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La féminine sans coquetterie,

dans l`art de Hokusai et de Toulouse Lautrec

Henri de Toulouse Lautrec est considéré par la critique comme une «anomalie» dans la
peinture du 19e siècle. Infirme depuis son enfance, héritier d’une race millénaire de guerriers et
de chasseurs, en ce qui concerne son art, «il avait un scalpel dans les doigts» (Pierre Cabanne). Il
était l’acteur et le témoin des spectacles les plus crus de la vie de plaisir, du Moulin Rouge au
théâtre, du bordel au cirque et aux champs de course. Il en a donné des images violentes au trait
juste, sans esthétisme ni concessions au bon gout, d’une impitoyable vérité. Son attitude
révolutionnaire bouscula les habitudes visuelles. En exécutant des affiches, des couvertures de
chansons et des programmes de théâtre de même que des dessins pour les journaux, il était le
premier, passionné par toutes les techniques de l’image, a réconcilier la peinture et la rue. Son
œuvre ne jugeait pas et ne dénonçait pas, mais célébrait tout simplement la vie.
Sa période principale d’expérimentation avec nombreux modes picturaux et avec les
techniques de la gravure a coïncidé avec la popularité en croissance des estampes japonaises,
dans les années 1890. Lautrec avait adopté des couleurs exacerbées, comme les contours et les
expressions faciales trouvés dans les gravures reliées au théâtre kabuki, pour créer à son tour ses
affiches. Comme peintre, le style de Lautrec renferme des éléments impressionnistes comme une
dominante de la clarté pour la sensation d’espace. Ce n’est pas un grand coloriste, il utilise une
palette limitée de noir, d’ocre, de rouille et de blanc. En peinture, à la manière des
impressionnistes, sa touche est libre et fragmentée; par contre, en ce qui concerne ses affiches, la
ligne enferme le contour des formes à la manière des estampes japonaises.
Finalement, quand il s’était établi comme le premier créateur d’affiches du Paris, il était
souvent demandé de concevoir la publicité des plus célèbres artistes dans ses gravures. Une des
étoiles favorites de café-concert de Lautrec était Yvette Guilbert, qui était connue comme
«diseuse», pour la manière dans laquelle elle demi-chantait, demi-récitait ses chansons pendant
les spectacles. Elle avait des cheveux roux brillants, des lèvres minces, une silhouette élancée et
portait des gants longs jusqu’ aux coudes. Bien que sa tête soit coupée par la limite haute de la
composition, le corps souple et les gants-marque du coin haut gauche de l’affiche «Le Divan
Japonais» ne laisse aucun doute en concernant son identité. De la même manière, les traits

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anxieux et l’attitude lointaine de la chanteuse Jane Avril, assise dans le premier plan de l’image,
vêtue d`un de ses chapeaux fameusement bizarres, sont aussi saisis dans la vision cristallisatrice
de Lautrec. En exagérant les caractéristiques des apparences de ces femmes, Lautrec a réussi à
exprimer l’essence de leurs personnalités.
Dans l’unité de la composition, les formes sont sinueuses, ondulantes, et l’ensemble de la
scène se déploie selon un sens de la perspective hasardeux, dépourvu d’un réel effet de
profondeur. Les plans semblent au contraire se superposer, dominés par la silhouette de Jane
Avril, qui occupe tout l’espace central de l’affiche, et s’impose par le fort contraste des tons
employés. L’influence des gravures ukiyo-e sur le style et les contenus de Lautrec est aussi
évidente si on considère certains aspects, comme les aplats de couleur dense, reliés par des
contours forts, les compositions et les silhouettes coupées, ainsi que les angles obliques, qui sont
tous typiques de l’estampe japonaise des artistes comme Hiroshige ou Hokusai.
En plus, la promotion que Lautrec construit pour les artistes individuels des divers types
de spectacle est très similaire avec la dépeinte, dans les estampes, des acteurs célèbres et des
courtisanes du «monde flottant» pendant l’ère Edo du Japon. Par exemple, l’affiche qui évoque
May Belfort peut être comparée avec la figure d’Onoe Kikugoro III, jouant le rôle d’une femme,
dans le surimono triptyque «Trois Acteurs de Kabuki» par Utagawa Kuniyasu, qui était renommé
pour ses représentations d’acteurs et de beautés de l’époque.
Toutefois, le rapprochement le plus intéressant de l`œuvre de Lautrec avec l`art japonais
ne semble pas résider dans le japonisme de certains de ses techniques ou intentions tellement que
dans un lien thématique, qui n`est probablement d`aucune façon exprès, mais plutôt l`expression
des quelques idées qui flottent dans l`air du temps, en Japon ainsi qu’en France. Vers 1797,
Katsushika Hokusai créa un surimono appelé «Femme à sa toilette», aux dimensions d’environ
0,2 X 0,1 m,  qui est arrivé en Europe par l’intermédiaire de Tadamasa Hayashi, est qui est a
présent exposé dans une des salles du Musée Guimet. D’autre coté, presque 100 ans plus tard, en
1889 a Paris, Lautrec a peint Rousse (La toilette), un huile sur carton, aux dimensions de 0,67 m
de hauteur et 0,54 m de largeur, qui se trouve maintenant au Musée d’Orsay. Les deux images
représentent des femmes aux bustes nus, en train de se laver ou en se préparant pour faire leur
toilette. Il est vrai qu’on voit la femme dépeinte par Hokusai de trois quarts, pendant qu’elle se
regards dans un miroir, et on voit la femme dans le tableau de Lautrec de derrière parmi les
meubles d’une chambre qui n’est certainement pas une salle de bain, de façon que ce qui charme

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d’elle c’est le contour d’un dos parfaitement modelé. Mais les gestes qu’on sait que les deux vont
faire, le moment dans lequel elles ont été surprises les relient.
Hokusai et Lautrec avaient les deux souvent dessiné des femmes. «La Dame avec se
servantes» de 1779 est une peinture sur soie, tendis qu’en 1782, le même Hokusai a crée la
gravure sur bois des «Quatre Courtisanes de la Maison Chojiya», pour s’arrêter seulement a deux
exemples japonaises. En ce qui concerne Lautrec, il avait peint les bordels et les professionnelles
de l’amour avec autant de sympathie que de véridicité, tout comme les auteurs d`estampes
décrivaient les geishas des quartiers des plaisirs.
Rousse (La Toilette) a été considéré très longtemps un autre exemple de l’obsession de
l’artiste a ce moment là avec les bordels. Les recherches récentes ont prouvé que la peinture avait
été produite a une date antérieure a 1896, an de la parution de plusieurs images par Lautrec aux
sujets des «chères maisons», comme par exemple l’album «Elles» (Pierre Cabanne). En aout
1890, Lautrec écrivait a un marchand d’art sur une peinture qu’il avait montré a Bruxelles, a
l’exposition des « XX », un groupe d’artistes avant-gardistes belges, et qui représentait «une
femme rousse, assise sur le plancher, vue de dos, nue». La brillante palette des bleus, rouges,
verts et jaunes, avec des soulignassions blanches, ainsi que le brossage ample, soutiennent
l’hypothèse de cette date. C’était à cet âge là que Lautrec faisait souvent des tableaux achevés
sur carton. Sa technique d’ajouter de la térébenthine pour fluidiser la peinture lui permettait de
développer des apparences imprécises, comme celle-ci. Ce qui pouvait avoir éveillé l’intérêt de
Lautrec sur ce sujet peut être le groupe de pastels de Degas qui avaient été exposés à la huitième
exposition impressionniste de Paris, en 1886. Environ 1880, Lautrec avait adopté quelques
aspects du style de Degas, qu’il admirait beaucoup, et la « Rousse » révèle la dette de Lautrec
envers Degas; cependant, si, dans les pastels, les figures sont dépourvues de grâce, « l`étude du
dos de «Rousse» est un magnifique élément de peinture, le modelé de la chair laiteuse blanche et
rose, le dessin de la nuque et de l`attache du bras font de Lautrec un maitre de l`ornement et de la
ligne. Autour de la jeune femme assise, par terre, sont répandus ses vêtements, dans un désordre
de bleus froisses, qui forment comme un socle du modèle. » (Pierre Cabanne). Le mobilier flou
en osier qui l`entoure aussi semble être celui de l`atelier du peintre… Aussi, comme souligner
au-dessus, si les « Femmes aux tubs » de Degas étaient inspirées par les Manga de Hokusai,
1814, Fascicule 1, la «Rousse» renvoie plutôt à la «Femme a sa toilette», du même artiste
japonais. 

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Dans la période de création du surimono mentionné, « la vue sur la féminité de Hokusai
était influence par le shibui » (Gian Carlo Calza), une esthétique céleste, presque raide,
jupitérienne et anti-érotique, que l`on retrouve même dans des œuvres qui, par leur sujets et par
la façon dont les personnages sont dépeints, auraient du irradier de sensualité. Il s`agit donc ici
d`une jeune femme occupée a sa toilette, nue devant son miroir, et elle semble toute absente et
immatérielle.
En preuve de bonheur et peut être pour jouer avec le contrastes, Hokusai fait apparaitre
dans le miroir le reflet de la déesse Shinto Uzume, la divinité de la joie et de la bonne santé, qui
s`oppose a celui de la jeune fille (le masque de la déesse est suspendu derrière elle). Le fait que
au lieux du visage de la femme, le miroir offre la masque de la déesse, fait encore une fois
preuve de la vision spiritualisée et esthétisée de la féminité, présentée ici dans sa forme pure,
comme dans le tableau de Lautrec, sans la moindre trace de coquetterie…

    Ioana Tataru, No. 15606052


ERASMUS FAD TIMISOARA, Histoire et théorie des arts
Regards croisés – Japon et Occident
Janvier 2016

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