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Paiements et

infrastructures de
marché à l’ère digitale
« Aucune représentation ou reproduction, même partielle, autre que celles prévues
à l’article L.  122-5 2e et 3e a) du Code de la propriété intellectuelle ne peut être faite
de la présente publication sans l’autorisation expresse de la Banque de France ou, le cas échéant,
sans le respect des modalités prévues à l’article L. 122-10 dudit Code. »

© Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 2018


PRÉFACE

L
es moyens de paiement, ainsi que les infra­structures des marchés financiers (systèmes de
paiement, chambres de compensation, systèmes de règlement‑livraison des instruments
financiers, référentiels centraux de données) jouent un rôle fondamental dans l’économie.
Ils permettent la circulation de la monnaie et des titres et le bon fonctionnement des marchés
financiers, de façon sécurisée et au service du financement de l’économie.
Ces systèmes sont encore mal connus du public. Des rapports de comités d’experts y sont
régulièrement consacrés. Mais les livres qui donnent de ces questions une vue d’ensemble
avec une ambition pédagogique sont peu nombreux et assez anciens.
Or, le monde des paiements et des infra­structures de marché a sensiblement évolué au cours
des dix dernières années, à la fois parce que la crise financière de 2007-2008 a entraîné un
renforcement du cadre réglementaire, et parce que les innovations technologiques se sont
multi­pliées et trans­forment substanti­ellement le secteur.
D’abord, avec l’adoption des Principles for Financial Market Infra­structures (PFMI) puis leur
déclinaison réglementaire dans les principales juridictions, mais également avec l’entrée en
vigueur en Europe de la 2e directive sur les services de paiement (DSP2) au début de 2018,
le cadre réglementaire applicable aux paiements et aux infra­structures de marché a été
sensiblement renforcé.
Ensuite, les moyens et les services de paiement connaissent des évolutions majeures, sous
l’influence des fintechs notamment, avec trois grandes caractéristiques : l’instantanéité, avec une
demande croissante pour des services de paiement disponibles « à tout moment et partout » ;
la dématérialisation, avec l’exécution de paiements sans qu’ils aient été explicitement initiés par
le payeur ou l’apparition de micro­-paiements dans « l’Inter­net des objets » ; la dissémination,
à travers la multi­plication des prestataires de services.
Ces évolutions s’accompagnent d’un risque de fragmentation du marché des paiements de
détail, qui mettrait à mal les progrès accomplis en matière d’harmonisation et d’intégration,
notamment en Europe avec le projet SEPA (Single Euro Payments Area).
Après avoir dû porter une attention plus particulière au renforcement de la gestion de leurs
risques financiers, y compris via l’élaboration de dispositifs de rétablissement et de résolution
pour les contreparties centrales, les infra­structures des marchés financiers sont confrontées aux
défis de l’innovation digitale : par exemple, comment les systèmes de paiement peuvent‑ils
contribuer à répondre aux exigences nouvelles de services de paiement instantanés, et dispo‑
nibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ? Quel peut être l’apport de technologies « disruptives »
telles que la blockchain en termes de performance et de sécurité ?
Dans ce contexte, les auto­rités doivent s’assurer que la diffusion des innovations se déroule dans
un cadre dûment sécurisé afin que les bénéfices attendus profitent à l’ensemble de l’économie.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 3


PRÉFACE

Cette sécurisation doit s’organiser auto­ur de quelques axes fondamentaux :


• développer une approche de supervision « neutre » à l’égard de la technologie et proportionner
la réglementation à la taille des acteurs et aux risques qu’ils encourent, afin de favoriser
l’éclosion de nouvelles technologies et de nouveaux acteurs ;
• veiller à ce que les avancées significatives accomplies en matière d’harmonisation ne soient
pas remises en cause par le développement de ces nouvelles technologies ;
• assurer la protection des données en adaptant la réglementation afin que les Big Tech
– ces gigantesques plateformes de services numérisés et de données basées essentiellement
aux États-Unis ou en Chine – appliquent les mêmes règles que les banques et les sociétés
d’assurance si elles exercent les mêmes activités réglementées, selon le principe « même activité,
même régulation » ; surveiller également les effets de la concentration de ces Big Tech ;
• éviter la constitution d’infra­structures de marché mono­polistiques qui pourraient devenir des
entités « trop grandes pour faire faillite » (« too big to fail »), en particulier dans les activités
de contrepartie centrale ;
• renforcer la cyber­-résilience d’infra­structures dont le caractère systémique est de plus en
plus affirmé, notamment du fait de leurs inter­connexions.
La Banque de France en particulier entend jouer pleinement son rôle pour favoriser l’innovation
tout en veillant à la sécurité et à la stabilité, éléments-clés de la confiance dans la monnaie et
dans l’économie. Nous avons voulu qu’elle fasse œuvre de pédagogie en la matière, forte d’une
double légitimité. Les questions relatives aux paiements et aux infra­structures de marché sont
en effet au cœur de ses missions principales : la stratégie monétaire, la stabilité financière et les
services à l’économie. En outre, elle exerce toute la gamme des rôles susceptibles d’être joués
par une banque centrale dans ce domaine, à la fois comme superviseur, catalyseur et opérateur.
D’où ce livre qui s’ouvre par un chapitre examinant la nature et les formes de la monnaie, ainsi que
les mécanismes de la création monétaire, et se referme sur un chapitre consacré à l’innovation
(nouveaux acteurs, nouvelles technologies, enjeux réglementaires). Entre ces deux balises, les
chapitres peuvent être regroupés en trois grands blocs : le premier consacré aux moyens de
paiement (chapitres 2 à 4) ; le deuxième aux instruments financiers, aux systèmes de paiement
et aux infra­structures des marchés financiers (chapitres 5 à 16) ; le troisième à l’analyse des
risques dans les infra­structures de marché, à leur surveillance par les banques centrales et à
l’économie des infra­structures de marché (chapitres 17 à 19).
Je remercie les auteurs d’avoir partagé leurs compétences dans ces pages très claires, et je
vous souhaite une bonne lecture.

François VILLEROY de GALHAU


Gouverneur de la Banque de France

4 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


SOMMAIRE

1 La monnaie 5
1. La nature de la monnaie 6
1.1. « La monnaie est ce qu’elle fait » : l’approche instrumentale de la monnaie par ses fonctions 6
1.2. La monnaie est plus que ce qu’elle fait : la monnaie comme institution et le rôle de la confiance 7

2. Les formes de la monnaie 8


2.1. De la monnaie marchandise à la monnaie métallique 8
2.2. Le développement de la monnaie papier 9
2.3. Le rôle grandissant de la monnaie scripturale 10
2.4. Monnaie comptable et monnaie statistique 11
2.5. La monnaie électronique : une forme spécifique de monnaie dédiée aux trans­­actions 12
2.6. Les monnaies locales complémentaires 13
2.7. Les crypto‑actifs, ces prétendues monnaies qui n’en sont pas 13

3. L’architecture hiérarchique de la création monétaire 15


3.1. Le rôle des banques commerciales dans le processus de création monétaire 15
3.2. Les limites au pouvoir de création monétaire des banques commerciales 16

2 Les moyens et les instruments de paiement 19


1. Typologie des moyens de paiement 20
1.1. La monnaie fiduciaire 20
1.2. Les moyens de paiement scripturaux 20
1.3. Les méthodes de paiement alternatives 24

2. Évolution de l’utilisation des moyens de paiement 25


2.1. Utilisation générale des moyens de paiement 25
2.2. Répartition de l’utilisation des différents moyens de paiement scripturaux en volume
(nombre de trans­­actions) 29
2.3. Répartition de l’utilisation des différents moyens de paiement scripturaux en valeur
(montant des trans­­actions) 31

3. Les évolutions prévisibles des moyens de paiement européens 33


3.1. L’évolution des usages en matière de paiement 33
3.2. Les nouvelles technologies de paiement 34

3 La sécurité des moyens de paiement 39


1. La fraude aux moyens de paiement 41
1.1. Définition de la fraude aux moyens de paiement 41
1.2. Typologie de la fraude 41
1.3. Techniques de fraude 45

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SOMMAIRE

2. La lutte contre la fraude aux moyens de paiement 46


2.1. L’exercice des missions de surveillance par la Banque de France 46
2.2. Les acteurs de la lutte contre la fraude 50
2.3. L’apport du suivi des innovations dans les moyens de paiement au niveau inter­­national 51

3. Le cadre européen de sécurité des moyens de paiement 52


3.1. Le cadre juridique européen applicable aux moyens de paiement 52
3.2. Le cadre européen de surveillance et ses évolutions 59
3.3. Les travaux du forum SecuRe Pay 60

4 L’économie des moyens de paiement 61


1. Moyens de paiement et activité économique 62
1.1. Moyens de paiement et comportements de consommation 62
1.2. Moyens de paiement et gains de croissance 62
1.3. Coûts des moyens de paiement 63
1.4. Moyens de paiement et développement économique 64

2. Déterminants de l’usage des moyens de paiement 65


2.1. Modèle fondateur : l’approche par les coûts 65
2.2. Valeur d’achat du bien ou service sous‑jacent 66
2.3. Confiance des utilisateurs dans les moyens de paiement 68

3. Structure économique du marché des moyens de paiement 68


3.1. Marché des moyens de paiement : un marché biface 68
3.2. Déterminants du niveau de la commission multi­­latérale d’inter­­change 70
3.3. Test d’indifférence 72

4. Marché des moyens de paiement et action publique 72


4.1. Sécurité des moyens de paiement 73
4.2. Promotion de la concurrence 73
4.3. Encadrement des commissions multi­­latérales d’inter­­change 74

5 Instruments financiers, marchés financiers


et infra­structures des marchés financiers 77
1. Instruments et marchés financiers 77
1.1. Les principaux instruments financiers 77
1.2. Les marchés d’instruments financiers  84

2. Le cycle de vie d’une trans­action financière 90


2.1. Description du cycle de vie d’une trans­­action sur instrument financier 90

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SOMMAIRE

3. Les caractéristiques communes aux infra­structures des marchés financiers 92


3.1. Définition des « infra­­structures des marchés financiers » 93
3.2. Les acteurs des infra­­structures des marchés financiers 93
3.3. Le cadre juridique applicable au risque de règlement 97

6 Circuits et systèmes de paiement : typologie 99


1. Les circuits d’échange 100
1.1. Circuit intra­­­bancaire («  on us ») 100
1.2. Circuits inter­­­bancaires 100

2. Les systèmes de paiement 102


2.1. Les systèmes à règlement net en temps différé ou deferred net settlement (DNS)103
2.2. Les systèmes à règlement brut en temps réel ou real-time gross settlement (RTGS) 104
2.3. Les systèmes hybrides 105

7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème 107


1. Genèse de TARGET2 et gouvernance 108
1.1. Genèse 108
1.2. La gouvernance de TARGET2 110

2. Participation à TARGET2 113


2.1. La participation directe 113
2.2. La participation indirecte 113
2.3. Les systèmes exogènes 114

3. Les fonctionnalités de TARGET2 115


3.1. Fonctionnalités harmonisées et flexibles 115
3.2. Les services pour les systèmes exogènes 117
3.3. Les mécanismes de gestion de la liquidité 118

4. Les performances de TARGET2 120


4.1. Activité en volume et en valeur 120
4.2. Le niveau de service 122

5. La surveillance de TARGET2 122


5.1. Robustesse de l’architecture technique 122
5.2. Le rôle des banque centrales 123

6. La stratégie de l’Eurosystème sur l’évolution de ses infra­structures de paiement 126


6.1. La concertation avec les utilisateurs 127
6.2. Le projet Target Instant Payment Settlement (TIPS) 127
6.3. Le projet de consolidation TARGET2-T2S 129

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SOMMAIRE

8 Les systèmes de paiement de montant élevé à règlement net différé


Trois exemples de systèmes « hybrides » : Europe, États‑Unis, Canada 131
1. Les grandes fonctionnalités d’EURO1, CHIPS et LVTS 132
1.1. EURO1 132
1.2. Clearing House Inter­bank Payment System 134
1.3. Large value trans­fer system 134

2. La gestion des risques au sein de ces trois systèmes 135


2.1. Les critères de sélection des participants 136
2.2. Gestion du risque : préfinancement, limites et fonds de garanti­e 137

3. Perspectives pour ces systèmes de paiement « hybrides » 139

9 Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement :


le cas particulier de CLS pour le règlement des trans­actions de change 141
1. La nécessité de maîtriser le risque de règlement dans les opérations de change 142
1.1. Le risque de règlement dans les opérations de change 142
1.2. Les actions des banques centrales et de l’industrie bancaire pour réduire le risque de règlement 143

2. La structure juridique du groupe CLS et le système CLS 146


2.1. Structure juridique du groupe CLS 146
2.2. Principes de fonctionnement de CLS 146
2.3. Les différents dispositifs de gestion des risques de CLS 148
2.4. Une journée de règlement dans CLS 148
2.5. La gestion des défaillances et la répartition des pertes dans CLS 151

3. Le cadre de surveillance de CLS 151


3.1. Le rôle de la Réserve fédérale des États-Unis dans la supervision de CLS 151
3.2. La surveillance coopérative du système CLS 152

4. Le règlement sur le marché des changes aujourd’hui :


la place de CLS et ses axes de développement 152
4.1. État des modes de règlement des trans­actions de change 152
4.2. L’intégration de nouvelles devises dans le système 156
4.3. Les sessions à règlement valeur jour (same-day settlement)157
4.4. Autres services ou projets de services de CLS sur le marché des changes 158

10 Les systèmes de paiement de détail 159


1. Présentation et enjeux des systèmes de paiement de détail 160
1.1. Le fonctionnement des systèmes de paiement de détail 163
1.2. L’impact du SEPA sur les systèmes de paiement de détail 165
1.3. Le lancement des paiements instantanés en zone euro 167

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SOMMAIRE

2. Les principaux systèmes de paiement de détail en Europe 169

3. Les risques financiers des systèmes de paiement de détail 172


3.1. Le mécanisme de règlement net différé (DNS) et le risque de liquidité et de crédit 172
3.2. La gestion du risque financier et les modèles de couverture existants 174

4. Le cadre de surveillance Eurosystème des systèmes de paiement de détail 175


4.1. Les motifs d’une surveillance des systèmes de paiement de détail 175
4.2. Des principes applicables communs 176

11 Les contreparties centrales 179


1. L’histoire de la compensation 180
1.1. À l’origine : une simple fonction de compensation des flux 181
1.2. Aujourd’hui : la compensation des flux et l’inter­position de la chambre de compensation 181
1.3. La mise en œuvre de l’obligation de compensation des instruments dérivés
et les incitations à la compensation centralisée 181
1.4. L’opportunité de la mise en place d’une CCP 183

2. Rôle et caractéristiques des contreparties centrales 183


2.1. L’inter­position de la contrepartie centrale : les mécanismes juridiques de la novation et de l’open offer 185
2.2. Les différents modèles d’organisation du marché de la compensation 186

3. Les dispositifs de protection contre les risques auxquels une CCP est exposée 190
3.1. Mécanismes de protection de la CCP 190

4. Normes et réglementation applicables aux CCP 198


4.1. Les normes applicables aux CCP au niveau inter­national 198
4.2. Le principe européen de l’accès ouvert 199
4.3. Les exigences au titre d’EMIR 199

5. Les principales CCP en Europe 204

12 Les dépositaires centraux de titres 207


1. Les rôles d’un dépositaire central de titres 209
1.1. La gestion des émissions de titres : le service notarial 209
1.2. La tenue centralisée des comptes 211
1.3. Le règlement‑livraison : circulation des titres et lien avec la tenue centralisée des comptes 215
1.4. Les services accessoires offerts par les CSD 215
1.5. Le rôle des CSD dans la mise en œuvre de la politique monétaire 219

2. La réglementation et la surveillance des CSD 220


2.1. Types de risques auxquels un CSD est exposé 220
2.2. Les normes inter­­nationales de surveillance applicables aux CSD 221
2.3. Le règlement européen CSDR 222

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SOMMAIRE

3. Les CSD français 225


3.1. Euroclear France 225
3.2. ID2S228
3.3. L’agrément et la surveillance des CSD 229

4. Les autres CSD européens et le règlement‑livraison hors d’Europe 230


4.1. Les dépositaires inter­­nationaux de titres ou ICSD 230
4.2. Les « CSD nationaux » en Europe 232
4.3. Les CSD ailleurs dans le monde : l’exemple des États-Unis et du Japon 233

13 Les systèmes de règlement de titres 235


1. Trans­actions financières et instructions de règlement 237
1.1. Les deux principaux types de trans­actions 237
1.2. La confirmation des trans­actions 238
1.3. L’appariement des instructions 239
1.4. Le règlement des trans­actions : livraison des titres et paiement de ces titres 241

2. Le fonctionnement du système de règlement de titres 242


2.1. Règlement en monnaie centrale ou en monnaie commerciale 242
2.2. Modèle intégré et modèle inter­facé 242
2.3. Les modèles de livraison contre paiement (DvP) 243
2.4. Les mécanismes d’optimisation 244
2.5. Les échecs de règlement (« fails ») et la discipline de marché 246

3. Les modalités de participation au SSS 247


3.1. Règles générales et caractéristiques principales de la participation 247
3.2. Liens entre CSD (participation d’un CSD ou d’un opérateur de SSS à un ou plusieurs autres SSS) 249
3.3. Lien de type FOP ou DVP 250

4. Les risques et la surveillance des SSS 251


4.1. Les risques afférents aux SSS 251
4.2. La surveillance des SSS : le rôle des banques centrales et des auto­rités de marché 252
4.3. Évaluations menées par l’Eurosystème en tant qu’utilisateur 253

14 TARGET2-Securities (T2S) 255


1. Le rôle moteur de l’Eurosystème et la gouvernance de T2S 256
1.1. Les principes de T2S 256
1.2. La gouvernance de T2S 258

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SOMMAIRE

2. Le fonctionnement de T2S 260


2.1. Le « modèle intégré » 260
2.2. Le règlement en monnaie banque centrale : les comptes espèces dédiés (DCA) 260
2.3. La centralisation de la liquidité 261
2.4. Le processus de dénouement 262
2.5. Les fonctionnalités d’optimisation du règlement-livraison et de la liquidité consommée 263
2.6. Le traitement d’une trans­action par T2S 264
2.7. La journée opérationnelle 264
2.8. Le règlement-livraison trans­frontière 264
2.9. La finalité des règlements dans T2S 267

3. Les CSD et banques centrales ayant décidé de participer à T2S 267

4. La mise en production progressive de T2S 268

5. Le financement de T2S 269

6. La surveillance de T2S 270

7. Les bénéfices de T2S : exemples concrets d’harmonisation par T2S


et autres vecteurs d’unification des marchés 271
7.1. L’harmonisation imposée par T2S et la gouvernance associée 271
7.2. Les travaux d’harmonisation restant à accomplir au-delà de T2S 272

15 Le collatéral 275
1. Rôle du collatéral 276
1.1. La garanti­­e des prêts 276
1.2. Sur le marché des dérivés, la collatéralisation permet aux deux parties de couvrir le risque de remplacement 277

2. Les facteurs à l’origine des besoins en collatéral 277


2.1. La politique des banques centrales en matière de collatéral et son évolution 277
2.2. Un recours croissant des infra­­structures des marchés financiers à la collatéralisation 279
2.3. Une aversion croissante pour le risque qui favorise les financements bancaires sécurisés 281
2.4. De nouvelles exigences réglementaires pour les produits dérivés de gré à gré 281
2.5. Les exigences définies par la réglementation « Bâle III » 281

3. Le cadre juridique de mobilisation du collatéral 282


3.1. Les deux régimes juridiques de mobilisation du collatéral 282
3.2. Le cadre juridique du collatéral dans l’Union européenne et en France 283
3.3. Des conventions-cadres pour la gestion du collatéral 284
3.4. Les actifs mobilisables comme collatéral répondent à des exigences de qualité élevées 285

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SOMMAIRE

4. Les modalités de mise en œuvre du collatéral 286


4.1. La gestion du collatéral en pratique 286
4.2. Les différentes modalités opérationnelles de mobilisation du collatéral 287
4.3. La mobilisation trans­frontière du collatéral 288

5. Les outils de gestion du collatéral 291


5.1. Un besoin accru de collatéral ? 291
5.2. Les inter­­médiaires et les infra­­structures de marché développent de nouveaux services
pour optimiser la gestion du collatéral 292

6. La gestion des risques relatifs au collatéral 295


6.1. La prise en compte de recommandations sur le collatéral pour les infra­­structures de marché 295
6.2. Le soutien du G20 aux recommandations du FSB 295
6.3. Le règlement de la Commission européenne sur les opérations de financement de titres 295

16 Les référentiels centraux de données 297


1. Que sont les référentiels centraux de données ? 298
1.1. Définition 298
1.2. Le rôle des référentiels centraux de données 298
1.3. Historique 299

2. Une accélération de la réglementation :


l’obligation de reporting des trans­actions sur produits dérivés et ses conséquences 299
2.1. Les décisions du G20 299
2.2. La réglementation EMIR 300

3. L’émergence de nouveaux acteurs et leurs différents modèles économiques 301


3.1. Au niveau mondial 301
3.2. Au niveau européen 303

4. Le cadre de supervision des référentiels centraux de données dans l’Union européenne 303

5. Qualité, fragmentation et accès aux données :


les enjeux liés à l’évolution des référentiels centraux de données 304
5.1. Les utilisations des données 304
5.2. Les enjeux auto­ur des données : qualité, agrégation, harmonisation et accès 305

17 Prévenir les risques dans les infra­structures des marchés financiers 309


1. La typologie des risques dans les infra­­structures des marchés financiers 310
1.1. Les infra­­structures des marchés financiers, des acteurs porteurs de risques 310
1.2. Les différents types de risques des infra­­structures des marchés financiers 311
1.3. Le rôle clé des infra­­structures des marchés financiers dans la gestion des risques 320

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SOMMAIRE

2. Les inter­­dépendances et le risque systémique 320


2.1. La typologie des inter­­dépendances 320
2.2. Le risque systémique ; l’exemple des CCP « super‑systémiques » 324

3. Les risques liés aux infra­­structures offshore325


3.1. Les différents types d’infra­­structures offshore326
3.2. Les avantages des infra­­structures offshore327
3.3. Les risques spécifiques des infra­­structures offshore327

18 La surveillance des infra­structures des marchés financiers 331


1. Les normes de gestion des risques pour les infra­structures des marchés financiers 333
1.1. La genèse : les différents corpus de principes 333
1.2. Les Principes pour les infra­structures des marchés financiers (CPSS‑IOSCO, avril 2012) 335
1.3. Le nouveau corpus réglementaire européen pour les infra­­structures des marchés financiers :
de la « soft law » à la « hard law » 338
1.4. Les  évaluations inter­­nationales 343

2. La surveillance : définition, objectifs, méthodes 344


2.1. Le cadre de surveillance de l’Eurosystème et le rôle de la Banque de France 344
2.2. Surveillance et supervision 346
2.3. La coopération entre les auto­­rités concernées et la coopération inter­­nationale 346
2.4. Les responsabilités attribuées aux auto­­rités dans les PFMI 346

19 L’économie des infra­­­structures des marchés financiers 353


1. La nature économique des FMI 354
1.1. La présence d’importantes externalités, en particulier de réseau 354
1.2. Une structure de coûts favorisant des économies d’échelle et d’envergure 356

2. Les conséquences de la nature économique des FMI


sur l’organisation et les dynamiques de marché 359
2.1. Une tendance à la concentration horizontale et verticale 359
2.2. Des conséquences qui pèsent sur les dynamiques d’innovation 361
2.3. Les réponses des auto­­rités publiques aux problématiques concurrentielles 362

3. L’enjeu de la tarification pour les opérateurs des FMI 366

20 Rôle et apport de l’innovation


pour les moyens de paiement et les infra­­structures de marché 371
1. Moyens de paiement et innovation 373
1.1. Les fintechs dans le domaine des services de paiement 373
1.2. L’émergence des crypto-actifs 374
1.3. Les technologies de big data et d’intelligence artificielle 378

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


SOMMAIRE

2. Les nouvelles technologies,
source de trans­­­formation potentielle des infra­­­structures de marché 379
2.1. Le fonctionnement de la blockchain :
l’algorithme au cœur de l’établissement de la confiance entre les parties 379
2.2. La 
blockchain, une réponse originale aux problématiques du post-marché ? 381
2.3. Blockchain publique vs. blockchain privée 381
2.4. L’émergence d’initiatives en blockchain pour l’auto­­­matisation du post-marché 381
2.5. Une technologie encore au banc d’essai 382

3. Le rôle des banques centrales dans cet environnement 385


3.1. Les rôles de catalyseur et d’opérateur d’infra­­­structures de marché
de la Banque de France et de l’Eurosystème face à l’innovation 385
3.2. Le rôle de surveillance des banques centrales, au cœur du triangle innovation, stabilité et régulation 386

Bibliographie391

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


CHAPITRE 1

La monnaie
Mis à jour le 17 décembre 2018
Chapitre 1 La monnaie


L
’approche la plus classique de la opposition à une économie non monétaire
monnaie consiste à la définir par de troc, où chaque bien aurait un prix
ses fonctions. La monnaie ne se relatif exprimé par rapport à chacun
résume toutefois pas à ce qu’elle fait, des autres biens existants. Alors, l’in‑
elle est aussi une institution s’appuyant, troduction de la monnaie peut se lire
en son centre, sur la confiance, ce qui comme une simplification technique
amène à s’inter­roger sur la nature de – c’est notamment l’approche retenue
la monnaie (1). Elle s’inscrit dans des par Walras, selon Arrow et Debreu, dans
formes, dont l’évolution historique va l’exposition de sa théorie de l’équilibre
vers une dématérialisation croissante (2). général – rendant les différents biens
Enfin, sa création, qui est endogène, aisément comparables et permettant de
repose sur un partage des rôles et réduire les coûts de trans­action.
des fonctions entre banque centrale et
banques commerciales, selon une archi‑ Au‑delà d’une simplification technique,
tecture hiérarchisée (3). l’introduction de la monnaie résulte d’un
choix collectif. L’unité de compte est à cet
égard l’institution à laquelle on se réfère
1. La nature de la monnaie pour procéder à l’échange. L’unité de
compte n’est donc pas qu’une facilité de
1.1. « La monnaie est ce qu’elle fait » : calcul, elle est aussi un rapport social (via
l’approche instrumentale de l’acceptation collective).
la monnaie par ses fonctions
La fonction de la monnaie n’est cependant
Les approches économiques de la pas seulement de mesurer : elle permet
monnaie l’appréhendent principale‑ aussi d’acquérir n’importe quel bien
ment de manière instrumentale, par les ou service dans une économie. Elle
services qu’elle rend – selon la maxime de constitue ainsi un inter­médiaire des
Francis Walker, « Money is what money échanges ; c’est la deuxième fonction
does ». Plus précisément, la monnaie qui lui est traditionnellement assignée.
est souvent considérée comme une Là encore, l’utilité de la fonction est
réponse aux frictions de l’échange qui souvent (chez Adam Smith, par exemple)
existeraient en son absence, c’est‑à‑dire décrite en opposition à une économie
dans une économie non monétaire. Si l’in‑ de troc, où un agent disposé à échanger
tuition d’une telle approche est ancienne un bien contre un autre ne trouvera
– la définition de la monnaie par ses pas nécessairement une contrepartie
fonctions se retrouve ainsi par exemple détenant le bien qu’il désire et disposée
chez Aristote – elle n’a jamais cessé à accepter le sien en échange. L’usage
d’inter­roger (les économistes, mais pas d’une « monnaie d’échange » permet
seulement) : les problèmes que la notion de régler ce problème classique de
de monnaie soulève sont parfaitement double coïncidence des besoins, qui
actuels et continuent à faire l’objet d’un peut limiter les possibilités d’échange.
foisonnement de travaux de recherche. Selon la formule d’Irving Fisher, « Tout
droit de propriété susceptible d’être
La première fonction traditionnel‑ généralement accepté dans l’échange
lement assignée à la monnaie est peut être appelé monnaie ». Pour les
celle d’unité de compte. La monnaie économistes classiques, cette fonction
permet en effet d’évaluer et de comparer est première, et, dans le cadre d’une
la valeur de biens hétérogènes, en les hiérarchie des fonctions de la monnaie, la
ramenant à un étalon unique instituant fonction d’unité de compte ne fait qu’en
une équivalence générale entre les prix découler. Dans le courant néoclassique,
des biens échangés. L’utilité d’une telle l’émergence de la monnaie depuis une
fonction s’appréhende classiquement en économie de troc est notamment décrite

6 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La monnaie Chapitre 1


dans les travaux de Menger, selon lequel 1.2. La monnaie est plus que ce qu’elle 1 Au vu notamment de
critères de disponibilités,
un bien s’impose comme monnaie à la fait : la monnaie comme institution de standardisation, de
suite d’un processus de sélection de l’ins‑ et le rôle de la confiance facilité de transport, de
divisibilité. Toutefois, ces
trument le plus commode d’échange. critères renvoient plutôt
Ce bien peut s’imposer d’une part, du Au‑delà de leur diversité, les différentes à des biens matériels, et
sont moins pertinents
fait de caractéristiques propres d’un approches consistant à appréhender la dans un contexte où
l’essentiel de la monnaie
« bon » inter­médiaire des échanges 1, monnaie via le prisme de ses fonctions en circulation prend une
et d’autre part du fait d’effets de réseau ont généralement en commun de qualifier forme dématérialisée.
liés à son acceptabilité  2. Le choix par une les propriétés de la monnaie par différence 2 Plus nombreux sont
les agents utilisant le
communauté d’utilisateurs d’utiliser une avec des économies non monétaires bien comme moyen
forme de monnaie plutôt qu’une autre théoriques, le troc notamment, où sont d’échange, plus le bien
est à même de remplir
résulte ainsi partiellement de comporte‑ caractérisés l’économie et l’équilibre en sa fonction de moyen
ments auto­‑réalisateurs. l’absence de monnaie. Or la monnaie d’échange auprès d’un
large réseau de contre‑
ne se résume pas à ses fonctions, et parties, et plus les
agents sont en consé‑
La troisième fonction traditionnelle‑ son étude peut être complétée par quence incités à l’utiliser
ment assignée à la monnaie est celle d’autres approches 4 complémentaires, comme tel.
de réserve de valeur : la monnaie permet qui suggèrent que le troc n’a existé que 3 Pour qui la monnaie est
plus qu’un simple instru‑
de différer, dans le temps, l’utilisation dans des cas très particuliers, que la ment et qui ne partage
de son pouvoir d’achat. Cette fonction forme alternative à la monnaie dans les donc pas cette approche
instrumentale.
n’a pas toujours fait historiquement sociétés dites « sans monnaie » reposait
4 Qui s’appuient notam‑
consensus chez les économistes. Elle est sur une organisation des échanges par ment sur des matériaux
en particulier absente de l’analyse des des formes de contra­ts de dette, et que historiques et anthropo‑
logiques. En économie,
économistes classiques (pour lesquels l’utilisation de la monnaie comme mesure on pourra notamment
penser aux travaux
utiliser la monnaie comme réserve de de valeur ne découle pas naturellement de Heinsohn et Steiger
valeur signifie détenir une encaisse de la recherche d’un palliatif aux frictions dans les années 1980,
ou par la suite de
oisive ce qui est contra­ire au bon sens de l’échange. Larry Randall Wray – se
– il n’y a pas de thésaurisation). En outre, référer par exemple
à Introduction to an
comme le souligne John Hicks, l’utilisa‑ La validité historique du troc comme Alternative History of
Money, L. R. Wray,
tion de la monnaie comme réserve de forme d’échange précédant la monnaie Levy Economics
valeur est discutable si d’autres actifs dans des sociétés « primitives » est Institute Working Paper,
2012 –, ou encore de
existent qui la dominent en termes de ainsi fortement contestée. En effet, de David Andolfatto.
rendement (immobilier par exemple) – la nombreux travaux soulignent que la forme 5 Qui servirait à parvenir
monnaie n’étant pas rémunérée. Ce rôle dominante d’échange dans les sociétés à des allocations de
ressources mutuelle‑
est au contra­ire pour d’autres absolu‑ dites « primitives » n’est pas assimilable ment bénéfiques pour les
ment central. C’est en particulier le cas à une forme d’échange marchand « sans participants à l’échange.

de Keynes 3, selon qui « l’importance monnaie » 5, à l’instar du troc tel qu’ap‑ 6  P a r exemple,
Marcel Mauss souligne
de la monnaie découle essentiellement préhendé dans la théorie instrumentale de dans son Essai sur le
du fait qu’elle constitue un lien entre la monnaie 6. Dans ces sociétés, il s’agit don, 1923, que la forme
dominante d’échange
le présent et l’avenir ». Keynes appuie d’abord de résoudre des problématiques dans nombre de sociétés
primitives n’est pas
ainsi une partie de son analyse d’une de lien social, de redistribution ou de réci‑ le troc, mais le don.
économie monétaire sur le fait que les procité. La monnaie peut alors se voir avant Bronislaw Malinowski
dans Les Argonautes
agents peuvent souhaiter conserver de tout comme une convention sociale (pas du Pacifique Occidental,
la monnaie pour motif de précaution seulement dans l’acception juridique du 1922, s’attache à décrire
la circulation, dans les
(se prémunir contre les aléas du futur) terme), voire une technologie sociale 7. îles Trobriand, d’objets
ne revêtant aucune utilité
et motif de spéculation (attente que se pratique et qu’il explique
présentent d’autres opportunités de Dans une telle perspective, on peut consi‑ par un objectif unique de
tisser des relations.
placement). Par rapport aux autres actifs dérer la monnaie comme résultant d’abord
7 Le terme est employé
susceptibles d’être détenus à concur‑ d’actes souverains, ce qui désigne d’une par Geoffrey Ingham
rence comme réserve de valeur, Keynes part le cours légal (cf. encadré 1), mais pas dans The Nature of
Money, 2004 et notam‑
met en avant la liquidité de la monnaie, uniquement. Ainsi, Georg Friedrich Knapp ment repris récemment
disponible dans les échanges de manière considère comme monnaie toute chose par Felix Martin dans
Money : the unautho-
immédiate et sans risque. que l’État décide d’accepter comme rised biography, 2013.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 7


Chapitre 1 La monnaie


paiement des impôts, qu’elle ait un cours apparaît comme centrale dans le cas de
légal ou non. Alors, la monnaie n’appa‑ la monnaie : cette confiance concerne
raît pas tant comme moyen permettant la qualité du réseau monétaire 9 et des
de réduire les frictions de l’échange et garanti­es qu’il offre. Ces garanti­es se
émergeant hors de toute inter­vention traduisent par exemple, dans le cas d’une
politique hiérarchique, que comme unité monnaie comme l’euro, par le cours
de compte dans laquelle les dettes envers légal (cf. encadré 1) dont bénéficient
le « palais » (obligations fiscales) sont les pièces et les billets, et contribuent
mesurées. En l’acceptant en paiement à ancrer leur efficacité comme unité
de ses créances, l’État pose les condi‑ de compte.
tions de la demande de ce qu’il considère
comme une monnaie, et qui peut par la S’assurer de la présence des condi‑
suite être utilisé dans le cadre de trans­ tions fondamentales de la confiance du
actions contra­ctées dans la sphère privée public dans la monnaie constitue par
des agents. Selon la formule de Keynes, ailleurs la mission fondamentale de la
l’État écrit et impose en même temps banque centrale, qui se décline dans
le dictionnaire. Le rôle de l’État dans l’ensemble de ses activités. Elle s’il‑
l’acceptation de la monnaie comme lustre ainsi avec l’ambition de la banque
référent commun dans les échanges centrale de proposer des technologies
est ainsi central. d’émission des billets les plus sécurisées
possibles, afin d’empêcher la contrefaçon.
Comme le démontre la simple existence Elle se manifeste aussi, dans le cas parti‑
de crises monétaires, l’État n’a pour culier de la Banque de France (en tant
autant pas de contrôle absolu sur les que membre de l’Eurosystème), par les
pratiques monétaires et il ne suffit missions qui lui sont conférées par le
pas qu’il décrète qu’un instrument Code monétaire et financier  10 de veiller,
est monnaie pour qu’une acceptation d’une part, à la sécurité des moyens de
unanime s’ensuive nécessairement. paiements scripturaux et, d’autre part,
Par exemple, en France, l’épisode de au bon fonctionnement des systèmes
l’émission disproportionnée entre 1789 de paiement. Elle explique encore les
et 1796 de plusieurs milliards d’assi‑ exigences réglementaires s’appliquant
gnats gagés sur les biens confisqués aux activités des établissements de
au clergé 8 s’est soldé par un échec, crédit, qui sont à la source de l’essentiel
malgré la déclaration de leur cours forcé de la création monétaire (cf. section 3 du
en 1790 et la sanction de peine de mort présent chapitre). Elle se matérialise enfin
en cas de non‑acceptation adjointe à par l’objectif de stabilité des prix assigné
ce cours forcé dès 1793. La valeur des à la politique monétaire de l’Eurosystème,
assignats durant la période s’est continû‑ qui permet à l’euro de maintenir dans le
ment dépréciée par rapport à la monnaie temps son pouvoir d’achat (et d’être ainsi
métallique, et, démonétisé par un refus une réserve de valeur stable). 8 En 1796, le montant
total des assignats en
général avant de l’être par la loi en 1796, circulation est d’en‑
l’assignat a contribué au discrédit du viron 45 milliards de
livres, contre une esti‑
régime politique révolutionnaire. Ainsi, 2. Les formes de la monnaie mation des biens du
si l’État peut contribuer à ancrer l’accep‑ clergé comprise entre 2
et 3 milliards.
tation d’un instrument comme monnaie, 2.1. De la monnaie marchandise
un doute sur la qualité des actifs qui à la monnaie métallique 9 Compris comme l’en‑
semble des parties
garanti­s sent cette monnaie et justi‑ prenantes et institutions
fient sa valeur (par exemple l’économie De l’Anti­q uité jusqu’au xix e siècle, impliquées dans l’émis‑
sion et la circulation de
d’un pays) peut conduire au rejet d’une certaines régions du monde ont utilisé la monnaie.
monnaie en faveur d’autres modes de des monnaies marchandises pour leurs
10 Pour plus d’informations :
conservation du pouvoir d’achat jugés échanges – c’est‑à‑dire que l’instrument https://www.banque-
plus sûrs. Dès lors, la notion de confiance support de la monnaie peut‑être désiré france.fr/page-sommaire

8 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La monnaie Chapitre 1


pour lui‑même, et remplit des besoins de monnaie fiduciaire (du latin fiducia
non liés à l’échange (coquillages, bétail, signifiant confiance), dont la valeur
blé, thé, fèves, etc.). Au fil du temps, faciale est parfaitement distincte de la
ces formes de monnaie ont évolué vers valeur intrinsèque (la valeur du poids de
la monnaie métallique, celle‑ci tirant sa métal). La monnaie divisionnaire repré‑
valeur du métal qu’elle contenait (or, sente aujourd’hui environ 1 % du stock
argent). Les métaux utilisés présen‑ de monnaie circulant dans l’économie
taient généralement la caractéristique française (agrégat M1, voir 2.4).
d’être fongibles, d’avoir une forte valeur
marchande, d’être divisibles et d’être 2.2. Le développement
rares. La monnaie métallique s’est histo‑ de la monnaie papier
riquement échangée sous forme pesée
(par exemple en Égypte, deux mille ans La monnaie papier constitue une étape
avant notre ère), comptée (vers 800 avant importante dans le processus de déma‑
Jésus‑Christ, les lingots furent divisés térialisation des instruments monétaires,
en pièces, invention qui se généralisa puisque sa valeur faciale est dès le départ
sous l’Anti­quité, en Grèce puis à Rome totalement dissociée de la valeur intrin‑
d’une part, ainsi qu’en Chine, en Inde sèque de son support. Par ailleurs, alors
et dans le monde islamique d’autre que les billets étaient initialement adossés
part) ou frappée (la frappe indiquant le à un sous‑jacent disposant d’une valeur
poids de la pièce ; les premières pièces intrinsèque, ils s’en sont progressive‑
modernes remontent au  vie siècle avant ment détachés. En effet, les premiers
Jésus‑Christ en Lydie 11 d’abord, puis billets prennent la forme de « certificats
en Grèce). Petit à petit, le caractère de dépôts » échangeables contre des
précieux du métal s’est détaché du métaux précieux laissés en dépôt dans
numéraire apposé par frappe sur la les coffres des banques, puis contre de
pièce (cf. encadré 2). Néanmoins, au la monnaie divisionnaire. On fait remonter
cours du xixe siècle, de la fin des guerres leur apparition au xe siècle en Chine,
napoléoniennes au déclenchement de la et aux xvi e‑ xvii e siècles en Europe où
Première guerre mondiale, le monde a ils étaient notamment utilisés par les
vécu sous le régime de l’étalon‑or, dans marchands de Venise ou d’Amsterdam.
lequel les monnaies nationales étaient Dans ces cas, la valeur de l’instrument
définies par leur poids en or (et/ou en n’est pas intrinsèque, mais dépend de la
argent). En France, la dernière référence crédibilité de la promesse de conversion
à l’or remonte au franc « Poincaré » de l’émetteur  12. Petit à petit toutefois, le
en 1926. Mais l’émission excessive de volume des billets est devenu supérieur
monnaie destinée à financer l’effort de à l’encaisse métallique des banques, qui
guerre en 1914‑1918 ainsi que la crise comptaient que l’ensemble des porteurs
de 1929 et ses suites ont contra­int l’en‑ n’en demanderaient pas la conversion en
semble des pays à abandonner toute même temps et les ont donc émis en
convertibilité effective des billets en or. partie « à découvert », endossant ainsi
L’or a continué toutefois, dans le cadre un risque de faillite. En France, la Banque
du régime de l’étalon de change or (ou de France a reçu en 1848 le mono­pole de
gold exchange standard) institué par les leur émission. Ainsi, le billet constitue,
accords de Bretton Woods de 1944, à à l’instar de la monnaie divisionnaire, 11 Les Lydiens étaient un
jouer un rôle sur le plan inter­national la seconde forme de monnaie fidu‑ peuple indo-européen
qui occupait le centre
jusqu’en 1976, date de sa démonétisation ciaire (il représente aujourd’hui environ de la Turquie actuelle.
complète. Seuls figurent maintenant sur 12 % du stock de monnaie circulant dans
12 
C ’est-à-dire, dans ce
les pièces la valeur en unité de compte, l’économie française) : la monnaie papier contexte, de la confiance
et le sceau de l’émetteur ; on parle alors représente une reconnaissance de dette du porteur dans la qualité
et la quantité de métaux
de monnaie divisionnaire. Cette forme de la banque centrale (et figure à ce titre précieux que l’émetteur
de monnaie constitue la première forme au passif du bilan de cette dernière). conserve dans ses coffres.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 9


Chapitre 1 La monnaie


Encadré n° 1 : La notion de cours légal

La monnaie fiduciaire se compose des billets et des pièces. En général, les billets sont émis par la banque
centrale, tandis que les pièces sont émises par leTrésor (elles sont ensuite physiquement mises en circulation
par la banque centrale).
La notion juridique de cours légal désigne le fait que, sur le territoire où celui ci s’applique, personne ne peut
refuser de recevoir en règlement d’une dette libellée dans une unité monétaire donnée, de la monnaie fidu‑
ciaire (billets de banque et pièces de monnaie) bénéficiant du cours légal. Elle permet aux auto­rités publiques
d’imposer le pouvoir libératoire de cette monnaie.
La notion de cours légal est ainsi différente de celle de cours forcé. Dans le premier cas, le créancier est obligé
d’accepter la monnaie en paiement sans que sa valeur soit fixée par rapport à un autre actif (métal précieux,
autre monnaie). Dans le second cas, il s’agit d’une inconvertibilité qui dispense les banques d’émission
d’échanger le papier monnaie contre du métal précieux ou une autre monnaie ; mais on peut considérer
qu’elle en constitue un corollaire, le cours légal visant, une fois l’inconvertibilité d’un instrument prononcée,
à protéger ses porteurs de sorte qu’ils ne puissent se le voir refuser en paiement (condition fondamentale
de son acceptabilité).
La notion de cours légal est ainsi différente de celle de cours forcé (inconvertibilité dans l’actif sous‑jacent
lorsque la monnaie était définie par un poids de métal), mais on peut considérer qu’elle en constitue un
corollaire, le cours légal visant, une fois l’inconvertibilité d’un instrument prononcée, à protéger ses porteurs
de sorte qu’ils ne puissent se le voir refuser en paiement (condition fondamentale de son acceptabilité).
La notion de cours légal n’est toutefois pas appréhendée de la même manière dans toutes les juridictions et
dans tous les contextes 1. Dans l’Eurosystème, les textes 2 indiquent que « l’Union établit une union écono-
mique et monétaire dont la monnaie est l’euro », et que « les billets de banque émis par la BCE et les banques
centrales nationales sont les seuls à avoir cours légal dans la Communauté ». Pour préciser cette notion, la
Commission européenne a adopté le 22 mars 2010 une recommandation sur l’étendue et les effets du cours
légal des billets et des pièces en euros. Les différents États membres ne donnent toutefois pas tous la même
force juridique à la notion de cours légal.
En droit français, l’article 1343‑3 nouveau du Code civil dispose que « le paiement en France d’une obliga-
tion de somme d’argent s’effectue en euros » et l’article R. 642‑3 du Code pénal français sanctionne le refus
d’accepter en paiement les billets et les pièces ayant cours légal : le cours légal s’applique bien alors au
support de l’unité de compte. Par ailleurs, l’article 442‑4 du Code pénal rend passible de cinq ans de prison
et 75 000 euros d’amende « la mise en circulation de tout signe monétaire non auto­risé ayant pour objet de
remplacer les pièces de monnaie ou les billets de banque ayant cours légal en France ». On notera aussi que
la force du cours légal est atténuée par des dispositions obligeant un créancier à effectuer, au‑delà d’un certain
montant, ses paiements par voie scripturale. Par ailleurs, l’obligation faite au créancier d’accepter de recevoir
en paiement une forme monétaire ayant cours légal ne lui inter­dit pas d’exiger du débiteur de faire l’appoint.

1 Pour un aperçu plus général des divergences d’approche, le sujet est traité en annexe du rapport du CPSS, The role of central bank money in payment
systems, août 2003 : https://www.bis.org/cpmi/publ/d55.pdf

2 Article 3.4. du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, transposé en France à l’article L. 111‑1 du Code monétaire et financier.

2.3. Le rôle grandissant Son apparition est antérieure à celle


de la monnaie scripturale des pièces et des billets de banque : on
en retrouve ainsi des traces dès 1800
La monnaie scripturale est ainsi nommée avant notre ère, sur des tablettes en
car elle se matérialise par une inscription en Mésopotamie. Les Grecs et les Romains
compte dans le livre de l’entité émettrice, connaissaient déjà les virements entre
inscription qui constitue une reconnais‑ comptes, de même que les Arabes qui
sance de dette de l’entité émettrice. les utilisaient au ixe siècle. Ces virements

10 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La monnaie Chapitre 1


connaissent un développement croissant Cette dette a la particularité, par rapport à


à partir du xii‑xive siècle, dans des foires d’autres formes de dette, de circuler dans
marchandes d’Europe où les trans­actions l’économie et d’être acceptée comme
pouvaient s’effectuer via des lettres de moyen de paiement.
change (reconnaissances de dette entre
négociants, ancêtre du chèque bancaire). En termes statistiques, l’Eurosystème
La généralisation de ces techniques va appréhende la monnaie via une batterie
donner naissance à de vastes systèmes d’indicateurs qui regroupent tous les actifs
de compensation multi­latérale dans permettant des achats de biens et services
lesquels des inter­médiaires spécialisés – les ou le règlement d’une dette sur un territoire
banquiers – vont s’inter­poser pour centra‑ donné, facilement convertibles en moyens
liser les lettres de change, évaluer la qualité de paiement avec un faible risque de perte
de celles‑ci, et effectuer les opérations en capital.
de change lorsque celles‑ci sont libellées
dans des monnaies différentes. Se mettent Il distingue en particulier trois grands
ainsi en place les premiers systèmes de agrégats statistiques imbriqués, du plus
paiement centralisés qui préfigurent les liquide au moins liquide, et mettant en
systèmes de paiement modernes. relation un secteur dit « émetteur de
monnaie », le secteur des institutions finan‑
Ce n’est qu’à une période plus récente, cières monétaires  15, et les autres secteurs
13 C ar créée dans une
avec l’apparition, à partir du Moyen‑Âge, du de l’économie : large mesure à partir
recours à l’escompte (opération de crédit des opérations de
par laquelle une banque consent une avance (1) M 1, le plus liquide, qui comprend crédit consenties par les
banques commerciales.
à son client, égale au prix de marchandises les pièces et les billets en circulation Ce point est détaillé dans
représentées par des effets de commerce ainsi que les dépôts à vue : c’est la la partie 3.1.
que le client endosse au profit de la banque) masse monétaire au sens étroit, et qui 14 En règle générale, ce sont
que s’est effectuée la diffusion de la monnaie correspond à la vision intuitive de la seulement les billets qui
figurent au passif de la
scripturale dans le public. La monnaie monnaie et aux avoirs les plus liquides banque centrale et non les
scripturale comprend les avoirs en compte et facilement mobilisables. pièces (qui sont émises
par le Trésor public, même
de la clientèle auprès des banques et les si elles sont ensuite
avoirs des banques commerciales auprès de On distingue parfois l’agrégat M0, physiquement mises en
circulation par la banque
la banque centrale (réserves). Le chapitre 2 aussi appelé « base monétaire », qui centrale). Une exception
de cet ouvrage est plus spécifiquement représente les pièces et billets en circu‑ notable est celle du Franc
dédié aux modalités de circulation de la lation ainsi que les avoirs en monnaie Pacifique (CFP) : les billets
mais aussi les pièces
monnaie scripturale. scripturale détenus auprès de la banque en CFP sont en effet
centrale. L’agrégat M0 permet de émis par l’Institut d’émis‑
sion d’outre-mer (IEOM)
2.4. Monnaie comptable mettre en lumière le rôle de la banque et figurent ensemble
et monnaie statistique centrale dans le processus de création au passif du bilan de
monétaire, mais n’est pas considéré celui-ci (poste « billets et
pièces en francs CFP en
Si la monnaie scripturale est parfois qualifiée comme faisant intégralement partie de la circulation »).
de monnaie de crédit 13, d’un point de masse monétaire (au sens des conven‑ 15 Q ui comprennent les
vue comptable ce n’est pas seulement la tions statistiques) car une partie de ses établissements de crédit
monnaie scripturale, mais bien l’ensemble composants (les réserves des banques) résidents tels que définis
par la législation euro‑
de la monnaie sous toutes ses formes ne circule pas entre l’ensemble des péenne et toutes les
actuelles qui prend, toujours, la forme agents économiques, mais seulement institutions financières
résidentes dont l’activité
d’une créance sur son émetteur, ou entre banques ; est de recevoir des dépôts
d’une dette du point de vue de celui‑ci : une et/ou de proches substi‑
créance sur la banque centrale  14 inscrite au (2) M2, qui contient l’agrégat M1, ainsi tuts des dépôts d’entités
autres que les IFM et
passif de celle‑ci, pour la monnaie fiduciaire que les dépôts assortis d’un préavis qui, pour leur propre
ou pour les réserves des banques, et une de remboursement inférieur ou égal à compte, consentent
des crédits et/ou effec‑
créance sur les banques commerciales, trois mois et les dépôts à terme d’une tuent des placements
pour la monnaie scripturale commerciale. durée inférieure ou égale à deux ans ; en valeurs mobilières.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 11


Chapitre 1 La monnaie


La base monétaire et les instruments constituant les agrégats monétaires

M3 M2 M1 M0
Titres donnés en « base monétaire »
pension livrée Dépôts à terme
< à 2 ans Avoirs en
Parts d’OPCVM Dépôts à vue
Pièces et billets monnaie
monétaires auprès des
en circulation scripturale
Titres de créance Dépôts avec banques
banque centrale
de durée initiale préavis ≤ à 3 mois
≤ à 2 ans émis
par des IFM

(3) M3, qui contient M2 ainsi que les émise contre remise de fonds  18, et être
instruments négociables sur le marché acceptée pour une opération de paiement
16 Organisme qui emploie
monétaire émis par les institutions par une personne morale ou physique les fonds de ses clients
financières monétaires, et qui repré‑ autre que l’émetteur. Un détenteur de à des placements à court
terme. Les Sicav (sociétés
sente des avoirs dont le degré de monnaie électronique doit donc préala‑ d’investissement à capital
liquidité est élevé avec peu de risque blement créditer un compte de monnaie variable) constituent avec
de perte de capital en cas de liquidation électronique tenu soit par un établisse‑ les FCP (fonds communs
de placement) les orga‑
(par exemple : OPCVM 16 monétaires, ment de monnaie électronique, soit par nismes de placement
certificats de dépôts) ; c’est la masse un établissement de crédit. collectif en valeurs mobi‑
lières (OPCVM). Les titres
monétaire au sens le plus large. d’OPCVM monétaires
Conçue à l’origine pour définir les unités peuvent être instanta‑
Les placements à long terme (plans monétaires stockées sur des supports nément rachetés sans
risque important de perte
d’épargne logement, placements en obli‑ physiques, de type carte prépayée, le en capital, ce qui les rend
gations) et les placements plus risqués concept de monnaie électronique a proches des placements
liquides tels que les livrets.
sont en revanche exclus de la définition de ensuite été étendu à la tenue de compte
la masse monétaire. en ligne fonctionnant sur le même 17 
E n transposition en
droit français de la
principe de pré‑alimentation. Dans un deuxième directive euro‑
2.5. La monnaie électronique : cas comme dans l’autre, la vocation des péenne sur la monnaie
électronique (DME2)
une forme spécifique de monnaie services de monnaie électronique est
dédiée aux trans­actions avant tout trans­actionnelle : 18 De ce fait, il ne peut y
avoir de création auto‑
nome et spontanée
Aux termes de l’article L. 315‑1 du Code • les cartes prépayées servent ainsi d’une sphère monétaire
de monnaie électronique,
monétaire et financier  17, la monnaie élec‑ comme moyen de paiement alternatif l’émission étant systéma‑
tronique est définie comme « une valeur aux cartes de paiement classique, tique adossée à la remise
monétaire qui présente la spécificité au chèque ou aux espèces pour le de fonds en monnaie
officielle. Cette caracté‑
d’être stockée sous forme électronique, règlement des trans­actions au point ristique différencie de
et qui représente une créance sur son de vente, et s’appuient sur certains cas façon fondamentale la
monnaie électronique et
émetteur ». Elle doit en outre respecter d’usage spécifiques, tels que les cartes les crypto-actifs (voir 2.7
une série de conditions, à savoir être cadeaux par exemple ; et chapitre 20).

12 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La monnaie Chapitre 1


• sous forme de compte en ligne, la la qualification juridique de la monnaie


monnaie électronique permet un locale, ainsi que sur le régime d’agrément
paiement direct entre clients d’un par l’ACPR et de surveillance par la Banque
même émetteur, sans avoir à recourir de France (cf. chapitre 3) des entreprises
aux moyens de paiement inter­bancaires émettrices. N’étant pas libellées en euro,
classiques (carte, virement, prélè‑ elles ne sont pas des monnaies ayant
vement, chèque), ce qui se traduit cours légal et peuvent ainsi être refusées
généralement par des paiements en paiement, y compris dans leur zone
crédités quasi immédiatement sur le géographique d’émission. Toutefois,
compte du bénéficiaire et une factura‑ dans la mesure où les monnaies locales
tion unique par l’émetteur. En outre, le complémentaires présentent la caracté‑
caractère prépayé du compte constitue ristique d’être à la fois reconnues par le
une mesure efficace contre la fraude, Code monétaire et financier et émises
le compte de monnaie électronique ne selon une stricte parité avec l’euro par
pouvant pas être mis à découvert en des entreprises spécifiques et contrô‑
cas d’usurpation de l’identité du payeur lées, elles peuvent être considérées
par un fraudeur. Du fait de ces carac‑ comme des moyens de paiement au
téristiques, la monnaie électronique sens légal, dès lors qu’elles respectent
sous cette forme a rencontré un certain certaines spécificités selon les supports
succès avec l’essor des trans­actions sur lesquels elles sont émises 19. Si les
entre particuliers sur inter­net, comme titres de monnaie locale complémentaire
en témoigne le rôle central joué par ne respectent pas ces spécificités, ils ne
PayPal dans les échanges de ce type. sont plus considérés comme des moyens
de paiement et tombent hors du champ
2.6. Les monnaies de la réglementation.
locales complémentaires
En France, plus d’une soixantaine de projets
Introduites dans le Code monétaire et financier de monnaies locales complémentaires
par la loi n° 2014‑856 du 31 juillet 2014, les existent ou ont été lancés. Ces systèmes
monnaies locales complémentaires peuvent s’inspirent d’initiatives étrangères de longue
être définies comme des monnaies non offi‑ date, telles que les « Local Exchange Trading
cielles, dont l’utilisation est restreinte à une Systems » (LETS) canadiens – qui existent
zone géographique limitée, et créées dans depuis le début des années 1980 et encou‑
le but de servir d’instruments d’échange de ragent l’échange ou le commerce régional
complément à la monnaie ayant cours légal. fondé sur l’utilisation d’une monnaie
L’émission de ces monnaies s’inscrit souvent locale complémentaire – ou encore le Wir
dans un projet politique ou associatif visant en Suisse, monnaie complémentaire gérée
à favoriser l’inclusion sociale et le dévelop‑ par la banque WIR depuis 1934, dont le but
pement local ; ainsi, conformément au titre est de faciliter l’entraide et, éventuellement,
de l’article L. 311‑5 du Code monétaire et les prêts entre les sociétés coopératrices
financier, ces monnaies ne peuvent être du réseau (près de 60 000 aujourd’hui).
émises que par des entreprises respec‑
tant les principes de l’économie sociale 2.7. Les crypto‑actifs, ces prétendues
et solidaire. monnaies qui n’en sont pas

Le statut de ces monnaies locales est Les crypto‑actifs, tels que le bitcoin ou
néanmoins complexe, et varie selon le l’ether, sont nés au début des années 2010,
support utilisé pour leur émission, qui dans le sillage du développement à 19 Voir Les monnaies
locales, La revue de
peut prendre trois formes : celle de l’échelle mondiale de communautés dites l’Autorité de contrôle
titre‑papier, de monnaie scripturale ou « virtuelles », c’est‑à‑dire rassemblant prudentiel et de
r é s o l u t i o n , n °   14 ,
de monnaie électronique. La nature du des inter­nautes au moyen d’outils d’inter­ Septembre-Octobre
support a des conséquences directes sur action numériques (chat, forum, etc.). 2013, p. 14‑15.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 13


Chapitre 1 La monnaie


Encadré n° 2 : De l’inefficacité des régimes monétaires métalliques


à l’inefficacité du bitcoin comme régime monétaire
L’avantage principal avancé par certains pour défendre les monnaies assises sur des métaux précieux
comme l’or, consiste à souligner qu’ainsi, la politique monétaire serait totalement déterminée par le stock
existant de métal détenu par la banque centrale ; la masse monétaire étant limitée par son offre « naturelle »,
il serait ainsi peu probable que les pouvoirs publics puissent créer de l’inflation à une échelle significative,
par exemple pour dévaloriser la dette publique. La relation instaurée entre la quanti­té de métal et l’émission
permettrait de protéger la monnaie de l’arbitraire de l’auto­rité chargée de l’administrer.Toutefois, dans les
régimes de type étalon‑or, la relation entre les quanti­tés de métaux précieux et la quanti­té de monnaie
émise n’est en réalité pas mécanique, dans la mesure où le déterminant de leur stabilité repose en réalité
sur la crédibilité de la promesse de conversion (que la couverture par des stocks d’or peut certes aider à
asseoir). On notera par ailleurs que dans les faits, l’État a été capable de briser la relation entre quanti­té
de métal et valeur de la monnaie : ce fut le cas en France avec la dévaluation Poincaré 1.

Une partie de la rhétorique de promotion des crypto-actifs 2 comme le bitcoin ramène aux régimes moné‑
taires métalliques, et la référence aux métaux précieux et à l’or est omniprésente dans le discours de ces
communautés, qui met en avant la rareté programmée dans le protocole du nombre d’unités en circulation
(21 millions d’unités à terme pour ce qui concerne le bitcoin) : pour un certain nombre de ses défenseurs,
le bitcoin est une forme d’ « or digital », qu’il s’agit de « miner » jusqu’à épuisement de la ressource.

Ce type d’argument méconnaît en premier lieu le coût de tels mécanismes en termes de stabilité
économique 3. En effet, les arrangements des régimes monétaires métalliques ont pu pâtir du fait que
l’évolution du stock d’or, et donc de l’offre de monnaie, dépendent des aléas des découvertes de minerai
(chocs exogènes et aléatoires affectant l’offre de monnaie), et non de l’activité économique et du volume
des trans­actions. De manière générale, ce régime possède un biais déflationniste qui se révèle problé‑
matique dans les économies d’endettement, comme le sont généralement les économies modernes  4.
C’est donc l’inverse des politiques monétaires actuelles dans les grandes économies développées,
qui laissent au contra­ire varier la quanti­té de monnaie disponible pour assurer une stabilité des prix.
Par ailleurs, la période de l’étalon or s’est caractérisée par une grande variabilité de production : dans le
cadre contra­ignant posé par ce type de régime, l’offre de monnaie étant déterminée uniquement 5 par
la balance des paiements, les ajustements macro­économiques doivent se faire partiellement par les
variations de prix et de salaires, durant généralement un laps de temps long (du fait de rigidités).
Durant cette période, en cas de choc négatif, l’économie fait généralement face à une récession.

De façon encore plus accentuée que dans le cas des régimes monétaires métalliques, le bitcoin ne
possède aucune caractéristique d’absorption de chocs et rien ne garanti­t que son rythme d’émission
puisse accompagner de manière réactive l’activité économique, dans la mesure où il en est complè‑
tement décorrélé et où il ne repose sur aucun sous-jacent économique réel. Si l’on considère que
l’efficacité d’un système monétaire est subordonnée à sa capacité à assurer la stabilité économique,
le système proposé par les promoteurs du bitcoin n’est pas efficace.

Par ailleurs, la promotion de systèmes monétaires métalliques ou de type bitcoin méconnaît la nature de
la monnaie comme permettant la mesure et la circulation de créances et de dettes, et dont la valeur n’a
rien à voir avec celle de son support (qu’il soit matériel ou immatériel, comme dans le cas du bitcoin).

1 Paradoxalement permise par l’augmentation considérable du stock de métaux précieux au xixe siècle.
2 Cf. chapitre 20.
3 Pour plus de détails, se référer au Focus Banque de France « Qu’est-ce que l’étalon-or ? », publié en 2010.
4 Cette difficulté liée à la déflation est moins vraie dans le cas d’économies sans dette, qui prévalaient à l’époque des régimes monétaires métalliques.
En effet, si une baisse de prix avait lieu, c’était une baisse de tous les prix, de façon proportionnelle. La déflation n’entraînait pas de distorsion relative des
prix, comme dans le cas d’économies d’endettement.
5 À quantité d’or égale dans le système.

14 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La monnaie Chapitre 1


Souvent désignés par abus de langage l’article R. 642‑3 du Code pénal, qui
sous le terme « monnaies virtuelles » sanctionne le refus d’accepter les billets
ou « crypto‑monnaies », ces actifs sont et les pièces libellés en euros ayant
définis juridiquement en France comme cours  légal ;
« tout instrument contenant sous forme
numérique des unités de valeur non • les crypto‑actifs ne répondent pas
monétaire pouvant être conservées ou être non plus à la définition de moyens de
trans­férées dans le but d’acquérir un bien paiement au sens du CMF, et plus parti‑
ou un service, mais ne représentant pas culièrement à la définition de la monnaie
de créance sur l’émetteur » 20. électronique, dans la mesure où ils ne
sont pas émis contre remise de fonds.
Les crypto‑actifs ne remplissent pas ou De ce fait, et contra­irement à la monnaie
que très partiellement les trois fonctions électronique, les crypto‑actifs ne sont
dévolues à la monnaie (cf. encadré 2) : pas assortis dans l’Union européenne
d’une garanti­e légale de remboursement
• d’abord, leur valeur fluctue très fortement à tout moment et à la valeur nominale
et est incertaine, ce qui ne permet pas en cas de paiement non auto­risé.
d’en faire des unités de compte. De fait,
très peu de prix sont exprimés dans ces En conséquence, les crypto‑actifs n’offrent
crypto‑actifs ; à leurs détenteurs aucune garanti­e de
sécurité, de convertibilité et de valeur,
• ensuite, comme inter­m édiaire des et présentent de nombreux risques
échanges, les crypto‑actifs sont bien (cf. chapitre 20).
moins efficaces que la monnaie qui
a cours légal, dans la mesure où i)  la
volatilité croissante de leurs cours 3. L’architecture hiérarchique
rend de plus en plus difficile leur utili‑ de la création monétaire
sation comme moyen de paiement et
ii)  ils induisent des frais de trans­actions 3.1. Le rôle des banques
qui sont démesurés pour de simples commerciales dans le processus
opérations de détail ; de création monétaire

• 
enfin, l’absence de sous‑jacent L’acte de création monétaire consiste à
réel 21 couplée à leur volatilité ne permet trans­former les créances de l’émetteur
pas non plus d’en faire des réserves en moyen de paiement. Ce pouvoir est,
de valeur crédibles. En effet, les pour une monnaie comme l’euro, exclu‑
crypto‑actifs sont généralement émis en sivement détenu par des institutions
fonction d’une puissance de calcul infor‑ monétaires – les banques commerciales 20 Article L. 561-2, 7° bis
matique, sans considération des besoins et la banque centrale. du Code monétaire et
de l’économie et de ses échanges. financier

En premier lieu, de la monnaie est créée 21 Les monnaies fiduciaires


et scripturales repré‑
Au plan juridique, les crypto‑actifs ne sont à chaque fois qu’une institution finan‑ sentent une dette d’un
pas reconnus comme monnaie ayant cours cière monétaire 22 accorde des crédits à émetteur qui dispose
légal, ni comme moyen de paiement : l’économie (à un agent non bancaire). La dans son bilan d’actifs
contribuant à garantir la
source de cette création monétaire est le valeur de la monnaie.
• selon l’article L. 111‑1 du Code monétaire besoin de financement des agents écono‑ Rien de tel n’existe dans
le cas des crypto‑actifs
et financier (CMF), « La monnaie de miques : la création monétaire est ainsi qui n’ont aucun actif pour
la France est l’euro » et c’est ainsi endogène. L’idée a longtemps prévalu que garantir leur valeur.
la seule monnaie ayant cours légal « les dépôts font les crédits », c’est‑à‑dire 22 Cf. note n° 20. Les IFM
en France. De ce fait, il est possible de que les banques commerciales agissent créent de la monnaie
à chaque fois qu’ils
refuser les crypto‑actifs en paiement simplement comme inter­m édiaires, acquièrent des titres
sans contrevenir aux dispositions de prêtant les dépôts que leur remettent émis par des non-IFM.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 15


Chapitre 1 La monnaie


les épargnants. Si cela a pu être vrai par et donc une augmentation ou une diminu‑
le passé, cette idée ne correspond plus tion de la masse monétaire circulant dans
(sauf dans des cas marginaux) à la réalité l’économie (voir section 2.4).
d’économies modernes où la relation entre
dépôts et crédits est en réalité inverse, les Toutefois, lorsque la banque centrale prête
crédits étant, par un simple jeu d’écriture aux banques, la création de monnaie scriptu‑
à l’origine des dépôts (en d’autres termes, rale qui s’ensuit n’augmente pas la masse
« les crédits font les dépôts » et donc monétaire (au sens de M1) parce que ces
la monnaie). La monnaie ainsi créée est actifs ne sont pas mis à la disposition des
créditée sur le compte de l’emprunteur et agents non‑bancaires, de la même manière
apparaît au passif de la banque, la créance que les opérations inter­bancaires sont sans
correspondante figurant à l’actif de son bilan. influence sur la monnaie, les relations entre
institutions financières monétaires étant
À l’inverse, lorsqu’un agent non bancaire consolidées pour l’établissement des
rembourse, partiellement ou totalement, le agrégats de monnaie. Les achats ou ventes
crédit qui lui a été accordé, il contribue à de devises par la banque centrale auprès
« détruire » de la monnaie. La masse du système bancaire modifient également
monétaire disponible dans l’économie le volume des liquidités dont disposent les
dépend donc de la résultante de ce banques, sans pour autant affecter direc‑
processus de création/destruction. tement le volume de la masse monétaire.

Par ailleurs, les banques centrales peuvent Dans la période récente, seul l’achat par
en théorie créer de la monnaie en finançant la banque centrale de titres représenta‑
directement le déficit public, en créditant tifs de dettes publiques sur les marchés
le compte que l’État possède dans leurs primaires (cas des politiques d’assouplisse‑
livres du montant de ce déficit  23. Une telle ment quanti­tatif de la Fed et de la Banque
opération augmente la masse monétaire d’Angleterre) ou secondaires (cas de
dans l’économie et comporte donc un très la BCE) a pu entraîner une augmentation
important risque inflationniste. Pour prévenir de la masse monétaire au sens statis‑
un tel risque, dans le contexte de l’Euro‑ tique. Dans le cas des achats de titres sur
système, l’octroi direct d’avances au Trésor le marché secondaire par la BCE, cette
public est proscrit. augmentation de la masse monétaire au
sens statistique est conditionnée au fait que
Contra­irement à une idée reçue, la banque les banques commerciales elles‑mêmes
centrale ne crée pas de monnaie lorsqu’elle acquièrent ces titres auprès d’agents non
met en circulation des billets et des pièces. bancaires. La monnaie ainsi acquise par
En effet, la monnaie fiduciaire est mise en les agents non bancaires a pu soutenir
circulation dans l’économie uniquement en leur demande de biens et services, contri‑
échange de monnaie scripturale (dans un buant au mécanisme de trans­mission de
distributeur de billets par exemple), sans la politique monétaire.
que la masse monétaire n’augmente.
3.2. Les limites au pouvoir
En second lieu, la création ou la destruc‑ de création monétaire
tion de monnaie se produit aussi à des banques commerciales
chaque fois que les institutions finan‑
cières monétaires achètent ou vendent Si les banques commerciales ont le pouvoir
des devises ou autres actifs à des parti‑ de créer de la monnaie par simple jeu d’écri‑
culiers, à des entreprises ou au Trésor ture, ce pouvoir n’est pas illimité.
23 Idée popularisée par l’ex‑
public. La vente (ou l’achat) de tels actifs pression  «planche a
par les banques commerciales au secteur La première limite au pouvoir de création billets » pour illustrer les
situations où la banque
privé non‑bancaire entraîne la création (ou monétaire des banques commerciales centrale finance directe‑
la destruction) de monnaie scripturale privée réside dans la condition sine qua non ment le déficit public.

16 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La monnaie Chapitre 1


d’une demande de crédit des agents non soldes des comptes des banques auprès
financiers (demande considérée comme de la banque centrale et à une hausse du
solvable), ce qui découle du caractère solde du compte du Trésor. Les verse‑
endogène de cette forme de monnaie. ments au Trésor public constituent, avec
24 Les ét ablissements
En outre, les exigences prudentielles la demande de billets, des « facteurs auto­ de crédit établis en
imposées aux établissements de crédit, nomes » de la liquidité bancaire. zone euro sont, en appli‑
qui doivent disposer de capitaux propres cation de l’article 19.1
des statuts du SEBC,
à proportion des crédits qu’ils consentent, Enfin, le besoin de refinancement des assujettis à la consti‑
constituent également une limite à leur banques est accru par un instrument de tution de réser ves
obligatoires (des fonds)
pouvoir de création monétaire. politique monétaire, les réserves obliga‑ sur des comptes ouverts
toires, qui imposent aux établissements auprès des banques
La seconde limite au pouvoir de création de crédit de constituer des réserves dans centrales nationales de
l’Eurosystème, pour
monétaire des banques commerciales les livres de la banque centrale 24. une durée d’environ un
prises dans leur ensemble réside dans mois. Cette obligation
remplit deux fonctions
leurs besoins en avoirs scripturaux Ce besoin de refinancement peut être principales : contribu‑
auprès de la banque centrale. satisfait en vendant des actifs qui servent tion à la stabilisation des
taux d’intérêt du marché
de garanti­es ou en se procurant les liqui‑ monétaire, les réserves
Les banques, prises individuellement, dités, contre paiement d’un intérêt soit pouvant être constituées
peuvent se faire crédit entre elles : c’est directement à la banque centrale, soit sur en moyenne, et élargis‑
sement de la demande
le rôle du marché inter­bancaire. Il n’en reste les marchés inter­bancaires par emprunt aux en monnaie banque
pas moins que, prises dans leur ensemble, établissements excédentaires. La banque centrale en créant ou
en accentuant un déficit
elles présentent habituellement un besoin centrale ne contrôle ainsi pas la création structurel de liquidité sur
de refinancement par la banque centrale. monétaire en fixant le montant des réserves le marché.
Ce besoin provient d’abord de ce que ces disponibles 25, mais pilote indirectement 25 Contrairement à ce qui
avoirs permettent aux banques commer‑ celle‑ci en accommodant, pour un prix est parfois avancé aux
termes d’un raisonne‑
ciales de régler après de la banque centrale donné (taux directeur), l’ensemble de la ment selon lequel la
les billets qu’elles souhaitent acquérir pour demande de refinancement qui s’adresse banque centrale déter‑
répondre aux demandes des agents non à elle. Ainsi, la banque centrale ne contrôle minerait la quantité de
prêts et de dépôts dans
financiers. Ainsi, plus la demande de billets pas directement la création monétaire (donc l’économie en contrôlant
ou de devises de ces agents non finan‑ la quanti­té de monnaie en circulation dans la quantité de monnaie
centrale (approche du
ciers est importante plus le besoin des l’économie), qui est endogène et résulte « multiplicateur moné‑
banques commerciales en refinancement de l’activité des banques commerciales. t aire », qui repose
auprès de la Banque centrale est important. Elle agit indirectement sur la création sur l’hypothèse d’un
rapport constant entre
Une autre « fuite » pour les banques résulte monétaire en influençant les taux d’intérêt masse monétaire et base
de ce que le Trésor détient un compte à (les banques prêtent moins, et donc créent monétaire), et la politique
monétaire serait ainsi
la banque centrale : les recouvrements moins de monnaie, lorsqu’ils montent, et mise en œuvre en fixant
d’impôts conduisent ainsi à une baisse des réciproquement lorsqu’ils baissent). un montant de réserve.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 17


CHAPITRE 2

Les moyens et les instruments


de paiement
Mis à jour le 14 décembre 2018
Chapitre 2 Les moyens et les instruments de paiement


I
l convient de procéder, en introduc- 1. Typologie des moyens
tion de ce chapitre, à une clarification de paiement
concernant l’utilisation des expressions
« moyens de paiement », « instruments Les moyens de paiement sont définis
de paiement » et « monnaie ». Ainsi, une en France dans le Code monétaire et
confusion est d’abord souvent faite entre financier (article L. 311-3), aux termes
la monnaie et les instruments de paiement duquel « sont considérés comme moyens
qui servent à l’échanger. Cette confusion de paiement tous les instruments qui
prend notamment sa source dans l’utili- permettent à toute personne de trans­férer
sation quotidienne que nous faisons de la des fonds, quel que soit le support ou le
monnaie fiduciaire, à savoir les billets et les procédé technique utilisé ». Cette définition
pièces. Les billets et les pièces présentent recouvre en fait deux types d’instruments,
en effet la particularité d’être à la fois de la que l’on peut distinguer en fonction de leur
monnaie (réserve de valeur, unité de compte nature et de leur rôle dans l’échange entre
et support de trans­actions commerciales) parties : la monnaie fiduciaire et les moyens 1 La notion de « pres-
et des instruments de paiement (supports de paiement scripturaux. tataire de services de
paiement » (PSP) a
permettant l’échange de la valeur), ce qui été introduite dans le
n’est pas le cas des autres instruments de 1.1. La monnaie fiduciaire droit européen suite
à l’adoption de la
paiement (cartes, chèques, virements, prélè- directive 2007/64/CE
vements, etc.). Cette caractéristique propre à On recouvre sous cette appellation les concernant les services
la monnaie fiduciaire ne doit donc pas mener billets et les pièces émis par les auto­rités de paiement dans le
marché intérieur (DSP1),
à assimiler ces deux éléments. La diffé- publiques (banques centrales ou Trésors qui a ouvert la fourniture
rence entre les expressions « moyens de nationaux) et bénéficiant du cours légal. de services de paie-
ment à d’autres acteurs
paiement » et « instruments de paiement » Les billets et pièces permettent l’extinc- que les établissements
est, elle, plutôt d’ordre terminologique : tion immédiate d’une dette ou le paiement de crédit (banques)
l’appellation « moyen de paiement » est d’un achat de bien ou de service lors de traditionnels.

couramment utilisée de manière large pour leur remise au créancier ou au vendeur Les prestataires de
services de paiement
désigner, sans distinction, à la fois les instru- (cf. chapitre 1). (PSP) sont ainsi les
ments de paiement (billets et pièces, cartes, établissements habilités
chèques, virements, prélèvements...) et la Les conditions d’émission et de circulation à tenir des comptes de
paiement pour le compte
monnaie (monnaie fiduciaire ou monnaie des pièces et billets en euro sont fixées par de leur clientèle et à
scripturale, c’est-à-dire avoirs en compte). l’article 128 du Traité sur le fonctionnement émettre des moyens de
paiement. Au sens des
Dans la suite de ce chapitre, le terme de l’Union européenne et par le règlement réglementations fran-
« moyen de paiement » sera utilisé de préfé- (CE) n° 974/98 du 3 mai 1998 qui dispose, çaise et européenne,
rence à « instrument de paiement », tandis à ses articles 10 et 11, que les billets et ils relèvent des statuts
suivants :
que l’expression « monnaie fiduciaire » les pièces libellés en euro sont les seuls à
•  é t a b l i s s e m e n t s d e
sera utilisée pour désigner les billets et avoir cours légal dans les États membres crédit ou assimilés
les pièces, eu égard à la nature spécifique de la zone euro. (institutions visées à
de ceux-ci. l’article L. 518-1 du
Code monétaire et finan-
1.2. Les moyens de paiement cier), établissements de
Concernant la dynamique d’évolution des scripturaux monnaie électronique,
établissements de paie-
divers moyens de paiement, on assiste à ment et prestataires
des évolutions assez rapides, marquées Les moyens de paiement dits « scripturaux » de services d’informa-
par la décroissance de l’usage des moyens permettent d’engager un trans­fert d’unités tion sur les comptes de
droit français ;
de paiements non dématérialisés tels monétaires entre le compte du payeur et
• établissements de crédit,
que le chèque au profit des moyens de le compte du bénéficiaire, ces comptes établissements de
paiement électroniques tels que la carte étant ouverts sur les livres de prestataires monnaie électronique et
ou le virement, ainsi qu’à l’apparition de de services de paiement 1. Lorsque les établissements de paie-
ment et prestataires
nouvelles solutions de paiement favorisée comptes du payeur et du bénéficiaire sont de services d’informa-
par le développement de l’économie ouverts sur les livres de deux établisse- tion sur les comptes de
droit étranger habi-
numérique. Le présent chapitre vise à ments différents, le moyen de paiement lités à inter­venir sur le
éclairer ces différentes tendances. donne lieu à un règlement inter­bancaire territoire français.

20 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les moyens et les instruments de paiement Chapitre 2


Encadré n° 1 : Monnaie fiduciaire et moyens de paiements scripturaux

Paiements en monnaie fiduciaire

Payeur Bénéficiaire
Paiement

L’utilisation de billets ou pièces lors de l’acte de paiement permet ainsi un transfert direct des unités
monétaires entre le payeur et le bénéficiaire, sans qu’il y ait intervention d’une tierce partie. Ce transfert
s’accompagne d’une finalité immédiate, qui permet au bénéficiaire de réutiliser immédiatement
l’argent ainsi reçu pour effectuer un autre paiement.

Moyens de paiements scripturaux

Prestataire Règlement interbancaire Prestataire


de services de services
de paiement de paiement
du payeur du bénéficiaire

Débit au compte Crédit au compte


du payeur du bénéficiaire

Payeur Bénéficiaire
Paiement

Les paiements scripturaux se caractérisent par l’intervention des prestataires de services


de paiement qui tiennent les livres de compte de chacune des deux parties à la transaction.
Ce sont ces deux prestataires qui effectuent dans les faits le paiement ou le transfert des
unités monétaires, par un jeu d’écritures comptables (par exemple débit au compte du payeur et crédit au
compte du bénéficiaire). Les moyens de paiement scripturaux servent ainsi à initier la transaction entre les
prestataires teneurs de compte, qui fera ensuite l’objet d’un règlement interbancaire entre ces derniers.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 21


Chapitre 2 Les moyens et les instruments de paiement


(cf. chapitre 6).Les principales catégories données par le payeur sous forme élec-


de moyens de paiement scripturaux sont tronique (ordre sur l’espace de banque
les suivantes : en ligne, trans­mission de fichiers, etc).
En Europe, le virement SEPA a définitive-
• les cartes de paiement, qui permettent, ment remplacé les différents instruments
grâce à la combinaison de la lecture d’un de virements dits « nationaux » depuis
élément physique (puce électronique, le 1er août 2014 ;
piste magnétique) et d’une donnée
personnelle (signature ou saisie d’un • les prélèvements, qui permettent,
code confidentiel « Personal Identification sur la base d’une instruction donnée
Number » – PIN), voire de la lecture de par le bénéficiaire à son prestataire
la seule puce lors d’un paiement sans de services de paiement, de débiter
contact, d’effectuer des paiements le compte d’un payeur. En Europe, le
sur des terminaux de paiement élec- prélèvement SEPA a définitivement
troniques. Des paiements peuvent remplacé les différents instruments de
également être effectués à distance (par prélèvement dits « nationaux » depuis
exemple sur un site de e-commerce) par le 1er août 2014. Un prélèvement SEPA
la communication du numéro de la carte s’appuie sur l’auto­risation donnée par le
associée à des éléments de sécurité. payeur au bénéficiaire d’initier des débits
Les cartes de paiement permettent sur son compte, auto­risation qui prend
également d’effectuer des retraits de la forme d’un mandat de prélèvement.
billets aux distributeurs auto­matiques. La mise en place d’un prélèvement SEPA
Les cartes de paiement sont attachées ne donne pas au créancier la garanti­e
à des schemes 2 de cartes, c’est-à-dire que le paiement sera effectué dans la
des réseaux qui assurent généralement mesure où le prestataire de services
la gestion des auto­risations (c’est-à-dire de paiement du payeur peut être
l’inter­rogation des serveurs d’auto­risation amené à rejeter un prélèvement qui
de l’établissement émetteur de la carte arriverait par exemple sur un compte
visant à s’assurer de la validité des trans­ insuffisamment  approvisionné ;
actions), ainsi que la compensation des
trans­actions en vue de leur règlement. • le chèque, qui constitue un ordre de
Dans la plupart des cas, les prestataires de paiement écrit par lequel le titulaire d’un
services de paiement (ou « émetteurs ») compte de paiement (le tireur) donne
qui mettent des cartes à la disposition de l’ordre à son prestataire de services
leurs clients (dits « porteurs ») assurent la de paiement (le tiré) de payer au béné-
liaison entre ces cartes et les comptes de ficiaire la somme indiquée. Bien que la
paiement auxquels elles sont rattachées. provision sur le compte du tireur soit
Les paiements par carte permettent juridiquement acquise au bénéficiaire
aux commerçants (dits « acquéreurs ») dès la signature du chèque, le béné-
de bénéficier, dans la mesure où ils ficiaire est néanmoins exposé à un 2 
Scheme ou schéma de
paiement par carte :
respectent les règles de fonctionnement risque de non-paiement du chèque en terme utilisé pour définir
du scheme, d’une garanti­e sur le montant cas d’insuffisance de provision sur le l’ensemble des règles,
du paiement, celle-ci étant assurée par compte du tireur. Pour cette raison, des procédures et dispositifs
techniques permettant
le prestataire de services de paiement mécanismes de prévention d’émission d’assurer le fonction-
du porteur ; de chèques sans provision ont été mis nement de tous les
processus liés à l’émis-
en place, le législateur ayant notamment sion des cartes et à la
• les virements, qui permettent, sur la confié à la Banque de France la tenue du gestion des transactions.
base d’une instruction donnée par le Fichier Central des Chèques (FCC) qui En France par exemple,
le GIE Cartes Bancaires
payeur à son prestataire de services de recense, entre autres, les déclarations (CB) est le scheme
paiement, de débiter son compte et de faites par les banques d’incidents de qui compte le plus de
cartes en circulation,
créditer celui du bénéficiaire. Ces instruc- paiement sur les chèques sans provision soit près de 60 millions
tions de paiement sont le plus souvent émis par leurs clients ; de cartes CB en 2017.

22 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les moyens et les instruments de paiement Chapitre 2


Encadré n° 2 : Le projet SEPA

Lancé en 2002 avec la création par une quarantaine de grandes banques européennes de l’European
Payments Council (EPC), le projet SEPA (« Single Euro Payments Area », Espace unique des paiements
en euro) constituait, suite à la mise en œuvre de l’euro pour les marchés financier en 1999 et de l’euro
fiduciaire en 2002, une étape clé de l’intégration européenne dans le domaine des paiements en euro.

L’objectif de SEPA était de constituer un espace dans lequel les moyens de paiement scripturaux utilisés
pour les opérations en euro obéissent à un format informatique (fondé sur le standard ISO 20022 XML)
et à des règles de fonctionnement harmonisés. Pour ce faire, l’EPC a développé des recueils de règles
– communément appelés « Rulebooks » – établissant le virement et le prélèvement SEPA. Ces recueils
de règles ont respectivement été publiés en 2008 et en 2009. Toutefois, en l’absence d’obligation
de mise en œuvre, l’adoption de ces nouvelles règles par l’ensemble des acteurs de la chaîne des
paiements suite à leur publication s’est révélée largement insuffisante.

Afin de remédier à cette situation, la Commission européenne a adopté en 2012 le règlement


(UE) n° 260/2012, qui a établi plusieurs dates limites pour l’adoption par les prestataires de services de
paiement et les entreprises du virement et du prélèvement SEPA. La migration vers le virement SEPA
(SEPA Credit Transfer ou SCT) et le prélèvement SEPA (SEPA Direct Debit ou SDD) s’est achevée
le 1er août 2014 dans les États membres de la zone euro.

Les bénéfices attendus de SEPA sont multiples pour l’ensemble des acteurs de la chaîne des paiements.
Avant toute chose, la définition de processus communs doit permettre la mise en place d’une automati-
sation complète du traitement des ordres de paiement SEPA (« straight-through processing » ou STP),
permettant tant aux entreprises émettrices d’ordres qu’aux prestataires de services de paiement de
réaliser d’importantes économies d’échelle. Cette automatisation devait bénéficier également aux consom-
mateurs dans la mesure où elle permettait à terme de fluidifier et d’accélérer le traitement des ordres.

Le passage à SEPA doit également apporter aux entreprises et aux consommateurs d’importants
avantages, en effaçant les frontières au sein de l’espace SEPA 1. Ainsi, les paiements transfrontaliers
se font désormais sous des conditions de tarification identiques à celles des paiements nationaux ;
du point de vue des entreprises opérant dans plusieurs pays, cette évolution permet notamment de
faciliter la mise en place de plateformes centralisées de paiement à l’échelle européenne. Par ailleurs,
la possibilité de domicilier son compte principal dans n’importe quel État de l’espace SEPA accroît la
concurrence entre les prestataires de services de paiement et devrait entraîner à terme une conver-
gence des frais bancaires au niveau européen.

Le projet SEPA s’inscrit également dans une perspective de plus long terme, dans la mesure où les
instruments de paiement SEPA existants doivent servir de base à l’émergence de nouvelles méthodes de
paiement européennes, qu’il s’agisse par exemple de la création de paiements instantanés (cf. ci-après)
ou de systèmes de facturation électronique 2 transfrontaliers. Par ailleurs, une nouvelle dynamique
d’harmonisation européenne capitalisant sur la réussite de SEPA est également à l’œuvre pour d’autres
instruments de paiement, notamment pour les cartes, ainsi que pour de nouveaux services de paiement :
agrégation d’informations sur les comptes, initiation de paiements, paiements mobiles entre particuliers
(voir chapitre 3). L’ensemble de ces initiatives constitue ce qui est aujourd’hui appelé le « SEPA 2.0 ».

1 L’espace SEPA est constitué des 28 États-membres de l’Union européenne, de l’Islande, de la Norvège, de la Suisse, du Liechtenstein, de Monaco et
de Saint-Marin (soit au total 34 pays).
2 La facturation électronique est, selon les termes de la directive 2014/55/UE, « une facture qui a été émise, transmise et reçue sous une forme élec-
tronique structurée qui permet son traitement automatique et électronique. ». L’existence des instruments SEPA facilite considérablement la mise en
place de tels dispositifs pour les paiements transfrontaliers.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 23


Chapitre 2 Les moyens et les instruments de paiement


• le paiement en monnaie électronique, de ce fait une catégorie à part. Leur point
qui est lui aussi considéré comme commun est que leur usage est restreint
un moyen de paiement scriptural. soit à l’acquisition d’un nombre limité de
Aux termes de l’article L. 315-1 du Code biens ou de services, soit à un réseau limité
monétaire et financier, la monnaie élec- d’accepteurs. La liste des titres spéciaux de
tronique est définie comme « une valeur paiement dématérialisés a été établie par
monétaire qui présente la spécificité un arrêté du 17 juin 2013, et recouvre neuf
d’être stockée sous forme électronique, ensembles, notamment les titres-restau-
et qui représente une créance sur son rant, les chèques-vacances et les chèques
émetteur ». Elle doit en outre respecter emploi-service universels (CESU) préfinancés.
une série de conditions, à savoir être
émise contre remise de fonds, et 1.3. Les méthodes de paiement 3 Le billet à ordre est un
écrit par lequel un client
être acceptée pour une opération de alternatives s’engage à payer une
paiement par une personne morale somme à une échéance
déterminée à son four-
ou physique autre que l’émetteur. Parallèlement à la multi­plication des canaux nisseur, le bénéficiaire.
Un détenteur de monnaie électro- de paiement s’appuyant sur les nouvelles
4 
La lettre de change
nique doit donc préalablement créditer technologies, les dernières années ont est un écrit par lequel
le compte tenu par l’établissement de également vu l’apparition de méthodes un créancier donne
à un débiteur l’ordre
monnaie électronique. Il peut ensuite de paiement dites « alternatives », qui de payer à l’échéance
débiter ce compte en payant des achats présentent la spécificité de permettre d’ef- fixée, une cert aine
par carte, ou par le biais d’opérations fectuer des trans­actions libellées dans des somme à lui-même ou
à un tiers (bénéficiaire).
en ligne, sachant que le montant total unités autres qu’en monnaie ayant cours
des paiements effectués à partir de ce légal. Cette catégorie regroupe toutefois 5 L’article L. 141-4 du Code
monétaire et financier,
compte ne pourra jamais excéder la des instruments aux statuts divers. qui règle les missions
somme déposée. L’un des intérêts princi- fondamentales de la
Banque de France,
paux du régime de monnaie électronique • Le premier ensemble de méthodes prévoit qu’ « […] elle
est ainsi de pouvoir disposer de moyens de paiement alternatives regroupe s’assure de la sécurité
des moyens de paiement
de paiement avec plafond facilement les cr ypto-actifs (cf. chapitre 1, tels que définis à l’article
utilisables, particulièrement adaptés au section 2.7 et chapitre 20) qui ne consti- L. 311-3, autres que la
commerce en ligne notamment ; tuent pas des moyens de paiement au monnaie fiduciaire, et
de la pertinence des
sens légal. Toutefois, en France, l’activité normes applicables en
• les effets de commerce, qui sont des d’inter­médiation consistant à recevoir la matière ».
titres négociables constatant au profit du des fonds d’un acheteur pour les trans­ 6 Les titres spéciaux de
porteur une créance de somme d’argent férer à un vendeur, par exemple de paiement font l’objet
de régimes fiscaux et
et servant à son paiement. Parmi ces bitcoin, est considérée comme relevant sociaux particuliers.
titres, on distingue en France deux de la fourniture de services de paiement, Or, si, une fois déma-
térialisés et placés sur
grandes catégories : le billet à ordre 3 et est de ce fait soumise à la délivrance un support électronique,
et la lettre de change 4. d’un agrément par l’ACPR 7. ces titres devaient être
considérés comme
de la monnaie élec-
Enfin, la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 • Le second ensemble regroupe les tronique, ils seraient
a confié à la Banque de France la mission « monnaies locales complémentaires » soumis à une obligation
de remboursement du
de veiller à la sécurité et à la pertinence des (voir chapitre 1, section 2.6), dont la notion détenteur par l’émetteur,
normes applicables aux titres spéciaux a été introduite dans le Code monétaire qui pourrait interférer
de paiement dématérialisés 5. Le statut et financier par la loi n° 2014-856 ave c c e s r é g i m e s .
Pour cette raison, le
de ces titres est toutefois ambigu dans la du 31 juillet 2014. Les monnaies locales législateur les a explici-
mesure où, bien qu’ils soient assimilés à des complémentaires peuvent être définies tement distingués de la
monnaie électronique.
moyens de paiement scripturaux, ils ne sont comme des monnaies non officielles,
pas considérés par la loi – pour des raisons dont l’utilisation est restreinte à une zone 7 Voir « Position de l’ACPR
relative aux opérations
fiscales 6 – comme étant de la monnaie géographique limitée, et créées dans le sur Bitcoins en France »
électronique, ni même comme étant de but de servir d’instruments d’échange de (Position 2014‑P‑01),
2 9   j a n v i e r 2 01 4   :
la monnaie scripturale. Les titres spéciaux complément à la monnaie ayant cours h ttps://acpr.banque-
de paiement dématérialisés constituent légal. Existant sous plusieurs formes france.fr/sites

24 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les moyens et les instruments de paiement Chapitre 2


possibles (titre-papier, monnaie scriptu- monnaies virtuelles, qui concentre 45 %


rale ou monnaie électronique) et émises des encours –, à comparer aux 330 millions
selon une stricte parité avec l’euro par de trans­actions scripturales effectuées au
des entreprises spécifiques et contrô- sein des 28 pays de l’Union européenne.
lées, elles peuvent être considérées Pour les monnaies locales complémentaires,
comme des moyens de paiement au les volumes concernés sont encore plus
sens légal, dès lors qu’elles respectent limités. Ainsi, la totalité des eusko – l’une
certaines spécificités selon les supports des principales et plus anciennes monnaies
sur lesquels elles sont émises 8. locales complémentaires françaises – en
circulation représentait en 2017 l’équivalent
L’ensemble de ces méthodes de paiement de moins de 750 000 euros.
alternatives représentent néanmoins
à l’heure actuelle des valeurs et des
volumes de trans­actions faibles. Ainsi, 2. Évolution de l’utilisation
la valorisation mondiale totale des cryp- des moyens de paiement
to-actifs s’élevait à environ 600 milliards
d’euros à fin décembre 2017, soit environ 2.1. Utilisation générale
8 % de l’agrégat M1 de la seule zone euro des moyens de paiement 8 
Voir « Les monnaies
locales », La revue de l’Au-
(7 500 milliards d’euros). Par ailleurs, à la fin de torité de contrôle prudentiel
l’année 2017, ce sont environ 300 000 trans­ La répartition générale de l’utilisation de et de résolution, n° 14,
Septembre-Octobre 2013,
actions en moyenne quotidienne qui étaient la monnaie fiduciaire et des moyens de p. 14-15 : https://acpr.
libellées en bitcoin. – la plus utilisée des paiement scripturaux demeure complexe à banque-france.fr/sites

Encadré n° 3 : Part des paiements en espèces dans les transactions au point de vente en zone euro

En volume En valeur

FI FI
64% 33%

EE EE
48% 31%
LV LV
71% 64%
LT LT
75% 62%
IE IE NL
NL 49%
79% 45% 27%
DE DE
BE BE
80% 55%
63% LU 32% LU
SK SK
64% AT 30%
78% FR AT 66%
FR 85% 67%
68% 28% SI
IT SI IT
86% 80% 68% 68%

ES PT ES
PT 68%
87% GR 52% GR
41%
88% 75%
MT
MT
CY 74% CY
92%
88% 72%

Source : Banque centrale européenne.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 25


Chapitre 2 Les moyens et les instruments de paiement


établir, notamment en raison de la difficulté en euro, y compris vraisemblablement hors


à recenser précisément le nombre de trans­ zone euro, par exemple à des fins de réserve
actions impliquant de la monnaie fiduciaire. de valeur et de thésaurisation.

Selon les estimations faites par l’Euro- Néanmoins, dans certains pays extérieurs
système pour les seules trans­a ctions à l’Union européenne, notamment en
ayant lieu sur les points de vente 9, les Asie, en Afrique ou en Suède, une stabi-
paiements en monnaie fiduciaire seraient lisation ou une diminution de la demande
plus fréquents, au niveau de la zone euro, de monnaie fiduciaire, le plus souvent suite
que les paiements scripturaux, et repré- à des décisions des auto­rités publiques, a
senteraient en moyenne près de 79 % en pu être observée au point de faire émerger
volume (nombre des trans­actions) et 54 % l’idée de la possibilité d’une société sans
en valeur (montants payés). Comme l’il- monnaie fiduciaire (« cashless society »,
lustre la carte figurant dans l’encadré, ces cf. encadré 4).
chiffres moyens recouvrent une diversité
de situations d’un pays à l’autre. Ainsi par Le suivi des trans­actions scripturales est,
exemple, en France, les paiements fidu- a  contra­rio, plus aisé, dans la mesure où
ciaires ne représenteraient, selon la même toutes les opérations peuvent faire l’objet
étude, que 68 % des paiements au point d’un suivi par les prestataires de services
de vente pour 28 % des montants payés. de paiement teneurs de compte. Ainsi,
en 2016, plus de 122 milliards de trans­
Les montants de monnaie fiduciaire en euro actions scripturales étaient réalisées
en circulation connaissent une augmenta- dans l’Union européenne, dont près de
tion continue, de l’ordre de 8,5 % par an 21 milliards en France, qui est le troisième 9 “The use of cash by
households”, Occasional
en moyenne sur la période écoulée depuis État de l’Union en nombre de trans­actions paper series, n° 201,
l’introduction de l’euro fiduciaire en 2002 scripturales effectuées chaque année, November 2017 : https://
www.ecb.europa.eu/
(graphique 1), témoignant ainsi de l’impor- derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne. pub/pdf/scpops/ecb.
tance de la demande en pièces et billets L’utilisation des moyens de paiement op201.en.pdf

G1 : La monnaie fiduciaire en circulation dans la zone euro


(variation annuelle en % ; montants en milliards d’euros)

30 1 200

25 1 000

20 800

15 600

10 400

5 200

0 0
Déc. Déc. Déc. Déc. Déc. Déc. Déc. Déc. Déc. Déc. Déc. Déc. Déc. Déc. Déc.
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

Variation annuelle des montants de billets en circulation (échelle de gauche)


Variation annuelle des montants de pièces en circulation (échelle de gauche)
Montant total des billets en circulation (échelle de droite)
Montant total des pièces en circulation (échelle de droite)

Source : Banque centrale européenne.

26 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les moyens et les instruments de paiement Chapitre 2


Encadré n° 4 : La « cashless society »

L’idée d’une société sans monnaie fiduciaire (« cashless society ») s’appuie sur le constat que les
pièces et billets peuvent présenter malgré leurs avantages plusieurs inconvénients par rapport aux
moyens de paiement scripturaux.

Il s’agit tout d’abord des coûts généraux induits, à l’échelle de la société, par l’utilisation de la monnaie
fiduciaire. Selon une étude de la BCE « The social and private costs of retail payment instruments :
a European perspective 1 » publiée en septembre 2012, l’ensemble des coûts induits par l’utilisation
des moyens de paiement fiduciaires, qui sont surtout répartis entre les banques et les commerçants,
s’élèveraient en moyenne à 0,5 % du PIB, contre 0,21 % pour les cartes de paiement. Toutefois, compte
tenu de volumétries de paiement différentes et de fonctions supplémentaires jouées par la monnaie
fiduciaire (notamment de thésaurisation), ces données doivent être inter­prétées avec précaution.

Par ailleurs, la moindre traçabilité des trans­actions effectuées en espèces est de nature à ralentir la
trans­ition de nombreuses activités vers l’économie légale, entre autres pour des raisons fiscales,
notamment dans des économies marquées par un fort secteur informel.

Un enjeu pour les pays en développement…

Certaines banques centrales ont pris des mesures visant à réduire l’utilisation des moyens de paiement
fiduciaires et à encourager l’utilisation de moyens de paiement scripturaux. Ainsi, la Banque centrale
du Nigeria a mis en œuvre depuis janvier 2012 un plan (« Cashless Policy ») visant à réduire l’utilisa-
tion de la monnaie fiduciaire, sans toutefois l’éliminer totalement. Ce plan s’articule auto­ur de trois
mesures principales : a)  l’imposition de frais (de 3 à 5 % des sommes) pour tout retrait de billets
de banque excédant un certain montant quotidien ; b)  l’inter­diction pour les banques d’offrir à leur
clientèle professionnelle des services de trans­port de fonds pour le dépôt de billets et de pièces et
c)  la limitation de l’encaissement contre espèces aux comptoirs des établissements bancaires de
chèques excédant une certaine valeur.

En Inde, les auto­rités nationales ont poursuivi une stratégie similaire, par le biais de mesures ponc-
tuelles, telles que l’instauration à l’été 2014 de limitation sur le nombre de retraits d’espèces gratuits
dans les distributeurs des six principales agglomérations indiennes, ou la démonétisation à la fin de
l’année 2016 des deux principales coupures de monnaie fiduciaire, de 500 et 1000 roupies.

Les effets de ces différentes mesures sur l’utilisation de la monnaie fiduciaire demeurent néanmoins
difficiles à évaluer. Dans le cas nigérian, les décisions de la banque centrale ne semblent pas avoir
eu d’impact significatif sur la quanti­té de monnaie fiduciaire en circulation, qui demeure très volatile.

… mais aussi une tendance d’évolution portée par l’innovation et le développement de nouveaux
usages dans certains pays.

Il n’en demeure pas moins que l’utilisation de la monnaie fiduciaire est également en nette régression
dans certains pays, notamment en Europe scandinave. Ainsi, la part des trans­actions fiduciaires en
Suède et au Danemark, telle qu’estimée par la BCE dans une étude publiée en 2012 (de l’ordre de 40 %),
est largement plus faible que celle des paiements par carte, et bien inférieure à la moyenne européenne

1  https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpops/ecbocp137.pdf

…/…

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 27


Chapitre 2 Les moyens et les instruments de paiement


(60 %). Par ailleurs, deux rapports publiés par la Riksbank (banque centrale de Suède) en 2013 2 et en
2018 3 montrent la baisse continue de la valeur totale des pièces et des billets en couronnes suédoises
en circulation rapportée au PIB (de 10 % du PIB en 1950 à 2,6 % en 2011 et 1,1 % en 2017, contre 11 %
pour la zone euro actuellement). Cette situation est néanmoins plus liée à une évolution de long terme
des pratiques des usagers qu’à une politique volontariste des auto­rités nationales. Dans ce contexte,
si la Riksbank s’attend à une poursuite de cette baisse de la valeur des pièces et billets en circulation,
elle ne prévoit pas de disparition complète de la monnaie fiduciaire, qui demeure adaptée à certaines
situations de paiement (entre particuliers notamment). Le lancement à la fin de l’année 2017 par la
Riksbank d’un projet de monnaie digitale de banque centrale (cf. chapitre 20), pourrait constituer
toutefois un nouveau pas vers cet horizon – certes toujours lointain – de « cashless society » 4.

2 “The Swedish retail-payment market”, Riksbank Studies, Sveriges Riksbank, Juin 2013 : http://www.riksbank.se/Documents/Rapporter/Riksbanksstudie/2013/
rap_riksbanksstudie_The_Swedish_retailpayment_market_130605_eng.pdf
3 Riksbank https://www.riksbank.se/globalassets/media/rapporter/e-krona/2018/the-riksbanks-e-krona-project-report-2.pdf)
4 Voir à ce titre le discours de Stefan Ingves, Gouverneur de la Riksbank, le 4 juin 2018 à l’École d’Économie de Stockholm : https://www.riksbank.se/
globalassets/media/tal/engelska/ingves/2018/tal_ingves_180604_eng.pdf

scripturaux est par ailleurs en hausse a également fortement évolué tant dans
continue depuis plusieurs années, dans l’UE qu’en France. La valeur totale des
l’UE comme en France, à des rythmes paiements scripturaux effectués dans l’Union
annuels moyens respectivement 8,5 % et européenne atteignait en 2016 près de
3,5 %, avec toutefois des dynamiques de 267 800 milliards d’euros. En France, la valeur
croissance différenciées par État membre annuelle totale des trans­actions scriptu-
et par moyen de paiement. rales a connu sur la même période une
progression moins linéaire, pour atteindre
Parallèlement à cette dynamique, la valeur 26 760 milliards d’euros en 2016, soit 10 %
totale annuelle des trans­actions scripturales du total européen.

T1 : Évolution du nombre et de la valeur cumulée des transactions scripturales par année depuis 2006
(Union européenne et France)
(nombre de transactions en milliards ; valeur en milliards d’euros)
2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

Nombre Union
annuel de européenne 81,7 86,7 90,6 94,4 100 103,3 112,5 122
transactions
scripturales
dont France 16,4 17,1 17,5 18 18,1 19 20,2 20,9

Valeur Union
annuelle des européenne 220 260 226 950 242 650 258 200 260 700 255 000 276 300 267 800
transactions
scripturales
dont France 24 150 25 100 28 420 27 830 26 690 27 220 26 823 26 760

28 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les moyens et les instruments de paiement Chapitre 2


G2 : Évolution des volumes et des montants des transactions scripturales (France et UE)
(nombre de transactions en milliards ; montants en milliards d’euros)

140 350 000

120 300 000

100 250 000

80 200 000

60 150 000

40 100 000

20 50 000

0 0
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

Nombre de transactions scripturales en France (échelle de gauche)


Nombre de transactions scripturales dans l'UE (échelle de gauche)
Montant des transactions scripturales en France (échelle de droite)
Montant des transactions scripturales dans l'UE (échelle de droite)

Source : Banque centrale européenne.

2.2. Répartition de l’utilisation des de trans­actions effectuées grâce à ce


différents moyens de paiement moyen de paiement, qui a été divisé par 2
scripturaux en volume depuis 2004, pour atteindre 3 milliards
(nombre de trans­actions) en 2016 (cf. graphiques 3 et 4).

La répartition de l’utilisation des moyens La répartition pour la France diffère


de paiement scripturaux obéit, dans quelque peu de la situation observée au
l’Union européenne comme en France, à niveau européen. La carte de paiement reste
des tendances stables depuis le début des comme au sein du reste de l’Union euro-
années deux mille. péenne, le moyen de paiement scriptural le
plus utilisé, représentant plus de la moitié
Au niveau de l’Union européenne, la carte (53 %, soit près de 11 milliards d’opéra-
de paiement reste le moyen de paiement le tions) des paiements effectués en 2016.
plus utilisé (49 % des trans­actions scriptu- Un Français a ainsi utilisé en moyenne
rales, soit près de 60 milliards d’opérations
en 2016), et sa part relative en termes de
nombre de trans­actions poursuit sa progres- G3 : Répartition de l’utilisation des différents moyens
sion à un rythme régulier. Le virement est de paiement scripturaux dans l’Union européenne
le second moyen de paiement le plus utilisé (en parts relatives)
(25 %) suivi du prélèvement (20 %), mais
les parts relatives de ces deux moyens 3 21
de paiement stagnent depuis plusieurs
Cartes
années, malgré une augmentation continue 25
Prélèvements
du nombre de trans­actions (respective- Virements
49 Chèques
ment 31 et 25 milliards en 2016). Le chèque Monnaie électronique
est enfin le quatrième moyen de paiement Autres
le plus utilisé, mais il représente désormais 20
une part marginale des trans­actions (3 %).
La part du chèque est en baisse depuis
plusieurs années, tout comme le nombre

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 29


Chapitre 2 Les moyens et les instruments de paiement


G4 : Évolution des moyens de paiement en volume dans l’UE


(en milliards de transactions)

70

60

50

40

30

20

10

0
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
Carte Prélèvement Virement Chèque LCR et BOR Monnaie électronique

165 fois sa carte de paiement en 2016. leur utilisation tient à plusieurs raisons,


L’utilisation de la carte de paiement est en principalement aux diverses évolutions
progression constante depuis le début des législatives qui ont rendu obligatoire leur
années deux mille, et elle est devenue le emploi dans un nombre plus important
premier moyen de paiement scriptural en de situations (extension progressive de
volume dès 2003 (cf. graphiques 5 et 6). l’obligation de télé­règlement des impo-
L’un des principaux facteurs de cette utili- sitions et des taxes pour les entreprises
sation accrue de la carte de paiement est depuis plusieurs années, obligation faite
le fort essor du commerce électronique aux notaires depuis le 1er avril 2013 d’uti- 10 On qualifie de virements
durant la dernière décennie, qui a entraîné liser le virement bancaire pour tous les (ou prélèvements) « de
masse » les opéra-
une augmentation des paiements par carte paiements supérieurs à 10 000 euros émis tions échangées sur les
à distance, ainsi que le développement plus ou reçus, etc.), ainsi que les nouvelles systèmes de paiement
de détail tels que le
récent du paiement sans contact. facilités d’initiation de ces opérations système français CORE
fournies par le développement de l’accès (voir chapitre 10).
Les prélèvements et les virements dits « de à Inter­net.
masse » 10 sont les deuxième et troisième
moyens de paiement scripturaux les plus
utilisés en France, représentant respecti- G5 : Répartition de l’utilisation des différents moyens
vement 19 % (3,9 milliards d’opérations) et de paiement scripturaux en France
18 % (3,8 milliards d’opérations) du nombre (en parts relatives)
total de trans­actions scripturales effectuées
en 2016. Cela atteste d’une préférence 10
relative des consommateurs français pour
Paiement carte
le prélèvement qui, contra­irement à ce 18 Famille de prélèvements
qui se passe au niveau européen, reste Virements de masse
53 Chèques
devant le virement en termes d’utilisation. Monnaie électronique
Ces deux moyens de paiement connaissent LCR/BOR
en France une progression constante 19
20
depuis le début des années deux mille,
à un rythme toutefois plus lent que pour
les paiements par carte. La hausse de

30 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les moyens et les instruments de paiement Chapitre 2


G6 : Comparaison des tendances par moyen de paiement en France


(en milliards de transactions)

12

10

0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
Carte Prélèvement Virement Chèque LCR et BOR Monnaie électronique

Le chèque est le quatrième moyen de 2.3. Répartition de l’utilisation des


paiement scriptural en France en termes différents moyens de paiement
d’utilisation, représentant près de 10 % du scripturaux en valeur
nombre total de trans­actions scripturales, (montant des trans­actions)
soit 2,1 milliards d’opérations en 2016. 11 Les flux de paiement
Cette permanence de l’utilisation du chèque, L’analyse de la répartition des différents électronique fonction-
nant en système fermé,
qui est en part relative beaucoup plus impor- moyens de paiement scripturaux en ils sont déclarés par l’éta-
tante qu’au niveau européen (où elle ne fonction des montants dessine, au niveau blissement émetteur de
la monnaie électronique
représente que 3 % du nombre de trans­ européen comme au niveau français, et comptabilisés dans les
actions), est une spécificité française, le une image très différente de la réparti- flux du pays d’origine,
et ce indépendamment
nombre total de trans­actions par chèque tion en fonction du volume d’opérations. d’une possible utilisation
en France représentant plus de 70 % du Dans l’Union européenne, les virements, par des ressortissants
total de l’ensemble de l’Union européenne. et notamment les virements de gros d’autres pays de l’Union.
C’est le cas notamment
Le chèque connaît toutefois en France montant (VGM) échangés au travers de PayPal, premier
un déclin ininter­rompu de son utilisation d’infra­structures de paiement dédiées 12, émetteur européen de
monnaie électronique,
depuis le début des années deux mille, constituent la très grande majorité (93 %) localisé au Luxembourg
alors qu’il était à cette époque le moyen de la valeur totale des trans­a ctions et dont la totalité des
de paiement le plus utilisé. Le chèque a scripturales, cette part ayant progressé flux sont comptabilisés
dans les flux de paie-
notamment fortement pâti de son inadap- ces dernières années. Les prélèvements ment luxembourgeois,
tation au commerce électronique et aux représentent ensuite 3 % de la valeur indépendamment du
pays depuis lesquels
nouveaux usages liés à la diffusion de totale des opérations scripturales, leur les utilisateurs du service
l’Inter­net mobile, mais également des évolu- part relative étant stable ces dernières PayPal effectuent leurs
tions législatives récentes (cf. ci-dessus), années. Les prélèvements sont suivis, paiements. Ces règles
de collecte statistique
qui ont concouru à son remplacement en parts relatives, par la carte et le chèque expliquent pourquoi les
progressif par la carte, le prélèvement et, (1 % chacun). Ces deux instruments flux du Luxembourg
représentent 75 % des
dans une moindre mesure, le virement. connaissent des dynamiques diffé- montants de paiement
La monnaie électronique  11 et les effets de rentes, la part du chèque ainsi que les monnaie électronique
échangés au niveau
commerce représentent quant à eux des montants correspondants baissant européen, tandis que
volumes marginaux, équivalents chacun à de manière continue depuis le début les flux français appa-
moins de 1 % du nombre total de trans­ des années deux mille, à l’inverse des raissent très limités.

actions scripturales. paiements par carte. Enfin, la part relative 12 Cf. chapitres 8 et 9.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 31


Chapitre 2 Les moyens et les instruments de paiement


des montants concernés par les trans­ G7 : Répartition des montants des différents moyens
actions de monnaie électronique demeure de paiement scripturaux en France
quant à elle inférieure à 1 %. (en parts relatives)

4 2 5
La répartition au niveau français obéit 11
aux mêmes grandes tendances que Famille de prélèvements
Virements de gros montant
celles constatées au niveau européen Virements SEPA
(cf. graphiques 7 et 8). Outre les VGM, Chèques
qui représentent logiquement la plus LCR/BOR
Monnaie électronique
grande part des opérations scripturales en Paiement carte
montant (environ 79 % de la valeur des
79
opérations échangées, pour 23 697 milliards
d’euros), les virements SEPA représentent
en complément 11 % du volume total des
trans­actions scripturales. Le montant moyen
d’un virement de masse (hors VGM) est par des trajectoires différentes, les montants
ailleurs de 1 485 euros, ce qui montre que échangés par chèque ayant tendance à
ce moyen de paiement reste surtout utilisé baisser, contra­irement aux montants
pour des trans­actions de montant important. échangés par prélèvement qui connaissent,
eux, une tendance prononcée à la hausse.
Les prélèvements et les chèques, bien Les profils très similaires de ces deux instru-
qu’ils représentent des parts différentes ments tendent également à renforcer l’idée
en termes de volumes de trans­actions selon laquelle le prélèvement a jusqu’ici
(respectivement 19 % et 10 %), sont sensi- souvent remplacé le chèque dans des situa-
blement identiques en termes de valeurs tions de paiement similaires.
cumulées (respectivement 5 % et 4 % du
montant total des trans­actions scriptu- Enfin, les paiements par carte, qui repré-
rales, soit environ 2 590 milliards d’euros sentent pourtant plus de la moitié des
au total, pour des montants moyens par paiements scripturaux en volume, repré-
trans­action assez proches (377 euros pour sentent moins de 2 % en valeur. Ceci est
le prélèvement, 504 euros pour le chèque). lié au fait que les cartes de paiement sont
Les deux instruments connaissent toutefois surtout utilisées par les consommateurs

G8 : Montants des transactions hors virements en France


(en milliards d’euros)

3 000

2 500

2 000

1 500

1 000

500

0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

Carte Prélèvement Chèque LCR et BOR Monnaie électronique

32 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les moyens et les instruments de paiement Chapitre 2


pour des opérations de petit montant en mode sans contact a été franchi en 2017.
(45 euros en moyenne en 2016). La carte La principale nouveauté consiste toutefois
de paiement s’affirme ainsi de plus en plus dans l’utilisation de plus en plus fréquente
comme le moyen de paiement scriptural le des terminaux de télé­phonie mobile pour
plus utilisé pour les trans­actions de détail l’initiation de paiements sans contact, que
quotidiennes en France. ce soit par carte en utilisant les technologies
utilisées pour les cartes de paiement sans
contact (communication de type NFC – Near
3. Les évolutions prévisibles Field Communication), ou par virement ou
des moyens de paiement prélèvement au moyen de dispositifs de
européens reconnaissance entre le terminal de caisse
et le télé­phone du client pour l’initiation d’un
Le marché européen des moyens de ordre de paiement. Les principaux construc-
paiement scripturaux est aujourd’hui teurs de télé­phones mobiles équipent
marqué par une double dynamique. Ainsi, désormais systématiquement les dernières
dans le sillage du projet SEPA, l’Europe générations d’appareils des technologies
des paiements connaît une forte tendance nécessaires (modules de communica-
à l’intégration et à l’harmonisation, qui est tion NFC, Bluetooth ou wifi, lecture optique
appelée à se poursuivre. Parallèlement de codes par appareil photo embarqué, etc.).
à cela, de nombreux produits innovants
sont développés, qui visent généralement Par ailleurs, l’initiation des paiements est
à permettre aux usagers de profiter de également marquée par l’utilisation de plus
solutions de paiement à la fois plus rapides et en plus fréquente par les consommateurs
mieux adaptées aux nouvelles technologies. des cartes de paiement, des virements
L’émergence de ces nouvelles solutions de ou des prélèvements pour effectuer des
paiement génère toutefois de nouveaux trans­actions à distance, notamment par le
risques qu’il convient de bien appréhender. biais d’Inter­net. La diffusion de l’inter­net
mobile et la multi­plication des terminaux
3.1. L’évolution des usages permettant de se connecter à Inter­net (ordi-
en matière de paiement nateurs, tablettes, télé­phones, etc.) ont fait
du canal d’initiation à distance l’un de ceux
Le marché européen des moyens de connaissant l’évolution la plus dynamique.
paiement est marqué par une nouvelle À titre d’exemple, les volumes et les
diversité des usages, qui prend notamment montants de paiements par carte à distance
sa source dans le fort développement des ont ainsi été multi­pliés par 9 entre 2006
technologies de l’information au cours des et 2016. Les paiements par carte à distance
dix dernières années. Ainsi, la diffusion demeurent toutefois largement inférieurs,
de l‘inter­net et l’apparition de terminaux tant en volume qu’en valeur, à ceux de
mobiles de plus en plus performants ont proximité, ainsi qu’aux opérations sur auto­
mené à la multi­plication des canaux de mate, avec une part de l’ordre de 12 % des
paiement, tant du côté de l’initiation que paiements. Cette croissance des paiements
du côté de l’acquisition des paiements. par inter­net remet également en question
la distinction traditionnelle entre paiement
En matière d’initiation (du côté du consom- de proximité et paiement à distance, dans
mateur), l’apparition des paiements sans la mesure où un paiement peut désormais
contact dits « de proximité » (sur le lieu de par exemple être réalisé sur internet via un
vente), notamment à partir des cartes de terminal mobile sur le lieu même de la vente.
paiement, constitue l’un des faits marquants
de la dernière décennie. En 2016, près de Ces évolutions technologiques ont également
60 % des cartes de paiement françaises eu un impact en matière d’acquisition 13 Données de l’Observa-
toire de la sécurité des
permettaient le paiement sans contact 13 des paiements (du côté du commerçant). moyens de paiement,
et le cap du milliard de paiements annuels Ainsi, des appareils tels que les télé­phones Rapport annuel 2016.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 33


Chapitre 2 Les moyens et les instruments de paiement


mobiles peuvent désormais être utilisés auto­risant l’émission de messages par le


par les commerçants comme terminaux de biais d’une communication sans fil (NFC),
paiement électroniques (TPE) et permettre messages qui permettent à l’application de
de procéder à des encaissements par dialoguer avec le terminal du commerçant.
carte. L’utilisation d’un télé­phone mobile
comme TPE peut se faire selon deux grandes Une technologie alternative diffusée
modalités fonctionnelles : soit par l’utilisa- depuis 2012 permet toutefois, pour les
tion d’une simple application, qui reproduit télé­phones mobiles, de procéder à des
sur l’écran du télé­phone une inter­face de paiements sans contact sans avoir recours à
terminal de paiement et oblige le consomma- un « secure element ». Ce dispositif, nommé
teurs à saisir ses données dans des champs « Host Card Emulation » (HCE), repose sur
réservés, soit par l’adjonction au télé­phone l’intégration dans le système d’exploitation
d’un lecteur de carte (en mode contact ou même de l’appareil d’une application logicielle
sans contact), qui est couplé au sein d’une qui permet de procéder à des paiements par
application à la signature de la trans­action le biais d’une communication sans fil, sans
ou à la saisie par le consommateur de son nécessiter toutefois le routage des informa-
code PIN. Ces offres, qui demeurent encore tions vers un composant physique sécurisé.
marginales, semblent toutefois appelées à Le principal avantage de cette technologie
connaître un développement important, tant est de faciliter l’émergence de nouveaux
pour les commerçants ou les prestataires acteurs susceptibles de créer des applications
mobiles (artisans, etc.), qui les utiliseraient innovantes pour le paiement mobile, dans la
comme solutions principales, que pour les mesure où le développement de telles appli-
grands commerces, comme solution d’en- cations n’est plus dépendant de la maîtrise
caissement d’appoint en cas d’engorgement. des processus liés aux puces électroniques.

3.2. Les nouvelles technologies Dans le domaine des paiements à distance,


de paiement l’apparition de nouvelles applications de porte-
feuilles électroniques (« digital wallets »)
Les nouveaux usages en matière de permet de confier à un tiers jugé digne de
paiement reposent pour une grande part confiance les informations relatives aux
sur l’apparition récente de technologies cartes de paiement ou aux coordonnées
qui visent spécifiquement à favoriser leur bancaires, ce qui dispense les consomma-
adoption par les consommateurs. teurs de devoir les ressaisir lors de chaque
paiement. Ces solutions, qui peuvent être
Dans le domaine des paiements sans fournies par une société spécialisée (telle
contact, les paiements par carte ainsi que que PayPal ou Paylib) ou par un commerçant
la majorité des paiements par télé­phone sur son site inter­net, permettent l’initiation
mobile se fondent sur l’utilisation d’un de paiements entre consommateurs et four-
composant physique sécurisé (appelé nisseurs, mais également des trans­ferts
« secure element », qui consiste générale- de personne à personne. Ces portefeuilles
ment en une puce électronique) sur lequel électroniques peuvent être enrichis pour
l’application logicielle servant au paiement servir au stockage d’autres données telles
sans contact est installée. Ce composant que celles relatives à des cartes de fidélité.
peut soit être « intégré » dans la puce SIM  14 Certaines applications de portefeuille élec-
du télé­phone gérée par l’opérateur, soit tronique peuvent également être couplées
être, pour certains télé­phones, distinct de à des systèmes de paiement sans contact
la puce SIM. Dans ce deuxième cas, des ou d’initiation des paiements par le biais des
services indépendants de la puce SIM et réseaux sociaux (hashtags actifs sur Twitter,
de l’opérateur de télé­phonie peuvent être Facebook ou LinkedIn par exemple). 14 La puce SIM (Subscriber
développés et intégrés dans ce composant. Identity Module) est le
composant qui permet à
L’application se sert, pour effectuer les Parallèlement à ces services de porte- un téléphone d’accéder
paiements, d’une fonctionnalité du télé­phone feuille électronique, de nouveaux acteurs à un réseau mobile.

34 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les moyens et les instruments de paiement Chapitre 2


proposent des solutions permettant l’initia- en termes de délai d’exécution des opéra-
tion à distance d’opérations de paiement, tions (moins de 10 secondes) et de crédit
en empruntant toutefois un canal différent immédiat au compte du bénéficiaire. Ce
s’appuyant sur les espaces de banque en nouveau scheme, pour lequel l’adhésion par
ligne de leurs clients. Dans le cadre de ces les banques reste optionnelle, est opéra-
solutions, les clients sont redirigés, lors tionnel depuis le mois de novembre 2017  15.
de leurs paiements, vers leurs espaces
de banque en ligne. Ils doivent alors Les situations existantes dans plusieurs
saisir les identifiants leur permettant de pays montrent que l’émergence de ces
s’y connecter puis valider la trans­action, les solutions de paiement instantané est
informations relatives à la trans­action étant souvent intimement liée au développement
auto­matiquement remplies. Ces solutions des nouvelles technologies de paiement,
présentent ainsi l’avantage pour les consom- notamment pour l’initiation des trans­actions.
mateurs de ne pas avoir à divulguer à un tiers Ainsi, le système indien de paiement instan-
leurs coordonnés bancaires. Elles impliquent tané Immediate Payment Service (IMPS)
toutefois en contrepartie la manipulation des opéré par l’association indienne des
identifiants de banque en ligne, qui sont paiements nationaux (NPCI) a été lancé
considérés comme des données sensibles. en 2010, dans un premier temps pour les
La deuxième directive européenne sur les seuls paiements par télé­phone mobile avant
services de paiement (ou DSP2), entrée en d’être étendu aux paiements par inter­net et
application début 2018, clarifie toutefois les aux trans­ferts de fonds par distributeur auto­
règles de gestion et de sécurité applicable matique. Par ailleurs, plusieurs systèmes de
à ce type de nouveau service de paiement paiements instantanés ont explicitement
(voir chapitre 3). mis l’accent sur les nouveaux canaux d’ini-
tiation des paiements, à savoir inter­net et
Si ces nouvelles technologies permettent de le télé­phone mobile. Le système mis en
répondre à un besoin croissant de vélocité place au Royaume‑Uni (UK Fast), ou encore 15 À la date de lancement
de ce nouvel instru-
lors des trans­actions de paiement, elles le projet en cours de développement en ment, 585 prestataires
renforcent également le besoin, du côté des Australie (« New Payments Platform », NPP) de services de paiement,
vendeurs, de s’assurer de la disponibilité la montrent bien cette dynamique : les plate- issus de 8 pays (Autriche,
Estonie, Allemagne,
plus rapide possible des fonds trans­férés formes créées pour la fourniture du service Italie, Lettonie, Lituanie,
par les consommateurs, ce que permettent permettent aux payeurs - à condition que Pays‑Bas et Espagne),
ava i e n t a d h é r é a u
désormais les solutions de paiements les établissements bancaires en offrent s ch e m e e t é t a i e n t
instantanés. Les paiements instantanés la possibilité à leurs clients - de fournir à susceptibles d’émettre
peuvent être définis comme étant des leurs contreparties leurs numéros de télé­ et recevoir des vire-
ments inst ant anés.
solutions de paiement de détail électro- phone (ou leurs adresses de messagerie À mi‑2018, les taux d’ad-
niques accessibles 24 heures sur 24 et qui électronique dans le cas australien) en lieu hésion des PSP restaient
encore très hétérogènes,
assurent un crédit du compte du bénéficiaire et place de leurs coordonnées bancaires  16. et s’établissaient par
immédiat ou quasi immédiat (de l’ordre exemple à 4 % en Italie,
de quelques secondes après l’initiation du Le développement de ces nouvelles tech- 18 % en  France, 26 %
en Allemagne et 71 %
paiement). Ces solutions se fondent ainsi nologies de paiement entraîne toutefois de en Espagne.
sur une réorganisation des circuits inter­ nouveaux enjeux en termes de sécurité, 16 Voir S. Bolt, D. Emery et
bancaires de compensation et de règlement, comme le montre en France le niveau P. Harrigan, « Fast Retail
de manière à permettre un dénouement important de fraude constaté sur les Payment Systems »,
Bulletin of the Reserve
plus rapide des trans­actions (cf. chapitre 20). paiements par carte à distance, qui demeure Ba n k o f Au s t r a l i a ,
En Europe, les travaux conduits sous en 2017 près de 20 fois supérieur à celui D e c e m b r e   2 014 ,
pour plus d’informa-
l’égide de l’Euro Retail Payment Board ont constaté sur les paiements par carte de tions sur les différents
ainsi favorisé la définition par l’EPC d’un proximité  17. Les auto­rités chargées de systèmes de paiements
instantanés.
nouveau scheme de paiement SEPA de la surveillance des moyens de paiement
virement instantané (appelé SCTinst), qui prennent en compte ces évolutions, et les 17 Données de l’Observa-
toire de la sécurité des
constitue une variante du virement SEPA mesures prises pour parer à ces nouveaux moyens de paiement,
classique (SCT) soumise à des contra­intes risques sont détaillées dans le chapitre 3. Rapport annuel 2017.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 35


Chapitre 2 Les moyens et les instruments de paiement


Encadré n° 5 : Le rôle des auto­rités publiques pour stimuler


le développement des moyens de paiement :
l’exemple du Comité national des paiements scripturaux (CNPS) en France

La mise en place d’un cadre de gouvernance français en matière de moyens de paiement scriptu-
raux découle de la démarche initiée sous l’impulsion des pouvoirs publics dès la fin de l’année 2014,
visant à définir les principales lignes de développement pour le marché des paiements en France.
Cette démarche s’est appuyée sur deux briques fondatrices :

• les Assises nationales des paiements, organisées le 2 juin 2015 par Michel Sapin, ministre des Finances
et des Comptes publics, avec l’appui du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), ont permis
de présenter les résultats d’un travail de concertation mené tout au long du premier semestre 2015
au sein de la filière française des moyens de paiement ;

• la présentation en octobre 2015 par le ministre d’une stratégie nationale sur les moyens de paiement,
qui définit les priorités assignées à la communauté française dans le domaine des paiements, tant
en termes d’actions que d’évolutions institutionnelles.

La stratégie nationale sur les moyens de paiement poursuit un triple objectif :

• mieux répondre aux attentes de rapidité et de simplicité dans les opérations de paiement des
utilisateurs (consommateurs, entreprises, associations, commerçants). Cet objectif passe par la
promotion de l’utilisation des moyens de paiement électroniques, notamment du virement dans
sa forme standard mais aussi dans le cadre du déploiement de l’offre de virement instantané, ainsi
que la facilitation des paiements par carte au point de vente et sous les formes les plus innovantes
(sans contact, mobile) ;

• renforcer la sécurité des moyens de paiement, dans un contexte où la multi­plication des acteurs
et des solutions de paiement génère de nouveaux risques, tant pour les utilisateurs que pour les
établissements financiers et les systèmes de paiement. Dans ce cadre, la stratégie prévoyait un élar-
gissement du champ de compétence de l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement (OSCP)
à l’ensemble des moyens de paiement, afin de créer l’actuel Observatoire de la sécurité des moyens
de paiement (OSMP) ;

• soutenir le développement de moyens de paiement innovants, ainsi que la compétitivité de l’industrie


française des paiements, en créant notamment des incubateurs permettant de soutenir la filière.

Le Comité national des paiements scripturaux a été créé en avril 2016, avec pour vocation d’offrir une
structure de dialogue pour l’ensemble des acteurs français des moyens de paiement qui contribue à
assurer à la fois la bonne mise en œuvre de la stratégie nationale des paiements scripturaux, lancée par
le ministère de l’Économie en octobre 2015, et l’influence de la communauté française sur l’évolution
des systèmes de paiement européens. Grâce à la forte implication de ses membres, le Comité a pu
jouer pleinement, dès sa première année de fonctionnement, son rôle en facilitant le franchissement
des premières étapes prévues sur la voie du renforcement de l’utilisation de moyens de paiement
électroniques innovants, sûrs et efficaces pour mieux répondre aux besoins des utilisateurs.

…/…

36 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les moyens et les instruments de paiement Chapitre 2


À cette fin, les travaux du Comité ont été organisés auto­ur de trois priorités :

• La diversification de l’offre de paiement du secteur public. Le Comité a offert un cadre de concer-


tation auto­ur des initiatives des acteurs de la sphère publique et sociale, dont l’objectif est de
proposer aux cotisants, contribuables et utilisateurs de services publics des moyens de paiement
mieux adaptés aux besoins des utilisateurs (par exemple, possibilité de payer des prestations par
carte ou par virement), ainsi qu’à ceux de la sphère publique ;

• L’utilisation par les entreprises des nouveaux instruments de la gamme SEPA et en particulier le
virement instantané, qui faisait l’objet d’un projet paneuropéen piloté par l’Euro Retail Payments
Board. Le Comité a ainsi lancé des travaux fonctionnels et techniques pour assurer la bonne mise
en œuvre du virement instantané en France. Il s’est également attaché à valoriser les fonctionna-
lités de référencement comptable des ordres de paiement électroniques tel que le virement SEPA,
identifié comme un prérequis important à l’utilisation de ce moyen de paiement pour de nombreuses
entreprises. La diffusion de ces moyens de paiement doit permettre d’accompagner la décroissance
de l’utilisation du chèque, en s’inscrivant comme alternatives, en particulier pour les paiements
entre  entreprises ;

• L’utilisation par le grand public d’instruments électroniques rapides, sûrs et accessibles, y compris
pour les petits montants. À cette fin, et dans l’objectif de faire profiter le grand public des innovations
en matière de paiement, le Comité a mis en place un suivi de la mise en œuvre des engagements
pris pour diminuer les obstacles aux paiements par carte dès le premier euro, notamment tarifaires
(par l’abaissement en particulier de la part fixe des commissions facturées aux commerçants) et
techniques (modalités d’équipement des commerçant). Il a également mis en place un dispositif
de suivi du recours aux paiements sans contact et engagé une veille active des innovations en
matière de paiements. Enfin, le CNPS s’est attaché en 2018 à définir une stratégie dite « 2.0 » pour
la période 2019-2024. Celle-ci pourrait s’articuler en trois axes : 1) poursuivre les travaux pour des
paiements dématérialisés et sécurisés au service de la société ; 2) accélérer le déploiement des
innovations ; 3) concourir à l’ambition européenne d’un approfondissement du marché unique
des paiements.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 37


CHAPITRE 3

La sécurité des moyens


de paiement
Mis à jour le 14 décembre 2018
Chapitre 3 La sécurité des moyens de paiement


L
e présent chapitre vise à décrire les L’adoption d’un moyen de paiement par les
différents enjeux en matière de sécurité consommateurs relève donc d’un équilibre
des moyens de paiement et les disposi‑ subtil entre le coût du moyen de paiement
tifs mis en place pour déjouer les tentatives et sa facilité d’utilisation, d’une part, et les
de fraude toujours plus complexes. En effet, investissements devant être consentis par
le développement des moyens de les prestataires de services de paiement 1
paiement électroniques est étroitement pour en assurer la sécurité, d’autre part. Ainsi,
lié au développement des technologies l’utilisateur se détournera d’un moyen de
de l’information et de la communication. paiement présentant des failles de sécurité
Les innovations technologiques entraînent qu’il juge excessives, mais il préférera
en parallèle une sophistication accrue des également s’abstenir si les méthodes
techniques de fraude, qui rend nécessaire utilisées pour sécuriser le moyen de paiement
une mise à niveau régulière des dispositifs se traduisent par une trop grande complexité
de sécurité des systèmes attachés aux d’utilisation ou par un coût de trans­action trop
moyens de paiement. élevé, ce qui laisse une marge de manœuvre
relativement limitée pour le développement
La sécurité : un enjeu stratégique pour de techniques avancées de sécurisation.
le secteur des paiements
Un prestataire de services de paiement
La fraude porte préjudice au développe‑ souhaitant commercialiser un nouveau
ment des activités commerciales dans son moyen de paiement doit donc trouver un
ensemble en raison, d’une part, des réper‑ juste milieu entre ces deux impératifs.
cussions en termes d’image et de confiance Le modèle économique qui en découlera
auprès des utilisateurs et, d’autre part, de devra en outre intégrer le coût de la fraude,
la crainte des professionnels de voir leur dans la mesure où le prestataire de services
activité fragilisée en cas d’attaque organisée de paiement sera susceptible de subir direc‑
et de compromission massive de données tement des pertes financières lors de la 1 
Les prestataires de
services de paiement
de paiement. Dans ce contexte, la sécurité survenance d’attaques. Dans certains cas, il (PSP) sont les établisse‑
des moyens de paiement est une exigence peut ressortir de cette analyse qu’un risque ments habilités à tenir
essentielle à la confiance que l’utilisateur de fraude accepté mais maîtrisé s’avérera des comptes de paie‑
ment pour le compte
porte dans les moyens de paiement. commercialement plus rentable pour le de leur clientèle et à
prestataire de services de paiement et émettre des moyens de
paiement. Ils relèvent
Du point de vue de l’utilisateur, la valeur plus acceptable par les utilisateurs de son des statuts suivants
ajoutée d’un moyen de paiement peut se moyen de paiement que la mise en place de au sens des régle‑
résumer par trois caractéristiques : sa simpli‑ mesures permettant d’assurer, à l’extrême, mentations françaises
et européennes :
cité d’utilisation, son faible coût voire sa une disparition quasi‑totale du risque de
•  é t a b l i s s e m e n t s d e
gratuité, et sa sécurité. Sur ce dernier point, fraude au prix d’une complexification crédit ou assimilés
deux risques principaux sont généralement excessive du « parcours client » suscep‑ (institutions visées à
perçus par l’utilisateur : le détournement tible de faire échouer l’acte de paiement. l’article L. 518‑1 du
Code monétaire et finan‑
des fonds en cours de paiement, suscep‑ cier), établissements de
tible d’entraîner une fraude immédiate, Dans un premier temps, ce chapitre s’attache monnaie électronique et
établissements de paie‑
et la captation des données bancaires à clarifier la notion de fraude aux moyens de ment et prestataires
de l’utilisateur qui pourrait entraîner des paiement en présentant une typologie de la de services d’informa‑
fraudes ultérieures. fraude observée et des modes opératoires tion sur les comptes de
droit  français ;
utilisés par les fraudeurs. Dans un deuxième
•  é t a b l i s s e m e n t s d e
Cela étant, il peut exister un écart entre la temps, il présente les mesures mises en crédit, établissements de
sécurité réelle d’un moyen de paiement et place au niveau européen pour assurer le monnaie électronique et
la perception qu’en a l’utilisateur. En effet, respect des droits des utilisateurs de moyens établissements de paie‑
ment de et prestataires
pour ce dernier, la sécurité du moyen de de paiement et la sécurité des opérations de services d’informa‑
paiement sera souvent liée à une absence de paiement. Enfin, le chapitre se conclut tion sur les comptes
droit étranger habilités
de perte financière pour lui, et non à l’im‑ en décrivant le cadre français de la lutte à inter­venir sur le terri‑
possibilité de réaliser des fraudes. contre la fraude aux moyens de paiement. toire français.

40 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La sécurité des moyens de paiement Chapitre 3


1. La fraude aux moyens par utilisation physique de l’instru‑


de paiement ment de paiement ou des données
qui lui sont attachées, etc.) ;
1.1. Définition de la fraude
aux moyens de paiement – la zone géographique d’émission ou
d’utilisation du moyen de paiement
En France, de nombreux délits du code pénal ou des données qui lui sont attachées.
(escroqueries, abus de biens sociaux, blan‑
chiment, recel, etc.) peuvent être associés • 
et quelle que soit l’identité du fraudeur :
à l’utilisation d’un moyen de paiement sans un tiers, l’établissement teneur de
pour autant que les dispositifs de sécurité mis compte et/ou émetteur du moyen de
en place par les prestataires de services de paiement, le titulaire légitime du moyen
paiement aient été mis en défaut. De telles de paiement, le bénéficiaire légitime des
fraudes ne sont pas considérées, dans le fonds, un tiers de confiance, etc.
cadre de ce chapitre, comme des fraudes
aux moyens de paiement. En effet, la fraude 1.2. Typologie de la fraude
aux moyens de paiement est définie ici de
manière plus restrictive comme recouvrant L’identification des techniques de fraude
uniquement les utilisations illégitimes d’un est, par nature, un objectif permanent dans
moyen de paiement ou des données qui lui la mesure où les fraudeurs cherchent de
sont attachées, ainsi que tout acte concou‑ nouvelles failles au fur et à mesure de
rant à la préparation ou à la réalisation d’une l’évolution des dispositifs de sécurité.
telle utilisation : De même, le renforcement des moyens
de prévention de la fraude dans un secteur
• 
ayant pour conséquence un préjudice du marché des paiements peut se traduire
financier : ce préjudice peut affecter par un report de la fraude vers d’autres
l’établissement teneur de compte et/ou supports moins sécurisés ou vers d’autres
émetteur du moyen de paiement, le zones géographiques. À titre d’exemple,
titulaire du moyen de paiement, le béné‑ bien que la généralisation des spécifica‑
ficiaire légitime des fonds (l’accepteur tions EMV  2 pour la carte à puce en Europe
et/ou créancier), un assureur, un tiers ait contribué à sensiblement renforcer la
de confiance ou tout inter­venant dans sécurité des paiements de proximité, elle
la chaîne de conception, de fabrication, a également incité les fraudeurs à cibler les
de trans­port, de distribution de données zones géographiques n’ayant pas adopté le
physiques ou logiques, dont la respon‑ standard EMV mais également à concentrer
sabilité civile, commerciale ou pénale leurs attaques au sein de la zone euro sur
pourrait être engagée ; les paiements par carte à distance. 2 
EMV (Pour Europay,
Mastercard, VISA) est un
standard inter­national de
• 
quel que soit le mode opératoire On distingue quatre grandes typologies sécurité des cartes de
retenu, c'est‑à‑dire quels que soient : de fraude aux différents instruments paiement à puce, dont
les spécifications ont
de paiement : été développées par le
– les moyens employés pour récupérer, consortium EMVCo
sans motif légitime, les données ou • faux : fraude par établissement d’un faux regroupant American
Express, JCB Cards,
le support du moyen de paiement ordre de paiement soit au moyen d’un Mastercard et Visa.
(vol, détournement du support ou des instrument de paiement physique perdu, Le standard EMV pour
les paiements de proxi‑
données, piratage d’un équipement volé ou contrefait, soit via le détournement mité et les retraits
d’acceptation,  etc.) ; de données ou d’identifiants bancaires ; prévoit notamment le
recours à la combinaison
d’une puce sécurisée
– les modalités d’utilisation du moyen • falsification : fraude par utilisation d’un sur la carte associée
de paiement ou des données qui lui instrument de paiement falsifié (instru‑ à la saisie d’un code
confidentiel, commu‑
sont attachées (paiement/retrait, en ment de paiement authentique dont nément dénommée
situation de proximité ou à distance, les caractéristiques physiques ou les « chip & PIN ».

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 41


Chapitre 3 La sécurité des moyens de paiement


données attachées ont été modifiées bénéficiaire, coordonnées du compte


par le fraudeur) ou par altération d’un du bénéficiaire, etc.) ;
ordre de paiement régulièrement émis
en modifiant un ou plusieurs de ses • détournement : fraude visant à utiliser
attributs (montant, devise, nom du un instrument de paiement ou l’ordre

Encadré n° 1 : Déclinaison de la typologie de la fraude aux instruments de paiements courants


Les quatre types de fraude ne s’appliquent pas de la même façon aux différents instruments de
paiement. Le tableau ci‑après récapitule les formes les plus couramment observées.

T1 : Les quatre grandes typologies de fraude aux différents instruments de paiement

Typologie de fraude Carte de paiement Chèque Virement Prélèvement


Faux • Utilisation par le • Utilisation par • Transmission par le • Émission par le
fraudeur d’une carte le fraudeur d’un fraudeur d’un faux fraudeur d’un ordre
perdue ou volée à chèque perdu ordre de virement de prélèvement
son titulaire légitime ou volé à son • Usurpation des sans mandat
ou d’un numéro de titulaire légitime informations ou à partir d’un
carte usurpé (vente • Faux chèque, créé de connexion faux mandat
à distance) de toutes pièces à un espace
• Fausse carte créée par un fraudeur, bancaire en ligne
par un fraudeur à émis sur une pour initier des
partir de données banque existante ou virements frauduleux
qu’il a recueillies une fausse banque
Falsification • Carte authentique • Chèque régulier • Virement régulier • Remplacement
dont les données intercepté par le intercepté et des références
magnétiques, fraudeur qui l’altère modifié par du compte du
d’embossage a) ou par grattage, le fraudeur créancier légitime
de programmation gommage ou par celles du
ont été modifiées effacement compte du
par le fraudeur fraudeur sur un
ordre ou fichier
de prélèvement
Détournement • Paiement ou retrait • Chèque régulier • Virement initié, par • Usurpation par
sous la contrainte signé par le titulaire le titulaire légitime le fraudeur de
légitime sous la du compte, sous la l’identité et
contrainte ou la contrainte ou par la l’IBAN d’un tiers
manipulation tromperie vers un pour la signature
compte qui n’est pas d’un mandat de
celui du bénéficiaire prélèvement sur un
légitime ou qui ne compte qui n’est
correspond à aucune pas le sien
réalité économique
Utilisation/ • Contestation abusive • Chèque émis par le • Contestation • Contestation
contestation abusive par le porteur titulaire légitime, de abusive par le abusive par le
d’une transaction manière abusive, à titulaire du compte débiteur d’un ordre
de paiement partir d’une formule d’un ordre de de prélèvement
par carte valide authentique qu’il virement valide émis légitimement
qu’il a initiée a préalablement qu’il a initié par le créancier
déclarée perdue (litige commercial)
ou volée
a)  Modification de l’impression en relief du numéro de carte.

42 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La sécurité des moyens de paiement Chapitre 3


de paiement sans altération ou modifi‑ de vente grâce à un terminal de paiement


cation d’attribut (à titre d’exemple, un ou sur un auto­mate, paiement à distance
fraudeur encaisse un chèque non altéré sur inter­net, par courrier, par télé­phone
sur un compte qui n’est pas détenu par ou par tout autre canal ;
le bénéficiaire légitime du chèque) ;
• du préjudice et de sa répartition
• utilisation /contestation abusive : entre la banque du bénéficiaire, la
fraude par répudiation abusive par le banque du payeur, le commerçant, le
titulaire légitime du moyen de paiement titulaire du moyen de paiement, les
d’un ordre de paiement qu’il a réguliè‑ éventuelles assurances, les autres
rement émis. acteurs  impliqués ;

Utilisée dans le cadre des collectes statis‑ • du secteur d’activité du commerçant


tiques mises en œuvre par la Banque ayant fait l’objet de la fraude pour les
de France au niveau national, cette typologie paiements à distance : alimentation,
sert de socle commun à l’analyse de la fraude jeux en ligne, services aux particuliers,
par les prestataires de services de paiement. produits techniques et culturels, télé­
Selon les objectifs poursuivis, cette typologie phonie et communication, etc. ;
peut être complétée par une analyse :
• des zones géographiques d’émission
• du moyen de paiement ciblé : carte ou d’utilisation des moyens de paiement
de paiement, virement, prélèvement, ou des données qui lui sont attachées,
chèque, autres instruments ; selon que les banques du payeur et du
bénéficiaire sont toutes deux établies
• des canaux de paiement utilisés : dans le même pays ou la même zone
paiement de proximité réalisé au point monétaire ou pas.

Encadré n° 2 : La fraude aux moyens de paiement en France

Les données recueillies par la Banque de France et l’OSMP pour l’année 2017 font état d’un montant
global de fraude aux moyens de paiement scripturaux émis en France d’environ 744 millions d’euros
pour un peu plus de 27 500 milliards d’euros de flux de paiement. La répartition par moyen de paiement
présente le profil suivant :

• Compte tenu de son usage important (près de la moitié des trans­actions scripturales), la carte de
paiement concentre à elle seule près de la moitié de la fraude aux moyens de paiement scripturaux
(soit 360 millions d’euros en 2017) avec un taux de fraude de 0,054 %, représentant l’équivalent
d’1 euro de fraude pour 1 850 euros de trans­actions. Cette fraude présente deux caractéristiques
principales : d’une part, elle est concentrée sur les paiements à distance, essentiellement sur inter­
net, qui supportent les deux tiers du montant de la fraude alors qu’ils ne représentent que 12 %
des trans­actions ; d’autre part, elle affecte plus fortement les trans­actions trans­frontalières que les
trans­actions nationales, les premières supportant près de 60 % du montant de la fraude alors que
leur poids n’est que de 13 % des trans­actions réalisées.

• Le chèque est le deuxième moyen de paiement le plus touché par la fraude puisqu’il représente
un tiers du montant global de la fraude (soit un taux de fraude de 0,029 %, représentant 1 euro de
fraude pour 3 500 euros de paiements).

…/…

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 43


Chapitre 3 La sécurité des moyens de paiement


• Le virement supporte un montant de fraude plus faible, de l’ordre de 78 millions d’euros, et est
proportionnellement beaucoup moins touché que la carte ou le chèque avec un taux de fraude près
de cent fois inférieur à ces derniers.

• Enfin, la fraude sur les prélèvements et les effets de commerce est limitée puisqu’elle représente
des montants plus faibles, de l’ordre respectivement de 9 millions d’euros et 0,15 million d’euros
en 2017.

G1 : Répartition de la fraude sur les moyens de paiement scripturaux en 2017


(en %)

a)  en volume b)  en montant


0,5 1
0,0 0,0
2 4 6
10

43

40
93

Paiement carte Chèque Virement


Prélèvements Effets de commerce Retrait carte
Source : Observatoire de la Sécurité des Moyens de Paiement.

G2 : Évolution du taux de fraude par moyen de paiement, 2016–2017


(en %)
0,07
0,0635
0,06
0,054
0,05

0,04

0,03
0,0286
0,0252
0,02

0,01
0,0027
0,0036 0,0003 0,0004 0,0001 0,0006
0,00
Virement Effet Prélèvement Chèque Carte
de commerce
2016 2017
Source : Observatoire de la sécurité des moyens de paiement.

44 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La sécurité des moyens de paiement Chapitre 3


1.3. Techniques de fraude Inter­net : un fraudeur peut inciter les utili‑


sateurs à communiquer leurs données
Un point central de toute analyse de la fraude personnelles telles que les données
est l’identification du mode opératoire utilisé d’une carte de paiement (numéro de
par les fraudeurs. Avec le développement carte, date de validité, cryptogramme
des moyens de paiement électroniques, visuel situé au dos de la carte) ou d’au‑
les fraudeurs ciblent de manière croissante thentification (par exemple, le numéro de
les données liées aux moyens de paiement télé­phone mobile sur lequel sont envoyés
ou à un service de paiement particulier. les codes nécessaires à la confirmation
Une difficulté réside dans le fait que ces d’une opération de paiement). On parle
données sont véhiculées tout au long de alors d’hameçonnage ou de « phishing ».
la chaîne de paiement. Cela nécessite par Cette technique de fraude repose géné‑
conséquent de déployer des dispositifs ralement sur l’envoi de courriels usurpant
efficaces de protection sur l’ensemble de des logos et chartes visuelles connus
la chaîne et notamment sur tous les points de leurs destinataires (par exemple un
sensibles identifiés. établissement de crédit) et invitant les
victimes à se connecter à un site qui
Les systèmes d’information : il s’agit s'avère frauduleux, dont l’objet est de
notamment des équipements informa‑ collecter des informations sensibles. Des
tiques (ordinateurs, smartphones, etc.) variantes existent également sur télé­
des consommateurs ou des commerçants, phone mobile (« vishing »), par lesquelles
des bases de données des prestataires de le fraudeur utilise à des fins frauduleuses
services de paiement et des concentrateurs des messages de type SMS, MMS ou noti‑
monétiques pour les trans­actions liées à fication du système d’exploitation mobile.
des cartes de paiement, qui peuvent être
victimes d’attaques visant à capturer les Le dévoiement ou « pharming » consiste,
données insuffisamment sécurisées. À ce quant à lui, à manipuler les serveurs afin
titre, les bases de données constituées aux de rediriger l’inter­naute, sans qu’il s’en
différents stades de la trans­action, et concen‑ aperçoive, vers un site frauduleux, en
trant les données relatives à un grand nombre apparence semblable au site légitime, afin
d’opérations, sont devenues très attractives de collecter frauduleusement des fonds ou
pour les fraudeurs du fait de l’importance du des données sensibles par ce biais.
volume des données susceptibles de faire
l’objet d’une utilisation à des fins de fraude. Les courriels, fax et conversations télé­
phoniques : dans le cadre de trans­actions
Ce type d’attaque nécessite, pour être initiées par courrier, fax ou télé­p hone
réalisée, l’installation préalable de logiciels comportant une part de traitement manuel,
malveillants ou « malwares » à l’insu de des opérateurs mal intentionnés peuvent
l’utilisateur, ces logiciels étant généralement enregistrer les données bancaires lors d’un
inoculés au travers de sources apparem‑ paiement ou d’une réservation en vue de
ment de confiance. Cette technique de les réutiliser ultérieurement.
fraude vise tant les serveurs des grandes
entreprises que les ordinateurs personnels Les systèmes d’acceptation ou les
des particuliers, et de manière croissante réseaux : pour les paiements par carte,
les télé­phones mobiles qui sont de plus en le matériel d’acceptation (auto­mates de
plus utilisés dans le cadre de trans­actions paiement ou de retrait et terminaux de
de paiement. L’un des « malwares » les paiement) ainsi que les réseaux véhiculant
plus répandus, connu sous le nom de les données entre celui‑ci et les serveurs
« keylogger », permet ainsi d’enregistrer les d’acquisition peuvent être la cible d’attaques
touches frappées au clavier par la victime. visant à s’approprier des données.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 45


Chapitre 3 La sécurité des moyens de paiement


La technique utilisée la plus fréquem‑ 2. La lutte contre la fraude


ment consiste à capturer, à l’insu des aux moyens de paiement
porteurs 3, les données écrites sur les pistes
magnétiques des cartes (« skimming »). 2.1. L’exercice des missions
L’ensemble de la façade de l’auto­mate ou de surveillance par
sa fente d’insertion peuvent être factices et la Banque de France
dissimuler le matériel illégitime. Le dispositif
est en outre associé à une caméra vidéo La multi­plicité des services de paiement
ou à un faux clavier permettant la capture et des techniques de fraude requiert une
du code confidentiel. Il peut également coordination entre institutions et acteurs
contenir des systèmes de stockage ou de du secteur privé afin de garanti­r le bon
trans­mission des données compromises. fonctionnement des services de paiement.

Une autre technique consiste à retenir une En France, la mission de surveillance


carte de paiement dans un auto­mate afin des moyens de paiement scripturaux est
de la réutiliser ultérieurement. À cette fin, confiée à la Banque de France depuis la
le fraudeur insère un dispositif dans l’auto­ loi sur la sécurité quotidienne de 2001.
mate, observe la frappe du code confidentiel Elle est codifiée dans les articles L. 141‑4
au clavier, puis il prend possession de la et suivants du Code monétaire et financier.
carte après le départ du porteur. Cette La responsabilité de la Banque de France
technique s’apparente à un vol physique s’étend à l’ensemble des moyens de
de cartes de paiement. paiement scripturaux ainsi qu’aux titres
spéciaux de paiement dématérialisés.
Un fraudeur peut également exploiter des Le champ de sa surveillance est ainsi défini
failles de sécurité sur les éléments logiques de manière extensive, l’article L. 311‑3 du
des auto­mates ou terminaux. L’objectif est Code monétaire et financier disposant
alors d’injecter un code malveillant dans que « sont considérés comme moyens de
les systèmes de ces matériels afin d’en paiement tous les instruments de paiement
modifier le comportement, voire de prendre qui permettent à toute personne de trans­
le contrôle de leurs différents composants férer des fonds, quel que soit le support et
(clavier, écran et imprimante). le procédé technique utilisé ».

Enfin, les réseaux eux‑mêmes peuvent Pour l’exercice de cette surveillance, la


être la cible d’attaques lors de l’échange Banque de France s’appuie en particu‑
des données entre les matériels d’accep‑ lier sur l’Observatoire de la sécurité des
tation, les concentrateurs monétiques le moyens de paiement (OSMP) dont le
cas échéant et les serveurs acquéreurs. mandat est triple :

Les instruments de paiement physiques : • suivi de la mise en œuvre des mesures


Le vol physique du moyen de paiement adoptées par les émetteurs, les commer‑
pour l’utiliser en lieu et place de son çants et les entreprises pour renforcer
porteur légitime constitue le principal la sécurité des moyens de paiement ;
type d’attaque. Dans le cas des cartes,
afin d’optimiser la fraude, le fraudeur tente • établissement des statistiques en
en général de récupérer le code confiden‑ matière de fraude ; 3 Pour de plus amples
tiel de la carte, ce qui lui permet, à la fois, développements sur ce
thème, se reporter à la
l’utilisation de la carte dans les distributeurs • veille technologique, avec pour objet de partie 5 du rapport 2010
auto­matiques de billets, dans les terminaux proposer des moyens de lutter contre de l’Observatoire de la
Sécurité des Cartes de
de paiement et sur Inter­net, pour tous types les atteintes à la sécurité des moyens paiement, https://www.
de trans­actions. de paiement scripturaux. banque-france.fr/sites

46 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La sécurité des moyens de paiement Chapitre 3


Encadré n° 3 : L’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement, une spécificité française

L’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement (OSMP) est une instance nationale destinée à
favoriser l’échange d’informations et la concertation entre tous les acteurs concernés (consomma‑
teurs, commerçants et entreprises, auto­rités publiques et administrations, banques et gestionnaires
de moyens de paiement) par le bon fonctionnement des moyens de paiement scripturaux et la lutte
contre la fraude.

Instituée par la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016, dite « Loi Sapin 2 », l’OSMP a succédé à l’Ob‑
servatoire sur la sécurité des cartes de paiement (OSCP) et a ainsi repris les missions qui lui étaient
précédemment dévolues avec un périmètre étendu à l’ensemble des moyens de paiement scripturaux
(virement, prélèvement, carte de paiement, monnaie électronique, chèque et effet de commerce).
Le rôle moteur joué par l’Observatoire depuis sa création en 2002 dans le renforcement de la sécurité
des paiements par carte mais aussi le caractère particulièrement protéiforme de l’innovation dans le
domaine des paiements, qui ne touche pas la seule carte, ont en effet convaincu les Pouvoirs publics
français d’élargir son champ de compétences à l’ensemble des moyens de paiement scripturaux.

Présidé par le gouverneur de la Banque de France, l’Observatoire regroupe des représentants de


l’État et du Parlement, du surveillant et du superviseur bancaire ainsi que de la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (CNIL), des émetteurs de moyens de paiement, des opérateurs des
systèmes de paiement, des associations de consommateurs, des associations d’entreprises et des
associations de commerçants.

L'Observatoire dont le secrétariat est assuré par la Banque de France procède en particulier au suivi
des mesures de sécurisation mises en œuvre par les émetteurs, les commerçants et les entreprises,
à l'établissement de statistiques de la fraude et à une veille technologique en matière de moyens de
paiement, avec pour objet de proposer des moyens de lutter contre les atteintes d'ordre technologique
à la sécurité des moyens de paiement. Il établit chaque année un rapport d'activité remis au ministre
chargé de l'économie, des finances et de l’industrie et trans­mis au Parlement 1.

1  Ces rapports sont publiés sur le site de l’Observatoire : www.observatoire-paiements.fr

L’objectif principal de la Banque de France peut recommander à son émetteur de


dans la conduite de sa mission de surveil‑ prendre toutes mesures destinées à y
lance est de maintenir la confiance du public remédier. Si ces recommandations n'ont
dans l’utilisation des moyens de paiement pas été suivies d'effet, elle peut, après avoir
en contribuant à la diffusion de bonnes recueilli les observations de l'émetteur,
pratiques en matière de sécurité, adressées décider de formuler un avis négatif publié
à l’ensemble des acteurs concernés et de au Journal officiel.
façon homogène sur le territoire. Pour ce
faire, elle procède à des analyses de risque La Banque de France peut, dans le cadre de
pour chaque moyen de paiement et établit son rôle de surveillant, contrôler tout pres‑
des référentiels de sécurité. Au travers de tataire de services de paiement (émetteurs,
contrôles menés sur pièces ou sur place, acquéreurs et gestionnaires de moyens
elle s’assure de la conformité des acteurs de paiement scripturaux) sur le territoire
et de leurs prestataires techniques au national : établissements bancaires, établis‑
regard de ces référentiels. Si elle estime sements de paiement et établissements de
qu'un moyen de paiement présente des monnaie électronique. Ces établissements
garanti­es de sécurité insuffisantes, elle sont agréés et supervisés par l’Auto­rité de

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 47


Chapitre 3 La sécurité des moyens de paiement


Encadré n° 4 : Exemples d’exigences de sécurité inscrites dans les référentiels de sécurité

La sécurité des systèmes d’information

Les dispositifs de lutte contre la fraude doivent intégrer en priorité la protection des données à caractère
personnel. Les systèmes d’information doivent ainsi répondre à des standards de sécurité permettant
de limiter les risques identifiés de captation des données liées aux moyens de paiement. Les systèmes
d’information doivent, d’une manière générale, être protégés contre les menaces inter­nes ou externes
et faire l’objet, à ce titre, d’analyses de sécurité visant à mettre en place des mesures de protection
adaptées au contexte dans lequel ils évoluent. Leurs gestionnaires doivent ainsi définir une politique
de sécurité et réévaluer régulièrement les risques auxquels ils sont exposés. Différentes méthodes
leur sont proposées. On citera par exemple Ebios (élaborée et maintenue à jour en France par l’Agence
nationale de la sécurité des systèmes d’information) ou la série de normes ISO 27000.

En matière d’attaque contre les bases de données, la directive européenne sur la sécurité des réseaux
et de l'information dans l'Union 1, adoptée le 6 juillet 2016, impose en particulier aux banques ainsi
qu’aux e‑commerçants de mettre en place des systèmes de protection de leurs données adaptés aux
risques évalués et de déclarer aux auto­rités les violations de leurs bases de données contenant des
informations sur la clientèle et notamment des informations sur les moyens de paiement.

La sécurité des données au moment de leur enregistrement dans les systèmes doit également faire
partie intégrante de ces politiques de sécurité. Celles‑ci doivent en effet prévoir une traçabilité de
l’ensemble des accès au système d’information ayant pour objet la saisie ou la modification de
données nécessaires à la réalisation de la trans­action, afin de constituer une piste d’audit fiable.
Les compromissions généralement constatées dans ce contexte relèvent de malversations initiées
par du personnel indélicat. Des dispositifs d’acceptation limitant l’inter­action entre les commerçants
et les moyens de paiement doivent donc être privilégiés. Il est en outre important de limiter l’accès
aux données au seul personnel réellement habilité et de ne pas conserver de données sensibles dès
lors que celles‑ci ne sont plus utiles.

La sensibilisation des utilisateurs

La sensibilisation des utilisateurs aux questions de sécurité est indispensable, notamment pour
lutter contre les attaques frauduleuses. Une communication efficace, utilisant l’ensemble des canaux
disponibles (courriers, courriels, sites Inter­net, etc.), est donc souhaitable de la part de l’ensemble des
acteurs de la chaîne de paiement doit donc être instaurée afin d’attirer la vigilance des utilisateurs sur
les facteurs de risque et les bonnes pratiques à respecter. Les utilisateurs doivent en outre être incités
à n’utiliser que des sites de confiance, dont le niveau de sécurité apparaît conforme aux termes de
référence cités dans ces communications.

L’identification des trans­actions à risque

La mise en place de dispositifs reposant sur l’analyse et l’exploitation des données personnelles du
payeur constitue un axe de développement clef dans la détection des trans­actions frauduleuses.
Ces dernières années, ces dispositifs ont eu tendance à élargir le nombre et la nature des données
collectées lors d’une trans­action sur Inter­net afin de vérifier la cohérence entre ces données et d’aug‑
menter le degré de certitude quant à l’identité de la personne initiant la trans­action de paiement.
Ainsi, aux côtés des données traditionnellement collectées relatives à l’identité et aux coordonnées

1  Network and Information Security (NIS) Directive, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32016L1148. …/…

48 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La sécurité des moyens de paiement Chapitre 3


de la personne initiant la trans­action (nom, prénom, adresse postale, adresse de livraison, email,
numéro de télé­phone, etc.), les outils de lutte contre la fraude ont progressivement intégré :

• les habitudes de consommation du payeur (nombre et détail des commandes, périodicité et montants
des achats, ancienneté de la relation commerciale) ;

• sa localisation (par exemple par l’adresse IP de l’ordinateur utilisé) ;

• les outils utilisés pour accéder à Inter­net ;

• des données liées à son comportement (analyse du temps de remplissage de formulaires, type de
saisie clavier, etc.).

Si cet élargissement du nombre de critères retenus dans la détermination du score d’une trans­action
a permis d’atteindre une meilleure fiabilité du niveau de risque évalué, il présente des risques en
termes d’atteinte à la vie privée dans la mesure où les acteurs de la chaîne de paiement sont très
largement passés d’une logique déclarative, où le client communiquait ses données, à une logique
de collecte auto­matique, sans que le client en soit systématiquement informé. C’est la raison pour
laquelle ces traitements doivent être préalablement auto­risés en France par la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (CNIL), auto­rité nationale compétente en matière de protection des
données personnelles, notamment au titre du Règlement général de protection des données (RGPD)
de l’Union européenne entré en application en mai 2018.

contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). SEPA de la clientèle, sur l’amélioration de la


La surveillance de la Banque de France peut qualité des statistiques de fraude déclarées
également s’étendre à un établissement auprès de la Banque de France ainsi que
exempté d’agrément par l’ACPR mais qui celles des dispositifs de contrôle inter­ne.
gère des moyens de paiement scripturaux
dans un réseau limité d’acceptation ou pour La Banque de France exerce également sa
un éventail limité de biens et de services. mission en matière de surveillance de la
sécurité des moyens de paiement scriptu‑
Au cours des dernières années, la Banque raux par l’émission d’un avis consultatif
de France a diligenté plusieurs missions de à l’intention de l’ACPR sur les moyens
contrôle sur place portant successivement techniques, informatiques et organisa‑
sur i)  l’état de la préparation des principaux tionnels relatifs à la sécurité des moyens
groupes bancaires français à la migration vers de paiement pour les activités envisagées
les moyens de paiement SEPA, ii)  l’évalua‑ par les sociétés sollicitant un agrément
tion de la sécurité et le bon fonctionnement d’établissement de paiement ou d’établis‑
de la gestion des activités liées au chèque sement de monnaie électronique. Cet avis
et iii)  la conformité des processus d’admi‑ est versé au dossier soumis au Collège
nistration et de gestion des paiements sur Banques de l’ACPR appelé à se prononcer
inter­net au regard des orientations de l’Auto­ sur la délivrance de l’agrément.
rité bancaire européenne (ABE). Suite à ces
différentes missions, la Banque de France La Banque de France rend compte de
a établi une série de recommandations son action en matière de surveillance des
à chacun des différents acteurs, dont les moyens de paiement scripturaux au travers
principales portaient sur le renforcement de rapports de surveillance publiés tous 4 
h ttps://www.banque-
des dispositifs de suivi de la migration à les 3 à 4 ans 4. france.fr/liste-chronologique

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 49


Chapitre 3 La sécurité des moyens de paiement


2.2. Les acteurs de la lutte central pour la répression de la grande


contre la fraude délinquance financière (ORCGDF) et
l’Office central de lutte contre la crimina‑
En complément de l’action des banques lité liée aux technologies de l’information
centrales dans leur fonction de surveillance et de la communication (OCLCTIC), sous
des moyens de paiement, les forces de l'auto­rité duquel est placée la brigade
l’ordre jouent un rôle primo­rdial dans le centrale pour la répression des contrefa‑
démantèlement des réseaux de fraude çons des cartes de paiement (BCRCCP) ;
aux moyens de paiement. Ainsi, en France,
les forces de l’ordre se sont structurées • au sein de la gendarmerie nationale,
à différents niveaux, conduisant la police le service technique de recherches
et la gendarmerie nationales à mettre en judiciaires et de documentation est
place un certain nombre d’organismes constitué notamment de la division
spécialisés, notamment : financière et de la division de lutte
contre la cyber­criminalité en charge de
• au sein de la direction centrale de la centraliser et d’exploiter les informations
police judiciaire, la sous‑direction de la judiciaires relatives aux crimes et délits.
lutte contre la criminalité organisée et la Ces deux divisions sont fortement impli‑
délinquance financière (SDLCODF) est quées dans la lutte contre la fraude en
chargée du recueil du renseignement, ce qui concerne les cartes de paiement ;
de l’analyse stratégique et des relations
avec les administrations concernant, • ces services spécialisés sont complétés
entre autre, la délinquance spécialisée. par des services d’expertises techniques :
À ce titre, elle est constituée d’offices le service central de l’informatique et
centraux parmi lesquels certains ont un des traces technologiques au sein de
rôle actif dans la lutte contre la fraude aux la police nationale et la division crimina‑
moyens de paiement, comme l’Office listique ingénierie et numérique au sein

Encadré n° 5 : Le GIE Cartes Bancaires et la lutte contre la fraude à la carte de paiement en France

Dans le domaine des paiements par carte, le secteur bancaire français s’est organisé dès 1984 en France
auto­ur d’un groupement d’intérêt économique, le GIE Cartes Bancaires 1, auto­rité de gouvernance
du système de paiement par carte « CB » et pôle opérationnel et d’expertise technique du système.
La naissance de ce GIE a donc, de fait, accompagné le développement de l’inter­bancarité en France
auto­ur de la carte de paiement, tout en conférant au GIE une position centrale dans la lutte opéra‑
tionnelle contre la fraude.

Les actions du GIE en la matière s’articulent notamment auto­ur des activités suivantes :

• la mise en place des outils permettant l’identification de trans­actions potentiellement frauduleuses


et la détection de points de compromission, par l’analyse en temps réel des données d’activité sur
le système CB ;

• une collaboration étroite et régulière avec les forces de l’ordre afin d’apporter des éléments de
preuve notamment dans les enquêtes ;

1 Le GIE CB regroupe environ 130 établissements prestataires de services de paiement. Il assure les missions attachées à la gouvernance, à la sécurité
et à la promotion du système CB, et pilote le développement de produits et services et l’innovation en matière monétique dans le respect des règles
législatives et réglementaires. Outre le système CB, l’objet du Groupement s’étend également aux travaux d’étude et de normalisation de sécurité
spécifiques aux cartes TRD (support matériel des Titres Restaurant Dématérialisés).
…/…

50 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La sécurité des moyens de paiement Chapitre 3


Organisation du GIE CB et de ses filiales

• l’analyse et l’évaluation de l’ensemble


des composants du réseau CB (cartes,
terminaux, réseaux, etc.), au travers
d’une filiale dédiée, le laboratoire
Elitt ;

• la certification des matériels auto­


risés sur le réseau CB (par exemple,
terminaux de paiement, solutions
de paiement mobile, etc.), au travers
d’une filiale dédiée, PayCert.

À noter que les réseaux inter­nationaux


Visa, MasterCard ou encore American
Express, ont développé des outils simi‑
laires qui bénéficient à leurs membres.

de l’institut de recherche criminelle de la succédé en 2014 au Comité des systèmes


gendarmerie nationale, qui réalisent des de paiements et règlements (CPSS), couvre
investigations techniques de haut niveau. dans son champ d’action les systèmes de
paiement de détail et par extension les
Cette organisation est relayée sur le moyens de paiement. Il s’est ainsi intéressé
terrain, tant au niveau de la police que de à l’innovation dans les moyens de paiement
la gendarmerie, par des enquêteurs en tech‑ et notamment au positionnement des
nologies numériques et des investigateurs banques centrales dans ce cadre, et a publié
en cybercriminalité. un rapport en mai 2012 à ce sujet 5.

Par ailleurs, les établissements bancaires Le rapport souligne l’importance qu’at‑


et plus globalement les prestataires de tachent les banques centrales à promouvoir
service de paiement, les forces de l’ordre, l’utilisation de moyens de paiement efficients
les organismes de certification et labora‑ et sécurisés tout en favorisant l’innovation.
toires d’expertise technique ou encore les Il dresse également un inventaire des freins
auto­rités bancaires ont éprouvé le besoin de et problématiques générales liées à l’inno‑
mettre en place des structures de coopé‑ vation dans les paiements, comme le rôle
ration permanentes. Enfin, en fonction des de la standardisation, l’influence des usages
thématiques, des organisations externes au dans les instruments de paiement pouvant
secteur bancaire, comme Europol, peuvent varier d’un pays à l’autre ainsi que le rôle
être invitées afin d’enrichir les échanges. du régulateur. En matière de sécurité, le
rapport souligne l’importance du maintien
2.3. L’apport du suivi des innovations de la confiance des utilisateurs dans les
dans les moyens de paiement services de paiement. La technologie doit
au niveau inter­national être au service de l’efficience de l’instru‑
ment de paiement. Elle doit aussi améliorer
Le Comité des paiements et des infra­ la fluidité de l’acte de paiement sans pour
structures de marché (CPMI) de la Banque autant introduire des vulnérabilités dans la 5 
http://www.bis.org/publ/
des règlements inter­n ationaux, qui a chaîne de paiement pouvant être exploitées cpss102.htm

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 51


Chapitre 3 La sécurité des moyens de paiement


par des fraudeurs, en particulier au niveau du de services de paiement en Europe, par


consentement de l’opération de paiement. l’apport d’un cadre harmonisé en matière de
régulation des services de paiement couplé
Dans cet esprit, le rapport souligne par à un renforcement à la fois de la protection
exemple les avancées permises par la du consommateur et de la concurrence sur
technologie EMV qui rendent possible l’au‑ ce marché.
thentification de la carte et du terminal de
paiement. Concernant les trans­actions à Les règles applicables aux services de
distance, des points d’attention sont iden‑ paiement : en définissant des règles pour
tifiés relatifs : un ensemble de « services de paiement »,
notion qui peut être assimilée à celle
• aux conditions de sécurité dans d’opérations de « mise à disposition ou
lesquelles sont conservées les données de gestion de moyens de paiement »
de la carte par le marchand et/ou son (cf. encadré 6), la directive sur les services
prestataire de services de paiement ; de paiement présente la particularité de
ne pas s’appuyer sur la notion du support
• à la mise en place de mécanismes utilisé pour l’initiation ou l’acceptation du
d’authentification forte afin de lutter paiement ou de technologie sous‑jacente ;
efficacement contre la fraude. Le CPSS par ailleurs, elle ne différencie pas les règles
a constaté à cet égard l’efficacité des en fonction du statut juridique de l’éta‑
mécanismes basés sur au moins blissement fournisseur des services de
deux facteurs d’authentification. paiement. Cette approche permet d’assurer
une constance des règles applicables aux
Ces réflexions ont ainsi contribué à éclairer paiements par rapport aux technologies
les choix règlementaires adoptés au niveau utilisées et à leur évolution dans le temps
européen, ainsi que les travaux conduits ou à la nature de leur fournisseur, tout
en France par l’Observatoire de la Sécurité en tenant compte des spécificités des
des Moyens de Paiement Scripturaux. services concernés.

Pour l’application de certaines dispositions,


3. Le cadre européen de sécurité comme en matière de révocation des ordres,
des moyens de paiement de contestation des paiements et d’exécu‑
tion des opérations, la directive distingue
3.1. Le cadre juridique européen ainsi les services de paiement en fonction
applicable aux moyens de paiement de leur mode d’initiation. Elle désigne
notamment les paiements par carte sous
La convergence des règlementations appli‑ le vocable « d’opérations initiées via le béné‑
cables aux moyens et services de paiement ficiaire ». Les autres types d’opération sont
est une composante essentielle à l’intégra‑ également désignés de manière générique
tion du marché des paiements en Europe, par les expressions suivantes : « opéra‑
et vient compléter les initiatives politiques tions initiées par le payeur » dans le cas
majeures telles que l’introduction de l’euro des virements, « opérations initiées par le
fiduciaire ou la mise en place des moyens bénéficiaire » dans le cas des prélèvements.
de paiement SEPA.
Pour préciser certaines dispositions, la
La première directive sur les services directive s’appuie également sur la notion 6 Directive 2007/64/CE
de paiement (DSP1) d’instrument de paiement ou plus précisé‑ du Parlement euro‑
ment sur la notion d’instrument de paiement péen et du Conseil
du 13 novembre 2007
La directive sur les services de paiement équipé d’un « dispositif de sécurité concernant les services
(DSP) adoptée le 13 novembre 2007 6 et personnalisé », c’est‑à‑dire permettant de paiement dans le
marché intérieur, http://
entrée en application en novembre 2009, a d’authentifier le payeur. Ces articles visent e u r- l e x . e u r o p a . e u /
posé des règles communes pour la fourniture essentiellement les trans­actions effectuées legal-content

52 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La sécurité des moyens de paiement Chapitre 3


par carte, par télé­phone portable si l’applica‑ montants faibles » un allégement réglemen‑
tion de paiement est assortie d’un dispositif taire, notamment en matière d’obligation
de sécurité personnalisé, ainsi que celles d’information et de contestation. Ce dispo‑
effectuées depuis des sites de banque en sitif ne s’applique qu’à des instruments dont
ligne. Enfin, la directive prévoit pour les le montant maximal de trans­action ne peut,
instruments de paiement « relatifs à des par contra­t, dépasser 30 euros.

Encadré n° 6 : Les services de paiement dans la DSP1

La notion de service de paiement ne fait pas l’objet d’une définition en tant que telle dans la DSP1.
Celle‑ci fixe toutefois une liste limitative des catégories d’activités qui sont considérées comme des
services de paiement. Ces catégories, au nombre de 7, sont les suivantes :

1. Les services permettant de verser des espèces sur un compte de paiement et toutes les opérations
qu'exige la gestion d'un compte de paiement.

2. Les services permettant de retirer des espèces d'un compte de paiement et toutes les opérations
qu'exige la gestion d'un compte de paiement.

3. L'exécution d'opérations de paiement, y compris les trans­ferts de fonds sur un compte de paiement
auprès du prestataire de services de paiement de l'utilisateur ou auprès d'un autre prestataire de
services de paiement :
• l'exécution de prélèvements, y compris de prélèvements auto­risés unitairement ;
• l'exécution d'opérations de paiement par le biais d'une carte de paiement ou d'un dispositif similaire ;
• l'exécution de virements, y compris d'ordres permanents.

4. L'exécution d'opérations de paiement couvertes par une ligne de crédit au bénéfice de l'utilisateur
du service de paiement, cela concerne :
• les prélèvements, y compris de prélèvements auto­risés unitairement ;
• les opérations de paiement par le biais d'une carte de paiement ou d'un dispositif similaire ;
• les virements unitaires ou dans le cadre d’un ordre permanent.

5.  L'émission et/ou l'acquisition d'instruments de paiement.

6.  Les trans­missions de fonds.

7. L'exécution d'opérations de paiement lorsque le consentement du payeur à une opération de


paiement est donné au moyen de tout dispositif de télé­communication, numérique ou informa‑
tique et que le paiement est adressé à l'opérateur du système ou du réseau de télé­communication
ou informatique, agissant uniquement en qualité d’inter­médiaire entre l’utilisateur de services de
paiement et le fournisseur de biens ou services.

Sont ainsi exclus du champ d’application de la directive un certain nombre d’instruments de paiement
sous forme papier, dont les plus importants sont le chèque, le mandat postal et les lettres de change,
ceux‑ci étant déjà spécifiquement régis par des conventions inter­nationales.

La liste des services de paiement a toutefois connu une modification à l'occasion de la révision de
la directive, dont la deuxième version (DSP2) intègre notamment les services fournis par les tiers de
paiement (cf. infra­).

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 53


Chapitre 3 La sécurité des moyens de paiement


La contestation des opérations non paiements par carte, par exemple lors de
auto­risées : la directive prévoit deux dispo‑ réservations d’hôtel ou de voitures. Ainsi,
sitifs, selon que le paiement contesté a été lorsque le payeur a donné son consente‑
auto­risé par le payeur ou non. ment à une opération de paiement, il peut,
dans un délai de 8 semaines à compter de
Le premier dispositif concerne les opéra‑ la date à laquelle les fonds ont été débités,
tions non auto­risées, c’est‑à‑dire en pratique demander un remboursement de cette
les cas de perte, vol ou détournement opération dans le cas où le montant de
(y compris par utilisation frauduleuse à l’opération finalement exécutée dépasse
distance ou contrefaçon) de l’instrument le montant auquel le payeur pouvait
de paiement. Le payeur dispose d’un délai raisonnablement s’attendre compte tenu
de 13 mois suivant la date de débit de son de ses dépenses passées, des condi‑
compte pour contester l’opération de tions prévues au contra­t cadre ou autres
paiement non auto­risée. Son prestataire circonstances pertinentes. Dans un délai
de services de paiement doit alors rétablir de 10 jours ouvrables suivant la réception
sans délai le compte dans l’état dans lequel de la demande de remboursement, le pres‑
il se serait trouvé si l’opération non auto­ tataire de services de paiement doit alors
risée n’avait pas eu lieu. Le payeur doit, dès rembourser le montant total de l’opéra‑
qu’il a connaissance du vol, de la perte, du tion de paiement, ou justifier son refus de
détournement ou de toute utilisation non rembourser en indiquant les organismes
auto­risée de son instrument de paiement, que le payeur peut saisir s’il n’accepte pas
en informer son prestataire de services la justification donnée.
de paiement.
L’harmonisation des obligations d’infor‑
La directive prévoit toutefois que ce mation dans le cadre de la fourniture de
dispositif ne s’applique pas pour les instru‑ services de paiement : la directive définit
ments équipés d’un dispositif de sécurité les obligations d’information du client à la
personnalisé, ce qui est notamment le charge des prestataires à la fois pour les
cas des cartes de paiement : le payeur opérations de paiement isolées et pour les
pourra dans ce cas supporter, à concur‑ opérations relevant d’un « contrat‑cadre ».
rence de 150 euros, les pertes liées à Il s’agit principalement d’informations sur
toute opération de paiement non auto­risée le prestataire de services de paiement
consécutive à l’utilisation d’un instrument (nom et coordonnées), sur l’utilisation du
de paiement perdu, volé ou, « si le payeur service de paiement (forme et procédure du
n’est pas parvenu à préserver la sécurité consentement, délai d’exécution, possibilité
de ses dispositifs de sécurité personna‑ de convenir de limites de dépenses pour
lisés, consécutive au détournement d’un l’utilisation d’un instrument de paiement),
instrument de paiement ». Enfin, dans le sur les frais (y compris taux d’intérêt et
cas avéré d’agissement frauduleux ou de taux de change), sur la communication
négligence grave du titulaire et avant la (fréquence), sur les mesures de protec‑
mise en opposition de la carte, ce dernier tion et les mesures correctives (mesure
ne pourra pas bénéficier de ces dispositions à prendre pour préserver la sécurité d’un
de remboursement. instrument, possibilité de blocage de l’ins‑
trument, responsabilité du prestataire et
Le deuxième cas de contestation ouvert par du payeur, conditions de remboursement,
la directive concerne les opérations ayant etc.), sur la modification et la résiliation d’un
fait l’objet d’une auto­risation générale de la contra­t (durée du contra­t, droit de résiliation)
part du payeur, mais sans que le montant et sur les recours possibles.
précis de l’opération n’ait été indiqué
au moment de l’auto­risation. Ce dispo‑ La directive encadre également les
sitif s’applique aux prélèvements et aux modalités de modification et de résiliation

54 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La sécurité des moyens de paiement Chapitre 3


des contra­ts passés entre les utilisa‑ des paiements Elle est entrée en vigueur
teurs et les prestataires de services en France, comme dans la plupart des
de paiement, ce qui constituait une États membres, le 13 janvier 2018.
nouveauté pour les contra­ts carte français.
En ce qui concerne la modification des La DSP2 crée un statut de prestataire de
conditions contra­c tuelles, les disposi‑ services de paiement (PSP) pour les acteurs
tions se situaient cependant largement tiers qui accèdent aux comptes tenus par
dans la lignée des pratiques françaises des PSP dits « gestionnaires de comptes »
en matière de conventions de compte. (principalement les banques) pour initier des
La directive prévoit ainsi que toute modifi‑ paiements ou pour agréger les informations
cation doit être proposée par le prestataire de comptes :
de services de paiement au plus tard
deux mois avant la date proposée pour • l’initiateur de paiement est un inter­
son entrée en vigueur. Sauf refus explicite médiaire qui a la capacité d’initier
de l’utilisateur avant la date d’entrée des paiements, le plus souvent des
en vigueur, la modification est réputée virements, depuis le compte de banque
acceptée. Dans le cas où l’utilisateur n’ac‑ en ligne du client, et propose ces offres
cepterait pas la modification, il a le droit de paiement aux commerçants en ligne
de résilier son contra­t immédiatement et à leurs clients comme une alternative
et sans frais, avant la date d’entrée en possible au paiement par carte ou par
vigueur de la modification. portefeuille électronique ;

En matière de résiliation, la directive • le prestataire de services d’information


encadre en revanche davantage les propose un service de consolidation des
pratiques et propose un cadre un informations des différents comptes
peu plus favorable aux utilisateurs de de paiement qu’un client peut détenir
services de paiement que celui qui était auprès d'un ou plusieurs prestataires
précédemment en vigueur en France. de services de paiement.
Un contra­t‑cadre peut ainsi être résilié
à tout moment par le client à moins que Ces activités, exercées jusqu’alors en dehors
les parties ne soient convenues d’un délai de tout cadre réglementaire, présentaient un
de préavis, celui‑ci ne pouvant excéder risque élevé en matière de fraude car elles
un mois. Cette résiliation n’emporte pas nécessitaient la communication par les utili‑
de frais si le contra­t‑cadre a été conclu sateurs à un tiers des identifiants et codes
pour une durée déterminée supérieure d’accès des comptes de banque en ligne.
à 12 mois ou s’il a été conclu pour une
durée indéterminée. Dans les autres cas, La directive défend également un objectif
les frais de résiliation doivent être adaptés d’amélioration de la sécurité des paiements,
et en rapport avec les coûts. articulé auto­ur des deux axes suivants :

La deuxième directive sur les services • l’authentification forte du titulaire du


de paiement (DSP2) compte est requise pour l’accès aux
comptes et pour toute action en ligne
La deuxième directive européenne sur qui présente des risques importants
7 Directive (UE) 2015/2366
les services de paiement (dite « DSP2 »), (par exemple, création d’un nouveau du Parlement européen
adoptée le 25 novembre 2015 7, s’inscrit bénéficiaire pour les virements sur un et du Conseil du 25
dans le prolongement de la DSP1, en espace de banque en ligne) ; novembre 2015 concer‑
nant les services de
étendant le champ des services de paiement paiement dans le marché
régulés à de nouveaux services et acteurs, • l’authentification forte du payeur est intérieur, https://eur-lex.
europa.eu/legal- content/
tout en renforçant les exigences sécuri‑ requise pour l’initiation de paiements FR/TXT/ ?uri=CELEX%
taires applicables aux acteurs du marché par voie électronique. 3A32015L2366

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 55


Chapitre 3 La sécurité des moyens de paiement


Cette obligation de recours à l’authenti‑ sont considérées comme peu risquées


fication forte peut toutefois faire l’objet (par exemple, paiement de faible montant
d’exemptions définies règlementaire‑ ou virement entre plusieurs comptes d’une
ment dans le cas où les trans­a ctions même personne).

Encadré n° 7 : L’authentification forte du payeur

La question de la sécurisation des paiements sur inter­net a été soulevée dès 2008, dans l’enceinte de
l’Observatoire de la Sécurité des Cartes de Paiement (OSCP) sous l’impulsion de la Banque de France.
Les recommandations émises par l’Observatoire dans son rapport annuel 2009 définissaient le concept
d’authentification forte du payeur, et invitaient les acteurs du marché français des cartes de paiement
à développer et mettre en œuvre des solutions d’authentification répondant à cette définition.

L’exemple français a inspiré les travaux conduits au niveau européen, tout d’abord dans le cadre du
forum européen SecuRe Pay (cf. infra­), puis de la Commission européenne en préparation de la DSP2.
La nouvelle directive définit ainsi l’authentification forte comme un ensemble de procédures fondées
sur l’utilisation d’au moins deux éléments parmi les trois suivants :

1.  élément connu du seul payeur (facteur de connaissance) :


Il s’agit d’un élément que le payeur est le seul à connaitre, comme un mot de passe, un code d’iden‑
tification personnel (« code PIN »), etc. ;

2.  élément en la possession du seul payeur (facteur de possession) :


Il s’agit d’un élément dont le payeur est le seul détenteur, comme un « token », un télé­phone mobile,
une carte à micro­‑processeur (« carte à puce »), etc. ;

3. Élément lié à la personne elle‑même (facteur d’inhérence) :


Il s’agit d’une caractéristique biométrique du payeur telle que l’empreinte digitale ou la voix par exemple.

Les éléments retenus doivent être mutuellement indépendants, au sens où la compromission de l’un ne


doit pas mettre en danger la sécurité des autres. En outre, l’un des éléments choisis au moins doit être
non rejouable et non reproductible, c’est‑à‑dire ne pas être réutilisable à l’identique pour deux opérations
de paiements différents, excepté pour ce qui concerne le recours à la biométrie. Enfin, la procédure
d’authentification forte doit assurer la protection de la confidentialité des données d’authentification.

Le dispositif d’authentification forte le plus répandu actuellement pour les paiements sur inter­net
repose sur un code à usage unique tel un OTP (« One Time Password ») communiqué au payeur selon
divers canaux possibles (envoi d’un SMS sur son télé­phone portable, génération sur le site de banque
en ligne du payeur, par un lecteur de carte physique, un dispositif auto­nome de génération de code
(ou token) intégré à un porte‑clefs, etc.) 1. Lors du paiement, la page de paiement en ligne met en
relation le payeur avec la banque qui a émis la carte pour qu’elle puisse l’authentifier, en s’appuyant
sur le protocole « 3D‑Secure » dont le fonctionnement est synthétisé dans le schéma ci‑après.

1 Le rapport annuel 2015 de l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement présente un état des lieux des techniques d’authentification renforcée
les plus couramment utilisées en France : https://www.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/oscp-rapport-annuel-2015.pdf
…/…

56 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La sécurité des moyens de paiement Chapitre 3


Fonctionnement du protocole « 3D‑Secure »

Banque Banque
du client du commerçant

2. Une redirection automatique


s’effectue vers la banque
du client

3. Une demande 4. Le client


d’authentification s’authentifie 6. Le commerçant
est adressée au remet l'ordre
client par sa de paiement
banque à sa banque
5. La banque du
client confirme
l’authentification

Client Commerçant
1. Le client initie un paiement
par carte sur le site internet
d’un commerçant

Dans ce nouveau cadre, le texte prévoit réglementation qui précisent : i)  les requis
que les identifiants bancaires puissent être et les exemptions de l’authentification forte
partagés avec les PSP tiers, tout en assurant des clients pour la sécurisation des trans­
leur protection, notamment par chiffrement actions et des accès aux comptes ; ii)  les
des données. Il est également prévu que requis en matière de protection des iden‑
les PSP tiers et les PSP gestionnaires de tifiants de connexion ; et iii)  les modalités
comptes, ainsi que les utilisateurs commu‑ techniques et opérationnelles permettant
niquent de façon sécurisée en utilisant une aux banques, aux PSP tiers et à leurs clients
interface dont les principes sont spécifiés de communiquer de façon sécurisée.
par un texte règlementaire dit de niveau 2 Pour permettre aux acteurs d’adapter leurs
associé à la directive, les normes techniques systèmes informatiques et aux auto­rités
de règlementation (Regulatory Technical compétentes de préparer la mise en place
Standards – RTS). des dispositifs de contrôles associés, la
directive dispose que les exigences fixées
L’Auto­rité bancaire européenne (ABE) a ainsi par ces normes techniques de règlementa‑
reçu pour mandat d’élaborer, en étroite tion seront applicables 18 mois après leur
collaboration avec la Banque centrale euro‑ adoption et leur publication, soit à compter
péenne (BCE), des normes techniques de du 14 septembre 2019.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 57


Chapitre 3 La sécurité des moyens de paiement


Encadré n° 8 : Les dispositions des RTS

À la suite de travaux conduits sous l’égide du Forum européen sur la sécurité des paiements (SecuRe Pay,
voir infra­) marqués par un souhait d’inter­action forte avec le marché (publication d’un discussion paper,
puis d’une consultation publique), les normes techniques de réglementation (RTS) de la DSP2 ont été
adoptées par la Commission Européenne le 27 novembre 2017, le Parlement européen et le Conseil
disposant alors de 3 mois pour les examiner. À l'issue de cette période d'examen, le règlement délégué
(UR) 2018/389 relatif aux RTS a été publié au Journal Officiel de l'Union européenne du 13 mars 2018  1, date
qui constitue le point de départ du délai de 18 mois pour leur entrée en application, soit le 14 septembre 2019.

En matière d’authentification forte, les RTS retiennent plusieurs cas d’exemption :

• la consultation de comptes (après une première authentification forte) ;


• les paiements de faible montant (jusqu’à 50 euros en proximité et 30 euros à distance) ;
• les paiements aux auto­mates de trans­port et de parking ;
• les paiements vers un bénéficiaire de confiance ;
• les trans­actions récurrentes (sauf pour l’initiation de la première trans­action) ;
• les paiements d’entreprises recourant à des protocoles de trans­fert d’ordres sécurisés ;
• et les trans­actions pour lesquelles le niveau de risque est jugé faible par l’établissement teneur de
compte du débiteur.

Dans ce dernier cas de figure, le PSP devra veiller à ce que les taux de fraude observés sur les trans­
actions bénéficiant de l’exemption restent inférieurs à des seuils inscrits dans les RTS, en fonction
du moyen de paiement utilisé et de la tranche de montants :

T2 : Taux de fraude maximal


(en %)
Sur les paiements Sur les virements initiés
par carte à distance à distance
De 250 à 500 euros 0,01 0,005
De 100 à 250 euros 0,06 0,010
De 0 euros à 100 euros 0,13 0,015

Ainsi, au‑delà de 500 euros, les trans­actions ne pourront pas bénéficier de cette exemption. Par ailleurs,
en cas de dépassement des seuils fixés durant deux trimestres consécutifs, le PSP ne sera plus auto­risé à
bénéficier de cette exemption tant que les taux de fraude mesurés ne seront pas revenus en‑deçà des seuils.

En ce qui concerne la sécurisation des inter­faces d’échange entre PSP teneurs de comptes et PSP
tiers, les RTS entérinent l’obligation de mise en place et d’utilisation d’une inter­face dédiée permettant
i)  l’identification du PSP tiers par le PSP teneur de comptes au moyen de certificats qualifiés au sens
du règlement européen eIDAS, ii)  de s’appuyer sur le mécanisme d’authentification de l’utilisateur
proposé par l’établissement teneur de compte, et iii)  l’initiation d’ordre de paiement et la réception
d’informations relatives à l’exécution des opération de paiement initiées.

Les RTS prévoient une période de test de l’inter­face de 6 mois avant la date d’application des RTS.
Les PSP gestionnaires de comptes ont le choix de développer une inter­face dédiée ou de permettre
un accès via l’inter­face utilisateur avec une identification du PSP tiers.
1 Règlement délégué (UE) 2018/389 de la Commission du 27 novembre 2017 complétant la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil
par des normes techniques de réglementation relatives à l'authentification forte du client et à des normes ouvertes communes et sécurisées de commu‑
nication : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/ ?uri=OJ :L :2018 :069 :TOC
…/…

58 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La sécurité des moyens de paiement Chapitre 3


Dans le cas où un PSP gestionnaire de comptes choisit de fournir une inter­face dédiée, les RTS
prévoient un certain nombre de dispositions :

• L’inter­face dédiée doit présenter un niveau de performance équivalent à l’inter­face utilisateur.


Des indicateurs de performances doivent être développés à cet effet par les PSP gestionnaires de
comptes. Les auto­rités nationales compétentes veillent alors à ce que les PSP tiers respectent à
tout moment l’obligation d’accès via ces inter­faces ;

• En cas d’indisponibilité de l’inter­face dédiée (dégradation de performance), les PSP gestionnaires de


comptes doivent permettre aux PSP tiers d’utiliser l’inter­face utilisateur (selon donc des méthodes de
web scrapping ou screen scraping), avec un mécanisme d’identification du PSP tiers. Ceci doit être
possible dès lors qu’une demande d’accès est refusée 5 fois de suite dans un délai de 30 secondes.
En cas d’utilisation de cette inter­face de repli, les PSP tiers doivent pouvoir le justifier auprès de
leur auto­rité nationale compétente et conserver la liste des accès afin de les communiquer sur
demande à leur auto­rité nationale compétente ;

• Toutefois, les auto­rités nationales compétentes peuvent exempter les PSP gestionnaires de comptes
d’inter­face de repli, après consultation de l’ABE, si l’inter­face dédiée répond aux exigences du RTS,
en particulier si elle a été testée pendant la période de 6 mois spécifiée et si elle a été utilisée
pendant 3 mois. Cette exemption doit être retirée par l’auto­rité nationale compétente si l’inter­face
ne respecte plus les exigences du RTS et si le PSP gestionnaire de comptes n’est plus capable de
résoudre les dysfonctionnements pendant une période de 2 semaines. Dans ce cas, le PSP gestion‑
naire de comptes doit fournir une inter­face de repli sous un délai de 2 mois.

3.2. Le cadre européen de surveillance standardisée des systèmes de paiement


et ses évolutions par  carte ; 8 Article 127.2 du TFUE :
« Les missions fonda‑
mentales relevant du
La construction de l’Espace unique • Les cadres de surveillance relatifs aux SEBC consistent à :
définir et mettre en
des paiements en euros (« Single Euro prélèvements 11 et virements 12 SEPA œuvre la politique moné‑
Payments Area » ; cf. chapitre 2) confère ont été établis respectivement en taire de l’Union ; conduire
aux banques centrales nationales une août 2009 et en octobre 2010. Ils s’ap‑ les opérations de change
conformément à l’ar‑
coresponsabilité en matière de sécurité puient sur une structure similaire à celle ticle 219 ; détenir et gérer
des moyens de paiement d’intérêt commun. définie pour les systèmes de paiement les réserves officielles
de change des États
L’Eurosystème a ainsi développé, sur la base par carte. membres ; promouvoir le
des dispositions du Traité  8 et des statuts du bon fonctionnement des
Système européen de banques centrales et Des guides d’évaluations correspondant systèmes de paiement ».

de la BCE 9 sur la promotion du bon fonc‑ à chacun de ces trois cadres de surveil‑ 9 Articles 3.1 et 22 des
statuts du SEBC et de
tionnement des systèmes de paiement, lance ont également été publiés afin de la BCE.
des cadres de surveillance applicables aux préciser les attentes de l’Eurosystème en
10 
Oversight framework for
moyens de paiement paneuropéens : la matière. Ils ont été mis à jour en 2014 card payment scheme
et 2015 en incorporant notamment les standards, January 2008,
http://www.ecb.europa.
• En janvier 2008 10, un premier cadre recommandations sur la sécurité des eu/pub
de surveillance a été élaboré par l’Eu‑ paiements sur inter­net publiées par le
11 
Oversight framework for
rosystème afin d’évaluer la sécurité et Forum européen de la sécurité des moyens direct debit schemes,
l’efficacité des systèmes de paiement de paiement (« Forum on the Security of August 2009, http://
www.ecb.europa.eu/pub
par carte. Il a permis aux banques Retail Payments », forum SecuRe Pay,
centrales de l’Eurosystème de mettre cf. infra­) qui ont été reprises dans les 12 
Oversight framework for
credit transfer schemes,
en œuvre une surveillance harmonisée orientations émises par l’Auto­rité bancaire October 2010, http://
et d’obtenir une vision cohérente et européenne (ABE) en décembre 2014. www.ecb.europa.eu/pub

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 59


Chapitre 3 La sécurité des moyens de paiement


En s’appuyant sur ces cadres de surveil‑ principale mesure préconisée dans ce


lance, l’Eurosystème mène des exercices premier document concerne la générali‑
de surveillance auprès des acteurs de sation de l’authentification renforcée du
marché. Les cartes de paiement sont payeur lors de l’initiation de paiements sur
le premier instrument scriptural à avoir internet, le forum y aborde de nombreux
bénéficié de cette surveillance commune autres aspects susceptibles de renforcer la
des banques centrales avec le lancement sécurité des paiements sur inter­net, dont
dès 2008 de l’évaluation de l’ensemble l’environnement général de contrôle et de
des systèmes de paiement par carte sécurité mis en œuvre par les prestataires
actifs en Europe, qu’ils soient d’envergure de services de paiement et la question de
nationale ou inter­nationale ; cet exercice a la sensibilisation des clients aux risques
été reconduit en 2016, suite à la publica‑ de fraude ou encore les modalités de
tion des orientations de l’Auto­rité bancaire communication entre ces derniers et leurs
européenne relatives à la sécurité des prestataires de services de paiement.
paiements sur inter­net, lesquelles ont alors
été intégrées au référentiel de sécurité. Enfin, le forum avait également porté son
Plus récemment, l’Eurosystème a finalisé attention sur les risques liés à l’activité de
en 2016 un exercice de surveillance portant nouveaux acteurs non régulés se position‑
sur le prélèvement SEPA, et démarré une nant en tant que « tiers de paiement » afin
action de surveillance similaire portant sur d’offrir des services d’« initiation des trans­
les virements SEPA. actions » et d’« agrégation d’information de
comptes ». Les recommandations du forum
Partie intégrante de cette surveillance, une visant à assurer des conditions de sécurité
collecte annuelle de statistiques en matière satisfaisantes pour la mise en place de ces
de fraude sur les paiements par carte est services ont été publiées, à l’issue d’une
organisée au niveau européen par la BCE consultation publique, en mars 2014 13.
et les banques centrales nationales auprès
de l’ensemble des systèmes de paiement Nombre des recommandations du forum
par carte actifs. Elle devrait être complétée SecuRe Pay ont été reprises lors de la
dans les années à venir par une collecte de révision de la directive sur les services de
statistiques en matière de fraude sur les paiement (DSP2). C’est dans le cadre du
virements et les prélèvements. forum SecuRePay, que les RTS et guidelines
confiés à l’ABE pour décliner les exigences
3.3. Les travaux du forum SecuRe Pay de la DSP2 ont été élaborés.

Créé en février 2011, le forum SecuRe Pay Afin d’assurer une application uniforme au


est une structure réunissant banquiers sein de l’Union européenne, dans la DSP2,
centraux et superviseurs. Coprésidée l’ABE a été chargée, en étroite coopération
par la BCE et l’ABE, cette instance a pour avec la BCE, d’élaborer, outre les normes
vocation d’instaurer un dialogue entre les techniques de réglementation (RTS)
auto­rités nationales en vue de parvenir à évoquées précédemment, des orienta‑
une approche commune en matière de tions (« guidelines ») couvrant notamment
sécurité des moyens de paiement. les exigences en matière de gestion des
risques opérationnels et sécuritaires en lien
La première série de recommanda‑ avec la mise à disposition de services de
tions publiée par le forum SecuRe Pay paiement, ainsi que la description du cadre 13 Recommandations dispo‑
nibles sur le site de la
en janvier 2013 a porté sur la sécurité de déclaration des incidents majeurs aux BCE : http://www.ecb.
des paiements sur inter­net. Bien que la auto­rités compétentes. europa.eu/pub

60 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


CHAPITRE 4

L’économie des moyens


de paiement
Mis à jour le 27 février 2019
Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


L
es moyens de paiement jouent un d’une facture récurrente. Des travaux de
rôle d’inter­médiaire des échanges recherche ont démontré que certaines de
et constituent à ce titre un rouage ces fonctionnalités influaient directement
essentiel de nos économies modernes. sur le comportement de consommation
Pour s’en convaincre, il suffit d’imaginer un des ménages. Des études américaines
monde où il n’existerait pas de moyens de ont notamment mis en exergue le lien qui
paiement communément acceptés par l’en‑ existe entre la propension à consommer
semble des agents économiques. Une telle des ménages et leur utilisation de moyens
situation impliquerait des coûts importants de paiement donnant accès à une ligne
pour les deux parties. La mise à disposition de crédit (Bounie, 2009). Dans une étude
à l’ensemble des agents économiques de réalisée en 2000, Durkin expliquait ainsi
moyens de paiement standardisés, affichant la hausse de la détention de cartes de
des réseaux d’acceptation étendus et un crédit parmi les ménages américains par
niveau de sécurité satisfaisant, permet de le fait que ce moyen de paiement avait
surmonter ces difficultés et de grandement progressivement remplacé les anciens
fluidifier les échanges commerciaux. crédits à la consommation consentis par
les acteurs de la vente de détail : alors que
Malgré cette fonction primo­rdiale, le rôle 16 % des ménages inter­rogés dans le cadre
joué par les moyens de paiement dans l’éco‑ du « Survey of consumer finances » de la
nomie reste peu connu du grand public. Réserve fédérale américaine possédaient
Le présent chapitre vise à illustrer les une carte de crédit en 1970, ils étaient 68 %
relations qui existent entre les moyens de en 1998. Parmi ces derniers, 55 % avaient
paiement et la sphère économique. Dans un une ligne de crédit ouverte d’un mois à
premier temps, il s’attache à expliciter les l’autre alors qu’ils n’étaient que 37 % trente
liens entre les moyens de paiement et ans plus tôt.
l’activité économique, avec une attention
particulière portée aux coûts pour la collec‑ Même en l’absence de telles facilités de
tivité des différents moyens de paiement. crédit, des travaux français ont souligné
Dans un deuxième temps, il s’intéresse plus que les fonctionnalités des moyens de
directement aux particularités du marché paiement sont de nature à influencer la
des moyens de paiement, en présentant les manière dont les dépenses de consomma‑
déterminants de la demande des moyens de tion des ménages sont réparties dans le
paiement et en apportant un éclairage sur temps. Les porteurs de cartes à débit différé
les spécificités de son organisation. Enfin, il ont ainsi tendance à lisser leur consom‑
conclut en décrivant les différentes carences mation sur l’ensemble du mois alors que
de ce marché, qui légitiment l’inter­vention les porteurs de cartes à débit immédiat
des auto­rités publiques en vue d’en assurer concentrent leurs dépenses dans les jours
le bon fonctionnement. qui suivent le versement de leur salaire
(Bounie, 2009).

1. Moyens de paiement 1.2. Moyens de paiement


et activité économique et gains de croissance

1.1. Moyens de paiement et Au‑delà de ces considérations de nature


comportements de consommation micro­économique, certaines études empi‑
riques induisent des effets positifs de
De par leurs multi­ples fonctionnalités, les l’adoption de moyens de paiement élec‑
moyens de paiement répondent aux diffé‑ troniques sur la croissance. Sur la base d’un
rents besoins des agents économiques, échanti­llon composé de 12 pays européens,
allant de la réalisation d’un paiement ponctuel Humphrey et al. (2006) estiment que les
en face à face au règlement à distance coûts supportés par les établissements

62 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


bancaires en lien avec la filière des 1.3. Coûts des moyens de paiement
paiements ont baissé de 24 % sur la
période allant de 1987 à 1999. Ils attribuent Les études sur les coûts des moyens de
cette baisse à la montée en charge des paiement sont peu nombreuses du fait
paiements électroniques et à la substitution de la difficulté d’obtenir des informations
de guichets physiques par des distributeurs fiables sur les coûts supportés par les diffé‑
auto­matiques de billets (DAB). En extra­ rents utilisateurs de moyens de paiement
polant les résultats obtenus sur la période, et les prestataires de services de paiement.
ils considèrent que l’abandon complet des Le sujet a cependant fait l’objet d’une
moyens de paiement sur support papier attention renouvelée depuis le début des
et le remplacement de tous les guichets années deux mille.
bancaires isolés par des DAB permettrait de
dégager des économies proches de 1 point Sur la base d’un sondage réalisé auprès de
de PIB par an. Dans une étude publiée la banque centrale néerlandaise, du secteur
en 2013 par la BCE, Hasan et al. obtiennent bancaire et de professionnels de la vente
des résultats similaires corroborant l’exis‑ de détail, Brits et Winder (2005) évaluent
tence d’une relation positive entre l’adoption les coûts des paiements de proximité
de moyens de paiement électroniques et la pour la collectivité néerlandaise (définis
hausse de l’activité économique. Dans le comme les coûts inter­nes de l’ensemble
cadre de leur modèle, cette relation est la des acteurs) à 2,9 milliards d’euros en 2002,
plus marquée pour les cartes de paiement, soit 0,65 % du PIB des Pays‑Bas. Ils iden‑
menant les auteurs à estimer qu’une tifient les espèces comme le moyen de
augmentation de 1,2 % de l’utilisation des paiement le plus coûteux pour la collectivité
cartes de paiement en Europe amènerait bien qu’affichant le coût moyen par trans­
une croissance du PIB de 0,07 %. action le plus faible. Ce résultat quelque
peu paradoxal s’explique par les impor‑
Ces résultats sont directement liés à la tants coûts fixes associés aux moyens
question des coûts des différents moyens de de paiement électroniques qui, du fait de
paiement pour la collectivité, dont en premier leur faible utilisation (à l’époque de l’étude,
lieu le secteur bancaire. Les effets positifs ceux‑ci représentaient seulement 14,5 %
de l’adoption des moyens de paiement élec‑ des trans­actions), n’ont pas pu être amortis
troniques sur la croissance s’expliqueraient sur la période étudiée. En revanche, sur
en effet par les gains d’efficience que cette la seule base des coûts variables, les
évolution permet par rapport à la situation paiements électroniques apparaissent
antérieure caractérisée par la prévalence moins coûteux pour la collectivité que
de moyens de paiement sur support papier. les paiements en espèces et ce d’autant
Les nouveaux moyens de paiement élec‑ plus que les montants des trans­actions
troniques présentent en effet l’avantage de sous‑jacentes sont importants. Selon les
permettre un traitement auto­matisé de bout calculs de Brits et Winder, une diminution
en bout des paiements, limitant ainsi toute de 21 % des paiements en espèces en
inter­vention humaine. Une étude réalisée faveur de paiements par carte de débit ou en 1 Les auteurs se basent sur
en 2003 par Berger illustre ce point en monnaie électronique permettrait de réaliser un scénario dans le cadre
duquel 500 millions de
apportant un chiffrage précis de la baisse des économies de 106 millions d’euros 1. paiements en espèces
des coûts de fonctionnement de la principale La Banque nationale de Belgique (2005) d’une valeur moyenne de
3 euros sont remplacés
chambre de compensation américaine du fait arrive à un résultat similaire sur la base par des paiements faisant
de la modernisation de ses infra­structures d’une enquête réalisée en 2003 auprès du appel à des portemon‑
techniques : en l’espace d’une décennie, secteur financier et des points de vente : naies électroniques et
1 milliard de paiements
les coûts unitaires par opération traitée une baisse de 11 % des paiements en en espèces d’une valeur
ont quasiment été divisés par 5, passant espèces en faveur de trans­actions faisant moyenne de 20 euros
sont remplacés par des
de 0,869 dollar à 0,176 dollar sur la période appel à des cartes de débit ou au porte‑ paiements par cartes
allant de 1990 à 2000. monnaie électronique « Proton » amènerait de débit.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 63


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


une baisse des coûts pour la collectivité de représente en effet que 30 % du marché
58 millions d’euros  2, ce qui représenterait européen des paiements scripturaux et
une économie de 2.9 % par rapport au coût 45 % du marché européen des espèces.
total pour la collectivité belge des moyens
de paiement de proximité, estimé en 2003 1.4. Moyens de paiement
à 2,03 milliards d’euros (soit 0,74 % du PIB). et développement économique

Une étude publiée par la BCE en 2012 Il existe peu d’études économiques sur les
(Schmiedel et al.) élargit notablement apports en termes de croissance de l’adop‑
le champ des recherches en analysant tion de moyens de paiement innovants dans
les coûts des moyens de paiement les pays en développement dans la mesure
dans 13 pays européens 3. Sur la base de où ces derniers ne possèdent générale‑
quatre questionnaires distincts adressés ment pas les infra­structures nécessaires
aux banques centrales, au secteur bancaire à la mise en place de telles solutions de
(établissements bancaires et chambres de paiement et, surtout, affichent des taux de
compensation), aux entreprises ayant des bancarisation beaucoup plus faibles que les
liens directs avec les consommateurs 4 et pays développés.
aux sociétés de trans­porteurs de fonds, cette
étude offre une estimation du coût social et L’impact positif exercé par les trans­ferts
du coût privé des moyens de paiement les d’argent des migrants sur le développe‑
plus utilisés en Europe, à savoir la carte de ment des secteurs financiers des pays
paiement, le virement, le prélèvement, le destinataires serait d’autant plus marqué
chèque et la monnaie fiduciaire. Il en ressort que ces trans­ferts trans­itent par la voie
que la monnaie fiduciaire serait le moyen formelle, à savoir par l’inter­médiaire des
de paiement présentant le coût unitaire par organismes financiers. La formalisation
transaction le plus faible pour la collectivité des trans­ferts est susceptible de contri‑
soit 0,42 euro, suivie par la carte de débit buer à une meilleure connaissance par ces
(coût unitaire de 0,70 euro). Les auteurs organismes des familles bénéficiaires, leur 2 Les auteurs font l’hypo‑
thèse du remplacement
expliquent ce résultat par la maturité de la permettant ainsi d’inciter ces dernières de 750 millions de tran‑
filière espèces qui aurait permis de réaliser à détenir un compte courant ou même sactions réglées en
d’importantes économies d’échelle en à souscrire à des financements adossés monnaie fiduciaire par
250 millions de tran‑
comparaison des cartes de paiement pour aux flux de trans­ferts qu’elles reçoivent sactions d’un montant
lesquelles le déploiement de terminaux de (Rocher et Pelletier, 2008). La formalisation moyen de 5 euros
réglées par Proton et
paiement et de DAB reste encore limité des trans­ferts contribuerait ainsi à l’inclusion par 500 millions de tran‑
dans certains pays participant à l’étude. financière des ménages les plus pauvres sactions d’un montant
moyen de 20 euros
Les coûts unitaires des prélèvements et dans les pays en voie de développement. réglées par carte de débit.
des virements sont respectivement estimés
3 Danemark, Estonie,
à 1,27 euro et 1,92 euro. Enfin, les moyens Un autre facteur fréquemment cité comme Irlande, Grèce, Espagne,
de paiement les plus coûteux pour la collecti‑ pouvant améliorer les niveaux de bancarisa‑ Italie, Lettonie, Hongrie,
vité seraient le chèque avec un coût unitaire tion observés dans ces pays, notamment Pays‑Bas, Portugal,
Roumanie, Finlande,
de 3,55 euros et la carte de crédit avec un en Afrique subsaharienne, est le déve‑ Suède.
coût unitaire de 2,39 euros. Le coût total loppement de l’utilisation du télé­phone 4 Professionnels de la
des moyens de paiement serait de 0,96 % mobile pour effectuer des opérations de vente de détail et de
du PIB, dont 51 % serait supporté par le dépôt ou de retrait d’espèces auprès de la grande distribution,
entreprises de télécom‑
secteur bancaire et 46 % par les profes‑ réseaux non bancaires 5. Le taux d’équi‑ munication, acteurs
sionnels de la vente de détail. La monnaie pement en télé­phone mobile est en effet du secteur immobilier,
entreprises de services
fiduciaire représenterait près de la moitié particulièrement important dans les pays publics (électricité, eau,
de ces coûts, mettant en exergue la préva‑ d’Afrique subsaharienne, qui comptaient gaz, transports).
lence de ce moyen de paiement dans les en 2016 420 millions d’utilisateurs uniques 5 Composés généralement
pays étudiés et la difficulté de généraliser abonnés aux services mobiles et 730 millions d’agents revendeurs
de crédit télépho‑
les résultats de l’étude à l’ensemble de de connexions, selon l’Association mondiale nique et de points de
l’Union européenne. L’échanti­llon retenu ne des opérateurs de télé­p honie mobile vente partenaires.

64 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


(GSMA). Ainsi, à titre d’exemple, l’Afrique du qui influencent les agents économiques
Sud a été le premier pays à agréer en 2004 dans leur choix de moyen de paiement au
un service de « mobile money » (soit le moment de régler un achat. En d’autres
rattachement d’un portefeuille électronique termes, il s’agit ici d’identifier les déter‑
à un numéro de télé­phone, qui permet minants de la détention et de l’usage des
ensuite d’effectuer des opérations à partir moyens de paiement.
des numéros de télé­phone). Au regard de la
profondeur du réservoir d’utilisateurs poten‑ Dans un article publié en 2006, Bounie
tiels, de nombreux produits similaires ont et François font un état des lieux de la littéra‑
d’ores et déjà été lancés dans le sillage de ture théorique et empirique sur la question.
l’important succès remporté par la solution Au‑delà de facteurs démographiques et
M‑Pesa au Kenya qui est aujourd’hui utilisée socio‑culturels – tels que le niveau de revenu
par plus de 50 % de la population adulte du et d’étude ou encore l’âge –, ils identifient
pays. En 2014, près de 16 % de la population trois principaux déterminants de l’usage des
adulte d’Afrique subsaharienne utilisait le moyens de paiement : leurs prix et les coûts
télé­phone mobile pour régler des factures associés à leur utilisation, la valeur du bien
ou envoyer de l’argent, contre moins de 5 % ou service faisant l’objet de la trans­action et
de la population dans les autres régions la confiance des utilisateurs dans la sécurité
du monde (Sy, 2014). des différents moyens de paiement.

En l’absence d’études portant directement 2.1. Modèle fondateur :


sur les effets macro­économiques de l’utilisa‑ l’approche par les coûts
tion de ces nouveaux services de paiement,
ceux‑ci ne peuvent à l’heure actuelle qu’être Bounie et François prennent comme point
inférés. Ainsi, dans la mesure où les études de départ de leur tour d’horizon les travaux
empiriques ont montré une corrélation de Baumol (1952) sur la détention des
positive entre l’expansion des services espèces. Dans cette contribution fondatrice,
financiers et la croissance économique, Baumol imagine un modèle simplifié dans le
(Sahay et al., 2015), il peut être admis cadre duquel un agent représentatif effectue
que le développement de tels nouveaux régulièrement des dépenses d’un montant
services de paiement – correspondant total sur une période donnée. Pour ce faire,
à un étoffement important des services l’agent a le choix entre recourir à l’emprunt
financiers dans les zones concernées et à ou procéder à des retraits d’espèces d’un
un renforcement de l’inclusion financière – montant à inter­valles réguliers tout au long de
a des effets potentiellement positifs sur la période. Dans les deux cas, il est confronté
l’activité économique (CPMI et Banque à un même coût d’opportunité équivalent au
mondiale, 2016). Il convient toutefois d’être taux d’intérêt, auquel s’ajoute une commis‑
très prudent sur ce point, car le caractère sion de courtage lorsqu’il procède à des
linéaire de la relation entre l’accroissement retraits d’espèces. En supposant que l’agent
des services financiers et la croissance agit de manière rationnelle et vise ainsi à
économique demeure encore fortement minimiser ses coûts, le modèle implique que
discuté (Cecchetti et Kharroubi, 2012). sa détention d’espèces sera proportionnelle
à son niveau de dépenses 6.

2. Déterminants de l’usage L’extension de l’analyse de Baumol aux autres 6 La détention d’espèces
des moyens de paiement moyens de paiement suppose d’identifier les qui minimise les coûts
de l’agent est proportion‑
coûts d’opportunité qui leur sont associés. nelle à la racine carrée
La littérature économique indique que tous Cette tâche est cependant rendue difficile du montant total de ses
dépenses, soit  C = √(2bT/i),
les moyens de paiement ne se valent pas par le fait que la facturation des moyens de avec C = montant de retrait
en termes de contribution à la croissance et paiement prend très souvent la forme de unitaire ; T = montant total
des dépenses ; b = frais
de coûts pour la collectivité. L’enjeu est dès forfaits globaux portant sur plusieurs moyens fixes de courtage ; et
lors de comprendre quels sont les facteurs de paiement à la fois. Tirant parti d’une i = taux d’intérêt.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 65


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


politique de tarification à l’acte adoptée en 2.2. Valeur d’achat du bien


Norvège à la fin des années 80, Humphrey ou service sous‑jacent
et al. (2001) ont cependant pu directement
estimer l’effet de la tarification des différents Un autre facteur déterminant dans la
moyens de paiement sur les comportements détention et l’usage des moyens de
de paiement des utilisateurs. Leurs résultats paiement est la valeur d’achat du bien ou
corroborent l’intuition que le prix des moyens service sous‑jacent. Dans leur synthèse de
de paiement influent directement sur leur la littérature économique, Bounie et François
niveau d’utilisation. Ils trouvent notamment présentent le modèle théorique développé
que l’élasticité prix est statistiquement signi‑ par Whitesell (1989). Dans le cadre de celui‑ci,
ficative et négative pour le chèque et la carte les agents économiques ont le choix entre
bancaire. En d’autres termes, une hausse des détenir leurs avoirs sous forme d’espèces
commissions facturées amène une baisse ou les placer sur un compte de dépôt
de la demande pour ces deux moyens de rémunéré. Ce compte de dépôt peut être
paiement. Les auteurs révèlent également mouvementé soit par des retraits d’espèces,
que les opérations par cartes aux points de soit lors de trans­actions faisant appel à des
vente sont de clairs substituts aux paiements cartes de paiement ou des chèques. Alors
7 Les données de l’étude
par chèques (forte élasticité‑prix croisée) sur que la détention d’espèces est uniquement portent sur la période
la période étudiée 7. soumise au coût d’opportunité lié au taux allant de 1989 à 1995.

Encadré n° 1 : Les moyens de paiement scripturaux : un concurrent pour les espèces ?

La question de l’impact d’une variation du prix d’un moyen de paiement sur la demande d’autres moyens
de paiement a fait l’objet de nombreux travaux de recherche spécifiques, portant principalement sur
l’inter­action entre le déploiement de terminaux de paiement et DAB – synonymes d’une baisse des coûts
de trans­action associés aux opérations par cartes de paiement – et la demande de monnaie fiduciaire.

Afin d’étudier les effets exercés par la modernisation des moyens de paiement sur la demande de
monnaie fiduciaire, Drehmann et al. (2002) ont analysé les données annuelles de 18 pays de l’OCDE
sur la période allant de 1980 à 1998. Leurs résultats indiquent que le déploiement des terminaux de
paiement aurait eu un effet négatif sur la demande de petites coupures, alors que le déploiement
des DAB aurait eu l’effet inverse. Dans une étude de 2009, Cabró‑Valverde et Fernández arrivent à la
même conclusion. Sur la base de données portant sur des banques espagnoles de 1997 à 2004, ils
trouvent que le déploiement des terminaux de paiement a exercé un effet négatif sur la demande de
monnaie fiduciaire plus prononcé que l’effet positif exercé par le déploiement concomitant de DAB.

Une étude réalisée la même année par Columba permet de quanti­fier cette relation. Selon les calculs
réalisés par l’auteur à partir de données relatives à la monnaie en circulation dans 95 provinces
italiennes suite à l’introduction de l’euro, une augmentation de 1 % du nombre de terminaux de paiement
mènerait à une baisse de 0,36 % de la demande de monnaie fiduciaire. En cumulé, le déploiement des
terminaux de paiement et de DAB donnerait lieu à une augmentation de l’agrégat monétaire M1 et
une modification de sa composition avec une baisse des encaisses monétaires détenues sous forme
d’espèces et une hausse des dépôts à vue.

Cet effet de substitution avait déjà été mis en exergue en 1996 dans une étude réalisée par Porter
et Judson. Sur la base d’un échanti­llon de 14 pays, ces deux auteurs avaient identifié une relation
positive entre la vitesse de circulation de la monnaie et le nombre de paiements scripturaux par
habitant, soutenant ainsi l’hypothèse que le fort recours à des moyens de paiement scripturaux avait
pour effet de diminuer la détention d’espèces et d’augmenter la vitesse de circulation de la monnaie.

66 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


Encadré n° 2 : Utilisation des moyens de paiement au point de vente


par tranche de montant en Europe
(en % du nombre de transactions)
Espèces Virement
Carte de débit Prélèvement
Carte de crédit Paiement en ligne
Répartition du nombre Carte en mode sans contact Autre
de transactions Chèque

<5 € 34 93 4 1
5 € à 9,99 € 19 86 8 4
10 € à 14,99 € 13 79 13 6
15 € à 19,99 € 8 71 17 9
20 € à 24,99 € 7 67 20 11
25 € à 29,99 € 3 57 26 13
30 € à 34,99 € 3 54 29 12
35 € à 39,99 € 2 51 30 16
40 € à 44,99 € 2 50 31 16
45 € à 49,99 € 1 44 31 20
50 € à 99,99 € 6 39 36 20 2
> 100 € 2 32 35 21 4 4
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Source : Banque centrale européenne.

L’étude sur l’utilisation des moyens de paiement par les consommateurs européens, conduite en 2016
sous l’égide de la Banque centrale européenne, permet d’identifier les cas d’usage privilégiés des
différents moyens de paiement. Ainsi, si l’utilisation du fiduciaire est particulièrement prédominante
pour les montants les plus faibles (93 % des paiements de moins de 5 euros), elle reste également
majoritaire pour les paiements inter­médiaires, jusqu’à 40 euros environ ; au-delà de 45 euros, la carte
de paiement devient le principal moyen de paiement au point de vente.

Au niveau agrégé, l’étude souligne que les espèces sont utilisées dans 79 % des trans­actions au point
de vente et y représentent 54 % des montants échangés pour la zone euro ; en France, pays parmi les
moins utilisateurs de monnaie fiduciaire, ces parts s’établissent respectivement à 68 % et 28 %.

d’intérêt, le recours aux cartes et aux chèques Cette analyse est confirmée par une enquête
implique des coûts fixes et variables lors de conduite en 2016 par l’Eurosystème, qui a
chaque trans­action, tels que les cotisations mesuré par sondage l’impact de la valeur de
facturées pour l’utilisation desdits moyens de l’achat sur le choix du moyen de paiement
paiement ou encore le temps passé à saisir le utilisé au point de vente.
code PIN d’une carte de paiement lors d’un
achat. Les agents économiques doivent donc Ces résultats ont été confirmés par des
arbitrer entre le coût d’opportunité pour les études analogues conduits dans d’autres
espèces et les coûts de trans­action pour les zones monétaires :
autres moyens de paiement. Il en résulte que
l’utilisation des espèces devrait se cantonner – aux États‑Unis, une étude réalisée en 2004
aux achats de faibles montants pour lesquels par Klee à partir de plus de 10 millions de
le coût d’opportunité est inférieur aux coûts trans­actions réalisées dans 99 magasins
fixes des moyens de paiement scripturaux d’alimentation américains entre septembre
(Bounie et François, 2006). et novembre 2001, près de 93 % des

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 67


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


trans­a ctions de moins de 5 dollars cartes de paiement lors de leurs trans­actions


étaient réglées en espèces (Klee, 2008). augmente de 19 % lorsque les espèces sont
Ce pourcentage tombait à 82 % pour les perçues par ces derniers comme peu sécuri‑
trans­actions entre 5 et 10 dollars. À l’autre sées et, inversement, tombe de 17 % lorsque
bout de l’échelle, seules 15 % des trans­ les consommateurs considèrent les cartes de
actions de plus de 150 dollars étaient paiement comme vulnérables aux fraudes.
réglées en espèces. Sur la base de ces
données, Klee estime qu’une augmenta‑ La confiance accordée par les consom‑
tion de 10 % de la valeur d’achat diminue mateurs à la sécurité de certains moyens
la probabilité d’usage d’espèces de 11 % ; de paiement peut même directement
jouer sur l’émergence de nouveaux
– a u Canada, dans une étude de 2011 secteurs. Dans une étude de 2004, Bounie
analysant les réponses à un sondage et Bourreau arrivent à la conclusion que le
commandé par la banque centrale faible niveau de sécurité des systèmes de
du Canada, Arango et al. obtenaient des paiement par carte sur inter­net au début des
résultats très similaires : les espèces années deux mille avait augmenté l’aversion
étaient utilisées dans 72,8 % des trans­ au risque des consommateurs et avait ainsi
actions de moins de 15 dollars mais pu porter atteinte au développement du
seulement dans 16,7 % des trans­actions commerce en ligne. En d’autres termes,
de plus de 50 dollars. Au‑delà des coûts la perception de la part des utilisateurs
fixes associés aux moyens de paiement d’un risque accru de vol de leur numéro
scripturaux, les auteurs expliquaient cette de carte bancaire lors de trans­actions sur
relation par l’acceptation limitée des alter‑ inter­net aurait exercé un effet négatif sur
natives aux espèces pour les paiements le commerce en ligne.
de faibles montants. En outre, ils rele‑
vaient que les programmes de fidélisation
mis en œuvre par les établissements 3. Structure économique
bancaires influençaient fortement sur le du marché des moyens
choix des utilisateurs de recourir à tel ou de paiement
tel moyen de paiement, ces programmes
menant dans les faits à une baisse du L’étude des déterminants de l’usage et de la
coût variable associé à l’utilisation d’un détention des moyens de paiement indique
moyen de paiement donné. que la tarification des moyens de paiement
joue un rôle central dans la décision des
2.3. Confiance des utilisateurs agents économiques d’y recourir.
dans les moyens de paiement
3.1. Marché des moyens de
Enfin, la détention et l’usage des moyens paiement : un marché biface
de paiement peuvent également être direc‑
tement influencés par la perception des Le marché des moyens de paiement est
utilisateurs quant à leur niveau de sécurité. marqué par l’existence d’effets de réseau
Bien que ce domaine de recherche soit indirects entre acheteurs et vendeurs : le
moins mûr, la majorité des travaux confirme nombre d’acheteurs adoptant un moyen
l’existence d’une telle relation. Une étude de paiement donné sera en grande partie
empirique de 2010 réalisée par Kosse sur la déterminé par le nombre de vendeurs
base d’un sondage auprès de 2 000 ménages acceptant ledit moyen de paiement. Cette
néerlandais montre que les consommateurs spécificité est particulièrement prégnante
qui considèrent les espèces comme un dans le cadre des paiements scripturaux
moyen de paiement peu sécurisé ont 16 % de proximité qui nécessitent un équipe‑
moins de chance de s’en servir pour régler ment spécial des commerçants (terminaux
leurs achats. De la même manière, la proba‑ de paiement dans le cas des cartes). Un
bilité que les consommateurs privilégient les marché de ce type, qui est connu sous

68 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


Encadré n° 3 : La commission multi­latérale d’inter­change : un cas pratique

Lorsqu’un commerçant accepte un paiement par carte, il doit s’acquitter auprès de sa banque d’une
première commission, connue sous le nom de « commission commerçant ». Celle‑ci prend générale‑
ment la forme d’un pourcentage du montant de la trans­action carte : si la commission commerçant est
de 1 %, le commerçant ne sera ainsi crédité que de 99 euros suite à un paiement par carte d’un montant
de 100 euros. Cette commission permet à la fois de couvrir les coûts de la banque du commerçant, sa
marge, la commission qu’elle doit verser au système cartes « quatre coins » et enfin la commission
multi­latérale d’inter­change qui sera payée à la banque du porteur de la carte.

Sous réserve que la banque du porteur n’ait pas adopté une tarification à l’acte, le porteur de la carte
voit son compte débité du montant de son achat, soit de 100 euros.

À réception de la commission multi­latérale d’inter­change, la banque du porteur reste pour sa part libre de
conserver cette somme sur ses livres ou de la répercuter sur son client. Dans ce deuxième cas de figure,
plutôt que de reverser directement la commission multi­latérale d’inter­change sur le compte de son client,
la banque du porteur peut lui proposer par exemple un système d’avantages ou de « points » lui permet‑
tant d’acquérir gratuitement des biens ou des services dans le cadre d’un programme de fidélisation.

Système cartes
quatre coins
n

Fr
io

ai
és

sd
dh

’a
’a

dh
sd

és
ai

io
Fr

n
Banque Banque
du porteur du commerçant
Commission d’interchange
Points/avantages

Commerçant
Commission
Cotisation

Porteur Commerçant

Dans les faits, il existe une grande diversité dans le niveau des commissions d’inter­change dont doivent
s’acquitter la banque du commerçant et, indirectement, le commerçant lui‑même. Celui‑ci varie grande‑
ment d’un pays à l’autre, voire au sein d’un même pays, en fonction du type de carte utilisé ou de la taille
et du secteur d’activité du commerçant. Enfin, différentes commissions d’inter­change peuvent coexister
au sein d’un même système cartes en fonction des différents dispositifs de fidélisation mis en œuvre.
Par exemple, les cartes de type « premium » donnent généralement lieu à des commissions d’inter­change
plus élevées que des cartes dites « standard » qui sont assorties de moins d’avantages pour leur porteur.

Source : Jean Tirole, « Réglementation des cartes de paiement : une application de l’analyse économique à la politique de la concurrence », Banque & Stratégie,
n° 298, décembre 2011.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 69


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


le nom de marché biface (Rochet et Tant American Express que Diners Club


Tirole, 2005), se caractérise par le fait présentent la particularité d’être des systèmes
que l’offre et la demande d’un côté du cartes dits à « trois coins » (consomma‑
marché sont déterminées par l’offre et la teur, marchand et système de cartes) dans
demande de l’autre côté de ce marché. Il en lequel l’organisme émetteur de la carte a
résulte que la volumétrie des trans­actions une relation contra­ctuelle à la fois avec le
entre utilisateurs dépend non seulement consommateur et avec le commerçant.
du niveau général des frais qui leur sont De ce fait, il peut directement imposer sa
facturés mais également de leur répartition politique tarifaire aux deux côtés du marché.
de chaque côté du marché. La mise en Une telle approche est plus malaisée pour
relation entre les deux côtés du marché les systèmes cartes dits « quatre coins »,
est alors assurée par une plateforme qui c’est‑à‑dire assurant la mise en relation directe
applique une politique tarifaire asymétrique de 4 acteurs distincts : consommateur,
afin de tenir compte des spécificités des marchand, émetteur et acquéreur (banque
deux catégories d’utilisateurs. La littérature du commerçant) (voir supra encadré n° 3),
économique montre en effet que le côté dans le cadre desquels des inter­médiaires
du marché qui exerce la force d’attraction (généralement des établissements bancaires)
la plus importante sur l’autre côté – en s’inter­posent entre les systèmes cartes et les
d’autres termes, le côté du marché qui a utilisateurs finaux. La répartition des coûts
la plus forte élasticité prix – paiera généra‑ au sein de ces systèmes est plus complexe
lement un prix plus faible (Verdier, 2009). car deux niveaux de tarification doivent être
pris en compte : la facturation des services
Ce principe peut être illustré par la tarifica‑ fournis par les systèmes cartes aux inter­
tion asymétrique apparue dès la naissance médiaires bancaires et la facturation des
des systèmes cartes avec la diffusion services fournis par lesdits inter­médiaires
en 1950 de la première carte de paiement aux utilisateurs finaux (Verdier, 2009). Afin de
émise par la société Diners Club. Dans ses peser sur la structure des prix, ces systèmes
premières années d’opération, ce système cartes « quatre coins » ont généralement
cartes facturait une cotisation annuelle de recours à des commissions multi­latérales
18 dollars aux consommateurs ayant souscrit d’inter­change en vue d’opérer un trans­fert
à ses services alors que les commerçants des revenus vers le côté du marché qui
participants reversaient une commission de affiche la plus grande réticence à souscrire à
7 % sur chaque trans­action. Cet agencement leur service. De telles commissions prennent
asymétrique a permis à Diners Club de tirer la forme d’un paiement réalisé par la banque
au cours de ses premiers exercices près du commerçant au bénéfice de la banque du
de 75 % de ses revenus des commerçants porteur de la carte de paiement dans le but
ayant souscrit à ses services (Evans, 2003). que celle‑ci le répercute sur son client, soit en
Bien que dans des proportions moins baissant le prix d’usage payé par ce dernier,
marquées, une telle tarification asymétrique soit en le récompensant par des « points ».
se retrouve encore aujourd’hui au cœur des En France, de telles commissions multi­
stratégies mises en œuvre par la majorité latérales d’inter­change existent au sein des
des systèmes cartes. À titre d’exemple, la trois systèmes de cartes les plus répandus
politique de tarification d’American Express – Visa, Mastercard et Cartes bancaires (CB).
vise en grande partie à assurer l’adhésion
de consommateurs à fort pouvoir d’achat en 3.2. Déterminants du niveau
leur proposant des tarifs et un système de de la commission multi­latérale
récompenses très avantageux. Par la suite, d’inter­change
ces utilisateurs permettront au système
cartes d’attirer des commerçants souhaitant Le bienfondé du recours à des commissions
gagner cette clientèle aisée, qui consentiront multi­latérales d’inter­change a fait l’objet
pour ce faire à payer des frais de souscription d’abondantes recherches économiques
plus importants (Verdier, 2009). qui ont visé à déterminer si, d’une part, les

70 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


commissions d’inter­change adoptées par les qu’en situation de concurrence pure et


plateformes contribuaient réellement au bon parfaite entre inter­médiaires bancaires
fonctionnement du marché des moyens de (Verdier, 2011). En outre, il suppose que tous
paiement et, d’autre part, si elles modifiaient les consommateurs et commerçants sont
les conditions de concurrence entre les confrontés aux mêmes coûts et bénéfices
acteurs. Ces recherches se sont appuyées dans leur usage des cartes de paiement
sur la modélisation des inter­actions entre alors qu’une telle hypothèse ne se vérifie
les différents acteurs participant à des plate‑ pas dans les faits. Ces limites expliquent
formes « quatre coins », exercice qui s’est pourquoi le modèle de Baxter a fait l’objet de
avéré particulièrement complexe au regard nombreuses améliorations depuis sa publi‑
du grand nombre de paramètres devant être cation selon des hypothèses différentes
pris en compte, que cela soit au niveau des en fonction des auteurs. Dans une étude
préférences des agents ou de la nature des de 2002, Rochet et Tirole font le postulat
inter­actions concurrentielles à l’œuvre sur que les commerçants sont homogènes dans
le marché étudié (Verdier, 2009). les bénéfices qu’ils tirent des paiements
par carte alors que les consommateurs
Le point de départ de ces travaux d’analyse sont hétérogènes dans leur utilisation de ce
est le modèle développé par Baxter en 1983 moyen de paiement. Wright (2003) adopte
qui imagine la situation suivante : un pour sa part une approche différente en
consommateur souhaite régler une trans­ avançant l’hypothèse que les deux côtés
action auprès d’un marchand et a le choix du marché sont en réalité tous deux hété‑
entre recourir à une carte de paiement ou rogènes. Ces deux postulats donnent lieu
payer en espèces. Alors que le commer‑ à des estimations différentes du montant
çant, du fait du coût d’opportunité lié à la optimal de la commission multi­latérale
détention des espèces, tire un bénéfice net d’inter­change devant être mise en œuvre
de l’utilisation des cartes de paiement par par la plateforme de paiement et ce quel que
ses clients, le consommateur supporte un soit l’objectif poursuivi par cette dernière :
coût de ce moyen de paiement important, optimum social, volumétrie maximale ou
qui correspond à l’imputation par sa banque encore profit maximal (Verdier, 2011).
des coûts d’émission. Il en résulte une
situation où, même si les bénéfices pour Dans les trois modèles décrits ci‑dessus,
la collectivité des paiements par carte les auteurs supposent qu’il n’existe qu’une
(somme des bénéfices du consommateur seule plateforme de paiement qui est ainsi
et du commerçant) sont supérieurs aux en situation de mono­pole et peut donc
coûts associés à ce moyen de paiement, le librement déterminer le montant de ses
consommateur privilégiera les paiements en commissions d’inter­change. Or, dans la
espèces. Baxter montre ainsi que la mise majorité des marchés bifaces, les plate‑
en place d’une commission d’inter­change formes sont en concurrence les unes avec
égale au bénéfice net du commerçant, les autres pour attirer de nouveaux clients.
payée par la banque du commerçant à La littérature économique montre que la
la banque du consommateur, permet de structure des prix qui découle de telles situa‑
corriger l’externalité d’usage exercée par le tions de concurrence est déterminée par la
consommateur sur le commerçant et ainsi capacité des utilisateurs des deux côtés du
de rétablir l’optimum social (Verdier, 2011). marché à participer à plusieurs plateformes
en même temps. De manière générale,
Bien que fondateur, ce premier modèle la capacité d’un côté du marché à parti‑
souffre de sa simplicité. En effet, il fait ciper à plusieurs plateformes 8 aura pour
l’hypothèse que la banque du consom‑ conséquence d’intensifier la concurrence
8 Ce que Rochet et Tirole
mateur répercutera intégralement sur que se livreront les plateformes auprès appellent « multiho-
son client la commission d’inter­change des utilisateurs appartenant à l’autre côté ming » par opposition
à la situation inverse
reçue de la banque du commerçant alors du marché, exerçant une pression à la connue sous le nom
qu’un tel comportement ne se vérifie baisse sur les prix (Rochet et Tirole, 2003). de « singlehoming ».

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 71


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


L’influence exercée par l’introduction d’inter­change élevées ex ante mais ont


de cartes sans frais annuels pour leurs intérêt à refuser les paiements par carte ex
porteurs aux États‑Unis sur la commis‑ post lorsque des clients se présenteront en
sion commerçant d’American Express caisse pour régler des articles.
offre un exemple parlant de ce mécanisme.
Visa et MasterCard ayant offert au début Les deux auteurs imaginent une situation où
des années 1990 de nombreuses cartes un commerçant est confronté à un touriste
gratuites, les titulaires de cartes Amex se qui est en mesure de payer soit en espèces,
trouvèrent pour la première fois en capacité soit par carte. Le touriste n’étant pas par
d’utiliser ces cartes gratuites en lieu et définition un client régulier, le fait de l’obliger
place de leur carte Amex lorsque celle‑ci à payer en espèces ne remet pas en cause la
n’était pas acceptée par les commerçants. réputation du commerçant. Ledit commer‑
Une telle situation incita progressivement çant accepte donc que le touriste règle ses
un nombre croissant de commerçants articles avec sa carte de paiement unique‑
à se détourner des cartes émises par ment si le choix de ce moyen de paiement
American Express dont la commission était ne représente pas pour lui un surcoût en
alors particulièrement élevée, contra­ignant comparaison à un paiement en espèces.
American Express à réviser à la baisse sa Or, une telle situation ne se produit que si
politique tarifaire (Tirole, 2011). la commission multi­latérale d’inter­change
fixée par le système cartes est à un niveau
3.3. Test d’indifférence qui rend le commerçant indifférent quant
au choix du moyen de paiement utilisé par
Tout comme la concurrence entre les le touriste. En comparant la commission
plateformes de paiement est de nature à d’inter­change obtenue en appliquant cette
peser sur la structure des prix des marchés méthodologie à, d’une part, à celle qui
bifaces, les inter­actions stratégiques entre maximise le surplus total des consomma‑
les commerçants peuvent également teurs et des commerçants et, d’autre part,
mener à des commissions multi­latérales à celle permettant d’atteindre l’optimum
d’inter­change supérieures à ce qui serait social (qui prend en compte les profits des
nécessaire pour atteindre l’optimum social inter­médiaires bancaires), Rochet et Tirole
(Verdier, 2011). Compte tenu de la très large arrivent à la conclusion que la valeur du test
utilisation des cartes de paiement dans les d’indifférence n’est socialement optimale
pays développés, le fait de ne pas accepter que lorsque les banques émettrices sont en
les paiements par carte est pénalisant situation de concurrence parfaite. Dans les
pour les commerçants, car susceptible autres cas de figure, la commission d’inter­
de conduire à l’abandon de transactions change passant le test d’indifférence est
commerciales. Afin de se prémunir d’un généralement inférieure à la commission
tel risque, ces commerçants seraient d’inter­change socialement optimale.
prêts à endosser des coûts supérieurs aux
bénéfices directs qu’ils tirent de l’utilisation
des cartes de paiement, finançant ainsi des 4. Marché des moyens de
commissions d’inter­change excessives. paiement et action publique

Dans une étude publiée en 2008, Rochet Le marché des moyens de paiement fait
et Tirole proposent une méthodologie l’objet de défaillances de marché (« market
simple pour évaluer le niveau de la commis‑ failures ») liées à des asymétries d’infor‑
sion d’inter­change fixée par une plateforme mation et à la présence d’externalités
de paiement. Connue sous le nom du test de réseau. La théorie économique nous
d’indifférence, cette méthodologie repose enseigne qu’une telle situation légitime
sur le postulat que pour des raisons d’at‑ l’inter­vention d’un régulateur extérieur au
tractivité les commerçants sont incités marché à condition qu’une telle inter­vention
à accepter de payer des commissions soit fondée sur un raisonnement rigoureux

72 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


mettant en balance les inconvénients des Au début des années deux mille, il est


remèdes envisagés et les avantages qui cependant apparu au législateur européen
en sont escomptés. que la restriction des activités de mise à
disposition de moyens de paiement aux
4.1. Sécurité des moyens de paiement seuls établissements de crédit soumis à
des obligations prudentielles importantes
La confiance des utilisateurs de moyens en raison de leur large périmètre d’activités,
de paiement dans la sécurité des procédés avait eu un effet secondaire indésirable en
mis en œuvre par les inter­médiaires finan‑ limitant l’accès au marché des moyens de
ciers auxquels ils confient leurs fonds paiement à une série d’acteurs de taille
est un facteur essentiel à leur accepta‑ modeste souhaitant se concentrer exclu‑
tion de ces moyens de paiement et, de sivement sur ce marché et pour lesquels il
manière générale, à la bonne conclusion ne s’avérait pas économiquement viable de
des échanges commerciaux. Or, ces fournir des services de paiement au regard
utilisateurs ne disposent généralement des exigences réglementaires bancaires
ni des connaissances techniques, ni des auxquelles ils devaient se conformer.
ressources nécessaires pour évaluer les
procédures de gestion des risques mises en Pour mettre fin à cette situation, les direc‑
œuvre par leurs prestataires de services de tives de l’Union européenne sur les services
paiement. L’existence d’une telle asymétrie de paiement (directive 2007/64/CE ou
d’information entre clients utilisateurs et DSP1 : cf. chapitre 3, section 2) et sur la
prestataires justifie une inter­vention des monnaie électronique (directive 2009/110/CE
auto­rités publiques en vue d’apporter une dite DME2) ont introduit, aux côtés du statut
garanti­e extérieure de la sécurité des diffé‑ d’établissement de crédit, deux nouvelles
rents moyens de paiement. catégories de prestataires de services de
paiement disposant de régimes pruden‑
Comme évoqué dans le chapitre précédent, tiels allégés car proportionnés aux risques
cette mission est généralement confiée aux opérationnels et financiers auxquels ces pres‑
banques centrales. Fortes de leur indépen‑ tataires sont exposés dans le cadre de leurs
dance et de leur expertise, celles‑ci occupent activités : les établissements de paiement
une position privilégiée pour surveiller le et les établissements de monnaie électro‑
marché des moyens de paiement, dans le nique. Fournissant des services spécialisés
but de maintenir la confiance des agents et restreints aux instruments de paiements,
dans la monnaie tout en créant un envi‑ ces deux nouveaux types d’établissements
ronnement économique favorable aux génèrent en effet des risques plus circons‑
échanges commerciaux. Cette activité crits que ceux inhérents au spectre plus large
de surveillance menée par les banques des établissements de crédit. Il apparaît donc
centrales inclut généralement la mise en légitime qu’ils disposent de régimes adaptés,
place de normes et de réglementations par exemple en matière de capital réglemen‑
relatives aux conditions d’exercice des taire. Les nouvelles dispositions issues de
activités de paiement, la mesure des risques la révision de la directive sur les services
pesant sur les acteurs de la filière, ainsi que de paiement (DSP2) restent fidèles à cette
la production d’informations susceptibles philosophie comme l’illustre notamment
d’influencer l’évolution du marché. l’introduction de nouvelles règles encadrant
l’activité de nouvelles catégories d’acteurs
4.2. Promotion de la concurrence tiers qui initient des paiements depuis un
compte tenu par un prestataire de services
Au‑delà de l’action des banques centrales, le de paiement (PSP) ou qui agrègent les infor‑
bon fonctionnement du marché des moyens mations présentes sur ces comptes.
de paiement est également assuré par le
cadre prudentiel qui s’applique à l’ensemble Au‑delà de cette volonté d’ajuster les
des prestataires de services de paiement. régimes prudentiels aux profils de risque des

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 73


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


différents acteurs, les auto­rités publiques 4.3. Encadrement des commissions


européennes ont également œuvré à multi­latérales d’inter­change
assurer une plus grande trans­parence des
frais facturés par les PSP et à rendre plus L’action des auto­rités publiques en faveur
aisé le changement de compte de paiement. de la concurrence sur le marché des moyens
De telles mesures sont en effet de nature à de paiement les a naturellement menées
réduire le pouvoir de marché des PSP histo‑ à s’inter­roger sur le niveau optimal des
riques (Vives, 2001) et ainsi à promouvoir la commissions multi­latérales d’inter­change
concurrence sur le marché européen des mises en place par certaines catégories
moyens de paiement. d’acteurs, dont en premier lieu les
participants à des systèmes cartes
En France, deux lois adoptées à cinq ans « quatre coins ».
d’inter­valle, en 2008 et 2013 9, prévoient
la trans­mission à chaque client d’un réca‑ Une première approche, notamment mise
pitulatif annuel détaillé des frais perçus en œuvre en Australie et aux États‑Unis,
au titre de la gestion de son compte de a été de plafonner de telles commissions
dépôt et, à partir d’octobre 2015, la notifi‑ d’inter­change sur la base des coûts de
cation dans le relevé mensuel des frais liés l’émetteur de la carte. S’étant vue confier
aux irrégularités et incidents. La directive par la loi Dodd‑Frank la responsabilité de
sur les comptes de paiement adoptée réglementer la commission d’inter­change
le 23 juillet 2014 (directive 2014/92/UE) sur les cartes de débit afin que celle‑ci soit
a étendu ces pratiques à l’ensemble de « raisonnable et proportionnelle au coût
l’Union européenne. Elle dispose que les encouru par l’émetteur du fait de la trans­
États membres devront veiller à ce que action » (Tirole, 2011), la Réserve fédérale
les prestataires de services de paiement américaine l’a plafonnée en 2011 à une
fournissent au consommateur, au moins part fixe de 21 centimes par trans­action
une fois par an et à titre gratuit, un relevé à laquelle vient s’ajouter une part variable
de tous les frais encourus pour les services égale à 5 points de base de la valeur de
liés à un compte de paiement. la trans­action. Une majoration de 1 % de
la commission ainsi obtenue est permise
Cette même directive sur les comptes de dès lors que l’émetteur a mis en place un
paiement requiert que les PSP proposent un dispositif de lutte contre la fraude. Enfin,
service d’aide à la mobilité bancaire assurant la Réserve fédérale a prévu une dérogation
notamment le trans­fert vers le nouveau à cette règle pour tout émetteur ayant des
prestataire de services de paiement de actifs d’une valeur inférieure à 10 milliards
la liste des ordres de virements perma‑ de dollars.
nents et des mandats de prélèvements
actifs. Ce service, qui existe sur le terri‑ La Commission européenne a adopté une
toire français depuis 2009, a été rendu approche différente. Étroitement liée au test
obligatoire au niveau national par la loi d’indifférence, celle‑ci vise à s’assurer que les
n° 2014‑344 du 17 mars 2014 relative à la coûts supportés par un commerçant lorsqu’il
consommation ; à cet effet, des travaux de accepte un paiement par carte corres‑
normalisation des informations échangées pondent aux avantages résultant du fait qu’il
entre les banques lors d’une demande de n’a pas à encaisser d’espèces (Tirole, 2011).
mobilité ont été conduits dans le cadre du C’est sur la base de ce principe qu’elle a 9 Il s’agit de la loi n° 2008-3
Comité français d’organisation et de norma‑ contra­int en 2007 Mastercard à plafonner du 3 janvier 2008 et de
la loi n° 2013‑672 du
lisation bancaires (CFONB), permettant le niveau moyen de ses commissions 26 juillet 2013.
d’harmoniser les conditions de fonctionne‑ d’inter­change liées à ses cartes « consom‑
10 Pour plus d’informa‑
ment du service d’aide à la mobilité bancaire mateur » à 0,20 %.En 2010, Visa s’est aligné tion sur le ser vice
entre tous les établissements français. sur cette position pour ses commissions de mobilité bancaire
français : https://parti-
Ce service est pleinement opérationnel applicables aux trans­actions trans­frontalières culiers.banque-france.
depuis le 6 février 2017 10. liées à ses cartes« consommateur ». Cette fr/votre-banque-et-vous

74 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des moyens de paiement Chapitre 4


Encadré n° 4 : L’exemple français de pilotage par les auto­rités publiques de réduction
de la part fixe des commissions commerçant sur les cartes

Les Assises des paiements (voir chapitre 2, encadré 7), dont les travaux en 2015 ont permis de
préparer le stratégie nationale sur les moyens de paiement, proposaient dans leur rapport final, pour
les paiements de petit montant, « […] d’examiner un abaissement supplémentaire du niveau des
commissions commerçant dans les cas où les dispositions contra­ctuelles prévoient qu’un minimum
de commission sera perçu quel que soit le montant de la trans­action ; à cet égard, il semble souhai‑
table que le niveau minimal contra­ctuel des commissions prélevé ne soit plus désormais supérieur
à 5 centimes d’euro, au lieu de 10 centimes d’euro jusqu’à présent » 1.

Cette proposition avait été reprise dans les objectifs de la stratégie nationale sur les paiements
(« Abaisser, lorsqu’il existe, le minimum de commission commerçant »), et avait conduit les établisse‑
ments bancaires, via la Fédération bancaire française, à s’engager, « […] pour le cas où les dispositions
contra­ctuelles prévoient la perception d’un minimum de commission, à une diminution significative
de ce minimum prélevé » 2.

Dans le cadre de sa mission de mise en œuvre de la stratégie nationale sur les moyens de paiement,
le Comité national des paiements scripturaux a lancé durant l’année 2017 une revue chiffrée de
l’engagement pris par les établissements bancaires. La Banque de France a ainsi collecté auprès
des établissements bancaires les données relatives aux commissions commerçant concernant près
de 1,5 million d’entreprises françaises.

Cette collecte a permis de constater que les engagements pris par la communauté bancaire ont été
tenus : ainsi, les montants moyens des minima contra­ctuels des commissions commerçant ont chuté
de près de 42 % entre 2014 et 2016 (cf. graphique 2).

Évolution des minima de commissions commerçant (2014-2016)


(en %)
10

- 10 - 14 - 15

- 20
- 33
- 30
- 42
- 40

- 50
- 62
- 60
- 68
- 70
2014-2015 2015-2016 Baisse cumulée
(2014-2016)
Baisse des minima moyens
Baisse des minima moyens (pondérée par les volumes réels)

1  https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/File/413453
2  http://www.fbf.fr/fr/files/9X4HFM/Communique-FBF-Assises-des-moyens-paiement-02062015.pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 75


Chapitre 4 L’économie des moyens de paiement


même approche est au cœur du règlement des paiements) qu’aux contra­intes pesant
européen 2015/751 du 29 avril 2015 relatif sur l’émetteur (Tirole, 2011). En comparaison,
aux commissions d’inter­change pour les une réglementation des commissions d’inter­
opérations de paiement liées à une carte, change fondée sur le test d’indifférence
qui plafonne ces commissions sur les cartes – à l’image de la démarche adoptée par la
de débit et les cartes de crédit rattachées à Commission européenne pour la rédaction
des systèmes « quatre coins » à respective‑ du règlement 2015/751 du 29 avril 2015 –
ment 0,2 % et 0,3 % par trans­action. Dans le semble entretenir des liens plus étroits
cas des cartes de débit, les prestataires avec les travaux théoriques. Pour autant,
de services de paiement seront libres de selon l’analyse développée par Tirole (2011),
mettre en œuvre une commission commer‑ une telle approche, fondée uniquement sur
çant (incluant la commission d’inter­change) les coûts supportés par le commerçant,
calculée sur une base fixe de 5 centimes présenterait l’inconvénient de fournir par
par trans­action à laquelle peut s’ajouter une construction une estimation de la commis‑
part variable, à condition que la somme des sion d’inter­change inférieure à celle qui
commissions prélevées sur une année ne serait socialement souhaitable, car elle
dépasse pas 0,2 % du montant total des ne tiendrait compte ni des externalités
trans­actions réalisées au niveau national au négatives pour la société des moyens de 11 
S ur ce point spéci‑
sein d’un même système cartes. paiement alternatifs (fraude fiscale pour les fique, il est à noter que
la Commission euro‑
espèces par exemple), ni de la nécessité de péenne a tenu compte
Ces approches présentent néanmoins toutes préserver une marge pour les émetteurs dans son étude d’im‑
pact (Commission
les deux certaines faiblesses. Bien que la afin de promouvoir l’innovation et, in fine, européenne, 2013) de
première approche, retenue entre autres le bien‑être des utilisateurs. Sur ce dernier ces objections théo‑
par l’Australie et les États‑Unis et fondée point, il est intéressant de noter que les ries en intégrant dans
ses travaux des consi‑
sur le calcul des coûts de l’émetteur, soit a modèles théoriques développés pour décrire dérations empiriques,
priori plus aisée à appliquer que la mesure le fonctionnement des marchés bifaces q u ’ i l s’ a g i s s e d e s
revenus générés par les
des avantages retirés par une population prennent rarement en compte la question commissions d’inter‑
aussi hétérogène que les commerçants, des coûts liés à la prévention de la fraude change en Europe ou des
une réglementation basée sur ce principe (Verdier, 2006), alors que nombreux sont les accords nationaux déjà
intervenus sur le sujet,
apparaît en décalage avec la théorie écono‑ systèmes cartes qui adaptent leur politique notamment celui passé
mique qui attache davantage d’importance tarifaire en vue d’inciter leurs membres à entre les autorités fran‑
çaises de la concurrence
aux relations entre le commerçant et sa investir davantage pour améliorer la sécurité et le Groupement des
banque (qui assure la fonction d’acquisition de leurs applications 11. cartes bancaires en 2011.

76 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


CHAPITRE 5

Instruments financiers,
marchés financiers
et infrastructures
des marchés financiers
Mis à jour le 14 décembre 2018
Chapitre 5 
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

P
our être bien appréhendés, la place et ont un besoin de financement avec les
le rôle des infra­structures des marchés agents économiques qui disposent d’une
financiers nécessitent d’être abordés capacité de financement. Il a également
dans la perspective plus large de l’éco- vocation à permettre de gérer les risques
système financier. Les infra­structures de financiers en les redistribuant entre les
marchés financiers, comme les systèmes acteurs. Le système financier permet ainsi
de paiement, les contreparties centrales d’allouer ces ressources en tenant compte
(CCP) ou les dépositaires centraux de titres en particulier de la rentabilité et des risques.
(CSD) et les systèmes de règlement-livraison Sur ces marchés se créent et s’échangent
(SSS), jouent un rôle clé dans l’échange des des instruments financiers.
instruments financiers qui soutiennent le
financement de l’économie. En effet, les infra­ Les instruments financiers, selon
structures des marchés financiers traitent non l’article L. 211-1 du Code monétaire et
seulement les flux de paiement, mais aussi financier, peuvent être regroupés en
les flux de titres, selon des combinaisons deux catégories : les instruments financiers
variant en fonction des instruments financiers. au comptant, que l’on peut qualifier de titres
financiers, et les instruments financiers
Après la description dans les quatre à terme 2 (on parle aussi de « contra­ts finan-
premiers chapitres des éléments relatifs à ciers ») parmi lesquels on trouve notamment 1 Ce chapitre ayant voca-
la monnaie et aux paiements, ce chapitre les instruments financiers dérivés. tion à donner une vue
présente les principaux concepts afférents générale des instru-
m e n t s e t m a r ch é s
aux instruments financiers et aux infra­ 1.1.1. Les instruments financiers  financiers afin de faci-
structures de marchés qui les traitent, au comptant (ou titres financiers) liter la compréhension du
rôle des infra­structures
en introduction aux chapitres 6 à 16 qui qui s’y rapportent, on
s’attachent pour leur part au fonction- Un marché au comptant est un marché sur renverra aux ouvrages
nement des différentes infra­structures. lequel les actifs sont en général échangés spécialisés les lecteurs
désireux d’avoir une
contre des espèces, à des prix reflétant l’état vision exhaustive desdits
Le présent chapitre dresse ainsi un du marché  3 au moment où sont effectuées instruments et marchés.
panorama synthétique des principaux les trans­actions. Dans le cas d’une trans­ 2 De manière générale,
instruments financiers et du paysage des action au comptant, l’achat et la vente des un instrument financier
à terme est un contra­t
marchés dans lesquels ils sont échangés ; il actifs financiers font l’objet d’un règlement qui engage à vendre ou
décrit les différentes étapes de traitement qui est fixé pour une livraison immédiate, à acheter des valeurs
spécifiques, à une date
d’un instrument financier, depuis l’émission entendue au sens de « jour de règlement fixé précise et à un prix déjà
jusqu’au règlement-livraison. Il présente par les règles dudit marché ». L’instantanéité fixé. Il peut porter sur le
enfin les principaux concepts relatifs aux du marché au comptant est en effet relative titre lui-même, ou sur un
instrument dérivé lié à
infra­structures des marchés financiers, puisque le règlement doit tenir compte des ce titre.
les acteurs de ces infra­structures et les délais de traitement des opérations dites 3 
Tant les paramètres
principes juridiques sur lesquels repose le de post-marché. Bien souvent le règlement globaux du marché que
fonctionnement de ces entités. Les infra­ s’effectue en réalité à T+1 ou T+2, c’est‑à‑dire ceux liés plus précisé-
ment à l’émetteur de
structures traitant des instruments financiers un ou deux jours après la conclusion de la l’instrument financier
sont abordées de manière détaillée aux trans­action, en fonction du type de marché objet de la trans­action.
chapitres 11 (CCP), 12 (CSD) et 13 (SSS) ou d’instrument. Pour les marchés organisés, 4 Règlement n°  909/2014/
et 14 (TARGET2 Securities - T2S). en Europe, le délai de règlement est fixé à UE concernant l’amé-
lioration du règlement
T+2 au maximum par le règlement CSDR  4, de titres dans l’Union
alors que la règle est généralement de T+3 européenne et les
1. Instruments et marchés financiers pour le reste du monde. En revanche, pour dépositaires centraux
de titres, dit « CSDR »
les trans­actions de gré à gré, ce délai peut (Central Securities
1.1. Les principaux être bien plus long (plusieurs mois voire Depositories Regulation).
Il est disponible sur le
instruments financiers 1 plusieurs années) ou plus court (règlement site du journal officiel
le jour de la trans­action, souvent désigné de l’Union européenne,
à l’adresse suivante :
Un marché financier permet de mettre par « T+0 » ou, dans la terminologie http://eur-lex.europa.eu/
en relation les agents économiques qui anglo-saxonne, « same day settlement »). legal-content/

78 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


 Chapitre 5
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

Encadré n° 1 : Émission et circulation des titres financiers : marché primaire/secondaire

Les marchés de titres au comptant (« securities market ») se divisent en deux catégories : les marchés
primaires et les marchés secondaires.

Le marché primaire est le marché sur lequel les nouveaux titres financiers sont émis, notamment lors
d’introductions en bourse (Initial Public Offering ou IPO), d’augmentations de capital, ou d’émissions
obligataires. Il est donc le lieu où les émetteurs de titres financiers (entreprises, États) proposent
leurs titres à des investisseurs et en contrepartie obtiennent les financements dont les titres sont
représentatifs (emprunt ou capital). C’est le marché du « neuf » des titres financiers, par opposition
au marché secondaire qui peut être considéré comme un marché « d’occasion ». Une augmentation
de capital, le placement d’un emprunt obligataire et l’émission de tout nouveau titre financier relèvent
du marché primaire. Ainsi, s’agissant de la dette de l’État français, les Spécialistes en valeurs du
Trésor (SVT) 1 ont en France pour missions d’acquérir les titres d’État et de les placer sur les marchés
auprès d’investisseurs finaux ou d’autres inter­médiaires financiers. Ils doivent participer aux adjudi-
cations et aux éventuelles syndications, c’est-à-dire à l’ensemble des émissions des titres. Les SVT
jouent également un rôle de conseil auprès de l’Agence France Trésor sur la définition et la mise en
œuvre du programme de financement en amont et en aval des émissions.

On parle de marché secondaire pour désigner le marché sur lequel sont échangés les titres financiers
après avoir été émis sur le marché primaire. L’existence d’un marché secondaire signifie d’une part
que le titre est cessible et négociable, d’autre part qu’il existe une certaine liquidité sur le titre, et qu’en
conséquence un investisseur l’ayant acquis peut le revendre à un tiers. Plus le marché secondaire est
actif, plus le titre est liquide et les achats/ventes se réalisent alors dans une fourchette de prix étroite.
En effet un titre très peu liquide peut faire apparaître des écarts de prix importants entre prix vendeur
et prix acheteur du fait du petit nombre d’acteurs. La liquidité du marché est donc importante pour
inciter les investisseurs finaux à investir sur un titre. On notera enfin qu’il n’y a pas de création de
nouveaux titres dans un marché secondaire et que l’émetteur initial n’est pas partie à la trans­action,
sauf dans le cas d’un rachat d’actions ou de dettes avant l’échéance.

1 Les SVT sont des inter­médiaires financiers habilités à traiter des titres émis par l’État ; pour ce faire, ils doivent répondre à des exigences spécifiques
fixées par le Trésor.

Les différents marchés (organisé/gré à gré, cas de figure, de recevoir des titres contre
etc.) et leurs caractéristiques sont présentés une remise d’espèces, lesdits titres devant
plus loin dans ce chapitre. faire l’objet d’une restitution à l’échéance  5.

Sur un marché au comptant, le vendeur a Deux types de titres financiers fondamen-


donc l’obligation de posséder, au jour fixé taux permettent aux entreprises ou aux
pour le règlement, les actifs nécessaires États de lever des fonds sur les marchés
au règlement des ordres passés pour que financiers : les actions (titres de capital) et
la trans­action s’effectue. Il a également les obligations (titres de créance).
la possibilité d’emprunter ces actifs, par
exemple par le biais d’un emprunt de titres ou Une action est un titre de propriété repré-
d’une pension livrée (en anglais, repurchase sentant une fraction des capitaux propres
agreement ou repo) dans l’hypothèse où il ne d’une société. La détention d’une action
détiendrait pas les actifs en portefeuille (on peut ouvrir divers droits tels que :
parlera alors d’une vente à découvert pour
désigner la trans­action initiale). La pension • dividendes annuels selon la politique de
livrée permet en effet également, dans ce distribution de l’entreprise ; 5 Cf. chapitre 15.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 79


Chapitre 5 
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

• droit de vote éventuel ; Faisant suite à un avis de la Banque centrale


européenne en date du 30 mars 2016 6, la
• droit préférentiel de souscription en réforme du marché des titres de créances
cas d’augmentation de capital pour négociables a été effective en droit français
éviter la dilution des droits de votes par un arrêté du 30 mai 2016 7.
de l’actionnaire.
On distingue trois grandes catégories :
Cette valeur mobilière peut être :
• les bons du Trésor ;
• non cotée, dans l’hypothèse où l’en-
treprise place ses actions directement • les titres négociables à court terme,
auprès d’investisseurs qui ont apporté fusion des billets de trésorerie, émis
les fonds en contrepartie ; par les entreprises, et des certificats de
dépôt, qui sont les titres de créances
• cotée en Bourse dès lors qu’il y a un négociables émis par les établisse-
appel public à l’épargne. ments de crédit. La nouvelle appellation
commerciale retenue par la Place
Une obligation représente un titre de de Paris est la suivante : « Negotiable
créance sur l’émetteur (entreprise, État), European Commercial Paper  » ;
dont le montant nominal (valeur faciale) est
remboursé par celui-ci à l’échéance. Elle est • les titres négociables à moyen terme,
assortie d’un taux de rémunération et d’une anciennement bons à moyen terme
durée déterminée à l’émission. Les obliga- négociables.
tions se distinguent en fonction de leur taux,
des modalités d’émission et d’amortisse- Les actions et parts d’organismes de
ment, du mode de paiement du coupon placement collectif (OPC) et de fonds
(intérêts) et de la signature de l’émetteur. communs de créances (FCC) sont
On peut noter quelques variantes : également des titres financiers.

• obligations convertibles : obligations qui Les OPC sont des véhicules financiers


peuvent être converties en actions à qui permettent la collecte et le placement
tout moment ou à des périodes prédé- de l’épargne. Ils donnent à leurs sous-
terminées (selon les termes prévus au cripteurs la possibilité d’investir sur des
contra­t d’émission)  ; marchés financiers auxquels ces investis-
seurs n’auraient que difficilement accès
• obligations remboursables en titres : le autrement (marchés financiers et moné-
remboursement de ces obligations ne taires étrangers, actions non cotées, etc.).
se fait pas en numéraire mais en actions L’activité principale des OPC consiste à
ou autres titres financiers. collecter des fonds en émettant des titres
financiers auprès de divers agents (particu-
D’autres titres financiers plus spécifiques liers, entreprises, etc.) en vue d’acquérir
sont également échangés sur les marchés. des actifs financiers. Prenant en consi-
Quelques exemples sont donnés ci-après. dération le nécessaire arbitrage entre le
profil de risque recherché et l’espérance
Les titres de créances négociables de rendement, les OPC émettent des parts 6 
https://www.ecb.europa.
sont des instruments financiers à court qui peuvent soit être dédiées à une classe eu/ecb/legal/pdf/en_
ou moyen terme négociés sur le marché d’instrument, soit au contra­ire panacher con_2016_20_f_sign.pdf

monétaire. Les titres de créances négo- des classes d’actions et des obligations 7 


https://www.legifrance.
gouv.fr/
ciables sont des valeurs mobilières, dont (y compris selon des critères géogra-
la forme juridique est appliquée à une phiques par exemple France, Europe, 8 Qui ont pour objectif de
servir un taux de rende-
catégorie de moyens de paiement, les Monde), ainsi que des obligations conver- ment lié au taux directeur
billets à ordre. tibles ou encore des fonds monétaires 8. de la BCE.

80 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


 Chapitre 5
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

Les OPC peuvent être constitués sous par souscription de nouvelles parts et


deux formes juridiques : diminue par les rachats effectués par le
FCP à la demande des porteurs de parts.
• société d’investissement à capital
variable (SICAV) : société anonyme Les fonds communs de créances (FCC)
dotée de la personnalité juridique, elle a ou Special Purpose Vehicles (SPV)
pour objet exclusif la gestion des valeurs résultent pour leur part de la titrisation des
mobilières. Elle émet des actions au fur créances des établissements de crédit.
et à mesure de la demande des sous- Ils émettent des parts représentatives de
cripteurs à un prix de vente et de rachat prêts. Ces parts sont des valeurs mobilières.
qu’elle est tenue de publier quotidien-
nement et qui correspond à la valeur de À la différence des SICAV, les parts de
ses actifs ; FCP/FCC ne sont pas cessibles (négo-
ciables), mais peuvent seulement faire
• fonds commun de placement (FCP) : l’objet d’un rachat (remboursement) par le
copropriétés de valeurs mobilières, fonds (FCP ou FCC).
à la différence des SICAV, les FCP
ne disposent pas de la personna- Les Exchange Traded Funds (ETF
lité morale. Les parts d’un FCP sont – également appelés « trackers ») sont des
émises ou rachetées à la demande des fonds d’investissement dont l’objectif est de
porteurs. Le nombre de parts s’accroît répliquer les variations d’indices boursiers.

Encadré n° 2 : Les eurobonds

Un eurobond est une obligation libellée dans une devise différente de celle du pays de l’émetteur du
titre. Le préfixe « euro » du terme « eurobond » est sans lien avec le nom de la monnaie unique euro-
péenne, dont l’introduction est inter­venue, en 1999, c’est-à-dire plusieurs décennies après l’apparition
de ces titres. Les premiers eurobonds ont en effet été émis en 1963 (émission d’eurobonds libellés en
dollars par l’entreprise italienne Auto­strade). Ils se sont réellement développés dans les années 1980,
pour devenir depuis lors une composante importante du système financier inter­national.

Les eurobonds sont en effet attractifs pour les émetteurs de dettes en raison de la flexibilité qu’ils offrent
dans le choix du pays d’émission, et des possibilités d’optimisation fiscale afférentes 1. En effet, ils
ne sont pas, en règle générale, soumis aux taxes et aux réglementations des pays d’émission, ce qui
peut rendre le marché des eurobonds plus accessible que les autres marchés obligataires. Cependant,
en tant qu’obligations en devises étrangères, ils exposent en général l’émetteur et/ou l’investisseur
à un risque de change.

À l’heure actuelle, le marché des eurobonds concerne essentiellement de grands groupes inter­nationaux,
ainsi que des organisations inter­nationales (Banque mondiale, Banque européenne d’investissement,
Fonds européen de stabilité financière).

Attention : il ne faut pas confondre les eurobonds décrits ici et le projet « d’euro-obligations », en
débat depuis plusieurs années au sein de la zone euro, qui consisterait à émettre des titres de dette
publique communs aux États de la zone euro.

1 À leur création, les eurobonds ont notamment été vus comme un moyen de contourner la « Inter­est Equalization Tax » mise en place aux États-Unis
en 1963, qui avait de fortes conséquences pour les investisseurs non américains opérant sur le sol américain.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 81


Chapitre 5 
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

1.1.2. Les instruments dérivés Chicago (Chicago Board of Trade – CBOT).


Ils ont joué un rôle très important pour
1.1.2.1. Qu’est-ce qu’un instrument dérivé ? permettre aux producteurs de se couvrir
contre l’évolution des prix des produits
Un instrument dérivé (ou produit dérivé) agricoles en vendant, de manière ferme
est un instrument ou un contra­t entre et à terme, leur production, à un prix connu
deux contreparties, dont la valeur est liée d’avance. Si nous prenons l’exemple d’un
(dérivée) aux caractéristiques d’un actif ou producteur de blé, celui-ci est confronté à
élément sous-jacent (action, taux d’intérêt, deux contra­intes : déterminer le prix auquel
matière première). Ces instruments il pourra vendre sa récolte et s’assurer de la
permettent de trans­férer un risque lié à vente de sa récolte. L’existence des marchés
l’actif sous-jacent d’un agent économique d’instruments dérivés lui permet donc de
à un autre. Les produits dérivés constituent vendre à terme sa récolte et de s’assurer de
une famille à la fois vaste et hétérogène, cette vente à terme à un prix fixé à l’avance.
ils peuvent prendre des formes simples
ou plus complexes (cf. encadré ci-après). Les instruments dérivés offrent ainsi des
Ils peuvent être négociés soit sur des capacités de protections financières aux
marchés organisés quand ils sont suffi- agents économiques qui les achètent et ont
samment standardisés, soit de gré à gré en conséquence des effets bénéfiques pour
pour répondre à des besoins spécifiques les marchés financiers, même si la crise finan-
aux deux contreparties en présence. cière de 2007 a mis en évidence les risques
systémiques qu’ils peuvent engendrer ou
Les instruments dérivés sont apparus aggraver 9. En effet, même si ces instruments 9 L’utilisation de produits
dérivés complexes tels
au xixe siècle aux États-Unis, dans la région ont un effet stabilisateur pour certains acteurs que les CDS (Credit
de Chicago. Ces premiers instruments dans certaines circonstances, dans la mesure Default Swaps) a été
notamment mise en
furent en effet les dérivés sur produits où ils permettent d’atténuer les risques et de exergue lors de la crise
agricoles, négociés sur le marché de se couvrir face à l’incertitude, la possibilité de 2007-2008.

Encadré n° 3 : Instruments « vanille », instruments « exotiques » et produits structurés


Le terme « vanille » (« plain vanilla ») qualifie les instruments dérivés les plus standards et les moins
sophistiqués, par opposition aux instruments dérivés non standards ou « exotiques », utilisant des
techniques financières plus complexes.

Les instruments financiers dits « vanille » représentent la version la plus simple ou la plus standardisée
d’un instrument financier. Il s’agit généralement des options simples, futures, forwards ou swaps.
Les instruments « vanille » sont ainsi le plus souvent ceux qu’il est le plus simple de valoriser, car
leurs caractéristiques sont standardisées et connues de tous les opérateurs.

Les instruments financiers dits « exotiques » sont des instruments qui présentent pour leur part des
caractéristiques les rendant plus complexes que les instruments « vanille » couramment utilisés par les
opérateurs. Ils ont généralement plusieurs paramètres sophistiqués permettant de définir le payoff, de
l’instrument, c’est-à-dire la formule qui détermine le gain ou la perte pour le détenteur de l’instrument.

Un produit « exotique » peut également inclure des instruments sous-jacents non standardisés,
développés pour un client particulier ou pour un marché particulier. On parle dans ce cas de produits
structurés (structured products).

Les instruments « exotiques » sont également plus difficiles à valoriser que les instruments « vanille »
aux caractéristiques standardisées, et nécessitent en général des outils de valorisation ad hoc.
Ces produits sont par ailleurs majoritairement négociés de gré à gré.

82 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


 Chapitre 5
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

de les utiliser à des fins spéculatives de la • dans le cas d’un put : l’option sera
part d’autres acteurs augmente les compor- exercée si le prix du sous-jacent est
tements à risque notamment de la part des inférieur au prix d’exercice.
vendeurs ou des acheteurs « à découvert ».
Un swap est un contra­t d’échange tempo-
1.1.2.2. Les différents instruments raire de flux financiers entre deux parties
financiers dérivés pendant une période donnée et définie à
l’avance. Typiquement, le calcul des flux
Les principaux types de contra­ts financiers repose sur la valeur future d’un
taux d’intérêt, d’un taux de change ou d’une
Les trois principaux types d’instruments autre variable de marché.
dérivés financiers sont les contra­ts à terme,
les options et les swaps. Les swaps les plus courants sont :

Un contra­t à  terme consiste en un accord • le swap de taux d’intérêt, qui permet


d’acheter ou de vendre un actif à une date « d’échanger » un taux variable contre
future et à un prix fixés à l’avance dans le un taux fixe ;
contra­t. On parle de forwards pour des
contra­ts à terme non standardisés, négociés • le swap de taux en devises, entre taux
de gré à gré (over-the-counter ou OTC). d’intérêts libellés dans différentes
Contra­irement aux forwards, les futures sont devises (« cross-currency swap »
des contra­ts à terme ayant des montants en  anglais) ;
et des dates d’échéances standardisés, et
sont négociés sur des marchés organisés. • le swap de crédit (credit default swap
ou CDS) qui permet d’acheter une
Les options négociables sont des contra­ts protection (assurance) contre le risque
qui donnent le droit (et non l’obligation) à leur de crédit d’un émetteur d’obligations, en
détenteur d’acheter (on parle alors de call) échange de paiements réguliers pério-
ou de vendre (put) un actif sous-jacent à un diques, les primes ;
prix fixé à l’avance (prix d’exercice ou strike)
quel que soit le prix du marché à l’échéance. • le swap de matières premières, qui
Le prix d’une option (appelé aussi la prime, permet d’échange un prix fixe contre
premium) représente le coût fixe que l’ache- un prix variable sur des contra­ts portant
teur paye en contrepartie de cette flexibilité. sur des matières premières.
Les options se négocient soit de gré à gré,
soit sur des marchés organisés. Le Chicago Principaux actifs sous-jacents
Board Options Exchange, créé en 1973, a
été le premier marché organisé d’options. Les principales catégories de sous-jacents
sur lesquels repose le marché des dérivés
L’exercice d’une option peut avoir lieu à une sont, par ordre d’importance décroissante :
date d’échéance donnée (on parle alors les taux d’intérêt, les devises, le crédit, les
d’options européennes), ou à n’importe actions et les matières premières (cf. tableau
quel moment dans la période précédant ci-après).
l’échéance (options américaines). Le fait
qu’une option soit exercée ou non dépend Les premiers sous-jacents sur le marché
du rapport entre le prix du sous-jacent et des dérivés sont les taux d’intérêt. Il existe
le prix d’exercice : différentes classes de dérivés de taux, les
principaux étant les swaps de taux, les
• dans le cas d’un call (option d’achat) : options, les futures et les forwards de
l’option sera exercée par l’acheteur si taux. Les dérivés de taux sont largement
le prix du sous-jacent est supérieur au utilisés par les acteurs de marché pour
prix d’exercice à l’échéance ; couvrir les risques liés aux fluctuations des

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 83


Chapitre 5 
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

taux d’intérêts. Ils constituent la principale T1 : Volumes de produits dérivés échangés de gré à gré,
composante des échanges de dérivés sur par type de sous-jacent
le marché de gré à gré. (en milliards de dollars et en pourcentage)
Sous-jacents Notionnel %
Les instruments dérivés sur devises (position ouverte)
regroupent essentiellement des « contra­ts Taux d’intérêt 415 914 77 
à terme sec » (outright forwards)  10, des Change 76 980 14 
swaps et des options. Forwards et swaps Crédit 9 868 2 
représentent à eux seuls plus de la moitié du Actions 6 836 1 
marché des dérivés sur devises. En matière Matières premières 1 401 –
de sous-jacent, sur le marché des swaps de Non alloué 31 436 6 
taux qui représentent plus des trois quarts Total 542 435 100 
Source : BIS semiannual OTC derivative statistics (1er semestre 2017).
des montants notionnels, trois devises
concentrent plus de 78 % du marché à
fin 2016 11 : le dollar américain, l’euro et le yen. trans­a ction, elles peuvent le faire sur
deux types de marchés : (1) sur un marché
Les principaux dérivés de crédit sont organisé (également appelé marché régle-
les CDS (credit default swap), contra­ts menté), c’est-à-dire une plate-forme de
par lesquels une partie s’engage à régler négociation ou (2) sur le marché de gré
périodiquement une prime grâce à laquelle à gré, aussi appelé over-the-counter (OTC)
elle achète une protection, en contrepartie en anglais. Sur un marché de gré à gré,
de laquelle le vendeur de protection prend la trans­action est conclue bilatéralement
à sa charge le risque de crédit sur l’entité entre les deux parties, selon des termes
de référence en cas de défaillance de cette déterminés par celles-ci, tandis que sur
dernière pendant une période convenue. un marché réglementé, les parties ne
négocient pas bilatéralement mais placent
Les dérivés d’actions sont majoritairement des ordres d’achat et de vente, via une plate-
des options, des swaps et des forwards. forme de négociation. Cette distinction a
Les options sur actions représentent près notamment de nombreuses conséquences
de 75 % de ce marché. Le sous-jacent peut sur les risques et la trans­parence des
être une action ou un indice boursier. trans­actions réalisées sur le marché des
instruments dérivés.
Enfin, les instruments dérivés sur matières
premières ne représentent qu’une propor- Le fonctionnement d’un marché organisé
tion faible du marché des dérivés, mais est assuré par une entreprise de marché.
peuvent être très variés. On compte ainsi Une entreprise de marché est une société 10 Contra­t à  terme sec
(outright for ward) :
des produits dérivés sur les produits commerciale ayant pour activité de fixer opération d’échange
énergétiques, les métaux ou les produits les règles de fonctionnement et d’admis- à terme de deux devises
agricoles. Les contra­ts sont également très sion au marché, tout en se conformant à à un cours convenu à la
date de conclusion du
divers (options, forwards, futures, swaps) la réglementation de l’auto­rité qui régle- contra­t pour règlement
et peuvent dans certains cas être très mente l’activité des marchés réglementés. ou livraison dans le
futur (plus de deux jours
standardisés, ou au contra­ire échangés La participation à un marché organisé n’est ouvrés). Cette catégorie
uniquement de gré à gré. pas ouverte à tous mais est réservée à des recense également les
membres, ou participants, seuls habilités forward foreign exchange
agreement trans­actions
1.2. Les marchés à négocier sur la plate-forme de négocia- (FXA), les forwards non
d’instruments financiers  tion. Les membres du marché se chargent livrables (non delive-
rable forwards) et les
de trans­mettre les ordres de leurs clients, contra­ts report/déport
1.2.1. Les marchés organisés particuliers ou institutionnels. Sur un marché (forwards contra­cts for
et les marchés de gré à gré organisé, la négociation porte sur des instru- differences).

ments financiers standardisés, c’est-à-dire 11 Source : BRI enquête


triennale sur les dérivés
Lorsque deux parties, un acheteur et présentant des caractéristiques communes https://www.bis.org/
un vendeur, souhaitent conclure une et largement répandues, selon plusieurs statistics/d12_3.pdf

84 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


 Chapitre 5
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

critères (caractéristiques des produits, lieu de • imposer la négociation des dérivés OTC


livraison ou de règlement, date d’échéance standardisés sur des plates-formes
du contra­t,…). Ces instruments financiers de  négociation ;
sont généralement liquides, ce qui signifie
qu’il existe un marché actif de vendeurs • soumettre les trans­actions sur tous les
et d’acheteurs pour les négocier. dérivés OTC à une déclaration à des
référentiels centraux de données (Trade
À titre d’exemple, la Bourse de Paris repositories) (cf. chapitre 16) ;
est gérée par l’entreprise de marché
Euronext Paris SA, membre du groupe • soumettre les contra­ts OTC non standar-
Euronext N.V qui réunit à ce jour les marchés disés et non compensés à des exigences
français, néerlandais, belge, portugais et spécifiques en capital.
irlandais (depuis l’acquisition de la Bourse
de Dublin par Euronext en 2018). En tant Ces engagements se sont notamment
qu’entreprise de marché, Euronext Paris SA traduits dans l’Union Européenne et aux
est soumis à la supervision de l’Auto­rité des États-Unis par la mise en place respec-
marchés financiers (AMF). tivement du règlement EMIR et du
Dodd-Frank Act.
Sur un marché de gré à gré en revanche,
les deux parties négocient librement L’évolution de la réglementation a donc
les termes de la trans­action. Les instru- progressivement soumis les dérivés OTC
ments traités de gré à gré peuvent donc à davantage de règles : ainsi par exemple,
être moins standardisés (s’agissant même pour les contra­ts OTC non stan-
notamment de produits dérivés) et le cadre dardisés et non soumis à compensation
réglementaire applicable est plus souple. obligatoire, les contreparties sont désormais
Ils sont ainsi par exemple libres de fixer tenues de s’échanger des marges pour
les clauses du contra­t qui va les lier, en couvrir leurs expositions.
particulier le montant (ou notionnel) 12 et
la date d’échéance. La crise de 2007-2008 1.2.2. Les différents types
a souligné l’importance des marchés de de plates-formes de négociation
dérivés de gré à gré en matière de stabilité
financière, compte tenu (i) du caractère 1.2.2.1. Le contexte : de MIF à MIF 2
bilatéral de ces trans­actions, ce qui exclut
a priori l’existence d’un lieu central où les Jusqu’au milieu des années deux mille, les
trans­actions sont enregistrées et traitées, marchés européens se caractérisaient par
rendant le contrôle plus difficile ; (ii) de leurs l’existence de plateformes de négociation
paramètres spécifiques, ce qui rend leur domestiques, chacune étant en situation
profil de risque unique et la répartition des de quasi-mono­pole.
risques sur l’ensemble du système difficile
à appréhender, et enfin (iii) du volume des La directive sur les marchés d’instruments
trans­actions sur ces marchés, qui a connu financiers (dite MIF), adoptée en 2004 et
une croissance exponentielle au cours entrée en application le 1er novembre 2007,
des années deux mille. a défini une nouvelle organisation des
marchés actions en Europe. Celle-ci
Afin de sécuriser les trans­a ctions sur visait à promouvoir la concurrence en
dérivés OTC et d’accroître leur trans­parence, auto­risant des modes « alternatifs »
le G20, lors du sommet de Pittsburgh de négociation aux côtés des plates-
en 2009, a pris les engagements suivants : formes traditionnelles (les « bourses »). 12 Valeur faciale du contra­t,
qui ne fait pas l’objet d’un
Par ailleurs, afin d’assurer la qualité du échange, mais qui sert
• soumettre les dérivés OTC standardisés mécanisme de formation des prix sur un à calculer les flux de
paiement, par exemple
à une obligation de compensation par une marché devenu fragmenté, la directive MIF le montant des intérêts
contrepartie centrale (cf. chapitre 11) ; édictait de nouvelles règles en matière dans un swap de taux.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 85


Chapitre 5 
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

de trans­parence pré et post-négociation avec pour objectif premier de remédier


et faisait reposer la protection des inves- aux faiblesses identifiées de MIF mais
tisseurs sur le principe de « meilleure également dans un contexte marqué par
exécution » (best execution), fondé sur la crise financière de 2008 et la « feuille
la recherche du système de négociation de route » du G 20. Suite à une consulta-
offrant le meilleur prix au client. tion publique lancée en décembre 2010, la
Commission a présenté ses propositions en
La directive MIF a atteint deux de ses octobre 2011. À l’issue d’un débat intense
objectifs : la baisse du coût des trans­actions et complexe, le dispositif MIF 2 (composé
sur le marché des actions et l’apparition de d’une directive et d’un règlement) a été 13 Cf. rapport « Fleuriot »
(rapport au ministre de
systèmes de négociation véritablement adopté en mai 2014 et est entré en appli- l’Économie, de l’Indus-
pan-européens. En revanche, ses effets sur cation le 3 janvier 2018. Il vise à rétablir trie et de l’Emploi sur la
la liquidité et la trans­parence des marchés une concurrence équitable (« level-playing- révision de la directive
sur les marchés d’ins-
ont été plus incertains. field ») entre marchés réglementés et truments financiers),
modes alternatifs de négociation, renforcer février 2010 (http://
pubminefi.diffusion.
Les travaux de révision de la directive MIF la trans­parence et améliorer la protection finances.gouv.fr/pub/
(MIF 2) ont été entamés dès fin 2009 13 des investisseurs (cf. encadré ci-après). document/18/8079.pdf).

Encadré n° 4 : MIF 2

Le dispositif MIF 2 est composé d’une directive (MiFID 2) et d’un règlement (MiFIR). Toutefois, au-delà
de ces deux textes dits « de niveau 1 », MIF 2 compte également plus de 40 textes « de niveau 2 »
(règlements délégués et règlements d’exécution) adoptés par la Commission sur la base de normes
techniques élaborées par l’Auto­rité européenne des marchés financiers (ESMA), ainsi qu’une série de
documents « de niveau 3 » (Guidelines et Questions/Answers) publiés par l’ESMA.

MIF 2 comporte deux volets principaux : organisation des marchés et protection des investisseurs.

Organisation des marchés

• Extension du périmètre des instruments financiers concernés (qui, sous MIF, était limité aux actions)
aux titres assimilés actions et aux instruments dits « non actions » : obligations, produits dérivés,
produits structurés et quotas carbone.

• Création d’une nouvelle catégorie de plate-forme organisée (limitée à la négociation des instruments
« non actions ») : les Organised Trading Facilities (OTF)

• Restriction du périmètre de la négociation de gré à gré (obligation de négociation des actions et de


certains dérivés), renforcement du régime d’inter­nalisateur systématique, inter­diction des systèmes
d’appariement d’ordres (crossing networks).

• Instauration d’un principe d’accès non discriminatoire (« open access ») des plates-formes de négo-
ciation aux chambres de compensation (CCP) et réciproquement, ainsi qu’aux indices de référence.

• Renforcement des exigences de trans­parence pré-négociation (avec des exemptions possibles


calibrées en fonction de la liquidité de l’instrument et/ou de taille de la trans­action) : publication
des prix acheteurs et vendeurs et de l’importance des positions exprimées à ces prix.

…/…

86 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


 Chapitre 5
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

• Renforcement des exigences de trans­parence post-négociation (différés possibles calibrés selon


les mêmes critères que ci-dessus), avec la mise en place de systèmes consolidés de publication
(Consolidated Tape Provider ou CTP) et de dispositifs de publication agréés (Approved Publication
Authority ou APA).

• Densification du reporting des trans­actions auprès du régulateur et mise en place de mécanismes


de déclaration agréés (Approved Reporting Mechanism ou ARM).

• Encadrement du trading algorithmique et du trading à haute fréquence afin de prévenir les risques
de dysfonctionnement et de manipulation de marché.

• Encadrement des marchés dérivés de matières premières (limites de position et déclarations).

Protection des investisseurs

• Renforcement de la gouvernance des produits via une définition plus fine des responsabilités respec-
tives du producteur (qui définit les caractéristiques du produit, le marché-cible et les canaux de
distribution) et du distributeur (qui comprend les caractéristiques du produit, détermine également
le marché-cible et s’assure de la cohérence entre celui-ci et sa propre clientèle).

• Accroissement de la trans­parence vis-à-vis des investisseurs : communication des coûts et charges


relatifs aux services et produits en amont et éventuellement en aval de la trans­action.

• Introduction de la notion de conseil « indépendant », avec obligation pour les entreprises d’inves-
tissement fournissant un conseil de préciser s’il s’agit d’un conseil indépendant ou non.

• Renforcement de l’encadrement des rémunérations et avantages (inducements) : leur perception est


inter­dite dans le cadre de la fourniture d’un service de conseil indépendant ou d’une gestion sous
mandat ; elle est auto­risée pour les autres services, à condition qu’elle ait pour objet d’améliorer
la qualité du service et que le client soit clairement informé de leur nature, montant ou mode de
calcul, en amont de la fourniture du service.

• Mise en place d’un nouveau régime pour le financement de l’analyse financière.

• Renforcement des obligations de trans­parence au titre de la « best execution » : l’information sur


l’exécution des trans­actions doit être plus détaillée et facilement compréhensible par le client.

1.2.2.2. Les marchés réglementés financiers admis à la négociation dans


le cadre de ses règles et/ou de ses
MIF 2 définit un marché réglementé systèmes, et qui est agréé et fonctionne
comme « un système multi­latéral, exploité régulièrement conformément au titre III
et/ou géré par un opérateur de marché, [de la directive] ».
qui assure ou facilite la rencontre – en
son sein même et selon ses règles non Un marché réglementé se caractérise donc
discrétionnaires – de multi­ples intérêts par l’exécution non discrétionnaire des
acheteurs et vendeurs exprimés par des trans­actions : un ordre placé sur le carnet
tiers pour des instruments financiers, d’une d’ordre ne peut en être retiré et doit être
manière qui aboutisse à la conclusion de apparié auto­matiquement avec les ordres
contra­ts portant sur des instruments disponibles dans le système.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 87


Chapitre 5 
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

1.2.2.3. Les modes alternatifs de négociation d’un pouvoir discrétionnaire sur la manière
dont sont exécutées les trans­actions : il peut
Les systèmes multi­latéraux de négociation décider de placer ou de retirer un ordre sur
(multi­lateral trading facility ou MTF) l’OTF, ou décider de ne pas apparier un ordre
spécifique avec les ordres disponibles dans
Les MTF, qui existaient déjà sous MIF, sont le système à un moment donné, ce qui peut
définis dans MIF 2 comme « un système permettre notamment d’exécuter les ordres
multi­latéral, exploité par une entreprise d’in- au mieux pour les clients. En contrepartie,
vestissement ou un opérateur de marché, l’opérateur d’un OTF ne peut pas exécuter
qui assure la rencontre – en son sein même d’ordres en compte propre.
et selon des règles non discrétionnaires –
de multi­ples intérêts acheteurs et vendeurs Les inter­nalisateurs systématiques (IS)
exprimés par des tiers pour des instruments
financiers, d’une manière qui aboutisse à Les IS, qui existaient déjà sous MIF, sont
la conclusion de contra­ts conformément définis dans MIF 2 comme « une entreprise
au titre II [de la directive] ». d’investissement qui, de façon organisée,
fréquente et systématique, négocie pour
Sur un MTF, comme sur un marché régle- compte propre en exécutant les ordres des
menté, les trans­actions sont exécutées clients en dehors d’un marché réglementé
de manière non discrétionnaire. Les MTF ou d’un MTF ».
offrent en général un accès moins coûteux
que les marchés réglementés, mais limité À la différence d’un OTF, un IS exécute
aux valeurs les plus liquides et sur lesquelles les ordres de ses clients en engageant
sont traités les plus gros volumes. ses propres capitaux. En contrepartie, il
Un gestionnaire de marché réglementé est soumis à des exigences prudentielles
peut aussi gérer, en parallèle, des MTF renforcées.
afin de répondre à certains besoins spéci-
fiques des acteurs ; ainsi, Euronext gère Les dark pools
également deux systèmes multi­latéraux
de négociation : Alternext (pour les titres La notion de dark pool vise la situation où
de PME et d’ETI) et BondMatch (pour les le passage d’un ordre dans un système
obligations libellées en euro). de négociation se fait sans obligation de
déclaration pré-négociation, en bénéfi-
Les systèmes organisés de négociation ciant d’une exemption prévue par les
(organised trading facility ou OTF) textes permettant ainsi d’effectuer des
trans­actions sans divulguer les ordres
Les OTF sont une nouvelle catégorie de avant leur exécution. Un gestionnaire de
plate-forme organisée introduite par MIF 2, marché réglementé peut aussi gérer un
qui les définit comme « un système multi­ dark pool. Ainsi Euronext gère un dark pool
latéral, autre qu’un marché réglementé ou appelé SmartPool.
un MTF, au sein duquel de multi­ples intérêts
acheteurs et vendeurs exprimés par des 1.2.3. Données statistiques :
tiers pour des obligations, des produits les plates‑formes de négociation
financiers structurés, des quotas d’émis-
sion ou des instruments dérivés peuvent Les graphiques ci-dessous illustrent les
inter­agir d’une manière qui aboutisse à la positionnements respectifs des diffé-
conclusion de contra­ts conformément au rentes plates-formes de négociation au
titre II [de la directive] ». plan mondial, en termes de capitalisation
boursière (cf. graphique 1) d’une part, et de
À la différence des marchés réglementés valeur échangée sur les marchés actions
et des MTF, l’opérateur d’un OTF dispose (cf. graphique 2), d’autre part.

88 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


 Chapitre 5
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

G1 : Capitalisation boursière listée totale des principaux marchés réglementés mondiaux
(au 31 décembre 2016)
(en millions de dollars)

25 000 000,00
Market capitalisation (USD millions)

20 000 000,00

15 000 000,00

10 000 000,00

5 000 000,00

0,00

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Source : World Federation of Exchanges.

G2 : Valeur des échanges sur les marchés actions en 2016


(en millions de dollars)

20 000 000,00
Equity value traded, 2016 (USD millions)

18 000 000,00
16 000 000,00
14 000 000,00
12 000 000,00
10 000 000,00
8 000 000,00
6 000 000,00
4 000 000,00
2 000 000,00
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Source : World Federation of Exchanges.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 89


Chapitre 5 
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

2. Le cycle de vie (cf. chapitre 12) par l’émetteur et les inter­


d’une transaction financière médiaires financiers (qui vont acquérir les
titres émis soit pour compte propre soit
2.1. Description du cycle de vie pour compte de leurs clients).
d’une trans­action
sur instrument financier Pour les entreprises ou les États, l’émis-
sion de titres est essentielle dans le cadre
Les développements suivants détaillent le de leur financement par les marchés.
cycle de trans­actions portant sur des instru- En général, ces émissions se font sur
ments financiers, qui donnent lieu à des flux le marché primaire (cf. plus haut dans le
d’espèces et des flux de titres. Pour autant, présent chapitre) :
d’autres opérations financières, comme par
exemple les prêts en blanc (sans remise de • pour les actions : dans le cadre d’une
titres en collatéral) donnent uniquement introduction en bourse ou IPO (Initial
lieu à des flux espèces. Ainsi qu’il est dit Public Offer) lors d’un premier recours à
ci-dessus les opérations sur produits dérivés l’épargne publique ou plus souvent sous
donneront également lieu le plus souvent la forme d’augmentations de capital ;
à un seul flux espèces.
• pour les émissions obligataires : elles
La chaîne de traitement d’un titre désigne se font généralement sous la forme
l’ensemble des opérations mises en d’appels d’offres (competitive bidding)
œuvre pour garanti­r la bonne fin des trans­ auprès des teneurs de marché que
actions conclues sur un marché financier. sont les banques, qui agissent pour
Les opérations de traitement peuvent varier compte propre ou pour le compte de
en fonction de la nature du titre considéré leurs clients ;
et/ou du type de marché concerné (centra-
lisé vs gré-à-gré), toutefois elles peuvent • pour les émissions de dette souveraine :
être groupées en quatre étapes : l’émis- les titres de dettes d’État sont émis en
sion quand il s’agit d’un titre et de la France via un processus d’adjudication,
première mise sur le marché de l’instrument géré par l’Agence France Trésor  14 (AFT).
en question, la négociation, la compensation L’adjudication se fait sous la forme
et le règlement-livraison. d’enchères dites « à la hollandaise »
(ou enchères à prix multi­ples et prix
2.1.1. Émission scellés) ouvertes à un nombre limité de
participants, les Spécialistes en valeurs
La première étape du cycle de vie d’un du Trésor (SVT, ou primary dealers). 14 L’Agence France  Trésor
titre financier est son émission, qui Avant chaque adjudication, l’AFT fixe est un service à compé-
tence nationale français
correspond à la création d’un nouveau le montant qu’elle souhaite emprunter chargé de gérer la dette
titre financier (ex : action ou obligation). et les échéances sur lesquelles elle et la trésorerie de l’État.
Historiquement, la création d’un titre était
matérialisée par un certificat imprimé confié
à l’investisseur, contre la remise concomi-
tante des fonds par ce dernier. Ce certificat, La chaîne de traitement des titres
qui représentait en réalité la créance de
l’investisseur, était généralement déposé
dans les coffres détenu par l’investisseur
dans sa banque. En France, depuis 1984, les
titres de valeurs mobilières sont totalement Règlement-
Émission Négociation Compensation
livraison
dématérialisés. Ces titres sont désormais
émis, conservés et échangés électroni-
quement, via des inscriptions comptables
sur les comptes ouverts auprès d’un CSD

90 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


 Chapitre 5
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

souhaite le faire. Puis les SVT indiquent


le montant de dette qu’ils souhaitent De la transaction à la confirmation
acheter et le prix qu’ils sont prêts
à payer. Les enchères reçues sont
Execution de
ensuite classées et attribuées par ordre la transaction Confirmation Appariement
de prix décroissant jusqu’à atteindre le
total souhaité par l’AFT. À fin 2017 on
dénombrait 15 SVT habilités à parti-
ciper aux adjudications. Pour le reste
des participants, les obligations sont
donc nécessairement négociées sur laquelle les deux contreparties soumettent
le marché secondaire. leurs enregistrements.

2.1.2. Négociation Après la confirmation, le rapprochement


des deux enregistrements (en général chez
Comme décrit plus haut, les titres et instru- le dépositaire central – cf. chapitres 12, 13
ments financiers peuvent être échangés et 14) se fait alors via une procédure
sur des marchés organisés ou de gré à gré. appelée appariement (ou matching).
De plus, un investisseur peut inter­venir
directement en son compte propre sur ces 2.1.3. Compensation
marchés (on parle alors de dealer), mais
de nombreux investisseurs ont tendance Lorsqu’elle existe, la troisième étape du
à passer par des inter­médiaires (désignés traitement des opérations est la compen-
alors sous le nom de brokers). La négocia- sation. Cette étape n’est en effet pas
tion est la première étape de la trans­action. obligatoire pour tous les instruments ni
Lors de cette phase, pour les marchés tous les marchés. En règle générale, les
de gré à gré, acheteur et vendeur se produits échangés sur des plates-formes
mettent d’accord sur les termes du contra­t. organisées sont compensés. Par ailleurs,
depuis 2012 et les réformes comme EMIR
L’étape immédiatement consécutive à ou le Dodd‑Franck Act, de plus en plus de
l’accord des deux parties est la vérification dérivés OTC sont soumis à une compen-
des détails de la trans­action. Cette étape sation obligatoire par une contrepartie
est nécessaire dans la chaîne de traitement centrale. Le fonctionnement des chambres
des titres, ainsi que pour la gestion des de compensation jouant le rôle de contre-
risques. Pour les trans­actions effectuées sur partie centrale (central counterparties
un marché réglementé, c’est ce dernier qui, ou CCP) est détaillé dans le chapitre 11.
dans la mesure où il assure la confrontation
des ordres d’achat et de vente, se chargera 2.1.4. Règlement-livraison
de la vérification. Pour les trans­actions effec-
tuées de gré à gré, les deux contreparties La dernière étape de la chaîne de traite-
se chargent de vérifier les détails de la trans­ ment des titres est le règlement-livraison.
action via leurs systèmes inter­nes. Elle se traduit par le dénouement des enga-
gements réciproques de l’acheteur et du
La procédure selon laquelle un enregis- vendeur et la passation des écritures en
trement de la trans­action sur laquelle les compte assurant le caractère définitif des
deux parties se sont mises d’accord est trans­actions, c’est‑à‑dire la livraison des
créé, s’appelle la confirmation. Ceci peut titres à l’acheteur, et le versement des fonds
se faire lorsqu’une des deux contrepar- au vendeur, quand il y a lieu.
ties envoie les détails de la trans­action à
l’autre, qui vérifie les détails et donne son La gestion des systèmes de règlement
accord. Ce processus peut également s’ef- livraison est assurée par les dépositaires
fectuer en impliquant une tierce partie à centraux (cf. chapitres 12, 13 et 14).

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 91


Chapitre 5 
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

Spécificités elles assurent la compensation (lorsqu’elle


du règlement des produits dérivés existe), le règlement et la livraison des
engagements et/ou contra­ts négociés sur
Les produits dérivés ne donnent généralement le marché. Elles se situent donc dans la
pas lieu à une phase de règlement-livraison sphère « post-marché » de la vie d’une
initiale mais à des flux inter­médiaires. Qu’ils trans­action financière, et ne recouvrent
soient listés ou échangés de gré à gré, pas les plates-formes de négociation, qui
le règlement à l’échéance des produits constituent les marchés.
dérivés peut se faire de deux façons :
Si des infra­structures des marchés finan-
• le règlement en espèces (cash ciers sûres et efficientes contribuent à
settlement), qui implique un échange préserver et à promouvoir la stabilité finan-
de flux financiers correspondant à la cière et la croissance économique, elles
valeur du contra­t à la date d’échéance. concentrent aussi, selon des formes diffé-
Cette méthode est utilisée dans la rentes en fonction du type d’infra­structure,
grande majorité des contra­ts dérivés. les risques (cf. chapitre 17). Si elles venaient
Suite aux processus de netting, le à être défaillantes, les infra­structures des
règlement entraîne généralement marchés financiers pourraient être à l’origine
des échanges d’espèces nets entre de chocs financiers, comme des perturba-
débiteurs et créditeurs ; tions sur la liquidité ou le prix des actifs,
ou encore constituer un vecteur de trans­
• le règlement physique (physical mission majeur de chocs entre marchés
settlement) s’il y a lieu, avec livraison financiers nationaux et inter­nationaux.
de l’actif sous-jacent en échange du Les effets d’une telle perturbation pour-
paiement du prix déterminé dans le raient aller bien au-delà des infra­structures
contra­t. Dans le cas où l’actif sous-jacent et de leurs participants, menacer la stabilité
est constitué de titres, le règlement- des marchés financiers nationaux et inter­
livraison se fait via un CSD. nationaux et toute l’économie. En revanche,
des infra­structures robustes sont un atout
Toutefois, selon la pratique de marché et pour les marchés financiers en ce qu’elles
pour éviter un règlement physique, les permettent aux inter­venants de remplir
acteurs de marché ont tendance à clôturer en toute confiance leurs obligations en
(« offset ») leurs positions avant l’échéance temps voulu, même en période de tensions.
des produits dérivés (c’est-à-dire avant la À titre d’exemple, durant la crise financière
date de règlement), le plus souvent en de 2008, les infra­structures des marchés
prenant une position opposée sur le même financiers ont fait preuve d’une forte rési-
produit dérivé. Le netting entre ces positions lience et ont efficacement mis en œuvre
permet des règlements en espèces sans leurs mécanismes de gestion des risques,
avoir à échanger le sous-jacent. évitant ainsi la contagion à l’ensemble des
acteurs financiers. S’agissant des contre-
parties centrales (CCP), les objectifs de
3. Les caractéristiques sécurité et d’efficacité sont encore plus
communes aux infrastructures pertinents parce que les auto­rités nationales
des marchés financiers et inter­nationales ont proposé, voire exigé
dans certains cas, le recours obligatoire à un
Les infra­structures des marchés finan- système centralisé de compensation sur un
ciers inter­viennent soit pour régler les nombre croissant de marchés financiers  15.
paiements inter­bancaires, soit après la
négociation d’une trans­action financière Ce sont les raisons pour lesquelles les
sur le marché, quel qu’il soit (marché régle- infra­structures de marché sont générale-
15 Source, PFMI, point 1.15,
menté ou marché de gré à gré). Outre le ment considérées comme des institutions https://www.bis.org/
règlement des paiements inter­bancaires, « systémiquement importantes ». cpmi/publ/d101_fr.pdf

92 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


 Chapitre 5
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

3.1. Définition des « infra­structures Enfin, cette définition englobe les diffé-
des marchés financiers » rents acteurs parties prenantes que sont
les participants et l’opérateur du système.
Le rapport publié par le CPMI 16  et L’inclusion de ce dernier est un élément
l’IOSCO  17  en avril 2012 énonce un nouveau qui permet de faire peser sur lui
ensemble de « Principes pour les infra­ des obligations spécifiques, notamment
structures des marchés financiers » en matière de gouvernance.
(Principles for Financial Market Infra­
structures ou PFMI). Notion nouvelle, une 3.2. Les acteurs des infra­structures
infra­structure des marchés financiers (FMI) des marchés financiers
est définie comme « un système multi­latéral
entre entités participantes, incluant l’opé- Comme la définition des infra­structures des
rateur du système, utilisé dans l’objectif marchés financiers le souligne, les acteurs
de compenser, régler, livrer ou enregistrer en sont l’opérateur (ou gestionnaire du
des paiements, des titres, des dérivés ou système) et les participants.
d’autres trans­actions financières ».
3.2.1. L’opérateur et sa gouvernance
Cette définition met l’accent sur les
fonctions qu’une infra­structure remplit, L’opérateur est l’entité responsable du
sans s’attacher au statut des différentes bon fonctionnement du système. C’est la
entités qui sont parties prenantes de ladite personne morale qui gère le système, en
infra­structure. Ainsi, ce qui importe est assure la gouvernance, en définit les règles
l’activité assurée par l’infra­structure, ce de participation et de gestion des risques,
qui se comprend bien dans le cadre d’une et répond de sa conformité vis-à-vis des
approche visant à faire face aux risques auto­rités nationales compétentes pour sa
générés par une activité, sans accorder surveillance (« oversight »).
d’importance au statut de celui qui l’exerce.
16 
Committee on Payments
Avec la publication et la mise en œuvre and Market Infra­structu­res.
Comme on le verra au chapitre 18, les des PFMI, les exigences se sont renforcées
17 
Inter­national Organization
premières recommandations inter­nationales à l’égard des opérateurs d’infra­structures of Securities Commissions.
adoptées par les banques centrales des marchés financiers. Ceci est particu-
18 Rapport du Committee
du G10 en 1990 (rapport Lamfalussy 18) puis lièrement vrai en matière de gouvernance. on Inter­b ank Netting
en 2001 (« Principes fondamentaux pour les Les opérateurs doivent notamment avoir Schemes of the central
banks of the Group of
systèmes de paiement d’importance systé- comme objectif explicite la sécurité et l’ef- Ten countries.
mique » ou Core Principles for Systemically ficacité de l’infra­structure qu’ils gèrent et
19 Du fait de leur rôle multi­
Important Payment Systems) étaient doivent explicitement œuvrer à assurer la latéral inter­venant en fin
relatives aux seuls systèmes de paiement. stabilité financière. de chaîne de traitement
des titres pour assurer
Elles se sont ensuite rapidement élargies le règlement effectif des
aux systèmes de règlement-livraison de La gouvernance diffère, notamment aux trans­actions.
titres (2001) 19, puis aux contreparties fins d’assurer la stabilité financière, selon 20 Du fait de leur rôle multi­
centrales (2004) 20. Les PFMI de 2012 ont que l’infra­structure est organisée sous une latéral inter­venant au
milieu de la chaîne de
tiré les conséquences des inter­relations forme d’entreprise privée avec un objectif traitement des titres
fortes entre ces différentes infra­structures, de croissance et de bénéfices, ou sous pour prendre en charge
et de leurs points communs, pour leur une forme de bien public (« public utility ») les risques financiers de
la trans­action et assurer
définir un cadre commun. En conséquence, détenue par ses participants, ou encore lors- la compensation multi­
les infra­structures des marchés financiers qu’elle est gérée par une banque centrale. latérale des trans­actions.
regroupent les systèmes de paiement, Dans tous les cas, le soutien de la stabilité 21 Du fait de leur rôle de
les systèmes de règlement de titres, les financière doit rester un objectif ultime de référentiel centralisant
l’ensemble des trans­
dépositaires centraux de titres, les contre- l’infra­structure, qui requiert des efforts actions et permettant
parties centrales (CCP) et les référentiels de nature différente suivant l’organisation d’évaluer les exposi-
tions globales sur les
centraux de données 21 (cf. également le choisie, afin de satisfaire à cette exigence. différents types d’acti-
chapitre 18 pour plus de précisions). Par exemple, lorsque l’infra­structure a un vités financières.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 93


Chapitre 5 
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

objectif de rentabilité économique impli- infra­structure doit être doté de lignes de


quant la réalisation de bénéfices, cet objectif responsabilité claires et directes, et son
ne doit pas être satisfait au détriment de la organisation en matière de gouvernance doit
stabilité financière, de la sécurité de l’infra­ être communiquée aux actionnaires, aux
structure ou de son efficacité. Il appartient auto­rités pertinentes, aux participants, et
à l’opérateur de l’infra­structure de veiller plus généralement, au public. Le rôle et les
à la préservation de cet ordre de priorité. responsabilités du conseil d’administration
Ainsi, il ne peut en aucune manière diminuer de l’opérateur doivent être clairs, son fonc-
le niveau de sécurité de l’infra­structure tionnement doit être décrit, en particulier
(exigence de marges moins élevée pour les manières d’identifier et de traiter les
une CCP, site de secours insuffisant ou éventuels conflits d’intérêt. La performance
absent pour un CSD ou un système de du conseil d’administration doit être réguliè-
paiement, par exemple) pour augmenter rement évaluée. Ses membres doivent avoir
son niveau de rentabilité ou diminuer la tari- les compétences adéquates, et doivent
fication de ses services. En outre, lorsque bénéficier des incitations appropriées pour
l’infra­structure est détenue par ses parti- remplir les tâches qui leur sont confiées.
cipants, le plus généralement directs, les Cela implique en particulier d’inclure dans
intérêts des participants indirects doivent le conseil d’administration des membres
être correctement pris en compte. indépendants. Le conseil d’administration
doit définir le cadre de gestion des risques
Lorsqu’elle est gérée par une banque centrale du système, son niveau de tolérance pour
(ce qui peut être le cas des systèmes de le risque, la distribution des responsabi-
paiement notamment), et que cette dernière lités et la définition des mécanismes de
a également un mandat de surveillance gestion de crise. En outre, les rôles et
de la sécurité et du bon fonctionnement responsabilités du management doivent
des systèmes de paiement, une attention également être clairement décrits, et il
particulière doit être portée à la prévention doit bénéficier des compétences néces-
de tout conflit d’intérêt potentiel ou perçu, saires. Enfin, le conseil d’administration
entre ces deux rôles. Ainsi, les PFMI sont doit s’assurer que l’architecture du système,
applicables à toutes les FMI, qu’elles soient ses règles, sa stratégie et les décisions
exploitées par des banques centrales ou majeures qui sont prises tiennent correc-
le secteur privé. Toutefois, il existe des tement compte des intérêts légitimes de
cas exceptionnels dans lesquels les PFMI tous les participants directs et indirects et
doivent être appliqués d’une façon diffé- des autres parties prenantes pertinentes.
rente aux FMI exploitées par des banques
centrales, du fait d’exigences légales ou 3.2.2. Les agents de règlement
réglementaires, comme celles relatives à la
politique monétaire. Par exemple, le principe Dans le contexte des FMI, l’agent de
relatif à la gouvernance ne doit pas avoir règlement est l’institution dans les livres
pour effet de contra­indre la composition de laquelle les comptes des participants
des organes de gouvernance d’une banque directs sont crédités et débités pour
centrale. De même, les exigences des PFMI assurer le règlement définitif des ordres
en matière de préparation d’un rétablis- de paiement. L’agent de règlement des FMI
sement ou d’une fermeture ordonnée de est soit la banque centrale, qui assure un
l’activité ne s’appliquent pas à une banque règlement en monnaie de banque centrale,
centrale, qui est en mesure d’assurer la soit une banque commerciale, qui assure
continuité des opérations d’une infra­ un règlement en monnaie commerciale.
structure des marchés financiers quelles
que soient les circonstances financières  22. Dans le cas des systèmes de paiement, la
banque du donneur d’ordre et la banque
Par ailleurs, le conseil d’administra- du bénéficiaire du paiement, participantes 22 
http://www.bis.org/cpmi/
tion (ou un organe équivalent) d’une directes (ou indirectes, cf. encadré 5) publ/d130.pdf

94 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


 Chapitre 5
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

dans le système de paiement, détiennent systèmes de paiement et, partant, des


un compte dans les livres de l’agent de autres infra­structures (qui in fine recourent
règlement, le règlement étant effectué, au système de paiement pour assurer le
dans les livres de l’agent de règlement, par règlement des trans­actions qu’elles traitent),
le débit du compte de la banque du donneur sa robustesse, non seulement opération-
d’ordre et le crédit du compte de celle du nelle, mais également son profil de risque
bénéficiaire. Le paiement peut être financé financier, sont essentiels. C’est la raison
soit par des fonds déjà présents sur le pour laquelle le principe 9 des PFMI recom-
compte de la banque effectuant le paiement, mande que les infra­structures effectuent
soit par un crédit accordé par l’agent de leurs règlements en monnaie de banque
règlement. Cet exemple illustre le rôle centrale, lorsque c’est possible. En effet,
crucial joué par l’agent de règlement, et sa les banques centrales sont les acteurs qui
relation avec les banques participantes dans présentent le moins de risque de crédit,
le système de paiement. Les banques sont et elles sont la source ultime de liquidité
dépendantes de la solidité opérationnelle en ce qui concerne leur devise d’émission.
de l’agent de règlement mais également de
sa politique de risque s’agissant des crédits 3.2.3. Les participants
qu’il peut leur consentir, et sont exposées à
un risque de crédit vis-à-vis de lui. Plus les Le principe 18 des PFMI prévoit que les
volumes et valeurs de trans­actions traitées infra­structures doivent avoir des critères
par l’agent de règlement sont importants, de participation qui soient objectifs,
plus sa fiabilité opérationnelle et sa qualité fondés sur une approche par les risques,
de crédit deviennent essentielles 23. et publics. Ces derniers doivent également
permettre un accès ouvert et équitable à
L’agent de règlement joue un rôle central l’infra­structure. En effet, de tels critères de
pour le bon fonctionnement d’un système participation, en permettant de sélectionner
de paiement également par sa capacité à les participants en fonction de leur profil
fournir du crédit intra­journalier (intra­day ou de risque, constituent la première ligne
daylight credit). Il s’agit du crédit consenti de défense de l’infra­structure contre les
par l’agent de règlement du système et différents risques financiers et opération-
remboursé par l’emprunteur au cours d’un nels 25 ; tandis que l’exigence d’accès ouvert
même jour ouvré. La fourniture de crédit et équitable doit permettre de garanti­r un
intra­journalier a pour objet d’assurer le bon accès le plus large possible de l’infra­
déroulement du processus de règlement et structure aux acteurs financiers. Ce dernier
d’éviter que le système ne connaisse des aspect est d’autant plus important que
23 Cf.  «  The role of central
situations de blocage ; elle est essentielle des exigences d’un recours obligatoire bank money in payment
aux systèmes de paiement bruts en temps aux infra­structures (qu’il s’agisse des CCP, systems, report from
the CPSS », août 2003
réel, en particulier de montants élevés. des dépositaires centraux de titres ou des https://www.bis.org/
Elle permet de limiter les effets de tout aléa référentiels de données) peuvent être cpmi/publ/d55.pdf
dans l’enchaînement des flux de paiement édictées par la réglementation. Cela se 24 Dans le cadre des opéra-
au sein du système. Le remboursement des traduit concrètement par exemple par le tions de refinancement
de l’Eurosystème, faute
fonds empruntés doit inter­venir avant la fin fait que les infra­structures doivent utiliser, de remboursement les
de journée 24. Cette capacité à fournir du ou a minima être en mesure d’accepter fonds empruntés se
crédit intra­journalier est devenue d’autant et de mettre en œuvre, des procédures transforment en un crédit
au jour le jour (overnight).
plus cruciale que se sont généralisées, dans et standards de communication reconnus
25 À cet égard, il convient de
un but de réduction des risques financiers, les inter­nationalement, contra­irement à des souligner que tant qu’un
infra­structures pratiquant le règlement brut standards « propriétaires » qui pourraient participant respecte les
en temps réel (cf. chapitre 6) et la livraison constituer une barrière à l’entrée pour les critères de participation
fixés, il reste partici-
contre paiement (cf. chapitres 12 et 13). acteurs ne les utilisant pas. pant de l’infra­structure,
quand bien même il ferait
l’objet d’une procédure
Compte tenu du rôle central de l’agent de La prise en compte des intérêts des parti- de rétablissement ou
règlement pour le bon fonctionnement des cipants est essentielle, dès lors qu’une de résolution.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 95


Chapitre 5 
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

Encadré n° 5 : Les participants indirects

Les participants indirects sont des acteurs financiers qui accèdent à une infra­structure par l’inter­médiaire
de participants directs. Il s’agit de clients de participants directs (en principe des institutions bancaires
et financières). Ils deviennent de ce fait, du point de vue de l’infra­structure, des participants indirects  1.

Les participants directs ont une relation contra­ctuelle avec l’infra­structure et sont soumis à ses règles
de fonctionnement, tandis que les participants indirects ont, le plus souvent, une relation contra­ctuelle
seulement avec le participant direct qui les représente dans l’infra­structure. Les dépendances et les
expositions aux risques (notamment de crédit, de liquidité et opérationnels) inhérents à ces relations
de participation indirecte peuvent présenter des risques pour l’infra­structure, pour les participants et
plus largement pour la stabilité financière. Ainsi, si une infra­structure a peu de participants directs et
de nombreux participants indirects, présentant d’important volumes et valeurs de trans­actions, une
grande partie des trans­actions traitées par l’infra­structure proviendra en fait des participants indirects.
Si la valeur des trans­actions issues des participants indirects est importante par rapport à la capacité
des participants directs à gérer leurs risques, cela peut augmenter le risque de défaut de ces derniers
et donc mettre en danger la stabilité de l’infra­structure.

Normalement, l’identification, la surveillance et la gestion de ces risques inter­viennent dans la relation


entre le participant direct et le participant indirect, le participant direct prenant en charge ces fonctions
de surveillance et de gestion de risques. Toutefois, il existe des situations dans lesquelles les relations
de participation indirecte sont complexes, impliquant une importante série d’inter­médiaires financiers,
ce qui peut nécessiter que l’infra­structure s’intéresse à cette activité au-delà de son participant direct
et de son client immédiat.

Il existe certes des limites à la capacité de l’infra­structure à influencer les relations commerciales de ses
participants directs avec leurs clients. Pour autant, une infra­structure a souvent accès à des informa-
tions sur les trans­actions effectuées pour le compte des participants indirects, et elle peut également,
dans ses règles de fonctionnement, fixer des critères sur la façon dont les participants directs gèrent
leur relation avec leurs participants indirects, dans la mesure où ces critères sont justifiés par des
considérations de gestion des risques 2.

En conséquence, le principe 19 des PFMI recommande aux infra­structures de s’assurer que leurs


règles, procédures et contra­ts leur permettent de collecter l’information de base sur les participations
indirectes afin d’identifier, de surveiller et de gérer tout risque significatif qui en résulterait pour elles.

1 La directive européenne 98/26 sur la finalité du règlement définit les participants indirects comme « une institution, une contrepartie centrale, un organe
de règlement, une chambre de compensation ou un opérateur de système ayant une relation contra­ctuelle avec un participant à un système qui exécute
des ordres de trans­fert permettant au participant indirect de passer des ordres de trans­fert par l’inter­médiaire du système, à condition que le partici-
pant indirect soit connu de l’opérateur du système ».
2 https://www.bis.org/cpmi/publ/d101a.pdf, pp. 105 et suivantes.

infra­structure des marchés financiers a les intérêts des uns et des autres soient
pour rôle de servir ces marchés efficace- alignés. Les modalités de cette association
ment et en toute sécurité. L’atteinte de des participants, y compris les participants
ces objectifs implique que les participants indirects, varient selon les caractéristiques
soient étroitement associés aux décisions de chaque infra­structure. Néanmoins, ils
stratégiques de l’infra­structure, afin que doivent être associés au processus de

96 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


 Chapitre 5
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

décision du conseil d’administration, par Cela permet de s’assurer que le niveau de


exemple par le biais d’une représentation qualité du service rendu par le fournisseur
des participants directs et indirects au sein de services critiques est au même degré
de ce conseil, ou par la mise en place de de qualité que s’il avait été rendu par l’infra­
comités d’utilisateurs, ou encore par un structure elle-même. Ces recommandations
mécanisme de consultations. Ainsi, dans portent sur l’identification et la gestion du
l’exemple de TARGET2 (cf. chapitre 7), risque, une gestion de la sécurité de l’in-
chaque banque centrale nationale opératrice formation robuste, un niveau approprié de
d’une composante nationale de T2 assure fiabilité et de résilience, une gestion efficace
une consultation et une prise en compte du cycle de vie des technologies utilisées
des besoins et réactions de ses participants et une communication trans­parente avec
par le biais d’un groupe de place. Ces points les utilisateurs.
de vue des participants sont ensuite mis
en commun au sein de l’Eurosystème, et 3.3. Le cadre juridique 
guident ce dernier dans ses décisions d’évo- applicable au risque de règlement
lutions du système de paiement. De même,
STET, l’opérateur du système de paiement Un risque majeur pour les infra­structures
de détail CORE(FR) (cf. chapitre 10) organise des marchés financiers est le risque de
la consultation et la prise en compte des avis règlement, qui est le risque que le règlement
et besoins de ses participants via une de d’une trans­action ne se déroule pas comme
ses instances de gouvernance, le « comité prévu 27. Si un tel risque se concrétise, il
clients ». Il est composé de tous les parti- remet en cause certains ordres de trans­ferts
cipants directs, et de la représentation des et peut créer des tensions à la fois sur le
participants indirects. Il a pour mandat de crédit et sur la liquidité pour les participants
valider notamment les évolutions des d’une infra­structure, et éventuellement
services de CORE(FR), les changements générer un risque systémique  28. Il est donc
de ses règles, son plan stratégique annuel. essentiel, au regard du bon fonctionnement
Il est également informé des évolutions des infra­structures, que tout règlement
tarifaires ou encore de la suspension ou de ou trans­fert (de titres ou d’espèces) ou
l’exclusion d’un participant direct. compensation ou toute autre obligation se
dénouant dans un système ait, le plus rapi-
3.2.4. Les fournisseurs dement possible, un « caractère définitif ».
de services critiques Pour cela il convient que le trans­fert de
26 
h ttps://www.bis.org/
titres ou d’espèces ne soit soumis à aucune cpmi/publ/d101a.pdf,
Les infra­structures des marchés financiers condition susceptible d’empêcher (ou de voir annexe F p. 170
ont souvent recours à d’autres acteurs, four- révoquer) son exécution : le trans­fert doit et suivante.

nisseurs de certains services, comme ceux être « irrévocable » et « inconditionnel » 27 h ttps://www.bis.org/


cpmi/publ/d101a.pdf,
relatifs à la messagerie et à la connectivité, afin d’obtenir son « caractère définitif ». voir principe 8, p. 64
ou encore de services technologiques, pour L’objectif est de mettre en place un et suivantes.
assurer leur bon fonctionnement. C’est le rôle mécanisme juridique de protection contre 28 Par exemple, dans le cas
par exemple de SWIFT, qui assure un service la défaillance d’un participant à un système des systèmes de paie-
ment net, le participant
de messagerie pour la très grande majorité de paiement ou de règlement de titres. qui bénéficiait de trans­
des infra­structures (cf. encadré sur SWIFT action non réglées peut
au chapitre 18). Le « caractère définitif » ou « finalité » est voir sa situation initia-
lement créditrice se
un concept juridique  29 visant à limiter à un trans­former en situation
Compte tenu du caractère critique pour le minimum les perturbations occasionnées à débitrice, qu’il pourrait
ne pas être en mesure
bon fonctionnement de l’infra­structure du une infra­structure par une procédure d’in- d’honorer, mettant à son
service rendu par de tels fournisseurs de solvabilité ouverte à l’encontre d’un de tour en difficulté d’autres
services, ils sont considérés par les PFMI ses participants. Ce concept s’est imposé acteurs financiers.

comme des fournisseurs de services dans les années 1990 en vue d’améliorer 29 


h ttps://www.bis.org/
cpmi/publ/d101a.pdf,
critiques, et des recommandations spéci- la sécurité et l’efficacité des systèmes de voir principe 8, p. 64
fiques ont été formulées à leur égard 26. paiement et de règlement, et constituer et suivantes.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 97


Chapitre 5 
Instruments financiers, marchés financiers et infrastructures des marchés financiers

une protection spéciale contre la surve- même du fait d’une disposition légale telle
nance d’une telle procédure d’insolvabilité que la suspension des paiements en cas de
empêchant l’exécution des règlements, procédure collective. Le caractère définitif
dans un objectif de stabilité financière. (ou « finalité ») résultant de la définition de
ces deux moments désigne une opposabi-
En Europe, ce concept juridique est défini par lité aux décisions du juge.
la directive 98/26 du 19 mai 1998 qui a été
trans­posée en France par l’article L. 330-1 du Cette protection est juridique. Elle protège
Code monétaire et financier. Pour qu’un les ordres de trans­fert qui sont entrés dans
ordre de trans­fert devienne « final » le système et devenus irrévocables, de
dans une infra­structure, il faut que soient toute contestation par les créanciers du
définis deux moments dans les règles donneur d’ordre ou du payeur, et de toute
de fonctionnement de cette dernière : réclamation par l’administrateur ou le juge
de la procédure collective.
• le moment de l’introduction dans le
système : détermine le moment de Toutefois, la directive 98/26 ne prévoit
l’opposabilité aux tiers, qui permet que pas le moment où les espèces seront
les ordres de trans­fert deviennent incon- effectivement versées, ou les titres effec-
ditionnels ; les tiers, y compris le juge tivement trans­férés. Or cela est nécessaire
de la faillite, ne peuvent plus mettre en pour que l’ordre de trans­fert soit défini-
cause les ordres de trans­fert, quand tivement exécuté, que les obligations
bien même une procédure d’insolva- réciproques soient définitivement éteintes.
bilité serait ouverte à l’encontre d’un Cette situation (ou « moment »), appelée
participant donneur d’ordre ; « finalité du règlement », est matérialisée
par le débit du compte du payeur et le crédit
• le moment de l’irrévocabilité : c’est le du compte du bénéficiaire, ou dans le cadre
moment à partir duquel l’ordre de trans­ d’une transaction sur titres, lorsque le trans­
fert ne peut plus être révoqué par celui fert des titres est effectif (en général par le
qui l’a émis. crédit du compte-titres de l’acheteur et le
débit du compte-titre du vendeur). Les infra­
Lorsque ces deux moments sont définis, structures européennes prévoient ainsi
un ordre de trans­fert « entré » dans un dans leurs règles de fonctionnement, en
système avant l’ouverture d’une procédure complément des moments d’entrée dans le
collective ne peut plus être remis en cause système et d’irrévocabilité, un moment de
par le juge de la faillite, et lorsqu’au surplus règlement. Ces trois moments sont commu-
il est devenu irrévocable, il doit être exécuté. nément désignés sous les appellations
L’ordre de trans­fert ne peut plus être remis « SF1 » (entrée dans le système), « SF2 »
en cause pendant ou après son exécution, (irrévocabilité) et « SF3 » (règlement).

98 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


CHAPITRE 6

Circuits et systèmes
de paiement : typologie
Mis à jour le 14 décembre 2018
Chapitre 6 Circuits et systèmes de paiement : typologie


U
n paiement est un trans­­fert d’actif bilatéral, par lequel une banque dite banque
monétaire qui permet d’éteindre correspondante émet ou reçoit, sur un
une dette. Selon les cas de figure, compte dédié ouvert dans ses livres au
plusieurs circuits d’échange peuvent être nom d’une banque cliente, des paiements
utilisés pour effectuer un tel trans­­fert. Il pour le compte de celle-ci. Ce compte
peut s’agir d’un circuit intra­­bancaire ou d’un dédié est appelé « compte loro » du point
circuit inter­­bancaire, ce dernier pouvant de vue de la banque correspondante et
lui-même prendre plusieurs formes : il « compte nostro » du point de vue de la
peut être bilatéral (correspondent banking), banque cliente.
multi­­latéral (recours à un système de
paiement) ou encore combiner les deux Circuit inter­­bancaire bilatéral :
(correspondent banking + recours à un correspondent banking
système de paiement).
Banque a   Banque
  B

1. Les circuits d’échange


émetteur Bénéficiaire
1.1. Circuit intra­­bancaire (« on us ») L’émetteur et le bénéficiaire du paiement sont titulaires
de comptes auprès de deux banques différentes (A et B),
Un circuit d’échange intra­­ bancaire mais celles-ci s’échangent leurs paiements via une rela-
tion bilatérale de correspondent banking reposant sur
ou intra­­ groupe (parfois qualifié de des comptes réciproques : la banque A débite le compte
« quasi-système ») désigne la situation dans de l’émetteur du paiement et crédite le compte-miroir du
compte qu’elle détient auprès de la banque B (« compte
laquelle le trans­­fert de fonds s’effectue entre nostro ») ; la banque B débite le compte que la banque A
deux comptes domiciliés dans les livres détient auprès d’elle (« compte loro ») et crédite le compte
d’un même établissement ou d’un même du bénéficiaire.

groupe : il peut par conséquent être réalisé


de façon inter­­ne (« on-us »), c’est-à-dire Le correspondent banking est notamment
sans recours à un système inter­­bancaire utilisé pour répondre aux besoins d’établis-
de paiement. À titre d’exemple, en France, sements qui n’ont pas accès aux systèmes
les échanges intra­­bancaires ou intra­­groupes de paiement concernés, par exemple dans
représentaient en 2016 25 % du total des les cas de figure suivants :
échanges, en volume comme en valeur 1.
• l’établissement ne remplit pas les condi-
tions définies pour la participation au
Circuit intra­­bancaire (« on us »)
système, par exemple lorsque celui-ci
Banque  a se situe dans une autre juridiction ;

• l’établissement, bien qu’il remplisse les


émetteur Bénéficiaire conditions, ne souhaite pas participer au
L’émetteur du paiement et le bénéficiaire sont titulaires de
système, par exemple car la modicité
comptes auprès de la même banque. de ses volumes ne justifie pas les coûts
La Banque A débite le compte de l’émetteur et crédite le afférents à une participation au système
compte du bénéficiaire en qualité de participant direct.

1.2. Circuits inter­­bancaires Le correspondent banking peut être utilisé


pour les paiements domestiques, mais 1 https://www.banque-
1.2.1. Circuit inter­­bancaire bilatéral  : il l’est surtout pour les paiements inter­­ france.fr/sites/default/
files/media/2016/10/06/
correspondent banking nationaux : le rapport publié par le FSB cmp_2016_fr.pdf
(Financial Stability Board) en mars 2018
2 http://www.fsb.org/
Le correspondent banking est un accord, illustre le caractère d’abord inter­­national wp-content/uploads/
encadré généralement par un contra­­t de cette activité 2. P060318.pdf

100 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Circuits et systèmes de paiement : typologie Chapitre 6


1.2.2. Circuit inter­­bancaire multi­­latéral  :


Encadré n° 1 : Les défis actuels du correspondent banking
recours à un système de paiement

L’Eurosystème conduit depuis 1999 une enquête bisannuelle


Circuit inter­­bancaire multi­­latéral  : sur le correspondent banking en euro, pour surveiller son
système de paiement importance et son développement. En effet, celui-ci joue
un rôle notable dans le bon fonctionnement des systèmes
système
de paiement
de paiement, parce qu’il assure les flux de paiements entre
les institutions de crédit et permet un accès indirect aux
systèmes de paiement. L’enquête conduite en 2016 1 auprès
de 16 établissements de la zone euro rapportait une activité
Banque a   Banque
  B
totale sur comptes lori (c’est-à-dire les comptes ouverts
dans les livres des banques correspondantes au nom de
banques clientes) de 26 millions de trans­­actions par jour
émetteur Bénéficiaire en moyenne pour 878 milliards d’euros. L’activité présente
L’émetteur et le bénéficiaire du paiement sont titulaires de un niveau élevé de concentration, le marché étant dominé
comptes auprès de deux banques différentes (A et B), qui par quelques grands acteurs.
échangent leurs paiements via un système inter­­bancaire de
paiement dont elles sont l’une et l’autre participants directs.
Les enseignements de l’enquête de l’Eurosystème sont
confortés et complétés par ceux issus d’une part de la mise à
jour 2018 du rapport du FSB sur le correspondent banking 2,
1.2.3. Circuit combinant correspondent et d’autre part du rapport du CPMI sur le correspondent
banking et recours à un système banking publié en 20163. Ce rapport souligne que les coûts
de paiement croissants de l’activité de correspondent banking, ainsi que
l’incertitude sur le périmètre des contrôles à effectuer sur
les clients, sont cités par les banques inter­­rogées comme
Circuit inter­­bancaire combinant les principales raisons les ayant conduites à réduire leur
correspondent banking et recours offre de service dans ce domaine. Cette réduction d’acti-
à un système de paiement vité concerne en particulier les relations de correspondent
banking pour lesquelles les volumes d’activité sont perçus
système comme trop faibles, ou qui impliquent des juridictions
de paiement perçues comme trop risquées, ou encore qui impliquent
des clients sur lesquels l’information nécessaire n’est pas
disponible. Face à cette situation qui pourrait entraîner
Banque X   Banque
  y une fragmentation des paiements trans­­frontières et une
diminution des choix possibles pour les effectuer, le rapport
formule cinq recommandations :
Banque a   Banque
  B
• utiliser des services de connaissance client (KYC, know
your customer) pour standardiser cette activité de collecte
d’information ;
émetteur Bénéficiaire

L’émetteur et le bénéficiaire du paiement sont titulaires de • utiliser l’identifiant d’entité légale (LEI, Legal Entity
comptes auprès de deux banques différentes (A et B), qui
ne sont pas participants directs au système de paiement
Identifier), pour faciliter la cartographie des relations
considéré, mais accèdent à celui-ci via leurs correspondants de correspondent banking ;
respectifs, la banque X et la banque Y (circuit classique-
ment utilisé pour un paiement dans une devise tierce). Les
banques X et Y peuvent prévoir, dans leurs relations contra­­ • initier un partage d’information qui soit conforme aux
ctuelles avec les banques A et B, l’octroi par la banque X à règlementations nationales relatives à la protection des
la banque A (et par la banque Y à la banque B) d’un crédit
intra­­journalier ou au jour le jour (overnight), pour fluidifier
données privées ;
les règlements sans que les soldes des banques A et B .../...
doivent en permanence être substanti­­ellement créditeurs.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 101


Chapitre 6 Circuits et systèmes de paiement : typologie


2. Les systèmes de paiement


• s’assurer que l’information contenue dans les messages
Un système de paiement (aussi appelé financiers permettant le paiement est exacte et donne
système inter­bancaire de trans­fert de fonds la trans­­parence nécessaire  ;
ou inter­bank funds trans­fer system, IFTS
en anglais) est un mécanisme d’échange • envisager l’utilisation du LEI dans les messages financiers
multi­latéral, défini comme « un ensemble permettant le paiement.
d’instruments, de procédures et de règles
afférents au trans­fert de fonds entre partici- Dans ce contexte, l’initiative lancée par SWIFT en
pants » 3. Il s’agit du moyen le plus efficace janvier 2016 appelée « Global Payments Innovation » (GPI) 4
d’effectuer des paiements quand les flux de vise à faciliter, sécuriser et accélérer les paiements trans­­
paiement inter­viennent entre de multi­ples frontières afin qu’ils puissent être crédités en moins de
acteurs. La centralisation permise par ces 24 heures tout en assurant leur suivi en temps réel de
systèmes permet notamment de rationa- bout en bout, depuis leur émission jusqu’à leur règlement.
liser les flux de paiement et d’optimiser leur Selon les chiffres publiés par SWIFT, en mai 2018, 25 %
règlement, qui peut être effectué en mode des paiements trans­­frontières étaient effectués via GPI 5.
net (après compensation) ou en mode brut
(sans compensation). 1 https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/surveycorrespondentbankingineuro201702.
en.pdf?651487aa2ace9afbac36d8d7e7784203
2  http://www.fsb.org/2018/03/fsb-correspondent-banking-data-report-update/
Dans le règlement en mode net, les
3  https://www.bis.org/cpmi/publ/d147.pdf
paiements échangés dans le système font
4 
https://www.swift.com/insights/press-releases/45-leading-banks-sign-up-to-swift_s-
l’objet d’une compensation (netting), consis- global-payments-innovation-initiative
tant à calculer pour chaque participant un 5 https://www.swift.com/news-events/press-releases/swift_a-quarter-of-all-cross-border-
solde unique (solde net multi­latéral) vis-à-vis payments-now-over-gpi

de l’ensemble des autres participants (ou


du système). Seuls les soldes nets font
l’objet d’un règlement, ce qui permet de RTGS DNS
réduire très fortement les montants à régler, Mode de règlement Brut (trans­action par Net (compensation
donc la consommation de liquidité. Mais le trans­action) multi­latérale)
règlement des soldes s’effectuant en temps Fréquence du règlement Temps réel Discontinu (par cycle
différé, le caractère définitif (ou « finalité ») (« fil de l’eau ») ou en fin de journée)
des paiements n’est pas immédiat : ces Risque de règlement Non Oui
derniers peuvent donc être remis en cause Consommation Élevée Faible
en cas de faillite de l’un des participants au de liquidité
système. Par ailleurs, du fait du règlement
net, chaque paiement est dépendant du bon (règlement net versus règlement brut) se
déroulement des autres paiements avec sont toutefois quelque peu estompées à
lesquels le solde net est établi : si un solde la faveur du développement de dispositifs 3 
D éfinition tirée des
net débiteur ne peut pas être imputé ce sont visant, d’une part, à renforcer la sécurité Principles for Financial
Market Infra­s tructures
toutes les opérations ayant « contribué » à des systèmes à règlement net, d’autre part (PFMI) : https://www.bis.
ce solde net qui sont bloquées, ce qui n’est à réduire la consommation de liquidité des org/cpmi/publ/d101a.pdf
(pour plus de détails sur
pas le cas avec un règlement brut. systèmes à règlement brut 4. les PFMI, voir chapitre 18)

4 Cf. Revue de la stabilité
Dans le mode brut, le règlement s’effectue On notera que la réduction des diffé- financière de la Banque
opération par opération, ce qui confère aux rences, dans le domaine des systèmes de France, février 2008 :
« Évolutions récentes de
paiements une finalité immédiate. Le mode de paiement, entre systèmes à règlement la liquidité intra­journalière
brut permet donc de diminuer plus efficace- net et systèmes à règlement brut s’est dans les systèmes de paie-
ment le risque de règlement que le mode net, également observée dans le domaine des ment et de règlement »
par Frédéric Hervo. https://
mais il est plus consommateur de liquidité. systèmes de règlement-livraison titres publications.banque-
(cf. infra­les chapitres 12, 13 et 14). On y france.fr/sites/default/
files/medias/documents/
Les différences initiales entre ces deux verra une évidente conséquence positive revue-de-stabilite-finan-
familles de systèmes de paiement de l’évolution des technologies. ciere_11_2008-02.pdf

102 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Circuits et systèmes de paiement : typologie Chapitre 6


2.1. Les systèmes à règlement net Afin de répondre à cette contra­inte, divers
en temps différé ou deferred net dispositifs ont été progressivement intro-
settlement (DNS) duits dans les systèmes à règlement net
pour renforcer la sécurité des règlements.
Les systèmes de paiement à règlement Ces systèmes ont de ce fait évolué vers des
net différé ont représenté la forme prépon- systèmes au mode dit « hybride ». On en
dérante de système de paiement jusqu’au trouvera des exemples au chapitre 7.
début des années 90. Ils se caractérisaient
par un règlement des soldes nets multi­ Cette évolution fait suite au rapport du
latéraux des participants à l’issue d’un Comité « Lamfalussy » sur les systèmes
cycle prédéfini, généralement en fin de de compensation inter­b ancaires des
journée. En réduisant le nombre et le banques centrales des pays du groupe
montant des paiements nécessaires au des dix, publié en 1990. Celui-ci recom-
règlement, le netting réduit la consom- mandait des « normes minimales »
mation de l’actif de règlement qu’est la visant à réduire les risques afférents
monnaie (plus le « taux de netting » est aux systèmes de compensation et de
élevé, plus le système est efficace). Mais règlement inter­bancaires (voir chapitre 18,
puisque les soldes nets ne sont réglés encadré 1) et soulignait qu’il incombe en
qu’en fin de cycle, les participants étaient premier lieu aux participants de s’assurer
exposés à un risque de règlement pendant que les systèmes se conforment à ces
la durée du cycle. normes minimales.

Encadré n° 2 : L’histoire du système français de paiements de montant élevé

Jusque dans les années 1980, les règlements inter­bancaires de montant élevé s’effectuaient sur la
base de supports-papier échangés en chambre de compensation (virements, avals de trésorerie,
avals de change). Dans ce contexte, la notion de « chambre de compensation » renvoie uniquement
au processus d’établissement d’un solde net à partir d’un ensemble de trans­actions unitaires (ou
« brutes »). Elle est distincte de la notion de « chambre de compensation » désormais la plus répandue
et utilisée comme équivalente à celle de « contrepartie centrale » (dans laquelle celle-ci, outre le calcul
de soldes nets, s’inter­pose entre les contreparties : voir chapitre 11).

À partir de 1984, le système SAGITTAIRE 1, développé et mis en œuvre par la Banque de France, a
permis d’auto­matiser ces échanges. Il s’agissait d’un système à règlement net en temps différé (DNS).
Les banques participantes trans­mettaient au fil de l’eau leurs ordres de paiement via le réseau et les
normes de messages SWIFT, le règlement des soldes nets des participants sur les livres de la Banque
de France inter­venant en fin de journée comptable (c’est-à-dire, en pratique, le lendemain matin). Les
règles du système incluaient une clause de révocabilité en cas d’insuffisance de provision au compte
d’un participant. Cette révocabilité était toutefois perçue comme théorique, les participants étant
convaincus que si un problème survenait, la Banque de France en tant qu’agent de règlement du
système, prendrait les mesures appropriées pour éviter un effet de contagion (c’est-à-dire, en pratique,
accorderait un découvert au participant défaillant, en assumant un risque de crédit sur celui-ci).

En 1990, dans le cadre d’une réflexion commune aux principales banques centrales, le gouverneur de la Banque
de France a posé les bases d’une nouvelle approche que l’on peut résumer en trois points : 1) Les clauses
de révocabilité propres aux systèmes à règlement net en temps différé sont dangereuses et illusoires :
elles accroissent le risque systémique tout en aggravant l’aléa moral pesant sur la banque centrale ; 2) le
futur système français de paiement de montant élevé sera un système à règlement brut en temps réel ;

1  Système Auto­matisé de Gestion Intégrée par Télé­trans­mission de Trans­actions Avec Imputation de Règlements « Etranger ».
.../...

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 103


Chapitre 6 Circuits et systèmes de paiement : typologie


3) les systèmes d’échange avec compensation se réglant dans les livres de la Banque de France devront
se doter de mécanismes d’auto­protection (abandon des clauses de révocabilité).

En 1994, à l’issue d’une longue période de concertation, la Banque de France et les banques françaises
sont convenues d’une approche « duale » (inspirée du système américain : Fedwire + CHIPS) pour le
futur système français de paiement de montant élevé, avec coexistence d’un système à règlement
brut en temps réel mis en œuvre par la Banque de France (TBF : Trans­ferts Banque de France) et
d’un système à règlement net auto­-protégé (SNP : Système Net Protégé), ce dernier étant mis en
œuvre par une société privée créée à cette fin et détenue conjointement par la Banque de France et
les principaux établissements de crédit de la Place : la Centrale des Règlements Inter­bancaires (CRI).
Cette coexistence de deux systèmes de paiement de montant élevé, l’un mis en œuvre par la banque
centrale (TBF), l’autre opéré par une société privée (CRI), a permis aux participants de distinguer entre
leurs paiements les plus critiques et leurs autres paiements : les paiements critiques étaient réglés
par TBF, les autres étant en priorité traités par SNP.

En 1997, les systèmes TBF et SNP ont démarré et SAGITTAIRE a été fermé.

En 1999, avec le passage à l’euro, TBF est devenu la « composante française » du système européen
TARGET. Également en 1999, SNP, système à règlement net différé, a été trans­formé en un système à
règlement net en continu en monnaie centrale, et rebaptisé PNS (« Paris Net Settlement »).

En 2008, les systèmes TBF et PNS ont été fermés, remplacés par le système TARGET2 (voir chapitre 7).

2.2. Les systèmes à règlement brut immédiate, éliminant ainsi le risque de


en temps réel ou real-time gross règlement. En effet, contra­irement aux
settlement (RTGS) systèmes DNS, les systèmes RTGS
traitent les ordres de paiement un par
Sous la pression des banques centrales, un : si l’émetteur du paiement dispose de
l’utilisation des systèmes DNS (ou fonds suffisants (ou d’un crédit disponible)
« hybrides » : voir ci-après 2.3) est devenue sur les livres de l’agent de règlement, le
moins risquée mais plus coûteuse. Cette paiement est réglé avec finalité immédiate ;
situation a permis aux systèmes RTGS de sinon, l’ordre de paiement est placé en
se développer durant les années 90 dans file d’attente.
les pays du G10 en raison de la réduction de
l’écart de coût entre les systèmes DNS et Les RTGS sont donc devenus en quelques
RTGS et en raison de l’importance accrue années des infra­structures clés dans le
progressivement accordée à la gestion fonctionnement du système financier,
du risque dans la conception des infra­ assurant le règlement des opérations de
structures de marché. Parallèlement, il politique monétaire, des trans­actions inter­
est devenu de plus en plus nécessaire de bancaires ainsi que le règlement des soldes
faire la distinction entre les paiements, résultant des activités des autres systèmes
notamment en fonction de leur montant de paiement ou de règlement-livraison de
et de leur objet. Certains paiements de titres (systèmes dits « exogènes » ou
montant élevé sont considérés comme ancillary systems).
critiques, notamment sur le marché inter­­
bancaire, et demandent un traitement plus L’adoption du mode RTGS par les systèmes
rapide et davantage sécurisé. de paiement a été vivement encouragée par
les banques centrales parce que sécurisant
Les systèmes RTGS présentent l’avantage le processus de règlement des systèmes
de conférer aux paiements une finalité de paiement.

104 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Circuits et systèmes de paiement : typologie Chapitre 6


Désormais, la plupart des banques G1 :  Évolution du nombre de systèmes RTGS dans le monde
centrales, au-delà même du Groupe des
dix, ont opté pour un système RTGS dont 180
elles sont généralement l’opérateur 5. 160
140
Toutefois, dans la mesure où les RTGS 120
reposent sur le principe d’un règlement 100
unitaire de chaque paiement, les besoins 80
de liquidité intra­journalière nécessaires à 60
l’exécution des règlements en base brute 40
sont par construction supérieurs à ceux 20
d’un mode DNS qui opère les règlements
0
en base nette. 1981 1990 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 Existing
Total of RTGS systems
Afin de répondre à cette contra­inte, des Total of Countries using RTGS systems
mécanismes d’optimisation visant à réduire Source : SWIFT, Reducing risk and increasing resilience in RTGS payment systems (juillet 2014)
la consommation de liquidité (liquidity-saving https://www.swift.com/sites/default/files/resources/mirs_white_paper_57023_june2014.pdf
devices) ont été progressivement introduits
dans les systèmes RTGS. On trouvera des
exemples de ces mécanismes à la section 4
du chapitre 7, consacré à TARGET2, le RTGS d’attente (souvent de manière centralisée)
de l’Eurosystème. et de compenser les positions de manière
5 Dans le cadre de sa stra-
continue ou à inter­valles rapprochés. Le tégie pour l’évolution de
2.3. Les systèmes hybrides règlement peut se faire immédiatement dès son RTGS, la Banque
lors que les positions débitrices nettes sont d’Angleterre a annoncé
en mai 2017 sa déci-
Les considérations relatives au risque, couvertes. Les paiements qui ne peuvent sion de faire évoluer le
notamment sur le plan systémique, faire l’objet d’un règlement restent en file RTGS britannique vers un
« direct delivery model »
n’ont pas uniquement entrainé la large d’attente jusqu’à la prochaine série d’opé- dans lequel la banque
adoption du règlement brut en temps rations de compensation et de règlement. centrale est directement
réel (RTGS). De nombreux systèmes de en charge de la mise
en œuvre du système.
paiement ont conservé un règlement net La fréquence de la compensation dans les https://www.bankofen-
mais en faisant évoluer celui-ci afin d’en systèmes hybrides est destinée à limiter gland.co.uk /-/media/
boe/files/payments/
réduire les inconvénients en termes de les besoins de liquidité par rapport à ceux a-blueprint-for-a-new-
risques. Par conséquent, les systèmes d’un système RTGS. Parallèlement, le risque rtgs-service -for-the-uk.
DNS stricto sensu sont devenus plus associé au mode de règlement net différé pdf ?la =en&hash=56424
C6BC6D9E056F054 76A
rares, notamment pour le traitement des (DNS) est généralement limité par le fait 96B482D4779377 E45
paiements de montant élevé, et ont évolué que i) seuls les paiements donnant lieu à 6 En mai 2005, le CPMI a
vers un fonctionnement dit « hybride », des positions nettes couvertes sont pris en fait à cet égard un état
alliant les avantages des deux modes compte dans chaque série d’opération de des lieux des différents
types de systèmes pour
de règlement 6. compensation et ii) le règlement définitif le traitement des paie-
des positions nettes inter­vient immédia- ments de montant élevé.
New developments in
La caractéristique fondamentale des tement à après chaque série d’opérations large-value payment
systèmes hybrides réside dans la compen- de compensation 7. systems, CPSS, BIS,
may 2005 : https://www.
sation fréquente des paiements en cours bis.org/cpmi/publ/d67.pdf
de journée, assortie d’un règlement définitif Ces différents types de systèmes de
7 Pour un exemple de
immédiat. L’approche adoptée générale- paiement sont présentés plus en détail système hybride, CHIPS,
ment est de conserver les paiements en file dans les chapitres suivants. voir le chapitre 8.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 105


CHAPITRE 7

TARGET2, le RTGS
de l’Eurosystème
Mis à jour le 27 février 2019
Chapitre 7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème


P
armi les systèmes de règlement brut opérationnel au début de 1999. Le choix
en temps réel (RTGS) des grandes avait donc été fait de construire TARGET
zones monétaires mondiales, celui de sur le socle des RTGS nationaux existants,
la zone euro, TARGET2, présente une bonne en les interconnectant via le réseau SWIFT.
illustration des principales caractéristiques
présentées au chapitre précédent. Les RTGS nationaux conservaient leurs
spécificités pour les paiements en euro à
TARGET2 est le système de règlement brut caractère domestique, mais un minimum de
en temps réel détenu et géré par l’Eurosys- fonctionnalités harmonisées avait été défini
tème. Il s’agit de la deuxième génération, en matière de conditions d’accès, d’horaires
mise en œuvre en 2007-2008, du système d’ouverture, de tarification des transactions
TARGET (Trans-European Automated transfrontières, de crédit intrajournalier
Real-time Gross settlement Express Transfer et de sécurité.
system), lancé en 1999 avec l’instauration
de la monnaie unique et conçu pour le TARGET était principalement destiné au
règlement en monnaie de banque centrale traitement des paiements en euro de
des paiements de montant élevé en euros. montant élevé, c’est-à-dire notamment
les opérations relevant de la politique
Les banques centrales qui participent à monétaire commune et les opérations
TARGET2 sont, par principe, celles des du marché monétaire interbancaire, ainsi
pays ayant choisi l’euro comme devise 1. qu’au règlement final en monnaie de banque
Néanmoins, les banques centrales d’autres centrale des soldes nets des échanges en
États membres de l’Union européenne euro effectués au sein des systèmes dits
(UE) peuvent choisir de participer, pour « exogènes » (ancillary systems).
permettre aux utilisateurs de leur RTGS
national d’effectuer des transactions en Dès son lancement, le 4 janvier 1999, la
euro via TARGET2 (ces banques centrales première génération de TARGET a permis
sont dites « connectées »). la mise en œuvre de la politique monétaire
de la BCE et le développement d’un marché
À fin 2017, outre la Banque centrale euro- monétaire unique, tandis que l’accroisse-
péenne (BCE), 24 banques centrales ment des transactions transfrontières a
nationales (BCN) participaient à TARGET2, contribué de façon efficace à l’intégration
soit les 19 BCN de la zone euro et 5 BCN des marchés financiers de la zone euro.
« connectées ».
Compte tenu de sa fiabilité et de l’absence
de fixation d’un montant minimal pour les
1. Genèse paiements traités dans le système, TARGET
de TARGET2 et gouvernance a également été rapidement utilisé pour
d’autres types de transactions, comme
1.1. Genèse les paiements commerciaux ayant un
caractère d’urgence.
Depuis 2007, l’Eurosystème dispose d’un
RTGS techniquement centralisé mais juri- Cette configuration a toutefois rapidement 1 Pays membres de la
zone euro en 2018 :
diquement décentralisé. présenté des limites, à la fois pour les Allemagne, Autriche,
banques et les banques centrales. Ainsi, la Belgique, Chypre,
Espagne, Estonie,
1.1.1. TARGET (1999-2007) demande de services harmonisés de la part Finlande, France, Grèce,
des grands groupes bancaires transnatio- Irlande, Italie, Lettonie,
Le calendrier de mise en œuvre de la naux participants et la lourdeur croissante, Lituanie, Luxembourg,
Malte, Pays-Bas,
monnaie unique, décidé au milieu des tant opérationnelle que financière générée Portugal, Slovaquie,
années 1990, n’avait pas permis d’engager le par la connexion des BCN de nouveaux États Slovénie. Pays des BCN
connectées : Bulgarie,
développement ex nihilo d’un RTGS partagé membres de l’UE, ont conduit l’Eurosystème Croatie, Danemark,
en euro, celui-ci devant impérativement être à engager une réflexion sur la deuxième Pologne, Roumanie.

108 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème Chapitre 7


De TARGET à TARGET2

SWIFT FIN Y-Copy

Bank A Bank B
SWIFT
Suède

SWIFT

Interlinking SSP

CBs Ancillary
Systems
Note : Les banques centrales concernées ont migré en trois vagues, de novembre 2007 à mai 2008 : Allemagne, Autriche, Chypre, Lettonie, Lituanie,
Luxembourg, Malte et Slovénie (vague 1) ; Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Pays-Bas et Portugal (vague 2) ; Danemark, Estonie, Grèce, Italie,
Pologne et la BCE (vague 3).
Source : BCE – https://www.ecb.europa.eu/paym/t2/target/html/index.en.html

génération du système (TARGET2). Fin 2002, la plateforme TARGET2 est accessible soit


le Conseil des gouverneurs de la BCE a via le prestataire de services réseau SWIFT,
adopté une série d’orientations visant à soit via internet 3 . Elle est dotée d’une
mieux répondre aux besoins des utilisateurs structure modulaire, chaque module étant
en harmonisant les services offerts tout en dédié à une activité.
maintenant des relations comptables et
juridiques décentralisées entre les banques Ses concepteurs ont fait les choix suivants :
centrales nationales et leurs banques parti-
cipantes, et elle a lancé une consultation • ne pas fixer de limite minimale ou
publique. Dans leurs réponses, les banques maximale au montant des paiements ;
européennes ont marqué leur adhésion aux
orientations retenues par l’Eurosystème, • uniformiser les règles de présentation et
tout en soulignant que l’harmonisation des de traitement des ordres de paiement
services offerts devrait s’accompagner d’une passant par la plateforme, qu’ils aient un
consolidation de l’infrastructure technique caractère domestique ou transfrontalier ;
du système sur une plateforme unique.
• harmoniser les services fournis dans
Ces principes ont été formalisés dans le les différents pays ; 2 Les textes juridiques
cadre juridique de référence posé par l’orien- relatifs à TARGET2 se
trouvent sur le site de
tation de la BCE relative àTARGET2 publiée • proposer des services d’optimisation la BCE http://www.
en 2007 2. de la gestion de la liquidité ; ecb.europa.eu/ecb/
legal/1003/1349/html/
index.en.html
1.1.2. TARGET2 • simplifier le règlement des systèmes
3 Les banques centrales
exogènes (voir ci-après section 3) ; nationales disposent
Techniquement, il s’agit d’une plateforme de d’un troisième mode
d’accès, basé sur un
règlement unique partagée. Couramment • adopter une tarification unique des réseau propriétaire, à
appelée la SSP (pour Single Shared Platform), services, destinée à recouvrer les coûts des fins de secours.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 109


Chapitre 7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème


du système, tout en prenant en consi- de situer les organes de décision interve-


dération un facteur de « bien public » nant dans la gouvernance de TARGET2.
(public good factor), correspondant
aux externalités positives générées par 1.2.1. L’organe de décision
TARGET2 (voir le chapitre 19, consacré à
l’économie des systèmes de paiement) ; C’est le Conseil des gouverneurs de la BCE
qui décide de la stratégie et des grands
• harmoniser les moyens et les procédures principes de fonctionnement relatifs à
de communication. TARGET2. Ses décisions sont prises sur
la base des propositions faites par deux
1.1.3. Cadre juridique instances de l’Eurosystème : le Market
Infrastructure Board (MIB) et le Market
Juridiquement, TARGET2 s’appuie sur Infrastructures and Payments Committee
un ensemble de systèmes de paiement (MIPC), qui interviennent respectivement
nationaux gérés de façon autonome mais sur les questions relatives au fonctionne-
dans le respect de conditions harmonisées. ment et aux évolutions stratégiques.

Bien que techniquement la plateforme 1.2.2. Les organes d’orientation


de paiement soit unique, juridiquement
TARGET2 conserve une structure décentra- Il s’agit des banques centrales de
lisée. Chacune des composantes nationales L’Eurosystème (la BCE et les BCN de la
du système est gérée par la BCN auprès zone euro), qui sont les propriétaires de
de laquelle les entités bancaires ou finan- TARGET2. Elles mettent en œuvre les
cières ouvrent des comptes suivant le conditions harmonisées d’ouverture et de
principe de décentralisation de l’Eurosys- fonctionnement des comptes et participent
tème. Ainsi, la composante française de à l’évolution du système.
TARGET2 est exploitée par la Banque de 4 Intitulé «  Agreement on
TARGET2 », cet accord
France (TARGET2-Banque de France). Les différentes BCN et la BCE se coor- est à réviser chaque fois
donnent au sein du MIB et du MIPC qu’une modification de
l’orientation TARGET2
Les composantes nationales de l’Euro- précités, et, au niveau technique, au sein a des incidences sur
système sont néanmoins gérées dans le du Working Group on TARGET2 (WGT2). ses termes.
respect de conditions harmonisées d’ouver-
ture et de fonctionnement qui servent de
base aux conventions signées entre chaque
banque centrale et les participants lors de
l’ouverture par ces derniers d’un compte Schéma
dans une composante de TARGET2.
decision-making
Central bank

Non-euro
central bank’ Governors’ ECB decision
bodies

governors/ Forum making bodies


boards
Pour leur part, les BCN dites « connec-
tées » signent un accord avec les BCN de Non-euro Market
Steering

Infrastructure
bodies

l’Eurosystème 4, par lequel elles s’engagent Currencies CSD Steering


level

Steering Group Board Group (CSG)


(NECSG)
à respecter les conditions harmonisées, à
l’exception des dispositions relevant de la
advisory

T2S matters
Market

National user National user


bodies

Ami-Pay Ami-SeCo
Group (NUG) Group (NUG)
politique monétaire commune de la zone Pay SeCo

euro et du crédit intrajournalier.


Technical
Groups

1.2. La gouvernance de TARGET2 Working Group


T2S Operations
Managers Group
T2S Project
Managers Group
T2S Change
Review Group
on TARGET2
(OMG) (PMG) (CRG)

TARGET2 fait partie de la gouvernance de Reporting


Escalation

l’Eurosystème pour ses infrastructures de Technical Groups

marché, à savoir TARGET2 et TARGET2- Source : BCE.


Securities (T2S). Le schéma ci-après permet

110 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème Chapitre 7


Encadré n° 1 : Les soldes TARGET2 (« TARGET2 balances »)

Les «  soldesTARGET2  1 » sont la résultante des paiements transfrontaliers effectués au sein du système
de paiement décentralisé TARGET2 entre les pays appartenant à la zone euro 2.

Quand des règlements sont effectués entre des banques qui ont des comptes ouverts dans des BCN
différentes, le solde net multilatéral est dégagé, la BCE servant de contrepartie à la position de chaque
BCN. Ce solde multilatéral est enregistré à la fin de chaque jour ouvrable dans des comptes que les
banques centrales concernées ont ouverts dans les livres de la BCE pour comptabiliser les échanges
transfrontaliers en monnaie de banque centrale. Pour chaque BCN, le solde de ces échanges constitue
son « solde TARGET2 ».

G1 : Soldes TARGET2 cumulés par pays


(en milliards d’euros)
1 000
900
800
700
600
500
400
300
200
100
0
- 100
- 200
- 300
- 400
- 500
Juin Juin Juin Juin Juin Juin Juin Juin Juin Juin Juin
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
AT BE DE ES EU FR GR IE IT LU NL PT
Note : Les données sont régulièrement publiées sur le site de la BCE à la page http://sdw.ecb.europa.eu/servlet/desis?node=1000004859
Source : Banque de France.

Le total des soldes est toujours égal à zéro. Les soldes dans TARGET2 ne sont pas exigibles et par
conséquent ne sont jamais réglés. En fin de journée, pour chaque BCN, le solde constaté vient s’ajouter
à celui de la veille ; ces ajouts de soldes journaliers constituent le solde cumulé. Comme le montre le
graphique ci‑dessus, certaines banques centrales ont accumulé depuis 2008 soit une position créditrice
soit une position débitrice vis-à-vis des autres banques centrales de l’Eurosystème.

…/…

1  Pour aller plus loin sur le sujet des soldes TARGET2 (ou « TARGET2 balances »), voir le « Focus » de la Banque de France de mai 2012, ainsi que les
articles de la BCE dans ses bulletins 2013-05 (pages 103 à 114) et 2017-03.
https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/focus-06_2012-05-31_en.pdf
https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/focus-06_2012-05-31_fr.pdf
https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/mobu/mb201305en.pdf
https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/ebbox201703_01.en.pdf?5678d031c7926c9d075f9cda8be41f99
https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/be3_2017_fr.pdf
2 À tout moment de la journée opérationnelle, les BCN des pays n’appartenant pas à la zone euro (BCN « connectées ») doivent maintenir un solde agrégé
créditeur vis-à-vis de l’ensemble des banques centrales de l’Eurosystème.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 111


Chapitre 7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème


Ce solde peut être créditeur ou débiteur. Lorsque le solde TARGET2 d’une BCN est créditeur, cela
signifie que les banques qui ont leur compte ouvert dans les livres de cette BCN ont bénéficié d’un flux
net positif de paiements en provenance de banques qui ont leur compte ouvert auprès d’autres BCN.

Les transactions à l’origine de ces paiements transfrontaliers sont de nature très variée, à l’image
de la diversité des activités économiques et financières au sein d’une zone monétaire largement
intégrée. Cela peut concerner le paiement d’un bien auprès d’un fournisseur étranger, ou encore un
paiement au sein d’un même groupe bancaire, dont deux entités participeraient à TARGET2 sépa‑
rément via deux BCN différentes. L’importance des flux transfrontaliers pourrait s’accroître si les
groupes bancaires de la zone euro mettaient en place une centralisation de leur gestion de trésorerie.
Cela peut aussi refléter une simple sortie de capitaux du système bancaire national vers d’autres
banques au sein de la zone euro.

Jusqu’à la crise des dettes souveraines de la zone euro en 2011, les flux de paiements transfronta‑
liers dans TARGET2 liés au compte courant ainsi qu’aux transactions de portefeuille étaient nivelés
par des financements sur le marché interbancaire, là encore transfrontaliers. Or, le climat général
de défiance qui s’est développé lors de la crise financière a entrainé un tarissement du marché
interbancaire et, par conséquent, de ces flux de nivellement, les établissements de crédit cherchant
alors auprès de leur banque centrale la liquidité qu’ils ne trouvaient plus, ou alors difficilement, sur
le marché interbancaire.

Ces soldes TARGET2 sont donc des révélateurs de déséquilibres qui ne parviennent pas à se
résorber naturellement par des flux de financement de marché, l’Eurosystème devant prendre le
relais. Ces soldes incarnent de façon très pratique également le degré d’attractivité et de santé
financière des pays de la zone euro ainsi que la solidarité monétaire entre les banques centrales de
l’Eurosystème. Ils sont désormais suivis comme un indicateur-clé de la normalisation du marché
interbancaire et le président de la BCE y fait souvent référence lors de ses conférences de presse
sur la politique monétaire.

Il est à noter que ce mécanisme de soldes n’est pas propre à la zone euro. On l’observe également
dans les pays dont le système de paiement en monnaie de banque centrale est organisé selon les
mêmes principes de décentralisation que TARGET2, comme par exemple le système américain
Fedwire. Dans ce système de paiement, les banques fédérales de réserve affichent des positions
similaires à celles des BCN dans TARGET2.

Les BCN sont le seul point de contact Si la BCE, en tant que gestionnaire d’une
(national service desk) pour les participants composante du système, met en œuvre
relevant de leur communauté nationale. les conditions harmonisées de TARGET2,
Cette décentralisation s’applique ainsi elle n’ouvre toutefois pas de compte de
à la signature de la convention d’ouver- règlement aux banques situées dans la
ture de compte, au recours aux facilités zone euro. Son rôle opérationnel consiste
permanentes dans le cadre de la politique à offrir des services de règlement à des
monétaire de l’Eurosystème, à la demande systèmes de paiement transeuropéens,
d’octroi d’un crédit intrajournalier gratuit comme EURO1 ou STEP2, ou bien à
garanti par du collatéral (voir chapitre 15), des systèmes internationaux comme le
ainsi qu’aux mesures à prendre en situation système CLS (voir chapitre 9). La BCE
de crise. exerce également, par l’intermédiaire de

112 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème Chapitre 7


son service desk, un rôle de coordination Si l’ouverture d’un compte auprès d’une
des BCN dans le fonctionnement quotidien autre banque centrale (notion d’accès à
de la plateforme unique et surtout dans la distance ou remote access) est concevable,
gestion des situations de crise. seule l’ouverture d’un compte auprès de la
banque centrale du pays où un établisse-
1.2.3. Les organes consultatifs ment dispose d’une implantation permet
de bénéficier de l’ensemble des fonction-
La gouvernance de TARGET2 repose nalités de TARGET2, notamment l’octroi
également largement sur une informa- de crédit intrajournalier.
tion et un dialogue réguliers entre les
banques centrales et les différentes Chaque banque centrale peut également
communautés bancaires, dans le cadre admettre comme participants directs :
de groupes de travail ou de consultations,
tant au niveau national qu’européen. Ainsi, • des entreprises d’investissement
au niveau européen, l’AMI Pay 5 regroupe établies dans l’EEE ;
l’Eurosystème et les principales banques
européennes utilisatrices de TARGET2, • les services du Trésor, des administra-
ces dernières pouvant ainsi exprimer tions centrales ou régionales des États
leurs besoins quant au fonctionnement membres opérant sur les marchés
de TARGET2. L’AMI Pay est complété par monétaires, ainsi que les organismes
des groupes nationaux d’acteurs (national du secteur public des États membres
stakeholder groups), qui rassemblent autorisés à détenir des comptes
chaque communauté nationale autour des de  clientèle ;
enjeux liés à TARGET2.
• des entités, établies dans l’EEE, gérant
d’autres infrastructures de marché
2. Participation à TARGET2 dites systèmes exogènes, et agissant
en cette capacité, afin que les règle-
TARGET2 permet une très large parti- ments finaux en monnaie de banque
cipation. Si l’orientation TARGET2 fixe centrale puisent être effectués sur un
des critères d’accès au système, la compte RTGS ;
liberté d’appréciation laissée aux BCN
et surtout la possibilité d’une parti- • les établissements de crédit ou toute
cipation indirecte permet à plus de entité du type de celles énumérées aux
50 000 entités dans le monde de réaliser points précédents, qui sont établis dans
des transactions via TARGET2. Elles sont un pays avec lequel l’UE a conclu un
recensées dans l’annuaire de référence accord monétaire (en pratique Andorre,
de TARGET2  (T2-Directory). Monaco, Saint Marin et le Vatican).

2.1. La participation directe 2.2. La participation indirecte

La participation directe, liée à l’ouver- La participation indirecte, qui élargit


ture d’un compte en monnaie de banque le nombre des utilisateurs, peut
centrale dans les livres d’une BCN parti- prendre trois formes : participant
cipante à TARGET2, est admise pour les indirect, « BIC adressable » ou accès
établissements de crédit établis dans multi­-destinataires.
l’espace économique européen (EEE) et
pour les établissements de crédit établis • L
 e statut de participant indirect
à l’extérieur de l’EEE, à condition qu’ils donne une sécurité juridique : s’il ne
5 
Advisor y group on
agissent par l’intermédiaire d’une succur- souhaite pas ouvrir un compte RTGS Market Infrastructures
sale établie dans l’EEE. dans TARGET2, notamment pour for Payments.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 113


Chapitre 7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème


des raisons de coûts eu égard à son


Encadré n° 2 : La participation dans TARGET2
volume de transactions en euros, tout
établissement de crédit établi dans
l’EEE peut conclure un contrat avec un À la fin de 2017, 1 963 comptes étaient ouverts dans
– et un seul – participant direct, celui-ci TARGET2, permettant le règlement des opérations de
pouvant être une banque centrale de 1 073 participants directs, 684 participants indirects et de
l’Eurosystème, une banque centrale 48 443 détenteurs de BIC adressables situés partout dans le
connectée ou un établissement de monde. Par ailleurs, 79 systèmes exogènes réglaient leurs
crédit établi dans l’EEE, afin de pouvoir échanges dans TARGET2 (dont 25 systèmes de paiement
présenter des ordres de paiement et/ de détail, 23 systèmes de règlement-livraison de titres et
ou recevoir des paiements par l’inter- 4 contreparties centrales).
médiaire du compte de ce participant
direct dans TARGET2. L’enregistrement En 2016, en moyenne, la part de la participation indirecte
d’un établissement de crédit par une (tiering) s’est élevée à environ 5 % en valeur et 18 % en
banque centrale en tant que participant volume des trans­actions émises sur la plateforme, sans
indirect dans l’annuaire de référence montrer de concentration significative sur quelques parti‑
de TARGET2 lui confère un statut de cipants directs ou indirects.
participant à part entière, bénéficiant
à ce titre de la finalité des paiements
(cf. chapitre 5).
2.3. Les systèmes exogènes
• L
 e BIC adressable permet une partici-
pation très large : un participant direct Les systèmes de paiement qui traitent
peut également s’inscrire lui-même dans une partie substantielle d’opérations en
l’annuaire de référence de TARGET2 des euros et effectuent le déversement des
entités appelées « BIC adressable » afin soldes nets dans TARGET2 doivent i) être
qu’elles puissent émettre ou recevoir gérés par une entité établie dans l’espace
des ordres de paiement par l’intermé- économique européen (EEE) et ii) respecter
diaire de son compte. Aucun critère les exigences de surveillance relatives à la
d’ordre juridique ou géographique n’a localisation des infrastructures offrant des
été fixé par les textes, l’entité devant services en euros, périodiquement mises
seulement posséder un code d’iden- à jour et publiées sur le site internet de
tification d’entreprise (BIC 6). Il s’agit la BCE.
généralement d’un correspondant
bancaire, d’un client du titulaire d’un Actuellement, les systèmes de paiement
compte dans TARGET2, ou bien encore qui traitent une partie substantielle d’opé-
d’une succursale du titulaire d’un rations en euros doivent être juridiquement
compte ou d’un participant indirect. À implantés dans la zone euro dès que ces
la différence de l’enregistrement évoqué systèmes règlent chaque jour plus de
ci-dessus, la simple inscription dans l’an- 5 milliards d’euros ou qu’ils représentent
nuaire d’un BIC adressable ne confère chacun plus de 0,2 % du total en valeur
pas de statut à celui-ci, ni la sécurité des transactions en euros réglées par les
juridique y afférente. systèmes de paiement interbancaires de
la zone euro.
• L
 ’accès multi-destinataires facilite
les opérations des établissements Il existe néanmoins une exception notable,
d’un même groupe bancaire : un celle du système CLS (voir chapitre 9),
établissement de crédit peut accorder mis en place pour réduire le risque de
l’accès à son compte TARGET2 à l’une règlement dans les opérations de change
ou plusieurs de ses succursales, ainsi en appliquant le principe du « paiement
qu’à un participant indirect appartenant contre paiement », et dont les transactions
au même groupe bancaire que lui. en euros font l’objet d’un règlement final 6 Business Identifier Code.

114 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème Chapitre 7


dans TARGET2. Si son entité gestionnaire ou plusieurs comptes dès lors que son
est supervisée par la Réserve fédérale activité le nécessite. Pour certains établis-
des États‑Unis, une surveillance collec- sements qui n’ont pas besoin de toutes
tive, qui associe les banques centrales les fonctionnalités de la plateforme, mais
du G10 ainsi que celles dont les devises ont cependant à constituer des réserves
sont traitées dans CLS, permet à l’Eurosys- obligatoires, ou pour des entités n’ayant pas
tème de participer à la surveillance de CLS accès à TARGET2, les banques centrales ont
en tant que système exogène se réglant la possibilité d’utiliser, sur une base option-
dans TARGET2 (sur la politique de l’Euro- nelle, un module de la plateforme, HAM
système en matière de localisation des (Home Accounting Module), qui permet l’ou-
infrastructures, voir également chapitre 17, verture de comptes dits « locaux », dotés de
section 3.3.1). services limités mais standardisés : gestion
de numéraire (relatif à l’activité portant sur
les espèces, pour leur retrait ou leur dépôt),
3. Les fonctionnalités gestion des réserves obligatoires, accès aux
de TARGET2 facilités permanentes de l’Eurosystème,
transferts interbancaires, ainsi qu’un service
À partir du moment où ils sont admis à de représentation (co-management) du
utiliser la plateforme de TARGET2, les détenteur de compte local par un détenteur
utilisateurs, quel que soit le lieu où ils de compte RTGS pour de petits établisse-
exercent leur activité, peuvent accéder aux ments ne disposant pas d’infrastructures
mêmes fonctionnalités, tarifées au même techniques adaptées 7.
prix. Dans le même temps, TARGET2 leur
offre une gamme de services suffisam- L’attention portée à la taille des banques
ment diversifiés pour répondre au mieux participantes se retrouve dans les options de
à leurs activités. tarification des transactions, qui combinent
une redevance fixe mensuelle et des coûts
3.1. Fonctionnalités harmonisées unitaires de transactions fixes ou dégressifs
et flexibles en fonction du volume d’activité 8.

Les opérations suivantes peuvent être Sur le plan technique, TARGET2 permet que


effectuées sur un compte ouvert dans une la présentation et le traitement de tous les
7 Dans ce cadre, les tran-
composante de TARGET2 : ordres de paiement, ainsi que la réception sactions réalisées par le
finale des paiements, s’effectuent de détenteur du compte
• des ordres de paiement interbancaires, façon harmonisée. Les ordres de paiement RTGS sont réputées
l’avoir été par le déten-
qui comprennent les opérations de passent en principe un par un, selon leur teur du compte local.
politique monétaire ; niveau de priorité et le principe « premier 8 Depuis 2013, l’option A
entré, premier sorti » (FIFO : First In, First comporte une rede-
• des ordres de débit direct. À l’inverse Out). En effet, les ordres de paiement sont vance fixe mensuelle
de 150 euros et un coût
des précédents, c’est le destinataire chacun affectés d’un niveau de priorité (très de transaction unitaire
de l’ordre qui est ici débité au profit de urgent, urgent ou normal) correspondant à de 0,80 euro ; l’option B
comporte une rede-
l’émetteur de l’ordre ; leur criticité 9 . vance fixe mensuelle
de 1 825 euros et un
• des transferts de liquidité entre comptes ; S’il n’existe pas suffisamment de liquidité tarif dégressif à l’unité,
lié au volume mensuel
sur le compte du participant ou que les d’activité (de 0,60 euro
• des paiements émis par ou vers un fonctionnalités de TARGET2 ne permettent à 0,125 euro), Cf. égale-
ment chapitre 19.
client non bancaire. Dans ce cas, des pas d’en dégager (dérogation au principe
paiements de montant peu élevé, mais à FIFO si d’autres ordres de paiement de 9 
Pa r l e p a r t i c i p a n t
lui-même, ou du fait
caractère urgent, peuvent être effectués. sens contraire contribuent à l’augmentation de leur nature. Dans ce
nette de la liquidité du payeur ; voir infra, dernier cas, les ordres
de paiement au béné-
Chaque participant détient au moins les fonctionnalités de TARGET2), les ordres fice de CLS sont tous
un compte RTGS, identifié par un BIC, de paiement font l’objet d’une mise en file très urgents.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 115


Chapitre 7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème


d’attente. En fin de journée, les ordres de l’heure limite fixée pour le type d’ordre
paiement qui n’ont pas pu être réglés avant concerné sont rejetés.

Encadré n° 3 : La journée TARGET2

La journée TARGET2 débute à 19 heures en date de valeur J+1.

Une procédure de règlement de nuit, choisie par certains systèmes exogènes pour effectuer leur
règlement (également appelé déversement), se déroule entre 19h30 et 7h, interrompue par une fenêtre
de maintenance technique de 22 heures à 1 heure du matin.

La procédure de règlement de jour débute à 7 heures et se termine à :


• 17 heures pour les paiements de clientèle ;
• 18 heures pour les paiements interbancaires.

Durant cette phase, les systèmes exogènes effectuent, une ou plusieurs fois, leur déversement en
utilisant une, voire plusieurs des procédures proposées par TARGET2 (cf. ci-après).

Entre 18h et 18h15, en fonction de la situation de leur liquidité, les participants basés dans la zone
euro peuvent avoir recours aux facilités permanentes 1 de l’Eurosystème.

La fin de journée intervient normalement à 18h15, suivie des opérations de préparation d’une
nouvelle journée.

Le graphique ci-dessous illustre que plus de 50 % des ordres de paiement en valeur sont d’ores et
déjà effectués à 12h, reflétant une activité plus importante le matin.

G2 : Distribution intrajournalière du trafic TARGET2 en 2017


(en %)
100

80

60

40

20

0
07:00 08:00 09:00 10:00 11:00 12:00 13:00 14:00 15:00 16:00 17:00 18:00

Volume Valeur Distribution linéaire


Source : BCE – Rapport annuel TARGET 2017.

1 Facilité de prêt ou facilité de dépôt, en fonction de la situation créditrice ou débitrice du participant.

116 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème Chapitre 7


Un outil de pilotage est mis à la disposition des regard de leur activité (petits établissements
participants à TARGET2. L’ICM (Information de crédit avec un nombre de transactions
and Control Module) leur permet d’obtenir en limité). TARGET2 fonctionne tous les jours,
temps réel et de façon interactive un grand à l’exception des samedis et dimanches et
nombre d’informations, notamment sur leur de six jours fériés  10 (soit, selon les années,
liquidité dans le système et sur le statut de 255 à 257 jours).
leurs paiements émis et reçus (réglés ou
en file d’attente). Les participants peuvent 3.2. Les services
consulter à tout moment les files d’attente pour les systèmes exogènes
les concernant, voire initier un ordre de
paiement très urgent. L’ICM est accessible Les nombreux acteurs financiers participant
en mode U2A (User to Application) ou A2A à des infrastructures des marchés finan-
(Application to Application). ciers sont dépendants de la bonne exécution
des ordres de paiement. Le règlement en
La plateforme TARGET2 est accessible via temps voulu des opérations des systèmes
SWIFT ou via internet. En connexion via exogènes dans TARGET2 est donc détermi-
SWIFT, le participant peut utiliser l’ensemble nant pour la stabilité financière.
des fonctionnalités de la plateforme. Tous les
établissements de crédit, et notamment les TARGET2 permet aux infrastructures
plus modestes, ne disposent toutefois pas des marchés financiers établies dans
d’un accès à SWIFT, et c’est pourquoi une l’EEE, et offrant des services en euros
connexion alternative Internet a été déve- (contreparties centrales, systèmes de
loppée en 2010. Avec une offre de services règlement-livraison de titres, systèmes
un peu plus restrictive, comme l’impossibi- de paiement de détail), de réaliser leurs
lité d’émettre des ordres de débit direct ou déversements en ouvrant auprès de leur
de participer à un groupe de comptes, elle banque centrale un ou plusieurs comptes
s’adresse particulièrement à des entités RTGS pour effectuer les règlements en 10 Jour de l’an, Vendredi
saint, lundi de Pâques,
pour lesquelles l’accès au réseau SWIFT euros résultant des opérations de leurs 1 er M a i , N o ë l e t
serait disproportionné donc trop coûteux au participants. Ces comptes servent alors 26 décembre.

T1 : Comparaison des procédures de déversement


Procédure de Intitulé de Description
déversement 1 la procédure
Procédure 2 Règlement en Transfert entre les comptes de deux participants directs.
temps réel
Procédure 3 Règlement bilatéral Le système exogène envoie simultanément des opérations de débit et
de crédit sur le compte T2 du participant. Chaque transaction est traitée
indépendamment l’une de l’autre.
Procédure 4 Règlement Les débits et crédits sont enregistrés simultanément sur le compte T2 du
multilatéral participant mais toutes les opérations de débit doivent être dénouées avant
standard celles de crédit.
Procédure 5 Règlement Les débits et crédits sont enregistrés simultanément dans le compte T2 du
multilatéral participant mais doivent être vérifiées avant leur dénouement afin de n’être
simultané dénouées que selon le respect du principe du « tout ou rien »
Procédure 6 Liquidité dédiée Des ordres permanents ou occasionnels, destinés à gérer une liquidité dédiée
et règlement au règlement (modèle interfacé) ou au préfinancement (modèle en temps réel)
intersystèmes d’opérations d’un système exogène, peuvent être envoyés par le participant
TARGET2 ou le système exogène auquel il participe. Le modèle en temps réel
permet notamment le règlement dans TARGET2 des paiements instantanés 2.
1 La procédure 1 n’est plus proposée depuis 2017. C’est la raison pour laquelle la première rubrique ligne de ce tableau est « Procédure 2 ».
2 La procédure 6 peut être utilisée au cours de la journée d’échange ou en phase de nuit. Le modèle en temps réel est entré en service en novembre 2017.
Il permet aux participants TARGET2 de gérer de façon souple le préfinancement de leurs positions auprès des systèmes de paiement instantanés (cf. section 6
du présent chapitre et chapitre 10).

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 117


Chapitre 7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème


pour déverser les soldes des positions des participants les mécanismes les plus
espèces de leurs participants sur les performants existant dans ce domaine.
comptes RTGS de ces derniers, afin de
permettre le règlement final en monnaie À tout moment d’une journée ouvrable,
de banque centrale. la liquidité d’un participant au système
est constituée du solde de son ou de
La présentation et le règlement des ses comptes dans le système en début
instructions de paiement ont été facilités de journée, de la différence entre le
par la création d’un module d’interface montant de ses paiements reçus et émis
dédié (« Ancillary System Interface » depuis le début de la journée et du crédit
– ASI), offrant une gamme de services intrajournalier qu’il a pu obtenir de la BCN
standardisés et prédéfinis. auprès de laquelle il est établi 11.

Bénéficiant de l’octroi de la priorité très Selon le principe de décentralisation


urgente à ses opérations, chaque système respecté strictement par TARGET2, seule
exogène utilise les procédures adaptées la BCN du pays dans lequel le participant
à ses besoins accompagnées ou non de est établi peut lui octroyer du crédit
services (mise en place d’une période intrajournalier. Celui-ci est gratuit mais il
d’information sur le début ou la fin d’un doit être garanti (collatéralisé) et doit en
cycle de déversement, utilisation d’un outre être remboursé avant la fin de la
fonds de garantie). journée (crédit intrajournalier ou intraday) 12.
Le collatéral éligible pour garantir ce crédit
TARGET2 offre ainsi à ses participants intrajournalier est le même que pour les
cinq procédures de déversement diffé- opérations de politique monétaire de
rentes, permettant de répondre aux l’Eurosystème, et il est soumis aux mêmes
différents besoins rencontrés par les règles de valorisation et de contrôle des 11 Ne faisant pas l’objet
systèmes exogènes (cf. tableau ci-avant). risques. Dans les faits, le collatéral qui d’un blocage, les
montants de réserves
garantit le crédit intrajournalier est la obligatoires peuvent
Le profil de chaque système exogène fraction du collatéral déposé auprès des être utilisés en cours de
et ses heures de déversement dans banques centrales nationales qui n’est journée pour effectuer
des paiements.
TARGET2 sont consultables sur le site pas utilisée pour garantir les opérations
12 Annexe I de l’orienta-
de la BCE. de refinancement de politique monétaire. tion BCE/2011/14.

13 
I l s’agit des entités
3.3. Les mécanismes De 2011 à la mi-2017, le montant moyen suivantes :
de gestion de la liquidité quotidien de crédit intrajournalier
•  les établissements
utilisé a représenté 4,7 % du collatéral de crédit établis dans
Le bon fonctionnement de TARGET2, moyen utilisable. l’EEE qui ne sont pas
des contreparties
en tant que RTGS, nécessite que les éligibles aux opérations
participants disposent à tout moment Les participants pouvant bénéficier du crédit de politique monétaire
de la journée de la liquidité qui leur est intrajournalier sont uniquement des contre- de l’Eurosystème et/ou
qui n’ont pas accès à la
nécessaire pour que les paiements qu’ils parties éligibles aux opérations de politique facilité de prêt marginal ;
émettent soient réglés dans des délais monétaire de l’Eurosystème. En fin de •  les entreprises d’inves-
satisfaisants (90 % des transactions sont journée, un défaut de remboursement est tissement établies dans
réglées en moins de 39 secondes et 50 % considéré comme une demande de recours l’EEE ;

en moins de 26 secondes). à la facilité de prêt marginal, octroyée auto- •  les entités qui gèrent
des systèmes exogènes
matiquement par l’Eurosystème, au taux et agissent en cette
Compte tenu de l’importance du niveau en vigueur fixé par la BCE. qualité, à condition que
de liquidité pour la bonne exécution des les accords permettant
de consentir du crédit
paiements de montant élevé, les dispositifs D’autres entités admises à participer à intrajournalier à ces
de gestion de cette liquidité ont fait l’objet TARGET2 peuvent bénéficier d’un crédit entités aient préalable-
ment été soumis au
d’une attention particulière dans TARGET2, intrajournalier 13, à condition toutefois qu’il Conseil des gouverneurs
avec l’objectif de mettre à la disposition existe des garanties de remboursement en et approuvés par celui-ci.

118 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème Chapitre 7


fin de journée. Tel est, par exemple, le cas des 3.3.2. L’optimisation de la gestion des
entreprises d’investissement établies dans ordres de paiement
l’EEE, à condition qu’elles aient conclu un
accord avec une contrepartie aux opérations Attribution de priorités : les participants
de politique monétaire de l’Eurosystème émetteurs peuvent changer le niveau de
pour couvrir toute position débitrice rési- priorité des paiements urgents et paiements
duelle à la fin de la journée en question. normaux, mais il n’est pas possible de
modifier le niveau de priorité d’un paiement
Dans tous les cas, un défaut de rembour- très urgent 15.
sement est soumis à des pénalités.
Possibilité d’intervention dans les files
3.3.1. La mise en commun de liquidité d’attente : chaque compte dispose de
trois files d’attente de paiement, corres-
Pour les établissements qui font le choix de pondant chacune à un niveau de priorité.
disposer de plusieurs comptes, ou dans le Afin d’optimiser leur liquidité, les participants
cas de groupes bancaires implantés dans peuvent modifier l’ordre de leurs paiements
plusieurs pays participants à TARGET2, à l’intérieur de chaque file d’attente.
la plateforme offre, si la connexion est
effectuée via SWIFT 14, une possibilité Virements à échéance prédéterminée : les
de mise en commun de la liquidité en ordres de virement peuvent se voir affecter
constituant des « groupes de comptes ». une heure d’exécution, jusqu’à cinq jours
Il existe ainsi deux formes d’organisation ouvrables à l’avance.
des groupes de comptes.
Réservations de liquidité : les participants
• Informations consolidées sur les à TARGET2 peuvent réserver de la liquidité
comptes (ICC) : le gestionnaire du pour faciliter le règlement de certaines
groupe de comptes dispose d’une opérations, soit en affectant de la liquidité
simple vision sur l’ensemble de la selon le niveau de priorité des opérations,
liquidité des comptes du groupe. Il peut soit en transférant des fonds sur des sous-
toutefois effectuer des transferts de comptes dédiés au règlement de certains
liquidité d’un compte à un autre. systèmes exogènes.

• Centralisation de liquidité (CL) : en Mise en place de limites : un participant direct


plus de la vision sur l’ensemble de la peut fixer le montant maximal des paiements
liquidité des comptes du groupe décrite qu’il accepte de régler sans en avoir reçus
ci-dessus, la centralisation de liquidité au préalable. Ces limites peuvent être bilaté-
(par la mise en place d’un « compte rales (à l’égard d’un autre participant) et/ou
virtuel ») permet de gérer de manière multilatérales (à l’égard de l’ensemble des
intégrée la liquidité intrajournalière qui autres participants). Le montant minimal de
se trouve répartie entre les différents toute limite est de 1 million d’euros. 14 Un compte connecté à
TARGET2 via internet ne
comptes du groupe. Le règlement peut pas appartenir à un
d’une opération sur l’un de ces comptes 3.3.3. Les algorithmes d’économie groupe de comptes.
peut intervenir dès lors que le solde de liquidité 15 S ont des paiements
du compte virtuel, à savoir le cumul très urgents les
paiements liés aux
des soldes des comptes individuels Les participants bénéficient en outre des opérations de banque
augmenté des éventuelles lignes de processus d’optimisation mis en place au centrale et à celles des
systèmes exogènes.
crédit, le permet. Cela signifie qu’en niveau de la plateforme afin d’économiser
cours de journée, l’un des comptes la liquidité 16. 16 Les différents algorithmes
et leur utilisation sont
appartenant au groupe peut devenir exposés à l’Appendice I
débiteur, pourvu que le solde global Pour un ordre de paiement se trouvant en de l’orientation TARGET2
« Spécifications tech-
du groupe de compte reste quant à cours de traitement, la recherche d’optimi- niques pour le traitement
lui créditeur. sation (offsetting checks) essaie d’imputer des ordres de paiement ».

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 119


Chapitre 7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème


Encadré n° 4 : Les transactions non réglées en fin de journée

Les transactions non réglées en fin de journée, du fait d’un manque de liquidité sur le compte d’un
participant ou du dépassement d’une limite fixée, sont peu nombreuses. Ainsi, en 2017, les paiements
non réglés ne représentaient que 0,3 % du volume total quotidien dans TARGET2 et 1,0 % de la valeur
totale quotidienne. Ceci s’explique par le fait que les règlements sont très majoritairement effectués
sans recours au crédit intrajournalier (en moyenne moins de 3 % de l’activité en valeur est réglé par
le recours au crédit intrajournalier).

G3 : Transactions non réglées en fin de journée


(en millions ; variation en %)

4 000 120

3 500
100
3 000
80
2 500

2 000 60

1 500
40
1 000
20
500

0 0
2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Volume (échelle de gauche) Valeur (échelle de droite)
Source : BCE – Transactions non réglées en fin de journée – Rapport annuel TARGET 2017.

immédiatement cette opération, en combi- d’offsetting. Pour leur part, les ordres de
naison avec d’autres opérations en attente. paiement se trouvant dans la file d’attente
Ainsi, un ordre de paiement émis par un normale sont traités en continu, le système
participant A au bénéfice d’un participant B ayant recours à des algorithmes destinés
donnera lieu à la recherche d’opérations à régler d’éventuels blocages.
de B de sens inverse qui, imputées simul-
tanément avec cet ordre de paiement,
permettront de réduire les besoins de 4. Les  performances de TARGET2
liquidité de A et de B.
4.1. Activité en volume et en valeur
Le traitement des ordres de paiement
placés dans les files d’attente dépend du Reflet de l’environnement économique
niveau de priorité qui leur a été attribué par et financier, TARGET2 a connu une forte 17 Même si ceux-ci effec-
le participant donneur d’ordre et les algo- contraction de son activité en 2009, après la tuent dans TARGET2 le
rithmes de règlement en tiennent compte. crise de 2008. Les années 2014 et 2015 ont règlement final de leurs
soldes nets, l’activité
été marquées par une moindre utilisation supplémentaire induite
Les ordres de paiement se trouvant dans directe de la plateforme pour les transac- ne peut pas compenser
le nombre d’opérations
les files d’attente très urgentes et urgentes tions que la migration SEPA a conduites faisant l’objet d’un règle-
sont réglés par recours à la seule procédure vers d’autres systèmes de paiement 17. ment brut.

120 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème Chapitre 7


Enfin, de 2015 à 2017, les vagues de G4 et G5 : Transactions dans TARGET2


migration à T2S ont eu une influence en nombre
baissière sur l’activité de TARGET2. En effet (en millions) (en %)

les opérations des dépositiaires centraux 96 3


2,12
de titres (CSD), qui étaient réglées par 1,57 2
94 1,43 1,10
1
T2, ont été réglées dans T2S à partir de 0,09
1,23
-0,11
0
92
la migration à T2S de chaque CSD. - 1
-2,43
90 - 2
En 2017, pour 255 jours ouvrables, le -2,59 - 3
88 - 4
nombre des transactions réalisées dans
86 - 5
TARGET2 s’élevait à 89,3 millions et - 6
leur valeur à 432 781 milliards d’euros, 84
-6,54
- 7
soit en données moyennes journalières 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
350 106 opérations pour un montant Nombre annuel (échelle de gauche)
Variation annuelle (échelle de droite)
moyen de 1 697 milliards. TARGET2 traite
en moins de sept jours l’équivalent de
en valeur
la valeur du produit intérieur brut annuel (en milliards d’euros) (en %)
de la zone euro et constitue l’un des plus 700 5
importants RTGS du monde 18.
600 0

Au niveau européen, TARGET2 est le seul 500 -5


système utilisé pour les opérations relevant 400 - 10
de la politique monétaire de l’Eurosystème 300 - 15
et pour les opérations liées au règlement 200 - 20
des systèmes exogènes fonctionnant en
100 - 25
euros. En 2016, ces deux ensembles d’opé-
rations représentaient respectivement 7 % 0 - 30
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
et 15 % en volume et 12 % et 26 % en valeur Encours annuel (échelle de gauche)
de l’activité globale. Variation annuelle (échelle de droite)
Variation annuelle du PIB (échelle de droite)
Source : BCE – Rapport annuel TARGET 2017.

G6 : Répartition des types d’opération


(en %)
En volume En valeur

3
13
27
7 42

18 Pour ce qui concerne la


77 20 composante française,
e n   2 017, TA RG ET 2 -
11 Banque de France a traité
8,2 millions de transac-
tions pour une valeur
totale de 66 840 milliards
Payments between market participants d’euros, soit une
Payments related to operations with the central bank moyenne journalière
de 32 166 transactions
Payments related to ancillary settlement
pour un montant de
Payments related to liquidity transfers 263 milliards (la valeur
du PIB est atteinte en
Source : BCE – Rapport annuel TARGET 2017. dix jours).

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 121


Chapitre 7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème


G7 : Incidents et retards de clôture dans TARGET2


(en nombre ; en %)

99,98 100,00 100,00 100,00 100,00


140 100,0
99,87 100,00 100,00 99,98 100,00
99,81 99,83 99,90 99,89
120 112 99,8

100 99 99,6

80 99,4
62
60 99,2
48
40 33 99,0

20 9 98,8
2 2 1 1 2 10 12 13 02 02 01 12 0 04
0 98,6
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Incidents ayant un impact sur la disponibilité de TARGET2 (échelle de gauche)
Retards de clôture dans TARGET2 (échelle de gauche)
Disponibilité TARGET2 (% annuel, échelle de droite)
Source : BCE – Rapport annuel TARGET 2017 (TARGET jusqu’en 2007, puis TARGET2).

TARGET2 traite également la grande majorité BCE d’août 2014. Il doit en conséquence


des autres paiements en euros, interban- répondre à des exigences fortes, en parti-
caires ou commerciaux, de montant élevé culier en matière de gestion des risques et
traités dans des systèmes de paiement  19, de gouvernance.
puisque sa part atteint chaque année 60 % 19 Les données ne prennent
en volume et 90 % en valeur, le reste étant La BCE a été désignée par le Conseil des pas en compte les
réalisé dans le système EURO1. gouverneurs comme l’autorité compétente opérations de montant
élevé réalisées dans
pour assurer la surveillance de TARGET2, le cadre du « corres-
4.2. Le niveau de service dans un cadre coopératif. En effet, toutes les p o n d e n t b a n k i n g  »
o u d e ch a m b r e s
banques centrales nationales sont invitées de compensation.
Le lancement de la plateforme unique à participer aux activités de surveillance
20 La  disponibilité technique
en 2007-2008 a permis de renforcer encore de TARGET2. est mesurée sur la base
la stabilité du service offert par le système. de la journée d’activité
entre 7h et 18h45 (19h le
TARGET2 affiche des niveaux de service Dès 2015, la plateforme a fait l’objet d’une dernier jour de la période
très élevés : ainsi, en 2017, 100 % des évaluation de son respect des exigences de constitution des
paiements ont été réglés en moins de cinq du règlement BCE sur les SIPS, sous réserves obligatoires),
en incluant les exten-
minutes, la plateforme affichant un taux de l’égide de la BCE et de façon conjointe sions de fonctionnement
disponibilité de 100 % 20. avec les banques centrales de la zone dues à un problème
de TARGET2 ou de
euro volontaires pour mener l’exercice. systèmes exogènes
Cette évaluation est depuis régulièrement dont le règlement
5. La surveillance de TARGET2 mise à jour et publiée sur le site de la BCE  22. final est effectué via
la plateforme.

21 
Règlement de la
Au sein de l’Eurosystème, les systèmes de 5.1. Robustesse de BCE n° 795/2014 du
paiement sont encadrés par le règlement l’architecture technique 3 juillet 2014, révisé
BCE sur les systèmes de paiement d’im- par le règlement
BCE n° 2017/2094 du
portance systémique 21. Ce règlement Le fait que l’infrastructure technique de 3 novembre 2017.
transpose dans l’Eurosystème, pour les TARGET2 repose sur une plateforme unique 22 
Vo i r l e r a p p o r t
systèmes de paiement, les Principes pour implique pour cette dernière des impéra- « TARGET2 Summary
les infrastructures de marchés financiers tifs très élevés en matière de sécurité et of the self-assessment
against the principles
(PFMI : voir chapitres 17 et 18). TARGET2 a d’efficacité. Dès l’origine, l’architecture de for financial market
été identifié comme système de paiement la plateforme a été conçue pour répondre à infrastructures » publié
par la BCE en mai 2018 :
d’importance systémique (SIPS), par une ces impératifs, qui ont été ensuite confirmés http://www.ecb.europa.
décision du Conseil des gouverneurs de la et codifiés par le règlement BCE pour les eu/pub/pdf

122 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème Chapitre 7


Schémas

Source : BCE – https://www.ecb.europa.eu/paym/t2/professional/contingency/html/index.en.html

systèmes de paiement d’importance systé- pour parer aux conséquences d’incidents


mique (cf. chapitre 17). qui empêcheraient TARGET2 de fonctionner
sur une durée dépassant une journée.
Afin d’assurer la continuité opérationnelle
du système, TARGET2 (de même que T2S, Par ailleurs, pour les cas où le réseau de
voir chapitre 14) repose sur une architecture communication SWIFT ne serait pas dispo-
technique extrêmement robuste. La plate- nible, l’Eurosystème dispose d’un réseau
forme de règlement est en effet établie fermé appelé « CoreNet », qui interconnecte
sur deux régions distantes de plusieurs toutes les BCN et la BCE et permet à ces
centaines de kilomètres, chacune des deux dernières de se connecter à la plateforme
régions étant elle-même dotée de deux de TARGET2.
sites suffisamment éloignés pour présenter
des « profils de risque » différents mais Il serait ainsi possible à des personnels des
suffisamment proches pour pouvoir fonc- banques centrales dûment authentifiés de
tionner en mode synchrone. Un principe réaliser des paiements de criticité élevée
de rotation semestrielle des régions est pour le compte de leurs utilisateurs (établis-
appliqué, assurant la présence d’équipes sements de crédit ou systèmes exogènes).
expérimentées et pleinement opérationnelles
sur l’ensemble des sites en cas de crise. 5.2. Le rôle des banque centrales

En cas de problème sur l’ensemble d’une En cas de dysfonctionnement affectant soit


région, le passage sur l’autre région doit la plateforme TARGET2, soit un ou plusieurs
permettre une reprise de l’activité sous un participants au système, les banques
délai de deux heures. En outre, l’activation centrales interviennent pour assurer la
du module de contingence (contingency continuité opérationnelle.
module) dans la région encore disponible
peut permettre le traitement des opérations 5.2.1. Le support continu
les plus critiques de participants par les (national service desk)
banques centrales, sans attendre la reprise
du fonctionnement normal. Afin d’apporter un niveau de service de
qualité à sa communauté d’utilisateurs,
Dans le cadre de sa réflexion liée au et d’assurer le bon fonctionnement de la
contexte de cyber-attaques contre le secteur plateforme, chaque banque centrale dispose
bancaire et financier, l’Eurosystème réfléchit d’un point de contact unique, le national
au renforcement du module de secours service desk ou help desk.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 123


Chapitre 7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème


Le national service desk répond à toutes De manière générale, les mesures prises
les questions concernant les comptes en cas d’incident sont :
ouverts dans TARGET2, indépendamment
de leur catégorie. Les équipes du national • le contournement : des dispositifs
service desk sont joignables tous les jours d’accompagnement permettent de
ouvrés TARGET2 et sans interruption de conserver l’activité minimale nécessaire
6h45 à 19h15. Leur présence peut être pour limiter l’impact d’un incident ;
étendue en cas de circonstances particu-
lières (mises en production, prolongation • le décalage de la chronologie TARGET2,
de la journée, etc.). Pour ce qui concerne et en particulier de la fin de journée (pour
la composante française de TARGET2, l’ensemble de TARGET2) ;
la Banque de France met notamment à
disposition de ses participants un site • la continuité opérationnelle, par exemple
extranet dédié 23 qui traite de l’ensemble par bascule du système sur un site
des questions relatives à la participation, secondaire ou sur l’autre région ;
au fonctionnement de TARGET2-BF, à ses
évolutions, aux données de référence et • la prise de mesures de secours pour
à la connectivité. pouvoir procéder à un nombre limité
d’opérations critiques par le recours au
Chaque national service desk veille au module de contingence.
quotidien au bon déroulement des opéra-
tions au sein de sa composante de TARGET2, Le module de contingence n’est accessible
en portant notamment une attention parti- qu’aux banques centrales et est utilisé en
culière aux paiements considérés comme cas d’indisponibilité des modules de la plate-
« critiques » ou ayant une importance forme, nécessitant un passage sur l’autre
d’ordre systémique (par exemple à desti- région (ou « bascule inter régionale »).
nation des systèmes exogènes). En cas de Il permet de traiter un petit nombre d’opéra-
difficulté d’un utilisateur pour échanger avec tions critiques qui ne peuvent pas attendre 23 https://www.target2bf.fr/
la plateforme, il peut se substituer à lui et que ce passage soit finalisé. Il suppose un 24 Banques centrales d’Al-
saisir des instructions pour son compte. apport de liquidité externe à TARGET2, les lemagne, de France
et d’Italie.
soldes des comptes des participants étant
Chacun de ces services est dirigé par un initialisés à zéro. Il ne comporte pas de 25 Cette cellule s’appuie sur
une procédure de télé-
settlement manager, responsable de la mécanisme de gestion des files d’attente, conférence disponible
gestion quotidienne des opérations et ni de mécanisme de groupe de comptes. en permanence.
chargé de représenter sa banque centrale
au sein d’une cellule ad hoc, qui réunit
l’ensemble des settlement managers, les
services managers de la SSP (représen-
tants des 3CB  24, fournisseur et en charge Organisation de la continuité opérationnelle de TARGET2
du fonctionnement technique de la plate- Participating central banks ECB
forme, et responsables du SSP service National service desk TARGET2 coordination desk
desk) et le coordinateur TARGET2 à la BCE Users
National crisis ECB crisis
(cf. graphique ci-après, « Organisation de la manager manager

continuité opérationnelle de TARGET2 »)  25. Settlement TARGET2


manager coordinator

5.2.2. Les situations de crise 3CB


SSP service desk

Chaque BCN nomme également un SSP service


managers
gestionnaire de crise (crisis manager),
situé à un niveau hiérarchique supérieur SSP crisis
managers
et impliqué dans la gestion des crises au
niveau de l’Eurosystème. Source : BCE – « Infoguide for T2 users ».

124 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème Chapitre 7


De par sa nature, ce module est notamment de contingence de paiements qui ne


destiné à traiter les déversements des seraient pas « très critiques » ;
systèmes exogènes critiques, notamment
CLS qui est sujet à des contraintes de délai (ii) pour prendre toute décision dans
très fortes du fait de son fonctionnement les situations non couvertes par les
sur l’ensemble des fuseaux horaires 26. procédures TARGET2, éventuellement
Un cadre d’information est prévu pour les en déclenchant une procédure d’esca-
situations de crise. lade vers le directoire de la BCE.

Dans le cadre d’un incident, les partici- 5.2.3. La surveillance permanente de


pants à TARGET2 sont en relation avec leurs l’activité de TARGET2
contacts habituels au sein des BCN dont
ils relèvent, notamment les gestionnaires La surveillance et l’analyse ex post de
de règlement, via des moyens de commu- l’activité des participants dans le système
nication nationaux. s’effectuent à partir de l’infocentre
TARGET2 (CRSS – Customer Related
Les incidents avec un impact systémique Services System) et du simulateur.
potentiel doivent en revanche faire l’objet
d’une gestion coordonnée. L’Eurosystème a Le CRSS contribue à la fiabilité de TARGET2.
ainsi établi des procédures opérationnelles Uniquement accessible aux banques
pour traiter toute situation potentiellement centrales, il leur permet de disposer d’une 26 Un retard dans le trai-
tement des opérations
anormale, ainsi que le cadre de communica- vision exhaustive de l’activité de leur de CLS dans une zone
tion à respecter pour fournir une information composante TARGET2  27, en mettant à leur géographique donnée
pourrait entraîner
en temps réel. disposition la totalité des transactions effec- des effets en chaîne
tuées depuis la création de TARGET2 jusqu’à pour l’ensemble des
Différentes instances ont été mises en celles effectuées la veille 28. autres zones géogra-
phiques mondiales.
place et peuvent être activées en fonction
27 Pour des raisons de confi-
des incidents : Le CRSS est aussi un outil d’aide à la dentialité, une banque
décision essentiel qui permet aux BCN centrale n’a accès aux
• les cellules de crise de Place : si elles et à la BCE d’effectuer des analyses données dét aillées
que pour les partici-
jouent un rôle proactif pour la gestion des approfondies des transactions effectuées pants de la composante
problématiques de liquidité, notamment dans TARGET2, tant domestiques que de TARGET2 qu’elle
exploite. Cert ains
lors du lancement de nouveaux services, transfrontières, de disposer d’une bonne rapports anonymisés, qui
elles interviennent également dans la compréhension des flux de paiement inter- permettent de comparer
gestion des crises générées au niveau bancaires au sein de la zone euro et de l’activité des différentes
communautés bancaires
du système TARGET2, des systèmes répondre aux exigences de surveillance nationales, sont toutefois
exogènes ou des participants, ayant un auxquelles le système est soumis en sa accessibles à l’ensemble
des banques centrales.
impact sur la liquidité, la chronologie des qualité de système de paiement d’impor-
opérations dans la composante nationale, tance systémique. 28 Dans le système CRSS,
les données d’activité
ou comportant un risque systémique ; sont stockées et dispo-
Il assure également une connaissance nibles dès le lendemain
dans le module CROSS
• la téléconférence des « crisis fine des participants et de leur activité (voir l’annexe au
managers » : cette structure de crise dans TARGET2, à court terme et sur présent chapitre).
interne à l’Eurosystème rassemble longue période, notamment en matière 29 À l’instar de TARGET2,
à distance les responsables pour la de gestion de la liquidité, d’utilisation du le simulateur, qui a
été développé et est
gestion des crises TARGET2. Les crisis crédit intrajournalier et de mobilisation des géré par les 3CB et
managers interviennent à double titre : garanties, et permet aux banques centrales la banque centrale de
d’avoir des échanges d’information riches Finlande, fait l’objet d’un
accord, approuvé par le
(i) pour prendre des décisions qui et très précis avec leurs participants. Conseil des gouver-
leur sont réservées dans le cadre des neurs de la BCE, entre
ces quatre banques
procédures TARGET2, par exemple pour L’Eurosystème dispose également d’un centrales et les banques
accepter le traitement dans le module simulateur, opérationnel depuis 2009, 29 centrales utilisatrices.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 125


Chapitre 7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème


qui permet, en combinant les données L’Eurosystème considère un établisse-


réelles de TARGET2 extraites du CRSS avec ment de crédit comme critique si, en
les différents mécanismes de fonctionne- moyenne journalière, son activité repré-
ment du RTGS, de répliquer des journées sente une part de marché d’au moins
passées avec un résultat très proche de la 1 % du volume des transactions global
réalité et d’évaluer l’impact de situations de TARGET2. En 2014, un nouveau critère
de crise potentielles. a été ajouté : un établissement peut
être classé comme participant critique
Même s’il est difficile de simuler le compor- malgré un volume d’activité inférieur si,
tement réel des participants en réaction sur la base de la simulation d’une défail-
à une situation de crise, ou d’anticiper lance technique de sa part, le niveau des
l’ampleur des possibles effets de contagion paiements non réglés atteint en moyenne
qu’elle pourrait avoir sur d’autres infrastruc- 1,5 % du volume des transactions global de
tures de marché, le simulateur permet TARGET2. Environ vingt établissements de
d’évaluer l’impact de scénarios compor- crédit sont classés chaque année comme
tant des données ou des paramètres participants critiques.
modifiés (suppression d’un participant,
retrait d’un algorithme). Du côté des systèmes exogènes pour
lesquels le règlement final est réalisé
Différentes études ont été menées à l’aide dans TARGET2, la classification en parti-
du simulateur TARGET2, dans le cadre de cipant critique dépend du type d’activité
groupes de travail composés de surveil- et de son degré d’importance systémique
lants, d’opérateurs et de chercheurs, en attribué par l’Eurosystème. Sont ainsi
particulier : concernés les systèmes de paiement de
montant élevé, les systèmes de compen-
• la défaillance technique d’un participant sation et de règlement de titres et les
important ; systèmes de paiement de détail d’impor-
tance systémique (SIPS – cf. chapitre 17).
• les différents degrés de suppression Environ trente systèmes exogènes sont
du crédit intrajournalier disponible ; classés chaque année comme participants
critiques 30.
• la part de la participation indirecte et
sa concentration sur les participants
directs (tiering) ; 6. La stratégie de l’Eurosystème
sur l’évolution de ses
• l’identification des interdépendances infrastructures de paiement
dans TARGET2.
En 2015, à l’approche du démarrage de
L’Eurosystème établit chaque année une TARGET2 – Securities (T2S), l’Eurosystème
liste des participants critiques de TARGET2. a engagé, sous le nom de « Vision 2020 »,
une réflexion stratégique sur l’évolution
Il s’agit des institutions de crédit ou des des infrastructures de marché euro-
systèmes exogènes pour lesquels une péennes, en particulier sur l’évolution de
défaillance de sécurité dans leurs propres « ses » infrastructures. Cette réflexion,
infrastructures pourrait avoir un impact menée en étroite concertation avec les
significatif sur l’ensemble du fonctionne- utilisateurs, a débouché sur le lancement
ment de TARGET2 (risque systémique). de trois projets correspondant aux trois
Les participants critiques sont soumis à piliers de cette stratégie :
des exigences plus élevées en termes
de continuité opérationnelle (auto-certi- • les paiements instantanés, avec le projet
fication annuelle), de tests et de gestion Target Instant Payment Settlement 30 https://www.ecb.europa.
des situations de crise. (TIPS) ; eu/pub/pdf

126 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème Chapitre 7


• les services RTGS, avec le projet 6.2. Le  projet Target Instant Payment
TARGET2- T2S consolidation ; Settlement (TIPS) 41 31 Conférence annuelle sur
les services bancaires
et financiers organisée
• la gestion des garanties, avec le projet Pour l’Eurosystème, en tant que cataly- par SWIFT.
Eurosystem Collateral Management seur de l’intégration du marché financier 32 «  The future of Europe’s
system (ECMS) (cf. chapitre 15). européen, un enjeu majeur était de financial market infrastruc-
ture : the Eurosystem’s
s’assurer que les nouveaux services de Vision 2020 » (intervention
6.1. La concertation avec paiement instantanés n’aient pas pour d’Yves Mersch, membre
les utilisateurs effet de réintroduire une fragmentation du Directoire de la BCE,
au SIBOS d’octobre 2015
du marché européen des paiements de à Singapour).
«  Vision 2020 » a été présentée en détail, avec le développement de solutions 33 Eurosystem’s vision for the
octobre 2015 à l’occasion du SIBOS 31, 32. nationales non-interopérables. La réponse future of Europe’s finan-
L’Eurosystème a ensuite lancé, en de l’Eurosystème à cet enjeu a pris succes- cial market infrastructure
RTGS services-consulta-
février 2016, une consultation publique sivement deux formes : tive report
sur le premier pilier de cette stratégie (les 34 
C onsultation on the
services RTGS)  33. Les réponses reçues ont • des améliorations à TARGET2, avec l’in- future of RTGS services
été synthétisées dans un document publié troduction, en novembre 2017, d’une – summary of feed-
back received
en juillet 2016 34. nouvelle procédure de déversement
35 «  The next steps in
des systèmes exogènes, appelée the evolution of the
En septembre 2016 35, l’Eurosystème a « ASI 6 real-time », destinée à accom- Eurosystem’s market
franchi une nouvelle étape en lançant la pagner les systèmes de paiement de infrastructure » (interven-
tion d’Yves Mersch au
« phase d’investigation » visant, pour détail (systèmes exogènes du point SIBOS de septembre 2016
chacun des trois piliers de la stratégie, à de vue de TARGET2) qui compensent à Genève).
définir les besoins des utilisateurs (« user des paiements instantanés. Ainsi, les 36 Voir la rubrique « Payments
requirements ») et à s’assurer de l’opportu- systèmes de paiement qui offrent & Markets / »Ongoing
initiatives » du site BCE
nité (« business case »). Dans ce but, des un service de paiement instantanés
groupes de travail (« task forces ») associant peuvent gérer de façon dynamique 37 TARGET instant payment
settlement Public consul-
les utilisateurs ont été mises en place. Leurs la liquidité dédiée au préfinancement tation on the draft TIPS
travaux ont fait l’objet d’une large informa- (« pre‑funding ») des paiements instan- user requirements
tion, disponible sur le site de la BCE 36. tanés de leurs participants, et ce, tout 38 ECB to develop a service
au long de la journée opérationnelle et for the settlement of
instant payments (commu-
En janvier 2017, l’Eurosystème a lancé une des phases de règlement de nuit de niqué BCE du 22 juin 2017)
consultation publique sur les user require- TARGET2 ; 39 E CB consults on the
ments de TIPS et sur les estimations de user requirements for
volumes  37. En juin 2017, à la lumière des • considérant toutefois que ceci ne the future RTGS service
in the context of the
réponses à cette consultation, le Conseil suffirait pas à assurer l’accessibilité T2-T2S consolidation
des gouverneurs de la BCE a décidé de des solutions de paiement instantané, 40 
E CB approves major
lancer la réalisation de TIPS, celui-ci devant l’Eurosystème a franchi un pas de projects in field of large-
être opérationnel en novembre 2018 38. plus en proposant un service, qui est value payments and
collateral management
opérationnel depuis novembre 2018, (communiqué BCE
En mai 2017, l’Eurosystème a lancé une de règlement des paiements instan- du 7 décembre 2017
nouvelle consultation publique sur les tanés en monnaie de banque centrale : 41 Pour une présentation plus
services RTGS 39. En décembre 2017, sur Target Instant Payment Settlement détaillée du service TIPS,
voir sur le site de la BCE
la base des réponses reçues, le Conseil des (TIPS). Comme son nom l’indique, l’article paru dans MIP on
gouverneurs a décidé de lancer le projet ce nouveau ser vice a été conçu line (juin 2017), la version
finale des TIPS User requi-
TARGET2-T2S consolidation, ainsi que le comme une extension fonctionnelle rements (juin 2017) et
projet ECMS 40. À cette occasion, il a été de TARGET2. Il repose toutefois sur les présentations faites
précisé que la Deutsche Bundesbank, la une base technique nouvelle afin de lors de la Focus session
de juillet 2017 et lors du
Banque d’Espagne, la Banque de France et répondre aux exigences propres aux SIBOS d’octobre 2017,
la Banque d’Italie (désignées sous le terme paiements instantanés (notamment en ainsi qu’une note sur la
coexistence entre TIPS et
des « 4CB ») joueront le rôle de fournisseur matière de vitesse de traitement, de d’autres services de paie-
de service pour ces deux projets. volumétrie et de disponibilité 24/7/365). ment instantané.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 127


Chapitre 7 TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème


Cinématique des flux d’information et de paiement dans TIPS

Service validates and


2 makes reservation

1 Sends 3 Forwards
transaction transaction

Service Accepts
6 confirms TIPS 4 transaction
Instant Participant Participant Instant
payment payment
originator beneficiary
Service
5 Service settles 7 confirms

Source : BCE – https://www.ecb.europa.eu/paym/intro/news/articles_2017/html/201706_article_tips.en.html

Le schéma ci-dessus illustre la cinéma- place les transactions de paiement instan-


tique des flux d’information et de paiement tanés à TIPS.
dans TIPS.
Ainsi, un système de paiement de détail
Les règles de participation à TIPS étant les traitera directement les paiements instan-
mêmes que pour TARGET2, TIPS pourra tanés intervenant entre deux de ses
s’appuyer sur un vaste réseau de parti- participants, en s’appuyant sur la procédure
cipants (participants directs, participants ASI6 real-time pour leur règlement
indirects et BIC adressables), ce qui devrait dans TARGET2.
faciliter l’accessibilité paneuropéenne des
services de paiement instantané. En outre, En revanche, si l’établissement de crédit du
comme l’illustre le second schéma bénéficiaire du paiement instantané n’est pas
ci-dessous, les systèmes de paiement participant du même système de paiement
de détail (aussi appelés « chambres de de détail que l’établissement de crédit de
compensation automatisées » – Automated l’initiateur de ce paiement instantané, mais
Clearing Houses ou ACH – parce qu’ils s’ils sont tous les deux participants de TIPS,
assurent l’établissement d’un solde net alors le système de paiement de détail
à partir des transactions brutes) pourront de l’établissement de crédit initiateur du
représenter les participants à TIPS en tant paiement instantané pourra recourir à TIPS
que instructing party, pour envoyer à leur pour le compte de son participant.

Flux TIPS avec les systèmes de paiement « instructing parties »

1 Sends 3 Forwards
transaction transaction

Service Accepts
Originator ACH1/ 6 confirms 4 transaction ACH2/ Beneficiary
Participant/ Instructing
TIPS Instructing Participant/
Reachable Party Party Service validates and Party Reachable Party
2 makes reservation
Service
5 Service settles 7 confirms

Source : BCE.

128 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2, le RTGS de l’Eurosystème Chapitre 7


6.3. Le projet de consolidation les différents services de règlement de


TARGET2-T2S 42 l’Eurosystème, c’est-à-dire T2S, TIPS et
TARGET2 (qui correspond à la gestion
Même si le terme « consolidation » peut des paiements de montant élevé) ;
donner l’impression d’un projet essentielle-
ment technique, celui-ci comporte aussi une • des services additionnels qui apporteront
forte dimension « business ». La consolida- diverses améliorations, notamment en
tion vise à « mettre à niveau » TARGET2 43 matière de gestion des paiements, d’in-
par rapport à T2S, à optimiser les synergies terfaces avec les systèmes exogènes et
entre les deux services, à réduire leur coût d’interaction avec les utilisateurs ;
via des économies d’échelle et à renforcer
leur résilience (notamment en termes de • la mise en place d’un certain nombre
cybersécurité). Elle vise aussi à offrir aux utili- de services partagés, dont un portail
sateurs un ensemble de nouveaux services unique d’accès à toutes les infrastruc-
répondant à leurs besoins tels qu’exprimés tures de l’Eurosystème (Eurosystem
lors des consultations publiques et dans le Single Market Infrastructure Gateway
cadre des travaux des task forces organisées – ESMIG).
par l’Eurosystème. Le système consolidé
devrait être opérationnel en novembre 2021. Parmi les autres améliorations apportées
par le futur système, on peut citer :
Le schéma donne un vue d’ensemble des
futurs « TARGET services ». On note en • la migration à la norme ISO 20022 ;
particulier :
• une possible extension des horaires
• la mise en place du mécanisme de gestion d’ouverture si le besoin en est exprimé ;
centralisée de la liquidité (Central Liquidity
Management – CLM) qui constitue l’évo- • la possibilité d’offrir un ser vice
lution organisationnelle majeure dans de règlement dans des devises autres
la fourniture des services de l’Eurosys- que l’euro si des banques centrales hors
tème en matière d’infrastructures de zone euro, mais participant au système
marché. Ce mécanisme permet en effet en tant que « BCN connectées »,
au participant d’allouer sa liquidité entre le demandent.

Vers des services « consolidés » 42 Pour une présentation


plus détaillée du projet
TARGET2-T2S consoli-
dation et des nouveaux
services RTGS, voir sur
Central Liquidity Management le site de la BCE les
documents issus de la
consultation publique de
T2S RTGS Services TIPS mai 2017 et les présen-
tations faites lors du
SIBOS d’octobre 2017
Securities High-value Instant et de la Focus session
settlement payments payments de décembre 2017.

43  N o t a m m e n t p o u r
Common Reference Data permettre à TARGET2
d ’ u t i l i s e r, c o m m e
Shared Operational Services (Billing, Scheduler, etc.) T 2 S, l e fo r m a t d e
m e s s a g e r i e fi n a n -
Data Warehouse cière le plus moderne,
appelé ISO 20022.
Eurosystem Single Market Infrastructure Gateway Actuellement, TARGET2
utilise le format plus
Source : BCE. ancien et moins
complet 15022.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 129


CHAPITRE 8

Les systèmes de paiement


de montant élevé
à règlement net différé
Trois exemples de systèmes
« hybrides » : Europe,
États‑Unis, Canada
Mis à jour le 14 décembre 2018
Chapitre 8 Les systèmes de paiement de montant élevé à règlement net différé
Trois exemples de systèmes « hybrides » : Europe, États‑Unis, Canada

A
insi que présenté dans le chapitre 6 L'objectif était de créer un système de
(Circuits et systèmes de paiement) paiement paneuropéen réglant en euros
tous les pays membres du G20 ont pour permettre aux établissements de
aujourd’hui un système RTGS, à l’excep‑ crédit européens de disposer, à côté
tion pour l’instant du Canada 1. Par ailleurs, du RTGS opéré par l'Eurosystème, de
aux États‑Unis et dans la zone euro, le paysage leur propre LVPS, fonctionnant en mode
des systèmes de paiement de montant élevé net et jugé plus économe en liquidité, à
(large value payment systems – LVPS) se l’instar de l’organisation duale qui existe
caractérise par la « cohabitation » entre aux États‑Unis avec CHIPS et Fedwire ou
un RTGS opéré par la banque centrale et un de celle qui a existé en France avec PNS et
système à règlement net différé (deferred TBF jusqu’en 2008 (voir chapitre 6).
net settlement – DNS) opéré par une entité
privée : CHIPS 2 aux États‑Unis, et le système EURO1 coexiste avec TARGET2. En général,
EURO1 3 en Europe. les banques utilisent de préférence
TARGET2 pour les paiements les plus
Ce chapitre est consacré à ces deux systèmes critiques, de manière à bénéficier de tous les
ainsi qu'au système canadien LVTS 4, 5. avantages de robustesse du cadre de gestion
Bien que n’étant pas des RTGS mais des DNS, des risques opérationnels, d’efficacité et de
ces trois systèmes mettent néanmoins en sécurité liés au règlement brut en temps
1 Il faut noter que dans
jeu des montants élevés et sont donc consi‑ réel, en monnaie de banque centrale. Pour sa le cadre de l’initiative
dérés comme d’importance systémique pour part, EURO1 est un système à règlement net de modernisation des
paiements au Canada,
le bon fonctionnement du système financier. utilisé pour les paiements de montant élevé le LVTS sera remplacé
Chacun de ces trois systèmes a donc été moins critiques, aux niveaux domestique en 2020 par un système
RTGS dénommé Lynx
amené à mettre en place des solutions spéci‑ et transfrontière. Par rapport à TARGET2, (pour plus d’informa‑
fiques afin de permettre un règlement se le système privé opéré par EBA Clearing tions voir le site de la
rapprochant le plus possible du temps réel, bénéficie de l’économie de liquidité permise Banque du Canada :
https://modernisation.
pour réduire l’exposition au risque de crédit, par la compensation des paiements. paiements.ca/le-plan
sans pour autant accentuer trop fortement 2 
T he Clearing House
les besoins de liquidité inhérents à la mise Par rapport aux autres systèmes à règlement Interbank Payments
en œuvre d’un système RTGS. On peut net différé comme le système français de System, voir : https://
www.theclearinghouse.
donc les qualifier de systèmes « hybrides » paiements de détail, Core (cf. chapitre 10), org/payments/chips
(cf. chapitre 6). l’originalité d’EURO1 – partagée avec CHIPS 3 Pour plus d’informa‑
et LVTS – est liée au caractère définitif des tions voir : https://www.
transactions (finalité) qui prend effet au fil de ebaclearing.eu/services/
euro1/overview
1. Les grandes fonctionnalités l’eau et ce, sans attendre le règlement de fin
d’EURO1, CHIPS et LVTS de journée des positions nettes des partici‑ 4 
L arge Value Transfer
System, voir : http://
pants 6. Il s’agit de la finalité intrajournalière www.bankofcanada.ca/
1.1. EURO1 immédiate (Immediate intraday Finality 7). core-functions

5 Voir le rapport du CPMI


EURO1 est un système de paiement de Ce modèle repose sur le schéma spéci‑ de mai 2005, New deve-
lopments in large value
montant élevé à règlement net en euros. fique appelé « single obligation structure ». payment systems, http://
Il a été développé par les principaux établis‑ Il encadre la relation juridique entre un www.bis.org/cpmi
sements de crédit européens, regroupés participant et la communauté de tous les 6 Le règlement des posi‑
au sein de l'Association Bancaire pour autres participants. Il signifie qu’à tout tions intervient après la
clôture des échanges
l'Euro (ABE – en anglais Euro Banking moment chaque participant n’a qu’une dans EURO1 ; il est
Association ou EBA) et d'une entité nommée seule obligation/créance envers le système effectué dans TARGET2.
EBA CLEARING, qui joue le rôle d’opérateur dans son ensemble qui est ajustée auto‑ 7 
Committee on Payment
d’EURO1 depuis sa mise en fonctionne‑ matiquement et au fil de l’eau dès qu’un and Settlement Systems
Payment, Clearing and
ment le 4 janvier 1999, avec le lancement de paiement est traité. settlement systems in
l'euro. C’est un système qui compte actuel‑ the CPSS countries, BIS,
2012, pp. 99‑101 : https://
lement 51 banques participantes directes (et La finalité est atteinte lors de l’imputation www.bis.org/cpmi/publ/
également actionnaires de l'ABE). des montants des opérations sur la créance d105.pdf

132 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de montant élevé à règlement net différé Chapitre 8
Trois exemples de systèmes « hybrides » : Europe, États‑Unis, Canada

Encadré n° 1 : Optimisation de la liquidité dans EURO1


et règlement des soldes nets d’EURO1 vers TARGET2 10

EURO1 Ce pont de liquidité permet Cut-off


Démarrage aux banques d’optimiser EURO1
leur usage de la liquidité
dans EURO1
Règlement
TARGET2 des soldes de
Démarrage fin de journée

VERSEMENT DES FONDS


PAR LES PARTICIPANTS
Fin du
Possibilité de préfinancement en monnaie de banque centrale
préfinancement

07 h 07 h 30 11 h 12 h 13 h 14 h 15 h 15 h 30 16 h

Distribution de liquidité à partir d’EURO1 vers


les participants en monnaie de banque centrale

Fenêtre 7
(15 h 45)
Fenêtre 1 Fenêtre 3 Fenêtre 5
Fenêtre 2 Fenêtre 4 Fenêtre 6
REMBOURSEMENT
DES FONDS
AUX PARTICIPANTS

(Heures CET)
Source : EBA clearing (https://www.ebaclearing.eu/services/euro1/liquidity-efficiency/).

(single claim) ou sur la dette (single obligation) de fin de journée (en monnaie de banque
de chaque participant vis‑à‑vis du reste de la centrale, dans TARGET2) n’est pas intervenu,
communauté parce qu’alors les ordres de les participants qui détiennent une créance 8 C’est‑à‑dire la défaillance
paiement deviennent irrévocables et incon‑ vis‑à‑vis de la communauté supportent un des deux participants les
plus importants dans
ditionnels : ils ne peuvent plus être annulés, infime risque de règlement  9 qui, par nature, le système.
même en cas de défaut de règlement au n’existe pas dans un système à règlement
9 En effet, chaque paiement
moment où les participants du système sont brut tel que TARGET2. Toutefois ce risque est traité individuellement
appelés à solder leur position dans TARGET2. de règlement reste très théorique car il ne et dès que le paiement
est traité par le système
Ceci correspond à la notion de SF2, telle se matérialiserait qu’au‑delà d’une double il ne peut plus être
que définie au chapitre 5, dans la mesure où défaillance, combinée avec une insuffisance annulé : c’est la finalité
aucun des deux participant à la transaction du fonds de garantie et une impossibilité immédiate intrajourna‑
lière permise par EURO1
ne peut plus la modifier. Cette organisation pour les participants survivants de régler leur pour chaque paiement
est rendue possible grâce à un mécanisme part du solde sans faire défaut eux‑mêmes. lors de son traitement.
Cette construction s’ap‑
original qui combine un fonds de garantie Par ailleurs, pour encadrer ce risque, des puie sur un principe de
commun et un accord de partage des pertes. dispositions ont été prises en termes de droit allemand « single
Le fonds de garantie commun est calibré participation et de gestion des risques obligation structure »
où chaque participant
pour assurer la bonne fin du règlement en (voir section 2). En revanche, outre ce risque, n’a qu’une seule obliga‑
cas de défaut allant jusqu’à une double défail‑ la principale contrainte pour les participants tion à l’égard du système
tout entier et celle‑ci
lance 8. Au‑delà, les pertes engendrées par à EURO1 est que les fonds reçus ne peuvent change à chaque fois
un défaut de règlement sont réparties soli‑ pas être immédiatement réutilisés en dehors qu’un nouveau paiement
est envoyé ou reçu par
dairement entre les participants survivants. d’EURO1 dans la mesure où le règlement de le participant.
fin de journée a lieu dans TARGET2 et qu’il
10 L es concepts de ce
Bien que les paiements soient effectués via faut donc attendre ce moment‑là pour que schéma sont expliqués
EURO1 au fil de l'eau, tant que le règlement les fonds puissent servir en dehors d’EURO1. au point 2.2.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 133


Chapitre 8 Les systèmes de paiement de montant élevé à règlement net différé
Trois exemples de systèmes « hybrides » : Europe, États‑Unis, Canada

1.2. 
Clearing House Interbank Au cours de la journée, les ordres de
Payment System 11 paiement sont intégrés dans une file
d’attente. Un algorithme d’optimisation
CHIPS, détenu par les principales banques recherche régulièrement au sein de cette file
commerciales, est un système de paiement d’attente les paiements pouvant être réglés
de montant élevé à règlement net en dollars grâce à la compensation entre paiements.
américains, qui coexiste avec Fedwire. À aucun moment la position débitrice d’un
participant ne peut excéder le montant du
Fedwire est utilisé pour les paiements de dépôt de garantie. Les paiements acceptés
montant élevé urgents, par exemple pour par CHIPS sont donc irrévocables et incon‑
les règlements interbancaires ou la compen‑ ditionnels. Ils peuvent donc être considérés
sation, et pour les paiements d’impôts. comme finaux en cours de journée.
Pour sa part, CHIPS est utilisé pour ses
mécanismes permettant d’économiser de À 17 h, après une ultime itération d’opti‑
la liquidité et traite notamment les tran‑ misation des paiements au sein de la file
sactions commerciales de montant élevé. d’attente, le système utilise les fonds
déposés et procède à une compensation
CHIPS offre une finalité des paiements de tous les paiements sur une base multila‑
dès qu’ils sont réglés, tout au long de la térale nette. Le solde multilatéral net qui en
journée, dans le cadre d’une file d’attente résulte pour chaque participant est combiné
centralisée. Cette finalité au fil de l’eau n’est à sa position respective afin de calculer sa
pas obtenue grâce à la structure juridique position de clôture. Après compensation,
(de garantie) comme dans EURO1, mais les derniers paiements sont ainsi réglés puis
grâce à un mécanisme de préfinancement : CHIPS émet vers chaque participant ayant
dans un souci de gestion des risques, CHIPS un solde créditeur un ordre de paiement
exige de ses participants qu’ils disposent Fedwire du montant de son solde depuis
d’un montant de liquidité disponible prédé‑ son compte de préfinancement. Le montant
terminé  12 chaque jour avant le début total des ordres de paiement émis est égal
des opérations. au solde du compte CHIPS préfinancé.

Ainsi, les 45 participants de CHIPS (banques 1.3. 


Large value transfer system
commerciales des États‑Unis et banques
étrangères ; cf. critères d’éligibilité ci‑dessous) Le système canadien LVTS (ouvert en 1999,
doivent obligatoirement verser sur le compte détenu et mis en œuvre par Paiements
de dépôt spécifique ouvert dans les livres de Canada, émanation des banques cana‑
la Banque de réserve fédérale de New York diennes et de la Banque du Canada 13) est
(Fed) pour le bénéfice conjoint de l’ensemble lui aussi un système à règlement net offrant 11 Voir également le rapport
CPSS « LVPS report »
des participants de CHIPS effectuant un une finalité des paiements au fil de l’eau. de mai 2005, box 5 :
préfinancement (funding participants) une En effet, lorsqu’un paiement satisfait aux http://www.bis.org/cpmi
somme déterminée par le système (opening contrôles de risque effectués en temps réel 12 Le montant de préfinan‑
position requirement) en fonction de leur dans la tranche appropriée (voir ci‑après cement est déterminé
par une formule « conçue
activité passée. Ce montant peut être versé pour la notion de tranche), l’obligation de pour faciliter les règle‑
à partir de l’ouverture de CHIPS et de Fedwire paiement originale est considérée comme ments dans CHIPS »,
à 21 h, heure de New York, jusqu’à 9 h du éteinte entre les participants émetteurs et voir Self‑Assessment
of Compliance
matin. Il reste bloqué jusqu’aux opérations de récepteurs et se trouve remplacée par une with St andards for
fin de journée. Tant qu’ils ne l’ont pas versé, obligation du participant émetteur envers le Systemically Important
Payment Systems, p. 6 :
les participants ne peuvent pas effectuer système et également par une obligation https://www.theclearin-
de paiement dans CHIPS. Par ailleurs, au du système envers le participant récepteur. ghouse.org/-/media
cours de la journée, les participants peuvent Il s’agit donc d’un mécanisme associant 13 Payments Canada est
également verser, au fil de leurs besoins, des une novation et la compensation des tran‑ le nom commercial de
cette association qui
sommes supplémentaires (supplemental sactions (novation netting). En vertu des est régie par le Federal
funds) sur le compte de CHIPS. règles de LVTS, le bénéficiaire ultime reçoit Canadian Payment Act.

134 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de montant élevé à règlement net différé Chapitre 8
Trois exemples de systèmes « hybrides » : Europe, États‑Unis, Canada

les fonds sur une base finale et irrévocable défaillant ait été saisi et utilisé pour satisfaire
dans un délai prédéfini. – au moins partiellement – à son obliga‑
tion), ce qui correspond à une forme de
L’originalité de LVTS réside dans le fait que mutualisation du risque de défaut entre les
les participants peuvent choisir d’effectuer participants du système.
leurs paiements selon deux modalités :
Les participants peuvent donc utiliser l’une
• Les paiements de Tranche 1 : ces ou l’autre catégorie de paiement dans le
paiements (position nette résultant des système. Ceux‑ci sont traités de la même
paiements versés et reçus) sont inté‑ manière, néanmoins les participants ne
gralement garantis par des actifs que se voient pas imposer les mêmes limites.
déposent les participants auprès de la Pour les paiements de Tranche 1, les partici‑
Banque du Canada. Pour les paiements pants ne peuvent pas avoir une position nette
de Tranche 1, le participant dépose donc débitrice multilatérale dépassant leur limite
du collatéral pour limiter le risque de la (net debit cap) de Tranche 1, alors que pour
communauté à son endroit. les paiements de Tranche 2 les debit caps à
la fois bilatéral et multilatéral s’appliquent.
• Les paiements de Tranche 2 : en début
de chaque journée, chaque participant Une distinction clé entre ces deux catégories
décide du montant de la limite de crédit de paiement est la manière dont l’exposi‑
bilatérale qu’il accepte d’accorder à tion au risque de crédit intrajournalier est
chacun des autres participants durant contrôlée. Alors que des debit caps s’ap‑
la journée de règlement (ce montant pliquent dans les deux tranches, dans la
pouvant être fixé à zéro). Tranche 1, le debit cap multilatéral net est
entièrement garanti par du collatéral déposé
Pour garantir le règlement de la position par le participant émetteur, tandis que dans
nette multilatérale résultant des paiements la Tranche 2, l’exposition au risque de crédit
de Tranche 2, chaque participant dépose des agrégée est garantie en partie par un pool de
actifs en collatéral, auprès de l’opérateur collatéral versé par les survivants, le reste
du système, proportionnellement à la limite par l’engagement de la banque centrale à
bilatérale la plus importante qu’il accorde. régler les positions.
Un participant ne peut pas avoir une position
nette débitrice supérieure à 30 % du total Au cours de la journée de règlement, de
des limites bilatérales dont il bénéficie. minuit à 19 h 30, les paiements sont imputés
sur les comptes des participants sur une
Si un participant fait défaut, le système base nette  15. Après l’arrêt des paiements à 14 
En cas de limites
mises à zéro par tous
recourt d’abord au collatéral (Tranche 1) de ce 18 h 30, et au plus tard à 19 h 30, la Banque les participants, aucun
participant, puis au collatéral Tranche 2 des du Canada inscrit les positions nettes multi‑ paiement de Tranche 2
autres participants en fonction de la limite latérales au compte de règlement de chaque ne peut s’effectuer,
seuls les paiements de
bilatérale qu’ils ont accordée au participant participant à la banque centrale. En effet, Tranche 1 le peuvent, et
défaillant. Les montants de collatéral exigés ce n’est qu’en fin de journée que les soldes ces derniers sont entiè‑
rement couverts par le
sont calculés de façon à pouvoir toujours nets (positifs ou négatifs) des participants collatéral apporté par
couvrir la défaillance du participant le plus pour les opérations de la journée sont chaque participant.
important (moins les limites bilatérales imputés sur leurs comptes dans les livres 15 Le système calcule, pour
dont il bénéficie 14). Pour les paiements de la banque centrale. chaque paiement et en
temps réel, la position
de Tranche 2, le participant verse donc du nette de chacun des parti‑
collatéral pour limiter le risque de défaillance cipants (les entrées moins
d’un autre participant. 2. La gestion des risques au les sorties de fonds).
Les positions nettes
sein de ces trois systèmes des tranches 1 et 2 sont
Ce sont les participants survivants qui combinées pour donner
une unique position nette
doivent absorber les pertes relatives au Chaque jour, EURO1 traite environ multilatérale de LVTS pour
défaut (après que le collatéral du participant 200 milliards d’euros de transactions, le règlement.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 135


Chapitre 8 Les systèmes de paiement de montant élevé à règlement net différé
Trois exemples de systèmes « hybrides » : Europe, États‑Unis, Canada

CHIPS 1 560 milliards de dollars améri‑ • 


financiers : il faut détenir des fonds
cains et LVTS 140 milliards de dollars propres d’au minimum 1,25 milliard
canadiens. Ces systèmes traitent donc des d’euros et bénéficier d’une notation
montants très élevés et, ainsi que décrit de crédit à court terme au moins égale
précédemment, leur cadre de fonctionne‑ à P2 (Moody’s), A2 (Standard&Poors)
ment ne permet pas d’exclure tout risque ou leur équivalent ;
financier. Ces trois systèmes de paiement
disposent de solutions permettant de • 
opérationnels : il convient d’avoir un
bénéficier d’une finalité des paiements accès direct à TARGET2 (et donc d’avoir
au fil de l’eau tout en gérant le risque de un compte à la banque centrale), de
règlement grâce à des dispositifs ad hoc. disposer d’installations techniques
Ils bénéficient de certains des avantages et opérationnelles, y compris un site
des RTGS, à un coût moindre notamment de secours, et des ressources en
en termes de liquidité. Toutefois, il convient personnel adaptées à une participation
de noter que le risque de règlement de au système. 16 «  subject to regulation by
ces systèmes, bien que réduit grâce à a federal or state deposi-
des dispositifs particuliers, n’est, dans 2.1.2. Critères d’éligibilité pour CHIPS tory‑institution regulatory
authority ».
aucun des cas, nul comme c’est le cas
17 Extrait du « Core prin-
dans un système RTGS où les paiements Peuvent devenir participants les « établis‑ ciple self assessement »
sont réglés un à un en temps réel. Des sements dépositaires » ou les banques de CHIPS : « Participation
outils de gestion du risque ont donc été étrangères à condition i)  de détenir une in CHIPS is available to any
depository institution or
mis en place. entité située aux États‑Unis et soumise à foreign bank that meets
la réglementation d’une autorité fédérale the requirements detailed
in the CHIPS Rules, which
2.1. Les critères de sélection ou d’État 16 ; ii)  d’être une institution are publicly available.
des participants financière régie par le Federal Deposit Pursuant to CHIPS Rule
Insurance Corporation Improvement Act ; 19, a participant must
(i)  have an office located
En général, les systèmes à règlement iii)  de pouvoir transmettre et recevoir des in the United States that
net comptent moins de participants que messages via une connexion conforme is subject to regulation by
a federal or state regulator,
les RTGS. C’est le cas pour CHIPS, qui aux règles de CHIPS ; iv)  de maintenir un (ii)  be a “financial insti-
compte 45 participants alors que Fedwire en site informatique primaire et un autre de tution” covered by the
compte 7 500, et pour EURO1, qui compte secours, conformes aux règles de CHIPS. Federal Deposit Insurance
Corporation Improvement
51 participants, contre plus de 1 000 pour Act, (iii) establish a
TARGET2. LVTS ne compte quant à lui que Les participants qui effectuent un préfi‑ “connection” to CHIPS
that meets the require-
17 participants. nancement doivent en outre satisfaire ments of the CHIPS Rules,
aux critères de préfinancement : être and (iv)  maintain primary
and back‑up computer faci-
2.1.1. Critères d’éligibilité pour EURO1 une banque étrangère ou un dépositaire, lities as required by the
détenir un compte sur les livres de la CHIPS Rules. In addition,
Pour être éligible en tant que partici‑ Fed New York et être en mesure d’émettre each participant must have
access to sources of credit
pant à EURO1, une banque doit remplir et de recevoir des transferts de fonds sur and liquidity sufficient to
certains critères : Fedwire 17. enable it to pay its opening
position requirement and
its closing position requi-
• 
juridiques : il convient d’être autorisé 2.1.3. Critères d’éligibilité pour LVTS rement promptly, and it
à effectuer des activités de banque, must be able to manage
its operations in a way that
d’être membre de l’EBA (Euro Banking Paiements Canada a fixé des critères à will not delay or complicate
Association), d’être enregistré ou remplir pour être participant direct au LVTS : the operations of CHIPS.
CHIPS participants that are
d’avoir une succursale située dans foreign banks must agree
l’Union européenne et de fournir • être membre de Paiements Canada ; that the obligations that
un avis juridique sur sa capacité à they incur on CHIPS are
obligations of the entire
satisfaire ses obligations (capacity • utiliser le réseau SWIFT ; bank, not just its branch
opinion). Un seul participant par or agency in the United
States. » : https://www.
groupe bancaire est autorisé à parti‑ • détenir des capacités de secours theclearinghouse.org/
ciper au système ; adaptées pour ses opérations LVTS ; payments/chips

136 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de montant élevé à règlement net différé Chapitre 8
Trois exemples de systèmes « hybrides » : Europe, États‑Unis, Canada

• détenir un compte de règlement à la forment au total la limite multilatérale nette


Banque du Canada ; au crédit (credit cap) de cette banque et inver‑
sement les limites bilatérales reçues par une
• s’engager à emprunter auprès de la banque des autres participants forment au
Banque du Canada avec mise en garantie total la limite multilatérale au débit (debit
de collatéral éligible. cap) de cette banque. Les limites bilatérales
ne restreignent pas les flux bilatéraux de
2.2. Gestion du risque : paiement entre les participants individuels.
préfinancement, limites Les banques peuvent adresser des paiements
et fonds de garantie à n’importe lequel des participants dans la
limite du montant total de leur debit cap.
Ces systèmes utilisent des outils de gestion
du risque (préfinancement, limites bilaté‑ Contrairement aux limites bilatérales qui
rales et multilatérales) et de réduction des varient dans le temps et en fonction des
risques (fonds de garantie) détaillés ci‑après. participants, la limite multilatérale maximale
au débit (maximum debit cap) est unique et
2.2.1. Mécanismes de gestion vaut pour tous les participants  18. Elle s’élève
du risque pour EURO1 actuellement à 500 millions d’euros. Le fonds
de défaut commun (liquidity pool) s’élève à
Pour contenir le risque de crédit que deux fois le montant de la maximum debit
fait peser la défaillance d’un participant cap, soit un milliard d’euros. Au‑delà de ce
sur les autres participants d’EURO1, les montant, les pertes engendrées par les défail‑
échanges sont encadrés par un système lances sont réparties entre les participants
de limites bilatérales et multilatérales. Ainsi survivants en fonction des limites discrétion‑
les paiements entrés dans le système ne naires que chacun d'entre eux a accordées.
peuvent être réputés finaux que dans la
mesure où leur montant n’augmente pas Le mécanisme des limites bilatérales et
la position bilatérale du participant au‑delà multilatérales permet donc de contenir l’ex‑
des limites fixées. position du système aux risques financiers
et responsabilise les participants.
Les limites bilatérales sont accordées par
chaque participant à chacune de ses contre‑ Hors cas de défaillance, il appartient au
parties. Les limites bilatérales se composent participant qui est à l’origine de l’utilisation
d’une limite obligatoire et d’une limite discré‑ du fonds de défaut commun de le réappro‑
tionnaire. La limite obligatoire correspond à la visionner (par exemple si le défaut est dû à
part du fonds de garantie commun du parti‑ des problèmes techniques du participant).
cipant divisé par le nombre de participants
au système moins un. La limite discrétion‑ 2.2.2. Mécanismes de gestion
naire est fixée librement pour un montant du risque de CHIPS
allant de 0 à 50 millions d’euros. Ces limites
peuvent être révisées quotidiennement En matière de gestion des risques, CHIPS
avant l’ouverture des échanges. Les limites exige des participants qu’ils déposent, sur le
discrétionnaires peuvent être assimilées au compte de dépôt spécifique ouvert dans les
risque de crédit que chaque participant est livres de la Fed de New York pour le bénéfice
prêt à prendre sur chacun des autres partici‑ conjoint des participants à CHIPS, un montant
pants. En effet, suite à un défaut, c’est sur la prédéterminé chaque jour avant le début
base des limites discrétionnaires accordées des opérations (préfinancement). Durant la 18 La somme des limites
que l'allocation des pertes entre participants journée d’opération, CHIPS maintient en file bilatérales peut être
inférieure ou supérieure
survivants est effectuée. d’attente tout ordre de paiement qui ne peut à la limite multilatérale.
pas être débité du compte du participant et Lorsqu’un paiement est
entré dans le système, il
Les limites bilatérales accordées par une à aucun moment le solde d’un participant est donc vérifié vis‑à‑vis
banque à chacun des autres participants ne peut être débiteur. Tous les ordres de de ces deux limites.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 137


Chapitre 8 Les systèmes de paiement de montant élevé à règlement net différé
Trois exemples de systèmes « hybrides » : Europe, États‑Unis, Canada

paiement sont finaux dès qu’ils sortent de Dans LVTS, le système bénéficie donc à la
la file d’attente. Chaque participant à CHIPS fois de collatéral déposé auprès de la Banque
doit avoir accès à Fedwire pour ouvrir et du Canada et d’une garantie de celle‑ci :
fermer sa position en fin de journée. Les
participants doivent être sous l’autorité régle‑ • le montant net que chaque institution
mentaire d’un État américain, de la Fed ou financière participante peut devoir
du bureau du Contrôleur de la monnaie pour est soumis à des limites bilatérales
s’assurer que les participants sont contrôlés et  multilatérales ;
régulièrement. PaymentsCo, l’opérateur de
CHIPS, évalue pour chaque futur participant • les participants déposent en garantie
s’il a la liquidité nécessaire pour participer auprès de la Banque du Canada du colla‑
à CHIPS, via des rapports d’évaluation de la téral éligible d’une valeur suffisante pour
qualité de crédit effectués par des agences couvrir au minimum le solde débiteur
de notation reconnues et une évaluation de net maximal autorisé par participant.
la situation financière du futur participant. Ceci représente suffisamment de colla‑
En ce qui concerne les participants déjà téral pour assurer la disponibilité des
actifs, PaymentsCo surveille la ponctua‑ fonds nécessaires pour le règlement du
lité de leurs apports de fonds et recourt système en cas de défaut d’un participant ;
également à des rapports sur leur qualité
de crédit, si nécessaire, pour identifier tout • comme indiqué précédemment, si
changement dans leur santé financière qui un participant fait défaut, le système
pourrait influencer leur capacité à financer recourt d’abord au collatéral Tranche 1
leurs positions dans CHIPS. de ce participant, puis au collatéral
Tranche 2 des autres participants en
2.2.3. Mécanismes de gestion fonction de la limite bilatérale qu’ils ont
du risque pour LVTS accordée au participant défaillant ;

Le système canadien de transfert de • la Banque du Canada garantit le règlement


montant élevé LVTS offre une finalité au fil dans l’éventualité, extrêmement impro‑
de l’eau et calcule, pour chaque paiement bable, où il y aurait défaillance de plusieurs
et en temps réel, la position nette de participants durant une même journée
chacun des participants (les entrées moins d’activité du système LVTS et où la somme
les sorties de fonds), même si le règlement due par ces derniers excéderait la valeur
des positions nettes multilatérales sur les totale des titres donnés en garantie à la
livres de la Banque du Canada n’a lieu qu’en banque centrale. Cette dernière devient
fin de journée. Du fait de cette finalité dans ce cas créancier des établissements
immédiate, le système LVTS peut donc en défaut pour le solde dépassant la valeur
être considéré comme quasi équivalent des titres remis en garantie par l’ensemble
au RTGS. De plus, il permet aux banques de la communauté. La garantie de la
de limiter leur apport en collatéral compara‑ Banque du Canada n’entre pas en jeu dans
tivement à un système RTGS traditionnel. le cas de la Tranche 1 car les transferts sont
Et ce, dès lors que l’exposition au risque alors entièrement garantis par l’émetteur ;
de crédit intrajournalier est garantie en
partie par un pool de collatéral versé par • ce modèle à deux niveaux permet de
les survivants et dans la mesure où la protéger du risque de règlement les
Banque du Canada garantit le règlement paiements prioritaires et d’importance
dans l’éventualité, certes faible, où il y systémique (politique monétaire,
aurait défaillance de plusieurs participants systèmes de règlement de titres, CLS,
durant une même journée d’activité du etc.). Enfin, la Tranche 1 est entièrement
système LVTS et où la somme due par ces garantie par du collatéral déposé par le
derniers excéderait la valeur des titres qui participant. De plus, à l’intérieur de cette
lui ont été apportés en garantie. tranche certains paiements sont garantis

138 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de montant élevé à règlement net différé Chapitre 8
Trois exemples de systèmes « hybrides » : Europe, États‑Unis, Canada

par du collatéral réservé qui est transféré la zone euro (cf. TARGET2 versus EURO1)
à la Banque du Canada. En effet, pour les qu’aux États‑Unis (cf. Fedwire versus CHIPS),
paiements effectués dans le cadre du comme l’illustre le tableau ci-après.
système canadien de règlement de titres
(CSDX), les participants au système LVTS
T1 : Transactions quotidiennes dans les RTGS
peuvent effectuer un type de paiement
et les systèmes de règlement net
spécifique (T1R) garanti par du collatéral
réservé (par exemple titres éligibles Nombre moyen Montant moyen
achetés et mis en garantie par le partici‑ de transactions des transactions
pant au cours du cycle CDSX). TARGET2 250 000 1 330 milliards d’euros
EURO1 150 000 117 milliards d’euros
Fedwire 420 000 2 028 milliards de dollars US
3. Perspectives pour ces systèmes CHIPS 310 000 1 077 milliards de dollars US
de paiement « hybrides » Source : Banque des règlements internationaux, CPMI Statistics.

Des systèmes de paiement de montant élevé Dans la zone euro, on constate que la
fonctionnant sur la base d’un règlement net répartition des paiements de montant
différé (DNS) ont subsisté malgré le dévelop‑ élevé entre TARGET2 et EURO1 est rela‑
pement des RTGS, bien qu’ils restent moins tivement équilibrée en volumes puisque
sécurisés que ces derniers. Ils ont pallié cette TARGET2 oscille autour de 60 % du nombre
sécurité moindre en mettant en place des de paiements et EURO1 autour de 40 %.
cadres de gestion des risques robustes qui En valeur, en revanche, TARGET2 repré‑
permettent de limiter fortement les risques sente 90 % du montant des paiements,
financiers. La pérennité de ces systèmes contre 10 % pour EURO1, ce qui illustre
hybrides s’explique par les environnements l'idée que les participants tendent à privi‑
particuliers dans lesquels ils fonctionnent. légier le système RTGS dont les modalités
opérationnelles, notamment en termes de
Le maintien de systèmes de paiement de gestion de liquidité, sont plus adaptés pour
montant élevé monodevises à règlement les montants très élevés 19 et urgents.
net et en monnaie de banque centrale, aux
côtés des RTGS, apparaît dans les deux cas Quant à LVTS, il devrait évoluer largement
de EURO1 et de CHIPS comme la résultante d’ici à 2020 et l’entrée en fonctionnement de
de la structure « duale » (coexistence de son successeur, appelé « Lynx » 20. Il s’agit du
deux systèmes, l'un opéré par une entité nouveau système de paiement de montant
publique, l'autre par une entité privée) du élevé du Canada, qui fonctionnera en temps
marché des paiements de montant élevé réel et assurera la finalité des règlements. Il
dans leurs zones monétaires respectives. sera basé sur un modèle de gestion du risque
Les deux environnements présentent d’ail‑ de crédit dit de « cover all », c’est‑à‑dire que
leurs des similitudes. chaque participant garantit la totalité de ses
transactions par du collatéral. Dès lors, la
Ainsi, les banques utilisent EURO1 plutôt garantie résiduelle apportée par la Banque du
que TARGET2 pour les paiements de nature Canada dans le système LVTS ne sera plus
moins urgente, à des fins d’économie. nécessaire, ce qui équivaut, en pratique, à
En effet les participants à ces systèmes un fonctionnement en mode RTGS.
arbitrent, en fonction du caractère sensible
de leurs paiements, entre le coût et l’urgence Selon la Banque du Canada, cette évolution
du règlement pour définir quel type de permettra de disposer d’un système de
système de montant élevé ils choisiront. paiement de montant élevé conforme à ses 19 
D’un montant tel
qu’ils sont supérieurs
standards pour les systèmes de paiement a u x l i m i t e s fi xé e s
En conséquence les montants traités sont d’importance systémique, eux‑mêmes dans EURO1.
nettement plus élevés sur les RTGS que sur basés sur les PFMI (Principles for Financial 20 
h ttps://modernization.
les systèmes à règlement net, tant dans Market Infrastructures, voir chapitre 18). payments.ca/the-plan/

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 139


CHAPITRE 9

Les systèmes fonctionnant
selon le mode paiement
contre paiement :
le cas particulier de CLS
pour le règlement
des transactions de change
Mis à jour le 14 décembre 2018
Chapitre 9 Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement :
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

L
e présent chapitre traite du règlement Traditionnellement, le règlement de cette
en mode paiement contre paiement opération de change s’opérait pour chacune
(Payment versus Payment ou PvP) des deux jambes de manière distincte
et, plus précisément, du système CLS et indépendante, à travers notamment
(Continuous Linked Settlement) qui permet le circuit des banques correspondantes
d'assurer le règlement en mode PvP des (où chaque contrepartie à la transaction
transactions de change, actuellement dans utilise ses correspondants dans les devises
18 devises. Après un rappel de la nécessité concernées) et des systèmes de paiement
de maîtriser le risque de règlement dans interbancaire des devises concernées
les opérations de change (section 1), on (cf. chapitre 6, section 1.2). Dans ce dispo-
présentera le système CLS (sections 2 à 4). sitif, les enregistrements du règlement ne
La particularité d’un système PvP comme sont donc généralement pas simultanés,
CLS est de régler simultanément les du fait notamment des décalages horaires
deux « jambes » d’une opération de change. et des différentes pratiques bancaires
locales en matière de règlement des
paiements transfrontières.
1. La nécessité de maîtriser
le risque de règlement dans Les deux contreparties de l’opération, les
les opérations de change banques X et Y, s’exposent l’une vis-à-vis
de l’autre à un risque de règlement qui naît
1.1. Le risque de règlement dans dès le moment où l’nstruction de livraison/
les opérations de change virement de la devise vendue devient irré-
vocable – c'est-à-dire lorsqu'elle ne peut
Le risque de règlement dans les opéra- plus être annulée unilatéralement – et dure
tions de change se définit comme le risque jusqu’au moment de la réception finale et
de livrer la devise vendue sans recevoir irrévocable des fonds relatifs à la devise
la devise achetée. Prenons l’exemple de achetée. Il peut se passer ainsi plusieurs
deux banques X et Y, contreparties sur une heures entre le moment du paiement (en
opération de change dollar (USD) contre EUR) réglé de manière irrévocable par la
euro (EUR). La banque X vend à la banque banque X et celui de la contre-valeur (en
Y des euros contre des dollars. Elle va donc USD) réglée par la banque Y.
livrer les euros à la banque Y (la « jambe
euro ») et recevoir, en échange, les dollars Une opération de change ne comporte donc
(la « jambe dollar »). De la même manière, pas uniquement un risque lié aux variations
la banque Y livrera les dollars à la banque X de change (risque de marché), mais elle induit
et recevra les euros. aussi un risque de règlement. Celui-ci se

Encadré n° 1 : Règlement d’une opération de change à travers le circuit traditionnel des banques
correspondantes et des systèmes de paiement interbancaire des devises concernées

EUR
Banque X (ou son Banque Y (ou son
correspondant en EUR) via un système de paiement correspondant en EUR)
interbancaire

Banque X Banque Y

via un système de paiement


Banque X (ou son interbancaire Banque Y (ou son
correspondant en USD) correspondant en USD)
USD

142 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement : Chapitre 9
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

présente sous deux composantes, le risque T1 : Exemples de pertes enregistrées par des banques
en principal et le risque de coût de rempla- à Londres à la suite de la faillite de la banque Herstatt
cement. Le risque en principal se matérialise (en millions d’USD)
en cas de défaillance définitive d’une des Williams and Glyn’s 9 (dépôts)
deux parties : la contrepartie non défail- Chase Manhattan 5 (swaps)
lante a livré la devise qu’elle a vendue sans Moscow Norodny 365 (swaps)
recevoir celle qu’elle a achetée. Dès lors, son Union Bank of Switzerland 25 (swaps)
exposition porte non pas sur une portion de Hill Samuel 21 (swaps)
la valeur sous-jacente de l’opération mais United Bank of Kuwait 190 (swaps)
sur son principal, c’est-à-dire le nominal de First Wisconsin National Bank of Milwaukee 10 (swaps)
l’opération, le montant total de la devise Antony Gibbs 1,25 (swaps)
achetée. Le risque de coût de remplace- Source : Catherine R. Schenk (2014).
ment se matérialise en cas de défaillance
d'une des deux parties : la contrepartie non ce système diminua de près de 60 % 3 les
défaillante doit remplacer l’opération initiale jours suivants et le règlement des transactions
par une nouvelle opération au prix courant interbancaires s’en trouva affecté pendant
du marché, qui peut s'avérer plus onéreux. plusieurs mois durant. La confiance sur le
1 
Par cet exemple, le
Dans la suite du présent chapitre, l'expres- marché des changes commença à rapidement risque de règlement est
sion « risque de règlement » visera le risque s’éroder 4, les taux d’intérêt sur l’eurodollar couramment dénommé
« risque Herstatt » dans
en principal. augmentèrent fortement et l’activité bancaire la profession.
internationale se contracta avec le rapatrie-
2 Clearing House Interbank
Historiquement, le risque de règlement sur ment opéré par les banques de leurs actifs Payment Systems
les opérations de change s’est matérialisé à travers le monde. (CHIPS) a été lancé
en avril 1970 avec la
le 26 juin 1974 avec la faillite de la banque participation de neuf
allemande Herstatt 1. Bien que de petite 1.2. Les actions des banques centrales grandes banques améri-
taille, la banque Herstatt était très active et de l’industrie bancaire pour caines pour devenir un
système majeur dans le
sur le marché des changes. Elle fut mise réduire le risque de règlement règlement des transac-
en liquidation ce jour-là par les autorités de tions internationales en
USD (pour une présen-
tutelle à 15h30 (heure d’Europe continentale). Au regard de l’importance croissante des tation plus détaillée du
Or, plus tôt le même jour, plusieurs de ses montants échangés quotidiennement système CHIPS, voir le
contreparties avaient émis en sa faveur des sur le marché des changes, le risque de chapitre 8).

instructions irrévocables pour le règlement règlement sur les opérations de change 3 Voir Berger A. Molyneux
P. et Wilson J.O.S (2015).
des deutschemarks (DEM) sans avoir encore a suscité une attention toute particulière
reçu l’équivalent en dollars (USD), la place des banques centrales, en raison de son 4  P l u s i e u r s p e t i t e s
banques ont été évin-
financière américaine venant juste d’ouvrir. caractère potentiellement systémique. Au cées du marché des
À l’annonce de sa liquidation, son corres- cours des années 1980-90, les banques changes et, à la suite de
la faillite de la banque
pondant à New York (la Chase Manhattan centrales des pays du G10 ont mené Herstatt, les banques
Bank) suspendit immédiatement tous les plusieurs études relatives aux disposi- de règlement à New York
paiements en USD au débit de la banque tifs existants concernant les paiements ont introduit une clause
de rappel des fonds ;
allemande, conduisant à une perte pour ses transfrontières et multidevises. Le premier elles se réservaient ainsi
contreparties créditrices en USD ayant déjà rapport à ce sujet est le rapport dit le droit de rappeler les
fonds transférés dans
réglé les montants en DEM. A contrario, Lamfalussy 5, publié en 1990 (cf. chapitre les banques corres-
d’autres banques refusèrent d’exécuter 18 section 1.1), dont l'une des recomman- pondantes jusqu’à 10 h
des instructions de paiement avant d’avoir dations était de « poursuivre l’examen (heure de la côte Est des
États-Unis) le lendemain.
reçu la confirmation de la réception de la des mesures que les banques centrales
5 R
 apport du Comité
contre‑valeur. Malgré la taille modeste de la pourraient adopter pour améliorer l’effica- sur les systèmes de
banque allemande, sa fermeture déclencha cité et réduire les risques de règlement compensation inter-
de fortes perturbations dans les systèmes des opérations transfrontières et multi- bancaire des banques
centrales des pays du
de paiement et sur le marché des changes. devises ». Le deuxième est le rapport dit groupe des dix, 1990.
Par crainte de nouvelles défaillances, le Noël 6, publié en 1993. S'inscrivant dans Pour une présent a-
tion plus détaillée du
système de paiement américain (CHIPS  2) fut le prolongement du rapport Lamfalussy, rapport Lamfalussy, voir
suspendu. La valeur des échanges à travers le rapport Noël a examiné les services chapitre 18.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 143


Chapitre 9 Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement :
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

que les banques centrales pouvaient et l’acceptabilité du service du point de


envisager d’offrir afin de réduire les risques vue de la banque centrale.
et d’accroître l’efficacité des opérations
transfrontières et multidevises, les risques L’étude la plus structurante sur la problé-
en question résultant notamment du fait matique du risque de règlement dans
que le règlement des deux « jambes » les opérations de change est le rapport
d’une opération de change faisait intervenir dit Allsopp 7 publié en mars 1996. Ce dernier
des systèmes de paiement différents pour a établi en effet le constat selon lequel le
chaque devise concernée. Le rapport a risque de règlement était généralement mal
ainsi examiné et évalué les quatre options connu et qu’a fortiori les deux composantes
suivantes : i)  la modification ou la mise à du risque de règlement, à savoir la durée et le
disposition de services de paiement et montant d’exposition, étaient sensiblement
de règlement dans la devise nationale ; sous‑estimées. La durée d’exposition au 6 Services de paiement et
de règlement de banque
ii)  l’extension des heures d’ouverture des risque de règlement peut en effet s’étendre centrale pour les opéra-
systèmes de paiement de montant élevé jusqu’à plusieurs jours 8, de sorte que le tions transfrontières
multidevises (Central bank
dans la devise nationale ; iii)  la mise en montant total de l’exposition pouvait atteindre, payment and settlement
place de liens opérationnels transfrontières voire dépasser, le montant des fonds services with respect
entre ces systèmes ; iv)  le développement propres des établissements, et ce parfois to cross-border and
multi-currency transac-
de services de paiement et de règlement sur une seule et même contrepartie. À la tions), septembre 1993 :
multidevises. Sans trancher en faveur lumière de cette analyse, le rapport Allsopp https://www.bis.org/cpmi/
publ/d07.pdf
de l’une de ces options en particulier, le préconisait une stratégie en trois axes :
rapport préconisait que chaque banque 7 
Settlement risk in foreign
exchange transactions :
centrale mesure les conséquences de • l'action individuelle des banques, visant https://www.bis.org/cpmi/
chaque option à l’aune de la politique à mieux mesurer et gérer le risque de publ/d17.pdf
monétaire, de l’adéquation des ressources règlement de leurs opérations de change ; 8 Contrairement à l'idée
en liquidité des acteurs privés pour reçue selon laquelle le
risque de règlement sur
effectuer le règlement dans chaque devise • l'action des « industry groups » (c'est- les opérations de change
et de l’impact sur le risque systémique. à-dire le secteur privé), encouragés serait simplement lié aux
décalages horaires, dure-
D’autres éléments étaient également à à concevoir et mettre en œuvre des rait donc au maximum
mesurer dans ce choix, comme la base services de règlement multidevises quelques heures et ne
juridique, la concurrence sur les marchés visant à réduire le risque (« risk-reducing concernerait, de surcroît,
que celle des deux contre-
financiers, l’efficience en termes de coûts, multi-currency services  ») ; parties ayant le décalage
horaire « contre elle »,
le rapport Allsopp a
Encadré n° 2 : Les premières tentatives de réduction du risque de règlement mis en évidence que
sur le marché des changes : FXNET, ECHO et Multinet la durée de l'exposition
au risque de règlement
sur les opérations de
Les premières initiatives du secteur privé visant à réduire le risque de règlement change s'étendait géné-
ont privilégié des mécanismes de compensation des opérations de change, celle-ci ralement sur plusieurs
jours. Ce constat, basé
étant bilatérale (FXNET), ou multilatérale (ECHO et Multinet). sur une étude menée
en 1994-1995 auprès de
80 banques des pays
FXNET était un service de compensation bilatérale des opérations de change du G10, s'explique par
(au comptant et à terme), créé en 1987 par un consortium de banques interna- une addition de délais
tionales actives sur le marché des changes à Londres. Le système permettait se situant à tous les
niveaux des circuits de
à ses utilisateurs d’effectuer des compensations transfrontalières avec des règlement des deux
contreparties dans 13 pays différents. FXNET appariait les confirmations des devises concernées, en
particulier les procédures
opérations ; il en assurait la novation en remplaçant les transactions d’origine internes de traitement
par une obligation de paiement compensée. des deux contreparties,
celles de leurs correspon-
dants respectifs dans les
ECHO (« Exchange Clearing House Organisation ») était une chambre de compen- deux devises et les règles
sation permettant le règlement entre les participants d’obligations multilatérales de fonctionnement des
systèmes interbancaires
.../... par lesquels transitent les
ordres de paiement.

144 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement : Chapitre 9
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

9 
Il a été considéré, dans
le rapport Allsopp, que le
nettes d’opérations de change au comptant et à terme (jusqu’à deux ans). Elle a secteur privé était le mieux
placé pour concevoir et réaliser
commencé à opérer en 1995 sur onze grandes devises traitées entre les principales des services de règlement
banques internationales. Les opérations entre les utilisateurs étaient d’abord multi-devises, mais que le
appariées via le service SWIFT Accord 1, ensuite transmises à ECHO pour la succès de ces derniers
impliquait une étroite coopé-
compensation et le règlement. ECHO compensait de nouvelles opérations avec ration entre les participants
celles passées sur des comptes glissants (« rolling accounts ») et, après l’heure de marché et les banques
centrales. Ces dernières ont
limite (« final cut-off »), calculait et transmettait à chaque membre sa position nette ainsi été amenées, à étendre
multilatérale vis-à-vis de la chambre. Pour le règlement, ECHO débitait le compte du les horaires de fonctionne-
membre en position courte sur ses livres dès lors que les fonds étaient disponibles ment de leurs systèmes de
paiement RTGS (Real-Time
et initiait l’instruction de crédit du membre en position longue. Mais le règlement Gross Settlement) afin de
n’était pas immédiat et le risque de règlement s’étendait au maximum sur une permettre des plages de
recouvrement entre les trois
journée (24 heures). Pour gérer les risques de crédit et de liquidité, ECHO suivait grandes zones monétaires
en continu la réception des fonds sur une journée d’opération et avait instauré des (Amérique, Europe, Asie).
limites d’exposition de crédit des membres sur la chambre. Enfin, elle disposait 10  E n  a n g l a i s D e l i v e r y
d’un pool de titres déposé par les utilisateurs pour se procurer des liquidités en versus Payment ou DvP,
cf. chapitre 13.
devise nécessaires (via un swap de change contre de l’USD) en cas de défaillance
du membre affichant la position débitrice la plus élevée ce jour-là. Un mécanisme 11 Reducing foreign exchange
settlement risk, a progress
d’allocation des pertes était également prévu dans les règles du système. report, juillet 1998 (https://
www.bis.org/cpmi/publ/
d26.pdf) et Progress
Multinet dont le fonctionnement était similaire à celui d’ECHO était un système in reducing foreign
formé en 1992 par huit banques nord-américaines. exchange settlement risk,
mai 2008 (https://www.bis.
org/cpmi/publ/d83.pdf).
Ces différentes offres de systèmes de compensation multidevise n’ont pas
12 Au-delà de son apparente
démontré la viabilité de leur modèle économique, étant donné l’importance des simplicité, le concept de
coûts d’investissement et de gestion des risques de ces systèmes. Leurs actifs « paiement contre paie-
ont été transférés à CLS lors de la création de ce dernier en 1997. ment » soulève en effet
des questions d’une
grande complexité, dès
1 SWIFT Accord était un service d'appariement des messages de confirmation des transactions de change (FX confirma- lors qu’il s’agit de le mettre
tion matching), développé par SWIFT et proposé à ses utilisateurs (dont les participants à ECHO). en œuvre dans le contexte
spécifique des opéra-
tions de change au niveau
mondial. Il fallait, en effet,
faire en sorte que l’élimina-
• l'action des banques centrales, visant l’une des « jambes » n’étant réglée que tion du risque de règlement
à induire de rapides progrès du secteur si et seulement si l’autre « jambe » l’est ne s’accompagne pas de
l’introduction ou de l’ag-
privé et, le cas échéant, à accompagner également. Les préconisations du rapport gravation d’autres formes
les efforts de celui-ci en améliorant les Allsopp ont fait l’objet de deux rapports de risque, telles que le
risque de liquidité. Ceci
services offerts par leurs systèmes de de suivi, en 1998 et 2008 11. explique, pour partie, que la
paiement RTGS 9. Des mécanismes de durée du projet CLS ait été
compensation permettant de réduire les La mise en place concrète d’un mode sensiblement plus longue
qu'initialement prévu.
montants en risque existaient déjà (cf. de règlement PvP avec la création de
13 
B asel Committee on
chapitre 2) mais ils laissaient subsister CLS a nécessité plusieurs années (1997- Banking Supervision.
de fait une exposition résiduelle corres- 2002) compte tenu de sa complexité 12.
14 
Committee on Payments
pondant à la partie nette issue de la Parallèlement, le Comité de Bâle sur le and Settlement Systems.
compensation. Le concept de « paiement contrôle bancaire 13, en étroite collabora-
15 S uper visor y Guidance
contre paiement » (« Payment versus tion avec le CPSS 14 et en s’appuyant sur for Managing Settlement
Payment », PvP) est ainsi né sur le modèle le rapport Allsopp, avait à l'époque édicté Risk in Foreign Exchange
Transactions, BIS (BCBS),
de ce qui existait déjà (cf. encadré 2) des lignes directrices 15 destinées aux septembre 2000.
dans le domaine des opérations sur superviseurs bancaires afin de les aider
16 Supervisory guidance for
titres avec le concept de livraison contre à mieux évaluer la gestion et le contrôle managing risk associated
paiement 10. Avec le PvP, le règlement des risques en matière de règlement with the settlement of
foreign exchange tran-
des deux « jambes » d’une opération de des transactions de change. Ces orien- sactions, BIS (BCBS),
change est synchronisé et conditionné, tations ont été mises à jour en 2013 16. février 2013.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 145


Chapitre 9 Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement :
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

2. La structure juridique Le système CLS a démarré son activité


du groupe CLS de règlement en septembre 2002 avec
et le système CLS sept devises éligibles : le dollar américain
(USD), l’euro (EUR), le yen (JPY), la livre
2.1. Structure juridique sterling (GBP), le franc suisse (CHF), le
du groupe CLS dollar australien (AUD) et le dollar canadien
(CAD). À mi‑2018, il comptait 18 devises
Le groupe CLS se structure autour de éligibles 19 et 72 participants directs 20.
CLS Group Holding AG, une société holding
de droit suisse 17, représentant les action- 2.2. Principes de fonctionnement de CLS
naires du système. Celle‑ci détient CLS
UK Intermediate Holding, une société à CLS permet le règlement en mode PvP
responsabilité limitée sous droit anglais des instructions de paiements sur des
qui fournit différents services (finance, transactions du marché des changes au
juridique, ressources humaines, audit et comptant (« spot »), sur certains dérivés
communication, etc.) à ses filiales, CLS listés (exchange-traded futures) et sur
Bank International et CLS Services Limited. des swaps de devises (swap-forward
CLS Bank International, établie à New York, swaps, overnight swaps, tomorrow-next
détient dans ses livres les comptes de ses day swaps, etc.). Chaque participant au
« settlement members ». CLS Services système possède des comptes en devises
Limited, société à responsabilité limitée ouverts dans les livres de CLS Bank.
basée à Londres, fournit à CLS Bank Le mode « paiement contre paiement »
International et ses filiales 18 les services implique que les deux règlements de 17 L’activité de ces sociétés
sous ce statut est la
opérationnels et de back-office. chaque opération soient imputés simul- détention et l’adminis-
tanément, de manière à ce qu’aucun tration de participations
Le système CLS est la propriété de CLS UK participant ne livre une des devises concer- dans d’autres sociétés.
C e  s t a tu t d e d r o i t
Intermediate Holding et les règles de fonc- nées dans la transaction de change, s’il n’a suisse permet de béné-
tionnement du système relèvent du droit pas l’assurance de recevoir l’autre. Mais ficier de dispositions
fiscales spécifiques sous
anglais alors que la convention de tenue CLS assure uniquement le rôle d’agent certaines conditions.
compte entre les participants et CLS Bank de règlement, sans se substituer aux
18 CLS Bank International
International relève du droit américain (État contreparties comme le ferait une contre- détient à 51 % (en
de New York). partie centrale (CCP) (voir chapitre 11). joint-venture avec la
société Traiana), une
filiale du groupe ICAP.
CLS Aggregation Service
(CLSAS) LLC, une société
basée dans l’État du
Encadré n° 3 : Organisation juridique de CLS Delaware qui propose un
service d’agrégation des
transactions de change.
Ce service permet d’ac-
croître l’efficacité de
CLS Group Holding AG règlement des instruc-
tions à fort volume
répondant aux besoins
de l’activité de trading de
CLS UK Intermediate Holding haute fréquence sur le
marché des changes.

19 La dernière devise à avoir


intégré le système est le
CLS Bank International CLS Services Ltd forint hongrois (HUF) en
novembre 2015.

20 Les  participants directs


à CLS sont appelés
CLSAS Système CLS membres de règle-
ment (voir section 2.1)
et sont, sauf exception,
Source : CLS. actionnaires de la société
exploitant le système.

146 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement : Chapitre 9
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

Concrètement, CLS Bank a ouvert des ses livres et les positions sur la devise
comptes sur les livres des différentes concernée sont réglées en monnaie de
banques centrales émettrices des devises banque centrale via leur système RTGS.
concernées et les participants directs du
système CLS (les settlement members) ont ii) Les membres de règlement (settle-
ouvert des comptes en devises dans les ment members) sont les participants
livres de CLS Bank. Les participants directs directs au système CLS. Ils soumettent
alimentent leur compte dans CLS dans une directement leurs instructions pour
devise donnée en créditant le compte de le règlement de leurs opérations.
CLS Bank dans les livres de la banque Ils alimentent leurs comptes ouverts
centrale de cette devise (« funding »). chez CLS avec les montants en devises
Ils peuvent aussi réduire leur position dans qu’ils doivent livrer et reçoivent de CLS
les livres de CLS Bank en effectuant l’opé- les montants en devises qui leur sont
ration inverse (« defunding »). Le système dus. Les instructions sont imputées dès
veille à ce que les participants présentent lors que les tests de contrôle des risques
à chaque instant, sur leurs comptes en ont été respectés 22. Un settlement
devises, une position d’un montant suffisant member participant de règlement est
pour effectuer le règlement final des devises actionnaire de CLS 23, doit être soumis
qu’ils doivent livrer. à une supervision bancaire adéquate
et enfin respecter des critères d’exi-
À partir de l’ensemble des instructions de gences opérationnelles et de solidité
paiement soumises sur une base brute financière. Les settlement members 21 E n incluant les dispo-
au système, CLS détermine en effet peuvent proposer des services à d’autres sitifs in/out swaps
(cf. le 2e encadré de la
une seule position nette par devise pour entités bancaires ou non bancaires (non section 2.4. du présent
chaque participant (« pay-in » pour une éligibles à une participation directe  24) ne chapitre), l’effet de
position nette négative, « pay-out » pour participant pas directement au système compensation peut
s’élever jusqu’à 99 %.
une position nette positive) qui fait ensuite (Third-party Service Provider). À fin 2017 Les montants des posi-
l’objet d’un règlement unique en monnaie CLS comptait plus de 60 settlement tions nettes à régler dans
le système représentent
de banque centrale de manière irrévo- members, dont près de la moitié ayant alors seulement 1 % des
cable et en temps réel via les systèmes également le statut de Third-party montants bruts initiaux.
RTGS des devises concernées. L’activité Service Provider et proposant ce service 22 Voir point 2.3.
des participants résulte généralement à plus de 11 000 entités, représentant 23  H o r m i s q u e l q u e s
d’opérations dans plusieurs devises, sur respectivement en valeur et en volume exceptions (banques
de multiples échéances et conclues avec 22 % et 16 % des transactions réglées centrales), CLS a récem-
ment modifié ses règles
des contreparties différentes. Les positions par le système. de participation en autori-
nettes correspondant à l’imputation des sant désormais plusieurs
entités d’un même
opérations dans un système d’échange iii) La plupart des settlement members groupe bancaire à parti-
et de règlement unique sont alors d’un de CLS ne disposent pas d’un accès ciper directement au
montant très inférieur à celles qui seraient direct à l’ensemble des systèmes RTGS système. Ces entités ne
deviennent pas action-
réglées en brut via plusieurs mécanismes des banques centrales dont les devises naires mais doivent
de règlement. Les participants bénéficient sont admises par le système ; ils font s’acquitter de droits
d’entrée. Par ce biais,
ainsi d’un effet de compensation très élevé dans ce cas généralement appel à des CLS cherche à élargir sa
sur le financement de leurs positions 21. « nostro agents », pour l’émission et base de participation et
la réception de leurs paiements CLS faciliter le cas échéant
la résolution des partici-
Il existe plusieurs parties prenantes au dans la ou les devise(s) concernée(s). pants en permettant une
système CLS. Ces « nostro agents » jouent un rôle séparation nette des acti-
vités de paiements entre
classique de banques correspondantes, entités dans le système.
i) Les banques centrales dont la devise est mais leur rôle est majeur dans le fonc-
24 Fonds d’investisse-
traitée par le système fournissent à CLS tionnement de CLS, en offrant un accès ment, assurances ou
des services de tenue de compte et de aux RTGS locaux dans lesquels se encore certaines grandes
entreprises non finan-
règlement. Chaque banque centrale a règlent les soldes nets de nombreux cières ayant une activité
ouvert un compte au nom de CLS dans participants. Ils doivent démontrer une de change.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 147


Chapitre 9 Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement :
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

grande fiabilité opérationnelle et une i) le solde net, toutes devises confon-


capacité à fournir de la liquidité dans dues, des comptes du participant doit
des délais très restreints. être positif ou nul ;

iv) CLS dispose enfin, pour chaque devise ii) la position débitrice du participant dans
traitée dans le système, de liquidity une devise donnée ne doit pas dépasser
providers pour faire face au cas où un un seuil appelé « Short Position Limit »
settlement member serait dans l’inca- (SPL) ;
pacité de régler sa position débitrice
(pay-in). CLS fait alors appel aux liquidity (iii) la somme des positions débitrices du
providers, qui se sont engagés à livrer participant, toutes devises confon-
la devise concernée contre des devises dues, ne doit pas dépasser un seuil
dans lesquelles le settlement member appelé « Aggregate Short Position
défaillant dispose d’une position Limit » (ASPL).
créditrice. Les liquidity providers sont
susceptibles d’être sollicités par CLS Si ces trois conditions sont remplies, l’opé-
assez tardivement dans les tranches ration est imputée immédiatement et de
horaires de règlement, l’opérateur manière irrévocable. Sinon, elle est rejetée.
cherchant d’abord à obtenir dans la
mesure du possible les fonds manquants Enfin, CLS applique des décotes
auprès du settlement member défaillant. (« haircuts ») sur les soldes débiteurs et
Les liquidity providers doivent donc être créditeurs pour se prémunir contre le risque
prêts à répondre très rapidement aux de marché (c’est-à-dire risque de change).
appels de CLS. En effet, une position créditrice au bénéfice
de CLS sur une devise en garantie d’une
2.3. Les différents dispositifs position débitrice d’un settlement member
de gestion des risques de CLS sur une autre devise peut se déprécier
compte tenu des variations des cours
Afin de maximiser l’efficacité du système, de change.
les opérations peuvent être imputées alors
même que les contreparties à ces opéra- 2.4. U
 ne journée de règlement
tions présentent une position débitrice dans CLS
auprès de CLS dans les devises vendues.
Des dispositifs de contrôle des risques Le déroulement d’une journée de règlement
ont toutefois été mis en place pour limiter dans CLS répond à des contraintes très
le montant des positions débitrices afin strictes d’échéance des versements, afin
d’assurer les règlements même en cas que chaque settlement member puisse
de défaillance du settlement member recevoir les fonds qui lui sont dus le jour
concerné. En outre, la capacité de CLS à du règlement effectif et ce tout en limitant
assurer les règlements des positions nettes au mieux la pression sur la liquidité des
créditrices – « pay-outs » - dépend de la settlement members.
liquidité disponible et donc des « pay-ins »
qu’elle a reçus. Les  settlement members peuvent
soumettre (et annuler unilatéralement) leurs
Une opération ne peut être imputée que instructions 25 à CLS à J-1 minuit (CET 26).
si chacun des deux participants concernés CLS calcule la position nette multilatérale
présente, sur son compte auprès de de chaque settlement member résultant de
CLS Bank, dans la devise à livrer, une l’ensemble des instructions de paiement
position « suffisante » dans la devise qu’il des opérations de change à régler à la
doit livrer. Cette position peut même être date de valeur (généralement effectuées
débitrice, sous réserve de trois conditions : sur le marché deux jours ouvrables plus

148 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement : Chapitre 9
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

tôt). Pour les devises pour lesquelles sa avant 9 h (CET). Le système commence les
position nette multilatérale est négative, appels de fonds à 7 h (CET) ; ce processus
le settlement member devra effectuer des se termine à 12 h (CET). Les settlement
versements (« pay-ins »). CLS établit un members débutent le règlement de leurs
échéancier initial de « pay-ins » qui peut positions débitrices (« pay-ins ») et, dès
être modifié par les participants de façon lors que la liquidité est suffisante et que
bilatérale, jusqu’à 6 h 30 (CET) de la date de les conditions de contrôle de risques sont
règlement. En effet, entre minuit et 6 h 30, respectées (c’est-à-dire positions nettes
les settlement members peuvent réaliser globales strictement positives), CLS procède
bilatéralement des opérations complé- aux règlements des positions créditrices 25 Les instructions de règle-
mentaires ou annuler celles soumises (« pay-outs »). Les « pay-outs » ne suivent ment sont des messages
(SWIFT) comportant les
antérieurement. Ces transactions servent pas d’échéancier prédéterminé mais, d’une informations nécessaires
essentiellement à réduire les montants des manière générale, les devises de la zone au règlement. Elles ne
doivent pas être confon-
« pays-ins » inscrits dans l’échéancier initial Asie-Pacifique sont traitées en priorité (les dues avec les opérations
via les « in/out swaps » (cf. encadré 5). systèmes RTGS sur ces devises fermant de change qu’elles sont
destinées à régler.
en premier) tout comme les soldes les
CLS diffuse aux settlement members plus élevés. Les horaires de la journée de 26 C e n t r a l E u r o p e a n
Time (GMT+1).
l’échéancier définitif des « pay-ins » règlement couvrent les heures de fonction-
à 6 h 30 (CET) ; est alors précisé le montant nement des RTGS des banques centrales 27 Les  échéances des
« pay‑ins » sont fixées à
minimal que les settlement members doivent des devises traitées afin que CLS puisse 8 h, 9 h et 10 h (CET) pour
verser dans chaque devise à un moment assurer à la fois le règlement des « pay‑ins » les devises de la zone
Asie-Pacifique, à 8 h, 9 h,
déterminé 27, de façon à pouvoir exécuter et de « pays-outs » sur ses comptes tenus 10 h, 11 h et 12 h  (CET)
le règlement de toutes les opérations en banque centrale. pour les autres devises.

Encadré n° 4 : Déroulement d’une journée de règlement dans CLS (CET)

Échéance
du 2e pay-in
Échéancier initial et exécution Échéance
des pay-ins (IPIS*) Démarrage de CLS du règlement) du 4e pay-in

0h 6 h 30 7h 8h 9h 10 h 11 h 12 h

Opérations valeur Règlement et financement des positions


jour (I/O swaps)

Échéance
Échéancier définitif Échéancier Échéance
du dernier pay-in
(RPIS*) du 1er pay-ins du 3e pay-in et fin
et fin des pay-ins/
des pay-ins/pay-outs
pay-outs pour
pour l’JPY et l’AUD
les autres devises
Fenêtre de règlement

Fenêtre de financement des positions (pay-ins/pay-outs)

* Initial and revisited Pay-In Schedule (IPIS, RPIS).


Source : CLS.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 149


Chapitre 9 Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement :
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

Encadré n° 5 : L’échéancier des versements (« pay-ins ») dans CLS et l’utilisation des in/out swaps

CLS calcule l’échéancier des versements (« pay-ins ») de chaque settlement member à partir des
positions prévues après imputation de toutes ses opérations. Dans l’exemple ci-après, le settlement
member présente des positions créditrices (« pay-outs ») en dollars canadiens (CAD), en yens (JPY),
en livres sterling (GBP) et en francs suisses (CHF) et des positions débitrices (« pay-ins ») en dollars
australiens (AUD), en euros (EUR) et en dollars américains (USD). CLS fractionne les positions débitrices
en plusieurs versements qui doivent être assurés aux échéances respectives indiquées. Les paiements
en devises de la zone Asie-Pacifique sont traités en priorité au plus tard à 10 h (CET) pour tenir compte
de la fermeture des RTGS locaux. Les versements des positions débitrices en dollars australiens
(AUD) sont donc terminés à cette heure. Le fractionnement des paiements n’est pas uniforme car les
procédures de gestion des risques de CLS doivent être respectées et l’ensemble des instructions doit
être imputé à 9 h. Dans ce cas, le versement (« pay-in ») effectué en USD à 9 h présente un montant
assez élevé (– 3 600 millions d’USD) et les versements effectués à 10 h (CET) doivent être suffisamment
importants pour que CLS puisse réaliser les pay-outs en JPY.

Échéancier des versements (« pay-ins ») pour un participant de règlement


(montants cumulés en millions pour chaque devise)
Devises Position nette 8 h CET 9 h CET 10 h CET 11 h CET 12 h CET
prévue
CAD 500 0 0 0 0 0
AUD - 250 - 100 - 200 - 250 - 250 - 250
EUR - 550 - 100 - 250 - 350 - 450 - 550
JPY 200 000 0 0 0 0 0
USD - 4 800 - 900 - 3 600 - 4 000 - 4 500 - 4 800
GBP 900 0 0 0 0 0
CHF 3 500 0 0 0 0 0
Sources : CLS, BCE.

Comme le montre l’exemple ci-dessus, les settlement members de CLS sont amenés à effectuer
des versements parfois pour des montants très élevés selon un échéancier très strict (« pay-ins »).
Pour réduire cette demande de liquidité, les banques utilisent un outil automatisé qui leur permet de
transférer en dehors de CLS des positions qu’elles détiennent dans le système. Elles achètent, hors
CLS, les devises dans lesquelles elles présentent des positions débitrices élevées dans CLS et vendent
des devises dans lesquelles leurs positions sont créditrices.

Ainsi, elles concluent avec un autre settlement member une opération de change réglée le jour même
dans CLS dont les besoins sont inverses. Pour neutraliser les modifications des positions, les settlement
members procèdent également à l’opération inverse dont le règlement est assuré le jour même mais
en dehors de CLS. À travers ces opérations, appelées in/out swaps, les settlement members disposent
de la journée pour lever de la liquidité en quantité suffisante pour assurer les versements de montant
parfois très élevé. Ces opérations présentent néanmoins l’inconvénient majeur de réintroduire de
manière concentrée et pour des montants élevés une forme de risque de règlement pour la jambe
du swap qui est réglée à l’extérieur de CLS. L’introduction de nouvelles sessions de règlement pour
des opérations valeur jour (same day settlement) permettrait toutefois de résoudre ce problème 1.
Cette nouvelle session de règlement est déjà opérationnelle pour l’Amérique du Nord avec le dollar
américain (USD) et le dollar canadien (CAD), sous la forme du same day settlement.

1 Voir point 4.3.

150 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement : Chapitre 9
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

2.5. La gestion des défaillances et liquidité afin de recevoir la devise néces-


la répartition des pertes dans CLS saire via un swap 30. Si le montant des
liquidités engagées se révèle toujours insuf-
CLS dispose de plusieurs procédures afin fisant, notamment en cas de défaillance de
d’être en mesure de régler les instructions plusieurs settlement members (et agents
acceptées pour le règlement et que chaque nostro) et/ou de fournisseurs de liquidité,
settlement member puisse recevoir les CLS règle les « pay‑outs » dans d’autres
devises liées aux opérations réglées et devises pour lesquelles elle dispose encore
ce, même en cas de défaillance d’un des de la liquidité ou peut, en dernier recours,
settlement members. reporter les soldes restant à imputer au
jour ouvré suivant.
D’une manière générale, dès qu’un sett-
lement member ne respecte pas son CLS peut être confronté à des pertes si,
échéancier de versements (« pay-ins »), parallèlement à la défaillance d’un settle-
CLS suspend l’envoi des versements qui ment member, les positions créditrices
lui sont dus (« pay-outs ») jusqu’à ce que sa de ce dernier ont enregistré une déprécia-
situation se normalise. Dans tous les cas, tion au-delà des décotes fixées et qu’elles
le settlement member n’ayant pas répondu ne sont plus suffisantes pour compenser
à une échéance de versement subit une les positions débitrices. Dans ce cas, les
pénalité financière. pertes qui en résultent sont réparties entre
les settlement members qui ont conclu
Lorsqu’un settlement member n’a pas des opérations avec le participant défail-
effectué à temps la totalité de ses versements lant le jour de la défaillance 31. CLS active
prévus pour l’échéance de 8h00 (CET), CLS un deuxième mécanisme d’allocation des
lui adresse un appel à versement (« pay-in pertes 32 si au moins deux participants de
call ») lui demandant d’approvisionner son règlement n’ont pas été capables de contri-
compte. À 9h00 (CET) 28, CLS rejette les buer au premier mécanisme d’allocation
instructions non encore imputées impli- des pertes. Le montant de l’allocation des
quant le participant qui n’aurait pas respecté pertes est plafonné à 30 millions d’USD
son échéancier. Les positions prévision- par settlement member.
nelles en devises des contreparties à ces
opérations se trouvent dès lors modifiées
(certaines d’entre elles peuvent présenter 3. Le cadre de surveillance 28 
Heure à laquelle
l’imputation est théori-
une position prévisionnelle plus débitrice de CLS quement terminée.
qu’auparavant sur certaines devises,
29 10 h (CET) pour la zone
voire afficher une position débitrice alors 3.1. Le rôle de la Réserve fédérale Asie-Pacifique, 12 h  (CET)
qu’elle était initialement créditrice). CLS des États-Unis dans pour la zone Europe-
Amérique du Nord.
leur adresse des appels de fonds pour la supervision de CLS
règlement (« pay‑ins calls for settlement »), 30 C LS et le ou les four-
nisseurs de liquidité
afin que le système puisse assurer l’im- CLS Bank International, établie à New York concluent un swap sur
putation immédiate des opérations en file (États-Unis), est une entité bancaire améri- la devise voulue contre
une autre devise se trou-
d’attente. Enfin CLS adresse un appel à caine sous le statut spécifique de « Edge vant en excédent sur
versement pour clôture de devise (« pay-in Act Corporation » accordé en 1999 qui ses comptes. Le jour
call for currency close ») aux settlement limite son périmètre d’activité (c'est ce ouvré suivant, l’opéra-
tion inverse est réalisée
members affichant des positions encore qu'on appelle une « single purpose bank »). entre CLS et le fournis-
débitrices sur les devises dont l’heure de L’unique fonction de la banque est ainsi seur de liquidité.
clôture est proche 29. d’assurer le règlement des transactions 31 Combined Loss Allocation.
de change. Ses activités sont réglemen- 32 General Loss Allocation.
Si le settlement member ne répond pas tées par le Conseil des gouverneurs de la 33 F e d e r a l R e s e r v e
à cet appel et si la liquidité n’est pas Réserve fédérale  33, appuyée par la Banque Board (FRB).
suffisante pour finaliser les « pay-outs » fédérale de réserve de New York  34. Celle-ci 34 Federal Reserve Bank of
restants, CLS contacte les fournisseurs de est notamment en charge de la supervision New York (FRBNY).

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 151


Chapitre 9 Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement :
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

prudentielle de CLS Bank d’une part et du 4 ci-après) sont soumises pour leur part
secrétariat et de la coordination des travaux aux seuils de la politique de localisation
de l’Oversight Committee (OC) qui assure la de l'Eurosystème.
surveillance coopérative du système CLS,
d’autre part. 3.2. La surveillance coopérative
35 Federal Reserve Board’s
du système CLS Policy Statement on
Sur ce dernier point, CLS, en tant que Payment System.
système, doit répondre aux normes inter- Au regard de sa dimension internatio- 36 Dodd-Frank Wall Street
nationales applicables aux systèmes de nale impliquant de nombreuses devises, Reform and Consumer
Protection Act.
paiement d’importance systémique qui le système CLS fait l’objet d’une surveil-
37 F i n a n c i a l S t a b i l i t y
s’inscrivent dans la politique de la Réserve lance coopérative régie par un accord Ove r s i g h t C o u n c i l .
fédérale en matière de risque au sein des (« the Protocol 39 ») entre les banques Le FSOC a été créé
systèmes de paiement 35. Les Principles centrales, celles du groupe des dix (G10) par la loi DFA et a pour
mission d’identifier les
for Financial Market Infrastructures (PFMI : et les banques centrales dont la devise risques pesant sur la
voir chapitre 18) ont été adoptés aux États- est traitée par CLS  40. La Réserve fédérale stabilité financière des
États-Unis, de répondre
Unis avec le règlement dit « HH » dans assure la coordination de cette surveillance face à des situations de
le cadre de la loi Dodd-Frank (DFA 36). en tant que surveillant principal (« lead risques imminents et
de promouvoir la disci-
Le règlement permet à la Réserve fédérale, overseer »). Le dispositif de coopération pline de marché. Il peut
avec des pouvoirs de surveillance accrus, a pour objectif de permettre aux banques imposer qu’une compa-
de prescrire des normes de gestion des centrales concernées de participer à la gnie financière, nationale
ou étrangère, relève de la
risques plus exigeantes aux infrastructures surveillance du système afin de s’assurer supervision directe de la
de marché et aux systèmes de paiement, de sa sécurité et de son efficacité. C’est Réserve fédérale. Il peut
enfin ordonner la faillite
tels que CLS, qui ont été désignés comme dans ce cadre que les banques centrales ordonnée d’un établisse-
Financial Market Utilities (FMU) d’importance vérifient la conformité de CLS aux normes ment. Il est présidé par
systémique par le Conseil de supervision applicables aux systèmes de paiement et le secrétaire au Trésor
et comprend les repré-
de la stabilité financière (FSOC) 37. aux infrastructures de marché et examinent sentants des différentes
les changements proposés par l’opérateur autorités de régulation
(Réserve fédérale, SEC,
CLS constitue enfin une exemption de la afin d’évaluer les éventuels impacts sur CTFC, OCC, FDIC, etc.).
politique de localisation adoptée par l’Euro- les règles et les conditions du fonction-
38 https://www.ecb.europa.
système dans son cadre de surveillance  38 nement du système, notamment sur son eu/pub/pdf
(cf. chapitre 17). L’Eurosystème a en effet profil de risques. Le comité de surveillance 39 h t t p : / / w w w .
accepté de ne pas appliquer cette politique (« Oversight Committee ») placé sous fe d e r a l r e s e r ve . g ov /
de localisation à CLS qui de par son activité l’égide de la Banque fédérale de réserve de paymentsystems/cls

de règlement des opérations de change New York et auquel participent les banques 40 Les  banques centrales
du groupe des dix G10
règle une part significative des transactions centrales signataires, permet d’assurer
(Allemagne, Belgique,
en euros hors de la zone euro. La raison de cette coopération. Canada, États-Unis,
cette exemption tient au fait que le système France, Italie, Japon,
Pays-Bas, Royaume-Uni,
CLS contribue à la stabilité financière dans Suède et Suisse), et
la mesure où le règlement PvP en monnaie 4. Le règlement sur le marché les autres banques
de banque centrale contribue fortement à des changes aujourd’hui : centrales des devises
traitées dans le système
minimiser le risque de règlement sur les la place de CLS et ses axes (Banque centrale euro-
opérations de change. Cette exemption est de développement péenne, Banque
centrale de Norvège,
néanmoins conditionnée à une association Reser ve Bank of
étroite de l'Eurosystème au dispositif de 4.1. État des modes de règlement Australia, Reserve Bank
of South Africa, Banque
surveillance coopérative de CLS mené par des transactions de change d’Israël, Banque de
la Banque de réserve fédérale de New York. Corée, Banque centrale
Seules les transactions réglées dans CLS Depuis son lancement en 2002, CLS est de Hongrie, Banque
centrale de Suède,
en mode PvP échappent aux seuils de la rapidement devenu un acteur incontour- Autorité Monétaire de
politique de localisation ; les transactions qui nable sur le marché des changes comme Hong Kong (HKMA),
celle de de Singapour
ne sont pas réglées en mode PvP, à l’instar outil pour réduire le risque de règlement. (MAS), et la Banque
des dernières initiatives de CLS (cf. section Toutefois ses débuts ont été difficiles, sa centrale du Mexique).

152 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement : Chapitre 9
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

Encadré n° 6 : Opérations de change réglées par CLS

(en millions d’euros)

1 200 000

1 000 000

800 000

600 000

400 000

200 000

0
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Opérations de change en euros Opérations sur toutes devises
Sources : CLS, BCE.

viabilité financière étant un sujet d’interro- et Levich (2016) présentent des chiffres
gation. Mais CLS a ensuite, d'une certaine sur les différentes méthodes de règlement
manière, bénéficié des conséquences de sur le marché des changes, notamment en
la crise financière de 2007- 2008, cette se fondant sur une enquête réalisée par
dernière ayant accru l’aversion au risque CLS en avril 2013. Sur cette année 2013,
des acteurs de marché, qui a elle-même le système CLS traitait (en valeur) près
favorisé le règlement en mode PvP. Le seuil de 51 % des opérations de change sur le
de 10 000 milliards d’USD d’opérations de marché, voire près de 55 % sur les devises
change réglées quotidiennement dans CLS éligibles au système. Il existe d’autres
a été franchi en mars 2008. En septembre- systèmes de règlement en PvP 41 mais
octobre 2008, malgré de très fortes leur part sur le total du marché des changes
tensions sur le marché avec la faillite de la demeurait très faible. Surtout, la part des
banque américaine Lehman Brothers, CLS transactions de change réglées via d’autres
a fonctionné sans interruption. Le dernier modes de règlement restait encore assez
record en volume date de janvier 2015 significative même sur les devises éligibles
avec plus de 2,2 millions d’opérations à CLS. L’encadré 7 ci‑après montre que le
à régler. règlement brut « non-PvP », donc sujet
au risque de règlement, avec le recours
Malgré une utilisation croissante de traditionnel aux banques correspondantes,
CLS ces dernières années, le risque de représentait encore près de 11 % des
41 
Comme celui de
règlement sur le marché des changes n’a devises éligibles à CLS et près 40 % sur Hong Kong, voir l’en-
pas totalement disparu aujourd’hui. Kos les devises non éligibles. cadré n° 8 ci-après.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 153


Chapitre 9 Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement :
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

Encadré n° 7 : Part de marché (en valeur des transactions) par méthode de règlement (2013)

(en %)
Total marché Devises éligibles à CLS Devises non éligibles
des changes à CLS
Le système CLS 50,8 54,6 –
Autres dispositifs en « PvP » * 0,1 0,0 1,2
Règlement On-Us* 9,2 9,0 12,2
Compensation bilatérale 27,3 25,8 48,3
Règlement brut/Non-PvP 12,5 10,6 38,3
* Cf. encadré ci-après sur les infrastructures de règlement des opérations de change à Hong Kong.
Source : Kos et Levich (2016).

Encadré n° 8 : Les infrastructures de règlement des opérations de change à Hong Kong

Hong Kong dispose de quatre systèmes de paiement RTGS (CHATS  1) : le système HKD CHATS pour le
règlement des transactions en dollars hongkongais (HKD) ; USD CHATS, EUR CHATS et RMB CHATS
pour le règlement des opérations de change respectivement sur le dollar américain, l’euro et le renminbi
chinois. Ces quatre systèmes sont tous reliés entre eux par un dispositif « PvP » appelé « Cross-Currency
Payment Matching Processor » (CCPMP). Il permet de régler les transactions de manière simultanée,
supprimant ainsi le risque de règlement. L’opérateur commun à ces quatre systèmes est une société
privée, Hong Kong Interbank Clearing Ltd (HKICL), détenue conjointement par la banque centrale
locale (Hong Kong Monetary Authority, HKMA) et une association représentant l’industrie bancaire
de Hong Kong, la Hong Kong Association of Banks (HKAB). L’USD CHATS a également construit un
lien en « PvP » avec le système RTGS de Malaisie (RENTAS 2) en novembre 2006 et avec le système
RTGS d’Indonésie (BI-RTGS) en janvier 2010.

Le schéma ci-après décrit le mécanisme PvP en prenant comme exemple le règlement d’une opération
USD/HKD. La banque A vend des HKD à la banque B contre des USD. Les systèmes HKD et USD
CHATS tiennent respectivement dans leurs comptes de règlement les fonds en HKD pour la banque A
et les fonds en USD pour la banque B. Le jour du règlement : i)  la banque A envoie une instruction
de paiement à la banque B via le système HKD CHATS ; ii)  la banque B initie une transaction dite
« miroir » via le système USD CHATS ; iii)  les CCPMP HKD et USD relient les deux instructions ; iv)  si les
deux banques disposent de suffisamment de liquidité dans les devises concernées, les deux systèmes
de paiement transfèrent simultanément les fonds à chaque contrepartie.

1  Clearing House Automated Transfer System.


2  Real Time Electronic Transfer of Funds and Securities.
3  RTGS Liquidity Optimiser (http://www.hkma.gov.hk/gdbook/eng/r/rtgs_liquidity_optimiser.shtml)

…/…

154 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement : Chapitre 9
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

Banque A Banque B

i) ii)

HKD iii) USD


CCPMP CCPMP
iv) iv)

Banque A Banque B

iv) iv)
HKD USD
CHATS CHATS

flux message
flux paiement
Sources : HKMA, BRI (CPMI).

La HKMA a mis en place des dispositifs de gestion des risques pour assurer un bon fonctionne-
ment des systèmes. La gestion de la liquidité est facilitée par des mécanismes d’optimisation 3,
de gestion des paiements en attente, de suivi et de gestion des flux. Les caractéristiques du système
HKD CHATS sont similaires à celles des autres systèmes CHATS à quelques exceptions près :

• l’agent de règlement de HKD CHATS est la HKMA alors que, pour les autres systèmes, ce sont des
banques commerciales qui assurent le règlement des devises ;

• les systèmes USD CHATS et EUR CHATS ont une structure de participation à deux niveaux, les
banques pouvant accéder aux systèmes en tant que participant direct ou indirect après accord de
la HKMA et des agents de règlement ;

• contrairement aux systèmes USD CHATS et EUR CHATS, HKD CHATS ne propose pas de facilités
de crédit intrajournalier à ses participants directs.

Les systèmes RTGS multidevises de Hong Kong


Système Date de Banque Nombre de Moyenne quotidienne Moyenne
RTGS lancement de règlement participants * des transactions quotidienne
(directs/indirects) (en  valeur) * du nombre
de  transactions *
USD CHATS Août 2000 HSBC Ltd 94/219 18,1 milliards d’USD 18 220
EUR CHATS Avril 2003 Standard Chartered 37/18 563,7 millions d’EUR 485
Bank (HK)
RMB CHATS Juin 2007 Bank of China (HK) Ltd 184 395,4 milliards de RMB 6 788
*  Chiffres à fin 2013.
Source : HKMA.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 155


Chapitre 9 Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement :
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

4.2. L’intégration de nouvelles devises nouvelles devises. L’intégration des


dans le système devises dans le système est toutefois un
processus long et complexe, répondant
À sa création, CLS traitait sept devises. à un cahier des charges très précis et
À mi‑2018, le système réglait les opéra- nécessitant un accord officiel de la banque
tions de change sur 18 devises. Le tableau centrale d’émission de la devise consi-
ci-après retrace les différentes dates d’in- dérée et des autorités de régulation et
tégration des devises depuis la création de surveillance de CLS (FRNY, Oversight
de CLS. Committee) 45. L’intégration de nouvelles
devises, notamment celles issues des
Si l’intégration des nouvelles devises est pays émergents, conduira nécessaire-
43 «  Supervisory guidance
une source de croissance externe pour ment à faire évoluer le profil de risque fo r m a n a g i n g r i s k
CLS, elle répond aux souhaits des clients de CLS. Dans ce contexte, sans négliger associated with the
et également des banques centrales et des son programme d’intégration de nouvelles settlement of foreign
e x ch a n g e t r a n s a c -
superviseurs bancaires d’accroître l’utilisa- devises, en 2017, CLS a décidé d’offrir un tions », BIS (BCBS),
tion des mécanismes de PvP sur le marché nouveau service, appelé CLSNet, permet- February 2013.
des changes afin de réduire les risques 43. tant d’effectuer le calcul de soldes nets 44 
B résil, Russie, Inde
En effet, comme on l'a vu plushaut, la moitié bilatéraux, notamment pour des devises et Chine.
des opérations sur le marché des changes non éligibles au système 46. Le service, 45 Voir site internet de
se règlent encore en dehors de CLS. qui devrait être lancé en 2018, n’est pas CLS qui met à dispo-
sition une brochure
Certaines devises connaissent un fort un système de paiement, CLS n’assurant commerciale de son
développement sur le marché des changes, aucun règlement ou transfert d’ordre de programme de devise
https://www.cls-group.
en particulier celles des pays du BRIC 44, paiements, mais il permet de standardiser com/news-insights/
dont le poids dans l’économie mondiale et les traitements opérationnels d’un acteur publications
le commerce international est croissant. à l’autre et donc de réduire les risques 46 Les devises non éligibles
opérationnels, d’améliorer la gestion de la sont celles qui ne
peuvent être réglées en
Dans ce contexte, CLS continue de liquidité intrajournalière et ainsi de diminuer mode PvP via la session
travailler à des projets d’intégration de les coûts des transactions. principale de CLS.

Encadré n° 9 : Dates d’intégration des devises

Devises concernées Date de lancement effectif


Le dollar américain (USD), l’euro (EUR), le yen japonais (JPY), la livre sterling Septembre 2002
(GBP), le franc suisse (CHF), le dollar canadien (CAD) et le dollar australien (AUD)
La couronne danoise (DKK), la couronne norvégienne (NOK), le dollar Septembre 2003
singapourien (SGD) et la couronne suédoise (SEK)
Le dollar hongkongais (HKD), le won sud-coréen (KRW), le dollar néo-zélandais Décembre 2004
(NZD), le rand sud-africain (ZAR)
Le shekel israélien (ILS) et le peso mexicain (MXN) Mai 2008
Le forint hongrois (HUF) Novembre 2015
Source : CLS.

156 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement : Chapitre 9
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

Encadré n° 10 : Montants * des instruments de change réglés par devise et taux de croissance

Moyenne quotidienne (en milliards d’USD) Taux de croissance (en %)


Devise
2004 2007 2010 2013 2016 04/07 07/10 10+/13 13/16
USD 1 114 2 845 3 371 4 662 4 438 155,4 18,5 38,3 - 4,8
EUR 470 1 231 1 551 1 790 1 591 161,9 26,0 15,4 - 11,1
JPY 292 573 754 1 235 1 096 96,2 31,6 63,8 - 11,3
GBP 162 494 512 633 649 204,9 3,6 23,6 2,5
AUD 54 220 301 463 348 307,4 36,8 53,8 - 24,8
CAD 56 143 210 244 260 155,4 46,9 16,2 6,6
CHF 74 227 250 276 243 206,8 10,1 10,4 - 12,0
CNY 0 15 34 120 202 –  126,7 252,9 68,3
SEK 31 90 87 94 112 190,3 - 3,3 8,0 19,1
MXN 10 44 50 135 97 340,0 13,6 170,0 - 28,1
NZD 7 63 63 105 104 800,0 0,0 66,7 - 1,0
SGD 13 39 56 75 91 200,0 43,6 33,9 21,3
HKD 28 90 94 77 88 221,4 4,4 - 18,1 14,3
NOK 18 70 52 77 85 288,9 - 25,7 48,1 10,4
KRW 10 38 60 64 84 280,0 57,9 6,7 31,3
TRY 0 6 29 71 73 –  383,3 144,8 2,8
INR 3 24 38 53 58 700,0 58,3 39,5 9,4
RUB 4 25 36 86 58 525,0 44,0 138,9 - 32,6
BRL 6 13 27 59 51 116,7 107,7 118,5 - 13,6
ZAR 12 30 29 60 49 150,0 - 3,3 106,9 - 18,3
DKK 15 28 23 42 42 86,7 - 17,9 82,6 0,0
PLN 6 25 32 38 35 316,7 28,0 18,8 - 7,9
TWD 3 12 19 24 32 300,0 58,3 26,3 33,3
THB 2 6 8 17 18 200,0 33,3 112,5 5,9
MYR 1 4 11 21 18 300,0 175,0 90,9 - 14,3
HUF 0 9 17 23 15 –  88,9 35,3 - 34,8
CZK 2 7 8 19 14 250,0 14,3 137,5 - 26,3
ILS 1 5 6 10 14 400,0 20,0 66,7 40,0
SAR 1 2 3 5 15 100,0 50,0 66,7 200,0
*  Sur une base nette.
Source : BRI.

47 “Outright Same-Day
trades”, « Near-leg of
4.3. Les sessions à règlement valeur sur la session principale  48. La session SDS S a m e - D ay / N ex t - d ay
Swaps”, « Near-leg of
jour (same-day settlement) sur l’USD/CAD sert de laboratoire pour S a m e - D a y / Fo r w a r d
apprécier la faisabilité d’un tel projet sur Swaps”, « Far-leg of CLS
En septembre 2013, CLS a introduit dans d’autres devises. Néanmoins, une telle In/Out Swaps » ou encore
les « Far-leg of Informal
son système une deuxième session de session est sous de fortes contraintes Liquidity Swaps”.
règlement permettant le règlement en de liquidité ; notamment pour les partici- 48 La  session principale
valeur jour (« same day settlement » ou pants européens, tenus de bloquer une de CLS ne couvre pas
SDS) des opérations de change USD/CAD. partie de la liquidité nécessaire pour la une journée ordinaire
de paiements en raison
Cette deuxième session répond à l’objectif deuxième session alors que cette liquidité des décalages horaires
de couvrir le risque de règlement sur les pourrait être utilisée pour le règlement des et des heures d’ouver-
ture des systèmes RTGS
transactions de change à valeur jour  47, qui paiements dans d’autres systèmes. Enfin, des différentes banques
ne sont pas traitées par le système CLS la session USD/CAD ne rencontre pas le centrales impliquées.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 157


Chapitre 9 Les systèmes fonctionnant selon le mode paiement contre paiement :
le cas particulier de CLS pour le règlement des transactions de change

succès attendu. Dans ce contexte, CLS transactions à soumettre au système 49 Le paiement du coupon
d’intérêt serait exclu de
réfléchit à des solutions alternatives pour et de limiter leurs expositions brutes, l’offre de CLS.
réduire le risque de règlement, telles qu’un réduisant en conséquence leurs exigences
50 Markit (rachetée en 2016
mécanisme de PvP en brut, qui consisterait en matière de risque de défaillance de par IHS) est une société
à effectuer simultanément les règlements la contrepartie et de ratio de levier dans d’informations financières
basée au Royaume-Uni.
de devises contre devises, pour réduire le le cadre des nouvelles règlementations
risque de règlement. Ce règlement s’effec- (EMIR, Bâle 3, DFA). 51 La compression est une
technique de réduction des
tuerait non pas sur la base des positions risques en vertu de laquelle
multilatérales nettes, mais sur le montant Actuellement, les contreparties centrales deux ou davantage de
contreparties mettent fin à
brut à devoir dans chaque devise. (CCP) sont participants indirects (« third des transactions comprises
parties ») dans CLS. Dans le contexte de la dans un portefeuille et la
4.4. Autres services ou projets mise en place de la compensation obliga- remplacent par une ou
plusieurs autres transac-
de services de CLS toire des dérivés de gré à gré standardisés, tions de valeur nominale
sur le marché des changes CLS est en train d’élaborer un service de combinée inférieure à la
valeur nominale des tran-
règlement en mode PvP dédié 54 aux CCP sactions d’origine.
Depuis novembre 2015, CLS a élargi son pour la compensation de certains produits de
52 13 % en valeurs traitées sur
panier d’instruments FX (Foreign exchange change 55 non exemptés  56 (c’est-à-dire OTC le marché des changes, soit
market) réglés par le système en mode PvP FX options). Les CCP bénéficieraient ainsi une croissance de 43 %
entre 2010 et 2013 (BRI).
en intégrant les « Cross-Currency Swaps » de l’effet de compensation du système CLS
(CCS) dont le développement sur le marché et cela réduirait de fait leurs expositions au 53 TriOptima AB est une
société suédoise spécia-
est très marqué depuis 2010. Un CCS est risque de liquidité en cas de défaillance d’un lisée en gestion des
une combinaison d’un swap de change de leurs membres compensateurs. Leurs risques et en infrastruc-
tures post-marché, filiale
(FX swap) et d’un swap de taux d’intérêt. transactions seraient également réglées du groupe ICAP.
CLS se charge uniquement du règlement en monnaie de banque centrale dans la
54 Le service sera totalement
du principal du contrat 49, les instructions mesure où CLS accède pour chaque devise séparé du service classique
de paiement étant préalablement fournies concernée aux RTGS locaux. Le service utilisé par les banques.
et confirmées par Markit 50. fonctionnerait sur un mode de règlement 55 Options de change listées
de « tout ou rien » pour limiter les risques ou de gré-à-gré, FX futures,
cross-currency swaps, etc.
Dans le même temps, CLS offre un service liés à des règlements partiels ou incomplets.
56 Plusieurs juridictions (ex :
de compression 51 des instructions des États-Unis, Australie,
« FX forwards 52 » (cf. chapitre 5) en colla- Le projet est conduit en collaboration avec la Singapour et Japon)
boration avec TriOptima  53. En réponse CCP britannique LCH Ltd et la CCP allemande ont décidé d’exempter
les dérivés tels que les
à un fort besoin du marché, ce service Eurex Clearing AG. Le lancement effectif de FX swaps et FX forwards
permet aux settlement members de ce nouveau service est prévu en 2018, après de la compensation obli-
gatoire par contrepartie
diminuer sensiblement le nombre de accord des autorités concernées. centrale, considérant que
le risque de règlement de
ces produits est le plus
important en comparaison
du risque de crédit et de
remplacement. Ces instru-
ments ont généralement
une maturité assez courte
(inférieure à un an) et repré-
sentent près de 50 % des
valeurs traitées sur le
marché des changes.

158 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


CHAPITRE 10

Les systèmes de paiement
de détail
Mis à jour le 17 décembre 2018
Chapitre 10 Les systèmes de paiement de détail


L
es systèmes de paiement de détail 1. Présentation et enjeux
jouent un rôle essentiel dans la sphère des systèmes de paiement
économique, dans la mesure où ils de détail
règlent les opérations pour la clientèle parti­
culière et les entreprises ; ils se caractérisent Les systèmes de paiement de détail
par le traitement d’opérations de montant peu assurent l’exécution des ordres de paiement
élevé, mais présentant un volume important. dits de masse (virements, prélèvements,
Le paysage européen de ces systèmes a chèques, cartes, etc.). Par opposition aux
fortement évolué dans la dernière décennie, systèmes de paiement de montants élevés,
avec la mise en œuvre des virements et ils se caractérisent par des opérations géné­
des prélèvements au format européen ralement non urgentes, représentant des
(SEPA), mais reste relativement fragmenté. volumes importants mais de relativement
Ce paysage connaît de nouvelles évolutions, faible montant, les ordres résultant pour
avec l’arrivée des paiements instantanés. l’essentiel d’échanges entre la clientèle
La première partie de ce chapitre présente particulière et les entreprises au sens
les enjeux et l’historique des systèmes de large. Ces systèmes assurent souvent des
paiement de détail, le fonctionnement de fonctions de compensation qui permettent
ces systèmes et les évolutions passées et en de réduire le nombre de règlements inter­
cours. La deuxième partie examine le paysage bancaires à réaliser. Le plus souvent, il
des systèmes de paiement en Europe. s’agit d’une compensation multi­latérale,
La troisième partie est consacrée aux risques dans laquelle le système calcule pour
financiers dans les systèmes de paiement de chaque participant le solde net à payer
détail. Enfin, la quatrième et dernière partie ou à recevoir au titre de l’ensemble de
effectue un focus sur le cadre de surveil­ ses opérations traitées dans le système
lance mis en place par l’Eurosystème pour pour la période considérée (généralement
les systèmes de paiement de détail. la journée).

Encadré n° 1 : La compensation des ordres de paiement : un exemple

Sans compensation Avec compensation multilatérale

100

Banque Banque Banque Banque


A B A B

60
30 50

10 100 Système de compensation

20
20 90

Banque Banque
C C

6 règlements effectués, pour 380 euros. 3 règlements effectués, pour 100 euros.

160 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de détail Chapitre 10


Encadré n° 2 : L’histoire du système de paiement français de détail

En France, la première chambre de compensation des échanges des moyens de paiement date de 1872 et
concerne les chèques, avec la création de la chambre de compensation des banquiers de Paris, qui fut déve‑
loppée avec le concours de la Banque de France. Elle avait pour objet de supprimer les multiples opérations
résultant de la présentation, en vue du règlement, des instruments de paiement de l’époque, notamment les
lettres de change et les chèques. Cette chambre de compensation permettait l’échange physique, entre les
banquiers, de ces instruments papier, en vue du règlement entre eux des soldes nets issus de ces échanges.

Un siècle plus tard, confrontées à la réalité des paiements électroniques et auto­matisés, la compensa‑
tion manuelle cohabite avec des traitements auto­matisés des opérations de compensation effectués
au sein de systèmes dédiés, qui prennent progressivement le relai. Ainsi, dans la décennie 1980, le
traitement des moyens de paiement de détail est assuré par :

• 104 chambres de compensation « traditionnelles » pour les échanges sur support papier, la plupart
de ces échanges étant effectués dans les locaux de la Banque de France ;

• 9 ordinateurs de compensation pour l’échange des opérations sur support magnétique ;

• 9 centres régionaux d’échanges d’images‑chèques, pour le recouvrement sous forme d’images‑chèques


des chèques de petit montant.

En 1983, les banques françaises décident de rationaliser cette organisation en lançant un projet
de réalisation d’un système unique et auto­matisé d’échanges, le Système inter­bancaire de télé­
compensation (SIT). Celui‑ci devient opérationnel en 1992 et remplace progressivement les ordinateurs
de compensation, la substitution étant achevée en 1994. Le SIT est géré par le GSIT (Groupement pour
un système inter­bancaire de télé­compensation) qui est un GIE (Groupement d’intérêts économiques)
regroupant les principales banques françaises et la Banque de France. Le SIT repose sur un réseau
de centres de traitement, mis en relation de manière bilatérale via un réseau privé. Le système est à
l’époque extrêmement sophistiqué, dans la mesure où il est le premier au monde à proposer un traite‑
ment des paiements de bout en bout (acquisition, compensation, règlement et restitution comptable).

Dans le prolongement de la migration initiale comprenant les moyens de paiement dématérialisés


(virements, prélèvements, etc.), les opérations cartes bancaires (1995‑1996) puis les chèques (2001‑2002)
migrent progressivement vers le SIT. La compensation auto­matisée des chèques a nécessité au
préalable la mise en place d’un procédé de traitement n’entraînant pas de coûts de gestion supplé‑
mentaires et permettant d’accélérer le traitement du chèque. Le passage à l’image‑chèque  1 a permis
de répondre à cet objectif. Le corpus juridique de l’image‑chèque est constitué de plusieurs textes,
dont la loi du 13 mars 2000, qui reconnaissent une valeur juridique à l’écrit sous forme électronique.

En juillet 2002, l’ensemble des échanges inter­bancaires est auto­matisé par l’inter­médiaire du SIT.
Les volumes échangés en septembre 2002 s’élèvent alors à plus de 45 millions d’opérations en
moyenne par jour ouvré, pour une valeur moyenne de 18 milliards d’euros.

En 2004, dans la perspective de SEPA  2, six banques françaises (BNP, Caisses d’épargne, Crédit Agricole,
Crédit Mutuel, Banques Populaires, Société Générale) décident de créer une société privée, chargée
de construire et gérer une plateforme de compensation de référence pour le traitement des paiements
de masse en Europe. La société STET (Systèmes Technologiques d’Échanges et de Traitement) est
créée et devient l’opérateur du système de paiements de détail CORE(FR). CORE(FR) se substitue
progressivement au SIT, dont l’arrêt est effectif en octobre 2008.
…/…

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 161


Chapitre 10 Les systèmes de paiement de détail


Au rythme des évolutions technologiques et de la modernisation des plateformes le choix de la


compensation multi­latérale centralisée a donc été constamment reconduit. En parallèle, l’opérateur
français STET SA a adapté son offre de services pour traiter les instruments SEPA et les paiements
instantanés.

En France, il existe actuellement deux systèmes de paiement exploités par STET SA, CORE(FR) et
SEPA(EU) Chacun de ces systèmes répond à des besoins bien différenciés, le premier est un système
de paiement à vocation nationale, tandis que le second a un objectif paneuropéen.

CORE(FR) : un système dédié de paiement domestique

Le projet se concrétise en 2008 avec la migration des opérations précédemment compensées dans
le SIT vers le système CORE(FR). Le nouveau système propose une compensation multi­latérale unique
pour tous les moyens de paiement. L’échange des opérations se fait en continu avec un seul cycle de
compensation. Un mécanisme de sécurisation financière, composé d’un fonds de garanti­e commun
et d’appels en garanti­e individuelle, améliore la certitude du règlement qui inter­vient quotidienne‑
ment dans TARGET2. Les participants directs sont reliés au système grâce à un réseau privé sécurisé.
La résilience opérationnelle est assurée par l’exploitation de deux sites de production. STET opère en
propre la plateforme technique ainsi que le réseau sécurisé d’envoi de messages.

Le système CORE(FR) regroupe 10 participants directs – rassemblant les banques actionnaires ainsi que
HSBC France, la Caisse des Dépôts et Consignations, Crédit Mutuel‑Arkéa et la Banque de France – et
compte 177 participants indirects au 31 décembre 2016.

Avec plus de 50 millions d’opérations traitées quotidiennement pour une valeur de plus de 20 milliards
d’euros, CORE(FR) reste en 2017 le premier système de paiement de détail européen en volume
(12,5 milliards d’opérations), et le deuxième en valeur (pour 4 800 milliards d’euros d’opérations compen‑
sées), derrière le système STEP2‑T de l’Association Bancaire pour l’euro (EBA Clearing : voir ci‑après).

SEPA(EU) : le développement d’une offre européenne

Outre le système de paiement français CORE(FR), la plateforme technique développée par STET


accueille également le système de paiement de la communauté bancaire belge CEC (Centre d’Échange
et de Compensation). En effet, la plateforme CORE a été développée pour répondre aux besoins
spécifiques d’autres communautés d’échange tout en bénéficiant des économies d’échelle offertes
par une plateforme partagée.

En complément à cette stratégie de développement, STET a créé un système de paiement à l’ambition


paneuropéenne, afin de diversifier ses sources de revenu et de proposer une alternative aux services
offerts par les systèmes de paiements paneuropéens concurrents. SEPA(EU) est opérationnel depuis
le 21 novembre 2016 avec la migration des prélèvements SEPA de la communauté française. Le système
doit accueillir en 2019 les virements SEPA actuellement compensés dans CORE(FR) et s’ouvrir à des
participants non français. STET développe également un service dédié aux virements instantanés dans
SEPA(EU) qui devrait être opérationnel fin 2018. En 2017, SEPA(EU) a traité entre 196 et 229 millions
d’opérations par mois, les valeurs mensuelles traitées oscillant entre 74 et 106 milliards d’euros environ.

1 L’image‑chèque est créée à partir de la remise physique d’un chèque par un client au guichet d’une banque. Le chèque fait l’objet d’une numérisation.
Le banquier du client bénéficiaire transmet informatiquement l’image chèque, comprenant la ligne magnétique et le montant du chèque, pour compen­
sation, dans le système de paiement.
2 Cf. section 1.2.

162 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de détail Chapitre 10


La compensation des paiements est et/ou urgents, les systèmes de paiement


d’ailleurs une technique ancienne de détail procèdent généralement au
(voir encadré n° 2). À l’origine, les ordres de règlement net différé (ou DNS « Deferred
paiement étaient échangés et compensés Net Settlement » en anglais) des opéra­
manuellement dans des « chambres de tions introduites par les participants dans le
compensation ». La compensation était système au cours du cycle de paiements.
physique à l’époque où les moyens de
paiement papier constituaient la norme. Les systèmes de paiements de détail
Ces dispositifs ont ensuite été progres­ inter­bancaires sont des canaux privilé­
sivement remplacés par des systèmes giés pour l’échange et la compensation
auto­matisés dans les années 1970, prélude des paiements : en France, ils concen­
au développement des systèmes de traient en 2015 74 % des paiements en
paiement, favorisés par la dématérialisation volume, contre 16 % pour les échanges
des moyens de paiement, les progrès de l’in­ intra­bancaires (au sein d’un même établisse­
formatique et les innovations technologiques. ment), 9 % pour les échanges intra­groupes
(au sein d’un même groupe bancaire) et 1 %
Le paysage des systèmes de paiement pour les trans­actions inter­bancaires hors
continue d’évoluer au gré des changements systèmes de paiements (correspondent
technologiques et de l’essor de nouveaux banking) (cf. chapitre 6). La répartition en
moyens de paiement. Plus largement, la valeur des échanges avec et sans compen­
création de l’espace de paiement unique sation multi­latérale est illustrée dans le
européen (SEPA) est venue bouleverser l’or­ graphique n° 1 1.
ganisation des systèmes de paiement auto­ur
des communautés bancaires nationales, Un système de paiement de détail rassemble
avec l’émergence d’acteurs paneuropéens et des participants directs et indirects :
le développement de liens d’inter­opérabilité.
• un participant direct échange directe­
1.1. Le fonctionnement des systèmes ment ses opérations avec les autres
de paiement de détail participants ;

À la différence des systèmes à règlement • un participant indirect fait passer ses 1 h
 ttps://www.banque-
france.fr/sites/default/
brut en temps réel (RTGS) qui ont vocation opérations par l’inter­médiaire d’un parti­ files/media/2016/10/06/
à traiter des paiements de montants élevés cipant direct. cmp_2016_fr.pdf

G1 : Répartition système/hors système de paiement en valeur,


par instrument de paiement en 2016
(en %)

Total 37 29 21 4 9

Virement 43 22 23 3 10

Retrait carte 36 58 5 <1

Prélèvement 76 12 11 <2

Paiement carte 84 7 9 <1

LCR et BOR 77 9 14 <1

Chèque 78 13 9 <2

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Systèmes de gros montants Transactions intrabancaires Hors système


Systèmes de paiement de masse Transactions intragroupes
Source : Banque de France.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 163


Chapitre 10 Les systèmes de paiement de détail


Dans l’Union européenne, les participants opération n’est acceptée par le système,


directs à un système sont responsables soit les opérations continuent d’être
vis‑à‑vis de l’agent de règlement (ou de envoyées mais ne sont éligibles qu’au
tous les autres participants) de l’exécution cycle suivant de compensation (le jour
de leurs propres paiements, de ceux de même ou à J+ 1) ;
leurs clients et de ceux de leurs participants
indirects. Les systèmes de paiement sont ii) le système calcule les soldes multi­
notifiés à la Commission européenne lors latéraux de chacun des participants, et
de leur création comme systèmes soumis les communique aux participants en
au régime de la directive 98/26/CE relative leur laissant une période de validation,
à la finalité des paiements. La directive qui leur permet de vérifier le solde à
« Finalité » définit un système de paiement régler (ou à recevoir) et de formuler des
comme un accord formel, conclu entre au contestations le cas échéant ;
moins trois participants (essentiellement
des établissements de crédit/prestataires iii) à l’issue de cette étape, les participants
en services d’investissement) auxquels dont le solde net est négatif sont appelés
peuvent s’ajouter un éventuel organe de à alimenter leur compte de règlement
règlement (pour la comptabilisation finale afin que le système puisse procéder
des dits règlements), une éventuelle contre­ au règlement des opérations. C’est la
partie centrale ou une éventuelle chambre période d’information, avec la consti­
de compensation, comportant des règles tution des instructions de règlement
communes et des procédures normalisées dans TARGET2 ;
pour l’exécution d’instructions de règlement/
livraison entre participants. La directive iv) la période de règlement des soldes
« Finalité » a été modifiée le 6 mai 2009 dans TARGET2 commence alors.
par la directive 2009/44/CE afin d’étendre Une fois le règlement effectué, l’opéra­
son champ d’application et d’améliorer la teur restitue les informations comptables
protection dans un contexte de développe­ aux participants.
ment des liens entre systèmes de paiement
et de règlement livraison. La protection des L’encadré 3 présente le processus du cycle
opérations en cas de faillite est également de règlement dans le système de paiement
étendue pour couvrir désormais non de détail domestique français CORE(FR),
seulement les ordres de paiement échangés opéré par la société STET SA, sur une
entre les participants à un même système, journée de paiement.
mais également les ordres de paiement
échangés de système à système. Dans CORE(FR), après l’heure limite de vali­
dation des soldes de compensation (14h30) 2 Au sein de la zone euro,
Un cycle de paiement est défini selon les par les participants directs, une période en application du règle­
ment (UE) n° 795/2014
règles propres du système. Une journée de d’information s’ouvre à 14h45, pendant modifié, le PFMI 9 relatif
paiement d’un système peut ainsi présenter laquelle sont trans­férées à l’agent de au règlement en monnaie
de banque centrale est
un cycle de règlement unique ou plusieurs règlement (TARGET2) les instructions liées applicable aux systèmes
cycles de règlement. Un cycle de règlement au règlement des soldes de compensation d e p a i e m e n t d ’ i m­
se compose généralement de plusieurs et de restitution des garanti­es individuelles portance systémique
(SIPS), et aux systèmes
étapes (l’exemple suivant est celui du recouvrées. La période de règlement de paiement de détail
système de paiement de détail CORE(FR)) : dans TARGET2 inter­vient de 15h05 à 15h15. présentant une grande
importance (PIRPS).
Les autres systèmes
i) il débute par une période d’ouver- Les systèmes de paiement doivent assurer de paiement de détail
ture du système, durant laquelle les la finalité des paiements – rendant ceux‑ci (ORPS) n’ont pas l’obli­
gation d’effectuer le
participants introduisent leurs opéra­ irrévocables et inconditionnels – au plus règlement en monnaie
tions dans le système. À la fin de cette tard lors du règlement. Le règlement de banque centrale (pour
plus de détail sur ces
période (également appelée cut‑off), soit des positions nettes inter­vient générale­ notions, voir section 4.2
le système est fermé et plus aucune ment en monnaie de banque centrale 2, du présent chapitre).

164 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de détail Chapitre 10


Encadré n° 3 : Déroulement d’une journée de paiement dans le système CORE(FR)


avec un cycle de paiement unique

Jour J-1 Jour J

13:30 J-1 00:00 12:00 13:30 14:00 14:30 14:45 15:05 15:15

maintenance
Période de

Période
d’ouverture du Période de Période Période de
système validation d’information règlement

Heure de fin Notification par STET


Début du 1er appel des de cycle Heure limite Instructions de du règlement des soldes
cycle de garanties (cut-off) des participants règlement des dans TARGET2
paiement individuelles (GI) pour valider soldes adressées
2e appel leurs soldes à TARGET2
des GI (T2-BdF)

Paiements éligibles Paiements éligibles Paiements éligibles


pour un règlement pour un règlement pour un règlement
le jour J le jour même le jour J+1
Source : STET SA, Banque de France.

c’est‑à‑dire dans les livres de la banque des conditions strictes de gestion et de


centrale comme c’est le cas pour le système contrôle des risques inhérentes à ce type
français CORE(FR), les soldes nets des de règlement.
participants étant réglés dans TARGET2.
Le règlement en monnaie de banque 1.2. L’impact du SEPA sur les
centrale est fortement préconisé car il systèmes de paiement de détail
permet d’éliminer le risque de règlement
associé à une défaillance de la banque de Comme on l’a vu au chapitre 2, l’espace
règlement (cf. chapitre 17). Ainsi, au sein unique de paiement en euros (SEPA), a été
3 BRI, Payment, clear-
de la zone euro, et à l’instar des systèmes mis en place par un ensemble de grandes ing, and settlement
français CORE(FR) et SEPA(EU), la plupart banques constituant l’EPC (European system in the euro area,
des systèmes de paiement de détail Payment Council ou Conseil Européen des CPSS, Red Book, 2012 :
h ttps://www.bis.org/
règlent les positions de leurs participants Paiements), avec le soutien de la BCE et de cpmi/publ/d105.htm
dans TARGET2 3 (cf. chapitre 7). la Commission européenne. Le projet, initié 4  L ’ E s p a c e SEPA
en 2002, visait à harmoniser les moyens est constitué des
Il est envisageable que dans un système de paiement en euro au sein des 34 pays 28 États-membres de
l’Union européenne,
de ce type, le règlement puisse néanmoins de l’espace SEPA 4 afin qu’un paiement de l’Islande, de
inter­venir en monnaie dite commerciale trans­frontière en euro soit traité avec la la Norvège, de la Suisse,
du Liechtenstein,
(cf. section 3 du chapitre 1), dans les même rapidité, la même sécurité et dans de Monaco et
livres d’un établissement de crédit, sous les mêmes conditions qu’un paiement de Saint‑Marin.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 165


Chapitre 10 Les systèmes de paiement de détail


domestique. Le SEPA complète ainsi à une série de questions auxquelles les


l’instauration de l’euro en tant que devise opérateurs de système de paiement sont
de 18 pays européens. La première étape invités à répondre afin d’évaluer leur niveau
de mise en place du SEPA a été le lancement de conformité. Il s’agit notamment :
du virement européen (SEPA Credit Trans­fer
ou SCT), inter­venu le 28 janvier 2008. • d’avoir les capacités techniques et opéra­
Suite à l’adoption du règlement SEPA 5 tionnelles pour traiter les paiements
(UE) 260/2012 dit règlement « end‑date » conformément aux standards édictés
qui fixait une date‑butoir pour l’abandon par l’EPC ;
des virements et prélèvements nationaux,
la migration au virement SEPA (SCT) et • d’être pleinement inter­opérable avec
au prélèvement SEPA (SEPA Direct les autres systèmes au moyen de liens
Debit ou SDD) est devenue effective directs ou indirects ;
le 1er août 2014. Le remplacement des
moyens de paiement domestiques par des • d’offrir aux participants l’accès à toute
moyens de paiement européens modifie contrepartie se conformant aux règles
le paysage des systèmes de paiement, en du SEPA ;
créant les conditions d’une concurrence
pour le marché des paiements de détail à • d’assurer la liberté de choix des presta­
l’échelle européenne. Cette évolution s’est taires de services de paiement, fondée
donc accompagnée d’exigences spécifiques sur la qualité et le coût des solutions de
pour les systèmes de paiement. compensation‑règlement.

1.2.1. Les exigences SEPA applicables 1.2.2. Le paysage européen


aux systèmes de paiement des systèmes de paiement
à la suite de la migration SEPA
Les obligations des systèmes de paiement
dans le cadre du SEPA sont inscrites dans Quatre ans après la migration aux virements
ce même règlement (UE) 260/2012. Celui‑ci et des prélèvements SEPA, le paysage
prévoit que les opérateurs s’assurent que européen des systèmes de paiement permet
leur système de paiement soit techni­ une plus grande intégration du traitement
quement inter­opérable  6 avec les autres des opérations SEPA : le vecteur en a été
systèmes opérant dans l’Union européenne le recours accru par les banques et autres
et qu’aucune règle non justifiée par des prestataires de services de paiements au
considérations de sécurité ne restreigne système paneuropéen STEP2‑T, exploité par
l’inter­opérabilité. La Banque de France est EBA Clearing. À la faveur de la migration des
l’auto­rité compétente pour s’assurer du virements et des prélèvements à la norme
5 h
 ttp://eur-lex.europa .eu/
respect de cette exigence par les opéra­ SEPA, le système STEP2‑T, créé en 2003, LexUriServ/ LexUriServ.
teurs de systèmes de paiement établis est en effet devenu le premier système do?uri=OJ:L:2012:094
en France, à savoir STET SA, pour les de paiement de détail de la zone euro en :0022: 0037:fr:PDF

systèmes CORE(FR)  7 et SEPA.EU, et EBA valeur. Outre le marché des paiements 6 
Deux systèmes de
paiement sont interopé­
Clearing SAS, pour le système STEP2‑T. trans­frontières, STEP2‑T a également rables si les instruments
augmenté sa part de marché face aux de paiement relevant
Dans son rôle de catalyseur, l’Eurosystème systèmes domestiques pour les paiements d’un système peuvent
être utilisés par l’autre.
a publié en 2013 les termes de référence SEPA échangés au niveau national. L’interopérabilité exige
SEPA pour les systèmes de paiement une compatibilité tech­
nique mais elle nécessite
de détail. Ils reprennent et complètent En dépit de cette évolution, le marché également un accord
les exigences du règlement 260/2012 demeure encore fragmenté, avec de commercial entre les
systèmes concernés.
où quatre critères définissent la vision multi­p les systèmes domestiques qui
de long terme de l’Eurosystème pour coexistent avec des systèmes paneu­ 7 Tant que ce dernier trai­
tera des opérations
la compensation et le règlement des ropéens. Dans cette configuration, les SEPA (cf. encadré de
paiements SEPA. Chaque critère renvoie banques restent le plus souvent obligées la section 1).

166 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de détail Chapitre 10


de participer à plusieurs systèmes et ce secondes après que le donneur d’ordre


afin d’être accessible  8 par n’importe quelle a informé sa banque de son intention de
autre contrepartie traitant de moyens de payer. Ces paiements instantanés, qui
paiement SEPA. permettent une réutilisation immédiate
des fonds crédités, existent déjà au niveau
L’attention accordée par les régulateurs aux national dans plusieurs pays, notamment
liens d’inter­opérabilités entre systèmes européens 10. La première solution trans­
contra­ste avec la modestie des réalisa­ frontalière est le système RT1, exploité
tions concrètes. Les volumes faibles des par EBA Clearing, dont le lancement est
opérations trans­frontières, couplés à des inter­venu en novembre 2017. RT1 comptait,
difficultés techniques et juridiques pour à fin juin 2018, vingt‑deux participants et
mettre en place des liens, ont freiné les traitait en moyenne plus de 10 000 trans­
initiatives. À ce jour, seuls 25 liens d’inter­ actions par jour.
opérabilité sont exploités pour 37 systèmes
de paiement de détail actifs en zone euro L’ERPB, ayant chargé l’EPC de mettre au
(voir ci‑après encadré 5). point rapidement un « scheme » (ensemble
de règles et de standards d’utilisation) pour
1.3. Le lancement des paiements le paiement instantané européen, celui-ci
instantanés en zone euro s’est appuyé sur le virement (SCT) pour déve­
lopper un scheme de paiement instantané
Après la migration SEPA, l’Eurosystème a sous forme de virement, appelé SCTInst.
souhaité poursuivre le développement d’un Un projet de Scheme a été soumis par l’EPC
marché des paiements de détail en euros à l’ERPB dès novembre 2015. Il décrit le
davantage intégré. Dans ce contexte, l’Euro processus de trans­action d’un SCTInst et
Retail Payments Board (ERPB) mis en place précise les obligations de contrôle et d’infor­
en décembre 2013 pour remplacer le SEPA mation des participants et des prestataires
Council et présidé par la BCE, poursuit l’ob­ de services de paiements (PSP). L’adoption
jectif d’identifier les différents leviers pour de ce scheme se fait sur la base du volonta­
favoriser un marché plus intégré. Face aux riat. Plusieurs opérateurs se sont appuyés
avancées technologiques et à l’évolution des sur le SCTInst pour élaborer des solutions
attentes des consommateurs, notamment à de paiement instantané : c’est notamment
travers le développement du e‑commerce, le cas d’EBA Clearing avec son dispositif
les paiements instantanés ont été identifiés RT1, et de STET, opérateur du système
comme un vecteur puissant d’intégration. CORE(FR), avec son nouveau système
nommé SEPA(EU), ouvert aux différentes
En 2014, l’ERPB a donné une première communautés bancaires européennes, et
définition de la notion de paiement instan­ qui traitera les virements instantanés dès 8 Une banque est dite
tané : il s’agit d’une « solution de paiement fin 2018. accessible si elle a la
capacité opération­
électronique disponible 24/7/365 9 , nelle de recevoir des
résultant d’une compensation inter­ Le s  p a i e m e n t s i n s t a n t a n é s vo n t paiements SEPA par
l’intermédiaire d’un ou
bancaire immédiate ou quasi immédiate obliger les opérateurs de systèmes de de plusieurs systèmes
de l’opération et du crédit du compte du paiement à revoir, parfois profondé­ de paiement. De fait, la
bénéficiaire avec une demande de confir- ment, leurs infra­structures techniques banque est participante
directe ou indirecte à ces
mation au payeur ». Par comparaison, les d’autant que l’Eurosystème a formulé systèmes de paiement.
paiements effectués avec le virement des attentes particulières notamment 9 24 heures sur 24, 7 jours
ou le prélèvement SEPA « classiques » en termes de politique d’accès, d’inter­ sur 7 et 365 jours par an.
(SCT et SDD) ou par carte ne sont réglés, opérabilité et de réduction du risque 11. 10 
O n peut citer Swish
c’est‑à‑dire effectivement crédités sur le en Suède, MobilePay
au Danemark, ou encore
compte du bénéficiaire qu’à J+ 1 après la Le paiement instantané devient ainsi un Faster Payments Service
trans­mission de l’ordre. Avec les paiements enjeu paneuropéen. Dans ce contexte, (FPS) au Royaume-Uni, etc.
instantanés, le règlement sur le compte l’Eurosystème souhaite que la zone euro 11 https://www.ecb.europa.
du bénéficiaire s’effectue en quelques utilise cette opportunité pour favoriser eu/paym/retpaym

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 167


Chapitre 10 Les systèmes de paiement de détail


Encadré n° 4 : Liste des systèmes de paiement dans l’Eurosystème à fin 2016

Pays SIPS (4) LVPS non SIPS (1) PIRPS (9) ORPS (23)
Paneuropéen TARGET2
Paneuropéen EURO1
Paneuropéen STEP2-T
Allemagne RPS (EMZ)
Allemagne STEP2-CC
Autriche Clearing Service Austria Clearing
Service International
Belgique CEC
Chypre Cyprus Clearing House
Chypre JCC Payment Card JCC SDD
System
Espagne SNCE
Estonie Local clearing system
for card payments
Finlande POPS
France CORE(FR) SEPA.EU
Grèce Dias ACO
Irlande IPCC
Italie CSM Banca d’Italia
Italie ICBPI-BICOMP
Italie ICCREA-BICOMP
Italie SIA-BICOMP
Lettonie Electronic Clearing
System EKS
Lettonie Local clearing system for
card payments
Lituanie SEPA-MMS
Malte Malta Clearing House
Pays-Bas Equens CSM
Portugal SICOI
Slovaquie SIPS (Slovak Interbank First Data Slovakia
Payment Systems)
Slovénie SIMP-PS Multilateralni kliring Activa
Slovénie Plačilni sistem Moneta
Slovénie Poravnava bankomatov
Slovénie Poravnava kartic
Slovénie Poravnava Multilateralnega
kliringa MasterCard

l’intégration du marché des paiements. deux de ses participants, en s’appuyant


De ce fait, la BCE a également décidé sur la procédure ASI6 RT (Real‑time) pour
de lancer une solution de règlement des leur règlement dans TARGET2 (cf. section 6
paiements instantanés avec la création du chapitre 7 pour davantage de précisions),
de TIPS (TARGET Instant Payment créant ainsi un effacement des frontières
Settlement). TIPS traite directement les entre systèmes de paiements de détail et
paiements instantanés inter­venant entre systèmes de paiement de montants élevés.

168 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de détail Chapitre 10


Avec cette solution, et en étroite collabora­ élevé (« LVPS non SIPS »), neuf PIRPS,
tion avec l’industrie bancaire, l’Eurosystème et vingt‑trois ORPS, PIRPS et ORPS étant
veut s’assurer que la demande de paiements tous des systèmes de paiement de détail
instantanés sera satisfaite au niveau (pour une présentation des notions de
européen. Le service TIPS a démarré en SIPS, PIRPS et ORPS, voir section 4.2.
novembre 2018. ci‑après). La liste des systèmes de
paiement dans l’Eurosystème est actua­
lisée annuellement et publiée sur le site
2. Les principaux systèmes inter­net de la BCE 13.
de paiement de détail
en Europe Pour autant, les flux sont concentrés 12 R apport SDW, statis­
tiques de paiements,
dans un nombre limité de systèmes de septembre 2016, BCE.
Il existe une grande diversité de systèmes paiement de détail. Ainsi, en Europe, 13  S I P S ( Sys t e m i c a l l y
de paiement de détail au sein de la les trois premiers systèmes en valeur, Import ant Payment
zone euro, avec trente‑sept systèmes à savoir STEP2‑T, BACS (Royaume‑Uni) System), PIRPS
(Prominently Important
de paiement recensés à fin 2016 12 , et CORE(FR), concentrent près de 72 % retail Payment
dont quatre SIPS, parmi lesquels des valeurs compensées et cette propor­ System) et ORPS
(Other Retail Payment
deux systèmes de paiement de détail, tion s’élève à 83 % en considérant les System) : https://www.
un système de paiement de montant cinq premiers. ecb.europa.eu/paym

Encadré n° 5 : Exemples de systèmes de paiement de détail


dans quelques pays européens, hors France

À l’échelon Paneuropéen en zone euro : l’opérateur EBA Clearing, domicilié en France, exploite le
système de paiement de détail STEP2‑T dédié aux opérations SEPA. Le système a été lancé en 2003
et son activité s’est sensiblement développée avec la migration SEPA 1. Il est devenu depuis 2013 le
premier système de paiement de détail européen en valeur avec 13 169 milliards d’euros en 2016, loin
devant le système domestique français CORE(FR) (5 513 milliards d’euros).

Évolution des valeurs traitées par les systèmes STEP2-T et CORE(FR)


(valeurs annuelles, en milliards d’euros)
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
STEP2-T 2 385 2 984 3 511 4 748 11 072 12 217 13 169
CORE(FR) 5 119 5 373 5 405 5 376 5 373 5 540 5 513
Source : BCE, annexe 3 du rapport de surveillance 2017 : https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/eurosystemoversightreport2016.
en.pdf?2ae0c243b5cab226b6d21c0115dbf609

Le système propose différents services de règlement selon la nature de l’instrument de paiement


SEPA : STEP2‑T SCT pour les virements SEPA, STEP2 SDD (prélèvements SEPA) et SDD B2B (prélè‑
vements SEPA interentreprises). À fin décembre 2015, ces services avaient respectivement 131, 98 et
85 participants directs. STEP2-T est un système avec de multiples cycles de paiements. Le service des
SCT est découpé en 5 cycles dans la journée et deux autres cycles optionnels pendant la nuit. Les parti‑
cipants sont libres d’adresser leurs paiements pour règlement sur ces 5 cycles mais ils doivent être
prêts à régler les paiements reçus à chaque cycle. Le service des SDD règle sur deux cycles séparés
(entre 12:00 et 12:45 pour les SDD Core et 13:00 et 13:45 pour les SDD B2B). STEP2-T fonctionne
comme la plupart des systèmes de paiement de détail selon un modèle de règlement net différé où les

1 Plusieurs communautés bancaires européennes, notamment la communauté allemande et la communauté italienne, ont décidé d’orienter leur flux de
paiements SEPA vers STEP2‑T.
…/…

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 169


Chapitre 10 Les systèmes de paiement de détail


banques participantes règlent leurs obligations en payant leur solde net multilatéral dans TARGET2.
L’opérateur communique à ses participants leurs obligations brutes bilatérales et calcule la compensation
multilatérale, dont le montant est envoyé à TARGET2 via une interface dédiée (ASI  2). Dans STEP2-T, les
ordres de paiement sont transmis aux banques bénéficiaires après le règlement (« delivery after settle-
ment ») et ils ne sont acceptés au règlement que s’ils ont été financés (c’est-à-dire les banques émettrices
ou débitrices disposent des fonds suffisants sur leurs comptes). Les paiements sont considérés comme
finaux dès que le règlement est effectif. En 2016, STEP2-T a traité environ 10,2 milliards d’opérations,
pour une valeur représentant 13 169 milliards d’euros.

En Belgique : le CEC (Centre d’Échange et de Compensation) est le système de paiement interbancaire


pour les transactions de détail. Il centralise et organise l’essentiel du trafic des paiements scripturaux
domestiques de petit montant entre particuliers, entreprises et pouvoirs publics. Depuis mars 2013,
tous les paiements nationaux (formats belges) et les virements SEPA (SCT) sont traités sur la plate‑
forme technique CORE, exploitée par STET, l’opérateur du système de paiement de détail français
CORE(FR). Dans le contexte de la migration SEPA, la communauté bancaire belge a lancé par ailleurs
un appel d’offre pour le traitement des paiements instantanés, pour lequel STET a été choisi en tant
que fournisseur de la plateforme technique. En 2016, le CEC a traité 1,385 milliards d’opérations, pour
une valeur représentant 919 milliards d’euros environ.

En Allemagne : la majorité des paiements de détail sont compensés à travers des accords de règlement
bilatéral entre banques et au sein des réseaux « giro »  3 des trois piliers du système bancaire allemand
(banques commerciales, caisses d’épargne et banques coopératives). En parallèle, la Bundesbank
gère également un système de paiement pour les opérations de détail (EMZ 4), notamment celles
au format SEPA (SCT, SDD) et les chèques 5. Il est à ce titre connecté sur une base bilatérale avec
d’autres systèmes de compensation automatisée (ACH) européens et conformes aux standards SEPA.
Actuellement, plus de 220 banques domiciliées en Allemagne utilisent le système EMZ dont 156 parti‑
cipants directement au service SEPA. En 2016, EMZ a traité environ 4,3 milliards d’opérations, pour
une valeur représentant 3 100 milliards d’euros environ. La valeur traitée dans le système est faible
comparée aux flux réglés dans le système CORE(FR) – 5 542 milliards d’euros en 2016 –, mais, outre le
fait que les banques allemandes font un usage important du règlement bilatéral, ce phénomène s’ex‑
plique par le fait que les banques allemandes ont beaucoup plus fortement recours que les banques
françaises au système paneuropéen STEP2-T.

Aux Pays-Bas : Equens est la société qui gère les deux systèmes de paiements de détail aux Pays‑Bas.
Les paiements domestiques non SEPA sont traités par le système de compensation et de règlement
(CSS 6) et les paiements SEPA par Equens CSM  7. Equens a été créé en 2006 et résulte de la fusion entre
Interpay Nederland BV et l’institut allemand de transactions pour les services de paiements (Deutsches
Transkactionsinstitut für Zahlungsverkehrsdienstleistungen). Depuis 2008, Equens a le statut de société
européenne (Equens SE). Toutes les banques de dépôts néerlandaises participent à Equens pour les
transactions domestiques (CSS). Elles peuvent, tout comme les établissements ayant une licence

2 Ancillary System Interface. TARGET2 dispose de plusieurs interfaces avec des modes de fonctionnement différents pour le déversement des soldes
des systèmes exogènes.
3 Le giro est un virement bancaire dans lequel le bénéficiaire n’intervient pas. Le bénéficiaire communique ses coordonnées bancaires au donneur d’ordre,
qui peut alors virer le montant de son choix vers le compte du bénéficiaire, sans que ce dernier n’ait à se manifester. Le donneur d’ordre reçoit ensuite
une notification de la bonne fin de l’opération. Cette pratique est importante en Allemagne, où le chèque est un moyen de paiement très peu utilisé.
4 « Elektronischer Massenzahlungsverkehr ».
5  Les chèques et les SDD représentent près de 60 % du trafic d’EMZ (en volume).
6  Clearing and Settlement System.
7  Clearing and Settlement Mechanism.
…/…

170 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de détail Chapitre 10


bancaire dans d’autres pays européens (UE et EEE), participer à la compensation des instruments SEPA.
En 2016, Equens a traité 1,8 milliard d’opérations, pour une valeur représentant 1 764 milliards d’euros.

En Italie : BI-COMP est le système de compensation qui permet de régler les paiements de détail
en euro (chèques et transferts de crédit). Il assure également le règlement des transactions SEPA
(SDD, SCT). Le système est géré par la Banque d’Italie et réglé dans TARGET2. La banque centrale
offre aux participants un service d’interopérabilité qui permet l’exécution d’instructions de paiement
de participants vers d’autres systèmes connectés. BI-COMP est ainsi interopérable avec le système
d’Equens, avec STEP2-T et avec CS.I  8. En 2016, BI-COMP a traité environ 847 millions d’opérations,
pour une valeur représentant 1 154 milliards d’euros.

Au Royaume-Uni : le pays dispose de 3 systèmes de paiement pour les opérations de détail : Bacs,
Faster Payment Service (FPS) et Cheque and Credit Clearings (C&CC). Bacs est le plus important
système de paiement de détail domestique en volume. Il assure le transfert de transactions électro‑
niques en débit/crédit (prélèvements et virements bancaires) de petits montants et/ou non urgents
pour les paiements en livres sterling et les règlements euros domestiques.

Bacs Ltd est l’opérateur du système mais le processus de traitement de ses opérations a été exter‑
nalisé à la société VocaLink Ltd. 70 institutions financières sont membres de Bacs. Depuis 2005, le
système propose un statut d’affilié à ses membres. Ces derniers participent aux différents organes de
gouvernance du système mais n’assument pas de responsabilités opérationnelles dans le règlement.
En 2016, BACS a traité 6,2 milliards d’opérations environ, représentant une valeur de 4 800 milliards
de livres sterling.

FSP pour sa part est un système automatisé de compensation et de règlement qui traite des virements
instantanés à échéance ou permanents pour les ménages et les entreprises au Royaume-Uni.
Le système est géré par FPS Ltd et opère 24h/24 7j/7. Le processus de traitement des opérations a
également été confié à VocaLink Ltd. FPS est un système à règlement net différé avec trois cycles de
règlement interbancaire dans la journée. La Banque d’Angleterre joue le rôle d’agent de règlement.
Tous les paiements individuels font l’objet d’une limite de 100 000 livres sterling et tous les membres
de FPS disposent d’une limite en débit (« Net Sender Cap ») et sont astreints à un accord d’allocation
de perte en cas de défaut d’un participant.

C&CC est le système qui traite des chèques et des ordres de transfert de paiement (bank giro transfers).
Il règle plusieurs devises (GBP, EUR et USD) et dispose de 10 participants directs (10 sur l’EUR, 5 sur
l’USD) et environ 400 indirects, pour l’essentiel des banques et des sociétés immobilières. Sous
l’égide de la Financial Conduct Authority (FCA), le Payment Systems Regulator 9 (PSR), le régulateur
économique des systèmes de paiement britanniques, a créé en 2015 un forum de discussions, le
Payment Strategy Forum (PSF) autour des professionnels des paiements, des banques, des repré‑
sentants de consommateurs et le gouvernement afin d’évoquer les problématiques du marché et
de promouvoir de nouvelles initiatives. Les dernières discussions font ressortir un besoin de revoir
l’architecture des paiements au Royaume-Uni avec à la clé une éventuelle consolidation des opéra‑
teurs de Bacs, FPS et C&CC.

8 Clearing Service International, système opéré par la banque centrale d’Autriche (OENB).
9  Le PSR dispose d’importants pouvoirs réglementaires.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 171


Chapitre 10 Les systèmes de paiement de détail


Encadré n° 6 : Les types de règlement dans les systèmes de paiements instantanés

On peut distinguer deux types de règlement dans le cas des systèmes de paiements instantanés :

• Le règlement net différé (DNS : Differed Net settlement) : ce mécanisme est identique à celui exposé
ci‑dessus. Dans ce type de règlement, les transactions sont transmises, exécutées et notifiées en temps
réel aux prestataires de services de paiement (PSP) concernés. Le PSP du bénéficiaire porte immé‑
diatement les fonds au crédit du bénéficiaire. Le règlement des positions entre PSP intervient donc
postérieurement au crédit du compte du bénéficiaire. Le système de compensation des paiements instan‑
tanés calcule les positions nettes entre les différents PSP, et le règlement inter-PSP est ensuite opéré dans
un système RTGS (le plus souvent selon plusieurs cycles de règlement au sein d’une même journée).

Exemples de systèmes de paiement instantanés utilisant un modèle de type DNS


Corée Royaume‑Uni Chine Inde Italie Singapour
EBS Faster Payments IBPS IMPS Jiffy FAST

• Le règlement en temps réel : les transactions sont dans ce cas réglées selon un séquençage exécuté à
grande vitesse. Les instructions sont transmises, exécutées et notifiées en temps réel aux PSP concernés,
mais à la différence du modèle DNS, les fonds sont d’abord transférés entre PSP avant d’être mis à
disposition du bénéficiaire. Ce transfert de fonds peut s’opérer sur une base brute (chaque transaction
est réglée individuellement en temps réel) ou sur une base nette (le système déclenche des cycles
de déversement à une fréquence
élevée pour permettre un règlement Exemples de systèmes de paiement instantanés
dans un délai proche du temps utilisant un modèle de type DNS
réel). Les transferts de fonds sont Suède Mexique
opérés entre comptes RTGS des PSP. Bir/Swish SPEI

TIPS (Target Instant Payment Settlement), le service de règlement des paiements instantanés mis
en œuvre par l’Eurosystème et dont l’ouverture est intervenue fin novembre 2018 (voir chapitre 7,
section 6.2), utilisera le règlement en temps réel : le transfert de fonds est opéré entre comptes
espèces dédiés (DCA : Deposit cash accounts) ouverts légalement dans TARGET2. Ces DCA peuvent
être alimentés en liquidité à partir de comptes TARGET2.

On se référera à la section suivante (3.2) pour la gestion des risques dans les systèmes de
paiement instantanés.

3. Les risques financiers l’utilisation de la liquidité s’accompagne de


des systèmes de paiement fait d’un risque de règlement plus élevé : le
de détail règlement étant différé, les soldes nets sont
susceptibles de ne pas être réglés en cas 14 
E xc e p t i o n fa i t e d u
3.1. Le mécanisme de règlement de défaut d’un ou de plusieurs participants. système EURO1 qui
est un système de
net différé (DNS) et le risque paiement de montants
de liquidité et de crédit La notion de risque de règlement englobe élevés, qui fonctionne
en règlement net différé.
à la fois le risque de crédit et de liquidité. La grande majorité des
Les systèmes de paiement de détail Rapportés au fonctionnement des systèmes systèmes de montants
se caractérisent généralement par un de paiement de détail DNS, ces risques se élevés exploités par les
banques centrales pour
règlement net différé (DNS) contra­irement matérialisent différemment (cf. chapitre 17) : les opérations de poli­
à la plupart des systèmes de paiement tique monétaire et de
règlements interban­
de montant élevé qui règlent en brut 14. • le risque de liquidité se matéria­ caires sont des RTGS
Toutefois, une meilleure efficience dans lise lorsqu’un participant n’est pas (voir chapitres 7 et 13).

172 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de détail Chapitre 10


en mesure de s’acquitter de ses même ultérieurement. Dans ce cas, le


paiements à la date d’échéance bien participant devient insolvable, rendant
qu’il soit potentiellement en mesure de impossible sa participation à l’échange.
le faire ultérieurement. Le mécanisme Le risque entraînera une perte pour le
DNS sans garanti­e de règlement fait système ou les participants, relative aux
naître pour le système ou pour ses parti­ expositions lorsque la compensation
cipants des expositions au risque de d’instruments de paiements 15 s’ac­
liquidité si un ou plusieurs des partici­ compagne de la mise à disposition
pants n’honorent pas leurs paiements. immédiate des fonds (paiements instan­ 15 Dans les systèmes de
paiement de détail, le
En l’absence de dispositif de couverture, tanés, retraits d’espèces, etc.) ou d’une traitement automatisé
les défauts de règlement se traduisent garanti­e de règlement (opérations sur d’ordres de paiement
alors par des annulations d’opérations où cartes bancaires). Ces expositions se fait généralement par
type d’instrument.
tout ou partie des trans­ferts de fonds du peuvent parfois être extérieures au
16 Dans le système de paie­
ou des participants défaillants est effacé, système 16. ment de détail français
entraînant de nouveaux calculs de soldes CORE(FR) par exemple,
à régler pour les autres participants non Le risque de liquidité et le risque de les expositions au titre du
risque de crédit notam­
défaillants. Ces annulations peuvent crédit ne sont pas strictement indé­ ment sur les paiements
exercer des tensions sur la liquidité pendants : le risque de liquidité se et les retraits cartes
naissent en dehors du
des participants non défaillants, avec matérialise toujours avant le risque de crédit. système, au niveau
potentiellement des défauts en chaîne ; La défaillance d’un participant crée dans des participants selon
un premier temps un risque de liquidité les pratiques adoptées
par ces derniers pour le
• le risque de crédit se matérialise lorsque et éventuellement un risque de crédit si crédit/débit des comptes
le participant en défaut n’est plus en le participant n’est définitivement plus clients, qui est effectué
avant le règlement inter­
mesure de s’acquitter de ses paiements capable de s’acquitter de ses obligations bancaire des soldes
à la date d’échéance et qu’il en sera de de paiement. calculés dans CORE(FR).

Encadré n° 7 : Modèles de couverture de quelques systèmes de paiement de détail

Système Nature de la Description


couverture
STEP2-T (et autres systèmes Absence de couverture En cas de défaillance, les soldes sont recalculés et une
de paiement de détail de nouvelle tentative de règlement est initiée entre les
la zone euro, à l’exception participants non défaillants.
de CORE(FR))
CORE(FR) Le Fonds de garantie Le mécanisme de sécurisation financière (MSF) comprend un
commun (FGC) fonds de garantie commun (FGC) et des appels en garantie
couvre au moins individuelle (GI). Le FGC assure la couverture d’un défaut
80 % des positions lorsque la position nette débitrice d’un participant défaillant est
nettes débitrices inférieure à 650,5 millions d’euros. Lorsque la position nette
les plus élevées. débitrice est supérieure au montant du FGC, les appels en GI
Il est complété de après le cut-off assurent la couverture contre la défaillance.
garanties individuelles. En cas d’échec des appels en GI, le défaut n’est pas couvert.
Le participant défaillant est exclu de la compensation et une
nouvelle compensation dite « partielle » est effectuée.
BACS (Royaume‑Uni) et les Couverture de toutes Les participants sont appelés en couverture en début
systèmes de paiements de les positions (cover all) de journée (ou au lancement du système pour les IP).
la zone euro traitant des via un préfinancement Le montant du collatéral (généralement des espèces mises
paiements instantanés en complet (full en garantie) détermine la position débitrice maximale
procédure de règlement prefunding) autorisée. Les paiements qui ne sont pas couverts sont
ASI6-RT auprès de mis en attente (ou rejetés pour les IP). Les participants ont
l’Eurosystème (TARGET2) 1 la possibilité d’augmenter leur limite débitrice en cours de
(voir au chapitre 9). journée en apportant des liquidités supplémentaires.
1  Le lancement des paiements instantanés en zone euro a été initié avec le système RT1, opéré par Eba Clearing, en novembre 2017.
Sources : BCE, Banque de France, Bank of England.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 173


Chapitre 10 Les systèmes de paiement de détail


3.2. La gestion du risque financier la sécurisation complète de l’ensemble


et les modèles de couverture des règlements.
existants
Les grands modèles de couverture
Actuellement, la plupart des systèmes de financière sont les fonds communs de
paiement de détail en Europe fonctionnent mutualisation des risques, les garanti­es
sans mécanisme de couverture des risques. individuelles, ou encore le pré‑financement
Au sein de l’Eurosystème, cette exigence (prefunding en anglais) :
de couverture est prévue uniquement pour
les systèmes de paiement d’importance • la mutualisation des risques se matéria­
systémique (SPIS – en anglais, SIPS) 17. lise par exemple par la constitution d’un
Pour les SIPS ou les systèmes ayant prévu fonds commun de garanti­e, financé par
un mécanisme de couverture, le niveau les participants directs, qui permet de
de protection peut être variable, depuis la couvrir les positions débitrices nettes
couverture du solde net débiteur le plus à un niveau maximal fixé par l’opéra­
élevé présenté par un participant, jusqu’à teur et/ou les participants au système.

Encadré n° 8 : La gestion des risques dans les systèmes de paiement instantanés

La couverture des risques de liquidité et de crédit est assurée différemment en


fonction du type de règlement opéré par le système.
17 Un système de paiement
• Dans le cas des règlements nets différés, la couverture des engagements est dit « d’importance
peut être garantie par un mécanisme de type préfinancement (prefunding, systémique » lorsque,
en l’absence de protec­
cf. ci-dessus) : les participants doivent préalablement déposer des fonds sur tion suffisante contre les
leurs comptes ouverts auprès de l’institution de règlement, permettant de risques, une perturba­
tion interne – résultant,
déterminer une capacité de paiement maximale autorisée dans le système. par exemple, de
l’insolvabilité d’un parti­
Ce type de couverture est notamment utilisé par des systèmes de paiements cipant – peut déclencher
ou propager des pertur­
instantanés européens, tel que RT1 opéré par ABE Clearing : le système bations en chaîne chez
interagit avec TARGET2 par le biais d’une procédure spécifique (ASI6 Real les participants ou des
perturbations systémiques
Time), permettant de constituer une couverture en monnaie banque centrale dans la sphère finan­
sur un compte technique ouvert dans TARGET2, préalablement aux échanges cière plus généralement.
Le principal critère de l’im­
dans le système. Chaque participant peut alimenter ce compte en liquidité portance systémique est
depuis son compte TARGET2, le montant alloué permettant de déterminer le montant ou la nature
une capacité de paiement maximale pour le règlement des paiements instan‑ des ordres de paiement
ou leur valeur globale.
tanés de ce participant. Si la capacité de paiement du participant est atteinte, Ce phénomène justifie
ce dernier devra alimenter son compte de préfinancement en liquidité, sans l’exigence de couverture
financière des risques
quoi il ne pourra plus régler les instructions se présentant sur son compte. afférents. En revanche,
le degré de risques finan­
• Dans le cas des règlements en temps réel, il n’est pas nécessaire de constituer ciers est moindre pour les
systèmes de paiement de
une garantie ou un préfinancement des opérations car les paiements sont masse présentant une
imputés sur une base brute en temps réel : les fonds sont d’abord transférés grande importance (PIRPS)
et les autres systèmes
entre comptes RTGS des participants. Si le solde d’un participant est insuf‑ de paiement de masse
fisant pour régler une instruction, celle-ci est rejetée. Le crédit au compte (ORPS). C’est la raison
du bénéficiaire n’intervient donc qu’après un transfert effectif des fonds en pour laquelle l’Eurosys­
tème a conclu que les
monnaie banque centrale, entre PSP initiateur et PSP bénéficiaire. Ce système principes fondamentaux
permet de ne pas accumuler une position débitrice pouvant impliquer un visant à traiter les risques
financiers ne doivent pas
risque financier en cas de règlement différé. s’appliquer impérative­
ment à ces systèmes.

174 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de détail Chapitre 10


Il est généralement calibré de façon systèmes de paiement de détail ont géné­


à permettre de pallier la défaillance ralement recours est générateur de risque
du participant direct au système qui de liquidité et de crédit. Ces risques doivent
présente le solde net débiteur le plus être suivis et couverts par l’opérateur et/ou
élevé : c’est la notion de « Cover 1  » ; par ses participants. De même, les progrès
dans les technologies de l’information ont
• les garanti­es individuelles permettent permis aux opérateurs des systèmes de
à l’opérateur d’exiger d’un participant, traiter un volume de plus en plus élevé
présentant une position débitrice nette d’opérations avec un coût unitaire de plus en
dans le système, la constitution ou une bas mais au prix d’une plus grande exigence
augmentation du dépôt de liquidités, afin de résilience opérationnelle. Un incident
de garanti­r le règlement des soldes nets ; opérationnel non résolu dans des délais très
courts peut empêcher le traitement d’un
• le pré‑financement est l’obligation, très grand nombre d’opérations. La maîtrise
pour les établissements financiers, de du risque opérationnel et la capacité d’un
disposer de fonds sur leurs comptes système à rétablir rapidement son fonc­
auprès de l’institution de règlement, tionnement normal à la suite d’un incident
préalablement à l’utilisation de ces sont, à ce titre, cruciaux.
comptes pour éteindre leurs obligations
de règlement. L’organisation de la surveillance des
systèmes de paiement au sein de l’Eurosys­
tème repose sur le principe de subsidiarité.
4. Le cadre de surveillance Les opérateurs de systèmes de paiement
Eurosystème des systèmes de la zone euro sont en principe surveillés
de paiement de détail par la banque centrale nationale de la juri­
diction dans laquelle les systèmes ont leur
4.1. Les motifs d’une surveillance des activité (ancrage national). Toutefois, pour
systèmes de paiement de détail les systèmes qui opèrent dans plusieurs
juridictions, la surveillance est à la charge
La surveillance des systèmes de paiement de l’auto­rité du pays dans lequel l’opéra­
est une fonction majeure d’une banque teur est domicilié. Par décision du Conseil
centrale dans la mesure où ces systèmes des gouverneurs de la BCE, l’Eurosystème
jouent un rôle essentiel dans le bon fonc­ peut néanmoins confier la surveillance
tionnement des marchés des capitaux et de d’un système paneuropéen directement
l’économie (cf. chapitre 18). Les systèmes à la BCE. Ainsi, au regard des lois natio­
de paiement de détail restent essentiels nales des pays européens, les systèmes
pour le fonctionnement de la plupart des de paiement (dont ceux traitant des opéra­
activités économiques : ils sont largement tions de détail) sont dans la plupart des cas
utilisés pour le paiement des trans­actions surveillés par les banques centrales natio­
entre acteurs économiques, particuliers, nales. Par exception, le système STEP2‑T
entreprises et administrations. La surveil­ (dont l’opérateur EBA Clearing est domicilié
lance se traduit par la promotion de en France), est, du fait de son caractère
systèmes à la fois sûrs et efficaces, permet­ paneuropéen, surveillé par la BCE.
tant d’assurer une bonne circulation de la
monnaie et de préserver la confiance au Avec l’intégration croissante des moyens de
sein de l’économie. paiement, la tendance est au dépassement
des frontières domestiques au sein de la
Les banques centrales en tant que surveil­ zone euro. De ce fait, le cadre de surveillance
lants sont attentives aux risques associés de l’Eurosystème doit s’adapter. Bien que la
à ces systèmes, risques financiers d’une surveillance soit décentralisée, l’existence
part et opérationnels d’autre part. Le mode de ce cadre harmonisé assure l’application
de règlement net différé (DNS) auquel les cohérente d’exigences communes.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 175


Chapitre 10 Les systèmes de paiement de détail


4.2. Des principes applicables communs d’activité ou le risque lié à l’existence de


plusieurs niveaux de participation.
Par une décision du 3 juin 2013, le Conseil
des gouverneurs de la BCE a adopté Les PFMI s’appliquent aux systèmes
les « Principes pour les infra­structures de paiement de la zone euro selon leur
des marchés financiers » (PFMI : importance. Le cadre de surveillance de
voir chapitre 18) en tant que normes de l’Eurosystème distingue ainsi trois niveaux
surveillance de l’Eurosystème pour tous d’importance des systèmes : les systèmes
types d’infra­structures opérant au sein de la de paiement d’import ance systé­
zone euro. Les principales caractéristiques mique (Systemically Important Payment
des PFMI résident dans un renforcement System, SIPS), les systèmes de paiement
des exigences en termes de gestion du d’importance significative (Prominently
risque de crédit et de liquidité, ainsi que la Important Retail Payment System, PIRPS)
reconnaissance de risques autres que les et les autres systèmes de paiement (Other
risques financiers, comme le risque général Retail Payment System, ORPS). Les PIRPS

Encadré n° 9 : Les principes applicables dans la zone euro


selon l’importance du système de paiement dans la zone euro

Principes SIPS PIRPS ORPS


Nombre de principes appliqués 18 12 9
Principe 1 : Base juridique X X X
Principe 2 : Gouvernance X X X
Principe 3 : Cadre de gestion intégrée des risques X X X
Principe 4 : Risque de crédit X
Principe 5 : Sûretés X
Principe 6 : Appels de marge
Principe 7 : Risque de liquidité X
Principe 8 : Caractère définitif du règlement X X X
Principe 9 : Règlements espèces X X
Principe 10 : Livraisons physiques
Principe 11 : Dépositaires centraux de titres
Principe 12 : Systèmes d’échange de valeur X
Principe 13 : Règles et procédures applicables en cas de défaut d’un participant X X X
Principe 14 : Ségrégation et portabilité
Principe 15 : Risque d’activité X X
Principe 16 : Risque de conservation et d’investissement X
Principe 17 : Risque opérationnel X X X
Principe 18 : Conditions d’accès et de participation X X X
Principe 19 : Dispositifs à plusieurs niveaux de participation X
Principe 20 : Liens entre infrastructures de marchés financiers
Principe 21 : Efficience et efficacité X X X
Principe 22 : Procédures et normes de communication X X
Principe 23 : Communication des règles, procédures clés et données de marché X X X
Principe 24 : Communication des données de marché par les référentiels centraux
Source : BCE.

176 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les systèmes de paiement de détail Chapitre 10


et les ORPS au sein de la zone euro sont nationaux. Dans la pratique, les calendriers
dans les faits tous des systèmes de d’évaluation sont alignés, et les évaluations
paiements de détail alors qu’on dénombre suivent une méthodologie commune, qui
4 SIPS dont deux sont des systèmes de a été révisée en juin 2018  18 pour prendre
paiement de détail (STEP2‑T et CORE(FR)), en compte la révision du règlement
les deux autres étant TARGET2 et EURO1. concernant les systèmes de paiement
d’importance systémique. Les rapports
Quatre critères sont utilisés pour établir d’évaluation préparés par les surveillants
cette classification : i)  le montant en nationaux suivent un cadre commun et
volumes et en valeurs des opérations sont soumis à une revue par les pairs.
traitées par le système ; ii)  les parts de Les questions sujettes à de possibles
marché au niveau national et européen ; inter­p rétations divergentes entre les
iii)  l’importance des flux trans­frontières ; surveillants sont discutées au niveau
et iv)  la fonction de règlement d’autres de l’Eurosystème afin de parvenir à une
systèmes le cas échéant. À partir de lecture commune. Du fait de l’importance
cette approche, l’Eurosystème a adapté particulière des SIPS, l’Eurosystème
le niveau d’exigences à l’importance du est régulièrement tenu informé par
système. Ainsi, les SIPS se doivent d’ob­ le surveillant national de l’activité de
server l’intégralité des principes contenus ces derniers (changements, incidents,
dans les PFMI et trans­p osés dans le évaluation et suivi des plans d’actions, etc.).
règlement SIPS. Les PIRPS et les ORPS
se voient appliquer uniquement un sous‑en­ 4.2.2. Le rôle et les actions
semble des principes, respectivement de la Banque de France
douze et neuf principes sur les dix‑huit
applicables aux systèmes de paiement. Conformément aux dispositions législa­
tives contenues dans le Code monétaire
Concernant les SIPS, l’Eurosystème a et financier  19, la Banque de France exerce
trans­posé l’intégralité des PFMI dans le sa mission de surveillance des systèmes
règlement de la BCE n° 795/2014 entré de paiement dans le cadre de l’Eurosys­
en vigueur le 12 août 2014 et révisé tème. En particulier, la Banque de France
le 16 novembre 2017. Ce règlement donne est responsable de la surveillance des
un caractère obligatoire au respect de ces systèmes de paiements de détail français
exigences et dote le surveillant de pouvoirs CORE(FR) et, plus récemment, SEPA.EU.
contra­ignants sur l’opérateur. À ce titre, En tant que SIPS, le système CORE(FR)
la BCE dispose d’un pouvoir de sanctions fait l’objet de rapports réguliers auprès des
à l’encontre des opérateurs de système instances de l’Eurosystème.
de paiement qui ne respecteraient pas les
exigences du règlement (cf. chapitre 18). Enfin, eu égard au fait que la société STET
est à la fois opérateur du système de
4.2.1. La coopération des banques paiement français et prestataire de services
centrales de l’Eurosystème critiques du système de paiement de détail
en matière de surveillance belge (CEC), et où les deux communautés
des systèmes de paiement utilisatrices partageant la même plateforme
technique, la Banque de France et la Banque
Pour améliorer la mise en œuvre des nationale de Belgique ont signé un accord 18 
https://www.ecb.europa.
principes et assurer une égalité de traitement permettant l’échange d’informations et la eu/pub/pdf
entre les systèmes, l’Eurosystème a mise en œuvre coordonnée des exigences 19 L. 141-4 du Code moné­
institué une coopération entre surveillants de surveillance. taire et financier.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 177


CHAPITRE 11

Les contreparties centrales
Mis à jour le 30 septembre 2020
Chapitre 11 Les contreparties centrales


L
es contreparties centrales (central s’est accompagné d’exigences de trans-
counterparties ou CCP), sont devenues parence et de la mise en place d’un cadre
une pièce maîtresse du paysage des international de gestion de leurs risques
infrastructures des marchés financiers encore plus rigoureux, qui a été transposé
essentiellement depuis le développement au niveau de l’Union européenne (UE)
du marché des dérivés d’une part et la crise dans le règlement UE n° 648/2012 du
financière de 2008 d’autre part. Une contre- 4 juillet 2012 sur les produits de gré à gré,
partie centrale assure un rôle très important les contreparties centrales, et les référen-
en s’interposant entre les contreparties à tiels centraux 2, dit « EMIR » (European
une transaction. Market Infrastructure Regulation).

Au plan conceptuel, la notion de contre- Le cadre normatif et réglementaire des CCP


partie centrale doit être bien distinguée de est lui-même encore en cours d’évolution.
celle de chambre de compensation, dont la EMIR a ainsi été révisé en deux volets
fonction essentielle est de calculer un solde en 2019, l’un relatif aux exigences applicables
net à partir d’un ensemble de transactions aux CCP (volet EMIR « REFIT »), l’autre relatif
unitaires (ou « brutes »). L’existence de ces à l’architecture de supervision des CCP de
chambres de compensation, qui à l’origine l’UE et de pays tiers (volet « EMIR2 »),
se limitaient à la compensation des flux de complété par la rédaction de textes dits
paiements, remonte à plus de deux siècles. de niveau 2 3 publiés en septembre 2020.
Par ailleurs, le règlement européen à venir
Cependant l’évolution de ces infrastructures sur le rétablissement et la résolution 4 des
fait qu’aujourd’hui, dans le domaine des CCP 5, dont l’objectif est de s’assurer de la
instruments financiers, la grande majorité continuité des services critiques des CCP
des chambres de compensation remplissent après épuisement des ressources préfinan-
1 Comme pour les « CSD »
également le rôle de contrepartie centrale cées, a fait l’objet d’un accord politique entre (cf. chapitre 12), l’acro-
et vice-versa. Ce qui a donc amené l’usage les co-législateurs européens en juillet 2020, nyme anglais CCP est
devenu le terme couram-
courant à utiliser indifféremment l’un ou et devrait être publié au Journal officiel de ment utilisé par les
l’autre terme pour désigner une infrastructure l’UE d’ici fin 2020. professionnels, même
qui offre les deux services. Dans le présent dans la langue française.

chapitre, on désignera sous le terme de 2 


h ttps://eur-lex.europa.
« CCP 1 » une chambre de compensation qui 1. L’histoire de la compensation eu/legal-content/EN
( ve r s i o n a n g l a i s e ) .
assure la fonction de contrepartie centrale. https://eur-lex.europa.eu/
À titre liminaire, il convient de bien distin- legal-content/FR (traduc-
tion française).
Les CCP jouent un rôle très spécifique guer la compensation des ordres de
3 Règlements délégués
dans la chaîne de traitement des titres et paiement de la compensation des instru- de la Commission, pris
autres instruments financiers (y compris ments financiers et des produits dérivés. sur avis technique de
les produits dérivés) : elles se substituent La compensation des ordres de paiement l’ESMA tel que prévu par
la réglementation EMIR
au vendeur et à l’acheteur et se trouvent est traitée dans le détail dans les chapitres (celle-ci est dite « de
ainsi contrepartie vis-à-vis de chacun d’eux. du présent ouvrage dédiés aux systèmes de niveau 1 » car émanant
directement du législa-
Elles sont de ce fait au cœur du système de paiement 6. Elle consiste en un netting des teur européen).
traitement des transactions sur les instru- flux (et représente donc la compensation
4 La  résolution intervient
ments financiers. Durant la crise financière stricto sensu telle que définie ci-dessus), lorsque l’infrastructure
de 2008, les CCP ont fait preuve d’une forte alors que la « compensation » des instru- est défaillante ou proche
de la défaillance et est
résilience et ont efficacement mis en œuvre ments financiers (telle que définie aussi alors gérée par une auto-
leurs mécanismes de gestion des défauts, ci-dessus) comprend également l’interposi- rité de résolution aux
empêchant ainsi la contagion à l’ensemble tion d’une contrepartie centrale, qui devient pouvoirs étendus pour
mobiliser des ressources
des acteurs financiers. la contrepartie pour toutes les transactions financières et restruc-
enregistrées dans ses livres : la contrepartie turer ladite infrastructure.
Le rôle accru qui a été confié aux CCP par centrale se substitue à chaque acheteur 5  En anglais « CCP reco-
les régulateurs depuis cette crise, tout parti- vis-à-vis du vendeur et se substitue à chaque very and resolution »

culièrement s’agissant des produits dérivés, vendeur vis-à-vis de l'acheteur. 6 Cf. chapitres 6 et 10.

180 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


L’histoire de la compensation est ainsi 1.2. Aujourd’hui : la compensation


marquée par deux étapes : tout d’abord des flux et l’interposition de
est apparue la compensation, dans sa forme la chambre de compensation
la plus simple, qui s’est ensuite accompa-
gnée du mécanisme d’interposition de la Le dispositif d’interposition de la chambre
contrepartie centrale. de compensation, en tant que contrepartie
centrale, est né avec le développement des
1.1. À l'origine : une simple fonction marchés des produits dérivés. Selon Moser  7,
de compensation des flux les systèmes complets et achevés
comprenant la compensation des flux et
La compensation des créances bancaires l’interposition de la chambre de compen-
gérée par un organisme central apparaît sation sur les marchés dérivés de gré à gré
en 1587, à Venise, avec la première banque sont nés en Europe au xixe siècle. Ce fut le
publique vénitienne, Il Banco della Piazza cas de la France avec la Caisse de liquidation,
di Rialto, remplacée au xviie siècle par et de l’Allemagne avec la Liquidationkasse.
Il Banco del Giro, véritable établissement
de compensation. La Caisse de liquidation en France s’inter-
posait dès la conclusion d’une transaction
Cette pratique s’étend progressivement entre l’acheteur et le vendeur d’un contrat
en  Angleterre et en  Écosse ; Londres à terme sur le sucre, en substituant au
devient très tôt le principal centre européen premier contrat deux nouveaux contrats
de compensation des paiements nationaux. (avec chacune des contreparties à la
En 1773, une chambre de compensation transaction). Les deux contreparties à la
s’ouvre à Londres, à laquelle adhèrent transaction n’avaient alors plus aucune
31  banques, sur les 36  que compte relation directe entre elles, mais avec la
alors la  City. Auparavant, en Écosse, Caisse de liquidation.
sept  banques écossaises s’étaient
concertées pour former, à Édimbourg, Ces systèmes de contrepartie centrale
une chambre chargée de compenser sont reproduits aux États-Unis dès 1891.
leurs créances et leurs dettes réciproques En 1924, le Board of Trade Clearing
(calcul de soldes nets ou « netting » de Corporation conserve en garantie l’inté-
manière quotidienne). gralité des titres de ses membres, alors
responsables les uns envers les autres,
Dès 1826, les banques du Nord de l’Angle- mettant en lumière la notion de mutualisa-
terre se réunissent toutes les semaines tion des risques. Il garantit les contrats et
pour échanger entre elles des créances à impose des règles en matière de liquidité,
vue afin de régler leurs soldes nets auprès de capital et d’activité desdits membres.
de la Banque d’Angleterre.
1.3. La mise en œuvre de l’obligation
La création aux États-Unis d’une chambre de compensation des instruments
de compensation compensant des contrats, dérivés et les incitations à la
mais sans interposition, n’a lieu qu’en 1883, compensation centralisée
par le Chicago Board of Trade (CBOT), dont
l'objectif est alors la diminution des coûts de Aujourd’hui, les contreparties centrales
transaction liés aux instruments financiers ; compensent toutes sortes de transactions
la chambre de compensation procède à financières (cf. chapitre 5) : des transactions 7 Moser J. T. : « Origins of
des appels de marges et à un règlement sur actions au comptant, sur titres de dette, the Modern Exchange
des contrats compensés. Le CBOT joue un des opérations de pension livrée (repos), Clearing House : A history
of early Clearing and
rôle prépondérant dans la gestion du risque des opérations de change au comptant Settlement Methods at
de défaut, mais la chambre de compensa- et des transactions sur produits dérivés Futures Exchanges »,
Research department,
tion ne s’interpose pas entre les parties à (swaps, options, dérivés sur matières Federal Reserve Bank of
la transaction. premières, etc). Cependant, l’obligation Chicago, avril 1994.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 181


Chapitre 11 Les contreparties centrales


de compensation par une contrepartie et d’overnight index swaps (OIS), libellés


centrale se concentre, dans la plupart des dans les quatre devises les plus couram-
juridictions, sur les produits dérivés. ment compensées (USD, EUR, GBP, JPY).
Le règlement délégué du 10 juin 2016 11
L’obligation de compensation est en y ajoute les swaps de taux d’intérêt de taux
effet née des enseignements tirés de la fixe contre taux variable et les Forward Rate
crise financière de 2008 (en particulier, la Agreements libellés en NOK, PLN et SEK.
faillite de la banque américaine Lehman
Brothers) qui a mis en lumière l’absence Les contrats soumis à l’obligation de
de transparence et de réglementation des compensation ont pour caractéristiques
marchés d’instruments financiers dérivés communes :
de gré à gré. i) d’être monodevise ;
ii) de n’inclure aucune clause d’optionalité ;
En réponse à la crise financière, le G20 a iii) de porter sur un notionnel constant ou
adopté lors de son sommet de Pittsburgh variable (prévisible), mais pas condi-
en septembre 2009, une feuille de tionnel (imprévisible).
route (« roadmap ») dans laquelle figure
notamment l’engagement de soumettre Aux États-Unis, le Dodd-Frank Act (DFA),
à la compensation centralisée, jugée plus promulgué en juillet 2010, a introduit une
sûre que la compensation bilatérale entre obligation de compensation pour tous les
les participants, les instruments financiers instruments définis comme étant des
dérivés standardisés 8. En réponse à cet swaps ou des « security-based swaps »
engagement, la plupart des juridictions ont au titre des règles publiées par la CFTC  12 et
mis en œuvre une obligation réglementaire par la SEC  13. L’ensemble des règles d’appli-
de compensation de produits dérivés, pour cation du DFA s’agissant de la compensation
autant qu’ils soient suffisamment standar- ont été publiées et sont en vigueur. Elles
disés et liquides. s’appliquent aux chambres de compen-
sation étrangères enregistrées auprès de
Le Progress Report du Conseil de stabilité ces deux entités (condition pour pouvoir
8 «  Improving over-the-
financière – CSF (Financial Stability servir des clients américains). À ce titre, counter derivatives
Board, FSB), actualisé en octobre 2019 9, la CFTC 14 a engagé en 2019 un projet de markets : All standar-
dized OTC derivative
indique ainsi que sur les 24 juridictions que réforme de statut de derivatives clearing contracts should be
compte le Conseil, 18 d’entre elles ont mis organization dans le cadre plus global de son traded on exchanges
en œuvre une obligation de compensation. projet KISS (Keep It Simple, Stupid). Selon or electronic trading
platforms, where appro-
les données de la Banque des règlements priate, and cleared
Dans l’UE, l’article 4 d’EMIR introduit, internationaux, au 31 décembre 2018, 76 % through central coun-
terparties by end-2012
pour certaines catégories de dérivés de (en volume) des swaps de taux d’intérêt at the latest ».
gré à gré (over-the-counter ou OTC), une monodevise conclus en bilatéral faisaient
9 h ttp://www.fsb.org/
obligation de compensation via des contre- l’objet d’une compensation centralisée ; la wp-content
parties centrales qui ont été autorisées à proportion était de 54 % pour les dérivés
10 
Commission Delegated
compenser ces catégories de dérivés OTC. de crédit négociés de gré à gré. Regulation (EU) 2015/2205.

11 
Commission Delegated
Le règlement délégué d’EMIR du Cette obligation de compensation prévue Regulation (EU) 2016/1178.
6 août 2015  10  couvre l’obligation de par EMIR porte également sur les dérivés 12 
Commodities and Futures
compensation des dérivés de taux d’intérêt de crédit (credit default swaps ou CDS). Trading Commission.
(Interest Rate Swaps, IRS). L’obligation À cet égard, plusieurs types de contrats 13 
Securities and Exchange
s’applique aux swaps de taux standardisés sur indices sont soumis à l’obligation Commission.

présentant des volumes et une liquidité de compensation au titre des règles de 14 Référence  : 12e Progress
Report du Conseil de
élevés et une bonne information sur la la CFTC, depuis leur entrée en vigueur stabilité financière.
formation des prix. Il s’agit de swaps de en février 2013. Dans l’UE, le règlement
15 
C o m m i s s i o n
taux simples (fixe contre variable), de basis délégué du 1er mars 2016 15 couvre l’obli- Delegated Regulation
swaps, de forward rate agreements (FRA) gation de compensation pour les dérivés (EU) 2016/592.

182 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


de crédit. Les instruments concernés sont de la mise en place d’une CCP est devenue


certains indices de CDS européens 16. particulièrement prégnante.

Depuis l’entrée en vigueur du Les Principles for Financial Market Infra-


règlement 2019/834 du 20 mai 2019 structures (PFMI, cf. chapitre 18) préconisent
amendant EMIR (dit « EMIR Refit »), l’obli- d’évaluer l’opportunité de mettre en place
gation de compensation a été quelque peu une CCP. Compte tenu notamment de ses
allégée. En effet, une contrepartie financière coûts de mise en œuvre, l’instauration
n’est désormais soumise à l’obligation de d’une CCP n’est en effet pas une solution
compensation que si les positions sur les optimale sur tous les marchés : la mise en
dérivés OTC excèdent, au niveau du groupe place d’un cadre de gestion des risques solide,
auquel elle appartient, l’un des seuils dont une CCP doit impérativement disposer,
suivants : 1 milliard d’euros pour les dérivés nécessite en général un investissement initial
de crédit ou sur actions et 3 milliards d’euros et des dépenses courantes non négligeables.
pour les autres catégories (change, taux et
matières premières). En outre,des contrepar- L’annexe C des PFMI contient un certain
ties peuvent compenser auprès d’une CCP nombre de recommandations dont une
des instruments dérivés qui ne font pas l’objet (recommandation n° 4) consacrée aux contre-
d’une obligation réglementaire de compen- parties centrales 18 selon laquelle chaque
sation centralisée. marché devrait évaluer les avantages et
les coûts d’une CCP. Cet arbitrage devra
Les régulateurs ont été très attentifs à créer dépendre de facteurs tels que le volume et
les bonnes incitations afin d’encourager la la valeur des transactions, la configuration
compensation centralisée des instruments des opérations entre contreparties et les
financiers dérivés, conformément aux engage- coûts d’opportunité associés à la liquidité
ments du G20, pour rendre plus transparents des règlements. Un nombre croissant de
les marchés financiers, et aussi pour sécuriser marchés sont ainsi arrivés à la conclusion
les transactions conclues et compensées que les avantages d’une CCP l’emportent sur
de manière bilatérale (c’est‑à‑dire sans avoir les coûts. En outre, dans certains cas, créer
recours à une CCP). À cette fin, le Comité une CCP peut permettre d’attirer des investis-
de Bâle et l’OICV (IOSCO) ont publié en seurs internationaux qui seraient réticents à
septembre 2013 des normes pour les être contrepartie d’acteurs locaux peu connus.
échanges de marges sur les transactions
bilatérales et qui ne font pas l’objet d’une
compensation centralisée. Ces normes ont 2. Rôle et caractéristiques
été révisées en 2015 puis en juillet 2019 17. des contreparties centrales
Dans l’UE, les normes techniques correspon-
dantes sont entrées en vigueur à compter Le traitement des opérations par une CCP
de janvier 2017 pour les marges initiales, et comprend, en général, la réception et l'en-
de mars 2017 pour les marges de variation. registrement des opérations individuelles en
En fonction de la nature des contreparties et provenance du système de négociation ou
de la taille des encours, le calendrier de mise d’une plateforme d’appariement, le calcul des 16 iTraxx Europe Main 5Y et
iTraxx Europe Crossover 5Y.
en place de cette obligation est échelonné. positions nettes des participants vis-à-vis de
la CCP, la gestion des dispositifs de maîtrise 17 https://www.iosco.org/
librar y/pubdocs/pdf/
1.4. L’opportunité de la mise en place des risques et, enfin, le transfert des instruc- IOSCOPD635.pdf
d’une CCP tions vers le système de règlement-livraison, 18  R e c o m m a n d a t i o n
lorsque les instruments financiers sont elle‑même reprise des
Dans le contexte du développement des livrables. Dans le cadre de produits dérivés, « Recommendations for
Central Counterparties »
marchés de dérivés, en particulier s’agissant le règlement-livraison des instruments n’a pas publiées en novembre
des dérivés de gré à gré, et au-delà des instru- lieu, seul le collatéral sous forme de titres ou 2004 par le CPSS
(aujourd’hui CPMI) et
ments qui font l’objet d’une obligation de d’espèces est échangé entre les contreparties IOSCO (voir chapitre 18,
compensation, la question de l’opportunité à la transaction et la CCP. section 1.1.3).

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 183


Chapitre 11 Les contreparties centrales


Transactions compensées vs transactions non compensées

Transactions non compensées Transactions compensées

CCP

Situation pré-compensation Situation post-compensation


50
Compensateur Compensateur Compensateur Compensateur
A B A B

40
80 70
CCP
60 30 30
30
Compensateur 60
C

Compensateur
C

Une CCP joue un rôle fondamental en La CCP calcule donc une position nette par
ce qu’elle constitue un mécanisme de participant, en compensant l'ensemble de
gestion des risques et qu’elle permet ses opérations (pour un type de sous-jacent
une réduction des besoins de liquidité donné), toutes contreparties confondues :
pour les participants (également appelés elle a ainsi pour effet premier de réduire
membres compensateurs) et, par effet de les besoins de liquidités au titre du colla-
ricochet, pour les marchés financiers dans téral déposé comme garantie financière
leur ensemble. (titres et espèces) grâce à ce mécanisme
de compensation ou netting.
La CCP dispose de procédures de gestion
des défauts d’un membre compensa- Les schémas ci-dessus illustrent le
teur et d’un mécanisme d’allocation des mécanisme de réduction des flux de
pertes en cas de défaut, comprenant paiement et de livraison d’actifs (titres finan-
des ressources financières préfinancées ciers, matières premières ou marchandises
dédiées. Ces dernières sont présentées de selon les segments de marché compensés
manière détaillée plus loin dans ce chapitre. par la contrepartie centrale).

184 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


2.1. L’interposition de la contrepartie surveillance par les autorités compé-


centrale : les mécanismes tentes. Ce dispositif rigoureux permet de
juridiques de la novation conférer une grande robustesse aux CCP.
et de l’open offer Le rôle des CCP, qui, en centralisant les
opérations, permettent d’avoir une vision
Les mécanismes décrits ci-après s’ap- claire des positions des contreparties aux
pliquent aussi bien aux instruments transactions, est enfin crucial du point de
financiers classiques (titres, opérations de vue de la stabilité financière, parce qu’elles
prêt-emprunt, etc.) qu’aux produits dérivés sont conçues et outillées pour gérer les
(swaps de taux, de change, dérivés actions, évènements de marché extrêmes mais
dérivés sur matières premières, etc.). plausibles, notamment la défaillance d’un
membre compensateur. Des mécanismes
Comme mentionné dans l’introduction à ce de « coupe-circuit » (cf. infra) permettent
chapitre, on parle de « compensation par d’éviter la contagion aux autres participants
contrepartie centrale (CCP) », lorsque la de marché.
chambre de compensation, outre sa fonction
technique de calcul des soldes nets des L’interposition de la CCP peut se fonder
membres participants, se substitue juridi- sur différents mécanismes juridiques,
quement au vendeur et à l’acheteur initiaux principalement la novation, prédominante
et garantit la bonne fin des transactions. On en particulier en France (LCH SA) et
dit alors que la contrepartie centrale devient au Royaume‑Uni, et « l’open offer » (« offre
l’acheteur de chaque vendeur et le vendeur ouverte ») utilisée par exemple aux Pays‑Bas
de chaque acheteur. Cette substitution a (Ice Clear Netherlands), en Allemagne
pour objectif d’éviter que le défaut d'un (Eurex Clearing AG) et en Italie (Cassa di
membre n'affecte directement les clients du Compensazione & Garanzia).
membre défaillant et les autres membres.
La contrepartie centrale continue d’assurer Par le mécanisme juridique de la novation,
les obligations (de paiement, de livraison, la CCP se substitue dans les droits et
etc.) du défaillant vis-à-vis de ses autres obligations des adhérents compensa-
membres. Certaines contreparties centrales teurs. En France, la novation est définie
peuvent ne pas remplir la fonction technique à l’article 1271 du Code civil. Dans le
de calcul des soldes nets : dans ce cas cas d’une CCP, il s’agit de la substitution
elles garantissent simplement la bonne fin de la CCP dans les droits et obligations
des opérations et gèrent les dispositifs de des parties à la transaction originelle.
maîtrise des risques associés. La CCP devient alors vendeur face à
l’acheteur d’origine et acheteur face au
L’interposition de la CCP joue un rôle vendeur d’origine.
fondamental à la fois pour les participants
de marché, et pour la stabilité financière Le mécanisme juridique de « l’open offer »
d’ensemble. S’agissant des participants suit un schéma différent : la CCP est en effet
de marché, i)  la CCP simplifie la gestion immédiatement interposée entre l’acheteur
de leurs risques en devenant la seule et le vendeur dès le moment où l’ache-
et unique contrepartie aux transactions teur et le vendeur se sont mis d’accord
financières, en lieu et place de multiples sur les termes du contrat. Ainsi, dans le
contreparties ; et ii)  elle réduit le risque mécanisme de l’open offer, l’acheteur et
opérationnel. La CCP doit donc répondre le vendeur sont réputés n’avoir jamais eu
à des exigences de sécurité très strictes aucune relation contractuelle.
(collatéralisation de toutes les opérations,
appels de marges, ressources préfinan- Dans les deux mécanismes, novation et
cées et calibrées, procédures de gestion open offer, la CCP se retrouve donc comme
des défauts, politique d’investissement contrepartie face à l’acheteur et au vendeur
très encadrée, etc.), et faire l’objet d’une d’origine. La différence entre les deux

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 185


Chapitre 11 Les contreparties centrales


régimes tient au moment exact de prise actions au comptant. Ce service est qualifié
en charge de la garantie par la CCP – au de service de compensation monoproduit.
moment de l’exécution pour l’open offer et De manière générale, la compensation
au moment de la réception de l’opération centrale monoproduit est fournie par
par la CCP pour la novation – ce qui peut des CCP de taille modeste. La principale
revêtir une certaine importance dans le cas limite de ce modèle tient au fait qu’il ne
de problèmes techniques de transmission permet pas aux participants actifs sur
entre la plateforme de négociation et la CCP. plusieurs marchés de bénéficier d’une
compensation globale de leurs activités.
2.2. Les différents modèles
d’organisation du marché D’autres CCP, les plus importantes,
de la compensation proposent des services de compensation
sur différents instruments financiers (dérivés
Les CCP sont amenées à compenser aussi listés, dérivés OTC, dettes d’État, actions) :
bien les transactions provenant des marchés c’est le cas en Europe, notamment de Cassa
réglementés (bourses) et plateformes de di Compensazione e Garanzia, Eurex
négociation que les transactions de gré Clearing AG, ICE Clear Europe, LCH SA,
à gré. Dans le premier cas, on parle couram- LCH Ltd et Nasdaq OMX. L’avantage de
ment de produits « cotés » ou « listés », pouvoir proposer plusieurs produits à la
tandis que dans le deuxième cas il s’agit de compensation est de pouvoir compenser
transactions bilatérales entre deux contre- des positions portant sur des produits ou
parties (par exemple portant sur des repos, des devises qui bénéficient d’une corré-
ou des swaps de taux d’intérêt ou de crédit). lation stable et significative (cf. 3.1.4 les
développements sur le portfolio margining),
2.2.1. Compensation monoproduit ce qui se traduit par des marges moins
versus compensation élevées et en conséquence une économie
multiproduits de collatéral pour les membres compen-
sateurs. Un autre avantage économique
Certaines CCP proposent un service de réside dans la mutualisation et le partage
compensation qui ne concerne qu’un type des infrastructures, services et applications
d’instrument financier. C’est le cas par présentant des coûts fixes entre les diffé-
exemple de la CCP néerlandaise EuroCCP rents segments de marché compensés
qui ne compense que des transactions sur par la CCP.

Modèles de compensation
Modèle dit vertical (silo) Modèle dit horizontal Modèle hybride
(horizontal et vertical)

Groupe financier A Groupe financier B

Bourse Bourse Plateforme de Bourse A Plateforme de


négociation négociation

Lien capitalistique Lien capitalistique


majoritaire majoritaire

CCP CCP CCP

186 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


2.2.2. Relation entre la CCP et les avec l’infrastructure qui compense les
plateformes de négociation transactions négociées. La CCP fonde son
modèle économique exclusivement sur
Dans le cadre de la compensation d’ins- les revenus de compensation et cherche
truments négociés sur des plateformes de à compenser les transactions négociées
négociation, il existe différents modèles de sur plusieurs plateformes de négociations.
relations entre la CCP et les plateformes. C’est le cas par exemple de la CCP néer-
Ces différents modèles d’organisation sont landaise EuroCCP, détenue en 2020 par le
décrits ci-avant. Chicago Board Options Exchange (CBOE)
et qui compensait, début 2019, les tran-
Le modèle dit vertical (ou silo) est un modèle sactions provenant de près d’une trentaine
dans lequel les services de compensation de plateformes de négociation, y compris
sont fournis par une infrastructure appar- des plateformes de négociation multilaté-
tenant à un groupe intégrant la plateforme rale (notamment celles de Nasdaq OMX,
de négociation, l’infrastructure de compen- Alternext, Euronext, Traiana, Turquoise, Cboe
sation et, le cas échéant, l’infrastructure Europe Equities, Equiduct, etc.).
de règlement-livraison. Le modèle vertical
induit une relation exclusive entre le marché Le modèle dit hybride (à la fois horizontal
et la CCP, qui est en général le complément et vertical), est un modèle dans lequel il
économique d’autres fonctions, en parti- existe un lien capitalistique entre la plate-
culier la négociation. Le groupe allemand forme de négociation et l’infrastructure de
Deutsche Börse est ainsi organisé. compensation mais qui permet néanmoins
à d’autres infrastructures de négociation de
Le modèle dit horizontal est un modèle bénéficier des services de l’infrastructure
dans lequel les plateformes de négociation de compensation. La CCP française LCH SA
n’ont pas de lien capitalistique majoritaire en est un exemple.

Encadré n° 1 : L’exemple de LCH SA

La CCP française LCH SA (nom commercial de la Banque centrale de compensation) est la filiale
française du groupe britannique LCH Group Limited. Depuis mai 2013, le London Stock Exchange
Group (ci-après « LSEG ») détenait la majorité des parts sociales de LCH Group Limited. En octobre
2018, LSEG a augmenté sa participation majoritaire de 15,1%, portant sa part à 82%. LSEG ne consti-
tuant pas un groupe financier, il n’est pas supervisé par les autorités françaises.

LCH SA a son siège social à Paris et dispose de succursales à Amsterdam et Bruxelles, ainsi que d’un
bureau de représentation au Portugal.

Les services de compensation fournis par LCH SA portent essentiellement sur des produits libellés en euros :

• titres échangés sur les marchés réglementés Euronext : actions au comptant et actions convertibles ;

• dérivés échangés sur les marchés réglementés Euronext : dérivés actions (indices et single stock)
et matières premières ;

• transactions sur dettes d’État (France, Italie, Espagne, Allemagne, Belgique) : achats-ventes au
comptant et pensions livrées ;

• dérivés échangés sur les marchés OTC : CDS sur indice d’entités de référence et sur émetteur unique.

…/…

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 187


Chapitre 11 Les contreparties centrales


La CCP compense ainsi les produits négociés notamment sur les plateformes Equiduct et Turquoise
à la Bourse de Luxembourg, et sur les plateformes de négociation des repos MTS, Brokertec et
Tullett Prebon.

LCH SA a le statut de chambre de compensation en vertu de l’article L.440-1 du Code monétaire et


financier et à ce titre, assure la fonction de contrepartie centrale vis-à-vis de ses adhérents compensateurs.

LCH SA est également agréée en tant qu’établissement de crédit par l’Autorité de contrôle prudentiel et
de résolution (ACPR). De par son statut d’établissement de crédit, LCH SA est soumise aux exigences
prudentielles bancaires et a accès aux opérations de refinancement de l’Eurosystème.

Dans le cadre de la directive sur le caractère définitif du règlement (ci-après « directive finalité »),
LCH SA a été désignée par le ministère des Finances français en tant que système notifié auprès de
l’ESMA 1. Ce statut lui permet de bénéficier des dispositions de la directive finalité 2, en rendant irré-
vocable et opposable à tous les participants dudit système, la compensation des créances bancaires
ou financières en cas de procédures collectives de l’un des participants. Cette directive garantit aussi
le transfert de propriété des instruments financiers, c’est-à-dire le collatéral, remis à la contrepartie
centrale par les participants en garantie de leurs positions.

La CCP française, en tant qu’infrastructure de marché, est surveillée par l’ACPR, l’Autorité des marchés
financiers (AMF), et la Banque de France. Les trois autorités ont été désignées autorités nationales
compétentes par l’État français, en application du règlement EMIR.

L’autorisation de la CCP française selon les dispositions d’EMIR a fait l’objet d’une évaluation menée
en avril 2014 par les trois autorités nationales compétentes, qui ont conclu à la conformité de LCH SA
aux exigences d’EMIR. Dans ce contexte, LCH SA a obtenu son agrément au titre d’EMIR par l’ACPR
le 22 mai 2014.

1 Autorité européenne des marchés financiers (European Securities and Markets Authority).
2 Directive n° 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paie-
ment et de règlement livraison des opérations sur titres.

2.2.3. L’interopérabilité infrastructure des marchés financiers peut


donc établir un lien avec i)  une infrastructure
Une CCP peut être participante d’une similaire afin d’étendre ses services à des
autre CCP grâce au mécanisme d’intero- instruments financiers additionnels, à de
pérabilité. L’interopérabilité est un modèle nouveaux marchés – on parlera alors d’inte-
d’organisation permettant de lier des ropérabilité – ; ou ii)  avec une infrastructure
infrastructures de marché : appliqué aux CCP, de marchés différente (par exemple une CCP
ce dispositif permet aux ordres d’un membre pour les marchés des titres peut établir et
actif dans l’une des deux CCP d’être appariés utiliser un lien avec un dépositaire central
de manière anonyme avec ceux d’un pour recevoir et livrer des titres).
membre actif dans l’autre CCP, sans que
l’un et l’autre n’aient besoin d’être adhérents L’interopérabilité n’est possible que lorsque
des deux CCP à la fois. L’interopérabilité les deux CCP en question ont passé des
est définie au principe 20 des PFMI (voir accords, devenant ainsi contreparties l’une
chapitre 18), comme un ensemble d’accords de l’autre. L’interopérabilité implique de
opérationnels et contractuels entre deux maîtriser le risque systémique qui serait
ou plusieurs infrastructures, liées directe- déclenché par une défaillance de la CCP
ment ou par le biais d’un intermédiaire. Une avec laquelle le lien est établi. La définition

188 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


La CCP sans lien d’intéropérabilité L’intéropérabilité entre CCP

A B B

A D

CCP 1

C CCP 1 D

H CCP 3

G F E CCP 2

A, B, C, etc : participants directs à la CCP G E


F

Liens d’intéropérabilité

des ressources supplémentaires destinées entre les CCP, contrairement à une structure


à couvrir ce risque exige donc la prise en plus simple dans laquelle une plateforme
compte d’hypothèses d’instabilité des de négociation est reliée séparément à
positions inter-CCP. chaque CCP. Relier les CCP par un lien
d’interopérabilité revient à élargir les inter-
Les liens entre CCP en Europe sont dépendances entre les CCP, en l’occurrence
les suivants : notamment aux membres compensateurs
• CC&G et LCH SA : dette souveraine de l’autre CCP 20. Le risque systémique
italienne ; peut se trouver ainsi accru.
• Euro CCP et LCH Ltd : titres de capital ;
• Euro CCP et Six x-Clear : titres de capital ; Le principe de ségrégation des positions
• LCH Ltd et Six x-Clear : titres de capital ; et des actifs (cf. section 3 du présent 19 EMIR, considérant 73 :
• LCH Ltd – Six x-Clear Norway : titres de chapitre) est également applicable aux […] En outre, compte
tenu de la complexité
capital et dérivés actions. liens d’interopérabilité. des accords d'inte-
ropérabilité entre les
contreparties centrales
Dans ce contexte, chaque CCP doit mettre Dans EMIR, la gestion des risques de assurant la compensa-
en place un cadre général pour détecter, deux CCP liées par un accord d’interopéra- tion de contrats dérivés
surveiller et gérer les risques pouvant bilité fait l’objet de dispositions particulières. de gré à gré, il convient,
à ce stade, de restreindre
résulter de l’interopérabilité. Dans le cadre d’un lien d’interopérabilité, le champ d'applica-
les deux CCP ne contribuent pas à leurs tion de tels accords
aux valeurs mobilières
La réglementation EMIR encadre de fonds de défaut respectifs (cf. ci-après et aux instruments du
manière stricte les accords d’interopéra- section 3.1.5) : cela permet en effet de marché monétaire.
bilité, qui ne doivent concerner que les limiter le risque de contagion entre les 20 «  Les contreparties
produits cash et les dérivés listés, mais deux infrastructures, dans la mesure où centrales, instruments
de stabilité et d’atté-
dont sont exclus les dérivés OTC, le régu- les ressources de la CCP survivante ne nuation du risque »,
lateur européen ayant considéré que les sont pas entamées par les pertes de la CCP Aigrain J., in Les produits
dérivés OTC ne pouvaient être compensés défaillante. La couverture des risques se fait dérivés de gré à gré :
nouvelles règles,
dans le cadre d’un lien d’interopérabilité  19 donc uniquement par un échange de marges n o uve a u x a c t e u r s ,
du fait de la complexité de ce dernier. Il est entre les deux CCP (incluant la possibi- nouveaux risques,
Banque de France, Revue
à noter que l’interopérabilité introduit un lité pour chacune des CCP d’appeler des de la stabilité financière,
risque de défaillance de la contrepartie marges additionnelles). n° 17, avril 2013

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 189


Chapitre 11 Les contreparties centrales


Au-delà de l’interopérabilité, l’analyse des à l’acheteur, la CCP prend de fait un risque


interdépendances entre les CCP est un de crédit sur chaque contrepartie.
point d’attention important pour les régula-
teurs notamment dans le cadre des travaux 3.1. Mécanismes de protection
de stress tests du risque de défaillance de de la CCP
la contrepartie coordonnés par l’ESMA 21,
mais aussi au travers des exercices de simu- Les mécanismes de protection de la CCP
lation de défaillance menés par les CCP contre le risque de crédit s’appliquent dès
européennes et leurs régulateurs respectifs, la mise en place des critères d’adhésion.
afin d’évaluer les interconnexions de leurs Des ressources préfinancées individuelles
participants directs communs (mars 2018) (marge initiale et marge de variation) et
et les travaux internationaux et européens mutualisées (fonds de défaut) font partie
(Banque des règlements internationaux des autres outils dont dispose la CCP.
– BRI, CERS 22).
3.1.1. Les critères d’adhésion directe
La BRI a également publié en 2017 une étude
dédiée à l’analyse des interdépendances liées Les critères d’adhésion directe de membres
à la compensation centrale 23 ; la reconduc- compensateurs ou participants à la CCP
tion de l’enquête en 2018 sur des données constituent la première ligne de défense,
à octobre 2017 a permis de constater que dans le cadre de la gestion des risques de
les constats de l’étude restaient valables  24. la CCP. Les critères doivent être objectifs et
Cette étude, réalisée à partir d’un échantillon rigoureux. Ces critères reposent principale-
de 26 CCP dans le monde, a mis en lumière ment sur l’étendue de l’activité du participant,
le niveau élevé d’interconnexions liées à son statut, sa solvabilité, sa notation, etc.
des participants communs (cf. chapitre 17).
Elle a de plus révélé des interdépendances Il n’existe à ce jour pas d’exigences
fortes entre les CCP (sans que celles-ci réglementaires au niveau européen sur
soient nécessairement interopérables), la qualité des membres compensateurs,
entre les CCP et d’autres intervenants EMIR ne comprenant pas de disposition
(notamment les dépositaires, les agents en la matière ; ces critères relèvent donc
de règlement, les fournisseurs de liquidité ou de chaque État membre.
de services d’investissement), dont certains
sont également membres compensateurs. En France, l’accès des participants à
Les travaux en la matière, qui mettent en une CCP est fixé par l’art L.440-2 du Code
lumière le caractère hautement systémique monétaire et financier : le participant à
des CCP, se poursuivent. la CCP doit être une personne morale et
devait historiquement faire partie de l’une
des catégories suivantes : i)  établissement
3. Les dispositifs de protection de crédit ; ii)  entreprise d’investissement ;
contre les risques auxquels iii)  organismes supra-nationaux (organismes
une CCP est exposée financiers internationaux ou organismes
publics et entreprises contrôlées par 21 Autorité européenne
L’accès aux CCP doit être équitable et ouvert : et opérant sous garantie d’un État). des marchés financiers
(European Securities
les critères d’adhésion à une contrepartie La loi PACTE adoptée en 2019 permet Markets Authority).
centrale doivent donc être non discrimina- dorénavant, sous conditions, d’étendre 22 C omité européen du
toires et objectifs. La CCP doit trouver un aux fonds et aux assurances la possibi- risque systémique.
équilibre entre ce principe et les critères lité de participer directement à une CCP. 23 «  Analysis of central
d’accès qui constituent sa première ligne de Ces conditions d’accès strictes, liées au clearing interdepen-
dencies » (juillet 2017) :
défense. Une CCP est en effet très largement statut des participants, permettent d’assurer http://www.fsb.org/
exposée au risque de crédit en cas de défail- une grande qualité à la participation directe wp-content
lance de l’un de ses participants. En devenant à la CCP et de sécuriser ainsi le dispositif de 24 h ttps://www.bis.org/
acheteur face au vendeur et vendeur face mutualisation des pertes en cas de défaut. press/p180809.htm

190 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


Outre les dispositions réglementaires ou Commission Merchant ou « FCM ») est


législatives nationales auxquelles elles mandaté par le client pour garantir et
doivent répondre le cas échéant, les contre- effectuer ses paiements et/ou ses livrai-
parties à une transaction doivent souscrire sons. Le client et la CCP ont un lien direct,
un contrat d’adhésion auprès de la CCP et le client bénéficiant directement de la
répondre aux critères d’adhésion définis par garantie de bonne fin de la CCP avec
cette dernière. Ces contreparties deviennent son FCM. Ce dernier est responsable
alors des participants (également appelés vis-à-vis de la CCP des engagements
« membres compensateurs » ou « adhérents du  client ;
compensateurs ») de la CCP. Les participants
bénéficient dès lors des services de compen- • le modèle dit « principal » est prédo-
sation moyennant le paiement de frais et le minant en Europe. Il se construit par
versement de marges ainsi que d’une contri- deux relations juridiques séparées : ce
bution à un fonds de défaut, pour protéger modèle implique que l’adhérent compen-
d’une éventuelle défaillance. Chaque membre sateur ait une relation contractuelle avec
peut réaliser des opérations pour son compte la CCP, il agit en son nom et il met en
propre, mais aussi des opérations pour le place un contrat « miroir » avec le client.
compte de ses clients. Ces clients sont en Dans le modèle « principal », le client a
général des établissements de taille moindre, une exposition envers le participant direct
ou qui ne remplissent pas les conditions à la CCP et non envers la CCP.
d’adhésion directe à la CCP.
Dans ces deux modèles, la CCP met en
En application du principe de ségrégation place des procédures permettant de protéger
des positions et des actifs (cf. section 4 du les actifs des clients en les distinguant de
présent chapitre), les CCP doivent distin- ceux du participant direct afin de limiter les
guer les positions et les actifs d’un adhérent effets de contagion d’un défaut du participant
compensateur de ceux d’un autre adhérent direct sur ses clients : c’est la ségréga-
compensateur, et également de leurs propres tion (cf. section 3.1.6 du présent chapitre).
actifs. De même, les positions et les actifs De plus, la CCP doit prévoir le transfert des
de l’adhérent compensateur doivent être positions des clients d’un adhérent compen-
distingués de ceux de ses clients. sateur, en cas de défaillance de ce dernier,
vers un autre adhérent compensateur « non
Les établissements ne remplissant pas les défaillant » : il s’agit de la portabilité.
critères d'éligibilité exigés par la CCP pour
devenir participants directs et effectuer la Un modèle hybride est actuellement envisagé
compensation de leurs ordres directement par plusieurs CCP européennes, ou déjà
auprès de la CCP, sont contraints de passer mis en place (par exemple en Allemagne).
par l'intermédiaire de participants directs. Il s’agit d’un accès direct dit « sponsorisé ».
Ces acteurs sont connus sous le terme de Ce modèle permet au client de devenir
« participants indirects » ou « clients ». contrepartie directe à la CCP. Le client a un
agent qui verse pour son compte les contri-
3.1.2. Les modèles de butions au fonds de défaut, et qui prend
participation indirecte part, éventuellement, pour le compte de son
client aux procédures de gestion de la défail-
Il existe deux modèles de partici- lance d’un adhérent compensateur. Selon les
pation indirecte : modèles envisagés, l’agent peut aussi agir
en qualité d’agent payeur (paying agent) pour
• le modèle dit d’agency clearing, qui est les opérations du client (appels de marges,
prédominant aux États-Unis. Selon ce gestion du collatéral, etc.). Ce modèle
modèle, le participant direct à la CCP permet au client d'avoir un accès direct à
(appelé aux États-Unis, dans le cadre la CCP, sans devoir répondre aux exigences
des opérations sur dérivés, Futures et aux critères d’accès stricts en tant que

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 191


Chapitre 11 Les contreparties centrales


membre compensateur, et en se voyant au moins quotidiennement. Les appels de


ainsi appliquer des exigences de marges marge sont réalisés ainsi au moins une fois
moindres que s’il était participant indirect. par jour, voire en cours de journée, ce qui
Pour l’agent, ce modèle permet, du point de est particulièrement important en cas de
vue des exigences prudentielles, de ne pas forte volatilité des marchés.
intégrer les expositions des transactions et
des marges de son client, par exemple pour La CCP contrôle au fil de l’eau – et donc au
le calcul de ses exigences en fonds propres. moins plusieurs fois par jour – l’adéquation
des marges qu’elle détient à son niveau
3.1.3. Les marges (ou dépôts) d’exposition aux risques. Ces contrôles se
de garantie concentrent généralement sur le « back-
testing » des niveaux de marges par rapport
Le dépôt de garantie initial, ou marge initiale, aux portefeuilles des membres. L’objectif
est déposé auprès de la CCP (sous la forme d’un « backtest » est en effet de s’assurer
d’espèces ou d’actifs sûrs très liquides). ex post que le niveau de ressources préfi-
Cette marge initiale correspond à la perte nancées détenues par la CCP est suffisant
estimée liée à la dégradation de la valeur pour couvrir son exposition, compte tenu
de marché de la position du membre défail- des positions des adhérents compensa-
lant, en cas de liquidation du portefeuille teurs et des prix réellement observés sur le
du membre défaillant sur quelques jours, marché. Ces backtests permettent à la CCP
dans l’hypothèse i)  de conditions de marché d’apprendre de ses éventuelles erreurs et
défavorables ; et ii)  de l’absence de consti- d’ajuster le modèle de gestion des risques
tution de marges de variation pendant cet si besoin. Ils sont nécessaires à l’évaluation
intervalle. Ainsi, elle doit permettre de couvrir de la méthode utilisée et à la validation du
les pertes (avec une probabilité d’au moins modèle de gestion des risques d’une CCP.
99 % en vertu d’EMIR, portée à 99,5 %
pour les dérivés OTC) liées aux variations 3.1.4. Le portfolio margining
de marché sur les expositions pendant une
durée de liquidation variant en fonction Le portfolio margining consiste pour une CCP
des instruments financiers compensés, et à calculer un montant de marge initiale à partir
leur liquidité. À titre d’exemple, les marges d’une estimation des pertes du portefeuille
initiales tiennent compte d’une durée de liqui- d’un adhérent compensateur en prenant en
dation de cinq jours (en application d’EMIR) compte des instruments appartenant à un
pour les dérivés de gré à gré, réputés moins ou plusieurs segments d’activités donnés
liquides que les dérivés listés pour lesquels (dérivés actions, CDS, repos, etc.).
une durée de liquidation de deux jours a
été retenue. Par le mécanisme du portfolio margining,
une CCP qui concentre le même type d’ins-
Les marges de variation servent pour truments dans plusieurs devises, ou des
leur part à couvrir le risque de marché de instruments différents bénéficiant d’une
la CCP en reflétant l’évolution de la valeur corrélation significative, peut réglemen-
et du risque des positions des adhérents tairement appeler au total des marges
compensateurs, en fonction des prix de initiales moins élevées auprès de ses
marché. La marge de variation est calculée adhérents compensateurs, que des marges
sur la base de la différence entre la valeur calculées instrument par instrument et/ou
de marché des opérations en portefeuille devise par devise. Cette pratique permet
lors de la dernière évaluation et leur valeur ainsi aux adhérents compensateurs de
initiale, pour couvrir le coût de remplace- déposer des montants de marges signi-
ment éventuel de l’opération à la valeur de ficativement inférieurs à ceux qui seraient
marché. C’est le participant dont les positions nécessaires si la CCP estimait les pertes
se déprécient qui est appelé à verser des potentielles instrument par instrument ou
marges de variation. Celles-ci sont ajustées devise par devise.

192 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


Dans l’UE, la pratique du portfolio margining • la CCP peut alors prendre en compte au


est encadrée par l’article 27 de la norme maximum 80 % des gains réalisés, sauf
technique 153/2013 d’EMIR. Pour mémoire, si elle démontre que la prise en compte
selon cet article, une CCP peut calculer de 100 % des gains ne modifie pas son
ses marges au niveau d’un porte- profil de risque.
feuille d’instruments financiers dans les
conditions suivantes : Le portfolio margining concerne un dispo-
sitif de compensation entre des instruments
• si les prix de ces instruments ont une financiers ou des devises au sein d’une
corrélation fiable et significative ; même CCP. Dans certaines juridictions,
notamment aux États-Unis, il existe
• si cette corrélation est fiable sur des également un dispositif de compensa-
périodes historiques, fait preuve de tion entre instruments ou devises pour un
« résilience pendant les périodes de même membre compensateur au sein de
tensions » et correspond à une logique plusieurs CCP ; c’est ce qu’on appelle alors
économique entre les instruments ; le cross-margining.

Encadré n° 2 : Le cas particulier des marges croisées (cross-margining)

Dans un accord de marges croisées, deux CCP calculent un montant de marges correspondant aux
positions consolidées dans chacune des CCP d’un adhérent compensateur commun, faisant ainsi
bénéficier celui-ci d’une réduction des marges appelées en cas de corrélation négative entre les deux
portefeuilles. Dans un accord de marges croisées, les deux CCP s’accordent sur un modèle de risque
commun et calculent le besoin en marge initiale sur la base des portefeuilles combinés. L’adhérent
compensateur n’est donc plus appelé que d’un montant réduit prenant en compte la corrélation entre
ces deux portefeuilles.

En pratique il existe deux modèles d’accord de marges croisées :

• le premier modèle est intégré, au sens où le dispositif de cross‑margining est géré par une CCP
unique 1. Les transactions qui font l’objet du calcul de marges en cross‑margining sont ségré-
guées sur un même compte de positions (quelle que soit la CCP avec laquelle elles sont conclues).
Ces positions sont couvertes par des marges calculées sur la base du portefeuille dans son ensemble
et conservées sur un compte de marges dédié. Les comptes de marges et de positions sont gérés par
une des deux CCP en qualité d’administrateur. En cas de défaillance d’un participant, les deux CCP
coordonnent les processus de gestion du défaut (en effet, un calcul de marges en portfolio margining
suppose une liquidation simultanée de toutes les positions concernées). Les pertes sont absorbées
d’abord par le compte de marges dédié, puis par les deux CCP (soit en proportion des positions de
chaque CCP, soit à parts égales) en utilisant d’abord le reste du collatéral du participant défaillant
(marges des autres comptes et contribution aux fonds de défaut), enfin par les fonds de défaut des
deux CCP. Pour le calcul de la « stress test loss » de chaque participant (qui peut définir la taille du
fonds de défaut en application du principe « cover 2 » 2), les expositions de la CCP sur les positions
du compte « cross-marginé » sont prises en compte par chaque CCP ;

1 Modèle utilisé par exemple par les CCP américaines CME et OCC.


2 Le  principe «  cover 2 » vise la nécessité de couvrir le défaut des deux participants présentant les plus importantes expositions. Pour plus de détails
voir ci-après section 3.1.5.

…/…

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 193


Chapitre 11 Les contreparties centrales


• le second modèle conserve la ségrégation des comptes entre les deux CCP mais prend en compte
les positions de l’autre 3. Ainsi, chaque CCP calcule les marges correspondant au portefeuille de
son participant séparément, puis déduit du montant calculé la partie correspondant aux gains que
permet le portfolio margining sur le portefeuille combiné du participant au prorata. En théorie, si
les pertes d’une CCP excèdent le collatéral restant sur ce compte de marges, cela signifie que des
gains sont réalisés dans la liquidation des positions détenues par l’autre CCP : pour cette raison,
chaque CCP a une créance sur l’autre, égale à la différence entre les marges calculées séparément
et les marges qu’elle détient effectivement.

En cas de défaillance, les deux CCP devraient coordonner étroitement leurs processus de gestion du
défaut, de la déclaration de défaut à la liquidation simultanée des positions du participant défaillant
(indispensable pour préserver le bénéfice du portfolio margining). Dans les faits cela impliquerait que
la coordination soit telle que la gestion du défaut soit réalisée en un point central pour être parfaite-
ment synchrone. Cela reviendrait donc opérationnellement à confier à l’une des entités cette gestion
du défaut sur les portefeuilles faisant l’objet d’un cross‑margining.

Dans ces deux modèles de cross‑margining, les CCP sont obligées de mettre en place une coordi-
nation étroite dans le cadre de la gestion d’un défaut qui implique que l’une des CCP agisse pour le
compte des deux. À défaut, elles s’exposent toutes les deux à des pertes plus importantes que celles
couvertes par les marges appelées. En substance, cela induit une externalisation de l’une des CCP
auprès de l’autre, ou au minimum une très forte dépendance.

Le cross‑margining est relativement développé dans certaines juridictions, dont les États-Unis, où des
solutions de cross‑margining ont été mises en œuvre entre plusieurs CCP, et sur différent segments
d’activité (par exemple respectivement entre CME/OCC et CME/FICC). Par contre, la réglementation
européenne interdit le cross‑margining dans la mesure où il ne permet pas à une CCP d’avoir une
pleine maîtrise de ses ressources préfinancées, conforme aux exigences d’EMIR, pour deux raisons :

• premièrement, du point de vue de la stabilité financière, le cross‑margining crée des expositions


croisées entre les CCP (une partie au moins des marges de l’une servant à couvrir le risque de l’autre)
qui accroissent les interdépendances et le risque de contagion entre CCP. Les pertes réalisées par
chaque CCP et leur couverture par le collatéral disponible dépendent non seulement de la situation
de marché mais aussi de la qualité de la gestion du défaut de chaque CCP, en termes de liquidation
du portefeuille comme du collatéral du membre compensateur défaillant. L’imputation d’une partie
des pertes sur le collatéral de l’autre CCP crée un aléa moral qui peut réduire les incitations à une
bonne gestion du défaut dans certains cas. En outre, dans un contexte particulier en l’occurrence
transfrontalier, le superviseur de la CCP qui doit couvrir les pertes de l’autre CCP pourrait refuser
d’autoriser le transfert du collatéral, notamment s’il estime que ce collatéral doit couvrir des pertes
de la CCP elle-même ou que la gestion du défaut de l’autre CCP était déficiente ;

• deuxièmement, la coordination de la gestion du défaut posera problème. Le portfolio margining


impose une liquidation simultanée des portefeuilles sur tout le périmètre concerné. Si les procédures
supposent théoriquement une liquidation rapide selon un calendrier préétabli, l’expérience montre
que les CCP préfèrent parfois conserver les portefeuilles plus longtemps pour des raisons opéra-
tionnelles ou pour attendre un retour à meilleure fortune. Par ailleurs, compte tenu de la volatilité
de marché dans ce type de contexte, il importe que la coordination opérationnelle soit telle que les
actions soient pratiquement simultanées. Cela induit de ce fait une coordination en un seul point
pour les deux CCP, qui revient à confier le processus de gestion du défaut à une des deux entités.

3 Modèle utilisé par les CCP américaines FICC et CME.

194 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


3.1.5. Le fonds mutualisé de défaut fonds de défaut est alors calculé comme la
somme des deux STLOIM les plus élevées,
Les participants (c’est-à-dire adhérents ce qui permet de garantir le cover 2.
compensateurs ou participants indirects
dans le modèle agency) contribuent au fonds Des tests quotidiens sont menés par
mutualisé de défaut – également appelé les CCP (stress testing), afin de mesurer
fonds de défaillance – constitué auprès l’adéquation de leurs ressources (les marges
de la CCP afin de couvrir leurs expositions et la contribution au fonds de défaut) en cas
qui ne sont pas couvertes par les appels de variation extrême, mais plausible, des
de marges. Ce fonds doit être financé à conditions de marché. Ces stress tests
l’avance, par les adhérents compensateurs, se fondent sur des scénarios historiques
avec une contribution soit proportionnelle et/ou hypothétiques. En complément, des
à l’exposition de la contrepartie centrale « reverse stress tests » sont mis en place
vis-à-vis de ses adhérents (ce qui est le cas par les CCP. Ces derniers doivent permettre
général), soit fixe. Les modalités de calcul d’évaluer les limites de leurs niveaux de
des contributions des membres compensa- couverture, en identifiant les conditions
teurs au fonds de défaut sont déterminées dans lesquelles la CCP ne serait plus
par la CCP. capable d’absorber les pertes.

À la suite des graves défaillances 3.1.6. La ségrégation et la portabilité


observées depuis 2008 (Lehman Brothers,
MF Global), les normes internationales Les ressources préfinancées (marges
(PFMI, voir chapitre 18) prévoient que les et fonds de défaut) appelées par la CCP
ressources préfinancées (c’est-à-dire la pour couvrir les expositions des partici-
combinaison des marges initiales et de la pants sont déposées par ces derniers
contribution au fonds de défaut) doivent dans les livres de la CCP, soit sous forme
a minima couvrir le défaut du participant d’un transfert de propriété, soit sous
ayant les plus importantes expositions forme d’un nantissement. Des exigences
(cover 1). Cette exigence de couverture strictes sont fixées par EMIR s’agissant
est plus sévère pour les CCP d’impor- de la qualité du collatéral, qui doit être
tance systémique ou qui compensent des déposé soit sous la forme d’espèces, soit
produits complexes, avec la nécessité de sous la forme d’instruments financiers
couvrir le défaut des deux participants très liquides et présentant un risque de
présentant les plus importantes exposi- marché et de liquidité minimal. En fonction
tions (cover 2). des instruments remis, des décotes sont
par ailleurs appliquées pour prendre en
EMIR a fait le choix de la couverture la plus compte toute variation potentielle à la
exigeante (cover 2) pour toutes les CCP baisse de la valeur du collatéral remis
de l’UE. En application de son article 43, entre la dernière évaluation de ce collatéral
le calibrage du fonds de défaut doit ainsi et le moment probable de sa liquidation.
permettre de résister à des évènements Par ailleurs, une sécurité est conférée
de marché extrêmes mais plausibles, et par une exigence réglementaire d’EMIR
de couvrir les deux plus fortes expositions de déposer les titres remis en colla-
de la CCP vis-à-vis de ses participants. téral auprès d’opérateurs de systèmes
En pratique, le fonds de défaut est générale- de règlement de valeurs mobilières
ment dimensionné en fonction des résultats garantissant la protection totale de ces
des stress tests internes de la CCP : à partir instruments financiers (cf. chapitre 12 sur
de ces scénarios extrêmes mais plausibles, les dépositaires centraux de titres – CSD).
la CCP détermine pour chaque adhérent
compensateur la perte maximale qui dépas- La réglementation européenne impose une
serait les marges initiales (on parle de stress gestion du collatéral transparente. Ainsi,
test loss over initial margin, ou STLOIM) : le les positions et le collatéral doivent être

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 195


Chapitre 11 Les contreparties centrales


ségrégués dans les comptes de la CCP, la liquidation une perte apparaît, les contri-
pour préserver les positions des clients d’un butions au fonds de défaut des membres
adhérent compensateur défaillant et ainsi non défaillants seront utilisées.
éviter le risque de contagion. La ségrégation
a pour intérêt premier d’éviter de mutualiser 3.1.7. L’allocation hiérarchisée
les pertes en distinguant bien les actifs de des pertes
chaque membre compensateur et ceux de
la CCP, ainsi que les actifs de chaque client Dans le cas de la gestion du défaut d’un
d’un même membre compensateur, dès lors membre, le règlement EMIR prescrit
que le client a opté pour une ségrégation un ordre d’utilisation des ressources,
individuelle. D’autre part, elle permet, en cas ou d’allocation hiérarchisée des pertes
de défaillance d’un adhérent compensateur, (« waterfall process »).
la portabilité des positions desdits clients vers
un autre adhérent compensateur « sain ». Si un défaut se produit, la CCP procède
Ce mécanisme permet d’assurer la continuité au règlement des positions du membre
des contrats par transfert des positions des défaillant de la manière suivante :
clients, et permet aux CCP de bien suivre et
surveiller les risques liés à la concentration sur • premier niveau : les marges fournies
quelques participants importants des exposi- par le membre défaillant (marges initiales
tions engendrées par les participants indirects. et marges additionnelles définies par
la CCP). L’utilisation en premier lieu des
Dans le cadre de la gestion d’un défaut, marges du membre défaillant doit inciter
les CCP cherchent à minimiser les pertes les participants à gérer prudemment
sur le portefeuille du membre défaillant. leurs risques et les CCP à calibrer correc-
Pour ce faire, elles disposent d’un certain tement ces marges ;
nombre d’outils :
• deuxième niveau : la contribution du
• l’inventaire du portefeuille du membre membre défaillant au fonds de défaut
défaillant ; de la CCP. Si la CCP est organisée en
plusieurs segments d’activité (comme
• dans la mesure du possible, le portage c’est le cas pour LCH SA par exemple,
des positions et des garanties des avec les segments Fixed Income, Cash
clients du membre défaillant vers un et Dérivés, CDS, etc.), elle peut définir
autre  membre ; pour chaque segment d’activité un
fonds de défaut séparé et étanche :
• l’utilisation des marges initiales déposées ainsi, la fermeture d’un segment d’ac-
par le membre défaillant ; tivité n’entraînera pas de contagion aux
autres  segments ;
• l’application d’une stratégie de liquida-
tion des positions non portées (type • t roisième niveau : une part des
d'actif/portefeuille) ; ressources propres de la CCP (« skin
in the game »). Les ressources propres
• la neutralisation du risque du porte- de la CCP doivent être utilisées avant
feuille du membre défaillant en prenant celles des membres non défaillants.
des positions inverses sur le marché, Ce dispositif incitatif en faveur d’une
et/ou par la vente du portefeuille par bonne gestion des risques par la CCP
un intermédiaire. est propre au cadre européen et à EMIR ;
d’autres juridictions, par exemple
Si la liquidation du portefeuille de l’adhé- les États-Unis, ne prévoient pas d’obliga-
rent compensateur a généré un bénéfice, tion réglementaire en la matière, même
celui-ci sera reversé à l'administrateur du s’il s’agit d’une bonne pratique assez
membre défaillant. En revanche, si à la fin de largement diffusée. En Europe, le « skin

196 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


Encadré n° 3 : Allocation hiérarchisée des pertes (« Waterfall ») dans EMIR

Défaut d’un membre compensateur

Marges fournies par le membre défaillant


(marge initiale + marges additionnelles)

Contribution du membre défaillant


au fonds de défaut

« Skin in the game » : une partie


des fonds propres de la CCP

Contributions des membres non défaillants


au fonds de défaut

Nouvel abondement du fonds de défaut


par les membres non défaillants

in the game » est déterminé réglemen- Si toutes les ressources préfinancées


tairement et doit correspondre a minima décrites ci-dessus ne suffisent pas à couvrir
à 25 % des exigences en capital de les pertes liées au portefeuille de l’adhérent
la CCP (fixées par EMIR). Ces 25 % compensateur défaillant, une phase de réta-
sont ensuite répartis entre les différents blissement pourra être ouverte, obligeant
segments d’activité, au prorata de la les adhérents compensateurs survivants à
taille du segment (et notamment de apporter des ressources supplémentaires :
la taille du fonds de défaut retenu par
la CCP pour chaque segment) ; – la CCP peut appliquer une décote
sur les marges de variation (VMGH)
• quatrième niveau : les contributions normalement dues aux membres
au fonds de défaut des membres non compensateurs survivants, au prorata
défaillants. C’est par la mobilisation de entre ceux-ci  ;
ces ressources que la mutualisation des
pertes est réalisée. Les marges initiales – les positions des adhérents compen-
des membres non défaillants sont sateurs ayant une position inverse
exclues de la mutualisation des pertes. à celle de l’adhérent compensateur
En cas d’épuisement du fonds de défaut, défaillant peuvent être annulées,
celui-ci peut être abondé une nouvelle moyennant le versement d’une
fois à la demande de la CCP. indemnité, en contrepartie ;

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 197


Chapitre 11 Les contreparties centrales


– si les étapes précédentes ne 4. Normes et réglementation


comblent pas les pertes liées à la applicables aux CCP
liquidation du portefeuille de l’adhé-
rent compensateur défaillant, alors 4.1. Les normes applicables aux CCP
les adhérents compensateurs survi- au niveau international
vants devront contribuer aux pertes
pour que le service de compensation Les infrastructures de marché et plus parti-
puisse se poursuivre via un nouvel culièrement les CCP ont bien fonctionné
abondement du fonds de défaut, au cours de la crise financière en limitant
dans la limite prévue par les règles notamment les risques de contagion. Il est
de fonctionnement de la CCP ; néanmoins apparu nécessaire de renforcer
leur robustesse et d’améliorer ainsi leur
– e
 n dernier ressort, et pour éviter contribution à la stabilité financière en
toute contagion à d’autres secteurs réduisant le risque systémique.
d’activité pour lesquels la CCP
propose des services de compen- C’est l’objet des PFMI publiés en avril 2012
sation, la CCP pourrait décider de la (cf. chapitre 18). Par rapport aux corps de
fermeture du segment de compen- normes 25 qu’ils remplacent, les PFMI sont
sation concerné. désormais unifiés dans un seul document,
mis à jour, harmonisés et renforcés. Ils ont
En outre, si la préservation de la stabilité pour objectif de renforcer la solidité des
financière le justifie, l’autorité de résolution infrastructures et de leur permettre de
peut déclencher à tout moment la résolu- mieux résister aux crises financières et
tion d’une CCP défaillante. L’autorité de notamment à l’éventualité du défaut d’un
résolution disposera alors de certains outils ou de plusieurs participants.
pour préserver les services critiques de la
CCP, tout en évitant dans toute la mesure Les PFMI comportent notamment un
du possible le recours à un soutien public. chapitre relatif aux responsabilités propres
Le futur règlement européen relatif au réta- aux banques centrales, régulateurs des
blissement et à la résolution des chambres marchés et autres autorités compétentes
de compensation, dont la négociation s’est en matière de régulation, de contrôle et de
achevée à l’été 2020 et qui devrait être publié surveillance de ces infrastructures.
d’ici fin 2020, vient standardiser les outils à 25 CPSS, «  Core principles
la disposition des CCP et de leurs autorités Au regard de l’importance croissante for Systemically impor-
tant Payment Systems »,
de résolution, ainsi que leurs modalités d’uti- des CCP, notamment compte tenu de janvier 2001 :
lisation. S’agissant du rétablissement des la mise en œuvre des engagements http://www.bis.org/cpmi
CCP, deux cas de figure sont distingués pour du G20 relatifs à l’obligation de compen-  C P S S - I O S C O ,
l’utilisation de ces outils en fonction de la sation des produits dérivés standardisés, Recommendations for
Securities Settlement
cause des pertes financières, selon qu’elles en 2015, le Conseil de stabilité finan- Systems, novembre 2001 :
sont ou non liées au défaut d’un ou plusieurs cière, le Comité de Bâle, le Comité des  http://www.bis.org/cpmi
membre(s) de la CCP (exemples de pertes paiements et des infrastructures de  C P S S - I O S C O ,
non liées au défaut d’un membre : problème marché (CPMI) et l’Organisation internatio- Recommendations for
Central Counterparties,
opérationnel dont la CCP serait responsable, nale des commissions de valeurs (IOSCO) mars 2004 :
perte liée à un investissement de la CCP). Ce ont initié un programme de travail sur  http://www.bis.org/cpmi
règlement détaille également les modalités les CCP pour renforcer la résilience, le 26 «  Resilience of central
de résolution des CCP, avec une liste limi- rétablissement et la résolution de ces counterparties (CCPs) :
Further guidance on the
tative des outils à disposition des autorités infrastructures. Ces travaux ont donné lieu PFMI », 5 juillet 2017 :
de résolution, que celles-ci peuvent décider tout d’abord à des préconisations venant  http://www.bis.org/cpmi
d’utiliser dans un but de préservation de la préciser les PFMI  26, en donnant des orien- 27 «  Recovery of financial
stabilité financière, d’équité financière et tations concernant les principaux aspects market infrastructures
– revised report »,
d’évitement du recours aux fonds publics de la gestion de leurs risques par les CCP, 5 juillet 2017 :
dans toute la mesure du possible. notamment sur la gouvernance, les stress  http://www.bis.org/cpmif

198 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


tests du risque de crédit et de liquidité, la permettre i)  un accès non discriminatoire 28 https://www.bis.org/cpmi

couverture des risques, les marges et la aux lieux d’exécution pour les investis- 29 https://www.bis.org/cpmi
contribution aux pertes des CCP. Un autre seurs et ii)  pour les lieux d’exécution un 30 «  Guidance on central
rapport est venu compléter les orienta- accès non discriminatoire aux CCP et aux counterparty resolution
and resolution planning »,
tions CPMI‑IOSCO de 2014 en matière de systèmes de paiement (« access right »). 5 juillet 2017 : http://
rétablissement des CCP  27 – notamment L’ « access right » dans le cadre de MiFIR www.fsb.org/wp-content
pour rendre opérationnels les plans de se traduit, pour les CCP, par l’obligation 31 «  Key attributes for effec-
rétablissement, traiter les cas de pertes d’accepter de compenser des transactions tive resolution regimes
for financial institutions »,
non liées à des défauts, prévoir le ré- exécutées sur différentes plateformes de octobre 2014 : http://
abondement des ressources, et apporter négociation, dès lors que ces dernières www.fsb.org/wp-content
des précisions sur l’utilisation des outils répondent aux exigences techniques et 32 
http://eur-lex.europa.eu/
de rétablissement. Les revues des pairs opérationnelles définies par ces CCP, legal-content
conduites par CPMI‑IOSCO sur la mise y compris les exigences en matière de 33 
http://eur-lex.europaeu/
en œuvre des PFMI par les infrastructures gestion des risques. legal-content

(cf. chapitre 18, section 1.3) ont par ailleurs 34  Le s  l i e u x d ’ exé c u -


tion d’ordres sont : les
étudié les pratiques de gestion des risques Ce principe a d’abord été consacré à marchés réglementés,
financiers et de rétablissement de dix CCP l’article 7 d’EMIR relatif aux produits les MTF (Multilateral
compensant des instruments financiers dérivés de gré à gré soumis à l’obligation Tr a d i n g F a c i l i t i e s
en anglais), et une
dérivés, dans deux rapports (août 2016  28 de compensation. Il a été réaffirmé et nouvelle sous-catégorie
et mai 2018 29). étendu, par ce nouveau cadre européen de MTF introduite par la
directive que sont les
et plus particulièrement par MiFIR, à tous OTF (Organised Trading
S’agissant de la résolution, une orientation les instruments financiers négociés sur un Facilities). La directive
complémentaire du Conseil de stabilité lieu d’exécution d’ordres 35. donne une définition
très large des OTF, ce
financière a été publiée en 2017 30 portant qui permet d’y englober
sur les pouvoirs des autorités de résolution Une CCP devra autoriser l’accès aux lieux toutes autres formes
organisées d’exécu-
en vue du maintien des fonctions critiques d’exécution d’ordres, si certains critères tion ou de négociation
des CCP, les outils d’allocation des pertes, d’accès, précisés dans des normes tech- ne pouvant rentrer dans
les autres catégories.
l’établissement de groupes de gestion de niques de réglementation, sont remplis 36.
crises (« Crisis Management Groups ») Le législateur européen a estimé que, pour 35 Article 35.1 de MiFIR :
« Without prejudice to
et l’élaboration de plans de résolution, en qu’il y ait une véritable concurrence entre Article 7 of Regulation
complément des travaux déjà publiés par les plateformes pour la négociation d’ins- (EU) No 648/2012, a CCP
shall accept to clear
le CSF 31. truments dérivés, il était indispensable que financial instruments on
ces plateformes puissent accéder à des CCP a non-discriminatory and
4.2. Le principe européen dans des conditions transparentes et non transparent basis, inclu-
ding as regards collateral
de l’accès ouvert discriminatoires. L’accès non discriminatoire requirements and fees
à une CCP devrait assurer aux plateformes relating to access,
regardless of the trading
Les dispositions réglementaires euro- de négociation le droit, pour les contrats venue on which a tran-
péennes visent à ouvrir à la concurrence négociés en leur sein, à un traitement non saction is executed ».
le traitement de la négociation et aussi de discriminatoire en termes d’obligations de 36 Considérant 38  dudit
la compensation des instruments finan- garantie et de conditions de compensation règlement : « To avoid
any discriminatory prac-
ciers pour éviter que des monopoles de des contrats économiquement équivalents, tices, CCPs should
fait ne s’installent, facilités en particu- d’appels de marges croisés avec des contrats accept to clear tran-
lier par l’organisation en silo de certains corrélés compensés par la même CCP et sactions executed in
different trading venues,
marchés. Le principe est qu’il doit y de frais de compensation réduits. to the extent that those
avoir un choix quant au lieu d’exécution venues comply with the
operational and technical
des ordres et également au lieu de la 4.3. Les exigences au titre d’EMIR requirements established
compensation des instruments financiers : by the CCP, including the
c’est le « modèle ouvert ». La directive 4.3.1. Les principales exigences risk management requi-
rements. Access should
MiFID 2 32 et le règlement MiFIR 33 de be granted by a CCP if
mai 2014 (cf. chapitre 5) ont ainsi pour En Europe, il s’agit en particulier, concer- certain access criteria
specified in regulatory
principal objet de mettre en concurrence nant les CCP, d’EMIR (European Market technical st andards
les lieux d’exécution des ordres 34 et de Infrastructure Regulation), entré en vigueur are met ».

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 199


Chapitre 11 Les contreparties centrales


en août 2012. Compte tenu du fait que données sur la base desquelles la CCP
la CCP devient la contrepartie unique des calcule ses marges.
membres compensateurs, le règlement
EMIR lui impose des exigences très strictes Enfin, les règles de prise en compte des
au plan prudentiel. expositions des banques sur les contrepar-
ties centrales dans le calcul des exigences
S’agissant des risques financiers tout de fonds propres ont été revues par le
d’abord, qui sont les principaux risques pour Comité de Bâle en avril 2014, avec une
une CCP, EMIR a renforcé les exigences nouvelle approche pour déterminer ces
de gestion des risques énoncées dans exigences quand les contreparties centrales
les PFMI, qui ne sont que des exigences sont « qualifiées » (« Qualifying CCPs » ou
minimales communes. QCCP). Une « QCCP » est une contrepartie
centrale qui respecte les PFMI, et qui à ce
• EMIR impose ainsi une obligation de titre est agréée par l’État dans lequel l’adhé-
cover 2 37 (cf. supra) pour le risque de rent compensateur est établi, et autorisée
crédit et le risque de liquidité pour toutes par son superviseur à compenser les produits
les CCP de l’UE. Les PFMI n’imposent offerts à la compensation. Le Comité de Bâle
cette obligation que vis-à-vis du défaut a réexaminé les modalités d’application
d'un seul participant (cover 1), sauf pour du ratio de levier aux expositions, vis-à-vis
les CCP qui sont systémiques dans des contreparties centrales, des adhérents
plusieurs juridictions ou qui ont un profil compensateurs qui fournissent des services
de risque élevé du fait de la complexité de participation indirecte (client clearing).
des produits qu’elles compensent Les marges reçues de la part des clients
(par exemple les CDS), pour lesquelles peuvent désormais être déduites du déno-
le cover 2 s’applique ; minateur du ratio de levier, puisqu’il s’agit
d’un dispositif visant à réduire les risques
• l’intervalle de confiance minimal à portés par l’adhérent compensateur.
respecter pour la mesure des expositions
servant à calculer les marges initiales sur Concernant les autres principaux risques
les positions des dérivés négociés de auxquels est confrontée une CCP, à savoir les
gré à gré est porté à 99,5 % dans EMIR, risques d’investissement et de conservation :
contre 99 % pour tous les produits dans
les PFMI ; • le risque d’investissement est encadré
par des règles strictes : par exemple, 37 Les PFMI prévoient que
les ressources préfi-
• EMIR fixe des exigences minimales en application d’EMIR, les CCP sont nancées (c’est-à-dire
quantitatives pour la période de liquida- autorisées à investir leurs ressources la combinaison des
marges initiales et de
tion (deux jours pour les dérivés listés financières uniquement en espèces la contribution au fonds
et les repos, cinq jours pour les dérivés ou dans des instruments assortis d’un de défaut) doivent a
de gré à gré) et la période historique risque de marché et de crédit minimal, minima couvrir le défaut
du participant ayant les
rétrospective (douze mois). La période répondant à ces conditions réglemen- plus importantes expo-
de liquidation est la période entre le taires très précises fixées dans des sitions (cover 1). Cette
exigence de couver-
défaut et la fin du processus de gestion normes techniques 38 ; ture est plus sévère
du défaut de la CCP, qui sert de plage de pour les CCP d’impor-
temps pour mesurer l’exposition poten- • le risque de conservation est pour sa part tance systémique ou
qui compensent des
tielle, laquelle correspond à la baisse fortement circonscrit de par l’obligation, produits complexes, avec
potentielle de valeur du collatéral entre quand cela est possible, de déposer les la nécessité de couvrir le
défaut des deux partici-
sa dernière évaluation et sa liquidation et instruments financiers remis au titre des pants présentant les plus
les variations défavorables du portefeuille marges ou des contributions au fonds importantes expositions
(cover 2).
à liquider. Cette exposition potentielle de défaut auprès d’un CSD ou auprès
fait partie des paramètres de calcul des d’une banque centrale qui assurent la 38 Cf. annexe II de la norme
technique 153/2013  :
marges initiales. La période historique pleine protection de ces instruments et http://eur-lex.europa.eu/
rétrospective est la durée de la plage de leur mise à disposition rapide auprès de legal-content

200 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


la CCP, ou à défaut un établissement de compétentes, chargée(s) de mener à bien


crédit qui doit présenter un faible risque les missions édictées par le règlement
de crédit. (article 22). C’est l’État membre qui en fait
notification à l’ESMA. Si plusieurs autorités
En termes d’externalisation, une contrepartie sont désignées, l’État devra indiquer clai-
centrale peut externaliser une partie de ses rement le rôle respectif de chacune de
fonctions. Cependant, la gestion des risques ces autorités.
ne peut pas être externalisée, sauf à obtenir
l’accord préalable de l’autorité compétente. Cependant, une seule des autorités
désignées se verra déléguer la responsabilité
S’agissant de l’organisation, EMIR impose de coordonner la coopération et l’échange
aux contreparties centrales d’avoir des d’informations avec la Commission, l’ESMA,
dispositifs de gouvernance documentés les autorités compétentes des autres États
de manière exhaustive et détaillée. De plus, membres, l’ABE  40 et les banques centrales.
une séparation claire entre l’organisation En France, c’est la Banque de France qui
hiérarchique de la gestion des risques et remplit ce rôle.
celle des autres activités doit être assurée
au sein de la contrepartie centrale. Chaque Les processus d’autorisation et de super-
contrepartie centrale doit disposer d’un vision des CCP ont été mis en place par
conseil d’administration dont au moins un EMIR avec l’institution de collèges 41
tiers des membres est indépendant. Le rôle composés de l’ESMA, membre non
du conseil d’administration doit être clai- votant, du ou des régulateur(s) désigné(s)
rement défini et ses activités et comptes autorité(s) compétente(s) à l’ESMA, des
rendus de réunions mis à disposition des autorités compétentes responsables de
régulateurs. En outre, un comité des risques, la surveillance i)  des membres compensa-
indépendant des instances dirigeantes, teurs établis dans les trois États membres
doit être mis en place. Dans un souci de apportant globalement la plus grande
réduire les risques de conflit d’intérêt, les contribution au fonds de défaillance de
actionnaires et associés détenant une parti- la CCP ; ii) des plateformes de négociation
cipation au sein de la contrepartie centrale avec qui la CCP a établi des liens ; iii)  des
doivent être clairement identifiés et des contreparties centrales avec lesquelles
règles organisationnelles et administratives la CCP a des accords d’interopérabilité ;
écrites doivent être établies. iv)  des dépositaires centraux de titres avec
lesquels la contrepartie centrale est liée ;
Une contrepartie centrale doit enfin se doter et v)  des banques centrales d’émission
de conditions de participation, d’un reporting des monnaies les plus pertinentes pour
d’activité transparent, et d’une comptabilité les instruments compensés pour chaque
distincte par adhérent compensateur. contrepartie centrale.

S’agissant des aspects relatifs au réta- L’ i n s t i tu t i o n d e s c o l l è g e s E M I R 39 «  Guidance on central


counterparty resolution
blissement et à la résolution des CCP, (cf. chapitre 18) fait écho à l’exigence and resolution planning »,
en cohérence avec les travaux internatio- de coopération entre autorités dans la juillet 2017 : http://www.
fsb.org/wp-content
naux, un règlement européen est en cours surveillance et la supervision des CCP
d’élaboration, afin de décliner notamment posée par les PFMI (cf. la responsabi- 40  A u t o r i t é b a n c a i r e
européenne.
les principes internationaux 39 édictés en lité « E »). De nombreuses autorités aux
41 Article 18 d’EMIR, règle-
la matière. mandats différents, reflétant diverses ment EU n° 648/2012
facettes de la stabilité financière (banques du Parlement euro-
4.3.2. L
 ’agrément et la surveillance centrales, autorités de marché, autorités péen et du Conseil
du 4 juillet 2012 sur
des contreparties centrales prudentielles), ont un intérêt au bon fonc- les produits dérivés
tionnement des CCP. C’est pourquoi le négociés de gré à gré
aux contreparties
Dans le cadre d’EMIR, il appartient à chaque fonctionnement des collèges tel qu’en- centrales et les référen-
État membre de désigner la ou les autorités visagé par EMIR prévoit une articulation tiels centraux.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 201


Chapitre 11 Les contreparties centrales


entre des autorités nationales, chargées interprétations des articles 15 (extension


à titre principal d’assurer l’application des d’activité et de services) et 49 (changement
exigences réglementaires aux CCP, et de modèle). Elle pourra être invitée par les
les « autorités concernées », également autorités nationales à participer aux inspec-
membres du collège, qui peuvent être tions sur place. Elle publiera une orientation
consultées si nécessaire et demander sur les revues et les procédures d’évaluation
aux autorités nationales des informations par les autorités nationales (art.21 6). En
complémentaires. L’ESMA, membre non termes de pouvoirs, l’article 23a prévoit obli-
votant des collèges EMIR, est en charge gatoirement une opinion ex ante de l’ESMA
de la convergence de la supervision, sur douze articles d’EMIR  43 avant prise de
notamment au travers des revues des décision par une autorité nationale, toute
pairs qu’elle mène sur le fonctionnement autre décision pouvant lui être soumise sur
des collèges. base volontaire. L’ESMA pourra publier une
orientation ou une recommandation si elle
Dans le cadre de la ré-autorisation de constate un manque de convergence ou de
la CCP selon les dispositions d’EMIR, une cohérence dans les pratiques des autorités
évaluation de la contrepartie centrale est nationales compétentes.
réalisée ; l’évaluation fait de plus l’objet
d’une revue annuelle par les autorités natio- Au sein de l’ESMA, un nouveau comité
nales compétentes. interne permanent est créé : le Comité de
supervision, compétent sur les sujets liés
Des évolutions réglementaires sont inter- aux CCP (européennes comme de pays
venues en matière de cadre de supervision tiers). Pour les CCP établies dans l’Union
des CCP avec la révision, d’EMIR, entrée européenne, le Comité de supervision sera
en vigueur (pour le volet supervision) au compétent en particulier pour la conduite
1er janvier 2020. Elles ont été motivées par des stress tests européens, et la promotion
plusieurs constats : des échanges entre autorités. Pour les CCP
de pays tiers (voir infra), il préparera toutes 42 L’ESMA agira « with
• la concentration des services de les décisions de supervision de l’ESMA. a view to building a
common supervisory
compensation dans un nombre limité De façon générale, il préparera des projets culture and consistent
de CCP avec en parallèle une augmen- de décision (prises à majorité simple, le supervisory practices,
ensuring uniform proce-
tation de l’activité transfrontière : le président ayant voix prépondérante en cas dures and consistent
dispositif actuel se fonde essentielle- d’égalité) et les soumettra pour approbation approaches, and stren-
ment sur l’autorité du pays d’origine ; au Conseil de surveillance de l’ESMA. gthening consistency in
supervisory outcomes,
especially with regard to
• les divergences de pratiques en matière 4.3.3. La reconnaissance des CCP supervisory areas which
have a cross-border
de surveillance des CCP dans l’UE, qui de pays tiers dimension or a possible
pourraient créer un risque d’arbitrage cross-border impact ».
réglementaire et prudentiel tant pour Le règlement EMIR prévoit enfin que 43 Articles 7 (accès à une
les CCP que pour leurs participants ; des CCP de pays tiers puissent fournir CCP) ; 8 (accès à une
plateforme de négo-
des services de compensation dans l’UE. ciation) ; 14 (agrément)
• le rôle des banques centrales, en tant Une CCP établie dans un pays tiers ne peut ; 15 (extension d’acti-
qu’émetteurs de monnaie, qui n’est pas fournir des services de compensation à des vités) ; 29 (conservation
d’informations) ; 30
suffisamment pris en compte dans les membres compensateurs ou des plate- (participation qualifiée)
collèges actuels des CCP de l’UE. formes de négociation établis dans l’UE ; 31 (information aux
autorités compétentes
que si elle est reconnue par l’ESMA, suivant en cas de changement
La révision d’EMIR répond à ces une procédure définie à l’article 25 d’EMIR. de gouvernance) ; 32
constats, d’abord en affirmant le rôle de Ainsi, une CCP souhaitant être reconnue (évaluation en cas de
changement de gouver-
coordination de l’ESMA en matière de doit fournir à l’ESMA un dossier contenant nance) ; 33 (conflits
supervision des CCP de l’UE 42. D’ici au toutes les informations requises (définies d’intérêts) ; 35 (externa-
lisation) ; 36 (règles de
1er janvier 2021, l’ESMA devra préparer un dans des normes techniques). L’ESMA conduite) ; 54 (accords
règlement technique pour uniformiser les dispose de trente jours pour examiner la d’interopérabilité).

202 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


complétude du dossier d’agrément, puis de la surveillance des CCP avec lesquelles


cent quatre‑vingts jours pour se prononcer la CCP de pays tiers a conclu des accords
sur la demande. d’interopérabilité ; v)  les banques centrales
des États membres dans lesquels la CCP
Toutefois, quatre conditions doivent souhaite fournir des services de compensa-
être réunies pour que l’ESMA délivre un tion, ou dans lesquels est établie une CCP
agrément à une CCP issue d’un pays tiers : avec laquelle la CCP de pays tiers a conclu
un accord d’interopérabilité ; vi)  les banques
• la Commission européenne doit avoir centrales d’émission de monnaies de
adopté un acte d’exécution indiquant l’Union les plus pertinentes à l’égard des
que les CCP issues de la juridiction en instruments financiers compensés ou
question sont soumises à un régime à compenser.
de supervision et à des exigences de
gestion des risques équivalents à ceux La liste des CCP de pays tiers reconnues
définis par EMIR ; par l’ESMA comportait trente‑quatre CCP au
20 septembre 2020  44. Avec le Brexit, inter­
• la CCP doit être agréée dans son pays venu le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni
d’origine, et doit satisfaire pleinement deviendra pays tiers à l’issue de la période
aux exigences réglementaires appli- de trans­ition prévue par l’accord, soit au
cables dans cette juridiction ; 31 décembre 2020. À cette date, les CCP du
Royaume-Uni seront reconnues par l’Union
• l’ESMA doit avoir signé un accord de européenne sous le régime du pays tiers,
coopération avec les autorités compé- cette décision ayant été prise par antici-
tentes du pays d’origine de la CCP, pation par l’ESMA le 28 septembre 2020.
établissant notamment des modalités
d’échange d’information et de coordi- Alors que le dispositif de reconnaissance
nation des activités de surveillance ; des contreparties centrales de pays tiers
développé par le règlement EMIR repose
• la juridiction d’origine de la CCP doit intégralement sur la réglementation et le
avoir mis en place des modalités de dispositif de surveillance des pays tiers, la
lutte contre le blanchiment d’argent et le majorité de ces pays considèrent les contre-
financement du terrorisme équivalents parties centrales de pays tiers comme des
à ceux en vigueur dans l’UE. infrastructures d'importance systémique et
les soumettent à une surveillance renforcée.
En outre, avant de se prononcer définitive- Si l'approche initiale d’EMIR pouvait être
ment sur une demande d’agrément, l’ESMA regardée comme un modèle de confiance
doit consulter officiellement des autorités mutuelle, l'UE aurait été exposée à des
européennes pour connaître leur position risques si elle été restée la seule juridiction
sur cette demande (les opinions délivrées à s'en remettre aussi largement à la régle-
par ces autorités n’ont pas toutefois de mentation et aux autorités des pays tiers.
caractère contraignant). Il s’agit des autorités
suivantes : i)  les autorités compétentes C’est dans ce contexte qu’est intervenue
des États membres dans lesquels la CCP la révision d’EMIR (EMIR2), qui a permis
souhaite fournir des services de compensa- l’adoption d’une approche fondée sur les
tion ; ii)  les autorités compétentes des trois risques, les contreparties de pays tiers
États-membres dont les établissements d’importance systémique pour l’UE ayant
financiers seraient les plus importants vocation à être soumises à une surveil-
contributeurs au fonds de défaut de la CCP ; lance directe et renforcée par les autorités
iii)  les autorités responsables de la surveil- européennes, quand est prévue en même 44 
h tt p s : / / w w w. e s m a .
lance des plateformes de négociation de temps une exigence de localisation dans europa.eu/sites/
default/files/librar y/
l’UE auxquelles la CCP souhaite fournir des l’UE des CCP d’importance systémique third-country_ccps_reco-
services ; iv)  les autorités responsables de substantielle (cf. chapitre 17). gnised_under_emir.pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 203


Chapitre 11 Les contreparties centrales


Le règlement EMIR2 prévoit une refonte demander l’ajout d’un point à l’ordre du jour
de l’architecture d’autorisation des CCP de du Comité de supervision.
pays tiers. Les décisions d’équivalence des
réglementations de pays tiers sont conser- Enfin, les CCP dites « d’une importance
vées dans leurs principes mais pourront systémique substantielle » pourront ne pas
être revues, l’ESMA étant chargée de être reconnues par l’ESMA. En effet, la
suivre les évolutions réglementaires dans localisation hors de l’Union européenne de
les juridictions bénéficiant de décisions telles entités pourrait faire peser des risques
d’équivalence. sur la stabilité financière européenne. La
procédure serait la suivante : l’ESMA recom-
Contrairement à ce qui prévalait depuis 2012, manderait à la Commission de prendre une
l’autorisation effective d’une CCP de pays décision de refus de reconnaissance. Cette
tiers à fournir ses services dans l’Union recommandation devra justifier d’une part
européenne sera désormais décidée selon de l’insuffisance d’une supervision directe
des critères plus ou moins exigeants, au regard d’EMIR pour réduire suffisamment
en fonction du degré de systémicité de les risques (par exemple par des conflits
cette CCP pour l’Union européenne. Le d’intérêt potentiels entre le « home super-
processus de reconnaissance d’une CCP viseur » et l’ESMA, ce qui pourrait conduire
différera donc selon qu’elle est considérée la CCP à prendre des décisions contraires
comme peu ou pas systémique (auquel à la stabilité financière de l’UE, notamment
cas la reconnaissance sera accordée en situation de crise), et d’autre part d’une
essentiellement sur la base de la décision analyse coûts/bénéfices. Dès lors qu’un
d’équivalence du cadre réglementaire), refus de reconnaissance aura été acté
ou systémique (auquel cas, au-delà de la par la Commission européenne, la CCP
décision d’équivalence, la CCP de pays tiers concernée ne pourra plus offrir ses services
devra démontrer qu’elle respecte les dispo- dans l’Union européenne, sauf à y reloca-
sitions d’EMIR – sauf exception justifiée du liser ses activités et être agréée comme
fait d’une « comparable compliance » 45). CCP de l’UE. Conformément au souhait
Par ailleurs, une fois une CCP systémique de la Commission, de la BCE et de l’ESRB,
reconnue, elle fera l’objet d’une supervision l’ESMA devrait conduire cette évaluation de
directe par l’ESMA, qui pourra demander l’importance systémique substantielle pour
toute information et disposera d’un pouvoir LCH Ltd et ICE Clear Europe courant 2021.
de contrôle sur pièces et sur place. L’ESMA
disposera également d’un pouvoir de Avec le Brexit, EMIR2 et les standards
sanctions, allant de l’amende au retrait de techniques associés revêtent une impor-
la reconnaissance. tance particulière pour la stabilité financière
européenne. Certaines CCP situées au
La classification d’une CCP de pays tiers Royaume-Uni étant systémiques pour l’UE
sera revue à chaque extension d’activité et (voir ci-dessous), il est essentiel que post-
de services, et au minimum tous les cinq Brexit les autorités européennes continuent
ans. Elle se fondera sur la nature, taille et à recevoir toute l’information pertinente
complexité du business, l’effet d’une défail- de la part de ces entités et puissent le cas
lance sur les marchés financiers européens, échéant les superviser directement.
45 La « conformité compa-
la structure de participation, la substituabi- rable » permettra à
lité, et les interdépendances avec d’autres certaines CCP systé-
infrastructures de marché. Les CCP de pays 5. Les principales CCP miques pour l’UE d’être
déclarées conformes à
tiers devront s’acquitter de redevances à en Europe EMIR sans en respecter
l’ESMA pour donner les moyens à celle-ci à la lettre les dispositions.
Le fonctionnement de ce
d’exercer sa mission. Un collège des CCP de L’ e n c a d r é  4 c i - a p r è s i l l u s t r e l e s dispositif doit être expli-
pays tiers est créé, dans le but de partager encours compensés par les princi- cité dans un acte délégué
de la Commission, qui
de l’information avec les autorités natio- pales CCP en Europe, en fonction des sera adopté au second
nales compétentes européennes. Il pourra segments d’activité. semestre 2020.

204 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les contreparties centrales Chapitre 11


Encadré n° 4 : Statistiques sur les principales contreparties centrales qui compensent
des instruments libellés en euros et sur les encours compensés 1

T1 : S
 egment dérivés de crédit : Open interest/CDS libellés
en euros, octobre 2019
(en milliards d’euros ; parts en %)
CCP Open interest/indices Part
CDS libellés en euros de marché
(iTraxx Europe,
Crossover, HiVol, SenFin)
ICE Clear Europe 205 33
ICE Clear Credit 298 49
LCH SA CDSClear 110 18
Sources : Informations publiques, sites internet des CCP.

T2 : Segment dérivés de taux OTC : Open interest/dérivés de taux OTC, octobre 2019


(en milliards d’euros ; parts en %)
CCP Open interest dérivés Part Open interest dérivés de Part
de taux OTC (toutes de marché taux OTC (en euros) de marché
devises, USD équivalent)
LCH Ltd (Swapclear) 361,6 89 88,0 87,0
CME US 17,4 5 0,6 0,5
JSCC 14,4 4 12,7 12,5
EurexOTC 12,7 3 0 0 
Source : Sites internet des CCP.

T3 : S
 egment dérivés listés de taux : volumes compensés par CCP
(nombre de contrats en 2016 ; parts en %)
CCP STIR Part LTIR Part
(toutes devises) de marché (toutes devises) de marché
Eurex Clearing 72 319 0  628 386 613 90,6 
ICE Clear Europe 533 336 315 98,8  65 514 464 9,40
LCH Ltd (CurveGlobal) 6 619 742 1,2  15 156 0 
Source : Sites internet des CCP.

1 Le groupe LCH a entrepris en février 2019 la migration de la compensation des repos libellés en euro depuis la CCP britannique LCH Ltd vers la CCP
française LCH SA. Les statistiques de la compensation du repo postérieures à ces mouvements de marché ne sont pas actuellement disponibles, mais
devraient l’être courant 2020.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 205


CHAPITRE 12

Les dépositaires centraux
de titres
Mis à jour le 30 septembre 2020
Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


L
es dépositaires centraux de titres (en pour pouvoir être qualifiée de CSD (et offrir
anglais, central securities depositories également au moins un des deux autres
ou CSD  1), sont des infra­­structures services de base définis par CSDR : service 1 Dans la suite de ce
chapitre, on utilisera
essentielles au bon fonctionnement et notarial et/ou tenue centralisée de comptes indifféremment le terme
à la sécurité des marchés d’instruments titres au plus haut niveau). De plus, CSDR « dépositaire central »
ou l’acronyme anglais
financiers. Ils jouent un rôle important dans considère que les CSD sont les seules « CSD » pour désigner
le maintien de l’intégrité des émissions entités auto­­risées à exploiter un système de les dépositaires centraux
de titres, en s’assurant que des titres ne règlement‑livraison 4. On précisera d’emblée de titres (dont l’acro‑
nyme anglais « DCT »
puissent pas être créés ou supprimés de ici que TARGET2 Securities (T2S) qui sera n’est que rarement
façon accidentelle ou frauduleuse. Dans les décrit au chapitre 14, n’est pas considéré utilisé en pratique).
juridictions ou ce service dit « notarial » est comme un CSD, ni d’ailleurs formellement 2 Les comptes d’émis‑
assuré par des acteurs appelés « registrars », comme un système de règlement‑livraison, sion correspondent à
la somme des titres
le CSD rapproche ses propres données mais comme une plateforme technique de émis, pour chaque
(sur la détention) de celles du registrar (sur règlement‑livraison développée et opérée code ISIN considéré.
l’émission). La fourniture de comptes‑titres par l’Eurosystème. 3 
Central Securities
au plus haut niveau de la chaîne de détention Depositories Regulation
(CSDR) ou Règlement
(c’est‑à‑dire au bénéfice des inter­­médiaires Les CSD participent en outre activement concernant l’amélio­
financiers eux‑mêmes) et la réconciliation à l’intégration des marchés financiers, ration du règlement
de titres dans l’UE et
au moins quotidienne de ces comptes titres en particulier par l’établissement de liens les  CSD  : dénomina‑
avec les comptes d’émission 2 permettent entre CSD : ces liens constituent un des tion habituellement
de mener à bien cette mission. moyens pour les acteurs d’un marché donné utilisée pour désigner
le règlement  (UE)
de pouvoir accéder aux titres émis dans n° 909/2014 du 23 juillet
Si les Principles for Financial Market Infra­­ d’autres juridictions. L’établissement d’un 2014 concernant l’amé‑
lioration du règlement
structures (PFMI, cf. chapitre 18) considèrent lien entre un CSD dit « CSD investisseur » de titres dans l’Union
que les CSD n’exploitent pas nécessairement et un autre CSD dit « CSD émetteur » européenne et les dépo‑
un système de règlement‑livraison de consiste pour le CSD investisseur à devenir sitaires centraux de titres.

titres, la réglementation européenne participant du CSD émetteur, c’est‑à‑dire 4 À noter que quelques
banques centrales font
venant trans­­poser les  PFMI crée en en pratique à ouvrir un compte‑titres à son encore office de CSD.
revanche un lien très étroit entre CSD et nom auprès du CSD émetteur (il s’agit en À   t i t r e d ’ exe m p l e ,
systèmes de règlement‑livraison. En effet, général d’un CSD établi dans un autre pays). la Banque natio‑
nale de  Belgique
depuis l’entrée en vigueur du règlement Le CSD investisseur permet ainsi à ses exploite un système
européen CSDR  3 (voir section 2 de ce participants d’accéder à des titres autres de règlement-livraison
(NBB‑SSS) pour l’émis‑
chapitre), une entité doit obligatoirement que ceux pour lesquels il assure lui‑même sion et le règlement de
exploiter un système de règlement‑livraison la fonction notariale. titres à revenu fixe.

Schéma

CSD émetteur

Compte-titres
Compte-titres Compte-titres du CSD investisseur
du participant 1 du participant n (en tant que
participant)

208 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


1. Les rôles d’un dépositaire de façon totalement dématérialisée  9.


central de titres Les titres dématérialisés sont ainsi non
seulement détenus et échangés mais
1.1. La gestion des émissions aussi émis électroniquement, par le biais
de titres : le service notarial d’une inscription comptable sur le compte
5 Sur ces certificats – dont
émission, tenu le plus souvent par le CSD. la détention était la
1.1.1. Historique et tendance Ainsi, de façon générale, les processus preuve de la propriété –
étaient imprimés
à la dématérialisation des titres opérationnels ont gagné en sécurité et plusieurs coupons,
en efficacité à mesure que les progrès chacun correspondant à
Les  instruments financiers circulaient technologiques ont rendu possibles l’échéance d’un verse‑
ment d’intérêts ou
à l’origine sous la forme de certificats l’enregistrement et le trans­­fert des titres d’un dividende. Lors de
papier 5 qui étaient conservés physiquement financiers par voie électronique. chaque versement, le
détenteur du titre remet‑
par les investisseurs, soit directement, tait donc un coupon en
soit en les déposant dans les coffres La  législation s’est adaptée dans les papier contre le paie‑
ment des intérêts ou
qu’ils détenaient auprès de leur banque. différents pays européens pour auto­­riser, des dividendes (d’où l’ex‑
Le développement des marchés financiers voire rendre obligatoire, la représentation pression restée dans le
et l’augmentation très forte des volumes de des titres sous la forme d’enregistrements langage courant « déta‑
chement de coupon »).
titres émis et échangés qui en a résulté ont électroniques. En  France, la loi du
6 Le dépositaire central fran‑
montré les limites de ce type d’organisation : 30  décembre  1981 a rendu quasiment çais SICOVAM – devenu
le trans­­fert physique de volumes importants systématique la dématérialisation des E u r o c l e a r   Fr a n c e
de certificats papier nécessitait du temps valeurs mobilières (mise en œuvre à compter en 2001 – fut ainsi créé
en 1949.
et de la manutention, ce qui pouvait non de novembre 1984). La dématérialisation n’a
seulement créer des tensions en termes néanmoins pas exclu totalement la possibilité 7 L’immobilisation est
définie par la législation
de liquidité, mais aussi s’accompagner de d’émettre des titres physiques : en effet les européenne comme
divers risques opérationnels (allant des émetteurs ont toujours (même si en pratique «  l’acte consistant à
concentrer la localisa‑
erreurs de traitement, comme la perte ils n’en font plus la demande) la possibilité tion des titres physiques
de titres, jusqu’à la mise en circulation de d’émettre du papier pour circulation auprès d’un dépositaire
central de titres de
faux titres). En outre l’émission de titres exclusive hors de France sous la forme de sorte à permettre les
sous forme de certificats papier rendait « certificats représentatifs » une partie de transferts ultérieurs par
peu commodes des opérations telles que l’émission (coupures unitaires ou multi­­ples). inscription comptable ».
C’est notamment le cas
des restructurations de capital, comme des obligations interna‑
par exemple le fractionnement d’actions. Au niveau européen, une avancée tionales ou Eurobonds
(cf. section 4).
Avec le soutien des marchés, les auto­­rités importante a été opérée par le
nationales ont donc contribué à la création règlement CSDR, adopté en 2014 et qui 8 Une étape a également
été franchie dans ce
des dépositaires centraux  6. Ces entités impose, à compter du 1er  janvier  2023 domaine, en particulier
furent d’abord chargées de centraliser pour les valeurs mobilières admises à la pour des émissions à
vocation internationale,
l’ensemble des certificats matérialisés en négociation à compter de cette date et à lorsque les certificats
un seul lieu, de sorte que les mouvements compter du 1er janvier 2025 pour toutes les individuels, destinés à
physiques fussent supprimés : les trans­­ valeurs mobilières admises à la négociation être immobilisés, ont
été remplacés par un
actions se dénouaient alors par écritures quelle que soit leur date d’émission, que certificat global repré‑
comptables dans les livres du dépositaire l’enregistrement initial soit réalisé via une sentatif de la totalité
de l’émission.
central. Cette étape est connue sous le nom « inscription en compte ». Cela signifie
« d’immobilisation » 7. Aujourd’hui, les titres que ces instruments financiers devront 9 La dématérialisation
est définie, dans le
financiers encore émis sous la forme de soit être émis directement sous forme glossaire du Comité
certificats papier 8 sont donc le plus souvent dématérialisée (ils n’existeront alors que sur les paiements et
les infrastructures de
immobilisés chez les (I)CSD ou chez un sous la forme d’une inscription comptable, marché (CPMI), comme
registrar, puis trans­­férés électroniquement sans titre physique sous‑jacent), soit être l’« élimination du support
par le biais d’une inscription en compte. émis physiquement sous format papier, physique ou document
représentatif d’un droit
mais en étant « immobilisés » (c’est‑à‑dire de propriété sur des
Puis une étape supplémentaire a été conservés par un  CSD de manière à valeurs mobilières, si bien
que celles-ci n’existent
franchie avec la « dématérialisation » : permettre leurs trans­­­ferts ultérieurs par plus que sous forme
les titres financiers sont alors émis inscription comptable), soit, pour les titres d’écriture comptable ».

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 209


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


émis initialement sous forme matérialisée et fréquence au moins quotidienne (article 37


qui existeraient encore au 1er janvier 2025, de CSDR) le nombre de titres inscrits dans
être dématérialisés ou immobilisés à cette le compte d’émission avec le nombre de
date. L’une des caractéristiques essentielles titres en circulation, c’est-à-dire inscrits
des titres immobilisés ou dématérialisés est sur les comptes titres de ses participants.
qu’ils doivent être fongibles, c’est‑à‑dire que Ces données lui sont en effet directement
les titres composant une même émission accessibles de par sa fonction de teneur
sont inter­­changeables. centralisée de comptes.

1.1.2. Le « service notarial » : Cette fonction essentielle dévolue aux CSD


un service de base sous CSDR, permet donc de s’assurer, pour chaque
mais qui peut être assuré émission de titres, qu’il n’y a ni création
par d’autres entités ni destruction indue de titres. En effet,
en cas de création indue de titres, des
C’est le service qui concrétise la création investisseurs pourraient penser détenir
des titres au niveau des infra­­­structures ou un droit de propriété sur des titres qui,
éventuellement des entités spécialisées en réalité, n’existent pas. A l’inverse, en
(cf. infra­­­). Ce service dit « notarial » fait cas de suppression indue de titres, des
partie des trois services de base définis droits de propriété sur des titres ayant une
par le règlement européen CSDR. Le plus existence réelle disparaîtraient. En cas
souvent, les CSD prennent directement d’écart, un CSD est tenu de suspendre
part au processus d’émission des titres, le règlement-livraison sur le code ISIN
en tenant des comptes d’émission ouverts concerné selon les modalités et les délais
aux noms des émetteurs et en procédant à fixés par le règlement CSDR.
l’enregistrement initial des titres. C’est par
exemple le cas en France où les deux CSD Les CSD jouent ainsi un rôle central dans le
nationaux  10, Euroclear France et ID2S, maintien de la confiance des investisseurs.
assurent ce service notarial. Le service notarial n’est cependant pas 10 Voir section 3  de ce
obligatoirement fourni par un CSD : afin chapitre : les CSD français
Ainsi, lorsqu’un émetteur approche de prendre en compte les pratiques 11 En principe l’ensemble
Euroclear France ou ID2S avec un projet de certaines juridictions, notamment des titres financiers
mentionnés par le Code
d’émission, le  CSD concerné vérifie le Royaume‑Uni où des entités spécialisées monétaire et financier
l’admissibilité des titres envisagés 11. Chaque (les « registrars », en pratique mais pas sont admissibles aux
instrument financier se voit alors attribuer un obligatoirement des établissements opérations d’Euroclear
France : titres de capital
identifiant unique appelé ISIN (International bancaires) remplissent cette fonction émis par les sociétés
Securities Identification Number) par une notariale, l’article  31  de  CSDR prévoit par actions, titres de
créances, parts ou
agence nationale de codification  12. Dans explicitement qu’une entité autre actions d’organismes
de nombreux pays, ce rôle d’agence de qu’un  CSD peut être responsable des de placement collectif
codification a été délégué au CSD historique enregistrements initiaux, mais à certaines (cf.  article  L.  211-1  du
Code monét aire et
(et le plus souvent CSD unique) de la place. conditions. En particulier, l’État membre financier). ID2S n’admet
En France, c’est Euroclear France qui doit préciser dans le droit national les actuellement que des
« NEU CP » (Negotiable
attribue ainsi directement les codes ISIN exigences applicables, en renvoyant aux EUropean Commercial
aux titres émis. Les émetteurs peuvent être dispositions de CSDR, et communiquer à Paper) qui sont des titres
des sociétés financières ou non financières, l’ESMA (European Securities and Markets de créance négociable à
court terme d’une durée
des établissements publics, des États, des Authority ou Auto­­­r ité européenne des inférieure ou égale à 1 an.
collectivités locales, etc. marchés financiers, une des auto­­­rités 12 Pour le marché français,
de supervision européennes instituées l’Agence Française de
Dans son rôle de dépositaire central en 2010) toutes les informations pertinentes Codification (AFC), qui
est sous la responsabi‑
« d’émission » (on parle alors de « CSD sur cette fourniture de services. Dans la lité d’Euroclear France,
émetteur  »), le  CSD tient un compte grande majorité des États membres de est chargée d’attribuer
des codes aux actions,
pour chaque émission afin d’assurer l’Union européenne cependant, les CSD warrants et titres de
son intégrité, en réconciliant selon une assurent eux‑mêmes le service notarial. créances.

210 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


Les émetteurs peuvent dans certains cas avec la somme des instruments détenus par
tenir eux-mêmes les comptes titres des leurs propres participants dans leurs livres.
instruments financiers qu’ils émettent : ces
titres sont alors dits émis « au nominatif 1.2. La tenue centralisée des comptes
pur » (cf. infra­­ : le cas particulier des titres
nominatifs français à titre d’exemple  13). Les CSD tiennent des comptes‑titres ouverts
Les  comptes d’émission, qui restent la plupart du temps au nom d’inter­­médiaires
néanmoins tenus en miroir pour des financiers, majoritairement des teneurs de
besoins de contrôle par le CSD, reflètent compte‑conservateurs (TCC) 14 (en anglais
la somme des avoirs détenus par les custodians), qui conservent lesdits titres
participants du CSD. dans leurs livres au bénéfice de leurs clients
(les investisseurs), voire d’eux-mêmes s’il
La plupart des émetteurs ne gèrent toutefois s’agit d’opérations pour compte propre.
pas directement l’émission de leurs titres
par le CSD : ils mandatent un « agent » 1.2.1. Les principes généraux
– en pratique, généralement une banque de fonctionnement
spécialisée dans le métier des titres – afin
de les représenter dans leurs relations avec La « tenue de compte‑conservation » de
le CSD et procéder à l’émission. Les agents titres financiers consiste à inscrire les
doivent déjà avoir une relation contra­­ctuelle titres sur le compte ouvert au nom de
avec le  CSD, et s’être ainsi engagés à leur titulaire ; il ne s’agit pas d’un service
respecter les règles contra­­ctuelles et les d’investissement à proprement parler, mais
processus opérationnels de celui‑ci. d’un service dit « connexe » aux services
d’investissement et qui requiert, en France,
Lorsqu’une entité autre que le CSD est un agrément de l’Auto­­rité de contrôle
impliquée pour mener à bien ce processus prudentiel et de résolution (ACPR) pour
de réconciliation (par  exemple lorsque les établissements de crédit et entreprises
le  CSD ne prend pas directement part d’investissement qui souhaitent le fournir.
à l’émission des titres, et qu’une entité Les TCC fournissent également un certain
distincte, par exemple un registrar, assure nombre de services individualisés à leurs
la fonction notariale), CSDR impose que clients pour leur permettre d’exercer les
le CSD et cette autre entité conviennent droits attachés aux titres qu’ils détiennent,
de « mesures adéquates de coopération comme, par exemple, la réception des
et d’échange d’informations  » afin de rémunérations versées à aux détenteurs
maintenir l’intégrité des émissions. Le CSD (intérêts, dividendes, etc.) ou l’exercice du
dit « émetteur » d’un instrument financier vote en assemblées générales.
s’assure ainsi que les comptes‑titres des
participants ne sont jamais débiteurs, Dans un modèle dit de « détention indirecte »
de sorte qu’il n’y ait pas de création de comme cela est le cas en France et dans 13 La terminologie anglaise
utilise le terme « regis­
titres en dehors du processus d’émission la grande majorité des pays européens, un tered securities » pour
décrit précédemment. Lorsqu’il n’existe investisseur qui acquiert des titres ne les désigner ces titres
dont l’émetteur tient
pas de CSD local (ce cas de figure peut détient pas directement dans un compte lui‑même le compte
se rencontrer) et que plusieurs  CSD auprès du CSD (cela lui est même inter­­dit d’émission. Cependant
« non domestiques » sont directement en France). Par ailleurs, une particularité du les pratiques de tenue
de ces comptes diffèrent
connectés à ce registrar, la réconciliation droit français est que les droits de propriété d’un pays à l’autre, tant
concerne celle assurée par ces  CSD sur les titres financiers ne se rattachent sur le plan juridique que
sur le plan opérationnel.
disposant d’un compte chez le registrar qu’aux comptes‑titres tenus par les TCC :
pour assurer la circulation des instruments les comptes‑titres tenus par le CSD au nom 14 
D ans la suite de ce
chapitre, on utilisera
financiers éligibles dans leurs propres livres. des TCC ne sont alors que des « comptes indifféremment le terme
Dans ce cas, les CSD inscrits dans les livres techniques » ou « comptes miroirs » des « banque dépositaire » ou
l’acronyme « TCC » pour
du registrar réconcilient la position globale comptes‑titres tenus par ces TCC au nom désigner les teneurs de
pour laquelle ils sont inscrits chez le registrar de leurs propres clients. Ainsi, les droits de compte conservateurs.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 211


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


propriété d’un investisseur sur ses titres cette chaîne de détention n’est soumis à
sont matérialisés par l’inscription des titres aucune limite théorique.
dans un compte ouvert à son nom auprès
d’un TCC, qui peut soit être participant direct Mais que l’on soit dans un modèle de
du CSD et ainsi disposer d’un compte‑titres détention indirecte ou de détention directe
ouvert auprès du  CSD, soit avoir un (cf. encadré n° 1), chaque catégorie de
compte‑titres ouvert auprès d’un autre TCC titre étant détenue par un ou plusieurs
qui peut être lui-même participant du CSD. investisseurs finaux, éventuellement
Le nombre d’échelons inter­­médiaires dans par l’inter­­médiaire d’une ou plusieurs

Encadré n° 1 : Modèles de détention directe ou de détention indirecte de titres

Dans les modèles de détention directe (en anglais, « direct holding model ») l’ensemble des titres
détenus par les investisseurs finaux, propriétaires des titres, sont enregistrés dans les comptes
ouverts à leur nom auprès du dépositaire central. Chaque investisseur dispose donc typiquement
d’un compte‑titres chez le dépositaire central, mais la gestion opérationnelle de ce compte est géné‑
ralement effectuée par un mandataire (inter­médiaire financier en pratique). L’ensemble des comptes
des investisseurs pour un titre donné se trouvant gérés dans des comptes chez le CSD, les opérations
de vérification de l’intégrité des émissions s’en trouvent facilitées. De même, la gestion centrale
des comptes des investisseurs facilite l’identification des actionnaires (avec toutefois des limites à
l’identification lorsque les titres sont détenus par des investisseurs étrangers via des établissements
financiers « non domestiques » qui sont alors les seuls à être connus du CSD) et le traitement des
opérations sur titres. Plusieurs pays européens ont adopté un système de détention directe, dont
la Suède, la Finlande et le Danemark. On notera que des pays de culture « marché » plus récente,
comme l’Inde ou la Chine, ont également adopté ce modèle.

Les modèles de détention indirecte (en anglais, « indirect holding model ») se retrouvent dans la
majorité des pays européens. Ils se caractérisent par l’existence d’un ou de plusieurs niveaux d’inter­
médiaires financiers, en particulier les banques dépositaires, qui conservent dans leurs systèmes et
administrent les titres appartenant aux investisseurs finaux. Ils assurent eux‑mêmes la conservation
des titres pour d’autres inter­médiaires financiers ou pour les investisseurs finaux. Parmi ces inter­
médiaires, certains ont fait le choix d’être des participants directs au système de règlement‑livraison,
et disposent donc de comptes dans les livres du dépositaire central. Les CSD n’ont alors de relation,
via des comptes dits « omnibus », qu’avec ces inter­médiaires financiers qui participent directement
à leur système de règlement‑livraison de titres.

Un compte « omnibus » permet à un inter­médiaire financier de regrouper sur ce compte les titres
détenus par plusieurs de ses clients ‑ voire par l’ensemble de ses clients. Cette pratique est dénommée
« ségrégation collective 1 des clients » sous CSDR, par opposition à la « ségrégation individuelle par
client ». En France, le modèle de détention indirecte de titres s’applique, et le recours aux comptes
omnibus (c’est‑à‑dire à la ségrégation collective des clients) est très largement majoritaire, car il
permet une gestion opérationnelle plus efficace par les TCC, tout en maintenant un haut degré de
sécurité sur la propriété juridique des clients grâce au cadre législatif français (cf. supra) et grâce au
fait que les avoirs propres du TCC ne peuvent être mélangés aux avoirs de ses clients. Une ségrégation
individualisée (ou par catégorie de détenteurs) au niveau du CSD est également possible notamment
pour isoler les titres détenus par les OPC.

1 Le terme de « ségrégation collective » signifie que les avoirs des clients sont regroupés dans un seul compte « omnibus » distinct du compte regroupant
les avoirs propres de l’inter­médiaire.
…/…

212 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


Représentation stylisée d’un modèle de détention


Directe Indirecte

Émetteur Émetteur

CSD CSD

Compte Compte des Compte


TCC
d’émission investisseurs d’émission

Investisseur A Banque A

10 7 10 6

Investisseur B Banque B

2 4

Investisseur X

1 Banque B Banque A
Investisseur A Investisseur C

2 6

Banque C

Banque C
Investisseur B

banque(s) dépositaire(s) le long d’une financiers émis, et donc de la réconciliation


chaîne de détention plus ou moins longue, entre les comptes d’émission et les
la somme des titres détenus par les comptes de ses participants, parmi lesquels
participants d’un CSD émetteur pour le les comptes du « CSD investisseur ».
compte des investisseurs doit être égale
au nombre de titres émis, pour chaque 1.2.2. Le rôle des autres inter­­médiaires
code ISIN. Les comptes‑titres détenus le long de la chaîne de détention
par les participants d’un CSD reflètent des titres
le degré de détention ultime au sein de
la chaîne (ils sont tenus par des inter­­ Si les CSD jouent un rôle central dans la
médiaires financiers qui ne recourent pas préservation de l’intégrité des émissions,
à un autre inter­­médiaire, il n’y a donc pas chaque inter­­médiaire financier doit
d’échelon supplémentaire dans le schéma également mener des réconciliations
de conservation des actifs présents sur similaires à son niveau, entre d’une part les
ces comptes). Le même raisonnement actifs inscrits dans un compte‑titres ouvert
est valable lorsque le participant d’un CSD à son nom auprès de l’échelon supérieur (le
(«  CSD émetteur  ») se trouve être un plus souvent un compte omnibus, y compris
autre CSD (« CSD investisseur »). C’est lorsqu’il s’agit d’un compte ouvert auprès
là encore le CSD émetteur qui est chargé du CSD), et d’autre part les actifs détenus
de s’assurer de l’intégrité des instruments pour compte propre et les actifs dont la

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 213


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


conservation lui a été confiée par ses à une remise en cause de l’intégrité d’une
clients à l’échelon inférieur. Ce processus émission et à une possible perte de titres
en cascade tout au long de la chaîne permet pour certains investisseurs finaux, même
d’assurer que les droits de propriété des si les contrôles au niveau du CSD émetteur
investisseurs finaux, à l’autre bout de la sont adéquats. En France, comme déjà
chaîne, ne peuvent pas être remis en cause indiqué ci‑avant, les droits de propriété sur
de façon injustifiée. les instruments financiers sont attachés
aux comptes‑titres tenus par les teneurs
En  modèle de détention indirecte, de compte‑conservateurs, et non aux
les  CSD ne peuvent jouer ce rôle tout comptes‑titres maintenus par le CSD qui ne
au long de la chaîne car ils ne disposent sont que des « comptes‑miroirs » reflétant
15 D’autres pays européens
d’informations que sur les comptes‑titres les comptes‑titres de ses participants 15. ont une approche juri‑
de leurs participants directs ; de la même dique différente de
la  France, et consi‑
façon, chaque inter­­médiaire financier n’a Les rapprochements comptables quotidiens dèrent que les droits de
de visibilité que sur les actifs conservés sont donc indispensables au niveau de propriété sur les titres
pour le compte de ses propres clients, chacun des participants d’un CSD, y compris sont attachés directe‑
ment aux comptes tenus
mais pas sur la détention de ces actifs les CSD tiers qui ont ouvert un compte‑titres par le CSD. Les dispo‑
plus en aval par les clients de ses clients. auprès d’un CSD pour permettre à leurs sitions françaises
présentent l’avantage de
Par conséquent, toute défaillance au niveau participants d’accéder aux titres financiers rendre les titres insaisis‑
d’un inter­­médiaire financier peut conduire qui y ont été émis (« CSD investisseurs »). sables au niveau du CSD.

Encadré n° 2 : Le cas particulier des titres nominatifs en France et le titre au porteur Identifiable

En France, les titres financiers peuvent être détenus sous forme « au porteur » ou sous forme
« nominative », selon le souhait de l’investisseur et/ou selon que l’entité émettrice souhaite ou non
connaître de manière permanente ses actionnaires ou les détenteurs de ses obligations de façon
nominative. Lorsqu’une société prévoit par une clause statutaire que la forme nominative est obligatoire,
on parle de « valeur essentiellement nominative » ; dans les autres cas, lorsque le choix entre les formes
« au porteur » et « nominative » est laissé à l’investisseur, on parle de valeur « occasionnellement
nominative ». Il existe aussi des obligations statutaires de mise au nominatif (à partir d’un certain
seuil de détention le titulaire doit alors procéder à une mise au nominatif pur ou administré) : pour
autant la valeur reste sous forme occasionnellement nominative.

Le propriétaire de titres nominatifs peut soit décider de les faire figurer sur son compte ouvert
auprès de sa banque dépositaire habituelle (« nominatif administré »), soit décider de confier la
conservation des titres à l’émetteur lui‑même (« nominatif pur »). Dans ce dernier cas, l’émetteur doit
tenir lui‑même les comptes sur des registres inter­­nes et gérer les opérations sur les titres ; il peut
néanmoins déléguer ces fonctions à un mandataire. Le nominatif ne concerne qu’une part minoritaire
des actions émises en France.

Les titres au porteur sont inscrits sur un compte‑titres ouvert auprès d’un teneur de compte‑conservateur,
selon les modalités classiques de la détention indirecte de titres décrite plus haut. Leur détenteur final
n’est alors pas connu de l’émetteur. Toutefois, afin de permettre aux émetteurs de titres au porteur de
connaître leur actionnariat ou leurs obligataires, Euroclear France offre le service « titre au porteur
identifiable » (TPI) par lequel, sur requête de la société émettrice (et à condition que les statuts de ladite
société le prévoient explicitement pour les titres de capital), il inter­­roge l’ensemble des inter­­médiaires
financiers dans les livres desquels les titres de la société émettrice sont déposés afin d’identifier les
actionnaires. Après consolidation des réponses, la liste en est communiquée à l’émetteur. Les titres
au porteur sont très largement majoritaires en France.

214 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


Si plusieurs CSD investisseurs détiennent Les  systèmes de règlement de titres,


des titres ayant le même code  ISIN du fait de leur rôle fondamental dans le
chez un CSD émetteur donné, ces CSD fonctionnement des marchés financiers, font
investisseurs sont tenus de procéder à des l’objet d’un chapitre dédié (cf. chapitre 13).
réalignements périodiques, c’est‑à‑dire à
des trans­­ferts de titres entre leurs comptes 1.4. Les services accessoires
ouverts dans le même CSD émetteur, pour offerts par les CSD
refléter les échanges de titres inter­­venus
entre leurs propres participants lorsque la Au‑delà des trois services de base des CSD
trans­­action inter ­­vient entre participants évoqués jusqu’ici (service notarial, service
de deux CSD différents. À noter que le de tenue centralisée de compte et service
réalignement auto­­matique est une fonction de règlement‑livraison), les CSD peuvent
offerte par le système T2S (cf. chapitre 14). offrir un certain nombre de services
dits « accessoires » listés de façon non
1.3. Le règlement‑livraison : exhaustive par  CSDR, notamment les
circulation des titres et lien avec services liés au traitement des opérations
la tenue centralisée des comptes sur titres, la gestion tripartite de collatéral,
l’organisation d’un mécanisme de prêts de
Les  dépositaires centraux permettent titres entre ses participants, les services
également la circulation des instruments aux émetteurs, etc.
financiers en assurant l’exploitation
d’un ou de plusieurs systèmes de 1.4.1. Le traitement des opérations sur
règlement‑livraison de titres (en anglais, titres (OST) ou corporate actions
securities settlement systems ou SSS :
cf. chapitre 13), lesquels permettent la Les  instruments financiers donnent
circulation effective des instruments généralement droit à rémunération pour
financiers en créditant ou débitant les leurs détenteurs, que ce soit sous forme
comptes‑titres de leurs participants (soit du paiement d’un dividende pour les
au titre de leurs opérations pour compte actions ou versement d’intérêts dans le
propre, soit au titre des opérations de leurs cas des obligations 16. 16 
L a rémunération de
clients). Ils permettent ainsi d’effectuer certains titres peut néan‑
moins se faire de façon
le «  règlement  » des trans­­actions sur En outre de nombreux évènements peuvent précomptée, comme
instruments financiers, c’est‑à‑dire la inter­­venir dans la vie d’un titre, tels que des par exemple les bons
livraison effective de ces instruments (et opérations liées à des réorganisations  17, du Trésor à taux fixe
et à intérêt précompté
le paiement correspondant), dans des certaines de ces opérations nécessitant (BTF) ; dans ce cas, l’in‑
conditions optimales de sécurité. que les propriétaires de ces instruments vestisseur ne perçoit
pas de flux de rémuné‑
financiers exercent un choix (options). ration entre l’émission
Dans le cadre du règlement CSDR : Ces opérations qualifiées d’opérations sur et le remboursement
titres ou OST (en anglais, corporate actions) du titre, ladite rému‑
nération résultant de
• l’exploit ation d’un système de constituent le corollaire de l’enregistrement la différence entre le
règlement de titres (ou système de initial des titres et impliquent donc montant remboursé et
le montant initialement
règlement‑livraison) est un service de étroitement les  CSD. Ces  derniers versé par l’investisseur.
base qui doit obligatoirement être offert agissent dans ce contexte en tant qu’inter­­
17 Catégories d’opéra‑
pour obtenir la qualification de « CSD » médiaire entre d’une part l’émetteur (ou tions sur titres ayant
(étant rappelé que celui‑ci doit également son agent) et, d’autre part, les banques des conséquences sur
le nombre et/ou la valeur
offrir au moins un des deux  autres dépositaires et autres inter­­médiaires nominale des titres en
services de base : service notarial et/ou financiers qui conservent les titres pour le circulation telles que
tenue centralisée de compte) ; compte d’autres inter­­médiaires et/ou des le regroupement d’ac‑
tions, le fractionnement
investisseurs finaux. Ils reçoivent ainsi les d’actions, etc. Les réor‑
• seuls les CSD peuvent exploiter un système annonces et notifications de l’émetteur, ganisations peuvent
être obligatoires ou
de règlement de titres (y compris les qu’ils transmettent sous forme d’annonces optionnelles, avec ou
banques centrales faisant office de CSD). et d’avis de droits (ou « announcement ») sans option.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 215


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


aux inter­­médiaires financiers chez qui les l’émetteur d’avertir le CSD d’émission et
titres sont déposés. Ce rôle de courroie lui donner les détails de l’OST. Il revient
de trans­­mission d’informations et de ensuite au  CSD d’émission de fournir
contrôle des positions joué par les CSD l’information aux détenteurs des comptes
et, aux niveaux inférieurs de la chaîne de dans ses livres, à charge pour ceux-ci de
détention des titres, par les inter­­médiaires la faire parvenir jusqu’à l’investisseur final
financiers, est essentiel, dans la mesure où via la chaîne des inter­­médiaires (CSD
les émetteurs ne savent pas toujours qui investisseurs, inter­­médiaires financiers
sont les investisseurs finaux (cf. les titres participant aux CSD, clients).
au porteur).
Ces normes ont été reprises et spécifiées
Au‑delà de la trans­­mission d’informations, dans le cadre de la plateforme  T2S,
les CSD calculent les droits attachés aux à laquelle l’ensemble des  CSD de la
opérations sur titres (ou « entitlement »), zone euro 19 (ainsi que les CSD de marchés
procèdent le cas échéant à l’enregistrement non euro qui le souhaitent) ont confié leur
des nouveaux titres, les créditent sur les activité de règlement‑livraison de titres
comptes de leurs bénéficiaires (inter­­ (cf. le chapitre 14 sur T2S). En effet, le
médiaires financiers ou investisseurs finaux développement important attendu des
selon le modèle de détention) et, dans le opérations inter­­‑CSD et donc de l’activité
cas de distribution d’espèces, créditent les de CSD investisseur a rendu indispensable
comptes espèces des bénéficiaires après la mise en œuvre par les marchés concernés
avoir reçu les sommes correspondantes de de normes d’OST harmonisées. Si la
l’émetteur ou de son agent payeur. plateforme T2S ne gère pas directement
les OST, elle fournit toutefois aux CSD des
La gestion des OST est en outre l’un des fonctionnalités leur facilitant le traitement de
domaines du post‑marché sur lequel se ce type d’opérations. Ainsi, les instructions
concentre le plus gros effort en matière de règlement‑livraison générées par les OST
d’harmonisation européenne. La grande sont dénouées sur T2S et les informations
diversité des règles et des pratiques entre relatives aux soldes des comptes‑titres en
les différents États européens en matière de sont extra­­ites. Les dépositaires centraux
traitement des OST a en effet été identifiée restent toutefois l’acteur incontournable
par les rapports Giovannini (2001 et 2003) dans la gestion des opérations sur titres ;
comme l’une des principales barrières ils conservent à ce titre leurs plateformes
à l’intégration financière des marchés pour la trans­­mission d’annonces, le calcul
européens. L’harmonisation des pratiques a des droits, la génération des instructions
donc été perçue comme un moyen privilégié de règlement‑livraison sur T2S, etc.
de réduire les coûts de traitement et les
risques opérationnels attachés à ce type Les CSD offrent également des services
d’opérations. Ce fut l’objet d’un groupe de entourant les assemblées générales
travail, le Corporate Actions Joint Working d’actionnaires et ceux relatifs aux fonds
Group (CAJWG), rassemblant l’ensemble d’investissement. Les CSD peuvent ainsi se 18 Connues sous le nom
de Market Standards
des parties prenantes (émetteurs, infra­­ charger de la trans­­mission des notifications for Corporate Actions
structures de marché, inter­­médiaires), d’assemblées aux inter­­médiaires financiers Processing. Ces
et qui a débouché en 2009 sur l’édiction et/ou aux investisseurs finaux en fonction standards ont été
légèrement revus
de normes applicables aux différentes des positions détenues dans leurs livres, en  2012 et actualisés
catégories d’OST 18. de fournir un support administratif à en 2015.
la tenue des assemblées (impression 19 
Au moment de la
En  matière de gestion des flux des documents, des attestations de rédaction de cet
ouvrage, seul le  CSD
d’informations relatives aux  OST, les participation, etc.), ou d’offrir un service de f i n l a n d a i s n’ a p a s
Market Standards for Corporate Actions vote par correspondance (collectes de votes encore, pour des raisons
techniques, basculé
Processing consacrent un principe dit électroniques, d’attestations de participation son règlement‑livraison
de « cascade » selon lequel il revient à ou de procurations). en T2S.

216 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


Encadré n° 3 : Les Market Standards for Corporate Actions Processing

Les Market Standards for Corporate Actions Processing couvrent à la fois les OST sur stocks (c’est‑à‑dire
appliquées en fonction des positions détenues à la date de calcul des positions, la « record date ») et les OST
sur flux (c’est‑à‑dire appliquées sur des trans­actions en cours), aussi appelées « Trans­action Management ».

Les OST sur stocks comprennent les distributions d’espèces, de titres, les distributions avec options,
ainsi que les réorganisations obligatoires et volontaires de titres. Il peut s’agir, par exemple, d’un
fractionnement d’actions dans le cadre d’une réorganisation obligatoire ou d’une offre publique
d’achat dans le cadre d’une réorganisation volontaire.

Les standards européens définissent des calendriers normalisés pour chacune de ces OST et différentes
étapes sont fixées selon la nature de l’OST. En particulier la « record date » revêt une grande importance
car elle détermine le moment où sont prises en considération les positions titres sur les livres du CSD
émetteur pour le calcul des droits aux avantages (tels que le paiement de coupon, la distribution ou
la participation aux assemblées générales) attachés à l’OST.

Les OST sur flux comprennent les régularisations sur distributions (en anglais, market claims) lorsque
les investisseurs n’ont pas reçu correctement la rémunération attachée aux titres détenus, ou encore les
trans­formations (liées aux réorganisations de capital conduisant par exemple à des fusions ou scissions de
titres). Les régularisations sur distributions sont mises en place lorsque la personne qui aurait dû bénéficier
de l’OST n’a pas reçu la distribution car elle ne détenait pas les titres dans son portefeuille au moment
de la record date. Cela peut s’expliquer, par exemple, par un retard dans le règlement d’une transaction
sur titres, ou par le décalage entre la date de négociation et la date effective de règlement‑livraison
(à cet égard, le passage de T+ 3 à T+ 2 sur les marchés réglementés a permis de diminuer le nombre
de régularisation sur flux). La régularisation consiste dans un tel cas dans un trans­fert auto­matique de
la distribution vers le bénéficiaire légitime. Plus généralement, les normes européennes en matière
d’OST sur flux visent à auto­matiser le processus de réallocation des titres en limitant l’inter­vention des
différentes parties et en préservant les droits des vendeurs et acheteurs des titres.

1.4.2. La gestion tripartite la gestion tripartite consiste, à la fois


de collatéral pour le donneur de collatéral (en anglais
« collateral giver ») et pour le receveur de
Dans le cadre de l’offre développée à collatéral (en anglais « collateral taker »),
l’intention des investisseurs, les participants à déléguer la gestion des titres venant en
qui le souhaitent peuvent centraliser garanti­­e de leurs opérations à une tierce
l’ensemble de leur collatéral disponible partie, en l’occurrence le CSD, qui joue
en un point unique afin de faciliter la alors un rôle d’agent tripartite. Dans ce
mobilisation des titres remis en garanti­­e, rôle, le CSD sélectionne auto­­matiquement,
que ce soit auprès de la banque centrale, en fonction des préférences exprimées
d’une chambre de compensation ou par le participant, les titres détenus par le
d’autres inter­­venants de marché. Une telle collateral giver et identifiés comme pouvant
centralisation du collatéral présente d’autant être utilisés par l’agent tripartite dans ce
plus d’intérêt que certains CSD proposent cadre, répondant aux critères minimaux de
désormais des services de gestion tripartite qualité fixés par le collateral taker.
du collatéral, ce qui permet également
l’auto­­matisation de certaines fonctions de Dans le cadre de la sélection des titres
back‑office et du règlement‑livraison associé qu’un receveur de collatéral est prêt
aux trans­­actions de repo. Concrètement, à accepter, l’agent tripartite doit donc

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 217


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


définir avec celui‑ci les paniers de titres 1.4.3. Dispositifs de prêts de titres
éligibles. Ces paniers ne présentent pas entre participants d’un CSD
nécessairement des caractéristiques
standard et peuvent être individualisés Les services de règlement‑livraison et de
pour chaque client. Ils peuvent également gestion tripartite peuvent inclure la mise en
être construits pour refléter des exigences place d’un mécanisme de prêt/emprunt de
en matière de diversification et de titres (securities lending trans­­actions) visant
limitation des risques : ainsi, un prêteur à permettre à une contrepartie devant livrer
d’espèces pourra imposer de ne recevoir des titres financiers qu’elle ne détient pas en
que des paniers comprenant au moins portefeuille d’emprunter ces titres pour être
15 émetteurs individuels différents, ou en mesure de les livrer subséquemment
70 lignes différentes, ou encore prohibant – et, ainsi, d’éviter un défaut de livraison – et
certains secteurs, types d’émetteurs ou au prêteur des titres d’optimiser les revenus
types de titres (obligations convertibles, de son portefeuille. Dans ce cas, le CSD
par exemple). En principe, le nombre de ne fournit que l’infra­­structure technique
paniers potentiels est donc très important. permettant à ses participants de conclure
entre eux des trans­­actions de prêt/emprunt
En  pratique, une certaine forme de de titres, sans être lui‑même engagé dans
standardisation est apparue. Par  ordre ces trans­­actions et par conséquent sans
décroissant en termes de qualité de crédit, encourir de risque de crédit. Toutefois
les paniers de premier rang rassemblent certains CSD (et en particulier les CSD
en général les émetteurs souverains au inter­­nationaux –  ICSD  : voir ci‑après,
moins dits « investment grade » (c’est‑à‑dire section 4.1) ont développé des services
qui bénéficient d’une notation située dits de « prêt/emprunt auto­­matique » : un
par exemple entre AAA et BBB sur l’échelle algorithme intègre les prérequis à la fois
de Standard & Poor’s et correspondent à des « prêteurs potentiels de titres » et des
un niveau de risque faible) ainsi que les « emprunteurs potentiels de titres » et, sur
émetteurs supranationaux ; les paniers de ces bases, procède à la mise en place auto­­
second rang, outre les titres éligibles au matique (c’est‑à‑dire sans inter­­vention des
premier panier, contiennent d’autres types acteurs au coup par coup) de prêts de titres
d’obligations (par exemple des obligations si le besoin apparaît dans le système chez
sécurisées (en anglais covered bonds) 20 ou un acteur qui s’est préalablement déclaré,
des obligations bancaires). La possibilité de et a été accepté par le gestionnaire du
façonner des paniers en fonction de critères système, comme emprunteur potentiel
très divers est néanmoins largement utilisée de titres (par exemple pour permettre le
par les contreparties. déblocage d’une instruction de livraison
de titres en suspens).
Les  algorithmes développés par les
agents tripartites permettent d’optimiser 1.4.4. Services accessoires
le placement du collatéral disponible des de type bancaire
payeurs de collatéral, afin de bénéficier 20 Les obligations sécuri‑
d’un rendement maximal sur l’inventaire Certains CSD dûment agréés et disposant sées sont des obligations
de titres disponibles. Certains  CSD d’une licence bancaire ont la possibilité dont la rémunération et
le remboursement en
proposent également l’utilisation de d’offrir des services de type bancaire qui principal sont garantis
leur triparty repo pour le calcul et la permettent d’effectuer le règlement‑livraison par un ensemble d’ac‑
tifs, en général des prêts
collecte des marges associées aux dans une monnaie autre que la monnaie immobiliers. En France,
opérations sur dérivés, y compris pour de banque centrale  : on dit alors que les banques ont souvent
les dérivés qui échappent à l’obligation le règlement s’effectue en «  monnaie recours à des filiales
spécialisées pour
de compensation mais sont néanmoins commerciale ». En pratique il s’agit de l’émission d’obligations
soumis par le règlement européen EMIR la mise à disposition des participants au sécurisées : sociétés de
crédit foncier (SCF) ou
à des appels de marge obligatoires entre système de règlement‑livraison de comptes sociétés de financement
les contreparties (voir chapitre 11). espèces ouverts dans les livres du CSD de l’habitat (SFH).

218 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


gestionnaire du système. Ce  dernier son nom chez Euroclear France. L’octroi de


agit donc également comme teneur des crédit aux établissements concernés n’aura
comptes espèces et a ainsi la possibilité, en donc lieu que si ces derniers ont trans­­féré
cas de besoin, de fournir à ses participants sur le compte titres de la Banque de France
de la liquidité pour le règlement de leurs un montant suffisant de garanti­­es éligibles.
opérations. Cette fourniture de liquidité se
fait sous la forme quasi‑exclusive de crédit  orsqu’un  CSD opère en monnaie de
L
de très court terme (crédit intra­­‑journalier) et banque centrale, c’est‑à‑dire lorsque la
contre constitution de garanti­­es au profit du jambe espèces de ses opérations est réglée
prêteur (le CSD gestionnaire du système). sur les livres d’une banque centrale, cela
Bien évidemment, la conduite d’activités permet aux contreparties de bénéficier en
de nature bancaire expose les CSD qui outre de crédit intra­­­journalier auprès de
offrent des services de ce type à des risques la BCN locale, contre remise de garanti­­­es
de crédit et de liquidité additionnels, et qui sont les mêmes que pour les opérations
expose leurs participants à un risque de de politique monétaire. On  pourra se
contrepartie, c’est‑à‑dire au risque de ne référer aux chapitres 1 et 15 pour plus
pas pouvoir disposer de leurs avoirs sur d’informations sur ces sujets.
leurs comptes espèces chez le CSD en
cas de faillite de ce dernier. En pratique, Les CSD sont ainsi un vecteur important
ce sont les ICSD qui offrent ce service, la dans la mise en œuvre de la politique
grande majorité des CSD n’ayant pas de monétaire en Europe, ce qui a conduit
licence bancaire. l’Eurosystème à développer un ensemble
de critères d’éligibilité pour les systèmes
On notera également que certains CSD de règlement‑livraison et les CSD qui les
o ff r e n t a u s s i d e s s e r v i c e s d e opèrent, visant à s’assurer qu’ils répondent
règlement‑livraison dans une devise autre à des exigences de sécurité juridique et
que celle dans laquelle ils effectuent le opérationnelle (cf. chapitre 13).
règlement‑livraison en monnaie centrale
(par exemple un CSD de la zone euro qui Dans le cadre de la mise en œuvre
offre aussi du règlement‑livraison contre de la politique monétaire unique de
US dollars). Dans ce cas c’est une banque l’Eurosystème, une « liste unique » de
commerciale qui, le plus souvent, assure titres éligibles comme collatéral auprès
la tenue des comptes espèces dans la de l’ensemble des  BCN a été définie.
devise concernée. Afin que cette harmonisation ne reste
pas purement théorique, mais puisse être
1.5. Le rôle des CSD dans la mise effectivement mise en œuvre par la remise
en œuvre de la politique monétaire aux différentes BCN de titres éligibles qui
ont été émis dans des CSD autres que
Les banques centrales nationales (BCN) ceux de leurs juridictions respectives,
de l’Eurosystème recourent directement l’Euro­système a activement recherché
aux CSD de la zone euro pour la mise en œuvre des solutions pour permettre la circulation
de la politique monétaire de l’Eurosystème, des titres d’une juridiction à l’autre.
qui consiste pour les BCN à octroyer du Le manque d’harmonisation technique,
crédit à leurs contreparties contre remise juridique, opérationnelle des marchés de la
de garanti­­es éligibles (voir chapitre 15 sur zone euro rendait compliquée la circulation
le collatéral). L’apport de titres en garanti­­e de titres entre CSD, et entraînait donc des
à une BCN passe par l’inscription de ces coûts élevés d’inter­­opérabilité entre eux.
titres dans des comptes‑titres ouverts C’est pourquoi l’Eurosystème a d’abord
par cette BCN auprès d’un CSD, en règle mis en place un système de conservation
générale le CSD de sa juridiction. À titre d’actifs entre BCN (CCBM ou correspondent 21 https://www.ecb.europa.
eu/paym/coll/ccbm/html/
d’exemple, la Banque de France reçoit le central banking model  21). De façon plus index.en.html. Voir aussi
collatéral titres sur des comptes ouverts à structurante, afin de faciliter la circulation chapitre 15, encadré 5.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 219


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


effective des titres entre les marchés de règles, de procédures et de contra­­ts


européens et tout particulièrement au sein clairs et compréhensibles pour tous les
de la zone euro (non seulement pour la mise systèmes de règlement‑livraison qu’ils
en œuvre de la politique monétaire mais mettent en œuvre et pour tous les autres
aussi pour le fonctionnement des marchés services qu’ils fournissent. Au‑delà de
financiers européens), l’Euro­s ystème ces aspects purement contra­­ctuels, les
a décidé ultérieurement de lancer le cadres législatifs nationaux concourent
projet T2S (cf. chapitre 14), afin de faciliter le directement à la sécurité juridique des
règlement‑livraison en monnaie de banque participants. En  particulier, chaque
centrale entre CSD (et donc une plus grande État membre de l’Union européenne
efficacité des liens entre ces derniers) et, doit trans­­poser la directive « Finalité » 22,
au final, d’assurer une circulation plus qui introduit notamment un régime
fluide des titres au sein de la « zone T2S ». dérogatoire au droit de la faillite et
apporte ainsi une protection accrue aux
Un projet de gestion harmonisée du participants exposés à la défaillance d’un
collatéral au niveau de l’ensemble autre participant, jusqu’à la notification
des banques centrales nationales de de cette défaillance au système de
l’Eurosystème, ECMS  (Eurosystem règlement‑livraison ou jusqu’à la fin du
collateral management system) est jour ouvré où cette notification inter­­vient.
actuellement en cours d’élaboration, pour On pourra se reporter au chapitre 5 pour
un déploiement prévu fin 2022. On pourra une description plus détaillée des notions
se reporter aux chapitres 7 (section 6.4) de finalité, et des moments de finalité.
et 15 (sections 4.2 et 4.3).
• Le  CSD peut également lui‑même
subir un risque juridique, notamment
2. La réglementation et lorsqu’en tant que CSD investisseur il
la surveillance des CSD établit un lien avec un autre CSD (« CSD
émetteur »). En effet, l’établissement
En raison de leur importance systémique, de ce lien suppose la participation
les dépositaires centraux ont toujours au CSD émetteur, le plus souvent établi
fait l’objet d’une réglementation et d’une dans une autre juridiction dotée d’une
surveillance toutes particulières. législation différente (donc conflits de
lois potentiels) et ayant adopté une
2.1. Types de risques auxquels documentation contra­­ctuelle pouvant
un CSD est exposé induire des risques pour les participants.
Tous ces éléments juridiques doivent
À l’instar des autres infra­­structures de être analysés précisément avant
marché, les CSD conduisent une activité l’établissement d’un lien, afin de
essentielle et revêtent une importance s’assurer par  exemple que le  CSD
systémique pour le bon fonctionnement investisseur pourra si besoin recouvrer
des marchés financiers qu’ils servent. les actifs financiers inscrits dans son
Les PFMI leur enjoignent donc de se doter compte si le CSD émetteur était mis
de dispositifs visant à les protéger contre en liquidation, c’est‑à‑dire que les actifs
les risques qui pourraient les empêcher de inscrits dans les comptes titres au nom
remplir correctement leurs fonctions. du CSD investisseur ne peuvent pas être
saisis pour le compte du CSD émetteur.
• Le risque juridique concerne à la fois
les CSD et leurs participants. Afin de • Le  risque opérationnel  : l’activité
contenir le risque juridique supporté des CSD s’appuie sur des systèmes
par les participants d’un  CSD, le d’information complexes et des
règlement  CSDR impose que les ressources humaines spécialisées 22 
C f.  note n° 26 à la
dépositaires centraux de titres disposent pour exercer leurs activités. Ils doivent section 2.3.

220 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


donc se doter d’un cadre de gestion des lui permettre d’ assurer, en toutes
risques opérationnels répondant aux circonst ances, le paiement de
normes les plus exigeantes (cartographie l’ensemble des frais de fonctionnement
des risques, recensement des incidents, sur une période d’au moins six mois.
mise en place de plans d’actions,
gouvernance,  etc.) et de plans de • Enfin, le cas échéant, les risques
continuité d’activité (en particulier dans associés à la conservation des
le domaine informatique) de telle façon titres pour le compte des participants,
que les risques soient correctement lorsqu’un CSD a reçu l’auto­­risation de
suivis et traités. ses auto­­rités pour offrir la conservation
des titres (service «  connexe  » aux
• Les risques de crédit et de liquidité services d’investissement définis
concernent les dépositaires centraux sous MiFID 2/MiFIR  23) et lorsque le
opérant en monnaie commerciale et cadre juridique national prévoit que
fournissant des services accessoires les droits de propriété sur les titres
de type bancaire, comme l’octroi de sont attachés aux comptes‑titres
crédit intra­­‑journalier. Lorsque des tenus par le CSD. Ce dernier, même
crédits sont octroyés par un CSD à ses lorsqu’il offre la conservation de titres,
participants, cela crée des expositions a généralement un positionnement de
de crédit sur ces participants tenus de marché différent des TCC.
rembourser à brève échéance. Si les
durées de ces expositions de crédit sont Une gouvernance efficace doit permettre
courtes, elles peuvent être renouvelées de fixer une stratégie cohérente pour le
quotidiennement en fonction des besoins développement des activités du CSD en
de liquidité des participants pour pouvoir vérifiant constamment que son exposition au
régler leurs trans­­actions sur titres, et risque n’excède pas l’exposition maximale
concerner des montants significatifs qui déclencherait la mise en œuvre du plan
en lien avec les montants de ces de rétablissement 24 ou, dans une situation
trans­­actions sur titres. Des dispositifs plus grave, d’un plan de résolution. Le CSD
adéquats d’identification, de suivi et de doit être en mesure d’identifier, de suivre
gestion des risques doivent alors être et de contenir les risques auxquels il est
mis en place et les dépositaires centraux exposé. Ses fonds propres doivent être 23 Directive 2014/65/CE
concernés doivent également s’assurer proportionnés à son exposition aux risques, et règlement 600/2014
de pouvoir disposer de liquidités et il doit les investir soit en espèces soit en « Marché d’Instruments
financiers  », publiés
suffisantes pour pouvoir faire face à actifs très liquides comportant un risque de le 12 juin 2014 au Journal
tout moment à leurs obligations dans marché et de crédit minimal et qui doivent officiel de l’Union euro‑
péenne. Le  dispositif
l’ensemble des devises concernées. pouvoir être liquidés à bref délai, avec un « MIF 2 » est entré en
effet négatif minimal sur les prix. vigueur le 3 janvier 2018
• Les risques économiques généraux, (cf. chapitre 5 section 1.2.2).

y compris les pertes résultant d’une 2.2. Les normes inter­­nationales 24 


P lan que tout  CSD
européen est, selon
mauvaise exécution de la stratégie de surveillance applicables aux CSD les exigences du
d’entreprise et de pertes d’exploitation. règlement CSDR, tenu
Les exigences en capital d’un CSD doivent Des normes inter­­nationales sur les CSD et d’établir, de mettre en
œuvre et de garder opéra‑
permettre son éventuelle liquidation (en SSS ont été publiées en 2001, puis révisées tionnel, afin de disposer
tant que société commerciale et non en 2012 et intégrées dans les Principles d’une politique de conti‑
nuité de l’activité et de
pas bien sûr en tant que dépositaire for Financial Market Infra­­structures rétablissement après
central) ou une restructuration ordonnée (PFMI, cf. chapitre 18). sinistre pour garantir le
sur une période d’au moins six mois, en maintien de ses services,
le rétablissement rapide
cohérence avec les recommandations Les  PFMI ne sont cependant pas de ses activités et le
du PFMI 15 (general business risk). directement contra­­ignants dans les respect de ses obligations
en cas d’événements
En termes pratiques, les fonds propres différents États ; ils servent avant tout de risquant sérieusement
du CSD doivent être suffisants pour normes de référence sur lesquelles les de perturber ses activités.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 221


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


législations nationales (ou européennes) à compter du 1er  janvier  2023 pour


doivent se fonder pour réglementer les valeurs mobilières admises à la
l’activité des infra­­structures de marché. négociation à compter de cette date
À la suite de la crise financière de 2008 et à compter du 1er janvier 2025 pour
qui, en dépit de la solidité démontrée par toutes les valeurs mobilières admises à
les infra­­structures et de leur bonne gestion la négociation quelle que soit leur date
des situations de crise, a mis en lumière la d’émission. L’immobilisation est liée à
nécessité de mieux encadrer leurs activités l’obligation d’inscrire en compte toutes
et le fonctionnement des marchés, l’Union les valeurs mobilières négociables sur les
européenne a publié en septembre 2014 le marchés réglementés, même lorsqu’elles
règlement CSDR, directement applicable ont été émises sous forme physique ;
et contra­­ignant pour les CSD européens.
D’autres règlements européens ont été • l’harmonisation de la durée du cycle de
adoptés à peu près au même moment règlement, désormais de 2 jours ouvrés au
pour d’autres types d’infra­­structures de maximum entre la date de négociation J
marché (règlement EMIR de 2012, révisé et la date de règlement J+ 2 pour les
en 2019, pour les contreparties centrales trans­­actions négociées et exécutées
et les référentiels centraux de données, sur des plateformes de négociation ;
règlement BCE en 2014 pour les systèmes
de paiement d’importance systémique). • le renforcement de la discipline de
25 
À l’exception toute‑
marché par des mesures de prévention fois de la directive dite
2.3. Le règlement européen CSDR obligatoire des suspens, des pénalités «  finalité  » de 1998
financières en cas de retard du (directive 98/26/CE du
Parlement européen et
La réglementation applicable aux activités règlement par rapport à la date de du Conseil du 19 mai 1998
des dépositaires centraux relevait, jusqu’à règlement convenue, complétées par concernant le caractère
définitif du règlement
une date récente, essentiellement de une procédure de rachat forcé de titres dans les systèmes de
dispositions nationales  25. En France, les (buy‑in en anglais  27) lorsque le retard paiement et de règle‑
ment des opérations
activités d’Euroclear France, dépositaire excède 4 jours – ou 7 jours pour les titres sur titres) qui établit un
central de titres et gestionnaire du système peu liquides ainsi que les titres cotés sur régime pour le caractère
de règlement‑livraison (ESES  26), étaient les marchés de croissance des PME ; définitif des règlements
dans les systèmes de
ainsi encadrées par les dispositions du Code paiement et de règle‑
monétaire et financier et du Règlement • le renforcement des exigences ment des opérations sur
titres, et de la directive
général de l’Auto­­ rité des marchés relatives à la maîtrise des risques lors de 2002 sur les contrats
financiers (AMF). de l’établissement et du maintien de de garantie financière.
liens entre CSD ; Ces deux directives ont
introduit une harmo‑
Le règlement CSDR, très largement inspiré nisation dans ces
des PFMI qu’il a vocation à rendre contra­­ • le décloisonnement du post‑marché domaines à l’échelle de
l’Union européenne.
ignants tout en les complétant d’exigences en Europe, qui s’articule encore, malgré
réglementaires supplémentaires, vise les progrès déjà réalisés en matière 26 ESES (Euroclear Settlement
of Euronext‑zone Securities)
d’abord à renforcer la sécurité et l’efficacité d’harmonisation, auto­­ur de « lignes de est une plateforme
de ces infra­­structures. Il introduit à cet effet partage nationales ». Deux mesures de règlement-livraison
partagée par trois dépo‑
un certain nombre d’exigences harmonisées importantes devraient concourir à la sit aires centraux  :
dans l’Union européenne, que ce soit pour réalisation de cet objectif : E u r o c l e a r   Fr a n c e ,
le fonctionnement des marchés ou les Euroclear  Belgium et
Euroclear  Nederland.
conditions d’exercice des CSD. – les émetteurs doivent pouvoir faire Cf. chapitre 13.
enregistrer leurs titres dans le CSD 27 P rocédure de rachat
En ce qui concerne le fonctionnement des européen de leur choix, et non d’office dont l’exécu‑
marchés, on peut citer : plus nécessairement dans le CSD tion peut être confiée à
une contrepartie centrale
national, sous réserve du respect pour les transactions
• la généralisation de la dématérialisation de certaines dispositions du droit compensées ou être
organisée dans le règle‑
des titres (effective en  France de leur pays d’origine qui leur est ment des plateformes
depuis 1984) ou de leur immobilisation, applicable. Cette possibilité était de négociation.

222 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


ouverte en théorie avant l’adoption ou de la plate‑forme de négociation


du règlement  CSDR mais très devra ainsi être dûment justifié par
peu utilisée en pratique ;  CSDR, une évaluation exhaustive des risques
en prévoyant explicitement cette additionnels qu’occasionnerait un
possibilité, vise à ouvrir davantage tel accès par un CSD « tiers » et ne
l’activité de « CSD émetteur » à la pourra en aucun cas être motivé par des
concurrence entre CSD de l’Union considérations de nature commerciale.
européenne. Ceci devrait permettre De  la même façon, un  CSD doit
en principe aux émetteurs de permettre aux CCP et aux plateformes
sélectionner le ou les CSD les plus de négociation « non locales » qui en
à même de gérer leurs titres de feraient la demande d’accéder à son
façon efficiente ; système de règlement‑livraison, et ne
peut refuser cet accès que s’il entraîne
– plus largement, un CSD peut fournir des risques trop importants.
ses services sur l’ensemble du
territoire de l’Union européenne, Le règlement CSDR introduit aussi plusieurs
sous réserve que ces services types d’exigences applicables aux CSD :
soient couverts par son agrément.
Le CSD doit néanmoins avoir obtenu • un CSD doit, dans toute la mesure du
les « passeports » nécessaires afin possible, réaliser les opérations de
d’admettre à ses opérations les titres règlement‑livraison en monnaie de
gouvernés par un droit d’une autre banque centrale 29, sauf dans les cas (peu
juridiction de l’Union européenne nombreux) où cela n’est pas possible ;
que celui de sa propre juridiction.
• des exigences organisationnelles  :
• CSDR consacre aussi le droit pour les  CSD sont tenus de disposer de
chaque  CSD d’avoir accès aux flux dispositifs de gouvernance solides.
de trans­­actions des chambres de Leurs instances dirigeantes doivent être
compensation jouant le rôle de composées de membres justifiant du
contrepartie centrale (CCP) et aux niveau d’honorabilité et d’expérience
plateformes de négociation basées dans requis. Ils ont l’obligation de mettre
d’autres pays européens, pour pouvoir en place, pour chaque système de
traiter une partie des trans­­actions de règlement‑livraison qu’ils gèrent, un
ces entités, celles‑ci ayant besoin comité d’utilisateurs représentant les
d’un service de règlement‑livraison émetteurs et les participants au système ;
pour matérialiser les changements de
propriété des instruments financiers • des règles concernant la conduite des
(par exemple suite aux achats‑ventes activités sont également introduites.
d’actions négociées sur un marché Les dépositaires centraux ont l’obligation
réglementé). Il  s’agit d’une mesure de publier les critères de participation
forte de libéralisation du post‑marché à leurs systèmes. Ces critères doivent
européen, qui vise à « ouvrir » les marchés être trans­­parents, objectifs et non
nationaux du règlement‑livraison et ainsi discriminatoires. Les  CSD doivent
éviter que les mono­­poles nationaux ne se aussi faire preuve de trans­­parence en
perpétuent, en particulier dans les pays matière tarifaire ; 28 S ilo vertical  : intégra‑
où des modèles en « silo » 28 écartent tion de la négociation
de la compensation et
(ou à tout le moins rendent difficiles) • plusieurs exigences, certaines d’entre du règlement-livraison
actuellement toute possibilité pour elles reprenant les PFMI, sont fixées d’instruments finan‑
ciers au sein d’un même
un CSD autre que le CSD domestique quant aux services fournis par les CSD : groupe capitalistique.
de traiter les trans­­actions de la chambre
29 Cette exigence ne s’ap‑
de compensation ou des plateformes de – la première exigence concerne la plique toutefois pas aux
négociation locales. Tout refus de la CCP vérification de l’intégrité de l’émission. ICSD (cf. infra, au 4.1).

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 223


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


Les CSD sont ainsi tenus de procéder, cf.  chapitre  13) et, dans toute la
au moins quotidiennement, à des mesure du possible, en monnaie
rapprochements comptables pour de banque centrale (cf. chapitre 1) ;
s’assurer que le nombre de titres qui
composent une émission est égal à – les CSD doivent se doter de règles
la somme des titres enregistrés sur publiques et de procédures de
les comptes‑titres des participants gestion des défaillances de façon à
au système de règlement de titres contenir les problèmes de liquidité
qu’ils exploitent (cf. section 1.2) ; et à pouvoir continuer à remplir
leurs obligations. Ces procédures
– les CSD doivent distinguer leurs avoirs sont réexaminées et testées
propres de ceux de leurs participants régulièrement avec les participants ;
(si nécessaire) et ouvrir a minima
un compte titres à chacun de leurs – les CSD doivent rester responsables
participants directs. Ils doivent de des services qu’ils externalisent,et
plus proposer différents niveaux de obtenir l’accord de leurs auto­­rités
ségrégation des titres en permettant compétentes avant d’externaliser un
à tout participant de distinguer ses service de base à une entité tierce 30.
propres titres de ceux de ses clients
(et à tout client d’isoler ses avoirs • un CSD ne peut fournir des services
propres de ceux du participant direct accessoires de type bancaire ou recourir
du CSD par l’inter­­médiaire duquel il à un établissement de crédit pour fournir
passe afin d’accéder au système de ces services qu’à la condition d’y être
règlement‑livraison du CSD). Au choix dûment auto­­risé. Pour ce faire, il doit être
des clients d’un participant, ceux‑ci agréé en tant qu’établissement de crédit 30 S auf lorsque le  CSD
peuvent disposer d’un compte‑titres au sein de l’Union européenne et obtenir externalise certains
particulier dans les livres du CSD un agrément complémentaire spécifique services ou activités
à une entité publique
(on parle alors de «  ségrégation au regard du règlement CSDR. De cette et que cette externali‑
individuelle par client  ») ou non manière, les CSD auto­­risés à fournir des sation est régie par un
cadre juridique, régle‑
(on parle alors de «  ségrégation services bancaires sont soumis à des mentaire et opérationnel
collective des clients  » via des exigences en capital supplémentaires et spécifique, qui a été
convenu et formalisé
comptes « omnibus » : cf. encadré doivent disposer d’un cadre approprié de conjointement par l’en‑
de la section 1.2.1 sur les modèles suivi et de gestion des risques de crédit tité publique et le CSD
de détention) ; et de liquidité, y compris intra­­‑journaliers. concerné et approuvé
par les autorités compé‑
En particulier, leurs expositions au risque tentes sur la base des
– les  CSD doivent procéder au de crédit doivent être entièrement exigences instaurées
par CSDR (en pratique,
règlement des trans­­actions, soit en couvertes par du collatéral de qualité ; cela recouvre en particu‑
temps réel, soit sur une base intra­­ lier l’externalisation à T2S
journalière, et dans tous les cas au • les exigences prudentielles sont du règlement-livraison
par les  CSD parti ‑
plus tard avant l’expiration de la date déterminées de telle façon que les CSD cipant à  T2S, dont
de règlement convenue. Les règles soient en capacité d’identifier, de suivre Euroclear France depuis
le 12 septembre 2016).
permettant d’établir le caractère et de gérer les risques juridiques,
définitif des trans­­ferts de titres et économiques généraux et opérationnels 31 Les CSD non autorisés
à fournir des services
d’espèces doivent être rendues liés à leurs activités, ainsi que les bancaires doivent
publiques et les moments de l’entrée risques découlant de leur politique utiliser la basic indicator
approach (BIA) pour le
dans le système et de l’irrévocabilité d’investissement. Des exigences de calcul des exigences en
des ordres de trans­­fert clairement capital sont ainsi instaurées pour garanti­­r capital ; les CSD autorisés
définis. Toutes les trans­­a ctions que les CSD disposent d’une couverture à fournir des services
bancaires peuvent, s’ils
donnant lieu à un échange de titres adéquate en cas de matérialisation y ont été autorisés, avoir
contre espèces doivent être réglées des risques précités, dont le calcul est recours à l’advanced
measured approach
en mode livraison contre paiement inspiré de la réglementation bancaire 31. (AMA) ou à la standar­
(ou DvP – delivery versus payment À ces exigences en capital s’en ajoutent dised approach (SA).

224 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


d’autres, calculées de façon à assurer la de France en rémunération de l’apport de


liquidation ou la restructuration ordonnée son système Saturne, permettait à cette
de leurs activités sur une période dernière de passer de 5 % à 40 % du capital
appropriée d’au moins 6 mois, dans un de Sicovam. Simultanément, Sicovam
scénario de crise ; annonçait le lancement d’un projet de
nouveau système de règlement de titres,
• des exigences relatives aux liens appelé Relit Grande Vitesse (ou  RGV),
entre  CSD sont aussi définies effectivement lancé en 1998, qui a permis
(cf. chapitre 13) : un « CSD investisseur » à la place de Paris de bénéficier dès lors
peut établir un lien vers un «  CSD d’une solution technique à l’état de l’art
émetteur » en devenant son participant, pour tous les titres français. D’autre part,
de façon à permettre à ses propres la centralisation de toutes les émissions
participants de traiter des instruments du Trésor sur un seul système (RGV) a
financiers émis par le « CSD émetteur ». permis de faciliter les arbitrages entre les
Les risques juridiques, opérationnels et titres ayant des maturités longues (OAT)
financiers pouvant être induits par cette et ceux ayant des maturités plus courtes
participation à un autre CSD doivent être (bons du Trésor).
identifiés et, le cas échéant, maîtrisés.
En 2000, Sicovam SA s’est rapprochée
du groupe Euroclear, qui en est devenu
3. Les CSD français l’unique actionnaire après apport par les
banques françaises, en échange d’actions
3.1. Euroclear France Euroclear, de la totalité de leurs parts
dans la Sicovam (lesquelles banques
3.1.1. Historique françaises avaient préalablement racheté
à la Banque de France la part du capital que
Au début des années 1990, cohabitaient cette dernière détenait dans la Sicovam).
en France le CSD français (alors dénommé Début  2001, le  CSD français est ainsi
la Sicovam avant son rachat par le groupe devenu Euroclear France SA. Il constitue
Euroclear) et un service de la Banque l’un des six dépositaires centraux de
de France qui faisait office de CSD, avec titres dits «  nationaux  » intégrés au
une segmentation par types de titres groupe Euroclear  32  auxquels s’ajoute
entre ces deux acteurs : la Sicovam (et Euroclear  Bank, qui est un dépositaire
son système Relit, lancé en 1990) pour les central de titres dit « inter­­­national » (ICSD :
valeurs mobilières négociées en bourse, voir ci-après, section 4.1).
actions, obligations privées et obligations
d’État ; la Banque de France (et son système 3.1.2. L’offre de services
Saturne lancé en 1988) pour les bons du d’Euroclear France
Trésor et dans un second temps l’ensemble 32  E u r o c l e a r   Fr a n c e ,
Euroclear UK & Ireland,
des titres du marché monétaire. Les services de base Euroclear  Nederland,
Euroclear  Belgium,
Euroclear  Finland et
La Place de Paris ayant exprimé sa volonté Euroclear  France assure, pour le Euroclear Sweden.
de disposer d’un système unique de marché français, les trois  services de
33 Certains instruments
règlement de titres, qui permettrait de traiter base d’un  CSD tels que définis par le financiers comme les
de façon centralisée l’ensemble des titres règlement CSDR : 1)  enregistrement initial titres de créance négo‑
ciables  (TCN) peuvent
émis en France, un accord a été conclu des titres dans un système d’inscription en cependant, au choix de
fin  1995 aux termes duquel la Banque compte 33 (« service notarial ») ; 2)  fourniture l’émetteur, être inscrits
de France trans­­férait à Sicovam SA ses et tenue centralisée de comptes‑titres dans un compte d’émis‑
sion tenu soit par le
activités de règlement‑livraison des bons au plus haut niveau (« service de tenue déposit aire central,
du Trésor et des titres du marché monétaire. centralisée de comptes ») ; et 3)  exploitation soit par un teneur de
compte-conservateur
En  contrepartie, une augmentation de d’un système de règlement de titres qui agit alors en tant
capital de Sicovam SA, réservée à la Banque (« service de règlement »), en l’occurrence que domiciliataire.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 225


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


le système ESES (Euroclear Settlement début  2017). Euroclear  France a


of Euronext-zone Securities). ESES a été par ailleurs l’intention de mettre en
développé pour les trois CSD desservant place de nouveaux liens directs à
historiquement les marchés Euronext moyen terme, principalement dans
en France, en Belgique et aux Pays‑Bas 34. l’environnement T2S, qui permettront
Si, juridiquement, trois systèmes ESES sont aux participants d’Euroclear  France
exploités par trois CSD différents, chacun de bénéficier de coûts d’opérations
d’entre eux étant gouverné par le droit du inter­­‑CSD équivalents à celui des
pays dans lequel il est établi, en revanche opérations domestiques. Environ 40 %
techniquement, il s’agit d’une plateforme des titres de dette aujourd’hui en
unique, localisée en France. compte chez Euroclear  France sont
des titres étrangers. À  l’inverse,
Les services accessoires plusieurs CSD étrangers ont ouvert un
compte titres auprès d’Euroclear France
Outre ces trois services de base, Euroclear pour permettre à leurs participants
France offre la grande majorité des services d’avoir accès aux titres émis en France,
accessoires de type non bancaire listés sans avoir à devenir participants
par CSDR. Ce sont des services liés au du CSD français ;
service notarial et à la tenue centralisée
de comptes, par exemple : • le traitement des opérations sur titres,
sur décision de l’émetteur :
• l’allocation et la gestion de codes ISIN ;
– notification des opérations à venir ;
• la gestion des titres nominatifs
permett ant la mise à jour des – gestion de ces opérations avec, le cas
registres d’actionnaires ; échéant, la distribution d’espèces ou
de titres sur les comptes appropriés,
• la gestion de registres d’actionnaires, et la fourniture d’états de reporting
notamment grâce au ser vice à l’émetteur ;
d’identification des actionnaires en
partenariat avec Capital Precision pour – notification d’assemblées générales
rechercher les actionnaires non résidents, et services de vote associés en
et permettre aux émetteurs de mieux partenariat avec Broadridge Financial
connaître leurs investisseurs et ainsi Solutions. Ce service optionnel lancé
accroître la participation aux assemblées en 2013 couvre les actions cotées
générales ou encore organiser des sur Euronext Paris et Alternext.
évènements ciblant plus précisément La notification s’effectue de façon 34  L e   C S D p o r tu g a i s
Interbolsa, qui dessert
les investisseurs potentiels ; auto­­matisée, soit par l’envoi d’un Euronext Portugal, n’uti‑
message au format ISO, soit par lise pas le système ESES.
• l’établissement de liens avec plusieurs l’envoi d’un courrier électronique. 35 Accord contractuel et
marchés, principalement européens. Des services de vote électronique technique qui permet
à un CSD investisseur
Il  s’agit soit de liens directs avec et de collecte des attestations de de détenir, et d’offrir
d’autres CSD, soit de liens relayés 35 via participation et des procurations du règlement-livraison
Euroclear Bank, ceux‑ci ayant tendance sont fournis. Dans le contexte de la sur des titres émis
par un  CSD émet‑
à être remplacés par des liens directs plateforme T2S, ces services de vote t e u r, à   t r ave r s u n
lorsque le CSD émetteur avec lequel un par correspondance pourraient être compte‑titres détenu
auprès d’un CSD tiers
lien est établi participe également à T2S étendus aux titres paneuropéens. (« middle CSD »).
(les liens relayés d’Euroclear France Euroclear pourrait par ailleurs servir
36 
Vo i r l a p u b l i c a t i o n
vers les  CSD allemand et italien, de relais pour permettre à des de l’AFTI du 18 juin
Clearstream  Banking  Frankfurt et investisseurs étrangers d’utiliser 2 014 d é n o m m é e
« VOTACCESS : trois ans
Monte  Titoli, ont par  exemple été la plateforme sécurisée de vote de mise en œuvre  »  :
remplacés par des liens directs électronique appelée Votaccess 36. http://www.afti.asso.fr

226 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


Les services liés au règlement‑livraison de titres trans­­mettre du collatéral à une contrepartie


dont le compte‑titres est ouvert auprès
Euroclear  France propose, à travers d’Euroclear Bank, et vice versa. Le périmètre
sa plateforme SBI, des services de de titres disponibles pour ce service a
confirmation des avis d’exécution des été élargi en 2013 et 2014, par le biais
ordres de bourse entre les inter­­médiaires de l’établissement de liens relayés, via
financiers récepteurs/trans­­m etteurs Euroclear Bank, entre Euroclear France et
d’ordres et les membres de marché chargés les CSD des marchés allemand, italien,
de les exécuter 37. belge, autrichien et grec. Ce périmètre
devrait continuer à s’étendre. 37 Dans la mesure où T2S
Euroclear  France offre également un n’intègre pas de fonc‑
tion de confirmation
service de gestion tripartite du collatéral 38 ; Depuis juin 2014, le service de gestion des négociations, le
proposé depuis novembre 2011, ce service tripartite du collatéral d’Euroclear France sous-système  SBI est
a été progressivement élargi. Il permet a été enrichi d’une offre de repo tripartite maintenu après la migra‑
tion d’Euroclear France
aux participants d’Euroclear  France de compensé par la chambre de compensation à  T2S, avec la crétion
lui déléguer la gestion quotidienne des française LCH SA, appelé €GC Plus. Dans ce d’un lien entre  SBI
et  T2S pour générer
actifs déposés comme collatéral auprès cadre, LCH SA apporte sa garanti­­e de bonne le dénouement.
de l’Eurosystème (cf. section 1.4 ci‑dessus fin des trans­­actions et centralise la gestion
38 Cf. Le rapport de surveil‑
pour une description du repo tripartite). du risque de défaillance de la contrepartie. lance 2017 de la Banque
Depuis juin 2013, l’intra­­‑opérabilité entre Les caractéristiques de ce service sont de  France, disponible
sur son site internet  :
Euroclear France et Euroclear Bank est reflétées dans l’encadré 4. Et depuis juin https://www.banque-
en place, ce qui permet à un participant 2019, Euroclear France offre également un france.fr/sites
d’Euroclear  France de recevoir ou de service de prêt de titres tripartite.

Encadré n° 4 : Schéma descriptif du service €GC Plus (repo tripartite compensé)

euroGC Plus membres compensateurs

• Anonymat des transactions négociées


sur les plates-formes électroniques
Plates-formes électroniques • Négociation de deux paniers de titres
Négociation
ICAP, MTS, Tullet Prebon définis couvrant un large évental
de titres éligibles en BCE

• Intermédiation de la CCP
LCH.Clearnet SA Compensation
• Exposition nette après compensation

Euroclear
Gestion du collatéral/ • Service de gestion tripartite
Autoselect règlement-livraison du collatéral avec intra-opérabilité
et conservation Euroclear Bank/Euroclear France
Euroclear Bank/ESES

• Refinancement
Banque de France Banque centrale
auprès de l’Eurosystème

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 227


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


Euroclear France a mis en place en 2006 société anonyme, ID2S opère un système


une plateforme de routage auto­­matisé et de de règlement et de livraison d’instruments
marquage des ordres de souscription/rachat financiers dénommé « Rooster Securities
de parts de fonds entre l’émetteur de l’ordre Settlement System » (RSSS).
et l’agent centralisateur. La plateforme
envoie également des messages de Seul nouvel entrant dans le panorama
statut et des messages de confirmation Européen des dépositaires de titres, ID2S
permettant aux différents inter­­venants est un dépositaire de nouvelle génération,
de suivre le traitement de leurs ordres. qui a pu profiter de l’absence de « legacy »
Une grande majorité des fonds français pour développer des flux qui réduisent au
sont éligibles à la plateforme de routage minimum le risque opérationnel du fait de
d’ordres, qui prend également en charge l’absence totale d’inter­ventions manuelles
les fonds étrangers distribués en France,et dans le processus de règlement-livraison,
permet un traitement auto­­matisé complet assurant un traitement automatisé complet
(STP ou straight‑through processing) des (STP), depuis la phase de négociation des
opérations sur les fonds. Elle est aujourd’hui NEU CP jusqu’à celle de leur règlement
largement utilisée : environ 80 % des ordres dans TARGET2 Securities.
sur fonds sont traités par la plateforme.
Les 20 % restants sont traités en dehors de ID2S présente en outre la particularité de
la plateforme, soit parce que le fonds n’est recourir à la technologie de registre partagé
pas éligible, soit parce que les ordres sont (Distributed Ledger Technology –  DLT)
trans­­mis trop tardivement et donnés alors par l’utilisation d’une blockchain privée
par télé­­phone. Quelle que soit la manière (voir chapitre 20, section 2) pour remplir sa
dont les ordres sont passés (c’est‑à‑dire fonction notariale.
via la plateforme ou de façon manuelle),
le règlement‑livraison est effectué via L’emploi de la blockchain apporte des
la plateforme ESES France 39. évolutions dans le domaine du post-marché
telles que le caractère infalsifiable de la
Euroclear France entend adapter et étendre chronologie des enregistrements grâce à
son offre de services dans le contexte d’une la validation par consensus (« nœuds » de la
intégration des marchés financiers depuis blockchain) et la possibilité de retrouver une
sa migration à T2S en septembre 2016, source d’information fiable en cas d’atteinte
en particulier en étoffant son réseau de liens à l’intégrité des données. La blockchain
vers d’autres CSD émetteurs (cf. chapitre 14). apporte aussi un niveau de sécurité plus
important, par la réplication des données
3.2. ID2S dans les différents nœuds, ce qui paraît
plus performant que l’emploi d’une base
3.2.1. Présentation de données classique.

ID2S est un nouveau  CSD français ID2S est par ailleurs connecté à NowCP, une
qui s’est vu délivrer un agrément le plateforme multi­latérale de négociation qui
2  octobre  2018 au titre du règlement a le statut d’entreprise d’investissement.
européen CSDR, pour l’exercice de ses NowCP est détenue majoritairement par
activités sur le périmètre des titres de Orange mais compte également parmi ses
créances négociables et en particulier des actionnaires d’autres acteurs du marché
NEU CP (cf. encadré ci-dessous). De plus, des NEU CP. ID2S permet un dénouement
depuis le 28 octobre 2018, ID2S est aussi en temps réel à partir d’une négociation
participant à T2S, plateforme paneuropéenne exécutée sur la base d’un besoin ponctuel
39 À l’exclusion des fonds
de règlement-livraison. identifié pendant la journée du jour J et non de t ype «  épargne
un ou deux jours avant. Depuis août 2019, salariale  » ou dont la
distribution est stric‑
Détenu majoritairement par le Groupe Orange des émetteurs utilisent NowCP et ID2S pour tement limitée à
et constitué sous la forme juridique d’une leurs besoins de financement à court terme. un établissement.

228 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


Encadré n° 5 : les NEU CP

Les NEU CP (« Negotiable EUropean Commercial Paper ») sont des billets de trésorerie émis par les
entreprises, les institutions financières et les entités du secteur public pour couvrir leurs besoins de
financement à court terme. La maturité typique des NEU CP est à court terme, environ 3 mois, avec une
maturité maximale d’un an. L’émission est auto­risée sur la base d’une documentation financière qui
comprend, entre autres, un programme d’émission.

Le marché comprend environ 400 émetteurs et quelques centaines d’investisseurs institutionnels (fonds


monétaires, etc.). L’essentiel de l’activité sur les NEU CP se fait sur le marché primaire ; les trans­actions
sur le marché secondaire représentent environ 25 % des trans­actions sur le marché primaire.

Le marché des NEU CP offre la possibilité d’une diversification des sources de financement des émetteurs
ainsi que des supports de placement à la disposition des investisseurs (en euro et en devises). Ce marché
a été réformé le 31 mai 2016 en ligne avec la réglementation européenne et les standards inter­nationaux.
Conformément aux dispositions du code monétaire et financier (articles L.213-1 et D.213-1.-I et suivants),
les titres émis depuis le 1er juin 2016 sont des « titres négociables à court terme » suite aux modifications
introduites par la réforme précitée, mais leur dénomination commerciale est NEU CP. L’utilisation de l’une
ou l’autre de ces dénominations, juridique ou commerciale, est équivalente.

3.2.2. L’offre de services d’ID2S L’agrément  CSDR revêt un enjeu


important pour les CSD européens : si le
L’offre de services d’ID2S s’inscrit dans règlement européen prévoit une « clause
les possibilités offertes par la nouvelle de grand‑père  » qui permet aux  CSD
réglementation. L’ambition d’ID2S n’est existants de continuer à opérer tant que
pas de répliquer le modèle de dépositaire le processus d’agrément n’a pas été conclu,
existant, mais d’offrir des nouvelles en revanche un refus d’agrément par l’auto­­
opportunités aux émetteurs et aux rité compétente entraîne l’obligation pour
investisseurs, dans le cadre des objectifs le CSD de cesser d’offrir les trois services
définis par la CMU. ID2S fournit les trois de base définis par  CSDR  : service
services de base au sens du règlement notarial, service de tenue de centralisée
européen CSDR : service notarial, service de comptes et service de règlement de
de tenue centralisée de comptes et service titres. Concrètement, cela signifierait la
de règlement. Dans le périmètre de son cessation de ses activités, définitive ou
agrément, ID2S a également la possibilité de seulement temporaire si un nouveau dossier
fournir quatre services accessoires de type est soumis qui lui permet d’être agréé.
non bancaires (appariement des règlements
et trans­mission des instructions ; services Il peut y avoir une ou plusieurs auto­­
liés au traitement des opérations sur titres ; rités compétentes pour un CSD donné,
service d’assignation et de gestion des selon l’organisation choisie par chaque
codes ISIN ; fourniture d’informations et État membre. C’est ainsi que deux « auto­­
de données et des statistiques). rités compétentes »  40 ont été désignées
en France (l’Auto­­rité des marchés financiers
3.3. L’agrément et la surveillance et la Banque de  France), alors qu’une
des CSD seule auto­­rité compétente a été désignée
en  Allemagne (la Bundesanstalt für
L’agrément et la surveillance d’un CSD sont Finanzdienstleistungsaufsicht ou Bafin).
effectués par l’« auto­­rité compétente » de La  désignation de ces deux  autorités 40 C f. chapitre  18 sur le
l’État membre dans lequel le CSD est établi. compétentes en  France prolonge les cadre de surveillance.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 229


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


missions qui étaient dévolues à la fournit des services dans plusieurs États,
Banque de France et à l’AMF avant CSDR, en particulier lorsque les activités du CSD
respectivement la sur veillance des dans l’État membre d’accueil y revêtent une
systèmes de règlement‑livraison (désormais importance qualifiée de « substanti­­­elle » 43
ESES France 41 et RSSS) et la supervision pour le bon fonctionnement des marchés.
des CSD Euroclear France (gestionnaire du Des collèges d’auto­­­rités de surveillance
système ESES France) et ID2S (gestionnaire peuvent être créés, sur décision de l’auto­­­rité
du système RSSS). compétente de l’État membre d’origine. 41 Euroclear France exter‑
nalise à la plateforme
paneuropéenne T2S le
Par ailleurs, le règlement CSDR introduit Le règlement CSDR prévoit également une règlement-livraison des
un deuxième type d’auto­­rités, les « auto­­ surveillance continue des CSD par leurs transactions des partici‑
pants d’Euroclear France
rités concernées », c’est‑à‑dire les auto­­rités auto­­rités compétentes après l’agrément, depuis septembre 2016 ;
responsables de la surveillance du système et doit notamment conduire les auto­­rités à néanmoins les partici‑
de règlement de titres exploité par le CSD, réexaminer au moins annuellement si le CSD pants d’Euroclear France
gardent une relation
et les banques centrales d’émission (de la reste conforme aux exigences du règlement. c o n t r a c tu e l l e ave c
monnaie centrale utilisée dans ce CSD). leur  CSD à travers le
s ys t è m e   E S E S. L a
Lors du processus d’agrément d’un CSD Enfin les CSD de pays tiers peuvent être surveillance de la plate‑
sous CSDR, les « auto­­rités concernées » auto­­risés à proposer des services dans les forme T2S est quant à
elle exercée par l’Euro‑
de ce CSD peuvent communiquer à l’auto­­ pays de l’Union européenne à condition que système (la BCE jouant
rité compétente leur avis (non contra­­ignant) la Commission européenne ait reconnu le rôle de surveillant prin‑
sur les caractéristiques du système de l’équivalence du cadre juridique du pays tiers cipal ou lead overseer),
et par une instance
règlement‑livraison exploité, et rendre un à celui de l’UE et que le CSD ait été reconnu coopérative rassem‑
avis motivé (juridiquement contraignant 42) par l’ESMA. blant l’ensemble des
banques centrales
sur l’agrément des éventuels services et les autorités de
bancaires qu’un CSD souhaite fournir à marché des juridictions
ses participants. Des mécanismes de 4. Les autres CSD européens où un  CSD au moins
participe à  T2S, ainsi
consultation et de coopération entre et le règlement‑livraison que la BCE et l’ESMA.
les différentes auto­­rités sont prévus par hors d’Europe 42 Lorsque l’autorité compé‑
le règlement. tente d’un  CSD reçoit
En  Europe, à l’exception notable de un avis motivé négatif
et souhaite néanmoins
Dans le cas d’Euroclear France et d’ID2S, l’Irlande  44, il existe au moins un, voire accorder l’agrément, elle
les «  auto­rités concernées  » sont  : la plusieurs CSD dans chaque pays. On peut doit dans les  30  jours
rédiger un avis motivé
Banque de France du fait de son rôle de ainsi dénombrer une quarantaine de CSD répondant aux objections
surveillance du système de règlement européens, avec une grande diversité à la des autorités consultées.
de titres, et l’Eurosystème, représenté fois en termes de taille et d’activités, et pour En cas de désaccord
persistant, une autorité
par la Banque de France, en tant que certains une spécialisation sur certaines consultée peut saisir
banque centrale d’émission de l’euro, catégories de titres. Si les deux dépositaires l’ESMA qui contrôlera la
conformité de la décision
seule devise traitée en Euroclear France inter­­nationaux de titres (ou ICSD) occupent finale prise par l’autorité
et en ID2S. Ce rôle est renforcé en France une place à part, le paysage des CSD dits compétente.
par le statut d’auto­rité compétente dévolu « nationaux » est hétérogène et dominé 43 En pratique, on considère
par ailleurs à la Banque de France, ce qui par quelques acteurs dont la taille reflète qu’un CSD a acquis une
« importance substan‑
permet d’assurer une liaison efficace entre l’importance des places financières de leur tielle  » dans un autre
les fonctions traditionnellement assurées pays d’établissement. État  membre lorsqu’il
par les banques centrales (surveillance du représente plus de 15 %
de l’activité de service
système et banque centrale d’émission en 4.1. Les dépositaires inter­­nationaux notarial/de maintenance
tant qu’auto­rité concernée) et la supervision de titres ou ICSD de comptes titres au plus
haut niveau, ou plus
réglementaire des CSD français (assurée de 15 % de l’activité de
par l’AMF). Les deux dépositaires inter­­nationaux de titres règlement-livraison dans
cet  État, que ce soit
(en anglais, Inter­­national central securities d’un point de vue émet‑
Un mécanisme de coopération entre les depositories – ICSD), Euroclear Bank (installé teurs ou d’un point de
États membres d’origine et d’accueil en Belgique) et Clearstream Banking (installé vue participants.

est également prévu lorsqu’un  CSD au Luxembourg), se sont établis entre la .../...

230 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


fin des années soixante et le début des comme la source faisant foi pour déterminer
années soixante-dix au moment où se sont à la fois les montants émis et les montants
fortement développées, essentiellement en circulation.
en Europe, des émissions de titres financiers
destinés aux investisseurs inter­­nationaux L’immobilisation des titres permet
mais ayant pour particularité d’être libellés aux ICSD de les inscrire comptablement
dans une devise autre que celle de leur dans leurs systèmes, et de les offrir
pays d’émission  : les euro‑émissions au règlement‑livraison en évit ant
ou « Eurobonds » 45. un échange physique de certificats.
Cette fonction centralisatrice par laquelle
Initialement, ceux sont les euro‑émissions les  ICSD immobilisent et facilitent le
en USD par des émetteurs américains à règlement‑livraison des  Eurobonds
destination d’investisseurs européens qui constitue toujours une partie importante
se sont tout particulièrement développées ; de l’activité des dépositaires centraux
la base d’investisseurs des Eurobonds s’est inter­­nationaux. Aujourd’hui encore, les
progressivement élargie du fait de leur deux ICSD concentrent une grande partie
affranchissement des règles applicables des émissions d’Eurobonds même si
sur les différents marchés nationaux. celles‑ci se développent chez certains CSD.
Les Eurobonds échappent en effet aux En particulier, Euroclear France est depuis
législations nationales des juridictions quelques années émetteur d’Eurobonds,
d’établissement des émetteurs comme grâce à la mise en place en France, en 2000,
des juridictions d’établissement des ICSD des programmes EMTN (Euro Medium Term
(réglementations de marché, cadres Note) de droit français ou étranger. L’encours
contra­­­ctuels en vigueur sur les marchés d’Eurobonds émis chez Euroclear France
nationaux d’obligations, etc.). Aujourd’hui, reste néanmoins nettement moins
le marché des Eurobonds est de loin le plus important que celui des ICSD.
grand marché inter­­­national de capitaux : il
regroupe les émissions d’obligations visant Euroclear Bank et Clearstream Banking
spécifiquement une distribution trans­­­ Luxembourg ont rapidement acquis une
44 Le système de règle‑
frontalière en touchant des investisseurs taille critique liée à la croissance du marché ment-livraison qui
aussi bien asiatiques qu’américains ou des  Eurobonds. Les  caractéristiques dessert le marché irlan‑
dais est, pour l’heure,
européens notamment. juridiques et fiscales de ces titres leur exploité par Euroclear UK
donnent un statut à part en Europe. & Ireland juridiquement
Ces titres financiers sont émis sous la forme Le développement de leur activité de CSD établi au Royaume-Uni
sur la même plateforme
d’un ou de plusieurs certificats physiques. émetteur s’est accompagné de celle liée au technique qui dessert le
Ils étaient jusqu’à une époque récente règlement‑livraison sur ces titres. Du fait de marché UK. Dans la pers‑
pective du Brexit, il est
conservés dans les coffres de banques leur clientèle inter­­nationale, les deux ICSD prévu que les titres non
(« registrars » ou « common depositories » ont, en tant que « CSD investisseurs », souverains, actuellement
dans le cas des ICSD, qui recouraient à une développé un réseau de liens très étoffé traités par EUI, soient
trans­férés à Euroclear
même banque dépositaire lorsque tous avec d’autres CSD dans le monde, et facilité Bank (les titres souve‑
les deux inter­­venaient dans le processus ainsi l’accès indirect par les investisseurs rains sont quant à eux
traités par Euroclear
d’émission d’un même titre) ; de ce fait, de nombreux pays aux services proposés, Bank depuis 2000).
les ICSD n’avaient pas de relation directe complémentaire d’un accès direct. Ces liens
45 Le marché des Eurobonds
avec l’émetteur. Cette situation a évolué leur permettent ainsi de fournir des services s’est développé à partir
mi‑2006, lorsque le processus d’émission pour des titres plus « classiques », que ce des années  60 pour
les émissions en dollar
des Eurobonds les plus couramment utilisés soient des actions ou des obligations, qui des  États‑Unis sous
a changé, permettant l’établissement sont en compte chez eux après avoir été l’effet notamment des
d’une relation contra­­ctuelle directe entre trans­­férés via des liens établis avec des CSD contraintes réglemen‑
taires entravant les
les émetteurs et les ICSD. Depuis, les émetteurs. Ils disposent ainsi de la possibilité activités financières
émetteurs déposent leurs certificats d’offrir des services d’inter­­médiation, en entre les États et des
t a xe s f r a p p a n t l e s
physiques d’émission auprès des ICSD, concurrence avec les conservateurs globaux investisseurs sur le
et les registres des ICSD sont considérés (global custodians, banques spécialisées territoire américain.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 231


Chapitre 12 Les dépositaires centraux de titres


dans l’activité de conservation avec une donc le règlement‑livraison de titres en


couverture inter­­nationale très large) et monnaie commerciale. Ils sont toutefois
certains CSD, vis‑à‑vis d’un grand nombre soumis à des risques additionnels de
de marchés étrangers. Les  deux  ICSD crédit et de liquidité auxquels ne sont pas
représentent aujourd’hui environ la moitié soumis les dépositaires centraux nationaux
du règlement‑livraison en Europe et de qui effectuent le règlement‑livraison en
la valeur des titres détenus par des CSD monnaie de banque centrale.
établis en Europe  46. Cette concentration
élevée reflète la centralisation des titres Si les ICSD sont les exemples les plus
par les investisseurs, de pays tiers, et dans emblématiques de CSD opérant en monnaie
une moindre mesure européens, cette commerciale, il ne s’agit toutefois pas de
centralisation apportant des avantages leur domaine réservé : à titre d’exemple,
importants dans la gestion de leur liquidité Clearstream Banking Frankfurt, le CSD
et de leurs actifs. allemand, exploite en fait deux systèmes
de règlement‑livraison, l’un en monnaie
Le  règlement‑livraison des  Eurobonds de banque centrale et l’autre en monnaie
étant par construction difficile en monnaie commerciale. Le  système en monnaie
de banque centrale car ils sont libellés commerciale de Clearstream  Banking
majoritairement dans des devises autres Frankfurt est techniquement opéré
que l’euro et échangés entre des acteurs sur la même plateforme que celui de
n’ayant, pour une partie importante d’entre Clearstream  Banking Luxembourg, ce
eux, pas d’accès direct à une banque qui permet une circulation très fluide
centrale de la zone euro, les deux ICSD des titres entre les participants du CSD
ont obtenu des agréments bancaires allemand et de l’ICSD luxembourgeois.
afin de pouvoir accorder eux‑mêmes du Il est essentiellement destiné aux titres non
crédit intrajournalier à leurs participants, allemands détenus par des clients de CBF.
et ainsi fluidifier le règlement‑livraison en
permettant l’apport de liquidité au système. 4.2. Les « CSD nationaux » en Europe
Dès leur origine, les ICSD ont ainsi combiné
des fonctions de dépositaire central de La  quasi‑totalité des pays européens
titres avec des services bancaires. Ils sont disposent d’au moins un CSD établi dans
aujourd’hui supervisés non seulement en leur juridiction, afin de desservir le marché
tant que CSD, mais également en tant national des titres. Dans la plupart des
qu’établissements de crédit. pays, un seul CSD gère l’ensemble des
instruments financiers traités sur le marché
L’octroi de crédit intra­­journalier passe par mais dans certains cas, plusieurs CSD
la mise à disposition de comptes espèces coexistent avec par  exemple une
permettant le règlement des trans­­actions spécialisation par catégories de titres.
sur titres. L’octroi par les ICSD de crédit
intra­­journalier (intra­­day) ou au jour le jour La  taille d’un  CSD reflète donc assez
(overnight) aux participants pour faciliter le largement celle du marché desservi, les
règlement de leurs achats de titres s’inscrit plus importants en termes de montants
dans cette même logique. Euroclear Bank réglés‑livrés étant Euroclear UK & Ireland
comme Clearstream Banking Luxembourg au  Royaume‑Uni, Euroclear  France,
offrent aujourd’hui des services de gestion C l e a r s t r e a m B a n k i n g Fr a n k f u r t
tripartite de collatéral et ont mis en en Allemagne, Monte Titoli en Italie et
place des programmes auto­­matisés de Iberclear en Espagne. Les activités sont donc
prêts/emprunts de titres pour lesquels ils très concentrées : selon l’ECSDA (European
se portent garants vis‑à‑vis des prêteurs de central securities depositories association),
titres si ceux‑ci ne leur étaient pas restitués à fin 2016 les deux ICSD et les trois CSD 46 Dernières données
disponibles – 2018,
à la date convenue. Les services de nature les plus importants concentraient 76 % des http://sdw.ecb.europa.
bancaire offerts par les ICSD permettent 50,4 trilliards d’euros de titres en détention eu/reports.

232 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les dépositaires centraux de titres Chapitre 12


dans des CSD de l’Union européenne. filiale du groupe Depository Trust & Clearing


Les cinq CSD nationaux les plus importants Corporation) offre également des services
ont, ensemble, une taille comparable à celle d’émission, de tenue centralisée de
des deux ICSD pris dans leur globalité. compte et de règlement‑livraison sur
Pour plus de détails ou des données d’autres catégories de titres  : actions
mises à jour sur les activités des CSD listées, obligations listées émises par
établis en Europe, on pourra se reporter des entreprises et des communes,
au site inter­­net de l’ECSDA qui publie des instruments de marché monétaire, billets
statistiques mises à jour annuellement 47. de trésorerie, etc. Les participants de DTC
doivent régler leurs soldes nets en fin
4.3. Les CSD ailleurs dans le monde : de journée, en recourant le cas échéant
l’exemple des États-Unis et du Japon à une banque de règlement qui enverra
les ordres dans un système opéré par la
Deux systèmes co‑existent aux États‑Unis. Réserve fédérale (le National Settlement
La Réserve fédérale a mis en place un Service) ; cette banque de règlement doit par
système de règlement‑livraison, appelé conséquent être membre de ce système.
Fedwire securities, pour les titres d’État
émis par le Trésor des État‑Unis ainsi que par Au Japon, JASDEC assure le rôle de CSD sur
les agences gouvernementales, les entités les instruments financiers émis par le secteur
« sponsorisées » par le gouvernement et privé (actions listées ou non, obligations
certaines organisations inter­­nationales. convertibles listées ou non, ETF, parts de
Les  titres sont émis et enregistrés de fonds immobiliers, billets de trésorerie,
façon électronique par Fedwire securities, obligations émises par les entreprises, etc.)
et offerts au règlement‑livraison (soit en et public (obligations émises par les
franco de paiement, soit en livraison communes, obligations « FILP » émises
contre paiement) selon des modalités très par le gouvernement japonais mais non
comparables à celles des systèmes exploités comptabilisées dans la dette nationale
en Europe (modèle de détention indirecte, japonaise, obligations émises par des
la participation directe à Fedwire securities émetteurs non  résidents – «  Samurai
étant réservé aux banques dépositaires bonds  » libellés en yens et «  Shogun
et à certaines institutions telles que le bonds » libellés dans une autre devise, etc.).
Trésor américain, avec tenue centralisée Les titres sont émis et trans­­férés sous
de comptes associée). Un acteur privé forme dématérialisée, dans un modèle de
DTC (the Depository Trust Corporation, détention indirecte des titres. 47 https://ecsda.eu/facts

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 233


CHAPITRE 13

Les systèmes
de règlement de titres
Mis à jour le 17 décembre 2018
CHAPITRE 13 LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES

L
a dématérialisation ou l’immobilisation Les SSS sont, comme leur nom l’indique,
des titres, ainsi que l’augmentation du des « systèmes » et n’ont pas de person-
volume des échanges de titres, au plan nalité morale, contrairement aux CSD qui
domestique comme au plan international, les exploitent 2. Ils permettent de trans-
ont rendu nécessaire la mise en place de férer les titres et de régler le paiement en
systèmes de règlement de titres (ou encore espèces correspondant, selon un ensemble
« systèmes de règlement-livraison » - en de règles contractuellement et légalement
anglais securities settlement systems ou opposables. Ils gèrent ainsi les flux de tran-
SSS) qui sont gérés par les dépositaires sactions sur titres, qui sont enregistrés sur
centraux de titres (en anglais central secu- les comptes titres ouverts sur les livres
rities depositories ou CSD, cf. chapitre 12). des CSD.
L’exploitation d’un système de règlement
de titres est un des trois "services de base" Les systèmes de règlement-livraison
d’un CSD (au sens du règlement européen exploités par les CSD ont été conçus pour
CSDR ; cf. chapitre 12), et doit obligatoire- assurer la fiabilité opérationnelle et juridique
ment être fourni pour qu’une entité puisse de ces transferts de titres, lesquels transferts
être qualifiée de CSD (ainsi qu’au moins un vont déclencher le changement de propriété
des deux autres services de base : service au bénéfice des acquéreurs. Par ailleurs,
notarial et/ ou service de tenue centralisée de ces systèmes utilisent des standards de
comptes). Les SSS permettent de traiter tous messagerie et des processus de traitement
les titres admis auprès d’un CSD, en général normalisés, ce qui permet à tous les interve-
aussi bien des actions que des obligations, nants d’utiliser un « langage commun » (des
voire des parts de fonds dans certains CSD. standards de communication internationaux
facilitent par ailleurs l’accès aux différents
Les SSS interviennent après la négociation  1 CSD européens, et sont par conséquent
et, le cas échéant. Les SSS interviennent après désormais exigés par le règlement européen
la négociation et, le cas échéant, la compensa- CSDR ; voir chapitre 12).
tion de ces actifs pour permettre l’exécution
des contrats correspondants conclus entre les En raison de la nature des opérations qu’ils
parties, ce qui se traduit par la livraison des traitent, que ce soit pour assurer la bonne fin
titres à l’acheteur, en contrepartie du paiement des opérations négociées sur les marchés
au vendeur du prix convenu. La sécurité de financiers ou pour permettre la mobilisation
cette opération nécessite que l’organisation du collatéral (y compris dans le cadre des
et les règles du SSS apportent la garantie opérations de politique monétaire), les SSS
que lors de l’exécution de la transaction, la sont considérés comme des infrastructures
livraison des titres n’interviendra que si, et de nature systémique.
seulement si, le paiement correspondant est
effectué simultanément, et réciproquement. En Europe, et en particulier dans la zone
La mise en œuvre au plan opérationnel de ce euro, les systèmes de règlement de titres,
principe de conditionnalité, dénommé livraison qui avaient déjà été largement améliorés
contre paiement (en anglais, delivery versus dans le courant des années quatre-vingt-dix
payment ou DvP), constitue l’une des missions et deux mille, avant tout pour répondre aux
importantes des SSS. préconisations internationales en la matière,
puis progressivement sophistiqués pour
Les SSS peuvent aussi assurer la livraison de améliorer l’efficacité du règlement et la
titres sans paiement, on parle alors d’opéra- gestion de la liquidité des participants, sont 1 Ou après la compensation,
tions franco de paiement (en anglais free of en train de connaître de nouvelles évolu- lorsqu’une telle fonction
existe sur un marché
payment ou FoP). Ces opérations franco sont tions majeures : entrée en vigueur de CSDR donné.
utilisées notamment dans le cadre d’activités et, pour la majorité d’entre eux, migration 2 O n rappelle ici que les
de prêt de titres (qui peuvent également vers T2S. Cette plateforme technique de banques centrales natio-
s’effectuer en DvP) ou de mobilisation de règlement de titres, développée et opérée nales faisant office de
CSD peuvent elles aussi
collatéral pour sécuriser des opérations de par l’Eurosystème, est décrite au chapitre exploiter des systèmes de
marché ou de crédit des banques centrales. suivant (chapitre 14). règlement de titres.

236 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES CHAPITRE 13

1. Transactions financières et 1.1. Les deux principaux types de


instructions de règlement transactions

La première « circulation » d’un instrument Les transferts de titres entre les teneurs de
financier a lieu dès son émission, qui passe comptes conservateurs (TCC) participant au
par une opération de négociation et d’échange SSS peuvent intervenir selon deux modalités
contre espèces sur le marché dit « primaire » : principales : livraison contre paiement (DvP)
l’émission n’est complète que s’il y a un acheteur et franco de paiement (FoP).
et donc que cet échange a lieu, se traduisant
par l’inscription dans les comptes-titres des • Les transactions de livraison contre
participants du CSD. paiement comportent une jambe titres et une
jambe espèces. La transaction implique en
Une fois émis, la plupart des titres acquis par effet un transfert d’espèces en contrepartie
les investisseurs ont ensuite vocation à être de la livraison de titres (par exemple dans le
échangés par le biais d’opérations d’achat cas d’une vente de titres ou d’une pension
et de vente effectuées sur les marchés livrée, communément appelée « repo » pour
financiers. C’est ce que l’on appelle commu- « repurchase agreement »). En pratique
nément le marché « secondaire ». L’échange le TCC du vendeur donne instruction au
d’instruments financiers est d’autant plus aisé système de livrer un certain nombre d’un
aujourd’hui qu’il s’effectue le plus souvent certain type de titres (identifiés par leur code
sous forme dématérialisée par simple jeu ISIN) au compte titre de l’acheteur, tandis
d’écritures comptables, selon le principe de que le TCC de l’acheteur donne instruction
l’inscription en compte (en anglais, book- de payer au compte du vendeur le montant
entry form). en espèces correspondant à la transaction.
L’organisation du SSS doit être telle qu’elle
Sur le marché de gré à gré (en anglais, permette de garantir que la livraison des
over the counter ou OTC) une fois les tran- titres n’intervient que si, et seulement si,
sactions conclues et confirmées par les le paiement correspondant a été effectué
contreparties, celles-ci entrent les instructions et vice-versa. La conditionnalité/simulta-
correspondantes dans le SSS qui va les néité de ce processus est essentielle pour
traiter pour permettre la réalisation concrète la sécurité des transactions sur titres et
des transactions. Dans le cas d’un marché permet d’éliminer tout risque de non-paie-
réglementé, après la négociation, les ordres ment des titres ou des espèces. C’est de
exécutés sont envoyés à la CCP, qui envoie loin le type de transaction le plus fréquem-
ensuite les instructions au CSD. ment utilisé.

FoP DvP
Contrepartie qui Contrepartie qui délivre les titres et
délivre les titres reçoit des espèces

Titres Espèces Titres

Contrepartie qui Contrepartie qui reçoit les titres et


reçoit les titres fournit des espèces

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 237


CHAPITRE 13 LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES

• Les transactions « franco » ne comportent Enfin, dans certains pays de l’Union euro-
pas de jambe espèces mais seulement une péenne, notamment en France et en
jambe titres (par exemple dans le cas d’une Allemagne, le SSS assure le règlement-
opération de prêt de titres, d’un dépôt de titres livraison de titres représentatifs d’une
en collatéral ou encore d’un appel de marge fraction du capital de fonds d’investissement
effectué exclusivement en titres). Pour autant, (SICAV, FCP, FCPI). Les ordres sont remis
ces transactions requièrent dans la plupart des par l’intermédiaire d’un teneur de compte
systèmes l’entrée de deux instructions, l’une conservateur (TCC) à un agent centralisateur.
par la partie qui doit livrer les titres, l’autre par
la partie qui doit les recevoir. Cela évite toute 1.2. La confirmation des transactions
erreur d’identification de l’entité qui recevra
les titres. Après avoir conclu une transaction sur un
marché de gré à gré, les parties doivent s’ac-
• Enfin, certaines transactions, plus rares, corder sur ses termes, c’est le processus
peuvent comporter deux jambes titres (par de confirmation : identification des titres,
exemple dans le cas d’un échange de titres prix, quantité à échanger, date de règlement
contre titres). et contreparties. La confirmation peut se
faire de plusieurs manières, en fonction la
Au-delà de ces deux principales catégories plupart du temps de la façon dont la tran-
de transactions et d’instructions correspon- saction a été conclue.
dantes, d’autres types d’instructions existent :
on peut citer par exemple les instructions Ainsi sur ces marchés, les contreparties
delivery with payment (DwP), nouveau type doivent se soumettre mutuellement les
d’instruction en T2S qui prévoit la livraison de termes de la transaction pour vérification,
titres et d’un montant correspondant de cash par message SWIFT ou autre service
par la même contrepartie (utilisé principale- spécialisé de messagerie. Lorsque les
ment par les chambres de compensation). contreparties à une transaction passent par

Encadré n° 1 : La gestion de parts ou d’actions de fonds d’investissement


dans un environnement CSD

Dans plusieurs pays européens, notamment en France et en Allemagne, les titres représentatifs du capital
des fonds d’investissement (appelés « parts » dans le cas des fonds communs de placement – FCP – et
« actions » dans celui des sociétés d’investissement à capital variable – SICAV) sont admis, comme tout autre
titre financier, aux opérations du dépositaire central. Ils se voient attribuer lors de l’émission un code ISIN et
ils sont réglés-livrés dans le SSS 1.

Il existe par ailleurs un marché secondaire notamment pour les fonds indiciels (en anglais Exchange Traded
Funds - ETF) qui sont cotés sur un marché organisé. Les CSD pourraient jouer un rôle dans l’émission et la
gestion des ETF sur le modèle des services qu’ils offrent aux fonds ouverts. Il y a néanmoins un préalable :
l’harmonisation des modalités de gestion des ETF, qui sont aujourd’hui très diverses.

Tout ordre de souscription/rachat de parts ou d’actions du fonds a un effet sur le nombre de titres en circulation.
Ainsi, le nombre de titres représentatifs du capital d’un fonds ouvert est susceptible d’évoluer tous les jours 2 en
fonction des ordres reçus. Cette spécificité a conduit à adapter quelque peu les processus opérationnels. Ainsi un
fonds de droit français dispose d’un compte d’émission chez Euroclear France, représentant 100% de l’émission. La
principale différence avec un émetteur d’actions ou d’obligations tient à ce que le CSD délègue à un intermédiaire
financier, qui joue le rôle de teneur de compte émetteur, la gestion d’un « compte de quasi-émission » permettant à
cet intermédiaire d’émettre ou de rembourser les parts ou actions du fonds en fonction des ordres de souscription et
de rachat. La centralisation de la prise d’ordres est assurée par un agent centralisateur, qui réceptionne l’ensemble
des ordres de souscription/rachat qui lui sont remis par l’intermédiaire notamment des distributeurs du fonds,

238 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES CHAPITRE 13

et communique les informations notamment au teneur de compte-émetteur pour la création ou la suppres-


sion de parts. Les transactions sur parts de fonds génèrent des instructions dans le SSS exactement dans
les mêmes conditions que pour les autres actifs financiers.

La plateforme T2S autorise le règlement-livraison des parts/actions des fonds (qu’il s’agisse de fonds ouverts
ou d’ETF) pour autant qu’ils soient admis aux opérations d’un CSD. La distribution transfrontalière des fonds
dans un environnement CSD devrait en être facilitée, dans la mesure où les liens entre les CSD connectés à
T2S couvrent 21 États européens (voir le chapitre 14 sur T2S).

S’agissant des fonds d’investissement, plusieurs CSD ont mis en place des plateformes automatisées pour
le routage des ordres de souscription/rachat de parts ou d’actions de fonds, la génération des instructions de
règlement-livraison et la gestion des OST. On peut citer notamment les offres de service développées par les
deux « CSD internationaux » (ICSD), Euroclear Bank et Clearstream Banking Luxembourg (voir chapitre 12), avec
respectivement les plateformes Fundsettle et Vestima qui permettent de répondre aux besoins de distribution
transfrontalière des fonds. Ce segment paraît particulièrement porteur dans l’environnement actuel selon une
étude de l’ECSDA, l’association professionnelle regroupant l’ensemble des CSD européens, au vu notamment
de l’augmentation de la distribution des fonds dans plusieurs pays membres de l’Union européenne (environ
80% des fonds OPC sont aujourd’hui commercialisés de façon transfrontalière).

En France, la chaîne de traitement des fonds d’investissement, depuis le teneur de compte conservateur (TCC)
jusqu’au CSD Euroclear France, est très intégrée et bénéficie d’un système efficace de routage automatique
des ordres, via une plateforme dédiée (FSFOR). Quelle que soit la manière dont les ordres sont passés (c’est-
à-dire via la plateforme ou non), le règlement-livraison est maintenant effectué par T2S 3.

1 Ce n’est pas le cas partout en Europe. Par exemple, au Luxembourg et en Irlande prévaut un modèle dit de registre où un agent de transfert (en
anglais transfer agent ou TA) peut, dans le cas d’un « règlement direct » auprès de lui, tenir directement le registre du fonds et centraliser l’en-
semble des ordres de souscription et de rachat des parts ou des actions du fonds.

2 Ce n’est bien évidemment pas le cas d’une entreprise « classique » pour laquelle, en dehors des programmes d’augmentation/de diminution du
capital et d’émission/de remboursement des emprunts obligataires, le nombre d’actions et d’obligations en circulation est fixe et ce quel que soit
le volume d’échanges sur le marché secondaire.

3 Sauf pour les fonds fermés (épargne salariale notamment)

un intermédiaire financier, elles reçoivent de un traitement intégré de bout en bout


leur intermédiaire les informations servant à (straight-through-processing ou STP) et
la confirmation, et indiquent si elles corres- une réduction des erreurs opérationnelles,
pondent à la transaction négociée. dans la mesure où les instructions de
règlement (cf. infra) sont générées à l’ini-
Après envoi des confirmations, les deux tiation de la transaction et ne font pas l’objet
parties sont engagées contractuellement de saisies intermédiaires. L’optimisation
l’une envers l’autre par les termes de l’opé- et la fiabilisation des flux ont de surcroît
ration (obligation de livrer, et éventuellement rendu possible une réduction des coûts
obligation de payer). Il convient de noter de traitement des opérations. Le STP
qu’à ce stade cet engagement mutuel n’a n’est néanmoins pas toujours possible,
pas encore (dans la plupart des cas) trouvé notamment pour les transactions trans-
sa traduction au niveau du SSS puisque les frontières où des procédures manuelles
instructions de livraison contre paiement (fax…) sont parfois toujours en place.
n’ont pas encore été envoyées au système. 3 D ans le monde anglo-
saxon, ces acteurs sont
1.3. L’appariement des instructions en général désignés sous
Au cours des dernières années, des le terme de custodians.
processus d’automatisation tout au long Après confirmation des transactions, les Cf. chapitre 12 pour une
définition de la tenue de
de la chaîne de traitement des instruc- TCC 3, qui assurent la fonction de garde compte conservation et de
tions ont été mis en place, permettant (conservation) des titres de leurs clients, ses acteurs.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 239


CHAPITRE 13 LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES

Encadré n ° 3 : La date de règlement

Les contreparties à une transaction doivent convenir d’une date de règlement. Le nombre de jours qui
s’écoulent entre la date de la transaction et la date à laquelle le règlement doit intervenir (la date de règlement)
est appelé intervalle de règlement ou cycle de règlement (en anglais settlement cycle).

Dans son rapport publié en mars 1989 1, le Groupe des Trente (G30) avait notamment recommandé que le
règlement final des transactions sur titres intervienne au plus tard à T+3, T étant la date de la transaction.
De plus, le G30 avait aussi reconnu que pour minimiser les risques de contrepartie et les risques de marché
relatifs aux transactions sur titres, un règlement le jour même de la transaction devait être considéré
comme l’objectif final à atteindre.

Autant le règlement à T+3 s’est progressivement généralisé dans la plupart des pays, autant les tentatives de
nouveaux raccourcissements de l’intervalle de règlement n’ont connu jusqu’ici, en dehors de l’Union Européenne,
que très peu d’applications concrètes. Les discussions qui ont lieu sur le sujet dans de nombreux pays ont
généralement achoppé sur le dilemme entre d'un côté les avantages, en termes de réduction des risques, du
raccourcissement du délai et, de l'autre côté, le risque d’augmentation du nombre des suspens (cf. ci-après),
notamment lorsque les transactions concernent une longue chaîne d’intermédiaires, ce qui est souvent le cas
pour les opérations transfrontalières.

Dans l’Union européenne, le délai de règlement a été fixé dans le règlement CSDR (voir chapitre 12) au
plus tard au deuxième jour ouvrable après la négociation, soit T+2, pour la plupart des transactions sur titres
(négociées et exécutées sur des plateformes de négociation). Le passage à l’intervalle de règlement à T+2
est intervenu dans la majeure partie des pays européens en octobre 2014. La réforme, qui a été précédée
d’une importante préparation de tous les acteurs concernés à l’échelon européen et coordonnée dans le cadre
des instances de gouvernance de T2S (voir chapitre 14), ne s’est pas traduite par des difficultés notables. En
pratique, les parties à une transaction peuvent également prévoir contractuellement d’un délai de règlement
plus court que T+2. La plupart des CSD peuvent même aujourd’hui, d’un point de vue technique, offrir le service
de règlement à T+0, c’est à dire un règlement-livraison le jour même de la transaction. Le règlement en T+0
se rencontre sur certaines opérations du marché de gré à gré et en particulier sur les opérations de pensions
(« repos ») pour lesquelles le but de l’opération n’est pas l’acquisition de titres mais l’obtention de liquidités
(les titres étant alors remis en garantie), ou encore sur les opérations d’émission/placement effectuées par les
domiciliataires sur titres monétaires.

Aux États-Unis, l’inter­valle de règlement varie selon les catégories de titres : T+0 pour les instruments du marché
monétaire et T+1 pour les titres d’État. Concernant les actions et titres émis par les collectivités locales et les
entreprises, l’inter­valle est T+2 depuis septembre 2017 (contre T+3 auparavant), suite à l’adoption d’un amen-
dement par la Securities and Exchange Commission (SEC) en mars 2017. Au Japon, l’intervalle de règlement a
également tendance à se réduire, avec le passage de T+2 à T+1 pour les titres d’État japonais à partir de mai
2018 ; il peut être de T+2 pour les transactions de gré à gré, sur accord des parties, contre T+3 sur les autres
transactions sur obligations et actions.
1 http://group30.org/images/uploads/publications/G30_ClearanceSettlement1988.pdf

envoient les instructions de règlement au (par exemple sur les formats renseignés dans
SSS en reprenant les informations qu’ils ont les différents champs de l’instruction).
eux-mêmes reçues de leurs clients qui sont
contreparties à la transaction. Le système L’appariement (en anglais matching) permet
procède alors à une première étape de vérifi- aux participants au SSS, c’est-à-dire aux
cation de la validité technique et formelle des entités qui ont ouvert des comptes-titres
instructions, par des contrôles de cohérence auprès du CSD et passé des instructions

240 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES CHAPITRE 13

pour mouvementer ces comptes-titres – les contreparties sont définitivement


(pour compte propre ou pour le compte de engagées à respecter contractuellement
leurs clients, cf. infra­­) de vérifier que les leurs obligations respectives de livrer
instructions sont conformes à ce qui a été les titres, et, en cas de livraison contre
convenu entre les parties à la trans­­action paiement, de livrer les espèces.
par comparaison détaillée des champs des
deux instructions reçues pour le compte 1.4. Le règlement des transactions :
des deux contreparties. L’appariement livraison des titres et paiement
porte sur certaines informations ou critères de ces titres
(« critères d’appariement »), tels que le
nombre et le type de titres (code ISIN), Après appariement des instructions corres-
le montant espèces à régler, la date de pondantes, une transaction va faire l’objet
règlement, les comptes titres et espèces d’une tentative de règlement par le système.
mouvementés. Ces informations doivent Ce processus consiste à vérifier si le parti-
être identiques de part et d’autre pour que cipant qui doit livrer les titres a bien une
les deux instructions soient appariées. Le provision titres suffisante et si le participant
processus d’appariement tel que décrit acquéreur dispose de la provision espèces
ci-dessus concerne au premier chef les suffisante pour le vendeur. Si une des deux
trans­­actions dites de gré à gré, c’est‑à‑dire parties n’a pas la provision (titres ou cash)
conclues de façon bilatérale entre deux suffisante l’opération est mise en suspens
contreparties en-dehors d’un marché et d’autres tentatives de règlement seront
organisé ou d’une plateforme de négociation. faites ultérieurement (d’abord au cours de
la même journée comptable puis, si les
Sur un marché organisé ou des plateformes règles de fonctionnement du système
de négociation plus récentes créées sous prévoient la possibilité dite de « recyclage »,
l’impulsion de la directive dite MIFID 1 (voir au cours d’un certain nombre de journées
chapitre 5, section 1.2.2), les transactions suivantes). Si la provision titres et la provision
peuvent être appariées par la plateforme, sur espèces sont suffisantes, l’opération est
la base des informations transmises par les dite « dénouée » et acquiert le caractère de
contreparties. Les instructions arrivent alors « finalité », c’est à dire qu’elle ne peut plus
« pré-appariées » au SSS. La majorité des être annulée dans le système. Les parties
transactions émanant des marchés organisés à cette transaction sont alors libérées de
font cependant l’objet d’une compensation leurs obligations mutuelles 4. 4 Si l’une des deux parties
par une contrepartie centrale (CCP) qui s’inter- décidait alors, pour un
motif quelconque, de
pose entre les contreparties (cf. chapitre 11) : Lorsque les deux contreparties disposent des demander l’annulation de
dans ce cas, la CCP envoie au CSD des paires provisions suffisantes, les titres sont alors l’opération déjà dénouée,
cette demande d’annula-
d’instructions déjà techniquement appariées, transférés du compte du participant vendeur tion ne pourrait être réglée
(voire compensées si la CCP offre la fonction (pour compte propre ou pour compte de son que par accord entre les
de compensation), qui n’ont donc pas besoin client) vers le compte du participant acheteur parties et envoi par leurs
soins au système de
de passer par le module d’appariement du (pour compte propre ou celui de son client). nouvelles instructions de
système de règlement de titres. Le transfert de propriété des titres est réputé sens contraire (mais tota-
lement indépendantes des
intervenir au moment du crédit et du débit premières instructions).
Une fois appariées, les instructions des titres sur les comptes-titres concernés. En cas de désaccord
deviennent irrévocables (sauf accord bilatéral Dans le cas d’une détention indirecte des profond entre les parties,
seule une action judiciaire
des parties), ce qui a les conséquences titres via un intermédiaire financier (partici- pourrait décider d’une
opérationnelles et juridiques suivantes : pant au système et ayant donc un compte éventuelle annulation de
l’opération mais, même
chez le dépositaire central), ce dernier se dans ce cas, la traduction
–aucune des deux contreparties ne peut annuler charge alors de répercuter les transactions opérationnelle de la déci-
ou modifier unilatéralement son instruction initiées par ses clients –et qui ont mouve- sion judiciaire serait l’envoi
de nouvelles instructions :
avant son règlement ; la transaction ne peut menté le compte ouvert en son nom la finalité de la première
être annulée ou modifiée qu’en cas d’accord chez le dépositaire central– sur les comptes- opération dans le système
ne pourrait pas être remise
des deux contreparties et réception des titres qu’il tient dans ses livres au nom de en cause, même dans ce
instructions modificatrices correspondantes ; ses clients. cas de figure.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 241


CHAPITRE 13 LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES

2. Le fonctionnement du système participant dans les livres de la banque


de règlement de titres centrale. À l’exception des CSD de la plate-
forme ESES d'Euroclear (cf. chapitre 14),
2.1. Règlement en monnaie centrale le modèle interfacé était utilisé par tous
ou en monnaie commerciale les CSD d’importance majeure en zone
euro avant leur migration à T2S : Monte
Comme on l'a vu au chapitre 12, le règlement Titoli, Iberclear, Clearstream, etc. 5 ;
de la partie « cash » de la transaction
dénouée chez le CSD peut être effectué – modèle dit « intégré » : les comptes
soit en « monnaie de banque centrale », soit espèces 6 et les comptes titres sont situés
en « monnaie de banque commerciale » : sur une même plateforme technique pour
dans le premier cas, les comptes espèces les besoins du règlement-livraison, ce qui
servant au règlement des jambes espèces facilite le traitement des transactions en
des transactions sur titres sont ouverts dans temps réel. Avant T2S, dans la zone euro
les livres de la banque centrale (par exemple seuls les CSD de la plateforme ESES fonc-
dans les livres de la Banque de France) ; tionnaient selon ce modèle : les comptes
dans le second cas, les comptes espèces utilisés pour le règlement espèces étaient
sont ouverts soit directement auprès du considérés, d’un point de vue juridique,
CSD (qui doit alors avoir été agréé en tant comme ouverts dans les livres de la banque
qu’établissement de crédit pour pouvoir centrale nationale, mais leur gestion opéra-
ouvrir des comptes de dépôt), soit auprès tionnelle était sous–traitée au gestionnaire
d’un établissement de crédit désigné par du SSS sur la même plateforme technique
le CSD. que celle réalisant la livraison des titres.
Les comptes espèces des participants
2.2. Modèle intégré et modèle étaient donc gérés par le CSD au nom
interfacé et pour le compte de la banque centrale,
pour les besoins du règlement-livraison
Dans le cas notamment d’un CSD opérant des transactions sur titres. Les interac-
en monnaie de banque centrale, la livraison tions avec le système RTGS résidaient
simultanée et conditionnelle des titres et des dans l’alimentation des comptes espèces 5 Il existe plusieurs manières
espèces nécessite une interaction étroite « techniques » des participants dans le d’organiser l’interface
entre la banque centrale et
entre le SSS qui gère la livraison des instru- SSS à partir de leurs comptes espèces le CSD. Dans le cas le plus
ments financiers (« la jambe titres ») et le dans le système RTGS (et vice versa : fréquent, le CSD bloque
les titres du vendeur,
système de paiement qui mouvemente les transfert des liquidités disponibles « dans envoie un ordre de paie-
comptes espèces (« la jambe espèces »). le SSS » vers les comptes espèces des ment à la banque centrale
Il existe deux modèles de règlement des participants à la banque centrale). Mises à demandant le virement de
la contre-valeur des titres
transactions de titres, en fonction de l’uti- part ces interactions liées à l'approvision- du compte de l’acheteur
lisation ou non d’une plateforme technique nement en (ou les sorties de) liquidité, au compte du vendeur,
puis -après confirmation
commune pour les comptes espèces et les les comptes espèces « techniques » et de l’opération, débloque
comptes titres des participants : les comptes titres étaient gérés de façon les titres et les transfère du
« intégrée » par les CSD de la plateforme compte du vendeur à celui
de l’acheteur. En pratique
– modèle dit « interfacé » : les comptes ESES, sans besoin d'un interfaçage avec les envois d’instructions
espèces et les comptes titres sont situés un autre système. de débit et de crédit vers
la banque centrale se
sur deux plateformes distinctes. Les faisaient / font sur une
comptes utilisés pour le règlement de Le marché français avait fonctionné selon base « nette » c’est à dire
non pas transaction par
la jambe espèces des transactions sont le modèle intégré depuis l’introduction du transaction mais pour un
directement les comptes des participants système RGV par la SICOVAM 7 en 1998, ensemble d’opérations.
ouverts auprès de la banque centrale, puis de la plateforme ESES par Euroclear 6
O u plus précisément
et les comptes-titres sont situés sur la en 2007 (construite sur la base du système le reflet des comptes
espèces tenus par les
plateforme technique du CSD. Dès lors, RGV et étendue aux CSD de Belgique et banques centrales.
le règlement-livraison de titres implique des Pays-Bas). Les comptes titres et les
7 Pour plus de détails sur
des interactions (via des interfaces) entre comptes espèces étaient gérés sur la RGV et la SICOVAM, voir
le système du CSD (SSS) et le compte du même plateforme, par délégation de la chapitre 12.

242 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES CHAPITRE 13

Modèle intégré Modèle interfacé

Plateforme unique Plateformes distinctes

messages
Compte titres Compte espèces Compte titres Compte espèces
(participant A) (participant A) (participant A) (participant A)

Compte titres Compte espèces Compte titres Compte espèces


(participant B) (participant B) (participant B) (participant B)

Compte titres Compte espèces Compte titres Compte espèces


(participant C) (participant C) (participant C) (participant C)

banque centrale concernant les comptes titres ou des espèces par la partie qui
espèces techniques. Bien qu’ayant prouvé aurait déjà exécuté sa propre obligation) :
son efficacité et sa sécurité, notamment en cas d'insuffisance de provision titres
pour opérer des transactions DvP, le modèle ou espèces sur les comptes respectifs
intégré n’était pas une pratique partagée des participants, insuffisance que l’opé-
par les autres marchés, en raison essentiel- rateur du SSS est en mesure de vérifier
lement de réserves émises par certaines en temps réel, l’opération est mise en
banques centrales concernant l’externali- « suspens ». Si elle n’a pas pu être
sation de la gestion de leurs comptes de dénouée à la fin de la journée, elle est
règlement aux CSD. À l’issue d’une longue dans certains cas annulée par le système.
discussion interne à l’Eurosystème, T2S a Ce modèle peut néanmoins entraîner des
été construit selon le modèle intégré mais la défauts de règlement (ou fails) en chaîne
plateforme unique de règlement est gérée sur d’autres opérations - ce dont les autres
par les banques centrales et non par les types de modèle ne sont néanmoins
CSD (voir chapitre 14). pas exempts. C’est pourquoi la pratique
du recyclage s’est généralisée : si une
2.3. Les modèles de livraison contre transaction n’a pas pu être dénouée au
paiement (DvP) jour prévu, le système peut refaire des
tentatives de règlement (« recyclage ») au
Un rapport du CPSS publié en 1992 sous cours du ou des jours suivants (en fonction
l'égide de la Banque des règlements des règles du système). En outre, pour
internationaux (BRI)  8 a identifié trois grands atténuer cet inconvénient, la plupart des
modèles de systèmes DvP, selon une termi- systèmes bâtis selon le modèle DvP1
nologie qui fait encore référence : comportent également des mécanismes
dits d’optimisation (cf. 2.4 ci-dessous) ;
• DvP Modèle 1 : règlement simultané en
mode brut (c’est à dire transaction par • DvP Modèle 2 : règlement (en réalité
transaction) des titres et des espèces, il ne s’agit alors que d’un contrôle de 8 « Delivery versus payment
l’un étant conditionné à l’autre. Ce modèle provision puisque les titres ne sont in securities settlement
systems » Septembre
élimine le risque de crédit (ou risque en pas encore livrés) en mode brut de la 1992 http://www.bis.org/
principal : risque de non-réception des partie titres au fil de la journée, suivis cpmi/publ/d06.pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 243


CHAPITRE 13 LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES

du règlement en mode net des espèces liquidité intra-journalière. Celle-ci suppose à


à la fin du processus quotidien. Afin la fois que le SSS et le système de paiement
d’éliminer le risque en principal, les offrent plusieurs règlements journaliers (et
titres ne sont livrés aux participants non un seul en fin de journée) et plusieurs
acquéreurs que contre le règlement interactions par jour entre les deux, avec
(soit dans les livres de la banque des modalités différentes selon le fonc-
centrale dans le cadre d’un régime tionnement du système de paiement. La
de règlement « en monnaie banque fréquence des cycles de règlement accroît
centrale », soit dans les livres d’une l’efficacité du règlement-livraison, mais se
banque commerciale en cas de règlement heurte à des contraintes opérationnelles.
« en monnaie commerciale ») de l’en- Un CSD doit donc atteindre un compromis
semble des positions nettes débitrices équilibré entre ces deux objectifs, pour offrir
résultant des opérations de la journée. un service performant aux participants du
Avec le temps et l’apparition de tech- SSS qu’il exploite.
nologies plus performantes, ce type
de modèle s’est orienté vers un fonction- Avec le développement de l’usage de
nement où le règlement des espèces collatéral pour sécuriser les transactions,
s’effectue plusieurs fois en cours il est devenu de plus en plus important
de journée ; pour les acteurs de marché de pouvoir
disposer rapidement des titres financiers
• DvP Modèle 3 : règlement en mode net acquis afin d’obtenir des liquidités (auprès
simultané des titres et des espèces. Le d’autres acteurs ou de banques centrales).
netting technique (il s’agit d’un calcul de Le règlement en temps réel constitue à cet
soldes nets, sans interposition du CSD, égard un avantage certain sur le règlement
et non d’une compensation au sens de la en temps différé puisque la transaction est
contrepartie centrale ou CCP) a donc lieu achevée et le titre acquis disponible immé-
à la fois sur les espèces et sur les titres. diatement, ce qui d’une part réduit le risque
Le caractère simultané des règlements de non réception de titres attendus (au sens
est destiné également à éliminer le risque de « risque de liquidité »), et d’autre part rend
en principal. le titre acquis de façon « finale » immédia-
tement réutilisable par son acquéreur pour
Le modèle DvP1 est aujourd’hui largement un autre besoin.
dominant en Europe car c'est celui qui est
mis en œuvre par la plateforme T2S : les 2.4. Les mécanismes d’optimisation
transactions font l’objet d’un règlement
individuel pour leur montant brut et au fil L’efficacité du règlement-livraison dépend
de l’eau. Ce modèle requiert que les parti- tout d’abord de la capacité des participants
cipants conservent d’importantes liquidités au SSS à gérer efficacement, en amont
pour faire face à leurs besoins au cours du règlement, leur liquidité en titres et en
de la journée, mais les plateformes fonc- espèces afin de minimiser le risque de
tionnant selon ce modèle, telles que T2S, défaut de règlement des opérations en
offrent un certain nombre de fonctionnalités cours de journée et en fin de journée. En cas
visant à réduire les besoins de liquidité des d’insuffisance de liquidité, des dispositifs
participants (liquidity-saving features, voir de prêt de titres ou d’espèces peuvent être
chapitre 14). proposés aux participants, ce qui contribue
grandement à l’efficacité du processus de
Dans les modèles de DvP 2 et 3, la fréquence règlement-livraison et à la réduction des
des règlements au sein du SSS et au sein du risques. Par ailleurs, des mesures d’or-
système de paiement ainsi que la fréquence ganisation au sein du SSS, telles que des
des échanges entre SSS et système de dispositifs d’optimisation ou un séquen-
paiement sont également importantes car cement optimal des opérations, peuvent
elles déterminent le champ des possibles, compléter utilement ces dispositifs (cf.
notamment en matière de fourniture de l'exemple de T2S au chapitre 14).

244 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES CHAPITRE 13

2.4.1. La gestion de la liquidité agrément bancaire, le crédit intra-journa-


lier étant une forme de crédit soumise au
Plusieurs dispositifs de prêt permettent même agrément que les crédits à plus long
d’améliorer la liquidité espèces ou titres. terme 9 : les deux ICSD Euroclear Bank et
Clearstream Banking Luxembourg disposent
2.4.1.1. Les services de prêt de titres tous deux des licences bancaires nécessaires
pour octroyer du crédit intrajournalier.
Certains CSD organisent un service de prêts
de titres permettant aux participants ayant Il s’agit d’opérations de refinancement clas-
des besoins ponctuels en titres de faire siques, systématiquement collatéralisées par
appel à ceux qui en disposent pour faire des titres acceptés par l’entité qui octroie le
face à leurs obligations de livraison. Le prêt crédit : on parle alors de « titres éligibles ».
de titres peut se traduire, comme dans un Pour les banques centrales de l’Eurosystème,
repo, par un transfert temporaire du droit les titres éligibles au crédit intrajournalier sont
de propriété des titres à l’emprunteur. Il les mêmes que ceux éligibles pour le refinan-
s’agit d’un service accessoire aux services cement au titre de la politique monétaire, ce
de base offerts par un CSD. qui permet aux contreparties d’utiliser un seul
et même pool de collatéral pour toutes leurs
Les mécanismes de prêt de titres opérations avec la banque centrale, quelle que
permettent d’améliorer la liquidité, et ainsi soit leur maturité.
la proportion des transactions correctement
dénouées. L’avantage pour les prêteurs 2.4.1.3. L’auto-collatéralisation
de titres, généralement des investisseurs
détenant un portefeuille de titres à long L’auto-collatéralisation, initialement développée
terme et donc largement immobilisé, est par la Banque de France en collaboration avec
d’accroître la rentabilité attachée à ces titres, Sicovam/Euroclear France à la fin des années
via la rémunération perçue. 1990 pour le système RGV, constitue une
forme automatisée de crédit intra journalier. Elle
Lorsqu’il est proposé par un CSD, ce dernier consiste à placer automatiquement comme
peut soit se limiter à un rôle d’organisateur collatéral auprès de la banque centrale, soit
technique du mécanisme de prêt de titres le titre qui fait l’objet de la transaction (auto-
(service de type non bancaire), soit avoir un collatéralisation sur flux), soit d’autres titres
rôle dans les transactions elles-mêmes en disponibles sur le compte titres de l’acheteur
octroyant des garanties et en souscrivant (auto-collatéralisation sur stock), déclenchant
des engagements liés au prêt/emprunt de ainsi l’obtention de crédit intrajournalier par le
titres (service de type bancaire). Dans ce participant exposé à un défaut momentané de
dernier cas, le CSD agit non seulement en liquidité. L’auto-collatéralisation permet ainsi de
tant qu’agent mais également en tant que régler une transaction même si l’acheteur ne
contrepartie ou garant de ses participants. dispose pas de la liquidité suffisante sur son
Cette activité exige par conséquent un compte espèces.
agrément bancaire (cf. chapitre 12, sections
1.4 et 2). Les opérations d’auto-collatéralisation menées
par les banques centrales nationales en
2.4.1.2. Le crédit intra-journalier environnement T2S, comme la Banque de
France depuis septembre 2016, font l’objet
Un des principaux outils de gestion de de remboursement automatique en cours
la liquidité espèces consiste à la mise de journée comptable, et si nécessaire d’une
en place de crédits intra journaliers (en procédure de remboursement forcé en fin
anglais intraday) fournis soit par un agent de journée. Depuis le déploiement de T2S,
9 Pour plus détail sur les
de règlement (celui-ci pouvant être une l’auto-collatéralisation est disponible sur un règlements en monnaie
banque centrale ou une banque commer- nombre croissant de marchés européens (voir de banque centrale vs
en monnaie de banque
ciale), soit par l’opérateur du système. Cette chapitre 14, section 2 pour plus d’informations commerciale, on pourra se
dernière possibilité suppose également un sur l’auto-collatéralisation en T2S). référer au chapitre 1.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 245


CHAPITRE 13 LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES

2.4.2. Les mesures d’organisation les moteurs de règlement-livraison intègrent


des algorithmes d’optimisation qui déter-
Les mesures d'organisation mises en œuvre minent un ordre de règlement optimal
par les SSS ont pour but de limiter les risques destiné à éviter au maximum les blocages
de blocage (en anglais gridlock) du processus résultant d’insuffisances de titres ou
de règlement-livraison du fait d’opérations d’espèces ou d’opérations liées (dans le
liées, par exemple en cas d’opérations succes- respect des ordres de priorités des instruc-
sives d’achat‑vente portant sur les même types tions qui auraient pu être renseignées par
de titres, ainsi que d’améliorer l’efficacité du les participants).
processus de règlement en cours de journée.
2.4.2.3. Le règlement partiel et le
2.4.2.1. Combinaison des règlements de découpage des transactions
nuit et des règlements de jour
Lorsque le SSS détecte une insuffisance de
La combinaison des règlements de nuit et titres ou d’espèces, il peut (lorsque ses règles
de jour permet (quand cela est possible) de le permettent et souvent durant des fenêtres
donner rapidement aux participants une visi- temporelles bien identifiées) procéder au
bilité sur l’état de leurs transactions. règlement partiel de cette transaction pour
le montant disponible de titres ou d’espèces.
Le règlement de nuit permet de vérifier et Le solde non réglé de la transaction est alors
de valider en vue d’un règlement immédiat recyclé, et représenté ultérieurement pour
le stock d’instructions déjà entrées dans le dénouement. Le règlement partiel accroît la
système avec la nouvelle journée opéra- fluidité et l’efficacité du règlement-livraison,
tionnelle comme jour de règlement (ou une en permettant un règlement en plusieurs
journée opérationnelle précédente pour les fois sur des montants moins importants.
transactions dont le règlement a échoué et La granularité est en effet un facteur de
qui sont représentées les jours suivants et, facilitation du règlement.
partant d’améliorer l’efficacité du règlement-li-
vraison : cf. infra). Le règlement de nuit permet Dans un système de règlement en temps
donc (quand il est techniquement possible) réel et mode brut, comme cela est le cas de
de donner plus rapidement aux participants T2S, des « fenêtres » de règlement partiel
une visibilité sur l’état de leurs transactions. sont fixées à certaines heures précises de la
journée, pour permettre de prendre un instan-
Après, en général, une fenêtre de mainte- tané de toutes les instructions appariées
nance technique du système en fin de nuit, le en attente de règlement, et déclencher le
règlement de jour permet de valider et régler règlement partiel des instructions à hauteur
au fil de l’eau les instructions nouvellement des ressources titres et/ou espèces dispo-
entrées, avec la journée opérationnelle en nibles sur les comptes des participants. Les
cours comme jour de règlement ou les opéra- montants non dénoués à l’issue des fenêtres
tions non dénouées lors du cycle de nuit (et de règlement partiel sont représentés au
bien sûr les opérations recyclées : cf. infra). règlement en temps réel pour leur solde
résiduel, puis aux fenêtres de règlement
À fin 2017, 52% du volume de transactions partiel suivantes.
(c’est-à-dire du nombre de transactions)
traitées par T2S étaient réglés en cycle de 2.5. Les échecs de règlement ("fails")
nuit, lequel représentait aux alentours de et la discipline de marché
30% des transactions en valeur, tous CSD
participant à T2S confondus. Parmi les instructions de règlement-livraison
validées et appariées, certaines échouent au
2.4.2.2. Les algorithmes d’optimisation stade du règlement. Ces échecs (ou fails)
peuvent provenir soit d’une insuffisance de
Afin d’assurer un règlement aussi fluide que titres sur le compte désigné du vendeur/
possible du plus grand nombre de transactions, prêteur de titres, soit d’une insuffisance

246 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES CHAPITRE 13

d’espèces sur le compte désigné de l'ache- Le règlement européen CSDR, adopté en


teur/emprunteur des titres 10. juillet 2014 (cf. chapitre 12), introduit des
exigences fortes et systématiques sur les
Les instructions sont alors considérées comme rachats forcés de titres sur le marché en cas
des suspens (ce qui n'éteint d’ailleurs pas de défaut constaté à l’issue d’un délai dont la
pour autant les obligations contractuelles des durée exacte dépend de la liquidité du titre,
contreparties). Les instructions en suspens estimée par grandes catégories. Selon le
en fin de journée comptable peuvent être projet de normes techniques d’exécution
« recyclées » au cours d’un certain nombre de des dispositions du règlement CSDR envoyé
jours suivants par le système, qui tente ainsi par l’ESMA à la Commission européenne en
de les régler au même titre qu’une instruction février 2016, et sous réserve de la validation
tout juste appariée. Chaque SSS a ses propres de ces normes, les CCP seront chargées de
règles relatives aux suspens, qui font partie du l’exécution des buy-in pour les transactions
corpus des mesures de discipline de marché. qu’elles compensent, tandis que les buy-in
Certains SSS peuvent annuler purement et sur transactions non compensées seront
simplement les opérations en suspens, à gérés par les parties à la transaction (que ces
charge pour les participants concernés transactions soient négociées/exécutées sur
de renvoyer de nouvelles instructions au des plateformes de négociation ou non). Ces
système. D’autres peuvent accorder un délai exigences, qui devraient entrer en vigueur
de un ou plusieurs jours pour permettre aux dans le courant du premier semestre 2020,
participants défaillants de régulariser leur devraient entraîner des adaptations significa-
situation, par apport de titres ou d’espèces. tives des pratiques sur les marchés ainsi que
d’importants développements informatiques
ESES France recycle les opérations en pour les participants, les CSD et les chambres
suspens, de même que les autres systèmes de compensation.
de règlement de titres ayant migré à T2S ;
en revanche, la chambre de compensation Le taux moyen et l’écart-type des suspens
française LCH SA annule les suspens en fin de observés chez un SSS dépendent de plusieurs
journée et les réintègre dans son processus facteurs, certains inhérents au SSS (selon
quotidien de compensation. le modèle de DvP mis en œuvre, l'efficacité
du moteur de règlement-livraison, les inte-
Outre les services de prêt de titres et/ou ractions avec un système de paiement…)
d’espèces décrits ci-dessus, certaines règles et d’autres exogènes (nombre et valeur des
peuvent aussi imposer des pénalités finan- transactions traitées, granularité des tran-
cières au participant qui tarde à honorer ses sactions, qualité des contreparties, pratiques
obligations, ou encore contraindre le partici- de marché…). À fin 2017, le taux de suspens
pant défaillant à un rachat forcé (buy-in) des agrégé (c’est‑à‑dire tous participants CSD
titres sur le marché lorsque la transaction confondus) en T2S se situait à environ 2% en
ne se dénoue pas à l’issue d’un délai fixé nombre comme en valeur des transactions.
à l’avance.

Dans le cas d’un rachat forcé de titres, un 3. Les modalités de


acteur tiers des marchés financiers est participation au SSS
mandaté pour procurer les titres non livrés
à la partie lésée ; ce même acteur facture 3.1. Règles générales et
ensuite le coût de l’opération à la contrepartie caractéristiques principales de la
10 Les ventes à découvert
défaillante de la transaction initiale. Ce dispo- participation de titres, qui ont connu
sitif est considéré par l’industrie financière une forte progression
comme le plus contraignant parmi l’ensemble Tous les acteurs financiers ne participent au cours des années
2000, ont été à l’origine
des mesures possibles en cas de défaut pas directement au SSS : seule une partie d’une augmentation des
de livraison de titres (annulation de la tran- d’entre eux établit une relation contractuelle suspens pour insuffisance
de titres, d’où l’adoption
saction/compensation financière/pénalités à avec le CSD, et participe ainsi directement de règlements encadrant
l’encontre de la partie défaillante, etc.). au SSS, ce qui leur permet d’ouvrir un ou et limitant cette pratique.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 247


CHAPITRE 13 LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES

plusieurs comptes-titres directement auprès du SSS qui transmettra des instructions de


du CSD. Ainsi, seules certaines catégories règlement-livraison pour leur compte.
d’entités, dont une liste limitative est fixée
par la loi, peuvent devenir participants directs Les participants directs à un SSS peuvent en
ou indirects. En France, il s'agit essentiel- effet transmettre des instructions au système,
lement des établissements de crédit et pour eux-mêmes ou pour le compte de tiers,
entreprises d’investissement, des chambres ces derniers étant désignés comme « parti-
de compensation et leurs adhérents, des cipants indirects » au SSS. Les participants
autres CSD ainsi que de certaines institu- indirects n’ont pas de relation contractuelle
tions publiques telles que le Trésor public, la avec le CSD, mais uniquement avec le parti-
Banque de France et la Caisse des Dépôts et cipant direct, qui leur sert d’intermédiaire.
Consignations. L’établissement d’une liste
restrictive d’entités et catégories d’entités Les participants ont par ailleurs le choix entre
légalement autorisées à participer à un CSD/ ouvrir un compte dit « omnibus » (compte
SSS vise à contenir les risques associés au ayant vocation à accueillir les actifs de l’en-
fonctionnement de ce SSS, en assurant que semble des clients d’un participant donné,
les participants directs ont les capacités à l’exclusion de ses propres avoirs) ou à
financières et opérationnelles requises pour ouvrir, toujours sous leur responsabilité, un
pouvoir envoyer au SSS des instructions de ensemble de comptes dits « ségrégués »
montant potentiellement très élevé et être qui feront apparaître dans les livres du CSD
en mesure d’honorer l’ensemble de leurs les noms des investisseurs ou de catégo-
obligations (y compris techniques). ries d’investisseurs (ou encore d’autres
établissements financiers qui auraient opté
Le règlement CSDR introduit également pour un accès indirect au CSD) en face de
une obligation pour les CSD de disposer chaque compte « individuel ».
de critères publics de participation,
permettant un accès équitable et ouvert Si le compte omnibus apparaît bien au nom
aux entités appartenant aux catégories du participant direct dans les registres du
d’entités légalement habilitées à participer CSD, en revanche ce participant direct n’a
directement à un système de règlement aucun droit de propriété sur les actifs y
de titres. Ces critères doivent être « trans- afférents. C’est pour éviter toute ambiguïté
parents, objectifs et non discriminatoires » en cas de faillite du participant direct que
(en pratique, ils peuvent par exemple être CSDR impose a minima une ségrégation
d’ordre financier ou opérationnel), tout en entre les avoirs propres du participant et
tenant compte des risques pour la stabilité les avoirs des clients. Au sein des avoirs
financière et le bon fonctionnement des de ses clients, la ségrégation ou la concen-
marchés. L’objectif est d’atteindre le point tration dans un compte omnibus relève
d’équilibre entre un accès suffisamment du choix contractuel des clients. Dans
ouvert aux systèmes, tout en évitant tous les cas, le participant direct doit tenir
que les participants directs induisent dans ses propres livres un registre au
des risques dans les systèmes (et donc nom de chaque client, et ainsi assurer la
dans les marchés) du fait d’une fragilité bonne garde de ses actifs. Ce système
financière ou de manquements d’ordre de ségrégation interne aux intermédiaires
technique ou opérationnel. permet également d’assurer le traitement
en « cascade » des opérations sur titres
L’investissement technique et le coût (cf. chapitre 12 pour plus d’informations).
financier associés à l’accès direct au SSS
rendent nécessaire un volume d’affaires En France, un participant direct est toutefois
suffisant pour rentabiliser ces coûts. Les pleinement responsable des instructions
intermédiaires financiers de taille modeste entrées par lui dans le système, qu’elles l’aient
ou moyenne choisissent donc souvent de été pour son compte propre ou pour le compte
n’accéder qu’indirectement au SSS, en de ses clients ; ses contrats en particulier avec
signant un contrat avec un participant direct les participants indirects ne peuvent limiter sa

248 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES CHAPITRE 13

responsabilité à cet égard (cf. article L330-1 II dans un autre CSD, le « CSD émetteur ».
du Code monétaire et financier). Par exemple, si des participants du CSD
d’un pays X souhaitent faire une opération
3.2. Liens entre CSD (participation d’un d’achat/vente d’un titre émis dans le CSD
CSD ou d’un opérateur de SSS d’un pays Y, le CSD du pays X est le CSD
à un ou plusieurs autres SSS) investisseur et le CSD du pays Y est le CSD
émetteur. Les liens établis par un CSD
Afin de permettre à ses participants, directs permettent ainsi à ses clients d’accéder à
ou indirects, d’effectuer des opérations sur une gamme plus large de titres, à travers
des titres émis dans un autre CSD (c’est-à-dire un point d’entrée unique, en rationalisant
dans un autre pays, dans la grande majorité économiquement l’accès aux différents
des cas), tout en leur évitant de devoir marchés et la gestion du collatéral.
devenir participant direct ou indirect du CSD
émetteur, un CSD peut mettre en place un Les liens permettent aux acteurs financiers
« lien » entre son SSS et celui du CSD tiers : de réaliser des opérations transfrontalières,
le CSD devient alors un participant direct au au sens large du terme (entre acteurs de
SSS du CSD tiers. Il s’agit dans ce cas d’un différentes juridictions ou entre acteurs
lien direct concrétisé opérationnellement par d’une même juridiction sur des titres émis
l’ouverture d’un comptes-titres à son nom dans un autre État) et participent ainsi
dans les livres du CSD émetteur. Le CSD peut pleinement à l’intégration des marchés
aussi devenir participant indirect en passant financiers. Ils sont cependant porteurs de
par l’intermédiaire d’un participant direct risques spécifiques, du fait de leur plus
(un teneur de compte-conservateur ou grande complexité technique et d’une
custodian) : il s’agit alors d’un lien indirect  11. possible insécurité juridique résultant de
Entre ces deux types de liens existent différences entre les législations nationales
également les liens « directs opérés », dans impliquées dans ces transactions.
lesquels un custodian introduit techniquement
les instructions d’ordre et pour compte du Par exemple des incertitudes peuvent
CSD participant à un CSD tiers et dûment exister sur la loi applicable en cas de défaut
identifié (via un compte « ségrégué ») dans les d’un participant. Des divergences peuvent
livres de ce dernier. Les liens « relayés », dans également se constater entre les règles
lesquels un CSD intermédiaire joue un rôle gouvernant les différents SSS, notamment
de « relais » entre le CSD investisseur et le les règles de finalité (qui ont cependant 11 Pour mémoire, un acteur
CSD émetteur, sont également très répandus. été harmonisées pour l’ensemble des financier ou un particulier
SSS ayant migré à T2S : cf. chapitre 14). peut avoir directement
recours à un custodian
L’environnement technique harmonisé de L’harmonisation des droits nationaux relatifs pour pouvoir acheter, ou
T2S facilite la mise en place de liens entre à la détention et au transfert des titres entre vendre des titres émis
dans un État autre que
CSD, car le règlement-livraison entre les pays de l’Union européenne (y compris celui où il est établi.
participants à deux CSD ayant migré à T2S au sein de la zone euro) reste à cet égard
12 O n se reportera à cet
est devenu similaire au règlement-livraison un objectif majeur des années à venir 12. égard aux travaux du T2S
domestique en termes notamment de Une harmonisation complète des droits Harmonisation Steering
Group (cf Chapitre 14 –
rapidité de traitement, de sécurité et de nationaux est bien sûr difficilement envisa- Section 7.1) ainsi qu’aux
tarification. T2S encourage ainsi la mise geable à court terme, car elle supposerait travaux du European
en place de nouveaux liens directs – de des modifications de fond de certains droits, Post Trade Forum (EPTF),
groupe d’experts réunis
nombreux CSD européens ont d’ailleurs modifications qui auraient une portée consi- sous l’égide de la
confirmé leur intention de créer de nouveaux dérable sur les pays/marchés concernés. Commission Européenne
et dont le rapport a fait
liens au cours des prochaines années – ou Cependant des progrès progressifs, même l’objet d’une première
la transformation de liens relayés en liens s’ils peuvent paraître limités au départ, sont communication en mai
directs. raisonnablement envisageables. 2017 ainsi que d’une
consultation lancée par
cette dernière à la fin
Pour rappel (cf. chapitre 12), on désigne par Par ailleurs les liens entre CSD tendent de 2017.
https://ec.europa.eu/info/
le terme « CSD investisseur » le CSD dont à accroître les interdépendances au sein sites/info/files/170515-ep-
les clients souhaitent traiter un titre émis des marchés financiers : un incident tf-report_en.pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 249


CHAPITRE 13 LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES

opérationnel ou un défaut dans un SSS 3.3. Lien de type FOP ou DVP


pourraient entraîner d’autres défauts ou
échecs de règlement dans les SSS qui Les CSD peuvent concevoir les liens
lui sont liés, et ainsi affecter des partici- entre eux comme des liens de type FoP
pants qui n’étaient pourtant contreparties uniquement (free of payment ou franco
à aucune transaction traitée par ce SSS. de paiement) ou de type FoP et DvP
On pourra se reporter au chapitre 12 pour (delivery versus payment ou livraison contre
la description des mesures de gestion des paiement). Les liens de type FoP unique-
risques attachés à la mise en place d’un ment dissocient les jambes espèces et
lien, en particulier les risques juridiques. titres. Plus simples techniquement à mettre
en place pour les CSD, ils comportent
D’un point de vue opérationnel, les CSD en revanche un risque opérationnel plus
peuvent décider d’offrir via des liens les important dans leur utilisation pour les
mêmes services que ceux proposés à leurs opérations comportant une jambe espèces
clients à titre habituel : dépositaire, prêt (puisque le règlement de celle-ci se trouve
d’espèces ou de titres, gestion de colla- de facto complètement déconnecté du
téral, tenue de compte-conservation et règlement de la partie titres). En revanche,
règlement-livraison. Le choix des fonction- ce type de lien est très utile pour les opéra-
nalités offertes à travers un lien participe de tions FoP, c’est-à-dire sans jambe espèces.
la conception de ce lien. Les CSD peuvent
avoir des fonctionnements opérationnels Les liens de type DvP conditionnent le
différents ; le CSD investisseur doit bien règlement des jambes espèces et titres à
appréhender le fonctionnement du CSD l'existence d'une provision suffisante sur
émetteur pour évaluer le risque opéra- les comptes espèces et titres des deux
tionnel associé, et le réduire par la mise en participants. Ils empêchent tout transfert
place, le cas échéant, de mesures spéci- provisionnel de titres avant que la transac-
fiques. Du fait des risques juridiques et tion ne soit finale, et offrent donc une plus
opérationnels accrus, les CSD doivent donc grande sécurité juridique aux participants
concevoir les liens entre SSS de façon des deux SSS. L’essentiel des remises de
prudente et appropriée. Les probléma- collatéral aux banques centrales nationales
tiques opérationnelles sont parfois liées (politique monétaire) se fait précisément en
de façon très étroite aux problématiques mode DvP. En revanche, ils sont généralement
juridiques, par exemple des processus de plus coûteux à mettre en place car complexes
réconciliation suffisamment fréquents et d’un point de vue opérationnel. Les nouveaux
robustes pour établir les détenteurs du liens établis par Euroclear France vers d’autres
droit de propriété sur les titres. CSD ayant migré à T2S sont des liens DvP,
grâce à l’harmonisation technique permise par
L’établissement d’un lien entre deux SSS T2S qui simplifie de manière très significative
opérés par des CSD de différentes juridic- les liens DvP dans des conditions techniques
tions n’est toutefois pas le seul moyen à la et opérationnelles optimales. Afin d’assurer
disposition des banques et entreprises d’in- la finalité d’une transaction impliquant un
vestissement établies dans une juridiction lien, les éléments inscrits en crédit et débit
pour effectuer des opérations sur les titres des comptes-titres tenus par les différents
émis dans l’autre pays. En effet, les custodians CSD du lien concerné sont ajustés progres-
ont établi des réseaux parfois très étendus sivement, selon une chronologie qui permet
d’entités établies dans différents pays, qui de d’assurer que les comptes-titres du CSD
participent directement (ou indirectement) aux « aval » ne sont pas crédités avant ceux
SSS opérés par les CSD locaux, ce qui permet des comptes-titres tenus par le CSD
un canal d’accès aux marchés alternatif à celui « amont » (respectivement le CSD inves-
des liens entre SSS. En pratique, les opéra- tisseur et le CSD émetteur dans le cas
tions transfrontières via les custodians sont d’un lien n’impliquant que deux CSD).
aujourd’hui largement majoritaires par rapport On parle de « réalignement des comptes »
à celles conclues via les liens entre SSS. (cf. encadré n° 4).

250 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES CHAPITRE 13

Encadré n° 4 : Exemple de réalignement de comptes titres dans le cadre de liens entre CSD

Prenons l’exemple d’un CSD émetteur A et de deux CSD investisseurs B et C. En cas d’acquisition de
titres par un participant du CSD C auprès d’un participant du CSD B, le réalignement consiste dans le
transfert de titres du comptes-titres de B chez A vers le comptes-titres de C chez A, de sorte que ce soit
bien C, et non B, qui représente cette nouvelle détention finale de titres dans les livres du CSD émetteur.
Parallèlement, l’exposition qui préexistait entre C et B est annulée.

Avant le réalignement Après le réalignement

CSD A (émetteur) CSD A (émetteur)


CSD B CSD C CSD B CSD C
6 6

CSD B CSD C CSD B CSD C


(investisseur) (investisseur) (investisseur) (investisseur)
Compte Compte Compte Compte Compte Compte
miroir CSD B miroir CSD C miroir CSD C miroir CSD B miroir CSD C miroir CSD C
chez CSD A CSD C chez CSD B chez CSD A chez CSD A CSD C chez CSD B chez CSD A

6 6 6 6

Banque B Banque C Banque B Banque C

6 6 6 6

4. Les risques et la surveillance suivie, la Banque des règlements inter-


des SSS nationaux s’est inquiétée des risques de
contagion des systèmes de règlement de
4.1. Les risques afférents aux SSS titres vers les systèmes de paiement et
l’ensemble du système financier. Plusieurs
Les PFMI (Principles for Financial Market types de risques ont été identifiés dans
Infrastructures ou PFMI : cf. chapitre 18) le fonctionnement des marchés, dont les
sont partiellement applicables aux SSS : plus importants sont le risque en principal
les principes applicables aux SSS recoupent (si le défaut se matérialise après que la
assez largement ceux applicables aux CSD contrepartie non défaillante a effectué son
qui les opèrent, et les complètent sur paiement ou livré ses titres, elle est exposée
certains points décrits ci-dessous. Cette à un risque de perte sur le montant de la
distinction est spécifique aux systèmes de transactions) et le risque systémique qui
règlement de titres, et ne se rencontre pas résulterait d’un effet de cascade entre parti-
pour les systèmes de paiement ni pour les cipants d'un ou plusieurs SSS du fait d’un
systèmes de compensation d’instruments ou plusieurs défauts de règlement (titres
financiers. Elle s’explique par le caractère ou espèces) initiaux, pouvant affecter la
très systémique des SSS, et de la volonté stabilité des marchés financiers en raison
de les traiter de façon spécifique. de la crise de liquidité et des pertes en
principal subies par certains intervenants.
En effet, après la crise boursière de 1987 La création d’un lien fort entre livraison de
et la chute du prix des actions qui s’en est titres et paiement d’espèce, conditionnant

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 251


CHAPITRE 13 LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES

l’un à l’autre et les rendant simultanés, règles prescrivant le caractère définitif du


permet de supprimer le risque en principal. règlement ne sont pas clairement établies
ou ne sont pas appliquées uniformément
Un autre risque, lié à l’incapacité définitive dans deux juridictions dans le cas d’opé-
du vendeur/prêteur de titres d’honorer ses rations transfrontières, engendrant une
obligations de livraison, typiquement en incertitude juridique quant au droit appli-
cas d’insolvabilité, est le risque associé cable. On pourra se reporter au chapitre
au coût de remplacement : l’acheteur ou 5 pour une description plus détaillée
l’emprunteur de titres est alors exposé à un des notions de finalité, et des moments
coût d’opportunité. L’acheteur/emprunteur de finalité.
de titres peut en effet alors être amené à
devoir acheter/emprunter des titres sur le 4.2. La surveillance des SSS : le rôle
marché, à un prix différent de la transaction des banques centrales et des
initiale, pour respecter ses propres obliga- autorités de marché
tions de livraison dans le cas de transactions
en chaîne sur les mêmes titres. Même si La banque centrale du pays dans lequel
cela peut sembler paradoxal, le risque de le SSS est implanté est généralement
remplacement, contrairement au risque en charge de sa surveillance (en anglais,
de crédit (ou risque en principal) ne peut oversight). Du fait de l’interconnexion
jamais être complètement éliminé (sauf en étroite entre le SSS et le système de
cas de garantie de bonne fin donnée par paiement exploité par la banque centrale
exemple par une chambre de compensation) et dans un contexte de généralisation du
mais simplement réduit, en l’occurrence par fonctionnement des CSD en monnaie de
des techniques telles que le prêt/emprunt banque centrale, il est en effet nécessaire
de titres. (et légitime) que la banque centrale s’assure
que cette interconnexion n’engendre pas
Il est fondamental pour un CSD de définir de risque pour son système de paiement.
clairement ses droits et obligations, en De plus, les CSD sont un vecteur opéra-
tant qu’opérateur du SSS, et ceux et de tionnel important de la mise en œuvre de
ses participants, ainsi que certains aspects la politique monétaire de l’Eurosystème
clés des processus. La législation des (cf. chapitre 12). Enfin, en lien étroit avec leur
différents pays européens impose aux mission de définition et de mise en œuvre
gestionnaires de systèmes de règlement-li- de la politique monétaire, les banques
vraison de définir dans leurs règles plusieurs centrales ont pour objectif de contribuer à
« moments », en particulier à quel moment la stabilité du système financier.
les instructions sont réputées être entrées
dans le système et à quel moment elles Tel est le cas en France, où la mission de sur-
sont devenues irrévocables. veillance du système de règlement-livraison
est dévolue à la Banque de France par l’article
Les dispositions législatives nationales L.141-4 du Code monétaire et financier :
(en France, l’article L.330-1 du Code « la Banque de France veille à la sécurité
monétaire et financier) résultent de la des […] systèmes de règlement et de
transposition d’une directive européenne livraison d'instruments financiers. ». Elle
dite « Finalité » (en anglais Settlement dispose pour ce faire de pouvoirs de contrôle
Finality Directive ou SFD) adoptée en 1998 sur pièces et sur place, et a notamment
(SFD 1) et modifiée en 2009 13 (SFD 2 : été désignée « autorité compétente » du
cf. chapitre 12, section 2). En vertu de CSD qui exploite le système français de
cette même directive, un SSS européen règlement-livraison pour la mise en œuvre du
est gouverné par la loi nationale de l’État règlement européen CSDR (cf. chapitre 12, 13 D irective 98/26/EC on
membre où il est implanté, sous réserve section 2 pour une description de la répartition settlement finality in
que l’un au moins des participants soit établi des compétences entre la Banque de France payment and securities
settlement systems,
dans cet État membre. Un risque juridique et l’Autorité des marchés financiers - AMF, et modifiée par la directive
pourrait se matérialiser en particulier si les chapitre 18 pour le cadre de surveillance). 2009/44/EC .

252 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES CHAPITRE 13

Exemple de la surveillance d’ESES France 4.3. Évaluations menées par


l'Eurosystème en tant
La surveillance, qui vise à s’assurer du bon qu’utilisateur
déroulement des opérations de règlement-
livraison, s’exerce de façon continue. Elle se 4.3.1. Évaluations des SSS et liens
traduit par un suivi régulier des statistiques d’ac- entre SSS
tivité et des taux de suspens, de la disponibilité
du système ainsi que par des échanges sur L’Eurosystème utilise les SSS et les liens entre
toute question d’importance (par exemple le SSS pour permettre à ses contreparties de
passage au règlement àT+2, la migration àT2S, lui remettre du collatéral en garantie des
le suivi du taux de règlement du système ou opérations de politique monétaire et du
des incidents opérationnels ayant des consé- crédit intra-journalier. Afin de s’assurer que
quences sur la disponibilité du système…). ces systèmes de règlement et les liens
entre eux ne l’exposent pas à des risques
En France, la surveillance du SSS est exercée inappropriés sur les garanties ainsi consti-
par la Banque de France, conjointement avec tuées 16 (notamment par une remise en
l’Autorité des marchés financiers (AMF). cause juridique ou opérationnelle de son
La Banque de France et l’AMF sont, en appli- accès aux titres qui lui ont été remis en
cation de l’article 11 du règlement CSDR, garantie, ou en raison d’obstacles tech-
« autorités compétentes » pour l’agrément et niques ou juridiques qui retarderaient cet
la supervision d’Euroclear France, le CSD qui accès et pourraient l’exposer aux évolu-
exploite le système de règlement livraison tions défavorables de marché en cas de
ESES France (cf. chapitre 12, sections 2 réalisation des titres reçus en collatéral),
et 3). La coopération est étendue aux l’Eurosystème procède à diverses évalua-
autorités belges et néerlandaises puisque tions, cycliques et ad hoc, des SSS et des
les CSD des trois pays partagent une même liens entre SSS.
plateforme de règlement-livraison et ont en
outre délégué à leur société-mère, Euroclear Un premier corps de normes établies par
SA (ESA), la réalisation de nombreux services l'Eurosystème en tant qu'utilisateur a été mis
support comme l’informatique, les ressources en place en 1998. Il a ensuite progressivement
humaines, la gestion financière... Dans ce évolué puis été formalisé dans un document
contexte, les autorités nationales en charge appelé User assessment framework, dont
14 La surveillance coopé-
de la régulation et de la surveillance des CSD la dernière version date de janvier 2014 17 rative ne s’applique
ont développé à partir de 2006 un cadre de et s’appuie en premier lieu sur le travail toutefois qu’aux fonc-
tions support d’ESA
surveillance coopérative d’ESA 14, qui est de surveillance des SSS et des liens entre
régi par un Memorandum of Understanding SSS par les banques centrales nationales 15 h ttps://www.banque-
f r a n c e . f r / fi l e a d m i n /
dans lequel les autorités belges (Banque et le complète par des normes utilisateurs user_upload/banque_de_
Nationale de Belgique et Autorité des services répondant aux exigences juridiques et opéra- france/Stabilite_financiere/
BDF-AMF-publication-des-
et marchés financiers) ont été désignées tionnelles de l’Eurosystème. evaluations.pdf
comme « autorités de coordination ».
16 Les décisions de politique
Le déploiement deT2S déjà permis de simplifier monétaire, prises par le
Des évaluations formalisées du système les exigences du User assessment framework, Conseil des gouverneurs
de la BCE, sont mises en
au regard des normes inter­nationales PFMI notamment pour les liens établis entre deux œuvre de façon décen-
(cf. chapitre 18) sont réalisées régulière- CSD participant à T2S qui partagent de fait tralisée, c’est-à-dire par
ment, généralement tous les trois ans. un certain nombre de caractéristiques opéra- les différentes banques
centrales nationales de
La dernière évaluation conjointe d’ESES et tionnelles (notamment les jours et horaires l’Eurosystème pour les
des CSD ESES (Euroclear France, Euroclear d’ouverture des systèmes) et juridiques (finalité contreparties établies dans
leur juridiction, avec néan-
Nederland et Euroclear Belgium) a été des règlements…). moins une mutualisation
publiée en septembre 2015  15. Cette évalua- des revenus et des pertes.
tion est le résultat du travail conjoint de Un nouvel allègement très substantiel du 17 https://www.ecb.europa.
six auto­rités : les banques centrales et auto­ dispositif d’évaluation de l’Eurosystème a eu/pub/pdf/other/
frameworkfortheassess-
rités de marché de chacun des trois pays récemment résulté de la mise en œuvre du mentofsecuritiessettle-
d’établissement des CSD ESES. règlement CSDR : les dispositions de celui-ci mentsystems201401en.pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 253


CHAPITRE 13 LES SYSTÈMES DE RÈGLEMENT DE TITRES

ont été comparées aux normes utilisateur de Les critères de l’Eurosystème ont fait l’objet
l'Eurosystème et il est apparu que la plupart d’une consolidation en 2017 puis ont été
de celle-ci sont couvertes par le règlement publiés sur le site de la BCE 19. Ils forment
CSDR. L’Eurosystème s’appuie donc très un corps de normes visant notamment à
largement sur le travail réalisé par les autorités s’assurer des éléments suivants :
compétentes des CSD et sur l’assurance de
la conformité aux exigences du règlement – les banques centrales peuvent réaliser
CSDR donnée par un agrément ; les quelques (céder) avec une grande certitude juridique
normes résiduelles (non couvertes par le les titres qui leur sont remis en triparty
règlement CSDR), ont traitées soit contractuel- repo, c’est-à-dire de ne pas voir leur
lement entre les banques centrales nationales droits de propriété remis en cause par
et les CSD auxquels elles recourent, soit de des obstacles d’ordre juridique ou opéra-
façon législative ou réglementaire dans chaque tionnel si elles sont amenées à en acquérir
juridiction. Elles permettent de s’assurer que la pleine propriété et / ou à les vendre en
les banques centrales nationales, en tant que cas de défaut d’une contrepartie ;
participants directs des CSD, ne courent aucun
risque juridique et disposent d’un accès rapide – la valeur globale de l’ensemble des titres
au collatéral, quelle que soit la situation (en remis en triparty repo ne peut pas diminuer
particulier, leurs droits de propriété sur les de façon incontrôlée, ce qui pourrait
titres leur ayant été remis en garantie doivent conduire à une sous-collatéralisation des
être clairs et non équivoques et ne doivent expositions d’une contrepartie vis-à-vis de
pas pouvoir être remis en cause par une sa banque centrale. Par exemple, en cas
mise en liquidation du CSD). Ces normes de paiement imminent de coupon d’une
résiduelles fixent également des règles de obligation (qui conduit à une diminution
fonctionnement opérationnel, notamment sur temporaire de la valorisation de cette obli-
les dates et heures d’ouverture du système. gation), des mécanismes de substitution
On pourra se référer à la Décision n° 2018-03 de collatéral sont prévus pour assurer la
du gouverneur de la Banque de France, publiée constance de la valeur des titres remis
le 16 avril 2018 18, pour plus de détails sur cette en collatéral ;
nouvelle approche allégée.
– les outils de triparty repo doivent permettre
4.3.2. Évaluations des agents tripartites la seule remise en garantie des titres
éligibles Eurosystème, dont la liste est
Les CSD offrant des services de gestion publiée quotidiennement sur le site de
tripartite du collatéral peuvent également la BCE ;
devenir éligibles aux opérations de l’Euro 18 h ttps://publications.
banque-france.fr/sites/
système en tant qu’« agent tripartite », – les agents tripartites, qui sont amenés default/files/medias/
lorsque leur modèle de triparty repo à avoir connaissance de la valorisation documents/2018_04_13_
decision_2018-03_trans-
(cf. chapitre 12, section 3) répond aux critères Eurosystème des titres éligibles au refinan- posant_bce-2018-3.pdf
Eurosystème. Les contreparties de politique cement, doivent assurer la confidentialité
19 h t t p s : / / w w w . e c b .
monétaire d’une banque centrale nationale de ces valorisations et ne pas les utiliser à europa.eu/pub/pdf/
de l’Eurosystème peuvent alors remettre à d’autres fins que la seule gestion de l’outil other/ecb.eurosystem_
standards_use_TPAs.
celle-ci des titres en garantie via ces services de triparty repo quand il est utilisé avec pdf?87d2fb572f048f-
de triparty repo. l’Eurosystème. 96f28a6f2929e35620

254 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


CHAPITRE 14

TARGET2-Securities (T2S)
Mis à jour le 17 décembre 2018
Chapitre 14 TARGET2-Securities (T2S)


T
2S, plateforme technique de « barrières ») à une circulation fluide des
règlement-livraison développée et titres financiers entre pays européens,
opérée par l’Eurosystème, apporte une tenant notamment aux règles fiscales,
contribution essentielle au processus d'inté- à des aspects juridiques, aux modalités
gration des marchés financiers européens. de gestion des opérations sur titres 3, à
Cette initiative de l’Eurosystème, lancée des aspects techniques ou organisation-
en 2008 et mise en production progressi- nels, etc. (cf. tableau en section 7 du
vement entre juin 2015 et septembre 2017, présent chapitre).
a d’ores et déjà permis d’harmoniser un
nombre important de caractéristiques du A ces « barrières » était associée l’exis-
1 En  anglais, Securities
règlement-livraison au sein de la zone euro tence d’une multiplicité d’infrastructures. Settlement System
(et dans les marchés non-euro ayant décidé Ce paysage du règlement-livraison européen – SSS. Un système
de rejoindre T2S) et apporte une solution en général et dans la zone euro en parti- de règlement de tires
permet de conserver
aux inconvénients de la fragmentation des culier, organisé par marché domestique, des titres et de les
marchés européens pour le règlement des fragmenté, et l’absence d’harmonisation transférer franco de paie-
ment ou contre paiement
titres. Elle s’est développée en parallèle des emportaient des coûts importants pour (cf. chapitre 13).
initiatives européennes d’ordre réglemen- l’ensemble des intervenants non domes-
2 Le  Comité européen
taire (en particulier le règlement européen tiques en général, y compris européens, des régulateurs de titres
CSDR) et politique (projet d’Union des qu’il s’agisse des prestataires de services (Committee of European
Securities Regulators -
marchés de capitaux – CMU – lancé par financiers ou des investisseurs. En dépit de CESR) était un comité
la Commission européenne en 2015), ces l’existence d’une monnaie unique, ces coûts e u r o p é e n i n d é p e n-
dernières ayant bénéficié du rôle de cataly- étaient tels qu’ils entravaient le développe- dant rassemblant les
régulateurs européens
seur joué par T2S pour l’harmonisation des ment de la circulation transfrontière des des marchés finan-
marchés financiers en Europe. titres au sein de l’Union Européenne et plus ciers créé en 2001 par
la Commission euro-
particulièrement en zone euro. C’est à ce péenne. Il a été remplacé
À fin 2018, 23 CSD européens avaient migré problème que T2S a apporté une réponse. le 1 er janvier 2011 par
à T2S, parmi lesquels certains CSD établis l'Autorité européenne
des marchés financiers
en dehors de la zone euro. Cette parti- - AEMF (en anglais
cipation élevée démontre les bénéfices 1. Le rôle moteur de European Securities
and Markets Authority
attendus de T2S en matière d’efficience l’Eurosystème et la - ESMA).
du règlement-livraison et d’harmonisation. gouvernance de T2S 3 On désigne par opéra-
Comme on l'a vu aux chapitres 12 et 13, T2S tions sur titres (OST ;
n’est pas considéré, au sens du règlement 1.1. Les principes de T2S en anglais Corporate
Actions) l'ensemble
européen CSDR, comme un système de des événements pouvant
règlement de titres 1 – dès lors que ce Si certains groupes, tels qu’Euroclear avec sur venir pendant la
durée de vie d’un titre.
dernier est défini comme la fonction de son système ESES avaient préalablement Certains interviennent à
règlement d’un CSD –, mais comme une mis en œuvre des projets internes de date fixe (paiement de
plateforme technique à laquelle les CSD développements de systèmes uniques coupons, rembourse-
ment), les autres sont
ayant décidé de participer à T2S externa- de règlement-livraison (cf. chapitre 13, exceptionnels (frac-
lisent leur activité de règlement-livraison. 2.2), il était difficilement envisageable de tionnement, OPA, etc.)
et généralement plus
faire porter aux CSD européens la respon- complexes.T2S a forte-
En 2001, sous l’impulsion de la BCE, du sabilité de convenir d’une infrastructure ment contribué, via
CESR 2, et de la Commission européenne, commune, du fait de divergences d’intérêt l’un de ses groupes
de travail permanents,
un groupe d’experts du secteur financier entre groupes mais aussi de l’existence de le Corporate Actions
a été constitué afin d’étudier le marché modèles concurrents et techniquement Sub-group, à l’harmo-
nisation des processus
européen de règlement de titres, qui appa- différents. C'est ainsi que – comme on l'a de traitement des OST
raissait très fragmenté. Ce groupe a publié vu au chapitre 13 – le système français (RGV sur flux, c’est-à-dire la
deux rapports, en novembre 2001 puis en puis ESES France) reposait sur le modèle gestion des transactions
comme par exemple les
avril 2003, usuellement appelés « rapports dit « intégré » dans lequel les comptes régularisations sur distri-
Giovannini » (du nom du président du espèces et titres sont gérés sur une même bution (market claims) et
les régularisations sur
groupe, M. Alberto Giovannini). Ces rapports plateforme (la gestion technique des réorganisation (transfor-
ont mis en évidence divers obstacles (ou comptes espèces en monnaie de banque mations).

256 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2-Securities (T2S) Chapitre 14


Encadré n° 1 : Principes généraux de TARGET2-Securities

Principe 1 : L'Eurosystème prend la responsabilité Principe 2 :T2S doit être fondé sur la plateforme
de développer et d'exploiterT2S en en assumant TARGET2 et fournira donc le même niveau
la pleine propriété. de disponibilité, de résilience, de temps de
rétablissement et de sécurité que TARGET2.

Principe 3 : T2S ne doit pas impliquer la mise Principe 4 : Les comptes titres des utilisateurs
en place et l'exploitation d'un CSD, mais ne respectifs des CSD demeurent légalement
constituera qu’une plateforme technique pour attribués à chaque CSD.
fournir des services de règlement aux CSD.

Principe 5 : Le service de règlement T2S Principe 6 : Les soldes des comptes titres ne
permettra aux CSD d'offrir à leurs participants doivent être modifiés que dans T2S.
au moins le même niveau de fonctionnalité de
règlement de manière harmonisée.

Principe 7 : T2S doit exiger que les CSD Principe 8 : T2S effectue le règlement
participants soient désignés en vertu de la exclusivement en monnaie de banque centrale.
directive Finalité (Settlement Finality Directive)
dans leur juridiction respective.

Principe 9 : L'objectif principal de T2S sera le Principe 10 :T2S doit être techniquement capable
service de règlement en euros. de régler des devises autres que l'euro.

Principe 11 : T2S permet aux utilisateurs Principe 12 : La participation des CSD à T2S ne
d'avoir une connectivité directe à sa plateforme. sera pas obligatoire.

Principe 13 : Tous les CSD effectuant du Principe 14 : Tous les CSD connectés à T2S
règlement-livraison en monnaie de banque doivent avoir des conditions d'accès égales.
centrale en euro sont éligibles pour participer
à T2S.

Principe 15 : Tous les CSD qui se connectent à Principe 16 : Tous les CSD connectés à T2S
T2S doivent le faire dans le cadre d'un accord doivent avoir un calendrier unique de jours
contractuel harmonisé. d'ouverture et d’horaires d'ouverture et de
fermeture pour le règlement.

Principe 17 : Les règles et procédures de Principe 18 : T2S doit opérer sur la base d’un
règlement T2S doivent être communes à tous recouvrement intégral des coûts et est à but
les CSD participants. non lucratif.

Principe 19 : Les services T2S doivent être Principe 20 : T2S soutient les CSD participants
compatibles avec les principes du Code de dans le respect des exigences de surveillance
conduite européen en matière de compensation et de supervision.
et de règlement (European Code of Conduct for
Clearing and Settlement).

Source BCE

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 257


Chapitre 14 TARGET2-Securities (T2S)


centrale étant déléguée par la banque la jambe espèces des opérations traitées
centrale au CSD) ; alors que le système par les CSD participants s’effectue dans les
allemand reposait pour sa part sur le modèle livres d’une banque centrale.
dit « interfacé », dans lequel les comptes
espèces et les comptes titres sont gérés 1.2. La gouvernance de T2S
sur deux plateformes distinctes.
La gouvernance de T2S s’appuie sur les
L’Eurosystème a donc adopté une démarche acteurs directement parties prenantes à
volontariste de création d’une plateforme de la plateforme :
règlement-livraison commune, afin de contri-
buer à l’objectif d’une meilleure intégration • la Banque centrale européenne (BCE),
des marchés européens. À l’issue d’une en tant que gestionnaire du projet et
phase de consultation auprès du marché, opérateur de T2S ;
puis d’une phase de définition des besoins
des utilisateurs (user requirements) qui se • les CSD nationaux, en tant que gestion-
sont déroulées successivement entre 2006 naires des comptes-titres, désignés
et 2008, le Conseil des Gouverneurs de la comme « participants » à T2S ;
BCE a décidé en juillet 2008 que l’Euro-
système mettrait en place une plateforme • les banques centrales nationales
technique de règlement-livraison, en (BCN), en tant que gestionnaires des
confiant les développements informatiques comptes-espèces, également désignées
ainsi que l’exploitation technique de la plate- comme « participantes » à T2S.
forme à quatre banques centrales nationales
(Deutsche Bundesbank, Banco de España, Au-delà de ces acteurs directs, les « utilisa-
Banque de France et Banca d'Italia, dites teurs » de T2S, c’est-à-dire les participants
les « 4CB »). des CSD  5 – essentiellement des banques
et entreprises d’investissement –, sont
La mise en œuvre de T2S s’appuie sur également associés à la gouvernance
vingt principes (General principles of de T2S. Ce sont en effet ces acteurs de
TARGET2-Securities : voir encadré n° 1) marché, en particulier les teneurs de
qui ont été approuvés par le Conseil des compte-conservateurs (TCC, désignés
Gouverneurs de la BCE et qui constituent par le terme custodians dans le monde
les fondements de l’architecture T2S et de la anglo-saxon), qui sont le mieux à même
répartition des rôles des différents acteurs. d’évaluer dans quelle mesure T2S permet de
Ces principes soulignent notamment répondre aux attentes des émetteurs et des
(cf. principe 3) que l’Eurosystème n’a pas investisseurs, et à leurs propres attentes en
vocation à se substituer aux CSD, mais à termes d’accès plus fluide aux différents
leur offrir une solution technique unifiée marchés européens. Ils sont représentés
de règlement-livraison (les deux autres notamment au niveau de chaque marché
services de base des CSD, fonction notariale dans les groupes nationaux d’utilisateurs
et service de tenue centralisée de compte, (cf. infra). Pour autant, les participants des
ne sont pas externalisés à T2S, pas plus que CSD, « utilisateurs » de T2S, n’ont aucune
leurs services dits accessoires. On pourra relation contractuelle directe avec T2S : ils
se reporter au chapitre 12 dans lequel ces maintiennent leurs relations commerciales
fonctions sont décrites). Par ailleurs, la parti- et contractuelles d’une part avec les CSD
cipation à T2S ne revêt pas un caractère pour leurs comptes-titres, et d’autre part
obligatoire, elle est laissée au libre choix avec les BCN pour leurs comptes espèces.
de chaque CSD.
La gouvernance repose sur un double
Une des caractéristiques majeures de T2S accord, d’une part entre l’Eurosystème et 4 En anglais, Central Bank
est son fonctionnement dit « en monnaie les CSD (le T2S Framework Agreement), Money.

de banque centrale 4 » : le règlement de et d’autre part entre l’Eurosystème et les 5 cf. chapitres 12 et 13

258 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2-Securities (T2S) Chapitre 14


banques centrales hors zone euro ayant pris des gouverneurs. Le MIB élabore des propo-
la décision de rendre leur devise éligible sitions pour le Conseil des gouverneurs
au règlement des transactions dans T2S sur les questions stratégiques relatives
dans le Currency Participation Agreement 6 à T2S et assure la gestion des relations 6 Accord cadre préci-
(auquel adhère, pour l'instant, la banque avec l’ensemble des acteurs. Le MIB est sant les responsabilités
de l’Eurosystème et
centrale du Danemark). Cette structure composé de membres de l’Eurosystème, des banques centrales
de gouvernance a pour objectif d’assurer de membres des BCN non-euro participant hors zone euro partici-
pant à T2S. La gestion
que toutes les parties prenantes à T2S à T2S, et d’experts indépendants (non-BCN). des comptes espèces
(BCE, banques centrales nationales, CSD, de la banque centrale
et leurs utilisateurs) soient associées aux Le CSD Steering Group (CSG), regroupant non-euro reste sous
son contrôle.
choix fonctionnels et stratégiques de les CSD (et présidé par l’un d’entre eux),
7 Le MIB s'inscrit dans
T2S. Enfin, la plateforme T2S est détenue est responsable de la coordination des une vision stratégique
par l’Eurosystème. CSD participant à T2S avec l’Eurosystème. élargie de la gestion des
Afin d’améliorer cette coordination le CSG opérations et des évolu-
tions des services des
Le Conseil des gouverneurs est responsable comprend également, en tant qu’obser- plateformes techniques
de la définition des grandes orientations de vateurs, des représentants du MIB et des comme TARGET2 et
T2S, et les nouveaux
T2S ainsi que de son contrôle, en raison de participants des CSD. projets d’infrastructures
l’importance du projet pour l’Eurosystème de marché comme
et pour l’intégration européenne en général. L’Advisory Group on Market Infrastructures TARGET Instant Payment
Settlement ser vice
for Securities and Collateral (AMI-SeCo) (TIPS) et la consolida-
Le fonctionnement de T2S est de la respon- conseille l’Eurosystème sur les questions tion de TARGET 2 et
T2S (Target Services).
sabilité du Market Infrastructure Board 7 dont relatives à T2S pour garantir que T2S fonc- Pour plus de détails, voir
les membres sont nommés par le Conseil tionne selon les besoins du marché. À cette chapitre 7, section 6.

Encadré n° 2 : La gouvernance de T2S


decision-making
Central bank

Non-euro
central bank’ Governors’ ECB decision
bodies

governors/ Forum making bodies


boards

Non-euro Market
Steering

Infrastructure
bodies

Currencies CSD Steering


level

Steering Group Board Group (CSG)


(NECSG)

T2S
matters
advisory
Market

National user National user


bodies

National stakeholders National stakeholders


Group (NUG) group (NSG) group (NSG) Group (NUG)
Pay Ami-Pay Ami-SeCo SeCo
Technical
Groups

T2S Operations T2S Project T2S Change


Working Group Managers Group Managers Group Review Group
on TARGET2 (OMG) (PMG) (CRG)

Reporting
Remontée de l’information
Groupes techniques

Source : BCE

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 259


Chapitre 14 TARGET2-Securities (T2S)


fin, le groupe est composé d’une cinquan- (en euros) de plusieurs BCN au sein d’une
taine de représentants de l’ensemble des plateforme technique unique permet que
parties prenantes (CSD, BCE et banques les transactions transfrontières et natio-
centrales nationales) et des utilisateurs nales soient traitées selon des processus
(infrastructures de marché, banques), opérationnels identiques et au même coût.
ainsi que d’observateurs (Commission Ainsi, en théorie, les banques participantes
Européenne et ESMA notamment). des CSD utilisant T2S pourraient n’utiliser
Par ailleurs, et compte tenu de l’impor- qu’un seul compte euro et (éventuellement)
tance de l’harmonisation pour le succès du n’avoir qu’une connexion avec un seul CSD.
projet T2S, l’ AMI-SeCo a dès l’origine mis Ce cadre opérationnel traduit le caractère
en place une structure dédiée en charge essentiel de la dimension transfrontière
d’étudier les questions relatives à l’har- de T2S.
monisation et de faire des propositions de
standards : l’Harmonisation Steering Group 2.1. Le « modèle intégré »
(voir infra).
T2S fonctionne en modèle dit « intégré » :
Les groupes d’utilisateurs nationaux les comptes espèces dédiés au
(National Stakeholders Groups SeCo) sont règlement-livraison des transactions traitées
les relais entre l’AMI-SeCo et les différents par T2S et les comptes titres sont situés
marchés nationaux. Ils permettent de sur une même plateforme technique,
recueillir l’opinion des utilisateurs de T2S permettant un règlement-livraison en
au sein de chaque communauté nationale temps réel (cf. chapitre 13 pour plus de
sur les évolutions envisagées pour T2S dans détails). Les CSD externalisent la livraison
la mesure où seuls quelques participants de la jambe titres à la plateforme T2S tandis
de chaque communauté nationale sont que le règlement de la jambe espèces
membres de l’AMI-SeCo. s’effectue à partir des comptes espèces
dédiés (voir section 2.2 du présent chapitre)
Par ailleurs des groupes techniques gérés par la plateforme T2S. Ainsi le
composés d’experts dans les domaines règlement-livraison DVP se réalise d’une
ad hoc permettent de traiter, notamment, façon efficace, sécurisée et rapide. Il s’agit
les questions relatives à la gestion des d’une organisation proche de celle qui était
évolutions de T2S et à la gestion des procé- mise en œuvre dans le système ESES
dures opérationnelles. d'Euroclear, où la gestion des comptes
espèces était externalisée par les banques
centrales au CSD. Toutefois, dans l’envi-
2. Le fonctionnement de T2S ronnement T2S, c’est à l’inverse la gestion
des comptes titres qui est externalisée
T2S est une plateforme de par les CSD à T2S. En se fondant sur ce
règlement-livraison de titres en monnaie modèle, T2S procède au dénouement (ou
de banque centrale, dont la devise princi- au règlement-livraison) de la transaction.
pale de règlement est l’euro, tout en étant
multi­devises et offrant donc la possibilité de 2.2. Le règlement en monnaie banque
faire du règlement dans d’autres devises si centrale : les comptes espèces
une banque centrale hors de la zone euro dédiés (DCA)
souhaite se connecter à T2S. C’est le cas
depuis d’octobre 2018, date à laquelle la Les comptes espèces dédiés (dedicated
couronne danoise a rejoint T2S. La plate- cash accounts ou DCA) gérés par la plate-
forme présente un fonctionnement original forme T2S interagissent avec les comptes
par rapport aux SSS habituels des CSD, de espèces ouverts par les participants dans la
par son caractère intégré et international. plateforme TARGET2 ou dans les systèmes
En effet, la localisation des comptes titres RTGS gérés par les banques centrales hors
de plusieurs CSD et des comptes espèces zone euro. Les DCA peuvent être alimentés

260 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2-Securities (T2S) Chapitre 14


Encadré n° 3 : Structure des comptes titres et espèces sur T2S

DCP DCP

VALIDATION ET APPARIEMENT TARGET2


MONNAIE
MONNAIE CENTRALE
TITRES
CENTRALE

CSD A COMPTES BCN A BCN A


COMPTES CSD A COMPTES BCN A

Participants OPTIMISATION Participants


du
RÈGLEMENT

CSD B BCN B
COMPTES BCN B
COMPTES CSD B RÈGLEMENT COMPTES BCN B
et
RÉAJUSTEMENT
MONNAIE
CSD C CENTRALE BCN C
COMPTES BCN C
COMPTES CSD C COMPTES BCN C

Autres RTGS
TARGET2-SECURITIES

Source BCE

chaque jour à l’initiative des participants, 2.3. La centralisation de la liquidité


soit par des transferts de liquidité auto-
matiques et récurrents (standing orders) Afin de satisfaire aux besoins de flexibilité
soit par des transferts ponctuels (current des différents acteurs de marché recourant
orders). La liquidité résiduelle figurant sur le à T2S, et pour s’adapter aux différents
compte espèces dédié est rapatriée auto- marchés, T2S propose différentes options
matiquement par T2S en fin de journée en matière d’organisation de la gestion
vers les comptes espèce dans TARGET2, espèces. Ainsi, T2S offre la possibilité de
avant le changement de journée comptable. centraliser la liquidité au sein d’un seul
Ce même mécanisme s’applique à la compte espèces, et d’utiliser ce compte
couronne danoise et aux éventuelles autres espèces pour l’ensemble de l’activité de
devises que l’euro qui pourraient devenir règlement-livraison chez tous les CSD
éligibles au règlement-livraison dans T2S. utilisant T2S, et ce sans différence de
Pour mémoire, le recours à la monnaie de traitement d’un CSD à un autre ou d’une
banque centrale fait partie des principes dits banque centrale à l’autre, grâce au moteur
PFMI (voir chapitre 17), comme élément de règlement-livraison commun.
essentiel à la stabilité financière, à laquelle
T2S contribue directement. De manière analogue, la centralisation
des titres est possible auprès d’un CSD,
Dans le cadre du projet de consolidation de tout en utilisant un ou plusieurs comptes
TARGET2 et T2S (voir chapitre 7, section 6), espèces, même ouverts au sein de plusieurs
le fonctionnement des DCA va être amélioré. banques centrales. Cette centralisation dans
En particulier, si la communauté T2S valide des conditions opérationnelles fluides est
cette orientation, il ne sera plus nécessaire néanmoins subordonnée à la mise en place
de systématiquement transférer en fin de de liens opérationnels entre CSD. En outre,
journée la liquidité présente sur les DCA ce type de centralisation reste plus difficile à
vers les comptes espèces dans TARGET2. mettre en œuvre du fait de l’harmonisation

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 261


Chapitre 14 TARGET2-Securities (T2S)


incomplète des marchés de titres européens, vente d’autres titres. Ce type d’optimisation
notamment en matière d’opérations sur est effectué pour toutes les instructions en
titres (voir section 7 du présent chapitre). attente de dénouement. Il s’appuie également
dans certains cas sur un séquencement des
2.4. Le processus de dénouement instructions pour gérer une liste d’attente
d’instructions éligibles au règlement, prenant
Le moteur de règlement-livraison de T2S en compte les différents niveaux de priorité
opère le dénouement en règlement brut « en des instructions. Enfin, il peut appliquer un
temps réel » (au fil de l’eau) avec minimisation règlement complet si les titres et les espèces
des besoins de liquidité, en s’appuyant d’abord sont en provision suffisante, ou partiel en cas
sur des algorithmes sophistiqués de dénoue- de défaut partiel de titres ou d’espèces et
ment. Les algorithmes permettent de détecter sous condition d’accord des parties.
des chaînes complexes de transactions impli-
quant différentes contreparties et pouvant être Ces modules de dénouement de T2S sont
dénouées de façon simultanée, minimisant le complétés par des fonctionnalités sophisti-
risque de goulets d’étranglement, de retards quées d’optimisation du règlement-livraison
de dénouement et de suspens. T2S opère et de la liquidité consommée, afin de
également du « technical netting », à savoir le parvenir à la plus grande efficacité et sécurité
calcul de positions nettes qui permettent possibles dans le règlement-livraison tout
par exemple à un participant d’acheter des en ne générant pas de besoins en liquidité
titres en utilisant de la liquidité obtenue par la excessifs pour les participants.

Encadré n° 4 : La recherche opérationnelle au service des infrastructures de marché

Sur T2S, les deux périodes de règlement-livraison, le jour et la nuit, n’ont pas le même mode de fonc-
tionnement. En phase de jour, entre 5h et 18h, les transactions sont réglées au fur et à mesure de leur
arrivée dans le système. Lors de la période de nuit, de 19h30 à 3h, les transactions sont traitées par
lots. C’est d’ailleurs lors de cette phase de nuit que la majeure partie, en nombre, des transactions
sont traitées.

Pour traiter les lots de transactions présentées de nuit, la conception du moteur de règlement de T2S
s’est largement appuyée sur des travaux inspirés de la recherche opérationnelle et a débouché sur le
développement d’un véritable module d’optimisation mathématique qui sélectionne les transactions
pouvant faire l’objet d’un règlement. Pour être réglée, une transaction doit bien entendu faire l’objet
d’une provision et peut être soumise à des règles fonctionnelles complexes comme l’auto-collatéra-
lisation ou le règlement partiel. Enfin, la sélection s’effectue en optimisant deux critères : le volume,
soit le nombre de transactions réglées, et la valeur, soit la somme des montants réglés.

Le traitement de ces règles fonctionnelles complexes s’appuie sur les techniques de la recherche opération-
nelle, qui permet de les prendre en compte pour déterminer le plus grand ensemble de transactions valides.

La transcription des données issues des règles fonctionnelles sous forme d’équations induit un nombre
d’équations et de variables à peu près égal au nombre de transactions. Appliqué à T2S, le résultat est
donc un système de plusieurs millions d’équations pour autant de variables. La volumétrie, extrême-
ment élevée, à traiter en un temps très court (moins d’une heure) augmente de surcroît la difficulté,
de même que le fait qu’à l’issue des traitements, un résultat « entier » est attendu (une transaction
est soit réglée soit rejetée, aucun état intermédiaire n’est possible).

.../...

262 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2-Securities (T2S) Chapitre 14


Le système d’équations ainsi obtenu est ensuite résolu grâce à un logiciel mathématique dédié. Les
propriétés de l’algorithme employé assurent une optimisation globale. En outre, il est possible de connaître
en cours d’exécution l’écart entre le règlement courant et le règlement « optimal ». Enfin, ce logiciel
est capable de fournir une solution intermédiaire valide en cas d’interruption brutale ou de délai limité.

La modélisation mathématique retenue évite les écueils et biais possibles d’un algorithme « classique »,
de type GROSS (règlement brut), qui s’exécute selon un ordre prédéfini et pour lequel toutes les
interdépendances entre les règles doivent être prévues et couvertes lors du développement. Enfin,
la maintenance est simplifiée : un changement de règle fonctionnelle impose uniquement une modi-
fication dans le système et non la reconception du traitement dans son ensemble.

Une fois la phase de modélisation effectuée, les résultats ont rapidement été meilleurs que ceux
obtenus auparavant par des algorithmes « classiques » de type GROSS. Ce travail a été poursuivi
afin de perfectionner les premières expérimentations. Plusieurs méthodes de résolution ont donc été
développées pour s’assurer de la pertinence et de la qualité des résultats produits.

2.5. Les  fonctionnalités d’optimisation un instant t, le règlement-livraison sera


du règlement-livraison et de la effectué par T2S sur la quantité de titres
liquidité consommée disponibles, et la quantité résiduelle sera
dénouée ultérieurement.
T2S a pour objectif d’atteindre le plus haut
niveau d’efficacité de dénouement possible, T2S offre en outre la possibilité de recourir
en minimisant la consommation de liquidité, à l’auto-collatéralisation, inspiré de la
en réduisant les suspens titres et espèces, gestion de la liquidité qui prévalait dans les
en organisant au mieux les ressources, et systèmes de règlement-livraison français.
en recyclant les instructions pour accroître Ce mécanisme permet aux banques titu-
les possibilités de dénouement. Mi-2018, laires d’un DCA, appelées banques de
le taux de dénouement se situait aux paiement, d’obtenir de la liquidité auprès
environs de 98 %, en valeur comme en d’une banque centrale, en échange de titres
volume (tous CSD participants confondus), éligibles aux opérations de refinancement
ce qui est en ligne avec les objectifs initia- de la banque centrale nationale concernée
lement fixés à T2S en termes d’efficacité (banque centrale nationale de l'Eurosys-
du règlement-livraison. Il s’est amélioré au tème ou banque centrale du Danemark, en
fil des premiers mois d’utilisation effective, fonction de la monnaie de règlement). C’est
et l’Eurosystème comme les CSD et leurs « l’auto-collatéralisation banque centrale »,
participants veillent à l’améliorer encore, qui permet la fourniture automatique de
que ce soit par des modifications tech- liquidité par octroi par la BCN d’un crédit intra
niques ou par l’adaptation des pratiques à journalier, garanti par du collatéral éligible.
ce nouvel outil. Les participants des CSD en environnement
T2S peuvent ainsi bénéficier de liquidité dans
L’efficacité du dénouement et la minimisa- le courant de la journée, ce qui permet de
tion des besoins de liquidité sont de surcroît dénouer plus facilement les transactions et,
améliorées par le recours à d’autres fonc- partant, d’améliorer le taux de dénouement. 8 Le nombre des fenêtres
tionnalités d’optimisation : le règlement de règlement partiel a
partiel et l’auto-collatéralisation. T2S prévoit Cette auto-collatéralisation s’appuie sur : été augmenté depuis la
mise en production de la
la possibilité de recourir au règlement plateforme en juin 2015
partiel durant certaines fenêtres de temps • des titres appartenant d’ores et déjà et s’élève désormais
à 5. Celles-ci ont lieu
pendant la journée 8 : par exemple, si au participant, on parle alors d’auto- à 8h, 10h, 12h, 14h et
les titres sont en quantité insuffisante à collatéralisation sur stock ; 14h15 durant 15mn.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 263


Chapitre 14 TARGET2-Securities (T2S)


• les titres qui font l’objet de la transaction, même montant d’espèces de l’autre). Lorsque
on parle alors d’auto-collatéralisation la date à laquelle le règlement doit avoir lieu
sur flux. est atteinte, la plateforme T2S s’assure que
les comptes titres et les comptes espèces
Ce mécanisme essentiel à l’optimisation dédiés dans T2S sont suffisamment appro-
de la liquidité repose en particulier sur le visionnés pour que la transaction puisse
recours au règlement en monnaie de banque être réglée. Si c’est le cas, T2S effectue le
centrale, cette dernière étant à même d’oc- règlement-livraison de ladite transaction.
troyer du crédit intra-journalier aux banques
de paiement, de façon efficace et sécurisée. 2.7. La journée opérationnelle

Cette possibilité d’une gestion optimisée a Une journée opérationnelle T2S (J)


été étendue par les banques de paiement commence en J-1 à 18h45. Elle se termine
à leurs propres clients. On parle alors de à 18h45 en J. Elle comprend notamment
« collatéralisation client », rendue possible des phases de fin et de début de journée.
par les fonctionnalités de T2S.
Le processus de fin de journée (end of day), de
2.6. Le traitement d’une transaction 18h à 18h45, clôture le règlement-livraison de
par T2S la journée, permet de préparer le recyclage (à
la journée de règlement suivante) des instruc-
Les participants des CSD ont la possibilité tions présentes dans le système mais non
de recourir à T2S soit via leur CSD, c’est une encore dénouées à la fin de la journée qui s’est
connexion indirecte à T2S, soit directement, achevée avec le « cut-off » de 18h et permet
pour ceux qui ont choisi le statut de directly la purge de certaines instructions, notamment
connected participants (DCP). celles qui n’ont pas pu être appariées dans les
20 jours suivant leur entrée dans le système.
Pour les participants connectés indirectement Il prépare également les rapports et relevés de
à T2S, il n’y a pas de changement par rapport à comptes de fin de journée. Une fois achevées
la situation antérieure à T2S puisqu’ils peuvent les opérations de préparation de la journée
continuer à n’avoir de relation qu’avec leur suivante, le processus de début de journée
CSD, qui redirige leurs transactions vers T2S (start of day) peut alors commencer. Il se
pour règlement-livraison. Quant aux DCP, déroule de 18h45 à 20h et permet de modifier
ils font parvenir directement leurs ordres la date, de revalider les instructions en attente
de paiement et de transfert de titres à T2S. de dénouement, d’effectuer la mise à jour de
Les DCP sont des utilisateurs T2S qui ont été certaines données référentielles et la prépa-
certifiés par l’Eurosystème et autorisés par ration du cycle de nuit.
un CSD ou une BCN à se relier technique-
ment directement à T2S pour en utiliser les 2.8. Le  règlement-livraison
services, sans avoir besoin de recourir à l’in- transfrontière
terface technique d’un CSD et/ou d’une BCN.
Il ne s’agit toutefois que d’une connexion Comme indiqué précédemment, T2S
technique : les comptes espèces et titres des rend le règlement-livraison transfrontière
DCP continuent à être tenus chez, respec- identique, en termes de coûts, risque et
tivement, leur banque centrale et leur CSD. processus technique, au règlement-livraison
dit « domestique », puisqu’il localise les
Si les instructions n’ont pas été appariées comptes titres de plusieurs CSD et les
(matched) par le CSD utilisateur de T2S, T2S comptes espèces (en euros) de plusieurs
effectue cet appariement (matching) de l’ins- BCN au sein d’une plateforme technique
truction avec l’instruction correspondante unique. Il permet d’intégrer fortement le
reçue de la contrepartie du participant (achat règlement-livraison de titres au sein de
de titres contre paiement des espèces d’un l’Union européenne. En effet, avant T2S,
côté ; vente des mêmes titres et réception du un participant était obligé de recourir à

264 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2-Securities (T2S) Chapitre 14


Architecture du règlement-livraison Architecture du règlement-livraison


entre dépositaires sans T2S entre dépositaires avec T2S

Participant

Participant CSD
CSD

Dépositaire

Participant
Participant
Dépositaire
CSD CSD CSD CSD

CSD
CSD CSD CSD CSD CSD
CSD

Participant

plusieurs CSD, eux‑mêmes possiblement à T2S aussi bien en Europe qu’avec des
liés à d’autres CSD, pour accéder aux diffé- CSD d’autres continents, mais ces liens
rents marchés, ou bien de passer par un n’étaient que très peu utilisés, quasi exclu-
intermédiaire (dépositaire ou custodian) qui sivement pour les échanges FOP 10 mais
offrait l’accès à chaque marché. très peu pour les échanges DvP en monnaie
centrale. T2S facilite grandement la mise
A l’inverse, T2S se présente donc comme en place de liens entre CSD qui y parti-
un hub au centre du processus du cipent, et notamment des liens DvP grâce
règlement-livraison en euro  9, auquel sont reliés à l’harmonisation technique et opération-
les CSD et qui permet un règlement-livraison nelle qu’il induit entre ces CSD. La mise
transfrontière aussi efficace que le en place de liens entre CSD participant
règlement-livraison domestique. à T2S devrait ainsi s’intensifier au cours
des prochaines années. La plateforme T2S
La circulation transfrontière des titres dans permet donc, toutes choses égales par
T2S repose essentiellement sur l’établis- ailleurs, une meilleure circulation transfron-
sement de liens entre les CSD, qui sont tière des titres (notamment du collatéral), et
techniquement mis en œuvre sur la plate- participe directement à l’objectif de pallier
forme T2S (comptes ouverts par un CSD la fragmentation des marchés.
investisseur dans les livres d’un CSD émetteur
pour refléter les avoirs de ses participants Toutefois, à ce stade, tous les CSD n’offrent
pour un titre donné). L’ouverture des liens pas la fonction de CSD investisseur (en
reste de la seule responsabilité des CSD, à qui mettant en place des liens avec d’autres
il revient d’évaluer leur opportunité en termes CSD) car cette fonction suppose de fournir
d’activité, et de les mettre juridiquement en aux participants d’un tel CSD investisseur
place entre eux (cf. infra et chapitre 12). non seulement les services de R/L, ce que
T2S facilite grandement, mais aussi tout
9 Ou en tout autre devise
En effet, un des moyens pour des investis- l’asset servicing (tout ce qui relève de la pour laquelle la banque
seurs établis dans un marché pour accéder vie des titres détenus, comme le traitement centrale d’émission aurait
décidé de rejoindre T2S
aux titres émis sur d’autres marchés est de des OST, la gestion de la fiscalité des titres,
recourir aux liens entre son CSD « domes- etc…) qui accompagne l’accès aux titres 10 En  anglais, Free of
Payment. En français,
tique » (dit CSD « investisseur ») et des CSD émis via un autre CSD, ce qui est beaucoup livraison franco de paie-
« émetteurs ». Cette possibilité préexistait plus complexe et coûteux. ment (voir chapitre 13).

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 265


Chapitre 14 TARGET2-Securities (T2S)


Encadré n° 5 : Les liens entre CSD

Un lien entre systèmes de règlement des titres est un ensemble d'arrangements techniques et juri-
diques pour le transfert de titres entre systèmes. Un lien direct est un compte ouvert par un CSD,
appelé CSD investisseur, dans les livres d'un autre CSD, appelé CSD émetteur, afin de faciliter le
transfert de titres entre les participants de ces CSD. Les liens peuvent aussi être relayés, c’est-à-dire
impliquant un CSD intermédiaire.

L’Eurosystème évalue périodiquement les liens entre CSD afin de déterminer s’ils peuvent être utilisés
par ses contreparties. Au 22 novembre 2018, on dénombrait 62 liens éligibles directs et 26 liens
relayés éligibles.

Luxembourg
Allemagne
Danemark

Slovaquie
Pays-Bas
Belgique

Slovénie
Espagne

Finlande
Autriche
Portugal
Lituanie
France
Grèce

Malte
Italie
CSD émetteur

Clearstream Banking AG (CBF)

Clearstream Banking S.A.

Nombre de liens relayés


Nombre de liens directs
par CSD investisseur

par CSD investisseur


Euroclear Nederland
VP Securities A/S

Euroclear France
CBF-CREATION

Iberclear-ARCO
Euroclear Bank

Euroclear Finland
OeKB CSD GmbH
Monte Titoli
CBF-system
NBB-SSS

MaltaClear
Interbolsa
LuxCSD
BOGS

CSDL

CDCP
KDD
CSD investisseur
Belgique Euroclear Bank DD DD DD DD DDDDD 13 0
NBB-SSS
Danemark VP Securities A/S
Allemagne Clearstream Banking AG (CBF)
CBF-CREATION R R R R R R D R R R R R R 1 12
CBF-system DD DDD DD DDD R 10 1
Grèce BOGS D 1 0
Espagne Iberclear-ARCO D DD DD 5 0
France Euroclear France DD D R D D R 5 2
Italie Monte Titoli DD DDDD D DD 9 0
Lituanie CSDL D 1 0
Luxembourg Clearstream Banking S.A. D R D DD R R D R R RDDD 8 6
LuxCSD R D R R R R 1 5
Portugal Interbolsa D D 2 0
Malte MaltaClear D 1 0
Pays-Bas Euroclear Nederland D 1 0
Autriche OeKB CSD GmbH D DD D 4 0
Slovénie KDD
Slovaquie CDCP 62 26
Finlande Euroclear Finland

Nombre de liens directs par CSD émetteur 4 4 3 0 0 9 3 3 6 5 0 5 3 0 1 6 4 2 2 2 62


Nombre de liens rélayés par CSD émetteur 0 3 1 0 0 1 2 0 3 3 0 0 1 0 1 3 4 1 1 2 26
Source BCE (https://www.ecb.europa.eu/paym/coll/coll/ssslinks/html/index.en.html), Banque de France

266 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2-Securities (T2S) Chapitre 14


2.9. La finalité des règlements dans T2S ces comptes titres sont des données enre-
gistrées dans T2S, et accessibles aux CSD et
La directive Finalité (Settlement Finality à leurs utilisateurs en temps réel, pour enre-
Directive ou SFD) organise la protection des gistrement dans leurs propres systèmes.
instructions entrées dans un système notifié en
cas de défaillance (ouverture d’une procédure Le CSD français Euroclear France a migré
de redressement ou de liquidation judiciaire) à T2S en septembre 2016, conjointement
d’un participant (pour plus de détails sur la SFD, avec les CSD des Pays-Bas et de Belgique
se référer au chapitre 5, section 3.3). Toutes (appartenant au groupe Euroclear), qui
les parties prenantes à T2S, CSD et banques partageaient la même plateforme de
centrales, se sont accordées sur des règles règlement-livraison ESES.
communes en la matière :
Encadré n° 6 : Pays dont un CSD participe
• une instruction est considérée comme ou s’est engagé à participer à T2S
entrée dans le système (moment
« SF1 ») lors de sa validation dans T2S ;

• une instruction devient irrévocable


(moment « SF2 ») lors de son appa-
riement (matching) dans T2S (elle ne
peut plus être modifiée ou supprimée
unilatéralement par l’une des deux
contreparties mais peut l’être par accord
bilatéral de ces dernières) ;

• T2S en assure ensuite le règlement


(moment « SF3 ») (cf. chapitre 13, note 4).

Ces règles communes apportent une sécurité


juridique accrue, en particulier pour les opéra-
tions transfrontières. Chaque CSD a adapté sa
documentation contractuelle en conséquence
au moment de sa migration à T2S.

3. Les CSD et banques centrales


ayant décidé de participer
à T2S

Aux côtés des banques centrales de


l’Eurosystème et de la Danmarks
Allemagne : Clearstream Banking A.G. ; Autriche : Oesterreichische
Nationalbank (la Banque centrale du Kontrollbank Aktiengesellschaft ; Belgique : Euroclear Belgium ESES ; Belgique : National
Danemark), 21 CSD européens nationaux Bank of Belgium Securities Settlement System (NBB-SSS) – (titres d’Etat) ; Danemark :
se sont engagés à utiliser T2S à compter de VP Securities A/S ; Espagne : Iberclear - BME Group ; Estonie : Eesti Väärtpaberikeskus ;
Finlande : Euroclear Finland Oy ; France : Euroclear France ESES ; Grèce : Bank of
son démarrage. Ils ont signé, dès juillet 2012, Greece Securities Settlement System (BOGS) ; Hongrie : Központi Elszámolóház és
un accord cadre, le T2S Framework Értéktár Zrt. – KELER ; Italie : Monte Titoli S.p.A. ; Lettonie : Latvijas Centralāis depo-
zitārijs ; Lituanie : Lietuvos centrinis vertybinių popierių depozitoriumas ; Luxembourg :
Agreement, précisant les responsabilités LuxCSD SA ; Luxembourg : VP Lux Sàrl ; Malte : Malta Stock Exchange ; Pays-Bas :
de l’Eurosystème et des CSD participant à Euroclear Netherland ESES ; Portugal : Interbolsa – Sociedade Gestora de Sistemas de
Liquidação e de Sistemas Centralizados de Valores Mobiliários, S.A. ; Roumanie : Depozitarul
T2S et en particulier le fait que chaque CSD Central S.A. ; Slovaquie : Centrálny depozitár cenných papierov SR, a.s. ; Slovénie : KDD
demeure responsable, selon les lois de sa – Centralna klirinško depotna družba, d.d. ; Suisse : SIX SIS LtdVP LUX S.à.r.l.
propre juridiction, de la gestion dans T2S des Source : BCE
comptes titres de ses clients. Les soldes de https://www.ecb.europa.eu/paym/t2s/stakeholders/csd/html/index.en.html

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 267


Chapitre 14 TARGET2-Securities (T2S)


Quelques CSD de la zone euro n’utilisent 4. La mise en production


pas les services de T2S, pour différentes progressive de T2S
raisons. On peut citer en particulier le cas
des ICSD Euroclear Bank et Clearstream Afin de permettre une montée en charge 11 En l’absence de migra-
Banking Luxembourg qui assurent un progressive de T2S, la migration des CSD tion du CSD national, la
banque centrale polo-
règlement en monnaie de banque commer- à T2S s’est opérée en cinq vagues succes- naise (NBP) n’avait
ciale (cf. chapitre 12). Quant au CSD allemand sives qui se sont étalées entre juin 2015 et pas prévu de migrer à
T2S pour la gestion de
Clearstream Banking Frankfurt, il n’a migré en septembre 2017. ses comptes espèces.
février 2017 que son système en monnaie de Néanmoins, certains
banque centrale (CBF-Système), le système Au-delà de ces cinq vagues de migration acteurs du marché
polonais ont demandé
en monnaie de banque commerciale initiales, les CSD souhaitant ultérieure- à la NBP la possibilité
(CBF-Creation) restant en dehors de T2S. ment rejoindre T2S pourront le faire après d’ouvrir dans ses livres
des comptes espèces
une phase de tests techniques conduits en euro pour les règle-
À l’inverse, plusieurs CSD établis dans des en coopération avec l’Eurosystème et ments dans T2S. Dans la
mesure où le CSD polo-
pays en dehors de la zone euro ont choisi de leurs participants, comme l’ont fait les nais ne rejoint pas T2S,
participer à T2S. C’est le cas par exemple autres CSD. Cela a notamment été le les comptes espèces
des CSD suisse, hongrois, roumain, qui cas d’ID2S, nouveau CSD français ayant précités seront liés aux
comptes titres ouverts
ont migré pour le règlement-livraison de migré à la plateforme fin octobre 2018. dans les livres du
leurs opérations en euro mais pas pour CSD autrichien.
leurs opérations en devise nationale à La quatrième vague de migration en 12 L’Irlande est le seul
ce stade. T2S a été conçue dès l’origine février 2017 a entraîné une forte augmen- pays européen à ne pas
encore avoir de CSD
comme une plateforme multidevises, ce tation des volumes moyens quotidiens domestique, car les
qui permet d’accueillir des transactions en réglés par T2S (voir graphique 1). titres irlandais utilisent
la plateforme CREST
couronne danoise depuis octobre 2018, en Ces chiffres sont restés stables à ce du CSD Euroclear UK
plus des transactions en euros qui sont niveau élevé dans les mois qui ont suivi, & Ireland. Comme les
traitées depuis la mise en production de avec un pic en décembre 2017 à une marchés irlandais et
britannique ont décidé
la plateforme ; d’autres devises pourraient moyenne de 571 879 transactions par jour. de ne pas migrer à T2S,
suivre à moyen terme. le marché irlandais a
demandé que les titres
La valeur en moyenne quotidienne des irlandais soient admis
Des participations « sur mesure » ou des transactions réglées a augmenté dans dans T2S via les CSD de
schémas adaptés de détention de titres les mêmes proportions, avec un pic en la plateforme ESES, en
tant que CSD investis-
peuvent être prévus pour quelques cas parti- décembre 2017 à 884,4 milliards d’ euros seur. Dans un contexte
culiers, comme celui du marché polonais par jour (voir graphique 2). L’efficacité du post-Brexit, la Banque
centrale d’Irlande étudie
qui n’a pas encore migré à l’euro 11, ou du règlement en est demeurée stable, à un les différentes options
marché irlandais 12. niveau supérieur à 97 %. possibles.

Vague 1 Vague 2 Vague 3 Vague 4 Vague finale


22 juin 2015 29 mars 2016 12 septembre 2016 6 février 2017 18 septembre 2017
- 31 aout 2015
Bank of Greece Interbolsa (Portugal) Euroclear Belgium Centrálny depozitár Nasdaq CSD
Securities Settlement cenných papierov SR (regroupant les CSD
System (BOGS) National Bank of Euroclear France (CDCP) (Slovaquie) des pays baltes)
Belgium Securities
Depozitarul Settlement Systems Euroclear Nederland Clearstream Iberclear (Espagne)
Central (Roumanie) (NBB-SSS) Banking (Allemagne)
VP Lux (Luxembourg)
Malta Stock Exchange KDD - Centralna
VP Securities klirinško depotna
Monte Titoli (Italie) (Danemark) družba (Slovénie)
SIX SIS (Suisse) KELER (Hongrie)
LuxCSD (Luxembourg)
OeKB CSD (Autriche)

268 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2-Securities (T2S) Chapitre 14


Graphique 1 : T
 ransactions réglées en volume moyen quotidien
et efficacité du règlement en volume (2017)
700 100

600 95

500 90

400 85

300 80

200 75

100 70

0 65
Janv. Fév. Mars Avril Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc.

Transactions réglées en volume moyen quotidien (en milliers, échelle de gauche))


Efficacité du règlement en volume (en %, échelle de droite)

Graphique 2 : T
 ransactions réglées en valeur moyenne quotidienne
et efficacité du règlement en valeur (2017)
1 000 100
900 95
800 90
700 85
600 80
500 75
400 70
300 65
200 60
100 55
0 50
Janv. Fév. Mars Avril Mai Juin Juil. Août Sept. Oct. Nov. Déc.

Transactions réglées en valeur moyenne quotidienne (en milliards d’euros, échelle de gauche)
Efficacité du règlement en valeur (en %, échelle de droite)
Source : BCE - http://www.ecb.europa.eu/paym/t2s/about/multimedia/html/t2s2017.en.html

5. Le financement de T2S couvriront les coûts de développement et


coûts opérationnels.
L’Eurosystème, ayant financé la construction
de la plateforme T2S, a vocation à recouvrer Les principes suivant ont été suivis pour
la totalité des coûts. Le recouvrement la facturation :
des coûts sera atteint lorsque les revenus
perçus depuis le lancement de la plate- • pas de recherche de bénéfice mais
forme, et résultant de son utilisation par objectif de couverture totale des coûts
les participants (CSD, banques centrales, fondé sur une estimation des volumes ;
établissements de crédit disposant de
comptes titres et comptes espèces), • politique tarifaire simple et transparente ;

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 269


Chapitre 14 TARGET2-Securities (T2S)


Le principe de recouvrement du groupe de surveillance par la BCE et par


des coûts T2S l’ESMA. Les 23 CSD ayant migré à T2S sont
établis dans 21 États membres de l’Union
Coûts d’investissement
Volumes estimés européenne et de l’Espace économique
européen : le groupe de surveillance réunit
Coûts de fonctionnement
Tarification donc les autorités compétentes de ces
21 États membres 23 plus de l’ESMA et
de la BCE.

Source : BCE.
Une évaluation préliminaire de T2S au regard
des normes ESCB-CESR 13 a été finalisée
début 2014, puis publiée par la BCE et
• égalité des prix pour tous les CSD l’ESMA. L’évaluation de certaines normes
nationaux ; était restée ouverte, en particulier celle sur la
finalité du règlement, dans l’attente de règles
• pas de dégressivité en fonction des communes, finalisées et juridiquement oppo-
volumes ; sables aux tiers. Cela a été fait avec l’entrée
en vigueur en mars 2018 d’un accord, appelé
• stabilité de la structure tarifaire : la tari- « Collective Agreement », entre chacune
fication a été décidée par le Conseil des des banques centrales et chacun des CSD
gouverneurs en 2010, fixant, à partir des participant à T2S, et permettant d’harmo-
projections alors établies de volumétries niser les 3 moments de finalité entre ces
de règlement-livraison, un prix unique différents acteurs. Depuis, la surveillance
du règlement-livraison d’une instruction de la partie « espèces » de T2S fait partie de
à 15 centimes d’euro pour la période de l’évaluation globale de TARGET2 14, car les
la mise en production de T2S jusqu’à comptes espèces sont juridiquement ouverts
décembre 2018. Cette tarification a dans les systèmes nationaux composant
été revue en 2018, pour une entrée T2 (par exemple TARGET2-Banque de
en vigueur au 1er janvier 2019, avec un France), et s'effectue au regard des principes
nouveau prix de 19,5 centimes d’euro des infrastructures des marchés financiers
par trans­action (PFMI ; voir chapitre 18).

La partie « espèces » de T2S mise à part,


6. La surveillance de T2S l’évaluation de T2S s’effectue également
au regard des PFMI. L’opérateur T2S fournit
Bien que T2S ne soit pas formellement dans un premier temps une auto-évaluation
13 Les  normes ESCB-CESR
considéré comme un système de règlement en répondant à un questionnaire ; l’évalua- étaient des normes non
de titres, le caractère systémique de T2S tion finale est conduite sur la base de cette contraignantes adop-
en tant que plateforme technique de auto-évaluation, analysée de façon critique tées par les régulateurs
européens pour la
règlement-livraison a conduit l’Eurosystème en la confrontant notamment à l’ensemble surveillance notamment
à lui appliquer un dispositif de surveillance de la documentation T2S (éléments contrac- des CSD et des SSS.
Elles ont été remplacées
analogue à celui des systèmes de règlement tuels, manuels opérationnels…). Un certain par le règlement CSDR,
de titres (cf. chapitre 13). nombre de sujets vont faire l’objet pour la à compter de son entrée
première fois d’une évaluation sur le fond, en vigueur, pour ce qui
concerne les CSD et
La surveillance de T2S est ainsi opérée de notamment la finalité des règlements en les SSS.
façon conjointe par les banques centrales T2S grâce à la signature de l’accord de 14 Le rapport de l’évalua-
nationales et les autorités des marchés principe (cf. supra) par l’ensemble des CSD tion de T2 par rapport
financiers des différentes juridictions dans et banques centrales participant à T2S. Une aux PFMI se trouve :
http://www.ecb.europa.
lesquelles un CSD au moins s’est engagé transposition concrète de ces principes par eu/pub/pdf/other/t2
contractuellement à externaliser son service des procédures communes et la livraison disclosurereport
2 016 0 6 . e n . p d f ?
de règlement-livraison à T2S, avec une de nouvelles fonctionnalités en T2S seront 8 3 4 1 c 2 a 74 d 8 7 b
co-présidence de cette instance coopérative par la suite mises en œuvre. 322292738afa9c331a3

270 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2-Securities (T2S) Chapitre 14


7. Les bénéfices de T2S : par l’une ou l’autre des parties sans


exemples concrets l’accord de l’autre), et le moment où le
d’harmonisation par T2S règlement-livraison est effectué ;
et autres vecteurs
d’unification des marchés Cette harmonisation s’est appuyée sur le
travail des différents groupes de la gouver-
7.1. L’harmonisation imposée par T2S nance T2S, cherchant à unifier des pratiques
et la gouvernance associée de marché, ainsi que le cadre juridique et
réglementaire nécessaire au bon fonction-
Pour T2S, le principal objectif de l'harmonisa- nement de T2S. Le T2S Advisory Group, puis
tion a été d'exclure les spécificités nationales l’AMI-SeCo ont en particulier mandaté le T2S
du fonctionnement opérationnel de T2S. Harmonisation Steering Group (HSG) pour
C’est pourquoi, dans le cadre de la gouver- promouvoir l’harmonisation post-marché,
nance de T2S, des actions ont été mises surveiller la diffusion des standards au sein
en œuvre afin de favoriser la création d'un des marchés T2S et identifier les difficultés
seul corpus de règles pour les processus de mise en œuvre, de manière à favoriser
post-marché dans la communauté T2S et les bonnes pratiques de marchés.
de contribuer ainsi à l'intégration financière
en Europe. Concrètement, l’harmonisation Les marchés T2S sont ainsi régulièrement
a d’abord avancé sur la base des fonctions évalués par le HSG quant au respect de
dont l’harmonisation était nécessaire pour leurs activités techniques, réglementaires
ne pas avoir à développer dans T2S des et de marché vis-à-vis des 17 standards
spécificités « locales » pour les éléments d'harmonisation identifiés dans un premier
constituant le cœur du système (ce qui rapport 15, en juillet 2011. Deux grandes
aurait été une tâche impossible). T2S a ainsi catégories de standards avaient été iden-
d’ores et déjà largement contribué à l’har- tifiées : d’une part les standards dits « de
monisation du post-marché en Europe en priorité 1 », considérés comme néces-
spécifiant certaines fonctionnalités, telle saires au bon fonctionnement de T2S et
que l’utilisation standardisée de certains donc considérés comme des pré-requis au
champs pour l’appariement de manière à ce lancement opérationnel du système, d’autre
que les différents acteurs puissent accéder part les standards dits « de priorité 2 » 15 h t t p s : / / w w w . e c b .
europa.eu/paym/t2s/
de manière harmonisée à tous les marchés représentant des objectifs d’harmonisa- progress/pdf/ag/mtg14/
de T2S. De la même manière, T2S a imposé tion de plus long terme 16 et qui n’étaient item-8-2-1st-t2s-har-
monisation-progress-
un standard de communication unique, les donc pas considérés comme des pré-requis report-to-ag.pdf?
messages ISO 20022. pour le lancement de T2S. La définition et le b 5 5 6 0 e f b 011 f d
29c6271bdfe3cbeb8f6
suivi de la mise en œuvre de ces standards
Ainsi, par le simple fait de migrer à T2S, un ont cependant démarré concomitamment. 16 L’harmonisation juridique,
les standards des OST
grand nombre de marchés ont automatique- Les standards de priorité 1, dont la mise en (opérations sur titres),
ment adopté certains standards intégrés œuvre n’est pas encore complète, conti- la place d’émission, les
dans l’environnement de T2S, tels que : nuent à être soumis à un suivi de la part procédures fiscales, la
transparence de l’action-
du HSG. La mise en œuvre des standards nariat nominatif, l’accès
• messages ISO 20022 ; de priorité 2, dont certains aspects sont au marché, le transfert
de portefeuille.
beaucoup plus complexes, devrait permettre
• champs d’appariement ; à terme de tirer tous les bénéfices de la 17 Une réforme du suivi de
l’harmonisation est en
plateforme technique T2S  17. cours de discussion avec
• journée opérationnelle et calendrier ; les principaux acteurs
concernés (marchés,
Le HSG produit un rapport d'avancement CSD…).
• définition des trois « moments » de annuel de l'harmonisation T2S qui indique
18 
https://publica-
finalité : le moment où l’instruction de l’état d’harmonisation de chaque marché. tions.europa.eu/en/
règlement-livraison entre dans T2S, le Le neuvième rapport d'avancement, publié publication-detail/-/
publication/03506518-
moment où cette instruction devient en octobre 2018  18 montre que les différents d 8 0 0 - 11 e 8 - 9 0 c 0 -
irrévocable (ne peut plus être modifiée marchés nationaux connectés à T2S ont 01aa75ed71a1

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 271


Chapitre 14 TARGET2-Securities (T2S)


amélioré leur conformité globale au cours se traduit encore à ce jour par un dévelop-
des quatre dernières années. Toutefois, il pement très limité du règlement-livraison
montre également que l’harmonisation de transfrontière entre CSD domestiques, en
certains domaines reste difficile, comme en monnaie de banque centrale. La tendance
témoigne l’exemple des standards relatifs à l’unification des marchés doit donc être
aux OST (opérations sur titres 19), dû aux complétée, l’opportunité de poursuivre et
différences nationales dans la gestion et d’accélérer le processus d’harmonisation a
les processus des OST. commencé à se concrétiser dans le cadre
du projet d'Union des marchés de capitaux
La gestion des OST n’entre pas dans le (Capital Market Union - CMU). Un des volets
périmètre de T2S, mais T2S offre des de cette initiative lancée par la Commission
fonctionnalités aux CSD pour une gestion européenne en 2015 a consisté en la mise
efficace des OST. Bien que T2S dispose en place début 2016 d’un groupe d’experts
d’outils flexibles adaptables aux différents du post-marché - l’European Post-Trade
modèles de gestion des OST, il existe un Forum (EPTF) - afin d’aider la Commission
besoin d’harmonisation en la matière. européenne à élaborer des propositions
Il est particulièrement sensible pour les législatives et d’autres initiatives dans le post
transactions transfrontières, où les titres marché, y compris les services de gestion de
sont détenus dans plusieurs CSD et les collatéral, en ligne avec l’objectif global de
transactions ont lieu entre plusieurs CSD. CMU visant à développer le financement et
l’investissement financier transfrontière au
Dans ce but, le HSG a créé un sous-groupe sein de l’Union européenne. L’EPTF a produit
(Corporate Actions Subgroup - CASG) un rapport 20 en mai 2017 sur l’impact des
composé d'experts des CSD, des CCP évolutions réglementaires sur les barrières
et des participants. Ce groupe est dédié techniques, juridiques et fiscales aux
à la définition et l’analyse des standards activités de post-marché identifiées par le
relatifs aux OST, et à la surveillance des groupe Giovannini. Il a par ailleurs identifié de
marchés T2S pour la mise en œuvre de nouvelles barrières ou freins à la fourniture et
règles standards pour les processus OST. l’utilisation des services de post-marché dans
Le CASG produit également un rapport la perspective de l’Union des marchés de
annuel d’analyse de conformité de chaque capitaux. Il a en particulier listé six barrières
marché aux standards OST dans T2S. (certaines d‘entre elles ayant déjà été iden-
tifiées en 2001 lors des travaux du groupe
7.2. Les travaux d’harmonisation Giovannini) dont la suppression revêt une
restant à accomplir au-delà priorité haute : l’inefficacité de la gestion du
de T2S prélèvement à la source, les incohérences
juridiques, la gestion fragmentée des OST
Le projet T2S a permis de supprimer et du processus des assemblées générales,
un nombre important des 15 barrières l’application incohérente des règles de ségré-
Giovannini pour les marchés concernés, gation, le manque d’harmonisation dans
notamment grâce aux caractéristiques les règles et les processus d’enregistre-
techniques communes qui s’imposent ment et d’identification des investisseurs,
aux CSD ayant choisi de participer à T2S et enfin la complexité de la structure de 19 Par exemple le paie-
et, par conséquent, aux marchés que ces reporting post-marché. ment des dividendes,
des remboursements
CSD servent. Le tableau ci-après donne (redemptions) de titres,
un aperçu de la façon dont T2S ainsi que, À la suite de la publication du rapport de des divisions de titres
par ailleurs, le règlement européen CSDR l’EPTF, la Commission européenne a lancé (stock split), etc

(cf. chapitre 12) contribuent à la suppression une consultation à l’automne 2017 pour 20 https://ec.europa.eu/info/


publications/170515-ep-
des barrières Giovannini. recueillir l’avis des acteurs de marché sur tf-report_en
les besoins d’harmonisation en matière de
21 https://ec.europa.eu/info/
Toutefois, certaines de ces barrières se post-marché, dont les résultats alimenteront consultations/finance-
sont révélées difficiles à éliminer, ce qui ses travaux en la matière 21. 2017-post-trade_fr

272 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


TARGET2-Securities (T2S) Chapitre 14


Contribution
Contribution de CSDR
de la plateforme T2S
Barrières Giovannini à la suppression
à la suppression
de la barrière
de la barrière
Différences au niveau IT (Information Technology) Oui Non
Restrictions au niveau national quant au lieu de la compensation et du
règlement-livraison Oui Non
Différences dans les règles régissant les opérations sur titres Oui * Oui *
Finalité intra-journalière du règlement-livraison Oui Oui
Obstacles à l’accès à distance aux systèmes nationaux de
compensation et de règlement-livraison Oui Non
Harmonisation des heures d’ouvertures des systèmes de règlement-
livraison pour l’ensemble des marchés actions de l’Union européenne Oui Oui
Harmonisation des heures de fonctionnement et des horaires limites de
règlement avec TARGET Oui Non
Différences nationales dans les pratiques de marché relatives aux
émissions des titres Non Oui *
Restrictions au niveau national quant à la localisation des titres Non Oui
Restrictions sur l’activité des spécialistes en valeurs du Trésor et celles
des teneurs de marché Non Non
Tous les intermédiaires financiers situés dans l’Union européenne
devraient pouvoir offrir des services d’agent fiscal dans l’ensemble des
États membres Non Non
Suppression de toute disposition stipulant que le recouvrement des
taxes sur les transactions de titres est exécuté par des systèmes
domestiques, afin d’assurer un niveau de service identique aux
investisseurs locaux et étrangers Non Non
Absence d’un cadre dans l’Union européenne pour la gestion des titres Non Non
Différences nationales dans le traitement juridique de la compensation
(netting) bilatéral des transactions financières Non Non
Différences nationales dans l’application inégale des règles relatives aux
conflits de loi Non Non
* La migration de T2S ou la mise en vigueur de CSDR a un effet positif pour la suppression de la barrière
Source : BCE - Contribution de T2S et de CSDR à la suppression des barrières Giovannini.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 273


CHAPITRE 15

Le collatéral
Mis à jour le 17 décembre 2018
Chapitre 15 Le collatéral


L
e mot anglais « collateral » se traduit de 2008, en raison, tant des nouvelles
littéralement par « garanti­e » et le terme pratiques de marché que des réformes
collatéral, qui désigne ces garanti­es, réglementaires visant à renforcer la sécurité
est devenu d’usage courant en français du système financier. Face à ces besoins,
dans le domaine de la finance. Pour cette les infra­structures des marchés finan­
raison, c’est ce terme qui est utilisé dans ce ciers, par leur rôle dans la mobilisation du
chapitre. Ainsi, le collatéral est constitué de collatéral, sont cruciales : pour améliorer
l’ensemble des garanti­es utilisées dans le la gestion du collatéral de leurs clients,
secteur financier, à savoir essentiellement elles sont amenées à développer des
les titres et les espèces, mais également services d’optimisation de cette gestion
des matières précieuses comme l’or, ou mais aussi à faciliter la circulation des actifs,
d’autres types de biens 1. Dans le cadre de notamment en accroissant l’inter­opérabilité
ce chapitre, il sera principalement question entre les différentes plateformes de gestion
du collatéral titre, qui est celui qui présente du collatéral.
les liens les plus forts avec le fonctionnement
des infra­structures des marchés financiers.
1. Rôle du collatéral
Le lien entre le collatéral et les infra­structures
des marchés financiers est double : d’une Le collatéral est utilisé pour protéger le
part, certaines infra­structures de marché créancier contre les risques de crédit (dans
comme les contreparties centrales ou les le cas d’un prêt) ou de remplacement (dans
systèmes de paiement peuvent exiger de le cas d’une trans­action sur produit dérivé).
leurs participants du collatéral pour assurer
leur bon fonctionnement et leur sécurité ; 1.1. La garanti­e des prêts
d’autre part, les dépositaires centraux de
titres jouent un rôle essentiel dans le circuit Cert aines trans­ a ctions financières
de mobilisation du collatéral. En d’autres impliquent un risque de crédit, c’est-à-dire
termes, les infra­structures de marché sont un risque que l’une des contreparties fasse
à la fois utilisatrices de collatéral et inter­ défaut avant d’avoir rempli son obligation
médiaires ou prestataires de services dans (par exemple rembourser de la liquidité
la circulation de ce dernier. empruntée sur le marché inter­bancaire).
Pour pallier ce risque, du collatéral est
Or, les besoins de collatéral sont impor­ utilisé par les contreparties à la trans­ 1 Immeubles, tableaux de
tants, notamment depuis la crise financière action. Il correspond à la garanti­e financière maître, etc.

A prête à B
(des espèces ou des titres)

A supporte un risque de crédit :


Risque que la contrepartie ne s’acquitte pas intégralement
d’une obligation à la date d’échéance ou ultérieurement

B apporte du collatéral

276 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Le collatéral Chapitre 15


dont un créancier (la contrepartie A dans l’ISDA (Inter­national Swaps and Derivatives
le schéma ci-dessus) bénéficie pour se Association) indique ainsi que dès fin 2013,
protéger contre le risque de défaut de environ 90 % des dérivés échangés de gré
son débiteur (la contrepartie B). En cas de à gré étaient déjà collatéralisés, tous types
défaillance du débiteur B, le créancier A de dérivés confondus 3.
a le droit de conserver les actifs remis en
garanti­e afin de les « réaliser » par voie de Cette proportion augmente encore, puisque
vente ou d’appropriation et de couvrir ainsi le Comité de Bâle sur la supervision
la perte financière subie. bancaire (BCBS) et l’Organisation inter­
nationale des commissions des valeurs
Différents types d’actifs financiers (instru­ (IOSCO) ont recommandé, dans un
ments financiers, espèces ou d’autres rapport publié en septembre 2013 puis
actifs) peuvent être remis en garanti­e de modifié en mars 2015 4, que les dérivés
trans­actions financières, dès lors qu’ils non compensés fassent systématiquement
répondent à un certain nombre de critères l’objet d’une collatéralisation via la mise en
et qu’il existe un cadre juridique adéquat place de marges : marge initiale et marge
pour constituer la garanti­e financière et de variation 5. Cette obligation est entrée
réaliser l’actif en cas de défaut. progressivement en vigueur début 2017
en Europe.
2 Dans le cas d’un contrat
La remise de collatéral en garanti­e, appelée de swap de taux, les
« mobilisation » de collatéral, est donc La marge initiale correspond au montant de contreparties échangent
un taux d’intérêt fixe
un mode de protection du créancier, au collatéral nécessaire pour couvrir chaque contre un taux d’intérêt
même titre que l’inter­vention de garants contrepartie contre le risque de défaut de variable. Si la contre­
partie qui doit fournir le
(des cautions par exemple). La liquidité des l’autre ; elle est calculée pour couvrir les taux d’intérêt variable fait
actifs mobilisés, et, surtout, leur qualité éventuelles variations de la valeur de la défaut, elle ne le fournira
de crédit, en font un mode de protection position de chaque participant (l’exposi­ plus, et la contrepartie
non défaillante va devoir
privilégié pour la sécurisation des trans­ tion potentielle future) en cas de défaut retrouver une autre
actions financières. du participant, et ce jusqu’au remplace­ contrepartie en mesure
de lui fournir ce taux
ment de la position du participant défaillant d’intérêt variable contre
Sur les marchés financiers, la collatérali­ par de nouvelles trans­actions à prix de le taux fixe. Les condi­
sation des trans­actions par des titres est marché. Elle varie en fonction de la vola­ tions financières de cet
échange peuvent avoir
particulièrement utilisée sur le marché des tilité de marché et du temps anti­c ipé évolué entre le moment
dérivés et dans le cadre des opérations de pour dénouer une trans­action. La marge ou les deux contrepar­
ties initiales ont conclu
financement sur titres. de variation correspond au montant de le premier contrat
collatéral collecté et payé nécessaire pour d’échange de taux d’in­
1.2. Sur le marché des dérivés, assurer le maintien des termes financiers térêt et le moment où la
contrepartie non défail­
la collatéralisation permet compte tenu des variations effectives des lante devra retrouver une
aux deux parties de couvrir prix de marché. nouvelle contrepartie
de substitution, et les
le risque de remplacement conditions du nouveau
c o n t r a t d ’ é ch a n g e
La collatéralisation des trans­actions sur le 2. Les facteurs à l’origine peuvent être devenues
moins avantageuses
marché des dérivés assure le maintien des des besoins en collatéral pour la contrepartie
termes financiers du contra­t même en cas non défaillante : c’est
ce qu’on appelle le coût
de défaut de l’une des contreparties. Elle 2.1. La politique des banques de remplacement.
évite ainsi à la contrepartie non-défaillante centrales en matière de collatéral 3 
https://www.isda.org/a/
de subir une perte en cas d'évolution défa­ et son évolution keiDE, April 10, 2014,
vorable des conditions de marché 2. Si la p. 3, point 6.

pratique existait depuis longtemps sur les Le recours au collatéral est systématique lors 4 
h ttps://www.bis.org/
bcbs, Principes essen­
marchés organisés, elle a commencé à se de l’octroi de liquidité au système bancaire tiels et exigences, p. 4
développer dans les années 1990 dans le par les banques centrales (même si la forme et suivantes.
cadre des opérations de gré à gré. À titre juridique de l’octroi de liquidité, ainsi que le 5 
Voir chapitre 11, les
d’exemple, l’enquête Margin Survey 2014 de type de collatéral accepté peuvent varier en contreparties centrales.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 277


Chapitre 15 Le collatéral


fonction des cadres de politique monétaire Le montant total de collatéral déposé auprès
de chaque banque centrale). En effet, afin des banques centrales a augmenté en
de garanti­r la qualité de leur bilan, la plupart raison des évolutions du cadre de politique
d’entre elles sont contra­intes, par la loi, de monétaire adoptées à la suite de la crise 6 
Voir section 5.1 du
ne prêter que contre garanti­es. financière ouverte en 2007 6. présent chapitre.

Encadré n° 1 : Le collatéral de politique monétaire de l’Eurosystème

Les opérations de refinancement de l’Eurosystème sont sécurisées par des actifs remis en garanti­e
à la banque centrale. Afin de garanti­r l’égalité dans l’accès au refinancement des contreparties de
politique monétaire de la zone euro indépendamment de leur pays de résidence, le cadre du collatéral
de l’Eurosystème définit quels actifs sont éligibles, la manière dont ils sont valorisés et quelle décote
est appliquée, ceci de manière uniforme pour tous les pays de l’Eurosystème.

Les titres éligibles de l’Eurosystème appartiennent à une liste unique, dont le principe a été décidé
en 2004. Antérieurement et depuis la création de l’Eurosystème, la liste du collatéral éligible aux
opérations de politique monétaire n’était pas unique, mais, pour partie, fragmentée selon les différents
pays de la zone euro. Cette situation s’expliquait par le besoin de tenir compte des différentes spéci-
ficités nationales, mais entrainait une inégalité dans la mise en œuvre de la politique monétaire de
l’Eurosystème, qui est pourtant censée être unique. En effet, les contreparties de politique monétaire
pouvaient mobiliser un type de collatéral dans certains pays de la zone euro, mais pas dans d’autres.
La mis en place d’une liste unique de collatéral éligible pour l’ensemble de l’Eurosystème a permis
de remédier à cette fragmentation. Elle a au préalable donné lieu à des efforts d’harmonisation entre
les différentes banques centrales afin de gommer autant que possible les spécificités nationales en
matière de collatéral eligible aux opérations de refinancement de la banque centrale.

La liste des titres éligibles est publiée quotidiennement sur le site de la BCE. Il s’agit d’actifs négo-
ciables, dont les caractéristiques (émetteur, maturité, liquidité, etc.) permettent d’assurer une qualité
suffisante à l’Eurosystème : https://www.ecb.europa.eu/mopo/assets/assets/html/index.en.html

En plus des actifs négociables, l’Eurosystème accepte également en garanti­e des créances privées
(on parle d’actifs non négociables). Il s’agit de crédits accordés par les établissements de crédit contre-
parties de politique monétaire à des entreprises commerciales (qui sont leurs débiteurs). Pour les
créances privées également, l’Eurosystème a fixé des exigences de qualité afin de les rendre éligibles.
Il s’agit en particulier de la qualité de crédit du débiteur du prêt accordé par l’établissement de crédit
contrepartie de politique monétaire, qui doit être élevée. En effet, en cas de défaillance de la conter-
partie de politique monétaire, l’Eurosystème sera protégé par le fait qu’il va devenir le créancier de
l’entreprise commerciale à qui la contrepartie de politique monétaire a accordé le prêt. Ce seront les
remboursements de cette entreprise commerciale qui permettront de rembourser l’Eurosystème en
lieu et place de la contrepartie de politique monétaire défaillante. La part des créances privées dans
le montant du collatéral mobilisé par les contreparties de politique monétaire est de l’ordre de 18 %
avec des disparités importantes selon les pays.

Ce cadre a pu être adapté pour faire face à des chocs financiers comme par exemple la crise finan-
cière ouverte en 2007 (modification des exigences quant à la qualité de crédit du collatéral accepté
en garanti­e par exemple, voir aussi section 5.1 du présent chapitre).

278 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Le collatéral Chapitre 15


2.2. Un recours croissant de l’exposition globale nette vis-à-vis de


des infra­structures des marchés la CCP et non au regard de chacune des
financiers à la collatéralisation expositions bilatérales.

Le collatéral est crucial pour le bon fonction­ La volonté de renforcer la gestion des
nement des infra­structures des marchés risques associés aux marchés financiers
financiers, pour deux raisons principales. a conduit à promouvoir l’inter­vention
des CCP. Comme c’est déjà le cas depuis
Certaines d’entre elles, comme les contre­ longtemps pour les dérivés listés, échangés
parties centrales (CCP) ou les systèmes de sur un marché organisé, la réglementa­
paiement à règlement net différé (DNS), sont tion portant sur les dérivés de gré à gré
exposées au risque de crédit de leurs partici­ (EMIR en Europe) rend ainsi obligatoire
pants, et s’en protègent en demandant à ces pour les produits dérivés standardisés la
derniers de les garantir en leur fournissant compensation par une contrepartie centrale.
du collatéral (cf. 2.2.1 et 2.2.2). Ceci induit des besoins en collatéral, afin
notamment de répondre aux appels de
D’autres types d’infra­structures, comme marge effectués par la CCP.
les dépositaires centraux de titres (CSD)
ou les systèmes de paiement brut en 2.2.2. C
 ouverture du risque de crédit
temps réel (RTGS), recourent au collatéral et de liquidité dans les systèmes
en tant qu’outil pour faciliter et optimiser à règlement net différé (DNS)
le déroulement des opérations au sein du
système (cf. 2.2.3). Dans les systèmes de paiement à
règlement net différé, le règlement définitif
2.2.1. Couverture du risque de crédit sur les comptes des contreparties à la
des contreparties centrales trans­action ne s’effectue pas en temps
réel, mais une ou plusieurs fois par jour,
Par le mécanisme de la novation, les CCP en général lors du règlement en monnaie
s’inter­posent dans les trans­actions entre de banque centrale (cf. chapitres 8 et 10).
deux contreparties de marché. La CCP De ce fait, les systèmes DNS engendrent
devient ainsi le vendeur unique de chaque un risque de liquidité et/ou de crédit
acheteur et l’acheteur unique de chaque entre participants.
vendeur. Elle assume de ce fait le risque de
crédit de chaque trans­action (après compen­ Parmi les différents dispositifs de protection
sation multi­latérale). des systèmes DNS et de leurs participants
contre ce risque, on trouve généralement
Pour gérer ce risque, les CCP exigent la mise en place d’un fonds mutuel de
de leurs membres un apport de colla­ garanti­e, alimenté par l’ensemble des
téral sous la forme de marges initiales, participants en fonction de leurs soldes
de marges variables et de participation débiteurs moyens et/ou la constitution de
aux fonds de garanti­e (cf. chapitre 11 sur garanti­es individuelles, non mutualisées, les
les CCP, section 3). garanti­es individuelles servant, par exemple,
en cas de paiement d’un montant particu­
Les CCP effectuent donc des appels de lièrement important.
marge très fréquemment – en général une
ou plusieurs fois par jour – en fonction de L’exigence de mettre en place de tels dispo­
l’évolution de l’exposition de chacun de sitifs de gestion du risque a été renforcée
leurs membres et de la volatilité de marché. par les Principles for Financial Market Infra­
Par rapport aux trans­actions collatéralisées structures (PFMI) et par les textes qui ont
mais non compensées, l’avantage est que mis ceux-ci en application dans les diffé­ 7 Pour plus de détail sur
les appels de marge sont établis sur la base rentes juridictions 7. les PFMI, voir chapitre 18.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 279


Chapitre 15 Le collatéral


Encadré n° 2 : Les dispositifs de gestion du risque de règlement


dans les systèmes CORE(FR) et EURO1

Le règlement (UE) n° 795/2014 de la BCE du 3 juillet 2014 concernant les exigences de surveillance


applicables aux systèmes de paiement d'importance systémique (BCE/2014/28) prévoit que les systèmes
de paiement d'importance systémique doivent se doter de mécanismes de prévention des risques
de crédit. Pour couvrir ce risque, des espèces ou des actifs tels que des titres peuvent être déposés
en garanti­e.

C’est ainsi que la société STET, opératrice notamment du système de paiement de détail CORE(FR),
a mis en place, un mécanisme de gestion du risque de défaillance par le biais d’un fonds de garanti­e
mutualisé, complété par des garanti­es individuelles ; le fonds de garanti­e et les garanti­es individuelles
sont constitués sous forme de comptes espèces ouverts dans TARGET2-Banque de France (T2-BF)
(cf. chapitre 10).

Le système de paiement pour les trans­actions en euro de montant élevé « EURO1 », exploité par EBA
Clearing, prévoit quant à lui que le collatéral est déposé sous forme d’espèces sur un compte ouvert
dans les livres de la BCE (cf. chapitre 8). Ce fonds couvre la position débitrice maximale d’un parti-
cipant défaillant au titre de son obligation individuelle (position compensée présentée au règlement
de TARGET2 à 16h00). Les participants à EURO1 contribuent à parts égales au fonds de garanti­e et
disposent, en cas de réalisation du fonds et d’appel à reconstitution, d’une créance sur le défaillant.

2.2.3. L
 ’octroi de crédit intrajournalier Ainsi l’Eurosystème exige du collatéral dans
dans les systèmes à règlement le cadre du crédit intrajournalier qu’elle
brut en temps réel (RTGS) accorde aux participants de TARGET2. À titre
d’exemple, dans TARGET2, le montant
Dans les systèmes RTGS qui sont mécani­ maximal de crédit intrajournalier disponible
quement plus consommateurs de liquidité pour chaque participant est égal à la valeur
que les systèmes DNS (cf. chapitre 6), des du panier de collatéral détenu par le partici­
mécanismes de crédit intrajournalier ont été pant auprès de la Banque de France (qui lui
mis en place pour permettre un règlement accorde ce crédit intra­journalier), diminué
plus fluide des opérations. du montant de collatéral mobilisé dans le
cadre des opérations de politique monétaire
Ce crédit intrajournalier, accordé par la (refinancement) (cf. chapitre 7).
banque centrale qui opère le système (dans
le cas des systèmes de paiement) ou qui Dans T2S, sous réserve que le participant
fournit le service de règlement espèces ait choisi cette option, le recours au crédit
(dans le cas des systèmes de règlement-li­ intrajournalier est auto­matique en cas de
vraison) est le plus souvent collatéralisé et solde espèces insuffisant pour régler les
gratuit, et permet aux participants de régler titres, si les titres achetés (cas de l’auto­
leurs opérations en cours de journée, même collatéralisation sur flux) ou bien d’autres
s’ils n’ont pas le solde espèce suffisant, à titres détenus par le participant (cas de
la condition de disposer de collatéral et de l’auto­c ollatéralisation sur stock) sont
rembourser le crédit ainsi obtenu en fin éligibles à cette mobilisation. Dans ce cas,
de journée. les titres sont auto­matiquement remis en

280 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Le collatéral Chapitre 15


collatéral en échange du montant de crédit pas standardisées a fait l’objet de travaux


intrajournalier nécessaire au règlement de inter­nationaux du groupe de travail sur
la trans­action (cf. chapitre 14 sur T2S). les exigences de marge (Working Group
on Margin Requirements – WGMR)
2.3. Une aversion croissante qui rassemblait des représentants du
pour le risque qui favorise les Comité de Bâle et de l’Organisation inter­
financements bancaires sécurisés nationale des commissions de valeurs
(OICV-IOSCO). Ce groupe a adopté en
Depuis les prémices de la crise, septembre 2013 des exigences d’échange
courant 2007, les établissements de crédit de collatéral qui portent sur l’échange de
et les autres acteurs financiers se sont marges de variation quotidiennes, qui était
efforcés de réduire leur exposition au risque déjà une pratique de marché courante, et
de défaillance de leur contrepartie. l’échange de marges initiales calculées
selon un modèle proposé par l’ISDA et
En Europe, cette évolution s’est traduite par ségréguées (chaque contrepartie devra
une hausse significative de la part des finan­ ségréguer le collatéral reçu de chacune de
cements inter­bancaires dits « sécurisés », ses contreparties). Cette dernière exigence
par opposition aux financements inter­ n’était pas jusqu’à présent une pratique
bancaires dits « en blanc ». Ce recours accru de marché : elle accentue la demande de
aux trans­actions collatéralisées a été observé collatéral de bonne qualité. Ces exigences
tant pour les marchés de court terme que sont entrées en vigueur début 2017 dans
pour ceux de long terme. Les opérations de l’Union européenne.
pension-livrée ont très fortement progressé
depuis 2009. Les émissions d‘obligations Avant même l’entrée en vigueur de ces
bancaires dites « sécurisées » (covered exigences réglementaires, une collatéra­
bonds) ont fortement augmenté entre 2007 lisation croissante s’était matérialisée sur
et 2016, pour passer d’un montant émis en le marché des produits dérivés échangés
France de 200 055 millions d’euros en 2007 de gré à gré non compensés. Le recours
à 308 627 millions d’euros en 2016 8. accru à la collatéralisation sur ce segment
traduit une gestion plus prudente du risque
2.4. De nouvelles exigences de défaillance de la contrepartie.
réglementaires pour les produits
dérivés de gré à gré Ainsi, d’après les estimations de l’ISDA,
le collatéral remis dans le cadre des trans­
Le sommet du G20 de Pittsburgh en 2009 actions sur dérivés OTC non compensées
a acté la volonté d’améliorer les pratiques a pratiquement doublé entre 2007 et 2008
de gestion du risque sur les trans­actions et s’est ensuite maintenu à des niveaux
de produits dérivés négociés de gré à gré. nettement plus élevés qu’avant la crise,
en proportion des trans­actions conclues.
Aux États-Unis et en Europe, cette exigence
a été traduite respectivement par le Dodd- 2.5. Les exigences définies par
Frank Act et par le règlement européen la réglementation « Bâle III »
EMIR 9 (cf. chapitre 11 sur les contrepar­
ties centrales). Les réformes engagées par le Comité de
Bâle sur la réglementation prudentielle des
Les trans­actions sur dérivés négociés établissements de crédit (Bâle III) visent 8 
h ttps://hypo.org/app/
uploads, « European
de gré à gré qui sont standardisées sont notamment à améliorer la gestion du risque covered bonds fact book
ainsi obligatoirement compensées par une de liquidité bancaire par la création de 2017 », p. 598.
contrepartie centrale depuis 2014. deux ratios : un ratio de liquidité à un mois, le 9 
Le Rè g l e m e n t e s t
« Liquidity Coverage Ratio » (LCR), et un disponible sur le site
de l’ESMA à partir de
La collatéralisation des trans­actions sur ratio de liquidité à un an, le « Net Stable ce lien : https://eur-lex.
dérivés négociés de gré à gré qui ne sont Funding Ratio » (NSFR). En particulier, europa.eu/legal-content

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 281


Chapitre 15 Le collatéral


Encadré n° 3 : Quelles conséquences pour les réformes des marchés des dérivés OTC ?

Un groupe de travail sous l’égide de la Banque des règlements Internationaux, le Macroeconomic


assessment group on derivatives (MAGD), a cherché à estimer l’effet des réformes des dérivés OTC
mises en place après la crise financière, en comparant leurs bénéfices par rapport aux coûts qu’elles
engendrent (coûts pour les institutions financières, augmentation de la demande de collatéral de bonne
qualité, augmentation du coût de financement de ces institutions, hausse du prix des services financiers
par répercussion).

Dans son rapport publié en août 2013, « Macroeconomic effects of OTC derivatives regulatory reforms »
(http://www.bis.org/publ/othp20.pdf), le MAGD a testé plusieurs scénarios, en fonction notamment du
niveau de compensation.

Dans son scénario central, le MAGD estime que ces réformes contribueraient pour 0,12% à la croissance
annuelle du PIB en évitant une nouvelle crise que pourraient sinon provoquer les produits dérivés.

Bénéfices et coûts macroéconomiques des réformes de la réglementation des produits dérivés


de gré à gré
Variation du PIB annuel attendu après mise en œuvre intégrale et effets des réformes
(en pourcentage)
Scénario intégrant de Scénario central Scénario intégrant des
faibles coûts (degré de coûts élevés (degré de
compensation élevé) compensation faible)
Bénéfices a) + 0,16 + 0,16 + 0,16
Coûts b) - 0,03 - 0,04 - 0,07
Bénéfices nets + 0,13 + 0,12 + 0,09

a) Réduction des pertes de production résultant des crises financières, calculée comme la baisse estimée de la probabilité de crises financières propagée
par les expositions sur dérivés de gré à gré multipliée par le coût moyen des crises financières passées.
b) Effet sur le PIB d’une hausse des prix des services financiers, évalué à l’aide d’un ensemble de modèles macroéconomiques. Le tableau indique
l’effet médian pondéré du PIB calculé par ces modèles.

le LCR impose aux établissements de 3. Le cadre juridique de


crédit de disposer d’une réserve d’actifs mobilisation du collatéral
liquides suffisants pour faire face à une crise
de liquidité importante pouvant durer un 3.1. Les deux régimes juridiques
mois. Du fait de cet ensemble de nouvelles de mobilisation du collatéral 10 Rapport du Committee
mesures réglementaires, la demande pour on the Global Financial
System, n °49, Asset
ce type d’actifs s’accentue : le Committee La pension-livrée, communément appelée encumbrance, financial
on the Global Financial System a estimé « repo », et le nanti­ssement sont les deux reform and the demand
for collateral assets,
ce supplément à quelque 4 000 milliards techniques les plus emblématiques de la mai 2013 : http://www.
de dollars 10. mobilisation de collatéral, mais elles ne sont bis.org/publ

282 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Le collatéral Chapitre 15


pas les seules. Par exemple, l’achat/vente l’auto­risation de la partie fournisseuse


ou le prêt de titre peuvent également de collatéral.
permettre une telle mobilisation.
Qu’il s’agisse de la pension-livrée ou du
3.1.1. La mobilisation avec trans­fert nanti­ssement, le collatéral déposé peut
de propriété (pension-livrée) être liquidé par le créancier dans le cas où
son débiteur n’honore pas ses obligations
La pension-livrée (en anglais repurchase à l’échéance (remboursement du prêt).
agreement ou "repo"), implique que, pendant Bien évidemment, si le prêteur d’espèces
la durée de la trans­action, la propriété des n’était pas lui-même en situation de rendre
actifs constituant le collatéral est trans­ le collatéral, son créancier n’aurait pas à
férée de la partie fournissant le collatéral retourner les espèces.
(en anglais : collateral giver) qui est le
débiteur de la trans­action sous-jacente (le 3.2. Le cadre juridique du collatéral dans
prêt d’espèces) vers la partie recevant le l’Union européenne et en France
collatéral (en anglais : collateral taker) qui
est le créancier de cette même trans­action. La mobilisation et l’utilisation du collatéral
À l’échéance du contra­t de prêt, les actifs ont été harmonisées au sein de l’Union
remis en garanti­e sont restitués au débiteur, européenne par la directive 2002/47/CE
s’il n’a pas fait défaut. concernant les contra­ts de garanti­e finan­
cière, dite directive « collatéral ». Ce texte
Dans le cadre d’une opération de a été trans­posé en droit français par l’or­
pension-livrée, la propriété des titres déposés donnance du 24 février 2005.
en garanti­e est trans­férée dès le début de
l’opération à la partie qui les reçoit. Celle-ci La directive 2002/47/CE prévoit notamment :
devient par conséquent destinataire du
produit des opérations sur titres (« corporate 1. la reconnaissance par les États membres
actions »). C'est à elle par exemple que sera des deux régimes de garanti­e : avec trans­
versé le coupon ou le dividende. De plus, le fert de propriété (pension-livrée) ; sans
trans­fert de propriété permet également à la trans­fert de propriété (nanti­ssement).
partie qui reçoit le collatéral de réutiliser 11, Le droit français, traditionnellement
pendant la durée de l’opération, les titres fondé sur le recours à des garanti­es sous
reçus en garanti­e, mais le collatéral devra la forme de sûretés réelles sans trans­fert
être restitué in fine au constituant initial. de propriété (nanti­ssement), principale­
ment sous la forme de gage, avait déjà
3.1.2. La mobilisation sans trans­fert évolué dans les années 1990 dans le
de propriété (nanti­ssement) sens d’une plus grande souplesse en
admettant, d’une part, des mécanismes
Dans le cas du nanti­ssement (en anglais : reposant sur un trans­fert de propriété et,
pledge), le débiteur (c’est-à-dire la contre­ d'autre part, le gage de compte d'ins­
partie fournissant le collatéral) reste truments financiers. Le régime des
propriétaire des actifs constituant le colla­ garanti­es financières en France qui était
téral pendant la durée de la trans­action. en vigueur avant la directive répondait
donc déjà largement aux exigences
Les titres restent donc inscrits au compte de celle-ci et n’a donc par conséquent
du « collateral giver » et ce dernier reste pas eu besoin d'être substanti­ellement
donc destinataire du produit des opérations modifié lors de la trans­position ;
sur titres. En outre, comme la propriété
11 Le collatéral reçu par
des titres déposés en garanti­e n’est pas 2. l’extension du champ d'application des une contrepartie peut
trans­férée au receveur de collatéral, celui-ci garanti­es financières à toutes les personnes être réutilisé par cette
dernière. Il peut être
ne peut réutiliser le collatéral (« re-hypo­ morales, pourvu que l’une des contrepar­ vendu ou, servir dans le
thecation » ou « re-pledge ») qu’avec ties soit une institution réglementée ; cadre d’un nouveau repo.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 283


Chapitre 15 Le collatéral


3. la réduction du formalisme attaché à la Le cadre juridique instauré par la trans­


constitution et à la mise en œuvre de position de la directive de 2002 assure
ces garanti­es. L’ordonnance de 2005 aux créanciers que les garanti­es dont ils
a prévu un allégement des forma­ disposent restent pleinement efficaces en
lités 12 de constitution de la garanti­e. cas de défaut de leurs débiteurs, y compris
En outre, l'obligation de se référer aux en cas d’ouverture d’une procédure collec­
conventions-cadres de place, telles que tive à l’encontre de ces derniers.
celles de l’Auto­rité des marchés finan­
ciers (AMF), a été abandonnée et cette Enfin, les États membres doivent appliquer
référence est devenue optionnelle ; une règle de conflit de lois prévoyant que
le lieu de localisation du compte sur lequel
4. la faculté de réutilisation des titres nanti­s sont inscrits les titres remis en garanti­e
par le créancier-bénéficiaire du nanti­ détermine le droit applicable au contra­t
ssement en contrepartie d'une obligation de garanti­e.
de restitution. L’ordonnance de 2005 a
introduit en droit français ce droit de La directive de 2002 a ensuite été
réutilisation, qui était totalement impos­ complétée par la directive 2009/44/CE, 12 Telles que l'établissement
sible dans le cadre juridique en vigueur trans­posée en droit français par l’ordon­ d'un document sous
une forme spécifique
auparavant. Elle spécifie que ce droit doit nance du 8 janvier 2009. ou d'une manière parti­
avoir été prévu conventionnellement par culière, l'enregistrement
auprès d'un organisme
les parties. Ce droit de réutilisation, qui 3.3. Des conventions-cadres officiel ou public ou l'ins­
était l'une des principales nouveautés pour la gestion du collatéral cription dans un registre
apportées par la directive de 2002, public, la publicité dans un
journal ou une revue, dans
a permis de donner une plus grande Le plus souvent, les trans­actions de gré un registre ou une publi­
souplesse aux contra­ts de garanti­es sans à gré sur les marchés financiers sont cation officiels ou sous
toute autre forme, la noti­
trans­fert de propriété, d'en abaisser le conclues sur la base de conventions-cadre fication à un officier public
coût pour le constituant et d'en accroître établies par des associations profession­ ou la fourniture, sous
une forme particulière,
l'intérêt économique pour le bénéfi­ nelles. Ces conventions-cadre offrent un de preuves concernant
ciaire du nanti­ssement. Toutefois, cette canevas pour définir de façon contra­ctuelle la date d'établissement
possibilité de réutilisation a accentué les les termes des futures trans­actions, et d'un document ou d'un
instrument, le montant
inter­dépendances entre les acteurs de notamment le type de collatéral accepté, des obligations finan­
marché, ce qui est porteur de risques les cas de défaut de la contrepartie, les cières couvertes ou tout
autre sujet.
pour la stabilité financière. Par consé­ événements amenant à une résiliation anti­
quent, pour améliorer la trans­parence de cipée des opérations, la compensation des 13 Règlement (UE) 2015/2365
du 25 novembre 2015
la réutilisation du collatéral, le règlement créances réciproques et le calcul d'un solde relatif à la transparence
européen « Securities Financing net global, la fréquence du paiement des des opérations de finan­
cement sur titres et de
Trans­actions Regulation » – ou SFTR 13 – marges, le mode de calcul des éventuelles la réutilisation et modi­
du 25 novembre 2015 établit des décotes ainsi que le taux de référence fiant le règlement (UE)
conditions minimales de trans­parence choisi pour le calcul du montant du colla­ n° 648/2012, dit « SFTR »,
en vigueur depuis
à respecter en matière de réutilisation téral espèces. le 12 janvier 2016.
de sûretés, telles que la communication 14 L’article 15 « Réutilisation
des risques encourus et la nécessité d’un Une fois cette convention-cadre établie, d’instruments financiers
consentement préalable 14 ; les parties y font référence dans chaque reçus en vertu d’un contrat
de garantie » est applicable
nouvelle trans­a ction. Elles peuvent si depuis le 13 juillet 2016.
5. la possibilité de mettre en œuvre des besoin définir au cas par cas des condi­ Il prévoit qu’après avoir
été informée par la partie
mécanismes de réduction du nombre de tions particulières s’appliquant à une recevant les garanties
trans­actions, comme la compensation trans­action donnée. avec constitution de
des obligations réciproques des parties ; sûreté (donc transfert de
propriété), la contrepartie
À défaut de convention-cadre, les deux fournissant les garanties
6. l’opposabilité des garanti­es financières parties seraient obligées de définir explicite­ doit avoir matérialisé son
consentement à cette
constituées aux procédures collectives ment l’ensemble des éléments contra­ctuels réutilisation du collatéral
ainsi qu'aux procédures civiles d'exécution. précités à chaque trans­action. par le créancier.

284 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Le collatéral Chapitre 15


Les conventions-cadre les plus usuelles 3.4. Les actifs mobilisables


sont le Master Agreement de l’Inter­national comme collatéral répondent à
Swaps and Derivatives Association (ISDA) des exigences de qualité élevées
et son annexe « Credit Support Annex »
(CSA) pour la gestion du collatéral dans les Chaque bénéficiaire de collatéral détermine
trans­actions de dérivés, le « General Master à l’avance les caractéristiques des actifs qu’il
Repurchase Agreement » (GMRA) établi par accepte comme collatéral. Les exigences
l’Inter­national Capital Market Association attachées au collatéral peuvent être
(ICMA) pour les repos et le Global Master contra­ctuelles ou réglementaires.
Securities Lending Agreement (GMSLA)
établi par l’Inter­national Securities Lending Quand il s’agit de trans­actions bilatérales,
Association (ISLA) pour les prêts de titres. ces exigences sont formalisées par des
Ces conventions-cadres sont déclinées par conventions – le plus souvent standardi­
les associations bancaires et de marché sées – entre les contreparties.
nationales pour prendre en compte les
spécificités de leur marché. Ainsi, pour Lorsqu’il s’agit d’opérations de refinancement
la Place de Paris, la convention cadre de avec les banques centrales ou de mobilisa­
la fédération bancaire française (FBF) est tion de collatéral auprès d’une chambre de
relative aux opérations sur instruments compensation, la qualité du collatéral accepté
financiers à terme 15. par les différents acteurs est généralement
encadrée par des exigences statutaires, régle­
Au niveau européen le European Master mentaires ou prudentielles, qui permettent
Agreement 16, convention-cadre relative de définir pour l’ensemble des contreparties
aux opérations sur instruments financiers, concernées la typologie et les caractéristiques
est proposé par la Fédération Bancaire des actifs pouvant être remis en garanti­e.
15 
h ttp://www.fbf.fr/fr/
Européenne - avec la collaboration du contexte-reglemen ­
Groupement européen des caisses À titre d’exemple, la répartition du collatéral taire-international
d’épargne et le Groupement européen des mobilisé auprès de l’Eurosystème par type 16 
http://www.ebf-fbe.eu/
banques coopératives. d’actifs est illustrée au graphique 1. uploads

G1 : Répartition du collatéral mobilisé auprès de l'Eurosystème, par type d'actifs


(en milliards d'euros)

3000

2500

2000

1500

1000

500

0
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2
2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Titres d'État Euro Secured Notes Issuer (ESNI)/Titres de dette non négociables
Supra-national sécurisés par des créances privées éligibles
Titres d'entreprise Actifs non négociables (créances privées)
Asset-backed securities (ABS) Dépôts à terme fixe
Obligations sécurisées (covered bonds) Pic de l'encours du refinancement Eurosystème
Obligations bancaires non sécurisées Encours moyen du refinancement Eurosystème

Source : Banque de France.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 285


Chapitre 15 Le collatéral


4. Les modalités de mise de liquidité ni de risque de marché) ;


en œuvre du collatéral des actions ou des obligations à long
terme émises par des entités privées
4.1. La gestion du collatéral incorporent un risque de marché élevé
en pratique et nécessitent des décotes plus élevées,
de même que les créances bancaires
Pour une institution financière, qu’il s’agisse qui sont peu liquides et donc pas faci­
du collatéral reçu ou remis, gérer son colla­ lement réalisables ;
téral signifie mener très fréquemment (en
général au moins une fois par jour) les • 
s ur la base de cette évaluation,
diligences suivantes : effectuer si besoin des appels de
marges. Comme la valeur des actifs
• 
é valuer les actifs au sein de ses utilisés comme collatéral ainsi que la
portefeuilles, l’ensemble de ses valeur du risque de crédit à couvrir
contra­ts collatéralisés et à collatéra­ évoluent continuellement en raison des
liser, c’est‑à‑dire son stock d’actifs et évolutions de marché, les contreparties
de contra­ts que le collatéral est censé doivent verser des marges de variation
couvrir. La valorisation du portefeuille est de façon à s’adapter à ces évolutions
effectuée si possible au prix de marché de marché pour maintenir les termes
(mark-to-market), et sinon, de façon financiers de la trans­action ;
théorique sur la base d’un modèle 17,
(« mark-to-model »), notamment si • réconcilier ses portefeuilles avec ceux
les actifs ou contra­ts ne sont pas de ses contreparties. Cela consiste à
suffisamment liquides. En Europe, le rapprocher les portefeuilles de contra­ts
règlement EMIR (European Market Infra­ de manière à identifier les éventuels
structures Regulation ) dispose que cette écarts de valorisation sur l’ensemble de
évaluation doit être effectuée au moins leurs trans­actions soumises à collatéra­
une fois par jour pour les dérivés OTC. lisation. En effet, dans les trans­actions
Cette valorisation permet de déter­ non compensées, chaque partie revalo­
miner l'exposition, c'est-à-dire la perte rise toutes les opérations en cours ainsi
à laquelle le détenteur des contra­ts que le stock de collatéral donné ou reçu,
est exposé en cas de défaillance de puis les deux parties confrontent les
la contrepartie ; résultats de leurs revalorisations respec­
tives. D'éventuels désaccords peuvent
• 
valoriser le collatéral à partir de son venir de différences dans la source de
prix de marché. À partir de son prix de prix choisie ou dans les stocks de contra­
marché, le collatéral peut être affecté ts. Un rapprochement des portefeuilles
d'une décote ou haircut, c'est-à-dire qu'il de contra­ts de part et d'autre peut alors
va être valorisé à un prix inférieur à sa s'avérer nécessaire. Pour les institu­
valeur de marché afin de tenir compte tions financières, EMIR exige que les
des risques de dépréciation du colla­ réconciliations soient effectuées à une
téral entre le moment où il est évalué fréquence variant entre une fois par jour 17  R è g l e m e n t e u r o ­
et le moment où il est (éventuellement) et une fois par semestre, en fonction du p é e n n ° 6 4 8 / 2 01 2
du 4 juillet 2012 sur les
réalisé, c’est-à-dire utilisé. La décote nombre de trans­actions effectuées ; produits dérivés de gré
dépend de la nature du collatéral et en à gré, les contreparties
centrales et les référen­
particulier du risque de crédit, du risque • si besoin, en cours de journée, tiels centraux (EMIR) :
de liquidité et du risque de marché qu’il effectuer des substitutions d’actifs, par https://eur-lex.europa.eu/
incorpore : les espèces ont une décote exemple si l’un des actifs détenu comme legal-content, Article 11,
Techniques d'atténua­
de zéro parce qu’elles sont émises par collatéral est cédé par l’apporteur de tion des risques pour
une banque centrale (pas de risque de collatéral ou si l’actif est soumis à une les contrats dérivés de
gré à gré non compensés
crédit) et parce qu’elles sont immé­ opération sur titres (cf. chapitre 12 sur par une contrepartie
diatement disponibles (pas de risque les dépositaires centraux de titres). centrale, paragraphe 2.

286 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Le collatéral Chapitre 15


L’ensemble de ces opérations peut être 4.2. Les différentes modalités


très consommateur de temps et de opérationnelles de mobilisation
ressources, et ce d’autant plus que les du collatéral
évolutions réglementaires récentes (EMIR
en particulier) ont accru les exigences en Il existe deux dispositifs opérationnels de
termes de contrôle, de suivi et de reporting. mobilisation du collatéral. Le premier dispo­
Une mauvaise gestion du collatéral expose sitif, utilisé dans le régime de la pension
les acteurs à des risques (risque de crédit, livrée, consiste à livrer les titres sur le
de liquidité, de conformité et de réputa­ compte du receveur de collatéral. Dans le
tion). À l’inverse, une bonne gestion de ce régime du nantissement, les titres sont
collatéral peut aussi devenir pour les insti­ généralement bloqués par un mécanisme
tutions financières une source de revenus. d’identification de cette réservation (ear-
C’est pourquoi, en fonction de leur taille et marking) sur le compte du donneur de
de leur volume d’activité, les institutions collatéral ouvert dans les livres dépositaire
financières peuvent soit effectuer elles- central. Il reste toutefois possible de livrer
mêmes ces diligences, soit les déléguer à les titres mobilisés par nanti­ssement sur un
une tierce partie, par exemple à leur conser­ compte spécifique du receveur de collatéral. 18 L’utilisation du terme
vateur de titres ou à leur dépositaire central earmarking recouvre
deux réalités distinctes,
de titre, en adhérant à des services de Toutefois, le terme « earmarking » est ce qui peut être source
gestion de collatéral. également utilisé au sens d'« affectation »  18, de confusion.

Encadré n° 4 : Le dispositif opérationnel de mobilisation du collatéral


auprès de la Banque de France et son évolution vers un dispositif européen (ECMS)

Adopté depuis 2008 par la Banque de France avec le système 3G (Gestion globale des garanties), le
dispositif de pooling a succédé au dispositif d’earmarking (affectation) qui prévalait jusqu’alors, pour
la simplicité de gestion qu’il offre aux contreparties. L’ensemble des actifs remis en garantie auprès de
la Banque de France alimente un portefeuille de collatéral propre à chaque contrepartie de politique
monétaire. Ce portefeuille permet à l'institution financière de couvrir de manière globale sa ligne de
crédit auprès de la Banque de France, qu’il s’agisse d’opérations de refinancement dans le cadre de la
politique monétaire, de crédit intra-journalier dans TARGET2 ou bien de facilités de prêt. Les mêmes
paniers de collatéral peuvent en outre faire l’objet de transactions interbancaires via le service de
gestion tripartite de collatéral, appelé €GCPlus (voir encadré dédié ci-après). Sa flexibilité (en termes
de substitution de collatéral) et son dimensionnement (souvent bien supérieur aux lignes de crédit
consenties par l’Eurosystème) rendent les appels de marge peu fréquents, ce qui en fait l’intérêt.

Voir https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/bulletin-de-la-banque-
de-france_172_2008-t2.pdf#page=41

Ce dispositif de gestion du collatéral est appelé à évoluer, dans le sens d’une plus grande intégration
au sein de l’Eurosystème.

En effet, actuellement, chacune des 19 banques centrales nationales de l’Eurosystème dispose de


son propre système de gestion du collatéral de politique monétaire. En conséquence, certaines
fonctions ne sont pas harmonisées, et les coûts d'exploitation, de gestion et de maintenance sont
importants. L’Eurosystème a donc décidé de mutualiser ce service en créant un service unique appelé

…/…

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 287


Chapitre 15 Le collatéral


ECMS (European Collateral Management Service). À l’instar de Target 2, ECMS ne remet pas en
cause le principe de la mise en œuvre décentralisée de la politique monétaire. Il s’agit d’un service
de mobilisation et de gestion du collatéral, auquel chaque banque centrale nationale recourt pour
effectuer ces opérations. Il reprend l’ensemble des fonctions de mobiliation de collatéral utilisées
par les différentes banques centrales, en les harmonisant et les automatisant autant que de besoin :
c’est le cas par exemple du mécansime de CCBM (voir ci-après). Pour autant, chaque banque centrale
reste responsable de ses opérations de mobilisation et de gestion du collatéral. Cette mutualisation
implique donc un effort préalable d’harmonisation des pratiques de mobilisation et gestion du colla-
téral pour les opérations de politique monétaire pratiquées par les différentes banques centrales,
qui permet de contribuer au renforcement de l’intégration des marchés de capitaux européens, et
qui est en voie d’achèvement.

Ce projet ECMS a été approuvé par le Conseil des Gouverneurs en décembre 2017 et entrera en service
en novembre 2022. La Banque de France prend une part active dans son élaboration.

Voir http://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2017/html/ecb.pr171207.en.html

et renvoie alors au mode de gestion du colla­ Lorsque le collatéral est constitué d’actifs
téral vis-à-vis des trans­actions qu’il garanti­t. négociables, ces opérations s’appuient sur
les mécanismes de règlement-livraison
Dans le mode de gestion du collatéral dit classiques (cf. chapitre 12 sur les déposi­
earmarking (au sens « affectation »), des taires centraux de titres), ce qui place donc
actifs identifiés servent à collatéraliser une les CSD au cœur du circuit de mobilisation
trans­action précise. Si le mode earmarking du collatéral.
présente l’avantage d’une gestion précise et
ajustée de l’allocation d’actifs aux besoins Lorsque le collatéral est constitué d’actifs
de refinancement, ce dispositif nécessite non négociables tels que les créances
la gestion d’appels de marge fréquents privées, le circuit de mobilisation doit
pour s’assurer que la garanti­e apportée être déterminé par les contreparties à la
constitue en permanence la couverture trans­action. Contra­irement à la mobili­
exacte du risque. Compte tenu des coûts sation des titres négociables, ce circuit
opérationnels, le mode earmarking limite ne passe pas par une infra­structure de
la capacité des contreparties à avoir une marché. Par exemple, la mobilisation des
gestion dynamique de leur collatéral. créances privées par le biais d’un dispo­
sitif de traitement informatisé permet aux
Dans le mode de gestion du collatéral dit établissements de crédit de la Place de Paris
« pooling » ou mise en commun, il est de céder à la Banque de France les créances
possible de constituer auprès du bénéfi­ privées éligibles qu’ils détiennent par remise
ciaire un portefeuille global de collatéral. de fichiers informatiques.
Ce portefeuille sert ensuite à collatéraliser
un ensemble d’opérations de crédit, en 4.3. La mobilisation transfrontière
fonction des besoins, sans que des titres du collatéral
précis soient affectés individuellement à la
garanti­e d’une opération de crédit précise. D’un point de vue opérationnel, la mobilisa­
Le mode pooling permet une gestion tion trans­frontière du collatéral (ou, le cas
beaucoup plus flexible et économique échéant, la mobilisation du collatéral entre
du collatéral. différents CSD au sein d’un même pays)

288 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Le collatéral Chapitre 15


s’effectue généralement sur la base de liens pourrait fausser la concurrence


établis entre les CSD. Comme expliqué entre CSD ou ICSD. Le risque que
au chapitre 12, un « lien entre CSD » est les BCN n’utilisent des comptes
un arrangement contra­ctuel et technique distants qu’avec quelques CSD aurait
permettant à un CSD de donner à ses pu conduire le marché à inter­préter
clients accès à des titres conservés cette concentration comme une indi­
dans un autre CSD, sans exiger que ses cation implicite d’une préférence
clients soient des participants directs dans de l'Eurosystème ;
l'autre CSD. Les liens constituent donc un
moyen important de faciliter les trans­actions • considérations relatives aux coûts :
trans­frontières et contribuent à l'intégration pour être complètement neutre, cette
du marché. solution aurait obligé les BCN à accéder
à distance à tous les CSD, les obligeant
Toutefois, des liens n’existent pas nécessai­ à gérer les différentes pratiques natio­
rement entre tous les CSD. C’est pourquoi, nales, les inter­faces techniques, les
les acteurs recevant du collatéral peuvent messages et les traitements comp­
décider de recourir à des banques corres­ tables. Cela aurait entraîné des coûts
pondantes pour assurer la circulation du supplémentaires pour chacune des
collatéral en l’absence de liens entre CSD. banques centrales.

Cette problématique se pose avec encore Des procédures de mobilisation trans­


plus d’acuité pour les banques centrales frontière ont donc été mises en place,
de l’Eurosystème. En effet, au sein de qui permettent à une contrepartie de
l’Eurosystème, chaque banque centrale mobiliser auprès de sa BCN de refi­
nationale (BCN) est tenue d’accepter de nancement des actifs émis et détenus
ses contreparties n’importe quel actif hors de la juridiction de la BCN. En plus
éligible appartenant à la liste unique de de l’utilisation des liens 19 entre déposi­
l’Eurosystème, c’est-à-dire à la liste des taires centraux de titres, l’Eurosystème a
actifs acceptés comme garanti­e. Cette liste prévu l’utilisation d’un circuit de banques
est composée d’actifs des différents pays centrales correspondantes entre toutes
de la zone euro. Or les banques centrales les BCN de l’Eurosystème. Dans ce
nationales détiennent uniquement des système, chaque banque centrale peut
comptes titres au sein du CSD de leur inter­venir pour le compte des autres en
ressort domestique. qualité de conservateur (ou « correspon­
dante ») pour les actifs émis dans le CSD
La politique actuelle de l'Eurosystème de son ressort national. C’est le modèle
restreint la possibilité pour les BCN de banque centrale correspondante
d’accéder directement à un CSD étranger. («  Correspondant Central Banking
Il s’agit d’une restriction de l'utilisation par Model » – CCBM) mis en place par l’Eu­
une BCN d'un compte titres ouvert en son rosystème en 1999 (cf. encadré 5).
nom propre dans les livres d’un CSD situé
dans la juridiction d'un autre État membre Pensé comme une alternative temporaire
de l'UE afin de recevoir des titres émis dans aux liens entre CSD, le CCBM est resté
ce CSD en garanti­e dans les opérations de très utilisé, puisqu’en 2017 environ 50 %
refinancement de la BCN. Cette politique du collatéral mobilisé de façon trans­
de restriction, appelée « inter­d iction frontière auprès de l’Eurosystème (en
de l’accès à distance » est motivée par valeur de marché) était mobilisé par cette
deux raisons principales : voie. Le pourcentage de collatéral mobilisé
en trans­frontière (via le CCBM et via les
19 Pour autant que ce lien
• politique de neutralité de l'Eurosys­ liens) par rapport au collatéral total s’élève ait été déclaré éligible
tème : l'accès à distance à un CSD à environ 15 %. par l’Eurosystème.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 289


Chapitre 15 Le collatéral


Encadré n° 5 : Comment fonctionne le système de banque centrale


correspondante (CCBM) au sein de l’Eurosystème ?

Comment une contrepartie établie en Espagne peut utiliser des actifs éligibles émis et déposés
en Italie pour obtenir un crédit du Banco de España

Espagne Italie

Étape 2
Banco de España Message MBCC Banca d’Italia
(banque centrale de refinancement) (banque centrale corespondante)
Étape 5
Notification Étape 3 Étape 4
Étape 1 de la réception Rapprochement Confirmation
Demande de crédit Étape 6
Mise à disposition
des fonds Dépositaire central de titres italien
Monte Titoli

Contrepartie Étape 3
Livraison des garanties

Étape 2
Instruction de transfert Conservateur

Un établissement de crédit espagnol, contrepartie de politique monétaire, souhaite obtenir un refi-


nancement auprès du Banco de España en mobilisant des actifs négociables italiens qu’elle détient
auprès du dépositaire central de titres italien, Monte Titoli.

Étape 1 – L’Établissement de crédit espagnol contacte le Banco de España (banque centrale de refinan-
cement) pour demander le crédit et faire part de son intention d’utiliser le circuit de banque centrale
correspondante (BCC) pour mobiliser des actifs négociables qu’elle détient en Italie.

Étape 2 – Sur la base des informations fournies par la contrepartie, le Banco de España envoie un
message à la Banca d’Italia lui demandant de recevoir pour son compte des titres italiens provenant de la
contrepartie. Dans le même temps, la contrepartie émet des instructions pour que les actifs négociables
soient transférés (ou donne l’instruction à son conservateur en Italie de les transférer) sur le compte de
la Banca d’Italia chez le CSD italien, MonteTitoli. Par conséquent, dans cet exemple, la Banca d’Italia agit
en tant que banque centrale correspondante pour le Banco de España, banque centrale de refinancement.

Étape 3 – Après réception du message de la banque centrale espagnole, la Banca d’Italia s’assure que
les actifs négociables parviennent sur son compte chez Monte Titoli. La contrepartie (ou son conserva-
teur) aura préalablement livré les actifs négociables sur le compte de la Banca d’Italia conformément
aux procédures de livraison de Monte Titoli.

Étape 4 – Lorsque la livraison devient effective, Monte Titoli envoie un message de confirmation à la
Banca d’Italia.
…/…

290 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Le collatéral Chapitre 15


Étape 5 – Dès que celle-ci reçoit le message de confirmation de Monte Titoli, elle effectue certaines
procédures internes (par exemple, déterminer le prix des actifs). Elle envoie ensuite une notification de
réception à Banco de España. La Banca d’Italia détient les actifs pour le compte du Banco de España,
agissant ainsi, de fait, comme son conservateur.

Étape 6 – Après avoir reçu la notification de réception des actifs, le Banco de España crédite l’établis-
sement de crédit espagnol du montant des fonds.

5. Les outils de gestion leur maturité. Il s’agit notamment des titres


du collatéral d’État, qui selon le FMI sont détenus, au
niveau mondial, à près de 50 % par ce
5.1. Un besoin accru de collatéral ? type d’investisseur, qui les conservent
en portefeuille et ne les font pas circuler.
Au niveau global, le risque de pénurie – ou À l’inverse, des investisseurs comme les
de rareté – du collatéral a été une préoc­ entreprises non financières, qui peuvent
cupation forte des acteurs au début des avoir recours aux produits dérivés et ont
années 2010. Par exemple, les estimations donc des besoins en actifs éligibles pour
relatives aux besoins supplémentaires répondre aux exigences de collatéralisation,
de collatéral suite à la mise en place de en sont souvent dépourvus.
la loi Dodd-Franck aux États-Unis et de la
règlementation européenne sur les infra­ Toutefois, avec le recul, il apparaît que ce
structures des marchés financiers (EMIR) risque de pénurie de collatéral ne s’est pas
s'étageaient, selon les sources, entre réellement matérialisé. Il a été contrebalancé
200  20 et 2 000 milliards  21 de dollars. par une offre abondante et en augmentation,
Pour sa part, le Committee on the Global compensant la hausse de la demande. Cette
Financial System (CGFS) a souligné que hausse du collatéral disponible s’explique
si une pénurie générale de collatéral par une augmentation du volume d’émission
n’était pas constatée, les situations de dette par les États et les entreprises et
pouvaient varier en fonction des pays par une activité soutenue d’émission d’obli­
20 
Global Financial Stability
considérés 22. Des pénuries de collatéral gations sécurisées (« covered bonds »), Report, Fonds moné­
pouvaient inter­venir dans certains pays ces dernières étant généralement consi­ taire international,
où l’encours d’obligations d’État était dérées comme des actifs de qualité. Par Washington DC, avril 2010.

restreint ou lorsque les obligations d’État ailleurs, en réponse à la crise, à l’image de 21 


Optimizing collateral: in
étaient jugées risquées par les participants l’Eurosystème, les banques centrales ont search of a margin oasis,
Tabb Group, juin 2012.
de marché. généralement assoupli leurs règles d’éligibi­
22 
A sset encumbrance,
lité relatives au collatéral, augmentant ainsi financial reform and
Au-delà de la distinction géographique, une le volume d’actifs pouvant être acceptés the demand for colla­
fragmentation a pu parfois être observée en garanti­e  23. teral assets, CGFS
Publications, No. 49,
entre acteurs ou secteurs économiques. May 2013.
À titre d’exemple, une répartition déséqui­ Malgré la hausse du collatéral disponible, les 23 Cela a été par exemple
librée entre collatéral de bonne et moins tensions ou les craintes de tensions sur la le cas de la BCE, qui
bonne qualité a pu être redoutée par certains disponibilité du collatéral qui ont pu exister en septembre‑octobre
2008, a abaissé son
inter­venants de marché. Les assureurs et suite à la crise financière, ainsi qu’une forte niveau d’exigence en
gestionnaires d’actifs sont en effet struc­ augmentation du recours aux trans­actions matière de qualité de
crédit en matière de titres
turellement détenteurs d’actifs de très collatéralisées, ont mis en exergue l’impor­ négociables éligibles
bonne qualité, et les détiennent jusqu’à tance d'une gestion optimisée du collatéral. (à l’exception des ABS)

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 291


Chapitre 15 Le collatéral


5.2. Les inter­médiaires et au CSD ou au dépositaire prestataire de


les infra­structures de marché service, concernant les titres détenus chez
développent de nouveaux eux à une fréquence définie, qui peut être
services pour optimiser proche du temps réel.
la gestion du collatéral
5.2.2. Accès unique à l’ensemble
Dans de nombreux établissements, la (ou à une large partie) des actifs
gestion du collatéral était traditionnelle­ détenus par un établissement
ment décentralisée au niveau de chacun
des métiers, voire des portefeuilles, et/ou de Ce service consiste, non seulement à offrir
chacune des entités géographiques. Dans la au client une vue agrégée des différents
mesure où chacun de ces inter­venants actifs qu'il détient, mais aussi à lui permettre
pouvait faire appel à des conservateurs diffé­ de mobiliser les actifs facilement, quel que
rents pour la conservation de ses actifs, la soit leur lieu de détention.
fragmentation du collatéral pour une même
entité juridique et économique pouvait en Par exemple, les CSD (ou ICSD) européens
être encore accrue. ont conclu des accords avec d’autres
dépositaires centraux de titres. Euroclear
Avec l’augmentation des besoins en termes a développé un service appelé « open
de collatéral, les institutions financières ont inventory sourcing » qui lui permet, sur la
cherché à limiter les coûts de cette activité base d’accords passés avec des CSD situés
en regroupant, rationalisant et optimisant notamment en Asie et en Europe, d’offrir la
la gestion du collatéral. possibilité de mobiliser facilement les actifs.
Par ailleurs, en septembre 2014, Euroclear
Les inter­médiaires que sont les conserva­ et DTCC ont signé un accord visant à faciliter
teurs de titres (custodians), d’une part, et le paiement des marges et, à terme, le trans­
les dépositaires centraux de titres (CSD), fert du collatéral, entre les deux entités.
d’autre part, disposent d’une vision très De même, dès novembre 2014, dans
précise sur les actifs des institutions finan­ le cadre du programme « Liquidity
cières. Pour cette raison, ces acteurs ont Alliance » 25, Clearstream avait conclu des
pu développer de nombreux services de accords avec quatre CSD au niveau mondial
gestion de collatéral. Il s’agit ici de services (Iberclear en Espagne, Cetip au Brésil,
développés essentiellement auto­ur des ASX en Australie et Strate en Afrique
actifs négociables. du Sud) de façon à pouvoir mobiliser des
actifs détenus chez ces derniers.
Bien que les services proposés par les infra­
structures de marché et les conservateurs Ces coopérations permettent d’accroître
soient tous différents, on peut les classer, la mobilité du collatéral entre les différents
à la suite du rapport « Developments acteurs et de pallier ainsi la fragmentation du
in collateral management services » secteur du post-marché. À cet égard, la mise
du CPMI 24, selon les grandes catégories en place de T2S représente une avancée
décrites ci-après. notable en Europe, puisque les clients des
24 «   D eve l o p m e n t s i n
différents CSD peuvent échanger leurs titres collateral management
5.2.1. Vue agrégée sur l’ensemble des et leurs espèces de façon harmonisée et services », Committee
o n Pay m e n t s a n d
actifs détenus par l’établissement en temps réel sur une même plateforme Markets Infrastructures,
de règlement-livraison. septembre 2014 : https://
Ce service, offert par certains conserva­ www.bis.org/cpmi/publ/
d119.htm
teurs et certains CSD, permet d’offrir aux 5.2.3. Les services d’optimisation
25 
http://www.clearstream.
clients une vue globale sur l’ensemble du collatéral com/clearstream-en/
de leurs actifs, notamment en créant des newsroom
liens avec d’autres conservateurs et CSD. Au-delà des services permettant une meilleure 
http://www.clearstream.
Ces derniers envoient les informations circulation des actifs, les infra­structures com/blob/74068

292 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Le collatéral Chapitre 15


de marché ainsi que les conservateurs Enfin, lorsqu'un acteur ne dispose pas
ont développé des systèmes de gestion d'un collatéral de qualité suffisante, mais
capables d’évaluer le besoin consolidé de d’autres actifs non éligibles, il peut recourir
collatéral de leurs clients, de sélectionner à des services de trans­formation de colla­
les actifs répondant aux critères d’éligibi­ téral  27 fournis par les infra­s tructures
lité des contreparties et infra­structures de de marché, en particulier les CSD et
marché, de les valoriser et de les mobiliser de les ICSD pour répondre à ce besoin parti­
façon optimale, si nécessaire en multi­pliant culier. Ces services utilisent souvent des
les substitutions d’actifs, et ce de manière instruments classiques tels que le repo
quasi immédiate. ou le prêt de titres (securities lending) :
un acteur remet, en garanti­e d’un prêt de
Le plus souvent, ces services se fondent titres conformes aux critères d’éligibilité,
sur des algorithmes dits de « best colla­ des titres non éligibles (de qualité médiocre
teral ». Ces algorithmes sélectionnent, ou peu liquides). Il rémunère en outre le
parmi les actifs collatéralisables du client, prêteur des titres éligibles pour ce service.
ceux qui remplissent les critères d’éligibi­
lité du besoin à couvrir, tout en étant les Ces activités ne sont pas nouvelles en
moins chers à mobiliser du point de vue soi, mais bénéficient d’un développement
du « donneur » de collatéral. Les fournis­ important dans le but de répondre à la
seurs de ces services d’optimisation doivent demande accrue de collatéral.
donc tenir compte des exigences définies
par chacune des parties aux différentes Par ailleurs, certains de ces CSD ont mis
trans­actions. Parmi ces services d’optimi­ en place des services communs avec des
sation, on trouve notamment les services chambres de compensation, de façon à
de gestion tripartite du collatéral. offrir des services couvrant l’intégralité de
la chaîne de traitement des titres. Ainsi, les
Ces services permettent à une institution adhérents à ces services peuvent effectuer
financière de déléguer la gestion de son des opérations de repo sur des maturités
collatéral à un agent tripartite qui agit pour courtes, en temps réel et sur des plateformes
le compte du « donneur » et du « receveur » de trading anonymes, avec compensation
de collatéral. Les institutions financières et novation de la part d’une CCP, tout en
peuvent ainsi déléguer tout ou partie des bénéficiant des services de gestion tripartite
processus opérationnels de gestion de du collatéral. Enfin, grâce à des accords avec
collatéral qui peuvent être extrêmement les banques centrales, le collatéral échangé
consommateurs de ressources. Grâce au sur ces plateformes peut également être
nombre élevé de trans­actions qu’ils traitent, mobilisé auprès des banques centrales.
ces agents tripartites offrent des méca­ En Europe aujourd’hui, ces services sont
nismes sophistiqués d’optimisation à un les services GC Pooling, offert par le groupe
coût relativement faible. Deutsche Börse, et €GC Plus offert par
Euroclear France et LCH SA.
En Europe, ces services de gestion
tripartite sont offerts notamment par Au sein de l’Eurosystème, les différentes
les grands CSD : Euroclear Bank, banques centrales acceptent le collatéral livré
Euroclear France sur la base du mécanisme via des agents tripartites. Le circuit CCBM de
Auto­select, Clearstream Luxembourg et mobilisation trans­frontière de collatéral au
Clearstream Francfort grâce aux méca­ sein de l’Eurosystème a même été adapté 26 L'autre grande banque
dépositaire américaine,
nismes CmaX et Xemac, mais aussi pour permettre de mobiliser du collatéral JP Morgan Chase, a
Monte Titoli en Italie et Iberclear en Espagne. via des agents tripartites et de façon trans­ décidé de mettre fin à
son service de gestion
Aux États-Unis, les services de gestion frontière. Ainsi, une banque allemande peut triparty du collatéral à
tripartites du collatéral sont offerts par l'une obtenir un crédit auprès de la Bundesbank compter de fin 2017.
des deux grandes banques dépositaires en utilisant les services tripartites fournis 27 
h ttps://www.dnb.nl/
américaines : Bank of New York Mellon 26. par Euroclear Bank (l'agent tripartite). binaries

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 293


Chapitre 15 Le collatéral


Encadré n° 6 : Le service €GC Plus

En 2010, les grands établissements de la place de Paris se sont engagés dans le développement de
nouveaux services pour les opérations de pensions livrées en euro, sous l’impulsion notamment de
la Banque de France.

Les motivations de ce projet étaient triples :

• mettre à niveau la place de Paris en termes de services à valeur ajoutée auto­ur de la pension livrée
de titres qui avec la crise est devenue un outil majeur de refinancement des banques ;
• proposer une alternative à l’unique offre concurrente « GC Pooling » développée par Clearstream/Eurex
sur la place de Francfort ;
• favoriser un marché unique du collatéral dans la zone euro en augmentant la fluidité des échanges.

Depuis juin 2014, le service de gestion tripartite du collatéral d’Euroclear France est associé au service
de compensation €GC Plus de la chambre de compensation LCH SA. Ce service de gestion du collatéral
tripartite implique un mandat donné à Euroclear France par les contreparties pour assurer la gestion
et l’optimisation de leurs instruments financiers affectés en garanti­e. En outre, LCH SA apporte sa
garanti­e de bonne fin des trans­actions et centralise la gestion du risque de défaillance de la contrepartie.
Ces services ont été développés par Euroclear France ; ils sont ouverts à la compensation par LCH SA
et donnent accès aux opérations de refinancement de l’Eurosystème via la Banque de France.

Le fonctionnement d’€GCPlus peut se résumer comme suit (cf. aussi chapitre 12, encadré n° 4).

• Les participants de marché ont accès à plusieurs plates-formes de trading électronique et affichent,
de façon anonyme, leurs intérêt à emprunter ou à prêter du cash en euro contre 2 paniers stan-
dardisés de collatéral. Le premier panier est composé de titres éligibles au ratio de liquidité à un
mois (LCR) et le second panier de titres éligibles au refinancement Eurosystème (hormis les ABS) ;
la totalité des titres des 2 paniers est donc éligible au refinancement Eurosystème.
• Lorsque des intérêts se rencontrent, la trans­action est compensée par LCH SA.
• Euroclear permet une gestion auto­matisée et optimisée du collatéral. Dans le cas d’un emprunteur de
cash, un exemple d’optimisation consiste à sélectionner les titres qui minimisent le volume de collatéral.
• La Banque de France permet au receveur de collatéral de déverser les titres reçus, dans son pool
de collatéral, pour accéder au refinancement Eurosystème.

Tous les flux entre les plates-formes de trading électronique, les back-offices des contreparties, la
chambre de compensation, Euroclear et/ou la Banque de France fonctionnent de façon auto­matisée
(en mode « Straight Through Processing », STP), de la négociation au règlement livraison.

Enfin, les CSD veillent à ce que la circula­ ont ainsi accès de façon trans­parente et
tion du collatéral soit rendue la plus facile simplifiée à une large palette d’actifs (dette
possible. C’est dans ce contexte que se gouvernementale, corporates, actions).
positionne par exemple la plateforme MTF
(Multi­lateral Trading Facility) Elixium (filiale 5.2.4. Le prêt de titres contre titres
du groupe Tradition), soutenue par Euroclear.
Ce dispositif permet de mettre en relation Le prêt de titres contre titres est un contra­t
tous types de participants : banques, fonds de gré à gré par lequel un prêteur trans­fère
souverains, gestionnaires d’actifs, fonds momentanément la propriété de titres à un
de pension, trésorerie des entreprises, qui emprunteur, pour recevoir d’autres titres,

294 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Le collatéral Chapitre 15


dont il a usage. Les titres objets du trans­fert travail ont été constitués au niveau du CSF.
de propriété servent de garanti­e au prêt Leurs thématiques de travail (fonds moné­
des autres titres, ceux dont l’emprunteur taires, titrisation, opérations de pension
a l’usage. Le prêteur de titres perçoit en livrée et de prêt-emprunt de titres) ont
outre une rémunération, le taux du prêt. été choisies en fonction du rôle décisif
Ce taux est d’autant plus élevé que le titre que ces acteurs ou activités techniques
prêté est très demandé. ou financières ont pu jouer dans la crise
de 2007-2008 et de leurs poids dans le
système financier.
6. La gestion des risques relatifs
au collatéral L'un de ces groupes a travaillé sur le thème
« Réduire les risques, notamment
L’utilisation de collatéral, si elle permet de pro-cycliques, découlant des opérations
sécuriser les trans­actions financières et le de pension livrée (repos) et de prêt-emprunt
fonctionnement des infra­structures des de titres », et a publié en août 2013  30, des
marchés financiers, nécessite néanmoins recommandations visant à :
une gestion des risques appropriée.
Cette préoccupation se traduit par la prise • renforcer la trans­parence et la règle­
en compte du collatéral dans les PFMI mentation des opérations de repos et
(Principles for Financial Markets Infra­ de prêt-emprunt de titres (règles sur
structures, voir chapitre 18), par des le réinvestissement du collatéral cash,
recommandations formulées par le G20, exigences relatives à la réutilisation des
puis par la mise en place d’un règlement titres, etc.) ;
par la Commission européenne.
• définir des standards méthodologiques
6.1. La prise en compte de calcul des décotes et le niveau
de recommandations de décotes minimales applicables à
sur le collatéral pour certaines opérations de repos et de
les infra­structures de marché prêt-emprunt de titres, afin de limiter
le recours excessif à l’effet de levier et
Le cinquième principe des PFMI, intitulé la pro-cyclicité associée ;
« collatéral », recommande à une infra­
structure de marché qui prend des garanti­es • établir des standards et des procé­
pour gérer son exposition au crédit de ses dures pour la collecte et l’agrégation
participants d’accepter des garanti­es avec des données relatives aux opérations de
de faibles risques de crédit, de liquidité et de repos et de prêt-emprunt de titres afin
marché. Il lui est également recommandé de d’améliorer la trans­parence des marchés.
définir et appliquer des décotes et des limites
de concentration raisonnablement prudentes. 6.3. Le règlement de la Commission
européenne sur les opérations
6.2. Le soutien du G20 aux de financement de titres
recommandations du FSB
Par ailleurs, la Commission européenne, 28 
h ttp://discours.vie-pu­
Par ailleurs, dans leur déclaration de conformément aux recommandations blique.fr
novembre 2011 28, les membres du G20 ont du CSF d’une plus grande trans­parence 29 
Shadow Banking: stren­
appelé à renforcer la régulation et la surveil­ des opérations de repos et de prêt-emprunt gthening Oversight and
Regulation : http://www.
lance des activités de la finance « hors de titres, a publié fin 2015 un règlement fsb.org/wp-content
banques » (shadow banking) et ont soutenu sur la trans­parence des opérations de
30 
Policy Framework for
onze recommandations clés établies par le financement de titres et la réutilisa­ Addressing Shadow
Conseil de stabilité financière (CSF) dans tion : le règlement (UE) 2015/2365, dit Banking Risks in
Securities Lending and
un rapport d’octobre 2011  29. À la suite de la règlement SFT (« Securities Financing Repos : http://www.fsb.
publication de ce rapport, cinq groupes de Trans­actions Regulation »), a été publié org/2013

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 295


Chapitre 15 Le collatéral


au Journal officiel de l'Union européenne périodiques et dans leurs documents


du 23 décembre 2015 et est entré en de pré-investissement (notamment le
vigueur le 12 janvier 2016. prospectus). Cette exigence s'applique
aux OPC et aux fonds de placement alter­
Son objectif est de renforcer la trans­ natifs auto­risés par la directive AIFMD
parence sur le marché des opérations de (Alternative Investment Fund Managers
financement de titres et de la réutilisa­ Directive). L'exigence relative aux
tion des instruments financiers fournis rapports périodiques s'applique depuis
en garanti­e par les contreparties. Ceci le 13 janvier 2017. L'obligation relative
doit permettre aux régulateurs et aux aux documents précontra­ c tuels
superviseurs de surveiller l'accumulation s'applique depuis le 12 janvier 2016 pour
et la répartition des risques liés à ces les fonds constitués après cette date et
trans­actions, mais aussi d'améliorer l'in­ depuis le 13 juillet 2017 pour les fonds
formation des investisseurs. constitués avant cette date.

Le règlement SFT introduit trois nouveaux 3. La trans­parence de la réutilisation des


types d'exigences. instruments financiers reçus en vertu
d'un accord de garanti­e. Les conditions
1. L’obligation de déclaration des SFT aux suivantes doivent être remplies par la
référentiels centraux de données (trade contrepartie réceptrice avant d'exercer
repositories). Cette obligation de décla­ son droit de réutilisation :
ration s'applique à toute contrepartie
financière et non financière établie dans – 
la contrepartie fournissant la
l'Union européenne qui est partie à une garanti­e doit être dûment informée
opération de financement de titres. des risques et conséquences de
Elle s'applique également à toutes leurs la réutilisation ;
succursales, quel que soit leur lieu de
résidence, ainsi qu'aux succursales euro­ – la contrepartie fournisseuse doit
péennes des contreparties établies dans accorder son consentement préalable ;
un pays tiers. Cette obligation entrera
progressivement en vigueur, selon le – les instruments financiers qui font
type de contrepartie, après validation l'objet de la réutilisation doivent
finale des normes techniques d'appli­ être effectivement trans­férés du
cation par la Commission européenne. compte de la contrepartie fournis­
sant la garanti­e vers le compte de
2. L'obligation de publier des informations la contrepartie recevant la garanti­e.
sur l'utilisation des SFT et des contrats
d’échange sur rendement global (ou total Ce dispositif qui accroit la trans­parence sur
return swaps). Les sociétés de gestion l’utilisation et la circulation du collatéral dans
de fonds doivent inclure certaines le cadre des SFT permet aux auto­rités, dans
informations (détaillées dans l'annexe leur différentes missions, de mieux suivre
du règlement) dans leurs rapports les risques liés au collatéral.

296 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


CHAPITRE 16

Les référentiels centraux
de données
Mis à jour le 17 décembre 2018
Chapitre 16 Les référentiels centraux de données


S
elon la définition du rapport 1.2. Le rôle des référentiels centraux
CPSS-IOSCO « Principes pour de données
les Infrastructures des Marchés
Financiers » (Principles for financial market Le rôle des référentiels centraux de données
infrastructures ou PFMI) 1, un référentiel est d’assurer la transparence des opéra-
central de données est une « entité qui admi- tions pour les participants de marché et
nistre une base de données électronique les régulateurs. En centralisant la collecte,
centralisée où sont enregistrées les transac- le stockage et la diffusion des données,
tions ». Les référentiels centraux de données un référentiel central peut contribuer de
(RCD) constituent à cet égard un nouveau manière significative à renforcer la trans-
type d’infrastructure des marchés financiers ; parence des données de transactions
il est très particulier dans la mesure où il communiquées aux régulateurs et au public,
ne traite pas les opérations elles-mêmes, afin de favoriser la détection et la prévention
comme les contreparties centrales (CCP) ou des abus de marché et de promouvoir la
les systèmes de règlement-livraison, mais stabilité financière.
gère et stocke les données relatives aux
transactions financières. Bien que préexis- Ce rôle est particulièrement important
tants à la crise financière de 2008, les RCD s’agissant des opérations négociées de
ont vu leur importance croître depuis cette gré à gré (OTC  3), pour lesquelles il n’existe
crise, en particulier dans le domaine des pas de marché organisé à même d’en
dérivés de gré à gré, afin d’en améliorer assurer la transparence. Les données des
la transparence. transactions sur dérivés OTC peuvent être
déclarées par les contreparties elles-mêmes.
Dans certains cas, cette déclaration peut être 1 h tt p : / / w w w. b i s . o r g /
1. Que sont les référentiels déléguée à un tiers (à la contrepartie centrale cpmi/publ/d101a.pdf
centraux de données ? par exemple, dans le cas des transactions (version originale) ou
h tt p : / / w w w. b i s . o r g /
compensées). L’accès à ces informations cpmi/publ/d101_fr.pdf
1.1. Définition a notamment pour objectifs de permettre (traduction française),
cf. chapitre 18.
aux banques centrales d’avoir une vision
2 
Vo i r h i s t o r i q u e e n
Les référentiels centraux de données (Trade consolidée des risques, aux superviseurs section 1.3
Repositories en anglais, ou TR) sont des prudentiels de suivre les expositions des
3 O
 ver-The-Counter : termi-
infrastructures des marchés financiers établissements placés sous leur responsabi- nologie anglo-saxonne
exploitées par des personnes morales, lité et aux régulateurs de marché de pouvoir désignant le gré-à-gré.
chargées de l’enregistrement de données
relatives à des transactions financières.
Ces transactions peuvent porter par exemple
Encadré n° 1 : Le fonctionnement d’un référentiel central
sur des produits dérivés, sur des opérations
de données
de prêt/emprunt de titres, de pension livrée
ou encore sur des opérations de change. Participants de marché

Si les référentiels centraux de données


constituent sans doute l’une des innova- Autorités :
Banques centrales,
tions les plus importantes de ces dernières Autorités de marché...
années dans le domaine des infrastructures en fonction du mandat
Réception
de marché à l’échelle mondiale, c’est en Contrôle
raison de leur capacité à rendre transpa- Rapprochement
rent le marché opaque des produits dérivés Restitutions Public :
de gré à gré. Ils ont néanmoins été créés mise à disposition
initialement pour répondre à des besoins de données agrégées
différents, principalement liés à la confir-
Déclaration des transactions
mation et à l’enregistrement des dérivés
de crédit 2.

298 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les référentiels centraux de données Chapitre 16


identifier d’éventuelles manipulations de Une fois cette question réglée, les autorités
marché. En outre les référentiels centraux de régulation et les intervenants de marché
de données mettent à disposition des infor- ont constaté que le processus de traite-
mations agrégées à destination du public. ment en aval des opérations sur CDS
constituait une autre source de préoc-
Un référentiel central de données peut cupations à laquelle il fallait trouver une
également offrir des fonctions auxiliaires, réponse. Par exemple, l’enregistrement
comme par exemple la confirmation des et le rapprochement des modifications et
transactions, le calcul des paiements liés des amendements apportés aux contrats
au cycle de vie de la transaction ou la mise de CDS, susceptibles d’être revendus ou
à jour des données. transférés plusieurs fois avant l’échéance,
demeuraient essentiellement manuels.
1.3. Historique Pour remédier à cette situation, une
nouvelle infrastructure a été créée en 2006
Les référentiels centraux de données aux États‑Unis, DTCC Trade Information
trouvent leur source dans le développement Warehouse (TIW), un référentiel central de
du marché des dérivés de crédit (Credit données automatisé destiné à héberger et à
Default Swaps ou CDS), qui a connu une très traiter l’ensemble des contrats de CDS tout
forte croissance à la fin des années 1990 et au long de leur vie. En 2007, TIW détenait
au début des années 2000. En 2003, selon les informations de plus de 2,2 millions
les estimations, seulement 15 % des tran- de contrats de CDS en cours, soit une
sactions faisaient l’objet d’un enregistrement proportion estimée à 98 % du stock mondial
électronique. À cette époque le processus de d’opérations sur CDS.
négociation était essentiellement fait à la voix
et source d’erreurs ; dans de nombreux cas, Après la crise financière de 2008, les réfé-
il fallait attendre jusqu’à un mois la confirma- rentiels centraux de données ont vu leur
tion des transactions, d’où une accumulation rôle s’accroître de manière significative et
de risques non identifiés ou non réconciliés étendu aux classes d’actifs autres que les
entre les établissements financiers et les dérivés de crédit.
industries du secteur. Conscientes de la
nécessité d’éliminer ce risque, plusieurs
autorités nationales et transnationales ont 2. Une accélération de la
préconisé le développement d’un service réglementation : l’obligation
de rapprochement et de traitement électro- de reporting des transactions
niques des opérations sur CDS. sur produits dérivés et
ses conséquences
L’action conjointe des intervenants de
marché et de la Depository Trust & Clearing Lors du sommet de Pittsburgh de
Corporation (DTCC), la principale société septembre 2009, les dirigeants du G20 ont
américaine offrant des services de post- marqué leur volonté de rendre les marchés
négociation au marché US et accessoire- plus transparents et plus sûrs au niveau
ment aux marchés financiers internationaux, mondial. La mise en liquidation de la banque
a permis la création d’une plateforme Lehman Brothers ainsi que la quasi-faillite de
automatisée de rapprochement et de confir- l’assureur AIG ont ainsi déclenché nombre
mation des opérations de négociation sur de réformes concernant les produits dérivés
CDS, appelée « Deriv/SERV ». Quelques de gré à gré.
années après sa création en 2003, et au
moment de la crise financière, ce nouveau 2.1. Les décisions du G20
service était utilisé pour la confirmation
et l’enregistrement de plus de 95 % de Ces crises ont en effet révélé plusieurs
l’ensemble des opérations sur CDS à failles, notamment, l’absence de visibi-
l’échelle mondiale. lité sur les positions d’acteurs financiers,

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 299


Chapitre 16 Les référentiels centraux de données


la concentration gigantesque de positions 2.2. La réglementation EMIR


sur dérivés dans les portefeuilles de certains
acteurs et l’immense difficulté pour les En Europe, cette orientation du G20 s’est
liquidateurs et les autorités de déterminer traduite dans le règlement dit EMIR
les contreparties et les transactions afin de N°648/2012 (European Market Infrastructure
pouvoir dénouer ces dernières. Ces crises Regulation  5 ), entré en vigueur le
ont mis en lumière l’urgence à mettre en 16 août 2012. EMIR prévoit ainsi une obli-
place des obligations de transparence sur gation de déclaration de l’ensemble des
ces produits afin d’éviter une nouvelle transactions sur produits dérivés auprès des
crise financière. référentiels centraux de données, établit
les règles à respecter par ces derniers,
Dans le cas de la faillite de Lehman Brothers et définit les normes de fonctionnement,
en 2008, par exemple, c’est, dans un d’encadrement, de surveillance et de super-
premier temps, la difficulté de recenser vision de ces infrastructures, conformément
toutes les transactions de dérivés de aux PFMI.
crédit ayant comme entité de référence
Lehman Brothers 4 qui a rendu la liquidation L’obligation de reporting au titre d’EMIR
extrêmement complexe. L’épisode a mis en est effective depuis le 12 février 2014
exergue l’utilité de disposer en un endroit et s’applique à l’intégralité des transac-
des différents contrats ayant comme entité tions sur produits dérivés, sans exception,
de référence Lehman Brothers, pour ainsi qu’elles aient lieu sur une plateforme
faciliter la mesure de l’exposition financière de marché ou de gré à gré. Ce n’est pas
4 Un dérivé de crédit,
des entités ayant vendu ces protections le cas dans toutes les juridictions : aux ou CDS (Credit Default
contre la défaillance de cet acteur. États-Unis, par exemple, seules les tran- Swap), ayant comme
entité de référence
sactions sur dérivés de gré à gré sont Lehman Brothers est
C’est dans ce contexte que le commu- concernées. Dans la législation améri- essentiellement une
assurance ayant pour
niqué final du G20 a établi une obligation caine, cet engagement du G20 trouve but de protéger le
d’enregistrement des transactions sur sa traduction via une des dispositions du détenteur du contrat
les produits dérivés de gré à gré dans Dodd-Frank Act, qui impose la déclaration contre le défaut de
Lehman Brothers.
des référentiels centraux de données. à des Swap Data Repositories 6 (SDR) des C’est le vendeur de
Ces derniers, en centralisant et en rendant transactions sur produits dérivés négociés CDS est qui est exposé
au risque de défaut de
homogène l’information sur ces transac- de gré à gré. Lehman Brothers.
tions, quels que soient les segments de
5 
h ttps://eur-lex.europa.
marché concernés et donc pas seulement Parmi les différences entre la législation eu/legal-content/FR/TXT/
les CDS, devaient ainsi permettre aux européenne et la législation américaine, il PDF/?uri=CELEX:32012
R0648&from=FR.
régulateurs d’avoir une vision consolidée faut également noter le principe de la décla- Pour plus de détails sur
de l’activité sur les produits dérivés et de ration simple ou de la double déclaration. EMIR, voir chapitre 11,
faciliter les calculs d’exposition globaux, Le Dodd-Frank Act impose en effet que l’une section 4.3

ce qui n’était pas possible jusqu’alors sur des deux contreparties uniquement déclare 6 L’équivalent américain
des référentiels centraux
tous les segments de marchés dérivés, du la transaction dans un SDR  7, tandis qu’EMIR de données.
fait des disparités dans l’information dispo- impose à ce jour que les deux contreparties
7 La détermination de l’en-
nible. Dans l’exemple de Lehman Brothers déclarent la transaction chacune séparé- tité déclarante au SDR
développé ci-dessus, le recours systéma- ment 8. Le but de cette double déclaration répond à des règles
précises liées aux types
tique à la déclaration des transactions dans est d’assurer une meilleure qualité des de contreparties de
des référentiels centraux de données aurait données, en comparaison avec un système la transaction (Swap
pu faciliter et permettre en quelques jours de simple déclaration dans lequel il n’y a pas Dealer, Major Swap
Participant, etc.).
la détermination de l’exposition effective d’autre validation que celle du référentiel
8 Au titre de la régle-
des contreparties sur cette banque sur le central de données. mentation européenne,
marché des credit default swaps, venant une même transac-
ainsi éroder le pic d’aversion au risque sur L’obligation d’enregistrement auprès des tion peut ainsi être
déclarée dans deux réfé-
le marché interbancaire créé par la faillite référentiels centraux de données a vocation rentiels centraux de
de l’établissement. à se développer encore, comme l’illustre données différents.

300 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les référentiels centraux de données Chapitre 16


l’adoption en novembre 2015 du règlement possibilité qu’ont ces groupes de proposer


européen SFTR 9, dont l’objet est d’amé- une gamme complète de services de
liorer la transparence des opérations de post-marché de manière intégrée (compen-
financement sur titres (securities financing) sation, règlement-livraison, déclaration aux
effectuées au sein de l’Union européenne. référentiels centraux de données, etc.).
L’adoption de ce règlement fait notamment Les défenseurs de cette approche mettent
suite aux recommandations du Conseil de en exergue l’efficience d'un ensemble de
stabilité financière (CSF) sur la réglementa- services intégrés au sein du même groupe,
tion du shadow banking, publiées en 2013. avec les synergies en termes de coût que
Parmi ces recommandations figuraient cela peut procurer.
notamment l’amélioration de la transpa-
rence des opérations de prêt/emprunt de Dans d’autres zones géographiques, les
titres et de pensions livrées 10. référentiels centraux de données peuvent
être adossés à des organisations publiques,
Lors de la crise financière, ces opérations la banque centrale ou l’autorité de marché.
ont été source de contagion, de levier et C’est le cas par exemple à Hong Kong, où
d'effets procycliques et ont été ainsi identi- l’entité HKMA-TR dépend de l’autorité des
fiées par les législateurs européens comme marchés de Hong Kong 12.
nécessitant un meilleur suivi et une trans-
parence accrue. Au Mexique et en Corée du Sud par
exemple, la fonction de référentiel
L’article 4 du règlement SFTR impose ainsi central de données est assurée par la
une obligation de déclaration des opérations banque centrale.
de financement sur titres à des référentiels
centraux de données, pour toutes les tran- Il existe par ailleurs un débat sur l’op- 9 Securities Financing
sactions conclues après l’entrée en vigueur portunité que les référentiels centraux Transactions Regulation :
http://eur-lex.europa.
du texte, le 12 janvier 2016 11. de données aient vocation à revêtir une eu/legal-content/EN/
forme de service public, dans la mesure TXT/HTML/?uri=CELEX:
32015R2365&from=EN
où ces infrastructures rendent un service
3. L’émergence de nouveaux d’intérêt général. En effet, les référentiels 10 
Les opérations de
financement sur titres
acteurs et leurs différents centraux de données internationaux se permettent aux acteurs
modèles économiques trouvent dans une position unique pour du marché d’avoir accès
à des financements
soutenir la stabilité financière et l’intégrité garantis, c’est-à-dire d’uti-
Plusieurs modèles économiques coexistent des marchés financiers et pour fournir ce liser leurs actifs comme
dans le secteur des référentiels centraux bien public. collatéral pour se financer.
Il s’agit notamment des
de données. opérations consistant à
3.1. Au niveau mondial donner temporairement
en garantie des actifs
En Europe et aux États-Unis, les référentiels en échange d’un finan-
centraux de données sont majoritairement Plus d’une trentaine de référentiels centraux cement (par exemple,
détenus par des groupes privés d’infrastruc- de données sont actuellement recensés les opérations de prêt
ou d’emprunt de titres,
tures de marchés financiers, et présents dans le monde, mais apparaissent concen- de pension livrée,
tout au long de la chaîne de traitement des trés dans certaines juridictions, comme le d’achat-revente ou de
vente-rachat de titres ou
titres. Leur chiffre d’affaires est réalisé via montre l’encadré ci-après. encore de prêt avec appel
la perception de frais auprès des entités de marge).
déclarantes, même si peu d’éléments sont La présence et le nombre de référentiels 11 E t la publication des
disponibles sur la marge d’exploitation centraux de données en fonction des pays normes techniques asso-
ciées. Le Règlement
réelle de cette ligne de métier dans les est liée d’une part, aux obligations de décla- SFTR octroie par ailleurs
groupes d’infrastructures. C’est le modèle rations mises en place par les différentes des délais de mise en
œuvre pour certaines
dominant dans le monde, notamment dans juridictions, et d’autre part à la segmentation contreparties, allant de
le sillage du groupe DTCC, qui gère 8 réfé- des différents marchés et la coexistence, 12 à 21 mois.
rentiels centraux de données en Amérique, en fonction des segments de marché, de 12 Hong Kong Monetary
Europe et Asie. Ceci peut s’expliquer par la référentiels centraux de données publics et Authority.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 301


Chapitre 16 Les référentiels centraux de données


privés. C’est notamment le cas au Brésil, BM&F Bovespa, affilié au groupe boursier du
où l’obligation de reporting est ancienne même nom, était le réceptacle des transac-
(fin des années 1980) et où, jusqu’en 2017, tions sur dérivés listés sur les plateformes

Encadré n° 2 : Référentiels centraux de données et entités assimilées


dans les 24 juridictions du Conseil de stabilité financière

Référentiels centraux/entités assimilées Pays Juridictions d’habilitation


Trade repositories (TRs)
BM&F Bovespa Brazil Brazil
BSDR LLC US (US)
CCIL India India
CETIP Brazil Brazil
Chicago Mercantile Exchange Inc. US Canada, (US)
CME European Trade Repository UK EU
DTCC-DDR US [Australia], Canada, (US)
DTCC Data Repository – Japan Japan [Australia], Japan
DTCC-DDRL UK [Australia], EU
DTCC Data Repository – Singapore Singapore Australia, Singapore
HKMA-TR Hong Kong [Australia], HK
ICE Trade Vault US Canada, (US)
ICE Trade Vault Europe UK EU
KDPW Trade Repository Poland EU
Korea Exchange (KRX) Korea Korea
CJSC National Settlement Depository (NSD) Russia Russia
REGIS-TR Luxembourg EU
OJSC “Saint-Petersburg Exchange” (SPBEX) Russia Russia
SAMA TR Saudi Arabia Saudi Arabia
UnaVista UK [Australia], EU

TR-like entities
Argentina Clearing Argentina Argentina
Banco de México Mexico Mexico
Bank of Korea Korea Korea
Bank Indonesia Indonesia Indonesia
CFETS China China
China Securities Internet System China China
Financial Supervisory Service Korea Korea
Mercado de Valores de Buenos Aires Argentina Argentina
Mercado Abierto Electrónico Argentina Argentina
Mercado Argentino de Valores Argentina Argentina
Mercado a Término de Buenos Aires Argentina Argentina
Mercado a Término de Rosario Argentina Argentina
SIOGRANOS Argentina Argentina
Takasbank Turkey Turkey
Source : Thematic Review on OTC Derivatives Trade Reporting, Peer Review report, 4 /11/2015 : http://www.fsb.org/wp-content/uploads/Peer-review-
on-trade-reporting.pdf

302 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les référentiels centraux de données Chapitre 16


réglementées, tandis que l’opérateur 4. Le cadre de supervision


public CETIP concentre les données de tran- des référentiels centraux
sactions portant sur les dérivés de gré à gré. de données
dans l’Union européenne
3.2. Au niveau européen
En tant qu’infrastructures des marchés finan-
Au sein de l’Union européenne, à fin ciers, les référentiels centraux de données
février 2018, huit référentiels centraux sont soumis aux PFMI au niveau interna-
de données localisés dans l’Union tional. Dans l’Union européenne, et comme
étaient agréés par l’ESMA, l’autorité pour les autres infrastructures (CCP, CSD,
désignée pour agréer et superviser systèmes de paiement d’importance systé-
ces infrastructures au sein de l’Union : mique, etc.), les PFMI ont été déclinés de
manière contraignante dans un règlement
• cinq au Royaume-Uni européen pour les référentiels centraux de
données. C’est en effet EMIR qui, au-delà
– DTCC Derivatives Repository Ltd, filiale des CCP (cf. chapitre 11 section 4.3), fixe
du groupe américain DTCC, acteur histo- aussi le cadre de surveillance des référentiels
rique sur le segment des référentiels centraux de données au sein de l’Union euro-
centraux de données ; péenne. Le titre VI (articles 55 à 77) décrit
ainsi la procédure d’agrément des référen-
– UnaVista Ltd, filiale du London Stock tiels centraux de données auprès de l’ESMA,
Exchange Group ; le régulateur européen des marchés étant par
ailleurs chargé de leur supervision directe.
– CME Trade Repository Ltd ;
À l’issue de la procédure d’agrément,
– ICE Trade Vault Europe Ltd ; l’ESMA est en effet chargée de la super-
vision directe des référentiels centraux
– Bloomberg Trade Repository Ltd ; de données et doit s’assurer que ces
derniers se conforment en permanence
• un au Luxembourg aux exigences contenues dans EMIR.
L’ESMA dispose par ailleurs d’un pouvoir
– Regis-TR S.A., joint-venture entre de sanction et peut infliger des amendes
Iberclear, le CSD espagnol, et ou effectuer des inspections sur place.
Clearstream ; Ces dispositions sont contenues dans le
titre VI, et concernent notamment :
• un en Pologne
• la fiabilité opérationnelle (article 79) : les
– K r a j ow y D e p o z y t Pa p i e r ów référentiels centraux de données doivent
Wartosciowych S.A. (KDPW) ; à ce titre être dotés de systèmes et
de moyens de contrôle fiables et sûrs.
• un en Suède Par ailleurs ils doivent mettre en place
des politiques de continuité d’activité
– NEX Abide Trade Repository AB. et des plans de rétablissement, dans
la mesure où ils sont particulièrement
Par ailleurs, EMIR prévoit que l’ESMA puisse exposés aux risques opérationnels
également reconnaître des référentiels (cf. chapitre 17) ; il est essentiel d’assurer
centraux de données de pays tiers, sous la disponibilité, la fiabilité et l’exacti-
réserve du respect d’un certain nombre de tude des données au fil de l’eau et de
conditions (cf. infra), notamment l’applica- manière  permanente ;
tion d’un régime de supervision équivalent
et la signature d’accords de coopération • la sauvegarde et l’enregistrement des
entre les régulateurs. données (article 80) : les référentiels

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 303


Chapitre 16 Les référentiels centraux de données


centraux de données ont l’obligation à la négociation d’évaluer leur exposition


d’assurer la confidentialité, l’intégrité globale au risque de défaillance de la contre-
et la protection des informations partie. La transparence permet d’identifier et
reçues. Par ailleurs, la durée minimale de gérer les risques de concentration et de
d e c o n s e r va t i o n d e s d o n n é e s contrepartie. Par ailleurs la transparence n’est
est de dix ans après la cessation possible que si les données sous‑jacentes
des contrats concernés ; sont complètes et exactes. Dans le cas
contraire, les régulateurs et/ou le public
• la transparence et la disponibilité des risquent d’en tirer des conclusions erronées.
données pour les régulateurs (article 81) :
EMIR impose ainsi que les données Les autorités utilisent les données issues
contenues dans les référentiels centraux de référentiels centraux de données au sein
de données soient rapidement dispo- de leurs juridictions afin d’améliorer la trans-
nibles pour plusieurs autorités, parmi parence, de réduire le risque systémique et
lesquelles l’ESMA, les autorités nationales de lutter contre les abus de marché.
de surveillance des marchés, les autorités
de supervision des infrastructures, les 5.1. Les utilisations des données
membres concernés du SEBC, etc.
Les autorités utilisent en premier lieu les
Par ailleurs, l’article 77 d’EMIR décrit la données pour aider à la mise en œuvre
procédure à suivre pour un référentiel central des différentes réformes du marché des
de données situé à l’extérieur de l’Union produits dérivés de gré à gré. Par exemple, de
européenne et qui souhaiterait fournir des nombreuses juridictions utilisent les données
services au sein de l’Union. Selon cette issues des référentiels centraux de données
procédure, le référentiel central de données pour identifier la proportion de dérivés de gré
étranger candidat à l’agrément devra ainsi à gré compensés centralement. Les autorités
se situer dans un pays dont la législation en analysent également les caractéristiques des
matière de surveillance des infrastructures différents produits dérivés de gré à gré pour
de marchés aura été reconnue comme équi- aider à déterminer s’ils doivent être soumis
valente à celle de l’Union européenne par la à une obligation de compensation. Enfin, les
Commission européenne. Par ailleurs, et en autorités peuvent évaluer le degré de standar-
application de la Responsabilité E des PFMI disation des produits et ainsi mesurer le degré
qui traite de la coopération entre autorités de liquidité du marché, ainsi que le nombre et
de régulation, EMIR impose dans ce cas la les types de participants dans les différents
signature d’accords de coopération entre marchés de produits dérivés de gré à gré.
les régulateurs européens et les autorités
du pays étranger en question, afin d’assurer À des fins d’évaluation de la stabilité
un échange régulier d’informations. financière et d’identification du risque
systémique, les données issues des réfé-
rentiels centraux de données peuvent être
5. Qualité, fragmentation importantes à la fois pour l'analyse simple
et accès aux données : et pour la modélisation complexe.
les enjeux liés à l’évolution
des référentiels centraux • À titre d’exemple, l’analyse des
de données volumes et des types de participants
dans différents segments de marché
La transparence des données relatives aux peut permettre aux autorités de mieux
transactions est essentielle pour permettre comprendre où les risques peuvent
i) aux régulateurs de déterminer où se situe potentiellement se former. Une analyse
le risque de marché et où se forment les plus sophistiquée exige une compréhen-
sources d’instabilité financière potentielle sion des positions des acteurs de marché
dans le système et ii) aux entités participant et du réseau des expositions entre eux.

304 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les référentiels centraux de données Chapitre 16


Ce type d'analyse est encore difficile en plus des positions individuelles des
utilisant les données issues des réfé- différents intervenants de marché.
rentiels centraux de données, en raison
de problèmes de qualité des données. L’accès des régulateurs à ces données,
Mais dans les cas où les autorités autre enjeu crucial, a été abordé en détail
ont davantage d'expérience dans la dans un rapport publié par le CPSS et
relation avec les référentiels centraux l’IOSCO en août 2013  13, afin de définir les
de données, ce type d’analyse plus niveaux d’accès des autorités, en termes de
sophistiquée est d’ores et déjà possible. périmètre et de niveau de granularité, aux
données contenues dans les référentiels
• L’analyse des données issues des référen- centraux de données, selon leurs mandats
tiels centraux de données peut permettre et leurs missions. Par ailleurs, le CSF a
de modéliser quotidiennement les valeurs publié en novembre 2015 une « revue des
de marché et les appels de marge corres- pairs » (peer review) sur le reporting des
pondants sur la totalité des positions en transactions aux référentiels centraux de
fonction de scénarios de crise multiples, données 14, qui constitue un premier bilan
définis par les régulateurs. Un référentiel de la mise en œuvre des recommandations
central de données unique est en mesure du G20 en la matière. Ce rapport analyse
d’identifier l’existence, dans un contexte notamment les obstacles juridiques et
de tensions sur les marchés, d’appels techniques qui subsistent en termes de
de marge potentiellement importants déclaration des transactions et d’accès des
que les acteurs concernés auraient des régulateurs aux données contenues dans
difficultés à satisfaire. les référentiels centraux de données.

• Par ailleurs, les référentiels centraux 5.2. Les enjeux autour des données :


de données permettent de suivre les qualité, agrégation,
possibles « réactions en chaîne » de harmonisation et accès
défaut de paiement entre pays et dont la
visibilité d’ensemble échapperait à une 5.2.1. Qualité
autorité nationale ou régionale donnée.
Par exemple, lors d’un choc monétaire, une L’obligation de déclaration des transactions à
banque américaine peut devoir plusieurs des référentiels centraux de données, ainsi
milliards de dollars au titre d’un appel de que la multiplication des acteurs sur le marché
marge (en valeur de marché) à une banque des référentiels centraux de données, ont
européenne, qui est elle-même redevable fait de la qualité des données et du risque de
du même montant vis-à-vis d’une banque fragmentation des enjeux essentiels. En effet
japonaise. Dans ce scénario, les comptes l’objectif majeur de la réforme engagée par
de la banque européenne peuvent sembler le G20 sur la transparence des marchés de
à l’équilibre alors qu’en réalité la banque produits dérivés est de permettre l’accès
en question se trouve au cœur d’une crise rapide par les régulateurs à des données
de liquidité entre deux pays. précises et justes contenues dans les référen-
tiels centraux de données en temps normal,
• Enfin, un référentiel central de données et à plus forte raison en situation de crise.
peut permettre au public et aux autorités
concernées de connaître précisément 5.2.2. Agrégation
et à tout moment le montant global 13 Au t h o r i t i e s a c c e s s
to trade repositor y
de l’ensemble des positions sur les Il est donc essentiel que les superviseurs data, http://www.bis.
marchés dérivés (positions ouvertes) puissent avoir accès à des données fiables à org/cpmi/publ/d110.htm
et de l’exposition des différents types différents niveaux de granularité, au niveau 14 
h t t p : / / w w w . fi n a n -
de participants de marché qui prennent de la transaction, de la position, ou à un cialstabilityboard.
o r g / 2 015 / 11 / t h e m a -
des positions, tandis que les autorités niveau d’agrégation supérieur. La multiplica- tic-review-of-otc-deriva-
compétentes auront connaissance en tion des référentiels centraux de données, tives-trade-reporting/

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 305


Chapitre 16 Les référentiels centraux de données


et la fragmentation des enregistrements régionaux, à l’instar du dispositif


de transactions qui en résulte, sont donc existant aujourd’hui.
un défi pour atteindre cet objectif, dans
la mesure où les formats et les conven- 5.2.3. Harmonisation
tions d’enregistrement peuvent varier d’un
référentiel central de données à un autre. Dans ses conclusions, le rapport du CSF
La définition de normes et de standards évoqué ci-dessus insistait notamment sur la
pour les données contenues dans les nécessité d’une harmonisation des formats
référentiels centraux de données est une de données et la mise en place de standards
première étape essentielle pour permettre internationaux en la matière, ainsi que sur
aux autorités d’agréger les données et le besoin de développer une orientation
d’avoir une vision consolidée du risque globale sur ce sujet, afin d’aider les autorités
systémique sur les marchés qu’ils super- dans leurs problématiques d’agrégation de
visent. Outre la détermination de normes données issues des référentiels centraux
pour les données, une deuxième étape de données.
pour permettre une agrégation cohérente et
pertinente des données pourrait consister Pour faire suite aux recommandations
dans la création d’un mécanisme centra- issues de cette étude, le CPMI 16 et
lisé d’agrégation des données contenues l’IOSCO ont lancé en décembre 2014 une
dans les référentiels centraux de données, initiative internationale visant à harmoniser
accessible aux régulateurs pour les données les données des transactions déclarées
les concernant. Plusieurs initiatives inter- dans les référentiels centraux de données.
nationales ont été lancées au cours des Ce groupe de travail avait notamment
dernières années pour aller dans ce sens. pour objectif d’arriver à la création d’un
standard global pour un identifiant unique
En septembre 2014, le CSF a ainsi publié de transaction 17 (UTI) et pour un identi-
une étude de faisabilité d’un mécanisme fiant unique de produit  18 (UPI). Le standard
d’agrégation des données sur les dérivés technique relatif à l’UTI a été publié le
de gré à gré contenues dans les référen- 28 février 2017 19, tandis que celui relatif à
tiels centraux de données  15. Trois  types de l’UPI a été publié le 28 septembre 2017  20.
modèles ont ainsi été évoqués :
Outre l’agrégation des données, un des
• un modèle d’agrégation centralisé physi- objectifs principaux du développement
quement (physically centralised model de l’UTI a trait aux problématiques de
of aggregation) : ce modèle implique double déclaration des transactions
la mise en place d’un nœud central (voir section 2.2). En effet, la double
servant à collecter, stocker et distribuer déclaration des transactions au sein de
les données transmises aux référentiels l’Union européenne, couplée au fait
centraux de données ; qu’une transaction puisse être déclarée
dans deux référentiels centraux de
• un modèle d’agrégation centralisé logi- données différents, peut donner lieu à 15 
h t t p : / / w w w . fi n a n -
quement (logically centralised model of des difficultés de réconciliation entre les cialstabilityboard.
org/2014/09/r_140919/
aggregation) : suivant ce modèle, les deux déclarations. Une conséquence de
données seraient stockées dans des réfé- cela peut être le double comptage des 16 Committee on Payments
and Market Infrastructure
rentiels centraux de données régionaux, transactions non réconciliées, ce qui est
17 UTI  : Unique Transaction
mais il existerait un système d’indexation évidemment problématique du point de Identifier.
logique permettant d’agréger l’ensemble vue de l’agrégation des données et pour
18 U PI : Unique Product
des données ; l’utilisateur des données qui souhaite avoir Identifier.
une vision précise de l’exposition des diffé- 19 
http://www.bis.org/cpmi/
• un modèle de collecte directe des rentes parties. La mise en œuvre d’un UTI publ/d158.htm
données par les autorités auprès des global doit permettre de répondre à cette 20 
h ttps://www.bis.org/
référentiels centraux de données problématique, en faisant disparaître la cpmi/publ/d169.htm

306 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Les référentiels centraux de données Chapitre 16


problématique du double comptage. de générer un UTI de manière réellement


Une transaction déclarée dans deux réfé- unique, respectant le format de données
rentiels centraux de données différents aura choisi, et généré dans les temps pour la
donc dans chaque déclaration le même UTI, déclaration aux référentiels centraux de
et sera ainsi réconciliée sans risque d’erreur. données, il est nécessaire de suivre une
approche itérative complexe pour désigner
Les difficultés liées au développement de sans ambiguïté possible l’entité génératrice.
ces standards internationaux revêtent de Dans la pratique, cette entité généra-
multiples aspects. trice peut être la contrepartie centrale,
l’adhérent compensateur, la plateforme
Concernant l’UTI, l’une des questions de marché, la plateforme de confirma-
majeures a trait à la désignation de tion, une des deux contreparties de la
l’entité génératrice. En effet, dans le but transaction ou encore une entité tierce.

Encadré n° 3 : Exemple de classification des instruments dérivés de crédit

IPU suggéré a) Données de référence de l’IPU suggéré


Catégorie d’actifs Crédit
Type d’instrument Swap Option Contrat à terme
Style d’option n/a « Européenne, n/a
américaine,
Bermudes, etc. »
Type d’option n/a option de vente/ n/a
bénéficiaire, option
d’achat/payeur, option à
choix différé (Chooser).
Rendement, méthode de valorisation Swap de défaut de Option vanille, option Spread, prix à terme
ou déclencheur du paiement crédit (CDS), swap de lookback, autres options de l’instrument
performance, swap au path-dependent. sous-jacent, etc.
premier défaut, swap
au nième défaut, swap
conditionnel, swap de
recouvrement, etc.
Type de livraison Espèces, physique, etc.
Actif sous-jacent/type de contrat nom unique (Cds), indice (Cds), (Cds sur) tranche d’indice, etc.
Actif sous-jacent/sous-type de contrat souverain, municipal, émis par une entreprise, gisements de prêts, etc.
Rang senior, subordonné, etc.
Spécification de contrat standard Standard North American Corporate, Standard European Corporate,
(le cas échéant) Standard Subordinated European Insurance Corporate, Standard Western
European Sovereign, Cdx eM Untranched Terms, itraxx® Europe Tranched
Transactions Standard Terms Supplement, itraxx® Asia/Pacific Untranched
Standard Terms Supplement, etc.
Source de l’identité du sous-jacent origine, ou éditeur, de l’identité du sous-jacent associé.
Identité du sous-jacent identifiant pouvant servir à déterminer l’(les) actif(s) ou l’(les) indice(s) qui
sous-tend un contrat.
Série de l’indice de crédit sous-jacent par exemple : 1, 2, 3, 4, etc.
Version de l’indice de crédit sous-jacent par exemple : 1, 2, 3, 4, etc.
a)  IPU = Identifiant de paiement unique.
Source : Rapport CPMI-IOSCO sur l’harmonisation de l’UPI, septembre 2017 (https://www.bis.org/cpmi/publ/d169.htm).

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 307


Chapitre 16 Les référentiels centraux de données


Par ailleurs, les évènements liés au cycle données à harmoniser, ont fait l’objet
de vie de la transaction 21 ont également de trois documents consultatifs, publiés
un impact sur la génération de l’UTI. respectivement en 2015, 2016 et 2017.
Il faut ainsi déterminer précisément quels L’orientation technique finale, rassemblant
évènements vont donner lieu à la généra- les trois lots, a été publiée le 9 avril 2018  23.
tion d’un nouvel UTI et quels évènements
vont simplement modifier les éléments Ces normes et standards internationaux étant
de données de la transaction, sans non contraignants, il appartiendra ensuite aux
génération d’une nouvelle transaction. autorités de les mettre en œuvre dans leur
juridiction ; cette mise en œuvre est cruciale
Enfin, la structure et le format de l’UTI sont pour une agrégation pertinente des données.
également un point d’attention majeur. Dans l’Union européenne, elle pourrait s’ef-
La solution finalement retenue par le CPMI fectuer dans le cadre d’une révision d’EMIR.
et l’IOSCO dans son standard technique
implique que l’UTI soit constitué d’une 5.2.4. Accès aux données
« empreinte », définie comme le LEI 22 de par les autorités
l’entité génératrice de l’UTI, suivie d’un
code alphanumérique, la totalité de l’UTI L’un des obstacles majeurs analysé par le
ne devant pas dépasser 52 caractères. rapport du CSF de 2014 concerne l’accès
transfrontière des autorités aux données
Concernant l’UPI, la difficulté principale contenues dans des référentiels centraux
est de déterminer avec précision le degré de données situés hors de leur juridic-
de granularité que l’identifiant de produit tion. Si l’accès aux référentiels centraux
devra intégrer. En premier lieu, il s’agit domestiques ne pose généralement pas de
de définir avec précision les concepts de problème, les barrières juridiques à l’accès
classe d’actifs, de produit, d’instrument transfrontière demeurent nombreuses.
et de transaction, afin de déterminer quel Aux États-Unis par exemple, une règle
degré d’information est inclus à chaque adoptée par la CFTC  24, dénommée indem-
niveau. Il est également nécessaire de nification clause, imposait aux régulateurs
définir un système précis de classification souhaitant avoir accès aux données
des produits financiers dans lequel les contenues dans les référentiels centraux
21 Par exemple une nova-
différents UPI seront créés. L’encadré 3 de données américains de signer une clause tion, ou un cycle de
donne un exemple de classification des en vertu de laquelle ils s’engageaient à compression.
instruments financiers pour la classe d’actifs indemniser le référentiel central de données 22  L ' i d e n t i fi a n t d ' e n -
« Dérivés de crédit ». Cette classification en cas de litige qui aurait pu advenir du fait tité juridique (LEI pour
Legal Entity Identifier
doit être suffisamment souple et adaptable d’utilisation frauduleuse des données ou en anglais) est un
pour permettre la maintenance des codes d’une rupture de la confidentialité de ces code alphanumérique
à 20 caractères basé
UPI, c’est-à-dire l’émission de nouveaux données. Cette disposition a finalement sur la norme ISO 17442
codes et le retrait des codes obsolètes. été révoquée en décembre 2015. développée par l'Orga-
nisation internationale
de normalisation (ISO).
Outre l’UTI et le UPI, le CPMI et l’IOSCO ont Le rapport énonce par ailleurs plusieurs Il est lié à des informa-
élaboré une orientation technique qui couvre recommandations pour tenter de lever tions de référence clés
permettant d'identi-
plus d’une centaine d’autres éléments de ces obstacles, parmi lesquelles la levée fier de façon claire et
données liés aux transactions sur dérivés de des obstacles à l’accès transfrontière unique des entités juri-
diques participant à
gré à gré (notamment les éléments relatifs aux données, l’interdiction de l’anonymi- des transactions finan-
aux prix, aux quantités, au collatéral, à la sation des données ou encore l’adoption cières : cf. https://www.
valorisation, au règlement, etc., ainsi que d’identifiants globaux de transactions ou gleif.org/fr/about-lei/
introducing-the-legal-en-
des éléments spécifiques à certains instru- de produit afin d’améliorer la qualité des tity-identifier-lei
ments financiers (notamment les Credit données déclarées. L’avancement de la 23 h ttps://www.bis.org/
Default Swaps et les options). Les propo- mise en œuvre de ces recommandations cpmi/publ/d175.htm
sitions d’harmonisation, découpées en dans les juridictions fait l’objet d’un suivi 24 
C ommodit y Futures
trois lots compte tenu du volume de régulier par le CSF. Trading Commission.

308 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


CHAPITRE 17

Prévenir les risques


dans les infrastructures
des marchés financiers
Mis à jour le 30 septembre 2020
Chapitre 17 Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers


C
omme décrit dans le chapitre 5, centrales (CCP), dont deux en Asie, ont
les infra­s tructures des marchés ainsi jalonné le dernier quart du xxe siècle.
financiers jouent un rôle clé dans En 1974, en France, la Caisse de liquidation
l’écosystème financier et le financement des affaires en marchandises (CLAM) se
de l’économie réelle. Leur efficacité a trouva en défaillance suite au défaut d’un
été démontrée en particulier lors de la participant. En 1983, ce fut la Kuala Lumpur
crise de 2008, au cours de laquelle elles Clearing House qui fit faillite après seulement
ont pleinement joué leur rôle, agissant, trois ans d’existence, à la suite de multi­
pour certaines, notamment les contrepar­ ples défauts de ses membres. Enfin, la
ties centrales (CCP), comme des réducteurs Hong Kong Futures Exchange Clearing
de facteurs de contagion. Le rôle qui leur Corporation fit défaut en 1987 après le krach
été confié par les régulateurs s’est accru, de la bourse et l’épuisement de son fonds
notamment s’agissant de la mise en œuvre de défaut. Ces défaillances ont entraîné des
de l’obligation de compensation centra­ perturbations très substanti­elles du fonc­
lisée des instruments dérivés standardisés. tionnement des marchés servis par ces CCP
Ce mouvement, combiné à une concentra­ et ont conduit à une prise de conscience
tion naturelle liée au coût d’entrée et aux des risques portés par les infra­structures
coûts de structure élevés de ces entités, des marchés financiers.
s’est traduit par une concentration des
risques au sein de ces infra­structures. Les infra­structures des marchés financiers
sont en effet un maillon clé du système
Ce chapitre s’attache à l’identification et financier et jouent un rôle très spécifique.
l’illustration des risques portés par les infra­ Elles rationalisent et simplifient les flux finan­
structures des marchés financiers, tels que ciers, voire remplacent, s’agissant des CCP,
déclinés dans les Principes CPMI‑IOSCO les relations bilatérales entre les acteurs de
pour les infra­structures des marchés finan­ marché. Au‑delà du traitement opérationnel
ciers, et aussi au rôle de ces infra­structures des trans­actions et des flux, elles assurent
dans la gestion des risques. Il met l’accent pour la plupart un rôle essentiel de gestion
sur la notion d’inter­dépendance, les formes et de redistribution des risques, en limitant
que cette dernière peut revêtir, ainsi que l’impact de la contagion d’un participant
le risque systémique. Il aborde enfin les défaillant au système financier, grâce aux
risques très spécifiques liés aux infra­ mécanismes de gestion des défauts et
structures offshore, en particulier celles d’allocation des pertes. Des infra­structures
qui traitent une/des devise(s) autre(s) que des marchés financiers comme les CCP
celle(s) de la banque centrale d’émission de ont ainsi pleinement joué leur rôle lors de
la zone dans laquelle elles opèrent. la crise financière qui a suivi la faillite de
Lehman Brothers, en évitant la contagion
à d’autres acteurs financiers.
1. La typologie des risques
dans les infra­structures Ce faisant, le corollaire de cette trans­
des marchés financiers formation ou réallocation des risques est
la concentration des risques au sein des
1.1. Les  infra­structures infra­structures elles‑mêmes, dont certaines
des marchés financiers, sont qualifiées de « systémiques », voire
des acteurs porteurs de risques de « super‑systémiques ».

Le système financier mondial a connu très De fait, les liens que les infra­structures
peu de défaillances d’infra­structures des doivent tisser entre elles et avec les acteurs
marchés financiers, mais les quelques de marché pour permettre à toutes les
exemples historiques ont été marquants. fonctions de post‑marché de fonctionner
Trois défaillances de chambres de compen­ de manière efficace et coordonnée créent
sation jouant le rôle de contreparties des inter­dépendances entre elles mais

310 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers Chapitre 17


aussi avec leurs participants, par exemple d’activité, de conservation, d’investisse­


les banques, de telle façon que la défail­ ment et opérationnel.
lance d’une infra­structure pourrait entraîner
la défaillance d’autres acteurs et causer 1.2.1. Le risque juridique
de graves perturbations sur les marchés (Principe 1 des PFMI)
financiers ; c’est ce que l’on appelle le
« risque systémique ». Le risque juridique est le risque de mise en
œuvre imprévue, ou mal définie, de dispo­
Le caractère systémique des infra­structures sitions légales ou réglementaires, qui peut
des marchés financiers implique qu’elles se traduire par une perte. Cela peut survenir
sont surveillées par les auto­rités, banques notamment dans le cas de l’application
centrales et auto­rités de marché, parce d’un régime juridique qui rend des contra­ts
que leur bon fonctionnement est essentiel illégaux ou non exécutoires. Ce serait
à la fois pour la stabilité financière et le cas par exemple d’une procédure de
pour l’efficacité et la sécurité des marchés. traitement de l’insolvabilité d’un partici­
Pour ce faire, les risques afférents aux infra­ pant qui serait contra­ire aux règles de
structures des marchés financiers doivent fonctionnement d’une infra­structure (en
être identifiés, la difficulté principale étant termes de délais de règlement, de forma­
que la nature et le degré de ces risques lités d’acceptation des obligations, de
sont étroitement liés à l’architecture et au protection du participant en faillite avec le
mode de fonctionnement de ces systèmes. blocage des positions, etc.). Pour les infra­
structures dites « globales », qui ont une
L’examen des risques en relation avec les activité trans­frontière significative, avec
infra­structures des marchés financiers peut des participants étrangers, il est vital que
s’effectuer sous deux angles : les risques l’application des règles des juridictions des
que les participants font courir aux infra­ participants ne crée pas de conflits de lois
structures des marchés financiers, et les avec les règles des systèmes, sous peine
risques auxquels ces dernières exposent de perturber le fonctionnement de l’infra­
leurs participants. Plusieurs typologies des structure. Les infra­structures des marchés
risques des infra­structures des marchés financiers doivent se protéger contre ce
financiers ont été dressées. La typologie risque juridique en obtenant des avis juri­
la plus complète est issue des Principes diques externes et en analysant le dispositif
pour les infra­structures des marchés finan­ juridique et réglementaire des juridictions
ciers CPMI‑IOSCO d’avril 2012 (Principles for des participants, aussi bien avant l’accepta­
Financial Market Infra­structures ou PFMI)  1. tion du participant pour adhérer au système
La notion de risque y est abordée de manière que sur une base continue, en effectuant
holistique, les PFMI définissant une infra­ une veille législative et réglementaire.
structure de marché comme un système
qui réunit les participants et l'opérateur À titre d’exemple, au sein de l’Union euro­
du système (cf. chapitre 5), ces différents péenne, les dispositions relatives à
acteurs étant exposés à des risques qui l’irrévocabilité des règlements dans 1 Version anglaise  : https://
peuvent eux‑mêmes inter­férer entre eux : les systèmes, telles que fixées dans la www.bis.org/cpmi/publ/
d101a.pdf
ce sont précisément tous ces risques que directive dite « Finalité » (Settlement
les PFMI visent à encadrer et réduire. Finality Directive ou SFD : voir chapitre 5), Version française  : https://
www.bis.org/cpmi/publ/
et les dispositions en cas de faillite d’un d101_fr.pdf
1.2. Les différents types participant bancaire, telles que détermi­ 2 Directive 2014/59/UE du
de risques des infra­structures nées dans la directive BRRD  2 doivent être Parlement européen et du
des marchés financiers déclinées de manière cohérente entre les Conseil du 15 mai 2014
établissant un cadre
États membres de l’Union ; en revanche pour le redresse­
Les principaux risques des infra­ il n’en est pas de même pour les parti­ ment et la résolution
des ét ablissements
structures des marchés financiers sont les cipants de pays tiers, qui peuvent avoir de crédit et des entre­
risques juridique, de liquidité, de crédit, des règles différentes. C’est pourquoi prises d’investissement.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 311


Chapitre 17 Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers


les opérateurs doivent obtenir des avis du marché dans lequel il opère. Ce risque
juridiques sur les règles du pays tiers, se décline de manière différente en fonction
notamment pour s’assurer qu’il n’y a pas du type d’infra­structure.
d’inter­férence avec le droit des faillites de
la juridiction du participant, qui pourrait être Le risque de liquidité dans le cadre du défaut
en conflit avec les règles d’irrévocabilité d’un participant
du système. Il est à cet égard absolument
crucial d’éviter la situation dans laquelle Il s’agit du risque qu’une contrepartie,
le juge des faillites du pays tiers pourrait qu'elle soit un participant de l’infra­structure
faire saisir les avoirs d’un participant alors ou autre entité 5 ne dispose pas de fonds
que les instructions correspondantes ont suffisants pour régler ses obligations finan­
atteint le moment d’irrévocabilité et doivent cières en temps voulu, quand bien même
être réglées. cette contrepartie peut être en mesure
de le faire ultérieurement. Le risque de
Un risque majeur pour les infra­structures liquidité est présent dans les CCP, et géné­
des marchés financiers est le risque de ralement dans les systèmes de paiement
règlement, qui est le risque que le règlement à règlement net en mode différé.
ne se déroule pas comme prévu 3. Si un
tel risque se concrétise, il remet en cause Ce risque se matérialise par exemple
certains ordres de trans­ferts, et peut créer lorsqu’un participant à un système de
des tensions à la fois sur le crédit et sur la paiement fonctionnant en mode de
liquidité pour les participants d’une infra­ règlement net différé n’est pas en mesure
structure, et éventuellement générer un de régler son solde net débiteur au moment
risque systémique 4. Il est donc essentiel où il doit le faire – par exemple à la fin de
au regard du bon fonctionnement des la journée – mais effectue ce règlement le
infra­structures des marchés financiers lendemain. Les participants qui attendaient
que tout règlement ou trans­fert (de titres le paiement ne reçoivent pas les fonds en
ou d’espèces) ou compensation (entre temps voulu, et devront peut‑être alors
deux obligations) ou toute autre obliga­ emprunter, par exemple sur le marché
tion se dénouant dans un système ait un inter­bancaire, pour honorer leurs propres
« caractère définitif ». Pour cela il convient obligations. En fin de journée, au moment
que le trans­fert de titres ou d’espèces ne de la fermeture des marchés, ces parti­
soit soumis à aucune condition susceptible cipants pourraient avoir des difficultés à
d’empêcher son exécution : le trans­fert doit trouver de la liquidité et se refinancer sur
être « irrévocable » et « opposable » à tous les marchés.
3 
h ttps://www.bis.org/
afin d’obtenir son « caractère définitif ». cpmi/publ/d101a.pdf,
L’objectif est de mettre en place un Dans le cas d’une vente de titres, ce voir principe 8, p. 64
et suivantes.
mécanisme juridique de protection contre risque peut survenir lorsque le vendeur
la défaillance d’un participant à un système d’un actif financier, ne recevant pas le 4 Par exemple, dans le cas
des systèmes de paie­
de paiement ou de règlement de titres. paiement à échéance, a besoin d’em­ ment net, le participant
On pourra se référer à la section 3.3 du prunter sur le marché ou de vendre qui bénéficiait de tran­
saction non réglées peut
chapitre 5 pour plus de détails. un autre actif pour effectuer d’autres voir sa situation initia­
paiements. Il peut aussi s’agir du risque lement créditrice se
1.2.2. Le risque de liquidité que l’acheteur d’un actif, n'étant pas livré transformer en situation
débitrice, qu’il pourrait
(Principe 7 des PFMI) de celui‑ci à l'échéance, soit contra­int ne pas être en mesure
d’emprunter cet actif (voire de le racheter d’honorer, mettant à son
tour en difficulté d’autres
Le risque de liquidité revêt deux aspects après annulation de l’opération initiale) acteurs financiers.
différents, relatifs d’une part au risque lié afin de respecter sa propre obligation de
5  P a r  e x e m p l e u n
au défaut d’un participant au système, et livraison. Les deux parties à la trans­action Liquidity Provider dans
d’autre part à un risque se matérialisant financière sont donc susceptibles d’être un système tel que
le système de paie­
indépendamment d’un défaut, et lié à l’ac­ exposées au risque de liquidité à la date ment multi‑devises CLS
tivité de l’opérateur du système et à l’état de règlement. (cf. chapitre 9).

312 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers Chapitre 17


Encadré n° 1 : Risque de liquidité dans le cas d’un repo non compensé versus un repo compensé

Prenons l’exemple d’un repo, selon lequel la contrepartie A s’engage à verser 100 millions d’euros
en espèces à la contrepartie B tandis que la contrepartie B doit livrer à A en garanti­e l’équivalent en
titres de 100 millions d’euros. On se situera dans le cas de figure dans lequel le règlement de chaque
contrepartie s’effectue en mode livraison contre paiement (Delivery versus Payment ou DvP) dans
lequel chaque contrepartie est libérée de son obligation (par exemple le versement en espèces) si et
seulement si elle reçoit simultanément de sa contrepartie l’autre jambe qui fait l’objet de l’échange
(par exemple, la livraison des titres).

Dans une relation bilatérale, non compensée, les flux liés à un repo peuvent se schématiser ainsi :

Contrepartie A

Versement à B
de 100 millions d'euros

Livraison à A
de titres d'une valeur
de 100 millions d'euros

Contrepartie B

Dans le cadre d’une trans­action compensée par une contrepartie centrale (CCP), qui se substitue aux
contreparties initiales, les flux peuvent se schématiser comme décrit ci‑après :

Contrepartie A
La CCP livre
La contrepartie A verse
à la contrepartie A
100 millions d’euros
les titres d’une valeur
à la CCP
de 100 millions d’euros

CCP

La contrepartie B livre
La CCP verse
les titres d’une valeur
à la contrepartie B
de 100 millions d’euros
les 100 millions d’euros
à la CCP
Contrepartie B

…/…

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 313


Chapitre 17 Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers


La CCP porte le risque de liquidité. Par exemple si B ne lui remet pas les titres au moment du dénouement
de la trans­action, la CCP devra les acheter sur le marché, ce qui implique un coût de remplacement.
La CCP doit avoir à tout moment la liquidité en euros nécessaire et suffisante pour assurer le règlement,
même en cas d’incapacité de l’un des membres à régler.

Un autre type d’instrument pouvant typiquement générer des besoins de liquidités importants
pour une CCP dans le cas de la compensation centralisée est un instrument de change livrable à terme
(FX forward en anglais). Par exemple, si une contrepartie C doit livrer à terme 100 millions d’euros à la
contrepartie D et la contrepartie D doit livrer en échange 120 millions de dollars à C, la CCP se trouve
en risque pour payer à C les 120 millions de dollars à la place de D si ce dernier fait défaut. La CCP
devra potentiellement acheter des dollars sur le marché, ce qui peut s’avérer coûteux voire difficile
en fin de journée, ou en période de stress ou de tension sur les marchés. Ce risque est important car
il porte sur le montant en principal de la trans­action.

Pour les CCP, ce risque de liquidité est parti­ Le risque de liquidité et le risque de crédit


culièrement sensible pour des produits ne sont ainsi pas nécessairement liés : le
tels que les pensions livrées (« repurchase risque de liquidité peut se matérialiser par
agreement » ou « repo » en anglais), dont une situation de tension sans pour autant
la réalisation se traduit par des flux espèces se traduire par un risque de crédit (perte
importants. Au moment de l’exécution de définitive). Néanmoins, la distinction du
la trans­action, les espèces sont versées risque de liquidité et du risque de crédit
à l’emprunteur qui apporte des titres en peut s’avérer délicate à opérer ; le plus
garanti­e. Si à l’échéance l’emprunteur ne souvent cette distinction ne pourra être
rembourse pas les espèces empruntées, effectuée qu’a posteriori, c’est‑à‑dire
le prêteur peut vendre les titres afin de lorsque la perte sera avérée (risque de
récupérer ses fonds. La CCP doit avoir crédit), ou non. S’agissant en revanche des
à tout moment les ressources liquides, trans­actions sur titres dans les systèmes
nécessaires et suffisantes, pour assurer de règlement‑livraison (SSS), le risque de
le règlement, même en cas d’incapacité liquidité est en fait un risque de coût de
de l’un des membres à régler l’opération remplacement (tel que défini ci‑dessus) et
de repo, ce qui l’expose à un risque de est totalement déconnecté du risque de
liquidité important. crédit (cf. ci‑dessous).

Dans des cas extrêmes, le risque de liquidité Le risque de liquidité d’une contrepartie
peut se trans­former en risque de crédit peut aussi avoir d’autres sources, comme
(cf. infra), c’est‑à‑dire en perte définitive l’impossibilité ou l’incapacité des banques
si le participant en défaut ne retrouve pas de règlement, agents nostro, conserva­
de la liquidité pour honorer ses obligations. teurs, fournisseurs de liquidité ou des
Pour autant, même en l’absence de risque infra­structures qui leur sont liées à faire
de crédit, le risque de liquidité peut entraver face à leurs engagements.
le bon fonctionnement des marchés finan­
ciers. Ce fut le cas notamment lors de la Le risque de liquidité non lié à un défaut
faillite de Lehman Brothers en 2008, qui,
avant l’inter­vention des banques centrales, Le risque de liquidité peut par ailleurs
entraîna un assèchement de la liquidité se matérialiser indépendamment d’un
sur les marchés du fait de la défiance défaut, par exemple dans un système
des banques entre elles, et des acteurs de paiement à règlement brut (RTGS) qui
de marché. traite et règle les instructions de paiement

314 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers Chapitre 17


au fur et à mesure qu’elles sont entrées À l’instar du risque de liquidité, ce risque est
dans le système : une succession de spécifique et déterminé par le type d’infra­
paiements de montants élevés effectués structure et son mode de fonctionnement.
par un participant, sans que ce dernier
reçoive entre-temps des montants crédi­ Ce risque peut être supporté par l’infra­
teurs, est susceptible de générer des structure (par exemple la CCP, en cas de
tensions de liquidité pour ce participant. défaut d’un de ses participants). La ou
Les systèmes de paiement RTGS sont les contreparties qui supportent ce
en effet consommateurs de liquidités risque peuvent alors encourir un risque
car ils ne permettent pas de compenser en principal, et un risque de coût de
les montants à payer et les montants à remplacement. Le risque en principal est
recevoir, contra­irement aux systèmes le risque de perdre l’intégralité du montant
de paiement à règlement net différé. d’une trans­action, par exemple, lorsque le
Les participants au système ont donc vendeur d’un actif financier livre celui‑ci
besoin d’avoir accès rapidement et faci­ de manière irrévocable sans en recevoir
lement à des liquidités (au moyen du le paiement (risque théorique dans un
refinancement inter­bancaire ou auprès système de règlement­-livraison mais
de la banque centrale par exemple). en fait éliminé par la technique mise en
Pour une CCP, le risque de liquidité pourrait œuvre  – cf. infra). Le risque de coût de
survenir dans le cadre de la gestion du remplacement découle d’une variation
collatéral dans la mesure où le colla­ de la valeur de marché par rapport aux
téral reçu (par exemple des marges en termes initiaux de la trans­a ction, qui
espèces) aurait été investi dans des titres implique que la trans­action de remplace­
qui sont peu négociés sur les marchés et ment est susceptible de se négocier à un
donc peu liquides. Au moment de devoir prix supérieur pour l’acheteur.
restituer les espèces correspondantes
au membre compensateur (par exemple Le risque de crédit peut cependant faire
pour refléter une diminution de la position l’objet de mesures visant à le réduire,
de ce dernier vis‑à‑vis de la CCP), la CCP voire à l’éliminer. Ainsi, pour les systèmes
peut se retrouver dans l’impossibilité de de paiement, le mode de règlement brut
vendre les titres sur le marché et de en temps réel (RTGS) élimine tout délai
restituer les espèces. entre le moment où les instructions sont
entrées dans le système et le moment
Le risque de liquidité peut en outre générer où elles sont réglées : le risque de crédit
un risque systémique, notamment si l’in­ disparaît totalement dans ces systèmes.
capacité d’un participant à remplir ses Le modèle de règlement net différé
obligations en raison de liquidités insuffi­ permet pour sa part de réduire le risque
santes survient quand les marchés sont de crédit par la mise en œuvre d’un dispo­
fermés ou bien illiquides ou que les prix sitif de couverture (fonds de garanti­e,
des actifs varient rapidement, ou encore garanti­es individuelles, préfinancement,
si la situation du participant suscite des etc. ; cf. chapitres 8 et 10). Dans le cas
préoccupations quant à sa solvabilité. de systèmes à règlement net différé, un
autre dispositif de protection peut être
1.2.3. Le risque de crédit la mise en place de limites bilatérales
(Principe 4 des PFMI) entre participants. C’est notamment le
cas du système de paiement de montants
Le risque de crédit est le risque qu’une élevés EURO1 (voir chapitre 8). Ce dispo­
contrepartie, qu’elle soit un participant au sitif n’élimine pas totalement le risque
système ou une autre entité, par exemple la de crédit, mais il permet de le réduire
banque de règlement, soit dans l’incapacité à un niveau jugé acceptable par les
de régler intégralement ses obligations participants au système et les auto­rités
financières, à l’échéance et ultérieurement. de surveillance.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 315


Chapitre 17 Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers


Le risque de crédit peut également être De manière similaire, la détection d’un


réduit, voire éliminé, dans les systèmes de risque opérationnel important au sein
règlement des opérations de change et les d’un système, comme l’impossibilité de
systèmes de règlement‑livraison de titres. confirmer les positions des participants, de
Le principal dispositif de protection est la respecter les heures de cut‑off ou encore
mise en œuvre d’un mécanisme de paiement l’indisponibilité du site de secours, pourrait
contre paiement (Payment‑versus‑payment se traduire par le fait que les participants
ou PvP) 6 (cf. chapitre 9) pour les opérations se désengagent d’un système pour utiliser
de change, et d’un mécanisme de livraison celui d’un concurrent, jugé plus sûr.
contre paiement (Delivery‑versus‑Payment Le risque de réputation peut également
ou DvP)  7 (cf. chapitre 13) pour le se traduire par un risque d’activité : ce
règlement-livraison de titres, mécanismes serait par exemple le cas d’une négligence
qui assurent la simultanéité du règlement ou d’une erreur, qui entraînerait la perte
des deux « jambes » de la trans­action. de clients.

1.2.4. Le risque d’activité Pour couvrir ces risques, les normes


(Principe 15 des PFMI) inter­nationales prévoient que les infra­
structures disposent de « réserves » de
Comme toute entreprise, une infra­structure liquidité permettant de faire face à ces
est exposée au risque que son activité évènements (cf. chapitre 18).
soit menacée dans sa pérennité. Ce risque
naît d’origines diverses, autres que la 1.2.5. Les risques de conservation
défaillance d’un participant : il peut s’agir et d’investissement
de la perte d’un ou de plusieurs clients (Principe 16 des PFMI)
importants, privant l’infra­structure d’une
source de revenus substanti­elle et se Le risque de conservation est le risque de
traduisant par une incapacité à recouvrer pertes sur des actifs détenus en conser­
ses coûts, ou par exemple d’erreurs dans vation, à la suite de l’insolvabilité d’un
la stratégie de l’entreprise, se matérialisant conservateur (ou d'un sous‑conservateur).
par des investissements inadéquats ou Dans la mesure où les titres gardés par
insuffisants, ou encore des pertes subies cet agent ne sont pas la propriété de ce
dans d’autres secteurs d’activité, par la dernier, et ne font donc pas partie de la 6 Les PFMI définissent le
maison mère qui détient l’infra­structure masse à répartir entre les créanciers en mode PvP comme un
ou d’autres filiales. cas de défaillance de cet agent, ce risque mécanisme de règle­
ment espèces en vertu
se matérialisera uniquement en lien avec duquel le règlement défi­
Les infra­structures des marchés financiers, une négligence, une fraude, une mauvaise nitif d’une des jambes
dans une devise ne
notamment les CCP, sont pour la plupart administration ou une tenue inadéquate peut être effectué que
soumises à un environnement concurren­ des comptes. si, et seulement si, le
tiel, susceptible de modifier brutalement les règlement définitif dans
l’autre devise (ou les
conditions dans lesquelles elles opèrent. Le risque d’investissement correspond autres devises) est effec­
pour sa part au risque de perte encouru tivement réalisé.
Certains risques, traités dans d’autres par une infra­structure quand elle place 7 Les PFMI définissent le
principes des PFMI, peuvent générer un ses propres ressources (par exemple son mode DvP comme un
mécanisme de règle­
risque d’activité : il en est notamment du capital) ou celles de ses participants (fonds ment qui lie le transfert
risque juridique ou du risque opérationnel. de garanti­e, dépôt ou marges versés) dans d’un instrument financier
au transfert corres­
Par exemple, s’agissant du risque juridique, des actifs qui subissent par la suite une pondant des espèces
si les règles d’un système de paiement perte de valeur. destinées à le régler,
étaient identifiées comme étant en conflit de telle façon que la
livraison des instru­
avec la législation d’un pays, alors tous les En effet, certaines infra­s tructures des ments financiers ne
participants de ce pays seraient conduits à marchés financiers, de par leur activité, peut être effectuée que
si, et seulement si, le
se désengager du système, avec une perte se voient confier par leurs participants des paiement espèces est
d’activité et de revenu pour l’infra­structure. instruments financiers (par exemple des effectivement réalisé.

316 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers Chapitre 17


titres remis en collatéral – garanti­e d’exé­ est égal au montant des titres émis (pas
cution d’opération) ou des espèces, à titre de création ou de suppression indue de
de garanti­e. L’infra­structure a l’obligation titres, cf. chapitre 12, section 1.1).
de restituer les titres ou les espèces à
l’échéance de l’opération. Ces instruments Les CCP pour leur part reçoivent des appels
financiers sont exposés à des risques de de marge (en titres ou en espèces) de la
perte de valeur, en cas de tensions sur part de leurs adhérents compensateurs,
les marchés, ou de dégradation de la qu’elles doivent être capables de restituer
situation de crédit, voire de défaillance de à leurs adhérents dès que la position
la contrepartie. diminue (restitution partielle) ou est fermée
(restitution totale). Dans ce cadre, elles
La perte de valeur des instruments finan­ doivent avoir en place un dispositif de
ciers ou des espèces expose l’infra­structure conservation sécurisé des actifs. Ainsi,
à un risque en principal, c’est‑à‑dire à l’obli­ dans l’Union européenne, les CCP doivent
gation de devoir reconstituer les espèces déposer les instruments financiers reçus
ou les instruments financiers, à ses frais, au titre des marges ou des contributions au
en imputant ces coûts sur ses fonds fonds de défaillance, si possible auprès de
propres, ou en appelant ses participants systèmes de règlement assurant la protec­
à contribution. Par exemple, certaines CCP, tion totale de ces instruments ; de même,
considérant que leurs membres compen­ les dépôts d’espèces doivent être effectués
sateurs sont parties prenantes dans le dans un cadre hautement sécurisé, ou en
processus de décision d’investissement utilisant les dépôts dans les livres de la
de la CCP, ne supportent qu’une partie des banque centrale.
pertes liées à ces investissements, et ont
mis en place, à cet effet, un dispositif de 1.2.6. Le risque opérationnel
partage et d’allocation des pertes d’inves­ (Principe 17 des PFMI)
tissement avec leurs participants.
Toutes les infra­structures sont exposées au
La restitution des actifs aux participants risque opérationnel, qui est le risque que
peut par ailleurs impliquer des coûts des dysfonctionnements des systèmes
annexes (frais, commissions, hausse du prix d’information ou des processus inter­
des titres concernés). Les infra­structures nes, des erreurs humaines ou de gestion,
recevant des actifs financiers de la part de ou encore des perturbations découlant
leurs clients en vue de les restituer à une d’événements extérieurs, aboutissent à
date ultérieure sont exposées au risque de la réduction, la détérioration ou l’inter­
conservation. Ce risque peut survenir lors ruption des services qu’elles fournissent.
de fraudes ou négligences (absence de Ces défaillances opérationnelles peuvent
contrôle, de rapprochement par exemple entraîner des retards, des pertes, des
entre le montant d’une émission et le problèmes de liquidité et, dans certains
montant des titres qui font l’objet d’une cas, des risques systémiques. Les dysfonc­
centralisation de la tenue de comptes). tionnements opérationnels peuvent en
De par leur rôle dans le traitement des outre réduire l’efficacité des mesures que
opérations financières, les infra­structures les infra­structures sont susceptibles de
ont une responsabilité cruciale en la prendre pour gérer le risque, par exemple
matière. Le risque de conservation est ainsi en compromettant leur capacité à effectuer
particulièrement sensible au sein des CSD le règlement ou en réduisant leur aptitude à
(dépositaires centraux de titres) et des CCP. surveiller et gérer leur exposition au risque
de crédit. Dans le cas des référentiels
Les CSD assurent en effet la fonction de centraux de données, les dysfonction­
tenue centralisée des comptes titres et nements opérationnels pourraient limiter
garanti­ssent que le montant total des titres l’utilité des données de trans­actions qu’ils
en comptes détenus par les investisseurs détiennent (cf. chapitre 16).

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 317


Chapitre 17 Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers


Les défaillances opérationnelles peuvent être manière intentionnelle ou non une ou


de nature très diverse : il peut s’agir d’erreurs plusieurs vulnérabilités des systèmes d’une
ou retards de traitement, de pannes des infra­structure, se traduisant par une perte de
systèmes, de capacité insuffisante, de fraude, confidentialité, d’intégrité ou de disponibilité
de perte, voire de corruption de données. des données »  8. Les cyber­‑attaques, avec
Le risque opérationnel peut avoir des sources un risque extrême comme la corruption
tant inter­nes qu’externes. Ainsi, les parti­ des données ou l’impossibilité d’accéder
cipants eux‑mêmes peuvent générer un au système, dite DDoS (Distributed
risque opérationnel pour les infra­structures et Denial of Service) sont susceptibles de
d’autres participants, lequel pourrait entraîner contra­indre l’infra­structure à arrêter toute
des problèmes de liquidité ou opération­ activité et à l’empêcher ainsi de remplir
nels dans le système financier tout entier. son rôle crucial. Les cyber­‑attaques de
cette nature présentent un véritable défi
Le cyber­‑risque est pour sa part une source pour les infra­structures, dans la mesure
de risque opérationnel, qui fait l’objet d’une où elles compliquent l’atteinte de l’objectif
attention de plus en plus grande des régu­ d'un retour à la normale des opérations
lateurs compte tenu des conséquences (return to operations ou RTO) dans un délai
potentielles très invalidantes pour les infra­ de 2 heures, qui est un objectif général fixé
structures. Selon le rapport CPMI publié en dans ce principe, compte tenu, par exemple
novembre 2014 sur la cyber­‑résilience des dans le cas d’une corruption de données, de
infra­structures, les cyber­‑menaces sont la nécessité d’identifier le point d’attaque,
définies pour les infra­structures comme de restaurer les données saines avant ce
« une circonstance ou un évènement point, et de traiter à nouveau toutes ces 8 
www.bis.org/cpmi/publ/
pouvant potentiellement exploiter de opérations dans le système. d122.pdf

Encadré n° 2 : Cyber­‑attaques : les différentes cibles et les conséquences

Impossibilité de reconstituer
Intégrité des données les positions et régler
les obligations financières

Divulgation au marché
Perte de confidentialité de données confidentielles
des données (positions, portefeuilles
des participants)

Impossibilité pour les participants


d’accéder au système pour
Disponibilité
envoyer des instructions, consulter
leur position

318 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers Chapitre 17


Une orientation sur la cyber­-résilience des infra­ • le risque de ne pas pouvoir respecter
structures de marché a été publiée en 2016 par le délai de 2 heures maximum pour le
le CPMI et l’IOSCO 9, pour décliner de façon retour à la normale des opérations, qui
plus détaillée les attentes en la matière. Ils est un objectif fort fixé par les PFMI
complètent ainsi les attentes générales sur (cf. chapitre 18), ce qui est susceptible
la gestion du risque opérationnel (cf. PFMI de se traduire par un risque très élevé
publiés en 2012). L’Eurosystème, qui a un rôle de réputation et de perte de clients ;
majeur dans la surveillance des infra­structures
de marché, a publié fin 2018 les cyber­ resi‑ • le risque de perte de maîtrise et de
lience oversight expectations (CROE) 10, et contrôle de la technologie associée aux
défini trois niveaux de maturité en reprenant prestations externalisées, tout parti­
de façon plus opérationnelle l’ensemble des culièrement s’il s’agit d’activités de
attentes de l’orientation CPMI-IOSCO de 2016. cœur de métier (par exemple, les algo­
Plus une infra­structure de marché est systé­ rithmes de netting pour les systèmes
mique, plus le niveau de maturité attendu de paiement, ou les modèles de calcul
est élevé. de marges pour les CCP).

Enfin, un autre aspect important du risque C’est pour parer à ces risques que
opérationnel a trait à l’externalisation. Pour des les PFMI imposent aux infra­structures le
raisons d’économies de coûts, et à l’instar contrôle des activités déléguées aux pres­
d’autres entités économiques, les infra­ tataires de services critiques (annexe F
structures des marchés financiers peuvent être des PFMI, cf. chapitre 18). Pour les CCP
appelées à sous‑traiter une partie de la gestion de l’Union européenne, le règlement EMIR
de leurs activités, en premier lieu celles relevant impose des exigences réglementaires
des domaines qui ne font pas partie de leur cœur strictes pour l’externalisation. Ainsi,
de métier (par exemple les tâches juridiques, la une CCP de l’UE ne peut pas externaliser
gestion immobilière, la gestion des ressources les principales activités liées à la gestion des
humaines), jusqu’aux activités plus centrales risques, sauf si elle obtient l’accord explicite
(hébergement voire exploitation des plate­ de l’auto­rité nationale compétente (ou des
formes techniques, développement et auto­rités nationales compétentes dans le
maintenance des logiciels, gestion du parc cas où un État membre a nommé plusieurs
informatique, gestion du site inter­net, main­ auto­rités compétentes sous EMIR).
tenance des modèles de risques et des
algorithmes correspondants, etc.) afin de Les risques des infra­structures des marchés
bénéficier d'économies d'échelle liées à financiers s’ils sont multi­formes, sont aussi
la mutualisation. inter­dépendants. En effet, ces risques
peuvent être liés : par exemple le risque
Néanmoins, cette sous‑traitance expose d’investissement peut entraîner un risque
potentiellement une infra­structure à des de liquidité, le risque opérationnel peut se
risques dont les coûts peuvent s’avérer traduire par un risque de conservation, voire
bien supérieurs aux économies attendues de liquidité (notamment suite à une impossibi­
de l'externalisation, notamment s’agissant lité technique de procéder à des règlements),
des risques suivants : et enfin, un risque de liquidité peut se trans­
former en un risque de crédit, par exemple si
• le risque de défaillance (contra­ctuelle, le non‑paiement ponctuel d’un appel de marge
opérationnelle ou financière) du presta­ par un adhérent compensateur à la CCP se 9 
h ttps://www.bis.org/
cpmi/publ/d146.pdf
taire qui, en l’absence de solution de confirme ultérieurement : dès lors, la CCP
repli, expose l’infra­structure à ne plus n’est pas exposée seulement à des tensions 10 
h tt p s : / / w w w. e c b .
europa.eu/paym/pdf/
être en capacité d’assurer la continuité potentielles de liquidité, ne disposant pas des cons/cyberresilience/
d’activité et la prestation de services marges qu’elle attendait, mais au risque de Cyber_resilience_over‑
sight_expect ations_
essentiels (par exemple, pour une CCP, perdre le montant en principal de la créance for_financial_market_
effectuer le calcul des positions nettes) ; qu’elle détient sur ce membre. infrastructures.pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 319


Chapitre 17 Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers


Le degré d’exposition à un certain type auprès des CCP ont permis d’absorber les
de risque dépend du type d’infra­structure pertes liées à la défaillance de cet acteur.
et de sa conception. Ainsi, les CCP De même, les systèmes de règlement­-
sont exposées à un risque de crédit livraison de titres fonctionnant en mode DvP
(cf. chapitre 13) alors qu’un système de permettent d’éliminer le risque de crédit
règlement‑livraison (SSS) fonctionnant pour leurs participants en assurant la simul­
selon le mode « livraison‑contre paiement » tanéité des règlements espèces contre titres
(DVP) ne sera pas exposé en principe à un et de la livraison des titres contre espèces.
tel risque (cf. chapitre 13). Les SSS sont
pour leur part exposés à des risques très
spécifiques. Un système de paiement sera 2. Les  inter­dépendances
exposé à des risques différents selon qu’il et le risque systémique
fonctionne en mode de règlement brut en
temps réel (RTGS) ou de règlement net en 2.1. La typologie des inter­dépendances
temps différé (DNS) (cf. chapitres 7 et 8),
mais aussi en fonction des règles adoptées Dans le contexte des infra­structures de
vis‑à‑vis des participants. Selon les termes marché, les inter­dépendances doivent
des PFMI, un système comprend en effet être considérées sous plusieurs angles.
l’organe central, c’est‑à‑dire l’infra­structure En premier lieu, les infra­structures des
en tant que telle, et ses participants. marchés financiers constituent des maillons
Le profil de risques d’une infra­structure indissociables dans la chaîne de traitement
dépend donc non seulement de la fonction des opérations post‑marché (compensation,
qu’elle remplit mais aussi de son mode règlement‑livraison des titres, règlement
de fonctionnement et des règles qu’elle a de la jambe espèces), ce qui crée de facto
fixées vis‑à‑vis de ses participants. des inter­dépendances au plan opérationnel,
entre ces infra­structures. Au‑delà de ces
1.3. Le rôle clé des infra­structures inter­dépendances opérationnelles, les inter­
des marchés financiers actions entre les participants de marché et
dans la gestion des risques les infra­structures des marchés financiers
contribuent à créer d’autres liens d’inter­
Si elles supportent des risques, les infra­ dépendances entre les systèmes.
structures des marchés financiers sont aussi
des instruments de gestion des risques, Le risque systémique revêt plusieurs dimen­
qu’elles réduisent pour les participants de sions 11. Il est défini par le Haut Conseil de
marché, ou trans­forment. Leur rôle a été ainsi stabilité financière comme un « dysfonc­
crucial dans la gestion de la crise financière tionnement du système financier, dans son
de 2008 où elles ont joué un rôle d’atténua­ ensemble ou dans une large partie, condui­
teur, voire de « coupe­-circuit » qui a permis sant à une dégradation de sa capacité à
d'éviter les effets de contagion entre les assurer sa fonction fondamentale de finan­
acteurs. Les CCP, typiquement, jouent un cement de l’économie ». Dans le contexte des
rôle central dans la gestion de la défaillance systèmes de compensation inter­bancaire, le
d’un participant, grâce à l’existence d’un rapport Lamfalussy (1990) 12 le définit comme
mécanisme d’allocation des pertes et de « le risque que l’illiquidité ou la défaillance d’un
gestion de la défaillance, ainsi qu’au calibrage établissement, se traduisant par l’incapacité de
de leurs ressources qui en Europe, en appli­ ce dernier à honorer ses obligations, entraîne
cation de la réglementation EMIR, doit leur l’illiquidité ou la défaillance d’autres établis­
permettre de faire face à la défaillance des sements ». Les infra­structures peuvent ainsi 11  C f. R o ch e r‑ T i r o l e ,
deux membres compensateurs vis‑à‑vis également être des vecteurs de propagation « Controlling risks in
payment systems »
desquels elles ont la plus forte exposition des risques car elles peuvent très rapidement dans « Money, credit
(Cover 2) (cf. chapitre 11). Ainsi, lors de la trans­férer des expositions d’un participant à un and lending », 1996.
faillite de Lehman Brothers, les marges autre, voire d’un marché à un autre, se tradui­ 12 
http://www.bis.org/cpmi/
initiales déposées par cette contrepartie sant par un effet de contagion au système publ/d04_fr.pdf

320 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers Chapitre 17


financier. Ainsi, certaines infra­structures adhérents compensateurs. La liquidité des


de marché sont qualifiées « d’importance autres acteurs de marché a ainsi pu être
systémique » en raison de l’importance des préservée grâce à l’inter­position des CCP.
flux financiers qui sont réglés par leur inter­
médiaire et des possibles effets de chaîne Ces inter­dépendances ont fait l’objet d’un
sur le secteur financier dans son ensemble rapport du CPMI 14 publié en juin 2008
qui pourraient résulter d’un choc financier ou (donc avant la crise). Ce rapport a identifié
technique non correctement maîtrisé. Si les trois types d’inter­dépendances : les inter­
inter­dépendances ont permis d’améliorer dépendances découlant de participants
sensiblement la sécurité et l’efficacité des communs, les inter­dépendances entre les
activités et processus des infra­structures, infra­structures, et les inter­dépendances
par exemple via un mode de trans­mission liées à l’environnement, par exemple dans
intégré des flux, elles accroissent la probabilité le cas d’un fournisseur de services commun
d’une intensification et d’une généralisation à plusieurs infra­structures.
des perturbations sur les marchés. Ainsi, si
une infra­structure dépend du bon fonctionne­ 2.1.1. Les  inter­dépendances liées
ment d’une ou plusieurs autres infra­structures aux participants communs
pour ses processus de paiement, de compen­
sation, de règlement et d’enregistrement, une Les inter­dépendances liées aux participants
perturbation dans l’une de ces entités peut communs découlent de la participation des
se répercuter simultanément sur d’autres. mêmes acteurs de marché, souvent les
Ces relations d’inter­dépendance peuvent par plus grandes banques, aux différentes infra­
conséquent trans­mettre des perturbations structures qui traitent toute la chaîne des
au‑delà d’une infra­structure et ses partici­ opérations : par exemple, la banque A est
pants et peser sur l’économie tout entière. adhérent compensateur de la CCP A et de
L’objectif de limiter et de contrôler le risque la CCP B, mais aussi participant du CSD,
systémique, qui est un objectif fondamental et du système de paiement qui assure le
pour les banques centrales, doit être pris en règlement de la jambe espèces. Il en résulte
compte dans la conception des infra­structures qu’une défaillance de la banque A aurait des
des marchés financiers et dans le choix de répercussions sur la CCP A, la CCP B, le CSD
leurs règles de fonctionnement. et le système de paiement. L’encadré n° 3
ci‑après présente cet exemple de manière
En même temps qu’elles peuvent être stylisée. Ces inter­dépendances créent des
un propagateur de risque systémique, externalités. Par exemple, le fait qu’un partici­
les infra­structures des marchés financiers pant C ne reçoit pas le règlement attendu d’un
ont un rôle central dans l’atténuation de autre participant D du fait de la défaillance
ce risque, qui constitue leur objet ultime. de ce dernier au sein du système, entraîne
Les PFMI précisent ainsi que certaines des conséquences négatives pour le partici­
infra­structures sont critiques pour les opéra­ pant C, qui va devoir par exemple emprunter
tions de conduite de politique monétaire sur le marché inter­bancaire pour se refi­
des banques centrales et les missions nancer, entraînant des coûts, voire des
de stabilité financière. Ainsi, comme situations de stress en cas de tensions sur
on l’a vu plus haut, lors de la faillite de les marchés, si les banques sont réticentes
Lehman Brothers en septembre 2008, à prêter entre elles. Des inter­dépendances
les CCP ont pu régler, dans des conditions sont également liées au fait que des partici­
de marché extrêmes, les opérations de cette pants directs représentent des participants
contrepartie grâce aux marges initiales 13 indirects dans les systèmes. En l’espèce,
qu’elles avaient collectées. Ceci leur a des acteurs de marché ne remplissant pas
permis de jouer le rôle de coupe‑circuit, les critères d’accès ou ne disposant pas de 13 
C f. chapitre 11 sur
en étant en mesure de régler les opéra­ la capacité opérationnelle pour être parti­ les CCP.
tions aux autres contreparties sans avoir à cipants directs à des infra­structures sont 14 
http://www.bis.org/cpmi/
faire appel à contribution auprès des autres représentés par des participants directs, publ/d84.pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 321


Chapitre 17 Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers


connus sous le terme d’adhérents compen­ CSD et systèmes de paiement de montant


sateurs dans le cas d’une CCP. Dans ce élevé (LVPS) pour le règlement de la partie
contexte, pour une CCP par exemple, le espèces des trans­actions (cf. encadré n° 3).
défaut ou la faillite d’un adhérent compen­ Il s’agit également des flux d’un système de
sateur aurait des répercussions significatives paiement de détail qui se déversent dans
sur les clients ou participants indirects de un système de paiement de montant élevé.
cet adhérent compensateur.
Les liens d’inter­opérabilité entre infra­
En matière de gestion des risques, les structures, par exemple entre des CCP
inter­dépendances peuvent prendre la (cf. chapitre 11, section 2.2) créent en outre de
forme de fourniture de liquidité d’un parti­ nouvelles inter­dépendances, qui appellent des
cipant ou d’un important établissement de dispositifs adaptés de gestion des risques.
crédit à une infra­structure. À titre d’illustra­
tion, dans le cadre du fonctionnement du 2.1.3. Les  inter­dépendances
système de règlement multidevises CLS, liées à l’environnement
en cas d'incapacité d’un participant à
régler sa position débitrice dans une Plusieurs facteurs contribuent à la création
devise donnée, par exemple l'euro, CLS ou au renforcement des inter­dépendances.
peut faire appel à des banques Liquidity Tout naturellement, la mondialisation des
Providers en euros pour régler les euros marchés et l’intégration régionale favorisent
contre une autre devise détenue par ledit ces inter­dépendances. La consolidation des
participant (cf. chapitre 9) dans la limite du acteurs de marché eux‑mêmes peut renforcer
montant pour lequel le Liquidity Provider les inter­dépendances, par exemple via un
est contra­ctuellement engagé. Ce lien actionnariat commun, ou la mise en place de
crée une dépendance entre le système et plateformes partagées pour mutualiser les
le fournisseur de liquidité, dans la mesure ressources techniques et ainsi réduire les
où de facto le règlement dans la devise coûts. Enfin, les innovations technologiques
va dépendre de la capacité du Liquidity peuvent favoriser les inter­dépendances, par
Provider à fournir cette devise. l’utilisation d’une technologie identique,
par exemple la messagerie financière,
Par ailleurs, l’organisation des relations entre pour faciliter les échanges et utiliser des
les participants est également un facteur de standards communs.
risques. Ainsi, une infra­structure qui compte
peu de participants directs mais un nombre C’est ainsi que le troisième type d’inter­
important de participants indirects, repré­ dépendance, à savoir celles liées à
sentant un volume significatif d’activité, l’environnement, concerne des relations
présente des risques : le défaut d’un parti­ indirectes découlant de facteurs plus
cipant direct peut entraîner des difficultés globaux, comme le recours à un fournis­
pour ses clients participants indirects, qui seur identique de services (par exemple
n’ont dès lors plus accès à l’infra­structure un fournisseur de réseau, ou de messa­
et se voient contra­ints de trouver dans des gerie) par plusieurs infra­structures. Des
délais très courts une solution pour être ­d ispositifs communs de partage de
représentés par un autre participant. plateformes peuvent créer des inter­
dépendances ; par exemple, l’utilisation
2.1.2. Les  inter­dépendances issues de SWIFT par une grande partie des infra­
des liens entre infra­structures structures crée des inter­dépendances qui
contribuent au caractère « systémique »
Le deuxième type d’inter­d épendance du service de messagerie financière
découle des liens entre les infra­structures, de SWIFT. L’encadré n° 3 illustre la façon
qui font que le fonctionnement d’un système dont s’opère la trans­mission des risques
est étroitement lié à celui d’un autre système. dans la chaîne de traitement post‑marché
Il s’agit typiquement des liens entre CCP, avec des exemples d’inter­dépendances.

322 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers Chapitre 17


Encadré n° 3 : Schémas d’inter­dépendances

1.  Les inter­dépendances liées aux participations communes

Système
de
paiement

Banque
CSD CCP A
A

CCP B

2.  Les inter­dépendances entre les infra­structures

Système
de paiement

• Novation
• Dénouement
• Calcul des • Règlement de
des opérations
CCP positions nettes SSS/CSD LVPS la jambe espèces
• Règlement de
• Calcul et appels • Temps réel
la jambe titres
de marges

3.  Les inter­dépendances liées à un fournisseur commun de services critiques

CCP
CCP 3
1
CSD
1

Système de
paiement A

CSD
2

CCP
2

Fournisseur de services critiques

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 323


Chapitre 17 Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers


2.2. Le risque systémique ; l’exemple partir des travaux sur les inter­dépendances
des CCP « super‑systémiques » conduits par le Conseil de stabilité financière
ou CSF (Financial Stability Board ou FSB).
Le réseau des inter­dépendances entre les
banques en tant qu’adhérents compensa­ Ainsi, à partir des données collectées par
teurs et les CCP est de nature à créer un le Study Group on Central Clearing Inter­
risque systémique majeur en laissant se déve­ dependencies du Conseil de stabilité
lopper de très fortes inter­connexions entre financière en 2016 sur les positions
ces acteurs. Ceci a été illustré notamment à sur dérivés sur 26 CCP dans le monde,

Encadré n° 4 : Les inter­dépendances liées aux participants

Illustration issue des travaux du Study Group on Central Clearing Inter­dependencies, 2018

Le graphique ci‑dessous représente le réseau constitué par 26 CCP (en rouge) et leurs 25 membres
compensateurs respectifs les plus importants (en bleu), sur la base des ressources financières préfi‑
nancées versées par les membres compensateurs à ces CCP. La surface de chaque cercle représente le
montant total des ressources financières préfinancées qui ont été collectées par une CCP ou versées
par un membre compensateur auprès de toutes les CCP dont il est membre. Les lignes reliant les CCP
et les membres décrivent les relations des membres compensateurs et des CCP formant ce réseau.

Source : Rapport du Conseil de stabilité financière et du CPMI-IOSCO : https://www.bis.org/cpmi/publ/d181.pdf

Les CCP et les membres qui figurent au centre ont tendance à être plus grands que ceux de la péri‑
phérie. Les CCP à la périphérie ont pour leur part tendance à avoir un nombre important de membres
qui ne sont membres que d'une seule CCP. Ce graphique illustre ainsi la forte concentration au sein
de quelques CCP des ressources préfinancées versées par les membres.

324 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers Chapitre 17


il ressort que les GSIB (Global Systemically encore le risque que le défaut d’un des
Important Banks) sont fortement liées entre maillons (par exemple la CCP) entraîne les
elles notamment via des participations autres parties (la plateforme de négociation
communes à ces CCP. Dans cette étude, et le système de règlement‑livraison) dans la
la mesure des inter­dépendances a été défaillance, en compliquant, voire en rendant
effectuée notamment à partir du montant impossible la résolution d’une telle infra­
des contributions aux marges initiales et structure. L’absence de substituabilité et le
aux fonds de défaut des principales GSIB caractère systémique d’une infra­structure
aux CCP. Il en ressort qu’une vingtaine de peuvent donc appeler des exigences
membres compensateurs, sur plus de 300, supplémentaires de la part des surveil­
apportent plus de 75 % des ressources lants (couverture des risques financiers,
financières à ces CCP. Le défaut des exigences en capital, etc.) afin de réduire le
deux membres compensateurs les plus risque de défaillance de cette infra­structure.
importants d’une CCP donnée se traduirait
par des défauts dans plus de 20 autres CCP.
Par ailleurs, une dizaine de CCP concentrent 3. Les risques liés
près de 88 % des ressources apportées par aux infra­structures offshore
ces GSIB. Certaines CCP apparaissent ainsi
comme « super‑systémiques », en concen­ 3.1. Les différents types
trant une partie importante des risques. d’infra­structures offshore

2.2.1. Les risques liés à la structure Pour bien appréhender les risques liés


des marchés à ces infra­­structures, la notion d’infra­­
structures dites offshore mérite d’être
Les risques dans les systèmes peuvent précisée, car elle recouvre plusieurs types
être accrus par ailleurs en fonction de la de situations. On qualifie en effet d’infra­­
structure des marchés. Les coûts fixes structures offshore 15  i)  les infra­­structures
élevés et la technicité nécessaires à la qui permettent à leurs participants de se
mise en place d’une infra­structure se connecter indirectement – depuis une autre
traduisent naturellement par une concen­ juridiction que celle de la banque centrale
tration et une spécialisation élevés de ces d’émission – à une infra­­structure de la zone
acteurs ; nombreuses sont les juridictions de la monnaie d’émission ; ainsi que ii)  les
qui comptent une seule CCP et un seul infra­­structures qui traitent sur leur territoire
système de règlement‑livraison ou un seul des instruments ou des paiements qui sont
système de paiement de montant élevé. libellés dans une devise autre que celle de la
Cette concentration implique une faible banque centrale d’émission de la zone dans
substituabilité de l’infra­structure et accroît laquelle ils opèrent  16, typiquement des CCP
les inter­dépendances. multi­­devises, qui compensent des instru­
ments financiers dans plusieurs devises
À titre d’exemple, une structure de (EUR, USD, GBP, CAD, etc.), ou encore un
marché qui comprend plusieurs CCP peut système de règlement multi­­devises comme
présenter moins de vulnérabilités qu’une CLS (cf. chapitre 9).
organisation avec une CCP globale, dans
la mesure où la CCP globale concentre Le premier cas, décrit dans l’encadré n° 5
toutes les expositions sur elles, et devient ci‑après, présente l’exemple d’un système
donc « super‑systémique » en ce que sa de paiement localisé en Suisse, euroSIC, qui 15 D ans le contexte des
infrastructures des
défaillance (par exemple une incapacité à permet de connecter de manière indirecte m a r ch é s , l e t e r m e
restituer les titres ou à livrer les espèces) une communauté bancaire hors de la « offshore » est usuel et
n’a aucune relation avec
peut entraîner celle de ses membres zone euro, en l’occurrence la Suisse, au des activités prohibées.
compensateurs. Une intégration verticale, système de paiement TARGET2, via une
16 
C f. g l o s s a i r e d u
en silo, d’une infra­structure avec d’autres banque commerciale allemande jouant le CPMI : https://www.bis.
entités pourrait potentiellement accroître rôle d’agent de règlement. org/cpmi/publ

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 325


Chapitre 17 Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers


Encadré n° 5 : euroSIC, un exemple de connexion indirecte


de la communauté bancaire suisse à TARGET2

La Suisse n’est pas membre de la zone euro, mais SIX Inter­bank Clearing (SIC) a développé, sur
mandat de la place financière suisse, un système de règlement brut en temps réel pour les règle‑
ments en euros, dénommé euroSIC et qui est opéré par une banque de règlement allemande
(SECB – Swiss Euro Clearing Bank). Ce système est exploité depuis janvier 1999 pour permettre aux
banques suisses de compenser entre elles des paiements en euro rapidement, sans devoir tenir de
comptes en euro dans TARGET2. La banque de règlement SECB, en sa qualité de banque universelle
allemande (enregistrée à Francfort) et de participante à TARGET2 Bundesbank, dispose via celui‑ci
d'un accès à tous les pays membres de la zone euro et traite en temps réel les paiements des parti‑
cipants euroSIC sortant de la Suisse vers la zone euro et inversement.

En ce qui concerne les conditions de participation, chaque établissement soumis au contrôle bancaire suisse
peut normalement participer à euroSIC. Les établissements financiers, les institutions communes, les orga‑
nisations de clearing ainsi que leurs membres établis en dehors de la Suisse, reçoivent également un accès,
pour autant qu'ils soient soumis dans leurs pays d'origine, au niveau du contrôle bancaire, au moins à des
normes juridiques et opérationnelles équivalentes à ceux régissant les participants en Suisse en matière
de surveillance bancaire, de lutte contre le blanchiment et d'infra­structure de télé­communication. Le CSD
du groupe, dénommé SIX‑SIS, est connecté directement à la plateforme européenneTARGET2 Securities
(T2S), permettant le règlement des transactions du système dont la jambe espèces est libellée en euros.

Le deuxième cas est illustré par l’exemple Le marché du repo en Europe est compensé
des CCP britanniques, qui compensent quasi‑exclusivement par 4 CCP. Avant
une part substanti­elle des trans­actions sur mars 2019, au Royaume-Uni, le service
instruments financiers libellés en euros. RepoClear de la CCP LCH Ltd compensait
près de 25 % du marché du repo libellé
en euros, principalement sur les dettes
souveraines allemande, belge, autrichienne
et néerlandaise. Toutefois, dans le contexte
du Brexit, le groupe LCH a trans­féré en
Encadré n° 6 : mars 2019 l’ensemble de son activité de
le cas des CCP britanniques repo en euros vers la CCP française LCH SA
(cf. graphique), qui devient la principale
En Europe, certaines CCP situées chambre de compensation sur les activités
hors de la zone euro, en particulier de repo sur dettes souveraines en euros.
au Royaume‑Uni, traitent une part
très substanti­elle de trans­actions sur
des instruments financiers libellés
en euros ; c’est le cas par exemple
de LCH Ltd, dont le service de T1 : Open interest des CCP européennes sur dérivés de
compensation des dérivés de taux OTC, octobre 2019
taux d’intérêt en euros Swapclear (en milliers de milliards d’euros ; parts en %)
représentait, en novembre 2020 CCP Encours Part de marché
80 000 milliards d’euros de positions du notionnel
ouvertes, soit entre 85 % et 90 % LCH Ltd SwapClear 88 87
du marché de la compensation des EurexOTC 13 13
dérivés de taux d’intérêt libellés BME Clearing 0,001 0
en euros. Sources : Informations publiques, sites internet des CCP.

326 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers Chapitre 17


G1 : Activité du groupe LCH et de ses filiales (LCH SA et LCH Ltd)


(montants en milliards d’euros, échelle de gauche ; transactions en nombre, échelle de droite)
22 000 880 000
20 000 800 000
18 000 720 000
16 000 640 000
14 000 560 000
12 000 480 000
10 000 400 000
8 000 320 000
6 000 240 000
4 000 160 000
2 000 80 000
0
Juil. Sept. Nov. Janv. Mars Mai Juil. Sept. Nov. Janv. Mars Mai
2018 2019 2020 0

Montants pour LCH SA Nombre de transactions Groupe


Montants pour LCH Ltd Date de consolidation
Source : information publique, sites internet des CCP

3.2. Les  avantages elles permettent, dans certains cas,


des infra­structures offshore notamment celui des CCP multi­devises ou
des systèmes de paiement multi­devises, de
Les  infra­structures offshore permettent procéder au « netting » des positions entre
de régler les trans­actions inter­nationales, diverses devises (cf. pour CLS au chapitre 9,
et à ce titre facilitent le développement du section 2.3, le calcul de l’Aggregate Short
commerce inter­national. Ces  infra­structures Position Limit). Pour la compensation des
sont adaptées au règlement de trans­actions instruments financiers par les CCP, ce
régulières et non pas ponctuelles, bénéfi­ « netting » peut permettre de réduire les
ciant de volumes significatifs et permettant besoins en collatéral à constituer au titre des
de réaliser des économies d’échelle (l’amor­ appels de marge (cf. chapitre 11, section 3).
tissement des coûts de développement
et de structure sur un nombre important 3.3. Les risques spécifiques
d’opérations permettant de réduire le des  infra­structures offshore
coût unitaire de traitement de chaque
opération) et des gains en liquidité grâce En revanche, ces infra­structures offshore
à la compensation possible des positions présentent des risques spécifiques, liés à
inverses des participants, détenues dans la leur éloignement des banques centrales
même devise. Ces infra­structures offshore d’émission concernées.
sont donc davantage adaptées pour traiter
des devises communément utilisées dans Une infra­structure offshore traitant un
les trans­actions, à des coûts moindres montant très significatif d’opérations
par rapport à ceux liés au recours à une libellées dans une devise donnée est
banque correspondante, dans le domaine porteuse de risque pour la zone monétaire
des paiements. concernée, notamment en termes de
liquidité. Par exemple, certains participants
Elles contribuent ainsi à renforcer l’effica­ à des systèmes de paiement domestiques
cité et l’efficience des systèmes. Enfin, pourraient être dépendants de la liquidité en

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 327


Chapitre 17 Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers


euro issue de systèmes offshore pour régler 3.3.1. Un exemple : la politique de


leurs positions en débit en fin de journée localisation de l’Eurosystème
dans les systèmes domestiques. De même, pour les systèmes de paiement
une infra­structure offshore ne disposant
généralement pas de liens directs avec La politique de localisation répond à
la banque centrale d’émission, la gestion une volonté des auto­rités monétaires
de la liquidité pourrait s’avérer inopérante de préserver la stabilité financière et de
en cas de stress. Le désalignement des contrôler leur monnaie dans la mesure où la
intérêts entre une infra­structure offshore mise en œuvre de la politique monétaire et le
et la banque centrale d’émission est en traitement des paiements dans la monnaie
lui‑même un vecteur de risques ; de l’ex­ d’émission sont intrinsèquement liés.
périence acquise, et à titre d’exemple, il
ressort en effet qu’une CCP traitant de Le cadre de surveillance de l’Eurosys­
l’euro établie hors de la zone euro, qui tème, publié en juillet 2011 et révisé en
n’est pas supervisée à titre principal par juillet 2016 17, comprend une politique de
un ou plusieurs superviseurs appartenant localisation des systèmes de paiement
à la zone euro, est susceptible de prendre traitant de l’euro. Le principe est que les
des mesures contra­ires aux intérêts de la systèmes de paiement traitant une partie
zone euro, aux impacts potentiellement substanti­elle d’opérations en euros doivent
systémiques sur la zone euro, sans que les être juridiquement implantés dans la
auto­rités de cette zone ne puissent inter­ zone euro et réglés en monnaie de banque
venir. La zone euro en a fait l’expérience centrale. De plus, le contrôle opérationnel
fin 2011‑début 2012 et jusqu’à l’été 2012, au et la responsabilité de toutes les fonctions
moment de la crise sur la dette souveraine essentielles à ces opérations doivent être
de certains pays de la zone euro, quand exercés depuis la zone euro. En application
des décisions pro‑cycliques de hausse de des principes édictés par cette politique
marges initiales (et donc préjudiciables à la de localisation, les opérations en euros de
stabilité financière de la zone euro) ont été systèmes de paiement offshore doivent
mises en œuvre par une CCP britannique, être rapatriées dans la zone euro dès que
sans consultation préalable avec l’Euro­ ces systèmes règlent quotidiennement
système pourtant en charge de la stabilité en euros plus de 5 milliards d’euros ou
financière de la zone euro. qu’ils représentent chacun plus de 0,2 %
du total en valeur des trans­actions en euros
Ces enjeux de stabilité financière sont réglées par des systèmes de paiements
par ailleurs cruciaux pour les acteurs de inter­bancaires de la zone euro.
marché qui ont besoin d’un cadre sécurisé
pour le traitement et la compensation de Actuellement, il existe très peu de systèmes
leurs opérations. de paiement traitant des opérations en euros
localisés en dehors de la zone euro : euroSIC
Les  infra­structures offshore ne doivent pas en Suisse (cf. encadré 5 supra), CHATS
menacer la stabilité financière des marchés EUR (HK) à Hong Kong (cf. chapitre 9,
et des monnaies des banques centrales encadré 8), dont l’activité en euros reste
d’émission concernées. À ce titre, elles très modeste (sous le seuil d’activation de la
doivent être encadrées par un dispositif politique de localisation) et CLS ; ce dernier
de contrôle des risques. Ce dernier peut traite des montants importants dépassant
s’exercer de diverses manières, notamment de très loin les plafonds déterminés mais
i)  en limitant les volumes par la mise en bénéficie d’une exception à la politique de
place d’une politique de localisation ; et localisation. L’Eurosystème peut en effet
ii)  en soumettant ces infra­structures à un accorder des exceptions dans des cas
dispositif de surveillance renforcé, dans très particuliers. Cette unique exception
lequel les banques centrales d’émission concerne actuellement CLS, système de 17 https://www.ecb.europa.
jouent un rôle déterminant. règlement multi­d evises en mode PvP eu/pub/pdf/other

328 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers Chapitre 17


(Payment versus Payment : cf. chapitre 9), du collatéral éligible que la CCP peut lui
qui par définition est un système offshore remettre, fournir des liquidités d’urgence.
pour toutes les devises qu’il traite à
l’exception d’une d’entre elles, le dollar Pour cette raison, la révision du règlement
américain (puisque CLS Bank est installée EMIR, publiée le 12 décembre 2019 et
aux États-Unis). L’Eurosystème a accordé entrée en vigueur le 1 er janvier 2020,
une exception à CLS (pour les paiements prévoit la relocalisation des CCP les plus
en PvP uniquement), dans la mesure où systémiques pour l’Union européenne (voir
ce système réduit le risque de règlement chapitre 11 ; point 4.3.3). Ainsi, les CCP
des opérations de change. En contrepartie, jugées « d’une importance systémique
l'Eurosystème est étroitement associé substanti­elle » telle que leur localisation
à la surveillance de CLS, dans le cadre hors de l’Union européenne fait peser des
d’une surveillance coopérative entre les risques excessifs pour la stabilité financière
banques centrales du G10 (et celles dont la de l’Union, ne seront pas reconnues et ne
monnaie est traitée par le système), sous seront donc pas auto­risées à fournir des
l’égide de la Réserve fédérale américaine) services en UE. Pour fournir ces services,
(cf. chapitre 9, section 3). elles devront relocaliser tout ou partie de
leur activité dans l’UE, ce qui contribuera à la
3.3.2. Le cas des CCP offshore réduction du risque systémique en Europe.

Les CCP qui compensent les trans­actions À ce titre, l’ESMA a annoncé le


en euro sont des acteurs critiques pour la 28 septembre 2020 que les CCP britan­
stabilité financière, ainsi que pour la niques LCH Limited et ICE Clear Europe
conduite de la politique monétaire ; à cet seraient soumises à un examen approfondi
égard, un rapport du CGFS 18 a mis en de leur potentielle « importance systé­
exergue dès 1994 l’importance des trans­ mique substantielle » pour l’UE, au titre
actions sur dérivés dans la trans­mission de l’article 25(2c) EMIR 2, d’ici la fin de la
des mécanismes monétaires, qui sont au période d’équivalence temporaire délivrée
cœur du mandat de l’Eurosystème. par la Commission (fixée à juin 2022).
Ce processus pourrait éventuellement
Une CCP traitant des trans­actions dans une conduire à une exigence de relocalisation
devise donnée, et située hors de la zone de tout ou partie des activités de ces CCP.
monétaire de la banque centrale d’émis­
sion et qui à ce titre n’est pas supervisée 3.3.3. Les dispositifs de surveillance
à titre principal par une auto­rité de la zone renforcée avec l’implication des
monétaire peut prendre ou se faire imposer banques centrales d’émission
par son superviseur national des mesures
contra­ires aux intérêts de la zone monétaire, Outre la mise en place d’une politique de
sans que les auto­rités de la zone monétaire localisation, un autre moyen de préserver
puissent inter­venir (cf. supra). la stabilité financière dans le contexte
d’infra­structures offshore, bien que moins
Dans ce contexte, une localisation des efficace que la politique de localisation, est
activités de compensation des instru­ de prévoir un dispositif de surveillance dans
ments financiers dans la zone monétaire lequel les banques centrales d’émission des
est le dispositif le plus sûr pour assurer la devises des instruments financiers traités
sécurité de ces infra­structures. En effet, la exercent, aux côtés des auto­rités nationales
proximité de la banque centrale permet à compétentes, un réel pouvoir, avec une
cette dernière de surveiller le dispositif de approbation préalable de toute extension
gestion de la liquidité de la CCP en question. ou changement dans le cadre de gestion
Dans des cas d’extrêmes tensions sur des risques et l’imposition de mesures
les marchés, la banque centrale peut, de d’urgence en cas de mise en péril de la 18 
https://www.bis.org/publ/
manière discrétionnaire et dans la limite stabilité financière de la zone d’émission ecsc04.pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 329


Chapitre 17 Prévenir les risques dans les infrastructures des marchés financiers


concernée. À ce jour de tels dispositifs de les CCP, la gestion de crise pourrait s’avérer
surveillance renforcée effective n’existent encore plus problématique.
pas, les surveillants appliquant soit une
politique de localisation, soit une surveil­ Il n’existe enfin pas de mécanisme de réso­
lance directe, dite « extra­territoriale », à lution de ces conflits entre régulateurs, et
l’instar des États‑Unis (cf. chapitre 18). l’incertitude qui pourrait en découler aurait
De facto, seule une politique de localisa­ pour effet d’amplifier encore les effets
tion permet à la banque centrale d’émission déstabilisants, notamment en période de
de pouvoir inter­venir rapidement et effi­ crise. In fine, l’outil de la supervision extra­
cacement, ce que ne permettent ni une territoriale pourrait se révéler inefficace dans
supervision directe, ni les dispositifs de de telles situations, ce qui plaide en faveur
coopération pour les CCP offshore, qui d’une surveillance directe des CCP de pays
ne sont pas contra­ignants et reposent tiers systémiques pour l’UE, et d’une relo­
sur le bon vouloir des auto­rités du pays calisation des CCP dites substanti­ellement
d'accueil (home), tant en termes de trans­ systémiques (voir chapitre 11, point 4.3.3).
mission d’information que de prises de
décisions pour répondre aux impératifs de La responsabilité première de la gestion
stabilité financière. des risques incombe aux opérateurs des
infra­structures des marchés financiers.
Il est ainsi parfaitement envisageable Compte tenu des risques auxquels elles
qu’une CCP soit soumise à des injonctions doivent faire face et de leur rôle clé dans
contra­dictoires de la part des régulateurs la sphère financière, les infra­structures
de juridictions différentes, notamment en des marchés financiers doivent obéir à des
période de crise, chacun des deux poursui­ règles de sécurité et d’encadrement des
vant son propre mandat de défense de la risques, d’une part, et faire l’objet d’une
stabilité financière et monétaire de sa zone surveillance des auto­rités, d’autre part.
monétaire, ou de préservation de la solidité Les banques centrales notamment ont un
financière des adhérents compensateurs. rôle crucial à jouer dans la prévention du
Dans le cas d’une utilisation de cet outil sur risque systémique.

330 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


CHAPITRE 18

La surveillance
des infrastructures
des marchés financiers
Mis à jour le 30 septembre 2020
Chapitre 18 La surveillance des infrastructures des marchés financiers


L
es  infrastructures des marchés Les banques centrales se sont donc natu‑
financiers jouent un rôle pivot pour rellement préoccupées, vers le début des
servir les marchés, les alimenter années 1990, des risques systémiques que
en liquidité, assurer les paiements et leur système de paiement national pouvait
le règlement‑livraison des instruments faire courir. C’est dans ce contexte qu’est
financiers. Elles contribuent ainsi direc‑ apparu le terme de surveillance (« oversight »
tement au maintien de la confiance dans en anglais) qui, à l’époque, ne reposait pas sur
la monnaie et les marchés financiers et, une base légale ni réglementaire. Par effet
plus généralement, à la stabilité financière. de ricochet, le périmètre de surveillance des
Elles permettent enfin la bonne mise en banques centrales s’est ensuite étendu aux
œuvre de la politique monétaire, en rendant systèmes de règlement de titres. Dans la
possible la mobilisation et la livraison du mesure où ces derniers étaient amenés
collatéral titres contre la livraison d’espèces. à effectuer le règlement dans les livres de
Les infrastructures ont montré une rési‑ la banque centrale (connu sous le terme
lience forte pendant la crise de  2008. de « règlement en monnaie de banque
Le rôle accru qui a été conféré en 2009 centrale »), pour garantir la sécurité du
par le G20 à certaines d’entre elles en règlement, dès lors, ces systèmes pouvaient
matière de stabilité financière et de trans‑ en effet compromettre le bon fonctionnement
parence - notamment pour les contreparties des systèmes de paiement nationaux. Enfin,
centrales et les référentiels centraux de les contreparties centrales (CCP), en offrant
données - a eu pour corollaire une surveil‑ une plus grande sécurité financière, ont par
lance renforcée. ailleurs concentré les risques (cf. chapitre 11),
le défaut d’un participant ou la défaillance
Au plan opérationnel, les banques centrales de la CCP pouvant générer un risque systé‑
sont également directement intéressées au mique. C’est dans ce contexte, et pour des
bon fonctionnement des infrastructures, et préoccupations de stabilité financière que
au premier chef des systèmes de paiement : les banques centrales du G10 notamment
la plupart des banques centrales exploitent ont entamé des travaux avec les autorités
elles-mêmes un système de paiement de marché, responsables traditionnellement
national, d’autres sont participantes directes de la réglementation et de la supervision des
à des systèmes. En outre, elles sont elles- dépositaires centraux de titres et des CCP,
mêmes utilisatrices des infrastructures des pour participer à la surveillance de ces entités
marchés financiers pour la mise en œuvre aux côtés de ces autorités. L’écosystème
opérationnelle de la politique monétaire et des infrastructures de marché surveillées
la livraison du collatéral (cf. chapitres 12, par les banques centrales s’est ainsi étendu
section 1.5 ; chapitre 13, section 4.3 ; et progressivement, pour couvrir à présent non
chapitre 15, section 5). À ce titre, elles seulement les systèmes de paiement mais
ont un intérêt fort au bon fonctionnement aussi l’intégralité de la chaîne de traitement
de ces infrastructures : par exemple, la des instruments financiers.
banque centrale ne pourra pas fournir de
liquidité si les titres admis en garantie ne L’attention que les autorités, notamment les
sont pas livrés. banques centrales, apportent aux infrastruc‑
tures des marchés financiers, est mise en
Dans le cadre de leur mission de conduite de exergue dans le rapport de mai 2005 du
la politique monétaire et de stabilité finan‑ CPSS sur la surveillance des systèmes de
cière, l’enjeu pour les banques centrales, en paiement et de règlement par les banques
tant que « prêteur en dernier ressort », est centrales «  Central bank oversight of
de ne pas s’exposer à un aléa moral, consis‑ payment and settlement systems » 1.
tant pour les acteurs de marché à compter
sur l’intervention de la banque centrale en La surveillance exercée par les banques
cas de défaillance d’une infrastructure ou centrales sur les infrastructures des 1 h
 ttp://www.bis.org/cpmi/
d’un participant important. marchés financiers a pour objet de s’assurer publ/d68.pdf

332 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La surveillance des infrastructures des marchés financiers Chapitre 18


de l’efficacité et de la sécurité des systèmes (Principles for financial market infrastruc‑


existants ou en cours de développement, tures – PFMI). Par la suite, ces principes
de les évaluer au regard des normes et des ont été transposés en droit européen au
principes en vigueur, ainsi que d’encourager travers de règlements contraignants.
des changements si nécessaire.
1.1. La genèse : les différents corpus
de principes
1. Les normes de gestion
des risques Dans  le sillage de la crise financière
pour les infrastructures de 1987, la prise de conscience de l’im‑
des marchés financiers portance de solides infrastructures des
marchés financiers a conduit à l’ébauche
Les différentes normes s’appliquant aux de normes internationales avec le rapport
infrastructures des marchés financiers ont Lamfalussy de 1990 2, relatif aux systèmes
eu pour origine les crises financières de la de compensation interbancaires. Il a permis
fin des années 1980, et surtout, la crise d’établir pour ces systèmes des « normes
financière de 2008. Le corpus de normes a minimales » destinées à couvrir notamment
été élaboré progressivement, par type d’in‑ les risques juridiques, financiers et opéra‑ 2 
http://www.bis.org/cpmi/
frastructure, avant d’être consolidé en 2012 tionnels. En outre, il a posé les principes publ/d04.pdf (version
originale) http://www.bis.
dans les principes CPMI-IOSCO pour les fondateurs d’une surveillance coopérative org/cpmi/publ/d04fr.pdf
infrastructures des marchés financiers de ces systèmes par les banques centrales. (traduction en français)

Encadré n° 1 : Normes minimales pour la conception et le fonctionnement des systèmes de


compensation et de règlement transfrontières et multidevises (normes « Lamfalussy »)

Le rapport Lamfalussy de 1990 a recommandé six « normes minimales » (minimum standards)


énoncées comme suit :

(I) les systèmes de compensation devraient avoir une base juridique solide dans les toutes les
juridictions concernées ;

(II) les participants à un système de compensation devraient avoir une idée précise de l’incidence
de ce dernier sur chacun des risques financiers afférents au processus de compensation ;

(III) les systèmes de compensation multilatérale devraient être dotés, pour la gestion des risques de
crédit et de liquidité, de procédures clairement définies précisant les responsabilités respectives
de l’agent de compensation et des participants. Ces procédures devraient également garantir
que toutes les parties sont à la fois incitées et aptes à gérer et à restreindre chacun des risques
qu’elles encourent et que des limites sont fixées au niveau maximal de risque de crédit auquel
chaque participant peut être exposé ;

(IV) les systèmes de compensation multilatérale devraient permettre, pour le moins, d’assurer
l’exécution en temps voulu des règlements journaliers dans le cas où le participant présentant
la position débitrice nette la plus élevée serait dans l’incapacité de s’exécuter ;

(V) les systèmes de compensation multilatérale devraient comporter des critères d’admission objectifs
et dûment publiés, permettant un accès sur une base non discriminatoire ;

(VI) tous les systèmes de compensation devraient s’assurer de la fiabilité opérationnelle des systèmes
techniques et de la disponibilité de moyens de secours permettant de mener à bien les opérations
journalières requises.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 333


Chapitre 18 La surveillance des infrastructures des marchés financiers


Dans le prolongement des normes et 1.1.2. Les recommandations pour les


principes Lamfalussy, plusieurs corps systèmes de règlement de titres
de normes ont été successivement (CPSS-IOSCO, novembre 2001) 4
développés, dans un  premier temps
par type d’infrastructure : d’abord pour Les  systèmes de règlement de titres
les systèmes de paiement d’impor‑ (cf. chapitre 13) sont exposés à des risques
tance systémique (2001), puis pour les spécifiques, liés à la nature même de leur
systèmes de règlement de titres (2001), activité. Leur principal objet est d’assurer
enfin pour les contreparties centrales l’exécution des transactions sur les titres, en
(2004). Après la crise financière de 2008, toute sécurité. Ces systèmes sont la plupart
qui a montré la résilience et le rôle crucial du temps gérés par des dépositaires centraux
des infrastructures des marchés finan‑ de titres (CSD), et sont eux-mêmes liés à
ciers et vu l’émergence de nouvelles un système de paiement, lequel effectue
infrastructures comme les référentiels le règlement espèces dans les livres d’une
centraux de données (cf. chapitre 16), il banque centrale, dans la plupart des cas,
est apparu souhaitable de refondre ces pour transférer les fonds correspondant aux
corps de normes et les rassembler dans transferts des titres. La conditionnalité de
un document unique, les PFMI, publiés l’exécution de chacune des deux jambes
en avril 2012. de l’opération est connue sous le terme de
« livraison contre paiement » (delivery versus
1.1.1. Les Principes fondamentaux payment ou DvP), c’est-à-dire que le transfert
pour les systèmes de paiement final des titres est effectué si et seulement si
d’importance systémique (CPSS, le transfert des espèces a lieu, et vice-versa.
janvier 2001) 3
Les premières normes internationales en
Il  s’agissait d’élaborer des principes matière de règlement-livraison avaient été
globaux, acceptés partout dans le élaborées dans le sillage des recommanda‑
monde et qui puissent s’adapter à tions de 1988 du groupe des 30 5. Elles ont été
une large diversité de situations. mises à jour par un groupe de travail constitué
Ces principes devaient donc présenter sous l’égide du CPSS et de l’IOSCO, dont le
un  caractère générique. Dans  cette rapport, publié en novembre 2001, formulait
optique, 23  banques centrales natio‑ 19 « recommandations pour les systèmes
nales (dont les banques centrales du de règlement de titres ».
G10) ont participé au groupe de travail
du CPSS, , ainsi que la Banque centrale 1.1.3. Les recommandations pour les
européenne, le Fonds monétaire inter‑ contreparties centrales (CPSS-
national et la Banque mondiale. Face au IOSCO, novembre 2004) 6 3 
http://www.bis.org/cpmi/
constat selon lequel les systèmes de publ/d43.pdf (version
originale) ou http://
paiement de montant élevé n’étaient pas Certaines des recommandations pour les www.bis.org/cpmi/publ/
les seuls à porter des risques et que ce systèmes de règlement de titres s’adressaient d43fr.pdf (traduction en
français)
pouvait être le cas également pour les également aux contreparties centrales (CCP),
systèmes de paiement de détail, traitant notamment celles relatives à la gouvernance, 4 
http://www.bis.org/cpmi/
publ/d46.pdf (version
un volume très important d’opérations la transparence, ou encore la fiabilité opéra‑ originale) http://www.bis.
de petit montant, une approche globale, tionnelle. Compte tenu du profil de risques org/cpmi/publ/d46fr.pdf
(traduction en français)
intégrant les deux types de systèmes, très spécifique des CCP, le CPSS et l’IOSCO
a été adoptée. Dix principes fondamen‑ ont élaboré des recommandations spéci‑ 5 Group of Thirty, Clearance
and Settlement Systems
taux (Core principles) pour les systèmes fiques pour les CCP. Publié en 2004, le rapport in the World’s Securities
de paiement d’importance systémique formule 15 « recommandations pour les CCP », Markets (Group of
Thirty, 1988). http://
ont ainsi été définis, complétés de accompagnées d’une méthodologie d’évalua‑ group30.org/images/
quatre  «  responsabilités  » assignées tion qui permet, au moyen de questions clés, uploads/
aux banques centrales dans la mise en d’évaluer le degré de conformité de la CCP 6 h
 ttp://www.bis.org/cpmi/
œuvre de ces principes. aux recommandations formulées. publ/d64.pdf

334 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La surveillance des infrastructures des marchés financiers Chapitre 18


1.2. Les Principes pour les • les dépositaires centraux de titres (CSD) ;


infrastructures des marchés
financiers (CPSS-IOSCO, • les systèmes de règlement de titres
avril 2012) (SSS) ;

Les efforts internationaux pour promou‑ • les contreparties centrales (CCP) ;


voir la sécurité et la robustesse des
infrastructures des marchés financiers • les référentiels centraux de données
ont fait la preuve de leur efficacité lors (Trade Repositories, TR).
de la crise financière survenue en 2008,
pendant laquelle ces infrastructures ont Les PFMI renforcent les exigences relatives
pu gérer l’instabilité accrue des marchés, à la gestion du risque de crédit et du risque
les pics de volumes de transactions et de liquidité et établissent des exigences
la faillite de Lehman Brothers, un des nouvelles pour des catégories de risques qui
principaux utilisateurs des infrastruc‑ n’étaient pas traitées par les anciens corps
tures, sans connaître de perturbation de normes, comme l’obligation de mettre
majeure. Globalement, en amortissant en place un cadre de gestion des risques
l’accroissement du volume et de la vola‑ intégrant l’ensemble des risques (juridiques,
tilité de l’activité de négociation, le bon financiers, opérationnels…), la nécessité
fonctionnement de ces infrastructures pour les CCP de mettre à disposition de
a favorisé la confiance des marchés et leurs utilisateurs un dispositif assurant la
largement contribué à limiter les consé‑ ségrégation et la portabilité des positions
quences financières et économiques des et du collatéral des membres et des clients
turbulences financières 7. des membres, ainsi que des exigences
applicables au risque général d’activité et
À la lumière du rôle important conféré aux aux risques liés à la participation indirecte
infrastructures des marchés financiers (également appelée «  participations à
par le G20 lors des engagements pris plusieurs niveaux »).
par ce dernier au sommet de Pittsburgh
en septembre 2009, il était crucial de Les PFMI ont notamment renforcé les
s’assurer dans le temps de la robustesse exigences en matière de cadre de gestion
des infrastructures des marchés finan‑ des risques pour les CCP : ils requièrent
ciers ; le CPMI et l’IOSCO ont effectué en effet, pour les CCP qui compensent
un travail d’harmonisation et de révision des instruments financiers complexes ou
des principes préexistants relatifs aux qui sont d’importance systémique dans
différentes infrastructures. La juxtapo‑ plusieurs juridictions, que la CCP soit en
7 Cf. Les principes rela‑
sition de ces différents principes et mesure de couvrir à tout moment l’expo‑ tifs aux infrastructures
recommandations, dédiés à chaque type sition liée aux deux membres ayant les des marchés financiers
d’infrastructure, a rendu en effet néces‑ positions les plus importantes vis-à-vis de définis par le CSPR et
l’OICV : des vecteurs
saire la mise en œuvre d’une approche la CCP, dans l’hypothèse de deux défauts pour une convergence
globale et cohérente des principes appli‑ simult anés et cumulés (Cover  2) internationale, Russo
(D.), Revue de la stabilité
cables aux diverses infrastructures de (cf. chapitre 11). Les PFMI ont également financière n° 17, Banque
marché. Cette démarche a abouti aux défini de nouvelles normes en matière de de France (avril 2013,
« Principes pour les infrastructures des couverture du risque d’activité (nécessité de pages 79 à 88) : https://
www.banque-france.
marchés financiers » (PFMI), élaborés par disposer de ressources liquides financées fr/sites/default/files/
le comité CPSS (devenu CPMI en 2014) sur fonds propres, équivalentes à 6 mois de medias/documents/
revue-de-stabilite-finan-
et IOSCO, et publiés en avril 2012 8. dépenses courantes), ou opérationnelles. ciere_17_2013-04.pdf

8 
http://www.bis.org/cpmi/
Les PFMI définissent les infrastructures des Les  PFMI sont structurés autour de publ/d101a.pdf (version
marchés financiers comme étant : neuf  risques principaux, eux-mêmes originale) ou http://www.
bis.org/cpmi/publ/d101_
déclinés en 24  principes selon le fr.pdf (traduction en
• les systèmes de paiement (PS) ; schéma présenté dans l’encadré 2. français)

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 335


Chapitre 18 La surveillance des infrastructures des marchés financiers


Encadré n° 2 : La déclinaison des PFMI

Organisation générale Gestion du risque de crédit et Règlement


• Base juridique de liquidité • Caractère définitif du règlement
• Gouvernance • Risque de crédit • Règlement espèces
• Cadre de gestion intégrée des •  Sûretés • Livraisons physiques
risques • Appels de marges
• Risque de liquidité

Dépositaires centraux de titres et Gestion des défauts Gestion du risque d’activité et du


systèmes d’échange de valeur • Règles et procédures applicables risque opérationnel
• Dépositaires centraux de titres en cas de défaut • Risque d’activité
• Systèmes d’échange de valeur • Ségrégation et portabilité • Risques de conservation et
d’investissement
• Risque opérationnel

Accès Efficience Transparence


• Conditions d’accès et de • Efficience et efficacité • Communication des règles,
participation • Procédures et normes de procédures clés et données de
• Dispositifs à plusieurs niveaux de communication marché
participation • Communication des données
• Liens entre infrastructures de de marché par les référentiels
marchés financiers centraux

Compte tenu de l’activité et du profil de Le tableau de l’encadré 3, extrait des PFMI,


risques spécifique à chaque type d’in‑ présente l’applicabilité des principes en
frastructure des marchés financiers, ces fonction du type d’infrastructure.
principes ne sont pas tous applicables à l’en‑
semble des infrastructures. Par exemple, les Le profil de risque de chaque infrastruc‑
référentiels centraux de données ne sont ture est en outre différent, en fonction de
pas concernés par le risque de liquidité ni par facteurs endogènes (organisation, gouver‑
le risque de crédit, mais sont en revanche nance…) et exogènes (liens, participants…).
exposés au risque opérationnel. Les CCP
seront exposées plus particulièrement au S’agissant du risque opérationnel, et dans
risque de crédit, de marché, de liquidité, le contexte de la montée du risque cyber,
en cas de défaut d’un participant. D’autres une orientation CPMI-IOSCO (« Guidance 9 
h ttps://www.bis.org/
facteurs de risques peuvent provenir des on cyber-resilience for financial market cpmi/publ/d146.pdf.
C e tt e   o r i e n t a t i o n a
liens avec d’autres infrastructures, par infrastructures ») publiée en juin 2016  9 a été suivie de la publi‑
exemple les systèmes de règlement de effectué en outre des préconisations pour la cation par la BCE
titres peuvent être liés à une ou plusieurs résilience des infrastructures des marchés e n d é c e m b r e   2 018
d’un rapport intitulé
CCP pour le règlement/livraison de la jambe financiers, qui se décline en neuf volets : « Cyber resilience over-
titres, voire à un ou plusieurs systèmes i) la gouvernance ; ii) l’identification des s i g h t ex p e c t a t i o n s
for financial market
de paiement, pour le règlement de la risques ; iii) la protection ; iv) la détection ; i n f r a s t r u c t u r e s  »
jambe espèces. v)  le  rétablissement ; vii)  les  tests ; (Cf. infra : 1.3.2),

336 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La surveillance des infrastructures des marchés financiers Chapitre 18


Encadré n° 3 : L’applicabilité générale des PFMI par type d’infra­structures *

SP CSD SSS CCP TR


1. Base juridique • • • • •
2. Gouvernance • • • • •
3. Cadre de gestion intégrée des risques • • • • •
4. Risque de crédit • • •
5. Sûretés • • •
6. Appels de marge •
7. Risque de liquidité • (1) • •
8. Caractère définitif du règlement • • •
9. Règlement espèces • • •
10. Livraisons physiques • • •
11. Dépositaires centraux de titres •
12. Systèmes d’échange de valeur • • •
13. Règles et procédures applicables en cas de défaut d’un participant • • • •
14. Ségrégation et portabilité •
15. Risque d’activité • • • • •
16. Risques de conservation et d’investissement • • • •
17. Risque opérationnel • • • • •
18. Conditions d’accès et de participation • • • • •
19. Dispositifs à plusieurs niveaux de participation • • • • •
20. Liens entre infrastructures de marchés financiers • • • •
21. Efficience et efficacité • • • • •
22. Procédures et normes de communication • • • • •
23. Communication des règles, procédures clés et données de marché • • • • •
24. Publication des données de marché par les référentiels centraux •
*  SP= système de paiement, CSD = dépositaire central de titres, SSS = système de règlement-livraison, CCP = contrepartie centrale, TR = référen‑
tiel central de données.
(1)  Le risque de liquidité concerne uniquement les ICSD, qui ont un agrément bancaire.

viii) la veille ; ix) l’apprentissage et l’évo‑ d’analyse donnant un cadre d’évaluation


lution. L’objectif de l’orientation est de pour l’application des principes par les
fournir une démarche méthodologique et infrastructures (« Disclosure framework
des outils pour permettre aux infrastruc‑ and Assessment methodology »), publié
tures des infrastructures des marchés par CPMI-IOSCO en décembre 2012  10,
financiers de renforcer leur résilience au qui vise à accroître la transparence des
regard des cyber-menaces. infrastructures des marchés financiers
vis-à-vis des acteurs de marché, afin que
Ces  principes sont complétés, dans ceux-ci disposent de toutes les informa‑
les PFMI, par «  cinq  responsabilités tions nécessaires pour évaluer les risques
des banques centrales, régulateurs de éventuels qu’ils prennent en interagissant
marché et autres autorités compétentes » avec ces infrastructures. Ce cadre qualitatif
(Responsabilités A à E, voir ci-après est complété d’un cadre quantitatif, qui a
section 2.4.). Ces nouvelles normes se sont vocation à être décliné par type d’infrastruc‑ 10 
http://www.bis.org/cpmi/
accompagnées d’un cadre international tures. CPMI-IOSCO a publié en février 2015 publ/d106.pdf
CPMI-IOSCO de publication d’information un rapport concernant les informations 11 
http://www.bis.org/cpmi/
qualitative, accompagné d’une méthode quantitatives à publier par les CCP 11. publ/d125.pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 337


Chapitre 18 La surveillance des infrastructures des marchés financiers


Par  ailleurs, les PFMI sont complétés 1.3. Le nouveau corpus réglementaire
d’une annexe F qui traite des exigences de européen pour les infrastructures
surveillance applicables aux fournisseurs de des marchés financiers :
services critiques. Ces derniers, comme par de la « soft law » à la « hard law »
exemple la messagerie financière SWIFT,
assurent des services essentiels pour les Les pays membres du CPMI et de l’IOSCO
infrastructures, dont le bon fonctionnement se sont engagés à mettre en œuvre les
en dépend donc étroitement. L’annexe F PFMI dans leurs juridictions respectives.
des PFMI détaille cinq  exigences de Il s’agit d’une initiative importante, dans
surveillance applicables aux fournisseurs de la mesure où les PFMI n’ont pas de
services critiques qui sont i) l’identification caractère juridiquement contraignant,
et la gestion des risques ; ii) la sécurité de mais ont la nature de principes et de
l’information ; iii) la fiabilité et la résilience ; recommandations de bonne gestion des
iv)  la  planification technologique ; et risques. Cette mise en œuvre fait l’objet
v) la communication avec les utilisateurs. d’un  suivi au niveau  mondial dans les
Le Conseil des gouverneurs de la BCE a juridictions CPMI-IOSCO par la mise en
approuvé pour sa part en août 2017 une place depuis 2013 de l’Implementation
politique d’identification et de surveillance Monitoring Standing Group. Ce suivi est
des fournisseurs de services critiques conduit selon trois niveaux :
pour les infrastructures des marchés
financiers, qui opérationnalise les grands • niveau  1  : les auto-évaluations des
principes posés en la matière par le cadre juridictions concernant la mise en œuvre
de surveillance de l’Eurosystème  12. des législations et procédures visant à
Cette  politique s’applique à tous les appliquer les PFMI ;
systèmes de paiement du ressort de
l’Eurosystème (les systèmes de paiement • niveau 2 : les revues des pairs (peer
d’importance systémique, les systèmes de review) sur la complétude et la cohérence
paiement de détail), à la plateforme T2S, ainsi avec les PFMI des mesures d’application
qu’aux systèmes de cartes de paiement. prises par les juridictions ;
À cet égard, les infrastructures des marchés
financiers ont la responsabilité de s’assurer • niveau 3 : les revues des pairs sur la
que les fournisseurs de services critiques cohérence des résultats de la mise en
auxquels elles ont recours répondent œuvre des PFMI par les infrastructures.
bien aux exigences de surveillance qui
leur sont applicables ; dans certains cas, Les évaluations de niveau 1, régulièrement
une surveillance directe des fournisseurs mises à jour sur le site internet de la BRI 13,
de services critiques peut être effectuée font état d’un degré de maturité élevé des
par les autorités. juridictions dans la traduction législative ou
réglementaire des PFMI. Les évaluations
Le  changement de nature de ces de niveau 2 ont concerné jusqu’à présent
prescriptions et leur transposition dans dix  juridictions (Union européenne,
des règlements contraignants, notamment États-Unis, Japon, Australie, Hong-Kong,
aux États-Unis avec le Dodd-Frank Act Singapour, Suisse, Canada, Brésil et 12 
http://www.ecb.europa.
et dans l’Union européenne avec les Turquie), tandis que les évaluations de eu/pub/pdf/

Règlements EMIR (cf.  chapitre  11) et niveau 3 ont pour le moment donné lieu à 13 
h ttps://www.bis.org/
cpmi/level1_st atus_
CSDR (cf. chapitres 12 et 13), constituent la publication de trois rapports : les pratiques report.htm
une modification de paradigme pour le de gestion des risques financiers et de
14 
h ttps://www.bis.org/
cadre de surveillance des infrastructures. rétablissement de 10 CCP compensant des cpmi/publ/d148.pdf
Ils se traduisent en effet d’une part par instruments financiers dérivés (août 2016 14 15 
h ttps://www.bis.org/
une obligation de respect des normes par et mai 2018 15) et l’évaluation et la revue de cpmi/publ/d177.pdf
les infrastructures et d’autre part, par de l’application des cinq responsabilités par les 16 
h ttps://www.bis.org/
possibles sanctions en cas de non-respect. autorités (novembre 2015) 16. cpmi/publ/d139.pdf

338 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La surveillance des infrastructures des marchés financiers Chapitre 18


L’application des PFMI s’est par ailleurs les produits dérivés de gré-à-gré, les
généralisée à travers le monde sous contreparties centrales et les référentiels
l’impulsion du FMI et de la Banque mondiale centraux (dit EMIR - European Market
dans le cadre des programmes d’évaluation Infrastructure Regulation), qui transpose
des pays conduits par ces institutions. en droit européen les PFMI applicables
aux CCP et référentiels centraux de
Pour ce qui concerne la France, cette mise données ;
en œuvre est conduite au niveau européen
et de l’Eurosystème, les PFMI étant déclinés • le 3  juin  2013, la Banque centrale
par type d’infrastructure, avec une régle‑ européenne a annoncé que le Conseil
mentation spécifique pour chacune. Ainsi : des gouverneurs avait adopté les PFMI
pour la conduite de la surveillance
• le 4 juillet 2012 est entré en vigueur le par l’Eurosystème de tous les types
règlement européen n° 648/2012 sur d’infrastructures des marchés financiers ;

Encadré n° 4 : La déclinaison des PFMI dans la réglementation européenne

La mise en œuvre des engagements du G20 dans la réglementation relative aux infrastructures de marché

2009 2012 2014

Septembre 2009, engagements du G20 : obligation de compensation des dérivés standardisés par des chambres
de compensation et déclaration de tous les dérivés (listés ou de gré à gré – OTC) à des registres centraux de données (TR)

Principes CPMI-IOSCO : renforcement et harmonisation


pour répondre aux engagements du G20

Règlement européen EMIR (application 15/03/2013 aux CCP)

Contreparties centrales

Règlement européen CSDR (publication 28/08/2014)


Systèmes de règlement-livraison/dépositaires
centraux de titres
Déclinaison des PFMI
dans la réglementation
Règlement BCE (publication 23/07/2014)
européenne
Systèmes de paiement d’importance systémique

Règlement européen EMIR (application 12/02/2014 pour les déclarations)

Registres centraux de données

Source : Banque de France.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 339


Chapitre 18 La surveillance des infrastructures des marchés financiers


• le 11 août 2014 est entré en vigueur le tout en associant les principales autorités


règlement BCE n° 2014/28 concernant concernées des autres pays membres de
les exigences de surveillance applicables l’Union européenne.
aux systèmes de paiement d’importance
systémique, qui met en œuvre, au sein En effet, la participation d’autorités de
de la zone euro, les PFMI pour ce qui différents pays et agissant en applica‑
concerne les systèmes de paiement d’im‑ tion de mandats complémentaires dans
portance systémique. Ce règlement a fait les collèges a pour objectif de prendre
l’objet d’une révision en 2017 (cf. infra) ; en compte les différentes perspectives
indispensables au bon fonctionnement
• enfin, le 18 septembre 2014 est entré d’une infrastructure aussi systémique
en vigueur le règlement européen qu’une CCP : la surveillance des CCP est
n° 909/2014 concernant l’amélioration ainsi la plus complète possible, reflétant
du règlement de titres dans l’Union euro‑ le rôle croissant des CCP pour la stabilité
péenne et les dépositaires centraux de du système financier et l’importance des
titres (dit CSDR pour Central Securities interdépendances au cœur de l’activité de
Depositories Regulation), qui transpose ces infrastructures, qu’une autorité unique
les PFMI applicables aux SSS et CSD ne serait pas en mesure de prendre en
en droit européen. compte de manière satisfaisante.

1.3.1. Le règlement EMIR pour les EMIR (articles 14, 15, 17 et 49-1) prévoit
chambres de compensation que les collèges se prononcent par un vote
et les référentiels centraux sur le respect par une CCP des disposi‑
de données tions d’EMIR, l’extension de son activité et
tout changement significatif. Le règlement
Le  règlement européen EMIR, révisé EMIR 2.2  (UE  2019/2099), publié le
en 2019 (cf. ci-après), met en place des 12 décembre 2019 et entré en vigueur le
exigences harmonisées dans l’Union 1er janvier 2020, étend cette compétence
européenne pour les CCP (cf. chapitre 11, aux articles 30, 31, 32 (trois articles relatifs à
section 4.2), sur la base des PFMI, et l’actionnariat) et 35 (outsourcing). De plus, le
définit un cadre commun d’agrément et collège peut désormais adresser des recom‑
de supervision. Le contrôle du respect mandations aux autorités compétentes, qui
par les CCP des exigences d’EMIR fait devront se justifier expressément si elles
intervenir, aux côtés des autorités natio‑ devaient s’en départir (comply or explain).
nales, des collèges européens d’autorités
publiques. Ces collèges, constitués pour Dans l’exercice d’évaluation de la CCP et de
chaque CCP, rassemblent les différentes vote, il est attendu que chaque autorité se
autorités publiques des pays membres de prononce conformément au mandat qui lui a
l’Union Européenne qui ont intérêt au bon été confié et au titre duquel elle est présente
fonctionnement de la CCP (EMIR, article 18). dans le collège. La participation au collège
L’ESMA (Autorité européenne des marchés créé pour faciliter la surveillance coopérative
financiers - European Securities and Markets d’une CCP n’emporte pas une extension
Authority) participe également à chaque du mandat et de la compétence de chaque
collège. Le collège est présidé par une autorité au-delà de la responsabilité qui lui
autorité nationale compétente. Ce dispo‑ est dévolue par son ordre juridique interne,
sitif a pour objectif de permettre à la fois de mais lui permet en revanche de mieux
promouvoir une approche homogène de la remplir son mandat, en étant associée
mise en œuvre des exigences d’EMIR au dans le cadre du collège aux principales
sein de l’Union européenne, une évaluation décisions prises par les autorités nationales
adéquate des risques de la CCP prenant en compétentes concernant les CCP dont le
compte son profil de risques et les différents bon fonctionnement présente un intérêt
segments de marché qu’elle compense, pour l’exercice de son mandat.

340 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La surveillance des infrastructures des marchés financiers Chapitre 18


Encadré n° 5 : Composition du Collège EMIR de la CCP française LCH SA

Le schéma ci-dessous illustre la composition, début 2019, du Collège EMIR de la CCP française LCH SA
(la participation des autorités anglaises étant amenée à s’achever à la fin de la période de transition).

ESMA CMVM
SSM

Banca
BoE/PRA
d’Italia
Consob Autorités nationales FCA

compétentes
Banque de France
(préside
DNB BBK
AFM + banque centrale d’émission) Bafin
ESA Berlin
ACPR
AMF
NBB
CNVM
FSMA

CSSF

Le Collège EMIR de la CCP française comporte 19 autorités, dont les 3 autorités nationales compétentes :
l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l’Autorité des marchés financiers (AMF) et la
Banque de France. La Banque de France préside le Collège et représente par ailleurs l’Eurosystème,
en tant que banque centrale d’émission. L’ESMA est membre non votant du Collège, en application
des dispositions d’EMIR.

Concernant les CCP de pays tiers, comme à l’issue du processus d’évaluation prévu
indiqué au chapitre 11, EMIR 2 introduit des courant 2021 (cf. chapitre 17).
pouvoirs de supervision directe de l’ESMA sur
les infrastructures systémiques. La décision 1.3.2. Le règlement BCE
de l’ESMA du 28 septembre 2020 confirme pour les systèmes de paiement
que les CCP britanniques LCH Limited et d’importance systémique
ICE Clear Europe seront soumises à une
telle supervision, sans préjudice de l’éven‑ L’environnement réglementaire des
tuelle application ultérieure d’une exigence systèmes de paiement a également
de relocalisation de leurs activités au titre connu une évolution majeure avec
de l’article 25(2c) EMIR 2, si elles étaient l’entrée en vigueur, le 11 août 2014, du
considérées comme « substantiellement règlement BCE n° 2014/28 s’appliquant
systémiques » pour l’Union européenne aux systèmes de paiement d’importance

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 341


Chapitre 18 La surveillance des infrastructures des marchés financiers


systémique (Systemically Important EURO1, et deux systèmes de paiement de


Payment Systems - SIPS). Le règlement détail, le système STEP2-T et le système
de la BCE transpose les PFMI applicables français CORE(FR).
aux SIPS et fixe en outre un ensemble de
critères (notamment volumes, parts de Tandis que TARGET2, EURO1 et STEP2-T
marché, activité transfrontière, liens avec sont des systèmes pan-européens,
d’autres infrastructures) visant à identifier transfrontières, soumis à un dispositif de
les SIPS, dont la liste doit faire l’objet d’une surveillance coopérative sous l’égide de la
révision annuelle. BCE (cf. infra), CORE(FR) est le seul SIPS
qui présente un ancrage national, en France,
Le règlement n° 2014/28 a été révisé en c’est pour cette raison qu’il fait l’objet d’une
novembre 2017 par le règlement n° 2017/2094. surveillance par la Banque de France pour
Cette révision est la première depuis la le compte de l’Eurosystème.
publication du règlement initial et doit ensuite
intervenir en principe tous les deux ans. Le  cadre de surveillance mis en place
Elle s’est appuyée sur les enseignements par l’Eurosystème pour les systèmes de
tirés des travaux de surveillance de paiement suit une approche fondée sur les
l’Eurosystème depuis l’adoption du règlement risques. Ainsi, les systèmes de paiement
précité en 2014, et de la consultation des qui sont qualifiés d’importance systémique
opérateurs des quatre systèmes de paiement sont astreints au cadre de surveillance le
d’importance systémique, TARGET2, EURO1, plus contraignant, en ce qu’il entraîne des
STEP2-T, CORE(FR), qui s’est tenue entre sanctions en cas de non-respect.
décembre 2016 et février 2017. Le règlement
révisé, publié le 16  novembre  2017  17, Les systèmes de paiement de montant
apporte des précisions sur les obligations élevé qui ne remplissent pas les critères pour
existantes, intègre de nouvelles exigences être qualifiés de systèmes d’importance
en matière de gestion des risques et systémique doivent respecter les PFMI.
élargit enfin les pouvoirs des autorités. Les systèmes de paiement de détail ne
remplissant pas les critères des SIPS sont
Les opérateurs doivent se conformer à ce pour leur part soumis à un sous-ensemble
nouveau cadre réglementaire dans un délai de principes des PFMI plus ou moins
de 18 mois pour les dispositions relatives complet selon qu’il s’agit de systèmes de
aux obligations financières (risque de crédit paiement de détail importants (Prominently
et risque de liquidité), et de 12 mois pour Important Payment Systems – PIRPS) ou
l’ensemble des autres dispositions. d’autres systèmes de paiement de détail 17 
http://www.ecb.europa.
eu/ecb/legal/pdf/
(Other Retail Payment Systems – ORPS 18). celex_32017r2094_fr_
Les autorités compétentes se voient dotées Cette approche graduelle est présentée txt.pdf
de pouvoirs d’imposition de mesures de manière schématique dans l’encadré 6. 18 C f .   s e c t i o n 2 du
correctrices, la BCE étant cependant la chapitre 10.
seule autorité dotée du pouvoir d’infliger En matière de cyber-résilience, le cadre de 19 
h tt p s : / / w w w. e c b .
des sanctions aux SIPS. Le règlement révisé surveillance de l’Eurosystème s’est doté europa.eu/paym/cons/
html/cyber_resilience_
s’accompagne également d’une notice par ailleurs d’une méthodologie (« Cyber oversight_expectations.
méthodologique qui détaille les modalités Resilience Oversight expectations »), qui en.html
de calcul des sanctions financières, ainsi décline les attentes des surveillants, en 20 
h tt p s : / / w w w. e c b .
que de la modification du règlement BCE vue de faire appliquer l’orientation CPMI- europa.eu/paym/pdf/
cons/cyberresilience/
n° 2157/1999 relatif aux sanctions. IOSCO de juin 2016 sur la cyber-résilience Cyber_resilience_over-
(cf. section 1.2). L’Eurosystème a conduit sight_expect ations_
Par une décision du 12 août 2014, le Conseil à cet effet une consultation publique  19 for_financial_market_
i n f r a s t ru c tu r e s . p d f.
des gouverneurs a désigné quatre SIPS, qui s’est terminée à l’été 2018. La version Le s  C RO E o n t é t é
conformément aux critères du règlement finale des Cyber Resilience Oversight adoptés début 2020
par la Banque Mondiale
BCE N°  2014/28  : deux  systèmes de expectations (CROE) a été publiée par la pour être utilisés dans
paiement de montant élevé, TARGET2 et BCE en décembre 2018 20. les pays émergents.

342 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La surveillance des infrastructures des marchés financiers Chapitre 18


Encadré n° 6 : Le cadre Eurosystème de surveillance des systèmes de paiement 1

Le cadre de l’Eurosystème pour la surveillance des systèmes de paiement a adopté une approche
fondée sur les risques, de telle façon que plus les risques de dysfonctionnement d’un système sont
élevés pour la stabilité financière, plus étendues et contraignantes sont les règles auxquelles ils
doivent se conformer.

ORPS – Sous-ensemble restreint


des PFMI

PIRPS – Sous-ensemble élargi


des PFMI

LVPS – Ensemble des PFMI applicables

SPIS – Règlement BCE


Transposition contraignante des PFMI

1 https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/Revised_oversight_framework_for_retail_payment_systems.pdf

1.3.3. Le règlement CSDR pour les concerne, à la plate-forme commune de


systèmes de règlement de titres règlement-livraison TARGET2 Securities
et les dépositaires centraux (T2S) vers laquelle Euroclear France a migré
de titres en septembre 2016 et ID2S en octobre 2018
(cf. chapitres 12 et 13).
De même, le cadre réglementaire qui s’ap‑
plique aux CSD et aux SSS est en pleine 1.4. Les évaluations internationales
mutation, en raison du règlement européen
n° 909/2014 CSDR publié le 28 août 2014 Les PFMI ne sont pas appliqués par les
et transposant les PFMI applicables aux seules juridictions membres des comités
CSD. Celui-ci est entré en application fin CPMI et IOSCO. Le CPMI organise en effet
septembre 2017. En particulier, ce nouveau des conférences régionales permettant
règlement s’applique en France aux CSD d’associer un cercle plus large de banques
Euroclear France et ID2S, et pour ce qui la centrales. Les évaluations internationales

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 343


Chapitre 18 La surveillance des infrastructures des marchés financiers


permettent de s’assurer que ces principes historique, qui s’est développée autour du
sont suivis dans tous les pays. concept de « lead overseer » (surveillant
principal), qui est en principe la banque
Les infrastructures des marchés financiers centrale du pays dans lequel l’opérateur du
font en effet l’objet d’évaluations externes système a son siège social. Cette surveil‑
par la Banque mondiale ou le FMI, au travers lance permet la coordination à la fois des
des Financial Sector Assessment Programs différentes fonctions/capacités au sein de la
(FSAP). Ces derniers, qui se fondent sur banque centrale, et celle des responsabilités
les PFMI, visent à évaluer l’ensemble du des autorités de supervision (superviseurs
secteur financier d’un pays, comprenant de marché, superviseurs prudentiels), autour
notamment les banques et les infrastruc‑ de la banque centrale. Le rapport Lamfalussy
tures. La dernière évaluation de la France par reconnaît que de par leur nature même, en
le FMI a été conduite en décembre 2012 21. raison de leur impact sur le fonctionnement
et la liquidité des marchés financiers, plus
particulièrement sur le marché des changes
2. La surveillance : définition, et le marché interbancaire, les systèmes
objectifs, méthodes de compensation et de règlement trans‑
nationaux et/ou multidevises appelaient en
L’intérêt pour les banques de surveiller outre un dispositif coopératif international
les infrastructures des marchés finan‑ impliquant les autorités intéressées.
ciers a été mis en exergue par le rapport
Lamfalussy de 1990 (cf. supra). Ce dernier Le périmètre de surveillance des banques
a notamment justifié la surveillance par centrales dépend naturellement du cadre
les banques centrales des systèmes de institutionnel et réglementaire en vigueur
compensation au motif que l’inadéquation dans les juridictions. En France, le périmètre
de procédures de gestion des risques par de surveillance de la Banque de France
ces systèmes pourrait contribuer au risque comprend les contreparties centrales, les
systémique ou être à l’origine de fragilités systèmes de règlement de titres, les dépo‑
financières à même d’empêcher la bonne sitaires centraux de titres et les systèmes
transmission de la politique monétaire. de paiement.
Par exemple, la défaillance d’un système
de paiement pourrait empêcher la banque Les méthodes de surveillance dépendent
centrale d’opérer les transferts de liquidité également du cadre institutionnel et régle‑
dans le cadre d’opérations de refinance‑ mentaire. Le socle fondateur des PFMI
ment, comme la défaillance d’un système constitue néanmoins un dénominateur
de règlement de titres dans le cadre commun s’agissant des principes et des
d’un programme d’achat de titres pourrait règles de sécurité et de bonne gestion
empêcher la banque centrale de procéder des infrastructures.
à l’achat de ces titres.
2.1. Le cadre de surveillance de
Le rapport Lamfalussy est en outre celui qui l’Eurosystème et le rôle de la
a posé les bases du dispositif de surveil‑ Banque de France
lance coopératif des banques centrales.
Ces dernières, en tant qu’opérateurs de L’Eurosystème a établi son cadre de surveil‑
systèmes de paiement, et prêteurs en lance des infrastructures des marchés
dernier ressort, ont un intérêt particulier financiers appelé « politique de surveillance 21 
h tt p s : / / w w w.
i m f. o r g / ex t e r n a l /
dans le bon fonctionnement des différents de l’Eurosystème  22 ». Ce cadre s’appuie pubs/cat/longres.
systèmes. La fonction de surveillance (ou sur la mission dévolue à l’Eurosystème aspx ?sk=40187.0
« oversight » en anglais) est spécifique et inscrite à l’article 127(2) du Traité sur le 22 https://www.ecb.europa.
unique aux banques centrales. La surveil‑ fonctionnement de l’Union Européenne, eu/pub/pdf/other/
eurosystemoversight-
lance des systèmes de paiement est de promouvoir le bon fonctionnement des policyframework201607.
pour les banques centrales une mission systèmes de paiement. en.pdf

344 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La surveillance des infrastructures des marchés financiers Chapitre 18


Dans ce cadre Eurosystème, la compé‑ La Banque de France dispose des pouvoirs à


tence de la Banque de France en matière cet effet, dans la mesure où ce même article
de surveillance des infrastructures des lui confère le droit de se faire communiquer
marchés financiers est inscrite dans l’article par les contreparties centrales et par les
L 141-4 du Code monétaire et financier : gestionnaires des systèmes de paiement
elle veille au bon fonctionnement et à la ou de règlement et de livraison d’instruments
sécurité des systèmes de paiement et à financiers les informations et les documents
la sécurité des contreparties centrales et utiles à l’exercice de ces missions, de procéder
des systèmes de règlement et de livraison à des contrôles aussi bien sur pièces que sur
d’instruments financiers. place, et d’émettre des recommandations.

Encadré n° 7 : Les dispositions de l’article L141-4 (alinéa II et III du Code monétaire et financier)

Le mer. Les pouvoirs de la Banque de France en matière de surveillance des infrastructures des marchés
financiers sont clairement établis dans la loi française. En effet, le Code monétaire et financier confère
à la Banque de France la mission de « veiller au bon fonctionnement et à la sécurité des systèmes
de paiement dans le cadre de la mission du Système européen de banques centrales relative à la
promotion du bon fonctionnement des systèmes de paiement prévue par l’article 105, paragraphe
2 du traité instituant la Communauté européenne ». En outre « Dans le cadre des missions du Système
européen de banques centrales, et sans préjudice des compétences de l’Autorité des marchés financiers
et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, la Banque de France veille à la sécurité des
chambres de compensation définies à l’article L.440-1 et des systèmes de règlement et de livraison
d’instruments financiers ».

Cette mission se décline de la manière suivante :

Recommandations à
l'attention des CCP et
des gestionnaires
Contrôles sur pièce et de systèmes
sur place, expertises,
communication de
Sécurité des CCP et tout document utile à
des systèmes de l'exercice de
règlement-livraison sa mission
d'instruments
financiers

Le pouvoir d’effectuer des missions de contrôle sur place a été conféré à la Banque de France en 2013,
venant ainsi renforcer ses prérogatives en la matière.

Ces missions sont exercées sans préjudice des compétences conférées aux autres autorités nationales
compétentes, à savoir l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de
résolution (ACPR). Ainsi, l’articulation des compétences entre les trois autorités française s’est effectuée
de manière collégiale et collaborative dans le cadre de la répartition de la mission de surveillance
pour la CCP française LCH SA, et entre la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers pour
le dépositaire central de titres Euroclear France.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 345


Chapitre 18 La surveillance des infrastructures des marchés financiers


2.2. Surveillance et supervision surveillance dont la responsabilité principale


incombe aux autorités compétentes. Il peut
Une distinction est traditionnellement s’agir par exemple, comme le prévoit EMIR
opérée entre la notion de « surveillance » pour les CCP, des autorités de supervision
(oversight) et celle de « supervision ». des membres ou adhérents compen‑
La surveillance est définie sur une base sateurs d’une CCP, des surveillants des
institutionnelle dans le rapport du CPSS plateformes sur lesquelles sont négociés
de 2005 liée à l’activité de banque centrale, les instruments, des surveillants des SSS
elle s’appuie sur des principes (« soft law »), qui effectuent le règlement-livraison des
sans pouvoir de sanction, et elle est de instruments financiers traités, des surveil‑
nature plus qualitative (persuasion ou moral lants des infrastructures avec lesquelles des
suasion), alors que la supervision est de liens d’interopérabilité ont été établis, des
nature réglementaire, avec un pouvoir de banques centrales d’émission des princi‑
sanction. Ainsi, les activités de surveillance pales devises traitées par l’infrastructure…
sont en principe conduites sous l’égide des
banques centrales, tandis que la supervision Les autorités compétentes sont en charge
relève davantage des autorités pruden‑ de l’agrément/autorisation de l’infrastructure
tielles. Pour autant, cette distinction tend au regard de la réglementation qui lui est
à s’estomper depuis quelques années et applicable et de la surveillance continue de
tant les objectifs que les méthodes de la l’infrastructure. Elles ont un devoir d’infor‑
surveillance se rapprochent de ceux de mation des différentes parties concernées y
la supervision. compris du public- sur la sécurité et le fonc‑
tionnement de l’infrastructure, l’évolution
2.3. La coopération de son profil de risques, et de consultation
entre les autorités concernées des autorités concernées pour les aspects
et la coopération internationale intéressant ces dernières.

Pour les systèmes de paiement, qui sont À titre d’exemple, le règlement CSDR,
surveillés par les banques centrales, les dans son article 12, prévoit que plusieurs
concepts encore en vigueur aujourd’hui, autorités concernées soient associées à la
sont ceux de surveillant principal (ou « lead surveillance d’un CSD notamment l’autorité
overseer ») dans le cadre de systèmes de en charge de la surveillance du système de
paiement transfrontières pour lesquels règlement de titres exploité par le CSD, les
un cadre coopératif a été établi. À titre banques centrales émettrices des monnaies
d’exemple, la Réserve Fédérale améri‑ dans lesquelles le règlement s’effectue ou
caine (FED) est le surveillant principal du encore la banque centrale qui assure le
système CLS de règlement des opérations règlement de la partie espèces du système
de change. de règlement-livraison exploité par le CSD.

Une notion importante dans le domaine 2.4. Les responsabilités attribuées aux


de la surveillance des infrastructures des autorités dans les PFMI
marchés financiers, telles que les CCP et les
CSD, est celle d’autorités « compétentes » Les PFMI attribuent cinq « responsabi‑
et d’autorités « concernées ». Les autorités lités » aux autorités (banques centrales,
compétentes sont les autorités auxquelles régulateurs de marchés et autres autorités
la réglementation ou la législation confèrent compétentes) pour la surveillance des
le pouvoir de surveillance directe de infrastructures des marchés financiers.
l’infrastructure, légitimé en général par l’im‑ Ces préconisations visent à donner des
plantation dans la juridiction. Les autorités orientations aux autorités pour une régu‑
concernées sont celles qui ont un intérêt au lation et une surveillance cohérentes et
bon fonctionnement de l’infrastructure, et efficaces, en coopérant au plan domes‑
qui participent le cas échéant au dispositif de tique et international, de manière à éviter

346 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La surveillance des infrastructures des marchés financiers Chapitre 18


une duplication inutile des travaux tout en doivent disposer des pouvoirs et
renforçant le contrôle. ressources nécessaires pour exercer
efficacement leurs responsabilités de
Ces cinq responsabilités se déclinent de la régulation, de contrôle et de surveillance
manière suivante : des infrastructures des marchés financiers.

Responsabilité A : la régulation, le contrôle La  base juridique des pouvoirs des
et la surveillance des infrastructures des autorités publiques est en général fixée
marchés financiers. Selon cette respon‑ par la loi nationale. Par exemple, en France,
sabilité les infrastructures doivent faire la base légale du mandat de la Banque de
l’objet d’un dispositif approprié et efficace France est inscrite dans l’article L141-4 du
de régulation, de contrôle et de surveillance Code monétaire et financier (cf. supra).
par une banque centrale, un régulateur de Ce  mandat permet aux autorités non
marchés ou une autre autorité compétente. seulement d’avoir accès à l’information,
Les critères déterminant les infrastructures mais aussi de solliciter des changements
soumises au contrôle doivent être publics. et d’obliger à la mise en œuvre de mesures
Les trois types d’autorités sont appelées à correctives. Les régulateurs doivent en
contrôler les infrastructures ; la répartition outre être dotés de ressources humaines
des rôles des autorités dépend du cadre et techniques adaptées (informatiques,
législatif et réglementaire. statistiques, juridiques, connaissance des
mécanismes de marché et des instru‑
Ainsi, dans le cadre de surveillance ments financiers…).
Eurosystème, les systèmes de paiement
d’importance systémique qui n’ont pas Responsabilité C : la communication des
d’ancrage national – au regard des marchés politiques afférentes aux infrastructures
servis - sont surveillés en principe par la des marchés financiers. Les  banques
banque centrale nationale du pays dans centrales, autorités des marchés et
lequel le siège social de l’infrastructure est autres autorités compétentes doivent
situé, sauf décision contraire du Conseil définir clairement et communiquer leurs
des gouverneurs de confier la respon‑ politiques de régulation, de contrôle et
sabilité principale de la surveillance à la de surveillance des infrastructures des
Banque centrale européenne. Ainsi, en marchés financiers.
application d’une décision du Conseil des
gouverneurs du 13 août 2014, la BCE a À titre d’exemple, la Banque de France
été nommée autorité compétente pour publie régulièrement sur son site internet 23
les 3 systèmes pan-européens d’impor‑ son rapport de sur veillance sur les
tance systémique TARGET2, EURO1 et infrastructures des marchés financiers
STEP2-T. Les  systèmes de paiement et sur les moyens de paiement, afin de
systémiques ayant un ancrage national au rendre publique sa politique de surveil‑
regard du marché servi sont surveillés par lance et de rendre compte de ses actions
la banque centrale nationale du siège de de surveillance et des résultats obtenus.
l’infrastructure : c’est le cas du système de
paiement de détail français CORE(FR) pour Responsabilité D  : l’application des
lequel la Banque de France a été désignée principes pour les infrastructures des
autorité compétente. marchés financiers. Les banques centrales,
régulateurs des marchés et autres autorités
Responsabilité B : les pouvoirs et ressources compétentes doivent adopter les PFMI et
en matière de régulation, de contrôle et les appliquer systématiquement.
23 
h ttps://www.banque-
de surveillance france.fr/sites/
Ainsi, au sein de l’Eurosystème, le Conseil default/files/medias/
documents/817418_
Les  banques centrales, autorités des des gouverneurs de la BCE a adopté le smpimf_2017_fr_web.
marchés et autres autorités compétentes 3 juin 2013 les PFMI en tant que normes pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 347


Chapitre 18 La surveillance des infrastructures des marchés financiers


de surveillance des infrastructures pour Responsabilité E : la coopération avec les


l’Eurosystème. Les PFMI ont par ailleurs autres autorités. Cette responsabilité revêt
été transposés dans des règlements une importance première au regard des
contraignants pour les CCP, les référen‑ enjeux de surveillance d’infrastructures
tiels centraux de données, les CSD et des marchés financiers mondialisés, qui
SSS, ainsi que les systèmes de paiement revêtent une dimension transfrontière.
d’importance systémique. Elle fait l’objet d’un encadré dédié ci-après.

Encadré n° 8 : La Responsabilité E des autorités dans les PFMI : coopération avec d’autres autorités

Les banques centrales, régulateurs des marchés et autres autorités compétentes doivent œuvrer
ensemble, au niveau national et international, et de manière appropriée, à la promotion de la sécurité
et de l’efficacité des infrastructures des marchés financiers.

Le but de la Responsabilité E est de permettre à toute autorité ayant un intérêt direct dans le bon fonc-
tionnement d’une infrastructure de participer au dispositif de surveillance coopérative que doivent
mettre en place les autorités compétentes. En outre, si une autorité constate l’exercice (effectif ou
envisagé) d’un service transfrontière ou multidevise par une infrastructure de sa juridiction, elle doit,
dès que possible, en informer les autres autorités compétentes (par exemple les banques centrales
d’émission concernées).

Les enjeux de l’exercice de cette responsabilité sont cruciaux à plusieurs titres :

• la supervision prudentielle des participants : les participants aux infrastructures des marchés
financiers sont en général des entités qui font l’objet d’une supervision prudentielle par leurs
régulateurs. Il est donc important que les superviseurs prudentiels aient accès aux informations
pertinentes relatives aux infrastructures qui traitent les opérations de ces dernières. Par exemple,
une CCP C, par le mécanisme de novation (voir chapitre 11) se substitue à la contrepartie B face à
la banque A. La banque A est dès lors exposée (risque de crédit) sur la CCP. Il est ainsi logique que
le superviseur prudentiel de A ait connaissance du niveau de sécurité apporté par la CCP C ;

• la stabilité financière de la zone monétaire associée à la devise d’émission dans laquelle les instru-
ments financiers traités par l’infrastructure sont libellés. À titre d’exemple, une infrastructure localisée
hors de la zone euro mais traitant une part significative d’instruments financiers libellés en euros
pourrait être amenée à prendre des décisions de gestion qui ne sont pas alignées avec les intérêts
de la banque centrale d’émission ; ce serait le cas si l’infrastructure décidait par exemple de manière
brutale de ne plus compenser certains instruments libellés dans la devise de la banque centrale
d’émission, représentant une part significative du marché de la zone monétaire. Ces instruments
ne seraient plus négociables via des transactions compensées mais seulement de manière bilaté-
rale. S’il s’agit de titres émis par des Etats, la moindre appétence pour ces titres pourrait entraîner
leur dépréciation, voire une perte de confiance de la part des acteurs du marché, avec à terme des
conséquences potentiellement très négatives pour l’économie concernée. Les infrastructures traitant
d’une devise qui n’est pas celle de la banque centrale d’émission de leur pays d’établissement
peuvent ainsi faire courir un risque pour la stabilité financière de la zone monétaire concernée.
Les banques centrales d’émission des devises pertinentes doivent donc être impliquées dans le
dispositif de surveillance coopérative ; dans certains cas de figure, une politique de localisation
constitue le seul moyen de se prémunir contre ce type de risque (cf. chapitre 17, section 3.3.1) ;

.../...

348 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La surveillance des infrastructures des marchés financiers Chapitre 18


• la gestion d’une défaillance d’une infrastructure : la défaillance d’un participant important, qui


effectue des opérations transfrontières, est susceptible d’avoir des répercussions sur plusieurs
infrastructures. Une défaillance d’une infrastructure nécessite une collaboration étroite des autorités
au plan à la fois domestique et international pour mettre en œuvre soit son rétablissement (maintien
des contrats…) soit sa cessation ordonnée (notamment par le transfert à une infrastructure relai),
soit sa résolution.

Les modalités de mise en œuvre de la responsabilité E peuvent prendre plusieurs formes :

• les accords de coopération (Memorandum of Understanding ou MoU) pour un échange d’informations ;

• les collèges de régulateurs mis en place par le législateur (règlement EMIR pour les CCP qui rend
obligatoire les collèges, règlement CDSR pour les CSD pour lesquels les collèges sont optionnels)
au sein d’une même juridiction ;

• les collèges « globaux », à l’instar de l’Oversight Committee mis en place par la Réserve fédérale
américaine pour CLS (cf. chapitre 9, section 3), qui concernent les autorités de plusieurs ressorts
juridictionnels ;

• la surveillance coopérative de SWIFT, sous l’égide de la Banque nationale de Belgique, à laquelle


participent les banques centrales du G10 (cf. encadré infra).

Ces formes de coopération, à l’exception de dispositifs législatifs de type EMIR, sont établies le plus
souvent sur la base d’accords écrits signés par les autorités participantes, et comprenant des enga-
gements de confidentialité.

Encadré n° 9 : La surveillance coopérative de SWIFT

La Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT) est une société
coopérative à responsabilité limitée qui a son siège social en Belgique et qui fournit
des services de messagerie et de connectivité aux établissements financiers et aux
infrastructures. SWIFT est ainsi un fournisseur de services critiques pour l’industrie financière au plan
mondial et notamment pour les infrastructures des marchés financiers.

La surveillance de SWIFT est conduite sous l’égide de la Banque nationale de Belgique par les banques
centrales des autres pays du G10 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Pays-Bas,
Royaume-Uni, Suède, Suisse) et la BCE dans deux instances qui regroupent l’ensemble des membres :
une instance technique, le SWIFT Technical Oversight Group (TG), et une instance senior, le SWIFT
Cooperative Oversight Group (OG). Le TG, composé d’experts, rencontre régulièrement la direction
et l’audit interne de SWIFT et rend compte à l’OG, qui se concentre sur la stratégie et la politique de
surveillance de SWIFT. L’Executive Group (EG) qui rassemble pour sa part les banques centrales de
Belgique, des États-Unis, du Royaume-Uni, du Japon et la BCE représente l’OG dans les discussions de
haut niveau avec SWIFT. Enfin le SWIFT Oversight Forum (SOF), composé des membres de l’OG et de
représentants de haut niveau de banques centrales de 10 autres pays (Afrique du Sud, Arabie Saoudite,
Australie, Chine, Corée, Hong-Kong, Inde, Russie, Singapour, Turquie), est un forum d’échanges qui
contribue notamment aux discussions sur la politique de surveillance de SWIFT, à la définition des
priorités de surveillance de SWIFT, et à la communication sur les interdépendances entre systèmes
générées par l’utilisation commune de SWIFT.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 349


Chapitre 18 La surveillance des infrastructures des marchés financiers


La Banque de France exerce la surveillance outre à plusieurs dispositifs de surveillance


directe de plusieurs infrastructures systé‑ coopérative dans l’Union européenne et au
miques localisées en France et participe en plan international.

Encadré n° 10 : La surveillance exercée par la Banque de France

La surveillance directe

La Banque de France assure la surveillance en direct de quatre infrastructures de marché systémiques :


la CCP LCH SA (cf. chapitre 11), les CSD Euroclear France et ID2S (cf. chapitres 12 et 13), le système de
paiement de détail CORE(FR) (cf. chapitre 10). La Banque de France est en outre le surveillant du système
de paiement de détail SEPA.EU lancé en novembre 2016. Outre le traitement des instruments de paiement
au format SEPA (SEPA Direct Debits et SEPA CreditTransfers), ce système a vocation à devenir un système
de paiement pan-européen (cf. chapitre 10). La Banque de France est l’une des trois autorités nationales
compétentes pour la surveillance de la CCP française LCH SA, aux côtés de l’AMF et de l’ACPR. Elle assure
la présidence et l’animation du collège EMIR de la CCP et organise l’échange d’informations en son sein,
s’appuyant sur l’expérience précédemment acquise pour en promouvoir le bon fonctionnement. Pour
établir et animer le collège EMIR de LCH SA, la Banque de France a bénéficié de l’expérience accumulée
depuis plus de treize ans en matière de surveillance coopérative d’une CCP, avec i) l’établissement dès 2001
d’un accord de surveillance coopérative entre autorités de marché, surveillants des plateformes d’Euronext,
ii) la conclusion en 2004 d’un MoU avec les autorités italiennes pour la surveillance du lien d’interopé-
rabilité entre LCH SA et la chambre de compensation italienne Cassa di Compensazione e Garanzia et
iii) la signature en 2005 d’un MoU pour la supervision et la surveillance des CCP du groupe LCH Group Ltd.

La surveillance coopérative

Outre la surveillance des infrastructures localisées en France, la Banque de France participe à la surveil-
lance de plusieurs infrastructures actives à l’échelle européenne ou internationale et dont l’activité a des
implications pour le système financier français. Pour les infrastructures européennes, il s’agit de la CCP
italienne Cassa di Compensazione e Garanzia, de la CCP néerlandaise EuroCCP, de la CCP allemande Eurex
Clearing AG et de la CCP anglaise LCH Ltd (la Banque de France agissant alors en tant que suppléant de
la BCE pour cette CCP), des systèmes de paiement TARGET2, EURO1 et STEP2-T et de la plate-forme de
règlement-livraison TARGET2-Securities, dans le cadre défini par l’Eurosystème. La Banque de France
participe à la surveillance de TARGET2 sous l’égide de la BCE en tant que surveillant principal. Le cadre
de surveillance de la plateformeT2S, compte tenu du caractère critique des services qu’elle offre aux CSD
européens, a fait l’objet d’un accord entre i) l’Eurosystème, chargé de la surveillance des services opération-
nels de T2S, ii) les autorités de supervision des CSD ayant signé l’accord de participation, iii) les banques
centrales dont les devises non euro sont éligibles dans T2S, ainsi que iv) l’ESMA. Cet accord permet
l’échange des informations nécessaires à l’accomplissement, pour chacune des autorités participantes, de
ses missions au regard des CSD participant à T2S, ainsi que l’évaluation commune de cette plate-forme.

Pour les infrastructures internationales, au-delà de l’Eurosystème et dont la surveillance coopérative


repose sur des accords de coopération CLS, système international de règlement des opérations en devises,
fait l’objet d’une surveillance coopérative entre la Réserve fédérale des États-Unis, qui est le surveillant
principal (« lead overseer »), les banques centrales du G10 (dont la Banque de France) et celles dont la
devise est traitée par le système (cf. chapitre 9).

Outre les infrastructures des marchés financiers, certains fournisseurs de services critiques font l’objet
d’une surveillance, en l’occurrence SWIFT, qui offre des services de messagerie financière très largement
utilisés par les communautés bancaires à travers le monde et par de nombreuses infrastructures des
marchés financiers (cf supra encadré 9).

350 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


La surveillance des infrastructures des marchés financiers Chapitre 18


Infrastructure surveillée Surveillant principal


Cadre de surveillance Eurosystème
T2 BCE
T2S BCE
EURO1 BCE
STEP2-T BCE
Participation aux collèges EMIR
LCH Ltd Bank of England
EUREX Clearing AG Bafin
CC&G Banca d’Italia
EuroCCP De Nederlandsche Bank
Cadre de surveillance coopérative internationale
SWIFT Banque nationale de Belgique
CLS Banque de réserve fédérale des États-Unis

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 351


CHAPITRE 19

L’économie des infra­­structures


des marchés financiers
Mis à jour le 17 décembre 2018
Chapitre 19 L’économie des infra­­structures des marchés financiers


A
u sens économique, les infrastruc- l’organisation et les dynamiques de marché
tures désignent, de manière (II) et expose les enjeux de leur tarifica-
générale, des institutions servant tion (III).
de support à l’échange de biens, d’infor-
mations ou de droits entre agents. Les
infrastructures des marchés financiers 1. La nature économique des FMI
(ci-après FMI pour Financial Markets
Infrastructures) servent plus spécifique- Les FMI ont une nature économique
ment le fonctionnement des marchés particulière, en ce qu’elles présentent
financiers ; elles font l’objet d’une attention d’importantes externalités, en particu-
particulière des législateurs et régulateurs lier de réseau, ainsi qu’une structure de
à double titre. D’abord parce ce qu’elles coûts permettant des économies d’échelle
sont critiques pour le bon fonctionnement et d’envergure.
des marchés financiers et donc le finan-
cement de l’économie. Ensuite parce 1.1. La présence d’importantes
qu’elles présentent des caractéristiques externalités, en particulier
qui empêchent les seuls mécanismes de de réseau
marché de capturer l’ensemble des coûts et
bénéfices associés à leur fonctionnement. La notion d’externalité désigne des situa-
tions où la production ou la consommation
L’analyse économique du fonctionnement d’un agent affectent l’utilité d’un autre
des FMI peut largement s’appuyer sur les agent, sans que cet effet ne trans­­ite par
outils dégagés dans le champ de l’économie un marché. Lorsque l’effet est positif,
des réseaux (particulièrement de commu- l’externalité est dite positive 4 ; dans le
nication). Selon Economides 1, les réseaux cas contra­­ire, elle est dite négative 5. Ce
1  E c o n o m i d e s N . ,
peuvent se définir formellement comme un phénomène implique que les mécanismes « The economics of
ensemble de liens connectant des nœuds de prix ne permettent pas de capturer de networks », Inter­­national
journal of indus­
et dont les différentes composantes fonc- manière satisfaisante l’ensemble des coûts trial organization, 1996.
tionnent de manière complémentaire 2. La et/ou bénéfices associés à la production
2 C’est-à-dire que toutes
définition s’applique aux FMI, qui reposent ou à la consommation en question. Cette ces composantes sont
toutes sur l’établissement de liens entre discordance entre coûts sociaux et coûts nécessaires à la fourni-
ture d’un service.
leurs participants (les « nœuds ») via leur privés entraîne a priori pour les agents une
connexion à un même système technique, divergence entre le niveau de consomma- 3 Curien N., Économie des
réseaux, La Découverte,
qui permet de fournir le service souhaité. tion ou de production optimal socialement 2005.
Par exemple, un système de paiement met et individuellement et complexifie la mesure
4 Un exemple classique
en relation des participants et la complé- des bénéfices sociaux engendrés par les est celui des relations
mentarité entres les composantes du activités concernées. de voisinage entre un
apiculteur et un agri-
réseau vient de la nécessaire connexion culteur, les abeilles du
des participants au système pour que le Les infra­­structures des marchés finan- premier pollinisant gratui-
service de paiement puisse être fourni. ciers présentent deux grandes catégories tement les champs du
second du point de vue
De manière générale, les réseaux peuvent d’externalités : des externalités, à la fois de ce dernier.
s’appréhender à travers deux prismes négatives et positives, liées à l’impact 5 Par exemple, des acti-
différents 3 : un prisme technique, où ils qu’elles peuvent avoir sur la stabilité vités industrielles
renvoient à une inter­­connexion d’équipe- financière, et des externalités dites « de polluantes générant
des maladies et des
ments « coopérants » afin de trans­­porter réseau » (ou « de club »). coûts pour les personnes
des flux (d’actifs, d’informations) et un vivant aux alentours.
prisme économique, où ils sont avant tout Les externalités positives liées à la stabilité 6 Du fait de cette systé-
le support physique d’une inter­­médiation financière renvoient à la contribution que les micité, évoquée plus
en détails au chapitre
économique (vision trans­­actionnelle). FMI peuvent avoir en soutien de la stabilité 18, les efforts entrepris
financière du fait de leur systémicité 6, et individuellement par
chaque IMF profitent
Ce chapitre tire les conséquences de justifient l’inter­­vention des pouvoirs publics à l’ensemble du
la nature économique des FMI (I) sur pour imposer leur usage pour certains système financier.

354 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des infra­­structures des marchés financiers Chapitre 19


marchés. On pourra prendre l’exemple lors, les externalités relatives à la stabilité


du règlement EMIR 7, qui impose entre financière produites par les FMI relèvent
autres une obligation de déclaration des de la catégorie économique spécifique des
trans­­actions sur produits dérivés à des réfé- biens publics, ce qui soulève le risque de 7 Pour plus de détails,
se référer au chapitre
rentiels centraux de données. En effet, la possibles comportements de passager clan- 16 (référentiels centraux
déclaration des trans­­actions sur un marché destin 10 de la part des acteurs du marché de données) et au
chapitre 11 (CCP).
donné auprès d’un référentiel central pouvant, au niveau de l’industrie dans son
de données entraîne une trans­­parence ensemble, conduire à un niveau sous- 8 Cf. chapitre 11 (CCP) pour
plus de détails.
accrue du marché en question, qui permet optimal de gestion des risques financiers.
9 Pour plus de détails, se
d’évaluer de manière plus appropriée les Ce problème est accentué par les risques référer au chapitre 17.
risques que son activité peut faire peser sur d’aléa moral  11 portés par la certitude
10 Chacun peut avoir intérêt
la stabilité financière et, pour les pouvoirs des acteurs que les auto­­rités publiques à ce que le système finan-
publics, d’y remédier en temps utile, ce qui sauveront quoi qu’il arrive les entités de cier soit plus stable, mais
faire peser sur les autres
bénéficie à l’ensemble des participants. taille systémique (problématique du too les coûts de sécurisation.
Aussi, afin d’assurer la stabilité financière, big to fail, ou too inter­­connected to fail).
11 Possibilité qu’un agent
ce même règlement EMIR impose aux assuré contre un risque
contreparties une obligation de compen- Les externalités de réseau signifient que se comporte différem-
ment que s’il y était
sation multi­­latérale via des contreparties l’utilité d’un participant pris individuellement totalement exposé
centrales de certaines catégories de dérivés dépend positivement du nombre (présent
12 En termes économiques,
de gré-à-gré 8 (le rôle principal des CCP et futur) de participants au réseau 12 : la on dira que les utilités des
étant de faire bénéficier leurs participants décision d’un utilisateur de rejoindre un différentes parties sont
donc inter­­dépendantes,
d’un mécanisme de gestion des risques). réseau correspond ainsi à un autre type et leur consommation du
d’externalité positive. Cet effet peut être à la bien ou service en réseau
Les externalités négatives liées à la stabilité fois direct et indirect 13. Il peut être direct, en est complémentaire.

financière renvoient, inversement, aux ce que le raccordement de nouveaux utilisa- 13 


K atz M., Shapiro C.,
« Network Externalities,
potentiels risques systémiques que les teurs affecte directement l’utilité des autres, Competition and
infra­­structures des marchés peuvent faire en leur permettant d’être connectés à un Compatibility », American
peser sur la stabilité financière du fait de nombre plus important de contreparties. Il Economic Review,  1985 ;
Katz M., Shapiro C.,
leur systémicité 9. Cela explique qu’elles peut être indirect, en ce que l’accroissement « Systems Competition
fassent l’objet d’une régulation exigeante, du nombre d’utilisateurs du réseau entraîne and Network Effects »,
The Journal of Economic
destinée à faire en sorte que leurs opéra- une amélioration des caractéristiques de Perspectives, 1994.
teurs tiennent compte des risques qu’elles son offre (amélioration de la qualité des S e r é fé r e r é g a l e -
peuvent faire peser sur l’ensemble de leur services), ou de l’offre de biens et services m e n t à C u r i e n  N . ,
Économie des réseaux,
écosystème. Cette volonté se traduit par complémentaires (amélioration de la variété) La Découverte, 2005.
exemple dans les dispositions des PFMI en rendant le réseau plus attractif pour les 14 Phénomène connu dans le
relatives à la gouvernance, qui disposent fournisseurs de services 14. domaine de la programma-
qu’« une infra­­structure de marché financier tion comme le paradigme
hardware-software : une
devrait être dotée de dispositions relatives En conséquence de ces effets de réseau, hausse de la demande
à la gouvernance qui soient claires et trans­­ les décisions d’adoption par des utilisa- pour un hardware peut
entraîner une hausse
parentes, qui favorisent sa sécurité et son teurs sont liées au nombre d’utilisateurs, du développement de
efficience et qui soutiennent la stabilité présents et anti­­cipés, de la FMI. Or, par softwares compatibles
du système financier dans son ensemble, défaut, les utilisateurs ne prennent pas leurs (et vice-versa), ou de leur
qualité. Dans le domaine
d’autres considérations d’intérêt public et décisions de rejoindre ou non un réseau des cartes de crédit, il
les objectifs des parties prenantes. ». en tenant compte de l’impact que cette peut se traduire par le
fait que plus le nombre
décision peut avoir sur l’utilité des autres d’utilisateurs de cartes
En matière de FMI, d’une part, tous les utilisateurs : c’est là que réside l’externalité. de crédit est impor-
tant, plus le nombre de
acteurs de l’écosystème bénéficient de Il y a donc, pour les FMI, un risque que la commerçants disposant
manière égale d’un système financier stable taille du réseau à l’équilibre soit inférieure d’un terminal permettant
et résilient, sans que le fait pour l’un d’entre à celle qui serait socialement optimale. cette utilisation sera impor-
tant (complémentarité), ce
eux d’en bénéficier n’empêche les autres de qui en retour accroît l’uti-
faire de même, d’autre part, il est impossible Par exemple, dans le cas des bourses de lité de leur carte de crédit
pour leurs possesseurs
d’en exclure quelqu’acteur que ce soit. Dès valeur, les externalités de réseau proviennent, (cf. chapitre 4).

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 355


Chapitre 19 L’économie des infra­­structures des marchés financiers


du point de vue des investisseurs, de la indépendants du nombre de trans­­actions.


recherche de la plateforme de négociation Enfin, les utilisateurs subissent aussi des
offrant la liquidité la plus importante possible coûts fixes initiaux de connexion à l’infra­­
pour un type de titres donné. Cela entraîne structure. En revanche, les coûts variables
directement une liquidité encore plus impor- liés à l’exploitation des réseaux sont géné-
tante pour ce même type de titre et donc ralement assez faibles.
un renforcement de l’attrait de la plateforme
choisie pour les autres investisseurs 15. Du Le caractère à la fois élevé des coûts fixes
point de vue des émetteurs, elles proviennent et faible des coûts variables implique
de ce que les besoins en capitaux seront des coûts moyens par utilisateur géné-
d’autant plus facilement absorbés par un ralement décroissants avec leur nombre
réseau d’investisseurs que la taille de celui-ci – donc, des économies d’échelle, ou rende-
est importante 16. ments croissants, également liées à des
effets d’apprentissage 17 (maîtrise accrue
Au stade de la compensation et du des processus).
règlement, les externalités de réseau
proviennent notamment des gains de temps Empiriquement, les études sur le sujet
dans le traitement des trans­­actions, tandis ont ainsi jugé importantes les économies
que la mise en place de mécanismes de d’échelle dans les systèmes de paiement
compensation (netting) permet de réduire (de détail ou de gros), avec une part des
des coûts d’opportunités associés aux coûts fixes représentant de 50 à 80 %
exigences de capital réglementaire. des coûts totaux 18. La possibilité d’éco-
15 Pour un exposé de la
nomies d’échelles a aussi été un important littérature relative à la
1.2. Une structure de coûts favorisant argument mis en avant lors de la mise en liquidité comme exter-
nalité, se référer à :
des économies d’échelle place de TARGET2 19. Ser val T., « Lorsque
et d’envergure les réseaux d’informa-
Au stade de la négociation, les bourses tion deviendront des
bourses », Presses de
1.2.1. Les FMI génèrent de valeur présentent aussi des économies Sciences Po, 2001.
des économies d’échelle d’échelles liés à la conjonction de coûts fixes 16 Cf. Curien N., Économie des
élevés de mise en place de la plateforme réseaux, La Découverte,
L’une des raisons premières des FMI d’échange et de faibles coûts incrémentaux 2005.

consiste à permettre aux acteurs finan- par trans­­action une fois celle-ci mise en 17 Ces effets désignent des
rendements croissants
ciers d’externaliser en un point unique des place. Ainsi, à coûts fixes comparables, la du facteur travail avec la
traitements qui étaient auparavant faits plateforme enregistrant le volume le plus répétition de certaines
de façon décentralisée. Ce faisant, elles important de trans­­actions pourra bénéfi- tâches dans le temps.

génèrent des économies d’échelle. cier des coûts de trans­­action moyens les 18  K h i a o n a r o n g  T. ,
« Payment systems
plus faibles. e f fi c i e n c y, p o l i c y
En effet, la mise en place d’une FMI approaches, and the
implique d’importants coûts fixes – au sens Enfin, ces économies d’échelle se vérifient role of the central
bank », Bank of Finland
où ils sont largement indépendants des aussi au stade de la compensation et du Discussion Papers, 2003.
volumes de trans­­actions. Ces coûts sont règlement-livraison. Ainsi, le coût marginal de 19 Bolt (W.) et Beijnen (C.),
ceux associés aux infra­­structures physiques la compensation est proche de zéro, tandis « Size matters : econo-
(serveurs, bâtiments les hébergeant), aux que l’inter­­vention d’une chambre de compen- mies of scale in
E u r o p e a n p ay m e n t
développements informatiques (écriture des sation permet de réaliser des économies p r o c e s s i n g   », D N B
programmes, tests, correction des erreurs, dans la collecte et l’analyse des informations Working Paper, 2007 ;
Bolt W. et Humphrey, D.,
etc.), et à la mise en place du système sur ses membres. En effet, la surveillance « Payment Network
de gouvernance (documentation juridique, des risques de crédit et de liquidité implique Scale Economies, SEPA,
etc.). Dans une certaine mesure, ils peuvent la mise en place de techniques sophistiquées and Cash Replacement »,
Review of Net work
également comprendre les coûts de main- de suivi de ces risques, qui nécessite des Economics, 2007 ;
tenance et de surveillance du système ainsi investissements coûteux (informatique, de Bolt W. et Humphrey, D.,
« Public good issues in
que les coûts de formation du personnel – modélisation, organisationnels…). Il est plus TARGET », ECB Working
même si ces postes ne sont pas totalement rationnel de les mutualiser au sein d’un seul Paper Series, 2005.

356 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des infra­­structures des marchés financiers Chapitre 19


acteur, la CCP. En outre, la position centrale découler de la possibilité d’effectuer, sur


de celle-ci lui donne une capacité de suivi la même plateforme, des trans­­actions sur
et de gestion de ces risques supérieure à plusieurs types de titres. Une fois l’infra­­
celle que pourraient déployer chaque acteur structure mise en place, l’extension des
pris individuellement. Dans la mesure où les services d’échange à un type de titre
appels de marge sont réalisés sur la base supplémentaire peut être offerte à un coût
des positions nettes des participants, cette incrémental modeste, surtout si un réseau
situation permet aux participants de réaliser d’acheteurs et de vendeurs actifs est déjà
des économies en liquidités. Par ailleurs, elle mobilisé. Il est aussi économiquement
permet de réduire les volumes au niveau optimal, pour les utilisateurs, de regrouper
du règlement-livraison en proportion du leurs activités sur différents types de titres
nombre de trans­­actions compensées : plus sur le moins de platesformes de trans­­action
les volumes de trans­­actions sont importants possible, notamment afin de réaliser des
sur un instrument donné, plus la probabilité économies de back-office.
que certaines de ces trans­­actions soient en
sens contra­­ire est importante. Au stade du post-marché, effectuer la
compensation de plusieurs classes d’ins-
1.2.2. Les FMI génèrent truments financiers permet, sous réserve
des économies d’envergure de cadre de gestion des risques qui
restent en tout état de cause spécifiques
Les FMI peuvent par ailleurs être le à chaque classe, de mutualiser certaines
support d’économies d’envergure (ou de ressources (les équipes risques ou juri-
gamme), qui désignent des situations où diques par exemple, ou les infra­structures
il est plus avantageux, en termes de coûts, technologiques, qui sont un centre de coûts
de produire plusieurs types de biens ou important). Par ailleurs, la diversification des
services conjointement, via une firme instruments financiers compensés par la
unique, que par des opérateurs séparés. CCP peut permettre, du fait d’une moindre
Toutefois, l’exploitation de telles économies corrélation entre les facteurs de risque des
peut avoir un impact sur les autres formes différents instruments, de réduire la variance
d’efficience, et notamment systémique – se de l’exposition et en conséquence le
référer au chapitre 17 portant sur les risques montant du collatéral immobilisé en garantie
dans les FMI. contre ces risques. L’argument vaut aussi
pour les participants choisissant de faire
Dans le cadre des fonctions d’opérateur compenser leurs transactions auprès d’une
de systèmes de règlement de montant seule CCP plutôt que plusieurs – le risque 20 Millard S., Haldane A.,
Saporta V., The Future
élevé des banques centrales, il a pu être associé au portefeuille de chaque participant of Payment Systems,
avancé qu’existaient pour ces dernières étant moins important que la somme des Routledge,  2008 ;
Green. E.J. et Todd R.M.,
des économies d’envergure découlant du risques par instrument, une CCP unique « Thoughts on the Fed’s
double fait i) de gérer pour les établisse- pourra exiger une marge calculée sur la base Role in the Payments
ments de crédit un système de comptes d’une exposition nette, moins importante S y s t e m   », Fe d e r a l
Reser ve Bank of
destinés à des fins de réserves et de (modèles de portfolio managing). Ainsi, Minneapolis Quarterly
règlements inter­­bancaires et ii) d’opérer le en Europe, LCH Ltd a récemment lancé Rev i ew ,   2 0 01   ;
Green, E.J., « The Role
système permettant des règlements entre l’offre Spider, qui permet de compenser of the Central Bank in
ces comptes 20. Par ailleurs, ces systèmes conjointement des futures de taux listés et Payment Systems », 2005.
permettent aux banques centrales de fournir des swaps de taux OTC en calculant une 21 Reflétant le rôle histo-
des services à la fois aux gouvernements 21 et marge nette sur l’ensemble des positions. rique des banques
centrales d’inter­médiaire
aux établissements bancaires privés, les Cela permet à LCH Ltd de se développer sur entre les gouvernements
faisant ainsi bénéficier de synergies liées à le marché listé en tirant parti de sa position et leurs prêteurs.
la fourniture jointe de ces services 22. forte sur les swaps de taux ; inversement, 22 Bolt, W. et Humphrey, D.,
Eurex a lancé une initiative visant à pénétrer « Public good issues in
TARGET », ECB Working
Du côté des plates-formes de négociation de le marché des swaps à partir de sa position Paper Series, 2005.
titres, les économies d’envergure peuvent sur les futures.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 357


Chapitre 19 L’économie des infra­­structures des marchés financiers


Enfin, des économies d’envergure peuvent des réductions de coûts de communica-


aussi provenir de la fourniture par un seul tion entre les différentes activités (pouvant
groupe de services de négociation de titres, favoriser la mise en œuvre de standards
de compensation et de règlement, qui communs pour la transmission des données
sont fortement complémentaires 23. Cela entre les différentes étapes), et améliorant
permet un traitement des trans­­actions de le processus de diffusion des innovations 23 Au sens où la demande
de chaque service n’est
bout en bout (straight-through-processing) tout au long de la chaîne en réduisant les pas indépendante du prix
au sein d’un même groupe, entraînant besoins de coordination. La mise en place des autres services.

Encadré n° 1 : Économies d’échelle et d’envergure attendues de la mise en place de T2S

La réalisation du projet T2S fournit un bon exemple des économies de coûts que peut permettre de
réaliser une consolidation d’activités dans le domaine du règlement‑livraison (pour plus de détails
sur le fonctionnement de T2S, se référer au chapitre 14).

Les gains attendus de T2S en termes d’exploitation des économies d’échelle et d’envergure et d’ex‑
ternalités de réseau ont été détaillés dans une étude réalisée en 2007 par la BCE 1. La fourniture de
cette plateforme commune devait permettre des économies d’échelles via une consolidation des coûts
d’investissement ainsi que des coûts d’exploitation liés à la maintenance des plateformes (propres,
avant la migration, à chacun des 24 CSD que comptent les pays de la zone euro).

Du côté des utilisateurs des CSD, la mise en place deT2S devait permettre de faire le choix de centraliser
leurs comptes titres chez un seul dépositaire central de leur choix (à condition que ceux-ci aient mis en
place les liens nécessaires) ou leur compte espèces au niveau d’une seule banque centrale, entraînant une
baisse des coûts liés à la dispersion de leurs comptes. Ces acteurs devaient donc notamment bénéficier
de possibilités de rationalisation de leurs activités trans­frontières et d’économies de back-office, via
en particulier la possibilité de s’appuyer sur un seul point d’entrée à plusieurs marchés, d’harmoniser
leurs procédure en inter­ne, d’utiliser leurs garanti­es de manière commune pour leurs activités cash
et titres (création d’un pool unique de collatéral réduisant le coût de la mobilisation trans­frontalière
des garanti­es), et de s’appuyer sur un nombre moins élevé d’inter­médiaires (CSD, mais aussi pour la
gestion d’actifs). L’usage d’une plateforme unique et de protocoles de communication standardisés
devait aussi offrir aux émetteurs la possibilité d’atteindre plus d’investisseurs, et ainsi d’augmenter la
demande s’adressant à eux, tandis qu’il permettrait aux investisseurs de réduire le coût de leur gestion
d’un portefeuille de titres répartis à l’inter­national – et donc d’augmenter le rendement de ce portefeuille.

En ce qu’il ouvrait les marchés domestiques, le projet devait permettre d’accroître la concurrence
entre CSD sur le marché unique, et entraîner une consolidation (des systèmes) en Europe – ce qui
pourrait dégager des économies d’échelle et d’envergure supplémentaires. Toujours à moyen terme,
les bénéfices liés à l’utilisation d’une plateforme technique unique se concrétiseraient aussi au moment
de la faire évoluer – voire, le cas échéant, de la refondre – , quand il n’y aurait alors qu’un seul projet
à conduire au lieu de 23.

Enfin, les travaux actuels en vue de la consolidation entre TARGET2 et T2S visent à exploiter les
synergies entre les deux plateformes 2 (cas d’économies d’envergure), dans les domaines de l’utilisation
de ressources et architecture IT, de possibilités de réutilisation de technologies de communications
existantes, d’organisation des fonctions support et opérationnelles. L’exploitation de ces synergies
pourrait aller jusqu’à une fusion future éventuelle des deux plateformes (cf. chapitre 7, section 6.3).

1 BCE, 2007, TARGET2-Securities – Economic Feasibility.


2 D étaillées par exemple dans ce document accessible sur https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/t2seconomicfeasibility0703en.
pdf?8e36385d37d399eaf9a3615292b80c08

358 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des infra­­structures des marchés financiers Chapitre 19


d’un « silo » vertical de FMI tout au long nombre d’acteurs, voire sur un acteur
de la chaîne de traitement des titres, allant unique par catégorie d’activité, aboutit à
de la négociation au règlement-livraison en constituer des acteurs systémiques dont la
passant par la compensation, illustre l’exis- défaillance aurait des conséquences désta-
tence de ce type d’économies. Elle pose bilisatrices extrêmes et ne peut donc pas
toutefois des défis en termes de gestion des être envisagée (« too big to fail »). La consti-
risques, notamment systémiques, ainsi que tution de tels acteurs mono­polistiques crée
présenté dans le chapitre 17 (section 2.2.1), un aléa moral important, dans la mesure où
et de concurrence. elle impose aux auto­rités d’inter­venir pour
éviter ces défaillances (cf. chapitre 17 dédié
aux risques dans les FMI). Ainsi, un enjeu
2. Les conséquences de politique industrielle et de concurrence
de la nature économique pour les pouvoirs publics dans le domaine
des FMI sur l’organisation des FMI est d’encourager l’organisation de
et les dynamiques de marché marché la plus efficiente possible, en évitant
la création d’acteurs mono­polistiques à
L’existence d’économies d’échelles du côté caractère trop systémique.
de l’offre et d’externalités de réseau du
côté de la demande peut limiter les possi- 2.1. Une tendance à la concentration
bilités de concurrence dans les industries horizontale et verticale
de réseaux, et favoriser la concentration
des opérateurs, d’une part du fait d’une En conséquence des externalités de réseau
tendance à la concentration horizontale et des économies d’échelle et d’envergure
et verticale, et d’autre part du fait que ces engendrées par leurs activités, les FMI
deux caractéristiques s’alimentent l’une présentent des caractéristiques de mono­pole
l’autre et créent des effets de rétroaction. naturel, au sens où il peut être optimal qu’une
Une telle tendance à la concentration seule entité prenne en charge la satisfaction
soulève des enjeux essentiels de stabilité de l’ensemble de la demande.
financière. En effet, la concentration de
l’activité de compensation ou de règlement- Les caractéristiques économiques fonda-
livraison, par exemple, sur un très petit mentales des FMI constituent dès lors

Encadré n° 2 : T2S et la délimitation des « pures » activités de fourniture d’infra­structures

Ainsi que décrit au chapitre 14, T2S n’est pas considéré comme un système de règlement titres ou un
CSD, mais comme une plateforme technique de règlement-livraison permettant aux CSD de développer
leurs services sur une base identique. La mise en place deT2S peut être rapprochée de choix effectués
dans d’autres industries de réseau (télécommunications, transports ferroviaires, fourniture d’électricité
etc.) historiquement organisées en monopoles, visant à cantonner les monopoles historiques à des
activités de « pure » fourniture des infra­structures de réseau, où la fourniture par un seul acteur est la
forme la plus efficace d’organisation du marché. Au contraire, la partie du réseau correspondant aux
activités de fourniture de services commerciaux sur la base de cette infrastructure, aurait vocation à
être ouverte à la concurrence, du fait notamment de coûts fixes moins importants.

Dans le cas de T2S, le raisonnement économique consistant à séparer la couche infra­structure de la


couche service est semblable, mais le mouvement historique est inverse, avec une prise en charge
par le secteur public d’une activité de pure fourniture de l’infra­structure (la plateforme technique)
pour des motifs d’efficience, tandis que les services commerciaux fournis à la clientèle des CSD (la
couche « service ») restent à la main des CSD.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 359


Chapitre 19 L’économie des infra­­structures des marchés financiers


une barrière à l’entrée pour les nouveaux fait de la complexité et du nombre d’inter­
arrivants, dans la mesure où ceux-ci doivent médiaires potentiellement impliqués dans
être en mesure de répliquer les coûts fixes ces opérations), et c’est notamment ce qui
importants des opérateurs en place, où a conduit à réaliser T2S.
l’essentiel de ces coûts fixes est générale-
ment très spécifique et ainsi irrécupérable Cette fragmentation empêchait que soient
(sunk costs) en cas de sortie du marché, pleinement exploitées les externalités
et où un acteur déjà en place bénéficiera positives de réseaux et les économies
toujours de coûts moyens par utilisateur d’échelles possibles. Un mouvement de
plus faibles. Elles exacerbent l’importance, consolidation est cependant observé en
pour un nouvel opérateur, de pouvoir Europe depuis plusieurs années, tant hori-
atteindre rapidement une masse critique zontalement (concentration des entités
de clients qui lui permettent d’exploiter les fournissant des services similaires au même
économies d’échelle et les effets de réseau, point de la chaîne de valeur du post-marché)
l’incertitude sur les capacités d’un entrant que verticalement (entités fournissant des
potentiel à atteindre une telle masse critique services différents mais intégrés le long de
pouvant elle aussi être un frein à l’entrée sur la chaîne de valeur du post-marché).
le marché. Ces caractéristiques suggèrent
l’efficience productive de la tendance à la Des mouvements de concentration hori-
concentration dans le domaine des FMI, à zontale ont été notamment observés via
la fois horizontalement et verticalement. les rapprochements entre plateformes de
négociation : création du groupe Euronext
En pratique, le domaine des paiements de en 2000 par rapprochement des bourses
montant élevé fonctionne souvent sous d’Amsterdam, Bruxelles et Paris ; puis rappro-
la forme d’un duopole au niveau domes- chement avec la Bourse de Lisbonne et la
tique, comme on l’a vu aux chapitres 6 à 8 : Bourse de Porto en 2002, et en 2017 avec la
TARGET2 et EURO1 en Europe, FEDwire et Bourse de Dublin. Ils ont été aussi observés
CHIPS aux États-Unis... De même, le marché au stade de la compensation (regroupe-
des paiements de détail (cf. chapitre 10) est ment au sein d’un même groupe de LCH
souvent dominé, au niveau domestique, et de Clearnet en 2003), ou au stade de la
par un seul acteur (exemple de CORE(FR), conservation et du règlement-livraison avec
opéré par STET, en France). Pareillement, les en particulier la stratégie de rapprochement
marchés financiers domestiques européens menée par Euroclear avec plusieurs CSD
sont généralement organisés auto­ur d’un seul nationaux et la mise en place de la plateforme
CSD national et une seule CCP – la mise en ESES (Euroclear Settlement of Euronext-
production récente de T2S pourrait toutefois zone Securities) à partir de 2009 pour toutes
entraîner des modifications de ce paysage. les trans­actions effectuées sur les marchés
Euronext 26. Le trio formé par la plateforme
Le paysage du post-marché pour les titres Euronext au niveau de la négociation, la
est logiquement plus intégré aux États- contrepartie centrale LCH SA (contrôlée 24 
C réé en 1999 pour
regrouper et intégrer les
Unis qu’en Europe, les États-Unis étant depuis 2013 par le London Stock Exchange) au opérations du Depositary
à cet égard un seul marché domestique. niveau de la compensation, et le dépositaire Trust Company (DTC)
et de la National
Le règlement-livraison et la compensation central Euroclear illustre, pour chaque couche Securities Clearing
s’y organisent principalement auto­ur de de la chaîne de valeur du traitement des titres, Corporation (NSCC).
DTCC 24 (Depository Trust and Clearing le modèle d’intégration horizontale. Dans ces 25 Le différentiel de coût
Corporation), qui assure aussi les fonctions exemples, des FMI centrées sur leur métier entre une trans­a ction
domestique et une trans­
de dépositaire central. En Europe, le cloi- (négociation, compensation, règlement/ action trans­f rontière
sonnement des systèmes domestiques livraison) cherchent à servir plusieurs marchés était estimé en 2011
comme variant de 1 à
(pour des raisons historiques, techniques, géographiques. Le modèle horizontal peut 10 – « Settling Without
institutionnelles, juridiques ou fiscales) ainsi bénéficier aux participants et autres Borders, » European
entraînait des coûts relativement élevés utilisateurs en ce qu’il permet de dégager de Central Bank, 2011.

pour les trans­actions trans­frontalières 25 (du fortes synergies commerciales : ouverture et 26 À l’exception du Portugal

360 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des infra­­structures des marchés financiers Chapitre 19


positionnement sur différents segments du décrits plus haut, l’offre et la demande


métier cœur de l’infra­structure ; possibilités inter­agissent généralement dans les indus-
de diversification ; innovation ; plus grande tries de réseau selon un principe dit de
indépendance dès lors que la totalité de l’ac- rétroaction (feedback) 27 : plus un service
tivité de l’infra­structure ne dépend pas d’un en réseau est diffusé, plus il suscitera une
seul et même marché. demande importante, en raison de rende-
ments croissants d’adoption, et renforcera
L’intégration verticale « en silos » s’observe ainsi sa diffusion au détriment de services
également sur d’autres marchés. Il s’agit concurrents (une hausse de l’offre entraîne
d’une organisation où toute la chaîne une hausse de la demande, qui entraîne
des opérations sur titres (plateforme de une hausse de l’offre etc.), et inversement.
négociation, chambre de compensation
et dépositaire central de titres gérant un En premier lieu, ces effets viennent
système de règlement‑livraison) est traitée renforcer la tendance au mono­pole naturel
de bout en bout par des infra­structures et des pour conduire à une polarisation du marché
systèmes propriété d’un même groupe capi- sur un nombre limité d’opérateurs de
talistique. Cela correspond, par exemple, aux réseau et de fournisseurs de services :
modèles allemand (avec le Deutsche Börse les firmes disposant d’une assise impor-
Group qui contrôle la plateforme Eurex, la tante renforcent leur position. Ainsi, ils sont
CCP Eurex Clearing et le CSD Clearstream un amplificateur d’évolution et créent une
Banking Frankfurt) ou italien (avec le Borsa logique de « winner takes all », où même
Italiana Group, où la société Borsa Italiana – un faible avantage peut faire basculer le
elle-même contrôlée par le LSE – contrôle la marché en faveur de celui qui le possède,
plateforme de négociation MTS, la chambre tandis qu’il sera très difficile pour les firmes
de compensation Cassa di Compensazione dominées d’exister (on parle aussi de
e Garanzia et le CSD national Monte Titoli). « market tipping »).
Les gains peuvent provenir d’un aligne-
ment des intérêts stratégiques pouvant se Une conséquence classique de tels effets
traduire par une innovation accrue (baisse est que la technologie dominante ne sera
des coûts de coordination, inter­nalisation pas nécessairement la plus efficace : une 27 Cf. note n°5 ; voir aussi
des externalités liées à la R&D), ou une technologie efficace peut se retrouver Foray D. « Innovation
et concurrence dans
intégration des outils et processus permet- éliminée pour cause de « time to market » les industries de
tant une meilleure coordination et diffusion inadéquat, et un standard peut se retrouver réseau », Revue fran­
d’effets d’apprentissage. Ce modèle pourrait dominant du fait d’une sélection précoce ç a i s e d e g e s t i o n  ;
Katz M., Shapiro C.,
tendre toutefois à encourager des relations (« first mover advantage ») et non parce « Technology adoption in
quasi exclusives entre ces acteurs, ce qui qu’il est le meilleur du fait de sa qualité. the presence of network
externalities », Journal of
soulèverait des risques concurrentiels, ce Political Economy,  1986 ;
contre quoi la règlementation s’efforce de En deuxième lieu, les effets de rétroaction Shapiro C. et Varian R.
lutter (cf. infra­). En outre, une telle intégra- ont pour conséquence que les dyna- I n fo r m a t i o n Ru l e s ,
Har vard Business
tion verticale de différentes infra­structures miques d’innovation peuvent souffrir d’un School Press, 1999.
qui ne présentent pas le même profil de excès d’inertie lié à des défauts de coor- 28 
K atz M. et Shapiro,
risque et doivent répondre à des exigences dination 28. Celui-ci découle à la fois de « Systems Competition
règlementaires différentes peut représenter potentiels défauts d’incitations à adopter and Network Effects »,
Journal of Economic
une difficulté lorsqu’il s’agit de préserver des nouvelles technologies du côté des Perspectives,  1994 ;
la nécessaire indépendance de chacune utilisateurs, et de défauts d’incitations à Farrell J. et Saloner G.,
« Standardization,
des infra­structures. investir dans les nouvelles technologies compatibility and inno-
du côté de l’offre. vation », Rand Journal
2.2. Des conséquences qui pèsent sur of Economics,  1985 ;
Milne A., « What is
les dynamiques d’innovation Les inerties d’adoption s’expliquent d’abord in it for us ? Network
par le fait que les technologies de réseau se e ff e c t s a n d b a n k
payment innovation »,
Du fait des externalités de réseau et caractérisent généralement par des coûts Journal of Banking
des économies d’échelle et d’envergure de migration importants. Cela peut avoir and Finance, 2005.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 361


Chapitre 19 L’économie des infra­­structures des marchés financiers


pour effet de rendre captifs les consomma- résultat serait plus favorable si les acteurs
teurs, et constituer une barrière à l’entrée coopéraient en s’entendant sur le choix du
supplémentaire pour des fournisseurs de changement technologique, mais où en
technologies alternatives. Les coûts de l’absence de coopération, et en situation
migration peuvent se définir 29 comme la d’incertitude sur les choix que feront les
somme du coût supporté par le consom- autres, il est optimal pour chaque parti-
mateur (apprentissage, investissements cipant de ne pas changer de technologie
spécifiques) pour changer de technologie, (sous-optimalité de l’équilibre de Nash 31).
et du coût supporté par le nouveau fournis-
seur afin de placer le consommateur dans Ainsi, lorsque le marché demeure livré à
la même situation qu’avec le fournisseur lui-même, ses dynamiques n’engendrent
précédent. Ainsi, dans le cas des technolo- pas toujours des résultats économiques
gies informatiques sous-jacentes aux FMI, efficients, ce qui fonde l’inter­vention des
le participant a généralement dû réaliser pouvoirs publics sur les marchés, en parti-
des investissements durables dans des culier, dans le domaine des FMI, avec le
biens complémentaires 30 spécifiques à la rôle de catalyseur que peuvent jouer les
technologie considérée. Le changement de banques centrales.
technologie principale oblige ainsi à changer
ou du moins adapter les biens complé- 2.3. Les réponses des auto­rités
mentaires, qui peuvent en outre avoir une publiques aux problématiques
durabilité différente (c’est-à-dire il n’y a pas concurrentielles
de bon moment pour repartir à zéro), ce
qui renforce l’effet d’inertie. Un exemple 2.3.1. FMI et politique de concurrence :
de coûts de migration dans le monde des l’enjeu de l’accès aux FMI
FMI peut s’illustrer par les investissements
qu’ont dû réaliser les CSD pour pouvoir Outre le lien entre la taille des FMI et les
utiliser T2S, incluant notamment des modi- risques systémiques qu’elles peuvent faire
fications d’architecture dans les systèmes peser sur le système financier, traité spécifi-
qu’ils opèrent (par exemple, modification quement au chapitre 17 sur les risques dans
de l’architecture informatique de la plate- les FMI, la tendance naturelle à la concen-
forme ESES pour Euroclear). Ces coûts de tration du secteur pose aussi problème du
29 Shapiro et Varian (1999)
migration viennent en appui du fait que les fait des pratiques de prix que les opéra-
inerties technologiques peuvent parfois être teurs peuvent mettre en place du fait de 30 A u sens où ils sont
nécessaires à l’accès
économiquement efficientes, même si la leur pouvoir de marché au détriment des au ser vice fourni
technologie envisagée est supérieure. C’est consommateurs et des échanges écono- par l’infra­structure.
notamment le cas si le coût de la migration miques 32. Ainsi, la politique européenne de la 31 
D ésigne, en théorie
est plus élevé que les avantages procurés concurrence 33 s’attache à combattre la possi- des jeux, une situation
dans laquelle chaque
par la nouvelle technologie. bilité que le pouvoir de marché des acteurs joueur adopte la meil-
puisse constituer l’instrument d’exercice de leure stratégie possible
Les inerties d’adoption s’expliquent ensuite pratiques restrictives de concurrence, visant compte-tenu de la
stratégie adoptée par
par le fait que, même si tous les partici- à créer ou renforcer les barrières à l’entrée. l’autre joueur.
pants peuvent avoir collectivement intérêt à 32 Cf. le corpus économique
adopter une nouvelle technologie, le risque Dans leur rôle de catalyseur, les instances théorique sur la charge
de se retrouver isolé dans un nouveau européennes ont ainsi fait le choix de morte du mono­pole.

réseau peut être tel que chacun décide de construire le marché unique sur un modèle 33 Désigne l’ensemble
des dispositifs, notam-
reporter sa décision de changement, jusqu’à fondé sur une mise en concurrence des diffé- ment juridiques,
ce que la base d’utilisateurs du nouveau rents fournisseurs de services financiers, visant à organiser et
réseau soit suffisamment importante. Si que ce soit au niveau des établissements contrôler les marchés
de sorte à favoriser le
tous les utilisateurs suivent le même raison- eux-mêmes ou des FMI, notamment sur maintien d’un fonction-
nement, le changement est bloqué. Cette le plan trans­frontalier. Cette volonté s’est nement suffisamment
concurrentiel pour que
impasse peut aussi se voir comme une traduite notamment par des efforts entrepris l’efficacité économique
forme de dilemme du prisonnier, dont le pour supprimer les barrières identifiées dans soit maximale.

362 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des infra­­structures des marchés financiers Chapitre 19


les rapports Giovannini, la directive MIF 34 qui Par ailleurs, le pouvoir de marché des opéra-
a consacré cette approche, ou encore l’éla- teurs peut permettre la mise en œuvre
boration du code de conduite du post-trading de stratégie d’effet de levier 37, voire de 34 Directive  2004/39/CE du
Parlement européen et du
menée sous l’égide de la Commission stratégies d’éviction pure et simple 38 sur Conseil du 21 avril 2004
européenne. Il est à souligner que cette des marchés amont, aval ou connexes à concernant les marchés
approche n’entre pas en contra­diction avec celui qu’elle dessert – ces risques étant d’instruments financiers.

la reconnaissance d’une efficience produc- particulièrement importants pour le cas 35 À l’origine une création des
tribunaux américains appli-
tive de la concentration dans certains cas, d’infra­structures verticalement intégrées. quant les dispositions du
dans la mesure où l’objectif poursuivi est Par exemple, les CCP sont généralement Sherman Act prohibant
de mettre en place un marché financier possédées par des opérateurs aussi présents la mono­polisation, cette
théorie a été reprise en droit
européen unique : la dé-fragmentation des sur le marché aval de la négociation (exemple communautaire et français
différents marchés géographiques permet de du groupe Deutsche Börse), et le choix de dans le cadre de la lutte
contre les abus de position
mettre en concurrence différents acteurs (en la CCP est souvent à la main de l’opérateur dominante ainsi que de l’ou-
déplaçant les frontières géographiques des de la plateforme de négociation, qui peut verture à la concurrence de
marchés jusqu’alors gérés
marchés) et des mouvements de concen- donc décider de recourir à une unique CCP, par des mono­poles publics,
tration peuvent, à plus long terme, être une évinçant en conséquence les autres. puis a été étendue. Cf. Cour
conséquence de cette mise en concurrence suprême des États-Unis,
United States v. Terminal
(cf. supra, encadré 2 relatif à T2S). Le principe d’un accès équitable et ouvert Railroad Association,
en ce qu’il concerne les relations entre 224 US 383, 1912 ; Rapport
annuel 2005 de la Cour de
Les conditions d’accès aux FMI font l’objet infra­structures de marché s’incarne dans la Cassation citant un arrêt du
d’une attention toute particulière des légis- notion d’open access, déclinée dans divers 12 juillet 2005 de la chambre
lateurs et des régulateurs. En effet, l’accès pans de la règlementation financière post- commerciale (n°04-12388) ;
Chang F.B., « Financial
aux FMI peut constituer une condition de crise (EMIR 39, CSDR, MiFID II/MiFIR). Market Bottlenecks
participation à certains marchés. Elles and the Openess
Mandate », University of
constituent ainsi une infra­structure essen- Le principe d’open access permet par Cincinnati,  2015 ; affaire
tielle 35, dont les opérateurs peuvent se exemple à une plateforme de négociation Sealink, Commission
trouver en mesure de jouer comme d’un de faire compenser ses trans­actions par la Européenne, 94/19/
CE, 1993, où la Commission
goulet d’étranglement 36 (bottleneck facility) chambre de compensation de son choix, et à utilise l’expression d’« instal-
pour les marchés qui ont un besoin essentiel une chambre de compensation d’avoir accès lation essentielle » ; arrêts
de la CJCE n°C-241/91, n°
d’accéder à l’infra­structure. Le caractère aux flux de trans­action de toute plateforme C-07/97, n°C-418-01.
d’infra­structure essentielle de certaines FMI de négociation. En effet, un opérateur sur
36 Cf.  Curien N., Économie des
s’appuie aussi parfois sur des exigences le marché aval se voyant refuser l’accès à réseaux, La Découverte,
règlementaires : ainsi, la loi Dodd-Frank aux une chambre de compensation, ou imposer 2005.
États-Unis (titre VII) ou le règlement EMIR des conditions d’accès moins favorables que 37 Capacité pour une entre-
en Europe imposent aux contreparties de certains membres possédant l’infra­structure, prise d’augmenter ses
ventes sur un marché
certaines opérations de produits dérivés pourra voir ses coûts se détériorer, voire se – le « marché lié » – en
une obligation de compensation. Il est faire évincer du marché aval. Inversement, exploitant sa position
dominante sur un marché
donc important que les acteurs de marché en l’absence de règlementation, le risque adjacent, rendant plus
assujettis à cette obligation puissent avoir existe qu’une plateforme de négociation difficile l’accès à ces
accès aux infra­structures qui proposent puisse refuser à une CCP la compensation derniers marchés.

ces services. La théorie des infra­structures des trans­actions négociées sur sa plate- 38 L’efficacité de telles stra-
tégies a été débattue
essentielles fonde les obligations d’accès forme, tarissant ainsi les flux de trans­action dans la littérature écono-
imposées dans le cadre de régulations arrivant à la CCP. C’est pour palier ce type mique, et notamment
sectorielles, qui trouvent leur application de risque et favoriser l’ouverture des silos contestée par l’École
de Chicago – pour un
dans le secteur des FMI au principe 18 des verticaux que les règlementations secto- exposé de la manière
PFMI, qui dispose qu’« une infra­structure de rielles prévoient ce principe d’open access. dont le contrôle d’une
infra­s tructure essen-
marché financier devrait avoir des critères En sens inverse, ce principe permet à un CSD tielle peut permettre
de participation objectifs, fondés sur une d’avoir accès aux trans­actions compensées d’accroitre les coûts des
concurrents, se référer
analyse des risques et rendus publics, et qui par toute chambre de compensation et à par exemple à Patrick Rey
permettent un accès équitable et ouvert », une chambre de compensation d’avoir accès et Jean Tirole, Handbook
afin de favoriser la concurrence entre les aux flux de trans­actions de toute plateforme of Industrial Organization.

participants au marché. de négociation. 39 Articles 7 et 8.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 363


Chapitre 19 L’économie des infra­­structures des marchés financiers


Encadré n° 3 : Quelques cas évoquant la problématique de l’accès aux FMI dans la jurisprudence

Les FMI ont pu être amenées à réviser leur politique d’accès pour se conformer aux exigences légales.
Ce n’est par exemple qu’après l’édiction de telles règles sur l’accès que la plateforme SwapClear de
LCH Clearnet a levé la clause exigeant de ses membres de maintenir un encours de portefeuille de
swap de taux d’intérêt d’un montant de 1 000 milliards de dollars, clause suspectée de réserver le
marché aux importants vendeurs institutionnels 1.

En Europe, la Commission a pu juger dans une décision du 2 juin 2004 2 (confirmée le 9 septembre 2009


par un arrêt du TPUE 3) qu’en refusant de fournir des services trans­frontaliers de compensation (au
sens d’établissement des obligations contra­ctuelles réciproques de l’acheteur et du vendeur) et de
règlement pour des actions nominatives émises en vertu du droit allemand et en adoptant des pratiques
de prix discriminatoires, au détriment d’Euroclear Bank, Clearstream Banking AG et sa société mère
Clearstream Inter­national SA avaient abusé de leur position dominante sur les marchés concernés.
La Commission a rappelé dans cette affaire que, si le droit de la concurrence, y compris pour le
marché du règlement-livraison, reconnaissait la « liberté des sociétés de choisir leurs partenaires
commerciaux », les sociétés en position dominante avaient une « responsabilité particulière ». Elle a
considéré qu’en l’espèce, Clearstream était le seul dépositaire de titres allemands conservés en dépôt
collectif et qu’une nouvelle entrée sur le marché n’était pas une hypothèse réaliste, ce qui en faisait
un partenaire commercial incontournable, qu’Euroclear Bank n’était pas en mesure de produire les
services qu’elle demandait et que le comportement de Clearstream avait eu pour effet d’entraver sa
capacité à fournir à des clients du marché unique des services de compensation et de règlement sur
une base trans­frontalière de 1997 à 2002.

1 Felix B. Chang, « Financial Market Bottlenecks and the « Openess » Mandate », University of Cincinnati, 2015. Le Core Principle C (v) de la loi Dodd‑Frank
prohibe explicitement que les organismes compensant les dérivés imposent à leurs membres de maintenir un encours de position swap d’une valeur
ou d’un volume particulier.
2  Communiqué de presse : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-04-705_fr.htm.
3  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/ ?uri=CELEX  :62004TJ0301&from=FR

2.3.2. Stratégies d’inter­connexion et T2S d’une fragmentation du marché du


de compatibilité pour les FMI règlement-livraison entre les différents
États-membres. Dans le cadre des travaux
L’inter­c onnexion, ou inter­o pérabilité, liés à la mise en place de l’espace SEPA dans
désigne le raccordement des différents le domaine des moyens de paiement, l’Euro-
réseaux entre eux, et doit permettre aux système a eu l’occasion de préciser que la
utilisateurs d’un réseau de communiquer notion d’inter­opérabilité, telle qu’entendue
avec les utilisateurs d’un autre réseau, ou dans le règlement SEPA, impliquait qu’il
accéder à des services fournis par différents devait suffire aux prestataires de services
40 On trouve par exemple
opérateurs 40. C’est cette compatibilité qui de paiement de participer à un seul système une définition de la
permet la réalisation d’externalités positives de paiement de détail pour pouvoir atteindre notion à l’article L.32 du
provenant des complémentarités entre les leurs contreparties dans l’ensemble de Code des postes et
des télé­communications.
éléments du réseau 41. Cette possibilité l’espace SEPA, même si celles-ci participent
41 C f.   E c o n o m i d e s   N . ,
de « dialogue » entre systèmes peut être à un autre système, ce qui implique la mise « The economics of
imposée par la règlementation, ou relever en place de liens d’inter­opérabilité. networks », Inter­national
du choix des fournisseurs de service. journal of industrial orga­
nization, 1996 : « Links
L’inter­opérabilité repose notamment sur on a network are poten­
Dans le domaine des FMI, le manque la mise en œuvre d’une compatibilité de tially complementary, but
it is compatibility that
d’inter­opérabilité correspond par exemple standards techniques (flux de messageries makes complementa­
en Europe à la situation pré-migration à par exemple, ou compatibilité entre hardware, rity actual. »

364 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des infra­­structures des marchés financiers Chapitre 19


software et operating systems), opération- Pour un opérateur pris individuellement 43,


nels, et juridiques. L’utilisation de standards le choix d’utiliser des standards communs
ouverts, trans­parents et non propriétaires à ceux de ses concurrents peut être poussé
facilitant l’inter­opérabilité stimule la concur- par la perspective de pouvoir accéder à leurs
rence sur le marché, en ouvrant la possibilité clients, et donc augmenter grâce à l’effet
de trans­actions entre les utilisateurs des réseau décrit plus haut l’utilité que ces clients
différentes infra­structures sans qu’ils aient pourraient retirer de l’accès à son réseau
besoin de participer à l’ensemble d’entre et/ou à ses services (donc notamment leur
elles. Elle facilite l’activité simultanée de propension à payer), et d’atteindre plus
plusieurs infra­structures, permettant d’éviter rapidement une masse critique de consom-
le phénomène de concentration excessive mateurs. A priori, l’intérêt d’une stratégie
décrit plus haut, ce qui peut entraîner une d’inter­connexion sera donc d’autant moins
amélioration de la qualité des services élevé pour une firme que sa base installée
proposés aux consommateurs et réduire les de clients est importante, ce qui place les
risques qu’un acteur en situation de position acteurs installés et les nouveaux entrants
dominante abuse de cette dernière. Des potentiels dans une situation asymétrique 44.
standards communs peuvent permettre À l’inverse, un refus d’inter­connexion
d’éviter des problèmes de coordination peut être motivé économiquement pour
dans les choix technologies des firmes, et un opérateur par une volonté d’offrir des
d’ancrer les anticipations des utilisateurs sur services différenciés par rapport à ses
les chances d’adoption d’une technologie concurrents (effet concurrence dû au fait
donnée. Cette réduction de l’incertitude que la compatibilité des services offerts
des consommateurs permet elle-même de par deux fournisseurs les rend plus subs-
réduire leur risque d’être captifs de techno- tituables), ou parfois même de les évincer
logies finissant par ne pas être admises par du marché. Une telle stratégie pourrait par
42 Se référer à Milne, A.,
la majorité du marché, et donc les comporte- exemple être choisie par un nouvel entrant « Standards setting and
ments attentistes de non-adoption. Le fait que disposant d’une technologie supérieure aux competition in securi-
ties settlement », Bank
l’industrie se mette d’accord sur un standard acteurs en place, et souhaitant l’imposer en of Finland Research
entraîne généralement une augmentation du bénéficiant d’un effet d’entraînement (spirale Discussion Papers, 2005.
rythme d’adoption, et rend les conditions de de rétroactions positives). En ce sens, la L’auteur souligne que
des standards proprié-
concurrence plus symétriques. mise en place de standards peut constituer taires pourraient inciter
une forme renouvelée de mono­pole permet- plus fortement à l’inno-
vation, être promus de
La standardisation 42 comporte toutefois tant aux acteurs remportant les « guerres manière plus agressive
des risques potentiels de verrouillage sur de de standards » de bénéficier d’une rente par les entreprises qui
« mauvaises » technologies, notamment du économique. Pour cette raison, la législa- les ont développés, et
présenter donc plus de
fait des mécanismes de rétroaction décrits tion relative aux FMI, notamment MIFID et chances d’être acceptés
plus haut, et peuvent accroître les coûts de MIFIR, ainsi qu’EMIR, imposent aux FMI largement par l’industrie,
et que, par ailleurs, des
trans­ition vers des technologies nouvelles. de s’inter­connecter en cas de demande entreprises utilisant des
Par ailleurs, ses coûts peuvent varier selon d’une autre FMI en ce sens. Le seul motif standards incompatibles
les acteurs de marché concernés – selon de refus d’inter­connexion accepté par ces pourraient se livrer une
concurrence plus intense
leur taille, ou selon que les acteurs sont déjà règlements repose sur des considérations sur les prix.
en place et ont déjà pu engager des coûts de risques. Une FMI qui refuse une inter­ 43 Cf.  Curien N., Économie
irrécupérables d’élaboration et de mise en connexion ne peut le faire que si elle établit des réseaux, La
conformité avec un jeu de standards qui qu’une telle inter­connexion susciterait des Découverte, 2005, ainsi
que Kemppainen K.,
peut être plus ou moins éloigné de celui risques pour sa sécurité et l’efficacité de Salo S., « Promoting
visé dans le processus. Enfin, l’imposition son fonctionnement. Integration of European
Retail Payment
d’une compatibilité totale peut présenter Sys t e m s  : Ro l e o f
le risque d’encourager des comportements Se pose alors la question de savoir si la competition, Cooperation
and Regulation », Bank
de passager clandestin dans la R&D et l’in- compatibilité des standards est un équilibre of Finland, 2006.
novation, entraînant in fine une baisse des naturel de marché – c’est-à-dire si les partici-
44 Cf.  Curien N., Économie des
incitations à investir pour améliorer le fonc- pants sont incités à l’assurer par eux-mêmes réseaux, La Découverte,
tionnement du réseau. afin de maximiser les externalités pouvant 2005.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 365


Chapitre 19 L’économie des infra­­structures des marchés financiers


être retirées d’une extension du réseau, 3. L’enjeu de la tarification


ou non. Faute d’incitations suffisantes, ce pour les opérateurs des FMI
n’est pas forcément le cas.
Les conséquences du fonctionnement du
Le remède à cette défaillance de marché marché sur les contra­intes et stratégies de
est l’impulsion de standards communs pour tarification possibles appellent une inter­
une pleine inter­opérabilité de l’industrie qui vention publique, que ce soit en termes
peut provenir d’une action des pouvoirs de régulation des acteurs eux-mêmes ou
publics ou d’organismes inter­nationaux, de directement comme opérateur. Dans les
comités émanant de l’industrie elle‑même, faits, les principales obligations en matière
ou être sponsorisée par une ou plusieurs de tarification imposés par les surveillants
firmes. À titre d’exemple, dans le domaine des FMI consistent en une exigence de
du règlement‑livraison de titres, le rapport trans­parence de leur tarification.
Giovannini de 2003 a conféré à SWIFT ainsi
qu’au Securities Market Practice Group 45 un Le graphique 1 46 illustre les problématiques
rôle de facilitateur d’un projet d’harmoni- de tarification pour un mono­pole mono­
sation des standards de messagerie et produit. Plusieurs niveaux de prix appellent
d’interopérabilité à l’échelle de l’industrie, afin des commentaires. La tarification au coût
de supprimer l’une des barrières identifiées marginal (prix fixé à p*) représente en théorie
à la réalisation du marché unique. Dans le une solution « de premier ordre », efficiente 45 G roupe de travail de
domaine des paiements, l’EACHA (European au sens de Pareto d’un point de vue allocatif, praticiens visant à favo-
riser l’harmonisation des
Auto­mated Clearing Houses Association) a car maximisant le surplus collectif permet- pratiques de marché
ainsi travaillé à l’élaboration d’un cadre d’inter­ tant d’épuiser tous les gains de l’échange 47. pour l’industrie des
titres. Il s’appuie sur les
opérabilité entre les différents systèmes de En pratique, une telle tarification a peu de National Market Practice
paiement de détails traitant des trans­actions chances de s’observer dans le domaine des Groups présents dans
de paiements instantanés. FMI, pas uniquement du fait du pouvoir de plus de 30 pays.

marché des opérateurs décrit plus haut, 46  S o u r c e  : E c o n o m i e


de la règlementa­
Du côté des pouvoirs publics, il ressort du mais aussi parce que dans une industrie tion, de F. Lévêque,
mandat de l’Eurosystème d’encourager le qui se caractérise par d’importants coûts La Découverte, 2004.
dialogue avec et entre les différentes parties fixes et de faibles coûts variables (carac- 47 C’est la definition d‘un
prenantes ainsi que la poursuite de solutions téristiques de monopole naturel), elle ne optimum de Pareto.
favorisant l’inter­opérabilité. Ce rôle de cataly-
seur s’est illustré par exemple avec le projet
SEPA et, plus récemment, avec le projet TIPS
(Target instant payments settlement) dans le G1 : Tarification d’un mono­pole mono­produit
cadre de la stratégie « Vision 2020 » de l’Euro-
système (cf. chapitre 7, section 6). La mise en
place de T2S a aussi été l’occasion pour l’Eu-
rosystème de jouer un rôle de catalyseur pour
harmoniser le fonctionnement des différents
marchés nationaux, en donnant l’impulsion à
un alignement des cadres législatifs, opéra-
tionnels et techniques (ex : harmonisation
horaire du cycle de règlement, formats de
messages et de données, etc.), qui était
nécessaire au bon fonctionnement de T2S.
Ce travail a été effectué en s’appuyant sur une
collaboration étroite et une implication forte Note : Rm est le revenu marginal du mono­pole, et la fonction de coût est supposée de la forme
de l’industrie, les enceintes de concertation C(q)=F+ Cm, avec F les coûts fixes et Cm le coût marginal, supposé constant et toujours infé-
rieur au coût moyen CM, qui décroît au fur et à mesure que les coûts fixes sont amortis (cela
ayant validé tous les choix de standards et découle de la structure de coûts décrite en partie 1). p*, p0 et pm sont respectivement les prix
exercé une pression par les pairs pour faire fixés au coût marginal, au coût moyen et au coût de mono­pole (celui qui conduit à une maxi-
progresser ces efforts d’harmonisation. misation de ses profits), avec les quanti­tés correspondantes q*,q0 et qm.

366 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des infra­­structures des marchés financiers Chapitre 19


permet pas à l’opérateur qui la met en place à payer est située entre le coût moyen et le
48 Bolt W. et Humphrey D.,
de couvrir ses coûts (puisque ses coûts coût marginal), ce qui a pour conséquence « Public Good Aspects
moyens sont par définition supérieurs à que les externalités positives de réseau ne of TARGET : Natural
ses coûts marginaux). Graphiquement, les sont pas entièrement exploités – ce qui M o n o­p o l y , S c a l e
Economies, and Cost
recettes, égales à p*q*, sont inférieures constitue aussi un problème du point de vue A l l o c a t i o n   », D N B
aux coûts CMq*, et les pertes sont égales de l’efficience allocative. La perte sèche de Working Paper, 2005.
au rectangle p*p0DC, qui correspond aux bien-être est représentée graphiquement 49 Lorsqu’elle est pratiquée
coûts fixes. par le triangle ABC. par un opérateur en posi-
tion dominante, une telle
pratique est susceptible
Une tarification à un niveau inférieur au En deuxième lieu, en théorie, un mono­pole d’enfreindre les règles
de concurrence, mais les
coût moyen peut constituer un moyen naturel choisira de lui-même de vendre auto­rités de concurrence
temporaire d’inciter les consommateurs la quanti­té qm au prix de mono­pole pm ne considèrent établie la
à rejoindre le réseau à court terme afin de qui maximise son profit et correspond preuve d’une telle infra­
ction qu’en appliquant
lui permettre de réaliser pleinement les à l’égalité de son revenu marginal avec des critères particulière-
externalités de réseau positives. Plus spéci- son coût marginal. Ce niveau de prix n’est ment difficiles à vérifier.
fiquement, une politique de prix possible pas Pareto-optimal, dans la mesure où le 50 L’exemple le plus évident
peut consister à fixer les prix au coût unitaire monopole pourrait servir, en réalisant des consisté à facturer une
majoration par rapport
attendu de traitement de trans­action le profits, tous les consommateurs dont la au coût marginal de
plus bas une fois pleinement réalisées les disposition à payer se situe entre pm et p0. production d’autant plus
importante que l’élasti-
économies d’échelles 48. Dans le cas où cité-prix de la demande
la banque centrale est opérateur de l’in- Enfin, la tarification de l’usage de l’infra­ est faible. Une telle discri-
frastructure, cette tarification correspond à structure peut aussi être fixée de manière mination par les prix
nécessite toutefois en
une subvention publique, ce qui, lorsque le non uniforme : prix différent pour un pratique d’évaluer l’élas-
service fourni est de nature contestable, va même service  50, ou en fonction des ticité-prix de la demande.
Elle peut conduire, dans
décourager les opérateurs privés potentiels volumes consommés. Le choix de tari- un cadre multi­produit,
d’entrer sur le marché (car ils ne peuvent fication dominant dans le domaine des à mettre en œuvre une
pas couvrir leurs coûts). Dans le cas où FMI est celui d’une politique de prix non politique de subventions
croisées où les services
l’infra­structure est opérée par un acteur linéaire, faisant varier le prix par trans­action dont la demande est
privé, une telle politique peut, comme supportée par l’infra­structure en fonction la plus élastique sont
subventionnés par ceux
dans le cas d’un opérateur public, corres- du nombre de trans­actions initiées par où elle l’est moins. Une
pondre aussi à un objectif d’atteinte de un participant. telle politique contrevient
aux objectifs de certaines
la masse critique à partir de laquelle les banques centrales de
externalités de réseau sont positives. Elle Une première variante de cette tarification couverture des coûts
peut toutefois être la conséquence d’une consiste en la formulation d’une tarification par ligne de services (cas
de la Fed par exemple),
stratégie de prédation visant à empêcher à deux paliers (two-part pricing) non-linéaire et (ce qui est lié) peut
un concurrent entrant ou potentiel d’être de forme t(q)=F+ cq, comprenant une partie donner la possibilité
à certains acteurs de
rentable, afin d’exploiter dans un second forfaitaire fixe F (dont l’objectif est de couvrir pratiquer une politique
temps un pouvoir de marché et lever des les coûts fixes et reflète les économies d’écrémage (cream
profits sur-concurrentiels 49. d’échelle qui en découlent), et une partie skimming) en ne servant
que les segments de
variable, proportionnelle au nombre de marchés où l’élastici-
Un enjeu – complexe – pour les opérateurs trans­actions (dont l’objectif est de couvrir té-prix de la demande
est faible et recouvrant
de FMI, est donc, dans ce cadre, la déter- les coûts variables moyens). C’est le type sur ceux-ci leurs coûts
mination de la structure de prix optimale de tarification choisie par la Banque d’An- tout en bénéficiant d’un
pour permettre la couverture des coûts. gleterre dans sa fourniture de services au avantage comparatif par
rapport à un opérateur
système de paiement de montant élevé mettant en œuvre une
En premier lieu, en présence d’effets de privé, CHAPS 51, avec pour objectif une politique de subvention
croisée, ce qui finit par
réseau, une tarification uniforme au coût couverture des coûts à long terme, sans rendre celle-ci inefficace.
moyen (qui correspondrait graphiquement perte ni profit, et sans subventions croisées
51 
P rix annuel d’adhé-
au prix fixé à p0), qui a priori permet à l’opéra- entre les différentes lignes de services. sion pour CHAPS de
teur de couvrir les coûts sans faire de profits, 15 000 £ et pour le DvP
de 15 000  £, per item fee
peut décourager certains utilisateurs de Une seconde variante consiste en une fixé à 15,5 p pour CHAPS
rejoindre le réseau (ceux dont la disposition double tarification à deux paliers, selon le et 1,90 £ pour le DvP.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 367


Chapitre 19 L’économie des infra­­structures des marchés financiers


G2 : Tarification d’un que chaque type de participant (dans un tel


mono­pole mono­produit cas, les participants effectuant un nombre
important de trans­actions via le système,
et les autres) choisira la formule qui l’avan-
tage le plus, et fixera les deux barème de
tarifications en fonction.

C’est le mode de tarification des services


de base choisi pour TARGET2, où les parti-
cipants ont le choix entre deux options. La
première, dans laquelle le tarif est unique,
composé d’une redevance mensuelle de
150 euros et d’un prix à la trans­action de
0,80 euro, est conçue à l’intention des
Note : Les ordonnées à l’origine correspondent au coût
fixe de chaque formule et les pentes des droites aux coûts
établissements à faible volume d’échange.
marginaux constants. La seconde, dans laquelle la redevance
mensuelle est de 1 875 euros et qui
présente des tarifs dégressifs par seuil
même principe, où chaque participant choi- de volume de trans­actions, est conçue à
sirait le mode de tarification lui procurant l’intention des grands établissements.
le niveau d’utilité le plus élevé.
Dans ces deux variantes, le prix moyen
Ces deux formules peuvent être illustrées décroît avec les volumes consommés, ce
par le graphique 2. L’on voit sur la figure qui a les mêmes effets qu’une politique 52 
Po u r s o n a p p l i c a -
que pour des quanti­tés faibles, il est plus de remise de volume, et limite les subven- tion aux systèmes de
intéressant d’adopter la formule 1 (première tions croisées entre les différents types de paiement, se référer
à Holthausen C. et
partie de la ligne pleine), et pour des quanti­ participants. Une telle structure est généra- Rochet J.-C., « Efficient
tés plus importantes, la formule 2 (seconde lement considérée comme efficiente 52, et Pricing of Large Value
I n t e r­b a n k Pay m e n t
partie de la ligne pleine) : l’opérateur qui encourage l’usage de l’infra­structure chez les Systems », Ohio State
souhaite discriminer tient compte du fait participants ayant des volumes importants. University Press, 2006.

Encadré n° 4 : La couverture des coûts par les banques centrales pour la fourniture de services de RTGS
La majorité des banques centrales opérant un RTGS appliquent une politique de couverture partielle
ou totale des coûts. Certaines mettent en avant l’opportunité de subventionner les RTGS compte tenu
des bénéfices qu’ils peuvent apporter à l’ensemble de la communauté en termes de stabilité écono‑
mique (le Japon, par exemple). Les banques centrales sont d’autant plus sensibles à l’opportunité
de la mise en place d’un objectif de couverture des coûts que les services qu’elles fournissent sont
de nature contestable, dans le sens où ils pourraient dans une certaine mesure être fournis par le
secteur privé. Un objectif de couverture seulement partielle des coûts peut s’expliquer au contra­ire
par une absence de contestabilité du service fourni par la banque centrale (par exemple, parce que
les paiements en monnaie de banque centrale ne peuvent être effectuées que dans des RTGS opéré
par la banque centrale), ou par une crainte qu’une politique de couverture totale ne conduise à une
tarification décourageant l’usage du RTGS pour des systèmes de paiement plus risqués.

Cet objectif est dans certains cas une obligation légale. Aux États-Unis, le Monetary Control Act
de 1980 1 impose à la Réserve fédérale un objectif général de long terme de couverture de ses coûts
…/…
1 https://www.federalreserve.gov/paymentsystems/pfs_pricingpol.htm.

368 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


L’économie des infra­­structures des marchés financiers Chapitre 19


directs et indirects. L’objectif poursuivi par le Congrès était à la fois de stimuler la concurrence (notion
de fair competition), afin que les services soient fournis au plus bas coût possible pour la société, et
de faire en sorte que ces services soient fournis à un niveau adéquat (rôle du prix comme signal dans
un objectif d’efficience allocative). Ce principe est inter­prété de manière contra­ignante par la Fed, qui
se donne un objectif de couverture totale des coûts (de production, d’investissement, d’opérations
– maintenance et exploitation –, et un facteur d’ajustement par rapport aux coûts qui auraient été
supportés par le secteur privé 2) par ligne de service.

Dans l’Eurosystème, l’article 2 des statuts du SEBC et de la BCE dispose que le SEBC « agit conformément
au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, en favorisant une alloca-
tion efficace des ressources », ce qui suggère que la tarification des services qu’il fournit doit tendre le
plus souvent possible vers un objectif de couverture des coûts lorsqu’une subvention est susceptible
d’entraver la concurrence du secteur privé. L’objectif affiché pour TARGET2 est celui d’une couverture
des coûts importante 3 afin d’éviter une concurrence déloyale avec les systèmes de paiement privés.

La couverture de ses coûts pour TARGET2 n’a pas pour autant vocation à être totale du fait de la prise
en compte d’un public good factor correspondant aux externalités positives générées par son usage,
notamment en termes de réduction de risque systémique. Ce public good factor s’inter­prète et se
mesure comme la subvention qui serait nécessaire pour que le secteur privé « inter­nalise » les coûts liés
à la prise en compte des risques systémiques dans la manière dont il opère le système de paiement 4.
Au terme de plusieurs études économiques menées préalablement au lancement de TARGET2, ce
public good factor a été estimé à 20 % des coûts totaux. En effet, outre les services de règlement des
paiements de montant élevé pour les trans­actions s’y effectuant directement, TARGET2 fournit aussi :

•  des services de tenue de comptes de réserve pour le règlement final en monnaie de banque centrale
des positions nettes des trans­actions effectuées dans d’autres FMI (au cœur des activités de banque
centrale et ne pouvant par nature être fournis que par elle) ;

•  des facilités de crédit intra­journalier, constituant une extension des pratiques de crédit overnight,
activité de banque centrale par nature non contestable) ;

•  des services de trans­fert de fond pour les comptes de réserve des banques commerciales.

Compte tenu de l’ensemble de ces fonctions additionnelles au seul règlement, imposer un objectif de
couverture totale des coûts pourrait conduire à pratiquer une tarification dissuasive par rapport aux
systèmes privés qui ne jouent pas les mêmes rôles et n’ont pas les mêmes contra­intes, ce qui pourrait ne
pas être socialement optimal. En pratique, dans l’évaluation du public good factor, le coût de production
des prestations assimilables à des prestations commerciales s’établit toutefois plus facilement que pour
les dimensions relatives aux externalités liées au renforcement de la sécurité globale de l’économie.

Pour T2S en revanche, l’objectif est celui d’une couverture totale des coûts, sans que l’opération de la
plateforme ne poursuive un but lucratif. Cet objectif a notamment été choisi pour des raisons d’ordre
concurrentiel, dans la mesure où il s’agissait d’« inter­naliser » des activités (exploitation de la plate‑
forme technique fournissant le service de règlement livraison) auparavant du ressort des CSD, donc
prima facie en partie contestable 5.

2 Défini comme « an allowance for the taxes that would have been paid and the return on capital that would have been provided had the Federal Reserve’s
priced services been furnished by a private-sector firm ».
3 https://www.ecb.europa.eu/paym/target/target2/profuse/fees/shared/pdf/TARGET2_Pricing_Guide_v6.0.pdf, p4.
4 Pour plus de détails, voir : Holthausen C. et Rochet J.-C.,« Incorporating a « public good factor » into pricing of large-value payment systems », European
Central Bank Working Paper, July 2005.
5 En partie car quel que soit le modèle, la banque centrale demeure le seul acteur à pouvoir fournir un service de paiement de gros en monnaie banque centrale.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 369


CHAPITRE 20

Rôle et apport de l’innovation


pour les moyens de paiement
et les infra­structures de marché
Mis à jour le 17 décembre 2018
Chapitre 20 Rôle et apport de l’innovation
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

L’
innovation technique est constitutive Ce développement des traitements en
des infra­­structures de marché et de temps réel a été particulièrement spec-
la plupart des moyens de paiement taculaire pour les systèmes de paiement,
scripturaux, qui sont la résultante d’inno- qui ont évolué de systèmes de paiement à
vations technologiques, pour répondre règlement net en temps différé (deferred net
aux exigences du marché en matière settlement ou DNS) vers des systèmes en
de fiabilité des trans­­actions, de rapidité règlement brut en temps réel : les real time
de l’exécution et de diversification des gross settlement ou RTGS (cf. chapitres 6 et
services offerts. 7). Le même phénomène se retrouve pour
les systèmes de règlement-livraison, qui ont
Les années soixante à quatre-vingt, évolué d’une session unique de règlement
trois décennies de progrès exponentiels de par jour au règlement en temps réel.
l’informatique, constituent un bon exemple
de l’innovation technologique financière, Développés au cours des années
spécifiquement dans le domaine des infra­­ quatre‑vingt‑dix dans les pays du G10, les
structures de marché. Jusqu’alors, ces systèmes RTGS présentent l’avantage
dernières jouaient un rôle de centralisation de conférer aux paiements une finalité
physique des documents matérialisant des immédiate, éliminant ainsi le risque de
trans­­actions, pour assurer, dans la mesure règlement. Ils étaient jusqu’à présent
du possible, la compensation (établisse- réservés aux paiements urgents et de
ment de soldes nets à partir de trans­­actions montants élevés. Cependant, la maturité des
brutes) et les échanges de documents technologies permet désormais de diffuser le
physiques nécessaires à la finalisation des règlement en temps réel également dans la
trans­­actions. Ainsi, un titre, sous sa forme sphère du paiement de détail, à faible coût :
papier, était trans­­mis physiquement de son c’est l’instantanéité, qui prend la forme du
vendeur à son acheteur, pour preuve de virement instantané, dont le scheme de
propriété. La puissance des ordinateurs et le l’EPC, en vigueur depuis novembre 2017,
développement concomitant des technolo- et le service de paiement instantané TIPS,
gies de l’information ont alors accompagné opérationnel depuis novembre 2018, sont
le remplacement de la détention physique des illustrations (cf. chapitre 2, section 3 et
des titres sous la forme de certificats chapitre 7, section 6).
papiers par des enregistrements informa-
tiques. Cette dématérialisation a permis Dans un autre domaine, les instruments de
l’évolution des infra­­structures de marché paiement scripturaux actuellement les plus
vers les modes de fonctionnement que utilisés (cartes de paiement, virements et
nous connaissons aujourd’hui. prélèvements) reposent sur des fonctionnalités
électroniques qui ont fait l’objet d’une évolution
Ainsi, bien que les infra­­structures existent continue au cours des dernières décennies,
depuis le début des années cinquante, les depuis le développement de la fonctionnalité
évolutions technologiques ont permis des de la carte à puce avec code PIN jusqu’au
progrès considérables dans les processus développement des capacités de traitement
de traitement des trans­­actions. Elles ont des virements instantanés y compris dans
par exemple permis de passer aux traite- la sphère de la banque de détail, en passant
ments dits de « temps réel », ce qui au par l’utilisation de l’intelligence artificielle en
début des années quatre-vingt-dix était matière de scoring. Les moyens de paiement
encore difficilement concevable dans cette fiduciaires ont également évolué sous l’effet
industrie. Ainsi, grâce aux traitements infor- d’innovations les plus abouties, notamment
matisés, les infra­­structures de marché ont dans une perspective de lutte contre la contre-
pu accélérer, amplifier et systématiser leurs façon. Les billets de banque, par exemple, 1 Norman P., Plumbers
services traditionnels de centralisation et sont conçus à l’aide de techniques anti­­- and Visionaries,
Securities Settlement
y adjoindre de nouveaux services de trai- contrefaçon très sophistiquées, notamment and Europe’s Financial
tement post-marché 1. l’utilisation de filigranes et d’hologrammes. Market, Wiley, 2007

372 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Rôle et apport de l’innovation Chapitre 20
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

En l’espace de quelques décennies, les La première d’entre elles concerne essen-


infra­­structures de marché et moyens de tiellement la relation client. Elle s’illustre
paiement ont donc connu de profondes notamment par la mise à disposition d’appli-
trans­­formations, associant au respect cations mobiles ou de sites web proposant
d’exigences fortes en matière de gestion des inter­­faces enrichies de consultation
des risques une performance informatique de comptes et de gestion des paiements,
exponentielle. Dans ce chapitre, il s’agit permettant par exemple d’agréger les infor-
d’analyser les initiatives récentes dans le mations issues de différentes banques, de
domaine, avec le dynamisme insufflé par gérer auto­­matiquement le rééquilibrage
la vague actuelle de nouvelles technologies de fonds entre les comptes de façon
(blockchain, big data) et l’arrivée de auto­­matisée, voire de proposer à l’utilisa-
nouveaux acteurs. Dans ce contexte, et sur teur des services à valeur ajoutée fondés
des marchés en perpétuelle évolution, les sur l’analyse du fonctionnement de ses
banques centrales jouent un rôle important, comptes : changement d’offre bancaire ou
en matière de stabilité du système financier, de moyens de paiement, souscription de
de sécurité et d’efficacité des moyens de découvert ou de crédit par anti­­cipation de
paiement et des infra­­structures de marché. dépenses à venir…

Cette catégorie d’acteurs couvre notamment


1. Moyens de paiement les agrégateurs d’information sur les
et innovation comptes, relevant du cadre de la presta-
tion de services de paiement au sens de la
Le développement de l’innovation dans 2e directive européenne sur les services de
les moyens de paiement résulte de deux paiement (DSP 2 : voir chapitre 3).
phénomènes concomitants :
Une deuxième catégorie de fintechs se
• d’une part, l’arrivée dans le domaine des focalise sur le développement, en appui
paiements d’acteurs issus de la sphère au système bancaire et sans le remettre
technologique, qu’ils soient de petite taille en cause, de solutions visant à faciliter
(de type « start-up ») ou des géants de les échanges en apportant des services
l’inter­­net (GAFA, grands opérateurs de complément aires. Ces innovations
télé­­phonie…), souhaitant s’affirmer en tant concernent notamment de nouveaux modes
que porteurs d’innovation, communément d’initiation des paiements, par exemple par
désignés sous le terme « fintech » (contra­­ télé­­phone mobile ou sur inter­­net, à l’instar
ction de « finance » et « technologie ») ; des solutions Paylib, Apple Pay ou Paypal,
qui ne constituent pas en soi de nouveaux
• d’autre part, l’émergence de technologies moyens de paiements, mais une façon
innovantes, dans un cadre qui dépasse innovante d’initier des paiements sur la base
éventuellement celui de la sphère d’instruments existants (carte, virement,
financière, et dont les perspectives monnaie électronique…). En fonction de
d’application au domaine des paiements leur nature, les services proposés par ces
peuvent apparaitre prometteuses. C’est fintechs peuvent relever soit du cadre règle-
notamment le cas de la blockchain, ainsi mentaire de la prestation de services de
que des technologies associant big data paiement au sens de la DSP2, qui soumet
et intelligence artificielle. la fintech à un agrément par l’ACPR (voir
chapitre 3), soit au contra­­ire de la fourniture
1.1. Les fintechs dans le domaine des de services techniques auprès de presta-
services de paiement taires de services de paiement agréés tels
que les banques.
Dans le domaine des services de paiement,
le terme de fintech recouvre à ce jour trois Enfin, une troisième catégorie de fintechs,
grandes catégories d’activités. parfois qualifiées de « néobanques »,

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 373


Chapitre 20 Rôle et apport de l’innovation
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

propose des offres de services de tenue numériques (chat, forum….). Souvent


de compte et de fourniture de services désignés par abus de langage sous le
de paiement concurrentes à celles des terme « monnaies virtuelles » ou « crypto-
banques traditionnelles, en s’appuyant monnaies » 2, ces actifs ne remplissent pas
sur des arguments différenciateurs : ou que très partiellement les trois fonctions
moindre coût du service, risques limités par dévolues à la monnaie (unité de compte,
l’absence de découvert auto­­risé et la mise inter­­médiaire des échanges, réserve de
à disposition d’instruments de paiement valeur), ne sont pas reconnus juridiquement
à auto­­risation systématique (qui ne sont comme monnaie légale, ni comme moyen
utilisables qu’après vérification du solde de paiement et n’offrent à leurs détenteurs
en compte), inter­­face numérique conçue aucune garanti­­e de sécurité, de convertibi-
pour une gestion depuis une application lité et de valeur. C’est la raison pour laquelle
mobile, facilité d’accès ou d’utilisation... il est préférable de les désigner sous le
Ces activités étant encadrées par la règle- terme de crypto-actifs.
mentation européenne (voir chapitre 2), les
acteurs qui fournissent ce type de pres- 1.2.1. Les crypto-actifs sont
tation doivent être agréés soit en qualité hautement spéculatifs
d’établissement de paiement, soit en qualité
d’établissement de monnaie électronique. La convertibilité des crypto-actifs dans diffé-
rentes monnaies n’est garanti­­e par aucun
1.2. L’émergence des crypto actifs organisme centralisé. Ainsi, les investisseurs
ne peuvent récupérer leurs fonds en devises
Les crypto-actifs tels que le bitcoin ou que si d’autres utilisateurs désirent acquérir
l’ether sont nés au début des années 2010, les mêmes crypto-actifs. De ce fait, le cours
dans le sillage du développement à d’un crypto-actif peut à tout moment s’ef-
l’échelle mondiale de communautés dites fondrer si les investisseurs voulant dénouer
« virtuelles », c’est-à-dire rassemblant des leurs positions ne trouvent pas d’acquéreurs
inter­­nautes au moyen d’outils d’inter­­action et se retrouvent détenteurs d’actifs illiquides. 2 Voir chapitre 1

Encadré n° 1 : Les crypto-actifs : l’exemple du bitcoin

Le crypto-actif bitcoin est un actif virtuel stocké sur un support électronique permettant à une commu-
nauté d’utilisateurs l’acceptant en paiement de réaliser des trans­actions sans avoir à recourir à la
monnaie légale.

Le bitcoin est créé au sein d’une communauté d’inter­nautes, également appelés « mineurs », qui ont
installé sur leurs unités informatiques connectées à inter­net un logiciel libre. Celui-ci va créer, selon un
algorithme, les bitcoins qui sont ensuite alloués à chaque mineur en récompense de sa participation
au fonctionnement du système.

Une fois créés, les bitcoins sont stockés dans un coffre-fort électronique enregistré sur l’ordinateur,
la tablette ou le portable de l’utilisateur, voire à distance (par exemple dans le cloud). Il est ensuite
possible de les trans­férer via inter­net et de façon anonyme entre les membres de la communauté.

Si le bitcoin constitue le crypto-actif le plus médiatisé et le plus valorisé, on recensait au début de 2018
plus de 1 300 actifs de ce type dans le monde. Outre le bitcoin, d’autres crypto-actifs tels que l’ether
ou le ripple, connaissent également un développement important. Leurs modalités de fonctionnement
reposent sur des concepts similaires à ceux du bitcoin.

374 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Rôle et apport de l’innovation Chapitre 20
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

Dans le cas particulier du bitcoin, le Graphique 1 – Le cours du bitcoin : comparaison avec le
processus d’émission d’unités, qui est cours du bulbe de tulipe
uniquement dépendant d’une puissance (échelle de gauche : prix du bulbe de tulipe ; échelle de droite : prix du bitcoin en dollar américain)

de calcul informatique, est plafonné 250 20


dans le temps. Cette limitation nourrit un
phénomène de pénurie qui, face à la forte 200 16
demande induite principalement pour le
150 12
motif de spéculation, entraîne de très fortes
fluctuations de cours. Le profil d’évolution
100 8
du prix du bitcoin n’est pas sans rappeler
celui du prix du bulbe de tulipe  3 entre 1634 50 4
et 1637, comme l’illustre le graphique 1.
0 0
1.2.2. L’encours des crypto-actifs reste 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32

limité au regard du stock de Prix du bulbe de tulipe


(échelle de gauche ; décembre 1634 à mai 1637)
monnaie en circulation
Prix du bitcoin
(échelle de droite ; d’août 2015 à février 2018)
L’encours des crypto-actifs en circulation Sources : Earl Thompson pour le prix du bulbe de tulipe, bitcoin.com pour le prix du bitcoin.
atteignait environ 220 milliards d’euros fin
décembre 2018, comprenant principale-
ment le bitcoin (35 %), l’ether (20 %) et au processus de création d’acquérir des
le ripple (10 %). Mais cette somme est à crypto-actifs, ou de convertir en monnaie
relativiser au regard du stock de monnaie ayant cours légal des crypto-actifs reçus en
en circulation. L’agrégat M1, qui corres- paiement. Dans le sillage de cette activité
pond à la somme des billets et pièces en de plateforme d’échange contre monnaie
circulation et des dépôts à vue des agents ayant cours légal, se multi­­plient également
non financiers, s’établissait fin 2017 à plus des prestations de services en matière de
de 7 500 milliards d’euros dans la zone conservation des crypto-actifs, qui sont
euro et à près de 3 500 milliards de dollars assimilables à des activités de dépositaires. 3 L’engouement pour les
aux États-Unis. tulipes dans le courant
Liés à ces échanges, se développent des du XVIIe siècle, pour des
raisons à l’origine déco-
1.2.3. Les usages des crypto-actifs services en matière d’information financière ratives et artistiques, a
se diversifient et de fournitures de données, de conseil entrainé une augmen-
tation soudaine des
en investissement ou encore de trading. cours de l’oignon de
Les crypto-actifs suscitent un intérêt Ces activités favorisent la création d’ins- tulipe dans le nord des
Provinces-Unies (actuels
croissant en-dehors de leurs communautés truments d’investissement adossés aux
Pays-Bas), amplifiée par
initiales, c’est-à-dire auprès des utilisateurs crypto-actifs, comme la constitution de une spéculation crois-
et des commerçants n’ayant pas un rôle fonds ou la mise en place d’instruments sante. Au plus fort de
la bulle spéculative, en
opérationnel dans le réseau d’émission dérivés, à l’instar des initiatives du Chicago février 1637, la demande
et de gestion de ces actifs (n’étant pas Board Options Exchange ou du Chicago en provenance de toute
l’Europe a ainsi porté le
mineurs de crypto-actifs). Cela entraîne Mercanti­­le Exchange. cours de la promesse de
le développement de nombreux services, vente pour un bulbe du
qui se structurent en s’inspirant des L’activité de financement a également tiré tulipe à 15 fois le salaire
annuel d’un artisan
services existant dans la sphère finan- parti du développement des crypto-actifs spécialisé, ou l’équiva-
cière traditionnelle. avec les ICO, pour Inital Coin Offering. lent de 5 hectares de
terre. L’effondrement
Les ICO constituent à certains égards la brutal des cours, au
Ainsi, dans le domaine des infra­­structures de trans­­position en crypto-actifs du concept printemps 1637, ruina
marché, des plateformes d’échange permet- de financement participatif (crowdfunding) : un grand nombre d’in-
vestisseurs et ébranla
tant l’achat et la vente de crypto-actifs dans ce type de montage, les inter­­nautes l’économie néerlandaise.
contre de la monnaie (EUR, USD, etc..) qui contribuent à un projet par l’apport de C’est aujourd’hui consi-
déré comme une des
ont été créées. Ces plateformes permettent fonds (en crypto-actifs ou en monnaies) premières bulles spécu-
ainsi à des utilisateurs n’ayant pas participé reçoivent en contrepartie des actifs digitaux latives de l’histoire.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 375


Chapitre 20 Rôle et apport de l’innovation
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

(ou tokens). En pratique, ces tokens repré- La conservation des crypto-actifs est sujette
sentent une forme d’intérêt économique à des cyber­­-risques importants et n’offre
dans le projet. Ils offrent à leurs déten- aucune protection en matière de sécurité de
teurs certains droits, comme celui d’utiliser ces avoirs.
en primeur la plateforme ou l’application
financée (comme dans le financement Il existe des risques avérés de piratage des
participatif classique), ou de recevoir une portefeuilles électroniques qui permettent le
partie des bénéfices générés par l’entre- stockage des crypto-actifs. Dans ce contexte,
prise ou exercer un droit de vote (comme les détenteurs n’ont aucun recours en cas
des actions). La gestion des tokens émis de vol de leurs avoirs par des pirates infor-
lors des ICO est elle-même assurée au matiques. Les épisodes répétés de fraudes
travers de la blockchain utilisée pour l’ICO, importantes (piratage de Coincheck en
elle repose sur des mécanismes d’échange janvier 2018 pour 534 millions de dollars ;
en tous points similaires à ceux des cryp- faillite retentissante en 2015 de MtGox, qui
to-actifs. Ils s’apparentent ainsi à une forme était à l’époque la première plate-forme
supplémentaire de crypto-actifs, enrichis mondiale d’échange de bitcoins 4), illustrent la
de droits spécifiques (droit d’accès privi- vulnérabilité de l’écosystème des crypto-actifs
légié au projet financé, droit de vote, etc.). et le niveau élevé des risques associés, en
Les limites et les risques des crypto-actifs l’absence de mécanismes de garanti­­e.
décrits dans ce chapitre s’appliquent aussi
aux modalités d’échange et de conservation L’usage des crypto-actifs est également
de ces tokens. associé à un coût environnemental.

1.2.4. Les crypto-actifs sont vecteurs Les activités informatiques de validation des


de blanchiment d’argent trans­­actions en crypto-actifs ont également
et de financement du terrorisme, un impact environnemental considérable lié
de risques de cyber-attaques, aux ressources énergétiques mobilisées :
tout en ayant un coût pour la validation d’une seule opération
environnemental en bitcoin, la consommation d’électri-
cité était estimée en décembre 2017 à
Par leur caractère anonyme, les crypto-actifs 215 kWh, soit l’équivalent de six mois de
favorisent le financement du terrorisme et travail sur un ordinateur allumé jour et nuit.
d’activités criminelles ainsi que le Cette consommation énergétique fait l’objet
contournement des règles relatives à la lutte d’une réévaluation constante, à la hausse,
anti­­-blanchiment des  capitaux. en raison de la concurrence accrue associée
à l’élargissement du réseau de validation
L’anonymat qui caractérise les mécanismes (minage) des opérations. Il est toutefois à
d’émission et de trans­­fert de la plupart noter que certains crypto-actifs s’appuient
des crypto-actifs favorise avant tout un sur des procédures moins énergivores, en
risque d’utilisation de ces actifs à des fins fonction des schémas d’émission et de
criminelles (vente sur inter­­net de biens ou validation des trans­­actions mis en œuvre.
services illicites, paiement de rançon…) ou à
des fins de blanchiment ou de financement 1.2.5. Pour maîtriser les risques
du terrorisme. identifiés, les auto­­rités publiques
explorent des pistes de
En France, l’organisme Tracfin (Traitement règlementation adaptées aux
du Renseignement et Action contre les crypto-actifs
Circuits FINanciers clandestins) identifie 4 À la suite d‘une fraude
inter­ne ayant entraîné
l’utilisation de crypto-actifs, notamment le Une réglementation des activités liées aux le détournement de
bitcoin, comme étant à l’origine d’un risque crypto-actifs est souhaitable pour quatre 650 000  bitcoins pour
une contrevaleur d’en-
spécifique en matière de blanchiment des motifs principaux : la lutte contre le blan- viron 360 millions de
capitaux et de financement du terrorisme. chiment des capitaux et le financement du dollars américains.

376 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Rôle et apport de l’innovation Chapitre 20
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

terrorisme – qui apparait hautement prio- une priorité, de soumettre le prestataire


ritaire –, la protection des investisseurs, la à des règles portant notamment sur la
préservation de l’intégrité des marchés, y sécurité des opérations et sur la protection
compris face au cyber-risque, et enfin, en de la clientèle. Ce statut pourrait également
cas de poursuite de l’essor de ces activités, couvrir les services concernant les trans­
les préoccupations de stabilité financière. actions entre crypto-actifs.

Au niveau national, la Banque de France et L’encadrement réglementaire des prestataires


l’Auto­­rité de contrôle prudentiel et de de service en crypto-actifs pourrait être
résolution (ACPR) encadrent en partie les complété d’une limitation de la possibilité
prestations de service associées aux pour certaines entreprises régulées
crypto-actifs dans l’exercice de leur mission (banques, assurances, sociétés de gestion…)
relative aux prestataires de services de d’inter­­venir sur ces crypto-actifs.
paiement, et envisagent d’étendre cet
encadrement aux différents types de plates- Il s’agirait d’abord d’inter­­dire les activités
formes d’inter­­médiation en crypto-actifs. de dépôts et prêts en crypto-actifs. En ce
qui concerne les produits d’épargne, on
L’activité des plates-formes de conversion doit se poser la question de l’inter­­diction de
contre monnaie ayant cours légal, qui jouent toute commercialisation dans des véhicules
le rôle d’inter­­médiaire entre acheteur et collectifs à destination du grand public, pour
vendeur, est considérée comme un service réserver ces véhicules aux investisseurs les
de paiement nécessitant un agrément plus avertis. Ces produits devraient par ailleurs
de prestataire de service de paiement. être assujettis à des règles strictes de protec-
Toutefois, cette exigence découle des tion de la clientèle. Enfin, pour les placements
règles de la gestion pour compte de tiers de pour compte propre des entités régulées,
comptes tenus et libellés dans une monnaie à défaut d’une inter­­diction complète des
ayant cours légal, et non de la prestation placements en crypto-actifs, un strict enca-
associée aux crypto-actifs. drement de ces placements, par exemple en
déduisant la totalité de ces investissements
Au-delà de cette approche, la Banque de des fonds propres, devrait être envisagé.
France et l’ACPR préconisent un élargis- Ces dispositions supposent une évolution
sement de l’encadrement réglementaire des textes législatifs nationaux ou européens.
applicable aux prestations associées aux
crypto-actifs, par la mise en place d’un statut Afin d’assurer une meilleure efficacité de la
de prestataire de services en crypto-actifs. réglementation, il apparait souhaitable de
Cette évolution réglementaire pourrait s’ins- développer une coordination européenne et
crire dans le prolongement de la révision de inter­­nationale.
la IVème directive de lutte contre le blan-
chiment des capitaux et le financement du Compte tenu du caractère dématérialisé
terrorisme en cours d’adoption par l’Union des crypto-actifs et de l’utilisation de
européenne (dite « Ve directive LCB-FT »). technologies liées au monde de l’internet qui
Cette directive prévoit en effet d’assujettir à facilitent la fourniture de services de façon
cette réglementation les acteurs proposant trans­­frontalière, l’hétérogénéité des règle-
i) des services d’échange de crypto-actifs mentations nationales pourrait empêcher
contre de la monnaie ayant cours légal et une pleine maîtrise des risques induits 5.
ii) la conservation pour le compte de leurs
clients des clés cryptographiques privées C’est dans cette perspective que, le
permettant de détenir, stocker ou trans­­férer 7 février 2018, les ministres de l’économie
les crypto-actifs. Un statut de prestataire et des finances et les banquiers centraux 5 
h ttps://www.banque-
de services en crypto-actifs permettrait, français et allemands ont saisi le G20. france.fr/intervention/
conference-de-la-banque-
au-delà de la lutte contre le blanchiment et La réunion à Buenos Aires des ministres de-france-liae-de-rouen-
le financement du terrorisme qui constitue et des gouverneurs du G20 en mars 2018 le-31-octobre-2018

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 377


Chapitre 20 Rôle et apport de l’innovation
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

a ainsi permis d’impulser à l’échelle inter­­ voir chapitre 3) citent notamment les critères
nationale la volonté commune d’une réflexion suivants à des fins d’analyse de risque 7 :
approfondie en la matière, actée dans le
communiqué officiel de ce sommet 6. • l’identification d’un comportement ou
d’une dépense anormale ;
1.3. Les technologies de big data et
d’intelligence artificielle • la détection d’informations inhabituelles
concernant l’appareil ou le logiciel utilisé ;
Le développement de technologies
d’analyse de données en temps réel • l’identification d’un virus lors d’une
constitue un levier d’innovation clé dans session qui a nécessité une authenti-
le secteur des paiements, lequel convoie fication client ;
par définition des quanti­­tés importantes de
flux sur une base permanente et continue. • l’identification d’un scénario de fraude ;
6 « We acknowledge that
technological innovation,
Le principal cas d’application de ces • une localisation anormale ou à haut including that under-
technologies aux services de paiement porte risque du titulaire. lying crypto-assets, has
the potential to improve
sur l’identification des trans­­actions à risque, the efficiency and inclu-
à des fins de lutte contre la fraude, le Au-delà de l’analyse unitaire des flux, siveness of the financial
system and the economy
financement du terrorisme et le blanchiment les établissements teneurs de compte more broadly. Crypto-
des capitaux, en recourant à des techniques peuvent utiliser des informations concer- assets do, however, raise
de profilage des trans­­actions et/ou des nant les flux observés (taux de rejet pour issues with respect to
consumer and investor
utilisateurs et à la capacité à traiter les prélèvements, destinations ou béné- protection, market inte-
simultanément les données de l’ensemble ficiaires inhabituels pour les virements...) grity, tax evasion, money
laundering and terrorist
des trans­­actions en cours. sur l’ensemble de leurs clients. En plus financing. Crypto-assets
de faciliter la détection des tentatives de lack the key attributes of
En complément des solutions d’authenti- fraudes, ce croisement d’informations sovereign currencies. At
some point they could
fication forte déployées par les émetteurs permet aux établissements de prévenir si have financial stabi-
d’instruments de paiement (voir chapitre 3), nécessaire certains clients de la survenance lity implications. We
commit to implement
les techniques d’évaluation du niveau d’opérations identifiées comme probable- the FATF standards as
de risque des trans­­actions, ou scoring, ment suspectes. they apply to crypto-as-
sets, look forward to the
consistent à associer une cotation à une FATF review of those
opération pour déterminer si celle-ci doit Les paramètres des outils permettent standards, and call on
être bloquée, temporisée ou exécutée. d’affiner les règles en modifiant l’influence the FATF to advance
global implementation.
Les outils de scoring s’appuient généra- des données mises en œuvre. Une fois les We call on inter­national
lement sur des règles créées à partir des règles de scoring en place, le système peut standard-setting bodies
(SSBs) to continue their
scénarios de fraude connus. Par exemple, déterminer, à partir de la « note calculée », monitoring of cr yp-
dans le cadre du virement, les règles s’il est nécessaire de mettre en œuvre un to-assets and their
peuvent prendre en compte les données niveau d’authentification supplémentaire risks, according to their
mandates, and assess
du virement (type de compte à débiter, ou d’alerter le titulaire du compte pour une multi­lateral responses
montant, nouveau compte à créditer ou validation complémentaire, au moyen par as needed. »
non…), le profil du titulaire de compte et exemple d’un contre-appel. 7 Ces données sont égale-
les données recueillies par l’établissement ment répertoriées dans
le dispositif d’auto­
sur les habitudes du titulaire de compte Ces technologies sont également utilisées à risation unique défini en
(utilisation fréquente ou non du canal de des fins d’assistance personnelle ou France par la CNIL pour
encadrer les traitements
communication utilisé, montant des précé- commerciale, en vue d’identifier de façon de données ayant pour
dents virements, intensité d’utilisation du avancée les besoins des utilisateurs ou finalité la lutte contre la
moyen de paiement...). des clients. fraude externe dans le
secteur bancaire et finan-
cier : https://www.cnil.
Les normes techniques réglementaires Un autre cas d’utilisation en fort développe- fr/fr/declaration/au-054-
lutte-contre-la-fraude-
associées à la 2e directive européenne ment est la commercialisation d’applications externe-dans-le-secteur-
sur les services de paiement (DSP 2 ; de conseil à valeur ajoutée en matière de bancaire-et-financier.

378 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Rôle et apport de l’innovation Chapitre 20
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

tenue de compte. Celles-ci sont générale- ce stade faute de mise en œuvre à grande
ment associées à des services d’agrégation échelle. Cet état trans­­itoire ne permet que
d’information sur les comptes et d’initia- difficilement de mesurer les changements
tion de paiement (voir supra), qui analysent qu’elle pourrait provoquer dans le monde
le comportement du client en vue de lui des infra­­structures des marchés financiers,
proposer les opérations de rééquilibrage mais mérite néanmoins qu’on s’y arrête.
et les offres bancaires (carte, découvert,
crédit, placement…) adaptées à son profil. Popularisée avec l’apparition du bitcoin
en 2009, la blockchain ou « chaîne de
De façon symétrique, du côté des commer- blocs », est une technologie de stockage
çants, des solutions similaires permettent et de trans­­mission d’informations, née de
d’analyser le comportement des clients la volonté de révolutionner le monde des
en vue de proposer des optimisations de paiements, et de s’affranchir du rôle des
parcours (par exemple, par la présélection tiers de confiance centralisés. D’inspiration
d’un mode de paiement en fonction du libertaire, elle introduit une organisation dans
panier), ou d’améliorer la qualité du ciblage laquelle l’émission des supports d’échange
lors de compagnes d’offres promotion- et la gestion des trans­­actions sont effec-
nelles ou dans le cadre de programmes tuées sans l’inter­­vention d’un inter­­médiaire
de fidélisation. (bancaire ou notarial par exemple) mais
directement par le réseau des utilisateurs.
Le contenu de la blockchain est ainsi diffusé
2. Les nouvelles technologies, en temps réel à l’ensemble des membres du
source de trans­­formation réseau, qualifié alors de « registre distribué »
potentielle des infra­­structures ou « distributed ledger » (d’où l’acronyme
de marché DLT pour distributed ledger technology).

L’activité des infra­­structures de marché Les applications possibles de la blockchain


comporte, par nature, une forte dimension sont nombreuses et loin de se cantonner
de collecte de données et constitue donc au secteur bancaire/financier : auto­­
un terrain d’expression privilégié des matisation des assurances, enregistrement
nouvelles technologies. des diplômes, sécurisation des cadastres,
suivi des droits de propriété sur les œuvres
Au-delà des mises en œuvre déjà éprouvées d’art, etc.
et largement répandues, de nouvelles
trans­­formations des infra­­structures de Si le secteur financier s’est intéressé tôt à
marché sont attendues de la déclinaison de cette technologie des registres distribués,
certaines innovations technologiques. C’est par des expérimentations, rares sont celles
le cas des progrès de l’analyse prédictive qui entrent toutefois en phase industrielle
et de l’intelligence artificielle, qui pourraient à ce stade.
aider à perfectionner encore les modèles
de risques mais aussi prévenir et détecter 2.1. Le fonctionnement de la
les tentatives de fraude, après avoir déjà blockchain : l’algorithme au cœur
contribué à optimiser le règlement dans de l’établissement de la confiance
les RTGS. entre les parties

La blockchain, parmi les innovations tech- La technologie blockchain repose sur un


nologiques récentes, suscite un intérêt logiciel open source, c’est-à-dire qu’il s’agit
spécifique et plus neuf. D’une part, les d’un programme informatique dont le code
activités des infra­­structures de marché source est distribué sous une licence libre
semblent un champ d’application particuliè- de droits permettant à quiconque de lire,
rement idoine de cette technologie ; d’autre modifier ou redistribuer en toute liberté et
part, elle n’a pu être réellement éprouvée à en toute légalité ce logiciel.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 379


Chapitre 20 Rôle et apport de l’innovation
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

Description du mécanisme de validation d’un nouveau bloc

Les transactions sont


transmises Les mineurs créent un bloc
aux mineurs

Nouveau bloc de
Transactions Mineurs données chiffrées
à valider
Les mineurs essaient de
vérifier l’authenticité du bloc
Décryptage du
nouveau bloc

Un mineur décrypte
le nouveau bloc
Fourniture de la
« preuve de
travail » du
nouveau bloc
Il envoie le résultat
de son minage
aux autres mineurs Mineurs Les mineurs confirment
l’authenticité du bloc

Les autres mineurs Nouveau bloc


Validation de validé et ajouté
comparent les résultats la preuve à la Blockchain
et vérifient la preuve
Le processus recommence

Source : Site inter­net de la Banque de France, https://abc-economie.banque-france.fr/mot-de-lactu/blockchain

Une blockchain est une chaine de blocs, chaque bloc soit lié au bloc précédent,
chaque bloc contenant des attributs relatifs permettant ainsi d’assurer l’immuabilité
à une ou plusieurs trans­­actions (expéditeur, de l’information pour tous les participants de
destinataire, montant) encryptés, c’est-à-dire la chaine. En outre, lorsqu’une trans­­action
sécurisés par des algorithmes informatiques. est validée, elle est envoyée à un réseau
Les processus de validation des nouveaux d’ordinateurs (ou « nœud » de stockage).
blocs afin de les ajouter à la chaîne peuvent Chaque « nœud » héberge une copie de
varier. Pour autant, celui utilisé par la la base de données dans lequel est inscrit
blockchain du bitcoin est particulièrement l’historique des trans­­actions effectuées.
représentatif : dans ce cas, pour ajouter un Toutes les parties prenantes peuvent y
nouveau bloc de trans­­actions à la chaîne des accéder simultanément. Cette décentra-
blocs précédents, il est nécessaire que ce lisation de la gestion de la sécurité vise à
nouveau bloc soit validé. Pour cela, certains permettre d’empêcher la falsification des
participants de la chaîne (les mineurs), trans­­actions. Ce caractère infalsifiable de
cherchent à résoudre un problème algorith- la blockchain semble toutefois à nuancer,
mique. Le premier qui parvient à sa résolution une prise de contrôle par une majorité
valide le nouveau bloc et l’ajoute à la chaîne. des valideurs des trans­­actions, qui se
Le mineur qui valide le nouveau bloc reçoit coordonneraient (attaque dite des 51 %),
en échange un certain montant de bitcoins restant possible. Il l’est d’autant plus
(voir également ci-dessus, section 1.2). que des mouvements de concentration
de mineurs s’observent, vers les lieux
Quel que soit le mécanisme de valida- géographiques où le coût de l’énergie
tion utilisé, ce dernier permet donc que électrique est le moins élevé.

380 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Rôle et apport de l’innovation Chapitre 20
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

2.2. La  blockchain, une réponse d’acteurs, et contrôlés par une auto­­rité
originale aux problématiques du centrale jouant le rôle de responsable de la
post-marché ? blockchain. Ainsi, au lieu de recourir à une
blockchain ouverte à tous et sans aucun
Les caractéristiques de décentralisation contrôle des acteurs qui y participent, les
et de registre sécurisé de la technologie initiatives en matière de marchés finan-
blockchain semblent en faire une techno- ciers s’appuient sur des blockchains qui ne
logie prometteuse pour les activités de sont pas accessibles à tous. Leur accès est
post marché. Ainsi, ses promoteurs consi- limité à certains acteurs qui doivent remplir
dèrent qu’elle devrait permettre d’organiser des critères prédéfinis pour y participer, en
autrement le fonctionnement des infra­­ termes de profil de risque, d’activité et de
structures de marché, notamment leur statut. Une telle organisation nécessite la
dimension centralisée – en partant du définition de ces critères et le contrôle de
postulat que cette technologie devrait leur respect, ce qui est assuré par une entité
permettre de s’affranchir d’un tiers de jouant ce rôle spécifique de « gardien de la
confiance central –, pour en réduire les blockchain ». Ceci illustre bien le rôle non
coûts de fonctionnement et en améliorer disruptif mais évolutif que cette technologie
encore l’efficacité. semble pouvoir jouer dans les activités de
post-marché et d’infra­­structures de marché,
Toutefois, les infra­­structures de marché puisque les rôles de chacun (participant,
sont d’ores et déjà, et depuis plusieurs entité centrale) ne sont pas modifiés dans
décennies, hautement rationalisées et ces cas-là.
efficaces : elles ont déjà largement bénéficié
de l’innovation technologique, depuis l’essor À cet égard, la technologie blockchain
de l’informatique. Elles s’appuient sur des présente en particulier un intérêt pour outiller
technologies certes plus traditionnelles, des pans de l’activité post-marché qui n’ont
mais face auxquelles il n’est pas établi que jusqu’à présent pas fait l’objet d’une auto­­
la technologie blockchain pourrait apporter matisation, et qui sont restés basés sur des
une plus-value notable. En particulier, la processus largement manuels.
possibilité de fonctionner de façon décentra-
lisée n’apparaît pas, après analyse, comme 2.4. L’émergence d’initiatives
étant une solution plus efficace, écono- en blockchain pour l’auto­­
mique et sécurisée que le fonctionnement matisation du post-marché
actuel, centralisé et sophistiqué. En outre,
la gestion décentralisée d’activités de traite- Le législateur français accompagne ce
ment des trans­­actions financières soulève mouvement. C’est dans cet esprit qu’a
de nombreuses questions liées à la respon- été adoptée le 8 décembre 2017 une ordon-
sabilité des différents acteurs inter­­venant nance relative à l’utilisation d’un dispositif
dans ce processus de traitement. d’enregistrement électronique partagé
pour la représentation et la trans­­mission de
2.3. Blockchain publique vs. titres financiers  8. Elle permet, à la suite de
blockchain privée la loi dite « Sapin II » du 9 décembre 2016,
d’inscrire l’émission ou la cession de titres
La diffusion de la technologie blockchain financiers dans une blockchain.
au-delà du cas d’usage d’origine du bitcoin
a entrainé une modification substanti­­elle D’ores et déjà, des initiatives ont émergé
de ses principes fondateurs. La dispari- qui proposent toutes une simplification et
tion du tiers de confiance (entité centrale une auto­­­matisation de certaines activités
neutre), l’anonymat, ou le caractère ouvert de post-marché. C’est notamment le cas du
de la chaine ont ainsi laissé place à des segment des titres de créances négociables 8 https://www.legifrance.
g o uv. f r / a ffi ch Tex t e .
systèmes dits de blockchain fermée ou (commercial paper), actuellement traité d o ? c i d Tex t e = JO R F-
privée, réservés à un nombre limité de gré à gré, avec des processus manuels TEXT000036171908

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 381


Chapitre 20 Rôle et apport de l’innovation
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

Encadré n° 2 : Opportunités et limites des smart contra­cts

Les smart contra­cts sont des contra­ts dont certaines clauses peuvent s’exécuter auto­matiquement
en cas de survenance de certains évènements prédéfinis. Ils se développent notamment dans les
domaines de l’assurance, avec par exemple l’indemnisation des voyageurs en cas de retard d’avion.
Ces contra­ts d’assurance sont enregistrés dans une blockchain et reliés aux bases de données du trafic
aérien, déclenchant auto­matiquement l’indemnisation des passagers en cas de retard de leur vol.

S’agissant des activités de post-marché, les smart contra­cts pourraient avoir une utilité particulière
pour l’exécution, actuellement peu auto­matisée, des opérations sur titres (OST). Par exemple, une
fintech propose, à l’appui de la technologie blockchain, des smart contra­cts qui ont été programmés
pour exécuter une cinquantaine d’OST types. Il n’en reste pas moins que cette auto­matisation des
événements contractuels n’est pas réservée à la technologie blockchain et pourrait être effectuée avec
d’autres technologies informatiques.

À ce stade, les smart contra­cts n’ont pas encore été testés pour la contra­ctualisation d’opérations plus
complexes du domaine du post-marché, comme la gestion des flux relatifs au collatéral ou aux appels
de marge. Les apports de ces modalités d’auto­matisation restent donc à démonter.

de réconciliation au sein des back-offices aspect la technologie blockchain – de par sa


des différentes parties prenantes à une fonctionnalité initiale de registre – semble
trans­­­action, avant de pouvoir effectuer le pouvoir apporter des réponses particuliè-
règlement-livraison. Une initiative en cours rement pertinentes.
vise à développer une plateforme de négo-
ciation et un service de règlement-livraison D’autres encore s’attachent à l’activité
de ces commercial papers permettant d’émission et de circulation des parts
d’auto­­­matiser et de fluidifier l’ensemble de fonds, qui reste à l’heure actuelle
de la vie de ces titres, depuis leur émission fortement manuelle, en particulier quand
jusqu’à leur règlement-livraison, en passant elle est réalisée en dehors des circuits des
par leur négociation. Elle s’appuie en partie CSD. Sur ce dernier segment, l’enjeu de la
sur la technologie blockchain, et sur la plate- meilleure connaissance de l’identité des
forme T2S pour la partie règlement-livraison. investisseurs par les sociétés de gestion
des fonds est également très important,
C’est aussi la démarche empruntée par une et ici aussi la technologie blockchain peut
autre initiative visant à améliorer l’accès être une réponse adéquate.
au financement de certains acteurs, par
exemple en favorisant l’accès des PME aux 2.5. Une technologie encore au
marchés de capitaux en s’appuyant sur une banc d’essai
technologie blockchain. Pour cela, il s’agirait
de revisiter le processus de post-marché Malgré les initiatives actuellement en cours,
pour les PME, afin de le simplifier, en des inter­­rogations subsistent sur la capacité
offrant une infra­­structure plus légère qu’un de la technologie blockchain à être traduite
CSD, comprenant moins d’inter­­médiaires en projets concrets, pouvant être déployés
(notamment sans brokers et sans CCP, dont à grande échelle.
l’inter­­vention est peu pertinente pour les
PME, leurs titres ne bénéficiant que peu En premier lieu, la question des perfor-
du netting). L’objectif serait également de mances de la technologie et de sa capacité à
garanti­­r aux émetteurs une trans­­parence traiter de gros volumes n’a toujours pas reçu
sur leurs investisseurs/actionnaires, qui de réponse probante. C’est en effet dans
fait actuellement défaut. Sur ce dernier le cadre d’activités de niches ou dans des

382 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Rôle et apport de l’innovation Chapitre 20
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

environnements fermés, que la technologie recourant aux pseudonymes, et d’accès par


blockchain a jusqu’à présent été utilisée, tous aux trans­­actions effectuées. Ces carac-
sur des segments peu exigeants en termes téristiques se sont avérées peu adaptées
volumétriques. En fonction du caractère aux exigences des activités de post-marché,
public ou privé de la blockchain et de ses pour lesquelles les acteurs doivent être
modalités de validation des trans­­actions, connus et les trans­­actions confidentielles.
les questions relatives aux performances Seules les blockchains fermées peuvent
peuvent se poser de manière significative- permettre de répondre à ces besoins.
ment différente. Le bitcoin par exemple,
impose pour la validation des nouveaux Une autre difficulté actuelle de la blockchain
blocs la résolution d’algorithmes très réside dans sa capacité à respecter les
sophistiqués (afin de garanti­­r la sécurité impératifs en matière de standardisation
de la blockchain, dans un environnement et d’inter­­opérabilité. Le besoin de norma-
ouvert où les acteurs ne sont pas connus lisation et de standardisation est en effet
et ne se font pas confiance). Il impose pour particulièrement fort dès lors que les travaux
valider une trans­­action que les mineurs portent sur des cas d’usages complexes
effectuent des calculs très poussés qui par exemple reliant de multi­­ples acteurs,
requièrent la mise à disposition de puissance plusieurs systèmes de traitement des
de calcul très élevée, et donc de capacités trans­­actions et/ou intégrant la totalité d’un
informatiques importantes : ce protocole processus. Il est alors essentiel de le norma-
de validation est très consommateur de liser afin que l’ensemble des systèmes du
ressources énergétiques pour des perfor- processus puissent s’articuler entre eux,
mances limitées (cf. supra, section 1.2.4). quelle que soit la technologie utilisée (tradi-
À l’inverse, certaines blockchains ont opté tionnelle ou blockchain). Plusieurs démarches
pour une validation des trans­­actions direc- coexistent actuellement pour répondre à la
tement par les contreparties, sans diffusion première question, qui est celle de l’inter­­
des trans­­actions à l’ensemble du réseau opérabilité entre blockchains : i) imposer sa
et sans mécanisme de validation par la propre norme, avec l’ambition de devenir la
résolution d’algorithmes. Toutefois, une norme dans les domaines du post-marché ;
telle organisation impose de recourir à ii) recourir à un prestataire fournissant l’en-
des blockchains fermées ou privées, dans semble des services nécessaires à partir
lesquelles il y a un contrôle ex-ante des de la même technologie ; ou iii) ne pas se
participants auto­­risés à inter­­venir, selon des préoccuper de la normalisation, certaines
critères de participation prédéfinis. fintechs considérant en effet qu’il n’existe
pas de standard sur la technologie blockchain
De manière générale, moins le protocole à ce stade. On notera à cet égard que la
de validation des nouvelles trans­­actions question de l’harmonisation est un élément
est contra­­ignant en termes de calcul, plus clé pour les acteurs (y compris les auto­­rités)
il est facile d’augmenter la vitesse de leur du post-marché : comment faire en sorte que
traitement, il s’agit donc d’arbitrer entre la d’éventuels développements basés sur cette
sécurité des trans­­actions, le caractère ouvert technologie ne remettent pas en cause les
ou fermé de la blockchain, et le niveau élevé efforts déjà immenses consentis pour harmo-
de performance requis par des activités niser le domaine du post-marché en Europe.
comme celles du post-marché.
Au-delà, les thématiques liées à l’inter­­
Ensuite, la problématique de la confidentialité opérabilité entre les blockchains et les
des trans­­actions et de la gestion des accès technologies non blockchain ont été peu
des acteurs, donc de leur identification, n’est abordées par les expérimentations actuelles
résolue qu’en recourant, ici encore, à des qui sont souvent menées dans des envi-
blockchains fermées. La blockchain reposait ronnements fermés pour des raisons de
initialement sur des principes d’ouverture sécurité. Cette question pourrait cependant
totale au public, de participation anonyme ou ne pas représenter de défi majeur, dans

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 383


Chapitre 20 Rôle et apport de l’innovation
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

Encadré n°3 : Les monnaies digitales de banque centrale

La possibilité pour la banque centrale d’émettre elle-même cette nouvelle forme de monnaie est
parfois avancée, notamment en lien avec les réflexions conduites sur la notion de cashless society
(cf. chapitre 2). Il s’agirait d’une créance sur la banque centrale, qui circulerait par voie numérique et
constituerait un instrument différent des réserves dont disposent actuellement les banques commer-
ciales. L’idée renvoie à deux problématiques différentes selon que l’on se place dans la perspective
de paiement entre professionnels (ou « de gros ») ou dans la perspective de paiement de détail.

Dans le domaine des paiements de détail, l’enjeu principal soulevé par cette notion est celui d’une
mise à disposition du public d’un instrument de paiement dématérialisé qui soit une créance directe
sur la banque centrale, alors que les instruments de paiement dématérialisés classiques représentent
des créances sur les banques commerciales.

À ce stade, la majeure partie des pays développés considère que l’émission de ce type d’instrument ne
se justifie pas. Le secteur des paiements de détail ainsi que les infra­structures qui y sont associées sont
suffisamment efficients et sécurisés, les offres des prestataires de services de paiement répondent de
façon adéquate à la demande. En outre, le partage actuel des rôles entre banques centrales et banques
commerciales est à même de répondre aux défis posés par les évolutions des modes de paiement
(paiements instantanés par exemple). C’est la position actuelle de l’Eurosystème.

L’émission d’une monnaie digitale de banque centrale (central bank digital coin – CBDC) ne répond pas
nécessairement aux questions soulevées par l’éventuelle diminution de l’usage du cash et à la nécessité
de préserver la stabilité financière. Au contra­ire, les incertitudes sur ce qu’impliquerait l’émission de
ce type d’instrument sont importantes, notamment sur les rôles respectifs des banques centrales et
des banques commerciales dans l’économie, y compris en cas en cas de crise de confiance dans le
système bancaire (risque de bank run exacerbé).

Dans le secteur des paiements entre professionnels ou « de gros », l’émission d’une CBDC consisterait
en l’introduction d’un instrument qui soit similaire aux réserves, c’est-à-dire à une créance directe sur
la banque centrale, qui ne pourrait être détenue que par les acteurs actuellement auto­risés à participer
au système de paiement de montant de élevé  1. La différence tiendrait alors principalement à la tech-
nologie utilisée pour l’émission et la circulation de l’instrument. Ces réflexions sont liées à l’usage de
la technologie blockchain par le secteur privé, avec pour principal objectif de faciliter l’inter­opérabilité
de ces solutions avec de la monnaie de banque centrale qui circulerait elle aussi via cette technologie.

À ce stade toutefois, les expérimentations menées par les banques centrales sur les possibilités d’uti-
lisation des DLT pour les infra­structures qu’elles opèrent (systèmes de paiement de montant élevé et
plate-forme de règlement-livraison) ne sont pas concluantes (voir aussi 3.1.1 infra). Au mieux, elles
répondent simplement aux exigences fonctionnelles qui avaient été définies pour l’expérimentation.
Elles n’ont cependant pas démontré de bénéfices par rapport aux infra­structures existantes, qui
ont un caractère critique dans l’économie, comportent un degré de sophistication important et sont
technologiquement adaptées à la complexité de l’activité des infra­structures des marchés financiers.

1 Il s’agit des établissements de crédit et des entreprises d’investissement dans le cas de TARGET2.

la mesure où la blockchain repose sur décentralisées. À cet égard, on peut consi-


des outils techniques anciens et bien dérer que la blockchain constitue moins une
maitrisés par ailleurs comme les protocoles innovation technique, puisqu’elle repose
cryptographiques ou les infra­­structures majoritairement sur des technologies

384 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Rôle et apport de l’innovation Chapitre 20
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

existantes, qu’une innovation organisa- novembre 2018. L’expression « paiements


tionnelle, dans la mesure où la nouveauté instantanés », désigne l’ensemble des
réside surtout dans la façon d’utiliser ces paiements qui peuvent être effectués
outils existants pour créer un système 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, avec trans­­
distribué sécurisé. fert immédiat de la valeur, crédit au compte
du bénéficiaire et capacité de réutiliser les
fonds. Bien que des systèmes de paiement
3. Le rôle des banques centrales similaires existent déjà dans des pays tels
dans cet environnement que le Royaume-Uni (Faster Payments),
Singapour (Fast and Secure Trans­­fers –
3.1. Les rôles de catalyseur et FAST), le Danemark (Express trans­­fers) et
d’opérateur d’infra­­structures de l’Australie (New Payment Platform - NPP),
marché de la Banque de France et l’introduction de paiements instantanés
de l’Eurosystème face à l’innovation dans la zone euro constitue une nouvelle
innovation pour le marché de 340 millions de
Outre leur rôle de surveillant, les banques personnes que constituent les 19 pays de la
centrales de l’Eurosystème et la BCE ont zone euro. Ce projet TIPS est une illustration
également un rôle de catalyseur et d’opé- concrète de la manière dont l’Eurosystème
rateur des infra­­structures de marché. s’adapte aux évolutions et innovations de
C’est dans le cadre du premier de ces marché en permettant aux acteurs privés
deux rôles qu’elles sont attentives aux d’en tirer parti tout en s’appuyant sur des
efforts de l’industrie pour développer de infra­­structures Eurosystème en mesure de
nouveaux services ou processus innovants, les traiter. Il œuvre à l’harmonisation des
et qu’elles offrent leur soutien aux initiatives marchés européens des paiements et à
du marché. En parallèle, l’Eurosystème et leur inter­­opérabilité.
la Banque de France, en tant qu’opérateurs
d’infra­­structures de marché, développent Enfin, l’Eurosystème a également engagé
plusieurs initiatives innovantes pour des travaux pour évaluer le potentiel de
améliorer l’efficacité des infra­­structures la technologie blockchain appliquée aux
de marché qu’elles opèrent. infra­­structures des marchés financiers.
En parallèle, la BCE poursuit des travaux
3.1.1. Les initiatives de l’Eurosystème destinés à tester de potentiels cas d’usage
pour promouvoir l’innovation et de la blockchain pour les infra­­structures
répondre aux attentes de marché, conjointement avec la Banque
du marché du Japon dans le cadre du projet Stella 9.
Lors de la première phase de leur coopé-
Dans le but d’améliorer l’efficience et de ration, la BCE et la Banque du Japon
réduire le coût de ses infra­­structures de avaient cherché à déterminer si les fonc-
marché tout en répondant aux nouveaux tionnalités de leurs systèmes de paiement
besoins des utilisateurs, l’Eurosystème pouvaient fonctionner de manière efficiente
cherche à tirer parti des innovations tech- et sécurisée dans un environnement
nologiques tout en restant vigilant sur les blockchain. La seconde phase, qui s’est
risques que comportent ces innovations, à achevée en mars 2018, s’est intéressée
l’instar du cyber­­-risque. davantage à la mise en œuvre du delivery
versus paiement (DvP) dans un environ-
Ainsi, dans le cadre du programme nement blockchain. Les deux phases ont
Vision 2020 (voir chapitre 6, section 6), abouti à la conclusion que la technologie 9 http://www.ecb.europa.
l’Eurosystème a développé un service de n’était pas assez mature pour être appliquée eu/pub/pdf/other/ecb.
stella_project_report_
règlement en monnaie de banque centrale à des systèmes de paiement de montant september_2017.pdf
des instant payments ou paiements instan- élevé ou pour gérer les problématiques http://www.ecb.europa.
eu/pub/pdf/other/
tanés, TIPS (TARGET Instant Payments de DvP (gestion des risques opérationnels stella_project_report_
Settlement Service), opérationnel depuis notamment) de façon satisfaisante. march_2018.pdf

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 385


Chapitre 20 Rôle et apport de l’innovation
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

3.1.2. Les initiatives de la Banque qui attribuait l’identifiant). À partir du


de France moment où chaque établissement
teneur de comptes apprécie l’opportu-
Un laboratoire d’expérimentation, le LAB, nité d’accorder à son client la possibilité
conçu comme un espace d’échange et d’émettre des prélèvements (et donc
de travail avec les acteurs innovants et de disposer d’un ICS), il apparaissait
s’appuyant sur des appels à contribu- légitime de réfléchir à la mise en place
tion, a été mis en place par la Banque de d’une gestion décentralisée des saisies
France en 2017. L’objectif est d’évaluer les des demandes d’ICS par l’ensemble des
opportunités et les risques des nouvelles banques de la place ;
technologies, et de mener une veille stra-
tégique sur leurs évolutions, pour évaluer • elle permet de diffuser immédiatement
les potentiels de ces technologies pour les l’identifiant créé alors qu’il fallait aupa-
différents métiers et modes de travail de ravant plusieurs jours entre la demande
la Banque de France. Par exemple, dans et l’attribution ;
le domaine de la gestion des données,
l’action de la Banque de France s’incarne • le fichier de ces identifiants permet de
dans le projet concret d’un « Data Lake » tester concrètement cette nouvelle tech-
qui vise à mettre les nouvelles technolo- nologie, qui a fait l’objet de nombreuses
gies (intelligence artificielle, gestion de expérimentations en laboratoire et dans
Big Data) au service de son système d’in- des environnements de tests fermés
formation pour renforcer sa mission au mais est encore peu utilisée à des
service de la stabilité financière et de la fins professionnelles.
stabilité monétaire.
Les principales banques françaises et la
La Banque de France a par ailleurs mis au Banque de France ont travaillé en étroite
point un logiciel utilisant la technologie concertation pour mettre au point ce
blockchain pour gérer l’identifiant attribué nouveau logiciel. Le nouveau système a
à chaque émetteur de prélèvements (EDF, été mis en production le 15 décembre 2017.
Trésor public, etc.), appelé Identifiant Les banques partenaires ont rejoint la
Créancier SEPA (ICS). Cet identifiant est blockchain en deux vagues principales, l’une
indispensable pour émettre des prélève- en mars et l’autre en juin 2018. Pour sa part,
ments au format SEPA. En effet, une fois la Banque de France continue à traiter les
attribué à un émetteur de prélèvement, le demandes d’identifiants des banques qui
banquier du débiteur vérifie que l’identifiant ne participent pas à ce projet, assurant ainsi
indiqué dans le prélèvement qu’il reçoit la cohabitation entre deux systèmes, l’un
est bien identique à celui qui figure sur le traditionnel et l’autre fondé sur la techno-
mandat signé par son client. logie blockchain.

Le logiciel développé par la Banque (projet 3.2. Le rôle de surveillance des


MADRE) a été construit en s’appuyant sur banques centrales, au cœur du
les suggestions des banques commerciales triangle innovation, stabilité
puisque ce sont elles qui demandent des et régulation
identifiants pour le compte de leurs clients
émetteurs de prélèvement. Si la vague actuelle d’innovations tech-
nologiques et l’émergence de nouveaux
La technologie blockchain a été choisie pour acteurs sont source de nouvelles oppor-
plusieurs raisons : tunités pour l’industrie financière en
général, et les infra­­structures de marché
• elle permet de rendre les banques et systèmes de paiement en particulier,
actrices de cette prestation (précé- elles présentent dans le même temps leurs
demment, c’est la Banque de France propres risques et défis, opérationnels,

386 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Rôle et apport de l’innovation Chapitre 20
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

juridiques et financiers notamment, que les déjà effectué. Cette exigence impliquerait


régulateurs, superviseurs et surveillants du pour les solutions reposant sur la techno-
système financier se doivent d’encadrer. logie blockchain d’être en mesure, soit de
disposer des titres et de l’actif de règlement
3.2.1. Veiller à l’efficacité et à la (la monnaie) sur la même plate-forme
sécurité des infra­­structures des (système intégré), soit d’assurer une inter­­
marchés financiers connexion très fine entre les plates-formes
traitant des titres d’une part et de l’actif de
La règlementation applicable aux infra­­ règlement de l’autre (système inter­­facé).
structures de marché adopte une approche
selon les fonctions exercées et les services Les Principes for Financial Market Infra­­
rendus au marché. Dès lors, elle est agnos- structures (PFMI, voir chapitre 8) considèrent
tique quant à la technologie utilisée pour que l’actif de règlement le plus sûr, et
assurer ces fonctions ou services. Dans qui doit être préféré autant que possible,
la mesure où, par exemple, un service de est la monnaie de banque centrale. Cela
règlement-livraison correspond à la défi- implique que les solutions qui reposeraient
nition qu’en donne le règlement CSDR sur la technologie blockchain accèdent à la
(cf. chapitre 12), il doit y être conforme, monnaie de banque centrale, et satisfassent
que la technologie utilisée soit blockchain pour cela à ses critères d’accès.
ou autre.
Ces deux exigences sont fondamentales
De même, le statut de l’acteur fournissant pour assurer la sécurité et l’efficacité des
le service n’est pas pris en considération. infra­­structures de marché. Pour les initiatives
Que ce soit un nouvel entrant ou un acteur qui comportent une dimension de règlement-
établi, le fait d’exercer des fonctions relevant livraison de titres, y répondre peut se
des infra­­structures de marché impose le traduire par un recours à la plate-forme T2S
respect de la réglementation pertinente (cf. chapitre 14), qui permet d’assurer le DVP
(CSDR, EMIR ou le règlement SIPS). en monnaie de banque centrale. Pour cela,
il convient alors que l’acteur qui offre ce
Au-delà de la neutralité attachée à la service ait un statut de CSD, conformément
technologie et aux acteurs, les initiatives aux dispositions de CSDR. De cette façon,
les plus avancées en matière d’application la sécurité et l’efficacité des activités de
de la blockchain aux activités du post- post-marché sont assurées, tout en permet-
marché 10 soulèvent deux enjeux de mise tant de bénéficier des améliorations que
en œuvre plus spécifiques : le respect du la technologie blockchain semble être en
principe de la livraison contre paiement mesure d’apporter.
(DvP) (cf. chapitres 5 et 18) et l’usage
de la monnaie centrale comme actif de 3.2.2. L’innovation génère pour le
règlement (cf. chapitre 5). système financier de
nouvelles menaces
En matière de DvP, les initiatives fondées
sur la technologie blockchain et proposant L’innovation peut poser des problèmes en
une solution d’échange d’un actif contre un termes de fraude et de sécurité, en raison
règlement devraient être en mesure, si elles de son caractère digital et de son inscription
se développaient effectivement, de donner dans un environnement cyber­­, associée à la
l’assurance d’exécuter les deux jambes multi­­plication des acteurs inter­­venant dans
des trans­­actions qu’elles traitent. En effet, les processus financiers et de paiement, 10 
A mélioration de la
c’est ce mécanisme qui permet d’assurer à une plus grande circulation de données chaîne de traitement des
commercial papers, solu-
l’élimination du risque de règlement (ou personnelles ainsi qu’à la multi­­plication tion post-marché pour
risque en principal), à savoir ne pas être de « points de défaillance » potentiels. les titres de PME listés
et non listés, solution
payé alors que l’actif est déjà livré, ou ne Ces nouveaux « cyber­­-risques » suscitent pour le suivi du passif
pas être livré alors que le paiement est une vive inquiétude dans l’ensemble du des fonds.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 387


Chapitre 20 Rôle et apport de l’innovation
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

secteur, y compris pour les technologies fréquence – dont l’utilité économique est
éprouvées des infra­­structures de marché d’ailleurs contestable – pourrait nuire à la
ou des paiements, notamment par carte capacité de résistance des marchés finan-
et sur inter­­net, qui sont à l’origine de plus ciers en période de tensions. De nouveaux
des deux tiers de l’ensemble des fraudes services, tels que les « smart contra­­cts »,
liées aux paiements par carte en France. qui représentent la codification informatique
A fortiori, les technologies plus récentes de situations prédéfinies 11, peuvent être
qui n’ont pas encore été testées à large intégrés à une blockchain : ils pourraient
échelle, comme la blockchain, sont suscep- créer de nouveaux mécanismes de trans­­
tibles d’engendrer de nouveaux risques pour mission des chocs ou de nouvelles formes
la sécurité qui méritent une surveillance d’inter­­dépendance ou de procyclicité et,
précoce et permanente. donc, être une source potentielle d’insta-
bilité financière.
L’innovation technologique pourrait
également menacer la stabilité financière L’innovation technologique, si elle n’est
sur le long terme, en raison du processus pas maitrisée, pourrait en outre menacer
11  D e  t y p e «  l o r s q u e
d’auto­­matisation accrue. Le  développe- l’intégration des marchés, notamment l e p r i x a tt e i n t t e l
ment, par exemple, du trading à haute en Europe où les efforts pour renforcer niveau, vendez ».

Encadré n° 4 : Le pôle Fintech Innovation de l’ACPR

Souhaitant accompagner les mutations de l’économie française, la Banque de France a créé en


juin 2016 au sein de l’ACPR un pôle dédié aux fintechs. En coordination renforcée avec l’AMF, ce pôle
vise à être pour les fintechs le point d’entrée unique à l’ACPR, afin de fluidifier leur entrée dans le
cadre réglementaire et mieux connaitre les innovations pour préparer la supervision.

Le pôle assure l’inter­face avec les directions de l’ACPR concernées, et lorsque la nature du projet le
nécessite, la Banque de France et l’AMF. Par ailleurs, le pôle Fintech Innovation évalue les enjeux liés
à la trans­formation digitale et aux innovations technologiques pour les secteurs de la banque et de
l’assurance, et participe aux travaux inter­nationaux afférents.

Enfin, conjointement avec la division Fintech de l’AMF, le pôle anime le Forum Fintech, instance de
veille, de dialogue et de propositions sur les sujets de la régulation des fintechs et de l’innovation, qui
rassemble des professionnels des fintechs, des experts et des organismes publics (CNIL, ANSSI,TRACFIN).

Quatre priorités de travail ont été iden- Répartition des acteurs innovants reçus
tifiées dans le cadre de ce Forum : au Pole Fintech Innovation
(en %)
• proportionnalité dans l’agrément 9
Blockchain/Tech
et dans le contrôle ; 17 Paiement/Néobanque
11
Financement participatif
• usage des données ;
7 Assurance

• identification et connaissance de la Entrée en relation - KYC


26
clientèle (know your customer) ; 8 Financement/Crédit

12 Conseil financier
• attractivité et compétitivité de
10 Autres (conseils …)
la Place.
Source : ACPR.

388 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


Rôle et apport de l’innovation Chapitre 20
pour les moyens de paiement et les infra­structures de marché

l’harmonisation entre marchés financiers dans la réglementation et la supervision des


ont été considérables ces dix dernières fintechs. Une telle approche se distingue
années. Ces efforts sont manifestes dans de la solution « bac à sable » (sandbox) qui
le domaine des marchés de titres avec le consiste en une permission accordée par
lancement de T2S en 2015. En revanche, la les régulateurs d’expérimenter de nouveaux
profusion actuelle de nouvelles technolo- services touchant aux paiements, aux trans­­
gies, de normes et de protocoles qui ne sont ferts d’argent et de titres, aux placements
pas totalement inter­­opérables, du moins à financiers dans un cadre réglementaire
ce stade, constitue un risque potentiel de allégé, pour une durée et/ou un niveau
fragmentation des marchés. De plus, elle d’activité prédéfinis. Cette approche a
pourrait aboutir à une certaine fragmentation été instaurée dans quelques pays dont le
sociale si les nouveaux moyens de paiement Royaume-Uni et Singapour, mais soulève
sont moins accessibles aux plus démunis. des problèmes en matière de protection
des consommateurs et investisseurs,
3.2.3. Veiller à la sécurité des d’égalité de traitement entre les fintechs
paiements et des opérations et les acteurs établis qui pourraient proposer
les mêmes services mais sans bénéficier
Dans ce contexte, les auto­­rités publiques de régime allégé. Elle pose également un
jouent un rôle clé pour permettre de tirer problème d’effet de seuil, car une fois la
pleinement profit de l’innovation tout en durée convenue écoulée ou le niveau d’ac-
prévenant les menaces qu’elle génère. tivité préalablement fixé atteint, la fintech
L’innovation technologique n’est profitable doit alors satisfaire à l’ensemble des règle-
à l’économie dans son ensemble que si elle mentations en vigueur, sans avoir pu vérifier
s’exerce dans un environnement sécurisé. dans le cadre du sandbox si elle était en
mesure de le faire.
L’innovation technologique renforce la
nécessité d’une coopération et d’un dialogue Ces évolutions impliquent de repenser
entre l’ensemble des parties concernées. la réglementation de manière à parvenir
Au niveau de la France, par exemple, c’est au juste équilibre entre innovation et
l’objet du « pôle Fintech Innovation » qui sécurité, qui doit permettre d’atteindre
a été lancé en juin 2016 par l’ACPR, en plusieurs objectifs à la fois : bénéficier
coordination avec l’Auto­­rité des marchés pleinement des gisements d’efficacité et
financiers (AMF). Le dialogue permanent d’économie permis par les innovations,
entre régulateurs, superviseurs et acteurs protéger le consommateur et traiter les
porteurs de projets innovants (banques, questions de stabilité financière, et veiller
compagnies d’assurance, fintechs) garanti­­t à ce que l’innovation profite à l’ensemble
la bonne compréhension des innovations, des parties, en particulier sous la forme
permet l’identification rapide des néces- de nouveaux services et de réduction des
saires modifications de la réglementation et coûts. Cet équilibre ne peut être atteint
la bonne circulation des informations entre qu’au moyen de règles adéquates et propor-
les différentes parties prenantes. La Banque tionnées, fondées sur le profil de risque
de France et l’ACPR ont pris l’engagement du service fourni et non sur la nature ou le
d’une approche graduée et proportionnée statut juridique du fournisseur.

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 389


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394 – Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale


COMITÉ ÉDITORIAL

COMITÉ ÉDITORIAL
Denis BEAU, président
Nicolas de SÈZE
Jean-Michel GODEFFROY
Joël MÉRÈRE
Emmanuelle ASSOUAN
Valérie FASQUELLE

Rédactrices et rédacteurs (pour les chapitres mentionnés) :


Pauline ATTISSOBE (15) Catherine GOUTEROUX (7)
Cécile BECUWE (8) Claudine HURMAN (5, 11, 10, 16, 17, 18)
Samira BOURAHLA (11) Laurent KERSENBAUME (16, 5)
Jean-Sébastien CAGNIONCLE (4) Clément MARTIN (9)
Paul CAPOCCI (2) Aline MÉLÉARD (14)
Marion CHICH (1, 19) Audrey METZGER (5, 6, 7, 14, 15)
Pauline FACON (20) Julien LASALLE (20, 3)
Ludovic FAGETTE (12, 13) Claire ORLIAC (12, 13, 14)

Ont également contribué à la rédaction (pour les chapitres mentionnés) :


Adeline BACHELLERIE Christelle GUIHENEUC (3)
Omar BIROUK (9) Gilles HERVÉ (5)
Guillaume COLIN (3) Isabelle JAMMAYRAC (15)
Adrien DELCROIX (10, 5) Antoine LHUISSIER (3)
Elisabeth DEVYS (8) Pierre-Antoine PINEAU (10)
Raphaël DI RUGGIERO (5) Clément ROUVEYROL (11)
Jérôme FANOUILLÈRE (3) Alexandre STERVINOU (2, 3, 4)
Catherine FOODE (14) Arnaud STIEN (10, 5)
Mathieu GEX

Paiements et infrastructures de marché à l’ère digitale – 395


DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
Gilles VAYSSET
Secrétaire général

ÉDITION
Direction de la Communication
Décembre 2018

RÉALISATION
Studio Création

IMPRESSION
Banque de France - DISG

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