'organisation de la personnalité développée jusqu'alors
(Rangell, 1983; Papiasvili, 1995). Les aspects créatifs et intégratifs de l'analyse des
défenses sont formulés ainsi par Rangell : « La voie qui s'ouvre à une intégration
saine en analyse est la différenciation et la réintégration, par la dé-stratification des
agrégats cliniques et leur resynthèse en des ensembles adaptatifs stables... » (Rangell
1983, pp.16130 ) Cette approche est déployée davantage et affinée par Gray (1994)
dans son analyse des processus du fonctionnement défensif du transfert, ou ‘close
process monitoring’.
Rangell (1963, 1967, 1985) a remis en cause la question des déclencheurs de
défenses, dans des séquences de conflits, que seraient soit les signaux d'angoisse ou
les affects. Il étudia les processus microscopiques avant, pendant et après le
déclenchement des défenses, précédant toute conséquence psychique, et pu conclure
que quelle que soit la nature d'un affect déplaisant qui participerait à un conflit, le
signal immédiat qui émerge pour la défense est l'angoisse. Rangel décrit là un
processus intrapsychique, une séquence cognitivo-affective inconsciente d’impulsion-
angoisse-défense-conséquences psychiques, tout en réaffirmant que l'angoisse

29
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
30
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

57
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continue d'être un déclencheur et la cause des défenses à l'origine des autres états de
déplaisir. L'angoisse concerne le déplaisir qui submerge le Moi. Rangell présume que
la prise d'une décision inconsciente fonctionne dans le Moi et façonne éventuellement
la conséquence psychique spécifique. Par l'interaction entre le Moi et les
représentations d'objet, des actions d’essai intrapsychiques, qui relèvent d'un conflit
de choix intrasystémique du Moi, interviennent. Les objets sont évalués en vue d'une
décharge intentionnelle. Le Moi est évalué en vue d'un sentiment d'angoisse qui
signale le danger, la sécurité ou la maîtrise.
Cette activité omniprésente à l'arrière-plan que Rangell (1963) considère
comme une séquence perpétuelle de conflits microscopiques et d'actions d’essai
internes, peuvent s'étudier du point de vue du fantasme inconscient. Arlow donne au
fantasme inconscient et à la fonction du fantasme inconscient une place centrale en ce
qui concerne l'exploration du conflit intrapsychique. Alors que Freud considérait le
fantasme inconscient comme étant dérivé du désir inconscient, Arlow le voit comme
une formation de compromis contenant tous les composants du conflit structurel.
Autant Rangell met l'accent sur la nature perpétuellement omniprésente des processus
microscopiques de conflits et d'actions d’essai, Arlow (1969) souligne l'influence
persistante des fantasmes inconscients sur tout aspect du fonctionnement humain,
dont dans les domaines relativement libres de conflits. Du point de vue d'Arlow, le
fantasme inconscient apporte une base mentale qui organise la perception et le
fonctionnement cognitif en général.
En ce qui concerne la conceptualisation de l'action thérapeutique que donnent les
auteurs de la théorie moderne du conflit, Abend (2007) quant à lui, attire l'attention
sur les ensembles d'attitudes transférentielles qui correspondent aux fantasmes
inconscients qui se concentrent spécifiquement sur le cadre et le processus
psychanalytiques. Le ‘close process monitoring’ de Gray, c'est-à-dire l'observation
affinée des processus du fonctionnement défensif du flux verbal de chaque séance, se
concentre sur l'analyse du transfert concernant les potentielles réactions de jugement
de la part de l'analyste, dans le cadre du paradigme de la théorie du conflit.
Les études de suivi réalisées sur les psychanalyses terminées corroborent les
perspectives contemporaines qui affirment que les conflits ne sont jamais
complètement résolus. Même après l'analyse, les conflits restent des éléments actifs et
accessibles dans la psyché d'un individu. Ce qui change est la capacité individuelle de
réagir de manière plus adaptée à la stimulation d'un conflit (Papiasvili, 1995; Abend,
1998).

III Bd. La théorie de la relation d'objet et le conflit dans la théorie structurale :


Dorpat et Kernberg
Theodore Dorpat (1976) a proposé le terme ‘conflit dans la relation d'objet’
[‘Object Relations Conflict’], pour décrire un type de conflit interne dans une

58
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structure psychique moins différenciée et antécédente à la différentiation du Ça-Moi-


Surmoi. Le conflit dans la relation d'objet selon Dorpat concerne l'expérience
d'opposition que vit un individu entre ses propres désirs et ses propres représentations
internalisées des désirs d'une autre personne. Par exemple, « Je voudrais faire cela,
mais cela fera mal à ma mère. » En citant les déficits du Moi et/ou du Surmoi (Gedo
and Goldberg, 1973), ainsi que la formation d'un stade inférieur du Surmoi (Sandler,
1960), Dorpat revendique la nécessité d'un modèle hiérarchique de l'esprit pour
comprendre de manière globale le conflit psychique. Sur un niveau supérieur de
différentiation interne, cela concerne le modèle tripartite et sur un niveau inférieur, un
modèle de relations d'objet, ou le Surmoi n'est pas totalement vécu comme un agent
interne : le sentiment de ‘culpabilité de séparation’, qui est générée par une séparation
incomplète entre le Moi et l'objet et où le processus de représentation n'est pas
complètement internalisé. Depuis que Dorpat a parlé de la « mère dans ma tête » et
non d'une interaction véritable avec sa mère, le conflit ne pouvait être classé dans les
conflits externes ou externalisés.
Lorsque les relations d'objet prirent un intérêt plus central, il y eut d'autres
efforts originaux visant à intégrer la psychologie du Moi/théorie structurelle et les
relations d'objet, avec des implications pour la théorie de la technique. Une de ces
intégrations d'influence en Amérique du nord a été celle d'Otto Kernberg. Sa synthèse
développée depuis les trente dernières années s'applique particulièrement au
développement préœdipien et aux pathologies des troubles de la personnalité à large
spectre, où les conflits intrapsychiques inconscients ne sont pas uniquement des
conflits entre les impulsions et les défenses. Kernberg (1983; 2015) précise que les
conflits préœdipiens ont lieu entre deux unités ou ensembles de relations d'objet
internalisés entièrement bonnes - entièrement mauvaises [« all good – all bad »].
Chacune de ces unités consiste en des représentations d'objet et de soi sous l'impact
d'un dérivatif pulsionnel, qui émerge cliniquement sous forme de disposition
affective. Les impulsions autant que les défenses s'expriment au travers d'une relation
d'objet internalisée imprégnée d’affect.
Tout en faisant référence à Fairbairn (1954), Klein (1952), Jacobson (1964) et
Mahler (Mahler, Pine et Bergman, 1975), Kernberg postule que l'internalisation de
relations significatives entre le soi et les autres sont des pierres d'assise fondamentales
sous forme d'unités dyadiques de représentations de soi et de l'objet, reliées par
l'affect dans lesquelles elles sont vécues, et qui constituent les infrastructures de base
de l'esprit. La consolidation et l'intégration progressive de ces unités dyadiques en des
structures supra-ordonnées plus complexes conduisent au développement de la
structure tripartite du Ça, du Moi et du Surmoi. Les dyades internalisées
fondamentales de représentation de soi/de l’objet sont considérées comme étant
intégrées dans des états affectifs intenses, aussi bien positifs que négatifs, qui
déterminent respectivement des structures « entièrement bonnes » et « entièrement
mauvaises », « idéalisées » et « persécutoires ».

59
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La théorie psychanalytique des relations d'objet, dans le cadre de la théorie


structurale, implique deux niveaux de développement fondamentaux.
Au premier niveau, la structure psychique duale est construite, dominée par
des états d'affect intenses. D'une part, une structure psychique est constituée par des
représentations de soi idéalisées relatives à un autre idéalisé (l'enfant et la mère) sous
la dominance d'états affectifs affiliatifs forts et positifs et, d'autre part, par un
ensemble de relations dyadiques opposées qui se forment sous la dominance d'affects
fortement négatifs, répulsifs et douloureux, constitués par une représentation
frustrante ou agressive de l'autre, associée à une représentation de soi frustrée,
enragée ou douloureuse. Ce concept d'internalisation de relations d'objets entièrement
bonnes, et par ailleurs et de manière tout à fait distincte, de relations d’objets
entièrement mauvaises, donne lieu à une structure psychique caractérisée par des
mécanismes dissociatifs primitifs ou de « clivage ». En contraste à ces
développements précoces dans des conditions d'états d'affects intenses, le
développement précoce, dans des conditions d'affect relativement faible, pourrait
évoluer sous le contrôle de fonctions cognitives disponibles, d'impulsions instinctives
de l'apprentissage de la réalité, (le système de quête) et mener à la compréhension
précoce de la réalité animée et inanimée. Dans de telles circonstances précoces, il n'y
aurait pas encore une conscience de soi intégrée, ni la capacité d'une perception
intégrée de l'autre.
Au second niveau du développement, qui émerge graduellement pendant les
trois premières années de la vie, le développement progressif d'une compréhension
cognitive réaliste du monde environnant, et en particulier la prédominance des bonnes
expériences sur les mauvaises, facilitent l'intégration progressive des conditions
émotionnelles opposées, une tolérance de la conscience simultanée des expériences
aussi bien bonnes que mauvaises. Ce développement de la tolérance à l'ambivalence,
qui concerne les relations émotionnelles positives et négatives par rapport au même
objet externe, mène progressivement à un sens intégré de soi et des proches ou, en
d'autres termes, à une identité du Moi normale. L'identité du Moi (‘ego identity’)
correspond à un sentiment du Moi intégré et à la capacité d'une vision intégrée des
proches.
Ce deuxième niveau du développement correspond à la « position dépressive »
selon les formulations théoriques kleiniennes. Il signale le développement du
fonctionnement normal psychologique ou d'une pathologie à un niveau d'organisation
névrotique. En revanche, le développement de la pathologie du trouble de la
personnalité borderline (limite) correspond à la « position paranoïde-schizoïde », qui
représente la conséquence du manque de réalisation de l'intégration identitaire
normale. L'organisation de la personnalité borderline, un niveau sévère du trouble de
la personnalité, se distingue par le manque d'intégration de l'identité, ou syndrome de
diffusion d'identité, par des opérations permanentes de défenses primitives qui
s'articulent autour du clivage, ainsi que par certains troubles vis-à-vis de l'épreuve de

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réalité, en termes de déficits dans les aspects subtiles du fonctionnement


interpersonnel.
La théorie psychanalytique de la relation d'objet propose que le passage de
l'organisation de la personnalité borderline à l'organisation névrotique et à
l'organisation normale correspond également à un passage de la prédominance des
opérations de défense primitives à des opérations supérieures de défense concentrées
sur le refoulement et ses mécanismes connexes, dont des niveaux supérieurs de
projection, de négation, d'intellectualisation et de formation réactionnelle. Ce niveau
avancé du développement de la personnalité se reflète dans la délimitation claire d'un
inconscient dynamique refoulé, ou « Ça », qui est constitué de relations dyadiques
internalisées inacceptables et reflète une agressivité primitive intolérable et des
aspects de la sexualité infantile. Le Moi comprend désormais le concept du soi
conscient intégré, la représentation des proches, ainsi que le développement de
fonctions sublimatoires qui s'inscrivent dans l'expression adaptative des besoins
affectifs et émotionnels en ce qui concerne la sexualité, la dépendance, l'autonomie et
l’acceptation de sa propre agressivité. Les relations d'objet internalisées qui
comprennent des exigences et interdits d'origine éthique, transmises lors des
premières interactions de l'infans et de l'enfant dans son contexte psychosocial,
particulièrement les parents, sont intégrés dans le « sur-moi ». Cette structure
ultérieure est constituée de niveaux d'interdits internalisés et d'exigences idéalisées,
significativement transformées en un système d’abstraction, personnifié individualisé
de moralité personnelle (Kernberg, 2012a, b; Kernberg, 2004)).
Le travail synthétique contemporain de Kernberg (Kernberg, 2015) comprend
des fondements neurobiologiques corrélés de ces configurations conflictuelles
développementales et pathogéniques. « Une conclusion générale concerne le
développement parallèle et d’influence mutuel des systèmes neurobiologiques
affectifs et cognitifs, contrôlés ultimement par des déterminants génétiques et les
systèmes psychodynamiques, qui correspondent fondamentalement à la réalité tout
autant que les déformations motivées des relations internes et externes » (Kernberg,
2015, p. 3831.)
Cette théorie suppose généralement que les patients, dont la personnalité est
d'organisation borderline, présentent de manière prédominante des composantes
agressives et persécutoires de leurs expériences pendant l'enfance, quelle que soit son
origine, qui entrave l'intégration de l'identité. Le traitement analytique, dont l'objectif
est de favoriser l'intégration identitaire, permettra l'intégration du concept du Moi et
favorisera ainsi le contrôle cognitif : il pourra intégrer le concept de l'autre, ce qui
permettra la normalisation de la vie sociale, ainsi que d'intégrer l'expérience des
affects contradictoires, et d'atteindre une meilleure modulation des affects ainsi que la
diminution de l'impulsivité. Sur la base de ces caractéristiques, la stratégie de la
psychothérapie focalisée sur le transfert consiste à clarifier les relations d'objet qui

31
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

61
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sont activées dans la situation de traitement (le transfert), à chaque point de


dominance affective, au regard des expériences autant positives que négatives. Pour le
patient, cela facilite la tolérance et la conscience d'états psychiques conflictuels. Par
le biais de clarifications et de l'interprétation des états psychiques qui ont été dissociés
dans des conditions d'opérations dominantes de clivage, la mentalisation est stimulée.
Au cours de la situation de traitement, les relations d'objet clivées réactivées ont
tendance à produire des « inversions de rôles » dans le transfert, ou, en d'autres
termes, l'échange des rôles du Moi et de l'objet dans l'expérience du patient vis-à-vis
de sa relation avec le thérapeute. Ce processus permet au patient de graduellement
accepter son identification inconsciente à la victime et au persécuteur et en même
temps de comprendre que ses idéalisations sont également irréalistes et représentent
une fonction protectrice contre des composantes négatives de son expérience. Lorsque
le thérapeute maintient la neutralité de la technique tout en protégeant le cadre
thérapeutique, il facilite le développement progressif d'une psychologie « à trois
personnes » (« three-person psychology »). Dans ce cas, la fonction du thérapeute est
celle d'un étranger « exclu » qui aide le patient à réaliser le diagnostic des états clivés
idéalisés et persécutoires. Ces états peuvent ultérieurement se réunifier par le sens de
la métaphore des relations d'objet activées dans le transfert (Kernberg, 2015).

III C. Melanie Klein et les post-Kleiniens


Dans les écoles kleiniennes, le conflit joue un rôle majeur, à partir du tout
début de la vie, avant la consolidation de la structure tripartite de la psyché. Les
interactions entre les trois structures émergentes qui sont déclenchées par les conflits
entre les impulsions inconscientes des défenses du Ça et du Moi exercées à leur
encontre, et renforcées par les pressions du Surmoi, sont antidatées aux tout premiers
niveaux du développement et contribuent à la construction de la structure psychique.
La lutte entre l'amour idéalisé et la violence destructrice par le biais du clivage, de
l'identification projective, du déni et du contrôle omnipotent, détermine la vie
psychique depuis ses premiers débuts et donne lieu aux composantes de la vie
psychique, c'est à dire les constellations défensives primitives des positions
paranoïde-schizoïde et dépressives. Cette dynamique met en relief une plus profonde
dimension du conflit inconscient qui a lieu avant la consolidation du Ça, du Moi et du
Surmoi en trois structures clairement différenciées. Pour les analystes kleiniens et
post kleiniens, la vision d'un conflit inconscient à l'œuvre dans les premiers stades du
développement s'est prouvée utile pour clarifier et aborder de manière thérapeutique
les psychopathologies des troubles psychiques sévères (telles que l'organisation de la
personnalité borderline, la pathologie narcissique, la perversion sexuelle, les troubles
de l'alimentation, les comportements asociaux) qui sont marqués par une fixation au
stade du développement primitif dans lequel le clivage et les mécanismes de défense
primitifs prédominent (Kernberg 2005). Une telle perspective implique que le conflit
inconscient concerne toute structure affective, tant la structure primitive qui est
représentée par les relations d'objet internalisées que la structure avancée, constituée

62
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par la structure tripartite ayant intégré ses composantes de relations d'objet


internalisées aux structures du Ça, du Moi et du Surmoi (Joseph 1989; Klein 1928;
Segal 1962; Segal and Britton 1981; Steiner 2005).
En fort contraste à la psychologie du moi, Melanie Klein a développé plus loin
sa théorie des relations d'objet que celle de Freud, selon laquelle le conflit inhérent à
la psyché est inné. L'article fondateur de Klein sur les relations d'objet est apparu en
1935, en relation chronologique au livre d'Anna Freud en 1936 et à l'article de
Hartmann de 1937 (publié en 1939). Alors que A. Freud et Hartmann se focalisaient
sur les traits du Moi et sa manière de se défendre contre le Ça, tout en s'adaptant à la
réalité externe, Klein se plongeait dans les profondeurs du monde interne et les
rouages de ses interactions avec le monde externe, et développait la vision freudienne
du Surmoi. Les divergences entre les visions de la psychologie du Moi, selon Freud
ainsi que celle de la relation d’objet, selon Freud également, sont intéressantes à
suivre dans les articles qu’il a rédigés au cours des années cinquante. Tout d'abord en
1952, un symposium a eu lieu au congrès psychanalytique international, sur « Les
influences mutuelles dans le développement du Moi et du Ça ». A cette occasion,
Klein précisa que, puisque le développement du Moi et du Surmoi sont tenus par des
processus d'introjection et de projection, ils sont d'emblée intrinsèquement liés, et
puisque leur développement est fondamentalement influencé par les pulsions
instinctives, les trois instances psychiques sont déjà à l'orée de la vie dans la plus
intime interaction. En effet, selon sa conception de la toute première enfance, il lui
était impossible de prendre en compte de manière exclusive les influences mutuelles
du Moi et du Ça (Klein, 1952)
Ainsi, à l'époque où la psychologie du Moi se focalisait principalement sur la
relation du Moi au Ça et comment il s'adaptait au monde externe, la théorie de la
relation d'objet de Klein se centrait essentiellement sur la relation du Moi au Surmoi
et comment cette relation était déterminée par le lien formatif entre les pulsions
instinctives et les objets internes du Surmoi. David Rapaport (1957) commenta cette
différence plusieurs années après : « Depuis l'introduction par Freud de la théorie
structurale, l'intérêt théorique s'est concentré sur la psychologie du Moi et a négligé
l'exploration du Surmoi » (Rapaport, 1957/1977, p. 68632).
La théorie de Klein a posé sa première ligne de démarcation dans son article en 1928,
sciemment intitulé « Les stades précoces du conflit œdipien » En faisant référence au
concept du complexe d'Œdipe de Freud en termes de ‘conflit’, Klein suggère que le
complexe d'Œdipe selon Freud (et qui pour lui avait lieu pendant le stade phallique,
entre les âges de 3 à 5 ans) avait des précurseurs complexes dans les stades
psychosexuels antécédents focalisés sur des problématiques orales et anales. Pour
Klein, le complexe d'Œdipe débute pendant la première année de la vie et il n'y a ni
phase « préœdipienne », ni « préconflictuelle ».

32
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

63
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Cela pose des problèmes conceptuels importants. Par exemple, le complexe


œdipien signifie essentiellement une structure triangulaire de relations, puisque depuis
l'instant où l'enfant est conscient du père comme étant en lien avec la mère, un
triangle existe. Cependant, Hanna Segal (1997) relève que aussitôt la décision
organisationnelle prise par l'enfant de séparer les bonnes expériences avec la mère des
expériences frustrantes, il existe là un triangle de l'enfant avec une bonne et une
mauvaise mère. C'est cette forme d'organisation que Klein qualifie de clivage : elle est
l'une des premières stratégies que la psyché (jeune et moins jeune) utilise pour gérer
le conflit. Le clivage d'objets en deux parties, ou le clivage entre des objets différents
selon des catégories qui distinguent le bon du mauvais, sont des formes primaires
utilisées pour organiser son propre monde. Le clivage fonctionne en association avec
l'identification projective, ce qui dans le fantasme retire des éléments incompatibles
de l'esprit en les projetant depuis le monde interne vers le monde externe.
Le clivage et l'identification projective sont tous deux utilisés pour gérer son
propre monde interne et son monde externe. Avec l'identification introjective
correspondante, ces processus forment une boucle mentale-sociale vivante qui engage
tout autant la gestion du conflit que d'opérer le fonctionnement psychique normal. Ce
cercle projectif et introjectif de la vie avec l'analogie de l'inhalation et de l'exhalation
respiratoire démontre bien l'idée de Klein de la nature innée du conflit psychique lié
aux fonctions mentales vitales. Dans ce processus, le Moi forme sa relation initiale
avec les instincts conflictuels dans le Ça de vie et de mort. Dans sa quête primaire
envers l'objet extérieur qui lui viendrait en aide dans sa lutte pour survivre, l'enfant
projette ses impulsions instinctives dans le fantasme – ce qui pour Klein et Susan
Isaacs (1952, p. 58) est le corollaire mental des instincts – dans les objets externes,
puis il introjecte cette combinaison de l'objet externe actuel (réel), mélangé à l'objet
fantasmé, dans le Surmoi où il fonctionne dorénavant en objet interne. Klein dirige
ensuite son attention sur la relation entre ces objets internes et le monde externe, ainsi
que (ce qui est peut-être le plus important) sur la relation entre eux et le Moi.
Pour comprendre la complexité de l'idée du conflit selon Klein, il est crucial
de comprendre que les objets internes sont la personnification de l'instinct. Ainsi, le
conflit entre les désirs instinctuels pour la vie ou pour la mort engendre des objets
internes idéaux et persécutoires, des objets avec lesquels le Moi doit former une
relation. Pour Klein, l'analyse des relations du Moi aux objets internes (le Surmoi) est
au cœur de sa théorie psychanalytique, en ce qu'elle se formule autour de la prémisse
du conflit incontournable. C'est à partir de cet élément central que sa théorie entière
est issue.
Le premier conflit est inné : les instincts de vie et de mort, et leurs
manifestations affectives dans l'amour et la haine qui, par le cycle de projection sur le
monde externe, puis leur introjection dans le monde interne, créent ce que Freud avait
qualifié d'ambivalence émotionnelle. Les désirs de vie et de mort créent des émotions
d'amour et de haine, qui à leur tour créent des objets persécutoires bons et mauvais,
qui rentrent souvent en conflit avec l'objet externe réel. Il y a ensuite le conflit des

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instincts, un conflit entre les émotions et un conflit des objets internes, qui à leur tour
engendrent un conflit dans le Moi ainsi qu'avec l'objet externe, ce dernier que l'on
pourrait qualifier de conflit entre le fantasme et la réalité. A partir de ces conflits
inhérents, Klein façonna une théorie du développement entre deux positions
psychiques divergentes. Le moyen le plus direct de comprendre ces deux positions
psychiques est de réaliser qu'elles sont conceptualisées autour de la simple
problématique fondamentale de la vie psychique : l’amour. La théorie de Klein est
essentiellement une théorie de l'amour, où une question se pose : comment l'amour
peut-il survivre dans une psyché également capable de générer de la haine ?
Cette notion forme le conflit primaire dans le développement mental. C'est
ainsi que de nombreux Kleiniens considèrent ce postulat tacite être la clef de voute de
la pensée de Klein : que la haine est plus facile que l'amour. Imaginons un bâtiment.
Bâtir une structure peut prendre des années, mais elle peut être détruite en une minute.
Construire est complexe, détruire est simple. Aimer un objet frustrant exige un
développement compliqué ; haïr un objet frustrant n'exige aucun développement. A
partir de là, la théorie de Klein reconnait que dans la psyché non-développée où
l'amour existe depuis le début, la haine, quand elle émerge, domine l'amour. En
contraste, lorsque l'esprit se développe au-delà de l'état instinctif, l'amour a le
potentiel de dominer la haine. Klein dénomme ces trois configurations psychiques-
affectives les positions paranoïde-schizoïde et dépressive respectivement, où la
position paranoïde-schizoïde a lieu en premier et la position dépressive qui évolue
ensuite. L'élément de définition essentiel qui sert à distinguer les deux positions se
trouve dans la façon de conceptualiser et d'interagir avec ses propres objets. Dans la
position paranoïde, le sujet se concerne de sa propre survie : celui-ci considère que ses
propres objets coopèrent à, ou menacent, sa survie. Pour cette raison, Klein considère
que la position paranoïde est la position narcissique. Dans la position dépressive, la
définition de la relation d’objet postule que la survie de l'objet devient plus
importante, ou égale, à la survie du Moi, parce que l'on comprend qu'il est impossible
de survivre sans la relation à une autre personne.
Le terme utilisé pour chaque position reflète la nature des défenses qui sont
impliquées. L'identification projective est également un principe d'organisation parce
qu'elle place géographiquement des objets très différents à des endroits différents, afin
d'éviter un conflit entre eux. L'essence des défenses paranoïde-schizoïdes est qu'elles
sont invoquées par un sens d'omnipotence, comme le déni omnipotent de la réalité et
particulièrement la réalité affective de la relation d'objet. La position dépressive
concerne son propre sens du conflit. Dans ce cas, le conflit entre l'amour et l'objet
commence à se résoudre du côté de l'amour pour l'objet. Le fantasme fonctionne de
manière omnipotente en ce qui concerne la réalité jusqu'à ce qu'une relation entre les
deux soit établie, ce qui peut avoir lieu dans la créativité où les fantasmes qui ne
communiquent pas avec la réalité de l'expérience de l'autre produisent souvent des
formes ratées d'expressions artistiques.

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Dans la position dépressive, l'omnipotence doit être abandonnée afin de


permettre la reconnaissance de la réalité, la nature séparée et la nature unique de
l'objet. Cela présuppose de pouvoir tolérer la culpabilité, car la culpabilité est
l'émotion prééminente du conflit. La culpabilité survient au point d'intersection où le
désir et la réalité s'entrechoquent. La culpabilité est la reconnaissance de l'irrationalité
et anti-sociabilité de ses propres désirs primitifs. Elle représente le moment de
reconnaissance de l'importance de l'objet, distincte de ses propres désirs. La
culpabilité est médiatrice du conflit entre le narcissisme et la réalité, autant interne
qu'externe. Lorsque l'amour et la culpabilité envers ses propres objets sont
intolérables, Klein théorise une troisième position psychique : la position maniaque.
Celle-ci est en conflit avec la position dépressive en ce qu'elle est méprisante de
l'objet, fait des tentatives de contrôle sur l'objet et vise à triompher face à l'objet
convoité en niant son importance. Dans un état de conflit par rapport à l'état d'esprit
dépressif en faveur de l'amour sur la haine, la position maniaque régresse dans les
défenses paranoïde-schizoïdes pour combattre la culpabilité et la douleur que l'amour
suscite.
Enfin et en ce qui concerne la théorie du conflit de Klein, il est important de
relever au moins un aspect de l'agôn qui a lieu entre le Moi et le Surmoi. Cet aspect
est en rapport avec les idées de Herbert Rosenfeld (1964) et de Donald Meltzer (1966)
sur l'identification projective dans un objet interne. Selon Rosenfeld, le Surmoi
fonctionne souvent comme un gang, comme ceux de la mafia ou des nazis, dont
l'objectif est de contrôler et de punir le Moi pour ses imperfections. C'est une des
manifestations du conflit primaire dans la psyché, entre le Moi et le Surmoi. Le Moi
est essentiellement petit et démuni, comme l'enfant et, dans cet état, le Moi a un
besoin énorme d'un objet pour l'aider à survivre. Cet objet dont il a besoin est souvent
attribué de qualités omnipotentes pour rectifier la peur que ressent le Moi en raison de
son impuissance à se protéger. Comme dans la théorie de Freud, Klein pense que le
Moi créé initialement sa vision des objets sous la luminescence de l'omnipotence.
Avec un objet omnipotent, le Surmoi fait croire au Moi que même s'il réalise qu'il
n'est pas lui-même doté d'omnipotence, le Surmoi, lui, l'est. Cela a pour effet pour le
Moi d'éliminer sa propre existence distincte et de fusionner avec son objet interne
omnipotent fantasmé, pour former ainsi une identification projective avec un objet
interne. Le Moi abandonne son indépendance pour se sentir protégé de manière
omnipotente, dans une sorte de pacte faustien. C'est ainsi que le Moi tente de résoudre
ses conflits vis-à-vis de ses instincts conflictuels de vie et de mort, de ses émotions
d'amour et de haine, d'omnipotence et de réalité par un simple coup de baguette
magique d'identification projective.

III D. Wilfred R. Bion


Alors que Klein a développé la notion du conflit de Freud en y incorporant les
relations d'objet autant internes qu'externes, Bion (1955) a étendu la théorie du conflit

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au domaine des fonctions mentales. Dans sa première période théorique, Bion (1957)
a théorisé un conflit inhérent entre les parties saines et parties psychotiques de la
psyché, fondé sur les instincts de vie et de mort respectivement. La partie psychotique
de la psyché de veut rien savoir ni de la réalité externe, et encore moins de la réalité
interne. Là où Klein remarque que l'esprit gère le conflit en instaurant un clivage,
Bion (1959) affirme qu'un mécanisme plus primitif et destructeur est à l'œuvre, qu'il a
appelé « l’attaque contre les liens ». Attaquer les liens entre deux objets, ou deux
parties du psychisme, est une méthode psychotique de gérer les conflits en éliminant
toute connexion qui met en contact entre eux deux objets distincts.
La théorie de Bion est fondée sur sa conception du conflit primaire. Selon lui,
le problème technique est celui qui concerne la résolution du conflit du narcissisme et
du social-isme (Bion, 1962a, p. 118), une reformulation de la tension entre les
relations d'objet narcissiques et le choix d'objet sain de Freud et la distinction entre les
positions paranoïde-schizoïde et dépressive de Klein. Le conflit sous-entendu qui
génère des attaques contre les liens concerne un conflit entre la fusion et la
séparativité. Cette idée a conduit Bion (1963) à modifier le concept du complexe
d'Œdipe. Pour Bion, ce dernier n'évoque pas tant le conflit entre la sexualité et la
meurtrialité, entre Laïus et Œdipe, par exemple, mais qu'il se situe entre la quête de la
vérité et celle de l'ignorer, entre Tirésias – le devin aveugle qui connait la vérité – et
Œdipe.
Bion théorise davantage ce conflit dans ses livres Learning From Experience
(Aux sources de l'expérience) (1962b) et Elements of Psychoanalysis (Éléments de la
psychanalyse) (1963) dans lesquels il postule qu'il existe trois sortes de liens que l'on
peut avoir avec un objet : L(ove), H(ate)et K(nowing) (soit : Amour, Haine,
Connaissance). L et H sont les aspects traditionnels du complexe d'Œdipe ; K est la
conceptualisation supplémentaire de Bion. En effet, Bion conceptualise un monde
d'anti-liens dominé par le grand conflit des fonctions mentales entre K et moins K (K
; K-) ; entre le désir de créer des liens et de savoir et le désir d'attaquer le lien et ne
pas savoir, ce qui est en corrélation avec les pulsions de vie et de mort. Bion termine
cet apport à Freud et à Klein en transposant les conflits instinctuels en des conflits
mentaux analogues entre K et moins K. Dans son article « The Language of the
Schizophrenic » (« Le langage et le schizophrène ») de 1955, où Bion réinterprète le
complexe de castration de Freud, la peur de la perte des organes génitaux, qui a lieu
entre le moi, où du point de vue de ses ouvrages « Aux sources de l'expérience » et
« Éléments de la psychanalyse », la castration des fonctions mentales du moi en
rapport à la pensée est effectuée par moins K.
L'évolution de la pensée de Bion développe davantage le conflit entre K et
moins K sur une catégorie plus large de vérité vs. mensonge. Ceci ensuite se relie au
concept de l'expérience de Bion (Bion, 1959, 1962b). L'expérience devient un creuset
de vérité en termes de sa propre aptitude, ou capacité, à avoir, à s'impliquer dans, et
endurer, sa propre expérience. La raison, pour Bion, n'est pas synonyme de vérité ;
l'expérience l'est, ce qui signifie sa propre expérience émotionnelle. Les premiers

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travaux de Bion se focalisent sur le développement de la capacité de penser sa propre


expérience émotionnelle alors que ses travaux ultérieurs soulignent la capacité d'avoir
une expérience émotionnelle ou, pour le dire de manière paradoxale, la capacité de
vivre sa propre expérience. Bion (1965, 1970) distingue cet état de K par la
dénomination O. K représente savoir, connaître sa propre expérience, alors que O
signifie le niveau le plus profond de ce que nous sommes qui ne peut jamais être
pleinement compris par le conscient mais qui peut se vivre (par l'expérience). O
représente l'inconnu. Le conflit se situe entre K et O – entre être et savoir (Taylor,
2011; Tabakin, 2015). Le conflit dans la pensée bionienne ultérieure se rapporte au
connu et à l'inconnu, à la certitude et à l'incertitude.
La position analytique de Bion envers la réalisation de son esthétique clinique
de l'émergence requiert de la part de l'analyste un nouveau regard. Lorsqu'il ajoute
aux idées techniques de Freud (1912) par les notions de l'attention uniformément
flottante et l'acceptation objective de tout matériel provenant du patient, Bion suggère
de développer un nouveau état d'esprit, ouvert à la rêverie, qui nécessite que les
éléments de « connaissance» (K) impliqués dans la mémoire et dans le désir soient
suspendus afin que l'analyste puisse atteindre un état d'esprit que le poète Yeats avait
théorisé par sa définition de capacité négative, c'est-à-dire « la capacité d’être dans
l’incertitude, le mystère, le doute, sans s’irriter à quêter des faits et une raison »
(Bion,1970, p. 125). Ainsi, Bion se dirige vers une résolution dialectique, un
dépassement (Aufhebung) des conflits innés, selon la terminologie de Hegel (Rosen,
2014, pp. 138-9), où l'on développe un état d'esprit de tolérance envers les interactions
entre les éléments et configurations PS (paranoïdes-schizoïdes) et D (dépressifs) que
Bion signifie en termes de PSóD. La théorie ultérieure de Bion n'écarte donc pas la
prémisse du conflit en faveur de l'émergence, celle-ci est plutôt mise en relation
dialectique avec le conflit.

III E. Donald W. Winnicott


Une alternative au modèle du conflit dans la relation d’objet est celle de
Winnicott. Dans son premier ouvrage regroupant divers articles rédigés depuis les
années 1930 à 1950, Through Paediactrics to Psychoanalysis (De la pédiatrie à la
psychanalyse), Winnicott (1978) développe progressivement sa contribution à la
dynamique du développement de la petite enfance et aux névroses de l'enfance,
conjugués à la préoccupation maternelle primaire, le traumatisme, la régression, le
transfert et le contretransfert. Le point de départ de son modèle se situe dans le
concept d'un état de développement primaire qu'il nomme la non-intégration
(Winnicott, 1945). Alors que Klein avait tendance à considérer que l'esprit de la petite
enfance pouvait être dés-intégrée par le clivage, l'identification projective et les autres
défenses fondées sur l'omnipotence infantile, Winnicott considère que l'esprit de la
petite enfance n'est pas encore réalisé. Comme tel, l'esprit n'est pas, selon Winnicott,
dans un état de conflit au début mais davantage en besoin de se réaliser, ce qui

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débouche plus tard aux conflits que Klein et Freud explicitent. Pour Winnicott il n'y a
pas de structure psychique avant que cette intégration puisse avoir lieu. Le point de
départ de Winnicott se repère mieux si l'on considère que Freud, Klein et Bion avaient
chacun construit une théorie à partir du conflit primaire instinctuel et émotionnel qui
émane des expériences de la vie et de la mort, et à l'origine du Ça. Contrairement à
cette idée de conflit primaire, Winnicott propose un état de « non-intégration »
primaire, où les conflits ne sont engagés que lorsque cette intégration primaire a eu
lieu. Pour Winnicott, par conséquent, « Le ça n’existe pas avant le Moi » (Winnicott,
1962, p. 56) et le développement du Moi n'a pas lieu sans une mère suffisamment
bonne, qui procure un environnement contenant (holding) permettant à l'enfant de
commencer à intégrer ses différentes parties dans un Moi rudimentaire. Puis, et
seulement à ce moment-là, les processus de formation de symboles et l'organisation
de « contenus psychiques personnels » débutent et forment une base de départ pour
des « relations vivantes ». (Winnicott, 1960, p. 45) Comme Winnicott le dit lui-même,
à ce stade l'enfant n'est pas encore une entité dotée d'expériences (1962, p. 56). Par
contre, selon Klein il y a un Moi rudimentaire, une certaine conscience de la réalité,
ainsi que des processus projectifs et introjectifs dès la naissance. Pour elle, l'enfant est
bien, à ce stade, dans un processus d’expérience.
Dans le second ouvrage regroupant des articles que Winnicott a écrit depuis la
fin des années 1950 jusqu'au début des années 1960, The Maturational Processes and
the Facilitating Environment (Processus de maturation chez l'enfant), publié en 1965,
il met en lumière les processus de maturation qui nécessitent d'être soutenus par un
environnement pour favoriser leur croissance. Si l'on compare sa propre position par
rapport à celle de Klein, Winnicott (1960) relève que Klein avait reconnu l'importance
de l'environnement dans les stades précoces du développement dans le sens que son
travail sur les mécanismes de défenses de clivage, sur les projections et introjections,
ainsi que d'autres, était une tentative d'évaluer les effets du manque de provision
environnementale en termes de l'individu. (p. 50). Cependant, il n'y a pas pour
Winnicott, d'individu sans environnement. Alors que Freud, Klein et Bion
s'occupaient d'explorer les profondeurs de la situation œdipienne, Winnicott
conceptualisait un état préœdipien de l'être, où la mère et l'enfant forment initialement
une unité unique. Au lieu du conflit inné, Winnicott a porté son attention sur la
privation environnementale. L'état d'être (préœdipien) de l'infans est au centre de ses
préoccupations. Pour lui, le développement ne se limite pas au conflit et à sa
résolution, mais davantage à sa continuité d’être.

III F. La self psychology, les perspectives relationnelles et intersubjectives


Dans d'autres modèles psychanalytiques (globalement autour du self et des
relations d'objet) les questions liées au conflit ont un rôle mineur dans la connaissance
de la psychopathologie et le déroulement du traitement psychanalytique (Busch 2005;
Canestri 2005; Smith 2005). Dans ce modèle, ce qui est pris en compte, au lieu du

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conflit, pour expliquer les pathologies sévères, est le déficit qui a lieu dans les stades
indifférenciés précoces du développement.
La self psychology et les avancées ultérieures à la self psychology (Kohut
1977; Ornstein et Ornstein 2005) ainsi que les écoles relationnelles et intersubjectives
(Harris 2005) remettent en question la position centrale du conflit intrapsychique
inconscient. Au lieu de cela, les psychopathologies sévères sont attribuées au déficit
psychique, ce qui déploie davantage les origines de la psychopathologie aux stades du
développement dans lesquels la différentiation entre la représentation de soi et la
représentation de l'objet n'a pas encore été établie.
Ainsi, la différentiation des trois structures psychiques dans lequel le conflit se
développe (le Ça, le Moi et le Surmoi) devient imparfaite. Selon ce point de vue, les
besoins en jeu dans le processus psychopathologique concernent principalement les
carences au cours du développement : les souffrances traumatiques, la perte et en
général l'absence d'un objet capable de répondre émotionnellement qui perturbent le
développement de la structure du Moi. Cela implique bien plus de troubles qui
découlent des dérivés de pulsions libidinales et agressives.
Contrairement à la pathologie fondée sur le conflit qui a lieu entre des
systèmes (inter-systémique), la pathologie fondée sur le déficit concerne les carences
dans la structure du self (intrasystémique). Les questions concernant les carences
développementales et la psychopathologie du déficit sont largement partagées par les
écoles psychanalytiques postfreudiennes et post-kleiniennes contemporaines. Même
sans rejeter complètement la notion de conflit, ces problématiques ont représenté un
défi au monopole que le concept de conflit avait occupé dans la théorie traditionnelle.
Le conflit n'a plus autant d'importance qu'auparavant. Ce qui a le plus influencé le
déclin de son importance a été la focalisation portée sur le rôle que le véritable objet
joue sur la construction d'une structure psychique blessée par une relation traumatique
avec les déficits de fonctionnement qui en résultent : ce point de vue est validé par un
grand nombre d'études sur le traumatisme dans l'enfance.
Pour de nombreuses écoles psychanalytiques contemporaines, le concept de
conflit n'est pas complètement rejeté mais plutôt marginalisé et complété par le
concept du déficit. Ainsi, le spectre de la compréhension psychopathologique, et donc
la technique clinique, est déployé dans ce sens. Amplifier la compréhension
psychopathologique, c'est-à-dire concevoir que la souffrance psychique n'est pas
uniquement issue du conflit mais qu'elle est également organisée autour d'une
structure du Moi blessé, permet tout autant le développement de l'approche
psychanalytique classique. Bien qu'elles soient fondées sur la reconnaissance du
conflit, de son interprétation et d'un travail d’élaboration, les stratégies analytiques
qui s'inspirent des questions de déficit ne se basent pas sur une quête de sens refoulés,
ni encore sur le dépassement des résistances, mais plutôt d'assister le Moi à trouver un
sens et le sentiment que quelque chose puisse avoir une capacité d'être (Killingmo,
1989).

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Dans les différentes perspectives interpersonnelles, intersubjectives et


relationnelles qui se sont développées pendant les trois dernières décennies, la
focalisation s'est fortement portée sur la présence et la fonction des conflits d'origine
intersubjective et interrelationnelle en interne ou externe, et dans de nombreux cas,
transgénérationnelle.
Les théories de la relation considèrent la force du conflit dans l'approche
individuelle à la culture, sur de nombreux niveaux. Les conflits peuvent émerger
lorsque les individus sont engagés, assujettis, ou quand ils résistent à l'environnement
culturel. Cela devient particulièrement le cas lorsque l'individu habite, ou est habité
par de nombreuses formes d'identités non-normatives et individuelles (l'origine, la
classe sociale, la sexualité, le handicap, la culture et le genre). Les formes contestées
en termes d'identification sont à l'avant-plan de nombreuses questions cliniques
rencontrées avec des patients et sont exprimées par leur souffrance et leur difficulté
par rapport à la matrice du transfert et du contretransfert.
Dans son livre Relational Concepts in Psychoanalysis : An Integration,
Mitchell (1988) a détaillé le concept de conflit dans le cadre de configurations
relationnelles différentes d'expériences conflictuelles vécues avec des proches. Tout
en déconseillant la simplification, il fit la remarque, plusieurs années après, dans une
« Chronique » : « ...interpréter ma vision du conflit comme étant un conflit entre une
personne et d'autres dans son environnement est une déformation déconcertante. En
fait, l'un des aspects essentiels de mon livre de 1988 est de faire la distinction entre les
théories relationnelles axées sur des conceptions développementales et les théories du
conflit relationnel...33 » (Mitchell, 1995, p. 577). Dans le travail de Dimen (2003),
Layton (1998), Harris, (2005), Corbett (2001a, 2001b), Goldner (2003) et d'autres, le
conflit se situe toujours à l'intérieur (de) et entre des systèmes politiques et
personnels, sociaux et psychiques. A partir de cette perspective, influencée par le
postmodernisme, le féminisme et la théorie queer, il existe un conflit inhérent entre
d'une part les régimes de surveillance et de censure (et ceux) qui soutiennent
l'individualité et la santé, et d'autre part la normativité et la liberté d'expression. Ces
contradictions, qui en théorie politique sont parfois posées en termes de conflits de
classes sociales, d'ethnicité, de culture ou de genre sont souvent actés par des conflits
contretransférentiels de la part de l'analyste.
Selon la position de Harris (2005), les psychanalystes postmodernes
ambitionnent de réaliser une vision particulière du paradoxe ou du conflit dans
laquelle un certain nombre d'aspects du ‘self’ peuvent coexister : celui du guérisseur,
du policier psychanalytique, du sujet et de l'objet de la théorie et celui qui est le sujet
de, ou assujetti à, des cultures particulières, sous-groupes et familles. Du point de vue
des différentes perspectives théoriques, le conflit (intersubjectif, intrapsychique et
énacté) est associé au processus même du changement. Le conflit est un aspect
inhérent du mouvement développemental, et à ce titre les mouvements (macro ou

33
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

71
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micro) sont chargés de fortes expériences de déséquilibre. Le changement lui-même


est un état conflictuel potentiellement complexe, multidirectionnel et instable. Les
conflits qui émergent dans des conditions de transformations relationnelles ou
psychiques sont produits par de nombreux états d'affect différents et de pics
relationnels.
Une idée centrale propose qu'un sujet dans un état de conflit se sente pris par
deux ‘quêtes’ impossibles (Apprey, 2015). La croissance implique la séparation et la
séparation vis-à-vis d'objets morts ou mourants peut être intolérable. Ainsi, le
changement se situerait à la croisée d'un conflit par rapport à des épreuves psychiques
et à la liberté mentale où un pic dangereux de lutte et même d'impasse est engendré.
Que ce soit un précipice, ou la limite du chaos, ou bien un dramatique parcours de
séparation effrayante pour certains, et peut être d'une manière ou d'une autre par tous
les patients, c'est un point de conflit et de danger ultime. Cela pourrait correspondre à
des hauts et des bas de progrès au cours d'une analyse, et à des revirements et
paniques lorsque des altérations psychiques se déclenchent ou se concrétisent. Le
concept du champ analytique d'un processus en spirale de Willy et Madeleine
Baranger (2006, 2009a, b) et les notions de catastrophe et de transformation de Bion
représentent des racines importantes pour les approches relationnelles. La catastrophe
du changement (Goldberg, 2008) et les formes de mouvement et de changement
psychiques représentent tous deux un terrain de deuil et d'impasses dans le travail de
deuil.
Ces idées se connectent à un ensemble puissant de concepts, qui ont été
développés par J. Henri Rey. Dans son article « That which Patients Bring to
Analysis34 » (Rey, 1988), Rey soutient l'idée que les patients se présentent avec des
intentions cachées – une mission comme le dirait Apprey (2015) – qui serait de
réparer les objets détériorés de leur histoire et qui font partie désormais d'un monde
interne mourant ou détérioré, donc : guéris l'objet (de fantasme interne) et là le patient
pourra changer. C'est une contrainte conflictuelle impossible dans laquelle de
nombreux traitements se déroulent. Dans l'esprit de la théorisation relationnelle au
sujet du rôle véritable du contretransfert et de la subjectivité de l'analyste, l'on pourrait
adopter le regard de Reys sur la tâche inconsciente de l'analyste. En abordant la
question de résistance et de l'angoisse vis-à-vis du changement et la détermination
tintée de conflit à entraver la croissance, les mêmes questions doivent se poser aussi
sur la présence de telles peurs et conflits dans le contretransfert de l'analyste. Les
analystes relationnels se sont fortement focalisés sur l'instrumentalité du
contretransfert et sur les moyens puissants en jeu dans les actions de l'analyste, qui
perturbent ou facilitent le changement psychique chez le patient.
En parcourant les écrits sur la théorie relationnelle, sur la place ou la fonction
du conflit, il est intéressant de constater que d'autres terminologies et d'autres

34
Traduction du titre non disponible en français : « Ce que les patients apportent dans l'analyse »
(NdT)

72
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préoccupations conceptuelles occupent les espaces théoriques où la notion de conflit


pourrait se situer. Par exemple, Dimen (2003) et Hoffman (1998) préfèrent utiliser le
terme dialectique. Tous deux s'intéressent aux tensions productives qui apparaissent
dans certaines conditions contradictoires, principalement entre l'analyste et l'analysant
mais au niveau interne dans l'un ou l'autre des membres de la dyade également. Il est
important de préciser que la contradiction n'est pas uniquement un désaccord ou une
différence, mais que le conflit intrapsychique peut, par des interactions variées, être
déclenché et développé et vice versa. Le conflit intrapsychique peut produire des
conflits externes qui seraient actés de manière interpersonnelle. Pour Hoffman (1998),
la source fondamentale du conflit ne concerne ni le sexe ni l'agression, mais plutôt
une relation profondément conflictuelle vis-à-vis de la mortalité. Mais dans une
analogie impressionnante, le conflit, qui est interne à l'analyste, se situe dès le départ
entre la notion de « travailler dans les règles de l'art » et celle de travailler de manière
spontanée, en ce qu'elle est comparée au conflit que l'enfant traverse entre le rival
œdipien et l'objet d'amour. Cette analogie suggère combien l'analyste est
inévitablement redevable à la vision de la centralité de la sexualité et de l'agression
par rapport au conflit, bien que ces conflits surviennent dans des états fluctuants
d’affect (Spezzano 1998), d'espace intersubjectif (Benjamin 1995, 1998) ou de
constellations relationnelles (Davies 1998, 2001).
Benjamin (1998) plaide pour un changement fluide de focalisation sur
l'intrapsychique et l'interpersonnel dans lequel la motivation est présente dans les
deux, au niveau interpersonnel et au service de besoins narcissiques et de filiation. S'il
existe une théorie duale, c'est bien la théorie relationnelle de l'objet. La préférence
dans l'usage du terme dialectique est plus que rhétorique. Pour Hoffman et Dimen, le
mot dialectique capture les aspects dialogiques, actifs et interactifs de la nature
protéiforme de l'expérience conflictuelle. La dialectique reflète le sens de dialogue
entre des alternatives, un registre de voix multiples, qu'elles soient chorales,
harmoniques ou atones ou de type questions et réponses. Pour Dimen, la forme et la
fonction de la vie conflictuelle dans le domaine de la sexualité atteste de la fécondité,
de la surprise, des excès et des difficultés irréductibles.
Cependant, dans le livre de Stern (1997), le conflit est renvoyé à une note de
bas de page, où l'auteur explique que l'absence de l'usage explicite du terme conflit
signale qu'il est devenu une supposition implicite d'intérêt moindre que les états
fluctuants de l'expérience psychique. Cela ressemble plutôt à la place que
Bromberg (1998) et Davies (1998, 2001) donnent au terme. Le conflit, pour
Bromberg, apparait généralement dans le contexte de la dissociation (voir Smith
2000a, pour une discussion sur l'intersection et les différences entre la dissociation et
le conflit dans le travail de Bromberg). Le modèle de travail de Bromberg souligne le
développement du champ relationnel expérientiel pour que le conflit
devienne perceptible. Selon Stern, le conflit est une réussite parce qu'il annonce le
moment où le non-self devient le self. Et lorsque le conflit est possible par rapport au
matériel dissocié, un processus de négociation peut avoir lieu entre le nouvel état de

73
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soi (« self-state) et les autres états de soi. Ce qui était impensable peut désormais être
pensé et ressenti et ce qu'il reste à faire peut être considéré. Avant cela, lorsque le
matériel était dissocié, il ne pouvait ni être réfléchi ni être ressenti, donc la question
de ce qu'il fallait en faire ne pouvait même pas se poser. Dans des publications
ultérieures, en particulier « The Eye Sees Itself » (l'œil se voit lui-même) de 2004,
Stern posa l'idée que dans une théorie de l'esprit fondée sur la dissociation, le conflit
est une réussite et non pas une inévitabilité. Dans cette perceptive, par contre, le
conflit inconscient est considéré impossible. Si l'inconscient est informulé, rien n'a
assez de structure dans l'inconscient pour qu'un conflit avec quelque chose puisse
avoir lieu. A partir de ce point de vue, la notion de fantasme inconscient pourrait être
remise en cause s'il s'applique à ce qui est inconscient et en même temps structuré.
Si l'inconscient est informulé, la signification inconsciente n'a ni forme ni
structure, mais une potentialité, qui pourrait devenir une expérience consciente. L'idée
est en rapport à la dissociation, qui dans le cadre de référence de Stern signifie
l'instance inconsciente de maintenir l'expérience dans son état potentiel ou informulé,
pour des raisons défensives inconscientes. La dissociation est le refus inconscient de
penser, de créer du sens. Ainsi, l'expérience dissociée ne peut simplement pas rentrer
en conflit avec toute autre partie de l'esprit parce qu'elle n'a pas encore accédé à la
forme symbolique, ou réalisation, dans laquelle elle pourrait rentrer en conflit.
Le conflit existe entre deux personnes, il n'est pas interne à l'un ou l'autre
esprit. Les deux esprits sont comme les deux parties d'une assiette proprement cassée :
elles s'emboitent correctement mais chaque partenaire n'a que de l'une des deux
parties. Dans la résolution d'une énaction, un conflit externe devient interne dans
l'esprit d'un participant et cela provoque un développement similaire dans l'autre
esprit. Le conflit interne se produit de cette manière la première fois. C'est la raison
pour laquelle le conflit est une réussite.
Stern, Davies et Bromberg situent le conflit dans un modèle d'états fluctuants
du soi, où il est acté dans des expériences dissociées et discontinues, dans les ruptures
de la continuité d’être (« going-on-being »). Appréhender le conflit interne dans un
traitement brombergien est rendu possible par la création d'un champ interpersonnel
dans lequel l'analysant peut tolérer le regard d'une autre personne et peut emprunter
ou absorber sa capacité d'observation.
La conscience du conflit est une caractéristique émergente de ce type de
travail relationnel, elle présuppose que des conditions de sécurité interpersonnelles
soient établies afin que le matériel dissocié puisse être retenu à la conscience.
L'attention que porte Davies au conflit inconscient correspond à une harmonisation
nuancée vers des formes fluctuantes d'identification (partielles ou complètes) qui se
jouent dans des permutations variées dans le cadre de la relation analytique. L'une des
images qui la confirme est celle du kaléidoscope, qui suggère l'expérience mutante
protéiforme des identifications multiples, ainsi que les fluctuations subtiles que les

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expériences de conflit propulsent sur des réorganisations radicales. Le conflit se situe


entre ces états de fluctuation.
Le conflit dans la conception de la construction mutuelle de sens de Aron
(1996) peut avoir deux provenances : soit des expériences fracturées de la subjectivité
qui surviennent des interactions et de la symbolisation ou bien des expériences de
reconnaissance et de solitude qui peuvent avoir lieu dans des interactions diverses
(Benjamin 1995, 1998; Slavin and Kriegman 1992). Dans la perspective d’Aron, une
forme de conflit aigu se situe dans le champ interpersonnel et intrapsychique de
l'analyste et de l'analysant : le conflit entre le désir de reconnaissance et celui d'être
distinct, unique, séparé. C'est en fait moins un conflit de désir que de transactions
relationnelles, une collision entre des paradigmes du relationnel. Toute théorie du
conflit doit impliquer une théorie de la motivation (Harris, 2005). L'un des théoriciens
fondateurs de la perspective relationnelle, Greenberg (1991) a conservé le concept de
pulsion pour parler de la fonction. Le travail de Mitchell (1997, 2000) a suivi une
trajectoire semblable au modèle du conflit relationnel de Fairbairn, puis s'est intéressé
à l'attachement et au développement selon Loewald. Selon Mitchell, nous ne sommes
pas embarqués dans des matrices interactives, parce que nous y sommes déjà intégrés.
Les relationnistes n'évitent certes pas la théorie de la pulsion ; au lieu de cela,
ils la considèrent plutôt avec un p minuscule, dans le même esprit que Ghent (2002).
Les idées de Ghent en ce qui concerne la motivation ont une dette vis-à-vis de celles
d'Edelman (1987), selon lequel l'expérience humaine débute par des comportements
primitifs plutôt simples et directs (comme se tourner vers la lumière et la chaleur, par
exemple) qui progressivement s'imprègnent de ce que Edelman appelle des valeurs.
Dans une cascade développementale qui se transforme rapidement en des expériences
complexes, petites et subtiles (pas consciemment intentionnelles) qui émergent en des
systèmes motivationnels élaborés ; la sexualité, l'agression et la sécurité sont des
conséquences, non pas des moteurs de développement prédéfinis. Pour Edelman, le
conflit est émergent, il n'est pas prédéfini au niveau conscient. Ghent et Harris
considèrent le conflit au travers du prisme de la théorie des systèmes dynamiques non
linéaires, ou la théorie du chaos, dans lequel le conflit est le très provocateur
déclencheur du changement. La théorie du chaos contient une théorie de la
transformation. Le déséquilibre provient du conflit. Le conflit est source de
changement, de mouvement, de compréhension. Le conflit au service de la croissance
ou de la transformation prend des formes différentes. Le conflit, même au niveau
inconscient, entre des manières d'être ou d'être en relation, peut provoquer une
déstabilisation de schémas et de négociation d'expérience. Mais il existe un point dans
le travail analytique où les contradictions conflictuelles, soit de représentations
mentales ou de relations d'objet, sont retenues indéfectiblement à l'esprit : un point où
le conflit peut planer juste à la limite du chaos. Cela est probablement le cas plus
particulièrement dans le travail réalisé auprès de patients dans un processus de deuil et
de perte d'objet.

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III G. La perspective lacanienne française


Pour explorer le rôle du conflit selon Lacan, un terme qui ne porte pas de
reconnaissance particulière dans ses écrits et ses enseignements, David Lichtenstein
(Christian, Eagle & Wolitzky, 2017; pp.177-194) a exploré l'idée de la division
subjective et la structure de cette division, comme Lacan le perçoit. Ce faisant, il
illustre aussi bien ce qui, dans le travail de Lacan, dérive de l'idée classique du conflit
intrapsychique que ce qui s'en détache.
Un concept fondamental de la théorie de Lacan sur le sujet divisé est celui du
manque. Le mot en français, manque, illustre autant la ‘perte’ que le ‘manque’ mais
aussi la ‘vacuité’ et le ‘vide’. Lacan considère que la rencontre psychique avec la
perte est essentielle à la formation du sujet humain. En effet, le sujet en tant que tel
vient à la vie en affrontant et en se représentant la perte, et sans elle la formation du
sujet n'a pas lieu. Dans la théorie du sujet selon Lacan, c'est un point essentiel. Il est
implanté dans la vision du refoulement primaire de Freud, qui le développe dans son
ouvrage « Au-delà du principe du plaisir », (Freud, 1920) où il considère que ce
processus est essentiel à la formation de la subjectivité per se. L’expérience de
satisfaction primaire dont Freud fait référence est un point d'origine abstrait puisqu'il
n'y existe aucune représentation et ainsi aucune expérience dans la psyché sauf
lorsqu'elle est perdue. L'effort de retrouver ce moment perdu est un principe de
définition de la subjectivité. Elle est issue de la capacité humaine à la représentation et
dans ce sens se trouve au cœur de cette fonction propre à l'homme, qui est le principe
de la perte, c'est-à-dire de la satisfaction perdue. Il existe une relation dialectique dans
la pensée de Lacan qui s'inspire de Freud : le refoulement primaire de la satisfaction
perdue ne peut avoir lieu que lorsqu'il existe une représentation à refouler. Mais il ne
peut y avoir de représentation que lorsqu'elle est déjà perdue, c'est-à-dire que le
refoulement et la représentation doivent survenir ensemble : l’objet perdu nait à sa
propre perte.
Là où Lacan place la perte au cœur de l'être du sujet porte une conséquence
parmi d'autres : il renverse toute idée que l'infans puisse être une créature naturelle en
dehors de sa culture. L'idée d'un infans instinctuel qui exprime des schémas innés de
comportement, dont des schémas d'attachement, est bien loin de l'idée de Lacan d'un
sujet inscrit dans une culture depuis le début de son existence. Les théories du conflit
en psychanalyse se focalisent généralement sur les expériences de plaisir vs. déplaisir
et ses efforts à résoudre les conflits entre les deux. Cela implique nécessairement une
théorie du souhait, de la motivation, de l'intention ou du désir. Le dernier terme, désir,
et en effet la relation conceptuelle entre le désir (en anglais ‘desire’) et le souhait (en
anglais ‘wish’) jouent un rôle fondamental dans la pensée lacanienne et soulignent la
fonction implicite du conflit intrapsychique.
Le mot français désir est une traduction adéquate du terme allemand Wunsch,
le mot habituellement utilisé par Freud et traduit par wish en anglais. Cependant, le
mot désir donne aussi le mot allemand Begierde (Begehren) qui est le mot qui

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apparait dans les travaux de Hegel, plus complexe que Wunsch, et qui suggère une
intensité au-delà du souhait, c'est-à-dire la passion, la lubricité, ou la convoitise. Les
mots de Freud Wunsch et de Hegel Begierde sont connotés par celui de Lacan désir et
les deux pourraient être représentés en anglais par le mot desire mais pas autant par le
mot anglais wish. En prenant en considération les différents termes wish (souhait) et
desire (désir), nous rencontrons des variations en ce qui concerne la fonction du
fantasme et de l'inconscient même. L'idée de Brenner selon laquelle les souhaits ou
désirs originaux sont essentiellement réalistes et ne deviennent des fantasmes refoulés
que par le conflit et avec des désirs encore plus forts, par exemple pour éviter la
désapprobation, etc. est complètement différente de l'idée de la constitution du désir
dans le fantasme inconscient de Lacan : le fantasme inconscient peut être évoqué par
des différentes désirs discrets.
Le sujet divisé est en demande d'aide de la part de l'analyste, il/elle demande
de l'aide pour réduire l'expérience douloureuse ou désagréable. Cependant, l'analyse
se déroule en s'adressant à ce que ces demandes pourraient signifier d'autre. En faisant
autrement, en se tournant immédiatement à l'effort de réduire le déplaisir, signifierait
la forclusion d'une possibilité d'analyse. L'inéluctable conclusion serait qu'il y a bien
un autre souhait caché derrière cette demande d'aide, et peut être celle qui s'orienterait
vers l'idée d'un analyste omniscient et les cadeaux que cet analyste expert pourrait
décerner (c'est-à-dire dans le transfert). Cet autre souhait reflète la division qui existe
entre la demande (consciente) et le désir (inconscient). Le travail psychanalytique a
lieu sur l'axe de cette division. En français une requête (‘request’ en anglais) est une
demande. Ainsi cette division dans le sujet de psychanalyse semble s'adresser aux
traductions anglaises de la pensée lacanienne, qui sont considérées se situer entre la
demande et le désir.
La distinction entre la demande et le désir est similaire à la célèbre distinction
entre le contenu manifeste et le contenu latent, bien que pas tout à fait. Pour Lacan, le
contenu manifeste de la demande est moins important que sa logique. Le demande est
dotée de la logique d'une solution imaginée pour pallier le manque : « Si je pouvais
avoir ce que je veux je serais comblé. » Parce que le souhait porte l'implication d'une
complétude imaginée, elle est narcissique dans sa forme. Elle présume une réparation
imaginée à la blessure imaginée. Ce qui explique que cela soit frustré dans une
analyse qui fonctionne. Lorsque la demande d'une solution imaginaire est frustrée,
l'analyste dirige le traitement plutôt sur l'expression de nouvelles métaphores du
manque, des nouvelles expressions du désir. Il existe une résonnance dans cette vision
avec la notion du nouvel objet dans l'analyse de Loewald (1960), et peut être dans la
célèbre notion, provenant de l’école de la psychologie du moi, de la création des
formations de compromis. La vision lacanienne de cette nouvelle possibilité se base
sur la différence essentielle entre la structure du désir, dans sa qualité d'expression
symbolique progressive du manque inéluctable et celle de la conviction que la
complétude, l'intégration ou la cure est une solution au manque. Bien que les deux
intentions soient différentes dans leur structure et leur logique, il est impossible de

77
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rencontrer une pure expression de désir puisque dans la demande, le désir est caché
par l’expression de ce dernier
Le désir n'apparait jamais sous une forme purement déclarative. Une requête
d'aide, de conseil, d'affection, de soutien, d'amour sera nécessairement un support
pour exprimer quelque chose au-delà de cette demande sur le registre du désir
inconscient. Et l'occasion de ce désir surviendra toujours dans le ici et maintenant
sous forme d'expression d'une demande interpersonnelle. Ainsi, si l'on peut penser au
désir et à la demande par rapport au conflit : c'est un conflit dialectique où s'ils sont
pris ensemble, l'on peut trouver quelque chose de nouveau. Le rôle de l'analyste n'est
pas de guérir, ou même de recoudre cette division mais d'en être à l'écoute, d'amener
l'analysant à la conscience de celle-ci et de lui indiquer que la voie qui passe par
l'impasse symptomatique qui a motivé l'analysant de faire une demande d'analyse, se
trouve bien ici. C'est semblable à ce dont Hans Loewald faisait référence par
« l'appropriation consciente du jeu et de la communication entre les modes
inconscients et conscients de la « mentation » et du désir. » (1978, p. 50-51) 35. La clé
qui relie la vision de Loewald avec celle de Lacan est la phrase modes de mentation.
Ce n'est pas le contenu qui différencie le désir de la demande, ni même le Ça et le
Moi, c'est le mode par lequel il est représenté.
Etre à l'écoute de l'expression du désir en arrière-plan du sens apparent de la
demande suggère que l'analyste ne devrait pas se focaliser entièrement sur le fait de
comprendre mais qu'il devrait plutôt écouter les modes d'expression (modes de
« mentation ») qui s'exercent en même temps que le sens manifeste. Le processus
d'écoute en termes de dialectique entre le désir et la demande serait-il en mesure de
nous apporter quelque chose de mieux que, par exemple, les catégories
psychanalytiques plus traditionnelles de dérivés de la pulsion et des défenses ? La
question reste entière. L'idée lacanienne de baliser les expressions de désir, de
ponctuer le discours de l'analysant de différentes manières pour indiquer que quelque
chose d'autre aurait été dit au-delà du discours d'intention est très sensible à la façon
particulière de l'analyste d'être à l'écoute et d'intervenir. Dans la technique clinique,
renseignée par ces idées, l'expression du désir dans la parole participe toujours aux
substitutions figuratives du sens attendu, rendu possible par la structure du langage.
Interpréter le Ça au lieu du contenu du Moi n'est pas ce qui est en jeu dans l'écoute de
l'expression du désir. Etre à l'écoute de la nature de l'énoncé et à sa capacité d'évoquer
un jeu de sens surdéterminé est un meilleur guide pour que l'analyste décide comment
faciliter la subversion des certitudes imaginaires. Toute intervention explicative,
qu'elle soit dans le but de s'adresser aux défenses ou aux dérivés pulsionnels, court le
risque de faire échouer le discours dans une certitude d'identifications, d'une
objectification du sujet qui bloque le jeu du sens, c'est-à-dire la carte de visite du
désir.

35
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

78
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III H. Auteurs français non-lacaniens

Jean Laplanche a, en 2004 posé la théorie du conflit psychique sur la base de


sa théorie de l'inconscient et des pulsions, centrée sur la relation primordiale de
l'adulte autre, l'expéditeur du message énigmatique (sexuel inconscient).

Partant de l'opposition centrale de l'amour et de la haine, Laplanche propose


qu'il existe une opposition, au niveau de l'inconscient sexuel, entre la sexualité
(érotique) non liée et la sexualité liée (narcissique et/ou en relation avec l'objet),
toutes deux au niveau du fantasme inconscient. Elles sont toutes deux en relation
dialectique par rapport au niveau pré-psychique de la préservation de soi, ce qui
indique la préexistence d'un ‘câblage’ psycho-physiologique caractérisé par des
tendances naturelles à l'agressivité. Chez les infans humains, un tel ‘câblage’ est
immédiatement envahi par les messages énigmatiques de l'autre. Au niveau du
fonctionnement de la préservation de soi, l'on pourrait situer la tendresse (un terme
employé par Freud) ou l'attachement. Le second niveau est celui de l'érotique, dont la
description remonte aux Trois essais. Enfin, le troisième est celui de l'amour à l'objet
total, d'Eros, en même temps narcissique et lié à l'objet (Laplanche 2004, p. 468). Les
messages que les adultes transmettent ne restent pas à un niveau unique constant,
celui de soutien et de tendresse. Dans cette situation de contact physique proche, les
fantasmes sexuels des parents s'éveillent et s'imposent ou s'insinuent au cœur de la
relation auto-préservatrice. Les messages ont été ‘compromis’, dans leur sens
psychanalytique du terme, et le sont de manière inconsciente à l'expéditeur même.
L'enfant qui tente de maîtriser ces messages énigmatiques les recouvre par le biais des
codes qu'il a à sa disposition. Dans ce sens, ce que l'on appelle la pulsion de mort est
en fait cette ‘culture pure’ de l'altérité que nous pouvons détecter dans les plus
profonds niveaux de l'inconscient. C'est certainement le cas dans les plus
inaccessibles niveaux du ça. Mais bientôt des scènes fragmentaires, des morceaux de
séquences fantasmatiques vont apparaitre à partir de l'activité du Moi, avec le
concours de l'environnement culturel, et seront absorbées progressivement par les
grandes forces organisationnelles, les complexes de l'Œdipe et de castration.

Les forces de liaison dans la psyché ne sont pas moins sexuelles que les autres
forces. Elles s'abreuvent néanmoins de certaines totalités : la totalité de notre
semblable humain qui représente un être unifié ; la totalité du Moi, de sa forme et de
ses idées.

Ainsi, dans l'opposition grandiose des pulsions de vie et de mort, l'opposition


de liaison et de déliaison est en jeu à l'intérieur de l'appareil psychique. Le nouveau-
né aspire à traduire les messages séducteurs, énigmatiques de l'adulte, sans pour
autant permettre une déliaison trop forte du stimulus. A partir de cela, la lutte par
rapport à la liaison est déclarée contre l'autre interne, l'inconscient et ses dérivés
(Laplanche 2004).

79
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Selon André Green (1975, 1998) les conceptualisations que sont la ‘mère
morte’, le ‘travail du négatif’, ‘l'objet analytique’, l'interconnectivité entre l'objet et la
pulsion, l’intrapsychique et l’intersubjectif, la ‘coopération antagoniste’ entre affect et
représentation sont profondément enracinés soit dans la notion du conflit psychique
localisé ou dans les états conflictuels plus généraux.

L'idée de Green était de rassembler les mécanismes de défense comme le


refoulement, le clivage, le désaveu, la forclusion ou le rejet et la négation, dans sa
formulation du concept du travail du négatif, parce qu'il les considère tous comme des
élaborations du refoulement prototypique. Selon sa vision, tous impliquent un
jugement, une acceptation ou un refus : une question dont la réponse est oui et/ou non.
Cette question peut être fondée sur différents contextes concernés par un matériel
différent (pulsions instinctuelles, affects, représentations, perceptions, mots, etc.).
Parmi les différents mécanismes de défense, ce groupe est différent parce que ses
composantes impliquent directement un choix de base par rapport à l'acceptation ou le
refus dans la conscience des dérivés issus de l'inconscient ou du ça.

Dans ses écrits au sujet des patients psychotiques borderline, Green relève deux
mécanismes qui donnent lieu à un aveuglément psychique : l'exclusion somatique, où
le refoulement dissocie le conflit de la sphère psychique au somatique, et l'expulsion
(du conflit) par l'action, sa contrepartie psychomotrice. De plus, le clivage et le
désinvestissement présentent pour les patients borderline un dilemme de délusion ou
de mort (du processus psychique). Dans ce cas, une attention exacerbée aux subtilités
de la communication, un équilibre optimal est nécessaire entre la présence non
intrusive et l'absence, de la part de l'analyste, permettant une symbolisation potentielle
et l'émergence de processus de représentation.

En s'inspirant et en développant les théories de Freud, Winnicott et Lacan dans


sa théorie de la psychose de l'enfance, Piera Aulagnier a identifié trois niveaux de
représentation : le pictogramme primitif, le processus de fantasme primaire et le
processus d'idéation secondaire. Le processus primaire est activé pour symboliser et
représenter la reconnaissance de l'existence de la présence et de l'absence du corps de
l’autre. Dans cette fonction, il rentre en conflit avec le processus primaire (les
pictogrammes créés pour eux-mêmes par eux-mêmes) qui ne reconnait qu'un seul
espace psychique. La fonction du fantasme du processus primaire est de résoudre ce
conflit (2001, p.40-42).

Dans son étude de ‘Agieren’, Joyce McDougall (1980) remarque que la


traduction anglaise ‘acting-out’36 reflète de manière pertinente la double notion d'un
ordre économique : en premier lieu quelque chose est déposé à l’extérieur (de soi-
même ou de la situation analytique) qui aurait dû rester à l’intérieur et traité
psychologiquement ; ensuite la tension est drainée ou purgée pour que rien du conflit

36
Agir, action ou passage à l’acte (NdT)

80
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interne ne reste. Les affects d'angoisse ou de dépression qui par ailleurs pourraient
submerger la capacité individuelle du patient à y faire face, restent en dehors de la
conscience. Selon la théorie de McDougall, c'est un mécanisme de ‘forclusion’,
similaire à la répudiation de la psyché’ freudienne (différente du refoulement ou du
déni) qui modère la manœuvre économique de l'acting-out et du déchargement des
tensions.

Lors de son étude des phénomènes psychosomatiques, McDougall précise que


le conflit psychique est désavoué et rejeté de la psyché pour être déchargée à la place
sur le corps et son fonctionnement somatique. Elle théorise que le corps, au début de
la vie psychique, est vécu comme un objet qui appartient au monde extérieur. Cet état
de perception continue à exister dans la vie du rêve (dream-life) et dans certains états
psychotiques, dans lequel la totalité du corps, ou certaines de ses zones ou fonctions
sont traitées comme des entités indépendantes qui appartiennent à, ou sont dominées
par, un autre. (McDougall 1980, p.419).

IV. USAGE DU CONCEPT EN AMERIQUE LATINE

En Amérique latine, de nombreuses contributions enrichissantes dans le


domaine traitant des conséquences du conflit psychique, tant au niveau de la
structuration de l'appareil psychique, des manifestations cliniques et des théories sur
la technique, ont présenté des synthèses créatives de Freud, Klein, Bion et des auteurs
français non lacaniens, particulièrement Laplanche, Green, Aulagnier et McDougall.

Bien que la notion de conflit soit discernable dans le schéma conceptuel


référentiel et opérationnel de Pichon Rivière, dans la théorie du contre-transfert
concordant et complémentaire de Racker et dans la théorie de la communication de
Lieberman (Borensztejn 2014), les exemples les plus pertinents de la pensée sur le
conflit des auteurs latino-américains sont représentés par les contributions d'Angel
Garma, Arnaldo Rascovsky, Maurice Abadi et Norberto Carlos Marucco.

IV A. Angel Garma

Pour Angel Garma, le conflit principal a lieu entre le Moi et le Surmoi. Il


poursuit, dans sa conceptualisation, l'idée de Freud dans « Le Moi et le Ça » selon
laquelle la sévérité de la névrose est proportionnelle à la sévérité du Surmoi. De plus,
si le sommeil est le modèle de la constitution de toute transaction, toute modification
dans la conception de la forme de la production qui en résulte aura obligatoirement
des répercussions sur le mécanisme de la théorie épigénique de la symptomatologie.

81
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Garma redessine le mode de ‘conformation’ des rêves, du point de vue de la théorie


structurale. Dans une situation de sommeil, le Moi subit une régression et, en
conséquence, la censure est amoindrie, ce qui pendant la journée permet de préserver
les contenus du Ça inconscients, et qui peuvent maintenant être exprimés avec moins
d'inhibitions. Cela mène à une situation équivalente au traumatisme : un Moi doté
d'un déficit symbolique est confronté à des contenus fortement investis et éprouvants,
tels que la scène primaire, l'angoisse de castration, le parricide, etc. Face à un tel état
de fait, le Moi du rêveur ne peux que cacher ces contenus, par le biais de mécanismes
de défense. L'un des modes de déformation est la réalisation des désirs. (1978, pp. 71-
78). Chaque rêve s'avère donc être un « cauchemar déguisé » (dans : Raskovsky de
Salvarezza 1974, p. 142). Garma avait auparavant revu et revendiqué un renversement
de certaines des conceptualisations de Freud, sur les rêves et les processus
hallucinatoires, en relation au traumatisme et à l'épreuve de réalité (Garma, 1946,
1966, 1969). Il en conclut que : « Clairement, nous devons comprendre que le sujet
souffrant d'une névrose traumatique hallucine parce qu'il est incapable de rejeter ou de
contrôler, soit par l'innervation des muscles ou par des contre-investissements du Moi,
les contenus psychologiques qui se réfèrent au traumatisme, c’est-à-dire les souvenirs
internes du traumatisme, qui surviennent de manière spontanée en lui-même quelques
jours après le traumatisme. Ces contenus agissent en lui de manière très intense
pendant un certain temps et ne peuvent être évités. Ainsi, des hallucinations sont
provoquées, dans lesquelles il revit les souvenirs intenses de ce qui lui est arrivé, non
pas comme un simple souvenir, mais comme quelque chose de réel et d'externe qui lui
arrive à ce moment même » (Garma, 1969, pp. 488-48937). Dans ce contexte, cela
signifie donc que les « Rêves sont des hallucinations pendant le sommeil, induites par
l'impact traumatique, sur le Moi affaibli du rêveur, de contenus jusque-là refoulés. Le
Moi endormi, ne pouvant les contrôler, les accepte comme tels et les contraint au
masquage pour alléger ainsi la douleur des tensions psychiques38" (ibid, p. 491).

La théorie des rêves ainsi formulée nécessitait également l'élaboration d'une


métapsychologie du traumatisme du point de vue de la théorie structurale : « [...] la
psyché du sujet traumatisé peut être considérée comme divisée entre plusieurs
instances. L'une, est une instance parasite créée par un traumatisme intense qui
impose la répétition, une autre, qui est un Moi assujetti à cette instance et qui répète
ce qui est demandé ; une autre est un Moi sain et solide et qui... se défend lui-même...
de la compulsion de répétition et tente de gérer ses forces instinctives » (1978, p.
11639). ‘L'instance parasite’ est plus tard appelée le Surmoi (1978, p. 118). De cette
façon, « les névroses sont conditionnées par un Surmoi nuisible qui reflète une réalité
externe nocive, soumet le Moi, le force à agir de manière inappropriée et l'empêche de
gérer le Ça de manière harmonieuse » (1978, pp. 118-11940).

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Dans le cas de tout symptôme névrosé (tant au niveau de l'individu que du


groupe), une combinaison d'interaction conflictuelle de forces qui imposent la
répétition et d'autres qui mènent à leur ‘masquage’, comme le soulignait Freud (1939)
est explicitée dans la théorie de Garma.

Dans ce contexte, Garma offre une nouvelle définition du concept des pulsions
de vie et de mort en relation à la conceptualisation des conflits dans le masochisme.
Selon cette vision, les pulsions de vie et de mort ne sont pas des forces élémentaires
mais l'aboutissement d'expériences vécues et internalisées pendant la structuration de
la psyché. En référence aux nations, qui, selon Freud, peuvent s'interpréter de la
même manière que les individus névrotiques, Garma développe une conceptualisation
des pulsions érotiques et thanatiques : « Parmi les réactions des expériences passées
qui persistent dans les réactions du présent, certaines d'entre elles pousseront les
nations au progrès et au bien-être, alors que d'autres, par contre, sont plus destructives
et provoquent la souffrance, de sorte que dans une théorie psychanalytique, il est
possible de déclarer simplement qu'il peut y avoir dans une nation des tendances ou
pulsions progressives et vitales et dans d'autres des pulsions régressives,
autodestructrices ou mortelles » (1978, p. 47 41 ). Sur le même sujet par ailleurs, il
déclare que : « …[celles-ci] sont fondées sur le postulat selon lequel les
comportements pathologiques [...] sont la conséquence des soumissions et des
agressions dirigées à l'encontre des objets persécutoires internes [...] généralement
orientées contre la génitalité. A leur tour, ces objets persécutoires internes proviennent
de leur soumission à des circonstances actuelles infantiles et héréditaires qui sont, et
ont été, nuisibles » (in : Raskovsky de Salvarezza (1974, p. 16942).

Conceptualiser le Surmoi comme un ensemble d'objets persécutoires dirigés à


l’encontre de la génitalité du sujet, prendre en considération la centralité du conflit
œdipien et, de plus, considérer que la pulsion de mort est consécutive à
l'internalisation des expériences destructives du sujet, signifie que le Surmoi fait
partie intégrante de la pulsion de mort. Par conséquent, le masochisme est pour
Garma l'élément fondamental de la neurogénèse.

IV B. Arnaldo Rascovsky

Arnaldo Rascovsky porte plus loin cette conceptualisation en posant l'origine


du comportement psychopathologique sur les tendances filicidaires des parents du
sujet. En conséquence, sa conception de la psychopathologie considère que le filicide
représente « [...] tous les actes parentaux qui perturbent l'intégration psychosomatique
de l'enfant par des éléments que nous résumons par les dénominations suivantes :
meurtre, mutilation, dénigrement, maltraitance, négligence et abandon » (1974,
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p.316 43 ). Une action filicidaire est poursuivie dans la relation entre le Moi et le
Surmoi. Les tendances parricides sont secondaires aux tendances filicidaires ; elles
répondent au mécanisme d'identification à l’agresseur (1974, p. 314). Rascovsky
retrace les témoignages de filicide dans la mythologie de différentes cultures et dans
la bible, qui pour lui représente le fondement de la conception monothéiste et du
processus socioculturel (1981).

IV C. Mauricio Abadi

Mauricio Abadi développe, dans son livre intitulé Renacimiento de Edipo


(Renaissance d’Œdipe) (1977), une autre lecture du complexe d'Œdipe à partir d'une
nouvelle interprétation du « Roi Œdipe » de Sophocles. A la suite de cette nouvelle
vision du complexe nucléaire, les éléments qui interviennent dans le conflit sont
autres que ceux qui ont été définis traditionnellement. Selon Abaldi, la motivation de
tout comportement est dans l'angoisse de mort. En conséquence, les tentatives
d'interpréter les manifestations d'un sujet se comprennent en termes de dynamique
triadique. Les personnages du père, de la mère et du fils présents dans la vision
freudienne de l'Œdipe sont remplacés par des rôles qui, en tant que tels, peuvent être
occupés successivement par n'importe quelle figure factuelle. Ces rôles sont : le rôle
rétentif, le rôle extracteur et le rôle filial. Si l'angoisse fondamentale est celle de la
mort, pour le père et pour la mère, ce qui assure, imaginairement, la survie est la
possession de l'enfant. De cette façon, le fantasme de la gestation éternelle est
universel pour les deux sexes. Dissimulée par l'organisation patriarcale, l'envie
masculine accompagne la possibilité de la femme à tomber enceinte. Là est l'origine
du terme ‘couvade’, qui est bien documentée dans certaines cultures primitives, où le
père potentiel imite l'accouchement et la naissance pendant que sa femme donne la
vie.

Le modèle qu'Abadi a choisi pour rendre compte de l’interconnectivité des


trois rôles et angoisses spécifiques qui accompagnent cette dialectique est celui de la
naissance et des trois périodes : la gestation, le passage à la naissance et la vie extra-
utérine. Le conflit se développe par deux axes : la guerre des sexes et la lutte des
parents contre l'enfant. Le père et la mère luttent pour la possession du fils qui dans
cette confrontation représente le pari. Cette lutte est commanditée par deux
sentiments : le sentiment d'amour, c'est-à-dire, la quête de l'intégrité et le sentiment de
haine, qui recherche l'opposition et l'exclusion. Le fils, par contre, cherche à se libérer
d'un parent et pour ce faire il doit mettre en place une alliance avec l'autre : l'appétit
sexuel pour l'un ou l'autre des parents en est le véhicule, la façon par laquelle
l'alliance – le lien – est mis en place. Le rôle rétentif vise à prendre le contrôle sur le
fils (gestation perpétuelle) alors que le rôle extracteur tente de créer une union avec le

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fils retenu pour le libérer ou, à son tour, le posséder. La guerre des sexes prend de
cette façon une tournure de disjonction : « pour que je puisse vivre, tu dois mourir ».
Cette relation du père au fils se caractérise par l'angoisse du père vis-à-vis de sa
propre stérilité et le désir en conséquence de voler le fils. La relation de la mère par
rapport au fils est un lien fondé sur une tentative de procréer pour ensuite retenir son
fruit, duquel le père doit être exclu.

Le fils tente de se libérer de la captivité dont il est condamné par la mère,


celle-ci est cause d'angoisse de mort, en raison de la fermeture dans laquelle il est
maintenu. L'évasion de la prison maternelle est équivalente au matricide et porte la
culpabilité de la naissance, et de la même manière, à l'angoisse de persécution face au
fantasme d'une mère dévorante ou d'une mère qui pourrait renvoyer son fruit, ou
enfant, à l'utérus. Pour le fils, le père est le libérateur de la symbiose dans laquelle la
mère veut le maintenir ; le père quant à lui est aussi un guide et modèle qui le tient à
l'extérieur. Cependant, le lien avec le père est ambivalent puisque le père désire, en
même temps que la libération de son fils, son annexion pour contrecarrer
magiquement l'angoisse de mort. A son tour, l'enfant confronté à cette scène primaire
se sent exclu et, par une politique d'alliance, s'efforce de s'en défaire pour parvenir à
son indépendance par rapport à l'un des deux parents ou les deux. Chacun de ces rôles
est ambivalent parce que chaque action se déroule dans une dialectique entre
l'intérieur et l'extérieur et chacune de ces positions est porteuse d'une angoisse
spécifique : l'intérieur représente la sécurité, la dépendance et la prison alors que
l'extérieur est la liberté, mais aussi le désarroi et l'abandon. Par conséquent, le
comportement du fils et de ses parents est autant d'amour que de haine, puisque
chacun des protagonistes de ce drame aspire en même temps à rester ou à retourner
vers une intériorité et de se libérer de la fermeture qui le menace d'une intériorité
emprisonnante, dont la mort accompagne chaque mouvement de cette dialectique.

IV D. Norberto Carlos Marucco

Sur la base des travaux de Freud, Klein, Bion, Winnicott, Lacan, Laplanche,
Green et autres, Norberto Carlos Marucco se distingue par sa référence à la
‘dialectique’ à la place du ‘conflit’. Son expérience clinique avec des patients
borderline a mené Marucco (1997) à revoir la théorie psychanalytique de la sexualité
et de la représentation sur la base de la dialectique entre la pulsion sexuelle et le
statut de l'objet. L'auteur présente l'idée d'une scission de la structure psychique entre
le désaveu de la castration et la création d'un objet virtuel (fétiche non pathologique),
dans lequel chaque choix d'objet et les conditions liées à l'amour sont fondés sur ce
dernier. Du point de vue de l'auteur, l'objectif du traitement est d'atteindre un équilibre
entre la reconnaissance de la castration et le désaveu qui préserve les pulsions, une
dialectique également à la base de la proposition d'une théorie de la sublimation.
L'objet virtuel doit être entretenu et métaphoriquement recréée dans une relation

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analytique. La dialectique de la pulsion et de l'objet fait également l'objet de débats


dans le contexte de la sexualité et du transfert. Afin d'éviter les dangers de
l'idéalisation de l'objet, l'auteur soutient qu'il est nécessaire de permettre à la sexualité
œdipienne de se dérouler dans le transfert érotique et que l'analyste prenne parfois la
place de l'objet préœdipienne.

V. CONCLUSION

Par sa créativité et son insight, Freud a modifié ses propres théories au fil du
temps. Après son décès, la diversité et la controverse s'est intensifiée, comme les
débats polémiques entre les disciples d'Anna Freud et de Melanie Klein l'ont
exemplifié en Angleterre pendant la seconde guerre mondiale. La complexité du
paysage psychanalytique postfreudien était en quelque sorte le reflet de la situation
théorique britannique, avec ses traditions freudienne et kleinienne distinctes et ses
visions respectives sur la centralité du conflit, additionnées des perspectives
françaises de plus en plus influentes.
Avec l'arrivée d'éminents analystes européens en fuite du régime nazi, tout
particulièrement les proches de Sigmund et d'Anna Freud, la psychanalyse
postfreudienne nord-américaine a été au préalable systématisée sous la rubrique de
l'ego psychology, avec sa focalisation sur les conflits structurels intrasystémiques.
Dans les années 1970, qui coïncident avec la mort de Heinz Hartmann, la « période
Hartmann » est petit à petit rentrée dans l'histoire et l'époque du pluralisme en théorie
et en pratique s'est développée.
A travers le monde, les influences croissantes de la relation d'objet britannique
de Klein, Bion et Winnicott, les perspectives lacaniennes et non lacaniennes
françaises, leur synthèse avec les théories de Freud dans le travail des auteurs latino-
américains et l'émergence de la self-psychology de Kohut, les perspectives
intersubjectives et relationnelles ainsi que le bourgeonnement des études axées sur
l'enfance et les avancées dans les neurosciences modernes ont coïncidé avec la ‘portée
croissante’ de la pratique clinique psychanalytique et ont enrichi la pensée
psychanalytique sur le conflit dans de nombreuses directions.
Un changement a pris place, depuis l'accent porté au conflit œdipien vers des
nouvelles formulations de conflits (préœdipiens) qui impliquaient les plus précoces
processus identificatoires projectifs et introjectifs dans les relations d'objet dyadiques
internalisées, dans l'angoisse de séparation, la perte de l'objet, la perte de l'amour de
l'objet, la perte de l'identité et la perte de la réalité, avec les stades précoces relatifs à
la structuration psychique par la représentation et la symbolisation. Les anciennes
controverses (et conflits) sur l'importance du traumatisme vs. du conflit inconscient,

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avec la polarisation du fantasme (phantasy) vs. la réalité, l'héritage constitutionnel et


biologique vs. l'environnement et le conflit vs. le déficit furent examinées de nouveau
et progressivement intégrés dans la version contemporaine d'un paradigme complexe
d'ensembles complémentaires. Le nouveau paradigme s'exemplifie par les orientations
convergentes dans les modèles récents postfreudiens, post-kleiniens, post-bioniens
ainsi que les modèles synthétiques, dont l'effort porte à intégrer les niveaux
d'organisation préœdipiens et œdipiens relatifs au conflit et au développement
neurobiologique.
La plus grande appréciation actuelle de la pluralité et de la perplexité
théorique au regard du conflit a été salutaire pour la pensée et la pratique
psychanalytique. Les neurosciences modernes confirment que la plupart de notre
activité mentale est inconsciente et que la vie mentale est remplie de conflits. Malgré
les prévisions désastreuses du contraire, la psychanalyse continue d'apporter une
profonde compréhension de l'esprit humain et de ses essentiels conflits, qu'ils soient
reconnus explicitement ou implicitement, au centre de la scène, ou à son arrière-plan.

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Consultants Régionaux et Contributeurs

Europe : Dr. Christine Diercks et Maria Ponsi, MD

Amérique du Nord : Aron L. PhD; Bachant, J.L PhD; Gottlieb R., MD; Harris A.,
PhD; Lichtenstein D, PhD Lynch, A.A. PhD; Papiasvili E.D, PhD; Richards, A.D,
MD; Richards, A.K, CSW; Stern D., PhD; Tabakin, J., PhD; Tobias, L., PhD; Traub-
Werner, D., MD; Webster, J., PhD

Amérique Latine : Dr. H.C. Cothros, H.

Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili, PhD, ABPP

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Traduction : Corinne O’Connor ; Edition : Caroline Williamson

99
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CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (LA)


Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Louis Brunet (Amérique du Nord) ;
Vera Regina Fonseca (Amérique Latine) ; Dimitris-James Jackson (Europe)
Co-chaire de coordination interrégionale: Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)

I. DÉFINITION
Le concept ‘contenant-contenu’ de Wilfrid Bion était censé analogiser la
situation du couple analytique du point de vue de la situation de soins maternels mère-
enfant. Il désigne la mère non seulement en sa qualité de donatrice de lait apaisant et
épanouissant, mais également d'organe réceptif qui reçoit la douleur émotionnelle de
l'enfant et porte la capacité d'apaiser cette douleur pour l'enfant et la replacer à son
échelle gérable à sa juste mesure. Selon Bion, plus généralement parlant, cela
représente la transformation de la douleur depuis le point O (la terreur sans nom) au
point K (connaissance), comme pour « maintenant je peux penser l'impensable ! »
À partir du point de vue de l'évolution de la théorie, le concept présente un
prolongement de la théorie de l'identification projective (voir l'entrée spécifique
L'IDENTIFICATION PROJECTIVE), depuis son point d'entrée en qualité de théorie
du fantasme primitif et de défenses à une théorie d'une forme archaïque de
communication nécessaire au développement de la pensée.
En tant que modèle relationnel du fonctionnement mental, le processus de
contenance développe une interaction linéaire réciproque entre la dyade contenant-
contenu par les étapes suivantes : un état mental (‘contenu’) est relayé par l'expéditeur
au destinataire ; le destinataire le ‘contient’ potentiellement et le transforme par un
travail psychique ; le contenu transformé, ainsi que sa ‘fonction de contenant’ sont
ensuite réintrojectés par l'expéditeur.
Bien que le prototype développemental de ce modèle soit la relation mère-
enfant, le concept s'applique également en tant que communication inconsciente
particulière, qui se déroule aussi bien dans les relations dyadiques et dans les groupes
que dans le processus psychanalytique. Il s'applique également à la compréhension du
processus intrapsychique où l'individu s'efforce à contenir, convertir/transformer et
communiquer ses émotions par les mots.
Dans une situation clinique, le processus de contenance a une signification
particulière dans la compréhension des processus psychanalytiques et dans le
développement de la pensée/symbolisation. Techniquement parlant, cela signifie bien
plus que de supporter silencieusement les cris des enfants/patients, ou autres
manifestations de la douleur. La contenance implique l'identification, la

100
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transformation et l'interprétation dans le traitement de la douleur, quand cela est


possible.
La définition multidimensionnelle que nous avons évoquée ci-dessus reflète,
emprunte et enrichit les dictionnaires et encyclopédies régionales sur les trois
continents (Lopez-Corvo, 2003; Skelton, 2006; Auchincloss and Samberg, 2012).

II. LES ORIGINES DU CONCEPT

Le concept a pris ses racines en Angleterre pendant les années 1940, lors de
recherches cliniques dans le domaine de la schizophrénie (trouble de la pensée
psychotique), qu'étudiaient Melanie Klein et ses disciples Herbert Rosenfeld, Hanna
Segal et Wilfred R. Bion. (Le terme peut également être relié à l'expérience de Bion
dans ses fonctions de commandant de char d'assaut pendant la guerre. L'endiguement,
dans le sens militaire du terme, signifie restreindre et minimiser le conflit sur le
champ de bataille, sans pour autant l'éradiquer, rendant ainsi la situation plus gérable.)
Les « Notes on Schizoid Mechanisms » (« Notes sur quelques mécanismes
schizoïdes ») de Melanie Klein (1946) ont élucidé sa vision du point de fixation
pathologique, dans la schizophrénie, dans la phase initiale primitive de la vie de
l'enfant, depuis la naissance jusqu'à trois mois, qu'elle a nommée la position
‘paranoïde-schizoïde’. Dans cette position, les relations d'objet partiel, l'angoisse de
persécution et d’annihilation et les mécanismes de défense primitifs, tels que le
clivage, l'identification projective, le déni et l'omnipotence, sont actifs. Rosenfeld
(1959, 1969) en particulier, a approfondi la compréhension de ‘l'identification
projective’ lors de ses études cliniques (1950-1970). Il a révélé les processus dans le
monde infantile et primitif du patient : le patient projette ses objets internes, objets
partiels et les parties conflictuels du soi dans l'objet – le sein de la mère et le
corps/thérapeute – pour intéragir avec eux par l'intermédiaire de l'objet, et ensuite les
intègre au moi, les réintrojecte et s'identifie à eux. Ce processus de projection et de
réintrojection a constitué un élément fondamental dans la recherche de Bion sur le
concept contenant-contenu.
Les premières références embryonnaires à la théorie ‘contenant-contenu’ sont
apparues dans les écrits de Bion en 1950, particulièrement dans « Development of
Schizophrenic Thought » (« Le développement de la pensée schizophrénique »)
(1956, dans : Bion, 1984) ; « Differentiation between Psychotic and Non-Psychotic
Personality » (« Différenciation des personnalités psychotique et non-psychotique »)
(1957, in : Bion, 1984) ; « On Hallucinosis » (« L’hallucination ») (1958, in : Bion,
1984), et « Attacks on Linking » (« Attaques contre la liaison ») (1959). En faisant
référence à la relation du nourrisson au sein, dans le cadre de la théorie de Melanie

101
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Klein sur l'identification projective (Klein, 1946), il souligne l'importance de


l'adaptation entre la mère/son sein et le nourrisson en confrontant la désintégration et
l’angoisse de mort que vit le nourrisson. La présence satisfaisante du sein contenant
est primordiale quand il s'agit de faire face à des émotions et à les modifier,
permettant l'apprentissage affectif. Ainsi, les formulations du concept de
l'identification projective de Bion comme étant la défense primitive du moi évoluent
vers une description d'une identification projective développementale normative
réaliste, implicite dans le modèle contenant-contenu.

III. CONTENANT-CONTENU (CONTENANCE) : EVOLUTION DU


CONCEPT CHEZ BION

Dans son article en 1959, intitulé « Attacks on Linking » (« Attaques contre la


liaison ») (Bion, 1959), Bion explicite son expérience avec un patient psychotique,
qui s'est appuyé sur l'identification projective pour évacuer des éléments parties de sa
personnalité dans sur l'analyste, où, du point de vue de la perspective du patient, s’si
ces éléments avaient eu la possibilité de s’y reposer assez longtemps, ils auraient subi
des modifications par la psyché de l’analyste et auraient ensuite été réintrojectés en
toute sécurité. Bion précise comment le patient, quand il a ressenti que l'analyste avait
évacué les projections du patient trop rapidement, c'est à dire que les affects n'avaient
pas été modifiés, a réagi en essayant de les (re)projeter sur l'analyste de manière
d'autant plus désespérée que violente. Bion a relié ce processus clinique à l'expérience
du patient avec sa mère qui ne pouvait tolérer accueillir les projections du nourrisson
et qui n'a pas pu contenir les peurs projetées du nourrisson. Bion propose que « Une
mère compréhensive est capable d’éprouver un sentiment de terreur – que ce bébé
s’efforçait de traiter au moyen de l’identification projective –, tout en conservant une
attitude équilibrée ». (Bion, « Attacks on Linking », 1959, p 103-104).
En 1962, dans sa publication « Learning from Experience » (« Aux sources de
l’expérience » et dans son article « The Psychoanalytic Study of Thinking » (« l'Étude
psychanalytique de la pensée »), Bion précise davantage ses idées. Il décrit l'état
d'esprit réceptif de la mère quand elle est en mesure d'intégrer et de contenir la terreur
projetée de l'enfant dans une ‘capacité de rêverie’. En ajoutant l'idée de la rêverie
maternelle à l'idée d'identification projective, Bion y ajoute comment l'environnement
affecte le développement intrapsychique, par les relations primaires. La ‘rêverie’
désigne un état psychique réceptif où la mère s'identifie inconsciemment et réagit à ce
qui est projeté par l'enfant. Par la capacité de rêverie maternelle, la mère crée une
nouvelle compréhension de ce que l'enfant tente de communiquer. La mère
transforme ce que Bion appelle les éléments béta en éléments alpha, qui peuvent
ensuite être retransmis à l'enfant. Ceci constitue la première définition du modèle

102
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contenant-contenu. Le processus implique spécifiquement les étapes suivantes :


Premièrement, la mère, dans un état de rêverie, reçoit et accueille de son enfant ces
insupportables aspects du moi, les objets, affects et expériences sensorielles bruts (les
éléments bêta) de son enfant qui ont été projetés en elle dans le fantasme.
Deuxièmement, elle doit tolérer tous les effets de ces projections en son esprit et en
son corps autant que nécessaire, afin de les penser et les comprendre, un processus
que Bion qualifie de ‘transformation’. Puis, ayant ainsi transformé l'expérience de son
nourrisson dans son propre esprit, elle doit progressivement les restituer à son enfant
sous une forme assimilable et détoxiquée (à tout moment qui puisse lui être utile),
comme en démontrera son attitude et sa façon de le tenir.Dans le contexte de
l'analyse, Bion a donné le nom de ‘publication’ à ce dernier segment du processus, ce
que nous qualifions d'interprétation. La capacité de ‘contenir’ présuppose une mère
qui a des limites bien assurées et suffisamment d'espace interne pour lui permettre de
faire face à ses propres anxiétés, ainsi que celles acquises par la relation avec l'enfant ;
une mère ayant la capacité bien développée de supporter la douleur, de considérer, de
réfléchir et transmettre ce qu'elle pense de manière significative pour son enfant. Une
mère qui est elle-même distincte, intacte, réceptive, capable de rêverie, de donner de
manière appropriée, est de ce fait adaptée à l'introjection en qualité d'objet
‘contenant’. C'est ainsi que petit à petit, au fil du temps, l'identification de l'enfant à
l'objet, et son assimilation d’un tel objet, le conduit à développer son espace mental,
sa capacité de faire sens et le mène à l'évolution perpétuelle d'un esprit capable de
réfléchir par lui-même. C'est ce que Bion a appelé la fonction alpha.
Dans son ouvrage « Elements of Psychoanalysis », (« Eléments de la
psychanalyse ») (1963), Bion considère que la relation dynamique entre le contenant
et le contenu, représentée par les signes abstraits ♂ et ♀, constitue le premier élément
de la psychanalyse. Le ♂ (contenu) a ici une capacité de pénétrer et le ♀ (contenant)
une qualité réceptrice/de recevoir ou accueillir. Dans ce contexte, ♀ et ♂ ne sont pas
restreints à une signification sexuelle spécifique, ils sont dénués de toute connotation
sexuelle. Ils représentent des variables ou des inconnus ; les fonctions ♀ et ♂ étant
présentes dans toutes les relations, indépendamment du genre. Le (contenu) ♂ pénètre
le ♀ (contenant), lequel le reçoit et interagit avec lui, donnant lieu à la création d'un
nouveau produit. L'usage des symboles ♂-♀ souligne la nature biologique de l'esprit,
tout en incorporant les concepts de sexualité et de configuration œdipienne de Freud
et de Klein. Dans ses derniers écrits, Bion met l'accent sur la réciprocité entre les deux
parties, éléments et le potentiel de développement et d'échanges entre les deux. Le
paradoxe de la relation dynamique du ‘contenant-contenu’ se situe dans sa mutualité
réciproque : ce qui contient et ce qui est contenu ont également la fonction de pouvoir
mutuellement contenir et être contenu. En termes de développement, cela signifie que
le sein, en qualité de contenant pour les angoisses du nourrisson, peut également
signifier l'inverse : le nourrisson en qualité de contenant pour certains aspects de la
personnalité de la mère.

103
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Plus tard, dans le contexte clinique, cette réciprocité est mise en évidence :
«L'indice se trouve dans l'observation des fluctuations par lesquelles l'analyste est, à
un moment donné, le ‘contenant’ (♀) et l'analysant le ‘contenu (♂)’, et au moment
suivant, les rôles sont inversés… »44 (Bion, 1970, p.108).
Tout au long de ses écrits, Bion souligne que ‘contenir’ implique une activité
et un processus qui permet une pensée de se former et de se transformer en des mots :
ce qui est en opposition à l'usage banalisé et contraint de ‘contenir’ et ‘recevoir’ en
termes signifiant une simple réceptivité passive. L’exposé complet sur la complexité
et les nombreuses facettes et processus de transformation sont au centre de sa
publication « Transformations: Change from Learning to Growth »
(« Transformations : Passage de l'apprentissage à la croissance »). C’est ici que Bion
présente le concept métathéorique 'O', le début mais également potentiellement le
point final des processus de transformation multidirectionnels. Il englobe l'impensable
‘terreur sans nom’, les ‘éléments bêta’, les ‘choses en soi’ ; mais aussi la ‘Réalité
Ultime’, la ‘révérence’ et ‘l'émerveillement’ (awe) (Bion, 1965 ; Grotstein, 2011a, p.
506).
La notion contenant-contenu faisant partie du système scientifique déductif de
Bion, la théorie de la pensée et du processus de la pensée (Bion, 1962a, 1962b, 1963,
1965, 1970), il est important de la placer dans son contexte. Selon ce champ théorique
vaste, les ‘pensées’ et ‘l'appareil à penser’ ont des origines distinctes par lesquelles les
‘pensées’ existent de manière indépendante de leur appareil à penser. Les ‘pensées’ ne
sont pas générées par l'appareil à penser. Dans les deux, la relation contenant-contenu
est séminale. C'est ainsi que la relation contenant-contenu peut être considérée comme
l'embryon de la vie mentale.
Selon cette théorie, la genèse de la ‘pensée’ est un processus dans lequel la
relation contenant-contenu est la première étape. La condition pour que le contenu
psychique (émotion, perception sensorielle) réalise une qualité mentale
(représentation, pensée) est celle de l'existence du contenant qui est en mesure de la
contenir. L'objet prototypique de cette fonction (‘contenant’, avec le signe ♀) est le
sein de la mère, une préconception innée en attente de réalisation. Les stimuli
sensoriel et émotionnel (‘contenus’), conjugué avec ce ‘contenant’ adéquat, se
transforme en un ‘contenu’ (avec le signe ♂), par la même créant la relation
‘contenant-contenu’, un premier moment développemental d'une pensée par le
penseur. Cette relation contenant-contenu (♀-♂) permet l'apparition d'une ‘expérience
émotionnelle’, qui sera caractérisée par le lien qui la qualifie, L (love/amour), H
(hate/haine) ou K (knowledge/connaissance). L’attention de la conscience maintenant
portée sur cette expérience émotionnelle, peut se transformer en élément alpha, la
monade de la vie mentale, par l’opération de la fonction alpha.
L'apparition de ‘pensées’ entraine la création d'un appareil capable de les
traiter. Deux mécanismes fondateurs y conjuguent à cette fin, c'est à dire le contenant-
44
NdT citation traduite pour cette édition

104
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contenu (♂ ♀) et la relation dynamique entre la position paranoïde-schizoïde et la


position dépressive (EP-D). Cela fonctionne par l'inversion des symboles (♂ - ♀ et
pas ♀ - ♂), autrement dit, par l'identification projective.
Le modèle contenant-contenu est également impliqué dans l'évolution de la
pensée, en un facteur de croissance positive (+K) ou négative (-K). En ce qui
concerne la croissance psychique, ♂ et ♀ sont dans cette relation, réciproquement
dépendants et mutuellement bénéfiques au détriment d'aucune des parties, caractérisés
par ce que Bion aurait appelé, en 1962, le lien commensale. La mère et l'enfant en
profitent, en termes de modèle pour la croissance psychique (Lopez-Corvo, 2002).
L'enfant introjecte cette activité entre la dyade de telle manière que la relation ♂/♀
contenant/contenu est installée en elle, permettant ainsi le développement d'une
fonction qui encouragera la personnalité de devenir graduellement plus complexe et
créative, afin qu'elle puisse aborder les questions mentales qui ne manqueront pas de
survenir tout au long de la vie.
Bion a emprunté à Elliot Jacques le concept de ‘réticule (reticulum) intégratif’
(1960) pour son modèle dans lequel « les trous sont les manches et où les fils formant
les mailles du réticule sont les émotions » (Bion, 1962, p. 9145) Le réticule reçoit
également les ‘contenus’ ♂ en croissance par un processus qui comprend
nécessairement un certain degré de tolérance à l'inconnu [les manches en cours de
développement sont toujours en attente du contenu]. Par ailleurs, l'apprentissage
dépend de la capacité de ♀ à conserver son intégrité tout en développant son
élasticité, de la même manière qu'un utérus se dilate pour accommoder la croissance
du fœtus (Sandler, 2009).
Dans une remise en cause du concept, dans « Attention and Interpretation »
(« L’Attention et l’interprétation ») (1970), Bion se détache de la formulation
précédente (Bion, 1962) des liens contenant-contenu (amour, haine, connaissance) en
proposant une nouvelle approche qui met en relief la relation entre le contenant et le
contenu. Ainsi, les trois types de liens sont depuis considérés comme étant
commensales, symbiotiques et parasitaires. Par le terme ‘commensal’, il signifie une
relation dans laquelle deux objets partagent un troisième à l'avantage de tous les trois,
par exemple, les fondamentaux de la culture à laquelle le contenant et le contenu
appartiennent. Par le terme ‘symbiotique’, il entend la relation dans laquelle l'un
dépend de l'autre à l'avantage mutuel des deux. Cette relation même est présente
lorsque l'un utilise l'identification projective en tant que moyen de communication et
le contenant la transforme en une signification nouvelle pour les deux. Par le terme
‘parasitaire’, il énonce la relation dans laquelle l'un dépend de l'autre pour en produire
une tierce qui est nuisible aux trois. Dans ces cas-là, l'identification projective est
explosive et destructive au contenant. Le contenant est aussi destructif du contenu. Le
contenant dénude le contenu de sa qualité de pénétration et le contenu dénude le
contenant de sa capacité réceptive (Bion, 1970, p 95).

45
(Ndt) Version française : « Aux sources de l’expérience », page 27.

105
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Le lien destructif implique l'échec de la relation contenant/contenu : au niveau


développemental, lorsque la disposition du nourrisson tend vers une trop forte
agressivité, ou sentiment d'envie, ou lorsque sa tolérance par rapport à l'angoisse et la
peur dans des expériences frustrantes est insuffisante, il y aurait des périodes où la
mère ne peut suffisamment encourager la croissance, même si sa fonction de
contenant est normale. Les correspondances et les actions qui lui sont rendus en retour
par la mère ne sont pas suffisantes pour alléger l'angoisse et la peur. Il en devient
difficile pour le nourrisson d'introjecter sa fonction contenante et de s’identifier à une
partie de lui/elle-même. Au contraire, même lorsque la disposition du nourrisson est
normale, lorsque la fonction contenante de la mère est insuffisante, la mère ne peut
pas bien comprendre et appréhender l'expérience d'angoisse que le nourrisson
projette. Dans une telle situation, ce que la mère rend en retour au nourrisson n'est pas
intégré et le sens est confus, donc le nourrisson ne peut pas l'accepter comme étant sa
propre expérience significative.
C'est ainsi qu'en parallèle à +K, laquelle favorise la croissance, –K coexiste, ce
qui présuppose une relation symbiotique ou parasitaire entre le signe contenu ♂ et le
signe contenant ♀, lesquels seraient d'autres moyens de faire face à une situation
émotionnelle à contrario de la pensée et sa croissance en conséquence. Il s'agirait
d'une relation qui pourrait mener à une destruction mutuelle.
Lorsque Bion a appliqué le concept de la contenance aux systèmes sociaux, il
a décrit le conflit entre le groupe (ou l'ordre social établi, ‘establishment’, ou système)
et la notion mystique, la personne qui apporte au groupe une idée nouvelle, mais
déstabilisante. La personne qui représente l'idée nouvelle doit être contenue dans le
groupe, mais cela peut engendrer la destruction de l'idée par le groupe, ou que le
groupe se désintègre sous sa pression
Avec l'apparition de –K, se manifestent l'envie et le sentiment de peur,
lesquels participeraient fermement à freiner le développement de la pensée et de la
créativité essentielles selon le modèle bionien de la vie mentale. La configuration –
(♀, ♂) (contenant-contenu en négatif) conduit à une conscience morale croissante et à
l'émergence d'un « Sur-surmoi qui revendique la supériorité morale de défaire et de
désapprendre, ainsi que l'avantage de trouver la faute partout ». (Sandler, 2009, pp.
262-263).
Dans ce contexte, il est donc intéressant de souligner que dans son texte écrit
en 1970, « Attention and Interpretation », Bion fait référence au contenant-contenu
modifié, présenté initialement par l'expression ‘changement catastrophique’ dans
lequel il y aurait un élargissement des deux éléments.
Dans sa publication datée de 1970, « Attention and Interpretation: A Scientific
Approach to Insight in Psychoanalysis and Groups », (« L'attention et l'interprétation:
une approche scientifique de la compréhension intuitive en psychanalyse et dans les
groupes »), Bion a résumé et approfondi son système théorique : sa contribution sur la
‘contenance’ semblait modeste, mais il est devenu progressivement un important

106
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nouveau concept opérationnel pour la psychanalyse. Il a donné la possibilité aux


analystes et aux thérapeutes ‘des deux côtés de l'île’ de parler le même langage en ce
qui concerne la communication affective pré-lexicale entre la mère et l'enfant. Bion
aurait ainsi ouvert de manière significative une nouvelle voie au vertex de la
topographie mentale, par le ‘contenant/contenu’ et ses remaniements des fonctions L
(love, ou amour), H (hate, ou haine) et K (knowledge, ou connaissance) au service des
interactions entre le contenant/contenu.
Sur ce point, la nature de l'interaction, qui a lieu aussi bien à l'intérieur de soi,
qu'entre le soi et l'objet, était limitée à l'acte d'introjection et de projection (ensuite
l'identification projective et introjective). Ces deux dernières fonctions ont été les
descendantes développementales de tous les mécanismes de défense qui ont suivi :
elles ont symbolisé les limites du modèle de la psychanalyse dérivant de la
psychologie en mode individuel (‘one-person psychology’) qui stipulait que la
structure intrapsychique était uniquement caractérisée par des représentations du
sujet.
Par le concept contenant/contenu, Bion a développé une unique épistémologie
de la communication de base entre la mère et l'enfant, dans lequel le processus
inachevé de la pensée débute par l'identification projective des 'pensées [de l'enfant]
(émotions) sans penseur' (Bion 1970, p. 104) dans sur sa mère-contenante, dont la
capacité de rêverie et la fonction-alpha les transforme en pensées pensables,
sentiments, rêves et souvenirs. C'est par une communication de ce type, que la
fonction alpha de l'enfant développe et mûrit, alors qu' « il commence à penser par
lui-même en projetant en son propre objet-contenant interne doté de sa propre
fonction alpha... » (Grotstein, 200546). D'un point de vue développemental et clinique,
les fonctions contenant/contenu réalisent un mouvement d'inversion, sous forme
dialogique, entre les deux participants. Selon l'opinion de Grotstein (2005), ‘l'équipe
nourrisson-mère projetant-contenant’ présente, de manière irréductible, un modèle à
deux personnes, à partir de laquelle le modèle à une personne précédent, fonctionnant
sur la base de projections, d’introjections et/ou d’identifications projectives, de la
projection, de l’introjection et/ou de l’identification projective, peuvent devenir une
conséquence défectueuse liée au défaut d'une capacité de contenir. L’analogue
clinique, le modèle à deux personnes du contenant/contenu, comprend la présence et
les activités de l'analyste, bien qu'elles restent focalisées sur l'analysant. Une fois la
scène psychanalytique interactive élargie à un panorama tridimensionnel à deux
personnes, la perspective intersubjective (‘vertex’) est en mesure d'être explorée.
Ainsi la contenance peut être considéré proliférer de nombreux, sinon tous, les
phénomènes de transfert/contre-transfert et devenir un lien latent (ou ‘l’ordre caché’)
entre les deux (Grotstein, 2011b).
Dans certaines de ses excursions extrêmement théoriques, Bion (1965, 1970,
1992) relie son concept de contenance aux ‘formes idéales’ de Platon et aux ‘choses

46
(Ndt) Version française : L'Année Psychanalytique Internationale, 2006:121-139.

107
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en soi’ de Kant. Ainsi, le sujet projetant active les analogues spécifiques du


contenant/contenu avec la panoplie de L, H et K, en dormance dans leur condition
universelle préexistante de ‘formes idéales’ et de ‘choses en soi’ correspondantes.

IV. LES DÉVELOPPEMENTS POST-BIONIENS

Plusieurs psychanalystes à la suite de Bion ont fait débat, élaboré et développé


davantage les diverses dimensions du modèle contenant-contenu. Nous présentons ci-
dessous quelques exemples de ces élaborations et développements, portant
globalement sur plusieurs régions psychanalytiques.
Au Royaume-Uni, Ronald Britton (1998) a souligné combien les mots peuvent
offrir un contenant pour l'expérience émotionnelle en y édifiant autour de celle-ci une
‘frontière sémantique’, alors que la situation analytique elle-même engendre un
‘monde délimité’ (‘bounded world’) et un lieu où la signification peut être trouvée. Il
apporte également des précisions sur la relation mutuellement destructive du
contenant-contenu, la ‘contenance nocive’, où le sujet confronté à une nouvelle idée
ne peut imaginer que deux alternatives (catastrophiques), celles de ‘l'emprisonnement
ou la fragmentation’. Les travaux de Betty Joseph ont mis l'accent sur les aspects
communicatifs de l'identification projective pour maintenir l'équilibre psychique, et le
potentiel de ce processus à engendrer le changement psychique, s'il est contenu
(Joseph 1989).
Les analystes nord-américains tels que James Grotstein (1981, 2005), Robert
Caper (1999) et Thomas Ogden (2004) ont également apporté des contributions
substantielles à ce concept. C'est en posant l'accent sur les processus de transmission
dans la communication pré-lexicale du contenant/contenu que Grotstein a développé
son concept de ‘transidentification projective’ :
« Ainsi lorsque l'analyste semble agir comme un contenant pour les
expériences que l'analysant lui rapporte, … l'analysant identifie projectivement de
manière inconsciente son état émotionnel dans son image de l'analyste avec l'espoir de
se débarrasser ainsi de sa souffrance et d’induire cet état dans l'analyste en manipulant
l'image de ce dernier... l'analyste qui consent à être le coparticipant de cette aventure
conjointe, devient ouvert et réceptif... [Cela] .... donne éventuellement lieu à une
contre-création par l'analyste de l'image qu'il se fait des projections de l'analysant. »
(Grotstein, 2005, p. 19-2047).

47
Ndt: Version francaise : Grotstein, J.S. (2006). La «transidentification projective»: une extension du
concept d'identification projective. L'Année Psychanal. Int., 2006:121-139. L'Année Psychanal. Int.,
2006:121-139.

108
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Caper a bien souligné qu'un élément clef de la contenance sous-entend la


capacité de l'objet récepteur de la projection de garder une attitude réaliste envers la
partie projetée, afin d'avoir la capacité de le penser et ainsi de la restituer sous une
forme plus gérable. Cela dépasse pour lui la simple notion du ‘holding’ dont l'objectif
principal est de soutenir le narcissisme du patient. Les travaux de Thomas Ogden se
sont focalisés sur les subjectivités interactives à l'œuvre dans l'identification
projective. Le modèle contenant-contenu est désormais accepté tout aussi bien en
interne, mais également en dehors du groupe Kleinien. Arnold Modell (1989) a parmi
d'autres souligné la fonction contenante du cadre psychanalytique global et Judith
Mitrani (1999, 2001) a élaboré l'importance de la fonction contenante de l'analyste
dans le cadre des paradigmes du transfert-contretransfert, pour des cas divers de
conditions développementales et (psycho)somatiques.
Le modèle contemporain Franco-canadien de Louis Brunet (2010), lequel est
un exemple d'une synthèse de la pensée ultérieure bionienne (Grotstein, 2005) et la
pensée française (De M’Uzan, 1994) à ce sujet, apporte une construction clinique
spécifique de ce concept. Ainsi, la contenance présente aussi bien des aspects
‘fantasmatiques’ que ‘réels’ qui doivent être compris conjointement. Il y a des aspects
intrapsychiques et fantasmatiques dans la psyché du patient ainsi que celle de
l'analyste, et une ‘réelle’ réponse de l'analyste ou de l'objet. La taxonomie abrégée des
cinq étapes menant à une réponse contenante adéquate est explicitée comme suit :
1. le point de départ peut consister en l'identification projective du patient (contenus
affligeants évacués/projetés sur l'analyste) associée au fantasme inconscient du
patient de l'existence d'un objet potentiel indestructible qui serait capable de
‘contenir’ ces projections dangereuses et rendre à l'enfant (le patient) une version
‘tolérable’, ‘intégrable’ de ce contenu ;
2. à la suite de ce premier mouvement ‘intrapsychique’, le patient, ou enfant, y
ajoute des communications, des attitudes et des comportements verbaux et
infraverbaux, lesquels agissent en inductions émotionnelles envers le sujet
(analyste, parent). Ces inductions sont des tentatives de ‘toucher l'analyste’ pour
que celui-ci éprouve cela et prendre en lui ce qui est projetté. (Voir Grotstein,
2005) ;
3. l'objet ‘réel’ (la mère, l'analyste) doit être disposé à être touché, impressionné,
ému, agressé, utilisé, en fait, de tous les moyens nécessaires par le transfert
d'éléments archaïques du patient/enfant ;
4. la mère, l'analyste éprouve des émotions, certaines consciemment, mais
principalement inconsciemment, par les identifications. L'adjuvant de telles
identifications, ainsi que les propres anxiétés et conflits déclenchés de
l'analyste/mère, créent un objet-soi amalgamé. De M'Uzan (1994) a étudié cet
aspect avec le concept de la chimère ;

109
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5. cette chimère doit être ‘comprise et transformée’ par l'analyste. Ce travail peut
être conçu comme une ‘digestion psychique’ tout aussi bien des projections du
patient/enfant que des conflits et affects de l'analyste/mère mobilisés par la
projection. Il doit ensuite restituer un ‘contenu digeste’, avec le danger d'envoyer
au patient une identification contre-projective.
En Amérique Latine, Cassorla (2013) a approfondi le thème de la fonction
symbolisante contenante de l'analyste, dans le contexte d’une ‘mise en acte
chronique’ (voir l'entrée distincte ÉNACTION). Il décrit la capacité à symboliser en
conséquence de l'action contenante de la fonction α symbolisante implicite, que
l'analyste utilise pendant les énactions (mise en actes) chroniques. Dans ce contexte,
la fonction α implicite de l'analyste est la capacité de l'analyste à tolérer (contenir) les
mouvements obstructifs qui ont envahi le processus analytique, sans pour autant
abandonner la quête de nouvelles approches visant à mieux comprendre ce qui a lieu,
et à se préparer à des interprétations futures potentielles (des énactions), si, par son
expérience, l’analysant les considère significatives »

V. CONCEPTS VOISINS

Le modèle contenant/contenu s'est développé en parallèle à d'autres concepts


d’espace de l'esprit, qui focalisent sur la nécessité d'internaliser une fonction
maternelle pour développer la capacité à penser/symboliser/mentaliser.
La notion de contenance doit être différenciée de la notion de ‘holding’ (le
‘soutien’ ou le ‘tenir’) (Winnicott, 1960). Le ‘holding object’ (ou l’objet qui soutient)
constitue cet objet environnemental dont le sens est déterminé par l'enfant ou
l'analysant ; alors que l'objet contenant constitue un objet dont la valence équivaut à
celle de l'objet contenant et son support.
Le concept de ‘holding’ de D.W. Winnicott indique, comme celui de la
contenance, que l'enfant ne peut se comprendre indépendamment de la mère et que
l'internalisation du ‘holding’ maternel est nécessaire au développement mental.
Cependant, le ‘holding’ est un terme plus large qui englobe aussi bien une sensibilité
psychique accrue aux besoins de l'enfant, qu'un acte de tenir physiquement ou une
disposition environnementale globale (Winnicott, 1960). La contenance, par contre,
sous-entend une implication intrapsychique plus active de la part de l'objet, qui
dépend davantage de sa personnalité.
Esther Bick (1968), Donald Meltzer (1975), et plus tard, Didier Anzieu (1989),
ont conceptualisé de manière légèrement différente, le développement d'un moi-peau
doté d'une fonction contenante. Selon André Green (1999), une hallucination négative
de la fonction maternelle est nécessaire pour qu'un espace interne de symbolisation

110
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puisse se créer. Ces derniers diffèrent de Bion dans ce sens qu'ils mettent l'accent sur
les états où l'espace psychique est supposé ne pas être encore atteint, et sur les autres
façons primitives d'être en relation (avant l'identification projective), telles que
l'identification primaire et l’identification adhésive.

VI. USAGE ACTUEL ET CONCLUSION

Le modèle du contenant-contenu bénéficie d'une application étendue dans la


psychanalyse contemporaine. Dans la psychanalyse clinique, la fonction contenante
est considérée d'une importance majeure par une majorité de psychanalystes
contemporains indépendamment de leur orientation théorique. Le terme s'applique
non seulement pour comprendre les processus d'identification projective, mais aussi
pour travailler avec les états psychiques dominés par des excès de tensions et
émotions en raison de traumatismes et/ou d'états psychiques indifférenciés. De nos
jours, beaucoup insisteraient de l'importance d'internaliser la fonction paternelle, pas
uniquement la capacité de rêverie maternelle et la fonction alpha. C'est à dire, le lien
du père à la mère lui permettant de maintenir un état d'esprit équilibré tout en
pourvoyant aux besoins de son enfant et en même temps permettant l'existence d'un
espace triangulaire.
La théorie de la contenance de Bion offre une nouvelle base d'efficience
thérapeutique. C'est une théorie de la pensée fondée sur une expérience émotionnelle
de la connaissance, qu'il désigne par 'K' (Knowledge) et la quête de la vérité dans la
rencontre thérapeutique, ce qui pour Bion est aussi vital pour l'esprit que la nourriture
l'est pour le corps. En termes techniques, cela contribue à orienter l'analyste, pendant
la session, sur ce que le patient apporte qui nécessiterait un travail psychique de
‘contenance’ afin de donner lieu au changement psychique.

Voir aussi :
ÉNACTION (L’)
IDENTIFICATION PROJECTIVE (L’) (bientôt)

111
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I. INTRODUCTION ET DÉFINITIONS INTRODUCTIVES

Le contre-transfert est l'un des concepts les plus transformés et transformant


en psychanalyse. Il est nécessaire de l'appréhender de manière historique, théorique,
empirique et expérientielle. De nos jours, le concept dénote tout un éventail de
sentiments (conscients et inconscients), de pensées et attitudes que les analystes
portent envers le patient dans la situation analytique. Dans son sens le plus large, il
peut fait référence à la totalité des sentiments, des attitudes et pensées qu'un
thérapeute peut avoir au sujet de, ou envers, les patients. Plus précisément, cependant,
le contre-transfert peut renvoyer à de spécifiques, pour la plupart inconscientes,
réactions vis à vis du transfert des patients, littéralement à l'encontre du transfert du
patient. En psychanalyse, il est l'un des concepts les plus complexes, dont l'évolution
l'est tout autant, qualifié de nombreux sens sur un éventail des différentes orientations
internationales actuelles. Généralement, l'on s'accorde à dire que l'expérience du
contre-transfert porte à la fois potentiellement des avantages et des dangers.
Composante nécessaire de la matrice transfert – contre-transfert, il reflète une
dimension vitale interactive de la psychanalyse, même si elle est conceptualisée de
manière divergente.
Lorsque l’on extrapole et développe le concept à partir des dictionnaires
psychanalytiques contemporains européens et nord-américains (Auchincloss, 2012;
Skelton, 2006), en termes de phénomène clinique, par le biais de nombreux exemples
de situations analytiques, médié par des processus conceptualisés et des mécanismes
présents à l’intérieur du patient et entre le patient et l’analyste, la phénoménologie de
l’expérience du contre-transfert peut comporter :
* Un sentiment conscient ou idée que l'analyste porte en réaction au matériel du
patient.
* Un sentiment inconscient ou une association que l'analyste peut recouvrer ou (re)
construire par une auto-analyse approfondie sur les indices, durant ou après l'heure.
Cela peut inclure la réaction de l'analyste au transfert du patient, le contre-transfert
même de l'analyste, ou tout élément ou caractéristique de l'échange, ainsi que
l'expérience intropsychique de l'analyste en réaction à la totalité de la situation

115
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analytique.
* Un sentiment ou idée inconscient(e), qui entre en conflit avec l'idéal du moi de
l'analyste, entrave la capacité de réceptivité et le fonctionnement autoréflexif et auto-
analysant de l'analyste et entraîne des points aveugles conceptualisés de différentes
manières, qui freine l'analyse du patient, ou l'accumulation de la contre-résistance de
l'analyste.
* Un état chez l'analyste, plutôt qu'un problème/phénomène temporaire, donc une
position de contre-transfert, à partir de laquelle le moi de l'analyste est en train de
percevoir, penser et ressentir. Dans la mesure où une attitude/position ou état interne
ne se traduit pas en action, mais se vit comme étant "induite", elle peut inclure des
identifications projectives différemment conceptualisées et/ou une certaine résonance
aux rôles48.
* Une énaction (mise en acte, ou ‘enactment’), si le contre-transfert non résolu est
déchargé dans l'action. La question de l'utilité et de l'inévitabilité d'un tel phénomène
fait l'objet de grands débats. De nombreux auteurs contemporains avancent des points
de vue selon lesquels les énactions du contre-transfert permettent l'émergence
d'éléments inconscients (archaïques, symbolisés toujours de manière partielle) par
ailleurs inaccessibles, et que si elles sont comprises et interprétées, présentent à la
paire analytique une opportunité de trouver une signification nouvelle. Dans la
mesure où les énactions sont perçues comme étant suscitées/induites/inspirées
inconsciemment par les actions (quand bien même subtiles) du patient, elles peuvent
comporter des identifications projectives différemment conceptualisées et des
résonances aux rôles, et ils pourraient signifier une intensification de la position
contretransférentielle, ou un état, évoqué ci-dessus (Voir l'entrée concernant
l'ÉNACTION).

Un dictionnaire contemporain latino-américain (Borensztejn, 2014) représente


la pluralité conceptuelle évoquée ci-dessus en un résumé à large spectre : depuis la
notion – de contre-transfert qui englobe tout ce qui émerge chez l'analyste en réaction
psychologique à l'analysant, jusqu'au sens du terme de contre-transfert attribué à ce
qui est infantile, irrationnel et inconscient dans la relation du dernier avec le premier.
Il existe globalement un large consensus dans les trois régions culturelles
continentales, selon lequel le contre-transfert et le transfert doivent être considérés
comme étant un concept "dual", en interaction constante entre eux : le transfert
déclenche le contre-transfert et vice versa. Ils représentent les aspects au centre de la
relation analytique : pour le transfert, l'accent est posé sur les processus psychiques du
patient par rapport à l'analyste, pour le contre-transfert, les processus de l'analyste par
rapport au patient. L'intérêt clinique dans le contre-transfert s'est développé
constamment durant toute l'histoire de la psychanalyse. Le contre-transfert, ainsi que
le transfert, étaient perçus au départ comme un obstacle au traitement. Plus tard,

48
Ndt : la notion de « role responsiveness » de Joseph J. Sandler

116
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jusqu'aujourd'hui, ils ont tous deux été considérés comme une quasi "voie royale"
menant à l'inconscient des deux acteurs.
Cette entrée s'évertuera tout d'abord à suivre l'évolution des différentes
significations portées au contre-transfert, au travers de l'évolution de la théorie
psychanalytique et de l'évolution des cadres conceptuels, et se propose ensuite de les
catégoriser, dans la partie conclusion de cette entrée. Le caractère remarquablement
international de l'évolution conceptuelle est mis en valeur tout au long de cette entrée.
Pour des raisons de style, les titres des publications figureront en lettres
majuscules entre des guillemets ; les guillemets suivis des numéros de page, lesquels
désignent des citations mot pour mot ; la forme italique surligne les caractéristiques
déterminantes du concept lié à une école particulière de pensée, ou terminologie
émergente.

II. HISTORIQUE ET ÉVOLUTION DU CONCEPT

II. A. Freud et la 'Définition minimale' du contre-transfert


C'est lors d'un courrier de Sigmund Freud à Carl Gustav Jung, en 1909, que le
terme est apparu en premier lieu, lorsqu'il relatait l'expérience amoureuse de ce
dernier, avec Sabina Spielrein : « De telles expériences, bien que douloureuses, sont
nécessaires et difficiles à éviter. Sans elles, nous ne connaîtrions pas réellement la vie
et ce que nous faisons … Elles nous aident à développer la peau épaisse dont nous
avons besoin pour dominer ‘le contre-transfert’, lequel constitue, après tout, un
problème permanent pour nous. Elles nous enseignent à placer nos propres affects
dans une situation plus avantageuse. C’est un mal pour un bien. » (Freud, 1909, p.
230-231).
La première introduction au concept publiée officiellement apparaît en 1910,
dans « The Future Prospects Of Psychoanalytic Therapy » (« De la technique
psychanalytique »), où Freud disait de l'analyste : « Nous sommes devenus conscients
du "contre-transfert" qui survient en lui en réaction à l'influence du patient sur ses
sentiments inconscients et nous sommes presque disposés à affirmer qu'il reconnaitra
ce contre-transfert en lui et pourra le surmonter... Aucun psychanalyste ne va plus loin
que ses propres complexes et résistances internes ne le lui permettent » (1910, p. 144-
145) 49. Il convient de préciser que le terme allemand ‘Gegenübertragung’ utilisé par
Freud dans son énoncé, a été en premier lieu traduit en espagnol, par López-
Ballesteros (1923), sous l'expression ‘transferencia reciproca’, ou ‘transfert
réciproque’.

49
Ndt : « De la technique psychanalytique » PUF, 1953, p. 23.)

117
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Deux années plus tard dans ses « Recommendations to Physicians Practicing


Psychoanalysis » (« Conseils aux médecins sur le traitement analytique »), Freud
(1912) recommandait que les analystes en formation doivent reconnaître, résoudre et
surmonter ces contre-transferts, en préparation à leur futur travail analytique avec les
patients.
Plus tard encore, il ajoutait : « Nous devrions ne pas abandonner notre
neutralité envers le patient, que nous avons acquise en surveillant le processus de
contre-transfert » (Freud 1915, p. 164). Freud considérait l'esprit de l'analyste comme
un 'instrument', que l'efficacité de son fonctionnement serait entravé par le contre-
transfert, par les limites imposées au travail psychanalytique en raison des conflits
irrésolus et des points aveugles du psychanalyste. Ainsi, le contre-transfert était perçu
comme un obstacle à la liberté de l'analyste et à sa capacité de comprendre le patient.
Le contre-transfert devait d'abord être reconnu puis résolu.
Pourtant, tout au long de ses nombreuses lettres et les réévaluations de sa
propre pensée théorique, par ses allusions énigmatiques sur les contradictions et les
conflits, restant fidèle à sa quête théorique auto-subversive à anticiper et modéliser
une multitude de conceptualisations (Reisner, 2001), Freud s'était également aperçu
que ses disciples avaient appris à soutenir une partie de leur propre conscience et de
leur propre connaissance. L'approfondissement de notre connaissance sur le contre-
transfert est en accord avec ce principe. Dans ce contexte, d'ailleurs, il convient de
rappeler que le premier rêve détaillé dans le texte d’inauguration de la psychanalyse,
« The Interpretation of Dreams » (« L'interprétation des rêves ») (Freud, 1900), était
bien « L'injection faite à Irma », daté de 1895, le rêve de contre-transfert par
excellence.
Les reconstructions historiques, par Harold Blum (2008) et Carlo Bonomi
(2015), de la vie de Freud pendant son auto-analyse durant les années 1895-1899, qui
coïncident avec ses écrits de « L'interprétation des rêves », révèlent la complexité du
transfert de Freud sur Fliess, ainsi que son propre contre-transfert envers leur patient
en commun, Emma Eckstein (‘Irma’ dans le rêve, et plus tard la première thérapeute
psychanalytique femme). Blum and Bonomi démontrent comment ce contre-transfert
a modelé le développement théorique de Freud (ainsi que d'autres thèmes, depuis la
bisexualité à l'hétéronormativité, la théorie du traumatisme sexuel aux
conceptualisations du développement psychosexuel, les fantasmes inconscients et les
conflits intrapsychiques). Dans ce contexte, la notion du contre-transfert représente et
illustre l'interaction constante entre la théorie et la pratique, le travail clinique et la
conceptualisation, depuis la « naissance de la psychanalyse » et tout au long de son
évolution.
Freud a donné naissance au concept, mais n'a pas fait la démarche d'élaborer
explicitement le contre-transfert en termes d'outil de travail psychanalytique, qu'il
avait par ailleurs effectué pour le transfert. Les premières conceptions explicites de
Freud ont fini par être qualifiées de perspectives ‘étroites’ sur le sujet du contre-

118
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transfert, et nombreux de ses disciples avaient souscrit à cette perspective ‘étroite’,


comme les témoignages dans les premiers manuels psychanalytiques, présentations et
publications dans les revues y attestent (Stern, 1917; Eisler, 1920; Stoltenhoff, 1926;
Fenichel, 1927, 1933; Hann-Kende, 1936). La perspective étroite empruntait souvent
le trait d'union dans les formulations, en langue anglaise, sur le contre-transfert,
soulignant la réaction (transférentielle) inconsciente de l'analyste envers le transfert de
l'analyste. Helene Deutsch (1926) a apporté une spécification intéressante à cette
perspective, par l'idée selon laquelle le contre-transfert est un 'positionnement
complémentaire’, ce qui a plus tard été précisé par la contribution originale de
Heinrich Racker.
En examinant le destin de cette définition étroite, l'on peut témoigner de sa
persistance, entre autres, dans les travaux des porte-flambeau de la technique
Freudienne, tels que Annie Reich (Reich, 1951), mais aussi Jacques Lacan
(1966/1977), bien que sous un angle quelque peu différent. Alors que Reich souligne
que le ‘contre-transfert’ constitue un obstacle transférentiel à l'empathie
psychanalytique, Lacan, malgré sa reformulation et amplification conceptuelle de
l'impact de la connaissance et du 'pouvoir' de l'analyste dans cette relation
asymétrique entre l'analyste et le patient, considère que le contre-transfert est
uniquement un recueil d'erreurs, de malentendus, de névroses et de lacunes dans le
fonctionnement général de l'analyste et qu'il est inutile au travail d'interprétation
(Lacan 1966/ 1977). Le concept de Lacan selon lequel le contre-transfert représente
un besoin d'inclure la précession du désir de l'analyste sur celui du patient à
comprendre l'entière dynamique intersubjective de la situation, dont il a fait écho dans
sa célèbre citation, stipulant que la ‘résistance’ en analyse est avant toute chose la
résistance de l'analyste est toujours d'actualité, spécifiquement dans l'orientation
intersubjective française en Europe et en Amérique du Nord (Furlong, 2014).
Cependant, Freud avait lui-même fait certaines remarques qui semblaient
annoncer la vision du contre-transfert comme un outil thérapeutique par lequel
l'analyste serait en mesure d'apercevoir ou de pressentir l'inconscient du patient. Il
précisa que « l’analyste doit se comporter à l’égard de l’inconscient émergeant du
malade comme le récepteur téléphonique à l’égard du volet d’appel. De même que le
récepteur retransforme en ondes sonores les vibrations téléphoniques qui émanent des
ondes sonores, de même l’inconscient du médecin parvient, à l’aide des dérivés de
l’inconscient du malade qui parviennent jusqu’à lui, à reconstituer cet inconscient
dont émanent les associations fournies. » (1912, p. 115-116). De plus, alors que Freud
(1915) détaillait ses points de vue sur les processus inconscients, il s'est
particulièrement focalisé non seulement sur les dynamiques inconscientes du patient,
mais aussi explicitement sur celles de l'analyste dans la situation analytique. Il était
clair sur le fait que les processus psychiques conscients et inconscients du patient et
de l'analyste étaient profondément entrelacés. En 1951, Annie Reich en a souligné un
aspect particulier : pour l'analyste, le patient peut venir à représenter « un objet du
passé sur lequel des sentiments et des désirs du passé sont projetés » (1951, p. 26).

119
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Étant donné que le transfert est omniprésent, l'on comprend que le transfert des
analystes sur leurs patients sera de même que celui des patients envers eux. (Les
sentiments seront en grande partie inconscients aussi bien pour le patient que pour
l'analyste).
Dans « Analysis Terminable and Interminable » (« L'analyse terminable et
interminable ») (1937b), Freud illustre ce point en précisant combien le contact
permanent avec le refoulement du patient peut également motiver les demandes
pulsionnelles chez l'analyste, lesquelles seraient par ailleurs refoulées et cela pourrait
même engendrer des ‘dangers’ pour l'analyste, qui justifieraient la nécessité d'une
auto-analyse régulière (1937b, p. 249). Si on le compare à d'autres formulations
précédentes, nous avons là un aspect différent de la relation patient-analyste : les
réactions à l'inconscient du patient pourraient activer des processus, et même
provoquer des changements chez l’analyste.
Dans un premier temps, le contre-transfert était principalement conceptualisé
comme étant un risque : selon cette optique, le transfert de l'analyste l'empêche
d'évaluer impartialement le patient, et constitue une entrave à l'objectivité, la
neutralité et l'efficacité clinique de l'analyste. Dans la perspective postérieure de
Freud, en revanche, qui représente l'ensemble de l'autre orientation allusive de sa
pensée sur le sujet, le contre-transfert n'est pas uniquement une question liée aux
dynamiques intrapsychiques de l'analyste, mais l'aboutissement de processus
interpsychiques ; une perspective qui présage définitivement les développements
ultérieurs.

II. B. Bref historique du concept général


(Fin des années 1920 au début des années 1950 en Hongrie, au Royaume-Uni et
en Argentine)

Le changement du paradigme du contre-transfert, depuis l'entrave à l'outil, a


commencé à faire surface en fin des années 1920, avec le défi de Sandor Ferenczi
(1927, 1928, 1932) quant à la maxime de la neutralité psychanalytique (et
l'abstinence) envers les patients traumatisés, laquelle considérait que la position de
l'analyste était plutôt celle de l'observateur participant. Michael Balint (1935, 1950 ;
Balint et Balint 1939), qui était le disciple et traducteur de Ferenczi, a plus tard fait la
distinction entre les descriptifs « classiques » et « romantiques » des objectifs du
traitement psychanalytique : alors que les auteurs dits « classiques », en commençant
par Freud, soulignent le développement de la compréhension intuitive (insight), et les
objectifs en relation aux changements structurels de la psyché pour renforcer le moi,
les ‘auteurs romantiques’, premiers théoriciens de la relation d'objet ; avec Ferenczi et
Balint lui-même et son concept de « nouveau départ » posent eux l'accent sur les
facteurs dynamiques et émotionnels (Balint 1935, p.190). Un des premiers articles de
Ferenczi, « Introjection and Transference »” (« Transfert et introjection ») (1909)

120
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présageait déjà ce développement selon lequel le contre-transfert de l'analyste est


déterminant pour interagir avec le transfert de l'analysant. Les réactions affectives de
toutes sortes, même l'amour ressenti envers un patient traumatisé, étaient pour
Ferenczi des moteurs de changement psychique potentiels. Sa position analytique de
« l'observateur participant » et sa « technique élastique » (Ferenczi 1928) pouvaient
bien être considérés comme étant les précurseurs de tous les points de vue ultérieurs
du contre-transfert en termes de co-construction et de co-création, et une
considération de l'expérience subjective de l'analyste, participant majeur dans un
traitement analytique de multiples façons. La perspective reconnue de Ferenczi sur le
contre-transfert, mais aussi sur la pratique de la technique élastique, d'une rare
créativité, continuellement influente, surtout en ce qui concerne le travail analytique
avec les patients souffrant de traumatismes (Papiasvili 2014), a cependant été
controversée et considérée excessive depuis le début, telle que Balint l'a
favorablement, bien que rigoureusement, passée en revue. Les éléments plus radicaux
de cette perspective ont fait surface plus tard par le biais de l'analyste Nord-américain
Harold Searles (1959, 1979), qui a insisté que même un contre-transfert érotique
[l'analyste qui développe un intérêt érotique pour l'analysant] peut susciter un puissant
changement psychique chez le patient.
C'est par Heimann, en 1950, que l'idée, selon laquelle le transfert pouvait être
considéré comme un outil thérapeutique précieux, est devenue explicite. Tout en
mettant l'accent sur le sentiment de l'analyste envers le patient, Heimann expliquait,
au sujet du contre-transfert, que « notre postulat de base est que l’inconscient de
l’analyste comprend (understands) 50 celui de son patient. Ce rapport à un niveau
profond émerge à la surface sous la forme de sentiments dont l'analyste tient compte
dans sa réponse au patient, dans son ‘contre-transfert’51 ». (Heimann 1950, p. 82).
L'analyste doit utiliser sa réaction émotionnelle au patient, le contre-transfert, comme
une clef qui donnerait l'ouverture aux sens cachés ; il ou elle doit être capable de
« soutenir les sentiments qui sont éveillés en lui, en tant que cela s’oppose au fait de
les exprimer (ce que fait le patient), afin de les subordonner au travail analytique dans
lequel il fonctionne comme miroir réfléchissant du patient. » (1950, p 81-82). Ainsi,
le contre-transfert de l'analyste est, pour Heimann un instrument de recherche à
l’intérieur de l’inconscient du patient, l'un des outils les plus importants pour le travail
analytique : la condition de son usage analytique est cependant qu'il soit reconnu
comme tel et non pas de le mettre en acte.
Les idées de Heimann (1960, 1982) ont ainsi dominé et informé les écrits sur
le contre-transfert dans un large éventail de cultures psychanalytiques. Sa perspective
a été qualifiée de vision du transfert selon le modèle « à deux personnes » (‘two-
person’), qui appelle à reconnaitre que le contre-transfert est en partie une création de
l'interaction entre l'analyste et l'analysant, ainsi que l'action du transfert de l'analyste

50
Ndt. De l’anglais « understand »” signifiant le verbe comprendre, et non contenir
51
Ndt. Edition française : Paula Heimann, « A propos du contre-transfert » (1950), in « Le contre-
transfert». Paula Heimann, Margaret Little, Lucia Tower, Annie Reich

121
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sur l'analysant des résidus d'états inconscients antérieurs. Dans cette perspective plus
large, le terme « contre-transfert » se réfère à tous les sentiments, les fantasmes et les
expériences de toutes sortes, qu'un thérapeute puisse avoir au sujet d'un patient, non
pas uniquement ceux qui proviennent de ses pulsions et angoisses inconscientes, de
ses objets internes et relations précédentes.
Cette perspective amplifiée sur le contre-transfert a été perfectionnée
simultanément par d'autres penseurs éminents tels que Donald Winnicott (1949) au
Royaume-Uni et Heinrich Racker en Argentine (1948, 1953, 1957, 1968). Ces
développements parallèles au Royaume-Uni et en Amérique Latine ont été remarqués
par Horacio Etchegoyen (1986), qui a précisé que les travaux de Heimann et Racker
se sont développés de manière indépendante, avec des similitudes, mais aussi
différences, considérables.
Au Royaume-Uni, la nouvelle perspective que Heimann avait récemment
définie résonnait dans un contexte de débats controversés autour de l'adoption du
concept "d'identification projective" par l'école de pensée Kleinienne (Klein 1946,
Meltzer 1973). Bien que le terme « identification projective » ait déjà été utilisé
auparavant par Edoardo Weiss (1925) et Marjorie Brierley (1944), c'est à Melanie
Klein qu'il a souvent été donné d'avoir conçu le concept avec le fantasme omnipotent
d'intrusion dans l’objet correspondant. Bien que Klein n'était apparemment pas
intéressée par l'usage clinique du contre-transfert (Spillius, 1994), son concept
d'identification projective est intimement lié au concept du contre-transfert dans son
sens le plus large : l'identification projective (voir l'entrée IDENTIFICATION
PROJECTIVE) implique que le patient projette en l'analyste ses propres sentiments
(au départ avec un fréquent relief sur les "mauvais" et les destructeurs, avant que le
concept soit élargi davantage). Théoriquement parlant, dans le domaine du contre-
transfert, par conséquent, les sentiments inconscients et les fantasmes que l'analyste
éprouve seraient induits par l'analysant.
Racker (1948, 1953, 1957), en Argentine, a introduit le concept
d'identification projective spécifiquement dans le contexte clinique du contre-
transfert. Alors que l'on peut discerner tout aussi bien les influences de Freud et de
Klein dans les conceptualisations du contre-transfert de Racker, le travail de De
Bernadi (2000) sur la tradition latino-américaine, dans le domaine du contre-transfert,
situe Racker plus proche de Klein que de Freud, généralement, de par les idées qu'elle
puise sur le fantasme inconscient et sur les mécanismes de projection et d'introjection.
Selon Racker, le contre-transfert est la propre réaction de l'analyste à
l'identification projective du patient : Dans les réactions émotionnelles vis à vis des
projections du patient, l'analyste peut soit s'identifier aux objets internes du patient
(identification complémentaire) ou au moi du patient (identification concordante).
Menant encore plus loin le concept de contre-transfert de Deutsch, dans sa
qualité de « position complémentaire » (Deutsch 1926), Racker a fait référence à la
tendance de l'analyste à s'identifier à l'analysant avec la partie interne de celui-ci.

122
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Structurellement conceptualisé, cela signifie que chaque instance interne de la


personnalité de l'analyste s'identifie à sa contrepartie dans la personnalité de
l'analysant : le moi de l'un avec le moi de l'autre, le ça de l'un avec le ça de l'autre, et
ainsi de suite. Racker a qualifié ces identifications de « concordantes » et les a
différenciées de celles où l'analyste s'identifie avec les objets internes de l'analysant,
qu'il qualifia de « complémentaires ». Dans ce système, les identifications
concordantes et complémentaires sont réciproquement proportionnelles, au point que
là où les analystes ne saisissent pas les identifications concordantes, les
complémentaires augmentent.
Les identifications concordantes se traduisent en une disposition à l'empathie
et proviennent d'une identification positive sublimée. Il y a, d'une part, l'analyste en sa
qualité de sujet et l'analysant l'objet de la connaissance, la relation d'objet est en
quelque sorte effacée et, à sa place, a lieu une identification sommaire, sur la base de
l'identité entre quelques éléments du sujet et quelques éléments de l'objet, la résultante
desquelles peut être qualifiée de « concordante ». D'autre part, une relation d'objet
d'un véritable transfert de la part de l'analyste existe, dans laquelle il/elle reproduit des
expériences précédentes alors que l'analysant représente certains des objets
(archaïques) internes de l'analyste. Cette combinaison est qualifiée de
"complémentaire". C'est ainsi que par les réactions contretransférentielles, l'analyste
est en mesure de ressentir les protagonistes internes du patient tels qu'ils sont projetés
en elle ou lui.
La position de Heimann est à l'opposé sur certains points : le contre-transfert
active des sentiments chez l'analyste en réaction au patient. Ces sentiments sont les
sentiments de l'analyste et non pas la réaction à l'identification projective que
l'analyste reçoit, et leur enregistrement et compréhension constituent l'accès à
l'inconscient du patient. Selon Heimann, le contre-transfert est un “instrument
cognitif” inconscient et un outil extrêmement significatif pour le travail de l'analyste,
qui l’informe des « écarts possibles entre la perception inconsciente et consciente ».
Un tel écart équivaut à « une projection inconsciente du patient et une identification
inconsciente envers lui » (Heimann 1977, p. 319).
Même si les premières relations de Heimann, après sa fuite de Vienne, étaient
forgées au groupe de Klein, elle a été pour la plupart ramenée au groupe d'analystes
qui s'estimaient appartenir à la vision du contre-transfert selon le modèle « two-
person » (à deux personnes). Elle a elle-même marqué le début de son indépendance
vis à vis de Klein et son adhésion aux idées de Ferenczi et Balint par son article : « On
Countertransference »” (« Sur le contre-transfert »). Cet article représente un
assemblage équilibré d'une étude intense sur le jeu fertile de la résonance
émotionnelle chez l'analyste et la vigilance en ce qui concerne l'expression
émotionnelle. Elle semble avoir considéré le contre-transfert analytique en une forme
de création de la part du patient, utile à l'analyste. Cependant, sa vignette clinique
porte sa notion du contre-transfert comme étant aussi bien un ‘indice’ (‘clue’) qu'un
‘més-indice’ (‘mis-clue’).

123
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Parmi les controverses autour de l'accent de plus en plus donné au concept de


contre-transfert, la notion de « haine dans le contre-transfert » de Winnicott, présente
une position indépendante importante. Publié en 1949, cet article présage des
élaborations de Heimann et institue Winnicott en figure fondamentale dans
l'émergence des idées sur le contre-transfert, en particulier sa conceptualisation du
rôle nécessaire et mutatif de l'agressivité comme élément constitutif du contre-
transfert. Les deux articles de Winnicott, « Aggression in Relation to Emotional
Development » (« L'agressivité et ses rapports avec le développement affectif »)
(1950) et « Hate in the Countertransference » (« La haine dans le contre-transfert »)52,
(1949) à la fois discernent l'inévitabilité et l'utilité clinique de l'agressivité et de la
haine chez l'analyste. Pour Winnicott, la haine est couplée avec, et non opposée à,
l'amour et la préoccupation maternelle primaire. Elle est propice à la création de
limites et contribue au processus de séparation et à la capacité de l'analysant à
dénouer le fantasme de la réalité, ainsi qu'à réduire l'expérience dangereuse de
l'omnipotence. Ainsi, l'élément de haine chez l'analyste, dont la haine présente
lorsqu'il/elle ponctue la fin de l’heure analytique, est un ingrédient crucial du
changement chez l'analysant.
Winnicott fait la distinction entre (1) les sentiments contre transférentiels
refoulés qui probablement nécessitent davantage d'auto-analyse par l'analyste (les
identifications et tendances idiosyncratiques de l'analyste) et (2) le contre-transfert
véritablement objectif ... les sentiments d'amour et de haine de l'analyste en réaction à
la personnalité et au comportement effectifs du patient, fondés sur l'observation
objective (1949, p. 69-70). « Le contre-transfert véritablement objectif » se réfère aux
sentiments de l'analyste envers le patient, ses propres sentiments et, comme Heimann
l'entendra plus tard, non pas aux réactions à la projection du patient que l'analyste
reçoit. Ces sentiments sont donc des réactions par rapport au comportement du
patient : des réflexions personnelles à la façon d'être 'objective' du patient. Selon
Winnicott, il est parfois nécessaire que les sentiments de l'analyste soient mis à la
disposition du patient, par la reconnaissance de l'analyste envers ses propres
sentiments, et par le biais de l'interprétation, pour que l'analyse puisse avancer.
Selon Heimann, ce point de vue diffère du concept 'd'identification projective'
du cadre de référence classique Kleinien, considéré comme le mécanisme
omniprésent qui influence la totalité de la relation entre patient et analyste. Les
travaux de Heimann et de Winnicott ont projeté une grande ombre d'influence sur le
soi-disant troisième 'Groupe Indépendant' (le premier étant les Freudiens
contemporains, le second les Kleiniens), ombre qui s'est étalée de par Margaret Little
(1981), qui a exploré l'ampleur des formes transférentielles de haine et de vitalité
bloquée, jusqu'à Bollas (1983) qui a défendu une harmonisation prudente du contre-
transfert comme étant porteur d’aspects désavoués de la part de l'analyste.

52
Ndt Dans la version française de l'ouvrage : D. W. Winnicott (1969), De la pédiatrie à la
psychanalyse.

124
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En général, en Angleterre, il y a des divergences en ce qui concerne le


développement du concept de contre-transfert. Une conceptualisation, dérivée de
l'apport de Klein sur l'identification projective, intensifiée par le 'Groupe Kleinien', est
en soi une grande avancée dans la compréhension de la relation entre patient et
analyste. La seconde conceptualisation, appelée le contre-transfert de la première
« Independent Tradition » (Tradition indépendante) (Winnicott, Heimann) soutient
que ce qui vient de l'analyste provient de l'analyste et n'est pas automatiquement la
réaction de l'analyste à la projection du patient. Cette différence dans la conception du
contre-transfert a des effets et des conséquences pertinents sur la technique du
traitement et sur la manière dont l'analyste considère, et travaille, avec les
communications du patient.
Des développements parallèles, dans l'école d'Argentine, en commençant par
Racker, restent proches des perspectives de Klein, alors qu'ils développent sa propre
version de l'usage de l'identification projective dans le contexte du contre-transfert.

II. C. L'amplification internationale du concept : autres pistes de développement


(La seconde moitié du 20ème siècle en Europe, en Amérique Latine et Amérique
du Nord)
A partir du milieu des années cinquante, en même temps que ‘l’ouverture du
champ de la psychanalyse', le contre-transfert était de plus en plus considéré être un
outil utile, alors que la conception élargie est devenue la perspective dominante. Dans
les cinquante dernières années, la plupart des psychanalystes ont cessé de considérer
le contre-transfert uniquement comme une entrave, et sont venus à y voir une
opportunité de compréhension intuitive (insight) de l'analysant ainsi que dans leur
propre fonctionnement psychique en relation avec l'analysant. Il est parfois qualifié
ici de ‘contre-transfert personnel’ ou de ‘contre-transfert diagnostique’ (Casement
1987). Dans cette perspective, le contre-transfert est devenu une ‘co-création’ selon le
modèle ‘two-person’ (à deux personnes) et le transfert et contre-transfert sont
considérés être les polarités d'un processus dynamique unique. Cette conception du
contre-transfert a commencé à lier intimement le phénomène à l’énaction, que
certains prennent pour la première étape vers la transgression des limites,
'l'actualisation' du transfert et du contre-transfert.
La conceptualisation de la relation entre 'l'identification projective' et ‘le
contre-transfert’ joue un rôle important, dans tous ces développements à l'échelle
internationale. Les idées de Heimann et Racker, ainsi que celles de Winnicott et
d'autres auteurs indépendants, ont été développées et approfondies par Grinberg
(1956), Bion (1959), Ogden (1994a) et bien d'autres qui se sont focalisés sur
l'utilisation de la capacité de rêverie de l’analyste et sur un processus qui font de
l'objet/espace/cadre/terrain analytique une configuration et un échange triadique
conceptualisés différemment (Baranger 1961/2008, Bleger 1967, Green 1974), qui est

125
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une nouvelle création entre patient et analyste, un « troisième » (sujet) selon le terme
de Ogden (1994b).
En Argentine, un enrichissement notable a eu lieu sur la portée du débat au
sujet de la métapsychologie et de la théorie clinique, sur le sujet des engagements
projectifs-introjectifs contretranférentiels (dont les dramatisations et les énactions) qui
a été enrichi davantage par Leon Grinberg (1956) et sa conceptualisation de la contre-
identification projective.
Alors que pour Racker et Heimann, et bien que leur conceptualisation soit
différente, l'utilisation des mécanismes identificatoires de projection dans le contexte
du contre-transfert se situaient dans la réponse identifiante de l'analyste envers
certains objets internes ou aspects du moi du patient, Grinberg s'est focalisé sur les
aspects communicatifs archaïques de l'échange projectif-introjectif, une orientation
que Bion a repris plus tard. Au départ, la proposition de Grinberg stipulait que la
contre-identification projective faisait un ‘court circuit’ dans la communication du
couple analytique. Selon ce postulat, le patient 'dépose' dans la psyché de l'analyste
certains aspects de lui-même ou d'elle-même avec une telle violence projective que
l'analyste, en tant que récepteur passif, les assimile effectivement et concrètement
comme siens (1956, p. 508). En se référant à son concept en rapport à la notion de
‘acting-out’ (mise en acte, ou passage à l’acte), Grinberg (1968) écrit : « L'analyste
qui succombe aux effets des identifications projectives pathologiques du patient
pourrait y réagir comme s'il avait effectivement acquis les éléments qui ont été projeté
sur lui (les objets internes du patient ou des éléments du moi). L'analyste se sent
'passivement ‘entraîné’ à jouer le rôle que le patient, de manière active,
quoiqu'inconsciente, a littéralement 'forcé' en lui. J'ai qualifié ce type spécifique de
réaction contretransférentielle la ‘contre-identification projective’ » (p. 172).
Par rapport au contre-transfert complémentaire de Racker, où la réaction
émotionnelle de l'analyse était fondée sur ses propres angoisses et conflits, par
l'identification avec les objets internes semblables à ceux de l'analysant, Grinberg a
conceptualisé la réaction de l'analyste comme étant relativement indépendante de ses
propres conflits. Le mérite de Grinberg a été de souligner que le propre inconscient de
l'analyste n'était pas principalement impliqué et, en conséquence, l'introspection de
l'analyste ne serait pas suffisante pour accéder immédiatement aux racines de cette
contre-identification projective. Grinberg a souligné ce qui a été connu par la suite
sous l’expression de caractère irréductible des actions subtiles du ‘micro-acting-out’
du contre-transfert une aire intermédiaire dans la quête que l'analyste poursuit vers la
découverte des éléments archaïques de la psyché du patient. Cette aire ne peut pas être
évitée si l'analyste veut connaitre la texture complète de l'objet en transfert (Grinberg,
1982).
La contribution de Grinberg (1956) a été de constater que l'intentionnalité
inconsciente de l'analysant produisait des effets sur la psyché de l'analyste par
identification projective, laquelle n'était plus désormais perçue comme un fantasme

126
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intra-subjectif (Klein 1946), mais comme un processus d'interaction entre deux


esprits. Trois années plus tard, Bion (1959) a souligné explicitement cet aspect
communicatif de l'identification projective.
Avec l'évolution de ses idées sur la contre-identification projective, Grinberg a
identifié de nouveaux outils métapsychologiques pour ré-conceptualiser le contre-
transfert de l'analyste. Sa contre-identification projective met l'accent sur le côté
communicatif de l'identification projective, comme un message énigmatique ineffable
qui ne peut qu'être exprimé par la dramatisation transféro-contretransférentielle
initiée par le patient. Dans le contexte clinique, cette dramatisation transféro-
contretransférentielle a anticipé l'idée du travail d’écoute des niveaux les plus
archaïques de la psyché du patient par le détour de l'énaction (enactment), développée
des années plus tard (Jacobs 1986 ; Godfrind-Haber et Haber 2002 ; Mancia 2006 ;
Sapisochin 2013 ; Cassorla 2013).
À partir de la fin des années 1950, Bion (1959) et Rosenfeld (1962) ont
développé le concept dans l'idée que l'identification projective est une communication
inconsciente de la part de l'analysant. Bion (1959) a tracé une parallèle entre
l'interaction thérapeutique et le mode par lequel l'enfant souffrant projette son désarroi
dans la mère qui le 'contient' et peut ensuite y répondre de manière appropriée.
L'analyste a la même fonction (contenante/'alpha') : 'contenant' les projections du
patient dans un état de 'rêverie', les 'digérant' et réagissant par des interprétations
appropriées. Dans cet esprit, le contre-transfert est conçu non seulement comme un
instrument par lequel l'analyste peut accéder au monde inconscient du patient, mais
aussi un support par lequel les expériences intolérables du patient peuvent être
traitées : ce n'est pas uniquement un instrument de recherche, mais aussi un support
pour la cure. Le développement par Bion des notions de contenance et de fonction
alpha chez l'analyste ont conduit à une forte appréciation de l'infusion de l'esprit de
l'analyste, ses affects et même son moi corporel avec les processus inconscients et
préconscients de l'analysant. (Voir aussi l'entrée CONTENANCE : CONTENANT-
CONTENU)
Dans son développement ultérieur, le concept d'identification projective a
continué d'occuper un rôle significatif dans la théorie kleinienne, bionienne et néo-
bionienne et dans de nombreuses perspectives intersubjectives et interpersonnelles.
Prolongée à partir de la théorie du fantasme et de la défense primitifs vers la théorie
de la communication et la pensée archaïque, la complexité de la relation et de la
différentiation entre l'identification projective et le propre contre-transfert de
l'analyste est devenue considérable (Grotstein 1994). La construction de la
signification réciproque et créative dans les travaux de Bion, Rosenfeld, et ensuite
leur descendance Mawson (2010), dans le cadre des échanges transféro-
contretransférentiels, représentent un processus complexe où l'analyste doit élaborer
les états d'affects induits afin d'y entrevoir leur aspect communicatif. Ce type de
projection peut, pour l'analyste, éclaircir, par le biais de son contre-transfert, les états
d'affect où le patient s’affronte et communique. Dans les travaux d'Alvarez (1992),

127
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cette perspective se développe davantage sur une vision de l'ensemble du processus


analytique comme étant co-construit.
La riche compréhension du pouvoir des processus intersubjectifs sur
l'analyste, l'analysant et le traitement est profondément redevable à l'évolution de la
pensée kleinienne en Grande Bretagne, à partir de Klein, par Bion, (1959) et
Rosenfeld, (1962, 1969, 1987), et l'école d'Argentine de Racker (1957, 1968) et
Grinberg (1956, 1968). Des développements variés de cette perspective continuent
dans les travaux de Segal, (1983), Joseph (1985), Spillius, (1994) et O’Shaughnessy
(1990), Steiner (1994), Feldman (1993) et Britton (2004; Segal & Britton 1981) en
Grande Bretagne, et ceux de Grotstein (1994), Mitrani (1997, 2001) et d'autres aux
USA.
Depuis les premiers écrits de Ferenczi, ses travaux sur le contre-transfert ont continué
leur influence directement ou indirectement. L'une des principales sources des idées
de Ferenczi sur le contre-transfert, Michael Balint, l'auteur du concept du « défaut
fondamental » (Balint, 1979) était également un contributeur important au débat sur la
projection et l'introjection. Les idées radicales de Ferenczi ont été apportées à Londres
par Michael et Alice Balint, qui ont influencé les kleiniens et le soi-disant Groupe
Indépendant. Les idées de Ferenczi et Balint ont atteint l'Amérique Latine par Racker
(1957). Racker a utilisé le concept de Ferenczi (1927, 1932) d'identification avec
l'agresseur dans son concept d'identification complémentaire (avec les objets internes
hostiles du patient) et a élaboré davantage la conception du contre-transfert de Balint
au sein de la hiérarchie des institutions d'enseignement. Certaines de ces mêmes
premières idées de Ferenczi et Balint sont parvenues par Clara Thompson (Green
1964) à l'école interpersonnelle de Sullivan aux USA, où la notion co-constructive de
l'échange analytique a été davantage accentuée (bien que le concept de régression, si
crucial pour Ferenczi, Klein et Racker, se soit éclipsé).
Dans ce contexte, ainsi que dans le contexte de tous les développements qui
ont suivi, il convient de souligner que de voir la co-contruction et la co-élaboration
dans le transfert et le contre-transfert ne réduit en rien la responsabilité ou les
exigences qui incombent aux analystes. Le travail impliqué dans le contre-transfert se
déroule à des niveaux conscients et inconscients : ce travail qui tend à comprendre le
contre-transfert se prolonge bien au-delà de l'heure dans laquelle certains aspects du
contre-transfert sont apparus.
Contrairement au contre-transfert, les mécanismes à l'œuvre dans
l'identification projective n'ont pas été universellement acceptés par la psychanalyse.
Tout en reconnaissant un aspect du contre-transfert par lequel des patients
induisent certaines expériences et/ou réactions comportementales chez l’analyste, les
psychologues du moi et les théoriciens du conflit préfèrent les qualifier de
'actualisations transférentielles’ et de ‘rôle en résonance,’ (role responsiveness)
mettant l'accent sur le fait que l’analyste vit (‘lives out’) les fantasmes inconscients du

128
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patient, estimant que ces termes sont plus proches de leurs expériences (Sandler,
1976).
En Angleterre, Sandler (1976), avec son concept de 'rôle en résonance',
propose une spécification provenant d'une autre orientation théorique, les ‘freudiens
contemporains’ britanniques. Il décrit comment le patient tentera d'actualiser, de
ramener dans la réalité (c'est à dire dans le comportement interactif) ses relations
d'objet internes. Cette interaction intrapsychique, qui implique un rôle pour le sujet et
un autre pour l'objet interne, va susciter une réaction particulière chez l'analyste.
Parfois, l'analyste observera une impulsion à se comporter d'une certaine manière,
mais le plus souvent constatera uniquement après qu'il ou elle aura déjà commencé à
se comporter d'une certaine manière avec son patient (le contexte du débat sur le
concept de ‘l’énaction’ (enactment), à la différence du contre-transfert, est ici
spécifiquement pertinent). Selon Sandler, les réactions contretransférentielles de
l'analyste sont des compromis : elles font écho aux attentes et aux désirs inconscients
du patient, mais également aux propres tendances de l'analyste que souvent le patient
aura, inconsciemment, remarquées et exploitées. La conscience de telles résonances
aux rôles peut être un indice vital au conflit transférentiel dominant chez le patient.
Entre-temps, la psychanalyse traditionnelle nord-américaine des années 1950-
60, ancrée dans la psychologie du moi/théorie structurelle, est restée inscrite dans son
appartenance au one-person model, (modèle en individuel ou modèle à une personne),
en accord avec la définition plus étroite du contre-transfert. Les conceptualisations
classiques situaient le contre-transfert 'dans' la psyché des analystes, dans un éventail
de sentiments, résistances, de conflits internes, points aveugles, attitudes conscientes
et inconscientes envers les patients, de réactions au transfert du patient et de transfert
sur le patient. Cependant, le travail analytique d’enfants, d'Anna Freud, très influent
aux USA, dans des situations cliniques très développées, concernant l'enfant et ses
figures parentales ainsi que le travail analytique avec les psychotiques réalisé dans la
Chestnut Lodge (Fromm-Reichmann, 1939) et avec des patients traumatisés et
borderline, à la Menninger Clinic (Menninger, 1954), ont confirmé l'influence
profonde des facteurs environnementaux et des relations d'objet sur le développement
et la formation des structures intrapsychiques. Alors que des expériences cliniques de
ce type ont souligné l'importance du champ d’interaction transféro-
contretransférentiel dans la situation analyste/analysant (Moscowitz, 2014), son
intégration théorique systématique n'est intervenue que plus tard, dans le travail de
Loewald (1960, 1971, 1975).
Loewald a été une force motrice de transformation, depuis les années 1960.
Fortement influencé au départ par la phénoménologie de Heidegger, (1962) Loewald
pourrait être considéré en relation à Winnicott (1947, 1950, 1972), Erikson (1954),
Kohut (1977), Mitchell (1993, 1997), Aron (1996), Hoffman (1998), et Bromberg
(1998) entre beaucoup d'autres, avec une version de la théorie des pulsions et des
relations d’objet plus comparables à celle d’un ‘système ouvert’. Dans ce modèle
développemental, le moi de l'enfant émerge d’un noyau d'implication mutuelle

129
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maternelle/infantile du corps et de l'esprit, où la psyché de la mère interagit avec l'état


indifférencié de l'enfant, dans un développement vertigineux oscillatoire d'intégration
et de désintégration, dans un mouvement progressif vers l'intégration. Ce modèle
développemental a des implications pour le transfert et le contre-transfert dans ce sens
que toute expérience émerge de transactions intersubjectives, même si la focalisation
est sur l'individu (Loewald 1960). Tout en reconnaissant l'importance des constats
provenant des analyses d'enfants et de patients psychotiques et borderline, alors que
les réactions de l'analyste éprouvent de fortes pressions provenant de l'inconscient du
patient, Loewald (1971) affirme en outre que le transfert et le contre-transfert ne
peuvent être considérés indépendamment et que aussi bien l'analyste que le patient
manifestent des réactions transféro-contretransférentielles, lesquels sont des
ingrédients naturels du processus analytique.
Les perspectives de Loewald sont devenues une base de débats abondants sur
le contre-transfert, non seulement auprès de la culture de plus en plus diversifiée de
l'Amérique du Nord, mais également dans le monde entier. Par la suite, le contre-
transfert est devenu un aspect inévitable de la relation analytique, dans laquelle le
patient et l'analyste sont inextricablement liés : c'est là l'une des perspectives
dominantes de la psychanalyse de nos jours.
Cette conception a des parallèles avec certains éléments de la pensée
intersubjective française, en France, en Belgique et dans la communauté analytique de
langue française, en Amérique du Nord. Parfois qualifié de 'troisième topique’, cette
conception avance que dans le développement humain, l'esprit ‘à deux personnes’
(‘two-person’) précède celui de l'autonomie psychique de la pulsion, les défenses et le
fantasme intrapsychique du modèle ‘à une personne’ (‘one-person) : Dans la première
phase de la vie humaine, l'esprit du nourrisson doit être considéré dans le contexte de
l'environnement des soins qui lui sont portés (l'esprit ‘à deux personnes’) avant la
différenciation topographique interne entre les systèmes inconscients, préconscients et
conscients, et la structuration du ça, du moi et du surmoi (l'esprit ‘à une personne’)
puisse être réalisée. Par ce processus de ‘subjectivisation’ (devenir ainsi un sujet
différencié et structuré), la connexion intime avec ‘l’autre réel’ véritable (et
potentiellement traumatisant) (Lacan 1966/1977) est essentielle. Laplanche (1993,
1999) a mené l'expression de Lacan 'le réel traumatique (l'autre)', la personne
soignante (caretaker), dans la sphère intersubjective. Il a souligné que la sexualité
inconsciente (de l’adulte soignant), déclenchée par la proximité au corps de l'enfant,
'contamine' les échanges intimes avec l'enfant sous forme de messages énigmatiques.
D'autres ont porté ce concept développemental plus loin dans une sphère directement
applicable à l'échange clinique et le contre-transfert, en se focalisant sur 'l'activité de
représentation' et 'l'action différée à nommer les affects', par lequel l'enfant/le patient
constitue le ‘Je’ (Auglanier 1975/2001, p. 97) ; ainsi que la capacité du
parent/analyste à garder ses distances de manière optimale, facilitant ainsi la
symbolisation et la représentation nécessaires à la formation de la pensée (Green
1975, p. 14). Cliniquement parlant, cela se traduit en une « écoute » attentive de

130
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toutes formes d'échanges inconscients et de transmissions d'émotions par le biais de


mots et comportements entre le patient et l'analyste, dans un ‘affect partagé’ et
transmis (Parat 1995) et une ‘position contretransférentielle’ d'écoute décentrée
(Faimberg 1993).

III. INFLUENCES INTERNATIONALES RÉCIPROQUES ET UTILISATION


CONTEMPORAINE DU CONCEPT

III. A. La théorie freudienne contemporaine et la relation d'objet


Dans le domaine de la psychologie du moi contemporaine et de la théorie du
conflit en l'Amérique du Nord, Lasky (2002), à la suite de Arlow (1997) et de Abend
(1986), en se focalisant sur les subtilités des états et processus internes du travail de
l’analyste, fait la distinction entre l'empathie, l'instrument analytique et le contre-
transfert en soi. Blum (1991) s'est concentré sur les complexités de la communication
affective dans le champ transféro-contretransférentiel bidirectionnel du processus
analytique et en particulier les problèmes dans l'analyse de patients qui rencontrent
des difficultés spécifiques dans la reconnaissance, l'expérience, la communication et
la régulation de l'affect dans le paradigme du conflit intrapsychique (Ellman, Grand,
Silvan & Ellman 1998).
Kernberg (1983), dans ses écrits sur l'analyse du caractère des patients limites,
distingue entre les réactions contretransférentielles chroniques et aigües.
Reconnaissant l'influence de Heimann (1960), il écrit : « …les impasses chroniques
peuvent être cruciales pour identifier aussi bien les déformations
contretransférentielles chroniques (qui sont des formations contretransférentielles
plus envahissantes, bien que moins tenaces que les formations aigües) que l'acting-out
dans le transfert – subtile mais puissant – qui par ailleurs n'aurait pas été diagnostiqué.
Dans ce sens, l'analyse de la réaction émotionnelle de l'analyste dans son intégralité
est un ‘deuxième’ plan d'action, lorsque le premier plan de l'approche d'une
exploration directe du transfert s'est avérée insuffisante 53 ... » (pp. 265, 266).
Globalement les conceptions de Kernberg (1965, 1975) sur le contre-transfert ont
évolué graduellement jusqu'à l'expression de son importance vitale, surtout dans le
contexte du travail avec les patients limites (borderline). Alors qu'il a mis en garde en
1965 contre les dangers de généraliser le concept de ‘contre-transfert’ en y
incorporant toutes les réactions émotionnelles que l'analyste peut éprouver (avec le
risque que le concept ne perde tout son sens spécifique), il a reconnu, et insisté, en
1975, sur l'aspect constructif du travail analytique de l'interprétation du contre-
transfert. Spécifiquement dans le travail auprès des patients limites l'analyste doit

53
Citation traduite pour cette édition

131
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faire face et doit gérer (parfois) ses propres réactions internes fortes par rapport aux
projections des relations d'objet primitives du patient. Dans son modèle récent de la
‘psychothérapie focalisée sur le transfert’ (Transference Focused Psychotherapy
(TFP), il présente le paradigme de se focaliser ouvertement sur les réponses
transférentielles du patient limite, tout en surveillant étroitement le contre-transfert de
l'analyste. Dans ce modèle, l'analyste interprète à partir de la position ’tierce’, en
interprétant l'interaction des deux participants dans le dialogue (Kernberg 2015).
Figure générative entre les théories des relations d'objet et les théories
relationnelles, Mitchell (1993, 1997) explicite le sens profond selon lequel l’affect
dans le contre-transfert est le moteur de la mobilisation psychique. Ses vignettes
saisissent souvent la paire analytique dans des moments de grand désespoir. Sans
l'expérience du désespoir, Mitchell soutient que l'analyste ne serait pas poussé à
effectuer le travail nécessaire pour comprendre le processus par lequel une telle
impasse est survenue. Il y a toujours deux personnes de pouvoir dans son travail.
La situation actuelle dans la tradition globalement classique est l'objet d'un
débat permanent au sein de, et entre, les orientations diverses sur le statut, les
fonctions et les limites de l'analyse contre-transférentielle (Gabbard 1982, 1994,
1995). Le travail théorique original de Jacob (1993) sur l'utilisation du contre-transfert
de l'analyste s'inspire des relations d'objet, des freudiens contemporains (Sandler
1976), et de la psychologie du moi. Avec Jacobs, le contre-transfert apparait dans des
formes les plus florissantes et configurées de multiples façons, aussi riche (à sa façon)
et problématique que le transfert. Dans son travail, la totalité de l'instrument de
l'analyste, l'utilisation créative de toute expérience corporelle, mentale,
interpersonnelle et du fantasme, est crucial pour le travail analytique. Désormais le
contre-transfert n'est pas un problème mais (en partie) une solution, un registre
nécessaire pour le travail de l’analyste. Partie intégrante de l'hypothèse de Jacobs, et
de son utilisation de la subjectivité analytique se situe son postulat des
communications envahissantes (pervasive communications) – méta, conscientes,
préconscientes et inconscientes – qui soutient et se constituent en réseau par les
expériences de tous les couples analytiques. Faire sens, une co-construction tellement
riche, nécessite inévitablement que l'analyste comprenne et explore très profondément
sa propre part dans ces communications complexes. Pour Jacobs (1991, 1999, 2001)
et Smith (1999, 2000, 2003), et pour les analystes de la relation d'objet, tels que
Ogden (1994, 1995) et Gabbard (1994), nonobstant les différences entre eux, la
subjectivité de l'analyse est cruciale pour l'auto-analyse qui permet au travail
analytique d'avancer. Dans ce courant de pensée, le contre-transfert s'entend plus
souvent comme une ‘énaction’ (enactment) (Harris, 2005; voir aussi l'entrée
ÉNACTION).
En s'interrogeant sur les aspects répétitifs et compulsifs du contre-transfert,
Smith (2000) suggère que le contre-transfert peut à la fois (même simultanément)
retarder la progression analytique et la déployer. Ce que Smith fait là pour le contre-
transfert est analogue à ce que Freud a fait pour le transfert, notamment en démontrant

132
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qu'il peut tout aussi bien constituer une résistance, qu'être moteur de changement. De
même que toute compulsion de répétition, l’impulsion vers la santé et vers la maladie
sont présentes simultanément.
Apprey (1993, 2010, 2014) prolonge davantage la notion du contre-transfert
de Sandler, porté par le rôle en résonance, pour « aborder les requêtes et les
demandes, ainsi que tout l'encouragement dans le continuum transféro-
contretransférentiel conduit par les volontés inconscientes à répéter ou relever les
griefs anciens dans l'espace publique du cadre clinique contemporain 54 »
(communication personnelle adressée à Papiasvili, 2014) Dans ce qu'il considère être
un prolongement, et un usage, Nord-américain contemporain et unique, du concept,
Apprey, freudien actuel qui fait le lien entre les complexités de l'identification
projective, les énactions (enactments) et rôles en résonance, dépeint l'analyste dans
son rôle en résonance, comme étant celui qui potentialise ‘l'émancipation psychique’
des ...objets internes, oppressifs et destructeurs qui de manière intrusive tourmentent
et enfreignent le patient depuis l'intérieur de sa psyché.
Freedman, Lasky et Webster (2009) présentent une combinaison complexe de
concepts de symbolisation et de triangulation freudiens, lacaniens et winnicottiens,
dans la matrice intersubjective , en faisant la distinction entre les soi-disant contre-
transferts ordinaires et extraordinaires : les contre-transferts ordinaires sont des
perturbations transitoires, et les contre-transferts extraordinaires sont des impasses,
intolérables pour les analystes à un point tel qu'ils doivent rester hors de leur
conscience. La théorie lacanienne du contre-transfert, vue par l’intermédiaire du désir
(Lacan, 1977) rencontre sur ce point le cadre winnicottien du ‘processus analytique
suffisamment bon’ et son ‘effondrement’ potentiel (Winnicott 1972, 1974).

III. B. La théorie du champ et les perspectives connexes


Anticipé cliniquement par Ferenczi et Sullivan (1953, 1964), et influencé par
la poussée des théories de la relation d'objet, le concept du 'champ' a éminemment
rejoint la discussion sur le contre-transfert. Enraciné dans la phénoménologie de
Maurice Merleau-Ponty (1945) et dans la théorie européenne/nord-américaine du
champ dynamique socio-psychologique néo-gestalt de Kurt Lewin (1947), les
psychanalystes (particulièrement en Amérique Latine et en Italie et à moindre mesure
également aux USA) se sont inspirés de cette perspective pour considérer le cadre
analytique, ou situation, comme un tout intégré, avec tout aspect de la situation
impliqué intimement dans tous les autres. Dans ce système, le contre-transfert est un
aspect inévitable du réseau de l'expérience dans un traitement psychanalytique. Parmi
les acteurs majeurs de ces conceptions sur le contre-transfert figurent les analystes
argentins Willy et Madeleine Baranger. Ils représentent le processus analytique
comme un champ bi-personnel en évolution, délimité par le cadre mais comprenant

54
Citation traduite pour cette édition

133
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deux inter-acteurs qui s'influencent mutuellement de manière inévitable, mais subtil.


Le processus psychanalytique est une création conjointe, avec pour point de départ
aussi bien le transfert que le contre-transfert. Cette notion, selon laquelle le transfert
- contre-transfert survient du champ dynamique qui peut créer un ‘bastion’ (Baranger
et Baranger 2008 ; orig. 1961), implique l'analyste et l'analysant dans une impasse et
une nouvelle création. La structure du champ est « constituée de l'interaction des
processus d'identification projective et introjective et des contre-identifications qui
agissent avec leurs différentes limites, fonctions et caractéristiques chez le patient et
l'analyste55» (ibid, p. 809) Au Brésil, Roosevelt Cassorla (2013) a développé la notion
contemporaine de la mise en acte aiguë et chronique, lesquelles surviennent sous la
forme de décharges mutuelles comportementales entre la paire analytique, qui
envahissent le champ analytique en écho aux situations où la symbolisation verbale
était perturbée. Ces conceptions latino-américaines récentes sur le contre-transfert ont
été ancrées dans le travail et la tradition des Barangers et Bleger (1967), qui ont
évolué auprès de, et en interaction réciproque, avec Racker (1968) et Grinberg (1968),
souvent avec des accents lacaniens (de Bernardi 2000; Cassorla 2013).
La théorie du champ analytique a été approfondie en Europe et en Amérique
du Nord. Stern (1997), aux USA, a présenté une élaboration originale de la théorie du
champ dans la perspective interpersonnelle. L'un des représentants majeurs de la
théorie du champ en Europe est Ferro, qui a mêlé la théorie du champ à une approche
bionienne. Dans le travail de Ferro avec Basile (Ferro et Basile, 2008), la théorie du
champ est de nos jours considérée un point de convergence des personnages multiples
que sont le patient et l'analyste, qui ont une vie propre, comme s'ils étaient en scène.
Ces auteurs focalisent entièrement sur la narration des mondes qui émergent dans
chaque session analytique. Ils différencient un éventail de différents niveaux
contretransférentiels. « Les distinctions sont fondées sur les modalités que le champ
démontre et dont il fait usage, afin de moduler ses propres tensions 56 » (Ferro et
Basile 2008, p. 3) Les transformations des personnages dans les récits des sessions
sont considérées représenter ‘les transformations dans le champ analytique’. Les
explorations de ces liens permettent d'élucider l'ouverture et la fermeture d'un 'canal'
entre les identifications projectives (du patient) et la rêverie (de l'analyste) » (ibid., p.
3). Ferro (2009) et Civitarese (Civitarese 2008; Ferro et Civitarese 2013) prônent
l'utilisation de l'esprit et le corps de l’analyste, soutenus dans la rêverie, en termes de
guide des processus inconscients présents chez le patient et entre l'analyste et
l'analysant.
Cette perspective a également beaucoup en commun avec la notion de
l'analyste nord-américain, formé au Royaume-Uni, Thomas Ogden (1994a, b; 1995),
d'interactions crées à deux, où les influences kleiniennes sont également perceptibles.
Selon Ogden, la perspective intrapsychique du transfert et du contre-transfert devrait
non seulement être agrémentée de l‘image intersubjective d’une matrice transféro-

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Citation traduite pour cette édition
56
Citation traduite pour cette édition

134
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contretransférentielle, mais ces perspectives doivent être considérées constituer une


dialectique menant à ‘un tiers analytique (intersubjectif)’ ; une nouvelle subjectivité
évolutive, contenant (par analogie au champ) quelque chose de plus que la somme de
ses composantes.
Tout en regroupant également l'intrapsychique et l'intersubjectif au cadre
psychanalytique français, restant également en phase avec les travaux de Winnicott
sur l'espace potentiel, Green (1973/1999 ; 2002), précise une autre formation dans le
domaine des processus tierces. Sa version est celle de 'l'objet analytique' (l'objet de
l'analyse et dans l'analyse) comme étant l’objet tiers : appartenant ni à l'analyste, ni à
l'analysant, il a les caractéristiques de la transitionnalité, façonné dans la rencontre
analytique. Dans la pensée de Green, la relation intersubjective connecte deux sujets
intrapsychiques et « c'est lorsque les deux mondes internes de deux partenaires du
couple analytique sont entrelacés que l'intersubjectivité prend de la substance ».
(2000, p.2).

III. C. Focalisation sur le modèle à deux personnes, l'interpsychique et


l'intersubjectif ; Le contre-transfert en ‘terrain commun’
Provenant d'Europe, au départ, spécifiquement d'Italie, dans la dernière
décennie, la conceptualisation de 'l'interpsychique' (outre l'intersubjectif) est de plus
en plus considérée pertinente à l'échelle mondiale (Bolognini 2004, 2010, 2016). Cet
intérêt récent se place en écho des commentaires de Freud selon lesquels deux
systèmes de l'Inconscient peuvent être en relation directe influente entre eux, sans
l'implication de formes plus évoluées de la conscience ou de la subjectivité (Freud
1915, 1937a, b.). En formulant la conceptualisation de l'interpsychique, la 'modulation
du champ' transformationnelle de la théorie du champ (Ferro et al. 2002), le concept
winnicotien de 'transitionnalité' et le travail sur l'empathie, en tant que phénomène
complexe (Bolognini 2009) ont été tout spécialement pertinents. Dans le travail récent
de Stefano Bolognini (2016), l'on peut considérer l''interpsychique' en termes de
« niveau pré-subjectif fonctionnel où deux personnes peuvent échanger des contenus
internes, par l'utilisation d'identifications projectives communicatives 'normales'. »
(Bolognini 2016, p.110). Dans sa dimension psychique élargie, il reflète l'influence
réciproque de deux esprits, vécue en interne. Lors de son utilisation technique, lorsque
le dialogue analytique est considéré interpsychique, il reçoit « une efficacité nouvelle,
plus spécifique, d'abord en contenant et ensuite en symbolisant » (Bolognini 2004).
Son élaboration a eu lieu par de nombreuses traditions psychanalytiques
contemporaines divergentes, dont celles des néo-kleiniens et néo-bioniens, dont le
travail interpsychique porte essentiellement sur la capacité de recevoir des
identifications projectives (Steiner 2011, Pick 2015).
Cette perspective est reliée à la fois à la pensée intersubjective française, avec
l'accent sur la communication inconsciente par des messages énigmatiques, l'espace
du patient respecté, la subjectivité de l'analyste et sa capacité représentationnelle et

135
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symbolique au service de la subjectivisation du patient, de la représentation et de la


symbolisation. Dans le contexte du contre-transfert, un exemple serait celui de
Faimberg (1992, 2005, 2012, 2013, 2015), notamment la position
contretransférentielle de l'écoute clinique décentrée, qualifiée aussi de ‘l’écoute de
l'écoute’, qui consiste à observer étroitement comment l'analyste entend ce que le
patient a entendu et dit (et vice versa), ce qui peut provoquer de nombreuses surprises,
comme une indication permettant de comprendre l'état de réceptivité et la
représentation symbolique du patient. Le concept de l'expérience agie partagée de
Jacqueline Godfrind-Haber et Maurice Haber (2009) constitue une entité
interpsychique d'une ‘image d'action’ vécue, pas encore symbolisée par les mots, mais
contenant une capacité symbolique. Le saut symbolique du potentiel à la réalisation,
du registre de l'action au registre de la pensée, peut être réalisé au travers de la
participation contre-transférentielle de l'analyste. De manière analogue, le travail de
René Roussillon (2009) retrace comment les actions et le corps du patient sont
porteurs de messages et d’histoire préverbale. La transmission interpsychique au
niveau du transfert-contre-transfert peut les aider à ce qu'il fasse partie de la 'vie
psychique'. A partir d'une variété de points de vue, Green (2000), ainsi que Aulagnier
(2015), de Mijolla-Mellor (2015/2016) et d'autres, soulignent la mise au point de
l'analyste du flux intersubjectif et/ou inter-psychique de la communication
inconsciente en un prérequis vital à la ‘re-construction à deux’ analytique et
l'historisation du traumatisme précoce du patient, ainsi que la restauration de la
capacité symbolique nécessaire à ce que toute interprétation ait un sens.
Aux USA et dans le monde, la conception inter-systémique du modèle ‘à deux
personnes’ a également été professée par des analystes de formation en recherche
infantile, dans la théorie des systèmes et la psychologie du moi. La recherche
contemporaine infantile sur la régulation mutuelle de l'affect et l'infusion de l'affect
(Tronick 2002) peut être également pertinente à l'axe clinique porté sur la
transmission psychique. Mis en application dans le cadre de travaux réalisés avec les
adultes, de nombreux auteurs (The Boston Change Process Study Group 57 , 2013)
soulignent la création conjointe des règles implicites du processus psychanalytique.
Cependant, ils minimisent les concepts du transfert et du contre-transfert et mettent
plutôt l'accent sur des mesures permettant un environnement facilitant la rencontre
entre le patient et l'analyste.
Bien que dans de nombreuses écoles de pensée plus récemment, l'utilisation
explicite du concept, la référence explicite du 'contre-transfert' puisse être moins en
avant-plan, cela ne signifie pas que la contribution de dimension personnelle de
l'analyste soit sorti du cadre, bien au contraire : L'entrelacement du patient et de
l'analyste est l'une des perspectives les plus importantes en psychanalyse de nos jours.
Si l'on examine la lignée historique plus loin, le contre-transfert sans aucun doute
acquis un poids spécifique dans le contexte des éléments essentiels de la méthode
psychanalytique.
57
NdT. En français : "Le groupe d'étude sur le processus de changement de Boston"

136
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Au-delà de la capacité du contre-transfert à potentialiser le développement et


la connaissance, Gabbard (1995) maintient que le contre-transfert est devenu un
terrain commun émergent parmi les psychanalystes d'écoles différentes. Il retrace cela
au développement de deux concepts-clé tels que l'identification projective et
l'énaction (enactment) du contre-transfert (voir les entrées IDENTIFICATION
PROJECTIVE et ÉNACTION). Suivant l'évolution du long parcours historique de
concevoir les réactions de l'analyste comme un instrument pour accéder, et avoir un
effet sur le monde interne du patient, les récents débats ont comporté la question
d'étendre ou non l'utilisation active et explicite du contre-transfert dans la situation
analytique, c'est à dire si, sous certaines circonstances, il serait opportun de révéler le
contre-transfert au patient, avec l'objectif de faciliter la compréhension du patient de
sa propre expérience (Renick 1999 ; Gediman 2011 ; Greenberg 2015). Il n'y a
cependant aucun consensus jusqu'à ce jour, en ce qui concerne l'utilité de cette
intervention technique.

IV. CONCLUSION

Avec pour point de départ le rêve de « l'injection faite à Irma » de 1895, un


rêve de contre-transfert par excellence, le développement du concept du contre-
transfert exemplifie l'interaction constante de la théorie et de la pratique, du travail
clinique et de la conceptualisation, depuis la « naissance de la psychanalyse » et tout
au long des étapes successives de son évolution.
Bien qu'au départ le contre-transfert était considéré un risque pour l'efficacité
clinique de l'analyste, ‘l'autre’ tendance, de comprendre le contre-transfert comme
étant la conséquence de processus interpsychiques, au début sous-entendue, est
progressivement devenue plus explicite dans les débats analytiques des années 1920
et 1930 alors que la définition du contre-transfert s'est graduellement amplifiée.
La dernière décennie du 20ème siècle et le début du 21ème siècle ont connu une
focalisation accrue du phénomène interpsychique et des processus à l'œuvre non
seulement dans mais aussi entre les psychés des deux protagonistes dans la situation
analytique. A l'intérieur de cette focalisation cependant, des priorités thématiques très
différentes ont eu lieu : le niveau pré-subjectif de l'échange, les subjectivités
entrelacées du patient et de l'analyste, la relation des deux, le champ psychique entre
eux et les différents canaux d'échanges : réactions inconscientes, affects et émotions,
langage, corporalité, comportement, etc. Alors que le contre-transfert est considéré de
plus en plus comme un outil de traitement, ses potentiels et embûches, cliniquement et
théoriquement, restent d'intérêt majeur pour les psychanalystes.

137
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Les différents aspects significatifs qui se manifestent tout au long du


développement du concept peuvent être organisés par rapport aux autres concepts
auxquels ils font référence et de quels univers conceptuels ils émergent : Le « contre-
transfert » dans le sens du modèle topographique de l'esprit (conscient/inconscient) ;
le « contre-transfert » par rapport au modèle structurel de l'esprit (idéal du
moi/surmoi, moi, ça) ; le « contre-transfert » sur les mécanismes psychiques
spécifiques (résistance, projection, identification projective, contenant/contenu) ; le
« contre-transfert », en référence aux aspects spécifiques du processus analytique
(fonctionnement effectif, réponse émotionnelle, empathie) ; le « contre-transfert » sur
les restrictions/caractéristiques psychiques de l'analyste ; le « contre-transfert »
faisant référence à la matrice transféro-contretransférentielle des échanges
intrapsychiques et/ou intersubjectifs, ou au champ.
Le contre-transfert peut être considéré comme un thème par lequel les
différentes traditions se rencontrent, en un « terrain commun » en psychanalyse. Les
auteurs de formation freudienne traditionnelle ont convenu que l'analyste est
inévitablement influencé par le patient. Les analystes travaillant dans la tradition de la
relation d'objet ont été amenés à considérer le contre-transfert non seulement comme
la conséquence des projections et/ou des déplacements du patient (faisant uniquement
écho des processus inconscients du patient), mais aussi comme le reflet des tendances
de l'analyste.
De nos jours, par-delà les clivages des cultures psychanalytiques, des
pluralités théoriques et cliniques, un consensus à large portée s'est installé sur les
émotions de l'analyste comme étant influencées aussi bien par le patient que
l'analyste, ce qui reflète la riche dimension multidimensionnelle, essentielle et
humaine de l'analyste au travail.

Voir aussi :

IDENTIFICATION PROJECTIVE (L’) (bientôt)


CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (La)
ÉNACTION (L’)

138
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Consultants régionaux et contributeurs

Europe : Maria Vittoria Costantini, Dr.ssa. med. ; Anna Ursula Dreher, Dr. phil. ; et
Dipl. Psych. Henrik Enckell, MD, PhD

Amérique Latine : Adrian Grinspon, Dr. dipl. Psych.

Amérique du Nord : Andrew Brook, D.Phil. ; Adrienne Harris, PhD ; Robert


Oelsner, PhD ; et Arnold Richards, MD

Révisions supplémentaires: Rosemary Balsam, MD et Allannah Furlong, PhD

Co-chaire de coordination interrégionale: Eva D. Papiasvili, PhD, ABPP

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Traduction : Corinne O’Connor ; Edition : Caroline Williamson

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ÉNACTION (L')
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Rosemary Balsam (Amérique du Nord),
Roosevelt Cassorla (Amérique Latine), et Antonio Pérez-Sánchez (Europe)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)

I. DÉFINITION

Le concept de l'énaction 58 n'occupe pas une place stable dans la théorie


psychanalytique. L'utilisation du terme est très variable, il peut soit occuper une place
plutôt restreinte, s'installer dans la situation analytique ou dans une grande diversité
d'interactions et de comportements quotidiens.
Outre le premier usage du terme dans un article rédigé par Theodore Jacobs
(1986), l'énaction (enactment) a souvent été perçue comme un concept Nord-
américain. Cependant, il n'existe pas un concept unique de l'énaction dans la
littérature psychanalytique nord-américaine. Il y a par contre un ensemble de ces
concepts plus ou moins reliés entre eux, mais aussi très différents les uns des autres.
Le descriptif suivant des utilisations du terme à la fois absorbe, réunit et développe la
définition nord-américaine du concept présenté par Akhtar (2009) et Auchincloss et
Samberg (2012) :

• Les énactions de transfert/contre-transfert (ex. : Jacobs 1986, Hirsch, 1998), dans


lesquelles l'analyste et/ou l'analysant expriment des désirs transféro-
contretransférentiels dans l’acte, plutôt que par la réflexion et l'interprétation.
Cette utilisation du terme a été enrichie davantage par McLaughlin, par les
‘evocative-coercive transferences’ (transferts évocatifs-coercitifs) du patient et
de l'analyste, puis développée encore par Chused (1991, 2003) par les
‘interactions symboliques’, précisant leur signification inconsciente pour les
deux participants, potentiellement au delà même de la situation analytique. Ce
phénomène peut être conçu comme une version de ‘acting-out’ ou de ‘acting-in’
(Zeligs, 1957) sur les deux participants.

• L'induction inconsciente de l'analyste par l'analysant à vivre (live out) les


fantasmes inconscients de l'analysant. Cette idée se rapproche de
‘l'identification projective’ et/ou du 'rôle en résonance'.

• Un ensemble intégré de drames souvent subtils, inconscients, interactifs,


58
Egalement traduit en français par ‘mise en acte’ ; ‘mise en scène’ ou ‘mise en jeu’, ou cité tel quel
dans sa forme originale en langue anglaise ‘enactment’

150
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mutuellement construits et vécus' (Levine and Friedman, 2000, p.73; Loewald,


1975). Dans ce cas-ci, le terme 'énaction' est utilisé pour dénommer une forme
d'intersubjectivité, puisque l'analyste est considéré être co-auteur de ce qui se
déroule entre les deux parties.

• Toute expression dramatique de rupture transférentielle/contre-transférentielle


d'un échange analytique fluide (Ellman, 2007), qui se développe potentiellement
au delà de la situation psychanalytique (Chused, Ellman, Renick, Rothstein,
1999), peut être communiquée verbalement ou non-verbalement (voir ci-
dessous ‘ l'énaction interprétative’ de Steiner, 2006).
En Amérique latine, cette pluralité conceptuelle a été amoindrie, en raison
d'autres influences historiques d'auteurs tels que Racker (1948, 1988), Grinberg
(1957, 1962), et Baranger & Baranger (1961-1962), ainsi que les études de Cassorla
(2001, 2005, 2009, 2012, 2013, 2015), Sapisochin (2007, 2013) et autres.

• La compréhension actuelle prédominante en ce qui concerne l'énaction


en Amérique latine concerne des phénomènes où le champ analytique est
envahi de décharges et/ou de comportements dans lesquels aussi bien le
patient que l'analyste sont impliqués. Les énactions proviennent
d'inductions émotionnelles mutuelles, sans que les membres de la dyade
analytique ne réalisent clairement ce qui se déroule. Les énactions se
reportent à des situations où il y a eu un déficit de symbolisation verbale
et, lorsqu’on peut accéder à la parole, les mots sont utilisés de manière
limitée et concrète. Les énactions sont des moyens de se souvenir des
premières relations par le biais de comportements et de sentiments
faisant partie d'organisations défensives. (Voir les différences entre
énactions chroniques et énactions aiguës ci-dessous)
La compréhension européenne du terme est davantage proche de la version
latino-américaine que de celle de l'Amérique du nord, car le concept est plutôt
exclusivement limité à la session analytique. Cependant, pour certains analystes
européens, elle diffère de la version latino-américaine en ce sens que l'énaction n'est
pas tant une co-création du patient et de l'analyste, que l'aboutissement de l'interaction
entre eux. Les références à ce que l'énaction puisse se positionner dans le contre-
transfert ou l'acting-out sont également plutôt fréquentes.

• Par exemple, ‘l'énaction interprétative’, de Steiner (2006), concerne la


communication verbale de l'analyste et l'idée que, bien qu'elles soient
présentées comme une interprétation, l'énonciation exprime les
sentiments et attitudes contre-transférentielles de l'analyste.
Le point de vue prévalent de l'énaction en relation à l'interprétation,
psychanalytique, dans les trois cultures psychanalytiques continentales, est que quelle
que soit la formulation des processus et contenus, l'énaction, dans son rapport à la
situation psychanalytique, est considérée être significative dans son sens

151
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développemental et dynamique et elle doit être comprise et ultimement interprété,


quoique progressivement et de manière individualisée. (Papiasvili, 2016).

II. ORIGINES PAR FREUD

Les concepts contemporains de l'énaction ont tous des racines dans ce


que Freud a formulé. Depuis l'époque du traitement d'Anna O. par Breuer (Breuer,
1893) – la première description d'une collusion explicitée dans la littérature
psychanalytique – Freud (1895) se préoccupait des actions qui avaient lieu quand le
patient révélait ses problèmes à l'analyste. Le transfert (1905) était l'une de ces
découvertes (le cas de Dora), lorsque la structure fantasmatique du patient est projetée
sur l'analyste. Bien que décrit tout d'abord dans son auto-analyse, en 1899
(L'Interprétation des rêves), Freud a, en 1910, accordé au complexe d’Oedipe
davantage de proéminence, en démontrant la sexualité infantile des enfants en relation
avec les parents peut conduire à des schémas qu'ils reproduisent ultérieurement à
l’âge adulte, puis avec l’analyste, dans sa qualité de substitut parental.
Le contre-transfert a suivi (1910), le définissant à « l'influence qu’exerce le patient sur
les sentiments inconscients de l'analyste » (1910, p. 144). L'acting-out est apparu
ensuite (1914) (bien que Freud l'ait évoqué auparavant, en interprétant l'arrêt
prématuré de l'analyse de Dora en une revanche vis-à-vis de Freud, un objet de
substitution pour le désir de punition envers Herr K). Un autre fondement du terme
contemporain 'd'énaction' est apparu en même temps que sa compréhension du rôle de
la compulsion de répétition (1914). Ce concept décrivait comment le traumatisme
pouvait se répéter inconsciemment dans le contexte du traitement ou de la vie. Freud a
écrit :
« Il ne le reproduit pas comme souvenir, mais au contraire comme acte, il le
répète sans, bien sûr, savoir qu'il le répète … il ne parviendra pas à se libérer
de cette compulsion à la répétition ; on comprend finalement que c'est là sa
manière de se remémorer. … » (1914, p.150)
En 1923, le développement de la théorie structurale a conduit à une focalisation sur
les mécanismes de défense et leur relation au moi. Les défenses qui allaient se situer à
l'épicentre du concept de l'énaction comprenaient la projection, l'introjection et la re-
projection. En somme, les concepts actuels de l'énaction incorporent, mais aussi bien
sûr dépassent également, de nombreux concepts freudiens.

152
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III. DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT

Le verbe énacter est lié au verbe acter et l'une des significations du verbe acter
est de jouer un rôle dramatique ou théâtral. Le terme d'énacter, avec son nom
commun correspondant, l'énaction, se trouve, en version imprécise, dans la littérature
psychanalytique initiale et contemporaine. Il se réfère aux externalisations
dramatiques du monde interne du patient, soit dans une session ou dans la vie
ordinaire. Le terme ré-énaction a le même sens.
Dans son article fondateur « On Countertransference Enactments » (« À propos
de l’énaction (la mise en acte) du contre-transfert »), Jacobs (1986) précise que les
énactions sont des situations où l'analyste est surpris de son propre comportement
contre-transférentiel apparemment inapproprié. Plus tard, l'analyste pourra percevoir
des connexions en rapport dans son propre comportement, l'induction émotionnelle du
patient et des facteurs personnels lui appartenant. Jacobs (1991, 2001) a défini encore,
précisé et vulgarisé le terme de ‘énaction’. Il utilisait le terme pour identifier un
évènement spécifique en analyse dans lequel la psychologie d'un participant est jouée
vis-à-vis de l'autre. Il voulait transmettre l'idée que les énactions sont des
comportements provenant du patient, de l'analyste, ou des deux, qui surviennent en
réaction aux conflits et fantasmes suscités par le travail thérapeutique en cours. Bien
que liés à l'interaction du transfert et du contre-transfert, ces comportements sont
également reliés par la mémoire, aux pensées associées, aux fantasmes inconscients et
aux expériences provenant de l'enfance auxquels ils sont associés. Ainsi, pour Jacobs,
l'idée de l'énaction contient en elle la notion de la ré-énaction, c'est-à-dire celle de
revivre des éléments, ci et là, du passé psychologique des deux parties dans la
situation psychanalytique.

Le concept d'énaction de Jacobs résonne avec la notion quelque peu paradoxale


de Winnicott (1963), en ce sens que si l'analyse se déroule bien et que le transfert
s'approfondit, le patient fera en sorte que l'analyste l'échoue comme cela est
nécessaire dans le domaine de l'omnipotence infantile normale, c'est à dire dans le
transfert.
Cependant, Jacobs n'était pas le premier. Hans Loewald avait déjà utilisé ce
terme auparavant, dans « Psychoanalysis as an Art and the Fantasy Character of the
Psychoanalytic Situation » (« La psychanalyse en tant qu’art et la dimension
imaginaire de la situation analytique ») (1975). Il a écrit que,
« …[le] processus dans lequel le patient et l'analyste sont engagés ensemble...
implique une ‘reénaction’, une dramatisation des aspects de l'histoire de la vie
psychique du patient, créée et mise en scène en conjonction avec, et dirigée
par, l'analyste ». (p. 278-9)
Le patient et l'analyste co-créent une illusion dans la névrose du transfert. Le patient
prend l'initiative dans la recréation du fantasme comme lors d'une pièce sur scène. Le

153
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rôle de l'analyste est multidimensionnel. Il ou elle est à la fois metteur en scène mais
représente également des personnages différents dans la vie du patient. Le patient et
l'analyste sont des co-auteurs de cette dramaturgie qui est vécue à la fois comme un
fantasme et une actualité. Au lieu de simplement assumer les rôles, l'analyste les
renvoie et le patient éventuellement peut accéder à sa vie interne, puis petit à petit
s'approprie la mise en scène, le script. L’allusion d’Aristote à l'imitation de l'action
sous forme d'action, correspondrait, en termes psychanalytiques, aussi bien la
‘reénaction’ qu’à la répétition. Schafer (1982), un collègue de Loewald à l'époque,
estimait également que les multiples récits narratifs personnels (self-narratives) ou
‘storylines’ pourraient être considérés représenter des versions divergentes de
l'histoire fondamentale de l'analysant mise en scène avec un analyste (par exemple,
drames d'emprisonnement, renaissance ou rivalité œdipienne).
Sandler (1976) a mis l'accent sur l'induction mutuelle entre les membres d'une
dyade et les réactions spontanées de l'analyste aux stimuli inconscients du patient,
qu'il a qualifiée de rôle en résonance.
Progressivement, l'idée de l'énaction est devenue plus largement utilisée et les
débats sur ce thème sont devenus plus courants dans la littérature psychanalytique
(McLaughlin, 1991 ; Chused, 1991 ; Roughton, 1993 ; McLaughlin & Johan, 1992 ;
Ellman & Moskovitz, 1998 ; Panel, 1999). Pour certains, l'énaction remplace tout
simplement le terme de acting-out, bien qu'il n'est pas inutile de rappeler que acting-
out est l'équivalent en langue anglaise du mot allemand Agieren. En allemand, « er
agiere es » est l'équivalent de « ne fait que traduire en actes »). « [L]e patient n’a
aucun souvenir de ce qu'il a oublié ou refoulé et ne fait que traduire en actes. » Freud,
1914. p. 149).
Dans certaines cultures psychanalytiques, le terme acting-out a commencé à
désigner les actes plus ou moins occasionnels et impulsifs qui s'imposent dans la libre
association anticipée, ce qui a restreint le concept de Agieren. Au même moment, le
terme a été utilisé pour étiqueter les comportements de personnalités psychopathiques
et impulsives. Les connotations morales de acting-out ont contaminé le langage des
professionnels de la santé mentale et dans le droit. Le remplacement du terme acting–
out en faveur de l'énaction visait à éliminer la confusion conceptuelle et les aspects
péjoratifs du terme.
Il existe une connotation légale du terme anglais ‘enactment’ d’une loi, un
mandat or un décret : une ordonnance devant être exécutée, qui a également été prise
en compte. Le concept psychanalytique a incorporé les deux significations. Il est
également vrai que par définition, les deux membres de la dyade participent à
l'énaction et sont insuffisamment conscients de ce qui se déroule. L'analyste est
conduit par la relation, assujetti à ses propres problématiques internes et ses points
aveugles. Par contraste, dans l'acting-out, l'analyste prend note de ce que le patient
décharge et ne se permet pas d'y être impliqué.

154
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De nombreux analystes ont décrit des situations similaires à celles que nous
avons qualifiées de énaction, sans pour autant les nommer comme telles. Le concept a
permis de rassembler des phénomènes similaires qui ont été associés à Freud et
précisés par des psychanalystes d'orientations diverses, par des termes tels que la
répétition, revivre, externaliser, acting-out, etc. Ce terme a progressivement fait partie
de la base commune de la psychanalyse. Des débats et études récents se retrouvent
chez Paz (2007), Ivey (2008), Mann & Cunningham (2009), Borensztejn (2009),
Stern (2010), Waska (2011), Cassorla (2012), Sapisochin (2013), Bohleber et al
(2013), et Katz, (2014).
Les énactions divergent en qualité et intensité en raison des différents taux de
déficit ou de déficience dans la capacité à symboliser. La plus faible intensité serait
sous forme d’‘actualisations’ (Sandler, 1976), celles-ci gratifient les souhaits
transférentiels sur l'analyste. La plus maligne impliquerait, de la part de l'analyste, une
capacité déficiente, menant à des abus de son autorité qui dépasseraient largement les
limites de ce que l'on considère acceptable dans un traitement analytique (Bateman,
1998).
Les débats dans la littérature psychanalytique examinent le potentiel nuisible,
ou bien nécessaire et utile, des énactions. La tendance est de considérer que les
énactions surviennent naturellement quand un analyste est confronté à des
configurations psychotiques ou borderline, même lorsque les aspects névrotiques
prédominent. Elles sont certainement utiles une fois comprises et cette compréhension
peut survenir uniquement après leur identification, c'est à dire de manière
Nachträglichkeit (‘après-coup’ ou en action différée). Les énactions qui ne sont pas
suffisamment identifiées bloquent le processus analytique et peuvent le détruire.

III. A. L'évolution nord-américaine du concept : Une autre influence originaire


des relations d'objet britanniques
L'identification projective est un élément important dans l'énaction. Décrit à
l'origine par Klein (1946/1952), qui la définissait de fantasme inconscient, consistant
de clivage et de projection des éléments bons et mauvais du moi dans l'objet.
Winnicott a également fait usage du concept. Bion (1962) a développé l'identification
projective pour y inclure la communication préverbale et/ou présymbolique entre la
mère et l'enfant. Au concept de Bion, Joseph (1992) a ajouté les comportements
actifs-si-subtiles (en même temps que ses machinations intrapsychiques) qui œuvrent
à produire une ambiance dans le cabinet et à susciter certaines émotions, sensations et
idées chez l'analyste (l'objet), lesquelles pourraient le ou la provoquer à se comporter
de manière inhabituelle, quoique cohérente dans le cadre du schéma interne de
l'analysant (sujet). O’Shaughnessy (1992) a décrit deux sortes d'énactions, enclaves' et
'excursions' pouvant porter un potentiel destructeur pour le processus
psychanalytique. 'L'enclave' concerne l'analyse que l'analyste transforme en refuge
contre les perturbations et 'l'excursion' lorsque l'analyste transforme l'analyse en une

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succession de fuites. O’Shaughnessy reconnait que l'acting-out partial et limité est un


élément inévitable de la situation analytique, bien que potentiellement problématique
lorsqu'il n'est pas contenu car il se détériore alors en énactions de type destructives :
les enclaves et les excursions (Shaughnessy, 1992).
Les énactions peuvent en outre être considérées similaires à l'idée de Winnicott
(1963, p. 343) que nous avons évoquée auparavant, selon laquelle notre succès est de
faire échec, c'est à dire de faire échec au fonctionnement du patient. Nous sommes
bien loin de la théorie simpliste de la cure selon laquelle son cheminement
s'effectuerait par l'expérience corrective. Pour paraphraser Winnicott, l'énaction chez
un patient peut être au service du moi, si l'analyste l'accueille, et si elle est utilisée
pour permettre au patient de ramener quelque chose de toxique dans sa zone de
contrôle, permettant de la gérer par le biais de la projection et l'introjection.
Pour l'Amérique du nord, les concepts de l'énaction ont ainsi des racines
profondes dans la théorie de Freud et la tradition de la relation d'objet.

III. B. L'évolution latino-américaine du concept : Le contexte plus large et les


précurseurs conceptuels
La pensée psychanalytique latino-américaine a été influencée par des auteurs
pionniers qui, dans les années 1940-1950 ont développé des études en profondeur sur
le processus analytique, en prenant en compte ce qui se produisait entre les membres
de la dyade analytique. Racker (1948, 1988) a étudié le ‘contre-transfert
complémentaire’ comme la conséquence de l'identification de l'analyste avec les
objets internes du patient. Grinberg (1957, 1962) a détaillé la ‘contre-identification
projective’, une situation où les analystes se permettent d'être pris par les
identifications projectives du patient et d'y réagir sans les percevoir. Plus tard,
Grinberg a modifié certains aspects de ses idées et a démontré l'utilité de ce concept
par la compréhension de ce qui se produit entre les membres de la dyade analytique.
Racker et Grinberg ont décrit des situations similaires aux idées actuelles de
l'énaction. Ces auteurs, ainsi que d'autres, ont influencé Willy et Madeleine Baranger
qui, sur la base des idées de Klein, ont détaillé le champ analytique (Baranger et
Baranger, 1961-62, 1969, 1980).
Le champ analytique est un lieu/temps qui implique deux personnes
(analyste/patient) prenant part dans le même processus analytique dans lequel aucun
membre de la dyade ne peut être intelligible sans référence à l'autre. Les deux forment
une structure appelée le fantasme inconscient de la dyade qui se situe au delà de la
somme des aspects de chaque participant. Dans ce contexte, les Barangers ont décrit
une issue du champ qualifié de bastions. Ils surviennent lorsque des éléments du
patient et des éléments de l'analyste deviennent entremêlés, submergés en une
structure défensive. Le bastion peut apparaître en un corps étranger statique pendant
que le processus analytique semble poursuivre son cours, ou bien prendre le pas sur

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l'intégralité du champ et devenir pathologique. L'idée du bastion est proche de l'idée


de mise en acte chronique (Cassorla, 2005).
En conséquence de ces développements, la culture latino-américaine a
rapidement absorbé le concept d'énaction. La clarification conceptuelle a de plus été
facilitée par les études contemporaines latino-américaines réalisées sur les processus
de symbolisation (Cassorla, 2001, 2005, 2009 ; Sanchez Grillo, 2004 ; Sapisochin
2007, 2013 ; Gus 2007 ; Paz, 2007 ; Borensztejn, 2009 ; Rocha, 2009 ; Schreck,
2011).

IV. DÉVELOPPEMENTS CONTEMPORAINS ET USAGES DU CONCEPT


AUX AMÉRIQUES ET EN EUROPE

IV. A. Amérique latine : Evolutions et pertinence clinique


Les situations cliniques telles que les énactions, décrites dans la littérature,
décrivent généralement une action ou comportement soudain, en conséquence
desquels l'analyste ressent avoir perdu sa fonction analytique. Il pourrait par exemple
se trouver surpris de réaliser qu'il s'est comporté de manière ironique, agressive ou
séductrice. Ou bien il pourrait se rendre compte qu'il ne se sent pas intéressé, qu'il a
mis fin à la session trop tôt, ou de l'avoir rallongée. Il pourrait réaliser qu'il est devenu
exagérément fasciné par les histoires captivantes du patient, ou qu'il a eu un rapport
de force avec le patient. Dans ces cas, il se rend compte que sa capacité analytique a
été réduite, qu'il en est gêné et se sent coupable. Plus tard, l'analyste peut réaliser qu'il
s'identifiait avec des aspects projetés par le patient. Ces phénomènes devraient
spécifiquement être qualifiés de mises en actes aiguës (Cassorla, 2001). Parfois, c'est
le comportement de l'analyste qui est plus apparent que celui du patient. Le terme
d'énaction (mise en acte) contre-transférentielle est utilisé en référence au
comportement de l'analyste.
Cassorla (2005, 2008, 2012, 2013), lors de ses recherches sur configurations
limite (borderline) démontre qu'avant la mise en acte aiguë soit survenue, la dyade
analytique avait déjà été prolongée dans une collusion où le patient et l'analyste
s'étaient déjà indiscriminés l'un l'autre. De telles dyades devenues symbiotiques
exposent des comportements similaires aux performances théâtrales ou de jeux
d'imitation (Sapisochin, 2013). Ce type de comportement est qualifié de mise en acte
chronique. Aucun des membres de la dyade ne réalise ce qui se déroule et lorsque
c'est le cas, cela se manifeste peu après la survenue et la prise de conscience d'une
mise en acte aiguë.
L'étude de la séquence : mise en acte chronique (non-perçue) -> mise en acte
aiguë (perçue) -> réalisation de la mise en acte chronique qui a eu lieu, dessine un

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portrait d'une histoire naturelle spécifique du processus analytique, dans les cas de
travail où les processus de symbolisation sont perturbés. Les faits cliniques révèlent
des organisations défensives qui évitent la perception de la réalité triangulaire, vécue
de manière traumatique. L'expérience clinique démontre la séquence suivante :
Phase 1. L'analyste sait qu'il a devant lui un patient auquel il est difficile
d'accéder et qui attaque le processus analytique et le subvertit. Il est cependant certain
qu'avec de la patience et de la persévérance les difficultés seront comprises.
Moment M: À un point donné, l'analyse se surprend lui-même à faire une
intervention ou effectuer un acte, souvent impulsif, qui le gêne, le culpabilise et lui
donne l'impression d'avoir perdu sa capacité d'analyse. Il craint avoir heurté quelque
peu son patient et imagine les complications imminentes.
Phase 2. L'analyste, porteur de ses sentiments négatifs, prend note des
conséquences de son comportement. À sa grande surprise, le processus analytique
devient plus productif et le réseau symbolique de la pensée s'amplifie. L'appréciation
du Moment M renforce le lien analytique et le patient l'associe aux précédentes
situations traumatiques qui font l'objet d’un travail d’élaboration.
C'est par une recherche supplémentaire dans les faits décrits que l'analyste
réalise que lors de la Phase 1, il était impliqué dans une collusion prolongée avec son
patient (mise en acte chronique) dans certains points du fonctionnement de la dyade
analytique, qu'il n'avait pas perçue. Les collusions, désormais identifiées, alternent
entre des scénarios sadomasochistes et scénarios d'idéalisation mutuelle. L'analyste et
le patient se contrôlent l'un l'autre mutuellement et deviennent des prolongations l'un
de l'autre.
Lorsque l'analyste passe en revue le Moment M, il réalise qu'en fait il a perdu
sa capacité analytique non pas à ce moment-ci, mais avant, en Phase 1. En fait, le
Moment M a indiqué que sa capacité était en train de se recouvrer. Par exemple,
l'agression supposée de l'analyste aurait démêlé une collusion masochiste, ou bien une
relation d'idéalisation mutuelle qui bloquait le processus analytique (Phase 1). Le
Moment M a révélé qu'une mise en acte aiguë qui avait démêlé la mise en acte
chronique antérieure, l'a rendue perceptible en même temps. Par conséquent, la mise
en acte chronique a révélé le traumatisme d'être entré en contact avec une réalité
triangulaire. Il est parfois possible qu'avant la réalisation claire de la mise en acte
aiguë, ces contacts momentanés avec la triangularité soient emprunts de ‘micro-
énactions’ presque imperceptibles, où l'organisation défensive revient à des ‘mises en
actes chroniques’ (Cassorla, 2008). Pendant que les mises en actes chroniques ne sont
pas perçues, l'analyste continue de travailler de manière persistante même s'il pense
ne pas être suffisamment productif. Même dans ce cas, son travail, dans des domaines
parallèles, continue implicitement à donner du sens aux lacunes traumatiques dans le
réseau symbolique. L'organisation défensive se démêle progressivement même si ce
n'est pas apparent dans le champ analytique. L'mise en acte aiguë, c'est-à-dire la
perception soudaine de la réalité triangulaire, émerge lorsqu'une restauration

158
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suffisante du réseau symbolique est atteinte. La dyade analytique sent que la


séparation entre le moi et l'objet sera supportable. Cette séparation peut donc se
considérer comme un traumatisme mitigé. La mise en acte aiguë est ainsi un mélange
qui engage aussi bien les décharges affectives que les traumatismes, lesquels sont
symbolisés dans l’ici et maintenant du processus analytique. Lorsque l'analyste
perçoit la mise en acte et la signifie de nouveau, dans l’après-coup, ou de manière
Nachträglichkeit, le réseau symbolique s’élargit. Cet élargissement permet
l'émergence de nouvelles associations liées aux effets traumatiques en cours
d’élaboration, elle stimule ainsi les constructions effectuées par l'analyste (Phase 2).
Lorsque le patient apporte principalement des aspects symboliques dans le
champ analytique par le biais d'identifications projectives communicatives, une
collusion duale instantanée se forme entre le patient et l'analyste. C'est ensuite
l'analyste qui la démêle, par le biais de ses interprétations transférentielles. Par
analogie, ces collusions instantanées peuvent être qualifiées de mise en actes
normales.
Cassorla (2008, 2013) arguait ces aspects cliniques en empruntant la théorie
de la pensée de Bion, selon laquelle les mise en actes chroniques constituent une
situation où les deux membres de la dyade analytique ne sont pas en mesure de rêver
les expériences émotionnelles (brutes) qui ont lieu dans le champ analytique. Il a
détaillé la mise en acte chronique de non-rêve à deux. Par contre, les mise en actes
aigües, qui démêlent les mise en actes chroniques, sont composées d'un mélange de
décharges et de non-rêves rêvés ici-et-maintenant, dans le champ analytique. La
capacité de symbolisation est une conséquence de la fonction alpha implicite, que
l'analyste utilise pendant la mise en acte chronique.

IV. B. Développements et pertinence clinique en Amérique du nord


Tout comme les auteurs latino-américains mettent l'accent sur l'importance du
concept pour mieux comprendre la technique analytique avec les enfants et les
adolescents (Sanchez Grillo, 2004 ; Rocha, 2009 ; Borensztejn, 2009), les analystes
d’enfants et adolescents en Amérique du Nord évoluent et utilisent également le
concept dans leur travail clinique et théorique.
Judith Chused, impressionnée par le travail de Theodore Jacobs, de 1986,
auprès des adultes, sur le développement du contre-transfert en y rapportant
'l'énaction', a relaté l'usage productif du moi dans le repérage des propres réactions de
l'analyste, dans son travail avec les jeunes. Chused (1991, 1992) a donné des
exemples cliniques détaillés de son travail avec des enfants en période de latence et
des jeunes adultes. En 2003, Chused a défini l'énaction sur une grande échelle :
« Lorsque le comportement d'un patient, ou bien ses mots, stimulent un conflit
inconscient chez l'analyste, donnant lieu à une interaction dont le sens est
inconscient aux deux, c'est un énaction. Inversement, un énaction a lieu

159
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lorsque le comportement d'un analyste, ou ses mots, stimulent un conflit


inconscient chez le patient, produisant une interaction qui a du sens
inconscient pour les deux. Les énactions ont lieu tout le temps en analyse et en
dehors de nos cabinets... Certains des plus significatifs... ont lieu... quand le
comportement d'un analyste a dévié de son intention consciente par des
incitations inconscientes, et le 'ressenti est mauvais’ quand on l'examine... »
(Chused, 2003, p. 678).59
In 1995, Judith Mitrani a inventé le terme ‘d'expérience non-mentalisée’ pour
expliciter les situations dans la toute première enfance, plus tard exprimées en analyse
par les processus d'énaction, où elles peuvent être interprétées dans le transfert et ainsi
donner une forme significative aux constructions imaginatives. Plus tard (Mitrani,
2001), elle a réalisé que le mot 'expérience' est inapproprié dans ce contexte, puisqu'il
doit y avoir une conscience psychique et donc un certain niveau de mentalisation pour
faire l'expérience de quoi que ce soit. Elle a donc souligné la distinction entre ce qui
est advenu (happened) à un individu et ce qui a été souffert (suffered), et qui a ensuite
franchi le domaine de la conscience avec l'aide d'un objet contenant ; en d'autres
termes, ce quelque ‘chose’ qui a atteint un niveau de signification dans l'esprit.
En cela, Mitrani nous rappelle Federn (1952), Bion (1962) et Winnicott
(1974). Federn (1952) fait une distinction importante entre le fait de souffrir la
douleur et le fait de ressentir la douleur. Selon lui, la souffrance est un processus actif
du moi, dans lequel l'évènement-inducteur-de-la-douleur, par exemple la frustration
ou la perte de l'objet, est repris et son entière intensité est ressentie. Ainsi, il éprouve
une transformation, de même pour le moi. Par le fait de ressentir la douleur, par
contre, l'évènement-inducteur de la douleur ne peut être enduré et élaboré par le moi.
La douleur n'est pas contenue, mais elle touche simplement la limite du moi et est
refoulée. Lors de chaque récurrence, le ressenti douloureux affecte le moi avec la
même intensité et effet traumatique. La distinction entre les ‘évènements’
(‘happenings’) et les ‘expériences’ a été adressée par Winnicott dans « The Fear of
Breakdown » (« La crainte de l'effondrement et autres situations cliniques ») (1974),
un effondrement qui a eu lieu dans la petite enfance mais qui n'a pas été vécu ou
éprouvé. Pendant la période de la prime enfance, lorsque la psyché et le soma sont
encore indissociables l'un de l'autre, les 'happenings' (évènements) (Bion, 1962) sont
enregistrés dans le corps et sont maintenus de façon corporelle jusqu'à ce que la
représentation psychique est rendue possible. Lorsque l'analyste fait bon usage des
énactions, le corps reçoit une seconde chance de représentation symbolique alors qu'il
entre dans des relations significatives avec d'autres représentations psychiques.
Du point de vue de Mitrani, un tel ‘évènement non-mentalisé’ de douleur
ressentie mais non soufferte, enregistré à un niveau sensuel ou corporel, en attente
d'être assignée à une signification symbolique, pourrait bien être à la source de
nombreuses énactions en analyse.

59
Citation traduite pour cette édition

160
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La perspective neurobiologique sur le rôle du corps dans l'énaction, par des


souvenirs somatiques, a fait l'objet de recherches, ainsi que de révisions, par, entre
autres, Van der Kolk and Van der Hart (1991). Leurs débats couvrent les idées
neurobiologiques initiales de Janet et Freud jusqu'aux hypothèses actuelles de
l'encodage somatique dans le cerveau des souvenirs traumatiques.
Pour l'école relationnelle, l'énaction est un concept central dans la théorie de la
psyché et pour la compréhension de l'action thérapeutique en analyse clinique. Active
aux USA depuis les années 1980, les théoriciens de la relation d’objet, tels que
Anthony Bass, décrivent leur approche ainsi :
« Les approches relationnelles contemporaines sont en grande mesure
définies.... par leur accent sur les avantages de la participation commune :
l'interaction, l'intersubjectivité et l'impact mutuel qui résultent de l'interaction
constructive mutuelle complémentaire du transfert et du contre-transfert. Ces
phénomènes peuvent se manifester remarquablement (avec tout le pouvoir de
leur emprise sur l'inconscient) dans la négociation du processus de ce qui peut
ressembler souvent aux champs de mine de l'énaction. » (Bass, 2003, p. 658).
Irwin Hoffman (1994) précise la pensée dialectique que contient cette
approche et examine, par exemple, les implications techniques de l'autorité chez
l'analyste, la réciprocité et l'authenticité de la capacité unique du patient pour les
interactions inconscientes. Pour Bromberg (1998, 2006), l'esprit est le paysage de
multiples états du moi en mouvement. L'énaction dans la situation de traitement est le
moyen d'accès aux contenus d'états du moi séquestrés, auparavant inaccessibles.
Selon Bromberg (2006), Bass (2003), Hoffman (1994) et Mitchell (1997), c'est en
restant conforme à la relation traditionnelle que les analystes consultent leurs propres
états du moi en mouvement perpétuel, pour y trouver des indices de ce qui est à
l'œuvre chez leurs patients.
L'énaction est également à l'épicentre de l'approche des systèmes
intersubjectifs. Cette approche a été développée par Robert Stolorow et autres en fin
des années 1980, et fait la lumière sur les aspects interpersonnels de l'approche
relationnelle au traitement. Dans l'approche intersubjective, les énactions sont
considérées évoluer à partir d'états relationnels dissociés, représentant la
communication interpersonnelle à partir des expériences et traumatismes neuronaux
précoces encodés du patient. L'école intersubjective est inspirée de la recherche
neuroscientifique, ainsi que des recherches effectuées sur la communication non-
verbale pendant la petite enfance, l'enfance et chez leurs parents, par exemple celle
effectuée par Beatrice Beebe et Frank M. Lachmann (2002).
Ilany Kogan (2002), analyste israélien, membre éminent de l'équipe de
recherche sur les traumatismes de Yale (Yale Trauma Research Team), aux USA, a
exploré l'énaction chez les enfants qui ont survécu à l'Holocauste. Elle pose la
définition du terme en « la compulsion à recréer les expériences vécues par leurs
parents dans leur propre vie, par des actes concrets » (2002, p. 251). C'est une

161
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démonstration clinique importante qui démontre précisément comment les récits


émotionnels du monde interne du sujet peuvent être dissimulés de la conscience. La
transmission intergénérationnelle du traumatisme y est impliquée, ainsi que la théorie
de la communication inconsciente interpersonnelle de Freud, mais aussi, bien qu'elle
n'en fasse pas état, l'idée de Hans Loewald (1975) selon laquelle l'analyse est
analogue à la mimésis en art dramatique, dans ce cas-ci la tragédie. Kogan fait ici une
distinction au sujet de l'utilisation qu'elle emprunte du terme 'énaction', vis à vis
d'autres auteurs, en précisant que, au contraire de Jacobs (1986) par exemple, elle
n'est pas focalisée spécifiquement sur l'immédiateté interactive entre le patient et
l'analyste. Son concept est davantage similaire à un amalgame de ‘l'acting-out’ et
‘l'acting-in’ de Freud et de l'actualisation de Sandler (1978) et Eshel (1998). Elle
emploie le terme conjointement avec ‘un trou noir’ (p. 255), un écart dans
l'information consciente au sein de la psyché, néanmoins non vide (voir ‘le cercle
vide’ de holocauste, de Auerbach et Laub et autres auteurs, sur le traumatisme
sévère). Selon Loewald (1975), l'absence psychique est inhérente à l'énaction, elle se
découvre en analyse, et développe la différentiation, la croissance et l'autonomie. Sur
ce point, Kogan est semblable à Loewald.
Kogan illustre sa pensée par des exemples cliniques, tels que : Une femme,
qui, dans sa jeunesse, était anorexique (une énaction de la famine parentale), dont le
père avait dissimulé l'existence d'une première femme et d'un enfant perdus pendant la
Shoah, s'était mariée, à l'âge de 31 ans, à un homme qui avait abandonné sa femme et
son enfant. Bien qu'elle n'en ait aucune idée, son mariage à cet homme était une
énaction de la situation paternelle. Pendant son analyse, elle a, pendant toute une
journée, par inadvertance déserté un chaton adoré, qui est mort, laissé dans une salle
de bains surchauffée. Plus tard elle s'est elle-même endormie dans une chambre où
s'est produite une fuite de gaz. Elle n'avait aucune connaissance consciente des
expériences de son père à cette époque. Cela a nécessité un travail sur le transfert, afin
de détecter les différentes identifications victime-persécuteur inconscientes et sur les
variantes autopunitives qui entrent en jeu. Le récit familial peut être éventuellement
mis en parole.

IV. C. Développements européens et pertinence clinique


Les analystes européens utilisent le terme d'énaction et d'autres termes
connexes, tels que le contre-transfert et l'acting-out, lorsqu'ils traitent les phénomènes
cliniques impliqués dans le concept. Généralement, ils se limitent spécifiquement à la
situation analytique.
En fait, de nombreux analystes européens parlent de l'acting-out ou de
l'énaction en référence à un même fait clinique, les deux termes en synonymes. Pour
d'autres analystes, cependant, l'énaction peut être considérée comme un
développement de l'acting-out, avec pour origine le terme Agieren que Freud utilisait
(Paz, 2007). Néanmoins, d'autres analystes qui en font la distinction, considèrent

162
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qu'ils peuvent coexister dans le champ analytique, s'ils surviennent à différents


moments du processus analytique (Ponsi, 2013). Selon Sapisochin, les énactions du
couple analytique sont la voie royale vers la connaissance intuitive de l'inconscient
non-refoulé. Cet inconscient, bien qu'il ne puisse être représenté verbalement, est sous
la forme de registres imaginaires de l'expérience émotionnelle, que l'auteur qualifie de
‘gestes psychiques’. (Sapichosin, 2007, 2013, 2014, 2015).
La plupart des auteurs européens pensent que l'énaction est une conséquence de
l'acting-out ou énaction du patient. Par conséquent, l'énaction décrit un fait, non
seulement lié à l'analyste mais aussi au patient et probablement pour certains
analystes en Europe, l'usage du concept est en rapport à l'analyste et au patient. Bien
que lorsqu'il s'agit du dernier, certains auteurs parlent de ‘pression’ ou ‘d'acting-out’,
de la part du patient, qui entrainerait l'analyste dans l'énaction.
Ils considèrent également l'énaction comme quelque chose d'inévitable, au
moins partiellement, avant de comprendre ce qui se déroule entre le patient et
l'analyste (Pick, 1985; Carpy, 1989; O'Shaughnessy, 1989; Feldman, 1994; Steiner,
2000, 2006).
En psychanalyse française, le terme 'acting out' ('passage à l'acte’ -Mijolla,
2013) est assez courant, et le terme énaction (enactment) rarement utilisé. Cependant,
des situations analytiques similaires à ce que d'autres communautés psychanalytiques
qualifient 'd'enactment' sont prises en considération : elles sont en général définies en
termes de 'mise en scène' ou de 'mise en jeu'. Gibeault a utilisé le néologisme
'énaction' pour décrire une façon d'agir sous forme de comportement et de mots dotés
de pouvoir transformationnel par 'l'empathie énactante' du contre-transfert. Les
auteurs italiens De Marchi (2000) et Zanocco et al. (2006) considèrent également
l'empathie, plus précisément 'l'empathie sensorielle', appartenir au domaine du lien
primaire, comme un instrument fondamental proche de l'énaction. Pour Green (Green,
2002), ‘l'énaction’ est une attaque au cadre (analytique). De même, parmi les auteurs
de langue française, les auteurs belges Godfrind-Haber et Haber (2002) ont
longuement développé un concept similaire à l'énaction, dans ‘L'expérience agie
partagée’, qui pose l'accent sur la valeur de 'l'action inter-psychique inconsciente
partagée’. Elle peut être perçue comme une phase préparatoire présymbolique,
pendant laquelle le patient peut faire un ‘saut symbolique’ vers le rétablissement de la
symbolisation, afin que les interprétations ultérieures puissent être vécues comme
étant significatives.
Les développements du concept de contre-transfert parmi les analystes
européens sous-entendent des descriptions de réactions inadéquates d'analystes sous
la pression du transfert du patient. Le concept de l'identification projective permet une
compréhension de la dynamique de ces processus. Sandler, et sa contribution du ‘rôle
en résonance’ et B. Joseph, avec l'approfondissement de la relation patient-analyste
par le concept du ‘transfert total’, sont parmi les auteurs qui ont décrit des
phénomènes semblables à l'énaction. Steiner a clarifié la relation entre le contre-

163
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transfert et l'énaction : « Je considère la disponibilité émotionnelle et intellectuelle


comme constituant le contre-transfert, et leur transformation en action comme
constituant l'énaction ». (Steiner, 2006, p.326).
En Europe, tout comme aux Amériques, la plupart des analystes s'accordent à
considérer les énactions comme étant inévitables, de même qu'à une époque l'ont été
le transfert et le contre-transfert. Cependant, contrairement au large éventail
d'opinions aux Amériques posant la question de savoir si un travail avec les énactions
est utile et souhaitable, la plupart des analystes européens, qui estiment que les
énactions reflètent essentiellement l'échec de la fonction analytique contenante de
l'analyste, les considèrent utiles seulement si, et quand, l'analyste en devient
conscient, peut les interpréter et les élaborer par le processus analytique. ‘L'empathie
énactante’ de Gibault (2014), ‘l'empathie sensorielle’ de De Marchi (2000) et Zanoco
(2006) et ‘l'expérience agie partagée’ de Godfrind Haber et Haber (2002) sont des
exemples de concepts apparentés à l'énaction, dont l'accent se pose sur l'accès aux
données pré-verbales, pré-représentées, et pré-symbolisées et le travail analytique qui
en découle. Bien qu'ils ne soient pas prédominants, ils apportent une richesse au
dialogue global européen sur l'énaction et les phénomènes liés à l'énaction.

.
V. CONCLUSION

Lorsque la dyade analytique devient dramatiquement déstabilisée (énaction


aiguë), cela peut être indicatif d'une énaction auparavant chronique, dénouée et
désormais active dans l'analyse. L'analyste a besoin d'être conscient de cet état, de le
comprendre puis d'interpréter ce qui s'est produit. Le champ analytique peut être
détruit si cet état est ignoré ou si l'énaction chronique réapparaît. L'analyste peut
également identifier d'autres aspects d'énactions chroniques et potentiellement aiguës
en y prêtant un ‘deuxième regard’ quand il en rédige le contenu, le réfléchit ou en
discute avec d'autres analystes.
L'énaction est riche de signification développementale et dynamique. Écouter,
comprendre, élaborer et interpréter les énactions peut permettre de réduire les
incidences d'expressions somatiques désymbolisées et un acting-out du patient dans sa
vie quotidienne. Ainsi, cela pourrait soulager le fardeau que les évènements oubliés
mais non remémorés, de la petite enfance et de l'enfance, imposent aux relations
actuelles du patient et son implication dans sa propre quête, dont ceux transmis de
manière transgénérationnelle. A partir de la compréhension empathique, les analystes
pourraient appréhender les expériences que le patient a vécues, et, ce faisant,
approfondir et développer la dimension affectivement significative et transformatrice
de l’expérience psychanalytique des patients, ainsi que la propre implication
multidimensionnelle de l’analyste dans le processus psychanalytique.

164
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Bien que le point de vue prévalent dans les trois cultures psychanalytiques
continentales soutienne que les énactions doivent être comprises et finalement
interprétées, il convient de garder à l'esprit les cas d'énactions contre-transférentielles,
où lorsque la capacité analytique contenante de l'analyste est défaillante, elles se
communiquent non seulement de manière non-verbale, mais également verbale, et
même de façon déguisée dans une interprétation.

******

Pour une revue nord-américaine détaillée du concept de l'énaction, voir Ellman


et Moscowitz, 1998. Enactment: Toward a New Approach to the Therapeutic
Relationship (Library of Clinical Psychoanalysis). New York: Jason Aronson, Inc.
Pour un exemple d'une étude internationale multi-théorique, voir : Bohleber W,
Fonagy P, Jiménez JP, Scarfone D, Varvin S, Zysman S (2013). Towards a Better Use
of Psychoanalytic Concept: A Model Illustrated Using the Concept of Enactment. Int
J Psycho-Anal, 94:501-530.
Pour prendre connaissance du processus de validation internationale des
concepts de mise en acte chronique et aiguë, voir Cassorla (2012). What happens
before and after acute enactment? An exercise in clinical validation and broadening of
hypothesis. Int J Psycho-Anal, 93: 53-89.

RÉFÉRENCES

Akhtar, S. (1999). Comprehensive Dictionary of Psychoanalysis. London: Karnac.


Auchincloss, E. and Samberg, E. eds (2012). Psychoanalytic Terms & Concepts. New
Haven and London: Yale University Press.
Auerhahn, N.C. & Laub, D. (1998). Intergenerational memory of the Holocaust. In
International Handbook of Multigenerational Legacies of Trauma, ed. Y. Danieli.
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Consultants Régionaux et Contributeurs

Europe : Antonio Pérez-Sánchez, MD ; Maria Ponsi, MD

Amérique du Nord : Rosemary H. Balsam, MD ; Andrew Brook, Dr.Phil. ; Judith


Mitrani, PhD
Conseiller : Theodore Jacobs, MD

Amérique Latine : Roosevelt Cassorla, MD, PhD

Co-Chair coordinatrice interrégionale : Eva D. Papiasvili, PhD, ABPP

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Traduction : Corinne O’Connor ; Edition : Caroline Williamson

171
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INCONSCIENT (L')
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Jose Renato Avzaradel (Amérique Latine),
Allannah Furlong (Amérique du Nord) et Judy Gammelgaard (Europe)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)

I. INTRODUCTION ET DEFINITION INTRODUCTIVE

Depuis ses débuts, la notion de l'inconscient a été universellement reconnue


incarner la découverte édificatrice de la psychanalyse et le postulat essentiel de la
théorie psychanalytique. Même si le concept a connu des mutations successives dans
la pensée de Freud, l'inconscient de la topographie freudienne, et son implication en
termes de théorie de subjectivité décentrée, s'est imposé en un insight distinct et
fondamental propre à la psychanalyse classique. Bien que Freud ne fût pas le seul à
utiliser ce terme, il a été le premier à lui donner une place cruciale et systématique
dans sa métapsychologie, et à en développer une approche méthodologique de ses
diverses manifestations. Freud (1912a) a rédigé un excellent court exposé au sujet des
hypothèses fondatrices des processus psychiques inconscients, particulièrement les
phénomènes cliniques tels que la suggestion post-hypnotique et les symptômes
névrotiques, de nature principalement hystérique, ainsi que sur les phénomènes non
pathologiques tels que l'humour, l'acte manqué et les rêves. Le postulat du phénomène
inconscient peut être imputable aux pratiques de guérison spirituelle, d'animisme, de
magnétisme, de mesmérisme et d'hypnotisme ainsi qu'à la psychologie médicale du
XIXème siècle. Ces pratiques ont en commun le concept dual de l'esprit, composé de
ce qui est observable et de son revers, c'est-à-dire ce qui est dissimulé et supposé et/ou
perçu intuitivement. Lors des premières années, Freud semblait avoir adopté le
dualisme néo-cartésien, mais une perspective radicalement différente de l'inconscient
a progressivement fait surface, celle qui le définit non pas de seconde conscience mais
d'une série ‘d'actes psychiques’, qualitativement différents de l'esprit rationnel, adulte,
conscient.
Les psychanalystes ne sont pas uniques dans leur subjugation à ‘l'étranger
intérieur’, mais ils ont été les seuls à ce que les implications éthiques, cliniques et
épistémologiques de cette présence perturbante, bien que potentiellement
transformatrice, en devienne l'objet d'une étude quotidienne. La notion des processus
inconscients inexistante, déclara Freud, nous ne pouvons expliquer les phénomènes
mentaux (1915c, pp. 166-171). Il « n'a jamais cessé d'insister sur les arguments en sa

172
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faveur et de combattre les objections à son égard » (Strachey, in : Freud, 1915c,


p.161).
Le premier usage publié du terme ‘inconscient’ de Freud est survenu en 1893
dans ses « Études sur l'hystérie » (Freud, 1893) et le tout dernier fragment inachevé de
ses écrits théoriques de 1938, nommés « Some Elementary Lessons in
Psychoanalysis » (Freud 1940c) (« Quelques Leçons élémentaires en psychanalyse »)
est une nouvelle justification du terme.
Afin de résumer, approfondir et actualiser les dictionnaires régionaux récents,
(Akhtar, 2009 ; Auchincloss, 2012 ; Laplanche & Pontalis, 1967/1973 ; Borensztejn,
2014), nous formulons ainsi la/les définition(s) de l'inconscient :

Tout au long de l’évolution de la théorie psychanalytique, le concept de (L’)


INCONSCIENT est utilisé principalement sous les formes diverses suivantes :
l’Inconscient dynamique, qui renvoie principalement au matériel activement refoulé,
inacceptable à l’esprit conscient. Généralement, il concerne tous les contenus
activement refoulés de la perception consciente et qui font pression sur cette
conscience ; le Système inconscient, qui se réfère à un aspect de l’esprit agissant
uniquement selon le principe du ‘plaisir et du déplaisir’ et selon la pensée des
‘processus primaires’, que gouverne la ‘logique inconsciente’ ; l’Inconscient
descriptif, qualifié également de ‘préconscient’, lequel signifie simplement l'idée
qu’un contenu mental peut ne pas être conscient à un moment donné. Les contenus
de l'Inconscient comportent les instincts (pulsions) et les pulsions dites
instinctuelles ; matériel accumulé à cause du ‘refoulement primaire’ ; contenus
repoussés par la force du refoulement ; et schémas phylogénétiques qui organisent les
‘fantasmes primaires’. L'Inconscient en termes de qualité, sous sa forme d'adjectif,
apparaît dans la théorie structurale (deuxième topique ou ‘second topography’) du Ça,
du Moi et du Surmoi. C'est ainsi que l'intégralité du ÇA (ES) est inconscient, mais des
éléments du Moi (Ich = Je) et du Surmoi (ÜBER ICH = Je idéal, principes de morale
internalisés) sont également inconscients. Dans l'ensemble de l'œuvre freudienne, et
parmi les nombreux modèles postfreudiens et de psychanalyse contemporaine, la
forme qualificative fait également partie des notions auxiliaires, telles que les
processus inconscients et le processus (dans son déroulement), les relations
d'objet inconscientes, le conflit inconscient, la fantaisie 60 inconsciente, le
fonctionnement inconscient du moi, la communication inconsciente, la logique
inconsciente, l'inconscient amential, et l'inconscient ‘réel’ (indéchiffrable).
Chronologiquement, les travaux de Freud peuvent être divisés en périodes
temporelles, comme suit : La découverte de l'inconscient dynamique qui recouvre
les années 1893-1900, jusqu'à la publication de l'ouvrage The Interpretation of
Dreams (l'Interprétation des rêves) ; la période entre 1900 et 1923 peut être nommée
soit Le système inconscient ou l'Inconscient topographique. Et enfin, la période
après l'année 1923, suite à la publication de The Ego and The Id (Le Moi et le Ça),
60
N.d.T : ‘Fantaisie’ (Phantasieren), ‘fantasme’ ou ‘phantasme’.

173
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peut par ailleurs être qualifiée en termes de : L'inconscient du modèle structurel de


l’esprit/ Deuxième topique. La théorie construite par Freud n'étant pas linéaire et
progressivement plus complexe, ces périodes se sont obligatoirement superposées.
Pour des raisons de forme et de style, les abréviations de Freud que sont Ics,
Pcs, et Cs correspondront aux mots Inconscients, Préconscient et Conscient,
respectivement. L'usage des lettres majuscules ou des lettres minuscules pour des
mots tels que l'Inconscient, le Ça, le Moi et le Surmoi correspond à l'usage d'une école
spécifique. La nomenclature de la ‘théorie topographique’ (Psychanalyse nord-
américaine anglophone) est synonyme de la ‘première topique’ du langage
psychanalytique européenne et parmi certaines des canadiennes francophones ; la
‘théorie structurelle’ nord-américaine et la ‘deuxième topique’ de certaines régions
de la psychanalyse européenne et nord-américaine francophone sont également
synonymes. Les deux noms des théories respectives seront utilisés partout en
concomitance. Sauf indication contraire, la forme italique sera utilisée
systématiquement pour mettre en exergue la terminologie conceptuelle.
Les contributions théoriques majeures de Freud au sujet de l'inconscient
peuvent être consultées dans les travaux suivants : Chapitre VII de The Interpretation
of Dreams (1900b) (L'interprétation des rêves) ; « Papers on Metapsychology » (1915
a,b,c) (« Métapsychologie ») - et « The Ego and The Id » (1923a) (« Le moi et le
ça »). Un résumé des conceptualisations de l'inconscient de Freud se trouvent
également dans : The Introductory Lectures on Psycho-Analysis (1916, 1917)
(Introduction à la psychanalyse) ; « Two Encyclopedia Articles » (1923b), (« Deux
articles encyclopédiques ») ; New Introductory Lectures on Psycho-Analysis (1933)
(Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse) et « An Outline of
Psychoanalysis » (1940a) (« Abrégé de psychanalyse »). Strachey rappelle au lecteur
de langue anglaise de prendre en compte l'ambiguïté du mot anglais ‘unconscious’
(inconscient) qui existe rarement en allemand. Les mots allemands ‘bewusst’ et
‘unbewusst’ ont la forme grammaticale du participe passé et leur usage habituel est
semblable au sens de ‘connu consciemment’ et ‘connu non-consciemment’. Pour
Freud, l'inconscient et le conscient étaient tous deux des expériences passives.

II. VUE D'ENSEMBLE DES CONCEPTUALISATIONS FREUDIENNES DE


L'INCONSCIENT

II A. La découverte de l'inconscient dynamique (1893-1900)

La psychanalyse est née avec la révolutionnaire découverte de la fonction


dynamique du mécanisme de défense de Freud dans l'étiologie de l'hystérie. Le
mécanisme de défense à l'encontre de la remémoration (refoulement) a éveillé Freud à

174
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l'importance des phénomènes de résistance, comme étant “chez le patient une force
psychique qui s’opposait au fait que les représentations pathogènes deviennent
conscientes." (remémorées). «Sans s'être révélée à moi, il me vint à l'esprit que ça
devait être exactement la même force psychique qui avait agi à l'encontre du
symptôme hystérique - au début - et qui en ce moment empêchait l'idée pathogène de
devenir consciente.» (Breuer & Freud, 1893-1895, p 268, balisage d'origine). Cette
force de résistance, ainsi que son contrepoint opposé, la force ascendante du matériel
pathogénique repoussé, était jusqu'à un certain point quantifiable par les souvenirs
‘stratifiés’, en relation à leur proximité du ‘noyau pathogène’. De plus, c'était
précisément par le biais de leur refoulement que l'idée est devenue la cause des
symptômes morbides, c'est-à-dire pathogènes (ibid., p 285). Pour réussir, le
refoulement exige une charge constante de force. Les symptômes sont issus de l'échec
du refoulement, c'est-à-dire le retour du refoulé. Simultanément, l'affect extirpé de la
représentation refoulée se convertit en ‘innervation somatique’ (ibid., p 285), qui
apparaît comme une conversion hystérique en un symptôme corporel. La méthode
psychanalytique innovante de libre association est apparue de par le constat qu’il n'y a
aucune chance d'avancer (vorzudringen) directement au noyau de l'organisation
pathogène (ibid., p 292) puisque les strates internes de l'organisation pathogène sont
de plus en plus étrangères au Moi (ibid., p 290).
Toutes les expériences de la petite enfance ne font pas l'objet de refoulement.
La théorie freudienne a stipulé que les contenus de l'inconscient consistent en des
fixations de désirs chez l'enfant, marqués par la sexualité infantile. Dans cette période
initiale, ainsi que sa correspondance avec Fliess l'atteste (Freud, 1892-1899), Freud
développait ce qui plus tard a été connu sous le terme de théorie de la séduction :
l'enfant a été séduit par un adulte, cette relation dépose des traces troublantes qui
apparaissent plus tard à la conscience, de manière déplacée et déformée, par des
forces s'opposant à ce qu'elles deviennent conscientes. La théorie de la séduction était
essentiellement une théorie du traumatisme sexuel pathogène pré-adulte, déterminant
unique de psychopathologie ultérieure. L'expérience traumatique pendant l'enfance
peut avoir été oubliée, dissociée ou refoulée, pour ensuite être réactivée, ou exercer un
effet traumatique en différé dans la période adolescente, après la puberté. Un héritage
persistant de l'aspect dynamique de l'inconscient concerne la notion des forces
associées en opposition dynamique, menant à de nouvelles formations psychiques.
Pendant les années 1893-1895, Freud avait évoqué l'opposition entre les affects
associés aux évènements traumatiques et les prohibitions morales de la société.
Pendant son auto-analyse entre 1895 et 1900, Freud vint à considérer de plus en plus
les forces opposées comme étant internes : pendant cette époque, la construction de sa
conception initiale de l'appareil mental, organisé par deux forces associées en
opposition dynamique, le désir inconscient et la prohibition orientée par la réalité,
suivait son cheminement.
A cette époque, lorsque la théorie de l'inconscient n'était pas encore
systématisée, Freud avait été frappé par l'idée que le matériel psychique est de temps

175
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en temps sujet à un réaménagement, une transcription. Dans sa correspondance


privée avec Wilheim Fliess, datée du 6 décembre 1896, Freud (1892-1899) disait à
Fliess qu'il travaillait sur la base du postulat selon lequel le ‘mécanisme psychique’ a
lieu sous forme de traces mnémoniques. Celles-ci ont lieu par un processus de
stratification, réaménagées selon la manière dont elles sont perçues, et sont de
nouveau subordonnées à la transcription. Ce qui est évoqué ici signifie que la
transcription des scènes entendues et vues, mais pas encore suffisamment comprises,
ont lieu constamment dans l'appareil psychique. C'est la première indication du
concept de Nachträglichkeit. Dans son esquisse du Projet (1895), jamais publiée à
son époque, Freud a explicité l'hystérie en termes de Nachträglichkeit : « ... un
souvenir refoulé ne s’est transformé qu’après coup en traumatisme
[Nachträglichkeit] » en vertu de son action différée (Freud, 1895, p.365). De ce point
de vue, l'inconscient contient des traces mnésiques déformées de scènes provenant de
la petite enfance, qu'il a été impossible de traduire parce que l'enfant n'a pas encore
acquis le langage ou parce qu'il était impossible pour l'enfant à ce moment-là de
comprendre ces scènes. En conséquence, elles ont le qualificatif de ‘choses’ non
symbolisées. Ce mécanisme causal initial de l'inconscient s'est placé en arrière-plan
pendant la prochaine étape du développement de sa théorie, lorsque Freud a mis en
avant le fantasme à la place de la/du scène/traumatisme de séduction pré-adulte
comme unique déterminant de la psychopathologie ultérieure (Freud, 1892-1899,
Letter of September 21, 1897, p. 260). L'idée selon laquelle les remémorations sont
des corps étrangers internes, représentant une attaque toute aussi interne, a été
éclipsée par l'idée de fantasme, qui est progressivement devenue la clé de voute de ce
que Freud a appelé la réalité psychique, même si cette dernière a plus tard remis en
cause l'importance relative du ‘traumatisme sexuel’ en opposition au ‘fantasme’. La
réalisation de l'importance du fantasme dans les évènements psychiques a ouvert la
porte à la découverte de la sexualité infantile et du fantasme universel du complexe
d’Œdipe, décrit dans la lettre qui a suivi, le 15 octobre 1897 : « Une unique pensée de
valeur générale m'est apparue. J’ai découvert également, dans mon propre cas, ce
phénomène d’être tombé amoureux de ma mère et d’avoir éprouvé de la jalousie pour
mon père, ce que je considère à présent comme un événement universel de la petite
enfance .... Si tel est bien le cas, nous pouvons saisir le pouvoir d’attraction de
l’Œdipe Rex… La légende grecque a saisi une compulsion que tous reconnaissent
parce que tous l'ont ressentie ... Chaque spectateur a été, un jour, un Œdipe en
puissance, dans l’imagination, de même que chacun a reculé, terrifié, devant la
réalisation du rêve transplanté dans la réalité, avec toute la charge de refoulement qui
sépare son état infantile de son état actuel » (Freud, 1892-1899, p. 265).
Sans ne jamais abandonner la dimension étiologique du traumatisme sexuel,
Freud (1914, p. 17) a précisé plus tard que « la réalité psychique exige d'être
appréciée à côté de la réalité pratique », et que les fantaisies d’être séduit sont à
prendre en compte particulièrement, puisqu'ils sont si souvent non pas des fantasmes,
mais de souvenirs réels (1917, p. 370). Plus tard, le concept de Nachträglichkeit a été
ranimé et prolongé dans le cadre du cas séminal de l'homme aux loups (Freud, 1918).

176
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Tout au long de ses écrits, Freud a clairement été préoccupé par le défi d'articuler
l'impact de la stimulation traumatique, provenant de l'extérieur sous forme de
perceptions, avec les stimulations traumatiques venant de l'intérieur de l'esprit, sous
forme de pulsions et de fantasmes.
Dans la même veine, Freud, à partir de 1897, a progressivement dessiné les
grandes lignes des processus et des mécanismes qui gouvernent l'inconscient, qu'il a
qualifiés plus tard de ’processus primaires’. Le 7 juillet 1897, il écrit : « Je connais
globalement les règles qui régissent la construction de ces structures et les raisons
pour lesquelles elles sont plus fortes que les souvenirs réels, et c'est ainsi que j'ai
appris de nouvelles choses qui pourront contribuer à caractériser les processus
inhérents à l'Ics61 » (Freud, 1892-1899, p. 258). C'est également à cette époque qu'il
posa les racines de sa ’première théorie de l'angoisse’ (Freud, 1892-1899, pp. 189-
195), qui affirmait non seulement la transformation directe de la libido refoulée dans
l'affect de l'angoisse, mais représentait aussi la première reconnaissance et rapport
causal entre l’angoisse et ce qui a ensuite été qualifié d'état traumatique.

II. B. L'inconscient topographique : Le système Ics : 1900 – 1923


Dans le premier modèle topographique de l'appareil psychique, l'inconscient,
en sa qualité de nom, était censé être composé d'un certain contenu, qui consistait en
des représentances psychiques des pulsions, fonctionnant essentiellement par
condensation et déplacement, en accord avec le processus primaire de l'énergie libre
et mobile. C'est uniquement en étant fortement investi par l'énergie libidinale que ces
idées inconscientes peuvent accéder au système préconscient/conscient. En raison de
la censure du préconscient, ce processus prendra cependant toujours la forme d'une
formation de compromis, mise en évidence par les symptômes, les rêves et les actes
manqués.
Ce sont principalement par l'étude des rêves que Freud a réalisé que
l'inconscient doit être qualifié, non pas uniquement par l'absence de conscience, mais
par son fonctionnement, ce qui l'a conduit à présenter l'important concept des
processus primaires. Dans le chapitre sept de L'interprétation des rêves Freud a relevé
l'apparence absurde du travail du rêve, ce dernier ne pouvant pas être attribué
uniquement au travail de censure. Ainsi, il a été conduit à conclure que « deux
processus psychiques d'essence distincte » (Freud 1900, p. 597) œuvraient à la
formation des rêves. L'un d'eux produit des pensées oniriques parfaitement
rationnelles, en rien de moindre valeur que la pensée normale ; alors que l'autre traite
ces pensées d'une manière au plus haut point déconcertante et irrationnelle. Les
processus primaires et le symbolisme inconscient des processus primaires des rêves se
caractérisent par une énergie psychique qui s'écoule librement et circule sans entrave
par le biais de mécanismes de condensation et de déplacement. Grâce à la liberté par

61
Citation traduite pour cette édition (N.d.T.)

177
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laquelle l'énergie peut être transférée, les idées intermédiaires, qui ressemblent à des
compromis, sont construites par le processus de condensation. Les lois de la pensée
logique sur la base de la réalité – le processus secondaire et son symbolisme par le
langage – ne s'appliquent pas au processus primaire. Cela concerne avant tout la loi
des contradictions. Les idées contradictoires existent ensemble sans se supprimer les
unes des autres. Elles peuvent se combiner de telle manière que la pensée consciente
ne pourrait jamais tolérer. Enfin, dans les processus primaires, les idées s'échangent
entre elles leurs intensités, dans des relations mutuelles des plus vagues. Bien que
Freud fût au départ en accord avec l'idée d'attribuer à la censure le rôle décisif de
l'inconscient dans les processus irrationnels, il a fini plus tard par donner au processus
primaire une place prépondérante, tout comme aux pensées logiques de la conscience.
Les processus irrationnels, dit-il, sont les processus primaires. Ils apparaissent lorsque
les idées sont abandonnées par l'investissement du préconscient quand elles sont
livrées à elles-mêmes et peuvent être chargées de l'énergie désinhibée de l'inconscient
qui s'efforce à trouver un exutoire. Ainsi, le processus primaire est un mode de
fonctionnement dans la vie psychique, libéré des inhibitions de la pensée consciente.
Le processus primaire se comprend comme un principe organisateur, qui dans la vie
adulte normale, fait office d'alternative aux processus secondaires de dominance
logique et verbale, avec son symbolisme communicatif par le biais du langage. Une
caractéristique importante du processus primaire est la tolérance à l'ambigüité et à la
contradiction. Une autre est son couvert hallucinatoire, qui tend à la réalisation des
vœux, un acte perceptuel coexistant avec le présent (1912a). Ainsi appréhendé, le
processus primaire est un processus cognitif très différent de la définition du mot
cognition que lui donne la psychologie cognitive.
Cependant, ce sont dans ses textes métapsychologiques que Freud (1915 a,b,c)
a stigmatisé le concept de l'inconscient dans ses postulats économiques, dynamiques
et topographiques.
Dans son ouvrage « Instincts and Their Vicissitudes » (Freud, 1915a)
(« Pulsions et destins de pulsions »), les pulsions sont définies comme un concept
frontière, entre le corporel et le psychique.
Dans ses écrits, notamment « Repression » (Freud, 1915b), (« Le
refoulement ») Freud fait la distinction entre le refoulement primaire, qui est le
représentant psychologique (idéationnel) de la pulsion dont l'accès à la conscience lui
est refusé, et le refoulement proprement dit : le refoulement après coup
(Nachdrängen).
C'est dans “L'inconscient” (1915c), que la théorie topographique atteint son
apogée. Freud a premièrement effectué une réévaluation du concept d'inconscient
dynamique, celui qui exerce un contre-courant à l'acte de refoulement. Il a ensuite
constitué l'existence de l'inconscient par ses dérivés : les actes manqués, les
symptômes et rêves, et a démontré que ressentir, penser, remémorer et agir sont en
grande partie également sous l'influence des dérivés de l'inconscient. Freud fait la

178
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différence entre les actes latents, qui sont uniquement temporaires et seulement
inconscients en termes descriptifs, mais qui peuvent devenir conscients en les reliant à
un mot ; et les processus et contenus refoulés, qui sont inconscients de manière
permanente et dynamiquement tenus à l'écart de la conscience (l'équivalent de
l'inconscient dynamique). Il n'y a pas, dans l'inconscient ‘l'un ou l'autre’ ; le processus
primaire et ses caractéristiques – emboîtement, déplacement et condensation –
s'appliquent tout aussi bien à l'inconscient tout comme cela été le cas quinze années
auparavant pour le ‘processus des rêves’. Freud a suggéré la présence de deux
censures, l'une entre les systèmes Ics et Pcs qui, dans certaines circonstances, peuvent
être contournés, et une seconde censure entre les systèmes Pcs et Cs. Les émotions,
les sentiments et les affects sont exclus de l'Ics. Un affect est considéré être
‘inconscient’ uniquement si la connexion entre l'idée refoulée et l'émotion est
restituée.
Après avoir précisé les différents modes de fonctionnement des systèmes
conscients et inconscients, Freud a développé les processus du devenir conscient et
ceux du devenir inconscient. Il a présenté deux hypothèses alternatives : 1) la thèse
d'une inscription dans les deux endroits, et 2) la thèse d'un changement fonctionnel.
Lorsqu'une idée psychique se transpose depuis l'inconscient vers le conscient, cela
signifie-t-il, demande-t-il, que nous avons là un « nouvel enregistrement – pour ainsi
dire, une deuxième inscription – de l'idée en question... et en parallèle l'enregistrement
inconscient initial qui continue d'exister. Ou sommes-nous menés à penser que la
transposition consiste en un changement de l'état d'une idée, un changement qui
implique le même matériel et qui a lieu au même endroit ? »62 (Freud, 1915c, p. 174).
La première hypothèse est topographique et donc connectée à la séparation
topographique des systèmes conscients et inconscients. Elle suggère qu'une idée peut
exister de manière simultanée dans deux endroits de l'appareil psychique et, si elle
n'entre pas en résistance avec la censure, elle peut se déplacer d'un système à l'autre.
L'hypothèse s'appuie sur le postulat que l'interprétation peut créer une connexion entre
les deux inscriptions localisées dans les systèmes inconscients et préconscients
respectivement. L'expérience démontre cependant que cela n'est pas toujours le cas.
La nature de l'inconscient est assez différente de ce que nous communiquons par les
mots ou, comme Freud l'avait écrit, l'information donnée au patient au sujet de sa
mémoire refoulée ne le met pas nécessairement en lien avec la trace mnésique
inconsciente : avoir entendu et avoir vécu quelque chose sont par leur nature même
deux choses différentes, même si le contenu des deux est le même. Un examen plus
approfondi du mécanisme de refoulement, considéré comme un désinvestissement ou
retrait de l'investissement est en faveur de la seconde hypothèse. Freud s'est ensuite
penché sur la question de quel système le désinvestissement a lieu et à quel système
l'énergie désinvestie appartient. Sur la base de son expérience, selon laquelle une idée
refoulée garde son investissement, il conclut que seul l'investissement préconscient
peut être retiré de l'idée. Reformulé différemment, le refoulement est un processus qui

62
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

179
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appartient au préconscient. Il s'ensuit donc que ce qui a lieu pendant le refoulement


est un désinvestissement de l'énergie psychique (cathexis) par rapport à l'idée
préconsciente, tout en préservant l'investissement inconscient. Ceci est en accord avec
la seconde hypothèse, c'est-à-dire que dans ce cas, la transition entre le système
inconscient et le système préconscient/conscient ne consiste pas en un nouvel
enregistrement, mais un changement dans son état, c'est-à-dire un changement dans la
qualité de l'énergie psychique qui lui est attribuée. Les deux hypothèses permettent
d'attirer l'attention sur la coexistence de deux processus contradictoires qui requièrent
deux explications différentes. L'hypothèse d'un enregistrement dans deux endroits
peut convenir quand il s'agit d'illustrer le processus du devenir conscient, alors que
l'hypothèse du changement fonctionnel est pertinent pour décrire les processus de
refoulement, ce qui révèle l'asymétrie entre ce qui est en phase de devenir conscient,
d'une part, et ce qui est du refoulement, d'autre part.
La troisième hypothèse importante émerge lorsque Freud étudie l'aspect
représentationnel du domaine de l'inconscient, en faisant la distinction entre la
représentation de chose (ou ‘représentation-chose’) et la représentation de mot. Sa
proposition de différencier entre les représentations-chose et -mot provenait de ses
observations, qui sont allées au-delà des rêves et des névroses. « Seule l’analyse d’une
des affections que nous nommons psychonévroses narcissiques promet de nous
fournir des conceptions grâce auxquelles l’énigmatique Ics sera rapproché de nous et
rendu, pour ainsi dire, saisissable » (Freud, 1915, p. 196). Dans le discours
schizophrénique, les mots peuvent être assujettis au processus primaire de
l'inconscient, ce qui a pour effet que les mots deviennent concrets ou ‘choséifiés’.
Freud a interprété cette observation dans le sens de la description précédemment
donnée, selon laquelle la (re)présentation de l'objet doit être différenciée
respectivement en des représentations de mots et des représentations de choses. L'idée
consciente comporte la représentation de chose et la représentation de mot qui lui
appartient. Il est intéressant de prendre en compte la version allemande équivalente du
terme français de représentation de mot : pour Freud il s'agit de “Sach-Besetzungen
der Objekte” (investissement de l’objet en chose), ce qui indique que dans
l'inconscient il n'existe aucune distinction entre la chose et la représentation de la
chose. Par contre en cas d’état de conscience alerte et attentive, il n'est pas possible de
reproduire la ‘qualité de chose’ de l'inconscient ; l'on ne peut que passivement
attendre son apparition.
Tout au long de cette époque, Freud engageait des idées issues des premières
périodes sur des contextes nouveaux ; celles-ci se développaient en idées vouées à
devenir pleinement systématisées uniquement dans la prochaine étape du
développement de la théorie.
»A Fragment of an Analysis of a Case of Hysteria » (Freud, 1905a)
(« Fragment d’une analyse d’hystérie »), qui fait le lien entre « L'interprétation des
rêves » et « Trois essais sur la théorie de la sexualité » au regard de la sexualité

180
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infantile, est également d'intérêt pour l'attention d'avant-garde qu'il porte sur le
phénomène inconscient dynamique du transfert.
Dans les « Three Essays on the Theory of Sexuality » (1905b) (« Trois essais
sur la théorie de la sexualité » Freud a exploré les stades du développement
psychosexuel et de la sexualité infantile (inconsciente).
Les subtilités en ce qui concerne la censure contournée par le biais de
l'ambigüité des processus primaires en libérant partiellement les motions
pulsionnelles par l'humour, fait l'objet d'une étude approfondie dans son ouvrage
« Jokes and their Relation to the Unconscious » (1905c) (« Le mot d'esprit et sa
relation à l'inconscient »).
Dans « Totem and Taboo » (1912-1913) (« Totem et Tabou »), Freud a
développé la transformation de l'hostilité inconsciente en affection excessive (p. 49),
ainsi que la projection inconsciente de l'hostilité sur le défunt, comme suit :
« L'hostilité, dont on ne sait rien et ne veut rien savoir, est projetée de la perception
interne dans le monde extérieur... ce n'est plus nous, les survivants, qui sommes
contents d'être débarrassés de celui qui n'est plus ; bien au contraire, nous pleurons sa
mort : mais c'est lui qui est devenu un mauvais démon, que notre malheur réjouirait et
qui cherche à nous faire périr. Aussi les survivants doivent-ils se défendre contre cet
ennemi : ils ne se sont libérés d'une oppression intérieure que pour l'échanger contre
une angoisse ayant une source extérieure » (pp.62-63). Le texte est un exposé exquis
des schémas phylogénétiques qui se manifestent par les fantasmes primaires, en l'un
des contenus que l'inconscient compose.
Dans l'ouvrage « From the History of an Infantile Neurosis » (1918)
(« Histoire d'une névrose infantile ») Freud faisait référence aux difficultés que
traversent les jeunes enfants à faire la différence entre ce qui est conscient et ce qui
est inconscient, et ce qui constitue la ‘réalité’ et ce qui constitue un ‘fantasme’. La
difficulté survient parce que « le système Cs est en cours de développement » (p.105).
C'est une autre conception de la nature duale de l'esprit en développement, que Freud
avait déjà théorisée trois années auparavant, dans sa description de la communication
entre les systèmes Cs et Ics , selon laquelle une division tranchée et finale entre le
contenu des deux systèmes n'a pas lieu en règle générale avant la puberté.
Dans « A Child is Being Beaten » (1919), (« Un enfant est battu »), un présage
à la théorie de la dualité des pulsions, Freud a exploré les fantasmes sadomasochistes
inconscients que les garçons et les filles auraient d'être battus par leurs parents. Dans
ce texte clef sur la formation du fantasme, Freud a identifié trois phases dont la
première commence par l'enfant témoin d'un autre enfant qui est battu. Cependant,
c'est la seconde phase qui est considérée être la plus importante et la plus mémorable
pour deux raisons. D'une part, le masochisme est considéré être une formation/phase
secondaire de la pulsion sadique qui s'est retournée contre soi et s'est refoulée en
même temps. Ceci est en rapport à la sexualité infantile inconsciente universelle à la
base du phénomène névrotique : Voilà pourquoi la sexualité infantile, qui est soumise

181
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au refoulement, est la force motrice principale de la formation du symptôme, et


l'élément essentiel de son contenu, le complexe d'œdipe, le « complexe nucléaire des
névroses ».” (p. 204) ; et elle devient un héritage fantasmatique universel : « Ce qui
forme le noyau de l'inconscient psychique est l'héritage archaïque de l'être humain, et
ce qui succombe au processus du refoulement c'est la part de cet héritage qui doit
toujours être laissée de côté… […] parce qu'elle est inutilisable, incompatible avec la
nouveauté et nuisible à celle-ci. » Pp. 203-204). D'autre part, la production
fantasmatique de l'enfant n'est avérée qu'indirectement : « […] on peut dire d'elle en
un certain sens qu'elle n'a jamais eu une existence réelle. Elle n'est en aucun cas
remémorée, elle n'a jamais porté son contenu jusqu'au devenir conscient. Elle est une
construction de l'analyse, mais n'en est pas moins une nécessité ». (p.185).
« Beyond the Pleasure Principle » (1920) (« Au-delà du principe du plaisir »)
est un texte qui marque une transition, plus souvent connu pour avoir ajouté la pulsion
hostile à la pulsion sexuelle. Dans la dernière version de sa ‘théorie de la dualité des
pulsions’, Freud a également élaboré davantage le caractère intemporel et
omniprésent de l'inconscient ainsi : Nous avons appris que « les processus du système
Ics sont intemporels, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas ordonnés dans le temps, ne sont pas
modifiés par l’écoulement du temps, n’ont absolument aucune relation avec le
temps » (p.28). En présage à l'étape suivante du développement de la théorie, il a
également présenté la notion du moi inconscient » « Il est certain qu'une grande partie
du moi est elle-même inconsciente, précisément ce que l'on peut nommer le noyau du
moi ; le terme de ‘préconscient’ ne recouvre qu'une petite partie du moi ».Ce texte
reformule le concept du conflit inconscient : Alors qu'auparavant le conflit était
considéré opposer les pulsions sexuelles de la pulsion d'autoconservation du moi
(Freud, 1911c, 1914b), en 1920, le conflit est désormais considéré être entre les
pulsions instinctuelles et les mécanismes de défense. Bien que certains mécanismes de
défense autres que ceux impliqués dans le refoulement avaient déjà été identifiés au
cours de cette période (Freud, 1908, 1909b, 1911c, 1915a), les défenses n'étaient pas
systématisées et le refoulement était alors synonyme de défense quand il s'agissait de
conceptualiser le conflit inconscient.

II. C. L'inconscient du Modèle structurel/Deuxième topique : 1923 – 1939


Lorsque Freud a remplacé son premier modèle topographique par la théorie
structurelle/deuxième topique du Ça, du Moi et du Surmoi en 1923, l'inconscient en
tant que système a été abandonné et en partie remplacé par le Ça. Cette transformation
a entrainé un bouleversement dans la théorie freudienne tout aussi bien au regard de
l'inconscient qu'au niveau du moi et des pulsions. La différence principale entre
l'inconscient et le Ça figure dans la strate plus profonde du Ça où il n’y a aucun lieu
de représentation. Le Ça est composé de motions pulsionnelles sexuelles et hostiles,
ce qu'il a développé précédemment dans l'ouvrage intitulé « Beyond the Pleasure
Principle » (Freud, 1920) (« Au-delà du principe du plaisir »). Selon la métaphore de

182
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Freud, le Ça est « [lieu de] chaos, marmite pleine d’émotions bouillonnantes. »


(Freud, 1933 p. 73).
Faisant contraste au Ça, le Moi a été utilisé tout au long des écrits de Freud,
mais raffiné davantage au cours du développement de sa pensée, sur la base de sa
précédente présentation des concepts de narcissisme et d'identification (Freud, 1914).
Parmi les changements substantiels portés à l'organisation du moi en 1923, figure la
reconnaissance complète du fonctionnement inconscient du moi, dont les racines
remontent à 1895. C'est ensuite que Freud a évoqué l'image de ‘l'infiltrat’ pour décrire
la difficulté de distinguer la frontière entre le moi lui-même de ‘l'organisation
pathogène’ en précisant que « L’organisation pathogène n’agit pas réellement comme
un corps étranger, mais plutôt comme un infiltrat. » (Breuer & Freud, 1893-1895, p
290). De même, la résistance est considérée être de l’ordre de ce qui infiltre. Dans le
nouveau modèle structurel, de nombreux mécanismes de défense identifiés
auparavant (l'identification, l'incorporation, la projection, l'introjection, la formation
réactionnelle, l'annulation (rétroactive), la régression, etc.) soit différents, ou/et en
plus, du refoulement, sont davantage stigmatisés et clairement localisés dans le moi
inconscient.
La potentialité d'autres formes de défense a été une longue histoire depuis les
années 1890. A cette époque, Freud (1894, 1896) avait présenté un type de
mécanismes de défense porteurs d'implications pathogéniques régressives plus
radicales pour l'équilibre psychique que la répression observée chez les patients
névrosés. Cette intuition s'est avérée plus explicite lors de l'étude par Freud (1911c)
du cas Schreber, quand y apparait le mécanisme de ‘répudiation’ ou de ‘rejet’ par le
moi (Verwerfung), un processus radical pour lequel Lacan inventera le terme de
‘foreclusion’. Ce mécanisme non-névrosé de défense a été repris dans l'Homme aux
loups (Freud, 1918) et posé comme processus d'éradication ou de suppression de la
capacité psychique de représenter. Ce processus se situe bien au-delà de la répression
ou de la censure, il s'agit plutôt de suppression des représentations qui ont pour effet
de créer un trou ou un vide dans l'esprit. Cette ligne de réflexion s'est enrichie quand
Freud a proposé en 1925 (1925h) le mécanisme de (dé)négation [Verneinung] et plus
tard en 1927 (1927e) quand il décrit le clivage du moi [Ich Spaltung], concept qu'il
reprend de nouveau dans « Splitting of the Ego in the Process of Defense » (1940
[1938]) (« Le clivage du moi dans le processus de défense »). Tant que Freud
travaillait selon le modèle de l'inconscient comme système, dans ses tentatives de
dévoiler le refoulé par des actes d'interprétation, l'inconscient était considéré sous sa
forme ‘positive’ de contenus tels que les fantasmes, les désirs, pensées, etc. Par
l'arrivée des formes ‘négatives’ de défense, la vision du moi de Freud s'est
substantiellement modifiée. En même temps que les troubles sexuels de la névrose, il
y ajouta une forme potentielle de perversion des fonctions du moi. Il s'agit des
troubles que l'on peut observer, c'est-à-dire « les incohérences, les excentricités et les
folies des hommes » (1924, p. 153). Ce sont principalement les auteurs postfreudiens
qui ont démêlé le principe du ‘négatif’ comme postulat de base de tous les écrits de

183
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Freud. Bion (« la capacité négative »), Lacan (« le mot est le meurtre de la chose »),
Green (« Le travail du négatif »), Zaltzman (« l’impulsion anarchiste ») et d'autres,
ont reconnu que l'inconscient n'est pas uniquement une présence cachée en quête de
représentation mais qu'elle est également constituée de formes puissantes d'absence,
des indications aussi bien protectrices que destructrices.
Le contenu du moi du modèle structurel/deuxième topique est en grande partie
préconscient, mais une partie significative est dynamiquement inconsciente. Cette
notion contient également ses précurseurs dans la première topique (topographique),
quand Freud avait déjà remarqué, dans son article de 1915 « L'Inconscient », qu’une
des grandes parties du préconscient est originaire de l'inconscient. Dans un travail
d'élaboration, Freud avait noté les pensées qui selon lui démontraient toutes les
caractéristiques de s'être formées inconsciemment, mais qui semblaient être
extrêmement organisées, libres de toute auto-contradiction, d'avoir profité de chaque
acquisition du système Cs., et qui seraient difficilement discernables des formations
de ce même système. C'est ainsi que même avant la théorie structurelle de 1923,
Freud avait présenté une pensée qui se forme dans l'inconscient, comme étant issue de
processus de pensée secondaires. Cependant, l'élaboration systématique de ce type
d'observations des différents composants du moi ont dû attendre l'émergence du texte
« Le Moi et le Ça » (Freud, 1923a), qui a inauguré la théorie structurelle/deuxième
topique.
« The Ego and The Id » (1923a) (« Le Moi et le Ça ») est souvent considéré
avoir été le dernier travail théorique majeur de Freud. Il affirmait là deux types
d'inconscients : ‘l'inconscient latent’ et ‘l'inconscient dynamique’. L'inconscient latent
peut devenir conscient (par des connections avec les mots), et devrait strictement être
considéré être un terme descriptif. L'inconscient dynamique est la partie de
l'inconscient qui, en raison du refoulement primaire, n'est pas capable de parvenir à la
conscience. Freud ajoute que le terme ‘inconscient’ devrait être réservé à
‘l'inconscient dynamique’ même si, selon lui, il est impossible d'éviter une certaine
ambigüité entre l'inconscient descriptif et l'inconscient dynamique. Le Moi, dont le
contenu est en grande partie préconscient, a deux espaces, l'un interne et l'autre
externe. En contraste à son association initiale du Moi à la conscience, dans le cas du
modèle structurel, c'est uniquement l'espace perceptuel externe, qualifié également de
‘Moi cohérent’ qui est conscient. En même temps, l'espace interne, face au Pcs, est
dynamiquement inconscient. C'est là que le problème de résistances inconscientes
s'est présenté à Freud, l'un des plus importants facteurs qui a contribué au changement
vers le modèle structurel et qui était central à la question de la difficulté que pose de
limiter le processus primaire à l'inconscient refoulé. Il écrit : « Mais comme cette
résistance émane certainement de son Moi et en fait partie, nous nous trouvons devant
une situation que nous n'avions pas prévue. Nous avons trouvé dans le moi lui-même
quelque chose qui est inconscient aussi, qui se comporte exactement comme le
refoulé, c’est-à-dire qui produit des effets puissants sans devenir lui-même conscient
et qui nécessite un travail particulier pour être rendu conscient. » (p.17) Freud

184
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conceptualise « l'opposition entre le Moi cohérent et les éléments détachés du Moi et


refoulés » (p.17) et ajoute que l'inconscient ne coïncide plus avec ce qui est refoulé :
tout ce qui est refoulé est inconscient mais tout ce qui est inconscient n'est pas refoulé.
De plus, tel une projection mentale sur la surface corporelle, « Le Moi est avant tout
un Moi corporel » (p.27). Le Moi est le représentant du monde externe (la réalité)
alors que le Surmoi est le représentant du monde interne, c'est-à-dire le représentant
du Ça. Le Surmoi est un niveau particulier du Moi, représentant les interdits moraux
internalisés et les idéaux sociétaux, il est l'héritier du complexe d'Œdipe. A partir de
1920, les deux classifications des pulsions, Eros et Thanatos, qui œuvrent dans la
fusion, la combinaison et l'alliance, sont localisées dans le Ça. Freud, quand il écrit :
« Les dangereuses pulsions de mort pour une part rendues inoffensives par mixtion
avec des composantes érotiques, pour une part déviées vers l’extérieur en tant
qu’agression, pour une grande part elles continuent certainement leur travail interne
sans obstacles » ajoute que « plus un homme contrôle son agressivité, plus intense la
propension à l'agressivité de son idéal sera contre le Moi ». Le Moi est une
organisation, qui aspire à la synthèse, un ‘pacificateur’ conciliateur des tendances
conflictuelles entre le Ça et le Surmoi et un ‘ambassadeur’ qui aspire au compromis
entre les trois agences/systèmes psychiques que sont le Ça le Moi et le Surmoi, et le
monde externe.
Le développement complet des conflits inter-systémiques de l'inconscient
entre les trois systèmes/structures de l'esprit, le Ça, le Moi et le Surmoi, et la seconde
théorie de l'angoisse, est survenu trois ans après, dans son texte « Inhibitions,
Symptoms and Anxiety » (Freud, 1926). (« Inhibition, symptôme et angoisse »). C'est
là que le siège de l'angoisse est localisé dans le Moi. L'angoisse est désormais
considérée motrice des défenses, et non leur conséquence. Le signal d’angoisse est
une angoisse traumatique archaïque rudimentaire déformée qui sert à signaler les
dangers liés à la perte de l'objet, la perte de l'amour de l'objet, la castration et la perte
de l'assentiment intérieur/l'amour du surmoi. Les mécanismes de défense activés par
l'angoisse sont désormais localisés résolument dans le Moi inconscient. Ses écrits sur
les mécanismes de défense ont continué leur expansion dans « Le fétichisme »
(1927e), où Freud a décrit la notion de ‘désaveu’, la croyance inconsciente qui
consiste simultanément en un savoir et non-savoir (p.154). Dans « Splitting of the Ego
in the Process of Defense » (1940e) (« Le clivage du moi dans le processus de
défense »), Freud a développé, à partir du mécanisme du désaveu, la notion de clivage
inconscient du Moi qui agit au détriment de sa fonction synthétique.

Freud a systématiquement continué la remise en cause de ses premières idées


antérieures, dans ce nouveau contexte :
Une démonstration exemplaire de cette continuité entre les premières et les
dernières étapes de la construction de sa théorie, dans « Constructions in Analysis »
(1937d) (« Constructions dans l'analyse »), explicite le retour de Freud sur la question
de l’investissement de l’objet en chose au niveau de l'inconscient, une hypothèse déjà
émise en 1895. Dans Studies on Hysteria, (Études sur l'hystérie), Freud avance que

185
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les patients hystériques souffrent de réminiscences, qui sont en quelque sorte des
‘corps étrangers’. En 1937, cette thèse est remise en cause lorsqu'il observe que
lorsqu'il proposa une construction à un patient, celui-ci réagit par une remémoration
‘ultra-claire’ une Sachbesetzung der Objekt. Freud interprète ces remémorations
comme des hallucinations qui reproduisent des expériences psychiques depuis la
petite enfance, initialement oubliées, puis récupérées en ces remémorations ‘ultra-
claires’. Les remémorations ‘ultra-claires’ révèlent une manifestation de
l'inconscient, sous la forme de ‘présence’ sans médiation, d’un retour/ regain
perceptuel-sensoriel d’une ‘pensée’/fantasme rudimentaire non verbalisé ou refoulé.
Un autre exemple des premières idées revisitées dans un nouveau contexte est
illustré dans « Moses and Monotheism » (Freud, 1939). (« Moïse et le
monothéisme ») Dans cet ouvrage, Freud décrit le destin de l'inconscient, de la
mémoration et du refoulement sous une perspective socio-historique ainsi : « Alors
que Moïse apporta au peuple l'idée du dieu unique, elle n'était rien de nouveau mais
signifiait au contraire la réanimation d'un évènement issu des temps primitifs de la
famille humaine, évènement qui avait disparu depuis longtemps de la mémoire
consciente des hommes […] Nous avons appris par la psychanalyse des individus, que
leurs impressions les plus précoces, recueillies à une époque où l'enfant ne fait encore
que balbutier, provoquent un jour, sans même resurgir dans le conscient, des effets
obsédants. Nous sentons qu’il doit en aller de même quand il s’agit des événements
les plus précoces vécus par l’humanité. »(pp.129-130). De manière Nachträglichkeit,
Freud a également récapitulé l'idée de l'étiologie traumatique de la névrose depuis
l'époque de la soi-disant théorie de la séduction, développée en 1895-7, par la formule
remaniée suivante : « Traumatisme précoce—défense—latence—éruption de la
maladie névrotique—retour partiel du refoulé » (Freud, 1939, p. 80) en référence à la
psychologie individuelle.
---

Les postulats métapsychologiques de l'inconscient ont été formulés de manière


simultanée et progressive tout au long de l'œuvre de Freud ; le modèle structurel,
selon lequel le fait d'‘être inconscient apparait en tant que qualité, n'est pas survenu
du jour au lendemain, ni n'a remplacé complètement le modèle topographique. De
nombreux indices démontrent que des éléments de la théorie structurelle étaient
progressivement formulés et anticipés, bien avant 1923. De même, l'inconscient, et
particulièrement l'inconscient dynamique, n'a cessé de faire partie de toutes les
structures psychiques de la théorie structurelle : il pénètre ainsi le Ça et une grande
partie du Surmoi, et la partie inconsciente du Moi, les défenses.

186
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III. L'EVOLUTION POST-FREUDIENNE DU CONCEPT DE


L'INCONSCIENT

La théorie psychanalytique postfreudienne a connu des changements


remarquables, ainsi que le développement de plusieurs nouveaux modèles théoriques
et cliniques dans les trois régions. Il convient de souligner que les premières
contributions en théories contemporaines freudiennes suivantes (nord-américaines) :
la théorie structurelle/la psychologie du Moi et la théorie moderne du conflit,
partagent d'importantes similarités. Les différences sont subtiles, le plus souvent en
termes de focalisation plutôt que de fond. Quand bien même leur subtilité, elles sont
importantes, par exemple leurs focalisations sur le fonctionnement et les processus du
Moi inconscient, dont le rôle unique qu'exerce le Moi inconscient à la formation des
défenses et des résistances, ainsi que la fonction synthétique de l'esprit dans la gestion
du conflit respectivement. La diversité des conceptions contemporaines sur
l'inconscient traverse les contributions des théoriciens d'obédience kleinienne,
bionienne, relationnelle, française et latino-américaine, ainsi que les conceptions
neuropsychanalytiques interdisciplinaires. La liste comporte en conclusion les
diverses approches des phénomènes inconscients groupaux.

III A. Les développements postfreudiens de la théorie structurelle


Les révisions auxquelles Freud a procédé au fil du temps (1920, 1923, 1926)
ont été l'occasion de penser à nouveau les idées sur l'inconscient, particulièrement en
Amérique du Nord, où de nombreux psychologues du Moi ont émigré pendant les
années 1930. Pour un grand nombre de ces analystes nord-américains, qui ont rédigé
sur le sujet pendant les années 1940, 1950, l'inconscient émerge d'une matrice
indifférenciée qui déclenche un potentiel pour les développements et fonctions futures
du Moi. Certaines de ces fonctions sont dénuées des effets de conflits, ce que
Hartmann (Hartmann, 1939 ; Hartmann, Kris et Loewenstein, 1946) a qualifié de
fonctions autonomes, alors que d'autres devenaient seulement autonomes en second
lieu, à la suite de la résolution des conflits. Dans ce processus, tous les aspects sont
médiés par les relations, car les identifications deviennent la fonction majeure du Moi
pour faciliter cette ‘neutralisation’ de l'énergie. La théorie structurelle postfreudienne
a progressivement incorporé des considérations génétiques, développementales et
adaptatives (Rapaport and Gill. 1959, Freud, A. 1965) aux théories dynamiques,
structurelles et économiques existantes de la métapsychologie freudienne.
C'est là qu'un thème essentiel se faufile : l'importance croissante qui est portée
sur les expériences des personnes dans l'environnement de l'enfant. Grâce à ce
développement, une valeur accrue est donnée à de nouvelles sources de contributions
sur l'inconscient par rapport à l'activité de transfert. Si l'on prend en compte la montée
des influences provenant de Budapest, de Berlin et plus tard des analystes

187
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britanniques de l'école anglaise British Middle School et des premiers kleiniens, les
contemporains de Hartmann ont continué leurs débats sur les relations d'objet en
approfondissant davantage les aspects conscients et inconscients des toutes premières
périodes développementales. Edith Jacobson (1964) a exploré le Moi et les mondes
objet, et Margaret Mahler (1963 ; Mahler et al. 1975) a contribué par les formulations
classiques de séparation-individuation que Stern (1985) a plus tard revisitées. Une
attention particulière a été donnée à l'impact de la période pré-œdipienne de l'enfance
sur le développement ultérieur, ainsi qu'à la façon dont les contrôles externes, exercés
en partie par les transactions entre l'enfant et ses parents, sont internalisés. L'accent se
pose ici sur la manière dont les désirs inconscients (engagés, filtrés, gratifiés ou niés
dans une composition psychologique/relation d'objet) ont été modelés à partir du
concept central de Freud, sur les dangers de perte de l'objet, de perte d'amour de
l'objet et de la castration, pendant l'enfance.
La contribution particulière de Jacobson (1964) à l'inconscient postule que
l'énergie instinctuelle indifférenciée se développe en des pulsions libidinales et
hostiles « sous l'influence des stimulations externes63 » (1964, p. 13). La frustration et
la gratification, fixées en traces mnésiques des conflits vécus pendant l'enfance,
organisent ces expériences affectives dans le spectrum plaisir-déplaisir personnel de
chacun, et selon certaines limites personnelles minimales et maximales. Ce nouveau
modèle psychologique du Moi a dévoilé une meilleure vision de l'évolution du Moi et
des représentations d'objet que l'on pensait présentes dans les trois instances
psychiques (le Ça, le Moi et le Surmoi).
La psychologie du Moi a connu des changements que les théoriciens ont
apportés en insistant sur les découvertes cliniques pour soutenir le postulat
métapsychologique. Cette évolution s'est construite par les apports de quelques
membres du groupe initial, (e.g. Mahler, Jacobson) ainsi qu'une nouvelle génération
d'intellectuels (e.g. Beres, 1962 ; Arlow & Brenner, 1964 ; Kanzer, 1971 ; Rangell,
1952 ; Wangh, 1959). Cette nouvelle ère a été marquée par la monographie d’Arlow
and Brenner (1964), dans laquelle ils ont décliné la perspective métapsychologique
sous le point de vue structurel. Ce changement a permis l'ouverture d'une nouvelle
porte sur de nouvelles réflexions concernant l'inconscient, dont celles des nouveaux
intégrationalistes qu'étaient Kernberg (1966), Kohut (1971), et Rangell (1969b).
L'approche psychologique du Moi traditionnelle est devenue maintenant le modèle
structurel, une approche au départ acceptée par une majorité d'analystes en Amérique
du Nord jusque dans les années 1970.
L'un des principaux changements apportés dans le zeitgeist de cette pensée est
provenu des réactions émises alors contre l'orientation métapsychologique. Influencée
par la méthodologie de ‘l'opérationalisme’ (focalisation sur les opérations concrètes),
l'accent anti-métapsychologique s'est premièrement développé dans les travaux des
théoriciens interpersonnels/culturels, HS Sullivan (1953), Horney (1941) et Fromm

63
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

188
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(1941), qui ont souvent utilisé le concept de manière sélective uniquement dans le
sens du terme descriptif secondaire, plutôt que de le considérer en un aspect majeur de
la vie psychique. Cependant, même selon leurs formulations, ces parties de soi
‘aliénées’, ‘mauvaises’, ‘non-moi’ devaient rester en dehors de la conscience, et
plantées profondément dans l'inconscient ‘immuablement privé’. Bien que non
spécifique, cette approche a contribué directement et indirectement aux
conceptualisations psychanalytiques, ainsi qu'au travail dynamique effectué sur les
pathologies critiques, les conceptualisations sur le développement dans la petite
enfance, et a permis d'approfondir la compréhension des transactions inconscientes
dans le domaine transféro-contretransférentiel.
Le prochain défi responsable d'avoir influencé les conceptualisations sur
l'inconscient venait du point de vue métapsychologique lui-même. Ceux qui y ont
contribué étaient Merton Gill, qui avait renoncé à la perspective topographique (1963)
puis le reste de la métapsychologie (1976 ; 1994) ; et George Klein (1976). Ils ont
éventuellement délimité deux théories psychanalytiques : (1) Une théorie clinique sur
la base de l'observation empirique incontestable ; et (2) une théorie spéculative
abstraite. Roy Schafer (1976) proposa un langage de l'action qui tenterait d'expliquer
les phénomènes psychologiques par des formulations dynamiques composées de
verbes et d'adverbes et non pas de noms et d'adjectifs. De plus, Shafer recommande
l'usage de la langue pour y inclure les forces motivationnelles (forces motrices ?) et
leurs actions en conséquence, selon des séquences d'actions. C'était encore un autre
clin d'œil à l'intersubjectivité. Plus tard, Kohut (1977) et Gedo (1979) ont fait partie
des anti-métapsychologues. Gedo répudia la métapsychologie parce qu'elle avait
perdu la vision de la ‘personne’ dans sa qualité ‘d'agent’, et proposa un modèle du
Moi en relation à ses objets pour y pallier. De nouveaux groupes se sont développés
pour y inclure des praticiens de la psychologie du Moi interpersonnelle et de la
perspective relationnelle (Gerson, 2004 ; Hatcher, 1990). Leur point de focalisation
clinique était interpersonnel à l'exception de Thomas Ogden (1992a & b) et de Jay
Greenberg (1991), qui étaient tous deux retournés aux forces motrices de
l'inconscient.
Ces développements ont été accompagnés d'autres ‘modifications
métapsychologiques’, qui ont relevé l'usage du modèle structurel et du conflit
psychique (Arlow & Brenner, 1964), le rôle et la fonction du fantasme inconscient et
du transfert (Arlow, 1961, 1963, 1969a&b ; Arlow et Richards, 1991 ; Abend, 1990,
Gill, 1982 ; Gill et Hoffman, 1982), le développement du caractère (Abraham, 1923,
1925 & 1926 ; Reich, 1931 a & b), l’enchaînement du processus intrapsychique
(Rangell, 1969a), la fonction inconsciente de prise de décision (Rangell, 1969b, 1971),
et d’une perspective élargie de la formation du compromis (Brenner 1976, 1982,
2006).
Les changements relatifs à la conceptualisation de l'inconscient, que les
développements théoriques ont tissé, c'est-à-dire la vision d'un inconscient statique,
focalisé de manière prédominante sur son contenu, est désormais considérée dans ses

189
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deux dimensions fluides et structurées. L'idée selon laquelle l'inconscient fonctionne


par l'organisation du fantasme, les multiples états du moi et les identifications (par
exemple les activités de transfert, les dissociations, les modes relationnelles
narcissiques, les différentes relations d'objet internalisées, etc.) mais qu'il s'adapte
également de manière fluide dans un processus de maturation actif et flexible,
d'insight et d'intégration – cette idée donc, s'infiltre dans une nouvelle direction de la
pensée sur le fonctionnement de l'inconscient. Le concept qui stipule que l'inconscient
puisse contenir tout aussi bien les deux dimensions de structure et de processus a
commencé à se développer.
Arlow (1969 a,b) et Beres (1962), individuellement mais aussi ensemble
(Beres & Arlow, 1974) ont démontré que le fantasme inconscient n'est pas
uniquement une dimension thématique organisée de l'inconscient mais également une
dimension qui, en qualité d'expression de désirs plus archaïques, murit au cours du
développement. Cette recherche coïncide avec les travaux de Sandler (1984, 1987,
1994) et de Rosenblatt (1962) sur l'inconscient passé et présent et sur les
représentations inconscientes. Elle présage également des formulations ultérieures
(Bachant and Adler, 1997) du transfert en relation au fonctionnement inconscient
adaptatif et archaïque.
Dans « Psychoanalytic Concepts and the Structural Theory » (1964)
(« Concepts psychanalytiques et la théorie structurelle »), Arlow et Brenner ont
proposé une reconstruction radicale du concept de l'inconscient. A l'épicentre de cette
réorganisation se situe la relation entre l'angoisse et le conflit. Pour ces auteurs,
l'angoisse devint le facteur crucial dans le développement du conflit entre le Moi et le
Ça, et dans la capacité du Moi à opposer les pulsions instinctives. Trop de déplaisir
conduit à des angoisses connectées aux dangers de l'enfance. Ces angoisses agissent
comme une source de peurs qui organisent l'inconscient et continuent d'affecter la
personne (Richards and Lynch, 2010).
Loewald était un autre théoricien qui a contribué de manière significative aux
développements du concept survenus ultérieurement. Il a souvent été comparé à
Sullivan, Klein, Rado, Kohut (Cooper, 1988) et Winnicott (Chodorow, 2009),
Fairbairn et Guntrip. Cependant, Loewald, qui se considérait psychologue du Moi a,
dans ses travaux, mis l'accent sur le rôle essentiel des relations d'objet dans la
formation psychique et dans le changement qu'entraîne l'analyse. Son accent posé sur
l'interaction dans les relations d'objet a insufflé une nouvelle vie dans les idées de
fusion pulsionnelle et de neutralisation, dans la neutralité analytique et l'action
thérapeutique. Par exemple, la structure psychique des pulsions et le Ça sont pour lui
originaires de l'interaction de l'enfant avec son environnement humain (la mère)
(Loewald, 1978). Ce postulat est très proche des formulations antérieures de Jacobson
(1964). Les pulsions étaient pour ces théoriciens considérés être l'aboutissement de
l'interaction. Jusqu'à ce point, Loewald était davantage en synchronicité avec les
analystes tels que Fenichel, Jacobson (1964), Mahler et Stone (1951) ; et en désaccord
avec les analystes comme Hartmann (1939), Loewenstein (1953) et Kris (1956 a,b,c).

190
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Cependant, Loewald a porté cette pensée plus loin lorsqu'il a déterminé que
l'interaction est un aspect critique de l'internalisation des représentations subjectives
du Moi et de l'autre. En allant plus loin encore, il s'est détaché du sens réifié de
l'instance psychique, des conflits inter/intra systémiques et des défenses. Il s'est
focalisé plutôt sur la nature de l'interaction avec l'environnement (humain), en
soulevant « le rôle de l’interaction dans la formation, le développement et l’intégrité
de l'appareil psychique » (1960, p. 221). Pour Loewald, l'interaction est maintenant
non seulement à l'origine des pulsions (1960, 1971, 1978), mais un aspect central des
processus inconscients. Cet accent sur l'interaction comme pierre angulaire de l'esprit
a soutenu la théorie de l'inconscient de Loewald, qui s'est inspiré des aspects
génétiques et adaptatifs de la métapsychologie de Freud et les a modifiés
considérablement, tout en laissant à la dérive les modèles structurels/topographiques.
Selon lui, « […] en analyse, […] nous avons l'opportunité d'observer et d'explorer les
processus d'interaction primitifs, ainsi que les plus avancés, c'est-à-dire les
interactions entre le patient et l'analyste qui conduisent à l'intégration ou la
désintégration du Moi, ou les forment.64 » (1960, p.17) De même que pour Winnicott
au Royaume-Uni, Loewald et Jacobson aux USA peuvent être considérés être les
précurseurs du mouvement intersubjectif.
A l'aube des années soixante-dix, les expériences vécues avec les personnes
environnant le monde de l'enfant étaient devenues indispensables à la
conceptualisation du développement psychique (Arlow et Brenner, 1964 ; Spitz,
1957 ; Mahler et al, 1975 ; Jacobson 1964). Ces expériences vécues avec les objets
initiaux, de par leurs gratifications et frustrations inévitables, forgent et colorent les
fonctions du Moi de l'enfant en cours de développement (dont l'autodéfinition par les
identifications) ainsi que les principes moraux/éthiques. Dans le cadre
psychanalytique, ces expériences initiales avec les autres façonnent le tissu des désirs
et de l'angoisse inconscients qui peuvent invoquer l'acting out, les actualisations
transféro-contretransférentielles, les énactions et la transgression des limites.
Tout au long des années 1960 et 1970, Arlow a déployé davantage la notion de
fantasme inconscient de Freud. Alors que Freud considérait le fantasme inconscient
comme un dérivatif du désir inconscient, Arlow le voit comme une formation de
compromis contenant tous les composants du conflit structurel (Papiasvili, 1995).
Selon ce point de vue élargi, le fantasme inconscient organise les désirs moteurs
puissants, les angoisses et les impulsions autopunitives que déclenchent les tâches
développementales. Chaque individu créée ses propres fantasmes inconscients. Ceux-
ci reflètent les ensembles psychiques qui tentent de comprendre, de réagir, de gérer et
d'intégrer des conflits majeurs, des expériences et des relations. Abend (1990) a plus
tard mené plus loin encore ce concept et ajoute que les fantasmes « peuvent
fonctionner de façon à changer et déguiser d'autres fantasmes ainsi qu'à fournir une
certaine gratification65 » (Abend, 1990, p. 61). Tout au long du développement, la

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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
65
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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narration fondamentale des fantasmes inconscients perdurent, bien que leurs


manifestations soient soumises à des transformations sans fin, menant à des
différentes ‘versions’ qui correspondent à des étapes développementales différentes.
Les fantasmes inconscients modèlent nos traits de caractère, déterminent notre
comportement, nos attitudes, forment nos symptômes et sont au cœur de nos intérêts
professionnels et de nos relations amoureuses. Dans la situation psychanalytique, les
fantasmes inconscients se situent à la racine de toutes les attitudes et activités
transférentielles.
Bien que ces fantasmes inconscients soient modifiables et qu'ils continuent de
murir lorsque l’individu recherche inconsciemment de nouvelles solutions plus
efficaces, leurs origines restent archaïques et fixes et, à ce titre, continuent d'exercer
un rôle dynamique sur l'expérience. Par conséquent, l'activité transférentielle
inconsciente peut être considérée avoir des aspects en termes de processus et de
structure. Arlow et Richards maintiennent que les désirs inacceptables de l'enfance
« prennent la forme de fantasmes inconscients persistants, qui exercent un stimulus
constant sur l'esprit », (1991, p. 309) menant à des formations de compromis sur un
continuum entre l'adaptation et la maladaptation.
Leo Rangell affirma que le domaine de la psychanalyse se situe dans le conflit
intrapsychique inconscient (Rangell, 1967). Il retrace douze étapes séquentielles dans
l'émergence du conflit inconscient (Rangell, 1969a), qui s'élancent depuis l'amorce du
stimulus déclencheur jusqu'à l'issue psychique finale. Rangell (1969b, 1971) s'est
focalisé sur la fonction de prise de décision inconsciente du Moi, dans le contexte du
déroulement de l'omniprésent processus intrapsychique inconscient. Par cette fonction,
la personne choisit inconsciemment d'engager ou non des défenses afin de minimiser
le danger de signaux anxiogènes. Avec le temps, les choix inconscients sont
incorporés dans les traits de caractère durables et dans les attentes déterminées de
l'individu. Par sa séquence des douze étapes du processus intrapsychique, Rangell
pose également la ‘théorie unitaire de l'angoisse’, reliant la première théorie de
l'angoisse du modèle topographique et la théorie du signal d’angoisse du modèle
structural, par la transformation de l'angoisse traumatique (l'expérience passive du
Moi) en un signal d'angoisse du Moi qui anticipe le danger.

Suivant l'article de Freud sur le narcissisme (1914), lequel a été à la fois


précurseur de la théorie structurelle et de la théorie de la relation d'objet, de nombreux
contemporains de Freud semblaient considérer les relations d'objet comme un aspect
des conceptualisations psychanalytiques globales (Blum, 1998). Lorsque les relations
d'objet sont devenues d'intérêt plus central, il y eut des efforts originaux visant à
intégrer la psychologie du Moi/théorie structurelle et les relations d'objet. Kernberg
(1982, 2015) formula une conception du conflit intrapsychique inconscient pré-
œdipien considéré caractéristique des individus limite (borderline) dans lequel le
conflit inconscient se situe entre les unités adverses internalisées du Moi et les
représentations d'objet et leurs dispositions affectives respectives. Dans cette

192
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conceptualisation, les affects, qui sont intégrés progressivement dans les pulsions,
sont considérés constituer un système (inconscient) motivationnel primaire (Voir les
entrées THEORIES DE LA RELATION D'OBJET (LES) et CONFLIT (LE)). Plus
récemment, Bach (2006), Ellman (2010), C. Ellman et al. (1998) ont incorporé les
idées de l'école britannique de la relation d'objet, la British Object Relations School,
et se sont penchés spécifiquement sur les peurs liées à la séparation, la perte du moi et
l'utilisation de l'objet par le moi. En pointant la difficulté de percevoir le point de vue
d'une autre personne, ils ont présenté l'empathie comme un outil servant à rendre
conscient ce qui fut impensable. Ellman (1998) a déployé l'accès à l'inconscient en
conceptualisant les énactions en ponts pour comprendre les fantasmes inconscients.

III. Aa. La théorie structurelle contemporaine / La psychologie du Moi


Selon le point de vue de la théorie structurelle/psychologie du Moi moderne, tout n'est
pas uniquement question de formation de compromis : le refoulement et d'autres
défenses spécifiques ne sont pas des formations de compromis ; le Moi non seulement
effectue le compromis, mais le Moi peut décider entre des alternatives (Blum, 1998 ;
Rangell, 1969). Selon cette école de pensée, les discussions théoriques relatives à la
nature du refoulement est élargie (Kris, 1956c et Hartmann, 1939 ; Hartmann, Kris &
Lowenstein, 1946), en théorie et en relation au matériel clinique détaillé, pour y
inclure une multitude de processus cliniques et développementaux en concurrence
(Busch, 1992, 1993 ; Gray, 1994 ; Ellman, 2010). De par leur affiliation théorique au
concept du Moi inconscient de Freud en tant qu'élément clef dans l'élaboration
psychique (Freud, 1914), ainsi que le travail d'affinage effectué sur les concepts du
fonctionnement inconscient du Moi, la théorie structurelle contemporaine et la
psychologie du Moi explorent les différentes formes de l'inconscient tout en
respectant les limites de leur amplitude explicative. Ces orientations deviennent
potentiellement un contrepoids à une autre orientation contemporaine qui serait celle
de remplacer l'inconscient dynamique par le non conscient non symbolisé implicite,
procédural et automatisé. Un exemple d'une telle approche consisterait à ce que la
mémoire procédurale et l'automatisation des processus psychiques soient utilisés pour
comprendre comment certains processus du Moi, comme ceux des défenses,
persistent obstinément à résister au changement, et nécessitent un grand travail
d'élaboration, non pas en utilisant des manœuvres ou des défenses particulières, mais
d’autres, qui devraient être utilisées pour que l’emprise des mécanismes de défense
puissent être démantelés.
Par l'étude de ces processus et ces défenses, la psychanalyse peut approfondir
la compréhension de cette forme d'inconscient qui a lieu par la procéduralisation et
l'automatisation.
De nombreux psychologues du Moi contemporains observent que le
refoulement semble avoir perdu sa place justifiable de pivot central du travail
analytique. Du point de vue de cette perspective, il semblerait que certaines défenses

193
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de déni, tels que la minimisation, dont la tendance à insister sur d'autres réalités (telles
que les mémoires non symbolisées et procédurales) sont utilisées pour recouvrir une
réalité spécifique indésirable (dans ce cas, pour la plupart des personnes, il s'agit d'un
refoulement actif ou des mémoires déclaratives et leurs effets afférents).
Par cette méthode, qui consiste à différencier des processus et des modes de
pensée différents, les psychologues du Moi contemporains abordent l'étude des
mémoires post-traumatiques non traitées et non symbolisées sans pour autant
amoindrir l'intégralité de l'inconscient et son processus primaire à ce mode de
remémoration et ce processus psychique. En dehors de la psychologie du Moi
américaine, de nombreux auteurs ont proposé des conceptualisations qui relèvent de
ce qui est insymbolisé (par exemple Bion, 1962 ; De M'Uzan, 2003). Quand bien
même leurs expositions cliniques ont été tout aussi précieuses, les psychologues du
moi les considèrent colliger des processus différents, tels que les développements liés
au développement du moi et le développement du processus secondaire en dehors du
processus primaire, avec le processus traumatique. Dans le domaine de la psychologie
du Moi américaine, Alvin Frank (1969), dans son article dont le titre est pour le moins
évocateur, « The Unrememberable and the Unforgettable: Passive Primal
Repression » (« l'Immémorable et l'inoubliable : le refoulement originaire passif ») a
détaillé ce domaine de fonctionnement non traité et l’a illustré de très impressionnants
exemples.
Plus récemment, le terme ‘processus zéro’ a été proposé pour ce type de
fonctionnement mental (Fernando, 2009, 2012), le distinguant des processus
primaires. Par exemple, la caractéristique du processus zéro du moment présent figé,
c'est à dire qui se déroule toujours sans ne jamais changer, et qui décrit sa nature
‘intemporelle’, est assez différente des caractéristiques de processus primaires en roue
libre mais intarissables, qui dépeignent leur nature ‘atemporelle’. De la même
manière, le ‘concret’, le ‘manque d'abstraction’, le ‘manque de processus secondaire
de symbolisation’, et le ‘manque d'intégration’ sont des marqueurs qui peuvent
s'appliquer aussi bien au processus primaire qu'au processus zéro, mais parfois ils ont
des significations quelque peu, ou très, différentes dans le cas de chacune de ces
importantes classes de processus psychiques. Le ‘processus zéro’ représente un outil
utile pour conceptualiser le fonctionnement psychique post-traumatique, pour en
scruter les caractéristiques. En même temps, l'importance des deux autres grandes
classes du traitement psychique, les processus primaires et les processus secondaires,
et de la façon dont l’appareil psychique s'organise et fonctionne par le biais de ces
processus, peut être traité. L'interaction entre ces formes de fonctionnement est ainsi
révélée. Dans le processus zéro se trouve une différente forme d'inconscient, une
forme étrange d'univers parallèle dans lequel les personnes peuvent se glisser ou s'en
retirer, de façon différente du ‘système inconscient’ ou du Ça que Freud avait décrit.
Selon les points de vue des psychologues du Moi, tous ces domaines de l'inconscient
sont toujours des facteurs importants dans le fonctionnement psychique normal et

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dans le dysfonctionnement psychique, et il est temps d'élargir davantage la conception


de l'esprit pour les réunir toutes.

III. Ab. L'inconscient dans la théorie des conflits moderne


La théorie des conflits moderne s'est détachée des dérivés des stades
psychosexuels du développement à une théorie centrée sur les processus du conflit et
de la formation du compromis (Arlow, 1966, 1981 ; Brenner, 1982, 1999, 2006 ;
Richards, 1986). Au centre de cette approche est l'importance de comprendre les
fantasmes, les désirs, les souhaits et les peurs uniques qui ont été organisés par les
relations de l'enfant avec les autres. La compréhension des processus intrapsychiques,
qui se manifestent par les fantasmes inconscients, façonnés, et exprimés, par un
mélange de déterminants sociaux, biologiques et psychologiques sont considérés être
au cœur de la théorie des conflits moderne.
Bien que Abend (1980, 2005), Brenner (1999, 2002), Rothstein (2005) et
Richards (1986) avaient auparavant stipulé la formation du compromis comme une
‘chose’, de nombreux théoriciens des conflits soutiennent aujourd'hui que cette
dimension de l'activité mentale est mieux comprise en termes de processus en
opération constante, qui ne cesse de rechercher de meilleures solutions pour résoudre
le conflit et son déplaisir concomitant. L'esprit est toujours dans la synthèse (Rangell,
2004, 2007) et pour la plupart aspire à gérer les conflits inconscients. L’enchaînement
des processus intrapsychiques (la prise de décision inconsciente) de Rangell (1963a,
b ; 1969a, b ; Lynch and Richards, 2010) contribue à la perspective de ce processus.
Dans la théorie des conflits modernes, le concept ‘d’inconscient’ n’existe pas en tant
que lieu ou structure, dans lequel les mémoires seraient cachées et duquel elles
seraient récupérées par l'analyse. Au lieu de représenter un nom, le mot inconscient
est utilisé en adjectif ou adverbe pour désigner l'affect inconscient, les peurs
inconscientes, les interdits inconscients et les manières inconscientes de se défendre
soi-même du déplaisir et du fantasme inconscient, pour lesquels une hypothèse est
émise et explorée afin d'affaiblir son pouvoir et de motiver le comportement actuel.
L'idée selon laquelle les contributions inconscientes au fonctionnement humain ont
tout autant des dimensions structurantes et transformatrices, est essentielle pour la
théorie des conflits modernes. L'aspect structurant de l'activité inconsciente est
considéré par ses influences organisatrices sur la vie psychique. L'activité de transfert,
les schémas relationnels envers soi-même et les autres (dont la culpabilité et
l'autopunition), les dissociations, le champ intersubjectif et les relations d'objet
internalisées sont structurés de différentes manières particulières autour des fantasmes
inconscients, uniques à l'individu. Les processus inconscients ont une dimension
fluide, qui s'adapte de manière créative aux réalités du présent par la maturation,
l'insight et l'intégration ou la désintégration par l'angoisse ou l'affect dépressif.

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Le rôle du fantasme dans le développement de l'activité inconsciente est conçu


comme une force organisatrice majeure dont l'origine se situe dans une interaction de
facteurs environnementaux et intrapsychiques complexe (Arlow 1969a,b ; Arlow &
Richards, 1991). Les fantasmes inconscients sont des organisations dont le but est de
concourir à ce que la personne maximalise le plaisir et minimise le déplaisir. Pour les
théoriciens modernes des conflits, chaque fantasme inconscient est l'expression de la
façon dont la fonction synthétique de la psyché humaine gère les conflits. Les
contenus de ces fantasmes inconscients sont dérivés des ambivalences et des conflits
survenus pendant l'enfance, et leurs variantes pendant le cycle de vie.
Les éléments complexes se forment dans l'esprit, selon les circonstances et les
besoins. Les éléments du conflit restent catégoriquement les mêmes à chaque
instance, c'est-à-dire un dérivatif pulsionnel, un affect désagréable, une défense, une
expression morale/éthique ou une demande provenant du monde externe, alors que le
contenu du conflit varie selon les caractéristiques personnelles, l'expérience et la
situation actuelle de chacun. Les théoriciens du conflit perçoivent, dans cette
interprétation, l'expression de la structure et du processus inhérents dans l'activité de
compromis qui définit toute vie psychique.

III. B. L'inconscient dans la théorie ‘britannique’ de la relation d'objet


(Klein, Bion, Winnicott)
La théorie de la relation d'objet est un développement majeur postfreudien qui
s'est déployé au Royaume-Uni et en France. La théorie des relations d'objet développe
un concept selon lequel les fondations de l'inconscient ne s'appuient plus sur le
modèle de la pulsion énergétique freudien plutôt solipsiste, ni sur le processus du
refoulement, mais sur un modèle relationnel de la psyché humaine. Les concepts
théoriques variés qui résultent de l'école de la relation d'objet représente l'Inconscient
comme un système qui se développe et se forme au cœur d'une relation. La théorie de
la relation d'objet se focalise sur le rôle de l'objet conçu comme le dénouement /
comme le produit de l'internalisation des expériences relationnelles que l'individu a
vécues depuis les premiers stades de son existence. A partir de cette perspective, un
point de rencontre s'effectue entre les domaines intrapsychiques et intersubjectifs, les
faits relationnels et les fonctions mentales inconscientes. L’enfant intrinsèquement
doté de pulsionnalité est ainsi façonné par les interactions avec l'environnement,
lesquelles sont à leur tour modelées et colorées par les processus psychiques
inconscients. Bien que relativement peu connu durant son existence, ‘l'homme qui a
dé-clivé l'atome psychique’ (Malberg & Raphael-Leff, 2014), W. R. D. Fairbairn
(1952) est largement considéré l'un des premiers innovateurs théoriques dans ce
domaine.
Pendant des décennies, le travail de Melanie Klein, mieux connu et plus
influent, a adopté une perspective purement intrapsychique et intersubjective. Pour

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Klein, l'inconscient se caractérise par les mécanismes de défense de l'enfant, qui est
poussé à se débarrasser des parties du Moi empreintes de sadisme et d'angoisse,
dominées par la pulsion de mort, par les processus inconscients de clivage et
d'identification projective. Sont ajoutées en outre les défenses de déni et
d'idéalisation. Le concept de l'inconscient issu du refoulement originaire proposé par
Freud ne concorde pas avec le concept kleinien de l'inconscient (Mancia, 2007). Dans
la théorie kleinienne, la vie interne de l'individu est fondée sur le phantasme
inconscient et est gouvernée par des positions paranoïde-schizoïde et dépressives
(PSP-PD) (Klein, 1935). Ce sont des modes de fonctionnement intrapsychique qui
reflètent la manière dont une personne entre en relation avec ses propres objets
internes et qui donc influencent profondément comment elle entre en relation avec les
personnes du monde extérieur. Le concept initial kleinien d'identification projective
est devenu progressivement orienté vers la relation, évoluant ainsi dans le modèle
théorique bionien en une forme de communication particulière et une sollicitation
inconsciente à la contenance et la rêverie. Dans le fonctionnement mental inconscient
de la fonction alpha, que Bion a détaillé (1962, 1965), l'on peut y entrevoir la manière
dont l'Inconscient se développe dans un contexte relationnel : le psychisme conscient
et inconscient de l’enfant est structuré par la fonction maternelle de rêverie, élément
crucial de l'organisation de la vie inconsciente du jeune enfant. Avant l'émergence du
refoulement, l'inconscient est façonné par la facilitation transformative effectuée par
le psychisme du parent des expériences sensorielles et émotionnelles qui accèdent à
l'enfant dans le domaine des relations primaires.
Toutes les régions et les cultures psychanalytiques ont été influencées par le
concept central kleinien de ‘fantasme inconscient’. Le ‘fantasme’ (phantasy), qui
s'épelle en anglais avec un 'ph' plutôt qu'avec un 'f', met l'accent sur la référence du
terme à la forme basique de la structure psychique et son contenu idéationnel
spécifique, plutôt qu'uniquement le scénario d'un souhait élaboré des dérivatifs
pulsionnels ou du rêve éveillé. La base théorique sur laquelle l'esprit est considéré être
organisé par, et autour, de ces pierres d'assise de base de la structure psychique, fait
suite à l'assertion de Melanie Klein, selon laquelle la connaissance de, ou au moins le
sentiment par rapport à, l'objet, comme but ou source de satisfaction, fait partie
inhérente des pulsions. En contraste à la théorie freudienne en ce que les pulsions
existent avec leurs dérivatifs dans la psyché et l'objet doit être ‘trouvé’ afin d’être
placé en équation inconsciente, Klein stipule que l'objet de la pulsion est
là, ab initio, in-né et intrinsèque. De même avec l'objet, il existe également un
sentiment inné du soi en sa qualité de sujet, c'est-à-dire le sujet désirant qu'elle que
soit sa qualité partiale, vague ou primitive, et donc l’unité fondamentale du ‘je qui
désire quelque chose de vous’, ou ‘je qui fait quelque chose à vous’ (en tant qu’objet
partiel ou total) est assumé depuis les premiers débuts de l'activité psychique.

Le concept freudien de ‘barrière de contact’ a été élargi par Bion, qui l'avait
récupéré depuis le « Project for a Scientific Psychology » ” (Freud, 1895), (« Projet
pour une psychologie scientifique ») et en avait proposé une nouvelle façon de le

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conceptualiser. Selon les termes freudiens, le refoulement était représenté comme une
barrière qui défend le système conscient de celui de l'inconscient. Bion a théorisé
l'inverse, en ce que le refoulement a pareillement défendu le système Ics des stimuli
sensoriels originaires du système Cs. (Bion 1962, p.27 ; Grotstein, 2008). La barrière
de contact divise et unifie à la fois les phénomènes mentaux conscients et
inconscients : grâce à la perméabilité sélective, un échange entre les systèmes Cs et
Ic. est rendu possible. La perméabilité sélective de la barrière de contact entre le
conscient et l'inconscient est créée et renforcée par la fonction alpha par laquelle les
données sensorielles brutes (les éléments bêta) sont transformées en éléments alpha
qui peuvent être utilisées à penser et à rêver. La fonction alpha comprend aussi bien
les processus et fonctions primaires que secondaires dans les deux systèmes que sont
les Cs. et Ics. (Grotstein 2004, 2007). Selon la pensée de Bion, dans le domaine de la
fonction alpha, les principes de plaisir et de réalité sont tous deux inclus : ils ne sont
pas considérés être des principes distincts comme le théorisait Freud, mais conjoints
en des oppositions binaires dans les deux systèmes et fonctionnant normalement de
manière coopérative (Bion, 1962, 1963, 1965).
Depuis le concept de la barrière de contact découle celle de ‘vision
binoculaire’ : une capacité fondée sur une double focalisation qui favorise la
coopération entre les fonctions mentales conscientes et inconscientes (Reiner, 2012).
Bion s'y réfère, quand il ajoute qu’une sorte de vision mentale binoculaire nous est
nécessaire : un œil aveugle [au monde sensuel], l'autre doté d'une vision suffisante
(Bion, 1975, p.63). La vision binoculaire apporte une profondeur et une résonnance à
l'expérience, Grotstein (1978) la considère comme une ‘voie qui suit un chemin
parallèle’, qui facilite l'appréhension des phénomènes qui ont lieu au cours d'une
analyse. Les systèmes Ics et Cs peuvent être considérés comme les deux yeux ou les
deux hémisphères cérébraux réceptifs aux intersections de ‘O’ en constante évolution,
depuis leurs points d’observation respectifs (Grotstein 2004). Une telle vision
binoculaire permet à l'analyste de prêter attention et de tenter de comprendre ce qu'il
voit, depuis une perspective réversible: une consciente et une autre inconsciente qui à
son tour favorise une façon de voir les choses depuis des perspectives différentes (De
Bianchedi, 2001).
Bion considère qu'en qualité d'analyste, nous devrions utiliser à la fois notre
esprit conscient et inconscient pour être réceptif à ‘O’ « comme Vérité Absolue (au
sujet de) la Réalité Ultime » (Bion 1970, p.88). La théorisation de l'inconscient, en
tant que système, dérive de ce concept, qui coïncide partiellement avec ‘O’, ce qui est
inconnaissable et inconnu puisqu'il reste en dehors de la conscience réflective. La
seule façon d'y accéder s'effectue par la résonance en ‘O’ avec celui-ci. En présentant
le concept de ‘O’ et en le reliant à la chose en soi et ‘l'infini’, Bion propulse le
concept de l'inconscient dans l'ère postmoderne de la compréhension, qui est ainsi
relié à l'infini, le chaos et la théorie de la complexité, la théorie de la catastrophe et de
la spiritualité (Grotstein 1997). Il convient de souligner qu'une forte corrélation entre
l'environnement primaire et la possibilité de contact avec ‘O’ existe : la qualité des

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objets primaires et les interlocuteurs (et, en analyse, la qualité de la position


analytique de l'analyste) déterminent la capacité de l’enfant/patient à tolérer la
rencontre avec ‘O’ (Gaburri & Ambrosiano, 2003) et avec la réalité émotionnelle qui
l'accompagne.
Pour Bion, ‘O’ est le domaine de ‘l'objet psychanalytique’, le véritable nord
vers lequel la question analytique devrait être dirigée, même si elle ne peut jamais être
véritablement ‘connue’. Cette perspective selon laquelle quelque chose est là mais qui
ne peut que ‘devenir’, ou être appréhendée intuitivement, parce qu'elle ne provient pas
‘de la sensorialité’, est réminiscente, dans son sens épistémologique du terme, à la
pensée de Platon, de Kant et de différents mystiques. Dans la mesure où les éléments,
ou ‘faits’ du O de notre existence ne peuvent jamais être complètement connus ou
verbalisés, la dimension ineffable de l'être est par définition ‘inconsciente’.
Cependant, la partie ‘inconsciente’ inconnaissable de O n'est pas l'inconscient
dynamique freudien du refoulé. Elle est plus proche des plus profondes strates du Ça
freudien, quelque chose qui est en train d'émerger, de non structuré, pas encore
constitué. Si l'on peut ainsi parler ‘d'éléments’ dans le domaine de O, l'on peut dire
qu'ils consistent en des perturbations ou des turbulences qui ne sont pas encore
psychiques (‘pré-psychiques’ ou ‘proto-psychiques’). Bion n'a jamais désigné les
contenus de O, mais en a décrit les phénomènes prépsychiques, protomentaux qu'il a
qualifiés d'éléments bêta , qui ne peuvent être pensés ou que l'on ne peut penser, sauf
si, ou au point où, ils sont transformés par une sorte de ‘travail du rêve’ psychique. Il
a attribué à cette dernière activité le terme de ‘fonction alpha’ et a affirmé que la
fonction alpha était essentielle à un processus continu, 24 heures par jour, qui génère
des ‘pensées de rêves éveillés’ Ceux-ci sont considérés être les pierres d'assise de la
pensée, de l'acte de penser et de l'organisation psychique. Une fois créés, les éléments
alpha sont utilisés pour constituer une barrière de contact, c'est-à-dire ils sont, l'un
après l'autre, essentiels à la transformation de l'expérience (la mentalisation), la
délimitation de l'espace psychique, la création d'un contenant pour les pensées et la
division topographique des contenus de l'esprit dans les systèmes Ics et Pcs/Cs.

Puisque les éléments bêta sont des stimuli sensoriels jusqu'à ce qu'ils aient
acquis un sens, ils sont différents du concept de ‘représentations’ de Freud. Bien que
ce dernier puisse être conscient ou inconscient, les éléments bêta sont par définition
au-delà, ou plutôt avant, la conscience, en ce qu'ils sont non pas psychiques, mais en
ce qu'ils ‘existent’ ou sont enregistrés uniquement à un niveau neurobiologique ou
somatique (les organes sensoriels et le cerveau font partie du premier). Cette
formulation concerne le premier modèle de l'arc de Freud, tel qu'il est décrit dans son
« Projet d'une psychologie scientifique ». Il est important de noter que les éléments
bêta sont nécessairement inconscients, parce qu'ils ne sont pas encore psychiques,
non pas parce qu'ils auraient soit été soumis au refoulement, ou auraient subi une
quelconque autre modification défensive rendue nécessaire par un conflit avec le
surmoi, ou par une angoisse produite par leur contenu ou signification illusoire ou
effrayante. Une fois les éléments bêta transformés en éléments alpha – c'est-à-dire

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une fois qu'ils sont devenus psychiques – ils peuvent ensuite devenir saturés de
significations, acquérir un statut symbolique, être reliés à d'autres éléments mentaux
pour former des éléments narratifs et des chaînes associatives, etc. C'est ensuite qu'ils
acquièrent le statut de représentations et peuvent être utilisés pour former des pensées
et des idées qui peuvent être menées à la conscience ou refoulées dans l'inconscient
en raison de l'angoisse qu'ils suscitent.
Ainsi, la théorie de Bion de la fonction des éléments bêta et alpha est une
métapsychologie de la formation, de la structuralisation et de la croissance psychique.
O contient les graines de l'évolution psychique et de la croissance futures qui a lieu
par les processus initialement intersubjectifs (rêverie maternelle, contenant/contenu)
et dépendants de la présence d'un objet facilitateur, qui prête sa propre fonction alpha
à celle du patient, ou du jeune enfant, pour former un ‘couple qui pense’ plus efficace.
Une fois la fonction atteinte, soit par l'assistance d'un autre esprit ou l'introjection
d'une fonction alpha maternelle et le ‘couple qui pense’, alors le processus continu de
la transformation des éléments bêta en éléments alpha, qui produit ensuite ‘la barrière
de contact’ et l'inconscient dynamique, ou refoulé, de Freud, devient possible. C'est
un processus qui se déroule tout au long d'une vie. Ainsi, la psychanalyse est pour
Bion la sonde qui développe le même domaine qu'elle tend à explorer. Par ailleurs, la
constatation par Bion, que la fonction alpha peut être inversée, les éléments alpha
cannibalisés, évacués tels des fèces mentaux pour appauvrir l'esprit, et la barrière de
contact remplacée par un écran bêta rigide, contribue à une vision dynamique et
dialectique de l'esprit qui déploie ses efforts à maintenir l'ancrage développemental
qu'il a réussi à développer. Dans la déclaration paradoxale que Winnicott avait
prononcée en 1960, que « [...] un bébé, cela n'existe pas ! » (ibid. p. 587), l'on peut
remarquer à quel point la subjectivité et l'être inconscient de l'individu requièrent
l'existence d'un autre sujet et dépendent de la relation primitive avec l'environnement.
Un développement du concept de l'inconscient, orienté vers la relation, concerne
l'‘impensé connu’ de Bollas (1987), en un point de convergence avec les
neurosciences. L'impensé connu est constitué de traces silencieuses de l'inconscient
non refoulé et de résidus des interactions précoces de l'individu. Il représente une
forme relationnelle inconsciente profonde de connaissance qui imprègne ‘l'idiome’ et
l'être intégral de l'individu.
Bien que la pensée de Klein, ainsi que celles de Bion et de Winnicott aient été
vivement influentes partout en Europe et en Amérique latine, l’accueil spécifique
donné aux théories de Klein en Amérique du nord n’a pu être qu'uniquement
progressif et quelque peu idiosyncratique. Dans l’ensemble, jusque dans le milieu des
années 1970, les articles et idées kleiniens initiaux et contemporains n’étaient pas
enseignés dans les instituts nord-américains. Cet état de fait de la vie psychanalytique
est survenu en grande partie en conséquence des tensions irrésolues qui ont persisté
entre les disciples de Melanie Klein et Anna Freud, et de la circonstance fortuite que
tous les analystes qui se sont enfuis d’Europe et sont devenus importants en Amérique
du Nord fassent partie du camp de Anna Freud. En conséquence, jusqu'à une date

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relativement récente, il n’y a eu que peu de superviseurs formés ou d’analystes


enseignants kleiniens aux USA et au Canada. (L'une des exceptions surprenantes a été
le cas de Clifford Scott, citoyen canadien analysé par Melanie Klein et formé à la
Société psychanalytique britannique, qui ensuite y occupa le poste de président
jusqu'à son retour au Canada en 1954. Scott a laissé une forte empreinte à Londres et
sur trois générations d'analystes anglophones et francophones à Montréal.)
La situation a progressivement changé pendant les quatre dernières décennies,
alors qu'un certain nombre de kleiniens formés en Amérique du sud ont émigré aux
USA et au Canada, et ont occupé des postes d'influence dans leurs sociétés
analytiques locales.
Cette situation est devenue un obstacle à un véritable développement kleinien
en Amérique du Nord, aussi bien qu'une opportunité. Le manque de culture et de
tradition fortes de la pensée kleinienne des nord-américains a signifié que ceux qui
l'ont étudiée, et qui sont devenus adeptes et influencés par la pensée kleinienne, ont
probablement été plus libres de s'adapter et d'appliquer les idées kleiniennes et néo-
kleniennes que leurs autres collègues formés de manière plus orthodoxe dans les
autres régions. Parmi les exemples les plus notables figure James Grotstein, une
autorité reconnue dans le monde entier sur les travaux de Klein et Bion, qui a
développé leurs concepts d'identification projective par la notion de
‘transidentification projective’ (Grotstein, 2005, 2008), mais aussi Thomas Ogden
(1982, 1986, 1989), qui, en revanche a lui présenté sa propre synthèse créative des
travaux de Klein, Fairbairn, Bion et Winnicott dans son exploration des profondes
structures fluides de l'expérience (consciente et inconsciente) et de la connaissance.
C'est bien en raison de ces développements que de nombreux analystes nord-
américains semblent apprécier les concepts d'identification projective et/ou de
contenance (voir les entrées IDENTIFICATION PROJECTIVE et CONTENANCE),
même si ce n'est parfois qu'en tant que processus d'induction interpersonnelle
inconsciente.
Les kleiniens nord-américains ont poursuivi leur utilisation de la notion
kleinienne du fantasme inconscient en tant que complexe fondamental des
représentations animées des transactions souhaitées, craintes ou imaginées entre le
Moi et l'objet, qui constituent, structurent et informent le propre monde interne de
chacun. A juste titre, cela pourrait être qualifié de ‘(perspective) dramatique’ ainsi
que d'être un complément des perspectives plus classiques – les approches
dynamiques, topographiques, économiques, génétiques et structurelles – de la
métapsychologie freudienne. De ce point de vue, le fantasme inconscient joue un rôle
des plus importants dans la compréhension des comportements, des sentiments et du
caractère des patients, et le transfert peut s'interpréter comme une manifestation, ou
une externalisation, du fantasme inconscient et constituer la voie royale à sa
compréhension. Pour certains, cependant, une réserve a été émise en matière de
l’objection de Klein, qui considérait que cette idée pourrait potentiellement imputer
au patient le blâme du problème de contretransfert de l'analyste.

201
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C'est en partie parce que Bion a résidé pendant les nombreuses années de la
dernière partie de sa vie en Californie, que l'influence de sa pensée s'est installée aux
USA, où un groupe d'analystes américains a été exposé à ses enseignements. Ainsi
que Grotstein et Ogden, Harold Boris (1986, 1989) a également transmis la pensée de
Bion à Boston : autant de sources influentes de la pensée bionienne aux Etats-Unis
d'Amérique. Il semblerait que Bion ait décidé de vivre au États-Unis pour se libérer
des pressions inévitables que provoquent l'appartenance à un groupe, le groupe
kleinien de Londres, auquel il était devenu l'un des plus éminents collaborateurs.
Comme ses écrits le reflète, il pensait que cette appartenance à un groupe, et bien plus
encore la grande notoriété qu'il avait obtenue, produirait inévitablement des pressions
qui le mèneraient au conformisme et à l'inertie plutôt qu'à la constante création et
découverte de nouvelles idées. De cette tendance et de cette lutte entre le ‘mystique’
(individuel créatif) et ‘l'Ordre établi’ (le groupe), il en avait conscience, en était averti
et contre laquelle il s'était battu toute sa vie.
Le sens que l'influence de Bion avait pris en Amérique du Nord reflète ces
points de vue, car sur la question de créer une école ‘bionienne’, ou même de former à
sa façon d'analyser, il était inflexible. Cette position est caractéristique de ‘Bion’ dans
la dernière partie de sa vie : claire en ce qui concerne l'indépendance dans la pensée et
dans la recherche, dans la nécessité de la créativité et du changement, même face à la
mutation catastrophique qu'il pensait être provoquée par la croissance.
Le ‘tiers analytique’ de Ogden (Ogden, 1994), la ‘rêverie’ et la ‘pensée du
rêve éveillé’ de Bion (Bion, 1962), ainsi que la ‘transidentification projective’ de
Grotstein (2005, 2008) peuvent être considérées être des expansions de l'inconscient,
selon la théorie des relations d'objet, pour désigner l’attitude psychique de l'analyste
provenant directement de cette notion de l'inconscient. Ces expansions sont les clés de
voute de la rencontre analytique, que l'on peut signifier de ‘rencontre réciproque’
(Bion, 1978). De ce point de vue, la ‘transidentification projective’ de Grotstein
(2005, 2008, 2014), qui se réfère à l'aspect communicationnel inconscient de
l''induction mutuelle’, en relation à l'inconscient ‘binaire’, lequel fonctionne en
compensation mutuelle des processus symétriques primaires et asymétriques
secondaires, peut être reliée à la conception latino-américaine de ‘logique
inconsciente’ de Matte-Blanco (ci-dessous), alors que le concept d'inconscient en
expansion de Bion et d'Ogden est davantage impliqué et déployé par les théoriciens
de terrain notables que sont Antonino Ferro et Giuseppe Civitarese. Toutes ces
expansions (Grotstein, Bion, Ogden, Ferro, Civitarese) sont comprises dans la pensée
synthétique latino-américaine sur la ‘communication inconsciente’ (ci-dessous).
Ferro et Civitarese mettent en application ces développements des
conceptualisations de l'inconscient pour se différencier davantage de la technique
classique. Ferro (2004, 2009, 2016), qui conceptualise la séance analytique comme un
champ, considère que l'accent mis par Bion et Grotstein, sur le développement de la
capacité de penser la communication inconsciente, est primordial : « [ce] n'est pas une
question de faits historiques, ou de ramener au présent des choses du passé, au lieu de

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cela, l'accent est porté sur l'effort qui est investi à développer la capacité du patient,
ou plutôt du champ, à penser (rêver), au moyen aussi de la transformation en rêve de
manière constante de la communication du patient66 » (Ferro and Frangini, 2013, p.
371 ; l'aspect du champ ajouté à : Ferro and Civitarese, 2016). Civitarese (2014,
2015 ; Ferro and Civitarese 2016), quant à lui, a suivi l'invitation que Bion et Ogden
ont donnée à l'analyste, qui consiste à oublier les contradictions qui surviennent des
analyses rationnelles, pour être dans un état d'hallucination. Dans cette illustration de
la perspective ‘dramatique’ cité précédemment, afin d'être capable de voir ce que le
patient voit, Civitarese, en citant Ogden, soutient que « l'analyste doit prendre
sérieusement en compte toutes les impressions, les sensations et les idées qui rentrent
apparemment en conflit avec les aspects de la réalité matérielle, parce qu'elles
racontent une histoire différente de celle qui est apparente, une histoire qui pourrait
même être encore plus vraie » (Ogden, 2005, p.73), puisque « […] l'inconscient parle
avec la qualité du vrai, ce qui est différent de... plus riche que ce que l'aspect
conscient du soi est capable de percevoir et de transmettre [...]67 » (Ogden, 2003, p.
602). Les ‘personnages’ évoqués dans le ‘texte de l'analyse’, distribués dans leurs
rôles par le patient ou l'analyste, qui figurent en eux-mêmes et entre eux, sont perçus
éprouver des transformations constantes afin de permettre l'expression de ce qui
devient progressivement pensable dans le ici-et-maintenant de la séance (Civitarese &
Ferro, 2013 ; Ferro & Civitarese, 2016).

III. C. Perspectives relationnelles et la psychologie du soi : Deux courants


théoriques originaires de l'Amérique du nord

III. Ca. Les modèles relationnels du processus inconscient


La psychanalyse relationnelle est apparue aux Etats-Unis dans les années
1980. La théorie relationnelle situe son ascendance, son ADN, à Ferenczi (1949),
Balint (1952) et à la théorie de la relation d'objet, ainsi qu'aux dérivatifs de la théorie
du champ portée aux Etats-Unis par Heinz Racker (1957), et à l'école interpersonnelle
de Harry Stack Sullivan (1953). Cette lignée multiple porte en elle certaines
implications. Le phénomène/l'expérience inconscient(e) émerge dans un contexte
intersubjectif, dans un champ bipersonnel et dans une interaction duale ‘two-person’
dans laquelle une transmission inconsciente, à laquelle l'on peut s'attendre, se créée,
au sein du système dans lequel l'individu est inscrit. Cela apporte inaliénablement et
inévitablement des degrés d'incertitude et d'ambigüité à l'expérience. L'origine et le
lieu des expériences sont souvent impossibles à déterminer. Elles doivent rester
ouvertes dans un processus clinique, afin de pouvoir considérer et reconsidérer de qui
provient l'inconscient qui est en train d'opérer dans l'expérience d'une personne

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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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donnée. Le contretransfert dans ce sens est toujours induit et provoqué de manière


ambigüe : personnellement et par le dialogue, de manière intrapsychique et
intersubjective.
De par son fort intérêt dans les troubles traumatiques et sa trame dans
l'expérience consciente et inconsciente, la théorie relationnelle met davantage l'accent
sur la présence et le pouvoir des clivages verticaux plutôt que sur la superposition
horizontale des niveaux de conscience. La dissociation se présente dans des variétés
de clivage, depuis les clivages radicalement distincts et fermés jusqu'aux clivages
relativement poreux. La dissociation a été développée et approfondie par le travail de
Philip Bromberg (1994, 1996) ; elle comprend les clivages dans la conscience au
service du désaveu ou du rejet des contenus toxiques ou traumatiques, qu'ils émanent
de l'intérieur ou de l'extérieur de l'individu. Bromberg a également mis au point une
conception de la manière par laquelle la dissociation est en intersection avec
l'attachement, souvent hors de la conscience. L'individu (dont l'enfant assez jeune)
clive et ‘oublie’ des expériences qui mettraient en péril l'attachement à une figure
puissante et nécessaire. En un sens, l'intégration psychique est sacrifiée aux liens
fragiles vis-à-vis d'une autre personne.
Malgré la force d'une transmission bipersonnelle inconsciente, le processus
inconscient est doté d'un statut dans la sphère intrapsychique. C'est ici que l'influence
des relations d'objet sur la théorie relationnelle se fait sentir : l'expérience des mondes
internes, des objets internes vivants, mourants, toxiques ou bénins. L'intensité de la
conscience, la présence du clivage dans sa forme de fonctionnement psychique
dominante, dépend d'une série de facteurs individuels et externes/interpersonnels.
Ainsi, un analyste relationnel pourrait trouver utile de réfléchir en termes de la
présence de fantasmes inconscients, du point de vue de leurs schémas relationnels
significatifs avec des significations particulières, souvent inconscientes. Une des
luttes, et peut être tensions, inhérentes aux modèles de l'inconscient relationnel revient
à celles d'affecter une profondeur à la surface. La dimension intersubjective de
l'expérience (le dialogue, l'interaction) comprend les registres de l'expérience aussi
bien conscients qu'inconscients. L'un des aspects clé des modèles relationnels de
l'inconscient consiste à élaborer des phénomènes inconscients dans les expériences à
la fois internes et interpersonnelles. Cela donne un aperçu plus dialectique et moins
polarisé de l'interaction entre ce qui est interne/externe, interpersonnel et
intrapsychique.
Bien que de nombreuses différentes écoles analytiques s'inspirent du travail de
Jean Laplanche, en ce qui concerne le développement et l'organisation de
l'inconscient, pour les théoriciens relationnels, Laplanche (1999) donne un aperçu
intéressant en termes de l'émergence et de l'évolution de l'expérience inconsciente à
deux dans la rencontre complexe de l'enfant et de l'adulte en tant que situation
universelle. L'infant ressent les effets du désir et du souhait qui émanent du parent, en
un message énigmatique qui envahit et s’intrique aux états affectifs et somatiques de
l'esprit/corps de l'enfant. Des deux côtés, ces expériences peuvent être essentiellement

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ou uniquement inconscientes. Les messages énigmatiques, tels que Laplanche les


qualifie, apportent à l'enfant le désir de ‘l'autre’ et ce désir intrusif interagit avec le
désir qui émerge à l'enfant de l'intérieur. Un processus renouvelé de transposition
entraîne progressivement la constitution de la subjectivité et du désir inconscient qui
seront toujours à la fois individuels et intersubjectifs. Ruth Stein (2008), entre autres,
a été particulièrement attentive à l'impact de l'expérience inconsciente du caractère
excessif de ces ‘séductions’ énigmatiques.
Sam Gerson (2004) a donné une description succincte de 'l'inconscient
relationnel’ :
« [L']inconscient est non seulement le contenant du matériel refoulé qui opère
de manière sous-jacente pour protéger le patient de l’angoisse induite par le
conflit, il est également une aire d'attente dont les contenus attendent la
naissance au moment réceptif propice aux contingences de l'expérience en
évolution » (p.69). Quelques pages plus tard, il continue : « L'inconscient
relationnel, en un processus conjointement construit, que chaque individu
maintient dans la relation, n'est pas simplement une projection du self
inconscient, des représentations d'objet et des schémas interactionnels sur l'autre,
ni est-il constitué d'une série de ces projections réciproques et d'introjections
entre deux personnes. Au lieu de cela, comme c'est le cas ici, l'inconscient
relationnel est le lien non reconnu qui enveloppe chaque relation, l'imprègne de
l'expression et de la contrainte de la subjectivité et de l'inconscient individuel de
chaque partenaire, dans cette même relation particulière. Ainsi, l'inconscient
relationnel est un concept qui permet l'adhésion de la pensée psychanalytique sur
les phénomènes intrapsychiques et intersubjectifs dans un cadre théorique qui
contient chaque perspective et développe leur interconnectivité inhérente » 68
(p72).

III. Cb. Le processus inconscient : Une perspective de la psychologie du soi


contemporaine
La psychologie du soi (self psychology), autre théorie psychanalytique
moderne, accepte le postulat selon lequel l'activité psychique inconsciente a été
fondamentale en psychanalyse, dans la formulation freudienne de l'inconscient
dynamique et, plus récemment, dans la reconnaissance de l'apprentissage et de la
mémoire (inconscients ou conscients) implicites. La mémoire a élargi de façon
exponentielle le domaine du processus inconscient (Groupe d'études des processus du
changement de Boston, 2008 ; Clyman, 1991 ; Fosshage, 2005 ; 2011a ; Grigsby et
Hartlaub, 1994 ; Stern et. al. 1998, entre autres). Le processus inconscient et
conscient, qui comporte la perception, la catégorisation, la consolidation de la
mémoire et de l'apprentissage, la règlementation des priorités changeantes par rapport

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Citations traduites pour cette édition (N.d.T)

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à la motivation (les intentions) et l'affect, et la résolution du conflit, est toujours en


instance simultanée pendant nos périodes d'éveil. Les processus inconscients
continuent pendant le sommeil sous forme de rêves REM et non REM (Fosshage,
1997). Les processus inconscients et conscients sont toujours modelés de manière
variable par les champs relationnels dans lesquels ils émergent.
Comment accéder au processus inconscient ? Freud a développé la méthode de
l'association libre et s'est ensuite intéressé aux rêves comme « voie royale qui mène à
l'inconscient » (1900, p. 608). Les psychologues du soi ont mis l'accent sur les
composants inconscients du conflit et sur les défenses qui émergent de manière
latente dans les articulations conscientes. Plus récemment, les psychologues du self
ont élargi l'éventail de l'écoute, afin qu'en plus du conflit, ils puissent écouter les
communications verbales et non verbales explicites et implicites des intentions, des
significations et de la connaissance procédurale. L'écoute empathique se focalise
‘simplement’ sur l'acte d'entendre et de comprendre les communications à partir du
cadre de référence du patient. ‘L'empathie et le jugement’ s'interpénètrent (Goldberg,
1999) ; mais il est question d'être dans l'expérience de l'analysant et de procéder
autant que possible à des inférences et des évaluations, à partir du propre monde
expérientiel de l'analysant. L'utilisation de la perspective de l'écoute, du vécu ‘centré
sur l'autre’ permet de se connecter aux schémas d'interaction, généralement
inconscients (Fosshage, 2011b).
L'écoute empathique ne minimise pas l'importance du processus inconscient.
Bien au contraire, l'expérience clinique indique qu'un sentiment de sécurité est enrichi
par l'écoute attentive de l'analyste dans une perspective empathique, puisqu'elle va à
l'encontre de l'influence déstabilisante du point d’observation que l'analyste impose
(sans qu'il ne soit pour autant éliminé). Le besoin ultérieur, et amoindri, de protection
augmente l'espace réflexif du patient et facilite l'émergence, dans la prise de
conscience consciente, des intentions, mémoires, significations et processus
inconscients conflictuels (et non conflictuels), dont l'expérience non validée
(Stolorow and Atwood, 1992), l'expérience non formulée (Stern, 1997) et les schémas
d'organisation implicites (connaissance implicite). La connaissance (relationnelle)
implicite consiste en des interactions avec les soignants, elle est encodée dans la
mémoire procédurale et par conséquent ne peut être verbalisée (Stern et al. 1998).
L'expérience non formulée consiste en des expériences vécues pendant l'enfance, dont
l'accès à la conscience n'est pas permis car elle n'a pas été validée par les soignants
(Stern, 1997). L'inconscient préréflexif porte sur les principes organisationnels des
expériences subjectives dont l'origine se situe dans la première dyade intersubjective
et l'inconscient non validé ne peut en aucun cas être articulé à cause d’un défaut de
validation des objets-soi (Stolorow and Atwood 1992) La similitude entre les
définitions de l'expérience non formulée et l'inconscient non validé se trouve en
grande partie dans l'accent porté sur les réactions des soignants. L'inconscient ‘two-
person’ est construit dans la dyade elle-même (Lyons-Ruth, 1998, 1999).
Ainsi, la compréhension empathique dont fait preuve l'analyste semble rendre

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les frontières plus perméables et fluides entre le conscient et l'inconscient, l'explicite


et l'implicite, et permet davantage l'accès conscient aux sentiments, intentions,
pensées et interactions interpersonnelles auparavant inconscients.

III. D. L'inconscient dans la tradition française


La France postfreudienne a été le berceau d'une énergie et d'une créativité
théorique phénoménale. Les répercussions de cette explosion intellectuelle ont
impacté d'autres communautés francophones en Europe et en Amérique du nord. Les
traductions en anglais de ces travaux ont également influencé certains secteurs en
Amérique du nord et en Grande Bretagne. Restés partiellement à l'écart de la
perspective de la relation d'objet et préservant un point de vue de l'inconscient plus
proche de celui de Freud, les analystes français sont plus enclins à considérer que
leurs travaux sont une élaboration, un dialogue avec l'œuvre freudienne, même s'ils
partagent quelques suppositions générales en ce qui concerne le concept de
l'inconscient. Proches du point de vue topographique (la première topique) il y a, pour
les analystes français, une distinction absolue entre le préconscient, le conscient et
l'inconscient. De plus, l'inconscient ne peut être révélé par l'observation mais
uniquement inféré après l'évènement, qui le sera ainsi déduit, par après coup.
L'égo (le Moi) est tout autant défini par son ‘aliénation’ identificatoire, dans le
désir de l'autre, que par son aptitude à l'adaptation : ainsi, il est subjectif, bien plus un
soi qu'une créature de posture défensive, orientée vers la réalité, comme le décrit l'ego
psychology. Pour les analystes français, tout ce qui constitue le moi est considéré
émerger de l'inconscient. L'idée d'une sphère libre de conflit est inexistante. Le moi
est également composé d'objets inconscients et d'objets partiels. Alors que l'ego
psychology considère que l'analyste se doit de maintenir une certaine distance
constante par rapport au patient, les auteurs français, spécifiquement Bouvet et un peu
plus tard Green, McDougall et Roussillon, ont proposé au départ de garder une
approche flexible avec leurs patients, tout en prêtant une attention particulière à leurs
réactions vis à vis de la distance. De plus, et grâce à la grande influence de Jacques
Lacan, les analystes français ont porté leur réflexion sur la fonction de la parole et du
langage non seulement dans la situation analytique, mais dans sa fonction structurante
de l'inconscient.

Le célèbre dictum de Jacques Lacan (1993) selon lequel « l'inconscient est ...
dans son fond structuré, tramé, chaîné, tissé de langage »69 a influencé les générations
d'analystes ultérieures, qu'ils aient été opposés ou en accord avec cette idée. Un large
groupe d'analystes de la Société Psychanalytique de Paris, dont, entre autres, Pasche,
Marty, Lebovici, Diatkine, Fain, Braunschweig, McDougall, Green et Neyratt se sont
opposés à la théorie de Lacan et ont refusé de mélanger la pulsion et le langage. Pour
Lacan, l'inconscient n'est pas quelque chose de donné, en attente d'interprétation ; il

69
N.d.T. In: Le séminaire : livre III : Les psychoses (1955-1956), p 135

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est plutôt révélé dans l’acte, pour la plupart (mais non exclusivement) par un acte de
parole. Lacan a par ailleurs mis en garde contre le malentendu de considérer
l'inconscient comme n'étant que le siège pur et simple des instincts. Pour Lacan, le
terme inconscient concerne l'idée de savoir comment conceptualiser le sujet. Toute
son œuvre concerne en conséquence l'étude du sujet inconscient. Lacan (2004) a
remanié la terminologie freudienne des représentations par les signifiants, selon le
modèle du langage de Saussure. L’argument de Lacan était convaincant, dans son
insistance sur les possibilités combinatoires du signifiant, lesquelles déterminent
l'expression ultime des pulsions. Quelque chose (le refoulement) entrave l'expression
des signifiants qui circulent dans l'inconscient. Selon cette version, l'inconscient
consiste en des signifiants refoulés, qui a leur tour contrôlent l'accès aux dérivatifs des
pulsions. Cela présente un modèle de la psyché moins biologiquement réductionniste
et finalement plus culturellement sensible que celui où elle est censé être fondée sur
l’excitation des zones érogènes.
Aux USA, au moment même du célèbre séminaire de Lacan, l'accent était
davantage posé sur l'idée selon laquelle les fantasmes formaient le contenu de
l'inconscient. C'est ainsi que fut stimulée l'émergence d'un style différent de l'écoute
clinique attentive aux indications énonçant un fantasme déguisé sous le couvert de la
libre association. L'approche française a enseigné (de façon freudienne) que l'attention
de l'analyste devrait se poser sur les mots eux-mêmes et le non-dit entre eux. Par
ailleurs, la notion des défenses (autre que le refoulement) que l'on considère
nécessaires à ce que les signifiants demeurent dans l'inconscient, et bien sûr l'analyse
des défenses, autre que le développement novateur lacanien de la ‘forclusion’, est
moins proéminente dans la pensée française. Il a été reproché à Lacan d'avoir
transformé la psychanalyse en linguistique structurelle. Cependant, l'intérêt lacanien
n'est pas porté sur le langage en lui-même. Au contraire, ce qui est intéressant sont les
limites, là où le langage échoue. Selon Lacan, l'inconscient ne peut pas être identifié.
Il se révèle dans les traces qu'il laisse, surtout en son absence. Il a soutenu son
approche linguistique par l'idée que ce n'est que lorsque l'inconscient est mis en mots
que nous pouvons le saisir et en outre que l'inconscient fonctionne conformément aux
figures linguistiques de la métonymie et la métaphore.
Enfin, Lacan insiste sur la notion de l'inconscient en tant que discours, c'est-à-
dire le discours de l'Autre. L'inconscient est l'effet du signifiant sur le sujet. Le
signifiant est ce qui est refoulé et ce qui revient sous la forme de symptômes,
d'humour, d'actes manqués et de rêves. Le concept lacanien de l'inconscient a
cependant franchi un pas important quand il a retravaillé les trois registres de
l'Imaginaire, le Symbolique et le Réel, dans le « Séminaire XX », qu'il a entrelacés
dans les anneaux borroméens (Lacan, 1999). Cette supposition d'un conflit
intrapsychique, au moins pour Lacan, s'est vue remplacée par l'idée d'une articulation
entre ces trois registres. Une conséquence de taille s'est révélée dans une fissure du
concept de l'inconscient, une partie jusqu'à un certain point déchiffrable ou accessible
au langage conventionnel et l'autre partie qualifiée de ‘lalangue’, un terme inventé par

208
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Lacan pour préciser ce qui précède le langage de l'ordre symbolique. Ainsi nous
avons là deux types de connaissance : la connaissance du langage et la connaissance
de lalangue. L'inconscient-lalangue est fondamentalement situé en dehors du
symbolique mais nous affecte à un degré supérieur à notre connaissance énoncée.
Evans définit lalangue en un « substrat chaotique primaire de polysémie sur lequel
s’érige la langue » (1996, p. 97).

Un groupe d'analystes influencé par Lacan a tenté de développer le concept du


signifiant à ce qu'il englobe les signifiants au-delà du langage. Sur la base de ses
travaux avec les psychotiques, Piera Aulagnier (2001) a souligné les faiblesses du
concept de signifiant. Elle a proposé le concept de pictogramme qui se réfère à un
niveau de ‘représentation’ inconsciente et non-verbale de la rencontre corporelle de
l'infans avec le soignant (zones érogènes and leurs objets partiels) dans une ignorance
totale de la dualité dont elle est composée. Guy Rosolato (1969) a présenté le concept
de signifiants de démarcation avec le même objectif que celui de pointer sur les
signifiants en dehors du langage, et Didier Anzieu (1995) a créé le terme de
signifiants formels en support à sa théorie du Moi-peau. Même Jean Laplanche – l'un
de ceux qui avait systématiquement opposé l'idée que l'inconscient puisse être
structuré comme un langage – a proposé les termes signifiant énigmatique et
signifiant désignifié.
Là où les analystes ont adopté le concept du signifiant de Lacan, ils ont
transgressé son sens exclusivement linguistique et en cela sont restés plus proches du
concept freudien de l'inconscient. C'est ainsi que Laplanche (1999a), en opposition à
Lacan, soutenait que l'inconscient n'est pas structuré comme un langage, puisque ni
code ni message ne résident dans l'inconscient. L'inconscient consiste en des
signifiants isolés dépourvus de toute ‘référentialité’. Pour marquer une distance avec
le signifiant lacanien, Laplanche a changé l'appellation de ses signifiants
énigmatiques en messages énigmatiques. En substituant l'idée de refoulement de
Freud avec celle de ‘traduction’, Laplanche (1999b, 2011) a ouvert la voie vers une
explication intersubjective de la constitution de l'inconscient. En raison de l’activation
de sa sexualité inconsciente au cours des soins quotidiens qu'il ou elle apporte à
l'enfant, l'adulte transmet des messages énigmatiques. L'enfant traduira ces messages
aussi bien que possible. Ce qui est perdu dans la traduction constitue l'inconscient de
l'enfant. Parce que l'inconscient de l'adulte est de nature sexuelle, un sexuel infantile,
ce sexuel est ce qui sera transmis en énigme à l'enfant.
En se distinguant de Laplanche et d'autres qui étaient en faveur de la première
topique freudienne, André Green a explicité dans ses nombreux écrits que la seconde
topique est plus utile pour le travail avec les patients non névrotiques. En
conséquence, son approche par rapport au concept de l'inconscient a pris une tournure
légèrement différente de celles des analystes que nous avons jusqu'ici évoqués. Green
(2005), en se référant aussi à Freud, postule que l'inconscient-en-tant-que-système est
composé de représentations et d'affects qui excluent la sphère de la représentation de
mots et explique cela en ce que « l'inconscient peut uniquement être constitué d'une

209
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psyché qui échappe à la structuration du langage70 » (l'italique est du présent auteur,


2005, p. 99). Avec la proposition du Moi inconscient de Freud, le statut de
l'inconscient a été modifié ; (le Moi) n'est plus limité aux contenus du refoulé mais
exerce une influence sur sa structure même. Ce développement majeur dans la théorie
de Freud a ouvert le pas à d'autres modes de pensée, selon Green, étrangers au bon
sens ordinaire et que l'on trouve dans les structures non névrotiques

Dans le portrait de la psyché que Green dépeint, le facteur économique des


pulsions est essentiel : l'inconscient consiste en un réseau ramifié de dérivatifs de la
pulsion (de représentations de choses) en quête d'une voie de décharge. Les dérivatifs
de la pulsion sont-ils des représentations ou des présentations et sont-ils en mesure de
parvenir à une certaine figurabilité par le biais de l'esprit de l'analyste : ce sont là des
questions posées par une nouvelle expertise d'études freudiennes, de théorie et de
débats (Bottella, 2005, 2014 ; Kahn, 2013, 2014). La nature dynamique de ces
représentations (qui représentent une forme primaire de la pulsion) les dirige vers une
certaine action ou conscience. L'aspect dynamique des pulsions corporelles de
l'inconscient, recherche toujours une décharge, c'est ainsi que le choix de déterminer
les actions de l’individu, est source de résonance clinique quotidienne (Green, 2005).
Green (1973) a également influencé le développement de la théorie de l'affect, en ce
que l'affect représente une différente manière de concevoir la présence du corps dans
la parole.
Lacan (1959-60, p. 132) considérait que la poursuite de l'affect dans la
psychanalyse nord-américaine menait à ‘une impasse’, puisque la signification est
plutôt un effet du signifiant. Mais dans ses derniers séminaires (Lacan, 1999), il fit
référence, comme Freud, à ce qui n'était, ou ne pouvait pas être, représenté dans le
Réel (traumatique). Nous avons donc ici une conception de l'inconscient de Lacan,
que l'on considère comme l'absence de représentation, de ce qui ne peut être parlé :
des études majeures en France se focalisent récemment sur cette question.
René Kaës (1993) est l'un des auteurs qui a contribué à la conceptualisation de
cette dualité de l'inconscient. Il a développé dans ses écrits les ‘deux noyaux’ de
l'inconscient, l'un ouvert ou descendant vers le corps et l'autre connecté au groupe et
son réseau de signifiants. Les deux participent à la formation du sujet, c'est à dire à ce
que le sujet s'entretienne par l'actualisation de ces réservoirs inconscients de
sensations et d'idées accumulées. Botella et Botella (2005), sur la base de leur travail
avec des patients fortement traumatisés, ont continué le travail de Green en pointant
sur la non-représentation, qui résulte des traumatismes, très caractéristique chez ces
patients. Parce que ces traumatismes préverbaux sont inscrits, mais non-représentés
dans la psyché, ils préconisent la nécessité d'une nouvelle technique afin de les
incorporer dans le traitement psychanalytique. Afin de pouvoir aborder ces situations
de ‘souvenirs sans remémoration’, Botella & Botella (2005, 2014) ont en
conséquence présenté le ‘travail de figurabilité psychique’, qui incombe à l'analyste.

70
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

210
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Une autre facette de l'excellence contemporaine française est représentée dans


les études réalisées sur la qualité du ‘travail’ inconscient et la qualité de la relation
entre les systèmes inconscients et conscients (par exemple, Green, Botella & Botella
et Reid). Au début, Freud (1900) avait posé un marqueur important. Si, comme il
l'affirmait, le rêve avait longtemps été confondu avec son contenu manifeste, il était
tout autant crucial de ne pas le confondre avec le contenu latent. En fait, c'est le
travail du rêve qui constitue l'essence du rêve. De même, nous pourrions affirmer que
le travail de l'inconscient constitue la caractéristique essentielle de l'inconscient.
L'accent est ici porté sur l'inconscient en un système qui, au-delà de ses contenus
spécifiques, dispose d'une logique hétérogène au système Pcs-Cs (voir aussi LA
LOGIQUE INCONSCIENTE ci-dessous). En fait, il manque à l'inconscient un indice
de réalité : la réalité de la pensée est assimilée à l'impact effectif que la réalité externe
exerce, le désir ainsi assimilé à sa réalisation (Freud, 1911). Le processus primaire est
gouverné par l'hallucinatoire : l'hallucinatoire est la première modalité de
l'investissement de l'Inconscient en tant que système. En revanche, le système
conscient-préconscient fonctionne sous l'égide de processus secondaires et tend à
intégrer l'épreuve de réalité. Selon Green, Botella et Botella, Reid et d'autres, le
processus hallucinatoire constitue la première forme du travail d’investissement de
l'inconscient. Le fonctionnement psychique du premier topique (topographique)
freudien est en fait la conséquence d'une longue période de dépendance et
d'interaction vis-à-vis de la psyché des soignants, un développement qui idéalement
conduit à l'heureuse articulation entre l'Ics et les systèmes Pcs et Cs. Cette articulation
se définit par des mouvements d'opposition et de collaboration, que la semi-
perméabilité des frontières rend possible et qui donne une base solide, mais pas trop
rigide, au refoulement. Freud a détaillé cette relation d'opposition/collaboration sans
pour autant en avoir élaboré des hypothèses quant à la genèse, ou à la construction, de
cette relation.
C'est à ce moment critique que Winnicott est censé avoir repris le flambeau,
par sa découverte de la transitionnalité, lors de ses recherches sur la genèse de
l'épreuve de réalité. Dès lors, l'épreuve de la réalité est inscrite dans le cadre d'une
relation paradoxale entre la psyché et son environnement. Les processus
transitionnels entraînent une nouvelle modalité dans l'investissement inconscient qui
rejoint le mode hallucinatoire à des indices de réalité. Dans la transitionnalité, l'objet
suffisamment bon est à la fois la mère et pas la mère. La transitionnalité à la fois
rassemble et sépare les processus primaires et secondaires. Cette forme transitionnelle
de fonctionnement, ou ‘travail’ inconscient (l'alliance du mode hallucinatoire et de
l'épreuve de réalité) ouvre la voie à la passerelle flexible et les concessions mutuelles
qui ont lieu entre les systèmes Pcs et Cs. Dans ce contexte, le refoulement devient le
mécanisme de défense principal, qui empêche (par retour déguisé du refoulé) et
facilite le va-et-vient du contenu psychique. Dans le cas d'un environnement précoce
inadéquat, au lieu du refoulement, la psyché va dépendre essentiellement du
mécanisme du clivage du moi, en une situation de pure opposition entre l'Ics et le Pcs-

211
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Cs. Ce type de fonctionnement psychique est présent dans les registres non-
névrotiques.
Tout ce travail confirme le postulat du lien intime entre l'inconscient et la
pulsion dans la théorisation contemporaine française. L'examen approfondi de la
‘construction’ de la pulsion à partir des réflexes physiologiques de base est également
un thème important. Ainsi, la pulsion est muable, en transition perpétuelle, elle
prolifère dans toute l'activité mentale (‘mentation’) et se créée de nouveau dans
certaines expériences subjectives. L'environnement des premiers soins apportés à
l'enfant est censé tenir un rôle crucial dans l'élaboration et l'évolution des contenus
ainsi que dans les processus des opérations inconscientes de l'individu. C'est ainsi que
lors des plus archaïques manifestations, l'inconscient n'est jamais constitué d'une
énergie instinctuelle strictement débridée, mais plutôt de pulsion intimement marquée
par la dépendance humaine vis-à-vis des autres adultes spécifiques, dont il en contient
les traces. Ainsi Aulagnier (2001) précisa « pour que les perceptions et les
expériences sensorielles de l'infans, ainsi que ses sentiments de plaisir et de douleur
deviennent représentables psychiquement […] il est essentiel [qu'elles] soient
libidinalement investies par la psyché maternelle71 » (p xxi). Elle remarqua également
que son point de vue est similaire à la rêverie maternelle de Bion. Laplanche (1999) a
proposé le concept ‘d'intromission’ en contraste à ‘l'implantation’ pour décrire la
transmission violente de la sexualité inconsciente non atténuée par le refoulement et
l'élaboration secondaire chez l'adulte. Une autre conceptualisation analogue qui prend
en compte la qualité de la présence parentale dans la construction de l'inconscient est
celle de Christophe Dejours (2001). Lorsque le soignant attaque le processus de
pensée de l'enfant, la capacité de refoulement est mise hors d'état, selon Dejours, ce
qui engendre un inconscient ‘amential’ (sans pensée), qui est dépourvu de la
générativité associative et élaboratrice de l'inconscient refoulé.
Une nouvelle tournure en ce qui concerne la connexion entre l'inconscient et la
représentation se faufile avec l'analyste canadien francophone Scarfone (2016a, 2016b
en cours de publication) qui souligne que la langue anglaise comporte les deux mots :
‘consciousness’ (conscience, connaissance) et ‘awareness’ (conscience dans le sens
de ‘prise de conscience’). L'étymologie du terme nous renseigne que la partie ‘ware’
de ‘awareness’ se réfère à ce qui n'est pas perdu de vue. Mais la conscience
‘awareness’ semble n'être qu'un premier pas en direction de la conscience, en ce que
l'on peut être conscient de quelque chose sans pour autant comprendre pleinement en
quoi nous le sommes. Etre ‘conscient’ pleinement demande de la conscience
‘awareness’ + la signification de ce en quoi nous sommes conscients. Selon
Wittgenstein, la signification c'est l'usage. Par conséquent nous pourrions dire que
d'être conscient signifie avoir un certain usage, dans les mots ou dans les faits, de ce
en quoi nous sommes conscients. A l'inverse, le terme ‘inconscient’ désigne ce qui
réside à l'intérieur ou à l'extérieur de la conscience (awareness) mais pour lequel nous
en avons aucun usage volontaire, ni en pensée ni en fait.
71
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

212
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Encore un autre sujet d'étude chez les analystes francophones concerne la


temporalité spécifique à l'inconscient. Pontalis (2001) décrit l'inconscient en ce temps
qui ne passe pas. Dans la même veine, Green a également développé les temporalités
multiples qui résident dans le même sujet, et particulièrement les « états dans lesquels
la conscience (et pas uniquement l'inconscient) semblent ne pas connaître le temps –
qui vivent dans un éternel présent, incapables de faire usage de leurs expériences
passées » (2002, p 64) 72 . Une autre contribution dans ce domaine nous vient du
Canada francophone, où Scarfone (2006) stipule que la psychanalyse ne consiste pas
en une attention donnée au passé, mais plutôt à ‘l'impassé’ de l'individu, un temps
« actuel où ce qui a lieu sont des présentations plutôt que des re-présentations, des
actes (Agieren) plutôt que des pensées » (italiques de l’auteur, p. 827)73.

III. E. Les développements et conceptualisations analogues latino-américains


Une tradition kleinienne forte de la psychanalyse latino-américaine, que les
contacts proches avec le groupe kleinien britannique du début des années 1940 ont
favorisé, de même qu'un accès précoce aux traductions espagnoles de l'œuvre de
Freud dans les années 1920 (Lopez-Ballesteros, 1923), ont conduit à ces
conceptualisations synthétiques originales que sont la ‘logique inconsciente’ et ‘la
communication inconsciente’, dont l'influence s'est répercutée sur les trois cultures
psychanalytiques.

III. Ea. La logique inconsciente


Comprendre la logique de l'inconscient est pour l'analyste un outil
fondamental à chaque instant, elle est l'essence de la psychanalyse. Cet outil est en
effet indispensable pour comprendre l'expression psychotique des patients. Freud
(1900) fut le premier auteur à étudier la logique inconsciente dans L'interprétation des
rêves où il précise ce qu'il a qualifié de ‘processus primaire’, la logique de
l'inconscient, qui est constituée de : 1) l'absence de contradiction mutuelle parmi les
représentations des différentes pulsions ; 2) le déplacement ; 3) la condensation ; 4)
l'atemporalité et 5) la substitution de la réalité psychique à la réalité externe. Freud a
continué à développer ce thème dans plusieurs autres textes : « Formulations sur les
deux principes du fonctionnement psychique » (1911c) ; « Un cas de paranoïa »; « Le
Moi et le Ça » (1923a) ; et « Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse »
(1933).
Le travail de Freud a incité Matte-Blanco à préciser dans l'ouvrage « The
Unconscious as Infinite Sets » (1975) (« L'inconscient en tant qu'ensembles infinis »)
que : « La découverte fondamentale de Freud n'est pas celle de l'inconscient, même

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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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pas au sens dynamique de ce terme (mise à part son importance) mais celle d'un
monde qu'il appela malheureusement l'inconscient – dirigé par des lois entièrement
différentes de celles qui gouvernent la pensée consciente. Il ne fut pas le premier à
parler de l'inconscient et, dont des connaissances à ce propos s’étaient développées
avant lui, mais il fut le premier à faire la découverte de cet étrange ‘Royaume de
l'illogique’, soumis, quoique illogique, à des lois précises qu’il découvrit en un extra-
ordinaire coup de génie. ». Dans une étude des travaux de Matte-Blanco, Henry Rey
(1976, p.491) constatait que : « Matte-Blanco était extrêmement concerné, de ce qui
semblait être sa première préoccupation, de la tournure que la notion d'inconscient
avait prise dans les écrits de Freud et chez d'autres psychanalystes. ‘L'inconscient’, au
départ considéré comme un aspect vivant de la personnalité avec des activités
gouvernées par certaines lois, a été reclassé à la simple qualité d'être inconscient ».
En ramenant les conceptions de Freud à des propositions mathématiques,
Matte-Blanco a développé le concept de la logique inconsciente (bi-logique),
gouvernée par deux principes : 1) Le principe de généralisation, selon lequel la
logique de l'inconscient, contrairement à la logique du système conscient, ne
considère pas les individus comme des unités, mais des membres de groupes toujours
plus grands (classes, ensembles). Le déplacement a lieu selon ce principe ; 2) le
principe de symétrie, qui requiert de l'inconscient qu'il traite le contraire/revers de
chaque relation de la même manière, comme s'ils étaient toujours à l'identique.
L'intemporel est une conséquence de ce second principe. Les deux principes opèrent
par la condensation et l'absence de contradiction. Il précisa que ce ‘domaine de
l'inconscient’ était pour Freud la véritable réalité psychique. Dans ce domaine, l'esprit
fonctionne par une bi-logique, par le fonctionnement simultané du principe
d'asymétrie en termes d'individus et de leurs différences, qui définit la logique
quotidienne et les fonctions de pensée scientifiques, la conscience et le processus
secondaire de Freud, ainsi que le principe de symétrie, qui gouvernent le processus
primaire freudien. Pour Matte-Blanco, le déplacement est à la base de la projection,
de la sublimation, du transfert, du retour du refoulé et de la division des objets. Dans
le cas d’un individu en état de déplacement, l'objet vers lequel il opère un
déplacement, est conçu comme un élément d'une classe doté d'un attribut spécifique,
qui peut ne pas être apparent à sa pensée consciente, mais qui l'est à son inconscient.
Ainsi, si quelqu'un perçoit en son chef un père dangereux, nous pourrions dire,
en termes de logique symbolique, que son inconscient traite son chef et son père
comme les éléments d'une, et d'une même, classe : ils sont identiques
inconsciemment. Toute structure de tout système est un ensemble ; une classe est un
ensemble de tous les individus qui possèdent les attributs et les qualités par lesquels la
classe est définie. Lorsqu'un ensemble est infini, dans ce sens qu'énumérer ses
éléments ne peut prendre fin, ainsi la partie devient équivalente à la totalité : c'est ce
qui a lieu dans la logique symétrique et dans l'opération de l'inconscient.
Les structures bi-logiques de Matte-Blanco stratifient l'éventail de la vie
psychique en des niveaux différenciés par la présence plus ou moins grande des

214
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modes de processus de pensée asymétriques-divisibles et symétriques-divisibles.


Cette conceptualisation inclut les travaux ultérieurs de Freud sur l'inconscient non
refoulé dont les caractéristiques primitives et irrationnelles marquent l'opération du
Ça (1923a, 1926) et sont constituées des mêmes attributs, assignés auparavant au
processus primaire et à l'inconscient en tant que système.
Sur la base de l'évolution de la pensée de Freud sur l'inconscient, Matte-
Blanco continua de reformuler, sous l'angle de la logique mathématique, les lois de
l'inconscient et de les contraster avec les lois de la logique scientifique d'Aristote,
imbriquées dans l'activité psychique consciente (processus secondaire). A son point
extrême, la logique symétrique de la plus profonde strate de l'inconscient structurel
non refoulé constitue un indivisible mode d'existence symétrique, hors de l'espace et
du temps. De ce fait, il put développer le problème de l'espace psychologique et de la
multidimensionnalité dans le contexte de la notion de l'objet et du monde interne
passé, présent et futur. Pour Matte-Blanco, les faits psychiques hors de l'espace et du
temps, ce que Freud qualifiait de télescopage, sont l'expression de la logique
inconsciente faisant du tout l'égal de toute partie la contenant et vice-versa. Dans son
nouvel examen de « Un cas de paranoïa » de Freud (1911a), Matte-Blanco a formulé
les contrastes de Freud entre l'intérieur et l'extérieur, la réalité psychique de la réalité
physique.
Dans son examen de l'ouvrage « The Unconscious as Infinite Sets : An Essay
in Bi-Logic », Henry Rey (1976) a donné un exemple clinique de l'utilité des idées de
Matte-Blanco pour comprendre la construction de la pensée psychotique, au sujet d'un
exemple évoqué par Matte-Blanco, à propos d'une femme schizophrène. Une fois le
sang prélevé de son bras, la femme atteinte de délires, s'est plaint que son sang avait
parfois été prélevé de son bras et que d'autres fois son bras avait été pris. Ceci est un
exemple typique et très connu de la pensée schizophrénique : l'équivalence identitaire
et la complète réciprocité et l'interchangeabilité et de la partie et de la totalité.
Le second livre de Matte-Blanco : « Thinking, Feeling and Being » (1988)
(« Penser, ressentir et être ») présente une autre évolution de ses idées sur
l'inconscient, ses lois et leur application dans le travail psychanalytique. L'infinité de
l'inconscient et la notion des combinaisons dans des proportions différentes de pensée
asymétrique et symétrique qui reflètent une stratification des niveaux entre le
conscient et les plus profonds niveaux de l'inconscient, ouvrent la voie à une nouvelle
compréhension de la psyché. Le plus profond de l’inconscient, que Freud considérait
insondable, est essentiellement symétrique, où tout est égal à tout le reste. Cela
constitue le ‘mode indivisible’ absolu. La pulsion de mort de Freud peut ainsi être
reformulée en la cessation de la pensée : si tout est égal à tout le reste, il ne peut y
avoir de pensée. A l'inverse, si dans un état d'asymétrie absolue, tout est différent de
tout le reste, et aucune connexion et association n'est possible, les objets sont fermés
dans une catégorie d'unicité et aucun processus de pensée ne peut avoir lieu non plus.
Selon la conclusion de Matte-Blanco, les processus psychiques peuvent uniquement
avoir lieu lorsque les processus de pensée asymétriques et les processus symétriques

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sont présents. Les concepts que sont le Conscient et l'Inconscient sont reformulés en
termes de bi-logique et de stratification de l'esprit. Cela a conduit Matte-Blanco à
explorer de manière exhaustive le concept kleinien d'identification projective en
termes de logique symétrique. Selon cet angle, l'identification projective est une
manifestation bi-logique de la pensée symétrique et asymétrique.
Les idées de Matte-Blanco sur la symétrisation et l'infinitisation sont
explicitées cliniquement par Erick Rayner (1981, 1995a, 1995b) qui a fondé le
Groupe bi-logique de Londres. Son travail d'élucidation et de développement de la
théorie des émotions de Matte-Blanco, et de sa théorie de la logique inconsciente, l'a
mené à écrire sur la symétrisation dans le domaine des sentiments, où le sujet et
l'objet tendent à devenir indifférenciés ou réversibles et où les affects tendent à
’s'infinitiser’. La symétrisation ne peut permettre aucun développement psychique et
la conséquence évidente est celle d'un processus d'infinitisation, une répétition sans
fin.
En exemple d'une infinitisation de la symétrisation, serait le cas des
impulsions érotiques qui s'infinitisent sous la pression d'angoisses intenses : un
homme impliqué dans une succession de frénésie sexuelle, ou simultanée, avec un
groupe de femmes, remplaçant fébrilement les précédentes rencontres passionnées
avec la dernière femme de ‘l'ensemble’ par des nouvelles femmes. Après l'extase,
lorsque la fusion totale est atteinte, il repart rapidement rencontrer la prochaine
femme et à ce niveau de symétrisation, les femmes sont interchangeables. Lui-même
se retrouve dans une sorte de trance infinitisée, de type hypnotique, sur la beauté
féminine, qui est vécue de manière mutuellement enrichissante. Un examen plus
approfondi révèle que cette structure érotique sert d'exutoire vital en raison
d'angoisses claustrophobes intenses qu'il éprouve dans ses activités professionnelles et
dans sa vie maritale. Mais aussitôt l'extase jouissive terminée, la femme qui y est
impliquée devient un autre objet claustrophobique. Une étude clinique de ces
infinitisations de symétrisations soulève la symétrie du rôle de la proie et du
prédateur qui progressivement mène à l'abandon de la centralité de la frénésie
érotique à des relations plus tranquilles et des états d'esprit plus confortables.
L'infinitisation est aussi une compulsion de répétition, mais elle porte un lien plus
direct avec l'expression instinctuelle, un domaine de non pensée.
Le concept de Matte-Blanco de logique inconsciente concerne la strate la plus
profonde de l'inconscient, la racine de la psyché, l'inconscient structurel non refoulé,
connecté profondément aux sensations somatiques. Dans ce contexte, il est considéré
être relié à des conceptualisations telles que celles d'Armando Ferrari (l'éclipse du
corps) (Lombardi, 2000) et des processus transformatifs de Bion (1962), qui tous
mettent l'accent sur la difficulté structurelle de penser face à la poussée troublante
biopsychologique des émotions. La pression qu'exerce le corps sur le fonctionnement
psychique constitue les premiers éléments structurels de l'infinitisation, comme une
trace psychique en contact avec le corps. La notion de la trace mnésique de Freud
nous mène au « Project for a Scientific Psychology » (1895) (« Esquisse d'une

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psychologie scientifique ») où nous pouvons y trouver également la notion de


l'inscription, de la répétition et de ‘bahnung’, que l'on peut traduire en ‘frayage’
(acheminement). La trace est la première impression somatique.
Lombardi (2008 p. 713) écrit que : « Nous souhaitons par là nous interroger
une fois de plus sur la manière dont l'inconscient et l'infini trouvent leurs racines dans
l'expérience primitive du corps ». Et « ainsi, la recherche de Matte-Blanco se focalise
sur le fonctionnement de la logique qui caractérise la pensée et le langage constituée
d'éléments motivant l'échange analytique, à l'épicentre du traitement dans les cas de
troubles graves74 » (p. 711). Lombardi (p.709) ajouta que l'absence des relations dans
la structure de la pensée, la coexistence de la pensée et de la non pensée, la présence
et l'absence de temps et la désintégration-confusion de l'espace/temps sont des
propriétés de la logique inconsciente.
Les implications techniques du travail de Matte-Blanco se situent en
particulier dans la reconnaissance des niveaux profonds du fonctionnement
psychique, un processus de rêverie (Bion, 1962) et des formes différentes de ‘holding’
(Winnicott, 1971) qu'il serait nécessaire de précéder aux approches interprétives
systématiques. Cette phase initiale pourrait être nécessaire afin que le sujet/analysant
puisse se confronter à des interprétations, qui nécessitent de la tolérance et de
l'asymétrie, et pour qu'il en éprouve ainsi une avancée (symbolique/métaphorique)
émotionnelle significative, somme toute pas très périlleuse. Florence Guignard
(1995), considère que la conceptualisation de l'inconscient, selon Matte-Blanco, est
une manière de ramener « les éléments structurels et développementaux pulsionnels
de l'infantile dans la relation analytique » (p.1083)75.
En somme, la théorie de logique inconsciente de Matte-Blanco (bi-logique,
logique symétrique) explore de manière microscopique les plus profonds niveaux
psychiques. Dans cette théorie, deux logiques irréconciliables déterminent, à des
degrés différents, tous les processus psychiques : l'une est asymétrique et caractérise
le système conscient et se base sur le principe de non contradiction, alors que l'autre
est la logique symétrique infiniment généralisable de l'inconscient. La logique
asymétrique différencie les objets dans des ensembles de plus en plus individualisés et
détermine la pensée scientifique. Les propriétés du système inconscient selon Freud
(l'intemporel, le déplacement, la substitution de la réalité externe par la réalité
psychique, le manque de contradiction entre les deux pulsions et la condensation) sont
considérées résulter de ces deux principes qui gouvernent la logique de l'inconscient.
La pertinence de la théorie sur la bi-logique de l'inconscient, de Matte-Blanco,
pour la psychanalyse contemporaine, a été progressivement largement reconnue
(Grotstein, 2000 ; Guignard, 1995 ; Keene, 1998 ; Newirth, 2003). Si l'on considère
l'inconscient primitif comme une forme de discours/symbolisation/logique qui lui est
propre, il peut être reconnu comme un générateur raffiné de codes symboliques qui

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utilise la bi-logique pour créer son message, et qui peut devenir source potentielle de
croissance et de rétablissement.

III. Eb. La communication inconsciente

La première référence à ce thème dans la littérature psychanalytique a été faite


par Freud (1912b) dans son article « Recommendation to Physicians Practicing
Psycho-analysis » (« Conseils aux médecins sur le traitement analytique ») :
"[L'analyste] doit orienter son propre inconscient comme un organe réceptif vers ce
que transmet l'inconscient du patient. Il doit s’ajuster au patient comme l’écouteur
d’un téléphone est ajusté au microphone qui émet. Tout comme l’écouteur convertit
en sons les ondes d’oscillations électriques de la ligne téléphonique mises en
mouvement par des sons, l’inconscient du médecin est capable de reconstruire, à
partir des dérivés de l’inconscient qui lui sont communiqués, l’inconscient qui a
déterminé les associations libres du patient. » (p. 115-116). Il revint à ce thème dans
« The Unconscious » (1915c), (« L'inconscient ») : « Fait très remarquable : l’ICS
d’un être peut réagir sur l'ICS d’un autre être, en éludant le CS. Voilà bien qui mérite
d’être étudié plus à fond, surtout en ce qui concerne la question de savoir s’il n’y a là
aucune manifestation d’activité préconsciente. Quoi qu’il en soit, la constatation du
fait est indéniable. » (p.194). Suite à cela, Freud ne repris plus ce thème, mais Sandor
Ferenczi a soulevé l'importance de la personnalité de l'analyste pour le développement
de la communication inconsciente fondamentale pour déterminer les caractéristiques
idiosyncrasiques de chaque processus psychanalytique. Dans son journal clinique
(1932 pps 31, 45, 107 et 109), cet auteur a abordé ce qu'il a qualifié de ‘véritable
contretransfert de l'analyste’, c'est-à-dire la participation affective de l'analyste dans le
processus analytique : « Le rêve d'un patient deux jours plus tôt prédisait une
importante révolution allemande, ce serait en fait l'intuition de ma répugnance contre
la souffrance76 » (Ferenczi, 1932, p. 91) Green (2008), à la lecture de son journal,
considérait que Ferenczi était le précurseur de la psychanalyse moderne. Zimmerman
(2008) dans son vocabulaire de psychanalyse contemporaine précise que Ferenczi
considérait que la personnalité de l'analyste est un instrument de guérison analytique.
Freud ainsi que Ferenczi étaient fascinés par les possibilités de la télépathie.
Ces idées ne firent aucun écho jusqu'à l'ouvrage publié Listening with the
Third Ear (1948) (Écouter avec la troisième oreille) de Theodor Reik. Reik a fait un
pas significatif au regard de la communication inconsciente quand il a écrit :
« L'analyste entend non seulement ce qui est dans les mots ; il écoute aussi ce que les
mots ne disent pas. Il écoute avec la ‘troisième oreille’, écoutant non seulement ce
que le patient dit, mais aussi sa propre voix interne, ce qui émerge de ses propres
profondeurs internes... Ce qui est dit n'est pas la chose la plus importante. Il nous
semble plus important de reconnaitre ce que la parole dissimule et ce que le silence
révèle » (ibid. pp. 125-126). Il ajoute ensuite que « […] les niveaux inconscientes ne
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sont pas saisis directement. L’intermédiaire est le Moi, dans lequel l'inconscient de
l'autre personne est introjecté. Afin de comprendre l'autre, nous n'avons pas à chercher
à atteindre son esprit mais à le sentir inconsciemment dans notre Moi » (ibid. p. 464),
puis : « Je disais que ces impulsions inconscientes dans un esprit induisent des
impulsions similaires dans l'autre : dans ce cas dans l'analyste77 » (ibid. p. 468).
Cependant, une grande contribution à la compréhension de la communication
inconsciente a eu lieu lorsque Klein a découvert le mécanisme d'identification
projective, qu'elle a développé dans ses écrits en 1946. Assimilé initialement au
fantasme du patient, le concept a été développé davantage par plusieurs auteurs :
Bion, Heimann, Racker et d'autres. Dans ce fantasme, le patient dépose dans la
psyché de l'analyste quelque chose en lui-même qu'il ne peut tolérer, ainsi, il se libère
temporairement de cet aspect de sa personnalité. Bien que l'effet ne soit que
temporaire, le patient peut se débarrasser du contenu, mais aussi d'une partie complète
de lui-même ce qui résulte en un appauvrissement, de son esprit vidé.
Dans « Attacks on Linking » (1959), (« Attaques contre la liaison »), Bion a
précisé ce concept dans son aspect communicatif entre l'analyste et le patient. Un
processus d'interaction entre les deux psychés s'ensuit : une intention de la part de
l'analysant de produire un effet sur la psyché de l'analyste. Dans « Learning from
Experience » (1962), (« Aux sources de l’expérience »), Bion est allé encore plus loin
en proposant le concept d'identification projective réaliste où l'analyste est
véritablement affecté par l'identification projective du patient. Sur ce point, Ogden
remarque que (1980, p. 517) : « implicitement, l'identification projective est un
concept qui porte sur l'interface de l'intrapsychique et de l'interpersonnel, c'est-à-dire
la manière dont les fantasmes d'une personne se communiquent et exercent une
pression que l'autre doit porter. »78 Il convient de souligner que si le travail de Klein
sur l'identification projective s'est porté sur son aspect fantasmatique, selon elle les
pulsions sont, dès le tout début, en quête de l'objet. De cette façon, sa théorie a semé
une graine pour le développement par le travail de Bion, sur l'aspect communicatif de
l'identification projective. Une connaissance instinctuelle implicite de l'objet existe et
la pulsion la recherche. Le travail de Bion sur la fonction alpha, la rêverie, le
contenant-contenu et le travail du rêve ont esquissé les mécanismes inconscients dans
la psyché de la mère. C'est ainsi que s'est nourrit notre connaissance de son rôle
facilitateur, et celui de l'analyste, sur le développement de la capacité du nourrisson-
patient à penser, afin qu'il puisse apprendre de l'expérience. Les idées de Bion ont
tracé l'interaction entre la psyché et celle des autres.
En parallèle à ces développements, le concept d'identification projective a
contribué à notre vision du contretransfert, en ce qu'il n'est pas seulement une
manifestation de l'analyste, comme Freud l'évoquait, mais un outil essentiel à la
compréhension du matériel analytique. Dans ce sens, les articles de Paula Heimann

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and Heinrich Racker ont posé des jalons d'influence (voir aussi les entrées
CONTRETRANSFERT (LE) ET IDENTIFICATION PROJECTIVE (L'). Puisque,
selon Heimann (1950), le contretransfert est l'aboutissement du désir inconscient de
transfert que le patient exerce sur l'analyste, de ses affects, qu'il n'est pas en mesure de
reconnaître, l'analyste travaille son contretransfert pour y révéler un insight. Pour
Racker (1953), la source principale des sentiments de l'analyste provient de la psyché
du patient qui transforme le cadre en un champ bipersonnel. Racker précise ce
concept ‘d'identification concordante’ dans laquelle l'analyste introjecte les différents
objets du monde interne du patient, lui permettant de se mettre à la place du patient.
C'est un élément essentiel à la compréhension empathique, qui permet également au
psychanalyste de ressentir ses propres émotions. La différentiation entre les deux
protagonistes est préservée. Par contre, le concept d'identification complémentaire de
Racker, dans lequel l'analyste et le patient communiquent par identification projective
réciproque, signifie que le psychanalyste projette sur son patient. En conséquence, le
processus culmine en énaction. En 1962, Grinberg a proposé le concept de
‘contridentification projective’ pour décrire l'impact de l'identification projective de
l'analysant sur la subjectivité de l'analyste. Lorsque cet effet est majeur, la réaction de
l'analyste est considérée être déterminée par l'identification projective du patient,
indépendante de ses propres conflits. Grinberg a étudié la nature de la relation interne
de l'analyste avec les objets internes du patient qui lui sont projetés.
Les développements décrits dans l'étude de la communication inconsciente
par le transfert et le contretransfert ont conduit à ce que le champ bipersonnel de la
relation analyste-patient, fondamentalement subjectif, soit conceptualisé. Cependant,
le terme est utilisé pour signifier une compréhension très différente. Lawrence Brown
dans « Intersubjective Processes and the Unconscious » (2011) (« L'inconscient et les
processus intersubjectifs ») a précisé que « le terme intersubjectivité est souvent
associé à l'école relationnelle américaine 79 » que Green (2008) avait qualifié
d'épidémie en Amérique du Nord. Cependant, Grotstein (1999) et Brown (2011)
déclarent que le contretransfert a été converti en intersubjectivité, ce à quoi Brown
ajoute : « De plus, l'intersubjectivité est un processus de communication inconsciente,
de réceptivité, de construction de sens de la part de chaque membre de la dyade, pour
y introduire un sens propre au champ émotionnel partagé qui interagit avec la fonction
analogue du partenaire80 » (Brown, 2011, p. 7).
Le concept de champ analytique de Brown dont il est question trouve ses racines
dans les travaux de Baranger et Baranger : « The Analytic Situation as a Dynamic
Field » (1961) (« La situation analytique comme champ dynamique ») publié de
nouveau en espagnol en 1968 et traduit en anglais seulement en 2008. Cette
innovation théorique fondamentale n'a été connue de la communauté psychanalytique
que récemment. Baranger et Baranger avaient décrit leur projet ainsi : « Cet article
aborde les conséquences de l'importance que les articles récents accordent au

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contretransfert. Lorsque ce dernier gagne en même valeur théorique et technique que


le transfert, la situation analytique est interprétée en champ bipersonnel dynamique et
le phénomène qui s'y déroule nécessite d'être formulé en termes bipersonnels 81 »
(2008, p 795). Ces auteurs décrivent les caractéristiques de ce fantasme inconscient
du couple analytique et mettent l'accent sur la contribution du phénomène
d'identification projective et introjective dans sa structure. Au sujet du concept de
fantasme inconscient, ils stipulent que : « plus important encore, il ne peut non plus
être considéré constituer la somme des deux situations internes. C'est ce qui est créé
entre les deux, au sein de l'ensemble qu'ils forment au moment de la session, quelque
chose de radicalement différent de ce que chacun d'eux est séparément […] Nous
définissons le fantasme en analyse comme une structure dynamique qui à chaque
moment porte un sens au champ bipersonnel » (ibid. p. 806-7) 82.
L'idée selon laquelle le champ analytique est bipersonnel a profondément
influencé Antonino Ferro (1998) qui faisait référence à Mom, Pichon-Riviere et aux
Baranger. « Dès l'appel téléphonique, et même avant, les communications
inconscientes commencent à s'organiser chez le patient, chez l'analyste et dans les
fantasmes du couple [...] son mode d'écoute, si cette dernière est utilisé sans
conscience, structure le champ analytique » (Brown, 1998, p 32) 83 . « Ce que
j'observe, c'est le profond niveau émotionnel du couple : ce sont les émotions
profondes qui, par le biais des identifications projectives, déterminent la profondeur
de l'état émotionnel, ou, en d'autres termes, l'analyste ‘rêve’ le matériel du patient
dans la session analytique » (ibid p 25). Le rêve partagé se révèle au psychanalyste
par sa rêverie. Dans un concept bionien développé par Ogden, la rêverie exprime
l'inconscient. Pendant un rêve partagé, des rêveries seront partagées. Cela commence
par une communication inconsciente qui devient consciente au fur et à mesure de son
élaboration par la dyade.
Le concept de tiers analytique a été développé sur des continents différents,
indépendamment des érudits latino-américains. Formulé au départ par Green en 1975,
qui le qualifia en 2008 d'objet analytique qui n'est ni interne (l'analysé ou l'analyste)
ou externe (l'un ou l'autre), mais entre les deux. Cette phrase démontre bien de
l'inspiration provenant de Winnicott (traduction en anglais depuis le portugais par
Avzaradel, p. 231). Cette inspiration est également partagée par les postulats de
Thomas Ogden sur le tiers analytique. La célèbre phrase de Winnicott : un bébé tout
seul ça n'existe pas a inspiré Ogden pour lequel il n'existe pas de patient analytique
sans l'analyste. Il emprunte également la notion winnicottienne d'espace potentiel,
précurseur à sa vision de l'espace intersubjectif. « [L]'analyste tend à reconnaître, à
comprendre et à symboliser verbalement pour lui-même et pour l'analysant la nature
spécifique de l'interaction du moment-au-moment suivant, de l'expérience subjective
de l'analyste, l'expérience subjective de l'analysant et l'intersubjectivité que génère

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l'expérience de la paire analytique (l'expérience du tiers analytique) […] nous


pourrions dire à juste titre que la pensée psychanalytique contemporaine se rapproche
d'un point où il n'est plus possible de parler de l'analyste et de l'analysant en tant que
sujets distincts qui se prennent l'un l'autre pour des objets84 » (Ogden, 1994, p 3). A
partir de l'idée de Bion, Ogden suggère une transformation de la théorie des rêves,
ainsi que d'utiliser le concept de rêverie comme outil essentiel. Ogden (2007) va plus
loin en disant que : « lorsque l’on a affaire à un travail du rêve inconscient, on a
également affaire à un travail de compréhension inconscient (Sandler, 1976, p. 40).
Nous trouvons là un écho à Groststein : « lorsque l’on a affaire à un rêveur –
inconscient – qui « rêve le rêve », – on a également affaire à un « rêveur –inconscient
– qui comprend le rêve » (Grotstein, 2000, pp. 5, 9). A partir de cette étape, des
développements sur ce thème ont été apportés par de nombreux auteurs, tels que
Levine (2013), Groststein (2000, 2005), Brown (2011), Cassorla (2013) et Ogden
(1994, 1995, 2002, 2005), entre autres.
Un auteur qui a profondément travaillé cette idée est Civitarese, dans son
ouvrage « The Necessary Dream » (2014) (« Le rêve nécessaire »). Il écrit : « Et c’est
ainsi que le paradigme du rêve se voit attribuer un rôle encore plus central que dans la
théorie classique. Appréhendé comme « le fruit d'une communication d’inconscient à
inconscient, transformant chaque séance en un long rêve partage – l’analyse devient
un dialogue ininterrompu de rêveries. »(p. xiii).
La connaissance actuelle de la communication inconsciente s'ouvre à un vaste
horizon de recherche psychanalytique sur tous les continents, dont l'intérêt récent
porté aux conceptualisations de l'‘interpsychique’, lequel est définit notamment de
« niveau fonctionnel pré-subjectif où deux personnes peuvent échanger des contenus
et des expériences sur le mode du partage, a travers l’utilisation ‘normale’
d’identifications projectives communicatives. » (Bolognini, 2016, p.110).

IV. L'INCONSCIENT ET ETUDES INTERDISCIPLINAIRES

IV A. L'inconscient dans les neurosciences


"L’activité psychique est liée à la fonction du cerveau comme à nul autre
organe” (Freud, 1915, p. 174).

Soixante-cinq ans après la publication « L'Inconscient », dans lequel Freud a


nommé les deux piliers de la psychanalyse : la supposition d'une vie psychique
inconsciente et l'existence de deux principes de fonctionnement psychiques, le
84
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

222
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processus primaire et secondaire, le psychanalyste, psychologue et neuroscientifique


Howard Shevrin a publié une synthèse de toute la recherche subliminale dans laquelle
il stipule que l'inconscient est une supposition nécessaire pour l'intégralité de la
psychologie (Shevrin and Dickman, 1980). Les premières expériences en psychologie
cognitive expérimentale et en neuroscience cognitive étaient faites dans le cercle
étroit de la perception. Dans les années intermédiaires il y a eu une avalanche de
recherches dans de nombreux domaines : la perception, la mémoire, les émotions, la
motivation, le préjudice, l'addiction, les troubles de l'humeur et de l'angoisse,
l’Alzheimer, la maladie de Parkinson, l'autisme, la maltraitance – dans lesquels (de
façon descriptive pour la plupart) les facteurs inconscients/non conscients ont été
identifiés.
L'explosion qui a suivi, dans les domaines de la recherche générale et
appliquée en neurosciences, spécialement en Amérique du Nord et en Europe, avec
l'émergence des surspécialités de la neuropsychologie dynamique (Luria, 1966, 1973 ;
Kaplan-Solms and Solms, 2000), de la neuroscience dynamique développementale
(Balbernie, 2001 ; Schore, 2003 ; Seigal, 1999, 2007), de la neuroscience des
émotions (Panksepp, 1999; Johnson, 2006), et la neuroscience cognitive dynamique
(Shevrin, 1994 ; 1999; Vila, Brackel, Shevrin, Bazan, 2008), ont conduit à la
fondation du domaine interdisciplinaire de la neuropsychanalyse, dont l'objectif était
« d'étudier la nature dynamique de la psyché et d'identifier l'organisation neuronale de
sa sous-structure inconsciente » (Solms & Turnbull, 2011, p. 135) 85 . Un soutien
essentiel pour la recherche multi disciplinaire dans les phénomènes inconscients
dynamiques provient du lauréat du Prix Nobel pour la physiologie et la mémoire, Eric
Kandel (1998, 1999). Kandel et Shevrin estiment que dans le domaine des
neurosciences, ‘l'inconscient dynamique’, qui concerne les conflits provoqués par les
motions pulsionnelles sexuelles et hostiles, n'a pratiquement pas été étudié. Ce qui a
donné lieu à une grande confusion conceptuelle entre les neuroscientifiques
d'orientation cognitive et les psychanalystes provenaient de ce que les
neuroscientifiques qualifiaient ‘d'inconscients’ les processus préconscients, que nous
appelons, en terminologie psychanalytique, le niveau ‘latent’ ou ‘inconscient
descriptif’. Il y avait d'autres divergences dans les définitions, par exemple l'usage des
termes ‘pulsion’, ‘instinct’, ‘conflit’, etc., ainsi que des clivages méthodologiques,
surtout dans les domaines analogues d'études effectuées sur des sujets non humains, et
les déductions qui découlent d'observations réalisées sur le comportement par rapport
aux représentations internes et aux fantasmes inconscients. En même temps, les
avancées de la neuroscience dans le domaine du développement cérébral du
nourrisson et de la neuro-connectivité semblaient potentiellement valider la théorie
psychanalytique de la personnalité et sa méthodologie clinique.

85
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

223
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IV. Aa. L'inconscient dynamique en neuroanalyse : Le conflit inconscient, ‘le


refoulé’, la mémoire et le développement de l'enfant
Shevrin et al. (1992, 1996, 1999) ont communiqué sur la première étude
neuroscientifique connue sur l'inconscient dynamique, dans laquelle la réaction
cérébrale mesurée par potentiel évoqué (Event-Related Potential, ou ERP) a indiqué
des marqueurs neurophysiologiques sur les conflits inconscients, dans un groupe de
patients atteints de phobie sociale. Shevrin et al. (2002) a mis en corrélation les
réponses à des listes de mots présentées de manière subliminale et suprasubliminale
avec une mesure de ‘refoulement’ et a conclu que des processus de refoulement
provoquaient l'inhibition de la réponse aux mots que les analystes jugeaient porter des
significations conflictuelles individualisées pour des patients spécifiques (Shevrin,
2002, p. 136).
Un ensemble de recherches de suivi, en ce qui a été plus tard reconnu sous
l'appellation de Groupe d'études sur la perception subliminale de Shevrin, s'est
intéressé à un certain nombre de phénomènes, concernant particulièrement la
mentation, ou activité mentale, dont les marqueurs physiologiques du conflit
inconscient (‘non-conscient’), l'affect, les défenses, et le caractère attributionnel (de
l'intrapsychique par rapport au relationnel) de ces deux modes de traitement. Ce
corpus de recherche s'est vu attribué le prestigieux prix Mary S. Sigourney en 2003.
Villa, Shevrin, Snodgrass, Bazan et Brakel (2006) se sont concentrés sur la nature du
traitement du langage dans l'inconscient. Les résultats ont souligné l'importance d'une
conception connectiviste de propagation (neuronale) des ‘activations’, l'équivalent
neurologique de la notion freudienne d'énergie libre caractéristique des processus
primaires. Cette approche connectiviste, comparable à la conceptualisation
psychanalytique classique des processus primaires, a également postulé que les
énergies libres et non libres étaient intimement liées à la motivation et aux défenses.
Plus la motivation instinctuelle et de type pulsionnelle était présente, plus elle avait de
chances de médier ‘l'activation de propagation neuronale’ ou d'énergie libre. Plus les
défenses faisaient défaut, et plus l'angoisse était élevée, plus l'énergie libre
prédominait.
La recherche dans le domaine de la mémoire, particulièrement lors du
développement pré-œdipien/préverbal, fait partie actuellement des domaines majeurs
d'intérêt en Europe et en Amérique du Nord. Les neurosciences ont non seulement
délimité l'existence d'une mémoire explicite, ‘verbalisable’ à long terme, mais
également celle d'une mémoire implicite souterraine, qui ne peut ni être remémorée
consciemment ni verbalisée. Cette découverte nous permet de faire l'hypothèse que
toutes les expériences infantiles dans les deux premières années de la vie sont
localisées dans ce dernier type de mémoire, gérée par l'amygdale dans sa fonction de
décodage des émotions. En fait, l'hippocampe, indispensable au système de mémoire
explicite n'atteint pas son stade de maturation avant l'âge de deux ans. L'étude de la
mémoire implicite, suite à son articulation par Warrington and Weiskrantz (1974),
élargit le concept de l'inconscient et le déplace depuis la sphère du refoulé au domaine

224
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biologiquement déterminé de ‘non-conscience’ (‘unawareness’) (Ginot, 2015), que


l'on pourrait éventuellement associer aux références historiques de Freud, autres que
celles des processus inconscients refoulés.
Dès les toutes premières étapes de la vie intra-utérine prénatale, les
expériences sensorielles participent à la formation d'une mémoire de base
émotionnelle et affective, ce qui dessine une véritable clé de voute pour l'organisation
des représentations initiales (Mancia 1980, 1981 ; Le Doux, 1992). C'est ainsi qu'une
passerelle pourrait se tracer dans les mécanismes entre la neurophysiologie de la
mémoire et le concept de l'inconscient freudien. Par ailleurs, avec le développement
considérable du concept initial de l'inconscient dans les domaines du ‘non-conscient’,
d'autres convergences interdisciplinaires importantes avec les sciences cognitives, la
neurobiologie et les neurosciences ont été postulées (Bucci, 2001). Les gigantesques
bases de données cliniques actuelles dans la recherche sur le cerveau, sur les
processus inconscients et les représentations, ont ultérieurement influencé la façon de
concevoir l'inconscient en psychanalyse. En conséquence, lorsque les analystes sont
concernés par le thème de la connaissance hors de la conscience, que le refoulé
n'aurait pas engendré, ils utilisent de plus en plus l'expression empruntée par ces
disciplines : ‘la connaissance procédurale implicite’ (Clyman, 1991 ; Fosshage, 2005).
Il y a, au cœur de ce champ conceptuel, qui travaille sur les procédures et
représentations relationnelles, implicites ou énactives, un modèle de développement
(et de changement thérapeutique) qui est en phase avec les découvertes récentes sur
l'interaction parent-enfant et la neuroscience cognitive (Gabbard & Westen, 2003 ;
Stern et al., 1998). De plus, le modèle de changement thérapeutique dans certains
milieux semble passer du recours à la traduction des représentations inconscientes à la
connaissance réflective, ou depuis l'encodage procédural, au codage symbolique (du
processus primaire au processus secondaire, des systèmes de pensée du préverbal au
verbal) à une nouvelle focalisation sur la connaissance présumée libre de conflit, non
symbolisée, implicite ou procédurale (Boston Change Process Study Group, 2007 ;
Lyons-Ruth, 1998, 1999).
Cet inconscient non refoulé est connecté à l'héritage biologique de la
personne : il s'achemine à partir des expériences précoces infantiles, qui ne peuvent
être refoulées, à la structuration d'un soi nucléaire et le vaste domaine ‘subjectal’ de
l'individu. Les caractéristiques principales du système de la mémoire implicite ouvre
des connexions avec les caractéristiques de base du travail clinique, posant ainsi
l'accent sur le rôle central de l'expérience relationnelle en psychanalyse (Barnà,
2007b, 2014) ; elles ont également fortement transformé la vision des mécanismes du
transfert/contretransfert, en ce qui concerne la transformation par la symbolisation des
rêves, les énactions et l'harmonisation à la prosodie du langage (Mancia, 2006). Ces
découvertes réaffirment les aspects ‘constructifs’ de la relation analytique (Freud,
1937), spécifiquement les travaux concernés par la verbalisation des fantasmes
inconscients pouvant être déduits de l'écoute empathique et de l'harmonisation de

225
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l'analyste. Cette construction peut également avoir lieu par la négociation du sens et
par le langage utilisé pour l'exprimer (Barnà, 1990, 2007a).
Suite aux investigations de Le Doux sur l'interaction implicite des systèmes de
mémoire multiples, dans des conditions de troubles traumatiques que vivent des
adultes, plusieurs études longitudinales ont poursuivi les recherches sur les
conséquences neurobiologiques des expériences liées à l'attachement pendant la petite
enfance (Balbernie, 2001 ; Segal, 1999 ; Schore, 2003, 2006, 2007, 2010) chez des
enfants qui ont soit vécu des expériences traumatiques ou des enfants qui n'en ont pas
vécu. En général les conclusions sont compatibles avec le postulat de Bowlby, selon
lequel l'attachement stable facilite (et l'attachement instable diminue) la résilience au
stress et au traumatisme tout au long de la vie. Les premières expériences néfastes
pendant l'enfance, et leurs conséquences neurobiologiques, en termes de dégâts, sur le
système limbique, dont le cortex orbifrontal, peuvent résulter en une série de
problèmes cognitifs, émotionnels et comportementaux, et entacher leur adaptation au
monde adulte. Le cortex orbifrontal est fondamental dans la formulation de la carte
cognitive-affective et relationnelle. C'est également le lieu où les expériences
associées à celles des premiers attachements et aux mémoires émotionnelles sont
encodées (Segal, 1999 ; Balbernie 2001 ; Bettmann et al. 2011). Le message clé que
nous énoncent les études neuroscientifiques du développement du cerveau est que
« les connexions humaines forgent les connexions neuronales desquelles l'esprit
émerge » 86 (Siegal 1999, p. 2). Pendant les trois premières années de la vie, trois
circuits cortico-limbiques principaux, liés à l'autorégulation des affects, sont activés et
façonnés par les interactions avec les soignants, ils forment ainsi le fondement de la
manière dont les émotions significatives seront vécues et traitées. Dans ce contexte,
Schore (2003, 2007) a également étudié les corrélats neurobiologiques de l'apparition,
pendant la petite enfance, de la dissociation parmi des enfants dont la structure
rythmique avait été constatée en adéquation avec les états de troubles d'hypervigilance
et d'hypovigilance dissociatifs de leur mère.
Dans le langage de la théorie de l'attachement, les transactions d'attachement
sont imprimées dans la mémoire procédurale implicite, médiée par l'amygdale (non
pas par l'hippocampe, qui est impliqué dans le refoulement et la symbolisation
inconsciente, et sous-développé pendant la première année de la vie), formant ainsi
des ‘modèles fonctionnels’ durables de schémas d'encodage des réactions et des
stratégies d'adaptation dans le contrôle des affects face aux défis de l'environnement
(Schore, 2000, p. 35). Lorsqu'elle est activée, la mémoire procédurale génère une
anticipation inconsciente des états d'esprit futurs. Ceci est particulièrement pertinent,
pour Siegal, en ce qui concerne les traumatismes pendant la petite enfance, car les
expériences répétées de terreur et d'angoisse peuvent être enracinées dans les circuits
du cerveau sous la forme d'états d'esprit. Lorsque les occurrences sont chroniques, ces
états peuvent devenir plus promptement activés (récupérés) à l'avenir et devenir ainsi
des traits qui caractérisent l'individu. (Siegal, 1999). Les processus de synaptogénèse
86
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

226
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et de myélinisation des axones dans le cortex orbitofrontal sont toujours actifs dans la
seconde année de la vie. Après cette période de neuroplasticité maximale de
l'apprentissage émotionnel qui dépend de l'expérience, les ‘modèles fonctionnels’ des
relations ont tendance à conserver leur particularité. Cependant, le cortex orbitofrontal
conserve un taux remarquable de neuroplasticité tout au long de la vie, il est donc
possible que par ces circuits, la thérapie psychanalytique de fond peut avoir un impact
neurobiologique : « une psychothérapie soutenue peut être considérée comme une
reconstruction et une refonte à long terme des mémoires et des réactions
émotionnelles qui ont été enracinées dans le système limbique »87 (Andreasen, 2001,
p. 331).
Les débats à long cours sur le caractère dynamique des premières impressions
implicites non refoulées demeurent un sujet de controverse à long terme, et donc leurs
implications pour le travail clinique. Une perspective (Clyman, 1991 ; Fonagy, 1999 ;
BCPSG, 2007) considère que les premières impressions d'encodage procédural
cognitif du ‘soi avec l'autre’ est analogue à la conduite d'une bicyclette. Selon ces
termes strictement procéduraux, la réénaction du transfert a lieu parce qu'un aspect de
la relation analytique est suffisamment similaire à une ‘procédure’ de modèle
fonctionnel relationnel déjà constitué, de sorte que ‘l'amorçage’ (un processus
automatique non motivé) provoque le schéma relationnel procédural. Le changement
peut avoir lieu dans des ‘moments de rencontre’ pas forcément interprétables, alors
que dans le paradigme dynamique de Shevrin, les intentions et attentes inconscientes,
au delà du contexte et des attentes dans une situation actuelle, contribuent à
déterminer ce qui sera récupéré, et comment. « La récupération [des souvenirs] n'est
jamais simplement automatique ni non motivée… » (Shevrin, 2002, p. 137)88. Shevrin
propose que les ‘mémoires procédurales’, bien qu'elles ne soient pas refoulées ni
symbolisées inconsciemment, ne sont pas implicitement automatisées, mais plutôt
soumises aux modifications transférentielles dynamiques-conflictuelles chaque fois
qu'elles sont récupérées. Ce point de vue est compatible avec les concepts
dynamiques de la temporalité psychique et les notions freudiennes de
Nachträglichkeit et de souvenirs-écran. Il est également compatible avec les
approches freudiennes contemporaines et de relations d'objet, par rapport aux
énactions de transfert, considérés sous-symboliques mais ‘symbolisables’ et donc
interprétables (Ellman, 2008 ; Grotstein, 2014, communication personnelle). La
différence entre les deux interprétations des résultats neuroscientifiques semble être
associée à l'exclusion ou l'inclusion de l'interaction dynamique des mondes
représentationnels internes, une marque de fabrique de la perspective
psychanalytique. Abandonner notre vision historique de l'inconscient jusque là
considéré comme un recueil d'expériences indésirables implique naturellement un
différent traitement du rôle de l'analyste dans son cabinet.

87
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
88
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

227
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En accord avec la vision de l'attachement en termes de correspondance


comportementale des relations d'objet internalisées sous l'influence de la première
relation mère-enfant (Diamond et Blatt (2007), d'autres études longitudinales ont eu
pour objectif de capturer le monde représentationnel de la petite enfance. L'étude de
Toth, Cicchetti, Rogosch et Sturge-Apple (2009) sur la dépression maternelle, la base
de sécurité dans l'attachement chez l'enfant et le développement relationnel, a permis
de conclure que les représentations négatives des parents et de soi dans la petite
l'enfance sont reportées au cours du développement et probablement transmises de
manière intergénérationnelle. Ellman (2008, en citant Freud, 1915) remarque que les
premières représentations sont encodées comme si elles étaient des représentations de
choses sans valeur symbolique. Les activités sont associées en premier lieu à des
valeurs dénotatives, à contrario de connotatives (Cassirer, 1953 ; Langer, 1948). Bien
qu'elles soient non symbolisées, les présentations de choses peuvent agir en tant que
motivateurs élémentaires dans les cas de réactions conflictuelles complexes. Elles font
partie, dans ce système théorique, de la raison pour laquelle les répétitions sont
habituellement enracinées dans la formation des compromis. Dans une autre
perspective encore, Weinstein (2007) constate les effets persistants de la relation
d'attachement, non pas dans la création de modèles de soi par rapport à l'autre
(Fonagy and Target, 2002), mais en ce qu'ils laissent leurs traces dans les systèmes
autorégulateurs neurobiologiques du stress et du déploiement de l'attention de l'enfant.
La relation d'attachement déplacera également les points de réglage du principe du
plaisir et du déplaisir. Si la relation d'attachement est récupérée dans la mémoire au
cours de l'enfance, formant ainsi le matériel brut sur lequel les constructions de la
sexualité infantile les plus fantasmatiques sont fondées, et le seront également, jusqu'à
un certain point, altérées, par des capacités cognitives croissantes et des mutations de
zones d'excitation. Les narrations […] de soi impacteront encore les expériences de
plaisir/déplaisir et elles modifieront l'expérience des figures d'attachement initiales.
(Weinstein, 2008).
Cette théorisation, ainsi que les études de Shevrin (1997) sur la vérification
des mémoires par l'impression sensorielle sont en accord avec les résultats des
recherches cliniques, selon lesquels les expériences/occurrences les plus précoces de
la vie présymbolique sont symbolisables par le biais du travail psychanalytique
(re)constructif, par la prosodie du langage, les rêves, les fantasmes, l'énaction
transférentielle, surtout pertinent pour la symptomatologie post-traumatique (Mancia,
2006 ; Papiasvili, 2014, 2015).

IV. Ab. Corrélats biologiques des troubles de l'angoisse, phobies et troubles de


panique ; et troubles de la personnalité limite
Les études qui ont œuvré à intégrer les conceptions neurobiologiques et
psychanalytiques des troubles de panique et de la phobie se sont focalisées sur la
modélisation des circuits neuroanatomiques impliqués dans l'apprentissage (et le

228
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désapprentissage) subliminal, fondé sur le conditionnement classique, que l'on


pourrait traduire psychanalytiquement par la ‘transformation de l'angoisse
traumatique en des signaux d'angoisses’. Les conflits dynamiques sous-jacents à la
séparation, au désarroi psychique, à l'agression, aux réactions d'approche et
d'évitement, -de lutte/fuite et leurs corrélats neurobiologiques (irrégularités dans le
fonctionnement de l'amygdale et dans le cortex orbifrontal/préfrontal) ont été suivis
en temps réel par le biais de l'imagerie technologique cérébrale. Alexander, Feigelson
et Gorman (2005) ont déclaré que c'était surtout l'interaction entre l'amygdale et
l'hippocampe qui étaient impliqués dans « un locus de souvenirs de peurs
inconscientes que Freud avait détaillé [...] » (p.140)89. Ils font référence à la continuité
entre les deux modèles de l'angoisse de Freud, en ce que la superstructure théorique
serait utile à la compréhension conceptuelle de ces problèmes.
Kernberg (2015) a proposé un modèle des corrélats neurobiologiques de la
théorie des relations d'objet, en utilisant comme paradigme les troubles de la
personnalité limite. S'inspirant de Wright et Panksepp (2014), de Krause (2012) et
d'autres, il postule l'intégration des affects primaires principaux dans plusieurs
systèmes émotionnels. Les affects primaires majeurs émergent dans les premières
semaines et les premiers mois de la vie. Ces affects primaires comprennent la joie, la
colère, le dégout, la peur, la tristesse et l'excitation sensuelle. Les affects sont
regroupés dans les systèmes d'érotisme, de jeu-bonding, lutte-fuite, d'attachement, de
séparation-panique et de QUÊTE. La QUÊTE (SEEKING) (Wright and Panksepp,
2014) est une motivation non spécifique générale de stimulation gratificatoire, qui
peut s'attacher à tout autre système affectif. En raison de son manque de spécificité,
certains ont stipulé que le SEEKING est une version contemporaine de la pulsion
freudienne (Johnson, 2008). Selon Panksepp et Kernberg, la QUÊTE ou SEEKING
permet de donner une explication générale à ce qu'il y ait, sous certaines conditions,
une activation excessive des systèmes affectifs ou affiliatifs. D'un point de vue
psychanalytique, les affects en tant que systèmes motivationnels primaires,
interrogent à quel point les pulsions sont constituées de l'intégration des affects
positifs (‘libidinaux’) et négatifs (‘agressifs’) correspondant et aussi à quel point les
affects sont l'expression de ces pulsions correspondantes assumées. Les affects
engagent l'interaction entre le soi et l'autre, et l'internalisation de ces interactions (sous
forme de mémoire affective) déterminent les modèles internalisés du comportement
(selon la terminologie de la théorie de l'attachement) ou les relations d'objet
internalisées (selon la terminologie psychanalytique de la théorie de la relation
d'objet). Les structures cérébrales qui activent l'affect positif et négatif sont séparées
l'une de l'autre. L'intégration des affects positifs et négatifs a uniquement lieu à des
niveaux supérieurs des structures limbiques et elles impliquent des interactions
cortico-limbiques. L'intégration progressive des conditions émotionnellement
opposées ouvre la voie à une image de soi et des autres, qui impacte ‘l'identité
normale du Moi’ et le passage d'une organisation de personnalité limite (borderline) à

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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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celle d'une personnalité névrotique, marquée par un déplacement des opérations de


défense primitives centrées sur le clivage vers des opérations de défense centrées sur
le refoulement. Ce niveau avancé du développement de la personnalité se reflète dans
la délimitation claire d'un inconscient dynamique refoulé, ou le ÇA, qui est constitué
de relations dyadiques internalisées inacceptables et reflète des agressions primitives
intolérables et des aspects de la sexualité infantile.

IV. Ac. Autres domaines d'intérêt neuroanalytique : Les implications


dynamiques des lésions neurologiques, les études sur les rêves, la symbolisation,
les pulsions et les affects
Mark Solms (2000a ; Kaplan-Solms & Solms, 2000) ont défini un paradigme
d'observation psychanalytique clinique sur des groupes de patients atteints de lésions
pariétales droite. Il a découvert que ce qui était précédemment qualifié de ‘déficit
cognitif’ chez ces patients peut avoir des fondements dynamiques importants qui
rendent inconscients certaines parties des processus cognitifs. En intervenant
psychanalytiquement, il a été possible de renverser le processus dynamique en
question et de recouvrer ces cognitions, qui étaient exclues dynamiquement de la
conscience par les mécanismes de défense, et les ramener à la prise de conscience
consciente. Selon lui, cette auto-illusion médiée dynamiquement était en corrélation
avec des lésions au lobe pariétal droit, attribuables à une complexe configuration
régressive narcissique, à un évitement d'affects dépressifs et une capacité réduite dans
les relations avec des ‘objets entiers’. Cependant, les fondements théoriques en
général et la méthodologie de cette étude, et d'autres du même type, ont fait l'objet de
vérifications par Blass et Carmeli (2007, 2013, 2015) qui ont critiqué le bien-fondé de
ces revendications.

D'autres lésions neurologiques spécifiques qui ont mené à des régressions et


des états de conscience dynamiquement modifiés ont été étudiées par Wilner et Aubé
(2014), Buszaki (1996) et Uhlhaas et al. (2009). D'autres cibles d'études
neuroanalytiques de l'inconscient dynamique comprennent les processus de rêves
(Solms, 1997 ; 2000b), les paramètres spécifiques de la symbolisation de processus
primaire (Shevrin, 1997), et la neurobiologie des pulsions et des affects (Panksepp,
2011 ; Wright et Panksepp, 2014; Kernberg, 2015 ; Johnson, 2008).
Les contours précis de la relation entre les neurosciences et la psychanalyse
font l'objet de vifs débats. L'articulation/traduction entre les deux disciplines pose un
certain nombre de questions épistémologiques, ontologiques, méthodologiques et
cliniques au sujet de la question de la séparation esprit-corps, esprit-cerveau et sur les
discours interdisciplinaires en général. La question de comment cette articulation
pourrait fonctionner interroge également la conception de chaque analyste sur ce qui
est essentiel au travail psychanalytique. De même que pour toute étude
interdisciplinaire, l'applicabilité des investigations neuroscientifiques a été cernée par
des réserves, des débats et des controverses. Historiquement, la question avait fait

230
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l'objet de débats chez Freud (1940), Winnicott (1949), Alexander (1936, 1964),
McDougall (1974, 1993), Green (1999), et plus récemment Hinshelwood (2015),
Pulver (2003), Blass et Carmeli (2007, 2013, 2015), Yovell, Solms et Fotopoulou
(2015), Albertini (2015), Scarfone (2015), et bien d'autres qui ont couvert un large
éventail de perspectives. De nombreux analystes considèrent qu'il est utile de
s'informer des découvertes émergentes proches des intérêts psychanalytiques, par
exemple les corrélats neurobiologiques des traumatismes lors de la petite enfance, et
leur réversibilité partielle par le traitement psychanalytique, ont été documentés
(Kernberg, 2015 ; Blum, 2003, 2008, 2010 ; Mancia, 2006a,b. ; Busch, Oquendo,
Sullivan et Sandberg, 2010). La proposition de Canestri (2015) de discuter sur
« l'intersection entre les disciplines qui sont différentes en termes de langue, de
méthodologie et d'épistémologie » (p. 1576)90 permet à tous de continuer à s'écouter
les uns les autres.

IV. B. L'inconscient groupal


IV. Ba. Contexte théorique
Historiquement, les processus inconscients et les contenus sous-jacents aux
comportements collectifs, à la culture et à la société, ont été étudiés par Freud tout au
long du développement de la théorie psychanalytique, dans plus de 20 publications,
dont la plus notable est « Totem et Tabou » (Freud, 1913), qui illustre une
manifestation du complexe d’Œdipe à des niveaux collectif et social ; « Group
Psychology and the Analysis of the Ego » (Freud, 1921) (« Psychologie collective et
analyse du moi »), qui se focalise sur le refoulement collectif et les processus
identificatoires, projectifs et primitifs, c’est-à-dire la projection sur le leader de
l’idéal du (sur)Moi des membres de la masse, les libérant ainsi des contraintes
morales, et les rendant libres d’exprimer leurs désirs pulsionnels, notamment de type
agressifs, et les processus identificatoires mutuels parmi les membres et le leader, les
liens libidinaux qui promeuvent entre eux un sentiment d’appartenance et un
sentiment de puissance plus aigüe ; et « Civilization and its Discontents », (Freud,
1930) (« Malaise dans la civilisation »), où l’adhésion au groupe libère les motions
pulsionnelles inconscientes auparavant agressives-sadiques-destructrices contre les
‘autres’ groupes, ici en avant-plan. Bien que les formulations ou la focalisation de la
vision freudienne de l'inconscient groupal se soient diversifiées selon le stade de
développement de la théorie, la prémisse fondamentale est demeurée : la force
motivatrice à la base des développements historico-sociaux, les échecs et les succès
de la civilisation ont constitué l'antagonisme à l'œuvre dans les exigences de nature
instinctive et les formations restrictives réactives, infligées par la société, qui ont
conduit à des renoncements progressifs à agir sur la base des pulsions (aussi bien
agressives que érotiques/sexuelles). Selon ce point de vue, des compromis plus ou
moins réussis dans l'ensemble des interactions dynamiques réciproques des pulsions
90
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

231
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inconscientes et conscientes, imposés par des groupes, ont été responsables des
conséquences des plus grandes sublimations et des plus bénéfiques, mais aussi des
plus malveillantes et destructrices, comme l'esclavage, les génocides violents, les
guerres, les dérives et victimisations, tout au long de l'histoire.
Les contributions de W. Bion (1961), de Rice (1969), d'Anzieu (1981), de
Kaes (2010, 2014) et de Lebovici, Diatkine et Kestenberg (1958) ont porté plus loin
encore les idées de Freud, sur les fantasmes originaires déclenchés par le groupe et
les processus identificatoires-introjectifs-projectifs-primitifs spécifiques aux groupes,
ainsi que les modèles d'identification projective et/ou de ‘réalité psychique’ et
‘d'espace dynamique intersubjectif’. Bion (1961) postule que les impulsions
primitives détachées de leur source originale par l'identification projective, ont
contribué à la formation des ‘présupposés de base’ (appelés aussi ‘hypothèses de
base’) gouvernés par des mécanismes de dépendance, d’attaque-fuite, et de couplage
alors que la fonction du ‘groupe de travail (groupe rationnel) est une collaboration
élaboratrice orientée vers la réalité. Anzieu (1981 rend compte des différentes
expressions fantasmatiques et illusions groupales, des images de menaces orales et de
l’angoisse d’annihilation, tel que le groupe-bouche, les fantasmes de casse et du
groupe-machine, qui reflètent les structures primaires de la psyché et du niveau
psychotique de la personnalité, tels qu'ils se manifestent dans les processus de groupe.
Kaes (2010, 2014) précise le modèle de la réalité psychique inconsciente du groupe,
qui consiste en des processus associatifs interférents, de l’espace onirique commun et
partagé, et des alliances inconscientes. Dans ce système de métapsychologie
intersubjective complexe, il y a une triple exigence d’alliance, de nature
fondamentalement narcissique, entre l'Idée, l'Idéal et l'Idole. Cette alliance reflète la
tyrannie de l'imago maternelle idéalisée et omnipotente et l'usage des divers
mécanismes primitifs de défense, de clivage, de déni et du désaveu des angoisses
archaïques. De tels concepts, ainsi que d'autres, ont été facilement applicables aux
groupes de thérapie analytique, mais également aux groupes institutionnels et
organisationnels.

IV . Bb. Les thérapies analytiques de groupe


Les thérapies analytiques de groupe ont appliqué les notions freudiennes et
bioniennes des processus et contenus inconscients depuis leur lancement pendant l'ère
suivant la seconde guerre mondiale, et spécifiquement les orientations calquées sur
celles de Slavson (1947), où les facteurs de dynamiques inconscientes de groupe
étaient considérés motiver la résistance de la croissance de l'individu, et donc
interprétés en ce sens, et/ou Foulkes (1948) où les facteurs de dynamiques
inconscientes de groupe, et leurs communications sur des multiples niveaux, sont
utilisés pour promouvoir le développement de l'individu. Le consensus autour de la
thérapie analytique de groupe, telle qu'elle est pratiquée de nos jours, déclare qu'elle
est la plus utile aux troubles du caractère parce que dans les petits groupes de

232
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thérapie, les transferts multiples de type projectifs et de déplacement sur le


thérapeute, ainsi que sur les membres du groupe, sont rapidement activés, et les
résistances caractérielles sont facilement visibles et donc aisément interprétables
(Slavson, 1947 ; Glatzer, 1953 ; McKenzie, 1992 ; Kauff, 2011). La fonction de
l'analyste de groupe est d'apporter une certaine sécurité vis-à-vis des impulsions
inconscientes agies, et de maintenir des limites et le cadre, en grande partie par le
biais d'interprétations des conflits et des désirs inconscients, quand ils présentent une
résistance à la progression du groupe ou de l'individu. Du point de vue bionien de la
dynamique (inconsciente) du groupe, cela revient à ce que l'analyste de groupe
contienne, écoute et interprète les tendances inconscientes régressives du ‘groupe de
présupposé de base’. Globalement, les thérapies analytiques de groupe qui ont évolué
depuis les travaux de groupe auprès des enfants (Slavson, 1947) et auprès des
vétérans (Foulkes, 1948), se sont développées dans une cohérence interne, ont pris en
compte différentes réflexions de courants différents sur l'inconscient, qui
correspondaient à la plupart des orientations psychanalytiques, dont les orientations
winnicottiennes, mahleriennes, relationnelles, intersubjectives, de la psychologie du
soi et des modèles du champ psychanalytique de l'inconscient. Au cœur de la notion
de l'inconscient se situe la vision du groupe qui assume la fonction transférentielle et
développementale émergente et qui, en tant que telle, offre un réservoir dynamique
unique de l'interaction entre les processus inconscients lesquels, sans cela, ne seraient
pas mis en relief. Une modalité hybride clinique-organisationnelle d'orientation
psychanalytique des « GROUPES DE PROCESSUS EXPÉRENTIELS » pour les
professionnels, les dirigeants d'entreprises, les étudiants ou universités, a emprunté les
concepts des dynamiques de l'inconscient groupal, les résistances au transfert
multiples et les communications inconscientes pour perfectionner la fonction des
groupes de travail ou d'études de leurs membres dans des entreprises, des hôpitaux,
des institutions académiques et des associations, aux Etats-Unis.
Une modalité de groupe spécifique, qui a été développée au départ pour les
enfants et les adolescents, puis pratiquée ensuite pour tous les âges, est celle du
psychodrame psychanalytique de Lebovici et Diatkine (Lebovici, Diatkine et
Kestenberg, 1958). Cette pratique consistait en une thérapie analytique individuelle
par le biais de la dramatisation, contrairement au psychodrame de groupe de Jacob
Moreno, qui avait été développé les années précédentes. Dans ses diverses
applications, le patient est placé au centre de la ‘scène’, désigné ainsi par le thème de
ses souvenirs et fantasmes : l'analyste dirige les thérapeutes auxiliaires potentiels à
participer à l'interaction verbale avec le patient. Cette pratique a démontré les effets
facilitateurs pour l'émergence de contenus et processus fortement assujettis aux
défenses inconscientes, et par là révélés à l'insight.

233
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IV. Bc. Violence sociale et terrorisme


L'ouvrage de Kernberg (2003) « Sanctioned Social Violence » (« Violence
sociale légitimée ») développe un éventail de mécanismes narcissiques-paranoïaques
régressifs et malveillants qui génère une matrice (inconsciente) commune pour
l'analyse des aspects de la psychologie sociale qui légitiment la violence. En ajoutant
la dimension de l’effroi des conséquences d'une agression qui mobilise les défenses
de type narcissique et paranoïdes, Kernberg va plus loin que Freud. Dans ce type de
processus de régression groupale, les fonctions et les opérations de défense normales
sont remplacées par une large panoplie d'opérations de défense primitives typiques
des mécanismes paranoïdes-schizoides détaillés à l'origine par Klein. Selon Kernberg
et Green (Kernberg, 2003), ce puissant et incontrôlé potentiel régressif vis-à-vis des
opérations de défense primitives, concentré sur le clivage pour gérer l'agression
primitive, pourrait bien représenter la plus importante indication en faveur du système
motivationnel général de Freud, qualifié de pulsion de mort, la contrepartie de la
libido. Rice (1969), Green (1969), Glass (2008) et Kernberg (1994, 2003) constatent
l'existence de ces contenus inconscients et ces processus qui opèrent chez les
individus, les groupes de petite et de grande taille, dans les institutions et dans la
société.

IV. Bd. Le traumatisme historique, l'inconscient ethnique et la crise


sociale/internationale
Herron (1995) a conceptualisé ‘l'inconscient ethnique’ en termes de matériel
refoulé que partage chaque génération avec la prochaine et avec la plupart des
membres d'un groupe ethnique. Les traumatismes historiques relient entre eux les
membres d'un groupe social, ethnique, religieux, ou d'une nation, qui les prédisposent
à une rapide régression à des idéologies paranoïaques, des mouvements de masse
paranoïaques, au fanatisme, l'exclusion et les attaques violentes envers les autres
sous-groupes politiques, nationaux et ethniques. Volkan (1988, 1999) y a contribué
par sa compréhension fondamentale des interrelations qui existent dans le
traumatisme historique, le développement de l'identité et les conflits inter-groupaux.
Les ‘autres groupes’ deviennent des objets de clivage précoce, de régression
narcissique et paranoïde et de mécanismes de défense à leur encontre. L'absence du
processus de deuil est l'un des facteurs qui ont été identifiés (Volkan, 1999). Le
potentiel inconscient de violence primitive qui existe à des degrés différents dans
chaque individu peut être rapidement activé dans les processus régressifs de groupe.
Tout au long de l'histoire, la violence activée par les groupes peut à son tour être
amplifiée par un amalgame d'internalisation collective du traumatisme historique
(Papiasvili et Mayers, 2013), et de crise sociale aigüe qui perturbent ainsi les
structures sociales ordinaires. Dans de telles conditions, la popularité paranoïaque
d'une idéologie dominante peut émerger et s'infiltrer dans un terrain fertile.

234
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IV. Be. Dynamiques sociales et organisationnelles ; la psychohistoire


Les champs appliqués de la dynamique sociale et organisationnelle et le
champ interdisciplinaire de la psychohistoire utilisent les concepts évoqués
précédemment dans leurs recherches et dans leurs élaborations sur le fonctionnement
des grands groupes, à travers les temps et espaces géographiques. Un exemple de
dynamique sociale est donné par le concept d'‘antigroupe’ de Morris Nitsun (1996),
une convergence d'éléments destructeurs inconscients qui portent atteinte au
fonctionnement du groupe, que ce soit un groupe de thérapie, un groupe
organisationnel ou institutionnel, ou un contexte de groupe macrosocial. Le domaine
de la psychohistoire en particulier a une longue tradition en Amérique du Nord, qui
est celle d'avoir appliqué les concepts psychanalytiques à des évènements
macrosociaux à des périodes différentes de l'histoire. Les premiers articles sur des
thèmes psychohistoriques sont apparus déjà en 1909 dans le premier numéro du
Journal of Abnormal Psychology (journal de psychologie clinique). D'autres travaux
considérables innovants dans ce domaine ont été publiés par, entre autres, Robert J.
Lifton (1993) ; le Journal of Psychohistory (Journal de la psychohistoire), fondé par
Lloyd deMause ; et Clio's Psyche, publié par Paul Elovitz. Un exemple contemporain
de psychohistoire psychanalytique provient de la ‘configuration transcendantale’ de
Eva Papiasvili et Linda Mayers, par laquelle l'accès à l'infantile-irrationnel-magique
représente une ressource nécessaire pour surmonter les traumatismes dans les
proportions épiques de l'histoire du Moyen-âge (2013, 2014, 2016). Nitsun (1996),
ainsi que Papiasvili et Mayers (2013), mettent l'accent à la fois sur le potentiel
illimité, destructeur et créatif, des processus et contenus irrationnels et régressifs,
quoique rajeunissants et régénératifs.

V. CONCLUSION

Dans ce début du 21ème siècle, il existe de nombreuses manières de


comprendre l'inconscient sur les trois continents psychanalytiques. Dans cette
pluralité conceptuelle réside des orientations régionales importantes.
En Europe, les analystes français ont initié l'orientation d'un “retour à
Freud”, qui a consisté en des relectures, des déconstructions et de mise à l’œuvre des
concepts classiques. Dans la tradition française, le postulat d'une séparation absolue
(irréductible) entre les préconscient/conscient et l'inconscient, ainsi que celui de relier
l'inconscient à la pulsion sexuelle (qui diffère de la notion d’instinct) est fondamental.
Ainsi, selon des composantes de cette pensée, l'inconscient ne peut se révéler par
l'observation mais uniquement être déduit par ‘après coup’, après l'évènement, les
motions psychiques.

235
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Une autre orientation de la pensée européenne sur l'inconscient est représentée


par un groupe d'analystes qui s'accordent à la science cognitive, la neurobiologie et les
neurosciences, pour explorer la connaissance procédurale implicite et la mémoire
implicite, où est émise l'hypothèse que les expériences infantiles des deux premières
années de l'enfance y sont localisées. Il y a, au cœur de ce champ conceptuel,
concerné par les procédures et représentations relationnelles, implicites ou énactives,
un modèle de développement qui est en phase avec les découvertes récentes sur les
théories de l'attachement, l'interaction précoce parent-enfant et la neuroscience
cognitive et affective.
La troisième orientation importante dans la conceptualisation européenne de
l'inconscient s'inspire de la théorie de la relation d'objet qui focalise sur le rôle de
l'objet dans la formation de l'inconscient et que l'on considère être à l'origine de
l'internalisation des expériences relationnelles. L’infant est intrinsèquement doté de
pulsions, façonnées, selon cette théorisation, par les interactions avec
l'environnement : ces interactions sont elles-mêmes colorées et remodelées par les
processus psychiques inconscients. L'inconscient, dans cette tradition de pensée, est
structuré par la qualité de la transformation des expériences sensorielles et
émotionnelles lors des relations primaires. Les notions innovantes d'un espace
intermédiaire entre le soi et l'autre, et de l'objet transitionnel, ont ouvert la voie à
repenser la dyade des relations d'objet avec des développements sur les zones
‘tierces’. Des concepts tels que le tiers analytique, le rêve éveillé et l'impensé connu
pointent tous sur des formes de savoirs inconscients qui dépassent l'idée de dyade et
imprègnent ‘l'idiome’ et l'être entier de l'individu.
En Amérique du Nord, parmi les voix multiples qui conversent sur les
mécanismes du Moi inconscient, sur les processus inconscients et le ‘processing’, sur
les conflits intrapsychiques et le compromis, sur le rôle de l'objet, du sujet et de
‘l'autre’ dans le développement et dans la situation psychanalytique, sur
l'internalisation, la représentation, la symbolisation, les énactions, la superposition
horizontale et les clivages verticaux, sur l'intersubjectivité, la neuropsychanalyse et la
vérification des souvenirs, les plusieurs orientations suivantes sont discernées :
Dans la focalisation sur les processus, l'étude des processus inconscients et les
structures est mise à part du contenu inconscient, bien que le processus lui-même est
de plus en plus considéré être composé de dimensions fluides et structurées.
L'on reconnait le rôle de l'objet dans la composition et la modulation des
contenus et des processus inconscients. Cette voie nouvelle porte implicitement une
moindre vision biologique du ‘pulsionnel’. En même temps, les neurosciences
dynamiques contemporaines et la neuroanalyse ont stimulé un nouvel examen des
postulats métathéoriques freudiens en ce qu'elles recentrent de nouveau la physiologie
du cerveau et du corps en relation aux processus inconscients et aux contenus.
L'alternative dominante à la théorisation sur la scène psychanalytique
américaine contemporaine s'est portée sur un ensemble d'approches connues sous le

236
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terme générique de psychanalyse relationnelle, que toutes mettent l'accent de


manières différentes sur la nature de l'esprit implicitement dyadique, sociale,
interactionnelle et interpersonnelle. D'où l'appellation alternative d’inconscient ‘two-
person’, l'inconscient co-créé dans le champ intersubjectif. Reliée traditionnellement
à la recherche sur l'enfance et les neurosciences, l'orientation semble se situer entre
l'exclusion et l'inclusion de l'interaction dynamique dans le monde interne
représentationnel.
En dehors de la psychanalyse relationnelle, le débat actuel se situe moins dans
la contribution respective de l'intrapsychique par rapport aux facteurs relationnels,
mais plutôt sur l'articulation et l'interaction complexe entre la propension de l'objet,
pendant les premières périodes de l'enfance, à la liaison, au rêve, à la symbolisation et
à la facilitation, avec la ‘réaction’ intrapsychique inconsciente du sujet, et la
représentation.
Parmi les orientations psychanalytiques, l'on observe une focalisation
croissante sur l'‘inreprésenté’ et l'inconscient ‘sousymbolique’ ainsi qu'une
réappréciation correspondante dans le contexte de la participation interprétative et
non-interprétative, dont les énactions (enactments) contretransférentielles, le holding,
la contenance et la facilitation. Dans la mesure où la focalisation se trouve sur les
modes non interprétatifs du fonctionnement de l'analyste, cela constitue une déviation
théorique des approches traditionnelles de la théorie du conflit de l'inconscient. Si tant
est que la focalisation se situe sur l'inreprésenté et le sousymbolique dans le discours
interprétatif, cela constitue une expansion du domaine intrapsychique des différents
processus inconscients définis et stratifiés.
Aujourd'hui de nombreuses écoles de pensée mettent l'accent sur les avantages
des limites perméables optimales entre les différentes parties de la psyché.

En Amérique latine, les orientations qui convergent sur la pensée


métapsychologique et clinique ont mené à des études intensives sur la logique
inconsciente et la communication inconsciente.
Si l'on rapproche les conceptions de Freud sur le processus primaire aux
propositions mathématiques, la logique inconsciente est présumée être gouvernée par
deux principes : le principe de généralisation, qui explique qu'au contraire de la
logique du système conscient, la logique de l'inconscient ne considère pas les
individus comme des unités distinctes, mais en ce qu'ils sont des membres de groupes
toujours plus grands et, par ailleurs le principe de symétrie, qui identifie la façon dont
l'inconscient traite de manière identique le contraire/revers de chaque relation. L'on
suppose que l'esprit fonctionne de manière bi-logique par le fonctionnement
simultané des logiques conscientes et inconscientes.

Les analystes latino-américains, qui sont enracinés dans les écrits de Freud sur
le sujet, et qui intègrent des découvertes ultérieures sur les conceptualisations du
transfert, du contretransfert et sur l'identification projective, ont conceptualisé la

237
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situation analytique comme un champ dynamique. Convaincus de la profonde


intersubjectivité de la situation analytique, les auteurs ont forgé une transformation de
la théorie du rêve en utilisant le concept de rêverie. Dans les exposés contemporains
sur la communication inconsciente, le rêve, conçu comme une fonction psychique
continue, prend un rôle encore plus central que dans la théorie classique. Chaque
session étant considéré être l'aboutissement d'une communication entre un inconscient
et un autre inconscient, elle est conçue comme un long rêve partagé. Ainsi, la totalité
de l'analyse devient un échange de rêveries.
En général, parmi les divergences entre les orientations régionales sur les
pluralités conceptuelles qui mettent l'accent de manières différentes sur les multiples
dimensions des processus, contenus et structures inconscients, dont le contexte de leur
formation et de leur changement, plusieurs thèmes convergents émergent :
Le besoin constant du concept : La plupart des psychanalystes sont d'accord
avec l'idée que l'inconscient est un outil essentiel pour appréhender une réalité
fondamentale de la psyché humaine : sa traversée par des modes de ‘représentation’
séparées totalement des règles des processus secondaires de la cognition.
L'inconscient est généralement interprété comme un produit dérivé, aussi bien unique
qu'universel, des ‘incompatibilités’ psychiques entre l'expérience individuelle et la vie
collective. Alors que le noyau de l'inconscient est supposé émerger de, ou être
‘déposé’ pendant l'enfance, dans des situations de conditions traumatiques, l'esprit
adulte submergé pourrait à n'importe quelle période du cycle de vie extruder des
zones nouvelles du fonctionnement inconscient. L'inconscient représente encore une
clé de voute pour de nombreuses écoles de pensée, sans chosification, il est vrai, et
dans des contextes différents.
Processus : L'étude des processus, le ‘processing’ et les structures
inconscientes, est estimée pour beaucoup être aussi importante théoriquement que
cliniquement, dans ses analyses traditionnelles des contenus inconscients.
L'orientation contemporaine semble se concorder sur l'examen des processus
inconscients dans leur dimension fluide et structurée en soi, ainsi que sur la
déconstruction des strates différentes du fonctionnement inconscient : perçus à
l'origine être relativement ‘illogiques’ et ‘non communicatifs’, ils sont actuellement
considérés posséder leurs propres logiques et leurs propres modes de communication.
Avoir recours à un niveau de fonctionnement de l'inconscient plutôt que sur d'autres
semble constituer un déterminant important d'une réaction individuelle à la technique
analytique traditionnelle.
Le rôle prépondérant de l'objet, la relation d'objet et diverses
conceptualisations de l'interaction : Les théories de la relation d'objet ont développé
un concept de l'inconscient fondé sur des modèles relationnels de l'esprit qui donnent
un rôle prépondérant à l'objet dans la formation (et le changement) de l'inconscient.
Parmi les modèles différemment conceptualisés de l'internalisation des expériences
relationnelles dans une interaction réciproque avec l'affect et la pulsion dont le

238
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nourrisson est doté, il est largement reconnu que, outre la reconnaissance et la


satisfaction des besoins corporels, la capacité de mentalisation, de symbolisation et de
communication des soignants primaires ; ainsi que leur propre vie inconsciente, sont
cruciaux à la constitution, et la modulation, du contenu inconscient, de la structure et
du processus, et de l'articulation du tout avec les zones plus rationnelles de l'esprit.
Bien que la focalisation que les théoriciens du self intersubjectif relationnel et de
l'attachement posent sur le rôle de l'adulte, dans la constitution de la structure
psychique, a largement gagné en reconnaissance, il existe un débat continu sur
l'orientation prise de certains partisans vers des approches de réalités
‘psychologiques’ cognitives, subjectives et intersubjectives et qui s'éloignent des
visions dynamiques de l'inconscient comme étant chargé de conflits, imbu de
sexualité infantile et irréductiblement ‘autre’. De nombreux auteurs contemporains de
cette conviction envisagent des théories de l'inconscient à ‘deux voies’, où le concept
de ‘l'inconscient relationnel’ permet la rencontre de la pensée psychanalytique sur les
phénomènes dynamiques/intrapsychiques et intersubjectifs.
La participation de l'analyste : De la reconnaissance du rôle de l'objet dans
la vie psychique inconsciente, les manifestations de contretransfert dans le ici-et-
maintenant sont considérées largement être la voie royale vers l'intuition et la
représentation des problèmes inconscients en jeu dans le traitement.
Articulation-Interaction : Le débat actuel se situe moins sur la contribution
respective des facteurs intrapsychiques, externes, relationnels, mais plutôt sur les
études qui concernent maintenant l'articulation et l'interaction complexe entre la
propension de l'objet, pendant les premières périodes de l'enfance (et l’actualité, dans
la situation analytique), à la liaison, au rêve, à la symbolisation et à la facilitation,
avec la ‘réaction’ intrapsychique inconsciente du sujet, et la représentation.
Le domaine de l'inconscient inreprésenté, insymbolisé : Les aléas de
l'expérience corporelle pendant le développement, et à la suite d'une maladie et d'un
traumatisme, sont considérés être un déterminant crucial, et une limite, à la
métabolisation et au développement psychiques. L'intérêt porté à l'inconscient non-
refoulé a été fortement renforcé grâce au groupe d'analystes qui ont constaté des
convergences interdisciplinaires substantielles avec les nouveaux travaux réalisés sur
les processus non conscients dans les domaines de la neurobiologie, les neurosciences
affective et développementale et en neuropsychanalyse. Les débats à long cours sur le
caractère dynamique des premières impressions implicites non refoulées demeurent
un sujet de controverse à long terme. La différence entre les deux interprétations
dynamiques et non dynamiques des résultats neuroscientifiques semble être associée à
l'exclusion ou l'inclusion de l'interaction dynamique des mondes représentationnels
internes, une marque de fabrique de la perspective psychanalytique. La question, que
Freud lui-même avait posée, s'interrogeait de savoir pourquoi l'interprétation
déclenche un insight et un changement chez certains patients, et pas d'autres, et
pourquoi ces réactions, qualitativement différentes de la situation classique, ne
coïncident pas forcément avec des diagnostiques traditionnels ou même

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psychiatriques contemporains, reste toujours d'actualité dans les investigations


théoriques, dans toutes les régions. A partir d'une première formulation en termes de
‘déficit’ dans la provision des besoins primaires dans la petite enfance, toutes les
régions ont affecté cet intérêt théorique à une intense étude sur les différentes étapes
impliquées dans le développement de la capacité à représenter et à symboliser, à
recouvrer et étendre le fonctionnement symbolique inconscient et donc la capacité à
transmettre, sans angoisse inutile, la richesse intime et idiosyncrasique du matériel
inconscient.
Réversibilité-Perméabilité : De nos jours, de nombreuses écoles mettent
l'accent sur l'enrichissement créatif pour la vie humaine de la perméabilité à deux sens
que les différentes parties de l'esprit permettent. La santé psychique semble être
associée à la capacité d'accéder de manière flexible à des niveaux multiples
coexistants d'organisation et de processus psychiques inconscients. Un certain nombre
de modèles se sont rejoints sur les outils utiles au travail psychanalytique, notamment
l'indispensable fluidité psychique de l'analyste et sa capacité régressive.
Les perspectives du champ : L'intersubjectivité et l'interdépendance
fondamentales du développement humain ont conduit de nombreux analystes à se
consacrer au champ ‘bi-personnel dynamique’ entre l'analyste et le patient, une
rencontre où les nouvelles élaborations/expansions, et non pas les simples répétitions
des questions inconscientes individuelles de chaque partenaire de la dyade, peuvent
émerger, et à laquelle la présence et l'esprit de l'analyste peuvent contribuer de
manière significative. Ceci concorde avec les expériences cliniques et les convictions
que de nombreux analystes partagent, qu'il existe un potentiel tout au long de la vie
pour l'émergence d'expressions plus inventives et créatives des contenus psychiques
exclus précédemment, ou sinon des-intégrés.
Questions identitaires et narcissiques dans l'équilibre psychique : De
nombreux auteurs ont poursuivi leur compréhension des aspects sains et
pathologiques du narcissisme, dans le développement psychique et la séparation
intrapsychique des objets internes, mais aussi en termes de processus d'individuation
tout au long de la vie et de lutte pour maintenir la cohésion de soi.
L'inconscient groupal : Comme en témoignent les contextes cliniques,
institutionnels et macrosociaux, le potentiel aussi bien destructeur que créatif des
processus et contenus inconscients irrationnels et régressives du groupe, quoique
rajeunissants et régénératifs, est inépuisable.
Les analystes contemporains continuent leur développement théorique
commencé par Freud, sur les processus inconscients TRAVERSANT LES SUJETS
INDIVIDUELS, dans le cadre de leurs interactions sociétales et affiliations de groupe
de configuration interne dyadique et triadique. L'ornement créatif que forment les
multiples superpositions conceptuelles, qui interagissent et se tiennent côte à côte,
avec leurs disparités et leurs contradictions, au sein de, et entre, les théories
individuelles, à l'intérieur même d'une région ou entre elle, reflète probablement les

240
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folles ambiguïtés exaltantes et les paradoxes de la nature de l'objet, de l'inconscient


lui-même.

Voir aussi :

CONFLIT (LE)
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (LA)
CONTRE-TRANSFERT (LE)
IDENTIFICATION PROJECTIVE (L’) (bientôt)
THÉORIES DE RELATION D’OBJET (LES)

RÉFÉRENCES

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Consultants Régionaux et Contributeurs

Europe : Cono Aldo Barnà, MD : Judy Gammelgaard, Professeur, Dr. Phil ; Maria
Ponsi, MD

Amérique Latine : Dr. Jose Renato Avzaradel, Analyste de formation

Amérique du Nord : Fred Busch, PhD ; Allannah Furlong, PhD ; Daniel Traub-
Werner, MD ; (Consultants)
G. Abelin-Sas, MD ; M. Anderson, MD ; J.L. Bachant, PhD ; F. Baudry, PhD ; L.
Brown, PhD ; I. Cairo, MD ; D. Carveth, PhD ; E. Debbane, MD ; J. Fernando, PhD ;
J.L. Fosshage, PhD ; A. Harris, PhD; L. Kirshner, MD ; H.B. Levine, MD ; C. Lovett,
PhD; A.A. Lynch, PhD ; M. Meloche, MSW ; R. Oelsner, PhD ; E.D. Papiasvili, PhD
; G.S. Reed, PhD ; W. Reid, MD ; A. Reiner, PhD ; A.D. Richards, MD ; A.K.
Richards, CSW ; D. Scarfone, MD ; R. Sosnik, MD ; A. Wilner, MD (Auteurs,
Conseillers)

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Traduction : Corinne O’Connor ; Edition : Caroline Williamson

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INTERSUBJECTIVITÉ (L')
Entrée tri-régionale
Conseil éditorial interrégional : Adrienne Harris (Amérique du Nord),
Abel Fainstein (Amérique latine), et Christian Seulin (Europe)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)

I. INTRODUCTION GÉNÉRALE

De manière générale, la position psychanalytique de l'intersubjectivité est


originaire des États-Unis : elle implique un changement de paradigme théorique, ainsi
qu'une nouvelle conceptualisation du processus psychanalytique. Elle s'appuie sur de
nombreuses sources, qui comprennent, sans pour autant s'en limiter, la philosophie de
la phénoménologie et du structuralisme, la psychologie des profondeurs (la
« personologie »), la recherche sur l'enfance dans le cadre de la psychologie
développementale et de la psychanalyse de l'enfance, et les auteurs psychanalytiques
britanniques (à l'origine hongrois), ainsi que les théories interpersonnelles et
socioculturelles en psychanalyse et en psychiatrie et en psychologie dynamique, ainsi
que les diverses théories du champ.
Un point de vue de l'intersubjectivité bien défini en psychanalyse
francophone, influente en France, en Belgique et dans certaines régions du Canada et
des États-Unis, ainsi que dans certaines régions de l'Amérique latine, plus récemment,
s'est développé, sur des axes parallèles, à partir d'une tradition psychanalytique
différente, bien qu'avec certains points de convergence. Elle s'appuie sur des
relectures spécifiques de l'opus allemand d'origine de Freud et sur une traduction
directe de Freud en français, avec le concours d'un contexte socioculturel
historiquement significatif, même pour les analystes qui ne suivent pas l'interprétation
dynamique spécifique de la linguistique structurelle de Lacan, ainsi que sur une
interprétation (venant des États-Unis) quelque peu différente des théories du champ,
et sur les auteurs britanniques.
Selon l'estimation de certains auteurs contemporains français (Green, 2000),
les théories de l'intersubjectivité provenant des États-Unis et de la pensée
psychanalytique française présentent un mouvement correctif d'un aspect sous-
théorisé/incorrectement théorisé de la théorie psychanalytique préexistante, plutôt
qu'une révision.
La définition généraliste de l'intersubjectivité présentée dans les dictionnaires
psychanalytiques récents de l'Amérique du nord et d'Europe (Akhtar 2009;
Auchincloss et Samberg 2012, Skelton 2006) soulignent l'interaction dynamique

263
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protéiforme et multidimensionnelle réciproque entre les personnes, sur la base de


leurs propres expériences (conscientes, préconscientes et/ou inconscientes)
subjectives, ainsi qu'un éventail d'aspects interpénétrants mutuellement
transformationnels de ces engagements, dans le développement précoce ainsi que
dans le dialogue psychanalytique.
Bien qu'il n'existe aucune définition de l'intersubjectivité dans le dictionnaire
récent de l'Amérique latine (Borensztejn 2014), les entrées liées au champ
psychanalytique, la communication inconsciente et la théorie de la communication
reflètent également des aspects similaires de l'interactivité intersubjective. Des
chroniques contemporaines de la pensée intersubjective française (Tessier 2014 a,b)
mettent l'accent sur le « sujet inconscient » et son développement en relation à «
l'autre réel », sujet et objet.
Cette entrée intègre l'exposition de l'intersubjectivité dans son orientation
psychanalytique dominante ainsi que dans son aspect de plus en plus proéminent de la
pensée et du travail psychanalytique, présent de manières différentes dans l'ensemble
de nombreuses orientations psychanalytiques dans le monde entier.

II. LE CONTEXTE PHILOSOPHIQUE, SOCIO-HISTORIQUE, THÉORIQUE


ET CLINIQUE GLOBAL

II. A. Les racines philosophiques


Les idées en rapport avec l'intersubjectivité sont survenues de manière
progressive dans l'ensemble de disciplines et d'auteurs différents : Premièrement en
philosophie, en réaction à la notion de subjectivité de l'esprit autonome, propre à
Descartes, quatre siècles auparavant. Deux siècles plus tard, la phénoménologie d'une
conscience de soi fondée sur l'esprit selon Hegel a émergé dans le cadre de
l'intersubjectivité rudimentaire. Dans la phénoménologie d’Edmund Husserl,
contemporain de Freud, l'intersubjectivité est devenue un point de focalisation
spécifique de l'interrogation philosophique.
Depuis lors, le dualisme entre l'esprit et le corps de René Descartes (1596-
1660), la philosophie occidentale s'est penchée sur la question de la subjectivité. La
subjectivité cartésienne est celle d'un esprit isolé, capable uniquement de certitude à
l'égard de lui-même, de sa propre pensée et sa propre conscience de soi. Descartes a
inventé le concept d'un sujet en tant que monade autonome, où toute autre chose
suscite le doute. Il a fallu 200 années, jusqu'à ce que Georg Wilhelm Friedrich Hegel
(1770-1831) expose la notion à un vrai défi. Pour Hegel, la subjectivité ou la
conscience de soi requiert la rencontre avec l'autre. Dans sa dialectique maître-esclave,
la conscience de soi survient d'une lutte entre deux individus qui réalisent qu'ils

264
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dépendent l'un de l'autre : sans la reconnaissance mutuelle, aucun des deux ne peut
réaliser une conscience de soi adéquate. Il y a là une réorientation depuis le modèle
solipsiste cartésien « one-person » au modèle dyadique « two-person » de l'esprit.
Edmund Husserl (1859-1938), le fondateur de la « phénoménologie transcendantale
» mena plus loin la question de l'intersubjectivité : comment nous prenons conscience
des autres subjectivités. La réciprocité intersubjective, remplaçant la relation sujet-
objet par une relation sujet-sujet venant du contexte de l'idéalisme allemand aussi bien
de Hegel que de Husserl, est fondée sur la supposition qu'il n'y a pas de sujet isolé
sans un monde. Selon Husserl, la conscience individuelle est toujours en relation à une
autre : le moi individuel est entraîné dans un processus d'individuation dialogique qui
ne peut se reconnaitre qu'au travers de l'autre. Les précurseurs de l'intersubjectivisme
en psychanalyse de langue allemande peuvent se reconnaitre dans le concept de la
rencontre : mis à part le transfert, une rencontre existentielle se développe pendant le
traitement, pour laquelle le patient n'est pas pris pour un objet de connaissance, mais
pour un partenaire de dialogue qui transcende la dynamique du
transfert/contretransfert. (Bohleber 2013, pp. 807-809).
En rappel de Platon, Husserl cherchait à trouver la conscience du monde telle
qu'il est véritablement. Il posa le postulat selon lequel la conscience d'autres sujets
émerge de l'empathie par rapport à eux. De manière paradoxale, (comme bien plus
tard Stolorow en fit la remarque au sujet de Husserl, mais aussi Heinz Kohut) cette
intersubjectivité est résolument à sens unique, dans ce sens qu'elle a lieu uniquement
dans l'esprit d'une personne – celle qui éprouve de l'empathie. Elle donne cependant à
la présence de l'autre une entité subjective comme la sienne propre et elle parvient à la
conscience de l'autre en tant qu'entité subjective, similaire à celle de soi-même, par le
biais de l'empathie, sans aucune lutte pour la reconnaissance comme le proposait
Hegel. Pour Martin Heidegger (1889-1976), l'intersubjectivité est la condition
humaine fondamentale. Sa notion de Dasein représente un « être-dans-le-monde »
lequel ne peut se concevoir indépendamment de l'autre. Dasein se définit par le
questionnement de son être propre, qu'il est impossible de connaitre et qui dépend
d'une conscience de la fin de l'être, c'est à dire la mort, la temporalité. Un
développement ainsi ancré mène à l'analyse existentielle de Ludwig Binswanger,
l'autre à Jacques Lacan, et encore un autre à Hans Loewald, souvent cité par les
intersubjectivistes américains des États-Unis de progéniteur considérable. Pour aussi
bien Heidegger que Lacan, le langage est le moyen de l'inconnaissance, qui structure
la pensée autant qu'il la rend invisible.
La philosophie structuraliste du 20ème siècle – les études menées par Paul
Ricoeur (1913-2005) sur la structure métapsychologique du travail de Freud et les
explorations de Hans Georg Gadamer (1900-2002) dans les subtilités de la
communication intersubjective – étaient toutes deux également pertinentes pour la
rencontre clinique en psychanalyse.
Merleau Ponty (1918-1961), influencé par la psychologie gestalt de Kurt
Lewin (ainsi que l'était l'école de « personologie » de Henry Murray qui, pour

265
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Stolorow, était profondément impressionnante), avait fondé sa philosophie sur l'unité


du sujet et de l'objet. Son concept de l'inconscient, situé entre le sujet et l'objet est au
cœur de la vie dans le monde. Sa thèse herméneutique post-Heideggérienne, selon
laquelle la connaissance de soi résulte du processus d'implication dans le monde, a
influencé la conceptualisation psychanalytique de Madeleine et Willy Baranger et
George Klein. La notion du sujet incarné de Merleau-Ponty donne un moyen
spécifique à la relation intersubjective : le corps est le lieu où l'être et le monde se
manifestent en un. Ainsi la notion freudienne insuffisamment théorisée que « le Moi
est avant tout un Moi corporel » (Freud, 1923) se place dans le champ intersubjectif.

II. B. Le contexte socio-historique en Amérique du nord

II. Ba. Terminologie


Bien que certains (Schwartz, 2012 ; Kirshner 2009) considèrent que
l'intersubjectivité soit implicitement présente dans le modèle freudien du traitement
(Freud 1915, 1923), elle est restée « inthéorisée » et n'a pas intégré la terminologie
psychanalytique avant que Jacques Lacan ne l'introduise en 1953. Paradoxalement
peut-être, le premier auteur nord-américain qui cita le terme dans la littérature
psychanalytique était le psychologue quintessentiel de l'ego Heinz Hartmann en
1956, où il attira l'attention sur la validation intersubjective dans le contexte du
discours scientifique, dans son article « Notes on the Reality Principle » (« Notes sur
le principe de réalité »). Les premiers auteurs aux États-Unis à avoir mentionné le
terme dans un contexte similaire à cet usage actuel venaient à l'origine de la tradition
classique et leurs écrits sur ce sujet devinrent plus connus à l'étranger, à l'époque,
qu'aux États-Unis. Familiarisé avec Lacan et Ricoeur en raison de leur recherche sur
le langage de l'interprétation, Stanley Leavy, qui avait été l'étudiant de Schafer, écrit,
à l'encontre de la position classique en vigueur à l'époque, (Leavy, 1973) que les
fondements des interventions entre le patient et l'analyste est l'intersubjectivité et le
modèle de travail la relation. Son postulat est subtil et se fonde sur l'immersion de
l'analyste et du patient dans le langage et sur les interprétations mutuelles et
continues. Une autre publication en psychanalyse nord-américaine à l'époque, était
celle d’Arnold Modell : « Psychoanalysis in a New Context » (« La psychanalyse
dans un nouveau contexte »), de 1984. Inspiré par André Green et Donald Winnicott,
Modell souligne que la psychanalyse est principalement une question de subjectivités,
provenant à l'origine d'une matrice relationnelle enfant-mère. Plus tard, il élabore sur
l'interprétation de la vie psychique en se focalisant sur le processus de la
‘métaphorisation’ : une traduction de l’expérience corporelle en métaphores, c’est-à-
dire la fonction symbolique à base de toute subjectivité.
L'usage du terme en une pierre angulaire d'une théorie, indicative d'un
changement de paradigme, qui débute avec la publication de l'ouvrage de Robert D.
Stolorow, Bernard Brandchaft et George E. Atwood « Psychoanalytic Treatment :

266
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An Intersubjective Approach » (« Le traitement psychanalytique : une approche


intersubjective ») (1987). La psychanalyse selon cette approche est une « science de
l'intersubjectif, focalisée sur le mécanisme en œuvre entre les mondes subjectifs de
l'observateur et de l'observé dans leurs organisations différentes. Le positionnement
observationnel est toujours à l’intérieur… du champ intersubjectif... » (ibid, pp. 41-
42) 91 . Nous avons là l'intégralité du cadre psychanalytique axé sur le concept du
champ intersubjectif. Ce champ est situé sur le point d'intersection des deux
subjectivités et se génère par le jeu entre le transfert et le contretransfert. En outre,
d'après Stolorow : « La réalité (intersubjective) » qui se cristallise au cours du
traitement psychanalytique n'est pas « retrouvée » ou « découverte », comme
l'impliquait Freud (1913), ni « créée » ou « construite » comme le signifiaient d'autres
(Hartmann, 1939; Schafer, 1980; Spence, 1982). Elle est articulée par le biais d'un
processus de résonance empathique. L'approche intersubjective peut intégrer une
« compréhension intuitive proche de l’expérience, même par des perspectives aussi
divergentes que la psychologie du conflit classique et la self psychologie de Kohut
[...] » (Stolorow, 1988, p.337)92.
Les questionnements phénoménologiques ont mené Stolorow et Atwood à
l’enchâssement contextuel de toute expérience émotionnelle. Cette voie tracée depuis
la phénoménologie à la phénoménologie contextuelle fait écho à celle prise par le
mouvement de la phénoménologie toujours cartésienne depuis Husserl jusqu’au
contextualisme phenoménologique de Heidegger (Atwood, Stolorow et Orange,
2011).

II. Bb. Quelques développements pertinents en théorie et en pratique clinique


dans la complexité socio-historico-politique de la psychanalyse des États-Unis,
menant à l'émergence de l'intersubjectivité dans une orientation psychanalytique
Selon la psychanalyse aux États-Unis, l'intersubjectivité se conçoit par un
changement majeur de paradigme sur la base d'au minimum trois perspectives
imbriquées : a) depuis la perspective de la métapsychologie psychanalytique, il y a
une rétrogradation relative de l'inconscient dynamique et du concept de pulsion, en
faveur d'une exhortation à l'intersubjectivité ou à l'orientation intersubjective comme
force irréductible dans l'esprit humain ; b) du point de vue clinique, l'intersubjectivité
présente un nouveau modèle « two-person » pour la technique clinique qui se
centralise sur le champ intersubjectif en tant que point d’intersection de deux
subjectivités : celle du patient et celle de l'analyste ; c) et depuis la perspective socio-
politique, unique dans l'histoire complexe des politiques ultérieures d'exclusion au
regard de l'implantation psychanalytique aux États-Unis, où le groupe d'analystes en
dehors de la sphère médicale auparavant exclus fut désormais inclus, souvent à l'avant
plan et au centre de ces changements à multiples facettes.

91
NdT. Citation traduite pour cette édition.
92
NdT. Citation traduite pour cette édition.

267
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Certains de ces développements complexes et imbriqués qui mènent aux


changements de paradigmes que nous avons évoqués, sont détaillés ci-dessous.
Aux États-Unis, la psychanalyse classique, et son accent théorique posé sur
l'inconscient dynamique, la répression/résistance et la sexualité infantile, ainsi définie
par Freud (par la traduction d'origine vers l'anglais de Brill), fut en vigueur dès les
années 1920 et 1930, et dans les décennies suivantes devint une influence dominante
dans la formation des psychiatres dans le pays. La plupart des instituts
psychanalytiques de l'époque formaient uniquement les médecins, ce qui, avec le
concours de l'élégante traduction scientifique réalisée par Strachey, a parfois
contribué à l'application mécanique de la technique clinique menant à une asymétrie
exacerbée du modèle médical/chirurgical du médecin, la figure d'autorité savante de
l'expert, face au patient/souffrant non savant, avec un stricte respect impersonnel des
exigences de neutralité aseptisée, d'une attention uniformément flottante et d'une
surveillance étroite des associations libres du patient, suivie de longues périodes de
silence jusqu'à ce que l'analyste, ayant acquis suffisamment de contenu, puisse
donner une interprétation éloignée de l’expérience, parfois impersonnelle, des
déterminants inconscients pertinents.
A partir de la fin des années 1930, Hartmann, Kris, Loewenstein et d'autres
(Hartmann, 1939 ; Hartmann, Kris et Loewenstein, 1946) mirent en place un
développement substantiel à la métapsychologie freudienne sous la rubrique de
« l'ego-psychology », en y ajoutant progressivement une considération génétique,
développementale et adaptative aux théories dynamiques, structurelles et
économiques existantes (Rapaport et Gill. 1959, Freud, A. 1936/1965). Selon leur
théorie développementale, l'inconscient émerge par une matrice indifférenciée qui
déclenche le potentiel nécessaire au développement futur du Moi et des fonctions.
Dans leur théorie de l'adaptation, qui fait référence à un « environnement
généralement prévisible », le développement du Moi est médié par des relations où les
identifications deviennent la fonction majeure du Moi. Dans le travail analytique,
l'accent est progressivement posé sur les processus inconscients au sein du Moi, par
exemple les défenses.
C'est là qu'un thème essentiel se faufile : l'importance croissante qui est portée
sur les expériences des personnes dans l'environnement de l'enfant. Grâce à ce
développement, une valeur accrue est donnée à de nouvelles sources de contributions
à l'inconscient par rapport à l'activité du transfert (et du contretransfert). Si l'on prend
en compte le développement des influences venant de Budapest (Sandor Ferenczi,
Michael Balint), de Berlin et plus tard des analystes britanniques de l'école anglaise
British Middle School, (Donald Winnicott) et des premiers Kleiniens (Melanie
Klein, Paula Heimann), les contemporains de Hartmann ont continué leurs débats
sur les relations d'objet en approfondissant davantage les aspects conscients et
inconscients des toutes premières périodes développementales. Alors qu'Edith
Jacobson (1964) étudiait les mondes représentationnels du soi de de l’objet,
Margaret Mahler (1963 ; Mahler et al. 1975) pose sa contribution sur les

268
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formulations classiques de séparation-individuation que Daniel N. Stern (1985) a


revues plus tard. Une attention particulière est ainsi donnée à l'impact de la période
préœdipienne de l'enfance sur le développement ultérieur, ainsi qu'à la façon dont les
contrôles externes, exercés en partie par les transactions entre l'enfant et ses parents,
sont internalisés.
En contraste à l'homogénéité relative de l’Ego Psychology pendant la période
appelée « l'ère Hartmann », qui a suivi la seconde guerre mondiale, la psychologie du
Moi s'est éloignée du centre de la scène dans les années 1970. Après le décès de
Hartmann, les relations d'objet sont revenues à l'avant-plan et le pluralisme théorique
s'est installé. L'effervescence sociale aux États-Unis à l'époque des questionnements
philosophiques post-modernes sur le thème de ‘l'autorité’ et la critique féministe au
sujet des suppositions sur la sexualité et sur le genre inhérentes au « phallocentrisme »
freudien ont également contribué à la critique de l'homogénéité de l'Ego Psychology
classique. Certains des facteurs supplémentaires comprenaient : une trop grande
importance accordée au complexe d'Œdipe comme un lit de Procuste ; telle qu'elle
était pratiquée, la psychologie de l’ego était souvent fondée sur les interprétations
éloignées de l'expérience ; l'analyse se déroulait souvent de manière stricte et
impersonnelle ; malgré l'accumulation croissante de la littérature sur le
développement, le traumatisme se semblait pas être pris en considération ; la
littérature sur la psychologie de l’ego classique, c’est-à-dire Hartmann, était enseignée
de manière idéalisée (voir l'entrée PSYCHOLOGIE DE L'EGO).
L'Ego Psychology a évolué quand les théoriciens ont insisté que les résultats
cliniques soutenaient des hypothèses métapsychologiques. Cette évolution s’est
construite sur les apports de quelques membres du premier groupe (par exemple,
Mahler, Jacobson) ainsi que des nouvelles générations d'intellectuels (par exemple
Beres, 1962 ; Arlow & Brenner, 1964 ; Kanzer, 1971). Cette nouvelle ère s'est
signalée par la monographie d’Arlow et Brenner (1964), dans laquelle la perspective
métapsychologique est regroupée sous le point de vue structurel. Ce virage a permis
d’ouvrir une porte sur de nouveaux modes de pensée au sujet du développement et de
la situation clinique, dont les nouveaux efforts d’assimilation de Otto Kernberg
(1966) qui intègre alors certains éléments des théories britanniques de la relation
d’objet à l’Ego psychology et procède à l’élaboration de « la théorie américaine de la
relation d’objet », et de Heinz Kohut (1971), qui commença par élargir le point de vue
freudien du narcissisme, pour développer ensuite son propre système qu’il intitule la
Self Psychology, où la définition de la psychanalyse devient un traitement qui
consiste à ce que le psychanalyste écoute le patient avec empathie pour identifier son
besoin de réactivité (de la part de l’analyste) vis-à-vis du selfobject (un objet qui
remplit une fonction du Soi) et qui surveille étroitement l’échec de l’analyste à
répondre aux besoins réels du selfobject du patient. (Voir les entrées THÉORIES DE
LA RELATION D'OBJET, SELF (LE)).
L'un des principaux changements apportés au zeitgeist de cette pensée est une
réaction contre l'orientation métapsychologique. Influencée par la méthodologie de

269
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‘l'opérationalisme’ (focalisation sur les opérations concrètes), l'accent anti-


métapsychologique s'est premièrement développé dans les travaux de théoriciens
interpersonnels/culturels de HS Sullivan (1953), Karen Horney (1941) et Erich
Fromm (1941), qui ont souvent utilisé le concept de manière sélective uniquement
dans le sens du terme descriptif secondaire, plutôt que de le considérer comme un
aspect majeur de la vie psychique. Cependant, même selon leurs formulations, ces
parties de soi « aliénées », « mauvaises », « non-moi » devaient rester en dehors de la
conscience, et plantées profondément dans l'inconscient « immuablement privé ».
Cette approche a contribué directement et indirectement aux conceptualisations
psychanalytiques, ainsi qu'au travail dynamique effectué sur des pathologies critiques,
aux conceptualisations sur le développement dans la petite enfance, et a permis
d'approfondir la compréhension des transactions inconscientes dans le champ
transféro-contretransférentiel. Tout comme Harold Searles (1979), qui développa la
portée de la compréhension du contretransfert, Sullivan, Horney et Fromm furent
qualifiés de progéniteurs de l'intersubjectivité. Alors que son intention première était
de contredire le point de vue de Kraepelin sur la schizophrénie, pour Sullivan la
souffrance émotionnelle a un fondement interpersonnel dans les interactions
pathogènes depuis, et tout au long de la petite enfance d'une personne.
Étiologiquement proéminentes, ces interactions mènent à des difficultés dans la vie
pouvant être traitées de manière efficace par une approche interpersonnelle dans
laquelle l'analyste corrige l'anticipation du patient selon laquelle l'analyste serait censé
agir de la même manière que les personnes nocives qui auraient fait partie de la vie
précoce du patient. Éventuellement, les instituts que sont le Sullivanian Institute et le
William Alanson White Institute furent fondés à New York où la psychanalyse
interpersonnelle fut pratiquée et développée dans ce qui devint plus tard l'école
relationnelle (Relational School).
L’institut William Alanson White lance également la formation
psychanalytique pour les psychologues à partir de 1943, suivit rapidement dans cette
même veine par le Centre pour la santé mentale à New York (Postgraduate Center for
Mental Health), en 1949, où Lachmann et Stolorow se sont formés, dont la faculté à
l’origine était sous la coupe de Lewis Wolberg, précédemment du New York
Psychoanalytic Institute, citadelle de la psychanalyse classique, mais qui néanmoins a
préservé un site de traitement pour les patients externes désinstitutionnalisés et a lancé
la formation psychanalytique de groupe, avec une ouverture relative à la pluralité des
orientations théoriques (à l’origine géré par Asya Kadis, un analyste émigré
d’Hongrie). Les deux instituts ont conservé les services psychanalytiques pour
l'enfance, et des contacts directs avec les sites de formation de la Société
psychanalytique britannique. Un autre institut qui a contribué de manière notoire à la
diversification des perspectives a été le New York University Post-doctoral Institute
créé en 1961, qui proposait des programmes de formation freudiens, relationnels et
interpersonnels pour les psychologues. C'est ainsi que de nombreuses lumières
contemporaines de la pensée relationnelle y ont été formées. Depuis la fin des années
1980, les instituts de l'Association psychanalytique américaine ont ouvert leurs portes

270
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à des cliniciens hors de la sphère médicale et à des instituts et sociétés indépendants


de l'API dans le pays, où l'adhésion inclusive médicale et non-médicale s'est ouverte
et s'est développée.
Le travail clinique, avec un éventail large de patients d'âges et de pathologies
différents, ainsi que l'arrivée, sur la scène de la psychanalyse américaine, de
psychologues et d'autres professionnels cliniques hors de la sphère médicale, ont
perturbé le statu quo, indiquant le potentiel d'expansion de limites conceptuelles dans
de nombreuses directions.
Les prochains défis à la métapsychologie sont apparus au cœur du point de
vue métapsychologique lui-même. Parmi les grands contributeurs à ce défi, ce sont
Merton Gill et George Klein (1976), qui ont déterminé éventuellement deux théories
psychanalytiques : (1) une théorie clinique sur la base de l'observation empirique
incontestable ; et (2) une théorie spéculative abstraite. Roy Schafer (1976) proposa
un langage de l'action qui tenterait d'expliquer les phénomènes psychologiques par
des formulations dynamiques composées de verbes et d'adverbes et non pas de noms
et d'adjectifs. De plus, Shafer recommande alors l'usage de la langue pour y inclure
les forces motivationnelles et leurs actions en conséquence, selon des séquences
d'actions. Ce fut un pas supplémentaire en direction de l'intersubjectivité. Ce n'est que
plus tard que Heinz Kohut (1977) et John Gedo (1979) firent partie des anti-
métapsychologues. Dès lors de nouveaux groupes commencent à se développer, y
ajoutant d'autres praticiens venant des perspectives interpersonnelles, de la self
psychology et de l'approche relationnelle, dont l'unité clinique de soins était
interpersonnelle (ci-dessous).
Une autre révision conséquente de la métapsychologie freudienne pendant la
période entre 1960 et 1980 est intervenue de Hans Loewald, qui s'est lui-même
identifié comme étant psychologue de l'ego, dont l'influence, en qualité de figure
transitionnelle, lié à Winnicott et Jacobson, mais aussi à Heidegger, a été plus tard
largement reconnue pour avoir contribué à la réceptivité de l'analyse classique aux
États-Unis vis-à-vis de l'intersubjectivité dans ses nombreuses versions. Dans ses
travaux, Loewald mis l'accent sur le rôle essentiel des relations d'objet dans la
formation psychique et dans le changement que l'analyse entraîne. Stolorow exprime
plus tard son accord explicite de la conception clinique de Loewald (1960/80), où
« l'analyste, en qualité d'objet transformationnel, invite à vivre des synthèses de
nouvelles modalités de relations d'objet » (Stolorow, 1978, 317)93. Lors de sa révision
méthodologique de la théorie développementale de la psychologie de l'ego, Loewald
considère que la structure psychique des instincts provient de l'interaction de l'enfant
avec son environnement humain (la mère) (Loewald, 1978a,b/80). Lorsqu'il considère
que les instincts/pulsions découlent de l'interaction Loewald porte plus loin la thèse
de Jacobson selon laquelle les instincts sont un lien entre le soi de l’enfant et ses
objets. En outre, Loewald postule que l'interaction est un aspect critique de

93
NdT. Citation traduite pour cette édition.

271
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l'internalisation de la représentation subjective du Moi et de l'autre, soulignant que


l'interaction est une composante de base de l'esprit. De même que pour Winnicott au
Royaume-Uni, Loewald et Jacobson aux États-Unis sont considérés comme étant les
précurseurs du mouvement intersubjectif.
Certains auteurs (Schwartz 2012) perçoivent l'explosion de l'intersubjectivité
dans les années 1980 comme une élaboration des développements qui se déroulaient
en psychanalyse depuis au moins les années 1950, lorsque Heimann et d'autres
Kleiniens de la première heure, Racker, et de manière différente Ferenczi et Balint,
ont frayé le chemin pour que l'attention soit donnée au contretransfert comme étant
un élément central de la psychanalyse clinique. Dans ce contexte, l'approche
intersubjective serait l'une de plusieurs émanations de ce développement. Cette ligne
de développement est particulièrement pertinente pour l'intersubjectivité des théories
relationnelles contemporaines et, de manière différente, pour les théories de la
communication inconsciente dans les orientations post-kleiniennes nord-américaines
et post-bioniennes (ci-dessous). Bien que la focalisation de Klein sur les fantasmes
générés intérieurement qui dominaient l'esprit de tous, patients et analystes, tout au
long de la vie était conceptuellement enrichissante, certains psychologues de l'ego
ainsi que de nombreux intersubjectivistes aux États-Unis considéraient qu'elle
manquait de reconnaître l'importance de l'environnement externe.
L'appréciation et l'influence des concepts propres à l'intersubjectivité
provenant de la psychanalyse française a été retardée en raison de décalages des
traductions mais même lorsqu'ils ont été traduits ensuite, les intersubjectivistes aux
États-Unis considéraient que la pensée française était sujet de controverse puisqu'elle
développait encore la ‘réification’ de l'inconscient. Cependant, la pensée française
obtint une acceptation conditionnelle de la part de la communauté psychanalytique
générale aux États-Unis, lorsque la construction intersubjective des pulsions fut mieux
comprise. A partir des années 1990, les conceptualisations pertinentes de Wilfred
Bion, en termes d'intersubjectivité de l'identification projective et de la contenance
(voir les entrées CONTENANCE et IDENTIFICATION PROJECTIVE), ainsi que le
« tiers analytique » d'Ogden sont de plus en plus adoptées aux États-Unis,
particulièrement sur la côte ouest (Los Angeles, San Francisco, Seattle) où Bion a
travaillé, écrit et enseigné lors de la dernière partie de sa vie. Les conceptualisations
de Bion ont eu une influence profonde sur le volet de la pensée intersubjective
contemporaine sur la communication inconsciente (ci-dessous).
Parmi les théoriciens qui ont le plus influencé sa pensée, Stolorow (1994)
considère Freud (« sans lequel il n’y aurait aucune théorie psychanalytique à
débattre »), Winnicott (pour « sa vision du self et de l’intersubjectivité
humaine…sous forme d’imagerie poétique évocatrice »), George Klein (pour sa «
théorectomie radicale »), Kohut et Gill, ayant « au départ plongé dans la
métapsychologie classique, pour ensuite avoir tous deux proposé des alternatives
radicales à la théorie traditionnelle ». Révélateur de l'évolution de Stolorow sur la
recontextualisation de l’expérience proche du vécu de la métapsychologie de Freud

272
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est l'un de ses premiers articles (Stolorow, 1978), où il affirme que les formulations
structurelles de Freud à la fois contiennent et obscurcissent ses insights cliniques de
l'expérience subjective du conflit et il propose que le Ça, le Moi et le Surmoi doivent
être considérés comme « une représentation symbolique de la structuration tripartite
du monde subjectif expérientiel dans les états de conflit émotionnel » (ibid, p.314)94.
S'ensuit toute une série d'articles dans lesquels Stolorow souligne régulièrement que
la théorie de l'intersubjectivité ne cherche pas à remplacer Freud, puisqu'elle existe à
un niveau d'abstraction et de généralité différent que celle de Freud et d'autres
théories psychanalytiques, en ce sens qu'elle n'avance aucun contenu psychologique
particulier … C'est une théorie du processus …. Elle apporte en outre un cadre
permettant d'intégrer des différentes théories psychanalytiques en les
contextualisant » (Stolorow 1998, p.424)95 Un exemple d'une telle contextualisation
serait une pensée intersubjective sur le conflit : « Lorsque le conflit se libère de la
doctrine de la primauté de la pulsion instinctuelle, le conflit spécifique devient alors
une question empirique à explorer de manière psychanalytique. La focalisation... se
déplace depuis les vicissitudes présumées de la pulsion vers les contextes
intersubjectifs dans lesquels les états de conflit se cristallisent » (Stolorow 1994, p.
224) 96 . Stolorow (1998) souligne également que le point de vue intersubjectif
n'élimine pas la focalisation traditionnelle psychanalytique de l'intrapsychique. Il le
contextualise. Le problème avec la théorie classique, pensait-il, ne concerne pas sa
focalisation sur l'intrapsychique mais son incapacité à reconnaître que le monde
intrapsychique dépend du contexte. Cet aspect de la pensée intersubjective de
Stolorow devint particulièrement pertinent pour les écoles relationnelles (ci-dessous).
Alors que généralement, nous pouvons considérer que les concepts cliniques
que sont le contretransfert, l’énaction, l’identification projective et la contenance (voir
les entrées ÉNACTION, CONTRETRANSFERT, CONTENANCE,
IDENTIFICATION PROJECTIVE), ainsi que les termes apparentés de l’écoute
clinique décentrée, de la rêverie et d’autres, propulsent la tendance vers
l’intersubjectivité, la pertinence clinique de l’intersubjectivité devient plus claire
quand on l’observe dans le contexte d’un contraste entre une approche « one-person »
et une approche « two-person » du processus psychanalytique, comme le conçoivent
les subjectivistes des États-Unis :
Dans l'approche one-person, l'inconscient (de analysant) se considère comme
le but du processus, comme suit : « rendre l'inconscient conscient » dans le paradigme
de la théorie topographique et/ou « là où était du ça, doit advenir du moi » dans le
paradigme de la théorie structurelle. Dans ce cas, l'analyste est doté de l'autorité qui
consiste à détenir la connaissance des paramètres de base de l'inconscient et sa
capacité à dominer tous les processus psychologiques des personnes. Une exposition
nuancée de cette approche resituée dans la vision contextuelle interactive

94
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
95
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
96
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

273
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contemporaine du processus psychanalytique a été élaborée par plusieurs


psychologues de l'ego contemporains (ci-dessous).
L'approche two-person considère l'analyste moins comme une autorité
connaissante quand elle questionne la primauté des pulsions et fantasmes inconscients
profonds. L'analyste n'est pas considéré comme celui ou celle qui connait le contenu
et le processus de l'esprit inconscient du patient. Tout au plus, l'analyste partage avec
le patient un esprit doté d'aspects inconscients mais les deux sont en fait soumis à sa
qualité inconnue. L'analyste plus égalitaire est ouvert à l'idée que les attributions du
patient à son égard ne sont pas simplement du transfert mais qu'elles sont dignes d'être
considérées du point de vue du patient. L'analyste reconnait qu'il est influencé par le
patient et que le patient à son tour est influencé par lui et qu'il pourrait même être en
train de réagir à une suggestion plutôt qu'à une véritable perception de lui-même ou
d'elle-même.
Puisque l'analyste qui travaille dans le paradigme de l'intersubjectivité n'est
pas convaincu que le patient ait systématiquement affaire à des expériences qui
s'expliquent par des conceptualisations métapsychologiques particulières préconçues,
il a l'ouverture d'esprit de reconnaitre qu'il est lui-même guère libéré de sa propre
subjectivité. Comme Owen Renik (1993) le faisait remarquer, l'analyste lui-même
doit gérer sa propre subjectivité irréductible. Selon Renik, l'analyste interprète
toujours à partir de la perspective de ses propres croyances générées par son
expérience, plutôt que celle de son patient. La fusion de deux subjectivités, celle du
patient et celle de l'analyste devient la définition fonctionnelle de l'intersubjectivité.
L'influence, l'interaction et l'émergence de quelque chose qui représente un amalgame
des deux devient l'emblème de cette approche.
En conséquence, la focalisation sur l'intersubjectivité demande à l'analyste la
reconnaissance de sa participation à un « champ » de deux subjectivités individuelles.
Ce tournant relationnel intersubjectif entraîne alors des manifestations diverses. L'idée
d'un amalgame de deux esprits inconscients peut attirer davantage les analystes
traditionnellement enclins. D'autre part, dans toute version de la psychanalyse fondée
sur la pensée interactionnelle-relationnelle dans un contexte « two-person », l'usage
d'une approche intersubjective, même si elle n'est pas anhistorique, s'appuie sur la
phénoménologie clinique dynamique et, en conséquence, souligne l'importance de
l'ici et maintenant de la relation entre l'analyste et le patient avec une grande réserve
en ce qui concerne la métapsychologie d'un inconscient omnipotent et omniprésent.
Les dimensions intersubjective et relationnelle de la situation et du processus
psychanalytique ont été progressivement incorporées par de nombreux psychanalystes
contemporains freudiens et kleiniens (par exemple, Theodore Jacobs, Nancy
Chodorow, Steve Ellman, James Grotstein, Lawrence Brown et bien d'autres) de
différentes manières, donnant lieu à des conceptualisations et orientations hybrides
dont nous en évoquerons certaines ci-dessous.

274
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II. Bc. Contexte socio-historique dans la pensée intersubjective française


canadienne.
La psychanalyse de langue française comprend l'analyse francophone nord-
américaine du Québec. Étant donnés les proches rapports entre la psychanalyse nord-
américaine française et la psychanalyse française d'une part, et la psychanalyse de
langue anglaise – britannique et américaine – d'autre part, l'accueil donné à
l'intersubjectivité par la psychanalyse nord-américaine française est médié par les
affiliations psychanalytiques plus générales des analystes nord-américains de langue
française. Ceux qui sont sensiblement influencés par les orientations psychanalytiques
américaines ou anglo-américaines auront davantage tendance à être plus réceptifs au
paradigme relationnel/intersubjectiviste. Au contraire, ceux qui sont positionnés
davantage sur la culture psychanalytique française seront stimulés par la littérature
psychanalytique sur la question. En outre, l'exposition à ces trois traditions
psychanalytiques peut aussi mener à une synthèse originale sur la question de
l'intersubjectivité. Parmi les exemples que l'on peut donner sur ces synthèses, prenons
le développement pertinent de « La Troisième Topique » (Troisième
topique/Troisième modèle ci-dessous) de Brusset (2006) et les textes synthétiques
comparatifs de Lewis Kirshner (2005) et d’Hélène Tessier (2005, 2014a,b). Les
partisans du modèle métapsychologique de la troisième topique soulignent à quel
point la pulsion et les relations d'objet sont interreliés. Parmi les auteurs dont les
contributions sur cette réflexion ont été d'une influence toute particulière en Amérique
du Nord sont Lacan, Aulagnier, Winnicott, Green, Laplanche, Reid, et (ajouté
récemment) Loewald (voir l'entrée THÉORIE DE LA RELATION D'OBJET). Selon
leurs théories, les pulsions sont essentiellement constituées de manière
interactionnelle (intersubjective).
Les spécificités de la pensée intersubjective française suivront sous le thème de
l'intersubjectivité dans la psychanalyse française.

II. C. L'arrivée de l'intersubjectivité et du virage relationnel


L'usage du mot intersubjectivité est apparu pendant les dernières années dans
la littérature psychanalytique européenne, non pas tant pour désigner un nouveau
concept spécifique, ou une nouvelle dimension spécifique de la relation, mais pour
signifier généralement l'interaction réciproque entre deux êtres humains, en particulier
entre l'enfant et la figure parentale et entre le patient et l'analyste. L'usage de ce terme
est devenu petit à petit plus fréquent, se focalisant sur les échanges qui ont lieu dans la
dyade psychanalytique tout en progressivement mettant de côté les aspects de la
pulsion et de la dynamique intrapsychique.

Ce que l'on a appelé « le virage relationnel » dans la culture psychanalytique,


c'est à dire le déplacement de la psychologie « one-person » à la psychologie « two-
person » a eu lieu dans la psychanalyse européenne ainsi qu'aux États-Unis, et bien

275
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qu'en Amérique du nord, le modèle relationnel se soit développé en opposition au


modèle de l'ego traditionnel (ou « mainstream »), en Europe il s'est développé jusqu'à
un certain point à partir de fonctions relationnelles natives, à partir d'une sorte de
conscience relationnelle qui était déjà présente depuis le début, dans ses traditions,
bien qu'elle n'était pas complètement développée.
La présence d'une perspective relationnelle dans la psychanalyse européenne
peut se retracer à partir de plusieurs axes de pensée, tels que l'approche de Ferenczi
sur le traumatisme, les études de Bowlby sur l'attachement, l'approche de Winnicott
sur la relation entre la mère et l'enfant.
La France postfreudienne a été le berceau d'une énergie et d'une créativité
théorique phénoménale. Les répercussions de cette explosion intellectuelle ont
profondément impacté d'autres communautés psychanalytiques francophones en
Europe et en Amérique du nord (voir l'entrée INCONSCIENT (l')). Dans le contexte
de l'importance historico-culturelle large de la langue et des traductions, les analystes
français ont lancé la tendance du « retour à Freud » : re-tourner, re-lire, dé-construire,
mettre à l’œuvre les concepts classiques, avant même les « Œuvres complètes de
Freud – Psychanalyse (‘OCFP’) » de Laplanche (Laplanche 1989a), en ce qu'ils
considèrent leur travail comme une élaboration et un dialogue avec l'œuvre de Freud.
En raison du caractère distinct de l'intersubjectivité dans la psychanalyse
française en Europe et en Amérique du Nord (Canada), l'intersubjectivité dans la
psychanalyse française sera traitée dans un chapitre à part (ci-dessous).

II. D. Le contexte socio-historique de la théorie et de la pratique clinique en


Amérique latine
La psychanalyse latino-américaine s'est inspirée des sources initiales, pour la
plupart en Europe. C'est ainsi que Freud, Klein, Winnicott (et plus tard Lacan) avaient
« fondé » la psychanalyse en Amérique latine dans les années 1940. Mais deux
décennies plus tard, une influence des points de vue de l'école britannique s'est
développée tout d'abord, puis celle de l'école française ensuite.
Après avoir été étudiées et implémentées dans les Amériques pendant une
cinquantaine d'années, les idées de Freud, Klein, Winnicott ou Lacan ne sont pas
restées les mêmes. Les conditions culturelles imposent des schémas de changements
qui divergent des schémas culturels des pays d'où ils proviennent. L'histoire de notre
profession débute dans un centre (Vienne, Londres, Paris). Lorsqu'elle se déplace vers
la périphérie, de nouveaux phénomènes ont lieu, d'autant plus lorsqu'elle traverse les
océans. C'est là que l'expansion privilégiée de la psychanalyse se mêle à une variété
de facteurs.
Bien qu'elle se tourne vers l'Europe pour s'en inspirer, l'Amérique latine n'est
pas une copie conforme du vieux continent. La psychanalyse latino-américaine s'était

276
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développée au sein d'expressions culturelles locales, elle s'est transformée


progressivement et s'y est mélangée. Elle aspirait à s'intégrer dans la sphère
intellectuelle et dans les soins hospitaliers et elle s'est imprégnée des expressions
politiques et des mouvements sociaux.
Travailler dans un hôpital, ou dans un cabinet de consultation, n'est pas en
Amérique latine la même chose qu'en Europe. Les analystes latino-américains
représentent un large éventail socioéconomique, depuis les indépendants aux
collègues mal payés des sociétés d'assurances pour la santé qui doivent souvent
trouver d'autres sources de revenus. Les (parfois violentes) « irruptions » de la vie
sociale dans nos cabinets de consultation sont inévitables. Pour cette raison, de
nombreux analystes actifs depuis des décennies étaient des intersubjectivistes avant
l'heure, en raison de leur manière de gérer leur pratique clinique. Ils prenaient
largement en compte le contexte, de la même manière qu'un champ psychanalytique
déployé. Compte tenu de leur façon de travailler avec les patients, ils furent des
intersubjectivistes même s'ils ne connaissaient pas leurs auteurs de référence. A
l'heure actuelle, beaucoup d'analystes qui s'identifient à plusieurs cadres théoriques
(ceux de Lacan, Meltzer, les néo-kleiniens ou Freudiens) ont une approche avec leurs
patients qui consiste à faire l'impasse sur leur point de vue théorique propre : leur
attitude clinique est proche de celle des analystes intersubjectifs.

III. LES DÉVELOPPEMENTS DES PERSPECTIVES SPÉCIFIQUES

III. A. Perspectives spécifiques en Amérique du nord : Principalement aux États-


Unis
Aux États-Unis, l'intersubjectivité, en qualité d'orientation psychanalytique
est une théorie qui explique les influences qui affectent les relations entre les
personnes. Le terme s'applique au développement de l'enfant (Trevarthen, Stern) pour
expliquer la réactivité cocréée coordonnée réciproquement et la réactivité dans le jeu
qui a lieu entre l'enfant et la figure parentale qui favorise le développement de l'enfant
(Beebe and Lachmann). Le terme a été en outre appliqué pour expliquer le jeu des
subjectivités de l'analyste et l'analysant. Dans ce cas, l'intersubjectivité déplace
l'accent traditionnellement posé sur le transfert et le contretransfert sur l'expression
développée de l'expérience subjective de l'analyste. Le terme a également été appliqué
pour expliquer l'émergence particulière dans les relations psychanalytiques
(Benjamin) ou dans toute dyade intime ou groupe (Lichtenberg) d'un « tiers
analytique », c'est-à-dire une ambiance et une manière particulière de faire et d'être
qui est davantage, ou différente, de la subjectivité des personnes impliquées.

277
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S'inspirant particulièrement de la philosophie, Husserl, Robert D. Stolorow


lance l'intersubjectivité dans la self psychology. L'usage que Stolorow en fait est en
opposition directe à ce qui est pour lui le « mythe cartésien de l'esprit isolé ».
L'intersubjectivité dans sa perspective dominante remplace l'accent majeur
traditionnel porté sur les processus intrapsychiques dans la double théorie du conflit
des pulsions de Freud et son interprétation ultérieure dans l'ego psychology. Des
différents usages du concept de l'intersujectivité ont été incorporés dans les théories
relationnelles, issus des théories du champ et des relations interpersonnelles. Dans la
théorie relationnelle, l'intersubjectivité se conçoit comme une matrice à partir de
laquelle toute communication et échange a lieu au sein des dyades, de la famille, des
groupes et des cultures. En outre, l'intersubjectivité est impliquée de manière
importante dans la capacité d’immersion empathique (« empathic entry » (Kohut) et
de mentalisation (Fonagy), entre autres, d’une personne.
Dans son application dans le cadre des théories relationnelles, du champ et du self, les
expériences intersubjectives ont tendance à être proche du vécu (« experience-near »),
et à avoir des points communs avec les concepts des philosophes de la
phénoménologie. Lorsqu'elles sont appliquées aux cadres contemporains de l'ego
psychology ou aux orientations post-bioniennes, elles comprennent la
contextualisation intersubjective du niveau métapsychologique du discours théorique.

III. Aa. Les perspectives de la Self Psychology


La self psychology a débuté en reportant l'accent ego-psychologique sur
l'intrapsychique. A cela, Kohut (1971) ajouta le concept d'une relation spéciale entre
le self et le selfobject(un objet qui remplit une fonction du Soi). Dans ce concept, un
déficit du self, tel que le contrôle de l'angoisse, se répare par la transmutation de
l'internalisation de la fonction depuis l'objet sur le self. Cette relation entre un self
devenant cohésif par l'activité du selfobject est dénommée « one and a half person
psychology » (psychologie d’une personne et demie). Deux révisions majeures ont été
faites sur cette première conception. L'une concerne une réorientation depuis le
langage et les conceptions de l'hypothèse structurale à la théorie de l’expérience
proche du vécu de (Lichtenberg, 1975, 1979, 1992). La seconde renvoie au sentiment
de soi, de l'objet et aux expériences d’animation et de cohésion vis-à-vis du selfobject,
ainsi il relie la self psychology à la subjectivité de l’intersubjectivité. La seconde
révision de grande portée a été celle de l'intersubjectivité proposée par Stolorow
(1997).
S'inspirant particulièrement de la philosophie de Husserl, Robert D. Stolorow
lance l'intersubjectivité en un principe large nécessaire pour la relation humaine et
inhérente à elle-même. Ainsi, tout développement a lieu dans un champ intersubjectif,
une intersection des subjectivités individuelles.

278
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Dans cette conception plus large, « l'intersubjectivité dénote ni un mode


d'expérience, ni un partage d'expérience mais une précondition contextuelle à vivre
l'expérience elle-même » (Stolorow, 2013, p. 385, italiques de l’auteur) 97 . La
recherche sur l'enfance (Beebe & Lachmann, 2002) et les théories développementales
valide l'affirmation selon laquelle les interactions intersubjectives entre l'enfant et la
figure parentale tracent le schéma et donne le ton de la relation. De manière moins
générale, l'intersubjectivité est utilisée pour expliquer les changements d'affect d'un
moment à l'autre, ainsi que les intentions et objectifs de chaque individu dans une
relation dyadique, triadique ou de groupe.
Dans la thérapie analytique, l'intersubjectivité, c'est-à-dire l'entre jeu des
subjectivités de l'analyste et de l'analysant, déplace l'accent traditionnellement posé
sur le transfert et le contretransfert sur l'expression étendue de l'expérience subjective
de l'analyste. Cette nouvelle définition du rôle de l'analyste dans la relation dyadique
créée une « intimité sujet-sujet plus réciproque (bien que toujours asymétrique) »
(Lichtenberg, Lachmann, & Fosshage, 2016, p. 86-87) 98 . La subjectivité de
l'intersubjectivité renvoie à la conscience de l'individu vis-à-vis des affects, des
intentions, des objectifs, des perspectives et des réflexions à son sujet. De plus,
comme le soulignent la self psychology et la théorie de l'attachement, l'intimité sujet-
sujet se repose, et est nécessaire, à ce que chaque personne puisse ressentir l'état
d'esprit, les perspectives et les désirs de l'autre (empathie [Kohut, 1971] et la
mentalisation [Fonagy, Gergely, Jurist, & Target 2002]). Tout en permettant de rendre
compte de la perception empathique, l'intersubjectivité permet d'expliquer trois autres
concepts phare à la self psychology : l'accent posé sur les efforts adaptatifs, les
séquences de ruptures et de restauration (disruption-restoration) et l'ambiance qui se
développe dans le champ. Dans son point de départ focalisé sur les développements
du champ analytique intersubjectif, la self psychology accorde plus d'importance aux
interférences vis-à-vis des efforts positifs du patient (en amont) alors que de
nombreuses autres théories relationnelles accordent plus d'importance à
l'interprétation des efforts conflictuels inadaptés (en aval). L'intersubjectivité a été
déterminante pour que la signification de l’ambiance, l'état affectif général, c'est-à-
dire plus que les subjectivités individuelles des membres de tout dyade intime, soit
reconnue. L'ambiance qui se forme dans le champ intersubjectif d'une analyse en
cours a un effet profond sur l'analyste et l'analysant et sur l'aboutissement du
traitement.

III. Ab. Perspectives relationnelles


Dans la perspective relationnelle, l'intersubjectivité, qui a longtemps été
considérée redondante, ou synonyme de l'interpersonnel, du relationnel ou du bi-

97
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
98
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

279
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personnel, est censée englober les expériences psychiques qui émergent et qui sont
constituées et vécues dans un système dyadique ou composé de multiples éléments.
Il peut être utile de considérer que l'intersubjectivité est en contraste avec les
dimensions intrapsychiques de l'expérience. Traditionnellement, l'intrapsychique se
réfère à un système one-person, qui décrit l'expérience interne consciente et
inconsciente de la personne. L'interpersonnel ou le relationnel, qui se forme de
manière antiphonée par rapport à l'intrapsychique, est un concept qui s'applique
comme suit :
Éléments conceptuels (de l'intersubjectivité) :
a) La dimension sociale de l'expérience individuelle ;
b) Le champ bi-personnel que l'on imagine comme étant inconscient,
préconscient et conscient ;
c) L'expérience partagée de manière interpersonnelle ou collective ;
d) Les expériences individuelles ou dyadiques/multiples qui émergent avec les
caractéristiques uniques d'un cadre fusionné, conceptualisé ;
e) L'effet constitutif de l'intrusion de ‘l'altérité’ chez le sujet, un ‘autre’ aussi
grand que l'état et aussi microscopique qu'une transformation d'état partagée
f) Implications cliniques de l'intersubjectivité, par exemple les énactions.

III. Aba. Racines historiques


Les différentes écoles analytiques dessinent différemment la généalogie
historique de l'intersubjectivité. Sur la perspective relationnelle, Sullivan est
certainement important et le travail de Racker également, ainsi que les analystes
britanniques indépendants et kleiniens considérés sous l’angle de l'école
interpersonnelle. Ferenczi est également une personnalité importante dans l'évolution
de cette tradition, en ce sens qu'il a inauguré l'intérêt et la participation au sujet de
l'impact des relations externes en complément des développements constitutionnels et
internes dans le monde, qui étaient soulignés dans la tradition classique duquel le
travail de Ferenczi a émergé. L'intérêt que le traumatisme a suscité pour Ferenczi, son
fondement dans la réalité et ses séquelles psychiques a stimulé un regain d'intérêt
dans le champ intersubjectif comme terrain de travail psychique et de travail
transformateur.

Sándor Ferenczi
Le travail de Ferenczi (Ferenczi, 1949 ; Dupont, 1988) représente une
influence importante pour le développement des théories qui mettent l'accent sur les
dimensions intersubjectives du travail analytique, dont la mutualité, l'énaction et la

280
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bidirectionnalité des processus psychiques (Bass, 2015, 2009 ; Aron and Harris,
2010). Son expérience brève dans l'analyse mutuelle elle-même, comme il l'a décrite
dans son journal clinique (1988) est la représentation la plus radicale d'une thérapie
entièrement intersubjective de notre histoire. Ferenczi est l'ancêtre commun de deux
écoles : le British Independent Group (Parsons, 2009) et la American Relational
Group (Bass, 2009), qui ont joué un rôle important dans l'application des idées
intersubjectives dans la psychanalyse. Le journal clinique (Dupont, 1988) et la
correspondance entre Freud et Ferenczi qui a suivi ont révélé une sensibilité
commune profondément ancrée dans l'histoire des idées psychanalytiques. Les idées
de Ferenczi au sujet de la relation analytique (l'analyste est une personne réelle, un
sujet, dans une véritable relation, ainsi que l'objet dans une relation de transfert) ont
offert le potentiel de forger avec le patient un nouveau début, en exploitant à chaque
moment des potentiels inexplorés de croissance et d'évolution.
L'école interpersonnelle américaine, et l'école relationnelle qui a suivi ensuite,
a développé une perspective clinique en phase avec les découvertes de Ferenczi.
Celles-ci placent à son centre la reconnaissance radicale que l'analyste est un
participant inévitable au cœur du processus avec le patient, dans la cocréation de leur
expérience analytique partagée en une rencontre particulière entre deux subjectivités,
leur expérience consciente et inconsciente. Elle souligne que le transfert et le
contretransfert sont inévitablement complémentaires, chacun entrainant l'autre comme
dans un ruban de Möbius d'influence mutuelle et de transformations qui peuvent être
étudiées et explorées à bon escient dans la relation psychanalytique. L'analyste est un
observateur participant, ainsi l'impact de sa propre personnalité et ses façons
idiosyncrasiques d'être et de rentrer en relation avec le patient constituent des
dimensions importantes de l'expérience analytique qu'un point de vue intersubjectif
considère essentiel.
Ces idées avaient également été anticipées par Ferenczi qui avait lui-même
noté le caractère central du contretransfert, un complément au transfert façonné
mutuellement. Il avait décelé le rôle de l'influence réciproque dans la relation
analytique, ainsi que l'importance cruciale de la reconnaissance de l'analyste par
rapport à son propre impact sur le patient, un facteur dont il avait reconnu la grande
capacité d'améliorer les inévitables risques iatrogènes de la rétraumatisation. Ferenczi
souligne ce que le traitement implique en ce qu'il reconnait l'analyste comme une
véritable personne (idées reprises dans l'école britannique, par Fairbairn, Guntrip et
Balint, et dans l'école américaine par Thompson, Wolstein, Singer, Levenson et bien
d'autres).
Ferenczi avait détecté que le patient lit et réagit aux plus petites nuances du
comportement de l'analyste. Selon l'entrée dans le journal clinique de Ferenczi, en
1932 (in : Dupont, 1988), le patient « détecte par les petits gestes (la façon de se
saluer, la poignée de main, le niveau de dynamisme, etc.) la présence des affects »

281
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(ibid, p. 11)99, qui peuvent révéler au patient davantage de choses que l'analyste en ait
conscience. Les observations de Ferenczi ont rendu obsolète la métaphore du miroir
(ci-dessous) pour beaucoup d'analystes ; elles ont été considérées essentielles à la
perspective de nombreux psychanalystes interpersonnels des années 1950 et au-delà,
ainsi que pour les théoriciens de la théorie relationnelle qui ont suivi, lorsque
l'intersubjectivité parvint progressivement plus au cœur de la théorie.
Pour Freud (1912) et sa métaphore téléphonique : « L’analyste doit faire de
son inconscient un organe récepteur à l’endroit de l’inconscient du patient qui émerge
- de même que le récepteur transmue en ondes sonores les vibrations électriques
induites par les ondes sonores, de même l’inconscient du médecin est capable de
reconstruire l’inconscient du patient. » (ibid, pp. 115-116) 100 qui a déterminé ses
associations libres ; l'inconscient de l'analyste doit être utilisé comme un instrument
d'écoute extrêmement sensible, guidé par les principes clef tels que la neutralité,
l'anonymat et l'écran opaque ou la fonction miroir.
Cela signifie que la fonction transmettrice de l'analyste doit rester très
disciplinée, faute de quoi sa réception par l'appareil d'écoute du patient met en danger
le processus par lequel le transfert doit se développer sans entrave. Du point de vue de
la perspective relationnelle-intersubjective, c'était comme si Freud incorporait
prophétiquement dans sa métaphore téléphonique une touche de mise en sourdine.
Présenté de cette manière, cela ne représentait fondamentalement pas une théorie
intersubjective. Alors que l'analyste utilise son inconscient comme un instrument
d'écoute, l'inconscient du patient ne semble pas avoir la même capacité. La
subjectivité du patient en ce qui concerne l'analyste n'est pas prise en considération.
Freud s'était rapproché du mode réciproque de l'écoute en 1915, dans son article
« L'inconscient », où il précise qu’« Il est très remarquable que l'Ics d'un homme peut
réagir à l'Ics d'un autre homme…» (Freud, 1915, 107). Cependant, ce point précis est
resté sans appui théorique tout au long de son œuvre.
Ferenczi a lui-même reporté avoir traversé des expériences transformatrices
avec ses patients qui l'avaient poussé à se forger un éventail plus large de
compréhension psychanalytique et qui lui a permis de prendre au sérieux pour la
première fois les dimensions bi-personnelles et réciproques, et donc intersubjectives
de l'expérience et de la transformation psychique. Ainsi que Ferenczi le formulait (in :
Dupont, 1988, p. 84), « Lorsque deux personnes se rencontrent pour la première fois,
un échange a lieu qui se déclenche pas uniquement consciemment mais également
inconsciemment. » 101 Il avait adopté le terme « dialogue de l'inconscient » pour
décrire le dialogue inconscient qui a toujours lieu entre le patient et l'analyste et qui se
déroule sur une voie à deux sens.

99
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
100
NdT : In « Conseils aux médecins », Paris : PUF, 1953, p.61-71, p.66.
101
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

282
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Cette dimension du travail de Ferenczi a trouvé un terrain fertile de


développement aux États-Unis. Les idées relationnelles et leurs applications
soutiennent des options techniques qui sont organisées en partie autour d'une théorie
qui souligne que le processus intersubjectif est « un dialogue des inconscients ». En
conséquence, l'attention de l'analyste est axée sur les effets et les réflexions par
rapport à sa propre participation, ainsi que celle du patient. Cette orientation d'écoute
est proche du paradigme des analystes relationnels, avec l'intersubjectivité au cœur de
ses usages dans l'engagement analytique.

III. Abb. L'intersubjectivité et la théorie du champ dans la pensée relationnelle et le


travail clinique
Les théories du champ correspondant à l'intersubjectivité, se sont ancrées en
grande partie au milieu du 20ème siècle dans la théorie interpersonnelle de la
psychiatrie de Harry Stack Sullivan, dans la théorie du champ de la psychologie
sociale de Kurt Lewin et dans les conceptualisations de Merleau-Ponty qui ont mené
aux théories du champ psychanalytique latino-américaines de Madeleine et Willy
Baranger (2008), Enrique Pichon Riviere (2017) et José Bleger (1967). Aux États-
Unis, le concept du champ dans la théorie interpersonnelle a commencé dans le travail
de Harry Stack Sullivan, Erich Fromm, Frieda Fromm-Reichmann, et Clara
Thompson. Le travail de Sullivan est l'influence conceptuelle la plus importante. Pour
lui, le champ est l'arène de ce que l'on appelle les « relations interpersonnelles » et ce
sont les relations interpersonnelles qui à leur tour, ont formé le cœur de l'intégralité de
ce système de pensée, ainsi que sa compréhension de la différence entre sa pensée et
la psychanalyse de son temps. Le concept de champ a depuis été développé par de
nombreux auteurs interpersonnels et relationnels, dont Stephen Mitchell (1988), qui
se réfère alors à la « matrice relationnelle ».
Les théories psychanalytiques comme celles de Bion et ses disciples ont
également incorporé leurs idées sur l'esprit et l'affect dans un contexte relationnel. La
connaissance (K) survient toujours dans une matrice affective et cognitive
interpersonnelle (xKy).
En outre, l'intersubjectivité est inhérente dans le travail des théoriciens
politiques comme Louis Althusser ou Theodor W. Adorno, et les intellectuels
postmodernes tels que Slavoj Žižek et Christopher Butler.
Les psychanalystes interpersonnels et relationnels sont tous deux centrés
autour du concept du champ dans une théorie du champ définie très généralement.
Dans la plupart des écrits interpersonnels et relationnels la situation analytique est
implicitement définie en termes de relation (« relatedness »). L'analyste et le patient
sont toujours et inévitablement, consciemment et inconsciemment, en interaction l'un
avec l'autre. Cette interaction concerne ce qu'ils vivent dans la présence l'un de l'autre
et comment ils se comportent. Le champ détermine également ce que chaque

283
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participant peut vivre en présence de l'autre, surtout en ce qui concerne les aspects
affectifs de l'expérience. D'une part, le champ est la somme totale de ces influences,
conscientes et inconscientes, que chaque participant exerce sur l'autre. D'autre part, le
champ est le résultat de toutes ces influences, la relation et l'expérience créée entre
deux personnes du fait de la façon dont ils se comportent l'un avec l'autre.
Aussitôt qu'il existe une incidence dans le champ – aussitôt que le champ se
transforme pour accueillir les influences exercées par ses participants – cette
incidence devient partie intégrante de l'influence du moment suivant dans la relation.
Tout comme les influences qui ont lieu en va-et-vient, les incidences dans le champ
ne sont pas nécessairement conscientes. C'est ainsi que la séquence se déroule :
chaque moment d'influence dans le champ interagit avec les personnalités de ceux qui
sont influencées pour créer les prochains moments de relation (relatedness)102 ; et ces
moments de relation, à leur tour, font partie des influences conscientes et
inconscientes qui s'exercent sur l'expérience de chaque participant du moment qui
s'ensuit.
Pour la plupart des théoriciens du champ interpersonnel, même lorsque le
processus de formuler l'expérience consciente se déroule sans inhibition défensive,
sans rupture ou détour indus, le cours de cette formulation est défini au moment
même où il a lieu et par conséquent sa forme finale surgit uniquement quand elle entre
dans notre esprit. Avant ce moment-là, selon les analystes interpersonnels et
relationnels, ce qui devient une expérience formulée n'est qu'une possibilité. C'est à
dire l'expérience consciente ne préexiste pas sa formulation ; elle n'est pas
prédéterminée mais émergente, ce n'est pas la révélation de quelque chose qui est déjà
« là » dans l'esprit, mais un processus, une activité. C'est ainsi qu'il est possible
d'atteindre la dimension interpersonnelle, relationnelle ou intersubjective :
l'expérience qui peut être formulée dans la dyade analytique est fonction de la nature
de la relation entre deux personnes. Les potentiels de changement des contenus de la
conscience sont déterminés par la nature tout autant fluctuante du champ
interpersonnel.
Le champ est une configuration de la relation créée conjointement, un moyen
social qui résulte de l'implication consciente et inconsciente et de l'intersection de
deux subjectivités, dont l'interaction de ce que d'autres traditions qualifient d'objets
internes. Les participants dans le champ peuvent être conscients ou non des influences
que le champ a sur eux ; cela dépend en partie des conséquences qui découleraient de
cette conscience. Le champ ressemble davantage aux concepts du tiers analytique ou
intersubjectif (Ogden, 1994 ; Benjamin, 2004), ou de ce que Samuel Gerson (2004)
appelle l'inconscient relationnel, plutôt qu'à un simple contexte ou alentour. Le champ
est la configuration des influences qui donne continuellement au processus clinique sa
forme évolutive particulière et sa nature.

102
NdT: ‘Relatedness’ peut se traduire par ‘relation’ ou ‘être-en-relation’

284
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Que le champ soit lié aux subjectivités ne signifie pas cependant que c'est une
simple combinaison additive d'influences. Au lieu de cela, c'est une création unique,
une nouvelle gestalt en évolution constante qui exprime et représente le présent, les
états de la relation en mouvement entre le patient et l'analyste. Le champ n'est pas
synonyme du concept de transfert-contretransfert. Pour que l'idée du transfert-
contretransfert conserve son sens (c'est-à-dire s'il n'est pas devenu dilué au point de
faire référence à l'ensemble de la relation analytique), il doit faire référence à des
schémas de relation modelés sur la nature de l'expérience avec les personnes
importantes du passé. Le champ interpersonnel est plus vaste que cela. Il comprend
les influences exercées sur chaque participant de l'intégralité du nexus des affects, des
motifs et intentions, des protopensées, comportements significatifs, métaphores et
fantasmes qui surviennent quand deux personnes se sont impliquées ensemble.
De quelle manière le champ est composé à tout instant peut encourager des
articulations spontanées de l'expérience vécue ou les décourager. De même, nous
pouvons dire que la composition du champ est créée par l'interaction des états de soi
(« self-states ») de ses participants et qu'il est par conséquent en flux permanent. Alors
que les états de soi se transforment dans l'esprit de chaque participant, comme c'est le
cas régulièrement, dans une réciprocité réactive aux états de soi de l'autre participant
(Bromberg, 1998, 2006, 2011), le champ se transforme aussi.
Le champ interpersonnel reste un concept et non pas une expérience. En ce
qui concerne l’« experience-near » (l’expérience proche du vécu), les changements
qui ont lieu dans le champ correspondent à des changements par rapport aux
possibilités qui peuvent avoir lieu dans la relation – c'est-à-dire dans les types de
relations qui sont facilités ou inhibés. Nous ne « connaissons » le champ que
rarement. Pour la plupart, le champ parvient à notre attention uniquement par le biais
de ce que nous pouvons sentir ou ressentir de ses influences. Mener une réflexion
explicitement sur le champ requiert un effort conscient, que peu de personnes à part
les psychothérapeutes et psychanalystes, et leurs intérêts professionnels, ont une
raison de développer ; et il existe de nombreuses circonstances, ou des aspects du
champ, qui ne donnent même pas l'opportunité d'une telle réflexion. Au niveau
phénoménologique, lorsque la nature du champ change, sans généralement attirer
notre attention consciente, des différents types de relations paraissent plus évidents ou
naturels pour les participants. Le patient et l'analyste tombent particulièrement
facilement dans certains schémas relationnels (et en ressortent). Ces évènements sont
inaperçus, ordinaires, en un mot « naturels ». Alors qu'une sorte de relation devient
naturelle (par exemple, l'amitié), d'autres (comme l'irritabilité) restent en arrière-plan
et semblent moins agréables, faciles ou naturelles à créer dans cet environnement, où
elles sont même activement évitées, parfois pour une raison dynamique inconsciente
(c'est-à-dire une raison défensive inconsciente).
De cette perspective, deux points supplémentaires s'ensuivent : en premier
lieu, si nous prenons en considération les influences favorisantes et inhibantes du
champ sur le contenu des esprits des personnes, nous devons également adopter la

285
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position selon laquelle la liberté permettant le plus large éventail d'expériences


spontanées se repose sur la mesure de flexibilité et de liberté du champ. En second
lieu, l'intensité de la flexibilité du champ se définit par l'éventail de la relation
(« relatedness ») que les participants ont à leur disponibilité.

III. Abc. L'intersubjectivité : une dimension centrale de la psychanalyse relationnelle


C’est dans les années 1980 qu’une perspective relationnelle en psychanalyse a
émergé aux États-Unis, par la publication de l'ouvrage par Jay Greenberg et
Stephen Mitchell (1983) « Object Relations in Psychoanalytic Theory » (« Les
relations d'objet dans la théorie psychanalytique »), qui propose alors un modèle de
l'esprit de relation/conflit par opposition au modèle pulsion/conflit. De même que la
théorie relationnelle s'est développée par la synthèse d'un certain nombre de
perspectives compatibles avec le modèle de relation/conflit (la psychanalyse
interpersonnelle américaine, les théories de la relation d'objet dans leurs variances
kleiniennes et indépendantes britanniques, les self-psychologies post kohutiennes
avec des accents intersubjectivistes, et d'autres), le développement et l'application des
théories qui soulignent la dimension intersubjective en psychanalyse et le
développement ont joué un rôle central. Puisque la psychanalyse est une perspective
hétérogène, qui représente une variété de synthèses complémentaires au sein d'une
large perspective, des différentes compréhensions, accentuations particulières et
applications de la théorie de l'intersubjectivité se distinguent chez les analystes qui
s'identifient à la théorie relationnelle. Les théoriciens de l'attachement, du Boston
Change Process Group (BCPG) et Jessica Benjamin (2004), sur les traces de
Winnicott, mettent l'accent sur les aspects développementaux de l'intersubjectivité,
cette dernière en particulier, qui soulignent les questions de reconnaissance mutuelle,
la rupture et la réparation, avec un accent porté sur le « tiers analytique » dans leurs
théorisations (Benjamin, 1988, 1995, 2004, 2013). Les théoriciens d'obédience
interpersonnelle (Stephen Mitchell, Anthony Bass, Phillip Bromberg, Donnel
Stern et al.), quant à eux, soulignent les uniques subjectivités irréductibles qui
cofondent chaque dyade, avec ses champs particuliers de l'expérience
transfert/contretransfert et les capacités de les explorer, ainsi que de discerner leurs
contributions relatives à l'énaction (enactment) et autres formes d'enchevêtrement
psychothérapeutique. Les analystes sensibles à la théorie relationnelle en particulier
mettent l'accent sur la qualité de la bidirectionnalité dans le champ transféro-
contretransférentiel, dont les énactions. Du point de vue relationnel intersubjectif, il
n'est pas certain, par exemple, qu'une énaction ou une identification projective puisse
bien débuter soit avec le thérapeute ou le patient, sans qu'un questionnement conjoint
ouvert ait lieu par rapport aux courants de l'expérience qui co-constituent le champ
intersubjectif de l’expérience qu'ils génèrent. Le patient et l'analyste, chacun avec sa
propre subjectivité, sa propre expérience consciente et inconsciente, s'engage l'un
l'autre avec la panoplie complète des ressources et des limites, des points aveugles,
des insights qu'ils peuvent consacrer à la thérapie.

286
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La théorie relationnelle, fondamentalement intersubjectiviste dans son point de


vue, tente de se résoudre aux implications de cette perspective de travail analytique.
La théorie et technique relationnelle a fortement mis l'accent sur la subjectivité des
deux participants dans le processus. Les thérapies analytiques relationnelles se sont
focalisées sur la contribution de la subjectivité de l'analyste dans le processus et
comment le patient vit cette contribution. Elle met également en relief à quel point
l'analyste peut s'impliquer dans des énactions capables de révéler au patient et à
l'analyste les éléments dissociés de leur expérience qui n'avaient pas été accessibles
avant leur reconnaissance et l’élaboration de ces mêmes énactions (Bromberg, 1998,
2006; Aron, 1996; Bass, 2003, Benjamin, 2004, 2013). La psychanalyse relationnelle
met l'accent sur les dimensions mutuelles du processus psychanalytique et bien que la
distinction entre les aspects de la mutualité soient reconnus comme étant
fondamentaux au regard du processus (Dupont, 1988) et des asymétries inhérentes
dans le processus psychanalytique (Lewis Aron, Irwin Hoffman), d'autres auteurs
(Bass, 2001, 2007) soulignent les complémentarités qui donnent lieu, entre les
contributions psychiques au processus du patient et de l’analyste, au-delà des
identifications de rôle et des responsabilités conscientes, qui guident les analystes et
les patients de manières différentes.
Les psychanalystes modernes qui s'inspirent des concepts intersubjectifs de la
subjectivité et du processus analytique font des appariements et élaborent de
nombreuses entités théoriques diverses et comparables. Certains sont davantage
intéressés par la force du socio-politique ; certains élaborent les implications de
l'intersubjectif pour la technique, d'autres pour la métapsychologie. Bien qu'il y ait des
différences et des chevauchements parmi ces approches, l'intersubjectivité est
probablement quelque peu unique ou au moins inhabituelle dans les concepts
psychanalytiques, en ce sens que le terme et ses extensions et significations changent
et évoluent plutôt intensivement. Récemment, le terme intrasubjectif a émergé, un
terme qui capture la double expérience de ce qui est ‘entre’ et ‘au sein de’.

III. Ac. Exemples de perspectives hybrides-intégratives aux États-Unis

III. Aca. La psychologie de l'égo intersubjective nord-américaine


Une « tradition indépendante » unique à l’Amérique du Nord de l’ego
psychology intersubjective, qui, pour Nancy Chodorow (2004), garderait en elle une
tension tout en réconciliant deux approches psychanalytiques contradictoires : l'ego
psychology et la psychanalyse interpersonnelle, a été implémentée par ses deux
fondateurs théoriciens américains Hartmann et Sullivan. L'ego psychology
intersubjective contemporaine incorpore les deux : une focalisation sur le conflit
intrapsychique, la formation du compromis, un monde interne et le fantasme
intrapsychique. Pourtant la psyché (du patient et de l'analyste) est également créée
interpersonnellement et culturellement ; le transfert est une répétition portée par

287
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l'histoire que l'analyste interprète au patient, mais tout ce qui a lieu entre le patient et
l'analyste ne provient pas uniquement du patient : le patient peut également être
l'interprète de l'expérience de l'analyste ou affecter le contretransfert de l'analyste.
Ainsi, les deux participants peuvent cocréer le champ analytique qui est, en quelque
sorte, plus grand que la somme des parties formées de deux personnes (« two-
person »). Les psychologues de l'ego intersubjectivistes portent simultanément les
deux perspectives, et ainsi modifient chacune d'entre elles.
Le psychologue de l'ego intersubjectiviste Warren Poland (1996) exprime
cette intégration avec les mots suivants : « Comment se peut-il qu'aucun homme soit
une île et qu'en même temps chaque homme en soit une ? Il est illusoire de parler
avec désinvolture d'une psychologie « one-person » en opposition à une psychologie
« two-person ». Aucune personne n’existe en dehors d'un champ humain, connecté à
l'objet ; l'espace analytique imprègne la manière dont une personne unique parvient,
par l'autre, à la compréhension et à l'insight. En même temps, l'esprit de toute
personne peut être engagée par quelqu'un d'autre tout en restant fondamentalement à
part, un univers privé d'expérience interne » (Poland, 1996, p. 33)103
Dans le sens où cette double focalisation sur la profondeur de l'expérience du
sujet, ainsi que la reconnaissance du profond impact du contexte sociétal-culturel,
selon Chodorow (2004) la psychologie intersubjective de l'ego contemporaine est une
descendante directe de Hans Loewald et de Erik H. Erikson, tous deux émigrés de
l'Europe occupée par les Nazis. Elle décrit particulièrement les écrits d'Erikson sur ses
études de cas, en dressant le portrait des tragédies de la vie interne ainsi que les
incontrôlables accidents de sa famille et son histoire. Elle met également en relief le
concept de développement psychosocial d'Erickson (Erikson 1964) et son intérêt
socio-culturo-politique plus large, comme le démontre ses écrits sur la pauvreté, la
maltraitance vis-à-vis de la population native indienne américaine et la dépression et
auto-culpabilité que l'immigration dans une société fondée sur des préjugés raciaux
peut engendrer (Erikson, 1964). Dans son chapitre sur l'identité américaine, dans
Childhood and Society (L'enfance et la société) Erikson (1950) fait grande éloge à
l'individualité américaine mais en même temps condamne le racisme, le capitalisme,
l'exploitation et la société de masse. S'adressant à la focalisation sociétale et
individuelle de Loewald, Chodorow relève ce que ce dernier appelle la grande
trahison de Heidegger pendant la période nazie, ainsi que l'accent développemental
qu'il pose sur l'inévitable meurtre de ses propres parents et la réparation (atonement)
œdipienne et sa reconnaissance de l'inextricabilité de certaines réactions
thérapeutiques négatives fondées en partie sur l'instinct de mort. Hans Loewald fut
l'un des premiers freudiens révisionnistes des années 1960, 1970 et 1980 à construire
un lien entre l'ego psychology freudienne et la théorie des relations d'objet, pour créer
une théorie psychanalytique qu'il considérait plus proche de l'expérience que les
personnes vivent dans leur vie. Ses principales préoccupations se focalisaient sur les

103
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

288
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suppositions fondamentales liées au développement théorique de la psychanalyse et


les préjugés de base sur la nature de l'esprit, la réalité et les processus analytiques.
Loewald pensait que Freud postulait deux différentes lectures à propos des
pulsions. La première, avant 1920, selon laquelle la pulsion a pour impératif la
décharge. La seconde lecture s'est imposée avec son introduction du concept d'Éros en
1920, dans « Beyond the Pleasure Principle » (« Au-delà du principe du plaisir ») où
Freud modifia radicalement sa définition de la pulsion selon laquelle il avait suggéré
que la pulsion aurait un impératif de décharge, pour ensuite lui donner un impératif de
connexion « en utilisant les objets non pas pour leur gratification mais pour construire
des expériences psychiques plus complexes et pour rétablir l'unité initiale perdue
entre le self et les autres » (Mitchell and Black, 1995, p.190)104. Loewald remit en
cause la théorie des pulsions de Freud en reformulant de manière radicale les concepts
psychanalytiques classiques de Freud. Alors que pour Freud le Ça est une force
biologique immuable en conflit avec la réalité sociale, pour Loewald le Ça est la
résultante interactionnelle de l'adaptation plutôt qu'une force biologique constante. La
psyché n'est pas interactive en second lieu mais par sa véritable nature.
Selon la théorie de Loewald, il n'y a au départ aucune distinction entre le soi et
l'autre, l'ego et la réalité externe, ni entre les instincts et les objets mais il y a un tout
primitif unifié qui est composé de l'infans et de sa figure parentale. Son influence
transformatrice pendant les années 1960, 1970 et 1980 sur la métapsychologie et sur
l'émergence des nouvelles façons de conceptualiser le matériel analytique est
explicitée dans sa citation : « Les instincts en tant que forces psychiques et
motivationnelles s'organisent comme telles par le biais d'interactions dans un champ
psychique, qui consiste à l'origine de l'unité (psychique) mère-enfant. » (Loewald,
1971, p. 118). C'est en raison de ce genre de citations que Loewald, qui se présentait
lui-même comme psychologue de l'ego, était considéré être un modèle exemplaire de
la pensée « tiers analytique », que nous décrivons ci-dessous (voir aussi l'entrée
THÉORIES DE LA RELATION D'OBJET).
Lorsque Loewald rassemble la théorie de l'instinct de Freud et l'ego
psychology, son travail construit un pont vital entre une « one-person psychology » et
une « psychologie des relations d'objet two-person » (Voir aussi les entrées
PSYCHOLOGIE DU MOI et THÉORIES DE LA RELATION D'OBJET ).
En réponse aux critiques des deux côtés, ceux qui considèrent que cette
orientation hybride intégrative est trop focalisée – ou n’est pas suffisamment focalisée
– sur l'inconscient et les pulsions, Chodorow (2004) développe la manière dont les
psychologues de l'ego confirment l'intérêt de Loewald au regard de l'inconscient de
l'analyste et ses effets sur le processus clinique : elle constate comment Erickson traite
l'inconscient par rapport aux angoisses et aux défenses, ainsi que les processus de la
formation des symptômes qu'il décrit chez les enfants, de manière élaborée et
empathique. De son point de vue, c'est précisément parce que la psychanalyse
104
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

289
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commence par une reconnaissance de la subjectivité unique qui se créée chez chaque
individu par les affects inconscients, les pulsions, les fantasmes, les conflits, les
formations de compromis et une histoire personnelle dynamique, avec la
reconnaissance de ce que deux sujets apportent d'unique à eux-mêmes au champ
analytique transféro-contretransférentiel, le champ analytique de contretransfert qu’ils
créent également, dans un environnement analytique culturel et particulier, que l’
« intersubjective ego psychology » –la fusion américaine de l'ego psychology et de la
psychanalyse relationnelle – continue de croitre.
Dans ce contexte, Elliot Adler et Janet Bachant (1996) réexaminent une
fondation essentielle de la technique classique, la situation psychanalytique, qu'ils
définissent en termes d’éléments de base dans la relation psychanalytique, qui permet
l'exploration profonde de la motivation humaine. La situation psychanalytique dans ce
cas est : « un arrangement interpersonnel extraordinaire, ancrée par deux différentes
manières d'être en relation clairement différenciées bien que complémentaires :
l'association libre et la neutralité analytique » (Adler and Bachant, 1996, p. 1021)105.
L'association libre, décrite comme le pôle des « conditions réciproques du rôle » serait
ainsi un prérequis de liberté expressive pour engager une rencontre introspective, avec
les agitations émotionnelles les plus profondes, dans le contexte d'une interaction
avec une autre personne (ibid, p. 1025 ; italiques de l’auteur). Dans sa qualité d'outil
d'interprétation elle dépasserait même les ressources de la connaissance théorique.
Ainsi, le rôle analytique est complémentaire à celui du patient. Sa fonction est de
protéger la liberté expressive du patient. La situation psychanalytique et la technique
sont donc un processus « two-person » de l'exploration analytique d'une névrose
« one-person » : une névrose à une personne, (« one-neurosis ») et non pas un modèle
« one-person » de traitement analytique » (ibid., p. 1038)106.
Parmi les domaines d'intérêt que les psychanalystes freudiens contemporains
suivent et leur pertinence à l'intersubjectivité, figurent les partages inconscients
d'« états de conscience » (Libbey, 2011), les influences inconscientes
bidirectionnelles et le domaine intrapsychique (McLaughlin, 2005), les études
complémentaires au sujet du champ créé par le patient et l'analyste, selon Ogden
(1994) et W. Baranger et M. Baranger (2008), l’énaction ou enactment (Ellman and
Moskowitz 1998, 2008) et l'énaction selon Reis (Reis, 2009) et d'autres.

III. Acb. L'intersubjectivité dans la pensée nord-américaine post-kleinienne et post-


bionienne

105
NdT. Citation traduite pour cette édition.
106
NdT. Citation traduite pour cette édition.

290
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Dans une démarche évolutive et de réinterprétation de Bion, en absorbant de


plus les pensées de certains auteurs latino-américains et italiens, James Grotstein
(1985, 1999, 2005) a développé une version intégrationnelle de l'intersubjectivité
fondée sur la communication inconsciente et un développement à double voie qui se
manifeste dans le discours psychanalytique. Ses conceptualisations intrasubjectives,
intersubjectives et trans-subjectives sont métapsychologiquement ancrées dans
l'altérité du sujet « autre », mais aussi l'inconscient et le processus primaire, observées
de manière phénoménologiquement cliniques, au présent et vécues. En exemple, son
concept de « transidentification projective ». S'inspirant ainsi de Freud : « Il est très
remarquable que l'Ics d'un homme peut réagir à l'Ics d'un autre homme, sans passer
par le Cs ». (Freud, 1915, 107) et dans sa réinterprétation des conceptualisations de
Bion et de Klein, il émet l'hypothèse selon laquelle
« l’identification projective en tant que fantasme inconscient, intrapsychique
omnipotent (ayant lieu seulement dans l'inconscient du sujet qui projette), mais
également par deux autres processus: (1) des modes conscients et préconscients
d'induction sensori-motrice, et/ou des techniques d'évocation (mentales, corporelles,
posturales, verbales, d'amorçage ou des façons de «donner un petit coup de pouce» de
la part du sujet qui projette suivis par (2) la simulation empathique spontanée du vécu
du sujet qui projette, chez l'objet «récepteur» déjà équipé (programmé) pour y être
empathique. » (Grotstein, 2005, p. 2051).
Globalement, et en analogie à Bion qui a développé davantage l'identification
pathologique projective de Klein dans le domaine de l'identification projective
communicative, Grotstein a approfondi les conceptualisations de Bion et les
identifications projectives communicatives dans le champ intersubjectif.
Un autre théoricien qui s'est penché sur la dimension intersubjective de la
communication inconsciente est Lawrence Brown (2011). Il intègre les contributions
historiques de Freud, Klein et Bion pour explorer comment le patient et l'analyste
cocréent des narrations de configurations inconscientes, qui constituent des outils
pour analyser l'histoire traumatique et psychique du patient. Dans ce système, les
rêves éveillés et nocturnes ont une importance capitale.
Grotstein (1999) et Brown (2011) déclarent que le contretransfert a
bienheureusement été transformé en intersubjectivité , ce à quoi Brown ajoute : « De
plus, l'intersubjectivité est un processus de communication inconsciente, de
réceptivité, de construction de sens de la part de chaque membre de la dyade, pour y
introduire un sens propre au champ émotionnel partagé qui interagit avec la fonction
analogue du partenaire » ( Brown, 2011, p 7)107 Le concept de champ analytique de
Brown dont il est question trouve ses racines dans les travaux de Baranger &
Baranger : « La situation analytique comme champ dynamique » (1961/2008). Avec
les retards relatifs aux traductions de textes, cette innovation théorique fondamentale
est restée inconnue pour la plupart de la communauté psychanalytique, jusqu'à une
107
NdT. Citation traduite pour cette édition

291
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période récente. Ces auteurs décrivent les caractéristiques de ce fantasme inconscient


du couple analytique et mettent l'accent sur la contribution du phénomène
d'identification projective et introjective dans sa structure. Au sujet du concept de
fantasme inconscient, ils stipulent que : « C'est ce qui est créé entre les deux, au sein
de l'ensemble qu'ils forment au moment de la session, quelque chose de radicalement
différent de ce que chacun d'eux est séparément […] Nous définissons le fantasme en
analyse comme une structure dynamique qui à chaque moment porte un sens au
champ bi-personnel » (ibid, p. 806-7)108

III. B. Développements spécifiques en Europe

III. Ba. L'intersubjectivité dans le contretransfert et l'identification


projective
Un courant relationnel plus spécifique est visible dans le développement du
sens que les concepts de contretransfert et d'identification projective a connu ces
dernières décennies.
Depuis l'article précurseur de Paula Heimann (Heimann, 1950), le
contretransfert n'est plus seulement un obstacle au processus analytique en raison des
conflits inconscients de l'analyste, mais principalement un outil pour comprendre les
processus mentaux du patient. En ce qui concerne l'identification projective, sa
conception la représentait initialement comme une action hostile ayant pour but de se
débarrasser des expériences non désirées projetées dans un objet, afin de le contrôler
depuis l'intérieur (Klein 1946). Bion mène alors plus loin le concept d'identification
projective, avec un accent sur son caractère communicatif. Il fait la différence entre
l'identification projective « normale » et « excessive ». « Je supposerai qu’il existe un
degré normal d’identification projective, mais sans fixer les bornes à l’intérieur
desquelles se tient la normalité, et que l’identification projective, associée à
l’identification introjective, fournit les bases sur lesquelles repose le développement
normal. » (Bion, 1959/1967, p. 103). Ce cercle bénin d'identifications projectives et
introjectives peuvent être perturbées, soit par l'incapacité de la mère à recevoir et à
comprendre les identifications projectives de l'enfant ou par l'intolérance à la
frustration et à l'envie de l'enfant : ce qui peut engendrer pour l'enfant des
identifications projectives « excessives ». (Voir aussi l'entrée CONTENANCE :
CONTENANT/CONTENU).
Elle a été ensuite utilisée pour se référer aux évènements cliniques particuliers
de type interpersonnel dans lequel le patient évacue et projette des parties de son soi
dans l'analyste, de manière à le pousser à participer dans le processus projectif : c'est
précisément cette spécificité, c'est-à-dire la participation de l'analyste par sa propre

108
NdT. Citation traduite pour cette édition

292
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subjectivité, qui est mise en exergue. En d'autres termes, bien qu'au départ, le concept
d'identification projective avait été conçu dans un cadre psychologique « one-person
», au fil du temps et progressivement son sens est entré dans un cadre « two-person ».
C'est la raison pour laquelle ce concept a connu un grand succès également en dehors
du milieu kleinien d'où il provenait.
Très proche du style kleinien dans sa manière de concevoir l'identification
projective, s'est posé le concept de rôle en résonance (« role responsiveness ») que
Joseph Sandler, figure prestigieuse de la tradition d'Anna Freud (Malberg & Raphael-
Leff, 2012) formule en 1976, afin de souligner le type de comportement qu'un analyste
peut avoir et qui « […] peut être quelquefois utilement envisagée comme une
formation de compromis entre ses propres tendances et son acceptation en retour du
rôle que le patient lui assigne. » (Sandler 1976, p. 47).
En plus d'élargir le sens que le contretransfert et l'identifications projective ont
permis, le virage relationnel pris par la psychanalyse européenne a été influencé par la
psychanalyse relationnelle nord-américaine, où un ensemble d'éléments provenant de
l'ego psychology, de la self psychology et de l'interpersonnalisme a donné lieu à
plusieurs écoles de pensée relationnelles dans leur fond, avec une variété de noms, tels
que le « constructivisme », « l'intersubjectivisme », la « perspective post-moderne »,
etc. Au carrefour de ces thèmes relationnels cliniques et conceptuels, le concept de
l'énaction (enactment) (voir entrée ÉNACTION L') se développait des deux côtés de
l'océan atlantique, aux États-Unis ainsi qu'en Europe (Bohleber et al. 2013).
Ce qui a progressivement donné au terme d'intersubjectivité un sens plus
spécifique a été la valeur ajoutée que l'on donnait alors à la notion de sujet dans la
rencontre clinique : ainsi le rôle de l'analyste devient à moindre mesure celui d’un
observateur neutre et objectif d'évènements analytiques et un objet neutre des
manifestations du transfert, et dans une plus grande mesure une personne qui participe
à des évènements interactionnels avec ses propres caractéristiques, en utilisant sa
propre posture subjective pour comprendre la dynamique inconsciente du patient
(Ponsi 1997). Le point de vue à sens unique classique de l'analyste neutre uniquement
affecté à l'occasion par des réactions contretransférentielles non-désirées est remplacé
par une vision à multiples facettes de l'expérience de l'analyste, dont ses
compréhensions contretransférentielles, ainsi que la force originaire et formatrice de
sa propre subjectivité. Les termes tels que la subjectivité ou l'intersubjectivité
soulignent le caractère innovant et inédit de la rencontre analytique, en laissant à
l'arrière-plan ce qui est prédéterminé par les schémas de transfert-contretransfert, ce
qui se profile dans la potentialité créative de l'expérience analytique (Turillazzi
Manfredi & Ponsi 1999).
III. Bb. L'intersubjectivité et la recherche sur l'enfance
Les études qui se sont développées dans les domaines de la recherche sur
l'enfance et la théorie de l'attachement, qui soutiennent la vision de la personnalité
organisée en termes d'une matrice intersubjective de « soi-avec-l'autre » et qui

293
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incorporent les mondes interne et externe (Ammaniti & Trentini 2009, Cortina &
Liotti 2010, Fonagy & Target 2007, Stern 1985), ont contribué à consolider un cadre
conceptuel dans lequel l'interaction entre deux sujets est un prérequis nécessaire au
développement psychique ainsi qu'à la cure psychologique : une autre personne, une
figure parentale ainsi qu'un analyste, est nécessaire pour faire ses expériences et
développer le soi, ou, dirons-nous en d'autres termes, pour « devenir sujet ».

III. Bc. L'intersubjectivité : la théorie du champ


L'un des représentants majeurs de la théorie du champ en Europe est Antonino
Ferro, qui a mêlé la théorie du champ au cadre conceptuel de Bion. Dans le travail de
Ferro avec Roberto Basile (Ferro et Basile, 2008), la théorie du champ se considère de
nos jours comme un point de convergence des personnages multiples que sont le
patient et l’analyste, qui ont une existence propre, comme s'ils étaient en scène. Ainsi
les transformations des personnages dans les récits des sessions représentent les
transformations dans le champ analytique. Ferro (2009) et Giuseppe Civitarese
(Civitarese 2008; Ferro et Civitarese 2013) prônent l'utilisation de l'esprit et le corps
de l'analyste, soutenus dans la rêverie, comme guide des processus inconscients
présents chez le patient et entre l'analyste et l'analysant.
Le concept de Ferro, le « champ bi-personnel » (Ferro, 1999), une structure
qui résulte de la convergence des champs subjectifs de l'analyste et du patient,
représente un moyen radical de concevoir l'intersubjectivité. Cette entité engendrée
par l'interaction de deux subjectivités est nouvelle, elle est plus que la somme des
deux champs individuels, qui sont quelque peu supplantés par cette nouvelle structure.
Dans la mesure où le champ bi-personnel appartient au présent « ici et maintenant »
que deux sujets sur un chemin psychanalytique ont généré, la dimension temporelle
des personnes est négligée, esquissant une sorte de « modélisation horizontale
d'intersubjectivité » (Bohleber 2013. p. 812), une sorte de conception horizontale de
l'inconscient.

III. Bd. Intersubjectivité : subjectivation, intersubjectivation


Dans un contexte différent, l'intersubjectivité est un processus qui prend
place au fil du temps. La dimension temporelle est capturée par le concept de «
subjectivation », un terme que Raymond Cahn a proposé en 1991 pour aborder
le processus qui consiste à devenir un sujet : ce processus est intersubjectif par
nature, en raison du rôle crucial que joue l'environnement objectal depuis le début
(Cahn 1991, 1997, 2006). Dans les années récentes, cette terminologie : devenir
sujet, la subjectivation, l'intersubjectivation, a été privilégiée, et a remplacé
l'expression précédente plus courante du développement de soi, dans les groupes
psychanalytiques français (Wainrib 2012) et italiens (Bastianini 2014, Ruggiero
2015).

294
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III. Be. L'intersubjectivité : le sujet et la personne


Ces différents usages des termes composés de « sujet », ou construits dans cet
esprit, demandent une clarification plus détaillée de sa signification. C'est ce que
Stefano Bolognini a proposé quand il mit en relief les différentes significations des
termes « interpsychique », « intersubjectif » et « interpersonnel ».
Bolognini (2008 ; 2014a ; 2014b ; 2015a ; 2015b ; 2016) y fait la distinction
entre « l'interpsychique » et « l'intersubjectif » et « l'interpersonnel » : ces trois
concepts dont certains se chevauchent et sont interchangeables, mais qui selon lui
diffèrent souvent entre eux.
Pour lui le « sujet » est un être humain dont le noyau est suffisamment
cohérent et en contact avec le soi « self-contact core », qui est capable de vivre ses
émotions avec un bon sens de continuité par rapport à son propre sens de soi (« self-
continuity »).
La perception cohésive de son soi peut être opérationnelle et suffisamment
intensive, même si le processus de séparation n'est pas terminé et les limites
personnelles toujours à peine déterminées (par exemple, de nombreux artistes sont
fortement subjectifs malgré une basse définition, au moins partiellement, de leurs
limites en qualité de personnes).
Une « personne » est un être humain avec une identité bien définie, avec des
limites physiques et psychologiques très claires dans la représentation de soi, et avec
une distinction psychique suffisamment claire par rapport à l'autre.
Une partie pertinente de sa propre activité mentale bien différenciée peut se
développer sur un niveau conscient, bien sûr avec toutes les questions et les défenses
que la psychanalyse a explorées ; néanmoins, une personne se définit de cette manière
même si elle a un contact ténu avec sa propre subjectivité, comme dans de nombreux
cas psychopathologiques détaillés. En raison de cela, « être un sujet » ne signifie pas
toujours « être une personne » et vice versa : une condition n'exclue pas l'autre mais
elle ne la concède pas non plus.
Selon Bolognini, l'interpsychique est une manière occasionnelle, naturelle de
faire la co-expérience et de co-travailler ce qui relie deux personnes, non pas une
condition structurelle et stable. Cela n'implique pas nécessairement qu'une
« personne » ou un « sujet » est là.
En termes de prototype, lorsqu'une mère allaite son nourrisson il n'existe
aucun « statut » personnel déclaré ; il existe une coopération naturelle entre la bouche
et le mamelon qui permet à la mère et le nourrisson de « travailler ensemble » (Segal,
1994), sous un régime de bonne coopération fusionnelle. Les deux sont capables
d'échanger leurs contenus internes (corporel et émotionnel) par le biais de leurs
organes spécifiques qui rentrent et sortent du monde interne (Bolognini, 2008). Ces

295
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relations corporelles, vécues initialement dans un niveau moindre de mentalisation


mais avec un degré supérieur d'impression (« imprinting »), opèrent comme des
équivalents intrapsychiques supplémentaires, principalement sur un niveau
préconscient (comme cela a lieu dans la majorité des cas, dans le processus créatif,
par exemple) ; de plus, ces relations deviendront peut être conscientes et trouver ainsi
une représentation psychique complète, bien que cela pourrait également ne pas avoir
lieu.
Dans l'échange interpsychique, il existe aucune confusion : un domaine pré-
subjectif et co-subjectif de sensations, de sentiments et de pensées peuvent être
partagés bien que conservant en même temps et à d'autres niveaux, avec une
continuité indissociée, des fonctionnements psychiques individuels caractérisés par
une condition de séparabilité suffisamment bonne qui ne nécessite pas d'être
constamment évaluée (Guss Teicholz, 1999).

III. C. L'intersubjectivité dans la psychanalyse française : Europe et


Amérique du nord

III. Ca. Introduction


La tradition psychanalytique française n'est pas monolithique. Même si les
psychanalystes français ont plusieurs affiliations psychanalytiques différentes, il est
possible néanmoins d'identifier certains facteurs qui ont façonné la spécificité de la
psychanalyse française postfreudienne. Parmi ces facteurs, la relation aux écrits de
Freud, la traduction française de Freud, l'influence de Lacan, la relation entre la
psychanalyse et la psychologie ainsi que l'accent porté sur la langue paraissent
particulièrement importants pour comprendre les réactions vis-à-vis de l'orientation
intrasubjective américaine dans la psychanalyse française. Ces facteurs sont inter-liés
et se renforcent mutuellement. De plus, comme tout autre pays, ces facteurs sont eux-
mêmes également déterminés par d'autres conditions sociologiques et culturelles. Les
traditions politiques, le droit, dont le droit de la famille, les modes de parentalité, les
rôles et les relations dans les genres, le statut social et économique des patients
psychanalytiques et des praticiens, ainsi que l'éducation et les champs de formation
des psychanalystes ont également déterminé la mise en exergue de certains concepts
ou éléments qui sont devenus essentiels dans toute culture psychanalytique. Ces
facteurs ont probablement joué un rôle significatif dans la façon dont l'orientation
intersubjective américaine a été reçue par la psychanalyse française.
Les influences philosophiques, les conditions culturelles et les différentes
traductions de l'opus freudien qui ont façonné la psychanalyse dans différents pays de
langue française sont différents que ceux qui ont définit les conditions par lesquelles
la psychanalyse s'est développée dans les pays de langue anglaise. Selon l'avis de
nombreux psychanalystes français, les traductions en anglais du travail de Freud ont

296
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joué le rôle de rapprocher la psychanalyse de la psychologie et des sciences cognitives


(Tessier, 2005). Les traductions en français étaient moins uniformes, jusqu'à ce que
Laplanche prît en charge la publication de l'OCFP dans les années 1980 (Laplanche,
1989a), mais elles contribuèrent largement à des orientations spécifiques par des
choix lexicaux et sémantiques. Par exemple, le mot allemand « Seele » avait été
traduit par « mind » (esprit) en anglais et en français par « psyché » – ce sur quoi
Laplanche fit une objection pour insister d'utiliser le mot « âme » (« soul », en
anglais) changeant ainsi le contexte philosophique de la lecture. En anglais, le mot
« Vorstellung » est traduit par le mot « idea » (idée), ce qui est la traduction
habituelle, mais très différente de la traduction française, qui est « représentation ».
Un autre exemple serait « Verdrangung », en anglais « répression » et en français «
refoulement ». Les connotations sociales, pénales même, du mot « repression » et la
métaphore hydraulique de la traduction française sont notables. Dans la même veine,
les français remarquent aussi qu'en psychanalyse de langue anglaise, à l'exception de
l'ego psychology, le terme « splitting »109 a remplacé le mot « repression » dans la
description du fonctionnement psychique (Tessier, 2005), ce qui n'est pas le cas en
psychanalyse de langue française.
Dans le contexte des différences en relation des écrits de Freud, l'importance
de la langue, de la représentation et de la représentabilité et ce que cela implique dans
la compréhension de la sexualité, des pulsions et de l'inconscient est souligné dans la
psychanalyse de langue française. Par l'exploration de la métapsychologie freudienne
de l'inconscient dynamique, de la sexualité infantile et de la théorie des pulsions
(Freud 1900, 1905,1914, 1915), la psychanalyse intersubjectiviste française explore
les dimensions de otherness, l'alterité à l'intérieur et à l'extérieur, ce qui est au cœur de
l'existence et élargit le concept de nachträglichkeit ou après-coup. Bien qu'en général
la théorisation psychanalytique (de langue) française contemporaine postule un lien
intime entre l'inconscient et la pulsion, un thème important est l'étude fine de la «
construction » de la pulsion à partir des réflexes physiologiques de base. La pulsion
est muable, en transition perpétuelle, elle prolifère dans toute l'activité mentale et se
créée de nouveau dans certaines expériences subjectives.
En général, les caractéristiques distinctes de la psychanalyse française
comprennent : 1. La reconnaissance de l'utilité de la théorie topographique (Lacan,
1966) et d'une lecture spécifique de la théorie structurelle (Green, 2002); 2.
L'implémentation des modifications techniques dans le traitement des patients non-
névrosés, surtout dans la manière de traiter le transfert (Green’s « l'autre semblable »
(« similar other »), in: Green, 2002) et le contretransfert (Faimberg, 2005); 3. L'étude
de la manière dont les traumatismes au stade préverbal sont inscrits, mais non
représentés dans la psyché, et l'implémentation de nouvelles techniques nécessaires
pour les incorporer dans le traitement psychanalytique (Green, 2002, 2004); 4. La
focalisation sur le travail concernant la représentation, la symbolisation et la
progression depuis le registre de l'action vers le registre de la pensée. 5. Une
109
NdT : du mot « split » : déchirure, fente, fissure, scission, division

297
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définition différente de l'ego (le moi) qui est subjectif, bien plus un soi (self) que la
créature défensive de l'ego psychology. Dans ce contexte, tout ce qui est de l'ordre du
Moi émerge de l'inconscient. L'idée d'une sphère libre de conflit est inexistante. Le
Moi est également composé d'objets inconscients et d'objets partiels. 6. L'attitude de
l'analyste est de payer une attention particulière à la réaction du patient par rapport à
la distance. L'analyste est en conscience en qualité d'objet, relié inconsciemment avec
le sujet. L'asymétrie est strictement maintenue. 7. Reconnaissance d'une connexion
proche entre la pulsion et l'objet, où l'objet se comprend comme le révélateur de la
pulsion (Green 2002). Dans l'imbrication de la connexion entre l'objet et la pulsion,
l'analyse comprend la récupération de l'éros (la vie, l'amour) et de la sexualité en tant
que fonction.

III. Cb. La pertinence intersubjective de la « troisième topique » / « troisième


modèle »
Les français (Brusset, 2005, 2006) ont adopté le terme « la troisième topique »
(« Third Topography » en anglais), que l'on connait également sous le terme de «
troisième modèle » (voir l'entrée THÉORIE DE LA RELATION D'OBJET) pour
assembler rétrospectivement sous une rubrique métapsychologique le travail de
plusieurs auteurs postfreudiens, qui considèrent que les premières relations aux
figures parentales sont des prérequis pour atteindre un appareil psychique capable de
fonctionner selon l'un ou l'autre des deux modèles de l'appareil psychique. [Le
premier (Freud 1900) étant le modèle topographique de la psyché, qui consiste en une
division en trois parties entre le conscient, l'inconscient et le préconscient, dont
chacune porte ses propres règles de fonctionnement et le second modèle freudien
(1923, 1926), le modèle structurel, qui divise l'appareil psychique entre le Ça, le Moi
et le surmoi.] Les analystes nord-américains de langue française intègrent également
dans ce groupe deux auteurs de langue anglaise : Winnicott et Loewald.
La « troisième topique » / « troisième modèle » postule que dans le
développement humain, l'esprit « two-person » précède l'autonomie psychique en une,
« one-person » de la pulsion, des défenses et du fantasme intrapsychique, de Freud.
Alors que le premier et le second modèle ont dû être employés pour illustrer le fait
que la maladie névrotique représente un esprit en guerre avec lui-même, le « troisième
modèle » précise un état dans la préhistoire de la personne, lorsque l'esprit n'est pas
toujours en mesure de fonctionner selon son propre cercle de représentations et de les
juger en tant que telles. Pour commencer, il dépend du nebenmensch (Freud, 1895),
l’autre-proche, pour s'assurer que la psyché n'est pas submergée par des excitations
internes et externes. La modulation de la stimulation par la figure parentale, qui fait
fonction de barrière aux stimuli, permet au nourrisson de reconnaitre éventuellement
que les pulsions d'agression et libidinales sont des parties non traumatiques de lui-
même. Ainsi, la troisième topique illustre une période dans la vie de chaque individu
qui a lieu avant le développement des deux autres. La troisième topique a été

298
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découverte théoriquement en dernier lieu, mais elle précise une situation précoce dans
la vie de chacun.
Du point de vue du sujet inconscient, les personnes qui se situent dans une
dimension de névrose normale ont une vie « interne », alors que les sujets borderline
et psychotiques ne perçoivent pas que leurs pulsions ou fantasmes sont « internes ».
Pour que le sujet puisse passer de la logique du processus primaire, où il perçoit que
ses désirs sont satisfaits, à celui où il peut éprouver ses désirs dans un espace
transitionnel de vérité et de contre-vérité, l'intervention d'un parent suffisamment bon,
dans sa fonction de prothèse temporaire et de contenant, est nécessaire. Selon ce
modèle, chaque être humain débute sa vie dans une situation de processus psychique
« two-person », où le nourrisson et à la fois son environnement sont une unité
opérationnelle, et c'est uniquement avec le temps, grâce à un travail psychique
considérable (la plupart du temps inconscient) de la part des deux sujets concernés
qu'une autonomie « one-person » intrapsychique relative peut s'installer. Ce modèle
constituerait un développement idéal universel que tous n'auront pas accompli, en
général, en raison de carences dans la rencontre première primordiale « two-person ».
Selon ces penseurs du modèle de « la troisième topique » qui ont été nommés ainsi
rétrospectivement, l'esprit « one-person » est une concrétisation, qui est fluctuante,
pouvant se perdre dans des cas de stress interne ou externe.
De manière indépendante, mais presque simultanée, Jacques Lacan et
Donald Winnicott ont tous les deux formulé un dilemme humain : afin de devenir
quelqu'un, chaque sujet doit passer par un autre réel, conflictué, individuel. Les deux
auteurs font état de la fonction miroir de l'objet, dans le cas de Winnicott (1967), pour
retrouver la réflexion de son propre « vrai » self, alors que pour Lacan, (1949/1977;
1966) cette fonction de miroir marque le début d'une aliénation permanente dans
lequel le Moi, dans sa soif d'être l'objet du désir de l'autre, prend, pour être lui-même,
d'autres formes.
Piera Aulagnier (2001[1975]), ancienne disciple de Lacan, a approfondi le
rôle intime de la figure parentale du nourrisson dans l'activité de représentation chez
l'infans. Elle remarque que pour l'infans il existe une certaine « violence
d'anticipation » inévitable dans « l'ombre parlée » du discours maternel. Elle précise
que : « De sorte que le discours maternel est l’agent et le responsable de cet effet
d’anticipation imposé à l’infans dont on attend une réponse qu’il n’est pas en son
pouvoir de donner, c’est aussi ce discours qui illustre de manière exemplaire ce que
nous entendons par le concept de violence primaire. » (2001/1975, p. 11). De plus,
elle insiste sur le rôle central de « l’après-coup de la nomination de l’affect », l’action
différée de nommer l’affect (une action différée parce qu'il a lieu une fois que la mère
a observé la réaction de l'enfant et avant que l'enfant ne puisse en parler lui-même) ce
qui, en désignant la relation de l'enfant aux autres qu'il a investi, identifie et constitue
le Je (p 97).

299
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Pour Winnicott, l'objet (sujet en conflit à part entière) joue également un rôle
essentiel dans la naissance d'un appareil psychique qui fonctionne, qui soit capable de
faire la distinction entre fantasme et perception. L'objet gère cette transformation et
construction au travers de deux moyens principaux d'interaction avec l'enfant. Il y a
premièrement, ce qui est « trouvé-créé » dans l'offre empathique, au bon moment, de
la mère qui apparait exactement quand l'enfant en a besoin. Puis, la « survie » de
l'objet à être « utilisé » en tant qu'objet des pulsions aide l'enfant à différencier ses
désirs de la réalité externe. Winnicott (1960 b, p. 141) affirme que pour l'enfant les
pulsions instinctuelles et les affects sont tout autant étrangers au Moi qu'un coup de
tonnerre. Par une négociation réussie de deux catégories d'interactions que sont le
« trouvé-créé » et « l'utilisation de l'objet » (1953, 1969), l'enfant assujette
progressivement la pulsion et la distingue des forces environnementales. Ainsi le
caractère particulier de la « rencontre » entre l'élan spontané, dirigé sur l'objet de
l'enfant, et la « réponse » du parent, façonne littéralement, si l'on peut dire,
l'expérience intrapsychique du sujet. Avant que la pulsion puisse être ressentie
comme faisant partie de soi-même, elle doit bifurquer par la réaction de l'autre externe
; de cette façon, et plutôt que d'être simplement « innée » la pulsion, pour Winnicott,
est essentiellement « construite » dans la relation avec l'autre.
Selon le point de vue d’André Green (1997), la pulsion est la matrice du
sujet, comme dans la théorie freudienne, le Moi survient de l'interaction/affrontement
entre les pulsions et le monde externe. Green a suppléé au concept winnicottien de
« présence (maternelle) optimale » sa propre conceptualisation de « l'absence
optimale » qui favorise les processus de symbolisation et de représentation. (La
dialectique de l'intrapsychique et de l'intersubjectif, selon Green, sera spécifié ci-
dessous.)
La reformulation ambitieuse des « Nouveaux fondements pour la
psychanalyse » de Laplanche (1989b) apporte une autre vision de la relation entre
l'objet et la pulsion. Laplanche (1999a) critique la nature « ptolémaïque » de la vision
freudienne qui situait la psyché individuelle au cœur de sa destinée. Laplanche, quant
à lui, considère que la « situation anthropologique » fondamentale de la petite enfance
est complètement décentrée par la « primauté de l'autre », faisant de la petite
personne une « copernicienne » dans sa révolution autour de l'adulte. La drastique
asymétrie entre l'adulte et l'infans sur laquelle Laplanche met l'accent, en raison de
son immense conséquence pour la structure psychique de l'enfant, repose sur le fait
que l'adulte est un être sexuel et doté de parole et d'un inconscient, alors que le
nourrisson n’est ni sexuel ni capable de parler et n'est pas encore divisé
intérieurement. A peine deviné par l'intuit de l'adulte, le déclenchement de sa
sexualité infantile inconsciente se réalise dans l'intimité primaire avec le corps de
l'enfant. Cette sexualité inconsciente « contamine » les échanges intimes avec l'infans
sous forme de « messages énigmatiques » que l’enfant n'a pas le moyen cognitif,
émotionnel ou corporel de décoder et qui créé des fantasmes pulsionnels et
inconscients éprouvés par l’enfant sous forme de pression interne de se donner une

300
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« traduction ». Pour Laplanche, cette sexualité infantile, énigmatique par nature, n'est
pas innée mais implantée par l'autre réel, bien que la réalité qui compte (dans un
dérivé fortement critique et une refonte de Lacan) est la réalité du « message », une
tierce réalité que Laplanche ajoute aux réalités psychiques et matérielles freudiennes.
Ainsi la sexualité, pour Laplanche (entendant par là médiée par le fantasme) provient
de l'autre et est « autre » (other), aliénée et étrangère au Moi. (L'approche
métapsychologique de Laplanche, au regard de l'intersubjectivité, sera précisée ci-
dessous)
Loewald aux États-Unis, récemment ajouté au groupe par les analystes
canadiens francophones (voir l'entrée THEORIE DE LA RELATION D'OBJET) et,
mis à part Winnicott, son unique théoricien analytique non-francophone, avait
également rejeté l'indépendance des relations d'objet et des pulsions dans une révision
du concept de l'instinct lui-même (1972/1980). Il suggère que les pulsions
instinctuelles, considérées comme des forces psychiques, soient conceptualisées de
sorte qu'elles sont organisées par les interactions au sein du champ psychique primitif
mère-enfant unifié plutôt qu'en termes d'acquis constitutionnels ou innés (p 324). Par
l'importance qu'il avait accordé au concept freudien de « liaison » (Bindung), Loewald
a réalisé que les implications relationnelles non apparentes chez Freud, où la fusion et
la défusion, la liaison et la non-liaison, pourraient sembler survenir dans un vide sans
objet. Loewald a observé que la liaison des instincts fait appel à la « médiation » de
l'objet, tant au sens de leur « apprivoisement » que de leur « représentation. » Bien
que pour le mot « trieb » il utilise la traduction de Strachey « instinct », les analystes
nord-américains francophones contemporains considèrent que la pensée de Loewald
est conforme aux contributions de la troisième topique, ainsi que la citation longue ci-
dessous le précise :
« Tout, en ce qui concerne les forces psychiques, que nous pourrions appeler
les pulsions instinctuelles, surviennent et sont organisées au départ dans la matrice du
champ psychique mère-enfant unifié, à partir de laquelle la psyché infantile, par de
nombreux processus interactionnels au sein de ce champ, se détache progressivement
vers une aire d'activité psychique plus autonome. Selon ce point de vue, les pulsions
instinctuelles, dans leur forme d'origine, ne sont pas des forces immanentes au sein
d'une psyché primitive distincte, mais elles résultent des tensions dans la matrice
psychique mère-enfant et plus tard entre la psyché infantile immature et la mère. En
d'autres termes, nous considérons que les instincts sont des phénomènes relationnels
dès le début et non pas des forces autochtones en quête de décharge, où l'on comprend
par le mot ‘décharge’ une sorte de vidange du potentiel d'énergie, dans un système
fermé ou vers l'extérieur. » (Loewald 1972/80, p 242)110.

110
NdT. Citation traduite pour cette édition.

301
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III. Cc. Perspective canadienne francophone : approches de l'intersubjectivité au


regard de leur accueil de l'orientation intersubjective des États-Unis
L'accueil donné à l'orientation intersubjective des États-Unis dans la
psychanalyse française est indissociable des débats permanents qui ont lieu entre la
psychanalyse nord-américaine (États-Unis) – ainsi que l'analyse de langue anglaise
dans le monde entier, bien qu'à moindre mesure – et la psychanalyse de langue
française. Les analystes francophones considèrent que l'école psychanalytique
britannique est un pont entre la psychanalyse des États-Unis et la France. Ce fut
encore plus apparent lorsque Winnicott et Bion devinrent des références significatives
dans le travail d'analystes français éminents.
Il existe globalement trois approches de l'intersubjectivité qui reflètent les
différents courants relatifs à l'accueil qu'ils donnent aux orientations intersubjectives
(pour la plupart la self psychology et l'orientation relationnelle) dans la psychanalyse
francophone : 1) Un refus général par rapport au paradigme interpersonnel/relationnel
en psychanalyse, fondé pour la plupart sur Lacan ; 2) Une approche
métapsychologique de la situation psychanalytique fondée sur l'affirmation du
caractère interpersonnel de la formation de l'inconscient sexuel, selon la théorie de la
séduction généralisée de Lacan et 3) une acceptation conditionnelle dans la
dialectique entre les dimensions intersubjective et intrapsychique de l'esprit de Green,
Roussillon et autres « intégrationnistes ».
Les critiques varient selon les orientations psychanalytiques de leurs auteurs.
Elles traitent les questions relatives à la méthode psychanalytique et à la
métapsychologie. Ceux dont les orientations sont plus proches de la psychanalyse
francophone classique focalisent en général sur le fait que les approches relationnelles
ont omis le contenu primaire de l'inconscient, plus précisément les fantasmes
primaires, tels que la castration et l'œdipe. Ce faisant, ils négligent le rôle structurant
des différences entre les genres et les générations sur la formation de la vie psychique.
Dans l'orientation intersubjective, le contretransfert devient la révélation (de soi) et
son analyse sous-entend que l'analyste partage cette expérience affective de la séance
avec le patient. Ainsi, la symétrie entre les analystes et les analysants provoquée par
la technique intersubjectiviste et la mutualité de la relation qu'ils nourrissent
empêchent la fonction symbolisante du complexe d'Œdipe de se manifester et de
déclencher un véritable processus analytique. Au contraire, dans l'analyse classique,
le cadre psychanalytique est conçu de sorte à pointer sur la situation œdipienne,
notamment par le biais de l'asymétrie de la relation, qui est conçue pour évoquer la
différence de génération. Ces éléments sont essentiels pour permettre aux processus
inconscients de s'exprimer. Selon les critiques liées à l'approche classique, les
orientations relationnelles ont contourné les complexités des processus inconscients et
ont oublié la résistance de ces processus par rapport à l'évolution et aux méthodes
éducationnelles. (Anzieu-Premmereur, in: Durieux et Fine, 2000).

302
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D'autres critiques, venant de diverses orientations analytiques, soulèvent un


questionnement plus général sur tout le virage que la psychanalyse nord-américaine
(États-Unis) a pris, dont ses approches herméneutiques, socio-constructivistes et
narratives (Kahn, 2014). Ces critiques protestent contre les décisions prises par les
écoles relationnelles, depuis la pulsion jusqu'aux affects, en psychanalyse clinique, et
contre l'indifférence qui en a découlé pour la métapsychologie (Anzieu-Premmereur,
in: Durieux et Fine, 2000). Ils expriment des vives inquiétudes sur le rôle que
l'engagement émotionnel de l'analyste a joué dans la psychanalyse nord-américaine.
L'empathie, comme la comprennent et la pratiquent les intersubjectivistes, est très
différente de la compréhension de Freud du concept de Einfühlung, emprunté par
Theodor Lipps et elle est incompatible avec le concept de Versagung (refusement) de
Freud lié à la neutralité bienveillante de l'analyste, ingrédient essentiel de la méthode
psychanalytique (Kahn 2014). Plus précisément, l'engagement émotionnel de
l'analyste, ainsi que l'empathie, suscite l'attention sur la qualité et le contenu de
l'affect, plutôt que les manifestations quantitatives. De plus, la conjonction des deux
éléments apporte en général un environnement plus apaisant que le cadre analytique
classique, qui par conséquent contrôle, évidemment avec de bonnes intentions,
l'accumulation de l'intensité dans les manifestations affectives. Ce type de régulation
empêche l'analyse de la quête des excitations typiques des processus libidinaux. En
conséquence, du point de vue de cette perspective, les approches relationnelles
n'apportent pas les conditions nécessaires pour prendre en considération
convenablement le point de vue économique, qui est un élément essentiel de la
métapsychologie de Freud et signe discriminatoire des processus inconscients en jeu
(Widlöcher, 2004; Kahn, 2014).
Dans ce même esprit, d'autres critiques soulignent l'insistance sur le sens et sur
la co-construction du sens qui figure dans le paradigme relationnel. Ils soulignent que
cette position ne prend pas en compte les caractéristiques des dérivés de l’inconscient,
qui par définition résistent au sens, et que cela contribue à l'assimilation de la
psychanalyse avec la thérapie cognitive. Ils contestent également le rôle contingent et
secondaire que la métapsychologie leur accorde et ce qu'ils considèrent comme le
pluralisme et l’éclectisme des théories relationnelles. (Kahn, 2014; Tessier, 2014a).

III. Cca. Lagache et Lacan : Refus du paradigme interpersonnel/relationnel


Lagache et Lacan sont habituellement cités être parmi les premiers à avoir
mentionné le terme de l'intersubjectivité dans la psychanalyse française (Roussillon,
2004), bien que chacun d'eux l'utilisait de différentes manières.
Selon Daniel Lagache, la psychanalyse a une place dans la psychologie qu'il
envisageait comme un champ unitaire. Bien qu'il reconnaissait que la subjectivité et
l'intersubjectivité n'étaient pas des concepts psychanalytiques, il soulignait les aspects
intersubjectifs de la situation clinique et considérait que la subjectivité et
l'intersubjectivité étaient des notions fondamentales sur lesquelles une réflexion

303
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préliminaire était nécessaire en psychologie, pour que les psychologues puissent


contribuer à leurs développements ultérieurs (Lagache, 1961).
Jacques Lacan avait une vision très différente de la relation entre la
psychanalyse et la psychologie : il pensait que les deux disciplines étaient
irréconciliables. Il était opposé à l'approche phénoménologique de l'intersubjectivité,
en faisant valoir que ce point de vue ne faisait que décrire la relation avec un autre
semblable : il ne faisait que rester dans l'ordre de l'imaginaire et neutralisait l'altérité
radicale de l'inconscient. Pour Lacan, la notion clé est le sujet, pas la subjectivité : le «
sujet de l'inconscient » est précédé par le langage. Le sujet est gouverné par l'ordre
symbolique, un ordre duquel le sujet tente de s'échapper par les formations
imaginaires du Moi, parmi lesquelles la subjectivité. Pour Lacan, le terme inconscient
concerne l'idée même de savoir comment conceptualiser le sujet. Toute son œuvre
concerne en conséquence l'étude du sujet inconscient.
Bien que la définition selon Lacan du sujet ne soit pas la base unique de tout le
rejet contemporain des approches relationnelles de l'intersubjectivité, la plupart des
arguments contre se situent néanmoins autour du fait que la découverte de
l'inconscient freudien a généralement déclenché une perturbation dans la notion de la
subjectivité. Une telle approche révèle une forme de suspicion à l'encontre de la
perspective phénoménologique en psychanalyse.

III. Ccb. Description métapsychologique de l'intersubjectivité : La théorie de la


séduction généralisée de Laplanche
Jean Laplanche a mené plus clairement et plus loin la position de Lacan sur
le « réel traumatique » dans le domaine intersubjectif, en mettant l'accent sur les
messages énigmatiques dont les origines sont au-delà du langage, transmis de mère à
nourrisson avant qu'il en ait la capacité de les comprendre. Le noyau énigmatique
pose un défi aux explications finales et ne peut sans cesse qu'être traduit et retraduit
tout au long d'une vie. La relation analyste-patient est ici fondamentalement
asymétrique et analogue à la dissymétrie primaire que le patient a vécue dans son
enfance. En substituant l'idée de refoulement de Freud à celle de traduction,
Laplanche (1999b, 2011) a ouvert la voie sur une explication intersubjective de la
constitution de l'inconscient. Dans la communication normale entre un adulte et un
enfant, l'adulte transmet des messages énigmatiques en raison de l'inconscient de
l'adulte. L'enfant traduira ces messages aussi bien que possible. Ce qui est perdu dans
la traduction constitue l'inconscient de l'enfant.
Laplanche propose un point de vue original de la source « interhumaine » de la vie
psychique. Pour Laplanche, la métapsychologie n'est pas une conception de l'âme :
elle doit rendre compte de l'action thérapeutique de la psychanalyse clinique. La
théorie de Laplanche est fondée sur la primauté de l'autre – les adultes ou enfants plus
âgés qui historiquement et concrètement donnent des soins à l'enfant – dans la

304
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formation de l'inconscient sexuel et du Moi également (Laplanche et Fletcher, 1993 ;


Laplanche,1999c ; Laplanche 2011). La primauté de l'autre est également une
spécificité de la situation analytique. Bien qu'elle puisse ressembler à la conception
relationnelle, la théorie de Laplanche varie de manière substantielle par rapport au
paradigme intersubjectiviste/interpersonnel dans les aspects fondamentaux suivants :
1) Le caractère central de la sexualité infantile dans la formation de l'âme
humaine et en conséquence, dans la formation de l'inconscient et du Moi également
(Laplante définit la sexualité infantile d'une manière différente de l'approche française
et de la perspective lacanienne. Cette sexualité, dans la mesure où elle implique
l'inconscient sexuel, n'est pas seulement perverse et polymorphe, mais également
auto-érotique et principalement masochiste, connectée au fantasme, et non procréative
: elle se situe avant les différences des sexes, même avant les différences de genre.)
2) Le rôle du message compromis par les fantasmes inconscients des adultes
qui sont le véhicule de la séduction, plutôt que les faits et évènements qui ont lieu
dans les relations entre les adultes et enfants. Le message est un médiateur entre la
réalité et la réalité psychique ;
3) Une définition spécifique de la séduction ;
4) L'asymétrie entre l'adulte et l'enfant, avec son écho dans la situation
psychanalytique ;
5) Le réalisme de l'inconscient, qui, bien qu'il soit formé par les restes d'un
message venant d'une autre personne – les parties compromises et intraduisibles de ce
message – acquiert une qualité palpable propre (« thing-like quality ») en étant coupé
du sens et de la signification (Laplanche, 1987, Tessier, 2014a, Tessier 2014b).
Comme d'autres critiques de l'usage du concept de l'intersubjectivité en
psychanalyse aux États-Unis, Laplanche est peu disposé à se référer à des notions
telles que le sujet, la subjectivité et l'intersubjectivité ; pour lui, la psychanalyse est
apparue avec la découverte de l'inconscient sexuel, qui se manifeste comme une force
étrangère à la personne, inaccessible à l'éducation ou à la bonne volonté et irréductible
à une psychologie des besoins et de la motivation. Le débat de Laplanche par rapport
à l'approche relationnelle et constructiviste en psychanalyse américaine se situe
également sur la question de l'aliénation : pour lui, en refusant la nature « étrangère »
de l'inconscient et de la manière dont les fantasmes inconscients se manifestent, les
écoles relationnelles se sont privées de la possibilité de penser en termes de des-
aliénation. Du point de vue de Laplanche, ils ont en conséquence manqué
l'opportunité de prendre en compte l'action émancipatrice de la psychanalyse
(Laplanche 1999b,c).

305
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III. Ccc. Green et Roussillon : L'acceptation conditionnelle de l'intersubjectivité dans


la dialectique intrapsychique/intersubjective
Bien que l'orientation intersubjective en tant que telle a reçu un accueil très
réservé en psychanalyse française, la théorie de la relation d'objet britannique et la
British Middle School ont suscité une influence considérable dans les cercles
psychanalytiques français, ce qui a mené à l'intégration du concept de
l'intersubjectivité par ce qui est habituellement appelé la dialectique entre
l'intrapsychique et l'intersubjectif (Green 2002) – ou l'intrapsychique et
l'interpersonnel (Roussillon 2004).
André Green (2002) ne désigne pas habituellement l'intersubjectivité ainsi,
mais par le terme « l'intersubjectif » (transformer un adjectif en un nom par l'usage
d'un article défini donne substance au concept et le rend plus abstrait, plus
philosophique. C'est une tendance courante dans la psychanalyse francophone,
comme par exemple : « le sexuel », « l'infantile », « l'actuel », le « négatif », « le
pulsionnel ».)
En opposition à Laplanche et à d'autres, qui avaient une préférence pour la
première topique de Freud, dans ses nombreuses publications, Green avance que la
deuxième topique/théorie structurelle est plus utile pour le travail avec les patients
non-névrosés.
Selon Green, la dynamique entre l'intrapsychique et l'intersubjectif était déjà
présente dans la théorie de Freud dans la référence à l'objet. Il rejoint les voix
critiques contre le paradigme relationnel américain en psychanalyse, en insistant sur
le fait qu'il réduit la psychanalyse à une simple mutualité de relations et donc la
transforme en une thérapie « cognitive comportementale » dotée d'un statut de science
expérimentale, accordé sur la base d'études de résultats contestables. Mais en même
temps, en s'appuyant sur le travail de Winnicott et Bion, Green souligne la nécessité
de prendre en compte l'intersubjectif en psychanalyse par une « dialectique
d'ouverture » fondée sur la relation entre la pulsion et l'objet. Cette dialectique donne
une base valable pour l'exploration des pulsions, souterraines de la vie psychique.
Dans son ouvrage « L'intrapsychique et l'intersubjectif en psychanalyse :
pulsions et/ou relations d'objet », de 1998, Green postule que : « C’est dans
l’entrelacement des intérieurs des deux partenaires du couple analytique que
l’intersubjectivité prend corps[...] » (Green, 2000, p.2). Deux champs furent ainsi
définis : celui de l'intrapsychique sur l'intérieur, venant des relations entre les parties
qui le comprennent et celui de l'intersubjectif, entre l'intérieur et l'extérieur dont le
développement nécessite la relation à l'autre. Car là où la structuration psychique est
concernée, l'extérieur n'est pas seulement la réalité, mais au cœur même de l’objet, et
le symbolise ; il fait, en fait, référence à l’autre-sujet. Ainsi, l'objet est situé à deux
endroits : il appartient autant à l'espace interne sur les deux niveaux du conscient que
sur l'inconscient et il est également présent dans l'espace externe comme objet,

306
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comme autre, comme l’autre-sujet. (ibid, p.3) Les relations intersubjectives se relient
à deux sujets intrapsychiques. La force et le sens sont entrelacés et allient leurs effets.
Pendant son voyage à New York en 2004, Green souligne que lorsque nous
travaillons avec les patients, nous travaillons de sorte à créer des représentations. Les
représentations ne sont pas des éléments primitifs essentiels du Ça, ils sont leurs
transformations présentes dans le Moi. Le premier pas est la transformation de la
pulsion instinctuelle à la représentation inconsciente. La transformation n'est pas
spontanée. Elle fonctionne grâce à la rencontre de la pulsion instinctuelle avec l'objet.
C'est l'objet qui favorise la création de la représentation inconsciente, la
représentation-chose (thing-presentation, Sachvorstellung) qui sera transformée en
une représentation-mot (word-presentation, Wortvorstellung) et qui donne à l'état
initial de la pulsion une forme transmissible par le langage.
Dans le portrait de la psyché que Green dépeint, le facteur économique des
pulsions est essentiel : l'inconscient consiste en un réseau ramifié de dérivés de la
pulsion (représentations-choses) en quête d'une voie de décharge. La nature
dynamique de ces représentations, qui représentent une forme primaire de la pulsion,
les dirige vers une certaine action ou conscience. L'aspect dynamique des pulsions
corporelles de l'inconscient, en recherchant toujours une décharge, et déterminant les
actions de l’individu, sont la source de résonance clinique quotidienne (Green, 2002).
En faisant référence à l'inconscient en tant que non-symbolisé, ce qui n'a
jamais été symbolisé y est inclus (c'est-à-dire ce que l'on appelle les « états primitifs »
ou les contenus du « refoulement primaire ») ou ce qui est dé-symbolisé, c'est-à-dire
dont les liens avec le reste du réseau symbolique ont été rompus (c'est-à-dire ce qui a
été refoulé en seconde instance est soumis au refoulement secondaire). Dans les deux
cas, ce qui ne peut être mis à l'usage (c'est-à-dire devenir conscient) fera son chemin
vers d'autres voies d'expression, avec les deux principales catégories qui en résultent,
l'énaction (enactment) et la somatisation.
René Roussillon (2004a,b) plaide en faveur de l'intégration du concept
d'intersubjectivité en psychanalyse. Bien qu'il considère que les moyens utilisés par la
conception nord-américaine de l'école intersubjective soient réducteurs, il précise que
cette notion peut devenir un concept psychanalytique par une approche
métapsychologique fondée sur une compréhension psychanalytique solide du sujet, en
d'autres termes, sur une conception du sujet qui comprenne la dimension inconsciente
de la subjectivité. Sur la base des travaux de Winnicott, mais aussi sur les
développements de Trevarthen sur l'intersubjectivité primaire, l'intersubjectivité est,
pour Roussillon, une rencontre entre un sujet mû par des pulsions et doté d'une vie
inconsciente, avec un objet qui lui aussi est un « autre-sujet », doté de pulsions et
d'une vie inconsciente. Il insiste sur le besoin de s'adresser au rôle des pulsions et de
la sexualité dans l'intersubjectivité : pour lui, la pulsion est un message (la pulsion
messagère), dans la mesure où elle aspire à la reconnaissance par un objet. Pour

307
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Roussillon, l'intersubjectivité coïncide éventuellement avec l'inter-intentionnalité


(Roussillon, 2014).
D'autres auteurs ont également donné une acceptation conditionnelle du
concept d'intersubjectivité en psychanalyse francophone. Dans son rapport au
Congrès des psychanalystes de langue française, Bernard Brusset (2005) souligne
qu'il est nécessaire de ne pas opposer la théorie de la relation d'objet à la théorie des
pulsions. Pour lui, l'intégration des deux paradigmes met en lumière de nouvelles
possibilités à l'égard de la symbolisation et de la « subjectivation ». Dans le domaine
de l'analyse de l'enfance, Bernard Golse (Golse et Roussillon, 2010) utilise le
concept d'intersubjectivité comme un outil pour comprendre l'articulation entre deux
espaces psychiques hétérogènes et leur reconnaissance consécutive. Daniel
Widlöcher (2004) est plus réservé en ce qui concerne l'usage du terme « sujet » et
« subjectivité » en psychanalyse. Bien qu'il réaffirme que l'intersubjectivité en
psychanalyse ne devrait pas mener à la « banalisation » de la relation analytique entre
l'analyste et le patient et à sa conceptualisation en termes de simple interaction entre
deux personnes, il souligne le besoin de s'éloigner du statut d'observateur neutre en
psychanalyse et de reconnaitre que la connaissance dans ce domaine s'acquiert par
l'accès à l'expérience subjective d'une autre. Une telle situation implique une
interactivité psychique, un concept qu'il résume en utilisant l'expression « co-penser »
(co-thinking) (2004, 2014a, 2014b).

III. Cd. Points de vue de France : L'intersubjectivité dans la psychanalyse


française en Europe
En Europe, l'usage spécifique du terme intersubjectivité dans la psychanalyse
francophone est relativement récent et lié fréquemment à la question du traitement des
patients borderline, narcissiques et psychotiques. L'intersubjectivité était
antérieurement un terme descriptif utilisé principalement en psychologie, non reconnu
pleinement en psychanalyse. La conception francophone de l'intersubjectivité est
plutôt différente des conceptions américaines en ce qui concerne l'ego psychology (H.
Hartmann, E. Kris, R. Loewenstein) ou la théorie du self (l'école de H. Kohut) ou bien
encore la théorie des relations d'objet (Edith Jacobson, O. Kernberg). De nombreux
auteurs français donnent leur préférence au terme interpsychique plutôt qu'à
l'intersubjectivité ; leur conception de l'intersubjectivité vient de l'étude de la situation
transfert-contretransfert dans une séance. Le grand intérêt voué à la métapsychologie
en psychanalyse française a poussé la plupart des psychanalystes français à conserver
le concept de pulsionnalité et à mener une réflexion au regard de l'articulation de la
pulsion avec l'objet. Cet intérêt est pour eux toujours dominé par les travaux de Freud
et par la réflexion sur les deux métapsychologies qu'il avait proposées. Même si le rôle
de l'objet dans la structuration psychique du sujet a, depuis longtemps, été reconnu
dans la psychanalyse française, l'usage actuel du terme « intersubjectivité » signifie en
France la rencontre entre deux sujets, patient et analyste, pendant l’analyse.

308
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III. Cda. Le Moi, le soi, le sujet et l'objet


La prémisse relative à l'introduction de l'intersubjectivité remonte aux années
1950, par le biais de Lagache qui avait utilisé le terme intersubjectivité au sujet de la
situation analytique, dans le sens d'une description psychologique mais sans la
théoriser. Lacan, lui-même en faveur de la nécessité de lire et de revenir à Freud, était
davantage intéressé par la question du sujet que de son intersubjectivité. Pour lui, la
subjectivité et l'intersubjectivité ne sont pas des concepts qui reviennent à la
psychanalyse : son concept principal était le « sujet de l'inconscient ».
Une difficulté doit être mentionnée à la lecture de Freud en ce qui concerne les
traductions vers le français, car c'est une considération importante au regard de sa
pensée.
Premièrement, le problème concerne toujours la question de décider comment
traduire au mieux « Ich ». En français, le terme choisi a été « Moi », c'est-à-dire « ego
» (en anglais), mais cela n'est pas complètement satisfaisant. « Ich » signifie aussi « Je
» (« I » en anglais) ou « le sujet ».
Une autre remarque est que Freud ne parle nulle part de l'objet interne ou de
l'objet externe, c'est M. Klein qui l'a introduit et ses disciples ensuite. Freud parle
uniquement de l'objet et cela couvre un grand nombre d'aspects – depuis l'objet du
monde externe, à l'objet des fantasmes – sans séparation entre toutes les significations
d'un « objet ». Par l'influence de la lecture de Freud, quelques psychanalystes français
ont adopté la conception selon Klein, de la présence d'un Soi, et de fantasmes et
d'objets internes. La plupart des psychanalystes préfèrent utiliser le concept de
représentation à celui des objets internes, et conservent l'ambiguïté de la notion de
l'objet, entre l'objet de la pulsion et l'objet externe.
Lacan proposa l'idée que le Moi est aliéné et que l'unique intérêt de la
psychanalyse se porte sur « le sujet de l'inconscient », qui n'est pas le Moi, celui qui
émerge par le « stade du miroir » pour n'être qu'aliéné par les identifications (1966).
Pour Lacan il existe un clivage entre le Moi et le sujet. C'était aussi une manière de
lutter contre les conceptions de l'ego psychology et les auteurs tels que R.
Loewenstein, qui était, avant son départ pour les États-Unis, l'un des co-fondateurs et
éminent membre de la Société Psychanalytique de Paris. Dans un autre axe de
recherche, P. Aulagnier avait décrit la naissance du « Je» (the « I » en anglais) (1975).
Alors qu'au Royaume-Uni, les auteurs comme W. Bion et D.W. Winnicott
décrivaient le rôle de la mère dans la naissance de la psyché d'un enfant, le travail
français sur la représentation métapsychologique était le suivant : Jean Laplanche
décrit un objet dont les messages énigmatiques constituent la source de la pulsion à
l'intérieur du sujet (1987). A l'opposé, André Green plaide pour une pulsion ancrée
dans le corps biologique, devant chercher l'objet pour devenir représenté (1997).
En psychanalyse française, quelques auteurs avaient utilisé la notion de Soi
(self), même s'ils étaient tous prudents au regard de la partie adaptative du Moi et que

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personne ne pouvait adhérer à l'idée de l'ego psychology, d'un Moi sans une
pulsionnalité liée aux actions et aux conflits. L'idée d'un « vrai soi » et d'un « faux
soi » (D.W. Winnicott) était bien acceptée mais pas complètement, car l'idée d'un Soi
(self) complètement différent du Moi n'était pas bienvenue. Certains auteurs font
référence au soi de manières différentes, pas exactement le self de Jacobson ou celui
de Kohut. Utiliser la notion de Soi de manière claire est un problème, qui explique, en
partie, probablement, son manque de succès en France (voir l'entrée SOI (SELF)
(LE)).
Ces difficultés ont mené les analystes à utiliser le concept de sujet mais avec
un sens différent de celui de Lacan, dont la théorie et la pratique n'étaient pas suivie
par les psychanalystes français de l'API. L'idée stipulait qu'une partie du Moi intègre
les impulsions pulsionnelles par le lien avec les objets, c'est-à-dire le sujet. Ce fut le
travail de Raymond Cahn (1991) qui mit spécifiquement l'accent sur le processus
d’appropriation subjective plutôt que sur le sujet lui-même. Ce travail s'est suivi d'une
réflexion sur le processus de subjectivation avec des contributions principales de
Bernard Golse et de René Roussillon, dans un livre édité par François Richard et
Steven Wainrib (2006). Face à cette complexité, Green (2002), a suggéré une « lignée
subjectale ».

III. Cdb. Les relations d'objet, les interactions et l'interpsychique


Un auteur français important, Maurice Bouvet, a travaillé sur la théorie de la
relation d'objet en même temps que Edmund Jacobson, mais de manière différente.
Cette approche l'a mené à réaliser ses recherches sur la dynamique du transfert-
contretransfert dans la séance, alors que Michel De M’Uzan (1978/1994) dépeint la «
chimère » et la « pensée paradoxale », qui se créent chez l'analyste pendant la séance,
de la part du patient et de l'analyste, mais qui est évoquée et qui figure dans l'esprit de
l'analyste ; une communication de l'inconscient vers l'inconscient. C'est la description
d'un être intersubjectif, faisant partie des deux protagonistes de la séance. À un autre
niveau, d'autres auteurs ont étudié les interactions entre le patient et l'analyste, avec
toujours à l'esprit la question de l'inconscient et des pulsions. René Kaës (1976) s'est
penché sur le fonctionnement du groupe en exposant le jeu de l'intersubjectivité et de
la création d'une nouvelle entité à l'intérieur du groupe : « l’appareil psychique
groupal ». Dans ses recherches principalement dans le domaine de la psychose et de la
schizophrénie depuis les années 1960, Paul-Claude Racamier (1992) précise les
liens, les interactions et les rôles au sein d'une famille psychotique ou d'une institution.
C'est en 1994 que Serge Lebovici (1994) propose la notion d'énaction (enactment) en
France, pour lui la « mise en jeu », c'est à dire la répétition interpersonnelle qui a lieu
dans la séance entre l'analyste et le couple mère-enfant et venant du jeu de transfert-
contretransfert. Plus tard, le travail des analystes francophones belges Nicole Carels,
Marie-France Dispaux, Jacqueline Godfrind-Haber, Maurice Haber (2002)
s'intéressait au rôle de l'espace interpsychique qui reçoit les mouvements

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transférentiels et contretransférentiels, sur les changements intrapsychiques du patient.


Ils y prennent en compte « l’expérience agie partagée » et travaillent alors sur les
limites entre l'intrapsychique et l'interpsychique. Bernard Brusset (2006), qui lui
préfère parler de l’interpsychique plutôt que de l'intersubjectivité, terme pour lui trop
phénoménologique, a proposé, en ce qui concerne le domaine de l'interpsychique,
l'idée de « troisième topique » (voir ci-dessus), une métapsychologie du lien, où la
projection et le clivage ont lieu et où la question des limites est mise en relief.
Cet axe de pensée et de terminologie connait une influence bien au-delà de
l'analyse française, même si elle est parfois utilisée de manière légèrement différente.
Dans le travail récent de Stefano Bolognini (2016), « l’interpsychique » est conçu en
termes de « niveau pré-subjectif fonctionnel où deux personnes peuvent échanger des
contenus internes, par l'utilisation d'identifications projectives communicatives
‘normales’. » (Bolognini 2016, p.110). C'est une dimension psychique élargie qui
reflète l'influence réciproque de deux esprits, vécue de l'intérieur, fournie d'une
nouvelle efficacité spécifique, dans la contenance d'abord et dans la symbolisation
ensuite (Bolognini 2004).

III. Cdc. L'intersubjectivité : La question des deux psychés, des deux sujets et la
dimension relationnelle
André Green (2002) a donné un cadre à la conception française de
l'intersubjectivité, prenant en compte le couple constitué de la pulsion et de l'objet.
L'objet révèle la pulsion : « La construction de l’objet mène rétroactivement à la
construction de la pulsion qui construit l’objet. » (Green A, (1984), p105). Le travail
intrapsychique et intersubjectif semble être les deux faces d'un même phénomène :
d'un côté la pulsion tend à la représentation, de l'autre l'objet joue un rôle
transformateur dans son travail de représentation. Par conséquent, l'intersubjectivité
est dans ce sens une double rencontre de deux personnes et de deux appareils
psychiques, dont l'inconscient et les instances sont investis par les pulsions.
René Roussillon, propose, en 2008, une définition de l'intersubjectivité,
inspirée du travail de D.W. Winnicott : « [J’utilise donc] le terme intersubjectif pour
penser la question de la rencontre d’un sujet, animé de pulsions et d’une vie psychique
inconsciente, avec un objet, étant aussi un autre-sujet, et qui lui aussi est animé par
une vie pulsionnelle dont une partie est inconsciente » (Roussillon 2008, p.2) Allant
plus loin qu'André Green, Roussillon propose la fonction du messager de la pulsion :
si la pulsion est significative pour l'appareil psychique du sujet, la pulsion est
également, et ce par le biais des affects, des conversations, de l'action et du
comportement, une représentation qui se réfère de manière significative à l’objet. Et
cela signifie que la réponse de l'objet face au message pulsionnel du sujet est
fondamentale dans le travail psychanalytique. Dans « Intersubjectivité et inter-
intentionnalité » (2014), R. Roussillon propose l'idée qui stipule qu'au cœur de

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l'intersubjectivité se situe l'exploration de l'intentionnalité inconsciente de chaque


membre de la dyade pendant la séance.

III. D. Les développements en Amérique Latine

III. Da. Introduction


En Amérique latine, le terme « intersubjectivité » doit faire l'objet de spécifications,
afin de pouvoir indiquer à quelle perspective théorique il se réfère et la manière dont
il est mis en application. Cette clarification est importante puisque, particulièrement
en Argentine, ce concept est utilisé par deux différentes écoles : la perspective du lien
et la perspective relationnelle.
a) La perspective du lien est fondée sur le modèle britannique des relations d'objet,
que Bion et ses disciples ont développée ainsi que sur la psychanalyse française post-
lacanienne, particulièrement René Kaës. Cette approche a été bien reçue dans les
sociétés psychanalytiques. Elle s'applique aux groupes, aux familles et aux couples.
b) La perspective relationnelle a été très bien reçue au Chili et au Pérou, elle est en
développement constant en Uruguay, au Brésil, en Argentine et au Mexique. Cette
perspective est fondée sur les idées de Ferenczi, Balint, Fairbairn, Bowlby, Winnicott,
Kohut, et, plus récemment, S. Mitchell, J. Greenberg, D. Stern, R. Stolorow, O.
Renik, J. Benjamin, J. Lichtenberg, L. Fosshage, D. Orange, ainsi que sur de
nombreux auteurs d'écoles relationnelles nord-américaines ainsi qu'intersubjectives.
Au Chili, une antenne très active de l'Association internationale pour la
psychothérapie relationnelle (L'IARPP) fondé il y a quelques années, avait organisé
en 2013 une conférence qui reçut un grand intérêt. Une petite antenne de l'IARPP fut
fondée en 2017. Certains de ses membres dans les deux pays, sont également
membres de l'API, alors que d'autres ont reçu des différentes formations, telles que
Jungiennes, cognitive, systémique et de mindfulness111.
Il existe entre la psychanalyse du lien et la psychanalyse relationnelle des
convergences et des divergences. L'idée selon laquelle le concept de transfert n'est pas
seulement un évènement répétitif mais aussi nouveau fait partie de ces convergences.
En outre, les deux approches considèrent que la valeur « chance » et « évènement »
sont motivants psychiquement parlant. Les divergences majeures se trouvent dans les
domaines suivants :
1) Les motivations qui poussent à l'activité psychique : l'approche du lien ne s'éloigne
pas du postulat freudien selon lequel le désir sexuel infantile serait une motivation
essentielle alors que l'approche relationnelle prend en compte le désir œdipien mais
intègre également d'autres motivations telles que celles qui se satisfont des actions
spécifiques d'autres êtres humains (l'attachement, la reconnaissance, etc.). Il incorpore
111
pleine conscience, NdT

312
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le contrôle psychique, l'exploration, le jeu en faisant référence à, entre autres,


Winnicott, Kohut, Lichtenberg et H. Bleichmar.
2) Le fondement empirique : la perspective du lien, telle qu'elle est appliquée aux
groupes, aux couples et aux familles, ne comporte pas de changement
paradigmatique. L'approche relationnelle est ancrée dans le changement
paradigmatique du travail de l'analyste. L'analyse n'est plus considérée comme étant
l'interprète des pulsions et des défenses mais plutôt comme un facilitateur de la
relation analyste/patient. En conséquence, cette relation donnera lieu à la « réédition »
des transferts qui génèrent un conflit, et à l'édition de nouvelles expériences qui se
développent dans le champ relationnel (traduction de « edición » et « reedición » par
édition et réédition, malgré les différences dans leurs usages entre les espagnols et les
anglophones), afin de mettre en lumière le caractère novateur du concept, par C.
Nemirovsky).
En Amérique Latine, notamment en Argentine, les significations du terme
« intersubjectivité » nécessitent d'être distinguées. Selon Felipe Muller (2009, p. 331),
les différences sont les suivantes : « En Amérique Latine, notamment en Argentine,
nous devons faire la distinction entre les différentes significations du terme
intersubjectivité. Dans la psychanalyse du Río de la Plata, le mot intersubjectivité
était, jusque dans les années récentes, utilisé principalement par les groupes lacaniens
focalisés sur les premiers séminaires de Lacan, ou par des groupes spécialisés dans la
psychanalyse de groupe pour les familles ou les couples. »
Les psychanalystes du lien adhèrent aux idées que Isidoro Berenstein et Janine
Puget ont développé en Argentine depuis les années 1990. Leur conception de la
psychanalyse du lien pourrait s'appeler l'interliaison des êtres désirants. Les
contributeurs principaux de cet axe de pensée, Rodolfo Moguillansky, Julio Moreno
et Miguel Spivacow maintiennent que l'idée du lien est déjà présente dans le travail de
Bion, dans la notion de rêverie, fondée sur l'échec précoce de la psyché à traiter les
émotions. Cette insuffisance nécessite que la mère puisse métaboliser les émotions du
nourrisson pour permettre la croissance psychique. Ces auteurs insistent sur le fait que
la présence de l'autre est nécessaire pour métaboliser, et ainsi modifier, les
expériences d'une psyché immature pour qu'elles puissent être transformées en
pensées. Ils commencent avec l'idée du lien. Ils considèrent que chaque lien
intersubjectif stable se constitue sur la base de l'expérience de la fusion, sur la
croyance illusoire d'une rencontre avec une personne identique ou complémentaire :
l'Unique112. Sa nature illusoire n'empêche pas l'Unique de contribuer au processus de
structuration. C'est la constance narcissique de l'Unique qui constitue le nouveau
groupe et son efficacité conduit les membres du groupe à devenir des sujets du lien.
Le groupe créé par les sujets, ancre et créée à son tour des lieux inconscients qui sont
également riches de sens. Ils génèrent des significations inconscientes qui les

112
en anglais « the One », NdT.

313
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déterminent et produisent ainsi des nouvelles subjectivités. (Moguillansky, cité dans


Benhaim, 2012, traduction par Nemirovsky)

III. Db. Aspects historiques des idées intersubjectivistes en Amérique latine

Enrique Pichon-Rivière fut le précurseur de l'intégration d'autres motivations


dans la conception de la manière dont la psyché est constituée et se développe. Parmi
les fondateurs de l'Association psychanalytique d'Argentine en 1942, Pichon-Rivière
s'est toujours intéressé aux aspects sociaux de l'esprit. C'est en 1953 qu'il créée l'Ecole
de psychologie sociale. Ses contributions sont fondées sur la conception sociale des
êtres humains et se reflètent dans ses idées sur la signification du couple analytique en
tant que relation. « Le lien est l'unité d'observation minimale », disait-il souvent à ses
étudiants. Les vicissitudes des pulsions et des défenses peuvent se concevoir sous un
angle différent, là où ils sont situés dans un contexte au sein duquel le lien analytique
est l'unité opérationnelle. A partir de ce point de vue nous pouvons constater le
phénomène qui se déroule dans nos cabinets de consultation. La perspective
pulsion/défense réductionniste est fortement modifiée lorsque la perspective du lien
est incorporée (avec sa famille, son micro-groupe et ses variables culturelles).
Ces changements modifient le travail de l'analyste pendant la séance. Pichon-
Rivière fait la description de certaines motivations qui permettent d'établir des liens
avec d'autres êtres humains. Elles concernent le besoin d'autoprotection, de sécurité,
de dépendance, de protection et de communication. Il avait incorporé dans sa théorie
les idées de penseurs que l'on avait laissées en périphérie de la psychanalyse, de Adler
jusqu'aux culturalistes nord-américains (Fromm, Horney, Sullivan), ainsi que des
théoriciens d'autres domaines, comme Kurt Lewin qui avait introduit la théorie du
champ que les Barangers ont développé plus tard. A partir de ces perspectives, la
formation de l'inconscient et les manifestations défensives sont considérées dans un
contexte intersubjectif. Alejandro Ávila Espada (2013) précise que l'une des
contributions-clé pertinentes de Pichon-Rivière sur l'intersubjectivité est celle du
cadre conceptuel, référentiel et opérationnel (ECRO), qui intègre une théorie
explicative, ainsi que la dimension opérationnelle dans le cadre social d'un contexte
social spécifique. Chaque acteur, chaque sujet se positionne à partir de son ECRO qui
nécessite d'être identifié. Sur la base de son ECRO, les thérapeutes doivent détecter le
porte-parole du groupe (c'est-à-dire la personne reconnue malade, qui est la porte-
parole du groupe ou de la maladie de la famille) et analyser les rôles, les idéologies et
les malentendus fondamentaux en jeu dans le lien. En même temps, la famille doit
dévoiler des secrets de famille, des mécanismes de clivage, des fantasmes
d'impuissance et d'omnipotence et des situations triangulaires fondamentales.
En outre, Ávila Espada (2013), rappelle que Pichon-Rivière n'avait pas de
contact direct avec les interpersonnalistes (Sullivan) ou les culturalistes (Fromm).
Mais il a développé une théorie sociale selon laquelle les personnes sont la résultante
de leurs relations avec les objets tant internes qu'externes. Ainsi, ses idées sont

314
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convergentes en grande partie avec celles de Sullivan qui postule que le concept de
besoin est une alternative aux pulsions et désirs. Il parle de trois types de besoin, c'est-
à-dire le besoin d'auto-préservation et de sécurité, le besoin émotionnel et le besoin de
développement et d'épanouissement personnel et social. Selon Espada, l'inconscient
est, pour Pichon-Rivière, un champ intrapsychique de nature impersonnelle et
groupale, une qualité de la psyché qui est constituée d'une série de schémas
comportementaux que les sujets accumulent en relation aux liens dans lesquels ils
participent et le rôle qu'ils jouent au sein de ces liens.
Pour Ana Pampliega de Quiroga (1977), la définition du groupe selon
Pichon-Rivière est :
« Un groupe restreint de personnes, liées par des constantes temporelles et
géographiques, et articulées par leur représentation interne mutuelle, qui
s'engagent explicitement ou implicitement dans une tâche qui constitue leur
objectif et qui interagissent par leurs mécanismes complexes d'adoption et
d'attribution de rôles. Cette articulation de besoins et la satisfaction de ceux-ci,
la fondation de chaque tâche et de chaque expérience d'apprentissage, définit
les sujets en tant que sujets de l'acte, en qualité d'acteurs, et les situe sur la
base de leurs tâches spécifiques, dans leurs dimensions historiques, leur vie
quotidienne et dans leur temporalité. » (Communication orale avec
Nemirovsky).
Bien que les idées de Pichon-Rivière avaient été éclipsées par le
développement simultané de la théorie kleinienne, puis par la prévalence de la théorie
lacanienne, elles avaient enrichi la pensée de nombreux analystes prestigieux latino-
américains tels que J. Bleger, D. Liberman, T. Gioia, E. Rolla, H. Racker, S. Resnik,
E. Rodrigué, M. et W. Baranger, S. Bleichmar, F. Ulloa, H. Kesselman, N Caparrós,
H. Bleichmar et H.Fiorini, ainsi que d'autres professionnels de la santé mentale en
dehors de la sphère psychanalytique. Parmi eux, Mauricio Goldenberg, psychiatre et
précurseur révolutionnaire d'une conception de la santé mentale qui considère que la
santé résulte d'interactions complexes avec le milieu social ; ce fut lui qui mit en place
le premier service de psychiatrie dans un hôpital général dans la province de Buenos
Aires en Argentine. Il y convoqua des médecins, psychologues, assistants sociaux,
infirmiers, thérapeutes en musicothérapie et ergothérapeutes pour composer une
équipe interdisciplinaire en phase avec sa propre conception de la santé mentale.
Heinrich Racker (1957), quant à lui, focalise son attention à la suite de
Ferenczi sur l'observation de l'analyste sur leur propre participation dans le champ
analytique. Bien qu'il utilise le vocabulaire kleinien, Racker ne considère pas que
l'hostilité provienne des pulsions mais qu'elle est réactive. En outre, il souligne la
vertu curative de l'amour de l'analyste (Avila Espada, 2013), en citant Mitchell
(1997). Pour Mitchell qui a entièrement porté les idées de Racker dans le contexte
relationnel plus large, le transfert et le contretransfert sont les deux composants d'une

315
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seule unité : ils donnent vie l'un à l'autre et créent la relation interpersonnelle de la
situation analytique.
José Bleger (1967), éminent disciple de Pichon-Rivière, a développé une
théorie comportementaliste sur la base du structuralisme et des idées marxistes. Il
propose trois niveaux d'expression comportementale, c'est-à-dire l'esprit, le corps et le
monde externe. Ces trois niveaux interagissent de manière dynamique.
Madeleine et Willy Baranger étaient des psychanalystes nés en France, qui
avaient déménagé en Argentine en 1946 et avaient rejoint l'Association
psychanalytique d'Argentine (de León de Bernardi, 2000). Selon W. Baranger (1959,
p. 81),
« Sur la base de sa pratique, la psychanalyse doit déployer ses propres
principes d'objectivation et accepter son rôle en sa qualité (d'une certaine
manière exceptionnelle) de science de l'être humain. Elle doit accepter sa
nature scientifique du dialogue (c'est-à-dire une psychologie bi-personnelle),
de science interprétative [...] avec essentiellement des lois originales et des
techniques de validation qui sont différentes de celles qui gouvernent les
sciences naturelles. La première responsabilité de la recherche
épistémologique est de formuler les conditions qui pourront valider nos
interprétations »113.
La vision des Barangers cependant est différente d'une position subjectiviste extrême
ou interprétative focalisée en premier lieu sur le point de vue de l'analyste créateur de
l'interprétation. Selon ces auteurs,
« L’étude systématique de ce qui a lieu dans la situation analytique bi-
personnelle est l'unique route d'accès à une validation idéale de la
connaissance de ce qui est vraiment spécifique à la psychanalyse. Cet idéal
actuellement concevable a été réalisé (sans avoir été formalisé) dans plusieurs
essais récents différents qui donnent une description très complète de la
situation analytique, avec des interprétations et des changements qui ont lieu
dans des cadres temporels limités. » (W. Baranger 1959, p. 81)114.
Ils affirment également que puisque l'observation de l'analyste implique
l'observation du patient et une auto-observation corrélative, elle ne peut qu'être une
observation du champ dans sa définition (M. et W. Baranger, 2008). Plus tard,
lorsqu’ils développent la notion de bastion, ils suggèrent qu'un deuxième regard peut
être réalisé sur la totalité du champ analytique, surtout sur les obstacles dans le
processus, qui sont posés par aussi bien le patient que l'analyste. Dans leurs propres
mots,

113
N.d.T Citation traduite pour cette édition.
114
N.d.T Citation traduite pour cette édition.

316
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« Cela nous a amenés à proposer d’introduire quelques termes : « champ »,


« bastion », « deuxième regard ». Quand le processus trébuche ou se paralyse,
l'analyste s’interroge forcement sur cet obstacle ; il porte alors sur le
« champ » un second regard, qui l'englobe lui et son analysé, Œdipe et le
Sphinx, dans une vision d'ensemble. » (M. Baranger, W. Baranger, and J.
Mom, 1983, p. 1).

III. Dc. La perspective relationnelle en Amérique latine, l'Argentine en


particulier
Pour Álvarez de Toledo (1954), dont le langage est similaire à celui de
Pichon, le fait d'être en analyse, d'associer et d'interpréter, implique une relation entre
l'acte, l'image et l'objet qui est actualisé dans l'acte de parler et d'écouter le
psychanalyste. L'acte, la sensation, l'image, le corps et l'esprit retrouvent leur unité
quand les patients peuvent intégrer les premières expériences orales avec les
sensations, sentiments et images qui leur correspondent.
David Liberman (1963, 1970, 1976, 1982) qui a également étudié avec
Pichon-Rivière, a développé ses idées fondées sur la théorie de la communication.
Selon cet auteur, la maladie est une altération du processus d'apprentissage et de
communication qui se traduit en un déficit de l'adaptation du sujet à la réalité. Ses
lectures de Roman Jakobson, Jürgen Ruesch, et de Gregory Bateson ont ajouté à sa
connaissance de la théorie kleinienne et lui ont permis de catégoriser la prévalence
des différents styles de communication chez différents types de patients. Liberman
utilise des instruments sémiotiques et linguistiques pour étudier les séances
analytiques. Pour lui, la psychanalyse est une science d'approche empirique qui peut
être examinée a) pendant la session, conduite par le thérapeute sur le patient et b) dans
le patient, le thérapeute ou le lien. Liberman considère que la relation analyste-patient
est une combinaison de styles expressifs verbaux et non-verbaux qui peuvent, ou non,
favoriser le travail clinique.
Silvia Bleichmar (1985, 1993, 2000, 2002, 2005, 2006a,b, 2007, 2008, 2009
a,b,c, 2010, 2011, 2014, 2016) considère que l'éthique et la relation entre le
biologique et le social sont des thèmes de recherche pertinents. Bleichmar fait
observer que la production de la subjectivité n'est pas un concept psychanalytique
mais sociologique. Elle est liée aux moyens que les sociétés utilisent pour déterminer
les modes de constitution des sujets qui peuvent s'intégrer dans des systèmes qui leur
accorde une place. C'est constituant ou « instituant », comme Castoriadis-Aulagnier
(1975) pourrait le qualifier. Cela signifie que la production de la subjectivité est liée à
un ensemble d'éléments qui produiront un sujet historique socialement acceptable. Il y
a toujours une psyché articulée par des défenses et du refoulement. La psychanalyse
ne peut pas se défaire des notions de défense et de refoulement. Cela dépasse la
production de la subjectivité historique et concerne le mode par lequel le sujet est
constitué. (S. Bleichmar, 2003).

317
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Terencio Gioia (1996) s'est penché sur la théorie des instincts et ses
corrélations avec l'éthologie. Il nie catégoriquement la présence de la pulsion de mort
chez les êtres vivants. Il fonde ses conclusions cliniques sur les théories de Bowlby et
de Peterfreund et postule que la crainte génère la haine et l'hostilité et non pas le
contraire.
Hugo Bleichmar (1997, 2000), auteur argentin installé à Madrid, propose
l'approche transformationnelle modulaire dans les années 1990. C'est un modèle
transformationnel-modulaire du fonctionnement psychique qui est fondé sur la
coexistence de divers systèmes motivationnels tels que le narcissisme, l'hétéro-
préservation/préservation de soi, l'attachement et les systèmes se sensualité/sexualité.
Cet auteur affirme que l'inconscient « est une structure complexe, avec des modules
gouvernés par des règles de fonctionnement, et qui ont des origines et contenus
différents, dont les inscriptions sont composées de multiples degrés de représentativité
et d'intensité ou de force115» (H. Bleichmar, 1997, p.14).
Bleichmar ne considère plus que l'inconscient fonctionne de manière
homogène. Au lieu de cela, les différents modules ou systèmes, générés par une
inscription secondaire, une inscription primaire ou une non-inscription, sont
responsables de différent modes de fonctionnement. Selon cet auteur, il existe cinq
types d'inconscient : l'un génère les interactions, l'un les identifications, un autre où le
refoulement prévaut, l'un encore où d'autres modes de fonctionnement dominent et
enfin un inconscient désactivé.
Bleichmar affirme que le modèle modulaire est à l'encontre du principe
d'homogénéité dans la théorie psychanalytique. Il précise les deux conceptions dans le
travail de Freud, notamment les conceptions modulaires et les conceptions
d'homogénéité qui prévalent de manière alternative. Le principe d'homogénéité
apparait dans la conception évolutionnaire du développement psychosexuel, qui est
marqué par la satisfaction libidinale de zones corporelles dont les vicissitudes
déterminent non seulement les formes que les liens prennent par rapport aux objets,
mais aussi les syndromes psychopathologiques. Le principe d'organisation, qui
caractérise l'homogénéité, s'applique aux stades développementaux de la libido, à
partir desquels la constitution de caractères (oral, anal etc.) et leurs séries de
symptômes résultent. Le principe d'homogénéité domine également dans le domaine
de la thérapie.
Freud focalise sa technique sur la mise en conscience de l’inconscient
(« rendre conscient ce qui est inconscient »). Il considère que si quelque chose est
restitué à la conscience il cesse d'avoir un effet de par l'inconscient. A son tour,
Bleichmar souligne le sens de l'hétérogénéité sur la base de la théorie modulaire-
transformationnelle et sur les caractéristiques de l'objet.

115
investissement, ou cathexis en anglais, NdT

318
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Une autre contribution originale pertinente intersubjectivement parlant, de la


part de cet auteur, est la notion de « croyances originaires passionnantes ». Elles
correspondent aux effets que les jugements proférés par les autres ont sur un sujet tout
au long de sa vie. Ces croyances ne font pas uniquement allusion aux jugements sur le
sujet qui se transforment en autoreprésentations. Elles peuvent également comprendre
des règles qui ont été transmises par d'autres personnes proches qui gouvernent la
construction de ces représentations mentales. Elles ne sont pas de simples structures
cognitives. Elles sont plutôt créées dans une articulation permanente avec un
processus réciproque d'affectivité.
Miguel Hoffmann (2013) a contribué au développement de la pensée
intersubjective pendant de nombreuses années. Son livre, « Más allá del yo. El ser, la
persona » [Au-delà du Moi: l’être, la personne] reflète cette contribution. Dans son
dernier livre, cet auteur insiste sur le besoin pour l'être humain de préserver sa
capacité d'être (un être) réflectif, un être en quête d'identité, sans pour autant négliger
les changements sociaux qui l'imprègnent et le façonnent. Hoffman nous encourage à
nous accorder nous-mêmes du temps, pour nous questionner sur nos désirs, nos gouts
et préférences, notre soi, nos forces qui peuvent nous aider à changer.
Hector Fiorini (2007), quant à lui, a travaillé pendant de nombreuses années
dans le domaine des thérapies ciblées et pratique une psychanalyse qu'il qualifie d'«
ouverte ». Pour cet auteur, la psychanalyse est souvent un développement permanent
de la théorie psychanalytique et de la pratique clinique, dont de nombreuses
innovations qui ont émergé après Freud. Au centre de son organisation est la
conception des processus thérapeutiques comme travail systématique qui active les
capacités créatives des patients et des analystes. Fiorini s'aventure plus profondément
dans des thèmes d'écoles bioénergétique, gestalt, jungiennes, transpersonnelles et de
psychodrame. Il empreinte les aspects du travail de Freud qui pointent en cette
direction et propose des catégories auxquelles la métapsychologie freudienne ne
s'adressait pas.
Réfléchir à des situations spécifiques, c'est-à-dire à une enquête sur une
psyché située plutôt qu'abstraite, implique une approche qui vise à regarder
l'expérience psychique dans son engagement dans des situations réelles. Ruben
Zukerfeld (2004, 2009), dans ses travaux et ses collaborations avec Zonis de
Zukerfeld, a souvent fait référence à une version de la « troisième topique », qu'il
définit comme une « représentation métaphorique graphique d'hétérogénéité et la
coexistence de modes inconscients de fonctionnement avec une structure
représentationnelle et non-représentationnelle, qui constitue la perspective
métapsychologique de systèmes de mémoires multiples qui fonctionnent de manière
simultanée. » Par son étude des idées psychanalytiques sur la psyché précoce qui
avaient été développées lors des décennies précédentes, cet auteur (Zukerfeld 2009)
présente le concept de processus tertiaires. A ce sujet, il postule qu'une «
hétérogénéité inconsciente radicale » est présente dès le début ; presque tous les
théoriciens postfreudiens parlent des différents modes du traitement de l'inconscient.

319
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Bion fait allusion aux éléments béta et à un écran béta en termes d'« agglomérat non-
intégré et de terreur sans nom » Winnicott fait référence à la crainte de
l’effondrement, « comme un signe-trace qui n’a pu être symbolisé ». Lacan met en
évidence le réel hors du langage et inaccessible à la symbolisation. Dans cette
catégorie, Zukerfeld y ajoute également les notions de l'« originaire » et du «
pictogramme » de Piera Castoriadis-Aulagnier (1975) ; du « théâtre de l'impossible »
et de l'hystérie archaïque de Joyce McDougall (1991) ; du « clivage primordial » de
M’Uzan (1978/1994) ; des « dynamismes parallèles » de Pierre Marty (1990) ; du
concept de « l'irreprésentable » de André Missenard (1990) ; de la notion de
l'« inconnu et l'inconnaissable » de Guy Rosolato (1978) ; de l'idée de l'archaïque et
de la « négativité radicale » de Kaës (1976) ; du concept du « pré-refoulement » de
Roussillon (2004a,b) ; de la délégation du « non-figurable » et du « psychique au-delà
de la frontière » (psychic beyond-country) de Césare Botella ; les idées du « pré-
psychique », du « travail du négatif » et du « clivage » de Green (1998) ; la notion de
l'« immortel double » de Julio Aragonés (1999) ; les « traces ingouvernables » de
Norberto Marucco (2007) ; l'« inconscient primaire » de Christophe Dejours (1991) et
l'« inconscient originaire » de H. Bleichmar (1997).
L'objectif de Carlos Nemirovsky (1993, 2007, 2008, 2011, 2018) est
d'articuler les théories de la pulsion/défense (essentiellement les développement
freudiens et kleiniens) avec les principes de la théorie relationnelle fondée sur
Mitchell. Nemirovsky (2017, 2018) a développé le concept de l'édition en
psychanalyse, un mécanisme où il est possible de créer la psyché sur la base d'une
rencontre entre deux sujets, l'un disposé à faire confiance et l'autre disponible pour
répondre par une action spécifique. Cette rencontre peut générer une (néo)formation
de la psyché jusqu'alors non-existante. Cette notion diffère de celle de Jaime
Lutenberg (1995) qui, sur la base des idées de Bion, précise que l'édition donne lieu à
la naissance mentale de facettes de la personnalité de l'analysant qui n'étaient pas au
préalable conscientes ou inconscientes parce qu'elles restaient en dehors de la région
dynamique de l'esprit : des secteurs de la personnalité qui en raison du clivage du
Moi, et d'une défense secondaire qui s'y est rajoutée, est restée submergée dans des
liens symbiotiques ou incorporés dans la personnalité.
Pour Nemirovsky (2018), la structure qui est générée par la rencontre n'était
pas présente antérieurement dans la psyché. Elle manquait d'existence, puisque le
sujet n'avait pas eu l'expérience qu'il est en train de vivre pour la première fois. Les
échecs de l'environnement déficient empêchaient la rencontre d'avoir lieu à un stade le
plus précoce de la subjectivation. Nemirovsky compare l'édition à la création de
l'objet subjectif par Winnicott. Sur la base d'une rencontre avec un objet, un nouvel
objet est créé qui n'existait pas dans la psyché du sujet jusqu'alors. L'objet créé est
différent de l'objet apporté par l'environnement. Le terme édition se reporte aux
situations qui apparaissent pour la première fois, sans précédent, nouvelles (elles ne
sont pas répétées dans le traitement, mais ont lieu pour la première fois). Il peut se
distinguer clairement des termes ré-édition ou répétition (que Freud utilise pour

320
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décrire la répétition de l'histoire de l'enfance dans les névroses ou les névroses


transférentielles)
Dans plusieurs articles, et surtout son dernier livre, « Lo disruptivo y lo
traumático. Vivencias y experiencias » (« Le disruptif et le traumatique : expériences
vécues et expériences »), Moty Benyakar (2016) fait une description des «
interprétations fondées sur des expériences vécues », qui ont pour objectif de
s'adresser à la capacité unique de chaque patient à traiter intérieurement leurs
expériences. Ainsi, nous pouvons éviter de recourir à des « interprétations causales »
générales, qui peuvent être inefficaces avec certains types de patients. Les
interprétations fondées sur des expériences vécues englobent trois types, notamment
les « interprétations figuratives », les « interprétations relationnelles » et les
« interprétations de sens ».
Gustavo Lanza Castelli (2015) développe le concept de mentalisation, qui
selon lui est une activité principalement préconsciente, souvent intuitive et
émotionnelle. Cette activité nous permet de comprendre notre propre comportement et
celui des autres, en termes d'états mentaux et de processus.
Guillermo Lancelle (1984, 1999), en présentant le travail de Kohut aux
thérapeutes argentins, a entrainé l'assimilation des concepts de Kohut par de
nombreux auteurs subjectivistes latino-américains. Painceira (1997, 2002), Pelento
(1992) et Valeros (1977) à leur tour ont lancé et entièrement examiné la pensée
winnicottienne en Amérique latine avec des résultats identiques.
Abel Fainstein a écrit considérablement à partir d'un point de vue compatible
avec la perspective intersubjective. Dans « Lo repetido y lo nuevo : las intervenciones
del analista », [« Le répété et le nouveau : les interventions de l'analyste »], Fainstein
(2007) soulève des questions intéressantes relatives à la pratique psychanalytique
contemporaine, en proposant que de permettre des satisfactions occasionnelles
pendant le traitement de patients résistants, par des fluctuations calculées de neutralité
analytique, pourrait être bien plus utile que toute interprétation brillante (Fainstein,
2007).
En Argentine également, en dehors des institutions psychanalytiques, Ricardo
Rodulfo (2010-2012, communication orale avec Nemirovsky) a contribué de manière
significative à la théorie de l'intersubjectivité et la pratique clinique. Sa perspective
originale intègre les propositions théoriques et cliniques de Freud, Klein, Winnicott et
leurs disciples, ainsi que les théoriciens français. Il tient un blog
(http://www.ricardorodulfo.com), spécifiquement voué à la psychanalyse de l'enfance.
Jeanette Dryzun (2017), développe, sur la base de Hugo Bleichmar, Daniel
Stern, Bjon Killingmo et Jessica Benjamin, entre autres, la notion de l'intimité dans le
champ conceptuel de la psychanalyse contemporaine. Pour elle, l'intimité est une
expérience relationnelle qui élargit les limites du self et créée une mutualité
émotionnelle et mentale parmi les participants. Dryzun illustre différents aspects du

321
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partage dans un espace relationnel circonscrit. Elle souligne le phénomène de la


rencontre des esprits entre deux sujets qui sont disposés à établir un lien et partager
des états subjectifs. Ce partage réalise le rôle de reconnaissance mutuelle et
d'affirmation dans le contexte d'une perspective focalisée sur la croisée des mondes
intrapsychique et intersubjectif.
En outre, de nombreux analystes en fonction dans des universités et instituts
de différentes provinces argentines ont réalisé des synthèses intersubjectivement
pertinentes de Freud, Winnicott, Piera Aulagnier et Lacan appliquées aux
conceptualisations du narcissisme, de l'estime de soi, de la honte et de la dépression.
Parmi ces analystes figurent Luis Hornstein, Roberto Arendar (2014) Jorge
Rodríguez, Daniel Daniel et Eduardo Smalinsky, Alberto Samperisi et Elena Toranzo,
ainsi que d'autres. Les disciples de la théorie de l'attachement de Bowlby se
développent également. Mario Marrone, Elsa Wolfberg, Eliana Montuori, Ines
diBártolo, Costanza Duhalde, Maria P. Allona et Juan R. Aguilar qui publient sur
cette perspective, appartiennent au chapitre argentin du réseau international sur
l'attachement (International Attachment Network (IAN)), entre autres dans l'article de
Lorena Muñoz-Muñoz (2017) sur l'« Auto-régulation et l'attachement pendant
l'enfance ».
Au Chili, Juan F. Jordán-Moore (2008), l'un des fondateurs de l'Association
internationale pour la psychanalyse relationnelle et la psychothérapie (IARPP) au
Chili, a fondé son approche sur les perspectives contextuelles de Humberto Maturana
(1978) et Jose Antonio Infante (1968). En commençant par la critique
phénoménologique des efforts du positivisme à éliminer la subjectivité de
l'observateur, cet auteur souligne le rôle de la phénoménologie dans notre
compréhension de l'autre d'une manière non médiée par les représentations
conscientes. Cette approche, selon Jordán, suggère l'existence d'un sujet corporel et
une intersubjectivité primaire élémentaire dans l'empathie phénoménologique.
Cette approche intersubjective en psychanalyse chilienne (c'est-à-dire Rojas
Jerez, Fernández Depetris et d'autres) incorpore les idées de Jung et de l'école Gestalt,
ainsi que les philosophies de l'est (particulièrement le bouddhisme en relation à la
pleine conscience) et au psychodrame. Cette approche synthétique est exemplifiée par
la discussion approfondie de la pensée relationnelle par André Sassenfeld (2012). En
2017, Sassenfeld publie El espacio hermenéutico [L'espace herméneutique], une
exploration résumée des intersections entre la philosophie et la psychanalyse
relationnelle, avec un prologue rédigé par Donna Orange, qui souligne que sa
synthèse est fondée sur sa connaissance de l'histoire de la philosophie,
particulièrement l'existentialisme, la phénoménologie et l'herméneutique ainsi que sa
maitrise des philosophies allemandes et nord-américaines, et de la psychanalyse, dans
leurs langues d'origine.

322
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Au Brésil, les contributions d’Eizirik (2002) et Belmont (2016) illustrent


l'attention particulière portée sur l'application des théories relationnelles et l'approche
intersubjective au matériel clinique conséquent.
Au Mexique, où Erik Fromm a vécu et où il a formé toute une génération
d'analystes entre les années 1950 et 1974, Juan Tubert-Oklander et R. Hernández de
Tubert (2003) ont créé une autre version de synthèse d'une école intersubjective, par
une reformulation des idées de Pichon-Rivière et de Searles et les conjuguant avec
celles de Winnicott et Kohut (Tubert-Oklander J. 2006). Leurs articles théoriques et
cliniques de positionnement sont disponibles sur les pages de Aperturas
Psicoanalíticas. Leur article « La teoría del vínculo y la perspectiva relacional en
psicoanálisis » (« La théorie du lien et la perspective relationnelle en psychanalyse »]
(Tubert 2016) est publiée sur leur blog.
En Uruguay, en Colombie, à Panama, en Honduras et au Guatemala, des
développements intersubjectifs embryonnaires fondés sur les idées de Winnicott
commencent à se développer.
En général les psychanalystes latino-américains se sont détachés des traditions
freudiennes et kleiniennes qui étaient dominantes quelques décennies avant. La
pensée lacanienne prédomine jusqu'à un certain point, surtout dans les milieux
universitaires. Cependant, de nombreux psychanalystes qui s'identifient à des axes de
pensée divers, travaillent avec leurs patients d'une manière très proche, en termes
d'attitude, à la pratique d'un analyste relationnel / intersubjectif. Les analystes
géographiquement proches ne font pas en général référence à la bibliographie des
auteurs standard dans le champ relationnel / intersubjectif, mais leur approche vis-à-
vis des patients est plutôt intersubjective en termes de leurs caractéristiques.
L'empathie comme outil et l'approche du dialogue participatif dans l'attitude est
dominante dans la pratique clinique de la région. Cette méthode de travail exige une
grande implication de la part du professionnel dans le processus analytique, en ce
qu'elle donne la priorité à l'expérience subjective. De plus, le besoin de vivre cette
expérience dans le contexte culturel dans lequel les membres du couple thérapeutique
se trouve est mis en relief. Progressivement, l'idée de la construction partagée de
l'expérience se développe en Amérique latine, elle avance encore un autre concept
fondamental de la pensée relationnelle / intersubjective, appliquée à la rencontre
clinique. De nombreuses contributions latino-américaines à l'intersubjectivité sont
disponibles dans les articles publiés par Psicoterapia relacional et Aperturas
Psicoanalíticas, deux revues en ligne publiées en Espagne.

323
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IV. ÉTUDES INTERDISCIPLINAIRES


FONDEMENTS NEUROBIOLOGIQUES DE L'INTERSUBJECTIVITE

La littérature dans le domaine de la neurobiologie des dernières 30 années


affirme que l'hémisphère droit est dominant pour les expériences émotionnelles
subjectives (Amanniti 1996, 2009; Wittling, 1997; Schore, 1999, 2003, 2010). Dans
ce contexte, « le transfert interactif d’affect entre les cerveaux droits » des membres
des dyades mère-enfant et thérapeutiques se désigne en termes d'« intersubjectivité »
(Schore 2010).
Les études relatives à l'intersubjectivité psychobiologique – études de la
relation parent-enfant par Ruth Feldman (2007), dans le domaine de la synchronicité
des rythmes biologiques, par exemple le battement de cœur synchronisé, la
perspective temporelle partagée, ainsi que les études sur les niveaux de cortisol
synchronisés avec les nourrissons de mères déprimées ou émotionnellement labiles
peuvent être particulièrement pertinentes.
Une distinction est faite entre deux modes de « liens intersubjectifs » : un
mode plus immédiat de connexion au système miroir neuronal, activé lorsqu'une
personne rencontre/voit une autre personne et observe dans son visage son expression
émotionnelle. Habituellement cela résonne intérieurement à ce que Vittorio Gallese
(2001, 2003, 2006) définit en termes de simulation incarnée ; et un second mode
fondé sur le fait de mentaliser (Frith and Frith, 2005 ; Kernberg, 2015), qui est la
capacité de comprendre ou prédire le comportement d'autres personnes en leur
attribuant des états mentaux indépendants. Cette capacité n'est pas liée au système
miroir mais plutôt au cortex paracingulaire antérieur (Amaniti, 2008).
Les études menées par Delia Lenzi, Claudia Trentini et al. (2008), où les
mères observent les expressions de détresse ou de joie de leurs enfants, démontrent
l'activation intense du système miroir alors qu'observer le visage de leurs enfants avec
une expression plus neutre, ambiguë, active le lobe pariétal frontal de l'hémisphère
gauche.
Par l'usage de la perspective interdisciplinaire de la neuroscience
développementale affective (neuropsychanalyse), Alain Schore pointe sur la
constance de ses résultats et ceux de nombreux autres auteurs dans le monde, en ce
que les deux hémisphères du cerveau ont des schémas de connexions cortico-
subcorticales différentes, ainsi que des différents rôles dans des aspects différents de
la survie et de l'apprentissage de soi. Se focaliser sur la maturation précoce de
l'hémisphère droit dominant pendant les trois premières années de la vie dans le
contexte de la neurobiologie développementale de l'attachement, l'a conduit à
proposer que l'auto-organisation du cerveau en développement a lieu dans le contexte
d'une relation avec un autre soi, un autre cerveau (Schore, 1996, p. 60). Les
transactions dans l'attachement représentent les transactions affectives de l'hémisphère

324
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droit entre la mère et l'enfant (Schore, 1994). Dans la littérature neurobiologique


actuelle, l'hémisphère droit du cerveau est dominant pour les « expériences
émotionnelles subjectives » (Wittling and Roschmann, 1993). « Le transfert de l'affect
interactif entre les cerveaux droit de la dyade mère-enfant et thérapeutique se décrit
mieux par le terme d'’intersubjectivité’ [...] Les études récentes de l'hémisphère droit
précisent donc la neurobiologie de la neurosubjectivité. » (Schore 1999, p.52). Schore
propose que tout comme le cerveau gauche communique son état à d'autres cerveaux
gauches, par des comportements linguistiques conscients, le cerveau droit
communique par prosodie, par des mouvements délicats des muscles du visage, des
mouvements oculaires rapides, par la gesticulation corporelle, etc., ses états
inconscients aux cerveaux droits qui sont ajustés pour recevoir ces communications.
L'hémisphère droit visuo-spatial est non-linéaire, mieux équipé pour la réflexion et
communiquer les états émotionnels des flux de pulsation d'énergie non-linéaire entre
les composants d'un système autoorganisé esprit-corps dynamique de l'hémisphère
droit. Dans ce contexte, Schore (1994) et Shevrin (2010) argumentent en faveur des
modèles économiques de Freud, considérés obsolètes depuis longtemps et nécessitant
d'être modernisés et réintégrés en psychanalyse. A l'opposé de l'analyse de
l'information linéaire consécutive de l'hémisphère gauche, l'hémisphère droit est
fortement sensible aux conditions initiales et aux perturbations, une propriété des
systèmes chaotiques (Ramachandran et al. 1996). L'hémisphère droit utilise la pensée
par image, une stratégie globale synthétique qui s'adapte quand l'information est
« complexe, contradictoire au niveau interne et globalement irréductible à un contexte
non-ambigu » (Rotenberg, 1994, p. 489). Ces caractéristiques s'appliquent également
au processus primaire de mentation, une fonction de l'hémisphère droit (Galin, 1974 ;
Joseph, 1996) de l'esprit inconscient.
Efrat Ginot (2007) a examiné comment les styles implicites d'attachement,
dans leur encodage neuronal, trouvent leur expression répétée tout au long de la vie et
se réalisent par l'énaction. Elle postule que les énactions (enactments) sont des
manifestations intersubjectives de schémas d'attachement neuronalement encodés,
acquis dans le contexte des relations primaires. Ceci est un exemple pour illustrer
comment les zones apparemment non connectées, et dans ce cas l'intersubjectivité,
l'attachement et la neuroscience, s'entrecroisent inévitablement et s'illuminent les uns
les autres.
Rassembler les études neurobiologiques développementales et les études
psychanalytiques développementales, a permis à Otto Kernberg (2015) de mettre en
relief la complexité dynamique des premières semaines et premiers mois de la vie,
dans lesquels les affects « affiliatifs » et les pulsions liés à l'attachement, le lien par le
jeu (play-bonding) et la stimulation érotique, nourrissent l'attention intense portée à
l'autre. L'une des conclusions potentielles pointent sur des volontés non-linéaires
bidirectionnelles d'unité (double) symbiotique et de différentiation de soi et de l'autre,
qui débutent pendant les premières semaines de la vie.

325
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Les investigations neurobiologiques effectuées semblent affirmer le point de


vue potentiellement inclusif : le cerveau droit serait le centre dynamique d'un système
esprit-corps affectivement chargé, latéralisé, inconscient dont l'auto-organisation, la
croissance et le développement se déroulent dans un contexte intersubjectif de
volontés bidirectionnelles d'unité et de différentiation par rapport à l'autre. L'une de
ces zones où cela se manifeste potentiellement dans la situation psychanalytique est
une zone d'énaction préverbale, où les connexions hémisphériques du cerveau droit
facilitent la communication inconsciente préverbale, une précondition pour un
nouveau travail de symbolisation et de représentation.
Spécifiquement en Europe, un autre point de contact entre le caractère central
de l'intersubjectivité dans les études développementales et cliniques est venu de la
recherche neuroscientifique effectuée par Giacomo Rizzolatti, à Parme (en Italie), sur
les neurones miroir (Rizzolatti et al. 1996, Rizzolatti & Craighero 2004). La
découverte des mécanismes miroir a ouvert un nouveau scénario permettant de
comprendre comment nos actions, mais aussi nos sensations et émotions se
développent dans une dimension centrée sur le nous : lorsque nous observons une
personne en action, par une sensation, par une émotion, nous la comprenons en
réutilisant les mêmes circuits neuronaux qui raccordent notre expérience de première
personne avec cette action, sensation, émotion. Ce mécanisme fonctionnel commun –
la « simulation incarnée » (Ammaniti & Gallese 2014, Gallese 2015) nous procure un
fondement neurobiologique pour ancrer le soi dans le corps, en accord avec
l'affirmation de Freud, selon lequel : « Le Moi est avant tout un Moi corporel ; il n'est
pas seulement un être de surface mais lui-même la projection d'une surface […] Le
Moi conscient est avant tout un Moi corps. » (Freud S. (1923/1981).

V. CONCLUSION

En Amérique du nord, l'accent posé sur l'importance des processus et des


configurations intersubjectifs dans le contexte du développement et de la pathogénèse,
de la situation psychanalytique, du développement de la capacité de représentation et
la focalisation clinique contemporaine sur les énactions fait partie des éléments qui
relient toutes les approches, même si elles sont théorisées, interprétées et comprises
de manières différentes par des écoles de pensées différentes.
Dans leur application nord-américaine, de nombreuses théories relationnelles
du champ et du self, les expériences intersubjectives ont tendance à être proches du
vécu (experience-near) et proche des concepts des philosophes de la phénoménologie.
Dans leur application nord-américaine de l'ego psychology intersubjective
contemporaine et des perspectives post-kleiniennes et post-bioniennes, ainsi que de
nombreuses perspectives francophones, les conceptualisations des processus et des

326
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configurations intersubjectifs préservent l'importance de la pulsion, de l'inconscient et


de la métapsychologie psychanalytique.
Les chevauchements existent, principalement dans l'ego psychology
intersubjective nord-américaine, dans les perspectives post-bioniennes et
francophones. En Amérique du nord, les différences significatives sont les plus
pointues entre les conceptions francophones de l'intersubjectivité et les composantes
dominantes de la pensée intersubjective issues de la self psychology et du mouvement
relationnel. En particulier, un écart subsiste entre les conditions sous lesquelles les
théories sont construites dans ces deux approches, spécifiquement au regard de
l'implication de la métapsychologie psychanalytique.
En Amérique latine, un rapport comparable sur les convergences et les
divergences existe entre la perspective du lien et la perspective relationnelle sur
l'intersubjectivité. Fondée sur la théorie des relations d'objet britannique post-
bionienne et sur la pensée psychanalytique française post-lacanienne, la perspective
du lien, pratiquée dans un contexte clinique de groupe et de famille, adhère à ce que la
notion de la sexualité infantile freudienne soit la motivation essentielle et n'implique
pas de changement de paradigme. Cependant, la perspective relationnelle, héritière de
Ferenczi, Balint, Fairbairn, Bowlby, Winnicott et Kohut qui développe plus loin les
idées des penseurs intersubjectifs contemporains nord-américains des approches de la
self psychology, et des théories relationnelle et intersubjective, tels que Lichtenberg,
Mitchell, Stern, Stolorow, Renik, Benjamin et d'autres, est porteuse d'une mutation
paradigmatique où l'analyste devient un « facilitateur » de la relation analyste-patient.
L'approche relationnelle développe aussi davantage le point de vue de la motivation
primaire au-delà des désirs œdipiens en portant l'accent sur le jeu, l'attachement et la
reconnaissance, entre autres.
Parmi les convergences entre les approches du lien et de la théorie
relationnelle sont les conceptualisations selon lesquelles le transfert ne serait pas
uniquement répétitif, mais aussi un évènement nouveau. Les deux approches mettent
en valeur le « hasard » et « l'évènement » en tant que forces motivationnelles
psychiques.
En Europe, des origines diverses de la conception de l'intersubjectivité
comprennent un assemblage entre le développement de l'analyse de l'enfant, la
conception de l'identification projective, la prolongation de la notion du
contretransfert et la réflexion théorique sur le sujet, le processus de subjectivation
(Cahn) et l'objet. La théorie du champ et la notion de l'énaction (enactment) qui sont
originaires des Amériques ont également été influentes. L'une des caractéristiques
propre à l'Europe est l'importance durable qui a été donnée à la métapsychologie de
Freud et, du point de vue clinique, à l'exploration en profondeur des difficultés
rencontrées dans le travail analytique dans le cadre de l'adolescence, de la pathologie
borderline, des groupes et de la psychose. Le courant principal en Europe considère
que l'intersubjectivité prend en compte, pendant le traitement psychanalytique, la

327
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présence de deux sujets, avec leurs pulsions et leur inconscient, le patient et l'analyste,
chacun agissant sur l'autre avec un pouvoir de transformation, qui évoque le rôle de
l'objet dans le développement d'un sujet. En outre, les analystes européens ont une
définition nuancée des différences entre l'interaction, l'interpsychique (Bolognini,
Brusset), l'interpersonnel (Bolognini) et l'intersubjectivité (Green, Roussillon).
Généralement, par l'exposition complète des approches psychanalytiques
diverses de l'intersubjectivité dans leurs propres terminologies culturellement
contextuelles, un tableau riche, multidimensionnel à multiples niveaux, de
l'intersubjectivité est en train d'émerger potentiellement, au sein duquel une
fertilisation croisée partagée peut se développer en apprenant à coexister et
communiquer ensemble. Plus spécifiquement, il est à la fois possible et souhaitable de
comparer les conclusions que chacune de ces approches propose, non pas uniquement
au regard de leur conception du fonctionnement mental et de leur dysfonctionnement
qui génère des symptômes et des pathologies de la personnalité, mais aussi en ce qui
concerne les propositions thérapeutiques qui en dérivent. Ce type de comparaison
systématique permet de réaliser un aperçu riche des divergences et des convergences
à explorer et à nuancer.
Bien que la relation entre le cerveau et les activités psychiques ne soit jamais
directe, des conclusions récentes provenant d'études neuroanalytiques et des
neurosciences du développement affectif confirment la valeur de la connectivité
multiple intersubjective non-consciente et dynamiquement inconsciente dans le
contexte du développement précoce et potentiellement dans la diversité des situations
dialogiques non-verbales. Comment ces résultats sont interprétés et appliqués au
dialogue et au cadre psychanalytique peut dépendre de l'intérêt et de la perspective
psychanalytique spécifiques.
Evoquée de manière inclusive, l'évolution du paradigme intersubjectif et sa
contextualisation semble impliquer une nouvelle conceptualisation du statut du sujet
dans lequel tout phénomène subjectif, dont les organisations relationnelles et
intrapsychiques, sont structurées dans et à partir de leurs contextes intersubjectifs.
Sur tous les continents de toutes pluralités de conceptualisations,
l'intersubjectivité, perspective psychanalytique autrefois non suffisamment théorisée,
révèle les subtilités de la relation analytique et la dimension two-person du processus
analytique. Elle préserve de tout absolu, de certitude, de dogmatisme ou de rigidité
autocratique dont des anciennes et nouvelles orthodoxies. Dans la mesure où elle se
focalise sur la communication bilatérale consciente, préconsciente et inconsciente,
elle sensibilise également l'analyste aux sources potentielles de connaissance et de
« non-connaissance » nuancées chez les deux partenaires de la quête analytique.

328
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Voir aussi :
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (LE)
CONTRE-TRANSFERT (LE)
EGO PSYCHOLOGY (L') (bientôt)
ÉNACTION (L')
THÉORIES DE LA RELATION D'OBJET
IDENTIFICATION PROJECTIVE (L') (bientôt)
SELF (LE)
INCONSCIENT (L')

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Conseils editoriaux regionaux

Contributeurs à l'esquisse initiale nord-américaine : Henry Friedman, MD ;


Adrienne Harris, PhD ; Joseph Lichtenberg, MD ; Anthony Bass, PhD ; Donnel Stern
; PhD ; Hélène Tessier, PhD ; Eva D. Papiasvili, PhD, ABPP

Contributeurs à l'esquisse de réponse européenne : Maria Ponsi, MD ; Christian


Seulin, MD ; Arne Jemstedt, MD ; Stefano Bolognini, MD

Contributeurs à l'esquisse de réponse latino-américaine : Carlos Nemirovsky,


MD – écrivain ; Abel Fainstein, MD – révision

Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili, PhD, ABPP

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(l'API et les membres contributeurs de l'API), cependant les contenus peuvent être utilisés par d'autres
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Traduction : Corinne O’Connor ; Edition : Caroline Williamson

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NACHTRÄGLICHKEIT
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Maurice Apprey et Eva Papiasvili (Amérique du
Nord), Bernard Chervet (Europe), Victoria Korin (Amérique latine)
Co-chaire de coordination interrégionale : Arne Jemstedt (Europe)

I. INTRODUCTION ET DÉFINITION INTRODUCTIVE

Le substantif Nachträglichkeit dénote l'un des concepts les plus complexes et non-
linéaires que Freud a créés. Il prolifère un corpus théorique de la métapsychologie et
des théories cliniques sur la mémoire, la causalité psychique et la temporalité, la
sexualité, le trauma et le développement. Pour saisir l'ensemble de sa portée, une
élaboration substantielle serait requise.
De multiples acceptions et emphases à la mesure de l'évolution complexe du
concept par Freud, ainsi que des traductions et interprétations diverses, ont donné lieu
à différentes versions et définitions de Nachträglichkeit dans la pensée
psychanalytique européenne, nord-américaine et latino-américaine.
En Europe, avec la renaissance du concept par Jacques Lacan (1956, 1966, 1971),
tout d'abord, ainsi que par d'autres auteurs francophones qui ont suivi, la focalisation
semble se poser sur la logique de la régression temporelle qui s'étend depuis une
scène récente jusqu'à une scène passée, dans une voie régressive et un processus de
remémoration. Uniquement dans ce cas, l'expression manifeste du symptôme figure
sur une voie progressive. Ainsi, ce sont les souvenirs porteurs d'effets différés qui
constituent le levier d'action thérapeutique lors de séances psychanalytiques. Pendant
le processus de l'après-coup (L’après-coup étant la traduction française de
Nachträglichkeit. La traduction littérale d'un « après-coup » étant dans ce cas un
coup, ou choc réactif), le processus révèle une structure temporelle à un niveau
supérieur à la rétroaction. Ici, « l'après » attend que « l'avant » assume sa place dans
un processus circulaire et non réciproque.
Suite au « retour à Freud » de Lacan et outre la notion de travail régressif
psychique et de la double causalité (du présent au passé et du passé au présent), de
nombreux auteurs francophones mettent l'accent sur le principe de surdétermination
et de transposition du matériel inconscient sur la réalité de la perception, et son
internalisation dans la réalité psychique au moyen de l'identification, avec une
focalisation sur le travail psychique de représentation et de représentabilité. Ils
considèrent l'après-coup comme un processus qui transforme l'économie régressive

351
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des pulsions, permettant une gestion psychique des effets traumatisants et la


promotion du désir.
Jean Laplanche, sur les traces de Lacan, élargit la logique de la régression
temporelle dans sa propre version d'une théorie généralisée de la séduction et des
messages maternels implantés. Dans ce développement de Laplanche, la séquence
circulaire non-réciproque de l'après-coup devient un processus de spirale où
l'implantation des messages maternels dans le Moi précoce et rudimentaire de l'infans
est reçu puis « resubjectivisé » dans des traductions successives. Lors du traitement
analytique, le transfert devient un « transfert du transfert » dans une répétition infinie.
Dans les dictionnaires contemporains, Laplanche et Pontalis (1973) précisent que
Nachträglichkeit est un terme fréquemment utilisé par Freud en lien avec sa vision de
la temporalité et de la causalité psychique, où les expériences, les impressions et les
traces mnésiques peuvent être révisées ultérieurement, conformément aux expériences
récentes ou lors de l'accomplissement d'un nouveau stade de développement. Elles
peuvent dans ce cas être non seulement empreintes d'une nouvelle signification, mais
aussi d’une efficacité psychique ou d’une force pathogène.
La Edinburgh Encyclopaedia of Psychoanalysis (Skelton, 2006) précise que
Helmut Thomä et Neil Cheshire (1991) considèrent que la traduction de Strachey en
termes « d'action différée » n'est pas satisfaisante puisque Freud avait conjugué la
signification de l'effet retardé avec la reconstruction rétrospective de la signification
psychologique du trauma.
En revanche, la renaissance américaine de la fin des années 1980 et 1990 a pointé
sur la retranscription et la recontextualisation de la mémoire dans une perspective
transformative du point de vue développemental. Dans le dictionnaire récent de
l'Association Psychanalytique Américaine, qui utilise la traduction souvent
controversée de Strachey, deferred action (action différée) (Auchincloss et Samberg,
2012, p. 53-54), le processus de Nachträglichkeit se définit comme la réactivation ou
la réinterprétation d'une expérience passée ou d'une mémoire qui ne pouvait pas être
assimilée au moment de sa survenance, habituellement en raison d'un déficit ou d'une
aberration dans la fonction du processus de maturation ou dans la fonction
développementale. Ce processus différé peut être particulièrement évident dans le
champ de la psychosexualité puisque la signification des expériences sexuellement
chargées dans l'enfance précoce ne peut pas être intégrée sans que les effets de la
maturation pubertaire aient eu lieu.
Du point de vue de l'Amérique latine (ex. Aslan, 2006 ; Masotta, 1982), les termes
temporalité, causalité et efficacité psychanalytique délimitent le concept
Nachträglichkeit. Il existe un réseau complexe d'interactions dans lesquelles chacun
de ces termes est à son tour affecté par la Nachträglichkeit. Le premier mouvement
que l'opération de Nachträglichkeit déclenche est le déploiement temporel non
focalisé. Ce déploiement entraine un déplacement de l'ordre de détermination, il
renverse les termes de la causalité et permet une action analytique pendant la séance.

352
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Définir le concept de Nachträglichkeit est une question complexe. Contempler la


complexité de Nachträglichkeit présuppose de pouvoir identifier de quelle manière le
terme est imbriqué à d'autres, dont la répression, la répétition, la sexualité, la
signification et le traumatisme, tous étant des concepts qui impliquent deux périodes
temporelles. En même temps, il est nécessaire de supprimer le concept
Nachträglichkeit du cadre dans lequel il apparait, pour ne pas perdre de vue sa
singularité (Masotta, 1982).

II. L'ÉVOLUTION DU CONCEPT CHEZ FREUD

II. A. Le mot Nachträglichkeit et ses traductions


Selon sa coutume, Freud a façonné le substantif Nachträglichkeit (un néologisme)
à partir d'un adverbe en allemand courant, nachträglich. Nachträglich et ses dérivés
ont été constatés environ 160 fois dans les travaux de Freud, six d'entre eux seulement
concernent le substantif Nachträglichkeit, alors que les autres se rapportent à l'adjectif
ou l'adverbe (Thomä et Cheshire, 1991) ; cinq autres usages du substantif se trouvent
dans la lettre adressée à Fließ, datée du 14 novembre 1897 (Freud, 1892-1899, p. 268)
et une autre occurrence dans une lettre datée au 9 juin 1898 (Masson, 1985, p. 544).
En allemand, le terme Nachträglichkeit est formé à partir de Nach (après) et de
Tragen (tirer, porter, supporter). D'un point de vue sémiotique, il signifie porter vers
un après. Le suffixe keit lui confère le genre féminin.
Freud utilise aussi des termes équivalents, qui peuvent être traduits en anglais par
post effect (post-effet), post-action (post-action), ex-post116, ainsi que les expressions
qui utilisent l'adverbe nachträglich dans le sens de « l'après évènement ». L'on peut y
trouver les termes : abréaction après coup, compréhension, élaboration, compulsion,
obéissance, action, et effet après-coup (Chervet, 2009).
En français, Nachträglichkeit est traduit par le terme après-coup. Le terme en
français est parfois utilisé directement en littérature psychanalytique anglaise,
probablement parce qu'il n'existe pas de traduction satisfaisante en langue anglaise,
mais surtout parce que ce concept a acquis son sens spécifique et profond en
psychanalyse francophone.
En anglais, la traduction officielle est deferred action (action différée),
(Auchincloss et Samberg, 2012), mais certains auteurs anglais utilisent aussi le terme
after-effect (contrecoup, répercussion, effet secondaire) ou afterwardness, (ultériorité)
comme l'avait proposé Laplanche (1989-90) ; ou subsequent effect (effet postérieur).

116 Ex post est une locution latine signifiant « en partant de ce qui vient après » (N.d.T).

353
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Aux Etats-Unis, Arnold Modell (1989) a proposé en premier lieu une autre
traduction anglaise de Nachträglichkeit, notamment « subsequentiality »
(« subséquentialité ») puis une en latin, a posteriori, pour finalement revenir au terme
allemand d'origine de Freud, Nachträglichkeit.
Si l'on examine l'usage du concept dans les écrits en langue espagnole, l'on
remarque un usage pluriel de traductions différentes du terme, dont l'effet différé,
l'après-coup, l'action rétroactive, la resignification, et a posteriori. En Amérique
latine, les termes les plus fréquemment utilisés sont a posteriori, action rétroactive,
après-coup ainsi que le mot allemand Nachträglichkeit.

II. Le processus en deux temps


Le substantif Nachträglichkeit, dans les écrits de Freud, a progressivement pris le
sens d'un processus psychique inconscient, et ses conséquences manifestes, provoqué
par un évènement ayant une valeur traumatique, un « choc » qui deviendra un
évènement « choquant ». Plus précisément, il se réfère à une procédure dynamique
qui articule un évènement traumatique initial, son refoulement pendant une période
indéterminée, et un travail psychique régressif qui transforme l'économie libidinale de
l'évènement refoulé à la promotion de retours posthumes de l'évènement refoulé,
selon des formations manifestes variables, qui sont des produits psychiques
substitutifs.
L'adjectif et l’adverbe, Nachträglich, mettent l’accent sur l'’agencement
diachronique du processus de pensée en deux temps, et le lien causal et déterminant
qui existe entre les deux.
Le concept de l'après-coup est donc un processus (Proceβ) qui se déroule en deux
temps manifestes et un temps latent, et qui implique des processus psychiques
inconscients (Vorgang).
Il est notable de préciser que Freud se réfère bien plus souvent de manière
descriptive à ce processus en deux étapes que d'utiliser le substantif Nachträglichkeit
lui-même.

II. C. La naissance du concept


Dans l'ouvrage Esquisse d'une psychologie scientifique (1895a, b), seul
l'adverbe apparait au regard du cas d'Emma. Freud insiste sur la précocité de la
déliaison sexuelle et ses conséquences après coup. Puis, en 1886, il parle de l'action
posthume d'un trauma infantile. En 1897, il forge le substantif dans ses lettres à Fließ.
Dans « L'Interprétation des rêves » (1900) les mouvements à double sens (du
présent au passé et du passé au futur/présent) sont visibles dans la souvenance
humoristique d'un patient (un admirateur de la beauté féminine) qui rapporte regretter

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ne pas avoir pleinement profité dans le passé de sa nourricière allaiteuse, alors que – à
l’âge adulte – il observait une autre jolie nourricière entrain d'allaiter un autre
nourrisson. A partir de ce moment-là, le phénomène perd sa spécificité dans le champ
de la pathogénèse des psychonévroses et devient ainsi partie prenante de la pensée
quotidienne, dont l'humour et la dérision.
Dans « Le Petit Hans » (1909b), ses interprétations suivent les logiques de
l'après-coup, sans qu'il soit pour autant nommé ainsi. Ce n'était pas le cas en ce qui
concerne le texte sur L'homme aux loups (1918c) dans lequel il attribue au concept
une plus grande complexité lorsqu'il considère que les séances elles-mêmes et le
transfert sont des après-coups nécessaires au but de la cure. Le célèbre rêve des loups
et la phobie des guêpes étaient tous deux le premier et le second après-coups de la
scène primitive qui a eu lieu auparavant et qui n'avaient pas été assimilés à ce
moment-là. Dans ce texte, la notion du temps devient très importante pour Freud, qui
tente de situer chacun des évènements dans le temps.
Étonnamment, le terme Nachträglichkeit disparait (sauf quelques exceptions)
de ses écrits à partir de 1917, alors que l'implication du processus à double sens
devient plus fréquente.
Freud crée ce concept alors que sa recherche était dominée par ses
préoccupations étiologiques. Ces dernières devinrent isomorphes avec la tendance
déjà observée par Breuer, à la remémoration selon un cheminement temporel à
rebours. Breuer avait décrit une rétrogression (c'est-à-dire, le fait de reprendre
l’histoire à partir d'un point précis du passé et de la répéter, dans l'objectif de la
reconstruire et de s'en libérer), qui lui avait permis de concevoir la méthode
cathartique (Freud et Breuer, 1895a). Freud poursuivit la voie de cette régression
temporelle et lui a ajouté une obligation de s'exprimer par le biais de la verbalisation,
donc par la production d’après-coup verbaux. Il s'est servi de cette tendance à la
régression, associée à la contrainte de soutenir un lien verbal avec la conscience, au
service du but thérapeutique. Ainsi, il promut une nouvelle méthode, la cure psycho-
analytique définie par son protocole, sa règle fondamentale, laquelle requiert la libre
association verbale, et un travail psychique spécifique, le travail de l’après-coup.
Lors de son observation d’Emma, dans « Esquisse d’une psychologie
scientifique », partie II, chapitre 4, « Le proton pseudos hystérique » (1895b, p. 352),
Freud donne une description précise de l’après-coup (Nachträglichkeit) en se
focalisant sur la régression temporelle dans les séances. Il décompose alors le temps
1, celui du coup, en deux scènes rétrogrades, desquelles l'une (scène I, au sujet des
deux employées de magasin qui se moquent de sa robe quand Emma a 12 ans) est
récente et re-mémorable, et l'autre (scène II, le souvenir refoulé d’avoir subi d'un
épicier des attouchements sexuels à travers ses vêtements quand elle avait 8 ans) est
plus ancienne et inconsciente dans le sens strict du terme. Il fonde sa pensée sur la
théorie du traumatisme de Charcot qu'il avait déjà exposée dans l'ouvrage « Etudes
sur l'hystérie » (Freud et Breuer, 1893-1895), avec la formation diachronique des

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symptômes en deux temps, et la méthode cathartique de rétrogression et d’élaboration


associative de Breuer, mais il se différencie par sa recherche étiologique approfondie.
Il met l'accent sur la direction à rebours de la remémoration cathartique quand elle a
lieu dans les séances et le contenu sexuel de ce qui a été refoulé. Il intervertit ainsi le
cours des évènements et du temps. Il nomme « scène I », la scène récente, « Le
souvenir de la moquerie des commis lors de l’entrée d’Emma à 12 ans dans un
magasin » ; et « scène II », celle-ci postérieure, « Le souvenir refoulé des
attouchements subis par Emma dans un autre magasin quand elle avait huit ans ». Le
second évènement, plus symptomatique encore, concerne l'agoraphobie qui a eu lieu
lorsqu'elle est entrée seule dans un magasin. Les deux évènements sont séparés par un
temps de latence.
Le cas d'Emma, souffrant d'agoraphobie qui se manifeste par l'impossibilité d'aller
seule dans un magasin (qualifié plus tard de « Modèle Nachträglichkeit d'Emma» par
les théoriciens postfreudiens européens et nord-américains sur le sujet, et de
paradigme par les théoriciens latino-américains) capture les premières définitions, par
Freud, de Nachträglichkeit, mais aussi ses premières compréhensions au sujet du rôle
du trauma, de la temporalité et de la mémoire en neurogénèse et dans le travail
clinique, comme ce communiqué intemporel le résume :
« Nous nous trouvons ici devant le cas où un souvenir éveille un affect qu’il
n'avait pas éveillé en tant qu'évènement parce qu'entre-temps le changement de la
puberté a rendu possible une autre compréhension de ce qui est remémoré. […] Dans
tous les cas il se trouve qu'un souvenir est refoulé qui n’est devenu un trauma
qu'après-coup. La cause de cet état des choses est le retard de la puberté par rapport
aux autres aspects du développement de l'individu. » (Freud, 1895b, p. 356 ; italiques
de l’auteur).
Dans cet énoncé, Nachträglichkeit existe dans la relation entre les termes
souvenir-refoulement-trauma. La citation complète constitue la définition du concept
dont la dynamique découle de l'interaction entre les trois termes et leur ordre
déterminant entre eux : en relation avec ce qui est refoulé, comment ce l'est, comment
cela se résulte en un trauma, comment la remémoration parvient à la signification.
Ce fut déjà Jean-Martin Charcot qui décrivit l'organisation chronologique des
symptômes de l'hystérie en deux temps avec un troisième, appelé période d'incubation
ou d’élaboration psychique, situé entre l'évènement traumatique (le choc) et l’après
manifeste (le symptôme).
En qualité d'élève de Charcot (Freud était son traducteur allemand), et soucieux de
libérer les symptômes psychiques de l'impasse étiologique de la théorie de la
dégénérescence, Freud prit au sérieux les repères temporels de la conception du
Maître de la Salpêtrière. Il focalisa par conséquent son attention sur l'entre-deux-
temps, et le travail psychique inapparent qui s'y déroule.

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II. D. La période de latence et le travail psychique du refoulement


« L'interprétation du rêve » (1900a, b) était le résultat de l'attention que Freud
avait portée au travail psychique spécifique qui eut lieu pendant le temps
intermédiaire que Charcot avait qualifié de période d'incubation psychique ou
d'élaboration psychique, et que Freud renomma période de latence. Cela permit à
Freud de prendre en compte une nouvelle opération psychique quotidienne, la mise en
latence.
Une période de latence s'observe facilement au sein du développement de la
sexualité humaine et ses deux phases, bien qu'elle soit également constatée dans un
fonctionnement mental ordinaire. La mise en latence est une opération impliquée dans
la théorie du rêve, dans l'oscillation entre le jour et la nuit. Elle s'observe
particulièrement par ses effets après coup pendant les séances d'hypnose et d'analyse.
Les entre-deux qui sont la nuit et la séance d'analyse, constituent des périodes de
latence occupées par un travail psychique spécifique inconscient. Le travail de rêve et
ses résultats, la régénération libidinale au réveil, le souvenir et le récit du rêve,
deviennent des prototypes des activités psychiques régressives accomplies dans la
passivité de la latence (Chervet, 2009).
La logique de la régression temporelle associative, scène I (récente) – scène II
(antérieure) fait partie du processus de remémoration qui suit la voie régrédiente. Pour
Freud, seule l'expression manifeste du symptôme est sur la voie progrédiente.
La remémoration articule le lien entre l'adolescence et l'enfance, qui débute avec
l'adolescence. C'est la précocité sexuelle du coup traumatique (scène II) qui se
réactualise dans la scène I à l’occasion de la résurgence des pulsions libidinales
pendant la puberté. La dimension sexuelle commune entre (II) et (I) est clairement
apparente.
Par conséquent, ce qui est appelé après-coup et coup (initial) varie selon le point
de vue, que ce soit celui de la genèse du symptôme ou celui du discours des séances.
Selon la logique du choc, c'est l'apparition du symptôme qui constitue l'effet d’après-
coup. Selon la logique de la recherche de l'effet cathartique, ce sont les souvenirs
successifs qui, en commençant par le symptôme, constituent des après-coups ; et
selon la logique psychanalytique, « chaque remémoration est un après-coup d’un
souvenir inconscient ayant acquis, dans l’après-coup de son refoulement, la valeur de
coup traumatique » (Freud, 1895b). Dans le premier modèle, le coup est lié à un
évènement traumatique ; dans le second, au souvenir, et dans le troisième, au transfert
sur l'analyse de l'attraction régressive et de l’impératif de verbalisation.
Freud a ensuite généralisé ce modèle à l’ensemble des souvenirs et des retours du
refoulé. L'idée de retour devient corollaire de celle d’un ’après-coup. Dans
« L'homme aux loups » (1918c), la séance non seulement promeut des après-coups,
mais devient elle-même, ainsi que le transfert, un après-coup.

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II. E. La séance comme réminiscences et les après-coups


Mais la situation analytique superpose et entremêle les effets d’après-coup
particuliers de chaque protagoniste ; ainsi la création d'une néo-production, l’après-
coup analytique, ce moi/non-moi propre à la séance ; une néo-réalité emplie de
réminiscences croisées.
L'après-coup analytique est le levier de l'effet thérapeutique. Dans chaque séance,
il a sa place au sein de séquences et de la totalité de la cure. Le contre-transfert de
précession (du latin praecessio, action de précéder) de chaque analyste (Neyraut,
1997) y est impliqué dans une diversité mixte de formes figuratives et théoriques.
Dans la séance, l'attraction régressive (Freud, 1925) favorise la réactualisation de
l'effet traumatique par la remémoration, la répétition et la construction. Ce qui résulte
de l'après-coup sont des réminiscences surdéterminées. La conception de la
réminiscence généralisée (Freud, 1937), implique les notions de réalité historique, de
traces onto- et phylogénétiques et, par la fonction de l’après-coup, (Nachträglichkeit),
de vérité historique créé par la psyché.

II. F. La dernière théorie de la (double) pulsion de l'après-coup


L'élaboration en 1920 d'une qualité fondamentale de toutes les pulsions, la
tendance d'un retour vers un état antérieur et, finalement, à l'état inorganique, a joué
un rôle décisif dans la disparition de l'utilisation du concept de Nachträglichkeit dans
les travaux de Freud (Chervet, 2009). Cette dernière théorie des pulsions, la théorie de
la double pulsion, comporte l'introduction de la pulsion de mort, c'est-à-dire la dualité
qui oppose l'Eros et le Thanatos.
L'importance attribuée à une direction progressive par le terme Nachträglichkeit
ne prend pas suffisamment en compte les autres aspects du processus, le rôle majeur
du travail psychique régressif qui est suscité par le processus de l’après-coup sur les
aspirations traumatiques et régressives, étant un aspect essentiel accompli
quotidiennement par la fonction onirique vis à vis des nombreux évènements
traumatiques qui ont eu lieu le jour avant le rêve.
Bien qu'au début, le processus de l’après-coup était uniquement relié à la genèse
des symptômes hystériques, il est progressivement devenu l'essence même de la
nature diphasique de la sexualité humaine, reliant la période œdipienne à la puberté,
entrecoupées de la période de latence. Il fut ensuite étendu au fonctionnement mental
ordinaire, et à l'oscillation entre le jour et la nuit, impliquant tant la voie régrédiente
que progrédiente. C'est ainsi que sa généralisation fut renforcée au moment où le
terme lui-même cessa d'être utilisé.

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II. G. L'évolution de la théorie de la régression et du traumatisme


Le destin de ce concept, son émergence et sa disparition qui suivent la réalité
processuelle diphasique qu'il désigne, peut s'expliquer par l'intériorisation de la notion
de traumatisme dans la métapsychologie.
Au début de ses travaux, Freud reliait le traumatisme à une séduction précoce
(Freud, 1893-1895) qui impliquait un autre, une personne réelle, le séducteur.
L'évènement de la séduction traumatique précipite la temporalité du développement
de la sexualité et du moi, qui sont éveillés trop tôt et qui mènent à la précocité de la
sexualité ou de la prématurité du Moi.
La définition de l'évènement traumatique évolue ensuite dans les écrits de Freud.
Pour lui, l'effet traumatique proviendrait de fantasmes inconscients devenant ensuite
actifs après leur refoulement. Ainsi, le traumatisme psychique devient nachträglich.
Sa théorie du narcissisme postule que le traumatisme est dû à un conflit de
resexualisation du narcissisme sous l'influence des revendications pulsionnelles – le
conflit entre la pulsion sexuelle et la pulsion du Moi, selon la voie de l’intrusion ou de
l’aspiration négative venant du refoulé originaire. Cette conception se lie à celle qui
est explicitée dans l'ouvrage « Etudes sur l'hystérie », entre 1893 et 1895, notamment
l’attraction venant du noyau traumatique soumis au refoulement. En 1915, Freud
(1915a) ajoute que ce refoulement a lieu sous l'influence de l'attraction négative du
refoulement originaire : l'acte inconscient primaire voire originaire.
A partir de 1917, cet effet négatif de l'évènement traumatique continue à prendre
de l'importance en raison de l'étude des névroses de guerre. Cela permit la
reconnaissance d'une névrose traumatique échappant au principe de plaisir. Ainsi,
cette situation a soulevé en quelque sorte un défi à la théorie du rêve, qui ne pouvait
plus être toujours considérée comme l’accomplissement du désir.
En 1920, Freud relie la notion de traumatisme à une qualité inhérente à la nature
propre des pulsions, leur tendance générique à revenir à un état antérieur puis
finalement à un état inorganique. La dimension traumatique s’intériorise.
L'évènement devient endo-psychique. Il peut être déclenché par un évènement
extérieur, un « trauma », mais il peut aussi être d'origine endogène.
L'attraction négativante recherche, se transpose sur et coopte, parfois même elle
crée, un évènement extérieur qui permet l'élaboration d'une fausse liaison, une fausse
théorie causale dans l'objectif de modifier cette économie régressive au pouvoir
négativant.

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III. LES DEVELOPPEMENTS POST FREUDIENS

III. A. L’après-coup de la psychanalyse française


Cependant, le descriptif de ce concept ne s'arrête pas là. Il poursuit une trajectoire,
qui complète la mise en acte de ce qu'il désigne. Suite à une première période
d'émergence manifeste, et une disparition restée inaperçue, il refait surface en France
avec Jacques Lacan. C'est à ce moment-là qu'il devint un concept fondamental de la
psychanalyse française, qui le relie aux origines françaises (Charcot) du processus
même et son caractère diphasique, ou en-deux-temps.

Suivant la même méthode que Freud, Lacan invente le substantif après-coup (un
néologisme) sur la base de l'adverbe et de l'adjectif courants après coup. Mais deux
épellations étaient possibles, avec ou sans le tiret. Plus tard, et afin de stabiliser une
différence d'épellation entre le nom et l'adjectif ou l'adverbe, certains auteurs tels que
Laplanche découvrent deux termes en français : « après-coup » et « effet d’après-
coup », ou suggèrent (Chervet 2006) que le tiret soit réservé pour le substantif : donc
« l’après-coup » (substantif) et « l'après coup » (adjectif et adverbe).
Grâce à cette accentuation sur Nachträglichkeit, Lacan exprime alors son
inquiétude au sujet de la dévaluation que la psychanalyse a subi pendant l'entre-deux-
guerres, marquée d’un génétisme psychologisant et développemental, d’une théorie de
la temporalité linéaire et chronologique, et par l’Ego-Psychology. Dans son propre
style, Lacan tente de se saisir du procès de l'après-coup (Chervet, 2010). Partisan d'un
retour à Freud, il soutient que le procès de l'après-coup est « toujours à
recommencer » (1972) ; « la nature de la construction du symptôme est d'être
nachträglich » (1956) ; « Tout discours doit être force de toujours se reprendre au
principe, comme nachträglich, l’après coup » (1969, p. 295-307, italiques d'origine) ;
« le nachträglich, (rappelons-nous que nous avons été le premier à l'extraire du texte
de Freud), le nachträglich ou après-coup selon lequel le trauma s’implique dans le
symptôme, révèle une structure temporelle d'un ordre plus élevé [que la rétroaction] »
(1966, p. 839/2006, p. 711, italiques d'origine). Et en référence aux deux temps et à la
mise en latence, il écrit : « L'après faisait antichambre, pour que l'avant pût prendre
rang » (Lacan, 1966, p. 197/ 2006, p. 161).
Lacan perçoit clairement la dévaluation dont est atteint le concept de l'après-coup
quand il est réduit à un adverbe temporel et à une détermination linéaire entre deux
évènements successifs. Cependant, il évite les implications économiques du procès de
l'après-coup en ce qui concerne la véritable nature de l'évènement traumatique qu'il
réalise grâce à son travail régressif ; et il insiste seulement sur le rôle de la
surdétermination impliquée dans la chaîne verbale « par l'action différée » l’après-
coup de sa séquence » (1966 [1958], p. 532/2006, p. 446). C’est ainsi que surgit de
nouveau au cœur de la causalité lacanienne une primauté donnée à la temporalité
progrédiente.

360
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L'opération de l'après-coup est donc une restructuration des évènements passés,


une resubjectivation d'un passé inconscient transcrit dans une formation de
l'inconscient. Plus tard, Lacan propose l'image du tore pour illustrer le procès de
l'après-coup. La parole de séance devient des tours de dire rendus nécessaires par la
présence dans ce tore d'une coupure, d’une fente, la division du sujet. Ces tours de
dire permettent que ce tore se fasse bande de Möbius et message énonçable. L'après-
coup est ainsi figuré par les contorsions, renversements et inversions de ces tours de
dire.
Selon Lacan, la causalité psychique de l'après-coup est « circulaire et non
réciproque », percevant bien en cela la dissymétrie entre les deux scènes II et I, de
même qu'en séance, entre les deux protagonistes.
Jean Laplanche suivra aussi cette conception de Lacan en l’intégrant dans sa
théorie personnelle d’une séduction généralisée, dans laquelle les messages maternels
implantés en tant qu’inconscient de l’enfant ne cessent de produire des après-coups,
des traductions successives, du fait de leur valence énigmatique liée à leur nature
sexuelle. Le transfert devient un infini transfert de transfert.
Toute la psychanalyse française de la seconde moitié du 20ème siècle a bénéficié
de cette incitation insufflée par Lacan. De nombreux auteurs français ont continué
d’approfondir la notion d'après-coup (Le Guen, 1982 ; Laplanche, 1989-90 ; Chervet,
2006, 2009, 2010 ; André, 2009), ou ont utilisé ce concept dans leur travail sur le
fonctionnement psychique, la causalité, la temporalité, etc. (Fain et Braunschweig,
1975 ; Fain, 1982 ; Green, 1982 ; Guillaumin, 1982 ; Faimberg, 1993, 1998 ; Neyraut,
1997). Plusieurs conférences et volumes français de la Revue Française de
Psychanalyse ont repris le thème de l'après-coup (voir Revue Française de
Psychanalyse 1982, 46, 3, « L'après-coup » ; et aussi Revue Française de
Psychanalyse 2006, 70, 3, « L’après-coup revisité »). La psychanalyse française n’a
globalement aucune difficulté à se rapporter à ce concept, le limitant souvent à ses
définitions temporelles.

III. B. Nachträglichkeit en psychanalyse britannique et européenne


Dans la suite de la dynamique émergence – disparition – retour, il convient de
souligner que l’après-coup est devenu un concept « schibboleth » entre la
psychanalyse française et anglo-saxonne.
Certes M. Klein et ses successeurs se sont-ils plus particulièrement intéressés au
premier temps du coup et aux vécus d’effroi et de terreur qui l’accompagnent, donc à
une situation de névrose traumatique dans laquelle le procès d’après-coup n’est pas
efficient.
Si pour la psychanalyse française, l’archaïque est construit après coup (A. Green),
pour les écoles anglo-saxonnes il est déjà-là, et il convient de lutter contre les

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angoisses primitives désorganisatrices. Le modèle du commensalisme (un type de


relation dans laquelle deux objets partagent un tiers en faveur des trois ; Bion, 1970)
et la nécessité de soutenir le développement et l'accomplissement (par le biais d'une
relation symbiotique) joue un rôle bien plus dominant que celui de la perlaboration et
de l’élaboration par la fréquentation de la voie régressive et de l'interprétation de ce
négativant attracteur. De même que dans le modèle Kleinien, il est nécessaire de lutter
contre cette destructivité régressive. Cette lutte est effectuée grâce à la générativité
(Winnicott, (1989 [1963]) engagée contre un éprouvé sensoriel traumatique de base,
la « crainte de l'effondrement » (Winnicott, 1970), ou la « terreur sans nom » (la
relation parasitaire ; Bion, 1962).
Le rapport à la douleur et au fonctionnement masochiste, au deuil et à l’objet
perdu, est dominé par la régression à la dépendance et par la transformation des
réponses de l'entourage familial. Une attention particulière est donnée à l'expérience
émotionnelle entre l'analyste et l'analysant, ce qui peut se considérer en termes
d'après-coup analytique. Bion (1962) situe le procès de transformation, instaurateurs
de la fonction alpha et des éléments alpha, dans la rêverie maternelle, dans un en-
dehors entre-deux. Le travail psychique dans l'étape intermédiaire a lieu d'abord en
dehors de la psyché de l'enfant, dans la psyché de la mère. Les idées en termes de
secours, d'objet secourable, d'identifications projectives positives et négatives, y
trouvent leur cohérence et leur justification.

III. C. La scène européenne contemporaine : La complexité en progression


La dynamique d'un tel après-coup comprenant les deux protagonistes en analyse a
été l'objet de nombreuses études, dont l'espace et l'objet transitionnel de Winnicott, la
chimère de Michel de M’Uzan, l'objet analytique d’André Green et le tiers analytique
de Thomas Ogden. C'est le résultat de l’après-coup qui est ciblé par les études sur la
transitionnalité et le jeu (Winnicott, 1971), sur l'animisme à deux et le travail en
double (C. et S. Botella, 2005).
En référence au « site analytique », Jean-Luc Donnet (2006) souligne la
dimension aléatoire de la réalisation de l'après-coup, qui entre en conflit avec le
déterminisme qui pèse sur ce processus. Le sujet, donc, cherche à trouver et à créer
(ou non) les perceptions et les traces perceptives dont ce processus a besoin afin de
s'accomplir.
Bernard Chervet précise que dans la dernière (double) théorie de la pulsion,
l'attraction régressive n'est plus assujettie à des limites ou à des restrictions. La
régression ne s'arrête plus au souvenir de la scène de séduction (Freud, 1895) ou au
retour du narcissisme absolu du giron maternel (Freud, 1914c). Se dessine une
régressivité extinctive (Chervet, 2006), qui requiert en contre-point l'intervention d’un
impératif d'inscription (Chervet, 2009) et d’une élaboration psychique sous l'égide du
Surmoi. Ceci correspond au travail qui est effectué par le procès de « l'après-coup ».

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Ce dernier trouve ainsi sa fonction et ses raisons d’être de sa forme en-deux-


temps : deux temps manifestes et en un entre-temps latent. « L'après-coup » est une
méthode disponible à l'appareil psychique pour gérer cette qualité primitive des
pulsions, qui entrent en jeu par les nombreux traumas dont l'existence quotidienne est
empreinte et pour instaurer le principe de plaisir.
Afin d'accomplir cette tâche, le procès est divisé entre trois phases avec trois
opérations. Il suit dans un premier temps une voie régrediente, puis transforme
l'économie libidinale régressive et l’oriente enfin sur une voie progrédiente. Cette
dernière est ainsi inscrite dans le psychisme sous forme de motions pulsionnelles
reprises par le désir humain et ses multiples destins. Le procès est animé par une
attraction régressive et par un impératif à produire un matériel progrédient. Il se
révèle être le modèle d'un fonctionnement mental idéal et donc une référence pour
toute évaluation d’un matériau psychique.
En effet, Chervet développe une conception de l'après-coup comme procès de
réalisation et d'accomplissement de toutes les pensées et de toutes les productions
psychiques ; c'est le processus de la pensée-même. Ainsi, il est le processus de base
de la cure psychanalytique qui rend la guérison possible.
Des deux côtés de la Manche, les auteurs qui se sont interrogés au sujet de cette
différence entre les deux courants de la pensée psychanalytique, celui qui inclut
l’après-coup et celui qui s’en dispense, ont tenté de la réduire et de l'interpréter.
Haydee Faimberg (2005a, b ; 2006) a relié l'après-coup à des concepts de temporalité
et de causalité psychique multidirectionnelle (Faimberg, 2006, 2013), pour englober
les notions d’un futur non encore advenu et la crainte de l’effondrement (1963) de
Winnicott (1963), dont un trauma qui est advenu dans le passé mais qui est anticipé
dans le futur. Faimberg a placé cette notion élargie de l'après-coup au cœur de sa
théorie de listening to the listening (l'écoute de l'écoute), où les conflits sont
resignifiés par le lien entre générations (1998; 2005a, b; 2013). Certains analystes
britanniques (Birksted-Breen, 2003 ; Sodré, 2007, 2005; Perelberg, 2007) ont
souligné la complémentarité de ce qu'ils perçoivent comme l’intervalle longue (long
time span) de la Nachträglichkeit originale de Freud, et l’intervalle courte (short time
span) de l’après-coup ; les micro-changements qui interviennent, d'instant en instant,
dans le transfert au sein de chaque séance.
Finalement, tous ces auteurs proposent de rapprocher la notion winnicottienne de
la crainte de l'effondrement et la notion de l'après-coup de la psychanalyse française.
Cette démarche montre que cette crainte accompagne le mouvement régressif
inaugural du procès de l'après-coup.
En Italie également, Paola Marion (2011), par exemple, souligne que l’après-coup
est un mécanisme qui décrit comment la psyché agit, et qui régularise le traitement
psychanalytique.

363
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En fait, des échanges, des débats et des études ont bien lieu et sont également
publiés ; ils démontrent que la rencontre entre les deux courants est possible et que
l'incompatibilité résulte de la simplification. Deux faits peuvent être pris en
considération. D'une part, et cela depuis Freud, le phénomène de l'après-coup est
souvent actif, et d'ailleurs reconnu, sans être dénommé. D'autre part, le terme d’après-
coup est fréquemment utilisé par les analystes dans sa simplification courante en tant
que déplacement temporel et de réflexivité antérograde, qui n’impliquerait pas les
attractions de l'inconscient et le travail conséquent requis, au même degré que le
concept lui-même.
Enfin, toutes les études psychanalytiques peuvent également être considérées
comme des après-coups de ce qui a motivé le travail de Freud. En effet, en lui
emboîtant le pas, elles développent, affinent et donnent une signification nouvelle à
ses propositions. De plus, en faisant face à des aspects de la réalité qui sont restés
inexplorés dans le travail de Freud, elles l'enrichissent et la modifient dans leurs
fondamentaux. Un retour aux conceptions de la source traumatique est ainsi
nécessaire afin qu’une nouvelle ère de pensée puisse advenir, s’intégrer à la
précédente et remanier l’ensemble.

III. D. Nachträglichkeit dans la psychanalyse latino-américaine


Selon la perspective latino-américaine, la Nachträglichkeit freudienne est une
conception de la temporalité non linéaire, rétroactive, une interaction entre avant et
après. Il est admis que le concept de Nachträglichkeit est associé à ce que l’on appelle
le retour aux écrits de Freud. Malgré la dominance de la pensée kleinienne dans la
psychanalyse rioplatense jusqu'à la fin des années 1960, la conception non-linéaire de
Freud en termes de temporalité psychique n'a jamais été absente de sa transmission
(Pontalis, 1968).
L'opération de Nachträglichkeit requiert ainsi deux scènes : l'après qui construit-
constitue l’avant. Ces scènes ont une matérialité différente et sont asymétriques. Dans
la scène de l’après, il y a un sujet qui se rend présent et qui s’entreprend à créer la
scène avant, là où ce qui est présent est l'objet.
C'est seulement dans cet après, avec l'apparition du sujet, qu'il est possible de
construire la scène antérieure comme trauma, dans laquelle il y a/avait uniquement un
objet, dans un mouvement circulaire, non réciproque, entre les deux scènes. Ceci nous
permet de concevoir la causalité psychanalytique de manière non-déterministe.
Nous pouvons ainsi voir, de cette façon, à quel point la signification et la
temporalité sont imbriquées dans le Nachträglichkeit, ce qui révèle la différence entre
les mécanismes d'action rétroactive et régressive. Si chaque scène se signifie (si la
scène antérieure était d'elle-même et en elle-même traumatique), alors l'action
rétroactive se transforme en régression.

364
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L'action rétroactive n'implique pas une régression à quelque chose qui aurait déjà
été constitué ; au lieu de cela, le mouvement d'action rétroactif représente ce qui
résulte de la scène antérieure et sa signification en voie de constitution. C'est la
constitution du sujet qui permet la signification de quelque chose qui ne pouvait être
signifiée auparavant.
Les études des deux cas d’Emma et de L'homme aux loups sont en général perçues
comme des paradigmes quand il s'agit de tenter d'identifier la problématique de
Nachträglichkeit dans les écrits de Freud.
En ce qui concerne Emma, le symptôme qu’elle décrit au sujet de son analyse
avec Freud (la compulsion de ne pas pouvoir entrer seule dans un magasin) ne dépend
pas de la trace de la scène qui s’est déroulée quand elle avait huit ans (scène II, avec
l'épicier), mais plutôt des transformations multiples qu'elle subit après la scène qui a
eu lieu quand Emma avait douze ans (ce que Freud a appelé la scène I, avec les
vendeurs), scène associée par la patiente lors de la séance. Les deux scènes sont
reliées par des liens superficiels (les rires, les vêtements). De cette façon, la trace
prend du sens et devient traumatique quand le symptôme est constitué. L'agression
sexuelle, en tant que telle, n'explique pas le symptôme.
Cependant, du point de vue de l’approche latino-américaine, le problème qui
surgit concerne ce qui a lieu lorsque le concept est perçu de cette manière. Cette
vision peut suggérer une lecture évolutive plus proche de celle des « Trois essais sur
la théorie sexuelle » (Freud, 1905) qui serait en mesure de contredire le noyau-même
du concept. Le lecteur pourrait se demander si la théorie peut être construite ou mise à
jour.
La présence permanente (Pontalis, 1968) de l'idée de l’après-coup n'a pas été
altérée par la découverte de la sexualité infantile, qui est constituée de cette même
action rétroactive. Le terme n'a pas non plus disparu avec la formulation de la pulsion
de mort, puisque dans ce cas ce n'est pas une question de retour à un état antérieur –
ce n'est pas un pur mouvement pulsionnel à rebours, c'est plutôt un mouvement des
traces mnésiques qui sont « corrigées » par des nouveaux vécus. Loin de se dispenser
de l’après-coup, ces deux concepts sont en accord avec le terme.
Si l'on regarde l'Homme aux loups d'une perspective latino-américaine, l'on peut
dire que l'enjeu se situe dans la relation entre la visualisation de la scène primaire et le
rêve des loups.
Lorsque le patient rêve, les conditions sont données de manière que se produise,
par une action rétroactive, la resignification des traces de la scène primaire. Il n'y
aurait pas de scène primitive sans rêve.
Cela remet en question la notion du déterminisme, selon laquelle il est possible de
savoir à l'avance ce qui peut être traumatique. Les scènes appartenant à la petite
enfance ne sont pas reproduites sous forme de souvenir ; elles sont plutôt constituées

365
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a posteriori. C'est sur ce point que la controverse qui existe entre la scène traumatique
et le fantasme régressif apparait.

III. E. Contributions spécifiques latino-américaines

Les écrits psychanalytiques d'auteurs latino-américains donnent des modulations


différentes du terme Nachträglichkeit. La sélection suivante d'esquisses permet
d'apprécier les aspects variés du concept qui sont mis en lumière par des auteurs
différents, ainsi que la multiplicité des champs thématiques que cette pluralité
d'approches peut engendrer.

Certains auteurs placent la notion de l’après-coup en parallèle à d'autres formes


de temporalité avec lesquelles il coexiste, malgré les contradictions qui existent entre
eux. D'autres auteurs examinent la centralité et la permanence du concept dans les
travaux de Freud. Selon ces auteurs, l’après-coup est un concept qui a été substitué
progressivement ou qui a subi des modifications en conséquence de l'apparition
d'autres concepts tels que la sexualité infantile ou la pulsion de mort.
Dans d'autres analyses, l’après-coup reçoit une position centrale, et une hiérarchie
est constituée entre les termes avec lesquels il s'accorde : la cure, l'efficacité
thérapeutique, la causalité et la signification. Dans ces écrits, l’après-coup prend une
densité et une complexité plus accrues, pourvu de connexions avec d'autres concepts
qui disséminent les caractéristiques du processus primaire.
Leticia Glocer Fiorini (2006) souligne la coexistence de deux temporalités
distinctes dans le travail de Freud : la temporalité progressive et la temporalité
rétroactive.
« Dans les travaux de Freud, les temporalités évolutives des mouvements
progressifs, comme l'évolution psychosexuelle d'une fille et d'un garçon, et leurs
dessins de désir (Freud, 1925) coexistent avec le concept de temporalité
rétroactive, qui attribue après coup une signification à un incident traumatique
antérieur. La chronologie linéaire est ainsi désarticulée, et l'incident matériel doit
être de nouveau signifié (Freud, 1918) » (Glocer Fiorini 2006, p.18)117
Ricardo Bernardi (1994) décrit les différentes modalités dans lesquelles les
relations temporelles peuvent apparaitre dans les travaux de Freud, modalités que
Freud lui-même ne considérait pas exclusives :
a) Un modèle dans lequel l'avant détermine l'après.
b) Le modèle de l’après-coup (que Bernardi traduit par a posteriori) dans lequel
un évènement antérieur acquiert ultérieurement un nouveau sens et de l'efficacité
psychique en vertu de sa modification, lorsqu’il fait partie d'un nouveau contexte.

117
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

366
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c) Le phénomène du fantasme rétrospectif, Zuruckphanthasieren, qui donne lieu


à l'attribution de quelque chose qui se passe postérieurement, à un moment antérieur.
Selon Bernardi (1994) les modifications portées au concept de l’après-coup sont
apparentes une fois que Freud découvre la sexualité infantile.
Carlos M. Aslan (2006) souligne que l’après-coup est un mode de
fonctionnement de l’appareil psychique. Pour Aslan, le terme est pertinent dans le
cadre d'expériences banales et quotidiennes, et ne devrait pas se limiter à des
situations traumatiques.
« Il convient de rappeler le concept freudien d'un mécanisme après coup qui,
comme Blum l'a précisé, n'est pas exceptionnel mais plutôt habituel, et non
seulement dans des situations traumatiques. [Il peut survenir dans] des
expériences quotidiennes lorsqu'un effet modificateur porte sur le sens d'une trace
mnésique [évènements structurés antérieurement]. Il a lieu non pas dans une
réalité matérielle mais dans la réalité psychique historique du sujet. Une fois
structurée, elle [la réalité psychique historique] influence la perception et
l'interprétation des nouveaux vécus, ce qui continuera de manière successive. De
cette façon, se produisent non seulement des nouvelles structures, mais, comme
nous l'avons dit, les structures antérieures se modifient ». (Aslan 2006, p. 71)118.
De manière analogue à Aslan, Madeleine Baranger, Willy Baranger et Jorge
Mom (1987) considèrent que les lecteurs de Freud n'y ont pas accordé une
importance adaptée à l’après-coup. Ils soulignent la participation du concept dans la
constitution du fantasme, en limitant l'aspect économique du trauma. La trace d'un
évènement reste dans la psyché sans y avoir constitué un trauma en soi, jusqu'à ce que
de nouveaux évènements postérieurs les y convertissent rétroactivement, ayant
assimilé cette première période muette dans la pulsion de mort.
« Il ne s’agit pas seulement ici d’une action différée, ni d'une cause latente en
attente d'une opportunité, mais d'une action causale rétroactive, du présent vers le
passé » (M. Baranger, W. Baranger, J. Mom, 1987 p. 750) 119 . Les auteurs
soulignent que « la temporalité et l'action rétroactives constituent ce qui permet
une action thérapeutique spécifique de la psychanalyse, laquelle serait entravée si
nous restions dans les catégories de causalité et de temporalité lorsqu'elles sont
abordées de manière linéaire » (M. Baranger, W. Baranger, J. Mom 1987,
p.750) 120 . De cette façon, ils articulent l’après-coup avec ce qui reste
inassimilable dans le processus analytique.
Ils précisent que la première période, étant muette, innommable, irreprésentable,
tout autant que la pulsion de mort, requiert la permission de l’après-coup pour se
constituer dans le trauma.

118
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
119
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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Haydee Faimberg, formée en Argentine et résidente en France pendant de


nombreuses années, aborde le concept de la temporalité dans les textes freudiens et
reformule le concept de Nachträglichkeit (Faimberg, 1981, 1993, 1995, 1998, 2005,
2012) en proposant une conceptualisation plus large du terme, à la fois différente et
conforme à la pensée freudienne. Cette conceptualisation élargie provient aussi de son
travail clinique et de sa lecture des exposés cliniques de Winnicott et ses positions
sous-jacentes.
Elle affirme (Faimberg, 2007) qu'une conceptualisation plus large de l’après-coup
est essentielle aussi bien dans l'attribution rétroactive d'une nouvelle signification, par
l'interprétation, que dans une première signification, par le biais de la construction.
Elle localise deux temps : une phase d’anticipation, (le « déjà là ») et une autre
phase d'attribution d'une signification rétroactive qui donne une existence psychique à
la phase anticipatoire.
Faimberg (2012) situe également la présence implicite de l’après-coup dans les
écrits de Winnicott, déterminant un type de présence interstitielle dans son travail, une
présence qui est en activité même si elle n'est pas nommée.
Sa lecture des textes de Winnicott, « Fragments of an Analysis » (« Fragment
d'une analyse ») (1955) et « Fear of Breakdown » (« La crainte de l'effondrement »)
(1971), sont un lien entre la temporalité psychique et l'expérience même de la cure.
Elle fait un pas de plus dans la formulation des processus de temporalisation et de
signification (Faimberg 2013), en les articulant non seulement avec la compulsion de
répétition, mais aussi avec la fonction paternelle.
L'auteur décrit que Winnicott créée des conditions qui permettent l'apparition de
ce qui n'a jamais eu lieu. Dans « La situation non encore advenue » (2018), elle
démontre la possibilité de l'apparition d'une fonction paternelle dans le
fonctionnement psychique.
Cette création de quelque chose qui n’est pas encore advenue est associée
implicitement à l'opération de l’après-coup. Ce sont des opérations qui sont effectuées
et qui constituent des espaces psychiques, permettant l'apparition du sujet.
Ces formulations de l’après-coup démontrent comment la psychanalyse donne
lieu à un changement psychique.
Jaime Szpilka, psychanalyste argentin et résident en Espagne, débute son article
(Szpilka, 2009) par un énoncé sur la question de l’après-coup. Il le considère
essentielle à la théorie et à la direction psychanalytique du traitement.
Il interroge les causes liées à la mise en arrière-plan du concept, ce qui a lieu
également non seulement chez les auteurs postfreudiens mais aussi chez Freud lui-
même.

368
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Szpilka (2009) découvre que Freud préserve l’après-coup et l'implémente de


manières différentes lorsqu'il incorpore d'autres concepts dans ses travaux. L'auteur
propose que l’après-coup ne soit pas situé en termes chronologiques mais plutôt en
termes logiques, se dissociant de tout lien avec l'empirisme. « L’avant » n'est pas un
produit qui précède, il est plutôt une formulation inhérente de « l'après ». Il
décompose les modalités selon lesquelles l'opération de l’après-coup est présente et
décisive en ce qui concerne le développement de différents concepts : l'histoire, les
souvenirs, le refoulement primaire et le problème de la signification.
Selon Szpilka (2009), l’après-coup est un concept qui s'articule entre Œdipe et
Narcisse, muet et vide sont les formes qu'il décrit le narcissisme sans l’Œdipe, et
l’Œdipe sans le narcissisme.
Luis Kancyper (1985) met l'accent sur le rôle central que le concept freudien
d’après-coup joue quant aux phénomènes qui caractérisent l'adolescence, un moment
privilégié de ré-signification rétroactive, puisqu'il constitue une nouvelle étape
libidinale dans laquelle une nouvelle identité sexuelle génitale – phénomène
psychologique et social – est atteinte pour la première fois.
Pertinent au regard du thème, il fait une distinction entre deux concepts qui se
confondent facilement dans la théorie analytique et la pratique : le concept du
développement et le concept de « l'historique ».
Zelig Liberman (2015) incorpore une temporalité hétérogène qui serait présente
dans les expressions diverses de la psyché.
Le concept de l'après-coup a transformé les notions de causalité et de temporalité
psychiques. Il consiste en un phénomène en deux périodes : les marques mnésiques se
remodélisent en fonction d'incidents postérieurs qui, en raison de leur relation
symbolique avec des incidents antérieurs, leur confère une signification et une
efficacité psychiques.
Liberman cherche à souligner la spécificité de l'après-coup, en mettant l'accent
sur ses aspects traumatiques et transformateurs, un point de vue qui s'éloigne de la
perspective prédominante en psychanalyse, d'une compréhension postérieure ou
rétrospective.

III. F. Développements en Amérique du Nord

III. Fa. La renaissance de Nachträglichkeit chez Arnold Modell : La


recontextualisation de la mémoire et du temps et le développement de la réalité
psychique
Pendant une longue période, le concept d’après-coup est resté en latence, pour
la plupart de la psychanalyse de langue anglaise nord-américaine, jusqu'à ce

369
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qu'Arnold Modell ravive le concept dans une série de publications (1989, 1990, 1992,
1994, 1995, 1997, 2008). Sa publication de 1990 « Other Times, Other Realities »
(« Autres temps, autres réalités ») reste la plus compréhensive en ce qui concerne les
développements nord-américains au sujet de l’après-coup. La traduction de Strachey
(« deferred action »/ « action différée ») étant pour Modell fallacieuse, il préfère
utiliser le terme original Nachträglichkeit et continue à relier fermement le concept à
la remémoration, en termes de sa retranscription postérieure (ou ses nombreuses
retranscriptions et recontextualisations qui y surviennent) dans un contexte
développemental, motivationnel et émotionnel différent.
La renaissance de Nachträglichkeit par Modell intervient à la suite de la
découverte indépendante de son ami et lauréat du prix Nobel, Gerald Edelman, en
termes d'un mécanisme biologique cérébral similaire, notamment la ré-
contextualisation-reconfiguration permanente des cartes neuronales inhérente à la
théorie de la sélection des groupes neurologiques (Theory of Selection of Neural
Groups) évocateur du modèle de Freud explicité dans le « Draft G » (« Lettre G ») de
décembre 1894. Il est bien évident qu'il est possible de trouver un lien analogique
entre les deux domaines.
L'appréhension du concept par Modell et son lien fort à la mémoire remonte
aux débuts de la formulation de la « théorie de la séduction ». Selon Modell (1994),
« Freud et Breuer (1893-95) ont observé « que la mémoire affective du trauma est
logée dans la psyché comme un corps étranger qui continue son action longtemps
après l'évènement traumatique » (Modell, 1994, p. 92). C'est dans cet article que
Freud et Breuer précisent que « les hystériques souffrent principalement de
réminiscences » (Freud and Breuer, 1893-95, p.7). Trois années plus tard, Freud
développe une théorie plus sophistiquée au sujet de la recontextualisation des
mémoires (Modell, 1990). Modell, qui propose une traduction anglaise plus exacte de
Nachträglichkeit – la « subsequentiality » (la subséquentialité) – cependant reconnait
la lourdeur du terme, et continue d'utiliser la version allemande Nachträglichkeit de
Freud. Modell note que Freud reste convaincu de la primauté de la mémoire dans le
processus thérapeutique longtemps après avoir abandonné sa théorie de l'hystérie en
termes de séduction. Il rappelle l'article de Freud de 1914, « Remembering, Repeating
and Working Through » (« Remémorer, répéter, élaborer »), dans lequel Freud
rappelle que l'objectif de la psychanalyse est de « combler les lacunes de la
mémoire... » (Modell, 1994, p.92).
Alors qu'il relie le développement et la psychopathologie au concept de
Nachträglichkeit, Modell (1994), dans son article « Memory and Psychoanalytic
Cure » (« La mémoire et la cure psychanalytique »), revient à l'usage initial du
concept de Freud, où, d’après lui, la psychopathologie résulterait d'une interférence
vis-à-vis du processus de retranscription de la mémoire. Freud explique cela en termes
d’un échec de traduction de la mémoire, ce qui était sa compréhension initiale du
mécanisme de refoulement (et de l'étiologie de l'hystérie). Modell fait ainsi une
supposition développementale selon laquelle Freud, à la suite de la formulation du

370
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complexe d’Œdipe et des étapes psychosexuelles du développement, a considéré plus


tard que les étapes du développement psychologique sont analogues aux langues
différentes, et que les expériences gardées en mémoire sont retranscrites, retraduites et
recontextualisées de façon répétitive par les développements ultérieurs. D'après ce que
Modell comprend de Nachträglichkeit, la mémoire d'un évènement traumatique ayant
lieu à l’âge x est plus tard modifié à l’âge y de l'enfant, puis de nouveau à l’âge z et
ainsi de suite. La vision intemporelle de Freud précise que la mémoire est modifiée en
permanence par les expériences ultérieures, de sorte que « le passé modifie le présent
et le présent peut également modifier le passé et nos attentes concernant le futur »
(Modell, 1994, p.92).
Modell (1994) relie la recatégorisation des mémoires affectivement chargées,
activées dans le transfert, avec un élargissement consécutif des significations. Dans ce
contexte, le résultat pathologique de l'expérience traumatique peut se comprendre en
termes d'un manque de capacité à générer des nouvelles significations. Le
développement de la signification, à son tour, dépend d'un accès libre aux anciennes
mémoires qui peuvent se recatégoriser par le biais des perceptions actuelles. Le
paradoxe implicite dans la Nachträglich soutient également la notion des processus
psychiques multiples et des réalités subjectives multiples qui sont inhérentes dans la
dialectique de l’illusoire, l’actuel et le réel dans le cadre et les processus cliniques, qui
participent de manières différentes à la création du transfert, du contre-transfert, ainsi
que celle des énactions et des communications verbales et non-verbales. Dans cette
définition de Nachträglichkeit est inclut le point de vue des réalités multiples du
transfert et celles du cadre clinique. La Nachtraglich est à la fois réelle et illusoire,
répétition et création ; le passé actif au présent et le présent modificateur de ce qui fut.
Le trauma inassimilé peut être retranscrit et, de cette manière, mener à une élaboration
psychique. Dans ses écrits concernant le « Psychic Setting as Container of Multiple
Levels of Reality » (« Le cadre psychanalytique conteneur de multiples niveaux de
réalité »), Modell (1989) conclut que : « L'expérience d'un trauma passé est apaisante
dans un nouveau contexte de secours du lien objectal actuel qui se forme avec
l'analyste. Mais le paradoxe se situe en ce que l'analyste représente, de manière
simultanée, plusieurs niveaux de réalité : les dangers du passé ainsi que la sécurité du
présent... » (p.85).
Le concept de Nachträglichkeit implique une vision cyclique du temps et de la
mémoire et leur reconceptualisation affective des souvenirs et du temps. Le temps
traumatiquement figé peut être relié à la fonction de symbolisation métaphorique
figée, les deux liés à la signification affective (Modell, 1995, 1997). Les
recontextualisations affectives des souvenirs peuvent ouvrir un processus
métaphorique précédemment forclos, donnant lieu à des parcours d'ajustement créatif
plus extensifs (Modell, 2008).

371
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III. Fb. Transformation développementale du trauma


La perspective du trauma développemental a été relevé par Harold Blum
(1996) qui, en examinant le concept du point de vue de la perspective du trauma de
séduction, de la complémentarité de la mémoire et du fantasme, de la représentation et
du développement pathogène, et de la modification des souvenirs par les expériences
analytiques et quotidiennes, écrit qu' « en raison de cette relation aux questions
temporelles et causales, je propose l’après-coup […] comme précurseur non reconnu
du concept contemporain de la transformation développementale » (p. 1155)121. Blum
élargit la perspective développementale sur la durée de vie entière et l'aspect
traumatique sur le continuum expérientiel complet, mettant en relief les influences
réciproques du passé et du présent, de la mémoire et du fantasme. Il ajoute que
« l'altération développementale [...] peut être délétère ou bénéfique, régressive ou
progressive. Les transformations se produisent lors de différentes phases du
développement, et les récapitulations sont de nouvelles éditions plutôt que des
réplications » (Blum, 1996, p. 1156 ; ainsi que Novick et Novick, 1994)122.
S'adressant spécifiquement à la conceptualisation d’après-coup dans
« L'homme aux loups », Blum (2011) écrit que : « Le concept de l’après-coup de
Freud (1918) peut se comprendre non pas comme une expérience devenant d'abord
traumatique lors d'une phase ultérieure du développement, mais comme une
transformation de la confluence, de l'influence et de la signification des traumas du
passé et du présent » (Blum, 2008, 2009)123. Et, « Il se peut que le trauma préœdipien
de l'homme aux loups eût autant d'influence sur la structure psychique et le conflit que
le trauma œdipien ultérieur énoncé dans la reconstruction avant-garde, bien que
fantaisiste, de Freud... » (Blum, 2011, p. 609)124. Blum (1996) contemple également
l'interaction du fantasme œdipien déterminé par le développement et le trauma
préœdipien : « Le fantasme en rêve de l'homme aux loups était cependant censé
transformer une mémoire préœdipienne non-traumatique ultérieure en un nouveau
trauma. Le développement dans ce cas a lieu en grande partie dans un monde
fantasmatique, isolé de la vie de l'enfant. La réalité psychique persistante du rêve est
devenue plus importante que l'expérience actuelle du passé ou de sa mémoire, de son
changement développemental continu ou de son expérience pathogène » (p. 1154)125.
L'interaction du trauma et du fantasme inconscient tout au long du développement
précoce jusqu'à l’âge du jeune adulte a été élaborée et étudiée dans des études
cliniques longitudinales d'enfants, lesquels ont été réanalysés dans leur période
d'adolescence et de jeune adulte (Papiasvili et Blum, 2014, 2015). Fréquemment, les
évènements traumatiques, tels qu'un parent les rapporte, n'ont pas été remémorés,
mais énactés dans une thérapie par le jeu, avec des marionnettes, puis par des dessins
en fin de l'analyse de l'enfant, ensuite ultérieurement symbolisés dans des cauchemars

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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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et rêves et enfin énactés en transfert à l’âge de 19 à 21 ans. Lorsque le rêve-


cauchemar et l'énaction transférentiel ont été analysés, la resignification de
l'évènement et son historisation ont été rendus possibles bien que l'évènement lui-
même n'a pas été remémoré. La complexité en ce qui concerne la manière dont
l’après-coup a médié entre les évènements et les expériences est survenue pleinement
lors du travail clinique, où s'est révélé comment les évènements se sont traduits en
expériences et ont pris une signification traumatique, non pas tant au moment où ils
ont eu lieu, mais lors de leur remémoration et de leur reconstruction après un certain
délai. Les référents primaires des reconstructions ont été retrouvés dans des traces
préhistoriques, restées en l'absence de toute représentation psychique proprement dit.
Psychiquement parlant, ces traces n'avaient pas de signification. Pour qu'elles
prennent du sens, elles doivent se situer dans un contexte de narration ayant lieu après
les faits. Ces constats coïncidaient avec la thèse de Gerhard Dahl selon laquelle
« L’après-coup implique manifestement l'action d'une force analogue à celle de la
compulsion de répétition, qui cherche à symboliser la méconnaissance et la confusion
de l'expérience initiale – soit en tant qu'évènement réel qui n'avait pas été compris,
soit comme une scène de processus primaire obscur – afin qu’elle puisse,
conformément au principe de réalité, être structurée, pensée, comprise, et peut-être
aussi maitrisée, après coup ». (Dahl, 2010, p. 740)126.
Lors d'une revue complète de la littérature transculturelle, Joann K. Turo
(2013) souligne les deux temps de la Nachträglichkeit freudienne : l’action différée et
la révision rétroactive. Elle considère que l'action thérapeutique de la psychanalyse,
différemment de la psychothérapie, réside dans le processus psychanalytique de
convertir les mémoires traumatiques dans la répétition du transfert, à partir du non-
assimilé à l'assimilé, par l'interprétation qui engendre une révision rétroactive, à une
nouvelle perspective, une nouvelle expérience et une nouvelle signification, notable
particulièrement dans la phase élaboratrice du processus (Turo 2013).

III. Fc. Perspectives intersubjectives et relationnelles : La non-linéarité et


l'imprévu
Les perspectives intersubjectivistes et relationnelles mettent l'accent sur la
non-linéarité, la fluidité et le caractère imprévu du dialogue clinique et des dialogues
tout au long de l'histoire, dans leurs réflexions concernant l’après-coup. Le concept
d’après-coup, souvent considéré le plus non-linéaire qui soit dans les travaux de
Freud, anticipe, dans sa perspective intersubjective, la valuation actuelle des multiples
subjectivités et des multiples temporalités impliquées dans le processus analytique.
Adrienne Harris (2007) relève le rôle de l’après-coup en ce qu'il façonne le
récit clinique, évocateur des dialogues inconscients potentiels à travers l’histoire et le
temps qui surviennent dans le travail clinique. Elle précise que : « Il ne s’agit pas

126
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

373
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seulement de recouvrir le passé, sinon de le refaire ou de le faire pour la première


fois… » (Harris, 2007, p. 660)127.
Jay Greenberg (dans une communication personnelle avec Eva Papiasvili, en
2015) utilise le terme français de l'après-coup parce qu'il n'existe aucune traduction
adéquate en anglais. Selon Greenberg, l'après-coup nous rappelle que quoiqu'il arrive,
que ce soit dans le cabinet de consultation ou dans la vie quotidienne, n'a pas de sens
figé et qu’il ne peut être, à aucun moment, pleinement compris. Les significations
évoluent plutôt et transforment en fonction de la mutation du contexte au sein duquel
les évènements sont vécus. Il relie l'après-coup avec l'idée de Madeleine Baranger
selon laquelle tout est en même temps quelque chose d'autre ; en ajoutant la
dimension temporelle : tout est, a été et sera quelque chose d'autre. Un travail dans cet
esprit a un profond effet sur la compréhension du processus clinique ; il nous rappelle
de ne pas glorifier les interventions « réussies » ni de se noyer dans les « erreurs »,
puisque tout va évoluer et illuminer ce qui a eu lieu, de manière inattendue.

II. Fd. L’après-coup – caractéristique essentielle du fonctionnement inconscient


au sens plus large.
Dans cette vue d'ensemble des courants existants dans la pensée nord-
américaine au sujet de l’après-coup, l'on y trouve une tendance à le percevoir comme
une caractéristique d'un fonctionnement psychique inconscient au sens général.
Cependant, des auteurs différents se sont concentrés sur des aspects différents de ce
concept fondamentalement complexe. Une façon de donner un sens aux usages
multiples du terme est de prendre en considération le « Modèle d'Emma » (ci-dessus),
celle d'une expérience sexuelle initiale pendant l'enfance, laquelle prend un sens
traumatique uniquement après la puberté, comme un sous-ensemble d'une plus grande
capacité psychique pour la réinterprétation du souvenir, tout en gardant à l'esprit qu'il
ne s'agit pas, strictement parlant, une remémoration particulière qui est modifiée à une
période ultérieure, mais plutôt sa signification qui, dans un nouveau « choc », est
modifiée de manière significative. Lors de la période d'incubation entre les deux
évènements, une élaboration inconsciente et passive semble prendre place, qui
engendre une nouvelle compréhension pouvant bloquer ou faciliter un développement
approfondi. Bien que Freud lui-même emprunte la métaphore translationnelle de la
réinscription, parfois cette référence linguistique ne rend pas justice à la position
intersubjective radicalement modifiée qui accompagne certaines recatégorisations de
la mémoire (comme celles qui peuvent avoir lieu après la découverte d'une trahison,
d'une transgression ou d'un suicide). Les analystes canadiens nord-américains
francophones intègrent eux aussi le rôle de l'autre dans la théorisation de l'après-coup,
sachant que les outils d'origine, en ce qui concerne la retranscription, sont empruntés
à des figures parentales de la petite enfance : les autres réels. En conséquence, la
qualité de l'interaction interpsychique disponible dans l'environnement précoce de
127
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

374
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l'enfant peut constituer un élément caché important de la réalité historique de


l'expérience initiale du trauma et donc porter la possibilité de sa retranscription.

III. Fe. L’après-coup et les études (essentiellement nord-américaines)


interdisciplinaires contemporaines
Si les différences entre les domaines de recherche et leurs différentes
méthodologies sont reconnues et non pas confondues, les connexions
interdisciplinaires, les applications et les échanges d'idées entre la psychanalyse et
d'autres domaines de recherche peuvent mener à des analogies fertiles et à des
nouvelles hypothèses. Telle était la méthode de processus de théorisation que Freud
utilisait. Afin de poursuivre son évolution théorique, il eut recours à d'autres
disciplines, telles que la science, l'ethnologie, la linguistique, l'archéologie, l'art, la
littérature, etc., et il s'inspirait de leurs liens analogiques sans les confondre.

III. Fea. L’après-coup et la neuroscience


Le concept de l’après-coup sur la base de la théorie psychanalytique de la
mémoire, de la temporalité, en relation à la libido et à la théorie pulsionnelle, a
anticipé les constats contemporains issus des résultats de recherche dans le domaine
de la neurobiologie. La pensée interdisciplinaire au sujet des liens dynamiques entre
la neuroscience contemporaine et les aspects différents de l’après-coup a été
développée particulièrement aux États-Unis, au Canada et en Italie.
L’après-coup, en tant que retranscription de la mémoire, est analogue à
certaines caractéristiques d'une théorie neurobiologique actuelle de la mémoire en
termes de recatégorisation (Edelman, 1987, 1989 ; 1992 ; Freeman, 1995). Selon la
théorie globale du fonctionnement du cerveau (Global Theory of Brain Functioning)
d’après les travaux d'Edelman, ce qui est enregistré est la potentialité (les catégories)
en attente d’une activation. En outre, Freud avait régulièrement souligné que les
traces affectives des scènes les plus précoces d'évènements non-représentés et non-
symbolisés, ayant lieu avant l’âge d'un an –leur « quota d'affect » – sont inscrites dans
le système mnémonique. Il était convaincu que le quota affectif « non-déchargé »
restait figé en représentation de la pulsion, afin que sa trace mnésique soit stockée
dans la mémoire. La preuve neuroscientifique récente de cette proposition a été
célébrée par Mark Solms en un « triomphe de la psychanalyse » (Solms, 2006, p.
849).
Dominique Scarfone (2006, 2015) a passé en revue les différents types de
mémoire, telles qu'elles ont été formulées par les neurosciences développementales,
cognitives et affectives en lien avec le concept psychanalytique de l’après-coup :
a) Une forme de mémoire relativement stable et organisée que Freud avait
décrite dans son Projet de 1895, laquelle est constituée d'un réseau de neurones bien

375
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« facilités », précurseur, semble-t-il, du Moi ou du self : une constellation de traits,


d'habitudes et de tendances qui suscitent un sens de continuité au cœur du
développement et de l'évolution personnelle. Un self, ou un Moi, représente la
mémoire objective des traces laissées par les expériences et les rencontres les plus
significatives dans la vie d'une personne. Cette forme de mémoire est parfois
considérée comme étant le caractère, l'organisation de la personnalité, avec les
mécanismes de défense, les relations d'objet, etc., caractéristiques de l'individu.
b) Une forme de mémoire non-déclarative, moins organisée mais relativement
stable, qui se manifeste dans les différentes modalités cliniques de la compulsion de
répétition. Elles peuvent varier par des expressions de transfert très subtiles jusqu'à
des formes plus spectaculaires d'énactions, toutes deux accompagnées de tonalité
affective. La répétition est là, présente à tous niveaux : habituellement attribuée à des
engrammes profondément ancrés, elle n'est pas aisément transformée en pensée
symbolique. Ce type de mémoire se manifeste par le biais de formes d'action, qui
requièrent la méthode psychanalytique d'investigation pour les intégrer en une forme
plus « utilisable » de la mémoire. La mémoire, qui se manifeste en premier lieu de
manière concrète, ou sous forme d'action, est au cœur du travail dans les cas de
trauma (Van der Kolk, 1996) et de la connaissance implicite (Reis, 2009 ; Boston
Change Process Study Group, 2007). Elle s'observe sans représentation connexe de la
manière dont le terme est habituellement présumé. La tâche que représente le travail
analytique sur les mémoires concrètes ou énactées implique la retranscription de ces
expériences sous forme représentationnelle (Mancia, 2006). Voir également l'entrée
intitulée ÉNACTION (L').
c) La mémoire peut se révéler sous forme hallucinatoire, se manifestant dans
les rêves, les rêves éveillés, les rêveries et sous d'autres formes d'expérience
principalement sensorielle ou pseudo-sensorielle. Ces expériences requièrent
également une investigation psychanalytique approfondie pour qu'elles soient
éventuellement susceptibles d'être pensées de manière authentique (Mancia, 2006 ;
Papiasvili, 2016).
d) Enfin, la mémoire peut se manifester sous forme de souvenirs, c'est-à-dire
des récits riches connotés par des mots et des affects qui décrivent une expérience
passée. Parmi celles-ci, se distinguent le « souvenir-écran » spontané, issu d'un
déplacement d’affect, et les « constructions » ou « reconstructions » après-les-faits,
qui incitent à une forte conviction de leur contenu en vérité, bien qu'il n'existe jamais
une « version finale » incontestable.
Le concept de l’après-coup est pertinent à toute forme de mémoire : la
mémoire est un système vivant, qui se remanie constamment par un processus
dialectique, qui consiste à préserver l'ancien tout en intégrant le nouveau. D'un point
de vue neurobiologique et psychanalytique, un remaniement régulier instaure la
nature vivante véritable de la mémoire bien qu'elle soit aussi le locus d'une lutte au
sein de la psyché humaine. Cela a lieu lorsque les impressions ou engrammes actifs de

376
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la mémoire menacent de profondément perturber la structure de mémoire stable du


Moi/self, ou lorsque cette structure a été si endommagée ou déformée lors de sa
croissance qu'elle ne peut facilement intégrer des nouvelles expériences et se retrouve
condamnée à répéter de vieux schémas au lieu d'introjecter ou d'intégrer de nouvelles
expériences. Dans ce sens, toute psychopathologie peut être attribuée à une difficulté
liée au remaniement nécessaire de la mémoire.
Cliniquement parlant, les psychanalystes s'adressent constamment à la
mémoire, soit en termes de remémorations ou de répétitions en dehors de toute
conscience que les répétitions ne sont que d'autres façons de se remémorer (Freud,
1914b). Une étude détaillée de la question du point de vue du temps a mené Scarfone
(2006, 2015) à suggérer qu'en psychanalyse, ce que l'on appelle le « passé » du patient
n’est en réalité jamais vraiment « passé ». Les formes non-déclaratives de la mémoire
motivent activement le patient à la répétition. Même si du point de vue d'une tierce
personne, elles appartiennent à une époque passée, dans l'expérience de la 1ère
personne-même, la « pression » a lieu « maintenant », d'où l'expression « l'impassé ».
Ce qui se répète dans le transfert est une forme de mémoire non encore capturée et
figée dans la catégorie du passé. Sur la base de ses études cliniques, Scarfone (2015)
suggère un supplément aux classes cognitives de la mémoire :
Alors que la psychologie cognitive fait la distinction entre la mémoire
déclarative et la mémoire non-déclarative, la mémoire déclarative étant dotée de sous-
catégories sémantiques, épisodiques et autobiographiques, et la mémoire non-
déclarative ayant des composants procéduraux et affectifs, la psychanalyse doit
s'adresser à chacune de ces formes de mémoire selon qu'elles appartiennent à
l'expérience passée ou impassée. Alors que la mémoire non-déclarative est un bon
locus pour les expériences impassées, il est important de prendre en considération que
toutes ces formes de mémoire peuvent être captives de l'impassé (par exemple oublier
temporairement un nom ou, à l'autre extrême, une mémoire épisodique intrusive
d'événements traumatiques). La nature « située » de l'investigation psychanalytique
implique que toute forme de mémoire puisse être sommée au sein de la relation de
transfert et par conséquent entrer dans un dynamique de l’après-coup plus complexe
que ce que l’on peut observer dans des expériences de laboratoire standardisées.

III. Feb. L’après-coup et le contexte historico-sociétal : la transmission


transgénérationnelle de l'agression destructive
Aux Etats-Unis, Maurice Apprey (1993, 2014) invente les termes « dreams of
urgent, voluntary errands » (« rêves d'errances volontaires urgentes »), « pluperfect
latency » (« latence au plus-que-parfait ») et « pluperfect errands » (« errances au
plus-que-parfait ») pour capturer les retours énigmatiques et inquiétants dans son
travail sur les transmissions transgénérationnelles d'agression destructive, chez les
individus traumatisés et les communautés qui ont enduré des évènements
catastrophiques traumatiques antérieurs (Apprey, 2003).

377
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Ici, le terme « errance » signifie l'idée de l’intentionnalité d'une personne, qui


reviendra à la mémoire ou qui est devenue sienne. Sous-entendue dans l'usage
psychologique du mot « errance » se faufile l'idée qu'il y aurait une « erreur »
potentielle, une « pérégrination », une « méprise » et un « mandat » à réaliser par le
sujet pour un objet interne.
Par référence au retour à soi-même de Claude Romano (2009) ; au fantôme de
Nicolas Abraham (1975) ; au télescopage des générations de Faimberg (2005) ; et aux
traumas choisis et aux gloires choisies de Vamik Volkan (2013), qui capturent les
représentations mentales des mémoires collectives, Apprey (2014) construit une méta-
synthèse mnésique décuplée de toutes les contributions susmentionnées au sujet du
transfert de la mémoire, à partir d'évènements catastrophiquement destructeurs de
l'histoire vers un sens de l'histoire révisée et recontextualisée. 1. Quelque chose est
injectée depuis une source antérieure. 2. Ce pro-jet (« pro-ject ») jusqu'alors injecté
est domicilié dans un endroit accueillant afin d'y être conservé pour une durée
indéterminée. 3. Ce même quelque chose est maintenant suspendu et son transfert
différé. 4. Ce quelque chose devient un projet portant une mission en vue d'une
errance devant être obéie. 5. La mission est accompagnée d'une réception volontaire
urgente. Ce qui est urgent est la mission ancestrale injectée dans le Moi précoce et
inchoatif. Ce qui est volontaire est la révision par le sujet-même de la mission. 6. Le
sujet attend un nouvel objet approprié pour réveiller de nouveau le projet, afin que le
même projet, ou un projet dérivé, puisse retourner en place publique. 7. C'est à ce
moment-là que le sujet aura perdu la trace de qui a envoyé qui, à l'origine. 8. L'actif
et le passif sont maintenant devenus interchangeables. 9. Une voix médiane étant ni
entièrement active ni entièrement passive parle de manière invisible et inaudible. 10.
Par le biais d'un évènement de voix médiane, le sujet revient à lui-même ou à une
quelconque représentation des débuts sous forme de reproduction en spirale de
transfert(s) interminable(s).
Cette taxonomie circulaire suggère que des sédimentations historiques (Husserl,
1977/1948) sont réactivées puis reconfigurées par les volontés transférentielles dont
l’intentionnalité est de bouleverser une errance mortelle, mandatée ou reçue dans
l'arène sereine contemporaine de la situation clinique, par une connexion réciproque et
des corrections réciproques au sein du continuum transféro-contre-transférentiel
(Apprey, 2006). Au-delà des connexions réciproques dans un espace d'analyses en
spirale sans fin de transferts et de champs de référence externes chargés
psychologiquement dans le monde interne, le pli entre l'intérieur et l'extérieur
perdure (Deleuze, 1986/1988).

378
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III. Fec. L’après-coup et l'art

Le processus circulaire bidirectionnel de l’après-coup se révèle dans certaines


œuvres d'artistes sous forme condensée (Marion, 2011) ou au fil du temps (Wilson,
2003).
Paola Marion (2011) décrit la scène d'un rêve condensé dans le tableau de
l’allégorie sacrée de Giovanni Bellini (1430-1514) qui présente et représente « la
multi dimensionnalité du temps, et en particulier une forme spéciale de la temporalité
que nous, psychanalystes, appelons Nachträglichkeit » (p.24). Selon son interprétation,
le tableau de Bellini présente « une forme et une visibilité à la présence contemporaine,
en un unique espace, des lignes temporelles multiples qui se faufilent au travers de
l'espace-même » (p.24.)128.
Laurie Wilson (2003) a étudié la reconstruction d’un instant après coup
transformateur, dans l'œuvre et la vie d'Alberto Giacometti. Après une période
d'inhibition dans son travail, et de miniaturisation compulsive de ses figurines
sculptées, dont de nombreuses furent détruites, le célèbre artiste Alberto Giacometti
(1901-1966), né en Suisse, s'est senti « soudainement » libre, en 1946, de créer des
figurines de taille réelle et de lancer son nouveau style filiforme de l'après-guerre, qui
représente des femmes debout et des hommes en marche. Alors qu'il était encore un
jeune garçon, Giacometti avait vu sa mère, qu'il aimait de manière ambivalente,
émerger d'un état comateux après avoir frôlé de près la mort, à la suite d'une fièvre
typhoïde ayant duré plusieurs mois. Elle était devenue squelettique et ses cheveux
avaient blanchi. L'expérience traumatique infantile non assimilée de l'artiste fut
réactivée en 1946 quand il revint à Paris et rencontra dans son quartier des survivants
des camps de concentration. L'artiste put faire l'expérience du nouveau trauma, celui de
voir des personnes à l'orée de la mort par la fièvre typhoïde et il put se libérer des
défenses obsessionnelles contre sa propre agressivité, qui l'avaient paralysé depuis le
début de la guerre. Giacometti pu constater la différence entre le sadisme réel des
Nazis et ses propres souhaits et fantasmes hostiles. La comparaison des images
effrayantes de sa mère proche de la mort trente-six ans auparavant, qu'il avait gardées
en mémoire, jusqu'à celles de mourants lors de l'après-guerre à Paris, a contribué à
l'assimilation des ces mémoires traumatiques antérieures. La révision rétroactive des
sentiments hostiles envers des membres de sa famille pendant son enfance lui
permettait désormais de les transformer en des icônes de survie sculptées.

128
Citations traduites pour cette édition (N.d.T)

379
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IV. CONCLUSION

Les premières observations de Freud selon lesquelles certaines mémoires ont un


pouvoir traumatique plus élevé quand elles sont remémorées que lorsqu'elles furent
inscrites au départ, l'a conduit à formuler l'une des conceptualisations plus complexes
et non-linéaires, la Nachträglichkeit. Les points de vue rassemblés dans cette entrée
illustrent l'évolution de la conception du traumatisme, à partir d'un évènement
désorganisant de la sexualité infantile, en relation précoce à une nature
élémentairement régressive des pulsions, qui restent longtemps en silence, puis
trouvent leur expression dans un deuxième temps ultérieur. Si le second temps est
qualifié de traumatique, il se révèle après coup que le premier, silencieux, était le
véritable temps de l’évènement traumatique. L'histoire du concept lui-même suit un
processus similaire en deux temps, tel qu'elle le décrit.
En Europe, la psychanalyse de langue française a été dans les premiers rangs de la
renaissance du concept. Lacan fut l'inventeur du terme après-coup pour souligner que
l'opération de l'après-coup n'est jamais terminée : elle entraîne un effet secondaire.
Cela révèle une structure temporelle d'un ordre bien plus élevé que la « rétroaction » ;
notamment, « l'après » attend que « l'avant » ait pu assumer sa place légitime. Les
auteurs analytiques contemporains francophones précisent de manière plus profonde la
dynamique circulaire en spirale de l'émergence-disparition-retour comme formulation
dynamique centrale des aspects constructifs des processus psychanalytiques. La
plupart d'entre eux se sont concentrés sur le travail réalisé par le processus de l'après-
coup sur l'économie traumatique régressive des pulsions, et son but concernant
l'élaboration du désir, de la pensée ainsi que du fonctionnement mental complet. En
effet, le procès de l’après-coup engage toutes les modalités de l'élaboration psychique,
puisqu'il est impliqué principalement dans l'installation complète de la vie érotique et
de la pensée elle-même.
En contraste à la psychanalyse francophone, où les éléments archaïques et le
refoulement primordial sont construits contre l'attirance régressive, selon les
théoristes britanniques des relations objectales à la suite de Klein et Bion, l'angoisse
primitive est déjà là. Dans le contexte des auteurs britanniques contemporains, il
appartient à la psychanalyse de combattre et de transformer de tels sentiments d'effroi,
fragmentaires et désorganisants.
Globalement, en Europe, l'on constate la notion selon laquelle toutes les études
psychanalytiques peuvent être considérées comme des après-coups de ce qui a motivé
le propre travail de Freud, donnant ainsi une nouvelle signification à ses propositions
et un nouveau développement aux aspects jusqu'alors sous-théorisés et non-explorés de
la théorie psychanalytique dans l’œuvre de Freud, l'enrichissant, ce faisant, et la
modifiant dans ses fondamentaux.

380
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Du point de vue de la perspective latino-américaine, sans perdre de vue la


pertinence incontestable des deux cas que l'on considère généralement comme des
paradigmes quand il s'agit de situer le problème de l’après-coup dans les écrits de
Freud : Esquisse d’une psychologie scientifique et « L'homme aux loups », de manière
réitérée, permanente et occasionnellement sournoise. La persistance du concept de
l’après-coup ne devrait pas être négligée, étant donné qu’il représente un code pour la
temporalité unique de l'inconscient.
La notion de l’après-coup est un élément central dans la construction conceptuelle
freudienne, une empreinte liée à la temporalité associée aux lois du processus primaire,
à la causalité, à la logique de l'inconscient, à la sexualité, au refoulement et à la
répétition. En tant qu'opération de la temporalité et moyen de construction de la
signification, l’après-coup peut ne pas apparaitre de manière explicite mais être présent
lorsque le refoulement a lieu, et peut signifier un souvenir là où le souvenir devient un
trauma.
En Amérique du Nord, nombreux sont ceux qui considèrent que l’après-coup
représente la naissance du modèle développemental en psychanalyse, lequel comprend,
de manière complexe, la non-linéarité des contenus inconscients et des processus ; et
qu'il est précurseur du concept de la transformation développementale qui, dans
l'interaction d'éditions variées du trauma et du fantasme inconscient tout au long de la
vie, inclut la bidirectionnalité de la régression et de la progression : la dialectique des
forces sous-jacentes cherchant la symbolisation ainsi que le refoulement et la
répétition.
Selon d'autres composantes de la pensée nord-américaine, la psychanalyse-même
peut se concevoir comme l'étude de l’après-coup des évènements de la vie précoce, par
les multiples réalités inhérentes au cadre psychanalytique, lesquelles (re)construisent
des ponts symboliques entre les évènements traumatiques inassimilés et leur re-
signification et transformation en expériences représentables, un processus qui peut
faciliter la création de nouvelles subjectivités qualitativement parlant et l'expansion de
signification, couvrant toute génération.
Globalement, dans l'exposition contemporaine nord-américaine, les deux vecteurs
temporels de l’après-coup : le temps différé et le temps de la retranscription/re-
signification rétroactive sont jugés complémentaires et correspondant à la dialectique
aussi bien des processus (multi) déterministes reconstructifs et constructifs
psychanalytiques qu'herméneutiques.
Parmi les références interdisciplinaires contemporaines, les neurosciences
contemporaines mettent en relief le fait que la mémoire, sous toutes ses formes, est un
système vivant qui se reconfigure par le biais du dialogue psychanalytique. Dans cette
opération de reconfiguration, la neurobiologie et la psychanalyse endossent ce
dynamisme actif et la nature vivante de la mémoire. Dans le contexte de l’après-coup

381
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la psychopathologie devient une perturbation de la reconfiguration de la mémoire ; la


psychanalyse favorisant la construction et l'intégration de nouvelles expériences. Ainsi
elle renverse l'urgence péremptoire de répéter des engrammes rigides et perturbés qui
compromettent la structure même de la mémoire et l'intégrité du Moi, et la fluidité
dynamique de la structure psychique dans sa globalité.
De nombreux auteurs ont démontré et souligné, dans le monde entier, l'importance
du concept de l’après-coup dans l'œuvre entière de Freud (Eickhoff 2006). B. Chervet
fit la remarque que Freud avait cessé d'utiliser les mots Nachträglichkeit et
nachträglich en 1917, avec quelques exceptions mineures, en faveur du procès en deux
temps et la valeur de l’élaboration psychique dans le domaine de la voie regrédiente et
la voie progrédiente. Des deux côtés de l'océan atlantique, à la suite d’une période de
« latence conceptuelle » et la récupération par Lacan du concept, la Nachträglichkeit
freudienne connut une élaboration plus poussée, un raffinement et une transformation
de complexité accrue. Il est devenu l'un des concepts de base d'une théorie de la pensée
comportant la temporalité, la causalité, la mémoire, le trauma, les représentations, les
affects, la sexualité et la sensualité érotogène.

Voir aussi :
ÉNACTION (L’)

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389
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Contributeurs régionaux :

Amérique du Nord : Maurice Apprey, Ph.D., Adrienne Harris, Ph.D., Eva Papiasvili,
Ph.D., Dominique Scarfone, M.D. et Laurie Wilson, Ph.D.

Amérique latine : Victoria Korin, Dra.

Europe: Bernard Chervet, Dr. Dipl.Psych.

Co-chaire interrégionale de coordination : Arne Jemstedt, M.D.

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conditions.

Traduction : Corinne O’Connor ; Edition : Caroline Williamson

390
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SELF (LE)
Entrée tri-régionale
Conseil éditorial interrégional : Gary Schlesinger (Amérique du Nord),
Rafael Groisman (Amérique Latine) et Sandra Maestro (Europe)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)

I. INTRODUCTION ET DÉFINITION INTRODUCTIVE

Selon le philosophe Charles Taylor, le « self » est un phénomène moderne que


la culture occidentale a introduit (Taylor, 1989. p. 304). Il affirme que l'usage du
terme self pour décrire une personne à la fois dotée de volontés autonomes et
relationnelles reflète une focalisation sur sa propre subjectivité, avec ses dimensions
« intérieures » ainsi que « communitariennes ». Dans la mesure où la psychanalyse
peut être considérée comme une étude approfondie de la subjectivité humaine, le self
reste un concept central, bien qu'il soit insaisissable, ambigu et controversé.
L'hétérodoxie conceptuelle est évidente dans les dictionnaires
psychanalytiques récents, ainsi que les définitions du concept, sur les trois continents
psychanalytiques.
En Amérique du Nord, Auchincloss et Samberg (2012) rappellent que les
psychanalystes ont utilisé le terme « self » pour décrire tout un ensemble varié de
phénomènes, tels que : 1) la personne tout entière dans le monde externe, dont son
propre corps et esprit ; 2) l'expérience subjective organisée autour du « je » ; 3) la
représentation ou un ensemble de représentations dans le Moi ; 4) un fantasme du soi,
qui représente le sujet s'imaginant dans un rôle majeur sous des aspects émotionnels
et interactifs variés : et 5) dans la perspective de la « self psychology », un noyau
psychique personnel qui gouverne l'expérience et l'action.
En Europe, Skelton (2006) souligne en outre l'aspect du self comme
fondement de la complétude psychologique qui éloigne la psyché de l'effondrement,
qui englobe la totalité des systèmes du conscient et de l'inconscient de la perspective
jungienne ; et le self en qualité de « sujet », « d'objet » et du projet de « l'être-là »
(« project of being ») dans la perspective métapsychologique existentielle.
En Amérique latine, là où aucune entrée pour le « self » n'est proposée par les
dictionnaires régionaux contemporains, des catégorisations variées de modèles
existants sont apparues, telles que le self en tant que sous-système du « je », le self
dans le sens de structure, de « self-personne » et le modèle du self sur la base de
l'expérience subjective (Montero, 2005). De plus, les conceptualisations originales,

391
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telles que le « lien au self » (self-link) et le « self lié » (linked self) qui illustrent les
aspects relationnels de liaison entre représentations de soi et d'objet, et qui, dans leur
version étendue, comprennent également la formation interne inconsciente du groupe,
ont occupé une place importante dans l'identité psychanalytique latino-américaine
(Pichon Rivière, 1971 ; Arbiser, 2013 ; Losso, Setton et Scharff, 2017).
En ce qui concerne la question de style dans cette entrée-ci, le « Self » peut
apparaître différemment selon le contexte, soit comme « Self » ou parfois « self »,
pour préserver la terminologie précise d'un auteur ou d'une région.

II. TERMINOLOGIE, TRADUISIBILITÉ, FONDEMENTS SOCIO-


CULTURELS ET PHILOSOPHIQUES

Les divergences qui existent dans les conceptualisations du « self » reflètent


souvent des cadres de référence différents, des niveaux différents de discours et des
traductions divergentes entre les langues, provenant de différents héritages socio-
culturels.
Dans son usage familier, la référence au self, n'étant pas en général
directement traduisible, est, du point de vue phénoménologique, utilisée dans son sens
introspectif : la réflexion personnelle (self-reflection), la conscience de soi (self-
awareness) ou l’autocritique (self-criticism). De plus, de nombreuses langues ont
également en interne des formes spécifiques de mots composés pour le soin porté à
soi (self-care), dans le sens de prendre soin de soi ; l'affirmation de soi (self-
assertion) ; l'auto-épanouissement (self-expansion), qui soulignent le caractère unique
de sa propre voix, sa propre gouvernance et sa propre intention.
Le mot allemand « Selbst » et anglais « Self » impliquent la substantivité
illusoire, qui n'a aucune équivalence exacte dans les langues latines (français, italien,
espagnol et portugais). Cependant, toutes les langues indo-européennes emploient
d'autres moyens pour représenter la réflexivité, la réflexion et la similitude, parties
essentielles du vocabulaire de l'être soi : cet être essentiel d'une personne qui le
distingue l'un de l'autre, lequel est particulièrement considéré comme objet
d'introspection ou d'action réflexive ou réfléchie. Par exemple, le mot français
« même », l'italien « stesso », l'espagnol « mismo » sont des composés de l'être-soi
(selfhood) : myself, yourself, him/herself (moi-même, toi-même, soi-même) ; me
stesso, se stesso (moi-même, soi-même) ; yo mismo (moi-même), etc. De plus, toutes
les langues donnent la parole à la réflectivité dans la structure grammaticale de la
phrase, en ce qu'elles donnent au sujet parlant sa propre gouvernance/voix/intention.
Mais à l'autre extrémité de ce large spectre figurent d'autres construits abstraits
provenant de la philosophie, de différentes disciplines parmi les sciences humaines,

392
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de la littérature, de la psychologie académique développementale, ainsi que des


neurosciences.
Dans le domaine de la psychanalyse, cet éventail couvre la dimension des
conceptualisations phénoménologiques « proches du vécu » (experience-near)
jusqu'aux construits des différents cadres psychanalytiques.
Probablement plus que tout autre concept psychanalytique, le « self » reflète
les ambiguïtés et les dilemmes de l'histoire de la pensée humaine, qui sont articulées
dans les problématiques scientifiques tout autant que dans la littérature, la culture
populaire et le langage.
Le patrimoine philosophique et culturel divergent, qui désigne, souvent de
manière différente et contradictoire, qu'une « personne-soi » (person-self) existe dans
des relations différentes, au sein d'un environnement global, social, linguistique et
culturel se retrouve dans les auteurs tels que Platon et Socrate, Aristote, Sophocle,
Augustin, Dante, Shakespeare, Montaigne, Descartes, Locke, Hume, Leibniz,
Spinoza, Hegel, Husserl, Heidegger, Marx, James, Sartre, Dickinson, Saussure,
Brentano, Bakhtine, Foucault, Adorno et Taylor, entre autres.

II. A. Fondements philosophiques


Toutes les grandes orientations psychanalytiques, avec leurs positionnements
souvent contrastés sur le concept du self, reflètent des questions philosophiques
traditionnelles, notamment celle du soi « homunculaire », interne à la conscience,
l'isolement du sujet par rapport aux autres soi, ainsi que les origines intersubjectives
du soi.
Parmi ces questions, nous avons par exemple la ligne conceptuelle du « self' »,
en commençant par les dialogues de Platon (et de Socrate) ; les traités d’Aristote sur
la psychologie, la politique et la poétique ; les Confessions d’Augustin, avec ses thèses
néoplatoniciennes de la dépendance infantile de l’homme sur l’omnipotence
transcendantale de l’Être/Dieu ; La dialectique du Maître et de l'Esclave de Hegel, qui
forme le fondement de la philosophie empirique écossaise/anglaise de Bacon, Hume,
Locke et autres auteurs, pour qui la personne-soi (person-self) existe dans des
relations différentes dans une contexte plus large de la culture et de la nature ; jusqu’à
la primauté des relations d’objet de Fairbairn dans le développement et la pathologie ;
et l’usage de l’objet du « self » de Winnicott. Par ailleurs, nous avons les racines
intersubjectives de la formation de la structure, avec les liens relatifs au « silence dans
la rencontre » de Lacan, les « soi-objets » (self-objects) et le « transfert du soi-objet »
(self-object transference), différemment conceptualisés, de Kohut, ainsi qu’un
éventail de théories psychanalytiques intersubjectives et relationnelles sur tous les
continents psychanalytiques (voir l’entrée INTERSUBJECTIVITE [L’]), toutes
compatibles à différents degrés avec les philosophes modernes tels que Marcuse,
Foucault, Heidegger et MacIntyre qui se basent sur les théories de la relativité et des

393
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relations interpersonnelles. La tentative de Bakhtine (1929/1984) visant à réconcilier


le soi autonome « inachevé » et « inachevable » et le soi en relation à/aux (l')autre(s)
par le biais de sa « polyphonie » et de son « carnaval », donnant lieu à un dialogue
interne et externe authentique, les stades de « l'être-soi » de Ricoeur dans Soi-même
comme un autre (Oneself as Another, (1986/1990/1992) et la projection de l'altérité
stéréotypique par une culture (un « nous ») sur une autre (un « eux »), dans
l'Orientalisme de Saïd (1978), appartient à cette belle ligne de pensée philosophique,
laquelle s'applique à la littérature, à l'art et à des contextes socio-culturels larges.
Dans un autre exemple, l'allégorie de la caverne de Platon qui tend à
objectiver la raison par rapport à l'incomplétude de la connaissance par les sens, se
poursuit avec le rationalisme du noyau autoréflexif d'un self unifié, selon Descartes
« une substance [...] un ‘je’ [...] l'âme par laquelle je suis qui je suis » (Cottingham,
1986, p. 115)129 ; la métaphysique du principe intérieur d'unité de Berkeley « imposé
aux sens par l'esprit » (Kirshner, 1991, p. 162) 130 ; la théorie de la « vérité-
correspondance » de Kant et sa théorie subjectiviste de la connaissance, où la réalité
de la « chose en soi » ne peut s'appréhender directement, mais uniquement de la
manière dont elle est constituée, plus ou moins correctement, dans l’esprit (en écho à
la théorie des Formes de Platon), à laquelle Freud fit référence dans le contexte de
l'incapacité de l'esprit conscient à connaitre sa propre réalité et qui fut étendue dans
les théories de l’ego psychology du monde représentationnel du self et de l’objet.
La reconnaissance de la fonction cruciale de la mémoire en ce qu'elle constitue
l'identité du « self' » commence par Aristote, et continue avec Hume qui anticipe, de
manières différentes, aussi bien Freud que Kohut. Hume, incapable de trouver une
unique conception du self, met en évidence le « flux » et le « mouvement perpétuel »
émotionnel, sensoriel et perceptuel (Hume 1787) et postule que le self se base sur une
unification illusoire appliquée à l'expérience interne. Du point de vue des perspectives
différentes, le rationalisme de Descartes et l'empirisme de Hume, ainsi que plus tard
Hartmann, peuvent paraitre mécaniques et ils n'échappent pas au problème du self
« homunculaire ». Alors que certaines furent précurseurs de la formulation freudienne
de l'inconscient (Freud 1915), dont les divisions complexes du sujet dans les modèles
topographiques et structurels pour résoudre les différences existantes entre
philosophes sur l'identité du self, d'autres (Winnicott, Sartre, Lacan) recherchaient des
nouvelles solutions.
Selon Hegel, l’expérience d'un self requiert un engagement vis-à-vis d'un autre
sujet (Kirshner 1991), et sa représentation de l'aliénation du sujet dans la rencontre
trouve sa descendance directe dans l'existentialisme de Sartre et de Heidegger, chez
Lacan et de manière différente, Winnicott.
Dans sa quête du sujet humain contemporain, la philosophie française du 20ème
siècle, en particulier, s'est engagée dans une conversation au long cours avec la

129
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
130
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.

394
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psychanalyse. Les écrits de Foucault sur « le souci de soi », sur « l'herméneutique du


sujet » et sur le « le gouvernement de soi et des autres » proposent un regard nouveau
de l'éthique, qui serait une relation du soi à soi-même en termes de sa propre
gouvernance morale, laquelle est elle-même la conséquence d'une activité qu'elle
engendre elle-même, la « subjectivation », un terme que les psychanalystes français
empruntèrent plus tard. Dans ce contexte, le souci de soi se comprend en termes de la
transformation de soi dans une existence florissante. L'ouvrage de Bachelard
(1938/64) La Psychanalyse du feu présente une exploration poétique de différents
complexes primaires autour de la mythologie du feu, qui se fonde sur le rêve, la
rêverie, le rêve éveillé et l'image poétique où le « non-je » du rêveur est dans un
ludique dialogue de rêve interne avec le « je » du rêveur. C'est ainsi que la rêverie
remplace l'inhibition et la censure. Selon L'Être et le Néant de Sartre (1943/1992), le
sujet se définit non pas par une structure mais un projet fondamental de l'existence : le
projet remplace le complexe.
Les philosophes français, en particulier, considèrent que la formulation
psychanalytique de la métapsychologie de l'inconscient de Freud est une nouvelle
proposition radicale du sujet.
Avec l'idée d'un inconscient dynamique, s'ajoute la notion du sujet humain étant plus
vaste que la conscience (il contient la conscience mais n'y est pas restreint), qui y
concentre des forces créatives décentrées. Cependant, les objectifs en commun sont
poursuivis de différentes manières : le dialogue intense entre la philosophie et la
psychanalyse est caractérisé non seulement par la complicité et l'admiration mais
aussi par la rivalité et la compétition.
Ces dialogues sur plusieurs niveaux et facettes prolifèrent dans les nombreuses
orientations psychanalytiques de la culture psychanalytique sur tous les continents.
Les formes qu'ils prennent dépendent souvent des questions relatives à la traduisibilité
des termes et de leur sens.

II. B. La terminologie initiale de Freud et la traduisibilité du terme « Self' » du


point de vue de l'Amérique du nord et de l'Europe
Un certain nombre de perspectives (Gammelgaard, 2003 ; Kelen, 1990 ;
Kernberg, 1982 ; Laplanche et Pontalis, 1973 ; Kohut, 1971 ; Winnicott, 1960 ;
Grinberg, 1966) démontre que l'origine de l'introduction et du développement du
concept en psychanalyse du self peut se retracer au développement conceptuel, à la
complexité terminologique et à l'ambiguïté autour du « je/moi ».
Bien que la tradition en philosophie et en psychiatrie dicte depuis longtemps
que le terme allemand « Ich » soit traduit par « Moi » (« Ego » en anglais) (Meynert,
1885 ; Solms, 2019), certains auteurs ont objecté sur l'utilité de cette pratique, suivie

395
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par le Standard Edition de Strachey131 pour la psychanalyse, et particulièrement en ce


qui concerne la complexité et l'ambiguïté du terme freudien Ich.
Freud utilisait « Ich » (« I » en anglais, « je » en français), ce que Strachey
avait traduit par « ego » pour signifier aussi bien la structure mentale et l’instance
psychique que le « soi » (« self ») expérientiel subjectif et plus personnel.
Ainsi, il ne séparait pas le « moi » (« ego ») métapsychologique du « soi »
(« self ») expérientiel. Certains auteurs contemporains qui comparent la version
initiale allemande et la traduction de Strachey (Kernberg, 1982 ; Laplanche et
Pontalis, 1973 ; Gammelgaard, 2003) considèrent que l'ambiguïté du concept « Ich »
de Freud est une force plutôt qu'une faiblesse, car elle exprime la richesse de la
tension interne entre l'expérientiel-subjectif et les propriétés d'auto-réflectivité-
objectivantes du concept Ich/Moi. Selon leur point de vue, l'évolution terminologique
de « Ich » au « Moi » (« ego ») de Strachey vise la constance, mais au détriment de la
terminologie de Freud : son aspect double s'y perd.
Dans certains cas, Freud (1930a,b) assimile le self avec « je ». Dans l'ouvrage
Malaise dans la civilisation, il utilise le terme « Selbst » pour « Self » ainsi que
« Ich » dans une même phrase. Par exemple, dans l'original en allemand :
« Normalerweise ist uns nichts gesicherter als das Gefühl unseres Selbst, unseres
eigenen Ichs. » (Freud 1930b, p. 423). La traduction en anglais de Strachey se lit
ainsi : « Normally, there is nothing of which we are more certain than the feeling of
our self, of our own ego. » (Freud, 1930a, p. 65)132.
Par ailleurs, pour Freud, le soi équivaut à la personne entière. Dans ses écrits
au sujet du Ich malade (Freud 1940a,b), il écrit que : « Das kranke Ich verspricht uns
vollste Aufrichtigkeit, […] wir sichern ihm strengste Diskretion […] » (Freud 1940a,
p. 98). La traduction en anglais de Strachey se lit ainsi : « The sick ego promises us
the most complete candour […] we assure the patient of the strictest discretion133
[…] » (Freud 1940b, p. 173).
Une autre page dans l’Abrégé de psychanalyse, décrit le self comme un aspect
de Je, lorsque Freud précise : « […] wenn das Ich einer Versuchung erfolgreich
widerstanden hat, etwas zu tun, was dem Überich anstössig ware, fühlt es sich in
seinem Selbstgefühl gehoben […] » (Freud 1940a, p. 137). Dans la traduction
anglaise de Strachey, nous avons : « […] if the ego has successfully resisted a

131
N.d.T. « The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud », des
œuvres de Freud liées à la psychanalyse est la traduction de l'allemand en anglais, sous la direction
éditoriale de James Strachey, en collaboration avec Anna Freud et avec l'assistance d'Alix Strachey et
d'Alan Tyson.
132
N.d.T. Citation en version anglaise traduite par « […] normalement, rien n'est plus stable en nous
que le sentiment de nous-mêmes, de notre propre Moi. » (Revue française de Psychanalyse, t. VII, n° 4,
1934, p. 692, et t. XXXIV, nº I, 1970, p. 9)
133
Citation en version anglaise traduite par : « Le moi malade du patient nous promet une franchise
totale, […] De notre côté, nous lui assurons la plus stricte discrétion... » (Freud S., 1938, Abrégé de
psychanalyse, Paris, PUF, 1992, p.41).

396
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temptation to do something which would be objectionable to the superego, it feels


raised in its self-esteem134 » (Freud 1940b, p206).
Dans le même texte (Freud 1940a, b), résumant les idées explicitées dans ses
écrits précédents (Freud 1914), Freud fait un contraste entre Ichliebe et Objektliebe
(Freud 1940a, p.71), visiblement l'amour de soi (self-love) en contraste à l'amour
d’objet (object-love). La traduction anglaise de Strachey donne cette interprétation
« the contrast between ego-love and object-love » (Freud 1940b, p.148)135.
Cette traduction, qui rend l'ambiguïté confuse, pourrait avoir influencé à ce
que Hartmann la corrige par la séparation conceptuelle progressive du Moi par
rapport au self, et du self aux représentations de soi (self-representations), une
séparation qui, bien qu'elle soit responsable d'autres développements conceptuels,
pourrait avoir en même temps complexifié la démarche de conceptualisation des
relations entre les fonctions du Moi impersonnelles d'une part et la subjectivité,
d'autre part. Selon Kernberg (1982, p. 898), cette stricte délimitation pourrait avoir
contribué au retrait du self de la métapsychologie, et ce faisant l'appauvrir, pour ainsi
en faire presque un concept « de bon sens » (Moore et Fine 1968, p. 88). Malgré cette
tendance, les auteurs postfreudiens nord-américains se sont efforcés d'élaborer le
caractère double du « Ich » : « Je/ « I » et « Moi » / « Ego » (Jacobson, 1964, Mahler,
1979, Kernberg, 1982).
Dans la même veine, Laplanche (Laplanche et Pontalis 1973, p. 131) regrette
cette perte d'une vraie contribution freudienne dans l'usage ambigu et complexe, par
Freud, du Ich, que ce dernier utilisait pour effectuer l'interaction sur de nombreux
niveaux de juxtaposition de l'organisme et de l'environnement, du sujet et de l'objet,
de l'interne et de l'externe, etc.
Dans un angle quelque peu similaire, bien que différent, Bettelheim (1984)
critique la traduction de Strachey, qui privilégie une terminologie latinisée,
scientifiquement exacte et abstraite pour remplacer les connotations métaphoriques,
humanistes liées à l'âme du « psychische Behandlung (Seelenbehandlung) » de Freud,
ou du « traitement de la psyché (âme) » par « psychical (or mental) treatment » dans
la version anglaise de Strachey (Freud, 1890a, p. 289 ; Freud, 1890b, p.283) 136 .
Globalement, Bettleheim dénonce comment le mot « Seele » (« âme » ou « soul » en
anglais), avec ses notions associées à une vie spirituelle et à une lutte de caractère trop
humaine, semble avoir été écarté du travail de Freud dans les traductions pour être
remplacé par « esprit » (« Geist » en allemand ou « mind » en anglais) (Bettleheim
984, p. 70-71).

134
Citation en version anglaise traduite par : « quand le moi a pu résister à la tentation de commettre
une action réprouvée par le surmoi, son amour-propre s'en trouve flatté et sa fierté s'accroît, comme s'il
avait réalisé quelque gain précieux. » (Freud S., 1938, Abrégé de psychanalyse, Paris, PUF, 1992).
135
Citation en version anglaise traduite par : [les instincts, opposés l'un à l'autre, de conservation de soi
et de conservation de l'espèce], ainsi que ceux, également contraires, d'amour de soi et d'amour
objectal » (Freud S., 1938, Abrégé de psychanalyse, Paris, PUF, 1992).
136
N.d.T. Traduite en français par « le traitement psychique ».

397
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Alors que la traduction française de l'opus freudien Œuvres Complètes de


Freud/Psychanalyse – OCF/P » (1989-2015) ait préservé l'ambiguïté du Ich, en le
traduisant pour la plupart par « le moi » (forme tonique de ‘I’), c'est-à-dire subjectif,
bien plus un self que la créature défensive du Moi de l’ego psychology pour
commencer, elle rencontre ses propres difficultés quand il s'agit de traduire « self' » en
français, c'est-à-dire sans que le « je » (de « I ») soit évoqué ; le traducteur de
Winnicott ayant déclaré que le « self » était essentiellement intraduisible en français.
Généralement et de façons différentes, ni « ego » ni « le moi » ne représente
l'équivalent de l'allemand « Ich ». Alors qu'en psychanalyse de langue anglaise il y a
un besoin accru de développer le concept de « self » pour théoriser et rendre compte
de la subjectivité manquante dans le Moi (« ego »), il y a dans la psychanalyse
française un besoin moindre pour un tel développement du self, car « le moi » est déjà
imprégné du self.

II. Considérations étymologiques, terminologiques et de traduction : La


perspective latino-américaine
Alors que le terme « self » (qui suggère une substantivité illusoire) est
essentiellement intraduisible en espagnol ou en portugais en un seul mot, le terme est
fréquemment traduit par « sí mismo » (« soi-meme » ou « soi »). Par exemple, les
références à la self psychology de Kohut sont parfois traduites par la « psicología del
sí mismo », or directement par « la self psychology ».
Selon le dictionnaire Collins (2018), self' se traduit en espagnol par « uno
mismo » (pour un homme), or « una misma » (pour une femme), mais aussi par « el
yo » (équivalent au « I » anglais, ou le « je » français).
D'autres traductions de « self » par « mismo » (« same » en anglais ou
« même » en français) soulignent la relation de ce concept à celui de l'identité.
L'adjectif espagnol apparenté « mismidad » désigne la « similitude »
(« sameness » en anglais). Selon le Diccionario de filosofia abreviado ([Dictionnaire
abrégé de philosophie] Mora, (2008), « Mismidad » signifie : 1. La condition d'être
soi-même (oneself) ; 2. Ce que pour quoi l'un est soi. 3. L'identité personnelle.
De plus, « Self », dit « yo » en espagnol, est aussi « je » (« I »), et donc le Ich
freudien (Ego/Moi). En fait, le terme « yo » a une étymologie latine distincte, étant
une variante du latin classique populaire « Eo », lequel est aussi une simplification du
mot en latin classique « Ego ». Le terme portugais « eu » (« I » / »je ») a la même
origine étymologique.
Selon le dictionnaire de l'Académie royale espagnole (2018), « yo » est un
pronom personnel ; 1. Il désigne la personne qui parle ou qui écrit (l'équivalent de
« I » / « je ») ; 2. Du point de vue de la perspective philosophique, il se réfère au sujet
humain en tant que personne ; 3. Du point de vue de la perspective psychologique, il

398
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se réfère à la partie consciente de l'individu, par laquelle chaque personne prend


charge de sa propre identité et de sa relation avec l'environnement.
En espagnol, « yo » signifie l'être-soi (selfhood), similitude/ressemblance
(opposé de l'altérité) ; il est aussi utilisé pour signifier la personne entière.
Selon le dictionnaire Sensagent (2018), « yo » du point de vue de la
perspective psychologique, est : La partie consciente de la personnalité, le siège de la
perception et du centre subjectif de l'expérience affective et intellectuelle. Du point de
vue de la personne, elle constitue la représentation de sa propre identité : une
distinction entre le monde externe et le self.
Selon le dictionnaire de Cambridge (2018) en espagnol, « yo » peut aussi se
traduire par « je » (« I ») et « moi137 » (« me ».)
Une situation semblable se présente en portugais (Dicionario Priberam 2008-
2013), puisque « eu » (« je » / « I » / « yo ») en qualité de pronom personnel
correspond à 1. « Ma personne » (formelle et informelle) ; et 2. L'être conscient, la
conscience.
Il s'ensuit donc que les termes « yo » et « Self » sont, dans leur sens, imbriqués
de même qu'en anglais pour « I » (« je ») et « self » (« soi »). En outre, la relation
étroite entre le « yo » espagnol (ou le portugais « eu ») d'une part, et sa propre
subjectivité, d'autre part, pourrait expliquer au moins en partie la moindre nécessité,
dans la région latino-américaine, d'utiliser le terme Self dans les études en lien à sa
propre subjectivité. En effet, une recherche bibliographique large effectuée par la base
de données de l'Association Psychanalytique d'Argentine sur les publications
psychanalytiques du pays, a démontré que l'usage du terme « yo » est trois fois plus
fréquent que les références au terme « Self ». Une perspective psychanalytique
approfondie sur l'étymologie et la sémantique du terme Self, par Grinberg et al. (1966)
sera présentée dans la section relative aux développements latino-américains (ci-
dessous).

III. ÉVOLUTION DU CONCEPT

III. A. Racines pré-analytiques : William James


Dans son ouvrage Principles of Psychology (Principes de psychologie), James
(1890/92) avait entrepris une étude approfondie du self, dans la prime jeunesse de la
psychologie phénoménologique expérimentale universitaire. Il y postule l'existence de
trois « moi empiriques » (empirical selves) : le moi matériel (corps) ; le moi social et

137
N.d.T. « moi » ici signifiant le pronom personnel.

399
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le moi spirituel, et le construit théorique du « pur Ego » (Pure Ego). Chacun de ces
moi empiriques est capable de susciter des sentiments et des émotions qu'il appelle
« sentiments du moi » (Self-feelings) et chacun d'eux est capable d'inciter une action
de « quête de soi » (Self-seeking) et de « conservation de soi » (Self-preservation).
James confirme également les conflits entre les différents moi expérientiels, qui sous-
entendent des besoins en conflit. Le « pur Ego » est un construit théorique, qui
consiste en une identité personnelle et d'un pur soi (Self) d'unité personnelle.

III. B. Les premières racines psychanalytiques


Des précurseurs variés du concept du Self sont déjà présents de manières
différentes en Freud, Ferenczi et Klein.

III. Ba. Racines chez Sigmund Freud


Pour Freud, « das Ich » (que Strachey a traduit par « the ego » (le Moi) plutôt
que « the I » (« le Je ») fait référence à une instance psychique ainsi qu'à une
expérience subjective. Alors que dans la version allemande initiale cet aspect double
du « Ich » semble indiquer une caractéristique importante, la traduction anglaise de
Strachey, ainsi que l'évolution terminologique de « Je » (« I ») à « Moi » (« ego ») a
déclenché le besoin de distinguer plus clairement les propensions du Moi en tant que
structure et instance psychique du self expérientiel phénoménologique (voir ci-
dessus). Tout au long de son opus, Freud maintient cette dualité dans « Ich », parfois
en mettant le self sur un pied d'égalité avec le Ich, et parfois la personne entière, et
d'autres fois encore avec un aspect particulier du Ich.
Dans sa forme dérivée, le self (Selbst) apparait d'abord dans les premières
théories de Freud, mettant en place l'antithèse entre les instincts sexuels et d'auto-
préservation : « […] unterscheiden wir auch in der Psychoanalyse die
Selbsterhaltungs- oder Ich-Triebe von den Sexualtrieben », en anglais : « […] in
psycho-analysis too we make a distinction between the self-preservative or ego-
instincts on the one hand and the sexual instincts on the other138 » (Freud, 1917a. p. 4;
Freud 1917b, p.137).
Alors que Freud mettait l'accent sur un esprit (à l'origine
« Seele » / âme / psyché) divisé et jusqu'à un certain point influencé par des pulsions
inconscientes, la vision d'un self distinct du Moi n'était pas son objectif. Une manière
dont Freud s'efforçait de se pencher sur ce que les psychanalystes aujourd'hui pourrait
considérer être de l'auto-expérience (self-experience), se situait par le biais de sa
théorie du narcissisme. Dans son article « Pour introduire le narcissisme » (1914),
Freud utilise ce concept pour expliquer des phénomènes tels que l'omnipotence, la

138
N.d.T. Traduction française : « […] nous séparons de même en psychanalyse les instincts de
conservation, ou du moi, des instincts sexuels ». (Freud, 1917).

400
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grandiosité, l'idéalisation et les choix d'objet narcissiques. Alors que Freud concevait
que l'objet d'amour était un but développemental, selon lui le narcissisme était ce à
quoi l'enfant avait besoin de s'échapper. En présage cependant à certaines découvertes
de la self psychology, Freud en vint à considérer que le pouvoir permanent du
narcissisme de l'enfant est lié au maintien de l'estime de soi, qui se développe par
l'accomplissement des idéaux du Moi, par l'amour porté à l'autre qui détient les
qualités propres à cet idéal, ou en étant aimé. Dans « Pour introduire le narcissisme »,
Freud indique, parmi les choix d'objet « selon le type narcissique [...] ce que l’on a été
soi-même » (1914, p.90), une manière entre autres d'amener l'être humain au choix de
l'objet (les « voies menant au choix d’objet », ibid.). Ainsi, « le malade se dérobe
maintenant à la poursuite du traitement pour faire un choix amoureux » (ibid, p.101).
Dans les années 1930, le terme Self réapparait de nouveau comme l'équivalent du
Moi, lorsque Freud, comme indiqué ci-dessus, considère que : « Normalement, rien
n'est plus stable en nous que le sentiment de nous-mêmes, de notre propre Moi. »
(Freud, 1930a, p. 65).
En affirmant qu'en plaçant l'objet à l'intérieur du Moi, par l'introjection,
l'incorporation et l'identification, « le caractère du moi résulte de la sédimentation des
investissements d'objets abandonnés », Freud (1923, p.29) semblait indiquer que ce
que les théoriciens ultérieurs appelleraient le « self » se développe par le
remplacement progressif des aspirations libidinales de l'enfant pour ses parents, avec
les identifications. Ceci rentre en résonance avec les articles précédents « Pour
introduire le narcissisme » (Freud, 1914) et « Deuil et mélancolie » (Freud, 1917).
Ainsi, le concept d'identification donne un lien entre le monde intrapsychique et
interpersonnel de l'enfant. L'identification permettait également à la « réalité » de
jouer un rôle majeur dans le développement de soi, ouvrant la voie aux écoles
postfreudiennes et aux conceptualisations du Self et son développement dans l’ego
psychology, notamment de l’école britannique et de l’école nord-américaine de la
relation d'objet, la Self psychology et dans les perspectives relationnelles-
interpersonnelles.

III. Bb. Racines chez Sándor Ferenczi


Précurseur de la psychanalyse relationnelle/interpersonnelle, Ferenczi (1913 ;
1929 ; 1932/1949) se détache de Freud en raison de leurs différences au sujet du rôle
que la réalité traumatisante joue dans le développement de la psychopathologie. Pour
Ferenczi, l'expérience traumatique est généralement induite à l'enfant par des
personnes malveillantes. Il considère que la pathologie qui en découle provient d'un
« clivage du moi (self) » (dissociation) qui sert à protéger l'enfant de pensées et de
sentiments insoutenables. Cette vision du traumatisme qui génère une
psychopathologie dissociative, que certains percevaient comme une élaboration de
l'hypothèse de séduction que Freud avait proposée en 1896, est remarquablement
proche des théories relationnelles contemporaines de Bromberg et Stern. C'est à

401
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Ferenczi qu'est imputé d'avoir présagé la self psychology, pour son insistance sur le
rôle pivot de l'empathie des figures parentales dans le développement d'un rapport à
soi sain. Globalement, Ferenczi considérait que les pathologies du self provenaient
des échecs d'empathie, desquels les plus extrêmes disposent au traumatisme.

III. Bc. Racines chez Mélanie Klein


Alors que Klein considère que les pulsions primitives, étant constitutives des
aspirations préœdipiennes et œdipiennes, sont d'importance fondamentale dans le
processus développemental précoce formatif, elle avait une préférence pour le terme
« ego » (Moi), plutôt que « self » (soi) et en percevait l'évolution dans le cadre de sa
fonction inconsciente générale de potentiellement annihiler l'agressivité. Puisque son
« ego/self » est principalement inconscient et essentiellement impliqué dans le
contrôle des pulsions (drives), il n'a que peu de rapport avec la notion d'un self
organisé autour d'une expérience subjective. Bien que dans des écrits antérieurs, Klein
avait tendance à utiliser les termes « ego » (Moi) et « self » (soi) de manière
interchangeable, plus tard elle soutient que, « Le soi couvre l’ensemble de la
personnalité et comprend non seulement le moi mais toute la vie pulsionnelle que
Freud a désignée par le terme de ça. » (Klein, 1959/1984, p. 249, italiques de
l’auteur). Le Moi donc se délimite à la partie organisée du soi.
Se référant à l'article de Freud, « Du masochisme » (Freud 1924), Klein
précise les fondements de la crainte de l'annihilation en ces termes : « La menace pour
la personne de la part de la pulsion de mort qui agit à l’intérieur d’elle-même est liée
aux dangers qu’elle appréhende de la part de la mère et du père intériorisés et
dévorants, et culmine dans la peur de la mort. » (Klein 1948), p.117). Les positions
schizo-paranoïde et dépressive décrivent les moyens fondamentaux par lesquels
l'amour et la haine, avec le soi et l'objet, sont traités dans le développement du monde
interne. (Auchincloss et Samberg 2012, p. 232). Klein (1940) considère que la
position dépressive est dominée par les angoisses vis-à-vis de l'objet, alors que la
position précédente schizo-paranoïde était dominée par les angoisses au sujet du soi.
Pour Klein, la formation d'un rapport à soi stable et résilient dépend de la capacité à
contrôler l'affect par la réussite de la position dépressive (Klein, 1946). Ainsi, la
position dépressive sous-tend la capacité de choisir, ce qui semblerait être une
caractéristique essentielle de la maturation du moi (self).
Généralement, Klein fait un usage large du terme, qu'elle utilise de manière
interchangeable avec le terme « Moi » (« Ego »). Cependant, une distinction nuancée
entre le moi et le soi (self) peut se discerner puisque que le terme « moi » (« ego »)
désigne souvent un rôle actif dans le développement de l'enfant ; comme le dépeint
son ouvrage « Our Adult World » (« Les racines infantiles du monde adulte ») : « Par
mes recherches, j’ai été amenée à admettre que le moi existe et fonctionne dès la
naissance, et qu’outre les fonctions déjà mentionnées il assume une tâche importante,
celle de se défendre contre l’angoisse suscitée tant par la lutte intérieure que par les

402
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facteurs externes. De plus, le moi est à l’origine de nombreux processus, parmi


lesquels en premier lieu l’introjection et la projection. » (Klein,1959/1984, p 250,
italiques de l’auteur). En revanche, le terme « soi » (« self ») est utilisé plus
fréquemment pour décrire les relations d'objet, par exemple dans la description des
positions schizo-paranoïde et dépressive et plus généralement lorsque Klein s'adresse
au rôle des premières relations dans le développement de la psyché de l'enfant.
De plus, le Self gagne une place dans sa théorie de l'identification projective
pendant la position schizo-paranoïde, qui est dominée par des angoisses du moi. Dans
son ouvrage Envy and Gratitude (Envie et gratitude), alors que Klein explore les
processus du clivage qui portent la position schizo-paranoïde, elle distingue le moi
(ego) fortifié, capable de s'identifier à un objet unique, et le moi (ego) affaibli assujetti
à une identification sans discernement à de nombreux objets. Elle précise que « […]
une pleine identification à un bon objet fait que le soi a le sentiment de posséder une
« bonté » qui lui est propre. En revanche, si des perturbations surviennent, on peut
voir l’identification projective devenir excessive ; une telle identification projette les
parties clivées du soi139 sur l’objet, et de ce fait permet de confondre le soi et l’objet
qui vient à le représente. » (Klein, 1975, p 192).

IV. AUTRES DÉVELOPPEMENTS GÉNÉRALEMENT IMPORTANTS DU


CONCEPT : LA « MIDDLE SCHOOL » (POSITION INTERMÉDIAIRE) DE
L’ÉCOLE BRITANNIQUE DE LA RELATION D'OBJET, ET LA THÉORIE
STRUCTURALE POSTFREUDIENNE

Globalement, la notion de Self bénéficie d'une plus grande expression explicite


dans la psychanalyse postfreudienne. En Europe, l'origine du concept de Self provient
principalement de la conceptualisation des théories de la « middle school » (la
position intermédiaire ou modérée) de l’école britannique de la relation d'objet. En
Amérique du Nord, où des conceptualisations variées du self et des relations d'objet
sont considérées appartenir à toutes les conceptualisations psychanalytiques, la
prochaine étape dans le développement du concept du Self a lieu dans les
développements postfreudiens de la théorie structurale/ego psychology.
Dans les deux continents, des développements concomitants liés à diverses études
conceptualisées portant sur l'observation de l'enfance, la recherche sur l'enfance et la
psychanalyse de l'enfance et de l'adolescence sont considérées pertinentes, de même
que le travail dynamique dans le cadre des pathologies graves. Ils se retrouvent dans
les prochains chapitres, car ils appartiennent à des auteurs spécifiques (Jacobson,
Mahler et d'autres), dans un chapitre sur la psychanalyse de l'enfance et de
l'adolescence, où leurs influences portent leurs fruits dans le contexte de
développements ultérieurs et contemporains en Europe.
139
N.d.T. « self » dans la version originale en anglais.

403
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IV. A. Le Self dans les perspectives « middle school » (intermédiaires) de l’école


britannique de la relation d’objet
Des théoriciens ultérieurs de la relation d'objet, comme Fairbairn (1952,
1954, 1963) et Winnicott (1960, 1965), ont désaccentué la centralité des pulsions,
permettant une plus grande uniformité et intégrité à la notion du self dans ses formes
différentes, pour émerger de la multitude des expériences interpersonnelles dans
lesquelles l'enfant participe dans le temps. La psychanalyse a pu donc expliquer la
formation de différentes formes du self qui en emploient d'autres pour le façonner et
encourager son développement.

Ronald Fairbairn
Dans sa théorie psychanalytique, Fairbairn (1952, 1963) n'utilise pas
directement le mot self mais « ego » (moi), tout comme Freud utilisait « das Ich »
dans ses écrits pré-structurels pour désigner le self. John Sutherland (1994) confirme
que : « Fairbairn accepte que le « self » soit un mot plus approprié dans la plupart de
ses considérations, puisqu'il se réfère au tout à partir desquels les sous-selfs sont
clivés. Le moi (ego) est utile pour le self central, c'est-à-dire la partie dominante du
self qui incorpore les buts et objectifs principaux de la personne dans ses relations
avec le monde externe et avec lequel la conscience est habituellement associée »
(Sutherland, 1994, p21) 140.
Les fonctions du self dans la théorie structurelle de Fairbairn sont les suivantes
:
La personne existe en relation d'objet ; par conséquent le self se définit par la
relation. L'enfant/la personne cherche l'objet plutôt que le plaisir. Le self existe depuis
le début et n'est pas le fruit de l'expérience. Il représente sa précondition et en même
temps la précondition d'autres expériences et de développements. Le self apporte une
continuité et influence le développement futur.
« Le self dans la théorie de Fairbairn est un centre vivant qui s'auto définit,
qu'il perçoit comme le point initial du processus psychique humain ; de ces principes
les plus fondamentaux il en découle directement que le self peut avoir des relations
avec d'autres êtres humains, même s'ils ne sont pas différenciés de manière
représentationnelle en tant qu'objets distincts du self. Initialement, ce self est en
relation avec le monde avec peu de fondement expérientiel en ce qui concerne la
différentiation self/objet. » (Rubens, 1994, p. 432)141
Pendant le développement, les sous-systèmes au sein du self, qui font partie de la
structure endopsychique de Fairbairn, se forment. Fairbairn (1963) définit cela ainsi :

140
N.d.T. Citation traduite pour cette édition
141
N.d.T. Citation traduite pour cette édition

404
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« […] le moi originel [« self »] est clivé en trois « moi » - un moi central
(conscient) attaché à l'objet idéal (idéal du moi), un moi libidinal refoulé attaché à
l'objet attirant (ou libidinal), et un moi antilibidinal refoulé attaché à l'objet rejetant
(ou antilibidinal). […] Cette situation interne représente une position schizoïde de
base qui est plus primitive que la position dépressive présentée par Mélanie Klein. Le
moi antilibidinal, en vertu de son attachement à l'objet rejetant (antilibidinal), adopte
une attitude implacablement hostile envers le moi libidinal, ayant ainsi pour effet de
renforcer puissamment le refoulement du moi libidinal par le moi central. » (p.35)
C'est dans ce sens que, selon Robbins (1994), certaines des idées de Fairbairn
dans la théorie de la relation d'objet anticipent les développements qui culminent dans
la self psychology de Kohut. (Grotstein et Rinsley 1994). (Voir l'entrée THÉORIES
DE LA RELATION D'OBJET).

Donald Winnicott
Acteur principal de la « middle school » de l’école britannique de la relation
d’objet, l'influence historique et contemporaine de Donald Winnicott dans l'évolution
du concept du Self dépasse largement les frontières de son Angleterre natale. Bien que
son influence soit bien plus marquée en Europe, elle prolifère aussi largement dans la
pensée contemporaine des conceptualisations nord-américaines et latino-américaines.
Winnicott (1965) place la relation mère-enfant au centre du développement du
Self. Selon son modèle, l'enfant recherche instinctivement la reconnaissance et le
support de la mère. Il considère que le « self » émergeant de l'enfant est capable de la
« geste spontané » et de « l’idée personnelle » (Winnicott, 1960, p. 148). Mais le
« self » peut seulement se développer dans le contexte d'une série d'interactions avec
une figure parentale aimante. Sur la base de ses années d'expérience en pédiatrie,
Winnicott insistait sur l'impact de la « vraie relation » entre la mère et l'enfant. Selon
son point de vue, l'omnipotence de l'enfant est soutenue initialement par le « holding
environment » (un environnement favorable de soutien maternel) ; mais les échecs
inévitables parentaux, dans le contexte d'un maternage « suffisamment bon »
(Winnicott, 1953) permet à l'enfant de développer un self sain et résilient (« le vrai
self »). Dans le meilleur scénario possible, l'enfant est capable d'utiliser l'objet (la
mère) « impitoyablement » sans égard envers la subjectivité de l'objet (la mère). Un
développement sain du self est contingent sur la capacité de l'objet-mère à
« survivre », c'est-à-dire à subvenir aux besoins de l'enfant de manière « suffisamment
bonne » tout en gardant sa propre subjectivité. De cette façon, l'enfant peut prendre
conscience d'un « autre » qui survit à son agressivité et existe en dehors de son
contrôle omnipotent : cela permet le développement d'un self capable de vraie relation
d'objet et d'empathie. Si la subjectivité propre de la mère perturbe sa propre capacité à
gérer l'hostilité de son enfant, mais qui répond pourtant à ses besoins, le sentiment de
frustration qui en résulte, ainsi que la fragmentation, engendrent un « faux self »

405
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construit de manière défensive. Dans ce scénario, l'enfant apprend prématurément à


s'adapter aux besoins de sa mère afin de survivre.
C'est ainsi que pour Winnicott, le début est l'unité mère-enfant. “Au début, la
personne n'est pas l'unité » (1952, p 221). Dans la perspective de l'enfant, il n'y a
initialement aucune différentiation entre le self et l'objet. L'infans est dans un état de
non-intégration : « Nous postulons une non-intégration primaire » (1945, p 149) et
complètement dépendante du holding sensible de la mère, un holding qui est à la fois
physique et psychique. Par ce que Winnicott qualifie de « préoccupation maternelle
primaire », la « mère dévouée ordinaire » est dans un état d’extrême sensibilité envers
son enfant, ce qui lui permet de « s’adapter aux tout premiers besoins de l'enfant avec
délicatesse et sensibilité » (1956, p 302). Pour l'enfant, le holding maternel créée les
conditions de ce que Winnicott nomme la « continuité de de l’existence » (« going on
being ») (1960a), c'est-à-dire les débuts d'une continuité personnelle qui apporte les
fondements nécessaires pour les débuts d'un sentiment du self. Ce sentiment du self
est fondé essentiellement sur les expériences du corps et des fonctions corporelles. Si
le holding de la mère est déficient, soit par trop d'absences de holding ou par des
empiètements intrusifs, le sentiment de continuité d’existence de l'enfant est rompu,
l'enfant est laissé dans un état « d'angoisse impensable » (« unthinkable anxiety ») (ce
qui affecte son sens de stabilité, d'intégrité et d'orientation), contre lequel il réagit
instinctivement par un « self-holding » (soutien du moi) rigide, prématuré (1962, p
58). C'est un aspect du « faux-self » (voir plus bas) qui « cache et protège le noyau du
self » (ibid).
Le passage progressif depuis la non-intégration à l'intégration commence par
des processus innés naturels chez l'infans, le holding de la mère et des expériences
pulsionnelles satisfaisantes.
Winnicott fait une distinction entre la relation au Moi (« ego-relatedness ») et la
relation au Ça (« id-relatedness »). Le premier est lié à la fonction holding de la mère,
l'autre à la mère en tant qu'objet des pulsions de l'enfant. Le self primitif est
impitoyable. « Il nous faut postuler une relation objectale de cruauté précoce » (1945,
p 154). La transition depuis la pré-compassion (« pre-ruth ») à la compassion
(« ruth ») survient plus tard et appartient au développement de la capacité de
sollicitude dans la position dépressive. Dans son ouvrage « Primitive Emotional
Development » (« Le développement affectif primaire »), Winnicott écrit :
« Je m'efforcerai de décrire dans les termes les plus simples possibles ce
phénomène tel que je le vois. Sous l'angle de l'enfant et du sein de la mère […]
l'enfant a des pulsions instinctuelles et des idées prédatrices. La mère a un sein
et le pouvoir de produire du lait et l'idée qu'elle aimerait être attaquée par un
bébé affamé. Ces deux phénomènes ne viennent en relation l'un avec l'autre
qu'au moment où la mère et l'enfant ont un vécu commun. […] Le processus est
pour moi comme si deux droites venaient de directions opposées, et qu'elles

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étaient susceptibles de venir l'une près de l'autre ; si elles se recouvrent il y a un


moment d'illusion […] » (Winnicott, 1945, p 152)
À condition que l'adaptation de la mère soit suffisamment bonne, qu'elle se
présente d'une certaine manière et à un moment, qui soit conforme à la « capacité de
créer » de l’enfant. (Winnicott, 1953, p 12), survient alors chez l'infans le fantasme de
créer le sein. Le sein est un « objet subjectif », créée de manière omnipotente par
l'infans. Sans cette illusion, écrit Winnicott, « aucun contact n'est possible entre le
psychisme et l'environnement » (Winnicott, 1952, p 223). L'expérience de
l'omnipotence, de l'illusion est le fondement tant pour le sentiment élémentaire du self
que pour une relation créative personnelle avec le monde. L'alternative en est une
relation réactive, sur la base de l'adaptation, où « l'impulsion personnelle » et la
vitalité sont absentes. Dans cette situation, l'enfant est en relation avec le monde à
partir d'une position du faux-self, qui mène à un sentiment de futilité et à un
développement frustré de la capacité de formation symbolique et de l'usage des objets
transitionnels.
La question de la désillusion, de la perte de l'omnipotence et l'entrée du principe
de réalité survient plus tard. Sans la phase d’illusion primaire, le processus de la
désillusion perd son sens. Selon Winnicott, « la tâche ultime de la mère est de
désillusionner progressivement l’enfant, mais elle ne peut espérer réussir que si elle
s’est d’abord montrée capable de donner des possibilités d’illusion. » (1953, p 11).
L'on peut constater que dans la théorie de Winnicott, au sujet des premiers débuts
de la vie mentale, se trouve une sorte de modèle à deux pistes. Puisque les états de
non-séparativité de l'enfant alternent avec des états de sentiment naissant de
séparativité, une réalisation vague de quelque chose « qui n'est pas moi », surtout
quand les besoins ne sont pas pourvus et que l'activité musculaire (que Winnicott
associe avec l’agressivité) rentre en résistance. « En effet », dit-il, « le bébé peut
éprouver le principe de réalité çà et là et de temps à autre, mais non pas tout en même
temps ; c’est-à-dire qu’il garde, à la fois, le souvenir d’objets subjectifs et d’autres
souvenirs dans lesquels il existe une relation à des objets perçus objectivement, des
objets non-moi » (1962, p. 57). Ainsi, l'infans oscille entre ces deux états, mais encore
une fois l'important est que l'infans puisse recevoir des opportunités d'une illusion de
créer l'objet, qui est à la base du développement d'un sentiment de self personnel.
La fonction du faux self est de protéger le vrai self de l'exploitation et de gérer sa
relation avec l'environnement. Winnicott définit ainsi l’organisation du faux self.
« A l’extrême : le faux ‘self’ est établi comme réel et c’est lui que les observateurs
ont tendance à prendre pour la personne réelle. Cependant dans les relations de la vie
quotidienne, […] le faux ‘self’ commence à faire défaut. […] le vrai ‘self’ est
dissimulé. […] A un degré moins extrême : le faux ‘self’ défend le ‘self’ authentique
[qui] est toutefois perçu comme virtuel et une vie secrète lui est permise [...] A un
degré plus proche de la santé : le faux ‘self’ a pour but principal la quête des
conditions qui donneront au vrai ‘self’ la possibilité de recouvrer son bien. Si ces

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conditions ne peuvent être trouvées, il faut alors que se réorganise une nouvelle
défense contre l'exploitation du vrai ‘self’ [...] Dans l’état de santé : le faux ‘self’ est
représenté par toute l’organisation que constitue une attitude sociale polie, de bonnes
manières et une certaine réserve. » (1960b, p 142-143).
Un aspect, souligné par Winnicott (1949), du faux self et sa fonction
prématurée de holding, a lieu lorsque la pensée de la personne commence à prendre la
relève pour prendre soin du psyché-soma, alors que chez un sujet sain, c'est à la
fonction de l'environnement de le faire. La psyché est « séduite » par l’esprit
(l’intellect), à l’écart de la relation intime que la psyché avait au début avec le soma.
« Il se développe, dans ce cas, une dissociation entre l’activité intellectuelle et
l’existence psychosomatique » … [avec une] « tentative de la part de l’individu de
résoudre son problème personnel en utilisant un intellect brillant, le tableau clinique
qui en résulte a ceci de particulier qu’il peut très facilement abuser autrui. » (1960b, p
144). Pour la personne, il existe dans cette situation la perte du sens profond du self
pour lequel un lien intime entre psyché et soma est essentiel.
Winnicott est intentionnellement vague quand il aborde le thème du vrai self.
Pour lui, « Définir l’idée d’un vrai ‘self’ n’a que peu d’intérêt, si ce n’est pour tenter
de comprendre le faux ‘self’, car le vrai ‘self’ ne fait guère plus que rassembler dans
ses détails l’expérience liée au fait de vivre. » (1960b, p. 148). Le vrai self est un
potentiel inné, unique pour chaque personne et fondamentalement dépendant d'un
environnement favorisant pour qu'il soit articulé et vécu. C'est la source de la
créativité de se sentir réel et vivant : « Au stade le plus primitif, le vrai self est une
position théorique d’où provient le geste spontané et l’idée personnelle [...] Le vrai
self provient de la vie des tissus corporels et du libre jeu des fonctions du corps [...] Il
est étroitement lié à l'idée du processus primaire » (ibid.). C'est-à-dire qu'il a un
profond rapport avec l'inconscient et le rêve. Dans l'un des articles de l'ouvrage
Playing and Reality (Jeu et réalité), Winnicott écrit au sujet du « rêve profond » qui
est au centre de la personnalité (1971, p 109). C'est-à-dire le vrai self est primaire, et «
[…] le concept de la réalité individuelle intérieure des objets s'applique à un stade
plus tardif que celui auquel s’applique le concept de ce qu'on appelle le vrai ‘self’. »
(1960b, p 149).
Dans l'article à la fois riche et complexe « Communicating and Not
Communicating Leading to a Study of Certain Opposites » (« De la communication et
de la non-communication, suivi d’une étude de certains contraires », 1963), Winnicott
approfondit sa pensée au sujet du vrai self et lui donne une qualité plus énigmatique.
Il suggère que « […] chez l'individu bien portant, il y a un noyau de la personnalité
qui correspond au vrai ‘self’ de la personnalité morcelée. Je pense que ce noyau ne
communique jamais avec le monde des objets perçus et que l'individu sait qu'il ne doit
jamais entrer en communication et qu'il ne doit pas être influencé par la réalité
extérieure. [...] Au cœur de chaque personne se trouve un élément de non-
communication qui est sacré et dont la sauvegarde est très précieuse. » (1963, p 187).
Ce « self » central est « […] pour toujours inaccessible au principe de la réalité et

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pour toujours silencieux. » (Ibid., p192) Il est silencieux dans le sens ou n'existe
aucune communication avec le monde extérieur ainsi que dans le sens où il existe une
communication silencieuse ou personnelle, une communication onirique avec des
objets et phénomènes subjectifs qui « portent en eux un sentiment du réel » (ibid., p
184). Réel, puisque cela implique une connexion avec l'élément central profond
personnel de l’individu.
L'accès à ce centre interne non-communiquant est inhérent à la capacité de la
personne saine d'être seule, car c'est à partir de là que provient la capacité spontanée
de créer le lien. Winnicott qualifie de « directe » la communication centrale
silencieuse et la communication avec des objets externes d’ « indirecte ». Elle est
indirecte dans le sens qu'elle n'a qu'une connexion dérivée avec le centre de la
personnalité, et en même temps elle rend vivante la communication avec l'autre.
La pensée de Winnicott a une influence directe ou indirecte de différentes
manières sur de nombreux développements successifs des théories du Self, sur tous les
continents psychanalytiques, dont celles de Mahler, Bollas, Modell, Gaddini,
Gammelgaard, Badaracco, Bleichmar et bien d'autres.

IV. B. Le Self dans l’ego psychology et la théorie structurale postfreudienne


Munis de leur intérêt déployé dans les complexités du fonctionnement, de
l'adaptation et du développement précoce du moi (ego), les ego-psychologues (par ex.
Hartmann 1939/1958, 1964 ; Freud A. 1936/1992 ; Spitz 1950) ont tenté d'intégrer
leurs nouvelles études à la métapsychologie de Freud. Leurs théories structurelles et
ego-psychologiques mettent l'accent sur le fonctionnement de l'ego et le
développement de la relation d'objet et du self.
Tout en réduisant les ambiguïtés inhérentes au Ich de Freud et la traduction
controversée de Strachey en « Ego » (« Moi »), Heinz Hartmann (1939, 1950)
dissocie le self (soi) en tant que personne entière, personnalité ou organisation, dont la
psyché et le soma, de l'ego (Moi) en qualité de système ou de structure psychique :
« […] en employant le terme de narcissisme, on semble réunir en un seul deux
ensembles différents d'éléments opposés. L'un se réfère au soi (sa propre
personne) en opposition à l'objet, le second au Moi (en tant que système
psychique) en opposition à d'autres substructures de la personnalité.
Cependant l'opposé de l'investissement objectal n'est pas l'investissement du
Moi, mais l'investissement de sa propre personne, c'est-à-dire l'investissement
du soi ; en parlant d'investissement du soi, nous n'impliquons pas que cet
investissement est situé dans le Ça, dans le Moi ou dans le Surmoi. Cette
formulation prend en considération le fait que nous trouvons en réalité le «
narcissisme » dans ces trois systèmes psychiques. Mais dans tous ces cas, il y
a opposition à l'investissement objectal (et réciprocité avec lui). Ce sera par
conséquent un éclaircissement si nous définissons le narcissisme comme

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l'investissement libidinal non pas du Moi, mais du soi (the self). (Il peut aussi
être utile d'appliquer le terme représentation de soi (self-representation) en
opposition à représentation des objets). » (Hartmann, 1950, p. 84f.).
Dans le domaine du self, Hartman fait la distinction entre le self, l'image de soi (self
image) et la représentation de soi (self representation) qu'il met en opposition et en
réciprocité aux représentations objectales. Essentiellement sur la base de l'article de
Freud « On Narcissism » (« Pour introduire le narcissisme ») (Freud, 1914), antérieur
au modèle dualiste de la théorie des pulsions de 1920, ainsi qu'à la théorie structurelle
de 1923, la définition économique du narcissisme de Hartman en termes
d'investissement libidinal du soi (self) ne portait pas sur l'agressivité et les problèmes
dans les concepts interdépendants du narcissisme, du Moi et du self et leur relation à
l'appareil psychique, sa structure et sa fonction (Blum, 1982). Toutes ces questions
restent ouvertes à ce que les prochaines générations de penseurs freudiens les
explorent (Jacobson, 1964 ; Blum 1982 ; Rangell, 1982 ; Kernberg, 1982), et à
l'émergence d'autres théories du self (ci-dessous).
Cependant, la distinction naissante que fait Hartman entre le self en tant que
personne et la représentation intrapsychique de la personne, ou la « self-
représentation », reste une contribution durable qui dans l'élaboration générale
ultérieure de Jacobson et de Mahler (ci-dessous), reprend certains des aspects doubles
du Ich freudien.
Erik H. Erikson (1950, 1956, 1959) développe le modèle du conflit de Freud
en le plaçant dans un contexte social et culturel dans lequel le développement a lieu.
En contraste à la focalisation intrapsychique et psychosexuelle de Freud, Erickson mit
l'accent sur le rôle central des facteurs sociaux et environnementaux dans le
développement. Pour lui, le développement est un processus qui se déroule tout au
long d'une vie : il le décompose en huit stades, chacun étant organisé autour d'un
conflit psychosocial pivot (par exemple, stade un : la confiance versus la méfiance).
Selon lui, toutes les identifications, qui débutent pendant l'enfance et continuent tout
au long de l'enfance, sont le mode principal du « self-développement », l'adolescence
est en revanche la trajectoire entre l'enfance et la vie adulte, période critique pour la
solidification de l'identité. Selon Erikson, l'identité se forme en général après une
expérience de confusion des rôles et d'expérimentation sociale. Il invente ainsi la
formule « crise identitaire » pour décrire la turbulence qui accompagne souvent le
développement du self. Pour Erikson, cette étape charnière dans le développement
humain semble impliquer une réconciliation entre la personne qui est devenue ce
qu'elle est et la personne à laquelle la société s'attend. Ce sentiment de self émergeant
comprend le processus de forger les expériences passées avec les anticipations du
futur.
À la suite de Freud et de Hartmann, Edith Jacobson (1964), en s'appuyant sur
son expérience clinique avec des clients psychotiques, clarifie davantage la
différentiation entre les représentations de soi et d’objet des introjections primitives et

410
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le développement de ces structures. Elle cherche alors à réconcilier l'accent que posait
Freud sur les processus internes pulsionnels, avec l'importance de l'expérience réelle,
en proposant un modèle développemental soulignant leurs interactions et influences
mutuelles et permanentes. Elle insiste sur l'idée que le Moi et le Surmoi se
développent de manière concomitante avec les représentations du soi (self) et de
l'objet, et souligne le rôle central de l'affect dans ce processus. Elle développe la
conceptualisation des « images » en spécifiant la genèse des représentations de soi et
de l'autre comme déterminants-clé du fonctionnement mental (Fonagy, 2001).
Jacobson (1954) avait constaté qu'avant la formation des limites du soi et de
l’autre, la perception de l'infans par rapport à l'autre façonne l'expérience du self.
Ainsi, l'important jeu qui a lieu entre l'expérience vécue et la pulsion (libido et
agressivité) entraîne la tonalité du sentiment de ses propres expériences antérieures et
prépare le terrain d'images d'objet et du soi qui peuvent déterminer ce que nous
pouvons finalement ressentir envers nous-mêmes et les autres. Par exemple, des
expériences troublantes peuvent nous amener à internaliser des images d'un objet qui
entrave et retient, et d'un self frustré, en colère, alors que la prépondérance
d'interactions satisfaisantes peut mener à l'internalisation d'images positives du self et
de l'autre.
Dans sa conceptualisation de la séparation-individuation, Jacobson s'est
inspirée de la description de la libido et de l'agressivité de Freud (1940) comme étant
des forces permettant la formation, mais aussi la rupture, des liens. Elle considère que
la libido est un élément essentiel permettant à l'enfant d'intégrer des images opposées
d'objets bons et mauvais et du bon et mauvais soi, et que les sentiments d'agressivité
en proportions variables alimentent la séparation et la différentiation entre les images
du soi et de l'autre. Cependant, une agressivité excessive peut faire dérailler ce
processus. Jacobson avait constaté que l'intégration des images bonnes et mauvaises
(c'est-à-dire la mère « bonne » et « frustrante ») facilite la capacité de tolérer les états
relatifs aux sentiments conflictuels, ce qui à son tour renforce la capacité à
l'expérience émotionnelle et interpersonnelle complexe.
Dans son ouvrage précurseur « The Self and the Object World » (« Le soi et le
monde objectal ») de 1964, Jacobson intègre la théorie métapsychologique classique à
la phénoménologie de l'expérience humaine et suggère que les pulsions instinctuelles
ne sont pas des « dons » mais des « potentiels innés » forgés par des processus
internes de maturation ainsi que par des facteurs environnementaux. Ainsi, le
« monde représentationnel » de l'enfant (Sandler et Rosenblatt 1962), est construit à
partir de l’expérience de soi-même dans l'environnement ainsi que de substrats
psychobiologiques innés.
Pour Jacobson, l'enfant acquiert ses représentations de soi et d'objet par le
biais de valences bonnes (aimantes) ou mauvaises (agressives) selon les expériences
de gratification ou de frustration vécues avec la mère. Son terme « représentation » se
réfère à l'impact expérientiel des mondes internes ainsi qu'externes. Ainsi, les

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représentations du soi étaient des structures complexes, des représentations


intrapsychiques inconscientes, préconscientes et conscientes du soi corporel et mental
dans le système surmoïque. (Jacobson 1964, p 19).
Les formulations de Jacobson contribuent à un contexte théorique dans la
recherche sur la psychose symbiotique et autiste de l'enfance de Mahler (1979) et
dans les stades de séparation-individuation normaux et anormaux.

Margaret Mahler : Le Self dans la théorie de la séparation-individuation


Mahler apporte des données psychanalytiques et observationnelles directes qui
permettent de retracer les stades que postule Jacobson. L'intérêt original que Mahler
portait aux relations d'objet précoces de l'enfant provenait de ses études sur les
pathologies infantiles graves, notamment l'autisme et la psychose symbiotique, où elle
put observer l'extrême incapacité de ces sujets à former une relation fortifiante avec
ses figures parentales (Mahler, Ross et DeFries, 1949 ; Mahler, 1952 ; Mahler et
Gosliner, 1955). De ce postulat s'est construite une théorie développementale de
l'enfant normal dans laquelle les relations d'objet et le self sont des émanations des
vicissitudes instinctuelles (Voir aussi l'entrée THÉORIES DE LA RELATION
D'OBJET). Bien que les principes organisationnels de Mahler fussent fondés sur les
relations entre le self et l'objet, avec un accent posé sur les aspects transactionnels de
la croissance et du développement, ils provenaient de la théorie de la pulsion
classique. L'implémentation d'un sentiment d'être « séparé de » et d'être « en relation
avec », concerne avant tout toute l'expérience de son propre corps et la relation avec
l'objet de l'amour primaire.
Pour Mahler, le point de référence d'un développement réussi concerne un
mouvement développemental de l’enracinement dans une relation symbiotique mère-
enfant jusqu'à l'accomplissement d'une identité individuelle stable, dans un monde où
les autres sont perçus de manière prévisible et réaliste. Ce processus s'appelle la
« séparation-individuation » ou la « naissance psychologique » de l'enfant. Processus
complémentaires, mais aussi développementaux et distincts, la séparation, quant à
elle, se définit par l'émergence de l'enfant par rapport à la fusion symbiotique avec la
mère : l'individuation représente les accomplissements qui mènent l'enfant à ses
propres caractéristiques individuelles (Mahler et al, 1975, p.4).
Au départ, la théorie de Mahler supposait que l'enfant se développe à partir
d'un « autisme normal » par une période de symbiose, et de quatre sous-stades qui se
déploient de manière séquentielle dans un processus de séparation-individuation, de
différentiation, de pratique, de rapprochement et de constance de l'objet (Mahler, Pine
et Bergman, 1975). En réalisant plus tard que depuis la naissance les enfants montrent
des signes de conscience vis-à-vis de leur environnement et des objets qu'il contient,
elle renonce alors au concept pour la période des deux premiers mois de la vie
néonatale qui au départ était perçu comme étant une phase autistique normale fondée

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sur le narcissisme primaire et une barrière des stimuli. Dans ses théories ultérieures, la
barrière des stimuli devient un « filtre aux stimuli », terme que lui avait suggéré Blum
(Blum, 2004b).
Cependant, bien que Mahler elle-même avait abandonné la phase autistique et
modifié ses conclusions au sujet de la phase symbiotique, de nombreux analystes
européens ont gardé sa description initiale des deux phases en ce qu'ils représentent
des précurseurs archaïques (la « préhistoire ») de l'émergence du Self qui seraient
potentiellement et manifestement présents dans des pathologies sévères du self chez
les enfants et les adultes, selon leurs différentes conceptualisations.
La description originale de Mahler explicite que la phase normale autistique
comprend une absence relative d'investissement de stimuli externes et que les
processus physiologiques, plutôt que psychologiques, dominent. Dans cet état de
narcissisme primaire absolu, l'objectif est d'atteindre un équilibre homéostatique de
l'organisme dans le nouvel environnement externe. L'état autistique est un état
d'indifférenciation, ou de fusion avec la mère, dans lequel le Moi n'est pas encore
différencié du non-Moi, et où la réalité, interne et externe, commence seulement
progressivement à être perçue de manière différenciée.
À partir du second mois, c'est-à-dire la phase symbiotique, il était alors
supposé que l'infans fût seulement faiblement conscient des objets, dans un état de
fusion « somato-psychique délirante » (Mahler et al, 1975, p.45), un état positif d'être
en relation ayant lieu dans un contexte intrapsychique d'absence de limites entre le
self et l'autre (Fonagy, 2001). C'est ainsi que la mère, en phase avec l'enfant, effectue
et maintient un dialogue affectif et moteur approprié, par le contact avec les yeux, les
expressions du visage, le toucher, le holding, etc., ce qui contribue à ce que l'enfant
puisse intégrer la capacité de moduler et de réguler ses affects (Blum, 2004).

Dans sa description initiale, la phase symbiotique commence au point où la


barrière des stimuli, ou la coquille autistique qui tient à distance les stimuli externes,
commence à se briser. L'infans commence à avoir une conscience vague de l'objet
satisfaisant ses besoins, qui cependant englobe une unité double dans laquelle le Self
n'a toujours pas de limite claire. Progressivement, l'enfant commence à montrer une
nouvelle attitude de ténacité et d'intentionnalité qui indique que l'enfant « émerge » et
c'est à l’âge d'environ 4-6 mois que les tentatives d'expérimentation de la séparation-
individuation se présentent, par la structuration des représentations internalisées du
Self qui diffèrent des représentations internes des objets.
La phase de séparation-individuation, à partir de 4 à 6 mois jusqu'à 36 mois
comprend quelques sous-phases.
La première concerne ce que Mahler appelle la phase de
« différenciation/éclosion » (hatching), où l'enfant, à partir de 4 à 6 mois, jusqu'à 9
mois, commence à différencier sa représentation du self par rapport à sa mère/autre,

413
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(Mahler et al., 1975) en se dégageant de la tendance à se mouler au corps de la mère


pour se lancer dans une exploration plus active et autodéterminée.
Pendant cette seconde sous-phase de pratique, à partir de 10 mois, jusqu'à 15 à
16 mois, l'enfant met en pratique la locomotion pour développer sa séparation
physique vis-à-vis de sa mère, et pour continuer véritablement le processus de
différentiation. C'est dans cette période que Mahler situe la « naissance
psychologique » de l'enfant. Par la locomotion en position debout, l'enfant ouvre ses
horizons et découvre avec enthousiasme que le monde lui appartient. Pour
paraphraser Greenacre (1957), c'est l'apogée de son « histoire d'amour avec le
monde » Du point de vue de Mahler, c'est le point culminant aussi bien du
narcissisme (secondaire) que de l'amour d'objet (Mahler et al., 1975). C'est aussi à ce
moment-là que l'enfant atteint le sommet de son « omnipotence magique » issue du
sentiment de partager les pouvoirs magiques de sa mère. (Fonagy, 2001, p.66). Dans
la sous-phase de « pratique », par l'acquisition autonome de la marche, la mise en
place de l'appareil du Moi (ego) autonome proche de la mère s'ensuit. Ce passage
représente la ligne de développement qui permet à l'intérêt propre de l'enfant qu'il le
dirige, depuis la mère jusqu'aux objets inanimés, signifiant l'investissement libidinal
au service du fonctionnement autonome du Moi.
La sous-phase de « rapprochement », depuis l'âge de 15 à 18 mois jusqu'à 24
mois, entraîne aussi une conscience de séparativité, d'angoisse de séparation et d'un
besoin accru pour l'enfant d'être avec sa mère (Mahler et al, 1975). Il devient de plus
en plus indépendant maintenant qu'il réalise à quel point il est un petit être dans un
vaste monde, une impression qui s'accompagne de la perte du sentiment de l’idéal de
soi et de la réapparition d'une sorte d'angoisse de séparation. Pour l'enfant, cela
signifie une prise de conscience que la mère est véritablement distincte de lui et qui
pourrait ne pas être toujours disponible pour lui, ce qui déclenche une « crise de
rapprochement ». Pendant cette crise de rapprochement, l'attitude de l'enfant est
affectivement ambivalente entre son besoin de s'accrocher à sa mère et un besoin
puissant de séparation. C'est la période dans laquelle le clivage est le plus proéminent
(Greenberg et Mitchell, 1983). C'est aussi là que les fonctions du Moi autonome se
développent rapidement, notamment par les apports rapides de l'apprentissage de la
langue et par l'apparition de l'épreuve de réalité. Les différences en termes de genre et
d'identité des genres apparaissent à la conscience, et interagissent dans le processus de
différenciation.
La disponibilité émotionnelle optimale de la mère, dont sa capacité d'accepter
l'ambivalence de l'enfant, permet à l'enfant d'investir la représentation du Self avec
l'énergie libidinale. La crainte de perdre l'amour de l'objet devient plus évident, au
lieu de la crainte de perdre l'objet d'amour. Pendant la « crise du rapprochement »,
alors que l'enfant abandonne progressivement l'illusion de sa propre grandeur, souvent
par des luttes dramatiques avec sa mère, il peut typiquement utiliser la mère comme
un prolongement du Self, un processus qui permet à l'enfant de nier temporairement la
conscience douloureuse d'être séparé d'elle. Fondamentalement, le recul de

414
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l'omnipotence infantile est compensé par les identifications sélectives avec la mère
dotée de qualité de compétence, de tolérance et d'affection (Blum, 2004b). La
réalisation de la constance de l'objet pendant la période de 24 à 36 mois et de la
constance du Self, représente la sous-phase finale du processus de séparation-
individuation et un jalon majeur du développement. Les deux épreuves principales de
cette période sont le développement d'un concept stable du Self et un concept stable
de l'autre ; ils sont organisés autour des coparticipants dans toutes les relations d'objet
de l'enfant (Greenberg et Mitchell, 1983). Idéalement, l'enfant peut désormais garder
un sentiment de sa propre individualité, ainsi que le sentiment de l'autre comme une
présence interne positivement investie. Il peut fonctionner de manière autonome en
l'absence de la mère/autre, avec la capacité de mieux comprendre l'expérience
distincte du self et de sa mère, de son propre esprit distinct et des intentions et intérêts
de l'autre. En assimilant la bienveillance de sa mère et de ses fonctions régulatrices, il
peut désormais mieux tolérer les séparations, les frustrations et les déceptions. Au
36ème mois, la maturation des fonctions du Moi et la constance libidinale de l'objet
permettra la consolidation de l'identité du Self ainsi que le potentiel de séparation.
Mahler a su créer une interface entre la théorie classique de la pulsion et la
théorie développementale des relations d'objet en utilisant le concept de la symbiose
pour désigner la relation dans la réalité ainsi que le fantasme interne déterminé par la
libido (Greenberg et Mitchell, 1983). L'usage que fait Mahler des concepts
« d'environnement moyen prévisible » (Hartmann, 1927 [1964]) et « d'adaptation »
(Hartmann, 1939) a décalé le modèle de la pulsion dans une direction qui donne à la
relation à l’autre un rôle central bien plus important (Greenberg et Mitchell, 1983,
p.282). Afin de spécifier l'environnement moyen prévisible, Mahler (Mahler 1961 ;
Mahler et Furer, 1968) s'est aussi inspiré du concept de la « mère
dévouée/suffisamment bonne ordinaire » de Winnicott (1960). De cette façon elle
assimile l'environnement précoce de l'enfant à la personne spécifique de la mère.
La théorie contemporaine de la séparation-individuation inclut la mère réelle
et l'enfant, ainsi que les concepts d'intégration et de représentation interne. La théorie
de Mahler met en corrélation l'observation obtenue par l'analyse avec les
transformations développementales intrapsychiques : « Les changements
intrapsychiques peuvent comporter une évolution dans les limites du Moi (ego), la
différentiation des représentations d'objet et de soi, la cohésion ou le clivage de ces
représentations et l'accomplissement de la constance du self et de l'objet. Les deux
partenaires dyadiques doivent être pris en compte142 » (Blum, 2004b, p 551). Dans la
modification et la reformulation contemporaine proposée, Harold Blum (2004b)
intègre les conclusions menées par la recherche ultérieure dans le domaine du
développement (Stern 1985 ; Pine, 1986 ; Bergman, 1999 ; Gergely, 2000 ; Fonagy,
2000). Ses modifications concernent la phase symbiotique ainsi que celle de la
séparation-individuation, avec une attention particulière donnée à la différentiation et
au rapprochement. Il souligne que la « différentiation [néonatale] précède l'émergence
142
N.d.T. Citation traduite pour cette édition

415
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de la représentation intrapsychique du self et celle de l’objet 143 » (Blum, 2004, p.


541).
Du point de vue d'une autre perspective, la théorie structurale, développée par
Jacobson et Mahler (1979), « propose une idée riche et sophistiqué du self, une
élaboration du double aspect du Ich de Freud » (Kernberg, 1982, p. 900).
Dans le contexte du travail clinique, l'accent que posent Jacobson et Mahler
sur les représentations du self et de l’objet contribue à des développements futurs dans
le vaste domaine des processus représentationnels des énactions (enactments) non
encore représentées (voir l'entrée ENACTION).
Hans Loewald fut l'un des premiers freudiens révisionnistes des années 1960,
1970 et 1980 à construire un lien entre l’ego psychology freudienne et la théorie des
relations d'objet, pour créer une théorie psychanalytique qu'il considérait plus proche
de l'expérience vécue par la personne dans son existence. Ses principales
préoccupations se focalisaient sur les suppositions les plus fondamentales liées au
développement théorique de la psychanalyse, ainsi que les préjugés de base sur la
nature de l'esprit, la réalité et le processus analytique.
Loewald (1960) pensait que Freud postulait deux différentes lectures à propos
des pulsions. Avant 1920, les pulsions, pour Freud, avaient pour impératif la
décharge. Avec son introduction du concept d'Eros en 1920, dans Beyond the
Pleasure Principle (Au-delà du principe du plaisir), Freud propose l'idée de la pulsion
pour lui donner un impératif de connexion, « utilisant les objets non pas pour leur
gratification mais pour construire des expériences psychiques plus complexes et pour
rétablir l'unité initiale perdue entre le self et les autres144 » (Mitchell et Black, 1995,
p.190). La mise en cause ultérieure de la théorie des pulsions de Freud par Loewald
(1971, 1972, 1976, 1978, 1988) signifiait une radicale reformulation des concepts
psychanalytiques classiques de Freud. Alors que pour Freud, le Ça est une force
biologique immuable en conflit avec la réalité sociale, pour Loewald, le Ça est la
résultante interactionnelle de l'adaptation. Pour Loewald, l'esprit est de nature
interactive, pas uniquement de manière secondaire en réponse au besoin de l’autre en
termes de gratification.
Selon la théorie de Loewald, il n'y a au début aucune distinction entre le self et
l'autre, le Moi et la réalité externe, ni entre les instincts et les objets ; mais il y a un
tout initial unifié qui est composé de l'infans et de sa figure parentale. Il propose que
« les instincts, en tant que forces psychiques de motivation, ne peuvent pas être
considérés comme donnés, mais sont organisés, en fait, à travers l’interaction dans un
champ psychique défini par l’unité de la mère et de l’enfant ». (Loewald, 1971, p118).
Lorsqu'il considère que les instincts découlent de l'interaction, Loewald porte plus
loin la thèse de Jacobson selon laquelle les instincts sont un lien entre le self de

143
N.d.T. Citation traduite pour cette édition
144
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.

416
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l'enfant et ses objets. Plus loin dans son raisonnement, Loewald identifie l'interaction
comme un aspect déterminant dans l'internalisation de la représentation subjective du
self et de l'autre, en soulignant que l'interaction est un constituant de base de l'esprit.
Le travail de Loewald a transformé la métapsychologie psychanalytique et a
permis à d'autres approches nouvelles de conceptualiser le matériel clinique. Son
influence, directe et indirecte, est apparente dans des développements au sein de
différentes écoles de la pensée psychanalytique (exemple : relations d'objet,
relationnelle/intersubjective, self psychology) que l'on peut considérer comme des
ponts entre les perspectives de la psychologie one-person et two-person sur le
processus clinique psychanalytique. Plus généralement, de même que pour Winnicott
au Royaume-Uni, Loewald et Jacobson aux États-Unis seraient considérés comme les
précurseurs du mouvement intersubjectif.
Ce sont dans les années 1980, que la pensée progressivement plus complexe et
inclusive freudienne est exemplifiée par des révisions et des développements
exhaustifs des conceptualisations du self dans les travaux de Leo Rangell (1982) et
Harold Blum (1982). Rangell rectifie la définition du narcissisme de Hartmann en un
investissement non pas du self mais des représentations du self, en précisant que :
« Tout ce que l'ego connait au sujet de lui-même, le 'Je' ['I'] qui l'environne et duquel
il fait partie, est l'état actuel des représentations du self (self-representations) à chaque
étape du développement et à chaque moment de l'existence 145 » (Rangell 1982, p.
879). Sur les complexités des premiers développements selon Mahler (Mahler et al.
1975), Blum répond : « Aucun concept du self (self-concept) n'est possible avant que
l'enfant n'émerge de l'orbite symbiotique avec l'émergence progressive du processus
de séparation-individuation 146» (Blum 1982, p. 971). Son approche est la synthèse
développementale inclusive du « dialogue réciproque » de Rene Spitz (1965), de
« l'objet transitionnel » de Winnicott (1965) et de la « permanence de l'objet » de
Piaget (1951) tissée dans le modèle de « séparation-individuation » de Mahler, qui
présente un schéma complexe de changements progressifs-régressifs dans la matrice
des relations d'objet et de conflits sous-jacents qui donnent lieu à l'émergence de
représentations du self cohésives et d'un sentiment de self relativement continu, mais
uniquement après l'évolution de la constance du self et de l’objet dans la troisième
année de la vie.

145
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
146
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.

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V. DÉVELOPPEMENTS ULTÉRIEURS ET CONTEMPORAINS EN


AMÉRIQUE DU NORD

V. A. Modèles intégratifs

Otto F. Kernberg
Depuis les années 1970, Otto F. Kernberg développe une version de la
théorie des relations d'objet dans le cadre du modèle structurel et de l’ego psychology.
Dans cette approche, les « unités d’affect-soi-objet » (self-object-affect units)
(Kernberg, 1977) sont les déterminants primaires des structures de l'esprit (c'est-à-dire
le Ça, le Moi, le Surmoi). Dans le modèle de Kernberg (1982, 2004, 2012 2013, 2014,
2015), un self « supra-ordonné » est la somme totale des représentations de soi
partielles, puis progressivement plus complètes. Sa théorie psychanalytique des
relations d'objet intègre l'activation neurobiologique des systèmes affectifs, la
différentiation du self par rapport aux autres, le développement d'une théorie de
l'esprit et de l'empathie, l'évolution de la structure du self et le développement des
processus de mentalisation.
Dans son article « Self, Ego, Affects and Drives » (« Le self, le moi, les
affects et les pulsions ») (Kernberg, 1982), Kernberg clarifie sa vision sur le
développement et la formation de structure et propose une modification du modèle
dualiste de la théorie des pulsions. C'est à ce moment-là déjà qu'il propose de réserver
le terme self' pour la somme totale des représentations de soi en lien étroit avec la
somme totale des représentations d'objet. Lorsqu'il définit le self en tant que structure
intrapsychique provenant du Moi/ego (Ich/I) et y étant incorporée, Kernberg reste
proche de l'insistance implicite de Freud selon laquelle le self et le Moi/ego (Ich/I/)
sont liés de manière indissoluble. Dans ce modèle, le self est investi par des dérivés
pulsionnels libidinaux et agressifs, intégrés dans le contexte de leur composante de
représentations de soi. Par un nouvel examen de l'usage des termes « Trieb » (pulsion)
et « Instinkt » (instinct) de Freud, il en arrive à la conclusion que « Freud préférait
Trieb, plus justement traduit par drive, justement parce qu'il concevait les pulsions
comme des systèmes psychiques de motivation relativement continus, à la limite du
physique et du mental, par opposition aux instincts, qu'il considérait comme des
dispositions comportementales discontinues, rigides, innées. » (Kernberg 1982,
p.909). Cependant, l’édition standard de l’ouvrage de Strachey traduit constamment le
terme Trieb (pulsion) par instinct. S'adressant au développement des représentations
les plus précoces, de soi et d’objet, pertinentes pour le développement du self,
Kernberg intègre les conclusions de la neurobiologie contemporaine, ainsi que les
études sur le développement de l'enfant, avec sa formulation révisée du modèle
dualiste de la théorie de la pulsion (dans la langue initiale allemande de Freud) à la
lumière des relations entre les affects et les pulsions. C'est ainsi que de nombreux
affects font partie du système motivationnel primaire, qui relient les représentations
de soi et d’objet graduellement différenciées et intégrées, avec des affects qui

418
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progressivement se regroupent dans des pulsions libidinales ou agressives. Dans ce


modèle, les affects sont les éléments de base, c’est-à-dire les composants de pulsions.
Pendant les 30 années suivantes, Kernberg continue, met à jour et affine son travail
d'intégration.
Kernberg (2015) souligne la complexité dynamique des premières semaines et
des premiers mois de la vie. Il précise que dès la « phase symbiotique » sans limite
(Mahler, Pine et Bergman 1975), où l'infans et la mère sont une « unité opératoire »,
les aspirations précoces à la différentiation du self, et les rudiments de l'empathie,
émergent en prérequis à une « théorie de l'esprit » (Gergely et Unoka, 2011 ;
Kernberg 2015).
La version kernbergienne de la théorie psychanalytique des relations d'objet
(1982, 2004, 2015) relie les niveaux du développement de la structure psychique à
l'organisation de la personnalité et à la psychopathologie. Il reconnait les deux
niveaux élémentaires de l'organisation de la personnalité (borderline et névrosée) qui
sous-entendent les deux niveaux élémentaires du développement, à la suite du niveau
initial du manque de différenciation et de l'effacement des frontières du self et de
l'objet (psychose).
Menant plus loin les recherches de Jacobson et de Mahler en y intégrant de
manière sélective certains aspects de la pensée kleinienne, Kernberg considère que
l'enfant préverbal construit une structure duelle de la psyché, sous la dominance
« d'états d'affect extrêmes » (peak affect states). Des représentations de soi idéalisées
liées à un objet idéalisé, dominées par des affects positifs, sont mis en opposition à
des représentations négatives de soi et d’objet où des affects agressifs et frustrés
s'imposent. Dans ces conditions, aucune vision intégrée du self ou de l’objet n’existe.
Le self et l'objet sont plutôt clivés ou dissociés dans des représentations d'objet partiel
idéalisé ou persécutoire. Si les interactions mère-enfant sont dominées par des affects
agressifs, l'intégration nécessaire à l'identité du Moi (ego identity) est empêchée
entrainant des troubles de la personnalité limite (borderline). En ce qui concerne le
narcissisme, spécifiquement, l'investissement est situé dans une « structure
pathologique du self » (le « self grandiose »), contenant des représentations de « soi
réel » (real self), de soi idéal et d’objet idéal.
Cependant, si lors des trois premières années de la vie, les conditions
développementales permettent la tolérance de l’ambivalence, des relations
émotionnelles à la fois négatives et positives avec les mêmes objets externes, l'enfant
peut développer un sentiment de soi intégré (le « soi normal » [normal self], un
concept de soi réaliste) et la capacité d'une vision intégrée de la personne significative
(significant other). Dans ce cas, la concrétisation de la constance de soi et de l’objet
permet la formation de l'identité du Moi. La structuration interne qui en résulte
délimite le Ça et engendre un Moi capable de fonctions sublimatoires permettant
l'expression adaptée de besoins émotionnels en ce qui concerne la sexualité, la
dépendance, l'autonomie et l'affirmation de soi agressive/affirmée. Les relations

419
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d'objet internalisées qui comprennent des exigences et interdits d'origine éthique,


transmises lors des premières interactions de l'infans dans son contexte psychosocial,
sont intégrés dans le Surmoi. Ce niveau d'organisation de la personnalité mieux
intégrée (névrosé, « normal ») permet les conflits inter-systémiques intrapsychiques
entre les trois agences du Ça, du Moi et du Surmoi (conflit pulsion-défense). Ici, le
mode prédominant de défense est le refoulement.
L'élaboration intégrative récente de Kernberg au sujet de la théorie de la
relation d'objet comporte de nombreuses implications pour aborder la complexité du
développement précoce et des pathologies du self qui en résultent, où il propose un
« proto-self' » homéostatique qui peut se développer en un « noyau du self » (core
self) où l’individu se situe dans l'espace et la temporalité. Ce concept du self plus
mature, continu et stable peut comporter la mémoire autobiographique, l'anticipation,
le « self linguistique », le « self mental », et le « self social » (Kernberg, 2015). Dans
ses efforts récents menés pour corréler la théorie psychanalytique de la relation d'objet
et les neurosciences des affects, Kernberg (2015) affirme comment la recherche
neuroscientifique affective et développementale actuelle (Gergely et Unoka 2011),
dans les différentes structures du cerveau, les circuits neuronaux et les
neurotransmetteurs, confirme les hypothèses psychanalytiques de l'internalisation
progressive des représentations distinctes (les représentations soi/objet « bon » ou
« mauvais ») et comment leur intégration complète est uniquement possible dans les
niveaux supérieurs du cortex.
Dans l'exposé contemporain de Kernberg (2013, 2015), deux phases du
processus de mentalisation sont différenciées : une première phase de mentalisation,
dans laquelle la compréhension d'un état d'affect actuel se développe en termes d'une
relation d'objet immédiate ; et une seconde phase, liée au contexte de l'expérience de
soi et au contexte de l'expérience de l'autre, dans la contextualisation du présent
immédiat au regard d’une autoréflexion antérieure.

Arnold Modell
Pendant les 50 dernières années, Arnold Modell (1968, 1984, 1990, 1993,
2003, 2007) avait pour but de définir la nature paradoxale du self en tant que produit
contingent évolutif et de noyau durable. Cette quête l'a mené de la théorie freudienne,
par les relations d'objet winnicottiennes à l'intersubjectivité et la neuroscience.
Modell était l'un des premiers analystes des États-Unis à vouloir incorporer la
pensée de Winnicott et la focalisation clinique sur la naissance du self, par les
mécanismes miroir et l'usage de l'objet. L'accent porté sur la création de sens par
l'implémentation d'un espace transitionnel entre l'infans et la mère est devenu un point
central dans la théorie initiale du self par Modell (Modell 1968).
Bien que fondamentalement une élaboration des concepts winnicottiens,
l'ouvrage Object Love and Reality (L'amour objectal et la réalité) de Modell (1968)

420
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introduit deux thèmes : l'aspect intersubjectif du transfert et l'impératif pour le self de


donner un sens à son expérience comme étant fondamental à la motivation humaine
(Kirshner 2010). De manière complémentaire à la théorie de la pulsion freudienne, il
approfondit sa pensée intersubjective dans « Psychoanalysis in a New Context » (« La
psychanalyse dans un nouveau contexte ») (Modell 1984) où il postule que le self est
construit non seulement de manière ascendante à partir des pulsions biologiques mais
également depuis l'extérieur, par un échange dyadique. Dans ce jeu entre deux
psychologies, une version retournée, de l'intérieur à l'extérieur – la psychologie one-
person s'adresse à des phénomènes comme le rêve, la formation du symptôme et
l'inviolabilité du self privé, ou noyau du self ; et de l'extérieur à l'intérieur, le modèle
two-person intersubjectif du self enchevêtré s'adresse à la qualité relationnelle de
toute activité psychique. Les deux sont actifs dans le processus psychanalytique. Sur
ce point proche de Loewald et Green, il maintient l'idée que la psychanalyse n’apporte
pas tant une relation nouvelle réparatrice, mais une nouvelle relation à des objets déjà
existants.
Dans son ouvrage The Private Self (Le Self privé) (Modell 1993), l'accent est
posé sur le self interne dissimulé, enraciné dans la mémoire affective, qui revient une
fois de plus à l'avant-plan, cette fois-ci fondé sur la recherche neuroscientifique
d’Edelman. Edelman fit l'hypothèse que la capacité du cerveau à ré-catégoriser et à
retranscrire la mémoire au travers de nouveaux contextes des expériences de la vie
porte une valeur d'évolution, pour maintenir la continuité du self. C'est pour Modell
une base neurobiologique pour le Nachträglichkeit freudien (l'après coup, ou action
différée), ainsi que pour résoudre un paradoxe, le self éphémère mais endurant, une
thèse désormais reconnue valide dans des contextes spécifiques. Au-delà d’Edelman,
Modell dans ses publications récentes (Modell, 2003, 2007), ajoute une dimension
créative et affective à la retranscription, celle-ci étant sa contribution principale. Dans
Imagination and the Meaningful Brain (L'imagination et le cerveau éloquent)
(Modell, 2003), le processus de retranscription est élaboré de nouveau, le reliant à la
créativité métaphorique. Par ailleurs, dans « The Sense of Agency et the Illusion of
the Self » (« Le sens de l’agentivité et l'illusion du self ») (Modell, 2007), le self a
besoin d'être ré-contextualisé en permanence par l'expérience émotionnelle.
Dans cet article, autre exemple de la pensée interdisciplinaire, où il entreprend
le phénomène du membre fantôme, il postule que la continuité du self, création
transitionnelle, « […] pourrait bien être une illusion inconsciemment générée »
(Modell 2007, p. 8), sans laquelle la vie serait impossible à vivre (Kirshner 2010).
Mais fidèle à sa pensée dialectique, dans « The Unconscious as a Knowledge
Processing Center » (« l'Inconscient, centre de traitement de la connaissance »)
(Modell 2008), le self réémerge comme un processus et une retranscription
dynamique de l'expérience qui substitue l'illusion/fiction d'un noyau du self privé et
permanent.

421
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Thomas Ogden
Dans une synthèse de Klein et Bion et dans une démarche de développement
de Bick, Meltzer et Tustin, Ogden (1989) reconnait un mode primitif, présymbolique
essentiellement sensoriel, une position « autistique-contiguë », comme étant
déterminant dans les expériences de soi (self-experiences) rudimentaires pendant le
développement précoce et lors de troubles psychotiques de l'autisme :
« Cette position est une organisation psychologique primitive en vigueur
depuis la naissance [...] Elle est dominée par la sensorialité dans laquelle un
sentiment de soi le plus inachevé se construit sur le rythme de la sensation,
particulièrement sur la surface de la peau. [...] Les séquences, les symétries, la
périodicité, le 'moulage' du peau à peau sont des exemples de contiguïté, les
ingrédients par lesquels les débuts de l'expérience de soi rudimentaire
surviennent. [...] » (Ogden 1989, p. 30-31).
Dans ses écrits sur la rêverie et la métaphore, ingrédients essentiels du travail
psychanalytique (Ogden 1997), il pose dans le self une dualité, le self en tant qu’objet
et le self en tant que sujet :
« …ce qui a lieu dans le processus de construction de la métaphore est la
création des symboles verbaux qui donnent corps et substance émotionnelle au
self en tant qu’objet ('moi'), créant ainsi les symboles qui servent de miroir
dans lesquels le self en tant que sujet ('Je') se reconnait et se créé. » (Ogden,
1997, p. 729)147.
Saturé par la « mentation » du processus primaire, la dualité du self, selon
Ogden, dans la rêverie et dans la métaphore, rappelle la contribution antérieure de
James Grotstein sur les soi multiples (multiple selves) du rêveur (Grotstein, 1979).

V.B. Perspectives de la self psychology


Heinz Kohut
La self psychology s'est développée dans le temps par Kohut (1971, 1977,
1984), devenu progressivement de plus en plus insatisfait de la capacité du modèle
« pulsion-défense » freudien à expliquer ses propres expériences cliniques avec des
patients atteints d'un large spectre de troubles de la personnalité. Alors que la
psychanalyse classique focalisait sur la psychopathologie résultant des réactions de
défense face aux impulsions et aux désirs inconscients, Kohut observe que
l’interprétation de ces conflits inconscients est généralement inefficace pour
rencontrer ses patients « là où ils vivent vraiment (et souffrent) » (Kohut, 1971,
1977) 148 . Ses patients ne semblaient pas rentrer dans le modèle selon lequel ils

147
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
148
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.

422
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seraient dominés par la culpabilité générée par des impulsions inconscientes, mais ils
paraissaient manquer d'un sentiment de self, résilient et vigoureux. Au lieu de ce qu'il
appelait « l'homme coupable » freudien, Kohut était à la rencontre de « l'homme
tragique » (1977) qui souffrait d'un sentiment de vide et de désespoir. Kohut se mit
donc à chercher ce qui devrait avoir lieu dans la période de développement entre les
enfants et les parents pour qu'ils puissent développer un sentiment de self suffisant.
Dans la self psychology de Kohut, le self n'est pas présent à la naissance mais il
émerge au début de l'enfance par les relations avec une figure parentale (Galatzer-
Levy et Cohler, 1990). Kohut vint à considérer le self comme une unité fonctionnelle,
déterminée par l'expérience plutôt que par les pulsions internes.
En consonance avec ses idées sur le développement du self, il présente donc
une réévaluation du concept du narcissisme, ni pathologique, ni indésirable, mais
faisant partie de l'expérience humaine (Kohut, 1966). C'est ainsi qu'il considère le
narcissisme comme un phénomène développemental normal, qui peut apporter un
sentiment d'identité, de valeur, de sens et de permanence. Les transformations
globales du narcissisme, selon Kohut, constituent « l'humour, la créativité, l'empathie
et la sagesse » (Kohut, 1966, p. 257). La ligne de développement narcissique est
active depuis le début de la vie ; elle est une précondition au fonctionnement adéquat
de la personnalité. L'intégration du narcissisme dans une personnalité saine
représentait une distance radicale vis-à-vis de la conception du monde
psychanalytique qui pensait le narcissisme en termes péjoratifs (Siegel, 1999).
Le cœur de la self psychology est le self, le noyau de la personnalité. Elle est
conceptualisée comme un système mental qui organise l'expérience subjective d'une
personne en relation à une série de besoins développementaux (Wolf, 1988). Ceux-ci
incluent les compétences, les talents et le tempérament qu'une personne acquiert à la
naissance. Le self est l'essence de l'être psychologique et consiste en des sensations,
des sentiments, pensées et attitudes envers soi-même et le monde (Banai, Mikulincer
et Shaver, 2005).
Le sentiment de self d'une personne se développe et est soutenue par ses
expériences du « soi-objet » (self-object) (Kohut, 1984). Le concept d'un self-object a
été initié par Kohut pour décrire un aspect d'une fonction dans la relation entre le self
et les autres. Depuis la naissance, selon Kohut, nous sommes intimement connectés
aux autres, nous avons besoin de sentir qu'ils sont disponibles, qu’ils soient en mesure
de nous apporter la nourriture émotionnelle nécessaire à notre développement optimal
(Wolf, 1988). Ce dont nous avons besoin des autres et comment nous avons besoin
que les autres y répondent, change tout au long de la vie (Kohut, 1984).
Ces fonctions consistent en des mécanismes miroir, d'idéalisation et de
jumelage (Kohut, 1977). La fonction miroir fait partie du développement du self
grandiose, dans lequel la réaction parentale à l'enfant construit l'estime de soi et
renforce le sentiment de self de l'enfant (Kohut, 1971). L'idéalisation se caractérise
par une soif de l'objet omnipotent auquel l'on s'attache dans un effort de se sentir

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entier, en sécurité et solide (Siegel, 1999). Le jumelage est le besoin de l'autre qui
inspire un sentiment de similarité (Kohut, 1971).
Selon Kohut, les besoins du soi-objet sont fondamentaux pour l'expérience
humaine ; ils sont essentiels pour la cohésion du self (1971). Le développement d'un
self cohésif a lieu selon trois axes :
(a) L'axe de la grandiosité, (b) l'axe de l'idéalisation et (c) l'axe de la connexité de
l’alter ego (alter-ego-connectedness) :
Le self grandiose ou le soi-objet en miroir : Les fonctions associées au self
grandiose incluent l'expérience d'être affirmé et reconnu par un autre qui est le miroir
de son état interne. Le résultat en est un sentiment de valeur, de considération de soi
et d'expérience d'être respecté et approuvé par un « autre » qui nous félicite et nous
complimente de manière authentique. Certaines de ces expériences peuvent mener à
ce qu'une personne reçoive un sentiment de dignité et de respect de soi. Les
expériences d'admiration et de se sentir aimable peuvent mener à un sentiment
d'équilibre, de confiance en soi et d'assurance. Les expériences d'être approuvé dans la
poursuite d'expériences nouvelles et encouragé dans la maitrise de défis qui dépassent
sa portée engendrent un sentiment de fermeté dans le sentiment du self, qui renforce
un sentiment vigoureux de gouvernance personnelle (Kohut, 1968, 1971, 1972, 1975,
1978).
L'imago du parent idéalisé ou l’idéalisation : Les fonctions associées à l'imago du
parent idéalisé comprennent les expériences de sécurité qui proviennent de la foi dans
la force et l'omnipotence d'une personne qui agit en qualité de protecteur. Partager la
force de cette personne et l'expérience d'être protégé entraine la fonction de se sentir
habilité et efficace dans sa qualité d'être humain. L'expérience d'être modéré par
autrui dans l'excitation de soi ou dans des sentiments trop stimulants mène au
développement du contrôle de soi, à l'autodiscipline et à l'autorégulation. L'expérience
d'être apaisé, réconforté et calmé par autrui qui apporte réconfort et soutien ainsi
qu'une vitalité joyeuse favorisent la capacité d'enthousiasme et d'équanimité. Enfin,
l'expérience d'apprendre les règles de comportement qui représentent le contenu des
valeurs et idéaux d'une culture devient consolidée dans un système de valeurs et dans
une série d'idéaux qui servent de guide dans la vie de la personne. Ils donnent le
sentiment d'avoir un but dans la poursuite de ses objectifs (Kohut 1968, 1971, 1978).
L'alter-ego ou la connexité : Les fonctions de l'alter-ego du soi-objet (self-object)
étaient au départ associées au transfert en miroir, comme une forme archaïque de ces
transferts, mais elles reçurent plus tard un statut distinct (Kohut, 1984). Les fonctions
associées à l'alter-ego comprennent l'expérience d'un lien commun avec les autres
pouvant mener à un sentiment d'appartenance à autrui, de façon à ce que rien de ce
qui est humain ne me semble étranger. L'expérience du caractère intact de soi donne
un sentiment de bien-être et de complétude sans lequel nous nous sentirions
déshumanisés.

424
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« Dans le développement normal, la capacité des parents à servir en qualité de


soi-objets efficaces donne les conditions nécessaires à l'enfant de progressivement
internaliser les fonctions qu'ils remplissent. Ces conditions, qui comprennent la
résonance empathique, tempérée par une frustration optimale, donnent à l'enfant
suffisamment de temps et de ressources pour se forger le sentiment d'un self capable
de maîtriser l'individuation » (Glassman, 1988, p. 26)149.
Les fonctions du soi-objet ne sont pas des fonctions psychologiques innées. La
conscience du self créé le désir que les autres fonctionnent de manière à ce que nos
besoins soient satisfaits. Les soi-objets qui fonctionnent bien donnent une série
d'expériences qui entraînent une expérience de cohésion et de stabilité. La conscience
d’un soi-objet est généralement absente. Cependant, les blessures narcissiques non
atténuées par les fonctions du soi-objet sont vécues comme une injure faite au self.
Lorsque les soi-objets échouent à leur fonction gratifiante par rapport aux besoins,
cela peut engendrer une perturbation et une fragmentation.
Dans la théorie du self de Kohut (1982), l'empathie est un mode d'observation
et le moyen par lequel les fonctions miroir, d'idéalisation et de jumelage sont données.
Avec l'expérience de l'empathie se développe un sentiment de cohésion du self. Ces
idées représentent une élaboration et une expansion de sa pensée antérieure :
« L'empathie, la reconnaissance du self chez l'autre, est un outil indispensable
d'observation sans lequel des domaines vastes de la vie humaine, dont le
comportement de l'homme dans la sphère sociale, resteraient inintelligibles.
L'empathie, le développement du self pour y inclure l'autre, est un lien
puissant entre les personnes. Et l'empathie est une nourriture psychosociale
sans laquelle la vie humaine telle que nous la connaissons ne pourrait être
soutenue. » (Kohut, 1975, p.355)150.

La figure parentale à l’écoute et empathique apporte des fonctions de soi-objet


(selfobject) pour satisfaire les besoins de l’enfant en termes d'affirmation,
d'admiration et de lien par rapport aux autres.
La pathologie narcissique, dans la vision de Kohut, provient d’un échec de
l'empathie dans la fonction en miroir et dans l'idéalisation qui privent le self de
sources de narcissisme fiables et cohésives. En conséquence, l'incapacité de maintenir
et de régir l'estime de soi à des niveaux normaux est suivi de déficits, de déformations
ou de faiblesses dans le sentiment du self (Kohut, 1977 ; Goldberg, 1978).
Globalement, le travail de Kohut présente une étape majeure dans la théorie du
narcissisme et du concept du self. Après son décès, la self psychology s'est développée
dans plusieurs directions. Dans le cadre de la self psychology « traditionnelle »
kohutienne, Paul Ornstein (1990, 1993) et Anna Ornstein (Ornstein et Ornstein
1980, 1985) ont expliqué davantage le rôle de l'empathie, des « transferts du soi-

149
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
150
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.

425
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objet » (self-object transferences), de la rage narcissique dans le processus


interprétatif au regard de l'action thérapeutique, ainsi que l'effroi du patient à l'égard
du risque de répétition des déceptions des soi-objets traumatiques, avec l'espoir d'un
nouveau commencement dans le traitement. Arnold Goldberg (1995, 1999) applique
le concept du clivage vertical, effectué par le désaveu, jusqu'à l'étude des perversions,
des troubles narcissiques et des comportements clivés de l'expérience avouée, tels que
la compulsion alimentaire, le travestisme et l'infidélité.

Joseph Lichtenberg
Sur la base de la self psychology de Kohut et de l'intersubjectivité de Stolorow
(Stolorow et Atwood, 1992), Joseph Lichtenberg développe une théorie des systèmes
motivationnels dans lequel le « self » est conceptualisé comme un self expérientiel ou
sens de soi (sense of self). Ce sens du self existe dans un contexte complexe de
sensations et d'information venant du corps d'une personne et de la capacité d'être en
relation avec d'autres personnes, d'autres groupes et d'autres cultures, depuis la
résonance et l'adaptation aux objets inanimés et aux autres non-humains animés. Dans
la matrice de l'expérience de l'attachement, le sens du self de l'enfant provient de la
gouvernance, c'est-à-dire d'être ce que l'on est : quelqu'un d'actif, qui donc agit,
s'approprie, initie et réagit. Selon Lichtenberg (Lichtenberg, Lachmann et Fosshage,
2016), ce qui est indispensable aux intentions et aux objectifs du sentiment de
gouvernance du self sont : de trouver une base sûre en cas de danger et de perte
(Bowlby, 1988), que les figures parentales répondent par des affirmations en miroir,
d'établir un sentiment de points communs partagés (jumelage ou twinship), d'admirer
(idéaliser) les autres (Kohut, 1984) et être admiré. Une modération mutuelle réussie
de ces relations fondamentales d'attachement aux autres et l'affiliation à des groupes
(famille, pairs, etc.) donne lieu à des changements équivalents dans le sens du self,
chez l'autre, et développe une ambiance positive généralisée qui influence d'autres
attentes et d’autres adaptations. Alors qu'il s'agit d'un sentiment noyau du self,
d’identité individuelle, l'expérience du self est différente avec la multiplicité des
intentions et des objectifs. Globalement, Lichtenberg (1989) décrit cinq systèmes
motivationnels dans le développement du self, dont les besoins : 1. de modération
psychique des exigences corporelles ; 2. d'attachement et d'affiliation ;
3. d'exploration et d'affirmation ; 4. de réactivité aversive ; 5. et de besoins sexuels et
sensoriels.
Dans des situations adaptatives normales, le sens du self change avec une
prééminence, présence ou absence fluctuante d'intention de modérer les exigences
physiologiques, de former des liens d’attachement avec des personnes et des
affiliations à des groupes ; de donner et recevoir des soins, d'explorer son entourage et
d’affirmer ses préférences, d'exprimer de l'aversion par antagonisme et par repli, et/ou
de chercher le plaisir des sens et l'excitation sexuelle (Lichtenberg, 2008). En réaction
au stress chronique et/ou traumatique, le sentiment du self peut être fragmenté dans

426
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les états dissociés restreints par arrangement pathologique, et réduit et détérioré dans
les états dépressifs et régressifs. Les attaques sur le sentiment de gouvernance,
l'estime de soi et sur le sentiment de valeur, surtout faits à une personne vulnérable à
la honte, à la culpabilité et à la perte de fierté et de confiance en soi touchent le
sentiment de self jusqu'à la rage, la suspicion et la préoccupation par des fantasmes de
vengeance. De manière globale, le sens du self, comme acteur actant, est soutenu par
des expériences d'empathie, ou rendu vulnérable à la perte d'un sentiment de cohésion
si le lien empathique est interrompu ou absent (Kohut, 1977).
Dans beaucoup de brassage entre la self psychology et les perspectives
relationnelles, Howard Bacal (1985, 1998a,b) identifie la « self psychology
relationnelle » où l'accent se porte sur le contexte de la relation subjective plutôt que
sur la relation elle-même. En questionnant le rôle de la « frustration optimale » dans
son développement en thérapie, il plaide en faveur du terme « résonance optimale »
(optimal responsiveness), comme meilleure description de ce qui est nécessaire au
self.

V. C. Perspectives interpersonnelles et relationnelles


Originaire des États-Unis, Harry Stack Sullivan (1953, 1964) considère que
la psychiatrie est, fondamentalement, l'étude des relations interpersonnelles. Il
développe une conception du self et de son développement très différente de ses
collègues psychanalytiques classiques. Sullivan, fortement influencé par Mead
(1934), estime que nous pouvons nous connaitre uniquement par rapport à la relation
à autrui ; il affirme donc que le self n'est que l'ensemble d'appréciations reflétées de
ceux avec lesquels nous avons été en contact, qui consistent en ce qu'il appelle un
ensemble de schémas « moi-toi » (me-you) (Sullivan, 1953). Pour Sullivan, il est
impossible de comprendre un self particulier en dehors du réseau complexe des
relations interpersonnelles dans lesquelles une personne est inévitablement mêlée.
Une conséquence de cette « théorie du champ » (field theory) est que, selon lui, le
sentiment d'un noyau interne du self n’est qu'une fiction investie narcissiquement. En
fait, pour Sullivan, les êtres humains ont autant de personnalités qu'ils ont de relations
interpersonnelles (1950, p 221). Pour lui, nous sommes divisés entre le « moi-bon »
(good-me), ce que j'aime de moi, le « moi-mauvais » (bad-me) celui que je n'aime pas
et le « non-moi » (not-me), étant des aspects du self tellement anxiogènes qu'ils
doivent être désavoués par la dissociation. La vision du self multiple de Sullivan, ainsi
que son invocation des processus dissociatifs d'autoconservation, est parvenu à
l'avant-garde des conceptions relationnelles du self contemporaines, que les travaux
de Philip Bromberg (1998, 2006, 2011) et Donnell Stern (1997, 2010) ont
exemplifiés. Sullivan a développé le concept du « système de soi » (self-system) pour
élucider la configuration des traits de personnalité et d'opérations de sécurité conçues
afin de conserver pour soi un sentiment relatif de sécurité et de stabilité. Ce self-
system est conçu pour protéger une personne d'angoisses et de hontes inutiles par

427
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l'usage de mécanismes tels que la dissociation et l'inattention sélective. L'accent que


pose Sullivan sur « l'autre » comme source de danger est en consonance avec les
perspectives interpersonnelles two-person contemporaines.
Sur la trace de la tradition sullivanienne d'une perspective de la théorie du
champ, Bromberg (1998) conçoit l'esprit comme « une configuration d'états de
conscience mutatifs et non-linéaires dans une dialectique permanente avec l'illusion
nécessaire d'un être-soi (selfhood) unitaire. » (p. 7) 151 . À la suite de Sullivan,
Bromberg (1998, 2006, 2011) considère que les expériences « non-moi » sont
omniprésentes et inévitables. Il affirme que les processus dissociatifs peuvent être une
fonction adaptative saine de l'esprit humain, servant une fonction primaire
d'autoprotection similaire au refoulement de Freud, ou au self-system de Sullivan.
Ainsi pour Bromberg, « le self » est par définition un ensemble d'états du « moi » et
du « non-moi » désavoués. Puisqu'un certain degré de dissociation est inévitable,
Bromberg insiste sur le point que c'est le degré de dissociation dans les états du self
(self-states) qui détermine le niveau de psychopathologie, avec les plus extrêmes
exemples que constituent les expériences psychotiques.
La théorie du champ relationnel contemporain considère que le self présente
des incidences permettant de comprendre les interactions. Pour Bromberg et d'autres
penseurs relationnels contemporains, (par ex. Stern ; Levenson), une interaction entre
deux selfs implique une imbrication en perpétuelle évolution d'éléments conscients et
inconscients qui affectent, et sont affectés par, autrui. Pour Bromberg, un traitement
réussi implique la reconnaissance de ces self-states dissociés, parce qu'ils sont énactés
dans la relation analytique pour qu'ils puissent être réorganisés par le patient dans la
relation analytique. Bromberg (1998) considère qu'une condition saine représente la
capacité de nos self-states multiples à se rejoindre les uns les autres, sans les entraves
des processus dissociatifs de défense. Cette capacité qui représente un idéal est une
aptitude à « se dresser entre les espaces » entre les états du self, ou comme il le dit lui-
même : « la capacité de se sentir soi-même tout en étant multiple » (p. 274)152.
Stephen Mitchell (1991) considère aussi que le self est multiple et discontinu,
qu'il est constitué d'un ensemble de self-states similaires aux relations d'objet
internalisées. Cependant il souligne également que les personnes ont en elles le
sentiment particulier d'un self privé avec des frontières claires entre soi et les autres. Il
explique cette contradiction apparente en soulignant que chaque définition se réfère à
un aspect différent du self. Pour Mitchell, le « self multiple » (multiple self) représente
le self comme action, c'est-à-dire « les configurations multiples de la variabilité auto-
schématisée dans des contextes relationnels différents » (P.139), alors que le self
unitaire privé est « une expérience subjective de la création du schéma lui-même, une
activité vécue au cours du temps et dans des systèmes organisationnels différents [et]
reconnus comme étant 'miens', ma façon unique de traiter et de façonner mon

151
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
152
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.

428
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expérience » (p. 139)153. Alors que certaines conceptions traditionnelles du self (par
exemple Freud, Klein, Winnicott) peuvent sembler organisées de manière verticale
avec des parties socialement adaptées, construites de manière plus défensive en
surface, masquant les parties sous-jacentes moins acceptables, parfois inconscientes,
les théoriciens relationnels/interpersonnels contemporains sont en faveur d'un modèle
horizontal. Ainsi que Donell Stern (2010) l'évoque : « L'esprit n'est pas ici une
organisation verticale de matériel conscient et inconscient, mais un ensemble de self-
states organisés de manière horizontale, chacun en relation dynamique avec les
autres » (p. 139)154.
Probablement l'expression la plus radicale d'une approche contemporaine du
self interpersonnel se trouve dans le travail de Edgar A. Levenson (1972, 1991) : il
fait fortement valoir la nature fondamentalement inextricable du self et de l'autre et
considère que l'analyste et le patient sont inévitablement et inconsciemment impliqués
l'un envers l'autre de manière fortement et affectivement chargée. Levenson est
inlassablement post-moderne dans sa conviction selon laquelle toute tentative de
définir ou d'expliquer quoi que ce soit au sujet d'une personne n'est qu'une perspective
(par exemple d'une personne, d'une interaction, d'une expérience) et, en tant que telle,
qu'elle soit organisée de manière défensive pour exclure d'autres perspectives qui
pourraient contenir d'autres aspects essentiels d'une personne et de son expérience.
C'est ainsi qu'il considère que les concepts psychanalytiques tels que le « self » sont
des réifications de quelque chose d'inévitablement fluide, qui ne peuvent qu'être
considérés comme appartenir à un « processus » ou un « contexte ». Le self de
Levenson, comme le self-system de Sullivan, consiste en une variété de stratégies que
nous employons pour négocier les dangers de notre monde interpersonnel. Ainsi, dans
la démarche de trouver du sens dans notre monde, les personnes développent un
schéma qui, s'il fonctionne, à tendance à être réutilisé. Pour Levenson, la relative
rigidité ou flexibilité de ces schémas peut être un biais par lequel la psychopathologie
peut se décrire. Il pense que le besoin de continuellement nous adapter à un ensemble
de circonstances en constante mutation est responsable du développement de l'esprit à
fonctionner dans un « système qui s’auto-organise » (Levenson, Hirsch, et Iannuzzi,
2005, p. 612). Levenson confirme : « [qu’] il y a quelque chose d'autonome dans la
personne qui organise, qui vit, qui l'utilise et le retire et le réorganise ». (p. 613)155.
Ainsi, Levenson considère que le self est un processus plutôt qu'une structure.

153
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
154
N.d.T Citation traduite pour cette édition.
155
N.d.T Citation traduite pour cette édition.

429
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VI. AUTRES DÉVELOPPEMENTS CONTEMPORAINS DU CONCEPT DU


SELF SPÉCIFIQUES A L'EUROPE

VI. A. La contribution contemporaine de la relation d'objet britannique

Christopher Bollas a longuement écrit sur le concept du self, ses origines, son
expression, sur le sens du self. Influencé par le concept du « vrai self » de Winnicott,
il l'a élaboré de manière unique. Dans ses écrits sur ce domaine, il se réfère souvent à
la littérature, à la poésie et aux arts.
Dans les Forces of Destiny (1989) (Les forces de la destinée) Bollas écrit que lorsque
Winnicott propose le terme « vrai self' » pour signifier un potentiel héréditaire qui
trouve son expression dans l'action spontanée, il conceptualise un aspect de la relation
psychanalytique (et de la vie) qui jusque-là n'avait pas été théorisée. La théorie du
vrai self de Winnicott est pour lui juste un concept par lequel il est possible de décrire
quelque chose de l'analyse dont nous pouvons avoir connaissance, mais que nous
n'avions pas pu penser jusque-là. Dans ses écrits, Bollas élabore et précise ses propres
pensées sur le vrai self, pour lequel il substitut progressivement le terme « idiome ». Il
le fait en partie parce qu'il trouve que l'hyper usage d'un terme mène à une perte de
sens par des sollicitations incantatoires, dévalorisant le potentiel impensé des mots
(1992, p 64), mais aussi parce qu'il souhaite trouver son propre chemin dans ce
domaine insaisissable.
Dans le chapitre « La fonction multiple du psychanalyste » (1989) il écrit :
« Le vrai self ne peut pas être entièrement décrit. Il s’apparente davantage au
mouvement d’une musique symphonique qu’a l’expression d’une signification
par des mots qui permettent d’isoler une unité de sens dans l’emplacement
d’un signifiant [...] Chaque individu est unique, et le vrai self est un idiome
organisateur que cherche à constituer son monde personnel à travers l’usage
d’un objet. […] La construction d’une vie s’apparente quelque peu à une
esthétique : c’est une forme qui se révèle dans la manière d’être d’un
individu. » (1989, pp.109-10)
Dans « L’objet transformationnel », de l'ouvrage The Shadow of the Object :
Psychoanalysis of the Unthought Known (L’Ombre de l’objet : la psychanalyse de
l’impensé connu) (1987), Bollas explore les débuts de l'élaboration par le nourrisson
de cette esthétique individuelle fondamentalement dépendante d'un environnement
facilitateur. Si la mère ne répond pas sensiblement au geste spontané de l'enfant, ses
expressions idiomatiques seront bloquées et remplacées par des fausses adaptations.
Mais si elle est sensible au self émergent de l'infans, elle aura la capacité par des
interactions conscientes et inconscientes subtiles avec son nourrisson, de répondre à la
communication du vrai self de l'enfant.

430
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Dans « L’Ombre de l’objet », Bollas reste proche de la formulation de


Winnicott selon laquelle le vrai self est la graine historique des dispositions
instinctuelles et moïques de l’enfant (Bollas, 1987, p. 51), « le noyau du self » (p.
208), et tout en reliant le vrai self au concept du refoulement primaire de Freud, étant
cette disposition héritée qui constitue le noyau de la personnalité, transmis
génétiquement, comme un potentiel dans l’espace psychique, il place le vrai self tout
au cœur du concept de « l'impensé connu » (p278).
Dans « Les forces de la destinée », Bollas (1989) explicite une différence
cruciale entre le « destin » et la « destinée ». Il relie le destin au concept du faux self
et à l'existence réactive, et la destinée à la réalisation du potentiel interne de la
personne. Dans le chapitre « La pulsion de la destinée », il articule que ce sens de la
destinée est le cours naturel du vrai self par le biais des formes variées de relations
d'objet, et que la pulsion de la destinée émerge, le cas échéant, de l'expérience vécue
de l'enfant, « parente de l’illusion de la créativité donnée par la mère » (1989, p. 54-
55).
Quand nous avançons dans la vie, notre idiome continue d'être articulé par nos
choix et l’utilisation que nous faisons des objets. Dans « Being a Character :
Psychoanalysis et Self Experience » (Être un caractère : la psychanalyse et
l’expérience du self) (1992), Bollas élabore son image de l'idiome en tant
qu’intelligence de la forme et ses idées de l'usage idiomatique de l’objet, qu'il avait
commencé à décrire dans « Les forces de la destinée ». L'idiome, nous dit-il, qui
donne forme à toute personne humaine, n'est pas un contenu latent de sens mais une
esthétique dans la personnalité. (p. 64-65). Notre idiome est « notre mystère » (1992,
p 51). Il ne peut être ni connu ni atteint par l'introspection. Nous n'irons jamais à la
rencontre de notre vrai self en tant que tel ; jamais nous ne saurons ce que c'est, ni le
nôtre, ni celui des autres, mais nous avons une perception intuitive de ses dérivés, de
la même manière que nous ne pouvons avoir le sens de l'Inconscient que par ses
dérivés.
Bollas considère que l'idiome humain est articulé par le choix et l’usage qu’il
fait des objets, dans le sens traditionnel du terme (où la réalité interne rencontre la
réalité externe et où la question de ce qui survient de l'intérieur et de l'extérieur reste
en suspens) et objectivement parlant, lorsque la personne rencontre la qualité de l’être
même de l'objet, en dehors de la sphère de mécanismes projectifs, ce que Bollas
appelle l'intégrité de l'objet.
Bollas écrit que :
« Si l'idiome donc est le ça (it) avec lequel nous sommes nés, et si sa
jouissance est de s'élaborer par le choix des objets, un [ça] étant une
intelligence de la forme plutôt que l’expression d’un contenu interne, son
travail rentre en collision avec la structure des objets qui le transforment et par
lesquels il acquiert ces contenus internes particuliers. Cette dialectique
collisionnelle entre la forme humaine et la structure de l'objet est, dans le

431
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meilleur des cas, une joie de l'existence puisque nourrie par la rencontre »
(Bollas 1992, pp. 59-60)156.
Dans plusieurs cas, Bollas explicite le profond « sens du self ». Dans le
chapitre « What is this thing called self ? » (« Quelle est cette chose que nous
appelons le self ? ») de l’ouvrage Cracking Up – the Work of Unconscious
Experience, (S’effondrer : le travail de l'expérience inconsciente) (1995), Bollas
considère le self comme un « sens distinct ». Le sens du self n'est que le potentiel de
chaque personne, qui est née avec cette capacité de sens, qu'elle développera plus ou
moins. (Ibid., p 154). Ce sens du self peut être bloqué ou frustré lorsqu'une personne
n'a eu que trop peu de réactions sensibles à ses expressions idiomatiques, et qui a
ressenti un sens de vide et de manque de contact interne. Dans le sens du self, Bollas
explique qu'il existe là un sentiment d'être-là, que quelque chose est là, mais qui n'est
pas quelque chose que l'on peut soit toucher ou connaitre, c'est uniquement un sens, et
c'est le plus important phénomène que nous ressentons dans notre vie. (Ibid., p 172).

VI. B. Les contributions italiennes


Alors qu'en psychanalyse britannique, les théories du Self étaient développées
dans la tradition des relations d'objet, en psychanalyse italienne le concept du Self a
été développé par des auteurs qui ont théorisé sa genèse depuis l'esprit primitif dans la
relation avec la mère (Gaddini) ; à partir de la « matrice groupale » (Hautmann) ;
depuis la dimension transgénérationnelle (Napolitani) ; ou comme dispositif
permettant d'analyser la dynamique de la relation analyste-patient (Bolognini).
Eugenio Gaddini (in: Mascadini, Gaddini, De Benedetti, 1989), par sa
collaboration profonde avec Winnicott, fut l'un des analystes qui avait importé et
développé les théories du Self en psychanalyse italienne. Quand il fait référence au
Self, il utilise le terme « organisateur » au regard du terme « structure », pour indiquer
sa fonction catalytique dans le développement de l'organisation psychique. Dans les
phases initiales de la structure du self, son ancrage dans les stimuli sensoriels et dans
les sensations corporelles qui manquent du sens de la temporalité ou d’un espace
défini prédomine. Ces premières sensations provoquent chez le nourrisson une
première forme d’expérience de soi, qui est vécue comme venant du self, vide de
limite et indifférenciée du non-self. La psyché émerge ensuite des sensations et les
organise progressivement par un mécanisme très primitif que Gaddini qualifie
d’imitation primitive : « imiter pour être ». Cette imitation/personnification continue
d’être utilisée aussi dans la vie adulte, habituellement dans des rêves et dans la
pathologie du sens du self, et dans la période de l'adolescence devant l'angoisse
provoquée par la relation avec l’objet (Mascadini, Gaddini, De Benedetti, 19891989,
p. 563).

156
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.

432
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À partir du troisième mois, la psyché de l'infans commence, par la perception,


à rencontrer ce que Gaddini appelle « un sens obscur de non-self » qui le mènera à
une première reconnaissance de l'objet comme étant distinct de lui-même. L'auteur
souligne fortement la vulnérabilité psychique de l'enfant dans cette phase, plus
extrême que la vulnérabilité biologique, qui génère une forme d'angoisse primitive,
qui est une angoisse de la perte du self (p. 566). Plus tard, Gaddini donnera une
définition à 1. L’angoisse de la non-intégration, quand le Self distinct manque de
maintenir la cohésion et est fragmenté ; 2. l'angoisse de l'intégration, quand le Self,
par la maturation biologique et l'adaptation de l'environnement à ses besoins
émotionnels, acquiert un sentiment de stabilité suffisante mais est constamment
effrayé de le perdre. Il est intéressant de noter que Winnicott parle de l'angoisse
d'intégration connectée à une sorte d'angoisse paranoïaque. La séparation du Self de
l'objet non-self coïncide avec la naissance psychologique (Mahler et al. 1975) et a lieu
par une fluctuation entre l'angoisse de non-intégration et l'angoisse d'intégration. Les
charges libidinales ne recherchent pas essentiellement l'objet, mais sont tournées vers
l'intérieur pour préserver l'unité du Self et ce stade peut se définir en termes de
consolidation du Self unitaire constitué. Ce stade peut durer pendant une période
considérable ; c'est une période précieuse parce que le Self est capable de recevoir des
expériences autonomes, et les angoisses liées à la perte du self disparaissent
progressivement. Le dernier stade est celui de la formation de l'objet, coïncidant avec
la renonciation du Self par rapport aux défenses précédentes, afin de s'investir dans
une relation authentique d'amour. Gaddini souligne que tous ces stades peuvent se
reconnaitre dans le cadre d'un processus analytique individuel.
Giovanni Hautmann (1990, 2002) s'est penché sur le développement des
liens entre la formation précoce du Self (sa naissance), le début des capacités
symboliques et la naissance de la capacité de penser. Hautmann mit l'accent sur
l'esprit primitif gouverné par une matrice asymbolique, dans laquelle les stimulations
sensorielles, les perceptions, les sensations et les émotions primitives prédominent. Le
développement du Self a lieu par l'émergence progressive de cette matrice initiale,
avec une fluctuation entre une condition asymbolique, dispersée et désagrégée et une
impulsion initiale d'intégration, par des degrés progressifs d'une émergence possible
d'identification et d'expression symbolique. Prenant en compte les théories de Bion
sur l'appareil protomental, Hautmann définit la matrice asymbolique de « magma
protomental » ou de « self groupal primitif ». Dans cette matrice protosymbolique les
éléments, qu'ils soient dispersés ou agrégés, peuvent appartenir au statut psychique et
physique ; ils sont par conséquent ouverts à l'approche analytique et peut-être aussi à
l'approche biologique. Les fluctuations de l'esprit primitif peuvent aussi être
interceptées dans la session analytique, contenues et appréhendées par la rêverie de
l'analyste et ré-signifiées par son activité interprétative.

Diego Napolitani (1987, 1991, 2005) propose un modèle de formation du Self


individuel, un cœur/noyau central de forte identité, qui débute à partir de la « matrice
groupale » (matrice gruppale) et se stratifie dans ses dimensions culturelles, sociales

433
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et familiales. Napolitani modélise son construit du Self par une représentation


graphique qu'il définit comme la « carte de l'esprit bipolaire », dans lequel il indique
que les composants « masculins » et « féminins » sont deux différentes manières
d'aborder la connaissance et une vision du monde. Dans la carte de « l'esprit
bipolaire », l'auteur identifie trois dimensions : 1. L’IDEM (latin pour « similitude »
et/ou « identité ») est étroitement lié à l'environnement initial (le passé d'une
personne, depuis les origines les plus éloignées jusqu'aux expériences relationnelles
les plus récentes), le noyau des racines de l'identité ; il désigne la complexité des
expériences que chaque être humain traverse dans son histoire, depuis sa naissance
jusqu'au moment présent, le monde des traditions, l'ensemble des expériences
relationnelles, affectives, intellectuelles accumulées tout au long de la vie de chaque
personne. L’Idem est « ma tradition et ma culture » et en tant que tel il est aussi « un
chemin de connaissance préjudiciable ». La formation du Self coïncide dans la carte
bipolaire avec le IPSE (latin pour « lui-même/elle-même », « en personne ») et
indique la dimension réflexive, la conscience de soi par l'émergence de l'Idem. L’Ipse
coïncide avec le Self conscient, il se développe par des codes linguistiques, gestuels et
éthiques, internalisés comme des moyens d'identification à partir de l’environnement
d'origine. Et enfin, l'auteur identifie une troisième place sur la carte bipolaire, qui est
AUTOS (grec pour « Il »), le dispositif de la réorganisation du self qui se révèle dans
la production de symboles, la capacité poétique-symbolique qui représente la source
de toutes ces procédures complexes qui connectent la personne avec ses propres
matrices originales, d'une part, et son propre devenir, d'autre part ; Autos maintient le
Self dans une condition d'équilibre instable permanente entre la dimension
conservatrice et la dimension transformatrice, passant ainsi de l'hétéronomie
(l'obéissance à la loi de l'autre) à l'autonomie (la construction du symbole autour
duquel peut s'articuler sa propre loi).
Stefano Bolognini (1991) a développé une théorie du Self sur la base de la
dyade patient-analyste effective. Bolognini souligne les différences entre les termes
« Moi » et « Self ». Selon la définition de Laplanche et Pontalis (1967), le Moi est :
(1) le noyau de la conscience et quelques fonctions mentales actives ; (2)
l'organisateur des défenses ; (3) l’instance qui sert d’intermédiaire entre la réalité
externe, le Ça et le Surmoi. Le « Self » est un ensemble de représentations qui
concerne la personne elle-même quand elle est l'objet (potentiel ou actuel) de sa
propre expérience subjective. Contrairement au Moi, au Ça et au Surmoi, qui sont des
composants dynamiques de l'appareil psychique, le self est un contenu de l'appareil,
de la même façon que les représentations d'objets. Étant une unité dotée de continuité
sur une échelle temporelle, le self est configuré en tant que structure interne de la
psyché dans laquelle il a cependant une place complexe : des représentations variées
et conflictuelles du self sont distribuées dans le Moi, dans le Ça et dans le Surmoi
(Kohut, 1971). Ainsi, le self apparait partiellement conscient, partiellement
inconscient.

434
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Bolognini propose un modèle de jeu entre le Moi et le Self dans la dyade


patient/analyste, où 4 combinaisons sont explorées : 1. Le contact entre le Moi de
l'analyste/Moi du patient, où des fragments de la vie psychique du patient sont
communiqués sur un niveau conscient. L'objectif de la relation est d'apporter
l'équivalent d'une carte géographique pour ouvrir le patient à des insights et à des
nouveaux points de vue sur lui-même. Le couple n'entre pas dans le monde interne,
l'espace en surface est exploré et ce peut être un moyen informatif et explicatif pour
travailler en analyse. 2. Le contact entre le Moi de l'analyste/Self du patient : dans ce
cas, l'analyste est capable de s'organiser dans une condition plutôt stabilisée de
réceptivité préconsciente, pendant que son propre centre de gravité expérientiel est
conservé dans le Moi conscient ; dans les situations dans lesquelles le patient est
disponible pour un échange plus profond et complet. L'analyste est également capable
de se rendre compte des intrusions projectives du patient, qu'il reconnait comme des
éléments du non-self, et peut lui donner en retour des hypothèses dynamiques aux
processus internes du patient, dont des scénarios extensifs de la vie en rêve de son
patient. 3. Le contact entre le Moi-Self de l'analyste/Moi du patient : l'analyste utilise
là la résonance de son propre self pour identifier de manière comparative les zones
sous-développées ou inaccessibles du self du patient ; mais il fait l'expérience, avec
son propre self, des moyens, des niveaux et de la puissance avec laquelle le Moi
défensif inconscient du patient interrompt, étouffe ou habituellement annule le contact
subjectif du patient avec son propre self (Bollas, 1987). Le vaste et profond contact
avec son propre self permet à l'analyste de recevoir, de vivre et de discerner les parties
de la vie mentale du patient (objet et fonctions) qui ont été clivées et projetées sur lui.
4. Le contact entre le Moi-Self de l'analyste/le Moi-Self du patient. Dans cette
configuration, le contact avec le patient est plus profond : les canaux préconscients
s'élargissent et les fonctions exploratrices du moi observateur de l'analyste peut
illuminer, approfondir et prendre contact avec des parties du patient et de lui-même.
Ainsi, l'analyste ne fait pas de déduction mais voit plus loin : les processus introjectifs
prévalent sur les processus projectifs. Les processus projectifs du patient, tels que
l'analyste les vit, ne sont pas uniquement des objets de communications verbales, elles
sont le plus souvent traitées par l'identification et le jeu créatif.
Globalement, Bolognini (1991) est en faveur d'une définition plus large du
concept du self. Une définition aussi large propose que le self corresponde à la réalité
interne (dont les représentations d'objet) qui s'avère être une partie durable,
caractérologique et constituante du monde mental de la personne et qui peut faire
l'objet de son expérience subjective. Vue sous cet angle, la partie nucléaire du self est
celle dans laquelle les éléments, qui ont fait l'objet d'une identification projective de la
manière la plus profonde et authentique, forment un noyau organique avec la
constitution somato-psychique de la personne. À ce niveau donc, tout travail
psychanalytique impliquant une dé-identification sera inévitablement inapproprié et
destructif. Ce « self nucléaire » concerne une identité profonde (l'équivalent du « vrai
self » de Winnicott). Le portrait global que forment les objets internes, le self
nucléaire et leurs interrelations, peut transmettre un climat émotionnel fondamental du

435
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self, dont les fluctuations occasionnelles peuvent se percevoir dans l'état d'esprit du
patient, dans les contenus de ses rêves et l'atmosphère de la session. L'analyste peut
choisir d'observer ce théâtre de rêve ou y prendre part de manière active. Dans le
premier cas, il travaille principalement par le Moi, dans le second cas, son propre self
y entre en jeu également. Des combinaisons variées et des permutations du travail
analytique qui englobent des contacts entre le Moi et entre les self de l'analyste et du
patient conduisent à des processus qui impliquent la croissance et l'émancipation du
Moi (à partir du Ça et du Surmoi) d'une part, et d'autre part à l'expansion et à
l'enrichissement du self qui vont de pair : « L'expérience nous apprend que dans une
bonne analyse, ces deux processus de développement sont destinés à se rencontrer et à
se mélanger de manière harmonieuse, malgré ce que les théoriciens proéminents
peuvent en dire : le résultat en est une personne dotée d'un Moi valide et d'un self
riche... » (Bolognini, 1991, pp. 348-349)157.

VI. C. Le Self dans la tradition française et liée à la tradition française


Jean-Bertrand Pontalis
Pontalis (1977/1983) décrit des domaines intermédiaires entre le rêve et la
douleur psychique, où d'après lui la naissance et la reconnaissance du self a lieu.
Selon ce point de vue, ce n'est pas autant le plaisir, mais la souffrance, étant un aspect
intensément subjectif de la douleur, qui contribue à la structuration psychique et à la
« subjectivisation », car elle révèle et influence la condition du sujet/self.
L'article précurseur de Pontalis, « Naissance et reconnaissance du soi »
présente un chapitre fondamental dans son livre Entre le rêve et la douleur (Pontalis
1977/1983), où ces notions sont proposées, est considéré être l'un des premiers textes
français sur la « personnalité-comme-si » de Deutsch (1942) et les « vrai » et « faux »
self de Winnicott, mettant en perspective la psychologie du Moi et celle du Self.
Pontalis (1977/1983) examine minutieusement la genèse du concept du Self et
ses implications au regard de la théorie freudienne. Il critique l'unité illusoire du
concept du Self, pour lequel il y voit un risque d'échapper à l'irréductibilité du conflit,
à l'altérité de l'inconscient, à l'irréconciliabilité des représentations, aux multiples
transformations des pulsions et à la multiplicité des identifications. Ainsi, il souligne
que l'unité du Self contredit l'articulation complexe de la réalité psychique, sur la base
de la théorie structurale/deuxième topique, la formation et la différentiation des
différentes agences psychiques et leur conflit irréductible, pour le bénéfice d'un
modèle de croissance unitaire, très proche du modèle organique. Malgré cela, Pontalis
donne des exemples au sujet d'une recherche clinique qui rend utile l'introduction du
concept du Self. La première concerne une comparaison entre deux types de patients
présentés par Deutsch et Jacobson, la description pour laquelle les deux auteurs ont
utilisé la notion de Self. La description de Deutsch (1942) d'une « personnalité-
157
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.

436
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comme-si » se réfère à des patients dont la réalité interne est caractérisée par l'absence
d'un Self, qui peut se représenter par une enveloppe vide, dont les limites externes
sont investies de garder à l'écart les objets, représentations et affects. Jacobson décrit
la personnalité du psychotique, qui, au contraire, souffre d'une fragmentation de son
propre Self, dans une réalité psychique interne « trop remplie » dont les limites sont
constamment menacées par la réalité externe. De plus, bien qu'il soit en désaccord
avec la distinction que fait Hartmann entre le Moi (Ego) et le Self, ce qui poserait un
défi à la contradiction intrinsèque du Ich freudien, Pontalis reconnait le mérite de
Hartmann pour avoir enrichit le champ de la recherche psychanalytique aux troubles
du spectre narcissique par le développement de ses théories du Self respectives. Étant
donné cette contradiction apparente entre le cadre théorique et les expériences qui
émergent des profondeurs du travail clinique, Pontalis propose que la notion de Self
puisse concourir à souligner la composante subjective du patient et de l'analyste dans
le travail psychanalytique. Finalement, Pontalis propose un nouvel examen de certains
éléments centraux des idées de Winnicott (l'espace transitionnel, la création de l'objet
transitionnel, la distinction entre le vrai et le faux self) à partir desquels il s'inspire
pour proposer sa propre conceptualisation du Self. Pour qu’une conscience et une
expérience du Self deviennent possibles, il faut qu’un Moi, si rudimentaire soit-il, se
soit constitué :
« Le moi, avons-nous dit, est le représentant de l’organisme comme forme,
fragile par sa vulnérabilité et rassurante par sa fixité, comme l’image dans le
miroir : espace clos et comme enchâssé entre l’espace du Ça, toujours prêt à
l’envahir, et l’espace extérieur […]. Le Self est non l’élan vital, mais, dans
l’espace psychique, le représentant du vivant : espace ouvert […] aux deux
bouts sur l’environnement qui le nourrit d’abord et qu’en retour il crée »
(Pontalis, 1977/1980, p. 178).
C'est en reprenant l'idée de Winnicott selon laquelle le Self est le gardien du
sentiment d'exister, que Pontalis conclut qu’être quelqu'un de vivant, c'est une tâche
déjà accomplie, programmée pour l'organisme animal, mais toujours inventée pour
l'homme (Pontalis 1977/1980, p. 178) ; en cela il met l'accent sur la question de la
propriété auto-inventive du Self.

Judith Gammelgaard
Dans son article précurseur sur le sujet de « Le Moi, le Self et l'altérité »,
(Gammelgaard 2003), Gammelgaard résume la philosophie française de Ricoeur
(1992) avec la tradition psychanalytique française de Laplanche (1992), Green (2000)
et de Aulagnier (1975) avec la notion de l'espace transitionnel de Winnicott (1971),
pour articuler en termes contemporains la conceptualisation contradictoire et ambiguë
de Freud du Ich (Je) décentré, dont le moi, le self ainsi que l'altérité. Elle situe le self
dans le lieu intermédiaire de l'expérience, suivant l'accent que Winnicott pose sur la
différence entre être en relation avec l'objet et utiliser l'objet. Winnicott (1971) précise

437
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que : (a) le sujet, de façon fantasmatique, détruit l'objet, et (b) l'objet survit la
destruction fantasmatique afin d'acquérir sa propre autonomie. Ayant ainsi survécu,
l'objet, dans la pensée de Gammelgaard, peut maintenant être perçu et conçu comme
l'autre, menant à l'émergence d'une perception rudimentaire de « Je » (I), « moi »
(Me), qui à son tour est la première représentation de l'idée de « Je » avec « moi »
dedans.
Ces premières représentations correspondent au pictogramme d'Aulagnier
(1975) qui peut précéder la formation fantasmatique primaire, mais qui n'est pas en
dehors de la sphère de représentation. Le pictogramme est la première représentation
à laquelle est donnée la toute première activité psychique, qui reflète aussi bien
l'activité et l'activation et, de manière plus importante, il englobe l'autre. C'est là que
Gammelgaard retourne fermement sur le territoire de la psychanalyse française : le
pictogramme, en tant qu'illusion, appartient au je ou au moi existant dans la psyché
comme un « message énigmatique » jamais compris venant de l'autre (Laplanche
1997, Gammelgaard 2003, p.107).

VI. D. Le Self en psychanalyse de l'enfance et de l'adolescence


Alors que de nombreuses contributions d'auteurs nord-américains et européens
sont explicitement ou implicitement axées sur le développement, en Europe
particulièrement, les psychanalystes de l'enfance et de l'adolescence, qui s'appuient
sur certains éléments de recherche et de théories de Mahler et de Stern, sont souvent
perçus comme étant une catégorie particulière, qui apportent une élaboration plus
poussée des théories du Self. Réciproquement, la théorie clinique et le travail clinique
qu'effectuent les analystes de l'enfance et de l'adolescence apportent un nouvel élan à
l'évolution globale du concept, ce faisant ils inspirent la recherche interdisciplinaire
qui peut être pertinente aux conceptualisations cliniques applicables à toutes les
catégories d'âge.

VI. Da. Le contexte de la recherche sur l'enfance en Amérique du Nord et en


Europe
La recherche de Spitz (1945, 1965, 1972) sur la séparation maternelle à long
terme des enfants institutionnalisés a fortement influencé la théorie de séparation-
individuation de Mahler. En particulier, il fut aussi le premier à insister sur
l'importance vitale du « holding » affectueux de l'enfant par les figures parentales, ce
qui favorise une communication affective non verbale, tactile, riche entre l'enfant et sa
figure parentale.
La tradition a perduré avec Mahler (Mahler, Pine, Bergman, 1975), dans le
cadre de l’ego psychology / théorie structurale et avec la recherche en analyse de
l'enfance sur le self et la régulation interactive de Beebe (Beebe et Lachmann 2002 ;

438
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Beebe 2004a,b) et avec le Groupe d'études des processus de changement de Boston


(Boston Change Process Study Group) (Stern, Sander, Nahum et al., 1998) dans le
cadre du Self et des théories relationnelles.
Sur les jalons de Bowlby (1969) en Angleterre, Ainsworth (Ainsworth, Blehar,
Waters et Wall, 1978) aux États-Unis ont développé la théorie de l'attachement
contemporaine selon laquelle l'attachement est considéré être un lien affectif entre
l'infans et la figure parentale (Blum, 2004) et qu'il représente l'équivalent
comportemental des relations d'objet internalisées sous l'influence de la relation
précoce mère-enfant (Diamond et Blatt, 2007).
Les études comparatives ainsi que celles susmentionnées dans le domaine de
la recherche sur l'enfance et sur l'attachement en Europe (Stern, 1985 ; Trevarthen,
2001 ; Fonagy, Gergely, Jurist & Target, 2002 ; Ammaniti & Trentini, 2009 ; Cortina
& Liotti, 2010) soutiennent toujours le point de vue selon lequel la personnalité est
organisée en termes du « self-avec-l'autre », où l'interaction entre deux sujets est une
condition nécessaire au développement psychique ainsi qu' à la cure psychologique
(voir aussi les entrées THEORIES DE LA RELATION D'OBJET et
INTERSUBJECTIVITÉ).
Les neuroscientifiques du développement ont suggéré qu'il peut y avoir un
« autre virtuel » dans le cerveau dont les contours sont remplis par l'expérience
(Bråten, 2011). Les systèmes des neurones miroir (Gallese, Eagle et Migone, 2007)
seraient un élément probable dans une telle « inter-personnalité » innée. Les études
neuro-analytiques des structures du cerveau droit et des activités impliquées dans les
processus de l'inconscient du « self implicite » d'Allan Schore (2011) sont à cet égard
également pertinentes.

VI. Db. Mahler et Stern : L'intégration de la recherche et la théorie


Margaret Mahler
Mahler, émigrée à New York depuis sa Vienne natale, où elle vécut et travailla
la plupart de sa vie d'adulte, a développé fortement son influence sur les deux
continents, en Amérique du Nord ainsi qu'en Europe. Sa théorie de la séparation et de
l'individuation s'est développée par un travail intensif et des études sur les pathologies
graves de l'autisme et de la « psychose symbiotique » chez les enfants.
Sa notion des origines symbiotiques de l'existence humaine est directement
pertinente au travail analytique de l'enfance, où le Self émergeant par des processus
complémentaires de séparation et d'individuation qui structurent les représentations
internalisées du Self, est distinct des représentations d’objets internes.
Les phases et sous-phases du processus de séparation-individuation
comprennent l’autisme et la symbiose antérieure à la séparation et la séparation-
individuation même, avec les sous-phases de différentiation/éclosion (hatching) ; de

439
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pratique, de rapprochement et en voie d’acquérir la constance d'objet. (Pour des


précisions, voir le chapitre IV.B. de cette entrée, ci-dessus)

Daniel N. Stern

Analyste confirmé nord-américain, actif en Amérique du Nord ainsi qu'en


Europe, Stern (1985) a développé un modèle du développement du self en intégrant
les insights de la recherche dans le domaine de l'enfance avec la théorie
psychanalytique.
À la naissance, l'infans vit le monde comme un barrage de ce qui semble être
des stimuli sensoriels indépendants, qu'il/elle progressivement apprend à « atteler » en
utilisant des indices tels que le « ton hédonique » (qualité émotionnelle) avec des
schémas temporels et intensifs partagés entre les stimuli. Ce processus d'intégrer et
d'organiser l'expérience, qui s'appelle le sens du Self émergent, continue jusqu'à l'âge
d'environ deux mois. Il sert de base pour la capacité de l'enfant à apprendre et à créer.
À l'âge d'environ deux mois, l'organisation de l'expérience sensorielle de
l'infans atteint un point où il/elle est suffisamment capable d'organiser l'expérience
pour avoir intégré des mémoires épisodiques. Cela permet un niveau plus élevé de
sophistication dans l'organisation des expériences futures, puisque l'infans est capable
de discerner des objets invariants distincts des stimuli sensoriels intermodaux et de les
utiliser pour arriver à des généralisations sur ce à quoi il/elle peut s'attendre
ultérieurement dans son environnement. Dans ce processus, l'infans devient
également conscient de ses propres fonctions (ses « invariants du self »), qui donnent
à l'enfant le sens du soi noyau (core self), une entité distincte des objets dans son
environnement. L'infans développe également pendant cette période des
représentations généralisées de ses interactions avec sa figure parentale principale, un
concept relié et informé par la théorie de l'attachement. Un rôle important de la figure
parentale pendant cette phase consiste également à assister l'enfant à contrôler ses
affects. Éventuellement, si tout va bien, l'infans pourra internaliser ces expériences
avec la figure parentale principale, lui permettant de s'aider lui-même à
l'autorégulation de ses affects.
Dès l’âge d'environ sept mois, l'infans commence à être conscient que ses
pensées et expériences sont distinctes de celles des autres, qu'il existe un écart entre sa
réalité subjective et celle des autres. Cependant, grâce une bonne adaptation par la
figure parentale principale, l'infans devient aussi conscient que cet écart peut se
compenser par des expériences intersubjectives, telles que partager la focalisation de
l'affect et de l'attention, tout en développant un sens du Self subjectif. Le manque de
ce type d'adaptation, comme cela pourrait être le cas si la mère est atteinte de
dépression, peut priver l'enfant de suffisamment d'expériences intersubjectives, ce qui
laisserait l'enfant dans une incapacité d'entrer en contact avec d'autres de manière
pertinente, ce que Stern pense être sous-jacent au trouble de la personnalité

440
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narcissique et au trouble de la personnalité antisociale. À environ 15 mois, l'enfant


développe la capacité de représentation symbolique et de langage ; il devient capable
de créer des représentations mentales abstraites complexes de l'expérience, ce qui
facilite l'intersubjectivité mais qui déplace la focalisation de l'enfant vers ce qui peut
être représenté et communiqué par le langage. Ces processus permettent le
développement du Self verbal. Chaque sens du self correspond à un domaine différent
de l'expérience interpersonnelle : le domaine de la capacité émergente de la relation à
l'autre (emergent relatedness), le domaine de la relation au noyau du self (core-
relatedness), etc. Les sens du self et les domaines de la relation à l'autre ne sont pas
des phases ou des stades successifs, qui remplacent ou se contiennent les uns les
autres. Ils continuent de se développer et de coexister au fil du temps.
Les travaux de Mahler et de Stern ont été incorporés de manière
contemporaine à des recherches développementales ultérieures (Stern 1985 ; Pine,
1986 ; Bergman, 1999 ; Gergely, 2000 ; Fonagy, 2000) dans la perspective inclusive
synthétique freudienne contemporaine par le travail de Harold Blum, qui a souligné
de nombreux processus de différentiation multidimensionnelle comme précondition
pour l'émergence des représentations intrapsychiques du self et de l'objet. D'autres
intégrations cliniques et théoriques ont suivi dans les conceptualisations du self
suivantes, dans la psychanalyse de l'enfance et de l'adolescence.

VI. Dc. Le Self dans la psychanalyse de l'enfance


Dans sa recherche sur les stades primitifs du développement, Frances Tustin
(1981) reprend le concept de la phase normale autistique de la petite enfance, qui
définit un état focalisé sur le corps, dominé par les sensations qui constitue le noyau
du Self, associé à une auto-sensualité relativement indifférenciée. Elle précise qu'à ce
stade, le corps de l'enfant et ses sensations posent les bases pour la constitution d'un
self corporel, le fondement du développement ultérieur de l'identité. Dans cette phase,
les objets de la réalité externe, dont la mère, sont incorporés sous forme d'objets-
sensation (sensation objects) appartenant au corps ; ils sont précurseurs de la
prochaine relation du nourrisson avec les objets « non-moi » (not-me), qui sont pour
l'infans distincts du corps et auxquels l'enfant doit s'adapter.
Tustin insiste également sur l'idée que l'enfant doit avoir déjà développé un
sens du self distinct et séparé des autres pour pouvoir développer une conscience
sociale des autres. La façon dont le nourrisson développe ce type de conscience est
essentielle pour l'acquisition d'un sens d'identité individuelle. La sensualité du
nourrisson dans son état d'autisme primaire normal est reliée à l'adaptabilité de la
mère, de sa préoccupation maternelle et de la protection qu'elle lui donne par les
expériences du « non-self » (non-self), dans une sorte « d'utérus post-natal ». Tustin
met en théorie un construit auto-sensuel pour décrire la façon dont l'enfant fait
l’expérience de sa mère comme faisant partie de son propre corps. Les capacités que
le nourrisson développe à ce stade, par les « objets-sensation » (sensation-objects),

441
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entrent en jeu dans l'usage ultérieur des objets qui sont reconnus comme des objets
non-self. L'acquisition de ces capacités soutient l'enfant dans les adaptations qui lui
sont nécessaires pour se confronter à la réalité externe, distincte du self. Tustin
propose ensuite une classification clinique de l'autisme pathologique fondée sur les
mécanismes de défense que l'enfant met en place pour se protéger des échecs dans
l'élaboration de la séparation du self par rapport au non-self.
Chez les enfants « encapsulés » (encapsulated), le développement
psychologique est bloqué, le « self corporel » maintient un clivage des sensations et le
non-self est encapsulé dans le self.
Ces enfants maintiennent une condition fusionnelle par le clivage de leurs propres
sensations et en y incluant le « non-self » (sensations qui proviennent du corps de
l'autre, ou des gestes de l'autre, actions, émotions, etc.) dans leur propre self. Ces
enfants s'accrochent à des objets durs qui sont source de sensations froides et
métalliques ; ces sensations aident l'enfant à construire une représentation somato-
psychique de la coquille dans laquelle ils sont encapsulés.
Chez des enfants « troublés » au contraire, le self est fragmenté et déconcerté
par le non-self et le développement psychologique est gravement désorganisé. Le non-
self est submergé dans le self et enfermé dedans, par des sensations corporelles
excitantes. Chez les enfants tant encapsulés que troublés, le noyau central consiste en
une tentative de maintenir une condition fusionnelle entre le self et le non-self.
Globalement, l'enfant encapsulé effectue une sorte de clivage/aliénation des
sensations de son propre corps ; l'enfant troublant/troublé est comme avalé par ses
sensations corporelles.
Selon Renata Gaddini (1977, 2004), le mot « self » est utilisé dans un
contexte de maturation fondé sur la théorie du développement. Dans ce contexte, le
self est la conséquence de l'expérience corporelle totale de l'infans dans les premiers
mois de sa vie. Il y a des sensations qui pendant la croissance s'élaborent
progressivement dans un processus de mentalisation. Les études longitudinales
effectuées sur le développement des enfants ont démontré qu'au cours de la
croissance, l'enfant passe des sensations aux perceptions et des sentiments aux
symboles et finalement aux pensées. L'objet transitionnel est la première étape
observable dans la symbolisation précoce, une base pour le développement du
processus de pensée secondaire. Sur la base de ces études longitudinales, Gaddini a pu
démontrer comment la qualité de l'interaction mère-enfant permet le développement
du self corporel. En fait, le self constitue la première organisation de la personne
venant de naître, alors qu'elle essaie de s'adapter à la nouvelle homéostasie. L'infans
travaille à sa formation dans les tout premiers mois. Dans l'organisation du self se
trouve la contribution de la mère qui touche son nourrisson et, ce faisant, délimite les
limites physiques de l'infans de la contribution innée du nourrisson. Le self du
nourrisson émane d'une convergence de ces deux contributions. La complétude de ses
sensations périphériques, venant du contact peau à peau et de l'impact de son corps

442
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dans l'espace, est ce qui est le plus important pour que l'infans puisse construire son
sens du self. Le fonctionnement du corps (les fonctions variées des organes) est le
langage du corps ; le langage du corps en voie de devenir psychique (d'une manière
ou d'une autre) est le langage du self. Gaddini précise que « Chaque fois que nous
faisons référence au self, nous avons immédiatement affaire à une activité mentale
liée au (qui concerne le) corps [...] par les fonctions du self, nous constatons le
contrôle des réactions organiques du corps ». (Gaddini 1977, p.264)158 Les activités
mentales proviennent des expériences corporelles et permet à l'enfant de maitriser les
angoisses et les peurs de désintégration et son fantasme l'aide à se prémunir de la
désintégration.

Anne Alvarez
Formée au Canada, aux États-Unis et en Grande Bretagne, Alvarez est membre de
nombreuses sociétés psychanalytiques de l'enfance et universitaire en Amérique du Nord
et en Europe.
Analyste de l'enfance et de l'adolescence dans la tradition post-kleinienne,
dont les conceptions se sont informées de ses études approfondies et de son travail
clinique avec des enfants autistes mais aussi des enfants impactés au niveau
développemental, Alvarez théorise qu’« il est presque impossible de penser au self
sauf en relation à l'objet » (Bach, Mayes, Alvarez, Fonagy, 2000, p. 11) 159 . Elle
nomme trois facteurs qui la poussent à se pencher sur la question de l'être-soi
(selfhood).

« Le premier est de travailler avec des enfants autistes et démunis, là où le self


peut être à peine visible ou presque inexistant. La raison en est que parfois
l'objet est trop dominant et en d'autres instances l'objet n'existe que peu non
plus, dans quel cas l'enfant peut sembler à peine humain. Le second concerne
l'étude du néonatal et le troisième est l'étude de niveaux extrêmement précoces
du fonctionnement des enfants ayant un retard mental grave (ibid, p. 12). »160
Par sa recherche dans le domaine du self et de ses origines les plus précoces,
elle développe la notion kleinienne des angoisses au sujet du self, qui dominent la
position schizo-paranoïde et considère (Alvarez 1992, 1999) que les besoins, en plus
des angoisses qu'éprouvent les personnes qui fonctionnent au niveau de la position
schizo-paranoïde, méritent davantage d'attention qu'ils n'en ont reçu jusqu'alors.
Avec le self et les objets, et leurs éléments respectifs imbriqués, une question
se pose, notamment : où le self se termine-t-il et où les objets commencent-ils, car elle
porte en elle des implications cliniques et techniques importantes. Dans l'hypothèse
d'un consensus selon lequel les objets internes ne sont pas des répliques exactes ou

158
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
159
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.
160
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.

443
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des représentations d'objets externes, mais plutôt un amalgame de figures externes et


de projections d'éléments du self ; de même que le self est fait d'un amalgame d'un
noyau central de strates successives d'identification et de réponses internalisées, il en
reste malgré tout qu'une distinction théorique et technique entre les ingrédients soit
nécessaire. Dans certaines circonstances, la décision clinique d'opter pour la
dimension objectale (« object-ness ») de la figure, ou bien la dimension du self (« self-
ness »), revêt une importance considérable pour le patient. L'auteur exemplifie (Bach,
Mayes, Alvarez, Fonagy, 2000) ces décisions cliniques par un travail sur les rêves où
au départ les figures d'autorité, d'attitude critique et rejetante, semblent être emplies
d'une altérité évidente, et bien que l'on puisse y trouver plus tard quelques aspects du
self du patient, elle s'interrogerait en premier lieu sur la nature de l'objet maternel
interne. Alvarez explique que sa préférence de voir d'abord la figure d'autorité comme
objet interne (plutôt qu'un aspect du self) dépendrait du degré d'altérité que la figure
contient. Plus tard, lorsque la figure d'autorité évolue et s'octroie des caractéristiques
plus bénignes, cela peut également faire l'objet d'observation et d'exploration comme
faisant partie du self mais, en revanche, si au départ elle était remplie d'altérité
(critiques, rejet), l'auteur commencerait par l'exploration des motivations de la figure
d'autorité.
Alvarez suit la représentation kleinienne de l'esprit contenant un monde
interne d'éléments (plus ou moins intégrés) du self et d'objets internes variés (Alvarez
1999). Les exemples d'enfants ayant des difficultés d'apprentissage apparentes, en
raison d'omnipotence ou de honte et de désespoir, sont pertinents en ce que les enfants
sont motivés par un objet interne qu’ils considèrent stupide ou sinon entravé et qui les
entraîne à jouer le rôle de l'idiot pour « tenir compagnie à l'objet » en quelque sorte.
Mais lorsque l'objet interne commence à être plus robuste, viable et plus intelligent,
les enfants peuvent commencer à révéler et utiliser leur intelligence.
Selon cet auteur (Alvarez, 2010 ; Alvarez et Lee, 2004), aucun sentiment,
aucune fonction ne peut se considérer purement en termes d'une « one-person
psychology ». C'est par rapport au type d'objet que différents sentiments sont dirigés
et cela dépend, et à son tour affecte, des processus variés d'introjection,
d'internalisation et d'identification. Lorsque le patient est plus âgé, ces figures peuvent
être acceptées comme étant ego-syntoniques, faisant davantage partie du self du
patient. Cependant, l'auteur tient au critère de l'altérité, qui peut s'appliquer même
dans les personnalités les plus intégrées.

VI. Dd. Le Self dans la psychanalyse de l'adolescence


Les recherches liées à la fonction du Self, en tant qu'entité distincte, par
rapport à l'ego, proviennent de l'influence du modèle de Peter Blos (1967) sur
certains des auteurs qui ont travaillé dans le domaine de la psychanalyse de
l'adolescence.

444
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Blos propose que l'adolescence est un « second processus d'individuation », en


référence au premier processus de séparation et d'individuation auquel Mahler faisait
référence, au cours duquel l'enfant se détache de la mère par un processus
d'internalisation de l'image d'elle, de même, l'adolescent doit se détacher des propres
objets internalisés de son enfance afin de pouvoir se tourner vers des objets en dehors
de la famille. Blos considère que les changements de l'adolescence sont des
transformations qui mènent à la définition de la structure du caractère. Ce processus
est fondé sur la mise en place de représentations réalistes du Self et de l'objet, avec
une diminution de la rigidité du Surmoi œdipien, sur une augmentation de l'influence
du Moi idéal et sur le succès d'une identité sexuelle réussie. Blos décrit l'adolescence
par des sous-phases différentes :
- la préadolescence, dans laquelle nous observons la période qui représente la
hausse quantitative la plus élevée de la pression instinctuelle et de la réactivation des
pulsions prégénitales.
- Le début de l'adolescence est caractérisé par la primauté génitale et le rejet
des objets parentaux internes ;
- La fin de l'adolescence, phase de consolidation des fonctions et des intérêts
du Moi et de la structuration de la représentation du self ;
- La post-adolescence pendant laquelle la mission de refonte de la personnalité
doit se terminer et être achevée.
Bien que Blos n'étudie pas en profondeur la distinction entre le Self et le Moi,
son modèle a été un indice pour certains auteurs qui, en commençant par la question
de l'individuation, ont approfondi la distinction entre le Moi et le Self dans le
développement de l'adolescent.

Arnaldo Novelletto (2009) a exploré le concept du Self, particulièrement en


référence à ses implications pour la compréhension du développement de l'adolescent.
Dans le « système Moi-Self » (Ego-Self system), Novelletto distingue deux domaines
fonctionnels distincts : le Moi proprement dit, et le Self. Le Moi reste l'instance pour
la fonction de perception, du jugement de la réalité, de la pensée et de l'accès à la
fonction /dimension psychique de la volonté, des mécanismes de défense et du
contrôle de l'angoisse. Le Self, d'autre part, prévoit le stockage et l'actualisation des
représentations psychiques et physiques du self, la conscience des processus de
changement, l'élaboration du deuil lié aux séparations, internes et externes, la
formation du caractère, l'auto-préservation, le rééquilibrage des charges narcissiques
envers les réalités objectales et l'homéostasie de l'humeur. Dans l'adolescence, le
système Moi-Self est aux prises avec les deux autres instances constituantes de
l'appareil psychique, le Ça et le Surmoi, dans un processus complexe de
transformation qui vont mener à un profond remaniement de la représentation de la
propre identité du sujet, des relations d'objet internes, de l'intégration de ses instincts

445
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et de l'orientation de ses pulsions. Novelletto attribue au Self une fonction


d'observateur d'autres instances psychiques qui permettront à la personne de
développer sa capacité de réflexion sur soi (self-reflection). Cela est important pour
l'investissement dans certains objets dont la fonction est similaire aux objets
transitionnels de la première enfance, par exemple les journaux intimes, qui
chevauchent l'espace privé et l'espace commun : ces journaux intimes confirment
l'intimité naissante du Self, mais en même temps ils sont l'évidence du besoin de
l'adolescent de prolonger la communauté symbiotique avec les parents. Un autre
thème central concerne l'intégration des changements physiques pubères dans l'image
corporelle et la refonte de l'image du Self. Un clivage est particulièrement évident
entre la partie du Self qui tend à évoluer et à grandir, essentiellement par l'action et
celle qui régresse par le fantasme. Ce clivage dans le système est inévitable. Un autre
thème est le remaniement et la reconstitution de l'idéal du Moi et l'usage du groupe de
pairs comme réserve de recharge narcissique et identitaire.

Selon Tommaso Senise (1980, 1985, 1986), le Self représente un objet du Moi
– « Le Self est le ‘je’ qui est vécu comme un objet par le Moi-sujet » (Senise 1980, p
1) 161 – et l'identité personnelle résulte de l'acquisition d'un sentiment de l'image
unitaire globale du Self. Senise précise les processus d'identification, ces processus
endo-psychiques qui permettent la constitution subjective de sa propre identité, en une
image de la personne dans sa totalité. Les processus d'individuation permettent la
constitution, la permanence et la continuité du Self en qualité d'identité interne, même
lors du changement permanent de sa représentation spatio-temporelle, comme
fonction des développements dialectiques des relations du Moi, aussi bien
intrasystémiques (Moi, Surmoi et Ça) et « inter-systémiques » (dans les relations avec
les objets externes ; contrairement à l'usage que faisait Hartmann du terme « inter-
systémique » dans le cadre du conflit du Moi : voir l'entrée CONFLIT (LE). La notion
du self est tout autant un fait de notre expérience concrète (le sentiment du self) et
l'une des fonctions du Moi. Le self en tant que fonction du Moi se constitue et se
développe comme un système permanent, une référence permanente, une image
miroir d'émotions et de pensées, un agent du Moi corporéal et en relation à la réalité.
Les modifications structurelles de l'organisation psychique qui engendrent une
rémodélisation du Moi et du Surmoi empruntent des chemins tortueux et
contradictoires, avec des épisodes d'angoisse, de tension, de confusion et de
désorganisation auxquels les changements concomitants et conséquents des
expériences de l'image du Self, et donc de l'identité personnelle, correspondent.
Pendant la vie de l'adulte normal et mature, une fluctuation permanente, continue et
réciproque entre le Moi et le self permet au sujet de vivre comme un objet dans les
relations ; en lui-même, dans la réalité intrapsychique et avec la réalité externe.
L'expérience de l'image du self (self-image) ne reflète pas la situation actuelle du Moi.
Ainsi, les perturbations identitaires, les erreurs de jugement au sujet de ses propres
161
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.

446
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capacités, la difficulté de se projeter correctement dans le futur et de formuler des


programmes et définir des perspectives réalistes. Senise fait également la distinction
entre le self et l'image du self, elle affirme qu'une plus ou moins grande coïncidence
entre le self et l'image du self est un indice du fonctionnement bon ou mauvais des
processus décrits. Dans l'analyse de l'adolescent, il est important de poursuivre la
compréhension de son image de soi pour permettre à l'adolescent de rester
suffisamment attentif à l'état du Self, afin d'agir, si possible, sur le Moi pour corriger
de plus en plus l'usage correct de cette conscience.

VII. LE DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT EN AMÉRIQUE LATINE


La psychanalyse latino-américaine s'est globalement développée sur
l'imbrication d'une forte tradition freudienne et des relations d'objet, et leurs
différentes élaborations dans le travail des théoriciens postfreudiens et post-kleiniens
en Amérique du Nord et en Europe, incluant, de manière proéminente les auteurs
psychanalytiques avec les idées originales des auteurs de la région de l'Amérique
latine. De nombreuses conceptualisations originales et synthétiques sont issues de
cette variété panoramique des « écoles de psychanalyse » (Belchior Melícias 2015 ;
voir aussi les entrées INTERSUBJECTIVITÉ [L'], THÉORIES DE LA RELATION
D'OBJET [LES], CONTRETRANSFERT [LE]). Ce qui est notable est la bipolarité
entre les influences françaises et britanniques de la psychanalyse en Amérique latine
en général, qui ont à leur tour influencé l'accueil et l'évolution du concept du self dans
la région.
Malgré les difficultés qui découlent des différences terminologiques et de
l'opposition théorique (Lacan, 1969 ; Hamburg, 1991 ; Roudinesco, 2000 ; Vegh
2010), le développement et l'application significatifs du concept du Self en Amérique
latine sont évidents.

VII. A. Premières références à l'usage et son application


Les premières références latino-américaines concernant le Self se trouvent
dans les années 60 et 70. En même temps que les développements concernant le Moi
et le Self en Amérique du Nord et en Europe, les psychanalystes de la région
d'Amérique latine étaient non seulement conscients de ces développements mais
avaient déjà commencé leur propre recherche et études sur ces concepts.

Leon et Rebeca Grinberg

Dans sa publication précurseur que l'on considère classique de nos jours « Yo


y Self: su delimitación conceptual », (« Le Moi et le Self : sa délimitation

447
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conceptuelle »), Grinberg et al. (1966) se penchent sur les difficultés conceptuelles et
sémantiques de l'usage habituel du Moi et du Self et s'attache à les résoudre.
Dans la partie étymologique de l'article, Grinberg trace les origines du terme
« self » (ipse en latin), qui est utilisé comme préfixe d'un mot composite, pronom et
adjectif, dans ses racines en latin classique et en anglais ancien : sur treize mots
composites originaires du vieil anglais qui contiennent « self » (ipse) comme préfixe
dans un sens réflexif, le terme « self will » (auto-détermination) est le seul utilisé de
nos jours. S'il est utilisé comme pronom et comme pronom adjectif, cela indique
qu'une référence est faite à la personne, ou chose, explicitée et rien d'autre. De plus,
bien que ses formes non-déclinées étaient d'usage courant depuis le 12ème siècle,
l'usage littéraire antidate l'usage courant : des nouvelles formes non-déclinées se
trouvent déjà dans le poème, Christus de Cynewulf, des années 900 A.D. Avec le sens
de « même » (« mismo » en espagnol, le terme était déjà apparu à Beda dans Historia
ecclesiastica gentis Anglorum (L'histoire de l'église des peuples britanniques) entre
les années 673 et 735 A.D.
S'adressant lui-même aux questions conceptuelles, Grinberg souligne que « la
question autour de la conceptualisation psychanalytique du Self avait déjà été investie
explicitement par Hartmann, lorsqu'il fait la distinction entre le terme « Ego » (Moi),
dénotant un système psychique et le « Self » qui se réfère à « soi-même » (Grinberg et
al., 1966, p. 239) 162, bien qu'il mentionne aussi un antécédent important dans une
contribution antérieure par Federn (1928), qui étudiait le Moi en tant que sujet des
fonctions moïques ainsi qu'en objet des expériences internes. Selon Grinberg, la
contribution d'Hartmann a permis d'ouvrir la porte aux expressions de
l'autoreprésentation de Jacobson. Après avoir révisé les idées sur le sujet de Freud et
les modèles du Self proposés par Klein-Segal, Hartmann-Jacobson et Wisdom, c'est
en s'appuyant sur le modèle des introjections et projections nucléaires et orbitales de
Wisdom, en conjonction aux représentations du self et de l'objet de Jacobson, et des
processus introjectifs et internalisants, que Grinberg et ses collaborateurs ont proposé
leur propre « tentative de systématisation » (ibid, p. 239) :
Le Moi (Ego) décrite par Freud, est la structure psychique qui comporte le
fantasme inconscient du Self dans le Moi. Il correspond au noyau du modèle de
Wisdom et il contient la représentation de soi de Jacobson.
Le Non-Moi (Non-Ego) est situé dans le Self ; il comporte l'orbital de Wisdom
(les objets internes, le Surmoi et les représentations objectales de Jacobson).
Le Self inclut le Moi et le Non-Moi. Il représente la totalité de la personne. Il
comprend également le corps et toutes ses parties, la structure psychique et tous ses
composants, le lien avec les objets externes et internes et le sujet, plutôt que le monde
des objets.

162
N.d.T. Citation traduite pour cette édition.

448
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Dans ses remarques conclusives sur l'aspect sémantique du sujet, Grinberg et


al. font le point sur une multitude de termes pour le Self dans la littérature
psychanalytique espagnole, spécifiquement au regard des traductions : le Self est
appelé « Yo » (Je), « personalidad » (personnalité), « persona » (personne), « sí
mismo », « uno mismo » (soi-même), « ser » (être). En conséquence, des concepts
clairs à l'origine deviennent confus et ambigus. Ainsi, Grinberg recommande
l'incorporation définitive en espagnol du mot « Self », comme cela a été le cas pour
d'autres termes psychanalytiques, tels que « insight », « acting out », etc. De plus,
Grinberg recommande un usage propre pour « Yo » (Moi/Ego) en référence à la
structure psychanalytique classiquement décrite par Freud, et « Self » lorsqu'il s'agit
de la personne dans sa totalité. (Grinberg et al, 1966, pp. 242-243).
Dans une publication ultérieure « Idendidad y Cambio » (« L'identité et le
changement »), (Grinberg L. et Grinberg R., 1971), sur la base de Hartmann, Wisdom
et Erikson, les Grinberg proposent le concept de « sentiment d'identité », la
conséquence de l'interrelation des trois types de « liens d'intégration » : « spatial »
(intégration des différentes parties du self), « temporel » (continuité dans le temps
entre les différentes représentations du self), et « social » (relation des différents
aspects du self avec les objets). L'expérience émotionnelle de l'identité dans ce cas
concerne par définition la capacité du sujet de se sentir elle/lui-même malgré une
succession de changements internes et externes.

Salomón Resnik
Dans son ouvrage « El yo, el self y la relación de objeto narcisista » (« Le
Moi, le Self et la relation d’objet narcissique ») Resnik (1971-1972) répertorie les
différentes significations de la notion de self traduisant la notion allemande de Selbst,
ainsi que ses usages théoriques en anglais, dans d'autres domaines comme par
exemple l'usage du terme Self dans l'ouvrage de James, The Principles of Psychology
(les Principes de psychologie) de 1890, Resnik réexamine la description du Moi qui,
selon Freud, est une structure avec des fonctions (pensée, coordination,
fonctionnement synthétique et intégratif, mécanismes de défense), mais « le Selbst
reste une idée ambiguë, à laquelle les psychanalystes de langue anglaise ont attribué
un sens dans l'expérience clinique » (Resnik, 1971-1972, p 267)163. Si l'on considère
le fardeau culturel que la notion de self porte, Resnik met en relief l'importance de
débattre sur l'usage du self que font des différents auteurs, spécifiquement quand il
s'agit du discours clinique spécifique d'une personne en analyse. Cependant, en tant
qu'expérience vécue, la « notion de self de Selbst surpasse les limites d'une culture,
puisqu'il n'existe pas d'équivalence exacte dans d'autres langues... Ce problème ouvre
certainement des possibilités d'exploration dans le domaine des relations entre la
philologie, la linguistique et la psychanalyse » (Resnik, 1971-1972, p. 267,
soulignement ajouté). Resnik illustre comment différents aspects de l'expérience du
163
N.d.T Citation traduite pour cette édition.

449
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self dans le processus clinique entrent en relation entre eux et comment ils émergent,
par exemple la relation du Self à la dépendance et la découverte de sa propre identité,
ou d'une image globale de soi-même, quand elle est observée par l'élaboration d'une
relation avec un objet narcissique. L'auteur maintient que dans le discours clinique, le
Self découvre son vrai self' par l'altérité ou la présence de l'autre ; et la relation
dyadique s'ouvre de manière synchrone à la relation triangulaire, et par conséquent à
la multiplicité.

Enrique Pichon Rivière


Bien que n'étant pas un auteur classique du Self, l'ouvrage de Pichon Rivière
(1971), Del psicoanálisis a la psicología social (De la psychanalyse à la psychologie
sociale) a inspiré une forte identité psychanalytique continentale, reliant la
psychanalyse et la psychologie sociale avec des implications importantes pour les
conceptualisations théoriques et cliniques de l'interconnectivité (le « lien ») entre les
domaines de l'intérieur psychique et l'extérieur sociétal. Dans son volume édité « The
Linked Self in Psychoanalysis : The Pioneering Work of Enrique Pichon Rivière » (Le
Self lié en psychanalyse : le travail de pionnier d'Enrique Pichon Rivière ») (Losso,
Setton et Scharff, 2017), au sujet de la contribution de toute une vie de Pichon
Rivière, dans sa critique du livre, Leticia Fiorini affirme que : « Pichon Rivière a
proposé une psychologie sociale pour la psychanalyse, mettant l'accent sur les liens
nécessaires entre les mondes interne et externe »164. De plus, la critique de Kernberg
du même volume ajoute : « Le concept original de « lien » de Pichon Rivière explique
les liens relationnels entre les représentations du self et d'objet et développe le concept
du lien à la description de la formation de groupe intrapsychique inconsciente »165.
Pour Pichon Rivière (1971), le processus thérapeutique commence par un
« existant » (ce qui est explicitement manifesté) qui donne lieu aux interprétations du
thérapeute. Le mouvement de l'interprétation existante-émergente est l'unité de travail
qui constitue la spirale dialectique. Cette dernière montre le développement du
processus analytique, avec l'alternance de ses progressions et ses régressions.
Les idées de Pichon Rivière au sujet du « groupe interne », furent encore
développées par Arbiser (2013), qui décrit comment ces structures de liaison internes,
incorporées pendant le développement évolutif, reproduisent le monde socio-culturel
dans le monde interne et comment elles sont en échange constant avec les structures
de liaison du monde externe actuel. Ces ponts entre les mondes internes et externes
permettent à la psychanalyse de se nourrir des mythes qui occupent l'identité latino-
américaine, un thème auquel la psychanalyse (Santamaría Fernandez, 2000) et la
sociologie se sont adressées (Tünnermann Bernheim, 2007).

164
N.d.T Citation traduite pour cette édition.
165
N.d.T Citation traduite pour cette édition.

450
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Cabral (2017) fait une distinction entre ces auteurs, avec lesquels une
proximité temporelle est partagée et ceux qui, pour leur capacité de percevoir la
subjectivité de leurs temps, ainsi que leurs ombres, méritent d'être considérés comme
étant contemporains. Ainsi, la capacité de Pichon Riviėre d'entrevoir l'utilité
conceptuelle du « self lié » et de développer le pont entre la psychanalyse et la
psychologie sociale le place véritablement dans l'époque contemporaine.

VII. B. Les années 1980, les années 1990 et le début du XXIème siècle
Roberto Doria Medina Eguía, l'un de premiers à étudier la psychologie du
Moi et du Self en Argentine, a étudié la relation entre la psychopathologie des
perversions, du trouble borderline (états limites) de l'acting out et du faux self dans
l'homosexualité féminine (Doria Medina Eguía et Raggi de Leonetti, 1980).
Jorge García Badaracco, en 1986, présente « Identification and its
vicissitudes in psychoses: the importance of the concept of ‘maddening object’ »
(« L'identification et ses vicissitudes dans les psychoses : l'importance du concept
d’objet qui rend fou ») au Congrès de l'API en 1985, dont une partie est une
expression de la relation entre sa propre contribution originale de son « objet qui rend
fou » (voir l'entrée THEORIES DE LA RELATION D'OBJET [LES]) et les
conceptualisations du self selon Winnicott et Kohut.
Suite à sa publication de 1979, « La psicología psicoanalítica del self » (« La
psychologie psychanalytique du self »), qui passait en revue les idées de Kohut sur le
développement du self, la pathologie et les manifestations cliniques dans les troubles
de la personnalité narcissique, c'est le travail de Juan Miguel Hoffmann en 1989,
« La teoría del self como posible nexo entre investigación empírica y clínica
psicoanalítica » (« La théorie du self comme liaison possible entre la recherche
empirique et la clinique psychanalytique ») qui lance alors la recherche empirique
psychanalytique sur le concept du Self.
Au début des années 1990, un groupe de psychanalystes argentins, coordonné
par Ethel Cayssials de Casarino et Marcelo Casarino, chercheurs spécialisés dans
le travail de Kohut, développent des séminaires sur la recherche et l'étude du Self et
publient quatre ouvrages annuels à partir de 1995. Parmi eux se trouvent « Why a
Psychology of the Self? » (« Pourquoi une psychologie du Self ? ») de Casarino
(1995) et « The Self and the Person in the thought of Heinz Kohut » (« Le Self et la
personne dans la pensée de Heinz Kohut ») de Cayssials de Casarino (1996). En 1997,
Paul et Anna Ornstein viennent à Buenos Aires et donnent des conférences dont les
transcriptions sont aussi incluses dans l'un des livres annuels (Ornstein, P., 1998 ;
Ornstein, A. 1998). Ce développement s'est rapidement suivi d'une application
clinique déjà publiée de la self psychology de Kohut sur le traitement des pathologies
graves (Raggio, 1992).

451
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C'est en 1999 que Guillermo Lancelle édite le livre « El self en la teoría y en


la práctica » (« Le Self en théorie et en pratique »), qui se penche sur des thèmes,
entre autres, tels que le contretransfert, l'empathie, le narcissisme, l'interprétation et
l'angoisse, l'adolescence et la réaction thérapeutique négative. Les publications
proviennent d'auteurs argentins (Arendar ; Cayssials de Casarino ; Hoffman ; Ortiz
Frágola et Paz) et nord-américains (Brandchaft ; Goldberg ; Tolpin ; Wallerstein et
Wolf), ainsi que l'article de Lancelle, « Self, clinical finding et conceptual need »
(« Le Self, conclusions cliniques et besoin conceptuel » (Lancelle, 1999).
Guillermo Montero (2005) y décrit en détail les quinze modèles du Self.
Selon cet auteur, la plupart des modèles complexes du self impliquent un
fonctionnement psychique dans lequel les processus évolutifs sont intimement
connectés. Dans ce sens, plusieurs modèles du self sont des modèles « psycho-
évolutifs ». Montero propose de classifier ces modèles en quatre groupes :
1) Un modèle du self comme sous-système du « Je ». La ligne de
développement théorique qui débute avec Hartmann continue avec Erikson,
Lichtenstein, Mahler et Jacobson, jusqu'à ce qu'elle devienne consolidée dans la
pensée de Kernberg.
2) Un modèle du « self-person ». Une ligne de développement théorique qui
implique une subdivision en deux lignes : la première concerne une ligne qui débute
avec Fairbairn, puis rejoint Winnicott et Guntrip. La seconde est la synthèse de
Kernberg, Kohut et Winnicott effectuée par Masterson / Rinsley. Ces modèles
hiérarchisent la réussite d'une intégration personnelle qui surpasse l'organisation
structurelle comme modèle de santé.
3) Un modèle de self comme structure. Ce développement théorique inclut le
modèle du « self-system » de Sullivan et le « self-model » de Kohut, dont leurs
élaborations ultérieures. Ces modèles soulignent le rôle de la fonction régulatrice de
l'estime de soi et le contrôle de l'angoisse comme modèle de santé.
4) Un modèle du self centré sur l'expérience subjective. Les exemples sont des
modèles de Stern et Tyson et tous ceux qui représentent le développement de
l'acquisition d'un sentiment subjectif du self. Ces modèles semblent hiérarchiser le
maintien d'une expérience subjective continue et en évolution constante en termes de
modèle de santé.
Depuis le milieu des années 1990, peut-être en réaction au cadre et à la
technique classiques kleiniennes, considérés comme étant rigides, l'intérêt accru pour
le travail de Winnicott a motivé les Encuentros latinoamericanos sobre el pensamiento
de Donald Winnicott, (les réunions latino-américaines sur la pensée de Donald
Winnicott). Sonia Abadi (1994, 1996) aborde la question du phénomène
transitionnel, du développement émotionnel et de l'intégration de soi, et Myrta Casas
de Pereda (1999) étudie les équivalences possibles avec le faux self dans les écrits de
Freud et de Klein.

452
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Les auteurs brésiliens Anna Lucia Melgaço Leal Silva (1999), Bruno
Salésio da Silva Francisco (1994), Alfredo Naffah Neto (2007) et d'autres, quant à
eux, ont travaillé alors sur des aspects différents du faux self. Certains des thèmes
furent : le faux self chez les politiciens, la psychosomatique, la métapsychologie, les
organisations perverses, le self et l'image du miroir, le self et la sexualité, la violence
et le faux self dans une perspective intersubjective, le développement précoce et les
perturbations dans la formation du self chez les patients schizoïdes et borderline.
Ricardo Rodulfo (2009) s'est penché sur la relation entre les aspects destructifs et
créatifs dans la pensée de Winnicott.

VII. C. Développements latino-américains contemporains et leurs applications


au concept du Self
L'immense influence des publications de Winnicott, quelques critiques de la
dévaluation du rôle du Moi par Lacan et des développements intéressants dans le
domaine de la recherche, accompagnés des avancées dans les neurosciences, ont
ouvert le champ à des nouvelles perspectives et applications du concept du Self dans
la théorie et la pratique.
Hugo Bleichmar (2000) relève l'importance de reconnaitre les niveaux de
stimulation du patient pour choisir dans la séance les meilleurs moments
d'intervention et met en application les systèmes motivationnels de Lichtenberg dans
une nouvelle perspective sur les dépressions (Bleichmar, 2001).
Adolfo Canovi (2001) a étudié le Self dans le contexte de la pratique
thérapeutique.
La perspective dialogique a été soulignée par Felipe Muller (2005), selon
lequel la psychanalyse s'est étendue dans de nombreuses directions de
développements théoriques pour conduire à des débats essentiels sur les moyens
possibles d'organiser les théories qui la comprennent. Pour lui, l'une de ces formes
d'organisation ferait la distinction entre les théories psychanalytiques fondées sur la
théorie « one-person » de celles qui s'appuient sur la « two-person psychology »
(Balint, 1950, Spezzano, 1996), ou, selon les distinctions plus contemporaines, qui
font la part entre les systèmes monadiques et les systèmes dyadiques (Liberman,
1976), entre l'intrapsychique et le subjectif (Dunn, 1995), ou entre le modèle de la
structuration pulsionnelle et le modèle de la structuration relationnelle (Greenberg et
Mitchell, 1983). Muller cherche ainsi à rendre compte de la présence de la conception
dialogique du self en psychanalyse contemporaine, à partir d'une conception
monologique du self jusqu'à une conception dialogique. Le « self monologique »,
selon sa définition, met en relief le domaine représentationnel et la frontière entre le
monde-esprit-corps externe qui souligne la fonction référentielle-descriptive du
langage. La conception dialogique affirme la perméabilité de la relation entre sujets et
la fonction constitutive du langage. L'auteur décrit quatre mouvements qui pour lui a

453
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permis à la psychanalyse d'inclure la conception du self dialogique : le premier


commence par la prise en considération des espaces internes et externes vers une
emphase des « espaces entre ». Le second met la priorité sur la relation sujet-sujet
avant la relation sujet-objet. Le troisième relève l'action et les pratiques relationnelles
plus que l'insight. Le quatrième part des perspectives fondamentales, réalistes ou
positivistes vers les perspectives herméneutiques et constructivistes.
Globalement, les auteurs qui prennent en compte le concept du self relèvent
l'importance de la relation, des émotions et de l'empathie ouvrant la voie sur une
approche plus complète que l'approche focalisée exclusivement sur la production du
discours et l'échange entre l'analyste et l'analysant par le discours verbal.
Dans le champ clinique, une perspective contemporaine sur les différents
types de souffrance a trouvé dans le concept du self un outil théorique-clinique utile
(Lerner, 2013),
Dans le domaine de la recherche, le « Model of the Three Levels of the
Observation of Patient Transformations (3-LM) » (« Le modèle des trois niveaux
d'observation des transformations du patient », ou 3-LM) de Ricardo Bernardi
(2015) comprend, au niveau 2, la perception de soi-même et des autres ainsi que
d'évaluer, en rapport à l'identité, dans quelle mesure le patient est capable de
percevoir correctement ses propres états internes et ceux des autres, dont les capacités
à l'empathie, à la tolérance et à comprendre différents points de vue. Sur la base du
« Operationalized Psychodynamic Diagnosis (OPD 2) » (« diagnostique
psychodynamique opérationnel », ou OPD 2), le modèle considère quatre domaines :
a) la perception de soi-même et des autres ; la mentalisation ; l'identité ; b) la
régulation des affects, des impulsions et de l'estime de soi ; c) la communication
interne et externe ; l'élaboration ; la symbolisation, et d) les liens avec les objets
internes et externes.
Le concept du Self a également facilité le développement de réflexions au
sujet de la formation analytique, comme l'a présenté Cecilia Rodríguez (2016) à
Mexico, qui s'adressait au risque de développer un « faux self analytique ». Le
concept du Self a été également utilisé dans la conceptualisation de sens
interdisciplinaire sur la santé mentale, dans une publication Psicoanálisis relacional.
Espacios intersubjetivos e interdisciplinarios de creación de significados para la
salud mental (La psychanalyse relationnelle. Espaces intersubjectifs et
interdisciplinaires pour la création de sens pour la santé mentale) édité par Toranzo
et Taborda (2017) en Argentine.
Globalement, ces approches sont en phase avec l'accent que pose Carlos
Nemirovsky (2007, 2018) sur l'importance de développer des instruments théoriques
adéquats pour faire face aux problèmes techniques de notre époque. Il insiste sur
l'importance, pour les psychanalystes, de se réinventer au moment présent, dans un
contexte potentiellement éphémère et difficile à comprendre.

454
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VIII. CONCLUSION

La tension, l'ambiguïté et la dualité inhérente au terme « Ich » de Freud, qui


englobe autant le « Moi » (ego) comme structure mentale et instance psychique, que
le « self » expérientiel plus personnel, en tant que générateur de l'expérience
subjective, a conduit à ce que de nombreuses approches psychanalytiques au
problème éternel de ce qui constitue le « self », par rapport au Moi, par rapport au
développement de la structure psychique et par rapport aux formulations du
narcissisme. L'intensification de l'intérêt psychanalytique dans des conditions
cliniques, qui comprennent les psychopathologies non-organiques graves de tous les
âges, a mis en lumière les différentes conceptualisations développementales et
cliniques du « self ».
Alors que toutes les théories psychanalytiques contemporaines du
développement précoce et de la formation de la structure considèrent que le self nait
de la relation à l'autre, elles diffèrent sur de nombreux critères, dont certains
comprennent : la relation à la théorie de la pulsion dans ses différentes formulations
contemporaines ; la centralité relative de « l'autre » ; l'importance donnée à
l’interaction réelle par rapport au fantasme inconscient ; la question de la
conceptualisation du self comme étant unitaire, multiple ou les deux, ayant
essentiellement des caractéristiques structurelles ou de processus ; sa permanence,
continuité et/ou fluidité relative et sa mutabilité.
Souvent, les divergences qui existent dans les conceptualisations du « self »
reflètent des cadres de références différents, des niveaux différents de discours et des
traductions divergentes entre les langues, provenant de différents héritages socio-
culturels.
En Amérique du Nord, où les considérations sur les relations d'objet ont
toujours fait partie de toutes les théories psychanalytiques postfreudiennes, les
psychologues de l'Ego Jacobson et Mahler, qui sur la base de la reformulation par
Hartmann du narcissisme comme investissement libidinal du self plutôt que de l'ego,
ont construit une vision du développement du self qui puisse expliquer la formation
d'une série complexe de représentations du self et de l'objet tout en gardant la
perspective selon laquelle les pulsions sexuelles et agressives forment le fondement
de l'expérience humaine. Ainsi, dans un cadre de référence freudien, Rangell a revu la
précédente reformulation du narcissisme comme étant un investissement des
représentations du self plutôt que du self per se. De plus, Blum a intégré la théorie de
séparation-individuation de Mahler dans la recherche développementale
contemporaine, soulignant que la différentiation self/objet est un prérequis crucial
pour la formation du self. Dans une même veine, Kernberg a développé un modèle
américain complet de la relation d'objet qui intègre la théorie structurelle freudienne,
la relation d'objet et la neuroscience en décrivant les « unités d’affect-soi-objet » (self-

455
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object-affect-units) comme des éléments constitutifs d'un self de niveau superordonné


(superordinate self) qui font la somme totale des représentations du self.
Une autre approche au développement du self suit le travail de Winnicott dans la
synthèse de Modell de la théorie freudienne de la pulsion, de Winnicott, de
l’intersubjectivité et des neurosciences. Dans ce contexte, le self est une résultante
contingente évolutive et un noyau durable, un processus et une retranscription ré-
contextualisée d'une expérience.
Jalon majeur dans la théorie du narcissisme dans le concept du « self », l'école
de la self psychology de Kohut place le développement du self et de l'estime de soi au
centre de la quête psychanalytique, affirmant comment le self se forme par
l'internalisation des expériences avec les figures parentales. Kohut précise comment
les expériences empathiques au début de la vie donnent lieu à des « self-objets »
internes qui permettent de garder un sens de soi stable et robuste pouvant tolérer les
déceptions de la vie et comment les échecs d'empathie venant des figures parentales
peuvent engendrer des psychopathologies narcissiques. Dans sa version radicale de la
pratique clinique psychanalytique, il suggère que l'analyste donne au patient des
expériences des self-objets qu'il n'a pas reçus pendant l'enfance.
Selon Sullivan, auteur de la théorie interpersonnelle en psychiatrie et
fondateur de la psychanalyse interpersonnelle, le « self » est un amalgame de
différentes appréciations réfléchies venant des autres. Son concept du self est
essentiellement multiple, puisqu'il existe un self quelque peu différent pour chaque
relation distincte. Pour Sullivan, la honte, et non pas la culpabilité, est au centre de
l'expérience humaine lorsque le danger vient d'une rencontre avec l'autre. À la suite de
Sullivan, les interpersonnalistes et théoriciens relationnels comme Bromberg, Stern,
Mitchell et Levenson considèrent que le self émerge dans le champ interpersonnel.
Puisque le self répond à des séries d'expériences relationnelles qui changent
constamment, il est nécessairement multiple. Selon Bromberg, l'esprit est un
ensemble d’états du self (self-states) et le self unitaire, une illusion nécessaire. Selon
ce point de vue, les self-states particulièrement menaçantes sont perçues comme des
expériences « non-moi » (not-me), qui sont soumises à la dissociation. La
psychopathologie est déterminée par le degré de dissociation avec des exemples les
plus extrêmes qui constituent l'expérience psychotique. Mitchell décrit les self-states
multiples comme étant semblables aux relations self-objet internalisées. Cependant,
Mitchell postule pour le sens d'un « self privé » distinct et valable qui sert à constituer
une limite entre soi et les autres. Levenson considère que le self et l'autre sont
essentiellement inextricables. Pour lui, le « self » est un processus du déroulement
permanent des adaptations d'une personne vis-à-vis des défis que le monde
interpersonnel présente, et la psychopathologie correspond à un échec devant la
confrontation à ces défis. Dans la pratique clinique, toute narration sur le self et l'autre
est potentiellement une construction quelque peu organisée de manière défensive
conçue pour exclure d'autres perspectives plus troublantes.

456
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En Europe, l'exploration psychanalytique du concept du Self provient


essentiellement de la psychanalyse postfreudienne, en particulier dans la
conceptualisation des relations d'objet, avec des développements également liés à la
psychanalyse de l'enfance et de l'adolescence. Certains précurseurs de ce concept sont
identifiables chez Freud ainsi que Klein, mais pas par le biais de la formulation d'une
théorie explicite. Winnicott est le premier auteur à développer une théorie du Self
complète et constamment renouvelée, qui rassemble notamment ses
conceptualisations du vrai self et du faux self. Les traces de sa pensée ont influencé
l'expansion des théories du Self dans différents courants de la psychanalyse
européenne : les auteurs anglais ont donné préférence à l'exploration du self dans les
théories de la relation d'objet. Bollas, quant à lui, a développé à sa façon les idées du
vrai self de Winnicott. Il a progressivement choisi le terme « idiome », en le décrivant
non pas comme un contenu latent de sens, mais une esthétique de la personnalité.
Pour Fairbairn, le self existe depuis le début et n'est pas le fruit de l'expérience. Il est
un centre vivant en croissance qu'il considère être le point initial du processus
psychique humain. En psychanalyse italienne, le concept du self a été développé par
des auteurs qui ont théorisé sa genèse, depuis l'esprit primitif dans la relation avec la
mère (Gaddini) ; à partir de la « matrice groupale » (Hautmann) ; ou depuis la
dimension transgénérationnelle (Napolitani) ; ou comme dispositif pour analyser la
dynamique dans la relation analyste-patient (Bolognini). Dans la tradition française,
Pontalis a exploré les limites du concept du Self et a reconnu son utilité pour
comprendre plus profondément ses relations avec les agences que sont le Moi, le Ça
et le Surmoi. Une contribution supplémentaire à l'élaboration des théories du Self
provient de la psychanalyse de l'enfance par certains aspects de la pensée de Tustin,
Gaddini, Mahler et Stern et de la psychanalyse de l'adolescence par l'influence de la
théorie de Blos sur la pensée d'auteurs tels que Novelletto, Senise et d'autres.
En Amérique latine, soit pour sortir d'une impasse conceptuelle (Freud,
Hartmann), ou pour décrire une entité théorique ou clinique sous-théorisée ou non
reconnue auparavant, le concept du Self a le plus souvent été associé à une alternative
possible pour une technique dogmatique, permettant à des pathologies actuelles d'être
abordées dans la pratique clinique. En écho à l'emphase de Nemirovsky sur
l'importance de développer des instruments théoriques adéquats pour traiter les
problèmes cliniques de la pratique psychanalytique actuelle, le concept du Self permet
aux psychanalystes d'évoluer dans une meilleure assistance à la population de patients
contemporains atteinte de troubles graves de la personnalité.
Globalement, l'étude et l'application du concept du Self en Amérique latine a
eu lieu en trois étapes : dans la première étape, qui comprend les décennies des années
60 et 70, les efforts se sont portés sur la définition du Self et de le différencier du Moi.
En second lieu, la plus large diffusion des idées de Winnicott et de Kohut, ainsi que
les applications cliniques en conséquence, est accompagnée d'une élaboration
théorique qui tend à discerner le caractère novateur de ces conceptualisations au
regard des cadres de référence classiques freudiens et kleiniens. Dans ce stade, par la

457
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réinterprétation des idées de Winnicott, l'étude du Self reçoit une nouvelle impulsion.
Au 21ème siècle, une résurgence de critiques liées au dogmatisme dans la technique,
ainsi que le besoin d'aborder les troubles dans lesquels l'isolement et l'apathie
prédominent ont donné lieu à une emphase sur les aspects relationnels qui à son tour
accompagne un intérêt et un développement de la psychanalyse interpersonnelle et
relationnelle dans la région. Cela provoque encore un élan pour de nouveaux
développements théoriques qui de manière proéminente concerne le concept du Self.
En forte résonance avec l'identité culturelle latino-américaine, qui s'applique à
l'échelle mondiale, la conceptualisation psychanalytique de Pichon Rivière des liens
et ponts entre les mondes internes et externes, ainsi que sa « spirale dialectique »
reliant des mouvements contradictoires de régression et de progression, prolongée sur
des mouvements contradictoires de toutes sortes, est envisagée dans son applicabilité
au contexte large des élaborations de concepts du self dans les différentes régions et
dans diverses écoles psychanalytiques.
Dans toutes les orientations et cultures psychanalytiques, le panorama
multidimensionnel des conceptualisations théoriques du self, avec leurs implications
pour une pratique psychanalytique clinique contemporaine sensiblement harmonisée
dans un éventail large de conditions cliniques graves, peut apporter une protection
intégrée contre le dogmatisme et contre la rigidité des anciennes et nouvelles
orthodoxies.

Voir aussi :
CONFLIT (LE)
CONTRE-TRANSFERT (LE)
ÉNACTION (L')
THÉORIES DE LA RELATION D'OBJET (LES)
INTERSUBJECTIVITÉ (L')

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476
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Contributeurs régionaux
(Membres consultants and contributeurs des Conseils éditoriaux régionaux)

Amérique du Nord : Henry Friedman, M.D., Arnold Goldberg, M.D., Joseph


Lichtenberg, M.D., and Gary Schlesinger, Ph.D. (version initiale)

Amérique latine : Rafael Groisman, M.D. (version de réponse)

Europe : Sandra Maestro, Dr.ssa. ; Lesley Caldwell, Prof. Univ. ; Arne Jemstedt,
MD, and Michael Sebek, PhD ; Anne Alvarez, PhD (version de réponse)

Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili, PhD, ABPP

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Traduction : Corinne O’Connor ; Edition : Caroline Williamson

477
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THÉORIE DE LA COMMUNICATION
de David Liberman (LA)
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Samuel Arbiser (Amérique Latine), Arne Jemstedt
(Europe), Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)
Co-chaire de coordination interrégionale : Elias M. da Rocha Barros
(Amérique Latine)

I. INTRODUCTION ET DEFINITION INTRODUCTIVE

Dans son sens le plus large, la théorie de la communication de David


Liberman dessine une complexe reformulation systématique objectiviste de la
psychopathologie, sur des bases empiriques, selon l'évaluation multidimensionnelle
des aspects de communication interactive de la pratique clinique psychanalytique.
Dans ce système complexe, la psychopathologie est reformulée en termes de
perturbations du processus de communication ayant pour effet un trouble de
l'adaptation. Plus spécifiquement, le dialogue-échange entre le patient et le clinicien
constitue une base empirique pour la recherche psychanalytique, ainsi qu'un outil de
diagnostique.
David Liberman, l'auteur de la théorie de la communication (‘Theory of
Communication’), a été l'un des contributeurs les plus originaux du ‘courant
psychosocial’ de la psychanalyse argentine dirigé par Enrique Pichon Rivière
(Arbiser, 2017). Ce courant d'érudits a fait d'une position multidisciplinaire et
plurielle une caractéristique cardinale. C'est dans ce contexte qu'il proposa une
décision méthodologique innovante : prendre pour point de départ le dialogue
analytique pour étudier et évaluer l'évolution de la session et du processus
psychanalytique, où la performance des deux membres d'un tel dialogue sert de ‘base
empirique’. Nous pourrions considérer que ses contributions sont une étude
systématique de la pratique clinique même. L'objectif que portait Liberman était de
donner à la psychanalyse un angle davantage scientifique, comme il le dit lui-même
dans le premier chapitre intitulé « Science, research and theories in psychoanalysis »
(La science, la recherche et les théories en psychanalyse) de son ouvrage fondateur
Communication in Psychoanalytic Therapy (La communication en thérapie
psychanalytique, 1962 166 ). La décision sous-entendue était de développer des
systèmes de formulations descriptifs et traductifs grâce à une recherche systématique
effectuée dans le champ complexe du comportement humain. Comme nous pouvons

166
Titres des publications traduites pour cette édition (N.d.T)

478
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le voir dans les tableaux ci-dessous, il emprunta de Jurgen Ruesch ses formulations
(Ruesch and Bateson, 1951) qui étaient apparues récemment à cette époque, mais
pour appliquer les idées psychanalytiques en vigueur en Amérique latine dans les
années 1960, il pensait que ces formulations pouvaient être corrélées à des
présuppositions psychanalytiques de base telles que les ‘fantasmes inconscients’, les
‘angoisses fondamentales’ et les ‘mécanismes de défense’ (Klein, 1952) qui se
manifestent dans la situation psychanalytique sous l'influence de la relation transféro-
contre-transférentielle.

II. EVOLUTION DU CONCEPT

N'oublions pas qu'auparavant, l'auteur en avait déjà fait allusion lorsqu'il


développait ses préoccupations théoriques dans ce sens, dans sa thèse doctorale,
laquelle est devenue ensuite son premier livre intitulé Psychosomatic Semiology, (La
sémiologie psychosomatique167) qui fut publié en 1947.

L'usage que Liberman faisait de la théorie de la communication n'était qu'un


pas supplémentaire dans un long effort investi à systématiser le travail clinique
psychanalytique, alors que son objectif même était de justifier la réalité des patients
en consultation de manière éventuellement plus objective, tout en prenant en compte
la singularité de chacun des membres du couple thérapeutique. La théorie de la
communication fut suivie d'explorations par l'une de ses prorogations, la sémiotique.
La sémiotique est la science qui étudie les principes généraux qui gouvernent le
fonctionnement des systèmes de signes et de codes, et qui en détermine la typologie
(Prieto, 1973). Cette discipline (également renseignée par Morris, 1946) lui a fourni
les outils conceptuels nécessaires pour conclure que la communication humaine n'est
pas uniquement transmise par les voies verbales (la ‘zone syntaxique’) mais que nous
devons rester vigilants sur les ‘malentendus’ dans la communication, relatifs à la
‘zone sémantique’ et finalement, à la ‘zone pragmatique’ pour décoder les messages
qui se déplacent de manière prédominante sur les voies comportementales. La ‘zone
syntaxique’ par conséquent fait référence à la relation syntagmatique entre les signes,
la ‘zone sémantique’ à la relation entre le signifiant et le signifié et la ‘zone
pragmatique’ à la relation entre l'utilisateur et le code (Watzlawick et al., 1967). En
d'autres termes, l'information se déplace par « paquets » qui contiennent des
amalgames variés des trois zones sémiotiques. Selon les éléments prévalents et les
déformations que l'on peut observer dans chacune des zones, Liberman a classifié les
patients en trois catégories : 1) « les patients qui présentent de manière prédominante
des déformations syntaxiques » correspondent approximativement aux patients «
névrosés » de la psychopathologie classique ; 2) « les patients qui présentent de

167
Titre de l’ouvrage traduit pour cette édition (N.d.T)

479
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manière prédominante des déformations sémantiques » comprenant un éventail large


de celles qui sont qualifiées de « narcissiques » par la psychopathologie classique ; et
3) « les patients qui présentent de manière prédominante des déformations
pragmatiques », dont les troubles de la psychopathie, les perversions et les
dépendances dans la classification classique. De manière « prédominante » est le mot
clé dans cette systématisation. indic
Enfin, Liberman termina sa séquence de systématisations cliniques par une étude des
« facteurs et fonctions de la communication » de Roman Jakobson (Jakobson, 1960).
Par une analyse corrélative de ces derniers avec sa propre adaptation du premier
modèle topographique de Freud, il échafauda sa théorie des « styles », de la
« complémentarité stylistique » et du « Moi idéalement plastique ». Pendant les
dernières années de sa vie, qui a été écourtée prématurément, Liberman repris le fil de
sa première thématique sur les effets psychosomatiques, par une description du
« patient suradapté », qui signifie une adaptation passive à la réalité, selon les
enseignements de E. Pichon Rivière sur « l'adaptation à la réalité » (Arbiser, 2017)

II. A. Les styles


En ce qui concerne une définition des styles, David Maldavsky (1986),
collaborateur proche de Liberman, a eu des difficultés à trouver une définition précise
dans les écrits de Liberman. En conséquence, il a proposé des moyens de sélectionner
et de combiner des mots et des séquences spécifiques dans des histoires, pour
comprendre la temporalité, l'espace et la causalité.
Tenant compte du fait que le code du langage, selon le système de la double
articulation du signifiant/signifié et signe/signe de Luis J. Prieto (1973), génère des
possibilités infinies de combinaisons dans la construction d'un signal porteur de
messages, Liberman a déterminé des typologies stylistiques distinctes conformément
aux choix spontanés de chacun des utilisateurs. Cela signifie que les représentions
graphiques tridimensionnelles du Moi et du Ça (Freud, 1923) sont croisées par un
‘ruban’ qui part du pôle perceptuel, avec son investissement d'attention respectif, pour
s'écouler finalement dans le pôle moteur où il régit l'action par la perception anticipée
de la réponse. Entre ces deux pôles, il propose trois fonctions du Moi partielles, qui
entrent en corrélation avec six moyens de recevoir (décrypter), d'évaluer (faire la
distinction entre différents sens et significations) et d'émettre (encoder) des signaux
porteurs de messages. Ces six modes de fonctionnement sont à leur tour disposés en
une succession de boîtes qui, toujours dans le même ordre, deviennent de plus en plus
intégrés. Une synthèse numérique des styles en guise d'illustration est fournie ci-
dessous.

Boîte 1 : Style réflexif. Cela concerne le facteur source et la fonction métalinguistique,


ou réflexive. Ce discours est focalisé sur celui qui parle, par exemple « Je pense ». La
fonction du Moi impliquée sous-entend la capacité de se dissocier et d'observer sans

480
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participation, en se clivant de ses affects, ce qui permet une perception globale et une
perception détaillée. La connexion aux objets est exclusivement perpétuelle au détriment
de ses propres affects et de ceux des autres. Ces patients correspondent
approximativement aux schizoïdes dont il est question dans la terminologie classique.
Dans la nomenclature qu'il a utilisée dans son ouvrage, en 1962 La Comunicación en la
Terapéutica Psicoanalítica (La communication dans la thérapie psychanalytique168), ils
sont, pour Liberman, des personas qui « observent mais qui ne participent pas ».
Boîte 2 : Le style lyrique. Comme dans le cas précédent, le facteur source y est
également impliqué en ce sens que ce style est similairement centré sur l'interlocuteur,
mais c'est une question de fonction expressive, par exemple « Je sens » ; le clivage chez
ces patients est au détriment de la perception alors que la participation des affects
augmente. Ainsi, la perception devient contrainte et biaisée en raison du risque d'être
submergé par les affects. La distance entre le Moi et l'objet est réduit de telle sorte que le
sujet devient inclus et impliqué, ce qui laisse les relations d'objet et le contexte en dehors
du champ de la perception. Cela concerne principalement les personas dépressives selon
les systématisations précédentes (1962) et les personnes atteintes de dépression
névrotique ou psychotique, selon la classification classique.
Boîte 3 : Le style épique. Il fait référence au facteur destinataire et la fonction conative
est impliquée. Le Moi développe la capacité d'enregistrer des désirs personnels et de
détecter les vulnérabilités de l'environnement humain afin de traduire ces désirs en
action. Cela signifie prendre une décision après avoir trouvé un équilibre entre nécessité
et possibilité. En ce qui concerne la terminologie précédente (1962), les personas qui
actent, ou les psychopathes dans le sens classique du terme, l'acting-out, les dépendances
et les perversions y sont comprises.
Boîte 4 : Le style narratif. Nous faisons référence ici au facteur contextuel et à la
fonction référentielle. Pour le Moi cela implique la capacité de s'adapter à des
circonstances selon le type de lien, qu'il soit horizontal (avec ses pairs, selon des degrés
d'intimité) ou vertical (père-fils, figures d'autorité-subordonnés). En contraste au cas
précédent (Boîte 3), la pensée, dans son sens répétitif, remplace l'action ou la reporte de
manière indéfinie. Dans le discours, étant donnée la prééminence du contexte, il est très
difficile de distinguer l'idée principale des idées secondaires : les personas logiques
(1962) de la névrose obsessionnelle et de la personnalité anale dans le sens classique du
terme.
Boîte 5 : Le style dramatique, qui recherche l'inconnu et créée le suspense. Le facteur en
jeu est le canal et la fonction phatique. Cette fonction fait allusion à la capacité du Moi à
réussir un contact avec l'objet avec un minimum de transmission d'information et une
sécurité maximale vis-à-vis de la connexion. Par exemple, nous pourrions prendre
comme modèle, dans la vie moderne, les appels téléphoniques interminables dans
lesquels les interlocuteurs n'échangent pas d'information mais ne font que garder les
canaux de communication ouverts. Ce qui est impliqué ici est la capacité de maintenir un
168
Titre de l’ouvrage traduit pour cette édition (N.d.T)

481
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niveau d'angoisse utile, d'anticiper de terminer une action une fois que le lien est établi,
la décision prise et les circonstances observées (Boîtes 1, 2, 3, 4). Cela est lié au moment
où le Moi se développe, quand il apprend à utiliser l'angoisse signal (Freud, 1926) : de
cette façon, cela le libère de la tyrannie de l'angoisse traumatique ou de la nécessité de
possession inconditionnelle de l'objet qui l'accompagne : les personas craintifs/intimidés,
ou ceux portés à la fuite (1962), ainsi que l'hystérie d'angoisse et les caractéristiques
phobiques classiquement parlant.
Boîte 6 : Le style dramatique avec impact esthétique. Le facteur en jeu est le message et
la fonction poétique de Jakobson. Cela concerne la capacité du Moi à rassembler en un
seul message le plus haut degré de combinaisons entre l'action, l'affect et la pensée dans
l'usage de la langue verbale et le symbolisme communicatif. Cet effet s'observe dans les
slogans publicitaires réussis figurant des personas démonstratives (1962) et des névroses
de caractère hystérique classiquement parlant, ainsi que dans les névroses de l'hystérie de
conversion.
Cette classification peut également être utilisée pour définir le Moi idéalement
plastique, qui consiste en une combinaison de fonctions du Moi qui s'ajustent à chaque
instant dans des circonstances relatives au champ social, qui concerne l'interaction du
sujet et qui correspond à une absence relative de psychopathologie, c'est-à-dire la
normalité (en d'autres termes, la plasticité ou 'l'astéréotypie’).
C'est dans cette perspective du processus analytique en tant qu'interaction
thérapeutique que l'idée de styles complémentaires peut être justifiée, en ce sens que
l'analyse, qui utilise différents codes de communication dans ses interprétations, doit
également opter entre d'infinies possibilités de construire les signaux porteurs de son
message interprétatif, afin de donner ses réponses interprétatives. Le desideratum de la
complémentarité stylistique est que la forme et le contenu de tout résultat d'intervention
est la réaction interprétative la mieux ajustée en termes du point de vue de l'urgence, de
l'angoisse prédominante et des défenses concernées à tout moment.

II. B. Le « patient suradapté »


Ce concept représente une prolongation et plus tard une élaboration de l'intérêt
initial que Liberman portait sur l'incidence psychosomatique, comme il a pu le
documenter dans sa thèse doctorale sur la Sémiologie psychosomatique (1947). Dans un
retour sur ce sujet (Liberman, 1982), les traits organiques ne sont pas au cœur de la
caractérisation psychosomatique, mais plutôt une suradaptation à l'environnement et à
des valeurs culturelles dominantes incontestées. La personne ‘suradaptée’ s'adapte à la
réalité de façon passive, non critique. La conséquence substantielle de cette
‘suradaptation environnementale’ est le renoncement/suspension et la sous-estimation du
soi corporel et émotionnel, d'où la formule du « soi environnemental suradapté » vs le
« soi corporel répudié et assujetti ». Les signaux qui proviennent du monde émotionnel
et du monde corporel sont ignorés en raison d'une construction symbolique défectueuse

482
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par un dispositif symbolique déficient. Lorsque les stimuli provenant du corps ne sont
pas intégrés dans le processus psychique, l'esprit souffre d'un déficit qui engendre la
prédominance de l'extériorité sur l'intériorité. Les liens conceptuels avec la notion du
‘nourrisson savant’ traumatisé de Sándor Ferenczi(1931, 1949) et du ‘faux soi’ de
Donald Winnicott (1955), qui se développent dans des conditions de ‘maternage pas
suffisamment bon’, sont perceptibles.
Comme nous l'avons indiqué au début, la nécessité d'avoir recours à des
disciplines dites auxiliaires provient d'une décision méthodologique en rapport à son
projet de fournir à la psychanalyse une plus grande base scientifique, d'où la nécessité
pour Liberman de mettre en place une base spécifique empirique pour la
psychanalyse.
Appréhender la session analytique comme un dialogue organisé dans le cadre
de l'interaction humaine demande que l'étude de l'inconscient dans la séance même
soit différenciée de l'étude de la séance depuis l'extérieur, auquel cas la performance
des deux membres de la dyade, ainsi que la responsabilité de chacun dans l'issue du
processus thérapeutique ou iatrogénique, doit être évaluée avec la moindre
subjectivité possible. C'est impossible dans la séance, en plus d'être déconseillé, de se
détacher de sa propre subjectivité, puisque les deux membres sont de fait immergés
dans le climat émotionnel du transfert/contre-transfert. Le cas est différent lorsque la
séance est examinée depuis l'extérieur. Pour obtenir une telle objectivité, Liberman
insistait sur le besoin de compter dans cette observation sur les « disciplines
auxiliaires ».
Il convient de noter que Liberman ne remplaçait pas l'ancienne par une
nouvelle psychopathologie : sa contribution a permis une « systématisation du travail
clinique psychanalytique » commençant par la spécificité de sa méthode. Celle-ci était
la conséquence de la décision méthodologique susmentionnée.
Le point de vue de Liberman, selon lequel la thérapie psychanalytique est un
dialogue, implique l'évidence depuis le tout début d'une perspective «
d'interconnexion » construite dans l'interaction évoquée précédemment, comme il le
décrit lui-même :« la séance psychanalytique est un processus interactif dans lequel le
comportement de l'un des membres du couple [analytique] détermine la réaction de
l'autre et vice versa 169 … » (Liberman, 1976, p. 21). Le dialogue analytique de
Liberman, fondé sur le postulat de la théorie de la communication, peut se concevoir
comme une interaction entre trois circuits de communication superposés :: deux sont
intrapsychiques (ceux du patient et de l'analyste) et l'autre est le circuit interpersonnel
qui est créée entre eux.
Dans son ouvrage Communication in Psychoanalytic Therapy (La
communication en thérapie psychanalytique 170
, 1962) Liberman emploie les

169
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
170
Titre de l’ouvrage traduit pour cette édition (N.d.T)

483
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contributions de Jurgen Ruesch pour classifier les types différents de ‘personas’ selon
leur manière de communiquer avec leurs interlocuteurs. Il les énumère et les met en
corrélation en premier lieu avec la nomenclature classique de O. Fenichel (1945), puis
avec ses propres systématisations futures, comme ces tableaux suivants l'indiquent :

Nomenclature de Ruesch Nomenclature de O. Fenichel

Une personne sociable Hystérie de conversion (caractère hystérique)

Une personne craintive, fuyante Hystérie d'angoisse (caractère phobique)

Une personne logique Névrose obsessionnelle (caractère obsessionnel)

Une personne d’action Une personnalité psychopathique (perversion et


compulsions)

Une personne dépressive Troubles cyclothymiques, dépression névrotique et


psychose cyclique

Une personne observatrice, non- Trouble schizoïde, schizophrénie


participante

Une personne infantile Névrose d'organe (maladie psychosomatique)

Liberman va plus loin et rassemble Ruesch et Fenichel et les phases du


développement de la libido (Freud, 1905, 1933 ; Abraham, 1924) avec les angoisses
dépressives et paranoïdes (M. Klein, 1952) pour dessiner ensuite l'esquisse suivante
afin de décrire les affects prédominants dans chacune des images cliniques
(Liberman, D. 1962, p. 130) :

Qualités de l'objet Émotion ou sentiment Émotion ou sentiment


surmoïque projeté sur le correspondant à la correspondant à la position
thérapeute selon la zone position dépressive. paranoïde-schizoïde.
érogène duquel le stimulus
dérive.

Sein privant (modalité orale Tristesse. Nostalgie. Avidité. Envie


réceptive. O1) Affliction

Sein dévorant. (Modalité orale Résignation Impatience


cannibale. O2)

484
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Sein ‘dépossédant’ (expulsant) Humiliation Honte


(modalité anale expulsive. A1)

Sein étouffant (Modalité anale Désespoir Sentiment d'inutilité. Mépris.


rétentive. A2)

Sein empoisonnant (Modalité Pessimisme Méfiance


phallique-uréthrale. FU)

Sein mutilant Dépersonnalisation Aliénation. Déréalisation.


(Modalité génitale. G)

III. EXTENSIONS CONTEMPORAINES ET USAGES CLINIQUES DU


CONCEPT
La théorie de la communication de Liberman présente globalement une
contribution à la psychanalyse contemporaine que l'on peut résumer de deux
manières, sur lesquelles le concept s'est développé :
Premièrement, la théorie offre un système d'évaluation et d'étude sur des bases
empiriques ; un système largement développé et détaillé dans les publications,
spécialement celles de Liberman (1970), puis enrichi et perfectionné dans la vaste et
laborieuse œuvre de David Maldavsky (2004, 2007 et 2013), en ce que le présent
auteur a appelé la DLA (l'Algorithme de David Liberman).
En second lieu, l'autre direction innovatrice que le travail de Liberman a
empruntée déploie sa pertinence directe dans la pratique contemporaine, l'évaluation
ainsi que les implications cliniques pour le travail psychanalytique par ses outils
innovants dédiés à la psychopathologie actuelle dans toute sa complexité et son
hétérogénéité. Un exemple spécifique de ces développements dans ce domaine est la
reformulation, par Samuel Arbiser (1994), du processus d'association libre, des
interventions interprétatives et du cadre clinique dans son intégralité avec des
conséquences cliniques favorables pour les patients de structure phobique-obsessive
et perverse : «...[Le fait que] la formulation n'ait pas conservé la forme classique
d'interprétation et qu'elle penchait clairement dans le sens du rappel concordait avec le
langage de l'action, lequel était le seul langage que le patient utilisait et comprenait171
(distorsion pragmatique—Liberman, 1971-2)… » (Arbiser 1994, p. 741; italiques de
son auteur).

171
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

485
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IV. CONCLUSION : COMPLEXITE MÉTHODOLOGIQUE


Les étapes successives du développement conceptuel de la théorie de la
communication de Liberman, marquées par la corrélation de concepts
psychanalytiques traditionnels, supposées sous-tendre le dialogue communicatif
cliniquement observable, avec une terminologie provenant de la théorie de la
communication, de la sémiotique et de la linguistique, et la systématisation
diagnostique multidimensionnelle très individualisée qui en résulte, et son implication
pour le processus et la technique clinique, posent un certain nombre de questions et
controverses méthodologiques. Certaines de ces controverses sont pertinentes à
d'autres domaines de la recherche psychanalytique, là où la précision empirique, la
catégorisation et la mutualisation avec d'autres champs auxiliaires sont utilisées.
Liberman a détaillé son effort pour démystifier la psychanalyse et l'extraire de
cette tendance à en faire un cliché, une forme d'endoctrinement, de risques auxquels la
psychanalyse est exposée par sa nature et pratique particulières, la diversité qu'elle
englobe et son isolement relatif par rapport à la communauté scientifique
intellectuelle. Afin d'éviter ces effets, le travail de David Liberman aspire à parvenir à
la singularité de chaque individu dans le respect non restrictif de la diversité de la
condition humaine.
Pour parvenir à ces fins, son travail se porte à façonner des réponses aux
questions épistémologiques et méthodologiques suivantes :
Comment réconcilier les contre-objectifs d'une méthode qui cherche à
souligner la singularité de chaque patient en même temps que d'avoir à systématiser et
interpréter des concepts abstraits : une nécessité dans chacune des sciences ?
Comment fonder une pratique de psychanalyse si sensible aux subjectivités et
singularités, sous la pression d'être étudiée par des normes d'évaluation objectives qui
seraient plus fiables que les impressions subjectives de ceux qui la pratiquent
individuellement ?
Comment rassembler la diversité à vaste portée des théories psychanalytiques
(une véritable tour de Babel) en un langage commun, intelligible pour tous sans pour
autant enlever à chaque culture psychanalytique individuelle son efficacité et sa
richesse particulière ? (Arbiser, 2014).
De telles problématiques et controverses épistémologiques et méthodologiques
portent en elles une large applicabilité dans toutes les régions psychanalytiques, toutes
orientations théoriques et domaines de recherche confondus. Elles s'appliquent de
différentes manières aux travaux de recherche sur l'attachement de Mary Ainsworth et
al., notamment sur la ‘situation étrange’ de l'infans (Ainsworth, Blehar, Waters and
Wall, 1978) ; à la Théorie de l'interaction de Beatrice Beebe (Beebe 2000) qui en
s'inspirant des Modèles écologiques de Bateson (1972) a construit une méthode de
vidéosurveillance de dyades et triades mère-enfant et thérapeute ; aux études
neuropsychanalytiques (Balbernie, 2001; Shevrin et al. 2013) ; aux études à propos

486
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des corrélats neurologiques de la Théorie des relations d'objet de Otto Kernberg


(2015) ; à la fonction de la prise de décision inconsciente de Leo Rangell (1971),
faisant la synthèse des théories du traitement de l'information et des études
psychanalytiques sur le fonctionnement inconscient du Moi ; aux conceptualisations
de la ‘logique inconsciente’ et de la ‘bi-logique’ en réunissant les théorèmes de
logique mathématique pour enrichir les formulations de Freud sur les processus
inconscients et primaires, entre autres. Par ailleurs, de manière plus globale, la théorie
de la communication de Liberman et ses évolutions récentes inspirent également et
reflètent l'intérêt contemporain en psychanalyse dans la perspective ‘inconsciemment
communicative’ intersubjective et inter-psychique ainsi qu'intrapsychique.
Le fondateur de la psychanalyse avait déjà pour ambition et pour intention de
démystifier la psyché humaine et de traduire par des bases scientifiques la
compréhension profonde de son fonctionnement inconscient. La Théorie de la
communication de David Liberman est une contribution originale, vitale, applicable à
grande échelle sur une telle quête, et dans sa continuité.

RÉFÉRENCES

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489
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Consultants Interrégionaux et Contributeurs :

Amérique Latine : Samuel Arbiser, M.D., l'auteur principal

Europe: Arne Jemstedt, M.D.

Amérique du Nord : Eva D. Papiasvili, PhD, ABPP.

Co-chaire de coordination interrégionale : Elias M. da Rocha Barros, Dipl.


Psychoanal.

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Traduction : Corinne O’Connor ; Edition : Caroline Williamson

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THÉORIES DE LA RELATION D'OBJET (ORT)


Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Steven Groarke (Europe),
Leigh Tobias (Amérique du Nord) et Abel Fainstein (Amérique Latine)
Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili (Amérique du Nord)

I. INTRODUCTION ET DÉFINITION INTRODUCTIVE

Historiquement, l'expression ‘théorie de la relation d'objet’ a été inventée par


W.R.D. Fairbairn (1943, 1944). Elle désigne généralement un ensemble d'hypothèses
développementales et structurelles psychanalytiques définies de manières différentes.
Elles situent le besoin de l'enfant à entrer en relation avec autrui au cœur même de la
motivation humaine. C'est, plus spécifiquement, une théorie psychanalytique, ou un
ensemble de théories connexes, selon lesquelles les individus sont dès le début de leur
vie motivés par un besoin d'entrer en contact et de développer des relations, plutôt que
de simplement satisfaire leurs pulsions pour décharger de l’énergie. C'est ainsi que la
prééminence est donnée à l'interaction communicative avec l'autre, c'est-à-dire
‘l'objet’, aussi bien interne qu'externe, pour comprendre la vie humaine, en
commençant par la construction de liens affectifs primitifs entre l'infans et sa figure
parentale. L'interaction émotionnelle et corporelle primitive, dans cette optique,
explique comment les ‘objets’ externes et internes sont perçus et vécus par le sujet.
Les définitions des hypothèses et des théories de la relation d'objet dans la
littérature contemporaine et dans les dictionnaires régionaux des trois continents
psychanalytiques varient entre elles (Moore and Fine 1990; Auchincloss and Samberg
2012; Skelton 2006; de Mijolla 2013; Borensztejn 2014) comme ces quelques
définitions, parmi d'autres, le démontrent : Les théories psychanalytiques des relations
d'objet présentent « Un système d'explications psychologiques fondées sur le postulat
selon lequel l'esprit est composé d'éléments intégrés essentiellement à partir de
différents aspects du fonctionnement d'autres personnes, par le biais des processus
d'internalisation. Ce modèle de l'esprit explique les fonctions mentales en termes de
relations entre les différents éléments internalisés172 » (Moore and Fine 1990). De
même, Skelton (2006) propose que la théorie des relations d'objet se concerne
principalement des « plus profonds fantasmes sur les relations 173 » ; alors que
Hinshelwood (1991), dont les idées penchent plutôt sur une définition plus large des
approches des relations d'objets, qu'elles soient kleiniennes ou non, se focalise

172
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
173
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

491
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essentiellement sur l'état et la nature des objets. Dans un exemple récent de brassage
de cultures psychanalytiques, Kernberg propose sa propre contribution à la définition
de De Mijolla (2013, p. 1175) dans le dictionnaire international de la psychanalyse :
« Les théories des relations d'objet positionnent l'internalisation, la structuration et la
réactivation clinique (dans le transfert et le contretransfert) des premières relations
d'objet dyadiques au centre de leurs formulations motivationnelles (structurelles,
cliniques, génétiques et développementales)174 »
Cette variabilité susmentionnée peut être classifiée selon un éventail de
définitions :
1. De façon très générale, la théorie des relations d'objet concerne l'étude
psychanalytique de la nature des relations interpersonnelles et du développement des
structures intrapsychiques qui découlent des relations internalisées avec les autres,
dans le contexte des relations interpersonnelles actuelles et de l'organisation globale
de la personnalité et du fonctionnement. Dans ce contexte plus large, la théorie des
relations d'objet intègre toutes les vicissitudes de la relation entre les domaines de
l'intrapsychique et de l'interpersonnel. De ce point de vue, la psychanalyse, en termes
de théorie générale, est en fait elle-même une théorie des relations d'objet. Dans ce
sens plus large, la théorie des relations d'objet est qualifiée de terrain intermédiaire,
un langage ‘médian’ entre les ‘langages’ métapsychologiques et cliniques
(Mayman1963 ; Rapaport and Gill, 1959). Cette conceptualisation large est utilisée, et
a été intégrée, aux Etats-Unis, à la Psychologie du Moi, par Schafer (1968) et Modell
(1968).
2. Dans une définition ‘médiane’ plus restreinte, la théorie des relations d'objet sous-
entend une construction progressive de « représentations intrapsychiques dyadiques
ou bipolaires (images du Moi et de l'objet) qui représentent la relation d'origine entre
l'infans et la mère et son développement ultérieur dans des relations interpersonnelles
internes et externes dyadiques, triangulaires et multiples175 » (Kernberg, 1977, p 57).
Le point commun entre ces nombreuses variations est essentiellement la nature
bipolaire dyadique de l'internalisation à l'intérieur de chaque unité de l’image du Moi
et de l'objet qui a été déterminé dans un contexte affectif donné. Cette approche
s'appuie historiquement sur l'École britannique de Melanie Klein (1934, 1940, 1946),
de Fairbairn (1952), Winnicott (1955, 1958, 1960a, b, 1963), Bowlby (1969) les
approches de la psychologie du Moi d'Erickson (1956), Jacobson (1964), et Mahler
(1968 ; Mahler, Pine, Bergman, 1975) ; et de manière différente les écoles culturelles
et interpersonnelles (Sullivan, 1953). Aujourd'hui cette définition comprend
également des différentes approches relationnelles psychanalytiques définies de
manière variée (S. Mitchell, 2000 ; Greenberg and Mitchell, 1983 ; Harris, 2011).
Ainsi, la théorie des relations d'objet, dans ses implications cliniques et sociologiques
se superpose ci et là, bien qu'il faille le dire, sur des prémisses variables, avec de

174
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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nombreuses idées de Loewald (1978,1988), Lichtenstein (1970), Green (1985, 2002),


Rosenfeld, (1983), Segal, (1991), Volkan (2006), et du modèle du ‘tiers analytique’
de psychanalystes français et canadiens francophones.
Cette définition fournit, selon Kernberg, un cadre intégratif majeur qui peut
associer l'approche psychosociale à la nature expérientielle subjective de la vie
humaine, avec les structures intrapsychiques ; en général la métapsychologie
(Kernberg, 1977, p 58). Cette qualité de ‘cadre intégratif’ dans une perspective
historique a également été soulignée par S. Mitchell, qui, dans son hommage à John
Bowlby, déclare que des : « auteurs relationnels majeurs ont contribué à notre
compréhension clinique des différentes facettes et implications de la relationnalité
humaine et de l'attachement. » (Bowlby, 1998). Fairbairn a exploré la
psychodynamique des attachements à des figures parentales absentes du point de vue
physique et émotionnel. Winnicott a éclairé les manières subtiles par lesquelles
l'attachement sécure facilite le développement d'une conscience personnelle de soi et
la façon dont l'absence de ces fonctions parentales est une entrave à ce
développement. Les théories innovantes de Loewald suggèrent que la séparation
apparente entre le sujet qui s'attache et l'objet de l'attachement se superposent à un
niveau de processus primaire d'organisation dans lequel le Moi et l'autre existent à des
degrés différents d'indifférentiation l'un de l'autre. Loewald (1988) suggère que les
relations d'objet saines ne consistent pas tant en une séparation claire du Moi des
autres, mais en la capacité à contenir, dans des tensions dialectiques, des différentes
formes enrichissantes de relation à autrui. Enfin, Sullivan, et les interpersonnalistes
contemporains ont contribué à notre compréhension de la manière dont les
vicissitudes de l'expérience précoce de l'attachement jouent un rôle dans les relations
au présent, dont la relation de transfert-contretransfert avec l'analyste. À ce point de
l'évolution des idées psychologiques, la théorie de l'attachement et la théorie
psychanalytique [de la relation d'objet] offrent des possibilités passionnantes de
convergence qui sont mutuellement enrichissantes176 » (Mitchell, 1998, p. 193).
L'intérêt postfreudien du sujet du rôle de l'objet dans le développement de
l'appareil psychique est un champ intense de superposition avec des travaux qui
émanent de France et de Montréal, où les analystes contemporains français parlent du
« modèle tiers analytique » : un modèle de l'appareil psychique qui postule une
première phase de la vie humaine dans laquelle la psyché du nourrisson doit être
considérée dans le contexte de l'environnement des figures parentales (modèle « two-
person ») avant qu'il se différencie en l'un ou l'autre des deux modèles freudiens
(« one-person ») topographiques et structurels. Dans le développement humain,
l'esprit « two-person » précède celle de l'anatomie de la pulsion psychique « one-
person » des défenses et du phantasme intrapsychique, que Freud a décrits. C'était
bien la lecture qu'en faisait Green et que Brusset (2005b, 2006), Reid (2008a, 2008b)
et d'autres ont poursuivie. Cela pourrait bien représenter un autre terrain commun de
recherche psychanalytique qui est apparue à l'échelle internationale, en plus du
176
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

493
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transfert et du contretransfert suggérés par Gabbard en 1995. L'énoncé de Loewald


(1960), « les pulsions instinctuelles sont autant et essentiellement reliées aux ‘objets’,
au ‘monde externe’ que l'est le Moi. En d'autres termes, les pulsions instinctuelles
organisent l'environnement, et sont organisées par elles, pas moins que le Moi et sa
réalité, [...] C'est la mutualité de l'organisation, dans le sens de l'organisation de l'un et
de l'autre, qui constitue l'inextricable inter-relationnalité du ‘monde interne’ et du
‘monde externe…’ 177 » (ibid, p. 23.) qui a des résonances avec les analystes
contemporains francophones des deux côtés de l'océan Atlantique.
De nombreuses écoles européennes des relations d'objet et écoles
relationnelles nord-américaines intègrent aussi les conceptualisations de ‘l'amour
primaire’ de Sandor Ferenczi et Michael Balint, ainsi que le 'défaut fondamental' de
Balint, des fondations pour l'enrichissement futur de la pensée sur la relation d'objet et
la technique.
3. La définition la plus étroite de la théorie des relations d'objets psychanalytique
octroie le terme à « l'Ecole psychanalytique britannique » de Melanie Klein et de
Fairbairn, et les approches connexes de Guntrip (1961, 1971), Winnicott (1955,
1963), Wisdom (1963,1971) et Sutherland (1963). Cette vision de la théorie des
relations d'objet a été traditionnellement opposée à la psychologie du Moi aussi bien
aux États-Unis qu'en Europe.
Les conceptualisations latino-américaines des relations d'objet (ci-dessous)
sont apparentées principalement à cette définition britannique (plus étroite) des
relations d'objet, dans leur compréhension spécifique de la théorie kleinienne et ses
développements principalement avec Bion, Meltzer et Winnicott.
Auchincloss et Samberg (2012) ont récemment décrit les théories de la
relation d'objet selon leurs similarités et les ont regroupées selon certaines de leurs
différences. Une version quelque peu modifiée et mise à jour d'une telle perspective
est développée ci-dessous.
Les théories de la relation d'objet partagent certaines des caractéristiques
suivantes :
1. Les relations d'objet sont l'unité de base de l'expérience. 2. La psyché humaine est
en quête d'objet depuis sa naissance, la motivation de base pour cette quête d'objet ne
peut pas se réduire à aucune autre force motivationnelle ; 3. Les relations d'objet
internalisées se construisent au fil du développement par l'interaction de facteurs
innés (tels que les dispositions affectives innées et les composantes cognitives) et la
relation avec les autres (figures parentales). 4. Les relations interpersonnelles reflètent
les relations d'objet internalisées ; la psychopathologie, particulièrement les
psychopathologies sévères, telles que la psychose ou les troubles de la personnalité
narcissique et borderline sont conceptualisées en termes de relations d'objet. Ces

177
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

494
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caractéristiques partagées ont conduit à des attitudes théoriques sur les aspects
fondamentaux du modèle psychanalytique de la psyché, dont la motivation, la
structure, le développement et la psychopathologie. Les théories des relations d'objet
donnent un lien naturel à l'étude de la dynamique de la famille et des groupes, ainsi
que l'étude du développement, comme pour la psychologie du développement.
Les théories des relations d'objet varient entre elles selon plusieurs critères :
1. Le rapport à la théorie des pulsions : Klein, Jacobson et Mahler sont restés
intimement liés à la théorie des pulsions. Loewald, Kernberg, Sandler et Winnicott
sont parmi les théoriciens des relations d'objet qui ont gardé une version de la théorie
des pulsions avec le concept de la pulsion quelque peu modifié, en mettant l'accent
sur les éléments constitutifs des pulsions que sont l'affect et les relations d'objets.
Alors que Fairbairn, Guntrip et Sullivan seraient les plus éloignés de la théorie de la
pulsion freudienne. 2. L'importance de l'agression dans la vie psychique : bien que
Klein se focalise sur l'agression, les analystes kleiniens pensent qu'il serait plus exact
de dire que sa théorie se focalise sur le clivage, ce qui peut inclure le clivage entre
l'amour et la haine, qui prend un rôle central dans la vie psychique. 3. L'importance de
l'interaction existante par rapport à l'interaction fantasmée : la théorie interpersonnelle
de Sullivan se focalisait sur la véritable interaction ; la théorie de Klein se focalisait
sur le ‘fantasme’, la représentation de l'instinct et comment ces représentations
colorent l'objet. 4. La question de savoir si la situation clinique est façonnée
principalement par les relations d'objet internalisées ou par la véritable interaction
dyadique patient-analyste : Klein et Kernberg ont mis l'accent sur la première ;
Greenberg et Mitchell se sont focalisés sur la dernière.

II. HISTOIRE – RACINES : ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS ET/OU


PROBLÉMATIQUES THÉORIQUES

Les relations d'objet sont devenues une problématique théorique dans l'histoire
de la psychanalyse avant la contribution de Klein dans les années 1920 et la
formulation ultérieure de la théorie des relations d'objet au Royaume-Uni dans les
années 1940 et 50. Le concept des relations d'objet ne fait pas partie de la
métapsychologie de Freud, la théorie des pulsions classique n'accorde pas non plus de
signification particulière à l'histoire développementale au-delà de la théorie des stades
libidinaux. Cependant le problème des relations d'objet est inhérent à la théorie
classique, en ce sens que « la pulsion se dirige vers l'objet et l'objet n'a de
signification que si l'individu est doté d'une quantité d'énergie pulsionnelle pour vivre
la relation. » (Rycroft 1995 : 83-4).

495
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Alors que les relations d'objet et les pulsions ne sont pas nécessairement des
opposés intrinsèques dans le sens formel du terme, néanmoins la distinction peut
s'appliquer dans le contexte des évaluations pratiques et des discriminations cliniques,
surtout du point de vue des relations d'objet de l'école britannique. En conséquence de
quoi, les perspectives psychanalytiques ont été historiquement divisées entre les
théories de l'instinct et les théories des relations d'objet.

II. A. Racines freudiennes – la perspective des éléments constitutifs : La


pertinence de l'identification et de la perte d'objet dans la formation de la
structure
Freud utilisait le terme objet tout au long de ses écrits sur de nombreux aspects
du développement de sa théorie, dont la motivation, la structure, le développement, la
psychopathologie, etc. (Freud, 1905, 1914, 1915, 1917a, 1919, 1920, 1923, 1926).
L'objet freudien est toujours fermement lié à la pulsion, dans la transformation
développementale tout aussi bien que pathologique (1905, 1938). Dans ses écrits,
Freud explore les complexités variées des mécanismes d'internalisation et
d'externalisation, ainsi que les mécanismes identificatoires et projectifs, pertinents
pour les théories ultérieures des relations d'objet. Ses travaux sur la mélancolie
(Freud, 1917a) et la formation du Surmoi, héritier du complexe d'Œdipe (1923, 1931,
1938) en est un exemple. Son article « On Narcissism » (« Pour introduire le
narcissisme ») (Freud, 1914), ainsi que « Mourning and Melancholia » (« Deuil et
mélancolie ») (Freud, 1917a), qui ont souvent été considérés contenir les racines des
théories des relations d'objet, articulent tous deux le concept de choix d'objet, en
faisant la distinction entre le type narcissique de choix d'objet qui se développe tôt et
le type anaclitique de choix d'objet ultérieur.

Lorsqu'il utilise le terme relations d'objet, dans « Deuil et mélancolie »


(Freud, 1917a), en premier lieu, il signifie que l'identification est un ‘stade
préliminaire de choix d'objet’ : « Nous avons ailleurs émis l’idée que l’identification
est le stade préliminaire du choix d’objet et la première manière [...] selon laquelle le
moi élit un objet. Il voudrait s’incorporer cet objet et cela, conformément à la phase
orale ou cannibalique du développement de la libido, par le moyen de la dévoration »
(pp. 249-250). Ce que Freud semble plus tard accorder prépondérance significative
dans cet article était précisément son explication du processus par lequel, dans le cas
de la mélancolie, un investissement objectal est remplacé par l'identification.
Quelques années plus tard, dans son ouvrage « Group Psychology and Analysis of the
Ego » (« Psychologie des foules et analyse du moi ») (1924) où le sujet
d'identification est de nouveau repris, une modification de son point de vue ultérieur,
ou peut-être uniquement sa clarification, semble émerger. C'est là que l'identification
précède l'investissement objectal et qu'il en est distinct. En outre, lorsqu'il reprend le
sujet de l'identification dans son ouvrage « Psychologie des foules… », Freud utilise
le mot ‘introjection’ à plusieurs reprises. Il précise que : « Premièrement,

496
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l’identification est la forme la plus originaire du lien affectif à un objet ;


deuxièmement, par voie régressive, elle devient le substitut d’un lien objectal
libidinal, en quelque sorte par introjection de l’objet dans le moi ; et troisièmement,
elle peut naître chaque fois qu’est perçue à nouveau une certaine communauté avec
une personne qui n’est point objet des pulsions sexuelles ». (Freud, 1921, pp.106-
107).

Cette vision de l'identification est constamment soulignée dans de nombreux


ouvrages ultérieurs de Freud, par exemple dans The Ego and the Id (Le moi et le ça)
(1923) où il écrit que l'identification primaire avec les parents « […] semble n'être pas
le résultat ou l'issue d'un investissement d'objet ; c'est une identification directe,
immédiate, plus précoce que tout investissement d'objet ». (p 31). Il affirme que ce
processus ne se limite pas à la mélancolie mais qu'il apparait de manière générale. Ces
identifications primaires formaient en grande partie la base de ce que nous appelons le
‘caractère’ d'une personne. Mais, plus important encore, il propose que les
identifications qui résultent de la dissolution du complexe d'Œdipe forment le noyau
du Surmoi (cf. J. Strachey 1957, p. 240-242). (Voir aussi les entrées
L'INCONSCIENT, LE CONFLIT, LA PSYCHOLOGIE DU MOI)
Lorsque Modell écrit à propos du rapport de Freud vis-à-vis des théories
relationnelles, (1995) il affirme que :
« Les théories ultérieures de Freud mettaient l'accent sur la pertinence de
l'identification et de la perte de l’objet dans la formation d'une structure... Freud
soutenait que ce qui était internalisé représentait la relation entre les personnes
concernées. Par exemple, dans « An Outline of Psychoanalysis » (« Abrégé de
psychanalyse ») (1940) il soutenait que la fonction du Surmoi en relation au
Moi était celle que les personnes pratiquent dans le monde externe. Fairbairn a
essentiellement élargi le concept des relations d'objets internalisées de Freud.
Bien que Freud n'ait jamais développé une théorie relationnelle proprement dite,
puisqu'il n'a jamais adopté le concept d'un ‘soi’ (self), je précisais dans ma
monographie de 1968, « Object Love and Reality » (« L’Amour d’objet et la
réalité »), qu'il existe en fait une théorie freudienne des relations d'objet. 178
(Modell, 1995, p. 109).
En effet, dans plus d'une occasion parmi d'autres, Freud (voir 1917b, p 347 et
la note de bas de page qui l’accompagne) avait évoqué la notion de ‘séries
complémentaires’ dans les questions d'étiologie, c'est-à-dire une complémentarité qui
varie entre des facteurs internes et externes, selon les circonstances. Dans son ouvrage
« Psychologie des foules et analyse du moi », Freud a mis en garde contre la
dichotomie entre les facteurs internes et externes : « Certes, la psychologie
individuelle a pour objet l’homme isolé et elle cherche à savoir par quelles voies
celui-ci tente d’obtenir la satisfaction de ses motions pulsionnelles, mais, ce faisant,

178
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

497
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elle n’est que rarement – dans certaines conditions exceptionnelles – en mesure de


faire abstraction des relations de cet individu avec les autres. » (Freud, 1921, p. 69).

II. B. Racines freudiennes – le problème des relations d'objet : Les relations


d'objet seraient-elles secondaires aux pulsions
Le problème au sujet des relations d'objet est évident dans l'intégralité de
l'œuvre de Freud. Il fait surface au tout début, par exemple, dans les Three Essays on
the Theory of Sexuality (Trois essais sur la théorie sexuelle) où Freud écrit : « Ce
n’est pas sans de bonnes raisons que la figure de l’enfant qui tète le sein de sa mère
est devenue le modèle de tout rapport amoureux. La trouvaille de l'objet n'est à vrai
dire qu'une retrouvaille » (1905 : 222). L'objet libidinal est considéré par Freud dans
le cadre métaphysique général de la source instinctuelle, le but et l'objet – plus
spécifiquement en termes de choix d'objet et de satisfaction/frustration pulsionnelle.
Dans la théorie classique, le plaisir ouvre la voie au choix de l'objet (Freud 1909 :
108). Et en mettant l'accent, dans l'ensemble, sur ce qui peut satisfaire ou frustrer les
pulsions, Freud a par cela privilégié une perspective biologique quant aux relations
d'objet en donnant la priorité à la dimension énergétique et économique de
l'expérience humaine.
La focalisation sur les racines instinctuelles des relations d'objet signifie ici
que l'objet est la conséquence de l'organisation génitale des instincts qui les compose
et des zones érogènes. Pour Freud, les relations d'objet restent une fonction de la
pulsion où la stimulation s'explique sans faire référence au contexte de la relation
d'objet. Comparez les passages suivants au précédent, de l'ouvrage Trois essais : « Le
cas est peut-être encore plus clair lorsque, chez une personne qui n’est pas émue
sexuellement, une zone érogène particulière est excitée (par exemple l’épiderme du
sein chez la femme). Cet attouchement suffit à susciter un sentiment de plaisir, en
même temps qu’il est plus propre que tout autre à éveiller l’excitation sexuelle, qui
appelle à son tour un surcroît de plaisir. » (1905 : 210). Ici, comme ailleurs,
l'excitation s'explique dans l'interprétation freudienne sans référence au contexte
interpersonnel.
Le concept de l'objet, sinon la relation d'objet, a été soumis à certaines
modifications dans la seconde topographie ou modèle structural. Les pulsions qui
surgissent de manière endogène et qui sont déterminées biologiquement restent le
principe motivationnel sous-jacent pour Freud ; alors qu'en même temps l'accent est
davantage porté sur les premières relations, c'est-à-dire au cœur desquelles les
multiples exigences de la pulsion sont organisées et réalisées. Le problème des
relations d'objet est lié maintenant à une série conceptuelle qui anticipe la formulation
du modèle structural : le narcissisme (1914) ; le nouveau dualisme instinctuel présenté
dans Beyond the Pleasure Principle (Au-delà du principe du plaisir) 1920); la fusion
des instincts ; la sublimation instinctuelle et l'identification (1921).

498
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La capacité de l'objet à influencer la nature de la structure psychique est posée,


sur les prémisses de ce développement conceptuel, dans « Mourning and
Melancholia » (« Deuil et mélancolie ») (1917a) : Un choix d'objet avait bien existé
un jour ; puis en raison d’une « offense, une déception réelle de la part de la personne
aimée », la relation d'objet fut ébranlée « […] mais la libido libre ne fut pas déplacée
sur un autre objet, elle fut retirée dans le moi. Mais là, elle ne fut pas utilisée de façon
quelconque : elle servit à établir une identification du moi avec l'objet abandonné.
L’ombre de l’objet tomba ainsi sur le Moi ». (1917 : 248-49). Le processus détaillé
dans « Deuil et mélancolie », c'est-à-dire une alternance du Moi sur la base d'une
relation d'objet antérieure, à la suite d'une perte d'objet, est généralisé dans l'ouvrage
Psychologie des foules et analyse du moi en un phénomène de la psychologie
normale. Nonobstant ces développements conceptuels, la notion de la relation d'objet
n'a reçu pas plus de valeur explicative (à la notion de la relation d'objet) dans la
seconde théorie de l'appareil psychique que dans la première théorie (topographique).
Les implications développementales des relations d'objet sont néanmoins
développées davantage dans Le Moi et le Ça, en ce sens que « le Moi s'est assimilé
par identification à l'objet » (1923 : 29). La structuration du Moi et du Surmoi dépend
d'un ensemble de pertes d'objet. Ainsi, Freud suppose que « le caractère du Moi
résulterait de ces abandons successifs d'objets sexuels, résumerait l'histoire de ces
choix d'objets. » Les structures composées d'une histoire développementale, de
reliquats de relations d'objet, sont accompagnées de pulsions constitutionnellement
déterminées, avec leurs vicissitudes ou transformations. Les effets du complexe
d'Œdipe sur la structuration de la psyché sont ainsi considérés en termes
d'identifications à la place d'investissements abandonnés.

II. C. Racines dans Sándor Ferenczi et Otto Rank


Outre le problème des relations d'objet dans la théorie classique des pulsions,
où les objets sont créés par l'expérience de satisfaction/frustration pulsionnelle du
sujet, Sándor Ferenczi fut l'un des premiers analystes à reconnaitre explicitement (i)
que les relations d'objet existent depuis le début de la vie et (ii) que les relations
d'objets peuvent se trouver dans les plus profondes structures de la psyché (Haynal
1988 ; Kohon 1986). En plus de ses contributions à la théorie de la technique clinique
fondés sur l'analyse de patients en régression, l'accent que Ferenczi pose sur les
échecs environnementaux et les traumatismes pendant l'enfance dessine le contexte du
développement de la théorie de la relation d'objet dans l'école britannique de Klein,
Fairbairn, Balint et Winnicott. (Voir aussi les entrées CONTRETRANSFERT (LE)
INTERSUJECTIVITÉ (L'))
Le livre d'Otto Rank Grundzuege einer genetischen Psychologie (Les
fondements d'une psychologie génétique) (1927), qui introduit le concept
‘préœdipien’ dans le chapitre « La genèse des relations d'objet » et qui ajoute une
pertinence à l'idée qu'il existe un stade développemental avant le complexe d'Œdipe,

499
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constitue également un élément essentiel aux origines de la théorie des relations


d'objet. La contribution de Rank représente l'une des séries de rupture décisives de
l'interprétation freudienne du développement psychosexuel, selon laquelle la saga
œdipienne est certainement un duplicata de l'épisode du Sphinx, ce qui signifie
psychologiquement que c'est la répétition du traumatisme primaire au stade sexuel
(complexe d'Œdipe) alors que le Sphinx lui-même représente en soi le traumatisme
primaire. (Rank 1924, p.144). L'identification du Sphinx, c'est-à-dire ‘l'étrangleur’,
qui représente le symbole nucléaire de l'angoisse primaire, postule que le traumatisme
est un phénomène relationnel au début de la vie, en particulier en référence à la
séparation et à l'individuation.

III. HISTORIQUE DES ÉVOLUTIONS ULTÉRIEURES :


LA THÉORIE BRITANNIQUE DES RELATIONS D'OBJET

À ce stade, l’'idée des relations d'objet pouvait uniquement être évoquée du


point de vue de la seconde topographie. Freud continua d'estimer que la pulsion est un
dérivatif de la tension pulsionnelle et considérait que les pulsions étaient dirigées vers
des objets en second lieu, c'est-à-dire quand les objets se présentent d'eux-mêmes et
sont efficaces dans la réduction de la tension, qui est perçue comme une sensation de
plaisir. Le développement de la théorie des relations d'objet nécessitait une révision
plus ou moins poussée de la théorie de la pulsion de Freud. Des auteurs affirment que
le terme ‘école des relations d'objet’ s'applique à un groupe différent de
psychanalystes de tradition indépendante, en particulier Fairbairn, Winnicott et
Michael Balint (cf. Kohon 1986 ; Hinshelwood 1989 ; Spillius et al. 2011).
Si nous faisons cependant abstraction à la notion plus organisée ‘d'école’ et
suite au problème des relations d'objet chez Freud, la théorie des relations d'objet s'est
développée sur deux axes de la psychanalyse britannique : d'une part, la tradition
indépendante de la Société britannique après 1945 et d'autre part, le travail de Klein et
des kleiniens contemporains (Schafer 1997), pour lesquels l'importance des relations
d'objet internes inconscientes est considérée en termes de processus de projection et
d'introjection. Isaacs (1948) a proposé une contribution majeure à ce sujet, en ce qui
concerne l'idée que l'objet interne est un fantasme inconscient de la relation entre la
pulsion et l'objet.

III. A. Klein : Les objets internes et l’intentionnalité des pulsions


Melanie Klein a posé les fondations de la théorie des relations d'objet, qui s'est
développée depuis les années 1970 et s'est étendue au-delà de ses points d'origines
dans l'école britannique. Dans le cadre psychanalytique général qui s'applique

500
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toujours au groupe kleinien contemporain au Royaume-Uni (Schafer 1997), Klein a


conservé le point de vue de Freud selon lequel les pulsions sont les principes
motivationnels sous-jacents de la vie humaine, tout en donnant une nouvelle
définition au concept-même de la ‘pulsion’.
Klein considère que son interprétation des origines internes de l'expérience
humaine est sur la même lignée continue que la théorie freudienne classique. Pour
elle, son travail est essentiellement une amplification de celui de Freud et elle
cherchait en particulier à articuler sa vision du monde interne en termes de la théorie
de la structure de la personnalité de Freud (cf. Caper, 1988). Pour Klein, « [...] le
surmoi dans son ensemble est constitué des diverses identifications afférentes aux
phases successives du développement, dont elles portent la marque. » (1929 : 204).
Mais à l'encontre de Freud, elle considère que les pulsions sont de nature
irréductiblement psychologique ou subjective et que leur accès est possible de
manière expérientielle, c'est-à-dire qu'elles sont inextricablement liées aux émotions
et aux angoisses des enfants. Ainsi : « Mon emploi du terme « relations objectales »
est basé sur la thèse suivante : que dès le début de la vie post-natale, l’enfant a une
relation avec la mère (quoique centrée primitivement sur le sein), relation imprégnée
des éléments fondamentaux d’une relation objectale, à savoir l’amour, la haine, les
fantasmes, les angoisses et les défenses. » (1952a : 49).
Les pulsions sont conçues du point de vue des relations objectales primaires.
Pour Klein, « […] il n 'y a aucun besoin instinctuel, aucune situation d'angoisse,
aucun processus mental qui n'implique des objets externes ou internes ; en d'autres
termes, les relations d'objet sont au centre de la vie émotionnelle. » (1952a. 53). Les
objets internes fournissent le contenu des fantasmes inconscients, selon Klein, de
sorte que les fantasmes sont des composants primaires des pulsions-mêmes. Ce
positionnement est essentiellement évident dans la vision de Klein par rapport à la
relation entre les objets et le corps. Alors que le corps est au centre de la
phénoménologie du monde interne, Klein continue à mettre l'accent sur l'expression
corporelle des pulsions, plutôt que de considérer que la tension corporelle en elle-
même serait une source d'énergie instinctuelle. Cela constitue une alternative aux
fonctions régulatoires de la théorie classique des pulsions.
Le terme ‘interne’ peut se rapporter de manières différentes aux qualificatifs
‘mental’, ‘imaginaire’ ou ‘intérieur’ (Strachey 1941). Les kleiniens continuent leur
débat sur cette question. Dans sa tentative de clarifier la nature des objets internes,
Karin Stephen relève que « les croyances relatives à ces objets internes fantastiques
proviennent de véritables expériences corporelles vécues très tôt pendant l'enfance,
liées à des décharges de tension émotionnelle violentes, souvent incontrôlables179 »
(1934: 321). A son tour, Paula Heimann, bien que toujours loyale au groupe kleinien,
souligne l'hypothèse de base selon laquelle les pulsions sont en quête de l'objet du
point de vue du corps : « Sous l'emprise de désirs oraux et de la faim l'infans conjure

179
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

501
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en quelque sorte l'objet qui puisse satisfaire ces pulsions. Lorsque cet objet, le sein de
la mère, lui est en réalité offert, il l'accepte et l'incorpore en fantasme180 » (1942: 10).
Robert Hinshelwood attire l'attention plus récemment sur le fait de l'expérience des
objets internes, qui créent un monde animiste dans lequel tout [ce qui est animé et
inanimé] éprouve et a des intentions (1989 : 75).
L'attribution de l’intentionnalité à l'énergie psychique, aussi bien à la pulsion
de vie qu'à la pulsion de mort s'applique, du point de vue de la perspective kleinienne,
dès le début de la vie : « l'amour et la haine, les fantasmes, les angoisses et les
défenses sont actives dès le commencement et, indissolublement liées ab initio aux
relations objectales. » (Klein 1952a : 53). Selon Klein, depuis le commencement de la
vie, le Moi introjecte les ‘bons’ et ‘mauvais’ objets, pour lesquels le sein de la mère
en est le prototype (1935 : 262). Contrairement à Freud, pour lequel l'objet est
toujours l'objet d'un but instinctuel, Klein fait le postulat qu’une relation à l'objet est
un déterminant primaire de l'action humaine (1952a : 51). Cela s'applique autant à
l'amour qu'à la haine, qui sont comprises en termes de relations de forces
intentionnelles inhérentes dès le début. Dans le cas de l'attachement libidinal, Klein
propose que les sentiments d'amour et de gratitude surviennent directement et
spontanément chez le jeune enfant en réponse à l'amour et aux soins de sa mère
(1937 : 311). Dans la même veine, les impulsions destructrices sont des
manifestations de haine intentionnelle innée et du sentiment d'envie envers l'objet
bon, tout-puissant (1959 : 249). Dans les premiers mois de son existence, l'enfant a
des pulsions sadiques dirigées non seulement contre le sein de sa mère, mais aussi
contre l'intérieur de son corps. (1935 : 262).
Les notions freudiennes de ‘libido’ et ‘d'agression’ sont remaniées et
deviennent des émotions directionnelles. A ce titre, Klein cherche à intégrer la théorie
des pulsions à la théorie des relations d'objet : qu'elle représente les pulsions en
termes de phénomène intentionnel signifie que c'est une théorie des origines et de la
nature de l'objet. Cela soulève des questions concernant la constitution du psychisme,
par rapport à l'équilibre des facteurs constitutionnels et environnementaux. L'équilibre
des acteurs internes et externes, c'est-à-dire le complexe des éléments biologiques et
personnels, ainsi que la nature de l'environnement au début de la vie, est exprimé de
manières différentes selon les périodes des écrits de Klein.
Tout au long d'un raisonnement constant, Klein fait état d'une connaissance
inconsciente innée de l'existence de la mère (1959 : 248), les objets sont inhérents
dans les pulsions et en ce sens sont relativement autonomes vis-à-vis des objets
externes, en particulier, la mère de l'enfant. La connaissance instinctuelle, ou la
préconception innée est ainsi la base de la relation première de l'enfant avec sa mère
(1959 : 248). L'idée selon laquelle les premiers objets des pulsions sont véritablement
des extensions des pulsions elles-mêmes, plutôt que de simples évènements
relationnels, est soutenue à double titre. Klein présuppose en premier lieu que le désir

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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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libidinal est toujours le désir de quelque chose (intentionnalité des pulsions) et en


second lieu que les relations d'objet sont déterminées par les mécanismes
intrapsychiques de l'introjection-projection. « Par la projection, en tournant vers
l’extérieur la libido et l’agressivité et en en imprégnant l’objet, la première relation
d’objet du nourrisson advient. C’est le processus qui, à mon avis, est à la base de
l’investissement des objets. Du fait du processus d’introjection, ce premier objet est
simultanément pris dans le soi. » (1952b : 58).
La nature omnipotente du fantasme inconscient primitif signifie que, au début,
l'objet externe, dans sa position schizo-paranoïde, est indissociable, au niveau
expérientiel, de l'objet introjecté alors que la projection provient de ce qui est ressenti
comme une perte réelle de parties du moi ou du monde interne. Un sentiment de
dépersonnalisation ou de fragmentation peut résulter d'une identification projective
excessive, où des parties du moi ont été situées dans des objets externes. Le concept
‘objet interne’ est utilisé de cette façon pour faire référence à la croyance primitive
d'un objet physiquement présent (Money-Kyrle 1968) alors que l'expérience des
objets est concrètement réelle. Et les personnes réelles, dont les parents eux-mêmes,
sont dotées d'un rôle ou d'une identité à la lumière de ce monde interne concrètement
imaginé, où les relations d'objet se forment à partir d'imagos à priori universelles. Plus
particulièrement, le Surmoi de l'enfant, selon Klein (1933 : 249), ne coïncide pas avec
l'image de ses parents réels, mais il est créé à partir de tableaux imaginaires ou imagos
parentaux qu'il a absorbés à l’intérieur de soi. Klein est parvenue tôt à sa vision des
origines intrapsychiques des objets introjectés et internes ; en faisant la rétrospective
de son analyse de Rita depuis l'année 1923, elle écrit que la prohibition venant d'un
objet persécutoire interne n'émane pas de la vraie mère, mais d'une mère introjectée
(1926 : 132).
Néanmoins, Klein n'évite pas de faire référence au monde réel externe, mais
considère que la projection-introjection est un processus permanent d'interaction du «
jeu » des facteurs environnementaux et intrapsychiques (1936: 292) :
« Depuis son avènement, l’analyse a toujours souligné l’importance des
premières expériences de l’enfant, mais il me semble que c’est seulement
depuis que nous connaissons mieux la nature et le contenu de ses
angoisses précoces et l’interaction continuelle de ses expériences
effectives et de sa vie fantasmatique, que nous sommes à même de
comprendre pourquoi le facteur externe a une telle importance). » (1935 :
285)
Klein ajoute que « [D]ès le commencement du développement psychique, il existe
une corrélation constante entre les objets réels et ceux qui sont établis à l'intérieur du
Moi. » (1935 : 266). Ainsi, les imagos d'objets seraient des ‘doubles’ de situations
réelles (1940 : 346). La notion du ‘double’ présuppose une théorie de l'activité
psychique, la ‘mentation’ (objets internes, représentations et symboles), fondée sur
l'idée de correspondance (plutôt que de vraisemblance), une vision maintenue sur la

503
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base de la notion selon laquelle les imagos internes sont des « tableaux
fantastiquement déformés des objets réels auxquels ils renvoient » (1935 : 262).
Davantage un mécanisme de défense, le processus de projection-introjection serait
ainsi un mode de rencontre normal, une façon d'entrer en relation avec le monde en
général. Selon cette considération, l'imago de l’objet interne se forme autour d'un
noyau de véritable expérience perceptuelle ; le monde interne est peuplé d'objets qui
proviennent de l'environnement actuel de l'enfant et de son histoire interpersonnelle.
Au fur et à mesure que les cycles de projection et d'introjection continuent, à
un moment donné (autour de 4 à 6 mois selon Klein), l'enfant réalise que l'objet haï
qui est expulsé et vigoureusement attaqué en fantasme est le même que l'objet aimé
nourrissant que l'enfant souhaite intégrer avec amour. L'infans a donc un début de
conscience de ses attaques sur l'objet aimé. Si cette coexistence de figures aimées et
haïes peut être supportée, au lieu de l'angoisse de persécution et de survie de la
position schizo-paranoïde où les ‘objets partiels’ fantasmatiques règnent, l'angoisse
commence à se centrer sur le bien-être et la survie de l'autre en tant ‘qu’objet total’.
Progressivement, la persécution donne lieu à une culpabilité emplie de remords et à
une tristesse poignante en lien avec la profondeur de l’amour. Alors qu’on se languit
de ce qui a été perdu ou endommagé par la haine survient un désir ardent de
réparation. Les capacités du Moi s’agrandissent et le monde est perçu de façon plus
riche et plus réaliste. Le contrôle omnipotent sur l'objet, perçu alors comme étant plus
réel et séparé, diminue. C'est là que se situent les débuts de la position dépressive. La
maturation est donc intimement liée à la perte et au deuil. Comme Roger Money-
Kyrle (1955) le souligne, la théorie de Klein comporte une moralité naturelle intégrée,
fondée sur l'amour et la culpabilité, qui se découvre pendant le développement de
l'enfant, plutôt que par l'apprentissage.
Reconnaître l’autre comme un être séparé de soi-même prend en compte les
relations aux autres ; c’est ainsi que la prise de conscience de la situation œdipienne
accompagne inévitablement la position dépressive. Ronald Britton (1989, 1992)
explique ensuite en détail comment la position dépressive et le complexe d'Œdipe ne
sont pas uniquement concurrents du point de vue développemental, mais qu'un travail
d'élaboration psychique de l'un implique nécessairement une élaboration de l'autre.
Dans la position schizo-paranoïde, Klein (1932, 1952a) postule l’existence d’un
couple parental terrible et persécutant : le fantasme de la « figure parentale
combinée » : le corps maternel contenant le pénis du père, et les bébés rivaux. Cette
version primitive du couple fantasmé comme étant en relation sexuelle continuelle,
comprend des caractéristiques sadiques orales, urétrales et anales dues aux projections
de la sexualité et du sadisme infantiles. Cependant, dans la position dépressive, il y a
conscience d'un véritable objet tiers, interne et externe, lequel même s'il suscite des
sentiments de jalousie et d'envie, donne un sens de stabilité à la situation interne.
« La capacité du bébé de jouir en même temps de sa relation avec ses deux
parents, qui est un trait important dans sa vie psychique et entre en conflit avec

504
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ses désirs (stimulés par la jalousie et l’angoisse) de les séparer, dépend du


sentiment qu’ils sont des individus séparés. Cette relation plus intégrée avec
les parents (qui est différente du besoin compulsif de les maintenir séparés
l’un de l’autre pour empêcher leurs relations sexuelles) implique une plus
grande compréhension de leurs relations réciproques et constitue une condition
préalable à l’espérance qu’a le bébé de pouvoir les réunir et les accorder
heureusement. » (Klein 1952b p. 79f, fn)
Si le développement se poursuit normalement, l'objet bon aimé est
progressivement déterminé à l'intérieur comme le noyau stable du Moi. Cependant la
douleur dépressive peut être intolérable, elle est souvent contrecarrée par des défenses
maniaques et obsessionnelles, et par un retrait dans la position clivée schizo-
paranoïde. La position dépressive n'est pas une concrétisation une fois pour toutes,
elle nécessite une élaboration psychique répétée tout au long de la vie, bien que dans
des circonstances favorables, il puisse y avoir une trajectoire continue vers une
relation plus tridimensionnelle, plus profonde envers soi et l'autre, et une plus grande
capacité à se réintégrer après un effondrement dans un mode de vie schizo-paranoïde.
Klein décrit le processus du développement de la perception de la réalité ainsi :
« À ce stade du développement, l’unification des objets extérieurs et intérieurs,
aimés et haïs, réels et imaginaires, s’accomplit, semble-t-il, de telle sorte que
chaque progrès dans ce sens entraîne un nouveau clivage des imagos. Mais à
mesure que l’adaptation au monde extérieur s’améliore, ce clivage s’exerce sur
des plans de plus en plus proches de la réalité. Ce processus se poursuit jusqu’à
ce que l’amour pour les objets réels et intériorisés et la confiance en eux soient
solidement établis. » (Klein 1935, p. 288)
Globalement, sur la base de la vision de Freud, Klein (1927, 1932, 1937,
1952a, 1952b) propose que l'intégralité du monde intérieur est construit sur de
multiples internalisations, ou d'objets internes, par des processus qui ont lieu dès le
début de la vie. Du point de vue kleinien, l'objet interne est : 1. un fantasme : 2. Une
partie du corps, par exemple ‘le sein’ ou ‘le pénis’ ; 3. Imprégné d'expériences
internes de plaisir et de douleur ; 4. Vécu comme une présence vivante ; 5. Clivé de
manière défensive en des parties ‘totalement bonnes’ et ‘totalement mauvaises’ en
protection contre l'agression. Si le développement procède de manière optimale,
chaque objet partiel s'intègre en un objet total. 6. Bien que les objets internes puissent
être bons, le travail de Klein se focalisait (bien que non exclusivement) sur les
‘mauvais’ objets internes ; 7. Toutes les représentations de l'objet et de soi se
construisent par des processus permanents de projection et d'introjection ; par
conséquent, ces représentations d'objet et de soi ne peuvent jamais être différenciés
les uns des autres ; 8. L'objet interne est distinct de l'objet externe : l'objet externe est
une représentation de l'objet qui n'a pas été intégré au corps. Le développement
psychologique se poursuit à partir de la position paranoïde-schizoïde, dominée par les
processus de défense par le clivage et par l'identification projective et il se caractérise

505
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par des objets partiels (et des parties de soi) vers la position dépressive de tolérance de
l'ambivalence et par l'intégration de divers objets partiels dans des objets totaux. La
psychopathologie est manifeste dans la fixation ou la résurgence d'aspects de position
paranoïde-schizoïde ou dépressive.
Selon Klein (1929, 1946), tous les processus internalisés (relatifs aux objets
internes) sont liés à la gestion de l'angoisse pour que l'agression ne puisse anéantir le
bon objet. Bien que Klein se soit identifiée davantage à la propension d'observer et de
s'adresser à la question de l'agression (point 6 ci-dessus) pour de nombreuses raisons,
une desquelles était de développer la vision d'Abraham quelque peu négligée
jusqu'alors, sa position théorique s'adressait également aux inclinations libidinales
innées et se focalisait sur les facteurs qui contribuent à inhiber l'introjection du bon
objet interne et de le préserver. Ses préoccupations se concentraient sur les conflits
œdipiens non-résolus de la petite enfance, dominés par le mécanisme du clivage :
« [l’]un des phénomènes inattendus que je rencontrai fut un surmoi très
précoce et sauvage. Je découvris aussi que les jeunes enfants introjectent
leurs parents – tout d’abord la mère et son sein – d’une manière
fantasmatique, et je fus amenée à cette conclusion en observant le
caractère terrifiant de certains de leurs objets intériorisés […] ils sont,
avec d’autres figures terrifiantes, clivés d’une manière différente de celle
par laquelle le surmoi est formé, et ils sont relégués dans les couches plus
profondes de l’inconscient. » (Klein 1958, p.241)
Klein a souligné la nécessité pour le clivage d'avoir lieu tôt pour qu'il se
déplace de l'angoisse diffuse sur l'angoisse paranoïde-schizoïde (persécutrice), celle
qui est concernée par la préservation de soi. Elle a démontré comment cette angoisse
précoce filtre la perception de l'objet avant que ce type d'angoisse puisse être intégré
dans ce qu'elle appelle les angoisses dépressives : celles qui se regroupent autour
d'une préoccupation autour de l'objet. Cette focalisation permet une vision plus
détaillée de la façon dont l'objet est ‘connu’ par l'amour et la haine en constante
interaction. Le but de cette compréhension permet au Moi affaiblit par des pulsions
destructrices de retrouver le bon, et donc la force et l'espérance, de l'objet.
Bien que selon Judith L. Mitrani (2007), le rôle des influences
environnementales n'est pas toujours apparent dans le travail de Klein, elle fait
référence à l’article de Klein, « On the Importance of Symbol-Formation in the
Development of the Ego » (« L’importance de la formation du symbole dans le
développement du Moi ») (1930). Klein y présente ses observations depuis l'analyse
d'un garçon autiste de 4 ans, qu'elle a appelé Dick, qui ont introduit le concept du
« développement prématuré du Moi » pour résumer la problématique de Dick. Elle
décrit la précocité de cet enfant en termes « d'empathie prématurée » pour une
« identification prématurée et exagérée » avec la mère. Elle y propose que le trouble
de Dick provient d'un début trop précoce de position dépressive. En d'autres termes,
dans le transfert, Klein avait observé et déduit que le problème ultime du jeune enfant

506
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Dick concerne des enjeux liés à la survie de sa mère.


Il existe d'innombrables références dans le travail de Klein sur la projection de
l'enfant des aspects libidinaux du Moi sur la mère pour compléter ce qui manque,
pour la réparer (c'est-à-dire la position dépressive prématurée et pas tant prématurée)
ainsi que son insistance sur ce que les bons objets de l'enfant soient situés au cœur du
Moi.
Le jeu de Klein entre les bons et les mauvais objets apparait de manière
succincte dans son article « On the Sense of Loneliness » (« Se sentir seul »). Elle
précise que
« le moi existe et exerce son activité dès la naissance. Au départ il manque
globalement de cohésion et il est dominé par les mécanismes de clivage.
Le danger d'être détruit par la pulsion de mort dirigée contre soi contribue
au clivage des pulsions entre le bon et le mauvais, et en raison de la
projection de ces pulsions sur l'objet primaire, il est lui aussi clivé entre le
bon et le mauvais. Dans les premiers stades, par conséquent, la partie
bonne du Moi, et le bon objet, sont dans une certaine mesure protégés,
puisque l'agression en est détournée. Ce sont des processus de clivage
particuliers que j'ai décrits comme la base d'une sécurité relative chez le
très jeune enfant, pour peu qu'un sentiment de sécurité puisse être atteint à
ce stade ; alors que d'autres processus projectifs de clivage, tels que ceux
qui donnent lieu à la fragmentation, sont préjudiciables au Moi et à sa
force. » (Klein, 1963, p. 300).

La pulsion vers l'intégration augmente au fil de la croissance du Moi, sur la


base des introjections du bon objet, représenté en premier lieu par le sein de la mère,
bien que probablement aussi par d'autres aspects de la mère. Si le bon objet interne se
forme dans un contexte relativement sécure, il devient le noyau du Moi au cours de
développement. (Klein 1963, p. 301).
« Si l'intégration peut être atteinte, elle aurait l'effet d'atténuer la haine par
l'amour et de cette façon rendraient les pulsions destructrices moins
puissantes. Ainsi, le Moi se sentirait plus sécure, pas uniquement pour sa
propre survie, mais aussi pour la préservation de son bon objet.
Cependant, l'intégration est difficile à accepter. La convergence des
pulsions de destruction et d'amour et des bons et mauvais aspects de
l'objet suscite l'angoisse que des sentiments destructeurs submergent les
sentiments d'amour et mettent le bon objet en danger. Ainsi, il existe un
conflit entre la quête d'intégration à des fins de protection contre des
pulsions destructrices et la crainte d’'intégration que les pulsions
destructrices mettent le bon objet et les bonnes parties du Moi en péril. »
(Klein, 1963, pp. 301-02).

507
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La préservation du bon objet à l'intérieur est le premier palier de sa théorie.


Effectivement, une focalisation particulière est axée sur l'effet des forces
destructrices, afin que ce bon objet interne soit préservé à l'intérieur, mais l'accent
thérapeutique est posé de sorte à aider les forces constructives et aimantes à
prédominer. Un bébé satisfait qui tête avec plaisir apaise l'angoisse de sa mère et son
bonheur s'exprime dans son attitude envers les soins qu'elle lui porte et sa manière de
le nourrir, ce qui a son tour diminue son angoisse de persécution et influence sa
capacité d'internaliser le bon sein (1963, p. 312)
Comme Freud, la théorie de Klein est fondée sur la pulsion. Leurs différences
sont en termes de paramètres temporels, la substance du stade final du développement
(et de la thérapie) et l'importance relative des facteurs (environnementaux) internes
vs. externes dans le développement et l'étiologie de la psychopathologie : la théorie de
Klein place la réalisation de la position dépressive (et la pleine résolution des conflits
œdipiens avec un Surmoi entièrement structuré) dans les premiers 18 mois de la vie,
en termes de l'intégration des attitudes d'amour et de haine envers l'objet. Ce qui est
différent de l'intégration des composants partiels variés de la pulsion, comme les
stades psychosexuels que Freud avait avancés, qui donnent lieu à une structuration
interne progressive et une formation du Surmoi autour de l'âge de cinq ans. Dans le
système de Klein, en termes de l'importance relative des facteurs (environnementaux)
internes et externes autant dans le développement que la pathogénèse, le fantasme est
dominant alors que l'impact des facteurs externes, dont l'angoisse maternelle ou la
dépression est minime. Il n'existe pas de reconnaissance explicite de complémentarité
complexe, comme dans les ‘séries complémentaires’ de Freud, et uniquement de rares
allusions en ce que la qualité du traitement psychique parental puisse avoir un impact
sur le ‘niveau’ de clivage chez l’enfant.
Quand bien même, le concept ‘d'objets internes inconscients’ représente une
contribution pérenne majeure à la psychanalyse et à la théorie des relations d'objet. Le
développement kleinien repose sur cette découverte où les descriptions de la position
paranoïde-schizoïde (1946) et la position dépressive (1935 ; 1940) apporte le cadre
qui permet de considérer que la pulsion détermine la motivation, précisément du point
de vue des objets internes.

III. B. Bion
Wilfred Bion a développé les théories de projection-introjection de Klein,
notamment en ce qui concerne le rôle communicationnel des processus projectifs-
introjectifs dans le développement humain normal : « Je supposerai qu’il existe un
degré normal d’identification projective, mais sans fixer les bornes à l’intérieur
desquelles se tient la normalité, et que l’identification projective, associée à
l’identification introjective, fournit les bases sur lesquelles repose le développement
normal. » (1959 : 103). Dans ce cas, l'identification projective concerne le lien de
l'enfant au sein, ce qui lui permet de s'adapter aux sentiments trop puissants à contenir

508
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dans sa personnalité même (1959:106). Bion indique à quel point ce lien fondamental
peut être perturbé, « attaqué » de deux manières, soit par le refus maternel de recevoir
l'identification projective de l'enfant ou l'envie de l'enfant par rapport au bon sein, ou
un ensemble des deux. Dans les deux cas, cela entraîne des « identifications
projectives excessives » où l'intention communicative initiale de l'identification
projective est détruite, ce qui mène à un « arrêt grave du développement [...] [E]n
raison du déni de la principale méthode dont dispose le petit enfant pour faire face à
ses émotions trop intenses, la conduite même de la vie émotionnelle, qui en tous les
cas est un problème grave, devient intolérable. » (1959 :107). Un objet [interne]
s'installe qui exerce la fonction d'un Surmoi destructeur du Moi. Dans ses écrits
ultérieurs, Bion (par exemple : 1962, 1963) développe la théorie du processus
projectif-introjectif sur le modèle du « contenant » et du « contenu », termes qu'il a
introduits pour signifier le jeu entre les identifications projectives de l'enfant et la
fonction réceptive de la mère dans ses aspects autant créatifs, enrichissants que
destructeurs. (Voir aussi l'entrée CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU).

III C. Fairbairn : Les relations d'objet et les structures dynamiques


Ronald Fairbairn (1952) a remodelé la psychanalyse de la moitié du vingtième
siècle en donnant la primauté à l'interaction humaine. Dans ce qui représente une
véritable évolution de paradigme, les évènements relationnels eux-mêmes sont
privilégiés par rapport à une « psychologie de l’impulsion » (1943 : 59). Dans une
série d'articles rédigés pendant les années 1940 (cf. 1952, Part I), qui probablement
représente en soi la plus originale contribution à la pensée sur les relations d'objet,
Fairbairn a conçu une alternative systématique et cohérente à la théorie classique de la
pulsion. Pour Fairbairn, le développement kleinien a été crucial et plus
particulièrement l'idée que l'objet est inscrit dans la pulsion depuis le début. Ce n'est
qu'à la lumière du concept des objets internes de Klein, que l'on peut s'attendre, selon
Fairbairn, à ce qu'une étude des relations d'objets puisse produire des résultats
significatifs pour la psychopathologie (1943 : 60).
En prenant pour point de départ la nature intentionnelle de la pulsion, Fairbairn
suggère deux autres propositions : (i) Le but ultime de la libido est l'objet (1941 : 31
et passim) ; et (ii) l'énergie est indissociable de la structure (1944 : 126). Ensemble,
ces deux propositions fondamentales confortent une psychologie de la relation conçue
sur la base d'une structure dynamique (1944 : 128), une psychologie qui non
seulement reformule les principes scientifiques sous-jacents de la théorie classique de
la pulsion, mais qui réoriente aussi le développement kleinien de la psychanalyse
britannique vers un objectif entièrement relationnel. Ainsi, Fairbairn a construit le
premier modèle théorique des relations d'objet cohérent, sur trois axes connexes : (i)
une théorie originale du développement de l'enfant ; (ii) une théorie alternative de la
structuration psychique ; et (iii) une psychopathologie des psychoses et des
psychonévroses révisées.

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1. Fairbairn développe un processus de développement qui est déterminé par le mode


et la qualité de la relation à l'objet. Conçu en termes du critère relationnel de la
maturité, le schéma développemental comprend trois stades : (i) le stade de
dépendance infantile (qui est équivalent à la dépendance orale), caractérisée
essentiellement par une attitude qui cherche à ‘prendre’, stade subdivisé en un stade
préoral (incorporer, téter ou rejeter) et un stade ‘oral tardif’ ambivalent (incorporer,
téter ou mordre) ; (ii) un stade transitionnel qui correspond à la vision d'Abraham
(1924) des deux ‘phases anales’ et la ‘phase génitale précoce’ (phallique) et (iii) le
stade de dépendance mature, définit essentiellement par une attitude qui cherche à
‘donner’, où les objets ‘acceptés’ et ‘rejetés’ sont extériorisés (1941: 39).
2. L'article de Fairbairn en 1944 sur la ‘structure endopsychique’ développe une
théorie de la structuration fondée sur le schéma développemental. La vraie relation de
l'enfant à la mère elle-même est soit ‘gratifiante’ ou ‘non gratifiante’. Le critère de
gratification est fondé sur le besoin de contact plutôt que la satisfaction de la pulsion.
En tant que tels, les aspects gratifiants de la mère sont vécus pendant le stade précoce
de dépendance absolu par le Moi unitaire initial (le ‘Moi central’). Par ailleurs, il
s'avère que la non-gratification concerne les incontournables expériences de
frustration, et que le clivage du Moi se rapporte inévitablement au dilemme existentiel
des êtres humains : une certaine mesure de clivage est inévitablement présent à un
niveau psychique profond (1940 : 8). Le postulat selon lequel la position de base de la
psyché est une position schizoïde semble emprunter explicitement la théorie de Klein.
Bien que, comme Fairbairn (1944 : 81) lui-même le souligne, la théorie freudienne de
l'appareil psychique a été développée sur la base d'une position dépressive et c'est sur
une base similaire que Melanie Klein avait elle-même développé sa vision. En
revanche, c'est la position schizoïde qui constitue la base de la théorie des structures
mentales.
De ce fait, Fairbairn décrit une situation de frustration émotionnelle dans
laquelle l'enfant finit par sentir (a) qu'il n'est pas vraiment aimé pour lui-même par sa
mère, en tant que personne et (b) que son propre amour pour sa mère n'est pas
vraiment valorisé et accepté par elle (1940 : 17). C'est ainsi que la situation paraît
fortement traumatique et qui mène à la formation d'un ‘mauvais objet’ et, en même
temps, au transfert des relations humaines intimes à une ‘réalité interne’. Ce dernier
objet a lieu dans des conditions traumatiques, en d'autres termes la situation externe
intolérable (1944 : 111) où la frustration entraîne l'internalisation des objets à des fins
défensives. Le mécanisme de défense central est le clivage : le mauvais objet
internalisé est clivé dans des conditions défavorables sous la forme d'un objet
‘excitant’ et ‘rejetant’ et qui sont tous deux menés au refoulement par le Moi. L'objet
excitant représente les aspects prometteurs et attirants de la mère ; l'objet rejetant
représente les aspects de privation et de refus de la mère. Le premier s'attache au ‘Moi
libidinal’, le dépositaire de l'espoir ; le dernier au ‘saboteur interne’, ou le self
antilibidinal, qui est l'agent de la haine.

510
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La situation qui en résulte se définit en ces termes : « la situation


endopsychique de base », c'est à dire un Moi central qui utilise des différents
mécanismes de défense en relation (i) au Moi libidinal et à l'objet excitant et (ii) au
Moi antilibidinal et à l'objet rejetant » (1946 : 147). Le Moi central comprend des
éléments préconscients et conscients, ainsi qu'inconscients ; alors que le ‘Moi
subsidiaire’ est ordinairement inconscient. Nonobstant l'usage des termes freudiens, la
structure tripartite de la personnalité en ce sens ne correspond pas de manière
significative au modèle structural de la psychanalyse classique. Contrairement à
Freud, Fairbairn postule que l'organisation des évènements relationnels réels est
constituée par la formation d'objets du self, ou de structures, laquelle est fondée sur la
répression des objets internalisés : le Moi central/l'objet idéal ; le Moi libidinal/l’objet
excitant et le Moi antilibidinal/l’objet rejetant. L'inséparabilité du Moi et de l'objet est
présenté dans ce modèle en termes de structures dynamiques inhérentes qui
proviennent du clivage d'une structure du Moi originale unique et dynamique présente
dès le début de la vie (1946 : 148). De plus, alors que le Moi structurel, dans le sens
freudien classique du terme, est un dérivatif du Ça non structuré, selon la seconde
topographie, Fairbairn lui considère que le Moi libidinal (qui correspond au ‘Ça’) est
une partie clivée du Moi dynamique original (1946 : 148). La différence dans les
principes théoriques fondamentaux (mises à part les similarités méthodologiques)
rend la théorie de la structure endopsychique incompatible avec le modèle structurel
de Freud.
3. Pour Fairbairn, en règle générale, nous pouvons considérer que la psychologie se
détermine par l'étude des relations de l'individu par rapport à ses objets externes alors
que, dans les mêmes termes, la psychopathologie se détermine plus spécifiquement
par l'étude des relations du Moi à ses objets internalisés (1943: 60; cf. aussi 1941).
Encore une fois, la distance prise vis-à-vis de la théorie classique est évidente par le
fait que la perspective des relations d'objet ne suit pas le même parcours que la
trajectoire définie par la théorie classique de la pulsion, par le fantasme au conflit et à
la répression, mais qu'elle introduit plutôt une séquence et une source de conflit
alternative. Le processus même de maturation constitue le noyau du conflit, où la
propension développementale à la maturité se confronte à la propension régressive à
l'attachement à la dépendance infantile (1941 : 38). Alors que le modèle
psychopathologique de la théorie classique est fondé sur l'idée de régression à
différents stades du développement libidinal, Fairbairn se focalise plutôt sur les
différentes manœuvres défensives (‘techniques’) déployées pendant le processus de
maturation.
La théorie de la psychopathologie se caractérise depuis le tout début par deux
‘grandes stratégies’ liées au clivage du Moi, qui concernent : (i) les personnes qui
sentent que leur amour est destructeur pour ceux qu'ils aiment (ii) ceux qui seraient
contraints à la compulsion de haine et d'être haï dans le processus d'éloigner leurs
objets libidinaux (1940 : 26). En particulier, les états pathologiques et les mécanismes
de défense sont perçus en termes des relations d'objet à des stades et phases différents

511
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du développement, dont les fixations orales précoces et tardives : « Le confit


émotionnel qui se produit en liaison avec les relations d’objet au cours du stade oral
précoce prend la forme de l’alternative « sucer ou ne pas sucer » c’est-à-dire ‘aimer
ou ne pas aimer’[…] le confit qui caractérise le stade sadique oral se résout par
l'alternative « sucer ou mordre », c'est-à-dire aimer ou haïr » (1941 : 49). Le premier
caractérise l'état schizoïde ; le second l'état dépressif. Le problème déterminant pour
l'individu est comment aimer sans détruire respectivement par le biais de l'amour ou
de la haine. Le dilemme schizoïde est caractérisé par la futilité ; l'enfant éprouve que
son amour est fautif. En revanche, le dépressif est mené par son ambivalence et sa
culpabilité, par le ressenti que ce qui est à blâmer, c’est la haine.
La psychopathologie, ainsi qu'elle a été revisitée à partir de 1941, souligne que
la typologie est fondée sur quatre ‘techniques’ et qu'elles seraient des manières de
manipuler les objets ‘acceptés’ ou ‘rejetés’ formés lors de la position schizoïde. La
nature des relations d'objet qui se sont instaurées pendant le stade de dépendance
infantile détermine laquelle des quatre techniques sont employées, ou à quel degré,
pendant le stade transitionnel entre la dépendance infantile et la dépendance mature.
La typologie comprend : (i) la névrose obsessionnelle, dans laquelle l'objet accepté et
l'objet rejeté sont internalisés ; (ii) la technique paranoïde, dans laquelle l'objet
accepté est internalisé et l'objet rejeté est externalisé ; (iii) la défense hystérique, dans
laquelle l'objet accepté est externalisé et l'objet rejeté est internalisé ; et (iv) la
position phobique, dans laquelle les objets acceptés et rejetés sont externalisés
(1941 : 46).
Le clivage du Moi serait le facteur sous-jacent de toute psychopathologie.
Ainsi, la distinction étiologique fondée sur les défenses contre les désirs instinctuels
(téter, mordre) laisse la place à une théorie approfondie des relations d'objet de la
psychopathologie. L'accent théorique et clinique que pose le modèle révisé de la
psychanalyse de Fairbairn est avant tout évident en ce qu'il affirme que les patients
diagnostiqués de trouble ‘dépressif’ sont souvent ‘schizoïdes’ ; le phénomène dissocié
de l'hystérie, par exemple, implique un clivage du Moi qui est fondamentalement
identique à ce qui confère au terme ‘schizoïde’ son sens étymologique (1944 : 92). La
généralisation du diagnostic s'étend également jusqu'au ‘normal’ ainsi qu'au
pathologique au motif que les mauvais objets internalisés sont présents dans l'esprit de
chacun d'entre nous à des niveaux plus profonds (1943 : 64-5).
Fairbairn (1952) a émis une critique envers Klein pour n'avoir jamais expliqué
de manière satisfaisante comment les fantasmes d'incorporation orale des objets
peuvent donner lieu à la mise en place de structures endopsychiques internes. Si,
selon lui, aucune explication ne peut clarifier ce point, il n'est donc pas possible de
considérer que les objets internes sont des structures, mais qu'elles restent bien le fruit
de fantasmes. Il fit la tentative de relier les mécanismes de Klein au modèle structurel.
Son analyse du clivage, qu'il a observé chez des patients schizoïdes, garde toujours sa
pertinence clinique et a apporté une base fertile pour comprendre ensuite les modèles
structurels de l'internalisation des relations d'objets (Kernberg, 1977). Alors que

512
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Fairbairn remplace le double aspect de l’instinct par une théorie radicale des relations
d'objet lorsqu'il précise que les pulsions représentent l'aspect dynamique des
structures du Moi, et impliquent forcément les relations d'objets (1951 : 167), la place
de l'échec décisif fondamental venant de l'environnement reste ouverte, et son ‘objet
excitant-Moi libidinal’, son ‘objet rejetant-Moi antilibidinal’ ; et son ‘objet idéal-Moi
central’ sont des structures qui ont reçu ultérieurement des critiques pour leur
caractère hypersimplifié. Par contre, ses études cliniques, qui ont démontré que la
pathologie du développement sexuel est intimement liée aux schémas évolutifs du
développement intrapsychique et interpersonnel, ont été globalement reconnues et
constituent une contribution pérenne.

III. D. Ferenczi et Balint : L'amour d'objet primaire et la théorie de la technique


clinique
La tradition de la pensée des relations d'objet dans l'école de Budapest, et plus
particulièrement le travail de Ferenczi, intègre l'école britannique de psychanalyse par
le biais de la contribution de Balint. Les pulsions et les relations seraient tout autant
significatives au début, et bien que Balint ne se détourne pas de la théorie classique
des pulsions, comme l'ont fait Fairbairn et d'autres dans la tradition indépendante, il
avance néanmoins plusieurs propositions relationnelles importantes. Plus
particulièrement, il propose que (i) la relation à l'environnement existe sous une forme
primitive dès le début (1968 : 63) et qu'elle est une condition nécessaire au
développement émotionnel ; (ii) les relations d'objet primitives se caractérisent pas
des formes passives d'amour d’objet (1937 : 98; cf. Ferenczi, 1924), mais aussi par
une quête active de contact avec l'environnement (1968 : 135) ; et (iii) que
l'expérience ‘d'amour primaire’ (1937; 1968, ch. 12) est un jalon pour la relation
d'objet.
1. La théorie de l'amour primaire et l'usage concomitant de la régression comme agent
thérapeutique constitue la base de la pensée psychanalytique de Balint. Pour Balint
(1937 : 101), « les vestiges et reliquats de l'amour d'objet primaire sont manifestes
dans toutes les phases ultérieures de la vie psychique ». L'expérience de l'amour
primaire se décrit en termes des tentatives, de la part de l'enfant, à reproduire la
situation libidinale de la vie fœtale, avec l'investissement intense du monde
environnant. Selon Balint, ce dernier est probablement indifférencié ; d'une part, il ne
contient pas d'objet et d'autre part il n'a presque pas de structure, en particulier aucune
limite claire vis-à-vis de l'individu ; l'environnement et l'individu s’interpénètrent, ils
existent ensemble dans un ‘mélange harmonieux’ (1968 : 66).
Balint considère que la naissance suspend l'état ‘d'équilibre’, et qu'ainsi il
précipite ou accélère la séparation de l'être humain et de son environnement. En écho
direct avec Rank (1924), le traumatisme de la naissance occasionne les relations
d'objet : les objets, dont le Moi, commencent à émerger à partir d'un mélange de
substances et de la rupture de l'harmonie des espaces sans limite (1968 : 67). Ainsi, le

513
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premier stade de la vie extra-utérine n'est pas narcissique, mais orienté vers l'objet sur
la base de l'expérience prénatale. Pour Balint (1937 : 98-99), au départ, cette relation
d'objet était passive, il décrit alors l'attitude motivationnelle de l'enfant ainsi : « Je
dois être aimé et satisfait sans avoir rien à donner en retour. Ceci est, et restera
toujours, le but final de tout désir érotique » (1937 : 99).
L'objet d'amour primaire « n'est lié à aucune zone érogène ; ce n’est pas de l’amour
oral, oral-de-succion, anal, génital, etc., mais quelque chose de particulier. »
(1937 : 101). En tant que tel, Balint (1951 : 156) a cherché à étendre l'éventail
expérientiel de la vie humaine primitive précoce, en supplément de la ‘sphère orale’.
Ce qui, par contre, n'a pas occasionné de rupture de la théorie classique des pulsions.
A contrario de Fairbairn, Balint maintient que la libido est autant en quête de plaisir
que d'objet. L'hypothèse de la ‘libido en quête d'objet’ est donc revue dans ce sens :
en plus de la qualité de la libido jusque-là bien étudiée, c'est-à-dire sa tendance à la
quête du plaisir, les observations cliniques, selon lui, ont prouvé sans le moindre
doute que cette tendance à la quête de l'objet est au moins aussi importante
(1956 : 291).
2. L'amour d'objet actif et mature, ainsi que Balint le décrit, implique la récapitulation
de la satisfaction primordiale d'un besoin par de nombreux sentiers et déviations
développementaux : les étapes successives du développement, des relations d'objet
anales-sadiques, phalliques et finalement génitales ont un fondement non pas
biologique mais culturel (1935 : 63). De même, le phénomène primaire de la théorie
de la pulsion freudienne est considéré sous l'angle de l'échec environnemental à un
stade précoce, qui donne lieu à un ‘défaut fondamental’. Notamment, l'agression est
généralement conçue comme une réaction à la frustration, plutôt qu'un but en soi, et
plus particulièrement pour Balint (1951) qui considère que la haine est toujours un
phénomène réactif, secondaire et non pas l'une des pulsions primaires fondamentales
de la personne. De même, la définition du narcissisme primaire est revue en termes
d'un investissement libidinal dans l'auto-érotisme, exactement là où l'enfant n'a pas
reçu suffisamment de soins, dès le début.
3. La distinction entre les types de régression ‘bénins’ et ‘malins’ (1968 : 146)
pourrait correspondre à un ‘modèle mixte’. Ainsi, le premier type serait manifeste
dans la relation thérapeutique sur la base des besoins relationnels primaires et le
second sur la base du plaisir instinctuel infantile.
Par conséquent, Balint traitait les aspects thérapeutiques de la régression dans
le contexte de sa psychopathologie des relations d'objets révisée (Voir l'entrée
RÉGRESSION). Le modèle freudien classique, fondé sur l'interprétation de la
résistance pour déclencher l'insight, présuppose que les patients peuvent assimiler ou
‘prendre en soi’ ce qui est disponible dans la relation analytique ; que les
interprétations sont vécues comme des interprétations et pas autre chose et que le Moi
est adapté au travail d’élaboration. Le modèle révisé est requis dans les cas de patients
fortement narcissiques, borderline et psychotiques, c'est-à-dire où la centralité du

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complexe d'Œdipe ne peut être assumée ; mais aussi dans les cas où l'interprétation
immédiate des états préœdipiens primitifs prend le risque de générer une réaction
thérapeutique négative ou d'entraîner une posture docile chez le patient. La
contribution de Balint est majeure dans ce sens, selon la tradition de Ferenczi et de
l'école de Budapest, pour la compréhension de la relation thérapeutique dans les cas
de régression chez les patients. La vision relationnelle de la nature humaine est ainsi
associée à une vision de la motivation humaine orientée vers le plaisir, sur la base des
pulsions, une combinaison que Balint considère irréductible du point de vue théorique
et clinique.

III E. Winnicott : Les processus émotionnels primitifs et les relations


interpersonnelles
Donald Winnicott avait présenté sa contribution à la psychanalyse sur la base
de la tradition freudienne et kleinienne tout en proposant en même temps une théorie
des relations d'objet radicalement différente. Ce débat est toujours d'actualité parmi
ses lecteurs, dont certains qui insistent sur les sources freudiennes et les fondations
des avancées théoriques de Winnicott (Green 1999 : 199-200 ; Abram 2013 : 1), alors
que d'autres ne sont pas moins déterminés que de le placer en opposition directe à la
théorie classique (Rycroft 1995 : 197 ; Fulgencio 2007 : Loparic 2010).
1. Winnicott a doté la théorie des relations d'objet d'un modèle du développement
normal dans lequel « La continuité d'existence est la santé » (1988 : 127). C'est, pour
Winnicott un postulat de base (1954 : 281), l'idée que « la santé implique la continuité
en ce qui concerne cette évolution progressive de la psyché, c’est aussi une maturité
du développement affectif appropriée à l’âge de l’individu, c’est-à-dire une maturité
en rapport avec ce processus d’évolution. ». Ainsi Winnicott décrit une série de
mouvements ontologiques qui seraient autant de progrès développementaux : (i) à
partir d'une relation jusqu'à un objet conçu de manière subjective jusqu'à une relation
à un objet objectivement perçu (1960 : 45) ; (ii) d'une dépendance absolue, par une
dépendance relative jusqu'à l'indépendance même, ce qui implique un environnement
internalisé (1963b) ; et (iii) de l'état primaire non intégré de la personnalité jusqu'à la
personnalité individuelle organisée caractérisée par la structure œdipienne.
Le potentiel que l'enfant hérite, ou la créativité primaire de l'enfant, atteint un
« statut unitaire » (1960 : 44), c'est-à-dire que l'enfant devient une personne complète
capable de relations interpersonnelles, à condition que la mère réponde aux besoins
relationnels de l'enfant de manières différentes, selon les stades différents de
développement individuel. La relation primitive entre la mère et l'enfant, selon
Winnicott, n'est pas un dérivé de l'expérience instinctuelle, ni une relation d'objet qui
découle d'une expérience instinctuelle (1952 : 98). Mais elle représente une
disposition maternelle qui est indépendante de la satisfaction des besoins instinctuels.
C'est l'environnement qui donne la possibilité de vivre les pulsions ou qui permet à
l'infans d'utiliser ses instincts : ce n'est pas la satisfaction pulsionnelle qui permet à

515
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l’enfant de rester vivant ... « [C]'est le soi (‘self’) qui doit précéder l'utilisation que le
soi fait de l'instinct » (1967 : 116).
Il y aurait, pour Winnicott, une expérience initiale d'omnipotence dans
laquelle la potentialité est vécue comme une illusion. « L’adaptation de la mère aux
besoins du petit enfant, quand la mère est suffisamment bonne, donne à celui-ci
l’illusion qu’une réalité extérieure existe, qui correspond à sa propre capacité de
créer... le sein est créé et sans cesse recréé par l’enfant à partir de sa capacité d’aimer
ou, pourrait-on dire, à partir de son besoin. » (1951 : 12-4). La correspondance ou la
superposition incarnée dans l'illusion (cf. Milner 1952 ; 1977), le sentiment de l'enfant
que ce qu'il créé existe vraiment, (comme un ‘objet subjectif’ plutôt qu'un objet
‘objectivement perçu’) soutient la continuité d'être vitale et à son tour constitue le
domaine de l'expérience auquel les ‘objets transitionnels’ et les ‘phénomènes
transitionnels’ appartiennent.
L'illusion fait partie d'un processus émotionnel, qui comprend le retrait
progressif de l'illusion ; et de ce fait, le processus unitaire de l'illusion-désillusion. La
sensibilité accrue de la mère (‘préoccupation maternelle primaire’) à la volonté
d'exister initiale de l'enfant laisse place à l'échec progressif de l'adaptation, une
condition supplémentaire au développement. L'échec d'adaptation à ce stade n'est pas
autant un échec de fiabilité que l'expression d'une mère suffisamment bonne faillible,
qui est engagée dans le processus de désillusion en présentant à son enfant le monde-
objet en petites doses gérables. Ce processus permet la séparation du monde-objet du
sentiment de soi émergent de l'enfant : « Partant de l'état où il est confondu avec la
mère, le bébé est à un stade où il sépare la mère du soi et où la mère diminue son
degré d'adaptation aux besoins du bébé » (1971 : 126).
2. Comme Balint, Winnicott traitait les aspects thérapeutiques de la régression dans le
contexte d'une psychopathologie des relations d'objet révisée, en insistant que les
« enfants sont malades très précocement ». La maladie psychologique serait ainsi une
expression d'un échec environnemental, qui, selon Winnicott, peut être ‘gravement
invalidante’ et qui comprend la schizophrénie infantile ou l'autisme ; la schizophrénie
latente ; les défenses du faux-self et la personnalité schizoïde (1962a : 58-59). A la
suite d'empiètements traumatiques et d'échecs de dispositions maternelles de base au
début de la vie, les angoisses psychotiques (ou ‘agonies primitives’ ainsi qu'elles ont
été nommées ultérieurement) engagent une série de manœuvres défensives
(‘réactions’) où l'enfant cherche à protéger le noyau même du soi. Winnicott (1963c)
a développé la notion des états primitifs dans son article publié à titre posthume
« Fear of Breakdown » (« La crainte de l’effondrement ») comme suit : 1. le retour à
un état non intégré (défense : la désintégration) ; 2. ne pas cesser de tomber (défense :
l’auto-maintien [le ‘self-holding’]) ; 3. la perte de la collusion psychosomatique, la
faillite de la résidence dans le corps (‘indwelling’) (défense : la dépersonnalisation) ;
4. la perte du sens du réel (défense : l’exploitation du narcissisme primaire) ; 5. la
perte de la capacite d’établir une relation aux objets (défense : les états autistiques,
l’établissement de relations uniquement avec des phénomènes issus de soi). Plus

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important encore, il postule que la maladie psychotique est « une organisation


défensive liée à une agonie primitive » (1963c: 90).
3. Winnicott mit en place des techniques thérapeutiques qui instaurent la régression,
outre l'analyse ordinaire telle qu'elle est conçue pour le traitement de la position
dépressive et du complexe d'Œdipe dans les relations interpersonnelles (1954 : 294).
En termes ‘d'analyse ordinaire’, Winnicott confirme, dans son article « The Aims of
Psycho-Analytical Treatment’ » (« Les visées du traitement psychanalytique ») « Je
m’aperçois que je fais œuvre de psychanalyste, même si je ne pratique pas une
analyse standard ». (1962b: 166). Et par ‘analyse standard’, il signifie « communiquer
avec le patient à partir de la situation dans laquelle me place la névrose de transfert
(ou la psychose) » (1962b : 166). Dans cette position ou situation, l'analyste est
simultanément un objet subjectif pour le patient et un cadre interne fiable fondé sur
l'épreuve de réalité.
En termes ‘d'analyse modifiée’, le point crucial est que l'analyste se retrouve
en position de travailler en qualité de psychanalyste plutôt que de faire une analyse
standard (1962b : 168). Comme Winnicott (1962b : 169), le remarque « je fais de la
psychanalyse lorsque le diagnostic est tel que l’individu concerné, dans son
environnement, veut une psychanalyse. Je peux même essayer d’amorcer une
coopération inconsciente si le désir conscient d’une analyse est absent.... Lorsque je
me trouve en face d’un cas qui ne convient pas, je me transforme en psychanalyste
qui répond aux besoins de ce cas particulier ou tente de le faire ». De plus, Winnicott
estime qu'un analyste formé dans la technique psychanalytique standard est mieux
placé pour ce type de travail non analytique.
Winnicott (1962b : 169) tenait à préciser qu'il fondait son travail analytique
sur le diagnostic et que les critères d'un diagnostic permettaient de cliniquement
différencier les patients en régression pendant le traitement, dans le cadre de la
relation transférentielle ; et les patients régressés (borderline ou schizoïdes) ayant
besoin d'un environnement ‘holding’ (contenant) dans le cadre analytique. Car la
‘gestion’ de ce dernier cas pourrait bien devenir ‘le tout’ (1954 : 279) et : « Chez
quelqu'un de très malade, il n'y a que peu d'espoir que cette nouvelle chance [de
régression] lui soit donnée. Dans le cas extrême, il faudrait que le thérapeute aille vers
le malade et lui offre activement un bon maternage, expérience à laquelle le malade
n'aurait pu s'attendre » (1954 : 281-2).
Lorsque les échecs environnementaux n'ont pas été complètement désastreux,
Winnicott traite la régression en termes de croyance inconsciente, pouvant représenter
un espoir conscient « [...] que certains aspects de l’environnement (qui à l’origine
furent un échec) puissent être revécus, l’environnement remplissant cette fois avec
succès sa fonction, et favorisant la tendance innée de l’individu à se développer et à
devenir mature. » (1959 : 128). Cependant, pour que cela puisse se réaliser, la foi en
ce qu'une expérience puisse être revécue doit être effectivement satisfaite, c'est-à-dire
dans un cadre qui s'y adapte de manière appropriée (1954 : 281). Ce que fait l'analyste

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et comment il se comporte n'est pas moins important dans ce cas, que de


communiquer avec le patient, dans le transfert, par le biais de l'interprétation. Le
terme régression clinique signifie la régression organisée, où l'analyste répond au
besoin du cadre interne et externe du patient. Cela implique la mise à disposition d'un
espace vivant, ou potentiel, où les patients pourront trouver des moyens nouveaux de
se réhabiliter eux-mêmes, permettant à « […] une régression [de] rechercher
le self véritable » (1954 : 280).
De l'opinion générale, Winnicott (1954, 1960), ainsi que Guntrip (1961,
1968), ont mis l'accent sur l'importance essentielle de l'échec de l'objet maternel
(‘déficience de l'environnement’) dans l'étiologie précoce du développement
pathologique, ce qui peut ultérieurement conduire à une constellation d’un faux-self :
superficiel, orienté vers l'extérieur et qui manque fondamentalement d'authenticité, à
l'opposé du vrai self, qui implique l'intégration du monde interne conscient et
inconscient du sujet. De plus, les traités de Winnicott sur la valeur développementale
de l'agression (1951), l'usage de l'objet (1969) et ses théories relatives aux objets
transitionnels et des phénomènes transitionnels (Winnicott, 1953, 1965), le
transfert/contretransfert (1949) et autres, ont des champs d'applicabilité très larges
dans les études sur le développement, sur la théorie clinique et technique et dans les
études interdisciplinaires de la créativité et des arts.

III. D. Bowlby
Lors de sa supervision auprès de Melanie Klein, John Bowlby est consterné de
constater ce qu'il prit pour un intérêt exclusif de Klein dans la vie fantasmatique
intérieure de l'enfant, et d’observer son déni de la véritable relation de l'enfant avec sa
mère. Dans son analyse détaillée du développement précoce de l'enfant, notamment
les effets relatifs à une séparation traumatique de la mère, ou due à l'inaccessibilité
émotionnelle de la mère, Bowlby (1969) affirme que l'attachement à la mère
correspond à la pulsion primaire. Contrairement à la ‘pulsion de l'objet primaire’, il ne
s'adresse pas à la structuration intérieure, mais se focalise plutôt sur les schémas
interpersonnels et comportementaux. Selon Diamond et Blatt (2007), son travail
apporte un angle nouveau sur une expression comportementale des relations d’objets
internalisés dans la dyade mère-enfant.

III. E. Sandler
Au Royaume-Uni, Sandler (1963), et Joffe et Sandler (1965) suggèrent que le
développement cognitif, le développement affectif et le développement des structures
qui représentent les relations d'objet internalisés sont intimement liés. En se focalisant
sur les études du développement des ‘self-structures’, ils se retrouvent dans une
position similaire à celle de Jacobson (1964) en Amérique du Nord, en ce sens que
l'identification, qui implique nécessairement une modification de la représentation de

518
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soi sous l'influence de la représentation d'objet, dépend de la mesure dans laquelle une
représentation de soi donnée s'inscrit dans la configuration défensive générale du
sujet.

IV. DÉVELOPPEMENTS THEORIQUES ULTÉRIEURS ET


CONTEMPORAINS ET APPLICATIONS CLINIQUES EUROPÉENNES

IV. A. Développements kleiniens


Bion (1963) mène le passage de la pensée de Klein d'une théorie de stades
successifs de développement à une théorie de ‘positions’, c'est-à-dire les positions
schizo-paranoïde (PS) et dépressives (D). Ainsi, au lieu de penser en termes de PS
→D il utilise l'équation PS↔D, qui indique comment les positions oscillent entre
elles tout au long de la vie. John Steiner (1981, 1987), qui a développé les idées de
Joan Riviere (1936), Herbert Rosenfeld (1964, 1971), Donald Meltzer (1968), Hanna
Segal (1972) et d'Edna O’Shaughnessy (1981), a démontré comment une
‘organisation pathologique/défensive’ peut mener à une autre position, qui se défend
contre la persécution et la culpabilité dépressive, qui stabilise, mais aussi dévalorise et
endommage la personnalité.
En analyse, l'émergence d'une organisation pathologique/défensive et
l'oscillation entre les deux positions peuvent se décrire schématiquement ainsi :
L'organisation pathologique

Position PS ↔ Position dépressive
Une organisation pathologique forme une structure défensive dans des
conditions d'échec grave de l'environnement et/ou un excès d'envie et de destructivité
de la personnalité. L'intégration ordinaire de l'objet bon et de l'objet mauvais n'a pas
correctement eu lieu parce qu'au lieu d'un clivage binaire ordinaire entre le ‘bon’ et le
‘mauvais’ self et l'objet dans la position schizo-paranoïde, une fragmentation et une
confusion excessive entre le « bon » et le « mauvais » prend place, débouchant
potentiellement sur un insoutenable état psychotique, ou proche de la psychose, où le
monde interne est empli d'objets fragmentés persécutants et déroutants. L'organisation
pathologique permet aux patients d'éviter les angoisses persécutoires et dépressives
accablantes en évitant tout contact émotionnel avec les autres et avec la réalité interne
et externe. Elle fonctionne en rassemblant les objets partiels fragmentés et troublés en
une structure perverse laminée par la haine. Une de ses formes en sont le ‘gang’ ou la
‘mafia’ que Rosenfeld avait décrites (1971). Une organisation de la personnalité de ce
type se révèle souvent éventuellement dans une analyse de rêves ou dans des

519
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associations avec des gangs criminels qui contrôlent et intimident les parties ‘saines’
de la personnalité, leur promettant un abri et un soulagement d'une angoisse
persécutoire ou dépressive. Les parties apparemment saines de ces structures
complexes sont vraisemblablement vouées à s'impliquer dans des relations collusoires
et perverses au cœur de la structure pathologique. (Voir aussi l'entrée
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU).
Le travail ultérieur de Steiner (1993) sur les ‘retraites psychiques’ élargit et
développe l'idée des organisations pathologiques. Il démontre comment ces retraites
sont omniprésentes et peuvent prendre plusieurs formes et qu'elles existent pour
maintenir l'équilibre psychique face à des angoisses ingérables.

IV. B. Développements dans la tradition indépendante

IV. Ba. Bollas : L'objet transformationnel


Christopher Bollas (1987, p. 14) propose le terme ‘objet transformationnel’
dans le sillage de la notion mère-environnement de Winnicott, qui sous-entend que
dans l'interaction enfant-mère précoce, « la mère est moins importante et moins
identifiable en tant qu’objet que comme processus ». Selon Bollas (1987, p.28), avant
que la mère « ne soit perçue par l’enfant comme objet total, elle a déjà fonctionné
comme une zone ou comme une source de transformation ». Ainsi, « […] aux yeux du
nourrisson la mère n’est pas encore un autre ; […] [L]a mère […] est vécue comme
un processus de transformation, caractéristique qui demeure dans certaines formes de
la quête de l’objet à l’âge adulte ou, à mon avis, l’objet est recherché pour sa fonction
de présage de transformation. » (1987, p. 14)
Bollas a contribué à la compréhension psychanalytique des relations d'objet,
particulièrement en ce qui concerne ce qu'il appelle « l'intégrité de l'objet ». « J'ai
toujours trouvé surprenant », écrivait Bollas (1992, p.4 ; soulignement dans la version
originale) « que, dans la théorie des relations d'objet, peu de considération soit donnée
à la structure distincte de l'objet, qui est habituellement perçue comme le contenant
des projections d'un sujet. Il est certain que l'objet nous porte. Mais, ironie du sort,
c'est précisément parce qu'ils portent nos projections que la caractéristique
structurelle de tout objet devient encore plus important, parce que nous nous plaçons
dans un contenant qui, lors de l’expérience revécue, nous traitera par rapport à sa
propre intégrité181 ».

181
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

520
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IV. Bb. Šebek : L'objet totalitaire


Le concept des ‘objets totalitaires’ (internes et externes), comme le formule
Michael Šebek (1996 ; 1998), est fondé sur un travail psychanalytique conduit sous le
régime communiste totalitaire en Tchécoslovaquie. Ce concept contribue à lier le
pouvoir totalitaire externe à des forces totalitaires intrapsychiques. Ces dernières sont
internalisées partiellement et font partie de l'esprit inconscient archaïque. Šebek
observe que dans la mesure où les régimes totalitaires et les tyrans existent dans
l'histoire humaine, cela vraisemblablement explique la transmission
transgénérationnelle des objets totalitaires. Le caractère ‘omnipotent’, ‘omniscient’ et
‘tout puissant’ de ces objets, selon Šebek (1998, p. 2017), révèle un processus
d'idéalisation primitive dont le recours au totémisme, à des dieux divers, aux
monarques, dictateurs, leaders autoritaristes charismatiques, aux mouvements
politiques extrêmes et idéologies. La nature destructrice et abusive de l'objet est
cachée ou déguisée par ces formes variées d'idéalisation.
Šebek propose que les objets totalitaires sont essentiellement ‘ambigus’ : avec
une fonction cupide ainsi que pénétrante (agressive) ; possessive, obsédante et
contrôlante sur l'espace psychique interne qui peut engendrer une certaine oppression
et une liberté d'existence contrainte. En tant que tels les objets totalitaires bloquent le
développement de la maturité, ils soutiennent les idéologies dogmatiques et entravent
la pensée spontanée créatrice. De plus Šebek affirme que lorsqu'une personne perçoit
le monde au travers d'une perception d'objets totalitaires qui sont en général localisés
dans le Moi inconscient, elle ne peut percevoir des objets indépendants, mais
uniquement ceux qui appartiennent à sa possession/manipulation. Ces objets
fonctionnent dans le cadre d'un Self destructeur clivé, ou bien sont localisés dans un
Surmoi sadique sévère. Ils peuvent également être projetés sur la base d'une pensée
paranoïde. Pour Šebek les objets totalitaires dans leur formes différentes peuvent
induire une réaction thérapeutique négative ou une impasse thérapeutique. Ils restent
en grande partie inconscients et ils existent, sous cette forme, non reconnue, en tant
que dieux, diables et monstres ; des objets de l'inconscient atemporels, ils entrent dans
un rêve, un fantasme, un comportement et même dans l'espace mental conscient. En
somme, Šebek propose que ces objets représentent une structure inconsciente vis-à-
vis des incertitudes fondamentales du monde qui provoquent des assentiments face
aux sauveurs externes ou à un leader populiste, totalitaire et fondamentaliste.

521
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V. DÉVELOPPEMENTS ULTÉRIEURS ET CONTEMPORAINS EN


AMÉRIQUE DU NORD

V. A. des années 1950 à 1970

V. Aa. L’étude de l’enfant


René Spitz (1945, 1965, 1972), qui a étudié les enfants en institution, consacra
le terme ‘dépression anaclitique’ à l'impact de la séparation des enfants de leurs
figures parentales. Il fut également le premier à observer une différence entre les
comportements affectueux et mécaniques des figures parentales. Selon ce point de
vue, il ne s'agit pas uniquement de l'effet d'une séparation prolongée mais aussi des
soins mécaniques portés aux infans dans une institution, analogues à ceux d'une ‘mère
morte’ qui entrainent une ‘dépression anaclitique’. Spitz insistait sur le ‘holding’ de
l'enfant par les figures parentales, ce qui favorise une communication affective non
verbale, tactile, riche entre l'enfant et sa figure parentale.
Sur les jalons de Bowlby (1969) en Angleterre, Ainsworth (Ainsworth, Blehar,
Waters et Wall, 1978) aux USA ont développé la théorie de l'attachement
contemporaine selon laquelle ce dernier représente l'équivalent comportemental des
relations d'objet internalisés sous l'influence de la relation précoce mère-enfant
(Diamond et Blatt, 2007). Pour Ainsworth et al. (1978) l'attachement est un lien
affectif entre l'enfant et une figure parentale (Blum, 2004), et plusieurs types
d'attachement catégorisés qui donnent lieu à des différences très individualisées, qui
se situent entre des extrêmes de relations d'attachement sécures d'une part, et
insécures d'autre part (lien évitant, ambivalent ou désorganisé). La détresse de l'enfant
est inférée depuis la relation enfant-mère globale plutôt que d'une expérience
traumatique spécifique.
Cette tradition a perduré dans les orientations théoriques de la Psychologie du
Moi avec Malher (Mahler, Pine, Bergman, 1975) ainsi que d'autres orientations
relationnelles théoriques dans la recherche sur l'enfance, dont celle de Beebe (Beebe
Lachmann, 2005), et du groupe ‘Boston Change Process Group’ (Groupe des
processus du changement) de Boston (Stern et. al. 1998).

V. Ab. Mahler
Après Hartmann, le développement le plus influent du modèle de la pulsion
englobé de nouvelles dimensions du développement psychologique est apparu avec
Margaret Malher. L'intérêt original que Mahler portait dans les relations d'objet
précoces de l'enfant provenait de ses études sur les pathologies infantiles graves,
notamment l'autisme et la psychose symbiotique, où elle put observer l'extrême

522
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incapacité de ces sujets à former avec ses figures parentales une relation fortifiante
(Mahler, Ross and DeFries, 1949; Mahler, 1952; Mahler and Gosliner, 1955). De ce
postulat s'est construite une théorie développementale de l'enfant normal dans laquelle
les relations d'objet et le self sont des émanations des vicissitudes instinctuelles. Sur la
lancée de Hartmann, le problème de ‘l'adaptation’, selon ses travaux, se construit par
la résolution de ‘l'environnement humain’ (Greenberg and Mitchell, 1983, p.272).
Pour Mahler, le point de référence d'un développement réussi ne concerne pas
la mise en place d'une primauté génitale suite à une résolution du complexe d’œdipe
réussie mais plutôt un mouvement développemental de l’ancrage dans une relation
symbiotique mère-enfant jusqu'à l'accomplissement d'une identité individuelle stable
dans un monde où les autres sont perçus de manière prévisible et réaliste. Ce
processus est appelé la « séparation-individuation » ou la « naissance psychologique »
de l'enfant. La séparation et l'individuation sont complémentaires mais sont des
processus du développement distincts. La séparation se définit par l'émergence de
l'enfant par rapport à la fusion symbiotique avec la mère ; l'individuation représente
les accomplissements qui mènent l'enfant à ses propres caractéristiques individuelles
(Mahler et al, 1975, p.4).
Bien que les principes organisationnels de Mahler fussent fondés sur les
relations entre soi et l'objet, avec un accent posé sur les aspects transactionnels de la
croissance et du développement, ils provenaient de la théorie de la pulsion classique.
Selon Mahler, l'enfant est moins une personne qui lutte avec les exigences
conflictuelles de la pulsion qu'un sujet devant se réconcilier constamment avec son
aspiration à l'existence autonome indépendante et son désir ardent de replonger dans
la fusion symbiotique duquel il a émergé.
Le développement évolue dans le temps au regard des échéances et
caractéristiques des sous-stades spécifiques. Au départ, la théorie de Mahler supposait
que l'enfant se développe à partir d'un ‘autisme normal’, par une période de symbiose,
puis de quatre sous-stades qui se déploient de manière séquentielle dans un processus
de séparation-individuation. (Mahler, Pine and Bergman, 1975).
De manière significative, elle renonça plus tard au concept du stade autistique
des deux premiers mois de la vie sur la base du narcissisme primaire et de la barrière
de protection contre les stimuli extérieurs, lorsqu’elle réalise que depuis la naissance,
les enfants démontrent de leur conscience perpétuelle de leur environnement et des
objets qu'il contient et que la ‘barrière innée de protection contre les stimuli est plutôt
le ‘filtre des stimuli’, un terme que Blum lui avait suggéré (Blum, 2004b).
A partir du second mois, c'est-à-dire le stade symbiotique, l'enfant était
supposé n'avoir qu'une maigre conscience des objets et d'être dans un état de « fusion
somatopsychique […] hallucinatoire ou délirante » (Mahler et al, 1975, p.45). Ce
stade était considéré comme étant positif ayant lieu dans un contexte intrapsychique
en l'absence de limite entre le soi et l'autre (Fonagy, 2001). C'est pendant ce stade que
l'imitation de l'affect serait d'une importance cruciale. La mère, en phase avec l'enfant,

523
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effectue et maintient un dialogue affectif et moteur approprié, par le contact avec les
yeux, les expressions du visage, le toucher, le holding, etc., ce qui contribue à ce que
l'enfant puisse intégrer la capacité de moduler et de contrôler ses affects (Blum,
2004). La phase de séparation-individuation, à partir de 4 à 5 mois jusqu'à 18 mois
consiste en quelques sous-phases. La première concerne ce que Mahler appelle la
phase de l'éclosion (‘hatching’), où l'enfant commence à différencier sa représentation
du self par rapport à sa mère/autre, (Mahler et al., 1975) en se dégageant de la
tendance à se mouler au corps de la mère pour se lancer dans une exploration plus
active et autodéterminée.
« Plus que tout autre théoricien psychanalytique, Mahler avait reconnu
l'importance pour l'enfant de marcher, une réussite de maturité qui le précipite dans la
‘sous-phase de pratique’, de séparation, d'individuation182 » (Blum, 2004b, p.542).
Pendant cette seconde sous-phase, l'enfant met en pratique la locomotion pour
développer sa séparation physique vis-à-vis de sa mère, et pour continuer
véritablement le processus de différentiation. C'est dans cette période que Mahler
situe la ‘naissance psychologique’ de l'enfant. Par la locomotion en position debout,
l'enfant ouvre ses horizons et découvre avec enthousiasme que le monde lui
appartient. Pour paraphraser Greenacre (1957), c'est l'apogée de son histoire d'amour
avec le monde. Du point de vue de Mahler, c'est le point culminant aussi bien du
narcissisme (secondaire) que de l'amour d'objet (Mahler et al. ,1975). C'est à ce
moment-là aussi que l'enfant atteint le sommet de son ‘omnipotence magique’ qui lui
vient du sentiment de partager les pouvoirs magiques de sa mère (Fonagy, 2001,
p.66).
La ‘sous-phase de rapprochement’ depuis l'âge de 15 à 18 mois jusqu'à 24
mois entraîne aussi une conscience de séparativité, d'angoisse de séparation et d'un
besoin accru pour l'enfant d'être avec sa mère (Mahler et al, 1975). Il devient de plus
en plus indépendant maintenant qu'il réalise à quel point il est un petit poisson dans
un grand océan, une impression qui s'accompagne de la perte d'un sentiment idéaliste
de soi et de la réapparition d'une sorte d'angoisse de séparation. Pour l'enfant, cela
signifie une prise de conscience que la mère est véritablement distincte de lui et qui
pourrait ne pas être toujours disponible pour lui. Il en résulte une ‘crise de
rapprochement’, qui dure de 18 à 24 mois environ. Selon Mahler, l'enfant est
affectivement partagé entre son besoin de s'accrocher à sa mère et un besoin puissant
de séparation. C'est la période dans laquelle le clivage atteint son apogée (Greenberg
and Mitchell, 1983). C'est aussi là que les fonctions autonomes du Moi se
développent rapidement, notamment par l'apport de l'apprentissage rapide de la
langue et par l'apparition de l'épreuve de réalité. Les différences en termes de genre et
d'identité des genres apparaissent à la conscience, et interagissent dans le processus de
différentiation. Pendant le ‘rapprochement’, le recul de l'omnipotence infantile est
compensé par les identifications sélectives avec la mère dotée de qualité de
compétence, de tolérance et d'affection (Blum, 2004b).
182
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

524
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Mahler mettait l'accent sur l'accomplissement de la ‘constance de l’objet’


(fondée sur la tolérance de l'ambivalence) et la ‘constance du Self’ dans le cadre de la
sous-phase finale de séparation-individuation. Cette phase, pendant la troisième année
de la vie, est un jalon majeur du développement. Les deux épreuves principales de
cette période sont le développement d'un concept stable du Self et un concept stable
de l'autre ; ils sont organisés autour des coparticipants dans toutes les relations de
l'enfant vis-à-vis des objets (Greenberg and Mitchell, 1983). En conséquence de ces
développements, l'enfant peut désormais garder un sentiment de sa propre
individualité, ainsi que le sentiment de l'autre comme une présence interne
positivement investie. Il peut fonctionner de manière autonome en l'absence de la
mère/autre, avec la capacité de mieux comprendre l'expérience distincte de soi et de
sa mère, de son propre esprit distinct et des intentions et intérêts de l'autre. Le jeune
enfant qui a intégré la bienveillance et les fonctions régulatoires de sa mère peut
désormais tolérer plus facilement les séparations, les frustrations et les déceptions
avec davantage de capacités d'autonomie, d'individuation, de séparabilité et
d'indépendance.
Mahler a su créer une interface entre la théorie classique de la pulsion et la
théorie développementale des relations d'objet en utilisant le concept de la symbiose
pour désigner la relation dans la réalité ainsi que le fantasme interne déterminé par la
libido (Greenberg and Mitchell, 1983). L'usage que fait Mahler des concepts
‘d'environnement moyen prévisible’ (Hartmann, 1927 [1964) et ‘d'adaptation’
(Hartmann, 1939) « ont décalé le modèle de la pulsion dans une direction qui donne à
la relation un rôle explicatif central bien plus important » 183 [...] » (Greenberg et
Mitchell, 1983, p.282). Afin de spécifier ‘l'environnement moyen prévisible’, Mahler
fit référence au concept de Winnicott (1960) de la « mère ordinaire normalement
dévouée » (Mahler 1961 ; Mahler & Furer, 1968). De cette façon elle assimile
l'environnement précoce de l'enfant à la personne spécifique de la mère.
En somme, la théorie de la séparation-individuation comporte la mère réelle et
l'enfant, ainsi que les concepts d'intégration et de représentation interne. La théorie de
Mahler met en corrélation l'observation obtenue par l'analyse aux transformations
développementales intrapsychiques : « Les changements intrapsychiques peuvent
comporter une évolution dans les limites du Moi, la différentiation des représentations
d'objet et de soi, la cohésion ou le clivage de ces représentations et l'accomplissement
de la constance du Self et de l'objet. Les deux partenaires dyadiques doivent être pris
en compte 184 » (Blum, 2004b, p 551). Dans la modification et la reformulation
contemporaines proposées, Blum (2004b) intègre les conclusions menées par la
recherche ultérieure dans le domaine du développement (Stern 1985 ; Pine, 1986 ;
Bergman, 1999 ; Gergely, 2000 ; Fonagy, 2000). Ses modifications concernent la
phase symbiotique ainsi que la séparation-individuation, avec une attention
particulière donnée à la différentiation et au rapprochement. Il souligne que la

183
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
184
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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« différentiation [néonatale] précède l'émergence de la représentation intrapsychique


de soi et d’objet » (Blum, 2004b, p. 541) et que l'enfant est préadapté à la
« communication réciproque, l'interaction et la régulation qui débute par le maternage
initial puis passe à un dialogue rempli de boucles de rétroaction […]185 » (p. 541).
Pendant la période de rapprochement, le rôle pivot du langage est accentué (Blum,
2003).
Bien que les concepts de Mahler soient actuellement marginalisés par d'autres
théories de l'attachement et des relations d'objet, son concept de séparation-
individuation est une contribution importante à la compréhension de la période
préœdipienne du développement. (Voir aussi l'entrée LA PSYCHOLOGIE DU MOI)

V. Ac. Erikson
Les contributions d'Erik Erikson (1950, 1956, 1968) à l'étude des relations
d'objet précoces, ainsi que leurs influences sur le développement des structures du
Moi, comprennent un pont entre la théorie structurelle de la psychologie de l'Ego des
années 1950 et l'étude clinique des vicissitudes des relations d'objet. Erikson postulait
la relève des concepts d'introjection, d'identification et de l'identité de l'ego, lesquels
ont perduré dans certaines des branches d'influence de l'école des relations d'objet
américaine actuelle (Kernberg, 1977), quoique non sans quelques modifications.
Erikson ne faisait pas la différence entre les organisations de la représentation de soi
et d’objet. Ce fut Jacobson (1964) qui notamment clarifia la différentiation entre les
représentations de soi et d'objet des introjections précoces et le développement de ces
structures.

V. Ad. Jacobson
Comme Mahler, Edith Jacobson (1964) a pu réconcilier l'accent que Freud
posait sur la constitution du Moi avec l'importance que les développementalistes
attribuent à l'environnement en s'adressant aux influences mutuelles et régulières
qu'ils exercent l’un sur l’autre au cours du développement. Elle décrit le
développement du Moi et du Surmoi en tandem avec les représentations de soi et
d'objet, en attribuant au rôle de l'affect une grande importance. Ses contributions ont
été cruciales pour avoir présenté la conceptualisation des ‘images de soi’, c’est-à-dire
les représentations de soi et de l'autre comme étant les déterminants clé du
fonctionnement psychique (Fonagy, 2001). Pour elle, l'enfant acquiert ses
représentations de soi et d'objet par le biais de valences bonnes (aimantes) ou
mauvaises (agressives) selon les expériences de gratification ou de frustration vécues
avec la mère. Comme le dit Fonagy, elle introduit le terme ‘représentation’ pour
souligner que ce concept renvoie à l'impact expérientiel des mondes internes et

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526
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externes et que les représentations subissent des déformations et des modifications


quelle que soit la réalité physique (Fonagy, 2001, p. 56). Ainsi, les concepts de soi
étaient des structures complexes, dont « les représentations endopsychiques
inconscientes, préconscientes et conscientes du soi corporel et mental dans le système
du Moi » (Jacobson 1964, p 19).
Dans son travail fondateur, The Self and the Object World (Le soi et le monde
objectal) (1964), Jacobson a essentiellement revu les idées de Freud sur le
développement de la libido et de l'agression et a particulièrement développé l'impact
fonctionnel des pulsions. Son objectif était de regrouper la théorie relationnelle avec
la théorie métapsychologique classique, c'est-à-dire d'aligner le point de vue
économique à la phénoménologie de l'expérience humaine car, selon elle, c'est cette
expérience-même qui souligne le rôle des relations aux autres. Pour atteindre cet
objectif, elle utilise deux stratégies théoriques complémentaires. La première consiste
à se focaliser sur l'expérience que l'enfant a de lui-même dans son propre
environnement : ce que Sandler et Rosenblatt (1962) appelaient le ‘monde
représentationnel’. Le monde représentationnel de l'enfant provient d'un substrat
psychobiologique inné. Pour Jacobson, les pulsions instinctuelles ne sont pas des
‘acquis’ mais plutôt des ‘potentiels innés’ qui ont été façonnés autant par des facteurs
maturationnels intrinsèques que par des stimuli externes, particulièrement dans le
contexte des premières relations, lesquelles sont à leur tour définies par le monde
représentationnel de l'enfant. Cette approche biologique lui a permis de conserver des
liens avec les modèles structurels/pulsionnels antérieurs.
Sa seconde approche théorique était une révision des principes économiques
eux-mêmes, qui ont mené à la conclusion que la « théorie de l'énergie doit se mettre
davantage en synchronicité avec les vicissitudes des relations d'objet » (Greenberg
and Mitchell, 1983, p 306186).
Du point de vue de Jacobson, l'expérience vécue par l’enfant, du plaisir ou du
déplaisir, se situe au cœur de sa relation avec la mère (modèle pulsionnel/structurel).
Dès le début, l'expérience s’inscrit selon ce que le bébé en éprouve. Jacobson postule
que la tonalité du sentiment de ses propres expériences les plus précoces contribuent à
la consolidation de la libido et de l’agressivité, et qu’elle pose les bases des images de
soi et d'objet qui déterminent ce que nous éprouvons à terme de nous-mêmes et des
autres. Les expériences frustrantes ou bouleversantes engendrent des images d'une
mère qui frustre, qui refuse, avec un self frustré et en colère, alors que des expériences
plus positives mènent à des images d'une mère aimante et généreuse et d'un self
heureux et satisfait. Ainsi la théorie de Jacobson s'adressait au jeu entre les
expériences réelles et les pulsions. Jacobson (1954) avait observé qu'avant la
formation de limites de soi et de l’autre, quand les premières images sont fusionnées
plutôt que des unités autonomes et distinctes, la perception de l'enfant vis-à-vis de
l'autre, au niveau des représentations mentales, façonne directement l'expérience de

186
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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soi. Dans cet état de fusion primitive, les objets deviennent des parties internalisées
d'images de soi et à terme le sentiment de soi le plus profond est une émanation de ces
images précoces.
Jacobson avait constaté que l'intégration des images bonnes et mauvaises,
c'est-à-dire tout autant la mère ‘bonne’ et la mère ‘frustrante’ facilite la capacité
d'intégrer les périodes de sentiments conflictuels. Les images intégrées affectivement,
de soi et de l'autre, permettent finalement une disposition aux expériences
émotionnelles plus complexes. Les premières expériences préœdipiennes de
contrainte et d'interdit maternels produisent des images initiales autour desquelles le
Surmoi se compose ensuite.
Freud (1940) avait décrit la libido en termes de force qui lie, alors que
l’agression brise les connections. Jacobson appliquait ces idées au concept de
séparation-individuation, où l'action de la libido sert à intégrer des images opposées
d'objets bons et mauvais, et de soi bon et mauvais, alors que l’agression provoque une
dissociation et des images différenciées de soi et de l'autre ; et ce faisant, elle intègre
ainsi la théorie de la pulsion classique et la théorie des relations d'objet.

V. Ae. Loewald
Hans Loewald fut l'un des premiers révisionnistes freudiens des années 1960,
1970 et 1980 à construire une connexion entre la psychologie du Moi freudienne et la
théorie des relations d'objet, pour créer une théorie psychanalytique qu'il pensait être
plus proche de l'expérience vécue des individus. Ses principales préoccupations se
focalisaient sur les suppositions fondamentales liées au développement théorique de
la psychanalyse et les préjugés de base sur la nature de l'esprit, la réalité et le
processus analytique.
Loewald pensait que Freud postulait deux différentes lectures à propos des
pulsions. La première, avant 1920, selon laquelle la pulsion a pour impératif la
décharge. La seconde lecture s'est imposée avec son introduction du concept d'Eros en
1920, dans Beyond the Pleasure Principle (Au-delà du principe de plaisir) où Freud
modifia radicalement sa définition de la pulsion selon laquelle elle aurait un impératif
de décharge, pour ensuite lui donner un impératif de connexion « en utilisant les
objets non pas pour leur gratification mais pour construire des expériences psychiques
plus complexes et pour rétablir l'unité initiale perdue entre le soi et les autres »
(Mitchell and Black, 1995, p.190187). Loewald remis en cause la théorie des pulsions
de Freud en reformulant de manière radicale les concepts psychanalytiques classiques
freudiens. Alors que pour Freud le Ça est une force biologique immuable en conflit
avec la réalité sociale, pour Loewald le Ça est la résultante interactionnelle de
l'adaptation plutôt qu'une force biologique constante. La psyché n'est pas interactive
en second lieu mais par sa véritable nature.
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Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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Selon la théorie de Loewald, il n'y a au départ aucune distinction entre le soi et


l'autre, l'ego et la réalité externe, ni entre les instincts et les objets mais il y a un tout
primitif unifié qui est composé de l'infans et de sa figure parentale. Il propose que
« Les instincts en tant que forces psychiques et motivationnelles s'organisent comme
telles par le biais d'interactions dans un champ psychique, qui consiste à l'origine de
l'unité (psychique) mère-enfant.188 » (Loewald, 1971, p118). C'est en raison de ce type
d'affirmations, que les analystes francophones au Canada considèrent que Loewald,
qui s'est qualifié lui-même de psychologue de l'Ego psychologie, est exemplaire de la
pensée du ‘tiers analytique’ développé ci-après.
Lorsque Loewald rassemble la théorie de l'instinct de Freud et l'ego
psychologie, son travail construit un pont vital entre une psychologie à une personne
(‘one-person’) et une psychologie des relations d'objet à deux personnes (‘two-
person’) (Voir aussi l'entrée PSYCHOLOGIE DU MOI).

V. Af. Sullivan
Harry Stack Sullivan (1953, 1964), le fondateur de la psychanalyse
interpersonnelle parfaitement américaine avait proposé que : « 1. La quête de sécurité
et celle de la satisfaction des pulsions sont indissolublement liées ; 2. La force
intégrée de ces derniers a un impact sur les relations interpersonnelles en évolution et
en est à son tour affectée par elles ; 3 Ce qui s'appelle le ‘self’ n'est rien d'autre qu'un
recueil d'appréciations réflectives des premières figures parentales ; 4. L'angoisse, qui
est une menace à la sécurité, peut uniquement avoir lieu dans un contexte
impersonnel ; 5. Le self garde son intégrité par l'inattention sélective à des aspects de
comportements qui troublent l'angoisse ; 6. Le fondement des concepts éthiques
réside dans la perception de l'enfant vis-à-vis de l'approbation ou de la désapprobation
parentale ; 7. La sexualité est importante mais elle n'est pas la source de motivation
centrale dans la vie ; 8. La psychopathologie provient de l'irruption des états du Moi
qui ont été dissociés, dont l’expression entraîne l'angoisse ; 9. Le traitement devrait se
focaliser sur le contenu relationnel de l'angoisse ; et 10. En conséquence, la
participation active du thérapeute est plus souhaitable que son anonymat décontracté.
Le contretransfert a une fonction centrale informative et directrice dans le traitement »
(Akhtar 2009, p 151189). Généralement parlant, Sullivan place que peu d'importance
dans les processus de l'intérieur psychique et dans les racines génétiques du transfert.

188
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
189
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

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V. B. Développements contemporains

V. Ba. Kernberg
Depuis la fin des années 1970, Otto F. Kernberg développe une version de la
théorie des relations d'objet dans le cadre du modèle structurel de Freud et de l'ego
psychologie de Hartmann. Dans cette approche, les relations d'objet sont des
organisateurs essentiels du Moi (Kernberg, 1976, p. 38) et des unités d’affect-self-
objet (‘self-object-affect units’) (Kernberg, 1976), en tant que déterminants primaires
des structures générales de la psyché (Ça, Moi, Surmoi). Lors de son dernier niveau
d'intégration théorique, Kernberg (2004, 2015) propose un cadre développemental
général qui intègre la théorie psychanalytique du développement ancrée dans la
théorie des relations d'objet, avec des aspects neurobiologiques du développement.
« [Sa] conclusion générale concerne le développement parallèle et les influences
mutuelles des systèmes neurobiologiques d'affect et de cognition, contrôlés par des
déterminants génétiques et des systèmes psychodynamiques, qui correspondent
fondamentalement à la réalité tout autant qu'à des déformations motivées de relations
internes et externes avec l'autre significatif. » (Kernberg, 2015, p. 38190).
Dans ce modèle (Kernberg, 2004, 2014, 2015, 2016), les domaines pertinents
du développement neurobiologique, c'est-à-dire l'activation des systèmes d'affect, la
différentiation de soi par rapport aux autres, le développement d'une théorie de l'esprit
et de l'empathie, l'évolution d'une structure de soi et le développement des processus
de mentalisation, sont intégrés dans le contexte de la théorie psychanalytique des
relations d'objet.
De rassembler les études développementales et neurobiologiques, et les études
développementales psychanalytiques, a permis à Kernberg (2015) de souligner la
complexité dynamique des premières semaines et des premiers mois de la vie
humaine. Déjà, pendant la ‘phase symbiotique’ de la fusion ‘somato-psychique
délirante’ marquée par l'absence de limite entre le soi et l'autre (Fonagy, 2001),
lorsque le bébé et la mère sont une ‘unité opérationnelle’, les affects primaires
majeurs, ainsi que les premières aspirations à la différentiation de soi par rapport à
l'autre (un prérequis dans la théorie de l'esprit) et les rudiments de l'empathie y
émergent. Pendant les 6 à 8 premières semaines de la vie (Gergely & Unoka, 2011 ;
Roth, 2009), les infans affichent différentes réactions aux visages animés et aux
schémas inanimés ; ils sont capables de différencier la voix de leur mère d'autres voix,
de répondre par un sourire à des expériences interactionnelles ‘non-moi’ et sont
capables de transfert multimodal, d'identifier visuellement un objet spécifique en
termes de sa forme quand l'infans l'a tenu dans sa bouche. Ces premières indications
de la capacité à différencier des expériences, qui émanent du soi, par rapport aux
expériences externes, se développent de façon spectaculaire pendant les premiers

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mois de l'ère ‘symbiotique’. La capacité d'empathie pour l'autre émerge également


pendant les premières semaines de la vie. Médiée de façon neurobiologique par des
fonctions variées du cerveau pendant les deux premières semaines de la vie, une
‘contagion’ de sentiments entre enfants est observable, pouvant concerner un ancien
système subcortical phylogénétique. De plus, la ‘fonction de portillonage’ (‘gating
function’) par laquelle les affects affiliatifs liés à l'attachement, au ‘play-bonding’, ou
lien par le jeu, et la stimulation érotique entretiennent une attention intense envers
l'autre, peut y jouer un rôle.
Enfin, l'empathie est fortement influencée par les systèmes de neurones
miroir : en premier lieu le système cortical primordial, puis les fonctions miroir
largement distribuées qui impliquent le lobe de l'insula ainsi que les zones frontale et
pariétale du cortex, contribuent à un ‘système général de reconnaissance cognitivo-
émotionnelle’ (Bråten 2011 ; Richter, 2012 ; Roth et Dicke 2006 ; Zikles 2006 ;
Kernberg 2015). Les structures cérébrales affectivement suscitées, telles que le tronc
cérébral et les régions du système limbique subcorticales sont impliquées en premier
lieu mais, progressivement, les structures cognitives, telles que le cortex orbitofrontal,
participent de manière prédominante. Il semblerait que ces nouvelles observations
soutiennent l'hypothèse d'une dialectique non linéaire d'incitations simultanées envers
une unité symbiotique double, ainsi qu'à une différenciation entre le soi et l'autre,
lesquelles émergent à l'aube du développement. Cette constatation corrobore ainsi les
affirmations antérieures (Stern, 1985; Blum, 2004b) en ce qui concerne la
différentiation, plus précoce que Mahler ne le supposait, quoique l'apparition de la
différenciation élémentaire aurait en fait lieu encore plus tôt. A quel point est-il
envisageable que ces observations puissent être théorisées en tant que fondement
neurodéveloppemental pour expliquer les mouvements contradictoires, observées
dans la situation clinique de l’adulte, vers la ré-union et la fusion inconscientes avec
l'objet d'une part, et la séparation interne, d'autre part, constitue un domaine d'études
multidisciplinaire qui serait probablement voué à la controverse, mais certainement
passionnant et enrichissant.
La version de la théorie psychanalytique des relations d'objet de Kernberg
reconnait deux niveaux de base d'organisation de la personnalité (limite, ou
‘borderline’, et névrosée) qui impliquent deux niveaux fondamentaux de
développement :
En premier lieu, une structure psychique double d'état affectif maximal se
construit pendant les années préverbales. Cette structure double est constituée, d'une
part, de représentations de soi idéalisées relatives à un objet idéalisé (l'enfant et la
mère) sous la dominance d'états affectifs affiliatifs forts et positifs et, d'autre part, par
un ensemble de relations dyadiques opposées qui se forment sous la dominance
d'affects fortement négatifs, répulsifs et douloureux, constitués d'une représentation
frustrante ou hostile de l'autre, associée à une représentation de soi frustrée, enragée
ou douloureuse (Kernberg, 2004). L'internalisation distincte de toutes les relations
d'objet bonnes et mauvaises mène à une structure intrapsychique caractérisée par des

531
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mécanismes primitifs de dissociation ou de clivage et leurs mécanismes dérivés


d'identification projective, d'idéalisation et de dévaluation primitives, d'omnipotence
et de contrôle omnipotent, et de déni.
Simultanément, sous des conditions d'états affectifs faibles, le développement
cognitif initial est conduit par des impulsions instinctuelles de ‘quête’ non-spécifiques
(Wright and Panksepp, 2014) à l’apprentissage de la réalité. Cela mène à la formation
précoce de concepts et à la compréhension du monde externe proche, animé et
inanimé, qui se développe en parallèle aux expériences émotionnelles d'états affectifs
élevés, régis par des mécanismes de clivage et de dissociation.
Dans ces circonstances initiales, un quelconque sentiment intégré de soi ou
des autres n'est pas supposé encore exister. Les représentations de soi et des autres
seraient clivées et/ou dissociées en des représentations partielles d’objets du Moi
idéalisées et/ou persécutoires, selon l'état affectif élevé qui y serait associé. Ces
développements correspondent globalement aux phases préœdipiennes et de pré-
constance objectale (Mahler et al., 1975) et à la ‘position schizo-paranoïde’ (Klein,
1952a, b). A ce niveau, la psychopathologie (trouble limite, ou ‘borderline’ de la
personnalité) reflète un manque d'intégration de l'identité du Moi, typique du
syndrome de la diffusion de l'identité. Les opérations défensives primitives
prédominantes, qui s'articulent autour du clivage ainsi que certains troubles liés à
l'épreuve de réalité qui se manifestent dans des aspects subtils du fonctionnement
interpersonnel, caractérisent ce niveau de développement et, s'ils restent fixés à ce
stade, une pathologie de trouble grave de la personnalité borderline. Les conflits
intrapsychiques à ce niveau de pathologie figurent entre deux ensembles de relations
d'objet internalisées, où chaque ensemble consiste en une représentation d'objet et de
soi sous l'impact d'un dérivé de la pulsion (qui se manifeste cliniquement par une
disposition affective).
Au second niveau du développement, qui émerge progressivement pendant les
trois premières années de la vie, le développement progressif d'une compréhension
réaliste du monde environnant, et en particulier la prédominance des bonnes
expériences (gratifiantes) sur les mauvaises (frustrantes), facilitent l'intégration
progressive d'expériences émotionnelles contraires. Ce développement de la tolérance
à l'ambivalence, qui concerne les relations émotionnelles positives et négatives par
rapport au même objet externe, mène progressivement à un sens intégré de soi et des
proches, qui sont les deux composants essentiels de l'identité du Moi (‘ego identity’).
Ce second niveau de développement correspond globalement à la ‘position
dépressive’ (sans son échéancier tronqué) jusqu'au stade de développement œdipien,
selon la formulation de Freud.
Il pointe sur l'acquisition de la constance objectale, du développement d'un
niveau névrosé d'organisation normal et de la prédominance des défenses de haut
niveau qui se centrent sur le refoulement et ses mécanismes apparentés, dont la
projection de haut niveau, la négation, l'intellectualisation et la formation

532
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réactionnelle. Ce niveau avancé du développement de la personnalité se reflète


notamment dans la structuration interne : une délimitation claire d'un inconscient
dynamique refoulé, ou ‘Ça’, constitué de relations dyadiques internalisées
inacceptables qui reflètent l’agression primitive intolérable et des aspects de la
sexualité infantile. Le ‘Moi’ comprend désormais le concept de soi conscient intégré,
la représentation intégrée des proches, ainsi que le développement de fonctions
sublimatoires qui s'inscrivent dans l'expression adaptative des besoins affectifs et
émotionnels en ce qui concerne la sexualité, la dépendance, l'autonomie et l'auto-
affirmation agressive. Les relations d'objet internalisées qui comprennent des
exigences et interdits d'origine éthique, transmises lors des premières interactions de
l'infans et de l'enfant dans son contexte psychosocial, particulièrement les parents,
sont intégrés dans le ‘Sur-moi’. Cette dernière structure est constituée de niveaux
d'interdits internalisés et d'exigences idéalisées, significativement transformées en un
système personnifié, distant et individualisé de morale personnelle (Kernberg, 2004,
2012). Les conflits inconscients sur ce niveau d'organisation de la personnalité sont
des conflits inter-systémiques entre les pulsions et les défenses, avec les trois agences
que sont le Ça, le Moi et le Surmoi qui y participent.
Les structures intrapsychiques présentées par la théorie des relations d'objet
représentent un niveau d'organisation psychique secondaire, fondé sur une
organisation neurobiologique principale. Selon les spéculations en vigueur, les
mécanismes psychiques primitifs du clivage et leurs dérivés sont fondés sur des
développements limbiques subcorticaux de systèmes affectifs positifs et négatifs
distincts, et leur intégration potentielle dépend des niveaux de traitement, par le
cortex, de l'expérience émotionnelle à l'origine fortement dissociée (Roth, 2009). La
connaissance actuelle sur le développement neurobiologique corrobore les
suppositions théoriques de la théorie psychanalytique des relations d'objet et donne
une base neurobiologique aux observations sur le développement de l'organisation de
la personnalité (Gemelli, 2008). Le fait que les affects positifs et négatifs soient
distincts à des niveaux limbiques différents et qu'ils ne peuvent être intégrés qu'au
niveau du cortex préfrontal et préorbital, et qu'au niveau du cortex cingulaire antérieur
de l'élaboration de l'expérience cognitivo-affective, renforce les prémisses générales
de la théorie des relations d'objet.
Cliniquement parlant, le cadre développemental psychanalytique intégratif des
relations d'objet permet d'approfondir la compréhension de l'étiologie multifactorielle
des troubles de la personnalité limite (borderline) graves, dont l'interaction réciproque
des caractéristiques neurobiologiques, les traumatismes de l'enfance qui affectent
défavorablement l'attachement et la capacité de symbolisation et de réflexion.
Kernberg présente également un meilleur traitement analytique et modifié de choix
pour ces troubles, la ‘psychothérapie focalisée sur le transfert’ (TFP). Le TFP est un
traitement direct de la structure de la personnalité dont la cible est la normalisation
des conséquences pathologiques d'attachements de type ‘insécures’, de liaison par le
jeu (‘play-bonding’) et de systèmes affectifs érotiques. La psychothérapie focalisée

533
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sur le transfert donne une grande importance à l'interprétation des déformations dans
le transfert du point de vue du ‘tiers’. (Voir aussi l'entrée CONFLIT, TRANSFERT)

V. Bb. Ogden

Thomas Ogden (1989) a su donner une version originale de


l'intégration sensible des contributions de Klein et de Bion. (PS<->D). Il
développe les travaux de Bick, de Meltzer et de Francis Tustin tout en
reconnaissant une modalité d'expérience présymbolique, dominée par la
sensorialité, qu'il appelle la position autistique contiguë

« Cette position est une organisation psychologique primitive en


vigueur depuis la naissance et qui génère les formes les plus
élémentaires de l'expérience humaine. Elle est dominée par la
sensorialité dans laquelle un sentiment de soi le plus inachevé se
construit sur le rythme de la sensation, particulièrement sur la surface
de la peau. C'est très difficile de la capturer avec les mots. Cette aire
d'expérience reflète la rythmique des relations précoces par
l'expérience de soins, d'être tenu dans les bras de la mère. C'est une
relation de forme au sentiment d'enveloppement, de tempo au
sentiment de rythme, de rigidité au sentiment de nervosité. Les
séquences, les symétries, la périodicité, le ‘moulage’ du peau à peau
sont des exemples de contiguïté, les ingrédients par lesquels les débuts
de l'expérience de soi rudimentaire surviennent » (Ogden, 1989, pp.30-
31191).
La contribution clé se trouve ici dans ce que la contiguïté des surfaces
génère une expérience de surface sensorielle, plutôt qu'un sentiment dans
lequel deux surfaces entrent en contact soit par opposition différentielle ou par
fusion.

V. Bc. Modèles relationnels


Des modèles relationnels différents dans le paysage conceptuel nord-
américain ont mis l'accent sur la subjectivité analytique, sur les questions relatives au
genre et la sexualité, le traumatisme, le développement précoce et les états primitifs
(Harris, 2011). D'une exploration du paysage, Harris reflète que malgré de
nombreuses composantes, beaucoup d'influence et de figures notoires, Mitchell (1988,
1993 a and b, 1997, 2000) a été le catalyseur, l'auteur et le penseur qui a lancé ce
mouvement. (p. 704).

191
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

534
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V. Bca. Jay Greenberg et Stephen Mitchell


Dans leur ouvrage intitulé Object Relations in Psychoanalytic Theory, (Les
relations d'objet dans la théorie psychanalytique) (1983), Greenberg et Mitchell
affirment que le point de focalisation de la psychanalyse clinique a toujours été la
relation du patient avec les autres. Comment ces relations surviennent-elles ?
Comment fonctionnent-elles ? Comment ces relations sont-elles transformées ?
Comment comprendre les relations aux autres dans le cadre de la théorie
psychanalytique ? Ils considèrent que nous avons été confrontés à deux solutions de
base au problème de l'identification des relations au sein de la théorie
psychanalytique : le modèle de la pulsion dans laquelle les relations aux autres sont
générées et façonnées par le besoin de gratification des pulsions et les autres modèles
relationnels selon lesquels les relations elles-mêmes sont primaires et irréductibles. Ils
cherchent à situer les divergences et le jeu entre les deux modèles, ainsi que les
stratégies complexes adoptées par les plus grands théoriciens, dans leurs efforts à se
positionner eux-mêmes par rapport à ces modèles. Ils démontrent encore combien de
nombreuses controverses et modes de diagnostic, ainsi que dans la technique
psychanalytique, peuvent se comprendre pleinement et uniquement dans le contexte
de la dialectique entre le modèle de la pulsion et les modèles relationnels. Cet ouvrage
considère une grande diversité d'auteurs tels que Klein, Winnicott, Kernberg et Kohut
qu'ils rejoignent dans leur implication vis-à-vis la primauté des liens objectaux et de
l'expérience ‘relationnelle’.
Après l'année 1983, Mitchell (1988, 1993,1997, 2000) continua de développer
la perspective relationnelle et notamment les questions métapsychologiques, les
processus cliniques, les modèles de l'esprit et l'évolution dyadique du travail
analytique. En 1993, dans son ouvrage Hope and Dread in Psychoanalysis (l'Espoir
et l'angoisse dans la psychanalyse), Mitchell présente la révolution relationnelle avec
un ‘r’ minuscule : une révolution dans ce que l'analyste sait (en écho à Lacan...) et une
révolution en ce que le patient veut (en écho à Ferenczi) (Harris, 2011, p. 704). Plus
tard, lorsqu'il renoue avec le point de vue de Loewald sur le développement précoce,
Mitchell commence à s'interroger sur les aspects de la relationnalité qui émergent
dans les premiers attachements.

V. Bcb. Concepts fondamentaux de la pensée relationnelle


Parmi les concepts fondamentaux de divers modèles relationnels, nous avons :
1. Les psychologies à deux personnes ‘two-person’ : l'idée que l'esprit émerge dans la
matrice des relations sociales ; l'esprit est interpersonnel et à la fois individualisé. Par
le travail de Ghent (1990, 2002), la vision dyadique de l'espace transitionnel et des
objets transitionnels de Winnicott sont devenus des composants forts de la pensée
relationnelle. Pour les analystes-chercheurs tels que Beebe (Beebe et Lachman, 2005),
Seligman (2003, 2005), ainsi que pour le groupe d'études des processus de

535
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changement de Boston (Boston Change Process Study Group) (Stern, Sandler, Nahum
et al., 1998), ces idées découlent d'observations entre l'infans et ses parents. Les
études d'observation ont déterminé des fondements pour comprendre la vie
relationnelle de la petite enfance avec des implications pour la théorie clinique et
technique de la psychanalyse relationnelle, dont la ‘régulation mutuelle’, la ‘rupture et
réparation’, les ‘moments émotionnels intenses’ (Beebe and Lachman, 2005), et les
propriétés transformatives des moments ‘présents’ (‘now moments’) (Stern et al.
1998). La dimension temporelle de l'intersubjectif et de l'intrapsychique de Hoffman
(1998), où le passé se construit en même temps que le futur dans le sens de la
construction sociale de réalités partagées et individuelles, le travail de Benjamin
(1988, 1995, 1998) sur la complémentarité, les formes distinctes de la tiercéité
(‘thirdness’), la dyade de l'être toujours plus grande que la dualité (‘two-ness’) et, plus
récemment, le concept de ‘témoignage’ dans le processus clinique, lequel illustre la
fragilité, l'instabilité et l'incertitude des limites au sein du contexte interpersonnel et
relationnel de ‘se connaitre’, sont tous des exemples de la richesse conceptuelle des
psychologies ‘two-person’ qui émergent des différentes écoles relationnelles.
2. Le constructivisme social : la régulation sociale influencée par Fromm (1941) et
Levenson (2006) est tirée de la tradition interpersonnaliste qui considère que la
culture est une influence majeure sur la psyché individuelle. En ce qui concerne le
genre et la sexualité, les insights de Foucault (1988) et d'Althusser (1970) ont eu un
rôle d'influence. De nos jours, Dimen (2003) et Goldner (1991, 2003) font partie de
ceux qui travaillent dans cette tradition en se focalisant sur le dialogue de
l'inconscient et de la socialité, du corps et de la culture au regard du féminisme
psychanalytique et d'autres thèmes transformatifs. En effectuant la déconstruction de
la masculinité, Corbett (1993, 2009) positionne son travail dans une théorie
relationnelle et queer.
3. Etats multiples de soi : la métapsychologie relationnelle qui reflète une certaine
préoccupation vis-à-vis des états identitaires, et qui est alimentée par un processus
dissociatif à différents niveaux d'intensité, explique en grande partie le travail
dyadique analytique relationnel. ‘L'hybridité’, la ‘multiplicité’, le déplacement des
états de soi, les ‘clivages verticaux’ et les ‘dissociations’ peuvent tout autant
représenter des signes de traumatismes que faire partie des modèles normatifs de
l'esprit (Bromberg, 1998, 2006 ; Davies and Frawley, 1994). Sur cette même veine,
Ferenzci (1911, 1932) s'intéressait au départ à la communication inconsciente des
expériences traumatiques ; ses concepts ‘d'identification à l'agresseur’ et du
‘nourrisson savant’ continuent jusqu'à ce jour à être focalisés sur le traumatisme et la
transmission intergénérationnelle par la parole, le corps et d'autres manières d'entrer
en relation. Certains des travaux relationnels contemporains sur l'incarnation
(‘embodiment’) dans le contexte de l'attachement problématique (Gentile 2006 ;
Anderson 2009 ; Seligman 2009 ; Corbett 2009) et le travail sur la honte qui en
résulte (Lombardi 2008) sont tous des exemples d'orientations contemporaines dans
ce domaine.

536
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4. Le développement, la motivation, la fonction émergente : opposé au départ à ce


qu'il qualifiait de ‘bascule développementale’ dans la théorie freudienne classique,
Mitchell, à son tour, en réaction à la notion selon laquelle la subjectivité humaine,
selon Loewald, apparait dans la matrice relationnelle dès le début comme un lieu de
densité primaire duquel les états objectaux et la subjectivité émergent (Harris, 2011,
p.714), est devenue progressivement orientée sur le développement. Stein présente sa
conceptualisation ‘two-person’ de la sexualité émergente en employant les concepts
‘d'implantation’ et de ‘l'excès de l'autre’ de Laplanche, selon laquelle la ‘sexualité en
tant qu'excès’ survient de l'interaction entre d'adulte et l'enfant (Stein, 2008).
5. Le processus clinique marqué par la focalisation sur l'ubiquité du contretransfert :
faisant suite aux premières empreintes de Ferenczi (1911, 1932), aux idées relatives
au contretransfert de Heimann (1960) et au travail développemental sur
l'identification projective de Bion (1959), la théorie clinique relationnelle fonctionne,
comme le dit Harris, comme une théorie des systèmes radicaux (Harris, 2011).
L'accent est posé sur les influences bidirectionnelles entre la paire analytique.
L'authenticité, l'honnêteté et probablement la divulgation (Davies, 1994 ; Renik,
2007) des faux pas et des erreurs de l'analyste pourraient être mis en pratique de
différentes manières, mais elles constituent la base de la pratique clinique
relationnelle de même que la ‘vulnérabilité de l'analyste’ et ‘l'impasse’ (Aaron 2006 ;
Harris et Sinsheimer 2008).
Parmi les nombreuses contributions de la pensée relationnelle et les approches
cliniques susmentionnées, la controverse contemporaine implique à quel point la
dyade analytique est considérée comme une co-construction historique et en même
temps une duplication de l'unité mère-enfant. (Voir aussi les entrées CONFLIT,
L'INTERSUBJECTIVITÉ)

V. Bd. La Self psychology : L'objet du Self


Les psychologues du self remarquent qu'il est important de faire attention au
concept de ‘l’internalisation’ en ce sens que c'est une figure de style qui ne nécessite
pas, ou qui ne devrait pas, être trop prise à la lettre. Ainsi, lorsqu'il est dit que la
théorie des relations d'objet représente une construction progressive des
« représentations dyadiques ou bipolaires (images de soi et d’objet) en ce qu'elles
seraient les reflets de la relation enfant-mère initiale » (Kernberg, 1976, p 57192), cela
n'indique pas nécessairement une transposition d’une activité concrète dans le monde
sur une ‘scène de théâtre’ à l'intérieur de la tête dans laquelle des répliques miniatures,
ou des ‘représentations’ ou des ‘images’ seraient en train de rejouer le monde externe.
‘L'internalisation’ peut très bien s'appliquer à des concepts qui ne nécessitent pas
d'avoir un sens physique ou géographique. Arnold Goldberg (1992), éditeur des séries
annuelles « Progress in Self Psychology » (Les progrès dans la Self psychology) et

192
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

537
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qui a largement contribué au développement de la théorie de Heinz Kohut, illustre


ainsi ce point de vue (communication orale avec Eva Papiasvili, 2015a) : « Nous
mettons de l'argent à la banque, nous sommes amoureux, ou bien dans le pétrin sans
avoir l'idée que l'argent sera littéralement stocké dans le bâtiment où nous l'avons
remis, sans s'imaginer que ‘l'amour’ et le ‘pétrin’ soient véritablement des lieux. Ce
sont des figures de style qui sont trop facilement rendues concrètes. Ce manque de
clarté est trop souvent répliqué lorsqu'on suppose que l'esprit est en quelque sorte
situé dans le cerveau, lequel est lui-même situé dans le crâne. Ainsi, le processus
d'avoir quelque chose ou quelqu'un à l'esprit n'est qu'une transposition, qui est
simplement et facilement réalisée par le biais d'une représentation.193 ».
En fort contraste à la séduisante propension à transposer sa vie dans une
dramaturgie minuscule à l'intérieur de son cerveau, se trouve la théorie de l'esprit
élargi (Rowland, 2013). Dans la mesure où les théories représentent surtout des outils
que l'on peut utiliser en cas de besoin, plutôt que d'être une valeur indicative de la
situation réelle, la notion d'esprit élargi est actuellement utilisée pour changer la façon
dont nous pensons les relations d'objet. Bien que cette théorie de l'esprit élargi fût au
départ supposée s'appliquer à la cognition, elle est volontiers et facilement utilisée en
psychanalyse dans les théories qui impliquent le self ou la personne. Brièvement, elle
considère que l'esprit n'a pas à être confiné à une place à l'intérieur de sa tête mais
plutôt élargi à des personnes et des évènements dans l'environnement. L'un des
meilleurs moyens de la représenter est par le phénomène qui consiste à ‘fixer des
yeux’. Les expériences ont démontré (Sheldrake, 2013) que les personnes sont
capables de sentir lorsque quelqu'un est en train de les fixer des yeux sans avoir
besoin de le vérifier visuellement. Il existe bien sûr des façons différentes de réfléchir
à la manière dont l'esprit capte cela dans son environnement et en effet, c'est bien la
manière ‘normale’ de penser des enfants. Cependant, nous observons la théorie de
l'esprit élargi tous les jours dans notre pratique psychanalytique, sous forme de
configurations particulières du transfert.
Lorsque Heinz Kohut (1971) a commencé à formuler ses idées au sujet de la
Self psychology, il s'est rendu compte que certains patients développaient des
transferts significatifs dans lesquels lui-même devenait un composant important du
soi du patient. Ainsi, il n'était pas un objet du passé réactivé par la régression et doté
d'une existence distincte et séparée, mais plutôt une partie du soi réactivée qui
expérimente l'analyste comme une partie constituante de cette personne, ou self. Ces
configurations de transfert pouvaient être catégorisées comme le transfert miroir, ou
idéalisant ou jumeau, considérées comme des moments normaux dans le
développement du Self. En ce sens qu'ils étaient essentiellement des composants ou
des parties du développement du Self d'un patient, ils sont devenus des ‘objets du
self’, plutôt que des objets distincts et séparés. Ils démontrent comment l'esprit va au-
delà du crane pour en capturer les autres en un répertoire élargi. Nous évoquons tous
les autres à nous rejoindre dans la construction de nos propres Self ; ce n'est pas une
193
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

538
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phase, que nous traversons et que nous passons, mais un processus continu par lequel
nous nous régissons et nous maintenons nous-mêmes.
Si l'on considère que les autres sont des aspects nécessaires de nous-mêmes,
cela nous oblige alors à modifier notre psychologie ‘two-person’, laquelle se focalise
sur les relations entre les objets, à une psychologie ‘one-person’ qui examine les
relations entre le self et ses propres objets du self.
Les implications concernées par les objets du self se déploient au-delà des
relations d'objet octroyées à la gratification des pulsions ou à leur frustration. Elles
sont en accord avec la définition de la théorie des relations d'objet de Fairbairn
(1944), qui désigne un ensemble d'hypothèses psychanalytiques et structurelles selon
lesquelles le besoin de l'enfant à entrer en relation avec l'autre est au cœur de la
motivation humaine. Cependant ces ‘relations’ ne sont pas des interactions qui sont
représentées ou reproduites dans le cerveau, mais plutôt des processus mentaux qui
sont réalisés dans le monde même. L'équation triste et regrettable entre l'esprit et le
cerveau nous a conduit à cet état de confusion. Bien que l'esprit soit certainement
généré par le cerveau, il ne peut être considéré uniquement comme tel, comme
beaucoup le supposent (Kandel, 2012) par souci, il semblerait, d'économie de mots.
Le cerveau, l'esprit et le self sont trois entités distinctes différentes. Le cerveau en tant
qu'organe génère l'esprit. L'esprit est un concept de la pensée et du sentiment qui
englobe le monde. Le self est la personne qui existe dans le monde et avec d'autres
personnes. Ces trois entités ne doivent pas être déclinées en une seule.
Pour reprendre les propos de Goldberg (lors de la communication orale avec
Eva Papiasvili, 2015b) : « Imagine, si tu le veux bien, une personne qui s'inscrit dans
l'école de commerce de Harvard. Il/elle est souvent présente à l'école de commerce
mais il/elle peut bien ne pas être souvent dans le bâtiment qui héberge l'école. Les
parents de l'étudiant imaginé viennent lui rendre visite afin de voir l'université où leur
fille ou fils est inscrit(e). On leur montre le bâtiment administratif, la médiathèque
ainsi que l'école de commerce mais une petite question innocente parait déconcerter le
guide. La mère de l'étudiant(e) souhaite savoir où l'université se trouve, mais on ne
peut que lui dire que l'université est à la fois partout et plus. Harvard n’est ni un
ensemble de bâtiments ni ne peut être localisée. C'est un peu la même chose avec
l'idée que l'esprit et le self n'est ni statique ni délimité. Harvard représente différentes
choses à des personnes différentes, comme c'est le cas pour les relations d'objet194 ».
(Voir aussi les entrées TRANSFERT, LA SELF-PSYCHOLOGY)

V. Be. L'essor des modèles de la ‘Troisième topique’ du fonctionnement


psychique

Des deux côtés de l'Atlantique, les analystes francophones, (Brusset 1988,


2005, 2006, 2013) ont adopté le terme « The Third Model » ou « troisième topique »
194
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

539
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pour rassembler rétrospectivement sous une unique rubrique métapsychologique le


travail d'un certain nombre d'auteurs postfreudiens sur le rôle de l'objet dans le
développement de l'appareil psychique. La désignation ‘troisième’ se rapporte au fait
que ce modèle a été progressivement élaboré par différents intellectuels de haut
niveau qui ont éprouvé le besoin d'ajouter la relation des figures parentales du
nourrisson aux prérequis à l'acquisition d'un appareil psychique apte à fonctionner
selon l'un ou l'autre des deux modèles freudiens de l'appareil psychique : le premier
étant le modèle topographique (Freud 1900) de la psyché en trois parties que sont le
conscient, l'inconscient et le préconscient, dont les règles de fonctionnement de
chacune ; le deuxième modèle freudien (1923, 1926), le modèle structurel, divise
l'appareil psychique en trois champs : le Ça, le Moi et le surmoi. Les premières
élaborations de Freud signifient implicitement que le sujet est en quelque sorte
conscient que la pulsion fait partie de lui et qu'il est forcé de la refouler par des
mécanismes de défense contre la nature inacceptable (pour le Moi) de cette pulsion.
Le second modèle propose une situation bien plus ambigüe dans laquelle, même dans
les conditions les plus idéales d'une différentiation interne claire de l'appareil
psychique, des portions significatives du Moi et du Surmoi restent inconscientes et le
Ça est rempli de matériel qui n’est jamais devenu conscient. Les écrits ultérieurs de
Freud témoignent d'une lutte par rapport aux implications théoriques et techniques de
ces découvertes. Néanmoins, l'affirmation selon laquelle les deux représentent des
modèles ‘one-person’ peut se défendre.
Les deux modèles de Freud décrivent la maladie névrotique comme un esprit
en guerre avec lui-même plutôt qu'avec le monde extérieur. Déjà, dans son ouvrage
Studies on Hysteria (Études sur l'hystérie) (1893-1895) Freud décrit l'expérience de
femmes qui sont devenues malades après avoir eu des pensées « inacceptables »,
profondément contraires à leurs idéaux éthiques ou à leur fierté. Chez ces femmes, et
sans recours à une aide extérieure, la mobilisation d'un fonctionnement interne
défensif a mis en quarantaine la pensée inacceptable. Ces femmes sont tout autant
capables de représenter le désir défendu que de pouvoir, même brièvement,
reconnaitre que c'est une partie inacceptable d'elles-mêmes. De plus, leur mécanisme
répressif de défense n'a pas détruit cette représentation. Le cas de Lucy R. est
exemplaire : sous le questionnement de Freud, elle confirme savoir qu'elle est
amoureuse de son employeur mais, « Je l'ignorais ou plutôt je ne voulais pas le savoir
Je voulais le chasser de mon esprit, ne plus jamais y penser, et je crois y avoir réussi
ces temps derniers » (Freud 1893-1895 : 117). Lorsque Freud lui présente ses
interprétations, Lucy R. peut accepter que c'est une explication raisonnable d'un
conflit interne et distinguer le fantasme ou l’accomplissement de désir de la réalité
externe.
La ‘troisième topique’ précise une toute autre réalité dans la préhistoire de la
personne, avant que son appareil psychique atteigne le niveau de perfectionnement de
l'esprit freudien explicité dans « The Interpretation of Dreams » (« L'Interprétation du
rêve ») (Freud 1900). Selon cette troisième topique, l'esprit n'est pas toujours capable

540
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de fonctionner selon son propre cercle de représentations et de les juger en tant que
telles. Pour commencer, il dépend du nebenmensch (Freud, (1950 [1895]), l'être-
humain-proche, qui consiste à s'assurer que la psyché n'est pas submergée par des
excitations internes et externes, et il dépend de surcroit de la figure parentale, de la
rêverie et des réactions tempérées, pour apprendre progressivement à distinguer le
fantasme de la réalité. La modulation de la stimulation par la figure parentale, qui fait
fonction de barrière aux stimuli, permet au nourrisson de reconnaitre éventuellement
que les pulsions d'agression et libidinales sont des parties non traumatiques de lui-
même. Ainsi, la troisième topique illustre une période dans la vie de chaque individu
avant le développement des deux autres. La troisième topique a été découverte
théoriquement en dernier lieu, mais elle précise une situation qui est précoce dans la
vie de chacun. « The Wolf-Man » (« L'homme aux loups ») (Freud 1918) révèle un
fonctionnement psychique tout à fait différent relatif aux sensations subjectives de
Lucy R. au sujet de « l’odeur d’entremets brulé ». Lors de l'hallucination de la perte
de son doigt, l'homme aux loups ne reconnait pas l’impulsion comme sienne et la
projette au dehors de lui-même. Son hallucination n'est pas qualifiée de
« subjective ». Son épisode psychotique ultérieur démontre en outre qu'il n'a pas
atteint le niveau de fonctionnement ‘one-person’ « névrosé ». L'interprétation de
Freud dans le sens de l'angoisse de castration, reliant la coupure du doigt à couper
l’arbre a produit aucun impact : l'homme aux loups n'avait pas atteint le niveau
d'appareil psychique nécessaire pour apprécier la richesse de déplacement de la
métaphore à propos de la pulsion.
Du point de vue du sujet inconscient, les personnes qui se situent dans une
dimension de névrose normale ont une vie ‘interne’, alors que les sujets borderlines et
psychotiques ne perçoivent pas que leurs pulsions ou fantasmes sont ‘internes’ (bien
que du point de vue d'une personne tierce, elles proviennent de l'intérieur). Pour que
le sujet puisse passer de la logique de processus primaire, où il perçoit que ses désirs
sont accomplis, à celui où il peut éprouver ses désirs dans un espace transitionnel de
vérité et de contre-vérité, l'intervention d'un parent suffisamment bon, dans sa
fonction de prothèse temporaire et de contenant, est nécessaire. Selon ce modèle,
chaque être humain débute sa vie dans une situation de traitement psychique ‘two-
person’, où le nourrisson et à la fois son environnement sont une unité opérationnelle,
et c'est uniquement avec le temps, grâce à un travail psychique considérable (la
plupart du temps inconscient) de la part des deux sujets concernés qu'une autonomie
relative intrapsychique ‘one-person’ peut s'installer. Ce modèle constituerait un
développement universel idéal que tous n'auront pas accompli, en général en raison de
carences dans la rencontre primordiale ‘two-person’. Selon ces penseurs du modèle de
la ‘troisième topique’ qui ont été nommés ainsi rétrospectivement, l'esprit ‘one-
person’ est une concrétisation, fluctuante qui peut se perdre dans des cas de stress
interne ou externe.

541
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V. Bea. L'objet, l'Autre réel et la pulsion


Alors que selon l'opposition, la ‘quête de l’objet’ et la ‘quête de plaisir’ dans
la constitution de la psyché a stimulé aux Etats-Unis un élan de pensée postfreudienne
créative, un corpus significatif de réflexion a dès le départ remis en question cette
opposition. Une thèse similaire pourrait être faite, concernant la controverse sur
l'importance relative des personnes/objets ‘réels’ par opposition aux objets internes,
ou le besoin de prendre en considération le ‘déficit’ plutôt que la ‘pulsion’. Aucune
théorie psychanalytique ne pourrait se soustraire à une confrontation au sujet du
double état de l'objet (Green, 1975), à la fois fantasmé et réel, interne et externe,
représenté et perçu. Les partisans de l'ajout d'un modèle métapsychologique ‘tierce’ à
notre arsenal théorique qui soulignent à quel point la pulsion et les relations d'objet
sont profondément reliés semblent s'accorder avec les relationnistes, qui comme nous
l'avons évoqué, sont en faveur d'une ‘dialectique’ entre le modèle pulsionnel et le
modèle relationnel. Il serait peut-être plus juste de penser la troisième topique en
termes pluriels puisque des auteurs différents ont abordé le rôle de l'objet de manière
si fondamentalement différente qu'une théorie ‘unifiée’ n'existe pas encore ou ne le
sera jamais. Alors que la conscience d'une convergence d'orientations théoriques et de
terrains d'études intenses sur le rôle de l'objet dans le développement de l'appareil
psychique devient plus généralisée, des précieuses opportunités d'échanges croisées et
de débats pourront avoir lieu. Pour illustrer ce point de vue, nous proposons de
brièvement citer six auteurs, dont les contributions dans ce domaine de réflexion ont
été de grande influence aux États-Unis : Lacan, Winnicott, Green, Laplanche, Reid et
Loewald.
De manière indépendante, mais presque simultanée, Lacan et Winnicott ont
tous les deux formulé un dilemme humain fondamental : afin de devenir quelqu'un,
chaque sujet doit passer par un autre réel, individuel, en conflit. Les deux auteurs font
état de la fonction miroir de l'objet, dans le cas de Winnicott (1967), pour retrouver la
réflexion de son propre « vrai » self, alors que pour Lacan, (1977 [1949]) cette
fonction de miroir marque le début d'une aliénation permanente dans lequel le Moi,
dans sa soif d'être l'objet du désir de l'autre, prend, pour être lui-même, d'autres
formes. La « réalité » de l'intrusion de l'autre qui préoccupe Lacan concerne non pas
les détails sur la personnalité ou certains aspects du comportement de l'autre, mais les
« signifiants », pour ainsi dire, avalés en même temps que le lait du sein de la mère.
C’étaient les tentatives identificatoires ‘d’épingler’ le sujet inconscient par les
discours conjugués de l'autre ‘proche’, c'est-à-dire la figure parentale du nourrisson, et
de l'autre ‘lointain’, situé dans la communauté et dans la culture, qui ont mené à ce
qu'un accent soit posé sur la détection des « signifiants » clé dans le traitement.
Aulagnier (2001[1975]), un ancien disciple de Lacan, a approfondi la compréhension
du rôle intime de la figure parentale du nourrisson dans « l'activité de représentation »
chez l'infans. Elle précise que pour l'infans il existe une certaine « violence
d'anticipation » dans « l'ombre parlée » du discours maternel. De plus, elle insiste sur
le rôle central de « l'action différée » de nommer l'affect (différé parce qu'il a lieu une

542
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fois que la mère a observé la réaction de l'enfant et avant que l'enfant ne puisse en
parler lui-même) ce qui, en désignant la relation de l'enfant aux autres qu'il a investie,
identifie et constitue le Je (p 97).
Pour Winnicott, l'objet joue également un rôle essentiel dans la naissance d'un
appareil psychique qui fonctionne, qui soit capable de faire la distinction entre
fantasme et perception. L'objet gère cette transformation et construction au travers de
deux moyens d'interaction avec l'enfant. Il y a premièrement, ce qui est « trouvé-
créé » dans l'offre empathique, au bon moment, de la mère qui apparait exactement
quand l'enfant en a besoin. Puis, la « survie » de l'objet à être « utilisé » en tant
qu'objet des pulsions aide l'enfant à différencier ses désirs de la réalité externe.
Winnicott (1960 b, p. 141) affirme que pour l'enfant les pulsions instinctuelles et les
affects sont tout autant étranger au Moi qu'un coup de tonnerre. Par une négociation
réussie de deux catégories d'interactions que sont le « trouvé-créé » et « l'utilisation de
l'objet » (1953, 1969), l'enfant subjective progressivement la pulsion et la distingue
des forces environnementales. Ainsi le caractère particulier de la « rencontre » entre
l'élan spontané, dirigé sur l'objet de l'enfant, et la « réponse » du parent, façonne
littéralement, si on peut dire, l'expérience intrapsychique du sujet. Avant que la
pulsion puisse être ressentie comme faisant partie de soi-même, elle doit bifurquer par
la réponse de l'autre externe ; de cette façon, et plutôt que d'être simplement « innée »,
la pulsion est essentiellement « construite » dans la relation avec l'autre.
Un autre insight winnicottien majeur dans le rôle de l'objet a été étudié
intensément par Green (1975, 1985, 2005, 2007, 2011), qui est la qualité de la
présence psychique que permet l'Autre figure parentale externe. Trop, ou trop peu
submerge le Moi émergent de stimulation, ce qui constitue un handicap pour le
potentiel transformateur du nebenmensch. Green souligne que la capacité
winnicottienne « [d’]être seul en présence de l'autre » (1958) demande au parent
suffisamment bon la capacité de rester à une certaine distance optimale, c'est-à-dire
optimalement absent. Selon Green, cette absence ne constitue pas la « perte », mais
une « présence potentielle, condition de possibilité non seulement des objets
transitionnels, mais aussi de ces objets potentiels nécessaires à la formation de la
pensée » (1975, p 14). Dans sa lecture de Winnicott, Green développe de manière
créative l'insight double lacanien du rôle de « l'absence » dans la vie psychique : que
le langage est fondé sur la capacité de représenter un objet absent et/ou de s'extraire
de sa présence concrète, en illustrant la distinction qui existe entre la plénitude
fantasmatique dyadique de l'imaginaire et la castration triadique du symbolique.
Green (2007) invente éventuellement l'expression « objectalisation » pour
dénoter la capacité, « dans une solitude peuplée par le jeu » de générer une nouvelle
catégorie d'objets en investissant des éléments, dans le monde externe, et dans
l'espace transitionnel de la culture et des idées par la pulsion. En approfondissant
davantage son appréciation de l'absence au cœur de la structure psychique, Green
(1999) met en évidence le « travail du négatif » pour décrire les nombreuses façons
que le Moi utilise pour se défendre contre la crise. Ce sont des exemples de processus

543
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psychiques qualitativement différents qui varient selon la capacité du sujet à «


absentifier » l'objet à l'intérieur de lui-même, c'est-à-dire de symboliser l'objet plutôt
que d'avoir besoin de sa présence concrète ou de son substitut. Ce qui est donc en jeu
n'est pas l'incorporation de l'objet mais la réalisation d’une « absence » au cœur du
self (Pontalis, 1988). Green l'appelle le « vide structurant », similaire à l'espace à
l'intérieur d'un vase. Ainsi, la fonction de l'objet est paradoxale ; il est là pour
stimuler, pour réveiller la pulsion et en même temps la contenir. Un objet qui manque
trop tôt ou bien qui est trop intrusif, met le sujet dans une situation intolérable d'excès.
La parentalité déficiente, au lieu de rendre la pulsion tolérable, l'empire : en exposant
le bébé à une surcharge instinctuelle et pulsionnelle, trop de « présence » de la part de
l'objet empêche paradoxalement le déroulement de la potentialité représentationnelle
du bébé, plutôt que de la faciliter.
La reformulation ambitieuse des Nouveaux fondements pour la psychanalyse
(Foundations of Psychoanalysis) de Laplanche (1989) apporte une autre vision de la
relation entre l'objet et la pulsion. Comme Green, Laplanche avait beaucoup
d'influence chez les analystes francophones au Québec. Laplanche (1993, 1999)
critique la nature « ptolémaïque » de la vision freudienne qui situait la psyché
individuelle au cœur de sa destinée. Laplanche, quant à lui, considère que la
« situation anthropologique » fondamentale de la petite enfance est complètement
décentrée par la « priorité » de l'autre, faisant de la petite personne une
« copernicienne » dans sa révolution autour de l'adulte. La drastique asymétrie entre
l'adulte et l'infans sur laquelle Laplanche met l'accent, en raison de son immense
conséquence pour la structure psychique de l'infans, repose sur le fait que l'adulte est
un être sexuel et doté de parole et d'un inconscient, alors que le bébé n’est ni sexuel ni
capable de parler et n'est pas encore divisé intérieurement. A peine deviné par
l'intuition de l'adulte, se réalise le déclenchement de sa sexualité infantile inconsciente
dans l'intimité primaire avec le corps de l'infans. Cette sexualité inconsciente
« contamine » les échanges intimes avec l'infans, sous forme de « messages
énigmatiques » que le bébé n'a pas le moyen cognitif, émotionnel ou corporel de
décoder. De tels messages énigmatiques de la sexualité inconsciente de l'adulte
suscitent la pulsion et le fantasme inconscient sous forme d'une « pression interne à la
traduire » de la part de l'infans. Pour Laplanche, cette sexualité énigmatique
représente, par sa nature, la sexualité infantile que Freud avait découverte. Cette
sexualité n'est pas innée mais implantée par l'autre réel, bien que la réalité qui compte
(dans un dérivé fortement critique et une refonte de Lacan) est la réalité du
« message », une tierce réalité que Laplanche ajoute aux réalités psychiques et
matérielles freudiennes. Ainsi, la sexualité humaine, pour Laplanche, par laquelle il
signifie la sexualité médiée par le fantasme, provient de l'autre et est « autre »
(étrangère au Moi).

Reid (2008a, 2008b, 2010, 2015) est un autre auteur qui s'est investi dans de
profondes réflexions sur le rôle que la figure parentale réelle, individuelle, joue à
transformer l'appareil psychique. Reed, et d'autres tels que les Botellas (2004, 2007),

544
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Brusset (1988, 2005b, 2006, 2013) et Seulin (2015) considèrent que non seulement la
découverte de Freud au sujet de la pensée du processus primaire a fait apparaître un
mode de fonctionnement hallucinatoire entièrement inconscient en termes d'un état
d'esprit infantile dominant chez l'humain, mais aussi que l'installation du principe de
plaisir au cœur de l'appareil psychique n'est pas un plaisir acquis mais qui résulte du
plaisir partagé par l'environnement et l'infans autour de la satisfaction d'un besoin.
‘L'état d'esprit’ freudien, comme le révèle l'ouvrage « L'interprétation des rêves », est
un esprit capable de distinguer la représentation de la perception, le désir du fait
externe. Alors qu'en ce qui concerne l'inconscient, Freud avait observé, en 1897,
qu'un désir investi affectivement est virtuellement impossible à distinguer d'une
perception. En tant que tel, l'inconscient fonctionne constamment de manière
potentiellement traumatique en ce sens que la pensée est immédiatement présumée
signifier l'action. La transformation, ou devrions nous dire plutôt, l'ajout d'un second
mode de fonctionnement cognitif qui inhibe le premier (le processus secondaire que
Freud avait désigné) requiert une intervention opportune et bénévole de l'objet. Le
holding, la rêverie et la réponse inadaptés, qui proviennent des figures parentales dans
la petite enfance, ont de surcroit l'effet regrettable de laisser une grande partie du
traitement inconscient du sujet à un niveau de fonctionnement magique et
intrinsèquement traumatique. En revanche, lorsque l'environnement a été
suffisamment bon, la « réalité » même devient simultanément perceptuelle et
hallucinatoire alors que la rencontre de l'enfant avec le monde extérieur est portée par
l'illusion créative de ses propres pulsions. De ce point de vue, la pulsion de mort est le
dérivé toxique de l'échec de la représentation imprégnée des pulsions.
Loewald, aux U.S.A., contemporain de Lacan, Winnicott et Green, avait
également rejeté la notion de l'indépendance des relations d'objet par rapport aux
pulsions dans une « révision du concept de l'instinct lui-même » (1972, p 324).
« Nous suggérons que les pulsions instinctuelles, considérées comme des forces
psychiques, soient conceptualisées de sorte qu'elles sont organisées par les
interactions au sein du champ psychique primitif mère-enfant unifié plutôt qu'en
termes d'acquis constitutionnels ou innés » (p 324) 195 . Par l'importance qu'il avait
accordé au concept freudien de « liaison » (Bindung), Loewald a réalisé que les
implications relationnelles non apparentes chez Freud, où la fusion et la défusion, la
liaison et la déliaison, pourraient sembler survenir dans un vide sans objet. Loewald a
observé que la liaison des instincts fait appel à la « médiation » de l'objet, tant au sens
de leur « apprivoisement » que de leur « représentation ». De cette façon, il semble
faire écho à la notion des « besoins du Moi » de Winnicott au sujet duquel Winnicott
déplorait « […] la lenteur de quelques-uns à comprendre que les besoins d’un
nourrisson ne se réduisent pas aux pressions de l’instinct, aussi importantes soient-
elles. » (1965, p 86). Bien qu'il traduise, comme, Strachey, le terme « Trieb » par
« instinct », la pensée de Loewald appartient à la rubrique des contributions de la
« troisième topique », comme l'indique la citation suivante :

195
Citations traduites pour cette édition (N.d.T)

545
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« Tout, en ce qui concerne les forces psychiques, que nous pourrions appeler
les pulsions instinctuelles, surviennent et sont organisées au départ dans la
matrice du champ psychique mère-enfant unifié, à partir de laquelle la psyché
infantile, par de nombreux processus interactionnels au sein de ce champ, se
détache progressivement vers une aire d'activité psychique plus autonome.
Selon ce point de vue, les pulsions instinctuelles, dans leur forme d'origine, ne
sont pas des forces immanentes au sein d'une psyché primitive distincte, mais
elles résultent des tensions dans la matrice psychique mère-enfant et plus tard
entre la psyché infantile immature et la mère. En d'autres termes, nous
considérons que les instincts sont des phénomènes relationnels dès le début et
non pas des forces autochtones en quête de décharge, où l'on comprend par le
mot ‘décharge’ une sorte de vidange du potentiel d'énergie, dans un système
fermé ou vers l'extérieur.196 » (Loewald 1972, p 321f).
Loewald était également explicite au regard de la symétrie nécessaire à
« l'organisation psychique à deux niveaux » qui était impliquée dans ce processus :
mère/enfant, analyste/patient. L'article de Roussillon, « The Function of the Object in
the Binding and Unbinding of the Drives » (« La fonction de l'objet dans la liaison et
la déliaison des pulsions »), en 2013 représente une suite aux réflexions sur les deux
solitudes qui ne contient aucune référence au travail de Loewald. L'asymétrie
inéluctable de la « situation anthropologique fondamentale » était un point très cher à
Laplanche (1999), bien qu'il fût moins concerné par la maîtrise plutôt que le caractère
sexuel déstabilisant de l'intrusion inconsciente de la figure parentale. Ces deux
fonctions doivent être prises en compte afin d'englober l'éventail complet de l'impact
de l'objet sur le sujet. Selon l'opinion de Seulin (2015), le caractère « démoniaque »
de (certaines) sexualités, sur lequel Laplanche et Freud insistaient, est davantage la
conséquence d'un objet en échec par rapport à son rôle, que la qualité « énigmatique »
de ses messages. Voir, cependant, Stein (2008) pour un point de vue à l'opposé.
Plusieurs des auteurs qui ont été sélectivement regroupés ici sous la
dénomination de concepteurs de la « troisième topique » semblent avoir les mêmes
conclusions au sujet de l'inefficacité relative du travail interprétatif classique avec des
personnes qui fonctionnent autrement que selon le spectre de la névrose. La valeur
thérapeutique est déplacée sur la fonction de contenant (container) et de facilitateur
de l'analyste au regard de la capacité du patient à éprouver, verbaliser et représenter.
Winnicott parlait de « holding et handling » et de la « capacité à jouer », Bion (1962a,
1962b) renvoyait à la « rêverie », Green (2003/2005) avait proposé de mettre au
travail la représentation, Aulagnier (1977) insistait sur le droit d'avoir ses propres
pensées secrètes, Reid (2008a, 2008b, 2010, 2015) faisait référence à l'accès à la
transitionnalité et aux processus psychiques « tertiaires », Roussillon (1991 ; Casoni
et al, 2009 ; Daoust, 2003) au « médium malléable » et Loewald (1960, 1970, 1971,
1972) à la « médiation » et aux « interactions intégrantes » du parent et de l'analyste.
Ce qui est apparent dans ces travaux est un autre corolaire qui semble converger dans
196
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

546
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la même direction que de nombreuses autres orientations psychanalytiques et avec


lesquelles Freud lui-même aurait été en accord, c'est-à-dire la conclusion que la santé
mentale et la résilience sont associées à une fluidité optimale des structures
intrapsychiques ainsi qu'à une liberté identificatoire relative dans les relations. (Voir
aussi les entrées L'INCONSCIENT, L'INTERSUBJECTIVITÉ)

VI. LA CONTRIBUTION LATINO-AMÉRICAINE

Les conceptualisations relatives aux théories des relations d'objet en Amérique


Latine, particulièrement en Argentine, étaient liées à la théorie kleinienne et ses
développements principalement chez Bion, Meltzer et Winnicott.
La généalogie première de la théorie de Klein a émergé à partir de sa
psychanalyse des jeux des enfants. Klein avait observé que le jeu de l'enfant
personnifie ses sentiments et ses pensées. Les jouets représentent des personnes, des
situations, des sentiments de haine, des ennemis persécutants, des désirs aimés, des
folles théories de la sexualité, des implosions corporelles et ainsi de suite.
Le jeu n'est pas, pour l'enfant, seulement une façon de contrôler, ce qui doit au
début sembler inconnaissable et dangereux. Les jouets eux-mêmes sont traités comme
s'ils avaient des sentiments : ils vivent, sont inquiets, meurent et tentent de détruire.
C'est dans ce sens que l'on peut les définir comme des appréhensions fantasmatiques
du monde extérieur. Les objets internes ne sont pas des ‘représentations’ comme elles
peuvent l'être dans les souvenirs ou dans des fantasmes conscients (rêves éveillés).
Les objets semblent constituer la substance du corps et de l'esprit (Hinshelwood 1991,
pp. 71–72).
Le concept des ‘objets internes’ se comprend dans le contexte de l'entière
métapsychologie kleinienne, en interaction avec d'autres hypothèses principales, telles
que : l'existence de la pulsion de vie et de la pulsion de mort, une théorie du
fonctionnement mental précoce qui formule l'existence d'un Moi capable de percevoir
l'angoisse ; le développement du Moi et des mécanismes de défense primitives,
l'hypothèse des fantasmes inconscients et la théorie de la position schizo-paranoïde et
dépressive (Bianchedi,1984).
Le travail de deuil mène directement à celui de la construction d'un monde interne
dans, et au travers de, la position dépressive. Les relations externes sont gouvernées
par les relations internes. Klein souligne le caractère concret et même physique des
expériences liées à ce monde interne. La théorie du monde interne organise les
relations entre les objets de ce monde. La substance de ce monde consiste en des
fantasmes inconscients, profonds et primordiaux : ils font surface à la conscience par

547
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des « memories in feelings », souvenirs en forme de sentiments, ou de sensations,


souvent de nature hypocondriaque.

VI. A. Conceptualisations originales d'Amérique Latine

VI. Aa. Horacio Etchegoyen : Le transfert précoce


Etchegoyen (1982) considère que l'un des deux principes explicatifs
différenciés est à la base de tous les cadres conceptuels : le narcissisme primaire et les
premières relations d'objet. Ces deux principes font appel à une décision entre l'un et
l'autre.
Justement, Diana Rabinovich (1990) questionne cette différenciation. La
théorie de la symbiose que Bleger décrit (1967) comme la position « glischrocaric »
peut se voir comme une alternative intermédiaire entre le narcissisme et les relations
d'objet. La description de Bleger commence au stade narcissique primaire, dans lequel
le sujet croit que l'objet fait partie de lui-même ; ce n'est que par des expériences
répétitives de frustration qu'il reconnait que quelque chose de différent de lui existe, et
que cela ne lui appartient pas.
Cependant, pour Etchegoyen, tout le travail de Freud s'appuie sur le concept
du narcissisme primaire. L'objet auquel Freud fait référence dans son ouvrage « Three
Essays on the Theory of Sexuality » (« Trois essais sur la théorie sexuelle ») (1905)
est l'objet de la pulsion ; il est uniquement contingent et sans entité aucune, au point
qu'une relation stable avec l'objet serait pathologique, définie comme un ‘point de
fixation’. Pour Freud, les relations d'objet deviennent concevables uniquement après
que le nouvel acte psychique inaugure la constitution du Moi (Freud, 1914).
Etchegoyen considère que la théorie des relations d'objet est le patrimoine de
l'école britannique : Jones, Klein, Fairbairn, Winnicott, Balint, Paula Heimann entre
autres. Ce que ces auteurs ont en commun est la reconnaissance de l'importance des
relations d'objet et d'un monde interne, qui résultent des processus d'introjection et de
projection.
Selon Etchegoyen, l'article de Jones, « Hate and Anal Erotism in the Obsessional
Neurosis » (« Haine et érotisme anal dans la névrose obsessionnelle ») (1913),
marque un tournant important dans l'histoire de la théorie psychanalytique. C'est pour
la première fois que, dans cet article, l'érotisme anal n'est pas pris pour une
manifestation autoérotique : il représente une relation d'amour et de haine par rapport
à la mère qui éduque et donne des soins à l'enfant. Le concept d’aphanisis de Jones
comprend des éléments rudimentaires de la théorie des relations d'objet, mais le
développement de cette notion est en grande partie attribuée à Melanie Klein et à
Fairbairn ensuite.

548
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L'importante contribution d'Horacio Etchegoyen à l'exploration des premières


relations d'objet dans le processus psychanalytique concerne la clarification qu'il
propose à propos du transfert précoce, en ce qu'il serait une forme particulière de
névrose transférentielle qui nécessite d'être interprété. Les points centraux qui
définissent le concept du transfert précoce sont l'existence d'une relation d'objet dès le
début de la vie humaine (Klein 1955) et la notion du fantasme inconscient. La
présence d'un transfert précoce qui reflète un développement précoce donne la
possibilité d'étudier ces phases préverbales dans lesquelles il n'y a aucun
enregistrement préconscient des souvenirs et qui couvre le stade préœdipien décrit par
Freud. Cela ouvre une piste pour tester les théories qui tentent d'expliquer les phases
précoces du développement et du conflit.

VI. Ab. Leon and Rebeca Grinberg : Les modalités des relations d'objet dans le
processus psychanalytique
Les Grinberg (1981) considèrent que les relations d'objet ne peuvent
s'expliquer en dehors de leur lien à la notion de l’« objet » (la nature de l'objet avec
lequel le sujet entre en relation) ainsi que l'« espace » et le « temps » dans lesquels il a
lieu. Les auteurs considèrent que la qualité du fonctionnement d'une relation d'objet
donnée dépend de l'état psychique et émotionnel du sujet, de la nature de l'objet, ainsi
que de l'espace et le temps dans lesquels cette relation a lieu. Des différents niveaux
de fonctionnement de ces relations dépendront de la prédominance d'une personnalité
psychotique ou névrosée et de l'interaction entre les deux membres du couple
analytique.
Parmi les différents types de relations d'objet qui peuvent se manifester dans
l'échange clinique, ils en dessinent trois types : ceux qui tendent de tisser un lien
« one-ness », ou lien d’unicité primitive » avec l'analyste en tant qu'objet ; ceux qui
essaient de créer un « lien de dualité » et ceux dans laquelle la relation triangulaire
prédomine (que ce soit avec des objets entiers ou partiels).
Le lien « one-ness » : certains patients vont régresser à un stade de non-intégration
d’un niveau très primitif. Ils se sentent fragmentés et ont besoin que l'analyste puisse
contenir leurs multiples parties et intégrer leurs morceaux. Le besoin de trouver un
contenant entraîne la recherche frénétique d'un objet jusqu'à ce qu'une fonction
contenante puisse être internalisée. D'ici là il n'y a qu'un espace interne très
rudimentaire, avec toutes ses confusions au sujet non seulement de sa propre identité
mais aussi celle de l'objet. Dans la situation analytique, lorsque le patient régresse
dans un état de non-différentiation et de non-discrimination, il tente d'établir une
relation avec l'analyste par le biais d'une prépondérance de fantasmes magiques et
omnipotents. Les auteurs font la distinction entre deux modalités de relations d'unité :
l'une, pathologique, prédomine habituellement dans des moments de séparation,
lorsque le patient est absolument persuadé que l'analyste connait tout du patient, tout
sur ses fantasmes et sentiments sans qu'il lui soit nécessaire de les verbaliser. L'autre

549
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est une relation créative d'unité, la conséquence d'une régression bénigne qui favorise
un état de fusion avec l'objet, un état d'illusion d'unité qui engendre la confiance et la
sécurité pour le développement d'un processus créatif. Si l'analyste est capable de
faire la distinction entre les deux types de relation tout en gardant une distance
optimale (ni trop proche pour ne pas provoquer la confusion, ni trop lointaine pour
devenir un contenant), cela permettra au patient de se rapprocher d'une relation de
dualité.
« Le lien de dualité » trouve son origine dans la relation primitive dyadique du
nourrisson avec sa mère ; le contenant et le contenu. Les auteurs font une description
des variétés différentes du lien dual :
*Ceux qui vivent dans un monde bidimensionnel se sentiront collés à la surface de
l'objet pour ainsi devenir l'objet et imiter son apparence et son comportement.
*Un autre type, plus étouffant et symbiotique, dans lequel existe une soumission
mutuelle entre les deux membres de la relation.
*Encore un autre type prend la forme d'une alternance dans la projection des
angoisses psychotiques.
*Lorsqu'une partie de la personnalité plus mûre et plus intégrée est impliquée dans
une relation duelle, le lien émotionnel entre le couple sera plus solide et positif, tout
en préservant l'autonomie de chaque membre.
« Le lien triangulaire » : les auteurs maintiennent une certaine distinction
entre la relation triangulaire fondée sur une relation simultanée avec deux objets
partiels, et la relation impliquée dans le conflit œdipien qui est caractérisé par l'amour,
la jalousie et la rivalité avec les objets totaux, les objets sexuellement différenciés et
autonomes. Soit l'objet idéalisé ou persécutoire est projeté dans le transfert, alors que
l'autre est projeté sur une figure externe. Dans d'autres périodes, les deux objets,
persécutoires et idéalisés, peuvent être projetés sur différents aspects de l'analyste.
(Voir aussi les entrées L’ENACTION, LE CONTRETRANSFERT)

VI. Ac. Madeleine et Willy Baranger : La situation analytique comme champ


dynamique
Baranger et Baranger (1961-1962) considèrent que la situation analytique est
un champ bipersonnel. La situation analytique est un champ de couple structuré sur la
base d'un fantasme inconscient, qui n'appartient pas uniquement à l'analysant, mais
aux deux parties. Dans ce sens, la théorie du champ dynamique est une contribution à
la théorie des relations d'objet, comme elle l'est dans la situation analytique. L'épreuve
consiste non seulement à comprendre le fantasme fondamental de l'analysant, mais
aussi à trouver l'accès à quelque chose qui est construit dans une relation-couple. Ce
fantasme bipersonnel inconscient, objet de l'interprétation de l'analyste, est une
structure constituée de l'interaction des processus d'identification projective et

550
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introjective et des contre-identifications qui agissent avec leurs différentes limites,


fonctions et caractéristiques chez le patient et l'analyste.
Les Baranger intègrent ici les théories Gestalt avec le concept du fantasme
inconscient de Susan Isaacs, les deux modalités d'identification (projective et
introjective) de Klein et la théorie de contre-identification projective de Grinberg.

VI. Ad. Elizabeth Tabak de Bianchedi : De l'objet au lien. À la découverte de la


relation
Tabak de Bianchedi (1995) souligne l'importance du lien et des fonctions du
lien, ou de liaison, dans le travail de Bion en ce qu'ils expriment essentiellement les
nombreux aspects de la relation. Tabak Bianchedi précise que même si l'importance
des objets (internes et externes, partiels et entiers, etc.) a été relevée par Fairbairn,
Balint, Winicott et Klein, c'est bien Bion qui accorde une attention particulière à la
relation, davantage qu'aux objets, en utilisant le concept du lien.
Elle considère que son idée concernant la liaison ou de la fonction de liaison
qui relie deux objets (deux esprits humains) est l'une des contributions majeures de
Bion à la pensée, à la compréhension et au travail analytique.
L'une de ses contributions à la théorie des relations d'objet fut de clarifier ce
que Bion propose quant à ce qui est introjecté par le nourrisson dans sa relation
précoce avec la mère. Cette clarification est fondée sur sa compréhension de la remise
en cause que Bion a effectuée des idées de Klein au sujet du bon objet partiel (le sein
de la mère) : le noyau du Moi du nourrisson, introjecté dans les premiers mois de la
vie. Tabak Bianchedi a clarifié comment Bion a modifié le concept du bon sein
concret, morphologique ou anatomique vers un concept fonctionnel/physiologique.
Elle précise comment seront introjectés les différents aspects de
liaison/compréhension de l'esprit de la mère (la fonction mentale contenante) et
comment le noyau du Moi de l'infans deviendra la fonction de contenance et de
compréhension de lui-même (la fonction alpha, fonction psychanalytique de la
personnalité).
De plus, elle souligne et précise la pertinence clinique du modèle contenant-
contenu de Bion, avec les émotions qui les imprègnent et qui créée des différents
types de relations. Sa riche description des liens émotionnels fondamentaux illustre
que la relation est une composante essentielle de la pensée de Bion. Dans ce contexte,
l'émotion est elle-même dotée d'une fonction de liaison et les liens entre les objets
(humains) sont des ‘expériences émotionnelles’. Une expérience émotionnelle ne peut
être conçue individuellement de la relation.

551
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V Ae. Janine Puget et Isidoro Berenstein : Les relations d'objet vs lo vincular


Les relations d'objet et le lien dans un cadre très spécifique qui comprend la
notion « lo vincular » ont fait l'objet de débats, de controverses et de confrontations
intéressants entre analystes. Dans certaines cultures analytiques latino-américaines,
les notions de lien et de lo vincular se sont enrichies d'une perspective particulière.
Greenberg (2012) souligne cette singularité et déclare que le terme lo vincular ne peut
pas être traduit en anglais ou en français en raison de sa spécificité à la Rio de la
Plata. De manière analogique au narcissisme vs la relation objectale, les relations
d'objet et lo vincular appellent à ce qu'une décision soit prise entre l'un ou l'autre et
indiquent un besoin de clarification.
Selon Janine Puget (2017), le lien, en tant que lo vincular, est une relation
entre deux sujets, ou plus, qui entraîne l'émergence de pratiques spécifiques à la
situation actuelle. Elle favorise les effets d'interactions dans l'espace entre deux
personnes, ceux de faire ensemble de manière immanente, avec un autre ou d'autres. Il
est difficile, voire impossible, d'inscrire les évènements qui ont lieu dans le lien dans
une logique qui gouverne la dynamique des processus identificatoires.
Par conséquent, mis à part les conflits qui appartiennent à chaque individu, il
est nécessaire de prendre en compte la conséquence de la superposition. En d'autres
termes, une place d'altérité pour chacun des sujets qui habite la relation est à donner,
une altérité qui ne peut se réduire à l'identicité.
La singularité de chaque participant déclenche un travail qui débute avec la
différence. Ainsi que pour Derrida (1967), la différence est une différance, c'est-à-
dire, un présent différé. Ce qui émerge de la différance ne peut être symbolisée : cela
dépasse la représentation et dépend de la présentation. La présentation ne s'oppose pas
à la représentation. Elle appartient à la logique des effets du présent, de la relation
entre deux sujets qui ne perdent pas leur altérité dans la rencontre.

VI. Af. La contribution de Pichon Riviere


Enrique Pichon Riviere était impliqué dans la fondation de l'Association
psychanalytique d'Argentine, il a eu une influence formative dans le développement
personnel et la productivité intellectuelle de nombreux de ses intellectuels de haut
niveau, tels que José Bleger, Willy et Madeleine Baranger, David Liberman, Heinrich
Racker et Horacio Etchegoyen. Partie intégrante de la culture dynamique
bohémienne, artistique, littéraire et journalistique du début du 20ème siècle en
Argentine, Pichon Riviere représente pour beaucoup le visage psychosocial de la
psychanalyse argentine.
Pichon Riviere (1965/1971) insiste sur la connexion intime entre l'individu et
la psychologie sociale. Sa conceptualisation du lien souligne la pertinence du groupe
social dans la constitution et la préservation de l'identité personnelle, ainsi que le rôle

552
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important de l'intrapsychique : le fantasme inconscient et la psychologie personnelle,


dans l'élaboration de la culture et l'environnement social.
Pour lui, la psychologie sociale doit être psychanalytique alors que la
psychanalyse en soi devrait se comprendre en termes de psychologie sociale. Pour cet
auteur, la personnalité et l'identité en voie de développement, le self et le sentiment de
soi, sont constitués davantage par le monde de l'interaction (interpersonnelle,
intersubjective, expérience relationnelle) que [simplement] par des outrances de
pulsions innées, mais aussi que les aspects inconscients du lien à l'intérieur du patient
modifie le sens de toutes les interactions.
Les idées de Pichon Riviere ont représenté un puissant précurseur de la
formulation du champ analytique des Baranger et des différents mouvements et
élaborations de la dimension intersubjective du processus analytique : le rôle positif
du contretransfert de l'analyste, une théorie modérée d'acte et d'action dans la cure et
de nombreuses autres formulations qui ont donné aux psychanalystes latino-
américains son aura particulière.
Sa conception élargie du complexe d'Œdipe contient également toutes les relations
triangulaires, à commencer par la manière dont une tierce personne dans l'esprit de la
mère transforme le lien entre la mère et l'enfant et continue sur le principe général
selon lequel la présence d'une tierce personne modifie toujours les liens ‘two-person’.
De cette façon, l'individu est, depuis le début, formé au cœur d'une structure triadique
de sorte que la relation précoce est bicorporelle et tripersonnelle. Ainsi, puisque la
relation précoce est apparemment dyadique, la troisième fonctionne de manière
permanente, et depuis le début, dans l'esprit de la mère.
D'après Bernardi, la contribution la plus importante de Pichon Riviere et de Bleger, en
termes de l'histoire des idées en Amérique Latine, est que l'objet est aussi un sujet et
qu'il existe une relation dialectique entre eux, une notion qui n'est pas acceptée ipso
facto par de nombreux autres auteurs kleiniens. Sur cette même veine, en développant
le concept des relations d'objet, Pichon Riviere a décrit ce qu'il appelle « vínculo »,
une structure complexe dans laquelle le sujet et l'objet interagissent toujours,
mutuellement, dans des processus de communication et d'apprentissage.

VI. Ag. Jorge García Badaracco : L'objet qui rend fou


García Badaracco, l'un des disciples de Pichon Riviere considère, comme lui,
que dans le monde interne des patients psychotiques il existe des objets internes (des
« imagos » multiples) qui s'articulent par le biais d'un processus d'internalisation
progressif et que dans ce monde interne il est possible de reconnaitre la dynamique
des reconstructions de la réalité externe. Badaracco a continué de se pencher sur ces
idées avec son propre concept qu'il a intitulé « l'objet qui rend fou ».

553
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« L'objet qui rend fou », un concept présenté en premier lors du congrès de


l'API à Hambourg en 1985, est un objet qui entraîne inconsciemment une personne à
se comporter de manière sadique et malveillante. Il donne à la personne l'impression
simultanée d'être diabolique et méchant parce que les parents, en raison de leurs
carences, n'agissent pas comme un tampon face aux pulsions primitives du sujet, mais
amplifient les angoisses du sujet, particulièrement l'envie et le sadisme. Un tel
traitement sadique parental, dépourvu de la reconnaissance due au sentiment
d'impuissance de l'enfant, suscite chez le sujet l'expérience que sa propre spontanéité
est menaçante et dangereuse. C'est ainsi que sa quête d'une expérience de satisfaction
et en raison d'un manque de ressources du Moi, le sujet s'adonne aux besoins des
autres, ou bien agit de la même manière que la maltraitance qu'il a reçue, dans un
cercle vicieux de traumatisation et de retraumatisation.
Cette formulation souligne la contribution de l'objet structurant vis-à-vis du
développement psycho-émotionnel, en ce qui concerne le niveau de pathologie d'un
sujet. Ce concept qui illustre ainsi la « présence » interne de l'autre a développé la
métapsychologie classique et a ouvert une nouvelle perspective pour comprendre les
maladies mentales graves du point de vue psychanalytique : « ... ce que nous appelons
la ‘maladie mentale’ d'une personne apparait comme un ‘type de fonctionnement
mental’ qui est ‘conditionné’ en grande partie, par d'autres [...]. Ces ‘autres’
personnes agissent soit dans le monde réel, ou peuvent ‘agir’ à partir d'une ‘présence’
dans le monde interne, ce que j'ai appelé des ‘objets qui rendent fou’ il y a plusieurs
années197 ». (García Badaracco, 2006a, p.6).
La théorie de Badaracco et sa pratique est fondée sur des ‘vécus’
(‘vivencias’) ; ils présupposent qu'un trouble émotionnel concerne une présence
externe, puis interne, des autres en nous. Dans ce contexte la maladie mentale grave
provient de présences exaspérantes qui rendent fou, qui ont entravé le développement
des ressources du Moi et ont stagné la croissance psychoémotionnelle. Ainsi, le vrai
self est réprimé et la possibilité de s'exprimer dans une virtualité saine retirée.
La crise psychotique, normalement précédée d'un changement intérieur,
devient pour le patient une « opportunité de changer », non seulement du point de vue
du patient mais dans la dynamique de toute la famille. Tout en faisant référence à la
théorie structurelle freudienne du Ça, du Moi et du Surmoi, Badaracco considère que
le surmoi, le représentatif intrapsychique de la société, symbolise les autres en nous.
Il amplifie la pensée psychanalytique de la pulsion en ce que pour lui l'esprit est partie
intégrante d'un champ d'interdépendances réciproques. Dans cette perspective,
l'existence des autres en nous est un phénomène universel du fonctionnement de
l'esprit humain. La relation d'interdépendance avec les autres en nous, qui, à une
période de l'enfance, a été traumatique, reste dans le monde interne de la personne, où
elle exerce un pouvoir et des effets pathogéniques qui provoquent en nous des vécus
pathologiques :

197
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

554
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« [...] Les ‘expériences constructives’ sont celles qui conditionnent en


nous la création de nouvelles ‘ressources du Moi’, alors que les
‘expériences négatives’ conditionnent ce que nous appelons les
‘expériences traumatiques’ ; celles-ci auront tendance à produire des
‘ressources du Moi’ pathologiques et pathogéniques et favoriseront la
répétition, et la recherche continue de nouvelles opportunités de ce que
certains auteurs appellent ‘un nouveau départ’ (Balint) ou un
‘redéveloppement’ (Winnicott). Toujours dans ce même axe de pensée,
les expériences traumatiques peuvent être interprétées comme étant des
expériences qui laissent des traces d'identifications pathologiques, c'est-à-
dire qu'elles conditionnent les ‘présences’ des autres à l'intérieur de nous-
mêmes avec le pouvoir pathogène qu'elles avaient au moment de
l'expérience traumatique même198 ». (García Badaracco, 2006b, p.4).
Lorsque les besoins d'un enfant sont frustrés, ou non reconnus en raison des
carences des objets parentaux, ces objets peuvent devenir des objets qui rendent fou.
Contrairement à Melanie Klein, qui considère que le bon objet ne peut qu'être
satisfaisant et le mauvais objet uniquement frustrant (Klein, M., 1980), Garcia
Badaracco déclare que le bon objet est celui qui, grâce à sa fonction structurante,
donne les conditions nécessaires pour que les expériences frustrantes soient plus
tolérables et pour que les expériences satisfaisantes aient une limite. Pour lui, par
contre, le mauvais objet est celui qui en raison de sa propre carence ne peut pas
fournir ces éléments nécessaires. Au contraire, le mauvais objet amplifie les
frustrations, l'envie et les haines primitives, ce qui est aussi une caractéristique d'un
objet qui rend fou.
Ce sont les nombreuses années dans les hôpitaux publics et sa propre
Multifamily Structured Therapeutic Community (communauté thérapeutique
structurée pour les familles multiples) traitant des pathologies complexes, qui ont
permis à García Badaracco de découvrir l'importance des interdépendances
réciproques pour comprendre la pathologie mentale. Pour lui, l'esprit est toujours
composé d'interdépendances réciproques normatives, qui apportent de la sécurité
et/ou des interdépendances pathogènes ‘qui rendent fou’. Pendant de nombreuses
années d'expérience clinique avec des patients atteints de maladies mentales et leurs
familles, il élabore son idée centrale selon laquelle le composant fondamental du
fonctionnement mental est un échange en mode va-et-vient entre deux esprits : l'un
qui se développe et croît et l'autre qui est déjà parvenu à un niveau particulier de
développement.
García Badaracco poursuit ses réflexions sur les mécanismes de défense du
Moi pour englober les aspects plus profonds du fonctionnement de l'esprit en termes
de la relation du sujet au sujet : deux sujets, porteurs de différentes caractéristiques en
interdépendance réciproque ; une étude qui l'a mené à sa conceptualisation des

198
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

555
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« présences qui rendent fou ». Dans ce contexte, le concept de « fixation »


correspondrait à la persistance d'un lien avec un objet qui contient les caractéristiques
d'un(e) objet/présence qui rend fou, dans la psyché. Cette présence est alimentée
depuis l'extérieur par un véritable objet parental qui dès le départ impose la condition
d'être essentielle à la vie d'une personne. « Le sentiment éprouvé pendant la
séparation de la mère, qui au-delà de la souffrance qu'elle cause, fonctionne comme
un ‘poison nécessaire’ pour neutraliser la douleur psychique, est vécu comme une
menace de mort par la mère et l'enfant199 » (Mitre, 2008, pp. 6). Le fait de dépendre
des autres sans ressources expose le patient face aux situations traumatiques, en raison
de sa position fragile.
García Badaracco considère que dans l'appareil psychique d'une personne
atteinte de maladie mentale, une symbiose pathologique de maître et d'esclave se
forme, avec des rôles interchangeables et à la fois mutuellement indispensables. C'est
dans cette fixation permanente à l'objet qui rend fou que ni l'un ni l'autre membre de
cette relation symbiotique n'est capable d'atteindre l'individuation ou l'autonomie. Le
patient atteint de maladie mentale est piégé dans une relation à deux. Ce complot
répugnant, exaspérant, ne peut qu'être déconstruit par une tierce personne en mesure
de fournir une fonction structurante pour le Moi immature et sans défense.
Être perçu et considéré comme une personne malade ou folle est
potentiellement pathologique. Pourtant, il existe toujours une virtualité saine dans une
personne combien même elle serait malade. Ce n'est que lorsque le vrai self est sauvé
par les autres et, tant que les conditions nécessaires sont réunies, le self est capable de
progressivement se dés-identifier des présences au point qu'il est alors « perçu »
comme étant sain et non malade (malade étant la façon dont il était « perçu » par ses
parents). C'est seulement à ce moment-là que l'on peut compter sur une autre
personne ou sur les autres et renoncer à l'omnipotence par laquelle les symptômes
sont alimentés en mécanisme de défense, afin d'éviter de former une relation saine
interdépendante.
C'est dans cette fonction de tierce partie que le thérapeute peut percevoir, au-
delà des identifications pathogènes et pathologiques, la virtualité saine potentielle
non-développée, qui par les identifications et les personnages, s'est abstenue, s'est
masquée et s’est cachée, en parallèle à la description du ‘faux self’ de Winnicott.
« Une organisation défensive dans laquelle les fonctions de soin de la mère sont prises
en charge de manière prématurée, afin que le bébé ou l'enfant puisse s'adapter à
l'environnement, en même temps que de protéger et de dissimuler le vrai self, ou
l'origine des impulsions200 » (Winnicott 1989, pp. 47). Une telle virtualité potentielle
dissimulée correspond aux aspects du Moi dissociés et interrompus pendant son
développement. Une personnalité se construit pour que la véritable personne cachée
reste ‘vivante’.

199
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
200
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

556
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Cette présence apaisante-structurante, qui favorise le développement des


ressources du Moi pour se défendre des actes psychopathiques que les autres
imposent, correspond au modèle des altérations du Moi élaborées par Freud dans
« Analysis Terminable and Interminable » (« Analyse terminée et analyse
interminable ») (1937).
Ce qui émerge alors est ce que Balint avait appelé le ‘new beginning’, un
nouveau commencement : « [un] retour à quelque chose de ‘primitif’, à un point
antérieur au début de l’évolution viciée […] et (b) simultanément, la découverte d’une
voie nouvelle plus adéquate qui équivaut à un progrès » (Balint, 1968, pp.159). Si l'on
le considère du point de vue de García Badaracco, ce moment est lié à la dés-
identification de ces présences malades, mais indispensables, qui ont été épuisées
dans le processus thérapeutique du redéveloppement psychoémotionnel. « Il y a une
période de dés-identifications des objets qui rendent fou dans laquelle le patient ne
peut plus revenir à sa condition ultérieure. Les personnages pathogènes auxquels il
s'identifiait sont devenus brouillés et un ensemble de transformations survient à
l'appareil psychique. Ces nouvelles configurations, étant très nouvelles, ne présentent
pas encore une image cohérente201 » (García Badaracco, 1980, pp. 271). Cependant,
García Badaracco prévient que la dés-identification interne des présences qui rendent
fou est un long processus progressif douloureux, puisque le patient pourrait confondre
la dés-identification d'une certaine présence en lui à un sentiment de vide ou de mort,
qui l'aurait conduit initialement à devenir malade.

VI. Ah. Willy Baranger : L'objet « mort-vivant »


Willy Baranger (1961-1962) décrit une structure de l'objet particulière qui
semble survenir dans des processus de deuil et des états dépressifs, quoique non
exclusivement, dans lesquels l'objet est vécu comme étant ‘mort-vivant’.
L'expérience clinique et les symboles de l'imaginaire (mythes, légendes,
romans, etc.) révèle une grande variété de ces structures, certaines sont persécutoires,
d'autres endommagées et déprimées. Dans certains cas, la genèse de la dépression
semble se focaliser autour de l'objet mort-vivant, qui occupe une place d'importance
fondamentale dans le monde de l'inconscient. Elle a, comme corolaire, un certain type
d'objet idéalisé, tous deux distincts du Surmoi. Baranger souligne la rigidité de cette
structure de l'objet et son assimilation difficile par le Moi. Prendre en considération
l'existence antérieure d'une situation symbiotique importante entre le Moi et l'objet lui
a permis de faire la lumière sur sa genèse.

Baranger observe que de comprendre la tension qui existe entre le Moi


appauvri et le Surmoi hypertrophié et sadique ne suffisait pas à provoquer un
changement. Ce qui peut faire la différence est de prendre en compte la relation du
self par rapport à son objet mort-vivant et son objet idéalisé, tous deux distincts du
201
Citation traduite pour cette édition, N.d.T

557
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Surmoi. Dans les états dépressifs prolongés, le processus de deuil ne peut avoir lieu et
le sujet reste lié, de manière plus ou moins cachée, à un objet qui ne peut ni revenir à
la vie, ni mourir complètement. Une personne dans un état dépressif vit soumise à un
objet mort vivant. C'est uniquement par le biais du travail analytique que cet objet se
manifeste de plus en plus clairement, ce qui nous permet d'étudier sa structure et ses
caractéristiques.
Certains types d'objets morts-vivants ressemblent à des objets persécutoires :
d'un côté, nous sommes face à une série de structures dans lesquelles se trouvent des
objets moribonds que le Moi doit préserver à tout prix et de l'autre côté, des objets qui
y figurent et entraînent un mélange d'angoisse dépressive et paranoïde dans le
Moi/self.
Parmi les nombreux objets morts-vivants que Baranger explicite, le type
d'objet le plus important est l'objet moribond des états dépressifs. Ici, le sujet est
‘habité’ par un objet intérieur ‘presque mort’ « qui le maintient en esclavage et
l'oblige à une activité de réparation stérile […] qui reste toujours à recommencer.
Cette situation inconsciente détermine les angoisses dépressives liées aux objets
extérieurs, tels la culpabilité, les inhibitions et autres défenses que nous trouvons dans
les états dépressifs » (Baranger 1961-2).
Dans des états de deuil et de dépression, il reconnait l'existence de deux
différents objets, tous deux ambivalents, bien que différents dans leur structure et leur
fonction. Tous deux s’alimentent du Moi, l'appauvrissent et conduisent le Moi à
adopter une attitude masochiste. La fonction d'un objet mort-vivant est de contenir
des fantasmes sadiques et de permettre de contrôler l'angoisse dépressive. Le second,
l'objet idéalisé, « sert de refuge au Moi qui dépose en lui une partie de ses propres
pouvoirs et de ses capacités réparatrices pour les préserver de son propre masochisme
et du danger de sa propre mort. Le Moi, se sentant appauvri et fragile, recherche la
sécurité en un objet fort et intensément vivant. » Cette observation se présente dans
les manifestations transférentielles : l'analyste représente cet objet idéalisé et le Moi
de l'analysant participe de manière symbiotique à la vitalité de l'analyste.
Cette symbiose, qui n'a pas suffisamment été valorisée auparavant a conduit
Baranger à la conclusion que l'une des bases du deuil pathologique correspond à une
situation symbiotique antérieure du Moi avec l'objet perdu. Elle doit être différenciée
de sa contrepartie schizo-paranoïde qui fonctionne essentiellement sur la base de
l'identification projective, qui est destinée à contrôler l'angoisse paranoïde et à
éliminer toute ambivalence. Au contraire, la symbiose dépressive fonctionne par
identification introjective ainsi que projective, et les parties du Moi et de l'objet,
projetées ou introjectées, ont subi le processus particulier du clivage dépressif. En
d'autres termes, l'objet idéalisé contient des aspects fragiles ou moribonds du Moi
propre, au côté de ses pouvoirs vitaux (Baranger 1961-2). Cela s'observe dans le
transfert, où la crainte, chez le patient dépressif, de perdre l'analyste, ou de le voir
détruit, peut être intense, de sorte que le processus de porter l'analyse à sa conclusion

558
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peut soulever des problèmes aigus qui peuvent potentiellement provoquer des
rechutes.

VI. Ai. Carlos Mario Aslan : L'ombre de l'objet

Freud n'ayant pas reformulé son ouvrage « Mourning and Melancholia »


(« Deuil et mélancolie ») selon les postulats de la théorie structurelle et de la pulsion
de mort, pour Aslan (1978) cela s'explique en partie par une certaine propension à
éviter le concept de deuil dans la littérature et dans la culture psychanalytiques, où
l'abandon de tous les rituels semble illustrer le déni de sa propre mort et de celle de
ses proches.
Ses nouveaux développements visent à soutenir la signification du deuil
comme un ‘duel’ ou un combat, un processus persécutoire généralement rejeté en
faveur du deuil en tant que dolus ou douleur. Pour lui, la différence nette entre
l'introjection et l'identification, entre l'identification primaire et secondaire, entre les
identifications temporaires et structurantes et le rôle central de la théorie des objets
internes permettent une meilleure compréhension du deuil. Il précise également que la
notion freudienne de l'introjection « pathognomonique » de l'objet après sa perte ne
pouvait plus tenir, en affirmant plutôt qu'elle occupe une forte présence, une existence
psychique dans le Moi, avant sa perte. Pour cette raison, il préfère utiliser le terme
‘objet interne’ plutôt que ‘représentation’. Il suppose que l'objet interne,
contrairement à la représentation, reflète mieux la nature vivante, dynamique et
relationnelle par rapport au Moi. Pour lui, la représentation, selon l'usage que nous en
faisons, est davantage statique et photographique qu'un objet interne, contrairement à
Vorstellung qui dénote également une représentation de théâtre. Dans cette même
ligne de réflexion, Aslan déclare que ce qui est internalisé et voué à la perte est une
relation d'objet, déterminée par le Self, un précipité des investissements pulsionnels
dans les relations d'objet.
Plus tard, Aslan (2003) décrit la synchronie et la diachronie du processus de
deuil qui pourrait se jouer dans une représentation psychique de l'objet perdu, qu'il
appelait l'objet interne, une structure complexe du Moi/Surmoi de qualités idéales
préconscientes et inconscientes. Suite à la perte, un retrait libidinal immédiat de
l'objet interne prendrait place et la dé-neutralisation de la pulsion de mort serait
relâchée sous forme de destructivité contre le Moi et les autres, pendant le stade le
plus persécutoire du deuil. Cela provoquerait une rapide détérioration du dit objet,
potentiellement nuisible au Moi, qui est transitoirement identifié au mort dans ce que
nous appelons les identifications thanatiques. Un processus défensif continu alors,
dont le mécanisme central est un immense contre-investissement, une recharge
libidinale de l'objet interne pour neutraliser la pulsion de mort. A partir de
l'identification avec le mort, il y a une transition sur la crainte de la mort et à une
identification excessive avec le mort.

559
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Le travail de deuil continue par le passage d’une identification plus thanatique


à une identification plus érotique, par une diminution des qualités persécutoires,
fondées sur l'objet mort-vivant que Willy Baranger avait décrit ; un passage depuis
une préoccupation pour le sujet en deuil à une préoccupation pour l'objet perdu. Un
self, enrichi d'identifications positives feraient partie de ce processus. Aslan (1978)
l'avait décrit en paraphrasant Lagache : « comment tuer les morts sans mourir ce
faisant » et en citant l'idée de Garma (1978) « donner vie aux morts ».

VI. Aj. Jorge Mario Mom : Les objets dans la phobie


Pour Taszma de Maladesky (2003), collaborateur de Mom, l'interchangeabilité
en termes de fonctions, de relativité et de contrôle des objets phobiques et les objets
accompagnateurs sont les points forts parmi les contributions de Jorge Mom. Ici,
l'angoisse n'est pas uniquement la racine du problème, mais elle est le symptôme
primordial.
Mom (1961-1962) a développé la seconde théorie de l'angoisse de Freud, dans
laquelle l'angoisse précède le refoulement et signale au Moi son mécontentement.
Dans la version développée de Mom, l'angoisse est une fonction centrale de
l'économie psychique du sujet : le sujet, ‘l'objet phobique’ et ‘l'objet accompagnateur’
peuvent alterner leurs fonctions selon le contexte situationnel. Mom parle de la
‘situation phobique’ et de ‘la situation accompagnatrice’, qui représentent la plasticité
et la mobilité du processus. Cependant, la mobilité génère aussi une situation
dangereusement indifférenciée et déconcertante pour le patient phobique, qui tente de
l'éviter par un contrôle rigoureux. Ainsi la phobie, pour Mom, devient le jeu de
l'entière situation accompagnatrice-phobique : le sujet qui structure la phobie
recherche initialement un objet pour instaurer l'ordre. Lorsque l'objet est perdu, une
perte de la fonction de limites apparaît.
S'ensuit ‘l'objet phobogénique’ qui remplit une fonction de différentiation, qui
se traduit par une différenciation entre l'objet phobique, l’objet accompagnateur et le
sujet. Certes effrayante, cette différenciation représente une solution à une
indifférenciation terrifiante et catastrophique sans limite, qui caractérise la personne
phobique qui a l'impression de devenir folle. La phobie empêche une telle catastrophe
: cela permet de résoudre l'absence, s'installe à la place de ce qui est absent et
dissimule l'absence par sa présence. L'objet phobique est nécessaire pour la réalisation
de la situation accompagnatrice. L'angoisse accompagnatrice protège la personne
phobique d'une angoisse encore plus grande, celle de ‘l’angoisse en tant que signal
pour ne pas avoir d'angoisse’.
Le phobique n'évite pas l'objet phobique. Il le recherche. En revanche, la
‘situation phobique’ est représentée par un manque de la relation désirée. Pour le
phobique, l'angoisse est nécessaire, structurante et entretenue de manière rigide. Elle
est l'essence de la vie du phobique, son véritable ‘objet accompagnateur’. Affirmer

560
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que les objets sont interchangeables ne signifie pas qu'ils sont différents les uns des
autres. L'interchangeabilité apparait au niveau de leur fonction. La trajectoire de la
phobie est une exposition de limitations, de mutilations et de castration. Le véritable
compagnon du phobique est l'angoisse, et l'angoisse en est l'objet.

VI. Ak. Uruguay : Les développements féminins dans la perspective des


relations d'objet

En Uruguay, un groupe d'auteurs étroitement lié au travail des Baranger a


étudié l'hypocondrie et le développement féminin dans la perspective de la théorie des
relations d'objet. Par des observations générales et des expériences psychanalytiques,
Madeleine et Willy Baranger, Aida Fernández, Mercedes F. de Garbarino, Selika A.
de Mendilaharsu et Marta Nieto (1964) ont constaté une présence universelle chez les
femmes de troubles de type hypocondriaque, spécifiquement liés à leurs fonctions
sexuelles, comme élément spécifique du développement féminin. Le fantasme, connu
sous le terme ‘cloaque’ (‘cloaca’) semblerait être au cœur de ces troubles et
correspondre à un type spécifique d'angoisse ‘confusionnelle’. Le cloaque correspond
à une imbrication embrouillée de contenus indifférenciés appartenant à tous les
niveaux du développement instinctuel (substances corporelles, parties d'objets, etc.).
Dans certains cas, le Moi réagit en isolant le ‘cloaque’ dans le schéma corporel et
l'organise en un noyau séparé, contenu dans un ‘emballage’. Cela s'exprime dans des
fantasmes focalisés sur un ‘sac’ ou un ‘kyste’ qui y seraient représentés. Un
mécanisme de défense fréquent visant à repousser l'angoisse qui résulte du ‘kyste
hypocondriaque’ consiste à croire en la possession d'un ‘pénis fantôme’, une autre
transformation du schéma corporel dont l'intention est de nier l'angoisse
hypochondriaque. Le ‘kyste hypocondriaque’ semble être lié au ‘masochisme
féminin’, à un érotisme marqué de la peau, au ‘narcissisme’ chez les femmes et à leur
exhibitionnisme. Il est normalement dépassé avec l'expérience de la maternité, bien
qu'il puisse également contribuer à rendre l'expérience de la maternité plus difficile,
ce qui se produit dans toutes les pathologies psychologiques ou psychosomatiques de
la sexualité féminine.
Marta Nieto (1960) a développé dans ses écrits la relation entre les
mécanismes de défense obsessionnels et hypocondriaques. Dans son système élaboré
de suppositions, de thèses et de conclusions, elle y inscrit le concept d'hypocondrie
qui embrasse toute une variété de phénomènes qui ont en commun l’expression, par
des expériences corporelles, de la relation aux objets internes, situés dans le corps.
Ses études ont contribué à une meilleure compréhension de la névrose obsessionnelle
fondée en premier lieu sur un concept analytique plus large, dont les relations
fantasmatiques d'expulsion et de rétention de l'objet, par l'intervention de toute zone,
pas uniquement de l'anus (« sale bouche », « sale look »…) et, en second lieu, sur la
reconnaissance du fondement hypocondriaque de nombreux cas obsessionnels,
puisque l'hypocondrie implique l'indifférenciation des fantasmes, des impulsions et

561
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des zones. Elle fait l'hypothèse que la présence des mécanismes obsessifs indique
toujours que l'objet sur lequel ils tombent comprend des expériences corporelles
projetées, liées au fantasme sur les relations d'objet corporalisées. Elle formule
également l'existence d'une relation spécifique entre les mécanismes de défense
obsessifs et les défenses hypocondriaques qui sont caractérisées par a) une tentative
du Moi à renforcer un clivage hypocondriaque par un contrôle obsessif ; b)
l'intensification de l'obsession quand les défenses hypochondriaques s'effondrent ; c)
la modalité corporelle, concrète, des défenses obsessives lorsqu'ils contrôlent le corps
lui-même ainsi que ses contenus. Parmi les exemples de ces défenses figure
l'exploration obsessive de l'objet par l'odeur dans l'hypocondrie, comme la technique
utilisée par le patient « renifleur » (osphrésiophile) pour exercer un contrôle sur la
confusion. Nieto parle également des implications de la technique psychanalytique :
puisque les mécanismes obsessionnels fonctionnent en deux étapes, ils doivent être
amoindris dans le sens de la régression des deux manières suivantes. Dans la première
étape, le déplacement se fait de l'objet sur le corps (ou une partie de celui-ci) et dans
la seconde étape, du corps vers une pensée ou un sentiment. Si l'interprétation
contourne la corporalité et tente de lier directement les phénomènes mentaux à des
objets internes, ce ne sera pas efficace car cela laisserait intactes les défenses
fondamentales.

VI. Al. Brésil : Les théories des relations d'objet approfondies : Ruggero Levy et
Raul Hartke. La dimension intersubjective et le traumatisme
Ruggero Levy (2014) s'est plongé dans l'évolution du concept d'objet, de
Freud à Klein, Bion, Winnicott et Meltzer. Il en a conclu que les modifications
portées au concept d'objet et aux relations objectales ont eu lieu en raison des
développements continus dans la métapsychologie psychanalytique au-delà de ses
dimensions classiques (Meltzer, 1984).
Pour Klein, au départ, le développement de la métapsychologie comprend la
dimension de la géographie des espaces mentaux. Son approfondissement notable des
processus projectifs et introjectifs, qui constituent le monde interne du nourrisson, a
permis d'apprécier le rôle prédominant de l'objet dans la construction de la
subjectivité. Plus tard, grâce aux contributions portées par les bioniens, une dimension
épistémologique s'est ajoutée à la métapsychologie psychanalytique (Meltzer, 1984).
Pour comprendre le fonctionnement mental, il est devenu nécessaire de comprendre
s'il permet l'apprentissage par l'expérience. La notion de l'objet
contenant/transformateur apparaît par la fonction alpha de la subjectivité du sujet. De
cette façon, il est porteur de sens et transforme les émotions sans nom du nourrisson.
Pour Levy, Bion considère que toute nouvelle connaissance, par l'approfondissement
du réseau symbolique, a lieu dans le lien K (knowledge [connaissance]) auquel il
donne presque le statut d'une pulsion. La conséquence en est donc la connaissance

562
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(knowing) et l'apprentissage à partir de l'expérience, qui alimentent la croissance


psychique.
Si, au départ, l'idée essentielle postule que la construction de l'appareil
psychique, se situe dans la pulsion vectorielle (‘vector drive’)/ dans l'expérience de la
satisfaction/ dans la mémoire/ dans le désir/ dans la représentation psychique, elle prit
depuis un autre tournant et pose ensuite l'accent sur la relation d'objet-sujet. Depuis
Klein, la présence de l'autre, de l'objet, de sa psyché prend de l'importance. Les
développements de Bion, Winnicott et de Meltzer ont mené à l'idée selon laquelle la
présence de l'autre et de son esprit provoquent une expérience émotionnelle. L'esprit
du sujet est affecté par des proto-émotions, par des expériences émotionnelles et
sensorielles évoquées par la rencontre avec l'objet et les sensations provenant
d'excitations somatiques qui nécessitent d'être symbolisées. Ce modèle prend ensuite
en considération l'objet fondateur/transformateur de la subjectivité du sujet, avec des
implications profondes pour la technique psychanalytique, qui incorpore les notions
de situation psychanalytique en tant que champ bi-personnel dynamique.
Levy souligne que pour les théoriciens contemporains tels que Ferro (1995), le
plus haut point de l'écoute qui résulte de la confluence des concepts de Bion et
Baranger est tout simplement un angle d'écoute. Il ajoute qu'il n'est plus possible
d'écouter le patient sans prendre en compte l'impact sur ses objets et les objets sur lui.
L'expérience émotionnelle qui structure ce qui a lieu entre le sujet et l'objet, dans les
deux directions de la relation, ne peut plus être laissée de côté.
Raul Hartke (2005), quant à lui, articule le modèle mixte de la théorie de la
relation d'objet et de l'intersubjectivité psychanalytique, fondé par les contributions de
Bion et des Baranger, avec des implications pour le travail analytique avec les
patients traumatisés.

A la suite de Bion, la fonction de l'objet, pour Hartke, n'est pas uniquement de


satisfaire ou de frustrer les pulsions du sujet, mais d'influencer la genèse et le
développement de la capacité à penser de l'enfant, ou au contraire d'entraver, d'inhiber
ou d'orienter l'enfant de manière erronée. Il remarque que d'un point de vue bionien, la
notion freudienne de la barrière aux stimuli (Reizschutz), qui s'intéresse à protéger
contre l’envahissement d’excitations au niveau des pulsions, est particulièrement
pertinente pour des personnes atteintes de traumatismes, et elle correspond à celle
d'un objet contenant interne qui résulte de l'introjection d'un objet contenant externe.

VII. CONCLUSION

Les théories de la relation d'objet et leurs perspectives ont considérablement


contribué à la théorie psychanalytique et à la pratique clinique. L'impact se fait

563
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entendre généralement dans des orientations diverses et sur tous les continents.
L'intérêt et l'appréciation globale que nous constatons sur la dynamique riche des
toutes premières expériences de vie au stade préverbal, sur les états primitifs et
archaïques et les défenses, sur la reconnaissance croissante du concept contemporain
du processus analytique ‘two-person’, sur l'intersubjectivité dans le cadre analytique,
sur l'importance des aspects non-interprétatifs du fonctionnement de l'analyste et sur
les changements de vision relatifs au contretransfert figurent parmi les nombreux
exemples de cet impact.
Les orientations contemporaines dans la psychanalyse des relations d'objet
européenne, théorique et clinique, peut s'inscrire dans le contexte historique de la
théorie britannique des relations d'objet, en termes de deux lignes de développement
principales : le développement contemporain kleinien et les plus récentes
contributions provenant de la tradition indépendante dans l'école britannique, ainsi
qu'ailleurs en Europe.
Les orientations contemporaines kleiniennes restent fermement fondées sur (i)
le concept des ‘objets internes inconscients’ ; (ii) la centralité des mécanismes de
projection et d’introjection et (iii) la version révisée de la théorie des pulsions en tant
que déterminants principaux de la motivation en conjonction avec les ‘objets
internes’. L'accent croissant qui est posé par la pensée post-kleinienne au sujet des
fluctuations, au cours de la vie, entre les positions ‘schizo-paranoïde’ et ‘dépressive’
continue de produire de nouvelles observations cliniques. Les développements se
situent d'une part entre les nouvelles perspectives concernées par les aspects de l'envie
constitutionnelle, les types différents d'organisation pathologique et les formes
primitives et psychotiques du complexe d'Œdipe et, d'autre part, entre les
développements permanents dans la technique kleinienne, dont la dynamique du
changement psychique, l'élaboration du contretransfert ainsi que les interprétations
‘centrées-sur-le-patient’ et ‘centrées-sur-l'analyste’. L'éventail complet du
développement kleinien contemporain dans la théorie et la pratique reste soutenu par
les contributions de l'analyse des enfants et la psychothérapie de l'enfance,
particulièrement les structures non-névrosées. Les développements contemporains
dans la théorie psychanalytique indépendante des relations d'objet sont fondés sur une
série alternative de préoccupations théoriques et cliniques : l'interaction humaine,
l'affect, l'environnement, le traumatisme et l'attachement. Les orientations
contemporaines dans cette perspective, ou séries de perspectives, reflètent
l'alignement historique nouveau du modèle classique freudien de la psyché, en termes
d'une conceptualisation globale des pulsions (dont, notamment, la pulsion de vie ou
‘l'amour impitoyable’), plutôt que simplement les pulsions appétitives et les
satisfactions climatiques. Par conséquent, la réalité externe continue d'être, pour les
analystes indépendants, une source fondamentale d'objets qui se sont internalisés,
avec un accent concomitant sur la rencontre analytique et la réponse de l'analyste par
rapport aux communications conscientes et inconscientes. Une génération
contemporaine de psychanalystes dans la tradition indépendante sont engagés dans

564
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l'exploration d'une approche orientée vers les relations objectales concernée par la
temporalité, les modes d'incorporation et types ‘d'objet intrusif’, les types de douleur
blanche, la nature de l'illusion, le sens de la notion ‘psychic home’ (‘chez-soi
psychique’), les aspects de l'écoute dans le transfert-contretransfert, le désœuvrement
et le travail du négatif, et la psychanalyse de l'espoir.
De même, en Amérique latine, et particulièrement en Argentine où la première
généalogie des relations d'objet est apparue de la psychanalyse du jeu des enfants de
Klein, les élaborations régionales des théories de la relation d'objet ont été fondées sur
la théorie kleinienne et ses développements principalement dans Bion, Meltzer et
Winnicott.
Dans ce contexte, Pichon Riviere qui a inspiré et initié ‘le visage
psychosocial’ de la psychanalyse d'Argentine, a déclenché une orientation régionale
spécifique, par son idée que la psychologie sociale soit psychanalytique et que la
psychanalyse soit considérée comme une psychologie sociale. Cette idée, qui a été
suivie par de nombreux de ses disciples, a permis de nombreuses formulations
théoriques originales de différents types d'objet : bon, mort, mort-vivant, qui rend fou,
phobique, ainsi que les effets des ombres de ces objets, particulièrement dans le deuil
et la mélancolie. De plus, les explorations cliniques des transferts précoces, les
modalités des relations d'objet dans le processus psychanalytique, la situation
analytique comme champ dynamique, la découverte de la relation par les objets
jusqu'aux liens, et lo vincular confrontent les frontières cliniques de la théorie
contemporaine des relations d'objet. Celles-ci, ainsi que les explorations théoriques et
cliniques importantes sur les thèmes du ‘féminin’ et de l'hypochondrie et l'étude de la
dimension intersubjective des relations d'objet, particulièrement au regard des patients
traumatisés, représentent les contributions et orientations principales des théories des
relations d'objet et des pratiques cliniques qui en dérivent, en Amérique latine.
Les orientations contemporaines dans la culture nord-américaine, au sujet des
théories des relations d'objet, concernent les différentes conceptualisations
intégratives de l'objet intrapsychique et la représentation du self : elles évoluent de
manière dynamique en conjonction avec la pulsion, l'affect, la mémoire et les
processus cognitifs. Ainsi, l'interaction de la pulsion, de l'affect, des relations d'objet
internalisées et des relations d'objets externes dans le développement de la structure
psychique sont fondamentales à la continuité et aux transformations
développementales pour un ensemble de perspectives psychanalytiques. Du point de
vue des divisions historiques entre les relations d'objet et la théorie de la pulsion,
certaines font remarquer une ‘fausse dichotomie’ entre elles puisqu’elles sont toutes
deux entremêlées dans le développement et tout au long de la vie. Le monde
représentationnel intrapsychique (self et objet) provient d'une part des interactions
avec le monde ‘réel’ externe des objets, mais il est également façonné par ses
‘moteurs’ dynamiques internes. En psychanalyse nord-américaine contemporaine de
toute orientation, il apparaît de plus en plus clairement que les formulations initiales

565
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de la théorie de la pulsion ne prenaient pas suffisamment en compte les véritables


attributs de l'objet et l'identification avec l’objet réel.
Paradoxalement et en même temps que ces orientations intégratives dans la
littérature nord-américaine, des nouvelles controverses contemporaines émergent et
indiquent des domaines fertiles de recherche potentielle future, tels que l'affirmation
de l'apparition précoce neurobiologique, dynamique et développementale, des
incitations bidirectionnelles et non-linéaires à l'unité (duelle) symbiotique et la
différentiation de soi et de l'autre au début des premières semaines de la vie. Un autre
domaine fructueux de controverse contemporaine se situe autour des possibilités
concernant l'applicabilité des observations développementales réalisées sur la dyade
précoce enfant/figure parentale à la situation adulte clinique. Ils représentent des
débats continus et des thèmes de recherche qui requièrent une attention particulière
pour ne pas éluder la complexité des autres transformations et ajustements
développementaux par rapport aux évènements de la vie.
Pour de nombreux auteurs nord-américains, une théorie véritablement
intégrative du développement psychique nécessite d'adopter de nouveaux modèles
épistémologiques, tels que la théorie des systèmes et de la complexité qui
entretiennent des phénomènes non linéaires et émergents.
La dépendance radicale du sujet humain sur les autres, particulièrement au
début de l'enfance, mais aussi partiellement tout au long d'une vie, est un fait
indéniable que les psychanalystes toutes orientations théoriques confondues
reconnaissent. Depuis Kant, nous savons qu'il est impossible de littéralement ‘avaler’
un objet externe ou d'en avoir un accès direct. Il existe toujours le filtre et le processus
de l'esprit du sujet, entre la perception et la représentation. Mais l'articulation
particulière et le poids entre les facteurs/potentialités constitutionnelles et
l'environnement humain dans la formulation de l'esprit inconscient et du reste de
l'appareil psychique, et leurs implications techniques dans la séance analytique,
restent fortement contestées et se situent, selon le théoricien, tout au long des « séries
complémentaires », soutenues par Freud.

566
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Voir aussi :
CONFLIT (LE)
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (LA)
CONTRETRANSFERT (LE)
ÉNACTION (L’)
INCONSCIENT (L’)
INTERSUJECTIVITÉ (L’)
PSYCHOLOGIE DU MOI (LA) (bientôt)
RÉGRESSION (LA) (bientôt)
SELF (LA)
TRANSFERT (LE)

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586
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Neuroanatomy of the Human Cerebral Cortex. In: Neurobiology of Mental
Disorders). Fröstl H, Hautzinger M and Roth G (eds.). Heidelberg: Stringer, pp. 77-
140.

Consultants Régionaux et Contributeurs :

Amérique du Nord: Otto Kernberg, MD ; Harold Blum, MD Allannah Furlong, PhD


; Linda A. Mayers, PhD ; Eva D. Papiasvili, PhD, ABPP ; Arnold Goldberg, MD ;
Judith Mitrani, PhD ; Leigh Tobias, PhD, Marcel Hudon, MD ; Wilfrid Reid, MD.

Europe : Steven Groarke, PhD en collaboration avec Arne Jemstedt, MD ; Jane


Milton, MD ; Antonio Peréz-Sanchéz, MD ; Michael Šebek, PhD ; et Maria Vittoria
Costantini, MD.

Amérique Latine : Abel Fainstein, M.D., Master en Psychanalyse ; Maria Elisa


Mitre, Psychologue ; Clara Nemas, MD

Co-chaire de coordination interrégionale : Eva D. Papiasvili, PhD, ABPP

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Creative Commons de type CC-BY-NC-ND. Les droits principaux restent la propriété des auteurs
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Traduction : Corinne O’Connor ; Edition : Caroline Williamson

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TRANSFERT (Le)
Entrée tri-régionale
Consultants interrégionaux : Marie-France Dispaux (Europe), Richard Gottlieb
and Eva Papiasvili (Amérique du Nord), Adriana Sorrentini (Amérique Latine)
Co-chaire de coordination interrégionale : Arne Jemstedt (Europe)

I. INTRODUCTION ET DÉFINITIONS INTRODUCTIVES

Le transfert est aujourd'hui un concept shibboleth pour tous les analystes du


monde entier. Le terme allemand Übertragung (transfert en français) signifie
déléguer (le transfert, la délégation) des expériences d'un contexte à un autre. A ne
pas confondre avec les différents usages du mode 'transfert' (par exemple dans les
théories expérimentales de l'apprentissage), le mot utilisé est ‘transference’ en
anglais. Dans son sens le plus large, le transfert, caractéristique universelle de la vie
mentale, est un phénomène répandu qui est impliqué dans toute relation. Mais la
spécificité de la psychanalyse se trouve dans la quête qu'elle poursuit de la saisir,
surtout que depuis le début, le transfert semble représenter « le pire obstacle que nous
puissions rencontrer » dans le traitement psychanalytique (Freud, 1895, p. 301), et
parce qu'il devient ultérieurement l'un des outils propre à la cure.
Depuis son introduction dans l'ouvrage Studies on Hysteria (Etudes sur l'hystérie)
(particulièrement en relation à l'idée d'une 'fausse connexion', c'est-à-dire le transfert
d'une charge affective de représentations pathogènes – intolérables pour la conscience
– sur le médecin en tant que personne), la notion de transfert s'est progressivement
développée en un processus fondamental du traitement psychanalytique, un processus
dans lequel les désirs inconscients, les conflits infantiles et les blessures traumatiques
se réactualisent dans le ici-et-maintenant de la relation de l’analysant avec l'analyste,
qui est le point central d'une résistance acharnée par rapport à la remémoration. Cette
modalité du fonctionnement psychique qui implique l'intégration d'une autre
personne, qui intervient en qualité d'objet dans la vie psychique de quelqu'un d'autre
et qui mobilise des fantasmes de désir, ainsi que des conflits, peut se généraliser
suffisamment pour que le transfert de l'analyste sur le patient s'envisage également,
laissant la place, à son tour, à la notion de développement du contre-transfert (Voir
aussi l'entrée CONTRE-TRANSFERT).
Des définitions différentes du transfert qui sont apparues dans des
dictionnaires contemporains et dans des écrits en Amérique du nord (Auchincloss &
Samberg 2012), en Europe (Laplanche et Pontalis 1967/1988, Skelton, 2006) et en
Amérique latine (Borensztejn, 2014) se rejoignent sur une base de référence formulée

589
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et conceptualisée différemment : le transfert est la réaction généralement inconsciente


du patient vis-à-vis de l'analyste ; elle est façonnée par les expériences que le patient a
traversées lors de sa petite enfance, lesquelles peuvent comporter des représentations
internalisées de soi et de l'objet occasionnées par des traumatismes adjacents, des
passions, des fantasmes et des conflits ; ou bien représenter un désir de réanimer ou
d'actualiser des fantasmes de relations d'objet multidéterminés. Des formulations
différentes reflètent la pluralité des conceptualisations théoriques des deux aspects
répétitifs et interactifs du transfert, au regard de contenu(s), de mécanismes, et de
méthodologie d'engagement clinique dans le contexte du cadre psychanalytique. Cette
entrée poursuit l'évolution multiple du concept et se termine en profilant certaines
convergences qui existent dans la pluralité théorique et clinique actuelle à l'échelle
mondiale.

II. L’ORIGINE DU CONCEPT DE TRANSFERT SELON FREUD

Historiquement, la notion de transfert s'est construite à une époque où la psychanalyse


se développait et se détachait de l'hypnose, de la méthode suggestive et cathartique,
même si la question de la transmission psychique restait entière pour ensuite surgir de
nouveau sous la forme d'une perspective télépathique. Dans sa traduction en allemand
de l'ouvrage « De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique » (1886) de
Bernheim, Freud choisit le terme Übertragung pour traduire le mot français
« transfert », utilisé en hypnose. Lorsque le transfert est explicité dans Interpretation
of Dreams (l'Interprétation des rêves) en 1900, dans le contexte d'un travail déguisé
qui aurait lieu pendant le rêve, le transfert est considéré comme un déplacement du
désir refoulé, sous l'apparence d'une représentation triviale empruntée de restes
diurnes ‘indifférents’ (1900:563). Par conséquent, le transfert consiste premièrement
en un déplacement d'une énergie libidinale accumulée à partir d'un pôle
d’investissement à un autre, qui ne fait souvent qu'embrouiller les choses dans le
processus, en imposant, par exemple, une distinction entre un contenu manifeste et un
contenu latent, tout en signalant que dans toutes les sphères de la vie psychique, le
désir est mutant dans toutes ses formes diverses et qu'il est prêt à se recomposer.
Cette hypothèse initiale réapparait, non plus déguisée mais focalisée sur la réalisation
d'un désir inconscient : qu'il soit un désir d'amour (illustré de manière très frappante,
et pour la première fois, dans le cas d'Anna O, traité par Breuer (Freud & Breuer,
1895) ou le transfert d'un désir de revanche, comme dans le cas de Dora où Freud
devint la cible d'un retour de déception et de haine (Freud, 1905).
Confronté à l'interruption du traitement que Dora lui inflige, Freud est conduit à
modifier sa compréhension du phénomène transférentiel (M. Neyraut, 1974). Alors
que pour Freud jusqu'à ce point, qui incorpore la reproduction des états psychiques

590
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antérieurs sous forme de « copies », de « nouvelles éditions » « les transferts » [« the


transferences »] sont censés émaner d'une sorte de « sublimation » qui leur permettrait
de remonter à la conscience. Le transfert (maintenant au singulier) désigne ensuite le
côté de la relation analytique imprégnée de souvenirs qui échappent à la parole et à la
subjectivité, mais qui sont traduits en acte. Ce qui explique la place centrale que
Freud attribue, dès le cas de Dora, à l'interprétation du transfert, dans la mesure où
l’élucidation de ce mode de réalisation hallucinatoire peut donner accès aux zones les
plus opaques de l'appareil libidinal (Freud, 1905). Dans le post-scriptum à ce cas,
Freud précise ne pas avoir reconnu et interprété le transfert paternel de Dora en raison
de sa fuite inattendue du traitement. Il aurait pu éventuellement l'interpréter comme
un transfert qui lui aurait servi de résistance à l'analyse. Il souligna également le rôle
du transfert homoérotique, c'est-à-dire la place cruciale de « l'autre » femme.

II. A. Freud et le développement ultérieur du concept


Conformément au développement de la pratique analytique, la définition continue
d'évoluer de manière progressivement plus complexe. Le premier passage du pluriel
au singulier dans les écrits de Freud indique l'ubiquité du phénomène. Il est
étroitement suivi et associé (Freud, 1909, 1912 1914, 1915, 1917a) à une autre
découverte : si les transferts ne sont plus des « copies », ils deviennent des prototypes
de relations à des figures infantiles. Dans ce cas, le patient revit avec l'analyste les
pulsions conflictuelles qui ont hérité les liens aux imagos parentales. Ces imagos sont
aimés ou haïs, elles font l'objet de marques de tendresse et/ou d'hostilité dans un
transfert négatif ou positif et se présentent sous forme de « névrose nouvellement
formée et transformée » (Freud, 1917a, p. 444) au cœur de laquelle le patient
positionne l'analyste, dans l'espace même de l'interprétation (Freud, 1912).

Bien que dans le cas de « l'Homme aux rats », Freud (1909) avait déjà précisé
que les sentiments négatifs et positifs peuvent faire partie du transfert, c'est dans
« The Dynamics of Transference » (« Sur la dynamique du transfert »), en 1912, que
Freud présente une définition composite et clairement formulée de l'aspect théorique
du phénomène, dans la première théorie topographique (première topique). Il y
présente les points suivants : 1. Le transfert émane d'une part de pulsion libidinale
restée inexprimée et/ou inconsciente ; 2. Le transfert est omniprésent : il a lieu non
seulement pendant une psychanalyse mais également en dehors d'elle. La différence
est que dans une psychanalyse, il est en étude ; 3. Le transfert « nous apparaît comme
l'arme la plus puissante de la résistance » (ibid., p. 104); 4. Le transfert peut être
positif ou négatif ; 5. Le « transfert positif » peut se diviser entre le transfert de type
affectif, un « allié » irrépréhensible du traitement, et le transfert de type érotique, qui
nécessite une résolution interprétative ; 6. Un transfert négatif prédominant est un défi
à la réussite d'une psychanalyse ; 7. Lorsque le patient atteint une prise de conscience
(insight) des souhaits/désirs fondés sur le transfert, et comment ils s'inscrivent dans le
lien du traitement et de son histoire de vie (ibid., p. 108), il se libère d’une

591
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propension à recréer de telles situations. C'est un passage nécessaire pour dissoudre


les fixations de la petite enfance, puisque « nul ne peut être tué in absentia ou in
effigie » (ibid., p. 108). Ce qui est implicite est l'élément de technique à l'œuvre dans
la mutation entre la résistance au transfert et à l'interprétation du transfert. Le concept
d'élaboration technique de ‘névrose de transfert’ a été détaillé dans « Remembering,
Repeating and Working Through » (« Remémorer, Répéter, Élaborer ») de Freud
(1914). Cet article est également significatif, parce que non seulement il précise que
répéter au lieu de remémorer est une ressource potentielle d'accès à l'histoire infantile,
mais aussi parce qu'il souligne pour la première fois, de manière prééminente, la
« compulsion de répétition » transférentielle, qu'il développera théoriquement plus
tard dans « Beyond the Pleasure Principle », (« Au-delà du principe du plaisir »),
(Freud, 1920) qui fut un texte transitoire entre la première et la seconde théorie
topographique et structurelle.
L’ouvrage « Observations on Transference-Love » (Freud, 1915),
(« Observations sur l'amour de transfert »), présente un développement théorique des
difficultés techniques que le transfert positif pose. C'est seulement à la fin de sa vie
que Freud s'est adressé de nouveau à ce sujet dans « Analysis Terminable and
Interminable » « L’analyse avec fin et l’analyse sans fin » (Freud, 1937a).
Bien que la psychanalyse découvre et nomme le transfert dès le début, il ne le
créé pas ; il l'utilise pour interpréter la configuration de l'appareil libidinal qui se
répète ‘en chair et en os’ dans le contexte de la relation analytique. En 1917, pour
Freud il était déjà clair que le transfert, et son expression sous forme de ‘résistance’
au cœur de la situation analytique, était l'aspect le ‘plus important’ de la thérapie
psychanalytique (Freud, 1917b, p. 316). En fait, et en écho à l'article sur le
Narcissisme (Freud, 1914b), la capacité à développer le transfert est devenue la
condition du succès potentiel de la thérapie analytique (Freud, 1917a, p. 447), comme
il le précise dans la conclusion de son article sur le transfert (ibid., pp.431-447), dans
« Lectures on Psychoanalysis » (« Cinq leçons sur la psychanalyse ») dans lequel il
résume tous les développements qui ont eu lieu dans le domaine du transfert jusqu'en
1917.
Tout au long de cette période, Freud souligne le paradoxe selon lequel le
transfert est tout autant un fardeau que le meilleur outil, parce que le transfert est
porteur d'une dimension des plus éloignées de la conscience. Parfois facilitateur, le
transfert peut représenter un obstacle majeur dans le processus de remémoration du
matériel refoulé : l'impulsion liée à la pulsion inconsciente cherche à obtenir
satisfaction tout en bloquant, dans le traitement, l'accès à la conscience ou au
souvenir. Ainsi le transfert fait alliance avec la résistance. Là est, selon Freud, le
paradoxe de l'amour de transfert : sans lui le traitement mène nulle part, même si
l'amour de transfert est également à l'origine de la forme de résistance la plus
persistante. « Le transfert devient ainsi le champ de bataille sur lequel doivent se
heurter toutes les forces en lutte. » (Freud, 1917a, p. 454).

592
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Freud n'hésite pas à s'appuyer sur le vocabulaire militaire pour représenter un


conflit qui a lieu sur des territoires où les forces luttent entre elles pour le moindre
espace. L'évolution conceptuelle du transfert est interdépendante de l'évolution des
formulations sur le conflit psychique et tous deux sont interdépendants de l'évolution
globale d'une théorie de plus en plus complexe. Tout d'abord, c'est dans le texte
transitionnel « Beyond the Pleasure Principle » (« Au-delà du principe du plaisir »),
que Freud (1920) ajoute à la pulsion sexuelle (Eros) la pulsion hostile de destruction
et de mort (Thanatos), ce qui reformule le conflit de la (première) théorie
topographique des précédentes théories relatives aux pulsions/instincts sexuels vs.
instincts de défense/refoulement/autoconservation (instincts du Moi), aux pulsions vs.
défenses. La compulsion de répétition est une manifestation clinique de Thanatos
hostile/destructeur. Puis, dans « The Ego and the Id » (« Le Moi et le Ça »), (Freud,
1923) et dans « Inhibitions, Symptoms and Anxiety » (« Inhibition, symptôme,
angoisse ») (1926), Freud pose le conflit parmi les trois instances que sont le Ça, le
Moi et le Surmoi et les exigences du monde extérieur : le conflit se situe entre les
pulsions (pleinement inconscientes) du Ça, les défenses/refoulement de la part
inconsciente du Moi qui réagit au danger par des signaux d'angoisse, et le Surmoi,
l'héritier du complexe d'Œdipe, avec ses composants autopunitifs et de l'idéal du Moi
essentiellement inconscients. Alors que l'agression du Ça nourrit les composants
autopunitifs du Surmoi, le Ça et le Surmoi mettent la pression sur le Moi des deux
côtés. Cela peut se manifester par des résistances au transfert, qui sont liées ainsi au
basculement du Ça, mais aussi à l'agression interne menée par le Surmoi. Cette
agression est sous-jacente à ce que Freud (1923) évoque en termes de « réaction
thérapeutique négative », c'est-à-dire, une aggravation au cours du traitement dans
lequel le transfert est porteur d'excès et de destructivité, comme l'ont exploré, plus
tard, des auteurs tels que André Green dans « The Work of the Negative » (« Le
Travail du négatif », Green, 1993) et J.-B. Pontalis dans « On the Basis of Counter-
transference: the Dead and the Living Intertwined » (« À partir du contre-transfert. Le
mort et le vif entrelacés », Pontalis, 1975) et dans « No, Twice No » (« Non, deux fois
non », Pontalis, 1979).
Ainsi le rôle central que joue la répétition du refoulé dans le transfert ne peut
pas se limiter aux expériences vécues, puisqu'elle se rapporte à la réalité psychique
qui comprend les désirs inconscients et les fantasmes qui y sont attachés : ces derniers
sont « indestructibles » alors que la répétition dans le transfert justifie la
prépondérance donnée à la compulsion de répétition, comme Freud le précise dans
« Beyond the Pleasure Principle » (« Au-delà du principe du plaisir »). (Freud, 1920).

II. B. Œdipe et Hamlet, les deux visages de l'expérience humaine dans le


transfert.
Freud considère que le complexe d'Œdipe est profondément enraciné dans la
tragédie, un destin inévitable et mortel qui rôde dans l'existence humaine. « Oedipe

593
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Roi est ce qu'on appelle une tragédie du destin ; son effet tragique serait dû au
contraste entre la toute puissante volonté des dieux et les vains efforts de l'homme que
le malheur poursuit. Oedipus Rex est une tragédie du destin. Il est dit que son effet
tragique provient du contraste entre la suprême volonté des dieux et les vaines
tentatives de l'homme à échapper au fléau qui le menace » (Freud, 1900, p. 262). Les
dieux représentent les parents tout-puissants envers qui l'infans reconnait sa propre
impuissance.
La tragédie renvoie aux sentiments que les êtres humains font de l'expérience
de ce complexe, elle décrit l'essence de sa constitution. Selon Freud, le complexe
d'Œdipe fait référence aux tendances à l'action incestueuse et parricide auxquelles les
sujets sont exposés en raison de leur héritage archaïque.
Freud affirme qu'une voix en nous existe, elle serait prête à reconnaître le
pouvoir irrésistible du destin de l'Œdipe. « Sa destinée nous émeut parce qu'elle aurait
pu être la nôtre, parce qu'à notre naissance l'oracle a prononcé contre nous la même
malédiction » (ibid.).
La fable d'Œdipe concerne une réaction du fantasme vis-à-vis de ces rêves
typiques (tuer le père, se marier avec la mère) et de même que les adultes en
éprouvent de la répugnance, l'épopée doit également comporter les dimensions
d'horreur et d'autopunition.
Dans l'Œdipe Rex de Sophocle, le fantasme-désir désir fantasmatique de
l'enfant est porté à la lumière et réalisé tel quel dans les rêves, alors que dans Hamlet
de Shakespeare, il reste refoulé et « nous n'apprenons leur existence – tout comme
dans les névroses – que par l'effet d'inhibition qu'ils déclenchent » (Freud, 1900, p.
264).
Nous savons que Shakespeare a écrit Hamlet juste après le décès de son père
(en 1601) et donc nous sommes en droit de supposer que pris par le chagrin, il s'était
mis à éprouver de nouveau ses propres émotions infantiles envers son père. Nous
savons également que l'un des fils de Shakespeare, mort prématurément, se
prénommait Hamnet (qui est presque identique au nom Hamlet. (Voir Freud,
« Dreams of the Death of Beloved Persons », in The Interpretation of Dreams, [Rêves
de la mort de personnes aimées, dans L'interprétation des rêves]) (V, 1900).
Œdipe et Hamlet nous apportent un exemple de deux aspects présents dans le
transfert : Hamlet, pour la pulsion parricide criminelle qui, en raison du refoulement,
se transforme en auto-reproche et Œdipe pour l'inévitabilité du destin mortel qui
cherche à consommer l'inceste et le parricide.
La tragédie d'Hamlet permet à Freud d'évoquer les aspects refoulés du
complexe d'Œdipe, alors que la tragédie de Sophocle fait allusion à un autre élément
qui relève de ce qui a été dissous, enterré, (Untergang) mais qui se manifeste dans la
manière dont les évènements se développent pour le tragique Œdipe.

594
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Les deux aspects sont vécus en transfert avec la personne de l'analyste, par le
bais de symptômes, de rêves et de manifestations ‘de fait’ au cœur même de la scène
du transfert.
Les rêves les plus courants sur la mort d'un proche aimé, et les rêves
d'angoisse où la censure est subjuguée sont tous deux des exemples paradigmatiques
de la présence d'une tragédie. Les cauchemars en particulier indiquent que les
mécanismes du rêve ont échoué à leur fonction de préserver le sommeil et que les
contenus tragiques se sont éclatés à la conscience et ont interrompu le sommeil. Dans
la scène du transfert, les résistances exploitent la présence de contenus tragiques pour
interrompre le travail analytique.
Freud considère que les sentiments eux-mêmes sont une conséquence de
contenus tragiques qui font irruption dans la conscience et c’est ainsi que lorsque nous
rencontrons le meurtrier incestueux que nous portons tous en nous, des sentiments
d’horreur et des comportements autopunitifs auront tendance à survenir.
En conséquence, dans le transfert lors du traitement analytique, nous devrons
faire face à des contenus originaires d'un conflit, situés entre le désir et l'interdit, ainsi
qu'à des manifestations réelles, qui proviennent de ce qui a été dissous.
Lorsque la phase du complexe d'Œdipe est terminée, une partie devient
refoulée et une autre enterrée. Cependant, rien de tout cela est complètement réussi
chez les patients névrosés : les symptômes et autres occurrences, où les aspects
enterrés (c'est-à-dire les pulsions instinctuelles incestueuses et parricides) deviennent
manifestes, ont tendance à revenir à la surface. Plus la gravité de la condition est
élevée, plus grand sera en général l'effet de présence des éléments dissous.
C'est là que se manifestent les deux aspects du transfert : ce qui est refoulé,
avec des symptômes caractéristiques de la névrose de transfert et ce qui relève d'une
tragédie provoquée par la compulsion de répétition. Au cœur du complexe dont
chaque sujet a fait l'expérience, avec son quota d'amour et de haine, mais limité à la
mise en place des interdits, une tragédie existe, une matrice qui fait partie de l'essence
humaine, revécue par chaque enfant dans sa période d'omnipotence.
Freud a identifié la relation entre la tragédie œdipienne et le drame du
personnage chez Hamlet et a posé les bases d'une théorie autour d'une compulsion de
répétition qu'il a ensuite qualifiée de résistance du Ça régit par la pulsion de mort, un
concept dont l'inclusion a représenté un tournant essentiel dans la théorie. Cette
tendance à la décharge – la pulsion destructrice – reste latente pendant le traitement et
occupera ensuite la scène transférentielle à un niveau de résistance maximale.
L'analyste perçoit une résistance active provenant du Moi inconscient qui s'oppose à
traiter le refoulé et la résistance, vis-à-vis desquels le Moi conscient se pose en
désaveu. L'élément refoulé est mis à l'écart du Moi par les résistances du refoulement
mais peuvent se communiquer au Moi par le Ça.

595
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Une lecture parallèle des ouvrages The Ego and the Id (Le Moi et le Ça)
(1923), et Beyond the Pleasure Principle (Au-delà du principe du plaisir) (1920)
reporte le Moi sur le registre du représentant (Repräsentanten) de la raison et de la
prudence, alors que les passions (instincts/pulsions) prédominent dans le Ça et sont
capables de briser ses frontières.
La description de la résistance au travail analytique, que Freud avait exposée
dans ses écrits métapsychologiques antérieurs à 1920, culmine dans son ouvrage
Beyond the Pleasure Principle (Au-delà du principe du plaisir), où le phénomène
clinique de la compulsion de répétition se présume de caractéristiques pulsionnelles et
exige d'entreprendre une lutte à l'encontre des besoins de punition du Moi,
conséquence de la faute tragique originaire des actions œdipiennes interdites
auxquelles le sujet est entraîné, tout en étant au même moment martyrisé par les
exigences du Surmoi.
Si le Moi se soumet à un Surmoi sans merci, avec pour conséquence une joie
masochiste, l'analyse est en danger. Même si l'analyste perçoit quelque progrès, une
réaction négative thérapeutique se présentera, donnant lieu à des manifestations
transférentielles interprétables au niveau névrotique. Les manifestations
transférentielles tragiques (tragédie œdipienne, préhistoire personnelle) telles que
l'angoisse, la léthargie, renvoient à du matériel enfoui ‘actuel’ et requièrent une
construction de l'acte, qui se produit ‘maintenant’. De plus, le matériel tragique enfoui
peut s'activer par le biais d'un traumatisme récent et produire ainsi une décharge dans
le somatique, puisque le Moi est avant tout un Moi-corps (Freud, 1923).
Dans l'optique de ces avancées théoriques explicitées dans les ouvrages Au-
delà du principe du plaisir et Le Moi et le Ça, la punition meurtrière du Surmoi sur le
Moi, enflammée par la pulsion de mort du Ça, se révèle de manières différentes autant
dans la tragédie ‘funeste’ d'Œdipe que dans l'agonie de Hamlet.

L'introduction par Freud de la seconde topographie/théorie structurale (deuxième


topique) a marqué un changement important dans la dynamique du transfert. Alors
qu'il était jusque-là considéré comme étant nourrit par la force du désir, il paraît
désormais lié à la compulsion de répétition et à la sphère de l'action, de la décharge. Il
faut souligner que les articles de Freud sur la technique se terminent en 1918, avant la
seconde topographie. C'est seulement en 1937, dans « Analysis Terminable and
Interminable » (« L'analyse avec fin et l'analyse sans fin »), (Freud 1937a) et dans «
Constructions in Analysis » (« Constructions dans l'analyse ») (Freud, 1937b) que
Freud revient aux problèmes techniques que soulèvent l'introduction à la compulsion
de répétition et la pulsion de mort, particulièrement en relation à la notion du transfert
négatif de Ferenczi (1909).
Avec les avancées que proposait « Au-delà du principe du plaisir », en 1920,
et en particulier l'introduction de la pulsion de mort, Freud suggère que par la

596
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compulsion de répétition, quelque chose au-delà du refoulé se révèle dans la scène du


transfert : quelque chose qui se présente maintenant par le biais des sentiments et des
perceptions. Ces derniers n'ont cependant pas été refoulés parce qu'ils n'ont pas été
articulés, ils n'ont pas été traduits en mots.
Ces considérations prises en compte comme point de départ dans Moses and
Monotheism (Moïse et le monothéisme), (1939 [1934-38]), Freud confirme une vérité
historique, celle du parricide qui sous-entend l'histoire religieuse. Par analogie avec
l'expérience analytique, la vérité historique serait celle que l'analyste construit (la
construction véritable), sur la base de sentiments, d’expériences et d'indications
d'autres scènes encore, qui accompagnent la scène-même que le transfert produit.
Cette construction fait référence à une tragédie, quand bien même silencieuse
jusqu'alors et qui, sous l'impulsion de la compulsion de répétition, devient manifeste
dans l'analyse, avec son destin mortel. Cette force inarrêtable peut conduire à
l'interruption du travail analytique. Le composant masochiste révèle la culpabilité
tragique, ou le besoin de punition, alors que le transfert fournit le terrain où la tragédie
se déroule.
Cette construction devient connectée à une construction historique (que l'analyste
atteint par le biais des symptômes, des souvenirs-écran et du transfert) comme Freud
la décrit dans « Constructions dans l'analyse » (1937b) : « Jusqu’à votre nième année
vous vous êtes considéré comme le possesseur unique et absolu de votre mère ; à ce
moment-là un deuxième enfant (...) Vos sentiments envers elle sont devenus
ambivalents (...) » (p.261).
Si l'on considère que se remémorer représente le but ultime de l'analyse,
puisqu'elle tend à instaurer la cohérence, la continuité et un éventail complet de choix,
alors , dans les cas où ce n'est pas réalisable, les constructions peuvent compenser
cette incapacité et apporter des tentatives de représenter ce qui est refoulé, dissocié,
perdu à la suite de traumatismes, ‘expulsé’ ou ‘enterré’. En effet, le transfert tend à
ramener à la vie un objet perdu par le refoulement, en le représentant sur la base
d'indices : ce travail est réalisé par le traitement. Le transfert dans la névrose est un
moyen qui vise donc à amener à la remémoration, il n'est pas une fin en soi : c'est bien
là que se dresse une ligne de démarcation contre la possibilité d'un détournement
manipulatoire du transfert. Sur ce point, Freud est toujours resté curieux et attentif aux
liens entre le transfert et la suggestion ainsi qu'aux liens entre le transfert et
l'occultisme : comment une mémoire appartenant au passé du patient se lie-t-elle à la
situation thérapeutique par la personne de l'analyste pour se trouver ainsi déplacée à
l'avant-plan de la scène psychique ? Y a-t-il une mésalliance, dans laquelle l'affect
concurrent serait de force et d'intensité égale à l'affect qui a autrefois engendré le
symptôme ? Ces observations que Freud a réalisées dès le début ont déclenché un
débat permanent au sujet de la reconnaissance de l'importance de la réalité psychique,
de son impact sur les processus psychiques dont la perception et la mémoire.

597
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III. LES PREMIERS DÉVELOPPEMENTS APRÈS FREUD

Définir le transfert est une épreuve difficile, pas seulement en raison de son
développement rapide dans la vision de Freud mais aussi pour la complexification que
les perspectives de différents auteurs ont engendrées, dont l'ajout de qualificatifs tels
que « latéral », « positif », « négatif », « adhésif »,
« maternel », « paternel », etc. Cependant, la description de Freud sur la névrose
transférentielle qui se développe prioritairement chez les névrosés, même si elle existe
dans d'autres structures, reste un point de repère dans l'identification d'autres formes
de transfert. D'autres auteurs ont contribué progressivement par des apports ou points
de vue différents à la suite du développement de la théorie et de la technique.
Abraham fut le premier à s'intéresser au transfert dans le domaine de la
psychose. Ferenczi, quant à lui, a développé la notion de transfert narcissique. Il est
convaincu que l'introjection est un phénomène central dans la constitution du transfert
: le sujet s'empare d'objets externes dans le monde et se les associe. Pour Ferenczi par
conséquent, chaque objet d’amour ou chaque transfert est une extension du Moi, une
introjection (« Introjection and Transference » « Transfert et introjection », 1909) Son
point de vue se focalise sur l'histoire individuelle de l'enfant qu'il élabore sur la base
de l'investissement autoérotique de l'enfant de ses organes : c'est là que se situe la
matrice de ce qui est répété dans le transfert. « Le premier « objet d’amour » et ce
premier « objet de haine » sont, pour ainsi dire, les premiers transferts primordiaux,
les racines de toute introjection future » (P. 41) de sorte que le transfert n'est pas une
caractéristique de la névrose, mais l'exagération d'un processus psychique normal.
Dans son Clinical Diary (Journal clinique) et ses écrits ultérieurs, Ferenczi plaide en
faveur d'un approfondissement des théories psychanalytiques de la technique et pour
une réflexion métapsychologique sur les processus psychiques de l'analyste, et par là
même ouvre la voie aux développements futurs de nombreux analystes.

III. A. James Strachey


A quel point l'identification et l'« interprétation » ont-elles été importantes en
ce qui concerne les qualités et les conséquences des traitements psychanalytiques ?
Mis à part ce que l'activité « d'interpréter » pourrait bien vouloir signifier, le degré
d'attention que l'analyste pourrait porter au transfert de son patient devint sujet de
controverse. En 1934, selon sa célèbre réplique, Strachey affirme que l'instrument
ultime de la thérapie psychanalytique, l'unique classe d'interprétation « mutative » est
celle qui comprend uniquement les interprétations transférentielles. Par l'expression «
interprétations transférentielles », il signifie les commentaires effectués par un
analyste qui ont contribué à porter à la conscience du patient les aspects inconscients
de son transfert. Aucun autre (transfert extra psychanalytique) pourrait avoir un effet
mutatif. En particulier, selon Strachey, l'effet mutatif provient de l'opportunité pour

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l'analysant de corriger sa propre erreur lorsqu'il se trouve confronté aux contrastes


entre sa propre image transférentielle inconsciente de l'analyste et la nature réelle de
l'analyste. (p. 143) Bien entendu, la simple et directe affirmation de Strachey, de la
nature « réelle » de l'analyste, sera vouée à s'effondrer (jusqu'à un certain point) face à
des visions plus contemporaines de contingences, de réalité et de la capacité du
champ analytique à provoquer des sentiments « réels » d'hostilité, par exemple, envers
le patient qui pourraient en fait correspondre à l'image transférentielle de l'analysant.

III. B. Ida Macalpine


Ida Macalpine a eu le mérite d'avoir souligné pour la première fois le fait que
la psychanalyse ne « récolte » pas uniquement le transfert (« The Development of
Transference », [« Le développement du transfert »] (1950)). De par l'environnement
frustrant et infantilisant qu'elle créé, la situation analytique « produit » le transfert et
récolte ce qu'elle a semé. Ainsi, certains des plus éminents successeurs de Freud, tels
que Melanie Klein, Bion et Winnicott, ont chacun développé des perspectives sur le
transfert qui contribuent de manière significative à la compréhension actuelle du
phénomène de transfert dans le traitement.

IV. LA CONTRIBUTION BRITANNIQUE

IV. A. La perspective kleinienne


Le travail de Melanie Klein contribue de trois manières différentes au
développement du concept de « transfert » : Klein considère que le transfert sur
l'analyste provient des mêmes processus que ceux qui déterminent les relations d'objet
dès leurs premières manifestations. En second lieu, elle souligne l'importance du
fantasme inconscient et enfin théorise une technique dans laquelle les éléments
inconscients du transfert sont déduits sur la base de l'ensemble du matériel présenté,
qu'elle qualifie de « situation totale ».
Pour Klein, les relations d'objet sont à l'origine du transfert. Selon le point de
vue de Freud, le transfert est une référence directe à l'analyste dans le contexte de la
séance analytique et une ré-énaction du passé. Pour Klein, les relations d'objet
internes primitives sont à l'origine du transfert, elle considère que la vie psychique est
constamment engagée dans des changements et restructurations d'imagos internes.
Lors de ses travaux avec de jeunes enfants, elle observe que le matériel qui se révèle
dans les thérapies de jeu n'est pas une ré-énaction d'un passé lointain, mais d'un
présent immédiat d'évènements traumatisants qui se déroulent au présent. Klein prend
sérieusement en compte les jeux des enfants : c'est leur manière d'être en relation avec

599
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eux-mêmes, avec leurs propres peurs et angoisses, ainsi que leurs désirs les plus
profonds. L'enfant exprime ses efforts à comprendre ses expériences et ses fantasmes
par les relations énactées dans la séance de jeu avec l'analyste. De la même manière,
le transfert dans l'analyse adulte devient une ré-énaction des expériences
fantasmatiques actuelles, qui ont lieu à partir de fantasmes conscients et inconscients,
d'objets internes et d'interactions émotionnelles dont ils sont destinataires, ainsi que
les défenses qui les protègent.
L'objet se situe toujours au cœur de la vie émotionnelle depuis le tout début,
de même que dans la situation transférentielle ; les mécanismes de défense sont
depuis le début indéfectiblement liés aux relations d'objet. Melanie Klein considère
que la quête de l'objet est fondamentale, qu'elle est un prérequis à la vie psychique
alors que pour Freud la satisfaction des pulsions est indépendante de la quête de
l'objet. Ces différences provoquent une divergence profonde dans leurs théories
respectives sur le transfert : alors que selon Freud le transfert est principalement fondé
sur les pulsions et leur besoin de décharge, ainsi que sur la reconstruction du passé,
pour Klein l'évolution du transfert devient le centre de l'attention. « […] les
changements fondamentaux (dans l'analyse) sont le fruit de l'analyse conséquente du
transfert : ils sont liés à une révision très profonde des toutes premières relations
objectales et se réfléchissent dans la vie courante du patient aussi bien que dans la
modification de ses attitudes vis-à-vis de l’analyste. » (Klein, 1952, p. 438). Klein ne
favorise pas les interprétations dans le « ici et maintenant » qui seraient déconnectées
du passé du patient mais elle reconnait que le patient projette un monde interne sur
l'analyste, qui est déterminé par les expériences passées, et que la structure de son
monde interne évolue au travers du processus qui consiste à les revivre par le
transfert.
La découverte des mécanismes du clivage dans les années 1920 a permis aux
psychanalystes de conceptualiser le transfert tel que le vivent les patients
psychotiques : le clivage dans les objets bons ou mauvais qui prédominent très tôt
dans l'enfance influe directement sur la compréhension du transfert, dans
l'interconnexion des sentiments d'amour et de haine. Les interactions des différents
aspects des objets auxquels ces émotions s'adressent suscitent un cercle vicieux
d'agressivité, d'angoisse et de culpabilité qui nécessitent une élaboration psychique
constante dans le transfert : « En fait, il y a très peu de personnes dans la vie du jeune
enfant, mais il les éprouve comme une multitude d'objets parce qu'ils lui apparaissent
sous des aspects différents. » (Klein,1952, p. 436). Klein affirme que l'analyse du
transfert négatif est une condition préalable pour avoir accès aux couches psychiques
les plus profondes, bien que les transferts positifs et négatifs soient souvent mélangés.
Klein met l'accent sur la notion de fantasme inconscient dans le ici et
maintenant de la séance. Selon Klein les évènements « réels » doivent toujours être
pris en compte dans leur interaction avec la vie fantasmatique inconsciente du patient.
La définition par Klein (et celle de Susan Isaac) du fantasme inconscient était au cœur
des controverses dans les débats du début des années 1940 et, selon Elizabeth Bott-

600
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Spillius et Ron Britton, l'usage des mêmes mots pour parler des concepts différents a
contribué à l'intensité du débat. Selon le point de vue de Klein, le fantasme
inconscient comporte des formes précoces de la pensée infantile : il est le moteur de
l'inconscient psychique et le représentant psychique des pulsions mais il est composé
également d'autres formes de pensée qui émergent plus tard, par le développement des
fantasmes originaires. Dans ce sens, le transfert est une expérience inconsciente dans
le « ici et maintenant », tout en étant greffé sur les mécanismes infantiles par lesquels
le patient a géré ses conflits depuis longtemps. Le fantasme inconscient influence et
marque l'expérience de la réalité et vice-versa. Melanie Klein préconise d'interpréter
en termes de fantasme inconscient, plutôt qu'en termes de pulsion vs. défense. En
conséquence, elle interprète de façon constante à l'intérieur du transfert plutôt
qu'interpréter le transfert lui-même. Selon Segal, nous pouvons démontrer au patient
comment il vit une relation qui suscite de l'angoisse ou de la culpabilité et comment il
la transforme en fantasme pour éviter la souffrance. (Segal, 1979).
De cette façon, Klein se focalise sur les angoisses du patient et sa relation aux
objets du passé et du présent, ainsi que sur les expériences qui ont eu lieu entre les
deux. Elle appelle cela la ‘situation totale’, qui comporte tous les aspects des
expériences et des fantasmes du patient, passés et présents, qui sont évoqués dans la
séance analytique : « Par exemple, les communications des patients sur leur vie
quotidienne, leurs relations et leurs activités ne font pas que donner un aperçu du
fonctionnement du moi, mais révèlent aussi — si nous explorons leur contenu
inconscient—les défenses contre les angoisses réveillées dans la situation de transfert.
» (Klein 1952, p. 437). Elle considère que tout matériel généré par l'association libre
est le récit de la partie clivée (inconsciemment) de la relation avec l'analyste. Selon
Donald Meltzer (1986), le travail de l'analyste est de ‘rassembler’ le transfert des
nombreuses représentations dont la relation avec l'analyste peut être interprétée. Le
transfert infantile apparait progressivement dans le matériel sous forme ‘d’acting-in’
(un agir pendant la séance) ou ‘d’acting-out’ (passage à l’acte) de souvenirs ou de
rêves : les reconnaître et les explorer entame le processus analytique. Betty Joseph
(1985) souligne l'importance de la ‘situation totale’, un moyen pour les patients
d'exprimer leurs pensées et leurs sentiments conscients et inconscients dans la relation
transférentielle. Elle démontre également comment les patients utilisent le transfert
non seulement pour satisfaire les impulsions mais pour soutenir également les
positions défensives.

IV. B. Les influences kleiniennes en Amérique du Nord


Le concept de l'analyse du transfert classique en Amérique du Nord a été
largement élargi par le concept de l'analyse du « transfert de la situation totale » que
l'approche kleinienne propose (Joseph, 1985). Il concerne l'analyse systématique des
implications transférentielles et des manifestations non verbales pendant la séance,
des efforts directs et implicites de communication du patient pour influencer l'analyste

601
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dans un sens donné et l'exploration constante des implications liées au matériel


transférentiel que le patient apporte à tout moment, depuis sa vie externe jusqu'à la
séance. L'inclusion d'une considération systématique du fonctionnement total du
patient au point d'activation d'un transfert prédominant est un appui important à la
centralité de l'interprétation du transfert et elle indique une conséquence implicite
importante de l'interprétation du transfert, c'est-à-dire l'analyse de la subjectivité.

IV. C. Donald W. Winnicott


Le terme ‘transfert’ est pratiquement absent des titres des ouvrages de D.W.
Winnicott, à l'exception de son article écrit en 1955-1956 intitulé « Clinical Varieties
of Transference » (« Les variétés cliniques de transfert »). Le terme est également
absent dans le titre du chapitre que Jan Abram a écrit : The Language of Winnicott: A
Dictionary of Winnicott's Use of Words, 1996 [Le langage de Winnicott (Dictionnaire
explicatif des termes winnicottiens.)] La façon dont Winnicott traite le transfert est
digne d'une attention particulière en ce qu'il est intimement lié aux notions de cadre et
de contre-transfert.
Pédiatre à l'origine, Winnicott dirige ses réflexions analytiques à la relation
mère-enfant. En prenant ses distances par rapport à la perspective kleinienne de la vie
intrapsychique naissante du nouveau-né, il privilégie plutôt le tout premier
environnement de l'enfant et étudie les interactions entre la mère suffisamment bonne
et le nourrisson, ainsi que les phénomènes transitionnels qui s'y rapportent. Dans le
traitement, le cadre analytique offre à l'analysant ce même type d'environnement
contenant (« holding »), un environnement dans lequel le transfert et le contre-
transfert se déroulent.
C'est en se focalisant sur les carences dans ces premiers environnements (c'est-
à-dire particulièrement les cas où la mère n'est pas en mesure de s'adapter aux besoins
du petit enfant) que Winnicott développe sa notion du faux self, dont la fonction
protectrice est de maintenir caché le vrai self mais qui entrave la mise en place d'un
moi authentique. Il ouvre là une brèche dans le sentiment de « continuité d’être ». Ces
patients, qui n'ont pas reçu ce type d'attention approprié à la petite enfance et dont le
moi n'est pas conçu comme une entité distincte – c'est-à-dire ceux dans les cas d'état
borderline, ou limite, et d'épisodes psychotiques au stade adulte – n'entreront plus
dans le cadre descriptif des notions de névrose de transfert ou de levée du
refoulement. Le concept de transfert nécessite d’être élargi, car « l'analyste est
confronté au processus primaire du patient », avec la brèche d'origine (1955-1956, p.
298).
Dans les cas où le premier environnement comporte des carences, l'épreuve
qui consiste à surmonter les carences doit avoir lieu dans la relation transférentielle.
Une bonne adaptation de la part de l'analyste peut induire l'implémentation d'une
dépendance intense du patient, de laquelle une confiance suffisante et un sentiment de

602
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sécurité, peut émerger, afin que l'expérience du trauma d'origine – l'agonie primaire
de tomber dans le vide – peut être rejoué dans le transfert, et produire une transition
du faux self au self authentique. Comme Winnicott l'indique (1963), il est impossible
pour ces patients de se souvenir de quelque chose qui ne leur est pas encore arrivé,
puisque le Moi de l'enfant était trop immature pour le vivre. Dans ce cas, le seul
moyen pour le patient de se 'souvenir' est de faire l'expérience de cette chose passée
pour la première fois au présent, c'est-à-dire dans le transfert.
Une autre contribution spécifique dans le domaine de la théorisation du
transfert que Winnicott a apportée est celle de la destructivité. Dans « The Use of an
Object and Relating through Identifications », paru en 1968 (« L'usage de l'objet et le
mode de relation à l'objet au travers des identifications »), Winnicott décrit l'élan
indispensable, vital et destructeur qui permet au sujet, qu'il soit enfant ou patient
borderline, de permettre l'existence de l'objet, ou de l’analyste, en dehors de la sphère
du contrôle de son omnipotence, en dehors de la sphère de son phénomène subjectif à
condition que l'objet puisse survivre aux attaques transférentielles. Grâce à cette
épreuve fondamentale, « Ici s’inaugure le fantasme chez l’individu. Le sujet peut
maintenant utiliser l'objet qui a survécu » (p.90). Si une expérience de ce type ne peut
avoir lieu, alors, l'analyste reste pour toujours, pour le patient, une simple projection
d'une partie de son propre soi.
Dans « Hate in the Counter-Transference » (1947), (« La haine dans le contre-
transfert ») Winnicott souligne l'ambivalence que l'analyste traverse lorsqu'il fait face
à des patients difficiles. Le patient évoque une sorte de haine qui n'est pas particulière
en soi, mais dont l'intensité est spécifique à la situation en question. « Dans l'analyse
ordinaire, l'analyste n'a pas de difficulté à manier sa propre haine. […] Dans l'analyse
des psychotiques, pourtant, l'analyste assume une tension bien différente en quantité
et en qualité, et c'est précisément cette différence que j'essaie de décrire ici. » (p. 197).
Selon Winnicott, cette différence d'intensité entre la névrose et la psychose provient
de l'écart considérable entre les expériences respectives des relations et des
interactions précoces.
Dans une théorisation qui s'appuie en partie sur les notions winnicottiennes,
Roussillon (2011) évoque des patients atteints de troubles de la personnalité
narcissique qui développent « une forme de transfert paradoxal, dans lequel quelque
chose est ‘retourné’ : renvoyé à l'analysant, clivé de tout moyen d'intégrer une
expérience particulière passée, [qui ] fait subir l’expérience à l'analyste […] C'est
ainsi que le monde du transfert est davantage dominé par des questions de négativité
que par l'intégration et le lien. En même temps, la destructivité, ou certaines formes
de pulsion de mort, prend la relève de la libido. La relation d'objet paraît être
subordonnée à l'idée de l'usage de l'objet plutôt qu'à l'idée plus ‘classique’ de la
relation d'objet. » (Roussillon, 2011, p. 6-7)202.

202
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

603
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IV. D. Wilfred R. Bion


Bion, quant à lui, a développé la théorie de Melanie Klein tout en s'appuyant
fortement sur le corpus freudien. Depuis l'étude de la formation des pensées dans la
vie psychique, Bion propose le concept de la ‘fonction alpha’ (dans « Learning from
Experience », 1962 [« Aux sources de l’expérience »]) qui permet aux expériences
sensorielles et aux émotions – les éléments beta – de devenir des éléments alpha et
donc de pouvoir être mémorisés, symbolisés et utilisés dans les pensées et dans les
rêves. De telles transformations, situées à la racine du psychisme, démontrent que la
vision du conscient et de l'inconscient sont des états psychiques réversibles au sein de
l'expérience psychique.
Dans certains de ces travaux sur le fonctionnement psychotique, Bion fait la
distinction entre les parties de la personnalité psychotiques et non-psychotiques.
Ainsi, il développe le concept d'identification projective détaillé initialement par
Melanie Klein, en référence à la notion de transfert des composants destructifs clivés
projetés sur l'analyste à laquelle il donne un autre sens : celui de la profonde
communication affective qui a lieu normalement entre la mère et le bébé. La rêverie
maternelle accueille et transforme les éléments sensoriels et émotionnels bruts et par
cela les rend aptes à être tolérés et pensés par le bébé. Grâce à Bion, l'identification
projective et la relation contenant-contenu donne un sens clé à la compréhension du
transfert (cf. entrée : CONTENANT-CONTENU).
Bion considère que le type de transfert qui a lieu chez les patients
schizophrènes reflète le conflit entre la pulsion de vie et la pulsion de mort, ce qui fait
que la relation à l'analyste est ‘prématurée’ et ‘précipitée’ dans la mesure où les
pulsions destructrices violentes et la haine de la réalité interne et externe sont à
l'avant-plan (Bion 1967 [1956]). Ce que l'analyste-archéologue dévoile, par
conséquent, ne consiste pas en des traces d'une civilisation ancienne mais une
catastrophe primaire enracinée dans des carences inhérentes aux premiers liens avec
la mère, et la terreur sans nom qui en découle, réactivées dans le transfert par les
attaques sur la capacité de pensée et pour une meilleure tolérance à la souffrance
psychique.
La nature persistante du transfert psychotique (ibid.) est en contraste avec son
manque de profondeur, sa labilité et son extrême variabilité : tout changement se
reflète dans le transfert de manière indifférenciée, l'accès au sens est compromis, si ce
n'est anéanti par les attaques sur le lien qui empêchent toute conscience et lien à
l'objet. Les aspects sensoriels de l'interprétation, l'intonation de la voix et autres
caractéristiques matérielles du cadre, sont ainsi utilisés par le patient au détriment de
l'interprétation elle-même.
Bion souligne que les éléments du transfert se trouvent dans cet aspect
particulier du comportement du patient qui révèle sa prise de conscience de la
présence d'un objet qui n'est pas lui-même. Aucun aspect de son propre comportement
ne peut être négligé. Avec la « grille », Bion envisage un système de notation et de

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recueil de données de l'expérience analytique, qualifiée d'expérience émotionnelle. Le


transfert peut ainsi être représenté par l'une des catégories de la grille, qui clarifie le
lien K (connaissance) entre l'analyste et le patient, un lien qui existe parmi les liens de
base de la vie psychique, ainsi que les liens L (amour) et H (haine).
D'un point de vue freudien, le transfert comporte, selon Bion, une
transformation linéaire ou rigide « comme un mouvement de sentiments et de pensées
d'une sphère d'application à une autre [qui se produit sans altération de
signification] » (1965: p. 19). Les sentiments et les pensées relatifs à la sexualité
infantile et le complexe d'Œdipe et ses dérivés sont transférés avec une complétude et
une cohérence spécifiques à la relation avec l'analyste. Cette transformation implique
peu de déformation. Ces transformations sont spécifiques à la partie non-psychotique
de la personnalité, elles font référence à une « linéarité » qui relève de ce qui est
transféré par le patient sur l'analyste.
Lorsque des mécanismes psychotiques attachés à une catastrophe psychique
primitive, et à la partie du psychisme la plus archaïque, sont impliqués dans l'analyse,
les champs de projection sont multipliés et les attaques contre la fonction alpha, si ce
n'est contre la totalité de l'appareil psychique qui nécessite d'être en contact avec la
réalité intérieure et extérieure, provoquent de telles confusions et déformations que ce
modèle linéaire s'avère manquer de pertinence en ce qui concerne le matériel clinique.
Bion propose la notion de « transformations projectives » pour représenter ces
formes de transfert caractérisées par des états de confusion, d'indifférenciation et
même de déréalisation. Dans ces formes de transfert, le clivage et la destructivité qui
sont destinées aux contenus et aux contenants psychiques sont prédominants ;
l'arrogance remplace la quête de vérité, et les objets bizarres, qui sont réduits à leur
dimension concrète, dont les fragments du Moi, du Surmoi et des éléments béta non
transformés, font référence à l'identification projective pathologique et aux attaques
sur le lien.
Dans ses derniers écrits, Bion nous rappelle que toute théorisation, dont la
théorisation sur le transfert, est une réaction à la peur de l'inconnu et implique le
risque de paralyser la créativité et la croissance psychique. Bion revient sur
l'étymologie du terme « transfert », qui suggère un passage, un élément transitoire de
l'histoire de la rencontre analytique (Bion 2005a, p. 5). L’interprétation de l'analyste
« cache [sa] nudité » (Bion 2005b, p. 42) ; la relation transférentielle, ainsi que la
position de l'analyste, devraient être élucidées pour nous permettre de nous en
détacher.

IV. E. Les derniers développements de la théorie bionienne aux USA


Un exemple des derniers développements de la tradition bionienne en
Amérique du Nord, qui peut s'appliquer particulièrement à l'analyse des états
psychiques primitifs chez l'enfant, se trouve dans le concept de ‘prendre le transfert’,

605
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de Mitrani. (1999, 2000, 2001, 2014). Selon sa représentation, c'est une fonction de
l'analyste, qui est essentielle à ce que Bion appelait la fonction maternelle de rêverie :
cet aspect attentif, activement réceptif, introjectif et expérientiel de l'objet contenant.
Cette fonction n'implique pas uniquement une compréhension cognitive d'une
‘adaptation empathique’ de ce que le patient peut, à tout moment, ressentir et vivre
par rapport à l'analyste. Cette fonction fait également référence à une introjection
inconsciente, de la part de l'analyste, de certains aspects du monde intérieur du patient
et à la résonance de ces éléments dans le monde intérieur de l'analyste, de sorte qu'elle
est ressentie comme si elle-même devenait vraiment cette partie non voulue du Moi du
patient, ou cet insoutenable objet avec lequel elle est identifiée auparavant de manière
introjective.
Prendre le transfert constitue probablement l'aspect le plus difficile du travail :
ce n'est pas une question de bonne volonté ou de bonne formation, mais plutôt un acte
inconscient gouverné par des facteurs inconscients.

V. LA CONTRIBUTION FRANÇAISE

V. A. Jacques Lacan
Selon Lacan, le transfert constitue l'un des quatre concepts fondamentaux de la
psychanalyse, avec la pulsion, l'inconscient et la répétition. Son approche du transfert
repose sur l'idée freudienne selon laquelle le lien avec l'analyste accueille la répétition
d'une expérience originaire provenant du passé, une réactualisation des signifiants
dans lesquels les demandes d’amour de l’enfant pourraient avoir pris forme. Mais,
même avant d'impliquer ces formes particulières, le transfert se révèle dans le
processus de la demande d'analyse, en ce que le sujet s'adresse à quelqu'un doté d'une
connaissance supposée. La figure de l'analyste en un sujet supposé savoir est centrale
si l'on prend en compte le cours du traitement selon Lacan : pendant son analyse,
l'analysant doit spécifiquement expérimenter l'illusion dans laquelle il se trouve
lorsqu'il suppose que l'analyste détient la réponse à laquelle il s'attend, en qualité de
patient, vis-à-vis de sa demande et de son devenir, de manière plus générale. Pour
Lacan, toute exigence vise ce qui a été irrémédiablement perdu dans la parole.
Cette dimension de l'expérience du transfert est, pour Lacan, la plus décisive : cela
permet à l'analyste, qui représente la figure du grand Autre, de ne pas être concerné
par le contre-transfert. Les lacaniens les plus orthodoxes considèrent que l'attention
donnée au discours linguistique du patient est exclusivement utile, alors que
l'attention portée aux processus mentaux de l'analyste constituerait une distraction au
processus d'écoute. La fin du traitement, que l'éradication du transfert représente,
coïncide avec le moment où l'analysant se détourne de cette illusion et le libère de sa
position du sujet-supposé-savoir.

606
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Dans son article de 1951 (1966/2007), « Interventions on Transference » («


Interventions sur le transfert »), Lacan précise sa théorie du transfert en termes de ses
aspects imaginaires et symboliques, en particulier dans le cas de Dora, étudié par
Freud en 1905. Le transfert imaginaire, pour Lacan, comporte les sentiments extrêmes
d'amour et de haine qui émergent dans le traitement et qui peuvent fonctionner
comme une résistance, en particulier un obstacle narcissique entre le patient et
l'analyste. Spécifiquement cela signifie que le transfert imaginaire est une résistance
quand il devient la résistance de l'analyste. Coincé dans le drame imaginaire du
patient, affirmait Lacan, l'analyste devient souvent sourd aux aspects plus
symboliques du transfert qui permettent à l'analyse de se dérouler, portant le matériel
inconscient à la surface et approfondissant le traitement. Dans le cas de Dora, Lacan
souligne la stagnation du traitement lorsque Freud insiste sur l'amour que Dora aurait
pour Herr K, une résistance qui avait souvent lieu pour Freud, avec ses patientes au
début de ses travaux. Pour cette raison, Freud n'entend pas dans les rêves de Dora, et
le déroulement de son histoire, la complicité et les sentiments qu'elle porte sur Frau
K., ce qui aurait propulsé l'analyse à son prochain virage, que Lacan nomme la figure
centrale du cas Dora. Celle-ci concerne l'énigme de la féminité et son propre désir (à
l'opposé de sa préoccupation obsessive antérieure par rapport au désir des autres,
c'est-à-dire son père, Herr K). Pour Lacan, Freud considère que le transfert est une
résistance et que l'analyste en est responsable. « Il n'y a qu'une seule résistance, c'est
la résistance de l'analyste ». (1978/1988, p. 228) L'accent porté par Lacan sur la
‘dialectique intersubjective’ du champ symbolique du tiers, de l’Autre, ‘dans’ le
transfert est proche des émendations interpersonnelles et relationnelles faites à la
psychanalyse classique.
Un autre aspect important de la pensée de Lacan sur le transfert concerne la
technique. Pour Lacan, il n'y pas de position ‘meta’ que l'analyste puisse assumer en
relation au transfert. Lorsque l'analysant entend ce que l'analyste dit, il l'entend ‘dans’
le transfert vis-à-vis de l'analyste, c'est-à-dire au travers de la position subjective qu'il
occupe à un moment donné du déroulement de l'analyse. Cela pose un défi aux
nombreuses idées concernant l'interprétation du transfert, surtout lorsqu'elle a lieu
d'un point de vue externe. Cela soulève également la question de la ‘dissolution’ du
transfert par l'interprétation.
Pour Lacan, le transfert a lieu quand « le sujet supposé savoir » intervient,
quand l'amour, la haine et l'ignorance se développent par rapport à ceux auxquels
nous attribuons un savoir. C'est la raison pourquoi cela se produit plus facilement
avec les enseignants, les religieux, les médecins et les psychanalystes, c'est-à-dire les
figures parentales qui confèrent un pouvoir. Ce qui distingue les analystes et ce qui
différencie l'interprétation de la suggestion est que l'analyse n'abuse pas du transfert
provenant du patient à son égard. Le cadre même de l'analyse permet à cette
connaissance supposée qu'elle ne soit pas la propriété particulière d'un individu, mais
plutôt une connaissance ‘dans’ l'inconscient, dans l'Autre, qui peut être déballée et
faire partie de l'évolution de l'analyse. Lacan détaille ce mouvement en termes du

607
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sentiment de l'analysant sur la toute puissante connaissance que l'analyste aurait au


sujet de ses symptômes, ce qui permet au traitement de débuter et de gagner du
terrain. Nous pouvons voir en cela des aspects projectifs et imaginaires du transfert
positif et bienveillant : l'alliance thérapeutique. La neutralité de l'analyste aide à
contenir la préoccupation anxieuse grandissante du patient par rapport au désir de
l'analyste : qu'attend l'analyste de moi ? L'analyste m'aime-t-il ? Et ainsi de suite.
Finalement, l'analyse transforme cette focalisation portée sur le désir de l'analyste en
des questions qui concernent les désirs et les fantasmes propres au patient, sur un
travail qui mènera à une série de rencontres importantes avec des conditions liées aux
désirs uniques et singuliers que chaque patient éprouve.
Lorsque le patient peut laisser l'analyste perdre la place privilégiée qu'il
occupait dans le transfert, l'analyse peut se terminer. En substance, l'analyste devient
l'objet aimé et perdu (la cause du désir), ce qui ouvre la voie, pour le patient, à la
séparation et à l'individuation. La position de Lacan sur la fin de l'analyse se
rapproche ainsi des notions classiques ‘d'identification’, par rapport à la ‘fonction
analytique’ ou à ‘l'instrument de l’analyse’ ; du deuil, de l'élaboration psychique et de
la capacité d'auto-analyse après la fin de l'analyse.

V. B. Lacan aux USA


Bien qu'il n'existe pas de groupe lacanien cohérant aux USA, son influence est
toutefois présente spécifiquement dans le milieu de la recherche où il a été observé
qu'une « approche psychanalytique » est synonyme de l'application de la pensée
lacanienne. Mais il existe aussi un groupe de psychanalystes qui œuvrent dans la
pratique et la théorie et dont l'influence se développe de plus en plus. Parmi eux,
figure une position lacanienne encore plus ‘puriste’ (par exemple celle de Lichtenstein
ou de Fink) alors que d'autres, de formation plus ‘classique’ et lacanienne (par
exemple, Webster), entrent en dialogue avec les autres ‘écoles’ nord-américaines.
Alors que la traduction des travaux de Lacan ont été mis à la disposition des analystes
anglophones, il est devenu évident que l'écart n'est pas aussi large qu'il ne fut déclaré,
en particulier par Lacan lui-même. Lacan porte une attention particulière aux affects
dans le transfert, surtout l'angoisse. Certaines de ses notions dialectiques et
intersubjectives à l'égard du traitement se rapprochent des formes classiques de
l'analyse du transfert et, de manière différente, de leurs transformations
intersubjectives et relationnelles.

V. C. Jean Laplanche
Avec sa théorie du « signifiant énigmatique », Jean Laplanche propose un
nouveau point de vue sur le transfert. L'impact intrusif de l'autre et la traduction
impossible par l'infans des messages des adultes, qui sont « compromis » par les
interférences de fantasmes sexuels, constitue pour Laplanche le cadre d'une situation

608
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anthropologique fondamentale et la base de la « théorie de la séduction généralisée »


(Laplanche, 1987). C'est cette situation qui est répétée dans la situation
transférentielle. Par conséquent, le transfert n'est pas limité à une simple répétition de
la relation aux objets infantiles. Cet aspect correspond uniquement à ce que Laplanche
appelle le « transfert en plein », c'est-à-dire un contenu « positif », des imagos
infantiles auxquels l'analyste et l'analysant peuvent se référer. L'autre aspect, que
précise Laplanche est celui du « transfert en creux », signifie la répétition de la
relation à l'autre, lequel est porteur de messages énigmatiques (Laplanche, 1992). Il
est « provoqué » par l'analyste dans la mesure où il/elle confronte l'analysant à sa
propre énigme et à son « refus de savoir » ; cette position actualise la relation en des
énigmes qui correspondent à l'enfance du patient. Au cœur de la situation
transférentielle, un processus progressif de « dé-traductions et re-traductions » permet
à l'analysant de « se réapproprier, […] des éléments jusqu'ici exclus » (Laplanche,
1999)
Dans cette perspective, le deuil est le paradigme de la symbolisation. Le
transfert, en tant que processus, de même que l'acte de rêver, fonctionne à l'opposé du
deuil. La répétition dans le transfert signifie d'essayer de récupérer l'objet perdu (ou la
relation), plutôt que par le deuil, et de le symboliser. Par conséquent, le transfert
fonctionne dans le même sens que le rêve : tous deux ont tendance à nier l'absence, à
re-présenter (présenter à nouveau) ce qui n'a pas pu être symbolisé et tous deux, par
conséquent, fonctionnent à l'opposé du deuil. Cela signifie que le transfert et le rêve
partagent une qualité « hallucinatoire », en ce sens qu'ils tendent à façonner
l'expérience par rapport à des schémas inconscients plutôt que de reconnaître la réalité
de l'absence ou de la perte.

V. D. Laplanche et Freud: une lecture au Canada francophone


Une dimension de pensée importante au Canada francophone soutient que le transfert
est l'aspect le plus important et distinctif du traitement psychanalytique. A partir de
cette perspective, que les écrits de Laplanche ont en partie inspirés, prendre en compte
le transfert est ce qui en fait un traitement « psychanalytique ». De plus, aucune
reconstruction « génétique » de l'histoire du patient aura autant de poids que ce qui est
ramené à la vie par le transfert. Cette optique considère que le transfert est l'une des
formes de résistance les plus puissantes, et l'instrument le plus efficace du travail
d'élaboration analytique.
Alors que le transfert est une forme de résistance dans ce qui tend à la
répétition dans la relation avec l'analyste, au lieu de ce qui tend à se remémorer, le
terme se « remémorer » représente ici non pas le processus de retrouver des souvenirs
mais plutôt de se reconstruire sa propre psyché. (Scarfone, 2011)
Scarfone identifie deux types de transferts. Le premier est un transfert positif
de base par rapport à l'analyste, un professionnel de confiance que l'on considère au

609
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service des intérêts à long terme du patient. C'est ce que Freud appelait un transfert «
paternel », mais ce n'est pas ce qu'il y a de plus important. Ce qui est le plus important
est que sans ce transfert de base, l'analyse n'est pas possible. (Dans le vocabulaire
américain, c'est ce qui forme la base de l'alliance thérapeutique, ou alliance de travail
thérapeutique [« therapeutic and working alliance »]). Le transfert positif ne constitue
pas une résistance et n'est pas à interpréter. Non soumis à l'interprétation, il lui
appartient de travailler en faveur du processus d'analyse en continu.
Le second type de transfert est qualifié de « transfert proprement dit »
(« transference proper »), c'est-à-dire le transfert qui constitue en lui-même la
résistance, que ce soit un transfert négatif (« hostile ») ou « positif » (par exemple
fortement érotique ou passionné). Ce transfert proprement dit se divise lui-même en
deux sous-classes que l'on retrouve chez Freud : d'une part, les « prototypes » que
Freud a décrits dans son article de 1912 (Freud, 1912) et d'autre part le type
transférentiel d’une « […] alerte au feu pendant une représentation théâtrale » dont il
a précisé le processus dans son article de 1915. Alors que le premier parle de
reproduire quelque chose qui s'est déjà formé et qui est prêt à être projeté sur
l'analyste, dans le second il s'agit d'un évènement sans précédent : le patient ne veut
plus de l'analyse, ni ne souhaite « savoir » quoique ce soit au sujet du « sens ». La
différence entre les deux est plus claire, si nous disons, comme Laplanche, que nous
avons :
Dans le premier type de transfert – le transfert « en plein » – le patient a
tendance à répéter ce qui était déjà notable dans ses propres relations passées avec des
proches. Ce type de transfert se prête bien trop facilement à des interprétations (par
exemple : « vous rejetez mes interprétations tout comme vous avez rejeté les conseils
de votre père… ») et ne nous mène pas très loin dans le cœur du problème.
Dans le second et plus important type de transfert, un transfert « creux » (ou «
en creux »), où ni le patient, ni l'analyste ont la moindre notion de ce qui est répété :
l'analysant vit le fait d'être confronté aux énigmes qui l'ont intrigué dans le passé. Ce
qui est « répété » n'a jamais vraiment été vécu jusque-là de manière subjectivement
compréhensible. Cette notion est très proche, si ce n'est identique, à ce que Winnicott
soulève, dans son célèbre article « Fear of Breakdown » (« La crainte de
l'effondrement ») (Winnicott, 1974 ; voir aussi Clare Winnicott, 1980) c'est-à-dire que
quelque chose a eu lieu, dans le passé, mais au moment de sa survenue il n'y avait pas
eu de « je » pour l'enregistrer. En conséquence, elle doit être vécue dans l'analyse
pour la première fois afin de devenir un évènement du passé. Celle-ci est donc la
forme la plus importante du transfert, dans ce sens où ce qui survient sous une forme
mal représentée doit être vécue et travaillée dans une élaboration psychique, pour la
première fois dans la vie du patient.

610
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VI. LES CONTRIBUTIONS ET LES DÉVELOPPEMENTS SPÉCIFIQUES


NORD-AMÉRICAINS

L'idée de départ de Freud, d'une « névrose de transfert », de sa mise en place et


de sa cure au travers d'une élaboration psychique, est devenue la marque de fabrique
des idées que les psychanalystes nord-américains ont portées pendant la période
subséquente de l'hégémonie de la « psychanalyse classique » (un terme qui dénote la
psychologie du Moi américaine des années 1940, 50 et 60). Bien que cette idée ait
depuis perdu beaucoup de son influence, la mise en place, pendant la période
‘classique’ et la résolution d'une névrose de transfert définissait virtuellement le
traitement psychanalytique. Si des traitements manquaient de névrose de transfert
claire, ceux-ci, ainsi que leur ‘cure’, étaient généralement mis en question en termes
de leur ‘véritable’ légitimité psychanalytique.
A cette époque, la vision de Strachey comportait toujours de nombreux
partisans et les analystes nord-américains (de l'American Psychoanalytic Association
[Association Psychanalytique Américaine], « APsaA ») de la période dite ‘classique’
évitaient en général de commenter le transfert à leurs analysants, sauf en cas de
raisons particulières. La technique analytique fondée sur le principe de Strachey était
alors largement enseignée aux étudiants dans les instituts de l'APsaA. Néanmoins, son
point de vue n'était pas universel et le travail analytique dans le transfert extra-
analytique était largement pratiqué, si ce n'est que de manière plus discrète.
Dans les discussions sur l'évolution du concept de transfert, il est important de
garder à l'esprit l'évolution de son partenaire toujours présent, le contre-transfert. De
l'avis général (bien que plus récemment remis en question, voir Holmes, 2014) et dès
le début, dans les premiers écrits et dans la correspondance de Freud, le transfert était
considéré, jusqu'aux années 1950 et 60, comme une réaction chez l'analyste, en
grande partie inconsciente, extrêmement personnelle, si ce n'est idiosyncrasique, qui
fait obstruction ou qui gêne sa capacité à fonctionner comme tel par rapport à un
patient en particulier, lequel lui-même suscite chez lui le contre-transfert. Dans cette
optique, en somme, le contre-transfert était un problème qui exigeait souvent, quoique
pas régulièrement, qu'il fasse l'objet d'un travail analytique supplémentaire ou au
moins que l'analyste traitant s'analyse lui-même à ce sujet. Malgré ses parallèles avec
le transfert, le contre-transfert était perçu à cette époque comme une réaction
discontinue, qui pouvait survenir à certains moments, ou phases particulières dans une
analyse. De même, il était considéré, comme le transfert, pas tant comme un
évènement interpersonnel qui surgit depuis l'interaction de deux individus en
particulier, mais plutôt qui se déclenche à partir d'un modèle ou d'un schéma
préexistant chez l'analyste, en réaction à l'analysant, quoiqu'il ne soit pas
essentiellement façonné par ce dernier. L'étude intensive délibérée du phénomène du
contre-transfert en tant que tel et en lui-même, et en tant que conséquence unique

611
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d'une dyade spécifique au cœur d'une situation analytique particulière et unique,


devait encore attendre l'occasion de rencontrer son élaboration future.

VI. A. Edith Jacobson et Hans Loewald : Les érudits traditionnels de la


psychanalyse classique
Dans la tradition « classique », des érudits transitionnels ont commencé à
pallier les divisions entre les théoriciens selon le modèle « one-person » de la pulsion
et les perspectives « two-person » relationnelles. Edith Jacobson et Hans Loewald en
ont été probablement les deux plus éminents et influents contributeurs. Originaires de
la tradition de la psychologie du Moi, ils considéraient que cette perspective ne
donnait pas suffisamment d'importance à l'environnement relationnel, ou à la relation
à l'objet, dans la formation de la structure psychique et à la nature des pulsions
instinctuelles en particulier. L'ouvrage monumental de Jacobson, The Self and the
Object World, (Le soi et le monde objectal) 1964 représentait une intégration de la
théorie de la relation d'objet à la théorie « classique » des pulsions. Sa vision, comme
celle de Loewald, eut des implications importantes en ce qui concerne la
compréhension du transfert, aussi bien pour ses premières expériences
développementales formatives que pour ses implications pour la technique
psychanalytique.
Loewald, psychologue et auteur de la psychologie du Moi dans les années
1970 et 1980, a comblé ce fossé (de la relation par rapport au transfert du patient, par
rapport aux transferts du patient et de l'analyste) en proposant une théorie de la
pulsion plutôt différente, amalgamée à la théorie relationnelle de l'objet.
Pour Loewald, la théorie instinctuelle est résolument « psychologique » plutôt
que « biologique ». Loewald, qui eut Heidegger comme professeur de philosophie,
avait détecté « ...l'interrelation inextricable entre ce que nous appelons sujet et objet »
(1970, p. 55). En cela, il était en phase avec la déconstruction postmoderne
philosophique de l'objectivité, dans les sciences, un courant intellectuel qui a
finalement influencé l'ensemble de la psychanalyse, particulièrement l'école
relationnelle (voir ci-dessous). Du point de vue développemental, la vision de
Loewald stipulait que les « relations objectales... [ne sont pas] uniquement des
facteurs constitutifs régulateurs dans la formation de la structure psychique, mais
qu'ils sont essentiels [...] Le processus psychanalytique et [...] les processus de
développement précoce révèlent l'origine interactionnelle et la nature de la réalité
psychique » (1970, p. 67)203. Lorsqu'il écrit sur la « névrose de transfert », tout en
restant axé sur l'importance de la centralité de la situation Œdipienne, il élargit le sens
du processus analytique en une scène corédigée de « transfert et de contre-transfert »
(Loewald, 1971). Ainsi, « le transfert », souvent qualifié de figure unique, prit la
forme de nombreuses figures d'influence, du point de vue transférentiel. Celles-ci sont

203
Citations traduites pour cette édition (N.d.T)

612
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encodées dans l'éducation de l'enfant et donc dans son esprit en croissance, et


comprennent la représentation que l'enfant se construit des relations émotionnelles de
ses proches entre eux : le tout internalisé sera réexternalisé encore, de façon verbale et
non verbale, dans l'analyse. Par analogie, la situation analytique, ainsi que les
transferts et contre-transferts émergents, s'apparentent à une pièce de théâtre mise en
place par le patient, où l'analyste corédige le scénario que le patient écrit jusqu'à ce
que, par son autonomisation progressive, l'analysant prenne la relève de sa propre
interprétation du scénario. (Loewald, 1975).

VI. B. L'influence de Heinrich Racker à l'évolution du concept en Amérique du


Nord
Alors que la psychologie du Moi nord-américaine dominait en grande partie la
psychanalyse dans cette région du monde, les études fondatrices argentines de
Heinrich Racker sur le contre-transfert ont été chaleureusement accueillies par l'école
nord-américaine interpersonnelle de Harry Stack Sullivan. Les premières études
publiées de Racker (1953, 1957, 1958b) ont mis l'accent non seulement sur l'ubiquité
du contre-transfert et sa nature continue mais, plus important encore peut être, sur ses
aspects interpersonnels ou relationnels. Il y ajouta également les dimensions
essentielles développementales et génétiques (c'est-à-dire individuelles-historiques).
Pour Racker, les transferts et les contre-transferts dans la situation analytique sont par
nécessité dyadiques, ils impliquent les sentiments, les fantasmes, les pulsions et les
mémoires inter-pénétrants aussi bien du patient que de l'analyste, ainsi qu'un impact
mutuel sur les interactions de l'un par rapport à l'autre. Dans cette optique, le transfert
et le contre-transfert sont positionnés en termes de relations d'objet, particulièrement
dans la répétition de ces relations précoces ; les termes « complémentaire » et «
concordant » y sont introduits, pour décrire les schémas typiques de réciprocité.
Le travail de Racker et sa vision du transfert/contre-transfert et leur
inséparabilité a fait son chemin progressivement dans le courant « mainstream » nord-
américain, au point qu'il est difficile d'obtenir un accord favorable si l'on souhaite
faire publier un article clinique dans le Journal of the American Psychoanalytic
Association (la revue de l'Association psychanalytique américaine) s'il ne contient pas
au moins un descriptif clinique minimal de la dimension transfert/contre-transfert
dans le manuscrit. L'intégration de l'implication des deux personnes dans le
transfert/contre-transfert a contribué à une certaine convergence des points de vue de
l'école relationnelle/interpersonnelle avec celles de l'école de la théorie « moderne du
conflit », bien que des différences fondamentales subsistent, comme nous allons le
développer ultérieurement. Les décennies des années 1970, 80 et 90 ont néanmoins
été qualifiées, et à juste titre, d'« années du contre-transfert » (Jacobs, 1999, p. 575).
Jacobs a bien identifié le contre-transfert, un concept « longtemps resté dans l'ombre,
dont les problématiques qui ont émergé font désormais partie des débats et des

613
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discussions les plus actives en psychanalyse »204. Il est aujourd'hui difficile, mais en
aucun cas impossible, de parler du transfert sans faire référence à son partenaire. Ce
fut une évolution radicale, un changement de paradigme peut-être.
Le point de vue selon lequel le transfert est la répétition des relations passées,
portées dans le présent, et surtout dans la relation analytique, bien que modifiées de
différentes façons (et peut-être de manière méconnaissable, selon l'école
relationnelle/interpersonnelle : voir plus loin) reste de nos jours fondamentalement
reconnu par les analystes nord-américains. Kernberg (dans cette entrée, voir plus loin)
cite probablement la grande majorité des analystes américains, lorsqu'il souligne que
l'analyse du transfert est la principale source de changement spécifique que le
traitement psychanalytique entraîne. L'analyse du transfert pourrait bien représenter la
caractéristique fondamentale qui distingue la psychanalyse d'autres psychothérapies.
La « modern conflict theory » (MCT) ou la « théorie moderne du conflit » (ou
parfois appelée « théorie du conflit » ou « analyse classique ») a représenté une
évolution par rapport à la « psychologie du Moi » (Hartmann, 1939) qui avait dominé
le secteur entre les années 1940 et 1980. Ainsi, la vision de la MCT soutenait que la
capacité au transfert se situait exclusivement et uniquement dans l'esprit de
l'analysant. Ce point de vue est en fort contraste avec ceux de la théorie « two-person
» qui de manière différente soutient que le transfert, qui est probablement, dans ce
sens, un terme inapproprié – ou mieux, disons, la relation – est une conséquence de
novo unique des interactions au cœur d'une dyade analytique particulière. Une
variante de cette idée stipule que le transfert est coconstruit et que par conséquent le
transfert apparent de l'analysant sera différent en fonction de son partenaire
analytique. L'usage du terme « transfert » peut prêter à confusion puisque les
analystes de la théorie « two-person » peuvent évoquer le transfert tout en écartant ou
en minimisant l'importance même de la répétition du passé. Alors que la vision de la
théorie « two-person » soutient que la relation analytique est créée uniquement ou
principalement à partir des éléments qui existent au moment présent, la vision de la
MCT conserve l'idée de Freud, selon laquelle la relation analytique va être fortement
influencée par le transfert dans le sens de la répétition des relations passées que le
patient a vécues. Du point de vue des analystes de la théorie « two-person », par
conséquent, il n'y a rien d'important qui puisse être transféré. Il serait donc plus
indiqué de parler de relation psychanalytique que de transfert.

VI. C. La théorie moderne du conflit


Les descendants contemporains de la psychologie du Moi nord-américains
(voir l'entrée LE CONFLIT) considèrent que l'activité transférentielle, avec sa nature
répétitive et interactive dans la dyade transfert/contre-transfert, est une manifestation

204
Citations traduites pour cette édition (N.d.T)

614
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des fantasmes inconscients omniprésents et persistants, que l'on peut signifier en


termes de formation de compromis, qui peuvent être adaptatifs ou mal-adaptatifs, et
qui sous-tendent des symptômes névrotiques tout autant que des accomplissements
créatifs. Les notions cliniques contemporaines telles que le 'transfert caché' et les
'cycles de transfert' (ci-dessous) sont des exemples de la complexité actuelle de cette
école. En développant le point de vue de l'ubiquité du fantasme inconscient dans ses
manifestations superposées, Abend (1993) a identifié les subtilités idiosyncrasiques
du transfert 'caché' sur la situation psychanalytique en général. Il écrit que « Ma
propre expérience psychanalytique m'a induit à devenir progressivement plus attentif
aux moyens idiosyncrasiques parfois subtils que les patients utilisent pour construire
une situation analytique conforme à leurs propres besoins émotionnels. Souvent, ils
représentent des expériences permanentes de gratifications transférentielles qui
peuvent être difficiles à détecter, pour le psychanalyste, et encore plus difficiles pour
le patient à abandonner. Il existe des différences de souhaits transférentiels qui ne sont
pas autant sujet à des déceptions et frustrations vis-à-vis des limites de la situation
psychanalytique que d'autres, c'est-à-dire le désir d'être pris au sérieux par un auditeur
attentif. Cela pose un problème technique qui mérite d'être étudié. Je suis persuadé
qu'il y a grand avantage à détecter ces transferts cachés au cas par cas, sur une base
individuelle, sans employer de formule potentiellement restrictive qui viendrait du
schéma préférentiel de l'analyste... » (Abend, 1993, p. 644)205. Ellman and Moskowitz
(2008) associent à la nature répétitive du transfert l'idée de considérer le traitement en
termes de cycles de transfert en relation à la confiance analytique, au vrai soi ('self'),
aux conflits et aux relations d'objet : « [...] chaque nouveau cycle implique le
renouvellement au moins partiel de la confiance analytique. La confiance est
bidirectionnelle et la confiance de l'analyste vis-à-vis du patient implique de venir en
aide ou de rester à l'écart pendant que le patient trouve sa propre voix et qu'il
construise sa réalité de sa propre manière idiosyncrasique. Ainsi, la réalité est vécue
comme étant construite [...] Néanmoins, les conflits du patient et de son vrai soi
('self') sont en grande partie contenus chez le patient. Comment l'interaction est
construite dépend de la paire analytique en question, mais nous pensons qu'il existe un
vrai soi ('self') qui n'est pas une construction. Chaque cycle de transfert débute un
nouvel aspect de la relation d'objet dans lequel la confiance est renforcée par deux
différents pôles. Au départ, le thérapeute entre dans le monde du patient et lorsqu'une
séparation naturelle est détectée et tolérée, chaque membre de la paire commence à
exprimer ses points de vue sur la relation. Être capable d'utiliser l'autre est selon nous
un aspect crucial des bénéfices de l'insight dans la situation analytique »206 (p. 825).
VI. D. Focalisation interprétative : Le transfert face à l'extra-transfert
Comme nous l'avons évoqué dans l'introduction, une question a été posée :
elle interroge notamment à quel point l'analyse du transfert serait bien une forme
d'interprétation exclusivement efficace, et son corolaire, dans les cas où l'activité

205
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)
206
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

615
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interprétative de l'analyste est exclusivement limitée aux interventions concernant le


transfert. Bien qu'il existe une majorité d'analystes nord-américains qui sont
convaincus que les interprétations transférentielles sont bien les interprétations
efficaces, du point de vue thérapeutique, la plupart considèrent qu'il existe de
nombreux problèmes dans la vie du patient qui pourraient attirer l'attention de
l'analyste parce qu'ils sont affectivement dominants dans la communication du
moment et qu'ils sont liés au transfert. En conséquence de quoi, ces analystes estiment
que l'interprétation du conflit inconscient concerné, qui est focalisée sur cette relation
extra-transférentielle, peut être utile puisque la dominance affective y est située.
Cependant, les conflits inconscients pathogènes majeurs ont tendance éventuellement
à être ancrés dans des structures défensives caractérologiques qui deviendront des
résistances transférentielles. Ainsi, l'analyse systématique du transfert est
généralement considérée être essentielle, sans pour autant être une focalisation
exclusive de l'activité interprétative de l'analyste.
L'approche kleinienne a toujours eu tendance à optimiser l'analyse
systématique du transfert, bien que cela soit quelque peu différent de nos jours, en ce
qu'elle a évolué aujourd'hui sur les approches de la théorie relationnelle et de la
théorie de la psychologie du Moi. L'analyse française a également développé cet
aspect du travail.

VI. E. Les approches de la relation d'objet : configurations transférentielles


archaïques et avancées.
La compréhension de la nature de la régression transférentielle a également
évolué sur la conceptualisation des transferts déterminés par les relations d'objet
archaïques, primitifs et précoces en contraste avec les transferts œdipiens ultérieurs à
un stade avancé. Les conflits œdipiens et préœdipiens sont généralement condensés
dans des transferts régressifs dominés par des développements agressifs, en contraste
avec les différentiations plus claires des stades de développement dans les transferts
régressifs avec une dominance de conflits dans la sexualité infantile.
Compte tenu de la théorie contemporaine des relations d'objet, notre
compréhension des aspects identificatoires et projectifs du transfert, comme ceux que
l'on constate dans le traitement de troubles graves de la personnalité, a été clarifiée et
enrichie. Dans le cas de l'organisation de la personnalité névrotique, les énactions
prédominantes dans les contraintes transférentielles/contre-transférentielles qui se
développent pendant le traitement impliquent l'identification du patient à un aspect de
son soi infantile, tout en projetant la représentation d’objet lui correspondant sur
l'analyste. Le renversement de cette énaction, où le patient s'identifie à la
représentation de l'objet alors qu'il projette la représentation de soi correspondante sur
l'analyste est moins fréquent. En contraste, dans les cas de psychopathologie grave, de
tels renversements sont fréquents et les renversements constants en alternance de soi

616
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et de l'objet constituent la règle, ce qui donne aux développements du transfert un


aspect apparemment chaotique (Kernberg, Yeomans, Clarkin et al., 2008).
De plus, d'autres complications peuvent émerger dans ces cas : d'une part,
l'activation réciproque du Moi grandiose du patient et sa représentation dépréciative
représentent une pathologie dominante des relations d'objet dans les manifestations
transférentielles de la pathologie narcissique et, d'autre part, la régression à la relation
symbiotique dans lequel le patient est incapable de tolérer les différences de points de
vue et des liens chez le thérapeute, où l'expérience de ce patient par rapport aux
triangulations constitue pour lui une situation traumatique intolérable. Dans ces cas,
l'interprétation et le travail d'élaboration de ces régressions de transfert primitif
peuvent représenter un point thérapeutique dominant.

VI. F. Perspectives relationnelles


La vision relationnelle/interpersonnelle du transfert est fermement enracinée
dans une psychologie « two-person » et dans ce cadre, le transfert est inextricable du
contre-transfert. Cela signifie que pour les relationnistes, le transfert n'est pas
simplement un « transfert » de modèles internalisés du patient sur l'analyste mais
plutôt une partie de la situation clinique qui est, selon Racker (1988) une interaction
entre deux personnalités. Chaque personnalité a ses dépendances internes et externes,
ses angoisses et ses défenses pathologiques ; chacune est également un enfant avec
ses parents internes et chacune de ces personnalités complètes – celle de l'analysant et
celle de l'analyste – réagit à chaque évènement que la situation analytique suscite. (p.
132). Steven Mitchell (2000) affirme que la connaissance psychanalytique est générée
dans le mélange intersubjectif entre le patient et l'analyste, par l'étude des schémas
transactionnels, avec une structure interne qui découle d'un champ interactif et
impersonnel. Puisque le schéma fait l'objet d'une étude analytique, le transfert n'existe
pas sans la participation de son objet (contre-transfert).
Pour les analystes relationnels, le transfert est fondé sur un modèle
socioconstructiviste. Irwin Z. Hoffman (1983) précise que le transfert n'est pas une
distorsion de la réalité mais une attention sélective de certains aspects de la
participation de l'analyste, aussi bien conscients qu'inconscients. Une implication
majeure de ce point de vue est que l'analyste influence inévitablement la nature du
transfert du patient. De même qu'Ogden (1994) l'avait observé, un patient donné aura
une analyse différente, aussi bien consciente qu'inconsciente, selon les particularités
propres à l'analyste dans la cocréation du « tiers analytique ». Selon la Théorie
interpersonnelle de psychiatrie, de Sullivan (1953), une personne ne peut être connue
que dans le contexte d'une interaction sociale qui constitue « un champ interpersonnel
» en constante mutation. Ainsi, il considère que le « système du soi » sert au sujet à
réduire son anxiété dans son interaction avec un « autre » significatif ; un « transfert »
du patient vis-à-vis de son analyste pourrait être une forme d'adaptation conçue pour
réduire le danger dans l'interaction, sans doute protégeant l'analyste. Irwin Hoffman

617
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critique la vision classique du transfert en pointant sur l'impossibilité de l'analyste à


ne pas influencer la réaction du patient envers lui.
Tout comme certains analystes relationnels contemporains, notamment
Bromberg (1998, 2006, 2011) et D. B. Stern (2011), considèrent le soi comme un
ensemble d'états du Soi (c'est-à-dire des relations d'objets internalisés) qui pourraient,
ou non, être conscients l'un de l'autre, ils partagent le point de vue que le transfert est
un état du Soi du patient qui interagit avec l'état du Soi de l'analyste. Bromberg (1998,
p. 13) précise que : « En étant en phase avec les changements de ses propres états de
Soi, ainsi que ceux du patient, et en utilisant cette conscience de manière
relationnelle, l'analyste fait progresser la capacité du patient à entendre dans un
contexte unique interpersonnel l'écho de ses autres Soi qui expriment des réalités
alternatives qui étaient auparavant incompatibles. »207

VI. G. Les perspectives de la Self-Psychology : Kohut et ses contemporains


Les considérations par rapport au transfert de la Self-psychology sont
différentes d'autres points de vue théoriques dans ce sens qu'elle est fondée sur la
ligne développementale du narcissisme qui se distingue des relations d'objet. Elle
prend également en considération une théorie de l'esprit extensive (Sheldrake, 2012) :
ainsi, « l'autre », ou l'analyste, ne se considère pas être distinct du patient, comme
c'est le cas pour la psychologie « two-person », mais comme un constituant du patient,
ou comme un « objet du Moi ». A partir de cette perspective, l'analyste, en qualité de
figure du transfert, n'a pas de composant mental transféré ou « projeté » sur lui, mais
participe plutôt dans l'analyse et dans la croissance permanente du Self (Kohut, 1971).
Depuis les premiers débuts du développement du Self, à commencer par la
réalisation d'un Self cohésif (Kohut) et les caractéristiques évolutives en continu du
Self, on peut noter les aspects duaux du Self, selon les modifications qui peuvent
avoir lieu dans l'ambition et l'idéalisation (voir l'entrée LE SELF). Par conséquent, les
transferts ou les élaborations de l'objet du Moi sont dirigés sur l'analyste qui porte
assistance à l'intégration du Soi, comme un objet du Moi en miroir, un objet du Moi
jumelé ou un objet du Moi idéalisé. Les transferts pourront retracer la ligne
développementale du narcissisme avec ses aspects aussi bien normaux que
pathologiques. Les interprétations du transfert permettront à la pathologie, dans un
contexte d'imitation (« mirroring »), à se transformer dans un sentiment de fierté alors
que les transferts idéalisés seront intégrés dans un sentiment d'enthousiasme. Il est
nécessaire de reconnaître qu'une théorie extensive de l'esprit n'implique jamais qu'une
personne soit isolée mais plutôt que les autres soient utilisés comme des objets du
Moi pour faciliter l'imitation et l'idéalisation. Personne n'est jamais vraiment libéré
des objets du Moi. Ceci est en concordance avec le fait que les transferts, les transferts
d'objet du Moi ainsi que les autres, soient omniprésents et universels.

207
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

618
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VII. LE DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT EN AMÉRIQUE LATINE

VII. A. Ángel Garma


Ángel Garma a mis en place un mouvement psychanalytique important en
Argentine qui s'est à son tour déployé partout en Amérique latine. Né à Bilbao en
Espagne, il partit vivre en Argentine en 1938, pendant la guerre civile d'Espagne
(1936-39). Il fut le fondateur, avec d'autres, de l'Association psychanalytique
d'Argentine en 1942, dont il fut le président pendant certaines périodes.
Dans l'un de ses premiers articles, « La Transferencia afectiva en el Psicoanálisis » («
Le transfert affectif dans la psychanalyse ») de 1931, il insista sur l'importance de
rendre consciente, dans le traitement psychanalytique, la soumission masochiste
inconsciente du patient au Surmoi qu'il a transféré sur l'analyste.
Pendant la même année, Garma présente un article pour devenir membre de la société
psychanalytique allemande, « Die Realität und das Es in der Schizophrenie » (« La
réalité et le Ça dans la Schizophrénie ») qui fut publié dans la revue Internationale
Zeitschrift für Psychoanalyse, Volume XVIII (1932), 2.
Des traces de la pensée de Garma se retrouvent chez les auteurs suivants :

VII. Aa. Heinrich Racker


Natif de Pologne, H. Racker a été forcé d'émigrer en Buenos Aires, en 1939,
en raison de la persécution nazie. Il a commencé sa formation analytique avec Angel
Garma et a beaucoup influencé le développement de la pensée psychanalytique et la
pratique en Amérique latine (Garma, 1931).
Racker s'est focalisé sur ce qui se passe pour l'analyste lorsqu'il est en
connexion avec l'analysant pendant l'analyse. Par conséquent, de même que pour la
dynamique du transfert, il développa ce qu'il appela la dynamique du contre-transfert,
qui permet à l'analyste une compréhension plus approfondie du transfert. Il prend en
compte non seulement les aspects répétitifs mais aussi ce qui est nouveau dans
l'échange entre l'analyste et l'analysant.
Racker a développé certains concepts à une époque où, selon lui, l'attention
portée à la résistance au transfert, ainsi qu'à l'interprétation des rêves, n'était pas
suffisante. Les conflits étaient souvent interprétés mais les motivations profondes,
telles que l'accomplissement de désir dans les rêves, qui sont en fait leur essence-
même, semblaient être ignorées.
Il attribua ces différences techniques à des fluctuations dans la pensée
freudienne elle-même. Dans Estudios sobre técnica psicoanalítica [Etudes sur la
technique psychanalytique], Racker (1958) avait remarqué que Freud souhaitait éviter

619
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à ses patients l'intensité et la violence de la répétition et parfois, il semblait vouloir


limiter sa propre disposition à donner à la névrose de transfert une place centrale dans
le traitement.
La contribution de Racker au transfert a été principalement de poser l'accent
sur certains processus inconscients qui ont lieu avec l'analyste, qui l'inhibent et
l'empêchent de proposer les interprétations appropriées tout au long du traitement : ce
qu'il a qualifié de « contre-résistances » à l'activité d'interprétation. Le contre-transfert
est la réponse véritable au transfert. En conséquence, il mit en application la
méthodologie freudienne qui consiste à transformer ce qui était devenu un obstacle
(c'est-à-dire le contre-transfert) en un instrument qui élargit la compréhension de ce
qui peut ‘rendre conscient l’inconscient’ (voir l'entrée CONTRE-TRANSFERT).
Les propositions de Racker peuvent être différenciées de ce qui était qualifié à
l'époque de ‘psychanalyse classique’ qui mettait l'accent sur les notions ‘d'analyste
miroir’ et ‘d'analyste chirurgien’ pour parvenir à une asepsie idéale – parce qu'il
soutenait une technique plus active vis-à-vis du matériel clinique de l'analysant ; des
propositions qui peuvent être attribuées à l'influence de Klein et, en particulier, Paula
Heimann.
Il adopta un aspect actif de ces expressions freudiennes en devenant conscient
des processus d'identification avec le patient, ce qui implique une certaine mesure
d'empathie et une attention particulière aux associations du patient. Il consacre ainsi
une approche aussi bien microscopique que macroscopique à l'activité du patient,
dans le Siedehitze (le feu intense) du transfert.
Ce feu intense est réalisé, selon Racker, uniquement si l'analyste y apporte
suffisamment de son feu (suffisamment de contre-transfert positif pendant sa
contribution) à la situation analytique. Racker soulignait qu'une asepsie certaine ne
devrait pas nous empêcher de montrer notre intérêt et notre affection à l'analysant,
parce que seulement Éros est en mesure de créer Éros.
Certaines défenses de l'analyste contre des aspects de son propre inconscient
peuvent entraver son activité face à l'inconscient de l'analysant. Ces défenses se
manifestent par des comportements de réserve excessive, d'inflexibilité, de froideur et
par un comportement inhibé en présence de l'analysant.
Comme Freud, Racker considère que le transfert doit être interprété quand il
est utilisé par la force de la résistance. Cependant, il se distinguait de Freud quand il
soulignait que les ‘résistances au transfert’, telle que l'angoisse de transfert,
apparaissent dès le début des analyses, et qu'elles doivent être abordées au plus tôt.
Racker affirmait que le transfert est la résistance mais aussi le résisté. Il
précisa son orientation davantage sur la base d'une idée freudienne depuis l'ouvrage
Au-delà du principe du plaisir (1920), en ce qui concerne la position de l'analyste, qui
s'allie au Ça et son penchant à la répétition et lutte contre les résistances du Moi qui
oppose la répétition. Il souligna la notion de la présence du résisté dans la répétition.

620
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Selon Racker, la thérapie analytique est focalisée sur l'analyse de la névrose de


transfert. Le transfert est la résistance ainsi que le résisté ; c'est-à-dire que l'analysant
répète les défenses infantiles (qui constituent les résistances de transfert) afin de ne
pas amener à la conscience certaines situations d'angoisses infantiles qu'il est sur le
point de revivre dans le transfert.
Il précise que certaines résistances à la prise de conscience ne sont pas
connectées à des occurrences véritables, mais plutôt à quelque chose qui n'est jamais
devenue passé et est donc revécu dans le présent. Il semblerait là que Racker fait
référence à ce qui n'a pas réussi à s'inscrire et en conséquence continue à vivre dans
un présent constant.
Il affirme que « chaque remémoration représente à la fois une relation
transférentielle en particulier, et chaque refus de se souvenir représente un rejet d'une
relation transférentielle en particulier » (Racker, 1958, p. 63)208. Afin de faire état de
l'existence de la résistance issue du contre-transfert, Racker prend pour point de
départ l'affirmation freudienne qui stipule que l'analyste souhaite que le patient se
souvienne des choses en ce qu'elles appartiennent au passé, au lieu de répéter ce qui
est refoulé comme si c'était dans le présent, et dans le transfert.
Selon la théorie de Racker, le transfert et le contre-transfert représente deux
composantes d'une unité qui se nourrissent mutuellement. Dans le contre-transfert,
Racker distingue la réaction de l'analyste au transfert manifeste à une autre réaction au
transfert potentiel, latent, mais qui a été refoulé et bloqué. Le contre-transfert est une
expression de la relation de l'analysant avec ses objets internes et externes et, de plus,
il constitue une véritable expérience : il sera donc important de le prendre en compte
(voir l'entrée CONTRE-TRANSFERT).
La réaction au transfert négatif et sexuel par rapport à un contre-transfert
négatif et sexuel de la part de l'analyste empêche l'analysant d'introjecter l'analyste
comme un ‘objet bon’, libre d'angoisse et de colère. D'autre part, le contre-transfert
positif permet à l'analyste de s'identifier au Moi et au Ça de l'analysant. C'est pour
cette raison que Racker suggère que le contre-transfert négatif doit toujours être
analysé et dissous.
L'angoisse dans le contre-transfert représente toujours un guide pour
l'analyste, et il peut être exprimé dans un ensemble composé par exemple d'états de
tension ou d'irruptions d'angoisses de contenus soit paranoïdes ou dépressifs.
L'angoisse que suscite chez l'analyste le désaccord de l'analysant et la frustration qui
en découle peut précipiter dans son esprit son propre masochisme ou une autre sorte
de résistance, telle que des sentiments sexuels intenses provoqués, à leur tour, par le
matériel inconscient de l'analysant.

Bien que Racker insiste sur le fait que le contre-transfert ne doit pas être
confessé, il admet néanmoins qu'il doit être inclut dans l'interprétation proposée. Par
208
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

621
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exemple, en énactant (par la mise en acte) de manière temporaire le rôle que


l'analysant a déclenché pour ensuite analyser ce qui a eu lieu. L'analyste doit éviter
l’acting-out, mais dans certains cas de patients qui utilisent la règle fondamentale (qui
favorise l'usage des mots) en une résistance dans le but de paralyser l'influence de
l'interprétation, l'acting-out de l'analyste fonctionne comme une interprétation.
Racker, cependant, met en garde que cette technique devrait être utilisée uniquement
par des analystes expérimentés.
Il insiste avant tout sur l'importance de l'interprétation en se focalisant sur la
névrose contre-transférentielle, qui est au cœur du complexe d'Œdipe (dans ses
aspects positifs et négatifs). Il précise que l'analyste est un objet d'impulsions, qui
pourraient déformer sa perception, mais lorsque sa propre réaction névrotique y est
ajoutée, sa capacité d'interprétation devient entravée. De plus, le contre-transfert
névrotique a, à son tour, une influence sur le transfert de l'analysant. A partir du
complexe d'Œdipe qui s'est impliqué dans le contre-transfert, l'analyste transfère ses
objets paternels sur l'analysant et aura tendance à répéter les aspects aussi bien
négatifs que positifs. Par exemple, les rivalités par rapport à l'époux/épouse de
l'analysant, la jalousie et les fantasmes de possession pourraient émerger.
Racker a présenté ces concepts en prenant en compte la formation des
analystes. Il a fondé ses idées sur le postulat de Freud en 1937, dans « Analysis
Terminable and Interminable » (« L’Analyse avec fin et l’analyse sans fin »).
L'analyse de l'analyste uniquement ne suffirait pas à son instruction mais on compte
d'une part sur le fait que le stimulus qu'il a reçu dans sa propre analyse ne cesse pas
lorsqu'elle est terminée, et d'autre part sur la continuité spontanée des processus
permanents de remodelage du Moi chez le sujet analysé et l'usage de ses expériences
ultérieures dans ce sens nouveau, ce qui qualifie le sujet analysé à devenir analyste
lui-même.
Il précise également que le fait de ne pas pouvoir ‘renoncer’ au patient, ainsi
que la réticence de le guérir, ou l'envie sexuelle qui pourrait pousser l'analyste à
l’acting-out, sont tous des dangers qui mettent en péril l'évolution de l'analysant. Il
souligne que la connaissance même de son ‘équation personnelle’ permettra à
l'analyste de réussir à diminuer le danger d'induire ou de ‘greffer’ (comme il le dit lui-
même) sa propre névrose sur le patient.
Un mythe que l'on rencontre dans la situation analytique est celui de l'analyste
sans angoisse ni colère qui, selon Racker, correspondrait aux idéaux typiques à la
névrose obsessionnelle, ce qui pourrait susciter un blocage mental et un refoulement.
En contraste à cela, l'objectivité véritable consiste à ce que l'analyste intègre sa propre
subjectivité ou son propre contre-transfert comme des objets permanents à observer et
analyser.
Racker précise les identifications concordantes de l'analyste avec l'analysé :
son Ça avec le Ça de l'analysant, son Moi avec celui de l'analyste et la même chose
avec le Surmoi. Il fait la distinction, cependant, entre les identifications

622
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complémentaires qui sont connectées aux objets de l'analysant. Par exemple, la


disposition empathique de l'analyste, qui est à son tour fondée sur un contre-transfert
sublimé, permet des identifications concordantes. Lorsque celles-ci sont rejetées, ce
sont les identifications complémentaires qui restent prévalentes.
Afin de détecter ces identifications, Racker insiste sur l'importance des
expériences contre-transférentielles qui sont impliquées dans les idées et positions
contre-transférentielles. Les idées contre-transférentielles émergent de la résonance
particulière qui a lieu chez l'analyste, en raison de la correspondance avec la
constellation psychologique de l'analysant.
Les idées contre-transférentielles apparaissent grâce à l'attention
uniformément flottante suggérée par Freud ; elles ne posent aucun danger pour
l'objectivité sauf si elles sont négligées. En revanche, ce sont bien les positions
contre-transférentielles inavouées (par exemple la colère de l'analyste par rapport au
comportement frustrant de l'analysant) qui porteront à conséquence.
Racker décrit les phénomènes de ‘para-contre-transfert’ (Esp. original : ‘para-
contratransferencia’) connecté aux transferts (de l'analysant), générés par l'analysant
lui-même, pendant le traitement, vis-à-vis de ses proches. De même, les transferts de
l'analysant au sujet des gens, des lieux et des institutions en lien avec l'analyste
émergent (‘para-transfert’ (Esp. original : ‘para-transferencia’)).
Racker fait également une distinction entre l'angoisse contre-transférentielle
de nature dépressive, qui correspond en général à une défense masochiste chez le
patient qui suscite chez l'analyste une propension à réparer et à vivre l'expérience du
patient comme s'il était endommagé par une angoisse paranoïde (l'analyste a peur
d'être attaqué, ou blessé, par le patient). Il existe un lien entre l'angoisse paranoïde de
l'analyste et l'identification du patient à des objets persécutants desquels le patient
essaie de se protéger en harcelant l'analyste. C'est dans ces cas que l'analyste éprouve
une angoisse paranoïde.
Racker ajoute que ce sujet n'a que peu été abordé dans la littérature, en
affirmant que les analystes en seraient gênés. La cause réside dans ce qui constitue la
base du contre-transfert : les expériences infantiles qui ont été réveillées par le travail
analytique.
Les idées de Racker, en particulier les concepts de contre-transfert, et ceux de
l'analyste formé en auto-observation, ont exercé une influence dans la formation de
plusieurs analystes, pas uniquement en Argentine, mais dans toute l'Amérique latine.

VII. Ab. Fidias Cesio


Fidias Cesio, affilié à la pensée freudienne, à laquelle il contribue ses propres
avancés, examine, en premier lieu, les deux définitions du transfert. L'une explicitée
dans « L'interprétation des rêves » (1900) concerne le transfert provenant des idées

623
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inconscientes qui sont transférées sur des représentations préconscientes et l'autre,


illustrée par le cas de Dora (1905), où il s'agit du transfert envers la personne de
l'analyste, qui, selon Freud : « […] Ce sont des nouvelles éditions, des copies de
tendances et des fantasmes qui doivent être éveillés et rendus conscients par le
progrès de l'analyse et dont le trait caractéristique est de remplacer une personne
antérieurement connue par la personne du médecin. Autrement dit, un nombre
considérable d'états psychiques antérieurs revivent, non pas comme états passes, mais
comme rapports actuels avec la personne du médecin. » (Freud 1905, p. 116).
La première version du transfert est celle que l'on trouve dans le discours de
l'analysant, la règle de l'association libre qui, grâce à une écoute analytique
particulière en dit davantage que le niveau manifeste nous laisse le croire : en qualité
d'analyste, nous entendons le discours latent, dans les mots que l'analysant choisit : de
la même façon que dans le rêve, l'idée refoulée est transformée et représentée par des
images, des pensées de nature plus primitives.
Cesio porte une attention particulière au contre-transfert, qui révèle la pleine
contribution de l'analyste et qui forme avec l'analysant une paire indissoluble dans le
processus qui se développe dans la séance. Les deux sont inclus dans un cadre
abstinent dans lequel la séance analytique ne pourrait avoir lieu.
Le transfert et le contre-transfert risquent de faire résistance à la cure –
puisqu'en effet ils sont eux-mêmes des résistances – sauf s'ils deviennent conscients et
donc deviennent des outils essentiels à l'analyse.
Cesio a mis en relief le concept de ‘l’actuel’ et y a apporté sa propre
contribution (Cesio, 2010).
Cessio considère la séance du point de vue de la théorie des rêves et par
conséquent, l'analyste fait fonction de reste diurne : en partageant les traits de ce qui
est récent et insignifiant, il peut recevoir de manière adéquate le transfert du patient et
de ses objets internes. C’est l’écoute de l’analyste qui donne aux mots du patient la
signification de la ‘libre association’. Par le biais du transfert intrapsychique, ces mots
traduisent l'expérience émotionnelle qui a lieu dans la séance.
L'abstinence dans laquelle l'analyse se développe de manière tacite comprend
un interdit contre toute activité sexuelle directe qui ainsi devient tabou, c'est-à-dire
incestueuse. Pendant que l'analyse se déroule, une série d'expériences apparaissent,
qui se caractérisent par leur ‘actualité’, leur intemporalité. Elles constituent un présent
éternel, un ‘maintenant’ qui exige péremptoirement une impossible satisfaction.
L'analyste prend la place du Surmoi – le couple parental – et les courants incestueux
qui étaient refoulés trouvent leur expression dans la relation inconsciente du patient
avec l'analyste, donnant forme ainsi aux transferts fondamentaux.
Tout en conservant cette parallèle avec le travail du rêve, Cesio précise que
sans l'intervention de l'analyste, la séance deviendrait un rêve d'angoisse qui se
traduirait en cauchemar et qui ferait ainsi interrompre le processus.

624
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La tragédie œdipienne se termine par l'interruption du processus analytique ;


par conséquent comprendre la nature des structures narcissiques, incestueuses et
tragiques cachés dans le Ça nous aidera à établir une distinction entre les concepts de
la tragédie œdipienne et le complexe d'Œdipe.
Dans Le Moi et le Ça (1923), Freud affirme qu'il existe une structure primaire
œdipienne dans les fondations de la psyché, les proto-fantasmes qui mènent à la
première et plus importante identification... « Celle-ci tout d’abord semble ne pas être
le résultat ou l’issue d’un investissement d’objet ; c’est une identification directe,
immédiate, plus précoce que tout investissement d’objet ». Ces identifications
primaires forment la base des identifications qui constitueront le complexe d'Œdipe ;
elles façonnent le Moi idéal, le précurseur de l'idéal du Moi. Ces proto-fantasmes
contiennent les origines du complexe d'Œdipe : l'inceste qui implique des impulsions
filicidaires et parricidaires dans la lutte pour la possession de la mère-épouse, comme
Freud le décrit dans son récit du temps mythique originaire. Dans le processus
psychanalytique, la preuve actuelle de ce temps mythique se retrouve, par exemple,
dans des cas d'inceste. Sa manifestation clinique est la réaction thérapeutique
négative, alors que l'amour de transfert est l'une des formes qu'il peut prendre.
Ainsi, Cesio (1993, p.137) soutient qu'il existe deux structures œdipiennes :
l'une est celle de l'inceste avec sa nature narcissique, passionnée, tragique : la tragédie
œdipienne ; alors que l'autre est issue d'une élaboration de la première, avec les
parents de l'histoire personnelle : le complexe d'Œdipe, caractérisé selon Freud par la
tendresse et l'ambivalence. En ce qui concerne ses manifestations, ce dernier
recherche le but sexuel inhibé et ses symptômes sont ceux des psychonévroses. Ce
matériel ‘actuel’ est une conséquence d'un enterrement plutôt que celui d'un
refoulement. Le retour du refoulé laisse la place à des symptômes psychonévrotiques
qui peuvent être interprétés, alors que le matériel ‘actuel’ qui a été enterré
(Untergang) peut accéder à la conscience en termes de tragédie, de névrose actuelle,
de léthargie et d'acting-out et, par conséquent, ils nécessiteront l'usage de la
construction.
Lorsque Freud est confronté à l'acting-out de Dora, il en conclut que « c'est
[l'interprétation du transfert sur la personne de l'analyste] de loin la partie la plus
difficile de toute l'épreuve. Interpréter les rêves, extraire les pensées et souvenirs
inconscients des idées incidentes du malade, et autres pratiques traductives du même
ordre, cela est facile à apprendre ; dans ce cas le malade lui-même fournit toujours le
texte. Mais le transfert [sur la personne de l'analyste], par contre, doit être deviné
sans le concours du malade, d’après de légers signes et sans pêcher par arbitraire.
Cependant, le transfert ne peut être évité […] » (Freud 1905, p. 295-6 in Cesio,1993,
p.116).
Freud, par conséquent, souligne la facilité avec laquelle il a pu analyser le rêve
de Dora – l'imaginaire – alors qu'il lui a été plus difficile d'analyser le transfert sur sa

625
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personne – l'actuel, le réel – qui a mené Dora à l'acting-out, jusqu'à l'interruption de


l'analyse.
Il est important de garder en mémoire que le drame de l'analyste est que la
technique, le cadre, suscite des transferts sexuels incestueux et qu'il les frustre en
même temps. Ces transferts ne sont ni un simple jeu imaginaire de représentations, ni
la ‘réalité’, mais ce que nous appelons le ‘virtuel’ ou le ‘réel’. Par le terme
‘imaginaire’, Cesio signifie le jeu de représentations ; par le mot ‘réalité’, l'acting-out
dramatique qui a lieu avec les choses du monde extérieur ; par le terme ‘réel’, ce qui
implique l'expression des fondations, des affects, tout ce qui peut engendrer des
manifestations ‘actuelles’ : celles qui n'ont pas été ‘resignifiées’ (dotées de
signification nouvelle).
Par le terme ‘réel’ Cesio signifie le drame qui a lieu au cœur du cadre de la
séance, qui parvient à la conscience en termes d'affects, qui peuvent aller de l'angoisse
à des sentiments plus doux. C'est une expérience originale, une présentation de
l'inconscient plus ou moins directe. En tant que telle, elle est également ‘actuelle’
dans le sens que nous donnons aux névroses d'angoisse. Le mot ‘act’ dénote la
construction verbale qui décrit la dramaturgie ‘actuelle’ fondée sur l'analyse des
associations libres ; elle conduit aux reconstructions qui placent l'acte dans le temps et
dans l'histoire.
Cesio précise que l'espace analytique est ‘réel’, non pas dans le sens qu'il est la
réalité, mais qu'il comporte, avec les images verbales, les manifestations affectives
auxquelles nous attribuons une configuration somatique, neuro-végétative, cellulo-
humorale, musculaire-involontaire. Ces manifestations sont perçues par l'analyste et
attribuées au patient en tant qu'expériences partagées ‘actuelles’.
L'analyste perçoit ces altérations et en déduit celles qui appartiennent au
patient. Quand ces expériences actuelles débordent des limites du cadre et envahissent
massivement la cohérence du Moi, elles révèlent finalement leur nature sexuelle
incestueuse.
Le transfert est toujours présent, mais dans la situation analytique il se révèle
et est utilisé pour interpréter l'expérience : c'est inévitable. Par ailleurs, le transfert sur
la personne de l'analyste émerge à partir de niveaux profonds, il ‘doit être deviné sans
le concours du malade’, ce qui demande de l'analyste qu'il soit réceptif aux ‘signes
légers’ afin de pouvoir interpréter et/ou construire ce qui se passe hic et nunc et éviter
le risque des références arbitraires. Par cette idée, Freud met en garde contre les
inadéquations, contre une sorte de ‘délusion d'autoréférence’ de la part de l'analyste
qui pourraient entraver les effets des interprétations et/ou des constructions.
Le concept de ‘la personne de l'analyste’ implique de le nommer sur la base de
sa fonction, c'est-à-dire sur le rôle qu'il joue par rapport au patient, lequel affiche ses
fantasmes qui lorsque l'analyse se développe ne peuvent que se ré-éveiller et devenir
conscients, comme quelque chose ‘d'actuel’. Ce qui était enterré, léthargique, actuel,

626
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ce qui n'a jamais constitué une expérience personnelle, suscite, au fur et à mesure du
déroulement de l'analyse, des affects et des mots chez l'analyste, en termes
d'expérience (‘Erlebnis’), puis l'analyste en déduit que cela est présent chez
l'analysant. Ensuite, il construit, en quelque sorte, une ‘performance dramaturgique’,
qui fait partie d'une tragédie dans laquelle tous deux sont des protagonistes.
Ce qui est signifié par le terme ‘construire/construction’ est la construction de
l'acte (‘akt’) présumé par rapport à l'affect, l'angoisse, le silence ou la léthargie qui
apparait depuis l'expérience (‘Erlebnis’) et des idées qui viennent à l'esprit de
l'analyste, lequel est ensuite en mesure de décrire la scène tragique qui s'affiche dans
le ‘réel’ de la séance. Ce n'est pas la même chose qu'une reconstruction historique qui
peut avoir lieu plus tard, à postériori.
La névrose contre-transférentielle représente un obstacle pour l'analyste, alors
que le contre-transfert, que l'on considère être une partie de la paire transfert/contre-
transfert, est un élément significatif du travail analytique.
Freud souligne le phénomène de résistance qui accompagne l'émergence des
transferts fondamentaux d'imagos parentaux, qui se développent inévitablement au
cours de l'analyse et qui, s'ils ne sont pas résolus et interprétés, entrainent ‘l'amour de
transfert’, une tragédie qui peut détruire le traitement. Tel était le cas emblématique
d'Anna O, une patiente de Breuer. Mené par sa résistance à reconnaitre l'étiologie
sexuelle de la névrose, il avait terminé sa collaboration avec Freud. Cette résistance,
générée par la névrose contre-transférentielle, avait retardé le développement de la
thérapie analytique au cours de sa première décennie.
La considération des ‘transferts sexuels fondamentaux’ nécessite une
définition de la position théorique en ce qui concerne le complexe d'Œdipe, qui
comprend deux structures différentes (comme nous l'avons évoqué plus haut) : l'une a
lieu avec les parents d'origine, grandioses, que Cesio appelle la ‘tragédie œdipienne’,
celle de l'inceste avec sa nature narcissique, passionnée, tragique : une unité
hermétique formée par le parricide, l'inceste et la castration qui en règle générale reste
enfouie et revient par le biais de représentations tragiques. L'autre, le complexe
d'Œdipe proprement dit se caractérise par une relation d’ambivalence avec le père, de
la tendresse avec la mère, et le complexe de castration, et résulte de l’élaboration de la
première structure avec les parents de l'histoire personnelle. Son destin est le
refoulement, et il peut se manifester en des symptômes de psychonévrose.
Dans le chapitre III de l'ouvrage Le Moi et le Ça, Freud (1923) fait référence à
la structure œdipienne primaire dans les fondations de la psyché, les fantasmes
œdipiens qui créent les premières identifications dont les effets seront universels et
durables et qui nous ramènent à la genèse de l'idéal du Moi chez l'individu, par une
première et plus importante identification qui a lieu avec les grands parents
indifférenciés de la préhistoire personnelle.

627
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Par conséquent, la tragédie œdipienne et les variations dans le complexe


positif et négatif, avec sa résolution singulière, sera révélée pendant l'analyse du
transfert.
La nature tragique œdipienne de la réaction thérapeutique négative et de
l'émergence, depuis ses fondations, de l'affect connu sous l'expression de ‘l’amour de
transfert’ déborde les limites du cadre psychanalytique (Cesio, 1993).
Cet amour ne recherche que la possession absolue de l'objet, ce qui révèle sa
nature pulsionnelle, au point de le détruire et d'engendrer ainsi sa propre destruction.
Cesio affirme que sa quête est de réaliser le phallus- ‘bébé merveilleux’, qui rencontre
la mort dans son expression la plus élevée. Ce qui est désormais manifeste dans
l'amour de transfert est ‘le mort’, ce qui était enterré dans l'inconscient et qui apparaît
sous forme de cette expression narcissique : le phallus-bébé merveilleux réapparait,
dans le transfert, en une constitution du couple patient-analyste merveilleux. Le cadre
analytique, fondé sur l'abstinence, répète, pour ses deux membres, la frustration
originaire de la scène tragique qui s'affiche : les « besoins et désirs » doivent se
traduire en des « forces motrices favorisant [pour le patient] le travail et le
changement. » (Freud, 1915, pp. 164-165).
La théorie psychanalytique considère l'existence d'une formation enterrée,
inconsciente, le 'mort', le Moi idéal. C'est une structure inconsciente qui peut être
déduite de la léthargie et de certaines manifestations 'actuelles', du fait du traumatisme
originaire : la castration phallique. Dans sa constitution se trouve le complexe
d'Œdipe primaire, enterré et tragique. Il est 'idéal' parce qu'il contient une partie du Ça
qui n'est pas parvenu à être Moi postnatal. Il est ce qui n'a jamais été conscient et donc
jamais refoulé, il est l'inconscient enterré, hors de la temporalité et hors de l'espace,
'actuel'. Il se manifeste dans la névrose actuelle, hors des mots, dans le silence et par
des manifestations physiques telles que l'angoisse, la léthargie et autres maladies
somatiques. Il est fondé sur le proto-fantasme œdipien, qui constitue le Moi primaire.
En ce qui concerne le concept du 'mort', c'est une construction que nous faisons à
partir des contenus enterrés que nous découvrons dans la léthargie ; il vient à la
conscience par le biais des représentations de mort, parmi lesquelles les
représentations d’avortements sont paradigmatiques, en plus des démons de nuit, des
cauchemars, des dieux, des vampires, des fantômes, des ombres – et de la névrose
actuelle.
Racker avait avant cela présenté un cas clinique, en 1956, au sujet des
réactions cliniques négatives, dont les aspects négatifs comportaient la présence
d'objets 'morts' et l'immobilité du monde interne du patient. L'année suivante, il
présenta un autre cas dont il s'était occupé, concernant l'ennui et la somnolence de
l'analyste (Racker, 1957).

628
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Cesio rejoint Freud et Racker : lorsqu'il s'agit du transfert et du contre-


transfert, il n'y a pas de place pour la moralisation ou pour les dilemmes éthiques,
uniquement la considération d'une bonne technique.
L'analyste, dans sa réaction transférentielle névrosée, considère que la
demande sexuelle du patient est son but, et parfois il cherche inconsciemment à
satisfaire cet objectif en séduisant le patient dans son impuissance. Les analystes
rencontreront toujours la gratitude de leurs patients quand l'analyste entretient son
désir d'analyser.
Le drame de l'analyste est que la technique, le cadre d’abstinence, suscite des
transferts sexuels incestueux et qu'il les frustre en même temps. Ce sont des transferts
'réels', c'est-à-dire ni jeu imaginaire, ni réalité.
L'analyse progresse dans un équilibre instable. Si elle reste dans l'imaginaire,
alors le réel progresse inconsciemment jusqu'à ce qu'il déborde dans l'acting-out : la
réalité.
Freud utilise le concept 'actuel' lorsqu'il questionne les névroses actuelles, ce
qu'il considère le fondement de toute psychonévrose, comme chaque production
psychique est fondée sur une qui est actuelle. Selon l'opinion de Cesio, c'est le 'réel'
au-delà du temps et de l'espace. Ce qui se présente en termes 'd'actuel' correspond à ce
qui est enterré, Untergang.
L'expérience du transfert qui a lieu dans la séance entre l'analyste et l'analysant
est 'actuel', sa nature sexuelle aussi authentique que l'expérience infantile qui est dans
la répétition, plutôt que dans le souvenir. L'inclusion de l'analyste en tant que
protagoniste présente l'analyse des névroses actuelles et des troubles de type
somatiques dans la session psychanalytique.
Les manifestations transférentielles ‘actuelles’, telles que l'angoisse,
l'hypocondrie, la léthargie, les troubles physiques, permettent aux analystes d'apporter
un sens et de définir certaines sensations telles que, et entre autres, la somnolence,
l'ennui, la fatigue, le malaise, qui émergent pendant la séance. Celles-ci sont des
manifestations mineures que Cesio a qualifiées de 'maladie professionnelle de
l'analyste'. Il a consacré une attention particulière au phénomène de léthargie – la mort
apparente – qui peut parfois survenir à l'analyste ou au patient, rarement les deux, et
qui a été qualifiée euphémiquement de 'somnolence'. En raison de son étiologie
tragique, incestueuse et sexuelle et en raison des manifestations neuro-végétatives et
cellulo-humorales qui impliquent des troubles somatiques et physiques aussi bien
pour l'analyste et le patient, cela constitue une névrose actuelle.
La névrose actuelle se trouve dans la pratique clinique qui analyse
l'inconscient refoulé et en particulier le narcissisme primaire et l'inceste enterrés. Elle
accède à la conscience par les représentations de mort et, selon Cesio, par la
présentation du cadavre, dans le silence, l'angoisse et la léthargie comme une fin à la
tragédie parricide qui est fatalement répétée dans le transfert. C'est ce que Cesio

629
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appelle le 'transfert actuel' (« transferencia actual »), il a une qualité somatique et


porte l'emblème étrange des cauchemars et/ou des réalisations de destinés. Ces
'transferts actuels' peuvent être analysés par le biais de la construction et de
l'interprétation des contenus enterrés. En effet, le concept d'enterrement est essentiel à
la compréhension de la position théorique de Cesio.
L'hypothèse est que lorsque l'interprétation-construction est réalisée au bon
moment, l'amour de transfert accède à la conscience et son analyse minutieuse résout
les transferts en liant ses composants émotionnels inconscients. Ainsi, le drame actuel
est doté de la nature d'une répétition des expériences infantiles avec lesquelles il est
ensuite présenté au temps et à l'histoire. La prise de conscience que par ces mémoires
le patient revit ses expériences, seulement cette fois avec l'analyste, rend possible la
libération de la libido de ces fixations primaires, incestueuses et tragiques et de la
canaliser, par la signification qu'elle assume, sur une structure œdipienne secondaire
qui peut faire l'objet d'une élaboration.
Le concept de 'transfert actuel' est une contribution à la technique analytique
parce qu'il élargit la portée de la psychanalyse en offrant le moyen de traiter les soi-
disant 'troubles actuels' – un terme nouveau pour les névroses actuelles – la léthargie
et la réaction thérapeutique négative.
L'analyse de ces manifestations 'actuelles' présente des difficultés majeures
parce que, pour les examiner, il est nécessaire de sonder des concepts tels que la
pulsion de mort, la répétition, le trauma et le transfert à la personne de l'analyste, qui
provoquent de fortes résistances parmi les analystes mais qui donnent la possibilité
d'amplifier le champ de la demande de l'analyste qu'il soit réceptif pour y intégrer les
manifestations actuelles et somatiques. Ces dernières sont fréquemment uniquement
traitées par le biais de médicaments, car de nombreux analystes sont de l'opinion
qu'ils appartiennent au champ clinique ou psychiatrique, pas psychanalytique.

VII. Ac. R. Horacio Etchegoyen


Sur la base de Freud, Etchegoyen (2005) oppose le transfert à l'expérience.
Les prototypes sont formés par deux différentes impulsions : celles qui sont
conscientes, permettant au Moi de comprendre les circonstances du présent par
rapport aux modèles du passé et dans le cadre du principe de réalité (expérience) ; et
les impulsions inconscientes, assujetties au principe du plaisir, qui prennent le présent
pour le passé en quête de satisfaction, de décharge (transfert). Il met l'accent sur
l'aspect répétitif du transfert mené par la pulsion de mort et la résistance au transfert,
qui est mobilisée par le principe du plaisir, la libido.
En ce qui concerne le contre-transfert, Etchegoyen précise que ce fut H.
Racker en Argentine (en même temps que P. Heimann à Londres) qui avait attiré
l'attention sur le rôle d'instrument sensible que le contre-transfert a joué.

630
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Etchegoyen suggère que les sentiments et pulsions contre-transférentiels


apparaissent dans l'inconscient de l'analyste (p. 297) en conséquence du transfert du
patient (p. 297).
Le point de départ est le transfert du patient, alors que le contre-transfert est
son contrepoint et les deux sont générés par le cadre. Le cadre est une fonction de
référence contextuelle qui crée une relation non-conventionnelle et asymétrique.
« L'analyste pourrait répondre au transfert du patient de façon absolument rationnelle,
en se maintenant, pour ainsi dire, au niveau de l’alliance de travail ; mais les faits
cliniques prouvent qu’en principe l'analyse réponde par des phénomènes irrationnels
où se mobilisent des conflits infantiles. En ce sens, il s’agit clairement d’un
phénomène transférentiel de l’analyste : mais ce phénomène, pour que soit préservée
la situation analytique, doit être une réponse au patient, autrement il nous faudrait
reconnaitre que nous ne sommes pas dans le processus analytique, mais plutôt en train
de reproduire ce que se passe dans la vie courante entre deux personnes en conflit. »
(Etchegoyen 1999, pages 268-269). Le transfert, en même temps, passé et présent.
L'inconscient est intemporel, affirme Etchegoyen, et la cure consiste à lui donner de la
temporalité. Pour cette raison, la mémoire, le transfert et l'histoire sont inséparables.
L'analyste doit concourir à ce que le passé et le présent s'entremêlent dans l'esprit du
patient, en laissant derrière lui les mécanismes du refoulement et du clivage, qui
tentent de les dissocier. Etchegoyen considère que de reporter le transfert au passé
n'est pas suffisant, mais que la situation peut plutôt être résolue si nous reconnaissons
le hic et nunc du transfert, c'est-à-dire que ce qui a lieu dans le présent doit être pris en
compte. L'interprétation du contre-transfert doit être faite de manière à éviter qu'elle
devienne un simple acte de ‘franchise’ avec l'autre.
Par contre, pour que le transfert devienne un instrument technique, c'est à
l'interprétation qu'il devrait être mêlé. De cette façon, la confiance de l'analyste dans
sa propre pensée est retrouvée.
Sur la base du concept de transfert développé dans deux textes freudiens :
« The Interpretation of Dreams » (1900) (« L'interprétation des rêves ») et le post-
scriptum du cas de Dora (1905), Etchegoyen observe que Freud développe deux idées
différentes sur le transfert qui sont néanmoins reliées : l'une prend en compte la
personne de l'analyste (déjà présente dans « Studies on Hysteria » de 1895 [Études sur
l'hystérie], mais surtout dans « Fragment of an analysis of a case of hysteria »
[« Fragment d'une analyse d'hystérie »] [Dora] de 1905), alors que l'autre (dans le
chapitre sept de « L'interprétation des rêves ») fait la description du même phénomène
à partir de la perspective du travail du rêve. Comme nous l'avons indiqué plus haut, il
existe deux processus psychologiques différents, bien que connectés, en quelque
sorte, qui sont enracinés dans l'enfance et dans lequel le présent et le passé peuvent se
confondre.
« Le transfert est une relation d'objet particulière, d’origine infantile, de nature
inconsciente (processus primaire) et par conséquent irrationnelle, qui confond

631
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le passé avec le présent, ce qui lui confère son caractère de réponse inadaptée,
déplacée, inadéquate. » (Etchegoyen, 1999, p.83)
Etchegoyen présente une description d'un phénomène particulier où le
processus analytique rencontre insidieusement une impasse qui se perpétue alors
qu'au même moment le cadre est préservé. L'existence de ce phénomène n'est pas
évidente mais se situe plutôt dans la psychopathologie du patient et implique le
contre-transfert de l'analyste. Etchegoyen a attribué le terme ‘impasse’ à ce
phénomène, qui consiste en un groupe de stratégies adoptées par le patient afin
d'attaquer et d'entraver le développement de la cure.
Les stratégies du patient peuvent comprendre : l'acting-out, les réactions
thérapeutiques négatives et les perspectives réversibles. Cette dernière notion consiste
en un mode de pensée particulier dont l'objectif est d'éviter la douleur psychique à
tout prix : le sujet ‘réarrange les choses’ de manière très experte afin de les
accommoder à ce qu'il pense. C'est comme cela que l'interaction stagne. C'est à ce
stade qu’Etchegoyen s'appuie sur le concept de clivage statique de Bion.
Bien qu'à un niveau manifeste le patient paraît être d'accord avec l'analyste, il
reste fermement attaché à ses propres prémisses qu'il ne communique pas, cependant,
ou dont il n'est pas conscient parce qu'elles sont inconscientes. De cette façon, le
patient réinterprète les interprétations analystes pour qu'elles se mélangent avec ses
propres prémisses. Il convient de souligner que l'analyste devient conscient
habituellement de cela seulement lorsque le processus a atteint un blocage. Selon
Etchegoyen, une perspective réversible, qui remet en cause le contrat analytique,
apparait en général dès le début. Comme Bion le fait remarquer cela constitue dans la
plupart des cas un phénomène similaire au syndrome hallucinatoire. Les phénomènes
perceptifs et mnémoniques comme les interprétations délirantes apparaissent
habituellement quand la tâche analytique risque de secouer la structure même du
patient. Cependant, ce qu'il ne faut jamais oublier c'est que ces patients viennent en
analyse parce qu'ils souhaitent guérir.

VII. Ad. Mauricio Abadi


Dans sa publication “Le transfert”, Abadi (1982) souligne que : « Si, avant
Freud, la psychologie était une science développée dans une dimension temporelle,
comme la musique, avec Freud la psychologie est devenue une discipline qui se
déroule comme dans une œuvre d'art : dans la dimension d'un espace virtuel209 » (p.4).
Chaque être humain est un agent actif de transport (une notion liée au terme de
transfert) vis-à-vis d'un objet, un agent de substitutions. Le transfert (Übertragung)
selon Abadi, est la substitution et le déplacement (Verschiebung) des affects, depuis
un objet à un autre objet substitut.

209
Citation traduite pour cette édition (N.d.T)

632
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Non seulement le transfert est responsable de l'amour de l'analysant, mais


toute forme d'amour est un amour de transfert. Dans le transfert, un 'processus de
présentification' se produit, une présence évanescente qui actualise le passé, dissout
l'absence et concrétise les choses de façon magique, illusoire. Ce sont les fantômes de
l'enfance qui tiennent le sujet en captivité.
En utilisant le modèle de la mise en scène, Abadi exprime le point de vue que
le transfert implique peu la simple récupération des expériences, il constitue plutôt
une sorte de collage où les aspects infantiles sont mélangés, connectés, à des aspects
qui appartiennent au développement ultérieur de l'individu, et qui apportent une
nouvelle définition et signification aux anciens (Nachträglichkeit).
Pendant le processus de transfert, deux personnes ont changé grâce à celui-ci :
le patient qui se 'transfère' à lui-même l'image de l'enfant qu'il a été et la relation qu'il
a eu avec l'objet, et 'l'autre', l'objet relationnel sur lequel le patient transfère l'image.
Ainsi, Abadi suggère qu'il y a le transfert des images et le transfert des relations.
Cet 'autre' qui apparait dans le transfert sera investi d'affects, d''imagos et de
parties du Moi qui transformeront la relation en une relation narcissique. C'est-à-dire
que le transfert constitue une relation narcissique avec un objet support (une relation
anaclitique) sans laquelle le transfert serait impossible. Cette relation narcissique fera
une tentative de prendre possession d'un objet qui se présente initialement comme
autre ; en d'autres termes, c'est une relation avec quelqu'un qui, n'étant pas moi, peut
par conséquent me protéger. Cependant, le narcissisme encourage une personne à
transformer cet autre en une partie de soi-même, ce qui équivaut à refuser de
reconnaitre la douloureuse et affligeante dépendance (désaveu). ‘L'autre’ est donc
envahi, pénétré, colonisé et infiltré par des parties de son propre Moi.
Abadi retrace les origines du transfert aux expériences précoces d'abandon,
que l’enfant traite en intégrant cet ‘autre’ tout en désavouant sa propre dépendance.
Par conséquent le processus analytique consiste à aider le patient à reconnaitre, à un
moment donné, que l'autre est autre et non pas une partie de soi-même. Selon Abadi,
c'est ce point qui départage la psychanalyse des autres types de thérapies. Lorsque le
transfert est dissous, la réalité peut être perçue dans son 'altérité'.
Bien qu'il y ait une disposition à connaitre l'autre – et le transfert est une sorte
de point qui l'encourage – alors même que l'autre n'est pas reconnu ; il est 'couvert'
par le transfert, afin de préserver son illusion narcissique. Une illusion : c’est bien de
cela dont il s’agit dans le transfert. En conséquence à la formation de compromis, le
transfert est autant un symptôme et un rêve éveillé, une, entre autres, structure
artificielle crée par le Moi avec laquelle il tente d'élaborer un conflit sous-jacent.
Afin de définir le transfert, Abadi suggère que la notion de projection devrait
être remplacée par l'attribution, un mécanisme par lequel quelqu'un devient l’objet
auquel quelque chose est attribué.

633
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Le transfert a lieu en deux étapes, la première correspond à la déstructuration


de quelque chose qui serait un symptôme et la seconde, la restructuration (ou la
structuration de quelque chose de nouveau) qui remplace le symptôme déstructuré que
nous appelons le transfert.
Abadi (1980) focalise sur la première étape, qui peut être de courte durée, et
qui implique non seulement la déstructuration d’une relation, mais aussi la perte de la
réalité. Ce qui est transféré, en fait, n'est pas réel : nous pourrions l'appeler [...]
omnipotence, complétude, immortalité ; mais c'est en somme pour l'un l'impression
que « tout ce qui existe chez l'autre est une garantie qu'un jour ce me sera donné
deviendra une partie de moi » (Abadi 1980, p. 698).
Une comparaison est établie entre le transfert et le processus psychotique : il y
a une certaine perte de réalité et l'objet réel est in-connu. Le fait que le transfert soit
inconscient non seulement permet la mise en mouvement du processus primaire
(substitution ou déplacement) mais il devient aussi la condition du maintien de la
relation qui a été transférée. D'autre part, le patient a une certaine impression, de
nature introspective, que quelque chose d'étrange lui arrive mais il ne peut pas tout à
fait comprendre ce que c'est. La conviction délirante, habituellement provoquée par le
transfert, que cette personne est quelqu'un qui en fait ne l'est pas, a été refoulée mais
les failles dans le processus de refoulement ont généré une formation de compromis
avec ce qui tend à refouler la conviction.
Par conséquent, Abadi fait la distinction entre le transfert typique du
psychotique – pour lequel l'autre n'est qu'un miroir déformé dans lequel il voit le
reflet d'une partie de son propre Moi, ou un précipité d'une relation libidinale avec un
objet – et une autre sorte de transfert, typique du patient névrosé, dans lequel nous en
déduisons le transfert refoulé et duquel nous pouvons uniquement percevoir un
produit, un 'hybride', typique de toutes les structures caractérisées par la formation de
compromis.
Abadi considère que le transfert proprement dit est inconscient et que ce qui
est appelé transfert névrotique est une formation de compromis semblable à un
symptôme. La tâche psychanalytique dans les cas de névrose consistera à dissoudre
les fausses connexions, alors que dans le cas de patients psychotiques cette
observation sera vaine et superflue et « la seule chose à faire est d'offrir directement
l'interprétation qui anéantit le transfert même » (Abadi,1980, p. 700).

VII. Ae. Willy Baranger et Madeleine Baranger


En 1946, Willy et Madeleine Baranger arrivent en Argentine de France, où ils
rejoignent le mouvement psychanalytique qui se développait alors. Plus tard, ils
partirent à Montevideo où ils ont également contribué à constituer le mouvement
psychanalytique uruguayen mais ils retournèrent définitivement en Argentine en
1966.

634
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Les Baranger sont convaincus que le processus analytique est un mouvement


dialectique où le processus et le non-processus coexistent. Lorsque le processus
analytique se termine, c'est à l'analyste de trouver de quelle nature est son obstacle.
Par conséquent, ils suggèrent qu'un 'second regard', avec le concours de l'analyste,
autant que du patient, soit posé, pour constituer ainsi un champ dynamique. Cet
obstacle concerne non seulement le transfert de l'analysant, mais également le contre-
transfert de l'analyste. Chaque analyste pose son attention sur le 'second regard'
aussitôt qu'il a abandonné 'l'attention uniformément flottante' et cet instant du
processus est marqué par l'apparition d'expériences physiques, de mouvements
imaginés ou de certaines images qui surviennent, entre autres. Tout cela indique que
des nouvelles structures – des fantasmes inconscients qui sont partagés par les deux et
qui, de plus, sont issus d'un jeu d'identifications réciproques – ont émergé dans le
cadre analytique. Les dynamiques du champ sont considérés provenir des
transformations de ces fantasmes, lesquels, à leur tour, sont ceux qui donnent au
champ analytique les marques d'ambiguïté à la temporalité et à l'espace et sa
dimension ‘comme si’.
Les Baranger se sont inspirés des idées de Merleau Ponty et de K. Lewin
quand ils ont développé leur théorie du champ. Le sujet et l'objet se comportent
comme un champ et se définissent l'un l'autre. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de deux
corps différents, ou de deux personnes différentes, mais de deux sujets divisés, dont la
division est la conséquence d'une triangulation initiale. Le couple analytique constitue
une triade, où l'un de ses membres est absent dans son corps mais présent en une
expérience. Par conséquent les Baranger substituent la notion de champ dynamique à
celui du champ intersubjectif. Ils privilégient les aspects corporels et émotionnels de
la communication analytique et de plus ils établissent une distinction entre les
concepts de cadre et de processus.
En conséquence de ces dynamiques, une néoformation est créée : c'est une
structure stagnante, cristallisée, qui entrave le processus, qu'ils appellent un ‘bastion’.
Cette structure est formée autour d'une organisation 'fantasmatique' ; elle implique des
aspects importants de l'histoire personnelle des deux participants et elle attribue à
chacun un rôle stéréotypé, imaginaire. Le patient évite généralement de faire
référence à ce rôle, cela peut être dû à son idéologie, son objet d'amour idéalisé, ses
fantasmes aristocratiques ou l'état de ses finances.
Pour l'analysant, le bastion est un refuge inconscient pour des fantasmes
omnipotents. Il n'est pas disposé à y renoncer parce que cela signifie qu'il entrerait
dans un état de vulnérabilité, d'impuissance et de désespoir.
La rupture du bastion signifie que certains aspects des participants impliqués
(l'analyste et l'analysant) soient redistribués. Il s'agit donc d'une dé-symbolisation. La
forme la plus extrême de cette symbiose indique un état de parasitisme (l'analyste se
sent 'habité' par l'analysant, en quelque sorte, et s'inquiète à son égard en dehors des
séances), ce qui peut engendrer une rupture violente de la situation analytique ou, à

635
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l'opposé, la continuation du processus, uniquement si les identifications projectives du


patient lui sont renvoyées.
Par conséquent, le processus analytique semble être constitué d'une production
de résistances et de bastions. Leur dissolution par le biais de l'interprétation engendre
‘l’insight’ et les indications liées à l'insight laissent place ensuite à une vision du
futur, empreinte de l'apparition de nouveaux projets et d'un sentiment d'espoir.
Ces auteurs soulignent également que parfois certains signes positifs que le
patient présente dissimulent, en fait, un non-processus dont l'intention est en quelque
sorte de 'plaire à l'analyste', en évitant des dangers plus grands. Le stéréotype est un
danger intrinsèque dans chaque traitement.
Les Baranger comptent, parmi les résistances qui posent de grandes difficultés
à l'analyste, les réactions thérapeutiques négatives, la résistance incoercible et
l'impasse : toutes posent un risque pour le traitement. A contrario d'autres types de
résistance, ce sont des obstacles qui se distinguent en étant stables et durables.
L'analyste s'est davantage impliqué et il lui est impossible de les arrêter. En fait, ces
obstacles ne peuvent se comprendre qu'en termes du champ sous-jacent au bastion.
Les dynamiques du processus se cristallisent à la suite des résistances de l'analysant et
de l'analyste. Les Baranger proposent que le bastion doive être appréhendé et
pleinement analysé.
En ce qui concerne l'impasse, il est possible d'y mettre un terme sans plus
tarder, cependant, et malheureusement, ce n'est pas le cas de la réaction thérapeutique
négative qui en général entraîne des fins tragiques.
Le bastion réapparait habituellement dans une forme ou une autre ; il constitue
l'expression de la compulsion de répétition (la pulsion de mort).
Les changements dans le discours du patient et dans les dynamiques des
affects sont indicatifs de l'existence d'un processus analytique. Les Baranger
considèrent que la perspective kleinienne sur les formes différentes d'angoisse (de
persécution, angoisse dépressive et confusionnelle) peut s'avérer utile pour vérifier la
direction que prend le processus.
Par contre, ils restent opposés à la définition d'un contre-transfert qui serait
uniquement focalisé sur ce qui est vécu hic et nunc. Ils prennent plutôt en compte les
nuances du transfert et, en conséquence, ils font une distinction entre ces types de
transfert qui ne sont pas l'aboutissement du mécanisme d'identification projective – et
qui se distinguent par l'apparition simultanée d'expressions contre-transférentielles
fortement spécifiques qui donnent au champ analytique des traits pathologiques
importants – et entre le transfert structuré, répétitif que Freud appelait la 'névrose
artificielle' (les vicissitudes du complexe d'Œdipe). Ces transferts nécessitent leur
interprétation alors que d'autres types de transferts, momentanés et fluctuants,
émergent des manières successives dont le champ est structuré et ne nécessitent pas
d'interprétation urgente.

636
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En ce qui concerne le contre-transfert, les auteurs font la différence entre les


transferts non-stéréotypés de l'analyste sur le patient, qui font partie du processus et
ceux qui sont provoqués par l'identification projective de l'analyste et qui peut même
produire des 'micro-délires contre-transférentiels'.
W. and M. Baranger considèrent que l'analyse est un moment privilégié,
lorsque l'histoire du sujet est réécrite et sa signification changée. C'est lorsque cet
insight intervient que l'on peut l'apprécier : cet instant lorsqu'un aspect de l'histoire
individuelle d'une vie est retravaillé et de nouvelles perspectives sont examinées. Le
processus entier se développe hors d'une notion temporelle, dans un présent sans hâte,
sa nature parfois circulaire, mais qui peut à d'autres moments entraîner ce qui est tout
nouveau.

VIII. COMMENTAIRES EN CONCLUSION

C'était un humble point de départ, lorsque Freud avait donné un nom à une
erreur faite par la psyché humaine, jusqu'à ce que les multiples explorations depuis
lors sur le transfert, par la pensée créative de Freud et d'autres après lui, s'accordent
désormais à désigner le transfert comme l'un des aspects les plus déterminants de la
pensée et du travail psychanalytique.
Tout au long de l'évolution de la théorie psychanalytique des
conceptualisations différentes, qui portent sur les forces en jeu dans les aspects
répétitifs du transfert et comment il est activé dans un contexte interactif par rapport à
l'analyste, se sont développées. Alors que traditionnellement parlant, le déplacement
et/ou la projection étaient alors considérés constituer les mécanismes primaires qui
sont en jeu dans les passions et les conflits infantiles autour des objets du Moi,
pendant la petite enfance, tels qui sont 'rejoués' dans le transfert, le panorama est
depuis devenu bien plus complexe. Certains des points de vue contemporains
considèrent que outre le travail de recréation des anciennes relations d'objet, le
transfert implique la quête d’objets nouveaux, du point de vue développemental, et
que le phénomène du transfert peut être cocréé par le biais d'un champ dynamique
conceptualisé de manières différentes, ou par différentes conceptualisations
‘triadiques’ et/ou transitionnelles, ou bien encore par des dialectiques d'interaction
analyste-analysant.
La compréhension des connexions multiples entre les processus
intrapsychiques et interpsychiques, des communications, des 'rôles' et des
temporalités dans le contexte du cadre psychanalytique qui se sont approfondis, ont
conduit à ce que de nombreux auteurs d'écoles de pensée différentes proposent des
arguments puissants sur l'importance théorique des influences bidirectionnelles qui

637
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s'écoulent entre l'analyste et l'analysant. La ‘paire’, ‘dyade’ ou ‘couple’ analytique est


devenue une unité importante, de manière prépondérante, du point de vue de
considérations cliniques et théoriques, et le transfert, ainsi que sa contrepartie le
contre-transfert, sont devenus des partenaires dynamiquement liés. Le ‘mécanisme
d’identification projective’ est l'une des meilleures tentatives de nommer et
d'expliquer ces influences mutuelles et bidirectionnelles. De manière analogue, les
concepts tels que ‘objet du Moi’ et ‘transfert de l'objet du Moi’ illustrent l'importance
de l'inséparable imbrication de soi et de l'objet dans une perspective théorique
différente.
Il y a, dans la perspective élargie de la matrice transfert/contre-transfert, une
importance grandissante donnée aux problématiques de ‘représentation’ ou de
‘représentabilité’ des expériences psychiques ou biopsychiques, ainsi qu'à la vision du
processus psychanalytique selon lequel la participation de l'analyste aide l'analysant à
représenter les expériences de manière symbolique, alors qu'elles étaient auparavant
inchoatives et incapables d'être représentées.
En Amérique latine, où les tendances se sont historiquement focalisées sur la
définition du transfert autour de la personne de l'analyste, la théorisation du contre-
transfert a agglutiné des développements différents. Le concept de l'expérience
affichée dans un champ intersubjectif a élargi et approfondi l'étude de la diversité des
obstacles et des 'bastions' qui surviennent dans le travail analytique. L'apparition des
sensations, des perceptions, des expériences (Erlebnis) et des occurrences chez
l'analyste, qui sont analysées pendant la séance et qui ont expliqué ce qui n'a pas pu
être inscrit et ce qui n'a pas survécu dans un présent constant (l'expérience 'actuelle') a
été pris en considération par différentes approches. Ces situations ont suscité une
considération particulière par rapport à l'éventualité de réactions thérapeutiques
négatives engendrées par la compulsion de répétition qui proviennent de la pulsion de
mort, muettes dans leur fondement.
Pour des auteurs différents, une nouvelle histoire est signifiée et inscrite dans
chaque processus analytique.

Tel un pilier de la théorie et de la pratique analytique, le transfert est resté au


fil du temps l'un des concepts fondamentaux de la psychanalyse. Les développements
actuels démontrent clairement que le transfert se situe à la croisée de l'intrapsychique
et de l'interpsychique. Le monde interne de l'analysant consiste en des conflits
psychiques entre des instances internes (Le Conscient, le Préconscient, l'Inconscient
et le Ça, le Moi et le Surmoi) et des conflits provenant des relations intersubjectives
infantiles avec des imagos identificatoires. Tous ces conflits sont ré-énactés sur la
scène du transfert dans une relation, qui implique deux psychés. Le fondateur de la
psychanalyse s'exprime, en 1937, par rapport aux deux scènes du mouvement
transférentiel, à la croisée de l'interpsychique et de l'intrapsychique, où il affirme que
le travail de l'analyse consiste en deux parties tout à fait différentes, qu'elle a lieu dans

638
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deux scènes différentes et qu'elle implique deux personnes, chacune responsable de


tâches différentes.
En 2017, dans un environnement de nuance et de complexité exponentielles
dans la pensée psychanalytique contemporaine, et d'expérience clinique accumulée,
l'affirmation selon laquelle le Transfert est un mouvement : mouvement à l'intérieur
de la psyché, mouvement entre soi-même et l'autre et mouvement entre le passé et le
présent se confirme alors qu'il absorbe et transcende les fossés qui divisent l'univers
pluraliste psychanalytique.

Voir aussi :

CONFLICT (LE)
CONTENANCE : CONTENANT-CONTENU (LA)
CONTRE-TRANSFERT (LE)
SELF (LE)

RÉFÉRENCES

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Publications sur le transfert sélectionnées dans le cadre de la quête


développementale de nouveaux objets et les discussions sur les phénomènes de
transfert dans le cadre de la dialectique des interactions analyste-analysant.

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Cambridge, MA, Harvard Univ. Press.
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Le transfert (entrées/articles) dans des dictionnaires sélectionnés sur les trois


continents de l'API :

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“Transference” in J. Laplanche and J.-B. Pontalis, The Language of Psychoanalysis,
London : Karnac Books, 1988. (French original : Vocabulaire de la Psychanalyse.
Paris : PUF.)
“Transference” by P. Denis in International Dictionary of Psychoanalysis, Macmillan
Library Reference, 2004.
“Transfert” in E. Roudinesco et M. Plon, Dictionnaire de psychanalyse, Paris, Fayard,
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“Transferts”, in Monographies of Psychoanalysis, edited by Danon-Boileau L.,
L’Heureux-Le Beuf D., Pragier G., Paris, PUF (1999).
“Transference” in Auchincloss L.E. and Samberg E, .eds. (2012): Psychoanalytic
Terms and Concepts. American Psychoanalytic Association. New Haven: Yale
University Press.
“Transference” in Akhtar, S. (2009): Comprehensive Dictionary of Pychoanalysis.
London: Karnac.
“Transferencia Narcisista” and “Transferencia Temprana” in Borensztejn, C.L. ed.
(2014). Diccionario de Psicoanálisis Argentino, Buenos Aires: Asociacion
Pscicoanalitica Argentia.

646
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Consultants Régionaux et Contributeurs

Europe : Mme Marie-France Dispaux (Société Psychanalytique Belge) and Mme


Laurence Kahn (Association Psychanalytique Française)

Dr Christine Franckx, Dr Arlette Lecoq, Mme Diana Messina (Société


Psychanalytique Belge) Prof Jacques André, Dr Patrick Merot, Dr Jean-Yves Tamet,
Dr Philippe Valon (Association Psychanalytique Française)

Amérique du Nord : Richard Gottlieb, MD; Rosemary Balsam, M.D.; Arnold D.


Goldberg, M.D.; Otto F. Kernberg, M.D.; Judith Mitrani, Ph.D.; Eva D. Papiasvili,
PhD, ABPP; Dominique Scarfone, M.D.; Gary H. Schlesinger, Ph.D.; Jamieson
Webster, Ph.D.

Amérique Latine : Adriana Sorrentini, MD & Liliana Denicola, PhD APA


(Asociación Psicoanalítica Argentina)

Co-chaire de coordination interrégionale : Arne Jemstedt, MD

Le Dictionnaire encyclopédique de la psychanalyse de l'API est placé sous le contrat de licence


Creative Commons de type CC-BY-NC-ND. Les droits principaux restent la propriété des auteurs
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Traduction : Corinne O’Connor ; Edition : Caroline Williamson

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