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Les plantes peuvent mesurer le temps comme le font les horloges. C’est ce qui explique que l’on ait vu
apparaître des expressions telles que “ horloge interne ”, “ horloge biologique ”. Théophraste rapporte dans
“ Histoire des Plantes ” qu’Androsthènes, général d’Alexandre le Grand, a observé en Asie Mineure un arbre
“ dont les indigènes disent qu’il dort ”. Il s’agit probablement du Tamarinier dont les folioles se replient la nuit
et s’ouvrent le jour à la manière des feuilles de haricot. Notre travail portera sur les mouvements au cours du
temps des deux premières feuilles de haricot, Phaseolus Vulgaris.
Comment le haricot mesure t-il le temps ? L’horloge solaire, définie par l’alternance jour nuit, suffit-
elle à expliquer ce mouvement ?
Pour répondre à ces questions, nous mettrons d’abord en évidence une synchronisation des
mouvements avec l’horloge solaire. Puis nous étudierons la coopération de cette horloge avec l’horloge interne
du haricot. Enfin, nous aborderons le temps nécessaire de la réception du message au mouvement.
Bünning, grâce à l’enregistrement a mis en évidence un mouvement rythmique des feuilles du haricot.
Il a constaté que ce mouvement avait une période de 24h.
Nous avons construit un appareil équivalent à celui de Bünning décrit précédemment. Nous avons
attaché, au niveau de la nervure centrale de la feuille de haricot, un fil de nylon très fin, au bout duquel se
trouvait une petite boule de liège. Celle-ci enregistrait la position de la feuille sur un cylindre préalablement
recouvert de noir de fumée. Le cylindre reposait sur un mécanisme d’horloge, ainsi il effectuait une rotation en
12h. Pour obtenir les mouvements sur 24h, nous avons changé le cylindre au bout de 12h.(figure 2)
2) la chronophotographie
La chronophotographie consiste en l’analyse des mouvements par des photographies répétées. Nous
avons réalisé une succession de photos à intervalles de 30 minutes pendant 72h, à l’aide d’une webcam reliée
à un ordinateur. La nuit, nous avons été obligé d’éclairer le haricot pour prendre la photographie. Afin de
perturber au minimum le mouvement, nous avons utilisé un programmateur pour synchroniser une courte
durée d’éclairage avec la prise de photos.
Nous avons alors observé que seul l’angle entre la nervure principale de la feuille et le pétiole (angle β
sur la figure 3) variait alors que l’angle entre le pétiole et la tige (angle α sur la figure 3) restait constant.
On peut observer deux positions caractéristiques :
- l’hyponastie : position du haricot pour laquelle les feuilles sont les plus basses
- l’épinastie : position du haricot pour laquelle les feuilles sont les plus hautes
figure 3 : Angles et distances sur le plant de haricot
Nous avons choisi de mesurer la distance entre les extrémités des feuilles opposées du haricot que nous
appellerons par la suite distance d (cf figure 3). En effet, une mesure de distance est plus facile et plus précise
qu’une mesure d’angle qui peut s’avérer difficile, le limbe cachant le pétiole en position d’hyponastie. Cette
mesure a été effectuée sur ordinateur à l’aide du logiciel Mesurim.
3) Comparaison de ces deux moyens d’étude
avantages inconvénients
cylindre - pas de source de lumière -contrainte mécanique exercée par la boule
enregistreur artificielle qui perturbe le de liège sur la feuille qui peut diminuer
mouvement la nuit l’amplitude des mouvements
- lésion de la feuille au point d’attache du fil
chronophotographie -aucune contrainte mécanique -risque de perturbation lié à la présence de
-mesures plus précises lumière pour la prise de photos la nuit
-facilité d’utilisation
La chronophotographie permet une meilleure étude des rythmes biologiques. C’est pourquoi nous
utiliserons désormais ce moyen d’étude.
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distance entre les feuilles en mm
intensité lumineuse (x5 lux)
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On vérifie sur les graphiques des figures 4a et 4b le rythme circadien. On observe d’abord de très faibles
variations le jour, plus précisément entre 8h et 21h, le haricot est alors en position d’épinastie, c’est-à-dire que
la distance d est maximale. En revanche, on constate que la nuit, la distance d varie très fortement, on observe
deux phases distinctes:
- de 21h à 0h30, la distance d diminue fortement passant de 18 à 8 cm en moyenne
- de 0h30 à 8h, la distance d augmente jusqu’à atteindre de nouveau 18 cm
Nous remarquons que les feuilles de haricot se baissent plus rapidement qu’elles ne remontent. En
effet, la valeur absolue de la pente de la courbe est plus importante lorsque les feuilles de haricot se baissent
que lorsque les feuilles de haricot remontent.
Par ailleurs, le haricot est en position d’hyponastie pendant une durée très courte ce qui peut être relié à
la courte durée de la nuit par rapport à celle du jour au mois de mai.
II) Origine des mouvements : coopération de l’horloge solaire avec l’horloge interne du haricot
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haricot 4
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figure 5 : variations de la distance d sur deux plants de haricot au cours du temps en lumière continue
Même dans ces conditions, le haricot réalise des mouvements avec une période de 24h mais
l’amplitude est plus faible. Etant donné que la distance entre les feuilles est propre à chaque haricot, on ne
peut comparer que le rapport r de l’amplitude A sur la distance maximale (D) entre les feuilles.
Ici r3=A/D= (125-91)/125= 27% pour le haricot 3 et r4=(165-122)/165=26% pour le haricot 4
Alors qu’en conditions normales, l’amplitude est de :
r1=(194-79)/194=59% pour le haricot 1 et r2=(233-127)/233=45% pour le haricot 2
Par ailleurs, il n’y a plus de synchronisation des mouvements des feuilles avec le jour et la nuit. En
effet, on observe un déphasage entre les haricots 1 et 2. Par exemple le haricot 1 atteint sa position la plus
basse à 6h30 du matin alors que le second l’atteint à 0h30.
Etant donné que le haricot n’a jamais subi l’influence de l’horloge solaire, mais qu’il présente tout de
même des mouvements, c’est qu’il possède une horloge interne. Cette horloge entraîne uniquement des
mouvements sans rapport avec l’horloge solaire.
Ensuite, la présence de l’horloge solaire, ajoutée à l’horloge interne, entraînera des mouvements
synchronisés avec le jour et la nuit.
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figure 7b : variations de la distance d avec allongement de la photopériode le matin (haricot 7)
Nous observons que les mouvements gardent en moyenne une période de 24h, cependant, le minimum
est atteint plus tard. Pour le haricot 6 : le minimum passe de 23h30 à 1h30. Lorsque la photopériode est à
nouveau normale, le minimum est atteint à 0h30 après deux jours. Pour le haricot 7 : le minimum passe de 0h
à 1h. Lorsque la photopériode est à nouveau normale, il suffit de 2 jours pour que le haricot atteigne de
nouveau son minimum à 0h.
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Nous observons que les mouvements gardent en moyenne une période de 24h, cependant, le minimum
est atteint plus tôt.
Pour les haricot 8 et 9 : le minimum passe de 23h30 à 22h. Lorsqu’il est remis en conditions normales,
il semble tendre à reprendre son minimum à 23h30.
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figure 9 : variations de l’angle entre le pétiole et le limbe d’une feuille isolée (haricot 10)
On observe que le mouvement persiste, le site de réception et de réponse est donc localisée entre la
base du pétiole et la pointe de la feuille.
b) expérience avec caches sur les feuilles
Nous supposons qu’il s’agit de la zone du pulvinus, pour le vérifier nous avons caché les feuilles à
l’aide de morceaux de sac plastique opaque cousus autour de chaque feuille mais qui ne cachaient pas les
pulvinus.
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b) la turgescence
Nous avons pensé que la réponse : les mouvements des feuilles pouvaient être dus à des variations de taille des
cellules. On peut émettre deux hypothèses qui ne s‘excluent pas : la variation de taille est liée soit à une
croissance différentielle des cellules, soit à des variations de la turgescence, fermeté des tissus végétaux due à
la pression de leur contenu liquide.
Comme on n’observe pas de variation de la longueur du pulvinus après plusieurs semaines de cycles
circadiens, la deuxième hypothèse semble la plus probable.
On peut alors penser qu’en position d’épinastie ce sont les cellules de la face inférieure qui sont plus gonflées
et inversement en position d’hyponastie.
Néanmoins, dans les coupes transversales de pulvinus nous n’avons pas observé de différences notables de
taille entre les cellules des faces inférieures et supérieures. On peut alors supposer que les variations de taille
des cellules ne s’effectuent pas dans le plan transversal mais dans le plan longitudinal ou qu’elles ne sont pas
suffisantes pour être observables au microscope.
Nous avons alors réalisé une expérience pour vérifier que la turgescence avait effectivement un rôle dans le
mouvement. Pour cela, nous avons injecté une solution saturée de chlorure de sodium à la face inférieure du
pulvinus.
figure 9 : injection de NaCl à la face inférieure du pulvinus et résultats 7 minutes plus tard