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Biblio :

- CAHN Isabelle, LOBSTEIN Dominique, WAT Pierre, Chronologie de l’art du XIXème siècle,
Paris, Flammarion, 1998, 2008
- CASSOU Jean, « L’Esprit du symbolisme », dans CASSOU Jean, Encyclopédie du Symbolisme,
Paris, Somogy, 1988
- CREPALDI Gabriele, L’art au XIXème siècle, Paris, Hazan, 2005
- DENIZEAU Gérard, Vocabulaire des arts visuels du XIXe siècle, Paris, Minerve, 2004
- DENIZEAU Gérard, Panorama des grands courants artistiques, Paris, Larousse, 2019
- GENTY Gilles (et al.), L’ABCdaire du Symbolisme et de l’Art Nouveau, Paris, Flammarion,
2013
- GIRARD Xavier, Matisse “Une splendeur inouïe”, Paris, Gallimard, 2008 (1ère éd. Paris,
1993)
- MATHIEU Pierre-Louis, Gustave Moreau, Paris, Flammarion, 1994
- PILLEMENT Georges, « Peinture, Gravure et Sculpture », dans Encyclopédie du Symbolisme,
Paris, Somogy, 1988
- TUFFELLI Nicole, L’art au XIXème siècle, Paris, Larousse, 2013

Plan : chronologique, on reste en france mais tout ce qui vient des autres pays en terme
d’influence on l’inclut
Vers 1880, en Europe, l’idée et l’idéal prennent leur revanche sur la nature et le vrai, et les
artistes se réfèrent au mouvement anglais parce qu’ils y trouvent un matériel littéraire,
Le symbolisme connut des développements féconds dans l’Europe entière, mais nous ne
verrons que le cas de la France.
De l’Angleterre à l’Italie, de l’Espagne à la Scandinavie, de la France à la Russie, le
symbolisme regroupe des artistes très divers. Ce qu’ils ont en commun c’est moins un
programme que ce contre quoi ils s’élèvent : l’académisme, le réalisme et l’impressionnisme,
le matérialisme et le positivisme, la civilisation industrielle dont les progrès leur paraissent
être des facteurs de dégradation ou de décadence. Ils leur préfèrent le rêve, l’imaginaire, le
monde de la pensée.
Les grands peintres et personnages du symbolismes semblent reclus dans leur univers. De
nombreux symbolistes s’intéressent à l’occulte et considéraient l’hermétisme comme une
vertu. Cette réculsion comdamne-t-elle le symbolisme à n’avoir aucun autre apport sur ses
prédécesseurs ? De plus, le symbolisme n’apparait pas par hasard. On peut donc se
demander si le symbolisme français est au carrefour des mouvements.
Dans un premier temps, il s’agira de comprendre les origines du symbolisme, puis de le
présenter et enfin de comprendre ses répercussions sur l’art moderne.
Problématique : le symbolisme français au carrefour des mouvements
I. Les prémisses du symbolisme
La Renaissance et les préraphaélites
Tout d’abord, nous allons voir que la Renaissance et les préraphaélites anglais ont joué un
rôle important dans la naissance du symbolisme.
Dans la peinture de la Renaissance, il est difficile de séparer l’idée du symbole. L’art de la
Renaissance présente des qualités et des idées qui allaient fasciner les peintres et les
sculpteurs symbolistes du XIXème siècle. On y trouve le conflit de système de
communication « ouvert » et « fermé ». Des éléments empruntés à un langage que toute
personne instruite pouvait comprendre, mais d’autres symboles étaient compris seulement
par des initiés. Le symbole acquiert une résonance dans l’esprit du spectateur.
Les maîtres italiens veulent faire vivre l’imagerie de l'antiquité païenne en la réinterprétant.
Feu Edgar Wind, dans son livre les Mystères païens de la Renaissance, comprit que l’une des
clés de l’interprétation des tableaux se trouvaient dans les écrits philosophiques
néoplatoniciens tels que Plotin, ainsi que dans la lecture des humanistes de l’époque. Le
néoplatonisme selon le CNRTL est un “courant artistique, littéraire, philosophique qui se
réclame des doctrines de Platon et de Plotin”. Elle s'inspire aussi des doctrines religieuses
orientales. Le néoplatonisme se caractérise par l’importance du Premier principe et l’Un qui
correspond à la cause première de l’ensemble de l’univers en métaphysique, ainsi que par
des expériences mystiques. Le mysticisme est la recherche de l’absolu ou de Dieu à travers la
contemplation ou de l’extase.
Le néoplatonisme au sens général eut presque autant d’importance pour les philosophes et
artistes du mouvement symboliste qu’il en a eu pour les pionniers de la Renaissance. Dans le
milieu symboliste, les philosophes en vogue étaient Hegel et Schopenhauer qui présentent
tous les deux une composante néo-platonicienne non négligeable.
Botticelli comme Mantegna sont des figures qui influencent fortement les peintres
symbolistes, particulièrement en Angleterre. Par exemple, Mantegna remplissait chaque
espace vide par de la roche et on retrouve cela chez Moreau.
L’héritage le plus prophétique laissé par la Renaissance au symbolistes et probablement
l’orage de Giorgione. Comme le montre Wind, le tableau de Giorgione constitue une des plus
grandes énigmes. On a des éléments ouvertement allégoriques. Le tableau témoigne d’une
mystérieuse capacité à véhiculer du sens sans être complètement spécifique. C’est le
spectateur qui complète l’œuvre à l’aide d'éléments qu’il trouve en lui-même. Cette
suggestivité et cette ambiguïté constituent l'essence même de la poésie symboliste, que
nous verrons par la suite. Elle ne pouvait qu'avoir une égale importance pour les artistes
symbolistes.
Les théoriciens du mouvement symboliste reconnaissaient que le symbole pouvait être un
objet doté d’un existence propre. Diffusant une influence mystérieuse et affectant
l’ensemble du contexte où il se trouvait.
De plus le néoclassique anglais touche largement l’Europe avec la figure de Flaxman, célèbre
pour ses illustrations d’Homère. Constable, un artiste d’un genre tout à fait différent, eut un
impact considérable sur Delacroix lorsque son travail fut exposé à Paris. L’artiste ayant le
plus influencé le courant symboliste semble être Turner. Il est reconnu comme un génie
d’envergure européenne. Les préraphaélites sont aussi très importants dans l’art européen
de la 2ème moitié du XIXème siècle. Ils représentent un esprit idéaliste présent dans l’art
anglais depuis le début du siècle. William Blake, qui a passé toute sa vie à construire un
univers symbolique, est le père du courant préraphaélite. Nous allons principalement nous
attacher aux préraphaélites.
Ce fut la fondation de la Confrérie préraphaélite qui assure le devenir de la tendance
idéaliste et symbolique de l’art anglais. Le préraphaélisme trouve son inspiration à partir du
mouvement allemand nazaréen et en partie chez William Blake. Les premières années du
préraphaélisme furent des œuvres quasiment photographiques. Ce courant anglais débute
en 1848 lors de la fondation de la Pre-Raphaelite Brotherhood. Les membres sont William
Hunt, John Everett Millais et Dante Gabriel Rossetti. Ils sont fortement influencés par les
écrits de Ruskin. Comme leur nom l’indique leur nom, ils se réclament des peintres de la
première Renaissance italienne. Ils rejettent la tradition académique, ils veulent se
rapprocher de l’art gothique et du Quattrocento.
La technique picturale académique est remise en question. Les couleurs deviennent plus
éclatantes, le style est précis et s’intéresse aux moindres détails. Leurs sujets s'inspirent
directement de la nature ou bien sont chargés d'intentions littéraires ou d’illusions
mystiques, tout en portant une visée symbolique, morale et philosophique. Ils s’appuient sur
des récits littéraires comme la Bible mais aussi des légendes. Leur but est d’atteindre une
pureté spirituelle qu’ils considèrent comme perdue à leur époque.
Les préraphaélites utilisent une technique d’une exactitude absolue. Ils se rapprochent de ce
fait de la photographie. Cette fidélité rend plus crédibles les scènes légendaires, historiques
ou bibliques. On donne donc l’impression par ce naturalisme que l'enchanteur Merlin est
réel par exemple.
Leur style prend en notoriété et réalise un grand succès à Paris lors de l’Exposition
universelle de 1855. Le groupe se dissout peu à peu, mais influence, par la suite, de
nombreux artistes symbolistes. Les historiens de l’art s’accordent aujourd’hui pour dire que
les préraphaélites sont les principaux précurseurs des symbolistes. Ce premier
préraphaélisme (il y en a plusieurs) influence directement la génération de peintres de
Moreau et Puvis de Chavannes.
Une autre partie du préraphaélisme influence fortement les peintres et symbolistes français.
Il s’agit du concept de la “femme fatale” réalisé par Rossetti. Ses femmes sont dans un
univers à part, elles ne sont pas situées de façon précise dans l’espace et le temps. La toile
Astarté Syriaca de 1877, incarne cette conception et est représentée avec ses attributs les
plus caractéristiques.
Un autre grand peintre de la seconde phase du préraphaélisme est Burnes-Jones. Il
représente souvent des thèmes mythologiques. Il est un des premiers peintres à s’adresser
délibérément à un public restreint, composé de personnes assez sensibles pour recevoir le
message qu’il souhaite transmettre. On voit que ses œuvres se rapprochent des idées
symbolistes françaises. Pour l’ouverture de la Grosvenor Gallery, le magazine Punch publie
“Les peintures - pour la plupart elles étaient de celles qu’on regarde plutôt qu’un achète -
l'étrange, le bizarre, le démesurément mystique, le lugubre et l’aride”.
Le dernier artiste préraphaélite important est George Watts. Il dit à propos de lui : “Je peins
des idées, et non des choses. Je peins avant tout parce que j’ai quelque chose à dire. [...]
Mon intention n’est pas tant de peindre des tableaux plaisants à l’oeil que de suggérer de
grandes pensées qui s’adresseront à l’imagination et au coeur et éveilleront tout ce qu’il y a
de meilleur et de plus noble en l’homme.”

Le romantisme
Le symbolisme doit être compris dans le mouvement du romantisme. Le romantisme
représente un bouleversement des esprits. On rompt avec la croyance fortement ancrée en
la capacité de la raison humaine à gouverner toutes les actions et résoudre tous les
problèmes.
Chez les romantiques, on trouve une part de rébellion contre les restrictions de tous genres.
La validité et l’autorité du monde sont mises en doute, et de cela triomphe inévitablement la
subjectivité. Dans le romantisme, les hommes cherchent en eux-mêmes la ligne à suivre. De
là est né le mythe du “génie”, de l’homme à l’inspiration divine, capable grâce à son
imagination de transformer en art toutes ses expériences et émotions. En termes artistiques,
l’essence du romantisme est l’imagination. Les peintres romantiques s’inspirent beaucoup
de Goya, Blake et Füssli. Ils réalisent les bases sur lesquelles se développe un art qui redonne
la priorité aux spirituelles sur la matière. Goya, dans ses peintures, traduit ses cauchemars et
ses hallucinations en forme des monstres, fait appel aux sorcières et ouvre la porte à la folie.
Il apprivoisé les formes qu'il n'existe que dans l'imagination des hommes. Blake poète
peintre et graveur méprise profondément la nature et la réalité pour vivre dans l'imaginaire.
Tout comme Goya et Blake, Füssli évolue dans le monde de ses rêves et du surnaturel.
Le tableau Le Colosse de Goya peut être considéré comme “pré-symboliste”. La silhouette
imposante domine l’espace de la toile. Elle traduit en termes picturaux la panique qui
grandit jusqu’à remplir tous les recoins de l’esprit. je sais pas trop je trouve que l’auteur va
peut être un peu loin pour Goya
De fait, plus on s’intéresse au romantisme, plus on mesure l’importance de la symbolique.
Par exemple, les paysages sublimes de Caspar David Friedrich sont empreints de
symbolisme. Les contemplations mystiques du peintre frappent par leur silence. Les
compositions de Friedrich suggèrent l’infériorité de l’homme face aux forces de la Nature. Le
Naufrage du Hope peint en 1821 par Friedrich montre l’importance de la symbolique. La
source d’inspiration vient d’un fait réel mais la source historique est vite écartée. Le bateau
est l'espoir qui sombre dans les étendues gelées qui sont le symbole de la mort et du
désespoir. Friedrich fait résonner dans l’esprit une simple métaphore picturale, il la
transforme donc en symbole.
On retrouve aussi une parenté dans les dessins du poète Victor Hugo comme le Rêve. Ce
dessin témoigne d’une figure unique qui préfigure les lithographies d'Odilon Redon.
Delacroix joue un rôle important dans le processus qui fait émerger le mouvement
symboliste en tant que tel du romantisme. Delacroix représente souvent des sujets bibliques
où la mort est centrale. Les femmes qu’il représente sont souvent tourmentées
psychologiquement et physiquement. Le lien entre Delacroix et le symbolisme s’illustre dans
un de ses principaux chefs-d'œuvre la Mort de Sardanapale exposé au Salon en 1827. La
posture langoureuse presque efféminée de Sardanapale, les montagnes d’or et de joyaux qui
l’entourent, le sadisme de l’esclave qui égorge une des femmes. Ce sont tous des éléments
qu’on retrouvera dans le travail de Moreau.
Un autre peintre romantique influencera considérablement les symbolistes. Il s’agit de
Théodore Chassériau. Il était élève de Ingres, et fût vite happé par l’imaginaire. Il a visité
l’Algérie comme Delacroix, et fut séduit par l’Orient. Il utilise des couleurs chatoyantes.
Moreau et Puvis de Chavannes fréquentent son atelier et sont influencés par sa technique et
le choix de ses sujets. Il transmit sa technique picturale à Moreau qui lui voua toute sa vie
une véritable vénération. De plus, les symbolistes sont séduits par les femmes que
représente Chassériau. Moreau repris notamment le thème de Sapho, comme on le voit
dans Sapho de 1849. Sapho est l'image même de la destinée tragique des génies incapables
de se consoler d’un amour perdu.

La littérature symboliste (poésie surtout) , manifeste


Dans cette partie, nous verrons la poésie symboliste qui est la forme initiale de ce
mouvement, puis nous nous intéresserons aux courants de pensées philosophiques qui ont
marqué le symbolisme
Le symbolisme concerne tous les arts mais trouve sa formulation originelle en littérature. La
naissance du mouvement symboliste dans sa définition la plus stricte est donc un
phénomène littéraire et apparaît d’abord en poésie avant de gagner la musique, le théâtre et
enfin la peinture comme nous le verrons dans la partie suivante. C’est un mouvement qui se
développe à la fin du XIXème siècle, dans les années 1870 et qui atteint son apogée dans les
années 1890.
C’est un mouvement apparu en France et en Belgique vers 1870, en réaction au
Naturalisme. En littérature, les poètes symbolistes, ainsi nommés après la publication du
manifeste du symbolisme par Moréas, sur lequel nous reviendrons plus tard, s'opposent à
Zola et à l'école naturaliste, au réalisme, des styles anti idéalistes qui a tentent représenter la
réalité et sont aussi à la recherche de spiritualité face à la montée du matérialisme
triomphant. « N’importe où hors du monde » qui est une phrase de Poe reprise par
Baudelaire, traduit le refus du monde moderne où règnent l’esprit positiviste et la logique
matérialiste.
Dans le domaine de la poésie, Baudelaire est le chef du symbolisme, il est considéré comme
le précurseur. Baudelaire est donc une figure incontournable, puisque ce mouvement trouve
ses origines dans la publication des Fleurs du mal en 1857 et dans la théorie des
correspondances tiré de son poème Correspondances, où il expose sa théorie poétique sur
les rapports entre le monde matériel et le monde spirituel, préparent le terrain du
symbolisme.
C’est notamment le poème Correspondances qui jette les bases du symbolisme littéraire,
avec des grands principes que nous retrouverons en peinture. Dans ce poème, Baudelaire
explique que le monde est un symbole, et que ce dernier qui est visible a aussi un aspect
invisible. Il développe également des concepts comme le poète voyant, interprète des
mondes inconnus, le poète seul et incompris, le poète maudit, qui est d’ailleurs l’autre nom
des poètes symbolistes, qui vit pour écrire. Il développe aussi la musicalité des mots qui est à
la base de la poésie symboliste, la poésie synesthésique puisque selon lui la poésie est la
fusion de sensations visuelles, auditives et olfactive et enfin l’art pour l’art dans le sens où la
poésie ne doit pas enseigner, mais suggérer l’invisible, l’absolu.
Ce nouvel esthétisme est ensuite développé par une première génération d’auteurs
regroupant Mallarmé, ainsi que Paul Verlaine dans les années 1870-1880.
Les traductions des travaux d’Edgar Allan Poe par Baudelaire eurent également une
influence significative sur le mouvement symboliste. Les poètes symboliques essayèrent de
saisir un idéal, d’accéder à un univers spirituel. Le symbole devient le secret de la poésie, le
langage est fluide, musical, pur et le vers est libre.
Dans les années 1870, une rupture a donc lieu puisqu’une partie de la jeune
génération artistique, qui ne se retrouve pas dans ce contexte social et rejette le
naturalisme, rejoint le décadentisme porté par Paul Verlaine, qui est un mouvement très
proche du symbolisme, qui est lui-même perçu comme une forme de décadence intériorisée
où le poète à conscience de cela mais se ferme sur lui-mêm. Ce mouvement, tout comme le
symbolisme, traduit les névroses, la dépravation, la folie et avoue les passions. Puis, à partir
de 1885, de plus en plus de ces poètes quittent le décadentisme pour rejoindre la sphère
d'influence de Stéphane Mallarmé, dont le style poétique est à la base des théories
symbolistes puisque ce dernier a su ajouter à la littérature “le sens du mystère et de
l'ineffable". Cette rupture se traduit aussi lorsque Verlaine, et Mallarmé se voient refuser la
publication de leurs poèmes.
La veine symboliste est aussi particulièrement riche en France, de la Salammbô de Flaubert.
Le terme "symbolisme" apparaît sous la plume du poète symboliste Jean Moréas
dans un manifeste publié dans les colonnes du supplément du Figaro en 1886, mais l’idée se
trouvait déjà dans la poésie Correspondances. Il décrit ce mouvement comme un culte de
l’idée métaphysique que la poésie symboliste cherche à comprendre par la sensibilité
subjective. Dans les années 1880, on formule plusieurs séries de manifestes en l'honneur du
symbolisme, qui attire toute une génération d'écrivains.
En 1886 sont publiés d’autres textes fondateurs pour le mouvement, écrits par Teodor de
Wyzewa, un des principaux promoteurs du mouvement symboliste en France, ou encore
René Ghil. Ces différents textes élaborent le style symboliste, définissent l’opposition au
naturalisme, l’intérêt pour la métaphysique, le culte de l'Idée et de la suggestion. Une
culture symboliste se met en place.
Le livre À rebours de Joris-Karl Huysmans, qu’on considère comme le manifeste de l’esprit
décadent est également important dans la définition de la pensée symboliste, ainsi que Là-
bas, qui est à l’origine de l’intérêt de l’occulte et de l’hermétique. Ses deux livres sont
importants pour le symbolisme car il laisse surgir des tendances mystiques, mêlant
sensualité, occultisme et satanisme, qui sont des thèmes qu’on retrouvera dans la peinture.
Huysmans est donc une figure clé, disciple de Schopenhauer.
En ce qui concerne la philosophie qui aura un impact sur la pensée symboliste et sur les arts,
les philosophes en vogue sont Hegel et Schopenhauer, qui présentent tous deux une
composante néoplatonicienne. En effet, comme nous l’avons vu avec les préraphaélites, la
pensée néoplatonicienne joue un rôle important pour le symbolisme. De nombreux
symbolistes s’intéressent à l’occulte et considèrent l'hermétisme comme une vertue. Bien
des artistes des années 1880 adoptent la conception pessimiste de la condition humaine
formulée par Schopenhauer et la sacro-sainte idée du progrès que ce dernier remet en
question.
On comprend donc que la première Renaissance italienne apporte le symbole dans
l’art, les préraphaélites, le détail et le romantisme, l'imagination et le sentiment. Nous
comprenons aussi que les écrivains symbolistes, après s’être créés une identité propre, se
sont mis à chercher des artistes qui leur parurent reprendre et justifier leur programme et le
symbolisme fit donc par la suite l'objet de la peinture, créant des liens étroits entre
littérature et peinture, comme nous allons le voir après. Si la célèbre formule de Moréas : «
La poésie symboliste cherche à vêtir l’Idée d’une forme sensible qui, néanmoins, ne serait
pas son but à elle-même, mais demeurerait sujette à l’Idée », est universellement citée, son
manifeste ouvre bien d’autres champs de réflexion aux artistes, et plus particulièrement aux
peintres.

II. Contexte historique, définition et enjeux


Contexte historique et définition
Nous arrivons à présent à la deuxième partie qui présente le symbolisme français.
Le terme « symbolisme » provient du latin « symbolum » et du grec « symbolon » signifiant « 
mettre ensemble », « joindre ». C’est le poète Jean Moréas qui le premier employa ce terme
en 1886 dans « Un manifeste littéraire » publié dans le Figaro.
Le symbolisme, dans les arts plastiques, n’est pas un style, mais un courant aux limites
imprécises qui a existé dans toute l’Europe pendant tout le demi-siècle. C’est aussi un
mouvement qui s’est développé entre 1885 et 1900, la période 1885-1895 ayant été son
apogée. Du fait qu’il désigne d’abord un courant littéraire, il a longtemps été considéré
comme un mouvement mineur en peinture. Les symbolistes partagent le goût de la
transposition littéraire d’œuvres d’art et les artistes en retour traitent des thèmes analogues
ou « illustrent » les textes.
Il faut comprendre que le symbolisme n’est pas purement français. Il s’impose d’ailleurs plus
facilement à l’étranger. Mais nous allons uniquement présenter le symbolisme français par
souci de temps et de commodité.
C’est en France, et sans doute en raison même du contexte polémique de son apparition,
que le symbolisme, dès les années 1880, a révélé avec le plus de vigueur l’enjeu profond de
ses revendications. Le symbolisme est né en réaction à l’impressionnisme et à l’académisme.
Il s’oppose aussi au réalisme et laisse une place prépondérante à l’imaginaire. Il y a un refus
du monde. Le symbolisme souhaite oublier les avancés modernes de la fin du XIXème siècle
et retourner à une humanité primitive exempte de souillure de la civilisation. Ce retour à la
nature vécue comme expérience spirituelle recouvre dans le symbolisme des aspects très
divers : certains considèrent la réconciliation avec la nature dans une perspective chrétienne
avec un fort intérêt pour l’ésotérisme et l’occulte come l’ordre la Rose-Croix, tandis que
d'autres questionnent la destinée humaine à travers la mythologie. De plus, la fin du XIXème
siècle va vers une sacralisation de l’art amorcé par Baudelaire, perçu comme le dernier
refuge des valeurs spirituelles face à l’industrialisation.
Il est difficile de définir clairement un style symboliste, puisque le mouvement a réuni de
nombreuses tendances stylistiques différentes. Les peintres recherchent l’harmonie
esthétique qui convienne à leur symbolique. Beaucoup d’entre eux allient la précision du
dessin à l’effacement du coup de pinceau. La peinture s’enrichit aussi avec des taches
colorées, le flou, les formes vacillantes et l’épaisseur de la matière picturale. De plus, tous les
artistes symbolistes ne se réclament pas des mêmes principes formels ou techniques. Il ne
faut pas opposer de manière brutale artistes réalistes ou naturalistes et artistes symbolistes,
car les deux tendances ont pu exister chez un même artiste. Les peintres recherchent
l’harmonie esthétique qui convienne à leur symbolique.
Ainsi dans l’œuvre de Courbet, la production postérieure à 1885 atteste cette tendance à
suggérer un sens autre que celui donné par la lecture première de l’image. La Source de
1869, exposé au musée d’Orsay en est un bon exemple. C’est le critique naturaliste
Champfleury qui reprochait à Courbet, dans ses œuvres de maturité, d’être sur la « pente
fâcheuse de la symbolisation ».
De même, certaines œuvres de Millet sont plutôt symbolistes que réalistes. L’artiste, en
effet, cherche bien souvent à donner aux attitude des paysans une expression symbolique au
travers de la permanence de leurs gestes, par exemple L’Homme à la houe de 1863,
caractérise ce que développera aussi Puvis de Chavannes.
Toutefois, le critique d’art Georges Albert Aurier propose une définition du symbolisme en
1891 dans le Mercure de France, dans un article sur « le Symbolisme en peinture » : L’œuvre
d’art devra être premièrement idéiste, puisque son idéal unique sera l’expression de l’idée ;
deuxièmement symboliste, puisqu’elle exprimera cette idée par des formes ; troisièmement
synthétique, puisqu’elle écrira ses formes, ses signes selon un mode de compréhension
général ; quatrièmement subjective, puisque l’objet n’y sera jamais considéré en tant
qu’objet, mais en tant que signe perçu ; cinquièmement l’œuvre d’art devra être décorative.
C’est-à-dire que l’œuvre n’est rien d’autre qu’une manifestation d’art à la fois subjective,
synthétique, symboliste et idéiste
Il s’agit donc de ne plus accepter l’image comme la représentation d’un objet, d’un être,
d’un fragment de nature, mais comme le signe, le symbole de ce même objet, être ou
paysage. Le tableau symboliste se découvre ainsi une nouvelle mission, il doit former une
Idée dans sa toile, tout en lui donnant forme. Ce concept peut aussi bien désigner la
métaphysique, la vie psychique, l’introspection ou la vision poétique.
À travers leurs œuvres, les symbolistes ont souhaité représenter des vérités absolues qui ne
pouvaient être décrites directement d’où le recours à la spiritualité, à l’imagination et au
rêve. L’art doit rendre visible l’invisible en présentant un monde idéal et rêvé. Le symbolisme
vise à interpréter et donner une signification plus vaste que celle constatée au premier
abord. Les compositions sont parsemées de signes et de symboles. Les personnages et les
objets n’acquièrent leur signification que par leur caractère symbolique. Le but des
symbolistes est de privilégier l’expression des états d’âme, mettre en avant la dimension du
psychique. Le symbolisme est un art ésotérique, de l’invisible, du mystérieux, de l’occulte.
De plus, la suggestion et l’ambiguïté sont considérées comme un mode privilégié de
communication. La suggestion est au centre des préoccupations esthétiques des principaux
représentants du mouvement symboliste. Pour Redon, « L’art suggestif est l’irradiation de
divins éléments plastiques, rapprochés, combinés en vue de provoquer des rêveries qu’il
illumine, qu’il exalte, en incitant à la pensée ». Par l’emploi des formes équivoques, ce
dernier entend redonner au « regardeur » un rôle actif. L’œuvre imprégnée de mystère et
d’ambiguïté favorise ainsi le libre jeu de l’imagination et devient une surface de projection
de l’inconscient du spectateur. Dans cette optique, la musique libérée de toute matérialité,
concurrence les autres arts. Son emprise est vivement ressentie. Gauguin et Redon qualifient
volontiers les œuvres de « symphonies » ou d’ « harmonies ». La musique a un pouvoir de la
suggestion qui est repris.
Dans la diffusion du mouvement symboliste, les revues eurent un rôle particulier et une
importance considérable. Nous pouvons donner quelques exemples de ces revues très
importantes pour ce mouvement comme Le Mercure de France fondé par Alfred Vallette et
un groupe d’écrivain et qui est une revue très importante pour le symbolisme ou encore La
Vogue qui est une revue qui s’oriente nettement vers les idées symbolistes. On retrouve la
Revue Blanche qui joue un rôle marquant dans l’histoire du symbolisme.
Le symbolisme français est marqué par des figures tout à fait originales et importantes
propre à ce mouvement. Nous allons présenter celle du Sâr Péladan.Péladan ne semble pas
avoir été une figure importante de son vivant en tant qu’écrivain ou artiste. Mais il est une
figure pittoresque et fascinante, typique de son époque. Il a toujours été soucieux de se faire
remarquer et sa plus grande création artistique selon Edward Lucie-Smith est sa propre
personnalité
La Rose-Croix esthétique, ou ordre du Temple de la Rose-Croix, est un mouvement
artistique, à la fois proche du symbolisme et de l'ésotérisme de la fin du siècle, créé par
Joséphin Péladan en 1890. Leur objet est l'organisation d'expositions des beaux-arts. Les
peintres qui exposent ne doivent pas nécessairement adhérer à la doctrine rosicrucienne.
Les peintres étrangers y sont aussi accueillis. Ces Salons se sont tenus chaque année de 1892
à 1897.
Le premier salon de la Rose-Croix eut lieu à la Galerie Durand-Ruel en mars 1892. Le choix
des artistes est déterminé par un ensemble de règles fondées sur le sujet : les sujets bannis
sont la peinture d’histoire, patriotique et militaire, la vie contemporaine et les sujets
acceptés sont ceux qui représente l’Idéal catholique et la mysticité. La première exposition a
été financé par de La Rochefoucauld, peintre et écrivain amateur.
L’ensemble des règles qu’il édicta pour le Salon Rose+Croix est le guide le plus exacte de sa
pensée. Il explique que le Salon Rose+Croix veut ruiner le réalisme, réformer le goût latin
c’est-à-dire réaffirmer les grands maîtres italiens et créer une école d’art idéaliste. L’ordre dit
qu’il n’impose à l’artiste qui expose que de faire du beau, noble et lyrique. L’ordre crée une
nouvelle hiérarchie dans la peintre. La peinture qui a le plus de mérite est celle qui
représente l’Idéal catholique et la mysticité, puis, un peu moins prestigieuse la Légende, le
Mythe, l’Allégorie, le Rêve, la Paraphrase des grands poètes et le lyrisme.
Les artistes participant à cette exposition ne sont pas ceux qu’espérait le plus Sâr Péladan,
Moreau et Puvis de Chavannes. Il reçut leurs disciples et leur partisan aux Salon Rose+Croix.
On retrouve notamment des artistes liés à Gauguin et à Pont-Aven ainsi qu’aux Nabis. Émile
Bernard y envoya son travail, tout comme Félix Vallotton. Il y a aussi d’autres artistes
symbolistes intéressants comme Charles Filiger avec ses Notations chromatiques. Il s’agit
d’une composition circulaire ou polygonale, dont la surface est entièrement divisée en
facettes. Ces facettes sont utilisées pour former les visages stylisés comme dans Charles
Filiger, Notations chromatiques n°1, vers 1900, aquarelle, 24x24,5 cm, New-York, MoMA . Il
existe une similarité entre le travail de La Rochefoucauld et Filiger. En effet, ils sont tous les
deux emprunts de l’influence pointilliste que le Sâr Péladan rejetait fortement

les thèmes
Dans cette partie, nous allons nous intéresser aux grands thèmes abordés par les
peintres symbolistes. Il est difficile de définir clairement un style symboliste, puisque le
mouvement a réuni de nombreuses tendances différentes les unes des autres. Un certain
nombre de thèmes sont cependant communs à tous les artistes.
Le premier grand groupe de thèmes que nous allons aborder est celui qui rassemble
le thème de la femme, de l’amour, la sexualité, la sensualité, lié à la mort. Ainsi, que le type
de l’androgyne. La femme, sous tous ses aspects, est souvent au centre de la thématique
symboliste, sous son visage fatal (Salomé, Dalila), sacré (Sainte Geneviève par ex) ou
magique (fée, sphinges…).
La femme fatale est un thème largement répandu au XIXème siècle dans l’art
symbolique, que ce soit en littérature dans Salammbô ou dans La Tentation de Saint-Antoine
de Flaubert. L’imaginaire de la femme fatale est aussi alimenté à l’époque par la
psychanalyse naissante et notamment grâce aux travaux sur l’hystérie de Jean-Martin
Charcot. L’hystérie devient une source d’inspiration. Les peintres vont réaliser de
nombreuses représentations de cette femme fatale, impure et perverse. L’archétype
demeure les figures bibliques de Judith ou encore Salomé, qui associent la sexualité à la
mort, à la sensualité morbide, ainsi qu’au sadisme et à la luxure, la perversion. Les peintres
reprennent donc le thème de l’amour-passion consommé dans la mort. Sur ce thème, nous
avons de nombreuses représentations de Salomé qui connaît un très grand succès, comme
chez Gustave Moreau dans L’Apparition où on voit Salomé dansant devant Hérode avec une
vision de la tête flottante de Jean-Baptiste décapité. Les représentations du personnage de
Salomé prit au fil du temps une dimension de plus en plus érotique au point de devenir selon
Huysmans : « la déité symbolique de l'indestructible Luxure, la déesse de l'immortelle
Hystérie, la Beauté maudite (…), la Bête monstrueuse, indifférente, irresponsable,
insensible…». La figure de la femme domine parce qu’elle symbolise par elle-même
l’ambivalence du désir et de la mort, la pulsion physique, le vice, la déchéance. Elle est
représentée comme un être attirant et fatal, perverse et dangereuse. Les femmes chez
Moreau, lorsqu’elles ne sont pas d’actives destructrices comme Salomé, sont des êtres qu’il
ne faut pas offenser. Ses fées sont des personnages sinistres et puissants mais d’une grande
beauté. Elles semblent participer à une célébration imaginative des peurs masculines de la
castration et de l’impuissance. La beauté fatale entraîne l’homme à la mort. Marqués par la
conscience de l’instabilité du monde, la fin des valeurs spirituelles et la déchéance
inéluctable du corps humain, les esprits sont hantés par la mort. Cette obsession est
partagée par des artistes et transparait très bien à travers la femme fatale associée à la
mort, à un nouvel érotisme sulfureux, mêlant fétichisme, sadisme, et satanisme. Les artistes
symbolistes cherchent à représenter l'éternel féminin cruel tel qu'il le conçoivent.
Ce thème de la femme fatale peut également être représentée par la figure magique du
sphinx, qui connait un extraordinaire regain de faveur auprès des artistes symbolistes. La
nature hybride du Sphinx correspond, à l’époque symboliste, à la double nature de la
femme. Instrument de la tentation, la sphinge, dont la froideur pensive est une des
expressions de la cruauté féminine, envahit la peinture. Les artistes voient dans cette
créature énigmatique, mi-homme mi-bête, le détenteur de mystères ésotériques. Moreau
avait notamment rencontré le succès au Salon de 1864 avec Œdipe et le Sphinx, œuvre dans
laquelle on discerne un mélange pervers d’attirance et de répulsion. Moreau opposait dans
la figure du Sphinx les « ailes prometteuses de l’Idéal » et le « corps du monstre, du
carnassier qui déchire et anéantit ».
Ces images de la femme ont une double connotation démonique ou angélique, avec des
allusions érotiques. Le femme fatale s’opposent donc aux d’effigies de la chasteté comme la
figure d’Ophélie, Béatrice ou de la Vierge Marie, de sainte Geneviève, qui représentent la
femme idéalisée, pure, hiératique, vertueuse, devenues anges ou fiancées ésotériques et
mystiques. C’est donc une vision idyllique comme chez Maurice Denis avec son tableau
Saintes femmes au tombeau de 1894, où les femmes sont empreintes de sentiments
religieux. La nudité innocente des femmes de Puvis de Chavannes, comme dans l’Eté de
1891, incarnent l’espérance, la pureté porté par cette deuxième vision de la femme.
Ces deux visions extrêmes et contraires de la femme, s’accompagnent d’une forte
misogynie dans le symbolisme. Chez les symbolistes, la femme représente la nature, et est
en cela opposée à l'esprit, donc aux artistes. Ainsi, bien que les représentations de sujets
féminins abondent dans les œuvres exposées aux Salons de la Rose+Croix, les femmes
artistes en sont exclues.
Dans l’imaginaire de la fin du siècle, la femme oscille donc entre la mante religieuse comme
le décrira Sâr Péladan dans Le Vice suprême, et l’apparition asexuée donc l'androgyne. Le
rejet de la morale traditionnelle, passant par l'indifférenciation sexuelle, les métamorphoses
de l'image de la femme trouvent à s'exprimer dans une figure légitimée par la tradition
esthétique : l'androgyne. Ce « sexe artistique par excellence » obsède la littérature et la
peinture. Il y a une ambivalence dans la sexualité avec l’androgyne, qui à une charge
fantasmagorique et renvoie au mythe platonicien des origines. Le type androgyne dans
beaucoup des compositions de Moreau, comme dans Œdipe et le Sphinx, qui marqua les
esprits et exerça une très forte fascination sur les critiques et artistes de la fin du XIXème
siècle. La figure de l’androgyne chez Moreau est complexe. Dans son œuvre, ce sont surtout
les hommes qui sont langoureux et voués à la destruction. Les hommes qui apparaissent
dans ses compositions sont souvent des hommes frêles et passifs. Par exemple dans la toile
Les Prétendants, le spectateur est témoin d’un massacre de beaux jeunes hommes
efféminés et c’est vers eux que se porte la compassion.
Beaucoup de peintures symbolistes usent des sujets renvoyant aux légendes, aux
mythes, à la bible et à la littérature ancienne ou contemporaine. Ces sujets alimentent leurs
rêves. Le goût pour les récits légendaires ou mythiques répond en premier lieu à un désir
d’évasion déjà formulé par les romantiques. On a un recours à la mythologie, aux légendes
notamment médiévales comme chez les préraphaélites. A travers les mythes et légendes
anciennes, les érudits ressuscitent les civilisations anciennes et réenchante un monde vidé
de ses croyances, puisque telle est la fonction du légendaire utilisé par les symbolistes. L'art,
par le biais du mythe, communique les vérités divines. A travers les textes sacrés ou
légendaires, se révèle la tendance au mysticisme ou à la réflexion philosophique. C’est une
tendance nouvelle qui imprègne tout l’art symboliste. Les artistes puisent ainsi dans la Bible,
avec notamment le thème de Salomé, vu précédemment. Ils puisent aussi dans la
mythologie antique comme Moreau avec Jupiter et Europe de 1868, ou encore dans les
sagas nordiques, dans la religion chrétienne comme Puvis de Chavannes avec par exemple
Marie Madeleine au désert de 1869.
Les artistes tirent aussi leurs sujets des grands textes littéraires, comme Dante.
Gustave Moreau a notamment fait un tableau intitulé Dante et Virgile. La démarche
symboliste, qui procède par transposition, entretient des rapports très étroits avec les arts
du verbe. La littérature et la poésie du présent, mais aussi du passé, deviennent par
conséquent ses principales sources d’inspiration. Aucun écrivain du XIXème siècle, n’a joui
d’un succès aussi considérable qu’Edgar Poe. Ce dernier a notamment été illustré par des
peintres symbolistes comme Odilon Redon, dans sa série de lithographies intitulée A Edgar
Poe, de 1882. La communion d'idées entre peintre et homme de lettres n'a jamais été plus
réelle qu'à cette époque. Cette correspondance entre la peinture et la littérature se voit dans
le choix des sujets, dans l'attrait pour des mythes similaires.
Pour les symboliques, le rêve est créateur. Les artistes se prêteront à une exploration
onirique pour affirmer leur refus de la modernité. C’est une activité profonde de l’âme qui
fait partie du processus créateur, notamment chez Redon. Les images jaillissent de
l’inconscient et les peintres veulent réintégrer le rêve, l’imaginaire dans leurs toiles en
écartant les thèmes prosaïques. Les peintres privilégient ainsi des sujets allégoriques et
symboliques, ils essaient de dépasser la réalité à travers les rêves, l’imagination, l’évocation,
l’invisible. L'image visuelle apprend à devenir le signe de l'inexprimable, pour transcrire ce
langage intérieur. Les artistes explorent leur être entre le bonheur et l’angoisse, le rêve et le
cauchemar dans les régions de l’ambiguïté et du mystère, jusqu’aux frontières de
l’inconscient, comme dans Le Rêve de Puvis de Chavannes datant de 1883 ou encore dans la
série lithographique intitulé Dans le rêve, de 1879, faite par Redon lui-même appelé le «
prince du rêve », puisque sa démarche repose sur la « soumission docile à la venue de
l’inconscient ». Les peintres découvrent également les expériences religieuses, mystiques ou
ésotériques. L’analogie exploitée en peinture entre la figure du christ et celle de l’artiste,
conduit naturellement à une renaissance du sentiment religieux. De plus, la plupart des
symbolistes s’intéressent à l’occultisme ou au spiritisme.
Une autre grande préoccupation des peintres symbolistes est l’univers et le moi.
Dans le monde symboliste, l’artiste repousse l’anecdote pour traiter des problèmes
fondamentaux de l’homme comme la vie, la mort, le désir, l’amour, la nature, la divinité, la
méditation sur le temps, les saisons, devant la mer ou dans la forêt. Pour le symboliste qui
prône un individualisme forcené, la vie intérieure, irréductible à la raison et à la société,
permet seule l’accès au mystère de l’être, à l’au-delà du rêve, et aux pressentiments des
correspondances universelles. Regarder au-dedans de soi, c’est affirmer la suprématie de la
pensée et de l’imagination sur la réalité du monde extérieur. Les artistes abandonnent toute
description au profit de l’évocation d’états d’âmes. Les artistes, comme Redon, dissèquent
leurs émotions et explorent l’inconscient. Dans Les Yeux clos, l’artiste représente un buste
au visage blême, les paupières baissées du sommeil ou bien de la mort, la bouche mutique.
Ces éléments évoquent le rêve, le voyage intérieur, la méditation, et peuvent même
renvoyer à l’auto contemplation.
La peinture symboliste renouvelle conjointement l’iconographie traditionnelle liée à la
représentation de la mélancolie et accorde un vif intérêt au du pessimisme. Les œuvres
symboliques suggèrent souvent un monde mélancolique, onirique et sombre dominé par la
solitude, comme dans le tableau Mélancolie d’Odilon Redon datant de 1876. Plus ils se
renferment sur leur être, plus les artistes découvrent la solitude, le silence et la mélancolie.
L’expression de soi est souvent empreinte d’une réflexion philosophique pleine de
pessimisme, proche des philosophes allemands comme Schopenhauer ou Nietzsche. La
plupart des artistes de ce mouvement sont aussi obsédés par la mort et la douleur. On
trouve donc un certain nombre d’œuvres liées à ces thèmes, comme La vie de l’Humanité de
Gustave Moreau, mêlant la Genèse et le mythe d’Orphée, se conclut sur le meurtre de Caïn.

Les grands artistes représentatifs du mouvement en France


Puvis de Chavannes
Dans cette sous-partie, nous allons présenter les trois artistes les plus significatifs et
importants pour le symbolisme français en peinture.
Nous pouvons commencer par Puvis de Chavannes. De son vivant et aussitôt après sa mort,
Pierre Puvis de Chavannes fut considéré comme la maître du symbolisme pictural ou du
moins le précurseur, même si l’artiste n’acceptait pas le qualificatif. Alors pourquoi son
œuvre occupe une si grande place dans l’histoire de l’art symboliste ? Tout d’abord, du point
de vue intellectuel et de sa personnalité, Puvis de Chavannes est symboliste. Ses tableaux
sont une série de visions hors du temps et de l’espace, pleines de symboles et chargées de
spiritualité, qui orientent le spectateur vers une perception émotive.
Pierre Puvis de Chavannes présente un aspect différent du symbolisme. Il voulait donner une
vie nouvelle à l’Académisme, le ramener à son sérieux et à sa noblesse d’intention d’autres
fois. Il séduisait ceux qui voulaient suivre les idées modernes sans se couper des principes
établis de l’Académisme. Il séduit beaucoup de peintres comme Gauguin ou Picasso pour ses
périodes rose et bleue.
Il y a un certain langage allégorique dans sa peinture, qui est empreint du souci de la
composition simple, statique, appuyée par une gamme restreinte. Si les tons délavés et
l’absence de modelé de ses amples compositions décoratives rappelle l’art de la fresque, le
peintre atteint une monumentalité et une intemporalité qui font de lui le décorateur
privilégié de nombreux édifices publics en France. Malgré les réserves de Huysmans, les
poètes et écrivains symbolistes ont été sensibles au savant dépouillement, ainsi qu’à
l’expression de subtils sentiments intérieurs.
Son tableau Le pauvre pêcheur de 1881, est considéré comme son chef d'œuvre. Il présente
de nombreuses caractéristiques de son travail. La composition frappe par la simplification
des formes, le recours à des couleurs douces en aplats ainsi que par son caractère
énigmatique. Les formes sont simplifiées, sans modelé et cernées par une ligne synthétique.
Puvis de Chavannes a peint un contraste saisissant entre la solitude du pêcheur au visage
émacié dans la barque au premier plan et la quiétude de la jeune fille cueillant des fleurs aux
côtés d’un enfant endormi sur la berge. De plus, la palette non naturelle, blafarde, permet
de comprendre le caractère abstrait de Puvis de Chavannes. Les textures semblent
identiques et il se détache de la réalité par ce biais. Dans ce souci d’unité de la surface de la
toile, il est le véritable précurseur de Cézanne.
Tout son art, soumis à une vision d’ensemble, se caractérise par le dépouillement et le
détachement, ainsi qu’à sa composition. La composition à figure unique, qu’il exerce, lui
permet de se libérer des schémas de composition serrée
Puvis de Chavannes est aussi décorateur. En 1884, il termine, dans l’escalier du palais des
Arts de Lyon, Le Bois sacré cher aux arts et aux muses que la génération symboliste
reconnaît comme son manifeste. Cette œuvre exerce une grande influence sur les Nabis et
fit dire au Sâr Péladan que Puvis de Chavannes était « le plus grand maître de notre temps ».
Ses sujets sont librement inspirés de la mythologie, de la littérature et de l’histoire, avec des
citations plus ou moins explicites des maîtres anciens, ce qui fait de lui un peintre
symboliste. Son rôle dans la peinture symboliste n'a été pris en compte que récemment et
on a enfin estimé à sa juste valeur l’influence de son art sur les décennies suivantes.
Dans ses allégories, il simplifie le dessin et traite la couleur en surfaces bidimensionnelles,
anticipant le style « synthétique et cloisonniste » de Paul Gauguin, d’Emile Bernard.
Moreau
Gustave Moreau (1826-1898). Cet artiste privilégie les sujets religieux et décale le
symbolisme vers un certain mysticisme.
Moreau, contrairement à Puvis qui tend à la simplification, oscille entre deux manières : un «
fini » très méticuleux, surtout dans ses peintures qui souvent ne sont pas terminées, et un
non-fini qui le conduira à des recherche très audacieuses sur la couleur, notamment dans ses
aquarelle. Celui-ci affirme : « Je ne crois ni à ce que je touche, ni à ce que je vois, et
uniquement à ce que je sens. (…) Mon sentiment intérieur seul me paraît éternel et
incontestablement certain », attribue un rôle spécifique à la couleur : elle n’a pas pour but
de reproduire le réel, mais de l’interpréter.

Gustave Moreau est la figure centrale de tout débat sur l’art symboliste. Comparé à ses
contemporains, Moreau se démarque comme un artiste d’un type très particulier.
Il est la figure type du dandy,
Moreau était défenseur de deux principes étroitement liés, ceux de la Beauté de l’Inertie et
du Luxe Nécessaire. La richesse des détails servait infiniment mieux l’art à ses yeux, qu’une
simplicité poussée à l’extrême, qui trouvait ennuyeuse.
Ses premières œuvres témoignent une forte influence de Delacroix, par la suite il rencontra
Chassériau, vers 1850, qui l’influença grandement notamment son goût pour les couleurs
aux éclats chatoyants, qui allait beaucoup affecter la formation du style de Moreau.

En 1864, il fit véritablement sensation pour la première fois au Salon officiel avec Œdipe. Son
travail se taillait déjà une réputation d’étrangeté et d’excentricité.
Aujourd’hui, la majorité des experts de Moreau le définissent comme un peintre littéraire.
Certains ont même vue en lui le successeur de Flaubert notamment le roman La Tentation
de saint Antoine. Dans cet ouvrage, le foisonnement de détails est très porche des tableaux
de Moreau.
Le détail est un principe pictural très important pour lui .
C'est un peintre qui a traité des thèmes mythologiques, religieux ou encore fantastique dans
la 2e moitié du 19e siècle. Solitaire et secret, refusant l’accès de son atelier à ses propres
amateurs, dilettante ne vivant que pour sa création, Gustave Moreau n’a cessé, pour sa part,
d’évolue entre allégorie et mythologie, répondant par l’obscurité raffinée de son symbolisme
aux agressions de la civilisation industrielle et opposant son esthétisme sensuel et décadent
aux lumières de l’impressionnisme comme à la santé du réalisme. La quête du mystère, du
légendaire, de l’ésotérique, hante désormais le peintre,
L’art de Gustave Moreau (1826-1898) s’inspire des principes académiques, romantique et
italianisant.
Il a su combiner ces influences pour aboutir à des créations originales, fortement
individualisées et qui ne ressemblent à rien d’autre. Son but étant de faire voyager le
spectateur vers un autre monde. Ses compositions avaient pour ambition de les faire rêver.
« Orphée » peint en 1865 constitue l’un des premiers exemples de peinture symboliste. La
composition de Moreau illustre le mythe grec selon lequel Orphée aurait été dépecé par les
Ménades qu’il avait charmé avec sa musique afin de ramener des Enfers sa femme Eurydice.
Moreau prolongea le mythe en dépeignant une jeune fille recueillant la tête du poète. Ces
deux derniers se regardent dans une contemplation semblant infinie. Cette scène apaisée se
soustrait mystérieusement à la morbidité. La composition est baignée par une lumière
crépusculaire sur fond de paysages fantastiques évoquant le sfumato de Léonard de Vinci. « 
Orphée » illustre un univers semi-fantastique à l’atmosphère inquiétante imprégnée de
charmes ambigus.
Odilon Redon dit de Moreau qu’il ne dévoile rien de sa vie intérieure dans ses toiles, ses
personnages sont privés de spontanéités et d’expression instinctive sincères.
Moreau inspire l’imagination dans ses œuvres, il inspire Huysman, le Sâr Péladan qui lui voue
une véritable adoration.

Redon
Odilon Redon : « Après un effort pour copier minutieusement un caillou, un brin d’herbe,
une main, un profil ou toute autre chose de la vie vivante, je sens une ébullition mentale
venir ; j’ai alors besoin de créer, de me laisser aller à la représentation de l’imaginaire ».
Usant d’une formule élémentaire, Odilon Redon livre ainsi les clefs de son art visionnaire,
véritable aventure spirituelle. Le « Mallarmé de la peinture » selon Maurice Denis, a
longtemps confié au fusain et à la lithographie le soin de traduire ses obsessions. De 1870 à
1895, c’est la période des « Noirs », étonnante épopée introspective à la recherche des «
monstres ». Les albums Dans le rêve de 1879, A Edgar Poe de 1882, Les Origines de 1883,
Hommage à Goya de 1898 ou Songes en 1891 relèvent d’un ésotérisme qui lie l’artiste aux
poètes symbolistes,. Les illustrations pour Les Fleurs du Mal de Baudelaire ou La Tentation
de saint Antoine de Flaubert, accusent encore la part du facteur obsessionnel (l’œil, le micro-
univers, l’insecte).
Si Redon évoque de façon très personnelle des auteurs admirés des symbolistes, ses œuvres
nourries de mystère entrainent à leur tour de multiples transpositions littéraires en France et
en Belgique. Redon partage l’amitié de Mallarmé et de Verhaeren pour qui il conçoit
plusieurs frontispices.
Les fusains et les lithographies de Redon, gages d’une suggestion recherchée, plongent le
spectateur dans un univers résolument onirique. Une sourde angoisse imprègne bon
nombre de ses compositions d'où le fantastique n'est pas exclu.
A partir de 1890, il se tourne vers les couleurs qu’il rendra chatoyantes, irradiantes.
C’était un artiste secret et solitaire.
Chez Odilon Redon les thèmes oniriques ou religieux dominent.
l a pu y voir les peintures de Millet, Corot, Moreau et Delacroix. Il porta sa dévotion sur ce
dernier. Il écrit même qu’il éprouvait « des frissons et de la fièvre » devant les toiles de
Delacroix.
Cet apprentissage chez le lithogrpahe Bresdin explique pourquoi Odilon Redon ne se limite
qu’au noir et blanc ainsi qu’aux lithographie et aux dessins. Son premier recueil de
lithographies, Dans le rêve, est publié en 1879. Il explique qu’il aime produire des
lithographies afin d’éveiller chez le spectateur un attirance pour « le monde ambigu de
l’indéterminé ».
Peu à peu Paris remarque aussi Odilon Redon. C’est à Paris qu’il découvrit la couleur. Dans
son travail de la première moitié des années 1890, il reprend un thème unique de façon
obsessionnel, celui de la tête aux paupières closes. Suivi d’une période plus brève, où il
représente de façon abondante le Christ.
Dans la seconde phase de sa carrière, Redon n’était plus forcément assimilé à Moreau mais
plutôt à Cézanne.
Mais il n’était pas un peintre naïf, bien qu’étant un des peintres piliers du mouvement
symboliste, Redon s’intéresse aux découvertes contemporaines du matériel scientifique. Un
grand nombre des formes dans ses compositions semblent avoir été inspirées par le type
d’image qu’on pouvait voir en microscope. Les créatures qu’il représente ressemblent à des
spermatozoïdes ou des bacilles. Il dit d’ailleurs à propos de son art « toute mon originalité
consiste donc à faire vivre humainement des êtres invraisemblables selon les règles du
vraisemblable ».
Si on se penche sur le symbolisme de Redon, on y trouve les éléments typiques du
symbolisme : masque, monstres aux allures de serpent comme la mort verte, têtes
tranchées, femmes fatales, nouvelles interprétations de la mythologie classique. Mais il les
traite d’une manière très personnelle. Maurice Denis dit que Redon était incapable de
peindre quelque chose qui ne représente pas son état d’âme, une émotion ou une vision
intérieure.
vOdilon Redon : peintre et graveur, Odilon Redon est l’un des représentants les plus
intéressant du symbolisme français : ses œuvres ont une considérable force de suggestion
et un charme hors du commun.
En 1889, il fait la connaissance d’Emile Bernard et des autres peintres nabis : orphelins de
Gauguin parti pour la Polynésie, ces derniers voient en lui un maître et un inspirateur.
Dans la première partie de sa carrière, Redon se concentre sur les lithographies, où il
témoigne d’un rare talent de dessinateur et d’une grande imagination. Il ne commencera
que plus tard à utiliser les couleurs, réalisant des aquarelles, des pastels et des huiles,
visionnaires et suggestives, où se mêlent éléments naturels et fantastiques qui se chargent
de délicates allusions symboliques.
Le tableau Les Yeux clos d’Odilon Redon peint en 1890 et conservé à Orsay, est considéré
comme le manifeste de la peinture symboliste. Les Yeux fermés sont une image de
méditation intérieure : au lieu de regarder la réalité avec les sens, on l’explore avec l’esprit.
La couleur bleue du fond et la bande horizontale confirment qu’il ne s’agit pas d’un décor
réel : nous sommes dans un rêve, qui est pour l’artiste la dimensions véritable de l’art.

III. Les répercussions


Enfin, nous allons voir que le symbolisme est la porte vers le modernisme dont le XXème
siècle.
Pont-Aven, Gauguin, les Nabis
La première génération de peintres français symbolistes est notamment constituée de
Gustave Moreau et Pierre Puvis de Chavannes. Par la suite, l’École de Pont-Aven ainsi que le
groupe des Nabis firent leur apparition et peuvent être rattachés au symbolisme. L’Ecole de
Pont-Aven a cette similarité avec le symbolisme qui est le rejet du réalisme et de
l’impressionnisme. Dans les années 1889-1890, Gauguin devint la nouvelle figure du
symbolisme et il souhaitait faire du “Puvis coloré”. Il exposa au Salon et chez les
impressionnistes. Il fut fortement marqué par Pont-Aven, en Bretagne comme beaucoup
d’autres artistes.
Dans la pension où il séjournait, il rencontra Émile Bernard, un étudiant en art qui
s’intéressait à toutes les modes de l’époque comme la poésie symboliste, la musique de
Wagner, la philosophie de Schopenhauer ainsi qu’à Puvis de Chavannes. Bernard réalisa en
1888 Le Pardon, ce tableau est dépourvu de perspective et de modelé. Cette toile se
caractérise par la disposition des aplats de couleur qui sont contenues par des lignes noires.
L’élément abstrait qui apparait doucement chez Puvis de Chavannes est exacerbé ici. On
notte aussi une influence japonisante très en vogue à cette époque. Le sujet est une
expérience qu’il a vécue et il retranscrit cette idée de façon synthétique. Gauguin fut tout à
fait impressionné par sa toile et décida de reprendre les mêmes principes et réalise Vision
après le sermon ou La Lutte de Jacob avec l’Ange. Cette peinture est composée comme celle
de Bernard, avec les coiffes bretonnes au premier plan du tableau. Mais par sa disposition de
divers éléments et son emploi délibéré d’une couleur non réaliste, Gauguin crée une
atmosphère visionnaire nommée le symbolisme synthétique et le cloisonnement. Aurier
reconnaissait dans La Vision après le sermon « l’énigme du Poème, aux paradisiaques heures
de la primitive humanité ; qui révèle les charmes ineffables du Rêve, du Mystère et des
voiles symboliques ».Vision après sermon est le tableau manifeste du symbolisme
synthétique. Il présente une simplification générale, sous l’influence japonaise, dans la
composition, dans les tons sans modelé. Le cloisonnement est dû à la présence de ces
épaisses lignes noires qui cloisonnent les figures. Ce tableau fait partie du mouvement
symboliste car il reprend le thème de la spiritualité et un certain mysticisme avec l’apparition
divine de l’Ange et Jacob.
Gauguin rencontre aussi Paul Sérusier en 1888 à Pont-Aven. Le lendemain de leur
présentation, ils se rendirent tous les deux dans un site local appelé le Bois d’Amour. Sous la
supervision de Gauguin, Sérusier peint le paysage, Le Bois d’Amour, de manière synthétique.
Cette unique leçon semble avoir marqué le peintre pour toute sa carrière.
Sérusier accepte l’influence de Gauguin et tout ce qui était à la mode dans les cercles
symbolistes, comme la philosophie néoplatonicienne, l’occulte, le néocatholicisme. Le
néocatholicisme d’après le CNRTL est une « doctrine philosophique répandue au XIXe siècle
par Buchez, qui tentait de concilier le catholicisme et le socialisme ». Il voulait faire
concorder ses lectures avec son expérience de la peinture.
Sérusier influence Gauguin par son rapport avec les cercles symbolistes. Gauguin réalise
Contes barbares qui semble très proche du symbolisme et arborant ses thèmes. On y
retrouve le mystère, l’ambiguïté, une invitation à chercher une signification plus profonde.
Entre-temps, Sérusier s’était constitué un groupe d’amis de l’atelier Julian avec lequel il
forme les Nabis qui signifie prophète en hébreu. Ce groupe était quasiment une société
secrète, comme on peut le voir dans Portrait de Paul Ranson en tenue nabique. Les Nabis
sont en quête de spiritualité et de renouveau esthétique. Le mouvement prône un retour à
l’imaginaire et la subjectivité. Les art décoratifs et japonisant prédominent dans leur
réalisation. Le mouvement nabi est considéré comme un mouvement post impressionniste
en rupture avec l’impressionnisme à l’instar des symbolistes et de l’École de Pont-Aven.
Les peintres composant le groupe des Nabi avaient des personnalités différentes. Sérusier et
Maurice Denis étaient sérieux, mystiques et philosophes. Il y avait en eux un fort intérêt
pour le néo catholicisme et cherchaient un renouveau dans l’art sacré. Bonnard et Vuillard
n’étaient pas mystiques. Ils étaient fascinés par le milieu symboliste à la mode. Vuillard
travailla beaucoup pour le couple Natanson dont le mari était rédacteur en chef de la Revue
Blanche, une des plus importantes revues symbolistes de la seconde partie du mouvement.
Vallotton, un autre membre Nabi, réalisa de nombreux portraits d’écrivains symbolistes. Ce
qui montre la proximité et l’influence du symbolisme sur les Nabis. Le groupe des nabis va
au-delà du symbolisme.
Moreau, Matisse et les fauves
En 1891, Matisse a 22 ans et s'inscrit dans l’Académie Julian qui avait vu les années
précédentes Sérusier et les Nabis, dont il fera connaissance à la galerie Le Barc de
Boutteville. A la fin de 1862, Matisse entre dans l’atelier de Gustave Moreau en tant qu’élève
libre. Il y découvre le symbolisme.
En arrivant, Matisse s’appliquait à avoir une peinture descriptive et le traitement sélectif.
C’est-à-dire qu’il peint de façon académique. Moreau lui présente le disegno interno de la
tradition maniériste revisitée par les symbolistes.
Moreau, comparé aux autres professeurs des Beaux-Arts, est très pédagogue et pousse ses
élèves à échapper à l’idée de l’Ecole et à expérimenter la peinture. Sa réputation de
libéralisme dans la peinture attire les jeunes artistes désireux de recevoir un enseignement
différent. Moreau a la volonté de contribuer à développer chez ses élèves des qualités
créatrices correspondant à leur propre tempérament. Lors de son apprentissage, Matisse
doit d’abord copier les grands maîtres du passé. Matisse décide de reproduire des œuvres
de Chardin. Il vendait notamment des copies de Watteau, Fragonard, Boucher mais aussi de
Raphaël par exemple.
il enseigne que « la couleur doit être pensée, rêvée, imaginée ».
Moreau l’invite, comme lui le fait, à observer la nature et le contemporain. Il écrit d’ailleurs à
Moreau dans une lettre : “Cette beauté que les maîtres n’ont pas rendu ne se trouve-t-elle
pas aussi bien dans cet ensemble du Pont-Neuf avec ses arbres sur le fond de Notre-Dame
dans une enveloppe mystérieuse ?”
Lors de ses cours, Moreau met en avant la peinture et la couleur. Il disait à Rouault lors de
son atelier “On ne sait pas très bien jusqu’où peut aller l’imagination du peintre et l’amour
de sa palette. Pourquoi, dès le jeune âge, avoir cette crainte, cette phobie devant les toiles et
les couleurs, pourquoi attendre indéfiniment avant de peindre, et les deux choses ne
peuvent elles pas aller ensemble : ce dessin tant vanté et dont on fait une espèce
d'épouvante paralysant les dons naissants du coloriste.” On comprend dans cette citation
l’importance que Moreau accorde à la couleur dans l’apprentissage de la peinture. Selon
Moreau, le but de la couleur n’était pas d’essayer seulement de reproduire le réel, mais de
l’interpréter de façon à ce qu’elle touche non-seulement l'œil, mais aussi le cerveau et le
cœur. Il enseigne l’adéquation de la couleur et de l’idée en lien avec le symbolisme.
Moreau, contrairement à d’autres professeurs, ne souhaitait pas que ses élèves réalisent de
façon exacte le réel. Il donne un conseil à un de ses élèves qui part en voyage en Italie :
“Faire simple et s’éloigner du lisse et propre. La tendance moderne nous mène à la simplicité
des moyens et à la complication des expressions [...] Aussi, l’art prochain nous demandera
seulement des indications, des ébauches, mais aussi l’infinie variété des impressions
multiples”. On voit ici la grande ouverture de Moreau et son aspect visionnaire sur l’art du
XXème siècle. Il enseigne cela à ses élèves et c’est ce qu’on retrouvera chez les fauves
comme Matisse.
Le fauvisme naît en 1905 lors du Salon d’Automne. Il n’y a pas de manifeste mais le critique
d’art Louis Vauxelle les nomme “fauve” ce qui donne place à un nouvel -isme, le fauvisme.
Ce groupe est dominé par les élèves de Moreau qui sont en grand nombre, tels que Matisse,
Marquet ou encore Manguin. Le principe d’imagination de la couleur, comme nous l’avons,
avait été un de ses maîtres mots. De façon rétrospective, les historiens de l’art on fait de son
atelier aux Beaux-Arts, le berceau du fauvisme.
Matisse garda toute sa vie le souvenir de Moreau qui avait été son professeur pendant 5 ans.
Moreau lui avait d’ailleurs dit : “Vous allez simplifier la peinture”. Ici, simplifier ne veut pas
dire dépouiller ou abréger, il y a un intense travail de réflexion sur la couleur. Pour Matisse
comme pour Moreau, la peinture doit être un art riche, luxuriant.
Pierre Schneider, un des bigraphe de Matisse, insite sur l’influence que Moreau a eu sur
Matisse. Schneider écrit “ Il y a désormais dans l’art de Matisse un pôle intérieur, spirituel
qu’on est en droit de nommer, puisque c’est auprès de lui, à travers lui qu’il en fit la
découverte, “le côté Moreau””.
Ce lien entre les deux artistes se traduit en peinture notamment par la série Les femmes à la
blouse roumaine de Matisse et Les Licornes de Moreau. On retrouve, nous semble-t-il, des
similitudes dans les arabesques et la broderie des vêtements qui sont simplifiés mais
présents chez Matisse. La couleur chatoyante est tout aussi importante dans les tenues
donnant ainsi des effets chromatiques. On retrouve cette richesse et ce luxe de Moreau dans
les œuvres de Matisse.
Bien sûr Moreau ne fut pas la seule influence des fauves. Ils sont touchés par les Nabis et du
Talisman et ses couleurs pures de Sérusier, par le divisionnisme de Seurat, le modelé par la
couleur de Cézanne et par la brutalité des couleurs traduisant une sensation qu’on retrouve
chez Van Gogh. Mais nous nous sommes seulement ici attaché à montrer l’importance de
Moreau et du symbolisme dans le fauvisme.
Le jeune Picasso
L’engagement de Picasso à la cause symboliste dans ses premières années fut longtemps
occulté par le renom qu’il a dans l’avant-garde et dans le modernisme. Dans la mesure où le
symbolisme était passé de mode, il est un peu embarrassant qu’un personnage-clef du
mouvement moderne y ait planté ses racines. Les périodes rose et bleu de Picasso
représentent un renouveau des idées symbolistes à une époque où celles-ci semblaient avoir
été épuisées.
Picasso grandit dans un milieu artistique de Barcelone où il y avait un fort intérêt pour l’art
étranger qui s’explique par le fait que la Catalogne ne se voulait pas espagnole. Les cercles
d’avant-gardes avaient un fort intérêt pour le nord. La littérature allemande faisait souvent
l’objet de traduction, il y avait souvent des articles sur Nietzsche et Schopenhauer.
Picasso fit plusieurs voyages à Paris et s’y établit en 1904. Il vit différentes expositions qui
exercèrent une forte influence sur lui. Ainsi, il vit la rétrospective Seurat organisée par la
Revue Blanche en 1900, une exposition de pastel de Redon et l’exposition commémorative
de Gauguin en 1903.
Vers 1900, Picasso admirait Burne-Jones et Beardsley mais encore plus les réalistes français
comme Steinlen et Toulouse-Lautrec. Toutefois ses exercices sur le réalisme de Lautrec
prennent une touche de plus en plus symboliste. La Courtisane au collier, par exemple est
une des demi-mondaine de Lautrec subtilement transformée en version moderne de la
“femme fatale”. Le tableau Évocation (Enterrement de Casamegas) datant de 1901 est
encore plus symboliste. Il est dédié à son ami qui s’est suicidé à Paris lors de leur premier
voyage. On retrouve dans ce tableau une forte influence de la peinture de Gauguin.
Le lien entre Picasso et le symbolisme est renforcé par le peintre barcelonais Isidore Nonell.
Ses silhouettes anguleuses et renfermées sont des caractéristiques dérivées de la peinture
de Puvis de Chavannes. Ces compositions ressemblent beaucoup à la période bleue de
Picasso qui commence en 1903.
La période bleue puis la période rose présentent une contribution personnelle de Picasso à
l’histoire de l’art symboliste. Dans les œuvres qu’il peint à cette époque, tous les grands
thèmes du symbolisme sont repris. Ainsi dans la gravure de Salomé, on pourrait presque voir
une parodie de Gustave Moreau, tandis que la toile Les Pauvres au bord de la mer rappelle
clairement le Pauvre Pêcheur de Puvis de Chavannes.
Il semble que les ambitions artistiques de Picasso étaient assez proches de celles des artistes
symbolistes. La Vie, qui est une des peintures les plus connues de la période bleue, tente de
résumer l’existence, c’est une démarche très familière au travail de Munch. Munch était un
artiste symboliste norvégien. L’art symboliste émet souvent, comme nous l’avons vu, une
part de confession, et c’est manifestement le cas du tableau inachevé La Mort d’Arlequin. Ce
bouffon mélancolique, éternel marginal, éveillait de toute évidence le fort sentiment
d’identification chez Picasso.
Le dernier exemple montrant l’importance du courant symboliste chez Picasso est La famille
de saltimbanques de 1905 se situe à la croisée des chemins. D’une part, elle se tourne vers le
passé avec une inspiration de Puvis de Chavannes avec toute la tradition académique qu’il
avait tenté de revivifier. Et d’autre part, ce tableau annonce les Demoiselles d’Avignon selon
Edward Lucie-Smith.
Le poète Salmon, un des premiers amis de Picasso à Paris, écrit que Picasso et son groupe
sont les fils ingrats des symbolistes qui l’avaient eux-mêmes été. Il semble donc que le
fondateur du mouvement moderniste fut le dernier grand peintre symboliste.

conclusion :
En conclusion, il apparaît donc que le symbolisme en France est au carrefour des
mouvements qui ont conduit à sa naissance et des mouvements qui en découlent. En effet,
on comprend donc que la première Renaissance italienne apporte le symbole dans l’art, les
préraphaélites, le détail et le romantisme, l'imagination et le sentiment. Et, que la littérature
joue un rôle important dans l’origine de ce mouvement, qui se traduira en peinture.
Rarement en France les contacts entre les peintres et les poètes n'ont été plus étroits. Ils
aimaient se rencontrer, discuter, recevoir les mêmes influences philosophiques et sociales.
Le symbolisme est comme une passerelle entre le romantisme et la première moitié du
XXème siècle, puisqu’en effet ce mouvement témoigne de cette profonde mutation de l’art
de cette époque, ouvrant la voie au groupe des Nabis, à l’Ecole de Pont-Aven, ainsi qu’au
fauvisme et au cubisme du 20ème s.
Nous pouvons donc considérer le symbolisme comme le précurseur de la modernité en
peinture et introduit le XXème siècle. Les historiens ont souvent qualifié cette période de
post impressionniste.
Le symbolisme est avant tout une démarche intellectuelle. L’utilisation d’un terme normé a
pour risque de rassembler sous une même étiquette des mouvements qui ne coïncident
qu’en surface. En effet, il s’agit d’un courant aux contours imprécis plutôt qu’un mouvement
artistique délimité. Chaque peintre symboliste produit une œuvre singulière.
Le symbolisme fut un mouvement qui transcenda l’Europe et se diffusa dans le monde
entier. Il ne généra pas de style commun, mais au contraire des styles très différents propre
à chaque artiste. Si les prémices au symbolisme sont plurales, le mouvement fut avant tout
français et belge avant de devenir international. Nous avons choisi de n'évoquer que la
France pour pouvoir présenter de façon plus précise les spécificités du symbolisme français.
L'Europe tout entière va contribuer à donner un visage au symbolisme. Cette dimension
européenne a longtemps été occultée par l’historiographie. Les centres de gravité oscillent
entre Paris, Bruxelles, Vienne, Londres et Munich. Parmi les artistes européens reliés au
courant symboliste, nous pouvons citer James Abbott McNeil Whistler, Gustav Klimt et
Edvard Munch.

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