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Chapitre d’introduction.

Panorama africain en 2020 :


Tout n’est pas imputable à la Covid-19.

Introduction.

La covid-19 a certes marqué l’actualité en Afrique comme dans le monde, durant l’année
2020. En dépit du fait que la pandémie avait semblé épargner le continent, par rapport au
reste du monde, il est difficile d’avancer que la propagation du virus ne fut pas une
préoccupation majeure en Afrique. Non seulement les africains en avaient fait le premier
souci1, mais toute la littérature médiatique mondiale montrait des craintes pour l’Afrique et
prédisait des futurs sinon tragiques du moins pas très reluisant. Pourtant l’Afrique semble
avoir résisté, ou avoir été relativement épargnée et le cataclysme annoncé n’eut jusqu’à
présent pas lieu. Le continent fut éprouvé et l’est encore, mais pas dans les propositions
avancées par les uns et les autres. A la fin de l’année 2020 l’ensemble de l’Afrique avait
enregistré 64 790 décès confirmés et 2 280 488 guérisons pour 2 728 602 cas enregistrés,
selon le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union africaine. Chiffres,
certes désolants, mais pas très alarmant comparés aux nombres enregistrés dans d’autres
continents.  Quelques pays ont durement souffert de la pandémie à l’exemple de l’Afrique
du Sud, qui a frôlé le million de cas vers la fin de l’année 2020 et où est apparue une
nouvelle souche -501.V2- jugée assez contagieuse, touchant même les jeunes populations et
dangereusement létale au point d’alerter sérieusement les autorités sanitaires africaines et
internationales. Le Maroc a aussi, pour sa part, été éprouvé par le coronavirus, en
enregistrant près de 400 000 cas vers la fin de l’année 2020 ; mais avait, selon plusieurs
observateurs, bien conduit sa stratégie de lutte contre le virus, en dosant ses mesures entre
le souci de préserver la santé des citoyens et celui de rester vigilant et alerte au chevet de
l’économie menacée par les effets de la pandémie.
Nul ne peut donc ignorer que la pandémie fut moins sévère en Afrique qu’ailleurs dans le
monde. Pourtant la Covid-19 n’a durant l’année 2020 cessé d’être invoquée comme l’origine
de tous les déboires, qu’ils soient présents ou même futurs. Le coronavirus a, certes, été le
fait saillant de l’année, mais est-il à l’origine de tous les maux ? Est- ce que la pandémie a
réussi à voiler toutes les autres pathologies et phénomènes qui préoccupent le continent ?
Autrement dit, La covid-19, a-t-elle masqué ou minimisé les effets des maux qui rongeaient
l’Afrique avant la pandémie ? Les faits disent que non. Même la précarité sanitaire que La
Covid-19 a mise au grand jour, n’est pas un phénomène corrélé à la pandémie. Il a été
1
Pour exemple de cette préoccupation, L’édition 2020 de la Conférence économique africaine (CEA), tenue en
Décembre 2020, a fait de la pandémie Covid-19 le sujet principal des échanges entre les responsables. La
Conférence a surtout examiné l’impact de la pandémie sur le continent, ses réponses et la manière dont les pays
africains peuvent collectivement se reconstruire. Face au Coronavirus, les dirigeants de quatre banques
régionales de développement (RDB), dont la Banque africaine de développement, la Banque européenne pour la
reconstruction et la reconstruction (BERD), la Banque asiatique de développement (BAsD), la Banque
interaméricaine de développement (BID) ont pris l’engagement de travailler ensemble pour mieux reconstruire
l’avenir. Voir  : https://www.afdb.org/fr/news-and-events/2020-lannee-de-la-pandemie-de-covid-19-et-une-
nouvelle-ere-pour-le-travail-virtuel-40035
depuis toujours révélé par d’autres maux et épidémies. Au fait, si la pandémie doit être liée
à certaines problématiques en Afrique, elle ne peut l’être qu’au prisme de son impact sur les
crises déjà installées dans le continent et sur les phénomènes que les africains, avaient
depuis bien avant la pandémie, entrepris de combattre. La crise du coronavirus résidait dans
le fait qu’elle aggravait les effets de crises déjà installées et qu’elle éprouvait les moyens et
les capacités des Etats africains à lutter contre leurs problèmes endémiques et récurrents.
Ainsi, toute vue panoramique de l’Afrique se verrait altérée si elle fait de la pandémie Covid-
19, son sujet majeur. Les autres questions africaines ont, durant 2020, conservé toute leur
pertinence. Du terrorisme et violences diverses aux questions de gouvernance en passant
par les phénomènes naturels tel que changement climatique et les problématiques de
développement ; les soucis africains sont demeurés les mêmes, mais dans certains cas
aggravés par la pandémie.

1. Terrorisme, ni voilé ni transformé par la Covid-19.

Au niveau du terrorisme, les conséquences de la pandémie sont à scruter sur deux bords. D’abord
celui des Etats et leurs forces de sécurité et ensuite celui des organisations armées qui pratiquent la
violence extrémiste. La Covid-19, a-t-elle détourné les Etats ou les groupes armés de leurs buts  :
Combattre le terrorisme pour les premiers et déstabiliser les ordres établis pour les secondes ? est-ce
que les deux antagonistes ont fait de la Covid-19 leur préoccupation première et prioritaire aux
dépends des desseins qu’ils poursuivaient avant la pandémie ? Ceci ne semble pas être le cas. Les
deux camps s’attendaient plutôt à ce que la pandémie affaiblisse la partie adverse. Un vœu plutôt
exaucé en faveurs des groupes armés.
Selon un rapport publié par la ‘’Coalition citoyenne au Sahel’’, « 2020 a été l’année la plus meurtrière
pour les civils, avec près de 2440 morts au Burkina Faso, au Mali et au Niger (...) Près de deux millions
de personnes ont dû fuir leur foyer à cause des violences dans ces trois pays du Sahel central (...) Six
déplacés sur dix sont des enfants et environ 13 millions de filles et de garçons sont privés
d’éducation.
Dressé en Septembre 2020, soit en pleine épidémie, le rapport n’impute pourtant pas la dégradation
de la situation en 2020 à la Covid-19, mais plutôt à la nature des interventions et surtout au focus
entêté des intervenants sur les solutions militaires. Le rapport n’en mentionne pas plus l’épidémie
dans ses recommandations. Il prône, surtout, quatre actions susceptible de réduire les dégâts :
 Placer la protection des civils au cœur de la réponse à la crise au Sahel ;
 Appuyer des stratégies politiques pour résoudre la crise de gouvernance au Sahel ;
 Répondre aux urgences humanitaires et ;
 Lutter contre l’impunité.
La région a bien connu l’épidémie durant l’année 2020, mais les sdéfis structuraux demeurent les
mêmes face au phénomène du terrorisme. La Covid-19 n’y a rien, sinon peu, changé.
Même son de cloche pour le bassin du Lac Tchad, le terrorisme est resté un défi que la crise sanitaire
n’a ni voilé ni transformé ; en dépit qu’elle fût exploitée comme prétexte pour expliquer certaines
défaillances. Côté terroriste, la pandémie a plutôt servi comme argument de propagande pour
remonter les populations contre les défaillances des gouvernements. Un argument en plus, car les
défaillances étaient déjà nombreuses bien avant la Covid-19.
Du côté oriental du continent, la continuation des forfaits du groupe terroriste Al -Shebabes de
Somalie ne doit rien à l’épidémie. Et, si la communauté internationale avait à craindre pour ce pays,
ce n’est certainement pas en raison de la pandémie, mais bien en raison du terrorisme qui est resté
en dépit de la venue de la Covid-19, le défi numéro un pour ce pays.
Au Mozambique, un foyer récent mais, pourtant, dangereux du terrorisme la recrudescence des
actes terroristes en 2020 ne doit rien à la pandémie. Le groupe ‘’Ahl assouna wal Jamaa’’ s’était
renforcé quantitativement et qualitativement depuis l’acceptation de son allégeance par Daech en
2019. Des experts de l’organisation ‘’Etat Islamique’’ avaient alors afflué vers le Mozambique pour
renforcer l’organisation et sophistiquer ses stratégies d’attaque. De plus l’Etat mozambicain, qui avait
toujours laissé pour compte les populations de Cabo-Delgado, n’a rien fait pour les faire bénéficier de
la manne des hydrocarbures découverts dans cette région. L’Etat avait également beaucoup
tergiversé dans le traitement du phénomène en commençant par nier le phénomène, puis de le
qualifier de simple délinquance, avant de terminer par reconnaitre la réalité de la situation.
L’exemple du terrorisme est donc assez parlant pour montrer qu’en Afrique, la pandémie n’était
qu’une crise en plus et non un fait responsable de toutes défaillances connues dans le continent.

2. Elections, pas d’effet de la Covid-19, sinon pour servir de prétexte à


certains reports.

En dépit des craintes et des mesures de prévention imposées par la pandémie de la Covid-19, la
plupart des pays d'Afrique ayant programmé des élections en 2020 ont réussi à honorer, dans des
conditions plus ou moins satisfaisantes, leur calendrier électoral, sauf lorsque d’autres facteurs sont
venus imposer un report ou une annulation :
 Au Togo, les élections présidentielles ont eu lieu en Février 2020, en un moment où la
pandémie n’avait pas encore été déclarée sur le continent africain. La pandémie n’a par
conséquent perturbé que la cérémonie d’investiture du président pour un quatrième mandat
en Mai 2020. La cérémonie s’était déroulée en comité restreint.
 En plus d’élections législatives organisées dans une douzaine de circonscriptions en Février
2020, le Cameroun a, malgré la Covid-19, réussi l’exploit d’élire des instances, prévues par la
constitution de 1996 et qui n’avaient pu voir le jour qu’en Décembre de l’année 2020. Durant
ce mois, 24.000 grands électeurs (conseillers municipaux et chefs traditionnels) ont choisi,
par scrutin indirect, 900 conseillers régionaux.
 Les Guinéens ont participé le 22 mars, à un référendum constitutionnel et à des élections
générales qui quoique contestés n’ont pas déstabilisé le pays. Durant le même mois les
Maliens ont tenu leurs élections générales.
 En Mai, le Bénin a organisé des élections pour désigner les représentants locaux et les
Burundais ont élu leur président.
 En juin, les Malawiens vu se dérouler une nouvelle élection présidentielle suite à
l’invalidation par les tribunaux des résultats du précédent scrutin de 2019. Deux mois plus
tard, les Égyptiens ont choisi leurs sénateurs.
 En octobre 2020, la Côte d'Ivoire, les Seychelles et la Tanzanie ont été appelés aux urnes
pour choisir leurs présidents et les Cap-Verdiens ont organisé leurs élections municipales.
 En Novembre les Algériens, ont participé à un référendum constitutionnel et le Burkina Faso,
a organisé des élections générales.
 En Décembre, les Ghanéens ont tenu leurs élections législatives et présidentielles et les
Libériens ont été appelés à un référendum constitutionnel et à une élection sénatoriale à mi-
mandat.
 Le même mois, la situation sécuritaire précaire doublé de la covid-19 n’ont pas empêché les
Centrafricains de fréquenter massivement les bureaux de vote pour s’acquitter de leur devoir
civique2. Dans les mêmes conditions, les nigériens ont fait de même pour réussir des
élections, somme-toute, pacifiques et qui ont, même, défié la manie du ‘’trois-mandatisme’’
devenue à la mode sur le continent.
Certains autres pays n’ont, certes, pas tenu leurs engagements tels que l’Éthiopie où les élections
parlementaires prévues pour le 29 août ont été repoussées à la mi-2021, où en Somalie, où la date
butoir de décembre 2020, retenue pour les élections parlementaires n'a pas été respectée. Au Tchad,
les élections législatives, initialement prévues pour le 13 décembre, sont maintenant prévues pour le

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Certains groupes rebelles ont, en vain, tenté de perturber le scrutin.
dernier trimestre de 2021. Ici, même si la Civid-19 a été évoquée parfois comme prétexte, tous les
observateurs s’accordent à reconnaitre que les raisons demeurent ailleurs que dans la pandémie.
Force est donc de constater qu’au niveau des processus électoraux, connus pour être difficiles en
Afrique, la pandémie n’a pas eu d’effet perturbateurs. Les cas où les élections ont connu des
turbulences (reports ou contestations) relèvent plus de facteurs latents et structurels connus bien
avant la Covid-19, que de quelconques effets de la pandémie. Pour l’organisation de ces scrutins, la
pandémie n’a pas constitué un souci majeur. Ce sont par contre les facteurs endémiques qui
desservent la déstabilisation avec une aggravation plus ou moins ressentie de la Covid-19, qui dans
certains cas a été exploitée pour le report ou l’annulation.

Conclusion.
Est-ce que la Covid-19 a fait émerger en Afrique des problématiques socio-politiques nouvelles. Qu’il
s’agisse de différends entre pasteurs et agriculteurs, de conflits ethniques, d’injustice sociale, de
gouvernance despotique ou de disparités socio-économique, la pandémie est venue se greffer sur
des situations déjà alarmantes dans plusieurs pays africain.
La faillite fonctionnelle de certains Etats n’est pas le résultat de la Covid-19, mais de pratiques connus
depuis presque toujours dans certains pays, ou l’Etat en tant qu’institution, ne remplit pas ses
fonctions sur l’ensemble des territoires ; il en est résulté que les populations des zones délaissées
sont tombées sous le joug de groupes armés ou de mafia du crime transnational. La pandémie est
hors de question lorsqu’il s’agit de déterminer les causes de l’émergence de ces zones grises hors du
contrôle des Etats.
La pandémie n’a pas créé la corruption dans certains pays africains. Ce mal ronge des pays – y
compris les deux grandes puissances économiques africaines – du continent avant l’arrivée de la
Covid-19.
Ce n’est également pas la pandémie qui est à la source de la mauvaise gestion des ressources
africaines qui en dépit de leur abondance, n’arrivent pas à extraire une bonne partie de la population
de la précarité.
Ce n’est également pas la Covid-19 qui a attiré sur le continent nombre de puissances étrangères, qui
se disputent ses ressources, déchirent les tissus sociaux africains et créent des tensions nuisibles à
l’Afrique.
Dresser un panorama de l’Afrique de 2020, ferait certainement apparaitre un brouillard qui altère le
ciel du continent. C’est bien la brume de la pandémie de la Covid-19. Cette brume n’empêche
pourtant pas de continuer à percevoir de manière assez claire, tous les aléas du continent.
Terrorisme, violences dues à la transhumance, crises socio-politiques, inégalités sociales et autres
crises de gouvernance ont continué à constituer les véritables tares et les défis réels de l’Afrique, en
dépit de l’exploitation de la pandémie ou de sa mise en première ligne pour tenter de voiler les
véritables disfonctionnements.
Lorsque la volonté politique des gouvernants s’est faite forte pour atteindre des objectifs donnés, la
Covid-19 n’a pas pu arrêter la marche vers l’avant des Etats. Tels furent les cas pour la majeure partie
des élections africaines, qui malgré la pandémie, ont pu être tenu en leurs temps. Les mesures de
préventions contre la pandémie n’ont pas handicapé le respect des calendriers électoraux. Tout ne
peut donc être imputé à la Covid-19, elle n’a fait que renforcer les tendances déjà confirmées.
Le non-achèvement du projet de faire les armes en Afrique en 2020 qui n’a pu être réalisé à temps
ne peut être mis sur le compte de la pandémie ? Tous les indices montraient l’échec du projet bien
avant la pandémie. Le terrorisme montrait des signes de propagation et de recrudescence pour des
raisons autres que la Covid-19. L’accord de libre échange ne peut pour sa part imputer ses titubations
à la pandémie, bien avant des pays avaient hésité à le rejoindre et quand ils l’ont fait, ce fut sans
conviction ou véritable intention de s’y engager pleinement.
La pandémie a certes causé des dégâts, mais seulement en pourrissant des plaies qui lacéraient le
corps africain avant la venue de la crise sanitaire. Le panorama africain de 2020, doit donc regarder
sous le nuage de la pandémie pour décrire également les autres faits et phénomènes.

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