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888 – 1180
Florian Mazel
Ouvrage dirigé par Joël Cornette
H F
Joël C , agrégé de l’Université, ancien élève de l’École
normale supérieure de Saint-Cloud, Professeur à l’Université Paris VIII-
Vincennes-Saint-Denis.
Jean-Louis B , agrégé, docteur d’État, professeur émérite des
Universités, a enseigné l’histoire du Moyen Âge aux Écoles normales
supérieures de Saint-Cloud et de Fontenay-aux-Roses.
Henry R , agrégé d’histoire, ancien élève de l’École normale
supérieure de Saint-Cloud, directeur de recherche au CNRS (Institut
d’histoire du temps présent).
Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre.
888-1180
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
L’
I. L 880-940
L’ 888 ’ R P
L ’E : F , B ,
P ,G ,I
U .
Cette enluminure, qui décore un manuscrit réalisé aux environs de 1100 à l’abbaye
Saint-Aubin et contenant le récit de la Vie du saint, ancien moine et abbé devenu
évêque d’Angers ( † 550), témoigne de la persistance du souvenir des attaques
normandes dans l’ouest de la France. Au IXe siècle, la cité d’Angers avait en effet vu
passer plusieurs expéditions vikings et avait accueilli des moines et des reliques de
Bretagne ou de Neustrie en quête de protection. En 873, elle avait même été occupée
durant plusieurs mois par une troupe scandinave, qui y avait été assiégée par le roi
Charles le Chauve et le roi des Bretons Salomon. L’enluminure illustre l’attaque de la
presqu’île de Guérande, où l’abbaye angevine avait des possessions. Si l’image du
bateau reste approximative (on peut noter l’absence de rameurs et une allure générale
plus arrondie qu’allongée), elle fournit aussi quelques détails réalistes, comme la
proue ornée d’une tête d’animal, la rame-gouvernail maniée par un barreur, le mât
unique, des détails qui caractérisent toutefois encore les bateaux du XIe siècle, comme
en témoigne, par exemple, la broderie de Bayeux. Les combattants, en revanche, n’ont
pas grand-chose à voir avec les guerriers vikings et leur équipement s’apparente en
tout point à celui des chevaliers du XIe siècle (casque à nasal, longue cotte de mailles,
lance et long écu). Leur entassement et l’impression globale de puissance qu’ils
dégagent disent cependant assez le souvenir de la violence de raids dont les
communautés monastiques avaient été les principales victimes.
Ces trois armes ont été mises au jour lors de dragages effectués dans la Seine autour
de Rouen et en aval d’Elbeuf, une zone où l’implantation scandinave était ancienne
et importante (la cité de Rouen fut définitivement prise en 876). Il s’agit probablement
d’armes perdues ou abandonnées, leur faible nombre ne permettant guère d’y voir la
trace de combats. Les Vikings combattaient à pied. L’épée était l’arme la plus
répandue : brandie à une main, elle était à double-tranchant et longue de 70 à 80 cm.
La plupart du temps, garde et pommeau étaient dépourvus d’ornementation, mais la
lame de l’épée du haut présente quelques traces d’une décoration géométrique. Elles
étaient portées dans des fourreaux de bois, doublés de fourrure et recouverts de cuir.
La hache était l’autre arme de prédilection des Vikings, en particulier chez les
Norvégiens et les Danois. Elle était fixée au bout d’un long manche et brandie à deux
mains. L’ensemble témoigne d’une métallurgie de qualité, mais les Vikings
n’hésitaient pas à utiliser aussi des armes franques, achetées ou capturées sur les
champs de bataille.
U .
Le choc que les raids extérieurs produisent sur les esprits n’est pas
moins riche de germes d’avenir. Dans un premier temps, pour les clercs qui
voient leurs églises dévastées, leurs trésors pillés et leurs reliques
dispersées, les agressions païennes et musulmanes sont un fléau de Dieu,
une punition pour les péchés des hommes. Les défaites des chrétiens, les
dissensions des grands, la faiblesse des rois viennent régulièrement rappeler
à tous la légitimité de sa colère. Mais au creux de l’angoisse, de l’affliction
et des appels à la pénitence se dégage peu à peu, en particulier chez les
moines, plus sensibles que les évêques à la décomposition de l’ordre
ecclésial carolingien, l’intuition qu’une époque est révolue. La ruine de bien
des monastères, la politisation accrue de la fonction épiscopale et une
certaine nostalgie de la « belle époque » carolingienne aiguisent le
sentiment d’une réforme nécessaire, conçue à la fois comme une
restauration matérielle et une rénovation spirituelle. Mais dans le nouveau
contexte politique, celle-ci ne peut plus être menée sous la direction du roi.
L’essor des principautés implique nécessairement, pour les moines comme
pour les princes eux-mêmes, que ce projet soit mis en œuvre au niveau de
ces derniers et avec leur soutien.
II. L
Dès le début du Xe siècle, le paysage politique est donc dominé par les
princes qui, partout où ils le peuvent, médiatisent l’autorité du roi. Dans ce
que les historiens ont appelé les principautés, ils s’imposent comme les
interlocuteurs obligés des élites locales, laïques et ecclésiastiques, et
entendent contrôler l’essentiel des prérogatives royales. L’usage commode
du terme de principauté ne doit cependant pas faire illusion. D’une part, il
occulte la diversité d’entités apparues à des moments et dans des contextes
différents, jusqu’à ce qu’une certaine stabilisation s’opère dans la première
moitié du XIe siècle. D’autre part, il laisse supposer l’existence précoce
d’entités territorialisées, alors que les principautés existent d’abord par les
lignées princières qui les dirigent et les réseaux qui les structurent, à
l’échelle de plus ou moins vastes régions aux contours fluctuants.
Tous les princes sont des héritiers. La naissance, les réseaux d’alliance
et de fidélité, les patrimoines les rattachent à des groupes de parenté déjà
puissants à l’époque carolingienne, voire, pour quelques-uns à la lignée
royale elle-même (la stirps regia). Toutefois un renouvellement important
se produit à partir du milieu du Xe siècle, favorisant l’ascension de familles
de moindre rang et un élargissement progressif du cercle des princes.
Dans un premier temps, les princes issus de l’aristocratie d’Empire
occupent le devant de la scène. La vaste Aquitaine est ainsi dominée par les
Guillelmides, les Raimondins et les Ramnulfides. Les premiers sont les
lointains héritiers d’un cousin de Charlemagne, Guillaume, héros de la
guerre ibérique et fondateur du monastère de Gellone, en Gothie. Leur plus
illustre représentant est Guillaume, dit le Pieux († 918), qui contrôle toute
une série de comtés, du Berry à la côte méditerranéenne, en passant par le
Mâconnais, l’Auvergne et le Limousin. Il porte le titre de duc des Aquitains
et épouse Engelberge, fille du roi Louis l’Aveugle, dont il reçut peut-être le
comté de Lyon, dans le royaume de Provence. Les Raimondins descendent
pour leur part d’un comte et missus du début du IXe siècle. Le cœur de leur
pouvoir est à Rodez et Toulouse, mais sous Raimond III Pons († vers 950),
leur autorité s’étend sur les comtés d’Albi et Cahors, les marges orientales
de la Gascogne et l’ensemble des comtés de Gothie, à l’exception de
Carcassonne, jusqu’à Nîmes, Uzès et peut-être Viviers. Après la mort du
dernier duc guillelmide en 927, ils revendiquent le titre de duc des
Aquitains. Celui-ci est finalement récupéré en 955 par les Ramnulfides, eux
aussi descendants de comtes du IXe siècle, qui, après avoir assuré
définitivement leur emprise sur Poitiers sous Ebles Manzer (902-939),
deviennent les principaux princes au sud de la Loire, en captant la fidélité
des comtes d’Angoulême et Périgueux, des comtes de La Marche et de
plusieurs lignées vicomtales à Limoges, Turenne et Thouars.
On retrouve des familles aussi anciennes et puissantes au nord et à
l’est, à commencer, en Francie, par les Robertiens ou les Herbertiens. Ces
derniers descendent du roi Bernard d’Italie, portent le vieux titre carolingien
de comte palatin et contrôlent les comtés de Vermandois, Omois, Meaux et
Troyes. En 925, ils s’emparent, aux dépens du roi, du siège archiépiscopal
de Reims, le plus important du royaume depuis que l’archevêque Hincmar
(845-882) en a fait le lieu privilégié des couronnements et des sacres
royaux. Les comtes de Flandre représentent un cas original. Ils sont issus de
Baudoin Ier ( † 879), dont nous ne savons pas grand-chose avant le rapt
audacieux par lequel il enlève la fille de Charles le Chauve, Judith.
Parvenant à faire reconnaître son union par le pape et le roi, il obtient de ce
dernier la charge de comte de Gand. Cette prestigieuse origine et
l’opiniâtreté mise à combattre les Normands fortifient la légitimité de son
fils, Baudoin II ( † 918), qui parvient à épouser une autre fille de roi,
Aesfeltrude, fille d’Alfred de Wessex. Plus à l’est, le comte Régnier († 915)
et son fils le duc Giselbert (929-939), maîtres du jeu en Lotharingie,
descendent directement de l’empereur Lothaire Ier. En Bourgogne
occidentale et dans le royaume de Provence, ce sont différentes branches
des Bosonides qui détiennent les principaux honneurs. Richard le Justicier,
comte d’Autun et duc des Bourguignons, est le frère de l’usurpateur Boson
et donc l’oncle de Louis l’Aveugle. Son fils aîné, Raoul, hérite du comté
d’Autun et devient roi de Francie en 923. Le cadet, Hugues le Noir, reprend
le titre de duc et les autres honneurs de son père. Dans ce tableau général,
les comtes de Rouen issus de Rollon ne représentent une exception qu’en
apparence puisque dès le règne de Guillaume Longue Épée (932-942) des
alliances les unissent aux Ramnulfides (de Poitiers) et aux Herbertiens (de
Vermandois). Au milieu du siècle, l’union du comte Richard Ier, fils de
Guillaume Longue Épée, avec Emma, fille d’Hugues le Grand et de
l’ottonienne Hadwige, leur apporte un sang plus prestigieux encore.
Cependant, nombre de ces grandes lignées s’éteignent ou déclinent
dans les décennies centrales du Xe siècle, ouvrant le jeu à de nouvelles
dynasties princières. Le dernier duc guillelmide, qui ne maîtrise guère plus
que l’Auvergne et le comté de Carcassonne, décède sans héritier direct dès
927. Les Bosonides disparaissent de Provence et de Bourgogne occidentale
avec les décès d’Hugues d’Arles en 948 et d’Hugues le Noir en 952. Sans
disparaître, les Régnier de Lotharingie se voient privés du titre ducal à la
suite de la rébellion de Giselbert, en 939, et se replient sur leurs honneurs
comtaux de Basse-Lotharingie. À partir des années 940, les Herbertiens et
les Raimondins traversent eux aussi de graves difficultés et peinent à
maintenir l’unité de leur vaste domination. Les Robertiens eux-mêmes
connaissent une période de faiblesse entre 956 et 960 lorsque le roi
Lothaire, profitant de la minorité du futur Hugues Capet, retarde son
investiture au titre ducal et ébranle ses réseaux de fidélité. C’est dans ce
contexte que de nouvelles familles, issues des rangs de l’aristocratie
comtale ou vicomtale et parfois apparentées aux anciens princes,
parviennent à s’imposer et à former une nouvelle génération de
principautés.
En Neustrie, de nombreux vicomtes (à Angers, Blois, Tours, Paris),
fidèles du Robertien, avaient adopté le titre de comtes dès les années 920-
940, ne laissant de contrôle direct au duc que sur le comté d’Orléans. À
l’occasion de la vacance du pouvoir ducal entre 956 et 960, les plus
puissants d’entre eux, les comtes de Blois et d’Angers, acquièrent une
véritable autonomie. Thibaud Ier de Blois ( † 977) s’empare des comtés
voisins de Chartres et Châteaudun, détourne à son profit de nombreux
fidèles du duc et étend même sa tutelle sur le comté de Rennes. Grâce à son
mariage avec une fille d’Herbert II il acquiert, dès 946, des droits sur le
Provinois et peut-être le Rémois, dans la fidélité directe du roi. En 1022, à
la mort du dernier comte herbertien, Eudes II (996-1037), s’appuyant sur
cette lointaine parenté, s’impose par la force dans les comtés de Troyes et
de Meaux, donnant naissance à la principauté bicéphale bléso-champenoise,
qui enserre à l’est et à l’ouest le cœur de la domination robertienne, entre-
temps devenue capétienne. Les comtes d’Angers manifestent un semblable
dynamisme. Sous les règnes de Geoffroy Grisegonelle (960-987) et de
Foulques Nerra (987-1040), ils étendent leur autorité aux dépens de tous les
princes voisins par la guerre ou la captation de fidélités : au sud autour de
Loudun, au nord dans les franges méridionales du Maine, à l’ouest sur le
comté de Nantes, enfin à l’est sur le comté de Vendôme et contre les comtes
de Blois, auxquels ils ravissent Saumur (1026) puis Tours (1044).
Thibaudiens et Angevins sont issus de familles de second rang, mais liées à
d’anciens groupes de parenté, les premiers aux Bosonides, les seconds aux
Guidonides et peut-être aux Robertiens et aux Welfs. Ils doivent leur
installation comme vicomtes dans la région ligérienne, au tournant des IXe
et Xe siècles, aux Robertiens, dont ils accompagnent d’abord l’ascension et
dont ils restent les fidèles, mais à distance, au moins jusqu’en 987.
Cependant, à partir du milieu du siècle, l’absentéisme du duc et la puissance
d’attraction du modèle princier les conduisent à se hisser au premier rang.
Dans le Midi, les plus anciens vicomtes s’émancipent de manière
identique, même s’ils sont moins bien connus et demeurent moins
puissants. En Auvergne, les comtes de Poitiers ne parviennent pas à
récupérer l’autorité jadis exercée par les ducs guillelmides et dès la fin des
années 950 le pouvoir local passe à d’anciens vicomtes, qui prennent le titre
de comte, ainsi qu’aux évêques du Puy et de Clermont. Plus au sud, les
Trencavel, qui secondaient les comtes de Toulouse et Rodez à Albi et
Nîmes, se détachent de l’emprise comtale dans la deuxième moitié du
Xe siècle. Tout en demeurant les fidèles des Raimondins, ils désertent leur
cour et patrimonialisent leur charge, comme l’atteste la mention précoce,
dès 956, du titre de vicomtesse. Sous Aton II (vers 990-1030), ils
commencent à recevoir des serments de fidélité pour des châteaux et
étendent leur contrôle aux évêchés d’Albi et Nîmes. Leur gouvernement
repose d’ailleurs sur l’étroite collaboration des deux frères, le vicomte et
l’évêque, dans le cadre, peut-être, d’une répartition territoriale : au vicomte
les domaines occidentaux, à l’évêque les droits et biens orientaux. À
Béziers, Agde et Lodève, ou bien à Narbonne, les vicomtes, dans le premier
cas, apparentés aux Guillelmides, s’affranchissent de la tutelle raimondine
dès la disparition de Raimond Pons.
En Provence, un nouveau comte est attesté à Arles à partir des années
946-954. Il hérite son pouvoir des derniers Bosonides, auxquels il est
certainement apparenté et dont ses ancêtres, eux aussi venus du nord, furent
des soutiens de part et d’autre du Rhône dès la fin du IXe siècle. Dans la
deuxième moitié du siècle, cette nouvelle lignée parvient à patrimonialiser
la charge comtale et à renforcer sa légitimité en expulsant les Sarrasins du
Freinet (972) et en captant les seuls vassaux installés par le roi de
Bourgogne, auxquels elle abandonne, avec un titre de vicomte, une emprise
totale sur un fragment de la Provence, le pagus de Marseille, vers 977-1000.
C’est seulement au début du XIe siècle que se produit l’émergence de
lignées princières dans le reste du royaume de Bourgogne. Dans les Alpes,
il s’agit des Humbertiens, qui sont comtes en Bugey, Savoie, Maurienne et
Tarentaise et tiennent les cols du Mont-Cenis et du Grand-Saint-Bernard, et
des Guigonides, de plus modeste origine, qui ne prennent le titre de comte
que vers 1030 et sont maîtres du Viennois, du Grésivaudan et du
Briançonnais, avec le col du Mont-Genèvre. Plus au nord, Otte-Guillaume
(982-1026), petit-fils d’un roi détrôné d’Italie, a hérité de son épouse le
comté de Mâcon, dans le duché de Bourgogne, et des possessions dans le
Jura. S’appuyant sur de prestigieuses alliances et sur le soutien du duc de
Bourgogne Henri Ier, il parvient à s’imposer à l’est de la Saône dans
plusieurs pagi de la province de Besançon, où il prend le titre de comte de
Bourgogne, fondant ainsi une principauté bicéphale à cheval sur les
royaumes de Francie et de Bourgogne.
Il y a donc trois moments dans l’apparition des principautés : les plus
anciennes remontent à la crise de la fin du IXe et du début du Xe siècle
(Flandre, Normandie, Aquitaine, Toulouse, Gascogne, Catalogne, duché de
Bourgogne) ; une deuxième vague émerge à partir du milieu du siècle
(Anjou, Blois, Auvergne, vicomtés languedociennes, Provence) ; les
dernières apparaissent dans le royaume de Bourgogne au début du XIe siècle
(comté de Bourgogne, Savoie, Viennois). C’est aussi le moment où les
comtes de Blois, principaux héritiers de l’éphémère principauté
herbertienne, s’implantent solidement en Champagne méridionale et où les
dynasties catalanes se fixent dans leurs différents comtés. Si l’on ajoute la
Bretagne, où les trois maisons comtales rivales de Nantes, Rennes et
Cornouaille finissent par s’unir en une seule entre 1051 et 1066, les grandes
principautés des royaumes de Francie et de Bourgogne des XIe-XIIe siècles
sont alors en place. Seule se distingue la Lotharingie, où l’intégration au
nouvel Empire fondé par le roi Otton Ier en 962 bloque la formation de
véritables principautés.
Pouvoir et parenté
P R
B
R ( 1017)
Le modèle royal
’E , B , R P
À R , E .
Seigneur, j’ai quelques mots à te dire, si tu daignes les écouter. Le
comte Richard [duc de Normandie], ton vassal, m’a prié de venir
m’expliquer en justice ou conclure un accord au sujet des
revendications que tu élevais contre moi. J’ai remis ma cause
entièrement en sa main. Avec ton agrément, il m’a fixé alors un plaid
pour le règlement de l’affaire. Mais, peu avant le terme, comme j’étais
prêt à me rendre à sa convocation, il m’a mandé de ne pas me donner
la peine de venir au plaid fixé, parce que tu n’étais disposé à accepter
qu’un jugement ou un accord qui m’interdirait, pour cause
d’indignité, de tenir de toi aucun fief et qu’il ne lui appartenait pas,
disait-il, de me faire comparaître pour un tel jugement sans
l’assemblée de ses pairs. Telle est la raison pour laquelle je ne suis
pas allé te retrouver au plaid.
Mais je m’étonne que, de ton côté, avec une pareille précipitation,
sans que la cause ait été discutée, tu me juges indigne de ton fief. Car,
si l’on considère la naissance, il est clair, grâce à Dieu, que je suis
digne d’en hériter : si l’on considère la nature du fief que tu m’as
donné, il est certain qu’il fait partie non de ton fisc, mais des biens
qui, avec ta faveur, me viennent de mes ancêtres par droit héréditaire ;
si l’on considère la valeur du service, tu sais comment, tant que j’eus
ta faveur, je t’ai servi à la cour, à l’ost et à l’étranger. Et si, depuis que
tu as détourné de moi ta faveur et que tu as tenté de m’enlever le fief
que tu m’avais donné, j’ai commis à ton égard, en me défendant et en
défendant mon fief, des actes de nature à te déplaire, je l’ai fait
harcelé d’injures et sous l’empire de la nécessité. Comment, en effet,
pourrais-je renoncer à défendre mon honneur ? J’en atteste Dieu et
mon âme, je préférerais mourir honoré que de vivre sans honneur. Et
si tu renonces à vouloir m’en dépouiller, il n’est rien au monde que je
désirerais plus que d’avoir et de mériter ta faveur.
Car cette querelle qui nous divise, en même temps qu’elle m’est
pénible, t’enlève à toi-même, seigneur, ce qui constitue la racine et le
fruit de ton office, je veux dire la justice et la paix. J’implore donc
ardemment cette clémence qui t’est naturelle et qu’un méchant conseil
peut seul t’ôter, en te suppliant de renoncer à me persécuter, et de me
laisser me réconcilier avec toi, soit avec le concours de tes familiers,
soit par l’entremise des princes.
Rédigée par Fulbert, évêque de Chartres (vers 1023-1024).
L M T .
Le culte de saint Martin (vers 316- † 397), était l’un des plus diffusés dans la
chrétienté, en particulier dans l’ancienne Gaule. Moine et évêque de Tours, Martin
était considéré comme le principal évangélisateur de la Gaule. En tant qu’ancien
centurion de l’armée romaine, il apparaissait aussi comme le prototype du miles
Christi. Depuis le VIe siècle, il faisait enfin figure de patron des rois francs. Son
principal sanctuaire était à Tours, à l’abbaye Saint-Martin, où reposaient ses reliques
et dont la tutelle était exercée, au Xe siècle, par le duc des Francs, puis, à partir de
987, par le roi capétien. Cette enluminure est extraite d’un manuscrit composé dans
cette abbaye aux environs de 1100 et qui contenait notamment la Vie de saint Martin
par Sulpice Sévère et des récits de miracles dus à Grégoire de Tours. Elle représente
deux scènes emblématiques de la vie du saint : l’épisode où, encore centurion, il
partagea son manteau avec un pauvre ; le moment de sa mort, où le Christ lui-même,
assisté de deux anges, semble se préparer à accueillir son âme dans le morceau du
manteau qu’il avait offert. Au travers du manteau, c’est la parole de Jésus en
Matthieu 25, 40 (« Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que
vous le faites ») qui unit les deux scènes en un éloge de la charité en faveur des
pauvres, images du Christ, dont les moines et les chanoines se présentent comme les
meilleurs représentants.
L C C
Le plus ancien texte à mentionner le surnom Capet est la Chronique du
moine limousin Adémar de Chabannes, peu avant 1030, mais il
s’applique alors au père d’Hugues Capet, le duc Hugues le Grand
( † 956). C’est seulement dans la première moitié du XIIe siècle que
plusieurs textes l’attribuent à Hugues Capet, les Annales de Saint-
Amand d’abord (début XIIe siècle), puis l’Abrégé de l’Histoire des rois
francs, composé à l’abbaye de Saint-Denis vers 1140, qui évoque «
Hugues duc des Francs surnommé Capet », enfin la Chronique du
clunisien Richard le Poitevin peu avant 1153. L’usage en devient dès
lors courant. Le terme « Capétien » fait quant à lui son apparition pour
désigner la nouvelle dynastie à la fin du XIIe siècle, sous la plume du
chroniqueur anglo-normand Raoul de Diceto († 1202).
U :
L F , C , G V
P ( 1020)
A G , A , F ,
.
Invité à écrire quelques mots sur les caractères de la fidélité, voici ce
que j’ai relevé pour vous dans les livres qui font autorité. Celui qui
jure fidélité à son seigneur doit avoir constamment ces six mots en
mémoire : sain et sauf, en sécurité, honnête, utile, facile, possible. Sain
et sauf, à savoir qu’il évite de porter préjudice à son seigneur dans
son corps ; en sécurité, de lui porter préjudice dans son secret et dans
les châteaux qui maintiennent sa sécurité ; honnête, de lui porter
préjudice dans sa justice ou dans toute affaire qui concerne
manifestement son honneur ; utile, de lui porter préjudice dans ses
possessions ; facile et possible, de rendre difficile le bien que son
seigneur pouvait facilement réaliser, ou de rendre impossible celui qui
lui était possible. Que le fidèle se garde de ces préjudices, c’est
justice ; mais ce n’est pas ainsi qu’il mérite son chasement
[installation sur un fief], car il ne suffit pas de s’abstenir du mal si
n’est pas réalisé ce qui est bien. Il lui reste donc aux six occasions
susdites, à fournir fidèlement à son seigneur conseil et aide, s’il veut
apparaître digne de son bénéfice et sauvegarder la fidélité jurée. Le
seigneur aussi doit rendre à son fidèle la pareille à toutes les
occasions susdites. S’il ne le fait pas, il sera à bon droit déclaré « de
mauvaise foi » et le vassal, de son côté, s’il est surpris à y manquer
activement ou tacitement, sera déclaré « sans foi et parjure ».
L G V P H
L
C ’ ,
(l’appellation Conventum Hugonis remonte au XVIIe siècle), de 342
lignes, provenant de l’Aquitaine du début du XIe siècle et rapportant
une série de conflits entre le duc et l’un de ses vassaux. Il a peut-être
été écrit en langue vernaculaire, même s’il n’est connu que dans une
version latine composée par un auteur anonyme vers 1028. Il s’agit
d’une mise en récit d’événements sur lesquels nous sommes par
ailleurs très mal renseignés ; elle est largement inspirée par la forme
des accords seigneuriaux (convenientiae) et imprégnée de procédés
littéraires, au point que certains historiens ont voulu y voir un texte
précurseur des premières épopées.
[…] Hugues [de Lusignan] conclut une convention avec le vicomte
Raoul stipulant qu’il prendrait pour femme la fille de ce dernier en
échange de cette terre, d’une autre plus importante ou d’autres
choses. En l’entendant, le comte [de Poitiers, duc d’Aquitaine] entra
dans une grande colère et, se précipitant chez Hugues avec humilité, il
lui dit : « Ne prends pas la fille de Raoul pour femme. Je te donnerai
tout ce que tu me demanderas et je t’aurai en amitié plus que toute
autre personne à l’exception de mon fils ». Hugues obéit aux ordres du
comte et, en raison de son amour et de sa fidélité, il renonça
secrètement à la prendre pour épouse. En ce temps-là, il arriva que
Joscelin du château de Parthenay finit sa vie et le comte dit qu’il
livrerait à Hugues l’honneur du défunt et sa femme, mais, s’il refusait
de les accepter, il ne se fierait plus du tout à lui. Il faut savoir que
dans cette affaire Hugues évita d’adresser au comte injonction ou
prière, ni pour lui ni pour un autre. À la réflexion, il dit à Guillaume :
« Je ferai tout ce que tu m’auras ordonné ». Or, tenant un plaid avec le
comte Foulques [d’Angers], le comte [Guillaume] s’engagea à lui
donner de ses propres bénéfices ; Foulques promit qu’il donnerait à
Hugues ce qui lui appartenait. À cette convention cependant, le comte
[Guillaume] manda le vicomte Raoul et lui dit : « De la convention
qu’Hugues a faite avec toi, il ne fera rien car je le lui interdis. Mais
moi et Foulques nous avons aussi convenu de lui donner l’honneur et
la femme de Joscelin. Et nous le ferons pour te confondre puisque tu
ne m’es pas fidèle ». En entendant ces paroles, Raoul fut très dolent et
il dit au comte : « Pour que Dieu te soit en aide, ne fais pas cela ». Et
le comte dit : « Garantis-moi de ne pas lui donner ta fille et de ne pas
observer la convention que tu as conclue avec lui ; moi, de mon côté,
je ferai en sorte qu’il ne possède ni l’honneur ni la veuve de
Joscelin ». Et ils firent en sorte qu’Hugues n’eût ni l’un ni l’autre.
[…])
D’après le Conventum Hugonis (vers 1028).
Le prince, s’il entend conserver son ascendant sur les grands, doit
entretenir leur fidélité. Dans ce but, il peut leur distribuer de nouveaux
biens, en pleine possession : ce que fait le comte de Provence après 972,
une fois « confisquées », c’est-à-dire intégrées à son fisc, les terres
orientales récupérées sur les Sarrasins ; ou sous forme de bénéfices : ce que
fait le comte d’Anjou Foulques Nerra (987-1040) en faveur des chevaliers
chargés de la garde de ses nouveaux châteaux, tout en prenant bien soin de
disperser leurs bénéfices dans tout le comté et d’en contrôler la transmission
successorale. Le prince a besoin pour cela de disposer de ressources
foncières importantes, qu’il trouve dans ses fiscs (anciens ou récents) ou
dans les patrimoines ecclésiastiques passés sous son contrôle, mais qu’il
peut aussi chercher à acquérir par la guerre ou un bon mariage.
Mais le prince s’efforce surtout de tisser avec ses fidèles des relations
d’« amitié », le terme renvoyant dans le vocabulaire de l’époque,
indépendamment de toute connotation affective, à un véritable pacte
engageant les partenaires au respect d’un code de comportements implicite.
Pour cela, il cherche à les associer à ses gestes de piété (donations,
fondations ou restaurations monastiques), dont la fonction politique et
mémorielle ne peut être distinguée de la fonction spirituelle. Il les entraîne
aussi dans ses guerres contre les princes voisins ou les seigneurs rebelles :
dans une société où le pouvoir reste avant tout fondé sur la force et repose
sur le charisme personnel, le compagnonnage guerrier est un facteur de
cohésion du groupe aristocratique, entre le chef local et ses chevaliers
comme entre le prince et ses fidèles. Enfin, le prince doit attirer les grands à
ses plaids, les associer à ses décisions et arbitrer les conflits qui les
déchirent ou les opposent aux ecclésiastiques, car même s’il ne dispose
nulle part d’un monopole juridictionnel, une bonne part de son autorité
découle de sa capacité à réguler la violence aristocratique. Il s’agit bien de
régulation sociale et non de l’exercice d’une justice répressive. En effet,
comme le montrent plusieurs études récentes sur le Mâconnais, le Poitou ou
la Catalogne, dès la première moitié du Xe siècle la justice princière
fonctionne bien différemment du modèle normatif érigé par les anciens
capitulaires carolingiens (mais cet idéal a-t-il jamais correspondu à une
quelconque réalité ?). Aucune cause spécifique n’est réservée au prince,
aucun droit particulier ne s’y exerce de manière exclusive, pas même en
Catalogne ou dans les régions marquées par l’empreinte wisigothique. On
rencontre bien parfois des juges ou des experts en droit au tribunal du
comte, en particulier dans les terres de pluralisme juridique comme la
Septimanie, mais partout ce sont les groupes de fidèles qui dominent les
plaids, au Xe comme au XIe siècle. Les procédures se caractérisent, comme
dans les cours épiscopales, par la recherche du compromis, le recours à
l’arbitrage, voire la menace du duel judiciaire ou de toute autre ordalie.
Sans avoir le désir d’imposer une justice surplombante, le prince use de
tous les moyens à sa portée pour faire reconnaître sa prééminence
juridictionnelle et contenir l’exercice de la violence dans des limites
considérées par l’ensemble du groupe aristocratique, dont il se considère
partie prenante, comme acceptables.
Pour s’attacher les grands ou se prémunir contre leur hostilité, le
prince joue enfin sur les liens de parenté. Dans un contexte où les structures
de parenté de l’aristocratie locale sont encore indifférenciées, il peut
s’immiscer dans les rivalités qui ne manquent pas de surgir entre parents à
l’occasion d’une succession difficile ou d’un mariage, comme le montre de
nouveau le récit des malheurs d’Hugues de Lusignan. La tendance à
l’alliance hypogamique des filles de comtes dans la première moitié du
XIe siècle montre par ailleurs que les princes n’hésitent pas à utiliser leur
sang pour conforter des fidélités et s’attacher durablement certaines
familles. Le comte de Besalù Bernat Tallaferro (994-1020) donne ainsi sa
fille Adélaïde en mariage à Joan d’Oriol, « homme très illustre » et l’un des
principaux nobles de son comté. De même, les comtes de Barcelone
donnent-ils leurs filles comme épouses aux vicomtes de Barcelone, lesquels
donnent les leurs à leurs viguiers des châteaux de Castellvi de la Marca et
Sant Marti, créant une chaîne de parenté censée venir consolider une chaîne
de fidélité. L’accent mis dans les plus anciens serments de fidélité catalans
et languedociens sur la filiation maternelle du prestataire renvoie d’ailleurs,
au-delà de l’association symbolique de la fidélité à la figure de la mère, à
cette conscience d’une parenté comtale plus ou moins lointaine. À côté ou
en sus de ces liens de parenté charnelle, un lien de parenté artificielle peut
aussi être établi par l’accueil de jeunes garçons dans la suite du futur
seigneur. Dans la tradition des cours royales carolingiennes, le groupe des
« nourris » (nutriti) à la table du prince mêle les enfants ce dernier, des fils
de proches parents et des fils de fidèles, formant dès l’adolescence une
relation privilégiée entre quelques grands d’une même région, dans la
fidélité au prince. Odon (v. 879-942), le futur abbé de Cluny, fils d’un noble
ligérien par ailleurs juriste, est ainsi « nourri » à la cour de Foulques le
Roux, vicomte puis comte d’Angers, puis à celle du duc Guillaume le
Pieux. Bouchard Ier, futur comte de Vendôme, est instruit des « choses
célestes et militaires » au palais d’Hugues le Grand.
L D ’ B .
Cette image est extraite de la fameuse tapisserie (en fait une broderie) de Bayeux,
confectionnée peu après la conquête de l’Angleterre par le duc Guillaume de
Normandie (1066) et avant la disgrâce de l’évêque de Bayeux Odon (1082), demi-
frère du duc et très probable commanditaire de la broderie. Celui-ci la destinait
probablement à sa cathédrale qui, à l’issue d’un long chantier, bénéficia d’une
dédicace solennelle le 14 juillet 1077, en présence de Guillaume, de la reine Mathilde,
de l’archevêque de Cantorbéry Lanfranc, ancien abbé du Bec, et de nombreux prélats
et barons. Longue de soixante-dix mètres, la broderie est l’œuvre d’artisans anglo-
saxons. Elle raconte la conquête de l’Angleterre au travers d’une succession de scènes
commentées par de nombreuses inscriptions permettant d’identifier les lieux et les
protagonistes. Plusieurs des premières scènes évoquent la campagne militaire du duc
Guillaume contre le comte de Rennes Conan II en 1064 ; elle fut ponctuée par les
sièges de Dol, Dinan et Rennes. Le siège de Dinan fournit une représentation
exceptionnelle d’une motte castrale, en parfaite concordance avec certains sites
archéologiques comme celui de la motte d’Olivet à Grimbosq (Calvados). On y voit
une forteresse de bois élevée sur une motte de terre artificielle, entourée d’un fossé et
d’une levée de terre. L’accès en est protégé par une avant-porte fortifiée et un pont-
levis stylisé. Au sommet de la motte, une chemise de bois entoure la tour. Cette
dernière est surmontée d’un toit en carène de bateau renversé, ornementé de motifs
animaliers, laissant deviner sa fonction résidentielle. Comme le suggère le récit de la
broderie, les campagnes militaires étaient ponctuées par le siège de ces forteresses. Le
détail du premier plan suggère toutefois que l’incendie, plus que l’assaut, constituait
la technique la plus efficace pour les réduire. Les mottes castrales ne constituent pas le
seul type de résidence aristocratique figurée sur la broderie de Bayeux, qui présente
aussi trois véritables palais (Winchester, Rouen et Westminster), dépourvus de
fonction défensive et obéissant à une tout autre tradition architecturale et
iconographique.
Dans ces conditions, les mottes, comme les tours et les châteaux
seigneuriaux, ne peuvent être considérées comme des forteresses
« privées » et opposés aux forteresses « publiques » des comtes, des
vicomtes ou des évêques. Toutes ces forteresses manifestent le rang éminent
de leurs détenteurs au sein de la société et leur commune et légitime
participation à l’exercice des pouvoirs de commandement. En revanche, le
degré de l’emprise princière sur les châteaux varie fortement d’une région à
l’autre. Les périphéries princières, les espaces interstitiels et les principautés
fragiles sont, à l’évidence, plus favorables à la multiplication des forteresses
seigneuriales. Sur les marges de la Normandie et du Maine, en Picardie, en
Provence, en Gévaudan ou en Vivarais, le contrôle du comte repose
entièrement sur les relations qu’il entretient avec ses fidèles auxquels il
cède une bonne part de ses prérogatives. À l’autre bout du spectre, quelques
princes tiennent solidement le tissu castral de leur principauté au point de
s’appuyer sur lui pour commencer à élaborer un véritable contrôle
territorial. Dans les premières décennies du XIe siècle, le duc de Normandie
nomme par exemple une série de comtes et de vicomtes, pour la plupart
choisis parmi ses proches parents, et les investit de nouvelles forteresses
construites loin des cités, telles Mortain, Ivry, Falaise… Plus systématique
encore apparaît l’action des comtes de Flandre Baudoin IV (988-1035) et
Baudoin V (1035-1067), qui nomment dans leurs châteaux de véritables
gardiens, recrutés dans la petite aristocratie, investis à titre de fief de
fonctions militaires et judiciaires : ainsi à Gand en 1010, Bruges en 1012,
Douai en 1024… La présence à leur côté d’agents chargés de la gestion du
domaine achève de faire de ces premiers châtelains comtaux l’embryon
d’une structure administrative princière appuyée sur un réseau castral. Il
s’agit toutefois d’un cas de figure exceptionnellement précoce.
En définitive, pour assurer la perpétuation de leur domination, les
princes furent partout amenés à partager le pouvoir avec l’aristocratie
régionale. Ce partage est précoce, durable et profond. Il remonte au moins à
la fin du IXe siècle, s’approfondit tout au long des Xe et XIe siècles et
concerne tous les aspects du pouvoir princier, de la justice à la détention de
domaines et de droits fiscaux, en passant par les prérogatives militaires et le
contrôle des châteaux. Ce partage ne résulte pas d’une révolte généralisée et
brutale des grands contre le prince – cette crise de la fidélité aristocratique
autour de l’an mil dont les études récentes ont mis en doute la réalité dans
bien des régions où on avait cru la percevoir, du Mâconnais à la Provence –
mais de la structure même du pouvoir princier dans le cadre régionalisé de
l’exercice du pouvoir issu de la crise de l’ordre carolingien entre 880 et
940. Cependant, il est évident que ce partage ne se produisit pas de manière
régulière, mais qu’il se trouva accéléré à certains moments délicats pour le
prince, variables d’une principauté à l’autre. Dans une société où le pouvoir
était masculin et s’exerçait en personne, les périodes de minorité étaient par
exemple toujours des moments où l’autorité princière faiblissait. « Malheur
au royaume dont le prince est un enfant » (Ecclésiaste 10, 16) pouvaient à
bon droit se lamenter les chroniqueurs monastiques. Ce fut vrai pour le
comté de Flandre lors des minorités d’Arnoul II et de Baudoin IV ou pour
la Normandie lors de la minorité de Guillaume le Bâtard. Les rivalités qui
déchiraient les familles princières pouvaient aussi déséquilibrer le rapport
de force entre princes et grands, comme ce fut le cas en Anjou après la mort
de Geoffroy Martel († 1060). Par ailleurs, le partage du pouvoir se révélait
plus prononcé dans certaines principautés du fait même de leurs
caractéristiques propres. Ainsi, là où les princes étaient dépourvus d’une
solide assise sur l’Église, ce qui était le cas en Provence, le rapport de force
apparut rapidement favorable aux grands. Il en alla de même dans les
espaces périphériques des principautés écartelées, où le prince ne se
montrait guère, comme le Mâconnais, délaissé par les comtes de
Bourgogne, ou le Toulousain, abandonné par les Raimondins.
III. R
L’ ’H C (987)
Depuis les réformes monétaires carolingiennes, le denier est la pièce centrale d’un
système monétaire fondé sur le monométallisme argent associant deux unités de
compte (la livre et le sou) à une unité réelle (le denier), selon l’équivalence 1 livre
= 20 sous = 240 deniers. Le poids moyen des deniers de Charles le Simple est
théoriquement de 1,535 g, mais en réalité il varie de 1,23 g à 1,87 g. Jusqu’à l’entrée
dans une forte et durable période de dépréciation à partir des années 930, sa teneur
moyenne est de 85 % d’argent-métal. Le conservatisme monétaire s’affirme sur le
plan symbolique. Le denier de Charles le Simple reprend en effet les caractères de
pièces de Charles le Chauve : à l’avers, la titulature CAROLUS REX s’enroule autour
d’une croix cantonnée de quatre globules, tandis qu’au revers figure le nom de
l’atelier monétaire, en l’occurrence Toul, en Lotharingie, ce qui signifie que la pièce a
dû être frappée au moment où Charles dominait cette région, entre 911 et 920. Ces
éléments sont à leur tour repris par les évêques et les princes qui battent monnaie et en
tirent souvent profit, mais souhaitent se placer dans le sillage des Carolingiens, même
lorsqu’ils osent faire figurer sur les pièces leur propre nom.
É .
Cette épée dite de Charlemagne est en réalité une épée composite, faite de divers
éléments des Xe, XIe (le pommeau) et XIIe siècles (les quillons), utilisée pour le sacre
des Capétiens depuis le XIIe siècle au moins, peut-être déjà auparavant (le fourreau
est bien postérieur). Comme le suggère un filigrane figurant aussi sur un plat
liturgique de Saint-Denis, elle a certainement été fabriquée à l’abbaye même, où
existait un atelier d’orfèvrerie. Symbole de la paix et de la justice, auxquelles se
référait le serment prononcé par le roi le jour de son sacre, elle constituait, avec la
couronne, le principal des insignes royaux (regalia). Son pommeau et sa garde d’or,
délicatement ouvragés, en font en outre un objet singulier dont les motifs animaliers,
traités sur mode archaïque (oiseaux et monstres affrontés, entrelacs), témoignent
d’une étonnante volonté d’indépendance à l’égard des prestigieux modèles
iconographiques carolingien ou ottonien.
L’ O II.
Cette enluminure est l’une des deux seules à avoir survécu parmi celles qui illustraient
un recueil des lettres du pape Grégoire le Grand commandé par l’archevêque de
Trèves Egbert, peu après la mort de l’empereur Otton II en 982. Elle fournit une
image de la puissance ottonienne et de son ambition d’un gouvernement universel et
chrétien, dans une postérité à la fois carolingienne, romaine et byzantine : Otton II
n’avait-il pas épousé une princesse venue de Byzance, Theophano, à Rome le jour de
Pâques 972 ? On y voit un portrait idéalisé de l’empereur auquel les « provinces »,
selon un thème iconographique repris de la tradition antique, viennent apporter leur
offrande en signe de soumission. L’empereur est représenté glabre, en position de
majesté, assis sur un trône, les pieds sur une estrade et sous un baldaquin de pierre
construit more romano (colonnes de marbre à chapiteaux corinthiens, arcs en plein
cintre, couverture de tuiles). Il est revêtu des insignes impériaux : dans la main
gauche, l’orbe de la domination universelle, marqué d’une croix renvoyant à la
protection de l’Église et à la diffusion de la foi ; le manteau de pourpre tenu par
une fibule sur les épaules ; le bâton de commandement dans la main droite ; la
couronne sur la tête. Les « provinces » de l’Empire sont représentées à une plus petite
échelle, en vierges couronnées et en position d’offrande. Une inscription à l’encre
blanche placée au-dessus de leur tête, difficilement visible, permet de les identifier :
de gauche à droite, figurent ainsi la Germanie, la Francie (pour la Lotharingie), l’Italie
et l’Alémanie (qui vient dédoubler la Germanie).
I. M
L’abbaye de Jumièges, fondée vers 654 par saint Philibert dans la basse vallée de la
Seine, était à l’époque carolingienne un important complexe monastique pourvu de
plusieurs églises : Saint-Pierre est la seule dont certains vestiges sont parvenus jusqu’à
nous. En effet, longtemps attribués à la fin du Xe siècle, ces vestiges ont été redatés
par de récentes études archéologiques de la fin du VIIIe siècle ou du début du
IXe siècle : les traces de feu sur les chapiteaux des baies géminées de l’étage (visibles
ici sur le mur du fond au-dessus des oculi aveugles) sont ainsi susceptibles de
correspondre à l’incendie du monastère, le 24 mai 841, par une troupe danoise qui
venait de piller la cité de Rouen. Les ruines de l’église durent toutefois rester
imposantes, puisqu’elles furent réutilisées lors de la restauration de l’abbaye par le
duc Guillaume Longue Épée en 942, avant que ne soit construite, à partir de 1027, la
nouvelle église Notre-Dame (dont on aperçoit une tour derrière le feuillage).
A , M (929-954),
L
C attente, Adalbéron – il était certes de sang royal en
ligne paternelle et en ligne maternelle aussi loin que remontait la
mémoire des hommes, mais sa fortune s’était considérablement réduite
après l’appauvrissement subi par son patrimoine lors du second
mariage de sa mère – avec l’accord de tous et les suffrages publics et
légitimes de l’église et avec l’appui du Seigneur, fut élevé au pontificat
du saint siège de Metz. Pour dire comment ses actes, progressant avec
plus de bonheur de jour en jour, s’accrurent sous la conduite du
Christ, comment plus qu’aucun autre il employa son zèle à restaurer
surtout les monastères, on ne saurait limiter son discours à quelques
mots, et, si j’avais du bon sens, je ne m’y risquerais même pas. Car la
réalité de la chose frappe en vérité suffisamment tous les regards pour
rendre bien pâle tout ce qu’on pourra en dire, et la multitude de ses
réalisations ne saurait tenir en un discours. Cette église, qu’il avait
reçue quasiment privée de tout zèle dans les activités divines et
humaines en raison des troubles de la période antérieure, grâce à
l’assistance de Dieu, en peu de temps il l’éleva de presque rien au
niveau suprême, si bien qu’il rendit à la vie régulière tous les
monastères relevant de son diocèse, qui souffraient d’une longue et
ancienne paralysie de la discipline et étaient dans un état presque
désespéré. Il leur préposa partout des hommes de vie et de science
éprouvées, qui, renonçant totalement au monde, pussent être
profitables aux autres par leur enseignement et leur instruction. Il
transforma en institutions monastiques les groupuscules de clercs,
parce qu’il n’approuvait pas du tout leur vie partagée avec le siècle.
Quant aux maisons des religieuses, parce qu’il supportait très mal de
les voir décliner sinon dans la réalité, tout au moins dans leur
réputation, il les arracha à la dent de toute fâcheuse suspicion, et en
proportion des capacités de leur sexe, il soumit les religieuses aux
mêmes institutions que les moines et à des observances en tout point
semblables. Il ne se limita pas aux monastères les plus anciens ni aux
plus éminents, mais dota de l’habit et de l’observance monastiques des
cellules depuis longtemps éclatées en raison d’une discipline
incertaine, et dans lesquelles huit clercs ruraux à peine, ou moins
encore, assuraient des offices sans paroles. Quand le moment et
l’occasion s’y prêtèrent, il restitua aux monastères les terres
nécessaires à leurs dépenses ainsi que ce qui leur appartenait et, avec
une remarquable générosité, donna par d’autres chartes des terres
prises sur ses propres ressources.
Mais encore que le souci de tous les monastères le préoccupât de
façon étonnante, Gorze pourtant, comme je l’ai dit, bénéficia toujours
d’une affection unique de sa part, pour la raison qu’elle avait été la
première de ses œuvres et que la sainteté d’Einold et de Jean lui faisait
plaisir par-dessus tout : en raison de l’excellence de leur foi et de leur
sagesse, il fit par la suite usage de leurs avis sur des questions aussi
bien divines qu’humaines. Presque aucun de leurs conseils ne resta
jamais sans effet : au contraire, si on s’en écartait, on s’en repentait
plus tard. Ils entrèrent dans ce monastère en l’an 933 de l’Incarnation
de notre Seigneur, alors que la part de Francie qui avait été le
royaume de Lothaire revenait au roi des Germains Henri, père du très
glorieux empereur Otton [Ier], lequel surpassa la renommée de ceux
qui l’avaient précédé et naquit tant pour la gloire que pour le bénéfice
du monde entier. La part occidentale de la Francie était allée à Louis,
fils de ce Charles [le Simple] qui, à la bataille de Soissons, ne fut,
selon une tradition connue, ni vaincu ni vainqueur, et resta en prison
jusqu’à sa mort. Ils entrèrent ensemble dans la milice sacrée selon la
même répartition que dans leur groupe primitif : venaient en premier,
nouveaux chefs du groupe et lumières très prestigieuses de ce monde
Einold et Jean, ensuite Salecho, un des clercs de Saint-Martin-Outre-
Moselle, Randinc, prêtre du titre de Saint-Symphorien, Bernacre, ce
diacre que nous avons cité plus haut, et avec eux deux jeunes gens,
Teuthinc, domestique du seigneur Einold, et Teuther, un homme de vie
honorable qui est encore de ce monde et fut admis avec le prêtre
Randinc dont il était le neveu. Ils vécurent un certain temps en habits
de clercs, jusqu’au moment où ils adoptèrent l’institution de la vie
régulière et échangèrent leur habit contre celui du moine, après que
l’évêque fut venu et qu’une élection d’un père supérieur eut été
demandée et acceptée selon la coutume monastique. D’un vœu
unanime et avec une égale intention, seigneur Einold fut réclamé par
tous. Il fut le premier à faire à l’évêque vœu de vie régulière, par écrit,
suivant la règle de saint Benoît, et pour se vouer à la croix du
Seigneur se vêtit de la coule. À la suite de l’abbé, dans le respect de la
hiérarchie, ils firent tous profession ensemble et d’égale manière, se
liant sous son autorité par le serment de servir le Ciel et d’obéir.
Seigneur Jean, qui était compétent et connaissait ces choses-là, fut
choisi pour gérer les affaires extérieures. Quelques moines, qui
avaient connu ici l’ancien mode de vie et furent contraints de suivre
l’exemple des nouveaux, donnèrent aussi leur accord pour mener la
vie commune.
Vie de Jean de Gorze, vers 974-984.
U : ’A F
L R (1004)
[…] le parti des factieux qui s’était livré à des vexations contre ceux
que notre saint père avait envoyés dans ce monastère, avait déjà
comploté dans le dessein de provoquer des bagarres sous un prétexte
quelconque et d’infliger alors à ses serviteurs l’affront de telles
violences que ni lui-même ni personne d’autre n’oserait jamais revenir
chez eux. Mais qu’ils aient prémédité traîtreusement sa mort, on ne le
sait pas vraiment, sinon que celui qui, dit-on, l’a frappé, aurait dit aux
nôtres dans la dispute – à ce que l’on rapporte – qu’il lui serait
indifférent que sa lance lui perforât le ventre.
Le lundi donc, où l’on célébrait la fête de saint Brice confesseur, notre
saint père Abbon se mit à réprimander un moine qui était, disait-on,
l’instigateur de ce complot, parce qu’il était sorti du monastère sans
sa permission et qu’il avait osé aller manger à l’extérieur. De race et
de nom barbares, il s’appelait Anezan. Tout en feignant d’accepter
avec patience la réprimande du saint homme, il rétorque par des mots
de révolte à ceux qui l’entourent : tout à coup on perçoit la clameur
des femmes qui toutes ensemble poussent des cris selon la coutume de
ce peuple dès qu’un mouvement de foule se manifeste ou qu’il y a mort
d’homme. […]
Or voici quelle était la cause du désordre : alors que les Francs et les
Gascons se harcelaient les uns les autres par des injures, un des
Francs, par trop irrité de l’affront fait à son seigneur, jeta par terre un
offenseur en lui assenant un coup de gourdin entre le cou et les
épaules. Celui-ci par terre, aussi bien les nôtres que les factieux se
mirent à se jeter mutuellement des pierres. […] l’homme de Dieu
Abbon […] entend la clameur des gens qui se battent, s’avance à
l’extérieur en venant du bas de la colline et en se hâtant pour arrêter
les siens, qui occupaient les parties hautes, est blessé au haut du bras
gauche par un guerrier du parti adverse, d’un coup de lance si violent
que le fer en s’enfonçant pénétra à l’intérieur des côtes. [… Abbon est
emmené vers la maison de ses serviteurs. Là] vidé de son sang, il
rendit au ciel son âme entre les mains de ses disciples et de ses
serviteurs qui le soutenaient ; c’était le 13 novembre. Ceux qui ont
mérité de voir sa sainte mort – car moi j’étais resté à l’extérieur pour
calmer ceux qui se battaient – ont rapporté que ses dernières paroles
furent les suivantes : « Aie pitié, Dieu tout-puissant, de mon âme, du
monastère et de la communauté que, jusqu’à présent, par votre faveur,
j’ai dirigés. » Après avoir prononcé ces mots, comme nous l’avons dit,
il rendit le dernier soupir.
Mais les séditieux, cernant la maison dans laquelle notre saint père
qui venait de mourir était pleuré par les siens, attaquaient à coups de
haches les gonds des portes qui avaient été verrouillées. C’est alors
que la foule déchaînée fit irruption ; après avoir blessé plusieurs
personnes, ils rouèrent à mort de coups de bâtons pointus et de lances
le chambrier de l’homme de Dieu, nommé Adélard. Son agonie se
prolongea jusqu’à l’aube du mardi, il rendit l’esprit et mourut, et on
l’enterra dans le cloître du monastère. À côté de lui fut encore enseveli
par la suite le garde des chevaux dudit saint qui, blessé alors, traîna
jusqu’au jour de la fête de saint André, puis mourut. […]
Au matin du mercredi, avec les vêtements mêmes qu’il portait, comme
c’est la coutume d’ensevelir ceux qui périssent de mort violente, et
sans même qu’il l’eût lavé, il fut enseveli dans un sarcophage de
pierre à l’intérieur de la crypte, devant l’autel du très saint père
Benoît. Et assurément d’une façon tout à fait décente, n’eût été que la
fin de sa vie était survenue de façons si imprévue. Mais nous savons
par le témoignage de l’Écriture que « le juste, quelque prématurée
qu’ait été sa mort, sera dans le lieu de rafraîchissement » (Sagesse 4,
7).
Vie d’Abbon d’Aimoin de Fleury, vers 1005-1022.
U .
L ’ M .
L’ O C
( 1030)
Cette lettrine, extraite d’un manuscrit juridique du XIIe siècle contenant le Décret de
Gratien, représente une scène d’oblation d’enfant. Au centre de l’image, la crosse
abbatiale et le jeu de mains des différents protagonistes manifestent le transfert
d’autorité du père « charnel » au père « spirituel ». Le père charnel, à droite, est un
noble, comme le signalent ses habits, notamment la cape retenue à l’épaule par une
agrafe. Il tient dans ses mains quelques pièces symbolisant la dotation qui
accompagne nécessairement toute oblation d’un enfant à une communauté
monastique. À gauche, l’abbé, un bénédictin, prend l’enfant sous son autorité en lui
saisissant le poignet. Derrière lui, un deuxième moine, sans doute le maître des
novices chargé de l’éducation du jeune oblat, répond au geste et à la parole du père
charnel.
Les actes de donation, qui donnent à voir les liens privilégiés unissant
la noblesse à Dieu et aux saints, sont les plus nombreux à rendre compte de
cette valorisation. Les chartes présentent souvent les donateurs comme les
épigones de prédécesseurs illustres, figures bibliques ou souverains
carolingiens, et comme les artisans d’une véritable « rénovation
chrétienne » après le temps des sévices païens (Normands, Sarrasins…).
Elles constituent aussi l’occasion d’affirmer publiquement, avec le prestige
lié à l’écrit, l’identité et la puissance de ses auteurs. Elles se réfèrent par
exemple de manière réitérée à la seigneurie des donateurs, en décrivent
parfois l’étendue, en précisent souvent l’origine. La présence des enfants et
en particulier des fils, comme la répétition des donations, leur confirmation
ou leur augmentation, manifestent à la fois la continuité et la légitimité d’un
pouvoir fondamentalement héréditaire. Les donations participent alors à
l’affirmation et à la manifestation d’une domination, à son insertion dans un
passé, une mémoire, étroitement associés à un espace, à un honneur. Il n’est
pas anodin de constater que les donations prennent leur essor entre 980 et
1060, au moment où le pouvoir aristocratique commence à se structurer
autour d’une terre dominée par une forteresse.
L G G
( 994-1034)
U F ( Xe )
Les trois ordres de la société selon Heiric d'Auxerre repris par Odilon de Cluny
Les trois ordres de la société selon Adalbéron de Laon et Gérard de Cambrai
II. L
Il y a dans la société des Xe et XIe siècles un puissant besoin de sacré et
la conviction qu’une relation directe avec le divin peut être établie ici-bas
par l’intermédiaire de pratiques, d’objets, de lieux spécifiques. Le sacré est
donc incarné, ouvrant la possibilité de tisser de multiples liens entre le
matériel et l’immatériel.
Les clercs sont considérés comme les spécialistes de ces liens, les
mieux à même de les connaître, de les mettre en œuvre, d’en légitimer les
formes et le sens au regard de la religion chrétienne, ou bien au contraire de
les disqualifier comme « superstitions » ou « survivances païennes ». Sur
ces croyances traditionnelles qui échappent à l’emprise ecclésiastique nous
ne savons presque rien d’autre que ce que nous en rapportent les clercs, qui
relaient en abondance des lieux communs issus de la tradition patristique et
hagiographique. Mais il est clair que les limites ne sont pas vraiment
étanches entre les différents registres de croyance et que les domaines du
profane et du sacré, comme la définition même du sacré, ne font pas l’objet
d’une appréhension consensuelle, y compris chez les clercs, comme le
montrent par exemple, au début du XIe siècle, l’embarras puis
l’enthousiasme de Bernard, écolâtre d’Angers et ancien élève de Fulbert de
Chartres, devant les formes prises par le culte des reliques dans les
sanctuaires d’Aurillac ou de Conques. En outre, les clercs n’ont pas
toujours le monopole du sacré chrétien et les élites laïques, en particulier les
rois et les princes, cherchent souvent à se l’approprier, en général avec le
consentement et la collaboration des clercs eux-mêmes. La répartition des
rôles vis-à-vis du sacré le plus légitime présente donc elle-même une
relative ambiguïté.
Cependant, une évolution profonde se dessine, qui se renforce à partir
du XIe siècle. Le sacré fait l’objet d’une définition de plus en plus précise et
d’une prise en charge de plus en plus exclusive de la part de l’institution
ecclésiale. Cette évolution n’est pas encore le fruit d’un mouvement
coordonné et organisé. Elle ne concerne pas tous les champs de la vie
sociale au même rythme ni avec la même ampleur. Ses promoteurs sont
eux-mêmes divers : on trouve au premier rang les moines réformateurs,
mais certains cercles épiscopaux, en particulier dans l’espace impérial,
jouent un rôle tout aussi décisif.
Dans une société où les conditions de vie sont dures, les reliques
représentent la possibilité d’un accès direct au sacré qui est promesse de
protection et de guérison, aussi bien corporelle que spirituelle. Cette
croyance dans les pouvoirs apotropaïque et thaumaturgique des reliques est
partagée par toutes les catégories sociales et en premier lieu par les élites
ecclésiastiques, comme en témoignent la passion accumulatrice de Richard
de Saint-Vanne ou l’intense dévotion d’Isarn de Saint-Victor. Tout ceci
explique l’essor considérable des pèlerinages dès la seconde moitié du
Xe siècle. Les plus fréquentés sont les pèlerinages régionaux et locaux le
plus souvent liés aux sanctuaires monastiques, à l’image de Sainte-Foy de
Conques, du Mont Saint-Michel, de Saint-Benoît-sur-Loire ou de Saint-
Gilles. Le long pèlerinage effectué par le roi Robert le Pieux en 1019-1020
le conduit ainsi dans les plus grands sanctuaires de la France méridionale,
jusqu’à Saint-Sernin de Toulouse. Mais les pèlerinages lointains
connaissent aussi un vif renouveau, surtout auprès des grands. En dépit des
difficultés que traverse la papauté, le prestige de Rome croît de manière
continue. Les évêques, abbés et princes catalans s’y rendent régulièrement
dès les années 950-970. Au début du XIe siècle, ils sont imités par les grands
de Francie tels Guillaume V d’Aquitaine ou le roi Robert le Pieux. Le
pèlerinage à Jérusalem attire aussi de plus en plus : l’entreprennent des
abbés aussi divers que Garin de Cuxa (avant 974), Adson de Montier-en-
Der (en 992) ou Poppon de Stavelot (vers l’an mil). En 1002 et 1008, le
comte d’Angers Foulques Nerra s’y rend à deux reprises pour expier ses
fautes. Les premiers chevaliers normands que les abbayes et les potentats
lombards d’Italie méridionale recrutent comme mercenaires, dans les
années 1010, étaient probablement des pèlerins de retour de Terre sainte. La
multiplication de ces voyages contribue au succès croissant des reliques
« évangéliques », dont témoignent, par exemple, le culte des saints
Innocents à Cluny ou Saint-Victor de Marseille au début du XIe siècle,
l’invention du chef de saint Jean-Baptiste à Saint-Jean d’Angély en
avril 1016 ou les débuts du culte de la Madeleine à Vézelay vers 1020-
1050.
L - F .
U N (1023)
À ’écriture est confié le souvenir du déguerpissement [l’abandon]
qu’ont fait l’abbé Auger et les chanoines de Saint-Paul, en faveur de
Raimond Ezalger, de l’alleu pour lequel ils se disputaient. Auger et les
chanoines contestaient le droit de Raimond et pareillement Raimond
celui de l’abbé et des chanoines. Il s’ensuivit une longue dispute, qui
se résolut en un plaid fait entre eux avec des fidéjusseurs [garants
sous serment], convenus de part et d’autre, dans la main du vicomte
Bérenger [de Narbonne], de cinq cents sous et d’un duel. Ensuite vint
le jour prévu pour le duel suivant la garantie prévue et l’accord. Le
représentant dudit abbé, à qui il avait été enjoint de combattre, après
avoir reçu la communion, se préparait à combattre. Alors arrivèrent
ceux qui avaient été présents au plaid, à savoir l’archevêque Guifred
[de Narbonne], le vicomte Bérenger et Richard, également vicomte, et
l’abbé Bernard et Hugues Iscafred et Armand et Ibroïn, avec de
nombreux autres nobles qui y avaient assisté, et ils conseillèrent aux
deux parties de ne pas combattre mais de partager l’alleu. Ainsi en
fut-il décidé.
Lorsqu’arriva le jour dit du partage et que les deux parties étaient
dans l’alleu avec ledit vicomte Bérenger et les autres nobles dont les
noms suivent, Bernard de Cuxac, Guillaume Hugues, Ambard, Riquin,
Gisalfred, Bonafos de Lunas et bien d’autres, ils dirent de faire ainsi :
si c’est l’abbé qui instituait les deux parts, c’est Raimond qui
choisirait sa part le premier ; si c’est Raimond qui faisait le partage,
c’est l’abbé qui choisirait sa part. Raimond choisit alors que l’abbé
fasse le partage et que lui-même choisisse en premier.
Mais Raimond dit ensuite qu’il était mécontent de ce qui avait été
fait ; l’abbé, pour lui donner satisfaction et ne pas paraître lui faire
injustice, dit que si Raimond le voulait, ils reviendraient à l’accord
précédent et feraient la guerre afin que le jugement de Dieu montre
qui était dans son droit et lequel des deux lui agréait. Quand enfin fut
venu le jour où devait être signé le pacte de cinq cents sous, il ne
convint plus à Raimond et il choisit de revenir à la solution du
partage, ce qui fut fait.
Nous, Auger, abbé et les chanoines de Saint-Paul, nous te remettons à
toi, Raimond, la part que tu as choisie [suit la délimitation] ; autant
qu’il est convenu à l’intérieur des quatre confins, nous te
l’abandonnons sans aucune réserve, en présence de Bonafos de Lunas
et Gisalfred et Bernard de Cuxac et de nombreux autres.
Cette charte de déguerpissement et d’évacuation a été faite le 11 des
calendes d’avril [22 mars], l’an de l’Incarnation 1023, Robert
régnant en Francie depuis 33 ans à ce qu’il est dit. Galinus sacriste,
R. prévôt, Déodat, Ibrin de Durban, Beluz de Jonquières, Austen de
Bages. Pons prêtre écrivit au jour et années dessus dit.
Sur ce chapiteau du milieu du XIIe siècle, situé dans le narthex de l’église abbatiale
de Vézelay, l’iconographie du mariage est détournée au profit d’une scène de tentation
diabolique : au père ou au prêtre qui unit les conjoints s’est substitué le diable, qui
propose une femme à saint Benoît pour le convaincre de renoncer à l’état monastique.
La victoire du moine est symbolisée par le livre sacré, que le saint brandit devant lui,
et par la main levée, expression de son ferme refus. L’inscription qui surmonte le
chapiteau et identifie les personnages dit par ailleurs clairement la considération dont
la femme était l’objet dans les milieux monastiques traditionnels : le terme diabolus y
est utilisé deux fois, pour le démon et pour la femme.
L’époque carolingienne avait défini l’ordre des laïcs comme celui des
gens mariés, tout en favorisant l’éclosion d’une morale conjugale
chrétienne. L’influence croissante du monachisme n’est pas toujours
favorable à la perpétuation de ces conceptions. Pour les moines
réformateurs, qui mettent en pratique une rupture radicale avec le monde et
développent parfois, à Cluny notamment, une véritable fascination pour la
virginité angélique, la femme est avant tout faite à l’image d’Ève et le
mariage un pis-aller pour ceux que le renoncement monastique rebute. Au
milieu du XIIe siècle, sur un chapiteau de l’abbatiale de Vézelay, on
représente ainsi la tentation de saint Benoît par un simulacre de scène de
mariage où une femme est offerte par le diable, qui tient le rôle du père, au
saint qui la repousse en brandissant un livre (la Bible ou plus probablement
la règle). L’inscription va même jusqu’à identifier la femme comme une
autre figure du diable.
Le mariage demeure donc une affaire profane, dans ses enjeux comme
dans ses rituels. Pour les familles de l’aristocratie, les seules dont nous
connaissions les pratiques, un mariage est toujours une opération
savamment réfléchie, car une union fonde l’alliance de deux parentés et
appelle toutes sortes de solidarités futures. Il s’agit donc avant tout d’une
affaire d’hommes, généralement négociée entre le futur époux et le père ou
le tuteur légal de la jeune fille convoitée. La « tradition », c’est-à-dire la
donation de l’épousée par son père, représente d’ailleurs le geste majeur de
la cérémonie de mariage. Toute union s’accompagne de transferts
patrimoniaux : le père remet à sa fille une dot ; le mari remet à sa femme un
douaire, ainsi que le « don du matin » (Morgengabe), offert au lendemain
des noces pour prix de sa virginité, selon la tradition germanique. Le
douaire représente le transfert le plus important sur le plan matériel, comme
souvent sur le plan symbolique. En effet, en Catalogne, dans le Midi, en
Macônnais jusque vers 1030, en Lotharingie et dans le royaume de
Bourgogne, c’est la constitution du douaire qui fait juridiquement le
mariage. Celui-ci est donc souvent rédigé avec attention, voire une certaine
solennité. Il fonde aussi la relative autonomie financière de l’épouse et de la
veuve.
Affaire profane, les mariages peuvent être facilement rompus, et le
sont de fait assez fréquemment. L’absence d’héritier mâle, une mésentente
conjugale, le désir de tisser une nouvelle alliance peuvent conduire à la
répudiation de l’épouse. La pratique du rapt est encore attestée, même si
elle paraît résiduelle. Elle peut viser une vierge ou l’épouse d’un concurrent
et peut être acceptée par la victime. Au XIIe siècle, on se souvient encore du
rapt d’Almodis de La Marche, l’épouse du comte Pons de Toulouse,
commis par le comte Raimond Bérenger Ier de Barcelone en 1053 avec le
consentement d’Almodis. Les remariages sont courants et les fratries issues
de lits différents sont légion. La pratique du concubinage est elle aussi
fréquente, d’autant que les enfants de ces concubines ne sont exclus ni de la
parenté, ni de l’héritage paternel. Ils peuvent même remplacer un fils
légitime en cas de nécessité, comme cela se produit au bénéfice d’Ebles
Manzer (c’est-à-dire « le bâtard » en hébreu) chez les ducs d’Aquitaine au
début du Xe siècle, ou de Guillaume le Bâtard chez les ducs de Normandie
un siècle plus tard. La multiplicité des enfants de lits différents est une
source potentielle de conflits, mais peut aussi représenter une force comme
le montre le rôle joué par les demi-frères, investis de charges comtales ou
épiscopales, dans la famille ducale normande.
Dans ces conditions, l’endogamie était relativement fréquente, d’autant
que les familles aristocratiques cherchaient à conforter les alliances en les
renouvelant régulièrement toutes les deux ou trois générations. En
Catalogne, au Xe siècle, les familles comtales n’hésitent pas à unir des
oncles et des nièces ou des cousins germains. En Gothie, en Provence et en
Francie septentrionale, où les pratiques endogamiques semblent moins
prononcées, on multiplie les unions au 4e ou au 5e degré, qui paraissent
représenter pour les grands l’horizon où il devient nécessaire de retisser une
alliance. Ce faisant, les usages matrimoniaux de l’aristocratie enfreignent
largement les interdits ecclésiastiques énoncés aux conciles de Worms (868)
et de Douzy (874), qui s’étendaient jusqu’au 7e degré. Face à cette situation,
la position des évêques, eux-mêmes issus des parentés aristocratiques,
semble le plus souvent conciliante. Cependant, dans les premières
décennies du XIe siècle, une ligne rigoriste, inspirée par l’évêque et
canoniste Burchard de Worms (1000-1025) et appuyée par les souverains
Otton III et surtout Henri II, cherche à s’imposer dans l’Empire pour les
mariages royaux et princiers, n’hésitant pas à provoquer de longs et
nombreux conflits. Cette ligne pastorale, qui cherche à imposer un contrôle
ecclésiastique sur les unions aristocratiques, exerce son influence sur les
évêques de Lotharingie, souvent proches de la cour impériale, et en
particulier sur le futur Léon IX. Elle inspira peut-être aussi le pape Grégoire
V et les prélats français qui condamnèrent le deuxième mariage de Robert
le Pieux avec Berthe de Bourgogne, sa cousine au 3e degré, en 996, et
parvinrent à imposer leur séparation en 1003. Pour autant, la portée de cette
évolution ne se fait pas encore sentir sur l’aristocratie méridionale ou
occidentale.
L M ’E ( IXe–
Xe )
Premières hérésies ?
L .
Le manuscrit musical dont est extrait ce feuillet, sans doute confectionné à Auch au
tournant des Xe et XIe siècles, avant d’être en possession de l’abbaye Saint-Martial de
Limoges, contient des recueils de tropes (des textes chantés incorporés à l’office), de
proses (textes liturgiques non chantés) et un tonaire (répertoire des tons grégoriens). Il
s’agit ici du passage concernant le huitième ton grégorien, dont la lecture était
facilitée par une mise en page aérée et agrémenté par l’image très colorée d’un joueur
de chalumeau double accompagné d’un acrobate jouant avec des balles. Une telle
illustration témoigne de la circulation des pratiques musicales entre monde profane
et monde monastique.
I C ( 985-
1010).
La mémoire et l’oubli
Il reste que dans la France du nord, l’usage de l’écrit est approprié par
les établissements monastiques et connaît une réelle éclipse pour les
transactions entre particuliers. Dans plusieurs régions méridionales en
revanche, l’écrit est plus diffusé et joue un rôle croissant dans la formation
des liens sociaux et politiques ou la structuration des identités
institutionnelles, communautaires ou familiales. C’est notamment le cas en
Catalogne, où en raison du poids de la tradition juridique romano-gothique
et d’une forte demande sociale, toute transaction implique la rédaction d’un
acte écrit. On peut par exemple mentionner les convenientiae, ces contrats
régissant les relations entre les seigneurs et leurs fidèles. La pratique de
l’écriture est ici très largement diffusée à l’ensemble des clercs mais aussi,
dès le début du XIe siècle, à une certaine élite laïque urbaine, le milieu des
juges notamment. En Languedoc, les plus anciens serments de fidélité
conservés remontent à la première moitié du XIe siècle. Dans un espace où
le rituel de l’hommage, bien qu’attesté très tôt, demeure secondaire, le
serment écrit apparaît constitutif de l’établissement de liens sociaux et en
conserve la mémoire. Pour les régions septentrionales, quelques historiens
ont suggéré que la lecture et la circulation de certains textes avaient pu
jouer un rôle majeur dans la structuration intellectuelle et sociale de groupes
comme celui des dissidents d’Orléans, au point de forger pour les décrire
l’expression de communautés textuelles.
Les opérations de sélection des textes et des manuscrits à conserver ou
l’élaboration de récits fondateurs jusqu’au cœur des actes diplomatiques
témoignent souvent de véritables stratégies mémorielles magnifiant,
occultant ou transformant le souvenir de certaines figures ou de certains
événements. C’est ainsi que les premiers cartulaires occidentaux, celui de
Saint-Bertin vers 962 ou celui de Cluny commencé vers 1030, ont souvent
pour but, outre la conservation de documents patrimoniaux, la célébration
des hauts faits des anciens abbés et l’élaboration d’une forme d’histoire
sainte de l’établissement. De leur côté, les préambules des chartes
provençales ou ligériennes diffusent l’idée d’une profonde désolation du
pays sous les coups des raids sarrasins ou normands, donnant naissance à un
véritable mythe permettant de célébrer la rénovation chrétienne menée
conjointement par les moines et les grands laïcs. Par le tri, l’orientation du
propos, voire la manipulation, les scribes monastiques de la fin du Xe et de
la première moitié du XIe siècle ont ainsi efficacement œuvré à leur propre
louange et à la disqualification de l’époque carolingienne, au point de
tromper bien des historiens contemporains.
L’ :D S -Q
N
L’ :R G
I. S
Au XIe siècle, la société est dominée par ceux que les textes appellent
tour à tour les grands (magnates), les puissants (potentes), les maîtres
(domini), les seigneurs (seniores) ou les guerriers, grands ou petits (milites
majores vel minores). L’exercice de la domination combine toujours la
possession de la terre, l’autorité sur les hommes, la pratique de la guerre et
un mode de vie caractérisé par l’ostentation et la dépense. Cette domination
se transmet de manière héréditaire et remonte le plus souvent haut dans le
temps. Comme le montrent les études généalogiques menées là où les
sources le permettent (Languedoc, Val de Loire, Lotharingie), les familles
aristocratiques du XIe siècle se placent dans la continuité de l’aristocratie
régionale de l’époque carolingienne, au sud comme au nord. La noblesse est
donc à la fois une qualité personnelle et familiale, une affaire de mémoire,
de prestige et de considération. Au sein de l’aristocratie, on est par
conséquent toujours plus ou moins noble qu’un autre et le groupe
aristocratique se décompose ainsi en de multiples strates, plus ou moins
ouvertes aux mobilités internes selon les niveaux et les régions, depuis les
ducs et les comtes jusqu’aux simples fidèles au service des maîtres de
châteaux.
L’aristocratie est forte d’une emprise sur les sociétés locales qui repose
avant tout sur sa puissance foncière. La terre est en effet la principale source
de richesse, mais elle constitue aussi le support de la formation des liens
sociaux, politiques et économiques et par conséquent l’instrument de la
domination sur les hommes.
La richesse foncière de l’aristocratie n’est pourtant pas facile à
appréhender. La division de l’Empire carolingien puis l’essor des
principautés mirent progressivement fin aux ensembles patrimoniaux se
déployant à très vaste échelle et favorisèrent une concentration des
domaines au sein d’espaces régionaux. Ce rétrécissement des horizons ne
vaut cependant que pour la haute aristocratie laïque, cette ancienne
aristocratie d’Empire qui se trouve à l’origine de la plupart des lignées
princières, et pour les très grands établissements monastiques, dont les
patrimoines avaient pu s’étendre à travers des royaumes entiers. Car au sein
de chaque région il existe, dès avant la crise des années 880-940, une
aristocratie laïque ancienne et des institutions ecclésiastiques locales dont
l’horizon patrimonial était déjà limité. Cet horizon restreint caractérise
aussi, au IXe comme aux Xe et XIe siècles, les nouveaux venus que rois,
princes, évêques ou abbés implantent localement en leur concédant des
biens en bénéfice, en fief ou en précaire, ou bien qui s’installent à la suite
d’une alliance matrimoniale opportune. Pour cette aristocratie régionale ou
locale, la principale évolution des Xe-XIe siècles ne tient pas au
rétrécissement de son horizon, mais à la transformation de la structure et
des pratiques de transmission du patrimoine en raison du rôle grandissant
joué par les châteaux.
Les patrimoines laïques se présentent comme des ensembles
composites et mouvants. On y trouve de très anciens domaines
patrimoniaux, en général désignés comme alleux, des biens reçus en
bénéfice, en fief ou en précaire, des biens acquis à l’occasion d’une alliance
matrimoniale… Certains domaines sont perdus à la suite d’un conflit ou
d’une confiscation, d’autres sont aliénés à l’occasion d’une alliance ou
d’une donation en faveur d’un établissement ecclésiastique. Plus important
encore, la nature même de la possession se révèle très éloignée de ce que le
droit romain classique ou nos usages contemporains entendent par
propriété. En effet, une terre, quelle que soit son origine, n’est jamais
possédée de manière pleine, entière et individuelle. Elle relève toujours
d’un enchâssement de droits au bénéfice d’une pluralité de possesseurs dont
la légitimité relève, en dernière instance, du consensus social. En outre, les
droits de ces possesseurs ne se valent pas : ils peuvent varier en intensité, se
fonder ici sur un lien de parenté, là sur une relation féodale, ailleurs sur un
contrat d’exploitation. Dans ces conditions, on comprend combien le
contrôle ou l’accès à la terre permettent d’articuler les solidarités et les
dépendances, aussi bien entre seigneurs et paysans qu’au sein de
l’aristocratie ou entre celle-ci et les établissements ecclésiastiques. Du point
de vue de chaque ayant droit, le plus important n’est donc pas tant la
possession elle-même que le degré de liberté dont il dispose et les moyens
qu’il peut mettre en œuvre pour user du bien en question. La situation est de
plus souvent compliquée par la mémoire ou le pouvoir symbolique inclus
dans le bien, qui en conditionnent en partie l’usage et la transmission.
Certaines terres entre les mains d’une famille depuis des temps très anciens
peuvent ainsi être considérées comme inaliénables, d’autres sont
traditionnellement liées aux femmes par le biais des douaires ou des dots,
d’autres encore, parce qu’elles sont d’origine fiscale, c’est-à-dire royale,
comtale ou ecclésiastique, confèrent à leur possesseur une légitimité
supérieure à exercer le pouvoir. C’est en particulier le cas des châteaux dès
lors que ceux-ci acquièrent une place déterminante dans la structure des
patrimoines et l’organisation des successions.
S F ’A , I
L ,
L ( 1060-1065)
H Ier ’A (971-997),
C XIe .
Ces différentes pièces d’équitation ont été retrouvées sur le site de Colletière, à
Charavines (Isère), en bordure du lac de Paladru, à l’occasion de fouilles
archéologiques effectuées entre 1972 et la fin des années 1980. Elles attestent du
statut chevaleresque et donc aristocratique d’une partie au moins des habitants du site.
Les éperons sont tout à fait semblables à ceux représentés sur la broderie de Bayeux.
Le mors à double bride est un accessoire spécifique de dressage ou d’équitation de
combat : une des brides permettait de tirer sur la bouche par un dispositif brutal,
l’autre était destinée à la conduite de l’animal. Le pommeau de selle a fait l’objet de
soins particuliers. Il est en effet pourvu d’un décor d’animaux fantastiques au corps
hybride, mi-félin mi-cheval, affrontés de part et d’autre d’une croix pattée, unissant de
la sorte référence chrétienne et symboles de force puisés dans un imaginaire
merveilleux.
R N
« R [II], fils de Richard [Ier], lorsqu’il reçut le duché sur toute
la Normandie, au début de son règne, contint par sa prudence ses
Normands révoltés, les vainquit heureusement, et, par sa puissance,
les ramena et les soumit aux coutumes du joug paternel. Ayant calmé
ces soudaines séditions de ses citoyens, apaisé et réconcilié les
régions environnantes par l’image de la probité paternelle, l’illustre
duc Richard commença de resplendir et de répandre toujours plus loin
dans les diverses parties du monde les effluves sublimes de ses vertus.
Il surpassait la célébrité et l’éminence de ses prédécesseurs et voilait
leur éclat par l’incomparable noblesse de ses actions, et composait à
l’intention de ses successeurs l’image d’une vie à imiter par tous.
L’opposition entre serfs et paysans libres n’a donc bien souvent qu’une
importance relative et cela dès le Xe siècle. Les uns et les autres sont
installés sur des tenures qu’ils peuvent transmettre à leurs enfants et qu’ils
exploitent dans un cadre familial en contrepartie du versement de
redevances et de services d’ampleur variable. Les uns et les autres ont accès
aux espaces incultes. Les uns et les autres dépendent au quotidien de la
protection seigneuriale, laquelle découle d’un pouvoir local ancien. Chez
les uns comme chez les autres règne une assez grande disparité de
conditions matérielles. Finalement, seuls trois éléments distinguent les
paysans libres des serfs : une plus grande marge de manœuvre en matière
judiciaire, une plus grande mobilité potentielle et un moindre niveau de
prélèvement. Dans ces conditions, servage et liberté constituent plus les
deux pôles extrêmes et quelque peu abstraits d’une situation de dépendance
partagée par tous les paysans, que des catégories statutaires englobantes
nettement différenciées. La vraie liberté est avant tout la caractéristique de
ceux qui en disposent de manière pleine et entière et peuvent la défendre à
la pointe de l’épée, c’est-à-dire les puissants.
II. U
Dès le début du Xe siècle, les indices de l’essor démographique et
économique sont nombreux en Catalogne et en Flandre. À partir du milieu
du Xe siècle, on en rencontre aussi en Languedoc et en Provence, puis dans
les régions atlantiques, la vallée de la Loire et le bassin parisien. Cette
précocité montre que les agressions normandes, hongroises et sarrasines
n’eurent qu’un faible impact sur le peuplement et ne compromirent pas une
croissance rurale dont l’origine remonte en fait à l’époque carolingienne. Le
cas de la Normandie est à cet égard remarquable : dans cette région
particulièrement exposée, le tissu des églises rurales et le vieux réseau des
cités ne furent pas bouleversés par les agressions scandinaves. Comme en
Flandre, la vigueur de la reprise doit même être en partie attribuée au
dynamisme et à l’ouverture de nouveaux horizons suscités par l’arrivée des
Normands.
Habitats et territoires
R ’ S (R )
M XIe .
L’économie paysanne
Ces outils, retrouvés sur le site de Colletière, étaient utilisés par les femmes pour
la fabrication domestique de tissus en fibre végétale (en l’occurrence du chanvre et du
lin, dont on a retrouvé des graines et des pollens, ainsi qu’un fragment de toile) ou
animale (laine de mouton). Des outils utiles à tous les stades de fabrication ont été mis
au jour par les fouilles, à l’exception des métiers à tisser sans doute emportés au
moment de l’abandon du site.
C ’ ’ C (1020)
Cette évolution n’est pas sans rapport avec celle qui voit les
seigneuries laïques commencer à s’organiser autour des châteaux, lesquels
favorisent un contrôle des populations paysannes plus efficace
essentiellement parce que leur maillage est plus serré que celui des
anciennes structures domaniales. Certes, les seigneurs laïques ne sont pas
des gestionnaires. Ils délèguent la gestion quotidienne de leurs domaines
(l’exploitation de la réserve et la collecte des redevances) à leurs
ministériaux, des serviteurs intéressés aux revenus de la seigneurie, souvent
recrutés parmi les serfs les plus aisés. Il faut en outre souligner que leurs
décisions économiques obéissent en général d’abord à des motivations
politiques : la création d’un marché ou l’ouverture d’un atelier monétaire,
attributs par excellence de la puissance publique, relèvent bien plus souvent
de stratégies d’affirmation ou de légitimation du pouvoir que du souci
d’assurer la prospérité de leur seigneurie. Cependant, il est aussi vrai que
les seigneurs laïques, comme les moines mais pour d’autres motifs, sont
attentifs à leurs revenus. Ils y sont en effet contraints par les pratiques de
dépense et d’ostentation indispensables à l’affirmation de leur rang et à
l’entretien des fidélités. Les vêtements retrouvés sur le corps du comte de
Toulouse, exhumé d’une sépulture de la collégiale Saint-Sernin et daté des
environs de l’an mil, en témoignent : des chausses vermillon, une tunique
de lin à la mode nordique mais tissée selon des techniques arabes, le prince
doit se distinguer par son allure. Tout puissant doit aussi pouvoir
redistribuer à ses fidèles, à l’occasion de fêtes et de banquets, une part des
fruits de ses domaines. Toutes ces dépenses, qu’il s’agisse d’armes, de
chevaux ou d’habits de luxe, de pièces d’orfèvrerie, d’objets rares et
exotiques ou encore des frais de construction des nouvelles forteresses,
exigent de disposer de ressources abondantes et de facilités de trésorerie.
Cela ne pouvait que conduire les seigneurs laïques à exercer une certaine
pression sur leurs domaines, même de manière seulement indirecte à travers
les ministériaux.
Dans bien des régions de nombreux signes témoignent, à partir du
milieu du Xe siècle, de la diminution de la part seigneuriale du domaine (la
pars dominica), que nous appelons plus volontiers la réserve, au profit des
tenures, qu’il s’agisse de manses ou de parcelles. Cette évolution, appelée à
se poursuivre jusqu’au XIIIe siècle, a longtemps été expliquée par la
nécessité où se seraient trouvés les seigneurs de compenser une baisse de
leur main-d’œuvre servile domestique par le recours aux corvées fournies
par les nouveaux tenanciers, une hypothèse qui n’est confirmée ni par
l’étude du servage, ni par celle des corvées. En réalité les terres loties sont
la plupart du temps gagnées sur l’espace inculte et non sur des terres
cultivées. Le phénomène semble donc avant tout résulter de la convergence
entre la pression exercée par la surpopulation des anciens terroirs et
certaines aspirations seigneuriales. Les seigneurs se montrent en effet plus
intéressés par l’augmentation du nombre de leur dépendants que par la
possession de vastes espaces sous exploités encore abondants. Il y a des
motifs idéologiques à cela : la puissance d’un seigneur se mesure plus à
l’envergure de ses clientèles qu’à l’étendue de ses domaines. Il y a aussi des
motifs économiques : le chasement de paysans, c’est-à-dire leur installation
sur de nouvelles tenures, procure de nouvelles prestations et donc une
nouvelle source d’enrichissement, d’autant que les seigneurs privilégient les
redevances à part de fruit, mieux adaptées à un contexte de mise en valeur,
mais aussi rapidement plus profitables que les cens. En outre, comme le
montre le cas dauphinois, les seigneurs conservent l’exploitation directe des
meilleures terres, ces grandes parcelles appelées coutures ou condamines
que l’on rencontre le plus souvent sur les vieux terroirs ou aux abords
immédiats des résidences seigneuriales. Reconsidérée de la sorte,
l’évolution du rapport entre réserves et tenures s’explique moins par une
crise de main-d’œuvre, dont les sources à vrai dire ne parlent pas, que par
une adaptation à la croissance, susceptible en retour de l’amplifier.
L 1033 R G
III. P ,
Dans cette société profondément rurale, les villes sont peu nombreuses
et très peu peuplées. La définition même du fait urbain pose d’ailleurs
problème tant les formes des agglomérations, les densités de peuplement et
la distribution des fonctions traditionnellement attribuées à la ville
renvoient à des configurations très variables. L’essentiel du maillage urbain
reste constitué par les cités épiscopales (les civitates) d’origine antique ou
tardo-antique. Mais l’abandon temporaire de certaines d’entre elles, la
faiblesse démographique et économique de la plupart et surtout l’émergence
de nouvelles petites agglomérations liées à un marché, une forteresse ou un
monastère, en particulier au nord de la Loire, viennent de plus en plus
diversifier le paysage urbain.
Cette enluminure réalisée par l’abbé Otbert de Saint-Bertin, vers 990-1007, vient
illustrer la Vie de saint Bertin, dans un manuscrit consacré aux saints fondateurs du
monastère (Bertin, Folcuin, Silvin et Winnoc). Au centre, saint Bertin est représenté
assis sur un trône, sa crosse dressée, un moine debout à ses côtés. Un moine
agenouillé (l’auteur de la Vie ou Otbert lui-même) lui offre le livre tenu ouvert. Il
s’agit d’une scène classique de dédicace, qui offre la particularité d’être ici située dans
l’au-delà, voire à la fin des temps. Le décor architecturé représente en effet à la fois
une église et la Jérusalem céleste, de part et d’autre d’un orbe où apparaît la main de
Dieu. L’enluminure donne ainsi à voir une image idéale de la ville, qui se résume à
une enceinte de pierre percée de portes et ponctuée de tours surmontées de croix,
derrière laquelle se devinent quelques bâtiments. Tout est mis en œuvre pour suggérer
la monumentalité et la sacralité : ce n’est pas une ville (urbs) qui est montrée, mais
une cité (civitas), lieu privilégié de la mise en scène du sacré. Ce genre de
représentation, très courante depuis le IXe siècle, ne dit par conséquent pas grand-
chose des villes de l’époque. Mais elle révèle la puissance symbolique que conservent
les villes (cités épiscopales ou nouveaux bourgs abbatiaux), lointains échos de la Cité
de Dieu, dans une société devenue profondément rurale. La palette stylistique de
l’image, qui associe des éléments puisés dans la tradition carolingienne (l’usage de
l’encre d’or, les médaillons historiés, l’architecture scénique) à des éléments insulaires
inspirés de l’école de Winchester (bordures d’acanthes), manifeste par ailleurs
l’intensité des échanges culturels entre le nord de la Gaule et l’Angleterre anglo-
saxonne aux Xe et XIe siècles.
Le rempart du Mans, appuyé sur vingt-six tours fortifiées, fut construit de la fin des
années 270 au début des années 300 pour protéger la cité, alors réduite à un éperon
de neuf hectares surplombant la Sarthe (à gauche) d’environ 450 mètres de long
sur 250 mètres de large. Le soin pris pour son élévation, dont témoigne la qualité
de son beau décor d’ornementations géométriques qui joue sur le contraste
chromatique entre la pierre et la brique, a sans doute contribué à sa conservation et à
son entretien régulier tout au long du haut Moyen Âge, notamment de la part des
évêques et en particulier aux IXe et Xe siècles, lorsque la cité fut un centre de la
résistance franque contre les Bretons et les Normands.
V ( X
e - XI
e )
M 1050
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Chapitre IX
Conclusion
Chapitre X
L « »,
Cette très célèbre sculpture du premier quart du XIIe siècle provient du linteau du
portail du bras nord du transept de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, une porte par
laquelle les fidèles devaient entrer le Mercredi des Cendres, prosternés en signe de
pénitence, avant d’être absous de leurs péchés. En jouant sur la position sinueuse
d’Ève, qui tient le fruit défendu d’une main, et sur sa lascivité, soulignée par sa nudité
et sa chevelure, le sculpteur a suggéré le lien maléfique unissant « la Mère de
l’humanité », la sexualité et le serpent, figure du diable, dont on aperçoit les anneaux
au travers des feuillages. Mais Ève est aussi allongée, prosternée, et son sexe est caché
par un arbuste_: elle a reconnu son péché et fait elle-même pénitence, ouvrant le
chemin à tous les pécheurs.
L :
Cette séparation entre clercs et laïcs est donc aussi une hiérarchie
fondant la répartition des prérogatives ecclésiales et religieuses. Pour les
grégoriens, le sacré et de manière générale l’ensemble des échanges entre
les hommes et Dieu relèvent exclusivement de la responsabilité des clercs.
La valorisation croissante de la célébration eucharistique concourt à
renforcer cette conviction, d’autant que la condamnation des thèses de
Bérenger de Tours, entre 1050 et 1079, établit définitivement une
conception réaliste du sacrement faisant des espèces eucharistiques
transformées par le rite la substance du corps historique du Christ. La
réforme s’accompagne d’ailleurs d’un développement sans précédent de la
vie canoniale, placée sous le patronage de saint Augustin et favorisée par
les papes de Grégoire VII à Innocent III en passant par Urbain II. De
manière significative, la principale congrégation de chanoines réguliers,
Prémontré, fondée en 1120, se caractérise à la fois par l’exaltation du
sacerdoce et sa dévotion envers l’eucharistie. La médiation cléricale est
donc indispensable à toute vie comme à toute mort chrétiennes. Les femmes
en sont bien sûr exclues, même lorsqu’elles sont vouées au cloître. Mais
cette conception implique aussi la désacralisation de tous les pouvoirs
laïques et peut aller, sous la plume d’Humbert de Moyenmoutier par
exemple, jusqu’à la désacralisation de la fonction royale elle-même. Sans
atteindre cette extrémité, elle inspire, à la fin du XIIe siècle, les théories
ministérielles de la royauté d’un Thomas Becket ou d’un Jean de Salisbury,
qui réduisent les prérogatives du roi au pouvoir reçu de l’Église et exercé
pour elle. Cette conception binaire et hiérarchique de l’Église et de la
société est si puissante qu’elle éclipse longtemps les autres représentations
qui avaient pu émerger aux IXe-Xe siècles, à commencer par l’idéologie des
trois ordres fonctionnels.
O , ’
Sur cette enluminure extraite d’un manuscrit de la Vie de saint Amand par
Baudemond, daté du début du XIe siècle, un paralytique est emmené auprès de saint
Amand, installé sur une île de l’Escaut. Au registre médian, on l’avertit de la présence
du malade. Au registre inférieur, un prêtre investi par le saint évêque, vient apporter
au paralytique sa dernière communion, qui en fait le guérira. Depuis l’époque
carolingienne, il s’agissait d’une pratique assez courante chez les clercs et les moines,
beaucoup moins chez les laïcs. Ici, il s’agit d’ailleurs bien d’un moine ou d’un prêtre,
comme l’indiquent sa tonsure et le lieu de l’agonie, une église. La dernière
communion, qui était reçue sous les deux espèces et dont l’efficacité apparaissait
renforcée par le réalisme eucharistique, était censée aider l’âme du défunt à échapper
aux démons au moment difficile où elle sortait du corps pour rejoindre le Sein
d’Abraham. C’est le sens du terme même de viatique : la provision pour le voyage
(viaticum), en l’occurrence celui de l’âme dans l’au-delà.
Cette lettrine (H) d’un manuscrit de la fin du XIIe siècle contenant le Décret de
Gratien représente les pouvoirs spirituel et temporel à travers les figures de l’évêque
et du roi. L’évêque, bien identifiable à sa mitre, comme le roi, qui brandit l’épée
dénudée, symbole de la justice, tiennent tous les deux un phylactère, symbole de la
loi, à l’établissement et au respect de laquelle les deux pouvoirs collaborent. Mais
l’évêque est en position éminente, signe de la supériorité du pouvoir spirituel sur le
pouvoir temporel, selon les canonistes.
La réforme en action
L’ C III
L’abbaye de Cluny III fut commencée sous l’abbatiat d’Hugues de Semur, en 1085, et
fut consacrée par le pape Innocent II en 1130. Comme elle fut presqu’entièrement
détruite à la Révolution (il ne subsiste qu’un bras du grand transept), ce sont les
dessins et peintures de l’Ancien Régime qui permettent de s’en faire une
représentation, à l’image de cette vue due à Jean-Baptiste Lallemand (1716-1803),
dessinée à la plume et à l’aquarelle dans les années 1780. Au premier plan se dresse
l’enceinte de l’abbaye, percée à droite par une imposante porte fortifiée. L’église
abbatiale se déploie à l’arrière-plan. On distingue successivement, de droite à gauche,
les deux tours des Barabans, hautes de 50 mètres, entre lesquelles on devait passer
pour accéder à un vaste espace d’accueil (la galilée) long de cinq travées. Puis on
atteignait la nef, élargie par des collatéraux doubles et composée de onze travées,
avant d’aboutir à deux transepts et à un chevet à déambulatoire pourvu de cinq
absidioles, que l’on n’aperçoit pas ici. Quatre tours coiffaient l’église : la plus
importante, de plan carré, s’élevait à la croisée du transept, au-dessus d’une coupole
placée à 40 mètres au-dessus du sol ; deux autres, octogonales, se dressaient sur les
bras du grand transept, la dernière, octogonale elle aussi, sur la croisée du petit
transept. L’église était longue de 187 mètres et large de 73 ou 59 mètres au niveau des
transepts. La voûte de la nef s’élevait à 30 mètres, sur trois niveaux. Jusqu’à
la construction de la basilique Saint-Pierre du Vatican, au XVIe siècle, il s’agissait de
la plus vaste église de la Chrétienté, reflet de l’extraordinaire puissance de Cluny au
début du XIIe siècle.
C Y C .
Cette crosse en ivoire d’éléphant de la fin du XIe siècle (le nœud date, lui, du début du
XIIe siècle seulement), originaire du trésor de l’abbaye canoniale de Saint-Quentin de
Beauvais, est attribuée par la tradition à l’évêque Yves de Chartres (1090- † 1116),
ancien abbé de Saint-Quentin. Elle présente un décor d’une richesse exceptionnelle,
alliant animaux fantastiques et iconographie chrétienne. Le dragon qui achève la
volute tenait ainsi dans sa gueule une croix ajourée, aujourd’hui brisée, tandis qu’à la
base de la crosse, sous trois arcs surmontés de petits clochers, figurent trois
personnages : un évêque, entouré de deux clercs.
L’ D M , T .
Renforcement et territorialisation de
l’encadrement pastoral
P ’ S -S T .
L’abbaye canoniale, édifiée autour du corps du martyr Saturnin († 250), tenu pour le
premier évêque de la cité, constitue le principal sanctuaire de Toulouse, en rivalité
latente avec l’évêque et les chanoines de la cathédrale Saint-Étienne. À la fin du
XIe siècle, dans le contexte de la réforme grégorienne et de l’essor du pèlerinage de
Saint-Jacques de Compostelle, les chanoines entreprennent de reconstruire leur église.
Le nouvel édifice, pourvu d’un plan à cinq nefs avec transept saillant et d’un
déambulatoire associé à cinq chapelles rayonnantes, est d’une ampleur considérable
(110 m de long sur 60 m de large au niveau du transept). L’épaisseur des piles de
la croisée s’explique par la nécessité de supporter une imposante tour-lanterne. En
1096, lors de la consécration de l’autel majeur par le pape Urbain II, seuls le chevet et
une partie du transept sont presque achevés. Le chantier de la nef se poursuivra tout
au long du Moyen Âge.
S P C : B
(S - -L ).
La chapelle de Berzé avait été concédée à titre personnel à l’abbé Hugues de Cluny
par le seigneur du lieu en 1094. L’abbé la donna à son abbaye peu avant sa mort, en
1109, et l’église fut alors érigée en prieuré. Hugues avait fait reconstruire la chapelle
entre 1105 et 1109 et son successeur Pons de Melgueil la fit décorer de fresques
vers 1110-1120 par des artisans venus du chantier de l’abbatiale de Cluny III. Il s’agit
de peintures luxueuses, utilisant une grande variété de couleurs, dont certaines (le vert
notamment) étaient très rares. L’ensemble fut rénové au début du XIIIe siècle. La
fresque couvre entièrement l’abside en cul-de-four de l’église et développe le thème
de la traditio legis, c’est-à-dire de la transmission de la Loi – la Loi de la nouvelle
alliance – en faveur de saint Pierre. Le Christ apparaît dans une mandorle irisée, assis
sur un riche coussin, la tête nimbée d’une auréole cruciforme sur laquelle s’étend la
main de Dieu. Il est entouré des douze apôtres, avec au premier rang, Pierre à sa
gauche et Paul à sa droite, les deux saints apôtres de l’église de Rome auxquels
l’abbaye de Cluny était aussi dédiée depuis sa fondation. En position subalterne et de
taille plus petite, apparaissent aussi les deux diacres Laurent et Vincent (devant saint
Paul) et deux abbés de Cluny (devant saint Pierre) revêtus des insignes épiscopaux,
conformément au privilège reçu d’Urbain II. Le Christ tend un phylactère à saint
Pierre, qui le saisit de sa main droite, sa main gauche tenant une lourde clé. Il s’agit
donc d’une scène d’investiture en faveur de Pierre, à charge pour lui et ses
successeurs, les papes, de gouverner l’Église jusqu’à la fin des temps, comme le
rappelle l’Agneau de l’Apocalypse figuré dans un médaillon sur l’arc triomphal
précédant l’abside (invisible ici). La fresque de Berzé exalte ainsi, dans une
perspective eschatologique, le lien privilégié qui unissait Cluny à Rome à travers les
figures des saints Pierre et Paul.
U ’É : ’ N
Aux environs de 1100, peu après sa reconstruction entre 1050 et 1080, l’abbaye de
Saint-Savin, qui devait sa célébrité au fait d’avoir été gouvernée au début du
IXe siècle par Benoît d’Aniane, fut entièrement recouverte de fresques, dont les
vestiges constituent aujourd’hui le plus vaste ensemble de peintures murales conservé
pour l’époque romane. Les plus importantes décorent la voûte en berceau de la nef,
déroulant en une soixantaine de scènes le récit de la Genèse et de l’Exode, de la
Création du monde aux histoires de Moïse et de Joseph. La scène 19, située dans la
septième travée, au registre supérieur nord, représente l’arche de Noé. On y voit un
lourd bateau rond fendre l’eau, où flottent des noyés. Les trois niveaux du bâtiment
sont occupés par des couples de quadrupèdes, des couples d’oiseaux, enfin la famille
de Noé. Deux personnages sont restés sur le pont. La scène rappelle l’alliance entre
Dieu et Noé au moment du déluge. Mais elle est aussi une figure de l’Église, dirigée à
travers les malheurs des temps et sauvée du démon par ces héritiers du patriarche Noé
que sont les clercs et les moines.
L S -D
’ S
VIII. […] En ayant donc délibéré avec nos frères dévoués « dont le
cœur était ardent lorsque Jésus leur parlait en chemin » (Luc 24, 32),
nous résolûmes, les ayant consultés sur l’inspiration de Dieu, de nous
employer à ennoblir et à embellir l’antique église en accroissant sa
longueur et sa largeur. En souvenir de cette vénérable consécration
dont les écrits font foi, quand le Christ de ses propres mains en fit la
dédicace [allusion à la légende d’une consécration miraculeuse de
l’église construite par Dagobert, en 636, par le Christ, assisté des
saints Pierre, Paul, Denis, Rustique et Éleuthère], nous devions aux
pierres sacrées elles-mêmes, comme à autant de reliques,
d’entreprendre cette rénovation que la nécessité exigeait de son côté.
Après réflexion, il fut donc décidé de démolir la voûte moins élevée
que l’édifice contigu à l’abside où sont conservés les corps de nos
saints seigneurs et de la porter à la même hauteur que la crypte
attenante : de la sorte, une seule et même crypte offrirait son plan
supérieur comme pavé à ceux qui y monteraient de part et d’autre par
deux suites de degrés, et de cet endroit surélevé les reliquaires ornés
d’or et de pierres précieuses s’imposeraient au regard des arrivants. Il
fut aussi sagement prévu qu’en superposant les colonnes supérieures
et les arcs médians à ceux de la crypte, on mettrait à niveau, dans
l’axe, au moyen d’instruments géométriques et arithmétiques, les
voûtes de l’ancienne église et du nouvel agrandissement et qu’on
harmoniserait les proportions des anciens et des nouveaux bas-côtés,
mis à part l’élégant déambulatoire donnant sur les chapelles,
perfectionné par nos soins, et dont la beauté intérieure devait être
baignée sans interruption par l’admirable lumière des verrières très
sacrées.
IX. […] On réunit […] une assemblée d’hommes illustres, évêques et
abbés ; on s’assura aussi de la présence du sérénissime seigneur et roi
de France Louis [VII], et la veille des ides de juillet, un dimanche [le
14 juillet 1140], on organisa une procession rehaussée par la beauté
des ornements et par le renom des personnes. Bien plus, les évêques et
les abbés portaient en leurs mains les insignes de la Passion du
Seigneur, à savoir le clou et la couronne du Seigneur, le bras du saint
vieillard Siméon et les autres reliques de nos patrons, et, tous, nous
descendîmes dévotement et humblement dans les tranchées ouvertes
pour recevoir les fondations. Puis, ayant invoqué l’Esprit de
consolation, le Paraclet, afin qu’un heureux achèvement terminât
l’heureux commencement de la maison de Dieu, les évêques eux-
mêmes confectionnèrent du ciment avec de l’eau qu’ils avaient bénite
[…] ; ils posèrent les premières pierres et, offrant un hymne à Dieu,
chantèrent le psaume Fundamenta ejus (Psaume 86) jusqu’à la fin. Le
sérénissime roi lui-même descendit au fond et posa une pierre de ses
propres mains, ainsi que nous et beaucoup d’autres abbés et
dignitaires.
Cette peinture ouvre le récit de la Vie du pape Léon IX par le pseudo-Witbert dans un
manuscrit copié à l’abbaye Saint-Arnoul de Metz avant la fin du XIe siècle. On y voit
l’abbé Warin, à droite, dans une position subalterne soulignée par sa plus petite taille,
offrir au pape, que son auréole désigne comme saint (il est donc décédé), une
maquette de son église, dans une scène traditionnelle de dédicace. La représentation
du pape incite cependant à conférer à la scène un deuxième sens : le pape porte la
chasuble de l’officiant et opère de sa main droite un geste de bénédiction. On peut y
voir le rappel de la consécration de l’église effectuée le 11 octobre 1049 lors de son
voyage en Lotharingie. Comme le soulignent les deux vers latins écrits en haut du
feuillet (invisible ici), deux gestes ont ainsi fait de l’église Saint-Arnoul ce qu’elle est,
un lieu saint et sacré : le geste constructeur de l’abbé, le geste consécrateur du pape.
L A F
M ( 1089-1096)
L’ Y C ’
(1096)
U XIIe ’ O V :
A M
L de Pierre, Ansoud, fut assez peu semblable à son père par ses
mœurs, plus grand par sa valeur. Il était en effet d’un caractère
excellent et plein de grandeur, courageux et puissant physiquement,
très remarquable par sa loyauté de chevalier, d’une grande autorité et
d’un jugement impartial, hardi et éloquent dans la discussion, presque
l’égal des philosophes. Il fréquentait les églises et prêtait une oreille
attentive aux sermons sacrés. Il apprenait par cœur les faits passés
tels qu’on les trouvait dans les anciens manuscrits, les recherchait
auprès de savants chroniqueurs et confiait à sa solide mémoire les
biographies de ses ancêtres qu’il avait entendues […]. Il honora
toujours sa mère la dévote Guindesmoth et, en fils fidèle, se conforma
en toutes choses aux conseils de sa pieuse mère. Celle-ci, d’une
famille noble de la région de Troyes, vouée à Dieu, survécut presque
quinze ans à son mari lors de son veuvage. […] Puis son doux fils la
fit amener avec respect à son tombeau et enterra son corps avec
honneur dans la nef de l’église, près de celui qui avait partagé sa
couche. Au temps de son apprentissage du métier des armes, notre
chevalier se signala par ses hauts faits et, laissant ses connaissances,
sa famille et ses chers parents, alla exercer à l’étranger les qualités
qu’il avait en lui. Il gagna l’Italie et compagnon du très puissant duc
Guiscard, participa à l’attaque de la Grèce. […] Revenu en Gaule
quelque temps après sur la ferme demande de son père, il prit pour
épouse une jeune fille noble et bien plaisante du nom d’Odeline, fille
de Raoul dit Mauvoisin, châtelain de Mantes.
Homme de guerre, il incitait, par sa frugalité, tous ceux qui le
fréquentaient à une vie dans l’honneur et servait aussi d’exemple aux
réguliers par ses jeûnes. Il ne mangeait jamais de pommes dans le
verger, jamais de grappes de raisin dans la vigne, et ne goûtait pas les
noisettes dans la forêt. Se contentant d’une union légitime, il aimait la
chasteté […] Il louait les jeûnes et toute sorte de continence de la
chair. Il s’abstenait totalement de commettre des rapines et préservait
habilement ses biens acquis par le travail. Il restituait, légitimement,
les dîmes, les prémices et les aumônes données par ses prédécesseurs
aux ministres de Dieu. […] De sa femme légitime qu’il avait épousée
toute jeune fille, et que, pieusement il avait rendue docile en toute
dignité, il eut sept fils et deux filles, dont les noms sont les suivants :
Pierre, Raoul, Guérin, Lisiard, Gui, Ansoud, Hugues. Marie et
Guindesmoth […]. Après le décès de son père, notre héros dirigea
pendant dix-huit ans le domaine légitime de ses ancêtres : il témoigna
envers les moines d’un fidèle patronage en toutes choses et s’appliqua
chaque jour avec avidité à converser avec eux pour l’édification de
ses mœurs. […]
Après avoir porté les armes de la chevalerie pendant cinquante-trois
ans, Ansoud atteignit désormais les années de la vieillesse et tomba
malade. Malade pendant presque sept semaines, il se prépara par la
confession et la pénitence à se présenter devant le tribunal du Très-
Haut. Il ne restait pas couché dans son lit et gagnait l’église chaque
jour : il disposait de toute la vivacité de sa mémoire et de son
éloquence. Cependant il savait qu’il avait perdu les facultés naturelles
de son corps qui permettent aux médecins de prédire aux hommes leur
perte ou leur salut, et qu’il ne pouvait pas fuir le sort d’une mort
imminente. Ainsi, se souvenant du salut éternel, il se tourna totalement
vers le Seigneur et, avide, se hâta d’accomplir ce qu’il avait entendu
des sages et ce qu’il avait retenu de lui-même, afin de mériter la vie
éternelle. Une nuit, il entendit le son d’une cloche et se leva pour se
rendre à l’église avec un fidèle et prier Dieu d’accepter sa pénitence
et d’accomplir sa volonté. À la fin du service des matines, il appela les
moines, s’ouvrit à eux de son vœu et leur demanda de l’accepter
comme moine […]. Ansoud souhaitait leur être associé par l’habit
comme par l’esprit. […]. Il affirmait que c’était là tout son désir et
toute sa volonté, vivre avec les pauvres du Christ, terminer sa vie avec
eux, afin de réaliser la promesse que Dieu a faite aux siens. […] C’est
pourquoi, après l’accord de sa femme, la nouvelle recrue du Christ fut
bientôt tonsurée et le néophyte revêtit les vêtements sacrés. […] Trois
jours après, enfin, sentant la mort venir, il fit appeler les frères et leur
demanda qu’ils lui fassent la recommandation aux mourants. Celle-ci
faite, il demanda que lui soient apportées l’eau bénite et la croix. Il
s’aspergea d’eau, adora la croix et se recommanda au Christ. […]
Puis, à ce que nous croyons, il expira dans la félicité.
I ,
’
I. U ’
La légitimité du neuf
La logique de la réforme, dans son inspiration initiale, était de lutter
contre les mauvaises traditions, de remettre en cause les autorités perçues
comme illégitimes, de ne pas hésiter à instaurer de nouvelles normes au
nom d’une exigence de vérité. Comme l’affirmait Grégoire VII : « Jésus a
dit : Je suis le chemin, la vérité et la vie (Jean 14, 6) et non : Je suis la
coutume ». La formule, que le pape avait trouvée sous la plume d’un Père
de l’Église (Cyprien), fit fortune. Elle fut régulièrement reprise par de
nombreux réformateurs, y compris les plus modérés, à l’image d’Hildebert
de Lavardin, archevêque de Tours, qui en 1124 s’en inspira pour dénoncer
la transmission héréditaire des prébendes canoniales. La nécessité pour les
réformateurs de tisser des alliances contre les partisans de l’ordre ancien
favorisait par ailleurs une certaine effervescence et l’épanouissement d’une
relative diversité dans l’Église et la société. Ce phénomène est
particulièrement visible en matière de vie monastique et canoniale où la
volonté de rompre avec la tradition prolonge l’idéal de retour aux origines.
La critique de la coutume et la volonté de retour aux origines sont
clairement attestées dans les récits des commencements de l’abbaye de
Cîteaux, aussi bien chez les chroniqueurs issus de la tradition bénédictine,
tels Guillaume de Malmesbury ou Orderic Vital, que dans les textes
fondateurs de Cîteaux, le Petit Exorde (avant 1119), la première version de
la Charte de Charité (1119) et l’Exorde (vers 1124-1137/1138). On retrouve
l’une et l’autre dans la manière dont l’abbé Étienne Harding (1099-1133)
fait établir un texte révisé de la Bible en recourant à de multiples manuscrits
et aux compétences de plusieurs correcteurs, dont des juifs pour certains
textes de l’Ancien Testament. On retrouve encore une démarche voisine
dans la collecte et le rassemblement à Clairvaux de l’œuvre complète de
saint Augustin telle qu’on la connaissait alors. Dans le cadre de la
radicalisation du projet cistercien opérée entre 1110 et 1130, cette volonté
de retour aux origines est cependant vite englobée et dépassée par une
authentique revendication de nouveauté, présentée comme la condition
indispensable d’un retour à l’Église primitive. Cette revendication se
manifeste par un certain nombre de choix symboliques : la désignation
générique de l’abbaye de Cîteaux comme le « nouveau monastère » ;
l’adoption pour l’habit des moines, sans doute peu après 1111, d’une laine
non teinte ; le renoncement aux formes figuratives et aux ornements (les
couleurs, les peintures, les objets liturgiques luxueux, les cloches) dans les
édifices cultuels ; le retour au plain-chant et l’adoption, à partir de 1147,
d’une liturgie épurée. L’absence de référence au passé dans les textes
cisterciens, bernardins en particulier, contraste fort par ailleurs avec les
multiples renvois à la tradition qui parsèment l’œuvre de Pierre le
Vénérable, artisan de la reconstruction clunisienne après la crise que
connaît la congrégation dans les années 1122-1126. Comme toutes les
institutions, les nouveaux ordres et Cîteaux en particulier réinventent leurs
origines. Mais à la différence des établissements bénédictins, même
réformateurs, ils ne le font pas en s’inscrivant dans la longue chaîne des
bonnes coutumes régulièrement réactivées par de saints prédécesseurs.
La légitimité de la nouveauté ressort aussi de la valorisation des
expériences singulières et de la multiplication des genres de vie religieuse.
Chez les ermites, comme dans la plupart des nouveaux ordres, des chartreux
aux cisterciens, mais aussi chez certains bénédictins comme Lanfranc du
Bec ou quelques-uns des premiers scolastiques comme Anselme de Laon ou
Pierre Abélard, l’accent est mis désormais sur la prière intérieure, la
pénitence et la conversion personnelles, aux dépens de la prière
d’intercession. Avant de prendre en charge le salut des autres, fussent-ils les
grands de ce monde, il s’agit d’abord de faire son propre salut. Dans la
prière comme dans le genre de vie, le choix existentiel l’emporte en quelque
sorte sur le rôle fonctionnel, la dimension individuelle sur la conformité à la
tradition. Se développe ainsi la conscience d’une responsabilité personnelle
dans le péché : l’angoisse du péché n’est plus liée à la peur de corrompre la
communauté sociale ou religieuse, de la souiller, mais se nourrit de la
crainte de ne pas être exemplaire pour autrui. La vie intérieure et la relation
directe avec Dieu sont donc valorisées, même si les processus
d’institutionnalisation des expériences novatrices favorisent, comme on le
verra, un retour progressif aux pratiques liturgiques et sociales
traditionnelles. La nouveauté des idéaux initiaux survécut dans l’éloge des
héros fondateurs et la geste des origines, et même dans certaines pratiques
comme le montrent l’austérité durable des édifices cisterciens ou la
pérennité du mode de vie mi-cénobitique, mi-érémitique des chartreux.
De manière significative, le discours hagiographique, un genre
pourtant profondément conservateur, se fait le reflet de ces ruptures. Dans
les Vies de Robert d’Arbrissel, de Bernard de Tiron ou d’Étienne de Muret,
les expériences de mortification sont ainsi moins présentées comme un
combat contre le mal que comme l’expiation d’un péché personnel. Mieux
encore, les textes hagiographiques revendiquent la nouveauté de ces
saintetés : dans la Vie que rédige Marbode, archidiacre d’Angers et futur
évêque de Rennes, Robert, le fondateur de La Chaise-Dieu, est un
« saint nouveau » ; la Vie de Norbert de Xanten, fondateur de Prémontré,
souligne que celui-ci « a mené un nouveau type de vie sur terre […] et
qu’on n’avait jamais vu rien de tel ». De semblables constatations figurent
dans bien d’autres écrits, comme la lettre de Guillaume de Saint-Thierry
aux chartreux de Mont-Dieu, à propos de la vie cartusienne, dans l’Éloge de
la nouvelle chevalerie de Bernard de Clairvaux, au sujet du Temple. En
1132/1133, dans l’Histoire de mes malheurs, Pierre Abélard évoque lui
aussi la « sainte nouveauté » apportée chez les chanoines et les moines par
Norbert de Xanten et Bernard de Clairvaux, qu’il n’aimait guère pourtant.
La nouveauté tient enfin au relatif desserrement du contrôle
ecclésiastique sur la parole au temps fort de la réforme. Les prédications
aux laïcs se multiplient alors. Elles sont le fait d’ermites, clercs ou laïcs, de
chanoines et même de moines, anciens ou nouveaux, qui n’hésitent pas à
sortir des cloîtres : Wederic, moine de Saint-Pierre de Gand, obtient
l’autorisation de prêcher de Grégoire VII en 1075, l’ermite Robert
d’Arbrissel celle d’Urbain II en 1096, le moine Henri celle de l’évêque
Hildebert du Mans en 1116… Cette parole proliférante s’en prend parfois
vivement aux élites ecclésiastiques traditionnelles, aux évêques et aux
chanoines jugés corrompus par l’argent ou le sexe. Elle est animée par la
volonté d’agir et de peser sur le comportement des hommes et fonde sa
légitimité sur la sainteté de vie du prédicateur, son éthique et son charisme.
Prédication de pénitence et de conversion, elle porte en elle une exigence
morale. Un siècle avant la révolution mendiante, elle traduit un engagement
nouveau dans le siècle, manifeste un premier glissement de la prise en
charge du monde par la liturgie et la prière vers sa prise en charge par la
pastorale et la prédication. Au même titre que l’engagement des laïcs dans
la croisade ou l’essor des pèlerinages, elle participe à l’avènement d’une
religion de l’action.
Un foisonnement d’expériences
Le succès de la vie monastique et canoniale se mesure d’abord à la
multiplication des communautés religieuses. Dans le diocèse de Toul par
exemple, le nombre de ces communautés passe de quinze à trente-cinq sous
le seul épiscopat de Pibon (1069-1107). Le nombre de leurs membres
augmente aussi : à Saint-Bertin, les moines sont huit en 1030, cent vingt
vers 1095-1123, cent cinquante au milieu du XIIe siècle ; à Saint-Aubin
d’Angers, ils sont cinquante-sept en 1038, soixante-dix-huit en 1060, cent
cinq en 1080 ; à Cluny, ils sont entre soixante et quatre-vingts vers 1049,
plus de trois cents en 1122. L’essor du nouveau monachisme est encore plus
spectaculaire : la seule abbaye de Clairvaux put fonder deux nouvelles
abbayes, de douze moines chacune, chaque année de l’abbatiat de Bernard
(1115-1153), ce qui suppose l’arrivée d’un minimum de deux nouvelles
recrues par mois.
C’est cependant la nouvelle diversité des modes de vie religieuse qui
retient l’attention. La fondation de nombreuses communautés de chanoines
réguliers à partir du milieu du XIe siècle et des congrégations monastiques
de Molesme en 1075, la Chartreuse en 1084, Cîteaux en 1098, Fontevraud
en 1118, Prémontré en 1120, le Temple en 1129…, la multiplication des
genres de vie aux frontières de l’Église et de la société (les convers, les
donnés, les recluses…) représentent une diversification sans précédent, qui
vient perturber la vision grégorienne, simplificatrice et unificatrice. La
fluidité des situations durant toute la première moitié du XIIe siècle accentue
le phénomène : une communauté comme Saint-Sulpice en Bugey par
exemple, d’abord bénédictine, adopte les coutumes des chartreux avant de
finir cistercienne. Cette nouvelle diversité a été clairement perçue par les
contemporains. Les chroniques de Prémontré (1131), d’Orderic Vital (vers
1135) et de Robert de Torigny (avant 1182) énumèrent ainsi les prémontrés,
les cisterciens, les clunisiens, les cartusiens, les templiers, les hospitaliers et
les moniales. Dans le deuxième quart du XIIe siècle, un traité Sur les
différents ordres et professions qui sont dans l’Église, composé dans le
diocèse de Liège, tente une première classification entre « ceux qui se
tiennent loin des hommes » (les cisterciens, les prémontrés), « ceux qui sont
proches des hommes » (les clunisiens, les victorins) et « ceux qui vivent
parmi les hommes » (les chanoines), les ermites demeurant à part. Tous ces
textes ont en commun de percevoir cette diversité comme bonne et
profitable pour l’Église et d’aplanir les différences entre anciens (les
clunisiens) et nouveaux (les autres) réformateurs dans une vision globale
plutôt irénique.
Il est vrai que ces expériences présentent de nombreuses parentés. En
premier lieu un même appétit d’évangile, une même fascination pour les
expériences premières, celles des apôtres comme celles des premiers
anachorètes. Pour tous, la vie apostolique représente une forme de
perfection. Son imitation est revendiquée par tous jusqu’aux groupes
considérés comme hérétiques et relève donc de modalités infinies, chaque
communauté privilégiant tel ou tel aspect, s’appropriant tel ou tel verset des
Évangiles ou des Actes des apôtres. En deuxième lieu, toutes ces
expériences manifestent un idéal de conversion radical. « Suivre nu le
Christ nu » est l’un des adages les plus régulièrement cités. La pauvreté
personnelle en est la figure la plus commune, d’autant que la distinction
entre pauvreté subie et pauvreté choisie reste un lieu commun de la
littérature ecclésiastique. À quelques exceptions (les grandmontains), la
mendicité reste cependant réprouvée, l’idéal se situant dans l’autarcie
communautaire. Plus largement, il s’agit de rompre volontairement et
définitivement avec le monde, une démarche qui peut aller jusqu’à
envisager la profession monastique comme un second baptême
(dévalorisant du même coup le baptême et l’état laïque). La seule
conversion vraiment légitime est dès lors celle des adultes et la plupart des
nouvelles communautés refusent les oblats, les nourris et les écoles, voire
témoignent d’une certaine réticence envers les convertis tardifs. En
troisième lieu, la rupture avec le monde est toujours vécue sur le mode
mythologique de l’expérience du désert. L’érémitisme inspire en effet
l’ensemble des expériences nouvelles, jusqu’à l’ordre cistercien. Les récits
de vocations glosent l’exemple de Jean-Baptiste, du Christ lui-même, de
saint Antoine ou des Pères égyptiens. Les récits de fondations déclinent le
topos du lieu sauvage, hostile et désertique, fondé sur un extrait du
Deutéronome (32, 10). Les ermites vivent pourtant presque toujours en
petits groupes et se déplacent souvent au milieu d’une foule bigarrée. Quant
aux abbayes, à l’exception des chartreuses, elles s’installent le plus souvent,
même les cisterciennes, à proximité de lieux habités et exploités, de routes
et de rivières. Il reste que le double modèle apostolique et érémitique est
bien ce qui permet à la plupart des nouveaux ordres de renouveler les
formes de la vie monastique, les uns, comme les cisterciens et les chartreux,
proposant de nouvelles articulations entre cénobitisme et érémitisme, les
autres, comme les chanoines réguliers, une association originale entre vie
commune et pastorale.
L’ M R ’A ( 1098-
1100)
L ’ F
Cette salle capitulaire est à peu près contemporaine de la mort de Bernard de
Clairvaux († 1153). Six travées, sur les neuf qu’elle comptait à l’origine, ont subsisté.
Comme dans tous les monastères, elle donnait sur une galerie du cloître, ici à droite.
Chaque matin, les moines s’y réunissaient pour écouter un chapitre de la règle de saint
Benoît, lire le martyrologe et le nécrologe, procéder à l’examen et à la correction des
frères, évoquer les affaires courantes. Les moines se tenaient sur des bancs qui
couraient le long des murs. Le décor est aussi simple et dépouillé que celui de l’église.
L’originalité réside dans l’architecture : les piles centrales constituent des faisceaux de
huit colonnettes, d’où surgissent doubleaux et nervures d’ogive de forme semi-
circulaire. L’ensemble atteste de l’existence d’un gothique cistercien tout à fait
contemporain des premiers édifices d’Île-de-France témoignant du nouveau style.
L C ’ G N
( 1114-1117)
L’ S (V )
L’abbaye de Sénanque fut fondée vers 1148-1150 au creux d’un vallon du plateau de
Vaucluse, par des moines venus de l’abbaye de Mazan, en Vivarais, invités par
l’évêque de Cavaillon et dotés par la puissante famille seigneuriale d’Agoult-Simiane
qui dominait l’ensemble du pays d’Apt. Il s’agit d’un site de désert cistercien
classique, dont il ne faudrait pas toutefois exagérer le caractère sauvage : le gros
bourg castral de Gordes n’est qu’à deux kilomètres au sud-est et l’ensemble du
piémont du plateau de Vaucluse était déjà peuplé et exploité avant l’arrivée des
moines blancs. L’église fut construite entre 1160 et la fin du XIIe siècle. Comme
l’attestent son chevet avec une abside en cul-de-four ou sa croisée surmontée d’une
coupole et d’un clocher, elle témoigne d’une adaptation des usages cisterciens aux
traditions architecturales locales.
Robert, le fondateur de la communauté de Cîteaux en Bourgogne, en
1098, possède lui aussi plusieurs expériences érémitiques à son actif. En
1075, il tenta un premier retour aux sources de la tradition bénédictine en
fondant l’abbaye de Molesme. Au bout d’une vingtaine d’années, sa
situation ne le satisfaisant plus, il choisit avec quelques moines de rompre
son vœu de stabilité et d’abandonner son abbaye pour fonder un nouvel
ermitage à Cîteaux. Dans le Petit Exorde rédigé avant 1119, le départ de
Robert pour Cîteaux est justifié par le fait que Molesme aurait acquis des
églises et des dîmes. Il est délicat d’apprécier la véracité du motif avancé
par un texte très polémique, rédigé pour nuire à Molesme. Il reste qu’un lien
fort était posé entre le mode de vie, la fonction sociale et la forme du
patrimoine. Dans les années 1110-1140, cette exigence gouverne le projet
cistercien, tout entier animé par une volonté de retour à la simplicité, à la
pureté voire à la lettre de la règle bénédictine. La Charte de charité (1119)
et les premiers Statuts (vers 1134-1140) mettent en œuvre la revalorisation
du travail manuel, le refus de la possession des églises ou des dîmes, le rejet
de toute seigneurie sur les hommes, enfin la mise à distance du monde, qui
se réalise concrètement dans le refus des écoles, des oblats ou des offices
ouverts aux populations. Aux yeux de tous, le rigorisme cistercien s’incarne
dans son austérité vestimentaire, liturgique et monumentale. Ce dernier
aspect est sans doute le plus frappant à une époque où les sanctuaires
déploient leur faste avec un éclat sans précédent. Sous l’influence de
Bernard de Clairvaux (1115-1153), de nombreuses églises cisterciennes
adoptent un parti pris d’uniformité et de sobriété, bien représenté par les
abbatiales de Clairvaux I (vers 1135-1145), de Fontenay (vers 1139-1147)
ou de Noirlac (vers 1150-1160) : un plan en croix latine à une nef flanquée
de deux collatéraux, un transept flanqué de chapelles carrées et un chœur à
chevet plat, une élévation dépouillée, sans tribunes, ni triforium, ni
arcatures aveugles, aucun décor figuratif, pas de fresque ni de vitraux
colorés, une simple voûte en berceau. Dans les régions méridionales ou
centrales de la France, la force des traditions architecturales locales conduit
à l’abandon précoce du chevet plat au profit d’un chœur à abside, comme à
Sénanque (vers 1180). Au fur et à mesure qu’avance le siècle, on revient
parfois, comme à Clairvaux II (vers 1154-1174) aux absides à
déambulatoire et l’on préfère de plus en plus souvent l’ogive à la voûte en
berceau. Mais une commune sévérité continue de donner à l’ensemble des
abbayes cisterciennes un véritable air de famille, qui les distingue des autres
constructions de leur temps.
L’ F (C - ’O )
L’abbaye de Fontenay fut fondée en 1118 par Bernard de Clairvaux lui-même, dans le
nord de la Bourgogne, au diocèse d’Autun, dans un vallon très humide qu’il fallut
drainer – le nom de Fontenay fait référence aux nombreuses sources qui s’y
trouvaient. Il s’agit d’une fondation familiale puisque l’abbaye s’élève sur des terres
données par les seigneurs de Touillon et de Montbard, apparentés à Bernard, qui y
nomme comme premier abbé son cousin, Godefroid de la Roche-Vanneau. L’église
abbatiale, consacrée en 1147 par Eugène III, le premier pape cistercien, fut construite
à partir de 1139 à l’imitation de Clairvaux, selon un plan cruciforme et des
proportions qui lui valent d’être considérée comme l’église modèle de l’architecture
bernardine. Il s’agit en tout cas d’un des plus anciens édifices cisterciens parvenus
jusqu’à nos jours. Elle mesure 66 mètres de long pour une nef de 8 mètres de large et
un transept de 19 mètres. Sa voûte en berceau brisé s’élève à 16 mètres de haut et
repose sur des colonnes aux chapiteaux décorés de palmettes de faible relief.
Austérité, dépouillement, luminosité caractérisent un espace intérieur pourvu d’une
excellente acoustique. Le chœur, de forme carrée, est plus bas que la nef. Son pavage
est fait de céramiques, qui recouvraient auparavant l’ensemble du sol de l’édifice. Le
chevet plat est percé de six baies réparties sur deux niveaux. La nef est aussi éclairée
par cinq autres baies percées dans un arc triomphal plus élevé que le chœur.
Conformément aux statuts de l’ordre, l’église est dépourvue de clocher.
P ’ S
É H ’ C
L’ e
XII
Un trait commun aux nouvelles communautés monastiques et
canoniales réside dans l’institution des convers. Ces derniers apparaissent
d’abord à la Chartreuse et à Cîteaux peu avant 1120, puis on en trouve à
Prémontré et à Chalais à partir des années 1120, à Grandmont avant 1140, à
Molesme après 1150… Ce nouveau statut permet à la fois de décharger les
moines de certaines activités et d’accueillir les illettrés dans des ordres qui
refusent l’oblation. À l’intérieur des communautés, les convers sont en effet
chargés d’effectuer les travaux agricoles, artisanaux ou domestiques. Pour
cela ils sont libérés d’une partie des obligations liturgiques et vivent à part
dans des bâtiments spécifiques ou dans les exploitations domaniales. Bien
distingués des moines, tous considérés comme clercs, ils sont souvent
appelés frères lais ou laïcs. Ils traduisent finalement l’intégration, à
l’intérieur de la communauté monastique ou canoniale, de la division
grégorienne entre clercs et laïcs et de la division sociale entre seigneurs et
paysans.
C’est dans l’entourage de communautés canoniales qu’apparaissent à
Jérusalem, au début du XIIe siècle, les premiers ordres militaires. Le Temple,
qui doit son nom au Temple de Salomon sur les substructions duquel est
située sa première maison, est le premier d’entre eux. Il est fondé par un
chevalier champenois, Hugues de Payns, en 1120, à partir d’un petit groupe
de chevaliers associés au chapitre du Saint-Sépulcre, le chapitre cathédral
de Jérusalem. Sa vocation initiale est d’assurer la protection des pèlerins sur
la route qui conduit de la côte à la ville sainte. Reconnus par la papauté lors
du concile de Troyes, en 1129, et soutenus par Bernard de Clairvaux, qui
contribue à la rédaction de leur règle et écrit à leur intention l’Éloge de la
nouvelle chevalerie, les templiers connaissent à partir des années 1130 un
très grand succès, en Occident comme en Terre sainte. La naissance de
l’ordre de l’Hôpital est plus complexe. Comme son nom le suggère, il s’agit
à l’origine d’une communauté hospitalière, fondée peu après 1099 par un
Amalfitain nommé Gérard, à côté de l’église Saint-Jean-Baptiste de
Jérusalem. Gérard était jusque-là en charge de l’hôpital de l’abbaye
bénédictine Sainte-Marie-Latine, dont il s’affranchit. La nouvelle
communauté est approuvée par le pape en 1113 : sa vocation est alors
l’accueil des pèlerins et le soin des malades. Mais dans les années 1140,
sous l’influence du Temple et dans un contexte de plus en plus difficile pour
les chrétiens, elle se transforme peu à peu en véritable ordre militaire, tout
en conservant une dimension hospitalière.
L C (C )
Cette chapelle, construite entre 1150 et 1160, est le seul vestige de l’ancienne
préceptorerie du Temple du Dognon, fondée au milieu du XIIe siècle par le seigneur
de Chatigniers à son retour de la deuxième croisade. Il s’agit d’un édifice très simple,
au chevet plat percé de trois baies et d’un oculus, en conformité avec les aspirations
ascétiques des nouveaux ordres militaires et leur moindre intérêt pour la liturgie.
L ’A A -
L C
Peu à peu le nouveau droit fait sentir son influence dans certains
domaines de la pratique, des contentieux commerciaux au droit féodal en
passant par les coutumes matrimoniales ou successorales. Dans le Midi, à
partir des années 1160, il vient conférer une nouvelle légitimité à
l’exclusion des filles dotées, pratiquée depuis la fin du XIe siècle. Il entraîne
surtout, aux dépens de la traditionnelle donation pour cause de mort, la
réapparition du testament, dont les premières traces se repèrent à Arles et
Avignon aux environs de 1130 et dont le formulaire est définitivement fixé
une trentaine d’années plus tard, en particulier en ce qui concerne
l’institution d’héritiers et le choix des exécuteurs testamentaires. Le
nouveau droit influence aussi les procédures judiciaires. Il explique le
recours plus fréquent à l’enquête d’office, la promotion du témoignage et de
l’aveu dans la hiérarchie des preuves, l’évolution de la forme du jugement
de l’arbitrage vers la sentence, qui prétend dire le vrai et le faux, le juste et
l’injuste, même si un compromis continue souvent de la suivre. Son succès
croissant tient aussi au changement de contexte et à l’affirmation des
pouvoirs princiers, qu’il sert. Les disparités entre régions restent cependant
très profondes. Alors qu’en Bas-Languedoc et en Provence, les premières
mentions explicites de l’utilisation judiciaire du nouveau droit apparaissent
dans les années 1120, puis deviennent fréquentes dans les années 1140, en
Anjou, elles remontent seulement à 1156.
Il ne faudrait pas, toutefois, exagérer l’influence pratique du nouveau
droit. Certaines évolutions judiciaires ont d’autres causes. Le recul de
l’ordalie par exemple, sensible en Anjou et dans le Maine dès les années
1110-1130, semble dû, avant tout, aux réticences croissantes des laïcs face à
l’instrumentalisation du rituel par les moines et les clercs. À partir de la fin
du XIIe siècle, alors que les pouvoirs princiers tendent à s’affirmer, le
caractère incertain de l’ordalie apparaît aussi de plus en plus comme une
offense à la toute-puissance du juge. Le droit romain, pour sa part, est
parfois délibérément écarté de certains règlements. En 1164, les conseillers
de Louis VII, parmi lesquels figure pourtant un juriste, le rejettent ainsi
complètement au profit de la « coutume du royaume », pour répondre à une
plainte formulée par la vicomtesse Ermengarde de Narbonne. À Reims, les
cours ecclésiastiques ne commencent à y recourir, de manière très timide,
qu’à partir de 1182. Enfin, les juristes qui manient le nouveau droit ne se
placent pas dans une logique de restitution, mais procèdent à d’infinis
ajustements en fonction des contextes et des situations. Les coutumes
rédigées dans le Midi mêlent ainsi usages anciens et bribes du nouveau
droit plus ou moins bien compris. Souvent, le recours au droit romain se
limite à requalifier en termes savants des réalités ou des pratiques
antérieures. Mais cette requalification produit elle-même ses propres effets :
elle charrie implicitement d’autres notions et peut durcir une pratique
jusque-là assez souple. Elle peut aussi favoriser l’éclaircissement de
situations complexes. C’est le cas en matière féodale, où elle facilite la
hiérarchisation des droits sur le fief, ce qui explique, par exemple,
l’utilisation croissante des formulaires juridiques dans les serments et les
hommages rendus aux évêques de Provence dans la deuxième moitié du
XIIe siècle.
De manière générale, les multiples conflits suscités par la réforme,
l’essor des réflexions sur les lieux, les choses et les sujets sacrés ou
ecclésiastiques, ainsi que l’émergence des communes et des consulats,
provoquent une intense fermentation intellectuelle au sujet du droit et de la
justice. La distinction entre la norme absolue et le droit en acte, en germe
chez Guillaume de Champeaux, se cristallise chez Pierre Abélard, Hugues
de Saint-Victor et Thierry de Chartres dans les années 1120-1130, au travers
de la fameuse distinction entre droit naturel (d’origine divine, intrinsèque à
la nature et à toute humanité) et droit positif (construit par les hommes au
cours de l’histoire). Forgée par les théologiens, cette dichotomie, qui établit
aussi une hiérarchie des sources du droit, est adoptée par les juristes à partir
des années 1160 et devait structurer le champ juridique et théologico-
politique jusqu’à l’époque moderne. Il ne s’agit pas là de spéculations
théoriques isolées, mais d’une dimension particulièrement significative du
vaste processus culturel d’abstraction judiciaire enclenché dans les
premières décennies du XIIe siècle. Englobant l’ensemble des pratiques
judiciaires, ce processus considère comme légitime la recherche de normes
antérieures (et supérieures) à toute action humaine et rend compte d’une
volonté nouvelle de formaliser, pour mieux les appréhender, la diversité et
la complexité des conflits.
Parallèlement aux savoirs eux-mêmes, leur organisation, les formes de
leur production et les méthodes d’étude se transforment de manière notable.
La classification des savoirs repose toujours officiellement sur le septénaire
antique du trivium et du quadrivium. Mais l’apparition de nouveaux
domaines et la formation de projets encyclopédiques en atténuent la
pertinence. Dans son Didascalion (vers 1130-1140), Hugues de Saint-Victor
propose ainsi une nouvelle classification distinguant les arts théoriques
(théologie, arithmétique, musique, géométrie, astronomie, physique), les
arts pratiques (éthique, économie, politique), les arts mécaniques (artisanat,
guerre, commerce, agriculture, chasse, médecine, draperie) et les arts
logiques (grammaire, dialectique, rhétorique, sophistique). L’élargissement
du champ des savoirs ne cesse d’entretenir cet appétit du classement et de
l’ordonnancement, qui finit par se porter sur tout le réel, l’Église, le monde,
le temps… et gouverne le propos d’œuvres de nature globalisante. Le
XIIe siècle est en effet celui des premières « sommes », qui se présentent à la
fois comme des résumés et des compilations de la totalité du savoir dans un
champ déterminé. Le phénomène concerne surtout le droit canonique et
commence à la fin du XIe siècle. Le Décret de Gratien (vers 1140-1160) et la
Somme des offices ecclésiastiques de Jean Beleth (vers 1160/1165) en
représentent un premier aboutissement. Mais le phénomène concerne aussi
le droit romain et la théologie. Il trouve son prolongement dans l’apparition
des premiers ouvrages d’ambition encyclopédique, qui prétendent
embrasser la totalité des champs du savoir, à l’image de l’Hortus deliciarum
(le Jardin des délices) que compose l’abbesse du Mont Saint-Odile,
Herrade de Landsberg, à partir de 1175, ou de l’Anticlaudianus d’Alain de
Lille, vers 1182-1183.
L’étude des Écritures, ce qu’on appelle l’exégèse, se poursuit tout en
prenant la forme, à partir de la seconde moitié du XIe siècle, de la glose.
Celle-ci repose sur l’insertion d’annotations et de commentaires ponctuels
au texte principal dans les marges du livre (glose marginale) ou entre les
lignes du texte (glose interlinéaire). La première glose complète de la Bible
est réalisée dans l’entourage d’Anselme de Laon vers 1100. Puis de l’école
de Laon la pratique gagne l’école de Saint-Victor, qui s’en fait une
spécialité. À la glose se rattache un autre genre, celui des sentences
magistrales, ces paroles d’un maître rapportées par ses disciples. Sur le plan
des pratiques intellectuelles, la diffusion et la mise par écrit des sentences
favorisent l’émergence de la figure d’autorité du maître. Sur le plan de la
matière, l’objet des sentences est d’harmoniser la Bible et les Pères de
l’Église et d’opérer de la sorte une unification de la tradition. Les sentences
d’Anselme de Laon sont les premières à être rassemblées dans le Liber
pancrisis, composé dans un milieu cistercien proche de Clairvaux vers
1130-1140. Puis la pratique est reprise par Guillaume de Champeaux et
Pierre Lombard, qui compose lui-même ses propres Sentences vers 1155-
1158, lesquelles sont appelées à devenir, au XIIIe siècle, le manuel de base
de l’enseignement de la théologie dans les Universités. Les techniques de la
glose et de la sentence ne se limitent pas au domaine de l’exégèse et de la
théologie. Elles sont aussi massivement utilisées dans le domaine juridique,
pour le droit romain comme pour le droit canon.
La principale innovation réside cependant dans l’adoption de la
dialectique comme outil privilégié de l’argumentation, que celle-ci prenne
la forme orale de la dispute (disputatio) ou la forme écrite de la question
(quaestio). Concrètement, il s’agit, après l’énoncé d’un problème,
d’avancer un argument pour, puis un argument contre, enfin de proposer
une synthèse. Empruntée à la logique, la formule est appliquée à la
théologie, à laquelle elle impose donc à la fois une démarche heuristique et
un canon formaliste d’argumentation, l’une et l’autre fondés sur la raison.
Le premier à avoir largement recours à la dialectique est Bérenger de Tours,
vers 1050-1070, et cela constitue l’un des motifs de sa condamnation, alors
même que son principal contradicteur, Lanfranc du Bec, l’utilise aussi, mais
de manière plus prudente. Les maîtres qui lui donnent véritablement ses
lettres de noblesse sont toutefois Pierre Abélard, dans son fameux Sic et non
(vers 1132-1140), Robert de Melun et Gilbert de la Porée. Comme le révèle
l’Histoire de mes malheurs d’Abélard, il entre une part de culture
chevaleresque dans ce goût pour la controverse : la pratique du défi,
l’échange des arguments comme autant de coups, l’habileté, l’adresse, la
force d’une démonstration sont choses appréciées des élites et bon nombre
de maîtres, à commencer par Abélard lui-même, sont d’ailleurs issus de la
petite aristocratie. Indice de son adéquation à l’esprit du temps, la
dialectique est aussi utilisée dans d’autres champs du savoir. Elle devient
notamment l’un des modes d’exposition du droit : le Décret de Gratien,
dont le vrai titre est Concorde des canons discordants, présente ainsi
successivement des canons contradictoires, puis leur résolution. À la fin du
XIIe siècle, la dialectique est même utilisée dans le champ littéraire et
courtois par André le Chapelain, sur un mode parodique : dans son traité
Sur l’amour, cet auteur consacre les deux premiers livres à un plaidoyer de
l’amour hors mariage, avant d’en faire une sévère critique dans le troisième
livre… et de se refuser à toute synthèse !
L ’H ’H L
U :
’E
L C : L
( 1102)
Les plus rudes polémiques opposent cependant les ordres entre eux,
prenant souvent la forme d’une première querelle des Anciens et des
Modernes. Ces polémiques se concentrent dans les années 1120-1150. Elles
mettent surtout aux prises les clunisiens et les cisterciens, les moines et les
chanoines. Quelques hommes célèbres y jouent un rôle actif (Pierre le
Vénérable, Hugues de Rouen, Thibaud d’Étampes, Bernard de Clairvaux,
Pierre le Chantre, Gautier Map…), mais elles mobilisent aussi beaucoup
d’anonymes. Ces querelles ne se limitent pas à la France, mais sont
européennes, comme le montre le rôle de Gerhoh de Reichersberg, Philippe
d’Harvengt et Anselme d’Havelberg du côté des chanoines réguliers,
d’Idung de Prüfenig du côté cistercien ou de Rupert de Deutz du côté
bénédictin. Leur principal objet est toujours le même : l’exemplarité du
mode de vie, sa conformité ou non aux modèles de référence (les apôtres,
les pères du désert, la règle bénédictine…) ou aux normes que l’ordre s’est
choisies. Mais la polémique peut aussi porter sur un point particulier :
l’exemption et la détention de dîmes, la possession d’églises, l’exercice de
la fonction pastorale… La Vie d’Amédée de Hauterive par exemple, écrite
par un cistercien de Bonnevaux, en Dauphiné, vers 1160, développe le
thème de la conversion d’Amédée, un grand seigneur laïc, en opposant à la
rigueur et à l’ascèse cistercienne, seules en mesure de satisfaire ses
aspirations profondes, le Temple, où Amédée ne ferait que changer de
couleur de vêtements s’il le rejoignait, et Cluny, où l’on ne se préoccuperait
que de gestion domaniale et d’ascension dans la hiérarchie communautaire :
c’est qu’à partir des années 1150, la richesse manifeste des cisterciens et les
premières entorses à la règle suscitent de plus en plus de critiques
caustiques auxquelles il faut bien répondre. Entre 1159 et 1174, le schisme
pontifical vient enfin parfois donner à la polémique une dimension
politique : les cisterciens soutiennent massivement Alexandre III, alors que
les clunisiens se divisent et que l’abbé Hugues III est même déposé en 1162
pour avoir choisi le candidat de l’empereur, Victor IV.
Le développement des écoles et la multiplication des débats
théologiques alimentent, eux aussi, de nombreuses polémiques. La plupart
demeurent limitées aux cercles intellectuels, au sein desquels elles jouent un
rôle quasi structurant : la renommée d’un maître dépend aussi de sa capacité
à remporter des disputes, comme le montre, par exemple, le parcours
d’Abélard et ses défis successifs à Guillaume de Champeaux en 1102-1106
et 1108, puis à Anselme de Laon en 1113. Mais le contrôle de
l’enseignement par les évêques, les soutiens dont bénéficient certains
maîtres de la part de clans politiques (Abélard est par exemple protégé par
la famille de Garlande, proche des rois Philippe Ier et Louis VI), ainsi, à
partir des années 1120, que le magistère moral et spirituel revendiqué et
exercé avec rudesse par Bernard de Clairvaux, donnent à certaines disputes
un rayonnement supérieur. Les spéculations sur la nature de la Trinité sont
celles qui suscitent le plus de réactions et c’est ainsi que régulièrement des
conciles se tiennent pour examiner l’orthodoxie de tel ou tel ouvrage : en
1092, au concile de Soissons, ce sont les travaux de Roscelin de
Compiègne qui sont condamnés ; en 1121, à Soissons, puis de nouveau en
1140, à Sens, ce sont les ouvrages de Pierre Abélard ; en 1148, au concile
de Reims, Gilbert de la Porée échappe de justesse à un sort semblable en
faisant amende honorable. Le concile de Sens eut une audience particulière
en raison de la notoriété acquise par l’accusé et de l’engagement acharné de
Bernard de Clairvaux contre lui. Pour Bernard, ce sont tout à la fois la
méthode (la dialectique), les propos (la conception de la Trinité) et le projet
intellectuel (la science théologique) d’Abélard qui sont intolérables.
N’écrit-il pas à son sujet : « Lui qui a scruté les cieux, qu’il descende dans
les profondeurs de l’enfer et que soient clairement révélées à la lumière du
jour les œuvres de ténèbres qu’il a osé faire naître ? » En 1140, comme déjà
en 1121, les ouvrages d’Abélard sont condamnés pour hérésie. L’écho du
concile est d’autant plus important qu’après le procès, chacun des
protagonistes reprend la plume pour se défendre ou se justifier : les
archevêques de Reims et de Sens envoient au pape les comptes rendus du
procès, Abélard compose trois manifestes dénonçant l’injustice de Bernard,
et ce dernier multiplie les lettres pour convaincre le pape et les membres de
la Curie de faire de nouveau condamner Abélard à Rome. Mais Pierre le
Vénérable recueille Abélard et le protège jusqu’à sa mort.
Dans toutes ces polémiques un terme revient sans cesse pour
compromettre ou condamner l’adversaire : celui d’hérésie. En l’appliquant
à la simonie et au nicolaïsme, la réforme « grégorienne » a répandu son
usage. Dans la première moitié du XIIe siècle, il reste une arme pour
dénoncer les croyances jugées déviantes et les mettre en accusation.
Comme à l’époque de l’hérésie d’Orléans, il s’agit encore seulement
d’individus et de pensées savantes. Au milieu du siècle en revanche, un
véritable tournant se produit : des textes ecclésiastiques s’en prennent pour
la première fois à des groupes d’hérétiques dont on redoute autant les
comportements que les croyances et dont on craint l’expansion dans la
société. Nous y reviendrons.
Nombre de manuscrits
Xe siècle 44
XIe siècle 118
XIIe siècle 397
S C ,T ,R
R
U
G J G N
G C
Dans cette belle lettrine (P) dessinée à l’encre rouge, Guillaume de Jumièges, en habit
de moine, remet son œuvre au roi Guillaume le Conquérant, assis sur son trône, un
sceptre à la main. Cette scène traditionnelle de dédicace souligne le rôle du roi dans
l’élaboration d’une historiographie à la gloire de sa famille. Elle figure en ouverture
d’une copie des Gestes des Normands dans un manuscrit entièrement réalisé par
Orderic Vital, à l’abbaye de Saint-Évroult, dans le premier quart du XIIe siècle. On
sait que l’œuvre de Guillaume de Jumièges constitue l’une des sources d’inspiration
d’Orderic pour son Histoire ecclésiastique.
L’ R R
En langue d’oc, les premiers écrits conservés à sujet profane sont des
poèmes lyriques, des cansos, dont le sujet principal est l’amour. Eux aussi
sont d’abord destinés à être chantés dans les cours princières ou
seigneuriales. Les plus anciens sont attribués au duc d’Aquitaine
Guillaume IX (1071-1126), mais une multiplicité de poètes apparaissent
bientôt du Limousin à la Provence, avant que le phénomène ne s’étende
dans le nord à partir des années 1160-1170. La lyrique s’empare au même
moment d’une plus grande variété de sujets, les uns d’inspiration funèbre,
d’autres d’inspiration satirique ou politique.
Jusqu’au XIIIe siècle tous ces textes sont véhiculés et connus par la
performance orale des jongleurs, en général accompagnée de musique.
Dans ce contexte, la mémoire joue un rôle déterminant et explique en partie
la forme des textes : la versification et l’assonance, le système des laisses
(les séquences de déclamation) dans les chansons de geste ou des refrains
dans les cansos, constituent autant d’aides à la mémorisation. Mais leur
transcription à l’écrit, jusque-là réservée au latin, manifeste l’acquisition
d’une légitimité culturelle nouvelle en même temps qu’elle élargit le champ
des lettres. La diversité des auteurs en fournit un autre témoignage. En
matière de poésie lyrique par exemple, si certains troubadours ou trouvères
sont des clercs ou le deviennent, la plupart sont des laïcs : de simples
chevaliers comme Marcabru et Raimbaud de Vacqueyras dans le Midi,
Gace Brûlé dans le nord ; des seigneurs comme Bertrand de Born dans le
sud, Gui de Coucy dans le nord ; des princes comme Guillaume IX ou
Raimbaud d’Orange dans le sud, Geoffroy Plantagenêt dans le nord. Ces
poètes circulent beaucoup, preuve de leur succès et de la relative
polyglossie des milieux aristocratiques. Ne constate-t-on pas la présence à
la fois de poètes d’oc et de poètes d’oïl à la cour d’Aliénor d’Aquitaine et
de Louis VII, puis d’Aliénor et d’Henri II, enfin de Richard Cœur de Lion ?
Apparemment, la langue ne représenta jamais un obstacle à
l’intercompréhension, d’autant que la langue littéraire écrite constituait de
toute façon une sorte de koinè elle-même distincte des multiples dialectes
parlés, au sud comme au nord.
La mise par écrit des langues vulgaires concerne rapidement d’autres
champs que la littérature. D’abord un certain type d’ouvrage savant
apprécié dans les cours comme le Bestiaire de Philippe de Thaon, composé
entre 1121 et 1135. Puis le droit : on peut une nouvelle fois citer Lo Codi,
rédigé en provençal vers 1140. Enfin l’histoire, avec l’Estoire de la guerre
sainte, un récit de la troisième croisade composé par le jongleur normand
Ambroise pour Richard Cœur de Lion, avant 1196, ou bien la traduction, à
l’initiative de Yolande de Hainaut et Hugues IV de Saint-Pol, de l’Histoire
de Charlemagne et de Roland du pseudo-Turpin par Nicolas de Senlis,
autour de 1200 – qui représente aussi l’un des tout premiers textes en prose
rédigé en langue vulgaire.
La légitimité de l’écrit vulgaire et profane est définitivement acquise
lorsque le mot roman ne renvoie plus à la langue, mais à une forme littéraire
particulière, le roman, à savoir le long récit d’une aventure imaginaire,
encore composé en vers et destiné à être lu, à haute voix et en public, même
s’il n’est plus chanté. Les premiers romans sont des adaptations de récits ou
d’épopées antiques : le Roman d’Alexandre par le dauphinois Albéric de
Pisançon (début XIIe), le Roman d’Énée par un anonyme normand
(vers 1160), le Roman de Troie et le Roman d’Eracle (Hercule), par Benoît
de Sainte-Maure (vers 1165), ce dernier dédié à Alix, une fille d’Aliénor
d’Aquitaine, et à son époux Thibaud de Blois. Mais, dès les années 1170-
1180, la matière bretonne l’emporte en raison du succès considérable des
romans de Chrétien de Troyes : Érec et Énide (1170), Cligès (1176), le
Chevalier au lion, Yvain (vers 1176-1177), le Chevalier à la charrette,
Lancelot (vers 1177-1180), le Conte du Graal, l’histoire de Perceval, resté
inachevé (vers 1181-1185). À l’origine des légendes que ces romans
commencent à élaborer autour de la figure du roi Arthur et des chevaliers de
la table ronde se trouve le Roman de Brut de Wace, achevé en 1155 et dédié
à la reine Aliénor, qui constitue une traduction/amplification en anglo-
normand de l’Historia regum Britanie (Histoire des rois de Bretagne), de
Geoffroy de Monmouth, rédigée peu avant 1138. Ces romans arthuriens
forgent un merveilleux original, propre à la culture chevaleresque et
courtoise du XIIe siècle, même s’ils puisent abondamment dans de multiples
traditions antérieures, à commencer par les traditions celtiques et galloises.
Un processus comparable se produit pour la légende de Tristan et Iseult,
dont les premières mises en forme littéraires en anglo-normand sont dues au
normand Béroul entre 1165 et 1170, puis à Thomas d’Angleterre en 1172-
1176. À tous ces romans peuvent être associés les Lais de Marie de France,
composés vers 1165-1190, plus proches des contes par leur longueur
réduite, mais véhiculant le même imaginaire : le fameux Lai du
Chèvrefeuille reprend par exemple l’histoire de Tristan. Quel qu’en soit le
sujet, romans et lais témoignent d’une émancipation assumée par rapport au
genre historique et traduisent l’avènement d’une autre vérité, une vérité
fictionnelle, qui repose sur l’autorité de l’auteur et une communion de
valeurs avec les lecteurs. Romans et lais, en procédant au mélange des
genres et des thèmes, en combinant l’épique et le lyrique, la guerre et
l’amour, l’aventure et la réflexion, favorisent en outre l’émergence d’un
univers symbolique et de motifs psychologiques d’une grande complexité.
En tout cela, ces textes rendent compte de la nouvelle et puissante
conscience de soi dont dispose l’aristocratie laïque, principale destinataire
des textes quels qu’en soient les auteurs, dans la France du XIIe siècle.
L’H B G M
Ce feuillet est issu de l’un des plus anciens manuscrits de l’Histoire des rois de
Bretagne de Geoffroy de Monmouth, un ouvrage composé en 1135-1138 qui constitue
la principale source de la légende arthurienne. Chanoine d’Oxford, puis évêque de
Saint-Asaph, au Pays de Galles, Geoffroy relate l’histoire de la Grande-Bretagne
depuis ses origines, en insistant sur le rôle des Romains puis sur celui des rois celtes,
au premier rang desquels figure Arthur, auquel sont consacrés les chapitres 137 à 178.
Au travers de la figure de Merlin et de ses prophéties, Geoffroy de Monmouth
souligne les liens privilégiés qui unissent et doivent unir Bretons et Normands, aux
dépens des Anglo-Saxons. Il s’agit donc aussi d’un ouvrage de propagande en faveur
de la dynastie fondée par Guillaume le Conquérant. Comme on le voit sur ce feuillet,
l’ouvrage commence par un prologue adressé à Robert, comte de Gloucester,
destinataire et probable commanditaire de l’œuvre. Le texte proprement dit ne
commence qu’au haut de la deuxième colonne, avec le mot Britannia en lettres
capitales et à l’initiale rouge. À gauche, la première lettrine aux motifs végétaux est
surmontée d’une très belle image de chevalier au galop, en position de combat, qui
révèle d’emblée combien l’ouvrage s’adresse prioritairement à un public
chevaleresque et aristocratique. Le succès de l’Histoire des rois de Bretagne fut
d’ailleurs considérable, puisque deux cent quinze manuscrits médiévaux ont pu être
recensés, dont plus de la moitié sont antérieurs à 1300.
Ceci explique certainement le rayonnement précoce de cette littérature
à travers toute l’Europe occidentale, de la Catalogne à l’Allemagne en
passant par l’Italie. Dès les années 1160-1170, on trouve des troubadours
occitans dans les cours de Barcelone, du Piémont ou de Lombardie. Des
thèmes arthuriens sont sculptés au portail de la cathédrale de Modène ou
repris sur le pavement mosaïqué de la cathédrale d’Otrante. Dans l’Empire,
l’épouse du duc de Saxe Henri le Lion, Mathilde (une autre fille d’Aliénor),
fait traduire vers 1170 la Chanson de Roland par le prêtre Konrad et
commande à Eilhart von Oberg un Tristan und Isolde. Le poète Hartmann
von Aue réalise pour sa part des adaptations des romans de Chrétien de
Troyes : Erec en 1185, Iwein en 1200. Commence ainsi à s’élaborer, à partir
d’une matrice française, une culture littéraire aristocratique européenne.
À l’arrière-plan de ce phénomène figure de manière plus large le
nouvel appétit des laïcs pour l’écrit et la littérature. Le patronage princier ou
seigneurial soutient aussi bien l’essor de la lyrique que celui du roman.
Hormis ceux composés par les princes, la plupart des poèmes des
troubadours s’achèvent par l’éloge d’un mécène. Nombreux sont les romans
qui s’ouvrent par un éloge ou une dédicace adressé au commanditaire, à
l’image du Chevalier à la Charrette dédié à Marie de Champagne ou du
Comte du Graal dédié au comte de Flandre Philippe d’Alsace. La situation
est plus complexe pour les chansons de geste, mais c’est par exemple dans
la sphère des comtes de Saint-Pol qu’est rédigée au début du XIIe siècle la
première version de la Chanson d’Antioche, qui célèbre les exploits des
premiers croisés, puis sa réécriture à la fin du siècle. C’est probablement
dans l’entourage d’Henri II Plantagenêt que fut confectionné, vers 1140-
1170, le manuscrit de la Chanson de Roland le plus ancien que l’on a
conservé (le texte lui-même date des environs de 1090-1100), et que fut
composée, avant 1190, la Chanson d’Aspremont, deux épopées qui mettent
en relief le rôle (légendaire) d’un comte d’Anjou nommé Geoffroy auprès
de Roland et de Charlemagne. Dès lors, on ne peut s’étonner que cette
littérature corresponde à un horizon d’attente aristocratique, aussi bien en
termes de valeurs qu’en termes d’usages sociaux, explicites (le
divertissement) ou implicites (la reconnaissance mutuelle). Il s’agit bien
d’une littérature élitiste, d’un art aristocratique jusque dans sa poétique,
comme en témoignent le goût des compositions complexes, le discours
symbolique, la multiplicité des niveaux de lecture, voire la tentation de
l’hermétisme. Les sujets privilégient de manière presque exclusive la guerre
et l’amour, y compris dans les textes composés par des clercs et jusque dans
les œuvres satiriques. Les premiers épisodes du Roman de Renard, rédigés
entre 1174 et 1190 et inspirés pour une part par les fables antiques, pour une
autre part par l’Ysangrinus, une œuvre cléricale et latine antérieure (vers
1150), brossent ainsi un tableau parodique des comportements
aristocratiques et du monde courtois, sans jamais se départir d’un mépris
absolu pour les « vilains ». L’unique exception à la prépondérance culturelle
de l’aristocratie est représentée par les premiers fabliaux, dont les plus
connus sont dus à la plume de Jean Bodel d’Arras, vers 1190.
U :
’ M .
Sur le portail nord de la cathédrale de Modène, connu sous le nom de Porta della
Pescheria, figure un haut-relief de facture exceptionnelle réalisé dans les années 1120-
1140. Au-dessus d’un linteau décoré de motifs fantastiques et animaliers, l’archivolte
déploie une scène chevaleresque que plusieurs inscriptions permettent de décrypter et
de rattacher sans ambiguïté à la légende arthurienne. Au centre, une femme nommée
« Winlogee » (une forme bretonne de Gwendoline, le nom porté par Guenièvre dans
certains récits en langue latine) est retenue dans un château par un guerrier nommé
« Mardoc ». Le château est attaqué par deux groupes de chevaliers : à gauche
« Isdernus » (Yder), « Artus de Bretagne » et un chevalier anonyme s’avancent vers
un guerrier à pied nommé « Burmaltus » ; à droite « Galvagin » (Gauvain), suivi de
« Galvariun » (peut-être Galeshin) et de « Che » (Keu), s’attaque au chevalier
« Carrado », adossé à une puissante tour. Cette scène peut être rapprochée d’épisodes
de la légende rapportés par plusieurs textes littéraires des XIIe-XIIIe siècles, même si
les identités des différents protagonistes varient au gré des textes et des auteurs. Dans
l’Histoire des rois de Bretagne, Geoffroy de Monmouth raconte ainsi comment le
neveu d’Arthur, Mordred, tente d’usurper le pouvoir et d’épouser Guenièvre, avec sa
complicité, durant la campagne du roi en Gaule. Dans la Vie de Gildas de Caradoc de
Llancarfan, datée du milieu du XIIe siècle, Guenièvre a été enlevée par le roi Melwas
et enfermée à Glastonbury, d’où Arthur la délivre grâce à l’aide de saint Gildas. Dans
le Lancelot ou le chevalier à la Charrette de Chrétien de Troyes, le ravisseur de
Guenièvre est le roi Méléagant et la reine est délivrée par son amant Lancelot. Dans le
Tristan de Thomas de Bretagne, comme dans le roman Durmant le Galois, le sauveur
de Guenièvre est le chevalier Yder. Dans le Lancelot en prose, le chevalier Gauvain,
le seul sur l’archivolte à porter un écu décoré, combat un chevalier nommé Caradoc
de la Tour Douloureuse. Dans un autre passage du même ouvrage, c’est Arthur,
accompagné de son neveu Galeshin et de son sénéchal Keu, qui attaque Caradoc.
Cette variété illustre à la fois la diversité et le succès des légendes arthuriennes. À leur
mesure, celles-ci contribuent à donner corps à une idéologie chevaleresque adoptée
dès le début du XIIe siècle jusque dans les consulats aristocratiques des cités d’Italie
septentrionale.
II. L ’É (1130-1190)
Dans le prolongement de la réforme « grégorienne », l’Église s’engage
dans un ample processus de renforcement de ses structures institutionnelles
et de durcissement de son emprise idéologique. Au moment où la société
devient plus diverse et plus complexe, en grande partie en raison de l’essor
urbain, et où les pouvoirs royaux et princiers regagnent en puissance et en
assurance, ce processus apparaît aussi comme une réponse à ces nouveaux
défis. Il manifeste en tout cas, après plusieurs décennies de foisonnement,
une forme de retour à l’ordre, voire un véritable raidissement.
Institutionnalisation
Juridisation
L « »
L S
L V ’H II
La confiscation de la parole
L’affirmation monumentale
Ce raidissement est contemporain des débuts d’un déploiement
monumental d’une ampleur inédite au cœur des cités, là où la société se
transforme le plus et où l’institution ecclésiale doit affirmer sa puissance et
son dynamisme. Ce déploiement est visible dans deux grands types de
constructions : les bâtiments canoniaux et les palais épiscopaux d’une part,
lesquels ont fait l’objet de nombreuses destructions ou de profonds
réaménagements depuis la fin du Moyen Âge ; les églises cathédrales
d’autre part, qui sont mieux conservées, mais dont l’isolement monumental,
légué par le XIXe siècle, obscurcit la perception.
La réforme canoniale, mais aussi l’enrichissement des chapitres, ont
encouragé la construction de bâtiments collectifs. C’est le cas dès la fin du
XIe siècle à Aix-en-Provence, dans le courant du XIIe siècle à Vaison,
Cavaillon, Metz, Rouen. Il peut s’agir d’une maison commune ou d’un
réfectoire, d’un hôpital ou de celliers. À Lyon, le bâtiment de la
manécanterie correspond probablement à l’ancienne maison commune des
chanoines construite à la fin du XIe siècle. Sa façade tournée vers le parvis,
c’est-à-dire vers l’extérieur, est ornée d’une série d’arcatures aveugles et de
colonnettes ouvragées, son portail surmonté d’une belle croix et de
voussures soulignées par des incrustations de terre cuite. L’ensemble
témoigne du nouveau prestige des chanoines dans la cité. À l’exception de
Metz et d’Autun, la diffusion des cloîtres à galerie ne commence qu’à la fin
du XIIe siècle, comme à Arles dans les années 1180 ou à Aix dans les années
1190. Au nord, à l’exception peut-être de Rouen, les premiers cloîtres
cathédraux ne sont élevés qu’au XIIIe siècle, dans le nouveau style gothique.
Les évêques entreprennent eux aussi de reconstruire leur palais.
Jusqu’au milieu du XIIe siècle ceux-ci sont souvent élevés en marge des
quartiers canoniaux et sans recherche de monumentalité, à l’exception de
quelques éléments fortifiés. Ils se présentent tantôt comme un conglomérat
de bâtiments divers regroupés autour d’une cour (Aix-en-Provence), tantôt
comme un édifice de modeste envergure associant, à l’image de bien des
palais comtaux, une salle et une tour (Noyon, Viviers), parfois prélevée sur
l’enceinte urbaine (Évreux, Senlis, Beauvais). Seul le palais archiépiscopal
de Narbonne se distingue, dès la fin du XIe siècle, par son élévation sur
quatre niveaux et un plan en L plus élaboré. Mais au XIIe siècle et surtout à
partir de 1150, de nombreux évêques se lancent dans la construction de
palais beaucoup plus monumentaux. Certains ne nous sont connus que par
les sources écrites. À Chartres par exemple, on apprend que l’évêque Yves
fait reconstruire en pierre vers 1100 son ancien palais de bois. À Rennes,
Étienne de Fougères (1168-1178) transforme son vieux manoir en véritable
palatium. Au Mans, Hildebert de Lavardin transfère la résidence épiscopale
au nord-est de la cathédrale, où il fait bâtir un nouveau palais. Celui-ci fait
l’objet d’une vaste reconstruction sous Guillaume de Passavant (1145-
1187) : une grande salle d’apparat, située au premier niveau, est dotée de
belles arcatures et d’une chapelle peinte ; on aménage un aqueduc
souterrain pour approvisionner le palais en eau ; les appartements de
l’évêque sont pourvus de nombreux bâtiments annexes – une chapelle
confiée aux cisterciens, une grange en pierre, un vaste verger, le tout ceint
de hauts murs. À Arles, l’archevêque entreprend aussi, à partir de 1152, la
construction d’un nouveau palais, dont tout suggère la puissance : son
élévation sur deux niveaux, ses trente mètres de façade dans le
prolongement de la cathédrale, l’intégration entre 1166 et la fin du siècle
d’une tour aristocratique et d’une porte de l’enceinte urbaine. D’autres
palais nous sont mieux connus grâce aux études archéologiques. Tous se
caractérisent par leur monumentalité, une proximité plus grande avec la
cathédrale, l’association d’une salle de prestige et d’une chapelle. À
Angers, la grande salle d’apparat communique par exemple directement
avec le bras nord du transept de la cathédrale. À Paris, le palais édifié par
Maurice de Sully vers 1160 à côté de la cathédrale prolonge la grande salle
par une vaste chapelle qui s’élève sur deux niveaux. À Noyon, sous
l’épiscopat de Renaud (1176-1188), la chapelle s’intercale et sert de passage
entre le palais et la cathédrale.
L L ,
Le portail de la Vierge, réalisé vers 1150-1155 et situé à droite du portail royal, est
l’un des trois portails de la nouvelle façade de la cathédrale de Chartres élevée dans
les années 1140. Au tympan figure l’histoire de la Vierge, disposée sur trois registres.
En bas, de gauche à droite, sont représentées l’Annonciation, la Visitation, la Nativité
et l’Annonce faite aux bergers. Au registre médian, Marie présente Jésus dans le
Temple de Jérusalem. En haut, la Vierge couronnée trône en majesté, servant elle-
même de trône à son Fils, entre deux anges balançant des encensoirs. Toujours
associée à son Fils, c’est la Vierge-Église, dépositaire de la parole du Christ, qui est
exaltée au portail de Chartres. Aux voussures, les arts libéraux soulignent d’ailleurs
qu’elle est la source de tout savoir, même profane. Mais ce discours est enrichi par un
second message, véhiculé par l’association, dans l’axe vertical du tympan, de l’enfant
de la Nativité, de l’enfant de la Présentation et de l’enfant de la Majesté, dont la
représentation renvoie explicitement à l’autel et au sacrifice eucharistique, premier
sacrement de l’Église. En mettant fortement l’accent sur l’Incarnation, le tympan se
présente donc aussi comme une affirmation du réalisme eucharistique, jadis contesté
par Bérenger de Tours, ancien chanoine de Chartres.
L’apparition des statues-colonnes au portail de la cathédrale de
Chartres (mais aussi de l’abbatiale de Saint-Denis), peu avant 1150, comme
le déploiement des grands tympans sculptés sur les façades, commun aux
édifices monastiques et aux cathédrales, rendent compte d’une nouvelle
intégration de la sculpture à l’espace architectural, apte à rehausser la
monumentalité des églises, tout en affirmant, avec un faste sans précédent,
le message de salut et la fonction médiatrice de l’Église. Il est remarquable
qu’au portail des cathédrales en particulier, des églises souvent dédiées à la
Vierge, tout un discours sculpté exalte Marie, « mère de Dieu ». La
croyance en la résurrection et l’Assomption corporelle de Marie, dont la
diffusion est assurée par la liturgie et certains traités, favorise l’élaboration
de nouvelles formules iconographiques. Dès les environs de 1130-1135, le
tympan du prieuré clunisien de La Charité-sur-Loire représentant
l’Assomption valorise l’intercession de la Vierge auprès du Christ, ici en
faveur de religieux qui lui adressent leurs prières et sont probablement des
moines clunisiens. À Chartres vers 1150-1155, à Senlis vers 1185-1190, à
Mantes et Laon vers 1200, l’histoire de Marie se déploie désormais sur
l’ensemble de la façade en un programme unitaire développant l’ensemble
des séquences traditionnelles (l’Annonciation, la Visitation, la Nativité, la
Présentation au Temple), sans hésiter à en ajouter de nouvelles (la
Dormition, l’Assomption, le Couronnement, le Triomphe). Marie,
incarnation de la pureté (elle est la Vierge), de l’enfantement et de la
protection (elle est la Mère), de la seigneurie (elle est la Reine), apparaît
bien comme la figure privilégiée de l’intercession, ce que manifeste aussi
l’emploi fréquent dans la liturgie ou les traités du terme de « médiatrice »,
jusque-là exceptionnel.
L V S ( 1185-1190)
La Vierge apparaît ici comme l’égale de son Fils. Elle est représentée dans la même
position, assise de trois quarts sur un trône. Elle porte comme lui une couronne sur la
tête et tient un livre dans sa main. Elle apparaît à ses côtés en co-médiatrice du salut.
Le seul élément qui préserve une forme de supériorité du Fils réside dans sa main
droite levée, en signe d’enseignement : c’est lui qui parle, sa Mère l’écoute.
En tout cela, Marie est aussi une figure de l’Église, dans la postérité
d’un symbolisme carolingien revivifié par la réforme « grégorienne » et
renouvelé par les maîtres du XIIe siècle. Une étape fondamentale est alors
franchie dans l’exaltation de la dimension royale de Marie et par contrecoup
de l’Église elle-même. Dans la prédication ou l’exégèse, Marie était déjà de
plus en plus souvent comparée à une reine. Au tympan du portail de la
cathédrale de Senlis, vers 1185-1190, elle est pour la première fois
représentée triomphante, en gloire, déjà couronnée et intronisée par son fils,
placée sur le même plan que lui, en véritable dispensatrice de salut. La
représentation connaît une fortune certaine. Marie, reine et épouse du
Christ, peut tenir un livre à la main, symbole de sagesse et de vérité : elle
est l’Église qui enseigne et éclaire. Elle peut aussi tenir un sceptre, symbole
de commandement : elle est l’Église qui dirige et qui conduit.
L’Église du second XIIe siècle apparaît donc avant tout comme une
« Église militante ». L’expression fait son apparition dans les années 1160
sous la plume de Jean de Salisbury, puis de Pierre le Mangeur, avant de
devenir d’un usage courant autour de 1200 : elle dit avec clarté l’immersion
dans le monde d’une institution dont le combat incessant contre les ennemis
de Dieu doit faciliter l’avènement de son Royaume.
C VI
Nef de l’hôpital du Mans présenté dans ce chapitre, I. La croissance urbaine.
C VI
I. L
En l’absence de toute documentation démographique ou fiscale portant
sur l’ensemble d’une population, aucune approche quantitative de la
croissance urbaine n’est vraiment possible. Certains historiens se sont
toutefois risqués à avancer quelques chiffres : la population de Saint-Omer
serait ainsi passée de 4 500 habitants vers 1100 à 13 000 vers 1200. À cette
date les villes de Nîmes, Arles, Reims et Rouen compteraient environ
5 000, 8 000, 10 000 ou 18 000 habitants. Il s’agit là de villes anciennes
dont la croissance connaît alors une nette accélération. Mais le caractère
spectaculaire du décollage urbain tient surtout à l’apparition d’une nouvelle
génération de villes.
La mesure de la croissance
C’est vers 1180 qu’Henri II Plantagenêt ordonna la construction d’un hôpital au Mans
en signe d’expiation du meurtre de Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, peu
après celle de l’hôpital Saint-Jean à Angers. La construction du bâtiment (aujourd’hui
transformé en église) dut cependant s’étaler jusqu’en 1207. Elle relève entièrement de
ce que l’on a coutume d’appeler le « gothique Plantagenêt », caractérisé par l’ampleur
du volume et du bombement des voûtes, qui confèrent à l’espace intérieur l’allure
d’une vaste halle, ici divisée en trois nefs, sans influer sur les formes extérieures.
Comme on le voit, des murs épais et de puissants contreforts suffisent à maintenir
l’édifice, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des arcs-boutants. Cela s’accompagne
d’une forte « muralité » – les fenêtres, rares et étroites, s’élèvent au-dessus d’un mur
plein à la base – accentuée par l’austérité de la façade. Ce parti pris de simplicité
correspond à la fonction de l’édifice, destiné à accueillir malades, pauvres et pèlerins.
En effet, situé aujourd’hui dans la ville, l’hôpital du Mans s’élevait alors au milieu des
champs, à plus de deux kilomètres et demi de la cité, au bord de la route conduisant à
Tours, à mi-chemin de Pontlieue et de l’abbaye de La Couture.
Cette copie par Engelhardt (vers 1815-1818) d’une enluminure disparue de l’Hortus
deliciarum (après 1175) représente l’échelle conduisant au ciel, une image
métaphorique de la vie monastique (puis par élargissement de toute vie chrétienne),
dont l’origine remontait à saint Jean Climaque, moine syrien du VIe ou du VIIe siècle.
À l’époque de la composition de l’Hortus deliciarum par Herrade de Landsberg,
l’échelle comptait douze ou quinze degrés selon les textes. Elle conduit du monde du
dragon et du diable, en bas à gauche, au Ciel, en haut à droite, où celle qui est
parvenue à gravir tous les échelons reçoit de la main droite de Dieu la « couronne de
vie », image de la vie éternelle. Tout au long de leur ascension les fidèles sont
protégés par des anges et assaillis par des démons armés d’arcs et de flèches. À
gauche, celles qui parviennent à demeurer sur l’échelle sont des femmes et en
particulier une « sainte moniale » aidée par un prêtre – Herrade dirigeait
la communauté féminine du Mont Saint-Odile. À droite, de haut en bas, ceux qui
chutent sont un ermite (pour avoir négligé la prière), un reclus (pour avoir trop
dormi), un moine (pour avoir trop amassé d’argent), un clerc, enfin une dame laïque
et un chevalier pour avoir trop aimé les richesses et les plaisirs du monde. Ces
derniers sont symbolisés par une ville, bien identifiable à ses remparts et ses
monuments. On y trouve de la nourriture et de la vaisselle de luxe (plat de poissons,
carafe de vin), des armes (un grand écu notamment) et des chevaux. La ville est bien
le lieu de la dépense seigneuriale. Mais dans la perspective monastique qui reste celle
d’Herrade, c’est aussi un lieu dangereux, où l’on met son âme en péril : le repaire du
dragon, en bas à gauche, est aussi symbolisé par une ville.
D .
Cette lettrine (Q) provenant d’un manuscrit des Morales sur Job de Grégoire le Grand
confectionné à Cîteaux peu après 1111, sous l’abbatiat d’Étienne Harding (1099-
1133), contient l’une des rares représentations d’activité artisanale antérieure au
XIIIe siècle. De manière significative, il s’agit de drapiers, signe de l’importance
acquise, dès le début du XIIe siècle, par la fabrication, la teinte et le commerce des
draps. Le personnage assis semble tenir entre ses mains une toison de laine non teinte.
A e
XII
Tours est aussi une ville double marquée par une forte bipolarisation
entre la Cité à l’est, le bourg à l’ouest, tous les deux enserrés de murs
depuis la construction du castellum sancti Martini en 918. Le dynamisme
urbain est clairement du côté du bourg Saint-Martin, appelé Châteauneuf,
dont le bâti se densifie et qui s’adjoint deux nouveaux bourgs. Le premier,
le bourg Saint-Pierre-le-Puellier, se développe au nord, sur le bord de la
Loire, en lien avec l’approvisionnement de Saint-Martin qui se fait pour
l’essentiel par voie fluviale depuis l’époque carolingienne. À partir de 1119,
le bourg est entièrement sous la double tutelle seigneuriale et paroissiale du
chapitre Saint-Martin. On y trouve une population de taverniers, d’hôteliers,
de prêteurs et de changeurs liée au ravitaillement des habitants et au
pèlerinage. L’abbaye de Marmoutier elle-même, située face à la Cité, sur la
rive droite, investit dans le bourg, où elle acquiert des fours et un cellier. Le
second bourg de Châteauneuf, Saint-Michel-de-la-Guerche, situé au sud-est,
n’apparaît qu’au début du XIIe siècle et reste plus effacé. Entre la Cité et
Châteauneuf, au milieu de vastes étendues, s’élève le bourg Saint-Julien,
mentionné pour la première fois en 1080. Il s’agit d’un bourg modeste, tenu
à distance de l’enclos de l’abbaye Saint-Julien, qui demeure entouré de
vignes et de champs. Dans le courant du XIe siècle, il est doté de sa propre
église paroissiale, dédiée à saint Saturnin. Mais la présence monastique gèle
le développement urbain. En 1114, les moines obtiennent même du comte
d’Anjou la fermeture de la voie conduisant directement de la Cité à
Châteauneuf, qui passait trop près de leur établissement et leur causait
quelques désagréments. À Tours, le dynamisme de Châteauneuf entretient
ainsi une rivalité continue entre le chapitre et l’archevêque (qu’avive aussi
la concurrence religieuse autour de la figure de saint Martin), le bourg et la
Cité, une rivalité qui renforce l’ancienne bipolarisation et bloque tout
développement urbain dans la zone qui les sépare. Le quartier Saint-Julien
demeure largement rural car cela arrange tout le monde : l’archevêque, les
chanoines et les moines eux-mêmes.
T e
XII
L’ P e
XII
Paris, qui s’était rétractée sur l’île de la Cité depuis la fin du IXe siècle,
connaît un essor considérable à partir de la deuxième moitié du XIe siècle.
La croissance urbaine se manifeste surtout sur la rive nord de la Seine, mais
finit par concerner aussi la rive sud à partir du deuxième tiers du XIIe siècle.
Sur la rive droite, plusieurs bourgs apparaissent autour des églises Saint-
Germain-l’Auxerrois, Saint-Merri et Saint-Gervais. L’abbaye Saint-
Germain avait été reconstruite au début du XIe siècle, mais c’est la reprise
de la circulation fluviale et la présence d’un point d’accostage à proximité
qui assurent le premier développement du bourg, lequel est rapidement
pourvu de sa propre enceinte. Autour de l’église Saint-Merri, l’extension se
fait en direction de la rive de la Seine et de l’église Saint-Jacques-de-la-
Boucherie, érigée en paroisse entre 1080 et 1119, en raison du débouché du
Grand Pont, qui favorise l’activité le long de la rue Saint-Denis, aux dépens
de l’ancien axe de la rue Saint-Martin. Il s’agit d’un quartier de bouchers et
de poissonniers. Autour de l’église Saint-Gervais enfin, la croissance est
due à la présence du principal port de la ville, place de Grève. Ici aussi le
bourg est doté de sa propre enceinte. À la fin du XIe siècle, ces trois bourgs
de la rive droite sont englobés dans une enceinte commune constituée d’une
levée de terre précédée d’un large fossé et surmontée d’une palissade de
bois crénelée. Dès avant 1110, deux nouveaux bourgs sont attestés au
devant des portes principales de cette enceinte : le faubourg Saint-Paul et le
faubourg Saint-Nicolas-des-Champs. Au cours du XIIe siècle, l’extension
urbaine vers le nord est désormais volontairement favorisée par le roi et les
institutions ecclésiastiques. En 1137, Louis VI fonde le marché aux
Champeaux à l’emplacement des futures Halles. En 1138, les moines de
Saint-Magloire, dans la Cité, se transfèrent dans la rue Saint-Denis et
accélèrent ainsi le lotissement de tout le quartier qui prend le nom de bourg
l’Abbé. L’expansion se fait aussi au nord de la place de Grève, en direction
du Temple, installé au plus tard vers 1140, donnant naissance à trois
nouveaux bourgs : Beau Bourg, le bourg Tibourg et le bourg Saint-Martin-
des-Champs. La croissance de toute la rive droite est directement liée à
l’essor des activités commerciales sur la Seine et sur l’axe qui conduit de
Paris à Saint-Denis, où se tenait chaque année, aux mois de juin et
d’octobre, la grande foire du Lendit, dont la possession est solennellement
confirmée à l’abbaye par Louis VI en 1124. En comparaison, le
développement de la rive gauche est plus modeste. Il présente surtout des
traits différents. Ici prédominent les clos, ces enclos de cultures mêlant
champs, vignes et vergers appartenant au chapitre cathédral et aux grandes
abbayes parisiennes. Mais le roi et les abbayes engagent peu à peu une
politique de lotissement des clos : en 1134, Louis VI autorise le chapitre
cathédral à arracher les vignes du clos de Garlande le long de la route
d’Orléans ; à partir de 1179, l’abbaye Saint-Germain-des-Prés commence à
lotir le grand clos du Laas, où est construite l’église Saint-André-des-Arts.
Autour de l’abbaye elle-même, un bourg assez important existe déjà au
milieu du XIIe siècle : l’abbé, qui bénéficie d’une exemption épiscopale
totale, y exerce de larges prérogatives ecclésiastiques et seigneuriales. À la
fin du siècle, la croissance y est si forte qu’on y construit une nouvelle
église paroissiale et un deuxième four seigneurial. Plus à l’est, l’habitat se
développe d’abord en raison de l’essor de la population étudiante. En 1113,
Louis VI fonde ici l’abbaye Saint-Victor, qui dispose rapidement d’un
important rayonnement intellectuel. Surtout, en 1127, le chapitre cathédral
interdit l’hébergement des étudiants étrangers dans les maisons des
chanoines et la dispense des cours dans une partie du cloître. Il réserve en
outre aux chanoines l’accès à la bibliothèque de la cathédrale. Toutes ces
mesures ont pour effet de favoriser l’essor des activités scolaires de la rive
gauche, sur les pentes de la montagne Sainte-Geneviève et autour de
l’abbaye Saint-Victor. Un premier bourg se développe au nord-est, entre
l’abbaye et la Seine, puis un autre, le bourg Sainte-Geneviève, entre Saint-
Victor et Sainte-Geneviève, et un troisième, attesté dès 1163, le bourg
Saint-Médard, un peu plus au sud. Plus au sud encore, sur la route de Lyon,
se trouve le bourg Saint-Marcel, mentionné pour la première fois en 1158.
C’est la naissance du Quartier Latin, dont la croissance rapide se traduit par
une hausse vertigineuse du prix du logement si l’on en croit Jean de
Salisbury, qui fut étudiant et jeune maître de 1135 à 1147, puis qui revint à
Paris comme compagnon d’exil de Thomas Becket en 1165.
V P .
Des fouilles effectuées en 2008 et 2009 ont mis au jour, au coin de la rue de Rivoli et
de la rue de l’Arbre-Sec, les vestiges du fossé et de la première enceinte de Paris, sur
la rive nord de la Seine, que l’on peut attribuer à la fin du XIe siècle. Le fossé, que la
coupe stratigraphique au milieu de la photographie permet de repérer, était profond de
deux mètres et demi à trois mètres et large d’une dizaine de mètres. La terre prélevée
formait en arrière une levée, sur laquelle avaient été plantées des lices crénelées en
bois. Cette première enceinte englobait l’église Saint-Germain l’Auxerrois à l’ouest,
l’église Saint-Gervais-Saint-Protais à l’est et l’église Saint-Merri au nord, laissant le
cimetière des Innocents à l’extérieur.
II. U
Cette sculpture, qui décorait la façade d’une maison de Cluny (au 18, rue du Merle),
montre un cordonnier au travail dans son échoppe, un enfant (peut-être un apprenti) à
ses côtés.
L ’A .
Le pont d’Avignon est attesté pour la première fois par un acte notarié de 1185, dans
lequel les consuls fixent le tarif du péage sur le pont après avoir obtenu l’autorisation
de l’évêque et l’avis du viguier comtal. Il est le fruit de l’Œuvre du pont, une confrérie
apparue vers 1177-1181 et dirigée par Bénezet. Un acte de 1226 montre que si les
piles du pont étaient déjà en pierre, son tablier était alors en bois. Ce n’est sans doute
qu’entre 1234 et 1237 qu’il fut entièrement reconstruit en maçonnerie. L’ouvrage
semble s’être en partie appuyé sur les vestiges d’un ancien pont romain du Bas-
Empire. Il comprenait à l’origine vingt-deux piles, d’environ 42 mètres d’entraxe,
représentant une longueur totale de 915 mètres de tablier : c’était un ouvrage
exceptionnel. Emporté par les crues répétées du Rhône entre 1603 et 1669, il n’en
subsiste plus aujourd’hui que quatre arches. La chapelle, attestée dès 1187, s’élève sur
la deuxième pile. Elle était desservie par les Frères du pont et protégeait ce dernier. Sa
partie haute, dédiée à saint Nicolas, est postérieure à la reconstruction maçonnée du
règne de saint Louis. Sa partie basse, qui abrite les reliques de saint Bénezet, remonte
en revanche à la fin du XIIe siècle : on y accédait alors de plain-pied, depuis le pont
en bois, par un portail en plein cintre encadré de colonnes et surmonté d’un tympan,
bien visible sur la photographie.
L S -A -N -V (T - -G ).
U C (S - -L ).
L : ’ ’A .
Dans les villes méridionales, les monuments antiques, comme les enceintes, ont tôt
fait l’objet de récupérations et de réaménagements fortifiés. Cette tour élevée sur
l’amphithéâtre d’Arles en constitue l’un des rares exemples conservés, les pratiques
archéologiques du XIXe et du début du XXe siècle ayant tendu à faire disparaître tous
les vestiges médiévaux pour mettre à nu les monuments antiques. À Arles comme à
Nîmes, les arènes étaient entièrement habitées, envahies de maisons, de chapelles et
de tours, principalement à l’usage des chevaliers.
L’habitat urbain est lui aussi mieux connu. Les maisons s’élèvent en
général à l’avant de parcelles allongées de part et d’autre des rues. Elles
sont jointives et de plain-pied. Une cour les prolonge à l’arrière, qui est
souvent lotie au fur et à mesure que la population croît et le bâti se densifie.
Le bois reste le matériau prépondérant, d’où la fréquence et la gravité des
incendies, à l’image de ceux qui ravagent Chartres en 1134, 1178, 1188 et
1194. On recourt aussi à la terre et à la brique, et même, en raison du
renchérissement du bois, à la pierre, y compris dans les villes
septentrionales. Mais l’usage de la pierre comme la présence d’un étage
restent des marqueurs de puissance et d’aisance. À Chartres, les premières
maisons de pierre sont mentionnées au début du XIIe siècle : en 1101 il
s’agit du palais de l’évêque, avant 1120 de plusieurs maisons canoniales,
avant 1128 d’une maison bourgeoise. À Laon, à la fin du XIIe siècle, la
possession d’une maison de pierre établie sur une vaste parcelle, avec ses
dépendances de bois et son jardin, est aussi un critère décisif
d’appartenance à l’oligarchie seigneuriale et communale. À Cluny, les
maisons de pierre que l’on a la chance d’avoir conservées, datées de la
seconde moitié du XIIe ou du XIIIe siècle, sont certainement la propriété de
notables et de chevaliers liés à l’abbaye. Elles s’élèvent sur deux ou trois
niveaux, le rez-de-chaussée, dévolu à des échoppes, est séparé des étages,
auxquels on accède par l’extérieur. Le premier étage constitue l’étage
noble ; la qualité de la construction donne à voir la symbiose à la fois
architecturale et sociale entre l’abbaye et son bourg.
Dans les villes méridionales, où l’usage de la pierre est à la fois plus
ancien et beaucoup plus fréquent, c’est la tour qui, comme en Italie, désigne
la demeure du puissant ou du chevalier. Plus ces derniers sont nombreux,
plus les villes se hérissent de tours. Ces dernières sont donc nombreuses à
Arles, Avignon, Carcassonne, Grenoble, Nîmes, Narbonne, Béziers,
Toulouse, Barcelone, Gérone… Mais on en trouve aussi quelques-unes dans
certaines villes de l’Empire comme Strasbourg ou Besançon, ou dans le
nord du royaume, comme à Rouen, Bayeux ou Chartres. On sait qu’en 1127
plusieurs mottes s’élevaient à Gand et Saint-Omer. Certaines sont des tours
de l’enceinte ou des portes, appropriées et surélevées, comme à Marseille,
Béziers, Senlis ou Toulouse. D’autres reposent sur l’intégration et la
transformation de monuments antiques : à Orange, à la fin du XIIe siècle, le
théâtre et l’arc de triomphe sont deux châteaux entre les mains des deux
coseigneurs de la cité, les seigneurs de Baux et l’Hôpital de Saint-Jean de
Jérusalem. La plupart de ces tours ne sont que des maisons à plusieurs
étages, que les sources appellent des solaria et que l’on retrouve dans tous
les villages castraux méditerranéens. Des campagnes aux villes, la
différence paysagère est ainsi, dans ces régions, plus affaire d’échelle que
de nature du bâti.
J J
S -P -T -C (D ).
V (?) R .
U - :L , 1112
N ’ ’ :
L ’A ( . 1142-1156)
L’
I. E ’
Ce donjon exceptionnel fut élevé dans les années 1120-1137 par Amaury III de
Montfort, au sein d’un ensemble castral qui a complètement disparu. Il est constitué
d’une tour cylindrique de seize mètres de diamètre et de vingt-cinq mètres de hauteur,
flanquée de quatre tourelles semi-circulaires, dont l’une abritait un oratoire. Les murs
ont une épaisseur moyenne de trois mètres. La porte d’accès (à droite sur la
photographie) se situait à six mètres du niveau du sol et on devait l’atteindre par un
pont-levis ou un escalier escamotable. À l’intérieur, la tour comprenait trois niveaux :
un espace de stockage pourvu d’un puits, une grande salle de réception (aula) éclairée
par des baies, et des appartements (camera). Les planchers intérieurs et la couverture
sommitale ont disparu.
Le site d’Albon est bien connu grâce aux fouilles archéologiques effectuées de 1995 à
1997. Au VIIIe siècle, il n’était occupé que par une petite chapelle en pierre à chevet
plat, associée à plusieurs silos pour le stockage des céréales. Le site connaît
un important développement au cours du XIIe siècle. La chapelle est étendue vers
l’est, sa nef est agrandie et l’abside est désormais semi-circulaire (une extension bien
visible au premier plan de la photographie). L’aménagement principal réside dans
la construction d’une résidence aristocratique que les textes nomment aula. Cet
édifice rectangulaire mesure plus de trente mètres de long pour onze mètres de large.
Il est bien visible à droite de la photographie. Cette aula est constituée de deux
parties : la partie nord, où se superposaient deux vastes pièces (23 x 9 m), et la partie
sud, plus petite (6 x 9 m), qui disposait d’un niveau supplémentaire. Dans la partie
nord, le premier niveau était dédié au stockage des denrées, comme en témoignent les
silos retrouvés au cours des fouilles ; le deuxième niveau, accessible par un escalier
intérieur ou par un imposant escalier en pierre appuyé contre la façade ouest, était
occupé par la salle de réception. De grandes baies donnant sur la vallée du Rhône
devaient l’éclairer et ses murs étaient probablement ornés d’enduits peints. Des textes
du début du XIVe siècle mentionnent l’existence d’une tribune appuyée contre le mur
sud : peut-être servait-elle aux musiciens ? En face, dans le mur nord, se trouvait une
cheminée semi-circulaire, élément d’apparat autant que de chauffage. Les trois pièces
superposées de la partie sud correspondaient aux appartements seigneuriaux
(camerae). Ce n’est qu’au début du XIIIe siècle que l’ensemble fut complété par
l’érection du donjon carré sur motte qui domine aujourd’hui le site. Ce donjon ne
mesure que huit mètres de côté et les trois niveaux qui le constituent ne disposaient
d’aucun élément de confort. Les rares ouvertures dont il est percé suggèrent qu’il
ne servit pas à la résidence. Son rôle semble bien avoir été surtout symbolique : il
manifestait le maintien du pouvoir des comtes d’Albon (le titre existe depuis 1029),
désormais plus connus sous le nom de Dauphins de Viennois, alors que ceux-ci
préféraient résider à Grenoble ou dans d’autres palais.
Aux XIIe et XIIIe siècles, ce paysage de tours à l’allure italienne devait caractériser
de nombreux villages du Midi méditerranéen. À Pignan, seules deux tours ont subsisté
en élévation jusqu’à aujourd’hui, mais il en reste trois autres arasées au niveau des
toits et il n’est pas impossible que deux autres encore aient existé, l’une à
l’emplacement du château principal (invisible ici), l’autre au chevet de l’église.
Chacune de ces tours était associée à un logis. Cette prolifération est liée au régime de
la coseigneurie, caractéristique de la société aristocratique méridionale. Le castrum de
Pignan est mentionné dès 1025 dans un acte du monastère Saint-Pierre de Psalmodi.
Au XIIe siècle, il prend plus d’importance, devenant le siège d’une seigneurie
dépendante des seigneurs d’Aumelas et de Montpellier. Les seigneurs de Pignan
prêtent serment de fidélité aux Guillaume de Montpellier en 1139, 1156 et 1175. Ils
appartiennent alors à plusieurs branches issues d’une même lignée. Or chaque branche
souhaitait affirmer sa puissance en se dotant d’une résidence propre dont l’élément le
plus significatif était une haute tour carrée.
Les femmes souffrent plus que les cadets d’une telle évolution.
L’angoisse de ne pas avoir d’héritier mâle et la piètre considération pour les
filles, partagées par toute l’aristocratie, étaient clairement exprimées par
Louis VII, en 1165, alors qu’il vient juste d’apprendre, qu’après de longues
années d’attente, un fils, Philippe – aussitôt surnommé Dieudonné en signe
de louange et de reconnaissance – lui est enfin né : « Ce désir ardent que
Dieu nous donne une progéniture du meilleur sexe nous enflammait nous
aussi qui avions été terrifié par une multitude de filles ». L’évolution des
pratiques matrimoniales reflète de telles paroles. En dehors des familles
royales et princières, les douaires (la dotation accordée par l’époux) tendent
à s’étioler et ne jouent plus le rôle déterminant qu’ils pouvaient avoir dans
la formation même du lien matrimonial. La dotation paternelle, que nous
appelons la dot, tout en se généralisant, tend aussi à diminuer en valeur. Elle
est surtout de plus en plus souvent considérée – dès la fin du XIe siècle en
Languedoc, dans le courant du XIIe siècle en Île-de-France – comme une
avance d’hoirie, excluant les filles de l’héritage à la mort du père. En
Provence, cette exclusion, renforcée par des arguments tirés du droit
romain, prend force de loi dans les statuts d’Arles (vers 1142-1156) et
d’Avignon (vers 1154) et dans les statuts du comte de Forcalquier (vers
1170-1173). La dot est par ailleurs plus souvent stipulée en argent ou en
rente qu’en bien-fonds – dès 1070 en Catalogne, après 1100 en Languedoc,
après 1150 en Bretagne – témoignant clairement de la volonté des familles
de ne plus voir les mariages des filles amoindrir le patrimoine. Lorsque la
dot reste constituée de terres, comme en Mâconnais, elle est composée de
domaines marginaux, parfois même menacés par les restitutions en faveur
de l’Église. Cette dégradation reflète le déséquilibre croissant des stratégies
matrimoniales. Au sein des familles, les mariages d’un ou deux des fils
apparaissent comme les seules grandes affaires. Le mariage des filles a beau
être plus fréquent – d’autant que les abbayes féminines sont encore peu
nombreuses et que les nouveaux ordres leur sont même pour la plupart
hostiles – il présente moins d’enjeux, car les filles, à l’exception des
héritières, sont données à des lignées de moindre envergure, dont il s’agit
avant tout de perpétuer la fidélité. Par ailleurs, comme le montre l’évolution
dans le Maine ou en Provence, l’épouse perd le contrôle de sa dot et de son
douaire au profit d’un contrôle marital de plus en plus étroit. Elle ne dispose
plus, en général, que de l’usufruit des biens et de l’argent qui lui ont été
accordés, ce qui permet aux familles de les récupérer pour doter leurs filles,
sans avoir une nouvelle fois à toucher au cœur du patrimoine. En cas de
mésentente avec son époux ou bien de répudiation, et nous avons vu
combien la pratique restait fréquente, la femme se retrouve souvent privée
de ressources et délaissée par sa famille d’origine. Une fois veuve, si elle ne
peut se remarier, elle continue de dépendre de la bonne volonté et de la
générosité d’un homme, son fils aîné désormais. Cette détérioration de la
situation des épouses et des veuves contribue à expliquer le succès des
établissements monastiques qui, à l’image de l’abbaye de Fontevraud,
accueillent celles qui se trouvent rejetées.
Ces évolutions s’accompagnent d’un bouleversement du système de
dénomination de l’aristocratie. Le nom constitue le principal support de
l’identité aristocratique. À ce titre, il combine une fonction indicielle, qui
permet d’identifier la personne en tant qu’individu et membre d’une
famille, et une fonction symbolique, qui situe celui qui le porte au sein d’un
réseau de pouvoir et d’images du pouvoir. Dans ces conditions, il est
logique que la « castralisation » du pouvoir seigneurial et le resserrement
lignager qui l’accompagne provoquent une véritable révolution
anthroponymique. Celle-ci se manifeste de deux façons. En premier lieu, le
nombre des noms propres en usage dans l’aristocratie se réduit de manière
drastique au profit de quelques noms dominants, transmis selon des règles
assez strictes au sein de chaque lignée. En deuxième lieu, un surnom, qui
reprend le plus souvent le nom du château, vient s’ajouter au nom propre.
On passe ainsi, entre le milieu du XIe et la fin du XIIe siècle, d’un système de
dénomination à un élément (le nom propre) à un système à deux éléments,
combinant un nom propre et un surnom, le plus souvent d’origine
toponymique.
Au XIIe siècle, le groupe des noms propres dominants varie d’une
région à l’autre, mais le principe de sélection est presque toujours le même :
l’aristocratie reprend les noms privilégiés par les princes régionaux, ducs ou
comtes. En Normandie, ce sont Richard, Guillaume, Henri ou Robert, en
Languedoc, Guillaume, Bernard, Pierre, Raimond ou Pons, en Bourgogne,
Hugues, Henri, Robert, Gui, Renaud… Ce phénomène confère à chaque
groupe aristocratique régional une couleur anthroponymique propre, indice
d’une forme d’identité partagée. Il manifeste surtout combien les lignées
aristocratiques, en imitant les usages anthroponymiques des maisons
princières, cherchent à bénéficier de leur prestige et de leur légitimité. Au
sein de chaque lignée, les noms propres ne sont pas attribués par hasard.
Les aînés reçoivent souvent le même nom – Hugues chez les Baux,
Enguerrand chez les Coucy, Raoul chez les Fougères, Eustache chez les
Boulogne, Guillaume chez les Montpellier… – à moins que deux noms
n’alternent d’une génération sur l’autre – Humbert et Guichard chez les
Beaujeu par exemple – chaque nouveau seigneur reprenant le nom de son
grand-père paternel. Comme chez les princes, cette répétition donne à voir
la continuité du pouvoir par-delà la succession des générations et finit par
forger une identité dynastique propre à chaque lignée. Ces noms sont par
ailleurs puisés dans le patrimoine onomastique paternel, les noms de la
famille de la mère n’étant plus attribués qu’aux filles et à certains cadets.
C’est seulement lorsque la mère est l’héritière d’un honneur seigneurial
qu’elle peut envisager transmettre à son fils, avec la seigneurie, le nom de
son propre père ou grand-père.
De manière parallèle, on assiste un peu partout, à partir du milieu du
XIe siècle (à l’exception de la Bretagne où le phénomène reste marginal
avant 1150), à l’apparition d’un surnom qui vient s’accoler au nom. En
l’espace d’une ou deux générations ce surnom finit par se transmettre à tous
les membres masculins d’une même lignée. Il s’agit parfois d’une reprise
du nom du père soulignant le lien de filiation : Guillelmus Hugonis signifie
par exemple Guillaume (fils d’) Hugues. Dans le monde anglo-normand, ce
procédé est parfois explicité en langue vulgaire : Richard Fitz Néel est
« Richard fils de Néel ». Plus souvent, et cela devient l’usage dominant à
partir du XIIe siècle, le surnom reprend le nom de la principale seigneurie
castrale de la famille. Lorsque l’on désigne un seigneur – Robert de Vitré,
Hugues de Lusignan, Geoffroy de Semur, Boniface de Castellane… – on
indique désormais d’une part son appartenance à une lignée, voire son rang
dans la fratrie, d’autre part sa principale terre, son château majeur, le cœur
symbolique et matériel de son pouvoir. Le procédé est encore plus
remarquable lorsque le surnom toponymique renvoie en outre au nom du
fondateur présumé du château, ancêtre réel ou légendaire de la lignée,
comme c’est le cas, par exemple, pour les seigneurs de La Ferté-Bernard,
de Châteaugiron ou de Rochecorbon. Ce nouvel usage ne concerne pas les
femmes, qui continuent à ne porter qu’un nom propre. La généralisation du
surnom introduit donc au sein des lignées une discrimination symbolique
entre hommes et femmes, qui manifeste aux yeux de tous l’exclusion des
femmes de la dévolution normale du pouvoir castral. Cette discrimination
est confirmée par la diffusion chez les femmes de noms auguratifs
renvoyant aux seules qualités physiques ou morales de l’épouse : Blanche,
Douce, Bonne…
Peu à peu, le surnom toponymique commence aussi à se diffuser au
sein de la petite aristocratie chevaleresque, s’accrochant à un village, un
manoir ou une simple motte. Le phénomène n’atteint en revanche pas les
princes (ducs et comtes), qui continuent de n’accoler à leur nom que leur
titre. Mais ce titre renvoie aussi, de plus en plus souvent, à un territoire.
Surnom toponymique et titre traduisent alors le même phénomène : les
pouvoirs se définissent par leur enracinement dans un lieu, leur domination
sur un territoire. Cet enracinement peut finir par compter davantage que la
continuité de la filiation, comme en témoignent les premiers cas
d’appropriation du surnom castral, par exemple lorsque la transmission de
la seigneurie s’effectue au bénéfice d’un gendre ou d’un parent éloigné.
Entre 1170 et 1175, Pons de Toulouse devient ainsi Pons de Bruniquel au
moment où il tente de récupérer l’héritage de ses cousins, les vicomtes de
Bruniquel. Comme l’anthroponymie en porte témoignage, la logique
castrale, dans sa triple dimension spatiale, guerrière et masculine, gouverne
désormais l’économie symbolique de la parenté aristocratique.
L’extension des pratiques mémorielles de l’aristocratie carolingienne
et post-carolingienne à l’ensemble des lignées castrales constitue un dernier
aspect de l’affirmation de leur pouvoir. Chaque lignée cherche en effet à
tisser des liens privilégiés avec un ou plusieurs sanctuaires monastiques ou
canoniaux, abbayes ou simples prieurés selon leur degré de puissance. La
diversification des modes de vie religieux à partir de la fin du XIe siècle
accentue la concurrence entre les établissements et favorise le
renouvellement régulier des intercesseurs. Pour autant, les gestes
aristocratiques (donations, conversions et inhumations au monastère),
comme les services liturgiques censés y répondre (prières et célébrations de
messes) s’inscrivent dans la droite ligne des pratiques des Xe-XIe siècles.
C’est que, pour les seigneurs laïcs, le système de la commémoraison reste
doté de substantiels avantages spirituels et sociaux : une forme de garantie
de salut, le prestige d’être associés aux spécialistes du sacré, un moyen
d’adoucir les rivalités seigneuriales. La demande aristocratique est
d’ailleurs si forte qu’elle contraint les ordres qui, à l’origine, étaient hostiles
aux usages liturgiques funéraires traditionnels, à y revenir. Les cisterciens
s’engagent par exemple, dès les années 1140-1150, dans la confection de
nécrologes et d’obituaires et acceptent plus souvent d’inhumer des laïcs
dans leurs monastères, jusque dans les églises abbatiales. En 1181, l’abbaye
de Silvacane accueille de la sorte la dépouille de Bertrand de Baux, qu’elle
considère comme son fondateur, et réalise à son intention un rouleau des
morts, dans la grande tradition bénédictine.
L’ ’ : B
La féodalisation de l’aristocratie
U F (1180)
Pour lutter contre les fidélités multiples et renforcer leur autorité, les
seigneurs, les princes surtout, ont cherché à hiérarchiser les engagements.
Ils se sont d’abord appuyés sur la réserve de fidélité que l’on rencontre en
Chartrain dès 1007/1008 et qui préserve le seigneur majeur de toute forme
de préjudice lié à un autre engagement. L’apparition simultanée, vers 1040,
de l’hommage-lige ou prioritaire en Vendômois et de la solidantia en
Catalogne manifeste la volonté de hiérarchiser les relations de vassalité :
l’un et l’autre permettent de désigner parmi les différents seigneurs d’un
vassal celui qui bénéficiera prioritairement de son service. La ligesse
connaît une assez grande diffusion dans la moitié nord de la France : elle est
attestée en Flandre dans la deuxième moitié du XIe siècle, en Normandie en
1087, en Bourgogne en 1097. Mais en se diffusant elle finit par s’éroder et
par perdre son caractère sélectif : telle est déjà la situation en Bourgogne
autour de 1200. Pour affermir leur autorité, les seigneurs, en particulier les
princes, recourent aussi plus fréquemment à la commise, c’est-à-dire la
confiscation du fief en cas de faute ou de rébellion du vassal. On connaît
quelques cas célèbres en Anjou et en Touraine, à l’initiative du comte, dès
le milieu du XIe siècle. Mais il faut attendre le règne de Geoffroy V (1128-
1151) pour qu’elle soit appliquée avec rigueur. La réconciliation avec les
seigneurs rebelles félons ne s’accompagne plus alors de contreparties : le
comte exige du seigneur de Sablé l’hommage et la fidélité s’il veut
récupérer ses fiefs, mais il ne lui offre rien d’autre, ni fille en mariage, ni
augment de fief. Il n’y a plus d’échange, mais l’application dans toute leur
sévérité des principes féodo-vassaliques. Il s’agit là toutefois d’une
situation précoce. En Bordelais, les premiers cas de commise, tous dus au
duc Plantagenêt, ne datent que des années 1180. C’est aussi seulement à
cette époque qu’apparaît ici la première interdiction du droit d’aliéner les
fiefs sans le consentement du seigneur, déjà connue en Normandie et en
Languedoc depuis le début du XIIe siècle.
II. L
I ’ C
(1155) : S -
H
V ’établissement de la dépense de Cluny fait par la main de sire
Henri, évêque de Winchester. […]
Doyenné de Saint-Hippolyte.
Y sont dus 9 livres et 6 sous à la Saint-Martin, 4 livres à la Nativité de
Saint-Baptiste. De chaque âne qui va prendre du bois dans la forêt,
[sont dus] 12 deniers ; au total cela fait 10 sous. Et à la Saint-Martin,
dix-neuf setiers de froment à la mesure de Cluny, vingt et un de grains
à la même mesure, soixante setiers et demi de vin, quinze chapons et
cinq poulets. À Pugeos, il y a un homme qui a une charrue, quatre
bœufs, dont deux appartiennent au seigneur et les deux autres à cet
homme ; le seigneur doit avoir la moitié de tout le gain. Y sont dus
dix-huit setiers de grains sur la dîme et la tasque, à la mesure de
Cluny, mais ce en saison stérile. Quand le temps s’améliore, le nombre
de setiers augmente. Il y a sept endroits dans lesquels il y a des roues
doubles de moulins, et si la saison est bonne, ils rendent deux setiers
par semaine ; avec le four qui s’y trouve, ils peuvent « fournir » [cuire
les pains de] vingt hommes chaque jour.
Il y a cinq charrues, chacune à six bœufs, et on peut y ajouter une
sixième charrue. Il y a cinq veaux de l’année et deux de l’année
passée, sept bœufs, trois ânes et dix-neuf porcs gros et petits. Il y a des
vignes qui, bien cultivées, peuvent rendre six charretées de vin. Il y a
un nouveau clos de vigne dans lequel pourront être récoltées à
l’avenir six charretées de vin, et ce clos de vigne, en même temps que
les autres vignes, peut bien être cultivé pour six livres. À Saint-
Hippolyte et à Chazelle ont été semés soixante setiers de froment, et
dans les terres louées deux setiers de froment ont été semés, du fruit
desquels le seigneur recevra la moitié du profit. À la Saint-Martin sont
dus à Chazelle 58 sous et six setiers de grains. À la Saint-Vincent
14 sous. À la Saint-Jean-Baptiste 12 sous et plus. Peuvent y être
récoltées soixante charretées de foin. Il y a deux moulins dont on peut
avoir quinze setiers, moitié en froment moitié en orge.
De la récolte des moissons de l’année, Cluny a reçu cent cinquante
setiers de froment et le seigneur en a vendu trente, et ont été semés
soixante. En août ont été reçus là cent sept setiers d’orge et d’avoine
du profit de toute l’année. Chaque berger et chaque bouvier y ont reçu
sept setiers sur tous les blés.
Somme de tout : 18 livres et vingt-six setiers et demi de froment ; cent
soixante-neuf setiers de grain ; sept setiers et demi d’orge ; trois
muids douze setiers et demi de vin ; quinze poules et cinq poulets. […]
peuvent être récoltées sur le domaine douze charretées de vin et
soixante charretées de foin.
La territorialisation de la seigneurie
L N ( 1180)
Cet olifant en céramique de la deuxième moitié du XIe siècle, imitation d’un modèle
en ivoire, a été retrouvé lors des fouilles de la résidence aristocratique du site de
Pineuilh (Gironde), dans la vallée de la Dordogne. Utilisé pour la chasse ou la guerre,
l’olifant pouvait aussi servir de corne à boire, une fois son extrémité obstruée par un
capuchon.
Cette lettrine (Q) provenant d’un manuscrit des Morales sur Job de Grégoire le Grand
confectionné à Cîteaux peu après 1111, sous l’abbatiat d’Étienne Harding (1099-
1133), représente avec un grand réalisme une chasse au faucon. Richement vêtu, le
seigneur tient son faucon sur son gantelet. L’oiseau a la tête décapuchonnée et le lacet
qui le retenait semble défait : il s’apprête à s’élancer. Les clochettes suspendues sur le
poitrail du cheval ont pour objet de lever les oiseaux, les lapins ou les lièvres afin de
les transformer en proies. Elles rappellent que la chasse seigneuriale imposait son
propre espace sonore.
L L - -G (1187)
L’alourdissement du prélèvement
U .
Cette enluminure, issue d’un manuscrit du XIIe siècle des Comédies de Térence
confectionné à Tours, fournit une belle représentation d’un araire tracté par une paire
de bœufs. On en perçoit aisément les principaux éléments : les roues qui allègent le
poids et facilitent la manœuvre, le coutre qui guide le soc, le soc lui-même, dont la
pointe semble ferrée, enfin le manche, grâce auquel le paysan tient l’araire.
I. L
U .
Cette scène, qui figure le mois de mars sur le calendrier peint de la petite église
paroissiale de Brinay, dans le diocèse de Bourges (milieu du XIIe siècle), rappelle
qu’une partie des labours, et pas seulement dans les jardins, étaient réalisés à la houe.
M
P .
Le temps du volontarisme
L .
L ’ S
S .
Ces scènes figurent dans les médaillons des mois d’août et d’octobre du calendrier
agricole et zodiacal de la voussure du portail central de l’abbatiale de Vézelay (vers
1120-1135). Le battage avait pour objet de séparer les grains des épis et s’effectuait
sur une aire spéciale, tantôt au moyen d’animaux (dans le Midi surtout), tantôt au
fléau comme ici (mais la représentation n’est pas réaliste car l’on ne battait pas des
épis réunis en gerbe). Outre l’exaltation du blé et de la vigne, à partir desquels on
élaborait les espèces eucharistiques, ce genre de représentation avait aussi une finalité
morale : les durs travaux saisonniers étaient une image des tribulations répétées de
l’âme pécheresse.
L L C ’A (L R )
( . 1104-1122)
P bonnes actions, nombreuses et excellentes qui furent
réalisées du temps de l’abbesse Tiburge, celle-ci fut réalisée sur le
conseil de cette sainte congrégation [les moniales de Sainte-Marie de
La Charité] et sur celui d’hommes particulièrement experts : Geoffroy
le Bourgeois, Marchier fils d’Amauguin et beaucoup d’autres. À
savoir que la terre de l’aumônerie, sur le conseil de l’aumônière Anne
elle-même, fut confiée pour que des vignes y fussent plantées. En effet,
la sainte congrégation, les hommes susdits et l’aumônière Anne elle-
même, considérant les grandes difficultés de mise en valeur de la terre
et tout ce qui était nécessaire en bœufs, bouviers et autres, trouvèrent
que le revenu était vraiment minime par rapport à l’ampleur de la
dépense. En revanche, ils virent un grand profit si la terre était confiée
pour que des vignes y fussent plantées. C’est pourquoi la terre fut
confiée à des hommes pour y planter des vignes à condition que si l’un
d’eux veut vendre sa vigne, il ne peut la vendre ni la donner à une
autre église qu’à cette sainte église. Il reste aussi que si l’un d’eux
veut conduire sa vendange, qu’il la conduise ; sinon, qu’il ait
nécessairement là un tonneau dans le pressoir de Sainte-Marie et qu’il
paie alors le juste droit de pressurage. Enfin, qu’ils rendent la juste
dîme, comme c’est la coutume dans cette seigneurie et pour chaque
arpent trois setiers de seigle de vinage et quatre deniers de cens. [Suit
la liste des tenanciers et des superficies qui leur sont confiées].
Cette monétarisation est bien sûr très inégale selon la densité du réseau
des marchés et l’importance du tissu urbain. De manière générale, elle
affecte plus les espaces les plus proches ou les mieux reliés aux villes.
Enfin, elle rend l’économie rurale de ces espaces plus vulnérable à
l’inflation, laquelle peut être aggravée, à partir du milieu du XIIe siècle
surtout, par les mutations monétaires des seigneurs, toujours tentés par un
gain rapide et facile.
II. V ,
À partir de la deuxième moitié du XIe siècle, la tendance au
regroupement de l’habitat s’accentue, achevant de former dans de
nombreuses régions le tissu des villages que nous connaissons encore
aujourd’hui. Cette évolution apparaît toutefois plus lente et plus contrastée
qu’on ne l’a longtemps affirmé. Elle s’accompagne en revanche d’une
intensification de l’action humaine sur l’environnement et les paysages.
Le regroupement de l’habitat
L V (M - -L )
L P (H )
L B -L (900-
1199)
L - S -J - -F (H ).
I. L
À partir de la fin du XIe siècle, les princes doivent faire face à de
sérieux défis. Dépossédés par la réforme « grégorienne » de leurs
prérogatives ecclésiales traditionnelles et concurrencés par l’essor des
seigneuries ecclésiastiques et des lignées castrales, ils se trouvent contraints
de renouveler en profondeur les formes de leur domination. Ils disposent
pour cela d’un certain nombre d’atouts : ils restent les maîtres de vastes
domaines et du plus grand nombre de forteresses ; au sein de l’aristocratie
ils apparaissent comme les mieux placés pour profiter des effets du
renouveau urbain et commercial ; enfin, ils parviennent à se présenter,
souvent avec l’appui de l’Église, comme les meilleurs garants de la justice
et de la paix.
Ce bâtiment palatial doit son nom au fait d’avoir de temps en temps abrité des
réunions de l’Échiquier à partir de 1176 (celles-ci se tenaient toutefois plus souvent
dans la chapelle Saint-Georges, qui s’élevait juste à côté). Il s’agit en fait du principal
logis du château ducal de Caen à partir du règne d’Henri Ier Beauclerc. Ce logis était
distinct de la tour majeure ou donjon, mentionnée pour la première fois en 1123 et qui
gardait l’entrée principale du château. Il s’agit d’un grand bâtiment de trente mètres
de long sur onze de large. Il compte aujourd’hui deux niveaux, mais il est possible
qu’il comprenait à l’origine un second étage. Le rez-de-chaussée, dont le sol était en
terre battue et qui abritait une citerne, un dépotoir et les poteaux soutenant le plancher
de la grande salle de l’étage, était certainement une cuisine. La salle du premier étage,
à laquelle on accédait directement de l’extérieur par un escalier monumental,
constituait l’aula, c’est-à-dire la salle de réception. Le bâtiment connut un certain
nombre d’aménagements peu après 1180 et semble avoir perdu son deuxième étage au
début du XIVe siècle.
Un castrum associé à une chapelle est mentionné pour la première fois sur le site de
Gand, à la confluence de la Lys et de l’Escaut, au milieu du Xe siècle, à quelques
centaines de mètres de deux portus remontant à l’époque carolingienne, au milieu
d’une île entourée par la Lys. Il devint le centre d’une châtellenie comtale peu avant
l’an mille. En 1128, Galbert de Bruges évoque l’existence d’une « maison de pierre »
et d’une tour. Les fouilles archéologiques ont montré que cette maison de pierre avait
été emmottée avant le milieu du XIIe siècle et surmontée de bâtiments de bois. À peu
de distance, du côté méridional, s’élevait une autre « maison de bois », appelée l’aula
du comte, qui brûla en 1176. L’ensemble du site fut réaménagé à l’initiative du comte
Philippe d’Alsace en 1180. Comme le montre la photographie, un gros donjon de
pierre barlong vint s’élever à la place de l’ancienne « maison de pierre » emmottée, au
centre d’une nouvelle enceinte circulaire dont l’accès était gardé par un puissant
châtelet. Haut de plus de trente mètres, ce donjon comprenait trois niveaux, dont une
grande salle de réception au premier étage, pourvue d’une belle claire-voie donnant
sur la Liève (l’affluent de la Lys visible à gauche). Un logis comtal distinct du donjon
fut bâti entre le donjon et la Liève. La chapelle castrale (invisible ici) demeurait à
l’extérieur de l’enceinte. En dépit de la construction d’un vaste donjon, les trois
éléments fonctionnels du palais (aula, camera, capella) demeuraient séparés.
Les ressources des princes reposent toujours sur leurs droits et
domaines seigneuriaux, mais les princes sont les premiers parmi les
seigneurs à en améliorer la rentabilité en en confiant la gestion, à l’échelle
locale, à des agents polyvalents, les prévôts, sur le modèle des grands
établissements monastiques. Les premiers prévôts apparaissent en 1004 sur
les domaines du comte de Blois et en 1006 sur les domaines du Capétien. À
partir des années 1030-1040 on en rencontre en Normandie, en Anjou et en
Champagne, puis peu à peu dans l’ensemble des régions septentrionales. Ils
sont particulièrement nombreux en Normandie, où l’on compte en 1172
vingt-deux prévôts ou vicomtes, auxquels viennent s’ajouter vingt-huit
baillis, créés par Henri II pour la levée d’une nouvelle taxe, l’écuage. Ces
prévôts sont en général établis dans un chef-lieu de seigneurie, sans pour
autant disposer d’un véritable ressort territorial : en Aquitaine, on ne
commence à percevoir l’ébauche de tels ressorts qu’avec le gouvernement
de Louis VII, entre 1137 et 1152. Leurs compétences sont multiples : ils
sont bien sûr chargés de percevoir les revenus des domaines, mais se voient
aussi confier la levée de l’ost ou l’exercice de la police et de la justice. La
seigneurie sert ainsi bien souvent de point d’appui au développement de
prérogatives supra-domaniales, en particulier dans le champ judiciaire. Les
prévôts ne sont normalement pas rémunérés par un fief, mais par un
intéressement sur les droits qu’ils lèvent, ce qui ne peut qu’encourager leur
zèle. Leur office, affermé à l’origine, a rapidement tendance à devenir
héréditaire, favorisant des ascensions familiales sur lesquelles nous sommes
malheureusement très peu documentés avant le XIIIe siècle. Dans les
principautés méridionales, les bailes et les viguiers (ces derniers ne se
rencontrent que dans les villes), qui tiennent lieu de prévôts, semblent
souvent en charge de plus larges portions du domaine, mais ils sont
fréquemment assistés d’un sous-baile ou d’un sous-viguier. Dans la
principauté toulousaine par exemple, on les rencontre d’abord dans les
villes, à Toulouse et Saint-Gilles dès le règne d’Alphonse Jourdain, puis
dans le comté de Melgueil en 1175 (où ils portent le titre de connétable).
Avant 1180, on en décompte seulement une dizaine pour l’ensemble du
domaine comtal, qui s’étend pourtant du Quercy à la Provence. Parmi eux
figurent, comme chez les bailes épiscopaux ou seigneuriaux, un nombre
non négligeable de juifs, tel cet Abraham ben Jehuda, baile comtal de Saint-
Gilles en 1143.
L G (E ).
Si l’on n’a pas conservé de sceau de Raimond V, celui de son fils Raimond VI
correspond dans l’ensemble aux descriptions qui en sont faites dans plusieurs
documents. La principale différence réside dans la disparition de l’orbe, qui sous
Raimond V pouvait remplacer la maquette du Château-Narbonnais dans la main
gauche du comte. La représentation du comte en majesté, assis sur un trône entre le
soleil et la lune, l’épée de la justice sur les genoux, reste cependant très originale pour
un prince et affiche les ambitions de la maison raimondine à une forme de
souveraineté.
Parmi les princes, les Plantagenêts sont ceux qui connaissent, dans la
deuxième moitié du XIIe siècle, la fortune la plus spectaculaire. Ils sont à
l’origine comtes d’Anjou, issus de la vieille lignée des Foulques. Geoffroy
V (1128-1151) est le premier à porter le surnom de Plantagenêt, dont
l’origine et le sens demeurent incertains. De son père, il hérite du comté
d’Anjou et d’une partie de la Touraine, de sa mère du comté du Maine. En
1128, il épouse Mathilde, fille d’Henri Ier Beauclerc, duc de Normandie et
roi d’Angleterre. Le fils qui naît de cette union et auquel est donné le nom
de son grand-père maternel, Henri, est désigné par Henri Ier comme son
héritier. Mais à la mort de celui-ci, en 1135, cet héritage lui est disputé par
Étienne de Blois, qui s’impose rapidement à la tête de l’Angleterre. Une
longue guerre commence. En 1144, Geoffroy parvient à récupérer la
Normandie. Sa mort en 1151 laisse le champ libre à son fils, Henri II.
Celui-ci écarte d’abord son frère cadet Geoffroy, qui finit par devenir comte
de Nantes en 1156. Puis en mai 1152, moins de deux mois après
l’annulation du mariage de Louis VII et Aliénor, il épouse cette dernière et
devient duc d’Aquitaine. En 1153 et 1154, il franchit le Channel et mène
campagne outre Manche, s’impose comme le successeur d’Étienne de Blois
et ceint la couronne d’Angleterre. Enfin, en 1167 il devient régent du
duché de Bretagne après avoir contraint le duc Conan IV à abdiquer. Il
finira en 1181 par remettre le duché à son fils Geoffroy, auquel il donne
pour épouse Constance, la fille de Conan.
L P .
Cette fresque exceptionnelle de la fin du XIIe siècle, découverte en 1964, orne une
paroi de la chapelle rupestre Sainte-Radegonde de Chinon, située à quelques centaines
de mètres d’un palais bâti par Henri II dans les années 1150-1180 et qui abritait son
trésor depuis 1163. Si tous les commentateurs s’accordent pour y voir une
représentation de la famille Plantagenêt, à l’occasion d’une partie de chasse (l’avant-
dernier personnage porte un faucon sur sa main gauche) ou d’un pèlerinage à sainte
Radegonde (à laquelle Aliénor vouait une dévotion particulière), ils ne s’entendent
pas, en revanche, sur l’identité de tous les personnages. En tête, Henri II, couronné et
revêtu d’un somptueux manteau de vair, mène le cortège. En queue, Richard Cœur de
Lion et son frère Geoffroy, coiffés d’un bonnet semblable à celui de l’émail du Mans
(voir plus haut dans ce chapitre), ferment la marche. Au centre, il s’agirait pour
certains d’Aliénor et d’une de ses filles, pour d’autres, de manière plus convaincante,
d’Henri le Jeune (il fut couronné du vivant de son père, en 1170, et peut donc porter
couronne et manteau de vair comme lui) et de Jean sans Terre, encore jeune homme.
Ces gisants de bois peints sont ceux de Richard Cœur de Lion ( † 1199), Aliénor
d’Aquitaine ( † 1204) et Henri II Plantagenêt ( † 1089). Ils se trouvaient à l’origine
dans le chœur des religieuses de l’église abbatiale de Fontevraud, les visages tournés
vers l’autel, un emplacement exceptionnel pour lequel Aliénor, commanditaire des
tombeaux, avait négocié de manière opiniâtre avec l’abbesse. Aliénor résida
fréquemment à Fontevraud, mais le choix de l’abbaye comme dernière demeure
revient certainement à Henri II. L’abbaye était idéalement située au cœur de ses États
et depuis le début du XIIe siècle, elle bénéficiait d’un grand rayonnement auprès de
l’aristocratie de l’ouest de la France, du Poitou à la Normandie. Richard au premier
plan et Henri II au troisième plan sont représentés en habits de majesté : ceints de la
couronne, revêtus du manteau royal, les mains gantées, tenant une épée pour Richard
ou un sceptre pour Henri. Aliénor, si elle apparaît aussi couronnée, est représentée
selon la convention qui sied aux femmes : elle tient un livre de piété entre ses mains.
Allongés sur un lit couvert d’un drap, la tête posée sur un coussin, les trois défunts ont
les yeux fermés. Ces gisants donnent à voir la mort comme un repos éternel dans
l’attente du jour du Jugement.
II. L ’
Au tournant des XIe et XIIe siècles toutes les royautés furent ébranlées
par la réforme « grégorienne », tant sur le plan idéologique – rappelons
l’entreprise de désacralisation de la fonction royale menée par les
réformateurs les plus radicaux – que sur le plan politique. Le souverain
germanique, dont le pouvoir reposait plus que les autres sur le contrôle de
l’épiscopat, fut le plus affecté et ne retrouva quelque influence sur les
franges occidentales de l’Empire qu’à partir du règne de Frédéric Ier
Barberousse (1152-1190). À l’ouest en revanche, la dynastie capétienne
connaît un regain de vigueur dès le règne de Louis VI (1108-1137). En dépit
d’une longue et difficile confrontation avec les Plantagenêts, elle tend
même, sous le long et décisif règne de Louis VII (1137-1180), à faire
évoluer dans un sens nouveau la nature et le champ d’exercice de la
royauté.
L’idéologie capétienne
L H F ( . 1102-1104)
U ’A T : - ’
’ S -D .
Suger apparaît ici prosterné, tendant les mains vers la Vierge en un geste
d’imploration, sa crosse entre les bras. Suger s’est fait représenter en quatre endroits
de l’église abbatiale de Saint-Denis : sur le linteau et sur les portes de bronze du
portail central, au pied d’une grande croix placée à l’entrée du chœur et sur cette
verrière, aux pieds de la Vierge de la Nativité, dans la chapelle d’axe du chœur. Son
nom figure par ailleurs dans sept inscriptions. L’église, dont il fit refaire la façade et le
chœur, apparaît ainsi tout entière comme une offrande. Une offrande de grand prix,
comme l’attestent l’usage de matériaux exceptionnels, que Suger ne se priva pas de
mentionner dans ses écrits. Les analyses isotopiques du plomb du verre bleu, cette
couleur si particulière aux vitraux de Saint-Denis, ont en effet montré que le cobalt
utilisé venait très certainement de Perse.
Sur cette lettrine (A) tirée d’une copie du XIIe siècle de l’Abrégé des histoires
philippiques de Trogue Pompée par Justin, un roi en majesté est représenté en train de
couronner son fils, une pratique attestée chez les Capétiens depuis Hugues Capet et
qui resta en usage jusqu’au règne de Louis VII.
Comme l’indique une distinction qui apparaît dans les actes royaux à
partir du règne de Louis VI (1108-1137), la seigneurie du roi (son
dominium) réunit son « fisc » (fiscum) et les fiefs tenus de lui. Ce fisc
correspond à ce que les historiens ont pris l’habitude de nommer le domaine
propre du roi, le domaine royal, même si le terme de domaine (domanium)
reste d’un usage très marginal avant la fin du Moyen Âge.
Ce domaine ne connaît qu’une progression modeste. Une première
poussée se produit à la fin du XIe siècle, avec l’acquisition successive du
Gâtinais (1068), de Corbie (1071), du Vexin français (entre 1077 et le début
du XIIe siècle) et de la vicomté de Bourges (1101), première extension
royale au sud de la Loire. Cette première expansion est solide puisque
Philippe Ier fait le choix, encore très rare dans l’aristocratie, de ne pas
attribuer ces acquêts à des cadets, mais de les transmettre à l’héritier de la
couronne. En regard, l’œuvre de Louis VI paraît plus modeste. C’est
cependant à tort qu’elle a longtemps été réduite à la lutte opiniâtre, mais
médiocre du roi contre les seigneurs châtelains d’Île-de-France rebelles à
son autorité. Une telle vision des choses reste tributaire du récit de Suger
qui écrase les événements et se focalise sur les prises de châteaux et les
guerres contre les mauvais seigneurs (Thomas de Marle, Hugues du Puiset)
pour mieux célébrer le roi chevalier, pacificateur et protecteur des églises, à
commencer par l’abbaye de Saint-Denis et son patrimoine. Louis VI n’eut
pas à se défendre contre une masse de châtelains révoltés assoiffés
d’indépendance. Jusqu’en 1108, il dut affronter un parti hostile coalisé par
un vieil adversaire, le comte de Blois, et par Bertrade de Montfort, sa belle-
mère, qui espéra un temps attribuer la couronne à son propre fils, à ses
dépens. Après 1108, il entreprit une véritable campagne de soumission des
principaux châteaux seigneuriaux d’Île-de-France (Montlhéry, Coucy,
Marle et La Fère, Le Puiset…), tout à fait comparable à celle que menaient
alors bien des princes.
E L VII
D L VII
Pour autant, le roi règle peu de différends entre grands et n’a qu’une
très faible influence sur les destinées des principautés, même s’il tente
régulièrement de peser sur les conflits successoraux qui ne manquent pas de
surgir au sein des maisons princières. En 1071, Philippe Ier intervient en
Flandre pour soutenir les fils de Baudoin VI dans leur lutte contre leur oncle
Robert le Frison, mais il échoue. Il intervient aussi en Normandie, en 1094,
dans le conflit qui oppose Robert Courteheuse à son frère Guillaume le
Roux, sans plus de succès. En 1127, Louis VI se mêle à son tour des affaires
de Flandre, où le comte Charles le Bon vient d’être assassiné sans laisser
d’héritier. Il parvient dans un premier temps à imposer son candidat,
Guillaume Cliton. Mais celui-ci se heurte aux villes et à une partie de
l’aristocratie flamande qui lui préfèrent Thierry d’Alsace. La mort au
combat de Guillaume Cliton, en juillet 1128, ouvre la voie à Thierry que
Louis VI doit finalement reconnaître. En fait, la politique matrimoniale est
le seul véritable instrument dont dispose le roi, comme le suggère, dès les
années 1080, la captation du comté de Vermandois par un frère de
Philippe Ier. À ce titre, la triple alliance matrimoniale organisée par
Louis VII avec la maison de Blois-Champagne, entre 1152 et 1164,
représente sa plus grande réussite puisqu’elle met fin à près de deux siècles
d’hostilité. Ella apporte en outre à Louis VII un soutien d’importance, le
comté de Blois, une principauté modeste mais frontalière des domaines de
son grand rival Plantagenêt.
Jusqu’au milieu du XIIe siècle, le roi ne quitte guère son pré carré. Il
réside sur ses terres et se déplace au sein de ses domaines. Les actes de
Philippe Ier laissent deviner l’existence d’une sorte de tour conduisant le roi
à passer chaque année à Senlis, Étampes, Orléans, Compiègne, Reims et
Paris, bientôt aussi Soissons. Tout juste peut-on noter un voyage de
Philippe Ier en Aquitaine en 1076 et deux campagnes de Louis VI en
Auvergne en 1122 et 1126. Le roi ne compense pas l’horizon quelque peu
étriqué de sa mobilité par le rassemblement régulier des grands vassaux.
Philippe Ier ne les convoque que deux fois, en 1048 et 1077, et seuls
viennent quelques princes du nord. Le rassemblement convoqué par
Louis VI en 1124 rencontre un succès plus net, mais le contexte en est
exceptionnel. Pour la première fois depuis plus d’un siècle, le royaume est
menacé par une attaque venue de l’est : l’empereur Henri V, qui avait enfin
mis un terme à la querelle des investitures par la conclusion du concordat de
Worms (1122), désirait se venger de l’aide apportée par Louis VI à la
papauté et s’avançait avec son armée en direction de Reims. Louis VI
convoqua alors l’ensemble des grands du royaume à Saint-Denis pour y
former l’ost royal. Ceux-ci vinrent en si grand nombre – on y trouva le duc
de Bourgogne, les comtes de Blois et de Champagne, le comte d’Anjou, le
comte de Flandre, le comte de Vermandois, mais aussi le comte de Nevers,
le duc d’Aquitaine et le duc de Bretagne – que l’empereur préféra
rebrousser chemin sans livrer bataille. Il faut toutefois attendre la deuxième
croisade pour trouver de nouveau de tels rassemblements, d’abord lors des
assemblées tenues en présence de Louis VII à Vézelay (1146) et Étampes
(1147), puis surtout durant les deux années de la croisade : plusieurs
princes, les comtes de Flandre et de Toulouse en particulier, le futur héritier
de la Champagne et de nombreux seigneurs français, angevins, poitevins et
bourguignons sont placés sous les ordres du roi et combattent à ses côtés. Il
y a même le comte de Savoie, le marquis de Montferrat et l’évêque de
Metz, pourtant sujets de l’empereur. Le roi trouve alors l’occasion de tisser
des liens directs et personnels inédits. Dans les décennies suivantes, les
grandes assemblées deviennent plus fréquentes (1152, 1155, 1173, 1178),
mais ne concernent de nouveau que les évêques et les princes du nord.
Ces assemblées deviennent le lieu où se déploient avec le plus de
vigueur les nouvelles prétentions du roi à se poser en justicier suprême,
voire en législateur pour l’ensemble du royaume. Jusqu’au milieu du
XIIe siècle, le roi apparaît avant tout comme le protecteur privilégié de
l’Église et des désarmés, dans la postérité de la paix et de la trêve de Dieu.
C’est dans cet esprit que Louis VI, à l’image de bien des princes, aurait,
selon Yves de Chartres, apporté sa garantie à une décision de paix dès 1114.
De même, dans les années 1140, le récit de Suger brosse le portrait d’un roi
pacificateur et valorise la fonction justicière de la royauté, conçue comme
une défense des églises et des pauvres. Ce discours rejoint celui des
préambules des actes de Louis VI, encore massivement rédigés par leurs
destinataires (évêques et abbayes) et imprégnés de l’idéologie grégorienne :
le roi y est présenté comme un auxiliaire de l’Église en charge de
l’application des règles et des jugements ecclésiastiques. Cette idée est
encore exprimée avec force lors des conciles de Clermont (1130) et de
Reims (1131) présidés par le pape Innocent II. Une évolution d’importance
se dessine sous le règne de Louis VII avec l’émergence de l’idée qu’au titre
de sa justice le roi a vocation à connaître toute atteinte à la paix dans tout le
royaume et en particulier celle qui menacerait l’Église. Dans le conflit qui
met aux prises l’abbaye de Vézelay (une abbaye placée sous la protection
de la papauté) et le comte de Nevers, le roi refuse de se faire seulement
l’auxiliaire du pape contre le comte et parvient à s’imposer avec le soutien
des évêques « français », comme vrai juge de l’affaire. Cette nouvelle
conception de la justice royale est clairement affirmée en juin 1155 lors de
l’assemblée de Soissons. Louis VII y promulgue, à la demande du clergé et
avec l’assentiment des princes – le duc de Bourgogne, les comtes de
Flandre, de Champagne, de Nevers et de Soissons – une ordonnance de paix
générale dans tout le royaume pour une durée de dix ans. Cette volonté
paraît bien chimérique, mais l’essentiel est ailleurs. L’ordonnance reconnaît
les prérogatives judiciaires des princes et des seigneurs, mais pose le
principe d’une possible intervention royale en cas de défaillance ou de
négligence de ces derniers. Les évêques acceptent, et même demandent, que
le roi soit le premier garant de la paix dans le royaume. L’effet de
l’ordonnance est immédiat : dans les années qui suivent, les plaintes des
églises auprès du roi se multiplient. En outre, avec l’ordonnance de 1144
condamnant les juifs relaps, l’ordonnance de Soissons représente, pour la
France, le premier texte royal de portée générale depuis la disparition des
capitulaires à la fin du IXe siècle.
Le retour de l’empereur
Sur ce sceau qui figure au bas d’un diplôme de 1164 en faveur de l’église de
Marseille, l’empereur, barbu, est représenté assis sur un trône à dossier en position
de majesté. Il est revêtu d’un manteau tenu par un fermail et porte la couronne fermée
sur la tête, avec au sommet une croix et des fanons pendants. Dans sa main droite,
il tient le sceptre, dans la gauche un orbe, tous deux crucifères. L’inscription redouble
la majesté de l’image en l’enracinant dans la romanité : « Frédéric, par la grâce de
Dieu empereur auguste des Romains ».
L R R :«F »
« »
L Roland était étendu sous un pin ;
face à l’Espagne il a tourné son visage.
De bien des choses il se prit à se souvenir :
de tant de terres qu’il avait conquises, le vaillant,
de France la douce, des hommes de son lignage,
de Charlemagne, son seigneur, qui l’avait élevé ;
il ne peut faire qu’il ne pleure ni ne soupire.
Il ne veut pas, pourtant, s’oublier lui-même,
Il bat sa coulpe, demande pardon à Dieu :
« Père véritable, qui restes toujours fidèle,
Qui de la mort ressuscitas saint Lazare,
Et qui des lions sauvas Daniel,
Préserve mon âme de tous les périls
Que, dans ma vie, m’ont valu mes péchés ! »
Il présenta à Dieu son gant droit, et de sa main saint Gabriel l’a reçu.
[…]
Roland est mort ; Dieu a son âme aux cieux.
L’empereur parvient à Roncevaux.
Pas un chemin, pas un sentier,
Pas d’espace vide, pas une aune, pas un pied de terre
Où il n’y ait un Français (Franceis) ou un païen.
U B B :
« P »
( 1197)
J’ gai temps de Pâques, qui fait venir feuilles et fleurs ; j’aime
à ouïr l’allégresse des oiseaux qui font retentir leur chant dans le
bocage. Mais il me plaît aussi de voir, sur les prés, tentes et pavillons
dressés ; et je ressens une grande joie quand je vois, rangés dans la
campagne, chevaliers et chevaux armés.
Et je suis heureux quand les éclaireurs font fuir les gens avec leurs
biens et quand je vois venir, derrière eux, un grand nombre de gens
armés. Mon cœur se réjouit quand je vois les châteaux forts assiégés,
les remparts rompus et effondrés, l’armée rangée sur les berges
qu’entourent fossés et palissades en forts pieux serrés.
Et j’aime aussi quand le seigneur, le premier à l’attaque, vient tout
armé sur son cheval, sans peur, enhardissant ainsi les siens de son
vaillant courage ; et lorsque l’assaut est donné, chacun doit être prêt à
le suivre de bon gré car nul homme n’a la moindre valeur tant qu’il
n’a pas reçu et donné de nombreux coups.
Nous verrons au début de la mêlée trancher et rompre masses d’armes
et épées de combat, heaumes de couleur et écus ; nous verrons maints
vassaux frapper ensemble, et s’en aller à l’aventure les chevaux des
morts et des blessés. Lorsqu’il sera sur le champ de bataille, que
chaque preux ne pense qu’à fendre tête et bras : car un mort vaut
mieux qu’un vivant vaincu.
Je vous le dis : je ne trouve pas autant de plaisir à manger, boire ou
dormir, qu’à entendre crier : « À eux ! » dans les deux camps, qu’à
entendre hennir, dans l’ombre, des chevaux sans cavalier, au milieu
des cris de : « Au secours ! Au secours ! » ; qu’à voir tomber, au bord
des fossés, chefs et soldats dans l’herbe ; et contempler les morts qui,
dans les flancs, ont des tronçons de lance avec leurs banderoles.
Barons, mettez en gage châteaux, villes et cités, plutôt que de ne point
vous faire l’un à l’autre la guerre.
Paiol, de ton plein gré, va-t’en vite auprès de Oui-et-Non et dis-lui
qu’il reste trop longtemps en paix.
La fête chevaleresque
U : R , V (1161).
C B , .
Dans cette belle lettrine extraite d’un manuscrit de l’Histoire du meurtre de Charles le
Bon de Galbert de Bruges, le comte de Flandre est représenté en chevalier, à l’image
des figures équestres visibles sur les sceaux. On peut remarquer la croix dessinée sur
l’écu, discret rappel de la participation du comte à la première croisade.
L’ G P (1128) J
M ( . 1180)
U .
Cette enluminure provient d’un manuscrit de la Vie de saint Maur par Odon de
Glanfeuil, composé à l’abbaye Saint-Maur des Fossés dans le premier quart du
XIIe siècle. Elle représente saint Maur (512-584), disciple de saint Benoît, frappant
mortellement de sa crosse le comte d’Angers Gaidulf, qui persécutait les moines
de l’abbaye qu’il avait fondée. Dans le contexte de la réforme « grégorienne », qui
voyait clercs et laïcs s’affronter de manière parfois violente, la scène revêtait une
évidente portée militante. Mais elle a aussi pour intérêt de donner à voir une scène
de banquet. Comme le signalent les murs peints, les belles arcades en plein cintre et le
crénelage symbolique de la bordure inférieure, celui-ci se déroule dans la salle de
réception (aula) d’une résidence aristocratique. Il est présidé par le comte, qui trône
en bout de table sur un siège ouvragé. Les convives, exclusivement des hommes, sont
assis sur un banc. Sur la table, probablement une simple planche posée sur des
tréteaux et recouverte d’une nappe blanche, figurent les plats et du pain. On mangeait
avec son couteau, en se servant directement dans les plats et en utilisant le pain
comme assiette.
Le castrum de Simiane est mentionné dès 1031 dans un acte de l’abbaye Saint-Victor
de Marseille. Aux XIe-XIIe siècles, c’est l’une des principales seigneuries de la
puissante famille d’Agoult-Simiane, qui domine l’ensemble de la région entre le
Luberon et la montagne de Lure. Cette spectaculaire salle de réception en forme de
rotonde occupe le premier étage d’un donjon construit à la fin du XIIe siècle. Il s’agit
d’une grande salle polygonale entourée de douze profondes arcatures aveugles
(à l’exception de celle qui sert de porte d’entrée), faiblement éclairée par quatre
soupiraux et surmontée d’une coupole semi-elliptique. Elle dut accueillir les fêtes
organisées par les seigneurs, dont certains, tel Raimond d’Agoult (1166-1204), sont
connus pour avoir accueilli et entretenu plusieurs des plus grands troubadours de leur
temps (Gaucelm Faidit, Peire Vidal, Elias de Barjols, Cadenet).
S .
P C C C T
( . 1176-1178)
U .
Cette peinture sur parchemin figure sur une petite boite en bois d’origine limousine
arrivée en Bretagne à la fin du XIIe siècle et aujourd’hui conservée dans le trésor de la
cathédrale de Vannes. Elle représente un joueur de vielle devant une femme esquissant
un pas de danse. Il s’agit peut-être de l’illustration d’un épisode de la légende de
Tristan et Yseult, ce héros étant réputé pour sa vaste maîtrise des savoirs profanes
(arts libéraux) et des arts de cour (jeu d’échecs, vénerie et musique). Quoi qu’il en
soit, elle rappelle qu’une des singularités de la culture courtoise du XIIe siècle tient au
partage inédit de nombreuses activités entre hommes et femmes.
U G IX ’A (1071-1127)
L C B L VII (1160)
ÀL , vénérable et excellent roi de Gaule, Constance, fille d’Alain,
comte de Bretagne, adresse ses salutations et offre le lien de son
amitié. Je désire faire connaître à Votre Dignité que j’ai longtemps
gardé mémoire de vous et que je n’ai accepté les nombreux présents
que, par amour, nombre d’hommes m’offraient. Mais s’il plaisait à
votre libéralité de m’envoyer à moi, qui vous aime au-delà de ce que
je peux exprimer, quelque signe d’amour, un anneau ou autre chose, je
le tiendrais à plus haut prix que le monde tout entier. Je vous remercie
d’avoir reçu avec tant d’honneur mon messager. Et s’il y a quelque
chose en nos provinces qu’il vous plairait d’avoir, un faucon, un chien,
ou un cheval, je vous prie de ne pas en différer la commande auprès
de moi par le porteur de la présente lettre. Soyez sûr que si la fortune
refusait de me sourire de toutes ses lèvres, je préférerais être unie à
l’un de vos sujets, même humble, plutôt que de devenir reine d’Écosse.
Et je vais le prouver par le fait, car dès que mon frère le comte Conan
sera revenu d’Angleterre, j’irai à Saint-Denis pour prier, et pour
pouvoir jouir de votre présence. Portez-vous bien, afin que je me porte
bien.
L’individu et le groupe
L .
Cette étonnante généalogie des rois francs figure dans un manuscrit des années 1060-
1075 composé à Saint-Aubin d’Angers, une abbaye très liée aux comtes locaux, où
l’on rédigeait des annales et composait de semblables schémas généalogiques de la
famille comtale. Elle présente successivement les trois dynasties mérovingienne,
carolingienne et capétienne. Le feuillet reproduit ici concerne les Mérovingiens et les
premiers Carolingiens : la généalogie commence avec Pharamond, tout en haut du
feuillet, et s’achève en bas à gauche avec Charlemagne. Les noms, exclusivement
masculins, sont écrits à l’encre noire. Ils sont distribués sur la page et reliés entre eux
par des volutes tantôt rouges, tantôt noires. Des indications sur la durée des règnes, les
conditions du décès des rois ou certaines titulatures sont portées à l’encre rouge en
dessous ou au-dessus des noms. Des commentaires plus longs à l’encre noire
concernent les quatre premiers rois (Pharamond, Clodion, Mérovée et Childéric).
À partir de 1100, se multiplient également les légendes familiales.
Celles-ci, à l’image de celles qui fleurissent à propos du comte d’Angers
Geoffroy Grisegonnelle, valorisent ou même inventent la figure d’un héros
fondateur qui, la plupart du temps, est un aventurier ayant fait fortune à
l’époque troublée des guerres carolingiennes ou des agressions scandinaves.
Se dessine ainsi, en relation évidente avec la littérature épique et
romanesque, un idéal de la prouesse individuelle capable de fonder ou de
faire rêver à la possibilité de l’ascension dans une société de plus en plus
verrouillée par les logiques héréditaires. L’une des clés du succès de la
littérature romane réside d’ailleurs dans la place qu’elle accorde aux
individus, même si ceux-ci sont souvent écrasés par les logiques parentales
et sociales. La poésie d’oc repose tout entière sur le principe d’élection des
amants. Les chansons de geste célèbrent les exploits de guerriers de nobles
lignées qui sont avant tout des héros d’exception. Le roman courtois célèbre
la fraternité chevaleresque, mais met en scène la quête individuelle du
chevalier. La reprise, derrière ce motif, de l’allégorie traditionnelle du
pèlerinage de la vie en ce monde, facilitée par le nouveau monachisme qui
en avait accentué la dimension agonistique (le pèlerinage comme combat
spirituel), transforme en outre peu à peu l’aventure chevaleresque en
véritable quête du salut personnel. L’ultime étape de cette évolution, qui
finit par reléguer au second plan toute dimension amoureuse, réside dans la
christianisation de la quête, qu’inaugure l’apparition du motif du Graal dans
le dernier roman, inachevé, de Chrétien de Troyes, Perceval (il ne s’agit
alors pas encore de la coupe du sang du Christ, mais d’un plat d’or fin et de
pierre précieuse où repose l’hostie, seule nourriture du roi pécheur). Dans la
vie sociale, la guerre, la chasse ou le tournoi mobilisent de petites troupes
de parents et de vassaux, en fortifient les liens, mais appellent aussi les
exploits individuels, sources de la renommée. Cette dimension est bien
présente dans la scène imaginaire du tournoi de Noauz, dans le Chevalier à
la Charrette, où les chevaliers spectateurs identifient les combattants grâce
aux armoiries qu’ils décrivent aux dames : « Et derrière lui, celui qui a fait
peindre côte à côte sur son écu un aigle et un dragon : c’est le fils du roi
d’Aragon qui est venu dans ce pays pour acquérir gloire et renommée. Et
celui-là, tout à côté, qui est si rapide à la joute, avec un écu mi-parti vert
avec un léopard et mi-parti azur : c’est l’agréable et galant Ignauré qui fait
courir tous les cœurs derrière lui… » (vers 5777-5802).
E .
Sur cette scène de la bataille d’Hastings (1066), dessinée sur la broderie de Bayeux,
les boucliers des combattants sont ornés, de manière traditionnelle, de motifs
géométriques (bouclier du fantassin anglo-saxon à gauche) ou animaliers (écu du
chevalier normand).
L’ ’
I. U : «
’ »
Cette somptueuse peinture est extraite d’une copie du Commentaire sur l’Apocalypse
du moine asturien Beatus de Liébana († 798 ?) réalisée au monastère de Saint-Sever,
en Gascogne, vers la fin de l’abbatiat de Guillaume de Montaner (1028-1072). Ce
manuscrit exceptionnel – il compte cent-huit miniatures dont quatre-vingt quatre
historiées – est le seul de son genre au nord des Pyrénées : sans aucun rapport
particulier avec l’époque de l’an 1000 ou de l’an 1033, il prolonge une tradition
mozarabe et illustre avant tout les échanges culturels entre la Gascogne et l’Espagne.
Les scènes se détachent sur un fond de larges bandes peintes jaune, noire et rouge, qui
ne correspondent à aucune réalité extérieure et situent les images dans le monde de la
vision et de la contemplation, en parfaite harmonie avec le genre de l’Apocalypse
dont elles s’inspirent directement : « Le sixième ange sonna de la trompette. Et
j’entendis une voix venant des quatre cornes de l’autel d’or qui est devant Dieu, et
disant au sixième ange qui avait la trompette : Délie les quatre anges qui sont liés sur
le grand fleuve d’Euphrate. Et les quatre anges qui étaient prêts pour l’heure, le jour,
le mois et l’année, furent déliés afin qu’ils tuassent le tiers des hommes. Le nombre
des cavaliers de l’armée était de deux myriades de myriades : j’en entendis le nombre.
Et ainsi je vis les chevaux dans la vision, et ceux qui les montaient, ayant des
cuirasses couleur de feu, d’hyacinthe, et de soufre. Les têtes des chevaux étaient
comme des têtes de lions ; et de leurs bouches il sortait du feu, de la fumée et du
soufre. Le tiers des hommes fut tué par ces trois fléaux, par le feu, par la fumée et par
le soufre qui sortaient de leurs bouches. Car le pouvoir des chevaux était dans leurs
bouches et dans leurs queues ; leurs queues étaient semblables à des serpents ayant
des têtes, et c’est avec elles qu’ils faisaient du mal » (Apocalypse 9, 13-19).
L C -N T .
L F (S -M ).
L ’ ’ T .
X
e ).
Plan des fouilles de Serris (Seine-et-Marne).
Le site de Serris a fait l’objet de sondages et de fouilles archéologiques de 1987 à 1997, à
l’occasion de la construction du TGV Nord et des aménagements de Marne-la-Vallée.
Exploré sur une superficie de 20 hectares et entièrement décapé sur 16 hectares, il s’agit
de l’un des sites les plus vastes du haut Moyen Âge à avoir fait l’objet de fouilles. Les
structures d’un habitat rural se mettent en place dans la deuxième moitié du VIIe siècle, de
part et d’autre d’un petit cours d’eau, le Ru des Gassets. Ces maisons et greniers sur
poteaux de bois sont associés au nord du ruisseau à une nécropole et à un ensemble
cultuel comprenant plusieurs chapelles, au sud à une résidence aristocratique. L’habitat se
densifie progressivement au cours des VIIIe–Xe siècles, en particulier au nord du ruisseau,
où apparaît auprès du gué un nouveau pôle aristocratique, centré sur une tour, qui éclipse
le précédent. L’ensemble cultuel se simplifie au bénéfice d’une seule église. L’habitat
atteint son expansion maximale au Xe siècle, mais ne perd jamais son allure de nébuleuse
formée de petits noyaux de deux ou trois maisons, espacés les uns des autres et séparés
par des champs, des enclos, des greniers ou des fours. Le site est finalement abandonné
vers le milieu du Xe siècle au profit de sites voisins plus dynamiques.
U Xe :D (M - -L ).
Cette vue présente l’une des habitations excavées du Xe siècle découvertes sur le site
de Distré. À l’intérieur, où l’on descend légèrement, le sol correspond à la surface du
tuffeau. Le bâtiment est doté de silos et de deux foyers successifs, dont l’un se devine
au centre du pignon est (à droite) ; à l’angle nord-ouest, figure l’entrée d’un souterrain
donnant accès à une cave pouvant servir de refuge. À l’extérieur, on relève une
batterie de silos destinés au stockage des céréales. Les restes alimentaires et la
présence d’armes et de pièces d’équitation suggèrent qu’il devait s’agir d’un habitat
de la petite aristocratie chevaleresque. Le site, situé à trois cents mètres du village
actuel, fut abandonné au début du XIe siècle.
Comme le montre ce secteur, seigle, froment et avoine représentaient plus des trois
quarts des céréales cultivées sur le site de Colletière. Seigle, orge, mais aussi millet et
panic étaient broyés pour produire une farine assez grossière, qui, cuite avec de l’eau,
devenait bouillie ou gruau. Seigle et froment entraient dans la composition de pains et
de grosses galettes circulaires, cuites dans les fours domestiques. L’avoine était
réservée aux chevaux, nombreux, eu égard à la proportion cultivée. Une petite
production de fèves, pois et lentilles, retrouvés également sous forme carbonisée,
complétait cette abondante base céréalière.
L’ ’A XVIe
P
O ’
C .É : 1/200
U ’ ( 1140).
Sur cette peinture ornant des arcades du cloître de l’abbatiale Saint-Aubin d’Angers
sont représentés plusieurs épisodes de l’histoire des rois mages : on reconnaît, de
droite à gauche, leur voyage à la poursuite de l’étoile, leur entrevue avec Hérode,
l’offrande des présents au Christ, sculpté juste au-dessus, enfin le massacre des
Innocents. Au centre, l’image de la ville de Jérusalem présente un appareil
parfaitement régulier et liaisonné, dans lequel toutes les pierres apparaissent de même
dimension, des caractéristiques qui restent exceptionnelles dans les constructions du
XIIe siècle.
Un dialogue nécessaire
L L .
Le donjon de Loches fut élevé sur un très ancien site castral, mentionné dès Grégoire
de Tours et à plusieurs reprises aux VIIIe-IXe siècles. Au Xe siècle, les comtes
d’Angers se rendent maîtres du site, qui devient une place stratégique face à la maison
de Blois. Le donjon semble avoir été bâti ers 1013-1030/1035. Il s’élève à trente-sept
mètres, mais son couronnement et la toiture ont disparu. Les trois étages sur planchers
étaient chauffés par des cheminées superposées. Les escaliers sont encastrés dans
l’épaisseur du mur oriental. La seule entrée du donjon se trouve sur la face opposée à
celle que l’on voit sur la photographie, à trois mètres de hauteur, symboliquement
protégée par une petite chapelle castrale. Au cours du XIIe siècle, trois enceintes
successives furent construites pour protéger le donjon du côté sud, la troisième, la plus
spectaculaire (au premier plan), sous le règne d’Henri II Plantagenêt (1154-1189).
III. H
D trentaine d’années, les historiens médiévistes se sont mis à
l’école de l’anthropologie et lui empruntent des questionnements et une
démarche renouvelant en profondeur notre compréhension de la société
médiévale. À l’image de nombreuses sociétés dites primitives, la société
médiévale apparaît en effet, au moins jusqu’au milieu du XIIe siècle, comme
une société rurale et guerrière à l’horizon limité, une « société de face-à-
face » caractérisée par l’absence ou la faiblesse de structures étatiques
coercitives. L’organisation sociale y paraît dominée par les structures de
parenté, les rituels et le sacré, sur lesquels reposent la transmission des
biens matériels et symboliques, l’établissement des hiérarchies et la
construction des représentations. Le recours à l’anthropologie ne surprend
donc guère. Il prit cependant à rebours une certaine pratique de l’histoire,
prompte à décrypter le passé à travers les catégories du présent. En effet, en
plaçant au cœur de sa démarche la distinction entre les catégories du
chercheur, acteur de l’enquête, et les catégories de la société étudiée,
l’anthropologie favorise une prise de distance vis-à-vis de nos cadres
spontanés d’analyse, en considérant d’abord les points de vue internes à
l’objet d’étude. L’influence de l’anthropologie prolongea d’abord
« l’histoire des mentalités » chère à la génération héritière de l’école des
Annales, qui connut son apogée dans les années 1960-1980. Jacques Le
Goff, suivi notamment par Jean-Claude Schmitt, développa ainsi le
programme d’une « anthropologie historique » attentive à la longue durée et
aux structures lourdes, qui, dans le champ des représentations, ouvrit toute
une série de nouvelles perspectives (sur la culture folklorique, les
superstitions, l’imaginaire…) et renouvela en profondeur certains secteurs
traditionnels, tels l’hagiographie, l’iconographie ou les rituels politiques.
Depuis les années 1990, l’inspiration anthropologique est sortie de ce cadre
initial et se diffuse largement à la plupart des domaines de l’histoire, tout en
associant de manière plus étroite l’étude des pratiques sociales à celle des
représentations. Trois domaines peuvent être pris pour exemples de cette
évolution : la famille et la parenté, les conflits et la violence, les pratiques
du don et de l’échange.
Famille et parenté
L’omniprésence du vocabulaire de la parenté dans les sources
médiévales dès lors que l’on veut exprimer ou décrire une relation forte
signale à quel point la société et les institutions se pensent au travers de la
parenté, que cela soit sur un mode hiérarchique (on convoque alors la
relation de paternité) ou égalitaire (on recourt alors à la relation de
fraternité). C’est particulièrement vrai de l’Église qui se conçoit comme une
grande famille spirituelle, assignant à chacun de ses membres une place en
son sein et pensant chacune de ses communautés sur le mode familial. Il est
par conséquent curieux que l’histoire de la famille soit longtemps demeurée
le monopole des historiens du droit et des démographes, les premiers
s’intéressant aux enjeux du mariage et des successions, les seconds au
régime démographique ancien et aux organisations familiales. Cependant,
dans les années 1970-1980, deux publications pionnières – les actes du
colloque Famille et parenté dans l’Occident médiéval, codirigé par Georges
Duby et Jacques Le Goff, en 1974, et l’Histoire de la famille, une série
coécrite par des historiens, des sociologues et des anthropologues, en 1986
– rendirent compte de l’élargissement du questionnaire des historiens et de
l’influence croissante sur leurs travaux de l’anthropologie (la tradition issue
de Claude Lévi-Strauss et les africanistes anglo-saxons surtout). Depuis, la
multiplication des monographies, concernant surtout les élites
aristocratiques ou urbaines, a consacré l’avènement d’une véritable histoire
de la parenté, attentive, au-delà des structures juridiques ou
démographiques, à la nature même du lien de parenté, à son
fonctionnement, aux multiples enjeux de la transmission, aux rituels
d’intégration ou d’exclusion, à l’entrelacement des relations sociales et
affectives (A. Guerreau-Jalabert, Ch. Klapisch-Zuber, D. Barthélemy, R. Le
Jan, M. Aurell, D. Lett…). Parallèlement, les historiens s’appropriaient des
méthodes et un lexique plus précis et plus rigoureux que la terminologie
ambiguë dont ils faisaient jusque-là usage. Sans entrer dans le détail
d’analyses dont les principales conclusions, pour les Xe-XIIe siècles, figurent
dans les chapitres précédents, on peut évoquer quelques-unes des
perspectives nouvelles dégagées par le recours à l’anthropologie et, par là,
la diversité du questionnaire auquel le champ de la parenté est désormais
soumis.
U .
Cette enluminure est extraite d’un manuscrit du XIIe siècle des Étymologies d’Isidore
de Séville et vient illustrer le passage consacré au stemma (tableau généalogique
antique). Elle a pour objet de définir les degrés de parenté (indiqués en chiffres
romains à l’encre rouge) par rapport à un « ego » placé à l’articulation du tronc et du
feuillage de l’arbre. Comme le montre le degré affecté aux grands-parents ou aux
oncles et tantes, il s’agit bien d’un comput germano-canonique. Le motif de l’arbre est
utilisé à partir du IXe siècle pour représenter l’ensemble des positions de parenté
possibles, le plus souvent dans des manuscrits des Étymologies. À partir du milieu du
XIIe siècle, il se diffuse aussi dans les manuscrits juridiques (par exemple le Décret de
Gratien) et ce n’est qu’à partir de la fin du XIIe siècle qu’il commence d’être utilisé
pour des généalogies réelles. Il renvoie moins à la symbolique de la fécondité qu’il ne
permet d’opérer une classification efficace (par branches et sous-branches). Le couple
figuré en haut de l’arbre correspond sans doute à Adam et Ève, les ancêtres de
l’humanité.
L’ J C (
C , XIIe ).
Cette image, sans doute directement inspirée de l’arbre de Jessé figuré sur un vitrail
du chœur de Saint-Denis, réalisé à l’initiative de l’abbé Suger, découle du
rapprochement de deux passages du livre du prophète Isaïe rapportés à la venue du
Christ : « Puis un rameau sortira du tronc de Jessé et un rejeton naîtra de ses racines.
L’Esprit de l’Éternel reposera sur lui : Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de
conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de l’Éternel » (Isaïe 11, 1-2) ;
« C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe. Voici, la vierge
deviendra enceinte, elle enfantera un fils, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel »
(Isaïe 7, 14). Au travers d’un jeu de mot latin entre virga (le rameau) et virgo (la
vierge), la généalogie du Christ déroulée dans les Évangiles de Matthieu (1, 17) et Luc
(3, 23-38) est modifiée par l’inclusion de Marie dans la descendance de Jessé,
représenté couché au bas du vitrail. Cette modification a un sens profond : elle permet
de souligner à la fois la généalogie charnelle et la généalogie spirituelle du Christ. La
généalogie charnelle le rattache à Jessé et à son fils David (le deuxième en partant du
bas) et l’inscrit par là dans une lignée royale. La généalogie spirituelle le présente en
fils de Marie (en avant-dernière position en partant du bas) et du Saint-Esprit (sous
forme d’une colombe au-dessus de la tête du Christ), c’est-à-dire en Fils de Dieu fait
homme. Le motif du lys blanc, qui dessine l’écrin où chaque figure se tient, souligne
cette ascendance à la fois royale et spirituelle. Le lys est en effet un motif royal chez
les Capétiens, mais c’est aussi et même d’abord un motif marial. Il renvoie en outre au
« lys des champs » de l’Évangile de Mathieu (6, 28-29), image du Christ lui-même :
de Jessé à Jésus, le rameau se transforme en fleur. Une fleur appelée à fructifier parmi
les hommes : « Heureux l’homme qui ne suit pas le conseil des impies, celui-là
portera du fruit et jamais son feuillage ne sèche » (Psaumes 1, 1-3).
Conflit et violence
L’étude de la justice médiévale et de manière plus générale la question
de la régulation de la violence sont longtemps restées prisonnières, en
France en particulier, des catégories intellectuelles et juridiques de l’État
moderne, monarchique ou jacobin. Dans les travaux de l’école positiviste
de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, mais aussi dans l’œuvre de
Georges Duby, le propos reste dominé par une conception moderne de la
justice et de la légitimité : l’objet de la justice est l’établissement du droit, la
recherche de la vérité, et son exercice relève de la souveraineté. Dans ce
cadre, l’approche de la question reste structurée par l’opposition entre
pouvoir public (le roi ou le prince) et pouvoirs privés (les « féodaux », les
seigneurs). Les Xe-XIIe siècles sont alors considérés comme une période de
crise puis de renaissance de la justice, dont l’évolution suivrait le rythme de
la « décomposition de l’État » carolingien, jusqu’à la redécouverte du droit
romain à partir de la fin du XIe siècle, par l’Église d’abord, puis par les
pouvoirs souverains. La fin du monopole juridictionnel des comtes et leur
émancipation de la tutelle royale, le bouleversement des procédures
judiciaires et l’essor de la violence prennent place dans un sombre tableau
des temps féodaux, que ceux-ci soient envisagés comme un moment
d’anarchie (c’était la perspective dominante jusque dans les années 1970)
ou d’ordre seigneurial. Les « guerres privées » incessantes, le recours aux
arbitrages entre pairs et, le cas échéant, au « jugement de Dieu », c’est-à-
dire à des preuves tenues pour irrationnelles comme les ordalies,
apparaissent alors comme les signes les plus évidents de la brutalité et de
l’archaïsme de l’époque.
Cette conception a été profondément renouvelée par l’approche
anthropologique du règlement des conflits promue par les médiévistes nord-
américains (F. Cheyette, P. Geary, S. White notamment) à partir des années
1970 et acclimatée en Europe et en France depuis les années 1980. Pour
l’anthropologue, toute société, même dépourvue d’institutions étatiques ou
dotée d’institutions faiblement coercitives, génère ses propres instances et
ses propres procédures de régulation des conflits. Dans ce type de
configuration sociale, les groupes de parenté, les voisins, les membres
d’une même catégorie sociale ou d’une même communauté peuvent
constituer de telles instances, de même que les représentants d’institutions
« para-étatiques » telles que l’Église dans la société médiévale. L’objet de la
justice n’est pas tant la recherche de la vérité que la limitation de la
violence et le maintien de la paix. Les pratiques de médiation et de
négociation entre les protagonistes l’emportent sur les jugements mis en
œuvre par une autorité supérieure, d’autant que ces jugements ne sont pas
considérés comme les meilleurs ou les plus justes, mais seulement comme
un dernier recours lorsque toutes les autres voies ont échoué. Dans ce
contexte, les catégories modernes (et romaines) de « public » et de « privé »
doivent être relativisées. La violence doit être appréciée à la lumière du rôle
qu’elle joue dans une société où la force et la guerre sont tenues en haute
estime par la majeure partie du groupe dominant. Dans ce cadre, toute
violence, aussi brutale puisse-t-elle nous paraître, n’est pas irrationnelle,
mais participe dans une certaine mesure au système de régulation sociale et
relève de codes comportementaux partagés. Les clercs et les moines eux-
mêmes en font usage lorsqu’ils s’efforcent d’impliquer Dieu et ses saints
dans les conflits à grands coups de malédictions solennelles ou
d’« humiliations de reliques » destinées à exercer une forte pression
psychologique sur leurs adversaires. L’approche anthropologique conduit
ainsi à ne pas considérer les conflits seulement comme des facteurs de
dissolution du lien social et de désordre politique, mais comme des
mécanismes indispensables à la fabrique des solidarités et des hiérarchies.
Appliquée aux conflits des Xe, XIe et XIIe siècles, tels que nous les
rapportent chroniques et notices de plaid, une telle approche permet
d’expliquer les modalités des conflits et la raison de leur perpétuation sur
plusieurs années, voire plusieurs décennies. Au sein de l’aristocratie
notamment, le principal motif de reproduction des conflits est la pratique de
la faide. Il s’agit d’une forme de vengeance qui caractérise la société
féodale comme toute société de l’honneur et ne procède pas d’une pulsion
personnelle, mais obéit à un certain nombre de règles. Préserver son
honneur, respecter l’ethos de son groupe social, c’est-à-dire les règles
tacites qui gouvernent les comportements et permettent de conserver son
rang et sa renommée, exige de réparer l’affront subi (par soi-même, un
membre de sa parenté ou un obligé) par une action semblable, susceptible
d’entraîner à son tour une nouvelle réplique. La faide provoque ainsi
l’entrée dans un cycle de violence indéfini dont la rationalité tient moins au
conflit lui-même qu’aux valeurs et aux relations qu’il met en branle. Dans
ce cadre, il est souvent délicat pour l’historien de repérer le début ou la fin
d’un cycle de violences. Le conflit ne s’oppose pas vraiment à sa résolution.
Guerre et paix s’entrelacent dans une succession d’épreuves de force,
d’arbitrages, de compromis, diversifiant les modalités de règlement
temporaires (le plaid, le jugement de Dieu…) et reposant sur l’intervention
graduée de tiers (le prince, les pairs, l’Église…) pourvus de leurs propres
motivations. Sur un mode parodique, les multiples péripéties du procès de
Renart, suite à la « clameur » (c’est-à-dire la plainte) d’Ysengrin et de dame
Hersent, racontées par un clerc du nord de la France dans le Roman de
Renart, en fournissent un précieux témoignage.
En mettant en lumière les mécanismes du conflit, l’anthropologie
juridique a révélé l’insertion de la conflictualité au cœur de la société.
Chaque moment du conflit, qu’il soit violent ou non, donne aux
protagonistes l’occasion de mobiliser leurs clientèles et de resserrer les liens
de solidarités qui les unissent. Un conflit apparaît comme le meilleur moyen
de regrouper parents, alliés et fidèles et la meilleure occasion d’exhiber les
valeurs guerrières du groupe dominant, valeurs de la force, du courage et de
l’amitié. À l’échelle locale ou régionale, le conflit permet aussi de
manifester ou de recomposer les hiérarchies, de définir qui exerce l’autorité,
sur qui et dans quel périmètre. C’est l’occasion pour les puissants d’évaluer
l’aide et le conseil, aussi bien militaires que pécuniaires ou diplomatiques,
qui donnent chair aux liens de fidélité au sein de l’aristocratie. Par ailleurs,
la plupart des conflits mettent au jour les deux fondements de la domination
aristocratique. La quasi-totalité d’entre eux portent en effet sur deux objets :
la terre, la seigneurie ou le château d’une part, les femmes d’autre part. En
définitive, à la lumière de l’anthropologie, les guerres féodales, que l’on
peut aussi dire vicinales ou bien « faidales », cessent d’être des guerres
« privées », à la fois symptômes et facteurs de la crise des pouvoirs
« publics » royaux ou princiers, pour devenir une composante essentielle
d’un système social et politique au sein duquel elles œuvrent à conforter la
domination des guerriers sur l’ensemble de la société.
L’économie du don
V .
IV. A ,
T ’ C III ( 1130).
L’art roman a-t-il existé ?
V M .
En 1120, selon le récit des Actes des évêques du Mans, l’évêque Hildebert de
Lavardin procéda à la rénovation du chœur de la cathédrale du Mans, dont la
reconstruction avait débuté dans le dernier tiers du XIe siècle. Ce vitrail, qui
représente l’Ascension du Christ (ici trois disciples regardent le Christ s’élever), fut
très certainement réalisé à cette occasion. Il s’agit du plus ancien vitrail français
conservé in situ.
L B .F ’ S -S -
-G (V ), . 1100.
On remarquera quelques traits réalistes renvoyant aux chantiers des XIe–XIIe siècles :
l’engin de levage à gauche, l’utilisation de pierres taillées, que l’ouvrier en haut de la
tour doit ajuster avec son équerre. La proximité formelle entre la tour de Babel et les
tours aristocratiques constitue par ailleurs une discrète critique de l’arrogance
seigneuriale.
C ’ F (S -B - -L ).
L ’ S -F C ( 1125-1135).
Ce célèbre tympan a pour sujet le Jugement dernier. Sur la croix figure une citation de
la petite apocalypse de l’Évangile de Matthieu : « Ce signe de la croix sera dans le ciel
lorsque le Seigneur viendra juger » (Matthieu 24, 30), et le nimbe crucifère du Christ
porte l’inscription « Roi et juge » (rex et judex). En haut, de part et d’autre de la croix,
les anges de l’Apocalypse sonnent de leurs trompettes pour annoncer la Résurrection
des corps, représentée dans un écoinçon sous la procession des élus du registre
médian (des hommes sortent de leurs cercueils). L’ensemble du tympan apparaît
structuré par un axe vertical constitué par la croix et le Christ juge, qui distingue les
damnés, à sa gauche (à droite sur la photographie), des élus, à sa droite (à gauche sur
la photographie), et par un étagement horizontal en trois registres, soulignés par de
larges bandes couvertes d’inscriptions. Au centre, au-dessous de la croix portée par les
anges, figure donc le Christ en gloire, dans une mandorle frangée de nuées et
constellée d’étoiles (on remarque des traces de peinture bleue : à l’origine, l’ensemble
du tympan était peint). Il baisse sa main gauche en signe de condamnation des
réprouvés, destinés à l’enfer, et lève sa main droite en signe de salut pour les élus. À
sa gauche, quatre anges représentent la foi, l’espérance, la charité et l’humilité.
L’enfer occupe le reste du registre médian (à droite) et la moitié du registre inférieur.
Les damnés y sont enfournés dans la gueule du Léviathan, ce monstre mi-serpent mi-
poisson, situé au milieu du registre inférieur. Au centre de l’enfer, au milieu des
supplices, trône Satan, au corps monstrueux, mi bête-mi homme. L’espace occupé par
les élus est plus important. Au registre médian figure le cortège des élus, ouvert par la
Vierge et par saint Pierre (il tient la clé du Paradis), suivi de l’ermite Dadon (considéré
comme le fondateur de l’abbaye), d’un abbé, d’un roi, de moines et de fidèles. Au
registre inférieur, le Paradis revêt l’allure d’une église (la Jérusalem céleste) et du
Sein d’Abraham. Ce dernier domine la scène et fait contrepoint à Satan : à sa droite,
les martyrs portent la palme et la coupe, les saintes femmes tiennent chacune une fiole
de parfums et les vierges sages portent leur lampe allumée d’une main et soutiennent
de l’autre le livre ouvert (Matthieu 25, 1-13). Dans un écoinçon placé entre le cortège
des élus et la Jérusalem céleste, est représentée sainte Foy, prosternée devant la main
de Dieu. Elle est dans son église, comme l’attestent les ex-voto suspendus entre les
arcades (des fers, car sainte Foy délivre les prisonniers) et l’autel où se dresse un
calice. Au-delà de l’évocation de la fin des temps, le tympan de Conques met donc
l’accent sur la nécessaire médiation ecclésiale, qui, à travers les sacrements
(l’eucharistie), le culte des saints et les pèlerinages (en l’occurrence celui de Sainte-
Foy), enfin le respect des autorités (l’abbé et le roi), doit permettre à tout fidèle de
faire son salut.
La reconstruction de la cathédrale de
Cambrai (vers 1023-1030)
F ’ S -D ( 1137-1140).
Repères chronologiques
Généalogies
Glossaire
Bibliographie
Références iconographiques
Crédits photographiques
R
877 → Mort de Charles le Chauve
879 → Mort de Louis le Bègue : Louis III et Carloman rois
879 → Boson élu et couronné roi à Mantaille près de Vienne
881 → Charles III le Gros, roi de Germanie, couronné empereur
882 → Mort de Louis III Mort d’Hincmar, archevêque de Reims
Eudes, comte de Paris
884 → Mort de Carloman
885 → Assemblée de Ponthion : Charles III le Gros proclamé roi de
Francie occidentale
885-886 → Siège de Paris par les Normands
887 → Déposition de Charles III le Gros par Arnulf de Carinthie, qui
devient roi de Germanie
888 → Mort de Charles III le Gros Eudes élu et sacré roi de Francie
Rodolphe roi de Bourgogne Victoire d’Eudes sur les Normands à
Montfaucon
890 → Louis, fils de Boson, sacré roi de Provence à Valence
vers 890 → Les Sarrasins installent une base au Freinet, en Provence.
893 → Charles le Simple couronné et sacré roi de Francie à Reims
896 → Installation des Normands à l’embouchure de la Seine Arnulf,
roi de Germanie, couronné empereur
898 → Mort d’Eudes, Charles le Simple lui succède Guillaume le
Pieux, comte d’Auvergne, s’intitule duc d’Aquitaine Raids normands en
Bourgogne
901 → Louis, roi de Provence, couronné empereur
905 → Louis, aveuglé, se retire à Vienne. Gouvernement d’Hugues
d’Arles sur la Provence
909 → Fondation de l’abbaye de Cluny par Guillaume le Pieux et son
épouse Engelberge Concile de Trosly
911 → Accord de Saint-Clair-sur-Epte entre Charles le Simple et le
chef normand Rollon. Les grands de Lotharingie se soumettent à Charles le
Simple Raids hongrois en Lotharingie
914 → Gérard fonde la communauté de Brogne
918 → Mort de Guillaume le Pieux
Vers 918-921 → Richard le Justicier duc de Bourgogne
919 → Henri Ier roi de Germanie. Fin des Carolingiens dans l’ancien
royaume de l’est Raimond Pons marquis de Gothie
919-920 → Attaques normandes en Bretagne
922 → Déposition de Charles le Simple. Robert de Neustrie élu et
sacré roi de Francie
923 → Mort de Robert. Raoul, duc de Bourgogne, élu et sacré roi de
Francie Hugues le Grand duc des Francs
924 → Raid hongrois dans la vallée du Rhône et jusqu’en Provence
926 → Hugues d’Arles roi d’Italie
927 → Odon abbé de Cluny Guillaume Longue Épée succède à Rollon
comme comte de Rouen
931 → Exil d’Alain Barbetorte de Bretagne en Angleterre.
936 → Otton Ier roi de Germanie Mort du roi Raoul. Louis IV sacré roi
de Francie à Laon Retour d’Alain Barbetorte en Bretagne Réforme de
l’abbaye de Fleury par Odon de Cluny
938 → Raid hongrois en Lotharingie et dans l’est de la Francie
942 → Assassinat de Guillaume Longue Épée par le comte de Flandre
Traité de Visé : Louis IV renonce définitivement à la Lotharingie
Vers 942-943 → Conrad, roi de Bourgogne, annexe le royaume de
Provence avec l’appui d’Otton Ier
946 → Flodoard († 966) commence à écrire son Histoire de l’Église de
Reims et des Annales.
948 → Mort d’Hugues d’Arles
951 → Otton Ier roi d’Italie
953 → Brunon, archevêque de Cologne, duc de Lotharingie Dernier
raid hongrois en Lotharingie (Cambrai)
954 → Mort du roi Louis IV. Lothaire sacré roi à Reims Maïeul abbé
de Cluny
956 → Mort d’Hugues le Grand
959 → Jean de Vandières abbé de Gorze Division de la Lotharingie en
Haute et Basse-Lotharingie
960 → Hugues Capet confirmé dans les honneurs de son père par le roi
Lottaire
962 → Otton Ier empereur Brunon, archevêque de Cologne, régent en
Francie occidentale
966 → Réforme de l’abbaye Saint-Aubin d’Angers
969 → Adalbéron, archevêque de Reims
972 → Gerbert d’Aurillac devient écolâtre de Reims Expulsion des
Sarrasins du Freinet par le comte Guillaume d’Arles et le marquis de Turin
973 → Mort d’Otton Ier
977 → Charles, frère de Lothaire, devient duc de Basse-Lotharingie
Refondation de l’abbaye Saint-Victor de Marseille
978/980 → Premier concile de la paix de Dieu à Laprade, près du Puy
981 → Consécration de l’abbatiale Cluny II
982 → Notger évêque de Liège
Avant 985 → Restauration de l’abbaye de Marmoutier en Touraine
985 → Sac de Barcelone par al-Mansour. Borrell, comte de Barcelone,
fait appel au roi de Francie
986 → Mort de Lothaire. Louis V roi de Francie
987 → Mort de Louis V. Hugues Capet élu et sacré roi de Francie
Robert, son fils, est sacré à Orléans et associé à la royauté
988 → Abbon abbé de Fleury
990 → Réforme de Saint-Bénigne de Dijon par Guillaume de Volpiano
Vers 990-1015 → Gestes des premiers ducs de Normandie de Dudon
de Saint-Quentin
Vers 991-998 → Histoires de Richer de Reims
994 → Odilon abbé de Cluny
996 → Mort d’Hugues Capet. Robert II le Pieux roi de Francie
997 → Fleury reçoit un privilège d’exemption du pape Grégoire V
998 → Cluny reçoit un privilège identique
999 → Gerbert d’Aurillac devient le pape Sylvestre II
999-1017 → Arrivée des premiers Normands en Italie du Sud
Vers 1010-1014 → Livre des miracles de sainte Foy de Bernard
d’Angers
1016 → Robert II le Pieux s’empare du duché de Bourgogne et le
confie à son fils Henri
Entre 1016 et 1047 → Histoires de Raoul Glaber
1018 → Dernier raid normand en Poitou
1019-1020 → Pèlerinage de Robert II le Pieux dans le Midi
1022 → Condamnation des hérétiques d’Orléans
1024 → Le privilège d’exemption de Cluny est étendu à toutes ses
dépendances
1026-1029 → Chronique d’Adhémar de Chabannes
1027 → Son fils aîné étant décédé, Robert II le Pieux fait sacrer son
second fils Henri Concile d’Elne-Toulouges : première proclamation de la
trêve de Dieu
Peu avant 1030 → Poème au roi Robert d’Adalbéron de Laon
1031 → Mort de Robert II le Pieux. Henri Ier roi de Francie
1032 → Annexion du royaume de Bourgogne à l’Empire
1035 → Guillaume duc de Normandie
Vers 1031-1040 → Vie du roi Robert d’Helgaud de Fleury
1039 → Débuts de la communauté canoniale de Saint-Ruf
1049 → Mariage d’Henri Ier avec Anne de Kiev Brunon, évêque de
Toul, devient le pape Léon IX Hugues de Semur abbé de Cluny
Vers 1050 → Premières mises par écrit de textes en langue
vernaculaire (Chanson de sainte Foy d’Agen, Vie de saint Alexis)
1050-1079 → Controverse eucharistique suscitée par Bérenger de
Tours
1060 → Mort d’Henri Ier. Philippe Ier roi de Francie
Vers 1060-1090 → Abbatiale de Conques
1064 → Prise de Barbastro, en Espagne, à laquelle participent des
combattants francs
1066 → Conquête de l’Angleterre par Guillaume de Normandie qui en
devient roi.
1068 → Acquisition du Gâtinais par le roi Philippe Ier
vers 1068-1070 → Conflit du mouton et du lin de Winric de Trèves
1070 → Lanfranc du Bec archevêque de Cantorbéry
Vers 1070-1080 → Première commune septentrionale : Saint-Omer
1071 → Guillaume IX duc d’Aquitaine
1073 → Grégoire VII pape
1074 → Fondation de Grandmont par Étienne de Muret
1075 → Fondation de Molesme par Robert Dictatus papae de Grégoire
VII Hugues de Die et Amat d’Oloron légats de Grégoire VII
1077 → Acquisition du Vexin français par le roi Philippe Ier
1084 → Fondation de la Chartreuse par Bruno de Cologne
1087 → Mort de Guillaume le Conquérant. Robert Courteheuse duc de
Normandie, Guillaume le Roux roi d’Angleterre.
1088 → Eudes de Châtillon, ancien grand prieur de Cluny, devient le
pape Urbain II
1090 → Yves évêque de Chartres
Vers 1090-1117 → Enseignement d’Anselme à l’école cathédrale de
Laon
1092 → Philippe Ier répudie la reine Berthe et épouse Bertrade de
Montfort
1093 → Anselme du Bec archevêque de Cantorbéry
1095 → Voyage du pape Urbain II en Gaule Concile de Clermont :
excommunication de Philippe Ier et prédication de la première croisade par
le pape Urbain II
1098 → Fondation de Cîteaux
Vers 1098-1100 → Chanson de Roland
1099 → Prise de Jérusalem. Godefroid de Bouillon, duc de Basse
Lotharingie, « avoué du Saint-Sépulcre » Étienne Harding abbé de Cîteaux
1100 → Mort de Guillaume le Roux. Henri Ier Beauclerc devient roi
d’Angleterre
Vers 1100 → Abbatiale Saint-Sernin de Toulouse
1101 → Fondation de Fontevraud par Robert d’Arbrissel Acquisition
de la vicomté de Bourges par Philippe Ier
Vers 1102-1104 → Traité sur la puissance royale et la dignité
épiscopale d’Hugues de Fleury
1106 → Bataille de Tinchebray : Henri Ier Beauclerc, roi d’Angleterre,
s’empare du duché de Normandie. Mort de Rashi, maître de l’école
talmudique de Troyes
1108 → Mort de Philippe Ier. Louis VI le Gros roi de France
Vers 1108-1113 → Fondation de Saint-Victor de Paris par Guillaume
de Champeaux et Louis VI
1109-1135 → Long conflit entre le roi d’Angleterre et le roi de France
Vers 1110-1116 → Commune de Laon
Vers 1110-1120 → Roman d’Alexandre d’Albéric de Pisançon
1112 → Bernard de Fontaine entre comme moine à Cîteaux Fondation
de Savigny par Vital de Mortain
Vers 1112-1130 → Division de la Provence en trois comtés. Début de
la grande rivalité entre les comtes de Barcelone et les comtes de Toulouse
pour l’hégémonie sur le Midi
1113 → Fondation de l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem
Vers 1114-1117 → Autobiographie de Guibert de Nogent
1115 → Fondation de Clairvaux, dont Bernard de Fontaine devient
l’abbé
Vers 1116-1118 → Prédication du moine Henri au Mans
1119 → Naufrage de la Blanche Nef : mort du fils et héritier d’Henri
er
I Beauclerc Charte de charité de l’ordre de Cîteaux Gui de Vienne devient
le pape Calixte II
Vers 1119-1120 → Mort de Pierre de Bruys sur un bûcher à Saint-
Gilles
1119-1124 → Bernard écolâtre de la cathédrale de Chartres
1120 → Fondation de Prémontré par Norbert de Xanten
Vers 1120-1140 → Diffusion de l’enseignement du droit dans les cités
du Midi méditerranéen
1121 → Première occurrence du titre de « roi de France » dans une
lettre de Louis VI Concile de Soissons : condamnation de Pierre Abélard
1122 → Concordat de Worms : fin de la Querelle des Investitures
Pierre le Vénérable abbé de Cluny Suger abbé de Saint-Denis
1123 → Concile œcuménique de Latran I
Vers 1123-1141 → Histoire ecclésiastique d’Orderic Vital
1124 → Brève campagne de l’empereur Henri V contre Louis VI
1125 → Thibaud IV réunit les comtés de Blois-Chartres et de
Champagne
Vers 1125-1130 → Tympan de l’abbatiale de Vézelay
1126-1142 → Gilbert de la Porée écolâtre de la cathédrale de Chartres
1127 → Assassinat de Charles le Bon, comte de Flandre Première
attestation de la présence de marchands lombards en Flandre (Ypres)
1128 → Échec de Guillaume Cliton dans la guerre de succession de
Flandre. Thierry d’Alsace comte de Flandre Mariage de Mathilde, fille
d’Henri Ier Beauclerc, et de Geoffroy Plantagenêt, comte d’Anjou et du
Maine
1129 → Approbation par la papauté de l’ordre du Temple créé en 1120
par Hugues de Payns
1129 ? → Premier consulat méridional : Avignon
1130 → Achèvement de l’abbatiale de Cluny III
Vers 1130-1140 → Façade et chœur de l’abbatiale de Saint-Denis
Premier essor des foires de Champagne Didascalion d’Hugues de Saint-
Victor
1131 → Sacre de Louis le Jeune, associé à la royauté, par le pape
Innocent II
Vers 1132-1140 → Sic et non de Pierre Abélard
1135 → Étienne de Blois roi d’Angleterre. Guerre civile anglaise entre
les partisans d’Étienne et ceux de Mathilde et Geoffroy Plantagenêt
1136 → Histoires des rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth
1137 → Mort de Louis VI. Louis VII, qui vient d’épouser Aliénor
d’Aquitaine, roi de France. Le comte de Barcelone et de Provence devient
roi d’Aragon.
Vers 1137-1144 → Vie de Louis VI de Suger
1139 → Concile œcuménique de Latran II
Vers 1139-1140 → Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, compose son
traité Contre les Pétrobrusiens
Vers 1139-1147 → Abbatiale cistercienne de Fontenay
1140 → Concile de Sens : nouvelle condamnation d’Abélard
Vers 1140 → Chanson de Guillaume
Vers 1140-1142 → Cathédrale de Sens
Vers 1140-1155 → Façade de la cathédrale de Chartres
Vers 1140-1160 → Décret de Gratien de Bologne
1142 → Mort de Pierre Abélard
1142 - peu après 1156 → Thierry écolâtre de la cathédrale de Chartres
Vers 1143-1149 → Première attestation de marchands lombards en
Provence (Arles)
1144 → Geoffroy Plantagenêt, comte d’Anjou et du Maine, s’empare
du duché de Normandie
1146 → Bernard de Clairvaux prêche la deuxième croisade à Vézelay
1147-1149 → Deuxième croisade menée par le roi Louis VII et
l’empereur Conrad III Suger régent du royaume au nom de Louis VII
1148 → Raimond V comte de Toulouse et marquis de Provence
Vers 1150 → Ysangrinus Rédaction définitive des Usages de
Barcelone
1152 → Avènement de Frédéric Ier Barberousse, roi de Germanie
Annulation du mariage entre Louis VII et Aliénor. Celle-ci se remarie avec
Henri II Plantagenêt Division de la principauté de Blois-Champagne. Henri
le Libéral comte de Champagne
1153 → Mort de Bernard de Clairvaux
1154 → Mort d’Étienne de Blois, roi d’Angleterre. Henri II
Plantagenêt devient roi d’Angleterre. Reprise du conflit entre le roi
d’Angleterre et le roi de France
1155 → Assemblée de Soissons : ordonnance de paix générale
promulguée par Louis VII Roman de Brut de Wace
Vers 1155-1158 → Sentences de Pierre Lombard
1156 → Frédéric Ier Barberousse empereur. Il épouse Béatrice,
héritière du comté de Bourgogne Geoffroy, frère d’Henri II Plantagenêt,
devient comte de Nantes
1157 → Diète de Besançon : Frédéric Ier s’oppose au représentant du
pape
1159 → Alexandre III pape Policraticus de Jean de Salisbury
1159-1177 → Schisme pontifical : Frédéric Ier oppose l’anti-pape
Victor IV à Alexandre III
1162 → Alphonse II roi d’Aragon et comte de Barcelone. Il devient
comte de Provence en 1167
1163 → Début de la construction de Notre-Dame de Paris
1163-1165 → Alexandre III en exil est accueilli par le roi Louis VII
1164 → Constitutions de Clarendon d’Henri II Plantagenêt Exil de
Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, en France (à l’abbaye de
Pontigny puis à Sens)
1164/1165 → Livre contre l’hérésie des cathares d’Eckbert de Schönau
1165 → Concile de Lombers : condamnation des hérétiques
Vers 1165-1189 → Lais de Marie de France
1166 → Philippe d’Alsace comte de Flandre
Vers 1166-1183/1184 → Enseignement de Placentin à Montpellier
Vers 1169-1171 → Établissements de Rouen
1170 → Retour de Thomas Becket en Angleterre. Il est assassiné dans
la cathédrale de Cantorbéry Érec et Énide de Chrétien de Troyes
Vers 1170 → Histoire des ducs de Normandie de Benoît de Sainte-
Maure
Vers 1170-1180 → Règles théologiques d’Alain de Lille
Vers 1172-1176 → Tristan du trouvère Thomas
1172 → Canonisation de Thomas Becket Plus ancienne attestation de
marchands lombards aux foires de Champagne
1173 → Pierre Valdo, marchand lyonnais, abandonne ses richesses
pour se consacrer à la pauvreté et à la prédication
1173-1174 → Révolte des fils d’Henri II Plantagenêt contre leur père
1174 → Canonisation de Bernard de Clairvaux
Vers 1175 → Début de la composition du Jardin des délices d’Herrade
de Landsberg
Vers 1175-1205 → Premières branches du Roman de Renart
Vers 1177-1180 → Lancelot ou Le chevalier à la Charrette de Chrétien
de Troyes
1178 → Frédéric Ier se fait couronner « roi d’Arles »
1179 → Concile œcuménique de Latran III Sacre de Philippe Auguste,
associé à la royauté
1180 → Mort de Louis VII. Philippe Auguste roi
Vers 1180 → Enseignement de Pierre le Chantre à l’école cathédrale
de Paris
1181/1182 → Expulsion des juifs du domaine royal capétien
1182 → Charte de Beaumont-en-Argonne concédée par l’archevêque
de Reims
1184 → Condamnation de Pierre Valdo et des Vaudois par le pape
1185 → Assise au comte Geoffroy, duc de Bretagne
1189 → Mort d’Henri II Plantagenêt
1190 → Mort de Frédéric Ier Barberousse
Vers 1190 → De l’amour d’André le Chapelain Fabliaux de Jean
d’Arras
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L B
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L B M
L P , ’A
L R , T
L P
L B
G
Acapte : dans les régions méridionales, droit que le tenancier doit
verser au seigneur pour entrer en possession d’une tenure.
Agnatique (filiation, lignée, parenté) : filiation en ligne masculine.
Agrier : équivalent méridional du champart.
Aide : devoir du vassal envers son seigneur. L’aide concerne en
général une aide matérielle ou pécuniaire. Au cours des XIe et XIIe siècles,
son versement est limité à trois puis quatre cas : la rançon du seigneur,
l’adoubement de son fils aîné, le mariage de sa fille aînée, le départ du
seigneur pour la croisade.
Albergue : équivalent méridional du droit de gîte.
Alleu : terre ou domaine tenu en pleine possession et libre de tout
droit, le plus souvent de manière héréditaire.
Alleutier : possesseur d’un alleu.
Anathème : malédiction prononcée par le pape, un concile ou un
évêque, qui implique l’excommunication mais lui est symboliquement
supérieure.
Apotropaïque : se dit d’un objet ou d’un rituel considéré comme
éloignant les forces du mal et protégeant contre elles.
Aprision : droit d’appropriation d’une terre en friche après trente
années d’exploitation, accordé aux réfugiés espagnols installés en
Septimanie et dans la Marche d’Espagne.
Avoué : laïc exerçant une avouerie ou héritier sur des domaines
ecclésiastiques des droits issus d’une avouerie.
Avouerie : ensemble de fonctions (judiciaires, fiscales et militaires
notamment) exercées par un laïc pour une institution ecclésiastique (en
général une abbaye) bénéficiaire d’une immunité accordée par le roi.
Ban : pouvoir d’ordonner, de contraindre et de punir.
Bayle, baile, bailli : personne ayant reçu délégation d’un pouvoir ;
agent au service d’un seigneur, d’un prince ou du roi.
Bénéfice, bienfait : terre tenue par un vassal d’un seigneur, en échange
de la prestation d’un serment (éventuellement d’un hommage) et d’un
ensemble de services, en particulier d’ordre militaire.
Blé vêtu : épeautre ou engrain (petit-épeautre).
Botage, bouteillage : redevance seigneuriale perçue sur la vente du
vin.
Capitulaire : diplôme royal ou impérial divisé en chapitres (capitula)
à portée réglementaire ou législative.
Cartulaire : recueil de copies de chartes.
Cavalcade : équivalent méridional de chevauchée.
Celle : dépendance d’une abbaye, prieuré.
Cens : redevance seigneuriale fixe et perpétuelle, valant
reconnaissance du droit seigneurial, due par une tenure. Elle pouvait être
versée en nature, en espèce ou de façon mixte.
Censive : parcelle tenue contre le versement d’un cens. Par extension,
ensemble des tenures, distingué de la réserve conservée par le seigneur pour
son propre usage.
Champart : redevance seigneuriale en nature, proportionnelle à la
récolte, dont le montant varie entre le tiers et le onzième.
Chanoine : prêtre ou clerc faisant partie d’un chapitre cathédral ou
collégial.
Chanoine cardinal : titre porté par certains chanoines desservants des
paroisses urbaines, sur le modèle de la Rome du VIIIe siècle.
Chapitre, collège canonial : communauté de chanoines.
Chapitre cathédral : communauté de chanoines attachée à une
cathédrale.
Chaser : installer un paysan sur une tenure ou investir un vassal de son
bénéfice ou fief.
Chasement : tenure, bénéfice ou fief.
Chevage : redevance perçue sur les serfs, recognitive de leur
servitude.
Chevauchée : expédition militaire ; redevance seigneuriale levée pour
financer les expéditions militaires.
Circateur : inspecteur dans l’ordre de Prémontré.
Cité : siège d’un évêché.
Cognatique (filiation, lignée, parenté) : filiation en ligne masculine
et féminine.
Collateur : maître de l’investiture d’une église ou d’un bénéfice
ecclésiastique.
Comitatus : charge comtale, ensemble des droits et domaines associés
à une charge comtale.
Commendise : redevance levée en vertu de la protection militaire
accordée par le seigneur.
Commise : confiscation du fief par le seigneur.
Complant : contrat par lequel un seigneur remet une terre à un paysan
qui s’engage à la planter (le plus souvent en vignes) moyennant une part de
la récolte ou de la terre (en général la moitié).
Condamine : parcelle seigneuriale de vaste superficie.
Conduit : protection ou service d’escorte assuré par un seigneur ou un
prince aux marchands sur certains itinéraires.
Corvée : redevance en travail exigée des paysans par les seigneurs.
Courtil : parcelle de jardin.
Coutumier : recueil de coutumes ; dans les communautés
monastiques, vient compléter et préciser la règle.
Couture : équivalent de condamine.
Déchant : style vocal polyphonique qui consiste en l’ajout d’un
contre-chant non pas au-dessous du plain-chant (organum primitif), mais
au-dessus.
Décimaire, dîmaire : circonscription de levée de la dîme.
Dédition : soumission volontaire.
Défens : espace réservé au seigneur, en particulier pour la chasse, la
pêche et la collecte du bois.
Déguerpissement : abandon de sa tenure par un tenancier, en
particulier un serf.
Denier : monnaie réelle et unité monétaire de référence (depuis
l’époque carolingienne) en argent. Le denier se divise en deux oboles et
quatre sous-oboles.
Dépouille (droit de) : droit de s’emparer des biens d’un évêque
défunt.
Douaire : dotation que le mari fournit à son épouse.
Écolâtre : chanoine responsable de l’enseignement dans un chapitre.
Écuage : taxe due par les vassaux en remplacement de leur service
militaire.
Emphytéose, emphytéotique : terme de droit romain utilisé pour
désigner un bail par lequel un seigneur cède une tenure pour une très longue
période (jusqu’à 99 ans).
Episcopatus : à la fois la charge épiscopale et les droits et revenus qui
lui sont liés ; désigne aussi parfois le diocèse.
Estage : période durant laquelle le fidèle ou vassal tient garnison dans
le château du seigneur.
Excommunication : sanction ecclésiastique qui exclut de la
communion des fidèles, c’est-à-dire concrètement des sacrements, de
l’accès aux églises et de l’inhumation en terre chrétienne.
Exemption : privilège exemptant une communauté ecclésiastique de la
juridiction épiscopale.
Faide : vengeance familiale appelée par un crime d’honneur (meurtre,
enlèvement, incendie…).
Ferrage, ferragine : dans le Midi, parcelle bien irriguée consacrée en
général aux légumineuses.
Fief : terme qui se substitue à bénéfice et bienfait dans le courant du
e
XI siècle pour désigner la terre ou la seigneurie tenue d’un seigneur par le
vassal.
Fisc : trésor ou domaine du roi.
Gîte : obligation de nourrir le seigneur et sa suite lors de leurs
déplacements ; redevance se substituant à cette obligation.
Hommage : rituel de soumission et de reconnaissance du seigneur par
le vassal. Le terme renvoie à l’ensemble de la cérémonie (hommage
proprement dit, serment, baiser) ou à une partie seulement (la dédition de
soi, à genoux, les mains jointes dans celles du seigneur).
Honneur : charge publique (charge de comte ou d’évêque
notamment) ; seigneurie, domaine seigneurial.
Hostise, hôtise : tenure paysanne proposée à des hôtes et bénéficiant
d’un régime seigneurial favorable.
Hôtes : colons venus de l’extérieur de la seigneurie ou de la région
participer au peuplement, au défrichement et à l’exploitation de nouveaux
terroirs.
Hypergamique (alliance) : union avec un conjoint d’un rang
supérieur.
Hypogamique (alliance) : union avec un conjoint d’un rang inférieur.
Immunité : privilège royal soustrayant une institution et ses domaines
à l’action des agents royaux (en termes de justice, de levée de l’impôt, de
levée de l’armée).
Indiction : période de quinze ans correspondant, à l’époque romaine, à
l’intervalle séparant deux révisions de l’impôt foncier, utilisée, à l’époque
médiévale, pour dater les documents.
Indulgence : remise de la peine temporelle à accomplir dans l’au-delà
par les pécheurs pardonnés (l’indulgence est une remise de peine non un
pardon de la faute).
Inféodation : concession en fief.
Interdit : sanction ecclésiastique interdisant la célébration des offices
et la pratique des sacrements à toute une communauté (ville, principauté,
royaume).
Investiture : installation dans une charge, un bien ou une fonction.
L’investiture laïque désigne l’investiture d’une charge ecclésiastique (siège
épiscopal, fonction abbatiale, simple cure) par un laïc.
Lauzime, lods et ventes : taxe de mutation, perçue lors de tout
transfert d’une tenure entre vifs (échange, vente).
Légat : représentant du pape doté par délégation de pouvoirs très
étendus.
Lesde (ou droit de) : taxe seigneuriale sur la vente de marchandises
dans les marchés ou les foires.
Ligesse : lien de fidélité prioritaire, qui se manifeste par la prestation
d’un hommage-lige.
Lignée avunculaire : succession d’oncle à neveu.
Livre : unité de poids et monnaie de compte équivalent à 20 sous ou
240 deniers.
Mainmorte (biens de) : désigne les biens dont un usager, en général
un serf, ne peut disposer librement.
Mandement : équivalent de ban dans certaines régions méridionales ;
peut aussi désigner l’aire spatiale où s’exerce un pouvoir châtelain.
Maître : grade universitaire suprême en Arts.
Manse : tenure paysanne associant maison, jardin, verger et terres
cultivées.
Marabotin : monnaie d’or d’origine musulmane (dinar).
Marc : mesure de poids utilisée pour les métaux précieux. Le marc le
plus utilisé en France pesait 245 gr.
Masade : petite unité d’habitat dans certaines régions méridionales.
Melioratio : règle successorale accordant un avantage partiel à l’aîné.
Mense : ensemble domanial (de mensa, la table, ce qui sert à nourrir).
Dans certaines abbayes (notamment celles dirigées par un abbé laïque) on
distingue la mense abbatiale de la mense conventuelle, dans les évêchés, la
mense épiscopale de la mense canoniale (elle-même souvent divisée en
prébendes canoniales).
Mesnie : maisonnée, ensemble de la familia et des plus proches fidèles
d’un seigneur.
Ministérial : agent seigneurial.
Missi dominici : « envoyés du maître ». À l’époque carolingienne,
agents du roi envoyés en tournées d’inspection dans les comtés.
Monétaire : ministérial en charge d’un atelier monétaire.
Montre : revue (s’utilise notamment pour les fiefs).
Nécrologe : livre liturgique recensant, dans l’ordre du calendrier, les
noms des bienfaiteurs d’une institution ecclésiastique pour lesquels les
membres de celle-ci s’engagent à prier ou célébrer des offices particuliers.
Nicolaïsme : terme qui renvoie aux partisans du diacre Nicolas,
dénoncés dans le livre de l’Apocalypse (2, 6), et qui stigmatise l’ensemble
des pratiques contraires au célibat ecclésiastique. Il vise donc avant tout les
clercs qui ont pris femme ou vivent en concubinage.
Novale (dîme) : dîme nouvelle, pesant en général sur des terres
nouvellement mises en culture.
Obituaire : voir nécrologe.
Oblat : jeune enfant offert par ses parents à une communauté
religieuse.
Oblation : offrande.
Ordalie : épreuve physique (par le feu, l’eau ou le duel) manifestant le
jugement de Dieu et servant de preuve dans les procédures judiciaires.
Organum : forme primitive de la polyphonie qui consiste en l’ajout
d’une seconde voix au-dessous du plain-chant.
Ost : armée ou expédition militaire ; service militaire dû par le fidèle à
son seigneur ; redevance seigneuriale destinée à financer la guerre et les
activités militaires du seigneur et de ses fidèles.
Ouche : parcelle enclose (jardin ou verger) de l’ouest et du nord de la
France.
Pagus (pays) : à l’époque carolingienne, unité territoriale au sein de
laquelle siège un comte.
Pariage : contrat entre deux seigneurs pour la gestion d’une
seigneurie, l’organisation d’un défrichement ou la création d’un village
neuf.
Pariers, parsonniers : coseigneurs ayant part à la même seigneurie.
Plaid : assemblée politique ou judiciaire.
Plaid (service de) : devoir du fidèle ou du vassal de participer aux
plaids seigneuriaux.
Plaid (droit de) : redevance seigneuriale levée pour l’exercice de la
justice.
Plain-chant : chant a capella monodique et modal utilisé dans la
liturgie occidentale depuis les VIIe-VIIIe siècles.
Prébende : revenu attaché à un bénéfice ecclésiastique, en particulier
un canonicat.
Précaire : concession d’une terre par une institution ecclésiastique en
échange d’un cens modique recognitif de seigneurie.
Prévôt : agent domanial (sorte d’intendant) ; chanoine placé à la tête
du chapitre cathédral.
Quarton : redevance seigneuriale en nature correspondant au quart des
récoltes.
Queste : équivalent méridional de la taille.
Régaires : droits temporels associés à un évêché.
Régale : droit du souverain de percevoir les revenus des évêchés et de
nommer aux bénéfices durant les périodes de vacance épiscopale.
Relief (droit de) : redevance versée au seigneur à l’occasion de la
transmission héréditaire d’un fief.
Sauveté : village neuf et seigneurie d’Église bénéficiant d’un statut
protégé particulier.
Sauvement : équivalent de commendise ; peut aussi avoir un sens
territorial équivalant alors à mandement.
Simonie : terme qui renvoie au péché commis par Simon le Mage dans
les Actes des Apôtres (8, 20) et par lequel sont condamnées l’ensemble des
pratiques considérées comme illégitimes pour accéder aux fonctions
ecclésiastiques, exercer des prérogatives sacramentelles ou détenir des biens
ecclésiastiques.
Solidantia : équivalent méridional de la ligesse.
Sou : monnaie de compte équivalant à 12 deniers.
Souscription : sorte de signature portée au bas d’une charte ou d’un
diplôme (croix, nom).
Tabellion : scribe spécialisé dépourvu de l’autorité nécessaire pour
authentifier les actes.
Taille : redevance seigneuriale levée à la volonté du seigneur (taille à
merci) ou versée de manière régulière et codifiée (taille abonnée).
Tasque : équivalent méridional du champart.
Tenure : exploitation tenue par un paysan, appelé le tenancier, de son
seigneur, en échange d’un certain nombre de redevances en nature, en
espèces et en travail.
Terrage : équivalent du champart ou de l’agrier dans l’ouest de la
France.
Tolte : équivalent méridional de la taille.
Tonlieu : droit de péage levé sur la circulation des marchandises.
Trève : en Bretagne, église ou chapelle dépourvue du titre de paroisse
mais desservant une petite communauté rurale.
Tropaire-prosaire : livre liturgique contenant les tropes (parties
chantées) et les proses (parties récitées) nécessaires à la célébration d’un
office.
Vassal : fidèle d’un seigneur, tenant de lui un bénéfice ou un fief en
échange d’un serment, de l’hommage et d’un certain nombre de services.
Vavasseur : vassal d’un vassal.
Vidame : délégué d’un évêque ou d’un abbé chargé d’administrer ses
biens.
Viguerie : sous-ensemble du pagus où était exercée la justice locale à
l’époque carolingienne ; par extension, droit de justice.
Viguier : agent seigneurial ou princier chargé de rendre la justice.
Vindicatoire (logique ou système) : pratique de la vengeance
immédiate de la part des individus ou des groupes victimes de violence, en
dehors de tout recours à une instance arbitrale institutionnelle.
Wionage : équivalent septentrional du conduit.
B
À quelques exceptions près, cette bibliographie privilégie
volontairement les publications récentes, parues depuis le milieu des années
1980.
B
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Armes vikings, épées et hache
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La Constellation d’Argo
Manuscrit anglo-saxon illustrant le Poème des constellations d’Aratus.
Saint Martin partageant son manteau
Tours, Bibliothèque municipale, ms. 1018, f° 9 v.
L’église de Vignory (Haute-Marne)
Reconstitution du palais de Mayenne (Mayenne)
Musée du Château de Mayenne : reconstitution de R. Early.
Façade ouest de l’aula de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire)
La forteresse de Langeais (Indre-et-Loire)
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Le donjon résidentiel de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir)
Maquette de la motte castrale de Douai (Nord)
Communauté d’Agglomération du Douaisis, Direction
de l’Archéologie.
La motte castrale de Dinan d’après la broderie de Bayeux
Bayeux, musée de la Tapisserie.
Un denier de Charles le Simple (atelier de Toul)
BnF, monnaie carolingienne 139, vers 911-922, droit et revers.
Scènes de la vie de saint Remi
Amiens, collection du musée de Picardie, ivoire ornant un plat de
reliure (inv. N° MP. 992. 4.5), vers 880 à Reims.
Épée du sacre des rois de France : Joyeuse ou épée de
Charlemagne.
Paris, musée du Louvre.
L’empereur Otton II recevant l’hommage des nations
Chantilly, musée Condé, ms. 14bis, fol. détaché.
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L’église Saint-Pierre de Jumièges
Une image des relations entre moines et grands laïcs :
cartulaire du Mont Saint-Michel : donation du comte Robert de Torigni
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La commémoration des défunts :
Page du nécrologe de l’abbaye de Marcigny-sur-Loire
BnF, nouv. acq. lat. 348, fol. 134v.
Une donation d’Henri Ier
Londres, British Library, ms. Add. 11662, fol. 4r, Chronique de Saint
Martin des Champs.
Une oblation d’enfant
Troyes, bibliothèque municipale, ms. 103, fol. 68.
La « Majesté » de Clermont
Clermont-Ferrand, bibliothèque municipale, ms. 145, fol. 130.
La statue-reliquaire de sainte Foy
Conques, Trésor de l’abbatiale Sainte-Foy.
Le serment d’Harold
Bayeux, musée de la Tapisserie.
La tour-porche de Fleury : l’entrée de la Jérusalem céleste
Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire.
La rotonde Sainte-Marie de l’abbaye Saint-Bénigne de Dijon-141
Dessin : BnF, Urbain Plancher, Histoire générale et particulière de
Bourgogne, 1739.
Une sombre vision de la femme : une tentation de saint Benoît.
Vézelay, basilique Sainte-Madeleine, XIIe siècle.
Liturgie et musique : tropaire de Saint-Martial de Limoges
BnF, ms. lat. 1118, f° 112 v.
Inventaire du trésor et des livres de la cathédrale de Clermont
(vers 985-1010)
Clermont-Ferrand, Archives départementales du Puy-de-Dôme (3 G,
armoire 18, sac A, cote 6).
Une scène de dictée
Orléans, bibliothèque municipale, ms. 46, f° 1. Commentaire sur les
psaumes de saint Augustin.
La mappemonde de Fleury
Berlin, Staatsbibliothek, ms. Phill. 1833, fol. 39 v.
C III
Chevaliers du XIe siècle
BnF, ms. lat. 5, t. III, f. 145 v., Bible de Roda.
Matériel d’équitation : éperons, fers, mors à double bride,
pommeau
Grenoble, musée dauphinois. Site de Colletière (Charavines, Isère).
Le clocher de l’église de Chapaize (Saône-et-Loire)
Restitution d’un four domestique de Simandres (Rhône)
Dessin de A. Urgal, extrait du DARA n° 21 : « L’habitat rural du Ve au
XIIe siècle » par E. Faure-Boucharlat (« Vivre à la campagne au Moyen
Age »). Association lyonnaise pour la promotion de l’archéologie en
Rhône-Alpes (ALPARA), 2001
Maquette des maisons rurales du début du XIe siècle : site de
Colletière
Musée du lac de Paladru (Charavines, Isère).
Outils textiles : fuseaux et peigne à carder
Grenoble, musée dauphinois. Site de Colletière (Charavines, Isère).
Métiers à tisser
Marle, musée des Temps barbares (Aisne).
Outils de défrichement : hache et émondoir
Grenoble, musée dauphinois. Site de Colletière (Charavines, Isère).
Outils agricoles
Grenoble, musée dauphinois. Site de Colletière (Charavines, Isère).
Un chaland du début du XIe siècle : l’épave d’Orlac (Charente-
Maritime)
Schémas de fabrication et photographie extraits de : J. Chapelot,
E. Rieth, Navigation et milieu fluvial au XIe siècle : l’épave d’Orlac. Paris,
éditions de la MSH, 1995 (Documents d’Archéologie française, 45).
Une image de la cité idéale : Jérusalem
Boulogne, bibliothèque municipale, ms. 107, f° 7, Vies des saints
Bertin, Folquin, Silvin et Winnoc.
Une enceinte antique entretenue : Le Mans
Vue générale depuis le rivage de la Sarthe.
La fondation d’un pont à Tours : charte du comte Eudes de Blois
(vers 1034-1037)
Tours, Archives municipales (AA 1, pièce 1).
C IV
Cathédrale Saint-Lazare d’Autun : Ève.
Autun, musée Rolin, fragment (calcaire) du linteau du portail nord de
la cathédrale, vers 1125 (Saône-et-Loire).
Collégiale Saint-Julien de Brioude : la sirène, une figure de la
luxure
Chapiteau de la nef, vers 1060-1100 (Haute-Loire).
Charte d’indulgences et de divers privilèges accordés aux religieux
de Saint-Martin-du-Canigou
Paris, bibliothèque de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts
(coll. J. Masson).
Le viatique, Vie de saint Amand, début XIe siècle
Valenciennes, bibliothèque municipale, ms. 502, fol. 29.
Décret de Gratien, fin XIIe siècle
Troyes, bibliothèque municipale, ms. 103, fol. 11.
L’abbatiale de Cluny III-251
BnF, Réserve VE-26p-FOL (fonds Destailleur 2588), dessin de
Lallemand.
Crosse épiscopale
Florence, musée du Bargello, XIe siècle.
Façade de Notre-Dame-la-Grande (Poitiers)-259
Sculptures en pied d’un évêque, d’un pape et de saint Pierre,
e
XII siècle.
Cloître de Moissac (Tarn-et-Garonne) : pierre tombale de l’abbé
Durand de Moissac, évêque de Toulouse
Façade de la cathédrale Saint-Trophime d’Arles
L’église de Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme)
Fresque de la salle capitulaire de l’abbaye de la Trinité
de Vendôme (Loir-et-Cher)
Fresque de la chapelle de Berzé (Saône-et-Loire)
Fresque de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne) : l’arche de Noé
La consécration de l’église Saint-Arnoul de Metz :
Vie du pape Léon IX
Le Vatican, Biblioteca Vaticana.
Église abbatiale Sainte-Croix de Bordeaux : l’avarice et la luxure
Sculptures du portail de la façade ouest
Église de Ganagobie (Vaucluse)
Mosaïque représentant saint Georges et le dragon, XIIe siècle.
C V
Salle capitulaire de l’abbaye de Fontenay (Côte-d’Or)
Abbaye cistercienne de Sénanque (Vaucluse)
Église cistercienne de Fontenay (Côte-d’Or)
Vierge, Étienne Harding, Henri Ier, abbé de Saint Vaast et copiste,
vers 1125
Dijon, bibliothèque municipale, ms. 130, fol. 104.
Chapelle templière de Cressac (Charente)-319
Cathédrale de Chartres
Représentation des arts libéraux aux voussures du portail royal.
Justinien et les Institutes
Statue de la façade de la maison de Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-
Garonne).
Les sept arts libéraux dans l’Hortus deliciarum d’Herrade de
Landsberg
BnF, planche IX du fac-similé (FOL-459) du manuscrit de Herrade de
Landsberg, Hortus Deliciarum, copiste Christian-Maurice Engelhardt,
1818.
Un scribe au travail : Vie de Saint Martin
Épinal, bibliothèque municipale, ms. 73, fol. 1.
Guillaume de Jumièges remettant son ouvrage à Guillaume le
Conquérant
Rouen, bibliothèque municipale, ms. 1174, fol. 116, Guillelmus
Gemmeticensis, Gesta Normannorum ducum.
Grand cartulaire de l’abbaye Saint-Victor de Marseille
Marseille, Archives départementales des Bouches-du-Rhône (1 H 629,
fol. 1 v. et fol. 2).
Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth
Leyde, bibliothèque universitaire, ms. BPL 20, fol. 60 r.
Cathédrale de Modène : archivolte du portailLes renards dans la
vigne du Seigneur
Strasbourg, bibliothèque municipale, fac-similé du manuscrit de
Herrade de Landsberg, Hortus deliciarum (Rosalie Green, Editions
Illustrated, 1979).
La manécanterie de Lyon-379Cathédrale de Chartres : portail de
la Vierge
La Vierge couronnée :
Portail de la cathédrale de Senlis
C VI
Hôtel-Dieu de Coëffort-391L’Échelle de saint Jean Climaque
D’après Hortus deliciarum de Herrade de Landsberg,
copiste Christian-Maurice Engelhardt, 1818.
Drapiers
Dijon, bibliothèque municipale, ms. 173, fol. 92v., Gregorius, Moralia
in Job.
Vestiges de la première enceinte de Paris
Fouilles réalisées par l’Institut national de recherches archéologiques
préventives (INRAP).
Un cordonnier au travail
Cluny, musée Ochier.
Le pont d’Avignon
Pont Saint-Bénezet.
La maison romane de Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-Garonne)
Une maison de Cluny (Saône-et-Loire)
Une tour de l’amphithéâtre d’Arles (Bouches-du-Rhône)
Cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) : mosaïque
Vestiges de la synagogue (?) de RouenSceau des consuls d’Avignon
Paris, Archives nationales (collection Supplément, S/4525), 1216.
Sceau de Pontoise
Paris, Archives nationales (collection Douët d’Arcq, D/5602).
Sceau de Cambrai
Lille, Archives départementales du Nord.
C VII
Le donjon de Houdan (Yvelines)La motte d’Albon (Isère)
Cliché UMR 5648- Fouilles J. M. Poisson.
Les tours de Pignan (Hérault)Un serment féodal
Barcelone, Arxiu de la Corona d’Arago, Liber feudorum major,
fol. 44v.
Chevaliers croisés-471
Fresque de la chapelle templière de Cressac (Charente)
Olifant
Fouilles archéologiques du site de Pineuilh (Gironde), INRAP.
La chasse au faucon
Dijon, bibliothèque municipale, ms. 172, fol. 174, Gregorius, Moralia
in Job.
Une charge de chevaliers
Panneau gauche du triptyque de l’abbaye de Stavelot, vers 1156-58,
New York, The Pierpont Morgan Library.
C VIII
Une scène de labour tracté
Tours, bibliothèque municipale, ms. 924, fol. 28v., Terence,
Comoediae.
Une scène de labour à la houe
Calendrier peint de l’église de Brinay (Berry), milieu du XIIe siècle.
Pièces de moulin à grain
Fouilles du site de Tervay (Jura), INRAP.
Le moulin mystique : abbatiale Sainte-Madeleine de Vézelay
(Yonne) :
Chapiteau de la nef, XIIe siècle.
Scène de moisson : chapiteau de l’église Saint-Roch de Neuilly-en-
Dun (Cher) :
Scènes de vendange et de battage : abbatiale Sainte-Madeleine de
Vézelay (Yonne) :
Détails du tympan du portail central de la nef, XIIe siècle.
Abbaye cistercienne de Fontenay (Côte d’Or) : la forge
La tour-porche de Saint-Jean-de-Fos (Hérault)
Un village castral : Lacoste (Vaucluse)
Un village ecclésial : Loupia (Aude)
Photo aérienne verticale IGN.
Le doyenné clunisien de Jalogny (Saône-et-Loire)
C IX
Mosaïque funéraire de Guillaume de Flandre
Saint-Omer, musée de l’hôtel Sandelin.
La salle dite de l’Échiquier au château de Caen (Basse-
Normandie)
Le Château des comtes de Flandre à Gand (Belgique)
Le château de Gisors (Eure)
Plaque funéraire en émail à l’effigie de Geoffroy Plantagenêt
Le Mans, musée de Tessé.
Sceau de Raimond VI, comte de Toulouse (1204)
Paris, Archives nationales.
La famille Plantagenêt : fresque de la chapelle Sainte-Radegonde
de Chinon.
Les tombeaux des Plantagenêts à l’abbaye de Fontevraud
Tombeaux de Richard Cœur de Lion, Aliénor et Henri II
Statue-colonne
New York, The Metropolitan Museum of Art, vers 1160.
Église abbatiale de Saint-Denis : l’abbé Suger
Un roi couronnant son fils
Laon, bibliothèque municipale, ms. 400, fol. 5 v, Liber historiam
Pompeii Trogi.
Sceau de l’empereur Frédéric Barberousse en majesté
Marseille, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 1164.
Sceau de Robert, seigneur de Vitré (1161)
Paris, Archives nationales (collection Douët d’Arcq, D/3928).
Charles le Bon, prince chevalier
Lettrine du manuscrit de l’Histoire du meurtre de Charles le Bon.
Lille, Archives départementales du Nord (10 H 323).
Le festin d’Hérode
Toulouse, musée des Augustins, chapiteau de la mort de saint Jean-
Baptiste.
Une scène de banquet-607
Vie et miracles de saint Maur, Troyes, Bibliothèque municipale,
ms. 2273, fol. 77.
David roi entouré de musiciens
Dijon, bibliothèque municipale, ms. 14, fol. 13v, Bible.
La salle du donjon de Simiane-la-Rotonde (Alpes-de-Haute-
Provence)
Scènes de la vie de cour
Toulouse, musée des Augustins.
Pièces d’échec
Fouilles archéologiques de Pineuilh (Gironde), INRAP.
Sceau de Bertrand II, comte de Forcalquier
Marseille, Archives départementales des Bouches-du-Rhône
(56 H 4627), avers et revers, 1168.
Église de Bourbon-l’Archambault (Allier)
Chapiteau des musiciens, fin XIIe siècle.
Une scène courtoise
Vannes, Trésor de la cathédrale, coffret de mariage : vélin peint sur
bois.
Arbre généalogique partiel des Mérovingiens
BnF, ms. latin 4955, fol. 101.
Emblêmes préhéraldiques : la bataille d’Hastings
Bayeux, musée de la Tapisserie, XIe siècle.
Sceau des Candavène
Lille, Archives départementales du Nord (27 H 16, n° 202)
C X
Les cavaliers de feu de l’Apocalypse
BnF, ms. latin 8878, f° 148 v, commentaire sur l’Apocalypse de Beatus
de Saint-Sever.
Fouilles archéologiques du Château-Narbonnais à Toulouse
(Haute-Garonne)
INRAP.
Fouilles archéologiques de Pineuilh (Gironde)
INRAP.
Le trésor monétaire de Fécamp (Seine-Maritime)
Paris, BnF, deniers en argent.
Sarcophage antique d’un comte de Toulouse
Toulouse, abbatiale de Saint-Sernin.
Un habitat rural du Xe siècle : Distré (Maine-et-Loire)
INRAP (A. Valais).
Orthophotographie et analyse stratigraphique de la façade de
l’aile ouest du château comtal de Carcassonne. Échelle : 1/200e
INRAP /Photomontage P. Prouillac, d’après relevés et photographies
de Ch. Schmückle-Mollard et F. Guyonnet.
Abbatiale Saint-Aubin d’Angers (Maine-et-Loire), vers 1140
Le donjon de Loches
Arbre de consanguinité
Aix-en-Provence, Bibliothèque municipale, ms. 25, p. 214, Isidore de
Séville, Etymologiae.
Une scène de mariage
Barcelone, Arxiu de la corona d’Arago, Cancilleria, reg.1, fol. 78 v,
Liber feudorum major.
Cathédrale de Chartres (Eure-et-Loir)
L’arbre de Jessé, la généalogie du Christ, milieu du XIIe siècle.
Une scène de vénération et donation
Gestes des abbés de Fontenelle, Le Havre, Bibliothèque municipale,
ms. 332, fol. 41 v.
Une scène de donation, cathédrale Saint-Lazare d’Autun (Saône-
et-Loire)
Chapiteau du collatéral nord, vers 1130.
Nef de l’église abbatiale de Vézelay, vers 1128-1140
Transept de l’abbatiale de Cluny III, vers 1130
Vitrail de la cathédrale du Mans
Église de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne)
Fresque de la construction de la Tour de Babel, fin XIe, début
XIIe siècle.
Chœur de l’église abbatiale de Fleury (Saint-Benoît-sur-Loire)
Église Saint-Michel de Saint-Genis-des-Fontaines (Pyrénées-
Orientales)
Relief d’un linteau, début XIe siècle.
Le tympan de l’abbatiale Sainte-Foy de Conques (Aveyron), vers
1125-1135-693
Façade de l’abbatiale de Saint-Denis, vers 1137-1140
Nef de la cathédrale de Sens (Yonne), vers 1140-1142
Nef de la cathédrale d’Angers (Maine-et-Loire), vers 1150-1160
Nef et bas-côté de l’abbatiale Saint-Remi de Reims, entre 1165 et
1190
Chœur de l’église collégiale Saint-Mathurin de Larchant (Seine-et-
Marne), vers 1175-1180
Nef de la cathédrale Notre-Dame de Paris, vers 1182-1190
S
C I
L’année 888 vue par l’abbé Réginon de Prüm
Réginon de Prüm, Chronique, Monumenta Germaniae Historica,
Scriptores, Hanovre, F. Kurze, 1890, t. 50, p. 128-130 (trad. du latin par
O. Guyotjeannin et P. Riché).
Poème funèbre composé à la mémoire du comte Raimond Borell
par un moine de Ripoll (peu après 1017)
L. Nicolau d’Olwer, « L’escola poètica de Ripoll en els segles X-XIII »,
Anuari de l’Institut d’Estudis Catalans, Barcelone, 1915-1920, p. 27-30
(trad. du latin par M. Aurell).
Un prince en conflit avec son roi : lettre d’Eudes, comte de Blois,
au roi Robert le Pieux rédigée par Fulbert, évêque de Chartres
Recueil des historiens des Gaules et de la France, Paris, éd. L. Delisle,
1874, t. 10, p. 501-502 (trad. du latin par R. Boutruche).
Une éthique de la fidélité : lettre de Fulbert, évêque de Chartres,
au comte Guillaume V de Poitiers (vers 1020)
Recueil des historiens des Gaules et de la France, Paris, éd. L. Delisle,
1874, t. 10, p. 463 (trad. du latin par R. Boutruche).
Les démêlés du comte Guillaume V de Poitiers avec Hugues de
Lusignan
Conventum Hugonis, vers 1028, éd. et trad. G. Beech, Y. Chauvin, G.
Pon, Genève, Droz, 1995.
L’avènement d’Hugues Capet (987)
Richer (moine de Saint-Remi de Reims), Histoire de France (888-
995), éd. et trad. du latin par Robert Latouche, Paris, Libr. ancienne
H. Champion, 1937, t. 2, p. 158-160.
C II
Adalbéron, évêque de Metz (929-954), et la réforme monastique en
Lotharingie
Jean de Saint-Arnoul, La Vie de Jean de Gorze, présentée et traduite du
latin par M. Parisse, Paris, Picard, 1999, § 40-44, p. 76-79.
Une réforme qui tourne mal : le martyre d’Abbon de Fleury à La
Réole (1004)
« La vie d’Abbon, abbé de Fleury » par Aimoin de Fleury, dans
L’Abbaye de Fleury en l’an mil, éd. et trad. du latin par R.-H. Bautier et
G. Labory (traduction modifiée par F. Mazel), Paris, CNRS Éditions, 2004,
p. 122-127.
L’instauration du jour des défunts par Odilon de Cluny (vers
1030)
Jostald, Vie d’Odilon, dans J.-P. Migne, Patrologie latine, t. CXLII,
Paris, 1880, c. 926-927 (trad. du latin par J. Le Goff).
La conversion du chevalier Guillaume Grueta (vers 994-1034)
Cartulaire de l’abbaye de Lérins, Société des lettres, sciences et arts
des Alpes-Maritimes, éd. par H. Moris et E. Blanc, Paris, Champion, 1883,
t. 1, n° 3 (trad. du latin par J.-P. Poly).
Un miracle de sainte Foy (fin du Xe siècle)
Liber miraculorum sanctae Fidis, I, 11, de Bernard d’Angers, éd.
L. Robertini, Spolète, CISAM, 1994, p. 106-109 (trad. du latin par
D. Barthélemy).
Une notice de plaid à Narbonne (1023)
Histoire générale de Languedoc, t. 5, Toulouse, 1875, c. 374-376 (trad.
du latin par M. Bourin, modifié par F. Mazel).
L’historiographie princière : Dudon de Saint-Quentin et les ducs
de Normandie
Dudon de Saint-Quentin, De moribus et actis primorum Normanniae
ducum, éd. J. Lair, Caen, 1865, p. 200 (trad. du latin par M. Arnoux).
L’historiographie monastique : Raoul Glaber et ses modèles
Raoul Glaber, Histoires, I, 1, trad. et présentées par Mathieu Arnoux,
Paris, Brepols, coll. « Miroir du Moyen âge », 1996, p. 37-39.
La renommée de Gerbert
Richer (moine de Saint-Remi de Reims), Histoire de France (888-
995), éd. et trad. du latin par Robert Latouche, Paris, Libr. ancienne
H. Champion, 1937, t. 2, p. 57-60.
C III
Serments de fidélité de Frotaire évêque d’Albi, à Isarn de Lautrec,
pour le château et le village de Lautrec (vers 1060-1065)
Éd. et trad. du latin par H. Débax, « Les serments de Lautrec :
redatation et reconsidérations », Annales du Midi, n° 109, 1997, p. 467-
480 ; traduction modifiée à partir de J.-L. Biget, « Hommes et pouvoirs
dans l’Albigeois féodal (XIe siècle) », Bulletin de la société des Sciences,
Arts, et Belles-Lettres du Tarn, XLVII, 1993, p. 196-198.
Héribert Ier d’Auxerre (971-997), un évêque grand seigneur
Michel Sot (dir.), Les gestes des évêques d’Auxerre, Paris, Les Belles
Lettres, 2002, t. 1, p. 234-237.
Révoltes paysannes en Normandie
1. Le soulèvement de paysans francs contre Rollon peu avant 911,
d’après Dudon de Saint-Quentin (vers 996-1001)
Dudon de Saint-Quentin, De moribus et actis primorum Normanniae
ducum, éd. J. Lair, Caen, 1865, II, p. 31-32 (trad. du latin par M. Arnoux).
2. La révolte de 966 selon Guillaume de Jumièges (peu avant 1060)
Guillaume de Jumièges, Gesta Normannorum ducum, éd. et trad.
anglaise par E. Van Houts, Oxford, Clarendon Press, 1995, t. 2, p. 8-9 (trad.
du latin par M. Arnoux).
3. La révolte de 966 selon le Livre de la révélation, de la construction
et de l’autorité du monastère de Fécamp (dernier tiers du XIe siècle)
« Libellus de revelatione, edificatione et auctoritate Fiscannensis
monasterii », dans J.-P. Migne, Patrologie latine, Paris, 1880, t. CLI, c. 719
(trad. du latin par M. Arnoux).
Une seigneurie rurale : le domaine de Tillenay en Bourgogne,
appartenant au chapitre cathédral Saint-Lazare d’Autun
in André Déléage, La vie rurale en Bourgogne jusqu’au début
du XIe siècle, Mâcon, Protat frères, 1942, t. 3, p. 1207 (trad. du latin par
P. Riché).
Création d’un réseau d’irrigation en Catalogne (1020)-207
M. Zimmermann (coord.), Les sociétés méridionales autour de l’an
mil : répertoire des sources et documents commentés, Paris, CNRS
Éditions, 1992 (trad. du latin par P. Bonnassie).
La famine de 1033 selon Raoul Glaber
Raoul Glaber, Histoires, IV, 10, trad. et présentées par Mathieu
Arnoux, Paris, Brepols, coll. « Miroir du Moyen Âge », 1996, p. 238-243.
C IV
Le début de la reconstruction du chevet de Saint-Denis selon
l’abbé Suger
Suger, « Mémoire sur la consécration de l’église abbatiale de Saint-
Denis » (trad. du latin par M. Bur), dans Suger, La geste de Louis VI, Paris,
Imprimerie nationale, coll. « Acteurs de l’histoire », 1994, p. 200-202.
Le prêtre Albéric de Fougères selon les moines de Marmoutier
(vers 1089-1096
A. Le Huërou, F. Mazel, « Actes de l’abbaye de Marmoutier
concernant le prieuré de la Trinité de Fougères, XIe-XIIe siècles : édition et
traduction », dans D. Pichot et F. Mazel (dir.), « Prieurés et société au
Moyen Âge », Annales de Bretagne et des pays de l’ouest, vol. 113, n° 3,
2006, p. 148-153.
L’évêque Yves de Chartres tente d’interdire une union
matrimoniale (1096)
Yves de Chartres, Correspondance, éd. et trad. du latin par Dom Jean
Leclercq, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Les classiques de l’histoire de
France au Moyen Âge », 1949, p. 184-188.
Un chevalier modèle du XIIe siècle d’après Orderic Vital : Ansoud
de Maule
Orderic Vital, Historia ecclesiastica, 6 vol., éd. Marjorie Chibnall,
Oxford, Clarendon Press, 1969-1980, vol. V, 19 (trad. du latin par
G. Brunel).
C V
L’évêque Marbode réprimande Robert d’Arbrissel (vers 1098-
1100)
Jacques Dalarun et alii, Les deux vies de Robert d’Arbrissel, fondateur
de Fontevraud : légendes, écrits et témoignages, Turnhout, Brepols, 2006,
p. 540-547.
Les débuts de la Chartreuse d’après Guibert de Nogent (vers 1114-
1117)
Guibert de Nogent, Autobiographie, éd. et trad. du latin par Edmond-
René Labande, Paris, Les Belles Lettres, 1981, I, 11.
Les débuts de la carrière d’Abélard selon Abélard lui-même
Pierre Abélard, Lamentations, suivi de « Histoire de mes malheurs » et
de la « Correspondance avec Héloïse », Arles, Actes Sud, 2008, p. 143-147
(trad. du latin par P. Zumthor).
Un récit au service du dogme de la présence réelle : la dame du
château de l’Espervier
Gervais de Tilbury, Des Gervasius von Tilbury Otia imperalia, (vers
1209-1214), éd. Félix Liebrecht, Hanovre, C. Rümpler, 1856 (trad. du latin
par A. Duchesne).
La guerre de Cambrai : les Liégeois contre la politique pontificale
(vers 1102)
Sigebert de Gembloux, Lettre des Liégeois contre le pape Pascal II,
éd. par E. Sackur, Monumenta Germaniae Historica, Libelli de lite, t. 2,
p. 452-461 (trad. du latin par J. van Wijnendaele).
L’appel de Roland à Roncevaux
La Chanson de Roland, éd. critique et trad. de l’ancien français par Ian
Short, Paris, Librairie générale française, coll. « Le livre de poche. Lettres
gothiques », 1990, p. 133-134.
Une expédition seigneuriale cruelle
Le roman de Renart, Vingt-septième aventure, adapt. de Paulin Paris,
Gallimard, 1986, p. 130-134.
Les premiers « cathares »
Eckbert de Schönau, dans J.-P. Migne, Patrologie latine, Paris, 1880,
t. CXCV, c. 13-14, 84 et 88 (trad. du latin par U. Brunn).
Les Vaudois vus par un clerc de la cour d’Henri II
Gautier Map, De Nugis Curialium, trad. du latin par A. K. Bate,
Gauthier Map. Contes pour les gens de cour, Turnhout, Brepols, 1999,
p. 129-132.
C VI
Une révolte anti-épiscopale : Laon, 1112
Guibert de Nogent, Autobiographie, éd. et trad. du latin par Edmond-
René Labande, Paris, Les Belles Lettres, 1981, III, 7, p. 336-343.
Naissance d’un consulat à l’ombre du pouvoir épiscopal : les
statuts d’Arles (v. 1142-1156)
Charles-Joseph-Barthélemy Giraud, Essai sur l’histoire du droit
français, Paris, Videcoq père et fils, 1846, t. 2, p. 185-245 (trad. du latin par
A. Chédeville, modifié par F. Mazel).
C VII
Une reprise en fief dans le comté de Forez (1180)
Chartes du Forez antérieures au XIVe siècle, Mâcon, Protat frères,
1934-1935, t. 3, n° 303 (trad. du latin par R. Boutruche).
Inventaire domanial de l’abbaye de Cluny (1155) : les revenus du
doyenné de Saint-Hippolyte
Auguste Bernard et Alexandre Bruel, Recueil des chartes de l’abbaye
de Cluny, Paris, 1894, vol. 5, n° 4143 (trad. du latin par G. Brunel).
La chasse du seigneur de Nogent (vers 1180)
Hubert Flammarion, « Le sceau du silence : sigillographie et pratique
seigneuriales au XIIe siècle entre Marne et Meuse », dans Retour aux
sources. Textes, études et documents d’histoire médiévale offerts à Michel
Parisse, Paris, Picard, 2004, p. 99-114.
Les coutumes de Lorris-en-Gâtinais (1187)
Recueil des actes de Philippe Auguste, roi de France, éd. par
M. Henri-François Delaborde, Paris, Imprimerie nationale, coll. « Chartes
et diplômes relatifs à l’histoire de France », 1916, t. 1, n° 202, p. 243-246
(trad. du latin par F. Guizot).
C VIII
Les moniales de La Charité d’Angers (Le Ronceray) investissent
dans la vigne (v. 1104-1122)
« Les moniales du Ronceray d’Angers et la culture de la vigne », éd. et
trad. du latin par A. Chédeville, dans Retour aux sources. Textes, études et
documents d’histoire médiévale offerts à Michel Parisse, Paris, Picard,
2004, p. 227-235.
C IX
La fonction royale selon Hugues de Fleury (v. 1102-1104)
Hugues de Fleury, Tractatus de regia potestate et sacerdotali dignitate,
éd. par E. Sackur, Monumenta Germaniae Historica, Libelli de Lite, t. 2,
p. 466-469 (trad. du latin par J. van Wijnendaele).
La mort de Roland à Roncevaux : « France la douce » et les héros
« français »
La Chanson de Roland, éd. critique et trad. de l’ancien français par Ian
Short, Paris, Librairie générale française, coll. « Le livre de poche. Lettres
gothiques », 1990, p. 176-177.
Un sirventès de Bertran de Born : éloge de la guerre et du « gai
temps de Pâques » (avant 1197)
Anthologie des troubadours, textes choisis, présentés et trad.
de l’occitan par Pierre Bec, Paris, Union générale d’éditions, 1979, p. 213-
216.
L’adoubement de Geoffroy Plantagenêt (1128) selon Jean de
Marmoutier (v. 1180)
Jean de Marmoutier, Historia Gaufredi, ducis Normannorum et comitis
Andegavorum, dans Chroniques des comtes d’Anjou et des seigneurs
d’Amboise, éd. par Louis Halphen et René Poupardin, Paris, Picard, 1913,
p. 178-180 (trad. du latin par G. Duby).
Une antichambre du paradis : la rêverie de Baudri de Bourgueil
sur la chambre de la comtesse Adèle (v. 1099-1102)
Baudri de Bourgueil, Poèmes, éd. et trad. du latin par Jean-Yves
Tilliette, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Auteurs latins du Moyen Âge »,
2002 , t. 2, p. 163.
Prologue du Chevalier à la Charrette de Chrétien de Troyes
(v. 1176-1178)
Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette ou Le Roman de
Lancelot, éd. et trad. de l’ancien français par Charles Méla, Paris, Librairie
générale française, coll. « Le livre de poche. Lettres gothiques », 1992.
Une canso amoureuse de Guillaume IX d’Aquitaine (1071-1127)
« Poèmes de Guillaume IX », présentés et trad. de l’occitan par Robert
Lafont, Cahiers du Sud, n° 372, 1963, p. 109-111.
Le triangle courtois et la maladie d’amour : le Lai de Guiguemar
(avant 1189)
Marie de France, Lais, éd. par Karl Warnke, trad., présent. et annot. par
Laurence Harf-Lancner, Paris, Librairie générale français, 1990, p. 42-47.
Lettre de Constance de Bretagne au roi Louis VII (1160)
Recueil des historiens des Gaules et de la France, éd. Dom Brial,
Paris, 1878, t. 16, p. 23 (trad. du latin par C. Jaeger).
C X
Crise politique, prédation aristocratique et naissance de la
seigneurie : une révolution
Georges Duby, LesTrois ordres ou l’imaginaire du féodalisme, Paris,
Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 1978, p. 187-189.
La mutation féodale en Catalogne
Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle.
Croissance et mutations d’une société, Toulouse, Association des
publications de l’Université de Toulouse- Le Mirail, 1976, t. 2, p. 875-877.
Une critique de la mutation féodale en pays de Loire
Dominique Barthélemy, La société dans le comté de Vendôme de l’an
mil au XIVe siècle, Paris, Fayard, 1993, p. 1003-1007.
Une nécessité : reconsidérer l’État carolingien et sa justice
Stephen White, « Tenth-century Courts at Mâcon and the Perils of
Structuralist History : re-reading Burgundian Judicial Institutions », dans
Warren C. Brown and Piotr Górecki (ed.), Conflict in Medieval Europe.
Changing Perspectives on Society and Culture, Aldershot-Burlington,
Ashgate, 2003, p. 37-68 (trad. de l’anglais par O. Faucher).
La véritable naissance de l’idéologie des trois ordres
Dominique Iogna-Prat, Ordonner et exclure. Cluny et la société
chrétienne face à l’hérésie, au judaïsme et à l’islam, 1000-1150, Paris,
Aubier, 1998, p. 23-25.
Une critique de la mutation féodale en Bas-Languedoc
extrait de C. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux.
L’aristocratie languedocienne du Xe au XIIe siècle, t. 1, Toulouse, 2001, p.
349-350.
Littérature généalogique et mise en scène de la parenté
aristocratique : les Gestes des seigneurs d’Amboise (vers 1155)
« Geste des seigneurs d’Amboise », dans Chroniques des comtes
d’Anjou et des seigneurs d’Amboise, éd. par Louis Halphen et René
Poupardin, Paris, Picard, 1913, p. 86-112 (traduit du latin par G. Brunel).
La préparation d’un plaid : le piège d’Ysengrin
Le Roman de Renart, adapt. de Paulin Paris, Gallimard, 1986, p. 176-
179.
La reconstruction de la cathédrale de Cambrai (vers 1023-1030)
« Gestes des évêques de Cambrai », cité dans Victor Mortet, Recueil
des textes relatifs à l’histoire de l’architecture et à la condition des
architectes en France, au Moyen Âge, XIe-XIIe siècle, Paris, Picard, 1911,
p. 65-68.
L’infortune de l’architecte Lanfroi
Orderic Vital, Historia ecclesiastica (vers 1133-1137), cité dans Victor
Mortet, Recueil des textes relatifs à l’histoire de l’architecture et à la
condition des architectes en France, au Moyen Âge, XIe-XIIe siècle, Paris,
Picard, 1911, p. 274-276.
S
C I
Les royaumes issus de l’Empire carolingien : Francie occidentale,
Bourgogne, Provence, Germanie, Italie
D’après Robert Fossier (dir.), Le Moyen Âge, Les mondes nouveaux
(350-390), t. 1, Paris, A. Colin, 1982, p. 398.
Les principautés vers le milieu du XIe siècle
C II
Réforme monastique et horizons culturels (Xe-XIe siècles) :
l’itinéraire du rouleau mortuaire de Guifred, comte de Cerdagne
(† 1049)
D’après Jean Dufour, « Les rouleaux et encycliques mortuaires de
Catalogne (1008-1102) », Cahiers de civilisation médiévale, 20 (1977),
p. 13-48.
C III
Verdun (fin Xe-milieu du XIe siècle)
D’après F. G. Hirschmann, Verdun im hohen Mittelalter. Eine
lothringische Kathedralstadt und ihr Umland im Spiegel der geistlichen
Institutionen, Trèves, Verlag Trier Historische Forschung, 1996.
Marseille vers 1050
D’après Marseille. Trames et paysages urbains de Gyptis au roi René,
Actes du colloque international d’archéologie, Marseille, 3-5 novembre
1999, textes réunis et éd. par Marc Bouiron et Henri Tréziny, Aix-en-
Provence, Édisud, 2001, p. 411 (carte de M. Bouiron).
C IV
Le voyage du pape Urbain II (1095-1096)
D’après Alfons Becker, « Le voyage d’Urbain II en France », dans Le
concile de Clermont de 1095, Rome, École française de Rome, 1997,
p. 127-140.
Plan de l’abbatiale Saint-Sernin de Toulouse
C V
Plan de l’abbaye de Silvanès
D’après Ginette Bourgeois et Alain Douzou, Une aventure spirituelle
dans le Rouergue méridional au Moyen Âge. Ermites et cisterciens à
Silvanès. 1120-1477, Paris, Le Cerf, 1999, p. 103.
L’expansion cistercienne au XIIe siècle
D’après André Vauchez (dir.), Histoire du christianisme, t. 5, Apogée
de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274), Paris, Desclée,
1993, p. 386.
Deux cultures urbaines (vers 1100-vers 1175)
Plan de la cathédrale de Noyon
C VI
Albi à la fin du XIIe siècle
D’après Jean-Louis Biget, « Castelnau en milieu urbain : l’exemple
d’Albi », dans Châteaux et peuplements en Europe occidentale du Xeau
XVIIIe siècle, Flaran 1, Auch, 1980, p. 163-172.
Tours au XIIe siècle
D’après Henri Galinié (dir.), Tours antique et médiéval. Lieux de vie,
temps de la ville : 40 ans d’archéologie urbaine, Tours, FERACF, 2007,
p. 388-389.
L’extension de Paris sur la rive droite au XIIe siècle
D’après Philippe Lorentz et Dany Sandron, Atlas de Paris au Moyen
Âge. Espace urbain, habitat, société, religion, lieux de pouvoir, Paris,
Parigramme, 2006, p. 28.
La naissance de Montpellier (XIe-XIIe siècles)
D’après G. Fabre et Th. Lochard, Montpellier, ville médiévale, Paris,
Impr. nationale, coll. « Étude du patrimoine », 1992.
C VII
Les premiers croisés (1095-1131)
D’après, J. Riley-Smith, The first crusaders, 1095-1131, Cambridge-
New York, Cambridge University Press, 2000, planche hors-texte.
C VIII
La diffusion du moulin à eau zn Bas-Languedoc
D’après A. Durand, Durand A., Les paysages médiévaux du
Languedoc (Xe-XIIesiècle), Toulouse, Presses du Mirail, 1998, p. 255.
Le domaine de l’abbaye cistercienne de Silvanès
D’après G. Bourgeois et A. Douzou, Une aventure spirituelle dans le
Rouergue méridional au Moyen Âge. Ermites et cisterciens à Silvanès.
1120-1477, Paris, Le Cerf, 1999, p. 112.
Les grandes zones monétaires dans la seconde moitié du XIIe siècle
D’après R. Fossier, Enfance de l’Europe (Xe-XIIesiècle). Aspects
économiques et sociaux, t. 2, Paris, PUF, 1982, p. 1050.
Le village de Vihiers
D’après G. Fournier, Le château dans la France médiévale, Paris,
Aubier, 1978, p. 369.
Le village de Pouget
D’après L. Schneider « Le rôle des dépendances monastiques dans la
morphogénèse villageoise du Languedoc central », dans Morphogénèse du
village médiéval (IXe-XIIe siècle), G. Fabre, M. Bourin, J. Caille, A. Debord
(dir.), Montpellier, Inventaire général des monuments et richesses
artistiques de la France, Cahiers du patrimoine 46, 1996, p. 227-241.
Plan de Jalogny
D’après P. Garrigou-Grandchamp, A. Guerreau et J.-D. Salvêque,
« Deux doyennés clunisiens : Jalogny et la Grange-Sercy », dans Cluny ou
la puissance des moines. Histoire de l’abbaye et de son ordre, 910-1790,
Dossiers d’archéologie, 269 (2002), p. 120-121.
C IX
Les foires de Champagne au XIIe siècle
D’après Michel Bur, La formation du comté de Champagne, v. 950-
v. 1150, Nancy, Presses de l’Université de Nancy, 1977, p. 302.`
Le royaume de France à la fin du XIIe siècle
Domaine royal et emprise sur les évêchés sous le règne de
Louis VII-589
D’après Marcel Pacaut, Louis VII et les élections épiscopales dans le
royaume de France (1137-1180), Paris, J. Vrin, 1957, p. 72-73 et Olivier
Guyotjeannin, Atlas de l’histoire de France, IXe-XVe siècle, Paris,
Autrement, 2005, p. 54.
Les déplacements du roi Louis VI
D’après F. Menant, H. Martin, B. Merdrignac et M. Chauvin, Les
Capétiens. Histoire et dictionnaire 987-1328, Paris, Robert Laffont, 1999,
p. 170-171.
C X
Serris « les Ruelles », le village à la fin de la période carolingienne
(fin IXe-début Xe siècle)
D’après B. Fourcray et F. Gentili, « Le village du haut Moyen Âge de
Serris (Seine-et-Marne), lieu-dit Les Ruelles (VIIe-Xe siècle) », dans
L’habitat rural du haut Moyen Âge, Actes des XIVe Journées internationales
d’archéologie mérovingienne (Guiry-en-Vexin et Paris, 4-8 février 1993),
Saint-Germain-en-Laye, Association française d’archéologie
mérovingienne, p. 139-143.
S
C I
Premières occurrences du titre de comtesse dans les sources
diplomatiques (860-920)
Premières occurrences des prédicats territoriaux des titulatures
princières de Francie méridionale d’après les sources diplomatiques
(860-940)
La diffusion des noms robertiens chez les Herbertiens et les
Thibaudiens
Régine Le Jan, Famille et pouvoir dans le monde franc (VIIe-Xe siècle) :
essai d’anthropologie sociale, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995,
p. 219.
Premières occurrences des mentions « par la grâce de Dieu » dans
les titulatures princières d’après les sources diplomatiques
C II
Les unions rapprochées chez les comtes de la Marche d’Espagne
(fin IXe-Xe siècles)
Martin Aurell, Les noces du comte. Mariage et pouvoir en Catalogne,
785-1213, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995, p. 47.
C III
Attestations de chantiers concernant les églises cathédrales
C V
Siècle de production des manuscrits médiévaux des bibliothèques
de Cambrai, Tours, Rouen et Reims
Carla Bozollo et Ezio Ornato, Pour une histoire du livre manuscrit au
Moyen Âge. Essai de codicologie quantitative, Paris, CNRS, 1983.
La matrice historique carolingienne des chansons de geste
D’après René Louis, « L’épopée française est carolingienne », dans
Coloquios de Roncesvalles (Saragosse, 1955) ; Pampelune, Diputación
Foral de Navarra, Institución Príncipe de Viana, 1956.
C VI
Premières attestations de consuls au XIIe siècleLes sceaux de ville
antérieurs à 1200
Brigitte Bedos, Corpus des sceaux français du Moyen Âge, t. 1, Sceaux
des villes, Paris, Archives nationales, 1980.
C VII
L’évolution anthroponymique d’une lignée seigneuriale : la famille
de Baux
Florian Mazel, La noblesse et l’Église en Provence, fin Xe-début
XIVe siècle, Paris, Éd. du CTHS, 2002.
C VIII
Les deux systèmes de rotation des cultures
Samuel Leturcq, La vie rurale en France, Xe-XVe siècle, Paris, A. Colin,
2004, p. 40-41.
C IX
Les protagonistes de la guerre civile anglo-normande (1135-1154)
Moyenne annuelle des actes royaux conservés
[cumul des actes produits par la chancellerie et des actes produits par
les destinataires] Jean Dunbabin, France in the making, 843-1180, Oxford,
Oxford University Press, 1985.
Nombre d’empreintes de sceaux conservées en France (950-1200)
Michel Pastoureau, Figures et couleurs. Étude sur la symbolique et la
sensibilité médiévales, Paris, le Léopard d’or, 1986.
S
C I
Reconstitution du palais de Mayenne (Mayenne) :
R. Early, Dossiers d’archéologie, n°314, 2006, p. 77
C II
Le système social du don
Michel Lauwers, La mémoire des ancêtres, le souci des morts. Morts,
rites et société au Moyen Âge : diocèse de Liège, XIe-XIIIe siècles, Paris,
Beauchesne, 1997, p. 182.
Les trois ordres de la société selon Heiric d’Auxerre repris par
Odilon de Cluny
Isabelle Rosé, « Décrire le monde, théoriser la société », dans
P. Bertrand et alii, Pouvoirs, Église et société dans les royaumes de France,
de Bourgogne et de Germanie aux Xeet XIe siècles, Paris, Ellipses, 2008.
Les trois ordres de la société selon Adalbéron de Laon et Gérard
de Cambrai
Isabelle Rosé, op. cit.
C IV
Les degrés de parenté selon les computs romain et germano-
canonique
M. Aurell, La noblesse dans l’Occident médiéval, Paris, A. Colin.
C V
Nombre moyen de lettres envoyées par année de règne
M. Clanchy, From Memory to Written Record, 1066-1307, Londres,
Edward Arnold, 1979.
C VIII
Mécanisme du moulin hydraulique à roue verticale
Les actes de mise en gage dans les cartulaires du chapitre d’Agde
(1090-1180)
P. Chastang, « S’enrichir au Moyen Âge. Le parcours de Guilhem
Rainard, chanoine d’Agde (†1176) », Annales du Midi, 263, 2008.
Les mutations du vocabulaire désignant la maison en Bas-
Languedoc (900-1199)
A. Durand, Les paysages médiévaux du Languedoc (Xe-XIIe siècle),
Toulouse, 1998.
Profil paysager de l’évolution du couvert forestier bas-
languedocien d’après les études anthracologiques et carpologiques (fin
VIIIe-XIe siècles)
A. Durand et M.-P. Ruas, « La forêt languedocienne, fin VIIIe-
XIe siècles », dans Les forêts d’Occident du Moyen Âge à nos jours, Flaran
24 [2003], Toulouse, 2004.
C X
Le diagramme pollinique de Glatinié (Mayenne)
Histoire et sociétés rurales, n° 18, 2002, p. 143. Diagramme
société/végétation appliqué au site de Glatinié.
Répartition des semences retrouvées sur le site de Colletière (vers
1007-1040), à Charavines (Isère)
Secteurs de répartition des semences extrait du site
culture.gouv.fr/culture/arcnat/charavines/fr.
L’évolution de la taille des bovins de l’Antiquité au XVIe siècle
C
Couverture : Tapisserie de Bayeux ou Broderie de la Reine, XIe siècle,
Bayeux, musée de la Tapisserie Leemage/Raffael • p. 16-17 et 33 : BnF
Paris • p. 34 : cg76 – Musée départemental des Antiquités, Rouen, cliché
Yohann Deslandes • p. 36 : Centre archéologique de Péran (à titre gracieux)
• p. 39 : Leemage/Heritage Images • p. 59 : Bibliothèque municipale de
Tours/CNRS – IRHT • p. 61 : cNature/S. Chirol • p. 70 : O.A.U/Musée du
château de Mayenne • p. 71 : Ville de Doué-la-Fontaine • p. 73 haut :
Château de Langeais/JM Laugery • p. 73 bas : Extrait de : E. Impey et
E. Lorans, « Le donjon de Langeais et son environnement : étude historique
et archéologique, « Bulletin Monumental, t. 156, Fascicule 1, 1998 • p. 76-
77 : Frédéric Chéhu • p. 79 : Communauté d’Agglomération du Douaisis,
Direction de l’Archéologie • p. 81 : Collection Dagli Orti • p. 85 : BnF Paris
• p. 87 : Collection du Musée de Picardie, Amiens, cliché Com des images •
p. 89 : RMN/Daniel Arnaudet • p. 95 : RMN/René-Gabriel Ojéda • p. 98-99
et 140-141 : cNature/S. Chirol • p. 103 : akg-images/Hervé Champollion •
p. 112-113 : Service des Musées et du Patrimoine/Ville d’Avranches •
p. 115 : BnF Paris • p. 119 : British Library, London • p. 120 : Kharbine-
Tapabor/Jean Vigne • p. 133 : Bibliothèque du Patrimoine, Clermont
Communauté • p. 135 : akg-images/Erich Lessing • p. 137 : Collection
Dagli Orti • p. 139 : akg-images/Hervé Champollion • p. 140 gauche : BnF
Paris • p. 149 : La Collection/Jean-Paul Dumontier • p. 155 : BnF Paris •
p. 159 : Archives départementales du Puy-de-Dôme • p. 160 : Bibliothèque
du Patrimoine, Clermont Communauté/IRHT • p. 163 : BPK, Berlin •
p. 170-171 et 217 : Bibliothèque municipale de Boulogne-sur-Mer • p. 177 :
BnF Paris • p. 178 : Collection et clichés Musée dauphinois • p. 193 : akg-
images/Yvan Travert • p. 195 : dessin de A. Urgal extrait du DARA n° 21 •
p. 197 : musée du Lac de Paladru • p. 201 : Collection et clichés du Musée
dauphinois • p. 202 : GRAC – musée des Temps barbares • p. 205, 209 :
Collection et clichés du Musée dauphinois • p. 210-211 : Dessins J. Thomas
• p. 211 : J.-M. Trochut, cliché E. Champelovier, DRASSM, ministère de la
Culture • p. 218-219 : Andia.fr/Castelli • p. 227 : Archives municipales de
Tours • p. 234-235 et 279 : François Lauginie • p. 238 : akg-images/Jürgen
Raible • p. 239 : La Collection/Jean-François Amelot • p. 241 :
Bibliothèque de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, collection
J. Masson, Paris • p. 243 : Bibliothèque municipale de Valenciennes •
p. 244 : Kharbine-Tapabor/Jean Vigne • p. 250-251 : BnF Paris • p. 255 : La
Collection/Domingie & Rabatti • p. 238-239 : La Collection/Jean-Paul
Dumontier • p. 265 : Scala • p. 275 : Photo12.com/Alamy/Brian Jannsen •
p. 277 : akg-images/Yvan Travert • p. 281 : cNature/S. Chirol • p. 282 : La
Collection/Jean-Paul Dumontier • p. 285 : Leemage/MP • p. 286 : La
Collection/Jean-Paul Dumontier • p. 293 : Ferrante Ferranti, avec
l’autorisation de l’Abbaye de Ganagobie • p. 298-299 et 329 : cNature/S.
Chirol • p. 306 : akg-images/Hervé Champollion • p. 309 : Photothèque
Gaud • p. 311 : Scala • p. 315 : Bibliothèque municipale de Dijon • p. 318-
319 : La Collection/Jean-Paul Dumontier • p. 333 : cNature/S. Chirol •
p. 337 : BnF Paris • p. 345 : Bibliothèque municipale d’Epinal • p. 347 :
Bibliothèque municipale de Rouen • p. 350-351 : Archives départementales
des Bouches-du-Rhône • p. 357 : Bibliothèque universitaire, Leiden •
p. 359 : Leemage/Ghigo Roli • p. 371 : Bibliothèque municipale de
Strasbourg • p. 378-379 : Signatures/Philippe Schuller • p. 383 : cNature/S.
Chirol • p. 385 : © OT Senlis • p. 386-387 et 390-391 : La Collection/Gilles
Kervella • p. 395 : La Collection/Interfoto • p. 399 : Bibliothèque
municipale de Dijon • p. 409 : INRAP/Loïc de Cargouët • p. 421 : akg-
images/Yvan Travert • p. 422-423 : Age/Waldhaeusl • p. 425 : Jacques
Mossot (www.structurae.de) • p. 427 : cNature/S. Chirol • p. 429 : Francis
de Richemond • p. 431 : Musée d’Archéologie tricastine/Cliché Bernard
Coste • p. 433 : Eliot-Riolan/Edition Point de Vues • p. 445-g et m :
Archives nationales, Paris • p. 445-d : Archives départementales du Nord,
Lille • p. 446-447 et 470-471 : Leemage/Photo Josse • p. 451 : cNature/A.
Gael • p. 452-453 : Cliché UMR 5648- Fouilles Jean-Michel Poisson •
p. 457 : Francis de Richemond • p. 467 : Photo12.com/Oronoz • p. 479 :
INRAP • p. 481 : Bibliothèque municipale de Dijon • p. 489 : Scala •
p. 492-493 et 505 bas : La Collection/Jean-Paul Dumontier • p. 495 :
Bibliothèque municipale de Tours/CNRS – IRHT • p. 496 : Lucien Martinot
• p. 500 : INRAP/Jean-Christophe Passerat • p. 502 : La Collection/Jean-
Paul Dumontier • p. 504 : Lucien Martinot • p. 505 : La Collection/Jean-
Paul Dumontier • p. 508-509 : Photothèque Gaud • p. 521 : Francis de
Richemond • p. 524-525 : Scope/J. Guillard • p. 527 : IGN • p. 528 : Pierre
Daniere • p. 540-541 et 573 : akg-images/Erich Lessing • p. 545 : Musée de
l’hôtel Sandelin, Saint-Omer /Photo Ph. Beurtheret • p. 557 : Musée de
Normandie, ville de Caen/P. Leroux • p. 559 : Photo aérienne Henderyckx •
p. 561 : Scope/J. Guillard • p. 565 : akg-images/Joseph Martin • p. 566 :
Bridgeman Giraudon • p. 570-571 : cNature/S. Chirol • p. 581 :
Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN/Photo MMA • p. 583 :
Leemage/Jean Bernard • p. 584 : Bibliothèque municipale de Laon •
p. 597 : Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Marseille •
p. 602 : Archives nationales, Paris • p. 603 : Archives départementales du
Nord, Lille • p. 605 : Musée des Augustins, Toulouse, photo Daniel Martin
• p. 606-607 : Kharbine-Tapabor/Jean Vigne • p. 611 : Bibliothèque
municipale de Dijon • p. 612-613 : Jack Burlot • p. 614 : Musée des
Augustins, Toulouse, photo Daniel Martin • p. 615 : INRAP • p. 616 :
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Marseille • p. 617 :
cNature/S. Chirol • p. 619 : Bridgeman Giraudon • p. 627 : BnF Paris •
p. 628-629 : Leemage/Raffael • p. 631 : Archives départementales du Nord,
Lille • p. 636-637 et 672 : La Collection/Jean-Paul Dumontier • p. 642 :
BnF Paris • p. 651 : INRAP • p. 653 : INRAP • p. 654 : BnF Paris • p. 655 :
cNature/C. Lesage • p. 657 : INRAP/Alain Valais • p. 662 : INRAP/F.
Guyonnet • p. 663 : Jacques Mossot (www.structurae.de) • p. 664-665 :
Photononstop/Guido Alberto Rossi/Tips • p. 668 : Bibliothèque municipale
d’Aix-en-Provence /CNRS – IRHT • p. 671 : Arxiu de la Corana d’Arago,
Barcelone • p. 679 : Bibliothèque municipale du Havre • p. 680 : akg-
images/Jürgen Raible • p. 684 : cNature/S. Chirol • p. 686 : Collection
Dagli Orti • p. 687 : akg-images • p. 688-689 : La Collection/Jean-Paul
Dumontier • p. 690 : Photohèque Gaud • p. 691 : akg-images/Hervé
Champollion • p. 692-693 : La Collection/Jean-François Amelot • p. 697 :
cNature/S. Chirol • p. 698 : akg-images/Bildarchiv Monheim • p. 699 :
Leemage/Selva • p. 700 : cNature/S. Chirol • p. 701 : Photothèque Gaud •
p. 702 : cNature/S.Chirol •