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Raymond BLOCH
BIBLIOGRAPHIE DES TRAVAUXDE JACQUES HEURGON
1929-1974
(Les titres pourvus d'un astérisque sont des livres)
A) La Rome archaïque:
- L. Cincius et la loi du « clauus annalis », Athenaeum, XLII, 1964, p. 432-437.
- La guerre romaine aux 4e/3e siècles et la « Fides Romana », dans «
blèmes de la guerre à Rome », 1969, p. 23-32.
*- Rome et la Méditerranée occidentale jusqu'aux guerres puniques, 1 vol.
in-16 de 411p. La traduction italienne, // Mediterraneo occidentale dalla
preistoria a Roma arcaica, Bari, 1972, est revue et corrigée.
BIBLIOGRAPHIE XV
C) Le monde ombrien:
- L'Ombrie à l'époque des Gracques et de Sylla, Atti del I Convegno di
Studi Umbri, Gubbio, 1963, p. 113-131.
D) Le monde étrusque:
- Le satyre et la mènade étrusques, Mélanges de l'Ecole française de Rome,
XLVI, 1929, p. 96-114.
- «Voltur», Revue des Etudes Latines, XIV, 1936, p. 109-118.
- L'« Elogium » d'un magistrat étrusque découvert à Tarquinia, Mélanges
de l'Ecole française de Rome, LXIII, 1951, p. 119-137. Texte d'une
communication présentée à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
cf. Comptes-rendus, 1950, p. 212-215.
- La vocation étruscologique de l'empereur Claude, Comptes rendus de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1953,p. 92-97,
- Tarquitius Priscus et l'organisation de l'ordre des haruspices sous
pereur Claude, Latomus, XII, 1953, p. 402-417.
- Tite-Live et les Tarquins, L'Information Littéraire, VII, 1955, p. 56-64.
- Le lemme de Festus sur Orcus (p. 222 L.), Hommages M. Niedermann,
1956, p. 168-173.
XVI BIBLIOGRAPHIE
E) La Grande Grèce:
- La Magna Grecia e i santuari del Lazio, Atti del Vili Convegno di Studi
sulla Magna Grecia, 1968, p. 9-31.
- / culti non greci della Magna Grecia, Atti del XI Convegno di Studi sulla
Magna Grecia, 1971, p. 55-75.
- Sur le manteau d'Alkisthène, Mélanges Michalowski, 1966, p. 445-450.
V - NUMISMATIQUE
VI - COMPTES RENDUS
* Nous remercions de l'aide qu'ils nous ont apportée dans la conception ou la préparat
ion de cet article: M. le Doyen Durry, qui nous a signalé il y a quelques années l'intérêt
de l'inscription d'Aquae Flavianae, et que nous avons récemment consulté sur les études aux
quelles elle avait pu donner lieu; nos amis L. Maurin et P. Petitmengin; enfin et surtout
M. J. Perret, qui a bien voulu lire une première version de cet article, et qui nous a com
muniqué de nombreuses et substantielles annotations, que nous avons en plusieurs endroits
incorporées textuellement à la nouvelle rédaction que nous publions; nous lui devons non
seulement la rectification d'inexactitudes ou d'erreurs (ainsi sur le métrique du texte d'Aquae
Flavianae), nombre de rapprochements et de références, mais aussi d'importants remanie
mentsdans la composition et l'argumentation; nous le prions de bien vouloir trouver ici
l'expression de notre profonde gratitude.
1 BAC, 1928, p. 94; cf. RA, 1928 (2), p. 361, n° 37. Depuis lors, le texte n'a pas fait,
autant que nous sachions, l'objet de rééditions ou de commentaires; il est toutefois évoqué
par P. Petitmengin, Inscriptions de la région de Milev, MEFR, 79, 1967, 1, p. 202, qui note la
forte position des Nymphes en Numidie, spécialement à Aquae Flavianae « où un primipile
audacieux a la chance de les voir nues», et renvoie aux autres dédicaces aux Nymphes du site.
2 (Henchir Hammam; Fontaine Chaude). V. Atlas Arch, de l'Algérie, f. 28, n° 137;
S. Gsell et H. Graillot, Ruines Romaines au Nord de l'Aurès, MEFR, 13, 1893, p. 516-517
et carte de la pi. V; cf. également l'ouvrage de J. Birebent mentionné à la n. suiv.
3 Sur les installations de l'établissement d'Aquae Flavianae, voir J. Birebent, Aquae
Romanae. Recherches d'hydraulique romaine dans l'Est algérien, 1962, p. 237-243, avec
plan p. 239. Il comportait deux piscines, l'une circulaire, l'autre rectangulaire; la notice de
E. Albertini ne précise pas de laquelle a été retirée l'inscription qui nous occupe.
2 ANDRÉ BALLAND
Dans cette litanie des béatitudes assez matérielles d'un ancien officier
satisfait d'avoir fait la carrière qu'il ambitionnait - sous Trajan, sans doute 7,
ou sous Domitien, à en juger par la mention des Daces au vers 1 -, la
dernière rend un son un peu étrange, qui a provoqué l'étonnement de
l'éditeur. De fait, l'affirmation est surprenante - et calculée sans doute pour
surprendre; car, ainsi qu'il le relève, la nudité de Nymphes - comme celle
d'autres divinités - est traditionnellement un de ces spectacles redoutables
qui aveuglent le regard et la raison des hommes8. Il n'y a là d'ailleurs
qu'une expression particulière d'un interdit plus général9: Callimaque, dans
son Hymne Pour le Bain de Pallas, plaçait dans la bouche d'Athéna s'adres-
sant à Chariclô, mère de Tirésias, ce rappel de la «loi de Cronos»: «mais
c'est la loi antique, la loi de Cronos: qui verra quelqu'un des immortels
contre son vouloir paiera cette vue d'un prix lourd » 10. L'indiscret ou
l'imprudent qui aura surpris les Nymphes nues sera durement châtié: il
deviendra νυμφοληπτός Π. Sans doute les récits mythologiques laissent-ils
souvent percevoir l'ambivalence du « châtiment » 12: la cécité ou le délire
autres centurions légionnaires, ou même à ceux de tous les militaires d'une légion (cf. Juvénal,
XVI, 8: commoda communia militiae: mais là, l'expression est métaphorique)? Nous pensons
qu'il faut plutôt donner à piena une valeur active («qui remplit», «qui enrichit»), en songeant
à l'emploi que fait le même Juvénal, XIV, 197 de l'adjectif locuples pour qualifier précisément
le primipilat: ut locupletem aquilani tibi sexagimus annus adferat (on sait que le primipile
est responsable de l'aigle de la légion).
7 C'est la datation proposée par E. Albertini; mais le primipile a pu participer à la
guerre dacique de Domitien (cf. E. Köstlin, Die Donaukriege Domitians, Diss. Tübingen, 1910);
Domitien a célébré un triomphe en 86 à la suite des opérations de Mésie.
8 Cf. par exemple Roscher, Lexicon, s.v. Nymphen, col. 514 (Bloch). Folie et cécité
(ou seulement ophtalmie) demeureront traditionnellement, dans la mentalité populaire, des
châtiments divins: voir, exempli gratia, en Asie Mineure (particulièrement en Méonie) les
« stèles de confession et d'expiation » dressées après que la divinité les a châtiés, par des
dévots repentants: L. Robert, Nouvelles Inscriptions de Sardes, fase. 1er, Paris, 1964, p. 2ό sq
9 Tirésias perdit la vue pour avoir surpris le Bain de Pallas (Callimaque, Pour le Bain
de Pallas, v. 75 sq.); dans cet hymne, le poète invite les assistants à ne pas regarder la statue
de la déesse au moment où on la baigne (v. 51-52: ος κεν ΐδη γυμνάν...); sur le rapport qui
paraît exister entre les mythes du châtiment de mortels avant surpris le bain d'une divinité
et des rituels de bain de statues cultuelles, v. R. Ginouvès, Balaneutikè. Recherches sur le
bain dans l'antiquité grecque, Paris, 1962, p. 293-294.
10 Vers 100-102. Trad. E. Cahen.
11 Cf. M. Ninck, Die Bedeutung des Wassers im Kult und Leben der Alten. Ein
Symbolgeschichtliche Untersuchung, Philologus, Suppltbd XIV, Heft 2, Leipsig 1921, p. 48-49.
12 L'adjectif νυμφοληπτός peut être pris en deux sens fort différents: saisi de folie - ou
inpiré par les Nymphes; cf. P. Decharme, Les Muses. Etude de mythologie grecque, Paris, 1869,
p. 44 av. n. 1.
4 ANDRÉ BALLANO
13 Tel Tirésias: ούκ έϋέλων δ' είδε τα μή υεμιτά (Callimaque, I.e., v. 78).
14 Metam. Ill, ν. 177 sq.: qui simul intrauit rorantia fontibus antra /sicut erant nudae
uiso sua pectora Nvmphae / percussere uiro subitisque ululatibus omne / inpleuere nemus...
15 C'est l'heure qui rend la nature aux dieux, et donc celle où les rencontres sont le
plus à redouter: c'est à midi que Tirésias aperçut Athéna (Call., I.e., ν. Ίο: μεσαμθριναί δ'εσαν
ώραι), à midi qu'Actéon pénétra dans la grotte où Diane et ses Nymphes se baignaient: iamque
dies médius rerum contraxerat umbras..., Ovide, Metam. III, v. 144; c'est à midi que les
Muses aiment à visiter les hommes: P. Decharme, ο e , p. 149
16 Fastes IV, ν. 761-762.
17 Ausone, Moselle, ν. 186 sq.
SUR LA NUDITÉ DES NYMPHES 5
18 Outre son sens classique de «jeune mariée», nympha peut signifier simplement «jeune
femme»: cf. Ovide, Her., IX, 103.
19 Cf. PW, RE, XVII (2), 1937, col. 1547 (qui cite à ce sujet l'inscription d'Aquae Flavianae);
les Nymphes sont dites salaces dans un fragment d'Ovide cité par Festus (p. 437 Lindsav:
«Salariant» dicebant deam aquae, quant putabant salum ciere (hoc est mare mouere. Onde
Ovidius « Nymphaeque salaces »)), improbae dans Sénèque {Phaedra, 780).
20 CIL Vili, supplì 2, n° 17722 et 17723 (dédicace du légat C. Prastina Messalinus);
L. Leschi, Etudes d'Epigraphie, d'Archéologie et d'Histoire africaines, Paris, 1958, p. 277-278.
L'établissement d'Aquae Flavianae comportait même apparemment un « temple » des Nymphes:
E. Albertini, dans BAC, 1928-1929, p. 9j; cf. L. Leschi, o.e., p. 278, n. 1; P. Petitmengin,
o.e., p. 202.
6 ANDRÉ BALLAND
21 Cf. l'épigramme AP IX, 616 qui suppose l'existence d'un groupe des Charités r
eprésentées nues dans un établissement de bains: L. Robert, Hellenica IV, p. 79-80.
22 Cf. R. Etienne, La mosaïque du «Bain des Nymphes» à Volubilis (Maroc), dans
Actas I. Congr. Arqueol. del Marruecos Esp. (Tetuan 1953), Tetuan, 1955, p. 345-357, qui
étudie une série de monuments représentant la surprise de Diane au bain par Actéon, devenue
sujet fréquent à l'époque impériale.
2j II y avait d'ailleurs, pour les contemporains de notre primipilaire, d'autres occasions
de contempler confortablement, et sans risque aucun, la nudité des Nymphes: à savoir les
spectacles aquatiques où figuraient en particulier des ballets de Néréides. Martial, Spect. XXVI,
évoque l'un d'eux, qui dut se dérouler à l'amphithéâtre flavien, peut-être en « lever de rideau »
d'une naumachie; le répertoire de ces spectales aquatiques paraît avoir été varié et comportait
d'autres sujets mythologiques, comme la légende de Léandre et Héro, également mentionnée
par Martial, Spect. XXV et XXVI; cf., pour quelques décenies plus tard, l'allusion de Fronton,
Epist. III, 13. Ce type de divertissement gagna le théâtre et y constitua une catégorie parti
culière de mimes; sa vogue entraîne, à partir de la fin du Ier siècle (et à commencer par la
partie orientale de l'empire), une singulière innovation dans l'architecture théâtrale: l'orchestra
se transforma en une piscine - la κολυμβήυρα qu'évoque Jean Chrysostome dans l'homélie où
il vitupère l'indécence de ces spectacles: texte cité et étudié par G. Traversari, Tetimimo e
Colimbètra, dans Dioniso XIII, 1950, pp. 18-35; sur ces faits et les textes antiques qui les
concernent, voir la série des articles de cet auteur (et particulièrement, pour la nudité des
actrices, «Foggia di vestire delle tetimime nella colimbètra teatrale», dans Mem. Ace. Patav.
SS.LL.AA LXIX, 1956-57, p. 5-17) repris et complétés dans Gli spettacoli in acqua nel teatro
tardo-antico, Rome, «L'Erma», 1960.
SUR LA NUDITÉ DES NYMPHES 7
d'un retraité qui, après une vie laborieuse, jouit des agréments de la civilisa
tion urbaine qui lui dispense, et sans péril, les plus rares félicités des temps
héroïques? Ne peut-on admettre que dans une civilisation comme celle du
Haut-Empire, nourrie de mythologie, de rêves d'âge d'or ranimés, entretenus
par les poètes et par les représentations figurées qu'ils inspirent, les nostalgies
permanentes de l'humanité puissent éveiller, dans des âmes simples et dans
des milieux peu cultivés, l'écho de formules et de formes qu'après vingt
siècles nous avons pris l'habitude de considérer comme le bien propre des
lettrés? Il est peut-être moins surprenant qu'il ne semble de prime abord
de constater qu'en chacun de ses mots le souhait singulier de notre primipile
répond matériellement au texte célèbre où Catulle évoque la familiarité
des dieux et des hommes au cours de l'âge d'or24: alors que pour la
première fois un navire fend les eaux de la mer, les Néréides stupéfaites
émergent du gouffre blanchissant pour contempler le prodige:
<atque> Ma atque alia uiderunt luce marinas25
Tout y est: uiderunt nudato corpore Nymphas, et cinq vers plus loin
YOptaui du primipile s'annonce dans Ο nimis optato saeclorum tempore
nati / Heroes . . .
La légère incertitude qui pèse sur la littéralité du texte de Catulle
au vers 16 n'obère heureusement pas gravement l'interprétation que l'on
peut donner de son tableau. Les commentateurs du carmen 64 ont
souligné à l'envi27 le nombre des souvenirs littéraires grecs qu'il met en
œuvre28; il est certain que cette «marine» témoigne d'abord de la
culture du poète latin et de sa sensibilité picturale et plastique29; mais
elle révèle aussi une pointe de sensualité très humaine dans le trait
ement mythique30 et elle n'est pas sans toucher même les fibres les plus
intimes de sa sensibilité affective et morale. Le génie de Catulle dans ce
passage est sans doute avant tout dans l'échange des regards émerveillés,
dans la découverte simultanée et mutuellement éblouie que font les uns
du c. 68, v. 70-72: quo mea se molli candida diua pede / intulit et trito fulgentem in limine
plantam I innixa arguta constitua solea; cf. G. Lieberg, Puella Divina, Amsterdam, 1962,
p. 187 sq. av. n. 106 sur la valeur de candida.
26 Carmen 64, v. 16-18.
27 Nous avons consulté les commentaires ou éditions commentées de Munro, Ellis,
Baehrens, Friedrich, Kroll, Lenchantin de Gubernatis, Fordyce et Quinn.
28 L'emploi de nutricum au vers 18 est particulièrement révélateur à cet égard: cf.
A. L. Wheeler, Catullus and the Tradition of Ancient Poetry; Sather Classical Lectures, vol. 9,
1964, p. 138.
29 Voir sur ce point E. de Saint-Denis, Le rôle de la mer dans la poésie latine, Lyon,
1935, p. 140-141.
30 L. Ferrerò, o.e., p. 390 et 392: cf. carmen 61, v. 101 sq.: Non tuus... uir... / a tuis
teneris uolet / secubare papillis; 66, v. 81: tradite nudantes reiecta ueste papillas. - J. Soubiran
a étudié de manière fort intéressante {Délie et Thétis: motifs erotiques dans la poésie latine,
Pallas, VII, 1971, p. 59-78) l'utilisation par les poètes latins de figures féminines mythologiques
- au premier rang desquelles celle de Thétis découverte par Pelée - dans l'évocation que
font les élégiaques du corps de leur maîtresse, selon le procédé du «portrait indirect», qui
« consiste à mentionner les seules parties du corps offertes à la vue de chacun, et, pour le
reste, à suggérer au moyen d'une comparaison» {o.e., p. 66); l'auteur commente, p. 71, les
vers de Catulle qui nous occupent (à propos de la comparaison qu'établit Tibulle entre Délie
et Thétis); v. p. 69 sq. sur les représentations figurées de Thétis et des Néréides; et p. 74 sq.
sur les échos qu'a eus dans la littérature de l'époque flavienne la légende de Thétis (que com
mence à concurrencer, avant de la supplanter, Vénus Anadyomène; pour le développement
de ce dernier motif en mosaïque, voir J. Lassus, Vénus marine, dans La mosaïque gréco-
romaine, Paris, 1965, p. 175-191): elle y apparaît intégrée à la thématique érotico-surnaturelle
décrite dans la Divina Puella de G. Lieberg.
SUR LA NUDITÉ DES NYMPHES 9
31 Voir L. C. Curran, Catullus 64 and the Heroic Age, dans YCS, Cambridge, 1969, p. 176.
J. Granarolo, L'œuvre de Catulle, Paris, 1967, p. 140 sq. précise fort bien les correspondances
entre donnée mythique et réalité intérieure.
32 Cf. R. Waltz, Caractère, sens et composition du poème LXIV de Catulle, dans REL
XXIII, 1945, p. 102 sq., et surtout F. Klingner, Catulls' Peleus-Epos, Munich, 1956; Römische
Geisteswelt, Munich, 1956, p. 219. Voir également Ch. S. Floratos, Über das 64. Gedicht Catulls,
Athènes, 1957, p. 55-56.
33 C'est sans doute le sens de la présence de Prométhée, aux plaies cicatrisées, aux Noces
de Thétis et de Pelée.
34 Au vers 17 du c. 64, nudato n'est pas équivalent à nudo: la divinité se dévoile.
F. Klingner, Römische Geisteswelt, p. 219, mettant en regard la rencontre des Argonautes et
des Néréides et la conclusion du poème, et renvoyant à deux passages de Pindare (IIIe Pythique,
v. 165-168; IVe Néméenne, v. 105-111) où Pelée est donné comme celui qui a vu les dieux,
dégage ainsi le sens symbolique de la vision béatifique du poème catullien: «der Liebesblick
des Menschen, dem sich göttliche Schönheit unverhüllt offenbart»; cf. J. Granarolo, o.e., p. 150.
10 ANDRÉ BALLAND
35 Nous n'en trouvons aucune trace dans A. Otto, Die Sprichwörter und sprichwörtlichen
Redensarten der Römer, Leipzig, 1890, ni dans les Nachträge zu A. Otto, Sprichwörter...,
Hildesheim, 1968.
36 Quelle est d'ailleurs, dans son épigramme, le sens de cette nudité? Chez Catulle, elle
se comprend parfaitement, puisque l'on a affaire à des nageuses, dont l'une doit d'ailleurs
enflammer le désir de Pelée, et elle exprime en même temps le paroxysme de la confiance
innocente et marque, au plan symbolique, le sommet de la rencontre; dans l'épigramme, elle
ne peut avoir la même signification que si l'auteur imite directement et consciemment Catulle;
et même dans cette hypothèse, il est vraisemblable que le (nudas) uidi - en rapport avec la
décoration de la pièce - a retenti sur le contenu du optaui uidere.
37 Depuis la rencontre du poète et des Muses nues dans le prologue des Αίτια de Calli-
maque, jusqu'aux faciles Nymphae du monde idyllique de la 3e Bucolique (v. 9) et aux danses
printanières qu'évoque Horace (Odes, IV, 7, v. 5-6).
38 L'évocation «homérique» (cf. Od. XIII, v. 10j-104) de la grotte des Nymphes dans
l'Enéide, I, 166-168 est textuellement copiée (mais tronquée) par une inscription africaine
(CIL VIII, 23 673: Intus aque dulces biboque sedilia saxo Numfarum), sans doute relative
à un nymphée-grotte; cf., à Cherchel, la description métrique d'une fontaine, d'inspiration
également virgilienne: CIL VIII, 21 081 (cf. P. Aupert, Le nymphée de Tipasa et les nymphées
et «septizonia» nord-africains, dans Coll. EFR, 16, 1974, p. 71-72); ou encore l'inscription, évidem
mentempruntée au passage de l'Enéide mentionné supra, que porte le bassin semi-circulaire
d'une maison de Nabeul fouillée et étudiée par J. P. Darmon (Neapolis, dans Africa II,
SUR LA NUDITÉ DES NYMPHES 11
1967-1968, p. 271-283; nous avons pu lire en outre, grâce à L. Maurin, le mss. dactylographié
de la thèse de IIIe cycle consacrée par J. P. Darmon aux mosaïques de cette Nymfarum
dornus).
39 Particulièrement évidente dans l'influence qu'elle a exercée sur les Carmina latina
epigraphica (cf. R. P. Hoogma, Der Einfluss Vergils auf die Carmina Latina Epigraphica,
Amsterdam, 1959) et même sur l'onomastique (cf. L. Vidman, Héros virgiliens et inscriptions
latines, dans Ancient Society, 2, 1971, p. 162-173).
40 Un primipile est par définition chevalier romain: voir les articles de B. Dobson
mentionnés ci-dessus.
41 Serait-ce aller trop loin dans cette voie que d'envisager que la représentation des
Nymphes à laquelle fait, selon nous, allusion le dernier vers de l'épigramme ait pu être précis
émentun cortège de Néréides (motif banal de pavements de thermes), entourant peut-être la
nef Argo? Nous songeons à un tapis de mosaïque du genre de celui qui décorait la grande
rotonde centrale du frigidarium des thermes d'Henchir Thina (découvert en 1904; au musée
de Sfax): M. P. Gauckler, Inventaire des mosaïques de la Gaule et de l'Afrique, II, Paris,
1910, p. 11 sq. et pi. 18; R. Massigli, Musées de l'Algérie et de la Tunisie, Musée de Sfax,
Paris, 1912, pi. 1, IV et V, 1: on y voit apparaître, à côté de scènes familières, des sujets
mythologiques: Vénus Anadyomène, Léandre et Héro, le navire d'Ulysse, et des Tritons et
Néréides chevauchant des monstres marins. - Le motif des «Noces de Thétis et de Pelée»
apparaît sur une importante mosaïque de Cherchell (plus tardive que notre épigramme): voir.
J. Lapsus, Cherchel. La mosaïque de Thétis et de Pelée, B. Arch. Alg., I, 1962-1965, p. 75-105,
qui la compare à la mosaïque de Ziama-Mansouriah (A. Ballu, dans BAC 1913, p. 346-348,
pi. XXXI). - Rappelons cependant que nous avons dit plus haut (p. 5) que les Nymphes
qu'a vues le primipile pouvaient bien être celles d'Aquae Flavianae; il faut sans doute choisir
entre les deux hypothèses.
JEAN BEAUJEU
1 Publié dans l'Histoire de Jules César, Guerre des Gaules, par Napoléon III (II, Paris
1866, p. 521-552) et dans l'Histoire de Jules César, Guerre civile, par C. Stoffel (II, Paris 1887,
p. 385-418).
2 L. Holzapfel, Römische Chronologie, Leipzig 1885; clairement présenté par P. Groebe
dans la Geschichte Roms in seinem Uebergang von der republikanischen zur monarchischen
Verfassung de W. Drumann (2e edit., Ill, Berlin 1906, p. 757-827).
3 Ces méthodes sont résolument balayées par un jeune professeur de l'Université d'Ottawa,
Pierre Brind'Amour, qui a eu la grande obligeance de nous communiquer, au moment où
le présent article allait être envoyé à l'impression, le manuscrit d'un ouvrage, à paraître pro-
14 JEAN BEAUJEU
7 Groebe (o. c. p. 774) avoue cependant un doute pour les années 59 et 58: il admet
que l'intercalation a pu être omise en 59 et avoir lieu en 58. P. Grimai estime, non sans raison,
que l'insertion d'un mois intercalaire en 58 rend plus vraisemblable la suite des événements
des premiers mois, tout en reconnaissant que ce n'est pas nécessaire (Etudes de chronologie
cicéronienne, Paris 1967; en particulier, p. 24; 100 sq.; 138; 147). Dans ses recherches sur la
chronologie de l'année 59 (On the chronology of Caesar's first consulship, dans Amer. ]. of
Philol. LXXII, 1951, p. 254-268), L. R. Taylor n'a pas abordé le problème de l'intercalation;
ses conclusions n'infirment pas plus qu'elles ne recommandent l'insertion d'un mois supplé
mentaire cette année-là. De toute façon, le choix entre 59 et 58 n'engage pas l'adoption d'un
système plutôt que l'autre pour les années suivantes.
7bls Dans une communication présentée devant la Société des Etudes Latines, le 14 février
1976, alors que notre article était en cours d'impression, et destinée à être publiée dans la
REL, t. LIV, a. 1976, Michel Rambaud propose, contrairement à l'opinion communément
admise, d'avancer de 54 à 55 l'insertion d'un mois intercalaire; seules des considérations de
vraisemblance, manquant de solidité, avaient conduit Le Verrier aussi bien que Holzapfel et
Groebe à opter en faveur de 54, plutôt que 55; or M. Rambaud met en avant un passage de
la Correspondance de Cicéron qui exclut la possibilité d'une intercalation en février 54: Q. fr.
II 11,3 Comitialibus diebus qui Quirinalia sequuntur Appius interpretatur non impediri se
lege Pupia quo minus habeat senatum et, quod Gabinia sanctum sit, etiam cogi ex K. Febr.
usque ad Κ. Martias legatis senatum cotidie dare. Ita putantur detrudi contitia in mensem
Martium; en revanche, les consuls de 55, Crassus et Pompée, dont l'élection avait été retardée
jusqu'à la fin de janvier, avaient un bon argument à faire valoir en faveur de l'insertion d'un
mois supplémentaire. Cette hypothèse excellente porte un coup de plus au système de Le Verrier,
qui repose sur une intercalation de 23 jours en 56, car il est fort peu vraisemblable que les
pontifes aient pratiqué l'intercalation deux ans de suite.
16 JEAN BEAUJEU
8 Nous citerons son Jules César dans la 5e édition, revue et augmentée avec la collabo
ration de P. Grimai (Paris 1968), en indiquant chaque fois entre parenthèses la référence
correspondante de la 4e édition (Hist. Générale fondée par G. Glotz, Hist. rom. II 2, Paris 1950).
9 Plut. Crass. 17,1 ετι δ'άστατούσης χειμώσι της θαλάσσης, ού περιέμεινεν; cf. L. Α. Constans
in edit. Cic. Ep., T. Ill, p. 19, n. 3.
18 JEAN BEAUJEU
l'hiver des Romains allant du 11 nov. au 7 févr., «cette indication cadre non
avec la concordance de Groebe (6-7 nov.) mais avec celle de Le Verrier-Stoffel
(28-29 nov.) »; c'est oublier que Dion Cassius et Florus ne tiennent pas compte
de la discordance entre calendrier officiel et calendrier astronomique10.
P. 305, n. 2 (= 912, n. 200): avec C. Jullian11, J. Carcopino suppose
que l'assemblée qui s'est tenue chez les Carnutes au cours de l'hiver 53-52 et
qui a préludé au soulèvement général des Gaules (B.G. VII 2,1) n'est autre
que l'assemblée qui réunissait chaque année les délégués des peuples gaulois,
à l'occasion de la grande fête de la cueillette du gui (cf. Plin. N.H. XVI 249
sq.). J. Carcopino va plus loin: cette fête avait lieu le 6e jour de la lune
(Plin. l. c); comme la célébration du gui est liée au solstice d'hiver, qui
tombait alors le 26 décembre (cf. Plin. XVIII 221: celui-ci parle en réalité
du 25), la lunaison en question «ne saurait être que la première après le
solstice d'hiver»; en cet hiver 53-52, la première nouvelle lune après le
solstice tomba le 18 janv. «réel», le 6e jour - où se serait tenue l'assemblée
chez les Carnutes - le 23. Or le soulèvement gaulois fut déclenché par le
bruit du meurtre de Clodius - 18 janv. officiel - et des émeutes qui
ensanglantèrent Rome le lendemain (B.G. VII .1,2); le 18 janv. officiel = le
8 décembre 53 «réel» selon Groebe, le 30 décembre (et non le 28, comme
le dit J. Carcopino) d'après Le Verrier; le délai de 23 jours entre l'émeute
romaine et la décision des Gaulois, tel qu'il ressort du système Le Verrier,
répond bien au temps nécessaire pour l'acheminement des nouvelles venues
de Rome et le développement de l'agitation, alors que l'intervalle de 46 jours
donné par le comput de Groebe serait nettement excessif. Cette argumentat
ion est aussi vulnérable qu'ingénieuse: d'une part, à supposer, ce qui n'est
qu'une hypothèse, que l'assemblée des Carnutes ait été liée à la fête annuelle
de la cueillette du gui, nous n'avons aucune preuve que cette fête ait été
célébrée le 6e jour de la première lunaison qui suit le solstice d'hiver; Pline
écrit seulement ceci: est autem id (= le gui de rouvre) rarum admodum
inuentu et repertum magna religione petitur et ante omnia sexta luna, quae
principia mensum annorumque his jacit et saeculi post tricesimum annum
(N.H. XVI 250) 12; d'autre part, si J. Carcopino a raison de situer vers le
6 du mois intercalaire de 52 le départ de César de Ravenne, cette date,
dans le système adopté par lui, ne serait séparée de la réunion chez les
10 Cf. Cass. D. XLI 39,1; XLII 56,1; même constatation pour Lucain (VIII 467, etc.),
Plutarque (Caes. 37,3; 52,1; Pomp. 65,4), Appien (B.C. II 7, 48); cf. Groebe, o.e., p. 812 sq.
n. 3; 813, n. 4 extr.; 815, n. 3.
11 C. Jullian, Hist, de la Gaule, II4 (Paris 1921), p. 412-417.
12 E. Linckenheld a confirmé, par des survivances constatées dans plusieurs régions ancien
nement celtiques, la valeur de l'information plinienne sur la fonction du 6e jour et rappelé
que le calendrier celtique pré-julien était un calendrier lunaire de 12 lunaisons (29,5 x 12 =
354 jours), avec intercalation d'un mois supplémentaire de 30 jours, le ciallos, tous les 30 mois
(d'après le fameux calendrier de Coligny; Pline et le calendrier gaulois, dans Rev. celt. XLVIII,
1931, p. 137-144; cf. P. M. Duval, La vie quotidienne en Gaule pendant la paix romaine,
Paris 1952, p. 82 sq.).
LES DERNIÈRES ANNÉES DU CALENDRIER PRÉ-JULIEN 19
Carnutes (13 févr. officiel, d'après Le Verrier) que par une quinzaine de jours:
ce délai est notoirement insuffisant pour l'action difficile et les multiples
déplacements de Vercingétorix et pour que leurs résultats soient portés à la
connaissance de César, à Ravenne (B.G. VII 3-5). On peut imaginer, en
s'en tenant à l'hypothèse plausible de C. Jullian sur la coïncidence de
l'assemblée chez les Carnutes avec la fête de la cueillette du gui13, une
variante chronologique plus vraisemblable que celle de J. Carcopino, et qui
donne raison à Groebe: l'exaltation du gui étant associée au solstice d'hiver
(cf. Virg. Aen. VI 205 brumali frigore... uirere), il est très probable que
la fête en question avait lieu la première sexta luna suivant le solstice,
même quand le jour de la nouvelle lune le précédait; or, à la fin de 53, le
solstice vrai tomba le 23 décembre «réel», la nouvelle lune venait d'avoir
lieu, le 19; le 6e jour de cette lunaison est donc survenu le 24 décembre,
lendemain du solstice. Si, comme nous le suggérons, la fête du gui eut lieu
ce jour-là, en pleine période de bruma (et non pas un mois plus tard,
quand la durée de la nuit avait déjà diminué d'une heure), le système de
concordance de Groebe fournit des données chronologiques cohérentes: délai
de 15 jours entre l'émeute romaine du 9 décembre (= 19 janv. officiel) et
l'assemblée chez les Carnutes du 24 déc. (= 5 févr. officiel), suffisant
pour la diffusion de l'information en Gaule et la campagne d'agitation, et
intervalle de 25 jours entre cette réunion et le départ de César de Ravenne
(vers le 6 du mois intercalaire, dont le premier jour succédait au 24 févr.,
= vers le 18 janvier «réel»), intervalle rempli par les démarches de Vercing
étorix, les débuts du soulèvement et la transmission des nouvelles à César.
Bien entendu, toute cette construction est des plus fragiles; il nous suffit
d'avoir montré qu'on ne peut tirer argument de l'assemblée chez les Carnutes
de cet hiver-là en faveur du système Le Verrier.
P. 361, n. 5 (= 858, n. 341): le passage du Rubicon eut lieu le 12 janv.
49 officiel; à en croire Lucain (I 217 sq. - non «277-278» -), turn uires
praebebat hiems atque auxerat undas / tertia iam grauido pluuialis Cynthia
cornu; or il y avait eu nouvelle lune le 17 décembre («le 16», dit Carco-
pino...) et le 17 novembre «réels»; donc le texte ne peut désigner «la
troisième lunaison» de l'hiver, qui commençait le 11 nov., que si le 12 janv.
officiel correspond au 17 décembre julien (Le Verrier) et non pas au 25 nov.
(Groebe). Mais, en réalité, tertia Cynthia désigne certainement «le 3e jour
de la lune», comme toujours l'expression tertia, quarta etc.. luna: c'était
un des jours de la lunaison qui donnaient des présages significatifs (cf. Plin.
N.H. XVIII 350); Lucain l'aura choisi pour cette raison, sans nullement se
soucier de la date exacte, officielle ou astronomique, de l'épisode ni de la
phase de la lune à cette date. A supposer que tertia... Cynthia signifiât ici
«le troisième mois», comme Lucain ne tenait pas compte du décalage entre
calendrier officiel et calendrier astronomique, il voudrait dire simplement
14 Cf. supra, n. 10: il est possible que Lucain imaginât le passage du Rubicon plus tard
même qu'en janvier, car au vers 219 il fait intervenir et madidis euri resolutae flatibus Alpes
(sid). - S'il n'était pas établi que Lucain prenait de grandes libertés avec la chronologie, on
pourrait être tenté de puiser dans un autre passage du poème une confirmation éclatante en
faveur du système Groebe: en IV 56-57, le moment où se préparent les pluies diluviennes,
qui vont mettre en péril l'armée de César devant Ilerda, est défini avec précision: postquam...
Titana recepii... portitor Helles ( pour les Anciens, le soleil séjournait dans le signe du
Bélier du 23 mars au 23 avril); un peu plus loin, il est dit que l'équinoxe vient juste d'être
dépassé (v. 58 sq.: aequatis... temporibus uicere dies); on est donc à la fin de mars ou au
début d'avril «réel»; or la crue du Sicoris se produisit vers le 20 juin officiel, 42 jours avant
la capitulation d'Afranius, qui date du 2 août officiel (cf. Fasti et B.C. 1, 41,1; 2, 32,5);
suivant Le Verrier, le 20 juin officiel 49 correspond au 21 mai julien, ce qui cadre mal avec
le texte de Lucain, tandis que, d'après Groebe, cette date fictive représente le 29 avril, ce
qui convient beaucoup mieux; et puisque, à en croire Lucain (IV 59 sq.), c'est au début d'une
lunaison que les vents humides auraient commencé à entrer en action {tune sole relicto /
Cynthia, quo primutn cornu dubitanda refulsit, / exclusit borean flammasque accepit in euro),
les tables astronomiques, qui nous enseignent que la lune était nouvelle le 13 avril, nous
fourniraient un repère précis et concordant. Mais il est très probable que Lucain a voulu
seulement évoquer le printemps, qui est la saison de l'équinoxe, et n'a fait mention des pre
miers jours de la lune que parce qu'ils passaient pour jouer un rôle déterminant dans les pluies
du mois, comme on l'a vu dans l'épisode du franchissement du Rubicon. On mesurera mieux
la part du flou et de la fantaisie dans les données chronologiques de Lucain, qui a fait œuvre
non d'historien, mais de poète brodant sur un canevas historique, si l'on se reporte aux vers
691 sq. du 1. II: iam coeperat ultima Virgo / Phoebum laturas ortu praecedere Chelas =
«déjà l'extrémité du signe de la Vierge avait commencé de précéder, au lever, le signe des
Pinces (alias la Balance) qui allait bientôt porter Phoebus»; formulation quelque peu pédantes-
que, pour dire que le soleil est sur le point de passer du signe de la Vierge dans celui de la
Balance et qu'on est, par conséquent, tout près de l'équinoxe d'automne. Or l'événement ainsi
daté n'est autre que la fuite de Pompée et de sa flotte hors du port de Brindes, où César
avait essayé de le bloquer; il eut lieu le 17 mars officiel 49 (Cic. AU. IX 15,6). Non seulement
le poète négligeait le décalage entre dates légales et réalités astronomiques, mais, en l'occurrence,
il a pris l'équinoxe d'automne pour celui de printemps!
LES DERNIÈRES ANNÉES DU CALENDRIER PRÉ-JULIEN 21
la bataille, les blés étaient presque mûrs (B.C. 3, 81, 3); après 3-4 jours de
repos et d'escarmouches, César peut se ravitailler en blé (B.C. 3, 84, 1 et
85, 2), avant de livrer bataille. Or, dans la région de Pharsale, la moisson
se fait d'ordinaire dans les premiers jours de juin: ceci ressort de l'étude
remarquablement documentée de Drumann-Groebe (o. c, III, p. 743 sq. et 748;
J. Carcopino s'y réfère d'ailleurs p. 412, n. 4...), confirmée par des enquêtes
plus récentes15. Quant à l'argument tiré de la Vie de Brutus, où il est dit
que la bataille eut lieu «au fort de l'été» (4,3), il suffit, pour l'écarter, de
se rappeler que Plutarque ne considérait que les dates du calendrier officiel
(supra, n. 10).
P. 442, n. 2 (= 932, n. 224): la bataille où Curion a été tué, en
Afrique du Nord, s'est déroulée aux environs du 20 août 49 officiel (Curion a
appris quelques jours plus tôt la capitulation d'Afranius, qui avait eu lieu le
2 août officiel; cf. B.C. 2, 37, 2); la concordance Le Verrier (20 juillet)
serait « vérifiée ici par la mention concomitante des blés bons à moissonner »
(B.C. 2, 37, 4); d'après Groebe, la mort de Curion est survenue vers le 28 juin:
or, précisément, en Afrique du Nord, au voisinage des côtes, la moisson
se fait à la fin de mai ou en juin16.
Enfin, p. 449, n. 5 (= 939, n. 246): l'insertion d'un mois intercalaire,
à la fin de février 46 (sic, Groebe), rendrait invraisemblable la durée du
«jeu de cache-cache» de César dans la région d'Uzitta; de fait, quand on
confronte les textes du Bellum Africum (37, 1; 41, 1; 42, 2; 75, 1), on
s'aperçoit que ce jeu a duré du 27 janv. officiel jusqu'à une date comprise
entre le 1er et le 10 mars officiel; sans mois intercalaire (sic, Le Verrier),
l'intervalle est de 30 à 40 jours; avec un mois intercalaire, il atteint 53 à
63 jours. Mais, nous verrons que l'intercalation d'un mois en février 46 s'impose
de façon incontestable; l'argument tiré de l'épisode d'Uzitta est un exemple
typique de ces raisons de vraisemblance, qui doivent s'effacer devant les
preuves que dégage l'analyse critique des textes.
Dans un brillant article de 1940 17, Jean Bayet s'est employé à chercher
dans un passage célèbre de Lucain une confirmation du système Le Verrier:
au chant VIII, v. 708-725, le poète nous montre le cadavre décapité du
Grand Pompée, ballotté par les vagues blanchissantes, tandis que le fidèle
Cordus s'efforce de le remener sur le rivage égyptien, afin de lui rendre les
derniers devoirs; pendant tout ce temps, lucis maestà parum per densas
Cynthia nubes / praebebat (v. 721 sq.). La date officielle du meurtre de
Pompée est bien attestée: 28 sept. 48; la nuit suivante, la lune brilla dans
son plein, si l'on admet, avec Le Verrier, la concordance du 16 au 17 août
julien, tandis que, si l'on suit Groebe, seul le dernier croissant monta cette
nuit-là (= 25 au 26 juillet) dans le ciel, après 2 heures du matin; comme,
(προς γαρ τας της σελήνης περιόδους effet, à cette époque encore on ali-
ετι και τότε τους μήνας ήγον) κατεστήσατο gnait les mois sur les révolutions de
ες τον νυν τρόπον, επτά και εξήκοντα la lune), il les fixa dans leur disposi-
ήμέρας εμβαλών, οσαιπερ ες την άπαρ- tion actuelle, en intercalant 67 jours,
τιλογίαν παρεφερον ■ ήδη μεν yap τίνες le nombre voulu pour que Pajuste-
και πλείους εφασαν εμβληϋήναι, το δ' ment fût exact. De fait, certains ont
άληύες ούτως έχει. prétendu qu'on en avait intercalé da
vantage, mais la vérité est bien celle-là.
4. Macrob. Sat. I 14, 3: ergo En conséquence, Caius César, avant
C. Caesar exordium nouae ordina- d'inaugurer le nouveau système, ré-
tionis initurus, dies omnes qui adhuc sorba tous les jours qui pouvaient
confusionem poterant facer e con- encore être cause de désordre et c'est
sumpsiteaquerefactumestutannus ce qui fit que la dernière année du
confusionis ultimus in quadrin- désordre se prolongea jusqu'à 443
gentos quadraginta très dies proten- jours.
deretur.
2. Censorinus:
- 2 mois supplém. entre le 29/11 et le 1/12 = 67 jours,
- 1 mois intercalaire en févr. = 23 j.
[année ordinaire] + 355 j.
- total de l'année = 445 j.
3. Dion Cassius:
- intercalation de 67 jours supplémentaires.
4. Macrobe:
- total de l'année = 443 jours [= 355 + 88].
18 II n'y a pas à tenir compte de l'information aberrante qu'on trouve chez Solin, Coll.
rer. memor. I 45: dies uiginti unum et quadrantem simul intercalauit... Hie ergo annus solus
trecentos quadraginta quattuor dies habuit (trecentos par erreur pour quadringentos - CCCXLIV
pour CCCCXLIV -? les 21 jours en question représenteraient la seule intercalation tradition
nelle de février? On ne peut rien tirer d'un tel texte).
24 JEAN BEAUJEU
19 Sic, Le Verrier, o.e., p. 523, n. 1 (= 389, n. 1); cette note contient une critique des
sources plutôt sommaire. En fait, les sénateurs n'avaient pas accès es qualités aux archives du
Palais, comme Junius Mauricus en fit l'humiliante expérience sous Domitien (Tac. Hist. IV 49,9).
LES DERNIÈRES ANNÉES DU CALENDRIER PRÉ-JULIEN 25
11 minutes 13 secondes), tandis que Dion Cassius, empêtré dans ses docu
ments égyptisants, a confondu excédent de l'année julienne et déficit de
l'année égyptienne. N'oublions pas, d'ailleurs, qu'au fil de sa narration Dion
Cassius ne tient jamais compte du décalage entre calendrier officiel et
calendrier astronomique (supra, n. 10).
Pour en revenir à l'année 46, les 67 jours de Dion Cassius pourraient
se répartir de deux façons:
a) un mois intercalaire de 22 ou 23 j. en févr., deux mois intercalaires
(22 + 22 ou 23 j.) entre nov. et déc;
b) les 67 jours entre nov. et déc, sans intercalation en février. C'est
la deuxième solution qui a été retenue par Le Verrier et ses partisans20;
mais elle est en contradiction formelle avec les textes concordants de
Suétone et de Censorinus, qui affirment avec la plus grande netteté
que l'année 46 comporta 15 mois, dont 2 entre nov. et déc. et 1 en
février21. Ainsi, seule la première solution est théoriquement possible;
elle a pour elle l'affirmation péremptoire de Dion Cassius: « certains ont
prétendu qu'on avait intercalé davantage de jours, mais la vérité est bien
celle-là» (= 67 j. en tout); il connaissait donc la version des 90 jours, mais
ses documents et ses réflexions, à défaut de sa compétence, l'ont amené
à la condamner. Qui s'est trompé, Suétone ou Dion Cassius? Si l'erreur
est chez Suétone, elle tient à la confusion entre deux données: d'une part
67 jours supplémentaires, d'autre part un mois intercalaire « normal » + deux
mois supplémentaires exceptionnels; il en aurait conclu à tort que les 67 jours
représentaient la somme des deux mois exceptionnels seulement. Si l'erreur
est le fait de Dion Cassius, elle provient de la confusion inverse: il a cru
que les 67 jours constituaient l'intercalation totale de l'année, sans voir
qu'ils s'étaient ajoutés aux 23 jours de l'intercalation de février.
A y regarder de plus près, on s'aperçoit que l'erreur s'explique beaucoup
mieux de la part de Dion Cassius, et non pas seulement en raison de sa
moindre compétence. Il est remarquable que, dans l'exposé de Suétone
certitude, si nous le pouvons, par des preuves tirées des faits de la période
56-46 et des textes qui s'y rapportent.
La première, découverte depuis longtemps, nous est fournie par l'entrée
de César à Antioche, en 47, au cours du long voyage qui le mena d'Egypte
jusqu'au Pont, à la rencontre de Pharnace; une lettre de Cicéron (AU.
XI 20, 1) contient une allusion au bref séjour que fit César dans cette
ville: XVII K. Sept, uenerat die XXVIII (= « après 27 jours de voyage »)
Seleucia Pieria (port situé à proximité d'Antioche) C. Treboni libertus, qui
se Antiochaeae diceret apud Caesarem uidisse Q. f ilium cum Hirtio; arrivé
le 14 août officiel à Brindes, l'affranchi a quitté Séleucie le 18 juillet; sa
rencontre avec le neveu de Cicéron, apud Caesarem, ne remonte certain
ement pas au-delà de quelques jours; autrement, Cicéron l'aurait précisé,
comme il l'a fait pour les dates de départ et d'arrivée. D'après Le Verrier,
le 18 juillet correspond au 28 mai « réel », selon Groebe au 6 mai. Or
nous savons par le chroniqueur byzantin Jean Malalas que César fit son
entrée à Antioche le 23 du mois Artémisios 25; l'enquête minutieuse de
W. Judeich, au siècle dernier, confirmée récemment par les travaux des
spécialistes de la chronologie antique, a montré que cette date est donnée
d'après le calendrier séleucide, en vigueur à Antioche jusqu'à l'introduction
du calendrier julien, et qu'elle correspond au 16 avril astronomique26; César
julien (c'est bien l'équivalence indiquée par R. A. Parker-W. H. Dubberstein dans les tables
de leur Babylonian Chronology, Brown Univ. St. XIX, Providence 1956, p. 44). Groebe a
bien vu la portée de cette démonstration (o.e., p. 497, n. 4 et 777, n. 2; mais, p. 816, n. 1,
une malencontreuse erreur a tranformé Antiochia en Alexandria). J. Carcopino a cru pouvoir
s'appuyer sur les données d'un calendrier d'Antioche, reproduites par Bischoff (RE X, s. u.
Kalender, 1595), pour affirmer, contrairement à Judeich et à Groebe, que le 23 Artémisios
correspondait au 23 mai - donnant ainsi raison à Le Verrier - (Ces., p. ·430, η. 1 = 919,
n. 190); mais il lui a échappé que ce calendrier d'Antioche était postérieur à l'introduction
du calendrier julien, dont il reproduit exactement les données, en affectant les mois des noms
employés dans les calendriers macédonien et séleucide.
27 Cette donné s'accorde avec un autre renseignement fourni par la Correspondance
de Cicéron: le 19 juin 47 officiel, à Brindes, les informations les plus récentes en provenance
d'Alexandrie n'apportent aucun écho d'un embarquement de César (AU. XI 18,1); mais, 15 jours
plus tard, le 5 juillet officiel, la nouvelle de son départ est arrivée et a reçu ample confirmat
ion (AU. XI 25,2); compte tenu de la durée de la traversée Alexandrie-Brindes (une vingtaine
de jours en moyenne, exceptionnellement 8; cf. JR£ 2. R. II, s. u. Schiffarht, 411 Kroll), l'emba
rquement de César pour la Syrie se placerait entre le 10 et le 20 juin officiel (= 30 mars et
9 avril Groebe); 7 à 17 jours plus tard, César faisait son entrée à Antioche, cf. Drumann-
Groebe, o. c, p. 496, n. 3. On sait que la date du départ de César d'Egypte est controversée.
LES DERNIÈRES ANNÉES DU CALENDRIER PRÉ-JULIEN 29
28 Vergiliarum signo confecto (47,1); A. Bouvet traduit à tort «bien qu'on eût passé
l'époque du coucher des Pléiades» (in edit., Paris 1949, p. 44; avec une remarque savoureuse
en note 72: «l'orage eût été moins étonnant en janvier 46 = novembre 47»: oui, certes; et
pour cause...), tandis que Groebe, mal informé, croit qu'il s'agit de la «Kulmination» des
étoiles (o. c, p. 816 sq. n. 3). Sur le sens du terme confici, dans cette acception, cf. A. Le Boeuffle,
Le vocabulaire latin de l'astronomie, Serv. de reprod. des thèses, Univ. de Lille III, 1973,
II, p. 805, n. 455.
29 Références innombrables; cf. RE XXI 2, s. u. Pleiades, H. Gundel, 2.512 sq.
30 Cf. H. Gundel, o. c, tableau col. 2.503 sq. D'après le calendrier de César et selon
Pline l'Ancien, qui en a transmis les données (XVIII 225; etc.), ce coucher avait lieu le 11 nov.,
date qui vaut pour la latitude de Rome, au IIP s. av. J.-C.
31 Le Verrier, o. c, p. 523 (= 389).
32 L'équinoxe de printemps tombait le 26 mars selon Ovide (F. III 877 sq.), les 24 et
25 d'après Columelle (XI 2, 31), le 25 suivant Pline l'Ancien (XVIII 246).
30 JEAN BEAUJEU
33 T. II, Paris 1941, p. 186 sq.; Constans reprend une hypothèse lancée par A. A. Koerner,
De epistulis a Cicerone post reditum usque ad finem anni A.V.C. 700 datis Quaestiones
chronologicae, Leipzig 1885, p. 15.
LES DERNIÈRES ANNÉES DU CALENDRIER PRÉ-JULIEN 31
début aurait disparu, et avoir été réunies à tort par les copistes à la lettre
du 12 - accident dont la Correspondance offre maints exemples (cf. en
particulier Q. fr. II 4 et 4 a, de mars 56) -. Du coup, il ne serait pas
impossible que cette fin de lettre eût été écrite le XV Kal. Mart, dans le
mois intercalaire, exactement le 14 de ce mois, qui aurait compté 27 jours;
ce serait même l'hypothèse la plus probable, les courriers entre Rome et la
Sardaigne étant trop rares pour que Cicéron ait expédié à son frère deux
lettres à trois jours d'intervalle. Mais la suggestion de Koerner et Constans
mérite-t-elle d'être retenue? Aucun des deux arguments avancés par Koerner
n'est solide: rupture entre le § 6 et le § 7 {cetera sunt . . .)? Elle s'explique
aisément par l'intervalle de trois jours; d'ailleurs, le mot cetera constitue
un « raccord » satisfaisant. Cicéron ne parle pas de la séance du Sénat tenue
le 15? Il a fort bien pu écrire son post-scriptum le matin, avant la séance,
comme il l'avait fait le 12 pour les §§ 1-6; au reste, l'ordre du jour - audience
des ambassadeurs étrangers - ne présentait sans doute pas d'intérêt parti
culier pour Quintus34. Inversement il serait très surprenant que Cicéron
eût terminé sa lettre du 12 sans exprimer à son frère, par une formule
finale, son affection et sa sollicitude, comme il l'a fait dans les autres lettres
qu'il lui a adressées en Sicile (II 1; 2; 4 a; 5; 6); c'est qu'il se réservait
d'ajouter quelques lignes au moment de l'expédition 35.
34 On peut en dire autant du mariage d'Atticus: Cicéron n'avait guère l'habitude de raconter,
dans ses lettres, des scènes de la vie privée.
35 Dans une autre lettre à Quintus, postérieure de quelques semaines à celle du 12-15 févr. 56
(II 4 a, 5 Constans = 4, 7), Cicéron écrit cette phrase: atque adhuc clausum mare fuisse scio;
le passage a été rédigé soit à la fin de mars, comme le pense Constans (o.e., p. 187; après
W. Sternkopf, dans Hermes, XXXIX, 1904, p. 405 sqq.), soit dans la deuxième quinzaine de ce
mois, comme le veulent R. Y. Tyrrell-L. C. Purser (in edit, comment., II2, Dublin 1906, p. 48;
à la suite de Th. Mommsen, in Ges. Schriften, VII, p. 19); dans les deux cas, l'affirmation
paraît difficilement compatible avec le système de Le Verrier, qui identifie le 25 mars officiel
au 23 mars «réel» et le 20 mars officiel au 18 mars «réel»; sans mois intercalaire, les dates
correspondantes proposées par Groebe sont le 1er mars et le 24 février. Or on sait que la
période théorique du mare clausum, à laquelle Cicéron se réfère ici, prenait fin dans les
premiers jours de mars; le terme ultime, indiqué par Végèce (IV 39), est le 10 mars. Mais
E. de Saint-Denis a montré que les limites du mare clausum étaient élastiques, d'autant plus
qu'elles n'avaient pas reçu de consécration officielle et que, dans la pratique, l'activité maritime
était ralentie, mais non pas interrompue (Mare clausum, dans REL, XXV, 1947, 196-214);
32 JEAN BEAUJEU
2 Cf. Tite-Live, V, 21, pour l'evocatio par Camille de l'Uni de Véies et Macrobe, III, 9,
pour l'evocatio par Scipion Emilien de l'ensemble des dieux de Carthage et particulièrement
de sa déesse tutélaire. On peut toujours se référer à V. Basanoff, Etude d'un rituel militaire
romain, dans Bibl. de l'Ecole des Hautes Etudes, Sciences religieuses, LXI, 1947. Cf. aujourd'hui,
et dans le présent volume, p. 521, à propos de l'inscription concernant la prise, en Cilicie, de
la ville d'Isaura vêtus, par le proconsul P. Servilius Vatia (en 75 av. J.-C), l'article de J. Le Gall,
Evocatio.
3 G. Dumézil, La religion romaine archaïque, Paris, Payot, 2e éd., 1974, p. 290 sq.
4 Car il s'agit ici d'un appel bien précis à une divinité connue, en face de l'invocation
générale si deus si dea est. . (Macrobe, III, 9).
.
5 Voir la publication initiale de M. Pallottino et coll. Scavi nel santuario etrusco di Pyrgi,
dans Archeologia Classica, XVI, 1964, p. 84. Sur le problème, on se référera à mes communi-
RELIGION ROMAINE ET RELIGION PUNIQUE 35
Pour Rome toute voisine il ne pouvait déjà s'agir, dans l'un et l'autre cas,
que de Junon elle-même dont le nom était tout voisin de celui de Uni. Une
telle interpretatio, reliant entre elles, de la façon la plus étroite, trois divi
nités qui, sous des appellations diverses, n'en faisaient en réalité qu'une,
dut rester bien vivante au cours des siècles suivants dans le cœur des
Romains. Sur le Capitole, Junon, prenant sa place aux côtés de Jupiter et
de Minerve dans le grand temple étrusque construit par les Tarquins, ne
pouvait complètement effacer le souvenir de l'Uni toscane.
Ainsi, Junon, Uni, Astarté, puis, certainement à la place de cette der
nière, Tanit, tous ces noms ne pouvaient manquer de désigner à Rome, une
même déesse, exerçant sa puissance redoutable sur trois peuples différents,
amis tout d'abord et alliés entre eux et devenus, bien plus tard seulement,
adversaires et ennemis mortels. Uevocatio romaine s'est ainsi exercée, en
quelque sorte, en terrain familier et les généraux qui ont fait tour à tour
entrer à Rome Junon Reine et Junon Caelestis, les grandes déesses d'Etrurie
et de Carthage, n'ont pas adressé leurs prières à des divinités qui leur
étaient étrangères. Ils avaient en face d'eux, sous des vocables différents,
la Junon protectrice de Rome et les exemples célèbres du rituel de Vevo-
catio romaine se sont adressés aux puissances bien familières qu'avait honor
éesdans sa double dédicace, gravée sur feuilles d'or, le souverain de Caere,
Thefarie Velianas.
Voici que se trouvent singulièrement enrichis le champ et la durée
d'une interpretatio jusqu'ici considérée en quelque sorte comme ponctuelle,
comme née au moment même de la disparition de la Véies étrusque et de
la Carthage punique ou bien peu auparavant. On comprend à présent pour
quoi, au moment où Hannibal faisait trembler Rome, tous les esprits se
tournèrent vers Junon, honorée par eux sous diverses épithètes, et surtout
vers Juno Regina, la vieille déesse étrusque venue de Véies sur l'Aventin6.
Une autre Junon, celle de Lanuvium, qui gardait tous les traits d'une
divinité guerrière et poliade étrusque, avec sa lance, son bouclier à double
échancrure et ses chaussures à la poulaine, ses calcei repandi7, reçut en
217 des honneurs exceptionnels qu'exigeaient des prodiges survenus en son
propre temple et traduisant son trouble et sans doute sa colère8. En même
cations Ilithye, Leucothée et Thesan, CRAI, 1968, p. 366-375 et Héra, Uni, Junon en Italie
centrale, Ibid., 1972, p. 384-396
6 Voir ma communication Hannibal et les dieux de Rome, CRAI, 1975, p. 14-25.
7 Cicéron, De natura deorum, I, 82.
8 Liv., XXI, 62.
36 RAYMOND BLOCH
9 Ibidem.
10 Liv., XXII, I, 19.
11 Liv., XXVII, 37.
12 Liv., V, 22.
13 Plutarque, Camille VI, 2.
RELIGION ROMAINE ET RELIGION PUNIQUE 37
ac per Urbem Saturnalia diem ac noctem clamatum populusque eum dient festum habere ac
servare in perpetuum jussus.
18 Sur l'ensemble du problème cf. Ch. Guittard, Recherches sur la nature de Saturne, des
origines à la réforme de 217 avant J.-C. dans R. Bloch et coll., Recherches sur les religions
de l'Italie ancienne, Droz, Genève, sous presse.
19 G. Lugli, Roma antica. Il centro monumentale, Rome, 1946, p. 149 sq.
20 M. Le Glay, Saturne africain, Histoire, dans BEFAR, 255, Paris, 1966.
RELIGION ROMAINE ET RELIGION PUNIQUE 39
23 On trouvera, dans le présent volume, p. 65 sq. les réflexions originales de D. Briquel sur
«Les enterrés vivants de Brindes».
24 J. Bayet, Les Origines de l'Hercule romain, Paris, 1926 et Herclé. Etude critique des
principaux monuments relatifs à l'Hercule étrusque, Paris, 1926.
25 A. Piganiol, Les origines d'Hercule, dans Hommages à A. Grenier, coll. Latomus, LVIII,
Bruxelles-Berchem, 1962, p. 1261-1264, et D. Van Berchem, Hercule-Melqart à l'Ara Maxima,
dans RPAA, XXXII, 1959-1960, p. 61-68 et Sanctuaires d'Hercule Melqart. Contribution à
l'étude de l'expansion phénicienne en Méditerranée, dans Syria, XLV, 1967, p. 74-109 et 307-338.
26 R. Rebuffat, Les Phéniciens à Rome, dans MEFR, 78, 1966, p. 7-48. La royauté étrusque
a dû accueillir favorablement leur présence.
MARIA BONGHI JOVINO
1 Per una valutazione recente dell'ellenismo in Magna Grecia: La Magna Grecia nel
mondo ellenistico, IX Convegno di Studi sulla Magna Grecia, Taranto 1969, Napoli 1970
con relativa bibliografia. Sul rapporto dialettico tra cultura romana ed espressioni dell'ellenismo
italico: Incontro di studi su «Roma e l'Italia fra i Gracchi e Siila», Pontignano 1969, in
Dialoghi di Archeologia, IV-V, 1970-71.
2 In Beozia è attestato un esemplare con bambino su canarino; il bambino reca una
clamide sulle spalle ed appare databile alla seconda metà del III sec. a.C. (S. Besques, Cata
logue raisonné des figurines et reliefs en terre-cuite grecs, étrusques et romains, III, Paris
1972, abbr. Besques III; tav. 41 s., pp. 7 e 34 ss.). Altri esemplari sono presenti a Tarso. Uno
abbastanza frammentario mostra un erote assiso su un animale ormai scomparso; è coronato
di edera e reca la clamide. La sua cronologia è da fissare nell'ambito del I sec. a.C. (Besques III,
tav. 347 g, p. 278). Il secondo esemplare anch'esso assai frammentario mostra un bambino a
cavalcioni di un uccello (Besques III, tav. 348 e, pp. 278 e 269 ss.) con una cronologia all'età
ellenistica recente. La Besques (loc. cit.) fa rilevare come a suo tempo Heuzey avesse pensato
per questo esemplare che l'uccello potesse essere in realtà un'aquila per il tipo del piumaggio;
in tal caso si tratterebbe di Ganimede con l'aquila.
3 Un erote trainato da due pavoni è presente in Attica con una cronologia al III sec. a.C.
(J. Chesterman, Classical Terracotta Figures, London 1974, pp. 57-58, fig. 55).
42 MARIA BONGHI JOVINO
20 Mollard-Besques II, tav. 76 d-f, p. 60. Pottier-Reinach, op. cit., tav. XVII, 5, pp. 339-340.
21 Mollard-Besques II, p. 60.
22 Le differenze consistono principalmente nei seguenti dati: il braccio destro del primo
esemplare (tav. 76 d) risulta più accosto alla testa rispetto agli altri due (tav. 76, e, f), la clamide
che compare tra le gambe dell'erote negli esemplari a tav. 76 d, e, non appare nel terzo (tav. 76 f),
le code dei delfini sono completamente diverse in due esemplari (tav. 76 d, f), la stessa cetra
nei tre pezzi mostra alcune sottili differenze.
23 N. inv. 4978; Patroni, op. cit., η. 4753 (ν. inv. 4056), p. 598; alt. mass, cm 9. L'esemplare
si presenta alquanto danneggiato; manca la zampa anteriore sinistra della bestia.
24 N. inv. 4877; alt. mass, cm 11.
25 Mollard-Besques II, tav. 158 e, p. 131.
26 N. inv. 4976; Patroni, op. cit., η. 4747 (ν. inv. 4059), p. 597; alt. mass, cm 10.
PROBLEMA DELL'ELLENISMO ITALICO 45
33 M. Bonghi Jovino, Capua Preromana, Terrecotte votive II, Le statue, Firenze 1971,
p. 28 ss.; id., in XI Convegno di Studi sulla Magna Grecia, Taranto 1971, Napoli 1972, (Le genti
non greche della Magna Grecia), pp. 337 ss.
34 Dialoghi di Archeologia, R. Bianchi Bandinelli, pp. 173, 212 ss, le conclusioni di F. Coa-
relli, pp. 264-265, le osservazioni di M. Torelli, pp. 271 ss.
35 Dialoghi di Archeologia (v. a nota 1), W. Johannowsky, pp. 187 ss.
36 G. Becatti, Arte e gusto degli scrittori latini, Firenze 1951, pp. 22 ss.
PROBLEMA DELL'ELLENISMO ITALICO 47
Fig. 2.
Fig. 1.
Fig· 3.
Fig. 4. Fig. 5.
BERNARD BOULOUMIE
1 J'ai plaisir à remercier ici Monsieur F. Pomarède, Conservateur des Musées de Reims,
qui m'a fourni, avec beaucoup d'amabilité, les renseignements nécessaires sur ce vase. Madame
Mollard-Besques (Louvre) m'en avait signalé l'existence, il y a quelques années.
2 Hauteur, anse comprise: 0,212 m. Hauteur sans l'anse: 0,197 m. Diamètre maximum:
0,135 m. Epaisseur moyenne de la paroi: 0,006 m. L'anse et une partie de l'ouverture ont été
recollées. Sur le flanc, on distingue une fente et un petit trou. Quelques éclats, en surface,
et l'usure de la panse, pourraient témoigner d'un nettoyage hâtif et négligent au moment de
la découverte.
3 Toutefois, issue du même territoire de Haguenau, une Schnabelkanne en bronze a eu
un sort identique (cf. B. Bouloumié, Les œnochoés en bronze du type Schnabelkanne en
France et en Belgique, dans Gallia 31, 1973, fase. 1, p. 3): le vase, retrouvé en fragments
dans le musée de Haguenau, a été restauré en 1952. Il portait, lui aussi, une étiquette: « Forêt
de Haguenau», et appartenait primitivement à la Collection Nessel. F. A. Schaeffer (Les tertres
funéraires préhistoriques de la Forêt de Haguenau, Haguenau 1930) ne fait aucune allusion
ni à l'œnochoé de bronze, ni à Volpe.
50 BERNARD BOULOUMIÉ
* * *
8 J. Ward-Perkins, Veil The Historical Topography of the Ancient City, dans PBSR
XXIX 1961, p. 114 et pi. XXX.
9 J. Gy. Szilâgyi, Remarques sur les vases étrusco-corinthiens de l'Exposition Etrusque
de Vienne, dans AC XX, fase. 1, 1968, p. 1-23, et pi. I, 1; H, 2; V à IX; XIV, 2.
10 F. Zevi, Nuovi vasi del Pittore della Sfinge Barbuta, dans SE XXXVII, 1969, p. 43-44,
pi. XVI. Le rôle de l'incision sur ce type de vases, et l'influence des productions de bucchero
ou de bronze avaient déjà été bien mis en évidence par J. Gy. Szilâgyi, Italo-Corinthiaca,
dans SE XXVI, 1958, p. 277-278.
11 M. Cristofani, F. Zevi, La Tomba Campana di Veio. Il corredo, dans AC XVII, fase. 1,
1965, p. 31.
12 Ce qui serait un signe d'antiquité, ces appendices étant plus développés dans les
productions italo-corinthiennes tardives. Cf. M. Cristofani - F. Zevi, op. cit., p. 31, note 105.
13 En réalité, on ne connaît ce vase que par le dessin d'ensemble de Canina. M. Cristofani
et F. Zevi ont l'air de penser qu'en fait, les écailles n'étaient pas peintes: « Le squame sono rese
come fossero dipinte in chiaro su fondo scuro; ma, anche se esiste una classe di olpai squamate
di questo tipo, è molto probabile si tratti di un espediente del disegnatore per rendere evidente
la decorazione incisa». Je ne comprends pas bien, à dire vrai, sur quoi ce raisonnement
s'appuie, car cette catégorie d'olpai à écailles peintes en alternance est attestée à Véies même,
aux Quattro Fontanili. Cf. le vase cité plus haut, qui est, d'ailleurs, mentionné à la note 108
de la même page 31 (M. Cristofani - F. Zevi).
52 BERNARD BOULOUMIÉ
14 A. Adriani, Veto. Scavi nella necropoli degli alunni dell'anno 1926-27 del Corso di
Topografia dell'Italia antica della R. Università di Roma, dans NSA 1930, fase. 1-3, p. 57-66,
fig. 10 et pi. II.
15 Ibid., p. 32.
16 Ce paragraphe s'inspire directement de l'étude déjà citée de M. Cristofani - F. Zevi,
p. 32-33.
17 Cf. également ce que j'ai dit à la note 5.
18 Je n'ai pas l'impression que nous ayons affaire à un faux, bien que l'hypothèse ne soit
pas à exclure. Quand j'emploie le terme de «bâtard», je veux dire qu'il s'agit d'un mélange
UN VASE ÉTRUSCO-CORINTHIENC?) TROUVÉ EN ALSACE? 53
Le problème que pose la présence de cet objet en Alsace n'en est pas
pour autant résolu. Si l'on admet que Volpe a été réellement trouvée à
Haguenau 19, elle devra figurer parmi les plus prestigieuses des importations
méditerranéennes au voisinage du Rhin.
Les importations, on le sait, ne manquent pas dans cette région. C'est
même là qu'on rencontre la plus grande concentration de Schnabelkannen.
Sur la rive gauche du fleuve, on trouve un exemplaire à Hatten, un autre
à Haguenau, et, toujours pour le département du Bas-Rhin, les deux exemp
laires de Sesenheim et de Sufflenheim. J'y ajouterai deux autres vases pro
venant l'un de la Collection Morin-Jean, l'autre de la Collection Hunt20.
Dans le même secteur géographique, on doit leur associer la Schnabelkanne
du Luxembourg (Wasserbilig) et toutes celles qui ont été découvertes entre
Karlsruhe et Cologne, avec un groupement très marqué en Sarre21.
Les autres vases en bronze, d'origine méditerranéenne, découverts dans
l'Est de la France, sont tout aussi remarquables. Je citerai les deux stamnoi 22
de Basse-Yutz (Moselle), la pyxide23 et les deux coupes d'Appenwihr (Haut-
Rhin). On considère encore comme importation un rasoir en bronze24
provenant de la Forêt de la Hardt, près de Colmar (Haut-Rhin). Enfin, une
37 C'est un point qui reste à préciser. Les cols possibles n'abondent pas, et on devrait
parvenir à identifier la voie préférentielle grâce aux catalogues systématiques et exhaustifs des
vases trouvés en Gaule, en Allemagne et en Suisse. Dans l'état actuel de nos connaissances,
je crois que le passage n'a pas été forcément le même au début et à la fin du VIe siècle.
38 Le point le plus septentrional où du bucchero ait été découvert se situe à la hauteur
de Valence (cf. Actes de la Table-Ronde sur le Bucchero étrusque et sa diffusion en Gaule
Méridionale, Aix-en-Provence, 21-23 Mai 1975, Collection Latomus, Bruxelles 1976). On a
parfois cru en avoir trouvé plus au Nord, mais, à ma connaissance, il s'agit de céramique noire
de La Tène tardive (la qualité de la pâte et la forme des vases restent des critères indiscutables).
J'en ai eu récemment la preuve, avec des tessons provenant de la Haute-Marne.
39 J'en dresserai la liste, en publiant, sous peu, les tessons provenant de Saint-Biaise.
40 P. Jacobsthal, Bodenfunde..., op. cit., p. 15, a fait, depuis longtemps, justice de la
prétendue découverte en Suisse (Musée de Baden) d'un aryballe italo-corinthien.
41 Le texte de cette note était déjà sous presse quand m'est parvenue l'excellente monog
raphie de M. Bonamici, / buccheri con figurazioni graffite, Florence 1974. Les seuls décors
en écailles (parfaitement régulières) apparaissent sur des œnochoés considérées par l'auteur
comme des faux.
UN VASE ÉTRUSCO-CORINTHIENi?) TROUVÉ EN ALSACE? 57
Fig. 3 - Volpe.
(Dessin Musées de Reims)
1 Inter ludos cantata sunt quaedam ad miserationem et inuidiam caedis eius accpmmo-
data, ex Pacuui Armorum iudicio: «Men seruasse ut essent qui me perderent? » et ex Electra
Atili ad similem sententiam (Suet., lui, LXXXIV, 3).
SUR L'INFLUENCE DES GRANDS TRAGIQUES LATINS 61
2 O. Ribbeck: Die Römische Tragödie im Zeitalter der Republik, Leipzig 1875 p. 230 n. 1
rapproche le passage d'Horace de la citation de Cicéron; sur l'attribution à Pacuvius cf. p. 289.
62 JEAN-PAUL BOUCHER
3 Aux vers 246-247, Juvénal a fait référence à Homère: Rex Pylius, magno si quicquam
credis Homero, exemplum uitae fuit a comice secundaa, c'est au personnage de l'Iliade et de
l'Odyssée, symbole de longévité et de sagesse, que le satirique oppose une autre version, celle
de l'Ethiopide et des poètes tragiques.
SUR L'INFLUENCE DES GRANDS TRAGIQUES LATINS 63
6 Le très petit nombre des titres conservés (9 d'après Ribbeck o.l. p. 685-686) est en
contradiction avec le témoignage d'Horace et la célébrité du genre. On est contraint d'admettre
que de nombreuses œuvres ont disparu sans laisser de traces, au moins directes.
DOMINIQUE BRIQUEL
1 Lyc, v. 1056 sq.; schol. ad Lyc, in Alex., 602, 1056; Just., XII, 2.
2 Diverses explications ont été données à cette disparition. Selon les uns Diomède aurait
été tué par le roi des Dauniens Daunos (schol. ad Lyc, in Alex. 592, 610 - d'après Mimnerme -,
630). Selon d'autres il serait mort dans les îles diomédiennes, où on montrait son tombeau
(Strab., 283-4, 3, 9; schol. in Iliad., IV, 412). Selon d'autres encore il serait mort de vieillesse
en Daunie (Anton. Liberalis, XXXVII, suivant sans doute Nicandre). Et Strabon (Le.) rapporte
encore deux autres versions suivant lesquelles il serait retourné en Grèce ou parti chez les
Vénètes où il aurait connu une apothéose.
3 Déjà l'oracle envoyant les Parthénies coloniser Tarente les présentait comme le fléau
des Iapyges (Antioch., apud Str., 278-9, 3, 2) et on connaît les appels successifs de la cité
à toute une série de chefs étrangers, justement pour la défendre contre l'attaque des indigènes
de l'arrière-pays.
66 DOMINIQUE BRIQUEL
chercher derrière cette peu réjouissante histoire4. Quelle que soit la mise
en forme légendaire donnée par les Grecs à cette effrayante coutume, il y
aurait eu des enterrés vivants bien réels.
Une telle démarche visant à retrouver derrière la fable hellénique une
réalité autochtone nous paraît en l'occurence parfaitement justifiée. On ne
voit guère comment une histoire quelconque sur la perversité des barbares
aurait pu prendre une forme aussi précise si l'enterrement d'hommes vivants
n'avait été justifié par l'existence d'une telle coutume en Apulie. Là comme
bien souvent la légende grecque doit recouvrir des realia locaux.
Mais, une fois cette idée admise, le travail ne fait que commencer.
Il importe de voir si nos textes permettent de donner une idée plus précise
de ce qu'il faut bien considérer comme un ensevelissement volontaire d'êtres
vivants. Et ici les choses se compliquent. Car il faut tenir compte de la
part de l'affabulation grecque: il n'est nullement certain que tel détail du
texte par lequel on penserait pouvoir expliquer cette coutume corresponde
à quoi que ce soit de réel au niveau du substrat indigène. Et surtout les
passages sur lesquels on peut se fonder présentent des divergences particulièr
ement sensibles quant à la justification de cet ensevelissement, dont il serait
dangereux de ne pas tenir compte.
On peut en effet distinguer deux versions sensiblement différentes de
la légende, chez Justin et les scholiastes de Lycophron, entre lesquelles le
texte de Lycophron lui-même semble occuper une position intermédiaire.
Dans le texte de Justin tout d'abord, la scène est bien située géographi-
quement. Il s'agit de Brindes, ville qui aurait été fondée par Diomède et
ses compagnons étoliens 5. L'auteur ne dit rien sur le sort ultérieur du héros,
mais précise que les Etoliens ont été par la suite chassés de la ville par
les indigènes. Cependant ces Grecs reçoivent bientôt d'un oracle l'assurance
de la possession perpétuelle du sol: en conséquence de quoi ils dépêchent
une ambassade pour faire connaître l'arrêt du destin aux Apuliens. Mais
4 L. R. Farnell, Greek hero cults and ideas of immortality, Oxford, 1921, p. 290,
O. Terrosi-Zanco, dans RAL, VIII, XV, 1960, p. 273, U. Fantasia, dans ASNP, III, II, 1972,
p. 116 sq.
5 Just., I.e.: Urbs Apulis Brundisium, quam Aetoli, secuti turn fama rerum in Troia
gestarum clarissimum ducem Diomedem condiderunt. Cf. aussi Isid., XIV, 4, 23.
LES ENTERRÉS VIVANTS DE BRINDES 67
ces derniers, tout comme les Grecs ont su le faire en d'autres circonstances,
trouvent le moyen de tourner l'oracle6. Ils enterrent les ambassadeurs dans
le sol de leur territoire, leur donnant ainsi effectivement en partage
leur terre 7.
Dans les scholies à Lycophron la scène est déplacée dans l'espace. La
mésaventure des Etoliens se déroule en Daunie, donc dans une région dont
Brindes ne fait pas partie8. Et cet épisode s'inscrit dans la légende, connue
depuis Mimnerme au VIIe s. 9, mettant en rapport Diomède et le souverain
local Daunos et aboutissant - autre exemple de perfidie barbare - au
meurtre du premier par le second. Le héros aurait en effet voué à la stérilité
cette terre tant qu'elle ne serait pas cultivée par des Etoliens de sa race.
Et c'est pour tourner cette malédiction qu'intervient dans cette version l'e
nterrement des Grecs: les Dauniens auraient été proposer l'héritage de leur
chef aux Etoliens, mais ceux d'entre eux qui se seraient laissé tenter par
ces promesses fallacieuses auraient été, une fois sur place, enterrés vivants 10.
6 II est fréquent que les oracles, par exemple ceux concernant la fondation d'une ville,
soient l'objet d'une interprétation inattendue, et souvent qu'un contenu apparemment effrayant
se révèle passible d'une interprétation anodine. La prédiction de la manducation des tables
faite à Enée se rattache ainsi à de nombreux précédents helléniques (voir p. ex. H. W. Parke,
A history of the Delphic oracle, Oxford, 1939, p. 59 sq.).
7 Just., I.e.: Aetoli... pulsi ab Apulis consulentes oraculum responsum acceperant,
locum qui repetissent perpetuo possessuros. Hoc igitur ex causa per legates cum belli com-
minatione restituì sibi ab Apulis urbem postulaverant; sed ubi Apulis oraculum innotuit,
interfectos legates in urbe sepelierant, perpetuam ibi sedem habituros. Atque ita defuncti
responso dei urbem possederunt. On remarquera qu'ici la mise à mort semble précéder l'enseve
lissement. Mais l'accord des autres sources sur la précision de l'enterrement de Grecs vivants
incite à voir là, sans plus, une modification apportée par Trogue-Pompée ou Justin lui-même
au récit. Il n'est guère pensable que cette spécification, exceptionnelle et qui au fond constitue
toute l'originalité de l'histoire, ait pu manquer au point de départ.
8 En dépit des variations dans l'emploi des termes grecs de Dauniens, Peucétiens, Iapyges,
Messapiens ou latins de Apuli, Poediculi, Sallentini, Calabri on peut dire que Brindes ne fait
nullement partie de la Daunie proprement dite. Sur ces termes géographiques, voir p. ex.
P. Wuilleumier, Tarente, Paris, 1940, p. 12 sq.
9 Ap. schol. in Alex., 610.
10 Schol. ad Lyc, in Alex., 1056: Διομήδης καταρασάμενος την των Δαυνίων χώραν μη
καταφορησαί ποτέ, ει μη παρ' Αιτωλών έργάζοιτο, οι Δαυνίοι παραγενόμενοι εις Αίτωλίαν έκήρυξαν
τους βουλομένους έλοεϊν καί άπολαβεΐν το Διομήδους μέρος της γης · έλθόντωυ δε των Αιτωλών εις
την των Δαυνίων χώραν καί απαιτούντων την γήν οι Δαυνιοι λαβόντες κατέχωσαν αυτούς ζώντας
λέγοντες · άπειλήφατε τον κλήρον της υμών öv αιτείτε παρ ' ημών, ού μόνον δε, άλλα καί του Διομήδους.
(cf. aussi schol. in 602).
68 DOMINIQUE BRIQUEL
11 V. 602 sq.
12 V. 1056 sq.
13 C'est l'opinion de C. von Holzinger, Lykophrons Alexandra, Leipzig, 1885, p. 263 sq.,
qui récuse l'existence de tout lien entre les deux passages.
14 Malheureusement l'obscurité des précisions géographiques du vers 1058 (Σαλάγγων
γαίαν Αγγαίσων ΰ'εδη), déjà incompréhensibles pour les scholiastes, ne permet pas de dire si
pour le poète la scène se passe en Daunie, comme dans les scholies, ou à Brindes, comme
chez Justin.
LES ENTERRÉS VIVANTS DE BRINDES 69
* *
d'invasion menaçant dans l'autre. On voit que les sources se rangent dans
deux catégories irréductibles - Justin d'une part, Lycophron et ses scholies
de l'autre - où la réalité locale dont on entrevoit l'existence peut avoir
des sens très différents.
Existe-t-il moyen de trancher la question et de savoir quelle est la
version la plus ancienne, celle donc qui a le plus de chances de présenter
la variante la plus conforme à la réalité locale? Le mieux serait assurément
de pouvoir juger des sources respectives de Justin et de Lycophron et ses
scholiastes. Mais malheureusement nous entrons par là dans un domaine
où on ne peut jusqu'à présent rien affirmer de précis. On sait combien
reste controversée la question des sources et même des dates du poète grec,
et une position prudente sur le problème paraît nécessaire. Au niveau des
scholies la question n'est pas plus claire, d'autant plus qu'il faut tenir compte
ici des divergences entre l'auteur lui-même et ses commentateurs. Il n'est
nullement certain que la référence à Timée et à Lycos donnée par le
scholiaste au vers 695 19 puisse s'appliquer à l'ensemble du récit des scholies,
ni à plus forte raison à tout ce que dit le poète, et non pas au seul
épisode dont il est explicitement question à se moment, l'histoire des statues
faites avec les pierres rapportées de Troie20. Certes, on peut toujours
admettre l'hypothèse traditionnelle que Lycophron ait composé son œuvre
vers le milieu du IIIe s., en puisant sa documentation dans les ouvrages
de Timée, rédigés vers le premier quart du siècle, mais on ne saurait en
faire une certitude, et tout rapporter de ce que l'on a chez le poète alexandrin
à l'historien de Tauroménion 21. Quant à Justin, si sa dépendance à l'égard
de Trogue-Pompée ne pose bien sûr aucun problème, la question se complique
dès que l'on veut remonter plus loin et dépasser l'époque augustéenne.
D'après l'étude la plus récente sur la question, celle de G. Forni22, il
semblerait que Trogue-Pompée ait utilisé des sources grecques du IVe s.,
23 Dans les scholies les barbares poussent la perfidie jusqu'à provoquer la venue des
Grecs, en les attirant par des promesses trompeuses. Chez l'auteur de Y Alexandra il semblerait
LES ENTERRÉS VIVANTS DE BRINDES 73
plutôt que les Etoliens envoient spontanément une ambassade. Un renchérissement sur le thème
de la mauvaise foi barbare est probable (se serait-il produit entre Timée et Lycos?).
24 Sur cette question voir E. Pais, Ricerche storiche e geografiche sull'Italia antica,
Turin, 1908, p. 190 sq., P. Wuilleumier, ο. α, ρ. 81 sq.
25 Just., I.e.: Primurn Uli bellum cum Apulis fuit, quorum, cognito urbis fato, brevi
post tempore pacem et amicitiam cum rege eorum fecit.
26 Ο. c, p. 119.
74 DOMINIQUE BRIQUEL
celles de Rome27. Ce qui était légende dans la Pouille vers 330 apparaît
sous les traits d'une triste réalité au Forum Boarium en 228 28, en 216 29
et peut-être en 114 30. A en croire Pline la coutume d'enterrer vivants des
êtres humains se serait même prolongée beaucoup plus tard, jusqu'à son
époque 31.
Mais la comparaison entre la pratique romaine bien connue et ce qu'il
nous a paru possible de supposer à partir de la tradition sur Dîjpmède en
Apulie n'est pas seulement d'ordre rhétorique. On ne peut manquer d'être
frappé par les analogies entre ce que l'on sait des faits romains, au moins
tels que les présentent certaines sources, et ce qui nous a semblé devoir
être la forme originale de la tradition apulienne. Les gens de Brindes, d'après
Justin, auraient enterré des Grecs afin de respecter la lettre d'un oracle
qui promettait à ces Hellènes la possession perpétuelle du sol de leur cité.
Or les événements de Rome de 228 sont justifiés d'une manière tout à fait
analogue dans le passage de Dion Cassius et dans le texte de Zonaras,
qui s'en inspire certainement directement32. Là également un oracle aurait
affirmé que la ville devait être prise par des ennemis, Grecs et Gaulois
en l'occurence, et ce serait, à en croire les deux historiens grecs, afin de
trouver une interprétation tout à leur avantage de cet arrêt du destin que
les Romains auraient procédé aux ensevelissements du Forum Boarium. Il
paraît bien difficile de considérer comme fortuite une telle coïncidence . . .
Certes, il ne suffit pas de souligner cette ressemblance. Car le rappro
chement pose d'emblée, en ce qui concerne les faits romains, de graves
problèmes. La version de Dion Cassius n'est en effet pas la seule sur laquelle
on puisse se fonder. Et d'autres sources présentent les choses d'une manière
sensiblement différente. Ainsi cet oracle dont il est question chez Dion et
Zonaras et qui a un correspondant si net dans la tradition apulienne n'apparaît
pas dans les autres sources. Plutarque pour 228 et aussi pour 114, Tite-Live
pour 216 font intervenir les Livres sibyllins33. Par ailleurs parfois le rite
romain paraît bien lié à un but de défense contre l'ennemi extérieur, tout
comme l'a certainement été le parallèle apulien. Mais si telle est l'explication
que Plutarque aussi bien que Dion et Zonaras donnent pour les faits de 228,
si cela est affirmé expressément chez Pline et d'une manière moins nette
chez Orose34, les événements (dont l'existence n'est pas certaine) de 114 sont
έν μέση τη αγορά έκ χρησμού τινός δειματωυέντες, λέγοντος "Ελληνα και Γαλάτην καταλήψεσθαι το
άστυ. Sans aucun doute la mention d'androgynes au lieu de couples résulte d'une confusion
très tardive, peut-être opérée par Tzetzès lui-même (cf. Boehm, I.e.). Chez Orose aussi on
trouve une erreur manifeste sur l'identité des victimes (IV, 13, 3, 228): Decemviri... Gallum
virum et Gallam feminam cum muliere simul Graeca in Foro Boario vivos defoderunt. On
peut penser que la leçon exacte chez Dion lui-même est celle qui apparaît chez Zonaras
(VIII, 19): λογίου δε ποτέ τοις 'Ρωμαίοις έλοόντος και "Ελληνας και Γαλατάς το άστυ καταλήψεσυαι,
Γαλάται δύο και Έλληνες έτεροι έκ τε του άρρενος και του ΰήλεος γένους ζώντας έν τη άγορφ
ϊν'
κατωρύγησαν, οϋτως επιτελές το πεπρωμένον γενέσθαι δοκή, καί τι κατέχειν της πόλεως κατορωρυγμένοι
νομίζωνται. La désignation exacte des victimes ne fait aucun doute; elle est assurée par les
témoignages concordants de Tite Live, Pline, Plutarque (I.e.) et Minucius Felix (Oct., XXX, 4).
33 Cf. respectivement Plut., Marc, III, 4: τότε του πολέμου συμπεσόντος ήναγκάσ&ησαν ειξαι
λογίοις τισίν έκ των Σιβυλλείων καί δύο μεν Έλληνας, άνδρα καί γυναίκα, δύο δε Γαλατάς ομοίως
έν τη καλούμενη βοών αγορά κατορύξαι ζώντας; pour 114, après la découverte du stuprum des
Vestales, Q. R. 83: της δε πράξεως δεινής φανείσης εδοξεν άνεμ Jouai τα Σιβύλλεια τους ιερείς · εύρηοήναι
δέ φασι χρησμούς ταΰτά τε τάττοντας ώς έπί κακφ γενησόμενα καί προστάττοντας άλλοκότοις τισί
δαίμοσι καί ξένοις αποτροπής ένεκα τοϋ έπιόντος προέσοαι δύο μεν Έλληνας, δύο δε Γαλατάς ζώντας
αυτόθι κατορυγέντας; pour 216, après la faute des Vestales Opimia et Floronia, Liv. XXII, 57:
hoc nefas cum inter tot clades in prodigium versum esset, decemviri libros adire jussi sunt
sciscitatum quibus precibus suppliciisque deos possent placare et quaenam futura finis tantis
cladibus foret. Interim ex fatalibus libris sacrificia aliquot extraordinaria, inter quae Gallus
et Galla, Graecus et Graeca in Foro Boario sub terra vivi demissi sunt in locum saxo
consaeptum, jam ante hostiis humanis, minime romano sacro, imbutum.
34 Orose parie d'un obligamentum magicum.
LES ENTERRÉS VIVANTS DE BRINDES 77
Mais c'est, semble-t-il, justement vers des conclusions de cet ordre que
nous paraît devoir s'orienter l'étude des faits romains.
En ce qui, concerne le lien entre le faute des vestales et la mise à
mort des Gaulois et des Grecs, il n'est clair qu'à propos des événements
de 114, dont l'existence même est sujette à caution. Il paraît dangereux
de partir de là pour tirer une explication valable aussi bien pour les événe
ments de 228 et 216. Car si en 216 on recourt à ce rite après la découverte
du stuprum des vestales, c'est, il faut le souligner avec C. Bémont35, à
l'occasion d'une « crise prodigiale » qui dépasse de beaucoup cette faute,
dont cette dernière ne constitue que l'un des aspects même si c'est le plus
marquant36. Le stuprum n'est finalement que l'occasion de la consultation
35 Voir C. Bémont, art. cité, MEFR, surtout p. 143, dont nous partageons entièrement
les conclusions quant au caractère occasionnel et secondaire de la relation de ce type de meurtre
rituel et de la faute des Vestales.
36 On sera sensible à la formulation de Tite-Live qui insiste sur les désastres militaires
et laisse entendre que, sans eux, le crime des Vestales n'aurait pas été considéré comme
un prodige.
78 DOMINIQUE BRIQUEL
des Livres, occasion préparée par toute la série des défaites et des phéno
mènes alarmants. C'est en dernier ressort ce contexte, essentiellement mili
taire, qui fait, exceptionnellement, considérer ce stuprum comme un pro-
digium; ce qu'il n'a jamais été auparavant, puisque jamais, jusque là, faute
de Vestale n'avait provoqué le recours aux Libri. Quant aux événements
de 228, la liaison avec le crime de Tuccia, vraisemblablement antérieur de
deux ans, est bien douteux. Il est de bien meilleure méthode de s'en tenir
au témoignage des textes, tous concordant sur ce point, et de penser que
c'est l'imminence du péril gaulois (qu'il soit exprimé ou non par P« oracle »
dont parlent Dion et Zonaras) et uniquement cela qui a provoqué l'enseveli
ssement (par le biais, chez Plutarque, de la consultation des Livres37). Nulle
part il n'est fait allusion à la faute de Tuccia. Il vaut mieux ne pas l'i
ntroduire dans l'affaire et lui garder son aspect exclusivement militaire38.
Nous ne serions donc pas porté à penser qu'on puisse lier systémat
iquement stuprum de Vestales, consultation des Livres et ensevelissement de
Grecs et de Gaulois. Et même, plus généralement, nous ne penserions pas
qu'il faille nécessairement mettre en rapport le recours aux Libri, décidé
par le Sénat, et tel ou tel prodige particulier. Les causes de la consultation
peuvent être multiples et n'impliquent pas obligatoirement, on le voit pour
217 par exemple, l'annonce de taetra prodigia. Un danger extérieur peut
fort bien avoir été jugé suffisant, et au reste comme le note justement
R. Bloch, en période de crise, tout peut être considéré comme signe divin 39.
Bien sûr, une fois institué à l'occasion d'un danger militaire précis, ce rite
pouvait vivre de sa vie propre et se voir employé - comme cela a pu être
le cas en 114 - même en dehors de ce cadre, surtout si en 216 le rapport,
au fond occasionnel et fortuit, entre la faute des Vestales et ce mode de
meutre rituel avait établi une liaison entre les deux phénomènes 39 bls. Mais au
point de départ, et c'est cela seul qui nous importe ici, c'est uniquement
la menace d'invasion qui justifiait le rite.
De même c'est probablement par une évolution des idées concernant
ces mises à mort dont le souvenir devait d'autant plus rester présent à
37 On sait que les causes de la consultation des Livres peuvent être multiples et ne
nécessitent pas l'observation d'un prodige proprement dit. Ainsi en 217 (Liv., XIX, 8) il est
bien spécifié qu'il n'y a pas eu de taetra prodigia. Voir aussi, plus généralement, D.H., IV, 62, 1.
38 Pour la présence de Grecs à côté des Gaulois, voir infra.
39 Voir R. Bloch, Les prodiges, Paris, 1953.
39bls La mise en relation était en outre favorisée par le recours dans les deux cas à la même
forme, exceptionnelle, de mise à mort par ensevelissement.
LES ENTERRÉS VIVANTS DE BRINDES 79
40 II est fort possible que, comme le dit cet auteur (l. c), les démons étrangers soient
:une invention du savant Plutarque».
41 Cf. p. ex. fr. 49: χρησμός τις της Σιβύλλης.
80 DOMINIQUE BRIQUEL
A vrai dire tout n'est pas expliqué pour autant. En effet les textes qui
parlent d'un oracle parlent d'une réponse concernant des événements à venir
- Rome risque d'être prise par les Grecs et les Gaulois - et ne précisent
pas que l'ensevelissement au Forum Boarium ait été prescrit par l'oracle
lui-même. Et, au contraire, les textes qui parlent d'une consultation des Livres
indiquent que les Romains y ont trouvé le moyen de se concilier les dieux,
mais non la spécification d'un danger de prise de leur cité. Mais, là non
plus, la contradiction n'est pas insurmontable.
Il ne faut pas, en effet, limiter les Livres à n'être qu'un recueil de
prescriptions à accomplir dans tel ou tel cas nommément désigné. Comme
le souligne à juste titre J. Gagé, à côté de cette forme simple de l'oracle,
il peut en exister une plus complexe qui, « partant de l'interprétation d'un
prodige » (ou de ce qui est reçu comme tel) « déroule en quelque sorte les
événements qu'il contient » 42. Il peut y avoir une explicitation du danger
qui menace la cité et qui reste encore indistinct, surtout s'il n'est exprimé
que très confusément, par un prodigium, l'annonce du remedium à appliquer
n'intervenant ainsi que dans un second temps. Par ce biais les Livres peuvent,
bien que ce ne soit évidemment pas là leur fonction propre, énoncer des
prophéties quant à l'avenir. En ce sens ils peuvent - et il n'y a aucune
raison de limiter ce rôle à une période postérieure à la seconde guerre
punique - avoir une certaine fonction prophétique. Mais on voit qu'on
ne peut pas parler d'une annonce gratuite de l'avenir. La consultation doit
être provoquée, ne serait-ce que par le danger extérieur et la prophétie
reste étroitement liée à ce contexte. Ce serait bien entendu à ce second
type qu'appartiendrait P« oracle » qui nous intéresse. La menace gauloise de
228 aurait justifié une consultation du recueil. Dans cette consultation les
Romains auraient trouvé à la fois Ρ « oracle » de Dion et Zonaras, soit la
précision concernant le risque couru, la prise de la ville, et la prescription
donnée selon Plutarque par les Livres, soit les moyens de faire face à ce
danger par l'ensevelissement. On trouverait au demeurant une confirmation
de ce processus en deux temps dans le texte de Plutarque relatif aux événe
ments de 114. Le contenu de l'oracle aurait en effet compris, selon cet
auteur, deux éléments distincts: tout d'abord une annonce de ce que la cité
est en danger (même si le danger n'est pas explicité ici) et en second lieu
la prescription du remède à appliquer43.
44 Le cas de l'ensevelissement des Vestales coupables, qui n'est au fond qu'un mode
d'exécution particulier, doit être tenu à part.
45 Cf. les expressions de Plutarque άλλοκότοις τισί δαίμογι και ξένοις et de Tite Live
minime romano sacro (mais voir sur ce dernier point F. Fabre, art. cité).
46 Voir C. Cichorius, art. cité, R. Bloch, art. cité.
82 DOMINIQUE BRIQUEL
47 Voir sur le sujet en particulier W. Hoffmann, Wandel und Herkunft der Sibyllinischen
Bücher, Leipzig, 1933, R. Bloch, art. cité, J. Gagé, ο. c.
48 Cf. C. Bémont, art. cité, MEFR, p. 139 sq.
49 Même le type de mise à mort particulier attribué à Mézence, consistant à laisser mourir
des vivants ligotés avec des morts (lequel a toutes chance de représenter la transposition
légendaire d'un événement réel, sorte de supplice infligé par des pirates étrusques à une
époque antérieure à Aristote, cf. Cic, fr. 40 Daiter) ne présente que de lointaines analogies
avec notre cas. Il n'est pas question d'ensevelissement à proprement parler dans le cas du
tyran. Et le trait essentiel de la liaison entre morts et vivants fait inversement défaut dans
le rite du Forum Boarium.
50 Même s'il convient sans aucun doute de faire une part importante, voire essentielle
à l'origine, aux influences étrusques, il est évident qu'on ne saurait réduire à néant l'influence
grecque dans ces Livres dont l'utilisation s'est traduite par l'introduction à Rome de tant de
divinités d'origine hellénique. Sans vouloir entrer ici dans une discussion de cette difficile question,
disons simplement que la thèse traditionnelle de l'origine grecque, au moins d'une part des
éléments du recueil et à partir d'une certaine époque, nous apparaît toujours admissible.
LES ENTERRÉS VIVANTS DE BRINDES 83
51 Voir Trois études sur le ver sacrum, Bruxelles, 1956, p. 37; voir également J. Gagé,
Apollon romain, p. 239 sq.
52 Cf. D.H., I, 17 sq.; voir à ce sujet P. M. Martin, dans Latomus, XXXII, 1972, p. 28 sq.
Sur les Mamertins, cf. J. Heurgon, o. c, p. 20 sq.
53 Cf. Varr., ap. Lact, Div. Inst, I, 6, D.H., IV, 62, Gell., I, 19, Serv., ad Verg., in Aen.,
VI, 72, etc..
54 Apud Fest., 50 L; voir à ce sujet J. Heurgon, Trois études sur le ver sacrum, p. 20 sq.
84 DOMINIQUE BRIQUEL
Ainsi donc notre hypothèse serait que les livres auraient contenu une
notice analogue au récit des mésaventures des Etoliens consultant l'oracle au sujet
de leur établissement à Brindes et périssant victimes de son interprétation
littérale par les indigènes que nous a conservé l'abrégé de Justin. Le contexte
dans lequel cette histoire a été connue chez les Grecs d'Italie, lors d'un
événement tel que l'expédition d'Alexandre le Molosse, le nombre des auteurs
qui semblent s'être intéressé à elle, l'élaboration même, dont témoignent
{'Alexandra et ses scholies, qu'elle a subie dans le monde grec, tout prouve
que cette tradition, bien faite pour frapper les imaginations, était largement
connue dans le monde grec, et principalement dans le monde grec d'Italie,
lequel intéresse directement la question des Livres sibyllins. Que de là elle
soit passée dans les oracles rassemblés à Rome sous le nom de la Sibylle
de Cumes, cela nous paraît parfaitement concevable55. D'autant plus qu'il
faut tenir compte, comme le fait remarquer à juste titre H. Le Bonniec56,
du cadre dans lequel s'inscrit la première apparition de ce rituel à Rome.
Vers 228 les influences qui se manifestent dans le domaine religieux sont
principalement grecques et orientent tout spécialement vers Tarente, cette
cité justement qui avait jadis appelle à son aide le roi d'Epire et où le
souvenir de cette histoire avait dû se maintenir particulièrement vivant.
Pour nous en tenir au plan des faits religieux - qui n'est de toutes manières
qu'un des domaines dans lesquels la grande cité grecque exerce son influence
sur Rome qui découvre son théâtre, reçoit de sa région ses premiers écrivains
et importe sa céramique de qualité - c'est à Tarente que sont dus, intro
duits après consultation des Livres en 249, les ludi Tarentini avec l'appari
tion officielle de Proserpine et de Dis Pater, ainsi que les sacra graeca
de Cérès, peut-être, selon l'hypothèse de H. Le Bonniec, en cette même
année qui a vu le premier ensevelissement du Forum Boarium 57. Disons
même que, si on admet la transmission par l'intermédiaire des Grecs d'Italie,
le rite qui nous intéresse cesse de constituer l'exception aberrante qu'il
55 L'hypothèse d'une influence directe des indigènes de la Perniile sur le contenu des
Livres nous paraît avoir beaucoup moins de probabilité (même si on note que l'armée réunie
pour faire au danger gaulois et dont les effectifs ont été détaillés par Poybe, II, 22, comprenait
des contingents de cette région). Tout comme dans le cas du ver sacrum de 217 il semble
plutôt s'agir de faits isolés ne justifiant pas l'idée d'une source d'inspiration italique autonome
sur les Livres sibyllins, mais explicables par l'intermédiaire hellénique.
36 Voir Le culte de Cérès à Rome, p. 390 sq.
57 Sur l'influence multiforme de Tarente sur Rome à cette époque, voir par exemple
l'exposé de P. Wuilleumier dans Atti del decimo convegno di Studi sulla Magna Grecia,
Tarente, 1970, p. 17 sq.
LES ENTERRÉS VIVANTS DE BRINDES 85
58 Ce côté aberrant du rite avait été noté par J. Gagé, Apollon romain, l. c, et J. Bayet,
Histoire politique et psychologique de la religion romaine, Paris, 1957, p. 148.
59 En 216 il en allait encore de même dans une certaine mesure, Hannibal ayant incorporé
nombre de Gaulois dans son armée.
86 DOMINIQUE BRIQUEL
62 De toutes manières le rite a pu fort bien avoir ce sens déjà dans ses lointaines
origines apuliennes. mais nous avons déjà souligné que nous ne pouvions le saisir, au IVe s.,
qu'à travers la transposition légendaire qui en avait été faite, laquelle peut en limiter la
portée réelle.
63 Bien sûr on peut trouver des justifications à la mise à mort de Gaulois et même de
Grecs, à un moment où la fidélité des Grecs d'Italie était chancelante (et encore, était-ce alors
de bonne politique que de les rejeter, par ce rite, dans le camp des ennemis?). Mais comme
le dit J. Gagé (o. c, p. 257) « la répétition du sacrifice des Gaulois et des Grecs n'est plus
qu'un expédient rapidement calculé et déjà presque routinier».
88 DOMINIQUE BRIQUEL
venait des Gaulois, ainsi que le ressentait encore Salluste près de deux
siècles après ces événements64 - qui cherche autre chose que l'efficacité?
Qui s'embarrasse de définitions religieuses précises?
TABLEAU DE COMPARAISON
Β RIND E S ROME
légende des Etoliens meurtre rituel de 228
64 Voir Jug., CXIV: Inde ad nostram memoriam Romani sic habuere: alia omnia virtuti
suae prona esse; cum Gallis pro salute, non pro gloria certare.
JEAN-PIERRE CALLU
ELEPHANTS ET COCHONS:
SUR UNE REPRÉSENTATION MONÉTAIRE D'ÉPOQUE RÉPUBLICAINE
Όρρωδεΐ ό έλέφας κεράστην κριον και χοίρου βοήν · ούτω τοι, φασί, και
'Ρωμαίοι τους συν Πύρρω τω Ηπειρώτη έτρεψαντο ελέφαντας και ή νίκη συν
τοις 'Ρωμαίοις λαμπρώς έγένετο4.
8765 V.g.
Syd.H.P.
H.
Plut., 519-524
Scullard,
Pyrrhus,
Leveque,
(Bituitus);
op.
16-17,
Pyrrhus,
cit., 21,
p.879-881
115.
Paris,
25 - Dion.,
(Jugurtha).
1957, XIX,
p. 371-373.
12; XX, 1-3 et 11-12; Zonar., VIII, 2; 3;
5, 1-7 et 6,6. Voir encore Plin., NH, VIII, 16; Elephantos Italia primum uidit Pyrrhi régis
bello et boues Lucas appellami in Lucanis uisos anno urbis CCCCLXXII, Roma autem in
triumpho VU annis ad superiorem numerum additis; Flor., I, 18: elephanti... quorum cum
magnitudine turn deformitate et nouo odore simul ac stridore consternati equi; lustin.,
XVIII, 1: sed Romanos uincentes iam inuisatata elephantorum forma stupere primo, mox cedere
proelio (Pyrrhus) coegit; déjà Lucrèce, V, 1301, emploie l'expression boues Lucas.
9 Supra, n. 8; Senec, Breu. uit, 10, 13, 3; Flor., I, 13, 13 et 28; Eutrop., II, 14, 3. -
Sur la foi de Pline, VII, 139, on a parfois affirmé qu'un triomphe avec des éléphants n'eut
pas lieu à Rome avant la Première Guerre Punique, mais le texte est controversé.
10 Ëlien, Italien de Préneste, a dû vivre entre 170 et 230 cf. P.W. 1, 1894, col. 486-487
(M. Wellmann).
UNE REPRÉSENTATION MONÉTAIRE D'ÉPOQUE RÉPUBLICAINE 91
11 Autant qu'au texte indiqué supra n. 4, Elien pouvait se rapporter à Nat. anim.,
VIII, 28; φύσεως δε απόρρητα έλεγχειν ούκ έμόν, και είκώτος · έπει καί άλεκτρυόνα δέδοικε λέων,
και τον αυτόν βασιλίσκος καί μέντοι καί ΰν ό έλέφας.
12 Ainsi encore Ρ. Leveque, H. Zehnacker; antérieurement, Ο. Keller, Die antike Tierwelt,
Leipzig, 1909, p. 379.
13 Ph. Lebas dans P. Armandi, Histoire militaire des éléphants, Paris, 1843, p. 531-539.
14 Nat. anim. XI, 14. Le texte commence ainsi: "Οτε γοϋν Αντίγονος έπολιόρκει Μεγαρέας,
ένί των ελεφάντων τών πολεμικών συνετρέφετο καί ΰήλυς όνομα Νίκαια...
15 P.W. 21, 2, 1952, col. 1432-1436 (F. Lamment).
16 Polyaen., IV, 6, 3: Αντίγονος Μέγαρα πολιορκών τους ελέφαντας έπήγαγεν. Οι Μεγαρείς
συάς καταλείφοντες ύγρφ πίσση καί ύφάπτοντες ήφίεσαν · αϊ δε, ύπο του πυρός καιόμεναι, κεκραγυΐαι
92 JEAN-PIERRE CALLU
Reste à dater l'épisode grec. L'enquête n'a guère été faite ou du moins
elle n'a abouti qu'à des résultats approximatifs. Quelquefois on se contente
de poser des terminus: après 279 17, avant la guerre chrémonidienne 18. Au
siècle passé, Droysen, suivi par Melber 19, s'arrêtait à l'année 266. Depuis
Tarn20, il était proposé de reculer jusqu'aux environs de 270, mais voici
peu, P. Goukowsky a placé l'incident encore plus haut en 276, lors de la
première mainmise d'Antigone sur la Grèce21.
Admettons maintenant qu'à Bénévent comme à Mégare des cochons
aient couru sur des éléphants22. Scullard qui se ralliait à l'hypothèse de
Tarn, imagine qu'en l'occurrence le stratagème, inventé par les Romains, fut
vite connu et imité au delà de l'Adriatique. Mais si le rapport chronologique
peut être inversé, si priorité est envisageable pour la ruse des Mégariens,
n'est-on pas amené à reconsidérer la valeur probante de Yaes signatum
romain?
Elucider les images du lingot par un événement ponctuel, Elien nous y
invite, mais lui seul. A la vérité pourtant, mais en reprenant l'explication
circonstancielle sous un angle assez différent, les propositions du Prénestin
πολλφ δρόμω εις τους ελέφαντας έωέπιπτον · οι δε οίστρώντες και ταρασσόμενοι, άλλος άλλη διέφευγον ·
Αντίγονος του λόιποΰ προσέταξε τοις Ινδοΐς τρέφειν ύς μετά των ελεφάντων, ϊνα τήν όψιν αυτών και
την κραυγήν τα οηρία φερειν έοιζοιτο.
17 U. V. Wilamowitz-Moellendorf, Antigonus von Karystros, Berlin, 1881, p. 226, n. 50 -
E. Meyer, s.w. Megara, PW, 29, 1931, col. 195, écrit simplement: «Die Freiheit dauerte nicht
lange, denn im Zusammenhang mit der allgemeinen Wiederherstellung des griechischen Reiches
eroberte Antigonos auch Megara zurück ».L'affaire de Mégare n'a pas trouvé place dans L'Histoire
politique du monde hellénistique d'E. Will, Nancy, 1966.
18 FGH, II C, 81, p. 138, § 36 (F. Jacoby).
19 J. G. Droysen, Histoire de l'hellénisme, Paris, 1885, III, 1 p. 229; J. Melber, Ueber
die Quellen und den Wert der Strategemsammlung Polyäns, Jahrb. f. class. Phil., XIV, suppl.
1885, p. 627; Ph. Lebas cf. supra n. 13. «vers 265».
20 W. W. Tarn, Antigonus Gonatas, Oxford, 1913, p. 286, n. 29: «but in 270 he recovered
Euboea and again placed it under Krateros. It was perhaps at this time that he occupied
Megara, though this is uncertain» (date adoptée par A. F. Scholfield dans son édition d'Elien,
Loeb, II, 1959). - En fait, Antigonus disposait d'éléphants soit entre 277 et 274, soit après
la mort de Pyrrhus, en 272.
21 P. Goukowsky, Le roi Poros, son éléphant et quelques autres (en marge de Diodore, XVII,
88, 6), BCH, 96, 1972, p. 473-502, p. 483, n. 36; cf. Trog. Prol. 26,1: quibus in urbibus
Graeciae dominationem Antigonus Gonatas constituent.
22 Historiquement la décennie 280-270 est singulièrement riche pour qui s'intéresse aux
pachydermes: outre Mégare (276 ?) et Bénévent (275), en 275 Antiochus triomphe grâce à eux
des Galates et dans les années 270 Ptolemée II organise à Alexandrie une colossale procession
de 24 chars tirés par des éléphants.
UNE REPRÉSENTATION MONÉTAIRE D'ÉPOQUE RÉPUBLICAINE 93
Ennio non ricorre altrove signum, né col significato di segnale di tromba, né con quello di
insegna». La première acception n'est donc pas à écarter et qu'on retienne ferae ou fere, rien
n'empêche de traduire avec F. M. Brignoli, Gli Annali di Ennio, Rome, 1937, p. 161: «Già
le trombe squillanti a dare il segno / con la tremenda voce erano pronte» (cf. Α., 140: At
tuba terribili sonitu taratantara dixit). - On remarquera comme une coïncidence bizarre mais
sans signification que si dans les années antérieures au 2e consulat de Marius une 5e légion
arborait un sanglier comme signum, la legïo V depuis Thapsus portait l'éléphant de Juba sur
ses étendards (Appian., Bell, ciuil., II, 96).
30 Supra, n. 2; A. Alföldi, Timaios' Bericht über die Anfänge der Geldprägung in Rom,
MDAI(R), 68, 1961, p. 72.
31 G. Hafner, Schild oder Rad? Beobachtungen zum Bildschmuck des aes signatum,
JRGZ, 10, 1963, p. 34-43.
32 H. H. Scullard, op. cit., pi. XIV a; E. Ravel, Descriptive Catalogue of the Collection
of Tarentine Coins formed by M. P. Vlasto, Londres, 1947, pi. XXIII, n° 710-712 et XXIV,
n° 732-738; NC, 6, 10, 1950, p. 280. - Les monnaies étrusques avec éléphant à sonnette,
crues un temps contemporaines de Pyrrhus par E. Babelon, La grande encyclopédie, s.v.
Eléphant, t. 15, p. 814, datent, comme l'ont montré R. Pedani et J. Heurgon, des campagnes
d'Hannibal.
33 Verg., Aen., VIII, 41 sqq.; Lycophron, Alex., 1253-1256 (c. 196); Orig. gentis Rom.,
XII, 5; Varrò, R. R., II, 4, 18; J. Perret, Les origines de la légende troyenne de Rome,
Paris, 1942, p. 281, 324-333, 350, 491-493.
UNE REPRÉSENTATION MONÉTAIRE D'ÉPOQUE RÉPUBLICAINE 95
leur vieille alliance avec les cités latines. Ils agirent de même à l'époque
d'Hannibal. Contre les envahisseurs du dehors, Rome se veut le champion
d'une unité qui justement ne sera remise en cause que lorsque le taureau
samnite tentera de terrasser la lupa romaine34.
Inversement, nous croyons que l'affaire des cochons de Mégare a toutes
les apparences d'être authentique. Nos raisons tiennent à la fois à l'histoire
des sources et à la vraisemblance.
Nous évoquions naguère l'anecdote de l'éléphant Victoire. Elle nous est
parvenue par un autre canal que le De natura animalium. Athénée, il est
vrai sans préciser le contexte événementiel, la narre à son tour, en se référant
à Phylarque, dont le floruit correspond au second tiers du IIIe s. avant
notre ère35. Sans doute, le patronage de cet historien proche des faits - il
appartient à la génération suivante mais utilise vraisemblablement Hieronymos
de Cardia - n'est-il valable, en toute rigueur, que pour le conte de l'éléphant
berceur; cependant Melber qui a étudié l'origine de la documentation traitée
par Polyen36, admet que l'ensemble des récits extraordinaires liés au siège
de Mégare pouvait déjà être rapporté par Phylarque dans son livre XX.
Présomption d'ancienneté, mais aussi plus grande normalité de l'incident.
Quitte à introduire des cochons dans un combat, il y a moins d'étrangeté
à le faire dans une cité assiégée que lors d'une bataille en rase campagne.
Certes des convois de porcs sur pieds ont pu accompagner l'armée romaine
en marche contre Pyrrhus: Hannibal, ultérieurement, lancera contre ses
adversaires des bœufs porteurs de torches 37. Toutefois, lorsqu'à l'autre extrémité
des Annales de Rome, en 544, on aura à nouveau recours au stratagème
mégarien, ce sera dans Edesse investie par les Sassanides, l'animal étant
suspendu du haut d'une tour38. Argument supplémentaire: il était fort aisé
34 H. H. Scullard, op. cit., p. 107-272; H. Zehnacker, op. cit., p. 314 et 562; L. Cracco
Ruggini et G. Cracco, L'eredità di Roma, in Storia d'Italia, V, / documenti, Turin, 1973, p. 1-45.
35 Supra, η. 18; Athen., Deipnos., XIII, 606: Ό δε αυτός ιστορεί Φυλαρχος δια της
εικοστής οσην έλέφας το ζωον φιλοστοργίαν εσχεν εις παιδιόν ■ γράφει δ' οϋτως · τόυτω δε τω έλέφαντι
συνετρέφετο Οήλεια έλεφας ήν Νίκαιαν έκάλουν . . .
>6 Supra η. 19 - En schématisant, on a les enchaînements suivants: 1) Eléphant Victoire:
.
Phylarque, Athénée, Elien (XI, 14); 2) Eléphant Victoire - Antigone - siège de Mégare: Elien
(XI, 14); 3) Antigone - siège de Mégare - éléphants et cochons: Polyen; 4) Siège de Mégare
- éléphants et cochons - Antipater: Elien (XVI, 36).
37 Rapprochement institué par H. H. Scullard, op. cit., p. 114; Liv., XXII, 16: boum
quos domitos indomitosque multos inter ceteram agrestem praedam agebat.
38 Procop., Bell, goth., IV, 14, Β 533: άλλα 'Ρωμαίοι χοΐρον έκ του πύργου έπικρεμάσαντες
τον κίνδυνον τούτον διεφυγον ■ κραυγμον γαρ τίνα, ων ώς το εικός ήρτημενρς, ό χοίρος ένοένδε ήφίει,
96 JEAN-PIERRE CALLU
ονπερ ό έλέφας άχυόμενος άνεχαίτιξε καί κατά βραχύ άναποδίζων οπίσω έχώρει. Récit transcrit à
peu près complètement par la Souda, s.u. κεκραγμόν.
39 Citons simplement ces quelques lignes où, Aristophane jouant sur le sens obscène
du terme χοίρος (cf. F. Chamoux, Mélanges P. Boyancé, Rome, 1975, p. 153-162), le Mégarien
métamorphose un instant de jeunes femmes en truies: «Vous aurez bien soin de grogner et de
faire coï et d'imiter la voix des cochons qu'on immole dans les mystères», éd. V. Coulon
et H. van Daele, Belles Lettres, 1934, v. 521, 739-741 et p. 43, n. 3.
40 Exemple postérieur d'éléphants terrifiés par le son des trompettes: Flor., II, 13, 67
(engagement contre Juba I).
41 M. Wellmann, Alexander von Myndos, Hermes, 26, 1891, p. 481-566; Id., Juba, Eine
Quelle des Aelian, ibid., 27, 1892, p. 389-406.
42 Senec, De ira, II, 11,5: elephantos porcina uox terrei.
43 Plin., NH, VIII, 27: iidem (elephanti) minimo suis stridore terrentur.
44 Plut., De soll. anim. 32: ή δ" αιτία δυσλόγιστος, εϊτε φεύγει τα οηρία τον άνυιάν, ώς
συν ελέφαντες, άλεκτρυονα δε λέοντες {cf. supra n. 11).
45 Avant Elien, au second siècle de notre ère, écrivent sur les éléphants Amyntianus
et le médicin Aretaeus cf. H. H. Scullard, op. cit., p. 219.
46 G. Nenci a révélé un texte des Hieroglyphica, § 86 d'Horapollon, datable du règne
de Zenon et qui procède d'Èlien: Βασιλέα φευγοντα φλυαρον ανορωπον βουλόμενοι σημήναι,
ελέφαντα ζωγραφδυσι μετά χοίρου · εκείνος γαρ, άκοΰων φωνής χοίρου, φεύγει. Il cite aussi un con-
UNE REPRÉSENTATION MONÉTAIRE D'ÉPOQUE RÉPUBLICAINE 97
temporain d'Héraclius, Georges Pisidès, Hexaemer., v. 975-976: και των ελεφάντων έκφοβοΰσι
το κράτος / τα μικρά γρυλλίζοντα τών χοίρων βρέφη. - Pour Procope et la Souda cf. supra
n. 38. - Enfin, mais à des siècles de distance, Man. Phil., Expos, de eleph., v. 178-180:
Πΰρ δε πτοείται και κριον κερασφόρον / και τών μονιών την βοήν την άοροάν; le roi des Hieroglyphica
identifié avec Pyrrhus par Nenci serait donc Antigone Gonatas.
47 B. E. Perry, Aesopica, Urbana, 1952, p. 407, n° 220: Κάμηλος, έλεφας και πίοηκος. Τών
αλόγων ζώων βουλομένων βασιλέα έλέσυαι, κάμηλος και έλεφας καταστάντες έφιλονείκουν, και δια
το μέγε&ος τοΰ σώματος και ôià τήν ίσχύν έλπίζοντες πάντων προκρίνεσυαι · πίθηκος δε αμφότερους
άνεπιτηδείους εφη είναι τήν μεν κάμηλον διότι χολήν ούκ έχει κατά τών άδικουντων, τον δε ελέφαντα
ότι δέος εστί μη αϋτοΰ βασιλεύοντος χοιρίδιον, <ö> δέδοικεν, ήμϊν έπιυήται.
Selon Perry (éd. Babrius and Phaedrius, Loeb. 1965, p. xvi), « the original compilation
was probably made in the second century, if not in the latter part of the first». Scullard
qui connaît ce texte, fait état d'un passage du Talmud, Baba Mezia, fol. 38b, où en Babylonie
l'éléphant remplace le chameau dans un proverbe juif, op. cit., p. 272.
48 F. Imhoof-Blumer et O. Keller, Tier und Pflanzenbilder auf Münzen und Gemmen
des klassischen Altertums, Leipzig, 1889, pl. XIX, 40: cochon aurige dans un char tiré par
un éléphant (fig. 2). Commentaire de cette sardoine du milieu du Ier s. av. J.-C. par
Scullard, op. cit., p. 271: «Such humourous little scenes seem to have been popular: another
gem shows an elephant emerging from a snail-shell and a third an elephant coming out of a
conch-shell and ridden by a rabbit. See H. B. Walters, Catalogue of the Engraved Gems and
Cameos, Greek, Etruscan and Roman in the British Museum, 1926, n° 2339, 2340, 2341»;
S. Reinach, DA, s.u. Eléphant, p. 536-544.
49 Secondairement, se développait une deuxième antinomie, cette fois entre l'éléphant et le
bélier. Attestée par Plutarque, Quaest. conu., II, 7, 3, elle l'est ensuite par Sextus Empiricus,
Pyrrh. hypot, I, 68, puis par Elien en I, 38, c'est-à-dire là où, à propos des cochons, référence
est faite à la victoire sur Pyrrhus. Là encore, au Ve s., les Hieroglyphica d'Horapollon repren
nentla tradition élienne; on en retrouvera la trace par la suite dans les Géoponiques, XV,
1, 3 (Xe s.) et chez Manuel Philes cf. supra, n. 46. Nenci ignore l'origine de cette deuxième
phobie. A titre d'hypothèse, on rappellera qu'Alexandre, vainqueur des éléphants de Porus,
fut affublé des deux cornes de la puissance. Voir encore le casque à cornes de bélier des
souverains sassanides.
98 JEAN-PIERRE CALLU
Un texte de plus dans une série? Oui, sans doute. Mais en même
temps un critère nouveau d'appréciation. Il est tout à fait certain que dans
50 P. Armandi, op. cit., p. 282; J. Berger de Xivrey, Traditions tératologiques, Paris, 1836,
p. 407 sq.
51 P. Meyer, Alexandre le Grand dans la littérature française du Moyen Age, Paris, 2,
1886, p. 313-329.
52 Athenaeum, 48, 1965, p. 17-18; texte en appendice aux Res Gestae Alexandri de Julius
Valere, Leipzig, 1888.
UNE REPRÉSENTATION MONÉTAIRE D'ÉPOQUE RÉPUBLICAINE 99
(Banque de France)
Fig. la - Lingot monétaire, l'éléphant.
(Banque de France)
Fig. 1 b - Lingot monétaire, la truie.
* N.B. Le fotografie che corredano l'articolo sono degli archivi fotografici delle Soprin
tendenze alle Antichità d'Etruria (Firenze), delPEtruria meridionale (Roma), alla Preistoria e
Etnografia (Roma), dei Musei Vaticani e dell'Archäologisches Institut di Tübingen: ai soprin
tendenti e ai direttori di questi enti esprimo il mio ringraziamento. Un grazie particolare ai
colleghi Otto-Wilhelm von Vacano e Francesco Roncalli, che mi hanno fornito molte notizie
sui pezzi di Tübingen e dei Musei Vaticani.
1 J.M.J. Gran Aymerich, in MEFRA LXXXIV, 1, 1972, p. 7 sgg.
2 In un solo esemplare (Monaco, Antikensammlungen 1582) l'ansa è di bucchero, fissa e
conservata.
102 GIOVANNANGELO CAMPOREALE
stesso che si ritrova in pissidi di bucchero ceretane 17. I vasi citati a con
fronto appartengono tutti all'orientalizzante maturo 18.
Negli scavi Regolini-Galassi sono stati ricuperati alcuni frammenti di
bucchero - teste di cavallo (Figg. 5-6) e di ariete (Fig. 7), anse (Figg. 8-9) -,
quasi certamente appartenenti a vasi simili al nostro 19: da ciò si deduce
che la forma vascolare ha avuto una certa diffusione nell'ambiente ceretano.
Al di fuori della produzione ceretana un confronto istruttivo è rappresent
ato da un vaso di impasto rinvenuto a Colle Paglietta nelle vicinanze di
Civita Castellana e conservato all'Archäologisches Institut di Tübingen20,
vaso ricomposto da frammenti e integrato in diverse parti (Figg. 10-11). In
questo e in quelli ceretani di bucchero la forma base è l'oinochoe, il collo
è sostituito con due protomi animalesche generalmente equine, le fauci
fungono da bocca del vaso, la decorazione graffita sui colli equini si trova
solo sulla parte esterna.
Nell'esemplare di Caere meglio conservato (Figg. 3-4) è possibile cogliere
taluni sviluppi peculiari: il corpo del vaso è trasformato nel corpo di due
cigni, nell'ansa è stata inserita la figura di un auriga suggerita dalla presenza
dei cavalli, il cordone a rilievo all'inizio del collo ha assunto la forma di
un giogo, i tappi sono diventati fiori sbocciati con evidente allusione ai
pennacchi, « la linea di contorno scorre facile, armoniosa, ininterrotta » 21.
Tali particolari possono anche attribuirsi all'abilità del ceramista, ma nel
contempo indicano uno stadio tipologico più evoluto rispetto a quello del
l'esemplare falisco.
Oinochoai con la bocca foggiata a testa animalesca sono frequenti
nell'orientalizzante: nell'impasto falisco (Fig. 12) 22, nel bucchero ceretano 23,
che l'attacco, specialmente nella parte posteriore del vaso, copre per un buon tratto la decora
zione a listelli del corpo e diverse rosette stampate che delimitano in basso i listelli: il fatto
non deporrebbe a favore del ceramista che per altro verso ha dato un prodotto di notevole
eleganza, per cui la verifica della pertinenza del piede attuale in sede di restauro diventa utile
e necessaria.
17 Studi Etruschi XL, 1972, tav. XVI a (M. Bonamici).
18 M. Bonamici, in art. cit., p. 95 sgg.
19 L. Pareti, op. cit., p. 373 sg., nn. 414-418.
20 C. Watzinger, Griechische Vasen in Tübingen, Reutlingen 1924, p. 12 sg., Β 20; Ο. W.
ν. Vacano, Italische Antiken, Tübingen 1971, p. 13, η. 9.
21 L. Ban ti, op. cit., p. 291.
22 Già a Monaco, Antikensammlungen 1102 (nuovo numero 6073), distrutta durante
l'ultima guerra.
23 M. Bonamici, / buccheri con figurazioni graffite, Firenze 1974, p. 45, n. 55, tav. XXVI;
p. 122 sgg.
SU ALCUNE FORME VASCOLARI DEL BUCCHERO CERETANO 105
nella ceramica cipriota della serie « black-on-red II » 24, nella ceramica paria 25,
nella bronzistica iberica26. Ma normalmente si tratta di vasi che hanno
l'imboccatura a testa animalesca; anche quando - raramente - lo sviluppo
animalesco comprende il collo, l'imboccatura del vaso resta unica. Pertanto
l'esemplare di Colle Paglietta e quelli di Caere (Figg. 3-6, 10-11) costitu
isconoun sottogruppo omogeneo nell'ambito della serie. Caso mai non sarà
da trascurare il fatto che fra gli impasti dell'agro falisco-capenate si cono
scono altri esempi di accoppiamento di protomi equine, anche se in fun
zione diversa da quella dei nostri vasi27.
L'esemplare di Colle Paglietta è sporadico. La decorazione, graffita sul
corpo, a festoni di palmette è comunissima negli impasti dell'agro falisco-
capenate dell'orientalizzante maturo. La forma, stando almeno alle parti
autentiche (il fondo è moderno), sembrerebbe rifarsi alPoinochoe di tipo
protocorinzio28, che in Italia ha avuto molta fortuna nella produzione sub
geometrica cumana e etrusca e nel bucchero fine dell'Etruria meridionale.
Anche questa precisazione di ordine formale porterebbe a ritenere il vaso
di Colle Paglietta anteriore alle repliche ceretane.
24 The Swedish Cyprus Expedition IV, 2, Stockholm 1948, Fig. XXXIX, 19 e 22 (E. Gjerstad).
25 P. Bocci, Ricerche sulla ceramica cicladica, Roma 1962, pp. 8 e 18 sgg., tav. XI, 1.
26 J. M. Blâzquez, Tartessos. y los origenes de la colonizacion fenicia en Occidente,
Salamanca 19752, p. 173 sgg.
27 CVA, Italia XXI, Museo Pigorini I, tav. 1002, 6.
28 Meno puntuale mi sembra il richiamo all'oinochoe di tipo fenicio-cipriota, proposto da
O. W. v. Vacano, Italische Antiken, p. 13. In questa il collo è sempre tronco-conico con ampia
svasatura nella parte inferiore, la spalla ο manca ο è molto ridotta, il profilo del corpo è
piuttosto dolce. Invece nell'esemplare di Tübingen il collo delle due bocche è cilindrico, la
spalla è alquanto ampia, il profilo del corpo - stando alla parte originale superstite - è teso.
29 M. Cristofani Martelli, in Archaeologica. Scrìtti in onore di Aldo Neppi Modona,
Firenze 1975, p. 205 sgg. (con bibliografia precedente).
106 GIOVANNANGELO CAMPOREALE
30 J. Palm, in Opuscula Archaeologica VII, 1952, pp. 62 e 78; CVA, Italia XXI, Museo
Pigorini I, tav. 1017, 7.
31 R. Paribeni, in Monumenti Antichi... dei Lincei XVI, 1906, cc. 331 sg. e 442 sg., fig. 51;
CVA, Italia XXI, Museo Pigorini I, tav. 1002, 7.
32 A. Gentiloni-Silveri, in Notizie degli Scavi 1883, p. 333; V. Dumitrescu, L'età del ferro
nel Piceno, Bucarest 1929, p. 96, fig. 12, 12 (con diverso inquadramento cronologico).
33 Questo elemento è stato messo in rapporto con una figurina animale che si trova
all'interno di alcune tazze provenienti da diverse aree culturali del bacino orientale del Medi
terraneo e risalenti al II millennio a.C. e da aree centro-europee di cultura hallstattiana (R. Pari-
beni, in Bullettino di Paletnologia Italiana XXXII, 1906, p. 105 sgg.). Oggi forse si potrebbero
aggiungere alcune tazze di bucchero, provenienti da Castro Farnese, con all'interno un volatile
ο un quadrupede (Roma, Villa Giulia 64574: Μ. Τ. Falconi Amorelli, in Studi Etruschi XXXVI,
1968, p. 172, n. 13, tav. XXIX c-d; Grosseto, Museo Archeologico 1663, 2399, 2501).
34 J. Close-Brooks, in Notizie degli Scavi 1965, p. 56.
35 R. Paribeni, in Monumenti Antichi... dei Lincei XVI, 1906, e. 329 sgg. Molti sono
riprodotti in CVA, Italia XXI, Museo Pigorini I, tav. 999 sgg.
36 G. Colonna, in Archeologia Classica X, 1958, p. 77.
SU ALCUNE FORME VASCOLARI DEL BUCCHERO CERETANO 107
37 M. Bbnamici, in Studi Etruschi XL, 1972, p. 103; Ead., / buccheri con figurazioni
graffite, p. 134 sg.
38 J. G. Szilagyi, in Wissenschaftliche Zeitschrift der Universität Rostock XVI, 1967, p. 546.
39 M. Bonamici, / buccheri con figurazioni graffite, pp. 124 sg., 135.
40 T. Dohrn, in Studi in onore di Luìsa Banti, Roma 1965, p. 143 sgg.; G. Colonna, in
Mélanges d'Archéologie et d'Histoire LXXXII, 2, 1970, p. 641 sgg.; M. Verzâr, in Antike Kunst
XVI, 1, 1973, p. 45 sgg.
41 Β. D'Agostino, in Studi Etruschi XXXIII, 1965, p. 679 sg. (coppe a cavallini, coppe ad
alto bordo con fasce orizzontali rilevate).
108 GIOVANNANGELO CAMPOREALE
con il Piceno42, con la Sabina43, con l'area abruzzese44, con la valle del
Fiora45, con il territorio volsiniese 46, con Roma47, forse anche con il
Salento48. Il rapporto con Caere, come si è avuto occasione di accennare,
era stato già individuato: gli esempi discussi nelle presenti note lo allargano
e lo puntualizzano ulteriormente. Dal canto suo la produzione ceretana di
bucchero fine, con la segnalazione di aperture verso altre produzioni anche
se di livello qualitativo inferiore, acquista una connotazione più precisa e
storicamente più valida49.
Fig. 1 Fig. 2
Fig. 3 Fig. 4
110 GIOVANNANGELO CAMPOREALE
Fig. 8
Fig- 9
SU ALCUNE FORME VASCOLARI DEL BUCCHERO CERETANO 111
Fig. 12
112 GIOVANNANGELO CAMPOREALE
Fig. 13
Fig. 14
SU ALCUNE FORME VASCOLARI DEL BUCCHERO CERETANO 113
Fig- 15
Fig. 16
GÉRARD CAPDEVILLE
l'opinion à laquelle s'arrête par exemple, après une longue analyse, K. Krause
dans son article Hostia de la Real-Encyclopädie (Sup. V, 1931, e. 236-282,
spécialement e. 259-261) 3.
Tout cela semble donc bien indiquer une différence entre les deux
termes. Mais quelle est-elle? Pour R. E. A. Palmer, on l'a vu, le taurus est
l'animal châtré, et, par conséquent, le bos mas l'animal non châtré: « In early
Latin the Romans distinguished the sex of generic bos by mas or femina »
(p. 11); mais on a déjà noté qu'il se trompe certainement en ce qui concerne
le taurus6. Pour la plupart des autres exégètes, notamment G. Wissowa
7 La terme semble couramment utilisé, aussi bien dans les traités d'élevage (Varron,
R.R., 3, 9, 3; Columelle, Rust., 8, 2, 3), que dans la littérature religieuse (Ovide, F., 1, 588).
Considérer comme équivalentes, en ce qui concerne la castration, les expressions bos mas et
seminas ouis, ainsi que le fait notamment G. Dumézil (op. cit., p. 249), nous semble totalement
injustifié, lorsqu'on lit par exemple chez Varron (Le): ex quis tribus generibus proprio nomine
uoeantur feminae quae sunt uillaticae gallinae, mares galli, capi semimares, qui sunt castrati.
8 Notons au passage que, malgré l'opinion de K. Krause {op. cit., c. 260), il n'y aurait en
soi rien d'étrange à ce que l'on sacrifiât des animaux châtrés à Jupiter, dieu nourricier et
fécondateur par excellence; G. Dumézil (op. cit.) a montré, en invoquant des faits indiens,
que la stérilité de la victime pouvait correspondre à une sorte de fécondité supérieure, qui
appartient en propre au dieu souverain - et l'on retrouve par exemple cette même conception, dans un
contexte tout différent, chez Clément d'Alexandrie (Protr., 1, 9, 2-5) paraphrasant Isaïe (54, 1).
Mais cette absence d'invraisemblance ne saurait tenir lieu d'indication positive.
118 GÉRARD CAPDEVILLE
subus maiales, gallis gallinaceis capi 9; les bovins manquent de même dans
la liste analogue de Paul (40 L), qui ajoute les ovins aux espèces précé
dentes: Cantherius hoc distai ab equo, quo maialis a uene, capo a gallo,
berbix ab ariete. Est enim cantherius equus, cui testiculi amputantur.
On est donc en droit de penser qu'aucun terme particulier n'existe
pour désigner le bovin châtré 10. De fait, lorsqu'un auteur a besoin d'opposer
expressément l'animal châtré à l'animal entier, il n'a d'autre ressource que
d'utiliser l'adjectif castratus; ainsi fait Columelle (Rust, 6, 20): neque enim
alio distai bonus taurus a castrato n, nisi quod huic torua faciès est. . . 12.
9 De même, lorsqu'il traite de la castration des diverses espèces, Varron indique chaque
fois le nom de l'animal châtré: (L.L., 5, 98, 4) si cui oui mari testiculi dempti et ideo ui
natura uersa, uerbex declinatur; (R.R., 2, 4, 21) castrantur uerres commodissime anni culi ...
quo facto nomen mutant atque e uerribus dicuntur maiales; (R.R., 3, 9, 3) gallos castrant,
ut sint capi; il n'y a que pour les bovins (R.R., 2, 5, 17) qu'aucun nom n'est précisé.
10 Trio est un terme rare, que l'on ne trouve guère, en dehors d'un vers de Naevius
(p. 200, fg. 10 Marmorale2) cité par Isidore (Or., 12, 1, 30) que chez des grammairiens et des
lexicographes: Varron (L.L., 7, 74), Aulu-Gelle (N.A., 2, 21, 8), Festus (454 L), toujours à propos
de la constellation Septentriones; il est donné comme un mot de « bouvier », désignant le bœuf
de labour; ainsi chez Varron: triones enim et boues appellantur a bubulcis etiam nunc,
maxime cum arant terram; même si le trait spécifique semble surtout destiné à justifier l'étymo-
logie proposée - omnes qui terram arabant a terra terriones, unde triones ut dicerentur E
detrito - on peut noter que rien n'est dit sur l'état de leur virilité.
11 Nous ne pensons pas qu'il faille comprendre a castrato <tauro>, en sous-entendant
le substantif qui précède, comme le veut K. Krause (op. cit., c. 261), qui en fait un argument
en faveur de l'ambivalence de taurus; Columelle veut simplement opposer le «castrat» au
« bon taureau », au taureau de bonne race.
12 C'est ce même terme, au pluriel castrati, que, pour notre part, nous rétablirions volont
iers,éventuellement accompagné de boues, dans la troisième phrase du texte de Festus (372, 26 L)
sur les Solitaurilia, qui énumère, en opposition aux noms des animaux entiers (cf. supra, p. 115,
n. 1), les noms des animaux châtrés, phrase corrompue dans le manuscrit et que Lindsay écrit:
contra t ad... t uerbices maialesque, en indiquant en apparat la correction proposée par Müller
- dans son apparat seulement -: contrari boues; nous lirions donc: contra castrati (boues?)
uerbices maialesque.
«TAVRVS» ET «BOS MAS» 119
Servius, là encore, justifie très bien cette variation, dans son commentaire
au dernier vers, par des motifs uniquement stylistiques: Cur cum de uno
loquatur, hic bouem, alibi iuuencum, alibi taurum appellai? sed uidetur
pro tempore ac diuersitate usus ideoque iuuencum ait.
* *
13 Outre le passage cité, mentionnons: 1, 65; 1, 210; 3, 515; cf. aussi B., 4, 41; Aen., 8, 316.
14 En d'autres passages, il est frappant que Servius, sans se donner, comme il est comp
réhensible, la peine de relever chaque fois l'emploi anormal du mot par Virgile, répugne à
l'employer pour son propre compte dans son commentaire; ainsi, à propos de la description de
l'épizootie du Norique, l'expression de Virgile (G., 3, 515-516): Ecce autetn duro fumans sub
uomere taurus / concidit est ainsi expliquée: per hoc ostendit etiam fortes tauros repente
morbo concidere; nemo enim pestilentem ad aratra ducit iuuencum (cf. G., 3, 517).
15 C'est pourquoi les auteurs éprouvent toujours une certaine difficulté à le désigner. Il
semble que le plus souvent ils utilisent bos seul (et non bos mas), le terme général pouvant,
120 GÉRARD CAPDEVILLE
nous l'avons dit plus haut, avoir ce sens, il faut bien chercher ailleurs que
dans une telle opposition la différence entre ces deux désignations que
postule l'usage liturgique.
faute de mieux, représenter le seul type qui n'ait pas de nom spécifique: ainsi, lorsqu'après
avoir évoqué les bœufs de labour, Columelle {Rust, 6, 20) passe aux animaux destinés à la
reproduction, il écrit: Quoniam de bubus satis praecepimus, opportune de tauris uaccisque
dicemus. On rencontre aussi iuuencus, comme dans le texte de Servius cité à la note précé
dente ou chez Columelle (Rust, 2, 2, 26); pourtant le mot signifie proprement «jeune bovin»,
sans idée de castration, puisque dans la liste que donne Varron (R.R., 2, 5, 6, cité p. 121, n. 18)
des termes qui désignent les bovins selon l'âge, iuuencus précède taurus.
16 C'est certainement parce qu'il ne comprenait plus la distinction entre « mâle » et « repro
ducteur», bien faible en regard de l'opposition «non châtré» / «châtré», que Varron (ap. Gell.,
Ν. Α., 9, 9, 10), ne sachant comment différencier caper de hircus, attribue au premier le sens
de «caprin mâle châtré»: is demum latine caper dicitur, qui excastratus est; mais, à part un
vers de Martial (3, 24, 14: dum iugulas hircum, factus es ipse caper), qui devait se souvenir
de l'opinion de Varron, tous les emplois du mot contredisent cette affirmation, à commencer
par le vers de Virgile (B., 9, 25) qu'Aulu-Gelle croit précisément pouvoir critiquer sous l'autorité
du grammairien (cf. les exemples du Thesaurus). Plutôt qu'une «différence de sens... d'origine
dialectale » que suggère bien gratuitement le Dictionnaire étymologique d'A. Ernout et A. Meillet
(s.u. caper, p. 94), il est préférable de voir dans l'erreur de Varron la marque de l'effacement
d'une opposition affaiblie en face d'une opposition plus forte.
«TAVRVS» ET «BOS MAS» 121
point de vue de la simple définition sexuelle, bos mas et bos femina 17,
du point de vue de la fonction de reproduction, taurus et uacca18. Mais,
dira-t-on, sur le plan pratique, à quoi correspond cette distinction? Un même
animal peut sans doute être appelé bos mas ou taurus selon qu'on envisage
sa nature ou sa fonction, mais ce sera toujours le même animal; comment
dès lors pourrait-il être licite de le sacrifier à Jupiter sous un nom et interdit
sous l'autre?
En fait, puisque taurus désigne une fonction et non un genre, c'est
uniquement par rapport à l'accomplissement de cette fonction que peut
s'appliquer l'interdit fixé par la loi religieuse; le bos mas qu'agrée le dieu
souverain doit être un animal pleinement adulte, et pleinement mâle, mas,
mais qui n'est pas taurus parce qu'il n'a jamais été utilisé pour la repro
duction. On peut penser qu'il s'agit d'animaux spécialement sélectionnés et
élevés pour les autels 19 ou encore de jeunes mâles sacrifiés juste avant
l'époque des saillies 20. N'est-ce pas là, justement, ce que veulent nous expli
quer, avec un vocabulaire approximatif, Servius (Aen., 3, 21) 21 et Isidore
(Or., 12, 1, 28) 22, dans deux textes voisins, où ils affirment qu'on ne sacri-
fie pas de tauri à Jupiter, mais seulement des irnienti, « car dans les victimes
l'âge aussi doit être pris en considération »?
II nous semble enfin que l'on peut faire disparaître une contradiction
qu'ont relevée tous les auteurs qui ont abordé ce problème. Tout ce que
nous avons dit pour les bovins vaut certainement pour les autres espèces,
et la règle d'Ateius Capito mentionne d'ailleurs expressément le bélier et le
verrat; or l'ingénieux Pretextatus qui la cite, indique plus haut (Macr., Sat,
1, 16, 30), sans gêne apparente, que, selon Granius Licinianus, la flaminica
sacrifie un bélier, aries, à Jupiter, le jour des nundines26: faut-il, avec par
exemple G. Dumézil (op. cit., p. 244), « admettre deux écoles de ritualistes »?
Ce serait bien étrange, la règle générale aussi bien que le sacrifice des nun
dines ayant tout l'air d'appartenir également au plus ancien fond de la rel
igion nationale. N'est-il pas plus simple de considérer que, évoquant le sacri
ficede la flaminica non pour lui-même mais simplement comme critère pour
savoir si les nundines sont ou non un véritable jour de fête, Granius Lici
nianus emploie le langage courant qui ne sait pas plus distinguer entre ouis
mas et aries qu'entre bos mas et taurus27?
* *
Le précepte bien connu concernant les victimes de Jupiter nous paraît
donc devoir être compris à partir d'une opposition différente de celle que
l'on admet couramment, opposition correspondant à un état archaïque de la
langue et des conceptions en matière d'élevage. Conservée, comme il est
naturel, dans l'enseignement religieux traditionnel par le biais d'une régl
ementation rituelle, cette opposition, non soutenue par une structure li
nguistique claire, a fini par échapper aux usagers et par ne plus se révéler,
en somme, que par quelques incohérences. Ce sont elles qui, par la résistance
qu'elles opposent aux exégèses habituelles, nous semblent légitimer une
hypothèse qui essaye de les surmonter.
chrétien d'être plus précis en la matière que ses devanciers païens; au reste, dans le premier
texte, c'est la couleur des animaux qui l'intéresse et non leur détermination sexuelle; dans
le second, c'est l'espèce.
26 Causant uero huius uarietatis [sur le caractère de fête des nundines] apud Granium
Licinianum libro secundo diligens lector inueniet. Ait enim nundinas louis ferias esse, siquidem
flaminica omnibus nundinis in regia Ioui arietem soleat immolare, sed lege Hortensia effectum
ut fastae essent, uti rustici, qui nundinandi causa in urbem ueniebant, Utes componerent.
27 Selon Columelle (Rust, 7, 4, 4), les agneaux sont châtrés à deux ans, avant qu'ils soient
propres à la reproduction: Prius quam feminas inire possint, mares castrati, cum bimatum
expleuerunt; on ne trouvait donc guère d'ovin mâle adulte non châtré en dehors de ceux qui
étaient réservés à la reproduction, au contraire de ce qui se passait pour les bovins (cf. supra,
p. 121, n. 20); c'est peut-être ce qui explique que l'on ne pouvait guère sacrifier à Jupiter
comme adultes non reproducteurs que des animaux châtrés, ainsi que l'indique Ovide (F., 1,
587-588) à propos du sacrifice des Ides de janvier: Idibus in magni castus louis aede sacer-
dos / semimaris flammis uiscera libat ouis.
ANDRÉ CHASTAGNOL
CONFECTURARII»
5 J.-P. Waltzing, Etude historique sur les corporations professionnelles chez les Romains
depuis les origines jusqu'à la chute de l'Empire d'Occident, t. II, Louvain, 1896, pp. 94 et 370.
6 A. Chastagnol, La Préfecture urbaine à Rome sous le Bas-Empire, Paris, 1960, p. 462.
7 Juste-Lipse, Inscriptionum antiquarum quae passim per Europam liber, Leyde, 1588,
fol. 69, 9.
8 I. Gruter, Corpus inscriptionum, t. I, 2e partie, Amsterdam, 1707, p. 361, 1, avec
les notes de Gudius.
9 C. Orelli, Inscriptionum Latinarum Selectarum Amplissima Collectio, t. II, Turin, 1828,
n. 3672, p. 145.
« CONFECTURARII » 127
II est vrai que Gudius, dans une adnotatio reproduite par Gruter, avait
soupçonné une erreur de transcription et proposé de corriger le texte:
Confecturarii sive potius confectuarii videntur qui carnes suillas aliasque
sive muria condiebant sive fumo indurabant. Cette emendation se fondait
sur la pensée que le nom de la corporation était forgé sur le verbe conficere
et son supin confectum: Id enim conficere Latini auctores appellant; sont
alors invoqués des témoignages, incontestables pour ce qui est du verbe
conficere en ce sens: notamment Columelle (XII, 53, 1), Pline l'Ancien
(N.H., II, 9, 19; XI, 38; XII, 4, 5; 18, 4; 52, 1; XVIII, 32) et surtout
Palladius, qui l'emploie, au Ve siècle, pour le jambon et le lard (XIII, 6:
pernas et lardum conficimus) . Il se peut que Henzen ait été influencé
par cette observation. Toutefois, le lemme et le commentaire dans le Corpus
ne s'y réfèrent pas expressément, et l'éditeur n'a signalé nulle part que le
texte qu'il fournissait n'était pas conforme à celui qu'on lisait sur la pierre;
rien n'indique qu'il ait sciemment corrigé l'orthographe du mot qui était
effectivement gravé.
Il vaut donc la peine de se demander si la correction proposée par
Gudius et implicitement ou inconsciemment acceptée par Henzen est justifiée.
Il est hors de doute, à mon avis, qu'elle ne l'est pas, et cela pour deux raisons.
D'abord, le nom de la corporation est fourni par une seconde inscription
qui est l'épitaphe très simple placée sur un loculus du cimetière de Cyriaque,
pour marquer la tombe du charcutier Fortunatus: Locus Fortinati confectorari
{CIL VI 9278) 10. L'orthographe populaire confectorari au lieu de confecturari,
comme d'ailleurs Fortinati pour Fortunati, est ici inspirée de la prononciat
ion vulgaire de l'époque, mais ne doit pas nous faire douter que la forme
correcte était bien confecturari(i) et non pas confectuari(i). Le premier R
du mot se prononçait bel et bien et figurait incontestablement dans le nom
de la corporation. La seconde inscription confirme donc pleinement la
première sur ce point précis.
En second lieu, les noms de métiers, très nombreux, qui se terminaient
par la désinence -arius étaient presque tous formés sur un substantif, non
sur un verbe et son supin. Prenons quelques exemples.
10 O. Marucchi, / monumenti del Museo Cristiano Pio-Lateranense, Milan, 1910, pi. 55,
21; Diehl, ILCV, 625. L. A. Muratori, Novus thesaurus veterum inscriptionum, t. II, Milan,
1740, p. 954, 5, et Orelli, 4167, donnent à tort la leçon Fortunati. C'est en se fondant sur ce
texte que le nouvel Oxford Latin Dictionary, fase. II (1969), p. 397, présente son article
Confectorarius.
128 ANDRÉ CHASTAGNOL
honorum une fois achevé, un grand espace blanc est réservé avant qu'aient
été gravées les trois dernières lignes qui constituent la dédicace propre
mentdite.
Or, dans cet espace libre, la photographie de détail jointe à cet article
montre qu'on a beaucoup plus tard légèrement gravé ou plutôt dessiné et
peint une autre inscription qui a été ensuite grattée et effacée avec soin.
Le texte en apparaît avec netteté sur le cliché que je fournis; on lit sans
aucun doute: PORCO DEO. Cette ligne rajoutée ne se voit pratiquement
pas à l'œil nu, et c'est pourquoi elle a échappé jusqu'ici à tous les éditeurs.
Il s'agit, semble-t-il, d'un juron en latin ou plutôt déjà en italien médiéval
qui n'a certes rien à voir avec l'inscription antérieure, mais est adapté à
son texte dans la mesure où cette dernière concerne les marchands de porcs
et charcutiers, signalés immédiatement en-dessous de ce quasi-graffito. Les
lettres de la ligne ainsi rajoutée sont plus grandes et plus irrégulières que
les autres; elles vont en diminuant progressivement de hauteur et en des
cendant un peu vers la droite. M. Jean Mallon, que j'ai consulté sur ce
point, inclinerait à dater ce juron du VIe ou du VIIe siècle, d'après la forme
des lettres, surtout le C et le E, mais il n'est pas impossible que sa mise en
place ait été encore plus tardive; il ne croit cependant pas qu'il soit postérieur
à la redécouverte de la pierre au XVIe siècle encore que l'éventualité n'en
soit pas entièrement exclue 15. Quoi qu'il en soit, la perplexité et la prudence
s'imposent pour interpréter cette ligne qui s'est révélée à nous d'une façon
aussi inattendue.
C'est avec une très amicale déférence que je dédie ce modeste essai
à M. Jacques Heurgon. Il me pardonnera d'avoir porté mon attention vers
une époque plus tardive que celle à laquelle il a voué toute son énergie.
La présente contribution a du moins le mérite de mettre en jeu à la fois
l'histoire économique, l'épigraphie et la philologie latine, trois disciplines
que ce grand savant a si bien illustrées dans toute son œuvre, consacrée
avec tant de talent à l'évolution et à la civilisation des peuples italiques.
Après tout, j'ose croire que les charcutiers de Rome, même s'il s'agit seul
ement de la forme où ils sont attestés au IVe siècle de l'ère chrétienne, ne
sont pas tellement étrangers à ses goûts et ses préoccupations.
15 Mon collègue italianisant Cl. Margueron m'assure que ce type de juron est fréquent
en italien médiéval. En italien, deo alterne avec dio aux XHP-XVr siècles. Une inscription
de San Clemente de Rome porte, sur une fresque, au XIe siècle: Fili de le pute. Le juron
Porca la madonna existe encore de nos jours.
CONFECTURARII 131
CONSVU-ORDINAMO ·
3 Cf. mon article Pour une étude de la structure phonique du vers: la clausule de
l'hexamètre, REA, LXXVI, 1974, p. 5-28 et, plus spécialement, p. 6-7.
4 Cf. ma « typologie » de la clausule {art. cité, p. 7-8), où j'ai dégagé, en suivant la ligne
du schéma métrique, deux jeux complémentaires de figures phoniques:
1) Figures dissyllabiques:
Deux phonèmes CV, VC ou CC reviennent ensemble d'une longue à une autre longue.
Rythmique k.r k.r cornua cerui
Encadrante .os .os poscere uentos
Conclusive ki. ki laude pacisci
2) Figures trisyllabiques:
Deux consonnes, chacune à l'attaque d'une syllabe brève différente, forment ensemble
l'armature consonantique d'une syllabe longue.
Fermante t. r. t.r peciore faiur
Liante m. n. m. η fragrarne raootis
Structurante t.k t. k. tecta columnis
5 Parmi les «modernes», Mallarmé et Valéry ont conçu et réalisé dans ce domaine des
constructions d'un raffinement inouï. Elles représentent un essai de transposition à la poésie
des savants agencements et des principales exigences de l'écriture musicale (voir à ce sujet
mes deux articles: L'architecture secrète de Γ «Ouverture ancienne» et Equilibres mallarméens,
dans Europe, Avril-Mai 1976). Mais on trouve déjà, chez Virgile, des organisations phoniques
très élaborées, assurant l'unité de tout un passage (cf. mon étude Echos et résonances au
début de la dixième bucolique, Mélanges P. Boyancé, Coll. Ecole Fr. de Rome, 22, 1974, p. 173-180).
STRUCTURES PHONIQUES DOMINANTES 135
Les unes, de portée limitée, ne sortent pas du cadre d'un vers unique
et peuvent même n'affecter qu'une partie de ce vers, par exemple, le deuxième
hémistiche, voire la seule clausule:
I - V Ph. 54 Fortis Equi propter pinnati corporis alam
III - V 441 Nam retinent Arctoe /wstrantes Zwmine summo
V - VI 37 Hae tenues paruo labentes lumine lucent
Parfois enfin, c'est sur une suite de trois ou quatre vers (et même
davantage: v. infra, p. 11-14) que se développe une même figure phonique:
Ph. 455-457 Iam caput et summum flexo de corpore lumen.
Hic ille exoritur conuerso corpore Nixus,
Aluum, crura, umeros simul et praecordia lustrans.
6 Le nombre moins élevé de lumine (-na, -nis) intégrés à une figure phonique tient
à la structure même de la première syllabe de ce mot. Réduite à deux phonèmes (lu), elle
ne pouvait entretenir de relations phoniques qu'avec une seule série de mots, ceux qui, aux
temps forts du vers, présentaient eux-mêmes ce couple CV (iwcent, colZucens, Zwcibus, il/wstria,
luna, fi/Zgens, Zwstrans, etc.). A l'inverse, corpore {-ra, -ris) devait aux trois phonèmes de sa
syllabe initiale d'entrer dans trois séries de correspondances possibles, selon la forme de r
eproduction partielle (CV.; .VC; C.C) dont cette syllabe était l'objet. Latitude que Cicéron ne
s'est pas fait faute d'exploiter:
CV Ph. 81 corpore condii
VC Ph. fr. XV, 2 corpore torto
CC Ph. 265 corpore cursus
Mais s'ils sont moins nombreux, les partenaires de lumine, dans la mesure où ils regrou
pent,pour la plupart, des mots exprimant eux-mêmes l'idée d'éclat, de lumière et de rayon-
136 JEAN-PIERRE CHAUSSERIE-LAPRÉE
1. V-VI: 23 ex.
nement, forment avec lui dans le poème des figures organiquement plus riches, où paraîtra
se réaliser, par la vertu d'une double affinité sémantique et phonique, cet accord parfait du
son et du sens qui est la visée permanente de tout poète (v. là-dessus mon article de la
REA, p. 21-23).
7 Si le nombre des figures phoniques (66) est supérieur à celui des occurrences des deux
mots dont elles procèdent (59), c'est parce qu'un même emploi de l'un ou l'autre terme est
susceptible d'entrer simultanément dans deux figures de même niveau ou de niveau différent.
Au vers 332, par ex., lumine a deux partenaires phoniques, l'un au pied final du même vers
(/«strans), l'autre au dactyle V du vers précédent (/ucibus). Il appartient donc à deux figures
distinctes, la première réalisée dans la clausule, au niveau d'un vers unique, la seconde, asso
ciant deux vers différents, les v. 331 et 332:
Ph. 331-332 Et Gemini darum iactantes /wcibus ignem.
Haec sol aeterno conuestit Zumine /«strans
8 Cf. mon article de la REA, p. 5-6.
9 C'est, par exemple, de la présence finale d'une figure rythmique - s'ajoutant à l'écho
cedant-concedat - que le célèbre Cédant arma togae, concédât laurea laudi tire l'essentiel
de son éclat.
STRUCTURES PHONIQUES DOMINANTES 137
2. III-V: 12 ex.
Loin derrière le couple de la clausule, un second groupement, qui
associe les pieds III et V, se détache nettement, avec ses 12 exemples,
des deux dernières combinaisons attestées: I-V (3 ex.), IV-V (5 ex.). Détail
remarquable: à la seule exception de Ph. 137, c'est toujours le début du
second hémistiche - et non le temps fort précédant la coupe - que
Cicéron met en rapport phonique avec l'attaque de la clausule. L'intention
du poète est claire: il veut marquer fortement, en soulignant, par la distribu
tion des récurrences, les deux articulations majeures du second hémistiche,
l'unité propre de la seconde partie du vers. Interprétation que confirme
l'ouverture de l'hémistiche par un mot molosse excluant toute coupe
hephtémimère. Enfin, comme 9 des 11 exemples mettent en jeu le mot
corpore faisant écho au préverbe con- d'un verbe composé, nous tenons
là un véritable cliché (ou stéréotype), à la fois structurel et phonique, que
son ascendant rythmique autant que sa commodité métrique dut imposer
à Cicéron. Après lui, on le retrouvera sous une forme plus souple chez
Lucrèce en 15 des quelque 320 passages où le mot corpore (-ra, -ris)
- aussi fréquent dans son œuvre que dans les Aratea - intervient au
dactyle V11:
10 A l'intérieur d'un «ordre» donné (labial, dental, palatal, etc.), la sonore est perçue
comme un écho de la sourde correspondante. De là, une équivalence globale, au niveau des
retours, entre ρ et b, t et d, k et g, etc.
11 N. I, 861, commixto corpore dicent; 384 concursu corpora lata; 678 conuertunt corpora
sese; 196 communia corpora rebus; II, 742 cognoscant corpora tactu; 906 consistere corpore
creta; autres ex.: Ill, 483; IV, 1056; 1065; 1193; V, 60; 65; 495; VI, 44; 102.
138 JEAN-PIERRE CHAUSSERIE-LAPRÉE
3. IV-V: 5 ex.
A l'inverse du groupement précédent, où se manifestait surtout corpore,
la solidarité phonique qui unit 5 fois les deux pieds IV et V est essen
tiellement le fait de lumine, dont la syllabe initiale reprend tout ou partie
de celle du mot qui tombe au longum IV. Figure rythmique suggestive
que renforce encore, à quatre reprises, la coïncidence, au longum IV, de
l'accent de mot et du temps fort:
Ph. 263 Magnu' Leo et claro con/« cens /«mine Cancer
380 Exoritur pandens in/«stria /«mina Virgo
(autres ex.: Ph. 374 depw/sus /«mine cedit; 452 sim«/ cum /«mine
pandit; 91 Capricorni corpora propter).
4. I-V: 3 ex.
Soulignant les deux repères rythmiques majeurs du vers, la dernière
combinaison, qui fait revenir, en figure rythmique, à l'attaque de la clausule
deux sons apparus à l'ouverture du vers, n'a été ici que peu exploitée par
Cicéron, qui en présente seulement 3 exemples, tous liés au mot corpore.
Mais l'un d'eux, par l'insistance du rappel, est, dans un vers pittoresque
et descriptif, d'une réalisation fort heureuse:
Ph. fr. XXVII Co rniger est ualido conixus corpore Taurus
Ph. 125 Curriculum numquam defesso corpore sedans
(autre ex.: Ph. 54: ν. supra, p. 135)
Par souci de clarté dans l'exposé, on n'a pas fait état jusqu'ici de la
distribution sur un même vers de deux ou trois figures distinctes. Cette
mise en œuvre, dont la forme la plus insistante et la plus simple consiste
dans la présence d'un même groupe de sons à trois articulations différentes
du vers, intervient dans 7 passages que nous avons étudiés. Elle convient
aux évocations les plus suggestives et donne au vers qu'elle affecte une
efficacité rythmique accrue:
a) Ph. jr. XXVII Corniger est ualido conixus corpore Taurus 13
Ph. 322 Quem rutilo conlucens corpore Virgo 14
137 Inde gubernac/wm disperso /«mine fi/Zgens 15
dactyles V font entendre le même «chant» (fulmine I lumina). Bel exemple de la façon dont
peuvent composer, dans un couple de vers, des organisations sonores de deux niveaux.
13 Affecté à trois moments importants de l'hexamètre (le longum I, le début du deuxième
hémistische, l'attaque de la clausule), le couple ko dessine, dans le vers, trois figures phoniques
différentes:
1) I-III corniger... conixus (figure ouvrante d'hémistiche)
2) I-V corniger... corpore (figure rythmique, avec renfort d'un r)
3) III-V conixus... corpore (figure ouvrante de fin de vers).
14 Ici, le groupe récurrent ko est attribué au deuxième hémistiche dont il distingue les
trois articulations dominantes: début et fin d'hémistiche, ouverture de la clausule. En résultent
trois figures:
1) III-V conlucens corpore (figure ouvrante de fin de vers)
2) III-VI conlucens... Virgo (figure encadrante d'hémistiche)
3) V-VI corpore Virgo (figure encadrante de clausule).
15 En dotant le longum des pieds III, V et VI d'un même couple lu, Cicéron renforçait
tout ensemble la solidarité des deux hémistiches et le rythme propre de la clausule.
16 Une figure ouvrante de deuxième hémistiche (III-V), dessinée par le couple lu
(lustrantes lumine), se prolonge immédiatement de deux autres figures. La première, liante
(lumine mxxnàum), resserre l'unité de la clausule; la seconde, conclusive (munàum), souligne
le spondée final et termine ce deuxième hémistiche, phoniquement très construit, sur une manière
d'accord parfait. Illustration insistante du rythme, qui s'imposera une nouvelle fois à Cicéron
dans son De consulatu suo:
Cons. s. 2 Vertitur et totum conlustrat lumine munàum.
17 Deux figures successives: figure rythmique aux pieds IV-V (Capricorni corpora); figure
liante à la clausule (corpora propter).»
18 Superposition partielle, à la clausule, d'une figure rythmique (corpore portât) et d'une
figure liante (corpora portât).
19 Sur les deux figures de cette clausule, v. supra, n. 16.
140 JEAN-PIERRE CHAUSSERIE-LAPRÉE
Conclusion:
1. V/V: 8 ex.
était donc naturel qu'il accordât aux deux combinaisons, à leur niveau
respectif, une extension comparable 20; chacune d'elles recouvre, à elle seule,
plus de la moitié des exemples considérés (V-VI: 23 ex. sur 43; V/V:
8 ex. sur 13):
Ph. 321-322 Hune subter fulgens cedit uis toma Leonis,
Quem rutilo sequitur conlucens corpore Virgo
Ph. 389-390 Et post ipse trahit claro cum lumine Puppim:
Insequitur labens per caeli lumina Nauis
(autres ex.: Ph. 143-144 corpore Pisces / corpore ripas; 328-329
ludere Pisces / lumine labens; 331-332 Zwcibus ignem / lumine
lustrans; 437-438 corpore Cepheus / corpore terras; 77-78 Scorpios
alte / corporis Arcum; 49-50 /i/minis expers / /wcibus ardet)
3. V/III: 2 ex.
20 Elles sont, du reste, associées en deux passages des Phaenomena: 321-322 et 331-332,
cités supra.
142 JEAN-PIERRE CHAUSSERIE-LAPRÉE
Montons encore d'un degré. Une suite de quatre vers offre, pour la
mise en œuvre d'un ensemble construit de récurrences phoniques, d'inté
ressantes possibilités d'agencement dont les principales réalisent les trois
dispositions suivie {a ab b), croisée {ab ab) et embrassée (abb a) 23 qui
définissent en français le groupement des rimes. Or, deux des trois exemples
de Cicéron répondent précisément à une organisation de ce type. Ils mettent
en place, au dactyle cinquième, en distribution suivie ou croisée, un double
jeu de correspondances phoniques qui apporte le renfort d'une véritable
rime à ce repère, invariable et dominant, du rythme dactylique:
21 Sur une utilisation combinée (chez Virgile) des deux techniques en un même passage
- à l'intérieur d'une composition d'ensemble très élaborée - comme illustration sonore de
l'écho et jeu savant sur le nom de Gallus, v. Echos et résonances..., p. 177-178 et n. 1.
22 Mise en œuvre qui peut avoir inspiré l'arrangement comparable d'un des passages les
plus puissamment descriptifs de Aen. VI:
Ae. VI, 298-300 Portitor has horrendus aquas et ilumina seruat
Terribili squalore Charon, cui plurima mento
Canities inculta iacet, stani lumina flammae.
23 Les trois combinaisons se rencontrent au dactyle V de plusieurs hexamètres de Virgile.
Notamment en Aen. VII, 38-41 (invocation à Erato) a a b b; 601-604 (pour ouvrir un mouve
ment) a b a b: protinus urbes / maxima rerum / proelia Martern / lacrimabile bellow; et V,
734-737 (apparition d'Anchise à Enée) α b b a: amoena priorum / casta Sibylla / sanguine
ducet / moenia disces. Lucrèce connaît lui-même les deux types suivi (v. en particulier N. I,
STRUCTURES PHONIQUES DOMINANTES 143
287-290) et croisé, dont un exemple, peut-être suggéré par Cicéron, a une netteté et une
insistance remarquables:
N. IV, 1020-1023 Multi mortem obeunt. Multi, de montibus altis
Vt qui praecipitent ad terram corpore toto,
Exterrentur, et ex somno quasi mentibu' capti
Vix ad se redeunt permoti corporis aestu.
24 La présence, aux vers «b », d'une même architecture sonore interne (constrauit corpore /
commendai corpora) et de deux clausules quasi identiques accentue encore le dessin de la structure.
25 Sur un vers: 322 conlucens corpore Virgo (ν. supra, p. 139, n. 14).
Sur deux vers: 321-322 torua Leonis / corpore Virgo (ν. supra, p. 141).
Sur quatre vers: 321-324 fulgens / conlucens / lumine / lucens.
144 JEAN-PIERRE CHAUSSERIE-LAPRÉE
26 La même technique se retrouve ensuite chez Lucrèce dont, au livre II, les trois formes
corpore, corpore, corporis interviennent successivement au dactyle V des v. 436, 438 et 440,
soit un vers sur deux.
STRUCTURES PHONIQUES DOMINANTES 145
* *
1 Cf. la bibliographie générale donnée dans Actes du colloque international sur les cols
des Alpes, Bourg (1969) (Orléans, 1971), 243-257. Sur les conditions de circulation dans les
Alpes, cf. la contribution de B. Janin, Ib., 7-24.
2 On trouvera de nouvelles données dans les Actes du Congrès de Varenna-Gargnano
(1974) Atti VII CESDIR, 1975-76, La comunità alpina nell'antichità.
3 U. Kahrstedt, naguère, n'envisageait que les cols alpins, à l'exclusion de la vallée du
Rhône, mise à son tour en vedette par les publications concernant Marseille et Vix. P. Jacobsthal
et R. Joffroy ont « découvert » les cols des Alpes Occidentales, W. Dehn et W. Kimmig ceux
des Alpes Orientales. Mais ce dernier savant lui-même a fait son auto-critique, à la suite
d'O. H. Frey, qui admet un très large éventail de possibilités et estime que même les cruches
rhodiennes ont pu transiter par les cols et non par Marseille.
Il n'est pas inutile de rappeler la juste sentence d'un savant suisse, D. Van Berchem
(M. H., XIII, 1956, 199): «A qui envisage le mouvement commercial dans son ensemble, chacune
des deux thèses en présence apparaîtra contestable dans la mesure où leurs tenants, pour faire
accepter la voie de leur choix, refusent toute importance à l'autre».
148 RAYMOND CHEVALLIER
le « Zug nach Süden » emprunte les Cols des Alpes Centrales, pour un Autri
chien ceux des Alpes Orientales. N'est-ce pas céder au prestige de Marseille
que de supposer que les influences méditerranéennes perçues à la Heune-
burg sont arrivées par là, au prix d'un tel détour4? Et les savants d'Europe
Occidentale ont tendance à oublier la voie du Danube5.
En fait, une trouvaille isolée considérée en elle-même ne peut donner
d'indication sûre6; c'est le jalonnement d'un ensemble de découvertes qui
seul indique une direction 7, à condition que les cartes de répartition tiennent
le plus grand compte de la chronologie et en particulier des décalages entre
séries d'objets qui peuvent se trouver réunies dans une même tombe et des
très longs délais de transmission pour certains objets8.
La recherche ne pourra progresser dans ce domaine fertile en hypothès
es que par la publication de nombreux mobiliers, de fouilles anciennes,
de réserves de musées, classés en séries génétiques et avec des analyses de
laboratoire. Mais les cartes de répartition, dont la valeur heuristique est
4 Cl W. Dehn, Actes du colloque sur les influences Helléniques en Gaule, Dijon, 1958:
« Auf welchem Wege die Kenntnis griech. Wehrbaues an die obere Donau gelangt sein kann
.
Mir scheint, dass die von der Natur vorgezeichnete Route von Massilia das Tal der Rhône und
der Saône aufwärts nach wie vor grosse Wahrscheinlichkeit für sich hat». Il est vrai que la
Heuneburg connaît la poterie grise de Marseille.
5 Cf. O. Klindt-Jensen, Influences italiennes et celtiques sur l'art scandinave, dans Actes
du Congrès intern, d'archéol, Paris, 1963(65) 217-220.
6 Cf. L. Lerat, L'amphore de bronze de Conîiège (Jura), dans Actes du Colloque de Dijon,
oc 98: «(ces trouvailles) attestent des relations commerciales, à la fin du IVe s., entre la
région salifere du Jura et le monde méditerranéen. A Salins convergeaient à l'époque romaine
une voie venue de Lyon et une autre venue des régions alpestres. Les sites jurassiens où ont
été faites ces trouvailles grecques ou étrusques ne donnent donc par eux-mêmes aucune indica
tionsur la voie suivie par ces importations».
7 La preuve décisive d'une fréquentation n'est fournie qu'en apparence par une décou
vertearchéologique datée au col lui-même (cf. les monnaies massaliotes et gauloises du Grand-
St-Bernard), qui peut être sporadique. L'identification d'une fosse votive est plus intéressante,
cf. C. F. Cappello, Una stipe votiva di età romana sul Monte Genevris (Alpi Cozie), dans Riv. Ingauna
VII, 1941, 96 (époque romaine, mais prolonge un culte précédent). L'existence du sanctuaire
du dieu celtique Poeninus est corroborée par la vénération d'I.O.M. en deux autres points de la
route qui prolonge le col: Tarnaiae-Massongex (Jupiter Taranis), Minnodunum-Moudon. Une
trouvaille faite au pied d'un col est non moins significative: cf. J. Prieur, Un habitat au pied
du col du Mont-Cenis, Lanslevillard, du néolithique à la fin de l'époque romaine, dans les
Actes du Congrès de Varenna-Gargnano, 1974 (o. c, 521-533).
8 Cf. O. Klindt-Jensen, o. c, et F. J. Keller, Zur Datierung des keltischen Fürstengrabes
von Reinheim (Saarland), VIIe Congrès Pré-Protoh. Prague, 1966, 796-798: fibules des environs
de 400: anneau de verre de 300; certains objets sont conservés pendant 2 ou 3 générations
avant d'être ensevelis.
GRECS, ÉTRUSQUES, CELTES ET COLS DES ALPES 149
9 Cf. H. A. Cahn, Actes... Dijon, o.e., 21-29: «Ce n'est pas par hasard que les lieux de
trouvaille (des importations préromaines en Suisse) se répartissent dans les deux vallées par
lesquelles, jusqu'à la fin du Moyen Age, passaient les routes principales conduisant le voyageur
vers le Sud, soit le Valais et les Grisons, d'autre part dans le «Mittelland», autour des lacs de
Bienne et de Neuchâtel, là où se trouvaient les grands habitats gaulois, jusqu'à la vallée de la
Limmat ».
10 Attentive aux données physiques (pentes, possibilités de ravitaillement en eau, pâturage
pour les bêtes de somme, abris pour les hommes). La paléogéographie doit aussi dire son mot:
une variation d'un ou deux degrés dans les moyennes thermiques peut bloquer ou ouvrir un
col de haute altitude.
11 A propos du bucchero trouvé en Provence, on pense a priori à des relations maritimes,
mais l'association avec des fibules du type Certosa indique que des rapports terrestres ne sont
pas exclus, cf. M. Renard, Les fragments de bucchero découverts en Gaule méridionale et leur
signification, dans Latomus, VI, 1947, 309-316.
12 Cf. O. Klindt-Jensen, o.e., qui souligne la place de l'Italie du Nord dans cette transmission,
en raison de la tradition archaïsante des motifs nordiques. E. Benoit (Mél Renard, Bruxelles,
1969, III, 16-18), à propos du casque de St-Laurent, définit ainsi les caractéristiques de la série:
« La décoration au burin, exécutée de façon rapide et parfois maladroite, sans symétrie rigoureuse
des motifs, est caractéristique d'ateliers travaillant pour l'exportation, toute différente de la déco
ration de tresses, de torsades, d'S, de triscèles et d'appliques émaillées des ateliers celtiques,
qui ont parfois enrichi les casques importés... cette importation s'inscrit dans l'ambiance
Nord-italique».
13 C'est ce qu'a esquissé le Congrès de Varenna-Gargnano (mai 1974).
150 RAYMOND CHEVALLIER
24 Cf. F. Benoit, Observations sur les routes du commerce gréco-étrusque, dans les Actes du collo
que de Dijon, 1957 (58), 15-20, à compléter par W. Kimmig, Ib., 75-87, plus nuancé, qui semble
admettre l'existence de deux courants rivaux: « einen griechischen über Massilia und einen
etruskischen mit Schwergewicht über die Ostalpen. Dabei habe der etruskische den weiten
Umweg zum Mittelrhein in Bogen um den nordwestalpinen Hallstattraum herum deshalb unte
rnehmen müssen, weil ihm der Zugang über Massilia verwehrt gewesen seie. Dies gehe klar aus
dem weitgehenden Fehlen etruskischen Handelsgute im Hallstattraum hervor und beweise
ausserdem, dass der Massalia-Handel noch in Aktion gewesen sein müsse, als der im ganzen
jüngere Etruskerhandel bereits begonnen hatte». L'auteur laisse finalement la problématique
ouverte (Ib., 81): «Es leuchtet ohne weiteres ein, dass diese, von den Einheimischen längst
erschlossenen Handelswege über praktisch alle Alpenpässe in dem Augenblick auch von den
Etruskern ausgenutzt worden sind, als diese die Po-Ebene in Besitz nahmen. Die im Norden
auftauchenden Südimporte haben also in breiter Front von Massalia im Westen bis hinüber
zum caput Adriae die Alpen überquert. Nutzniesser dieses Handels sind so wohl phokäische
Griechen wie Etrusker, vermutlich auch Veneto-Illyrer ». Les produits grecs du VIe s. «können
sehr wohl über Massilia gekommen sein, müssen es aber nicht» (p. 82), mais pour le pesant
cratère de Vix, l'auteur préfère la route fluviale. Germania, XLVI, 1968, o.e., 279, admet la voie
Rhône-Saône-Doubs pour la plus grande partie de la céramique à figures noires: « Die Verbreitung
der Weinamphoren, die echte Import oder zumindest massaliotische Nachbildungen darstellen,
bestätigt diesen Weg. Nimmt man hierzu noch die Verbreitung der grauen « phokäischen » Ware,
so wird dieser Eindruck noch verstärkt». Mais avec la fondation d'Adria, puis de Spina, il faut
admettre, dès la fin du VIe s. et le début du Ve s., une utilisation des Alpes centrales. L'auteur
la dit possible pour l'hydrie de Grächwill et le cratère de Vix, mais à la fin du VIe s., l'essentiel
des commerces passe par Marseille, puis, avec Adria et Spina (début du Ve s.), les vases à
figures rouges et les oenochoés à bec trilobé, «alle Alpenpässe in Frage kommen ». Il est probable
que cette problématique, que nous saisissons vers 600-500 a.C, reproduit des situations plus
anciennes renvoyant peut-être à la préhistoire et au trafic de l'ambre, cf. la mention d'ambre
ligure (chez Théophraste p. ex. ou chez le Ps. Ar., Mir. 81), parallèle à celle de l'ambre padan,
cf. ma contribution Les mythes ou le temps de la protohistoire, l'exemple de l'Italie du Nord
au volume collectif sur le temps à Rome (Paris, 1976).
25 Cf. W. Kimmig, Ber. R.G.K. 1962-63, 73: «Dass dieser Handel in beiden Richtungen längst
im Gange war hat Frey eindrucksvoll gezeigt. Auch die ersten etruskischen Güter, die noch aus
einer Zeit stammen, als die Etrusker die Po-Ebene nicht erreicht hatten, können nur auf
diesen Wegen nach Norden gelangt sein (exemple de la pyxide de Colmar, du VIIe s. a.C.,
accompagnée de céramique du Hallstatt C) ». L'auteur souligne le rôle du Tessin et de la culture
de Golasecca; n. 74: « es hat also sicher schon etwa ab 600 einen Etruskerhandel über die
mittleren und westlichen Alpenpässe gegeben »; n. 75: «enge Verbindungen seit der Frühbronzez
eit; rôle des cols de Bernhardnf-Splügen-Maloja». Des objets nord-alpins se trouvent dans les
terramares du Bronze tardif.
Cf. aussi L. Pauli, Die Golasecca-Kultur . . . , Hamburg, 1971; F. Fischer, Germania, 1973,
436. Nous n'avons pu utiliser Kimmig, Hamburger Beitr. z. Arch. IV, 1974, 33.
GRECS, ÉTRUSQUES, CELTES ET COLS DES ALPES 153
Quels sont les objets qui transitaient par les cols? Ceux d'abord dont
nous avons la trace archéologique:
- céramiques de divers types;
- métal: armes étrusques défensives, comme les casques26, vaisselle
de luxe, miroirs, chandeliers.
Mais ces séries attestées ne sont, elles mêmes, que le reflet27 d'un trafic
plus considérable. Il faut en effet y ajouter les marchandises périssables et
ici nous devons reprendre une enumeration proposée à propos du commerce
spinétique:
- produits alimentaires: sel28; vin et huile qui, s'ils empruntaient
les cols, ont dû voyager dans des outres plutôt que dans des amphores et
n'ont pu laisser aucun souvenir;
- bétail sur pied, viande salée ou fumée, peaux et fourrures;
- peut-être certains minerais (étain) 29, précieux même sous un faible
volume, ou des saumons de métal déjà fondu;
- esclaves (prisonniers que se faisaient entre elles les tribus en guerre) ;
- et, plus encore, des influences culturelles que nous ne saisissons
qu'indirectement. Nous y reviendrons.
Les relations entretenues par les deux versants des Alpes ont-elles
supposé des déplacements importants de personnes? Nous ne le saurons
sans doute jamais, mais cela paraît peu vraisemblable30. On peut penser que
certains marchands méditerranéens pouvaient pénétrer jusqu'à des marchés
bénéficiant de droits de franchise31 et il y a eu de tout temps des ambass
ades32.
26 Références dans F. Benoit, Mél. Renard, o.e.; M. Louis, Un casque du 2e âge du Fer à
Montpellier, Gallia XI, 1953, 306-307: la provenance est inconnue, mais le décor italique
(IVc-Iir s. a.C); St. Gabrovec, Die hallstättischen Helme des südostalpinen Kreises, dans Archeoloski
Vestnik, Ljubljana XIII-XIV, 1962-63, 293.
27 «Beifracht», fret complémentaire dit W. Kimmig.
28 Faut-il rappeler l'importance de centres comme Hallstatt et Salins dans le Jura?
29 Cf. le lien qui unit l'ambre et l'étain dans l'esprit d'Hérodote, IV, 33.
30 G. von Merhart, Hallstatt und Italien, Mayence, 1969, 105, envisage la migration de
groupes peu nombreux.
31 Cf. supra, p. 150, n. 14. Considérable dut être ici le rôle des sanctuaires, cf. la découverte
de monnaies grecques à Allmendingen près de Thun, B. Kapossy, Schw. Münz. XVII, 1967, 37-40.
32 Comme celles qu'échangent Romains et Gaulois Transalpins au moment de l'affaire
d'Aquilée, cf. Liv., XXXIX, 54, 11; 55, 4; Ep. LX.
154 RAYMOND CHEVALLIER
33 Sur le rôle de ces migrations limitées, mais hautement spécialisés dans l'évolution et le
maintien de la communauté alpine, cf. la communication d'E. Bertolina, Ruolo delle migrazioni
di maestranze montanare specializzate dentro e fuori le Alpi, nell'evoluzione e nella conserva
zione della comunità alpina: osservazioni su una ricerca in corso, dans Convegno Varenna-
Gargnano (1974), non publié dans les Actes.
34 Cf. l'interprétation des dépôts de fondeur d'Arbedo, Parre, Obervintl, Dercolo, Romallo,
en des points névralgiques de la circulation alpine: M. Primas, Zum eisenzeitlichen Depotfund
von Arbedo (Kt. Tessin), dans Germania, L, 1972, 76-93.
35 Cf. l'hypothèse d'O. Klindt-Jensen, Actes VIIIe Congrès archéol, Paris, 1965, 217.
36 Cf. la version plinienne (XII, 5) de l'épisode d'Arruns de Clusium, devenu le forgeron
helvète Helicon, séjournant à Rome.
37 Cf. l'utilisation comme signes de repères de lettres grecques.
38 Cf. W. Dehn, Die Befestigung der Heuneburg (Per. IV) und die griechische Mittelmeerw
elt, Actes Colloque Dijon, 61: «Dass griechische Handwerker in fremdem Diensten gearbeitet
haben, ist bekannt. Dürfen wir Aehnliches für die barbarischen Heuneburgfürsten annehmen?
Mir scheint darauf ist keine eindeutige Antwort zu geben; man wird sich mit der Feststellung
begnügen müssen, dass dem Baumeister der Heuneburg IV griechischer Wehrbau nicht unbe
kannt war, mag er nun selbst im griechischen Einflussbereich gelernt oder einen Griechem am
Bau beteiligt haben. Cf. W. Kimmig, Ib., qui parle de «groteske Missverstehen des Bauplans».
39 Cf. W. Kimmig, V. Vacano, Zu einem Gussformfragment einer etruskischen Bronze
kanne von der Heuneburg an der oberen Donau, dans Germania, LI, 1973, 1, 72-85.
40 Exemple de la Heuneburg cité plus haut. Cf. Actes colloque de Dijon, o.e., 55: «Es
steht ausser Zweifel, dass neben dem erhaltenen Handelsgut, auch andere für uns nicht mehr
fassbare Dinge, vermutlich auch bestimmte Formen der Lebens - und vielleicht sogar der Denkw
eise eingedrungen sind, die nicht ohne, Einfluss auf die bodenständigen Kulturen bleiben
konnten ».
GRECS, ÉTRUSQUES, CELTES ET COLS DES ALPES 155
* Questa nota, con le altre che, nelle intenzioni dell'autore, dovrebbero seguire costi
tuisce il seguito ideale del catalogo della mostra Roma medio repubblicana (Roma 1973).
La scelta si orienterà in modo particolare suli'instrumentum iscritto, che è da annoverare tra
gli argomenti più fruttuosi, ma anche tra i più trascurati.
Le abbreviazioni utilizzate sono quelle de L'Année Philologique.
1 Cfr. A. Carandini, Archeologia e cultura materiale, Bari 1975.
2 B. Croce, Storia della storiografìa italiana nel secolo decimonono, 3a ed., Bari 1947,
II, pp. 35 ss., 107 ss. Ma si veda ad esempio, sull'ambiente dell'Università fiorentina, E. Garin,
La cultura italiana tra '800 e '900, Bari 1962, pp. 55 ss., 77 ss.
3 Per farsi un'idea del livello (invero piuttosto basso) della discussione in proposito, in
anni ancora vicini, si veda l'incredibile polemica di G. Lugli contro il Lamboglia in RAL
Vili, XIV, 1959, pp. 321-330, specialm. 326-328.
158 FILIPPO COARELLI
lunghe penne, come sappiamo da Polibio (VI 23, 12), e come appare nella pittura da una
tomba dell'Esquilino (cfr. Roma medio repubblicana, Catalogo, Roma 1973, p. 203, fig. 15,
tav. XLVII: qui Fig. II).
160 FILIPPO COARELLI
Avremmo perciò a che fare con un liberto, cosa non priva di un certo
interesse, dal momento che l'elmo, come vedremo, appartenne a un legionario
romano, oppure a un soldato delle coorti ausiliarie.
Per quanto riguarda l'aspetto onomastico, è da notare che il gentilizio
Patulcius non è particolarmente diffuso. Lo si ritrova, oltre che a Roma n,
in Campania (a Neapolis, Puteolis e Misenum), a Tarracina, a Caralis 12.
Dalla Campania provengono probabilmente i Patulcii presenti in Asia Minore,
a Magnesia e a Priene 13. Anche in Etruria il gentilizio è testimoniato: a
Sutrium 14 e a Caere 15. In quest'ultimo caso si tratta di una testimonianza
particolarmente antica, della fine del II secolo a.C. 16. Non si può escludere
quindi che la gens sia di origine etrusca, come riteneva lo Schulze, che
collegava Patulcius con i patilna, patini, testimoniati a Tarquinia e a
Perugia17. Ciò potrebbe confermare Yorigo del nostro M. Patulcius, quale
sembra risultare dal prenome probabile del patrono, Arruns.
L'uso di indicare il nome sull'elmo da parte del proprietario appare in
Italia già in epoca notevolmente antica, almeno dalla fine del VI secolo a.C. 18,
e permane fino all'età imperiale 19. Sugli elmi del tipo che qui si esamina
appaiono iscrizioni in etrusco, messapico, osco-umbro e latino, sempre apparente-
sembra corrispondere a quello reale. L'elmo pesa attualmente kg. 1,350, la paragnatide kg. 0,425:
il peso complessivo - con le due paragnatidi - doveva essere di kg. 2,200 circa. La differenza
di peso (circa 420 gr.) è dovuta probabilmente alla scomparsa di gran parte dell'elemento
di ferro destinato a sostenere il cimiero, dell'anello fissato sul paranuca, e del rivestimento
di cuoio (ringrazio per queste informazioni il dott. G. Pontiroli e la signorina Anita Farina).
11 CIL VI 23856-23859. Cfr. W. Schulze, Zur Geschichte lateinischen Eigennamen,
Berlin 1904, p. 142 (cfr. pp. 86 e 188).
12 CIL X 1757, 1886, 2634, 2826 ss., 3334 (Neapolis, Puteolis - cfr. anche VI 2379b -
Misenum); 8397 (Tarracina - cfr. anche VI 2920 -); 7683 (Caralis).
13 O. Kern, Inschr. von Magnesia am M., Berlin 1900, 111; Η. ν. Gaertringen, Inschr.
von Priene, Berlin 1906, 313, 715; RE, Patulcius, c. 2307 s.
14 CIL XI 3261.
15 CIL I2 2765 = ILLRP 1148; NSA 1937, p. 400; MAL XLII, 1955, ce. 818-820; J. Heurgon,
in Latomus XIX, 1960, pp. 221-229. È interessante che in questa, che era finora la più antica
iscrizione in cui apparisse il gentilizio, esso sia espresso nella forma Patolcia, che ritorna anche
nell'elmo da Pizzighettone.
16 J. Heurgon, art. cit. alla nota precedente.
17 Schulze, op. cit., p. 142. L'etruscità del nome è accettata da Heurgon, art. cit.,
p. 223 e nota 7.
18 S. M. Goldstein, An Etruscan Helmet in the McDaniel Collection, in HSPh LXXII,
1967, pp. 383-390.
19 Cfr. nota 9.
162 FILIPPO COARELLI
20 CIL I2 2389 = IX 6090, 9 = ILLRP 1254. L'elmo è ricordato per la prima volta,
con l'indicazione della provenienza, in Notice sur le Musée Dodwell, Rome 1837, pp. 23 s.,
η. 36. Si veda inoltre: J. v. Hefner, Das römische Bayern3, München 1852, p. 268, η. CCCLXXXVI;
Das Κ. Antiquarium zu München, München 1914, p. 45; P. Couissin, in RA XXXI, 1930,
fig. 1 a p. 94; P. Reinecke, in Germania XXIX, 1951, p. 42. (Non ho potuto vedere F. von
Lipperheide, Antike Helme, 1896, p. 252, η. 38, dal quale probabilmente è tratta l'illustrazione
del Couissin, l'unica finora disponibile, a mia conoscenza, di questo importante oggetto). Sul
gentilizio Cossius cfr. Schulze, op. cit., pp. 158 s. Testimonianze del nome a Lambaesis
(CIL Vili 3555) e a Catania (Χ 804522). L'uso del raddoppiamento delle consonanti farebbe
pensare in questo caso ad una data più tarda di quella dell'esemplare da Pizzighettone, c
omunque compresa entro la prima metà del II secolo, che conviene anche alla forma dell'elmo
(si veda la discussione infra. Ringrazio per le fotografie la Direzione del Museo di Monaco).
21 Sul problema si veda la voce libertus, in Diz. Ep. IV, 1949, p. 928 (G. Vitucci);
P. A. Brunt, Italian Manpower, Oxford 1971, p. 29, n. 5; p. 64; 395; S. Treggiari, Roman
Freedmen during the Late Republic, Oxford 1969, pp. 51, 67-68, con bibl. prec. È anche poss
ibile, come si è accennato, che il nostro M. Patulcius fosse arruolato tra gli alleati latini.
UN ELMO CON ISCRIZIONE LATINA ARCAICA 163
Fig. I
probabilmente derivato dalle tipiche corazze sannitiche). Sui lati della calotta,
nella parte inferiore, è spesso fissato un elemento circolare, delle stesse dimensioni
di quelli che ornano le paragnatidi. Questi elmi, talvolta di ferro, presentano
spesso una ricca decorazione incisa, costituita in genere da trecce sovrap
poste(sulla calotta), e da scanalature verticali parallele nella parte superiore,
rastremata. Anche le paragnatidi sono in genere riccamente decorate con
palmette, globetti, ecc. Questo tipo di elmo, diffuso specialmente in Italia
centrale, ma conosciuto anche al di là delle Alpi 24, si può datare con relativa
sicurezza nella prima metà del IV secolo a.C. 25.
Provincia di Roma: Berlino, Antiquarium (L. Coutil, Casques, Le Mans 1915, p. 207, fig. 64
a p. 206; 'F. von Lipperheide'sche Sammlung, s.l. e s.a., tav. XII; AA 1905, p. 29 tav. 19 L 78).
Altre zone: Weisskirchen (un esemplare); Giubiasco (un esemplare: per questi, cfr. nota 24).
Una paragnatide è conservata a Londra (B. M. Read, A Guide to the Early Iron Age in the
Dep. of Brit, and med. Antiq., London 1905, p. 22, fig. 14 a p. 21). I dati cronologici che si
possono ricavare dai contesti non sono troppo numerosi. Tra gli esemplari di Montefortino,
l'elmo di ferro a fig. VI, 4 (tomba II: Brizio, cc. 661 s.) fu rinvenuto con un guttus a figure
rosse sovradipinte e altra ceramica a vernice nera, ancora del IV sec. a.C. L'elmo a fig. VI, 1
(tomba IV: Brizio cc. 663 s.) era insieme ad un cratere a campana della metà circa del IV sec.
L'elmo a tav. VI, 2 (tomba XVIII: Brizio, cc. 676 s.) era insieme ad una kylix a figure rosse, di
fabbrica italica. Da ricordare è anche un altro elmo da Montefortino, identico al precedente,
scoperto casualmente e poi venduto, che reca un'iscrizione etrusca con il nome del proprietario,
mi spudal (Brizio, e. 643; Fabretti, Primo supplemento al CIE, p. 17, n. 106).
26 Cfr. F. Magi, La raccolta B. Guglielmi nel Museo Gregoriano Etrusco, II, Città del
Vaticano 1941, fig. Ill; Robinson, op. cit., fig. a p. 15, 7.
27 Elenco degli esemplari a me noti:
Italia Centrale: Talamone (scop. 1877) (figg. 7-8): Museo di Firenze, inv. 70840 (Lipperheide,
op. cit., p. 233, η. 17; R. Paribeni, in Ausonia II, 1907, p. 282, l'iscrizione etrusca aisiu himiu
è in M. Pallottino, Testimonia linguae etruscae2, Firenze 1968, n. 360 a p. 59); tra Acquaviva
e Montepulciano: Berlino, Antiquarium (A. Ancona, Le armi, Milano 1886, tav. I, 10, p. 7; F. von
Lipperheide'sche Sammlung, tav. XI, 70; F. von Lipperheide, Antike Helme, p. 235, η. 226
e p. 548; AA 1905, p. 28, tav. 18, L. 72); Orvieto: Museo di Firenze (G. Conestabile, Pitture
murali, Firenze 1865, pp. 120 ss., tav. XII; L. A. Milani, Museo Topografico dell'Etruria,
Firenze 1898, p. 48; A. Solari, Vita pubblica e privata degli Etruschi, Firenze 1931, tav. X; U. Tarchi,
L'arte nell'Umbria e nella Sabina, Milano 1936, tav. 25); Perugia: Museo di Perugia
(F. Messerschmidt, in SE VI, 1932, pp. 517-518, tav. 28, II, 1); -S. Gìnesìo: Mus. Civico di
Tolentino (NSA 1886, p. 44, tav. I, fig. 2); Norcia: Museo di Perugia (NSA 1880. p. 15, tav. II,
6 - solo una paragnatide -); Perugia, Tomba del Frontone: Museo di Perugia (MDA(R) I, 1886,
166 FILIPPO COARELLI
essere uno dei principali luoghi di fabbricazione 28. La datazione tra la metà
e il terzo quarto del IV secolo a.C. è confermata da alcune associazioni29.
Il tipo C è, almeno all'inizio del suo sviluppo, praticamente iden
tico al precedente, con la variante fondamentale delle paragnatidi di forma
« anatomica », con la parte anteriore ad andamento sinuoso. Gli esemplari
di questo tipo, che costituisce ovviamente il precedente diretto dell'elmo
di Cremona, sono piuttosto numerosi. All'interno di esso possiamo distinguere
varie fasi, cronologicamente successive. La calotta emisferica si va progres
sivamente allungando e assottigliando verso l'alto. Il bottone terminale, al-
pp. 225-226); Perugia, da una tomba a camera: Museo di Perugia (F. Messerschmidt, in SE
VI, 1932, pp. 517-518, tav. XXVIII, II, 1).
Un esemplare da Cerveteri, privo delle paragnatidi, potrebbe appartenere anche al
seguente tipo C: Collezione Castellani. (Lipperheide, Antike Helme, p. 234, η. 92; G. Q. Giglioli,
L'arte etrusco, Milano 1935, p. 305, tav. CCCV, 5 - con errata indicazione «Museo Gregoriano»,
derivata da una didascalia della foto Moscioni 11097, ivi pubblicata).
Italia Meridionale: Apulia (loc. imprecisata): già Coli. Pasinati (attuale luogo di
conservazione ignoto) (Bull. Paletti. It. XI, 1885, p. 32); Pietì abbondante: Napoli, Museo Na
zionale (G. Fiorelli, Catalogo Mus. Napoli, Armi, Napoli 1869, n. 64; A. Ruesch, Guida del Museo
Nazionale di Napoli, Napoli 1908, p. 417, n. 5744); località imprecisata: New York, Metropolitan
Museum (G. M. A. Richter, The Metrop. Mus., Greek, Etr. and Rom. Bronzes, New York 1915,
n. 1550, p. 417).
Provenienza ignota: Milano, Museo Poldi Pezzoli (11 Museo Poldi Pezzoli, Milano 1972,
fig. 151); Roma, Museo Artistico industriale (due paragnatidi) (E. von Mercklin, in MDAI (R)
XXXVIII-XXXIX, 1923-24, pp. 129-131, fig. 21); Roma, Museo di Villa Giulia, inv. 51240
(Heibig, Führer4, III, 1969, n. 2674); Bruxelles, Musée du Cinquantenaire, η. inv. A 2782
(inedito. Ringrazio la dottoressa F. De Ruyt per questa informazione).
28 Come mostra, oltre alla concentrazione degli esemplari in Etruria, l'iscrizione etrusca
sull'esemplare da Talamone.
29 Esemplare da S. Ginesio (Piceno), in una tomba con bronzi non posteriori alla prima
metà del IV sec. a.C. Esemplare dalla tomba del Frontone, a Perugia, scoperto insieme a falere
di bronzo non posteriori alla prima metà del IV sec. L'armatura di Orvieto viene in genere
attribuita alla tomba dipinta Golini II (ad es., EAA V, p. 778, voce Orvieto - M. Bizzarri),
insieme ad un gruppo di vasi dipinti - Milani, op. cit., pp. 48 s.). Tuttavia il Conestabile
(p. 120 s.), confermato esplicitamente dal Brunn, che potè assistere allo scavo (Bull. Inst.
1863, p. 53) afferma che l'armatura venne trovata «in uno dei minori sepolcri» dei 15 circa
scavati dal Golini. Anche i vasi dipinti, tranne uno, non provengono dalle tombe dipinte. La
datazione dell'armatura è tuttavia determinabile sulla base dei bronzi trovati insieme ad essa
(Conestabile, tav. XIII), non posteriori al IV secolo, e soprattutto per il fatto che si tratta
di una panoplia oplitica, con schinieri e scudo circolare (cfr. Roma medio repubblicana,
p. 295; P. Fraccaro, Opuscula IV, Pavia 1975, pp. 41-42; 59-60). È interessante notare che la
riforma manipolare, che coincide con l'introduzione dell'elmo metallico e dello scudo allungato,
è attribuita dalle fonti letterarie a Camillo. Essa comunque ebbe luogo non dopo la metà
del IV secolo a.C.
UN ELMO CON ISCRIZIONE LATINA ARCAICA 167
Fig. II
30 Sulla Tomba dei Rilievi, sostanzialmente tuttora inedita, cfr. G. Ricci, in Mon. Lincei
XLII, 1955, cc. 894 ss. Per la datazione, M. Cristofani, La Tomba delle iscrizioni a Cerveteri,
Roma 1965, p. 64.
31 Roma medio repubblicana, op. cit., p. 203, fig. 15, tav. XLVIII, 283.
168 FILIPPO COARELLI
32 La ceramica a vernice nera (una coppa e una coppetta notevolmente carenate) appar
tengono alla seconda metà del III secolo (come mi conferma l'amico Jean-Paul Morel: cfr. G. Bendinelli,
iri Mon. Lincei XXIII, 1917, e. 656). L'elmo può essere naturalmente di qualche decennio
più antico.
33 Firenze, Museo Archeologico, sala V, piano II. N. inv. 1237 (figg. 11-12). Detto proveniente da
Canne, ma in realtà da Canosa (A. F. Gori, Museo Etrusco II, Firenze 1737, tav. CLXXVII; cfr. L. Lanzi,
Saggio di lingua etrusco, II, Firenze 1825, p. 424; A. Fabretti, GII, Torino 1867, n. 2925; M. Gervasio;
in Iapigia IX, 1938, p. 13). L'iscrizione in questo caso non è etrusca, ma probabilmente italico-
orientale (debbo queste informazioni, come altre relative agli esemplari al Museo di Firenze,
al prof. M. Cristofani, che qui ringrazio). Etrusca è invece l'iscrizione di un elmo al Museo
di Bologna, dalla necropoli Benacci (NSA 1889, p. 295). Per l'altro elmo della stessa necropoli
(fig. 9) si veda E. Brizio, Atti e mem. Deputaz. Romagna V, 1887, p. 474; Mostra dell'Etruria
Padana2, Bologna 1961, n. 716, p. 209; Peyre, in St. Romagnoli 1965, cit., pp. 81 ss. (Ringrazio
la dottoressa C. Morigi Govi per le informazioni e le fotografie relative agli esemplari del
Museo di Bologna).
34 Elenco degli esemplari a me noti:
Italia Settentrionale: Bologna, Necropoli Benacci (2 esemplari): Mus. di Bologna (cfr.
nota prec); Berceto: Mus. di Parma {FA XIII, 1958, n. 2255 (Mansuelli); Peyre, in Studi
Romagnoli 1965, p. 85, fig. 3; A. Frova-R. Scarani, Parma, Museo Naz. di Antichità, Parma
1965, pp. 120 s., tav. LXXI; Robinson, op. cit., tav. 4); La Spezia (A. Frova, in RSL XXXIV,
1968, pp. 289-304, tav. II, fig. 6); Istria (F. von Lipperheide'sche Sammlung, tav. X, 73).
Italia Centrale: Volterra: Museo Guarnacci, n. inv. 756; Talamone: Mus. di Firenze,
inv. 70841 (scoperto nel 1877; inedito); Orvieto (Ancona, Le armi, pp. 7 s., η. 13 a tav. II);
Potassa (Grosseto) (Ancona, Le armi, p. 8, n. 15 a tav. II); Montefiascone, 2 esempi. (NSA 1879,
p. 135; Messerschmidt, SE VI, 1932, p. 521, tav. XXIX, v. 1): Cerveteri (almeno 3 esemplari;
già coli. Campana): Parigi, Louvre (A. De Ridder, Les bronzes antiques du Louvre, II, Paris 1915,
nn. 1120-1121, 1123, p. 4); Vulci: Museo Gregoriano (Mus. Gregoriano I, tav. XXI, 1; Heibig, Fuhrer4 1,
η. 817); Vulci: Museo di Villa Giulia, inv. 63205; Todi (3 esemplari, uno dei quali al Museo
di Villa Giulia, un altro al Museo di Firenze) (NSA 1891, pp. 332 s.; G. Bendinelli, Mon. Lincei
UN ELMO CON ISCRIZIONE LATINA ARCAICA 169
ITALIA SETTENTRIONALE
Lodi (Museo di Lodi); Castelnuovo Bocca d'Adda (Museo di Cremona);
Sanzeno (Museo di Trento) 35.
ITALIA CENTRALE
Montefortino (Museo di Ancona); Bplsena (Museo dell'Ermitage, Lenin
grado); Forum Novum (Museo di Monaco) (figg. 3-4) 36.
XXIII, 1914, cc. 674 ss.; Firenze - erroneamente detto da Canne -: inv. 74699 - Coutil, Bull.
Soc. Préhist. Franc., cit., fig. 10: G. Becatti, in SE IX, 1935, p. 289); Ancona: Parigi, Louvre
(De Ridder II, p. 4, η. 1122, tav. 66).
Italia Meridionale: Pietrabbondante: Museo Nazionale di Napoli (Fiorelli, Catalogo,
nn. 64, 65 a p. 7); Benevento: Museo - privo di paragnatidi -; Paestum - privo di paragnatidi -
(J. Dechelette, Manuel IV, 3, p. 1158, fig. 486, 2); Gerace Marina (Locri) (NSA 1927, p. 359));
Canosa: Museo di Firenze (cfr. nota prec); Apulia: Mus. di Karlsruhe (K. Schumacher,
Beschreibung der Sammlung antiker Bronzen, Karlsruhe 1890, pp. 132 s., η. 696, tav. XIII,
5, 5a: privo di paragnatidi); Apulia: Mus. di Karlsruhe (Schumacher, op. cit., pp. 133 s., n. 698,
tav. XIII, 6: reca incisa una A); Sciacca?: New York, Metrop. Museum (Richter, op. cit.,
pp. 417 s., n. 1551); Sicilia?: New York, Metrop. Museum (Richter, pp. 416 s., n. 1549).
Provenienza ignota: Roma, Museo di Villa Giulia, Antiquarium, sala XIII (Heibig, Führer4,
III, n. 2674); Firenze, Museo Archeologico, inv. 1629 (inedito); Firenze, Museo Stibbert (para-
gnatide) (A. Lensi, II Museo Stibbert, Firenze 1918, II, p. 651, n. 3879; Robinson, op. cit.,
fig. 19); Milano, Museo Poldi Pezzoli, 3 esemplari (II Museo Poldi Pezzoli, Milano 1972,
nn. 2416, 2421, 2423, p. 97, fig. 150); Parigi, Cabinet des Médailles (E. Babelon-J. A. Blanchet,
Catal. des bronzes antiques de la Bibliothèque nat, Paris 1895, p. 660, η. 2019; Ε. Sprokhoff,
Reallex. d. Vorg. V, 1926, pp. 294 ss.); Parigi, Musée de l'armée (J.-P. Mohen, in RA 1970,
p. 224, fig. 12); Parigi, Musée de l'armée (J.-P. Mohen, ibid., p. 224, fig. 12); Strasburgo,
Museo (dall'Italia) (Ancona, Le armi, SuppL, Milano 1889, p. 6, η. 16); Londra, British Museum
(5 esemplari) (Walters, p. 342, nn. 2725-2728; p. 349, 2840; Robinson, figg. 2 ss., taw. 2-3).
35 Lodi: Bull. Paletn. Ital. IX, 1883, pp. 196-201, tav. VIII, fig. 16; Castelnuovo Bocca
d'Adda: NSA 1909, pp. 274-276, fig. lap. 275; Pontiroli, Catal. Museo di Cremona, op. cit.,
p. 212, n. 320, tav. CLXII (dove per errore è indicato come η. 322); Sanzeno: NSA 1931,
p. 427, fig. 25; G. Gerola, II Castello del Buonconsiglio e il Museo Nazionale di Trento,
Roma 1934, p. 143.
36 Montefortino: E. Brizio, in Mem. Lincei IX, 1899, e. 687, tomba 25, tav. VI, 22;
Bolsena: A. I. Kharsekin, in SE XXVII, 1959, pp. 151-153 (con l'iscrizione etrusca suûina
170 FILIPPO COARELLI
ITALIA MERIDIONALE
(= appartenente alla tomba). Questo elmo è probabilmente posteriore alla fondazione di Volsinii
Novi, del 264 a.C; Forum Novum: cfr. nota 20 (primi decenni del II secolo).
37 Esposto nella sala d'ingresso del Museo. Scoperto insieme ad una piccola anfora in
Contrada Lupoli, Γ1 1-5-1907 (probabilmente inedito).
38 Maiorca: J. Colominas Roca, in Ampurias XI, 1949, pp. 196 ss.; G. Lilliu, in SS XVIII,
1962-63, p. 36, tav. Vili, 1; G. Barruel-G. Sauzade, in RSL XXXV, 1969, cit., pp. 31-33; Ampurias:
Ibid., pp. 30-31; M. Almagro, Las necropolis de Ampurias, Barcelona 1955, p. 279, fig. 227, 5; 299 s.,
fig. 253, 1; 354, fig. 336, 1; altre località della Spagna: H. Sandars, The Weapons of the Iberians,
Oxford 1913, pp. 72 s., figg. 47 e 48; Robinson, op. cit., p. 13.
39 Villa Giulia, Antiquarium, sala XIII, vetrina 3 (inedito? Cfr. Heibig, Führer* III, η. 2674).
Esemplare di tipo molto allungato: paranuca decorato con incisioni a semicerchi - assai simile a
quelli da Forum Novum e della Coli. Sangiorgi (inizio del II secolo a.C.?). Per quest'ultimo,
cfr. L. Pollak, Collezione P. Sarti, Roma 1906, tav. IX, 78; A. v. Gerkan-F. Messerschmidt, in
RM LVII, 1942, fig. 14 a p. 183. Elmo al Museo di Castel S. Angelo: Robinson, op. cit.,
tav. 5. Paragnatide al Museo Stibbert di Firenze: Lensi, op. cit. a nota 34, p. 651, n. 3878.
Elmi di questo tipo (D) indossano i guerrieri rappresentati su alcune stele di Castiglioncello,
del III secolo a.C. (E. Galli, in NSA 1927 ', pp. 166 ss.). Si veda quello su una kelebe volterrana
della prima metà del III sec. a.C. (M. Montagna Pasquinucci, Le kelebai volterrane, Firenze
1968, p. 59, n. 39, fig. 52).
40 Cfr. nota 34. L'esemplare da Talamone tuttavia si può con più probabilità attribuire
ad una tomba precedente alla data della battaglia.
41 Per un'epoca più tarda, si veda l'elmo trovato presso Trieste, nella Grotta delle Mosche,
sul quale sono incisi i nomi di due soldati, evidentemente possessori successivi dell'oggetto
(Inscr. Hai X, 4, n. 338 = ILLRP 1255; P. Couissin, in RA 1930, 1, p. 93).
UN ELMO CON ISCRIZIONE LATINA ARCAICA 171
47 G. De Sanctis, Storia dei Romani III, 1, Torino 1916, pp. 318-321; L. Pareti, Storia
di Roma II, Torino 1952, p. 256; F. Cassola, / gruppi politici romani nel HI secolo a.C,
Trieste 1962, pp. 224-225.
48 Fonti principali sono Polyb. II 34, 4; 10 (cfr. W. Walbanck, A Historical Commentary
on Polybius I, Oxford 1957, p. 210); Plut., Marc. 6, 4; 7, 5.
49 H. Nissen, Italische Landeskunde II, Berlin 1902, p. 192.
50 Si potrebbe anche pensare alle campagne degli anni 221-220 contro gli Istri, che si
spinsero «fino alle Alpi»: De Sanctis, op. cit., Ili, 1, pp. 319-320.
51 Cfr. nota 38. Sbarchi e tentativi di sbarco romani nelle Baleari dovettero aver luogo
nel corso della seconda guerra punica: cfr. Liv. XXII 20, 9; De Sanctis, op. cit., Ili, 2, p. 242.
Anche il Robinson (op. cit., p. 13) ricollega gli elmi trovati in Spagna con le campagne romane
del III e II secolo.
UN ELMO CON ISCRIZIONE LATINA ARCAICA 173
52 Non ho potuto tener conto del lavoro di M. Princ (Helme der jüngeren Hallstattzeit
und der- Latènezeit in Mitteleuropa, in Pamätky Archeologické LXVI, 1975, pp. 344-375, con
riassunto in tedesco, pp. 375-382) che ho potuto vedere solo quando il presente articolo
era già in stampa.
174 FILIPPO COARELLI
Substantifs 36,5%
Verbes 21,1%
Invariables 24,0%
Les substantifs sont la matière première d'un récit ou d'un exposé. Ils
représentent des images ou des concepts, et ce sont eux qui font la richesse
et la précision du discours. Il est, à cet égard, curieux de constater que
Tite-Live, au moins dans son Livre I, dépasse en moyenne les moyennes
respectives des sept auteurs sur lesquels porte l'expérience; curieux aussi,
de constater que l'écrivain dont il se rapproche le plus est son confrère
historien Tacite. Ne dit-on pas que Tacite est l'homme de la brachylogie,
l'auteur qui, dans ses écrits, «enferme moins de mots que de sens»?
Certains passages privilégiés de ce Livre I offrent d'ailleurs une densité
de substantifs nettement supérieure à la moyenne constatée. Le fait est sensi
bledans ces fabulae poeticae sur lesquelles J. Heurgon attire l'attention du
lecteur4. La consultation des auspices par Romulus et Rémus, par exemple,
(6,4-7,3), compte 39,8% de substantifs. De même, ou à peu près, le passage
correspondant chez Ennius en comporte 38,0% 5. Chez l'un comme chez
l'autre écrivain, le procédé épique des mots-refrains est également remarquab
le. Chez Tite-Live, sur cent dix-huit mots, il y a trente éléments de répétition;
chez Ennius sur cent trente-trois mots, il y en a trente et un. Les mots
Romulus, Remus, auspicium, Imperium, regnum, entre autres, se font écho.
3 A titre de comparaison avec Tite-Live, I, on mettra ici en parallèle les cinq cents pre
mières lignes des textes suivants: Plaute, Mil; Lucrèce, I; César, Bell. Gali, VII; Cicéron, Pro
Mil; Virgile, En., II; Tacite, Ann., XIV et Horace, Sat., I, 5, 8, 9, 10 et II, 4 et 8. Cf. J. Collari,
Quelques observations statistiques sur les parties du discours, dans REL, 37 (1959), p. 215-229.
4 Op. cit., p. 12.
5 Cf. A. Ernout, Recueil des textes latins archaïques, Paris, Klincksieck, 1957, p. 149-150,
v. 43-62, et J. Heurgon, Ennius, «Les Cours de Sorbonne», Paris, CDU, 1958, p. 38-44.
LE LIVRE I DE TITE-LIVE 183
Verbes au total . 21,1 26,4 24,1 24,3 21,5 21,0 23,5 21,5
Verbes simples . 12,7 19,1 15,3 9,2 14,1 13,3 15,6 9,6
Verbes composés 8,4 7,3 8,8 15,1 7,4 7,7 7,9 11,9
Conjonctions
Adverbes non
Prépositions Coordonnantes qualifiants
subordonnantes
Tite-Live banales - que
* Sono lieto e onorato di poter partecipare all'omaggio, che il mondo scientifico interna
zionale tributa al Professor Jacques Heurgon, maestro di tutta una generazione di studiosi
dell'Italia antica.
1 Così J. Bayet nella sua edizione di Livio, II, p. 19, nota 1.
2 «The presence and dignity of the secretary in attendance on Porsenna is purely helle-
nistic» (R. M. Ogilvie, A Commentary on Livy 1-5, Oxford, 1965, p. 262). Accetta invece il
racconto E. Peruzzi, in La parola del passato, XXIV, 1969, p. 184.
3 Per es. F. Münzer, in RE, s.v. Mucius, 10 (1933); R. Werner, Der Beginn der römische
Republik, München 1963, p. 378 sgg.; H. Tränkle, in Hermes 93, 1965, p. 330 sgg.; D. Musti,
in Quaderni urbinati, 10, 1970, p. 110 sgg.
188 GIOVANNI COLONNA
4 Al museo di Palermo. W. Heibig, in Ann. Inst. 1864, pp. 50-54; L. Malten, in RM 38-39,
1923-24, p. 321; E. Gabrici, in St. Etr. II, 1928, p. 72 sgg.; G. Q. Giglioli, Arte etrusco, Milano
1935, tav. CXLIX; E. Paribeni, in St. Etr. XII, 1938, p. 110, n. 118; Mostra dell'arte e della
civiltà etrusca, Milano, 1955, p. 72, n. 275, tav. 48; J. Heurgon, in Historia VI, 1957, p. 67,
nota 4; La vie quotidienne chez les Étrusques, Paris 1961, p. 260.
5 Strutturata a larghi elementi verticali, esattamente come la fascia di base di molti fregi
dipinti ceretani su lastre fittili: F. Roncalli, Le lastre dipinte da Cerveteri, Firenze 1965, p. 76 sg.
Cfr. anche la faccia interna del recinto dell'Ara Pacis, imitante anch'essa un modello ligneo:
G. Moretti, Ara Pacis Augustae, Roma 1948, p. 170 sgg. Del tutto diverso, invece, il tipo di
tribuna effigiato nella tomba delle Bighe a Tarquinia, in cui il piano inferiore è agibile.
6 Le due ultime figure, scolpite su un frammento separato, non sono riprodotte nella Fig. 1.
7 R. Lambrechts, Essai sur les magistratures des républiques étrusques, Bruxelles 1959,
p. 191 sg. La tomba della Bipenne, recentemente scoperta a Tarquinia e databile al II sec. a.C.
(M. Moretti, Pittura etrusca in Tarquinia, Milano 1974, p. 144, fig. 98 sgg.) prova che
anche in epoca recente sono possibili fasci con scure, smentendo l'ipotesi di una presunta
ingerenza romana in questo settore delle istituzioni delle città etrusche: di conseguenza non
sono giustificati i dubbi sull'esistenza di littori senza scure nel V sec. (o.e., p. 197, nota 1).
«SCRIBA CUM REGE SEDENS » 189
menta lo stabile ingresso del tema nel repertorio dei decoratori di cippi,
confermando che a Chiusi la premiazione dei ludi avveniva nel V sec. con
una cerimonia di questo tipo.
I due cippi chiusini passati in esame non esauriscono il loro apporto
conoscitivo nella conferma della attendibilità, ovviamente teorica, della gesta
di Muzio, quale è narrata dagli antichi w. Quello che in fondo è il loro
tema centrale - l'uomo che scrive - consacra in termini figurativi l'ingresso
dell'Etruria nel novero dei paesi di cultura superiore, dei paesi « letterati ».
Certo si scriveva in Etruria e nel Lazio da oltre due secoli, ma la rappre
sentazione dell'attività scrittoria denota una consapevolezza del significato
distintivo della scrittura, del suo apporto qualificante allo stile di vita citta
dino, che è degno della massima attenzione. Sui vasi attici del V sec. sono
frequenti i giovani che scrivono ο leggono ma, quando non sono figure
mitologiche, sono personaggi anonimi, presi dalla vita di ogni giorno 15. In
Etruria la rappresentazione assume, direi, un contenuto simbolico, puntualizza
un momento e una funzione caratteristica dell'attività del magistrato. Non
a caso in quello che si ritiene il più antico sarcofago etrusco di pietra a
noi giunto, il sarcofago ceretano del Vaticano, le tabulae accompagnano
sul cuscino l'ultimo sonno del magnate disteso sul letto funebre 16. I due
cippi chiusini non soltanto esaltano la dignità sociale dello scriba - assai
maggiore che non a Roma, a giudicare dall'episodio di Muzio - ma forn
iscono una prova dell'estensione allora raggiunta dagli usi giuridico-ammini-
strativi della scrittura. Lo scriba è infatti intento a registrare i nomi dei
ginocchia: alle spalle sono due personaggi stanti, il destro con fascio. Il cippo, mal compreso
da D. Levi, II museo civico di Chiusi, Roma 1935, p. 20, è stato ritenuto falso da E. Paribeni,
in St.Etr. XI, 1938, p. 138, tav. XXXVII, 1. Tuttavia la rarità del tema e la peculiarità del
l'iconografia fanno nascere qualche dubbio al riguardo: se falso, il cippo postula comunque
una fonte d'ispirazione diversa dal cippo di Palermo, confermando l'esistenza di una seconda
redazione del tema.
14 II gent. Mucius è indirettamente attestato nel V sec. a Chiusi attraverso la forma
etrusca muki (TLE 484: mi mukis papanaia), usata con valore di prenome, evidentemente in
luogo di muki (e): cfr. a Chiusi stessa uepri da Tiberius (C. De Simone, in St. Etr. XLIII, 1975,
p. 123 sgg.).
15 Da ultimo H. Widmann in Archiv für Geschichte des Buchwesens, LV, 1967, p. 64 sgg.;
H. R. Immerwahr, in Antike Kunst, 16, 1973, pp. 143-147.
16 Secondo l'ipotesi avanzata dubitativamente da R. Herbig, Die jiingeretruskischen
Steinsarkophage, Berlin 1952, p. 47 e sviluppata da F. Roncalli in una conferenza tenuta nella
primavera del 1975 presso la Pontificia accademia romana di archeologia. Il particolare è visibile
in Giglioli, o.e., tav. CCXLII, 3. Il sarcofago si data probabilmente nella prima metà del IV sec.
(sulla cronologia della tomba G. Colonna, in St. Etr. XLI, 1973, p. 335 sg.).
«SCRIBA CUM REGE SEDENS » 191
Fig- 2.
Fig. 3.
SCRIBA CUM RKGH SÜDENS 195
Fig. 4.
MICHAEL H. CRAWFORD
My terminal date of 280 B.C. is the date at which, for all practical
purposes, Rome acquired a coinage *. At some time after the occupation
of Neapolis in 326 B.C., perhaps on that very occasion, a small issue of
bronzes was produced, with the legend ΡΩΜΑΙΩΝ and Neapolitan types2;
there is also an isolated example of an issue with the legend ROMANO
which perhaps precedes the main body of Republican coinage. But neither
issue seriously weakens the general proposition that down to 280 Rome is a
state without a coinage3.
What is more, there is no evidence that Romans made much use of the
coinage of other states. The archaelogical record of the city of Rome is
virtually devoid of evidence of coin finds before the third century B.C.; in
this respect Rome can now be seen to diverge from Etruria, whose own
coinage is also for the most part of relatively late date, but where coinage
of other states appears at any rate in some places from the fifth century
onwards 4. The absence of coinage from Rome before the third century B.C.
is of course only one aspect of the general isolation of Rome, amply attested
by the rest of the archaeological record and to a lesser extent by the literary
record 5.
Absence of coinage, however, does not mean absence of money and
much of what I have to say relates to the functions of money in the early
Republic. But any attempt to discuss this subject must face the problem
of the sources. Relentlessly modernising, they persistently discuss the early
Republic in terms of the monetary conventions of their own times, including,
of course, the use of coinage, and in terms of the economic thought, if that
is not too grand a name, of the late Republic and early Empire, heavily
influenced by Greek experience.
It is not simply that an obsession with etymology on the one hand
and a desire to make Rome as advanced as possible as early as possible
on the other hand combined to attribute coinage to the kings. As appears
in a number of ways, the whole apparatus of writing about the early Republic
presupposed the use of coinage in the same way as in the lifetime of the
writers.
To consider first the invention of coinage, Pliny reported Timaeus as
attributing bronze coinage to Servius Tullius6, while Varrò thought that
Servius Tullius produced a silver coinage 7. An alternative tradition, starting
from the similarity between Numa and nummus, attributed coinage to Numa
Pompilius, the second king of Rome8. A third tradition took the invention
of coinage back to Saturn 9.
None of this need detain us very long. More serious is the effect on
our sources of the assumption that coined money circulated in early Rome.
In 502 B.C., according to Livy, captives were auctioned; Livy clearly assumes
the monetary conventions of the late Republic 10. In 476 B.C., according to
the tradition, T. Menenius was fined 2,000 asses, with Dionysius of Halicar-
nassus carefully explaining that an as was at that date a bronze coin weighing
a pound n. For 456 B.C., a corn-distribution is recorded by Pliny, at a price
of one as per modius, with a coin, not a weight of metal, clearly in Pliny's
mind 12. Our sources also present us for the early and middle Republic
6 Pliny, NH xxxiii, 42-4; cf. xviii, 12; also Cassiodorus, Variae vii, 32, 4. See below, p. 202.
7 In Charisius, Inst. i, p. 105 Keil; so also Volusius Maecianus (F. Hultsch, MSR ii, 66).
8 Isidore xvi, 18, 10; Epiphanius (MSR ii, 105); John Lydus, de mens, i, 17; Suidas, s.v.
άσσάρια.
9 Tertullian, Apol. χ, 8; Isidore xvi, 18, 3; Plutarch, aR274e; Macrobius, Sat. i, 7, 21.
10 Livy ii, 17, 6; for a collection of the evidence for booty in the early Republic see
T. Frank, ESAR i, 24 and 43.
11 Livy ii, 52, 5; Dion. Hal. ix, 27, 3; for other evidence of anachronism see R. M. Ogilvie
ad loc.
12 Pliny, NH xviii, 15.
THE EARLY ROMAN ECONOMY, 753-280 B.C. 199
13 State loans are suggested at Dion. Hal. v, 69, put into effect at Livy vii, 21, 4-8; note
also the speeches at Livy xxii, 60, 4; Appian, BC iii, 64 and 73. State loans occur sporadically
under the Empire, see my article in Annales 1971, 1230 η. 5 and discussion in text.
14 Dion. Hal. iv, 15,4.
15 Dion. Hal. iv, 15, 5 = L. Piso Frugi fr. 14 Peter.
16 For empire-wide registration of all births see SHA, Marcus 9, 7-8. In view of the
registration of deaths and births by the dedication of, inter alia, a coin, attributed to Hippias
by [Aristotle], Oec. ii, 1347a 14-17, it is perhaps legitimate to suppose that Piso was filling out
his narrative with activities imported from Greek sources.
17 See in general the discussion in J. M. Keynes, A treatise on money, London, 1930, i, 11.
200 MICHAEL H. CRAWFORD
20 Cicero, de re pub. ii, 60; Festus 220 L; Livy iv, 30, 3 (the notes of R. M. Ogilvie there
and on iii, 31, 5 are confused).
21 E. Benveniste, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, 1969, i, 47,
regards the derivation of pecunia from pecus as mistaken; but compare the word adgregare.
22 Gellius xvi, 10, 8 and xx, 1, 12 with Festus 508 L and Gaius iii, 223 = XII Tab. 8, 3-4.
23 See also the list of passages in note of R. M. Ogilvie on Livy ii, 52, 5.
202 MICHAEL H. CRAWFORD
24 See C. Ampolo, Dial. d'Arch. 1970-71, 37, 'Su alcuni mutamenti sociali nel Lazio tra
l'VIII e il V secolo', esp. 46-9 for the tomb-finds, also the rather introverted discussion following
A.'s paper; D. R. Ridgway, JRS 1976, forthcoming, for the date of 750 B.C.
25 I am not persuaded by F. Tamburini, Ath 1930, 299 and 452, 'La vita economica nella
Roma degli ultimi re', that Etruscan influence made Rome a mercantile and manufacturing
centre in the sixth century B.C., in which trade guilds played their part. The new archaeological
evidence for the destruction of Castel di Decima as a result of expansion by Ancus Marcius
toward Ostia does nothing to encourage belief in commerce as a source of wealth in Regal
Rome. The first two treaties between Carthage and Rome are revealing only for the commerce
of Carthage.
THE EARLY ROMAN ECONOMY, 753-280 B.C. 203
clientes the classis and the sex suffragia, the populus or adsidui over
against the plèbes or proletarii2^, one may surmise that wealthy plebeians
were in no way more remarkable in the early Republic than wealthy
aristocrats 27; one may also gladey accept that clientes were not the same
as dependent peasants, an equation unsupported by any ancient text, not
even Dionysius of Halicarnassus ii, 9, 1-3 (one can hardly argue that depen
dentpeasants were by virtue of their dependence clientes); and one need
not argue with Beloch that since the patricians owned all the land, the new
plebeian nobility of the fourth century was necessarily rich from trade or
industry 28.
At all events, the record of temple-building and the archaeological
evidence of imports to Rome show that both individuals and the community
became poorer between the early fifth century and the fourth century, no
doubt largely as a result of continuous and not conspicuously successful
warfare. The indebtedness of some of the plèbes, presumably a result of
loans in kind, and the political ambitions of others combined and the
resulting confrontation now split the patricians from everyone else. The
ultimately peaceful resolution of the conflict clearly owed much to the
availability of land to all elements of Roman society as a result of the
increasingly successful wars of the fourth century and the consequent
enrichment of everyone relative to what each had possessed before29.
Meanwhile, over the fifth and fourth centuries, in the interests of deploying
the whole community to aid the process of conquest, there gradually evolved
the complex articulation of the entire citizen-body which characterised
Rome of the middle and late Republic.
As mentioned above, ancient authors from Timaeus onwards believed
that a division of the people into property classes defined in monetary
terms formed the basis of army recruitment and political organisation from
Servius Tullius onwards 30. I find this implausible, mainly because a division
of the Roman people in terms of wealth seems to me incompatible with
the existence of a rigid division between an aristocracy of birth and the
rest; at Athens the introduction of property qualifications within the citizen
body marked the end of the monopolisation of political power by a class
defined by birth. If this is right, one must ask when property qualifications
within the citizen body emerged at Rome.
The question is bound up with the problem of the emergence of money
taxation. The institution of tributum clearly supposes a knowledge of the
property held by the citizens of Rome; the imposition of tributum must in
turn clearly have come into existence no later than the adoption of pay for
the army; tributum and Stipendium are intimately linked in all our sources.
According to Roman tradition, the adoption of pay for the army took
place in connection with the siege of Veii in 406 B.C. The fact that the
information is preserved by Diodorus xiv, 16, 5 is perhaps encouraging,
since he probably used sources writing earlier than the large-scale invention
of Roman history between 500 and 300 B.C. that took place from the late
second century B.C. onwards31. It is in any case certain that the adoption
of pay antedates the adoption of coinage and also that the levels of pay
were a great deal lower than the three asses a day attested for the second
century B.C. 32.
The first point emerges from the word Stipendium, implying, as Roman
antiquarians saw, that pay was originally weighed out, not counted out33.
The second point emerges from a consideration of the early history of the
30 The classic texts are Livy i, 42-3; Dion. Hal. iv, 15-17. The Indian parallel to Servius
Tullius and the census alleged by G. Dumézil, Idées romaines, 103, seems to me neither con
vincing nor illuminating.
31 See also Livy iv, 59-60; Stipendium triplex for the cavalry appears in Livy vii, 41, 8
(342 B.C.); H. Hill, CP 1943, 132, argues plausibly that the cavalry got aes equestre and aes
hordeariutn before pay for the infantry was instituted, that they then got Stipendium triplex
as well and that aes hordearium was abolished in 342 B.C.
32 There is no way of telling whether the system of deductions from pay to cover food
and so on provided by the state goes back to the beginning or evolved later.
For three asses a day in the second century B.C. see RRC ii, pp. 622-4.
33 Pliny, NH xxxiii, 42-3; Isidore xvi, 18, 8; see also Varrò in Nonius 853 L, Stipendium
appellabatur quod aes militi semenstre aut annuum dabatur; for aes in military pay see also
Festus 2L, 61 L, 358-9 L and the word aerarius.
THE EARLY ROMAN ECONOMY, 753-280 B.C. 205
Roman coinage. Roman bronze coinage from 214 B.C. onwards had as by
far its commonest denomination the as, in multiples of which soldiers were
presumably by then paid. This was not true before 214 B.C., when the as
was relatively uncommon and fractions of the as far commoner. What
happened was this. Rome initially in reducing the weight of the as from
217 B.C. onwards aimed to make the reduced asses the notional equivalent
of the full-weight ones; this proved impossible and Rome was forced to
raise army pay in order to compensate for the declining real value of the as;
in 214 B.C. the as was only a quarter of a pound in weight, not a pound.
In consequence, fractions of the as - something between a semis and a
quadrans was perhaps the daily pay of a soldier before 214 B.C. - became
less useful denominations34.
If pay for the army was adopted in 406 B.C., we may expect the
institution of tributum, doubtless facilitated by the existence of the censor
shipfrom 443 B.C., to belong to the same period. Certainly the Livian
tradition on tributum and on indemnities levied on foreign peoples, clearly
to help fund Stipendium, is remarkably consistent with the date of 406 B.C.
for the adoption of pay35. Stipendium, to be financed from rent on public
land, is proposed in 424 B.C. (Livy iv, 36, 2), shortly before its actual
institution. The repercussions cf that act echo through the succeeding
pages of Livy, with Stipendium regularly linked with tributum 36. Tributum
is mentioned, in my view anachronistically, in 508 and 495 B.C. 3V, then in
378, 377 and 347 B.C. 38. Indemnities levied on foreign peoples are mentioned
once, in my view anachronistically, in 475 B.C. (Livy ii, 54, 1), then regularly
from 394 B.C. onwards39.
One may assume that the developed Roman census system with five
separate classes evolved gradually after 406 B.C., in order to graduate the
burden of contributing tributum according to the different levels of wealth
40 Note also the tax on orphans attributed to Camillus and 403 B.C. (Plutarch, Cam. 2)
and the vicesima libertatis, first attested for 357 B.C. (Livy vii, 16, 7).
41 For the word heredium note XII Tab. 7, 3.
42 I note in passing that the relative emancipation of the Roman peasantry during the
fifth and fourth centuries B.C. presumably led to the need for alternative dependent labour
and suspect that slavery is already more important in third century Rome than is normally
suspected.
THE EARLY ROMAN ECONOMY, 753-280 B.C. 207
When Rome adopted coined money, she moved with relative rapidity
to a use of it that was for the ancient world not unsophisticated. Although
we can only see very dimly what is happening in the period before the
adoption of coinage, we can see enough, I think, to be aware, of the
importance of it all. Building on the state enterprises of the Regal period
and the early Republic, Rome created a taxation system based on assessments
of property that at the top levels must have borne some relationship to
reality and went on to use that system to fund an army that eventually
conquered the Mediterranean.
MAURO CRISTOFANI
7 Sambon, op. cit., p. 72 η. 119; Minto, op. cit., tav. 67, 2a-b.
8 Cfr. ad es. Sambon, op. cit., p. 63 ss. nn. 114, 115, 116, 117.
9 Cfr. Sambon, p. 72 nn. 118, 119.
10 Dopo l'esame del materiale sembra da escludere che nell'esemplare n. 6 possa leggersi
fufluna, anche se integrando l'iniziale, come si suppone nel CIE II, I, 2, p. 105 nota 1
(O. A. Danielsson).
11 C. De Simone, Die griechischen Entlehungen im Etruskischen, II, Wiesbaden 1970,
p. 178 s.
12 De Simone, op. cit., p. 184 ss.
212 MAURO CRISTOFANI
della città era vati e la nota ipotesi di una ricostituzione *vatl(una), for-
malmente possibile, non poggia su alcuna base concreta13.
Il confronto con il nome latino (Vetulonia/Vetulonii) si limita infatti
alla sequenza delle consonanti, mentre la sola attestazione latina Vetlo
(CIL VI, 2832 al 6) ha qualche possibilità di confronto con un ipotetico
*vatlu, ma il mutamento a > e in sede iniziale interessa il nome quando
passa dall'etrusco al latino (fenomeno che andrebbe analizzato al pari di
quello che accade in altri nomi propri del tipo velùur: Voltur, velimna:
Volumnius; velaùri: Volaterrae; velzna: Volsinii etc.); un passaggio a> e
in etrusco è giustificabile in sillaba interna, non in sede tonica, e in periodi
più antichi, come ha dimostrato de Simone: cadono pertanto gli sforzi dei
redattori del CIE che per identificare in vetalu il nome di Vetulonia si
basavano su una documentazione di confronto non più utilizzabile.
La ricerca può essere diretta invece verso un'altra area dell'onomastica,
quella personale. Il suffisso -alu, notoriamente diffuso nell'onomastica etrusca
della Padania, trova una sua attestazione anche nell'Etruria propria
(Arezzo, Chiusi, Vulci) u. Questo suffisso viene per solito congiunto a nomi
propri, come è possibile vedere dalla documentazione che segue 15:
ceistalu (StEtr 33, 1966, 469)
velcialu (CIE 1668, 2092) velcie (CIE 560)
kraikalu (StEtr 23, 1956, 399) creice
sekstalu (TLE 713) *sekste (Sextus)
tetialu (StEtr 26, 1958, 165) tette
titalu (StEtr 26, 1958, 141) tite
titlalu (TLE 700) titele
trepalu (CIE 1892) trepi (da trepe)
1 Sui reperti che vi sono raccolti rimando alla presentazione che ne ho fatto nel Corpus
delle urne etnische di età ellenistica 1. Urne volterrane 1. I complessi tombali, Firenze 1975,
pp. 162 ss., 166 e in Prospettiva, 5, 1976, pp. 70-73.
2 Si tratta, rispettivamente, di R. Bianchi Bandinelli, La tomba dei Calini Sepus' presso
Monteriggioni, in SE, 2, 1928, pp. 150, η. 46 e 151 s., n. 73.
3 Ibidem, p. 149, η. 41, tav. XXIX (disegno); R. Bianchi Bandinelli, Un «pocolom» ane
pigrafe del Museo dì Tarquinia, in Scritti in onore di Bartolomeo Nogara, Città del Vaticano
1937, p. 17, nota 1, tav. II, 6 (fotografia); per altra bibl. ν. Μ. Montagna Pasquinucci, Le kelebai
volterrane (poi abbreviato Kelebai), Firenze 1968, p. 75 s., LIX.
4 T. Dohrn, Zur Geschichte des italisch-etruskischen Porträts (poi abbreviato Dohrn),
in Römische Mitteilungen, 52, 1937, pp. 121, η. 10, 129 s.
216 MARINA CRISTO FANI MARTELLI
*
*
II secondo cratere (Figg. 5-8) è decorato sul piano della bocca, come di
norma, da una sequenza di triangoli con tratteggi interni, alternatamente
eretti e capovolti, e, sulle placchette delle anse, da una palmetta; sul labbro
presenta una teoria di punti e sul collo, dall'alto, una fila di segmenti verti
cali, la consueta ampia zona a reticolato di losanghe con punto centrale e
infine una serie di rosette a margine dentallato e cerchi concentrici interni
sia punteggiati sia a linea continua, alternate a segni a Τ contrapposti. Nel
lato A è una figura giovanile nuda recante sulla spalla destra un tirso dal
quale pende un ramo 12 e nella mano sinistra un oggetto non precisabile;
in Β è dipinta una testa di profilo a sinistra. Curiosamente, la realizzazione
della decorazione accessoria risulta più corsiva e frettolosa di quella figurata:
si osservino le palmette sotto le anse e il reticolato sul collo, che presenta
un tracciato piuttosto disordinato e addirittura una correzione. A pieno titolo
quest'opera può essere assegnata al Pittore della Colonna Tuscanica. Un
confronto assai stringente per la testa del lato Β è offerto infatti dall'esem
plare 3990 di Berlino e da uno di Arezzo 13: oltre al rendimento dei capelli
a ciocche curvilinee formanti bande ondulate sulla fronte e le tempie, ident
ici risultano il ductus del sopracciglio, alquanto allungato, e dell'occhio,
con il peculiare segno virgolato all'estremità esterna, il taglio della bocca,
la linea del mento e del collo e infine il profilo del naso, di lato al quale
si nota un altro caratteristico contrassegno del pittore, un minuscolo trattino
virgolato che indica la pinna.
Forti analogie si riscontrano inoltre nella trattazione delle palmette, con
petali delineati irregolarmente, piuttosto rigidi, fra i quali quello posto alla
sommità è bipartito, e perfino nella tettonica dei due vasi, in particolare nel
piede, che non è dei più frequenti in questa serie di fittili. Non v'è dubbio
che nel novero delle opere riferite al nostro pittore queste due siano da
ritenersi della stessa fase e che in esse, pur trattandosi di prodotti di quello
che Beazley ha definito « the poorest artist » fra i quattro decoratori di
crateri a colonnette operanti a Volterra allora individuati, il disegno risulta
più organico e sorvegliato che in altre. Negli altri crateri che gli sono stati
12 Così lo definisce Bianchi Bandinelli, art. cit. a nota 2, p. 150, ma potrebbe anche
trattarsi di un volatile.
13 Cfr., rispettivamente, Kelebai, p. 62, XLII, fig. 59, con bibl. prec. e P. Bocci, Crateri
volterrani inediti del Museo di Arezzo, in SE, 32, 1964, tav. XXII, fig. 1.
218 MARINA CRISTO FANI MARTELLI
14 Kelebai, p. 107, CXIV, fig. 141 e Bianchi Bandinelli, art. cit. a nota 2, tav. XXX, 57
(= Kelebai, p. 76, LXI, ove è infondatamente indicato come conservato nella collezione Terrosi
al Casone).
15 Ibidem, p. 91, LXXXVI, fig. 114.
16 Ibidem, p. 92, LXIX, fig. 92.
17 Ibidem, p. 70, LI, figg. 77-78, p. 71, LUI, figg. 79-80 e p. 72, LIX, figg. 81-82, con bibl. prec.
18 Ibidem, p. 69, L, figg. 75-76.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 219
*
*
19 EVP, p. 132.
20 Cfr. M. Montagna Pasquinucci, La ceramica a vernice nera del Museo Guarnacci di
Volterra, in MEFRA, 84, 1972, p. 419, fig. 9, η. 289: segnalo che, oltre all'unico es. ivi in
dicato, uno è conservato nel Museo di Chiusi (inv. 1929).
220 MARINA CRISTOFANI MARTELLI
21 In genere sulle scene dionisiache cfr., per i crateri, Kelebai, p. 15, note 87-88 e per altri
tipi di vasi SE, 26, 1958, pp. 253 ss., figg. 10-11.
22 M. A. Del Chiaro, The Etruscan Funnel Group (A Tarquinian Red-Figured Fabric),
Firenze 1974, p. 17, η. 1, taw. I-III.
23 Cfr., ad es., SE, 26, 1958, p. 246, fig. 4 (= EVP, p. 113, n. 2).
24 Kelebai, p. 45, XVI, fig. 29 e p. 49, XXII, fig. 39.
25 Per una proposta di interpretaziune v. E. Fiumi, art. cit. a nota 23, p. 245 e le fondate
riserve espresse da A. Stenico, Nuove pitture vascolari del gruppo « Clusium », in Studi in
onore di Luisa Banti, Roma 1965, p. 294, nota 4.
26 Kelebai, p. 9.
27 V. rispettivamente ibidem, p. 38, VII, figg. 13-14; p. 56, XXXV, fig. 46; p. 78, LXVIII,
figg. 90-91; p. 92, LXXXIX, figg. 116-117.
28 E. Fiumi, in NS, 1972, p. 118, figg. 84 a-b.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 221
31 EVP, p. 208.
32 Fiumi, art. cit. a nota 28, pp. 84 s., fig. 38, 95, 112 (tombe 61/3, 61/5, 64/2).
33 M. Cristofani, in NS, 1973, Supplemento, p. 256, 1, fig. 166 (tomba B).
34 Per Bologna (tombe 18 e 41 Benacci - Caprara) e Spina (tombe 156, 369, 409), oltre
a EVP, I.e., v. i rifer. addotti da G. Riccioni, Antefatti della colonizzazione di Ariminum alla
luce delle nuove scoperte, in Studi sulla città antica. Atti del Convegno di studi sulla città
etrusca e italica preromana, Bologna 1970, p. 271, nota 3 e T. Poggio, Ceramica a vernice
nera di Spina. Le oinochoai trilobate, Milano 1974, p. 21 s. Per Este v. SE 33, 1965, tav. 65 a,
p. 292 (tomba Boldù-Dolfin 52-53); per Rimini (area del nuovo mercato coperto) e Rocca
s. Casciano (rinvenimento fortuito in tombe dette «galliche», ora nel Museo di Forlì, inv. 49 e 59)
v. Riccioni, art. cit., p. 264, 1-4, fig. 2, tav. 45 e p. 271, nota 3.
35 Nel locale Museo, inv. 231; proviene dalla tomba IV di Poggio Pinci. H. cm. 15,5;
diam. cm. 17.
36 Esemplare inedito nel Museo di Siena.
37 P. Bocci, in SÉ, 33, 1965, p. 127, inv. 1386, tav. 32.
38 NS, 1934, p. 417, 1.
39Jehasse, op. cit., tav. 106, nn. 290, 775, pp. 180, 273 (tombe 31, 53); nn. 824, 882,
pp. 282, 292 (t. 53); η. 2247, p. 533 s. (t. 104). Per exx. con palmette v. nn. 80, 133, 163, 291.
40 Ibidem, tav. 109, n. 1116, p. 331 (tomba 63): si noti che la vernice è indicata come
«bleuté ».
41 Cristofani, op. cit., p. 259, 18.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 223
42 Riprodotto in Klassieke Kunst uit particulier Bezit, Leiden 1975, fig. 234, cat. 563:
la provenienza non è indicata.
43 Inv. 4234: la provenienza fornita dall'inventario è Cortona.
44 Sala XXII, vetrina 3, n. 455. Le sovradipinture sono totalmente evanidi.
224 MARINA CRISTOFANI MARTELLI
Fig- 1.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 225
Fig. 2.
226 MARINA CRISTOFANI MARTELLI
Fig. 3.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 227
·* '
Fig. 4.
228 MARINA CRISTOFANI MARTELLI
Fig. 5.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 229
Fig. 6.
230 MARINA CRISTOFANI MARTELLI
Fig. 7.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 231
Fig. 8.
232 MARINA CRISTOFANI MARTELLI
Fig. 9.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 233
Fig. 10.
234 MARINA CRISTOFANI MARTELLI
Fig. 11.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 235
\
\
Fig. 12.
236 MARINA CRISTOFANI MARTELLI
Fig. 13.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 237
Fig. 14
238 MARINA CRISTOFANI MARTELLI
Fig. 15.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 239
Fig. 16.
240 MARINA CRISTOFANI MARTELLI
Fig. 17.
Fig. 18.
NOTE DI CERAMICA VOLTERRANA 241
Fig. 19.
Fig. 20.
242 MARINA CRISTOFANI MARTELLI
Fig. 21.
ALFONSO DE FRANCISCIS
1 A. Sogliano, Pompei nel suo sviluppo storico, Roma 1937, nota a p. 92; G. Spano,
La Campania Felice nelle età remote, Napoli 1941, 189 s.; L. Polacco, Tuscanicae dispositiones,
Padova 1952, 53 s.; G. Colonna, Elementi architettonici in pietra dal santuario di Pyrgi,
in Archeol. class., XVIII, 1966, 275 nota 21; cfr. A. Maiuri, Greci ed Etruschi a Pompei,
in Mem. Lincei, 1943, 121 ss. (= Alla ricerca di Pompei preromana, Napoli 1973, 135 ss.).
2 L. T. Shoe, Etruscan and Republican Roman Mouldings, in Mem. Americ. Acad.
Rome, XXVIII 1965, 128.
244 ALFONSO DE FRANCISCIS
0.19
0.26
3 A. Maiuri, Saggi nella casa della Fontana grande e in altre case pompeiane, in Not.
scavi, 1944-45, 151 (= Alla ricerca di Pompei preromana, Napoli 1973, 176).
NOTE SULL'ARCHITETTURA ARCAICA A POMPEI 245
O.34-
OJO
10 IO 50 40
Fig. 2 - Pompei scavi. Reg. Vili INS V. Casa del Gallo n° 2. Tronco di colonna.
4 È in quest'area, a mio avviso, che deve localizzarsi l'originaria «porticus post scaenam»,
ma di ciò converrà parlare in altra sede.
5 Questa parte del teatro venne scavata nel 1792, cfr. Fiorelli, P.A.H. ad loc; piante e
menzioni utili della rampa tra l'altro in F. Mazois, Ruines de Pompei, Paris 1838, IV 62 e tav. 31;
E. Bréton, Pompeia, Paris 1855, 177 e 181; J. Overbeck-A. Mau, Pompeji, Leipzig 1884, 157
e 162; A. Mau-F. W. Kelsey, Pompeji, its life, and art, New York 1899, 137 e 140; E. Paribeni
in Not. scavi, 1902, 513 sg.; A. Sogliano, in Not. scavi, 1906, 103; Α. Mau, Das grosse
Theater in Pompeji, in Rom. Mitt., 1906, 15; O. Puchstein, Das grosse Theater in Pompeji,
in «Arch. Anz. » 1906, 301 ss.; M. Bieber, Die Denkmäler zum Theaterwesen im Altertum,
Berlin 1920, 52 ss.; A. W. Byvanck, Das grosse Theater in Pompeji, in Rom. Mitt, 1925, 119.
6 All'esecuzione di questi saggi ha collaborato la dott. Assunta Ciaramella, cui ho affidato
la pubblicazione dei risultati ottenuti.
7 Sull'argomento cfr. L. A. Moritz, Grain-mills and flour in classical antiquity,
Oxford 1958.
PARTICOLARE PIETRA
TERMINALE DEL MUß 0
S GALA 1 : 5
8 NelPesprimere la mia più viva gratitudine al dott. Roder, desidero ringraziare anche il
prof. F. Rakob, con il quale ho avuto preziosi scambi di idee sull'argomento.
9 A. Wotschitzky, Zur Urform des dorischen Kapitells, in Jahreshefte, XL 1953, 51 ss.;
per un pezzo simile a Delfi, ibid. 59 nota 28.
10 Si veda p. es. F. Matz, Geschichte der griechischen Kunst, Frankfurt a. M. 1950, I, 349;
H. Koch, Von ionischer Baukunst, Köln-Graz 1956, 6; A. K. Orlandos, Τα υλικά δομής των
αρχαίων 'Ελλήνων, Athenai 1958, Ι 7 ss.; R. Martin, Manuel d'architecture grecque, Paris 1965,
NOTE SULL'ARCHITETTURA ARCAICA A POMPEI 249
Tutt'al più si può avanzare qualche riserva sui dettagli della ricostru
zionedel Wotschitzky, e, nel caso particolare di Pompei, non ritenere i
ndispensabile una derivazione tipologica dalla Grecia. Direi anzi che una
recezione dall'Etruria appare per Pompei e per questo periodo, come vedremo,
arcaico, una cosa molto probabile.
Una cronologia, per il frammento pompeiano, che sia qualcosa di meglio
di una generica collocazione nell'arcaismo, non sembra possibile. Come è
ovvio, la posizione periferica di Pompei rispetto al mondo greco (ed in un
certo senso anche rispetto al mondo etrusco), ed il fatto che Pompei rece
pisce spesso da fuori, sono circostanze che non rendono indispensabile un'alta
arcaicità per un simile elemento architettonico, tuttavia occorre tener
presente che l'impiego di un materiale a portata di mano e facilmente
utilizzabile come è la pietra lavica può dar ragione di una datazione alta.
Invece il termine cronologico dato dal reimpiego non ha alcuna utilità poiché
con esso siamo già nella Pompei romana.
In quanto alla originaria provenienza e destinazione, noi ci troviamo,
con lo spiazzo dietro il teatro, ai piedi del Foro Triangolare, cioè di un'area
sacra la cui frequentazione e funzione è attestata almeno dalla fine del
VII sec. av. Cr. n. A qualche costruzione, ο meglio ancora a qualche colonna
innalzata ex voto, può benissimo essere appartenuto il nostro frammento.
I, 11 ss.; Id. in Atti Taranto, 1968, 124 sg., ove questo tipo di capitello è segnalato dal
l'arcaismo all'età ellenistica.
11 Per una cronologia del primo impianto di Pompei nella seconda metà del VII secolo a.C.
e per una presenza di un'area sacra al Foro Triangolare anche prima del VI secolo si veda
di recente H. Eschebach, Die städtbauliche Entwicklung des antiken Pompeji, Heidelberg
1970, 22; H. Riemann, Das vorsamnitische Pompeji, in Neue Forschungen in Pompeji,
Recklinghausen 1975, 225 ss.
250 ALFONSO DE FRANCISCIS
Tav. 3 a, b - Frammento di pietra lavorato (zona del muro posteriore del teatro).
252 ALFONSO DE FRANCISCIS
Tav. 4a,b - Frammento di pietra lavorato (zona del muro posteriore del teatro).
GEORGES DUMÉZIL
1 Sur les Vinalia, v. R. Schilling, La religion romaine de Vénus depuis les origines jusqu'au
temps d'Auguste, 1954, ch. II, p. 91-155, La signification du culte des Vinalia. Sur les rapports
du vin et de la Souveraineté, v. aussi F. Borner, Juppiter und die römischen Weinfeste,
Rhein. Museum, N. F. 90, 1941, p. 30-58, et mes Fêtes romaines d'été et d'automne, 1975,
p. 87-97, 105-107.
2 Les variantes sont réunies dans Schilling, op. cit., p. 98-107.
3 II ne faut pas tirer de grandes conséquences de la généralité de cette expression: 1) il est
usuel, dans la littérature, que dii remplace le nom d'un dieu particulier (v. Idées romaines,
1969, p. 270-271, Les fêtes romaines, p. 92, n. 3); 2) de toutes façons la légende est attachée
aux fêtes du vin, non des produits de la terre en général.
254 GEORGES DUMÉZIL
victoire. Varron (dans Pline, Nat. Hist. 14, 88) n'oppose aussi que « les
Latins » à Mézence appelé en renfort par les Rutules, mais précise que
Mézence a demandé pour paiement « le vin qui se trouvait alors sur le
territoire latin». Festus (322 L; à propos des Vinalia d'été), une notice du
calendrier de Préneste {CIL I2, 236; à propos des Vinalia de printemps)
se réfèrent au même récit, avec un Mézence plus exigeant: il revendique
omnis uini oblationem, omnium annorum uini fructum.
L'autre version oppose directement Enée et Mézence. Elle est représentée
notamment par une vingtaine de vers du quatrième livre des Fastes (879-
900): pour prix de son concours, Mézence demande au roi Ru tuie Turnus
de lacubus proxima musta tuis. Enée riposte: « Le roi tyrrhénien s'est fait
attribuer la vendange; Jupiter, reçois le jus de la vigne latine! » Jupiter
n'hésite pas, uota ualent meliora.
Parallèlement les rites des Vinalia de printemps étaient certainement
constitués avant le siècle d'Auguste. Outre l'offrande du premier vin à
Jupiter, il s'agit de la scène décrite par la 45e Question Romaine où Plutarque
ne parle d'ailleurs pas de « Vinalia », mais, par un de ces glissements qu'il
se permet parfois, de « Veneralia » 4:
* *
5 REL. 39, 1961, p. 267-270; sur l'association - littéraire - des deux ivresses à Rome,
v. Schilling, op. cit., p. 135. L'autre culte de l'Erycine, fondé quelques décades plus tard à la
porte Colline, devait restaurer les éléments voluptuaires du culte sicilien, Schilling, p. 254-262.
6 Mythe et épopée I2 1973, p. 337-422.
256 GEORGES DUMÉZIL
,
matériellement, les dépouilles d'un individu vaincu: si Enée succombe, à qui
Mézence destine-t-il son armure? Si le vaincu est Mézence, à qui Enée
dédiera-t-il le trophée? D'autre part les uota ne précèdent plus le combat;
ils se conforment à l'usage romain qui les fait prononcer dans le combat
même, au moment décisif.
Mais l'ordre des uota reste dans l'Enéide ce qu'il était dans la légende
d'origine des Vinalia. Celui de Mézence d'abord, quand Enée s'avance contre
lui pour le premier duel (X, 773-777):
«Dextra mihi deus et telum quod missile libro
nunc adsint! Voueo praedonis corpore raptis
indutum spoliis ipsum te, Lause, tropaeum
Aeneae!» Dixit stridentemque eminus hastam
iecit...
Mais nous sommes assurés qu'il devait bien y avoir, à cet endroit précis,
un uotum et que la matière en aurait été les spolia de l'adversaire, éléments
d'un tropaeus, puisque, Mézence ayant succombé à la fin du dixième chant,
le onzième s'ouvre par l'exécution immédiate de ce vœu mentionné comme
tel (2-11): Enée
uota deum primo uictor soluebat Eoo.
Ingentem quercum, decisis undique ramis
constitua tumulo, fulgentiaque induit arma,
Mezenti ducis exuuias tibi, magne, tropaeum
bellipotens; aptat rorantes sanguine cristas,
telaque trunca uiri et bis sex thoraca petitum
perfossumque locis; clipeumque ex aere sinistrae
subligat, atque ensem collo supendit eburnum.
7 La Cerda (1617, vol. III, p. 541) n'a pas tenu compte de ce «blanc» quand il a com
menté le v. 876: «Tantum effatus: ideo pauca, ut qui cupidus rei gerendae. Ο quoties in hac
re Homerus άτοπος et εύήυης! non vereor ita loqui. Plena Ilias his ante certamen inutilibus
iactantiis. Non haec certe natura irae, praesertim in bello». Les paroles d'Enée, complétées,
auraient sans doute été brèves, mais auraient contenu le uotum.
258 GEORGES DUMÉZIL
8 Le bellipotens qu'Enée choisit pour bénificiaire de ces spolia opima avant la lettre
(le mot n'est pas prononcé) est probablement Mars, encore que bellipotens ne soit pas
«armipotens»: si Mars seul préside au maniement des arma, la conduite générale d'un bellum
est plutôt l'affaire de Jupiter. En tout cas Virgile préfigure ici l'acte de Romulus fondant
le culte de Jupiter Feretrius par l'offrande des premiers spolia opima, de l'histoire romaine,
ceux qu'il a conquis sur le roi Acron, - dont le nom vient d'être utilisé par Virgile dans
le même ensemble, X, 719-731.
9 On a noté l'ampleur du trophée dont Enée revêt un chêne lui-même énorme; au cont
raire, le trophée que Mézence se flattait d'élever n'aurait eu que les dimensions de son sup
port, le jeune Lausus. La Cerda, ad p. 645: Quercus, cui undìque rami amputati, constituitur
in tumulo, et ea ingens, nam arma ingentia. Il y a sans doute ici une autre Umformung du
uota ualent meliora.
VIRGILE, MÉZENCE ET LES « VINALIA » 259
L'armée passe ainsi la nuit « sur les ponts de la guerre ». Mille bûchers
brûlent, avec cinquante hommes près de chacun. Les chevaux mâchent leur
orge et leur avoine, - debout près des chars, répète le poète - en
attendant l'aurore.
Telle est encore la situation au début du dixième chant. Tandis que
l'armée grecque épuisée se repose, Agammemnon ne dort pas. Il observe
260 GEORGES DUMÉZIL
les feux ennemis en grand nombre sous les murs d'Ilion et réunit le conseil
des chefs. C'est alors que Diomède s'offre à partir avec Ulysse en recon
naissance. Ils interceptent l'espion adverse, Dolon, et le font parler avant
de le tuer. Ils apprennent ainsi que tout est bien gardé sur la ligne des
Troyens, moins bien chez leurs alliés. Dolon ne tarde pas à leur « donner »
le point faible du front: c'est chez les Thraces qu'ils doivent pénétrer, - et
il vante, comme un tentateur, le magnifique équipement du roi Rhésos.
Débarrassés de Dolon, les deux Grecs marchent droit vers le secteur tenu
par les Thraces, qu'ils trouvent endormis, mais avec leurs armes et leurs
chevaux près d'eux. Rhésos dort aussi et son char est attelé. En conséquence
Diomède massacre librement tandis qu'Ulysse, au fur et à mesure des meurtres,
jette les cadavres de côté, dégageant un chemin. Les deux compagnons
s'enfuient non moins librement sur les chevaux de Rhésos, ce qui ne laisse
pas de surprendre et qui a souvent été censuré comme une somnolence du
bonus Homerus: encore que, en matière de prouesses épiques, les frontières
du plausible soient évanescentes, comment des soldats normaux, simplement
endormis, ont-ils pu ne rien percevoir d'une telle performance - treize tués,
dont le roi - inévitablement accompagnée de hennissements et de ruades?
Il en est tout autrement dans Virgile. Sur le soir, Turnus a bien dit à
ses guerriers rutules (IX, 156-158):
nunc adeo, melior quoniatn pars acta diei,
quod superest, laeti bene gestis corpora rebus
procurate, uiri, et pugnam sperate parari.
L'ordre est sage. Il est d'ailleurs bien exécuté, selon l'usage de toute
infanterie en campagne: les feux sont allumés, les sentinelles, le détachement
de garde mis en place (160-162). Voici pourtant qui nous alerte quant à
la conscience professionnelle de cette custodia10 (164-165):
discurrunt uariantque uices fusique per herbam
indulgent uino et uertunt crateras aeneos .··. .
Indulgent uino?... Après tout, cette «faiblesse» pour le vin peut être
raisonnée: pris modérément, le vin excite le soldat, l'aide à veiller avant
d'attaquer. Mais nous comprenons vite qu'il ne s'agit pas de cela. Quand,
plus tard dans la nuit, le petit Nisus, qui est de garde près d'une porte de
« Troie », communique d'abord à Euryale, puis, s'étant fait relever, aux chefs
10 II n'y a rien que de normal dans le vers 164: dans l'intervalle des gardes, les sentinelles
se reposent sur l'herbe. Mais indulgent uino!
VIRGILE, MÉZENCE ET LES «VINALIA» 261
de l'armée son projet d'établir une liaison avec Enée à travers le camp
rutule, voici comment il décrit l'ennemi. A son camarade (188-189):
Cernis quae Rutulos habeat fiducia rerum:
lumina rara micant, somno uinoque soluti
procubuere, silent late loca...
A l'Etat-Major (236-240):
... Rutuli somno uinoque soluti
conticuere, locum insidiis conspeximus ipsi...
Deo uictus ... La victoire du « dieu » du vin sera fatale à ses vaincus,
comme elle l'a été deux fois déjà dans l'Enéide: au second chant (265),
quand les premiers Grecs sont sortis des flancs du Cheval:
inuadunt urbem somno uinoque sepultam:
Cette faute des Rutules, militairement parlant, est sans excuse: ils
n'ont pas cédé à une extrême fatigue; c'est dans une folle fiducia rerum
qu'ils ont donné aux observateurs troyens le spectacle de leur orgie. Comme
ils se conduisent partout ailleurs, hommes et chefs, en bons guerriers,
l'exception de cette seule nuit est étonnante.
Elle n'a pourtant guère étonné les commentateurs. Richard Heinze, dans
Virgils epische Technik, p. 218; cf. p. 248, n. 2), est le seul, à ma connais
sance,qui ait cherché à expliquer cette différence entre Homère et Virgile.
Il l'a fait, comme toujours, ad maiorem Maronis gloriam. Dans Homère,
dit-il, la fuite des deux Grecs après le massacre des Thraces passe les pos
sibilités humaines; il y faudrait des dieux, et Homère ne dit pas que les
dieux soient intervenus, sinon Athéna par un conseil. Au contraire, la fuite
de Nisus et d'Euryale, qui les sauverait si Euryale n'avait la fâcheuse idée
de coiffer le casque trop brillant d'une de ses victimes, est admissible, na
turelle même, puisque leurs adversaires ne dorment pas d'un sommeil ordinaire,
mais ont livré leurs têtes et leurs membres au dérèglement du vin 13.
Si l'on accepte cette justification, Virgile n'a esquivé une invraisem
blance que pour s'exposer à une autre, au moins aussi grande, puisqu'il
montre, je le répète, les meilleurs guerriers rutules oublieux des règles
13 Heinze termine ce développement par une remarque contestable: « In der Dolonie hat der
Dichter grosse Not, einen plausiblen Grund für den Auszug der beiden zu erfinden, und zieht
sich übel genug aus der Sache: Virgil hat auch hier nicht gedankenlos nachgeahmt. Dass
während des Blutbades von den Thrakern des Rhesos keiner erwacht, kann verwundern: Virgil
beugt dem vor durch die Fiktion des wüsten Zechgelags 316. 335. 360 (vgl. 165), und dies
wieder ist vorbereitet durch Turnus' Worte 157 laeti bene gestis corpora rebus procurate uiril »
Par ce vers 157, Turnus n'incite évidemment pas ses troupes à s'enivrer.
VIRGILE, MÉZENCE ET LES « VINALIA » 263
élémentaires de leur art. En réalité, Virgile n'était pas réduit à choisir entre
deux invraisemblances. Outre qu'il avait assez d'invention pour susciter, s'il
l'avait voulu, une circonstance différente - brume soudaine, orage, con
fusion ... - qui favorisât Nisus et Euryale sans avilir les Rutules, on peut
faire valoir que, même si le sommeil de ceux-ci n'était pas d'intoxication,
la fuite des deux Troyens ne ferait pas autant de difficulté que, dans Homère,
la fuite des deux Grecs: Nisus et Euryale ne montent pas des chevaux pris
à l'ennemi, encore « craintifs » et « inaccoutumés aux cadavres » (II. X, 493),
mais, étant à pied, pénètrent bientôt dans un paysage boisé (silua fuit . . .
nigra, horrido) où ils disparaissent et qui, sans la puérile coquetterie de
l'un deux, les eût peut-être même abrités des trois cents hommes, bien éveil
léset sobrii, que conduit Volcens et qu'ils ont la malchance de rencontrer.
Bref l'invraisemblance n'est ni dans l'aisance avec laquelle les deux
jeunes gens attaquent et se retirent, ni dans le sommeil des Rutules qui
pouvaient, tout compte fait, se sachant maîtres de la situation, avoir mal
résisté à l'heure et à l'herbe tendre. Elle est dans la nature et dans la cause
itérativement déclarées de ce sommeil: somno uinoque soluti. Or cette singul
arité que n'imposait pas la matière a été délibérément introduite dans une
imitation homérique qui ne la suggérait pas. Pourquoi?
Etant donné le goût de Virgile pour de tels jeux14, ne devons-nous
pas reconnaître ici une allusion au second aspect des Vinalia? Empêché
par les fata d'Enee, de Tarchon et de Latinus de conserver, au moment
où le récit l'appelait, le mythe de fondation de la fête, le poète n'a-t-il pas
transposé, dans une action épisodique, et toujours au grand dam des Rutules,
la leçon que l'effusion du vin donnait chaque année, le même jour, sur le
parvis de la Sicilienne assagie, — ώς των ΰεών μάλλον τοις έκχεουσι χαιρόντων
τον πολύν ακρατον ή τοις πίνουσι?
14 Pour m'en tenir aux rites: le coup de javelot dans le Cheval de Troie (Aen. II, 50-53)
conforme au mode de mise à mort du Cheval d'Octobre [Latomus 114, 1970, p. 196-206];
le primum omen, quand Enée touche l'Italie (III, 537-538; cf. ouanies 544), annonçant les
quatre chevaux blancs du triomphe; le carrousel chez Aceste (V, 545-595) préfigurant le lusus
Troiae; le groupement de personnages dans l'incendie des vaisseaux (IX, 76, 108-117; X, 220,
229, 231, 234) reproduisant celui des dieux servis aux Volcanalia [Les fêtes romaines, p. 64-65];
l'appel de Cymodocée à Enée (X, 228) identique au Rex uigila! des Vestales . . .
PAUL-MARIE DUVAL
Quinze pièces sont connues, dont neuf portent des légendes diverses;
de plus, deux autres apparemment anépigraphes ont été signalées, dessinées
(l'une seulement au droit), puis perdues. Tous les exemplaires connus, dessi
nésou photographiés, sont de coins différents, de droit et de revers. Neuf
proviennent de Suisse, quatre d'Italie, une de France. Les poids varient de
6,59 g à 7,55 g. Il ne paraît pas s'imposer que deux pièces, aujourd'hui per
dues, dont l'histoire et les poids sont inconnus, aient été confondues avec
deux autres et que le nombre total doive être ainsi réduit à quinze, celui
des monnaies dessinées à treize3. Les dessins que nous possédons des pièces
en question et les provenances indiquées sont assez différents pour que
l'idée d'une confusion ne soit pas retenue.
Le droit et le revers, l'un convexe et l'autre concave, sont imités eux-
mêmes d'imitations connues en or (chez les Rètes?) d'une monnaie d'or
d'Alexandre le Grand, un demi-statère, dont il existe d'autres imitations en
argent. Au droit, une tête d'Athéna casquée, de profil à gauche; au revers,
une Victoire de face, avec, à droite, une légende inscrite sur une ligne verti
cale, à gauche, un différent (Fig. 1) 4. C'est, particulièrement, le revers qui
suggère cette dérivation: les lignes maîtresses du décor, si on les place vert
icalement, rappellent, malgré le manque de détails, les proportions de la
Victoire sur les exemplaires les moins déformés géométriquement (ce sont,
malheureusement, les plus frustes, par suite d'une frappe imparfaite: Fig. 1,
nos 9, 10, 11). Enfin, droit et revers sont, sur certaines pièces, entourés d'un
cercle périphérique: le droit, seulement dans la série épigraphe (Fig. 2, nos 3,
4, 15; Fig. 3, nos 1), le revers, dans les deux (Fig. 1, nos 9, 11, 12; Fig. 2,
nos 13, 14, 4, 15?). Il est possible que les exemplaires qui ne présentent pas
ce cercle n'offrent qu'une image incomplète par suite d'un flan trop petit
et que, d'autre part, certains dessinateurs n'aient pas tenu compte du dit
cercle.
La série anépigraphe est la plus lourde: de 7,55 g (Fig. 1, n° 11) à 7,10 g
(Fig. 2, n° 13) mais le poids du n° 9 est inconnu; dans la série épigraphe,
sauf le n° 4 (Fig. 2), de 7,10 g, toutes les pièces pèsent moins de 7 g
(extrêmes: n° 3, Fig. 2: 6,94; n° 9, Fig. 1: 6,65 mais les poids des nos 6 et 8,
2, 5 et 7, Fig. 3, sont inconnus). Il convient donc de considérer la première
série comme étant la plus ancienne. L'examen des variantes du type confirme
cette vue.
* Avec légende.
OBSERVATIONS SUR LE STYLE DES MONNAIES GAULOISES 269
des poids les plus lourds aux plus légers, du simple au complexe dans le
décor et du moins déformé au plus déformé, on peut distinguer les variantes
suivantes de l'image, sans pour cela affirmer une stricte succession de pièce
en pièce entre les deux extrémités de cette liste:
3 et 4 (6,94 et 7,11 g): pointe en haut, le trident souligne la légende
centrale (Fig. 2);
15 et 1 (6,85 et 6,65 g): la pointe supérieure est remplacée par un
cercle à pédoncule du genre de celui qui se trouve, dans une autre position,
sur le revers anépigraphe de 14 (Fig. 2); le trident, qui sert toujours de base
à la légende, a une hampe plus forte et une sorte de crochet en S (incomplet
en bas) à la base des dents (Fig. 2 et 3);
2 (poids inconnu): le cercle du haut est pointé; le crochet du trident
(qui n'a plus que deux dents) n'est qu'une sorte de virgule (Fig. 3);
6 et 8 (poids inconnus): le cercle supérieur est pointé, le pédoncule
est plus développé en 6 qu'en 8 (Fig. 3); la légende est dans un cartouche
complet en haut et en bas, le trident est au-dessous; en 6, il y a un ovale à
la base des dents avec un léger appendice vers le bas et le trident est plus
long qu'en 8;
5 et 7 (poids inconnus): c'est le terme de l'évolution stylistique (Fig. 3);
la légende a toujours son cartouche complet, le trident est au-dessous, le
cercle supérieur est remplacé par un grand triangle. Au droit, la «grille»
est devenue un grand triangle compartimenté, qui constitue en 7 la seule
image.
étudié 8, à la période la plus tardive du monnayage celtique: entre 100 (ce qui
parait une date encore bien haute) et 25 avant notre ère, semble-t-il.
Géométrisme outrancier et date tardive ne sont, au reste, nullement
contradictoires: après le grand style libre de l'art laténien, la symétrie géomét
rique a repris ses droits, favorisée aussi par l'emprise croissante de l'art
romain sur un monde celtique au déclin. On retrouve le même phénomène
dans l'art monétaire: le décor des monnaies bretonnes, par exemple, est de
plus en plus géométrisé et régulier dans la dernière période, et l'on abaisse
aujourd'hui jusqu'à la fin du IIe siècle le début du monnayage « à la croix »
des Volques du Languedoc. Région montagneuse périphérique d'une part,
basse époque gauloise d'autre part, rendent compte de façon satisfaisante
de la composition puissamment géométrique finalement créée par les auteurs
des monnaies ci-dessus étudiées. J'ai pris soin, pour les illustrer, de faire dessi
ner, soit les pièces conservées ou leur photographies, soit les dessins les
plus anciens, qui avaient parfois été légèrement déformés dans des publica
tions ultérieures.
P. 635A 11
16
10 12
Fig 1 - D'après Pautasso, Fig. 535 A (photo), prototype vraisemblable (imitation en argent d'un
statère «rétique» en or imité lui-même d'un statère d'Alexandre le Grand).
11 D'après Pautasso, Fig. 537 (photo).
9 D'après Longpérier 9 (dessin, d'après X).
16 D'après H. Meyer, « Munzfunde », dans Anzeiger für Schweizerische Altertums-
Kunde, 1866, pi. I, 4 (dessin, du droit seulement, d'après X).
10 D'après la monnaie, BN 9270.
12 D'après la monnaie, BN 9271.
N.B. - Les dessins des Fig. 1, 2 et 3, dûs à André Marguet, sont un peu plus grands
que nature: le diamètre moyen des monnaies est de 2 cm., celui des dessins, de 2,5 cm.
OBSERVATIONS SUR LE STYLE DES MONNAIES GAULOISES 273
17 13
14
15
Fig. 2-17 D'après H. Meyer, Goldmünze der Salasser, dans Anzeiger für Schweizerische
Altertumskunde, 1870, pi. XIII, 14 (dessin, d'après X).
13 D'après Pautasso, Fig. 539 (photo).
14 D'après Pautasso, Fig. 540 (photo).
3 D'après Pautasso, Fig. 541 (photo).
4 D'après Pautasso, Fig. 542 (photo).
15 D'après Pautasso, Fig. 544 (photo).
274 PAUL-MARIE DUVAL
V /Κ Ο 2)
2 Mons, Musée du Centenaire, Inv. n° 28; Heinz Günter Horn, Eine Bacchusbüste aus
Xanten, Kreis Moers dans Bonner Jahrbücher, t. 172, 1972, pp. 164 à 174, fig. 18 à 21, p. 165;
A.-N. Zadoks-Josephus Jitta, W.-J.-T. Peters, Antoinette M. Witteveen, Description of the Collec
tionsin the Rijksmuseum Kam at Nijmegen, VII. The Figurai Bronzes, 1973, nos 109 à 112.
G. Faider-Feytmans, Poids curseurs d'époque romaine découverts en Belgique dans Feestbundel
Zadoks-Josephus Jitta, Amersfoort, 1976.
3 J. Mertens et A. Despy-Meyer, Cartes archéologiques de la Belgique, 1-2, Belgique à
l'époque romaine, 1968.
4 Wervicq: J. Carpentier, Wervicq, bourgade gallo-romaine dans Fédération historique
et archéologique de Belgique, Courtrai 1953, pp. 48 à 58; H. Goeminne, Opgravingen in de
romeinse vicus te Wervik, Archaeologia belgica, η. 117, 1970; Harelbeke-Stacegem: Archéologie,
1967, pp. 65-66; 1968, pp. 17-18; 1969, p. 16; 1970, p. 15.
POIGNÉES DIONYSIAQUES DE COURTRAI 277
5 Ch. Leva, L'importance des récentes découvertes romaines de Courtrai dans Fédération
historique et archéologique de Belgique, Arlon, 1960, pp. 269-270; J. Viérin, Trouvailles gallo-
romaines à Courtrai (Cortoriacum), dans Id., Courtrai, 1953, fase. Ill, pp. 84 à 96.
6 On pourrait citer une des poignées delphiniformes de Waudrez (Prov. de Hainaut) vicus
situé sur la voie Bavai-Tongres, encore inédite; elle pourrait remonter à la fin du IIe ou même
au début du IIIe siècle.
7 G. Faider-Feytmans, Recueil des bronzes de Bavai, VIIIe supplément à « Gallia », 1957,
nos 195 et 196; 181 et 197, pi. XXXV et XXXIV.
8 F. Cumont, Poignées de bronze décorées de bustes de Cybèle et d'Attis dans Annales
de la Société archéologique de Bruxelles, XXII, 1908, pp. 219 à 228.
9 E. del Marmol, Villa d'Anthée (suite) dans Annales de la Société archéologique de
Namur, XV, 1881, pp. 7 à 9, pi. VI, fig. 1.
278 GERMAINE FAIDER-FEYTMANS
de canard, au col formant œillet et dont le bec, ouvert, tient une baie 13.
Enfin une poignée, de même provenance, présente en son centre, moins
proéminant il est vrai, une tête de Méduse, ailée, aux extrémités identiques
aux pièces précédentes, mais c'est un gland que maintient le bec de chacun,
des canards 14. Il y a connexion évidente entre le masque conjurateur de
Méduse et les décors prophylactiques dionysiaques.
Toutes ces poignées présentent un caractère identique: figure centrale
plus ou moins proéminante unie par des cornes d'abondance à un décor
figuré fixé au crochet de fixation ou formant œillet: Attis, d'une part,
groupes tête de griffon et protomé de canard ou glands de l'autre.
Certes, la divergence des poignées dionysiaques de Lauwe d'avec les
précédentes saute aux yeux: Mènade dont la base s'appuie sur une feuille
de vigne inversée et crochets terminés par un simple gland. Mais d'autres
poignées, à thème dionysiaque, plus simples, ont été recueillies à Bavai: il
s'agit de celles à buste de Silène, enté sur deux cornes d'abondance et se
terminant par un simple crochet, uni à chaque corne par un large godron
cerné de deux listels: l'un des deux, le plus complet, fut recueilli en 1969
dans la cachette du bronzier de Bavai (n° 335), l'autre dont une extrémité
est brisée, fut découverte à Bavai antérieurement à 1856 15. Une troisième
poignée, de même type, mais dont le centre est à ce point épaufré qu'il
paraît difficile de considérer le buste central comme un Silène (peut-être
peut-il s'agir d'un Attis), à été découverte à Ormeignies, près de Blicquy
(Hainaut occidental) à proximité d'une voie romaine 16.
Déjà, dans de précédents travaux, ont été soulignés l'importance et le
nombre de bustes de Silène ou d'images bacchiques décorant des plaques
de serrure 17. Une de ces plaques, sur laquelle étaient fixés deux bustes de
Silène a été découverte à Bavai avant 1860 (Fig. 3). Une applique circulaire
mobile, probablement de même décor, à moins qu'il ne s'agisse d'un médaillon
au masque de Méduse, recouvrait l'entrée de la serrure. Nombre de ces
bustes ont été découverts à Bavai même 18 et en Belgique, dans des sites
reliés par route à Bavai 19.
Les poignées à buste de Mènade de Lauwe pourraient s'inscrire dans
le même contexte. Leurs dimensions tant en largeur qu'en hauteur sont
très supérieures à celles des objets apparentés, qu'ils soient métroaques ou
dionysiaques; d'autre part leur poids est considérable. Elles ne peuvent dès
lors avoir servi à ouvrir des coffrets ou de simples armoires. Il s'agit plutôt,
semble-t-il, de poignées de portes: le diamètre des crochets, celui des tenons
et la longueur de ces derniers peut faire supposer que ces poignées étaient
fixées à des ais ayant à tout le moins quatre cm d'épaisseur. Le fait est à
mettre en corrélation avec la plaque de serrure citée plus haut. En résumé,
il peut paraître très vraisemblable d'avancer qu'un ou plusieurs ateliers
bavaisiens se soient spécialisés dans la production de poignées et d'éléments
de portes à caractère dionysiaque ou métroaque.
Il nous plaît de rappeler ici que M. Jacques Heurgon, alors professeur
à l'Université de Lille et directeur de la première circonscription archéolo
gique de France, nous incita, à l'époque, à poursuivre l'étude des bronzes
d'origine bavaisienne et de leur aire de dispersion.
(échelle: 2/3)
Fig. Ò - Musée de Lille - Provenance: Bavai.
POIGNÉES DIONYSIAQUES DE COURTRAI 283
«A ROMAN NON-ENTITY»:
AURELIUS COTTA, TRIBUN DE LA PLÈBE EN 49 AV. J.-C.
1 E. Pais, / Fasti dei tribuni della plebe e lo svolgersi della tribunicia potestà sino
all'età dei Gracchi, Rome, 1918, p. 41.
2 G. Niccolini, / Fasti dei tribuni della plebe, Milan, 1934, p. 330.
3 T. R. S. Broughton, The Magistrates of the Roman Republic (cité désormais MRR),
New York, 1951-1952, t. 2, p. 258. Suivi par D. R. Shackleton-Bailey, The Roman Nobility
and the Second Civil War, dans Cl. Quart, 1960, p. 257.
4 E. S. Gruen, The Last Generation of the Roman Republic, Univ. of California Press,
1974, p. 183, note 74: «possibly he was a tribune like L. Metellus, but no more than possibly»;
mais ensuite, partant du principe (erroné selon nous) que «no Aurelius Cotta is ready at
hand with whom to identify him», E. S. Gruen s'engage dans une direction manifestement
fausse: «note Aurelius as an officer, perhaps a legate, in the Caesarian forces in 45; Cic,
ad Att, 14, 9, 3 ». Cet Aurelius servant sous Hirtius en Transalpine n'a bien évidemment rien
à voir avec le Cotta de Lucain.
286 JEAN-LOUIS FERRARY
5 Commenta Bernensia (éd. Usener, p. 97): Cotta collega Metellum; Adnotationes super
Lucanum (éd. Endt, p. 88): et hic tribunus plebis fuit. Sur ces scholia vetera, voir V. Ussani,
II Testo Lucaneo e gli scolli Bernensi, dans SIFC 11, 1903, p. 29-83; M. Schanz, Gesch. Rom.
Lit., II, 2, (1913), p. 116-117; Β. M. Marti, Vacca in Lucanum, dans Speculum 25, 1950,
p. 198-214. Les Commenta Bernensia remonteraient au 4e siècle; les Adnotationes seraient
une compilation sensiblement plus tardive (bien qu'antérieure au 10e siècle), mais dérivant
largement du commentaire de Vacca, lui même plus ancien que les scholies de Berne qui
l'utilisent sans le nommer.
6 On pourrait peut-être penser à Vacca comme source commune des deux gloses.
7 E. Pais, I.e.: «stando a Lucano III, 143, un Aurelio Cotta intercedette contro L. Cecilio
Metello, suo collega, il quale si oppose acche, scoppiatta la guerra civile, Cesare si valesse
dell'erario». G. Niccolini, I.e.: Cotta «non può essere che un collega il quale, valendosi della
intercessio, distoglie Metello della impresa temeraria». T. R. S. Broughton se contente de ren
voyer à l'argumentation de Niccolini.
8 Nos deux sources principales sur l'action de Metellus en avril 49 sont, outre Lucain,
Plutarque (Caes., 35) et Dion Cassius (41, 17), dont les récits comportent d'assez nombreuses
divergences. Appien (BC, 2, 41, 164), très bref, est proche de Plutarque; tous deux remontent
à une même source, qui est vraisemblablement Asinius Pollion (cf. pour Plutarque les remar
quesde A. Garzetti dans son introduction à son édition de la Vie de César, Florence, 1954,
p. xxii-xxxiii, et pour Appien, E. Gabba, Appiano e la storia delle guerre civili, Florence, 1958,
AURELIUS COTTA, TRIBUN DE LA PLÈBE 287
César n'en tint aucun compte. Dion Cassius cependant parle d'une rogatio
(έσήγησις), et, faute d'indication précise chez Plutarque et Appien, on ne
saurait a priori le taxer d'inexactitude: la lex Gabinia de 67 offrait d'ailleurs
le précédent d'un plébiscite disposant des deniers publics 14. On peut imaginer
dans ce cas que Metellus parla contre la rogatio, et annonça son intention
d'y opposer son veto. Une intercession ne pouvant être annulée par celle
d'un collègue, les tribuns césariens, Antoine et Cassius, n'auraient eu d'autre
solution juridique que de faire voter par le peuple la déposition de Metellus,
selon la procédure utilisée par Ti. Gracchus contre Opimius en 133, et
encore par Gabinius contre Trebellius en 67. Mais César, qui s'affichait
en défenseur de l'intercession tribunitienne 15, ne pouvait guère recourir à ce
moyen d'action: en dépit des précédents populäres dont il aurait pu se
réclamer, il risquait de compromettre son crédit auprès du peuple et
n'était peut-être pas sûr de réussir dans son entreprise. Il était plus simple,
par exemple, d'empêcher Metellus d'assister au vote ou de se faire entendre 16.
Quoi qu'il en soit, que le tribun ait été empêché d'user de son droit de
veto ou qu'il ait pu le faire sans que César en tînt compte, c'est à lui
que revenait l'initiative d'une nouvelle action. Recourir à la coercition en
faisant arrêter César ou ses agents l'aurait exposé, cette fois, à une interces
sion d'Antoine ou de Cassius, et n'avait aucun sens dans le rapport de forces
existant. Metellus ne s'y risqua pas, et se rendit devant le trésor pour y
renouveler sa protestation. Si l'on en croit Plutarque, dont le récit sur ce
point paraît plus exact, il affronta César en personne devant une foule
nombreuse 17. Il dénonça à nouveau l'illégalité de la mesure qui avait été
14 Plut, Pomp., 25; App., Mithr., 94. V. Mommsen, Droit Public, VII, p. 360-361. Dion
Cassius a été suivi par J. Carcopino, César, Paris, 1936, p. 836, et R. Paribeni, L'Età di Cesare
e di Augusto, Bologne, 1950, p. 150.
15 Cf. Caes., BC, I, 7, 2 (discours à ses soldats): nouum in re publica introductum
exemplum, ut tribunicia intercessio armis notaretur atque opprimer etur; 32, 6 (discours au
sénat): praedicat crudelitatem et insolentiam in circumscribendis tribunis plebis.
16 Cela pourrait expliquer pourquoi Dion Cassius ne dit pas vraiment que Metellus fit
intercession, mais seulement qu'il « parla contre » le projet de loi (άντειπεΐν).
17 Selon Dion (41, 17, 2), Metellus n'aurait eu en face de lui que des soldats indifférents
à sa présence. Mais on est tenté de croire que Dion exclut la présence de César devant
Yaerarium parce que selon· lui le général n'aurait pas franchi le pomerium: ne vient-il pas
de souligner que César s'est adressé au sénat et au peuple εξω τοΰ πωμηρίου (41, 15, 2 et
16, 1)? Or nous savons que César reçut Atticus dans la regia, donc à l'intérieur du pomerium
(cf. AU., 10, 3 a, du 7 avril 49). Il est probable que les difficultés qu'il rencontra, tant auprès
du sénat que du fait de Metellus, l'amenèrent assez vite à se débarrasser de ses scrupules
AURELIUS COTTA, TRIBUN DE LA PLÈBE 289
votée 18, et affirma peut-être qu'on ne pourrait ouvrir le trésor sans porter
la main sur lui, tribun inviolable 19. Il n'y avait toujours rien là qui pût
être l'objet d'une intercession de la part d'un collègue. Tant que Metellus
ne recourait pas à un acte positif comme la coercition, les autres tribuns
ne pouvaient rien contre lui: de même en 55 les collègues d'Ateius Capito
(dont Metellus se réclame dans le discours que lui prête Lucain: III, 125-127)
avaient-ils pu l'empêcher d'arrêter Crassus, mais non de se poster sur son
passage et de le couvrir de malédictions20.
Comment imaginer, d'ailleurs, si l'action de Metellus était tombée sous
le coup de l'intercession d'un collègue, que César n'eût pas aussitôt fait
appel à Antoine ou Cassius, avant de menacer de mort le tribun, et de
compromettre une réputation de modération et de clémence à laquelle il
tenait d'autant plus qu'il la savait populaire21? Comment croire aussi que le
constitutionnels. Le récit de Plutarque paraît confirmé par l'entretien de Curion avec Cicéron:
il y eut affrontement direct entre Metellus et César, qui faillit faire massacrer le tribun, en
présence d'une foule assez favorable à ce dernier (cf. AU., 10, 4, 8: plane iracundia elatum
uoluisse Caesarem occidi Metellum tribunum plebis, quod si esset factum caedem magnam
futuram fuisse. Permultos hortatores esse caedis, ipsum autem non uoluntate aut natura
non esse crudelem, sed quod <putaret> populärem esse clementiam. Quodsi populi Studium
amisisset, crudelem fore, eumque perturbatum quod intellegeret se apud ipsam plebem offen-
disse de aerano. Itaque ei cum certissimum fuisset antequam proficisceretur contionem
habere, ausum non esse uehementerque animo perturbato profectum).
18 Plut., Caes., 35, 3: του δε δημάρχου Μετεκκου κωλΰοντος αυτόν έκ των άποϋέτων χρήματα
λαμβάνειν και νόμους τινας προφεροντος ... (4) Αύοις δε ένισταμένου του Μετελλου καί τίνων έπαινούντων.
C'est par ses paroles que Metellus voulait empêcher César de s'emparer du trésor: le général
lui reproche sa παρρησία (§ 3); quant aux lois invoquées par le tribun, elles interdisaient de
toucher à Vaerarium sanctius sauf en cas de guerre contre les Gaulois (cf. App., BC, 2,
6, 41), ce qui n'avait sans doute pas empêché Sylla de le faire (cf. T. Frank, The Sacred
Treasure and the Rate of Manumission, dans AJP, 1932, p. 360-363).
19 Lucain, 3, 123-125: non nisi per nostrum uobis percussa patebunt I templa latus,
nullasque feres nisi sanguine sacro I sparsas, raptor, opes. Rien de tel chez Plutarque, mais
Dion Cassius souligne que Metellus «montait la garde» devant les portes (41, 17, 2: τας
ΰΰρας αυτών - se. των οησαυρών - έν τηρήσει έποιήσατο · σμικρόν δε δη καί της φυλακής αύτοΰ
ώσπερ που καί της παρρησίας οι στρατιώται φροντίσαντες...), ce qui semble indiquer que les vers
de Lucain ne sont pas pure invention: en se plaçant devant les portes, Metellus obligeait les
auteurs de l'effraction à doubler leur crime d'un attentat sur la personne sacrosainte d'un
tribun. Mais quelle intercession pouvait le contraindre à se retirer?
20 Sur Ateius Capito, cf. l'étude de J. Bayet, Les Malédictions du tribun Ateius Capito,
dans Mélanges G. Dumézil, coll. Latomus 45, Bruxelles 1960, p. 31-45. Même si, comme le
pense J. Bayet, l'épisode de la tentative d'arrestation de Crassus est inventé, le faussaire a
respecté les mécanismes de la « constitution » romaine.
21 Cf. Cic, Ait., 10, 4, 8, cité supra note 16; Att, 10, 8, 6: (Caesar) qui duarum rerum
simulationem tam cito amiserit, mansuetudinis in Metello... César n'a certainement ainsi
290 JEAN-LOUIS FERRARY
tribun qui, par son intercession, aurait contraint Metellus à se retirer, n'aurait
pas fait une brillante carrière dans les années de la dictature césarienne?
Or nous ne savons rien de ce que serait devenu le prétendu Cotta tribun
de la plèbe en 49. A cela s'ajoute encore un argument de poids: le discours
prêté par Lucain à Cotta n'est nullement celui d'un tribun opposant son
intercession à l'initiative d'un collègue. Il n'interdit rien à Metellus, mais
le dissuade seulement de persister dans son entêtement22. Surtout, nous
devons noter qu'il parle au nom des sénateurs qui, selon Lucain, viennent
d'accorder à César tout ce qu'il demandait. Il est dans le poème le représent
ant, le porte-parole d'un sénat déjà prêt à renoncer à la libertas pour
que reviennent la pax et Votium 23, et c'est ce qui nous permet de l'identifier,
dès lors que l'on renonce à l'hypothèse d'un tribun de la plèbe, que rien,
croyons-nous, ne justifie24.
Nous connaissons trois Aureli Cottae vivant en 49 av. J.-C. Un Marcus
Aurelius Cotta était cette année là gouverneur de la Sardaigne; partisan de
Pompée, il fut chassé de sa province et se réfugia en Afrique: sa présence
à Rome en avril 49 est exclue 25. Un second Marcus Cotta avait, pour venger
26 Cf. Val. Max., 5, 4, 4; Dion Cassius, 36, 40. E. Klebs, dans RE, s. v. Aurelius n° 108,
col. 2489 (mais on ne saurait le suivre quand il n'exclut pas que les nos 108 et 109 aient
été une seule et même personne). Pour la date de la propréture de Carbo, v. T. R. S. Broughton,
MRR, II, p. 181 et 191.
27 Cf. E. Klebs, dans RE, s.v. Aurelius n° 102, col. 2485-2487.
28 L. Cotta devait être en 49 le plus ancien censorius survivant, après M. Perpenna
(cos. 92, cens. 86) qui mourut cette année-là âgé d'environ 98 ans. Déjà nous le voyons, le
1er janvier 57, être appelé le premier par le consul P. Lentulus Spinther à donner son avis
sur le rappel d'exil de Cicéron (Pro Sestio, 73).
29 Caes., BC, 1, 6, 5: prouinciae priuatis decernuntur, duae consulares, reliquae prae-
toriae... Philippus et Cotta priuato consilio praetereuntur neque eorum sortes deiciuntur.
30 Le récit de Plutarque n'est pas lui non plus au-dessus de tout soupçon, si la source
en est bien le césarien Pollion. Toutefois il nous paraît plus vraisemblable que celui de Lucain.
Une intervention d'un sénateur auprès de Metellus n'aurait de sens que si César avait été
autorisé à vider le trésor par un senatus-consulte, ce qui n'est pas certain, et nous savons
que les sénateurs présents à Rome en avril 49 ne furent pas aussi dociles que le prétend
Lucain. A cela s'ajoute le silence de Caelius et de Curion, et plus encore de Cicéron lui-même,
sur une intervention de Cotta. On ne saurait s'étonner que Lucain l'ait inventée, quand on
remarque qu'il n'a pas hésité à faire parler Cicéron au conseil de guerre précédant Pharsale,
alors qu'en réalité il n'y participa pas (VII, 62-85).
292 JEAN-LOUIS FERRARY
31 Suet, diu. lui., 79, 4: fama percrebuit proximo autem senatu L. Cottam quinde-
.
cimuirum sententiam dicturum ut quoniam fatalibus libris contineretur Parthus nisi a rege
non posse uinci, Caesar rex appellaretur. Cic. (diu., 2, 110) confirme ce que rapporte Suétone
sans nommer le quindecimuir en question; on comprend qu'il ait été gêné de s'en prendre
nommément à un homme qui l'avait beaucoup aidé lors de son retour d'exil, et dont il restait
l'ami (cf. Fam., 12, 2, 3 et Phil, 2, 13). Notons que le discours que Lucain prête à Cotta
convient bien à un homme politique qui semble avoir été désireux avant tout de préserver
la paix civile, s'illustrant en 70 par une loi judiciaire qui renforçait la concordia ordinum,
et accueillant l'assassinat de César comme l'amère promesse de nouveaux conflits (cf. Cic,
Fam., 12, 2, 3). Le Cotta de Lucain parle en nobilis sans illusion: il sait bien que la victoire
de César signifie une tyrannie (regnum) qui préservera tout au plus l'apparence de la liberté;
que du moins cet asservissement soit compensé par la paix: ocius auertat diri mala semina
belli (III, 150). L. Cotta n'aurait peut-être pas désavoué ce discours.
ROBERT FLACELIERE
1 Cette étude voudrait être un hommage de reconnaissance envers mon ami, collègue
et confrère Jacques Heurgon, qui souvent, à l'occasion des problèmes d'histoire romaine que
me posent les Vies de Plutarque, m'a apporté une aide généreuse et efficace.
2 Comparer ce qu'a écrit Plutarque dans la préface de la Vie d'Alexandre, 1, 2-3.
3 Cf. Cat. min., chap. 22-23, et Brut, 5, 3: il s'agit de la séance du Sénat où s'affron
tèrentCaton et César, lors du consulat de Cicéron, en décembre 63 avant notre ère, à propos
du sort à réserver aux complices de Catilina arrêtés à Rome; César opinait pour la clémence,
et Caton pour la rigueur.
4 Cf. Brut, 5, 3: «Caton s'écria que César se comportait de façon scandaleuse en recevant
des communications et des lettres des ennemis de l'Etat».
5 Servilia, mariée d'abord à M. Junius Brutus, dont elle avait eu Brutus, le futur
meurtrier de César, devenue veuve, s'était remariée avec un ami de son frère Caton, Julius
Silanus, à qui elle donna trois filles. Voir par exemple J. Carcopino, Profils de conquérants,
291-293.
6 Φαίνεται δ' όλως ατύχημα γενέσθαι τοϋ Κάτωνος ή γυναικωνΐτις.
294 ROBERT FLACELIÈRE
7 Cf. Luc, 38, 1, où Plutarque dit aussi que Lucullus avait épousé la sœur de Caton.
Mais, en réalité, Servilia, femme de Lucullus, était la nièce de Caton, fille de Q. Servilius
Caepio, lui-même demi-frère de Caton: voir J. van Ooteghem, Lucullus, 168.
8 Voir Cat. min., 7, 1-3: Caton, encore très jeune, avait projeté d'épouser Lepida, mais
Metellus Scipion, après avoir rompu ses fiançailles avec elle, l'avait reprise, et Caton, furieux, « exhala son
dépit dans des iambes où il accablait d'injures Scipion avec l'amertume d'Archiloque, sans aller
toutefois jusqu'à l'obscénité et à la puérilité». - Atilia était la fille de Sextus Atilius Serranus
Gavianus. Elle donna à Caton les deux enfants dont il est question, Cat. min., 73, 2-3: Marcus
Porcius Cato, et Porcia.
9 Ce mariage dut avoir lieu vers l'année 62 ou 61. Le père de Marcia était L. Marcius
Philippus, consul en 56, à qui J. van Ooteghem a consacré une monographie: voir à cet endroit,
p. 183-185. Cf. ci-dessous la note 23.
10 Καυάπερ έν δράματι τφ βίφ τούτο το μέρος προβληματώδες γεγονε και απορον.
11 Le stoïcien P. Clodius Thrasea Paetus, que Néron fit mourir en l'an 66 de l'ère chrétienne,
avait écrit une biographie de Caton le Jeune dans laquelle il se référait à un livre de souvenirs
écrit par Munatius Rufus; cette biographie de Thrasea est sans doute la source principale de
celle de Plutarque, qui, d'ailleurs, quoi qu'on en ait dit, a consulté aussi beaucoup d'autres
ouvrages.
12 Q. Hortensius Hortalus (114-50), fut longtemps l'émule de Cicéron, qui fit l'éloge de
ce grand orateur, notamment Brut, 301-303.
13 Michel Humbert, Le remariage à Rome, 98, note 25, a rapproché de ces mots un
passage de la Laudatio uxoris, dite Laudatio Turiae (M. Durry, Eloge funèbre d'une matrone
romaine, C.U.F.), II, 35-36: ac futures liberos te communes proque tuis habituram adfirmares.
On sait que «Turia», ne pouvant pas avoir d'enfants, proposa à son mari de divorcer pour
la remplacer par une femme jeune et féconde.
CATON D'UTIQUE ET LES FEMMES 295
civile entre César et Pompée en janvier 49, Caton voulut suivre Pompée,
qui abandonnait Rome. Alors, « comme sa maison et ses filles avaient besoin
d'une tutelle, il reprit Marcia»17. César, dans son Anti-Caton, pamphlet
écrit après le suicide de Caton à Utique, osa insinuer que Caton avait
aimé l'argent au point de vendre sa femme, « car, dit-il, s'il avait besoin
d'elle, pourquoi la cédait-il, et, s'il n'en avait pas besoin, pourquoi la re
prenait-il, à moins que cette malheureuse n'eût été dès l'abord qu'un appât
offert à Hortensius, à qui il la prêta jeune pour la reprendre riche? » 18
Mais Plutarque s'élève avec indignation contre une telle calomnie, allant
jusqu'à citer les vers 174 sq. de V Héraclès d'Euripide, pour conclure: « C'est
tout un de reprocher à Héraclès d'être lâche et d'accuser Caton d'être
cupide. » 19
En une autre circonstance, qui doit se placer vers l'année 60 20, Caton
avait refusé pour des jeunes filles de sa maison une alliance plus presti
gieuse que celle d'Hortensius. Pompée le Grand fit demander en mariage
par l'intermédiaire de Munatius Rufus deux nièces de Caton alors nubiles,
la plus âgée pour lui-même, la plus jeune pour son propre fils21.
Mais Caton, à cette date, suspectait l'honnêteté de Pompée et considérait
son ambition comme dangereuse pour la république. Il refusa donc, au grand
désappointement des femmes de sa maison, éblouies par la perspective
d'alliances si flatteuses, et Plutarque nous fait presque assister aux discus
sions qui eurent lieu alors au sein de la famille. Mais Caton demeura
inflexible et dit à Munatius: « Va répondre à Pompée que l'on ne peut
prendre Caton par les femmes ». Toutes les femmes de la maison furent
fâchées de ce refus, et les amis de Caton blâmèrent une attitude « si dure
22 Cat min., 30, 4-6. Toute la suite (30, 7-10) serait aussi à citer.
23 J. van Ooteghem, Lucius Marcius Philippus et sa famille, 185, note 1 donne une liste
de références, qui n'est sans doute pas exhaustive: Lucain, Pharsale, 2, 326-391; Quintilien,
Inst. oral, 3, 5, 11, 10, 5, 13; Appien, B. Civ. 2, 99; Strabon, 11, p. 515; Tertullien, Apolog., 39, 12.
24 Peuple d'Hyrcanie, près de la côte sud-est de la mer Caspienne.
25 Enrica Malcovati, Quaderni di Studi Romani, Donne di Roma antica, 1 (1945), p. 5,
suggère que cette assertion de Strabon pourrait provenir de Stoïciens qui, voulant justifier la
conduite de Caton dans cette affaire, auraient eu recours à des «parallèles ethnographiques».
26 Voir P. Noailles, Fas et Jus, 7 sqq.
298 ROBERT FLACELIÈRE
* * *
Nous croyons donc que la « vieille coutume des Romains » dont parle
Strabon existait réellement, en dépit du manque d'exemples concrets autres
27 Sur la date erronée que donne Plutarque, Rom., 35, 4, voir ce que j'ai écrit Rev. Et. Gr.,
61, 1948, 102 sq.
28 Michel Humbert, Le remariage à Rome, 132 sq.
29 Plut., Numa, 25, 2 (Compar. de Lyc. et de Numa, 3). Ce passage de Plutarque est
lui-même confirmé par quelques lignes de Saint Augustin (De bono conjug., 15 = P. L. 40, 385)
que cite M. Humbert, Le remariage à Rome, 98 sq., note 26.
30 Plut, Lyc, 15, 13; comparer l'histoire racontée par Hérodote, 6, 61-63.
31 Plut., Numa, 25 (Συγκρ., 3), 4.
32 Plut., Cat. min., 25, 5.
CATON D'UTIQUE ET LES FEMMES 299
33 Je ne puis donc souscrire à ces lignes de Pierre Grimai, L'amour à Rome, 263: «Que
Caton ait été séduit par la bizarrerie, le caractère unique de l'aventure, n'en doutons pas».
34 Traduction de A. Bourgery dans la C.U.F.
300 ROBERT FLACELIÈRE
35 Ρ. Grimal, L'amour à Rome, 263. P. Grimal observe aussi avec raison que la cession
de Marcia à Hortensius était bien différente des nombreux divorces que les mœurs admettaient
et constituait pour Caton «un sacrifice délibéré au bien de la cité».
36 Plut., Cat. min., 3, 8-9, et 1.1, 3.
37 Voir notamment Cat. min., 6, 5-6, où Plutarque affirme cependant que Caton «ne
désirait pas se faire remarquer par ses singularités et bizarreries, mais seulement s'accoutumer
à n'avoir honte que de ce qui est vraiment honteux et à mépriser le reste de ce que condamne
l'opinion ».
38 Voir D. Babut, Plut, et le Stoïcisme, 174, et les références données dans la note 6
de cette page.
CATON D'UTIQUE ET LES FEMMES 301
CAMILLE ET GANYMEDE
1 Comparer, pour prendre un exemple voisin, Alumento qui, chez Accius, Trag. 6534,
désigne Laomédon (cf. Paul-Fest. 16, 28); le mot a dû passer par le canal étrusque.
2 Namen des griechischen Mythos im Etruskischen, KZ. Ergänzungsheft 5, 1928, p. 68.
3 Ibid., p. 67.
4 RPh. 1930, 73 (dans sa critique du livre de E. Fiesel).
304 PIERRE FLOBERT
11 Cf. les gloses par minister (Paul.-Fest. I.e.), avec les variantes administer (Varron),
praeminister (Servius) et famulus (Virgile).
12 Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Berlin, Weidmann, 1904 (reprod. 1966): p. 290
(anthroponymes Camellus, Camillius en territoire étrusque), 322 (ton initial de camillus
d'après Quintilien, 1, 5, 23).
13 Acousilaos ap. Strab. 10, 3, 21 (= C 472).
14 Varron, LL. 5, 58, fait déjà une allusion précise aux dieux de Samothrace. Sur le
nombre exact des Cabires et leurs noms, question très emmêlée, voir la récente mise au point
de F. Vian, Les origines de Thèbes, Klincksieck 1963, p. 154-157 (avec la bibliographie).
15 2, 51.
16 Cf. déjà Hérodote, ibid.
306 PIERRE FLOBERT
17 Sur une amphore attique à figures noires du Louvre, cf. F. Vian, l. c, p. 36, n° 2;
pour la phonétique, voir Schwyzer, Griechische Grammatik, I 208, München, Beck, 1934.
Le cas de οσμή n'est pas comparable, car le suffixe peut aussi comporter une sifflante initiale
(originale ou analogique).
18 Ainsi Ph. Berger, MSL. 6, 1889, 144 dans son étude sur camillus, p. 140-149; la
suggestion vient d'ailleurs de Saussure, l. c, p. 144.
19 Walde/Hofmann, Lat. etym. Wörterb., I 147, Heidelberg, Winter, 1937.
20 Le rattachement à Κάδμος lui-même peu susceptible de dépendre de κέκασμαι « briller »
n'explique rien, et en particulier le suffixe. Il reste bien sûr le recours à d'autres langues, le
sémitique par exemple; on l'a fait: après Gesenius, Ph. Berger, MSL. 6, 1889, 144, propose
CAMILLE ET GANYMÈDE 307
un modèle phénicien: qadm El «celui qui se tient devant Dieu», «serviteur de Dieu»; cer
tains se sont laissé tenter (v. Walde/Hofmann, I.e.), mais comment prouver la moindre influence
sémitique, voire phénicienne, sur les cultes de Samothrace? Aucune étymologie ne s'impose.
21 Cité par Thurneysen dans le Thesaurus, sous camillus. Marce Camitlnas est peint
sur une fresque de Vulci (Tombe François) auprès d'un personnage qui égorge son adversaire
nommé Cneve Tarchu(nies) Rumach; cette scène, si importante pour l'histoire de Rome
archaïque (un Camille tuant un Tarquin?), a été abondamment commentée; voir l'exposé très
riche de A. Alföldi, Early Rome and the Latins, Ann Arbor, 1963, p. 212-231 et planche XII.
Il faut renoncer (ne serait-ce que pour des raisons phonétiques) à l'interprétation séduisante
proposée par J. Heurgon, Recherches sur... Capoue Préromaine, De Boccard, 1942, p. 68-69:
Marcus de Camars (Clusium); v. A. Hus, Vulci étrusque et étrusco-romaine, Klincksieck, 1971,
p. 103, n. 4 (cf. aussi notre note 22).
22 Le suffixe -nas est abondamment représenté sur ces fresques: Laris Papathnas (de
Volsinii), Pesna Arcmsnas (de Sovana); on voit qu'il ne sert pas à constituer des ethniques,
à la différence de -ach, mais bien plutôt des gentilices.
23 Signalons, pour être honnête, que le rattachement de camillus à Catamitus (ou plutôt
Catmite) n'est pas entièrement inédit. En effet M. Mayer, cité par P. Kretschmer, KZ. 55,
1928, p. 85 n. 1, a eu l'idée de tout tirer du Καδμΐλος de Samothrace. Dans cette perspective,
Catmite ne dérive plus de « Ganymède », mais en constitue seulement un Ersatzname. Au fond,
cette hypothèse fait penser à celle, plus récente et moins explicite, de Benveniste (cf. notre
308 PIERRE FLOBERT
Ces autels n'étaient point des temples. Visiblement dressés en plein air
comme des cippes, dans un espace assez limité entre l'esplanade du futur
sanctuaire capitolin et les abords du Forum, les Romains de l'époque classique
n'arrivaient guère à les identifier matériellement, sauf peut-être pour la déesse
(Vénus) Cloacina, parce que, là, une tradition insistante avait fixé un moment
décisif de l'accord entre les Sabins de Titus Tatius et les compagnons de
Romulus.
Dans ses récentes Recherches sur la légende sabine des origines de
Rome, M. J. Poucet a noté les diverses incertitudes qui pèsent sur ce sujet;
car, sur le fond d'une tradition commune, qui traitait ces arae Tatiae comme
un ensemble et croyait en posséder une liste, les Anciens ne pouvaient
sans embarras expliquer l'origine: ils se rendaient compte, d'une part que
ces fondations d'autels ne ressemblaient pas aux dédicaces officielles du
culte romain (T. Tatius n'en aurait conçu que le votum), d'autre part que
les divinités invoquées - sabines, pensait-on - l'avaient été en pleine action
guerrière, et par une sorte de « recours » religieux adressé sur place. Exacte
réplique, en ce sens, à la fondation du culte et du temple de Jupiter Stator,
que la même tradition attribuait à une suprême prière de Romulus durant
la même mêlée.
Pour ce culte, M.-J. Poucet a donné l'exemple d'une enquête systéma
tique qui l'a conduit à cette conclusion: le sanctuaire de Jupiter Stator,
au sens du dieu qui avait, par sa brusque intervention, « stabilisé » une
armée menacée de déroute, ne remonte qu'à un épisode religieux de la
bataille de Luceria, en 294 av. J.-C.1. Sans prétendre arriver pour les autels
de Titus Tatius à un résultat aussi précis, ni même à un abaissement de
II est vrai que l'autel en cause était celui de Terminus, et que 1'« autel »
de ce dieu, borne magique plutôt que table d'offrandes, avait dû être soumis
à des interdits spéciaux. Terminus avait-il été amené au Capitole par les
« Sabins » de Titus Tatius? On aurait le droit d'en douter; mais le récit
romain de cet essai d'exauguratio nous paraît s'accorder avec la valeur qui
avait été donnée primitivement à toutes les arae Tatiae: cippes fichés direct
ementdans le sol et restant « à ciel ouvert » - sub divo, non pas seulement
par règle de sobriété, comme dans les cultes attribués à Numa, mais en
vertu d'une relation superstitieuse établie entre eux et les régions célestes.
Nous avons lieu de croire que, parmi les autels de culte romain, un
petit nombre seulement pouvaient être touchés par des armes de guerre,
approchés - en vue d'une opération de culte, sacrifice ou autre - par des
guerriers en armes!
Il se trouve qu'un rite au calendrier officiel, inscrit au 19 octobre,
V armilustrium, impliquait ce contact exceptionnel, et il se trouvait aussi
que, pour les Romains, ce rite voisinait avec le souvenir du roi Titus Tatius;
il se pratiquait dans un portique (à ciel ouvert) sur l'Aventin, quartier just
ement dit vicus Armilustri, à peu de distance du lieu, le lauretum, où l'on
situait la tombe du même chef sabin 9. Ces faits pourraient être quasi-fortuits;
et ce quartier de l'Aventin est de toute façon éloigné de la région Capitole-
Forum où l'on situait les arae Tatiae! Ce qui nous oblige à les considérer
avec un minimum de curiosité, c'est la nature de l'incident qui avait provo
quéla mort de Titus Tatius et inspiré des controverses sur sa sépulture:
le roi sabin, racontait-on, avait eu des démêlés avec les Laurentes de Lavi-
nium, dont les legati (ambassadeurs, ou peut-être oratores du type des
fetiales?) se plaignaient d'avoir été insultés, non exactement par Titus Tatius,
mais par certains Titinii latrones rapprochés de lui. Tatius, n'ayant pas cru
devoir offrir les réparations demandées, les Laurentes en cause l'avaient
9 Textes principaux de Varron, L.I., V, 153 et VII, 22, pour V armilustrium; du même, L.I.,
V, 152, et Festus, p. 496 Lindsay, sur le lauretum et la sépulture de T. Tatius. - Remarques
utiles de W.' Crous, dans les Rom. Mitteil, 48, 1933, p. 1-73, sur le local de l'Aventin appelé
Armilustrium, à propos de piliers ornés d'armes conservés aux «Uffizi» de Florence, et qui
paraissent provenir de là.
LES AUTELS DE TITUS TATIUS 313
guetté: alors que les deux rois devenus collègues étaient allés à Lavinium
faire un sacrifice solennel (visiblement archétype de celui que les magistrats
romains célébraient régulièrement à partir de 338 av. J.-C), Tatius aurait été
brusquement égorgé: près des autels, et - détail frappant - avec les « broches
sacrificielles » d'ordinaire employées en ce lieu . . . 10.
Peu de récits romains sur l'époque royale présentent, à première vue,
autant d'invraisemblances ou d'extravagances; en particulier, le rôle interméd
iaireattribué aux Titinii latrones a de quoi lasser tout enquêteur11. Et
pourtant! N'avons-nous pas affaire à une querelle rituelle, entre deux façons
opposées d'approcher d'un autel? Entre deux conceptions même de la
valeur de l'autel et de sa forme? Si l'image des arae Tatiae plantées à Rome
nous reste encore indécise, du moins pouvons-nous aujourd'hui nous repré
senter mieux qu'autrefois les autels de Lavinium près desquels ce drame
était censé s'être produit. De belles découvertes des archéologues italiens
ont mis au jour, on le sait, hors de l'enceinte de l'antique capitale des
Laurentes (auj. Pratica di mare), une rangée de 12 autels alignés, plus un 13e
qui a dû être construit séparément 12. Culte de ces « Pénates » qui peu à peu
allaient passer là pour apportés par Enée? Culte de Castor et Pollux, tel
que des découvertes antérieures l'avaient garanti? Aucune inscription n'est
venue aider à une identification; mais les monuments paraissant remonter
au Ve, voire au VIe siècle, nous avons le droit de les tenir pour lieux du
culte que l'ensemble des Latins célébraient - avant toute mainmise romaine -
aux portes de la quasi-métropole de Lavinium.
Que ces autels aient, dès le début, porté des symboles « troyens », nous
en doutons, malgré la séduction des suggestions faites à ce propos par
A. Alföldi; et nous ne croyons pas sûr non plus que, à quelque distance
de là, un monument apparemment du IVe siècle ait été Vhéroon d'Enée
lui-même, comme le voudrait un des archéologues responsables des fouilles 13.
10 Récit principal chez Denys, II, 52; court résumé chez Liv., I, 14, 3: nam Lavini, cum
ad sotterrine sacrificium eo venisset, concursu facto interficitur (sic). - Denys, loc. cit., signale
la version différente (de Licinius Macer): T. Tatius aurait été mis à mort par «lapidation».
11 Dans une étude sur « les Tarquins au Capitole et l'élimination des rituels sabins du
cycle «pétronien», à paraître dans YAntiq. Classique en 1976, nous suggérons qu'il a pu
s'agir d'une catégorie de danseurs rituels comparés à des chiens aboyant à la lune.
12 Ces découvertes ont été exploitées et interprétées par A. Alföldi dans son ouvrage
Early Rome and the Latins, p. 265 ss. Ajoutons qu'une étude sur le même sujet est annoncée
dans les Mélanges J. Carcopino préparés par la Société archéologique de l'Aube, du savant
que nous honorons dans le présent recueil.
13 L'attribution à un culte d'Enée comme « héros » a été défendue par Sommella, dans
Archeol. Class., XXI, 1969, p. 18 ss., cf. F. Castagnoli, dans la même revue, XIX, 1967, p. 235 ss.
314 JEAN GAGÉ
II reste des recherches à faire pour replacer cette catégorie de grands autels
(construits sur soubassement) dans l'ensemble varié des formes employées
dans l'Italie antique: à Lavinium, l'influence des cultes grecs est sans doute
déjà perceptible au Ve siècle. A travers les prescriptions rituelles des Tables
Eugubines, un archéologue comme F. Castagnoli a pu comparer un autre
type d'autel, plus indigène, et soumis à des prescriptions superstitieuses14;
l'incertitude du vocabulaire ombrien limite aujourd'hui encore les possibilités
d'une comparaison, que nous essaierons bientôt d'étendre aux cippes de
Bantia, découverts il y a quelques années.
Le détail archéologique qui nous paraît digne d'une réflexion appro
fondie, voire capable de conduire à une relative historicisation de ces vieux
récits, c'est l'existence, dans la Lavinium du IVe siècle, d'objets « en fer et
en bronze », que Timée de Tauroménion appelle des « caducées » (grec:
κηρύκεια): ils étaient conservés - avec un vase de céramique dit « troyen »
- κεραμον Τρωϊκόν - justement dans le temple des «grands Dieux», ou
Pénates. L'historien sicilien assure tenir ses renseignements des Lavinates
eux-mêmes. Laissons le κεραμον, sur lequel l'érudition archéologique de
A. Alfoldi a travaillé avec une grande ingéniosité. A quoi avaient servi ces
« caducées »? N'étaient-ils pas identiques, au point de départ, à ces βούποροι
όβελοί, ces « broches à transpercer les bœufs », dont, aux dires de Denys
d'Halicarnasse, les ennemis de Tatius (des Laurentes) auraient égorgé le roi
sabin, par représailles, ainsi qu'avec de simples couteaux de boucherie!
L'image est atroce, mais d'une atrocité volontaire: les meurtriers prétendaient
venger une insulte (nous ne savons laquelle) que Tatius avait laissé commettre
contre leurs « ambassadeurs ». Une querelle de « droit public » est donc
jointe à celle du sacrifice proprement dit. Rien ne ressemble plus à une
« broche » - lame longue entourée ou terminée de spirales - que le symbole
du « caducée », tel que, à partir du culte d'Hermès-Mercure, l'ont porté les
« hérauts », les praecones romains comme les κήρυκες du monde grec. Insigne
d'autorité (à l'origine, sans doute de l'action magique d'une présence divine),
il garantissait une loyale négociation de paix; plus généralement, sous l'Empire
romain, il allait signifier une attente de bonheur, de félicitas 15.
14 Voir les remarques de ce savant (F. Castagnoli) sur la « tipologia » des autels de Lavi
nium, dans le Bull. Corn, de 1959 (t. 77), p. 189 ss.
15 Noter la ressemblance de forme avec les objets de fer connus dans l'archéologie celtique
comme des «broches» utilisées en certaines pesées (cf. le Manuel Déchelette, II, 2, p. 797),
et dont nous paraissent avoir été proches les symboles, d'abord fulguratoires, appelés primitive
ment manubiae dans une tradition capitoline.
LES AUTELS DE TITUS TATIUS 315
Nous doutons que les objets très anciens ainsi montrés à Timée aient
eu la forme de ces caducées classiques; mais cette équivalence devait corre
spondre et à leur apparence, et au rôle qu'ils avaient joué dans des usages
cultuels archaïques: rappelons que la querelle entre les Laurentes et les
Sabins de Titus Tatius avait commencé, apparemment, sur les formes d'une
négociation entre « légats » (refus par les Sabins de quelque règle de protoc
ole); de cette rencontre de mots, d'ailleurs - que Tatius, victime de cette
querelle avec des Laurentes, ait eu sa tombe, à Rome, dans le quartier de
l'Aventin appelé le lauretum - la plupart des critiques modernes ont conclu
à un malentendu 16; cependant, l'opposition rituelle entre ces groupes sur
les formes d'une « lustration », des manières peut-être différentes d'employer
le laurier à cet usage, n'ont rien non plus d'invraisemblable.
Le caractère sauvage de l'assassinat, près des autels où Titus Tatius allait
« sacrifier », et avec des instruments de sacrifice pris au même endroit, ce
récit affabule nécessairement, à notre avis, une querelle rituelle portant part
iculièrement sur la façon de sacrifier, de s'approcher des autels, éventuelle
ment d'y faire couler ou non le sang des victimes animales.
Par-dessus tout, les autels lavinates ont dû chercher à se défendre de
la prétention de les aborder « en armes »; or, toutes les images que la tradi
tion romaine nous a laissées du roi Titus Tatius et de ses compagnons
évoque comme le cliquetis d'un armilustrium permanent. Dans le culte
romain officiel, cette opération n'est marquée que pour un ou deux jours
au calendrier; alors seuls les danseurs spécialisés que sont les « Saliens »
procèdent à cette lustration des armes. Que le lieu d'une de ces purifications,
sur l'Aventin, ait été tout proche de ce qu'on appelait la tombe du roi sabin,
c'est là le résultat d'une contamination de thèmes comme inévitable. En
fait, dans l'épisode même de Tarpéia, il y a les éléments d'un armilustrium,
de type rare et violent 17.
Le mélange de clans sabins avec le rameau latin des Laurentes, sur la
rive gauche du Tibre et près de son embouchure, pour une époque ancienne
(VIIe au Ve siècle?), n'est pas impossible à concevoir, sans aller, comme
quelques érudits, jusqu'à supposer qu'une catégorie exista chez les Laurentes,
16 P. ex. J. Poucet, op. cit., p. 287-288: «La raison du choix de l'endroit semble claire:
c'est vraisemblablement parce que Tatius avait été tué par les Laurentes que l'on imagina de
placer sa tombe in Laureto».
17 Nous avons été amené à souligner les affinités avec V armilustrium dans le récit sur
Tarpéia, par une interprétation un peu différente de celle de Mme S. Gansinieö (culte «hoplo-
latrique»?), en l'étude ci-dessus annoncée de L'Antiq. Classique.
316 JEAN GAGÉ
qui aurait correspondu, par exemple, à celle des Titienses. Mais le plus
probable est que la population de Lavinium resta hostile aux modes « sabins »
de l'organisation militaire et religieuse. La distance qui, sans doute pour une
même époque, sépare le style des autels solennels de Lavinium des arae
sommaires attribuées à Titus Tatius donne, croyons-nous, une signification
presque historique au récit de leur conflit violent avec le légendaire roi
sabin. Un peu partout dans le Latium, les traditions « troyennes » se sont
développées autour d'usages précis auxquels les Latins étaient attachés, et
que leurs voisins moins évolués - le plus souvent les Rutules - méprisaient
ou menaçaient. Ce sont les armes trop bruyantes de quelques groupes sabins,
leur approche indiscrète des lieux réservés aux rites, qui ont transformé
sans doute en reliques d'Enée, dans un sanctuaire de Lavinium, ces curieux
objets archaïques, pareils à des caducées, que les Laurentes avaient dû
brandir, en les croyant inviolables, et dans les négociations de trêve, et dans
les préparatifs sacrificiels.
3 - Des autels de Tatius aux cippes de Bantia: leur rapport probable avec
V intégration dans les curies; les rites possibles de « Caenina »?
Ces autels votifs que l'on supposait fondés par Titus Tatius à Rome, il
va de soi qu'ils ne se confondent pas directement avec les tables d'offrande
intérieures aux curies, et que Festus appelle mensae curiales 18. Mais un
rapport indirect est vraisemblable de principe: il nous est dit que l'on voyait
en chacun de ces locaux consacrés une table-autel que justement Tatius y
avait fait dresser en l'honneur d'une Junon Curitis 19. Le nom donné à cette
sorte d'Héra ne peut être séparé du vocabulaire des curiae elles-mêmes;
toutes les tentatives faites par des modernes pour les dissocier sont aujour
d'huicaduques ou inefficaces; et le plus probable est qu'un vocable concret,
sabin ou non, tel que *quiri(s), *quiru, avait réellement désigné une lance
sacrée, celle qui peut-être avait donné le nom initial à cette unité primitive
que les Romains appelaient une curia20.
18 Festus (d'après Paul), p. 56 L.; cf. les remarques de Robert E. A. Palmer, The archaic
community of the Romans, 1970, p. 102 et 120.
19 Denys, II, 50; cf. R. Palmer, op. cit. p. 168 ss.; Poucet, op. cit., p. 322.
20 Information très « à jour » dans l'article Quiris-Curis, par W. Eisenhut, publié dans la
RE, 47° Hbd, en 1963, col. 1324-1333. L'A. rappelle la suggestion faite en 1901 par Reitzenstein,
de lire le nom de la même lance, curi, à la place de curru, dans la prière à la Iuno Curitis
de Tibur, conservée par Serv., ad Aen., I, 17. Voir aussi infra, à propos des vernulae.
LES AUTELS DE TITUS TATIUS 317
24 Voir la note de K. Latte, dans sa Rom. Religionsgesch., p. 133, qui signale la probable
ressemblance avec l'entrée des jeunes gens grecs dans les «phratries».
25 Voir nos Matronalia, p. 202.
26 Dans les Rendiconti dell'Accad. dei Lincei (classe Se. mor.), XXI, 1966, p. 293-315.
27 « L'auguraculum » de l'«arx» à Rome et en d'autres villes», dans la REL, XLVII, 1969,
p. 253-269.
LES AUTELS DE TITUS TATIUS 319
Les cippes de Bantia datent apparemment des derniers siècles av. J.-C.
La forme des noms est presque latine, avec des restes de dialecte osque
(ainsi Flus.). Plusieurs de ces noms sont divins, et le datif, à ce qu'il semble,
implique une consécration de chacun de ces cippes-autels à une divinité:
Solei, Ioui . . . L'éditeur a cependant dû admettre des abréviations, et chercher
à les développer: pour SINAV, avec raison sans doute, il propose le déve
loppement sin(istrae) au(es), qui correspond très bien à une définition
augurale. Nous excusera-t-on de mettre en doute la lecture qu'il propose
pour un autre cippe (le 1er de la série): les lettres CAEN lui ont paru être
l'abréviation de Cge(lus) n(octurnus)?
Certes, on ne peut s'attendre à rencontrer directement en cette région
de l'Italie, très éloignée de Rome, le nom de la bourgade avec laquelle Romul
us avait eu démêlés et guerre: Caenina. Mais nous chercherions une divi
nité - pour le moins un « génie » - capable d'être invoqué, dont le nom
serait apparenté avec ce toponyme, pour nous obscur.
Point de raison de mettre en doute l'existence de la localité, et sa rela
tive importance à une époque ancienne (VIIe siècle environ?), si difficile
qu'il reste pour nous d'identifier son emplacement sur une carte du Latium.
Un fait atteste l'importance qu'elle avait eue, la situation d'héritière où
Rome se trouvait à son égard: des cultes provenant de Caenina étaient
assumés au nom de Rome en pleine époque impériale, par des sacerdotes
Caeninenses (p. ê. qualifiés de maximi, ou summï) 28, de la même façon
qu'étaient servis les cultes des anciens Cabenses, sans parler des sacerdotes
Laurentes Lavinates, de plus haut prestige.
Tite-Live ne connaît que les conflits entre Romulus et le chef des
Caeninenses: ce roi Acro(n), dont les dépouilles allaient finalement assurer
au fondateur de Rome les premières spolia opima à offrir à Jupiter Fere-
trius. La personne de ce roi paraît peu consistante, et absente de la tradition
la plus ancienne29. Mais Denys d'Halicarnasse a conservé un détail curieux:
Romulus, alors qu'il allait fonder VUrbs, aurait voulu se rendre à Caenina
« pour y célébrer un sacrifice » 30. Lequel? - C'est en cette circonstance que
28 Cf. Palmer, op. cit., p. 134-135 et notes; nous pensons comme l'auteur que la réunion
du titre de sac. Cabensis et de curio dans la carrière de Nonius Iustinus (Dessau, ILS 5009)
a de la signification: il devait y avoir particulière affinité entre ces anciens cultes et les primitives
structures des curiae de Rome.
29 Voir la notice Acron de la RE. Le nom n'évoque rien d'original; tout au plus pourrait-on
penser, à partir des vocabulaires grecs, à une désignation de la «pointe de lance», ce qu'exprime
en général le mot cuspis.
30 Denys, I, 79: Romulus serait allé là « pour accomplir les rites indigèmes (Πάτρια) au nom
de la communauté».
320 JEAN GAGÉ
des bergers rivaux auraient fait prisonnier son frère Rémus . . . Comme l'ont
noté quelques critiques, cette version vaut sans doute comme aition pour
les opérations cultuelles dont les sacerdotes Caeninenses avaient la charge
en pleine époque historique.
Sur ce plan religieux, nous ne disposons d'aucune donnée précise.
Mais Caenina joue surtout un rôle - d'une certaine manière le premier -
dans les violences des compagnons de Romulus: les jeunes filles de cette
ville sont parmi les premières « Sabinae » du rapt. Il s'ensuit, pour toute
la tradition antique, que, le jour de la fusion entre la troupe de Romulus
et celle de Titus Tatius, des « Sabins » (?) de Caenina, comme d'Antemnae
et de Crustumerium, entrèrent dans la cité romaine, doublant presque ses
effectifs. Un auteur, rappelant la création de nouveaux Patres à cette occas
ion, les fait choisir « par les curies ». Et comment aurait-on nommé ces
unités avant de disposer des noms des Sabines31?
Il reste peu de choses à dire, après les minutieuses analyses de
M. J. Poucet, sur les mécanismes qui, à un moment donné, ont dû faire
entrer dans le récit, élaboré pour l'essentiel, du combat entre Romulus et
Titus Tatius, l'appel à quelques bizarres divinités, censées capables d'imméd
iate intervention. Ainsi le votum adressé par Romulus à Jupiter Stator...
Nous aimerions pouvoir appeler un tel culte « momentiel ». Rappelons
d'ailleurs que, si le recours à une divinité pendant une bataille, avec pro
messe en cas de victoire, a fait partie des usages courants des magistrats
chefs d'armée romains dans les derniers siècles encore de la République,
l'invocation de Romulus s'apparente surtout à la brusque initiative que
Tullus Hostilius avait prise, d'après la tradition, durant la dure bataille
devant Fidènes; avec la création d'un culte - disons au moins d'un « rite » -
en l'honneur de Pavor et Pallor, la victoire avait été retrouvée de justesse.
Mais ce culte, avec ses « Saliens » spéciaux (?), n'a laissé pour nous aucune
trace, alors que nous voyons naître, à une date historique (294 av. J.-C), le
culte de Jupiter Stator, que nous savons que son temple fut construit ensuite,
sur un emplacement connu, et que le seul problème, en ce cas, est de savoir
comment ce vœu verifiable fut attribué par la tradition ultérieure à Romulus
(on se tirait d'affaire, semble-t-il, en supposant un fanum réservé par le
Conditor, le templum ou aedes ne datant que des lendemains de Lucérie) 32.
31 Ce problème se posait déjà pour Varron, qui n'admettait pas que les curies fondées
par Romulus aient pu porter dès le début les noms de femmes sabines: cf. Poucet, op. cit., p. 100.
32 Sur tous ces problèmes, voir Poucet, op. cit., surtout p. 318 ss.
LES AUTELS DE TITUS TATIUS 321
33 Cf. Poucet, op. cit., p. 241-260 (analyse particulièrement méthodique des versions).
34 Cette équivalence a justement été montrée par J. Heurgon (à la suite de W. Schulze):
voir sa Vie quotid. chez les Etrusques, p. 311-312: «Le surnom que (ce Fabius) portait, et
dans lequel les Latins se plurent à reconnaître le nom qui signifie chez eux "gouffre ou abîme",
n'était en réalité que la transcription d'un nom propre, Curce(s), deux fois attesté à Chiusi».
35 Op. cit., p. 106, n. 3. Un fondateur, Caenis ou Caenites, était supposé: nom certaine
ment fabriqué.
322 JEAN GAGÉ
36 Voir nos remarques, dans la Rh. droit franc, étr. de 1970, p. 4, à propos de la «ligne
pomériale», et dans L'Antiq. Class de 1972, p. 49, 77, au sujet de la disparition de Romulus
dans la nuit des Nones Caprotines.
37 Voir sur le mot les remarques de R. Palmer, op. cit., p. 61-62.
* Le lecteur voudra bien rectifier l'indication bibliographique donnée dans les notes 11
et 17: l'étude à laquelle il est renvoyé est en fait le premier chapitre d'un ouvrage sur La
chute des Tarquins et les débuts de la République romaine, Paris, edit. Payot, 1976.
ANTONIO GIULIANO
1 Circonferenza cm. 86,6; alt. collo 10; diam. bocca 18,5; diam. pancia 28. Photostudio 2.
Sul Gruppo Policromo, da ultimo, con bibl. prec: J. G. Szilâgyi, Etrusko-korinthische polychrome
Vasen, Wissenschaftliche Zeitschrift der Universität Rostock, 16. Jahrgang, 1967. Gesellschafts-
uns Sprachwissenschaftliche Reihe, Heft 7/8, p. 543 ss.; H. Hoffmann, Ten Centuries that shaped
the West-Greek and Roman Art in Texas Collections, Mainz 1970, p. 320, n. 154 (Dallas Museum
of Fine Arts); G. Bartoloni, he tombe da Poggio Buco nel Museo Archeologico di Firenze
Firenze 1972, p. 108, n. ò, fig. 51, tav. LXIII a, e; Nuove scoperte e acquisizioni nell'Etruria
meridionale (presentazione di Mario Moretti), Roma 1975, p. 55, n. 1-2: anfore della Fonda
zioneLerici (A. Emiliozzi Morandi) - p. 203 s., n. 13-14, tav. 50: olpe e anfora della collezione
Pesciotti (G. Bartoloni); A. C. Brown, Recent Acquisitions by the Ashmolean Museum, Oxford,
Archaeological Reports for 1974-75, p. 37, n. 69, fig. 18; sul Gruppo, ora: J. G. Szilâgyi,
Etrusko-Korinthosi Vazafestészet, Budapest 1975.
324 ANTONIO GIULIANO
Fig. 1. Fig. 2.
Fig. 3. Fig. 4.
CHRISTIAN GOUDINEAU
4 Le traité est daté de la seconde moitié du ΙΓ siècle avant J.-C. par P. Moraux, Les
listes anciennes des ouvrages d'Aristote, Louvain, 1951, p. 261 (cité par G. Barruol, ibid.,
p. 63), mais du ΙΓ siècle après J.-C. par son éditeur le plus récent A. Giannini, Paradoxogra-
phorum graecorum reliquiae, Milan, 1966 et Studi sulla paradossografia greca da Callimaco
all'età imperiale, dans Acme, 1964, p. 133-135.
5 Alônis, généralement considérée comme identique à l'espagnole Allo de Pomponius
Mela (II, 93) et de Ptolémée (II, 6, 14) mais revendiquée par F. Benoît {Recherches..., p. 105)
pour la Gaule: ce serait Port d'Alon, dans le Var; Mastramélè, identifiée à Saint-Biaise par
H. Rolland, Un problème de topographie antique: les fouilles de Saint-Biaise et la toponymie
antique, dans Latomus, 1948, p. 169-183; et d'autres, de localisation encore plus conjecturale.
6 Etienne de Byzance, Ethniques, s. v.
7 Cf. références dans P.-M. Duval, La Gaule jusqu'au milieu du Ve siècle, Sources de
l'Histoire de France, Paris, 1971, 1, p. 239. Et J. Brunei, Etienne de Byzance et le domaine
marseillais, dans REA, 1945, p. 130-131.
8 Ibid., p. 122-133.
9 Ibid., p. 124: «l'emploi de ce substantif Μασσαλία pour désigner la région, non la ville,
n'est pas conforme à la valeur première du mot».
10 IV, 1, 8, confirme, en revanche, l'appartenance du delta.
11 César, BC, I, 35, 4. Sur les difficultés du texte, F. Pomponi, Rome et les Volques,
38e Congrès de la Fédération du Languedoc-Roussillon, 1966, p. 109-116. En dernier lieu,
AVIGNON ET LE DOMAINE DE MARSEILLE 327
l'hypothèse ingénieuse mais peu vraisemblable de J.-J. Hatt, Le commerce de Marseille pendant
la guerre des Gaules, dans Hommages F. Benoît, 1972, III, p. 149-151.
12 IV, 2, 3. Cette interprétation, qui est celle de G. Barruol {op. cit., p. 227) et que
J. Brunei (loc. cit., p. 133) proposait également avec prudence, semble devoir être accueillie
avec réserve: quelque traduction que l'on donne du texte de César, les confiscations de terri
toires volques et helviens ne sauraient remonter à une époque antérieure aux campagnes de
Pompée contre Sertorius. Quant aux limites de l'empire arverne selon Strabon, elles sont
présentées en termes très vagues («jusqu'à l'Océan, jusqu'au Rhin»): la source, quelle qu'elle
fût, cherchait à donner l'impression d'une puissance contrôlant l'ensemble de la Gaule de l'Est
(le Rhin) à l'Ouest (l'Océan), du Nord au Sud (Narbonne) et menaçant même Marseille, l'alliée
de Rome; les développements concernant les rois arvernes, Luern et Bituit, ces barbares fastueux
aux armées impressionnantes, allaient dans le même sens.
13 J. Brunei, ibid., p. 129.
14 M. Clerc, Massalia, Marseille, 1927, I, p. 242: «le lexicographe a compté parmi les
"villes" marseillaises des villes simplement fréquentées par les marchands marseillais, qui y
avaient sans doute des établissements plus ou moins permanents, des factoreries».
15 Fr. Villard, op. cit., p. 109; G. Barruol, p. 228.
16 F. Benoît, Recherches..., p. 133: «sans doute» à propos d'Avignon; S. Gagnière,
J. Granier, Avignon de la Préhistoire à la Papauté, Avignon, 1970, p. 67, emploient le terme
vague de «domination de Marseille»; Fr. Salviat, dans Histoire de Marseille, Toulouse, 1973,
p. 26, écrit que Marseille « s'efforce de tenir les terres proches du delta du Rhône, jusqu'à
Avignon».
17 J.-P. Morel, loc. cit., p. 411: «étant donné l'insuffisance de la tradition antique (...)
il est pratiquement impossible d'arriver sur ce point à quelque certitude».
328 CHRISTIAN GOUDINEAU
23 H. Rolland. A propos des fouilles de Saint-Biaise, dans REA, 1949, p. 97, avec références.
24 IV, 1, 5: υπήκοοι.
25 Cf. l'édition, avec une longue introduction, du plaidoyer de Cicéron par J. Cousin,
Les Belles Lettres, 1962 (Cicéron, Discours, t. XV), p. 213-282.
26 § 50.
330 CHRISTIAN GOUDINEAU
27 L'ethnique Avenniensis est bien attesté: CIL, XII, 3169 et 3275: Q. Soilio T. fil.
Vol. Valeriano (...) curatori Cabell. Avenniens. Foroiuliens. Aptenses patrono. Cf. aussi Grégoire
de Tours, Franc, 6, 9: Avenniensis civitatis pontifice. La leçon des manuscrits du Pro Ealbo
est Avennensem (PGEH) ou Avenniensem (HV). On ne voit d'ailleurs pas ce que pourrait
être une éventuelle correction.
28 Notons que le Pro Balbo est notre seule source pour attester un fœdus passé entre
Rome et Ravenne.
29 Au point que J. Carcopino, Histoire romaine, César, Paris, 1950, suppose p. 553, note 121,
que la lex Gellia Cornelia valait tant pour Pompée que pour Crassus «et les soldats qu'il
avait levés contre Spartacus».
30 Le cas n'est pas unique, de Transalpin enrôlé dans les armées romaines. Le grand-père
de Trogue-Pompée, un Voconce, reçut la citoyenneté de Pompée durant la guerre contre Sertorius
- vraisemblablement en même temps que Balbus (Justin, XLIII, 5, 11).
31 Concernant Marseille, toute référence est inutile. Pour les Voconces, Pline, N. H., III,
4, 37: Vocontiorum civitatis fœderatae.
AVIGNON ET LE DOMAINE DE MARSEILLE 331
trois ans plus tard, l'un des chefs de l'accusation portée contre lui par
une délégation gauloise. Au moment des faits relatés par Cicéron32, la
seule cité fédérée de Gaule, c'est Marseille. Celle-ci, à lire Strabon, a
reçu de Rome en 122 un accroissement territorial consistant en une bande
côtière peu profonde qui la relie à Monaco33, et Marius lui a remis l'e
xploitation des fossae qui portent son nom34. En revanche, aucun texte
ne signale une quelconque attribution de terres dans la vallée du Rhône:
les confiscations opérées au détriment des Volques Arécomiques et des
Helviens, auxquelles nous avons fait allusion, sont (au plus tôt) contem
poraines des événements qui nous intéressent - les campagnes contre Sertorius
et Spartacus. En conséquence, dans la vallée du Rhône, la situation demeure
celle de la fin du IIe siècle, à ceci près que Rome l'a reconnue et sans
doute fortifiée.
Notre Avignonnais ne peut donc être « fédéré » que par son apparte
nanceà la civitas fœderata de Marseille. En ce sens, la mention (fugitive,
au point d'être passée inaperçue) de Cicéron confirmerait de manière décisive,
s'il en était besoin, les dires d'Etienne de Byzance et les données de la
numismatique. Mais on peut sans doute en tirer davantage. De même que
Balbus était citoyen à part entière de Gadès, de même, au regard du droit
international consacré par le fœdus, notre inconnu est citoyen de la civitas
fœderata à laquelle il appartient, c'est-à-dire qu'il possède (aux yeux
de Rome) le rang et la qualité d'un homme libre de Massalia. On précise
cependant qu'il est Avignonnais, au lieu de dire simplement massaliote comme
pour cet Ariston qui, toujours d'après le Pro Ealbo, reçut la cité romaine
de Sylla35. Accordons assez de confiance au sens juridique de l'adminis
trationromaine pour penser que cette distinction recouvre une situation
de droit bien précise.
Laquelle? Il n'est qu'une possibilité: celle d'un Etat fédéral
regroupant autour de Marseille un certain nombre de cités (Avignon, Cavail-
lon, Glanon, les Kainikétai) conservant leur individualité propre, leur corps
de citoyens (dont les représentants se réunissent dans le bouleuterion local,
comme à Glanum), frappant selon les normes massaliotes leur propre numé-
32 Mais non au moment où il prononce le Pro Ealbo: cf. § 61: etenim quaedam fœdera
exstant (...) ex Gallia barbarorum.
33 IV, 1, 5.
34 Strabon, IV, 1, 8.
35 Ibidem, § 50: Massiliensem Aristonem L. Sulla (civitate nonne donavit)?
332 CHRISTIAN GOUDINEAU
L'ASPECT FRONDEUR
Cet aspect est indéniable et serait seul en cause si Catulle s'était con
tenté d'écrire les vers 2 et 3, seil, un distique ne prenant pour cibles que
Nonius et Vatinius et ne comportant pas d'apostrophe adressée par le poète
Fordyce, ainsi qu'à F. Della Corte, Due Studi Catulliani, Gênes, 1951, pp. 193-195. On trouvera
une biographie précise de Vatinius pp. 225-233 de l'éd.-trad. de Vin Vatinium aux Belles
Lettres, 1965, par J. Cousin, qui ne dissimule point sa dette à l'ébard de H. Gundel, RE
VIII A 1, 495-520, mais a le mérite d'avoir fait un effort d'équité dans ses jugements sur le
protégé de César.
5 J. Granarolo, L'Œuvre de Catulle - Aspects religieux, éthiques et stylistiques, Paris,
Belles Lettres, 1967, p. 180.
6 C. Deroux, A propos de l'attitude politique de Catulle, dans Latomus, XXIX, 1970,608-631.
CATULLE LU: SIMPLE FRONDE OU PESSIMISME SANS MERCI? 335
à lui-même. Auquel cas, il est vrai, Catulle aurait sans doute fait choix non point
du trimeter iambicus Archilochius (voir éd. Schuster, Leipzig, 19583, p. 110),
mais du distichon elegiacum (cf. ce. LXXXV, XCIII, XCIV, CV, CVI, CXII,
excellemment étudiés par O. Weinreich, Die Distichen des Catull, Tübingen,
1926), puisqu'il n'a écrit que dans ce dernier mètre - disons plutôt: couple
de mètres - les épigrammes qu'il a expressément voulu réduire à deux vers.
Ce faisant, Catulle aurait eu, au surplus, l'avantage de disposer, pour évoquer
ses deux personnages, d'une forme métrique un peu moins condensée et
contraignante.
Il faut précisément le reconnaître, Catulle a accompli un tour de force
artistique, utilisant avec une rare maîtrise les ressources combinées de la
poésie populaire (pour la phraséologie notamment: voir plus loin) et de
l'alexandrinisme épigrammatique. Et sous ce rapport, Giuseppe Antonio
Cornacchia, {Bollettino di Studi Latini III, 1973, 89-91), a dit tout ce
qu'il fallait dire, et avec autant d'élégante concision que de goût pénétrant.
Il serait oiseaux d'y revenir.
Observons simplement qu'il serait difficile de faire tenir en moins de
mots un énoncé satirique aussi cinglant, lequel pourrait s'expliciter de la sorte:
« un monstre hideux et ridicule a été choisi pour Pédilité et s'y pavane,
ce qui est déjà lamentable! Mais il y a bien pis: un arriviste se sait tellement
sûr, grâce au patronage des triumvirs, d'accéder prochainement au consulat
qu'il ose faire déjà des serments par ce consulat: inconscience? ou cynisme? ».
Et si Catulle a su faire coup double, c'est évidemment qu'il s'est empressé
de tirer parti d'une aubaine. Chacun sait que Vatinius était scrofuleux (on
disait autrefois « strumeux »). Or le hasard a voulu que Nonius7, comme nous
l'apprend Pline l'Ancien, N.H. XXXVII, 81, appartenait à une famille qui
portait elle-même le surnom de Struma: le vocable même que Cicéron avait
7 Pour pouvoir apprécier à sa juste valeur cet art de la caricature où Catulle est passé
maître, il importe assez peu de déterminer l'identité exacte de ce Nonius. H. Bardon, Catulli
Carmina, coll. Latomus, vol. 112, Bruxelles, 1970, note à juste titre, p. 96: «Pour Nonius,
on hésite entre L. Nonius Asprenas, légat de César en Espagne et en Afrique, proconsul
d'Afrique en 46, et le partisan de Pompée M. Nonius Sufenas (cf. C. L. Neudling, A Proso-
pography to Catullus, Oxford, 1955, p. 133-134) ». Mais Bardon s'aventure en ajoutant (et en
citant, à l'appui de ce dire, le texte de Pline l'Ancien): «II faut cependant opter pour ce dernier».
Comme l'observe avec raison C. J. Fordyce, op. laud., p. 222, « unfortunately Pliny gives non
cognomen». G. Β. Pighi, Prolegomeni al Catullo Veronese, Vérone, 1961, p. 12, opte au con
traire pour « L. Nonio Aspenate» (sic). Voir Fordyce pour les arguments qui semblent faire
pencher légèrement la balance en faveur de M. Nonius Sufenas.
336 JEAN GRANAROLO
employé en 59 d'abord, dans une lettre à Atticus, II, ix, 28, puis en 56,
dans le Pro Sestio, 135 9, pour désigner le goitre horrible de Vatinius.
D'où l'idée d'apparier les deux personnages! et par le plus simple et drasti
quedes procédés: faire du sobriquet de Nonius un nom commun apposé:
« cette strume de Nonius », ou « Nonius la strume ». Une sorte d'expressif
raccourci (de ton délibérément populaire et trivial) qui, en fait, étend mé-
tonymiquement, par jeu, au corps entier de Nonius la prétendue tumeur,
laquelle, en principe, ne devrait déformer et rendre hideux que son cou!
L'ENIGME O'EMORl
8 Etiam Vatini strumam sacerdotii διβάφφ uestiant, « qu'ils aillent jusqu'à habiller le
goitre de Vatinius du dibaphe (seil, une robe plongée dans deux bains colorants de pourpre)
de l'augurât».
9 li medentur rei publicae, qui exsecant pestent aliquant tanquam strumam ciuitatis,
«Ceux-là guérissent l'Etat, qui le désinfectent comme on fait l'ablation d'une tumeur». Cf.
l'emploi du mot au pluriel dans In Vatinium, 39: si... strumae denique ab ore improbo demi-
grarunt et aliis iam se locis conlocarunt, «si... les scrofules ont enfin déguerpi de ta sale
figure et se sont dorénavant installées en d'autres endroits de ton corps ».
CATULLE LU: SIMPLE FRONDE OU PESSIMISME SANS MERCI? 337
10 J.-F. Maisonobe a passé au crible avec le plus grand soin les recherches antérieures
de L. Döderlein, Lateinische Synonyme und Etymologieen, Leipzig, 1826-1838, p. 183, et de
D. Barbelenet, De l'aspect verbal en latin ancien et particulièrement dans Térence, Paris, 1913,
p. 293 sq. Il rappelle que les vues de Döderlein avaient déjà été combattues par J. H. Schmidt,
338 JEAN GRANAROLO
Handbuch der Lateinischen und Griechischen Synonymik, Leipzig, 1889, pp. 335-337, qui rap
proche emori du grec άπουνήσκω et de l'allemand absterben, mais non de έκυνήσκω, «s'évanouir».
Enfin, Maisonobe souligne, op. laud., n. 150, p. 150, que trois des occurrences attestées chez
Térence - qui en compte, en tout, quatre - expriment le désir de mourir, et que, dans deux
cas, il s'agit de jeunes gens. Pour notre part, celle de VHeautontimoroumenos, 971, où le fils
de Chrêmes, Clitiphon, désespéré de se voir déshérité, s'écrie emori cupio, nous semble part
iculièrement révélatrice, et nous la traduirions volontiers par: «j'en ai assez de la vie!»: même
soif d'évasion que chez Catulle.
11 Rappelons qu'une incertitude continue à planer sur la date exacte de la mort de
Catulle. H. Bardon a tendance à la situer en 52 plutôt qu'en 54 (il semble même tenté par la
datation basse de 47: Propos, sur Cat, Introd., pp. 5-6). Nul donc, à notre avis, ne saurait,
sans faire preuve d'une certaine témérité, se porter garant que le poète ne se soit plus dé
parti, jusqu'à sa mort, de ce pessimisme sans merci. Il faut dire que, dans l'optique de H. Bardon,
Catulle aurait toujours souffert d'une anxiété presque morbide et d'une hantise constante de
son irrémédiable solitude. Comment l'affirmer, alors que nous ne disposons pas d'autre
témoignage sur la psychologie de Catulle, en définitive, que celui de son œuvre poétique, si
contrastée, si élaborée pour complaire au goût du jour?
CATULLE LU: SIMPLE FRONDE OU PESSIMISME SANS MERCI? 339
rivage où elle sera retrouvée et fêtée par les barbares cariens puis par
la prêtresse du sanctuaire.
Avant d'aller plus loin, il semble nécessaire de faire un certain nombre
de remarques sur ces deux épisodes:
- à l'arrière-plan du récit d'Athénée se profile une rivalité de
sanctuaires: Argos et Samos étaient les deux principaux endroits où se
célébrait le culte d'Héra. Ce sont les Argiens qui organisent le rapt de la
statue de Samos et les Tyrrhéniens ne sont que des mercenaires; mais, selon
Pausanias5, PHéraion de Samos avait été fondé par les Argonautes qui y
avaient amené la statue d'Argos: il s'agit là, manifestement, d'une version
argienne des rapports entre les deux sanctuaires qui s'oppose à la version
samienne de Ménodotos, laquelle rappelait en outre qu'Admète s'était enfuie
d'Argos pour se réfugier à Samos6;
- entre le thème de l'enlèvement de Dionysos et celui du rapt de
la statue d'Héra, il y a des imbrications évidentes. Les deux divinités con
cernées sont traditionnellement opposées dans le panthéon grec et Euripide
dit nettement que c'est Héra qui pousse les Tyrrhéniens à enlever Dionysos 7.
A Chios comme à Samos, les pirates tyrrhéniens apparaissent donc comme
étant à la solde de PHéra argienne;
- par ailleurs, la structure des deux récits est très voisine: une
déesse suscite un enlèvement qui échoue; l'échec se traduit dans les deux
cas par la victoire de l'immobilisme sur le mouvement: le navire qui emmène
Dionysos ne peut plus avancer, de même que celui qui emporte la statue
d'Héra: les rames sont, ici et là, neutralisées. Enfin, la victoire de la divinité
se marque par la prolifération de liens: liens autour du mât et des rames
(lierres et pampres) pour Dionysos, liens autour du βρέτας délivré par les
Cariens (branches de gattilier) et célébration des Toneia.
La céramique
and Limenia. Excavations of the British School at Athens 1930-1933, II. Pottery, ivories,
scarabs and other objects from the votive deposit of Hera Limenia, Oxford, 1962, p. 386,
note 1; F. Villard, Les canthares de bucchero et la chronologie du commerce étrusque
d'exportation, dans Hommages A. Grenier, III, 1962, p. 1626 note 1; P. Courbin, Les origines du
canthare attique archaïque, dans BCH, 1953, p. 342. Dans notre article comme dans les études
précédentes, les listes sont établies d'après les publications en attendant un contrôle direct du
matériel que nous espérons pouvoir faire prochainement.
9 On n'envisagera absolument pas, par exemple, la question des trouvailles de bronzes
étrusques en mer Noire, aux Ve et IVe siècles, car le contexte historique est alors tout autre.
Sur ce fait, on renverra surtout à l'étude de St. Boucher, Trajets terrestres du commerce
étrusque aux Ve et IVe siècles av. J.-C, dans RA, 1973/1, p. 79-96.
10 M. Nikolanci, Importations archaïques (grecques) en Dalmatie, Vjesnik... (Bulletin
d'archéologie et d'histoire dalmates), 68, 1966, p. 117, n° 12 (et pi. XVIII-3).
11 AD, Chronika, 23, 1968, p. 314 (et pi. 255).
12 V. A. Heurtley-M. Robertson, Excavations in Ithaca, V: The geometric and later finds
from Aetos, dans ABSA, 43, 1948, p. 103, n° 601 (et pi. 45).
13 J. Boardman-J. Hayes, Excavations at Tocra, 1963-1965, The archaic deposits II and
later deposits, Oxford, 1973, n° 2246 (et pi. 31).
LA PIRATERIE TYRRHÉNIENNE EN MER EGÉE 345
viennent du même dépôt et « may share a single non-Attic origin . . . the glaze is firm, but
thick and dull by comparison with Attic». Les auteurs avancent prudemment une possible
origine laconienne. On notera que le n° 98 a le pied et le bas de la panse gris et non noir.
S'agit-il d'une négligence comme le disent Sparkes et Talcott? Est-on sûr que le vernis est
antique? (ne serait-ce pas un repeint récent sur l'épiderme gris de certaines œnochoés de
bucchero?).
19 E. Buschor, Kykladisches, dans MDAI (A), 54, 1929, p. 155-156 (et fig. 8 au milieu à droite).
20 F. Schachermeyr, Forschungsbericht zur ägäischen Frühzeit, AA, 1974-1, p. 27-28
(et fig. 47).
21 Ch. Dugas, Délos XVII, Les vases orientalisants de style non mélien, 1935, p. 75
(et pi. L n° 1).
22 P. Jacobsthal-J. Neuffer, op. cit., p. 48. Objets se trouvant à Mykonos. Mais ne s'agit-il
pas d'une confusion avec les canthares de Délos cités supra? (cf. F. Villard, op. cit.).
23 J. Boardman, Excavations in Chios 1952-1955. Greek Emporio, Oxford, 1967, p. 119,
n° 216, pi. 32 et p. 137, n° 480, pi. 43.
24 Sur cette question, je renvoie aux observations que j'ai faites ailleurs: MEFRA, 1974,
1, p. 94-96. Je me propose de revenir prochainement sur ce problème.
LA PIRATERIE TYRRHÉNIENNE EN MER EGÉE 347
25 W. Technau, Griechische Keramik im Samischen Heraion, dans MDAI (A), 54, 1929, p. 26-27
(fig. 20, n° 2). Il semble qu'il y ait eu d'autres fragments de bucchero étrusque, difficiles à identifier.
Mais je ne suis pas totalement la critique de Jacobsthal et Neuffer {op. cit. p. 48) sur les
confusions de Technau (cf. la pi. 28 de son article par exemple).
26 H. P. Isler, Etruskischer Bucchero aus dem Heraion von Samos, dans MDAI (A), 82, 1967,
p. 77-88 et pl. 39-42, avec le compte-rendu de H. Metzger, REG, 1970-1, p. 127 n° 95. Le
n° 1 de Isler est republié par G. Kopeke, Heraion von Samos. Die Kampagne 1961-1965
im Südtemenos (8-6 fahr.), dans MDAI (A), 83, 1968, p. 281, n° 91 (et pl. 110-1).
27 Pour l'ensemble des références sur Rhodes, cf. Β. Β. Shefton, op. eit, p. 386, note 1.
Pour le canthare, cf. G. Jacopi, Clara Rhodos III. Scavi nella necropoli di Ialisso, 1929, p. 24,
n° 6 (et fig. 6). Shefton (op. cit.) exprime des réserves sur le matériel du British Museum
signalé par Chr. Blinkenberg, Lindos, Fouilles de l'acropole, 1931, p. 276 (note). Les confusions
avec le bucchero grec sont certainement très fréquentes: ainsi K. F. Kinch, Vroulia, 1914, p. 152,
donne des détails techniques qui pourraient convenir aux canthares étrusques (surface mate
sous les anses).
28 En tout cas, on ne retiendra pas le calice signalé par Ed. Pottier, Vases antiques du
Louvre, 1897, A 396 (1) pl. 13. La provenance n'est pas sûre et l'origine étrusque encore
moins. Les poteries que signale encore Ed. Pottier, Les vases archaïques à reliefs dans les
pays grecs, dans BCH, 1888, p. 501, restent à identifier avec précision et certitude.
29 H. Prinz, Funde aus Naukratis. Beiträge zur Archäologie und Wirtschaftsgeschichte
des VII und VI Jahrunderts v. Chr. Geb., Leipzig, 1908, p. 57-63, fait uniquement allusion
à un bucchero de type grec. Cf. aussi E. A. Gardner, Naukratis, II, The Egypt Exploration
Fund VI, Londres, 1888, p. 38-53 passim.
348 MICHEL GRAS
31 H. Goldman, Excavations at Gözlü Kule, Tarsus, III, the Iron Age, Princeton, 1963,
•p. 270 (n° 1269) et pi. 89; mention également de bucchero ρ 222, η° 757.
32 Ρ. Courbin, Ras-el-Bassit. Rapport sur la campagne de 1972, dans Les Annales Archéologi
ques Arabes Syriennes. Revue d'archéologie et d'histoire, 23, 1-2, 1973, p. 27 (et p. 32, fig. 7).
La fouille de 1974 a permis de recueillir un autre fragment de canthare (aimable renseignement
P. Courbin).
33 B. B. Shefton, op. cit., p. 386, note 1.
34 S. Lambrino, Les vases archaïques d'Histria, p. 360.
LA PIRATERIE TYRRHÉNIENNE EN MER EGÉE 349
Les ivoires
Les bronzes
35 L'attribution à l'Etrurie de ces plaquettes est confirmée par Y. Huis, Ivoires d'Etrurie,
1957, p. 193. Leur publication est due à A. Maiuri, Ialissos, dans ASAA, 6-7, 1926, p. 322-323,
n° 9 (et fig. 216a,b,c). Mesures maximales du coffret: 6,3 cm x 2,3 cm.
36 Y. Huis, op. cit. d'après la publication (sans photographies malheureusement) de
L. Pollak, Archaische Elfenbeinreliefs, dans MUAI (R), 21, 1906, p. 318 (n05 XII, XIII, XIV). On
commence également à prendre conscience de l'importance de la diffusion d'objets étrusques
en os ou ivoire dans l'Occident méditerranéen: ainsi à Ruvo di Puglia (Y. Huis, op. cit.,
p. 193), à Carthage (fameuse plaquette avec inscription: cf. surtout E. Benveniste, SE, VII,
1933, p. 245-249), à Ibiza, Baléares (cf. M. E. Aubet, Rivista di Studi Fenici, I, 1973, p. 59-68),
à Tharros (cf. M. L. Uberti et S. Moscati in Anecdota Tharrica, Rome, 1975, p. 102 n° D6,
pi. XXXV et p. 132), à Nora (cf. G. Patroni, Mon. Ant, XIV, 1904, col. 202-204, fig. 19 et
M. E. Aubet, Studi Sardi, XXIII, 1974, p. 3-8 du tiré à part). Il ressort que cette exportation
se place aux VIe et Ve siècles (fin VIe pour l'objet de Carthage, début Ve pour celui d'Ibiza
et seconde moitié du Ve pour ceux de Nora). Il s'agit donc d'une phase commerciale postérieure
à celle représentée par le bucchero.
37 A. Hus, Les bronzes étrusques, 1975, part. p. 150.
350 MICHEL GRAS
38 A. Hus, op. cit., p. 152. Il reconnaît lui-même que «quelques bronzes étrusques ont
été exportés dans ces régions». Mais «ils se comptent sur les doigts de la main et une telle
rencontre serait exceptionnelle».
39 G. Karo, Etruskisches in Griechenland, dans AE, 1937, p. 316-320.
40 Ce bronze a été souvent étudié ou signalé: A. Furtwängler, Olympia, IV, 1890, p. 127;
A. De Ridder, Catalogue de bronzes trouvés sur l'Acropole d'Athènes, dans BEFAR, n° 74, 1896,
n° 760; Id., Un bronze chalcidien sur l'Acropole, dans BCH, 1896, p. 401-422; L. Savignoni, Di
un bronzetto arcaico dell'Acropoli di Atene e di una classe di triposi di tipo greco-orientali, dans
Monumenti Antichi, VII, 1897, p. 277-376 (part. 278-279); S. Reinach, Répertoire de la statuaire
grecque et romaine II, 1, 1897, p. 518, 7 (qui, à tort, le dit recueilli à Olympie); K. A. Neugebauer,
Die Bronzeindustrie von Vulci, dans JDA1 (AA), 38-39, 1923-1924, p. 302 et p. 310; P. Ducati,
Matrice per placchetta metallica di Vulci, dans Historia. Studi storici per l'antichità classica
(Milano), 1930, p. 466; G. Q. Giglioli, L'Arte Etrusco, 1935, p. 21-22 (pi. CII-2); M. Guarducci,
I bronzi di Vulci, dans SE, X, 1936, p. 16, p. 24-25, p. 49 note 5 et pi. VII-3; K. A. Neugebauer,
Archaische Vulcenter Bronzen, dans JO AI, 58, 1943, p. 231 (et fig. 20); G. Fischetti, / tripodi di
Vulci, dans SE, 18, 1944, p. 20, p. 24, p. 26 et pi. 1 (2); F. G. Lo Porto, VIIIe Convegno Toronto (1968),
:
cf. A. Hus, Les bronzes étrusques, 1975, p. Ili et pi. 48. De toute façon cet objet n'est pas
antérieur au IVe siècle. Egalement tardif est, à coup sûr, le miroir étrusque qui semble provenir du Pélo
ponnèse, cf. K. D. Mylonas, AE, 1833, p. 249-254 et pi. 13 avec la classique scène de groupe à quatre
personnages (deux jeunes gens en tunique - les Dioscures? - encadrant une femme habillée
et une femme nue); cf. D. Rebuffat-Emmanuel, Le miroir étrusque, 1973, n° 35 et autres.
On remarquera que la place des bronzes n'est pas proportionnelle à la réputation dont
les bronzes étrusques jouissaient dans la Grèce classique, cf. Athénée, Deipn., XV, p. 700 et
I, 28b; Sophocle, Ajax, 17. Le trône d'Arimnestos offert au Zeus d'Olympie était également
célèbre (Pausanias, V, 12, 5). Pour Olympie, on rappellera simplement l'existence de quelques
boucliers en bronze (et d'un diadème d'argent) considérés comme étrusques: cf. en dernier
lieu I. Strom, Problems concerning the origin and early development of the Etruscan Orien
talizing Style, 1971, p. 40-41 (n° 81-84) et p. 75 et 202 avec bibliographie antérieure (remontant
à A. Furtwängler). Par ailleurs, H. Hencken, Syracuse, Etruria and the North: some comparisons,
AJA, 62, 1958, p. 266 rapproche deux plats publiés par A. Furtwängler (Olympia, IV, p. 94)
du type à rebord perlé dont l'origine est parfois étrusque (très nombreux exemplaires en Etrurie).
Un autre objet semblable est noté au Musée de Corfou.
On verra infra dans quel esprit je privilégie ici l'étude de la céramique par rapport à
celle des bronzes.
47 J. L. Myres, A history of the Pelasgian theory, dans JHS, XXVII, 1907, p. 170-225 (et en
part. p. 214 sq.); W. Brandenstein, s.v. Tyrrhener, dans RE VII A 2, 1909-1920 et VII A 3, 1921-1938;
J. Bérard, La question des origines étrusques, dans REA, LI, 1949, p. 201-245 (en part, l'appendice II:
Tyrrhenes de Lemnos, Tyrrhenes d'Etrurie et l'expédition de Miltiade, p. 224-245); id., Le mur
pélasgique de V Acropole et la date de la descente dorienne, Studies presented to D. M. Robinson,
1951, p. 135-159 (développement de CRAI, 1950, p. 117-121); Id., Philistins et Préhellènes,
dans RA, 37, 1951, p. 129-142; M. Pallottino, Nuovi studi sul problema delle origini etrusche
(Bilancio critico), dans SE, XXIX, 1961, p. 3-30 et Etruscologia, 6e édit. amplifiée, 1975, passim;
H. Hencken, The ancient traditions in Tarquinia, Villanovans and Early Etruscans, 1968,
LA PIRATERIE TYRRHÉNIENNE EN MER EGÉE 353
51 R. Pettazzoni, Zerona. Contributo alla questione degli Etruschi, dans RAL, 17, 1908, p. 658,
avait déjà exprimé sa déception après les fouilles de Fredrich: ni inscriptions ni céramiques
étrusques!
52 On objectera que les fouilles italiennes ont permis de recueillir d'autres inscriptions
fragmentaires proches de celle de Lemnos, cf. A. Della Seta, Iscrizioni tirreniche di Lemno, dans
Scritti in onore di B.- Nogara, 1937, p. 119-145. Mais elles ont été retrouvées non dans la
nécropole, mais dans une des rares structures d'habitat fouillées à Efestia.
53 W. Lamb, Grey wares from Lesbos, dans JHS, 52, 1932, p. 1-12. Cette céramique a même
une longue tradition derrière elle, depuis l'âge du bronze (cf. les fouilles américaines à Troie).
LA PIRATERIE TYRRHÉNIENNE EN MER EGÉE 355
54 Cf. D. Mustilli, ASAA, 15-16, 1932-1933, tombes CXIV, CCII, B/XLVI nos 12, 28, 31,
32, 33; tombe B/XLVII, nos 45, 46, 47, 48, 49, 50, 52, 53. Cependant il n'y a pas non plus
de céramique étrusque à Troie où les importations grecques du VIe existent: cf. Troy IV,
1958 (settlement VIII).
55 Sans revenir sur les travaux de A. Trombetti (1928), G. Buonamici (1932), P. Ducati
(1938) et U. Coli (1947), je renvoie aux deux titres les plus récents: H. Rix, Eine morpho-
syntaktische Übereinstimmung zwischen Etruskisch und Lemnisch: die Datierungsformel, dans
Gedenkschrift für W. Brandenstein, Innsbruck 1968, p. 213-222, et M. Cristofani, Introduzione
allo studio dell'etrusco, 1973, p. 103-106.
56 BCH, 1886, p. 2.
356 MICHEL GRAS
59 P. Courbin, Les origines du canthare attique archaïque, dans BCH, 1953, p. 322-345. On
rapprochera les deux canthares de tradition géométrique cités des exemplaires étudiés par
J. N. Coldstream, Greek geometric pottery, Londres, 1968, pi. 15/0 (Kerameikos 320) et pi. 61/h
(Oxford), celui-ci rhodien, celui-là attique et tous deux datables autour de 700. Sur l'importance
de la tradition mycénienne dans la céramique de Lemnos, cf. les études citées supra. Le même
phénomène a récemment été observé à Samos, cf. H. Walter, Santos V. Frühe samische Gefässe,
Bonn, 1968.
60 P. G. Gierow, The iron age culture of Latium, Lund, 1966, II 1, p. 175, fig. 102,
n° 2. Type également fréquent à Rome: E. Gerstadt, Early Rome, III, p. 152, fig. 97, etc.
Un calice de forme voisine provient de Lesbos où il est, également, totalement isolé: W. Lamb,
Excavations at Thermi in Lesbos, 1936, pi. XVIII.
358 MICHEL GRAS
XIIe siècle64. Dans ce contexte, cette observation du fouilleur d'Ef estia, bon
connaisseur par ailleurs du monde italique, ne manque pas d'intérêt:
« l'aspetto generale della necropoli di Lemno ricorda quello delle necropoli
italiche dette " villanoviane " » 65.
Ainsi se dégage un « facies » de Lemnos sur lequel les recherches
insistent généralement assez peu. Lemnos est, bien entendu, l'île des « crimes
lemniens » et de Philoctète, la « fumeuse » qui a parfois été appelée Aethalia
en raison de son activité métallurgique. Une île à part, terre de la mauvaise
odeur, des plantes fétides et des eaux contaminées. Mais cette île, si riche
en légendes et en mythes, dotée d'une si forte personnalité dans la tradi
tion littéraire grecque, n'était pas pour cela un monde replié sur lui-
même 66. On a trop souvent considéré qu'avant l'arrivée de Miltiade, Lemnos
et ses « Pélasges-Tyrrhéniens » sont une enclave dans une Egée hellénisée,
un monde barbare farouchement attaché à ses traditions. L'archéologie
permet de nuancer ce jugement: les importations grecques existent durant
le VIIe siècle. On a souvent remarqué qu'au moment de la conquête athé
nienne l'inhumation est seule représentée dans les nécropoles et on en déduit
que la population non-grecque a disparu. Peut-être. Mais comme la nécropole
du VIe reste à découvrir il est imprudent d'être aussi catégorique: on ne peut
pour le moment exclure l'hypothèse d'une ouverture progressive de l'île des
« Pélasges-Tyrrhéniens » à l'hellénisme et au reste du monde méditerranéen,
ce qui expliquerait que, à la fin du VIe, les tombes à incinération caractéristi
ques des νΐΐΓ-νΐΓ, ne soient plus représentées.
■*
*
64 J. Close-Brooks, A Villanovan Belt from Euboea, dans BICS, 14, 1967, p. 22-24; L. H. Sackett-
M. R. Popham, Lefkandi. A Euboean town of the Bronze Age and the early Iron Age (2100-
700 B.C.), Archaeology, 25, 1972, p. 15; A. H. S. Megaw, Archaeology in Greece 1965-1966,
dans AR, 1966, p. 11-12 (fig. 17) et les remarques de J. de La Genière, Bull, de la Soc. Franc.
d'Archéo. Class., 1973-74, p. 155.
65 D. Mustilli, ASAA, 15-16, 1932-1933, p. 277. Par ailleurs, à propos de la forme 13,
il soulignait la parenté avec les céramiques énéolithiques italiennes (p. 145).
66 Sur les confusions Lemnos-Aethalia, cf. E. Pais, Storia della Sicilia e della Magna Grecia,
1894, p. 472-473, note 3. Cf. Polybe, XXXIV, 11, 4 (apud Steph. Byz.) et Tite-Live, XXXII, 13.
Ephore appelait Aethalia l'île de Chios (cf. Pline, N.H., V, 38, 1). Cet aspect de «monde à
360 MICHEL GRAS
rendre le débat plus clair, il importe tout d'abord d'être nettement renseigné
sur le rôle que peuvent jouer les inscriptions étruscoïdes de Lemnos dans
une telle tentative.
Soyons bref: il nous semble important de ne pas oublier que ces inscrip
tionssont du VIe siècle mais nous devons reconnaître que rien, pour le
moment, ne permet d'utiliser ces textes dans le cadre des relations com
merciales qui ont pu unir Lemnos à la Toscane durant l'époque archaïque.
Naguère quelques tentatives d'explication ont été ébauchées dans ce sens;
mais elles ont toujours été présentées comme conjecturales. Aucun élément
ne permet de dire de façon décisive que la parenté linguistique entre le
lemnien et l'étrusque est le résultat d'un essaimage de Toscane en Egée,
ou inversement, à l'époque historique67. En aucune façon donc, l'inscription
étruscoïde de Lemnos ne peut, pour le moment, être présentée comme un
témoignage d'un commerce étrusque à Lemnos au VIe siècle.
Ceci dit, les textes littéraires et les témoignages archéologiques relatifs
aux Tyrrhéniens et aux Etrusques demeurent. Pour tenter d'en tirer parti
nous allons nous placer successivement sur des plans différents: celui de la
chronologie et celui des espaces géographiques.
Pour ce qui est du premier point, la question se pose de la façon
suivante: de quand date la tradition sur la piraterie tyrrhénienne en Egée
et d'où provient-elle? Le débat est important pour qui veut savoir si ces
Tyrrhéniens sont des Pélasges ou des Etrusques. Mais la réponse n'est pas
aisée; on sait pourtant que le récit de l'enlèvement de Dionysos était connu
dès le Ve siècle av. J.-C. à Athènes puisque nous avons l'allusion d'Euripide
dans le Cyclope. La datation de l'Hymne homérique à Dionysos est plus
délicate à fixer: pour Jeanmaire si une haute époque est à exclure, on ne
peut y voir une création de l'époque alexandrine. Bref, il semble que le
part » que les textes donnent à Lemnos n'est pas sans rappeler celui qui est assigné à la
Sardaigne (cf. M. Gras, Les «Montes Insani» de la Sardaigne, dans Hommages à R. Dion, 1974,
part. p. 364-366).
67 R. Bloch avait nettement posé la question et répondu de façon négative (Etrusques
et Romains. Problèmes et histoire de l'écriture dans L'Ecriture et la Psychologie des Peuples,
XXIIe Semaine de Synthèse, 1963, p. 187); M. Lejeune, Observations sur l'alphabet étrusque, dans
Tyrrhenica, 1957, p. 158-169, considérait alors qu'il était «vraisemblable» qu'un alphabet de
type étrusque ait été apporté de Toscane et remanié à Lemnos. Dix ans plus tard, il était
beaucoup plus sceptique sur un rôle éventuel de « contacts récents entre scribes lemniens et
scribes étrusques vers le milieu du VIe siècle» (A propos du problème des Pélasges, dans Atti del
Primo Simposio internazionale di Protostoria italiana (Orvieto 1967), Roma, 1969, p. 214).
Il l'est encore plus aujourd'hui. Je dois vivement remercier le Professeur Lejeune pour les
conseils qu'il m'a donnés.
LA PIRATERIE TYRRHÉNIENNE EN MER EGÉE 361
d'envoyer des colons dans l'Adriatique en 325-324 av. J.-C. 72. Jusqu'à présent,
rien que de très normal: les périls de l'Adriatique étaient bien connus si
l'on en croit Lysias73 et les Athéniens de l'époque savaient à quoi s'en
tenir sur la piraterie étrusque puisque ce thème venait d'inspirer deux discours,
l'un d'Hypéride 74, l'autre de Dinarque; de plus, contrairement à ce que l'on
a dit parfois, le qualificatif d'« étrusque » n'était pas gratuit et l'expression
« piraterie étrusque » n'avait pas un caractère pléonastique: une inscription
de la première moitié du IIIe siècle fait la distinction entre « pirates » et
« pirates étrusques » 75. En outre, en 299 av. J.-C. les Déliens se font prêter
par le Temple plusieurs milliers de drachmes pour organiser la défense contre
les pirates étrusques 76.
Il semble clair qu'il n'y a à ce moment-là aucune équivoque possible:
l'expression « pirates tyrrhéniens » est totalement synonyme de « pirates
étrusques » 77. Or, que voyons-nous mentionner dans l'inscription du Pirée?
Les Athéniens disent explicitement qu'ils souhaitent mettre à la tête du
groupe de colons un œciste appartenant à la famille des Miltiade. Pourquoi
ce désir? Pais a bien vu qu'il y avait là un lien, non pas avec le vainqueur
de Marathon, mais avec l'homme qui avait chassé les « Pélasges - Tyrrhenes »
de Lemnos et avait ainsi permis l'installation athénienne à la fin du
VIe siècle. Il a insisté sur le fait qu'il n'y avait pas là qu'un motif religieux
comme on l'avait dit avant lui mais que les Athéniens du IVe siècle considé
raientque Tyrrhenes d'Italie et Tyrrhenes de Lemnos étaient des rameaux
d'un même peuple 78.
trouvée au Pirée elle est aujourd'hui au Musée national d'Athènes. Le texte est disposé sur
quatre colonnes sur la face antérieure, une cinquième étant gravée sur le côté droit. Le passage
étudié se trouve au bas de la première colonne.
72 εις Αδρίαν: il s'agit de la mer (ό Αδρίας) et non de la colonie d'Adria (ή Αδρία). Sur
ce point A. Gitti, op. cit., p. 22 et L. Braccesi, op. cit., p. 181, ont rectifié l'interprétation
de G. Vallet, op. cit., p. 39.
73 Lysias, Fragments. Contre Eschine le Socratique, 4, 5.
74 Hypéride meurt en 322 av. J.-C.
75 Sylloge3 1225. Cf., H. H. Schmitt, Rom und Rhodes, 1957, p. 43 sq.; L. Braccesi,
op. cit., p. 173. Il s'agit d'une inscription funéraire de Rhodes, cf. en dernier lieu G. Manganaro,
Kokalos, XVIII-XIX, 1972-1973, p. 75.
76 εις την φυλακήν των Τυρρήνων. IG XI, 2, 148, 73. Cf. le commentaire de Th. Homolle,
Les archives de l'intendance sacrée à Délos (315-166 av. J.-C), dans BEFAR, n° 49, 1887, p. 68.
77 II se peut même que nous ayons, dans les années 330-310 av. J.-C. un Etrusque
installé à Athènes: cf. D. M. Lewis, Hesperia, 1959, p. 229 (et compte-rendu de J. et L. Robert,
Bull, épigr., 1960, n° 137).
78 E. Pais, Storia della Sicilia e della Magna Grecia, 1894, p. 472.
LA PIRATERIE TYRRHÉNIENNE EN MER EGÉE 363
79 Hérodote VI, 136 dit nettement que Miltiade après la prise de l'île châtia les Pélasges
(και τεισάμενος τους Πελασγούς). S'agit-il d'une référence aux « crimes lemniens » ou plus simple
mentà une concurrence économique qui aurait provoqué l'expédition? De plus les «crimes
lemniens » ne seraient-ils pas la traduction littéraire de cette concurrence? Le rapt des femmes
de Brauron peut également être interprété comme l'habillage littéraire de la razzia, laquelle
n'est qu'un aspect de la piraterie. Mentionnons enfin que Denys d'Halicarnasse (I, 25) signale
que le fait de vivre avec les Tyrrhéniens permit aux Pélasges de parvenir à une très grande
habileté dans l'art de la navigation (της κατά τα ναντικα επιστήμης δια την μετά Τυρρηνών οϊκησιν
έπί πλείστον έληλακότες).
79bis On remarquera d'ailleurs que, pour Philochore d'Athènes (IVe siècle av. J.-C), les
Tyrrhéniens installés à Lemnos et attaquant les femmes de Brauron étaient des pirates (frag. 5
in C. Müller, FHG, I, p. 384-385). Cette tradition se retrouve dans Eustathe (Comment. 591 in
C. Müller, GGM, II, p. 331).
364 MICHEL GRAS
80 M. Pallottino, Etruscologia, op. cit., p. 96. On pourrait aussi noter l'importance des
rapports entre Pithécusses et cette région (en raison de la présence d'une autre colonie eubéenne,
c'est-à-dire Al Mina). On sait que de nombreux sceaux retrouvés à Pithécusses proviennent
de la zone côtière située entre la Cilicie et la Syrie (cf. G. Büchner -J. Boardman, Seals from
Ischia and the Lyre-Player Group, dans JDAI, LXXXI, 1966, p. 1 sq.). Beaucoup de ces objets
appartiennent au troisième quart du VIIIe siècle, cf. D. Ridgway, Rapporti dell'Etruria meridionale
con la Campania, dans Vili" Convegno Nazionale di Studi Etruschi ed Italici, (1972), 1974, p. 289:
« con Pithecusa in mezzo, la strada che porta dall'Oriente all'Etruria, già aperta, è più che
mai battuta».
81 Sur l'exportation des bronzes de l'Ourartou, le point de départ est l'ouvrage de
U. Jantzen, Griechische Greifenkessel, 1955 auquel ont succédé de nombreuses études, notam
mentde P. Amandry, (cf. par exemple, Syria, 1958, p. 73-109).
82 Sur les chaudrons orientalisants en Etrurie, cf. surtout les travaux de M. Pallottino
(Arch. Class., 1955, p. 109-123 et 9, 1957, p. 88-96) et de A. Hus (MEFR, 1959, p. 7-42 et
Les bronzes étrusques, 1975, p. 33-37). Notations récentes et précises de I. Strém, Problems
concerning the origin and early development on the Etruscan Orientalizing Style, 1971,
p. 131-134.
LA PIRATERIE TYRRHÉNIENNE EN MER EGÉE 365
83 Cf. H. P. Isler, MAAI (A), 82, 1967, p. 88, et REG, 1, 1970, p. 127 (compte-rendu
par H. Metzger). Je n'aborde pas ici, volontairement, la question des cités étrusques exportat
rices;ce serait d'ailleurs trop hypothétique étant donné la minceur de notre documentation.
366 MICHEL GRAS
bucchero nero. Pourquoi vouloir que celui qui a fait la dédicace ait été
celui qui avait apporté le vase d'Etrurie? Ce serait comme vouloir que ce
fut le fabricant84. En réalité, n'est-il pas plus vraisemblable de penser que
c'est l'acheteur et non le marchand qui a offert ce vase au dieu?
Ainsi apparaît en filigrane la réalité d'un commerce étrusque comparable
à celui qui s'est développé en Méditerranée Occidentale. Il y a autant de
raison de penser à une « présence » économique étrusque à Samos qu'à
Syracuse. Dès lors peut-on établir un lien entre la piraterie « tyrrhénienne »
et ce commerce étrusque?
On a vu comment nos témoignages littéraires permettaient de localiser
dans l'Egée centrale (Chios, Samos) les « exploits » des pirates tyrrhéniens.
Nous avons aussi tenté de montrer comment la conquête athénienne de
Lemnos n'était finalement qu'une opération destinée à mater les Tyrrhéniens
de l'île. Avant de conclure, nous voudrions avancer un dernier argument
en faveur d'une identification Tyrrhéniens-Etrusques. Il nous est en grande
partie inspiré par une excellente étude de J. Brunschwig, trop négligée par
les historiens85. L'auteur a rapproché l'épisode de l'enlèvement de Dionysos
de toute la tradition relative au tyran de Cerveteri, Mézence 86, qui appliquait
à ses prisonniers le supplice préféré des pirates étrusques: les lier étroit
ementà des cadavres jusqu'à ce que mort s'ensuive. Brunschwig a remar
quablement montré comment ce thème de Yentrave se trouve également
chez les pirates opérant dans l'Egée. Or, nous avons déjà signalé comment
on peut établir un parallèle entre les enlèvements de Dionysos et de la statue
d'Héra, parallèle dont un des éléments essentiels est le thème du lien:
Dionysos lié se délie avant de lier les rames et le mât du navire, le βρέτας
d'Héra est lié par les Cariens puis délié par la prêtresse. Pirates tyrrhéniens
et pirates étrusques sont des Heurs. Dionysos est un dieu dénoueur, délieur,
l'anti-pirate par excellence 87.
84 Sur le graffite de Pérachora,. cf. supra. Pour les hésitations des archéologues sur
l'origine grecque ou étrusque du bucchero portant des graffites en grec, cf. NSA, 1893, p. 456;
BPI, 1900, p. 281. Sur les buccheri inscrits de Sélinonte, cf. Kokalos, 1966, p. 241 note 3.
85 J. Brunschwig, Aristote et les pirates tyrrhéniens, dans Revue Philosophique de là France
et de l'étranger, 152, 1963, p. 171-190. Malheureusement l'auteur ne tient pas compte de
l'enlèvement de la statue d'Héra à Samos.
86 Pourtant Cerveteri ne faisait pas de piraterie (cf. Strabon, V, 2, 3). C'est du moins
le souvenir que la tradition a conservé, peut-être en raison des bons rapports avec Rome.
Mais Mézence est toujours présenté comme une parenthèse dans l'histoire de Cerveteri et
comme un tyran haï.
87 On pourrait aussi mettre en avant le thème de la putréfaction, commun aux crimes
de Mézence et à ceux des Lemniens. Cf. J. Gagé, Recherches sur quelques problèmes de l'Italie
préromaine (1), dans BFS, 27, 5, 1949, p. 160-173.
LA PIRATERIE TYRRHÉNIENNE EN MER EGÉE 367
88 Sur les pirates étrusques et leur activité en mer Tyrrhénienne méridionale, cf. J. Heurgon,
L'«elogium» d'un magistrat étrusque découvert à Tarquinia, dans MEFR, 1951, p. 119-137. Zancle,
sur le Détroit de Messine, avait été fondée par des pirates (Thucydide, VI, 4, 5).
89 Ovide, Métamorphoses, III, v. 624-625: qui Tusca pulsus ab urbe I exilium dira
poenam pro caede luebat: s'agirait-il d'un de ces pirates étrusques inspirateurs des crimes
de Mézence?
90 Le rôle des conditions naturelles dans la conquête de Lemnos, cf. Hérodote, VI, 139,
donne à cet événement un côté d'opération stratégique, liée à la domination de la Chersonese
de Thrace qui renforce ce que nous avons dit précédemment à ce sujet.
91 F. Bourriot, La considération accordée aux marins dans l'Antiquité grecque. Epoques
archaïque et classique, dans Revue d'histoire économique et sociale, 50, 1972, p. 7-41.
368 MICHEL GRAS
d'aventures lucratives, offrant leurs services aux Argiens pour enlever une
statue de culte à Samos, percevant des doits de péage et d'octroi comme le
fit plus tard Polycrate de Samos. Pourquoi ont-ils fait de la piraterie? Par
manque de terre et de richesse, comme les colons grecs partant vers
l'Occident. Travaillaient-ils seuls? Plutôt par petits groupes: ils sont vingt
à assaillir Dionysos93. On est loin de la guerre de course organisée et des
grands convois de corsaires94.
La piraterie tyrrhénienne apparaît donc comme l'habillage littéraire
d'une réalité économique, celle du commerce étrusque. Il est révélateur de
constater que toute la tradition littéraire sur les assimilations Tyrrhènes-
Pélasges, sur leur retour dans le monde grec après la migration en Italie
ait été élaborée au VIe siècle, c'est-à-dire à une époque où l'essor com
mercial étrusque vient d'avoir lieu. La confusion quasi permanente entre la
réalité du VIe siècle et les traditions sur l'origine des Etrusques a fini
d'embrouiller la situation95. Les données archéologiques permettent au
jourd'hui de ne plus confondre les différentes phases de la question tyrrhénien
ne et d'individualier la plus récente: après la reprise des contacts au
VIIIe siècle entre le monde italique (villanovien en particulier) et le monde
grec, l'expansion commerciale étrusque se développe, de 620 à 550 av. J.-C.
environ dans tout le monde méditerranéen, d'Ampurias à Histria et à la Syrie
septentrionale. Que les échanges aient été plus intenses avec les régions
les plus proches comme la Sicile ou le Languedoc, cela n'étonnera personne.
Mais les contacts noués à la période orientalisante grâce aux échanges dans
un sens Est-Ouest véhiculés par les colons grecs ont rendu possible un
« choc en retour » beaucoup plus tard (à la fin du VIIe siècle) qui a utilisé
les routes économiques de l'époque précédente.
ADDENDUM
M. G.
dans PP, 165, 1975, p. 417-433; je n'ai pris connaissance de ce travail qu'après la rédaction
de l'article; il sera intéressant de confronter nos résultats dans la mesure où la perspective
des deux recherches est très différente.
96 Ceci ne veut pas dire que le bucchero ait eu, par lui-même, une valeur économique:
nous admettons volontiers, avec Ed. Will (XII0 Convegno di Studi sulla Magna Grecia, Taranto
(1972) 1975, p. 34 note 25) que les vases étrusques aient été «des curiosités rapportées en
plus de marchandises disparues».
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Deficit: La maison de Simon et celle de Théopropidès dans la Mostellaria
- Pierre Grimal (pp. 371-386)
PIERRE GROS
3 Festus, 188 L: Octaviae porticus duae appellantur, quorum altérant, theatro Marcelli
propiorem, Octavia soror Augusti fecit; alteram theatro Pompei proximam Cn. Octavius
Cn. filius, qui fuit aedilis curulis, praetor, consul, decemvirum sacris faciendis, triumphavitque
de rege Perseo navali triumpho. Il est clair que Festus reproduit, pour le second portique,
une source qui donnait une lecture complète de l'inscription dédicatoire, sans doute conservée,
ou du moins restituée lors de la réfection augustéenne.
4 Pline, HN, 34, 13: invento et a Cn. Octavio, qui de Perseo rege navalem triumphum
egit, factam porticum duplicem ad circum Flaminium, quae Corinthia sit appellata a capitulis
aereis columnarum.
5 B. Olinder, Porticus Octavia in circo Flaminio, topographical Studies in the Campus
Region of Rome, AIRRS, sér. in 8°, 11, Stockholm, 1974, p. 83 seq. On ne saurait retenir
la thèse de cet auteur qui, en dépit de données textuelles aussi précises que celles de Festus,
188 et de Velleius Paterculus, II, 1, 1-2, tient pour une identité entre la porticus Octavia
110-100 Temple d'Hercules M. Octavius Construction. Vœu. ? tholos marbre du corinthien
Victor ou Invictus Hersennus périptère Pentélique
ad Portam Trigemi- à crépis
nam (tholos du
rum Boarium)
101 Temple d'Honos et C. Marius, cos. Construction. Manubiae C. Mucius périptère tuf -travertin ionique
Virtus 107 des Cimbres et des sans
Teutons. posticum
101 Temple de la Fortuna Q. Lutatius Construction. Manubiae tholos tuf-travertin corinthien
huiusce diei (B du Catulus, cos. 106 des Cimbres. périptère
Largo Argentina) à podium
100-90 Temple sous S. M. Antonius? Restauration. Hermodoros périptère marbre du ionique ?
vatore in Campo de Salamine? à crépis Pentélique
(= Temple de Neptune
in circo flaminio)
100-90 Temple de Janus (?) Restauration. périptère pépérin et ionique
(Nord du Forum sans travertin
Holitorium) posticum
à podium
390 PIERRE GROS
et la porticus Octaviae, la porticus Metelli n'étant selon lui qu'une étape transitoire du même
édifice, due à l'action du Macédonique.
6 Cf. en dernier lieu M. Schede, Die Ruinen von Priène, Berlin, 1964, p. 49 seq.
7 J. J. Coulton, dans sa note Διπλή στοά (AJA, 75, 1971, p. 183-184) a repris l'ensemble
des données épigraphiques et archéologiques. Des trois possibilités théoriquement impliquées
dans l'expression (portique à deux étages, à deux façades, à deux travées), seule la dernière
est normalement utilisée, sauf indication explicite différente.
8 Vitruve, V, 9, 2. Voir aussi V, 11, 1, et V, 11, 2, où l'expression porticus duplex
désigne toujours un portique à deux travées. Cf. B. Olinder, op. cit., p. 89 seq. Sur l'origine
du schéma, voir A. Birnbaum, Vitruvius und die griechische Architektur, Denkschrift Kais.
Akadem. der Wissenschaften in Wien, 57, 4, 1914, p. 36 seq.
9 Cf. F. Coarelli, loc. cit., dans Dialoghi di Archeologia, 1968, p. 305 seq.
10 Cf. J. J. Coulton, loc. cit.
11 Vitruve, I, 2, 2: ichnographia est circini regulaeque modice continens usus, e qua
capiuntur formarum in solis arearum descriptiones (texte de Fensterbusch).
12 Polybe, 28, 2-5; Tite-Live, 43, 17, 2-10. Cf. P. Charneux, Rome et la confédération
achéenne, dans BCH, 81, 1957, p. 181 seq. Octavius effectua aussi en 163-162, un voyage en
Orient, au cours duquel il devait être assassiné.
LES PREMIÈRES GÉNÉRATIONS D'ARCHITECTES HELLÉNISTIQUES À ROME 391
Cn. Manlius19, que, selon Vitruve, les vasa aerea saisis par L. Mummius
dans le théâtre de Corinthe constituaient encore une telle curiosité qu'on
les dédia comme des objets votifs dans le temple de Luna20, l'industrie locale
ne devait être guère en mesure, en cette première moitié du IIe s., d'élaborer
dans ce métal des éléments aussi complexes que des revêtements architec-
toniques: tout laisse à penser que les lames « corinthiennes » étaient des
spolia dont les Romains s'étaient saisis à Pydna ou à Samothrace, parmi
l'immense butin du roi Persée, et qu'elles constituaient à ce titre la curiosité
majeure du nouveau portique. On ne comprendrait pas, autrement, que
l'édifice entier fût désigné par un détail décoratif qui, si l'on s'en tient aux
données vitruviennes sur la porticus duplex, concernait seulement la colon
nade interne, peu visible de l'extérieur puisqu'elle s'élevait plus haut que la
colonnade de façade, laquelle, dorique, aurait dû, en bonne logique, donner
son nom à l'ensemble21.
Il s'agit donc d'une composition hybride, où l'utilisation intelligente
d'un schéma gréco-oriental n'excluait pas la pratique des spolia, cette
dernière s'expliquant sans doute par le triomphalisme du commanditaire,
et la difficulté pour les lapidarii disponibles à Rome de ciseler jusque dans
ses détails un type de chapiteau qu'ils pratiquaient encore peu. Il est clair
qu'Octavius voulut introduire ainsi un élément nouveau dans la trame
urbaine, qui tranchât résolument, par sa « modernité », avec ce qui avait
pu jusqu'alors être construit dans le même genre. La tentative réussit, semble-t-il,
puisque Velleius Paterculus, se faisant l'écho d'une tradition sans doute
ancienne, désigne son portique comme le plus agréable (amoenissima) de
tous ceux qui, au IIe s., furent édifiés par des imper atores22.
23 C'est évidemment le texte de Velleius Pater culus (I, 11, 3-5), et dans ce texte le passage
concernant Yaedem ex marmore, qui a suscité les commentaires les plus nombreux, et parfois
les plus inattendus. Plusieurs archéologues, dans la lignée de H. Drerup, op. cit., n. 66,
lui opposent volontiers le texte de Pline (HN, 17, 6; voir aussi 36, 7) concernant l'atrium
de L. Licinius Crassus (censeur en 92): cum in publico nondum essent ullae marmoreae
(se. columnae). Cf. en dernier lieu F. Rakob, W.-D. Heilmeyer, op. cit., p. 27, et p. 38 seq.
D'autres exégètes se sont efforcés de donner du mot aedem une interprétation différente de
celle qu'on attend: M. J. Boyd dans PBSR, 21, 1953, p. 152 seq., le considère comme un
équivalent de porticus, et M. Gwyn Morgan, dans Hermes, 99, 1971, p. 486 seq., lui fait désigner
les deux temples contenus dans le portique, et non la seule aedes Jovis Statoris. Pour l'examen
de cette question, cf. MEFRA, 85, 1973, p. 138 seq. Β. Olinder, op. cit., p. 94 seq., reprend
la discussion sous un angle qui n'en accroît pas la clarté, tout le problème étant pour lui
de savoir quand et comment la porticus Metelli fut substituée à la porticus Octavia. Cf. notre
compte-rendu, à paraître dans RA, et la mise au point, claire, de T. P. Wiseman, dans PBSR,
42, 1974, p. 18-19 et p. 20.
24 L'idée fondamentale est qu'avant 100 av. J.-C. le marbre ne saurait être employé à
Rome, et qu'avant la période « syllanienne » (désignation qui recouvre souvent, étrangement,
le deuxième quart du Ier s.) l'influence grecque n'est pas décelable. Cf. H. Drerup, op. cit.
et W.-D. Heilmeyer, Korintische Normalkapitelle, Heidelberg, 1970, p. 33 seq.
25 Cf. sur ces questions en dernier lieu I. Shatzman, Senatorial Wealth and Roman Politics,
Coll. Latomus, 142, 1975, p. 167 seq. et p. 197 seq.
394 PIERRE GROS
au bois, il était exclu que les équipes locales pussent résoudre seules les
problèmes posés par le nouveau matériau.
Sans reprendre le détail du débat qui opposa entre autres M. Gwyn
Morgan à M. J. Boyd26, on peut retenir des notices succinctes mais précises
de Vitruve, Velleius Paterculus et Pline l'Ancien, en en suivant fidèlement
la lettre, que Metellus Macedonicus construisit un quadriportique ou un
portique en Π, qui devait porter son nom, dans la même zone in circo
que celui d'Octavius, réservée apparemment aux tentatives les plus novatrices
de l'oligarchie sénatoriale27. A l'intérieur de ce portique, qui englobait le
temple préexistant de Junon Regina, il édifia celui de Juppiter Stator,
« voué » probablement au moment où la situation en Macédoine était critique,
c'est-à-dire en 148 28. C'est ce dernier temple, Yaedes Metelli de Pline qui,
bâti en marbre - en crustae marmoris comme, après lui, la tholos du Forum
Boarium, plutôt qu'en marmor solidus - est l'œuvre d'Hermodoros, architecte
dont Cornelius Nepos citant Priscien nous apprend qu'il était originaire
de Salamine - sans doute Salamine de Chypre29.
La date de la construction du temple reste difficile à préciser, mais
les analyses de Gwyn Morgan sur la situation politique et juridique de
Metellus ont établi de façon convaincante qu'il avait dû attendre, pour en
décider la locatio, son consulat de 143, ce qui entraîne, sans mettre en
cause l'unité du projet d'ensemble, un léger décalage dans sa réalisation30:
dès son retour à Rome en 146, Metellus avait sans doute passé les contrats
nécessaires à la construction du portique, considéré peut-être comme un
complexe privé; il lui fallait en effet offrir le plus rapidement possible un
26 Supra, n. 21.
27 Cf. F. Coarelli, loc. cit., p. 307 seq.
28 Cf. M. Gwyn Morgan, loc. cit., p. 499.
29 Priscien, Inst, 8, 4, 17: aedis Martis est in circo Flaminio architectata ab Hermodoro
Salaminio. Cf. F. W. Schlikker, Hellenistische Vorstellungen von der Schönheit des Bauwerks
nach Vitruv, Berlin, 1940, p. 29 seq; P. Gros, loc. cit., p. 150 seq. On constate en fait que
la Salamine du golfe Saronique disparaît à partir du début du IIe s. des listes olympioniques,
sans doute parce qu'on considère qu'elle fait un tout avec Athènes. Du même coup la mention
de Salamine sans spécification ne peut s'appliquer qu'à la cité chypriote, cf. L. Moretti,
Olympionicai, dans Mem. Accad. Naz. dei Lincei, Rome, 1957, p. 144, n° 611.
30 M. Gwyn Morgan, loc. cit., p. 500 seq., montre que Metellus avait toutes les raisons,
électorales et administratives, pour prendre les mesures nécessaires à la réalisation de son
«voeu» dans les premiers mois de 143. Seul en effet un magistrat pourvu de Yintperium
peut s'acquitter de ces opérations, et les exemples antérieurs attestent que les imperatores
ont toujours su remarquablement situer aux points forts de leur carrière le votum, la locatio
et la dedicatio des temples qu'ils faisaient construire.
LES PREMIÈRES GÉNÉRATIONS D'ARCHITECTES HELLÉNISTIQUES À ROME 395
31 Elle était, d'après Velleius Paterculus, I, 11, 3, placée de telle sorte que les cavaliers
de Lysippe fissent face aux temples, frontem aedium spectant. Cf. Pline, HN, 34, 64.
32 A. E. Astin, op. cit., p. 127. Voir aussi, id., daas Class. Phil., 54, 1959, p. 221 seq.
33 M. Gwyn Morgan a bien mis en évidence le lien étroit qui existe entre l'exécution
d'un « manubial building » et la progression de la carrière pour les principaux membres de la
nobilitas de la fin du ΙΙΓ et du IIe s. avant J.-C. Cf. loc. cit., dans Klio, 55, 1973, p. 223 seq.
34 Cf. R. Martin, L'urbanisme dans la Grèce antique, 2e edit, Paris, 1974, p. 145 seq.
et p. 218 seq.
396 PIERRE GROS
35 Dans
36 Vitruve,une
III, remarquable
2, 5. Sur les problèmes
synthèse, posés
E. Akurgal
par ce reprend
texte, cf. MEFRA
les opinions
85, 1973,
les p.
plus137com
seq.
munément admises sur la période d'activité d'Hermogénès: 2e et 3e quarts du IIe s. {Ancient
Civilizations and Ruins of Turkey, 2e edit., Istanbul, 1970, p. 21-25. Voir aussi G. Gruben,
Die Tempel der Griechen, Munich, 1966, p. 368). Cependant les partisans de la chronologie
haute (par ex. W. Hahland, dans JÖAI 38, 1950, p. 91 seq.) ont retrouvé des arguments depuis
la découverte de la fameuse inscription de Téos, qui semble prouver que la construction du
temple de Dionysos était achevée en 204-203 av. J.-C. (cf. P. Hermann, dans Anatolia, 9,
1965, p. 33 seq.). Le dernier état du problème est donné par W. Alzinger, Augsteische
Architektur in Ephesos, Vienne, 1974, p. 95 seq., n. 333.
37 Cf. W. Hoepfner, Zwei Ptlolemaierbauten, AM, Beiheft 1, Berlin, 1971, p. 87 seq.
(sur la diffusion de l'ionisme oriental par les architectes ptolémaïques).
38 M. Hofmann, dans RE, 23, 2, 1959, col. 1702-1720 (sur le règne de Ptolémée VI,
Philomètor).
39 Notons par exemple la construction d'un gymnase à Salamine, dès la fin du IIIe s.
(J. Delorme, Gymnasium, Paris, 1960, p. 198; J. Pouilloux, dans RA, 1966, p. 337 seq. et
RA, 1971, p. 291 seq.). D'autre part la présence de Salaminiens de Chypre, commerçants ou
banquiers à Délos, à Athènes et en Italie méridionale, la facilité avec laquelle ces Grecs
d'Orient échangent, au IIe s., leur nationalité d'origine contre la citoyenneté de villes de Grande
Grèce sont autant d'indices d'une véritable «marche vers l'Ouest» dont J. Pouilloux a récem
ment souligné l'importance {Salaminiens de Chypre à Délos, dans Etudes déliennes, Supplé
mentI au BCH, Paris, 1973, p. 399 seq.). Il est possible que la venue d'Hermodoros à Rome
s'inscrive dans cette dynamique, où les hommes d'affaires n'étaient pas seuls à être impliqués,
même s'ils en étaient les éléments moteurs.
40 W. Hoepfner, Zum ionischen Kapitell bei Hermogenes und Vitruv, dans AM, 83,
1968, p. 213 seq.
LES PREMIÈRES GÉNÉRATIONS D'ARCHITECTES HELLÉNISTIQUES À ROME 397
par exemple de ces spécialistes dont Aemilius Paulus avait peuplé sa maison (Plutarque, Aem.,
IV, 9). Sur l'hostilité politique qui sépara longtemps les Metelli du «cercle» des Scipions, cf.
R. Syme, dans JRS, 34, 1944, p. 105 seq. (critique de W. Schur, Das Zeitalter des Marius
und Sylla, Klio, Beiheft 46, Leipzig, 1942). Sur le cercle de Brutus Callaicus, patron d'Accius,
cf. A. La Penna, dans Dialoghi di Archeologia, 1971, p. 205 seq. et A. E. Astin, op. cit., p. 296.
46 VI, praef. 5.
47 Pour les phases pré-augustéennes de ces temples, cf. H. F. Rebert, H. Marceau, The
Temple of Concord in the Roman Forum, dans MAAR, 5, 1925, p. 53 seq.; Tenney Frank,
The First and Second Temples of Castor at Rome, ibid., p. 79 seq.; P. Romanelli, dans
Mon. Ant, 46, 1963, p. 201 seq. (pour le temple de la Magna Mater; les résultats de la
fouille du site ont été résumés dans Hommages à Jean Bayet, Bruxelles, 1964, p. 619 seq.).
48 Le pouvoir des Metelli atteint en effet son apogée entre 120 et 115. Cf. M. Gwyn
Morgan, loc. cit., dans Athenaeum, 49, 1971, p. 298. Sur L. Metellus Dalmaticus, fils aîné
du Calvus, neveu du Macédonique, consul en 119, triomphateur de la Dalmatie en 118, cf.
J. van Ooteghem, Les Caecilii Metelli de la République, Bruxelles, 1967, p. 106 seq. et
M. Gwyn Morgan, ibid., p. 289 seq. Sur l'auteur de la restauration de la Magna Mater, identifié
en dernier lieu à C. Metellus Caprarius, consul en 113, triomphateur de la Thrace en 111,
cf. M. Gwyn Morgan, loc. cit., dans Klio 55, 1973, p. 235 seq. Les vers d'Ovide (Fastes, IV,
247-48: templi non perstitit auctorl Augustus nunc est, ante Metellus erat) laissent en fait
le champ libre à plusieurs hypothèses. Cf. Van Ooteghem, op. cit., p. 104.
LES PREMIÈRES GÉNÉRATIONS D'ARCHITECTES HELLÉNISTIQUES À ROME 399
49 Cf. F. Tannen Hinrichs, Die lateinische Tafel von Bantia und die «lex de Piratis»,
dans Hermes, 98, 1970, p. 494 seq. Sur la réduction du commerce en Méditerranée orientale
au début du ΓΓ s. av. J.-C, voir par ex. P. Baldacci, dans Recherches sur les amphores romaines,
Collection de l'Ecole Française, 10, Rome, 1972, p. 18.
50 Sur le temple de S. Salvatore in Campo, construit en marbre du Pentélique, cf.
MEFRA, 85, 1973, p. 150 seq.
51 Cicéron, De Oratore, I, 62; cf. F. Coarelli, loc. cit., p. 340.
52 Pour la tholos du Forum Boarium, cf. F. Rakob, op. cit., p. 2 seq., planches 5 seq.
et Beilage 6. Pour le temple de S. Salvatore in Campo, cf. MEFRA, 85, 1973, p. 151.
53 Tenney Frank, loc. cit., p. 100.
54 Vitruve III, 4, 5 (texte de Fensterbusch).
400 PIERRE GROS
qu'elle eût affecté quelques-uns des lieux les plus fréquentés et les plus
vénérés de Rome70. La faction modérée de la nobilitar, qui garde en mains
la situation, reprend en fait à son compte l'attitude pragmatique et discrète
qui avait toujours été d'ailleurs celle des nobles les plus intelligents de la
période antérieure, soucieux surtout de filtrer ce qui, dans la culture grecque,
pouvait être utile aux techniques du pouvoir et de la conquête 71. L'austérité
de la censure de Scipion Emilien en 142 avait déjà su marquer avec fermeté,
face à un Mummius enivré par le nombre et la splendeur des spolia de
Corinthe, la nécessité d'un retour urgent aux maiorum instituta 72. Et depuis
l'aventure des Gracques, tout philhellénisme accusé était devenu ambigu sinon
suspect. Le stoïcisme de Panétius n'avait pas nourri seulement la pensée
des cercles aristocratiques, mais fourni à Ti. Gracchus et à son eminent
conseiller Blossius de Cumes la base doctrinale d'une réforme agraire!73
L'autre raison n'est en somme que le corollaire technique de celle-là:
ce qui faisait, aux yeux d'un Brutus Callaicus, le prix d'une construction
signée par l'un des maîtres de l'ionisme oriental, devait entraîner aussi sa
relative stérilité, car cette architecture importée restait extérieure aux
préoccupations réelles des bâtisseurs locaux, même si elle proposait des solu
tions élégantes à divers problèmes de détail. En ce domaine comme dans tous
les autres, l'hellénisation ne pouvait être que le résultat d'une longue osmose,
d'un long travail d'assimilation et de contamination 74: plus efficace que ces
tecture en rupture trop ostensible avec la tradition (cf. Plutarque, C. Gracchus, 17). Sur
Térence et le public populaire, voir P. Grimai, Le siècle des Scipions, Paris, 1953, p. 152 seq.
Cf. aussi G. Garbarino, op. cit., II, p. 560 seq.
70 Dans le cas de Vaedes Matris Magnae, il est probable que le clergé très traditionaliste
de cette divinité joua un rôle déterminant dans le choix du plan et du matériau. Cf. P. Hommel,
Studien zu den Figurengiebeln der Kaiserzeit, Berlin, 1954, p. 30 seq.
71 Cf. A. La Penna, dans Dialoghi di Archeologia, 1971, p. 193 seq. Voir aussi P. Grimal,
op. cit., p. 115 seq.; G. Garbarino, op. cit., II, p. 349 seq. (notamment sur le problème de
l'expulsion des philosophes, en 161 et en 154).
72 A. E. Astin, op, cit., p. 115 seq.
73 Cf. D. R. Dudley, dans JRS, 31, 1941, p. 94 seq.; M. Pohlenz, Die Stoa, Geschichte
einer geistigen Bewegung, Göttingen 2e edit., 1959, p. 205 seq.; Α. Ε. Astin, op. cit., p. 195 seq.;
G. Garbarino, op. cit., II, p. 445 seq.
74 L'exemple de l'art oratoire est significatif: lorsque Polybe assure le jeune Scipion qu'il
trouvera toute l'aide souhaitable auprès de ceux de ses compatriotes qui maîtrisent les techniques
intellectuelles auxquelles celui-ci veut avoir accès (Polybe, 31, 24, 6: ... τα μαΰήματα περί â
νυν όρώ σπουδάζοντας ύμας...) il est bien entendu pour le maître comme pour l'élève qu'il s'agit
essentiellement d'acquérir ou d'affiner, dans la langue latine, des outils conceptuels et rhétoriques
qui sont encore déficients. Même si l'on apprend le grec, on se garde bien de devenir un
Grec dans ses mœurs et ses modes d'expression. On connaît les sarcasmes dont Polybe accable
404 PIERRE GROS
modèles imposés de façon autoritaire et sans lien avec les recherches anté
rieures, la diffusion des cartons, le choix parmi ceux-ci de ce qui s'adaptait
le plus facilement aux conditions d'emploi et de taille des matériaux couramment
utilisés, aux plans et aux ordonnances les plus familières, devaient pro
mouvoir des solutions fécondes, surtout après 129, date de la pacification
et de l'organisation de la province d'Asie.
Les années de transition entre le second et le premier siècle en ad
ministrent la preuve. Entre 110 et 90 av. J.-C. s'élèvent à Rome deux séries de
temples « hellénistiques », dont il faut bien convenir qu'elles demeurent
presque étrangères l'une à l'autre. D'un côté réapparaissent, créations de ce
que R. Delbrueck appelait déjà « der römische Kapitalismus » de l'époque
tardo-républicaine 75, des objets monumentaux de marbre, isolés et figés dans
leur impeccable étrangeté: la tholos du Forum Boarium, dont F. Rakob a
montré les imperfections de détail dues à l'inexpérience d'une main-d'œuvre
partiellement locale, mais dont le plan ainsi que les éléments majeurs de
l'ordre, quoique taillés sur place, s'affirment comme des œuvres grecques76;
le temple périptère à crépis de San Salvatore in Campo, dont nous avons
souligné dans une étude précédente le caractère singulier, et, à certains
égards, unique, dans l'architecture religieuse urbaine77.
De l'autre, des constructions qui, contemporaines, ou très légèrement
postérieures à ces nouveaux temples marmoréens, présentent, avec l'emploi
Aulus Albinus Postumius (39, 1, 3 seq. et 31, 25, 4) qui compose des œuvres en Grec. Polybe
le fait, sans aucun doute, avec l'accord et les encouragements de Scipion (cf. M. A. Momigliano,
loc. cit., p. 191). Au contraire Cicéron (Brutus, 25) désigne avec satisfaction en M. Aemilius
Lepidus Porcina (cos. 137) le premier orateur romain qui ait su assimiler les principales figures
de la rhétorique grecque et les transposer dans un moule latin. Sur Polybe et Scipion, voir
les pages capitales de P. Grimai, op. cit., p. 138 seq. et G. Garbarino, op. cit., II, p. 392 seq.
75 R. Delbrueck, Hellenistische Bauten in Latium, II, p. 180. On sait que la tholos du
Forum Boarium a été récemment identifiée à Yaedes Herculis Victoris seu Invicti, ce qui
désignerait comme son commanditaire un mercator du nom de M. Octavius Hersennus. Cf.
F. Coarelli, dans Dialoghi di Archeologia, 1971, p. 263 seq. L'hypothèse est reprise par F. Rakob,
W.-D. Heilmeyer, op. cit., p. 37. Sur Octavius Hersennus, cf. Macrobe, Saturn., Ill, 6, 11;
Servius, Ad Aen., VIII, 363 (voir G. Lugli, Fontes ad topographiam veteris Urbis Romae
pertinentes, 8, n° 357-358, p. 355).
76 W.-D. Heilmeyer, dans Der Rundtempel am Tiber in Rom, p. 19 seq. Le temple date
certainement encore de la fin du IIe s., bien que cet auteur et F. Rakob hésitent à la situer
avant les années 90, en raison de la trop fameuse notice de Pline (HN, 17, 6) sur l'absence
de colonnes de marbre dans les édifices publics de Rome au temps de la censure de L. Licinius
Crassus. Cf. supra, n. 23, et notre c/r dans Latomus, 34, 1975, p. 823 seq.
77 MEFRA, 85, 1973, p. 150 seq.
LES PREMIÈRES GÉNÉRATIONS D'ARCHITECTES HELLÉNISTIQUES À ROME 405
78 Sur l'identification de ce temple, cf. P. Boyancé, dans MEFR, 57, 1940, p. 64 seq. et
F. Coarelli, dans Palatino, 12, 4, 1968, p. 369. Sur le délai, toujours relativement court, qui
sépare un triomphe de l'achèvement des constructions payées avec les manubiae, voir M. Gwyn
Morgan, dans Klio, 55, 1973, p. 223 seq. Si l'argent n'est pas utilisé dans les années qui
suivent immédiatement, il reste inexploité, du moins dans le domaine des constructions
publiques. L'exemple en est donné par M. Livius Drusus, cos. 112, qui triomphe en 110 [de
Scordistjeis Macedonibusque; il meurt en 109, et son fils, tribun en 91, n'utilise plus à des
fins édilitaires l'argent disponible. Sur le triomphe de Catulus en 101, et sa lutte contre les
Cimbres, cf. Plutarque,. Marius, 23-26. Voir en dernier lieu R. G. Lewis, dans Hermes, 102,
1974, p. 90 seq.
79 L. T. Shoe, op. cit., p. 178, pi. 56, 1.
80 Vitruve, IV, 8, 1, ne connaît, on le sait, que les tholoi monoptères à podium (tribunal)
et les tholoi périptères à crépis. Sur la typologie des temples ronds, cf. en dernier lieu
W. Binder, Der Roma-Augustus Monopteros auf der Akropolis in Athen und sein typologischer
Ort, Stuttgart, 1969.
81 On notera en particulier la densité de la colonnade et l'étroitesse du déambulatoire.
Cf. La publication prochaine de l'édifice, à paraître dans les Studi Romani.
82 Voir à ce sujet les remarquables analyses de W. Alzinger, op. cit., p. 137 seq.
406 PIERRE GROS
87 Milet, monument de Laodicée; temple de Zeus à Diocésarée. Cf. G. Roux, op. cit.,
p. 378 seq.
88 Comme le souligne d'ailleurs, à juste titre, W.-D. Heilmeyer.
89 La même particularité se retrouvera, plus tard, au temple d'Apollon Palatin, cf. H. Bauer,
dans RM, 79, 1969, p. 183 seq.
90 Vitruve, III, 2, 5 et VII, praef. 17. Sur la nécessité de maintenir la leçon des manusc
ritsdans le premier passage: et, ad Mariana, Honoris et Virtutis sine postico a Mudo facta . . .,
cf. en dernier lieu MEFRA, 85, 1, p. 137 seq.
91 II est dommage que ce personnage, cité deux fois par Vitruve (cf. note précédente),
nous reste inconnu par ailleurs. Nous avons avec lui, et avec ce Cossutius qui travailla à
lOlympéion d'Athènes (cf. P. Bernard, dans Syria, 45, 1968, p. 148 seq.), le premier exemple
d'un architecte romain de quelque renom. Sur Valerius d'Ostie dans le deuxième quart du
Ier s. av. J.-C, cf. Pline, HN, 36, 103. Sur L. Cornelius, architectus Catulli, cf. G. Molisani,
dans Atti Ace. Naz. Lincei, Rendiconti, 26, 1971, p. 41 seq.
92 Sur l'aversion de Marius à l'égard des raffinements hellénisants, cf. par ex. A. La Penna,
loc. cit., p. 210 seq.
408 PIERRE GROS
sans renoncer aux normes des périptères de tradition ionique, Mucius les
adapta à un vieux plan italique. Vitruve n'émet qu'un regret/lorsqu'il évoque
son œuvre, c'est qu'elle n'ait pas été bâtie en marbre95. Appréciation superf
icielle, qui cache sans doute un malaise plus profond: entre le temple
métellien de Juppiter Stator et celui de Marius, il y a toute la distance qui
sépare une architecture où les recherches modulaires définissent une entité
autonome, et dont les proportions répondent essentiellement à des principes
esthétiques, d'une architecture de la continuité où les schémas traditionnels
sont volontiers altérés pour permettre l'insertion du temple dans une
suite monumentale.
Le temple Nord du Forum Holitorium, intégré à une série de trois
sanctuaires, en offre un bon exemple94. Lui aussi dépourvu de colonnade
postérieure, il présente une façade hexastyle, ionique. Et, comparable en cela
au temple rond du Largo Argentina, il compte un nombre appréciable
d'éléments de dérivation asiatique, à tous les niveaux de sa modénature:
sa base à double scotie, au profil plus souple et aux moulures plus élaborées
que celle de la dite tholos, est, à cette date, la variante la plus habile d'un
prototype gréco-oriental encore peu diffusé en Occident 95. Il est peu pro
bable qu'aucun des temples de marbre alors construits à Rome ait comporté
des bases de ce genre %: un mode de dérivation par circulation des « cartons »,
analogue à celui que nous postulions pour les chapiteaux du temple du
Largo Argentina doit rendre compte de cet emprunt. D'autres « citations »
semblables, quoique plus maladroites, ont été relevées par L. T. Shoe au
couronnement de la frise et à la corniche97. La même indépendance se
trouve donc ici proclamée, par rapport aux périptères marmoréens de VUrbs,
antérieurs ou contemporains: un souci constant d'animation du décor archi-
tectonique, le goût, parfois abusivement qualifié de « baroque » 98, pour
des profils plus riches et des modénatures plus accentuées, où le stucage
ajoutait un mouvement et une couleur dont il nous est difficile d'imaginer
NUOVE OSSERVAZIONI
SULLA LAMINA BRONZEA DI CERERE A LAVINIO
CERERE · AVLIQVOQVIBVS
VESPERNAM · PORO
2 F. Castagnoli, in Studi e materiali di storia delle religioni, 30, 1959, pp. 1-9. Per questa
epigrafe, che vanta ormai una ricca bibliografia, cf. P. Sommella, in Gymnasium, 81, 1974,
pp. 281-283 e, ultimamente, lo stesso F. Castagnoli, in Lavinium, II, Roma, 1975, pp. 441-
443, fig. 507.
3 M. Guarducci, in Archeologia Classica, 11, 1959, pp. 204-210, tav. 67.
4 L. Cozza, in Lavinium, II, cit., pp. 168-171.
LAMINA BRONZEA DI CERERE A LAVINIO 413
6 Un esempio se ne trova in uno dei cippi di Tor Tignosa databili fra il IV e il III se
colo av. Cr.; gli altri coevi cippi della medesima località presentano però l'apposizione dono ο
d(ono): cf. M. Guarducci, in Bull. Cornuti., 72, 1946-1948, pp. 3-10, tav. 1; Id., ibid., 76, 1956-
1958, pp. 3-13 (Append.); Id., in Rom. Mitt., 78, 1971, p. 75. Nel mondo greco si trovano
talvolta dediche consistenti nel semplice nome della divinità in dativo, ma soltanto quando
si tratta di doni di scarso rilievo. Altrimenti non mancano i nomi dei donatori, i quali (è ovvio)
desiderano lasciare anche un ricordo di se stessi (cf. M. Guarducci, Epigrafia greca, III, Roma,
1975, p. 8 sèq.).
7 F. Castagnoli, in Lavinium, II, cit., p. 441. Dopo aver affermato che l'epigrafe dei
Dioscuri è votiva, egli aggiunge: « La seconda [cioè quella di Cerere], per analogia, si dovrebbe
considerare anch'essa una dedica (seguita in questo caso da una prescrizione rituale)»; e poco
dopo, avendo negato che i blocchi con le impronte ed i chiodi siano altari, prosegue: «si
deve perciò pensare a basi di donari, forse con statuette analoghe a quella della kore; anche
le lamine conservate dovranno probabilmente spiegarsi in tal senso». In verità, la lamina di
Cerere non contiene affatto una dedica, bensì una legge sacra. A questa allude anche il Castag
noli, parlando di «prescrizione rituale». Egli scrive però, inesattamente, «seguita in questo
caso da una prescrizione rituale»; la lamina contiene infatti essa stessa soltanto la prescrizione
rituale. Il Castagnoli pensa forse, confusamente, alla ipotesi da me prospettata or ora come
assai poco verosimile, che cioè la legge sacra sia stata preceduta sulla medesima base da un iden
tica lamina contenente una dedica. Le sue frasi un po' incerte dimostrano, comunque, ch'egli
sente difficoltà nel sostenere la tesi delle basi votive.
LAMINA BRONZEA DI CERERE A LAVINIO 415
U. Scamuzzi (1963) 17. Egli interpreta: «da ultimo (si presenti) a Cerere un'of
ferta serale a base di interiora lessate». Il poro acquista l'insolito significato di
postea e, per conseguenza, l'autore è costretto ad ammettere l'esistenza di una lamina
precedente nella cui epigrafe il poro equivalente a postea trovi la sua giustificazione.
Ma ciò è insostenibile, come dimostrano i blocchi rinvenuti a Lavinio con le loro
impronte di una singola lamina.
G. Pugliese Carratelli (1968) 18. Pensando che la lamina fosse applicata ad un
altare, egli intende: «Cerere(i) auliquoquibus vespernam <facito> poro », vale a dire
« con viscere bollite <fa> il pasto (sacrificale) della sera qui irinanzi ». Ma la spiegazione
cade per due principali motivi: anzitutto non si tratta di un altare e, in secondo
luogo, è impossibile attribuire a poro il significato di «qui innanzi».
P. Mingazzini (1968) 19. La novità della sua interpretazione consiste nel rav
visare in auliquoquibus il primo (presunto) ricordo di una festa detta Auliquoquia.
Egli parafrasa pertanto: « (chi intenda partecipare alla festa in onore di) Cerere, detta
delle "interiora in pentola", contribuisca con almeno un porro». Precisando il suo
pensiero, l'autore ammette che i frequentatori del santuario avessero preso il malvezzo
di cenare a sbafo con le vittime macellate a spese del santuario e che perciò i
responsabili del santuario stesso, seccati, avessero imposto agli indiscreti ospiti
l'obbligo di portarsi dietro, come «contorno», almeno un porro. La spiegazione è
troppo divertente per essere accettabile. E in realtà, sebbene il poro sia stato - questa
volta - lodevolmente rispettato, si fa dire anche qui al testo ciò che francamente
esso non dice, mettendo a contributo una dotta, sì, ma un po' rischiosa immaginaz
ione. Mi sia inoltre permesso di rettificare un'affermazione del Mingazzini. Rifiutando
la ipotesi del Weinstock e mia che si tratti di due nomi divini in accusativo (Cerere(m)
e Vespernam), egli giustifica il suo rifiuto osservando che di una dea Vesperna
« nessuno ha mai sentito parlare » e dichiarando di non capire « per quale ragione
Cerere avrebbe perduto la emme finale, mentre vespernam l'avrebbe mantenuta»20.
Quanto alla ignota dea Vesperna, è facile rispondere che non pochi nomi di divinità,
sia presso i Greci sia presso i Latini, ci sono pervenuti da una sola fonte21 e che,
nel nostro caso, l'esistenza di una Vesperna è resa probabile, come già ho
spiegato e meglio spiegherò in seguito, da considerazioni di vario genere. Quanto
poi alla mancanza della m finale dopo Cerere, mentre in Vespernam la m c'è, è
quasi superfluo rilevare che Cerere è seguito da vocale, Vespernam da consonante,
e che l'elisione della m finale, mentre non è ammessa davanti a consonante, lo è
invece, e con estrema facilità, davanti a vocale 22. Cerere per Cererem è perciò, in
questo caso, pienamente legittimo.
R. Arena (1972) 23. Egli propone due soluzioni: 1) «a Cerere (si sacrifichi) con
viscere bollite, a Por (si offra) un pasto serale » ; 2) (subordinatamente) « a Cerere
(si offra) una cena a base di viscere di porco». Nel primo caso, il verbo sottinteso
sarebbe facito, intransitivo nella prima riga, transitivo nella seconda, e Poro dovrebbe
essere inteso come variante di Puero, cioè del dio Libero, associato nel culto a
Cerere. Nel secondo caso, invece, por assumerebbe il significato nuovo di porcus
al genitivo. Anche qui, come si vede, la dotta immaginazione ha largamente contribuito.
R. Schilling (1972) 24. Osservando che la divinità di Vesperna è, a suo giudizio,
sospetta, egli preferisce intendere «présente à Cérès une offrande du soir, une fres
sure bouillie en marmite ». L'autore non spiega donde risulti quell'imperativo « présente »,
ma ci vuoi poco a capire ch'esso deriva dall'indebita spiegazione di poro come forma
del verbo porrigere. Basta questo a rendere sospetta la spiegazione che lo Schilling
escogita per evitare Vesperna, da lui (non esito ad affermarlo) ingiustamente sospettata25.
Una iscrizione latina del III secolo av. Cr., e per di più rinvenuta
in un santuario notevole quale quello di Lavinio, non è cosa tanto comune
da potersi prendere con una certa disinvoltura. Ecco perché ho voluto passare
in rassegna, vagliandole criticamente, le diverse opinioni degli studiosi.
Le quattro parole dell'epigrafe hanno dato l'avvìo, come si è constatato,
a molti e disparati pensieri. Nell'ansia di giungere ad una soluzione loro,
alcuni studiosi poi hanno fatto al testo più ο meno gravi violenze, quasi
tutte imperniate sul molto dibattuto poro. D'altra parte, è assai strano
che in nessuna delle opinioni da me prese in esame sia stato sentito l'evidente
parallelismo fra i due accusativi e i due ablativi. Calcolando anche gli
scritti anteriori al 1959, bisogna riconoscere che nel corso di più di venti anni
soltanto il Weinstock ed io lo abbiamo avvertito26. Eppure quel parallelismo
richiama subito alla memoria una formula ripetuta costantemente, almeno
nell'antica Grecia, da leggi sacre e da calendari: nomi di divinità seguiti dal
ricordo delle rispettive offerte. Di solito, è vero, i nomi divini sono in dativo,
i nomi delle offerte in accusativo, con un verbo - espresso ο sottinteso -
significante il concetto di «dare», «sacrificare», ο simili. Qui, invece, i nomi
divini sono in accusativo, i nomi delle offerte in ablativo. Ma la difficoltà è
37 Athenaeus, 9, 372 A.
38 In un passo del poeta comico Xenarchos, Athenaeus, 2, 63 F, tramanda che il βολβός,
praticamente affine al porro, aveva la sua parte nel culto di Demetra. Cfr. J. Murr, Die
Pflanzenwelt in der griechischen Mythologie, Innsbruck 1890, p. 178 seq.
39 Sophocles, Oedipus rex, 178, e scolio relativo: έσπερου tìeoC του Άιδου φησί.
40 Callimachus, Hymn., 6, νν. 8-11.
422 MARGHERITA GUARDUCCI
La nuova idea, imperniata essa pure sul concetto di ' Occidente ',
mi si è affacciata per la prima volta mentre leggevo la bella prolusione con
cui nel 1969 Jacques Heurgon dette inizio - a Taranto - all'ottavo Convegno
di Studi sulla Magna Grecia.
Parlando intorno alle relazioni fra la Magna Grecia e i santuari del
Lazio, lo Heurgon propone la ragionevole ipotesi che Stesicoro, antico
poeta dell'ambiente locrese, abbia scelto quale argomento principale della
sua Ιλίου πέρσις la venuta di Enea in Occidente col fatidico scopo di fondare
una nuova Troia sulle rive del Lazio41. A tale proposito, egli cita la famosa
Tabula Iliaca Capitolina, dove si ricorda, fra le altre fonti, la 'Ιλίου πέρσις /
κατά Στησίχορον. Proprio a questo poema si riferirebbero, secondo lo studioso
francese, le tre scene in cui figura Enea: l'eroe riceve dal sacerdote gli
ιερά che l'accompagneranno nell'avventuroso viaggio; l'eroe esce dalla città
guidato da Ermete avendo il vecchio Anchise sulle spalle e il piccolo Ascanio
per mano (la scena riprodotta, com'è noto, dalle celebri statuette di Veio
della fine del VI secolo ο dell'inizio del V secolo av. Cr.); l'eroe s'imbarca
sulla nave che lo porterà in Occidente. Ed ecco la didascalia: Αίνήας συν /
τοις ιδίοις / άπαί[ρ]ων / εις την Έσπε/ρίαν (= «Enea coi suoi nell'atto di
salpare verso l'Occidente ») 42. Ho tradotto « Occidente », ma sarebbe anche
lecito tradurre « Italia ». I Greci infatti, e specialmente i poeti, solevano
applicare all'Italia il nome più vasto di Εσπερία. Questo nome poi venne
costantemente pronunciato dai Greci e successivamente dai Latini (Hesperia)
quando si trattava di Enea e della mèta cui, per volere del fato, egli tendeva.
Così Agathyllos, poeta elegiaco vissuto nell'Arcadia dell'età ellenistica, parlando
delle peregrinazioni di Enea, racconta che, dopo un soggiorno in Arcadia,
l'eroe giunse alla terra Esperia e vi generò il figlio Romolo (αυτός δ' Έσπερίην
εσυτο χϋόνα, γείνατο δ'υΐα / 'Ρωμύλον) 43. Non c'è poi bisogno di ricordare i
notissimi versi di Virgilio nei quali si racconta di Enea venuto alla terra
Hesperia 44. In questo contesto s'inserisce bene anche la tradizione riportata
da Varrone, secondo cui la stella Veneris, cioè Vesper, avrebbe guidato Enea
dalle mura di Troia alla riva di Laurento45. Tale tradizione fu ricordata
41 J. Heurgon, in Atti dell'ottavo Convegno di studi sulla Magna Grecia, Napoli, 1969,
p. 22-27.
42 A. Sadurska, Les tables Iliaques, Warszawa, 1964, p. 30 f, tav. 1. Per le tabulae Iliacae,
cf. le mie recentissime pagine (M. Guarducci, Epigrafia greca, III, Roma, 1975, pp. 425-433).
43 Agathyllus, presso Dionysius Halic, 1, 49, 2. Cf. Id., l, 35, 3, donde risulta che il
nome Εσπερία veniva applicato all'Italia non soltanto dai poeti.
44 Vergilius, Aen., 1, 569; 2, 781, ecc.
45 Servius, ad Aen., 1, 382.
LAMINA BRONZEA DI CERERE A LAVINIO 423
da me nel mio secondo articolo 46. Allora però la considerai come una elabo
razione erudita di età non troppo antica. Se infatti nel mondo greco si co
nosce già nel III secolo av. Cr. l'associazione tra Afrodite e Hesperos, l'astro
della sera, nel mondo latino l'analoga associazione fra Venere e Vesper
compare per la prima volta appunto nel I secolo av. Cr., nel suddetto passo
di Varrone e in alcuni di Cicerone. Oggi invece, prescindendo dal ricordo
della stella Venerìs, sono costretta a riconoscere che nella tradizione riportata
da Varrone si ribadisce ancora una volta la relazione molto più anticamente
stabilita fra Enea e l'Occidente.
Lo stretto legame con cui da molti secoli i Greci univano Enea a
l 'Oc idente, e precisamente all'Italia, non può non avere avuto la sua im
portanza nel santuario di Lavinio. La figura dell'eroe troiano, il ricordo
delle sue gesta e dei miracoli che accompagnarono il suo approdo alle coste
del Lazio, diffusi in Etruria già nel VI secolo e nel mondo romano almeno
nel V, ebbero eccezionale importanza nel santuario lavinate, sede della
lega dei Latini e luogo dove ufficialmente e solennemente si veneravano i
sacra principia populi Romani Quiritium47. A Lavinio esisteva anche un
heroon di Enea, che nel I secolo av. Cr. Dionigi d'Alicarnasso descrisse,
attestando parimente l'avvenuta identificazione dell'eroe con un dio locale,
Pater Indiges, legato al fiume Numicio48. Gli scavi eseguiti a Lavinio dal
Castagnoli e dalla sua scuola hanno poi confermato brillantemente le notizie
della tradizione letteraria. Mentre la forma degli altari e l'abbondante mat
eriale fittile e metallico denotano stretti contatti col mondo greco, si è
potuto anche identificare Vheroon di Enea cui allude Dionigi d'Alicarnasso;
un piccolo edificio risalente alla seconda metà del IV secolo av. Cr., ma
racchiudente in sé un'antica e veneranda tomba del VII49. Paolo Sommella,
cui si deve la suggestiva identificazione, è riuscito altresì a stabilire che
quella tomba fu incorporata nel grande santuario circa la metà del VI secolo 50.
Prescindendo dall'appassionante problema circa la vera identità del
personaggio deposto nella tomba, non si può escludere che già nel VI secolo gli si
attribuisse quel nome di Enea che probabilmente gli si dava nel IV, quando
fu costruito il piccolo edificio i cui resti sono stati rimessi in luce dagli
scavi. Alla fine del secolo poi il prestigio di Enea e della sua tradizione
dovevano essere, nel santuario di Lavinio, in pieno fiore.
Stando così le cose, la presenza in quel santuario, nella prima metà
del III secolo, di una personificazione dell'Occidente, cioè della terra italica
ricca di splendide promesse verso la quale i fati avevano sospinto Enea, non
desterebbe meraviglia. Direi anzi che proprio in quel sacro ambiente, e forse
soltanto in esso, una siffatta personificazione potrebbe essere giustificata.
I Romani dell'età repubblicana sembra non abbiano conosciuto - tranne la dea
Roma - personificazioni di città e di regioni. I Greci però, dall'età di Esiodo
in poi e specialmente nel periodo ellenistico, ne conobbero molte e alcune di
esse fecero oggetto di culto51. Non sarebbe dunque strano che quest'uso
greco fosse stato trasmesso, fra tanti altri elementi di cultura e di religione,
all'ambiente fortemente grecizzato di Lavinio. In altri termini, non ci si
potrebbe stupire che, sulla scia di Enea e forse per impulso della tradizione
dotta, una Εσπερία fosse penetrata nel santuario lavinate, assumendo qui
il nome latino di Vesperna. Si noti, a questo proposito, che Vesperna è
l'esatto equivalente di 'Εσπερία. Come infatti 'Εσπερία è forma aggettivale
di Έσπερος, così Vesperna lo è di Vesper, che a sua volta può assumere
anch'esso il significato di « regione occidentale » 52. Si osservi infine che una
personificazione della forma aggettivale εσπερία è attestata nel mondo greco,
sia pure in altro contesto, dalla figura della eroina troiana (anche qui,
Troia!) 'Εσπερία, amata da Aisakos figlio di Priamo53.
Ammessa l'esistenza - nel santuario di Lavinio - di una Vesperna
come personificazione della Hesperia tellus che tanta importanza assume
nella leggenda di Enea, non sarebbe difficile spiegarsi come codesta Vesperna
fosse stata attribuita quale compagna di mensa a Cerere. Da una parte infatti
anche Cerere era legata alla terra, dall'altra una dea dell'Occidente poteva
essere concepita altresì quale regina del mondo infero, assumendo perciò
l'aspetto di quella dea che i Greci consideravano Cora figlia di Demetra e i
Solinus, 2, 14.
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Aucune joute oratoire n'est plus célèbre dans l'œuvre de Tite-Live que
celle où s'affrontèrent cette année-là Caton l'Ancien, consul, âgé de moins
de quarante ans 1, et deux tribuns de la plèbe, L. Valerius et M. Fundanius,
l'un pour maintenir la loi Oppia, les autres pour en obtenir l'abrogation.
Comme l'historien ne la mentionne qu'à cette date tardive2, laissons-lui la
parole: « Tulerat earn C. Oppius tribunus plebis Q. Fabio, Ti. Sempronio
consulibus, in medio ardore Punici belli, ne qua mulier plus semunciam auri
haberet neu uestimento uersicolori uteretur neu iuncto uehiculo in urbe
oppidoue aut propius inde mille passus nisi sacrorum publicorum causa
ueheretur » 3. Passons sur les manifestations tumultueuses des matrones, les
prouesses oratoires du consul et de L. Valerius, son antagoniste. Tout cela,
Tite-Live l'évoque ou le reconstitue de façon si pittoresque, disons même
si actuelle, que le charme de sa relation en oblitère la substance historique.
De ce point de vue en effet tout est loin d'être clair, et d'abord la date.
Tite-Live paraît catégorique: « Q. Fabio, Ti. Sempronio consulibus »
nous reporte à l'année 215, car L. Postumius Albinus, élu pour la troisième
fois fin 216 (?), s'étant laissé surprendre avec toute son armée par les Boïens
1 234-149. Son collègue, L. Valerius Flaccus, le sera aussi à la censure en 184. Il ne parti
cipe pas, semble-t-il, au vif du débat. Aux tribuns hostiles à la loi s'opposent deux de leurs
pairs, M. et P. Junius Brutus.
2 Liv. XXXIV, 1-8, 3.
3 Ibid. 1, 3. Tacite, auquel on renvoie d'ordinaire, évoque à deux reprises (A. III, 33, 4 et
34, 6) en un débat contradictoire les « Oppiae leges » dans un contexte beaucoup plus général
- les épouses des gouverneurs les accompagneront-elles? - où l'avarice et l'ambition tiennent
une place notable, au demeurant élogieux pour nombre d'épouses. A retenir en particulier
(34,7): «Nam uiri in eo culpam si f emina modum excédât» - définition même de la luxuria.
L'auctor de la proposition repoussée est A. Caecina Seuerus, le valeureux « second » de Germa-
nicus, au ménage uni, six fois père - et de souche étrusque.
428 AUGUSTE HAURY
4 Liv. XXIII, 24 et 25. Polybe (III, 118): «... μετ' ολίγας ημέρας». Que vaut cette préci
sion chronologique? Le Grec ne mentionne pas plus les répercussions électorales du nouveau
désastre qu'il n'énumère les résolutions énergiques prises par le Sénat.
5 Ibid. 31, 12-14.
6 Valére Maxime, IX, 1, 3: «lus per continuos uiginti annos seruatum».
7 «At uero nos uicesimum iam diem patimur hebescere aciem horum auctoritatis». Asco-
nius précise dix-huitième.
UNE «ANNÉE DE LA FEMME» À ROME, 195 AVANTJ.-C? 429
8 Erreur de Rotondi, Leges publicae populi Romani, rééd. Olms 1962: «... vieto di por
tare... ornamenti d'oro d'oltre mezza libra di peso».
9 Valere Maxime, IX, 1, 3: «... nec ueste uarii coloris uti».
10 Liv. I, 34, 8 et Heurgon, op. laud. p. 162-163.
11 Liv. V, 25, 8-9; cf. Heurgon, op. laud. p. 163. J. Bayet paraît renoncer à expliquer ce
point; mais signale que Romulus leur aurait, d'après Ovide (Fastes, I, 617 et suiv.), déjà accordé
cet honneur par gratitude envers les Sabines. De Caton censeur Tite-Live écrit (XXXIX, 44, 2):
« Ornamenta et uestem muliebrem et uehicula quae pluris quam quindecim milium aeris essent,
deciens tanto pluris quam quanti essent iuratores (répartiteurs assermentés) iussi». Cf. Plutarque,
CM. 18, 2. Textes cités par Madame Malcovati, Oratorum Romanorum fragmenta, I, 39 (De
uestitu et uehiculis). Outre le prix, considérable, souvenons-nous que plus de dix ans séparent
consulat et censure, pendant lesquels la victoire sur Antiochus (192-190) a précipité l'invasion
du luxe. Mais ici encore Caton songe au Trésor, comme le dit expressément Plutarque.
12 Rotondi, op. laud.
13 La chronologie très incertaine de ses pièces ne permet guère d'en tirer ici parti. D'après
Lejay (Plaute, p. 3) l'Aululaire serait antérieure, YEpidicus postérieur à l'abrogation de la loi
Oppia, que paraît déplorer (225 et suiv.) l'esclave Epidique, meneur du jeu.
430 AUGUSTE HAURY
14 Notre
15
16 Malcovati,
Cinéas,Caton
le séducteur,
op.(De
laud.
agricultura,
LXIV,
échouefragment
également
143) ordonne
traduit
auprès
que
pardesJ.la matrones,
Bayet,
uilica Littérature
« neibid.
luxuriosa
4,6latine.
et siet
suiv.» - dépens
la lex Orchia de cenis (181) le nombre des convives, la lex Fannia cibaria (161)
les aliments, la boisson et la vaisselle, la lex Aemilia (115) le genre de mets.
Je passerais sous silence la lex Licinia de 103 (?), car elle reprend pour
l'essentiel la lex Fannia, si elle n'eût été abolie par la lex Duronia dès 98.
Derechef la lex Cornelia (81) réduit la dépense et taxe certaines denrées;
la lex Antia (71), outre la dépense, toujours elle, règle les invitations à
magistrats; après Pompée (55) César aussi s'en mêle (46). De ce régime
végétarien est victime Cicéron, qu'intoxiquent des champignons (Fam. VII,
26, à Fadius Gallus), mais le si galant dictateur n'épargne pas les dames:
« Lecticarum usum, item conchyliatae uestis et margaritarum nisi certis per-
sonis et aetatibus perque certos dies ademit », ajoute Suétone (Caes. 43),
et Saint Jérôme (Chron. ol. 1, 3, 4): « Prohibitae lecticis margaritisque uti
quae nec uiros nec liberos haberent et minores essent annis XLV ». D'où ce
commentaire de Jérôme Carcopino (César, 4e éd. P.U.F. 1950, p. 997, n. 187):
« Sous le législateur perce le pince-sans-rire, qui plaçait les femmes dans la
nécessité de choisir entre l'aveu de leur âge et leurs colliers de perles ».
Ce trait d'esprit ne doit pas nous détourner de consulter sa source
principale. Or Suétone commence par ces mots: « Peregrinarum mercium
portoria instituit », qui eux aussi ont des précédents. Ainsi la lex Fannia (161)
édicte-t-elle que les notables se régalant entre eux aux fêtes de Cybèle suivant
un rite antique sont tenus de jurer entre autres choses « neque uino alieni-
gena, sed patrio usuros » (Gell. II, 24, 2) 18. Ainsi ne serait pas visée toute
dépense excessive, mais celle qui eût entraîné ce que nous appelons une
«sortie de devises». Mesure économique et financière plus que morale,
surtout à haute époque. N'était-ce pas déjà le but de la lex Oppia? Nous
y voyons en effet condamner le port de vêtements multicolores, de bijoux
d'or excédant une demi-once. Or d'où viennent surtout ces objets? M. Heur-
gon nous le suggère. Comparant la gaucherie de la statuaire étrusque à la
perfection des bijoux il écrit (op. laud. p. 228): «Nous n'écarterons donc
pas tout à fait une hypothèse. C'est l'attrait du cuivre et du fer étrusques,
on l'a vu, qui a déterminé la colonisation grecque en Italie et la fondation
chalcidienne de Cumes au VIIIe siècle. « Mais qu'apportaient donc en échange
les Grecs? » se demande-t-on. La réponse ne serait-elle pas: de l'or, des
bijoux d'or ». Au IIIe siècle ne serait-ce pas le cas pour Rome - et ne
18 Aulu-Gelle (II, 24, De uetere parsimonia deque antiquis legibus sumptuariis) cite et
commente librement les lois Fannia, Licinia, Antia, Iulia, qui «ad populum peruenit Caesare
Augusto imperante » d'après les Conjectures d'Atéius Capiton.
432 AUGUSTE HAURY
disons rien des tissus de luxe 19 - surtout depuis son expansion maritime de
l'entre-deux-guerres?
Cette hypothèse posée, quelles considérations permettent d'opter entre
215 et 213? La seconde date paraît a priori moins sûre puisqu'elle se
heurte aux « vingt ans » du texte livien, mais son contexte historique plaide
aussi contre elle. M. Heurgon, qui tient pour 213, parle (op. laud. p. 163)
des « plus sombres jours de la seconde guerre punique ». Certes cette année
voit les Carthaginois reprendre pied en Sicile grâce au renversement de
l'alliance syracusaine et l'on redoute que leur allié Philippe V après son
échec illyrien devant Apollonie en 214 (Liv. XXIV, 40) n'opère par mer la
jonction de son armée avec celle d'Hannibal. Rome néanmoins tient tête
et même remporte des succès en Espagne, ce fief des Barcides 20. Au contraire
215 voit se développer les conséquences des désastres apulien et cisalpin:
au printemps l'alliance de Philippe et d'Hannibal, puis la mort du fidèle
Hiéron21, qu'avait dès 216 menacé une conspiration familiale. Virtuellement
la défection est consommée qui permettra aux Carthaginois d'ouvrir un
nouveau front en Sicile comme ils le vont tenter en Sardaigne22, réparation
aux mânes d'Hamilcar 23. Aussi bien l'année 215 occupe-t-elle chez Tite-Live
27 chapitres24, l'année 213 moins de 925.
Cette même année 215 nous montre Rome aux prises de surcroît avec
une crise économique et financière. Dans la seconde moitié de 216 le tribun
Minucius a fait voter la création de « tresuiri mensarii » 26, auxquels Tite-
Live se réfère explicitement à tout le moins deux autres fois27, la première
en 214 « ob inopiam aerarli », la seconde en 210, « cum pecunia in aerario
non esset » 28. A l'en croire, ces commissaires encaissent en 214 les contri-
butions volontaires des mineurs et des veuves (XXIV, 18, 13), en 210 celles
des magistrats et sénateurs, puis, à leur exemple, des chevaliers et de la
plèbe. Ce n'est là qu'un indice parmi d'autres. Aussi bien la vie économique
ne reprit-elle véritablement qu'après la victoire du Métaure29.
Or si l'année 216 a été désastreuse, l'année 217 l'avait été à peine
moins et, comme « guerre faite sans bonne provision d'argent n'a qu'un
soupirail de vigueur », que « les nerfs des batailles sont les pécunes » 30, la
tradition y place une nouvelle dévaluation 31. Elle aurait réduit l'as du dixième
au seizième du denier, le sesterce passant malgré son nom de deux as et
demi à quatre. Il en serait résulté un allégement des dettes, notamment de
celles du Trésor, comptabilisées en as. A dire vrai nous ne connaissons
exactement ni l'intitulé de la loi, ni sa date. D'ordinaire on restitue dans
la note de Festus sur « graue aes » (p. 87 L) [lege Fla] minia minus soluendi,
intitulé qui placerait le vote de la loi avant le départ du consul pour Tras
imène et son application sous la dictature de Fabius. C'est la solution pru
dente adoptée par M. Vallet dans son édition du livre XXII (P.U.F. 1966),
note à 10, 7, conciliant ainsi une restitution probable avec l'indication de
Pline l'Ancien: « Q. Fabio Maximo dictatore » 32. Tite-Live dit bien qu'après
son élection Flaminius ne demeura qu'un jour à Rome, mais il a pu se
tromper (note de M. Vallet à XXII, 1, 5).
Mais si la dévaluation peut soulager le Trésor en tant que débiteur
envers ses nationaux, elle ne le soulage pas en tant qu'acheteur à l'étranger:
le jeu des changes accroît en général le coût des importations. D'où la
nécessité de les restreindre au strict nécessaire et de contrôler ce que nous
appelons les sorties de devises. Sans doute le denier serait-il demeuré stable,
la dévaluation de l'as n'affectant que le marché intérieur. Il n'en demeure
pas moins certain que si la loi Oppia fut votée sous le troisième consulat
du prodictateur de 217, elle s'insère, sinon dans un plan, du moins dans
une série de mesures cohérentes imposées par les malheurs sans précédent
de 216 à des magistrats dont l'un au moins n'avait pas la mémoire courte.
37 C'est ainsi que Sir Ronald Syme interprète les Annales de Tacite. La critique de Tibère
dissimule celle d'Hadrien. Beau «montage» aussi que ce débat contradictoire entre l'opposition
sénatoriale et Claude à propos de l'admission de sénateurs gaulois (A. XI, 23-24).
38 Interprétation déjà de Ferrerò, Repubblica d'Augusto p. 281 - qui croit néanmoins à
l'authenticité du discours de Caton, dont M. de Saint- Denis écrit (op. laud. p. 77): «Nous ne
possédons pas le discours réellement prononcé de Caton, mais cet arrangement de Tite-Live,
mélange de boutades et de sarcasmes, de raillerie et d'indignation, paraît être, dans l'ensemble,
un excellent - à-la-manière-de-Caton». MM.J.M. André et A. Hus, L'Histoire à Rome, P.U.F.
1974, vont plus loin (p. 88): «II est même presque certain... qu'ayant à faire parler Caton contre
l'abrogation de la loi Oppia (Tite-Live) n'a pas consulté l'original». Des mêmes, p. 96: «C'est
son rêve de Rome que Tite-Live transcrit, et son œuvre doit aussi être appréciée de ce point
de vue». Thèse extrême que celle que soutient H. Tränkle, Cato in der vierten und fünften
Dekade des Livius, Verlag der Akademie der Wissenschaften und der Literatur, Mayence 1971.
Il affirme que le discours authentique n'existait plus au temps de Tite-Live et nie de surcroît que
le style doive rien au Censeur.
39 «Scripsit... et dialogos quos non magis philosophiae annumerare possis quam historiae
et ex professo philosophiam continentes libros» (Sénèque, Ludi. 100, 9).
40 396 (Tite-Live) ou 391 (Bayet).
41 Aulu-Gelle, IV, 3, 2 (éd. Marache). Il avait été contraint par les censeurs de jurer de
« prendre femme pour avoir des enfants » et préféra la religion du serment à son inclination
et à son amour.
436 AUGUSTE HAURY
42 VI, 56, 15. Effet notamment de leur Πίστις (= fides). Intéressant commentaire de M. Hein
rich Dörrie, Polybios über «Pietas, religio» und «Fides», dans les «Mélanges. .. offerts à
P. Boyancé», 1974, p. 251-272.
43 V. n. 14.
44 Op. laud. p. 74.
45 CM., notamment ch. 24, à propos des relations du veuf avec une jeune esclave, puis de
son remariage avec la fille de son ancien secrétaire. «Et comme l'on apprêtait les noces,
Caton le fils, prenant quelques-uns de ses parents et amis avec lui, alla devers son père,
lui demander s'il avait commis aucune faute envers lui, ou s'il lui avait point fait quelque
déplaisir, pour dépit duquel on lui amenât une marâtre. Et lors le père s'écria: «Oh! Ne dis
jamais cela mon fils; je trouve bon tout ce que tu fais, et ne m'en saurais plaindre en sorte
que ce soit; mais je le fais pour autant que je désire avoir plusieurs enfants, et laisser plusieurs
citoyens tels que tu es à la chose publique». (Trad. J. Amyot, La Pléiade, N.R.F. 1959).
46 En inversant les genres du trait de Cicéron contre Clodia, Cael. 32. Curion le Père
(Suétone, César, 52, 6) est plus caustique encore.
47 «Vrbani, seruate uxores: moechum caluom adducimus.
Aurum in Gallia effutuisti, hic sumpsisti mutuum» (ibid. 51).
Le chapitre suivant énumère ses bonnes fortunes royales, « Eunoen Mauram Bogudis
uxorem . . sed maxime Cleopatram ...».
.
ALAIN HUS
1 J. Heurgon, La découverte des Étrusques au début du XIXe siècle, lecture faite dans
la séance publique annuelle du 30 novembre 1973, et paru dans les publications de l'Institut
de France, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris, 1973. Dans le cours de cet exposé
et dans les notes, nous utiliserons les abréviations suivantes: RNF: Rome, Naples et Florence,
lère édition, 1817, 2e édition, 1826; Promenades: Promenades dans Rome, Paris, 1829; Mélanges:
Mélanges d'art, articles de Stendhal réunis et publiés à Paris, éditions du Divan, 1931; Tom
beaux: Les tombeaux de Corneto, écrits pour la Revue des Deux Mondes, probablement en
1837, et réédités dans Mélanges, III, pp. 201-221. Pour la commodité du lecteur, nous ren
verrons: pour la Correspondance, à l'édition de H. Martineau et V. del Litto, parue à la N.R.F.,
coll. de la Pléiade (I - 1800-1821 - 1968; II - 1821-1834 - 1967; III - 1835-1842 - 1968); pour
les Voyages, à l'édition de M. V. del Litto, même collection, 1973; pour le reste de l'œuvre
de Stendhal, aux Œuvres complètes publiées de 1927 à 1933 aux éditions du Divan. Pour la
pagination, P. renverra aux éditions de la Pléiade, D. aux éditions du Divan.
2 O.e., pp. 5 sq.
438 ALAIN HUS
rencontres entre Stendhal et les Étrusques, nous dirions plutôt deux périodes
au cours desquelles l'auteur de La Chartreuse de Parme les considère de
façon différente: de 1817 à 1829-1830, il en parle presque uniquement de
façon livresque et émet à leur sujet des considérations théoriques; de 1831
à 1840, période de son consulat à Civitavecchia (interrompu du 11 mai 1836
au 10 août 1839) il en traite en fouilleur, en chroniqueur, en pourvoyeur
d'antiques ou en fonctionnaire, bref d'une façon beaucoup plus pragmatique 3.
Cet intérêt pour les Étrusques doit être replacé dans la « philosophie »
de Stendhal et estimé d'après ses méthodes de travail. Il faut également
tenir compte de son attitude face à l'étude de l'antiquité4, aux savants et
aux mondains de son temps. Nous terminerons en nous interrogeant sur
les sources qui ont fourni à Stendhal ses connaissances livresques.
Les premières mentions des Étrusques par notre auteur sont au nombre
de trois pour la seule année 1817. Elles affirment que la civilisation étrusque,
antérieure à celle des Grecs, dans le domaine des arts, des sciences et de
la sagesse, fut la première civilisation italienne.
Les nations les plus célèbres ont une époque brillante.
L'Italie en a trois . . . (Elle) a la gloire de l'antique Étrurie qui, avant la
Grèce, cultiva les arts et la sagesse, l'âge d'Auguste et le siècle de Léon X5.
3 Ce qui n'exclut pas quelques vues théoriques, qui répètent on précisent, généralement,
les opinions de la première période. Les plus longs textes de Stendhal consacrés aux Étrusques
datent de cette seconde période, ou de la courte période intermédiaire séparant la parution des
Promenades du consulat: annotation manuscrite sur l'exemplaire Serge André (1830?) des
Promenades; lettre à Sophie Duvaucel (1834); fragment inédit Walks in Rome (1835); Les
tombeaux de Corneto (probablement 1837) repris et résumé par Abraham Constantin dans
Idées italiennes (1840), approuvées et corrigées par Stendhal pour la seconde édition; le
Rapport au Maréchal Soult (1840).
4 Assez curieusement, l'activité archéologique de Stendhal s'ouvre et se clôt sur deux
rapports administratifs. Le premier, adressé au duc de Cadore les 3 juin et 7 juillet 1812,
concerne l'état d'avancement de l'inventaire du Musée du Louvre (P. I, pp. 642 sqq. et 645 sqq.,
lettres 450 et 454); le second est adressé au Maréchal Soult, le 29 janvier 1840 (P. III, pp. 327 sqq.,
lettre 1679). Il va de soi que le vrai Stendhal est ailleurs.
5 Histoire de la peinture en Italie (1817), D. I, p. 70. Mêmes termes dans RNF, lère éd.
(1817), P. II, p. 140, en note par Stendhal lui-même:
Après la chute de ce grand peuple inconnu dont nous ne savons autre chose
sinon qu'il exista [Stendhal ne le caractérise pas autrement] l'Étrurie, la première,
cultiva les arts et la sagesse. L'Italie, de plus, a l'âge d'Auguste et le siècle de Léon X.
STENDHAL ET LES ÉTRUSQUES 439
Les premiers pas que l'on fit vers une manière moins imparfaite d'imiter
la nature fut de perfectionner les bas-reliefs.
La gloire en est aux Toscans, à ce peuple qui, déjà une fois, dans les
siècles reculés de l'antique Étrurie, avait répandu dans la péninsule les arts
et les sciences6.
L'idée est reprise trois fois en 1829, dans les Promenades 12, la seconde
fois en opposant lucumons et prêtres, les seconds dominant les premiers:
La peur que Luther fit aux papes du seizième siècle a été si forte que,
si les États de l'Église formaient une île éloignée de tout continent, nous y
verrions le peuple réduit à cet état de vasselage moral dont l'antique Egypte
6 O.e., p. 75.
7 D., pp. 203, 212, 270.
8 D., p. 212.
9 Les Promenades reprennent en 1829 l'idée d'une civilisation étrusque plus avancée que
celle de Rome: P., p. 665. Sur le parallèle entre Rome et l'Étrurie, v. plus bas.
10 L'Italie en 1818 comporte une allusion à Volterra (P., p. 271):
Les tyrans d'Italie . . . écrasèrent l'industrie et le commerce. Volterra, qui comptait
cent mille habitants (A v[érifier], ajoute Stendhal), n'en a plus que quatre mille.
11 s'agit sans doute de la Volterra Étrusque, que Stendhal ne connaissait pas encore,
puisqu'il n'y séjournera que du 3 au 10 juin 1819 (voir plus bas).
11 Repris dans les Mélanges, D., III, p. 246.
12 P., pp. 602, 665, 920.
440 ALAIN HUS
13 C'est nous qui soulignons. Même assimilation avec les jésuites en 1835: Walks in Rome,
P., p. 1194.
14 Ibid.
15 P., pp. 1643 et 1644, intéressant aussi à d'autres points de vue:
Probablement il y avait en Étrurie une caste qui faisait travailler les nigauds à
son avantage (profit). Elle avait des secrets magiques. On trouve celle de ses formules
magiques qui guérissaient les animaux dans l'ouvrage de Caton le Censeur intitulé
De re rustica . . . Figurez-vous un président de collège électoral chargé par M. de Villèle
d'escamoter les votes. Au moment où il voit entrer une douzaine d'électeurs libéraux,
il déclare qu'il aperçoit des hirondelles qui volent dans un sens singulier et de mauvais
augure. Là-dessus, il lève la séance, et les électeurs ennemis eux-mêmes se retirent
tout pantois.
. Tels furent les augures tirés de l'Étrurie pour les Romains contemporains de
Fabius Maximus.
Il n'y a pas certitude absolue que la première partie de ce texte soit de Stendhal: elle
figure dans l'édition Romain Colomb de 1853, mais on n'en n'a pas retrouvé trace dans les
exemplaires annotés (V. del Litto, éd. des Voyages, P., p. 1644).
16 Mélanges, D., pp. 212 sq.: reprend à peu près le texte des Promenades, P., p. 665.
17 Ex. Serge André, P., p. 1643. Tout en admettant, avec Frédéric (v. plus bas), que «les
Étrusques furent les élèves de l'Egypte», Stendhal suggère qu'ils inventèrent la pyramide
(tombeau de Porsenna) en s'inspirant des «tas de pierres formés au coin des champs dans
les pays de montagne comme la Toscane».
STENDHAL ET LES ÉTRUSQUES 441
et plus loin:
... je fais à mon lecteur cet aveu ridicule, je me sens indigné contre les
Romains qui vinrent troubler, sans autre titre que le courage féroce, ces
républiques d'Étrurie qui leur étaient si supérieures par les beaux arts, par
les richesses et par l'art d'être heureux...20. C'est comme si vingt régiments
de cosaques venaient saccager le boulevard et détruire Paris; ce serait un
malheur même pour les hommes qui naîtront dans deux siècles: le genre
humain et l'art d'être heureux auraient fait un pas en arrière.
Mais il poursuit:
Malgré tant de griefs, mon cœur bat pour les Romains. Je ne vois pas
ces républiques d'Étrurie, ces usages des Gaulois qui assuraient la liberté;
je vois au contraire dans toutes les histoires agir et vivre le peuple romain
et l'on a besoin de voir pour aimer. Voilà comment je m'explique ma passion
pour la grandeur romaine, pour les ruines, pour les inscriptions...
18 Tombeaux, D., p. 214. Cf. Idées italiennes (1840), D., p. 294. C'était ignorer les tumuli,
en particulier ceux de Tarquinia, que Stendhal connaissait bien à cette époque.
19 RNF, 2e éd., P., pp. 497, 503 sq., 508.
20 C'est nous qui soulignons, les deux fois, et plus bas: aimables.
442 ALAIN HUS
27 Article du New Monthly Magazine (d'après Micali, voir plus bas); RNF, 2e éd., 1826,
P., p. 503.
28 Dans une satire contre un savant français: RNF, 2e éd., 1826, P., p. 563.
29 Promenades, P., p. 916; ex. Serge André, P., p. 1643.
30 O.e., p. 1644:
L'alphabet des Étrusques dérivait, comme les autres, de celui des Phéniciens, ce
peuple d'industriels. Les Étrusques n'avaient pas reçu leurs lettres des Grecs, puisqu'ils
écrivaient de droite à gauche et supprimaient les voyelles brèves, comme les Hébreux.
L'étrange aspiration que l'on retrouve dans l'Italien de Florence vient de l'Étrusque.
Le texte figure dans une note manuscrite de l'ex. Serge André, avec cette introduction:
Par prudence [v. plus bas] je viens de m'ennuyer toute une soirée, quoique je ne
sois amoureux que des ruines de Rome. Je n'ai appris de bon que ceci: [citation].
31 V. plus haut, p. 439, note 10.
32 Lettre à Matilde Dembowsky, n. 678, du 30-6-1819, P., I, p. 976.
33 RNF, 2e éd., 1826, P., p. 497.
34 P., p. 1643: «Les Étrusques avaient une architecture très avancée: voyez Volterra».
35 RNF, 2e éd., ibid.
444 ALAIN HUS
*
* *
Dans les autres lettres, la description est absente ou très courte mais,
presque toujours, revient la comparaison avec le Père Lachaise, employée
40 La lettre 1615, du 19-3-1838 (P. III, p. 258) évoque seulement les découvertes effectuées
à Santa Marinella par la duchesse Caetani.
41 Mélanges, pp. 214 sq.
42 La notice des Idées italiennes (1840), D., p. 293, situe Corneto à 12 heures de Rome
et Tarquinia à 10 minutes de Corneto. Le fragment Walks in Rome (P., p. 1194) place Corneto
à 20 lieues de Rome. La lettre à Sophie Duvaucel la situe à 2 heures de Civitavecchia (P. II,
p. 712); celles du 24-3-35 (n. 1439, P. III, p. 26) la situe «à trois heures de mon trou»; celle
du 25-12-1831 (n. 1060, P. II, p. 375) «à trois heures de chez moi».
43 II écrit dans Walks in Rome, ibid.:
Cette nécropole, pour parler le langage gratuitement pédantesque de MM. les
pédants savants, a deux lieues de longueur et une et demi de large.
Apparemment, Stendhal écrivait de mémoire en 1837 et se fiait à son impression, non
aux calculs des «pédants savants».
44 Ibid.
446 ALAIN HUS
45 N. 1439, du 24-3-1835, P. III, p. 26. La forme est plus explicite dans la lettre au
directeur du Moniteur (fin novembre 1836, n. 1575, P. III, p. 224):
Figurez-vous un cimetière ou nécropole grand comme le Père Lachaise.
Cf. encore Walks in Rome, P., p. 1194: «Les tombeaux du Père Lachaise de Tarquinies».
46 Pp. 208 sqq.; 211 sqq.; cf. le texte d'Abraham Constantin des Idées italiennes, D., p. 293.
STENDHAL ET LES ÉTRUSQUES 447
47 Lettre à Sophie Duvaucel, P. II, p. 712, avec croquis (annonce Tombeaux D., p. 210).
Cf. la description des Walks in Rome, P., p. 1194:
Un tombeau est une petite cave de dix pieds sur huit recouverte de trois ou
quatre pieds de terre et parfaitement cachée. Les parois de cette petite chambre sont
peintes.
48 Lettre 1182, du 25-2-1833, P. II, p. 501.
49 P., p. 1194.
50 Tombeaux, D., p. 208; cf. la lettre 1575, au directeur du Moniteur, P. III, p. 225. Les
Idées italiennes, D., p. 293, parlent également des vingt-deux copies faites par Ruspi, avec cette
curieuse mention: «Chercher à les voir». Inattention d'A. Constantin et de Stendhal lui-même?
Ou bien Stendhal s'était-il vanté dans les Tombeaux?
448 ALAIN HUS
Sur Vulci, Stendhal est un peu moins explicite mais il a visité le site
et recueilli de précieux renseignements « de coulisse » sur Lucien Bonaparte
et sa famille51. Il nous fait part dans une lettre du 24 mars 1835, de sa
visite à Musignano, château où résidait le frère de Napoléon, devenu prince
(papal) de Canino52. Dans le fragment Walks in Rome (28-3-1835) 53, il
donne une description qui révèle un voyage encore tout récent, certain
ement celui que nous venons de mentionner.
51 Nous ne nous étendrons pas sur ce dernier point. Stendhal s'intéresse beaucoup à
Lucien Bonaparte, qualifié de fou, à sa femme, «Madame Jouberton», à ses «deux vauriens
de fils cadets » et à leurs aventures, qui intéressent Thiers, à ses problèmes d'argent, à sa mort,
à ses propriétés et à leur valeur au moment de sa mort, à sa veuve: lettres 1353 (7-9-1834),
P. II, p. 690; 1561 (6-5-1836), P. III, pp. 209-212; 1724 (1-7-1840), P. III, p. 372; 1806 (19-11-1841),
P. III, p. 510-512. Cf. aussi les Tombeaux, pp. 204 sq.
52 Lettre 1440, du 24-3-1835, à J.-J. Ampère, P. III, p. 27. Une lettre antérieure (P. II,
pp. 591-593) montre qu'il connaissait déjà, en 1834, la région de Montalto di Castro. Cf. les
Walks in Rome, note suivante.
53 P., pp. 1194 sq.
54 Selon l'usage local de l'époque, Stendhal parle ici du domaine, non du tumulus (néan
moins, voir plus bas). C'est ce dernier qui est ainsi désigné par les savants, au moins depuis
Lenoir, Annali dell'Istituto, V, 1832, pp. 272 sqq. Cet « aspect désolé » est bien celui qui frappait
les voyageurs de l'époque, notamment G. Dennis (o.e., 2e éd., 1878, pp. 437 sqq.). Stendhal
ignore également la discussion concernant la ville qui occupait le Pian di Voce (Vétulonia ou
Vulci): c'est qu'il se fiait uniquement à Micali ou à Raoul-Rochette (v. plus bas): cf. aussi
Annali... I, 1829, pp. 187 sqq.
STENDHAL ET LES ÉTRUSQUES 449
mille francs. On offre mille francs. Nous avons essayé des bagues d'or élast
iques qui vont également bien à tous les doigts; élastiques après deux mille
ans68! (à Cerveteri).
Si l'on rencontre un tombeau non encore exploré, on trouve des sièges,
des flambeaux de bronze, souvent des pendants d'oreille, des diadèmes et des
bracelets élastiques fort légers mais admirablement travaillés et de l'or le plus
pur... (Les ouvriers du Prince Torlonia) ont trouvé dans un seul tombeau
des bracelets et des bagues qui, après tant de siècles, avaient encore conservé
une élasticité parfaite. Un seul de ces bracelets, qui pouvait ainsi s'adapter
également à tous les bras et qui s'est trouvé en or beaucoup plus pur que
celui des napoléons, pesait quatre vingt quatre napoléons d'or69.
Après avoir mis le lecteur en garde contre les modes qui consistent à
imiter telle époque du passé, il poursuit:
Pour être admis dans le Corps d'ailleurs si respectable des archéologues,
il faut savoir par cœur Diodore de Sicile, Pline et une douzaine d'autres
historiens: de plus il faut avoir abjuré tout respect pour la logique. Cet art
importun est l'ennemi acharné de tous les systèmes: or, comment un livre
d'archéologie peut-il attirer l'attention du monde, même légèrement, sans le
secours d'un système un peu singulier?
Je connais onze systèmes sur l'origine des vases peints et des tombeaux
étrusques... Le plus absurde est, ce me semble, celui qui suppose que tout
cela a été fait sous Constantin et ses successeurs. Le système que j'adopterais
volontiers et que je proposerais au lecteur, tout en convenant qu'il est
malheureusement dénué de preuves suffisantes, est celui qui m'a été enseigné
par le vénérable père Maurice (homme de terrain, aimable, fort érudit, qui...)
pense que les tombeaux que nous déterrons appartiennent à un peuple fort
antérieur aux Étrusques, peut-être contemporain des premiers Égyptiens et
que... chez ce peuple primitif on plaçait des vases ou au moins des coupes
dans le tombeau de ceux qu'on voulait honorer.
76 Walks in Rome, P., p. 1194. Cf. Tombeaux, p. 218: «une peinture évidemment romaine».
Relevons ici une curieuse phrase du même passage des Walks: «... l'Étrurie... ne fut entièrement
conquise que quarante-cinq ans après la fondation de cette terrible voisine ». Cette voisine n'est
pas mentionnée, mais il ne peut s'agir que de Rome. Or Stendhal fixait la conquête de l'Étrurie
à 280, date à laquelle Ti. Coruncanius triomphe des Vulciens et des Volsiniens. De quelque
façon qu'on envisage le chiffre 45 (45, 450, 445, 545, etc..) la phrase de Stendhal demeure
absurde. Seul 475 approcherait de l'exactitude telle que la concevait la science de l'époque.
77 Tombeaux, D., pp. 217-221.
78 Walks in Rome, p. 1195.
STENDHAL ET LES ÉTRUSQUES 453
79 P. III, p. 225: tombeaux, vases et peintures de Tarquinia sont «antérieurs aux Romains».
80 P. III, pp. 321 sq. (n. 1673): «antérieurs à Pline».
81 Lettre 1439 du 24-3-1835, P. III, p. 27.
82 Lettre 1182, du 25-2-1833, P. II, p. 501.
83 P., pp. 712 et 713. En décembre 1825, il datait d'après Niebuhr l'Étrurie préromaine
d'«il y a 2400 ans»: au New Monthly Magazine, P. II, p. 414.
84 Lettre 1615, du 19-3-1838, P. III, p. 258.
85 Tombeaux, D., p. 202.
454 ALAIN HUS
86 Et non seulement la lettre à Sophie Duvaucel et les Tombeaux, comme l'écrit M. Yves
du Parc dans le Stendhal Club, 6, 1960, pp. 190 sq. L'article paru dans le Moniteur du 8-12-1836,
cité par M. du Parc, est la lettre déjà citée, n. 1575, de fin novembre 1836.
87 1831: lettre 1060, P. II, p. 375; 1834: lettre à Sophie Duvaucel; 1835: Walks in Rome,
lettre 1439, P. III, pp. 26 sq.; lettre 1440, P. III, pp. 27-30; 1836: lettre au directeur du Moniteur
et l'article; Tombeaux, passim, notamment pp. 215 sqq.; 1838: lettre 1615, P. III, p. 258; 1840:
Rapport au Maréchal Soult. Sans parler des textes mineurs ou se rapportant à des découvertes
romaines.
88 Ainsi la scène, analogue à celle qui est rapportée par Noël des Vergers dans VÉtrurie
et les Étrusques, II, Paris, 1864 et retranscrite dans A. Hus, Les Étrusques, peuple secret, Paris,
1957, pp. 27 sq. Elle est décrite dans la lettre 1439, du 24-3-1835, P. III, pp. 26 sq.:
Quand on trouve un tombeau intact... on jouit pendant une heure de la vue
d'un grand homme, revêtu de tous ses ornements, une couronne d'or sur le crâne;
les feuilles de laurier en or sont plus légères que du papier. Bientôt tout tombe en
poussière très humide, presque en boue, et l'on est réduit à pêcher, avec une épingle,
les feuilles de laurier dans cette boue.
Le ton diffère beaucoup de celui - plus romantique - de Noël des Vergers.
89 Y. du Parc, art. cité, pp. 189-192. Nombreux textes, entre autres: Walks in Rome, P.,
p. 1194; lettre au directeur du Moniteur; Tombeaux, pp. 209 sqq, 214 sq; lettres de 1838, P. III,
p. 258 (n. 1615) et pp. 267 sq (n. 1626); Idées italiennes, D., pp. 293 sq.
90 1834: lettre à Sophie Duvaucel et lettre 1261, P. II, p. 925; 1835: lettre 1439, P. III,
pp. 26 sq; 1440, P. III, pp. 27-30; 1836: lettre au directeur du Moniteur; 1837: lettre du 12-2,
P. III, p. 539 Tombeaux, pp. 204 sq, 208 sq, 216; 1839: lettre 1665, P. III, p. 313; 1840: P. III,
p. 372, etc.... Les achats et les visites du roi de Bavière, les copies qu'il fait faire des peintures
de Tarquinia (v. plus haut) sont mentionnées à plusieurs reprises en 1834, 1836 et 1840, ainsi
que dans Tombeaux, p. 205.
91 Au New Monthly Magazine, écrit le 18-12-1825, P. II, pp. 413 sq. Il déplorait alors que
les savants français aient négligé les Étrusques, alors qu'Italiens (Micali) et Allemands (Niebuhr)
s'en occupaient activement. Sur ce caractère mondain de l'étruscologie et des antiquités, entre
autres: lettre à Sophie Duvaucel; lettre 1439, P. III, p. 26 (1835); Tombeaux, pp. 205 sq et 208 sq;
lettre 1665, P. III, p. 313 (1839). Ce caractère mondain (qui n'exclut pas l'érudition apportée
par les «savants») sera bien illustré par le Tour de Mrs Gray (ν. plus haut), qui paraîtra en 1840.
STENDHAL ET LES ÉTRUSQUES 455
français comparé à ceux des Anglais et des Allemands du point de vue qui
nous occupe; il s'agit de la vente des vases de Vulci effectuée par Lucien
Bonaparte 92:
Mais pour en revenir aux sept cent mille francs reçus par le prince
en échange de ses vases, ce furent l'Angleterre et l'Allemagne qui payèrent
cette somme énorme; la France n'y participa que pour cinq mille francs,
tant le goût des arts est encore incertain chez nous lorsqu'il n'est pas fortifié
par la mode. Or, comment les pauvres vases de Corneto auraient-ils été à
la mode? Ils n'étaient protégés par personne. Un savant étranger m'a appris
que le numéro du Moniteur du 28 juillet 1830, le dernier Moniteur du règne
de Charles X... contient une longue lettre qui explique assez bien ce que
c'est que les vases de Corneto93... J'ai scandalisé ce savant étranger en lui
disant qu'on ne lit jamais dans le Moniteur que les ordonnances qui nomment
les ministres; que, quant aux articles littéraires, on leur trouve je ne sais
quoi d'officiel et d'illisible. J'ai ajouté que les antiquités ne seront jamais à
la mode en France, pour la raison que certains charlatans trop connus s'en
sont emparés comme de leur domaine. En France, pays du charlatanisme et
de la camaraderie, personne ne veut être dupe des charlatans trop connus.
S'il refuse d'écrire dans la première période pour « les gens à argent
et à cordons » 96, c'est bien pour eux que souvent il agit et écrit dans la
seconde, tout en conservant son indépendance d'esprit et de jugement.
D'où lui vient donc son souci d'érudition? A n'en pas douter de l'article
de VEdimburg News qui, rendant compte de la première édition de Rome,
Naples et Florence, en novembre 1817, le taxait de frivolité, ce dont Stendhal
fut piqué au vif 97. Dès lors, tout en avouant lui-même: « ce n'est pas un
voyage sérieux » 98, il entreprend de se documenter sur les antiquités en vue
de la seconde édition de l'ouvrage ", et encore après la parution des Promen
ades, dans les annotations manuscrites de l'exemplaire Serge André. Mais,
si son « cœur » (voir plus haut) le porte vers les vestiges romains, les Étrusques
l'ennuient 10°.
Par prudence (pour donner du sérieux à son ouvrage) je viens de
m'ennuyer toute une soirée quoique je ne sois amoureux que des ruines de
Rome.
Frédéric aime les Étrusques et leur influence sur les Romains... (il) dit
du mal de Cimarosa ou du Corrège quand je refuse de croire aux grandes
actions des Étrusques.
L'intérêt sera beaucoup plus vif pendant la seconde période, mais les
vues théoriques beaucoup plus réduites: c'est que les villes, les tombeaux,
les objets étrusques sont matière à sensations.
Il n'en demeure pas moins que si ces sensations et une partie des
jugements qu'il porte lui sont personnels, une autre partie de ces jugements
et toutes ses connaissances théoriques proviennent des chercheurs et érudits
contemporains, de ceux qu'il appelle « les savants ». Nous devons donc
chercher à savoir quelle était son attitude à l'égard des antiquités et des
« savants » et quelle était sa position scientifique.
A l'égard des antiquités, il agit deux fois en fonctionnaire consciencieux
qui fait rapport à ses supérieurs 101. Mais le plus souvent il en parle à titre
personnel. C'est, en 1826, une admiration respectueuse et instinctive encore
que rationnelle 102 qui n'interdit pas de « rêver » 103 et qui procure plus de
connaissances que celles d'un « savant », puisées dans les livres. Plus tard,
quand il aura manipulé ou vu des milliers d'objets, il recherchera en eux
« le beau antique » 104. Son érudition sera beaucoup plus pratique que livres
que,mais il restera toujours un « paysan du Danube » 105.
Cette attitude d'honnête homme et d'amateur plus éclairé qu'il ne veut
l'avouer, mais partial et finalement peu ouvert à l'art antique 106, trouve son
complément dans les jugements qu'il porte de 1825 à 1837 sur les savants.
D'abord sur les savants en général, sots 107, incompétents 108, crédules 109,
pédants n0, vaniteux et ridicules m, ennuyeux 112 doctrinaires et imbus de
l'esprit de système113, détestables érudits dépourvus de logique et de sens
commun 1U. Viennent ensuite les savants par nationalités. En France, Caylus
est « sévère et brusque » 115, et nos « prétendus historiens » se voient reprocher
de ne rien avoir publié sur les Étrusques 116; mais c'est l'Académie des
Inscriptions et Belles Lettres (horresco referens) qui est sa cible favorite.
Dans la lettre à Sophie Duvaucel (1834) 117, garantissant l'authenticité des
vases qu'il envoie, il écrit:
Quant au local, j'y conduisis jadis... MM. Adrien de Jussieu et Ampère118;
quoique tenant à l'Institut, j'espère qu'ils ne mentiront pas quant aux faits
bruts.
104 Grec et romain, non étrusque: lettre n. 1181, du 14-2-1838, P. II, p. 500; cf. lettre 1665,
du 5-12-1839, P. III, p. 313.
105 Lettre 1678, du 29-1-1840, P. III, p. 325.
106 Cf. RNF, 2e éd., 1826, P., p. 541:
II faut être un sot ou un savant pour prétendre que cela (les peintures de
Pompei) est supérieur au XVe siècle: ça n'est qu'extrêmement curieux».
107 RNF, 2e éd., 1826, p. 541.
108 O.e., pp. 562 sq; Walks in Rome, P., p. 1194.
109 Ex. Serge André, P., p. 1644 (archéologues).
110 Walks in Rome, P., p. 1194.
111 RNF, 2e éd., 1826, P., pp. 562 sq.
112 Walks in Rome, ibid.
113 Lettre à Sophie Duvaucel, P. II, p. 713 («vos savants qui nient tout ce qu'ils n'expl
iquent pas»); Tombeaux, D., p. 218.
114 Tombeaux, ibid.
115 Lettre 1060, du 25-12-1831, P. II, p. 375.
116 Au New Monthly Magazine, décembre 1825, P. II, p. 413 sq.
117 P., pp. 713 et 714.
118 Cf. la lettre à la même, n. 1380, du 3-11-1834, P. III, pp. 722 sq et, plus loin, la lettre
1393. Longue lettre archéologique à J.-J. Ampère (père d'Adrien), n. 1440, du 24-3-1835, P. III,
pp. 27-30.
458 ALAIN HUS
Les antiquaires romains ont la tête encore plus étroite qu'un membre
de l'Académie des Belles Lettres. Figurez-vous quelque chose de plus étroit
que M. Silvestre de Sacy et de plus hypocrite que M. Saint Martin119.
Les savants italiens pris dans leur ensemble ne sont égratignés qu'une
fois en 1826:
Ce qui manque le plus aux savants italiens, après la clarté, c'est l'art
de ne pas regarder comme prouvés les faits dont ils ont besoin; leur manière
de raisonner, en ce genre, est incroyable120.
119 Tombeaux, p. 213: le même reproche y est adressé de ne pas travailler sur pièces à
« un jeune savant français » qui a émis un jugement erroné sur une inscription du Vatican; « il est
vrai que ce jeune savant, qui sera de l'Institut, n'a jamais vu le Vatican ».
120 RNF, 2e éd., 1826, P., pp. 497 sq.
121 O.e., p. 498.
122 O.e., p. 535.
123 Promenades, P., pp. 607 et 716.
124 P.f p. 1643.
STENDHAL ET LES ÉTRUSQUES 459
coup plus dur. Parlant des ouvrages allemands 125, il écrit 126:
Tous se moquent fort de la logique et admettent comme preuve irréfra
gable de belles phrases pompeuses ou bien, comme Niebuhr, prouvent une
certaine chose, ajoutent une supposition à la chose prouvée et, deux pages
après, partent de la supposition comme d'un fait incontestable; c'est ainsi que
l'on est un grand homme outre-Rhin. Tout ce que l'on peut accorder à ces
messieurs, qui se moquent de notre légèreté, c'est qu'ils savent par cœur
quinze historiens ou poètes anciens. Ce n'est pas peu, une tête qui contient
cela peut elle contenir autre chose?
Stendhal n'est pas plus tendre pour les grands noms de l'archéologie
et de l'étruscologie récents et contemporains. Caylus (voir plus haut) est à
peine égratigné, mais Winckelmann, « premier baron de Steindhal » est qual
ifié de « déclamateur sans idées mais non pas froid » 127.
G. Micali, auteur à succès en 1810 de l'Italia avanti il dominio dei
Romani1291, déjà qualifié «pédant d'idées» en 1817 (voir plus haut), est
ainsi caractérisé dans le New Monthly Magazine 129:
M. Micali de Florence qui, malgré toute son érudition est assez charlatan
et qui a souvent des idées fausses sur les monuments qu'il décrit (par exemple
la porte cyclopéenne de Volterra) . . .
En 1826, Niebuhr lui est reconnu « bien supérieur » pour les faits et
Stendhal revient sur « bon nombre de mensonges et d'exagérations » dans
les planches consacrées par Micali à Volterra. En somme, Stendhal s'appuie
sur le seul cas où il puisse juger de visu pour ratifier les jugements critiques
de Niebuhr (qu'il n'a sans doute pas lus) et des spécialistes.
Mais B. G. Niebuhr 130, nous l'avons déjà vu, n'est pas épargné à cause
de sa « philosophie allemande ». Pour les faits il est encensé dans l'article
du New Monthly Magazine (« seul M. Niebuhr de Berlin a rempli heureuse
ment la tâche entreprise par M. Micali ») dans lequel Stendhal feint d'em
prunter directement à son livre le tableau qu'il brosse de l'Italie des VIIe-VF
siècles avant notre ère. Mais, en 1837, cette belle confiance a disparu: outre
la diatribe citée ci-dessus, il avait déjà écrit, quelques pages auparavant,
qu'on ne saurait « ajouter foi à toutes les imaginations données comme
preuves du célèbre Niebuhr » m.
F. Inghirami 132 est rapidement expédié, en 1835 133. Stendhal lui reproche,
nous l'avons vu plus haut, d'avoir fait « sur les vases étrusques, des romans
qui ne sont pas même amusants »; plus loin, il écrit: (Philippe) « a lu les
dix volumes in 4° de M. Inghirami, prétendu savant de Florence, lequel a
le mérite d'exposer tout ce que d'autres ont dit sur les vases ».
Quant à Raoul-Rochette 134, il est seulement mentionné dans le New
Monthly Magazine comme « académicien et ultra », (qui) a fait une traduction
française de cet ouvrage romantique {V Italie... de Micali). Mais Stendhal
va plus loin en 1829 135: « M. Raoul-Rochette a gâté cet ouvrage en le mettant
en Français ».
Cette longue suite de critiques et de jugements sans appel suffirait à
nous informer de la position «scientifique» de Stendhal. Il la définit plus
positivement dans quelques textes échelonnés de 1829 à 1834, qui se ramè
nent à l'énoncé de quelques principes:
Dans l'étude de ces antiquités reculées (époque de S. Tullius et pro
blèmes des remparts de Rome), l'essentiel est d'admettre pour probable ce
qui est probable, de ne croire que ce qui est prouvé; je ne parle pas de
preuves mathématiques car chaque science a un degré de certitude différent 136.
130 II avait publié en 1811 et 1812 les deux premiers tomes de sa Römische Geschichte.
Il ne sera traduit qu'en 1840. Il est plus que probable que Stendhal - qui se serait profondément
ennuyé à le lire en français - ne s'est pas donné le désagrément de le lire en allemand. Raoul-
Rochette en traite brièvement dans l'Introduction de son édition de Micali, I, p. XII.
131 Tombeaux, p. 212.
132 Monumenti etruschi e di etrusco nome, 10 volumes, Florence, 1820-1826. Il semble
que Stendhal ait au moins feuilleté cet ouvrege. Du moins ne se trompe-t-il pas sur le nombre
des volumes. Raoul-Rochette en dit grand bien, o.e., p. XIII.
133 Walks in Rome, P., pp. 1193, 1194, 1195.
134 Sur Raoul-Rochette, G. Perrot, CRAI, 1906, p. 638 sqq, et J. Heurgon, o.e., p. 4. Ses
notes et ses « éclaircissements » prennent constamment le contre-pied de Micali. En revanche,
il ne l'a pas traduit, la traduction étant due à Joly et Fauriel (Raoul-Rochette, o.e., p. V).
135 Promenades, P., p. 666.
136 Promenades, P., p. 666.
STENDHAL ET LES ÉTRUSQUES 461
En 1833, il écrit:
Je deviens antiquaire en diable. Cependant, il me reste encore un peu
de logique; je ne regarde pas pour vrai ce qui convient à mon système138.
143 Bien entendu, nous nous limitons à celles qu'il invoque à propos des Étrusques. Il y
en a d'autres - nombreuses - pour Rome, que M. A. Caraccio énumère dans son édition crit
ique des Promenades, Paris, Champion, 1938, pp. XXXVIII-XLI. L'étude de M. Caraccio, déce
vante pour notre propos, reste fondamentale pour l'étude des sources romaines des Promenades.
144 P., p. 713.
145 Les cinq premiers sont Micali, Raoul-Rochette, Niebuhr, Pignotti et Nibby; le sixième
est Sismondi.
146 Pour Micali (qui, pourtant, partageait son horreur de l'esprit de système et des savants
«conjecturants»), Raoul-Rochette et Niebuhr, voir plus haut. En ce qui concerne Nibby, bien
qu'il le pille sans cesse pour ses descriptions de Rome, et qu'il l'estime en 1825 «le moins bête
des savants romains», et en 1829 «l'un des antiquaires les plus raisonnables de Rome»
(Promenades, P., p. 892), il l'égratigne sérieusement vers la même époque (P., p. 1270) et le
méprise cordialement parce qu'il est archéologue. Quant à Sismondi, il ne cesse de porter sur
lui des jugements acerbes, bien qu'il l'utilise sans cesse en 1817 et 1818: voir V. del Litto,
éd. des Voyages, P., pp. 1444 sq et 1623 notamment.
147 II s'en réclame formellement en 1829 dans Promenades, P., p. 665, ainsi que de Niebuhr
et surtout de Pignotti. Dès 1825 et 1826, il portait sur lui des jugements péremptoires. Mais il
l'a lu, comme le montre la réflexion qu'il fait sur les erreurs que commet Micali à propos de
la Porta all'arco de Volterra. Raoul-Rochette, dans son Introduction, loue fort, avec Niebuhr,
la qualité des planches de Micali.
148 II s'en réclame en Promenades, ibid., ν. note précédente. Nous avons rapporté plus
haut ses jugements, également péremptoires. Il est douteux qu'il l'ait vraiment lu.
149 II s'en réclame comme source directe en Promenades, ibid. (à propos des prêtres
étrusques, qui auraient empêché les lucumons de prendre Rome plus tôt: « Pignotti raconte
fort bien tout ceci sans emphase, et sans chercher à se donner de l'importance»). L'ironie, le
scepticisme de Pignotti, son érudition un peu superficielle mais déjà «digérée» plaisaient à
Stendhal, qui l'utilise fréquemment.
STENDHAL ET LES ÉTRUSQUES 463
150 Également pillé par Stendhal qui, malgré ses jugements péjoratifs, partage beaucoup de
ses idées. Une partie de l'Introduction est consacrée aux Étrusques. Nous savons qu'en mai 1818,
Stendhal s'occupa à extraire du dernier tome de longs extraits.
151 Stendhal ne le cite, mais expressément, que pour l'histoire de Cerveteri, à la fin de la
lettre au Maréchal Soult. Il l'utilise pourtant une autre fois sans le dire (v. plus bas).
152 Sur Donato Bucci: Walks in Rome, P., p. 1194; Tombeaux, Ό., pp. 209 sqq et 214 sq
(cf. Idées italiennes, D., p. 294); lettre de novembre 1836 au directeur du Moniteur (et l'article),
n. 1575, P. III, p. 224 («Donato Bucci, ancien négociant en draps qui est devenu passionné
pour les vases antiques, et qui a laissé là les draps pour ne plus s'occuper que d'antiquités»;
cf. lettre 1626, P. III, p. 268); lettre du 19-3-1839, n. 1615, P. III, p. 258, etc.
153 Lettre 1182, du 25-2-1833, P. II, p. 501 (cf. celle du 11-1-1834, P. II, p. 575); Tomb
eaux, pp. 207, 214 sq.
154 Tombeaux, pp. 208 sq.
155 O.e., p. 207.
156 O.e., pp. 218 sq.
157 Walks in Rome, P., p. 1195. L'opinion du prince Massimo sur Vulci coïncide avec la
remarque que Stendhal faisait dès 1817 sur l'existence d'un «grand peuple inconnu» avant les
Étrusques (v. plus haut, p. 438, note 5).
158 Tombeaux, p. 206.
159 Lettre au Maréchal Soult, n. 1679, du 29-1-1840, P. III, p. 327.
160 Ibid. Antiquaire et commissaire des antiquités à Rome.
161 A l'exception du renvoi à Nibby, pour l'histoire de Cerveteri, dans la lettre au Maréc
halSoult.
464 ALAIN HUS
donc à voir où celui-ci a puisé son information pour les idées qu'il émet
durant la première période. Nous examinerons successivement chacun de
ses thèmes.
Le thème des trois âges de l'Italie se trouve dans Sismondi 162 et
Pignotti 163.
Celui des Étrusques, première civilisation de l'Italie, antérieure aux
Romains est également dans Sismondi 164 et Pignotti 165, mais se trouve
surtout à mainte reprise dans Micali 166, avec mention des arts, des
sciences, de la pensée et de la sagesse; Pignotti 167 et Micali 168 situent leur
floraison à l'époque de la guerre de Troie et soulignent leur antériorité par
rapport à Rome 169. La civilisation étrusque s'est même développée antérieure
ment à celle de tous les autres peuples de l'Europe et notamment à celle
des Grecs, affirment Sismondi et Pignotti 170.
Le thème suivant, commun à l'Egypte et à l'Etrurie et selon lequel
le clergé - véritable caste - aurait réduit le peuple en esclavage mat
ériel et surtout moral, dominé les lucumons (ou « petits rois ») et exercé
le pouvoir par leur intermédiaire, est également présent à des degrés divers,
chez les trois auteurs. Il n'est pas jusqu'aux « sept cents ou huit cents
familles d'Angleterre », ni même la comparaison avec le catholicisme romain
et les jésuites, qui ne se trouvent chez deux d'entre eux.
L'anticléricalisme de Stendhal est bien connu; mais c'est certainement
les pages que Sismondi consacre au rôle de l'église catholique en Italie m
qui lui fournissent l'idée de sa comparaison. Sismondi y développe en effet
la thèse selon laquelle la religion catholique a dominé l'Italie, « parce qu'au
cune n'est plus fortement organisée, aucune ne s'est plus complètement
subordonné la philosophie morale, aucune n'a plus entièrement asservi les
consciences...». Par leur alliance avec les princes temporels, les Papes
l'autre pour croire 179. Les buts de la première furent « d'accumuler » à son
profit de nouvelles connaissances et de se prévaloir de celles qu'elle possédait
déjà, pour régner sur les esprits 180; elle tendra à « troubler, sinon à opprimer
les faibles facultés de l'esprit humain » 181.
Pourtant, le jugement de Micali sur cette caste sacerdotale est largement
positif. Non seulement, elle est une nécessité universelle, mais, par sa réfle
xion, elle conduit au progrès des sciences et des arts (cf. la réflexion de
Stendhal sur « les premiers pas de l'esprit humain dans ce triomphe remporté
par l'esprit sur la force brutale » p. 440); elle est même garante du bonheur
et de la fermeté de l'État 182.
Quant à l'assimilation ou au parallélisme de l'Étrurie et de l'Egypte,
ils sont alors, dans une perspective résolument hostile à Winckelmann,
largement répandus 183 et trouvent un écho certain dans Pignotti 184 et dans
Micali 185.
Le thème de la prospérité étrusque est bien illustré par Sismondi 186,
Pignotti 187 et Micali 188. Mais Stendhal ne se préoccupe pas du problème de
astuti indovini Toscani abusarono del sacro ministero, vantandosi alcuni d'intendere
il linguaggio auguroso delle aquile... (cf., p. 440, note 15, le texte sur M. de Villèle).
Ces idées sont reprises et amplifiées en II, pp. 224 sqq.
179 II, p. 224. La science étant fondée sur le secret (arcano), on aboutit à:
La creazione cioè d'un corpo di primati custodi della religione, ed insieme delle
scienze e delle arti. Su questa base, i saggi del mondo civile inalzarono quell'ardito
sistema, che stabilì l'ordine sociale su due distinte classi: l'una fatta per insegnare,
l'altra per credere.
180 II, p. 225. C'est nous qui soulignons. Micali poursuit:
II grande scopo di ogni civile ο religiosa corporazione è il potere, ed un potere
fondato sulla credulità umana trae seco ogni altra sorta di dominio.
On remarquera la conformité de la pensée de Micali avec celle de Stendhal, et jusqu'à
l'emprunt par celui-ci de plusieurs mots.
181 II, pp. 231 sq.
182 II, p. 71.
183 Voir par exemple le bel article de S. Donadoni, Or ÏEtruria a se t'appella, qui traite
précisément de l'année 1826, dans La parola del passato, 147, 1972, pp. 397-406: Champollion
lui-même, à titre privé il est vrai, donnait fort dans ces comparaisons. Cf. également le Résumé
complet d'archéologie de son frère, dont les deux tomes paraissent en 1825 et 1826, où Egypte
et Étrurie sont fréquemment rapprochées, par leur antiquité et leur esprit, contre la Grèce
et Rome.
184 P. 4 et 78 notamment.
185 Outre les passages cités, II, pp. 137 sq (confédération), 190 (sculpture), 229 (croyances
d'outre-tombe).
186 Introduction, pp. VII, cf. VIII et IX.
187 Pp. 4 sq.
188 I, pp. 137 sq; III, pp. 4 sq et passim.
STENDHAL ET LES ÉTRUSQUES 467
la décadence, expliqué par ces deux derniers auteurs - à la suite des Anciens
et notamment de Diodore de Sicile - par les excès de cette prospérité.
Beaucoup plus étonnantes sont les affirmations de Beyle sur le libéra
lisme des « aimables républiques d'Étrurie » et sur leur art d'être heureux.
Ils le sont moins quand on sait que ces deux thèmes sont énoncés et déve
loppés par Sismondi et Micali 189. Sismondi est catégorique 190: « Le gouverne
ment des Étrusques était celui du bonheur et de la liberté; c'était le gouver
nement fédératif ». Micali qui voit, dans un second temps, dans le gouverne
ment fédératif une cause de décadence 191, chante à plusieurs reprises la
libéralité des Étrusques à l'égard des autres peuples 192, mais aussi leur haine
de la tyrannie et la liberté dont ils jouissaient à l'intérieur de leurs états 193.
Quant au bonheur, outre qu'il ressort, pour la vie quotidienne, de tableaux
tels que ceux qu'il décrit en II pp. 96-110, il est à plusieurs reprises réaffirmé
et expliqué par la législation, les mœurs, la nature des dieux et même le
système clérical 194.
Le parallélisme avec Rome n'est pas loin, mais ce n'est guère chez
Micali (à mainte reprise favorable aux Romains) qu'il faut le chercher à
moins de lire subtilement entre les lignes. Sismondi 195 fournit à Stendhal
l'opposition entre la liberté étrusque et la gloire que Rome tira de ses con
quêtes, l'idée (répandue) que la conquête romaine a chassé la liberté et le
bonheur d'Italie, et celle (plus répandue encore) selon laquelle la décadence
de Rome s'explique par la perte de la liberté et des vertus. Mais c'est
Pignotti 196 qui souligne que Rome ne connaissait que la guerre (et l'agr
iculture). C'est encore lui, au reste, qui souligne la libéralité de Rome à
l'égard des Étrusques et la tolérance romaine pour les cultes étrangers197.
Voilà pour les grands thèmes. En ce qui concerne ce que nous appelle
rons la petite érudition, il est parfois possible de la localiser. La chronologie
(notamment celle de la monarchie et la date de 280 comme terme de l'indé-
189 Pignotti demeure beaucoup plus prudent. S'il reconnaît la sagesse de la classe dirigeante
(p. 129), il avoue son ignorance des institutions (pp. 14 sqq).
190 Introduction, pp. VII sq.
191 I, pp. 141 sq; cf. II, p. 9 (d'après Strabon).
192 I, p. 136.
193 II, pp. 12 sqq; II, p. 28. La pensée de Micali tourne constamment autour de la notion
de modération politique des Étrusques.
194 I, p. 136; II, pp. 28, 56, 71; III, p. 1.
195 Introduction, pp. VII-IX et X-XI.
196 P. 66.
197 Pp. 67 sq et 125.
468 ALAIN HUS
pendance étrusque) peut s'inférer de Micali mais est plus claire encore dans
Pignotti 198. Le nom de lucumon apparaît souvent dans Micali 199. La con
naissance que Stendhal a de Pline l'Ancien provient de Micali dans son
chapitre sur l'art200. Cependant les propos de Stendhal concernant l'his
toire de Caere et l'architecture étrusque proviennent de Nibby, bien que
Pignotti et Micali en parlent201. En revanche, nous n'avons pu localiser la
source précise de Stendhal sur l'alphabet et la langue202.
Toute la documentation de Stendhal - si l'on excepte quelques points
d'érudition - provient donc de Sismondi, de Micali et de Pignotti; notre
auteur l'utilise souvent de mémoire, soit pour illustrer ses propres idées
(anticléricalisme, libéralisme, art d'être heureux, etc) qu'il partage souvent
avec Sismondi, soit pour éviter d'encourir le reproche de frivolité. Sauf sur
un point, nos conclusions rejoignent celles qu'A. Caraccio a dégagées dans
l'Introduction de son édition des Promenades et qui concernent la document
ation romaine de Stendhal.
1 - Sa documentation de la première période est - sauf pour Volterra -
exclusivement livresque et entièrement (Sismondi, Pignotti) ou partiellement
(Micali) de seconde main. Il la feuillette plus qu'il ne la lit, néglige beaucoup
de problèmes et bien des détails; il la déforme volontiers et se livre à des
rapprochements ou à des digressions personnelles. « Tous ces éléments
inertes rassemblés par des archéologues sont vus par des yeux exercés, jugés
par un esprit plein de curiosité et de parti pris, sentis par une âme subtile
douée à l'extrême du pouvoir de sympathie et d'antipathie » 203.
2 - A cette documentation de base, il ajoute parfois des détails emprunt
és
à Nibby ou ailleurs. Il se répète souvent lui-même204.
3 - Alors que tous ses livres, à partir de 1818, se piquent d'archéologie,
l'histoire ancienne l'intéresse médiocrement. Il se contente (sans esprit vrai-
198 Pp. 21-65. Stendhal s'y réfère expressément pour la période royale: Promenades, P.,
p. 665, et A. Caraccio, éd. des Promenades, Paris, 1938, p. 290.
199 Notamment II, p. 10.
200 II, pp. 182-220.
201 Sur Caere: lettre au Maréchal Soult, in fine; sur l'architecture: A. Caraccio, o.e., p. 451.
Pour l'architecture, Micali, II, pp. 182-188 n'est pourtant pas éloigné de Stendhal. Pignotti
(pp. 107 sq) et Champollion-Figeac (I, p. 69) font, en particulier, un sort au tombeau de Porsenna.
202 Pignotti, pp. 69 sqq, et Micali, II, pp. 263 sqq, demeurent très dubitatifs. Toutefois,
Micali exprime l'idée d'un emprunt aux Phéniciens en II, p. 270.
203 A. Caraccio, o.e., p. XXXVIII.
204 O.e., pp. XL sq.
STENDHAL ET LES ÉTRUSQUES 469
Jannot Jean-René. Les danseurs aux haches ou le ballet de Phinée. A propos d'un relief de Chiusi. In: L'Italie préromaine et la
Rome républicaine. I. Mélanges offerts à Jacques Heurgon. Rome : École Française de Rome, 1976. pp. 471-485. (Publications
de l'École française de Rome, 27)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1976_ant_27_1_2004
JEAN-RENÉ JANNOT
sur quelques urnes peintes 13 ainsi que sur des reliefs clusiniens 14 et des
plaquettes d'os et d'ivoire 15. Par contre, la scène représentant les deux
femmes porteuses de mets poursuivies par des hommes aux pieds ailés
brandissant des haches est un « unicum »: non seulement nous ne connaissons
aucune scène approchante dans tout le répertoire clusinien, mais encore dans
tout l'art archaïque ou archaïsant étrusque 16. Les figures sont relativement
conventionnelles; les femmes, en particulier, ne diffèrent guère des danseuses
des autres reliefs clusiniens ou des peintures pariétales: on croirait voir la
grande ballerine au manteau volant de la Tombe des Lionnes. Ce sont les
attributs qui constituent toute l'originalité des scènes représentées et nous
pensons qu'il faut y attacher une grande importance: haches brandies, ailes
talonnières, plateau de service de banquet ou de repas, grande coupe tenue
horizontalement, nous semblent des détails significatifs et le désir de repré
senter une poursuite nous paraît manifeste. C'est à l'étude de ces détails
que nous consacrerons les pages qui suivent.
13 Urne inédite du Museo dell'opera del Duomo, Orviéto. Urne de Tarquinia: Kunst und
Leben der Etrusker, Köln 1956 pi. 33.
14 Londres: Pryce, Catalogue of sculpture... I, 2, p. 168, D, 11. D, 12. Paribeni op. cit.,
p. 130, n. 188/189.
15 Y. Huis, op. cit., pi. 37, 38, a etc.
16 On pourrait en tirer argument pour y découvrir une falsification. Nous pensons au
contraire que les faussaires, quand ils sont babiles, se contentent de pasticher des œuvres
connues. On ne peut mettre en doute la qualité de la sculpture; aussi son originalité même
nous semble-t-elle un argument d'authenticité. La ressemblance avec une œuvre céramique atti-
que, comme la coupe de Würzbourg nous semblerait plutôt l'indice d'une dépendance de
l'artisan antique à l'égard de l'art attique, qu'un argument permettant de suspecter une copie
moderne.
17 Antiquarium Forense. Cf. M. Grant, Le Forum Romain, p. 38 (Fig. 3).
LES DANSEURS AUX HACHES 475
pithos d'impasto de la Villa Giulia 19: l'homme qui brandit la hache semble
tourner en une danse rapide, autour d'un cratère que surmonte une œnochoé.
Ces danseurs aux haches sont, dans l'un et l'autre cas, représentés dans une
attitude de « course agenouillée » qui traduit dans le domaine des conventions
archaïques, le mouvement rapide aussi bien que le tournoiement ou la danse
animée; ils sont accompagnés de plus ou moins près par des danseurs exécu
tantdes gestes traditionnels. Aussi serions-nous tentés d'y reconnaître des
« acrobates-danseurs » « aux armes » - et non « en armes » - comparables
{mutatis mutandis) à ceux qui pratiquent les danses aux épées ou aux sabres
de l'Ecosse ou du Turkestan contemporains. Comment ne pas penser égal
ement aux danses acrobatiques « aux épées » que nous décrit Xénophon 20 à
plusieurs reprises et dans des circonstances diverses, ou aux acrobates
« aux épées » que nous représente la céramique grecque? Ce qui nous semble
certain c'est que l'Etrurie du VIe siècle connaissait, sans doute sous forme
de divertissement de banquet, peut-être sous forme de danse rituelle, une
danse « aux haches ». Nos deux hommes barbus seraient-ils deux de ces
danseurs? Faudrait-il y reconnaître les acteurs d'un divertissement de ban
quet? Peut-être, mais nous avons noté une autre particularité qu'il convient
d'étudier, et qui ne peut manquer de modifier la nature des personnages.
A dire vrai, comme nous l'avons signalé, ces ailes partent non du talon
mais du milieu du mollet de nos personnages; nous remarquerons qu'elles
présentent un léger retournement vers le haut ce qui les rapproche de la
catégorie décrite par N. Gialouris21 comme étant de type ionique. Elles ne
semblent pas être doublées d'une aile vers l'avant (du moins l'état de conser
vation du relief dans la zone qui comprend le pied gauche du premier
homme et le pied droit du second ne permet pas de décider s'il se trouvait
contenterons de noter que la chose est non seulement plausible, mais même
assez probable, et qu'une très légère surépaisseur sur la jambe gauche du
second homme peut être interprétée comme la trace d'une aile talonnière
de la première femme. Cependant, ce qui plus encore les distingue est le
fait qu'elles portent les apprêts d'un repas.
La poursuite
« Dans leur dos les fils de Borée pointant leur épée couraient
derrière elles . . . Zeus leur avait envoyé une ardeur inépuisable: sans
lui, ils n'auraient pu les suivre au loin, car leur vol était rapide
comme les tempêtes ...»
Apoll. Rhodes, Arg, II, 274.
30 Mon Insi, 10, 8 a. Röscher, Lexikon, s.v. Horai, col. 2724. Les Boréades, désignés par
leur nom, sont vêtus comme les hommes de notre relief, mais sont dotés d'une double paire
d'ailes, et brandissent une épée: ils portent une courte barbe, et leur coiffure est assez proche
de celle des hommes de notre relief (Fig. 4).
31 Mus. Gregoriano Etrusco II, 31, 2 et 2 a.
480 JEAN-RENÉ JANNOT
32 C'est la fameuse base de Palerme NI 8382. (ex 152), Paribeni op. cit., p. 93, n. 74,
illustrée en dernier lieu par L. Banti, II Mondo degli Etruschi, p. 331, Fig. 79.
LES DANSEURS AUX HACHES 481
savons que, faisant écho à une longue tradition, Virgile situait les Harpyes
dans le vestibule des Enfers33, qu'elles apparaissent comme des ravisseuses
d'enfants34 ou d'âmes, et qu'il n'était pas rare des les représenter sur les
tombeaux emportant l'âme du mort dans leurs serres. Il serait tentant de
voir ici, dans la scène où les Boréades les poursuivent et les chassent, un
acte apotropaïque, et comme un geste de garantie contre l'irrémédiable de
la mort. N'emportent-elles pas ici le pain et le vin, la nourriture et la boisson,
symboles alimentaires de la vie dont elles s'emparent? Le sens de la scène
serait-il alors eschatologique?
Il reste pourtant une contradiction. Comment admettre que la même
base présente un banquet des plus banals, une parade de cavaliers qui l'est
à peine moins, et une danse funéraire animée, scènes manifestement liées
aux cérémonies funéraires, que leur représentation vise simplement et
modestement à rendre permanentes à l'intérieur de la chambre funéraire,
et qu'au voisinage de ces trois scènes courantes se développe un mythe à
fonction probablement eschatologique? Trois faces représenteraient, en les
« actualisant », des actes rituels, alors que la quatrième aurait un rôle symbol
ique? Cette disparité est choquante, et on nous permettra de suggérer, avec
la prudence qui s'impose, une hypothèse qui ne nous semble nullement
invraisemblable, et qui, si elle devait se justifier par d'autres exemples, pré
senterait un certain intérêt.
On sait que les peintures pariétales tarquiniennes nous présentent des
scènes que l'on peut déjà qualifier de théâtrales. Le jeu de Phersu, la « fuite
du masque » ne sont rien d'autre que des spectacles prenant place dans
des cérémonies funéraires. Les reliefs de Chiusi, quant à eux, nous montrent
de véritables troupes de ballets: danseurs déguisés en Silènes, danseuses
vêtues en Ménades dansent de véritables chorégraphies35; faut-il rappeler
que l'on connaît des hommes masqués et travestis36? Est-il aussi besoin de
rappeler que les débuts du théâtre romain sont étrusques37 et que ces
wm^m^^äM^
* Je remercie l'Institut Germanique pour les deux photographies des lions d'Aquila; la
mission américaine pour la photographie des fragments de Cosa; et j'exprime à Michel Gras
mes remerciements les plus amicaux pour son aimable et efficace intervention.
488 JEAN JEHASSE
1 W. L. Brown, The Etruscan Lion, 1960, p. 153, sur cette sculpture répondant à un
goût archaïsant authentique et non à une froide copie; cf. A. Hus, Recherches sur la statuaire
en pierre étrusque archaïque, 1961, p. 538 sq. sur les lions funéraires; Id. Réflexions sur la
statuaire en pierre de Vulci après l'époque archaïque, Mélanges offerts à André Piganiol,
1960, II, p. 162-172; Id. Vulci Etrusque et Etrusco-romaine, 1971, p. 129 sq.
2 A. Hus, Recherches, p. 46, et p. 135 sq. Cf. M. Yon, Les Lions archaïques, Anthologie
salaminienne, IV, 1973, p. 29. Il faut noter que le lion découvert à Val Vidone (Brown, p. 151-153,
et pi. 53) est représenté tournant la tête vers sa droite tandis que la queue remonte devant sa
cuisse gauche: c'est le contraire du lion d'Aléria, mais les deux faces sont également privilégiées.
3 Aujourd'hui à Florence, 75964, Brown, pi. 54 bl et b2, et p. 152-153; A. Hus, Vulci,
pi. 21b. En cours d'analyse, ce nenfro semble indiquer la région de Vulci. Il ne comporte
pas les gros grains blancs du tuf de Cerveteri, que m'a fait remarquer M. Cristofani. Voir note 10.
UN LION ÉTRUSCO-ROMAIN D'ALÉRIA 489
des lions vulciens. Mais il comporte trois particularités qui peuvent marquer
sa place dans l'évolution de la statuaire étrusco-romaine des IVe-P siècles:
la crinière ne se prolonge pas au long de l'arête dorsale4; et surtout le lion
apparaît dans la position couchée habituelle à l'époque archaïque, alors que
les lions hellénistiques semblent tous se dresser sur les pattes arrière5; et
aucun souci de la musculature ne marque la surface lisse du ventre et de
l'arrière-train6. Ces particularités poussent à l'extrême l'opposition familière
à la sculpture étrusco-romaine entre l'expressionisme hellénistique, le style
dramatique de la sculpture grecque, et la tradition archaïsante. Le contraste
atteint ici un réel équilibre entre un art animalier et cette évolution vers
le symbolisme et le décoratif qui sont caractéristiques de Vulci 7. Aussi ce
lion qui s'inscrit dans la même tradition que l'urne funéraire de Sienne8
nous paraît à mi-distance des lions de Val Vidone, de Tuscania (Fig. 4), et
de Vulci 9, et d'autre part des lions probablement datés de la fin de la
République découverts à Aquila (Fig. 6, 7) et à Santa Maria di Falleri (Fig. 5) 10.
Nous le rapprocherions volontiers du lion découvert à Cesi, aujourd'hui à
Terni (Fig. 8) n, et surtout d'un autre lion de Santa Maria di Falleri dont
4 Cette crinière prolongée sur l'échiné apparaît sur le lion de Val Vidone, Florence 13922,
le lion de Vulci précédemment cité, Florence 75964; un autre lion de Vulci, Florence 75965
(Brown, pi. 55 b); le lion de Cosa (Brown, p. 153-154); le lion de Cèsi aujourd'hui à Terni
(E. Galli, SE, 17, 1943, tav. 14 b). Elle manque en général sur les lions attiques et béotiens
d'époque classique et hellénistique (C. Vermeule, Greek Funerary Animals, AJA, 76, 1972,
p. 49-59), ainsi que sur les lions d'Aquila (Deutsch Inst. 3027 et 3028).
5 Sur ces lions couchés, A. Hus, Recherches, p. 198-199; M. Yon, art. cit. insiste sur
l'influence égyptienne, p. 38-39. Les lions étrusco-romains sont malheureusement souvent mutilés,
mais les pattes brisées semblent ne pas avoir fait corps avec un socle.
6 Cette musculature apparaît nettement sur les lions d'Aquila, un lion de Santa Maria di
Falleri d'après A. Pasqui, NSA, 1903, p. 18, fig. 3; c'est une caractéristique de l'expressionisme
dérivé de Skopas, dont l'absence est un trait nettement archaïsant.
7 A. Hus, Recherches, p. 547.
8 Sienne, Musée archéologique 726 (Brown, pi. 55 a): autant que permet d'en juger la face
mutilée du lion d'Aléria, c'est du type d'expression de ce lion à large face et à haut front
qu'elle se rapproche le plus.
9 Val Vidone (Florence 13922); Bolsena (Brown, p. 152-153, pi. 54a) en réalité Tuscania,
cf. n. 10; Vulci (Florence 75964, 75965). Le symbolisme ici l'emporte.
10 Aquila (Deutsch Inst. 3027, 3028); Santa Maria di Falleri, d'après A. Pasqui, NSA, 1903,
p. 18, Fig. 3. Un certain réalisme animalier apparaît ici grossièrement rendu. Cf. M. Cristofani,
/ Leoni funerari della Tomba «dei Rilievi» di Cerveteri, Archeologia Classica, XX, 1968,
qui en donne une photographie, Tav. CXXXIV.
11 Cesi (E. Galli, SE, 17, 1943, pi. 14 b). C'est à l'équilibre entre l'expression et la signi
fication du lion de Faléries que fait penser le lion d'Aléria.
490 JEAN JEHASSE
W. L. Brown a conservé une photographie (pi. 55, e) (Fig. 9): ce sont des
lions monumentaux symbolisant la vigilance et la force dans un même
expressionisme retenu et dominé. Peut-être pourrait-on leur assigner une
datation avoisinant la fin du IVe siècle, - une époque où toute l'Etrurie
est commercialement représentée en masse dans la nécropole d'aléria, et insister
sur le rôle joué à Aléria par l'Etrurie méridionale, et sur l'importance de Cosa.
Il semble en effet difficile de croire qu'une telle sculpture, - près d'une
tonne -, ait pu être importée en Corse après 259 et la conquête romaine
de Cornelius Scipio, fils de Barbatus, notamment au cours des longues
vicissitudes des Guerres Puniques. Mais quelle était au juste sa destination?
Même les tombes les plus riches n'ont jamais rien livré de comparable, et
seuls des cippes anépigraphes marquent aux IVe-IIF siècles l'entrée des
tombes à chambre12. Celles-ci, creusées dans l'argile tendre, n'offrent préc
isément à cette époque aucun caractère monumental, et l'on ne voit pas
comment un lion de cette taille pourrait occuper un dromos qui tend alors
à se réduire à un simple couloir étroit, à un « terrier ». De plus nous n'avons
jamais encore repéré de tombes préromaines sur les pentes de la Butte
d' Aléria, - la nécropole s'étendant au sud à Casabianda. Aussi serions-nous
tenté de faire un rapprochement avec les fragments d'un lion en nenfro
découverts à Cosa (Fig. 10), dans les fouilles menées à la porte de Yarx,
et qu'on pense y avoir été apporté de son emplacement originel 13. Ne
pourrait-on pas rappeler le rôle primitif de gardiens des portes attribué aux
lions depuis l'époque néo-hittite? La laïcisation de la statue funéraire, notée
par Alain Hus, expliquerait l'utilisation - ou si l'on veut à Cosa, la réutilisa
tion, dans une perspective monumentale de ces imposantes sculptures 14. S'il
est possible de concevoir que des familles étrusques installées à Aléria, ou
des familles d'Alerini étroitement liées à des Etrusques, se soient résolues à
importer un lion funéraire, il nous semble en l'état actuel de nos connais
sances plus vraisemblable d'imaginer qu'une telle statue jouait un rôle près
d'une porte de la ville, - et précisément sur l'accès à cette « porte préto
rienne » inscrite dans la topographie, ultérieurement attestée par une
inscription aujourd'hui perdue 15.
1 Musée J. Carcopino, Inv. 74/38. Les autres vases cités portent leur numéro de publication,
J. et L. Jehasse, La nécropole préromaine d'Aléria, 25e Supplément à Gallia, 1973.
498 LAURENCE JEHASSE
externe du vase, et la face interne des anses sont réservés. Décor en figures
rouges et rehauts blancs, sans contours en relief. Sur la lèvre, grille noire,
régulière, en barres verticales. Sur le col, deux frises parallèles, dont la pre
mière porte une série de T, alternativement inversés; la seconde, une guirlande
horizontale de laurier, à feuilles tournées vers la droite, et garnie de baies.
FACE A, sur la panse: Combat d'un Pygmée contre une grue.
A gauche, un guerrier pygmée, nu, le front bombé, le nez retroussé,
le cou épais, le ventre proéminent, les muscles bien dessinés, le sexe dé
mesuré, fait face à une grue. Le mouvement du corps est marqué par la
position des jambes, en fente avant, demi fléchies, jambe droite ramenée
en arrière. Le personnage est coiffé d'un pétase à larges bords, qui laisse
échapper, sur le front, une frange de cheveux traitée en petites stries
parallèles. Il tient dans la main droite une lance qu'il pointe vers la grue,
et dans la gauche un bouclier ovale, orné d'un umbo en losange, prolongé
de part et d'autre, longitudinalement, par une droite surmontée de trois
points. Le dessin est très fouillé, la narine, le nez, les articulations sont
soulignés de touches légères et expressives.
De nombreux détails sont surpeints en blanc: grands rubans flottant
sur le chapeau, ou croisés sur la poitrine, noués sur la hanche, et pendant
dans le dos; large collier à bulles, bracelet à trois rangs, hautes sandales à
lanières.
En face de lui, la grue, ailes ouvertes, tient le genou du Pygmée dans
sa patte droite; le long bec, le long cou ployé, le détail des plumes et des
rémiges, la queue en éventail sont finement rendus. Un long ruban surpeint
en blanc se noue autour du cou de l'oiseau, en formant de larges boucles.
Entre les deux combattants se dresse une plante fleurie, qui jaillit du
sol entre deux petites feuilles.
FACE B:
Moins bien conservée que la face A, la scène figurée occupe une sur
face moindre. Même scène de combat d'un Pygmée contre une grue. Ici, la
grue est à gauche, ailes déployées, cou enrubanné. Le guerrier tient une
grosse pierre (?) dans la main gauche, et un sabre courbe, de type « machaira »
dans la main droite, bras levé au-dessus de la tête, prêt à frapper. Le Pygmée
ne porte plus de chapeau, il est nu, et chaussé de sandales à lanières. Des
rubans flottent au-dessus de sa tête, se croisent sur sa poitrine, et pendent
jusqu'à terre. Derrière la grue, ondule la longue tige d'une plante fleurie.
et posée sur deux volutes en spirale serrée, est flanquée de deux palmettes
obliques inscrites dans une ogive. Entre ces palmettes s'épanouit une demi-
palmette « en dents de peigne ». Tous les vides sont comblés par des campan
ules striées, affrontées, inversées, des rouelles pointées. On devine sur le
vernis noir, les traces effacées des rehauts de peinture blanche.
LE STYLE DE CLUSIUM-VOLATERRA
LE STAMNOS 74/38.
Notre stamnos présente une certaine originalité dans sa forme au long
col, si on le compare aux deux autres stamnoi d'Aléria, n. 741, 742; mais
aussi par sa décoration accessoire: la frise de Τ inversés est rare, et se
rencontre plus fréquemment associée à des rosettes, comme sur la kelebè du
Musée de Prague inv. 2470 17. La guirlande de laurier n'est pas non plus très
11 M. Montagna, p. 47, n. 19
12 A. Stenico, art. cité.
13 M. Montagna, p. 86, n. 78.
14 C. Gualandi, Askoi in forma di anitra, Arte antica e moderna, 8, 1959.
15 EVP, p. 119.
16 M. Montagna, p. 58, n. 38; et p. 101, n. 102.
17 M. Montagna, p. 101, n. 102.
502 LAURENCE JEHASSE
encore un même esprit. Il nous semble que les Etrusques ont été seuls à
conserver selon leurs perspectives eschatologiques personnelles le sens primit
if et sauvage de la légende telle qu'Homère la connaissait quand il écrivait:
« On croirait entendre le cri qui s'élève devant le ciel, lorsque les grues
fuyant l'hiver et ses averses de déluge, à grands cris prennent leur vol vers
le cours de l'Océan. Elles vont porter aux Pygmées le massacre et le trépas,
et leur offrir à l'aube un combat sans merci » 28.
Ce caractère cyclique et fatal, cette atmosphère de cruauté tragique,
nous placent aux antipodes du grotesque et de la dérision. La soif de sang
dont parlera encore Ovide29 se rapporte plus à un Charun ou Tuchulcha,
et ressortit à cette atmosphère religieuse que de bons juges reconnaissent
à toute la production céramique et picturale de l'art étrusco-romain 30.
La présence d'un tel vase dans une tombe d'Aléria, pose d'emblée de
multiples problèmes: rapports commerciaux reliant les deux bords de la mer
Tyrrhénienne, et entretenus avec les Etrusques, les Campaniens, les Puniques.
Problèmes politiques concernant ou non des Etrusques installés à Aléria.
Problèmes religieux portant sur la signification du thème de ce vase, et son
sens sépulcral.
Mais il nous invite aussi à examiner dans son ensemble l'œuvre du
Peintre d'Hésione.
D'après notre étude, huit vases d'Aléria appartiendraient à ce groupe
dont on ne connaissait jusqu'ici que dix-sept kelebai, auxquelles Aléria ajoute
deux formes nouvelles avec le stamnos et l'askos. Or il s'agit d'une série
homogène qui nous semble toute d'inspiration funéraire, d'un art où l'emporte
la valeur symbolique malgré une saveur réaliste indéniable, d'un art enfin
qui semble évoluer pendant un quart de siècle, et qui, par une filiation
continue permet de relier des formes dégradées, simplifiées, à ces prototypes
de haute valeur artistique qui d'après R. Bianchi Bandinelli appartenaient
à « une civilisation bien plus complexe que celle de l'Etrurie ou de l'Italie » 31.
Quand on parle du Peintre d'Hésione, on n'envisage pas un seul artiste,
mais un atelier, uni, homogène, qui produit pendant près de trente ans, dans
la deuxième moitié du IVe siècle, des œuvres que l'on peut ranger selon le
tableau suivant:
ÉTRURIE ALÉRIA
Premier Groupe112
1 Herakles et Hésione
2. Dionysos et Ariane
3. Herakles et Apollon (?)
Deuxième Groupe33
4. Pygmée contre grue, Florence 4035
5. Pygmée contre grue, Inghirami, pi. 357
6. Pygmée contre grue, inv 74/38
7. Lasa sur un dauphin
8. Jeunes gens sur dauphins, n. 741
9. Eros sur un cygne
10. Danseurs étrusques
11. Danseurs étrusques, n. 740
12. Pygmée aux bandelettes
13. Pygmée aux bandelettes, n. 843
14. Pygmée au bouclier
15. Profil de jeune homme
16. Tête de femme voilée, fragt.
17. Fragments de Cortone
18. Mènade au thyrse, n. 598
19. Profil de femme
20. Askos à profil, n. 2309
Troisième Groupe34
21. Pygmée armé
22. Centaure
23. Guerrier
24. Profil de Satyre
25. Stamnos, n. 742
32 Premier Groupe:
1. Pérouse, Museo del Palazzone
2. Pérouse, Museo Archeologico, inv. 796.
3. Dessins à l'Institut Allemand de Rome. (XXIII, 41).
33 Deuxième Groupe:
4. Florence, Museo Archeologico, inv. 4035.
5. Reproduction, Inghirami, pi. 357.
6. Musée Jérôme Carcopino d'Aléria, inv. 74/38.
7. Volterra, Museo Guarnacci, inv. 42.
8. Musée Jérôme Carcopino d'Aléria, n. 741.
9. Berlin, Staatliche Museen. V, I, 3986.
506 LAURENCE JEHASSE
m. ê
"«Ν
CERERE . AVLIQVOQVIBVS
VESPERNAM . PORO
Un seul mot sur les quatre, le plus surprenant à première vue, ne pose
pas de problème: AVLIQVOQVIBVS désigne les entrailles de certaines
victimes sacrificielles, qu'on faisait bouillir dans une marmite, au lieu de
les rôtir à la broche; c'est ce que nous apprennent de précieuses définitions
de Verrius Flaccus et de Varron. On notera que ce dernier cite le porc
parmi les animaux dont on cuit les exta dans une marmite; on ajoute à
cette offrande d'entrailles ainsi rituellement apprêtées du blé prélevé sur la
mola salsa \ Si, comme nous le pensons, il s'agit d'un sacrifice offert à
Cérès, les entrailles devaient être celles d'une truie, hostia propria de la
déesse, selon le rite romain tout au moins, - mais on peut supposer sans
témérité qu'il en allait de même à Lavinium, ville fondée par Enée et, à
certains égards, métropole religieuse de Rome.
Le nom divin CERERE pose deux problèmes, d'ailleurs étroitement liés:
le premier est de morphologie, le second d'interprétation. Et d'abord, le mot
est-il à l'accusatif, comme le pensent M. Guarducci (qui a maintenu ce point
de vue dans son deuxième article), St. Weinstock et, en dernier lieu, E. Peruzzi?
est-il au datif, comme le soutiennent R. Bloch, H. Le Bonniec, et enfin
H. Wagenvoort? Dans le premier cas, I'm final n'est pas noté; dans le second,
on est en présence d'un datif en -ë; la philologie, à elle seule, ne peut
trancher, car les deux solutions sont admissibles en elles-mêmes dans une
inscription archaïque 2. Si Cerere = Cererem, le mot est sur le même plan et
joue le même rôle que uespemam; on pourrait dans ce cas s'étonner de la
différence de traitement entre les deux mots, puisque I'm final de uespemam
n'a pas disparu, et on serait tenté d'en tirer argument en faveur de Cerere =
1 Paulus-Festus, p. 21 L.: Aulas antiqui dicebant, quas nos dicimus ollas, quia nullam
litteram geminabant. Itaque aulicocia exta quae in ollis coquebantur dicebant, id est elixa. -
Varron, L. L., 5, 98 (édit. et trad. J. Collari, Paris, 1954): Haec sunt quorum in sacruficiis
exta in olla, non in ueru coquuntur. « Ce sont les bêtes » (énumérées dans le contexte, au
parag. 97, parmi lesquelles le porc) «dont, dans les sacrifices, les entrailles sont mises dans
une marmite et non à la broche». - Ibid., 104: frumentum... ad exta ollicoqua solet addi
ex mola, id est ex sale et jarre molito. L'expression aulam extarem « marmite pour cuire les
entrailles sacrificielles» se lit chez Plaute, Rud., 135.
2 Voir les exemples fournis par M. Guarducci et E. Peruzzi en faveur de l'accusatif; par
R. Bloch en faveur du datif.
AU DOSSIER DE LA «LEX SACRA» TROUVÉE A LAVINIUM 511
3 Cf. les observations d'A. Ernout, dans Recueil de textes latins archaïques, nouvelle éd.,
Paris, 1957, p. 13 sqq.
4 Paulus-Festus, p. 47 L.: cena apud antiquos dicebatur quod nunc est prandium;
uesperna, quam nunc cenam appellamus; p. 505 uesperna apud Plautum cena intellegitur.
Cf. ibid., p. 457, où cet usage ancien est rapporté aux Sabins: scensas Sabini cenas dicebant.
Quae autem nunc prandia sunt, cenas habebant, et pro cenis uespernas appellabant.
512 HENRI LE BONNIEC
pas la déesse de la nourriture; son nom ne s'explique pas par uescor, mais
se rattache à uesper. Toutefois, « si les noms uesperna et Vesperna dérivent
de la même racine et se sont formés de la même manière, il n'est nullement
nécessaire d'admettre que le nom de la déesse est indissolublement lié au
nom commun. En d'autres termes, Vesperna et uesperna peuvent être deux
formes parallèles, mais indépendantes ». A partir des trois sens de uesper:
« étoile du soir », « soir » et « occident », que peut signifier le nom divin
Vesperna? « Dea astrale, ο dea della sera, o dea dell'Occidente? ». En
raison de l'association à Lavinium de Cérès et de Vesperna, les deux pre
mières hypothèses doivent être écartées. Mais Vesperna pourrait être consi
dérée comme « déesse de l'Occident et par conséquent comme reine des
morts, selon la conception très répandue dans l'Antiquité qui se représente
le royaume des trépassés dans la région mystérieuse où le soleil se couche ».
Ne peut-on retrouver dans les deux déesses honorées ensemble « le couple
de la Mère et de la Fille, de ces deux divinités grecques - Demeter et
Koré - qui, parvenues dans le Latium par l'intermédiaire de la Sicile et de
Cumes, avaient été superposées par les Latins aux antiques figures indigènes
de Cérès et de Libéra ». - Ces spéculations semblent aussi ingénieuses
qu'arbitraires. Même s'il existe, comme on nous le dit, dans les cultes de
Lavinium d' « innegabili elementi di grecita», c'est aller vite en besogne que
de faire une Demeter de notre Cérès, et surtout d'identifier à Koré une
Vesperna fantomatique!
Si nous admettons que CERERE est un datif, et que VESPERNAM
n'est autre que le repas du soir, nous obtenons pour les trois premiers mots
le sens suivant: «A Cérès un repas du soir (fait d') entrailles bouillies à la
marmite ». Mais que faire de PORO? M. Guarducci, St. Weinstock, R. Bloch,
E. Peruzzi y voient l'ablatif de porrum, ou porrus, pris au sens collectif:
« poireau(x) », la graphie par un seul r étant antérieure à la gemination des
consonnes. Mais R. Bloch se trouve devant une difficulté particulière, puisque,
à la différence des autres exégètes de ce groupe, il ne dispose plus que
d'une divinité au lieu de deux: c'est à la seule Cérès que vont les deux
offrandes: les exta bouillis et les poireaux. Il reconnaît que « la disjonction
des deux termes fait difficulté », mais pense qu'elle n'est pas inadmissible
dans un texte de haute époque, obéissant peut-être à certaines préoccupations
d'ordre rythmique ». Je ne crois pas possible d'admettre une asyndète entre
auliquoquibus et poro, considérés comme deux ablatifs jouant le même rôle
grammatical et séparés par uespernam. C'est un fait que R. Bloch n'a pas
été suivi sur ce point. Il propose une autre solution: « Si l'on sépare les deux
lignes, il s'agit d'offrandes distinctes suivant les moments du jour. Un verbe
tel que facere serait sous-entendu: on sacrifie (en règle générale) à Cérès
514 HENRI LE BONNIEC
avec des auliquoquia, on lui offre une uesperna faite de poireaux ». Mais
il est impossible qu'un seul verbe sous-entendu régisse à la fois l'ablatif
auliquoquibus et l'accusatif uespernam (cette critique a reçu en 1961
l'approbation de H. Wagen voort).
Autre difficulté: on a beau nous vanter la qualité exceptionnelle des
poireaux d'Aricie, ville voisine de Lavinium, il n'en est pas moins vrai que
cette offrande est tout à fait insolite dans le culte romain ancien, non seul
ement dans celui de Cérès, mais d'une manière générale. On peut toujours
dire avec M. Guarducci que nous sommes loin de connaître tous les rites
de la religion romaine, et que d'autre part l'offrande de poireaux n'est pas
inconnue dans la religion grecque, mais je doute que ces arguments suffisent
à lever la suspicion.
A mon sens, il faut renoncer aux poireaux. D'autres aussi l'ont pensé.
Mentionnons, pour mémoire, une hypothèse que je ne connais que par
M. Guarducci. Incidemment, F. Castagnoli5 suggère, avec une réserve bien
compréhensible, « la possibilité que le mot en discussion PORO fût une
préposition (= pro) », dont dépendrait par anastrophe, l'accusatif uespernam,
et que ce dernier eût le sens de «soir»: «A Cérès (on sacrifie) avec des
aliments cuits à la marmite avant le repas du soir (ou avant le soir) ».
Comme le dit M. Guarducci, « il est difficile d'admettre un poro employé
comme le serait pro et, de plus, postposé à uespernam ». Ajoutons que pro
construit avec un accusatif nous obligerait à admettre une faute du graveur.
Au cours de la discussion qui suivit la communication de R. Bloch à
l'Institut, J. Vendryès avait proposé une interprétation beaucoup plus plausi
ble: poro, c'est à dire porro, pourrait être l'adverbe, à prendre au sens tem
porel de « désormais », l'inscription ne formant qu'une phrase: (on offrira)
« désormais à Cérès un repas du soir fait d'entrailles bouillies ». En 1958,
je m'étais rallié, en désespoir de cause, à cette solution, si du moins on ne
consentait pas à corriger le texte. En faisant tout de même cette réserve:
« on ne comprend pas pourquoi, à partir d'un certain moment, cette obliga
tions'imposerait aux fidèles ». Depuis, H. Wagenvoort a nettement rejeté
cette interprétation: « Fateor equidem ita interpretando sensum praeberi mea
opinione a lege sacra alienissimum ». Je crois qu'il a vu juste et qu'il faut
renoncer à l'ingénieuse hypothèse de J. Vendryès.
Si on n'arrive pas à trouver un sens satisfaisant à l'énigmatique poro,
si d'autre part on se refuse à le tenir pour un locus desperatus, il ne reste
qu'une solution, que j'avais proposée timidement en 1958: supposer une faute
du graveur et corriger le texte. K. Latte, deux ans plus tard, n'a pas manqué
d'audace en proposant de lire, au lieu de poro, por<ricit>o. L'arbitraire et
l'invraisemblance de cette correction sautent aux yeux: comme le note
H. Wagenvoort avec bon sens, on omet de nous expliquer comment le
graveur aurait pu omettre cinq caractères.
L'hypothèse d'une faute commise par le graveur n'est pas en elle-même
à rejeter, mais il convient d'éviter toute conjecture qui ne présente pas un
minimum de crédibilité. Alors que personne n'hésite à admettre la nécessité
de corriger parfois le texte d'un auteur qui s'est corrompu au cours des
siècles, parce qu'il ne nous est parvenu qu'après avoir été copié et recopié,
on se montre beaucoup plus réticent, non sans raison, lorsqu'il s'agit de
modifier le texte d'une inscription, qui constitue l'original, parvenu jusqu'à
nous sans intermédiaire. Pourtant, le grand épigraphiste Dessau (cité par
Wagenvoort) nous avertit opportunément que de nombreuses inscriptions, sur
pierre ou sur métal, même lorsqu'il s'agit de textes officiels (lois, rescrits
impériaux), ne sont pas beaucoup moins fautifs que-. le texte de bien des
manuscrits du Haut Moyen Age6.
H. Wagenvoort propose donc de corriger poro en poplo (forme syncopée
pour populo, bien attestée en latin archaïque). La faute s'expliquerait par
une confusion entre PL et R: le graveur aurait mal lu son modèle; acceptable
si le texte à copier était en capitales, cette erreur serait encore plus facile
à admettre si l'écriture était cursive. Il faudrait comprendre ainsi l'inscription,
en sous-entendant deux verbes: Cerere auliquoquibus (facito), uespernam
poplo (dato). C'est à dire: « Sacrifie à Cérès en lui offrant des entrailles
cuites à la marmite; offre au peuple un repas du soir ». Deux lignes d'inscrip
tion, deux phrases indépendantes. Après le sacrifice des exta à la divinité,
le reste des viandes, les uiscera, devenus « profanes », seraient servis au
public comme repas du soir. Cet usage est attesté pour le culte d'Hercule à
VAra Maxima (Servius, Aen., 8, 269; cf. Macrobe, Sat., 3, 12, 3). H. Wagenv
oortcite Wissowa (Religion und Kultus, p. 278 sq.): «Diese Zehntengabe
(= la decima Herculis) wurde als Ganzes dem Hercules geweiht . . . aber
nur ein geringer Teil davon blieb im Tempel, das Meiste wurde am Abend
dem Volke preisgegeben (profanare) und zu dessen Bewirtung verwendet ».
Et de s'écrier: « Ecce uesperna nostra! ». - Cette nouvelle interprétation,
je l'avoue, ne me semble nullement convaincante. Il est difficile d'admettre
que les quatre mots du texte constituent deux phrases dont les deux verbes
différents ne sont pas exprimés. On ne nous dit pas à qui s'adressent les
deux impératifs: facito et dato; s'agit-il de la même personne? est-ce un
prêtre, ou plutôt un magistrat, puisque H. Wagenvoort pense à un rite du
culte public? Enfin la comparaison avec le culte hellénique d'Hercule à
Y Ara Maxima n'a de sens que si on admet un postulat difficilement accept
able: « Si existimamus saeculo tertio a.C.n. Cererem Lauinii graeco ritu
cultam esse - nec uideo quid tali sententiae obstet - quaestio soluta esse
mihi uidetur ». Rien n'indique que nous ayons affaire à un culte importé;
au contraire, le rituel des exta cuits à la marmite est purement romain,
ou plutôt latin, et la Cérès de notre inscription doit être la déesse agraire
indigène. Détail significatif, nous avons vu qu'on ajoutait aux entrailles
cuites un peu de cette mola salsa caractéristique du sacrifice romain. Si le
repas sacré est offert seulement le soir, ou en fin d'après-midi, c'est que la
« cuisine » rituelle exige un assez long délai: une fois l'animal immolé, il
faut couper en morceaux les exta et les faire cuire dans la marmite; c'est
pourquoi le calendrier liturgique connaît des jours intercisi (« entrecoupés »),
pendant lesquels les activités profanes ne sont permises qu'entre le moment
où la bête est sacrifiée et celui où les exta sont offerts, autrement dit entre
le matin et le soir: Intercisi dies sunt per quos mane et uesperi est nefas,
medio tempore inter hostiam caesam et exta porrecta fas 7.
Revenons-en à PORO. La séquence: datif d'attribution, ablatif instru
mental, accusatif complément d'objet direct, fait attendre une forme verbale.
En 1958, j'avais proposé PORGO, forme ancienne de PORRIGO, qui est
bien attestée8. C'est la table d'offrandes qui est censée parler: «A Cérès
j'offre le repas du soir fait d'entrailles bouillies à la marmite ». Il me semble
que ce verbe qui veut dire « tendre, présenter, offrir » convient assez bien
à une mensa sur laquelle le repas rituel est déposé. M. Guarducci objecte
que « è durissimo il poro nel valore di porgo », mais je crois avoir été mal
compris: il ne s'agit pas de donner à poro la valeur de porgo; j'admets que
le graveur a fait une faute, explicable par la ressemblance entre le G et PO;
c'est en quelque sorte une haplographie (bien que ce terme soit impropre,
les deux lettres étant différentes). Il faudrait restituer POR<G>O. M. Guar
ducci fait aussi remarquer que « senza esempio è il motivo della mensa
7 Varron, L. L., 6, 31; cf. Ovide, Fastes, 1, 49-52; Macrobe, Sat, 1, 16, 3.
8 Festus, p. 244 L.: PORIGAM dixisse antiqui uidentur pro porrigam, propter morem non
geminandarum litterarum, ducto uerbo a porro regam... Antiqui etiam porgam dixerunt pro
porrigam. - Dans un texte poétique Cicéron emploie cette forme syncopée: Nat. deor., 2, 114;
voir les exemples réunis par A. S. Peace, ad loc.
AU DOSSIER DE LA «LEX SACRA» TROUVÉE A LAVINIUM 517
P. Lejay, Histoire de la littérature latine des origines à Flaute, Paris, s.d. (1920).
JOËL LE GALL
« EVOCATIO »
10 J'ai exposé ma conception à cet égard en dernier lieu dans mon article Les Romains
et l'orientation solaire, dans MEFRA, 1975, 1, p. 287-320.
11 II fallait se montrer prudent à cet égard même vis-à-vis des dieux romains, comme le
rappelle le texte du carmen utilisé pour la devotio de Carthage (Macrob., loc. laud.): «Dis
Pater, Veiovis, Manes, sive quo alio nomine fas est nominare... ».
522 JOËL LE GALL
sive dea . . . 12, mais si l'on savait, de façon certaine, qu'elle était plus part
iculièrement sous la protection d'une de ces divinités, il était sage d'invoquer
plus spécialement cette divinité dans le cadre de la prière: tel fut évidem
mentle rôle du teque, maxime ... de 146 av. J.-C.
Il existait donc une formule générale qu'il fallait adapter à chaque cas
d'après ce qu'on savait du panthéon de l'ennemi. Ce sont les pontifes qui
procédaient à ces ajustements puisque la formule générale se trouvait dans
les libri pontificales 13. Le carmen de Carthage montre qu'ils le faisaient
d'après leurs archives: en effet son complément, visiblement rédigé en
démarquant la formule générale n'est pas adressé à Tanit, la principale
protectrice de la ville en 146 av. J.-C, dont l'identification avec Junon
était déjà très ancienne alors, il invoque, au contraire, un dieu masculin,
qui ne peut être que Baal Hammon, dieu suprême du panthéon punique
jusqu'à l'époque où sa parèdre l'avait supplanté, sans doute au début du
IVe s. av. J.-C. 14, tout en lui laissant la seconde place; déjà les cérémonies
célébrées à l'occasion des crises religieuses qui avaient secoué Rome au
cours de la Seconde Guerre Punique, s'étaient souvent adressées à son
équivalent romain, Saturne, en même temps qu'à la Junon reine de l'Aventin 15.
L'examen des entrailles des victimes ayant montré que les dieux avaient
accepté d'abandonner leurs adorateurs et de devenir les protecteurs des
Romains et de leur ville, les temples, les idoles et les objets sacrés de l'ennemi
se trouvaient désacralisés aux yeux des assaillants: en 146 Scipion Emilien
punit pour désobéissance des soldats qui avaient pillé durant l'assaut le
temple d'« Apollon» dans les bas quartiers de Carthage et s'étaient partagés
l'or du naos et de la statue 16, mais il n'y eut pas de cérémonie expiatoire.
Les indications fournies par les sources sur les promesses faites par le
votum sont peu précises. On croit généralement qu'il s'agissait d'un culte
et d'un temple à Rome où l'on aurait donc dû élever d'innombrables temples
aux dieux évoqués, pourtant nous n'arrivons à établir qu'une liste extr
êmement restreinte et souvent contestable de ces temples: celui de la Junon
de Veies sur l'Aventin est le seul cas certain, peut être un temple au Vol-
tumna, Vertumne de Volsinii évoqué en 265 sur l'Aventin également, au
Champ de Mars un temple à la Junon Curitis de Falerii et un à la Minerve
de la même ville sur le Celius (Minerva capta); il est possible qu'un culte
ait été rendu parfois à une divinité évoquée dans un temple dédié à une
divinité qui lui avait été assimilée, par exemple on peut supposer que la
Tanit/Junon de Carthage a reçu un culte dans le temple de l'Uni/Junon
(de Veies) sur l'Aventin, pourtant l'empereur Elagabal amènera à Rome la
Junon Calelestis de la Carthage romaine 17: pouvait-il ignorer qu'il s'agissait de
la « Junon » punique?
Mieux encore: le carmen de 146 avait promis aux dieux évoqués des
temples et des jeux: Si ita feceritìs, voveo vobis templa ludosque facturum
sans préciser où le vœu serait accompli, or tous les jeux qui ont été célébrés
à Rome après une victoire l'ont toujours été à notre connaissance en l'hon
neur des divinités romaines dont l'aide avait été spécialement sollicitée en
vue de cette victoire. On doit donc se demander si les promesses de Vevo-
catio n'étaient pas tenues dans le pays même, devenu romain par la conquête.
L'inscription d'Isaura Vêtus apporte un sérieux argument en ce sens.
Elle est gravée sur une dalle haute de 0,58 m, longue de 1,03 m, épaisse
de 0,30 m, qui n'avait pas été polie à l'arrière, préparée par conséquent
pour être enchâssée dans la maçonnerie d'une assez grande construction;
la dernière ligne a été écrite assez loin du bord inférieur de la pierre, ce
qui suggère que l'inscription était destinée à être vue de bas en haut au-dessus
d'un rebord; on est ainsi conduit à penser que cette construction était un
temple. Les dieux évoqués auraient donc reçu généralement sur place le
culte qui leur avait été promis 18; d'après Ovide, le char et les armes de
Junon étaient d'ailleurs restés en Afrique 19.
Toute devotio d'une ville était nécessairement précédée par Vevocatio
de ses dieux, comme le rappelle Macrobe. La liste de dévotions anciennes
qu'il fournit, sans avoir la prétention d'être exhaustive, est donc en même
temps une liste d'évocations. Il énumère: «Stonii (?), Frégelles, Gabies, Veies,
Fidènes en Italie, Carthage et Corinthe, bien d'autres armées et oppida des
ennemis de Rome en Gaule, en Espagne, en Afrique chez les Maures et
chez d'autres peuples dont parlent les anciennes annales ». Nous n'avons
plus de motifs pour mettre en doute cette enumeration, même pour la
Gaule, l'Espagne et l'Afrique: on peut songer à Numance (133 av. J.-C),
à Entremont (123-122 av. J.-C), à la guerre de Jugurtha. Comme le peu
d'importance attaché à l'exécution des vœux, cette longue énumérération
montre que Vevocatio 'n'était pas un rite exceptionnel; c'était, bien au cont
raire, un rite banal du vieil arsenal religieux romain de la guerre, si banal
que les auteurs n'y ont même pas fait allusion sauf dans les cas célèbres
de Veies et de Carthage 20, pas plus qu'à d'autres, tout aussi courants, telle
la lustration de l'armée au moment de l'entrée en campagne dont Tacite
nous apprend incidemment qu'on la pratiquait encore en 37 ap. J.-C.21.
18 Les honneurs qui leur auraient été rendus auraient donc été bien moindres que ceux
rendus aux divinités transplantées à Rome pour en devenir de nouvelles protectrices alors que
leur cité d'origine était en paix avec elle, dont les exemples les mieux connus sont ceux d'Asklépios,
de Vénus Erycine et de Cybèle. On remarquera cependant que ces cultes et ceux des dieux
évoqués étaient réunis sous la dénomination commune de sacra peregrina (Festus, loc. laud.),
et que ces divinités continuaient de recevoir leur culte traditionnel dans leur sanctuaire d'ori
gine - et certainement dans d'autres:' les Romains n'ont jamais pensé qu'une divinité ne pouvait
être présente que dans un seul sanctuaire. Selon Arnobe (AUv. pag., III, 38) tous les dieux
évoqués étaient invoqués comme dei novensiles et leurs cultes confiés à des gentes ou
célébrés comme sacra publica: il est évidemment difficile de mesurer la confiance qui peut
être accordée à ces affirmations.
19 Ovid., Fast., VI. 45-46: « Paeniteat, quod non foveo Carthaginis arces, / cum mea sint
ilio currus et arnia loco»; Virgile (Aen. I, 12-17) avait déjà écrit: «Urbs antiqua fuit...
Karthago... hic illius arma, hic currus fuit». Certes les Puniques n'ont pas évité de donner
à leurs divinités l'apparence humaine, mais ils les représentaient également par des symboles,
si bien qu'il est permis de se demander si la question du transfert de «la statue» de Junon
à Rome, souvent posée par les historiens modernes sans qu'ils puissent y répondre, n'est pas
en réalité un faux problème.
20 Malheureusement trop bref, le texte de Festus, cité supra, conduit à la même conclusion.
21 Par l'offrande des suovetaurilia à Mars, (Tac, Ann., VI, xliii, 2).
MARCEL LE GLAY
blique fut pour l'évolution de la magie à Rome une période décisive, marquée
à la fois par un notable renouveau d'intérêt pour les pratiques des magiciens
et des sorciers et par l'élaboration d'une nouvelle magie, plus séduisante
pour les milieux cultivés et mondains de la capitale. C'est précisément le
succès de cette science noire, nouvelle ou du moins renouvelée, qui expli
quera mieux le scepticisme inquiet de Cicéron, les attaques des poètes, la
condamnation et la répression d'Auguste.
Alors que, comme l'a bien montré A. Alföldi 5, la puissance d'attraction
de la mantique tend à diminuer à partir de Marius et de Sylla, non sans
garder cependant la faveur des masses, où n'ont pas encore pénétré les
idées nouvelles sur le monde et le sort de l'homme, seules capables d'enta
merles vieilles croyances dans les forces obscures, dans les pouvoirs des
astres, dans les présages, ceux-ci ont dû contribuer à impressionner une
opinion préoccupée, lassée et bientôt horrifiée par les guerres civiles. Jamais
depuis l'époque de la deuxième guerre punique, si fertile en prodigia, Rome
n'en a connu autant qu'au Ier av. J.-C, tous exploités, bien sûr, le prodige
étant devenu une « arme de choix dans les luttes politiques » 6. R. Bloch,
qui les a fort bien étudiés, en a mentionné plusieurs, à titre d'exemples. En
complétant sa liste, mais sans prétendre la rendre exhaustive, on voit signalés
les cas suivants:
5 Voir notamment dans Chiron, 5, 1975, p. 165-192: Redeunt Saturnia regna, IV, Apollo
und die Sibylle in der Epoche der Bürgerkriege. Déjà J. Gagé, Apollon romain, Paris, 1955,
p. 424 ss.
6 R. Bloch, Les prodiges dans l'Antiquité classique, Paris, 1963, p. 139.
7 Les devins étrusques l'interprétèrent comme le signe d'un changement de saeculum et
le début d'un âge nouveau, une metakosmesis: cf. J. Gagé, op. cit., p. 431.
8 Cf. F. S. Archenbold, Weltuntergang und der Halleysche Komete, Berlin, 1910, p. 54.
MAGIE ET SORCELLERIE À ROME 527
9 Sur cette série de prodiges, « la plus étonnante et la plus grave » depuis 114, voir
J. Gagé, op. cit., p. 430.
10 A. Alföldi, art. cit., p. 182 ss.
528 MARCEL LE GLAY
11 Sur cet astre de grande taille, apparu du côté du Nord: Hör., Od., I, 12, 46-48; Virg.,
Bue, IX, 46-49; Aen., VIII, 681 (et Servius); Prop., EL, IV, 6, 59 ss.; Ovid., Met, XV, 840-851;
Sén., Nat. quaest, VII, 17, 2; Suét, Diu. lui, 88; Plut., Caes., 69, 3; Cass. Dio, XLV, 7, 1-2.
Seuls font état d'un culte rendu à cette comète dans le temple de Vénus à Rome: Plin., H.N.,
II, 93-94 et lui. Obs., 67. Une comète fut réellement visible à Rome, pour Halley: cf. Archenb
old,op. cit.; cette comète serait la même qui apparut de nouveau en 530, 1106 et 1680.
Sur les implications religieuses, voir F. Cumont, L'éternité des empereurs romains, dans Rev. Hist.
Litt. Rei, 1896, p. 435-452; A. Alföldi, Der neue Weltherrscher, dans Hermes, LXV, 1930, p. 369-384
(interprète l'apparition de la comète comme l'annonce d'un nouvel âge d'or); K. Scott, The
Sidus Iulium and the Apotheosis of Caesar, dans Class. Phil, XXXVI, 1941, p. 257-272 (sur la
comète, signe de l'apothéose de César obtenue en récompense de ses vertus); L. Ross Taylor,
The Divinity of the Roman Emperor, p. 90 ss.; J. Gagé, Apollon romain, p. 585 ss.; et plus
récemment G. Radke, Augustus und das Göttliche, dans Antike und Universalgeschichte,
Festschrift H. E. Stier, Münster, 1972, p. 273-274.
12 lui. Obs., 71 [131] la mentionne en 17; Dion Cassius, LIV, 19, 7, en 16; elle est mise
en relation avec la défaite de Lollius (clades Lolliana: LIV, 20, 5) et n'a rien à voir avec le
sidus Iulium, comme le note justement G. Radke, art. cit., p. 273-274. ;
13 Sur le scepticisme de Cicéron à l'égard des phénomènes célestes interprétés comme
signes astrologiques, cf. De diuin., passim, par ex. I, 17 ss.; II, 81; il y ajoute de l'ironie dans
Pro Murena, 25, quand il parle des anciens juristes, a quibus etiam dies tanquam a Chaldaeis
MAGIE ET SORCELLERIE À ROME 529
fait qu'ils les ont relevés, ce qui suffit à attester l'intérêt que leur portaient
et l'opinion publique et certainement les milieux politiques intéressés à les
lui faire connaître. L'attention prêtée à ces « signes » dans une période aussi
troublée que le dernier siècle de la République participe évidemment de
celle qu'on prêtait alors à l'astrologie en général.
L'ouvrage récent qu'ont consacré à la littérature astrologique et à son
histoire W. et H. G. Gundel 14 dispense d'insister sur cette question. Rappel
ons seulement que la génération de Cicéron a été fortement marquée, non
seulement par l'enseignement de Posidonius et sa théorie de la « sympathie »
universelle 15, mais aussi par d'autres fervents de l'astrologie hellénistique,
petebantur; voir M. Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron, Louvain, 1937, p. 183 ss.:
« Le scepticisme de Cicéron » - Quant à Pline, ennemi de la crédulité et attaché au déterminisme
stoïcien, il « croit que tous les événements sont commandés par des lois naturelles, qu'il faut
s'efforcer de découvrir» (J. Beaujeu, éd. de Pline, H.N., II, p. 182), d'où sa réflexion: quippe
ingentium malorum fuere praenuntia; sed ea accidisse non quia haec facta sunt arbitror,
uerum haec ideo facta quia incasura erant Ma - «Les malheurs n'arrivèrent pas, je crois,
parce que les météores étaient apparus; au contraire ceux-ci apparurent parce que les catastrophes
étaient imminentes». - Sur les prodiges, comme manifestations «d'un sacré le plus souvent
maléfique» et comme «signes d'une volonté supérieure», voir les excellentes remarques de
M. Meslin, Le merveilleux comme langage politique chez Ammien Marcellin, dans Mél. W. Seston,
Paris, 1974, p. 353-363.
14 W. Gundel et H. G. Gundel, Astrologumena. Die astrologische Literatur in der Antike
und ihre Geschichte (Sudhoffs Archiv, Vierteljahrsschrift für Geschichte der Medizin und der
Naturwissenschaften der Pharmazie und der Mathematik, Beiheft 6), Wiesbaden, 1966, 382 pp.
Voir, à propos de ce livre, R. Turcan, Littérature astrologique et astrologie littéraire dans
l'Antiquité classique, dans Latomus, 27, 1968, p. 392405. Ce livre fondamental est à ajouter à la
bibliographie donnée par A. J. Festugière. La révélation d'Hermès Trismégiste, I: L'astrologie
et les sciences occultes, Paris, 1944, p. 89. Sur les rapports entre astrologie et magie, ou mieux
sorcellerie, cf. H. G. Gundel, Weltbild und Astrologie in der griechischen Zauberpapyri,
Munich, 1968.
15 Sur la doctrine de l'unité du kosmos et de la sympathie qui en lie tous les membres,
doctrine qui est à la base de l'astrologie, de la magie, de l'alchimie et de la médecine populaire
depuis l'époque hellénistique jusqu'à la Renaissance, voir les fortes pages de A. J. Festugière,
op. cit., p. 90 ss. qui montre que cette doctrine n'est pas propre à Posidonius, mais est alors
prônée par presque toutes les écoles philosophiques. Toutefois sur l'influence de Posidonius,
voir infra, p. 531, n. 24. Autant peut-être que la philosophie de Posidonius, celle de son maître
Panétius de Rhodes avait exercé une influence sur la pensée de Cicéron; lui aussi croyait à
la «sympathie» universelle, même si, à la difference des stoïciens, il rejetait une sympathie
directe entre le macrocosme et le microcosme: cf. M. Van den Bruwaene, op. cit., p. 19 ss. et
surtout M. Van Straaten, Panétius, sa vie, ses écrits et sa doctrine, avec une édition des
fragments, Amsterdam-Paris, 1946.
530 MARCEL LE GLAY
16 Sur Géminos de Rhodes, infra, η. 19. Pour l'influence d'Antiochos d'Ascalon (peut-être
à identifier avec l'astrologue Antiochos d'Athènes) sur Cicéron, cf. P. Boyancé, Cicéron et les
semailles d'âmes du Timée {De legibus, I, 24), CRAI, 1960, p. 283-289, en part. p. 288.
17 Dont en trouve déjà trace dans Plaute (cf. W. et H. G. Gundel, op. cit., p. 122) et
chez Ennius (239-169) qui se moque des gens plus attentifs aux astrologorum signa dans le
ciel qu'à ce qui se passe devant leurs pieds: quod est ante pedes nemo spectat, caeli scrutantur
piagas (Ibid., p. 122).
18 Op. cit., p. 89.
19 P. 103. Il y expose les connaissances élémentaires de l'astrologie hellénistique.
20 Cf. F. Cumont, Antiochos d'Athènes et Porphyre, dans Mèi. J. Bidez, Bruxelles, 1933,
p. 135 ss. et W. et G. H. Gundel, op. cit., p. 115 ss. Voir supra, n. 16.
21 Les livres I et II ont été publiés entre 9 et 14 apr. J.-C, les autres livres sous Tibère:
J. Van Wageningen, RE, XIV, 1 (1928), col. 1115-1133. Cf. W. et H. G. Gundel, op. cit.,
p. 141 ss.
MAGIE ET SORCELLERIE À ROME 531
22 Voir P. Boyancé, La religion astrale de Platon à Cicéron, dans REG, LXV, 1952, p. 312 ss.
Sur Aratos, cf. W. et H. G. Gundel, op. cit., p. 94 ss. Sur la tradition de Cicéron, sa méthode
et sa valeur, voir A. S. Pease, dans l'éd. commentée du De diuin., Univ. of Illinois Studies in
Language and Literature, VI, 1920, p. 78-79. Sur Varron d'Atax, infra, p. 547, n. 94.
23 Les plus anciens horoscopes utilisant ces appellations divines paraissent être Pap. Oxyr.,
IV, 804 (de 4 apr. J.-C.) et II, 235 (de 14 apr. J.-C.) selon F. Cumont, Les noms des planètes et
l'astrolatrie chez les Grecs, dans L'Ant. class., IV, 1935, p. 36 et n. 3.
24 Sur Panétius, cf. supra, p. 529, n. 15. - Sur Posidonius d'Apamée, dont on sait l'i
nfluence sur Cicéron et toute sa génération, sur Strabon, etc., apprécié par ses contemporains
et après sa mort (cf. les jugements de Galien, de s. Augustin, De du. Dei, V, 2: philosophus
astrologus, multum astrologiae deditus, fatalium siderum assertor; V, 5: magnus astrologus
idemque philosophus), voir M. Laffranque, Poseidonios d'Apamée. Essai de mise au point,
Paris, 1964, qui insiste surtout sur Posidonius savant (géographe, mathématicien, physicien)
plus que sur le philosophe; W. et H. G. Gundel, op. cit., p. 102-103. Posidonius est souvent
annexé par les historiens du néopythagorisme: cf. J. Carcopino, La basilique pythagoricienne
de la Porte Majeure, Paris, 1944, p. 188 ss. et surtout L. Ferrerò, Storia del Pitagorismo nel
mondo romano (dalle origini alla fine della Repubblica), Torino, 1955, p. 268, qui
toutefois parle à son propos de syncrétisme stoïco-pythagoricien.
25 Cf. W. et H. G. Gundel, op. cit., p. 137 ss. et infra, p. 542 et n. 73. Sur son prestige,
voir Aulu Gelle, XIX, 14, 3; IV, 9, 1: Nigidius Figulus, homo, ut ego arbitror, iuxta M. Varronem,
doctissimus; cf. Serv., Ad Aen., X, 175.
532 MARCEL LE GLAY
26 Op. cit., p. 121 ss. Sans oublier l'art du dernier siècle de la République (p. 133 ss.):
citons seulement le Panthéon d' Agrippa (25 av. J.-C.) et parmi les arts dits mineurs, le disque
de Brindisi (cf. P. Boyancé, Le disque de Brindisi et l'apothéose de Sémélé, dans REL, LXIV,
1942, p. 191 ss.).
27 Voir R. Waltz, Anthol. grecque, fre partie, Anthol. Pal., t. III 9 livre VI), coll. Univ. de
France, 1931, p. 15 ss.
28 Sans vouloir donner ici une bibliographie de la question (qu'on trouvera d'ailleurs dans
les ouvrages cités ci-après), je note que ni le vieil et remarquable art. de H. Hubert, Magia du
Daremberg-Saglio-Pottier, Diet, des Ant, p. 1494-1521 (mise à part la remarque citée supra, p. 525, n. 2)
ni les deux derniers ouvrages français sur la magie ne posent vraiment la question de son
évolution, de ses transformations: E. Massonneau, op. cit., souligne seulement (p. 123 ss.)
l'intérêt du Ier s. apr. J.-C. «parce que les princes se montrent aussi soucieux de prohiber et de
poursuivre la magie et l'astrologie que de s'en réserver un usage personnel, public ou clandestin».
Et plus récemment, J. Annequin, op. cit., s'en tient - on le voit par le titre - à l'époque
impériale et d'ailleurs repousse explicitement (supra, p. 525, n. 4) toute considération chronolog
ique. Les derniers ouvrages étrangers s'en tiennent, eux aussi, à l'époque impériale, par ex.
F. A. Cramer, Astrology in Roman Law and Politics (Amer. Phil. Soc, Memoirs, 37), Philadelphie,
1954; R. Mac Mullen, Enemies of the Roman Order, Cambridge, 1966. Seul, S. Eitrem, La magie
comme motif littéraire chez les Grecs et les Romains, dans Symb. Osloenses, XXI, 1941, p. 39-83,
traite globalement (p. 63 ss.) son sujet dans la Rome du Ier s. av. et de l'époque augustéenne,
mais en insistant surtout sur l'évolution de la « technique » littéraire depuis l'époque hellénistique.
De même, le livre de S. Viarre, op. cit., qui présente une excellente mise au point sur la magie
dans ses rapports avec la religion et avec la science (p. 153 ss.); s'il a le grand mérite de
rassembler presque tous les éléments du problème de l'évolution subie par la magie au dernier
siècle de la République, il ne le pose pas ... Ce n'était pas, il est vrai, le sujet du livre.
MAGIE ET SORCELLERIE À ROME 533
29 La plupart ont été de manière très commode rassemblés par V. Ciaffi, La magia nella
litteratura e nella vita di Roma antica, Univ. di Torino, 1962, malheureusement sans
commentaire.
30 Voir Sénèque, Quaest, IV, 6, 2 et 3, qui évoque la loi des XII Tables: ne quis aliènes
fructus excantassit. Sur cette disposition législative, Plin., H.N., XXVIII, 17. Sur Yexcantatio,
Plin., H.N., XXVIII, 29; Serv., Ad Bue, VIII, 69; s. Aug., De du. Dei, Vili, 19.
31 Exorcisme pratiqué par les Galles, cité par H. Graillot, Le culte de Cybèle à Rome
et dans l'Empire romain, Paris, 1912, p. 311. Cf. J. Marquardt, Le culte chez les Romains
Paris, 1889, p. 133, n. 6 et E. Massonneau, op. cit., p. 69.
32 Sén., Quaest. nat, IV, 6, 3, qui évoque l'antiquité qui «dans son ignorance... croyait
que des incantations attiraient et écartaient les pluies».
33 Par ex. IV, 30, après la bataille de l'Algide (première moitié du Ve s.).
34 Caton, De agr., 158. Sur la valeur sacrée et magique du nombre trois, la bibliographie
est énorme: voir dans J. Annequin, op. cit., p. 163 un tableau qui montre la fréquence de
son emploi dans la littérature latine des deux premiers siècles, et p. 164 dans les papyrus;
534 MARCEL LE GLAY
quelques réflexions, p. 30 et notes, p. 43. C'est un sujet qui a intéressé les Anciens; voir par ex.
Ausone, qui lui consacre un jeu poétique: XXII, Griphus ternarii numeri, éd. A. Pastorini,
Turin, 1971, p. 614 ss. Voir E. T. Bell, La magie des nombres, trad, fr., Paris, 1953. - Dans son
De agr., 160, Caton livre un remède pour guérir les luxations par des incantations (allusion à
ce remède dans Pline, H.N., XXVIII, 21); on a cru qu'il s'agissait d'une opération chirurgicale;
le processus et les formules relèvent bien plutôt de la magie, comme l'a montré E. Laughton,
Cato's charm for dislocations, Class. Rev., 52, 1938, p. 52-54, dont l'interprétation est adoptée
par R. Goujard, éd. de Caton, De agr., coll. Univ. de France, 1975, p. 319-320. - Pour d'autres
textes de Caton, de Varron, de Columelle, voir V. Ciaffi, op. cit., p. 10 (veterinaria e medicina).
35 Conservés par Apulée, Apol, XXX. Le sens d'antipathes est incertain. Il s'agit sans
doute d'un philtre contre les enchantements (le mot est ici au neutre; deux exemples au féminin
dans Pline, H.N., XXXVII, 145; Diosc, V, 148). Quant aux charmes d'amour des cavales, c'est
certainement une allusion à Vhippomanes, une humeur sécrétée par les juments; c'est ainsi
qu'on désigne aussi l'excroissance charnue que les poulains ont sur le front en naissant et que
leur mère dévore, si l'on ne s'en empare pas; cf. Virg., Aen., IV, 516; Ed., VIII, 64 ss.; Prop.
El, IV, 18; Tib., II, 4, 55 ss. Sur Laevius et les croyances populaires de son temps: J. Granarolo,
D'Ennius à Catulle. Rech, sur les antécédents romains de la «poésie nouvelle», Paris, 1971,
p. 90, 315; H. Bardon, La littérature latine inconnue, I, 1952, p. 189-195.
36 Dont on retiendra d'ailleurs la formule sur la formation de la magie (H.N., XXX, 1, 2):
«La magie est née de la médecine, elle y a joint le ressort de la religion, puis s'est incorporé
l'art astrologique. Ainsi elle tient les esprits enchaînés par un triple lien». Pour quelques remar
quessur la médecine et la magie, voir E. Massonneau, op. cit., p. 72 ss. et J. Annequin, op. cit.,
p. 49-54. Mais il y a beaucoup plus à dire: cf. déjà A. J. Festugière, Rév. Herrn. Trism., I, p. 123 ss.
Sur la tradition magique en médecine grecque, von L. Bourgey, dans R. Taton, Hist. gén. des
Sciences, I, La science ant. et médiévale, Paris, 1957, p. 279-281.
37 Caton, De agr., 159, par ex. donne ce remède contre les excoriations: « Quand vous
irez en route, portez sous votre anneau un brin d'absinthe du Pont». Formules d'exorcisme:
V. Ciaffi, op. cit., p. 14 ss.
MAGIE ET SORCELLERIE À ROME 535
38 A. Audollent, Defixionum tabellae, Paris, 1904 η 136 192-194 Sur le η 193 (tabella
de Capoue, commençant par une invocation Keri arentikai = Cereri ultrici), voir E Vetter,
Handbuch der italischen Dialekte, I, 1953, p. 37 ss., Nr 6; V. Pisani, Le lingue dell'Italia
antica oltre il latino, 1953, p. 82 ss., n. 28; H Le Bonniec, Le eulte de Cérès à Rome, Paris,
1958, p. 44.
39 A. Audollent, op. cit., η. 137-139 (de Rome), 196 (de Cumes): malédictions de haine
contre des personnes - n, 192 (de Capoue), 209 (de Pouzzoles): iudiciariae defixiones pour
empêcher l'adversaire de parler - η 197, 199 (de Cumes): phylactères provenant de tombeaux.
40 De agr, 160, éd. Goujard, p. 108-109, 320, n. 6 Voir supra, n. 34.
41 Incipe cantare: «Motas uaeta daries dardares astataries dissunapiter » Et tarnen
cotidie cantato et luxato uel hoc modo: «Huât haut haut istasis tarsis ardannabou damnaustra »:
De agr , 160 = Ciaffi, op. cit., p. 20. Le mot important - le Nom de puissance - qui en général
se cache dans ces formules (cf. J Annequin, op. cit., p. 28, qui se réfère aux papyrus magiques)
est probablement ici le dernier, damnaustra, qui se rapproche de damnameneus, un des mots
fréquemment employés, sous cette forme ou sous une forme approchante, dans les textes magi
ques, par ex dans les tabellae defixionum: Audollent, n. 172, 241, 267; voir p. 499 ss (index VII):
Ephesia grammata cum papvris maxime collata. Damnameneus figure aussi sur des amulettes:
Fröhner, Philologus, 22, 1865, p. 544 ss.
42 Audollent, op. cit., p. LXVII ss. et 499 ss. Voir Kühnert, R E , V, 2, s.v. Έφέσια
γράμματα, col 2771-2773. Hésychius, s.v. (éd. Κ. Latte, II, 1966, p. 243, η. 7401) et Clément
d'Alexandrie, Strom , I, XV, 73, 1 et V, VIII, 45, 2 (éd. Stählin, p. 356) donnent sous ce nom
une liste de six mots (dont δαμναμενεύς) qu'Hésychius qualifie de ιερά και αγία. Mais ces mots
n'étaient pas les seuls Ephesia grammata; voir Audollent, op. cit., p. lxvii ss. Une citation du
Paidion, comédie de Ménandre, qui se trouve dans Suidas (άλεξιφάρμακα), montre que les
Έφέσια γράμματα étaient employés dans les noces pour conjurer les influences magiques néfastes
(frg. 371).
43 Voir supra, n. 41.
536 MARCEL LE GLAY
guaient déjà les Anciens qui ont cherché à en percer le sens (en vain,
puisqu'il est mystérieux et donc secret). Et il semble bien que Caton n'a pu
connaître ces formules que d'un auteur grec, tel que le pythagoricien Andro-
cyde, dont on sait par Clément d'Alexandrie qu'il tenta une explication de
ces mots magiques44. Une pièce de plus à verser au dossier de la culture
hellénisante du vieux Caton et peut-être au dossier de son « pythagorisme ».
Parmi les maléfices dirigés contre les personnes, il en est un qui, à la
lumière des textes, paraît avoir pris au cours des siècles anciens une place
de plus en plus grande, c'est l'empoisonnement, le ueneficium, mot qui en
vient d'ailleurs très vite à désigner à la fois l'empoisonnement et les pratiques
de sorcellerie45. Le recours au poison a dû bénéficier - si j'ose dire - des
progrès importants acquis à l'époque hellénistique dans la connaissance des
poisons, notamment dans la distinction de mieux en mieux établie entre
plantes médicinales et plantes vénéneuses46, ainsi que dans les dosages dont
les variations font de certaines plantes tantôt un remède, tantôt un poison -
comme c'était le cas aussi, pensait-on, pour le lait de femme, le lait de
chèvre et le lait d'ânesse par exemple. On voit ce que pouvaient tirer de là
les malintentionnés . . .
La plus ancienne « affaire des poisons » connue remonte à 361 av. J.-C.
On aurait alors, dixit Tite Live47, attribué au uenenum une énorme mortal
ité, résultat probable d'une épidémie48, ce qui aurait entraîné la condamna-
44 Clém. Alex., Strom, V, VIII, 45, 2 (Stahlin, p. 356) qui qualifie Ανδροκύδης de ό Πυθα-
γορικος, lui attribue l'explication suivante: Δαμναμενευς δε ό ήλιος ό δαμάζων. C'est sans doute
sur ces textes que se fonde P. Huvelin, Les tablettes magiques et le droit romain (extrait des
Annales intern d'Histoire, Mâcon, 1901), p. 36 ss., pour attribuer aux Pythagoriciens la diffusion
en Italie des Ephesia grammata (je n'ai pas pu consulter cette étude, signalée par E. Massonneau,
:
op. cit., p. 34, n. 4). - Sur Androcyde, voir Freudenthal, s.v. Androkydes, dans RE, I, 2 (1894)
col. 2149-2150.
45 Venenum a, comme φάρμακον en grec, la triple signification de remède, de poison et de
drogue magique ou abortive. Voir Ch. Lécrivain, s.v., dans Daremberg-Saglio-Pottier, Diet, des
Ant, V, p. 714-715.
46 Voir la liste des poisons ou produits considérés comme tels dans Pline, H.N., XX, XXI,
XXV, XXVIII-XXIX. Sur les progrès de la science des plantes à l'époque hellénistique, cf. J. Beaujeu,
dans R. Taton, Hist. gén. des sciences, I, La science ant. et médiévale, Paris, 1957, p. 381-382.
Sur Théophraste et son Histoire des plantes, cf. A. Rey, La science dans l'Antiquité, IV,
L'apogée de la se. technique grecque, Paris, 1946, p. 165 ss.; L. Thorndike, A History of Magic
and Experimental Science, I, New York, 1923; 4e éd., 1947, p. 27 ss., 236 ss.
47 Vili, 18 (avec enquête sous forme d'ordalie); Val. Max., II, 5, 3; Orose, III, 10.
48 Sur le sens de pestilentia dans l'ancienne Rome (où les pestilentiae occupent une
place importante dans l'histoire des Ve et IVe s. surtout) pour désigner peut-être parfois la vraie
MAGIE ET SORCELLERIE Λ ROME 537
tion à mort de 170 matrones. En 186, dans l'affaire des Bacchanales, les
empoisonnements figurent parmi les crimes reprochés aux initiés, mais ici
uenena a sans doute un sens plus large que « poisons ». Mais en 180, et de
nouveau à la suite d'une pestilentia, des enquêtes extraordinaires sont
menées à Rome et en Italie sur de prétendus empoisonnements, dont celui
d'un consul imputé à sa femme; selon Tite Live49, trois mille personnes
auraient été condamnées en Italie. En 154, ce sont encore deux femmes
qui sont accusées d'avoir empoisonné leurs maris, des consulares, et pour
ce crime strangulatae sunt 50. D'après Polybe (VI, 13, 4) les empoisonnements
font partie des crimes graves que le Sénat fait poursuivre en Italie. Bien que
les détails manquent, et qu'en dehors des récits de Tite Live on ne puisse
se reporter qu'aux comédies de Plaute, où ueneficus et uenefica sont des
insultes courantes 51, et à l'appréciation de Caton pour qui « il n'y a pas une
adultère, qui ne soit une empoisonneuse » 52, il semble que les recours aux
poisons se soient multipliés aux deux derniers siècles de la République.
C'est du moins ce qui paraît justifier l'adoption au début du Ier s. d'une
législation répressive nouvelle. En 81, Sylla promulgue la lex Cornelia de
sicariis et ueneficiis 53, qui ne crée pas, comme on l'a dit, une quaestio
spéciale pour les ueneficia, puisqu'en 98 déjà est attesté un iudex q(uaestio-
nis) ueneficis 54, mais qui, sans toucher aux quaestiones (qui restent, semble-
t-il, séparées) réorganise les procédures existantes et jusque là indépendantes,
peste, mais le plus souvent là malaria, due aux crues du Tibre, cf. P. Fraccaro, La malaria e la
storia degli antichi popoli classici, Atene e Roma, 1912, p. 57-88; J. Gagé, op. cit., p. 71 ss.;
en dernier lieu P. A. Brunt, Malaria in Ancient Italy, dans Italian Manpower 225 BC - A.D. 14
(App. 18), Oxford, 1971, p. 611-624.
49 XL, 37, 43, 44.
50 Tite Live, Ep., 48; Val. Max., VI, 3, 8.
51 Par ex. Truc, 762.
52 Quintil., V, 11, 39; cf. Plut, Cato maior, 9, 11.
53 Connue par Cicéron, Cluent, LIV, 147-148 et par Dig., XLVIII, 8, 1, 3, 5 et 16. Voir
E. Massonneau, op. cit., p. 159 ss.; A. W. Lintott, Violence in Republican Rom, Oxford, 1968,
p. 119 ss. et surtout E. S. Gruen, Roman Politics and the Criminal Courts, 1968, p. 261-262.
54 Dans Yelogium de C. Claudius Pulcher, cos. en 92, est mentionnée, après l'édilité, la
charge de iudex q(uaestionis) ueneficis, qu'il dut exercer en 98 (CIL, I2, p. 200 = Inscr. Ital,
XIII, 3 (Elogia, 70); cf. T.R.S. Broughton, The Magistrates of the Roman Republic, II, 1952,
p. 4. Ce qui prouve l'existence d'un tribunal chargé de juger les empoisonnements avant Sylla.
Ch. Lécrivain, dans le Diet, des Ant, s.v. Venenum, t. V, p. 715, s'est trompé en indiquant que
la lex Cornelia avait institué une quaestio spéciale appelée ueneficis. Sur ces questions, voir
en dernier lieu A. W. Lintott, Provocatio, dans Aufstieg und Niedergang der Rom. Welt, I, 2,
1972, p. 253-262.
538 MARCEL LE GLAY
en les réunissant dans une seule et même loi. Ainsi, tout en distinguant
l'empoisonnement du meurtre ordinaire, la loi associe désormais ces deux
crimes dans une même mesure de répression, assortie sans doute d'une même
peine, au minimum l'interdiction de l'eau et du feu, c'est-à-dire l'exil, au pis
la mort 55. Il ne semble pas que la sévérité de la répression ait suffi à stopper
la vague d'empoisonnements à Rome. Les ueneficia restent nombreux au
dernier siècle de la République et sous l'Empire56.
Mais revenons à la magie et à la sorcellerie, pour constater les change
mentsprofonds intervenus au Ier s. av. J.-C. Le premier - le plus important
peut-être - c'est que la magie, comme l'astrologie, s'est rapprochée de la
science. Pour Cicéron, c'est une science: Nec quisquam rex Persarum potest
esse qui non ante magorum disciplinam scientiamque perceperit (De diuin.,
1,41). Et tout ce passage du De diuinatione montre qu'avec Cicéron la
question de la magie est devenue un sujet de recherche. Le mot même de
magus, qui - on l'a remarqué déjà - apparaît pour la première fois dans
les textes latins avec Cicéron, en même temps que magia, ars magica, herba
55 Comme l'indique Cic, Cluent., LIV, 148, qui précise en outre que la loi, d'abord appli
cable aux seuls magistrats, l'a été ensuite à tout le monde (omnes mortales) et il ajoute: qui
uenenum malum fecit, fecerit. Et ailleurs: quicumque fecerit, uendiderit, emerit, habuerit,
dederit. Il précise encore: omnes uiri, mulieres, liberi, serui in iudicium uocantur; tous sont
appelés à comparaître. Il ne semble pas que, lorsque le Dig., XLVIII, 8, 3, 5 indique la deportatio
comme legis Corneliae de sicariis et ueneficis poena, il s'agisse - comme on l'a cru - d'une
confusion de termes, résultant d'une interprétation tardive; la deportatio in insulam est par
faitement attestée à haute époque. Enfin il paraît que très vite après la promulgation de la
lex Cornelia, le parricide y a été incorporé, comme le prouve le procès de Roscius d'Amérie
en 80 (cf. E.S., Gruen, op. cit., p. 262). D'après Mommsen, Droit pénal, II, p. 343 ss., suivi
par E. Massonneau, op. cit., p. 159 ss., la loi de Sylla distinguerait parmi les «meurtres» cinq
délits: la mort violente, le vol de grand chemin, l'abus de la procédure capitale, l'incendie
malveillant, le crime commis à l'occasion d'un naufrage. On voit à quoi était assimilé l'e
mpoisonnement. Sur la deportatio, à différencier de la relegatio, voir J: Carcopino, L'exil d'Ovide,
dans Rencontres de l'hist. et de la litt., 1963, p. 94 ss.
56 A titre d'exemples seulement, l'apulien Domitius, ami de Marc Antoine, accusé d'avoir
empoisonné son neveu (Cic, Phil, XI, 6, 13); Germanicus dont la mort, entourée de mystère,
est attribuée à un empoisonnement par incantatio: «On avait trouvé dans le palais, sur la terre
et autour des murs, des formules d'enchantements et d'imprécations, des lames de plomb sur
lesquelles était gravé le nom de Germanicus, des débris humains à demi-brulés et souillés par
du sang noir, et d'autres maléfices, au moyen desquels on croit que les âmes sont vouées aux
divinités infernales» (Tac, Ann., II, 69; Dion Cass., LVII, 18). Sous Néron, l'empoisonnement
est courant. Et l'on citera, pour clore une liste qui est naturellement loin d'être exhaustive,
Martial, IX, 15: «Sur les tombeaux de ses sept maris, cette scélérate de Chloé a inscrit ces mots:
«C'est mon travail (se fecisse) ». Où trouver aveu plus naïf?» L'empoisonneuse entend «le monu
ment»; le poète comprend «les décès répétés»!
MAGIE ET SORCELLERIE À ROME 539
magica, magices, etc., est par lui utilisé précisément dans un contexte de
recherche57. On s'interroge sur cette magie, sur son origine. Elle vient
d'Orient, mais encore? de Perse? de Thrace? Ovide se réfère plutôt à la
Thrace et à la Thessalie, comme on verra. Et Pline, à la fin du Ier s., se
livre à une véritable enquête d'historien sur sa provenance (H.N., XXX, 1, 6):
il rappelle la tradition qui la fait venir de Perse et plus particulièrement
de Zoroastre, puis cite Eudoxe, Aristote, Hermippos, Pythagore, Empédocle,
Démocrite et Platon. Déjà, avant lui, à propos de l'eau et du feu considérés
comme éléments premiers, Vitruve avait cité les mages à côté de Thaïes et
d'Heraclite (VIII, Praef. 1). C'est donc bien à la fois comme disciplina scien-
tiaque qu'est considérée la magie au Ier s. av. J.-C. (au prix d'une confusion
entre mages traditionnels et magiciens), mais une « discipline » qui n'a rien
à voir avec la disciplina etrusca admise à Rome, et une « science » d'origine
étrangère, qui en fait quelque chose de différent de la divination officielle.
C'est pourquoi Cicéron, qui personnellement ne croit pas à la mantique
- il n'accepte l'haruspicine que pour des motifs politiques ou, si l'on veut,
par raison d'Etat, « à cause de la république et de la religion civique » 58,
et pour la même raison l'art augurai59 - se méfie bien davantage encore
de la magie. A plusieurs titres, semble-t-il, qu'il n'explicite pas dans le détail,
mais qui sont assez clairs. D'abord parce que, du fait du déclin incontestable
de l'art augurai, déclin qu'il attribue à l'ancienneté et à la négligence 60, la magie,
57 Outre De diuin., I, 23 (ei magos dixisse, quod genus sapientium et doctorum habebatur
in Persis) et 41 (éd. A. S., Pease, p. 174-175 et 178, avec commentaires importants sur le mot
magus, qui au Ve s. est employé par les Grecs dans le sens de « trickster » et ensuite par Platon
et Euripide dans le sens de «magician»), voir De leg., II, 10: ... nec sequor magos Persarum.
58 Ego... qui diuinationem esse nego (De diuin., II, 8); Vt ordiar ab Haruspicina, quam
ego reipublicae causa communisque religionis colendam censeo (II, 28).
59 De leg., II, 31-33. On sait que Cicéron était augure; il se défend d'ailleurs de partialité
(II, 28). Sur la contradiction entre De diuin., II, 8 et le non video cur esse diuinationem
negem, il y a une abondante bibliographie; voir notamment l'excellente introduction de
A. S. Pease, M. Tulli Ciceronis De diuinatione, rééd. Darmstadt, 1963, p. 10 ss. et M. Van den
Bruwaene, La théologie de Cicéron, 1937, p. 183 ss.
60 Sed dubium non est quin haec disciplina et ars augurum euanuerit iam et uetustate
et neglegentia (De leg., II, 33). Haruspices et augures faisaient depuis longtemps déjà l'objet de
critiques et de railleries: Pomponius, au début du Ier s. a composé des atellanes intitulées
L'Augure et L'Haruspice; Laberius un mime intitulé L'Augure; Plaute, dans Asinaria a contref
ait une prise d'augures; et Afranius a écrit une togata intitulée L'Augure: voir J.-P. Cèbe,
La caricature et la parodie dans le monde romain antique des origines à Juvénal, Paris, 1966,
p. 73 ss., pour qui le «vers d'atellane», auquel fait allusion Cic, De diuin., II, 10, 25, pour
ridiculiser la notion de destin et par là ruiner le fondement même des prédictions, proviendrait
d'une des œuvres de Pomponius.
540 MARCEL LE GLAY
pérégrin Cn. Cornelius Hispanus et les expulse dans les dix jours de Rome et d'Italie (Val. Max.,
I, 3, 3; cf. E. Massonneau, op. cit., p. 158 ss.; F. Cramer, Expulsion of astrologers from
Ancient Rom, Class, e Med., XII, 1951, p. 14 ss.; Astrology in Roman Law and Politics (Amer.
Phil. Soc, Memoirs, 37), Philadelphie, 1954, p. 58). - De Col, XI, 1, 22: Haruspicum sagamque
sua sponte non nouerit, quae utraque genera uana superstitione rudes animos infestant; sur
le sens de saga, cf. Cic, De diuin., I, 31; Hör., Od., I, 22, 21; Epit, II, 2, 208; Tib., I, 2, 42;
Apulée, Met, I, p. 206. On notera l'emploi par Columelle du féminin pour désigner la sorcière
(voir infra). Sur le uilicus, «tel qu'il devrait être» et plus généralement sur l'exploitation
agricole selon Caton et selon Columelle, voir R. Martini, Rech, sur les agronomes latins et
leurs conceptions économiques et sociales, Paris, 1971, en part. p. 81 ss. et 343 ss., qui n'exa
mine pas les devoirs «religieux» du uilicus; mais ce n'était pas son sujet...
66 Sur les «principes magiques», voir notamment S. Viarre, op. cit., p. 189 ss. et J. Anne-
quin, op. cit., p. 17 ss. et 134 ss. Ce qui ne veut pas dire que les mages ne connaissent pas
les formules propres à briser la force de Vheimarmené et l'influence des astres: cf. W. Gundel,
RE, VII, 2 (1912), s.v. Heimarmene, col. 2640 ss. La sorcellerie se situe à un autre niveau,
v. infra.
67 De diuin., I, 16. Sur les rapports de la divination et de la magie, voir Halliday, Greek
Divination, 1913, ch. IV; Tavenner, Studies in Magic from Latin Literature, 1916, p. 10;
E. Massonneau, op. cit., ch. II: Divination et magie, qui appelle parfois des rectifications.
6STusc, IV, 1, 2 ss.; De fin., V, 2, 4; De leg., I, 12, 33; De off., I, 17, 56, et surtout le
De Repubi, où «Platon apparaît comme le saint Paul de l'évangile pythagoricien», selon la
formule de J. Carcopino, ouv. cit., p. 191. M. Van den Bruwaene, La théologie de Cicéron,
p. 210 conjecture qu'à partir de 50 (d'après Tim., I, 2) Cicéron, entré en rapport avec les
Pythagoriciens, aurait été influencé dans ses écrits par leur doctrine; il ne tient pas compte
du caractère et de la date de la composition du De Rep., alors achevé et connu {Ad AU.,
V, 12, 2; Ad fam., VIII, 1, 4); sur Cicéron et Pythagore, voir L. Ferrerò, op. cit., p. 334 ss.
P. Boyancé, Etude sur le Songe de Scipion, 1936, a pour sa part montré tout ce que le mythe
final du De Rep. doit à la pensée pythagoricienne du temps, et non, comme on l'avait généra
lement cru, à Posidonius d'Apamée.
542 MARCEL LE GLAY
tué l'histoire69, l'aspect le plus frappant est sans doute celui qui touche le
pythagorisme lui-même, qui de simple tendance culturelle, d'objet de curios
itéretenant surtout l'attention, voire l'intérêt de quelques intellectuels parti-
culiètement éclairés, prend dans de Ier s. av. J.-C. un nouvel aspect, celui
que lui confère la constitution de cénacles, de groupes ayant une certaine
orientation philosophique et religieuse certes, mais aussi politique et sociale.
Mais non moins remarquable apparaît chez les néo-pythagoriciens de ce
Ier siècle l'association étroite, qui se manifeste dans leurs préoccupations
intellectuelles et spirituelles et sur laquelle insistent contemporains et succes
seurs, entre leur érudition, leur passion de la théologie et leur attrait pour
le spiritisme. Alexandre Polyhistor, affranchi par Sylla et encore en pleine
activité en 40, peut-être le meilleur représentant du syncrétisme (triomphant
au Ier s.) entre la tradition pythagoricienne et le stoïcisme, à cet égard très
représentatif du néo-pythagorisme renaissant 70, révèle dans ses « Symboles
pythagoriciens », conservés en abrégé par Diogene Laerce (VIII, 24 ss.), une
érudition très éclectique et un goût très poussé pour le surnaturel et le
merveilleux71. Avec lui le néo-pythagorisme s'affirme déjà à la fois dogmat
iqueet ésotérique. Son contemporain, Posidonius d'Apamée (140/130-59/40),
dont l'appartenance stoïcienne n'est pas douteuse, mais dont les attaches
pythagoriciennes restent discutées72, est en même temps naturaliste, géographe
et historien, théologien mystique et adonné aux sciences occultes 73. Quant
donius, dont le mérite serait d'avoir élargi l'idée que l'homme se fait du divin dans le monde
et en lui-même, et peut-être d'avoir acheminé le monde gréco-romain vers un mysticisme qui
n'était d'ailleurs pas le sien.
74 Cicéron, Tim., I, 1; Aulu Gelle, Na.A., XIX, 14,3; IV, 9, 1: Nigidius Figulus, homo,
ut ego arbitror, iuxta M. Varronem, doctissimus; d'où sans doute Servius, Ad Aen., X, 175:
Nigidius solus est post Varronem, licet Varrò praecellat in theologia, hic in communibus
litteris. S. Jérôme, Chron. Euseb., ad a. 45 a.C, le qualifie de pythagoricus et magus; et S. Aug.,
De du. Dei, V, 3, de mathematicus. Voir Gianola, Nigidio Figulo astrologo e mago, Milano,
1907, repris dans La fortuna di Pitagora presso i Romani, Catania, 1921, p. 49 ss.; L. Legrand,
P. Nigidius Figulus, philosophe pythagoricien et orphique, Paris, 1931.
75 Acer inuestigator et diligens earum rerum, quae a natura inuolutatae uidentur (Cic,
Tint., I, 1). Dans Apot, 42, 7, Apulée rapporte une scène d'incantations, dont Nigidius Figulus
apparaît comme le héros chargé de retrouver par des procédés magiques 500 deniers perdus.
Et Suet, Aug., 94, 6 n'est pas loin d'attribuer à la magie la découverte par Nigidius Figulus
de la future gloire d'Auguste, fondée sur l'heure de sa naissance. Selon F. Cumont, Mon. Piot,
XXV, p. 81, n. 2, «le spiritisme des néopythagoriciens tel qu'il fut pratiqué à Rome par Nigidius
Figulus et ses émules (Cic, Tusc, I, 37; De diuin., I, 132) se rattache directement à la nécyomancie
égyptienne». Dans la scène rapportée par Apulée, le, on notera l'emploi d'enfants comme
mediums (pueri instincti carmine): voir infra, p. 548, n. 100. Et dans le cercle de Nigidius
Figulus, on pratiquait l'hydromancie et la lécanomancie, procédés évoqués dans les représenta
tions de la basilique pythagoricienne de la Porte Majeure (cf. J. Carcopino, op. cit., p. 261 ss.).
76 Selon Dion Cass., XLV, 1, 3 ss, Nigidius Figulus fut accusé de tenir des réunions secrèt
es;César l'a pour cela jugé politiquement dangereux: cf. J. Carcopino, op. cit., p. 198. Sur les
serments et le secret dans les sectes pythagoriciennes, voir A. Delatte, Etudes sur la littérature
pythagoricienne, Paris, 1915, p. 15; Tannery, Sur le secret dans l'école de Pythagore, Arch. f.
Gesch. der Philos., 1888, p. 28 ss. Sur la valeur du secret dans la magie, J. Annequin, op. cit.,
p. 135. Noter qu'un de ses compagnons d'exil, ami de Cicéron, Aulus Caecina, était un parfait
connaisseur de Vetrusca disciplina (Cic, Ad fam., VI, 6, 3; Pline, H.N., II, 1; Suét, Diu. lui, 75, 5).
77 Voir L. Ferrerò, op. cit., p. 265 ss. et S. Viarre, op. cit. p. 209 ss. (excellentes pages
sur les relations du néo-pythagorisme et de la magie). Imprégné de magie et de scientisme philo
sophique: cf. l'exemple de la basilique pythagoricienne de la Porte Majeure (construite sous
Claude, selon J. Carcopino), où J.: Bousquet, Les confrères de la Porte Majeure et l'arithmologie
pythagoricienne, dans REG, 1951, p. 466-471, a montré que le nombre de membres de la secte
- 28, produit de 7x4 - rappelle le «nombre parfait» platonicien, appliqué à «l'engendré
divin » et prouve que « dans le néopythagorisme d'époque hellénistique et romaine on a certain
ement assimilé à la doctrine de la secte les résultats arithmologiques acquis depuis le IVe s. et
codifiés dans les Eléments d'Euclide».
544 MARCEL LE GLAY
78 Par Cicéron, Tusc, I, 16, 37; De diuin., I, 10, 30; 58, 132. Voir V. L. Constans, Un
correspondant de Cicéron, Ap. Claudius Pulcher, Paris, 1921; L. Ferrerò, op. cit., p. 307 ss.
79 Cicéron, In Vatinium, VI, 14 (en 56, interrogatoire que lui fait subir Cicéron, dans
l'affaire de Sestius), l'accuse de inferorum animas elicere et cum puerorum extis deos mânes
mactare. Sur la divination nécroman tique, cf. E. Massonneau, op. cit., p. 39 ss.; J. Annequin,
op. cit., p. 58.
80 Bas. pyth. Porte Majeure, p. 203.
81 L. Ferrerò, op. cit., p. 319 ss., qui insiste en particulier sur l'arithmologie varronienne,
qui paraît orientée par les conceptions pythagoriciennes. Mais l'inspiration stoïcienne paraît
prédominer: cf. P. Boyancé, Quelques remarques sur la théologie de Varron, dans REL, XXXI,
1953, p. 39-40, pour qui Varron dans sa théologie s'inspirait, non de Posidonius, mais d'Antio-
chus d'Ascalon, dont les vues sur l'âme du monde sont apparentées au stoïcisme, tout en
restant personnelles; pour J. Pépin, La «théologie tripartite» de Varron, dans R. Et. August,
Mél. Bardy, II, 3-4, 1956, p. 265-295, les sources de Varron sont plus précisément stoïciennes.
82 Pline, H.N., XXXV, 160.
MAGIE ET SORCELLERIE À ROME 545
83 En particulier pour ce qui concerne Ovide, S. Viarre, op. cit., et à titre d'exemple,
P. Grimai, Les Métamorphoses d'Ovide et la peinture, paysagiste à l'époque d'Auguste, dans REL,
1938, p. 145-161, qui montre que la conception du poète, qui mêle dans son œuvre illusion
et réalité, s'accorde parfaitement au 2e style tardif de la peinture pompéienne.
84 Voir J. M. Frécaut, L'esprit et l'humour chez Ovide, Grenoble, 1972.
85 De même qu'il peut être « un excellent philologue » (H. Le Bonniec, éd. Fastes, I, p. 99,
à propos de augere, augurium, augustus), il est aussi un bon «interprète de la religion romaine»
(R. Schilling, REL, 46, 1968, p. 223-227).
86 Dans S. Viarre, op. cit., p. 209 ss., et 216 ss., des pages très suggestives sur les liens
qui unissent le pythagorisme à la poésie en général, à Ovide en particulier, sur quoi, bien sûr,
on renverra à J. Carcopino, L'exil d'Ovide, poète néopythagoricien, dans Rencontres de l'histoire
et de la littérature, Paris, 1963, p. 59-170. La discussion n'est pas achevée, loin de là, sur la
vraie raison de la condamnation à l'exil d'Ovide (appartenance pythagoricienne ou non?), voir
en dernier lieu L. Hermann, Ovide, la Bona dea et Livie, dans L'Ant. class., XLIV, 1975, p. 126-140.
Mais de nouveaux arguments, de plus en plus nombreux (et il y en aura d'autres) semblent
plaider en faveur de la thèse du néo-pythagorisme ovidien.
546 MARCEL LE GLAY
87 On a noté avec raison le rôle des femmes dans la pratique de la magie et de la sor
cellerie (S. Viarre, op. cit., p. 178) et aussi le fait que, tandis que chez les Grecs (ainsi Apollo
nius de Rhodes, Argonautica) Médée est la magicienne par excellence, pour Ovide, c'est Circé
qui occupe le devant de la scène, présentée comme «la magicienne de l'Italie». Ceci est con
forme à une tradition, peut-être assez ancienne (IIP-IP s., selon J. Bayet, p. 64), sur la pénétration
de la légende de Circé dans les montagnes d'Italie centrale, légende dont Solin s'est fait l'écho
(II, 27 = Pline, H.N., VII, 15; cf. Pline, XXV, 11; A. Gell., N.A., XVI, 11). Sur cette légende,
cf. J. Bayet, Les origines de l'arcadisme romain, repr. dans Idéologie et Plastique, Rome, 1974,
p. 62 ss. Sur les Marses et la sorcellerie, voir infra, n. 91. Quand Cicéron, édictant ses
lois religieuses (De leg., II, 21) dit: «Qu'il n'y ait point de sacrifices nocturnes célébrés par
les femmes, hormis ceux qui se font régulièrement au nom du peuple (quae pro populo rite
fient), il pense évidemment aux supplications nocturnes des matrones et aux veillées secrètes
du culte de Bona dea, mais peut-être aussi aux rites de sorcellerie qui se déroulent essentiell
ement la nuit; sur l'importance de la nuit, Ον., Met, VII, 179 ss.; outre Cl. Ramnoux, citée
infra, η. 89, cf. A. Delatte, Herbarius, p. 26 ss., 36 ss.
88 Voir, sur « les faits magiques dans les Métamorphoses », S. Viarre, op. cit., ch. II,
p. 173 ss. - Accessoirement aussi avec Médée (Her., VI, 83 ss.; Met, VII, 179 ss.) qui «connaît
les formules magiques (carmina), d'une faux enchantée moissonne des plantes redoutables, et
tout ce que j'aime mieux ignorer»; ou avec Dipsas (une vieille ivrognesse, une lena; en latin
dipsade = une sorte de vipère), «savante dans les arts magiques et dans les incantations d'Ea,
elle fait par son art remonter les fleuves vers leur source. Elle connaît bien les vertus des herbes,
celles des fils qui s'enroulent au rhombe (rouet magique) . . . Elle n'a qu'à vouloir, et le ciel
dans toute son étendue se voile de nuages épais, qu'à vouloir, et la voûte céleste resplendit d'un
jour clair, etc.» (Amores, I, 8).
89 Cf. C. Ramnoux, La Nuit et les enfants de la Nuit dans la tradition grecque, Paris,
1959, livre qui semble avoir échappé à S. Viarre; et c'est dommage: cette tradition éclaire
certains aspects des magiciennes d'Ovide.
90 Voir supra, p. 540, n. 65.
91 Ovide, Fastes, VI, 142; Ars am., II, 202. Les Marses - chez qui a pénétré la légende
de Circé (supra, n. 87) - ont la réputation de charmer les serpents, de conjurer l'effet des
MAGIE ET SORCELLERIE À ROME 547
blessures: cf. A. Gell. XV, 11, 1; Lucilius, 575 ss. (Marx): Marsus colubras disrumpit cantu;
cf. Pline, H.N., XXVIII, 30. Ils peuvent changer les hommes en oiseaux, forcer l'amour des
hommes. Dans Horace, Ep., V, 76, Canidie veut opérer un contresort pour vaincre les « formules
marses», qui ont été plus fortes que ses uenena; Horace parle de ces formules (Marsis uocibus)
avec un certain mépris, comme de formules de magie vulgaire. Dans le catalogue des troupes
romaines qu'il dresse avant la bataille de Cannes, Sii. Ital., Punica, Vili, 495 ss. loue la
«jeunesse marse», comme apte à la guerre et rompue à l'art magique. - Les Pélignes, voisins
des Marses, fournissent à Rome devineresses et sorcières (Hor., Ep., XVII, 60). De même la
Sabine (Hor., Sat, I, 9, 29 ss.; Ep., XVII, 28, qui évoque les Sabella carmina à côté des formules
magiques marses). Sur la magie indigène (italienne), opposée à la magie étrangère («barbare»),
cf. S. Eitrem, Symb: Osi, XII, 1933, p. 34, n. 2.
92 S. Viarre, op. cit., p. 181 ss.
93 Voir Röscher, s.v. Mondgöttin (Zauberei, Magie), dans le Lexikon de Roscher, II, 2,
col. 3163-3167; M. P. Nilsson, Geschichte der griech. Religion, 2. Bd.: Die hellenistische und
röm. Zeit, München, 1950, p. 498-520.
94 Sur les sorcières thessaliennes, il y aurait beaucoup à dire; on y reviendra ailleurs.
Voir Roscher, art. cit., col. 3165-3166 et note. Ovide, «le plus hellénisé des poètes latins»,
a-t-il été, dans sa description des opérations magiques de Médée et l'évocation de son pouvoir
d'« attirer la lune» sur la terre, influencé plutôt par Théocrite? ou par Apollonius de Rhodes,
dont « les Argonautiques, comme Jason, doivent la vie à Médée » (G. Roux, Commentaires sur
Théocrite, Apollonios et quelques épigrammes de l'Anthologie, dans R. Phil, 37, 1963, p. 84)? Il est
difficile de le dire: S. Viarre, op. cit., p. 133 souligne l'influence d'Apollonius, mais note (p. 171)
qu'Ovide ne tient pas de lui ses renseignements magiques, qu'il tire plutôt de la vie de ses
contemporains. L'un n'exclut pas l'autre; on peut penser qu'au moins l'évocation des «sorcières
thessaliennes» porte la marque d'Apollonius. Sur Apollonius, voir Knaack, RE, II, 1 (1895),
s.v. Apollonios, Nr. 71, col. 126 ss. et H. Herter, Der Kl. Pauly, I (1964), col. 449-451. Pour son
influence sur Catulle: R. Avallone, Catullo e Apollonio Rodio, Antìquitas, 8, 3-4, 1953, p. 8-75.
On sait que son poème fut traduit en latin par Varron d'Atax au Ier s. av. J.-C, (Fragments
réunis par W. Morel, Fragm. Poet, lat., 1927, p. 93-96) et fut une des sources principales des
Argonautiques de Valerius Flaccus, à la fin du Ier s. apr. J.-C. Sur Varron d'Atax, voir M. Gayraud,
Un Narbonnais du Ier s. av. J.-C. , le poète Varron de l'Aude, dans Bull. Ass. G. Budé, 1971,
p. 647-665; J. Granarolo, L'époque néotérique ou la poésie romaine d'avant-garde au dernier
siècle de la République (Catulle excepté), dans Aufstieg und Niedergang der Röm. Welt,
I, 3 (1972), p. 307-311, avec 11 fragments dans les Testimonia, p. 351-355.
548 MARCEL LE GLAY
leur réalité confirmées par les defixionum tabellae, les textes des papyrus
et les figurations des intailles magiques95. La nature, avec les cueillettes
d'herbes96 et le venin des serpents, le renouvellement de sa vigueur (celui
de la nature humaine aussi, assuré par d'étranges mixtures), les fleuves qui
« entre leurs rives étonnées remontent vers leurs sources », la mer dont les
flots s'apaisent ou s'agitent sous l'effet des incantations, les vents qui arr
ivent ou s'éloignent, les roches et les forêts qui sont mis en mouvement,
les astres qui descendent du ciel sur la terre97 à l'appel des carmina.
L'amour, avec les incantations qui « font céder les battants et triompher
du verrou enfoncé dans la porte, même si celle-ci est de chêne » 98, avec
les philtres magiques et les charmes qui, face à Corinne « engourdissent la
vigueur » du poète et sont rendus responsables de son « impuissance »
(après . . . neuf prouesses, il est vrai) ". La mort enfin, avec la nécromancie
et le meurtre magique, rares chez Ovide 10°, mais dont l'horrible réalité
prend corps - si j'ose dire - dans les pratiques d'Appius Claudius Pulcher
et de Vatinius et trouvent un écho dans la scène de meurtre d'enfant décrite
par Horace 101. Du même principe - mais il ne s'agit plus que de meurtre
95 Sur les papyrus magiques, recueillis par K. Preisendanz, voir H. G. Gundel, Weltbild
und Astrologie in den griech. Zauberpapyri (Münch. Beitr. zur Papyrusforsch, und ant. Rechts-
gesch., 53), München, 1968. Sur ceux qui contiennent des horoscopes, cf. O. Neugebauer,
Greek horoscopes (Amer. Phil. Soc, Memoirs, 48), Philadelphie, 1959. Sur les intailles magiques,
voir C. Bonner, Studies in Magical Amulets, Ann Arbor, 1950, avec le er. par A. J. Festugière,
Amulettes magiques à propos d'un livre récent, Cl. Phil, 46, 1951, p. 84 ss.; et A. Delatte,
Ph. Derchain, Les intailles magiques gréco-égyptiennes, Paris, 1964, avec les c.r. sévères et
rectificatifs de H. Seyrig, Syria, 42, 1965, p. 409-412 et M. Smith, A.J.A., 71, 1967, p. 417-419.
96 Par ex. Ovide, Her., VI, 83 ss. Voir F. Pfister, s.v. Pflanzenaberglaube, RE, XIX, 2
(1938), col. 1446 ss. et A. Delatte, Herbarius, 2e éd., Liège-Paris, 1938.
97 Outre Met, VII, 207, cf. 263 ss.; Am., II, 1, 23. Après Ovide, c'est un des lieux com
muns de la littérature magique à Rome. Sur l'origine et l'évolution du sens de l'expression
καυαιρεΐν την σελήνην, cf. Ch. Mugler, REA, 61, 1959, p. 48-56.
98 Am., II, 1, 23.
99 Am., Ill, 7, 27 ss.
100 Am., I, 8 par ex. Voir S. Viarre, ouv, cit., p. 173 ss.
101 Hor., Ep., V. Sur le rôle des enfants dans la magie, enfants vierges de toute souillure
(παις αφυορος), y compris de la souillure que représente la mort des parents (puer patrimus et
matrimus), ce que n'a pas bien montré A. Oepke, Άμφιϋαλεϊς in gr. und hellen. Kult, dans Arch. f.
Religionswiss., XXXI, 1934, p. 42 ss., voir W. R. Halliday, Greek Divination, London, 1913,
p. 160-162; Th. Hopfner, Griech. -Aegypt. Offenbarungszauber (Stud, zur Palaegr. und Papy
ruskunde, XXI et XXIII), Leipzig, 1921 et 1924; Id., Die Kindermedien in den gr.-ägypt. Zaüber-
papyri, dans Ree. Kondakov, Prague, 1926, p. 165-76; Ganszyniec, s.v. Λεκανομαντεία, RE, XII (1925),
col. 1882 (diuìnatio per puerum); A. Delatte, Anecdota Atheniensia, I, Liege, 1927, Index, s.v.
MAGIE ET SORCELLERIE À ROME 549
παιδίον; F. Cumont, RHR, CHI, 1931, p. 72; A. J. Festugière, L'idéal religieux des Grecs et
l'Evangile, Paris, 1932, p. 288, n. 2; Rev. Herrn. Trism., I, L'astrologie et les se. occultes,
1944, p. 294. Trace encore d'utilisation d'enfant dans un procès de sorcellerie engagé en 449
apr. J.-C. contre l'évêque Sophronius de Tellâ = Constantina, en Osrhoène: E. Honigmann,
A Trial for Sorcery on August 22, A.D. 449, dans Isis, XXV, 1944, p. 281-284.
102 Am., I, 8. C'est aussi devenu un lieu commun.
103 Cette allusion de Cicéron est signalée par J. Heurgon, art. cit., Hommages à M. Renard,
I, p. 447-448. La même idée dans PGM, XXX, a, e, f; dans les iudiciariae defixiones (Audollent,
Tab. def., n. 192 par ex.); dans une tablette datée du IP s. apr. J.-C, publiée par F. K. Dörner,
Eine neue Fluchtafel, dans JOEI, XXXII, 1940, Beibl, p. 65-72; dans une épigramme de VAnthol.
Pal, XI, 138 (de Lucillius, deuxième moitié du Ier s. apr. J.-C).
104 Par ex. Hor., Ep., V; Sat., I, 8. Sur cette scène de magie, cf. R. Desmed, Ludus magis-
tralis, 1966 et 1967.
105 Voir E. Rohde, Der griech. Roman, Leipzig, 1876, p. 251 ss.; L. Ferrerò, op. cit.,
p. 91 ss., qui met en rapport avec le pythagorisme; p. 294 ss. aussi; contra, P. Boyancé, Etude
sur le Songe de Scipion, p. 174. Toutefois aucun roman de cette époque n'est connu: R. Merkel-
bach, Roman und Mysterium in der Antike, München, 1962, en part. p. 333 ss. Sur l'évolution
du goût et de la mode littéraire dans la littérature du Ier s., voir les remarques de J. André,
Etudes sur les termes de couleur dans la langue latine, Paris, 1949, p. 399; S. Viarre, op. cit.,
p. 69 ss.; J. Granarolo, art. cit., ANRW, I, 3, p. 278-360.
106 Voir K. Schefold, Pompeianische Malerei. Sinn and Ideengeschichte, Bale, 1952, trad,
fr. par J. M. Croisille dans une éd. revue et augmentée, La peinture pompéienne. Essai sur
l'évolution de sa signification, coll. Latomus, 108, Bruxelles, 1972, en part. p. 236 ss.; Id.,
Vergessenes Pompeji, Berne-Munich, 1962; Id., Caesars Epoche als goldene Zeit röm. Kunst,
550 MARCEL LE GLAY
l'afflux des religions orientales, crée un certain « vide des âmes », sinon des
esprits, on peut comprendre que la magie et la sorcellerie aient trouvé leur
place. L'attrait nouveau qu'elles provoquent constitue pour cette époque ce
qu'on appelle aujourd'hui un fait de mentalité collective. Du même coup,
le 1er siècle avant notre ère prend dans l'histoire de la magie et de la sor
cellerie une importance nouvelle au point de vue sociologique, mais aussi
au point de vue proprement historique: fidèle encore à la tradition hellé
nistique, il voit s'amorcer le grand effort de renouvellement de la « science
noire » qui va triompher à l'époque impériale.
ANRW, I, 4 (1973), p. 945-969, voir en part. p. 946-949: Die Schöpfung der illusionistischen
abendlandischen Wanddekoration (le deuxième style apparaît au plus tard sous Sylla, vers 80);
voir G. Ch. Picard, La peinture romaine jusqu'à la destruction de Pompéi, dans REL, 41, 1963,
p. 378-391, et en dernier lieu R. Winkes, Zum Illusionismus röm. Wandmalerei dei Republik,
ANRW, I, 4 (1973), p. 927-944, avec bibliographie, p. 938-944.
MICHEL LEJEUNE
ABREVIATIONS
Manuels:
AIW = Fr. Muller Jzn, Altitalisches Wörterbuch, 1926.
Bu2 = CD. Buck, A grammar of oscan and umbrian, 2nd ed., 1928.
IEW = J. Pokorny, Indogermanisches etymologisches Wörterbuch, 1959.
PI = C. von Planta, Grammatik der oskich-umbrischen Dialekte, 1897.
des distributions du signifié. Selon qu'il s'agit de l'eau en tant que substance,
de l'eau qui sourd ou qui s'écoule, de l'eau qui s'étend en nappes naturelles,
etc., le nombre des unités lexicales, et leur compréhension varient d'idiome
à idiome. Et, diachroniquement, un même signifiant a plus d'une fois glissé
d'une notion à une autre à l'intérieur de ce champ sémantique.
C'est pourquoi le lecteur ne devra pas s'attendre à trouver ici, dans le
domaine lexical que nous envisageons, une reprise d'ensemble de la classique
confrontation entre osco-ombrien et latin (UTUR - aqua, etc.). Nous ne lui
proposons pas plus qu'une collection critique des matériaux présentement
utilisables.
* WED -
I)
C'est donc l'eau en tant que substance que désigne ici ce neutre,
signification portée en latin par le féminin aqua 2.
Le latin n'ignore pas, pour autant, la racine * wed -, mais l'a seulement
dans unda, formation de genre animé (fém. en -a) désignant P« eau en
mouvement», le «flot», probablement 3 dérivée de *ud-n- avec inter
version - dn- > - nd- entre voyelles (comme dans fundus en regard de
skr. bhudnâh). Inversement on a voulu retrouver en osque (AAPA-) un
un nom de l'eau apparenté à lat. aqua, mais probablement à tort (ci-après, II).
II) *AP-
Un nom osque des eaux courantes avait été pressenti à partir d'une
inscription frentanienne, ambiguë et difficile, connue depuis un siècle et
demi (ci -dessous, F), et, par ceux qui en reconnaissaient l'existence, il avait
été diversement interprété. Les inscriptions samnites C, D, E, publiées en
1966, sont venues clarifier le problème; la signification a été confirmée par
la nature même des supports (vasques) de C et D; la constance de la graphie
initiale AA - en C,D,E, confirmant la graphie AA - de F, a elle-même
des implications étymologiques (voir plus loin) qui ont, semble-t-il, échappé
à LR.
On rappellera et discutera d'abord les quatre textes.
C: LR 4 (Pietrabbondante)
1 PAK. STAÎIS. L [ . ] M [ . ] T. AAPAM [ . E]KAK . [ ] M
2 KELLAKED. ÎNÎM. KÜRASS. EKASK[ . A]MANAFED
3 ESÎDUM . PRUFATTED
L'inscription 4 est traduite par LR: « P(acius) Staius L(uci f.) m(eddix)
t(uticus) aquam hanc [caeleste]m (?) | collegit (?) et ...as has locavit5,
idem probavit ». Son formulaire la classe dans les procès-verbaux officiels
3 A. Meillet et son école tiennent pour une autre explication: reflet, dans un nom post
verbal, de l'infixé nasal du présent *u-n-ed/ *u-n-d- (skr. 3e sg. unatti/3e pi. undatï). Sur les
deux interprétations, cf. Leumann-Hofmann, Lat. Gr., p. 155.
4 P. 264 sq. (avec photo, pi. III, et dessin, pi. VII). Provenance: lieu-dit Arco, près la
colline de S. Scolastica, au S.-E. de Pietrabbondante. Inscription sinistroverse, en lettres de 3 cm.
environ. Sur la paroi frontale, courbe, d'une vasque en calcaire semi-cylindrique haute de 80 cm.
environ, et de dimensions horizontales 137 x 105 cm.
5 Le parfait préverbe AA-MANAFFED (Pompei: Ve 12, 14, 15, 17, 18) correspond étymolo-
giquement à mandare, et «locavit», dans la traduction LR, est, bien entendu, au sens de «a
mis en adjudication».
554 MICHEL LEJEUNE
6 A priori: ou bien adjectif verbal en [...NNA]M, avec signification «curavit» uel sim.
pour KELLAKED; ou bien (c'est à quoi a songé LR), adjectif proprement dit spécifiant la
nature ou la qualité de l'eau.
7 Encore que cette observation morphologique ne touche pas aux questions ici discutées,
on notera l'importance (bien vue par LR) de... AKED qui, pour les verbes osques de 1CR conju
gaison, nous apporte un nouveau type de formation du parfait, à côté de ... AFED (qui est
rare) et de... A(T)TED (qui est fréquent). - II est vrai (LR le note) que l'existence d'une
telle formation avait été, auparavant, enseignée par V. Pisani et O. Parlangeli, mais à partir
d'exemples qui étaient, et qui demeurent, de valeur douteuse. En particulier, dans une inscrip
tion bruttienne du sanctuaire d'Apollon Alaos à Crimisa (n° 2 de Franciscis-Parlangèli) Gli
Italici del Bruzio, 1960), gravée en scriptio continua (σακαρακιδι μαιπακτη ιςερουντης πακ/ιης)
|
effet, toute désignation qui ne serait pas, de quelque façon, celle d'un objet.
Mais deux voies s Ouvrent alors; ou bien (plutôt?) terme général: « opus »
à Saepinum 10, « opera » à Pietrabbondante; ou bien (plus difficilement)
terme particulier qui se trouverait applicable à la fois à la pierre de Saepinum
et à la fontaine de Pietrabbondante. Dans aucune des deux directions, on
ne rejoint plausiblement une des racine *(s)ker- jusqu'ici répertoriées11; ce
qui donne à penser que l'osque * korâ- a chance de rester sans étymologie.
D: LR 3 (Pietrabbondante)
1 P[ M.] T. ΑΑΡ A [M. ]ED
2 []R[ ]UD[ ]AI[AMA]NAFED
3 ESÏDUM PRUFATTED
E: LR 5 (Pietrabbondante) 13
[ ]
1? [ ]KULU [ ]
2? [ ]AAPÂ [ ]
3? [ ]NAMU[ ]
10 On s'est demandé s'il s'agit d'une pierre de fronde ou d'un petit objet votif, ou d'un
petit monument funéraire, hypothèses dont aucune ne rend compte du caractère tout à fait
insolite du travail graphique: lettres ressortant en relief, par évidement de la pierre autour
d'elles. Ne s'agirait-il pas d'un « morceau de bravoure » de quelque lapicide professionnel, d'une
sorte de «chef-d'œuvre» technique (au sens qu'avait ce terme dans notre artisanat d'autrefois)?
Et n'est-ce pas en tant qu'«opus» que l'inscription définit l'objet lui-même, avant de donner
le nom de son auteur?
11 IEW 567-578 et 933-947.
12 P. 264 (sans illustration).
13 Les vestiges Ρ [ ] Τ sont conciliables avec la désignation PAK. STAIIS. L. M. T. de C,
il s'agirait alors d'un ensemble de travaux d'adduction d'eau dus à un même magistrat.
556 MICHEL LEJEUNE
F: Ve 173
1 VEREIAS: LUVKANATEÎS
2 AAPAS : KAÎ AS : PALANUD
n'a jamais été contestée. La seconde ne l'a été que par Planta, qui préfère
chercher dans PALANUD un mot du lexique21.
Le texte se présente d'abord comme une énonciation de propriété
(1. 1: «propriété du groupement de jeunes22 de L. »), et on en rapprochera,
à cet égard, l'inscription de fontaine H (1. 1: « cette fontaine est propriété
de Cupra Mater»). Suit (1. 2) une mention complémentaire, d'interprétation
incertaine 23, le seul point désormais acquis (grâce à C et D) étant la significa
tion « eau » de AAPA - (ici, soit au gén.sg., soit au nomin. pi.) ; on y a
notamment cherché (avec AAPAS au nomin pi.) une description (adj. KAIAS)
et une indication de provenance (abl. PALANUD) de ces eaux; mais une
autre voie est possible. Il pourrait s'agir d'une clause qui serait une consé
quence de la propriété énoncée 1. 1: prescription soit interdisant soit auto
risant conditionnellement l'usage de l'eau par des étrangers à la vereio.
Dans cette hypothèse, la recherche pourrait s'orienter comme suit: proposi
tion verbale avec subj. 2e sg. KAÎAS à valeur permissive « on peut prendre » 24;
21 II, p. 644: etwas «edicto», zu 1. palam; es ist die Möglichkeit zu beachten, dass das
Wort = "palandoci (Gerund oder aus *palam-do-) wäre, da auf dieser Inschrift die Cons. -
gemination gefehlt haben kann; als Bedeutung käme auch «de publico», «publico sumptu»
od. dgl. in Betracht.
22 Que ces groupements, dans les cités osques, aient été dotés d'installations et de
locaux propres, ressort, p. ex., de Ve 11 (Pompéï): construction d'une maison (TRÎÎBLJM) sur
fonds légués à la vereio.
23 Dans la mesure où le dernier mot est accepté comme toponyme, ablatif d'origine pour
Bu2, Bo, Ve, ablatif-locatif [?] pour LIA2; mais ceci ne mène à rien sans une vue d'ensemble
sur la 1. 2, dont seuls, en fait, suggèrent une traduction Müller et Pisani - AIW 40: «zu (A-)
den heissen (KAÎAS) Quellen (-APAS) [geht hier der Weg] von Pallanum»; ce serait un
indicateur de direction, à mi-route de P. et de sources thermales; on notera l'invraisemblance
morphologique de A - (au lieu de AZ) pour la préposition «ad», et de - AS (au lieu de
- ASS) comme finale d'ace, pi.; Müller fait venir kayo- «chaud» de *halyo- (ce qui est.,
phonétiquement, invraisemblable; il eût dû songer plutôt à kai- (3), IEW 519). - LIA2: «aquae
(nomin. pi. AAPAS) fontanae (gén. sg. KAIAS) Pallani (sens locatif de l'abl. en -UD)»; il fait
du second mot un dérivé en *-yâ (proprement «captâtiô») de la racine «prendre» de KAHAD
etc. (voir note 24).
24 Les langues i.e. occidentales (italiques, celtiques, germaniques) présentent une
série de termes, groupés IEW 518 sous un lemme *kagh-/*kogh-, avec des incertitudes de
détail sur le vocalisme radical, et avec un consonantisme qui surprend (l'i.e. excluant en prin
cipe sourde . . . sonore aspirée, aussi bien que sonore aspirée . . . sourde, comme couples de
consonnes radicales); sens général supposé: «prendre». On se borne ici aux données osco-
ombriennes: formes verbales « prendre » à thème de présent kâh- (osque) et à thème de parfait kéh-
(ombrien). En osque, n'est connu jusqu'ici qu'un subj. présent kàha- (2e sg. καίιας, Ve 184;
3e sg. KAHAD, Ve 6). Nous proposons de voir, dans KAIAS, un plus ancien '"kahyâs (sur
-hy->-y-, cf. PI. § 218), et de poser le verbe osco-ombrien comme *kâh-yo-/*këh- (type
558 MICHEL LEJEUNE
gén. sg. partitif AAPAS « de l'eau », faisant fonction d'objet; abl. instr
umental en - UD marquant la modalité de prise d'eau qui est seule autorisée 25.
Il existe une sorte de réflexe par laquel l'exégèse osco-ombrienne se
tourne, de premier abord, vers le latin comme terme de référence. En présence
du AAPAS de F, si l'on a, correctement, songé 26 à une signification « eau »,
c'est par une référence, probablement incorrecte, à aqua21, à quoi l'on se
tenait même si l'on apercevait28 la difficulté que fait la longue AA -,
parfois en s'efforçant, sans grand bonheur, de l'écarter29.
Entrevue par Pisani30, la solution probable est le recours à la racine
* di ep - 31, qui fournit un nom-racine féminin dont la flexion est bâtie sur
les thèmes * âp- (allongement morphologique aux cas forts) / * âp- (degré
normal aux autres cas), le degré zéro *p-32 ayant été éliminé de la dé
clinaison parce qu'il rendait le thème méconnaissable, et ne survivant plus33
qu'au second terme de quelques composés devenus inanalysables. Telle est
la situation conservée par le sanskrit (nomin. pi. ap-ah, gén. pi. àp-am)
et une partie de l'iranien (av. nomin. sg. af-s, instr. sg. ap-a-). Mais ailleurs
le vieux nom-racine *âp - / * âp - a été remplacé par des dérivés. Ils peuvent
être formés sur * âp - (peut-être, à partir d'un paradigme du nom-racine
dans lequel la longue des cas forts aurait été généralisée); ainsi en
de lat. fäcio/ßcl, cäpio/cepi, etc.); le subj. en -a- peut être formé soit (archaïquement) sur la
racine (kah-â-), soit (régulièrement) sur le thème d'indicatif (kahya-), de même qu'on a
p. ex. en latin (Leumann-Hofmann, Lat. Gr. § 235a) aduenat à côté de ueniat, etc.).
25 Nous rejoignons ici, non le détail, mais le principe des vues de Planta sur le dernier
mot (cf. n. 21). Sur la signification de PALANUD, sur la structure du mot (le premier a est-il
ou non anaptyctique?), sur sa nature grammaticale (adverbe? substantif? gérondif?), on ne
peut faire que des hypothèses en l'air. De toute façon, il semble qu'il s'agisse d'une condition
restrictive quant à l'utilisation de l'eau par des étrangers à la vereio.
26 Depuis Mommsen (UD, p. 244: «Die Bedeutung ist unsicher; vielleicht = aquas»).
27 Ainsi Co (I p. 210): «if AAPAS were to be compared with lat. aqua (the AA- is a
serious difficulty) ,...»; PI (II p. 644): «AAPAS ist von âqua durch den Vocal getrennt».
28 Muller analyse en A - (préposition) et - APAS (régime): voir n. 23 - Pisani allègue
gratuitement un allongement sous l'accent {LIA2 p. 101 sq. «AA- è casomai la lunga prodotta
sotto Paccente»), sans y croire beaucoup, puisqu'il indique ensuite une solution de rechange
(«Oppure abbiamo qui il tema '"äp-Zsp- di scr. apes--·»)-
29 Cf. η. 2.
30 Voir η. 28.
31 IEW 51.
32 C'est-à-dire ""dip-, sans survivance de la laryngale initiale devant occlusive.
33 Avec traces de la laryngale, alors intérieure, quand le premier terme finissait par une
voyelle brève, laquelle s'allonge: ... î- dip ...>... ìp ... (ainsi skr. antarïpa-), ... ü- dip ...>... üp ...
(ainsi skr. anüpa-), etc.
NOMS OSCO-OMBRIENS DES EAUX 559
vieux perse (ap-î-) ou en osque (äp-ä-). Ou bien ils sont formés sur ap-/ab-
(cette dernière variante étant la forme prise par àp - devant sonore34 à
certains cas faibles de la déclinaison du nom-racine); p. ex. gaélique àb-n-35
« cours d'eau » (cf., avec élargissement -i-, lat. amnis).
Si ρ osco-ombrien est d'origine ambiguë (i.e. * ρ ou * kw) le choix
entre deux etymologies (référence soit à skr. apah soit à lat. àqua) est
orienté par la quantité longue de osq. AA -: nous ne connaissons, de la
racine de lat. aqua, got. ahva (voir n. 2), aucune forme à a- initial, et
nous n'avons aucune trace d'un nom-racine * äkw- dont la flexion aurait
pu présenter * âkw- aux cas forts. Par ailleurs, l'existence en italique de
*äp-/*äp- est indirectement confortée par lat. amnis (voir plus haut). Il
y a donc probabilité pour que osque AAPA - soit à mettre en parallèle
avec v. p. api- etc.
III) *PID-
34 Mais le sanskrit dissimile -b-bh- en -d-bh- (p. ex. instr. pi. âdbhih du nom des
«eaux»).
35 Cf. R. Thurneysen, A grammar of old irish, 1946, § 233-1.
36 Texte tardif (assignable à la fin du IIe s.), présentant un état évolué du phonétisme.
Le groupe initial [dy-], encore attesté en RV-17 (ôuofr|iç), y est passé à [dz-], et a reçu la
même notation ζ que la séquence intérieure [-dz-] résultant de *-d( )s- après syncope d'une
560 MICHEL LEJEUNE
IV) *GV/ÎWA -
voyelle brève (πιζηι, voir plus bas); cette affriquée sonore [dz] se simplifiera d'ailleurs rapidement
en [z] et, dès lors, la notation pourra être étendue (ainsi dans RV-28, p. ex. ειζιδομ «idem»)
à l'ancien *-s- intervocalique sonorisé.
37 On se rappellera d'autres exemples de dédicaces conjointes à Jupiter et à une source
divinisée, dans le monde ancien, p. ex. à Nîmes IO VI ET NEMAVSO (CIL. XII 3070).
38 Alors que i ouvert (impliquant soit * î soit * ë) s'écrit ει.
39 Cf. M. Lejeune, Phonétique historique..., 1972, § 37
40 Un emprunt de l'osque au grec est exclu, le grec historique ignorant tout substantif
sigmatique de cette racine.
NOMS OSCO-OMBRIENS DES EAUX 561
41 Pierres J, K (face inscrite: 44 x 34 cm), L (face inscrite: 25x18 cm.) qui peuvent
avoir supporté des fontaines (K est décrit comme «socle») ou appartenu à une paroi voisine,
mais dont aucune n'est une vasque. Plaquette de bronze de 15x6 cm. pour J; mais affixée
à une poterie qui, elle, est significative (embouchure de déversoir).
42 Première publication par A. Fabretti, Atti Ace. Se. Torino, IV, 1868, p. 785 sq. (bio:
«pium»). - Bibliographie jusqu'en 1897 chez Ço 354 (bio non traduit; II p. 604: «cisterna
uel sim.») et PI 295 (bio non traduit; I 413 et II 6: «Gabe?»). - Ensuite: Bu2 83 (bio:
«sacellum»); Th. von Grienberger, KZ 56, 1929, p. 23-26 (bio: adjectif «uiua»); Ve 233 (bio:
«fontana»), repris par Ernout, Dial, ombr., 1961, p. 49, n° 4; LIA2 62 A (Mo: adjectif «uiua»);
Bo 112 (bio: «uiua»).
43 Faute de place, les derniers chiffres de CLVIIII («159») ont été reportés à la fin
de la ligne inférieure, dans le blanc qui suit maronato. - Un point probablement erroné,
après C dans C LV/IIII. Certains ont entendu « n(ummis) c(ollectis) », ce qui ramènerait
.
imprécises, données par ex. par W. Corssen 44 et Th. von Grienberger 45 d'après
les notes de Marco Micheletti (inventeur du site en 1868), sont désormais
à remplacer par la description qu'a procurée E. Stefani46 après un nouvel
examen du site et du matériel. Il y avait, sur cette colline voisine de
Fossato di Vico, un ensemble d'installations cultuelles. En sous-sol, une citerne
(de plus de 12 m3) creusée dans la roche 47. Au sol, des constructions diverses
(bâtiment à pavement de mosaïque, construction à colonnettes, etc. . .), notam
ment deux très grandes vasques de fontaines48. Lors de la destruction du
sanctuaire, un certain nombre d'éléments de ces installations du niveau
supérieur sont tombés dans la citerne. Entre autres, un large conduit de
terre-cuite 49 à l'embouchure duquel était affixée 50 la tablette. Celle-ci figurait
donc au-dessus d'une des deux fontaines. L'inscription rappelait l'appa
rtenance de la fontaine à Bona Mater51, et mentionnait l'adjonction, aux
installations préexistantes, d'une citerne, avec datation par les noms des
marones en exercice, et indication du coût des travaux52.
Certains tenants de l'explication de bio par « uîua », tels von Grienberger
ou Pisani, lisent le texte comme un énoncé unique, dans lequel un adjectif
bio déterminerait un substantif cisterno. Cette vue est doublement impro
bable: et du fait de la syntaxe (disjonction non justifiable en prose); et du
fait des realia (une citerne creusée dans la roche n'est pas un contenant
d'« eau vive »). La ligne 1 et les lignes 2-4 constituent deux phrases distinctes.
Dans la seconde, l'ordre: verbe (initial) + sujet est peut-être une modalité
de coordination de la proposition à celle qui précède (ordre normal: bia
opseta dans la proposition unique de J). Sur la forme oseto, voir n. 63 et 64.
On observera que le verbe « faire » qui s'applique ici à une citerne s'applique
J: VE 234 (Foligno)
1 ΒΙΑ : OPSET [
2 MARONE [
3 T. FOLTONIO [
4 SE.PTRONIO [
Cette inscription sur pierre53 a été donnée comme complète à droite
par Ribezzo (et, à sa suite, par les éditeurs ultérieurs du texte) alors que la
pierre est brisée à droite, la fracture passant au ras de Τ (1. 1), ne laissant
subsister de E54 (1. 2), après la première haste verticale, que le bas de la
seconde55, entamant le Ο de la 1. 3, et ne laissant après Ο de la 1. 4 qu'un
blanc de peu de largeur: voir la photographie illustrant l'editio princeps.
Cette affirmation de l'intégrité du texte, qui n'a aucun fondement épigraphi-
que, tient seulement à l'interprétation que donne Ribezzo: à la 1. 1, 3e pi. en
-(n)t; à la 1. 2, nomin. pi. en -e(s); à la 1. 3 et à la 1. 4, nomin. sg. en
-o(s); il enseigne gratuitement, à propos des trois dernières lignes, que le
scribe de Foligno ne notait pas le sifflantes finales. Nous avons, ci-dessus,
inscrit à la fin de chaque ligne, un crochet droit 56.
53 Découverte en 1926 près de Foligno et publiée en 1928 (avec photo) par F. Ribezzo,
RIGI. 12, p. 225 sq, («sacellum condunt marones...»). Ensuite, Ve 234 («fontanam fecerunt
marones... »), que reproduit A. Ernout, Dial, ombr., 1961, p. 60, n° 5; LIA2 62 Β («uiuam
fecerunt marones...»); Bo 114 («uiuam opérant marones...»).
54 II s'agit, dans ce texte, du e épigraphique latin républicain constitué de deux hastes
verticales.
55 Ce qui laisse le choix entre marone[et maroni[... suivi d'une des lettres e, f, i, m,
n. p, r, t; les lectures avec maroni[... ne conduisent à aucune forme ici plausible; on notera
que (le dat. abl. pi. des thèmes consonan tiques eût-il à Foligno -ï- comme voyelle de liaison:
voir plus bas), une désinence *-fs non encore assimilée en -s serait très improbable à la
date de notre texte.
56 En fait (voir plus bas), nous ne considérons comme incomplets que (sûrement) opsetfa]
ou opsetfast] à la 1. 1, et (peut-être) marone[s] à la 1. 2.
564 MICHEL LEJEUNE
57 On n'a pas d'exemples ombriens de nomin. pi. animé pour les thèmes à nasale. Mais
on sait d'une part (ainsi, par frater< *frâter(ë)s) qu'en ombrien (comme en osque) le nomin.
pi. des thèmes consonantiques continue *-ës, avec syncope de ë (PI § 284-1; Bu2 § 178-10).
On sait d'autre part (ainsi par IKUVINS< *-in(ö)s) qu'en ombrien (comme en osque) se
conservait en fin de mot une séquence secondaire -n( )s après syncope (PI § 236-5; Bu2 § 110-6).
58 Cf. PI § 276-1; Bu2 § 91.
59 La non-notation de η devant / est banale: PI § 154, Bu2 108.
60 Sur la constance de l'opposition -nt primaire / -ns secondaire, cf. PI § 302 («Ausnahmen
gibt es nicht»), Bu2 §§ 203-204. Du verbe ici allégué, on a d'ailleurs le parfait 3e pi. en Ve 196
(ουπσενς), Ve 8 et 10 (UUPSENS), Ve 16 (UPSENS).
61 Pisani: extension (exceptionnelle) de la finale primaire aux dépens de la finale secon
daire [??], ou hybridation de -ns ombrien par -nt latin [??].
62 A en juger au moins par le futur en -se/o-, la 3e pi. thématique de l'osco-ombrien
est en -ent, non en -ont (cf. Bu2 § 204-3).
63 Dénominatif en -a- tiré d'un neutre de thème '"opes- (cf. lat. opus/ operarî). Le thème
verbal de présent est donc (après syncope de la brève intérieure) opsa-. Il est directement
attesté en ombrien (3e sg. impér. osatu, VI b 24) et en pélignien (3e sg. passive subj. imparf.
upsaseter, Ve 216). Il est, de plus, impliqué en osque par le gérondif de thème opsanno -
(Ve 11, 13, 18, 152, 153, 154) et le part, passé de thème opsato - (Ve 124).
64 Du dénominatif opsà-, on attendrait un parfait secondaire (osque et ombrien -afed,
osq. -a(t)ted, ombr. -anse), mais on a en osque (et il a sans doute existé aussi en ombrien)
un parfait fort analogique (du type radical à voyelle allongée) *ôps 7o - (cf. Bu2 § 225):
UPSED (Ve 142, 177; pour la 3e pi., voir n. 60). - Cette ambiguïté paradigmatique a amené
à côté du participe öpsa-to- (osque: Ve 124), la création d'un participe «fort» öps-eto-
(ombrien: H, J). - La même ambiguïté aurait pu conduire à doubler le présent öpsä- d'un
présent fort *öpse/o-; l'hypothèse n'est donc pas invraisemblable a priori; mais elle ne peut
prendre appui, jusqu'ici, sur aucune donnée connue.
NOMS OSCO-OMBRIENS DES EAUX 565
avec alternatives, à la 1. 1 :
bia: opset[ast] « fontana facta est »
et à la 1. 2:
marone [s] « maronibus »
[ ? ]
1? MEDIX.ATICVS
2? BIAM.LOCATIN
3? P.SADRIES.T
4? V.POPDIS.T
69 Première publication: Dressel, Bull. Inst. 1877, p. 182-184 (biam non traduit). Biblio
graphie 1877-1897 chez Conway (n° 219; biam non traduit; II p. 604: «cisterna uel sim.»)
et Planta (n° 251; biam non traduit; I p. 413 sv. et II p. 6: «Gabe?»). Puis Ve 212 (biam
«fontanam»); LIA2 49 (biam «uiuam», glosé par «fonte ο sim.»); Bo 126 (biam «uiuam»:
«si sottintende aquam ο cisternam»).
70 Voir par ex. fac-similé chez J. Zvetaieff, HMD. tab., 1885, VI-2. Si une ligne supérieure
manquait (?), elle aurait pu contenir quelque mention du type « iussu senatus » uel sim., mais
c'est une hypothèse non nécessaire. Est en tout cas exclue toute restitution supposant une
lacune en bas (ainsi C. Pauli, Altit. St. V, 1887, p. 46, imaginant un texte de [2] + 4 + [4] lignes,
terminé par une formule verbale, laquelle à distance régirait l'accusatif biam... atim [sic],
avec nom *ati- de la «fontaine» d'où dériverait aticus: «magistratus *fontanarii»).
71 Cf. PI. § 175, Bu2 § 142. L'évolution est, à date historique, plus avancée en ombrien
(-at-, sous diverses graphies) qu'en osque (-aht-), le pélignien présentant le même stade que
l'ombrien: cf. pél. SATO (Ve 204) en regard de l'ombrien [sät-] diversement écrit (SAHT-,
SAT-, SAHAT-) et de l'osque (SAAHT-).
NOMS OSCO-OMBRIENS DES EAUX 567
72 Nous tenons pour probable (les exemples font défaut) que le loc. sg. osque des thèmes
consonantiques était en -ei (comme celui de la IIe décl., à laquelle ces mêmes thèmes ont
d'ailleurs emprunté les finales d'ace, sg. et d'abl. sg.). Pour la IIe décl., nous avons un exemple
de loc. sg. + postposition *-en dans HURTÎN (Ve 147), dont la finale - IN est expliquée
comme continuant *-e(y)-en (PI § 33, Bu2 § 41a). Aux thèmes à nasale en -ätiö / -ation-
du latin correspondent des thèmes en -ATIUF/-ATIN- (PI § 283 c; Bu2 § 181). Le locatif ici
supposé serait (sans postposition) en *-ATIN-EÎ; avec postposition en -ATINÎN.
73 Dont l'amorce est déjà chez Planta II p. 658.
74 A supposer qu'une ligne supérieure ait disparu (voir n. 70), ce n'est en tout cas pas
là qu'aurait pu se loger le verbe. Un verbe initial (cf. commentaire de oseto cisterno en H)
ne serait admissible que comme marque de coordination à une proposition antécédente. Il
faut donc, si locatin n'est pas un verbe, que le verbe soit sous-entendu: «meddices fontanam
in locatione (scilicet: dederunt, vel sim.) », ce qui ne satisfait guère.
75 Elle remonte à Bücheier, Bull. Inst. 1877, p. 236.
76 Cf. PL § 256.
77 V. ANIAES. V. CALAVAN, où le dernier élément a chance d'être le nomin. sg. en
-an(s) d'un ethnique à suffixe -ano-. Ici encore, ce n'est pas faute de place que la sifflante
a été omise (voir p. ex. le fac-similé de J. Zvetaieff, HMD. tab. IV-8).
78 Cf. PI § 31; Bu2 §§ 38-39.
79 En dernier lieu, V. Pisani («appaltarono»).
568 MICHEL LEJEUNE
M: Si 1 (Tocco Casauria)
1 Ρ A . PETRONI
2 POM. F. BEA
3 ECAN. F EC
4 MEDIX
83 Première publication en 1900 par P. L. Calore (Atti della Reale Acc. di... Napoli 21,
p. 182, n° 11; et p. 174). L'existence du texte est passée inaperçue de Buck, Vetter, Pisani,
Bottiglioni. La pierre n'a pu être retrouvée en 1962 par C. de Simone, qui la republie (Ann.
Ist. Or. Napoli IV, 1962, p. 63-67 et pi. 1-1) d'après la copie et la photographie de Calore.
84 On a d'autres exemples, dans les parlers centraux d'un *ë étymologique noté E (ainsi
pour la première voyelle de REGEN[AI] «rëglnae » en Ve 218; etc.).
85 A Bantia (Ve 2), fefacid, fefacust.
86 Ve 365: VHEVHAKED.
87 Pendant la première moitié du XIXe s. a prévalu cette interprétation d'« enclos» (sacré),
se référant à un terme du vieil islandais: fém. kvi (pluriel kviar) « enclos où les brebis sont
rassemblées pour la traite». Buck (encore qu'avec hésitation: Bu2, 1928, n° 83) et Ribezzo
(RIGI 12, 1928, p. 225) traduisent «sacellum». Cette étymologie italico-scandinave figure,
chez Müller (AIW, 1926, p. 210) et chez Walde-Pokorny (Vergi. Wb. der idg. Spr. I, 1929,
p. 666), d'où elle est passée en 1959 chez Pokorny (IEW 467).
88 Proposée par Pauli (voir n. 89), reprise en 1928 par von Grienberger (KZ LVI, p. 23-28)
et en 1932 par Vetter (Glotta XX, p. 19), c'est celle qui prévaut depuis le milieu de ce siècle
(Ve, Bo, LIA2).
89 Altit. Forsch. V, 1887, p. 42 sq.
570 MICHEL LEJEUNE
uiuï, etc.) et métonymie banale (cf. ital. sorgente: « (eau) surgissante » >
« source »).
Si cette étymologie est valable, il en résulterait une conséquence qui
n'a pas été signalée, malgré son intérêt: bia- alors, étant originellement
adjectif, implique un nom féminin pour P« eau »; or bia- appartient non
seulement au pélignien (pour lequel on peut supposer, avec vraisemblance,
le même nom âpâ- qu'en osque), mais aussi à l'ombrien (qui ne nous a
jusqu'ici fourni que le neutre UTUR). L'ombrien dès lors (et peut-être l'osco-
ombrien dans son ensemble?) aurait connu pour l'eau (comme le fait, par
ex. le sanskrit) à la fois un nom neutre de Peau-substance et un nom
animé de l'eau vive; seul le hasard des textes nous priverait du nom neutre
en osque et du nom féminin en ombrien; l'opposition, ici, entre latin et
osco-ombrien, se réduirait à l'élimination par le latin de l'élément neutre
du couple.
Malheureusement, cette étymologie ne va pas sans difficultés phonétiques:
elle implique, pour le pélignien et l'osque, amuïssement possible de -w-
entre deux voyelles (de timbres différents). Pauli allègue pél. suois (Ve 203;
cf. sua, Ve 213) en regard de osq. SUV-, SUV-, acca (nom de femme,
Ve 215 f; supposé doublet de accaua), des<* deues lat. «dives» (Ve 214); il
allègue aussi ombr. bue lat. « boue » (VI a 25, etc.) - Planta, qui reprend le
problème d'ensemble90, enseigne que -w- intervocalique se conserve régu
lièrement entre voyelles dans tous les parlers du groupe; il y a bien un petit
nombre de formes embarrassantes, mais où l'étymologie a plus de chances
d'être en question que la régularité de l'évolution phonétique; à en juger
par l'osque (nomin. pi. BIVUS, Ve 6) on attend conservation de -w- dans
les formes issues de * gwïwo- 91; la position de Pauli est « sehr zweifelhaft » 92.
En cette incertitude, et en l'absence de solutions de rechange tant à
partir de cette même racine * gwey(d)- 93 que d'autres racines connues, ou
l'on acceptera en même temps que l'étymologie de Pauli les difficultés qui
la grèvent, ou l'on se résignera (peut-être sagement) à laisser le mot, jusqu'à
nouvel ordre, sans étymologie.
90 PI § 106.
91 IEW 468.
92 A demi-mot, Pisani, p. ex. suggère pour « vivant » une forme à suffixe *-yo-, non
*-wo- (ad 62 A: «bio, da *griiâ, cf. gr. βίος»). Mais βίος (dont nous ignorons s'il a comp
orté: IEW 468, ou non, un -f-), n'est, en tout cas, pas un adjectif.
43 Compte tenu du fait que b- peut continuer soit *b-, soit *gw- soit un groupe *dw-.
NOMS OSCO-OMBRIENS DES EAUX 571
POST-SCRIPTUM
Cet article était sous presse quand a paru (A. La Regina, Parola del
Passato, fase. CLXI, 1975, 167 sv.) l'inscription d'une troisième vasque de
Pietrabbondante (cf. ci-dessus C, D,), nouveau témoin des travaux édilitaires
du même P. Staius L. f.; forme verbale EMANAFED: restituer donc, en C
et D, le préverbe [E-], non [A-]. Texte:
dano colline che danno frutti abbondanti e monti, quelli dei Sanniti e quelli
degli Osci. Antioco dice che questo paese era abitato dagli Opici e che
questi si chiamavno anche Ausoni. Polibio invece mostra che si tratta di
due popoli tramandando queste notizie; infatti dice che il paese intorno al
Cratere abitano gli Opici e gli Ausoni » (Strab. V, 4,3 = C 242). Fin qui il
passo di Strabone non pone problemi e sottolinea il contrasto di opinioni
tra la più antica storiografia locale (che abbiamo visto essere probabilmente
ancora sotto l'influenza di Ecateo) e il giudizio di Polibio che conosce
Ausoni e Opici come due popoli distinti.
Tutto il contesto straboniano, anche precedente, sembra risalire a Polibio,
il cui libro XXXIV conteneva una descrizione geografica dell'Italia4. I
riferimenti di V, 4,2 (in fine) - 3 (inizi), a Frentani e Dauni, concordano
con i dati polibiani (v. p. es. Ili, 88,3; X, 1,3), specie con l'importanza che
quest'ultimo popolo ha in essi5; così la netta distinzione della Campania
(in senso stretto e proprio), come un hinterland con le sue famose risorse,
rispetto alle coste - distinzione che torna in tutto lo schema di Strabone,
con le πόλεις δ'έπί μεν τη οαλάττη (di V, 4,4 ss = C 242-43), ed έν δε τη
μεσογοά^ Καπύη (di V, 4,10 = C 249) con le altre città di Cales e Teano
Sidicina da una parte, Nuceria e quelle interne come Noia, dall'altra - cor
risponde alla breve descrizione della Campania in Polibio (III, 91, spec. 4-6),
che è a sua volta sintesi aggiornata all'epoca annibalica e insieme forse
anticipazione del più ampio excursus geografico già citato (XXXIV, 11,7 ed.
cit.). Anche in questa si dice che « quanto alla pianura intorno a Capua
essa è la più rinomata d'Italia ... in essa si trovano pure le più belle e
famose città della penisola. Sono situate sulla costa le città di Sinuessa,
Cuma, Dicearchia, quindi Neapolis, ultimo il popolo dei Nucerini. Nell'entro-
terra sono situate verso nord Cales e Teano, verso oriente e mezzogiorno
i Dauni e Noia. Proprio al centro della pianura si trovava la città di
Capua, che era allora la più fiorente di tutte ». Dopo aver identificato la
pianura campana con quella Flegrea (con un riferimento che è anch'esso in
Timeo, 566 F 89 Jacoby, e che ritroveremo in Strab. V, 4,4 = C 243 e
V, 4,6 = C 246, a proposito di Cuma e del suo territorio), Polibio aggiunge
anche che « essa è limitata . . . per lo più da monti alti e ininterrotti ». Questi
4 Da esso deriva probabilmente anche questa citazione: cfr. ed. Biittner-Wobst, voi. IV,
pp. 421-22.
3 Come forse già in Timeo, cfr. Geffken, Timaìos' Geographie des Westens, Berlin
1892, pp. 5 ss.
TIMEO IN STRABONE V, 4,3 C 242-243 E LE ORIGINI CAMPANE 575
sono probabilmente quelli che Strabone chiama monti dei Sanniti e degli Osci,
senza che si riesca a precisare meglio; infatti il seguito del passo polibiano
che ci aiuterebbe a una identificazione, elencandoci gli accessi alla Camp
ania attraverso quei monti dall'interno, è lacunoso e non menziona che il
Sannio (άπο της Σαυνίτιδος) e, dopo le parole perdute per la corruzione,
il territorio irpino (άπο των κατά τους Ίρπίνους τόπους). A meno che la
lacuna non contenesse una terza menzione etnica è difficile dire che cosa
Strabone intendesse con monti degli Osci, specie se il passo deriva da
Polibio.
Polibio, che nella breve descrizione della Campania non nomina i popoli
che la abitavano, in nessun contesto giuntoci direttamente conosce il te
rmine "Οσκοι; anche nella citazione esplicita, contenuta nel nostro passo,
egli menziona Ausoni e Opici. Evidentemente egli usa il termine Όπικοί
proprio nel significato di Osci; lo proverebbe anche il frammento di Stefano
Bizantino, attribuito al libro IX, 9,10 a (ed. Büttner- Wobst), se quel che
segue al lemma Άτελλα, πόλις Όπικών Ιταλίας μεταξύ Καπύης και Νεαπόλεως
è come la citazione finale sull'etnico Ατελλανός sicuramente derivato dal
testo polibiano. Il passo del libro XXXIV, citato da Strabone, distingue dunque
gli Ausoni dagli Opici, riferendosi a due momenti culturali (e forse cronol
ogici) - oltre che a due elementi etnici - diversi; esso rispecchia la s
ituazione campana dopo l'arrivo delle genti osche e loro gruppi minori
(Campani, Nucerini, Sanniti, ecc).
A veder bene gli si accosta strettamente per concezione un altro brano
di Strabone, nella parte precedente dello stesso libro riguardante il Lazio
meridionale: V, 3,6 = C 232-233. Ivi si dice infatti: « Al di là del litorale
nelPentroterra si stende la pianura Pomentina e la regione contigua ad essa
abitavano precedentemente gli Ausoni, che possedevano anche la Campania.
Dopo di questi invece gli Osci; ed anch'essi avevano parte della Campania.
Ora però il territorio è tutto dei Latini fino a Sinuessa, come ho detto ». A
prescindere dai confini geografici del Lazio, di cui Strabone ha già parlato
(in V, 2,1 = C 219 e in V, 3,4 = C 231) accettando la stessa frontiera, secondo
una tradizione che risponde alla situazione tra IV e II secolo a. C, anche i
dati etnici di questo passo sono polibiani6. Essi, tuttavia, se accettati
alla lettera, sarebbero l'unica evidenza in Polibio dell'uso del termine
"Οσκοι (cui contraddice, invece, tutto il resto della sua opera storica, come
6 Così sostiene anche F. Lasserre, nella sua edizione di Strabone: Geographie, t. Ill,
Paris 1967, nota 4 di p. 85 a p. 207.
576 ETTORE LEPORE
Ibid., p. 86.
Cfr. G. Devoto, op. cit., p. 65.
Cfr. ibid., pp. 47-48.
Cfr., op. cit., p. 48.
TIMEO IN STRABONE V, 4,3 C 242-243 E LE ORIGINI CAMPANE 579
20 Poi seguita dal Nissen, in «Rh. Mus.», 38, pp. 575 ss., e accettata dallo Jacoby, 555 F 7,
e dagli editori di Strabone più recenti, lo Aly e il Lasserre.
21 Cfr. V, 3,9 = C 237-238, e p.es. J. Bérard, La Magna Grecia, trad, it., Torino 1963,
p. 453 en. 121 a p. 476.
580 ETTORE LEPORE
è in un lungo elenco di città sulla via Latina - anche questa volta a pro
posito di Teano, di cui si rileva l'importanza come centro urbano campano -
e in esso i Sidicini sono Osci, ma questi sono poi considerati « un popolo
estinto dei Campani », con una inversione di rapporto e una riflessione
tipica, che abbiamo già vista anche altrove riferirsi a epoca recente e a
tradizione derivante da Posidonio; il secondo, anche se per l'assurda etimo
logia si riallaccia al nostro passo e alla sua fonte (che vedremo quasi cert
amente essere Timeo), è anch'esso frutto di osservazioni sul sistema stradale
romano, ora sulla via Appia, e risale forse ad Artemidoro se non allo stesso
Strabone. Nessuno dei due passi, comunque, può veramente avvicinarsi al
nostro, dove si parla della stratificazione etnica in Campania in epoca
protostorica e storica, e le genti citate appartengono ai grandi gruppi ben
noti alla tradizione greca. La menzione dei Sidicini - che ben si spiega
in un contesto topografico come V, 3,9 che segue i vari centri abitati -
non ha nulla a che fare con questa storia delle « origini » in Campania;
questa tribù, di interesse strettamente locale, non rientra nel largo quadro
che il nostro passo traccia: del resto nell'altro capitolo la qualificazione
dei Sidicini è quanto mai vaga e confusa, con quello strano concetto degli
Osci quale popolo dei Campani, che dimostra come poco e male fossero
noti nella tradizione che fa capo a Strabone, sì da non poter rappresentare
assolutamente uno dei principali popoli succedutisi nel dominio della
pianura campana.
Sembra dunque che la presenza del oi δ' εκείνους nei codici debba spiegarsi
in modo diverso, senza introdurre nella successione etnica i Sidicini. Il
Wikén già pensava ad una glossa (probabilmente riferita al rapporto tra
Opici e Ausoni, gli uni seguiti agli altri, ο a quello tra questi due e gli
Osci, più tardi occupanti), che dal margine era poi entrata nel testo, come
di frequente suole accadere. In tal caso l'espressione è da espungere dal
testo come estranea, e non bisogna tenerne alcun conto ai fini dell'inte
lligenzadi esso, come noi abbiamo finito per fare22.
28 Cfr. F. Lasserre, ed. cit., p. 15 e note 2 e 3 di p. 104 a p. 213, oltre quelle agli
altri luoghi citati; naturalmente il Lasserre pensa a mediazione di Artemidoro, ritenendo d
imostrato dal Däbritz, De Artemidoro Strabonis auctore capita tria, Diss. Leipzig 1905, pp. 8-11
che Strabone non ha letto Timeo.
29 Come ricorda anche il Lasserre, p. 213.
TIMEO IN STRABONE V, 4,3 C 242-243 E LE ORIGINI CAMPANE 583
già a Timeo (che è fonte del libro XXXIV per l'Italia e la Campania come
per la rimanente Europa: cfr. XXXIV, 10,5 e le osservazioni su Timeo in
XII, 26 d, 2 ss.; 28 a, 3). Il rapporto tra i due popoli non è chiaramente un
rapporto di successione cronologica e potrebbe sembrare conferma della
moderna teoria, cui già si è accennato, che ne fa genti della stessa ondata
indo-europea. Tuttavia, anche la tradizione anteriore a Timeo che li identifica
lascia trapelare una certa confusione e il tentativo erudito di avvicinare e
mettere insieme elementi distinti30. A noi che non abbiamo più il testo
di Timeo viene il sospetto che Strabone leggesse nello storico siceliota molto
30 Per precisare la posizione che nella suddetta triade hanno gli Opici sarà forse bene
tornare alla tradizione di Antioco di Siracusa e affiancare al frammento (555 F 7 Jacoby), che
abbiamo già veduto citato da Strabone e secondo cui gli Opici erano identici agli Ausoni,
niente altro che un loro diverso nome, un altro frammento dello storico siceliota in cui ritorna
in contesto diverso la menzione del popolo. Parlando del popolamento primitivo dell'Italia
meridionale e Sicilia, e dopo aver cercato di spiegare il legame tra gli Enotri e le altre minori
tribù enotriche con una supposta serie di re enotrii, eponimi dei vari gruppi, tra cui i Siculi
(che devono essere il residuo di quella gente rimasto nel Bruzio e noto ancora in età storica
nel retroterra di Locri: Tue. VI, 2,4), Antioco - secondo la citazione di Dionigi di Alicarnasso
(I, 22,5 = 555 F 4 Jacoby) — Σικελούς δε τους μεταναστάντας άποφαίνει, βιασυεντας ύπο τε
Οίνώτρων και Όπικών; con questo « passaggio » di Siculi (ch'erano in fondo gli stessi Enotri,
quando ebbero mutato nome) in Sicilia, sotto la spinta di altri Enotri «e Opici», che ne sarebbe
stata la causa, lo storico siceliota spiegava l'origine di uno dei principali elementi etnici del
l'isola. Da questa tradizione accoglieva probabilmente Tucidide (VI, 2, 4-5; e cfr. Dion. Hal.
I, 22 cit.) la sua più sommaria affermazione che «i Siculi dall'Italia (dove infatti abitavano)
passarono in Sicilia, φεΰγοντες Όπικούς», fuggendo dinanzi agli Opici, semplicemente. C'è insomma
nella tradizione cui faceva capo Antioco una contrapposizione (e quasi rapporto di successione
cronologica e culturale) tra Enotri-Siculi ed Enotri-Opici (più precisamente Enotri e Opici).
In essa il rapporto tra Enotri e Opici finisce per essere molto simile a quello, concisamente
espresso, su Ausoni e Opici, dalla fonte di Strabone e ripetuto più confusamente, da Aristotele
nel passo citato della Politica.
Vien dunque da chiedersi (specie per l'oscurità della citazione aristotelica paragonata
a quella della fonte di Strabone) se veramente Antioco abbia mai detto « che questi (gli Opici)
si chiamavano anche Ausoni» ο se li abbia menzionati insieme agli Ausoni, con una espres
sione «Ausoni e Opici», simile a quella «Enotri e Opici», essa stessa certamente approssi
mativae frutto di scarse conoscenze ο di poco chiara comprensione dei rapporti tra i due
elementi etnici (come in genere accade in questa erudizione antica), ma neppur perspicua
affermazione di un'identità, che potrebbe esser derivata da più tardo e altrui fraintendimento.
Quel che qui conta è: a) che gli Opici (già nella tradizione di Antioco) sembrano essere
un elemento non affine agli Enotri, ma che qualificano i popoli nella zona occupata già dagli
Enotri a partire da un certo momento (e da un certo mutamento culturale); b) che anche
per gli Ausoni la tradizione antica che fa capo ad Antioco poteva contenere analoga quali
ficazione diversificante gli Ausoni veri e propri dai popoli più tardi presenti nella zona già
da loro occupata (da un dato momento e mutamento culturale) ο anche più semplicemente
584 ETTORE LEPORE
i loro discendenti evoluti, cronologicamente e culturalmente ormai diversi, per l'epoca più tarda
e la presenza di nuovi elementi di differenziazione. Cfr. già E. Lepore, in Le genti non greche
della Magna Grecia. Atti dell'XI Conv. di Studi sulla M. Gr., Napoli 1972, p. 85.
31 Oltre i luoghi già citati si vedano: V, 4,4 = C 243 con l'etimologia del nome Κύμη da
κύματα, preceduta da un ενιοι φασί; V, 4,5 = C 244 sulPAverno; V, 4,6 = C 245 con il mito
di Eracle e il golfo Lucrino, e forse con la notizia su Dicearchia, porto di Cuma; V, 4, 7 =
C 246 sulla sirena Partenope a Neapolis, l'agone in suo onore e l'uso di fonte locale sulle
liste degli eponimi; V, 4,8 = C 247 sulla piana vesuviana e, certamente, sulle isole Sirenusse;
V, 4, 9 = C 248 sulla fondazione di Pithecussai, presidio siracusano e occupazione neapolitana,
nonché sui fenomeni vulcanici dell'isola; V, 4, 12 = C 249 sulle leggi sannitiche e sulla versione
tarentina delle origini dei Sanniti; e cfr. F. Lasserre, pp. 108, n. 5; 112, p. 2; 114 n. 2;
118 n. 3 e 214 n. 7; 215 n. 4; 215-216, n. 3 e 5; 218 n. 2; ed E. Lepore, La vita politica
e sociale, in Storia di Napoli, voi. I: L'età classica, Napoli 1967, pp. 142, 152, 158, 161 e passim.
32 Così sosteneva già G. Hunrath, Die Quellen Strabo's im sechsten Buche, Cassel 1879
per il libro VI: spec. VI, 2,4 = C 270-271.
33 Contra F. Lasserre, p. 15, n. 1.
TIMEO IN STRABONE V, 4,3 C 242-243 E LE ORIGINI CAMPANE 585
34 Cfr. Cat. fr. 69 Peter, HRR, p. 70 in Veli. Pat. I, 7, 3-4 su cui contiamo di tornare
in altra sede.
ROBERT LEQUÉMENT ET BERNARD LIOU
1 Nous ne mentionnerons ici que ses Notes sur la céramique étrusco-campanienne. Vases
à vernis noir de Sardaigne et d'Arezzo, dans MEFR, LXXV, 1963, p. 7-58 (en abrégé: Morel,
Notes...), et Céramique à vernis noir du Forum romain et du Palatin, dans Suppl. 3 aux MEFR,
Paris, 1965 (en abrégé: Morel, Forum-Palatin) .
2 Fouilles de l'Ecole française de Rome à Bolsena (Poggio Moscini) 1962-1967, tome IV:
La céramique aretine lisse, suppl. 6 aux MEFR, Paris, 1968 (abrégé par le seul nom de l'auteur).
3 Outre les auteurs de ces lignes, l'équipe de la D.R.A.S.M., embarquée sur Y Archéonaute,
commandé par le Maître principal A. Magania, comprenait Melles E. Jarry et M. -P. Pujol,
MM. D. Colis, P. Grandjean, J.-C. Le Boulch; Melles H. Garde et C. Troche, MM. J. Gélindo,
J.-C. Négrel et M. Ouvrieu ont également prêté leur concours.
588 ROBERT LEQUÉMENT ET BERNARD LIOU
1 (Fig. 3)
Fond de patere; forme complète non reconstituable. Diamètre du pied
130 mm.
Surface satinée; vernis noir mat, absolument uniforme à l'intérieur; à
l'extérieur, quelques taches brun clair près du pied. Fond externe réservé
avec quelques coulées de vernis.
Pâte dure, très épurée, chamois.
Ressaut sur la face interne du pied.
Petit cercle tracé à main levée au centre, avec, dans un cartouche
rectangulaire (8,5 x 7 mm environ), l'estampille Q.AF. Six timbres radiaux
géométriques (variante du motif des deux " C " opposés). Deux séries de deux
sillons concentriques (plus grand diamètre 116 mm), entre lesquels deux
rangs de fines guillochures.
7 Cf. B. Liou, Informations archéologiques: recherches sous-marines, dans Gallia, 33, 1975,
p. 585-589, et le volume d'A. Tchernia et coll., à paraître comme supplément à Gallia.
8 A. Tchernia, Premiers résultats des fouilles de juin 1968 sur l'épave 3 de Planier, dans
Etudes classiques, III, 1968-1970, p. 51-82. On comparera surtout le profil des céramiques que
nous présentons ci-dessous avec ceux du plat étrusco-campanien à vernis noir (Lamboglia 7)
et du plat «préarétin» à vernis rouge (Goudineau 1), p. 70, fig. 16, 3 et 1.
9 N. Lamboglia, Per una classificazione preliminare della ceramica campana, dans Atti
del I Congresso internazionale di Studi Liguri (1950), Bordighera, 1952, p. 139-206.
10 Nous nous inspirons aussi fidèlement que possible, pour cette description, des principes
définis par J.-P. Morel, Forum-Palatin, p. 12-15.
590 ROBERT LEQUÉMENT ET BERNARD LIOU
2 (Fig. 4)
Patere dont la forme complète est reconstituable, avec toutefois une
légère marge d'incertitude. Diamètre du bord un peu supérieur à 520 mm;
diamètre du pied 145 mm.
Surface lisse; vernis noir à reflets bleutés, uniforme à l'intérieur, très
endommagé à l'extérieur où l'on distingue les traces de tournassage et quel
ques taches brun clair près du pied. Fond externe réservé avec quelques
coulées.
Pâte dure, légèrement granuleuse, chamois.
Ressaut sur la face interne du pied.
Deux petits cercles accolés au centre (diam. ext. 36 mm), au milieu
desquels a été imprimé, dans un cartouche rectangulaire de 8x6 mm envi
ron, l'estampille Q.A. Deux groupes de deux cercles concentriques (diam.
ext. 157 mm) enserrent quatre rangs de stries. A l'extérieur du cercle le plus
éloigné du centre, huit estampilles radiales: il s'agit du même timbre Q.A.
3 (Fig. 5)
Fond de patere, conservé jusqu'à l'amorce de la paroi: la forme comp
lète est pratiquement reconstituable. Le diamètre du bord est légèrement
supérieur à 530 mm; diamètre du pied 153 mm.
Surface satinée; vernis intérieur noir mat nuancé de brun-rouge près
du centre (disque d'empilement); usé à l'extérieur, avec traces de tournassage
et taches claires près du pied. Fond externe réservé avec des coulées de
vernis.
Pâte dure, légèrement granuleuse, chamois.
Ressaut sur la face interne du pied.
Même décor que la patere n. 2; diamètre du cercle le plus éloigné du
centre 164 mm; cinq estampilles radiales sur huit sont conservées.
4 (Fig. 4)
Patere dont la forme complète est reconstituable. Diamètre du bord
540 mm; diamètre du pied 156 mm.
Surface satinée; vernis noir mat-luisant à l'intérieur, sauf près du centre
où le disque d'empilement est franchement brun-rouge; usé ou craquelé à
l'extérieur. Fond externe réservé avec des coulées de vernis.
Pâte dure, un peu granuleuse, nettement plus rose que dans les exemp
laires précédents.
Ressaut sur la face interne du pied.
CÉRAMIQUE ÉTRUSCO-CAMPANIENNE ET CÉRAMIQUE ARETINE 591
Même décor; diamètre du plus grand cercle 178 mm. Les huit estamp
illes radiales sont conservées.
5 (Fig. 4)
Fond de patere, forme complète non reconstituable. Diamètre du pied
152 mm.
Surface lisse; vernis noir brillant uniforme. Fond externe réservé.
Pâte dure, épurée, chamois légèrement rosé.
Ressaut sur la face interne du pied.
Même décor; diamètre du plus grand cercle 162 mm. Trois estampilles
radiales conservées.
6 (Fig. 5)
Fragment du fond d'une patere analogue, sans trace du pied. Dimens
ionsnon précisables, du même ordre que pour les exemplaires précédents.
Surface satinée, vernis noir mat très usé.
Pâte dure, un peu granuleuse, chamois.
Décor réduit à un arc de la paire de cercles la plus éloignée du centre
et à deux estampilles radiales Q.A.
La disposition des estampilles radiales de ces patères n. 2 à 6, à l'exté
rieur du cercle le plus éloigné du centre, est insolite. J.-P. Morel, qui a réper
torié à ce jour 280 types de disposition du décor imprimé sur céramique
campanienne, nous dit n'en connaître aucun qui ressemble à celui-ci n.
7 (Fig. 6)
Patere dont la forme complète est reconstituable. Diamètre du bord
430 mm; diamètre du pied 134 mm.
Surface lisse; vernis homogène noir à reflets bleutés. Fond externe
réservé avec quelques coulées de vernis.
Pâte dure, très épurée, chamois clair.
Ressaut sur la face interne du pied.
La partie centrale du fond manque; ne subsiste que l'amorce d'un petit
cercle. Six timbres radiaux; l'estampille constitue une curieuse variation sur
11 Remerciements amicaux à J.-P.M. pour les renseignements qu'il a bien voulu nous
communiquer.
592 ROBERT LEQUÉMENT ET BERNARD LIOU
le thème des " C " opposés: deux arcs de cercle décrivent une boucle à leurs
extrémités et sont traversés par une sorte de ruban sinueux. Deux séries de
deux sillons concentriques (diamètre du plus grand cercle 143 mm), entre
lesquels quatre rangs de stries.
8 (Fig. 7)
Fond de patere, forme complète non reconstituable. Diamètre du pied
126 mm.
Surface lisse, vernis homogène d'un beau noir ni mat ni brillant.
Fond externe réservé.
Pâte dure, épurée, chamois clair.
Ressaut sur la face interne du pied.
Le centre est mutilé; on y aperçoit cependant l'amorce d'un petit
cartouche carré ou rectangulaire au milieu d'un cercle. Quatre estampilles
radiales (trois seulement sont conservées), disposées en croix, dont le motif
se retrouve fréquemment12: quatre points symétriques, à l'intérieur et à
l'extérieur des deux "C" opposés. Plage de hachures larges et hautes entre
deux paires de cercles accolés (diam. ext. 98 mm).
concluait à une filiation, à Arezzo même, et dans les mêmes ateliers entre
la céramique à vernis noir et la poterie à vernis rouge à laquelle nous réser
vons le nom d'arétine 15. Il reprenait, ce faisant, une thèse qu'avaient soutenue
avant lui A. Fabroni et G. -F. Gamurrini et que défendraient à leur tour,
entre autres, H. Dragendorff et A. del Vita 16. Elle devait toutefois se trouver
battue en brèche, notamment par les travaux d'A. Oxé 17, ou, à tout le moins,
rencontrer le scepticisme. Lorsque J.-P. Morel, dans son article de 1963,
fait le point de la question, il se montre très sensible à des erreurs d'inter
prétation incontestables de certains tenants de cette thèse, à la difficulté
qu'on éprouve à distinguer, sur « de petits morceaux de fonds », des vases à
vernis noir ou des vases à vernis rouge « ratés » ; peu convaincu par les vases
à vernis noir portant l'estampille Q.AF ou Q.A qu'il a eu personnellement
l'occasion d'examiner 18, il pousse le doute méthodique jusqu'à récuser le
témoignage qu'elle semblait fournir et il conclut, sur l'ensemble du problème,
que le « dossier » est « trop mince pour qu'on puisse défendre l'idée d'un
passage progressif, à Arezzo même, de la céramique étrusco-campanienne à
la céramique aretine rouge ». Chr. Goudineau, que son étude de l'aretine de
Bolsena a persuadé du bien-fondé de cette idée, a fort clairement énoncé,
d'après Morel, « les pièces à fournir pour que le " dossier ", étoffé, emporte
l'adhésion: il s'agirait de présenter des formes contemporaines des débuts de
l'arétine - donc, plus exactement, de notre préarétine - identiques où, à
15 Ibid., p. 329-331.
16 Références dans Morel, Notes..., p. 55 sq. et dans Goudineau, p. 322, n. 2.
17 Pour qui le vernis rouge aurait été introduit, vers 30 av. J.-C, par des potiers venus
d'Orient: thèse qui trouve son expression achevée dans Arretinische Reliefgefässe vom Rhein,
dans Materialen zu römisch-germanischen Keramik, 6, Francfort, 1933.
18 Cf. Morel, Notes..., p. 57 et n. 1. La liste des timbres Q.AF et Q.A sur vernis noir que
nous connaissons à ce jour s'établit comme suit: Arezzo: cf. CIL, XI, 6700, 12 et Oxé-Comfort,
n. 28 a, c. Morel, Notes..., p. 53, n. 24, ne connaît, au musée d'Arezzo, qu'un exemplaire, de
lecture incertaine: Q.Â*F ou (plutôt) Q.A. Vulci: Morel, ibid.: Q.A. Rome: CIL, XV, 4937, a
(le tesson de PEsquilin), b (rive ou lit du Tibre) et Oxé-Comfort, n. 28, h (musée de Dresde);
Q.AF. Paestum,, au musée (renseignement de J.:P. Morel): Q.AF. Ampurias: Oxé-Comfort, n. 28, m;
J.-P. Morel, qui le donnait pour disparu (Notes..., p. 57, n. 1), nous signale qu'il a été retrouvé,
au musée de Gérone, par E. Sanmarti: il se lit Q.A (cf. N. Lamboglia, Bolli ampuritani su
«Campana C », dans R.E.Lig., XXI, 1955, p. 51). Tarragone :CIL, II, 4970, 11; lu Q.Â"È, c'est
à dire sans doute Q.AF. La Alcudia de Elche; A. Ramos Folqués, Ceramica presigillata de la
Alcudia de Elche, dans VII Congreso nacional de Arquelogia, Barcelona 1960, Saragosse, 1962,
p. 365 et fig. 1 (Cf. également Evolución de la ceràmica campaniense a la sigillata en la Alcudia
de Elche, dans Rei Cretariae Romanae Fautorum Acta XI/XII, 1969-1970, p. 19 et p. 27,
fig. 11 et 12): Q.AF.
594 ROBERT LEQUÉMENT ET BERNARD LIOU
tout le moins, fort semblables, les unes appartenant à des vases incontesta
blementétrusco-campaniens, à vernis noir, les autres à des vases à vernis
rouge; il faudrait, d'autre part, exhiber des timbres identiques ou fort sem
blables » 19. Sur le premier point, il a donné une démonstration tout à fait
neuve et convaincante20; sur le second, il a, certes, avancé des présomptions
très fortes, mais s'est, par prudence, privé des arguments qu'avaient jadis
fournis à H. Dressel l'estampille Q.ÂP et le timbre C.V., qui figure lui aussi
sur vernis noir et sur vernis rouge21.
Les patères trouvées sur l'épave de l'île Plane ont le grand mérite de ne
plus laisser place à aucun doute. La marque Q.AF en particulier - la seule
qui soit jusqu'ici attestée sur vases arétins à vernis rouge - figure sur un
plat qui est du plus beau noir, absolument uniforme, sans même la moindre
trace rouge ou brune d'un disque d'empilement. Aucun doute, d'autre part,
que Q.AF et Q.A ne soient deux timbres distincts: nous avons une fois le
timbre Q.Â~F, central, entouré de six estampilles radiales géométriques22, et,
sur cinq plats, le timbre Q.A central huit fois répété sous forme d'estamp
illes radiales 23. En revanche, il n'est sans doute pas trop imprudent d'induire
de la présence de ces deux timbres sur des plats de même forme apparte
nant au même chargement et rangés dans le même coin de la cale, qu'il
s'agit de deux variantes de la signature d'un même atelier.
En ce qui concerne la forme de ces plats, qui est celle-là même de la
patere que N. Lamboglia donnait comme modèle de sa forme 7 de « campa-
nienne Β » 24, la comparaison du profil de leurs bords et de leurs pieds avec
ceux de la forme d'arétine à vernis rouge que Chr. Goudineau appelle
« précurseur » 25, ou encore avec celui du plat, déjà évoqué, issu de l'épave 3
de Planier 26, confirme très largement ce que nous disaient les estampilles
19 Goudineau, p. 323-324.
20 Ibid., p. 324-331.
21 Ibid., p. 331-334. Cf. E. Dressel, art. cit., p. 331 et Morel, Forum-Palatin, p. 159, n. 387.
22 Pour autant que nous puissions en juger, les descriptions étant parfois incomplètes,
la seule disposition analogue attestée doit être celle du plat de la nécropole de l'Esquilin décrit
par Dressel, p. 294: «Nel centro è impresso con bollo quadrangolare (mill. 12x8,5) Q.AF a
lettere rilevate. Intorno sono alcuni bolli ad ornato». Ailleurs, il ne s'agit que de Q.AF, central
et radial, ou radial seulement (cf. Oxé-Comfort, η. 28).
23 Voir ce que nous disions plus haut de la singularité du décor.
24 N. Lamboglia, Classificazione..., p. 148.
25 Goudineau, p. 252.
26 Supra, note 8.
CÉRAMIQUE ÉTRUSCO-CAMPANIENNE ET CÉRAMIQUE ARETINE 595
27 Cf. notamment M. Picon, M. Vichy et E. Meille, Composition of the Lezoux, Lyons and
Arezzo Samian ware, dans Archaeometry, 13, 1971, 2, p. 191-208.
28 Le plat (unique) de l'épave Planier 3 appartenait sans doute à la vaisselle de bord, non à
la cargaison. Il en est de même des pièces d'arétine tardive trouvées sur les épaves Drammoni D
(J.-P. Joncheray, dans Revue archéologique de Narbonnaise, VI, 1973, p. 275-284), Port-Vendres 2
(D. Colis, C. Domergue, F. Laubenheimer et B. Liou, dans Gallia, 33, 1975, p. 62), ou encore
Cavallo 1 et Lavezzi 2 (W. Bebko, Les épaves antiques du Sud de la Corse, Bastia, 1971,
p. 17 et 33).
29 Les dessins qui illustrent cette note sont dus à Denis Fontaine, les photographies à
Patrick Grandjean (Direction des Recherches archéologiques sous-marines).
596 ROBERT LEQUÉMENT ET BERNARD LIOU
Fig. 2 - Lampes.
598 ROBERT LEQUÉMENT ET BERNARD LIOU
Fig. 8 - Estampilles.
A et B: n. 1; C: n. 2 à 6; D: n. 7; E: n.
EUGENIO MANNI
a Joseph Vogt, ha scritto alcune pagine Per una storia della Sicilia
romana, nelle quali accenna anche ad una serie di problemi di identif
icazione di alcuni centri.
Mi pare quindi opportuno presentare in breve una panoramica della
attuale situazione dopo che le ricerche, soprattutto archeologiche, del
l'ultimo ventennio hanno reso possibile una revisione di tanti dati che
ci erano offerti soprattutto dall'interpretazione di fonti prevalentemente
letterarie.
Conviene forse partire dal breve cenno di G. Manganaro, ripetendo
con lui che « quale introduzione alla storia della Sicilia . . . riesce indi
spensabile un prospetto documentato, anche per quanto riguarda gli aspetti
urbanistici, delle città » (p. 447). « Alcune di queste - egli aggiunge -
pongono ο hanno posto problemi di identificazione ». Egli ha intanto
annunciato una serie di identificazioni fondate soprattutto su reperti
numismatici e considera « indubitabile » quella di Morgantina a Serra
Orlando, di cui riparleremo. Dubita invece delle proposte relative a Aitna-
Inessa, Maktorion e « altri centri interni », avanzate da Rizza, Tusa ed
Adamesteanu e promette di proporre l'identificazione di Herbessos a Mont
agna di Marzo, Herbita a Monte Alburchia presso Gangi, Mytistraton fra
Capodarso e Marianopoli (nelle Madonie), Kimissa presso Raffi Rossi (Agri-
gento), Petra fra Resuttano e Casteltermini, Hippana (sic) fra Drepanum
e Mazara. Il centro dei Sileraioi, inoltre, dovrebbe trovarsi fra Agrigento
e Caltanissetta e quello dei Tyrrhenoi ad Alimena.
Il Manganaro conferma infine la sua opinione che Amestratos fosse
nei pressi dell'attuale Mistretta ed Engyon a Troina.
Non possiamo certo discutere le identificazioni da lui promesse ma
non ancora dimostrate. Dobbiamo invece soffermarci per un istante su quelle
di Amestratos e di Engyon. E per quest'ultima la dimostrazione offerta dal
Manganaro nel 1964 (Siculorum Gymnasium, Ν. S. XVII 2, p. 251 s.) non
dimostra alcunché perché è fondata sulla lettura dell'iscrizione che compare
su alcune ghiande missili: φαεκγυ. Secondo Manganaro la lettura ne è senza
dubbio φα(τρία) Έκγυ(ίνων). Mi limito ad osservare che, anche ammettendo
questa lettura, il tirarne delle conseguenze è per lo meno troppo rischioso:
il nome della città ci è trasmesso dalla storiografia come Έγγυον (Diod.
IV 79, 5; XVI 72, 3), quello dei suoi abitanti suona in dativo Έγγυίνοις
(Diod. XVI 72,3). Già per questa differenza di scrittura, e verosimilmente
di pronuncia, l'identificazione mi pare alquanto dubbia. Ma v'è di più perché,
secondo Manganaro, gli abitanti di Engyon dovrebbero costituire una
φρατρία appartenente ad Enna, che « in epoca ellenistica deve (nostra
PROPOSTE DI IDENTIFICAZIONE DI CENTRI ANTICHI DELLA SICILIA 607
1 Plin., N.H., XXXVI, 91: namque et Italicum dici convertit quern fecit sibi Porsina
rex Etruriae sepulcri causa, simul ut externorum regum vanitas quoque Italis superetur. sed
cum excédât omnia fabulositas, utemur ipsis M. Varronis in expositione eius verbis: «sepultus
est sub urbe Clusio in quo loco monumentum reliquit lapide quadrato quadratum, singula
latera pedum tricenum, alta quinquagenum, in qua basi quadrata intus labyrinthum inextri-
cabile, quo si quis introierit sine glomere lini exitum invenire nequeat. 92 supra id quadratum
pyramides stani quinque, quattuor in angulis et in medio una, imae latae pedum quinque
septuagenum, altae centenum quinquagenum, ita fastigatae ut in summo orbis aeneus et peta-
sus unus omnibus sit impositus, ex quo pendeant exapta catenis tintinnabula, quae vento
agitata longe sonitus référant, ut Dodonae olim factum. 93 supra quern orbem quattuor
pyramides insuper singulae stani, altae pedum centenum. supra quas uno solo quinque pyra
mides » quarum altitudinem Varronem puduit adicere; fabulae Etruscae tradunt eandem fuisse
quam totius operis ad eas. vesana dementia quaesìsse gloriam impendio nulli profuturo,
praeterea fatigasse regni vires ut tarnen laus maior artificis esset.
2 XXXVI, 93.
3 XXXVI, 90.
620 GUIDO A. MANSUELLI
l'esame del passo gli elementi utilizzabili per qualche ricupero circa la cono
scenza dell'architettura etrusca.
Il motivo che ha portato Plinio a diffondersi ampiamente, nella citazione
e nelle aggiunte proprie, è sostanzialmente moralistico. Egli infatti introduce
il discorso4 su taluni famosi esempi di macrotettonica, unificati nella cate
goria dei labyrinthi, portentosissimum humanì impendii opus e distinti per
la loro complessità. Plinio abbozza anche una storia dei labyrinthi, ponendo
come più antico quello egizio di Herakleopolis, da cui fa dipendere senza
dubbio, direttamente quello di Creta, opera di Dedalo5. In modo speciale
Plinio si impegna in un confronto di fonti e di soluzioni interpretative6,
propendendo per il riconoscimento ai labyrinthi di una funzione sacrale,
per lo meno per gli egizi.
Non è tuttavia del problema generale dei labyrinthi, d'altronde oggetto
di ricerche recenti 7 che intenderei qui occuparmi. I dati di Varrone e Plinio
sono interessanti per più di un motivo: in primo luogo l'orizzonte cronologico,
che è quello del tardo arcaismo etrusco in via di sfociare nel subarcaismo,
più ο meno lo stesso cui risale l'esempio di macrotettonica templare del
tempio capitolino a Roma, poi perché si conferma il privilegio della pr
ogrammazione funeraria. Il monumento è detto esplicitamente costruito
sepulcri causa, in più si tratta dell'unico monumento etrusco precisamente
riferito ad un personaggio storico, anzi ad uno dei pochissimi protagonisti
conosciuti della storia etrusca, un sovrano noto per la sua potenza. È facile
per noi sottolineare quello che Plinio, nella sua preponderante preoccupa
zione moralistica, appena adombra, cioè il rapporto fra il personaggio e il
monumento, in termini di equazione fra la dimensione storica attribuitasi
4 XXXVI, 64.
5 XXXVI, 85.
6 XXXVI, 84: dicamus et labyrinthos vel portentosissimum humani impendii opus, sed
non, ut existimari potest, falsum. durât etiamnum in Aegypto Heracleopolite nomo qui primus
factus est ante annos, ut tradunt, MMMDC a Petesucho rege sìve Tithoe, quamquam Herodotus
totum opus XII regum esse dicit novissimumque Psammeticum. causas faciendi variae interpre-
tantur: Demoteles regiam Hotesidis fuisse, Lyceas sepulcrum Moeridis, plures Solis sacrum id
extructum, quod maxime creditur. Il riferimento ad Erodoto è II, 147.
7 G. Pugliese Carratelli, Labranda e labyrinthos, in Rendic. Accad. Napoli, XIX, 1939,
pp. 5-20; Κ. Kerényi, Labyrinthstudien2, Zürich 1952; G. Becatti, La leggenda di Dedalo, in
La parola del Passato, XIV, 1957, pp. 161-76; C. Gallavotti, Labyrinthos, ibid., pp. 176;
M. Cagiano de Azevedo, Saggio sul Labirinto, Milano 1958; P. E. Pecorella, art. Labirinto,
in Enc. arte ant., IV, 1961, pp. 436-40. Inoltre: Humborg e Karo, art. Labyrinthus, in Pauly-
Wissowa, RE, XII, 1, 1924, coi. 312-23; A. W. Van Buren, in Anthemon Anti, 1945, p. 85.
IL MONUMENTO DI PORSINA DI CHIUSI 621
8 Per l'espressione di cui a 93 ... praeterea fatigasse ... ut tarnen laus ... si tratta di
consecutiva retorica.
Circa il tono del passo di cui nel testo, non è da escludere un affioramento del naziona-
liSmo italico: in fondo par di cogliere un sottaciuto compiacimento perché gli Itali avevano
raggiunto un primato anche in questo campo di intraprese inutili. Ringrazio vivamente l'amico
Prof. Elio Pasoli per la consulenza che mi ha cortesemente prestato circa problemi filologici
e grammaticali del testo.
622 GUIDO A. MANSUELLI
*
*
Plinio non è stato esente dal dubbio sulla credibilità di quanto stava
per esporre, su un oggetto di meraviglia eccedente qualsiasi norma, ed ha
sentito il bisogno di riportare puntualmente la sua fonte, l'indiscussa autorità
scientifica di M. Terenzio Varrone: sed cum excédât οπιηία fabulositas,
utemur ipsis M. Varronis in exposìtione eius verbis 9, tanto più che il monu
mento era scomparso 10. Una posizione di incertezza resta dove lo scrittore,
per supplire ad un dato mancante in Varrone, cita le fabulae Etruscae. Ma
ciò, non significa che Plinio dubitasse dell'esistenza reale del monumento di
Porsina n. Un elemento da prendere ad ogni modo in considerazione è costi
tuito dalla puntualità delle misure che Varrone riferisce, con esplicito li
nguaggio tecnico. Il monumento, per Varrone, era costituito da un basamento
di trecento piedi di lato, alto cinquanta, con un rapporto quindi di 6:1 fra
pianta ed alzato. Si aggiunga che entrambe le misure sono multipli di cinque,
come tutte le altre indicate per l'altezza e la larghezza delle piramidi.
Quelle insistenti sul nasamento sono indicate come alte centocinquanta piedi,
larghe alla base settantacinque, cioè la metà dell'altezza; di cento piedi è
l'altezza delle piramidi del secondo ordine, due terzi di quella del primo.
La lunghezza di cinque piedi sembra dunque da assumersi come modulo
della complessa costruzione. Tale modulo entra sessanta volte nella lunghezza
dei lati del basamento, dieci nell'altezza di questo, quindici nel lato di base
e trenta nell'altezza delle piramidi del primo ordine, pertanto tre volte
l'altezza del basamento, venti volte nell'altezza delle piramidi del secondo
ordine 12. La somma delle altezza date è pari alla larghezza del lato di base,
ma questa corrispondenza non tiene conto delle membrature orizzontali. La
corrispondenza fra tale altezza totale e l'altezza delle piramidi del terzo
ordine, tramandata dalle fabulae Etruscae, non ha, in teoria, carattere di
inverosimiglianza e di illogicità. Plinio attribuisce a ritegno il silenzio di
Varrone su questo terzo ordine, in realtà probabilmente il silenzio dipendeva
da difetto d'informazione ο da perdita, già ab antico, della parte più alta.
Certo è che fra il primo e il secondo ordine di piramidi è dato come inter-
9 XXXVI, 91.
10 V. nota 3.
11 XXXVI, 84, cit. a nota 6, all'inizio.
12 Nella valutazione di tali rapporti mi è stato, come spesso, di grande aiuto l'amico
Arch. F. Bergonzoni, che ringrazio sentitamente. Egli mi ha fatto rilevare in particolare il carattere
ritmico delle corrispondenze, inseribili in una scala musicale.
IL MONUMENTO DI PORSINA DI CHIUSI 623
13 De arch. IV, 7 e segg. Il passo è notissimo; va rilevato che i rapporti vitruviani sono
geometrici e non numerici, dal che si potrebbe indurre la coesistenza dei due sistemi modulari
nell'architettura etrusca ο due modi di vedere la stessa architettura da parte della scienza antica.
14 Karo, cit. a nota 7.
15 Per il tentativo di riconoscimento nel complesso di Poggio Gaiella, si v. dapprima
E. Braun, II sepolcro di Porsena illustrato e descritto dai suoi scopritori, Roma 1840; per il
problema R. Bianchi Bandinelli, Clusium, nei Mon. ant. Lincei, XXX, 1925, col. 223 e 370.
624 GUIDO A. MANSUELLI
16 Sempre fondamentale lo studio di E. Paribeni, in St. Etr., XII, 1938, pp. 57 e segg.
e XIII, 1939, pp. 179 e segg. Per diverse tipologie si v. ora E. e G. Colonna, Castel d'Asso,
Roma 1970, II, tav. CCCCIX. L'analisi dei segnacoli funerari etruschi dal punto di vista archi
tettonico resta un campo aperto di ricerca.
17 S. Ferri traduce «un disco (o palla) e un petaso...»; precedentemente G. Buonamici,
(Fonti di st. etr. Firenze 1939, p. 375) aveva tradotto «un cerchio di bronzo e un cappello».
G. Karo rende pyramides con «Türme».
18 E. Schuppe, art. Πέτασος, in Pauly-Wissoxa, RE, 19, 1, 1937, col. 1123, 60: nel caso
specifico lo dice usato come termine caratteristico, «Kuppeldach». Altri„esempi analoghi solo
in lingua greca: Or. Gr. Inscr. Sei., 510, 4 (Odeion di Efeso) ; .C/G, 3422, 17 (Philadelphia);
cfr. inoltre Leid. mag. Papyri, Leipzig 1891, 3, 11. Lidder-Scott, 1966, «awning, baldacchino»;
Lewis Short, s.v. II, «caps, cupola». Sull'impiego dei metalli nell'edilizia antica, da ultimo:
R. Martin, Manuel d'architecture grecque, I, Paris 1965, pp. 155-162.
IL MONUMENTO DI PORSINA DI CHIUSI 625
* * *
nobile e durevole per eccellenza nella scala gerarchica dei valori di materiali
presso tutto il mondo classico. Tutto questo non può essere relegato faci
lmente fra le invenzioni, trascurando le suggestioni che possono derivarne.
Altri rilievi riguardano il significato del monumento: già si è detto della
priorità dei programmi funerari rispetto agli altri programmi monumentali
etruschi, specialmente in ordine al requisito della durabilità, estraneo al
tempio ed all'edilizia pubblica e privata. In questo ambito è chiaro che nel
patrimonio architettonico etrusco del tardo arcaismo il monumento fune
rario rappresentava l'unica tipologia suscettibile di andare oltre il senso
commemorativo implicito nella sua assenza e destinazione, per diventare
mezzo di affermazione della personalità di un personaggio attraverso il tempo.
L'enorme dispendio necessario, citato da Plinio come paradigma negativo,
dimostra la contrarietà della società nobiliare etrusca ad impegnarsi finanzia
riamente in altro genere di programmi che non riflettessero appunto questa
esigenza di perpetuazione monumentale. Ma nel caso di Porsina sembra di
ricavare dal testo pliniano che il programma monumentale del re non coin
volgesse, come d'ordinario, la famiglia, quanto esclusivamente ο prioritari
amente la sua persona, che apparisce quindi in una situazione storica parti
colarissima, con le conseguenze facili a ricavarsi: il monumento di Porsina
è visto da Plinio nell'accezione di monumento politico, in cui l'eccezionaiità
dimensionale è indicativa dell'autorità del personaggio, non senza motivo
indicato come rex Etruriae; l'accenno alle risorse esaurite del regno, fatigasse
regni vires, conferma il carattere emblematico del monumento anche nei
confronti dello stato chiusino, che da più elementi appare avere svolto un
ruolo politico di primo piano nell'Etruria e nell'Italia intorno al 500. Ma si
deve anche aggiungere che al valore funerario, commemorativo ed emblemat
ico del monumento si univa un valore - con la funzione - sacrale, per la
presenza dei sonagli appesi, di cui già Varrone ha riconosciuto il rapporto
con il rituale mantico di Dodona. Ed anche l'individuazione di questa plural
itàdi componenti (è palese che si tace di altre, epigrafica e figurale) e di
motivazioni induce a porre il passo di Varrone-Plinio fra le fonti importanti
per la conoscenza del mondo etrusco *.
* Nota aggiuntiva. - Avevo già inviato questo testo per la stampa quando per la cortesia
dell'amico Dott. D. Vitali, che vivamente ringrazio, ho potuto conoscere uno scrittore inedito
sull'argomento, accompagnato da disegni, dello studioso bolognese Giovanni Gozzadini, al quale
il tema interessò per ricerche comparative sui monumenti funerari di Marzabotto (Bologna,
Bibl. Comunale dell'Archiginnasio, Arch. Gozzadini, Cart. Ill, N. 430). Senza entrare nel merito
della trattazione, mi è parso utile profittare dell'occasione per segnalare il documento.
HENRI METZGER
Μην. 1917.7-25.1; cf. Tischbein, Coll. of engrav., I, pi. 32; Harrison, Prolegomena2,
fig. 128; Themis, p. 421 sq.; Tillyard, Hope vases, n° 163, pi. 26; Metzger, BCH, 68-69, 1944-45,
p. 296 et 297, fig. 1; Représentations, p. 262/16 et pi. 35; Nilsson, Opuscula selecta, II, p. 616/3;
Zancani-Montuoro, Essays K. Lehmann (1964), p. 391, n. 30; Muthmann, Ant. Kunst, 11,
1968, p. 34; Jobst, Die Höhle in gr. Theater (1970) p. 104 sq.; Zunst, Persephone (1971),
p. 409 sq.; Cl. Bérard, Anodoi (1974), p. 104 sq.
2 Voir la note précédente.
628 HENRI METZGER
18 Voir entre autres les cratères de Munich ou de Karlsruhe cités plus haut ou le cratère
à volutes de l'Ermitage St. 424 (Gerhard, AZ, 1844, p. 225, pi. 13; Winckler, p. 65, n° XII).
19 Le torse nu, la cithare et la couronne de laurier ne conviennent apparemment pas à
Orphée qui, sur les autres vases, porte le costume asiatique de théâtre. Cet accoutrement et ces
attributs désigneraient normalement Apollon. Cependant selon Schauenburg {Jahrbuch, 73, 1958,
p. 72, n° 88): «Apollon könnte nur durch eine selbst für unteritalische Vasenmaler ungewöhnliche
Gedankenlosigkeit in den Hades versetzt sein ». Nous aurions, dans une pareille figure, un exemple
d'emprunt formel aboutissant à une homonymie. Cf. Moret, L'Ilioupersis dans la céramique
italiote, p. 298.
CRÉATION CONSCIENTE OU IMAGE GREFFÉE? 631
20 F 2646. Cf. Froehner, Annali, 1884, p. 206 sq.; Mon. II, pi. 4; C. Robert, Archäol.
Märchen, pi. 4; Harrison, Prolegomena2, p. 278, fig. 69; Nilsson, Opuscula selecta, II, p. 612,
n° 2; Représentations, p. 75 sq., pi. V/5; Bérard, Anodoi, p. 103 sq., pi. 10/35 a et b.
21 Cf. Cambitoglou, JHS, 75, 1955, pi. 3a et p. 8, fig. 1 et 3; ARV, 2, p. 1436/7 .Recherches,
p. 13, n. 2; Bérard, ibid., p. 135, pi. 16/55.
22 Cf. Noël des Vergers, L'Étrurie et les Etrusques, pi. 10; Harrison, Prolegomena, p. 277,
fig. 68; Nilsson, Geschichte, I3, pi. 39/1; ARV2, p. 1056/95; Recherches, p. 13/15; Bérard,
Anodoi, p. 131 sq., pl. 16/53.
23 Sur ces pinakes on se reportera essentiellement à Quagliati, Ausonia, III, 1908, p. 136 sq.;
Orsi, Bollett. d'arte, 3, 1909, p. 410 sq.; P. Zancani-Montuoro, Arch. Stor. Calabria, 5, 1935,
p. 195 sq.; Rendiconti Acc. Napoli, 29, 1954, p. 79 sq.; Atti Magna Grecia, n.s., 1, 1954,
p. 71 sq., Arch. Stor. Calabria, 24, 1955, p. 284 sq.; Archeol. class., 12, 1960, p. 37 sq.;
Essays Karl Lehmann (1964), p. 386 sq.; Priickner, Die lokrischen Tonreliefs (1908); Zuntz,
Persephone, (1971), p. 164 sq.
24 Op. cit., p. 73.
632 HENRI METZGER
25 Cf. Hartwig, AM, 21, 1896, p. 377 sq., pi. 12; ARV, 2, p. 116-117; Recherches, p. 11/6.
26 Cf. Tischbein, Collection..., III, pi. I; Förster, Raub une Rückkehr der Persephone,
p. 237 sq.; Tillyard, Hope vases, n° 233, pi. 33.
27 Voir par exemple dans le domaine des pinakes le fragment du British Museum Β 489
(cf. Higgins, Catal. of Terracottas, n° 1215), dans celui des vases apuliens le cratère à volutes
du British Museum F 77 (cf. Schauenburg, Jahrbuch, 73, 1958, p. 58, fig. 5) ou l'amphore
de Genève 15043 (cf. Schauenburg, ibid., fig. 6).
28 Voir par exemple le lécythe du Peintre d'Amasis au Metropolitan Museum 56.11.1: cf.
von Bothmer, Antike Kunst, 3, 1960, p. 73, pi. 7/1-3; Paralipomena, p. 66.
29 Cf. Priickner, op. cit., p. 70 sq.
30 // rapitore di Core nel mito locrese, Rendiconti della Acc. Napoli, 29, 1954, p. 79 sq.,
pi. Vili; Atti Società Magna Grecia, 1, 1954, p. 75 sq. Je remercie vivement Madame Zancani-
Montuoro de m'avoir procuré cette photographie.
31 Cf. P. Zancani-Montuoro, Rendiconti Napoli, 29, 1954, p. 85: «non Plouton ma un suo
delegato secondo una versione mitica trasmessa dai testi, probabilmente locale».
CRÉATION CONSCIENTE OU IMAGE GREFFÉE? 633
local où le rapt serait le fait d'un mandataire du dieu des Enfers 32. Pouvons-
nous identifier ce mandataire? Schauenburg 33 qui ne connaissait pas encore
la plaquette de Reggio avait suggéré d'assimiler le ravisseur imberbe des
plaquettes locriennes au partenaire de Persephone du cratère Santangelo. Il
retrouvait par ailleurs le même dieu imberbe sur une peinture tombale de la
Russie Méridionale34 et sur deux reliefs de l'Agora d'Athènes35. Il va sans
dire que le nouveau document de Reggio donne encore plus de piquant à
cette recherche, mais nous insisterons surtout sur la dualité des figures
mêlées au rapt de Coré. Si elle paraît se retrouver sur les vases apuliens
où le dieu ravisseur se voit fréquemment secondé par un cocher, une pareille
dualité semble étrangère à la plupart des enlèvements grecs qui sont le fait
d'un ravisseur unique36.
Dans quelle mesure l'association du jeune dieu et du dieu âgé sur le
pinax de Reggio traduit-elle une croyance propre aux peuples de l'Italie
Méridionale? On pourrait être tenté, pour répondre à pareille question,
d'invoquer le témoignage des lamelles « orphiques » de Thourioi. Trois d'entre
elles mentionnent à la fois Euklès et Eubouleus37 et les associent à la
χϋονίων βασίλεια. Si l'identification de cette déesse ne soulève pas de dif
ficulté nous ne pouvons malheureusement pas nous faire d'opinion précise
sur les divinités masculines nommées dans ces textes. D'après Hésychius38
Euklès désignerait Hadès, et, dans cette perspective, le jeune dieu serait
Eubouleus39. Une telle indication serait en contradiction avec la con
ception éleusinienne qui fait d'Eubouleus une divinité majeure40. Une
pareille incertitude nous donne donc à penser que l'on ne peut sans doute
rien tirer de précis des indications fournies par les lamelles « orphiques »,
sinon la mention d'une triade qui explique peut-être le pinax de Reggio.
32 II semble en revanche que Priickner (op. cit., p. 73) se soit inscrit en faux contre
cette thèse.
35 Jahrbuch, 68, 1953, p. 57.
34 Cf. Rostovtzew, Ancienne peinture décorative dans la Russie Méridionale, pi. 89.
35 Voir les reliefs S 1251 (Thompson, Hesperia, 17, 1948, p. 177 sq., pi. 54/2; Nilsson,
Opuscula selecta, II, p. 565; Recherches, p. 38/23) et S 1646 (Schauenburg, ibid., p. 57, fig. 11;
Recherches, p. 41/40 et pi. 26.4).
36 Voir les exemples que j'ai réunis dans Collection Stathatos, III, p. 176.
37 Cf. Kern, Orphicorum Fragmenta, p. 106/32 a, b et c = Zuntz, Persephone, p. 299 sq.,
A, 1, 2, et 3.
38 Εύκλής · ό Αϊδης.
39 Sur le personnage d'Eubouleus à Eleusis cf. à présent Richardson, The Homeric Hymn
to Demeter, p. 81 sq.
40 Cf. Rohde, Psyché (trad, française), p. 233; Nilsson, Opuscula selecta, Ιί, ρ. 551.
634 HENRI METZGER
41 Style de Kertch. Cf. S. Reinach, RA, 1900, I, p. 93; Schefold, UKV, n° 152, pi. L;
Nilsson, Geschichte, I3, p. 317, pi. 44/1; BCH, 68-69, 1944-45, p. 330 et 333, fig. 13; Représent
ations,p. 244/12, pi. 32; Mélanges Paul Collari, p. 299, fig. 4.
42 E 83. Style de Kertch. Cf. Watzinger, Gr. Vasen Tübingen, p. 57, pi. 40; Schefold,
UKV, n° 46, Nilsson, Geschichte, I, 3, p. 318, pi. 45/1; Représentations, p. 245/14, pi. 34/1.
43 Coll. de Fethiye Djami 1961 Vak. 790. Style de Kertch. Cf. Dontas, Deltion, 17,
1961-1962, p. 101 sq., pi. 35; Recherches, p. 37/17, pi. 16/2.
44 Style de Kertch. Cf. Recherches, p. 34/2, pi. 14/1.
45 Style de Kertch. Cf. Panofka, Cabinet Pourtalès, pi. 17; Schefold, UKV, n° 94; Représent
ations,p. 126/36, pi. 17; ARV2, p. 1446/1.
46 Inv. 3091. Cf. Förtster, Raub und Rückkehr, pi. 2; Schauenburg, fahrbuch, 73, 1958,
p. 49; fig. 1; ARV2, p. 647/21: Peintre d'Oionoklès; Recherches, p. 10/5.
47 Voir les exemples que j'ai rassemblés dans Recherches, p. 18 sq.
48 E 82; cf. Mon. 5, pi. 49; BCH, 68-69, 1944-45, p. 318; ARV2, p. 1269/3.
49 Cf. Schauenburg, Jahrbuch, 68, 1953, p. 51, n. 68; Recherches, p. 23/56, pi. 11/1.
50 Cf. en dernier lieu Daux, BCH, 88, 1964, p. 483 sq., pl. 19 et 20.
51 Cf. Schauenburg, ibid., p. 38, fig. 1 et 2.
CRÉATION CONSCIENTE OU IMAGE GREFFÉE? 635
qui lui semblent propres, connaît aussi, avec le cratère campanien d'Eton
college 52, une représentation incontestable de Plouton à la corne d'abondance.
En somme le problème que soulèvent les images du dieu âgé et du dieu
jeune demeure celui de savoir si une pareille distinction correspond à la
croyance des peuples hellénisés de l'Italie Méridionale, pour autant qu'on
puisse parler d'une croyance commune aux Locriens du Ve siècle et aux
Tarentins du IVe, ou si cette distinction ne traduit pas plutôt la greffe de
quelque modèle athénien. Les peintres apuliens et les modeleurs de Locres se
font-ils les interprètes de légendes propres à leurs milieux ou transposent-
ils les thèmes que leur ont enseignés les vases d'Athènes importés sur leur
sol? On sait le rôle qu'a exercée la céramique d'Athènes dans la diffusion
de certaines images parmi les peuples du monde périphérique. J'ai eu voilà
quelques années l'occasion de le souligner à propos des scènes de banquet
reproduites sur les sarcophages lyciens des Ve et IVe siècles53. Les
magnifiques découvertes de Karaburun 54 en Lycie montagneuse ont permis
de vérifier sur un point précis l'action exercée par les vases exportés
d'Athènes. Le banquet du dynaste figuré sur la paroi centrale de la tombe
lycienne s'inspire directement de la formule grecque du banquet et, par
exemple, de celle qu'avait adoptée, pour le festin d'Héraclès, le Peintre
d'Andokidès sur les deux faces de l'amphore « bilingue » du musée de
Munich55. Il est permis de parler de véritables homonymes, chacune des
images, la grecque comme la lycienne, conservant son caractère spécifique.
Est-il besoin de rappeler que le monde étrusque a connu, lui aussi, l'influence
dominante des céramiques grecques 56?
C'est une pénétration culturelle du même ordre que l'on serait tenté
d'imaginer dans le cas de notre doublet italiote, pénétration qui serait
d'autant plus naturelle que des artistes athéniens avaient très probable
ment émigré en Grande Grèce vers le milieu du Ve siècle 57. Un cratère
52 Cf. Tischbein, Coll. of engravings, IV, pi. 25; Tillyard, Hope vases, n° 305, pi. 41;
Trendall, LCS, p. 262/237 et pi. 104/1 et 2.
33 Cf. L'Antiquité classique, 40, 1971, p. 521.
54 Voir en particulier Mellink, A JA, 77, 1973, p. 297 sq., pl. 44.
55 Inv. 2301; cf. FR, pl. 4; Pfuhl, fig. 315; Lullies et Hirmer, Griech. Vasen d. reifarch.
Zeit, pi. 1-7; CVA, 4, pi. 155/1 et 2; ARV2, p. 4/9.
56 Je me rallierai sans réserve à la thèse défendue par Camporeale d'une tradition figurée
indépendante de la tradition littéraire (La Parola del Passato, 19, 1964, p. 428 sq.; Studi
etruschi, 26, 1958, p. 3 sq.; 36, 1968, p. 21 sq.; 37, 1969, p. 59 sq.; Studi Luisa Banti,
p. Ill sq., p. 262 sq., 302 sq.
57 Cf. Trendall, LCS, p. 3.
636 HENRI METZGER
58
59 Cf. Trendall,
Tillyard, Hope
ibid., vases,
p. 14/1;
p. 99.pi. 1/1 et 2.
60 Cf. Furtwängler, Vasensammlung Berlin, p. 756.
CRÉATION CONSCIENTE OU IMAGE GREFFÉE? 637
1 Nous renvoyons en particulier à la thèse d'E. Tiffou, Essai sur la pensée morale de
Salluste à la lumière de ses prologues, Paris, 1974, où l'on trouvera une bibl. développée.
2 Certes, on a analysé de manière détaillée la technique des discours ou la composition
(v. en particulier les nombreuses indications de K. Buechner). Mais on n'a pas étudié dans
cette rhétorique la médiatrice de la philosophie.
642 ALAIN MICHEL
3 Sur Denys, v. par exemple les travaux de P. Costil; G. Kennedy, The Art of Rhetoric
in the Roman World, p. 342 sqq. (bibl).
644 ALAIN MICHEL
Thucydide: c'est elle que l'auteur étudie d'abord. Elle se distingue par la
recherche de la noblesse dans les figures, par la défiance à l'égard du style
périodique (il faut affecter une négligence antique qui laisse à l'esprit un
certain champ de liberté), par le goût des rencontres de sons, entre con
sonnes et même entre voyelles.
Nous avons décrit cette doctrine avec un certain détail parce que nous
voulions faire apparaître ses sources idéologiques. Elle se situe dans une
tradition littéraire et philosophique où l'on voit intervenir d'une part les
Péripatéticiens (souci de la mesure, du naturel et de la convenance qui leur
est liée), et aussi l'influence de la poésie tragique et celle des sophistes. Or,
ayant établi cela, nous pouvons maintenant, de manière très aisée, faire un
rapprochement avec Salluste.
Nous savons que celui-ci prétend imiter Thucydide. Dès lors, nous avons
à nous demander ce qu'il veut imiter dans ce modèle. La chose ne va pas
de soi. L'histoire de l'art ou de la littérature nous apprend que des époques
différentes ou des hommes divers ne trouvent pas dans les mêmes exemples
la même inspiration. Il est donc utile de savoir ce que les contemporains
de Salluste trouvaient d'original chez Thucydide. Les œuvres de Cicéron et
de Denys nous l'enseignent: Salluste connaissait bien le premier; le second
atteste l'existence d'une tradition de critique littéraire, à dominante péri
patéticienne, qui lui est certainement antérieure, que Cicéron connaissait
aussi et que notre historien n'a guère pu ignorer, alors même qu'il s'y
opposait.
Dès lors, nous pouvons comparer les textes de Salluste non pas direct
ementavec Thucydide mais avec l'idée que Denys nous en propose. Si nous
apercevons des concordances, il y aura de fortes chances qu'elles ne soient
pas dues au hasard. De fait, il apparaît tout de suite de manière très claire,
et sans qu'on ait besoin d'entrer dans le détail, que le style de notre histo
rien répond largement au modèle de 1'« harmonie austère»: défiance à
l'égard du discours périodique, recherche de l'archaïsme qui va jusqu'à
l'affectation, tension vers une certaine noblesse mêlée à la simplicité, goût
de la rupture et parfois de l'asyndète, rencontres de voyelles relativement
fréquentes, volonté d'élévation « poétique »: ce n'est point un hasard si
Salluste recourt volontiers à la clausule héroïque ou à des accumulations
de longues et de brèves à la fin de ses membres de phrases. Tout cela
répond à l'image qu'il se fait de Thucydide ou, plus largement, d'un certain
style austère.
Si nous cherchons un exemple précis, nous le trouverons par exemple
dans le Jugurtha, 85, 31. Il s'agit du discours de Marius. Jusqu'à 38, en
dix-sept lignes, nous trouvons vingt-six verbes, pour quinze propositions
ENTRE THUCYDIDE ET PLATON 645
4 Nous laissons ici de côté les rapprochements avec les rhetores latini etc.
646 ALAIN MICHEL
réunit ainsi et combine tous les types d'éloquence qu'on trouve dans le
Jugurtha. Comme le tribun Memmius, il use de Veloquentia popularis et
parle au peuple pour en stimuler l'activité; comme Sylla (que nous enten
drons s'exprimer à la fin du livre), il manifeste à la fois le courage et la
sobriété du véritable imperator. De ce fait, il égale le dynamisme de Jugurtha.
En revanche, il ne se laisse aucune occasion de tomber dans le pathétique
et on se rend compte que la miseratio n'est pas son fort; c'est dans la
bouche d'Adherbal, en 14, que cette forme d'éloquence se manifeste.
A partir de ces quelques suggestions, que nous limitons au Jugurtha,
nous pouvons vraisemblablement situer Salluste parmi ses contemporains.
Nous voyons comment il se sépare de Cicéron: il n'aime guère les misera-
tiones, il ne veut pas avoir à demander pitié. Cependant, il lui arrive de
rejoindre, comme l'Arpinate, la tradition démosthénienne: c'est lorsqu'il fait
parler des tribuns ou des chefs populaires, qui appellent le peuple à éviter
toute mollesse, toute passivité. En tant que populaire épris d'action, Salluste
est proche de César. Mais, précisément, ce n'est pas ce dernier qu'il imite,
ou du moins pas lui seul. Le Catilina vient ici confirmer nos observations:
Caton aussi est éloquent, et il semble bien que Salluste a voulu combiner
les deux types d'éloquence qu'il a présentés dans le texte célèbre (50 sqq.).
C'est pourquoi, cherchant un modèle littéraire, il s'adresse à Thucydide
plutôt qu'à Xénophon: il ne veut pas sacrifier la grandeur d'âme à la clarté
ou à l'élégance; il se tient à mi-chemin entre Démosthène et Xénophon,
entre Cicéron et César.
5 Cf. Tiffou, op. cit. En particulier, nous ne reviendrons pas sur ses excellentes remarques
relatives aux Histoires. Nous nous en tiendrons ici aux textes de Salluste qui nous sont parvenus
complets. De même, d'une manière générale, nous éviterons de parler des Lettres à César.
6 Cf. Tiffou, chap. VI et VII (en ce qui concerne Thucydide, on trouvera chez lui la
comparaison de prologue à prologues, p. 27 sqq.; nous ne nous occupons ici que du style).
7 Cf. Tiffou, p. 207 sqq., qui se réfère à: F. Egermann, Die Proömien zu den Werken des
Sallust, Sitzungsberichte der Akad. der Wiss., Wien, CCXIV, 3, 1932, et à: Κ. Vretska, Sallusts
Selbstbekenntnis (Bell. Cat. 3, 3-4, 2), Eranos, LUI, 1955, p. 41 sq. Le premier établit le rappro-
648 ALAIN MICHEL
chement dont nous faisons état ici, le second insiste sur les différences entre les deux textes,
qui sont bien évidentes, mais qui, à nos yeux, ne doivent pas dissimuler le fait fondamental
que cette référence implique: il ne s'agit pas ici d'une confession portant sur les fautes généra
lement reprochées à Salluste (concussion etc.). Pour notre étude citée plus haut, cf. note suiv.
ENTRE THUCYDIDE ET PLATON 649
8 Sur tout ceci, cf. pour plus de détail notre article: Entre Cicéron et Tacite: aspects
idéologiques du Catilina de Salluste, Acta classica Universitatis scientiarum Debreceniensis,
V, 1969, p. 83-92. Sur le tyran, cf. République, VIII, 565 e sq (v. Egermann, p. 47).
650 ALAIN MICHEL
9 Cf. Rev. des études latines, 44, 1966, p. 237 sqq. En ce qui concerne les intermédiaires,
je laisse complètement de côté dans cet article les problèmes relatifs aux influences stoïciennes
(Posidonius etc.).
ENTRE THUCYDIDE ET PLATON 651
10 Sur ce texte et le passage du Ménexène que nous citons ensuite, cf. notre communicat
ion: Cyrus et Périclès: impérialisme et principat chez Cicéron et quelques autres, dans L'idéo
logiede l'impérialisme romain, colloque de Dijon, les 18 et 19 octobre 1972, Paris, 1974, p. 8 sqq.
652 ALAIN MICHEL
Cela nous inspirera nos ultimes remarques. Car enfin, il s'agit de morale.
Or, sur ce point, est-il si facile de juxtaposer Thucydide et Platon? Certes,
le Ménexène se rapproche de YOraison funèbre. Cependant, la morale du
Gorgias ne semble pas coïncider toujours avec celle qui s'exprime par
exemple dans le dialogue des Athéniens et des Méliens. Du côté de Thucyd
ide,on trouve un pessimisme historique assez marqué, qu'inspirent les
passions humaines et la puissance de la fortune. On a l'impression d'assister
chez lui au règne du hasard, de la force ou de la nécessité, exploités tantôt
par l'intelligence des hommes et tantôt par leur sottise. Chez Platon demeure
un grand espoir dans le triomphe de la philosophie et dans le succès de la
justice. Il est vrai que les choses ne sont pas si simples: Platon a écrit,
dans sa lettre VII, les lignes tristes que nous avons citées; Thucydide semble
avoir distingué très nettement la fatalité impérialiste qui entraîne les Athé
niens à détruire Mélos et la lucidité pieuse et sage qui permet à Périclès
de protéger sa cité. La rencontre des deux écrivains tient dans cette nuance:
comment le réalisme peut-il éviter de tourner au cynisme, comment la
conscience que nous prenons du pouvoir des vices peut-elle nous dispenser
du désir de les imiter?
Toute l'œuvre de Salluste tend à suggérer l'importance de cette question
et à lui donner une réponse qui puisse convenir à la fois à Thucydide et
à Platon.
D'abord, il reconnaît en diverses occasions que la cruauté, la violence
peuvent être utiles. Par exemple, Marius prend Capsa par ruse et la détruit
(91,7): Id facinus contra ius belli, non auaritia neque scelere consults
admissum, sed quia locus Iugurthae opportunus, nobis aditu difficilis,
genus hominum mobile, infidum, ante neque beneficio neque metu coerci-
tum. Je laisse à Salluste la responsabilité de ce petit dialogue qu'il esquisse
d'une manière si brève mais si méthodique avec des gens qui ressemblent
un peu aux Méliens. Lui aussi admet qu'on peut violer le droit; il précise
à quelles conditions: il faut surveiller ses motifs et s'assurer que Vauaritia
ne figure point parmi eux; on ne commet pas de crime (non scelere), dès
lors qu'on se trouve obligé par les circonstances matérielles et les passions
ou les habitudes des peuples, qui interdisent de leur faire confiance. Dès ce
texte, nous voyons s'ébaucher une sorte de compromis entre le réalisme et
la vertu. Cela plairait peut-être à Machiavel, mais irait-il jusqu'à partager
qui ne doit être ni prédateur et nourri par Vauaritia, ni dépourvu de mesure et fondé sur le
désir infini de l'agrandissement. Platon redoutait l'excès de grandeur pour les états; il détestait
l'esprit de lucre. Naturellement, nous ne prétendons pas que tout vient de Platon. Mais celui-ci
a pu contribuer à confirmer Salluste dans ces idées; cela peut nous encourager dans cette
interprétation de sa pensée.
ENTRE THUCYDIDE ET PLATON 655
1 Josephus, as is well known, did not use chapters 14-16, but this does not justify S. Zeitlin's
theory that chapters 14-16 "do not belong to this book, but were written later, perhaps as part
of another book" (The First Book of Maccabees, 1950, p. 32). Whether Josephus used /
Maccabees indirectly, through an anti-Samaritan source, as suggested by B. Motzo, Saggi di
storia e letteratura giudeo-ellenistica, Firenze 1925, 207-214, is another question. See H. W.
Ettelson, "The Integrity of I Maccabees", Trans. Connecticut Acad. 27, 1925, 249-384.
2 About the Hebrew title the latest paper so far is J. A. Goldstein, Haw. Theol. Rev.
68, 1975, 53-57.
3 Against A. Schweizer, Untersuchungen über die Reste eines hebräischen Textes vom
ersten Makkabäerbuch, Berlin 1901 see I. Levi, Rev. Étud. Juives 43, 1901, 215-221; C. Torrey,
Journ. Bibl. Lit. 22, 1903, 51-59. According to D. Flusser the so-called Josippon composed by
a Southern Italian Jew in the tenth century used a Latin translation of /-// Maccabees: Encycl.
Judaica, s.v. Josippon (1971). The whole matter of the Jewish medieval tradition about the
Maccabees deserves new investigation (I gave an outline in Prime linee di storia della tradi
zione maccabaica, Torino 1931, reprint Amsterdam 1968, 48-65; 129-139). I shall here call
attention to one point only. The Megillath Antiochos ('Antiochus' Scroll') - on which see
658 ARNALDO MOMIGLIANO
2nd ed. 1956) and A. S. Hartom (1958) are intended to render the book
accessible to Hebrew readers and do not claim to be reconstructions of the
original text.
Consequently nobody has so far rigorously distinguished between what
is Hebrew and what is Greek in / Maccabees. The most recent scientific
contribution in this direction known to me is Günter Ο. Neuhaus, Studien
zu den poetischen Stücken im I. Makkabäerbuch (Würzburg 1973), which
is a retranslation of, and commentary on, the poetic passages in the book.
The poetic passages are a good example of the questions involved in the
convergence of the two historiographie traditions. / Maccabees contains a
series of passages which even in the Greek translation reveal all the peculiari
ties of Hebrew poetical style, including the best known, parallelismus
membrorum. Sudden transition from prose to poetry can be found in other
biblical texts. The nearest in time is Ecclesiasticus. But verse is mixed
with prose also in Seneca's Apocolocyntosis, Petronius' Satyricon, Ps.-Cal-
listhenes' Life of Alexander (III cent. A. D.?), and the Historia Apollonii
Regis Tyri (V cent.?). A recent addition to the Greco-Latin series is Pap.
Oxyrh. XLII, 3010 (II cent. A. D.). We know very little about the origins
and conventions of this mixed form4.
Another example of such questions is the introduction of documents.
Documents are to be found in both biblical and Greek historiography. But
at least the exchange of letters with the Spartans in / Maccabees seems
to be dictated by Hellenistic conventions: it is meant to establish a genealogical
relation between two nations5.
Finally, the excursus about the Romans in ch. 8, though formulated
in good Hebrew terminology, is an encomium for which Hellenistic literature
provides the ingredients and the contours. The Bible contains implicit or
M. Z. Kaddari, The Aramic Antiochus Scroll, Bar Ilan Annuals I-II, 1963-4 - connects
Antiochus Epiphanes and his general Bagris (= Bacchides) with the names of Antiochia and its
outpost Pagrae (Strabo 16, 2, 8). This seems to reflect Antiochene Jewish lore, that is to point
to an Antiochene origin of the Antiochus Scroll. Antiochia was the centre of the Christian
cult of the " Maccabean " Brothers (E. Bickerman, Byzantion 21, 1951, 63-83). Does the scroll
represent the Jewish answer?
4 P. Parsons, Bull Inst. Class. Studies 18, 1971, 53-68; R. Merkelbach, Zeitschr. Papyr.
Epigr. 11, 1973, 81-127. In general F. Dornseiff, Antike und Alter Orient, Leipzig 1956, 244;
R. Merkelbach, Roman und Mysterium, Berlin 1962, 323-324; M. Hengel, Judentum und
Hellenismus, 2nd ed., Tübingen 1973, 154.
5 E. Bickerman, Sur une inscription grecque de Sidon, Mél. Syriens R. Dussaud I,
Paris 1939, 91-99.
THE DATE OF THE FIRST BOOK OF MACCABEES 659
explicit descriptions of cities and states, such as the lamentation over Tyre
in Ezechiel or the curious description of Ecbatana in Judith, but each of
the compliments to Rome in / Mace. 8 has a parallel in Greco-Latin
historiography. Thus the attitude to her allies (Polyb. 24, 10, 11), the dislike
of monarchy (Polyb. 10, 40), the internal concord (Dionys. 7, 66, 4-5 with
reference to patricians and plebeians), not to speak of the interest in natural
resources or mines (Aristeas 119; Plin. n.h. 3, 138) 6. Similarly, the treatment
of Corinth (and Carthage) is registered in a comparable tone in Diod. 32, 4, 5 7.
There is, however, no indication of a written source. Indeed the
mistakes in the description (the Senate meeting every day, the yearly one-man
rule, Antiochus III taken prisoner by the Romans, the Romans giving to King
Eumenes of Pergamum " the country of India, Media and Lydia and parts
of the best lands of King Antiochus ") presuppose accounts by badly informed
travellers. The character of the whole chapter is that of a distant acquaintance
with the Roman State. The author does not deceive when he reports about
the "fame of the Romans". The question is only whether what he repre
sents is the state of knowledge of Judas Maccabaeus and his companions
about 161 B.C. or rather a reflection of his own knowledge some decades
later. There are clear indications that the latter alternative is the correct one.
First, the author himself says in v. 10 that the enslavement of the
Greeks (or part of them) lasts " to this day ", that is, to the time in which
the book was written. Secondly, the whole of vv. 9-10 makes sense only
if they are taken to refer to the defeat of the Achaean League and the
destruction of Corinth in 146 B.C.
II
We may therefore ask whether there are any pointers to the time in
which the author wrote ch. 8, as the chapter itself contains anachronisms
in relation to the situation of 161 B.C. I would suggest that the whole
atmosphere of the chapter is that of the years c. 146-130. If the author
6 W. Gernentz, Laudes Romae, diss. Rostock 1918; E. M. Sanford, Am. Journ. Philol.
58, 1937, 437-456; B. Forte, Rome and the Romans as the Greeks saw Them, Rome 1972;
J. Touloumakos, Zum Geschichtsbewusstsein der Griechen in der Zeit der römischen Herrs
chaft, Göttingen 1971. But the essential is in H. Fuchs, Der geistige Widerstand gegen Rom
in der antiken Welt, Berlin 1938. On the "topos" of mines, my Quarto Contributo, Roma
1969, 514.
7 On this J. Touloumakos quoted (n. 6), p. 28 n. 22.
660 ARNALDO MOMIGLIANO
8 Cf. L. Garcia Iglesias, "Los Judios en la Espana Romana", Hispania Antiqua 3, 1973,
338 and bibl. there quoted. More in general J. M. Blazquez, "Fuentes literarias griegas y
romanas referentes a las explotaciones mineras de la Hispania Romana" in La Mineria Hispana
e Ih ero americana I, Leon 1970, 117-150. The Jews of course were to learn better. Cf. the
curious passage on the dual government in Rome in Genesis Rabbah 49, 9, translated by
M. Hadas in "Roman Allusions in Rabbinic Literature", Philol. Quart. 8, 1929, 369-387, which
seems to be suggested by somebody's reflections on the Roman Republic (S. Krauss, Monu
menta Talmudica V, 1, Wien, 1914, p. 10 η. 18).
9 Cf. E. Rawson, Journ. Rom. St. 65, 1975, 150-159. [See now M. Sordi, Storiografia e
propaganda, Milano 1975 (but 1976), 95-104. I am not convinced by her terminus ante quern
of 152 B.C. for ch. 8].
THE DATE OF THE FIRST BOOK OF MACCABEES 661
Une enquête totale sur la jeunesse romaine devrait s'engager dans des
directions très diverses, et s'intéresser par exemple aux institutions politiques
comme aux composantes religieuses, à l'éducation comme aux rites de passage,
Nous serions tenté d'évoquer cet aspect par prétention. Si toutes les
périodes de la littérature latine, des adulescentes de Plaute jusqu'à l'exalta
tion juvénile de saint Augustin, se prêtent à une étude psychologique, morale
ou politique de la jeunesse romaine, l'époque de Catilina, de la Correspon
dance de Cicéron, des poetae noui est manifestement cruciale à cet égard.
Le « mal du siècle » de ces jeunes gens, ou leur arrivisme, ont longtemps
constitué, et constituent encore, les thèmes de prédilection d'une certaine
forme de l'histoire littéraire, et souvent de l'histoire tout court. Ils ont donné
lieu à des observations pénétrantes, justes et stimulantes. Toutefois, nous ne
pensons pas que l'on puisse parvenir à une compréhension spécifique de la
jeunesse romaine en se contentant de poser ses pas dans ceux de Gaston
Boissier5. Affirmer, après s'être interrogé sur les causes du comportement
de la jeunesse au siècle de César, que « tous ces jeunes gens étaient simple
mentfous d'amour et de poésie », ajouter « qu'il n'y a pas, en définitive,
de bien grandes différences entre cette jeunesse du siècle de César et la
jeunesse de tous les temps » 6, c'est tenir sur ce qu'il est convenu d'appeler la
jeunesse éternelle, considérée du reste exclusivement sous ses dehors « révo-
5 Voir notamment Caelius et la jeunesse romaine au temps de César, dans Revue des
Deux-Mondes, 1864, p. 41-74; Cicéron et ses amis, Paris, 1865.
6 J. Granarolo, La jeunesse au siècle de César d'après Catulle et Cicéron, dans Actes du
Congrès de l'Association Guillaume Budé (Lyon, 1958), Paris, 1960, p. 494 et 515.
666 JEAN-PAUL MOREL
II - INSTITUTIONS
campagne ou rejetés par le système scolaire, ces déshérités végétaient au jour le jour ... Ils
revendiquaient leur filiation paysanne . . . On les mit en garde contre les manipulateurs qui
cherchaient à se servir d'eux comme templin pour leurs ambitions personnelles »; ils fondèrent
le parti des «Jeunes gens sans travail de Madagascar», etc. - Quant à la Chine de 1970, à
propos des « formations illégales et ultra-gauchistes de jeunes et de gardes rouges » qui « ont
surgi à Pékin et dans d'autres grandes villes chinoises après le retour de la masse des jeunes
qui ont quitté les zones rurales sans autorisation», l'agence Tass, selon Le Monde, affirme que
« tout au début de la révolution culturelle, les maoïstes se sont servi de la jeunesse en tant que
force de choc».
11 CatiL, II, 4, 8. - Intéressantes remarques sur l'attitude politique de Catilina, César et
Cicéron envers les jeunes gens dans W. Allen, Jr., On the importance of young men in Cicero
nianpolitics, dans CJ, XXXIII, 1937, p. 357-359.
12 Dans les textes que nous avons cités précédemment, l'opposition ville-campagne est
fortement marquée, aussi bien chez Salluste (urbanum otium Φ in agris) que dans les documents
contemporains («centres urbains » Φ « venus de la campagne», «filiation paysanne»; «grandes
villes» Φ «zones rurales»). Cette opposition comporte aussi à Rome des implications littéraires,
que nous avons tenté de signaler (J.-P. Morel, ha «iuuentus» et les origines du théâtre romain
(Tite-Live, VII, 2; Valére Maxime, Π, 4, 4), dans REL, XLVII, 1969 [1970], p. 230-231), et des
implications cultuelles, sur lesquelles cf. C. Gallini, Protesta e integrazione nella Roma antica,
Bari, 1970, p. 30-31.
13 Etude sur le principe d'ancienneté, op. cit., p. 125-126.
668 JEAN-PAUL MOREL
ment les cursus sénatoriaux, on voit une division en deux classes d'âge
- iuniores et seniores - structurer, selon des modalités qui, il faut bien le
reconnaître, nous échappent le plus souvent, toute une série d'assemblées,
de magistratures ou d'institutions centrales ou municipales - Sénat peut-
être 14, equitatus 15, sévirat 16, turmae 17, curies 18, tribus 19 - et, d'abord et
surtout, les centuries. A propos de ces dernières, Mommsen, tout en affirmant
l'origine purement militaire de cette division, a reconnu qu'elle avait aussi,
en fin de compte, des implications politiques, puisqu'elle conférait aux voix
des plus âgés une prépondérance de fait20: exemple typique de l'ambiguïté
de Rome, où fonctions primitives et rôles politiques se juxtaposent, puis se
superposent, les seconds tendant de plus en plus à supplanter les premières
sans toutefois en effacer complètement le souvenir.
Trois institutions sont particulièrement représentatives de cette ambig
uïté, qui ne résulte pas uniquement des lacunes de notre information: les
collegia iuuenum, le principat de la jeunesse, le lusus Troiae.
Les collegia iuuenum, ou les divers groupements analogues, résument
en eux les paradoxes des institutions officielles consacrées à la jeunesse:
ces associations sont abondamment attestées par des textes et surtout par
des inscriptions, et ont été - une fois n'est pas coutume - attentivement
étudiées; mais elles n'en restent pas moins fort mal connues. L'abondante
littérature qui leur est consacrée21 fait ressortir non seulement la perplexité
«bellum aquileiense» (238 ap. J.-C), dans Historia, XIX, 1970, 2, p. 232-258; et surtout les
nombreux travaux de M. Jaczynowska, et notamment Collegia iuuenum; le rôle et l'activité
des associations de la jeunesse romaine au temps du Haut Empire (en polonais avec un résumé
en français), Torun, 1964 (avec un catalogue de 201 inscriptions); L'organisation des iuvenes à
Trebula Mutuesca, dans Eos, 57, 1967-1968, 2, p. 296-306; Les collegia iuuenum et leurs
liaisons avec les cultes religieux au temps du Haut Empire romain, dans Zeszyty Naukowe,
Nauki Humanistyczno-spoleczne Zeszyt 32, Historia IV, Torun, 1968. p. 23-42; L'organisation
intérieure des « collegia iuvenum » au temps du Haut-Empire romain, dans Gesellschaft und
Recht im griechisch-römischen Altertum, Teil 2, Berlin, 1969, p. 95-119; Les organisations des
iuvenes et l'aristocratie municipale au temps de l'Empire romain, dans Recherches sur les
structures sociales dans l'Antiquité classique, Paris, 1970, p. 265-274.
22 S. L. Mohler, The iuuenes and the Roman education, dans TPAPhA, LXVIII, 1937,
p. 442-479.
23 C. Jullian, s.v. Juvenes, Juventus, dans Diet, des Ant. (1900); M. Rostowzew, Pinnirapus
iuvenum, dans MDAI(R), XV, 1900, p. 223-228; M. Della Corte, Iuventus, Arpino, 1924, p. 11;
Id., La iuventus e l'organizzazione della gioventù, dans Atti del V Congr. Naz. di Studi Romani,
II, Rome, 1940, p. 350-356.
24 C. Jullian, art. cité, p. 784; M. Della Corte, Iuventus, op. cit., p. 16; L. Leschi, les
«Juvenes» de Saldae d'après une inscription métrique, dans Etudes d'épigraphie, d'archéologie
et d'histoire africaines, Paris, 1957, p. 349-360 (réimpr. de Rev. Ap.,. LXVIII, n. 333, 1927,
p. 393-419); G. Picard, Mactar, dans Bull. écon. et social de la Tunisie, n. 90, juillet 1954,
p. 18; Id., La civilisation de l'Afrique romaine, Paris, 1959, p. 36.
25 A. Galieti, Intorno al culto di «Iuno Sispita Mater Regina» in Lanuvium, dans BCAR,
XLIV, 1916, p. 9; L. Leschi, art. cité, p. 360; A. Marzullo, II «collegium juvenum» e le bene
merenze dei Tulli a Paestum, dans Atti del III Congr. Naz. di Studi Romani, Bologne, 1934,
p. 601; E. Magaldi, Lucania romana, I, Rome, 1948, p. 251-253; M. Jaczynowska, Collegia
iuvenum, op. cit., p. 87; H. W. Pleket, art. cité, p. 286 et 291.
26 L. Mariani, dans NSA, 1897, p. 419-420; C. Jullian, art. cité, p. 783; M. Rostowzew,
Römische Bleitesserae, Leipzig, 1905, p. 68-71; A. Galieti, art. cité, p. 9; G. Charles-Picard,
Civitas Mactaritana, op. cit., p. 79; M. Jaczynowska, ibid.
27 R. Egger, Eine Darstellung des Lusus Juvenalis, dans JÖAI, XVIII, 1915, p. 115-129;
G. C. Susini, Nuove prospettive storiche: a proposito di alcune scoperte romane in Emilia,
dans Atti del III Congr. Intern, di Epigr. greca e latina (Roma, 1957), Rome, 1959, p. 324.
670 JEAN-PAUL MOREL
28 H. Demoulin, Les collegia juvenum dans l'Empire romain, dans Musée belge, I, 1897,
p. 114-136 et p. 200-217; C. Jullian, art. cité, p. 782; G.-Charles Picard, Civitas Mactaritana, op. cit.,
p. 133; H.W. Pieket, art. cité, p. 286.
29 M. Della Corte, Juventus, op. cit., p. 23-27; C. Nicolet, Appius Claudius et le double
Forum de Capoue, dans Latomus, XX, 1961, 4, p. 707.
30 G. Picard, Mactar, art. cité, p. 18; Id., Civitas Mactaritana, op. cit., p. 88 et 144.
31 H. G. Pflaum, essai sur le Cursus Publicus sous le Haut-Empire romain, dans Mémoires
présentés par divers savants à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de l'Institut de
France, t. XIV, lère partie, Paris, 1940, p. 214 sq.
32 Sur ce problème, cf. M. Torelli, Trebula Mutuesca. Iscrizioni corrette ed inedite, dans
Rend. Lincei, s. 8, XVIII, 1963, 3-4, p. 240-241; M. Jaczynowska, L'organisation des iuvenes à
Trebula Mutuesca, art. cité.
33 Cf. G. Devoto, Gli antichi Italici, 3e éd., Florence, 1967, p. 223.
34 Cf. A. Passerini, II territorio insubre nell'età romana, dans Storia di Milano, I, Le
origini e l'età romana, Milan, 1953, p. 166; E. Sereni, Comunità rurali nell'Italia antica, Rome,
1955, p. 210-214.
35 C'est ce que réaffirme en dernier lieu G. Devoto, Tre aspetti della romanità arcaica,
dans Riv. Stor. Italiana, LXXX, 1968, 3, p. 661-662, en insistant sur l'importance des classes
d'âge dans la tradition italique qu'il oppose sous ce rapport, de façon sans doute excessive,
à la «romanité», où l'aurait emporté, au lieu de «la distinction entre anciens et jeunes» mainte
nue chez les Italiques, «la lutte de classes entre patriciens et plébéiens».
SUR QUELQUES ASPECTS DE LA JEUNESSE À ROME 671
II reste que ces collèges, dont la nature et les fonctions ont été si
ardemment débattues, semblent n'avoir joué dans le monde romain qu'un
rôle somme toute très secondaire. C'est à notre sens le type même de sujet
qui, compte tenu de son importance réelle, a excessivement détourné l'atten
tiondes historiens de Rome de recherches touchant à des aspects plus
fondamentaux.
Les principes iuuentutis poseraient des problèmes tout à fait analo
gues36. Là aussi, il s'agit d'une institution amplement attestée par la littéra
tureet par l'épigraphie d'époque impériale; là aussi, il s'agit d'un titre dont
la signification exacte, dont les conditions d'attribution, dont la date de créa
tion sont loin d'avoir été complètement élucidées; là aussi il s'agit d'une
fonction dont les racines plongent de toute évidence dans un passé très
lointain, où elle avait sans doute une autre nature, plus spontanée, et une
autre extension, puisqu'elle concernait non pas un individu, ou quelques
individus, mais tout un groupe prééminent au sein de la iuuentus. Cela, les
textes antiques nous le laissent entrevoir37; mais ils ne nous aident guère,
après avoir éveillé notre curiosité, à pousser l'enquête plus avant.
Le lusus troiae offre un autre exemple de coutume moribonde ressusci-
tée par un pouvoir fort. Ce très ancien et très mystérieux carrousel de la
jeunesse, derrière lequel on entrevoit des lointains d'un archaïsme et d'une
continuité passionnants, fut repris par Sylla38, puis par César39, puis par
Auguste40 pour la propagande de leur régime et l'exaltation de la race et
41 Sur le lusus troiae, voir surtout H. von Petrikovits, Troiae lusus, dans Klio, XXXII,
1939, p. 209-220; L. Herrmann, Remarques sur le ludus Troiae, dans RBPhH, XVIII, 1939,
2-3, p. 487-492 (qui insiste sur le caractère politique que ce «jeu» prit à partir de l'époque
de Sylla). Sur l'«étymologie complaisante» qui sous Auguste permit de conforter la légende
des origines troyennes de Rome, cf. J. Heurgon, La vie quotidienne chez les Etrusques, Paris,
1961, p. 249-251.
42 Voir par exemple H. Jeanmaire, Couroi et Courètes, Lille, 1939, p. 443: «il est probable
qu'[en Crète], comme à Athènes, les rites auxquels avait participé autrefois toute la jeunesse
s'étaient restreints au cercle de quelques familles».
43 Une étape intermédiaire semble être distinguée par P. Vidal-Naquet lorsqu'il évoque les
«sociétés secrètes», «petits groupes accomplissant une tâche d'intérêt public et pour lesquels un
degré particulier d'initiation est prévu » (Les jeunes: le cru, l'enfant grec et le cuit, dans Faire
de l'histoire, sous la direction de J. Le Goff et P. Nora, III, Paris, 1974, p. 155): on pense par
exemple, pour Rome, aux Luperques.
44 Voir notamment P. L. Lambrechts, Het begrip «jeugd» in de politieke en godsdienstige
hervormingen van Augustus, dans Ant Class., XVII, 1948, p. 355-371.
SUR QUELQUES ASPECTS DE LA JEUNESSE À ROME 673
Virtus (cette dernière absente sur la gemme, mais restituée par Curtius sur
un original supposé) 45.
Exemple privilégié, mais non pas isolé. Ainsi, quelques décennies aupa
ravant, d'anciens compagnons de César, conduits par P. Sittius, avaient
fondé en Numidie la Colonia Iulia Iuuenalis Honoris et Virtutis Cirta,
dont le nom étonnant exaltait manifestement l'idéologie de la jeunesse,
particulièrement ancrée, semble-t-il, dans les milieux campaniens (ou, mieux,
pompéiens et nucériens) dont Sittius était originaire46. On peut observer ici
une étape intermédiaire du gauchissement progressif des institutions se
rapportant à la jeunesse, étape au cours de laquelle l'utilisation de symboles
de la classe d'âge des jeunes, idéologique déjà, mais encore relativement
spontanée, est encore le fait d'un groupe marginal47, et non pas déjà celui
du pouvoir central.
Tous les exemples invoqués invitent donc à chercher, derrière la façade
officielle et artificielle qu'à nos yeux présentent souvent ces institutions à
partir du dernier siècle de la République, les manifestations plus spontanées
de la jeunesse en tant que groupe d'âge, dans une Rome plus archaïque
ou, serait-on tenté de dire, plus primitive.
45 Cf. L. Curtius, Neue Erklärung des grossen Panser Carneo mit der Familie des Tiberius,
dans MDAI(R), XLIX, 1934, p. 119-156. D'autres interprétations sont proposées notamment
par J.P.V.D. Baldson, art. cité; et par J. Charbonneaux, Le Grand Camée de France, dans
Mélanges Charles Picard (= RA, 1948), p. 170-186, qui insiste beaucoup, lui aussi, sur les
éléments qui dans ce relief se rapportent à la jeunesse.
46 Cf. J. Heurgon, Les origines campaniennes de la confédération cirtéenne, dans Libyca,
V, 1957, 1, p. 7-24, et notamment p. 20: «...Iuuenalis, parce que Sittius avait donné à ses
bandes l'allure et les mots d'ordre de ces associations de iuuenes qui, avant d'être encouragées
à Rome par Auguste, étaient nées et s'étaient développées dans tout le monde osque, notamment
à Pompéi». A. Berthier, Colonia Cirta Sittianorum, dans Recueil de notices et mémoires...
de Constantine, LXX, 1957-1959, p. 91-118, préférerait attribuer cette fondation à Auguste
(l'idéologie serait alors la même, mais elle s'insérerait dans l'ensemble de la propagande augus-
téenne); les arguments développés par J. Heurgon à l'appui d'une fondation unitaire, et d'une
ascendance campanienne, des quatre colonies de la Confédération cirtéenne, nous paraissent
toutefois emporter l'adhésion. Voir aussi, à propos de cette «Nouvelle-Campanie», J. Heurgon,
La lettre de Cicéron à P. Sittius (Ad Fam., V, 17), dans Latomus, IX, 1950, p. 369-377 (p. 369).
47 Sinon même de marginaux: très significativement J. Heurgon décrit P. Sittius comme un
«fuoruscito» (Les origines campaniennes..., art. cité, p. 10). On se rappellera à ce sujet les
réflexions de G. Dumézil sur le mot sodalis « qui désigne le membre d'un petit groupe auto
nome contenu dans la société et qui parfois s'oppose à elle»: la sodalitas «ne s'ajuste pas
complètement à l'ensemble social » (Aspects de la fonction guerrière chez les Indo-Européens,
Paris, 1956, p. 13).
674 JEAN-PAUL MOREL
48 Cf. J. Heurgon, La religion romaine archaïque, dans REL XLIV, 1966 (1967), p. 86-93
(sur les dangers du «primitivisme» impénitent, p. 87-88); P. Vidal-Naquet, Les jeunes: le cru...,
art. cité, p. 161-162.
49 G. Dumézil, Ner- et viro- dans les langues italiques, dans REL, XXXI, 1953 (1954),
p. 175-190.
50 A. Varagnac, Civilisation traditionnelle et genres de vie, Paris, 1948, p. 267, soutient
- non sans exagération - qu'avant l'invention du canon seules les armées romaines ont su
échapper à l'alternative action prodigieuse du héros-action massive des foules armées (mais le
livre I de Tite-Live, comme son livre VII, abondent en exemples d'« actions prodigieuses de
héros»). L. Gerschel, de son côté, oppose la «morale héroïque» du guerrier ou du champion
SUR QUELQUES ASPECTS DE LA JEUNESSE À ROME 675
II faut toutefois reconnaître que les indices d'une Rome à classes d'âge
du type primitif sont épars et peu évidents, et qu'il est aisé de refuser d'en
tenir compte si l'on ne veut voir dans les Romains qu'un peuple de soldats
disciplinés, de politiciens formalistes ou retors et de juristes tatillons. Mais
ces indices s'éclairent s'ils sont examinés à la lumière combinée d'une analyse
interne poussée et d'un comparatisme diversifié.
Idée banale, certes. Mais sa mise en œuvre - et peut-être faut-il parler
ici de nouveauté - devrait être désormais singulièrement facilitée par l'appa
rition récente de nouvelles stimulations, grâce au développement des études
dans d'autres domaines favorisés à cet égard par l'abondance et le caractère
explicite des documents. L'historien de Rome, s'il s'intéresse à ces problèmes,
n'est plus réduit à chercher dans l'ethnologie - qu'elle considère les peuples
« primitifs » 51 ou les coutumes de nos sociétés « traditionnelles » 52 - des
parallèles qui risquent de lui être reprochés comme des amusements, ou de
le laisser sur sa faim, si éclairants, si légitimes qu'ils soient. Les idées, les
confirmations et les explications peuvent être puisées aussi:
- dans le monde grec, qui bénéficie à cet égard d'études bien plus
avancées que le mode romain. Si ce dernier a G. Dumézil et J. Gagé, il n'a
pas eu son Jeanmaire et son Brelich, son Forbes et son Pélékidis, son Vidal-
Naquet et son Détienne53;
54 Voir par exemple G. Duby, Les «jeunes» dans la société aristocratique dans la France
du Nord-Ouest au XIV siècle, dans Annales ESC, 19, 1964, 5, p. 835-846, et Structures de
parenté et noblesse dans la France du Nord aux XIe et XIIe siècles, dans Miscellanea mediaevalia
in memoriam Jan Frederik Niermeyer, Groningue, 1967, p. 149-165 (ces articles sont l'un et
l'autre réédités dans le recueil Hommes et structures du moyen âge, Paris -La Haye, 1973,
p. 213-225 et 267-285). Voir aussi infra, p. 679.
55 Parallèles avec l'Italie fasciste, critique (L. R. Taylor, Seviri equitum Romanorum...,
art. cité) ou élogieux et généralement sans nuances (F. Ribezzo, Studi e scoperte di epigrafia
osco-lucana nell'ultimo decennio, dans Riv. Indo-Gr eco-Germanica, 8, 1924, p. 83 sq.; M. Della
Corte, Iuventus, op. cit., p. 11; Id., NSA, 1939, p. 262; S. Puglisi, Le associazioni giovanili
[= Civiltà Romana, 6], Rome, 1938). Parallèles avec l'Allemagne nazie: P. Wuilleumier, Tarente,
des origines à la conquête romaine, Paris, 1939, p. 184; A. Varagnac, Civilisation traditionnelle...,
op. cit., p. 317; J. Marabini, Les hommes du futur, Paris, 1965, p. 19-20.
56 W. Kula, Alcuni aspetti della collaborazione tra storici ed economisti, dans A. Caraccio-
lo, éd., Problemi storici dell'industrializzazione e dello sviluppo, Urbin, 1965, p. 52-53, cité par
M. Mazza dans son compte rendu de C. Gallini, Protesta e integrazione nella Roma antica,
op. cit., dans Ima, XXII, 1971, p. 179.
SUR QUELQUES ASPECTS DE LA JEUNESSE À ROME 677
65 J.-P. Morel, La « iuuentus » et les origines du théâtre romain, art. cité, p. 208-252.
66 Cf. F. Gaussen, La jeunesse est-elle la dernière chance de la société? dans Le Monde
du 26 mars 1971, citant notamment Th. Roszak, Vers une contre-culture, Paris, 1971 (traduction de
The making of a Counter Culture; reflections on the technocratie society and its youthful
opposition, Londres, 1970). Voir aussi le parallèle établi entre Rome et l'époque contemporaine,
en ce qui concerne entre autres la contre-culture, par M. Lancelot, Le jeune lion dort avec
ses dents, Paris, 1974, p. 119-128.
67 S. Piscitello, dans La Gazzetta del Mezzogiorno du 4 juillet 1975, à propos d'un spectac
le théâtral populaire traditionnellement donné par des amateurs à Sordevolo (Vercelli): «forse
occorrerebbe... dare al Teatro popolare di Sordevolo ed alla sua sacra rappresentazione una
struttura meno dilettantistica [lege hac fabularum a risu ac soluto ioco res auocabatur, dit
Tite-Live en VII, 2] ed una frequenza più riavvicinata [saepiusque usurpando] ... Il rischio
[pollui] di una simile decisione è però quello di far perdere a questa manifestazione il suo
carattere spontaneo e popolare e di « professionalizzare » attori e comparse che vivono, più
che recitare, la loro parte» [ludus in artem paulatim uerterat].
SUR QUELQUES ASPECTS DE LA JEUNESSE À ROME 679
68 Nous nous référons aux articles mentionnés supra, note 54, et surtout à une conférence
sur « Les structures familiales dans la société française aux Xe-XIF siècles » prononcée à l'Ecole
Française de Rome le 25 mars 1970.
69 Cf. J. Gagé, Les traditions des Papirii et quelques-unes des origines de V « equitatus »
romain et latin, dans Rev. Hist, de Droit Franc, et Etr., 4e s., XXXIII, 1955, 1, p. 20-50; Id.,
Matronalia, Bruxelles, 1963, p. 233-235 et 268-269.
70 Le chasseur noir et l'origine de l'éphébie attique, dans Annales ESC, XXIII, 1968, 5,
p. 947-964.
71 P. Vidal-Naquet, Les jeunes: le cru..., art. cité, p. 157.
680 JEAN-PAUL MOREL
72 Tite-Live, V, 2-22.
73 Voir notamment M. Woronoff - F. Fouet, Parallélismes et convergences des structures
initiatiques dans les civilisations de l'Afrique noire et de la Grèce antique, dans Etudes afr
icaines (Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l'Université de Dakar),
4, 1974, p. 19-43; Id., Préliminaires à une étude comparative des initiations (Documents péda
gogiques du Département de langues anciennes, Faculté des Lettres, Université de Dakar),
Dakar, 1975.
74 C'est ainsi que la tentative de Tite-Live est qualifiée par J. Heurgon, Entre la nostalgie
et l'espérance, dans Rome au temps d'Auguste, Paris, 1967, p. 163-189 (p. 172). Pour d'autres
réflexions de J. Heurgon sur la valeur des documents liviens, voir son Introduction à l'édition
de Tite-Live, I (collection Erasme), Paris, 1963, p. 4; son compte rendu de Matronalia de J. Gagé,
dans Gnomon, 1964, p. 284-286 (286); et Rome et la Méditerranée occidentale jusqu'aux
guerres puniques, Paris, 1969, p. 381.
75 J. Heurgon, Entre la nostalgie et l'espérance..., art. cité, p. 172.
76 Tite-Live, V, 15, 7. Sur cet épisode, voir les remarques de J. Hubaux, Rome et Véies,
Paris, 1958, p. 189-190, qui établit en outre un parallèle entre l'opposition iuuenis Romanus-
SUR QUELQUES ASPECTS DE LA JEUNESSE À ROME 681
sode final du siège de Véies, marqué par la licentia juvénile qui amène
un des jeunes Romains, delecti ex omni exercitu iuuenes, désignés pour
transférer à Rome la statue de Junon, à s'adresser à la déesse en des termes
d'une familiarité dont on ne sait si elle est irreverente ou sacrée: Tite-Live,
en tout cas, prend un malin plaisir à nous laisser le choix, ou se fait un
scrupule de trancher (seu spiritu diuino tactus, seu iuuenali ioco), car la
faveur divine pouvait faire des iuuenes, comme des pueri, à coup de plaisant
eriesou d'affirmations aussi innocentes que chargées de sens, des porteurs
à'omina 77. Mais c'est, au-delà du siège de Véies, tout le livre V qu'il faudrait
citer sous ce rapport, depuis la conduite exemplaire de Camille envers les
enfants confiés au maître d'école de Faléries 78 jusqu'au uer sacrum des
Bituriges sous la conduite des impigrì iuuenes Bellovèse et Ségovèse79 (le
projet plébéien d'essaimage à Véies n'est-il pas du reste conçu lui-même
comme un uer sacrum™?); depuis le choix que les Romains font du Sénat
et de la iuuentus militaris lorsqu'il s'agit de sauver l'essentiel à l'approche
des Gaulois81, jusqu'au tranquille héroïsme par lequel C. Fabius Dorsuo,
iuuenis Romanus, egregius adulescens, unit dans l'admiration de son geste
ses concitoyens et ses ennemis 82; il faudrait enfin citer l'apparition de
Juventas83 dans les dernières lignes d'un livre tout entier dominé par la
figure de ce Camille dont le cognomen est à lui seul tout un programme84.
senex infirmus et l'opposition noua urbs-veterrimi populi en V, 54, 5. De son côté, R. M. Ogilvie
observe: « other sources do not distinguish so dramatically the ages of the two characters »
(A commentary on Livy, Books 1-5, Oxford, 1965, p. 662).
77 Sur cet épisode (Tite-Live, V, 22, 4-5), cf. J. Gagé, Apollon romain, Paris, 1955, p. 187;
J.-P. Morel, La «iuuentus» et les origines du théâtre..., art. cité, p. 224-225.
78 Tite-Live, V, 27.
79 Tite-Live, V, 34.
80 Tite-Live, V, 24, 5-8. On y trouve, comme lors du récit de l'émigration gauloise, la notion
d'un trop-plein de population, très explicite ici (abundans multitudo, V, 34, 2; quod abundabant,
V, 34, 5), implicite là (ager Veientanus uberior ampliorque Romano agro); mais il y manque
l'idée d'une «mission sacrée», essentielle dans le uer sacrum (J. Heurgon, Trois études sur le
■ « Ver sacrum », op. cit., p. 5) et que Tite-Live ne manque pas d'évoquer dans le cas des Insubres:
Bellouesum ac Segouesum, sororis filios, impigros iuuenes, missurum se esse in quas dii
dédissent auguriis sedes. On notera, ici encore, une relation iuuenes-auunculus (voir supra, p. 679).
81 Tite-Live, V, 39, 9 et 12; 40, 1.
82 Tite-Live, V, 46, 1 et 52, 3.
83 Tite-Live, V, 54, 7.
84 Sur ce «surnom ominal», voir l'Appendice de l'édition du livre V par J. Bayet et G. Baillet,
dans la Collection des Universités de France, Paris, 1954, p. 143.
682 JEAN-PAUL MOREL
*
*
85 Voir par exemple, pour certaines sociétés «primitives», G. Balandier, Anthropologie poli
tique, Paris, 1967, p. 70, 98-99, 111-112; pour les sociétés ligures antiques, E. Sereni, Comunità
rurali nell'Italia antica, op. cit., p. 214; pour la Grèce, H. Jeanmaire, La cryptie lacédémonienne,
dans REG, XXVI, 1913, p. 121-150; pour les sociétés médiévales, G. Duby, Leçon inaugurale au
Collège de France, Paris, 1971, p. 67-70 et 343-344.
86 Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, 6e édition, Paris, 1965, p. 67-70 et 343-344.
s7 Cf. J.-P. Morel, « Pantomimus allectus inter iuuenes», dans Hommages à Marcel Renard,
II, Bruxelles, 1969, p. 525-535.
SUR QUELQUES ASPECTS DE LA JEUNESSE À ROME 683
tout aussi significatif, les plébéiens se persuader qu'ils sont victimes d'une
machination de ce genre88.
Il ne faut donc pas s'étonner que la tradition romaine soit, sur les
problèmes de la jeunesse, peu sincère, peu lucide ou peu déchiffrable. C'est
pourquoi il faut beaucoup espérer du comparatisme pour assembler en un
tout cohérent les bribes d'information qui nous sont parvenues: car si Rome
nous renseigne relativement peu sur la jeunesse, ce que nous pouvons savoir
par ailleurs de la jeunesse doit en revanche nous aider à comprendre quel
ques aspects essentiels de la pensée, de l'histoire et de la société romaines.
88 Ainsi en Tite-Live, V, 2, 5; 11, 9; VI, 38, 8; 39, 7. On peut rappeler à ce sujet une réflexion
de J.-F. Revel dans sa critique de l'Anthropologie politique de G. Balandier (L'Express du 22-28
janvier 1968), selon laquelle les sociétés archaïques ont dû cacher déjà sous leurs structures appa
remment figées des formes « de manipulations, de triturations et de combinaisons qu'il faut bien se
résoudre à qualifier de politiques».
JEAN-PIERRE NÉRAUDAU
1 C'est la date de Tite-Live, mais Claudius Quadrigarius plaçait le combat au moins dix ans
plus tôt (Tite-Live, VI, 42, 5).
2 Aulu-Gelle, N.A. IX, 13; cf. Peter: Vet. hist. Rom. frag. Leipzig, 1870; 2e éd. 1906-1914,
fg. 10 b.
3 Tite-Live le mentionne et le résume (VI, 42, 5).
4 Peut-être Valerius Antias (cf. J. Bayet, Appendice 3, Tite-Live VII, col. Budé p. 104).
5 Cf. note 3.
6 Le thème du furor subit, chez Tite-Live, un traitement particulier: le héros romain par
vient à concilier l'ardeur guerrière et le respect de la discipline (cf. R. Bloch, Appendice 4,
Tite-Live VII, qui reprend l'exposé de G. Dumézil: Horace et les Curiaces, Paris, 1942, pp. 10-34
que celui-ci enrichira encore dans Heur et malheur du guerrier, Paris, 1969).
686 JEAN-PIERRE NÉRAUDAU
Tite-Live développe:
11 Cette mimique exprime la prise de possession du guerrier par le furor (cf. R. Bloch,
op. cit. p. 112).
12 Tite-Live assimile les équités aux patriciens; cette question oppose aujourd'hui A. Alföldi:
Procum patricium, in Historia, XVII, oct. 1968, qui défend l'assimilation, et A. Momigliano:
Procum patricium, in JRS, 1966, 56, pp. 16-24, qui la nie. Dans le même sens qu'A. Momigliano,
cf. A. Magdelain: Remarques sur la société romaine archaïque, in REL, XLIX; 1972, pp. 103-127.
13 Tite-Live, VII, 6, 2-3.
14 Id., VII, 6, 6.
688 JEAN-PIERRE NÉRAUDAU
29 Tite-Live, VII, 2.
30 Id., VII, 2, 5.
31 L'attitude de la jeunesse se retrouve dans deux passages de Plaute:
Captiui, 69-70: Iuuentus nomen indidit scorto mihi eo quia inuocatus soleo
esse in conuiuiis.
Menaechmi, 76-77: Iuuentus nomen fecit Peniculo mihi ideo quia mensam, quando
edo, detergeo.
Cf. J.-P. Cèbe, La caricature et la parodie dans le monde romain antique des origines à
Juvénal, Paris, 1966, et J.-P. Morel: La iuuentus et les origines du théâtre romain, in REL,
XLVII, 1970, pp. 208-252, sp. p. 232.
32 Cf. M. Schanz: Geschichte der römischen Litteratur, I3, Munich, 1907, p. 23.
33 Le surnom de Torquatus est entendu parmi les chants divers.
34 La fonction du rire est bien connue dans le rite des Luperques, qui, au début de la
fête, sont tenus d'éclater de rire après avoir été souillés du sang sacrificiel puis purifiés
(Plutarque, Rom. 21); cf. J.-P. Cèbe, op. cit. p. 19.
35 Varron, pour interpréter le vieux proverbe sexagenarii de ponte in Tiberim deicere,
expliquait que les iuniores refusaient de laisser voter aux comices les vieillards qui ne participaient
plus à la guerre (Varron, de Vita populi Romani, ap. Nonius, p. 523). Cette explication, dans
le détail est erronée (il n'y a aucun rapport entre le Tibre et les ponts des suffrages), mais elle
postule l'existence d'une classe d'âge imbue de ses privilèges et prête à les défendre par la
violence.
L'EXPLOIT DE TITUS MANLIUS TORQUATOS 691
politique36. Virgile, qui, dans les Géorgiques, décrit les jeux de la pubes37,
présente dans l'Enéide un type de société bien proche de celle que nous
voyons décrite par Tite-Live38. En face de Titus Manlius, de son fils, de
Q. Fabius et de tous les autres iuuenes qui s'illustrent dans l'œuvre livienne,
VEnéide nous offre Turnus, Pallas, Nisus et Euryale et Ascagne 39. L'histoire
et l'épopée ont depuis leurs origines des rapports assez étroits - et toujours
affirmés40 - pour que nous ne nous étonnions pas que se rencontrent
Virgile et Tite-Live. »
36 Cf. en particulier, III, 11, 6, l'histoire de Kaeso Quinctius et de ses compagnons (sodales)
au moment des troubles causés par la rogatio Terentilia.
37 Virgile, Géorg. I, 343 sqq et II, 385 sqq, sp. 386: uersibus incomptis ludunt risuque
soluto, qui rejoint tout à fait les remarques de Tite-Live.
38 Virgile, Enéide, VIII, 102 sqq, sp. 105: Una omnes ìuuenum primi pauperque senatus,
où la cité d'Evandre est organisée en deux classes d'âge.
39 Le dialogue entre le furor et la disciplina se retrouve dans l'épisode de Nisus et
Euryale (IX, 176 sqq) perdus par leur ardeur dévastatrice et vaine, dans le personnage de
Turnus, héros du furor, iuuenis par excellence; le thème de la pietas éclaire les relations
d'Evandre avec son père, puis avec Enée, celles d'Ascagne avec son père, lui-même lié à Anchise
par une profonde déférence, celles aussi de Turnus avec son père (cf. XII, 932-933).
40 Quintilien définit l'histoire comme un poème en prose (Inst. orat. X, 1, 31).
41 La question a été abordée par J.-P. Morel, La iuuentus... et Pube praesenti in con-
tione, otnni poplo, in REL, XLII, 1965, pp. 381 sqq; nous lui avons consacré dans notre thèse
intitulée: La jeunesse dans la littérature et les institutions de la Rome républicaine une part
importante.
42 J. Bayet, Appendice, Tite-Live VII, p. 79.
692 JEAN-PIERRE NÉRAUDAU
noter qu'il y a dans ce livre au moins un thème qui, par ses retours, lui
donne une manière d'unité, c'est précisément le thème de la jeunesse.
Annoncé au livre VI par la critique de Claudius Quadrigarius 43, et continué
au livre VIII par la suite de l'histoire de Titus Manlius, il sert d'ouverture
au livre VII, réapparaît lié à de jeunes héros Marcus Curtius, Titus Manlius,
dont l'exemple inspire le combat de Valerius Corvus44; celui-ci, élu consul
à vingt-trois ans 45, achève presque le livre par un long discours 46 qui réintro
duit le thème. «
Cette présence de la jeunesse s'explique par les relations diverses de
Rome avec d'autres peuples; dans le livre VII, des histrions étrusques vien
nent à Rome et provoquent une réaction de la iuuentus; ensuite l'arrivée
des Gaulois suscite des héroïsmes et le retour à des pratiques guerrières
fondées sur le furor et la magie. Déjà au livre V le rôle de la jeunesse
s'était accru au cours de la guerre contre Véies - ce sont des iuuenes
romains qui emportent à Rome la statue de Junon47 -, et lors de la prise
de Rome par les Gaulois: la ville se reforme dans la citadelle sur une structure
en classes d'âge48 et admire l'héroïsme de C. Fabius, iuuenis Romanus49.
La seconde guerre punique suscitera encore dans l'œuvre de Tite-Live de
grands moments consacrés à l'exaltation de la jeunesse50. Ainsi Tite-Live
suggère que l'influence des peuples étrangers suscite de la part de la jeunesse
des réactions d'imitation ou de refus qui renforcent sa cohésion et son
originalité 51.
Le passage du furor, en particulier, éveille celui qui sommeille en tout
guerrier, fût-il Romain. Virgile l'avait magnifiquement suggéré dans la dernière
scène de YEnéide quand Enée renonce à épargner Turnus et sacrifie, lui
aussi, à la fureur52; et, Salluste aussi l'avait dit en montrant à la fin de la
*
*
1 J. R. Rea, The Oxyrhynchos Papyri, vol. XL, 1972, avec en particulier une très utile
introduction, p. 1-15. Il s'agit de cinquante documents, datés de 269 à 272, provenant sans
doute des archives de l'administration locale des distributions. Trente et un de ces documents
sont des actes de candidature de la part, en général, de jeunes gens ayant les qualifications
nécessaires et qui postulent la place laissée vacante par un mort. Les « tessere » (τάβλαι) sont
mentionnées dans le n° 2924. Cf. le c.r. de D. Van Berchem, JRS 1974, 243.
2 Cf. successivement: M. Rostovtzeff, Etude sur les plombs antiques, dans Rev. Num. 1897,
462; 1898, 77; cf. surtout 256-271; M. Rostovtzeff et M. Prou, Catal. des plombs de l'Ant., du
M. A , conservés au Ct des Méd. de la B.N., Paris 1900; M. Rostovtzeff, Tesserarum urbis
Romae et suburbi plumbearum Sylloge, St. Petersbourg, 1903; et Römische Bleitesserae, ein
Beitrag zur Sozial-und Wirtschaftsgeschichte der röm. Kaiserzeit, dans Klio, Beihefte 3, 1905, p. 1-131,
spec. p. 10-22; du même, art. Frumentum, dans RE (1910), col. 126-187.
3 Les tessères dont le type ou la devise ont trait aux frumentations sont les nos 336 à 512
de la Sylloge, p. 45-62. La plus typique est sans doute le n° 336 (au Musée des Thermes) qui
porte au droit la légende DELIBIFOR/IV, et au revers MINVCIA, ce que Rostovtzeff interprète:
d(i)e lib(eralitatis) I, for(o) IV, où forum équivaudrait à ostium, mot qui, dans les inscriptions
de Rome et dans le Chronographe de 354 (p. 144, éd. Mommsen, dans les MGH IX) désigne
les 45 guichets de la Porticus Minucia Frumentaria. Mais on n'a pas de parallèle pour cette
interprétation. Ne pourrait-on lire sur le tout petit document Por(ticus) / Minucia? Une remarque
sur la forme Minucia: elle prouve que la tessere est de haute époque: les inscriptions (ainsi
696 CLAUDE NICOLET
que tout récemment le Plan de Marbre sévérien) montrent qu'au IIe et au IIIe s., on dit Minicia.
Le n° 337: au droit MINVCIAF^ au revers une statue d'Hercule (cf. SHA, Vita Comm. 16: Herculis
signum aeneum sudavit in Minucia per plures dies). Voir aussi n° 338 (N. MOD. I / AA.P.P.);
341: M(odius) f/ru(menti).
4 D. Van Berchem, Tessères ou Calculi? Rev. Numism., 1936 p. 297; du même, Les distr
ibutions de blé et d'argent à la plèbe romaine sous l'Empire, Genève, 1939; la question est
reprise assez longuement, avec une copieuse bibliographie par F. Fabbrini, Tesserae Frumentariae,
dans NDI, 1973, 266-273, qui me dispense de citer les travauz antérieurs. [Je n'ai pu prendre
connaissance à temps de la grosse étude de J.-M. Carrié, Les distributions alimentaires dans
les cités de l'Empire romain tardif, dans MEFRA, 1975, 2, 995-1101].
5 La théorie des «doubles tessères», introduite par Rostovtzeff, est admise généralement,
par ex. par G. Cardinali, Frumentatio, dans Diz. Ep., III (1922), p. 10 et suiv. Sur les procédures
de la distribution, en particulier les listes de noms « gravés » (incisi) au Portique de Minucius,
cf. CIL VI 220 (ILS, 2163) concernant les Vigiles: ii qui frument(o) publ(ico) incisi sunt,
etc. . . Sur l'emplacement des deux porticus Minucia (la vêtus et la frumentaria) , voir désormais
.
quelque chose qui en est très proche) dans des causes testamentaires, de
telle sorte qu'on a bien l'impression qu'un tel document, même s'il était
nominal, pouvait être acquis et légué par testament. Ce qui lui donne bien
évidemment une physionomie particulière, assez proche, en réalité, d'un titre
de rente perpétuel ou du moins viager. Le dossier est assez mince, voyons
ces textes.
La plus ancienne mention de la tessere se rencontre dans Suétone, à
propos d'Auguste. L'expression revient deux fois :
Populi recensititi vicatim egit, ac ne plebs frumentationum causa
frequentius ab negotiis auocaretur, ter in annum quaternum mensuum
tesseras dare destinavit; sed desideranti consuetudinem veterem concessit
rursus, ut sui cuiusque mensis acciperet (Div. Aug. 40, 3)6.
Si l'on prend ce texte à la lettre, il paraît bien que les tessères étaient
distribuées pour chaque frumentation, c'est-à-dire une fois par mois habi
tuellement, et qu'Auguste tenta un moment d'introduire des « tessères valables
pour (des rations de) quatre mois ». Il n'y a pas de raison de confondre ce
renseignement avec celui que donne Dion pour l'année 28 av. J.-C: και τω
πλήΟει τεραπλάσιον τον σΐτον ενειμε 7, qui marque sans doute un quadruplement
exceptionnel, cette année là, de la quantité distribuée.
Autre mention des tessères - beaucoup plus délicate - dans le chapitre
consacré par Suétone aux libéralités d'Auguste 8:
Frumentum quoque in annonae difficultatibus saepe levissime, interdum
nullo pretio uiritim admensus est, tesserasque nummarias duplicavit
{Div. Aug. 41,5).
6 Sur le sens exact de recensus (cf. aussi Suétone, Div. Jul., 41,5) et de recensio (ibidem,
ainsi que Cic, Pro Milone, 73), cf. notre communication citée note 5. Il s'agit de la révision
des listes frumentaires, non du recensement complet. La première eut lieu en 57/56 à l'inst
igation de Pompée (Dion 39,24, I, parle d'une απογραφή, qui veut dire exactement professio;
le résultat est le même); la seconde en 46, sur l'ordre de César (Suet. Div. Jul, 41,5; App., EC,
Π, 102, avec une confusion: Plut, César, 55,3, même chose; Dion 43, 21,4, qui parle à juste
titre d'une έξετασις. La troisième eut lieu sous Auguste (avant 2 av. J.-C, Dion, 55, 10, I).
7 Dion 53, 2, I.
8 Sur ces questions, cf. P. A. Brunt et J. M. Moore, Res G esiae Divi Augusti, Oxford,
1967,57-61.
698 CLAUDE NICOLET
La seconde mentionnée par Dion pour 6 ap. J.-C. (LV, 26,3): έπέδωκε
μεν γαρ και προίκα . . . τοις σιτοδοτουμενοις τοσούτον έτερον όσον αεί έλάμβανον.
« II donna aussi gratuitement, à ceux qui recevaient ordinairement le blé,
la même quantité en plus qu'ils recevaient habituellement ». Il est très pro
bable que c'est à un fait de ce genre que fait allusion l'expression curieuse
employée par Suétone à la fin de sa phrase:
tesserasque nummarias duplicava.
le salaire d'un professeur, doit pourtant nous faire penser à une tessere qui
donne droit à plusieurs frumentations. Car l'équivalent de cinq modii de blé
(à deux ou trois sesterces le modius) 10 serait sans doute beaucoup trop bas.
C'est ce qui explique que ce texte ait été si souvent utilisé par ceux qui
admettent l'aliénabilité, à une certaine époque du moins, de la « tessere »
devenue document permanent assimilé à un titre de rente.
Cependant les textes les plus déterminants sont de toute autre portée:
ce sont des commentaires du Digeste.
A) Dig. V, I, 52, I (Ulpien, lib. VI fideicommisorum) : Si libertis suis
tesseras frumentarias emi voluerit, quamvis major pars hereditatis in pro
vincia sit, tarnen Romae debere fideicommissum solvi dicendum est, cum
apparet id testatorem sensisse ex genere comparatìonìs.
B) Dig. XXXI, 49, 1 (Paul, Hb. V ad legem luliam et Papiam): Si Titio
frumentaria tessera legata sit et is decesserit, quidam putant exstingui
legatum, sed hoc non est verum, nam cui tessera vel militia legatur, aesti-
matio videtur legata.
C) Dig. XXX, 87, pr. (Paul, lib. XIV resp.): Titia Seio tesseram fru-
mentariam comparari voluit post diem trigesimum a morte ipsius: quaero,
cum Seius viva testatrice tesseram frumentariam ex causa lucrativa habere
coepit, nee possit id quo habet petere, an ei actio competat. Paulus respon-
dit ei de quo quaeritur, pretium tesserae praestandum quoniam tale
fideicommissum magis in quantitate quam in corpore consistit.
D) Dig. XXXII, 35, pr. (Scaevola, lib. XVII Digest.): Patronus liberto
tribum emi petierat: libertus diu moram ab herede patroni passus est et
decedens heredem reliquit clarissimum virum: quaesitum est, an tribus
aestimatio heredi eius debeatur, respondit deberi; idem quaesiit, an et
commoda et principales liberalitates quas libertus ex eadem tribu usque in
diem mortis suae consecuturus fuisset, si ei ea tribus seeundum voluntatem
patroni sui tunc comparata esset, an vero usurae aestimationis heredi eius
debeantur, respondit, quidquid ipse consecuturus esset, id ad heredem
suum transmittere.
11 F. Fabbrini, Tesserae frutti., NDI, 1973, p. 268-269. On allègue souvent, pour le droit
des affranchis à la frumentation, deux vers de Perse, V, 72-73: liberiate opus est; non hac ut
quisque Velina / Publius etneruit scabiosum tesserula far / possidet. Cartault traduit (éd. Budé):
«II nous faut la liberté»: ce n'est pas celle-ci: «tous les Publius inscrits, leur service terminé,
dans la Velina, sont, de par une méchante tessere, propriétaires de blé galeux». Rea voudrait
corriger Velina(tn) etneruit, et entendre emerere comme «servir dans l'administration»; mais
etnerere signifie «terminer un service», n'importe lequel, et Velina avec un nom est normalement
construit à l'ablatif. Il ne faut pas pousser trop loin le parallèle entre les liturgistes d'Oxvrhvnchos
et les Romains. Cf. pourtant le sens de militia cité ci-dessous note 17.
12 Mommsen, Droit Public, VI, 2, p. 18-34. On sait que Mommsen prétendait - à tort -
que les affranchis, quoique citoyens, avaient été exclus des tribus, même urbaines, par Auguste
(p. 26-27, où il cite de nombreuses exceptions épigraphiques). Il était donc obligé, pour justifier
la participation évidente des affranchis aux frumentations, de supposer, dans chaque tribu, des
« collèges » frumentaires distincts de la liste des membres de la tribu. En réalité, il ne faut pas
oublier le numerus clausus instaure par César et ressuscité par Auguste: il n'y avait que 200.000
bénéficiaires, quelque soit le nombre des citoyens (ingénus ou affranchis) habitant Rome. D'où
la nécessité d'attendre une vacance, ou d'en acheter une, avant de pouvoir se dire membre de
la plèbe frumentaire. Cf. D. Van Berchem, Distributions, p. 49-53 (mon hypothèse est un peu
différente); cf. Suétone, Aug. 101.
13 Principales liberalitates veut dire «les libéralités impériales», ce que n'a pas vu J. Rea,
Oxyrh. Ρ αρ., XL, p. 11.
TESSÈRES FRUMENTAIRES ET TESSÈRES DE VOTE 701
18 Sur l'expression decuriam entere, Mommsen, DP., I, 389, n. 3; L. Ross Taylor, Horace's
equestrian career, dans Am. Journ. Phil., 1925 161-169; C. Nicolet, Les finitores ex equestri
loco, dans Latomus, 1960, 102-103; on peut consulter encore Louis Lucas, Etude sur la vénalité
des charges..., Paris 1883, et A. H. Jones, The Roman Civil Service..., dans JRS 1949 38-55 =
Stud. Rom. Gov. Law, 151-175. Le texte le plus topique, outre la lex Cornelia de XX quaesto-
ribus, est Cicéron, 2 Verr. Ill, 184; cf. aussi Suétone, Vita Hor., p. 44 Reiff: scriptum quaestorium
comparavit; Schol. ad Juven., V, 3: decuriam quoque quaestoriam compararet; Porphyrion,
ad Hor. II, 6, 86; CIL, VI, 1820; 1822; IX, 2454, etc....
19 Fragmenta Vaticana 272 (FIRA2, II, p. 522).
20 Militia, au IVes., désigne couramment le service comme fonctionnaire dans les bureaux
(TLL, s.v. militia, col. 962, 31; 963, 16; cf. Paul, Sent. V, 25, 12; pour l'achat et la vente, Celse,
Dig. 31, 32; Scaev. Dig. 19, 252, 2; 34, I, 18, 2, etc.); on peut se demander si, dans des textes
du IIe ou IIIe s., le mot n'est pas interpolé.
TESSÈRES FRUMENTAIRES ET TESSÈRES DE VOTE 703
certainement à ceux qui, pour une raison ou une autre, voulaient s'en défaire,
on devait y reporter très exactement le nom du nouveau bénéficiaire. Nous
pouvons avoir une idée des mentions que comportaient ces tessères grâce
aux inscriptions qui donnent précisément - le plus souvent comme preuve
d'appartenance à la plèbe frumentaire - tous les renseignements désirables:
le jour du mois et le guichet du portique de Minucius. La plus ancienne
est celle de Ti. Claudius Ianuarius:
Ti. Claudius Aug. lib. curator de Minucia die XIIII ostio XLII (CIL VI,
10223 = I.L.S. 6071);
14 Sur ces catégories, Rea, p. 2-5; les έπικριυέντες sont les citoyens qui ont subi victorieus
ement l'examen, les ρεμβοί sont essentiellement ceux qui ont accompli une liturgie, y compris les
affranchis; enfin les ομόλογοι, qui sont peut-être des citoyens de naissance illégitime, des
«assimilés». Chaque catégorie a un numerus clausus, comme à Rome: respectivement 3000, 900,
100 (la population totale d'Ox. devait être de 25000 habitants). Cf. par exemple pour la procé
durele n° 2894.
25 D. Van Berchem, Les distributions, p. 92 et suiv.
TESSÈRES FRUMENTAIRES ET TESSÈRES DE VOTE 705
26 H. Mattingly, Coins of the Rom. Emp. Br. Mus., IV, p. 267, n° 1655, (PL 40, 1) = Mattingly -
Sydenham, Rom. Imp. Coin., III, p. 123, n° 757 = PL V, 112. Annona debout à gauche; à ses pieds
à gauche deux proues de navires, l'une chargée d'un modius; à droite le phare d'Alexandrie.
Cf. une autre monnaie de Lucius Verus, Mattingly, CREBM, IV, p. 609, n° 1357 (PL 81, 3).
Annona debout brandissant la tessere; il ne faut pas confondre cette tessere avec l'objet à
manche, rectangulaire, que brandit souvent Liberalitas: ce n'est pas un abacus, mais un plateau
à monnaie, d'après D. Van Berchem.
27 Une peinture d'Ostie, G. Calza, Not. Scavi, 1915, p. 247, fig. 6.
28 Dite «base de Sorrente»: A. Degrassi, Bull. Corn., 1932, 1-109 (Rom. Mitt, X, 1889,
Tab. X, b, p. 1013).
29 Sarcophage «Aquari» (cf. Aquari, Bull. Corn., 1877, p. 156; Not. Scav., 1877, 60);
au Musée des Thermes, Inv. n° 40799 (R. Paribeni, Le terme di Dioclez. e il Museo Naz. Rom.,
1932, n° 102, p. 77; Id., Bol. d'Arte, 1909, 291), reproduit et commenté par Rostovtzeff, S.E.H.R.E.,
2a ed., 1957, pi. XXVII d'après Paribeni; CIL VI, 29809, (à cause des mots Port(us) à gauche
et [A]f[ric]a, à droite.
30 Annona comme Liberalitas, sont souvent représentées avec la corne d'abondance
(comme Félicitas, Hilaritas, Fortuna); mais Liberalitas, qui fait plutôt allusion aux congiaires,
est représentée (plus de 40 fois sur les monnaies des Antonnins) avec la corne et le plateau à
monnaie. Abundantia apparaît sous les Sévères (H. Mattingly, C.R.E.B.M., VI, 591-594 PL 20,
593), très proche de la figure représentée sur le bas-relief.
706 CLAUDE NICOLET
gauche non pas le rutellum 31 (petite pelle à égaliser le blé dans le modius),
mais la rame, et brandissant dans la main droite un objet similaire à celui
de la monnaie; la taille du relief permet cependant de mieux le lire: c'est
une tabella presque rectangulaire, avec au sommet un anneau. Le rebord
accentué marque, me semble-t-il, qu'il s'agit d'un support d'écriture (Fig. 5).
La juste attribution à la figure de gauche du nom d'Annona permet
donc d'avoir une représentation exacte d'une tessere frumentaire du IIIe s.
ap. J.-C. qui convient parfaitement à un document permanent. Le problème
est de savoir à quand remonte l'origine des documents de ce genre. Si notre
raisonnement est juste et si la mention du guichet de la Minucia et du
jour du mois devait y figurer, il est tentant de les faire remonter au moment
de l'aménagement de la seconde Porticus Minucia, sous Claude peut-être,
après l'incendie des (Horrea) Aemiliana52. La plus ancienne inscription
portant ce type de renseignements est de l'époque de Claude ou de Néron.
Précisément Suétone, énumérant les missilia dont Néron gratifia le peuple
lors de ses « Grands Jeux », mentionne des « tessères frumentaires »:
Sparsa et populo missilia omnium rerum per omnes dies: singula
cotidie milia auium cuiusque generis, multiplex penus, tesserae frumentariae,
uestis, aurum, argentum, gemmae, margaritae, tabulae pictae, mancipia,
iumenta, atque etiam mansuetae ferae, nouissime naues, insulae, agri
{Nero, 11,4).
31 Le commentaire du CIL VI, 29089, comprend comme moi: «mulier corona turrita
insignis d. tabellam sin. remum gerens». On attend Annona avec la rame-gouvernail; il est
vrai que l'engin représenté dans son bras gauche, ici, n'a pas exactement la même forme que
sur la monnaie d'Antonin, citée n. 23. En revanche, l'objet planté dans le modius de blé, aux
pieds à'Abundantia, avec un manche court, ne peut être une rame, mais doit être le rutellum
(sur lequel, voir le commentaire et les renvois de Rostovtzeff, S.E.H.R.E. pi. XXVII); c'est de
toute façon de peu d'importance.
38 Selon l'hypothèse récente, et encore inédite, de F. Coarelli. Les Aemiliana attestés par
Varron, R.R. III, 2, 6 et Cicéron, De Rep. I, 9, étaient-ils un «quartier», comme on le pense
communément (d'ailleurs difficile à localiser) ou, plus précisément, des horrea? Cette dernière
hypothèse semble confirmée par le passage bien connu de Suétone, Div. Claud., 18, qui, dans
un chapitre entièrement consacré à l'annone, montre la façon dont l'empereur Claude dirigea,
du Diribitorium, la lutte contre leur incendie. Cet incendie des Aemiliana, que le texte de
Suétone oblige à dater pendant son règne, doit être différent de celui mentionné par un fragment
des Fasti Ostienses (R. Paribeni, dans Bull. Comm., 1916, 208-227; W. Groh, Bull. Corn., 1918,
246-249; A. Degrassi, Inscr. Hal, XIII, 1, p. 191 et 220), qui est de 38 ap. J.-C, sous Caligula.
E. Rodriguez a mis en place, près de la rive du Tibre dite «inter duos pontes», un fragment
du Plan de Marbre portant AEMILI[ana?] (Bull. Comm., 1970-71 [1975], p. 112-113).
TESSÈRES FRUMENTAIRES ET TESSÈRES DE VOTE 707
33 Babelon, II p. 149; Grueber, I, 4017 (P.L., 21) Sydenham, 963; M. Crawford, RRC, 473, 4
(p. 482-483).
34 L. Ross Taylor, Rom. Voting Assemblies, p. 37 (et pi. VI, 1) qui pense que la «voting
tablet» et l'urne (électorale) font allusion, comme les Rostra et Libertas des autres types de
la même émission, à l'activité du tribun M. Lollius Palikanus, père du monétaire présumé.
Mais les urnes de vote représentées sur les monnaies de sa planche V ne ressemblent en rien
à celle de Palikanus. Et les autres tabellae n'ont pas d'anneau.
35 J'avais pourtant soutenu le même point de vue dans «Confusio suffragiorum » , Mél.
Arch. Hist, 1959 p. 208-210 mais j'ai ensuite pensé à une tessere nummulaire (Rev. Et. hat.
1967, p. 105) d'abord parce qu'une tessere de la collection Fröhner, au Cabinet des Médailles,
plus courte que les autres, présente à peu près le profil de certains coins de Palikanus; et
surtout à cause de la tessere de 62 av. J.-C, CIL I2, 910: Heraclida Lolli / sp. Κ Febr. /
D. Sii. L. Mur. Mais rien ne dit que Lollius soit de la famille du monétaire.
708 CLAUDE NICOLET
36 A. Alföldi, Les Praefecti Urbi de César, Mèi. W. Seston, Paris 1974, p. 1-23, sp. p. 6,
donne une tout autre interprétation de ces monnaies. Il les intègre dans des séries de 15 monét
aires, Praefecti Urbi et aediles Ceriales, dont les types font tous allusion à ces fonctions. Il est
exact que le type de Crawford 473, 2 a, est exactement semblable à ceux de C. Considius. Ceux
de L. Livineius Regulus montrent le modius et les épis. Liberias se retrouve aussi sur les
monnaies de cette époque. J'espère avoir montré ailleurs (art. cité n. 5) que la recensio de César
eut lieu en 46 av. J.-C.
37 A. Blanchet, Le congiarum de César et les monnaies signées Palikanus, Atti. Congr.
Int. Se. Stor., Rome 1903 (1904), VI, 101-105, interprète de façon convaincante le «vase»
comme un congius (cf. T.L., XXV, 2) et fait le rapprochement avec les textes de Suétone et de
Dion cités n. 34. Il rappelle le sanctuaire de la Liberté consacré par César en 46 (Dion, 43, 44, I),
mais il fait de Palikanus un édile de la plèbe (cf. l'article de A. Alföldi cité n. 32). Crawford
rejette trop rapidement l'argumentation d'A. Blanchet.
38 Suétone, César, 38; Dion, 43, 21, 3.
39 Suétone, César, 41,5; Dion, 43, 21, 4 (Tite-Live, Per. 115; Appien, BC, II, 102, et
Plutarque, César, 55, 3 se trompent). J'ai ajouté à ces témoignages celui de Cicéron, Phil, II, 83,
(et 64) dans la communication citée à la n. 5 (CRAI, 1976, p. 29 sq.).
40 J'ai insisté sur les liens entre les divers domaines de la vie civique dans Le métier de
citoyen, Paris Gallimard 1976, p. 368-370. Pour le droit de vote et son exercice, cf. récemment
L. Ross. Taylor, Roman Voting Assemblies, 1967, et E. S. Staveley, Greek and Roman Voting
and Elections, Londres, 1972, qui, p. 162-164, pose le problème du contrôle de l'identité, mais
sans le résondre. Il n'a pas vu le lien avec les tesserulae de Varron.
TESSÈRES FRUMENTAIRES ET TESSÈRES DE VOTE 709
dire le droit de vote. Du temps du vote oral, le contrôle des individus qui
se présentaient dans leur tribu et leur centurie était effectué par le rogator
qui interrogeait à haute voix chaque électeur, entouré sans doute des respon
sables de l'unité, curatores tribuum et centurions de centurie électorale41.
Ils devaient disposer de la liste des tribules et vérifier visuellement l'identité
des votants. Avec le vote écrit, la procédure se complique. Comment s'effec
tuaitle contrôle, qui existait sûrement, comme le prouve une anecdote con
cernant la vie de Marius42? Un passage du Livre III des Res Rusticae de
Varron43 - que j'aurais du noter plus tôt - me paraît fournir un élément
de réponse. La scène se passe, comme on sait, un jour de comices édiliciens,
en 55 av. J.-C. Les protagonistes devisent à la Villa Publica pendant que le
dépouillement se fait au Diribitorium. Une grande rumeur leur parvient du
Champ-de-Mars et bientôt quelqu'un vient la leur expliquer:
J'ai, après bien d'autres, trop vite considéré que tesserulas était synonyme
de tabellas et désignait des bulletins de vote, qu'un fraudeur essayait d'intro
duiredans l'urne. Mais loculus ne désigne pas une urne de vote, qui se dit
cista. Tesserula, c'est une « petite tessere », c'est-à-dire quelque chose d'équi
valent, si l'on suit notre reconstitution des frumentations, aux « jetons »
échangés, chaque mois, contre les cinq modii. Ici, ces tesserulae ont été
échangées, à mon avis, contre le bulletin de vote (tabella) que l'électeur
reçoit avant de voter, au moment de pénétrer sur le pons, comme attestent
à la fois un texte de Cicéron44 et une monnaie45 (Fig. 11). Elles servaient
ensuite au contrôle du nombre des votants; autant de tesserulae, autant
41 J'ai analysé de près les procédures concrètes du vote dans deux articles: Platon, Cicéron
et le vote secret, dans Historia, XIX, 1970, 39-66, et Le livre III des R.R. de Varron et les
allusions au déroulement des comices tributes, Rev. Et. Ane, 1970, 113-137.
42 Plutarque, Marius, V, 3-5: un esclave d'un ami de Marius surpris mêlé aux citoyens
dans les Saepta.
43 J'ai trop hâtivement, comme tout le monde, traduit tesserula par « bulletin de vote »,
dans mon art. REA, 1970, p. 132, n. I.
44 Cicéron, Ait., I, 14, 5: operae clodianae pontes occuparant; tabellae ministrabantur
ita ut nulla daretur « uti rogas ».
45 Monnaie de P. (Licinius) Nerva, Crawford, RRC, 292, I, p. 306-307, qui a bien vu,
(contrairement à L. Ross. Taylor, RVA, 39) que le citoyen qui s'apprête à voter est sur le pont
et que celui qui lui tend quelque chose d'en bas est un custos ou un rogator; cf. mes articles
cités n. 37 et 41.
710 CLAUDE NICOLET
d'électeurs qui avaient reçu leur bulletin. En cas de fraude, il fallait intro
duire à la fois' faux bulletins et fausses tessères pour que les chiffres
coïncident.
Il faut supposer peut-être (mais pour cela je ne connais aucun témoi
gnage) que le citoyen possédait aussi une tessere permanente qui lui per
mettait de recevoir à chaque occasion ces tesserulae. A moins qu'on se soit
passé de ce document en matière électorale, les rogatores et custodes se
contentant de consulter une liste. Cela aurait été possible du fait de Paffluence
relativement restreinte aux comices à cette époque, alors que pour les
distributions frumentaires, qui mettaient en mouvement 150.000 ou 200.000
citoyens chaque mois, le document permanent a dû devenir indispensable
assez tôt.
On peut dès lors, me semble-t-il, revenir à l'expression de Suétone,
fesseras nummarias, qui faisait difficulté. Il ne s'agit pas de tessères donnant
droit à de l'argent - le contexte est exclusivement frumentaire. Il s'agit du
« jeton », non du document permanent: pour les années de disette, mais
exceptionnellement, Auguste s'est contenté de doubler la valeur des douze
jetons remis aux citoyens au vu de leur tessere permanente et des listes.
C'est pour expliquer cela que Suétone emploie une expression imagée, et
nous traduirons donc tesserae nummarias par « les jetons des distributions ».
TESSERES FRUMENTAIRES ET TESSÈRES DE VOTE 711
1 Salluste a usé de l'expression animi uirtus dans le premier chapitre (§ 5): «sed diu
magnum inter mortalis certamen fuit uine corporis an uirtute animi res mütaris magis
718 ANTOINETTE NO VARA
procederei». Karl Büchner (Salitisi, Heidelberg, 1960, ρ: 96) établit simplement au sujet de la
«Geisteskraft» l'équivalence: animi uirtus = ingenium. Avec subtilité A. D. Leeman (Sallusts
Prolog und seine Auffassung von der Historiographie. I. Das Catilina proömium, Mnemosyne,
ser. IV, VII, 1954, p. 325) avait écrit que «l'esprit est comme intellectualisé en ingenium,
tandis que uirtus à travers l'association avec animus est spiritualisée». Dans l'édition qu'il a
procurée de la Conjuration, Alfred Ernout (Paris, Belles Lettres, 5e éd. 1962) traduisait
«animi uirtus» en I, 5 par «la vigueur de l'esprit» et en II, 3 par «qualités morales».
Dans l'un et l'autre passages l'expression est très proche d'ingenium, mais paradoxalement,
puisqu'elle associe deux termes abstraits, elle tend à rendre de manière plus sensible la manif
estation et le dynamisme de l'animus.
2 Pour le traducteur, la vieille édition de F. Antoine et R. Lallier (Paris, Hachette 1888)
reste souvent très utile. A propos du sens de «aliud alio Ferri», cf. η. 32.
3 Cf. Cat, III, 1; Cic, De Off., II, 45.
Les théories de la gloire présentées par Salluste et Cicéron doivent être rapprochées,
cf. Alain Michel, Entre Cicéron et Tacite: aspects idéologiques du « Catilina » de Salluste,
Acta Classica Uniuersitatis Scientiarum Debreceniensis, V, 1969, p. 84; Etienne Tiffou, Essai
sur la pensée morale de Salluste à la lumière de ses prologues, Paris, 1975, p. 42-43, 61-65,
75-117 (chapitre IV: la gloria, rétrospective. Etude comparée chez Salluste et Cicéron).
4 Cf. I, 5, cité au début de la n. 1.
SUR LE POUVOIR: UN CHAPITRE POLYBIEN DE SALLUSTE 719
que l'esprit joue dans la guerre le rôle prédominant. Puis Salluste déplore,
dans un raisonnement par contraste, que l'esprit qui a donné des preuves
semblables de sa valeur dans la guerre, n'ait pas réussi à en fournir autant
dans la paix; ainsi s'expliquent dans les Etats, comme dans les empires, la
corruption, puis le transfert du pouvoir. Pour la stabilité du pouvoir, il suffit
que le gouvernant conserve les qualités du conquérant. Mais la conquête
d'un empire, la prise du pouvoir dans la cité suscitent des vertus que la
possession du pouvoir altère d'ordinaire. Alors le pouvoir passe aux mains
de plus vertueux qui chassent les mauvais maîtres.
Les trois maximes sur le pouvoir en général, qui sont groupées de
façon à démontrer que le pouvoir va de pair avec la supériorité intel
lectuelle et morale, sont unies aux aperçus historiques sur les débuts du
pouvoir dans l'Etat et de l'impérialisme par une phrase de transition, où
sont comparées les manifestations de la valeur de l'âme dans la paix et
dans la guerre. L'expression animi uirtus constitue la liaison entre l'esprit
de la guerre et les vertus de la paix. En effet, après avoir mis en lumière
l'esprit, ingenium, Salluste passe à la valeur de l'âme, animi uirtus, puis
il lui substitue les vertus, artes, dont la sentence sur les changements
conjoints des mœurs et de la fortune laisse entendre qu'elles sont morales.
L'enchaînement complexe des idées dans le chapitre laisse supposer
qu'il n'y a pas là une rédaction de premier jet, mais une construction
appliquée, dont les matériaux premiers et essentiels sont d'une part l'histoire
de l'impérialisme, sa définition, la démonstration qu'il a accomplie de la
valeur prépondérante de l'esprit dans les guerres, et de l'autre la maxime
sur le pouvoir qui se conserve facilement grâce aux vertus par lesquelles
on l'acquiert.
Cette mise en œuvre dont on sent qu'elle résulte d'un effort particulier
de Salluste excite la curiosité: on est amené à se demander si les idées
présentées par l'historien, au lieu de lui appartenir en propre, ne sont pas
autant de références à un auteur ou des auteurs, dont Salluste voudrait
fournir à son lecteur le plaisir intellectuel de retrouver la trace. Ce qui
était un jeu pour le Romain cultivé de l'époque devient pour les modernes
une recherche des sources capitale pour la bonne compréhension du texte.
Dans son article sur II significato dei proemi sallustiani, Antonio La
Penna5 a jugé l'entreprise désespérée à propos de l'aperçu historique sur
l'impérialisme et son avis n'était sans doute pas différent pour les lignes
qui le précèdent et le suivent immédiatement.
Toutefois, la source de la maxime sur le pouvoir qui se conserve grâce
aux vertus mêmes de la conquête a été déjà identifiée6: Salluste emprunte
ici à Polybe (X, 36,5); celui-ci tirait une leçon générale des difficultés
qu'après leur victoire sur Publius et Cnaeus Scipion, les Carthaginois con
nurent en Espagne, pour avoir traité leurs sujets υπερηφάνως, cum superbia,
dirait le latin.
A. La Penna doute qu'il y ait « une trace sûre » de Polybe chez
Salluste 7 et les parallèles relevés par Wilhelm Avenarius ne l'ont pas con
vaincu. Mais au seul rapprochement précis que W. Avenarius avait signalé
au sujet de ce deuxième chapitre du Catilina et qui a été cité ci-dessus,
d'autres peuvent être ajoutés; nous les versons au dossier de l'inspiration
polybienne de Salluste. A notre connaissance du moins, ils n'ont pas été
faits jusqu'ici.
Pour continuer l'examen des maximes sur le pouvoir, il apparaît que
Salluste, quand il traite des changements dans les mœurs, qui entraînent
les transferts du pouvoir, se souvient du livre VI de Polybe.
L'idée est courante que la fortune varie avec les mœurs8. L'« anacy-
closis » de Polybe a paru à Salluste en fournir une démonstration remar
quable. En lisant l'analyse de l'historien grec sur les facteurs dont dépendent
les changements de régimes, Salluste a retenu les éléments communs à la
dégénérescence de la royauté en tyrannie, de l'aristocratie en oligarchie,
de la démocratie en ochlocratie: desidia, lubido, superbia. L'indolence, la
débauche, l'arrogance succèdent à l'effort, labor, à la maîtrise de soi,
continentia, à l'esprit d'équité, aequitas. Ainsi Polybe avait montré les rois
à titre héréditaire qui, soucieux d'avoir un train de vie inimitable, s'adonnent
à tous les luxes, assouvissent tous leurs désirs amoureux sans scrupule9
6 Cf. Wilhelm Avenarius: Die griechischen Vorbilder des Sallust, Symbolae Osloenses,
XXXIII, 1957, p. 65.
7 Antonio La Penna, L'interpretazione sallustiana della Congiura di Catilina, Studi
Italiani di Filologia Classica, XXXI, 1959, p. 162, n. 3; Sallustio e la rivoluzione romana,
Milan, 1968, p. 155, n. 270.
8 Elle rejoint les formules proverbiales, selon lesquelles ce sont les mœurs de chacun
qui lui façonnent son sort, cf. A. Otto, Die Sprichtwörter und sprichtw örtlicher Redensarten
der Römer, Hildesheim, (1890), reprod. 1962, Fortuna 8°, p. 143.
9 Cf. VI, 7, 7. Pour illustrer d'un exemple ces considérations F. W. Walbank renvoie
à X, 26, 3, qui concerne Philippe V.
SUR LE POUVOIR: UN CHAPITRE POLYBIEN DE SALLUSTE 721
10 Cf. VI, 9, 8.
11 Cf. Pol., VI, 8, 5. Platon a particulièrement insisté sur la cupidité qui corrompt l'aristo
cratie en oligarchie (cf. Rep, VIII, 551 Α.), mais il n'avait pas dégagé avec la rigueur et la
fermeté de Polybe la culpabilité des «héritiers». L'auaritia que Salluste poursuit si souvent
de ses blâmes n'est pas citée ici. L'auaritia de l'Ep. ad Caes., 2, 7, 3 est inspirée de Pol.,
VI, 46, 6-9, cf. W. Avenarius, loc. laud, p. 65.
12 Cf. le relevé des rapprochements entre passages de Salluste et textes de Platon dans
l'article de W. Avenarius, p. 81 sq.
13 La desidia correspond à la volonté de ne rien faire; Yotium consiste dans la situation
où l'on n'a rien à faire d'obligatoire, et dans tout ce que l'on peut donc faire à son gré.
Sur le rôle de Votium dans l'histoire selon Salluste, cf. Jean-Marie Andre, L'otium dans la
vie morale et intellectuelle romaine, Paris, 1966, p. 335 sq., en particulier p. 369.
722 ANTOINETTE NO VARA
lequel Polybe avait énoncé les facteurs qui altèrent la royauté, l'aristocratie,
la démocratie: l'indolence, le débauche, la tyrannie auxquelles s'adonnent
les héritiers w.
Pour l'historique du pouvoir et de l'impérialisme, comme pour ses
sentences sur le pouvoir, Salluste se réfère à Polybe. C'est un lieu commun
d'affirmer que le pouvoir sur les groupes humains fut d'abord assumé par
des hommes qui exerçaient seuls la charge du gouvernement. Mais, comme,
le mot latin reges n'a pas la précision des termes grecs μονάρχοι, βασιλείς
et qu'il peut équivaloir à l'un ou à l'autre - et même à τύραννοι, mais
la tyrannie est une corruption de la royauté; elle ne saurait exister au début
des temps - Salluste a ajouté (§ 1): diuorsi, pars ingenium, alii corpus
exercebant; il opère ainsi la synthèse des passages où Polybe, dans son
livre VI, insiste sur la différence existant entre le monarque qui exerce
le pouvoir par la force, a été choisi à cause de sa force physique, et le
roi, à qui ses qualités d'esprit donnent la prééminence et qui gouverne en
faisant appel à la raison. Avec le monarque régnent ίσχύ ς (VI, 5, 9; 6, 12),
la force, σωματικαΐ και ϋυμικαΐ δυνάμεις (VI, 7, 3), les qualités physiques et
celles de l'énergie, dont les moyens de gouvernement sont φόβος, βία (VI, 4, 2),
la peur, la violence; avec le roi l'emportent γνώμη (VI, 4,2), le jugement,
λογισμός (VI, 5, 12), la réflexion, της γνώμης και του λογισμού διαφοραί (VI,
7, 3), la supériorité du jugement et de la réflexion. « Diversement, une partie
déployaient leurs qualités intellectuelles, les autres leurs forces physiques » 15.
Salluste ne fait pas allusion aux passe-temps intellectuels ou sportifs des
premiers gouvernants, mais distingue à la façon de Polybe les βασιλείς
et les μονάρχοι, satisfait de trouver pour différencier les reges le critère
qui correspond au dualisme de la chair et de l'esprit, sur lequel le début
20 Salluste a une prédilection pour le terme lubido sans doute à cause de sa valeur
dynamique, de l'incitation à agir qu'il comporte. Ce mot est employé par Salluste dans toutes
ses significations. Ainsi il désigne la débauche au § 5 et en Cat, VII, 4, il n'implique aucun
jugement péjoratif. Quand Salluste parle de politique intérieure, il indique combien il abomine la
dominatio d'un clan ou d'un individu sur la cité: la volonté dominatrice se rend coupable
alors d'asservir des citoyens dont la nature est de posséder la libertas. Lorsque dans le Bel.
Jug., 81, 1, Jugurtha se prononce sur la lubido imperitandi qui anime les Romains, le contexte
ne laisse aucun doute sur le blâme exprimé par l'ennemi des Romains! N'omettons pas de
signaler qu'A. La Penna (II significato..., loc. laud., p. 97-98), E. Tiffou {op. cit., p. 51)
trouvent à l'expression lubido dominandi en Cat, II, 2 une valeur péjorative.
21 Cf. Liv., XXV, 14; Suet, Diu. lui, VII; D. Michel, Alexander als Vorbild für Pompeius,
Caesar und Marcus Antonius, Archäologische Untersuchungen, Bruxelle, 1968, (Latomus 94).
22 Sur l'habileté et la rigueur avec lesquelles Polybe a mené l'éloge obligatoire de son
sujet, cf. Paul Pedech, La méthode historique de Polybe, Paris, 1964, p. 409 particulièrement.
23 Pour C. O. Brink et F. W. Walbank, (The construction of the 6th book of Polybius,
Class. Quart. 1954, p. 98), Polybe avait écrit avant 146 au moins les livres I à XV. F. W. Walbank
a traité à nouveau des difficiles problèmes de la datation des Histoires dans A historical
commentary on Polybius, vol. I, op. cit., p. 294 sq. entre autres.
SUR LE POUVOIR: UN CHAPITRE POLYBIEN DE SALLUSTE 725
époque, ont acquis un grand empire et une grande puissance; mais chaque
fois qu'ils ont osé franchir les limites de l'Asie, ils ont compromis non
seulement leur empire, mais leur existence même; les Lacédémoniens qui
avaient pendant longtemps disputé l'hégémonie de la Grèce, une fois vain
queurs, l'ont conservée à peine douze ans incontestée. Les Macédoniens ont
dominé l'Europe des rives de l'Adriatique au Danube, ce qui n'est en somme
qu'une faible partie de ce contient; ensuite ils ont conquis l'empire de
l'Asie après avoir anéanti la puissance perse. Pourtant, bien qu'ils soient
devenus aux yeux du monde les maîtres de la plupart des terres et des
Etats, ils ont laissé une grande partie du monde habité complètement en
dehors de leur conquête: ils n'ont même pas songé une seule fois à
s'emparer de la Sicile, de la Sardaigne et de l'Afrique, et ils ne connaissaient
même pas, pour parler net, les peuplades si batailleuses des pays occidentaux.
Mais les Romains, en soumettant non pas quelques parties, mais la totalité
du monde habité, ont laissé une puissance si étendue qu'il est impossible
à nos contemporains de lui résister ni à nos descendants de la surpasser.
Mon livre permettra de comprendre pour quelle raison ils ont conquis la
domination universelle et par la même occasion combien et à quel point
est profitable à ceux qui aiment s'instruire la science politique » 24.
Pour Paul Pédech, qui a repris récemment25 la conclusion à laquelle
était parvenu Georg Kaibel en 1885 26, ces considérations de Polybe sont
le premier exemple connu de ce qui deviendra un lieu commun. G. Kaibel
présentait comme premier texte grec inspiré par le chapitre de Polybe une
partie de la préface de Denys d'Halicarnasse à ses Antiquités romaines
(c. II-IV). Salluste, auquel G. Kaibel ne fait pas allusion, a précédé Denys,
du moins en tant qu'utilisateur latin du thème développé par Polybe.
Chez Salluste, la comparaison avec Rome reste implicite; sans doute
l'auteur la croit-il naturelle et spontanée pour le lecteur romain, car personne
24 Traduction de Paul Pedech (dans l'édition du livre I des Histoires de Polybe, Paris,
Belles Lettres, 1969). En commentant le premier chapitre de Polybe (I, 1, 5), F. W. Walbank
(op. cit., p. 40) a présenté des suggestions sur la genèse de la pensée de Polybe. Quand
l'historien grec a insisté sur la cinquantaine d'années qui furent seulement nécessaires à Rome
pour conquérir presque tout le monde habité, il a été « sans aucun doute impressionné par les
propos de Démétrios de Phalère sur la chute de la Perse et l'ascension de la Macédoine,
imprévisibles cinquante ans auparavant (XXIX, 21, 4) et par le parallèle de ces événements
dans la défaite infligée à la Macédoine par Rome».
25 Cf. La méthode historique, op. cit., p. 409, et Polybe, Histoires (Livres I), op. cit.,
p. 19, n. 2.
26 Cf. Dionysios von Halikarnass und die Sophistik, Hermes, 20, 1885, p. 501.
726 ANTOINETTE NOVARA
27 Cf. Ant. Rom., I, II, 2. Denys d'Halicarnasse, tout en prenant modèle sur la préface
de Polybe et en lui empruntant «un matériau qui était... le bienvenu» (G. Kaibel, loc. laud.,
p. 507) pour un amateur d'effets rhétoriques, s'est souvenu d'une autre succession d'empires
et a voulu, pour ouvrir sa liste, citer les Assyriens et les Mèdes, dont les noms intervenaient
dans une réflexion d'origine vraisemblablement orientale sur la suite de quatre grands empires
dépassés par un cinquième. Polybe lui-même avait rappelé comment Scipion Emilien, alors qu'il
contemplait la destruction de Carthage, avait médité sur la chute des empires, Assyrie, Mèdie,
Perse, Macédoine (cf. XXXVIII, 22, 2). Joseph Ward Swain (The theory of the four monarchies,
Class. Phil., 35, 1940, p. 2 sq.) a soutenu que ce thème oriental, avec lequel les soldats
romains se seraient familiarisés lors de la campagne de Magnésie, avait été introduit dans
la littérature latine par un certain Aemilius Sura, qui est cité dans une glose du chapitre VI,
de Velleius Paterculus. On y lit: «Aemilius Sura de annis populi Romani: Assyrii principes
omnium gentium rerum potiti sunt, deinde Medi, postea Persae, deinde Macedones; exinde
duobus regibus Philippo et Antiocho, qui a Macedonibus oriundi erant, haud multo post
Carthaginem subactam deuictis summa imperii ad populum Romanum peruenìt. Inter hoc
tempus et initium regis Nini Assyriorum, qui princeps rerum potitus est, intersunt anni
MDCCCCXCV». (Cf. Hermannus Peter, Historicorum Romanorum Reliquiae, vol. alt.,
Leipzig, 1906, p. 161). Pour J. W. Swain, Aemilius Sura a dû écrire entre 189 et 171 avant J.-C.
Cette datation demeure une hypothèse. Santo Mazzarino, // pensiero storico classico, II, I,
Bari, 1966, p. 490) situe à l'époque républicaine, sans préciser davantage, l'historien qu'il
préfère appeler Mamilius Sura au lieu d'Aemilius Sura, contrairement à H. Peter (H.R.R.,
II, p. ccx), qui critiquait Reiff erscheid d'avoir hasardé cette correction. Sans doute faut-il rester
sur une prudente réserve et, comme H. Peter, ranger Aemilius Sura parmi les auteurs d'époque
tout à fait incertaine (cf., p. ccvii). On ne saurait donc prétendre qu'Aemilius Sura a été une
source commune pour Polybe, Salluste et Denys. Salluste a-t-il pensé à Démétrios de Phalère,
qui a sans doute influencé Polybe (cf. n. 24)? Toujours est-il qu'il voyait, au premier plan
sur l'écran de sa mémoire, les lignes de Polybe.
SUR LE POUVOIR: UN CHAPITRE POLYBIEN DE SALLUSTE 727
revoir aussi le livre VI des Histoires pour stimuler ses réflexions sur le
thème du pouvoir et s'était souvenu d'un épisode du livre X qui l'avait frappé.
Entre ses réminiscences de Polybe, Salluste a inséré, en manière de
transition, l'idée qui lui est chère de la plus grande difficulté que présente
pour Variimi uirtus l'existence en temps de paix32. Et la conclusion de
son chapitre sur le pouvoir est celle qu'il a tirée des diverses méditations
de Polybe sur Γάρχή: «Ita Imperium semper ad optumum quemque a minus
bono transfertur ».
On pourrait déduire de cette loi optimiste la croyance à un progrès
politique, entrecoupé de ces mauvais moments nécessaires où se corrompt
un régime pour laisser place à un meilleur; la phrase imprime dans l'esprit
du lecteur la conviction que la possession du plus grand empire correspond
aux plus grands mérites. D'une pareille loi sur les transferts du pouvoir, il est
possible de tirer des consolations dans les pires crises de politique intérieure
ou extérieure, puisqu'un mauvais pouvoir ne saurait durer, et une exaltante
morale de la conquête et de l'exercice du pouvoir: sur le conquérant et le
maître du pouvoir pèse la menace de céder le pouvoir à un meilleur; il
y a l'obligation d'être le meilleur pour qui veut exercer durablement le
pouvoir. Mieux vaut ne pas insister sur la mauvaise utilisation qui peut
être faite de la pensée de Salluste.
Plus subtilement l'analyse de la genèse de ce chapitre permet de dissiper
cette sorte de malaise qu'on éprouve à le parcourir, et elle invite à secouer
les habitudes de lecture.
Salluste a d'abord exprimé en latin la quintessence des extraits qu'il
avait accumulés des Histoires polybiennes. Si par son choix et par sa fo
rmulation il a fait siennes les idées de Polybe, il les a aussi liées de façon
originale. Il a inséré entre elles une transition qui paraît toute personnelle
et a conclu à sa manière propre.
L'ordonnance de ces pensées sur le pouvoir est caractérisée par de
fortes articulations logiques qui confèrent au chapitre ses vertus de mouve
ment. Mais si, trop docile aux apparences, le lecteur ne freine son élan,
il trouve que Salluste se joue de lui: ne lui faudrait-il pas admettre, en
définitive, que toute guerre de domination est une entreprise morale?
32 Le parallèle que signale Avenarius entre l'Epitre VII de Platon, 325 e et Cat. II, 3
ne concerne que «aliud alio ferri» (φερόμενα... πάντη πάντως). Il s'agit d'expressions quasi
proverbiales.
SUR LE POUVOIR: UN CHAPITRE POLYBIEN DE SALLUSTE 729
33 Les conditions de la guerre juste sont rappelées par Cicéron dans le De Republica
(III, 34), dans le De Legibus (III, 8), dans le De Officiis (I, 36), où l'auteur traite {id. 38)
des caractéristiques de la guerre de imperio. La conception cicéronienne de l'impérialisme
romain et de la guerre a été résumée par Alain Michel, dans Les lois de la guerre et les
problèmes de l'impérialisme romain, p. 181 des Problèmes de la guerre à Rome, sous la
direction de Jean-Paul Brisson, Paris-La Haye, 1969.
JEAN-MARIE PAILLER
1 Voir notamment la série d'articles publiés dans Hermes de 1932 à 1936 par E. Fraenkel
et M. Gelzer, ainsi que l'étude d'Y. Béquignon, Observations sur l'Affaire des Bacchanales,
dans RA, 1941, I, p. 184-198.
2 Comme dans tous les cas de répression de « déviants » au cours de l'histoire, il est
difficile de faire la part de la malveillance et de l'incompréhension, qui se nourrissent et se
renforcent mutuellement.
3 A. J. Festugière, Ce que Tite-Live nous apprend sur les mystères de Dionysos, dans
MEFR, LXVI, 1954, p. 79 (= Etudes de religion grecque et hellénistique, Paris, 1972, p. 89).
Cf. déjà G. Méautis, Les aspects religieux de l'Affaire des Bacchanales, dans REA, XLII,
1940 {Mélanges Radet), p. 476-485, en particulier p. 480.
4 Voir notamment sur ce point G. Tarditi, La questione dei Baccanali a Roma nel
186 a.C, dans La Parola del Passato, XXXVII, 1954, p. 265-287, spécialement p. 265-267
et 286-287.
5 Festugière, art. cité, p. 91 = Etudes, p. 101.
6 Ibid., p. 98-99 = p. 108-109.
732 JEAN-MARIE PAILLER
7 En fait, en 1891 déjà, Dieterich {De hymnis orphicis, Marburg, p. 39) avait reconnu
dans les pastores révoltés qu'évoque Tite-Live des βουκόλοι dionysiaques. Thème repris et
développe par P. Wuilleumier, Tarente des origines à la conquête romaine, dans BEFAR, 148,
Paris, 1939, p. 498. De même, la correction de lucus Similae (Tite-Live, XXXIX, 12) en
lucus Semelae (de Sémélè, mère de Dionysos) a-t-elle été proposée de longue date par maint
éditeur et commentateur.
8 Cf. C. Gallini, Protesta e integrazione nella Roma antica, Bari, 1970, p. 14-15, 34, 38;
et surtout le compte-rendu de ce livre par R. Turcan, Religion et politique dans l'affaire
des Bacchanales, dans RHR, 181, 1972, p. 3-28, en particulier p. 15, n. 3; p. 18-19.
9 Dionysos et Sémélé, dans Rendiconti della Pontificia Accademia di Archeologia,
XXXVIII, 1967, p. 97.
10 L'antre dans les mystères de Dionysos, dans Rendiconti della Pontificia Accademia
di Archeologìa, XXXIII, 1962, p. 107-127.
11 Le culte de Dionysos en Italie primitive, dans REL, 35, 1957, p. 106-112. Voir aussi
A. Bruhl, Liber Pater: origine et expansion du culte dionysiaque à Rome et dans le monde
romain, dans BEFAR, 175, Paris, 1953, p. 49 sq., 70 sq. et pi. II et IV: remarques sur Dionysos
en Etrurie complétées par M. Pallottino, dans SE, XXV, 1957, p. 604-607. Une des versions
auxquelles se réfère Tite-Live (celle de Valerius Antias selon G. Tarditi, art. cité, p. 287)
plaçait un Graeculus uates, charlatan installé en Etrurie, à l'origine de la contagion dionysiaque
à Rome (Tite-Live, XXXIX, 8, 5). Voir infra, p. 738-740.
12 Ainsi D. Nisard (Tite-Live, XXXIX, éd. Firmin-Didot, Paris 1856, rééd. Paris. Belles-
Lettres, 1970) traduit: «les dieux étaient supposés enlever des malheureux, qu'on attachait
LES BACCHANALES ET LA POSSESSION PAR LES NYMPHES 733
les jeter dans des antres souterrains (abditos specus) passaient pour (dici)
avoir été ravis par les dieux (raptos a dus). En fait, la construction person
nelledu passif de dico au sens de « on dit que ...» est plausible, mais rien
n'interdit ici de donner à ce verbe son sens de « appeler », usuel avec un
attribut 13. Dans cette hypothèse, on pourrait conserver la même construc
tion (homines sujet, raptos a dus attribut) ou en adopter une autre, légèr
ement différente, avec [eos] antécédent non exprimé de la relative quos
machinae . . ., et le groupe raptos a dus homines en position d'attribut.
Cette seconde possibilité est sans doute linguistiquement préférable 14. Cela
à une machine et qu'on faisait disparaître en les précipitant dans de sombres cavernes»;
E. Lasserre (Paris, Garnier, 1936): «On attribuait aux dieux la disparition des malheureux...»;
E. T. Sage (éd. Loeb, Londres, 1965): «Men were alleged to have been carried off by the
gods...»; et encore A. J. Festugière (art. cité p. 90 = p. 100): «Certains hommes ... passaient
pour avoir été enlevés par les dieux».
13 Voir les nombreux exemples donnés par le Thesaurus linguae latinae, V, 1, Leipzig,
1934, col. 981-982. Noter en particulier que ce verbe est souvent employé pour désigner une
traduction, ou une transposition, du grec au latin.
14 Dans l'autre hypothèse, l'emploi du mot homines comme antécédent de la relative
fait problème. Ou bien, en effet, l'auteur veut désigner par là «les gens qui, ceux qui...»,
sans distinction de sexe ni de catégorie, mais dans cet emploi généralisant c'est l'anaphorique
eos - le plus souvent omis devant un relatif au même cas - qui semblerait s'imposer. Ou
bien il s'agit d'une catégorie particulière de personnes: des hommes par opposition aux femmes,
et l'on attendrait uiros; de certains hommes par opposition aux autres participants aux bac
chanales, et il faudrait quosdam, ou nonnullos. Festugière a bien senti la difficulté, qui inter
roge: «cet homines - non uirosl - peut-il comporter la signification α'ανυρωποι, c'est-à-dire
désigner des «personnes», hommes ou femmes, sans que l'auteur veuille préciser?» (art. cité,
p. 90, n. 1 = p. 100, n. 1). Interprétation qui pourrait s'autoriser du contexte (uiri et feminae
y sont soigneusement distingués), mais aussi d'un passage du sénatus-consulte des Bacchanales
lui-même (1. 19 sq.), où le terme homines concerne explicitement des «personnes» des deux
sexes: homines plous V oinuorsei uirei atque mulieres {CIL I, 196 = Dessau, ILS I, 18).
Telle est bien, certainement, la valeur d'homines dans notre texte. Mais cette indétermination
délibérée serait tout aussi bien rendue par l'antécédent eos, exprimé ou non - et si Hispala
avait voulu insister sur une certaine «promiscuité», comme elle le fait maintes fois, elle aurait
eu recours, elle aussi, à l'expression homines, uiri atque mulieres... On voit qu'il est difficile
de justifier la présence dans le texte du mot homines, si l'on retient la construction couram
ment reçue. Dans l'autre hypothèse, au contraire, qui fait de raptos a dus homines un attribut,
l'expression du substantif homines, à défaut d'être absolument nécessaire à la correction gramm
aticale, s'explique simplement: le mot sert d'appui au groupe raptos a dus. Il serait évidem
mentinutile si l'attribut consistait en un simple adjectif, ou en un participe sans détermination
complétive. Notons enfin que la construction ici proposée met en valeur le rapprochement
expressif diis-homines, et la perspective de quasi-divinisation qu'il suggère (cf. Festugière,
art. cité, p. 95-96 = p. 105-106).
734 JEAN-MARIE PAILLER
nés par Hispala apparaissent donc comme ceux qu'une inscription33 nomme
les symmystai de Dionysos: ceux qui, après le dieu et avec lui, rejoignent
les nymphes dans leur sanctuaire et sont grâce à elles pénétrés du délire sacré.
Reste une dernière difficulté: pourquoi, s'il s'agit bien des nymphes,
lit-on dus et non nymphis ou, au féminin, deabus 34? Deux types de raisons
peuvent être avancées: l'une serait que l'on est en présence d'une traduction
très générale du grec θεόληπτος. Cette explication n'est pas exclusive d'une
seconde35: les nymphes, par essence même, sont des déesses, non seulement
groupées entre elles, mais qui se joignent facilement à d'autres divinités;
le dieu Pan, entre autres, est fréquemment représenté sur des reliefs figurant
l'antre des nymphes, en train de mener leur cortège dansant. Sans exclure
Dionysos lui-même, dont Pan est d'ailleurs un des fidèles suivants. Aussi
n'est-il pas possible de préciser davantage, mais dus paraît désigner global
ementles éléments du thiase bachique qui ont, d'une façon ou d'une autre,
partie liée avec le ζάοεον άντρον 36.
Accademia..., p. 111-113, 118-123, 126. Sur la Nymphe Mystis, au nom évocateur, cf. Nonnos,
Dionysiaques, IX, 101 sq. et P. Boyancé, Dionysiaca, dans REA, LXVIII, 1966, p. 53. Voir
encore, pour l'iconographie, G. E. Rizzo, Dionysos Mystes, dans Atti dell'accademia di
Archeologia di Napoli, 1918, p. 39 sq. et surtout Cl. Bérard, Art alexandrin et mystères
dionysiaques, Le «vase bachique» d'Avenches, dans le Bulletin de l'Association Pro Aventico,
19, 1967, p. 67 sq. Sur des représentations d'un Polyphème «dionysiaque» dans des «grottes-
nymphées», cf. H. Lavagne, Le Nymphée au Polyphème de la Domus Aurea, dans MEFR,
82, 1970, p. 712-719.
33 Publiée par J. Bousquet dans BCH, LXII, 1938, p. 51 sq.; cf. BCH, L, 1926, p. 242.
34 Le mot deae, en principe, n'est employé seul pour désigner les nymphes que si le
contexte ne laisse pas place à l'équivoque; cf. ILS, 3847 (inscription dédiée à Esculape, à
Hygie et aux nymphes): dii deaeque huiusque loci salutar es, où, comme on voit, la distinc
tion entre divinités masculine et féminines est explicite.
35 Noter d'autre part que dans le cas présent l'expression raptus a nymphis aurait créé
une ambiguïté, par les résonances funéraires qu'elle a acquises, en relation avec plusieurs
épisodes mythologiques (Daphnis, Hylas surtout...) et qu'on retrouve dans des inscriptions,
par exemple ILS 8482 = CIL 29195 (Rome); cf. la formule abuit ad Nymfas sur un relief
de Grossetto (voir les remarques de A. Carnoy, dans Muséon, LXIX, 1956, p. 187 sq.).
36 « Un endroit est appelé ζάΰεον quand il est comme rempli d'un souffle divin »
(W. Vollgraff, dans BCH, LI, 1927, p. 454: commentaire des lignes 140-141 du péan de
Philodamos à Delphes (strophe XI). Vollgraff examinait là une lecture possible de ces deux
lignes: (...) ζάΰέον τε [τεδ]/ξαι ΰεφ πρέπον αντρον. Lecture à mon sens préférable à celle, bien
pléonastique, qu'il retient finalement (ζαΰέωι... / ΰεφ; cf. Euripide, Phéniciennes, 232: ζάϋεά
τ' άντρα δράκοντος). Quoi qu'il en soit, l'idée est nettement exprimée d'un lieu rempli, par
essence même, de la présence divine, et remplissant, « saisissant » de cette présence ceux qui
le visitent. On peut rapprocher de cette formule, non seulement le passage de Platon cité
LES BACCHANALES ET LA POSSESSION PAR LES NYMPHES 739
On le voit: les nuances que ces pages, qui trouvent leur point de
départ dans l'article fondamental du P. Festugière, ont voulu introduire dans
la traduction de Tite-Live et dans la compréhension de certains termes
religieux conduisent à une interprétation un peu différente de celle pro
posée, sur ce point précis, par le même auteur 57. J'y vois cet avantage qu'on
est ainsi dispensé de chercher hors des mythes, des rites et des lieux saints
dionysiaques la raison d'être d'un langage au premier abord déconcertant.
Une récente découverte archéologique confirme cette hypothèse et
permet d'éclairer à son tour certains aspects du récit de Tite-Live. Une
salle souterraine carrée à vqûte tronconique et oculus central trouvée à
Bolsena - la Volsinii romaine 38 - se rattache à un sanctuaire bachique aménagé
entre 220 et 200 av. J.-C, et détruit par le feu 30 à 60 ans plus tard.
D'évidence, il s'agit d'une de ces cavernes dites « dionysiaques », plus souvent
décrites dans des textes, évoquées dans des inscriptions ou même illustrées
par des représentations figurées qu'attestées dans la réalité 39. De cet ensemble,
supra, p. 737, n. 30 (θείος... ό τόπος), mais d'autres textes ou inscriptions qui mentionnent
plus précisément des «antres»: notamment celui de Vari, qu'un certain Archidémos de Théra
fit aménager sous l'inspiration de nymphes: νυμφόληπτος φραδαΐσι Νυμφών ταντρον έξηργάξατο
(C. Inscr. Att, I, 423-425), et le « Sphragidion » où, selon Pausanias (IX, 3, 9) et Plutarque
{Vit. Arist. XI, 3-4) les nymphes du Cithéron prononçaient jadis des oracles: το των
Σφραγιτίδων νυμφών αντρον (...) έν ω και μαντείον ήν πρότερον, ως φασι, και πολλοί κατείχοντο
τών έπιχωρίων, ους νυμφολήπτους προσηγόρευον (Plutarque, loc. cit.). Antre de nymphes plus
ou moins «bachiques», lieu privilégié de la possession oraculaire des νυμφόληπτοι: il semble
que l'on rejoigne ici une notion assez commune dans l'Antiquité, et rattachée à d'anciennes
légendes (à πρότερον ως φασι chez Plutarque correspond το άρχαΐον . . . έχει λόγος, selon Pausanias,
loc. cit.); cf. sur ce point J. Toutain, Les cavernes sacrées dans l'Antiquité grecque, dans
Annales du Musée Guimet, XXXIX, 1912, p. 167-168. - On peut songer, en milieu étrusque,
aux enseignements de Végoia, elle aussi nymphe et prophétesse, (enseignements sans doute plus
récents qu'on n'avait cru; cf. J. Heurgon, The date of Vegoia's Prophecy, dans JRS, XLIX,
1959, p. 41 sq.). Sur un «antre des nymphes» en Etrurie, voir infra, p. 740.
37 Art. cité, p. 94-96 = p. 104-106.
38 Voir J.-M. Pailler, Bolsena 1970. La maison aux peintures, les niveaux inférieurs et
le complexe souterrain, dans MEFRA, 83, 1971, 2, p. 384-392 et fig. 8 à 16.
39 P. Boyancé, L'antre dans les mystères..., art. cité, ne signale, pour «une trentaine»
de documents figurés (p. 108), qu'un seul édifice «venu jusqu'à nous»: la crypte du sanctuaire
de Liber Pater à Mactar {ibid., p. 119, et la référence, n. 1, à G. Ch. Picard, Ciuitas
Mactaritana, dans Karthago, VIII, 1957, p. 50-52). On peut y ajouter, avec Ch. Picard, la
crypte bachique du sanôtuaire lié au théâtre d'Orange {Sur le sanctuaire d'Orange (Arausio)
dans le Vaucluse, adjacent au théâtre, dans CRAI, 1958, p. 84-85; cf. la remarque du même
auteur dans /S, 1961, p. 66 et n. 39 bis et dans RAC, 13, 1965, p. 10) et avec A. Audin
{Le théâtre antique de Lyon et la relinon dionysiaque, dans Latomus, XXXII λ, 1973,
740 JEAN-MARIE PAILLER
seules ou presque ont subsisté les parties souterraines, épargnées par l'i
ncendie et par l'érosion, ainsi qu'un nombre important de terres-cuites
décoratives préservées, après la destruction, par un scrupule religieux dont,
à époque un peu plus tardive, le même site offre un autre exemple caracté
ristique40. Le seul vestige notable en surface à proximité de l'antre, qui
appartenait sans doute au même ensemble cultuel, est un vaste bassin
disposé en L et revêtu d'un enduit hydraulique.
Plus fondamentalement, l'eau joue un rôle essentiel dans le complexe
cultuel volsinien. Non seulement la salle souterraine est liée à une citerne,
mais elle est revêtue du même enduit hydraulique que celle-ci. L'antre lui-
même ne servait pas à la conservation de l'eau, mais la présence d'un
dispositif d'écoulement montre que les cérémonies qui s'y déroulaient faisaient
régulièrement usage de l'eau puisée à la citerne. De plus, les deux salles
ont été aménagées au débouché d'un important souterrain de drainage dont
on a simultanément détourné le cours: il faut en conclure que le cadre
des mystères dionysiaques célébrés à Volsinii à la fin du IIIe et au début du
IIe s. av. J.-C. s'identifie à un « antre des Nymphes », ou plus précisément
se greffe41 sur un culte local des eaux42 maintes fois repérable au cours
de l'histoire de la ville et de sa région 43.
Il y a plus: le remarquable décor en terre-cuite qui a permis de
caractériser le sanctuaire comme dionysiaque représente une panthère
assise, chevauchée et entourée de Bacchoi AA tantôt ailés, tantôt aptères;
p. 560-566) la grotte proche du théâtre de Fourvière à Lyon: grotte à peu près contemporaine,
dans son premier état, de la construction du théâtre sous Auguste; à noter l'existence près
de l'entrée de cette grotte d'un bassin alimenté continuellement et se déversant en source
«des nymphes» (ibid., p. 562-563); également, dans le deuxième état de l'antre - sévérien -
la présence, parmi d'autres statues «bachiques», d'une nymphe sur un dauphin (p. 564). Ces
trois monuments, il faut le remarquer, sont d'époque impériale.
40 Cf. A. Balland, dans l'ouvrage d'A. Balland, A. Barbet, P. Gros, G. Hallier, Bolsena II,
les Architectures (1962-1967), dans les Suppléments aux MEFR, 6, Paris, 1971, p. 295-300.
41 Sur la vraisemblance d'une telle «greffe», cf. supra, p. 737, n. 31. Dans le même
sens, H. Jeanmaire (op. cit., p. 214) mentionne «bien des choses... que le dionysisme aurait
déplacées ou confisquées - à son profit - par un phénomène de substitution dont rend compte
le caractère envahissant de ce mouvement religieux».
42 Cf. A. Balland, op. cit., p. 276-279; 293-295.
43 Cf. D. M. Taylor, Local cuits in Etruria, Rome, 1923, p. 147-164 (passim), 245-246.
Plus généralement, sur le culte des eaux en Etrurie, voir P. Aebischer, Notes et suggestions
concernant l'étude du culte des eaux en Etrurie, dans SE, VI, 1952, p. 123-144.
44 Ch. Picard a consacré plusieurs études à ces bacchoi; voir notamment Les statues
ptolémaïques du Sarapieion de Memphis, Paris, 1955, p. 183, n. 3 et p. 190, n. 3; Sur le relief
LES BACCHANALES ET LA POSSESSION PAR LES NYMPHES 741
hellénistique de Capri (Musée de Naples), dit «la chevauchée nocturne», dans Atti del
VII Congresso Internazionale di Archeologia Classica, I, Rome, 1961, p. 407-425.
45 Voir en particulier D. Costa, Dionysos enfant, les Bacchoi et les lions, dans RA,
XXXIX, 1952, 1, p. 170-179.
46 Cf. H. Seyrig, La triade héliopolitaine et les temples de Baalbek, dans Syria, X, 1929,
p. 319-325. Voir également Ch. Picard, Les frises historiées autour de la cella et devant
Vadyton, dans le temple de Bacchus à Baalbek, dans Mélanges Dussaud, I, Paris, 1939,
p. 322, p. 333-335, et L. Leschi, Mosaïques à scènes dionysiaques de Djemila-Cuicul (Algérie).
Comparer P. Boyancé, L'antre..., art. cité, p. 108-109.
47 Cf. supra, p. 732.
48 Cf. la mise au point d'A. Bruhl, op. cit., p. 70 sq.; sur une inscription bachique du
IIIe s. av. J.-C, à Veii, voir St. Weinstock, Weihinschriften aus Veii, dans Gioita, XXXIII,
1954, p. 309 et n. 6.
49 La publication archéologique définitive est à paraître prochainement dans la Collection
de l'Ecole Française de Rome (ouvrage rédigé en collaboration avec J. Andreau, A. Barbet,
G. Hallier, H. Lavagne, P. Pomey). Sur les terres cuites, étude de J.-M. Pailler et F. -H. Pairault-
Massa à paraître dans la même collection.
50 Selon J. Heurgon, art. cité de la REL, p. 112, les inscriptions de Tarquinia et de
Tuscania sur lesquelles il s'appuie révèlent que «les mystères bachiques dans cette partie de
l'Etrurie... avaient fait l'objet d'une organisation officielle». A Bolsena aussi, on est bien en
présence d'un vaste ensemble public qui tranche sur les îlots environnants et dont les dimensions,
l'emplacement à la limite de deux terrasses, l'architecture et les relations avec le système
hydraulique du quartier sont significatifs.
51 Aucun document ne nous est parvenu attestant formellement que Volsinii soit à cette
époque une ciuitas foederata. Mais cela se déduit aisément d'indices concordants, antérieurs
742 JEAN-MARIE PAILLER
même à 265-264: cf. A. J. Pfiffig, Die Ausbreitung des Römischen Städtewesens in Etrurien,
Florence, 1966, p. 88-89, et surtout W. V. Harris, Roman foedera in Etruria, dans Historia,
XIV, 3, 1965, p. 282-292, notamment p. 286-288.
52 Tite-Live, XXXIX, 18.
53 Aussitôt après la destruction du sanctuaire, une domus à atrium toscan est édifiée
sur les ruines. Même en tenant compte des précautions rituelles signalées plus haut, (conservat
ion des terres cuites dans le cadre de la maison), cette réoccupation immédiate d'un locus
sacer (cf. Digeste, I, 8, 6) par une construction privée implique, surtout dans la très conservat
rice Etrurie, que la « sacralité » de l'endroit ait été annihilée par quelque décision officielle
(cf. Digeste, I, 8, 9). Sur ces problèmes, voir P. Gros et A. Balland, op. cit., respectivement
p. 109-110 et 295-299. Sur l'intervention du Sénat, à cette occasion, dans les «affaires rel
igieuses» des cités italiennes, cf. A. H. McDonald, Rome and the Italian Confederation
(200-186 B.C.), dans JRS, XXXIV, 1944, p. 11-33, en particulier p. 26 sq.
FRANÇOISE-HÉLÈNE PAIRAULT-MASSA
6 Typologie étudiée à propos des stèles de Fiesole par F. Magi, Stele e cippi fiesolani
dans S£, 6, 1932, p. 41. Cf. aussi Id., Nuova stele fiesolana dans ACl, 10, 1958, p. 201-207;
P. Bocci, Una nuova stele fiesolana, Boll. Arte, ser. 4, 48, 1963, p. 207-211; F. Nicosia dans
SE, 34, 1966, p. 149-164. Sur Fiesole, en dernier, G. Caputo dans Rend. Lincei, 26, 1971 (5-6),
p. 325 sq.
7 Ce monument, pratiquement inédit (cf. A. Mazzolai, Rosselle e il suo territorio, Grosseto,
1960, p. 115, fig. 38 = face antérieure et p. 175) se trouverait au Musée de Grosseto. Nous
n'avons pas noté sa présence lors de l'inauguration du nouveau Musée de Grosseto (Mai 1975,
X Convegno di Studi Etruschi) dans les salles splendides consacrées à Rusellae.
8 G. Radke, art. cité, col. 730.
9 F. Magi, art. cité, pi. VIII, X, XI.
NOTE SUR LA STÈLE « CIE I, 50 » (VOLTERRA) 745
10 Comme, par exemple, des fleurs de lotus ou des arbres séparant des personnages dans
les motifs de Γ orientalisant ancien. Entre autres exemples cf. une corne d'ivoire de Populonia,
A. Minto, Populonia, Florence, 1943, p. 119 (tumulus des chars).
11 M. Pallottino, La peinture étrusque, Genève, 1952, p. 57. On trouve des analogies
frappantes entre le dessin de l'arbuste sur la stèle de Volterra et celui des arbres derrière
lesquels se dissimule Achille pour surprendre Troïlos (Tombe des Taureaux). Ce motif de l'arbuste
se retrouve sur des bagues de marque ionienne, cf. A. Furtwängler, Die antike Gemmen, Leipzig,
1900, I, pi. VII, 8, 9, 10; III, p. 83 sq. en part. p. 86.
746 FRANÇOISE-HÉLÈNE PAIRAULT-MASSA
12 G. Radke, art. cité, col. 730, reprend une observation très juste de P. L. Consortini,
o.e., p. 96, n. 1 (cf. supra note 2).
13 Les traces d'une cinquième incision légèrement divergente, à gauche, dans la zone du
relief la plus densément criblée de trous (trois dépressions principales en alignement) est douteuse
en raison de l'état de la pierre. Cependant il est probable que si la figuration des plis existe
dans cette zone, les incisions correspondantes tendent à épouser la forme du corps. Le premier
indice de l'existence d'une telle figuration pourrait être précisément constitué par la ligne
divergente soupçonnée à laquelle pourrait s'ajouter quatre autres sillons ou dépressions parallè
les dont on verrait le départ sur la ligne de contour gauche du personnage.
NOTE SUR LA STÈLE « CIE I, 50 » (VOLTERRA) 747
14 Sur la stèle de Larth Tharnie, on peut observer un compromis assez bâtard entre le
vêtement civil (cf. infra, p. 755) et les attributs militaires (épée). Cet aspect avait déjà frappé
A. Minto (art. cité, p. 308) qui se demandait si Larth Tharnie n'était pas plutôt un prêtre
«qu'un guerrier». Ce qui nous reste de la stèle CIE 50 ne fait en revanche pas penser que
des attributs militaires aient pu compléter l'équipement de tel ou tel personnage (cf. infra p. 753)
l'opposition pourrait être marquée uniquement dans les gestes.
15 F. Magi art. cité, pi. V, 1 (cippe Inghirami); VIII, 3; p. 43.
16 Dans l'immense bibliographie concernant les stèles grecques, nous nous bornons à citer
l'article stèle de la RE, III A, 1929, col. 2313 sq. (A. Möbius). Pour la période archaïque dans
les diverses régions de la Grèce: K. Friis Iohansen, The Attic Grave-Reliefs, Copenhague, 1951;
G. N. Richter, Archaic attic gravestones, Londres, 1961; V. Jantzen dans Arch. Anz., 1963,
p. 431-439; J. Frei dans Arch. Anz., 1973, p. 193-200; V. Kuigge, dans Arch. Anz., 1972, p. 584-629;
E. Akurgal, ^Zwei Grabstelen Vorklassischer Zeit aus Sinope, Berlin Winckelmansprogramm,
111, Berlin 1955; Id., Griechische Reliefs des VI Jahrundertß aus Lykien, Berlin, 1942; P. De-
margne, Fouilles de Xanthos, les piliers funéraires, Paris, 1,958; H. Biesantz, Die Thessalischen
Grabreliefs, Mayence, 1965, Id., dans Festschrift Matz, 1962, p. 63 sq.; G. Despinis, Kykladische
Grabstelen des 5/4 jh. v. ehr., dans Antike Plastik, VII, 1967, p. 77-78; H. Hiller, Ionische
Grabreliefs der ersten Hälfte des 5 Jahrhunderts v. ehr,, Göttingen, 1968 et maintenant Ist. Mitt.,
Beiheft, 12, 1975.
Pour Sparte, Ath. Mitt, 2, 1877, p. 28 (H. Dressel, A. Milchhoef er) ; P. Jacobsthal, Die
Melischen Reliefs (Berlin, 1931); E. Buschor, Altsamische Grabstelen, I, dans Ath. Mitt, 58,
1933, p. 24 sq., Altsamische Grabstelen, II, dans Ath. Mitt, 74, 1959, p. 6-9.
17 En l'absence d'un véritable Corpus des petits bronzes, il est actuellement vain de donner
ici une bibliographie complète. En dehors des catalogues des principaux musées et des Tyrrhenika
748 FRANÇOISE-HÉLÈNE PAIRAULT-MASSA
(cité) de P. J. Riis, nous renvoyons à l'article récent de G. Gualandi, dans SE, 42, 1975, p. 37 sq.
pour les bronzes récents de Bologne (Villa Cassarmi); P. Monti dans Studi Romagnoli, 15,
1965, p. 59-80; H. Jucker, Etruscan votive bronzes from Populonia, dans Art and Technology.
A symposium on classical bronzes (S. Doeringer, P. G. Mitten, A. Steinberg, Cambridge Massa-
chussets) Massachussets, 1970, p. 195 sq.; G. Colonna, Bronzi votivi umbrosabellici, I, Florence,
1970, ainsi qu'aux numéros suivants des SE: 10, 1936, p. 381 sq. (Catania); 12, 1938, p. 267;
15, 1941, p. 231-236; 21, 1947, p. 343 sq. (Verona); 22, 1948, p. 59 sq. (Modène); 23, 1949,
p. 383 sq. (Verona); 25, 1951, p. 489 sq. (Chiusi); 26, 1952, p. 193 sq. (Grosseto) et aux
numéros suivants de Y Arch. Anz.: 1966, p. 367-378; 1967, p. 619 sq.; 1973, p. 652-658.
18 Reproduit dans A. Hus, Les bronzes étrusques, Bruxelles, 1975 (coll. Latomus, 139), p. 26.
19 Par exemple le bronze de l'île d'Elbe, cf. SE, 2, 1928, p. 49-54. Cf. aussi types de togati:
E. Hill Richardson, The Etruscan origins of Early Roman sculpture, dans Mem. Ac. Am., 21,
1953, p. 114 sq., fig. 2, p. 26; G. Hafner, Etruskische Togati, (Antike Plastik, IX) Munich, 1969,
p. 40 sq.
20 A. Hus, o.e., pi. 23 (candélabre n. 598 du British Museum).
21 Cf. discussion infra p. 753.
Leasies ne peut-être qu'un masculin (qu'il s'agisse d'un nomen ou d'un praenomen), à suffixe
- ie décalqué sur les suffixes indo-européens en - ios pour les noms de personnes.
NOTE SUR LA STÈLE « CIE I, 50 » (VOLTERRA) 749
22 G. M. Richter, Kouroi, New York, 1970, p. 155, 124 a-c. K. Blümel, Die archaischen
griechischen Skulpturen der Staatlichen Museen zu Berlin, Berlin, 1964, n. 69, p. 64, fig. 217-219.
23 P. Devambez, Une nouvelle statue archaïque du Louvre, dans RA, 1966, 2, p. 195 sq.
(et bibl.).
24 P. Devambez, art. cité, p. 203. Cf. Fig. 2 et 3.
25 E. Akurgal, Die Kunst Anatoliens, Berlin, 1961, p. 231, fig. 195.
26 Κ. Tuchelt, Die archaischen Skulpturen von Didyma (Ist. Forsch, 21) Istambul, 1970,
p. 61 sq.
27 Cf. Bull, de la Soc. arch, bulgare, 18, 1952, p. 93 sq. (Galabov).
28 Sur ces statues nous renvoyons à la récente publication de B. Freyer - Schauenburg,
Bildwerke der archaischen Zeit und des strengen Stils (Samos, 11), Bonn, 1974, p. 150-152.
29 B. Freyer - Schauenburg, o.e., p. 152.
30 Ibid., p. 152 («nicht nach 540»); E. Akurgal, o.e., p. 231 «um 540-530».
31 P. Devambez, art. cité, p. 215.
750 FRANÇOISE-HÉLÈNE PAIRAULT-MASSA
zig-zag à Samos. Entre les deux représentations, au-delà des analogies, il faut
en effet souligner deux différences: l'une, irréductible, qui concerne la longueur
de la tunique plus courte sur Fa stèle (mais les comparaisons les plus
frappantes restent du domaine d'influence ionien: peintures de Tarquinia et
hydries de Caere37); l'autre différence a trait évidemment à la qualité artist
iqueinférieure de la stèle et aux difficultés d'une représentation de profil.
La maladresse est évidente comparée aux ondes harmonieuses de l'himation
samien et le traitement du pan de l'himation révèle la même pauvreté rudi-
mentaire. Mais, au niveau purement typologique, la comparaison nous paraît
justifiée et même en vérité confirmée si nous considérons le personnage à
droite de la stèle. En effet le détail des trois éléments (cf. supra) n'est pas
moins significatif. Riis avait bien noté les deux sortes de kolpoi formés par
le vêtement mais n'en tirait aucune conclusion: elle nous semble assez claire
si nous nous référons aux mêmes types grecs. Le bord arrondi du vêtement
dans la pierre correspondrait justement à l'arrondi de l'himation et la « bande
taillée en pointe » entre les deux kolpoi pourrait aussi correspondre à un
pan d'himation descendant de l'épaule gauche, comme sur le personnage à
gauche. Mais c'est en réalité un principe d'explication minimum qui ne
donnerait pas de raisons suffisantes pour rendre compte de la présence du
second kolpos, vers le dos du personnage. Celui-ci ne s'explique pas, puisque
salut funèbre comme on le voit justement pour la tombe des Augures et sur des reliefs en pierre
fétide de Chiusi. La main gauche était donc peut-être posée sur la tête, tandis que le bras
droit légèrement plié devait descendre en oblique le long du corps, ou (autre solution) s'arrêter
un peu au-dessus de l'extrémité de l'élément végétal, comme on voit pour la Tombe du Baron.
37 Sur la terminaison a fiamma de certains vêtements dans l'art étrusque, cf. G. Patroni,
II taglio a fiamma nel panneggio delle figure etrusche, dans Rend. Ist. lombardo Scienze e
Lettere, 69, 1936, fase. 6-10, p. 375 sq. Quant à la tunique en elle-même, il s'agit d'une adaptation
des longs chitons ioniens à un type de vêtement moins long, peut-être étrusque, dont on possède
certains exemples sur les fresques de Tarquinia. Cf. en particulier l'agonothète (combat de
lutteurs, Tombe des Augures) qui est vêtu d'un vêtement long terminé a fiamma et possédant
un faisceau de plis au centre. Cf. F. Magi - G. Becatti, Le pitture delle tombe degli Auguri
e del pulcinella (Monumenti della pittura antica, sez. I, III-V, Rome, 1955, fig. 13 p. 25 et
fig. 11). On comparera également avec la tunique (comportant au centre quatre plis droits) du
petit bronze de Fossombrone (Isola di Fano). Cf. E. G. Giglioli, AE, Milan, 1935, pi. LXXXV, 4
(daté du dernier quart du VIe siècle). Pour la comparaison entre le style des vêtements sur
les hydries de Caere et les vêtements de notre stèle, nous nous bornons à citer l'hydrie E. 702
du Louvre cf. Fig. 4 (personnage derrière Hermès enfant allongé comme mort) et l'hydrie du
Vatican n. 229, pi. 19 (Albizzati), cf. Fig, 5 (personnage d'Hermès dans la lutte d'Héraclès et
Alkyoneus).
752 FRANÇOISE-HÉLÈNE PAIRAULT-MASSA
38 Comme pour les pièces du vêtement de certaines korai (vues de face). Par exemple:
G. M. Richter, Korai (cité), n. 441-444 (dernier tiers du VIe siècle). On peut également songer
à ce détail du costume sur certaines hydries de Caeré; il appartient à des personnages soit
féminins (Gè dans le châtiment de Tityos, cf. P. Devambez, dans Mon. Piot, 41, 1946, p. 47, fig. 9)
soit masculins (Ulysse, ibid., fig. 16).
39 E. Akurgal, Die Kunst Anatoliens (cité), p. 229. Cf. Fig. 7.
40 P. Devambez, art. cité, p. 203.
41 K. Tuchelt, o.e., cf. supra note 35. Cf. Fig. 6.
42 Cf. G. Buonamici, Epigrafia etrusca, Florence, 1932, pi. XVIII, fig. 26; TLE 407, et
M. Pallottino art. cité dans Etudes étrusco-italiques, pi. XVII, 1; G. Giglioli, AE, pi. LXIX, 1.
43 Le fait que, dans l'hypothèse défendue, la main soit repliée explique même l'extrémité
anguleuse figurée sur la stèle. La statuaire ionienne de référence, comme on peut s'en rendre
compte par le jeune homme de Myous, celui du Louvre, ou celui de Samos, n'atteint pas non
plus la perfection dans la représentation de la main et l'on conçoit même qu'une transposition
NOTE SUR LA STÈLE « CIE I, 50 » (VOLTERRA) 753
48 Cf. par exemple CIE 105 (Avile Tite) et TLE 407 (Larth Tharnie). M. Cristofani (SE, 41,
1973, p. 282-284, en part. p. 284) pense que la personne qui dédie la stèle, sans rapport de
parenté avec le défunt (comme l'enseigne, semble-t-il, l'onomastique des inscriptions), pourrait
avoir été son remplaçant à sa mort. Elle aurait ainsi ajouté ensuite le nomen du défunt à son
propre nom. Sans imaginer des structures de parenté archaïques formant une réalité en soi et
susceptibles de rendre compte d'un tel phénomène (cf. CIE 11, Fiesole, Mi larus ananas anasnies
klan, H. Rix, Das Etruskische cognomen, 1963, p. 305) nous pensons que les motivations et
la forme des adoptions antiques permettent d'expliquer une assomption de parenté justifiée par
la nécessité d'accomplissement du rite funèbre. D'autres usages sociaux (camaraderie militaire,
εταιρεία, à ce sujet J. Heurgon dans Historia, VI, 1957, p. 96) peuvent avoir joué aussi bien.
De même il n'est pas toujours certain, pour les stèles attiques archaïques que le dédicant soit
le plus proche parent (cf. n. 55, p. 143, G. H. Jeffery, The inscribed gravestones of archaic
Attica, dans Ann. BSA, 57, 1962, p. 115 sq.; G.M.A. Richter, The archaic gravestones of Attica,
Londres, 1961, η. 35, p. 157, fig. 202 (Epigraphical index de M. Guarducci) voir aussi
M. Guarducci, Epigrafia greca, III, Rome, 1974, p. 177 sq. La formule avec mi muluvanike
constitue, au demeurant, une transposition des formules grecques du type μ'άνέ&ηκεν cf. A. J. Pfiffig,
Die Etruskische Sprache, Graz, 1969, p. 234, pour l'équivalence mla[X] donum votivum (racine
mulu) et grec άνάοημα.
49 F. Magi, art. cité, p. 18, n. 17 (stèle de S. Ansano), p. 44, 70. A propos de cet unicum
dans les représentations des stèles de Fiesole, l'auteur rappelle la stèle archaïque de Sparte
(cf. Ath. Mitt, 2, 1877, p. 301) représentant deux personnages opposés se rendant hommage.
L'un des deux personnages de la stèle n. 17 (F. Magi, ibid.) de Fiesole tient un canthare. On
peut comparer avec la stèle attique de Lyseas (G.M.A. Richter, The archaic gravestones of Attica,
(cité) n. 70, p. 48, fig. 159) pour ce détail. Nous serions moins portés à y voir l'indice de la
fonction sociale du défunt (prêtre de Dionysos, etc.) qu'une signification plus générale liée au
rite funéraire et à Phéroïsation du défunt (cf. stèle de Chrysaphà à Sparte, l'un des deux défunts
trônant tient un canthare). De même l'autre stèle de Fiesole (SE, 6, 1932, p. 69), cf. F. Magi,
dans / Convegno di Studi Umbri (cité), p. 179, interprétée comme un adieu funèbre entre
deux guerriers.
NOTE SUR LA STÈLE « CIE I, 50 » (VOLTERRA) 755
50 Ainsi il n'est pas sûr que Larth Tharnie porte une pièce de vêtement unique (sorte de
longue tunique, cf. A. Minto, art. cité). La pierre conserve peut-être encore, mais nous voulons
le vérifier sur l'original, soit la trace d'une sorte de camisole portée par -dessus le chiton long,
peut-être comparable avec le vêtement du joueur de flûte (Tombe de la chasse et de la pêche),
cf. P. Romanelli, Le Pitture della tomba della caccia e pesca (Monumenti della pittura antica
scoperti in Italia), Rome, 1940, fig. 12), soit encore la trace d'un manteau semblable à celui
du personnage à gauche de la stèle CIE 50. En tout cas, le profil (dessin de la ligne de front,
des yeux, léger saillant des lèvres est comparable à quantité d'œuvres suivant les canons de la
représentation ionienne; voir le détail dans C. Lavk)sa, Guida..., p. 12-13, fig. 4, et cf. E. Langlotz,
Die Kulturelle und künstlerische Hellenisierung der Küsten des Mittlemeers durch die Stadt
Phokaia, Cologne, 1966, fig. 54 (profil de Myous); cf. aussi le petit bronze de Populonia,
H. Jucker, dans Art and technology, cité, fig. 2a et 2b; cf. aussi le profil ionien de Iasos,
C. Laviosa, dans Ann. Scuola Arch. Atene, 50-51, 1975 (1972-73), fig. 9, 10 12 (datation haute,
avant 550). Quant au détail qui a été interprété tantôt comme un casque, tantôt comme une
coiffure, nous sommes plutôt portés à croire qu'il s'agit d'une coiffure, puisque l'oreille est
visible. Le traitement en deux zones distinctes de la coiffure se retrouve sur de nombreux
kouroi, mais le schéma particulier d'une zone lisse au-dessus d'une zone bouclée se retrouve
sur des vases provenant de l'Ionie du Nord et datables aux environs de 540-530 (en particulier
756 FRANÇOISE-HÉLÈNE PAIRAULT-MASSA
une série de dinoi étudiés par F. Villard dans Mon. Piot, 43, 1949, p. 33 sq., et récemment par
F. Hölscher dans CVA, Würzburg Bd 1, Munich, 1975, fig. 17, taf. 26 à 28), deux zones bien
distinctes de la coiffure sont séparées par une double incision (par exemple sous la nuque
de Dionysos, F. Villard, o.e., p. 35, fig. 5). Comme d'autre part les cheveux tendent à cacher
une partie du front, le dessin supérieur de la coiffure peut avoir inspiré les schémas grossiers
de Volterra. A propos de ce traitement de la coiffure en deux zones, nous voulons ajouter
un parallèle de l'art étrusque qui ne nous semble pas avoir été signalé jusqu'ici: il s'agit du
dessin de la coiffure des Sirènes et autres personnages chez le peintre de Micali (vers la fin
du VIe s.). Nous citons un seul exemple celui de CVA Leipzig Τ 3309, taf. 49, 6 et 50, 2-3,
où la Sirène semble porter le même « bonnet » que Larth Tharnie ou le personnage anonyme
de Laiatico.
La même remarque s'applique à la stèle de Laiatico pour laquelle on notera que les mèches
de cheveux semblent se terminer par des boucles arrondies. Ce détail est comparable à la coiffure
du guerrier sur la stèle de l'hoplitodrome. Cf. J. Charbonneaux, R. Martin, François Villard,
La Grèce archaïque, Paris, 1968 fig. 301; on peut rapprocher encore la coiffure d'Avile Tite
(boucles sur le front et perruque à étages) de celle d'un kouros de Paros, La Grèce archaïque,
cité, fig. 151, p. 132, sans quitter la sphère ionienne orientale (en particulier l'influence de Milet).
51 Sur les trouvailles de bronzes archaïques à Lustignano, cf. E. Fiumi, La faciès arcaica
(cité), p. 273.
52 A. Minto, Populonia, Florence, 1943, p. 164, pi. XLI, 3-4, en particulier 3.
53 E. Buschor, Altsamische Grabstelen, I, dans Ath. Mût., 58, 1933, p. 22 sq., en part,
p. 31-36; Id. Altsamische Grabstelen II, dans Ath. Mitt, 74, 1959, p. 6-9; Β. Freyer - Schauen-
burg, o.e., p. 274 sq., pl. 72, 73, 74, 75.
54 A. Minto dans N. Se, 1934, p. 406, fig. 62.
55 Κ. Tuchelt, art. cité, p. 53-54, pl. 10-11 (1-3), datée vers 550 av. J.-C.
NOTE SUR LA STÈLE « CIE I, 50 » (VOLTERRA) 757
56 Pour l'analyse des bronzes de Populonia et leur appartenance au courant ionien, cf.
H. Jucker, dans Arch. Anz., 1967, p. 619 sq. et Id. dans Art and Technology (cité), cf. note 17.
57 Dans le cadre restreint de cet article nous n'examinerons pas la totalité des petits
bronzes archaïques de Volterra qui méritent également une mention dans le cadre de l'art ionien.
Pour certains d'entre eux, nous renvoyons à E. Fiumi, La faciès arcaica, cité, p. 285 sq.
58 Münch. Jahrb.; 1912, p. 72, fig. 2; Arch. Anz., 1913, p. 17, n. 2, fig. 2; P. J. Riis, Tyrrhenika,
Copenhague, 1941, p. 142; E. Fiumi, La fades arcaica... (art. cité), fig. 16, p. 291, 292; Mostra
etr. Mil. n. 256 (entre 550 et 500); H. Busch et G. Edelmann, Etruskische Kunst, Francfort,
1969, p. 119. Cf. Fig. 8.
59 En particulier pour le schéma des plis du chiton, tendant à rejoindre la paryphé en
ondes progressivement tangentes à cette dernière, cf. G.M.A. Richter, Korai (cité), n. 516 (Koré de
Didyme au Musée de Berlin); ibid., n. 491-494 (Korè provenant du temple d'Héra à Samos.
Pour le schéma des deux kolpoi de part et d'autre de la ceinture, ibid., n. 441-444 (Grèce
continentale, vers 530-520) et surtout, ce détail, dans la série ionienne, cf. C. Blümel, o.e.,
p. 52 n. 49, fig. 135 (Milet); p. 44 n. 37 fig. 106 (Samos). Cf. Fig. 9.
758 FRANÇOISE-HÉLÈNE PAIRAULT-MASSA
60 A. De Ridder, Les bronzes antiques du Louvre, Paris, 1913, I, p. 40, n. 226, pi. 22;
P. I. Riis, o.e., p. 128, pi. 22,4.
61 Pour le rapprochement entre le bronze du Louvre et celui de Madrid, cf. E. Kukahn,
Unas relaciones especiales entre el arte oriental griego y el occidente, dans Actes du Simposio
de Colonizaciones, Barcelona - Ampurias, 1971 p. 109 sq; P. J. Riis, o.e., p. 142, note que la
statuette du Louvre (ibid., p. 128, pi. 22, 4) de provenance inconnue (peut-être assimilable à
un bronze de Pérouse, cf. A. De Ridder, loc. cit.) ferait une excellente contrepartie à la sta
tuette de Munich provenant très probablement de Volterra. Pour nous, tous ces petits bronzes
sont des produits (originaux ou imitations) de diffusion de l'art oriental grec en occident.
62 Sur la bataille d'Alalia, cf. en dernier lieu (avec bibl. ant.) l'article de M. Gras dans
Latomus, 1972, 2, p. 698 sq., en particulier p. 712 sur les itinéraires maritimes et sur l'impor
tancede la région de Populonia et de l'île d'Elbe en fonction du second itinéraire vers la Sardaigne.
63 Servius ad Aen. X, 172: «quidam Populoniam, post XII populos in Etruria constitutos
(c'est nous qui soulignons et cette phrase est importante pour conclure qu'il ne s'agit pas d'une
migration préhistorique ou protohistorique), populum ex insula Corsica in Italiam venisse et
condidisse dicunt: alii Populoniam Volaterranorum coloniam tradunt: alii Volaterranos Corsis
eripuisse Populoniam dicunt». Vingt ans avant la prise de Phocée (Hérodote I, 165) =vers 565
les Phocéens avaient fondé leur colonie d'Alalia et l'on doit penser à cette première vague de
colonisateurs pour une fondation phocéenne de Populonia. Populonia a d'ailleurs tous les carac
tères d'un établissement phocéen par sa structure d'emporium sur la mer (cf. Strabon V, 2, 6)
et le passage se référant à une conquête de Volterra sur la ville pourrait illustrer les rapports
de nature complexe, qui se tiennent ordinairement entre une emporium et sa χώρα, entre les
NOTE SUR LA STÈLE « CIE I, 50 » (VOLTERRA) 759
Ainsi nous devons affronter deux séries de problèmes que nous évo
querons ici rapidement plus pour ouvrir des perspectives que pour apporter
des conclusions définitives.
1) On ne peut pas parler génériquement 68 d'influence ionienne ou
d'Asie Mineure mais de points de contact précis qui ont une répercussion
immédiate sur les conditions de la création des stèles. On a avancé l'hypo
thèse très plausible de la présence d'artistes grecs69. Mais cet art ionien des
stèles peut en réalité conduire à deux hypothèses: ou une fraction de la
population indigène, en rapport avec les Grecs, utilise les formes et, nous
dirions volontiers, les oripeaux ioniens, pour ses propres besoins de prestige;
ou encore, certains étrangers70 (commerçants, courtiers) adoptés en pays
68 Cet aspect avait déjà été souligné par A. Minto (art. cité) comme par M. Pallottino,
art. cité, p. 151-152 et repris dans le livre de P. Zazoff, Etruskische Skarabäen, Mayence, 1968,
p. 19-20.
69 Cf. l'inscription Metru menecen (= Μήτρων έποίεσεν; C. De Simone, Die Griechische
Entlehnungen im Etruskischen, II, Wiesbaden, 1970, par. 190, p. 231-233); A. Minto, Populonia
(cité), p. 237.
70 On peut se demander quelle est l'origine de noms comme Tharnie (TLE 407), Leasie
(CIE 50, s'il s'agit toutefois d'un nomen) ou même Ninie (CIE 1, Fiesole). Lors du dernier
congrès d'Etudes étrusques (Grosseto, mai 1975), C. De Simone a attiré l'attention sur Zarmaie(s'),
cf. SE, 39, 1971, n. 26, p. 353 et pi. LXXIII ^ulci) et -Zarmas (Asie Mineure). Nous rappelons
à ce propos que la stèle de Grosseto d'après A. Mazzolai (loc. cit. supra) porte l'inscription...
maies. Nous nous demandons de même si les suffixes -ie ou -nie (cf. H. Rix, o.e., p. 296-297)
ne cachent pas d'autres noms de marque orientale. Cf. L. Zgusta, Kleinasiatische Personennamen,
Prague, 1964, par. 253 (Δαρνος = Phrygie), ibid., par. 282-4 et note 79: Λείας masc; Id., Anato-
lische Personennamensippen, Prague, 1964, p. 58-59. Nenias; par. 3, p. 34-35 (-Zarmas/Ζαρμος,
ce dernier nom peut-être celte?). Tharnie avec dentale sonore rappelle tarnas/nai gén. tarnes
à Vulci, {TLE 318-321) avec dentale sourde. Si l'on doit traiter na(s) comme suffixe, tharnie
pourrait être une variante construite avec suffixe -nie. Mais en admettant que la racine soit
Tharn/tarn/Δαρν (Δαρν-ος/tarn-as) le problème serait très différent et nous devrions évoquer
une possible adjonction du simple suffixe italique -ie à un nom étranger. Nous n'aurions pas
alors à considérer (H. Rix, loc. cit.) le problème des gentilices en -ni (Tharme) pour ce nomen.
En revanche, ce dernier problème se pose sûrement pour le dédicant de la stèle de Larth
Tharnie: ... (?) uchulni. Ce nom, malgré l'état de la stèle, paraît complet et dans cette hypothèse
il est tentant de le rapprocher de Ogulnius attesté (étr. gén.) dans la région de Chiusi et de
Pérouse, et célèbre aussi (D.H., 20, 14, Liv. 10, 6 sq.) dans l'histoire de la plèbe romaine (cf.
W. Schulze, ZGLE Berlin, 1904, p. 150-151). On notera, pour la phonétique de l'inscription,
que la gutturale sonore a été préférée à la sourde, phénomène qui se rapproche peut-être de
l'expression de cette même préférence dans le cas tharnie, tarnas, évoqué ci-dessus.
Ajoutons que dans la même série des noms d'origine asiatique, le problème se pose pour
arch, tatanas (Orvieto, Tufo del Crocefisso, SE, 30, n. 14, p. 144) et Τατανης, L. Zgusta, o.e.,
NOTE SUR LA STÈLE «CIE I, 50» (VOLTERRA) 761
par 1517-28, p. 505); ree. tatanus (colombe de Volterra) et Τάτανος (Mys. Pergame, lycie,
ibid. par. 1517-27, p. 699).
71 Tendance, selon nous, trop marquée chez A. Hus, Recherches sur la statuaire en pierre
étrusque archaïque, Paris, 1961 (BEFAR 198), p. 508 (vers 600), et Id. dans MEFR, 71, 1959,
p. 26 sq., en particulier p. 31.
S'il n'est pas douteux que certains produits orientalisants anciens (notamment de petits
bronzes) attestent la précocité de certains contacts avec l'Orient, cf. A. Hus, art. cité, p. 9 sq.,
J. C. Balty, dans Bull. Inst. Hist. Belge, Rome, 33, 1961, p. 5-68, ibid., 37, 1966, p. 1-16, les
stèles de Volterra n'appartiennent pas à ce courant ancien.
72 Si la stèle est effectivement recentior, il peut s'agir d'une écriture délibérément archaï-
sante. Sur l'écriture des stèles de Volterra, cf. quelques notes contenues dans l'article de
M. Cristofani, Sull'origine e la diffusione dell'alfabeto etrusco, dans Festchrift Vogt, Berlin,
1972, p. 466-489, en part. p. 482, et le récent commentaire du même auteur dans SE, 41, 1973,
p. 284, cité supra, ainsi que dans la note de F. Nicosia dans SE, 35, 1967, p. 516 sq. (stèle de
Montaione). Le Thêta à point central apparaît, semble-t-il, dans l'alphabet de Colle (E. Buona-
mici, Epigrafia etrusca, Florence, 1932, pi. IV, fig. 6 et p. 110-111, si toutefois les dessins
conservés de cet alphabet constituent des points de référence suffisamment sûrs (cf. A. Neppi
Modona, dans Rend. Lincei, 62, 1926, p. 508 qui souligne que d'après les dessins cet alphabet
aurait comporté également un samesh).
73 M. Guarducci, Epigrafia greca, I, Rome, 1967, p. 259; L. H. Jeffery, The local scripts
of Archaic Greece, Londres, 1961, p. 325. Le Thêta pointé apparaît sur une dédicace d'Aiakes à
Héra (Samos) env. de 525-520 (ibid., η. 13), à Milet {ibid., η. 33) et peut-être avant (vers 540-525)
sur un vase de Klazomènes (ibid., η. 63). D'autres exemples (Attique, ibid., p. 66, n. 16 = vase
François vers 570) et n. 24 (canthare de Nearchos vers 550). Eretrie (n. 9, p. 87), Béotie
(n. 1, p. 44) peuvent faire penser à certains emplois antérieurs à 550, mais l'usage le plus
762 FRANÇOISE-HÉLÈNE PAIRAULT-MASSA
comporte précisément un tel thêta qu'il est tentant de replacer non seul
ement dans la perspective de l'évolution propre de l'alphabet étrusque, mais
encore, s'agissant d'une création dont les liens avec l'art ionien oriental
sont reconnus, dans la perspective d'une possible influence.
Les problèmes que nous venons d'évoquer ne peuvent naturellement
trouver de résolution adéquate dans le cadre de cet article. Il nous aura
suffi d'attirer l'attention sur un monument méconnu, la plus ionienne peut-
être des stèles de Volterra74, comme il nous est agréable de soumettre ces
réflexions à M. Heurgon après les récentes discussions du congrès de Naples.
courant s'établit, semble-t-il, dans la seconde moitié du VIe s. car c'est le Thêta pointé qui fait
figure d'innovation et le Thêta à croix qui fait figure de persistance (pour les exemples, ibid.,
Phocide, p. 100, Corinthe, p. 115, Argos, p. 154, Laconie, p. 183, Arcadie, p. 207, colonies
achéennes, p. 249, Sicile, p. 262, îles Egées, p. 289).
74 Rappelons encore le miroir (inv. n° 921) du Musée Guarnacci (fonds ancien) représentant
deux femmes coiffées du tutulus, vêtues à la mode ionienne, symétriquement opposées de part
et d'autre d'un anthémion à palmettes évoquant encore Populonia. Cf. I. Mayer Prokop, Die
gravierten etruskischen Griffspiegel archaischen Stils, (MDAi R, suppl. 13), p. 42, n° 55, pi. 49, 2.
NOTE SUR LA STÈLE « CIE I, 50 » (VOLTERRA) 763
;*>
(Photo de l'auteur)
ν*··*
Fig. 7 - a) Profil droit du Kouros du Cap Phonéas; b) Profil gauche du Kouros de Myous.
NOTE SUR LA STÈLE « CIE I, 50 » (VOLTERRA) 769
ι *
(Cliché: C. H. Krüger-Moessner Nég. KM 2595) (Cliché: Staatl. Museen zu Berlin Nég. SK 74S2)
Fig. 8 - Bronze de Munich (n° 3678). Fig. 9 - Korè de Berlin (SK 1744).
MASSIMO PALLOTTINO
1 La Magna Grecia e Roma nell'età arcaica, Atti dell'VIII Convegno di studi sulla
Magna Grecia, Napoli, 1969 (1971), pp. 35-48, e successivo intervento pp. 250-255. Nell'occa
sione del Convegno e ad integrazione della mia relazione ritenni opportuno distribuire privat
amente ai colleghi più interessati, in un numero limitatissimo di esemplari tirati a cura dell'Isti
tuto di Etruscologia e Antichità Italiche dell'Università di Roma, il testo provvisorio della prima
conferenza della serie «Jerome Lectures», che con tutti i necessari sviluppi e aggiornamenti costi
tuisce la traccia del presente saggio.
772 MASSIMO PALLOTTINO
2 È lo scritto basilare e di più genuina originalità del dotto livornese. La posteriore Storia
degli antichi popoli italiani (1832) ne costituisce in gran parte un rifacimento con accentua
zione erudita. Sull'opera del Micali, sul suo significato, sul suo ambiente e sulla sua fortuna
si veda specialmente P. Trêves, Lo studio dell'antichità classica nell'Ottocento, Milano-Napoli,
1962, pp. xxi-xxiii, 293-343; cfr. ora anche J. Heurgon, La découverte des Etrusques au
début du XIXe siècle, in CRAI, 1975, pp. 591-600.
3 A cominciare dal Niebuhr, Vorträge über römische Geschichte, 1846, I, p. 73, che con
dannava L'Italia avanti il dominio dei Romani con giudizio sommario soprattutto per la sua
mancanza di capacità analitica e per la preconcetta tesi antiromana.
4 A queste caratteristiche della sua opera va riferito l'intendimento espresso dallo stesso
Micali di « entrare per una via non ancora da alcuno calcata » (Prefazione all'Italia, che cito,
anche successivamente, dall'edizione U.T.E.T. 1887). La vastissima e multiforme letteratura
settecentesca sull'Italia antica ebbe un carattere essenzialmente antiquario, nel senso della
raccolta e dello studio dei monumenti, delle ricerche iconografiche e storico-religiose, delle
disquisizioni epigrafiche, etimologiche, etnografiche ecc; ed anche quando toccò risultati di
autentica validità storica, come nel caso dell'opera del Lanzi (cfr. M. Pallottino, Luigi Lanzi,
fondatore degli studi di storia, storia della civiltà e storia dell'arte etrusca, in Studi Etruschi,
XXIX, 1961, pp. xxvii-xxxviii), restò pur sempre legata ad una formula d'impianto di tratta
zioni particolaristiche: mancò, cioè, di un tentativo di «storia scritta per la storia». Sul proble
ma dei rapporti fra studi antiquari e studi storici si veda, tra l'altro, il saggio di A. Momigliano
(1950) ripubblicato in Studies in Historiography, New York, 1966, pp. 1-39.
5 Cito le parole stesse del Micali: «... il buon gusto di critica, introdotto ai nostri giorni
nello studio dell'erudizione, ci ha finalmente riscossi dal timido rispetto che prevaleva ne' tempi
addietro per opinioni scritte e copiate da tanti secoli» (Italia, I, cap. IV, p. 65). Il procedimento
critico viene poi subito precisato nei tre punti fondamentali della verosimiglianza logica, della
comparazione reciproca tra le fonti e della imparzialità del giudizio.
SUL CONCETTO DI STORIA ITALICA 773
8 All'opera del Micali si affianca e fa seguito un'intensa produzione di scritti dedicati alla
storia e all'etnografia dell'Italia primitiva, come quelli di M. Delfico, D. Romagnosi, S. Campanari,
A. Mazzoldi, A. Bianchi Giovini - ultima, già oltre la metà del secolo, la Storia dell'Italia antica
di A. Vannucci (1863) -, nei quali in parte sopravvive lo spirito dell'erudizione settecentesca,
in parte si esprimono, attraverso allusioni più ο meno velate, i sentimenti patriottici del tempo.
Non fa meraviglia trovare impegnati sul tema dell'Italia preromana scrittori del Risorgimento
italiano quali Carlo Cattaneo e Cesare Balbo; e alcuni dei motivi fondamentali del pensiero
storico del Micali, specialmente la rievocazione e rivendicazione dei valori del pluralismo italico
e la posizione antiromana, ebbero un profondo influsso sull'intero romanticismo risorgimentale.
Queste correnti sono state acutamente indagate da B. Croce, Storia della storiografia italiana
nel secolo decimonono5, I, Bari, 1947, pp. 52, 110 sgg.; cfr. anche. F. Mascioli, Anti-Roman and
Pro-Italie Feeling in Italian Historiography, in Romanie Review, XXXIII, 1942, pp. 366-384, e
Trêves, op. cit. alla nota 2, stesse pagine e p. 725 sgg.; per l'influenza del Micali sulla cultura
francese vedi Heurgon, op. cit. alla nota 2, p. 4 sgg. Così recepita e sentita soprattutto nella
sfera politico-ideologica - e forse proprio per questo - l'eredità del Micali non fruttificò in una
scuola storica vitale, al passo con i tempi: le voci dei suoi più ο meno modesti epigoni « rimasero
soffocate da quelle ben più possenti della scienza critica tedesca, la quale seguitava imperturbab
ile ad affiancare alla storia "greca" non una storia "italica", ma una storia "romana"»
(G. Giannelli, Trattato di storia romana, I, Roma, 1953, p. 8).
SUL CONCETTO DI STORIA ITALICA 775
« storia di popoli ») che era suggerito dalle tendenze del nazionalismo allora
dominante; e adottò largamente gli schemi evoluzionistici delle scienze natur
ali dell'età del positivismo. Tutti questi motivi concorsero al formarsi e al
caratterizzarsi, in modo determinante e per taluni aspetti irreversibile, di
due grossi « blocchi » storiografici destinati ad includere e ad esaurire l'intera
problematica degli studi storici sull'antichità classica.
L'idea di una « storia italica » era viceversa contraria e quasi ripugnante
ai princìpi della scienza del secolo XIX. Ad essa faceva difetto il supporto
di una tradizione letteraria originale ed unitaria; gli stessi dati superstiti
ricavabili dalle fonti greche e latine erano così scarsi da apparire piuttosto
« frammenti di storia » che « storia ». All'Italia preromana era mancata quella
unità linguistica, etnica, culturale e quella continuità evolutiva che erano
state proprie, nello stesso tempo, del mondo greco; il suo territorio appariva
suddiviso in gruppi di genti diverse, più ο meno definibili, a livelli di sviluppo
quanto mai vari, talvolta conosciute soltanto dal nome. La soluzione abor
tiva del tema proposto dal Micali al principio del secolo non fu dunque
un fatto casuale, ma piuttosto la logica conseguenza di un orientamento di
studi che portò a disconoscerne sul piano generale la validità come schema
ο concetto storico. Al posto di una visione unitaria dei fatti dell'Italia antica
prima della romanizzazione non potevano proporsi che visioni parziali delle
singole popolazioni e culture.
Da una parte la forza degli schemi storiografici dominanti fece sì che
tutta la problematica più strettamente storica del mondo italico venisse a
polarizzarsi, per così dire centrifugamente, verso la storia greca e verso la
storia romana: la prima, in quanto interessava e riassorbiva lo studio dei
fenomeni e delle vicende di una parte notevole del territorio italiano (com
presa estensivamente la Sicilia) sul quale i Greci furono presenti come
colonizzatori; la seconda, in quanto seguiva la nascita e la crescita di una
città situata nel cuore stesso dell'Italia, le sue conquiste ed i suoi rapporti
con l'ambiente circostante e con le popolazioni con le quali essa venne in
progressivo contatto fino all'imporsi della sua dominazione su tutto il paese.
La storia italica in quanto oggetto di studio degli storici si identificò, cioè,
con la storia della grecita marginale della Magna Grecia e della Sicilia e
con la storia di Roma monarchica e repubblicana.
Da un'altra parte, per tutti i settori geografici e cronologici non « coperti »
direttamente da questi campi di studio, e cioè per le rimanenti esperienze
dell'Italia indigena, l'indagine descrittiva e ricostruttiva rimase affidata quasi
esclusivamente agli archeologi e ai linguisti, non oltrepassando i limiti del
metodo e dei risultati di queste discipline specialistiche (pur fortemente
incrementate dalle scoperte e dal loro intrinseco progresso e raffinamento
776 MASSIMO PALLOTTINO
nuità e della concomitanza, così come si era presentato agli occhi dei Romani
dell'età di Augusto (notiamo per inciso che questa impostazione mommse-
niana appare del tutto antitetica a quella del Micali che concepiva la dia
lettica Italia-Roma come frattura e contrapposizione). L'intuizione proble
matica del Mommsen resta tuttavia isolata, e teorica, in un contesto meto
dologico e narrativo che è quello della « storia romana » scritta nello spirito
del suo tempo.
La possibilità di rimeditare la storia di Roma e della civiltà romana,
soprattutto per le sue fasi più antiche, alla luce offerta dalla documentaz
ione linguistica ed archeologica di altre popolazioni italiane e di ricostruire
un tessuto di condizioni e di processi comuni e di influenze reciproche
cominciò a farsi concreta, e cosciente, a partire dall'inizio del nostro secolo.
Senza dubbio questo nuovo apporto non era, e non è, commisurabile alla
soverchiante portata dell'evidenza interna e diretta della tradizione storica
romana; ma per quanto limitato e frammentario esso si è venuto dimostrando
singolarmente prezioso, se non talvolta addirittura determinante, ai fini della
conferma, della rettifica, della precisazione e dell'accrescimento delle cono
scenze derivanti dalla critica delle fonti letterarie.
Un iniziale esempio di utilizzazione sistematica del materiale epigra
fico non latino (più particolarmente etrusco), in funzione dello studio di un
fenomeno di « circolazione » romano-italica quale è quello dell'origine de
l 'onomastica personale latina, s'incontra nell'opera di W. Schulze Zur
Geschichte Lateinischer Eigennamen (1904) n. Ma le iscrizioni etrusche,
umbre, osche con il loro valore di fonti fresche, genuine, cronologicamente
e poi sul mondo, questa priorità non può essere confermata da un rigoroso esame storico.
Quella che si è soliti definire la dominazione romana sull'Italia, ci appare piuttosto come
l'unione di tutte le stirpi italiche in un solo stato; e di queste stirpi i Romani furono la più
potente, ma solo un ramo di esse».
11 II tema dell'onomastica personale italica - che tocca alla radice il problema delle ident
ità comuni e delle interrelazioni dei popoli della penisola sia sotto il profilo dell'unità tipolo
gicadel sistema « bimembre » (peculiare ed esclusivo dei Romani, degli Etruschi e degli Umbro-
Sabelli), sia per quel che riguarda lo scambio dei nomi di diversa origine linguistica come
indizio di mescolanze demografiche - è stato ripreso, con particolare impegno di ricerche orien
tate sia in senso linguistico sia in senso storico-sociologico, soltanto di recente: cfr. H. Rix,
Das etruskische Cognomen, Wiesbaden, 1963; C. De Simone, Etrusco «tursikina»: sulla forma
zione ed origine dei gentilizi etruschi in « -kina (-cina) », in Studi Etruschi, XL, 1972, pp. 153-181
(con riferimenti alla bibliografia immediatamente precedente, in particolare di G. Colonna e
J. Heurgon); H. Rix, Zum Ursprung des römisch-mittelitalischen Fentünamensystems, in Aufs
tieg und Niedergang der römischen Welt, I 2,_Berlin-New York, 1972, pp. 700-758; M. Cristo-
780 MASSIMO PALLOTTINO
13 Per un quadro degli studi etruschi nella fase in discorso, sotto i vari aspetti e con i
principali dati di fatto e bibliografici, rinvio alla mia Etniscologia6, ristampa, Milano, 1975,
pp. 9 sgg., 299 sgg., 355 sgg., 435 sgg. (= The Etruscans, London, Allen Lane, 1975, pp. 27 sgg.,
167, 193 sgg., 294 sgg.). Quanto alla cronaca degli eventi organizzativi - incentrati a Firenze
per la prevalente iniziativa di A. Minto - si noti il loro addensarsi nelle date seguenti: 1925
costituzione del Comitato Permanente per l'Etruria, 1926 Convegno Nazionale Etrusco, 1927
pubblicazione del primo volume della serie Studi Etruschi, 1928 Congresso Internazionale
Etrusco, 1932 creazione dell'Istituto di Studi Etruschi ed Italici. Per il mondo italico in gene
rale ricordiamo l'apparizione delle opere: F. von Duhn, Italische Gräberkunde, Heidelberg, I,
1924; G. Patroni, La preistoria, Milano, 1927; D. Randall-Mac Iver, The Iron Age in Italy,
Oxford, 1927 e Italy before the Romans, Oxford, 1928; U. Rellini, Le origini della civiltà
italica, Roma, 1929; G. Devoto, Gli antichi italici, Firenze, 1931. Per la Magna Grecia: G. Gian-
nelli, Culti e miti della Magna Grecia, Firenze, 1924; E. Ciaceri, Storia della Magna Grecia,
Milano, 1927-1932.
14 Pubblicata in Rivista di Filologia Classica, n.s. IV, 1926, pp. 1-18.
15 Del resto generalmente nell'ambito degli studi di storia romana la storia repubblicana
ha costituito e costituisce un settore d'interesse per molti lati diverso - nei problemi, nel
metodo, nelle stesse persone dei cultori - rispetto alla storia dell'impero: « bipolarità » che si
riflette in modo palese nella bibliografia. Sulla varietà delle prospettive tematiche e sulle es
igenze unitarie della storia romana si veda tra l'altro Mazzarino, Storia romana e storiografia
moderna, Napoli, 1954.
782 MASSIMO PALLOTTINO
21 Per la specifica importanza di questi rinvenimenti ai fini del problema di cui si tratta,
cioè delle interrelazioni e dei comuni sviluppi fra diversi ambienti storico-culturali dell'area
italica, vedi le successive note 23 e 24.
22 F. Sartori, La Magna Grecia e Roma, in Archivio storico per la Calabria e la Lucania,
XXVIII, 1959, pp. 183-188; Costituzioni italiote, italiche, etrusche, in Studie clasice, X, 1968,
pp. 29-50; D. Van Berchem, Rome et le monde grec au VIe siècle avant notre ère, in Mélanges
d'archéologie et d'histoire offerts à A. Piganiol, II, Paris, 1966, pp. 739-748. Per il Congresso
di Taranto vedi gli atti citati alla nota 1 (specialmente le relazioni di J. Heurgon e G. Pugliese
Carratelli).
23 Cito gli esempi seguenti: corrispondenza di costumi descritti nella « cronaca
cumana», Dion. Hal. VII, 2 sgg., con figurazioni pittoriche tarquiniesi coeve (La parola del
passato, fase. XL VII, 1956, p. 83); per una più autentica comprensione dell'ambiente storico
della Roma dei Tarquini nel quadro della civiltà arcaica, inclusa la letteratura greca contem
poranea (La prima Roma, in, Studi Romani, V, 1957, alle pp. 259-261: richiamo di Momigliano
in Studies in Historiography cit., p. 245); sull'interesse delle iscrizioni delle lamine di Pyrgi per
lo studio delle forme e dei processi istituzionali in Etruria, a Roma e nel mondo greco-coloniale
all'inizio del V secolo (Archeologia Classica, XVI, 1964, p. 104 sgg.; Nuova luce sulla storia
di Roma dalle lamine d'oro di Pyrgi, in Studi Romani, XIII, 1965, pp. 1-13); valutazione delle
SUL CONCETTO DI STORIA ITALICA 785
pitture della tomba del Tuffatore di Posidonia come testimonianza singolarmente significativa
di una koinè ideologico-iconografica, e per taluni aspetti anche stilistica, fra gli Etruschi di
Tarquinia e i Greci di Posidonia (La Magna Grecia e Roma nell'età arcaica cit. alla nota 1,
pp. 254-255; Qualche riflessione sulla tomba del Tuffatore di Paestum, in Colloqui del Sodal
izio, III, 1970-72, pp. 59-67).
24 M. Sordi, / rapporti romano-ceriti e l'origine della civitas sine suffragio, Roma, 1960.
Questo filone, la cui ispirazione si riflette anche nella successiva produzione scientifica della
Sordi, ha avuto recentemente uno sviluppo molto interessante a proposito della interpretazione
dei frammenti di elogia latini riferibili a personaggi dell'antica famiglia tarquiniese degli Spurinna,
già venuti in luce nel santuario dell'Ara della Regina a Tarquinia, in rapporto da un lato con le
notizie storiche di fonte greca sulla spedizione ateniese contro Siracusa del 414-413 a.C.
(cfr. Pallottino, Kokalos, XVIII-XIX, 1972-73, pp. 60-63) e con i dati relativi alla storia romana
del IV secolo, da un altro lato con la possibile attestazione archeologica diretta (e contempo
ranea ai fatti) della tomba dell'Orco I di Tarquinia che M. Torelli attribuisce agli Spurinna:
vedi da ultimo, complessivamente, per questo processo ricostruttivo: M. Torelli, Elogia Tarqui-
niensia, in Documenti epigrafici latini per la storia di Tarquinia etruscae romana, Firenze, 1975.
25 Magistratures romaines et magistratures étrusques, in Les origines de la république
romaine (Fondât. Hardt, Entretiens sur l'antiquité classique, XIII), Genève, 1967, pp. 97-127,
specialmente alle pp. 99-100.
786 MASSIMO PALLOTTINO
26 Cito alcuni fra i lavori più recenti e riassuntivi della precedente bibliografia: J. Bérard,
La colonisation grecque de l'Italie méridionale et de la Sicile dans l'antiquité2, Paris, 1957,
p. 444 sgg.; E. Lepore, L'Italia nella formazione della comunità romano-italica, in Klearchos, V,
fase. 20, 1963, pp. 89-113; G. Radke, Italia. Beobachtungen zu den Geschichte eines Landes
namens, Romanitas, 1967, pp. 35-51; Devoto, Gli antichi italici3, Firenze, 1967, p. 102.
27 Cfr. G. Devoto, Gli antichi Italici3, cit., p. 41 sgg.; M. Pallottino, Etruscologia6, rist.,
cit., p. 25 sgg.
SUL CONCETTO DI STORIA ITALICA 787
28 Per una « anticipazione » di formazioni storiche in Italia all'età del bronzo vedi già
Pallottino, Le origini storiche dei popoli italici, in X Congresso Internazionale di Scienze Storiche,
Relazioni, Firenze, 1955, II, pp. 3-60.
29 Cfr. Pallottino in Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, Berlin-New-York, I 1,
1972, pp. 22-23.
788 MASSIMO PALLOTTINO
1 Sur ces schemes explicatifs, cf. J. Perret, Les origines de la légende troyenne de Rome,
Paris, 1942, p. 1-8, 38-42, 203-204, 258-266, 302-304; G. K. Galinsky, Aeneas Sicily and Rome,
Princeton, 1969, p. 91-102, 160-162.
ATHÈNES ET LES LÉGENDES TROYENNES D'OCCIDENT 793
- elles sont conçues presque toujours pour rendre compte des légendes
occidentales en les rapportant directement à la catastrophe de Troie. Or
il est périlleux de sauter de la Troade à la mer Tyrrhénienne sans accorder
plus qu'une mention à des légendes analogues qui, au voisinage des pre
mières colonies athéniennes, se sont développées d'abord soit en Eolide
soit dans la Grèce du nord et peuvent éclairer la manière dont les Troyens
furent transmis à l'Occident;
- elles sont conçues presque toujours à partir de la situation suggérée
par Vlliade, celle d'un antagonisme où les Troyens se définissent comme
les ennemis du nom grec. Or, avec le temps, l'image des Troyens s'est
modifiée: dans la tragédie attique, chez Euripide en particulier, ils sont moins
ennemis que victimes, présentés souvent avec une chaude sympathie;
- elles supposent presque toujours que la référence aux Troyens,
un peuple si particulier et en même temps si éloigné de l'Occident, présente
un caractère d'artifice: recours gratuit à une tradition littéraire pour
styliser la réalité d'une histoire concrète qui n'y a point de rapport. Or,
quoi qu'il en ait été de la catastrophe de Troie, le peuple de Priam n'a
pas à ce point disparu des continuités de l'histoire concrète. Mais pour
s'en aviser il ne faut pas partir de l'Occident. Nous lisons dans Vlliade
(XX, 307-308) une prophétie de la gloire future des Enéades; on pense
communément que le poète songeait à quelque dynastie puissante en
Troade, vers le VIIe siècle peut-être, et qui aurait également inspiré VHymne
à Aphrodite. Tout cela s'est-il rapidement éteint, sans suite saisissable, dans
un provincialisme confiné? Nous ne le croyons pas car de très bonne heure
d'autres champions possibles sont sur place, et notamment les Athéniens,
pour revendiquer authentiquement l'héritage de Troie2.
Par plusieurs voies nous sommes ainsi conduits vers Athènes et pour
un moment historique bien défini qui n'est ni celui des poèmes homériques,
ni celui des croisades panhelléniques contre les Barbares, d'Isocrate à
Pyrrhos, mais l'entre-deux, VIe et Ve siècles. Période dont le dernier demi-
3 Cf. Strab., 599-600; Polyaen., I, 25; sur l'ensemble des textes, sur la date de l'épisode,
cf. F. Schachermeyr, RE, 1950, s.v. Pittakos, 1867-1870.
4 En 458, Eschyle (Eum., 397-402) explique que les Achéens ont remis la Troade à
Athéna afin qu'elle revienne à Athènes.
ATHÈNES ET LES LÉGENDES TROYENNES D'OCCIDENT 795
ment par les Grecs alors qu'il arrivait en Troade au secours de ses
alliés troyens5.
Il n'est pas étonnant que des fabulations explicites aient suivi. Dans
la généalogie des rois de Troie, V Iliade (XX, 119) glisse un Erichtonios,
homonyme à tout le moins du roi d'Athènes qui fonda les Panathénées;
• Hellanicos s'évertue à en faire deux contemporains6, mais Strabon (604)
nous assure que plusieurs voyaient dans un unique Erichtonios la souche
commune des Athéniens et des Troyens. Sur les métopes du Parthenon,
nous ne nous étonnons pas de rencontrer ce personnage; il était moins
évident qu'Enée, figuré dans sa fuite sainte et glorieuse, y dût aussi être
représenté; ainsi qu'à Ch. Picard, il nous paraît plausible que les Athéniens
aient considéré le père des Enéades comme étant un peu des leurs et
qu'ils aient cru se glorifier en sa personne7. C'est à peu près au même
moment, vers 450, que nous apparaît chez Sophocle le lien d'Athènes et
de Troie en la personne de Teucros: fils de Télamon le Salaminien, il est,
par sa mère Hésione, petit-fils de Laomédon de Troie8; dans Ajax 1300
il rappelle avec fierté son ascendance troyenne, reçoit un rôle sympathique
dans un dialogue où Agamemnon, son partenaire, est odieux. Mais ce n'est
pas tout: postérieurement à Ylliade on avait mêlé aux choses troyennes
un peuple voisin, les Teucroi, dont l'éponyme devait être le fondateur de
Troie. Là encore, comme dans le cas d'Erichtonios, on va jouer de l'homo
nymie; selon l'atthidographe Phanodème, ce premier Teucros était originaire
de l'Attique et plus précisément du bourg de Xypète entre Athènes et
Phalère9. Phanodème savait aussi expliquer comment le Palladion d'Athènes
était celui même de Troie, mais sans que les Athéniens eussent la moindre
responsabilité dans le rapt sacrilège perpétré par Ulysse et Diomède 10.
11 Les faits sont particulièrement saisissables chez Euripide, cf. E. Delebecque, o. e, passim,
notamment p. 110, 403, 406-407. On notera qu'Achille, le vieux Pelée (Andromaque) sont
généralement traités avec égard; déjà dans le Philoctète de Sophocle, Néoptolème est assuré
ment plus sympathique que les chefs grecs qui se servent de lui. C'est que ces personnages
représentent la Thessalie qu'Athènes a toujours tenté de mettre dans son jeu, cf. Thuc, I, 102;
II, 22; IV, 78; V, 13, 51 et E. Delebecque, o.e., p. 411-413.
12 Selon des scholies d'Andromaque retrouvées par E. Schwartz (Mélanges Graux,
Paris, 1884, p. 652), Denys de Chalcis racontait comment, après la ruine de Troie, Acamas,
fils de Thésée (cf. infra, p. 797, n. 13), s'était associé à Scamandrios, fils d'Hector, et
à Ascagne, fils d'Enée, pour rebâtir des villes en Troade.
ATHÈNES ET LES LÉGENDES TROYENNES D'OCCIDENT 797
Borée, aux Thraces, aux Pélasges, aux Hyperboréens, aux Amazones peut-
être 13. Ce n'est pas le lieu d'analyser en détail ce vaste complexe: il n'importe
à notre présent propos que dans la mesure où il nous permet de situer et
mieux comprendre l'intérêt que les Athéniens portent aux légendes troyennes.
Et d'autre part, en nous donnant de les ressaisir comme élément d'un
ensemble plus vaste, cette mise en place concourt à éclairer la recherche:
là où nous trouvons des Hyperboréens, des Pélasges, des peuples pontiques,
si de surcroît la présence des Athéniens paraît probable, une légende de
fondation troyenne a chance d'avoir pu à la même époque se constituer;
si des indices semblent le donner à penser, il est raisonnable de les retenir
comme sérieux.
13 Borée est le gendre des Athéniens (Herodot, VII, 189) comme le bienfaiteur des souve
rains de Troie (Iliad., XX, 223-230); le Thrace Térée vient lui aussi (chez Sophocle, chez
Philoclès, cf. infra, p. 803, n. 36) prendre femme à Athènes; au moins depuis Euripide
(cf. Kern, RE, 1907, s.v. Eumolpos, 1119), Eumolpos, l'ancêtre d'une des plus nobles familles
d'Athènes, est un Thrace. Autour des personnages d'Acamas et de Démophon, fils de Thésée,
devenus l'un ou l'autre l'époux de la Thrace Phyllis, foisonne tout un ensemble de légendes
devenues presque officielles (cf. Eschin., Amb., 31) et qui lient Athènes à la Thrace. Les
Thraces, les Amazones, les Pélasges à diverses reprises (Eschl., Eum., 685; Herodot., I, 56, 58;
II, 56; VI, 137; VII, 94; VIII, 44; Thuc, IV, 109; Isocrat, Paneg., 70; Panathen., 193; Diod.
Sic, IV, 28) ont occupé l'Attique. Ce sont même ces derniers qui ont fortifié l'Acropole
(Dion. Hal., I, 28, 4; Paus., I, 28, 2). Télamon, héros salaminien, est originaire des bords de
l'Aisépos en Troade (Orph., Argon., 144). Que ce soit par le pays des Amazones, puis par
Ilion (Callimach., fr. 186 Pfeiffer, 20-22) et la Chalcidique (Ον., Met, XV, 356), ou par le fond
de l'Adriatique puis par Dodone (Herodot, IV, 33), toutes les routes hyperboréennes convergent
vers Athènes (cf. Diod. Sic, II, 47); selon Phanodème (cf. F. Jacoby, Fr. Gr. Hist, III Β, nr. 325,
fr. 29) l'éponyme Hyperboreios était lui-même un Athénien. Légendes très diverses assurément
quant à leur préhistoire mais qui, à une époque donnée, par exemple la seconde moitié du
Ve siècle, ne peuvent manquer d'être rapprochées, de former un ensemble devant l'imagination
parce que toutes elles tournent le regard du même côté.
798 JACQUES PERRET
14 Vers 470, c'est la fuite de Thémistocle chez Admète (Thuc, I, 136-137), un épisode
qui pourrait avoir eu aussitôt sa transposition dans le Télèphe d'Eschyle (cf. L. Séchan, Etudes
sur la tragédie grecque, Paris, 1926, p. 123-127); c'est surtout vers 422, le complexe historico-
légendaire qui se noue, avec YAndromaque d'Euripide, autour de la minorité du roi Tharyps,
cf. J. Perret, Néoptolème et les Molosses, àans REA, XLVIII, 1946, p. 24-28.
15 Cf. Thuc, 111,94-98,100-102, 105-114; VII, 57.
16 Cf. R. Chevallier, Rome et l'Italie du Nord, dans REL, XXXVII, 1959, p. 138.
17 Participation athénienne (Strab., 246); patronage du héros athénien Phaleros (Lycophr.,
717; Steph. Byz., s. v.); visite entre 439 et 432 de l'amiral athénien Diotimos (Tim., αρ. schol.
Lycophr., 732 = Fr. Gr. Hist, III Β, nr. 566, fr. 98); lampadophories (Tim., ibid.,); renouvel
lementdes types monétaires, cf. G. Pugliese Carratelli, Napoli antica, PP, VII, 1952, p. 253-254.
Après la prise de Cumes par les Samnites en 421, Naples ne doit son salut qu'à l'intervention
d'Athènes, cf. J. Heurgon, Recherches sur... Capoue préromaine, Paris, 1942, p. 95.
18 Cf. Thuc, VI, 88, 103; VII, 57.
19 Mise au point dans J. Heurgon, Rome et la Méditerranée occidentale..., Paris, 1969,
p. 110-111; depuis: M. Pallottino, La Sicilia e gli Etruschi, Kokalos, XIV-XV, 1968-1969,
p. 339-343; M. Gras, Les enjeux insulaires en mer Tyrrhénienne. Les rapports des Etrusques
avec les Grecs et les Puniques en Corse et en Sardaigne (VIP-VP s.), AEHE, IVe Sect.,
1971-1972, p. 779-785.
20 On trouvera les principales références (en sus des ouvrages indiqués supra, n. 19)
ATHÈNES ET LES LÉGENDES TROYENNES D'OCCIDENT 799
dans E. Ciaceri, Culti e miti nella storia deWantica Sicilia, Catane, 1911; G. Giannelli,
Culti e miti della Magna Grecia, Florence, 1924; J. Bérard, La colonisation grecque de l'Italie
méridionale et de la Sicile dans l'Antiquité: l'histoire et la légende, Paris, 1941.
21 Lues avec une suffisante attention, les pages remarquables de J. Bayet sur l'Italie
héracléenne du VIe au IVe siècle (Les origines de l'Hercule romain, Paris, 1926, p. 7-124),
font apparaître avec évidence un contraste entre la vie des légendes héracléennes dans tout le
sud de l'Italie (à partir de Rome) et leur inexistence en Etrurie.
22 Sur les Oenotres arcadiens, cf. Dion. Hal., I, 11, 2-4; sur les Sicules Oenotres, cf.
Antioch. Syrac., ap. Dion. Hal, I, 12, 3; Sicules en Italie selon Thuc, VI, 2 et Strab., 257, 270.
23 Est-il possible, comme on le prétend souvent, qu'elles expriment plutôt des événements
réels, en sorte que les migrations apparemment imaginées auraient été véritables (même si elles
avaient eu lieu, à l'occasion, en sens inverse de ce que disent les textes et en des temps
très reculés)? Peut-être, bien que la tradition de souvenirs très anciens pose toujours plus
d'un problème; il n'y a guère que l'archéologie qui semble, quant au fond, pouvoir apporter
de vraies lumières (cf. les réflexions d'Edouard Will dans RPh, XXXVI, 1962, p. 91-93). Mais
il faudra toujours explorer la possibilité que les légendes grecques ou orientales d'Occident
y aient été introduites, quelquefois en exploitant des homonymies approximatives, à mesure
que progressait l'intégration au monde grec de régions nouvelles; elles exprimeraient ainsi la
connaissance que les Grecs acquéraient de leurs voisins ou plutôt la manière dont ils voulaient
les considérer. Il nous semble que la plupart trouvent de la sorte une explication assez naturelle.
24 Les Pélasges ont été déplacés de tant de manières, retrouvés en tant de lieux qu'on
est parfois tenté de ne voir en leur nom qu'un terme vague toujours disponible pour désigner
n'importe quelle population, préhellénique ou proto-hellénique. Cette brume se dissipe un peu si
l'on distingue les époques (cf. F. Schachermeyr, RE, 1937, s.v. Pelasgoi; F. Lochner-Hüttenbach,
Die Pelasger, Arb. aus dem Inst, für vergleich. Sprachwiss. der Univ. Graz, VI, 1960); les
textes plus anciens assignent clairement leur domaine aux confins septentrionaux du monde
grec (du Strymon à l'Adriatique pour Eschyle, Suppi, 250-259), puis secondairement en Attique;
800 JACQUES PERRET
29 Selon Virgile (Aen., I, 242-249), Anténor pour atteindre Patavium a dû franchir (ou
dépasser) les bouches du Timave, ce qui suppose soit un itinéraire entièrement terrestre (comme
apparemment, celui des Mysiens, cf. supra, p. 800, n. 26), soit une navigation le long
des côtes illyriennes rejointes à travers la Thessalie et l'Epire (comme firent les Pélasges). Enée
de même, s'il est venu en Italie à travers le pays des Molosses (Dion. Hal., I, 72, 2), ou s'il
a quelque temps accompagné Néoptolème (Ilias parua, ap. Tzetz., ad Lycophr., 1262-1263
ou Simmias, ap. schol. Euripid. Androm., 10-14; cf. K. Ziegler, RE, 1935, s.v. Neoptolemos,
2448). Ces itinéraires continentaux imaginés d'après des routes réelles ou purement fictifs (les
Anciens ont longtemps sous-estimé la distance qui sépare l'Adriatique de l'Egée et du Pont,
cf. Liv., XL, 21-22; Strab., 313) resserrent singulièrement l'unité de ce que nous proposons de
reconnaître comme légendes septentrionales: Troade, Thrace, Macédoine d'une part, Illyrie,
Vénétie, Etrurie de l'autre.
30 Cf. notamment Diod. Sic, IV, 29-30 et V, 15; Paus. I, 29, 5; VII, 2, 2; IX, 23, 1;
Χ, 17, 5; le fond du récit remonte à Timée, cf. J. Geffcken, Timaios' Geographie des Westens,
Philol. Untersuch., XIII, 1892, p. 55-59, 166-171.
31 La non-participation des Acarnaniens à la guerre de Troie est notée par Ephore {ap.
Strab., 462); Strabon nous apprend qu'ils en firent argument pour gagner la faveur des Romains.
Un article fort suggestif de Paul M. Martin, La tradition sur les «passeurs» de la côte
acarnanienne, légende ou réalité, dans Mélanges offerts à Roger Dion, Paris, 1974, p. 45-53
attire l'attention sur le complexe des légendes du franchissement de l'Adriatique. Il conviendrait
peut-être de se demander si les légendes de fondations troyennes attestées plus tard (Dion.
Hal., I, 50-51) dans certaines îles du voisinage n'ont pas quelque chance d'avoir au Ve siècle
(où Céphallénie, Zacynthe, Corcyre sont avec les Athéniens, cf. Thuc, VII, 57) des attaches
lointaines.
32 Selon Thuc, VI, 88, les Athéniens envoient simultanément à Carthage et en Etrurie
pour demander des renforts; ailleurs (Thuc, VI, 15, 34, 90; Plutarch, Alcib., 17, 3-4; Nicias,
12, 1-2; Perici., 20, 4) ils songent plutôt à assujettir Carthage. Dans l'imagination des dé
magogues (Aristophan., Eq., 173, 1303) l'empire athénien doit s'étendre de la Carie à Carthage.
802 JACQUES PERRET
la même manière que nous trouvons à Scylletion Ménesthée et ses Athéniens 33,
ou que nous voyons les Athéniens revendiquer sur la Siritide des droits
très anciens (Herodot, VIII, 62) au moment où les Tarentins veulent l'arracher
aux gens de Thourioi. Faut-il supposer qu'à Carthage comme à Siris les
légendes troyennes plus tard attestées se sont formées à cette date sous
l'influence d'Athènes?
C'est à bon droit que la légende de Ségeste est retenue avec prédilec
tion par tous ceux qui tentent de reconnaître dans un passé un peu ancien
l'origine des légendes troyennes d'Occident. Nous la connaissons relativ
ementbien et il n'est pas déraisonnable d'y voir un exemple de ce qui a
pu sous les mêmes influences se constituer ailleurs à cette époque: nous
y voyons la légende employée à des fins politiques, nous y voyons les
Athéniens aux côtés d'une cité troyenne. Plus particulièrement nous y
voyons à l'œuvre les instruments par lesquels ce genre de fiction pouvait
être accrédité: Thucydide évoque les rapports séduisants mais mensongers
des ambassadeurs de Ségeste et des commissaires athéniens; Diodore nous
apprend qu'ils alléguèrent des alliances antiques, des parentés de sang. A
toutes les époques pour justifier des nécessités présentes on a toujours aimé
évoquer, vrais ou feints ou forcés, de glorieux souvenirs communs; dans
l'antiquité, la mythologie y contribuait34. Ambassades, discours d'apparat
- que l'on songe à Isocrate - appelaient pour ainsi dire l'invention ou la
diffusion de légendes utiles. Mais dans l'Athènes du Ve siècle le théâtre
y prêtait aussi son concours: nous en avons conservé avec VAndromaque
d'Euripide, inséparable de la genèse des légendes dynastiques de l'Epire,
un exemple particulièrement explicite. Or voici que dans le cas de Ségeste,
nous pouvons sans doute, à travers Timée, restituer également le schéma
d'une tragédie qui illustrait la thèse d'une origine troyenne35. D'autres faits,
d'autres indices peuvent être rapprochés. Dans la Pandionis de Philoclès,
vers 431, un dieu apprenait aux spectateurs que, descendant de Térée, le roi
des Odryses, Sitalcès. était apparenté, par Procné, aux Athéniens 36. Beaucoup
de critiques pensent aujourd'hui que dans les Antenoridai Sophocle menait
ses héros en Italie, Polybe (II, 17, 5) incrimine les faiseurs de tragédie à
propos des légendes relatives aux Vénètes. Si nous arrivons mal à nous
représenter comment on a pu expliquer, faire admettre que les Mysiens
fussent venus jusqu'à l'Adriatique, que les fils de Télèphe eussent régné
en Etrurie, n'est-ce pas parce que le hasard nous a privés de tant de tragédies
écrites depuis Eschyle sur les Mysiens et sur Télèphe37?
virn, besondes Mark Anton und des Oktavian war und deshalb nicht durch
Enteignungen beunruhigt und gereizt werden sollte. Diese Regionen spielen
auch noch in der frühen Kaiserzeit eine große Rolle für die Rekrutierung
des Heeres.
Es scheint nicht überflüssig zu sein, dem für Etrurien kurz nachzugehen,
da auch dieser Umstand für die Beziehungen zwischen Rom und Etrurien,
die von den uns erhaltenen Quellen wenig klar und eindeutig gezeichnet
werden, von Bedeutung ist und vorsichtige Rückschlüsse auf die Verhältnisse
vor der Kaiserzeit erlaubt.
Tacitus 10 sagt von den drei cohortes urbanae und den neun Prätoria-
nerkohorten, sie seien Etruria ferme Umbriaque delectae aut vetere Latio
et coloniis antiquitus Romanis. Die Inschriften, die sich auf Prätorianer
und Legionäre beziehen, geben in vielen Fällen Aufschluß über die Heimat
dieser Personen n.
Der Dienst in der Prätorianergarde hatte mehrfachen Anreiz: Hoher
Sold, Dienst in der Umgebung des Kaisers und - wenigstens in Friedenszeit -
der lockende Aufenthalt in der Hauptstad. Nach der Entlassung standen
den emeriti verschiedene Aufstiegsmöglichkeiten im Reichsdienst offen 12.
Augustus hatte die Rekrutierung für die Prätorianer (und die cohortes
urbanae) auf das Prinzip der Freiwilligkeit gestellt. Den Vorteilen des Garded
ienstes entsprach natürlich, daß die Kandidaten einer besonderen inquisitio
und probatio unterworfen waren 13. Der gehobene Dienst verlangte von
vornherein von den Bewerbern neben den allgemeinen soldatischen Tugenden
eine gewisse Kultiviertheit. Diese aber war vor allem bei den gehobenen
Ständen der Munizipien zu finden 14. Rostovtzeff 15 meint geradezu, daß der
Dienst bei der Garde dem jungen städtischen Bürgertum vorbehalten war.
So ist auch erklärlich, daß die Prätorianer einerseits verhältnismäßig oft
aus Familien kamen, deren Mitglieder munizipale Ehrenstellen bekleideten 16,
10 Ann. IV 5.
11 Bearbeitungen des Materials liegen für die Prätorianer (neben älteren Darstellungen)
bei M. Durry, Les cohortes prétoriennes (Paris, 1938) und bei A. Passerini, Le coorti pretorie
(Rom 1939) vor; jenes für die Legionäre bei Ritterling, RE XII 1380 ff. und (vermehrt) bei
Forni G., Il reclutamento delle legioni da Augusto a Diocleziano (Mailand 1953). Siehe auch
Clauss M., Zur Datierung stadtrömischer Inschriften. Epigraphica 35, 1973, 55-95.
12 Passerini 166.
13 Ebda. 142.
14 Ebda. 167.
15 Gesellschaft u. Wirtschaft im röm. Kaiserreich I (Leipzig 1929) 42 f. 77. 87 f.
16 Passerini 164.
DER BEITRAG ETRURIENS ZUM KAISERHEER 807
Die Sichtung des Materials bei Passerini (vor allem aus den Latercula
militum praetorianorum GIL VI, 1, 2375.2377-2385.2404) ergibt folgendes
Bild vom Beitrag Etruriens zu den Prätorianern:
17 Ebda. 166.
18 NScav. 1953, 1*4 u. 15,
19 Zu den équités speculatores, den berittenen kaiserlichen Ordonanzen, siehe Passerini
70 ff.; zu ihrer Verwendung als kaiserliche Leibwache siehe Lammert, RE III A 1585.
20 Praefectus str atop edar ces = praefectus castrorum (Kießling, RE IV A 329).
21 Noch nicht bei Passerini; NScav. 1955, 39: (Z.6) miles pr(a)et(orianus) sta(tionarius)
808 AMBROS JOSEF PFIFFIG
Damit sind natürlich keine absoluten Zahlen gegeben; es wird aber die
Streuung deutlich. Passerini hebt hervor22, daß schon im 1. Jahrhundert
n.Chr. die mittleren und nördlichen regiones Italiae die des Südens merklich
übertreffen. Das Faktum belegt ja auch Tacitus (s.o.). Den Grund für diese
Differenzierung sieht Passerini im sozialen und ökonomischen Niedergang
von Süditalien. Im 2. Jahrhundert verschiebt sich das Hauptrekrutierungsg
ebiet noch mehr nach Norden. Dieser liefert nun mindestens eben so viele
Prätorianer wie Mittelitalien.
Von den bei Passerini 151 f. angegebenen Städten der Regio VII (Etruria)
stellen Florentia, Arretium Clusium, Luca, Volsinii und Volaterrae 90 von
den 151 erfaßten Prätorianern, das sind 59,6%. Dabei ist bemerkenswert,
daß in dieser Spitzengruppe die drei am Italikeraufstand beteiligt gewesenen
Städte Arretium, Clusium und Volsinii 23 rangieren, dazu Volaterrae, das einst
so zähe um seine civitas und um seinen ager gekämpft hatte24.
Unter 112 Prätorianern, die 136 n.Chr. entlassen wurden25, sind neben
31 Transpadanern, 11 Cispadanern und Ligurern 27 Etrusker (das sind 24,5%)
und 13 Umbrer und Picener. Den Rest (30 Mann) stellen die übrigen Italiker
und die Provinzen. Im Jahre 160 werden 260 Prätorianer entlassen26. Davon
22 A.a.O. 159 f.
23 Kubitschek (De Romanarum tribuum orig. 64 ff.) und Beloch (//. Bund 42) haben
nachgewiesen, daß es sich bei den acht Tribus, in welche jene Städte eingeschrieben wurden,
die gegen Rom die Waffen erhoben hatten, um die Tribus Arnensis, Clustumina, Fabia, Falerna,
Galeria, Pomptina, Sergia und Voltinia handelt. In diesen Tribus finden wir fast alle Städte im
Westen und Süden Umbriens, von den etruskischen Städten aber nur Arretium, Clusium und
Volsinii. Es sind jene acht Tribus, « to which no colony or civitas sine suffragio or loyal ally
is known to have been assigned » wie Fell (Etruria and Rome 163) sagt.
24 Während die Assignation an die Veteranen Sullas nicht angerührt wurde (Cic. de domo
30, 79: de agris ratum est, fuit enim populi potestas; vgl. ad Att. I 19: Sullanorum hominum
possessiones confirmabam), wurde immer wieder versucht, den konfiszierten ager von Volaterrae
und Arretium, den Sulla (in Volaterrae überhaupt, in Arretium teilweise) nicht assigniert hatte,
zur Aufteilung zu bringen. Darauf zielten die von Caesar und Crassus inspirierten leges agrariae
des Rullus im Jahre 63 und des L. Flavius im Jahre 60 hin (Geizer, RE VII A 865 ff.). Hier
unternahm es Cicero mit Geschick und Erfolg, den betroffenen Städten zu retten, was zu retten
war (Cic. ad Att.. I 19: Volaterranos et Arretinos, quorum agrum Sulla publicarat nee diviserai,
in sua possessione retinebam. - ad jam. XIII 4: (Volaterrani) a me in consulatu meo defensi
sunt. cum enìm tribuni plebis legem iniquissimam de eorum agris promulgavissent, facile
senatui populoque Romano persuasi, ut eos cives, quibus fortuna pepercisset, salvos esse
velini. - Ebda: hanc actionem meam C. Caesar primo suo consulatu lege agraria comprobavit
agrumque Volaterranum et oppidum omni periculo in perpetuum liberava).
25 CIL VI 2375 a, b.
26 CIL VI 2379 a, b.
DER BEITRAG ETRURIENS ZUM KAISERHEER 809
II
Nach dem bei Forni erfaßten Material ergibt sich für die Regio VII
folgendes Bild des Beitrages zu den Legionen:
Auch hier steht Nordetrurien mit Florentia und Arretium noch an der
Spitze.
Das Bild, das wir aus dem von Passerini, Durry und Forni vorgelegten
Material für Etrurien gewinnen, dürfte in de Hauptzügen der Realität ent
sprechen. Aus dem markanten Anteil der Prätorianer an diesem Bild kann
wohl folgendes abgeleitet werden:
Wenn sich junge Etrusker aus den gehobenen Ständen so zahlreich
freiwillig den Fahnen der Kaisergarde verschrieben und dort in Ehren dienten,
dann zeigt dies, daß keinerlei nationalistisches Ressentiment eines unter
worfenen Volkes bei ihnen bestand. Wenn sie überdies besonders aus dem
Norden und Osten von Etrurien, aus Florentia, Arretium, Clusium, Luca,
Volsinii und Volaterrae kommen - aus den Gegenden also, wo ein starkes
italisches Element von jeher die Hauptkomponente des etruskischen Volkes
bildete -, dann läßt dies erkennen, wie sehr das Italikertum seit langer Zeit,
besonders stürmisch aber seit dem Bundesgenossenkrieg, die Geschichte
Etruriens bestimmt hat.
Es waren aber nicht die Etrusker italischer Abstammung allein; auch
die von « tyrrhenischem » Ursprung, die Mitglieder ältester Adelshäuser,
hatten innerlich und äußerlich den Weg zu Rom gefunden und haben dem
Reich in Treue und Ehre gedient. Neben den Mitgliedern des Hauses der
Caicna (Caecina) in Volaterrae und den Velimna (Volumnii) in Perusia
- um nur die bekanntesten zu nennen - steht als Sinnbild der Freund und
Helfer des Augustus, der aus Arretium stammende Cilnier C. Maecenas.
GILBERT-CHARLES PICARD
«L'HOMME À LA FRAISE»
HISTOIRE D'UN THÈME DÉCORATIF ÉTRUSQUE
1 M. Durry, Musée de Cherchel, Supplément, 1924, pi. XI et XII, pp. 98-107 CC. Ver
meulle, Berytus 13, 1959, p. 55, n. 179, pi. XV, fig. 45.
H. G. Niemeyer, Studien zur statuarischen Darstellung der römischen Kaiser, 1968, p. 92
et pl. 12, 2, n. 58.
La statue a été trouvée derrière la scène du théâtre, au voisinage du Forum; il y avait là
sans doute un sanctuaire du culte impérial (cf. CRAI 1975, p. 386-397). L'identification à Auguste
paraît assurée; mais il semble impossible de dater l'œuvre du vivant de ce prince. Le type du
décor suggère une datation sous le règne de Domitien (Niemeyer) ou sous celui d'Hadrien
(Vermeulle). L'hostilité avérée de Domitien à l'égard de César rend la première de ces data
tions peu probable (cf. Stace, Silves, I, 26 sqq. et 84 sqq.). Trajan au contraire a remis en
honneur la mémoire de César (J. Beaujeu, La Religion Romaine à l'apogée de l'Empire, p. 91, n. 3).
La statue impériale en nudité héroïque (M. Durry, op. cit., p. 80 et pi. VII, 3), trouvée en
même temps que l'Auguste, appartient au même groupe que le Trajan de la Glyptothèque Ny
Carlsberg (H. G. Niemeyer, op. cit., p. 63).
2 C. C. Vermeulle, Berytus XIII, p. 44, n.s 78 sqq.
3 C. C. Vermeulle, A] A 61, 1957, p. 247; Berytus XIII, p. 59 et pl. XIII, fig. 43, n. 176.
812 GILBERT-CHARLES PICARD
seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. Nous le retrouvons, en effet, sur des
plaques de terre cuite de la série Campana; plusieurs de ces bas-reliefs céra
miques ont été découverts par G. F. Carettoni dans le secteur du temple
d'Apollon sur le Palatin4; ils proviennent certainement de constructions
contemporaines de la fondation, en 36-28 avant J.-C, peut-être, du portique
des Danaïdes. Des différences existent entre le masque imprimé sur ces
plaques et celui de la statue césaréenne: la barbe est aplatie en ovale, la
chevelure bouclée paraît recouverte d'une sorte de béret strié. La présence
de la palmette, évoquant la « fraise », le développement en rinceaux des
moustaches assure pourtant l'identité des figures.
Comme tant d'autres motifs de l'art augustéen, éclectique souvent plutôt
que néo-classique, celui-là est emprunté à l'archaïsme, et à l'archaïsme
étrusque. Nous en trouvons l'origine sur des attaches d'anses d'œnochoés
du type Schnabelkanne, qui ont été cataloguées et étudiées récemment par
B. Bouloumié. Celui-ci décrit ainsi l'anse d'un de ces vases provenant de
Civita Castellana, et conservé au Metropolitan Museum de New York5:
« L'attache inférieure se compose d'une tête de Satyre barbu et moustac
hu, dont la chevelure est divisée en tresses qui se déroulent en demi-volutes,
de part et d'autre et en sens opposé (à la place des sépales habituels).
Au-dessous une demi-volute qui, au centre présente un gros enroulement,
et qui finit à l'extérieur en petite palmette latérale, de chaque côté, suspendue
comme une clochette végétale. Enfin une palmette terminale, courte et grossière,
à neuf feuilles ».
Ce type d'anse d'œnochoé, assez rare, est difficile à dater avec préci
sion6. On en trouve une interprétation celtique à Klein Aspergle7, datable
de la seconde moitié du Ve siècle. Les œnochoés étrusques peuvent être
situées, sans trop de précision, dans le cours de ce même siècle.
Des anses à figures associées à des palmettes se retrouvent pendant
très longtemps. Parmi les plus anciennes Mme Boucher signale par exemple8
une anse du musée de Lyon, qu'elle attribue à une ciste ou à un récipient
4 Rendiconti Pont. Ace. Rom. d'Arch., XLIV, 1971-1972, pp. 123-139, plus particulièr
ement p. 135-137 et fig. 9.
5 Bernard Bouloumié, Les œnochoés en bronze du type Schnabelkanne en Italie, Rome,
1975, p. 36 et pi. XIV. Cf. aussi p. 158 et pi. LXX, n. 239. Pour la définition du type,
cf. pp. 248-249.
6 Ibid. p. 301 sqq.
7 Bouloumié, p. 181; J. Déchelette, Manuel, p. 1433, fig. 642.
8 Bronzes antiques du musée de Lyon, p. 159, n. 164.
« L'HOMME À LA FRAISE » 813
personnage, figuré, comme les autres dieux qui décorent l'extérieur du réci
pient, par un buste à la tête démesurément agrandie, tient deux cerfs tête
en bas, qui s'encadrent entre son visage et ses bras levés. Sa barbe, soigneu
sement peignée, repose sur une sorte de collerette formée de six crosses
symétriquement distribuées. La forme du buste, aux bras relevés, est très
exactement celle de l'anse de l'œnochoé 489 de Civita Castellana à New
York. Quant à la collerette, il nous paraît évident qu'elle dérive de la pal-
mette des vases de ce type. Nous ne pouvons ici même commencer à indi
quer les conséquences que cette identification peut avoir pour l'interprétation
d'un monument sur lequel on a tant écrit. Mais il nous semble indispensable
de la signaler aux historiens de l'art celtique.
Il est certain que tous les artistes, qui pendant sept siècles environ,
ont utilisé la tête de Satyre posée sur une palmette végétale, ont choisi le
motif pour sa valeur décorative et non pour sa signification qui d'ailleurs
était très faible au départ. Cette transmission formelle a dû se faire, dans
la plupart des cas, par l'imitation directe d'objets qui portaient l'ornement.
Nous en avons la certitude en ce qui concerne son adoption par les Celtes.
Mais il est intéressant aussi de constater que les diverses civilisations ont
conféré à l'image un sens en rapport avec l'idéologie dominante de leur
société: chez les Celtes, elle a fini par représenter des dieux sans doute
importants, chez les Romains elle a été utilisée au service de la propagande
impériale 14.
14 II est probable que sur les ptéryges de cuirasses la tête de Satyre était interprétée
comme une tête de barbare. On retrouve une tête très voisine de celle des ptéryges de Cherchel
sur le plastron de la statue de Trajan du Louvre qui provient de Gabii (Vermeulle, loc. cit.,
n. 80). Mais ici, la barbe est traitée de manière à suggérer des feuilles d'eau. Il pourrait s'agir
d'une tête du Rhin inspirée par celle sur laquelle Vequus Domitiani posait le pied. Si la statue
était bien dès l'origine dédiée à Trajan, elle pourrait faire allusion aux événements de 96-97,
qui lui valurent le titre de Germanicus. Les ptéryges de Cherchel pourraient aussi faire allusion
à la Germanie.
L'HOMME À LA FRAISE > 815
1 Justin, Abrégé des Hist. Phil, de Trogue-Pompée, 43,1: ipsum dei simulacrum nudum
caprina pelle amictum est, quo habitu nunc Romae Lupercalibus decurritur. Il est probable
que les Luperques étaient oints d'huile (Cicéron, Phil., II, 34, 86; Lactance, Div. Inst, I, 21, 45;
Appien, II, 109; Plutarque, Vit. Ant. 12), couronnés de fleurs (Lactance, ibid.) et masqués,
ou, du moins, avaient le visage enduit de boue (Lactance, ibid.: personati aut luto obliti).
2 Plutarque, Vit. Rom., 21: έν περιζώσμασι γυμνοί.
3 C'est l'avis général. P. ex., A. Marbach, RE, XIII, 2, p. 1816: Hierauf umgürteten sich
die Luperci, zumeist junge Leute, mit den Fellen der geopferten Böcke, und liefen (etc.).
4 Ovid and the Lupercalia, Historia, 22, 1973, p. 260-268. La thèse soutenue est reprise
dans: An enigmatic function of the Flamen „Dialis and the Augustan Reform, dans Numen, 20, 3,
1973, p. 222-228.
5 Op. cit., p. 261 et suiv.
6 Aug., 31: Nonnulla etiam ex antiquis caerimoniis paulatim abolita restituii, ut... sacrum
Lupereale...; Lupercalibus uetuit currere imberbes.
818 DANIELLE PORTE
sens des bonnes mœurs, aurait introduit des nouveautés à l'intérieur des
Lupercales. Si l'on s'avise qu'aucun des textes antérieurs à Ovide n'attribue
aux prêtres-coureurs un quelconque vêtement, puisque l'expression normale
ment employée pour les désigner est: nudi, c'est que les Luperques étaient
entièrement nus avant que la pudibonderie d'Auguste leur imposât le port
d'un pagne. Dans cette perspective, la répétition obstinée du mot nudus
par Ovide, à un moment où précisément les Luperques n'étaient plus nus,
serait à entendre de façon ironique: it is simply intended to ridicule the
action of decency by the emperor7.
Si l'on doit interpréter en ce sens les vers d'Ovide simplement parce
qu'il écrit nudi alors que les coureurs ne sont pas nus, il faut croire alors
que Verrius Flaccus, Virgile et Tite-Live8, qui n'emploient pas d'autre mot,
n'approuvaient pas l'initiative augustéenne? Nous ne trancherons pas sur
la présence ou l'absence de l'ironie dans le texte des Fastes, et procéderons
au seul examen des documents que nous possédons et des conclusions qu'ils
permettent d'entrevoir.
Certes, Suétone a bien mentionné l'intervention d'Auguste dans l'orga
nisation de la fête: on sait par lui qu'il empêcha les jeunes gens encore
imberbes d'y participer, en même temps qu'il leur interdisait d'assister aux
Jeux Séculaires et à tous les Jeux nocturnes. Il semble pourtant que, si le
Prince avait habillé des prêtres qui, pendant sept siècles au moins avaient
accompli le rituel dans un état de complète nudité, Suétone n'aurait pas
manqué de mentionner cette innovation, lorsqu'il signale l'autre initiative
d'Auguste, l'élévation de la limite d'âge imposée aux participants; d'autre
part, le nouveau décret augustéen aurait sans doute laissé des traces plus
visibles dans les ouvrages traitant des fêtes romaines et des Lupercales en
particulier9. Rien ne nous autorise à supposer que le texte de Suétone
implique d'autres modifications que celles qui y sont explicitement énoncées.
Aussi la suggestion de F. Borner 10 exploitée par A. W. J. Holleman: die Restaurat
ion legt die Möglichkeit nahe, dass der Kaiser Neuerungen eingeführt
hätte, loin d'être l'expression d'un avis unanime des Modernes n, nous paraît-
elle à peu près gratuite.
Venons-en à l'examen des mots qui peignent le costume des Luper-
ques et qui tendent à prouver, nous dit-on, qu'avant la décision d'Auguste
les coureurs étaient nus.
Il est indéniable qu'avant l'époque augustéenne aucune description
ne contient autre chose que le terme nudus. Nous n'alléguerons pas qu'il
existe seulement deux textes républicains sur les Luperques, et laisserons
le bénéfice de l'argument à la thèse de A. W. J. Holleman. L'un de nos
textes est la peinture lapidaire que l'auteur des Philippiques trace en trois
mots du Luperque Antoine: nudus, unctus, ebrius 12. L'autre, la fiche techni
quede Varron: Lupercis nudis lustratur antiquom oppidum Palatinum
gregibus humanis cinctum 13.
Les textes augustéens où figure le mot nudi, et qui sont à peu près
contemporains de la prétendue, réforme augustéenne, ne contredisent pas,
comme on pourrait le croire d'abord, la thèse de A. W. J. Holleman: ils se
réfèrent, et cet argument est très acceptable, aux époques archaïques, tels
les textes de Tite-Live, Virgile, Verrius Flaccus déjà cités 14. Deux textes,
ceux de Denys d'Halicarnasse et de Justin 15, parlent d'un vêtement. Nous
étudierons le texte de Denys par la suite. Dans celui de Justin, le mot
nunc, ainsi que le temps du verbe amictum est, introduisent, dit notre auteur,
une distinction entre une nudité primitive et la tenue actuelle du dieu
Faunus, qui « a été habillé » d'une peau de bouc 16, - sans doute par un
11 A. W. J. Holleman, op. cit., p. 261: Modem writters on the subject are unanimous
in suggesting that the emperor made other innovations too. Notons d'ailleurs que la traduction
anglaise du texte de F. Borner est plus affirmative que l'original: le savant allemand ne parlait
que d'une Möglichkeit, le texte anglais traduit par: the emperor made.
12 Cicéron, Phil, III, 12.
13 Varron, L. L, VI, 34.
14 Voir note 8. Un texte de Virgile, Aen., Vili, 282, parle de prêtres pellibus in morem
cincti. A. W. J. Holleman, article cité de Numen, 20,3, 1973, nie qu'il puisse s'agir des Luper
ques, puisque Virgile traite du culte d'Hercule. Pourtant, Virgile mentionne aussi les Saliens, qui
n'ont, à Rome du moins, rien à voir avec ce dieu; s'il ne décrit pas formellement les Luper
ques, Virgile a pu imaginer le costume des prêtres archaïques sur le modèle du leur? Ce
pellibus reste étonnant, s'il est vrai que les Luperques sont les seuls prêtres romains vêtus
de peaux.
15 Le texte de Justin est cité à la note 1; Denys d'Halicarnasse, A.R., I, 80.
16 Op. cit., p. 262: . . which means that the originally nudum statue at some moment
.
« was covered ».
820 DANIELLE PORTE
Concluons sur ces textes: si l'on emploie, pour qualifier les Luperques,
le mot nudi bien après Auguste, alors que les prêtres sont désormais officie
llement vêtus, selon la thèse que nous discutons, de leur peau de bouc,
c'est bien qu'il n'existe aucune différence dans la tenue des célébrants avant
et après Auguste, c'est bien que « nudus » ne signifie pas « entièrement nu »,
ce qui, du reste, ne surprendra personne. Un coup d'œil sur l'emploi du mot
nudus lèvera tous les doutes.
Lorsque Virgile conseille au paysan de labourer et de semer « nu »,
nudus ara, sere nudus24, il a sans doute en tête la tenue sommaire exigée
par la chaleur et le travail physique soutenu. Virgile traduit textuellement
un aphorisme populaire d'Hésiode: . . . γυμνον σπείρειν, γυμνον δε βοωτεΐν,
γνμνον δ'άμάειν25. Or, le γυμνός grec signifie: «en simple chitôn», «en
vêtement de dessous ». C'est la tenue dans laquelle les envoyés du Sénat
trouvèrent le futur dictateur Cincinnatus, qui labourait « nu » selon Pline 26,
tandis que Tite-Live nous le montre simplement « sans toge » : les deux
20 Voir note 2.
21 Octavius, 24.
22 Div. Inst, I, 21, 45.
23 Contre Symmaque, II, 861.
24 Georg., I, 299.
25 Travaux, 391.
26 H.N., XVIII, 320: et quidem, ut traditur, nudo. Tite-Live, III, 26.
822 DANIELLE PORTE
«CAELI CIVIS»
Tite-Live
Ad hoc iam inde ab initio praeparans animos, ex quo togam uirilem
sumpsit, nullo die prius ullam publicam priuatamque rem egit quant in
Paris Nepotianus
3 Jacques Aymard, op. cit., p. 116, l'avait notée rapidement pour n'y déceler que «l'heure
du héros » et rappeler que « les cérémonies en l'honneur des héros ont lieu la nuit, celles pour
les dieux du soleil le matin». Généralement, c'est l'aube qui est retenue, par exemple Otto
Weippert, Alexander -imitatio und römische Politik in republikanischer Zeit, Augsburg,
1972, p. 39. De son côté, Polybe (10, 2, 5-13) n'évoque pas la scène du Capitole, mais en
10, 5, 5, il rapporte que le peuple attribua à Scipion, lors de son accession à la charge
d'édile, des dialogues avec Jupiter de nuit comme de jour, malgré son rationalisme, Polybe
est donc le témoin le plus ancien de cette «merveilleuse légende».
4 C'est Virgile (Géorgiques, 1, 247-249) qui semble avoir forgé ce cliché, en distinguant
du même coup le silence de la nuit profonde et l'aurore.
« CAELI CIVIS » 827
oreilles (in secreto) 5. Et cet entretien durait longtemps: tous les auteurs
insistent sur cette méditation prolongée, depuis Tite-Live (consideret et
tempus tereret) jusqu'au De uiris illustrious (diutissime sedisset) tandis
que l'expression des rédactions les plus anciennes, en langue latine du
moins, semble conservée par Aulu-Gelle (diu demorari) comme le suggèrent
les résumés de Valère-Maxime (moratus fuisset et diutissime moraretur).
Les tours consacrés intempesta nocte et noctis extremo trouvent le meilleur
éclairage l'un par rapport à l'autre dans un texte de Juvénal décrivant le
travail intellectuel et la méditation suivie que favorisent ces heures, a
pparemment creuses, au cours desquelles la nuit féconde le silence intérieur
de l'intelligence éveillée:
5 Le tour livien in secreto, loin de renforcer solus, a toute une histoire dans l'ordre
des activités intellectuelles et spirituelles, que je dois laisser ici de côté.
6 Juvénal, 7, 222-224.
7 C'est sans doute le sens qu'il faut donner au mot fameux - et profond - de Scipion
selon Cicéron rapportant le témoignage de Caton: numquam se (se. Scipionem) minus otiosum
esse quant cum otiosus, nec minus solum quam cum solus esset. Cicéron, De officiis, 3, 1
le commente utilement: magnifica uero uox et magno uiro ac sapiente digna, quae déclarât
illum et in otio de négotiis cogitare et in solitudine secum loqui solitum, ut neque
cessaret umquam et interdum conloquio alterius non egeret. Ita duae res, quae languorem
adferunt ceteris, illum acuebant, otium et solitudo. Ce qui distingue Scipion de la masse,
qu'il intrigue par là-même, c'est l'ascèse de i'otium et de la solitudo, conditions essentielles
du monologue intérieur (secum loqui). Voir aussi l'analyse de J.-M. André, L'otium dans la vie
morale et intellectuelle romaine des origines à l'époque augustéenne, Paris, 1966, notam
mentp. 58-65.
828 JEAN PRÉAUX
sempiternis Homeri carminibus intelligi datur, non deos caelestes cum uiris fortibus
conlocutos, nec adfuisse pugnantibus uel iuuisse, sed familiaris genios cum isdem uersatos,
quorum adminiculis freti praecipuis, Pythagoras enituisse dicitur et Socrates, Nu-
maque Pompilius, et superior Scipio, et (ut quidam existimant) Marius et
Octauianus, cui Augusti uocabulum delatum est primo, Hermesçue Termaximus,
et Tyaneus Apollonius atque Plotinus etc. Le verbe enituisse mériterait une étude.
Voir aussi les observations très riches sur les Endymions de Varron par Luigi Alfonsi, Le
Menippee di Varrone, dans Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, I, 3, 1973, p. 26-59
(spécialement p. 41-57) et par J.-P. Cèbe, Varron, Satires Ménippées, fase. 3, Rome, 1975, p. 446-474.
« CAELI CIVIS » 829
10 Solus, garanti par Tite-Live et par Aulu-Gelle, inscrit le texte dans les perspectives
du secum loqui et de toute la tradition du «connais-toi toi-même», dont Marc Aurèle, quelque
quatre cents ans après Scipion, sera un nouveau témoin en soulignant l'indispensable méditat
ion qui précède l'action: ότι αρκεί προς μόνω τω ένδον εαυτοϋ δαίμονι -είναι και τούτον γνησίως
ϋεραπεΰειν (2, 13). Sur cette tradition delphique, Pierre Courcelle, Connais-toi toi-même de
Socrate à saint Bernard, Paris, 1974-1975, 3 volumes.
11 Pierre Courcelle, Intempesta node, dans Mélanges d'histoire ancienne offerts à
William Seston, Paris, 1974, p. 127-134. Voir aussi La vision cosmique de saint Benoît, dans
Revue des études augustiniennes, 13, 1967, p. 97-117 et La Consolation de Philosophie dans
la tradition littéraire. Antécédents et postérité de Boèce, Paris, 1967, Appendice II, p. 355-372.
12 Tite-Live (26, 19, 3-4) recourt notamment au concept ostentatio: fuit enim Scipio
non ueris tantum uirtutibus mirabilis, sed arte quoque quadam ab iuuenta in ostentationem
earum compositus, pleraque apud multitudinem aut per nocturnas uisas species aut uelut
diuinitus mente monita agens, siue et ipse capti quadam superstitione animi, siue ut imperia
consiliaque uelut sorte oraculi missa sine cunctatione exsequerentur. C'est à cette réflexion
que Tite-Live lie sa relation des entretiens de Scipion avec Jupiter.
830 JEAN PRÉAUX
13 De nombreux essais ont rectifié depuis quelque vingt ans l'erreur d'appréciation de
l'œuvre de cet érudit carthaginois du Ve siècle: on en prendra une bonne mesure dans l'excellente
édition commentée du 2e livre que vient de procurer Luciano Lenaz, Padoue, 1975, Voir aussi
l'essai intelligent et audacieux à la fois de Fanny Le Moine, Martianus Capella. A Literary
Re-evaluation, Munich, 1972.
14 Je ne peux examiner ici les nombreux problèmes que pose ce discours (1, 37-38) si
dense de Junon, d'une écriture très élaborée: j'en reproduis le texte établi par A. Dick
(Teubner, 1925; 2e éd., 1969) et me contente d'indiquer que la leçon instantiaque n'est pas
la meilleure sans doute (les manuscrits donnent stantiaque et constantiaque) , tandis que la
« CAELI CIVIS » 83 1
la correction défendue par W. Bühler dans Hermes, 92, 1964, p. 123-125, ne me paraît pas
devoir être retenue (il suffit de sous-entendre memini, ou même puto, dans le passage en
question: ... consueuit, quotiens (se. memini) deos... conquestos (esse), cum eos... quiescentes
ad se uenire... compelleret).
15 La litière dans laquelle Philologie fera l'ascension du ciel, est escortée par quatre person
nages, deux masculins, Labor et Amor, deux féminins, Epimelia et Agrypnia, tandis qu'en
tête de ce cortège s'avancent le chœur des muses et d'autres personnages, et qu'en suite du
cortège vient surtout Periergia... curiose uniuersa perscrutans atque interrogans (2, 143-146).
C'est tout le symbole de la Curiositas.
16 Martianus Capella renforce le motif virgilien intempestae noctis silentio par l'adjectif
concubia (se. nox) pour désigner la première partie de la nuit, avant minuit (Macrobe, Saturn.,
1, 3, 12 et surtout 15). C'est l'heure mystique, celle du Visiteur du soir: cf. ce texte de
André de Fleury cité par P. Courcelle (dans Mélanges offerts à William Seston, 1974, p. 133,
n. 35): qua in ecclesia, angelicae uisitationis excubiae, splendor quoque supremae Celsitudinis,
sub conticinio intempestae noctis, quam frequentissime notissimum est apparere (Miracula
s. Benedicti, 6, 13). L'expression conticinium est synonyme de concubia nox.
17 Le verbe suscitare mériterait une longue note: qu'il suffise ici de relever qu'Ammien
l'utilise dans sa description des visions nocturnes de l'empereur Julien, lorsqu'il « se levait au
milieu de la nuit» (nocte dimidiata exsurgens) pour «prier secrètement Mercure, que l'enseign
ement des théologiens donne pour l'intelligence de l'univers, celle qui, plus prompte que les
autres esprits éveille leur activité» {occulte Mercurio supplicabat, quem mundi uelociorem
sensum esse, motum mentium suscitantem, theologicae prodidere doctrinae). Et Ammien
ajoute que Julien, à ces moments-là de silence et de communion cosmique, «s'occupait avec
compétence de toutes ses obligations envers l'Etat» (explorate rei publicae munera cuncta
curabat). Je reviendrai ailleurs sur cette page d'Ammien (16, 5, 4-8), parce qu'elle s'éclaire
par la confluence de traditions initiatiques, spécialement celles qui associent Julien à Alexandre
(qui vient d'être cité!) et à Scipion.
832 JEAN PRÉAUX
18 Ovide, Métam., 2, 704; 834; 8, 628; Fastes, 5, 663. Horace, Odes, 1, 10, 1: Mercuri,
facunde nepos Atlantis.
19 Virgile, En., 4, 480-482. Cf. Pierre Boyancé, Virgile et Atlas, dans Mélanges d'histoire
ancienne offerts à William Seston, 1974, p. 49-58.
20 Edouard Tièche, Atlas als Personifikation der Weltachse, dans Museum Helveticum,
2, 1945, p. 65-86. Voir aussi Albin Lesky, Hethitische Texte und griechischer Mythos, dans
Gesammelte Schriften, 1966, p. 356-378.
21 L'une de ces exégèses du mythe d'Atlas, celle d'Aristote, De caelo, 2, 1, 2-6, 289 a 19 suiv.,
met en cause ceux qui croient qu'Atlas est un appui nécessaire de la voûte céleste et ceux
qui pensent que le ciel doit être soutenu par une « nécessité pleine d'énergie psychique »
(άναγκή έμψυχος): Pierre Boyancé, art. cit., à la note 20, attire l'attention sur le «fuseau de
lumière comparable à une colonne» du mythe final de la République de Platon: vaste problème,
délicat aussi, auquel il convient de joindre, je pense, celui que pose la «religion éclairée»
de Scipion l'Africain.
« CAELI CIVIS » 833
22 Ovide, Métam., 15, 147-152. Le contexte est important, aussi bien celui des vers 143-147
que ceux du début de ce portait célèbre de Pythagore, les vers 60 et suivants: cumque animo
et uigili perspexerat omnia cura, / in medium discenda dabat coetusque silentum / dictaque
mirantum magni primordia mundi / et rerum causas, et, quid natura, docebat. Pythagore,
comme son disciple Scipion, est à la fois un solitaire, lorsqu'il est contemplatif et studieux,
et un maître, lorsqu'il communique son savoir. Cf. Archytas, selon un texte peu utilisé de
Cicéron, Laelius, 88: «Si quis in caelum ascendisset naturamque mundi et pulchritudinem
siderum perspexisset, insuauem illam admirationem ei fore, quae iucundissima fuisset, si
aliquem, cui narraret, habuisset». Sic natura solitarium nihil amat semperque ad aliquod
tamquam adminiculum adnititur, quod in amicissimo quoque dulcissimum est.
23 Roland Crahay et Jean Hubaux, Sous le masque de Pythagore, dans Ovidiana. Recherches
sur Ovide, Paris, 1958, p. 283-300.
24 Platon, Politique, 272 e. Cf. Pierre Courcelle, La Consolation de Philosophie dans la
tradition littéraire..., Paris, 1967: «L'observatoire du contemplatif», p. 357-363, et « L'étroitesse
de la terre selon Grégoire le Grand et Sénèque », p. 363-366.
25 Le motif est utilisé à la fin de l'éloge funèbre de Népotien par saint Jérôme, qui
le joint à Pexemplum de Xerxès: ο si possemus in talem ascendere speculum de qua uniuersam
terram sub nostris pedibus cerneremus! (Epist., 60, 18). Cf. à propos de Dante: Alfonso Traina,
«L'aiuola che ci fa tanto feroci». Per la storia di un topos, dans Poeti latini (e neolatini).
Note e saggi filologici, Bologne, 1975, 305-335.
26 Juvénal, 8, 32 atteste qu'on désignait un géant ou un nain du nom d'Atlas (nanum
cuiusdam Atlanta uoeamus, / Aethiopem eyenum, etc.): pareille dérision associe Atlas à
Aethiops comme chez Virgile, En., 4, 481, le premier nom de ce pays «ultime des Éthiopiens»,
à la limite du monde et du soleil couchant, est précisément Atlantia (Pline, N.H., 6, 30, 187).
834 JEAN PRÉAUX
27 Le verbe torqueri est virgilien à propos d'Atlas justement, En., 4, 482; 6, 797. Voir
les observations pertinentes de Pierre Boyancé dans son étude sur Virgile et Atlas, op. cit., p. 56-57.
28 C'est là aussi que Dieu se tient et fixe le lieu de rencontre, au témoignage que Clément
d'Alexandrie, Protreptique, 6, 68,3 verse au crédit des païens, «qui reconnaissent que Dieu est
toujours en haut, sur la voûte du ciel, dans son observatoire personnel et particulier». Cf.
Platon, Phédon, 247 b.
29 Platon, Phèdre, 247 b-c.
30 Hésiode, Théogonie, 517-519; cf. 746-747.
31 Eschyle, Prométhée enchaîné, 348-350.
32 Cet éloge ovidien de l'astronomie {Fastes, 1, 295-310) ne me paraît pas devoir être
dissocié, quoi qu'on en ait écrit, de cette indication autobiographique des Tristes, 4, 10, 19-20:
« CAELI CIVIS » 835
Ce texte, si riche et si personnel, par lequel Ovide s'inscrit dans une large
tradition, oppose nettement deux types de conquérants du ciel, les Géants,
foudroyés par Jupiter, aux Titans, qui, comme Atlas et ses disciples, eurent
l'audacieuse curiosité d'escalader les cieux par les yeux de l'intelligence:
la mesure du ciel, l'astronomie, est à la mesure de la terre, la géométrie,
comme la contemplation l'est à l'action, qu'elle prépare, nourrit et organise
grâce aux connaissances des rythmes saisonniers, bref par la science du
calendrier, garante de la supériorité « divine » du chef de guerre, qui sait
faire parler les armes à bon escient. Scipion l'Africain avait découvert
ce secret et l'entretenait jalousement lorsqu'il faisait retraite dans la
chapelle de Jupiter. Cicéron confirme ceci de façon éclatante, je pense,
lorsqu'il décrit, dans un passage trop peu étudié de son Cato Maior, comment
cette tradition du chef éclairé, parce que initié à l'astronomie, s'est ancrée
dans la famille du vainqueur de Zama: au sein de l'état-major de Paul-Emile,
vainqueur de Pydna, un astronome, confident du chef de guerre, prédit
l'éclipse de lune dans la nuit du 21 au 22 juin 168 avant notre ère, la veille
du jour de la défaite du roi Persée par Rome 33. Les termes choisis par Cicéron
at mihi iam puero caelestia sacra placebant / inque suum furtim Musa trahebat opus.
Cette passion intellectuelle jugée inutile par le père d'Ovide (studium inutile) n'est pas seule
ment celle de la poésie préférée au barreau, mais celle, plus générale, du culte des muses,
d'origine pythagoricienne.
33 Cicéron, Caton, 49. Plusieurs motifs s'entrecroisent ici, qui tous concourent à mieux
saisir le sens des entretiens de Scipion: tamquam enteritis stipendiisi animum secum esse secumque,
ut dicitur, uiuere; pabulum; mori in studio (c'est Vimmoritur studiis d'Horace, Epîtres, 1, 7, 85,
c'est la cura uigil et la curiositas de Philologie); aliquid describere; et surtout noctu... mane!
836 JEAN PRÉAUX
pour exalter cet épisode fameux pourraient être retenus pour percer les
secrets de ces entretiens de Scipion avec Jupiter, de minuit à l'aube:
At ilia, quanti sunt, animum tamquam emeritis stipendiis libidinis,
ambitionis, contentionis, inimicitiarum, cupiditatum omnium
secum esse secumque, ut dicitur, u i u e r e ! Si uero habet
aliquod tamquam pabulum studii atque doctrinae, nihil est
otiosa senectute iucundius. Mori paene uidebamus in studio
dimetiendi caeli atque t e r r a e C. Gallum, familiärem patris
tui, Scipio; quotiens illum lux η ο e t u aliquid describere in-
gressum, quotiens η ο χ oppressif, cum mane coepisset!
Quam delectabat eum defectiones solis et lunae multo ante nobis
praedicere!
34 Je n'entre pas ici dans la discussion de ce problème, cf. en dernier lieu G. Winkler,
dans le Kleine Pauly, 1975, s.v. Sulpicius, col. 424 (en faveur de Galus).
35 Cicéron, De republica, 1, 21 et 23. Pline, N.H., 2, 53 insiste sur les effets militaires
de cette «révélation» de Sulpicius, astronome et tribun militaire à la fois: il libéra les soldats
de toute angoisse (sollicitudine exercitu liberato). Oh songe à l'épisode «miraculeux» des
vents lors de la prise de Carthagène par Scipion, capable d'interpréter scientifiquement cette
brusque saute du vent droit au septentrion, et en dégager sur-le-champ les conséquences sur
le plan de la tactique du siège de la ville. Tite-Live narre l'épisode de Pydna en des termes
qui pourraient convenir à Scipion: Sulpicius. .. pronuntiauit node proximo,, ne qui id pro
portento acciperet, ab hora secunda usque ad quartam horam noctis lunam defecturam esse
(44, 37, 6) et dès lors l'interprétation des soldats: ... Romanis militibus Galli sapientia prope
diuina uideri (44, 37, 8).
36 Pierre Courcelle, Le souvenir d'Archimède en Occident chrétien, dans Convivium
Dominicum. Studi sull'eucarestia nei Padri della Chiesa antica e miscellanea patristica,
Catane, 1959, p. 289-296.
« CAELI CIVIS » 837
37 Martianus Capella, 6, 583-585, v. 21-26. Dans le paradis des intellectuels, situé dans
la Voie lactée, Martianus fait voisiner Archimède et Platon, tous deux sphaeras aureas deuol-
uentes (2, 212): rapport senti entre l'astronomie pythagoricienne du 10e livre de la République
et celle du Timée d'une part, le planétaire d'Archimède d'autre part.
38 Quelques aspects de ce vaste sujet ont été analysés dans ma contribution: Le culte
des muses chez Martianus Capella, dans Mélanges de philosophie, de littérature et d'histoire
ancienne offerts à Pierre Boyancé, Rome, 1974, p. 579-614.
838 JEAN PRÉAUX
auquel Scipion s'intéressa plus tôt, si l'on veut noter que Tite-Live (26,
19, 3 et 5), par deux fois, justifie les retraites de la chapelle du Capitole
en faisant commencer cet usage ab iuuenta ou ab initio . . . ex quo togam
uirilem sumpsit59. Exagération dira-t-on requise par l'hagiographie du
héros, ou réalité d'une formation intellectuelle d'un homme né vers 235
et dont l'épisode syracusain de 204 confirme la profondeur et la permanence?
L'éloge de Scipion par Dion Cassius40 n'est pas dénué de valeur histori
que,bien au contraire. Le tour αρετή κράτιστος και παιδεία λογιμώτατος
trouve sa meilleure illustration sous le calarne horatien, dans cette ode
qui, en quelque sorte, trace le programme augustéen du culte des muses,
auquel Scipion était initié:
uis consili expers mole ruit sua,
uim temperatam di quoque prouehunt
in maius . . . 41.
39 II est généralement supposé (et admis) que la légende de la faveur divine accordée
à Scipion commença après la victoire sur Carthagène, en 209: de fait, Tite-Live (26,19,1-6)
narre les entretiens de Scipion avec Jupiter à la date de 211. Toutefois l'épisode de la marée
(exceptionnelle en Méditerranée!) se réduit, à mon avis, à une saute des vents tournant brusque
ment et violemment au nord. Tite-Live (26, 45, 8-9) est le seul à noter la vérité, et il faut
prendre garde à la manière dont il établit la liaison entre le phénomène atmosphérique et la
réaction intelligente de Scipion: medium ferme diei erat, et ad id, quod sua sponte cedente
in mare aestu trahebatur aqua, acer etiam septemtrio ortus ìnclinatum stagnum eodem, quo
aestus, ferebat et adeo nudauerat uada, ut alibi umbilico tenus aqua esset, alibi genua uix
super aret. Hoc cura ac ratione compertum in prodigium ac deos uertens Scipio, qui ad
transitum Romanis mare auerterent et stagna auferrent uiasque ante numquam initas humano
uestigio aperirent, Neptunum iubebat ducem itineris sequi ac medio stagno euadere ad moenia.
Le tour cura ac ratione est similaire à l'expression curis cogìtationibusque requise par Tite-
Live à propos d'une manœuvre tout aussi « génialement inspirée » de Philopœmen, contemporain
de Scipion, en butte à des difficultés militaires: his curis cogitationibusque ita ab ineunte
aetate anìmum agitauerat, ut nulla ei noua in tali re cogitatio esset (35, 28, 7; cf. 1-2).
Dès l'enfance, Philopoemen fut formé par des philosophes, notamment Demophanes et Ecdelus.
Quant à l'expression animum agitare, qui mériterait une analyse, Tite-Live l'emploie-t-il comme
Cicéron le fait à la fin du Somnium Scipionis, à plusieurs reprises (26 à 29)? Et notamment
dans l'ultime message de Scipion l'Africain: hanc (se. naturam animi) tu exerce optimis in rebus.
Sunt autem optimae curae de salute patriae, quibus agitatus et exercitatus animus
uelocius in hanc sedem et domum suam peruolabit. .. Nam eorum animi qui se corporis
uoluptatibus dediderunt..., corporibus elapsi circum terram ipsam uolutantur nec hune in
locum (se. orbem lacteum) nisi multis exagitati saeculis reuertuntur».
40 Dion Cassius, Fragm., 56, 43.
41 Horace, Odes, 3, 4, 65-67 dans l'ode aux muses, avec l'utilisation du motif des Titans
précisément. Les couples uis-consilium, uirtus-sapientia, ainsi que d'autres, traduisent cet idéal
«CAELI CIVIS» 839
Hommage rendu par Scipion à son dieu certes, mais aussi à tous ceux qui,
à l'instar d'Atlas, jetèrent un défi à l'ignorance en osant, tel Alexandre44,
braver le ciel en levant les yeux pour le sonder. Hommage aussi à Pythagore,
à Numa, à Archimède son contemporain, à d'autres encore comme Eratos-
thène. Et surtout à Aristote et à Platon: se pourrait-il que Scipion ait
enrichi son fornix symbolique en joignant à ces statues dorées au nombre
de sept comme les planètes, ces chevaux, au nombre de deux, pour rappeler
à la fois les Dioscures, maîtres des hémisphères selon une tradition savante
et initiatique45, mais aussi pour enseigner, d'après le mythe vivant du
de l'action concertée, mûrement réfléchie, cette uis temperata qui est la marque de Scipion,
et aussi celle d'Alexandre selon le fragment des Annales d'Ennius, v. 222 V2: qualis consiliis
quantumque potesset in armis.
42 En 196, L. Stertinius fit ériger deux fornices, l'un sur le Forum boarium l'autre au
Grand Cirque (Tite-Live, 33, 27, 4): ce sont les deux plus anciens exemples attestés, celui
de Scipion venant peu après, mais la motivation de ces trois fornices est différente, ne serait-ce
déjà que par la chronologie de ces constructions, sans doute d'un type nouveau, Stertinius
les faisant dresser après sa victoire et pour célébrer celle-ci, ne temptata quidem triwnphi spe,
Scipion anticipant sur une victoire éventuelle et faisant ériger un fornix juste au moment
de se mettre en campagne. Ce problème devra être repris: cf. récemment des observations
judicieuses de H. S. Versnel, Triumphus. An Inquiry into the Origin, Development and Meaning
of the Roman Triumph, Leyde, 1970, p. 135-136 et passim.
43 Tite-Live, 37, 3, 7.
44 Plutarque, De Alexandri Magni fortuna aut uirtute, 335 Β: Λυσίππου δε το πρώτον
Άλεξανδρον πλάσαντος άνω βλέποντα τω προοώπω προς τον ούρανον (ώσπερ αυτός είώ&ει βλέπειν
Αλέξανδρος ήσυχη παρεγκλίνων τον τράχηλον) επέγραψε τις ούκ άπιϋάνως: «αύδασοΰντι δ'εοικεν ό
χάλκεος εις Δία λεύσσων/Γ&ν ύπ'έμοί τίϋεμαι · Ζεΰ, συ δ'"Ολυμπον εχε». Il y aurait beaucoup
à dire à ce propos, d'Alexandre à Scipion certes (cf. Tite-Live, 26, 19, 7), mais aussi à Auguste
lui-même, selon les vers admirables d'Horace dans son ode pindarique (1, 12), s'achevant sur
cette strophe situant Auguste comme second de Jupiter, et comme son maître de justice sur
terre à l'instar de celui qui dispose de la foudre au ciel.
45 Voir notamment Franz Cumont, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains,
Paris, 1942, Chapitre premier: Les deux hémisphères et les Dioscures, p. 35-103.
840 JEAN PRÉAUX
Phèdre, qu'il faut apprendre à dompter le bon cheval pour monter au ciel,
sous peine de rester à terre sous la pesée du mauvais cheval, rétif46?
Emule de Jupiter, qui sait lancer son char ailé, et des douze dieux, dont
les attelages, étant équilibrés, facilitent leur ascension, Scipion a ap
pris à préparer la conduite des affaires des hommes en montant les esca
rpements qui mènent « au sommet de la voûte surplombant le ciel » : il est
un cocher heureux par sa science des astres, il est capable aussi de s'e
nfoncer dans l'intérieur du ciel, en ayant installé « les chevaux devant la
mangeoire, où il a jeté l'ambroisie pour leur pâture et le nectar pour
leur boisson ». Ces labra marmorea, au nombre de deux comme les chevaux,
ne peuvent qu'être aussi symboliques que l'ensemble du décor du fornix:
qu'on tente de les justifier par les Dioscures et leurs chevaux, ou par le
mythe du Phèdre, ces vasques 47 peuvent rappeler le choix imposé à l'homme
contraint à l'action. Comme le dit Platon, à la fin du mythe du cocher et
de ses deux chevaux, puisse celui qui est « converti à la philosophie » (de
l'action) ne plus tergiverser, ou, selon la judicieuse traduction de Léon
Robin, « qu'il ne soit plus comme aujourd'hui entre deux selles. » 48.
Ennius, selon Servius commentant les allusions de Virgile à Atlas
dans l'Enéide (1, 741; 4, 246; cf. Géorgiques, 4, 291), affirme qu'Atlas
aurait dû être appelé en latin Telamo. Or pareille dénomination de la chaîne
de montagnes de Maurétanie est empruntée à la langue de l'architecture:
Vitruve précise qu'il s'agit de l'équivalent masculin des caryatides49. Dès
lors, à l'époque de Scipion, une métaphore d'origine architecturale a pu
46 Platon, Phèdre, 247 b, 248 a et 252 d-e (sur le choix du dieu dont on suit le cortège,
notamment Zeus, qui confère à son « choreute » la grâce d'être ici-bas « par sa nature, philosophe
et apte à conduire les hommes». Cf. le rappel des composantes de ce mythe en 253 c-d et sa
justification en 253-257 b).
47 Le mot technique labrum désigne un ustensile (bassin, récipient évasé, aux rebords
en forme de lèvres, etc.) dans la langue des paysans et des vignerons, ensuite un type de vasque,
dont Pline le Jeune, Epîtres, 5, 6, 20 donne la description la plus nette.
48 Platon, Phèdre, 257b: c'est le refus de l'ambiguïté par la maîtrise des deux chevaux
et des tensions au sein de l'être, c'est le triomphe de la méditation nourrice de l'action.
49 Vitruve, 6, 7, 6: item si qua uirili figura signa mutulos aut coronas sustinent,
nostri telamones appellant, cuius rationes, quid ita aut quare dicantur, ex historiis non
inueniuntur, Graeci uero eos άτλαντες uocitant. Atlas enim formatur historia sustinens mundum,
ideo quod is primum cursum solis et lunae siderumque omnium uersationum rationes uigore
animi sollertiaque curauit hominibus tradenda, ... En 1, 1, 5 le parallélisme des expressions
vitruviennes est remarquable entre ces telamones et ces caryatides. Et que penser de Servius
encore lorsque, commentant l'Enéide 1, 740-741, à propos d'Atlas, il précise ce que Virgile,
à la suite de Varron, entendait par le mot proceres: proceres autem ideo secundum Varronem
principes ciuitatis dicuntur, quia eminent in ea, sicut in aedificiis mu tuli quidam, hoc
«CAELI CIVIS» 841
d'un fragment d'Ennius 50 où Cicéron 51 voyait une image folle, qu'il ne com
prenait pas ni n'admettait, parce que ce mot désignait en fait une sphère!
Il s'agit d'un planétaire du type de celui d'Archimède, et on en saisit mieux
l'intention dès l'instant où Hygin reprendra cette métaphore ennienne à
propos d'Atlas précisément52. Caeli fornix ou caeli ingénies fornices,
image audacieuse et admirable d'Ennius pour désigner le globe supporté
par Atlas, mais aussi transfert à Rome, par le détour d'une double
métaphore, de l'image de son vieux maître, Homère, à propos d'Atlas:
Άτλαντος ϋυγατήρ όλοόφρονος, ος τε ύαλάσσης
πάσης βενϋεα οϊδεν, έχει δε τε κίονας αυτός
μακράς, αϊ γαϊάν τε και ούρανον άμφίς εχονσιν 53.
est, capita trabium, quae proceres nominantur. Référence analogique entre les «grands»
de la cité, ses hommes «éminents», et ces éléments architecturaux appelés mutuli, telamones,
caryatides, άτλαντες, et, par le détour du mythe d'Atlas, ces colonnes du ciel, ces κίονες
homériques, hésiodiques et eschyléennes, et ces columnae et ces fornices enniennes!
50 Ennius, Fab. inc., fr. 381 V.2= fr. 319 Jocelyn. Sur statua et sur columna, il faudrait
réexaminer le fr.. II du Scipio d'Ennius.
51 Cicéron, De oratore, 3, 162 vitupère cette métaphore d'Ennius, mais livre du même
coup la clé de celle-ci: primum est fugienda dissimilitudo «caeli ingénies fornices»: quamuis
sphaeram in scaenam, ut dicitur, attulerit Ennius, tarnen in sphaera fornicis similitudo
inesse non potest. Le fornix était donc un symbole du cosmos.
52 Hygin, Fables, 150: Atlanti... caeli fornicem super humeros imposuit.
53 Homère, Odyssée, 1, 52-54.
54 Ce transfert est déjà opéré par Eschyle dans son Prométhée, 348-350 où le singulier
(κίον ' ούρανοΰ τε και χϋονός) supplante le pluriel homérique.
55 Une étude récente sur la philosophie et sur la religion d'Ennius manque: elle devrait
tenir compte notamment de ce qu'il est convenu d'appeler la «religion de Scipion». Ainsi le
Scipio et maints fragments des Annales, des Saturae, du théâtre s'éclairent les uns par les
842 JEAN PRÉAUX
autres, comme celui-ci, où je reconnais cette religion astrale et ce mysticisme cosmique qui
entretenaient la foi et nourrissaient l'action de Scipion aspirant à la Voie lactée:
contemplor
inde loci liquidas pilatasque aetheris oras.
(Saturne, fr. 3 V.2)
Je reviendrai sur ceci.
56 Outre l'essai récent de R. Seguin, dans Latomus, 33, 1974, p. 3-21, je renvoie aux
bonnes pages de O. Weippert, op. cit., p. 37-55 (p. 39, n. 2 bibliographie). Le jugement de
H. Bengston sur Scipion, «ein durch und durch religiöser Mensch», doit être nuancé certes,
mais ne mérite ni le scepticisme ni les critiques trop sommaires qu'il a provoqués.
57 André Piganiol, Sur la source du Songe de Scipion, dans Compes rendus de l'Académie
des inscriptions et belles lettres, 1957, p. 88-94 (= Scripta varia, tome II, Bruxelles, 1973,
p. 374-381, Collection Latomus, volume 132).
58 Voir toutefois l'étude suggestive de Gregor Maurach, Africanus Maior und die
Glaubwürdigkeit des «Somnium Scipionis», dans Hermes, 92, 1964, p. 299-313 et la thèse
brillante de Jacques Fontaine, Le « Songe de Scipion » premier Anti-Lucrèce?, dans Mélanges
d'archéologie et d'histoire offerts à André Piganiol, Paris, 1966, p. 1711-1729.
59 Pierre Courcelle, La postérité chrétienne du «Songe de Scipion», dans Revue des études
latines, 36, 1958, p. 205-234.
60 Fulgence, dans la préface de ses Mythologies (p. 4, 1. 4-7): ... sed quae nostrum
Academicum rhetorem ita usque ad uitalem circulum tulit, quo paene dormientem Scipionem
caeli ciuem effecerit. Le motif du caeli ciuis a fait l'objet de remarques, brèves mais sug
gestives, de Luigi Alfonsi, Cittadini del cielo, dans Rheinisches Museum für Philologie, N.F.,
107, 1964, p. 302-304.
61 En 831-832, dans la préface du livre III de son Expositio in Matthaeum, Pascase
Radbert dénonce Yeloquentia païenne, qui est bien incapable d'assurer l'immortalité tant à
Cicéron qu'à Scipion dans la Voie lactée: qui licet Academicum rhetorem per hanc inanem
« CAELI CIVIS » 843
1 Cf. Caes., b.g., VI, 6, 1 et 53, 1-3. Sur la répartition des légions en 50-49 voir notre
Ordre de bataille de l'armée des Gaules, dans B>EA, 60, 1958, pp. 125-128.
2 Cf. von Göler, Caesars Gallischer Krieg und Theile seines Bürgerkriegs, 2e éd., Tübingen,
1880, 2e partie, p. 33; Colonel Stoffel, Histoire de Jules César, Paris, Imprimerie nationale,
1887, p. 48; J. Carcopino, Jules César, 5eéd. revue par P. Grimal, Paris, P.U.F., 1968, p. 369.
3 Cf. notre article: Le camp de Fabius près d'Ilerda. Un problème césarien (Bellum
ciuile, 1940), dans Les Etudes classiques, 1976, pp. 25-34.
846 MICHEL RAMBAUD
4 L'exemple type, admiré par C. Jullian, Histoire de la Gaule, Paris, 1920, t. III, p. 177,
est la marche du camp de Gergovie au devant de Litaviecos avec retour dans la nuit, b.g.,
VII, 40, 4 à 41, 5, soit une étape redoublée de 37,5 km. Les anciennes encyclopédies précisent
que la marche forcée ne doit pas excéder 50 km en 24 h ou 60 km en 28 ou 30 h. Les légionnaires
firent donc mieux. De cet exploit, on rapprochera la marche de Sarsura à Thysdra, une vingtaine
de km, prolongée par un déplacement de 4 milles et suivie d'un départ à la 4e veille du départ
pour Aggar à 30 km, soit 56 km en 25 ou 26 h., cf. b.Af., 76, 2. Les troupes de Scipion en ont
fait autant.
5 R. Schmittlein, Avec César en Gaule, Paris, 1970, p. 127; cf. nos observations in
REL, 50, 1972, p. 58.
LES MARCHES DES CÉSARIENS VERS L'ESPAGNE 847
sur l'autre rive quatre fois cette distance, sans compter le déplacement d'est
en ouest; elles ont donné près d'Ilerda une preuve supplémentaire que les
vétérans de César pouvaient faire plus de 24 km dans une journée
(b.c., 1, 40, 7; cf. b. Af., 79, 1: marche de nuit d'Aggar à Thapsus, soit 16 milles
ou 24 km) 6.
Pour situer les marches dans le calendrier, il importe de tenir compte
de la vitesse des courriers qui portèrent les ordres de mise en route et de
celle des chevaux qui transportaient les généraux et les cavaliers. L'étape
quotidienne de la cavalerie paraît avoir été d'une cinquantaine de kilomètres.
Quant aux courriers, en usant de relais, ils doublaient cette étape. Voilà
quelques éléments qui permettent, malgré des lacunes ou des obscurités du
Bellum ciuile, sinon de reconstituer une réalité, toujours evanescente, du
moins de cerner le problème et de replacer les marches des césariens dans
le temps.
Ainsi, en appliquant la moyenne de 22,5 km à la distance qu'entre
Narbonne et la rive gauche du Sègre devait franchir le corps d'armée de
Fabius, soit 220 km, on peut admettre que cette marche exigeait une dizaine
de journées. A quel moment? Le Bellum ciuile ne le précise pas. Néanmoins,
on peut établir certaines limites chronologiques d'après deux données précises
sur les opérations que César dirigea en personne:
- d'abord, les Fastes7 indiquent qu'Afranius et Petreius capitulèrent
le 2 août du calendrier;
- ensuite, un passage du Bellum ciuile (2, 32, 5) assure que Vimpe-
rator fut vainqueur en Espagne quarante jours après être arrivé en vue de
ses adversaires: Haec acta diebus quadraginta quibus in conspectu aduer-
sariorum aduenerit Caesar. Compte tenu du comput préjulien où juillet,
quintilis plutôt, avait 31 jours et juin, 29, l'arrivée de César en vue de
l'ennemi (b.c., 1, 41, 3 sqq.) doit être datée du 23 juin; il était parvenu au
camp de Fabius la veille, soit le 22. La périlleuse expédition de Plancus
sur la rive droite du Sègre avait précédé de deux jours, eo biduo (ib., 41, 1);
elle avait en lieu le 20 juin et n'était pas la première, suivant une cotidiana
consuetudo (ib., 40, 3). En outre, Fabius avait construit deux ponts sur le
Sègre; il était arrivé avant le 16 juin. Et sans doute bien avant, puisqu'au
8 B.c., 1, 85, 5 à 8. Ce grief ne fut sans doute pas développé ce jour-là, devant des advers
aires qui savaient à quoi s'en tenir et le texte porte des traces de remaniement littéraire. Il
n'en est que plus assuré qu'en écrivant cette partie de la Guerre civile, le mémorialiste voulait
rejeter sur les pompéiens les torts de la préméditation.
9 Cf. Caes., b.c., 1, 38, 4.
10 Au groupe: a Petreio et Afranio s'oppose: ... suo ponte Afranius quem... habebat.
850 MICHEL RAMBAUD
ailes. La disposition est défensive 17. Mais César a la supériorité des effectifs.
Il est visible que les pompéiens ont fait un effort exceptionnel pour consti
tuerun front égal à celui de son armée. Ils rangent vingt-cinq cohortes en
prima acies parce que César en a aligné vingt-quatre. Il a donc six légions
en bataille. Il en avait laissé une à la garde du camp (b.c., 1, 64, 5). Dans
cette phase finale des opérations contre Afranius et Petreius, César avait
sept légions.
Pareille concentration, faisant suite à l'invasion de l'Italie, résultait de
manœuvres complexes 18. T. Rice Holmes 19 a cru que César achemina vers
l'Espagne des légions nouvelles en laissant au repos dans des municipes
{b.c., 1, 32, 1) les 8e, 12e et 13e, fourbues par leur marche jusqu'à Brindes.
Il est vrai que, plus tard, on trouve en Espagne des légions récentes, placées
sous le commandement de Cassius Longinus20. Mais il ne faut pas mettre
sur le même plan l'occupation de provinces apparemment pacifiées et les
premières opérations qui furent offensives. Ces nouvelles légions étaient
venues relever le corps de bataille, indispensable pour affronter les vétérans
d'Afranius et de Petreius (b.c., 1, 43, 5 à 45, 1). Peut-être Lucain tient-il
de Tite-Live ou de Pollion que les deux armées étaient formées de vétérans,
quand il rapporte que les adversaires, fraternisant autour des feux de bivouac,
échangeaient le récit de leurs campagnes (Pharsale, III, 195; IV, 393-397).
Dans cette concentration progressive des légions césariennes, quel fut
l'échelonnement des arrivées? César n'a indiqué ni la date du départ de
Fabius ni celle où il prit la décision d'attaquer l'Espagne. Tout au plus, le
récit suggère que la décision fut prise à Brindes, après le départ de Pompée
(b.c., 1, 30, 1), après le 17 mars. Une donnée permet d'entrevoir le calendrier
d'opérations que Vimperator avait conçu. Quittant Rome le 7 avril, il arriva
le 19 à l'entrée de sa province de Gallia ulterior (b.c., 1, 34, 4), soit à la
frontière du Var, près de Cimiez, soit même à Fréjus. Les dates correspon-
17 Ils sont disposés, probablement, derrière la prima acies, complétant la secunda acies,
qui n'aligne que trois cohortes là où la première ligne en a quatre.
18 En décembre 50, Cicéron, AU., 6, 7, 6, attribuait à César onze légions. Il avait donc
remplacé les deux légions reprises par Pompée en formant la 5e Alouette, cf. L'origine militaire
de la colonie de Lugdunum, dans CRAI, 1964, pp. 252 sq., et une autre légion provinciale que
nous n'identifions pas. Cette mobilisation fut poursuivie au début de 49.
19 T. Rice Holmes, The roman republic, III, pp. 383-387.
20 Q. Cassius Longinus reçut de César quatre légions, dont deux, la 21e et la 30e, récemment
levées en Italie, paucis mensìbus in Italia scriptas et deux d'origine provinciale, la uernacula
et la secunda; il en leva une cinquième, b. Al. 53,5, cf. b.c., 2, 19, 1.
854 MICHEL RAMBAUD
dent à la durée d'un voyage à cheval de Rome à Nice, douze jours. César a
suivi la route du littoral qui avait été dégagée par Caelius; il a retrouvé
celui-ci en route21. Cette allure est déjà celle du voyage en Espagne de l'an
46: 24 journées au total (Suet, diu. lui, 56, 5). L'arrivée le 19 avril 49 en
un point situé à environ 620 km d'Ilerda, soit treize jours de cheval, révèle
que César comptait trouver son armée concentrée au bord du Sègre le 3 mai.
Voilà un terminus ante quem plus précis pour le calendrier des opéra
tions de Fabius. Chargé d'ouvrir la route et de lancer au moins un pont
sur le Sègre, Fabius devait parvenir à cette rivière au plus tard le 1er mai.
Or, de Narbonne à la position du pons ulterior, il fallait dix étapes. En
outre, trois ou quatre jours de préparatifs n'étaient sans doute pas inutiles
pour partir en guerre. D'autre part, compter seulement dix jours de marche
revient à imaginer une promenade militaire. N'employa-t-on pas deux ou trois
jours à forcer les passages et à réquisitionner des vivres, ce qui était une
des missions de Fabius? Au total, entre 15 et 19 jours. Admettons 15 jours.
Le mois d'avril antéjuli^n ayant 29 jours, il n'est pas possible que Fabius
ait reçu son ordre d'offensive plus tard que le 15 avril, au soir. Selon cette
première esquisse, César aurait envoyé sa lettre depuis Rome où il était entré
le 31 mars. De Rome à Narbonne par Fréjus, on compte quelque 1025 km,
qu'un courrier pouvait parcourir en dix jours. César aurait-il donc envoyé
ses ordres à Fabius le 5 avril, deux jours avant son propre départ?
Voilà un délai très court, trop court pour qui veut éviter les aléas du
temps de guerre. En faveur de cette date, on pourrait dire que Yimperator
mit son avant-garde en route le plus tard possible, afin d'obtenir la surprise.
Mais la surprise fut inexistante et César, visiblement, n'a pas cherché à
l'obtenir. Une lettre de Matius et Trebatius faisait part de ses intentions
dès le 24 mars: deinde in Hispaniam proficisci (Cic, Att, 9, 15, 6). Vibullius
Rufus n'avait eu aucune peine à connaître le projet de César pour courir
alerter les pompéiens d'Espagne. Enfin, le fait que Fabius ait lancé deux
ponts sur le Sègre, le fait qu'Afranius ait pu arriver le premier, à temps pour
lui barrer la route et couvrir la tête du pont de pierre d'Ilerda22, montrent
que Fabius a séjourné un certain temps sur la rive orientale du Sègre. Il
serait donc juste de placer plus tôt le terminus ante quem et l'ordre donné
par César.
21 Cic, Fam., 8, 15, 2 et 16, 4: Me secum in Hispaniam ducit, écrit Caelius. Voir M. Clerc,
Massalia, histoire de Marseille dans l'Antiquité..., Marseille, t. II, 1929, pp. 65 sqq.
22 Cf. Le camp de Fabius près d'Ilerda..., (pp. 31-32).
LES MARCHES DES CÉSARIENS VERS L'ESPAGNE 855
23 Sur les hiberna de Q. Cicero en pays éduen, b.g., VII, 90, 7; sur sa brigade formée de
la 6e et de la 14e légion, cf. notre Ordre de bataille de l'armée des Gaules..., pp. 114-117.
856 MICHEL RAMBAUD
24 César avait sans doute sa garde de 400 cavaliers germains, cf. b.g. VII, 13, 1 et, peut-être,
des fantassins de Caelius, cf. ci-dessus note 21; mais leur présence est douteuse car ils eussent
ralenti la marche et il fallait bien assurer la garde du passage littoral.
LES MARCHES DES CÉSARIENS VERS L'ESPAGNE 857
de ce legatus à Marseille est assurée (b.c., 1, 36, 5); c'est lui qui fit capi
tuler la place (b.c., 2, 13, 3 sqq.). L'expression, à dessein imprécise, legiones
très adducit, s'applique, aussi bien au corps d'armée de Trebonius qu'à celui
d'Italie. Le mémorialiste n'a pas voulu montrer qu'il lui avait fallu dérouter
et employer, simultanément ou successivement, six légions contre les Marseillais.
Rappeler Trebonius, quelle perte de temps! D'abord, pour que le messa
ger le rejoigne. A supposer qu'au cours des pourparlers, César se fût rappro
ché, le messager avait, des environs de Marseille jusqu'à Narbonne, 250 km
à franchir. Mais Trebonius avait dépassé Narbonne d'au moins deux étapes
à la date du message et progressa de trois autres pendant que le tabellarius
chevauchait à sa suite. Même avec des relais, trois jours étaient nécessaires
pour parcourir ces 350 km. Trebonius fut-il rejoint avant le 26 avril au soir?
Peut-être, si les courriers galopèrent nuit et jour. Mais le plus dur restait à
accomplir, et par les légionnaires: revenir sur 350 km. En forçant la marche
jusqu'à 25 km par jour, il leur fallait quatorze étapes. Les 6e, 10e et 14e
légions n'ont pu occuper la colline Saint Charles avant le 10 ou le 11 mai.
Quelle perturbation le siège de Marseille apporta-t-il dans le plan de
César? D'abord, une modification évidente de son dispositif et, surtout, un
retard considérable. S'il avait prévu d'être le 3 mai au bord du Sègre et
puisqu'il y est parvenu le 22 juin, il a perdu cinquante journées. Encore
était-il parti sans en avoir fini avec Marseille. Jusqu'à quelle date était-il resté
devant la place? Il dut mettre neuf jours pour arriver à cheval au camp de
Fabius, à 490 km: son escorte de 900 cavaliers interdisait l'usage des relais.
Il quitta donc la colline Saint Charles le 13 juin. Après avoir pris sa décision
d'attaquer la ville, il dut commencer par attendre ses troupes. Plus près de
Marseille, avons-nous supposé, mais point trop près puisqu'il n'avait pas
d'armée. Nous penserions volontiers à Arles, point de passage pour les
légions qui revenaient du Perthus, port fluvial où César dut employer ses
premiers jours d'attente forcée à presser la mise en chantier de sa flotte.
Achevée trente jours après la coupe du bois, la construction des bateaux
de guerre peut se situer entre le 29 avril et le 30 mai (b.c., 1, 36, 5). Vers
le 2 ou 3 juin, la flotte trop neuve vint mouiller devant les îles de Pomè-
gues et de Rathonneau. Le 6 ou le 7 mai, Vimperator avait vu arriver à
Trinquetaille le corps d'armée de Trebonius et il arriva, avec lui, devant
Marseille le 10 ou le 11. Il disposait de trente et une journées pour abattre
la cité phocéenne. L'entreprise n'était pas inimaginable: la prise d'Avaricum,
trois ans auparavant, n'avait exigé que 27 jours; or, Vagger édifié contre la
capitale des Bituriges avait eu des dimensions exceptionnelles (b.g. VII, 24, 1).
Ce que César a tu, c'est l'importance des travaux qu'il dirigea person
nellement et qui échouèrent. En rapprochant de la tradition conservée par
858 MICHEL RAMBAUD
Lucain (Pharsale, III, 375 sqq.) les souvenirs notés par Vitruve (de archi-
tectura, X, 8) on peut tenter d'en imaginer la succession. D'abord, attaque
souterraine par trente sapes que les Marseillais réussirent à inonder. Ces
trente galeries de mine correspondent aux trente cohortes de Trebonius.
César, dans cette première phase, n'avait pas d'autres troupes et a tenté
d'emporter la place rapidement et par une surprise technique, inspirée de
son expérience en Gaule (b.g. III, 21, 3; VII, 24, 2). Suit une autre phase
où durent être employés des renforts arrivant d'Italie. L'énormité des travaux
en est l'indice: terrassement pour combler le vallon entre la colline Saint
Charles et celle des Carmes, assaut classique avec machines et béliers contre
le célèbre mur. La comparaison avec l'assaut d'Avaricum suggère que cette
phase prit une vingtaine de jours25. Lorsque l'artillerie marseillaise eut
écrasé les machines de César et que les défenseurs eurent, dans la nuit
suivante, tout incendié, les assiégeants furent contraints d'aller beaucoup
plus loin chercher le bois de construction, indispensable à la reconstruction
de Vagger. C'est alors qu'on peut placer l'épisode de la forêt sacrée, où,
bravant les dieux gaulois, l'épicurien César porta la hache le premier26. Ce
fut la fin de son séjour devant Marseille et il laissa la réfection des lignes
et des travaux à Trebonius. Seuls les 6e et 10e légions furent maintenues
devant la place. La 14° avait été envoyée en Espagne; les légions d'Italie,
aussi.
Quelles avaient été les marches de ce troisième corps d'armée? Il avait
poussé jusqu'à Brindes. Une légion venant de Ravenne, les autres de Gaule,
elles avaient selon l'expression romaine « bien mérité avec leurs pieds »
quand leur général décida le départ pour l'Espagne (b.c., 1, 30, 1). Il les
répartit alors dans des municipes mais le Bellum ciuile précise qu'il s'agissait
seulement d'une pause: ut reliquum tempus a labore intermitteretur (1, 32, 1).
Le labor qui attendait ces unités était le long cheminement vers l'Espagne.
Lucain évoque une progression à l'allure soutenue27. C'est le tour défavo
rablepris par les événements qui l'explique: les journées de repos furent
25 Les travaux d'Avaricum ont pris 25 jours, cf. b.g., VII, 24, -1, mais ils ont été retardés
par les intempéries comme par les défenseurs, cf. ib., 22, 1. En outre, la menace extérieure
que fait peser Vercingétorix empêche d'employer tout l'effectif contre la place, cf. notre Esquisse
d'une stratégie de César d'après les livres V, VI et VII du Bellum Gallicum, Information
littéraire, 1957, p. 113. A Marseille, César peut employer toutes ses troupes sur un front réduit,
cf. M. Euzennat et F. Salviat, Marseille antique... Faculté des Lettres d'Aix, 1967.
26 Lucain, Pharsale, III, 426 sqq.; au flanc du massif de la Sainte Baume? C. Jullian,
Histoire de la Gaule, III, p. 584, n. 6, préfère le vallon de Saint Pons.
27 Agmine rapto, Pharsale, III, 308; cf. les expressions de Végèce citées p. 846.
LES MARCHES DES CÉSARIENS VERS L'ESPAGNE 859
28 C'est ainsi que, pour la guerre d'Afrique, 13e et 14e légions seront transportées dans le
deuxième convoi, b.Af., 34, 4.
860 MICHEL RAMBAUD
Fabius eut donc au bord du Sègre les 7e, 9e et 11e légions, son corps d'armée,
renforcées par la 14e, prélevée sur le corps d'armée de Trebonius, et par la
13e, prélevée sur le corps d'armée d'Italie, disposition qui présente quelque
équilibre. Telle était l'armée que César voulut trouver lui-même en Espagne
pour passer à l'offensive.
Cette offensive devait être soutenue par de nouveaux renforts, deux
autres légions avons-nous vu Puisque la 6e et la 10e restèrent devant Mars
eille, ce furent les 8e et 12e. Elles partirent plus tard, après l'assaut brisé,
après avoir contribué sans doute à la réfection des munitiones. Leur départ
ne serait donc pas antérieur au 8 juin. César, les ayant mises en route,
partit après elles mais les devança puisqu'il allait, avec ses cavaliers, deux
fois plus vite. Il lui suffirait qu'elles fussent à sa disposition au début de
)ui\\et-quintilis.
Quand César, pour tourner la place d'Ilerda, eut porté son camp sur
la rive droite du Sègre (b.c., 1, 41 sqq.), un cataclysme fit apparaître comme
une hardiesse téméraire ce qui était une manœuvre classique. Une crue
subite du Sègre et de son affluent, le Cinga, emportant les ponts, isolant
le pays, bloqua César et son armée. Ils souffrirent d'une pénible disette.
Cependant, par le pont de pierre, Afranius et Petreius recevaient du ravi
taillement, envoyaient des troupes occuper la rive gauche et expédiaient à
Rome des messages triomphants (b.c., 1, 48-53). L'analyse des marches révèle
que la situation fut encore plus grave que ne l'a reconnu le Bellum ciuile.
Une seule attaque de convoi y est mentionnée (b.c., 1, 51). Or, survenant
six jours après l'arrivée de César aux castra superiora29, soit le 28 juin, la
crue empêcha les 8e et 12e légions de rejoindre l'armée. Toutefois, si elles
avaient été directement menacées par les Afraniens, le bruit en serait par
venu à Rome (cf. b.c., 1, 53, 1-2) et César aurait dû faire une mise au point
dans son Bellum ciuile, comme pour l'attaque du convoi. Au moment de la
crue, les deux légions devaient se trouver à distance suffisante de l'ennemi
pour n'être pas surprises, à deux ou trois étapes du Sègre, vers Cervera par
exemple. C'est une raison supplémentaire d'admettre qu'elles avaient quitté
le camp de la colline Saint Charles assez tard. Pour être le 28 juin à vingt
étapes de ce point de départ, elles ne s'étaient mises en marche que le 9.
Le lancement d'un nouveau pont à une trentaine de kilomètres en
amont, vers Balaguer, entraîna un renversement spectaculaire de la situation:
simul perfecto ponte celeriter Fortuna mutatur (b.c., 1, 59, 1). Ce pont
29 Ces six journées sont à compter d'après: postero die, b.c., 1, 41, 2; postero die, ib.,
42, 1; tertio die, ib., 42, 5; le jour de la bataille, ib., 43-46; biduo, ib., 48, 1.
LES MARCHES DES CÉSARIENS VERS L'ESPAGNE 861
tion cudido. Tous les commentateurs depuis Garrucci6 ont souligné avec
raison le caractère banal de cette confusion entre ρ et d. Il n'est pas même
besoin, comme le faisait Garrucci, de s'appuyer sur une erreur de Denys
d'Halicarnasse 7; ce que nous savons du peu de culture des graveurs8, la
fréquence de leurs erreurs épigraphiques 9 suffisent à expliquer la confusion
entre deux lettres dont les formes sont au demeurant si proches.
Le personnage suivant est venos, debout de trois quarts à gauche, les
cheveux courts, en tunique ceinturée et manteau drapé, chaussée de sandales,
et étendant la main droite au-dessus de la tête de cudido, le bras gauche
plié au niveau de la taille.
Une sorte de cippe ou de colonne basse sépare venos du personnage
suivant, une femme ailée, de face, vêtue d'un péplos ceinturé et qui penche
la tête vers le personnage de droite. Au-dessus de sa tête, à gauche,
l'inscription vitoria.
Nous ne rappellerons que pour mémoire l'hypothèse de Mommsen:
« Vitoria videtur esse a vitulando » 10. Vitulari est un mot de la langue
religieuse, commenté par Macrobe n, dont la signification de « se réjouir,
manifester sa joie par des chants ou des cris » est suffisamment établie.
Ce verbe justifie l'existence d'une déesse Vitula12, qui serait donc la déesse
de la joie, mais que certains érudits ont voulu considérer aussi comme une
6 Bullettino d. Inst, 1859, p. 98-99; Arch. Anz., 1859, c. 82*; Annali d. Inst, 1861,
p. 157-161; Ritschl, Priscae Latinitatis (1862) c. 16, tab. XI; Mommsen, CIL, I1, (1863), 58,
p. 26; Gerhard, Etr. Spiegel, IV, p. 15-17 (1867); Baudrillard, Les divinités de la Victoire en
Grèce et en Italie (1894), p. 47-49; Conway, Italie dialects (1897), η. 289 p. 316; Matthies,
Praenestinischen Spiegel (1912), p. 64, 95; De Ridder, Bronzes antiques du Louvre, II (1913),
n. 1730 p. 51; CIL, I2 (1918), 550, p. 428; Ernout, Textes latins archaïques (1947), n. 56
p. 30; Schilling, Religion romaine de Vénus (1954), p. 170-171.
7 Denys d'Halicarnasse, I, 68, qui avait lu sur une inscription archaïque DENATES au
lieu de PENATES.
8 Miroir étrusque, p. 635, 656-7.
9 Ibid., aile pour vile sur le miroir 1283 de la Bibliothèque Nationale, p. 567.
10 CIL, Γ, 58.
11 Sat. Ill, 2, 11: «Primo pontificii juris libro apud Pictorem verbum hoc positum est,
vitulari: de cujus verbi significatu Tìtius (Cincius? Mommsen, le.) ita rettulit: Vitulari est
voce laetari. Varrò etiam in libro XV rerum divinarum ita refert, quod pontifex in sacris
quibusdam vitulari soleat, quod Graeci ποαανίζειν vocant».
12 «Hyllus (Hygin? Mommsen, ibid.), libro quem de diis composuit, ait Vitulam vocari
deam quae laetitiae praeest».
UN PROBLÈME D'ÉPIGRAPHIE ITALIQUE: L'ÉNIGME DE RIT 865
13 Marquardt, Manuel, III, p. 312. Preller, Rom. Myth.3, I, p. 407. D'après Macrobe, I.e.:
«Piso ait Vitulam Victoriam nominari; cujus rei argumentum proferì quod postridie Nonas
Julias re bene gesta, cum pridie populus a Tuscis in fugam versus sit (unde Poplifugia
vocantur) post Victoriam certis sacrificiis fiat vìtulatio ». Le seul motif qui fasse considérer
Vitula comme une déesse de la Victoire, c'est que le lendemain des nones de juillet, jour
où l'on célébrait une victoire, la vitulatio faisait partie de la cérémonie. Mais il ne s'ensuit
pas que Victoria, à qui s'adresse le sacrifice, soit Vitula.
14 CIL, I1, 58: «Videturque magis dea Victoria orta ex duobus vetustioribus numinibus
confusis Vica Pota dicta a vincendo potiundo, Victoria a vitulando ».
15 Textes latins archaïques, 46.
16 Bullettino, p. 99.
17 Ibid., p. 98
18 CIL, I1, 58.
19 Etr. Spiegel, IV, p. 16.
20 Italie Dialects, p. 316.
21 Bronzes antiques du Louvre, II, p. 51.
22 CIL, I2, 550.
23 Bullettino, 1859, p. 99.
866 DENISE REBUFFAT-EMMANUEL
Venos. Malheureusement c'est bien rit qu'il faut lire, la haste inférieure
étant parfaitement nette, quoique courte.
Garrucci lisait bien rit, mais, pensant au décor d'une ciste prénestine
fraîchement découverte représentant un jugement de Paris où la pomme
était tenue par la Victoire, il supposait que rit « se référait » au nom de
Paris, sans s'expliquer davantage. Cette idée fut reprise par Gerhard 24, par
De Ridder 25, et par R. Schilling 26.
Mais s'il est vrai que Paris apparaît fréquemment sur les miroirs tant
étrusques que prénestins et sur les cistes, il n'y est jamais appelé Paris;
c'est toujours le nom d'Alexandre qui est employé, quelles que soient les
variations morphologiques dont il est affecté.
Mommsen et Biicheler ont préféré s'en tenir à des explications latines
de ce miroir latin. Le premier pensait à un Ritus: « Fuitne deus aliqui
Ritus, Graecorum θεσμός, a nuptiali argumento sane non alienus? » 27.
Solution quelque peu désespérée, qui se trouve ruinée si la figure en question
n'est pas masculine, et qui, surtout, a l'inconvénient d'obliger à créer une
divinité de circonstance. On peut objecter la même chose à Bücheier qui
croit tout sauver en lisant Risus « licetne cogitare de Ris(u)? Γέλως Veneri
comissantibusque comitatur in Plauti epitaphio Risus, Ludus Jocusque » 28.
Pourquoi pas, mais pourquoi? Reconnaissons d'ailleurs que tous deux présen
tent leur solution comme extrêmement hypothétique.
Les cheveux courts ne sont pas un obstacle. Sur beaucoup de miroirs, et cela
dès le 5e siècle, les femmes portent les cheveux courts31, et d'ailleurs, ici,
rien ne permet d'affirmer qu'ils soient forcément plus courts que ceux de
Venos ou de la Victoire. Il s'agit donc bien d'une femme.
Nous avons examiné directement l'inscription. Il n'est pas douteux qu'il
faille lire rit. Nous avons également cherché à savoir si d'autres lettres avaient
été effacées, si l'inscription primitive était plus longue. Nous n'avons discerné
aucune trace d'autres lettres. D'ailleurs l'espace laissé libre de part et d'autre
permettrait de graver tout au plus une lettre avant rit et deux après. Nous
sommes persuadée que rien d'autre n'a jamais été écrit. Et cela peut parfait
ement s'expliquer. Nous savons combien les graveurs sont tributaires des
modèles qu'ils copient: il suffit que le modèle ait été endommagé et incomplet,
pour que le graveur le recopie tel quel, incapable qu'il était de le compléter,
parce qu'au fond, il ne le comprenait pas. C'est donc ce modèle endommagé
qu'il nous faut restituer.
A notre avis, la clef du problème se trouve sur une ciste prénestine
(pi. II), connue depuis bien longtemps, conservée au Musée Grégorien du
Vatican32, et que des analogies précises nous invitent à situer à la même
époque - dernier tiers du 4e siècle - que des miroirs à inscriptions latines
ou de flan piriforme que nous avons déjà étudiés 33. De forme ronde, portant
sur son couvercle, en guise de poignée, une panthère attrapant un volatile,
et comme motif gravé deux assemblées analogues de satyres et de femmes
illustrant un thème de « séduction en musique » 34, elle est ornée, sur tout
le pourtour de la boîte, d'une frise gravée continue encadrée en haut et en
bas d'une bordure de palmettes et lotus alternés. Cette frise présente une
série de héros, empruntés pour la plupart au cycle troyen, Micos (?)., Aciles,
Iacor (peut-être une erreur pour Hector? 35), Aiax, et de divinités, Victoria,
Fercles, Diesptr, Iuno, Mircurios, Veritus. Si nous gardons présente à l'esprit
31 Gerhard, Etr. Spiegel, 70, 83, 86, 87, 105, 106, 110, 111, 113, 114 etc..
32 Inv. 12282. Garrucci, Ciste prénestine con epigrafi, Annali, 1861, p. 151-162. Monum
enti, VI, pi. LIV. Ritschi, Rhein Mus., XVII, p. 607. Id., Priscae Latinitatis, c. 98. Mommsen,
CIL, I, 1500. Fabretti, CII, 2726 ter c, pl. XLVI. CIL, I2, 564; XIV, 4106. Ernout, Textes latins
archaïques, 55.
33 Pour le traitement des draperies, voir le miroir à inscriptions latines 1297 du Cabinet
des Médailles, que nous avons daté vers 320 (Mir. étr. p. 610), et pour le casque, sorte de
bonnet phrygien à crête, voir le miroir piriforme 1323, situé par nous vers 330 (ibid., p. 624).
34 On peut supposer qu'il s'agissait de deux groupes empruntés à un cahier de modèles
consacré à ce thème.
35 Garrucci, l. c, p. 161.
868 DENISE REBUFFAT-EMMANUEL
Reste à expliquer cette forme Veritus. A. Ernout, dans ses Textes latins
archaïques37, ne donne aucun commentaire de ce mot, qui est pourtant,
de toute l'inscription, celui qui en mériterait le plus. Pourtant Forcellini
donnait, dans son article Virtus 38, une lecture vertus de la ciste, qu'il appuyait
de deux références épigraphiques, l'une empruntée à Griiter39, l'autre à
Marini 40. Ritschl de son côté, dans une étude du Rheinische Museum 41,
reprise dans les Epigrafischgrammatische Miscellen 42, proposait la lecture
veritus, assortie de l'interprétation veritus = virtus; veritus étant « une
dérivation suffixée comparable à celle de serv-i-tus », alors que vertus était à
mettre en rapport avec un mot comme juven-tus. Dessau43, à la suite de
Ritschl, lisait soit veritus, soit vertus = virtus.
Nous empruntons au Dictionnaire étymologique d'A. Ernout et
A. Meillet la mise au point de la question: « Virtus est avec vir dans le
même rapport de dérivation que Juventus, senectus avec juvenis, senex.
Comme ces deux mots, il marque l'activité et la qualité » 44.
Reste à expliquer que nous lisions veritus et non virtus. Il existe, rap
pelons-le, de nombreux cas d'épen thèse d'un i entre deux consonnes: Alexandiri
(Dessau 2350), balineum (5668, 5676, 5679, 5711 etc. . .), difficulitates (1118),
Dominae (= Juliae Domnae, 9287), omines (= omnis 3546), ominibus (7480),
opitimo (2077), opituma (7460d), trichil(inium) (p. 819) etc..
Ces i se développent donc volontiers au contact de consonnes liquides
(1, r), ainsi d'ailleurs que de nasales, et d'autre part de l'occlusive t. Or le
cas de virtus est à la fois celui du voisinage de la liquide r et de l'occlusive t.
Et ce passage à un éventuel *virìtus a dû être facilité par l'abondance des
composés de vir commençant par viri -: virilis, virilitas, viriliter, dont la
parenté avec virtus devait être sensible aux usagers de la langue. Il existait
en outre une divinité Viriplaca45.
37 55, p. 33.
38 Lexicon, s.v. Virtus.
39 Gruter, Inscriptiones antiquae, II, 1056, 2, mais c'est une inscription chrétienne.
40 Marini, Atti e monumenti de' fratelli Arvali, 1795, p. 500, 83. La forme donnée est
VIIRTVS.
41 Rhein. Mus., XVII, p. 607.
42 Opuscula IV, p. 730.
43 CIL, XIV, 4106.
44 S.v. Vir.
45 Valére Maxime 2, 1, 6. Elle présidait aux raccommodements entre époux.
870 DENISE REBUFFAT-EMMANUEL
46 De Leg. 2, 19.
47 Cicéron, De Nat. Deor., 2, 61. Tite-Live, 27, 25, 7-9; 29, 11, 13. - Valere Maxime,
1, 1, 8. Plutarque, Marc. 28; De fort. Rom., 5.
48 Cicéron, De leg. 2, 23, 58. - CIL, VI, 3692.
49 Babelon, Monnaies de la Rép. rom., I, 213, 513 sq.; II, 236. F. Gnecchi, Le personifi
cazioniallegoriche sulle monete imperiali, Riv. Hal. di Numismatica, XVIII, 1905, p. 41 sq.
50 Cf. par exemple un sarcophage du Palais Mattei, Monumenta Matthaeiana, III, 40, 1.
UN PROBLÈME D'ÉPIGRAPHIE ITALIQUE: L'ÉNIGME DE RIT 871
le buste nu, elle n'est caractérisée par aucun attribut; sur la ciste, vêtue
d'une tunique et d'un manteau longs, elle tient des armes, casque et lance,
dont elle va, de façon imminente, se dessaisir au profit d'Ajax, qui ne sont
donc que des attributs éphémères, c'est-à-dire qu'au fond elle est à nouveau
sans attributs. Elle apparaît donc essentiellement comme une femme drapée,
et n'est vraiment caractérisée que par la présence de son nom.
La ciste l'associe à Ajax, et cette association correspond au témoignage
de certains textes: le Peplos du Pseudo-Aristote 51 et l'Anthologie Palatine,
sous le nom d'Asclépiade 52, donnent une épitaphe d'Ajax:
Άδ' έγώ ά τλάμων Άρετα παρά τωδε κάυημαι
Αΐαντος τυμβφ κειραμενα πλοκάμους,
ϋυμον αχεί μεγάλω βεβολημένα, ει παρ' Αχαιοϊς
ά δολόφρων Απάτα κρεσσον έμεΰ δύναται.
51 Bergk, 7, 1.
52 7, 145.
53 Ausone, Epitaph., Peiper, p. 73, 3.
54 Amphitr., 42.
872 DENISE REBUFFAT-EMMANUEL
Neptunum Virtutem Victoriam Martern Bellonam; ainsi que sur une inscrip
tion tardive de Lambèse55: Victoriae divinae, Virtutis corniti Aug(ustorum
trium) r(es) p(ublica) c(oloniae) l(ambaesitanae). En contre-épreuve, Virtus
est associée à l'adjectif invictus, lorsqu'il s'applique aux empereurs 56.
Mais l'image de Virtus que nous donne le miroir du Louvre la fait
apparaître également en face de Venus. Elles s'opposent banalement en une
sorte de couple antithétique, chez Saint Augustin: «cur celebrata sit Venus
et obscurata sit Virtus... Plures enim Venerem quam Virtutem (appetunt) »57.
Silius Italicus présente la même antinomie, mais Venus y est remplacée par
Voluptas58, son équivalent abstrait. Sur le miroir 1730 d'ailleurs, Venus et
Cupido d'une part, Victoria et Virtus peuvent être considérés comme formant
deux groupes opposés, comme deux allégories antithétiques. Dans un autre
ordre d'idées Venus Victrix - ainsi que Félicitas - est associée à Honos
et à Virtus dans la fête qui leur est consacrée le 12 août in theatro marmoreo:
Veneri Victrici Hon(ori) Virt(uti) Felicitati in theatro marmoreo59.
Elles sont ensemble les protectrices, les patronnes des Eacides 61, et l'on
pourrait imaginer que le miroir n'est qu'un fragment d'une plus vaste com-
55 Dessau, 3812.
56 Dessau, 3798: Honori et Virtuti imp(eratoris) Caes(aris) M. Aurefljii Cari p(ii) f(elicis)
invicti.
57Civ., 7, 3.
58Sii. Ital. 15, 18 sq.
59Fasti Amitern., CIL, I2, p. 324. Inscription presque identique dans Fasti Allifani, ibid.
V(eneri) V(ictrici) H (onori) V(irîuti) V(ictoriae?)
Felicita [ti] in theatro Pomp ei.
60 Culex, 297-299.
61 On en trouve un écho chez Horace lorsqu'il associe au nom d'Eaque le souvenir
de sa virtus (Odes, IV, 8, 25-28):
Ereptum Stygiis fluctibus Aeacum
virtus et favor et lingua potentium
vatum divitibus consecrat insulis.
UN PROBLÈME D'ÉPIGRAPHIE ITALIQUE: L'ÉNIGME DE RIT 873
62 Les Tarentins faisaient des offrandes aux Eacides, Ps. Aristote, De Mir. Ause, 106.
63 Peut-être ces influences alexandrines ont-elles raffermi le culte de l'ancienne Virtus
italique.
D'après Gerhard 371
Avant que les géographes ne les fixent aux Canaries, nombre de textes,
depuis Homère, nous parlent des Iles Fortunées, ou de quelque contrée
merveilleuse de l'Occident extrême. Quiconque entendait évoquer ce paradis
pouvait concevoir le désir de s'y rendre, et cependant nous ne le trouvons
exprimé qu'en deux circonstances avant qu'Horace écrive la XVIe Epode.
D'abord lorsque les Carthaginois ont empêché les Etrusques d'aller y fonder
une colonie. Puis lorsque Sertorius, après un revers, a caressé le projet de
s'y réfugier.
Les Etrusques, Sertorius, Horace: que faut-il penser de cette étrange
séquence?
Quelle que soit l'érudition * qu'ait suscitée la XVIe Epode, il s'y trouve
quatre vers qui ont provoqué moins d'intérêt, et qui méritent d'être relus.
La description des Iles Fortunées comporte plusieurs thèmes: celui des
nourritures aisées, d'où on passe facilement à celui des animaux paisibles.
Puis vient plus merveilleux encore, et c'est la description du climat. Enfin
se trouve le thème des navigateurs qui n'ont pas encore découvert les Iles,
réservées par Jupiter à des privilégiés.
Ce qui attire notre attention est la description du climat, qui tient
toute entière dans cette particularité que2:
neque largis
aquosus Eurus arva radat imbribus
pinguia nec siccis urantur semina glaebis
utrumque rege temperante caelitum.
3 J. Hergon, The date of Vegoia's Prophecy, dans JRS 1959, p. 41-45 et résumé dans REL
XXXVII, 1959, p. 46-47; La vie quotidienne chez les Etrusques, p. 283-286.
4 Sur la relation de l'Eurus et de l'automne, R. Lantier, Venti, Daremberg-Saglio, p. 719;
Rehm, Euros, Realencyclopädie, col. 1313; Thesaurus, Eurus, col. 1079, ligne 17 sq.
« ARVA BEATA PETAMUS ARVA DIVITES ET INSULAS » 879
5 Odyssée, IV, 562 sq. «... mais aux Champs Elysées, tout au bout de la terre, les dieux
t'emmèneront chez le blond Rhadamanthe, où la plus douce vie est offerte aux humains, où
sans neige, sans grand hiver, toujours sans pluie, on ne sent que zéphyrs, dont les risées
sifflantes montent de l'Océan pour rafraîchir les hommes...» (trad. Victor Bérard).
6 Hésiode ne donne d'indication climatique que très indirectement: «... dans les îles des
Bienheureux, aux bords des tourbillons profonds de l'Océan, héros fortunés, pour qui le sol
fécond porte trois fois l'an une florissante et douce récolte». (Travaux et Jours, vers 171-173,
trad. Mazon).
7 Pindare, Olympique II, 127 sq.: «... là, l'île des Bienheureux est rafraîchie par les brises
océanes; là resplendissent des fleurs d'or, les unes sur la terre, aux rameaux d'arbres magnifiques,
d'autres, nourries par les eaux...» (trad. Puech).
8 Strabon, III, 2, 13: «La pureté de l'air et la douceur des souffles du zéphyr sont,
en effet, les traits caractéristiques de cette contrée, puisqu'elle se trouve à l'occident et que le
climat y est tiède» (trad. Lasserre).
9 Liste des textes dans C. Th. Fischer, Fortunatae Insulae, Realencyclopädie, col. 42-43.
10 Pline VI, 202: in Pluvialia non esse aquam nisi ex imbribus.
11 Texte et trad. R. Flacelière, éd. Budé, tome VIII, p. 20-21: (1) Le vent s'apaisant enfin,
il fut porté vers des îles sans eau, disséminées çà et là. où il passa la nuit. Puis il se rem-
880 RENÉ REBUFFAT
barqua, passa le détroit de Gadeires et gagna vers la droite la partie de l'Espagne qui est
au-delà, un peu plus loin que l'embouchure du Bétis qui se jette dans l'Océan Atlantique et
qui a donné son nom à la région de l'Espagne qu'il arrose. (2) Là, il rencontra des marins
revenus récemment des îles Atlantiques: ce sont deux îles séparées par un bras de mer fort
étroit, situées à dix mille stades de la Libye et nommées îles des Bienheureux. (3) Les pluies
... (nous citons plus loin les § 3-4 du texte, et plus loin encore le § 5).
« ARVA BEATA PETAMUS ARVA DIVITES ET INSULAS » 881
12 Les fragments viennent pour le 100 de Nonius IX, éd. Müller, 1888, p. 495; pour
le 101 de Servius ad Aen., V 735; pour le 102 de Servius Dan. ad Aen., II, 640 (et non
I 640 Maurenbrecher errore).
13 Cette ressemblance a été notée par A. Schulten, Sertorius, Leipzig, 1926, p. 5 sq. Sur
ce que la vie de Sertorius doit à Salluste, Flacelière, éd. cit., notice sur la Vie de Sertorius.
14 Pseudo-Acron, éd. Keller, p. 440-441.
882 RENÉ REBUFFAT
vers 41-42 de la XVIe épode, ce qui s'explique bien soit s'il est dépositaire
d'une tradition précise rappelant qu'Horace s'est inspiré de Salluste, soit
s'il avait lui-même connaissance du texte de Salluste, et pouvait faire facil
ement un rapprochement qui s'imposait.
Grâce à l'originalité du thème du « crachin vivifiant », voici faite une
démonstration au seuil de laquelle les commentateurs d'Horace ont bien
souvent hésité, car tous connaissent bien sûr, les textes de Plutarque, de
Salluste et du pseudo-Acron, mais avec ces seuls éléments, comme le dit
l'un d'eux, l'influence de Salluste sur Horace est « possible, but not provable » 15.
En renforçant le stemma qui fait dépendre de Salluste à la fois Plutarque
et Horace, on peut ajouter aux fragments des Histoires de Salluste un
long passage peut-être purement et simplement traduit par Plutarque, en
tout cas fidèlement transposé, sur les observations climatologiques des
Gaditains. On fournit aux chorographes 16 modernes un moyen d'orienter leur
Les Etrusques, nous dit Diodore (V, 20) avaient été tentés jadis de
gagner une île de l'Atlantique digne du séjour des dieux 19:
« Or 20 donc les Phéniciens, explorant pour les raisons ci-dessus
mentionnées les rivages situés au-delà des colonnes d'Hercule et longeant la
côte africaine furent entraînés par des vents violents loin au large dans
l'Océan. Chassés par la tempête pendant plusieurs jours, ils abordèrent à
17 Notre article traitant des traditions sur les Iles Fortunées, et non des Iles Fortunées
elles-mêmes, nous n'y disons volontairement pas un mot de la question de leur identification,
ce qui fera comprendre que nous ne citions pas les travaux, souvent pleins d'intérêt, de ceux
qui en ont traité, et que nous ne donnions pas notre opinion là-dessus. Bornons-nous à dire que
l'explication de la genèse des textes est un préalable à l'emploi des détails qu'ils donnent.
18 Salluste meurt en 36 ou 35 (A. Ernout, éd. Budé, p. 8 ) sans avoir achevé les
Histoires (p. 32). K. Barwick, p. 66-67: «Es darf daher mit Sicherheit angenommen werden,
das Horaz bei der Abfassung der 16 Epode das i° Historienbuch gekannt hat, ... Damit wäre
zugleich auch festgestellt, dass Ende 39-Anfang 38 das erste Historienbuch des Sallust bereits
veröffentlicht war». Voilà donc l'épode qui sert de moyen pour dater la publication de Salluste.
Sur la date de l'épode, P. Grimal, A propos de la XVIe Epode d'Horace, dans Latomus 1961,
p. 721-730, dont la conclusion (février-avril 38) est pour l'essentiel acceptée par D. Ableitinger-
Grù'nberger (p. 64), qui fait cependant remarquer que la limite basse à adopter devrait être
plutôt le «retour» d'Horace chez Mécène, que sa première présentation.
On admet, ce qui est parfaitement rationnel, qu'Horace n'a plus pu écrire la XVIe épode
après être devenu un familier de Mécène. Il reste cependant une petite incertitude: qui peut
savoir ce qui pouvait plaire ou déplaire à Mécène? Pour un portrait, P. Boyancé, Bull. Ass.
G. Budé, 1959, p. 332-344; puis J. M. André, Mécène, Paris 1967. Mécène étrusque revit dans
J. Heurgon, Vie quotidienne, p. 317 sq. - Comment un Etrusque souriait-il quand il essayait
d'imaginer les Romains quittant Rome?
19 Nous traduisons, car il n'existe pas de traduction française satisfaisante de Diodore.
Sur l'édition des Belles-Lettres en cours, F. Chamoux, Une nouvelle édition de Diodore de
Sicile, dans Bull. Ass. G. Budé, 1972, p. 365-368.
20 Texte éd. Loeb:
XIX. Έπεί δε περί των εντός 'Ηρακλείων στηλών κειμένων νήσων διεληλύυαμεν, περί των κατά
τον Ώκεανον ούσών διέξιμεν. Κατά γαρ την Λιβύην κείται μεν πελαγία νήσος αξιόλογος μεν τω
μεγέοει, κειμένη δε κατά τον Ώκεανόν απέχει πλουν άπδ της Λιβύης ήμερων πλειόνων, κεκλιμένη
προς την δύσιν. Έχει δε χώραν καρποφόρον, πολλήν μεν όρεινήν, ούκ όλίγην δε πεδιάδα κάλλει
884 RENÉ REBUFFAT
διαφέρουσαν (2) Διαρρεομένη γαρ ποταμοΐς πλωτοΐς έκ τούτων αρδεύεται, και πολλούς μεν έχει
παραδείσους κατάφυτους παντοίοις δένδρεσι, παμπληθεΐς δε κηπείας διειλημμένας ύδασι γλυκέσιν
επαύλεις τε πολυτελείς ταίς κατασκευαΐς ύπάρχουσιν έν αύτη και κατά τας κηπείας κατεσκευασμένα
κωοωνιστήρια, την διάθεσιν άνϋηραν έχοντα, έν οΐς οι κατοικούντες κατά την οερινήν ώραν ένοιατρίβουσι,
δαψιλώς της χώρας χορηγοΰσης τα προς την άπόλαυσιν και τρυφήν. (3) Ή τε ορεινή δρυμούς έχει
πυκνούς και μεγάλους και δένδρα παντοδαπα καρποφόρα και προς τας έν τοις ορεσι δίαιτας έχοντα
συναγκείας, και πηγας πολλάς. Καθόλου δ' ή νήσος αύτη κατάρρυτός έστι ναματιαίοις και γλυκεσιν
ΰδασι, δι' ων ού μόνον άπόλαυσις έπιτερπής γίνεται τοις έμβιοΰσιν έν αύτη, άλλα και προς ύγίειαν
σωμάτων και ρώμην συμβάλλεται. (4) Κυνήγια τε δαψιλή παντοίων ζφων και θηρίων υπάρχει, και
τούτων έν ταίς εύωχίαις εύπορούντες ούδεν ελλιπές εχουσι τών προς τρυφήν και πολυτελειαν ανηκόντων.
Και γαρ ιχθύων έχει πλήθος ή προςκλύζουσα τη νήσω θάλαττα δια το φύσει τον Ώκεανον πανταχη
πλήθειν παντοδαπών ιχθύων, (δ) Καθόλου δε ή νήσος αύτη τον περικείμενον αέρα παντελώς εϋκρατον
έχουσα, το πλέον μέρος του ένιαυτοϋ φέρει πλήθος άκροδρΰων και τών άλλων τών ωραίων, ώστε
δοκεΐν αυτήν ώσεΐ θεών τίνων, ούκ ανθρώπων ύπάρχειν έμβιωτήριον δια τήν ύπερβολήν τής ευδαιμονίας.
XX. Κατά μεν οΰν τους παλαιούς χρόνους ανεύρετος ην δια τον άπο τής όλης οικουμένης
έκτοπισμόν, ύστερον δ' ευρέθη δια τοιαύτας αιτίας. Φοίνικες έκ παλαιών χρόνων συνεχώς πλέοντες
κατ' έμπορίαν, πολλάς μεν κατά τήν Λιβύην αποικίας έποιήσαντο, ούκ ολίγας δε και τής Ευρώπης
έν τοις προς δΰσιν κεκλιμένοις μερεσι. Τών δ' επιβολών αύτοΐς κατά νουν προχωρουσών, πλούτους
μεγάλους ήθροισαν, και τήν έκτος 'Ηρακλείων στηλών έπεβάλοντο πλεϊν, ήν Ώκεανον όνομάζουσι.
(2) Και πρώτον μεν έπ' αυτού του κατά τας στήλας πόρου πόλιν έκτισαν έπί τής Ευρώπης, ήν ούσαν
χερρόνησον προσηγόρευσαν Γάδειρα, έν ή τά τε άλλα κατεσκεΰασαν οίκείως τοις τόποις καί ναον
'Ηρακλέους πολυτελή, καί θυσίας κατέδειξαν μεγαλοπρεπείς τοις τών Φοινίκων εθεσι διοικουμένας.
Το δ' ιερόν συνέβη τούτο καί τότε καί κατά τους νεωτέρους χρόνους τιμασθαι περιττότερον μέχρι
τής καθ' ημάς ηλικίας. Πολλοί δε καί τών 'Ρωμαίων επιφανείς άνδρες καί μεγάλας πράξεις κατειρ-
γασμένοι έποιήσαντο μεν τούτω τω θεώ εύχάς, συνετέλεσαν δ' αύτας μετά τήν συντέλειαν τών κατορθωμάτ
ων. (3) Οι δ' ούν Φοίνικες διάτας προειρημένας αιτίας έρευνώντες τήν έκτος τών στηλών παραλίαν
καί παρά τήν Λιβύην πλέοντες, ύπ' ανέμων μεγάλων άπηνέχθησαν έπί πολύν πλουν δι' 'Ωκεανού.
Χειμασθέντες δ' έπί πολλάς ημέρας, προςηνέχθησαν τη προειρημένη νήσω, καί τήν εύδαιμονίαν αυτής
καί φύσιν κατοπτεύσαντες άπασι γνώριμον εποίησαν. (4) Διό καί Τυρρηνών θαλαττοκρατοΰντων καί
πέμπειν εις αυτήν άποικίαν επιβαλλομένων, διεκώλυσαν αυτούς Καρχηδόνιοι, άμα μεν εύλαβούμενοι μή
δια τήν άρετήν τής νήσου πολλοί τών έκ τής Καρχηδόνος εις έκείνην μεταστώσιν, άμα δέ προς τα
παράλογα τής τύχης κατασκευαζόμενοι καταφυγήν, εϊ τι περί τήν Καρχηδόνα ολοσχερές πταίσμα
συμβαίνοι · δυνήσεσθαι γαρ αυτούς θαλαττοκρατούντας άπαραι πανοικίους εις άγνοουμένην ύπο τών
υπερεχόντων νήσον.
21 Nous ne voulons pas trahir Diodore en allégeant son style.
22 Nous ne traduisons pas υαλαττοκρατοϋντες par «ayant la suprématie sur mer», puisqu'elle
ne saurait être attribuée simultanément aux Carthaginois et aux Etrusques.
« ARVA BEATA PETAMUS ARVA DIVITES ET INSULAS » 885
13 Traduction approximative d'un texte peu sûr. Certains éditeurs ont résolu la difficulté
en supprimant έχοντα.
886 RENÉ REBUFFAT
24 Mais il ne sera pas le dernier à le faire! Robinson Crusoë, lui aussi découvrira dans
son île un véritable «paradis»: «... At the end of this march, I came to an opening, where
the country seem'd to descend to the West, and a little spring of fresh water, which issued
out of the side of the hill by me, run the other way, that is due East; and the country
appear'd so fresh, so green, so flourishing, every thing being in a constant verdure, or flourish
of spring, that it look'd like a planted garden... I saw here abundance of cocoa trees, orange,
and lemon, and citron trees; but all wild... I contemplated with great pleasure the fruitfulness
of that valley, and the pleasantness of the situation, the security from storms on that side
the water, and the wood... I was so enamour'd of this place, that I spent much of my
time there for the whole remaining part of the month of July... I built me a little kind
of a bower ... so that I fancy'd now I had my country house, and my sea-coast-house. »
On retrouve simultanément ici le thème de la fraîcheur des eaux vives, celui de l'abondance
naturelle, et celui de la pergola qui sert au séjour estival.
25 Les textes ont été rassemblés par P. Grimai, Les jardins romains, p. 68 et 79.
26 Plantations d'arbres: Xénophon, Economique, IV, 21; Quinte Curce, VII, II, 22, etc.
(Grimai, p. 80-81).
27 Réserves de gibier: Cyropédie I, 3, 14; Quinte-Curce, VIII, 1, 2; Plutarque, Demetrios, 50.
28 Eaux courantes et sources: Quinte-Curce, VIII, 1, 2.
29 Plutarque, Alcibiade, 24.
« ARVA BEATA PETAMUS ARVA DIVITES ET INSULAS » 887
30 P. Grimai insiste sur l'union des thèmes de la fécondité et de l'agrément, qui est bien
nette dans Diodore. Ce qui interdit d'extraire de Diodore tel ou tel élément de la description
en l'isolant du contexte. Les rapprochements qu'on a pu faire entre Diodore et la XVIe Epode
sont donc souvent très fragiles: par ex. Barwick art. cit., p. 66, note 66.
31 On se demande si Diodore a mal vu que sa source avait un plan rigoureux (a - la
plaine; b - la montagne; c - vue d'ensemble) qu'il suit maladroitement, ou si au contraire il
n'a pas introduit de fausses distinctions par souci exagéré des parallélismes. Sur les tendances
du style de Diodore, et leurs conséquences quelquefois catastrophiques pour la clarté de
l'exposé, J. Heurgon, Posidonius et les Etrusques, Mélanges Grenier, p. 801. Il est en tout
cas certain que le déluge de participes du texte est une tendance propre au style de Diodore,
et qu'elle ne concourt pas à l'alléger.
32 Nous traduisons aussi le passage du De Mirabilibus, faute de traduction française.
Texte éd. Hett, coll. Loeb, 1936:
(85) Έν τη υαλάσση τη εξω Ηρακλείων στηλών φασίν ύπο Καρχηδονίων νήσον εύρευήναι
ερήμην, εχουσαν ϋλην τε παντοδαπήν και ποταμούς πλωτούς, καί τοις λοιποΐς καρποΐς Οαυμαστήν, άπεχουσαν
δε πλειόνων ήμερων πλουν ■ έν ή" έπιμισγομένων των Καρχηδονίων πολλάκις δια την εύδαιμονίαν,
ένίων γε μην καί οίκούντων, τους προεστώτας, των Καρχηδονίων άπείπασ&αι ΰανάτω ζημιουν τους
εις αυτήν πλευσομένους καί τους ένοικοϋντας πάντας άφανίσαι, ϊνα μή διαγγέλλωσι, μηδέ πλήυος
συστραφεν έπ' αυτών έπί την νήσον κυρίας τύχη καί την των Καρχηδονίων εύδαιμονίαν άφεληται.
888 RENÉ REBUFFAT
Diodore De Mirabilibus
33 Ces textes ont été commentés plusieurs fois, en particulier par E. Colozier, Les
Etrusques et Carthage, dans MEFR, 1953, p. 86-90 (avec bibliographie, p. 87 n. 2). Depuis, G. et
C. Picard, La vie quotidienne à Carthage, p. 173 et 246-247.
« ARVA BEATA PETAMUS ARVA DIVITES ET INSULAS » 889
Et il faut remarquer que nos deux textes offrent tous deux une étrange
logique. Chez Diodore, les Carthaginois interdisent aux Etrusques d'aller
dans l'île parce qu'ils ont peur que trop de Carthaginois ne s'y rendent.
Dans le De Mirabilibus, les Carthaginois interdisent à leurs compatriotes
de s'y rendre parce qu'ils ont peur que trop d'étrangers n'en connaissent
l'existence: car c'est bien ce qu'il faut entendre par διαγγέλωσι, ils ont peur
que la nouvelle ne se répande, bien évidemment chez d'autres qu'eux.
Quels sont ces gens qu'on ne veut pas mettre au courant? Ne s'agirait-il
pas tout simplement des Etrusques de Diodore? Résumant sa source, l'auteur
du De Mirabilibus a transformé les Phéniciens qui découvrent l'île en
Carthaginois, probablement parce qu'il ne savait pas qu'il y avait en
Occident d'autres Phéniciens que les Carthaginois, et en tout premier lieu
les Gaditains, rendant ainsi la suite des faits encore plus étrange, puisqu'on
ne comprend pas, s'ils étaient eux-mêmes les auteurs de la découverte, com
ment la situation menaçait d'échapper au contrôle des Carthaginois. De la
même façon, une mention primitive des Etrusques, parce que l'auteur du
De Mirabilibus ou un de ses devanciers ne comprenait plus, toujours faute
de connaissances sur l'Occident, quel rôle ils pouvaient bien jouer dans
cette histoire carthaginoise, a probablement disparu de la tradition, au profit
de ces vagues étrangers dont on a peur qu'ils n'apprennent la nouvelle
et qu'ils ne transforment la population de l'île en un groupe allogène,
nombreux et hostile.
Il est donc bien probable que l'événement essentiel de l'histoire, c'est
que les Carthaginois avaient interdit aux Etrusques d'aller s'établir dans une
terre découverte par les Phéniciens de l'Ouest, histoire racontée ensuite
de plusieurs façons, les divergences ne concernant que la succession des
faits et les mobiles des Carthaginois.
Car à relire les textes à partir de cette idée ils retrouvent l'un et l'autre
une cohérence qui leur manque de prime abord. Dans Diodore, les Phéni
ciens bavardent, et il est probable que les Carthaginois sont les premiers
informés. Mais le fait essentiel est que la nouvelle tombe dans des oreilles
étrusques, et c'est le projet étrusque qui inquiète les Carthaginois et provoque
leur réaction. Dans le De Mirabilibus, les Carthaginois ne s'alarment pas
dans un premier temps, et ils réagissent dans un second temps quand ils
ont peur que la nouvelle ne se répande, c'est-à-dire quand ils se rendent
compte qu'elle se répand effectivement, et que l'île suscite les convoitises
d'autres qu'eux.
Cela acquis, comment les faits sont-ils passés dans des récits qui sont
parvenus jusqu'à Diodore et au De Mirabilibus? A accepter directement
les conséquences de ce qui nous est dit, la source primitive n'est pas
890 RENÉ REBUFFAT
34 Ils ont accueilli de nombreux Tyriens au moment de la prise de la ville par Alexandre.
Pendant la campagne d'Agathocle, ils envoient la dîme à Melqart de Tyr (Diodore, XX, 14).
En 348, ils font participer Tyr aux avantages du traité avec Rome.
35 Quoiqu'on puisse citer le mot d'Hannibal après le Métaure . . . agnoscere se fortunam
Carthaginis... (Tite-Live XXVII, 51, 12). Mais il est quelque peu ambigu.
36 J. Heurgon, Capoue préromaine, p. 324.
«AR VA BEATA PETAMUS ARVA DIVITES ET INSULAS » 891
devait être jour après jour d'éviter que d'autres n'en apprennent trop? pour eux
qui auraient laissé courir un récit qui les présentait sous un jour malheureux,
défiants de leurs forces, incapables d'assumer leur vocation de puissance
coloniale, jaloux de leurs alliés, et tourmentés par le souci de leur ruine?
ou les Etrusques, recueillant la nouvelle des Gaditains, prêts à l'utiliser,
mais brutalement stoppés par le veto carthaginois, et qui n'avaient plus
qu'à se répandre en récits colorés sur ce qu'ils avaient perdu, et en comment
aires acerbes, en suppositions malignes, et en malédictions bien senties sur
le compte des Puniques, qui avaient eu peur d'eux et qui n'avaient même
pas confiance en eux-mêmes?
Le récit est essentiellement à l'origine celui d'un échec, ce qui nous
garantit l'authenticité des faits, échec qui a déçu les Etrusques, mais qui
humiliait les Puniques plus qu'eux-mêmes. Les Phéniciens de l'ouest ont bel
et bien découvert quelque chose, les Etrusques l'ont su, les Carthaginois
les ont empêchés d'en profiter, et ce sont des récits étrusques de l'affaire
qui l'ont fait connaître et entrer dans le bagage d'anecdote des historiens.
C'est soit la variété de ces récits eux-mêmes, soit l'histoire d'une longue
tradition qui nous échappe, qui est à l'origine des divergences essentielles
de nos deux textes. D'autres s'expliquent parce que l'un, le De Mirabilibus,
trop loin des réalités, à gommé un certain nombre de détails caractéristiques,
et que l'autre, celui de Diodore, s'est gonflé à la fois d'une tradition étran
gère, empruntée à une description de « paradis » oriental, et des amplifica
tions stylistiques propres à Diodore 37.
Les renseignements que nous pouvons retenir sur l'île elle-même,
montagneuse, boisée, riche en cours d'eau sont complètement différents
de ceux que les marins de Sertorius avaient rapportés sur les deux îles
jumelles au climat atlantique, et ils n'ont rien non plus d'essentiellement
semblable aux Champs Elysées tièdes et rafraîchis par les Zéphyrs des vieux
auteurs. Nous laisserons encore ici à d'autres le soin de la chercher, et nous
avons déjà trouvé autre chose, si nous avons identifié la tradition 38 étrusque
à laquelle l'incident étrusco-carthaginois avait donné naissance.
37 On ne devra donc utiliser comme renseignements sur les caractéristiques de l'île que
ceux qui sont susceptibles de provenir de la source primitive de Diodore.
38 Nous laissons systématiquement de côté toute discussion sur les sources de Diodore
dans ce passage, car il se trouve que cela ne nous intéresserait que de façon marginale de
savoir si sa notice remonte à la description de l'Océan de Posidonius, ou à Timée. Notons
en tout cas, en face de l'opinion de Barwick (Diodoros 5, 19 f (= Timaios...) der dem Sallust
wahrscheinlich durch Poseidonios vermittelt wurde...») qu'il nous paraît inutile de penser que
Diodore ait un quelconque rapport avec Salluste. Nous espérons montrer que les deux
892 RENÉ REBUFFAT
*
* *
traditions sont complètement séparées. L'hypothèse d'une origine étrusque de ces traditions
n'est pas celle des commentateurs précédents, E. Colozier et G. Picard, qui pensent à une
origine punique. Cette opinion n'a rien qui soit invraisemblable. G. Picard note en particulier
qu'on pourrait y relever « l'influence de quelque prophétie sur les destinées de Carthage, qui
prédisait sans doute une nouvelle migration des Tyriens vers l'ouest» (La vie quotidienne à
Carthage, p. 246). D'autre part, la politique de «stérilité volontaire» attribuée aux Carthaginois
n'est pas invraisemblable (ibid., p. 247). Quant au goût pour les «paradis», il pouvait fort
bien être partagé par les Carthaginois (ibidem, p. 86).
Nous croyons cependant que dans ces récits, les Carthaginois sont vus de l'extérieur
par des témoins qui n'ont pas accès aux véritables sources d'information puniques, et qui
d'autre part se soucient peu de présenter l'attitude carthaginoise sous un jour favorable.
39 Le livre des Singularités Merveilleuses n'est pas daté (on le fait descendre jusqu'au
temps d'Hadrien), et il ne peut fournir de limite basse. Quant aux sources de Diodore, remonter
à Timée ne ferait qu'assurer la limite basse que nous adoptons pour d'autres raisons.
40 On admet en général que c'est vers 500 que Carthage s'est installée en Andalousie:
A. J. Toynbee, Hannibal's Legacy, I, p. 528; G. et C. Picard, Vie et mort de Carthage, Paris,
1970, p. 64 sq.
41 M. Pallottino, Etruscologia, 6a éd. 1968, p. 136: «A partire da questo momento, per
duto il controllo del mare, le città dell'Etruria tirrenica si ridurranno a modesti statarelli con
tinentali, in attesa di esser assorbite dall'egemonia politica di Roma». J. Heurgon: Rome et la
Méditerranée occidentale, p. 110: «La thalassocratie étrusque en Tyrrhénienne était brisée:
ce qui ne signifie pas que les ports étrusques sur cette mer dussent cesser toute activité».
Cf. aussi L'elogium d'Un magistrat étrusque découvert à Tarquinia, dans MEFR, 1951, p. 132-133.
Sur l'expansion maritime romano-caerite, ibidem, p. 301.
«ARVA BEATA PETAMUS ARVA DIVITES ET INSULAS» 893
Rhodiens morts en mer en combattant contre les Tyrrhéniens 49. Enfin, c'est
toujours είς την φυλακήν των Τυρρηνών que la ville de Délos fait un emprunt
au temple d'Apollon 50.
Nous sommes en 299, quelques années avant la bataille de Sentinum.
Quand donc allait s'éteindre la piraterie étrusque? Dans l'Adriatique, nous
voyons que les pirates illyriens sont déjà actifs à la fin du IVe siècle51.
Dans la Tyrrhénienne, les Italiotes pirataient au moins depuis le IVe siècle:
les Antiates étaient célèbres pour leurs exploits, et continueront à les exercer
après la soumission de leur ville à Rome en 338, et même jusque vers 294-
286. Le milieu du IVe siècle avait vu aussi les entreprises de Postumius
le Tyrrhénien 52, dont le nom révèle qu'il n'était tyrrhénien que de métier,
et qui fut finalement capturé par les Syracusains en 338. De même que
ces Illyriens et ces Italiotes ont indistinctement grossi les rangs des
« Tyrrhéniens » avant Sentinum, de même on peut penser que nombre
d'Etrusques ont continué leurs entreprises au IIIe siècle. Cependant, compte
tenu du poids politique de Rome, il ne pouvait plus guère être question
d'une activité ouverte et importante. C'est donc approximativement la limite
basse provisoire que nous pouvons admettre pour des faits qui supposent
une « puissance navale importante » des Etrusques.
Car ces histoires de pirates sont révélatrices de la puissance navale
étrusque. D'abord parce qu'elles sont trop fréquemment attestées pour ne
pas correspondre à toute une infrastructure de ports et de chantiers. Ensuite,
parce que ces pirates ne sont pas uniquement des pirates caboteurs, tapis
dans les anfractuosités d'un rivage pour guetter les navires qui passent à
portée. Ce sont des pirates au long cours, dont l'activité intéresse, ce qui
n'est pas peu, Athènes, Rhodes, Délos et Syracuse. Enfin, le mot de pirates
doit désigner très souvent les flottes nationales ou les corsaires armés par
les villes maritimes, pour une activité d'ailleurs parfaitement honorable53.
49 F. Hiller von Gärtringer, Inschriften auf Rhodos, dans MDAl(A), 1895, p. 222-229, qui
concerne trois frères dont le troisième a été tué seulement par des λαιστας. Texte repris dans
SGDI, n° 3835, Sylloge III, 1225.
50 Homolle, l. c, se demande si Ptolémée et ses alliés ont soudoyé des corsaires contre
Demetrios qui impose aux villes des contributions de défense, ou s'il s'agit simplement de
répression de la piraterie.
51 Helbig, art. cit., p. 401, n. 3. «La tradition présente les Illyriens comme pirates pour
la première fois en 301 av. J.-C. » (date livienne X, 2).
52 Notre art. Tite-Live et la forteresse d'Ostie, p. 639, note 1., et en particulier M. Sordi,
Timoleonte, p. 113-115.
53 Honorable: Strabon III, 2, 13. Autres textes dans Ch. Lécrivain, Pirataem Daremberg-
Saglio, p. 486.
«ARVA BEATA PETAMUS ARVA DIVITES ET INSULAS » 895
C'était certainement le cas des pirates d'Antium, et ceux des villes étrusques
ne devaient pas avoir un statut bien différent.
Antium disposait encore au moment de sa chute d'un grand nombre
de vaisseaux longs, puisqu'ils ne purent être tous transférés à Rome, et qu'il
fallut brûler le surplus54, et ses chantiers navals pouvaient réparer très
rapidement cette perte. Postumius le Tyrrhénien, à un moment où ses affaires
n'étaient pas des plus florissantes, disposait de 12 vaisseaux. La faible par
ticipation navale 55 des Etrusques à l'expédition de Sicile ne doit pas tromper
sur leurs possibilités, qui devaient être bien plus considérables. En 307
encore, ils sont en mesure d'intervenir à Syracuse avec 18 vaisseaux, et ne
craignent pas, ce faisant, un conflit avec les Puniques eux-mêmes56. Rien
n'empêcherait donc par exemple de penser que la tentative de colonisation
des Romains en Corse57 dont on ne sait pas, avant la fin du IVe siècle,
à quelle date elle a eu lieu58, ait pu se situer au IVe siècle, aux meilleurs
temps de l'alliance romano-caerite 59.
Nous pouvons donc conclure: jusqu'au moment où Rome met prat
iquement fin à l'indépendance politique étrusque, il n'y a pas eu de période
où les Etrusques auraient été incapables d'organiser une expédition coloniale
vers une terre lointaine.
Entre 500 environ et 300 environ, la marge est importante, et peut-
être est-il illusoire de vouloir la réduire. Cependant, en 348, Carthage interdit
aux Romains de se rendre dans tout l'ouest méditerranéen60: Rome en tout
cas ne pouvait plus guère imaginer envoyer une colonie dans l'Atlantique
à ce moment. Mais il est probable que le traité de 348 a été fait sur le
modèle d'autres traités qui liaient à Carthage les villes étrusques, et qu'il
n'a été étendu à Rome que parce qu'après une crise, elle redevenait, depuis
54 Tite-Live VIII, XIV, 12 Naves Antiatium partirti in navalia Romae subductae, partim
incensae. ..
55 Thucydide, VI, 103, 2: trois pentécontores.
56 Diodore, XX, 61.
57 J. Heurgon, Rome et la Méditerranée, p. 301; J. Heurgon, dans J. et L. Jehasse, La
nécropole préromaine d'Aleria, p. 551.
58 Pour L. et J. Jehasse, La nécropole préromaine d'Aleria, p. 20 « sans doute avant
l'invasion gauloise»; pour I. Didu {art. cit. note sq. p. 325) au VIe siècle, au temps de la
Rome étrusque.
59 Sur l'envoi de colons romains en Sardaigne en 377, J. Heurgon, Rome et la Méditerr
anée,p. 301. Contra depuis: I. Didu, II supposto invio di coloni romani in Sardegna nel
l'anno 378-7, Athenaeum, 1972, p. 310-329 qui propose de lire Satricon au lieu de Sardonian
dans Diodore XV, 27, 4.
60 Toynbee, Hannibal's legacy, p. 528-529.
896 RENÉ REBUFFAT
353 61, une ville « étrusque » et aussi parce que l'occupation définitive des
bouches du Tibre semblait indiquer les prémisses d'une vocation maritime.
Il est donc probable que la ville (car il s'agit probablement d'une ville,
et non « des Etrusques ») maritime (c'est une vraisemblance, mais il fallait
que cette ville ait le goût des entreprises lointaines, et ait eu facilement
des contacts avec les Gaditains) étrusque dont il est question dans Diodore
a passé à une date que nous ignorons un traité avec les Carthaginois qui
lui interdisait probablement comme à Rome les entreprises occidentales.
D'autre part, nous connaissons en « 509 » le texte d'un traité entre
Carthage et une ville italienne, il se trouve qu'il s'agit de Rome. Comme on
l'a bien vu 62, Carthage ne songe pas à interdire l'accès de l'Occident lointain
au partenaire. Il est donc probable que l'entreprise étrusque a été conçue
à un moment où un ancien traité du type « de 509 » était encore en vigueur,
- type de traité qui n'interdisait pas des entreprises occidentales - et où un
traité du type « de 348 » n'était pas encore signé, mais où la politique
Carthaginoise qui allait inspirer le traité de 348 se dessinait déjà.
Si nous avions donc à choisir une date, nous dirions: assez largement
après « 509 » - 500 environ, et d'autre part avant 353-348. Il est intéressant
de noter que pendant cette période nous trouvons exprimée en Italie l'idée
du déplacement de tout un peuple, lorsque les Romains envisagent de
s'installer à Véies.
Si ces dates sont bonnes, elles nous placent avant la campagne
d'Agathocle, avant la chute de Tyr63, en un temps où Carthage n'avait
guère de raison de douter de son destin. Cela nous confirmerait donc que
ces spéculations sont plutôt d'origine étrusque.
Mais même s'il faut les modifier, nous pouvons admettre que les faits
sont en tout cas antérieurs à 300 environ: c'est dire qu'ils se situent bien
avant que ne prenne naissance, au temps de Sertorius, la tradition rapportée
par Salluste et Plutarque sur les îles Fortunées.
Et de fait, les deux traditions sont considérablement différentes. Par
le nombre des îles: une très grande île pour Diodore, deux îles séparées
par un chenal étroit pour Salluste et Plutarque. Par la situation des îles:
* * *
64 On peut remarquer qu'Horace n'a rien retenu dans l'Epode de l'origine phénicienne du
renseignement, au point même que traitant du lieu commun (qui est chez Diodore à propos
de la Bretagne en V, 21) des navigateurs qui n'ont pas abordé les Iles, il cite les Sidoniens.
Peut-être au surplus n'avait-il pas une très claire conscience de la relation entre Phéniciens
de l'Ouest ou Gaditains et Sidoniens? Mais il est plus probable qu'il traite à son gré ce thème
des grands navigateurs.
65 Mais il n'y a eu aucun contact entre ces deux traditions avant Horace, au moins
compte tenu des textes que nous possédons.
898 RENÉ REBUFFAT
71 La couleur étrusque marquée de toute la fin de la Γ Géorgique a-t-elle été assez soulignée?
Virgile semble broder à l'aide d'événements contemporains sur une trame étrusque.
72 Mais la longue enumeration de prodiges de Lucain semble davantage un répertoire
composé à plaisir que l'écho d'une source originale. Quant au thème de la ville abandonnée
aux bêtes, et non précisément aux loups, c'est un lieu commun: Horace, Ode, III, 3, 40-42.
Cf. L. Levi, p. 171.
73 Sur P«âme extérieure» des villes, J. Heurgon, Capoue, p. 323.
74 Cicéron, De Divinatione I, 20, v. 47; J. Carcopino, La Louve du Capitole, p. 34 sq.;
J. Heurgon, Vie quotidienne, p. 279: «Qui alors, déroulant les traités et les monuments des
experts, ne tirait pas des feuillets étrusques (chartae Etruscae) de sinistres prédictions?».
75 Tacite, Annales, XIII, 58.
76 Silius Italicus, XIII, p. 115 sq.
«ARVA BEATA PETAMUS ARVA DIVITES ET INSULAS* 901
Sertorius Versions
et entourage étrusques
77 Ne figurent pas dans Horace les catastrophes naturelles, tremblements de terre, inondat
ionset autres: Vegoia: «la terre sera souvent secouée de tempêtes et de tourbillons qui la
feront chanceler...»; Virgile, Géorgique I, 475, et Pline II, 199 (J. Heurgon, Vie quotidienne,
p. 85), tirant son information sur ce tremblement de terre près de Modène d'un Eiruscae
disciplinae volumen.
902 RENÉ REBUFFAT
Les Gaditains avaient donc découvert une île dans l'Atlantique. Les
Etrusques, tentés de s'y établir, contrés par les Carthaginois, en ont fait
le récit coloré de leur dépit, et influencé par leurs conceptions ordinaires
de la destinée des villes. Une des versions de cette tradition a subi d'autre
part une transmutation à l'image merveilleuse des paradis orientaux.
Plus tard, les Gaditains donnent à Sertorius des renseignements qui
nous sont parvenus grâce à Salluste et à Plutarque. Horace est directement
tributaire de cette tradition, mais il a peut-être en commun avec le récit
des Etrusques sa familiarité avec leurs vaticinations millénaristes.
Avant lui, les dames du temps jadis, les seigneurs des grandes terres,
les magistrats des hautes villes, les gardiens des rouleaux inverses, les
haruspices et leur clientèle populaire, les pirates et les rois, - ce monde
auquel les travaux de Jacques Heurgon ont redonné sa vie -, avaient peut-
être fêvé des Iles de l'Atlantique.
78 Tite-Live V, 54, 4.
79 Sur le «discours» et son type d'auditoire, analyse, détaillée de Fraenkel, Horace, p. 42 sq.
La solution nous paraît être qu'Horace imite un discours d'agitateur populaire, une diatribe
de carrefour, semblable à celles auxquelles se livraient les tribuns de la plèbe de jadis. Il
n'y a pas alors à se demander dans quel cadre institutionnel ce « discours » peut entrer.
GIULIANA RICCIONI
sono sui lati Α-B: Eracle fra due guerrieri elmati, altri due gruppi quasi
identici sono posti sotto le anse, le quali s'impostano sulle teste delle figure
laterali in maniera singolare.
I Gruppo: tato A (tav. 2, part.). Al centro Eracle, interamente reso
nella tecnica a figure nere, è facilmente riconoscibile dalla leontée nera che
gli copre la testa e il petto: la villosità della pelle ferina è espressa conven
zionalmente mediante una serie di doppi trattini graffiti. Ha il volto e la
barba appuntita; quest'ultima, seminascosta dalla mandibola leonina, ha il
contorno sottolineato dal graffito, così come il profilo del viso, le narici,
le labbra e la parte superiore del mento, lasciata scoperta dalla barba.
L'occhio è di forma canonica. Per mancanza di spazio, l'eroe è privo del
rhópalon.
I due personaggi laterali sono guerrieri. Hanno il capo coperto da elmo
corinzio crestato, dipinto a vernice nera, che nasconde quasi completamente
il volto e il collo risparmiati nel colore dell'argilla (segno di inizio e con
comitanza della tecnica a figure rosse). Nella figura di destra il profilo è
segnato da una spessa pennellata nera, ma in quella di sinistra vi si aggiunge
all'esterno una linea graffita. In questo caso, infatti, il volto reso nella
tecnica a figure rosse partecipa della tecnica contraria a causa della sua
compenetrazione con l'Eracle tutto nero. Ovviamente anche gli occhi sono
resi a contorno nero sul fondo neutro. La loro forma a mandorla, con
l'indicazione dell'iride e della pupilla è quella generalmente usata nei vasi
e il profilo a echino piatto. È confrontabile con le segg. kylikes di ugual tipo, « ad occhioni »
(con busti), databili fra il 530 e il 520 a.C, di dimensioni molto vicine, che si elencano con
numero progressivo in relazione alla loro ampiezza (dalla più grande alla più piccola):
1) Louvre F 136: h. cm 12; diam. bocca, cm 29 (CVA, Louvre 10, p. 90, tav. 98, 1, 4-5;
Beazley, ABV, p. 203, n. 2 (= Gruppo del Louvre 137);
2) Monaco, coll. Walter Bareiss, 82 (già nei mercati antiquari di Roma e Basilea),
firmata dal vasaio Nikosthenes: h. cm 11,4; diam. bocca, cm 27,3 (Beazley, ABV, p. 231, n. 10
e p. 235; Kunstwerke der Antike, MM., A.G., Auktion XXII, Basel 1961, pp. 68-69, η. 133,
tav. 41; Beazley, Paralipomena, p. 109 (non attribuita).
3) Louvre F 137: h cm 11,5; diam. bocca, cm 26,5 (CVA, Louvre 10, p. 90, tav. 98,
2-3, 6; Beazley, ABV, p. 203 n. 1 (eponima del gruppo del Louvre F, 137).
4) Basilea, mercato antiquario: h cm 10,2; diam. bocca, cm 21,9 (Kunstwerke der
Antike, M.M., A.G. Auktion 34, Basel 1967, n. 131, pp. 65-66 e tav. 37).
Le quattro kylikes citate hanno l'interno della vasca verniciato in nero, ad eccezione del
centro, risparmiato nel colore dell'argilla con uno ο due cerchielli concentrici e un punto in
color nero; nella nostra i cerchielli sono due. Riguardo alle dimensioni, la kylix vulcente
resta per ora la più grande, superando di 7 cm nel diam. alla bocca quella del Louvre F 136
(η. 1 in elenco).
IMMAGINI DI ERACLE E TESEO 905
a doppia tecnica e nei più antichi a figure rosse per indicare l'occhio
maschile; può quindi considerarsi una forma di transizione.
I caschi sono riccamente decorati; quello del guerriero di sinistra pre
senta, nella zona immediatamente sopra la calotta, un motivo di zig-zag che
forma triangoli, con punto nel centro dalla base, suddipinti in color rosso-
paonazzo scuro poco visibili nella foto, ma evidentissimi controluce. La
calotta è adorna superiormente di due grandi e complessi ricci di voluta
graffiti; sono opposti e tangenti ed hanno, al di sopra del punto di contatto,
una palmetta a tre petali sovrappinti in rossiccio il cui contorno e il cuore
mediano (a guisa di ovulo) sono indicati mediante il graffito. Inferiormente,
opposto alla palmetta è un petalo (o fogliolina) pure graffito. All'inizio del
paranuca si erge una palmetta, simile alla precedente, ma più piccola, del
ineata con il solo graffito. Anche la paragnatide è decorata; lo spazio risul
tante dalla forma aguzza della sua terminazione è utilizzato per rendere ad
incisione gli elementi caratteristici di una protome animalesca: un orecchio
appuntito, un occhio tondeggiante, maschile, e un muso la qualificano per
quella di un cinghiale3. Al di sotto dell'orecchio dell'animale è un ampio e
semplice ricciolo di voluta, a guisa di punto interrogativo capovolto, suddi-
pinto in color rossiccio stralucido (quasi invisibile), poggiato sul margine
inferiore della paragnatide. Tale margine presenta esternamente una serie
di finissimi trattini paralleli, obliqui (resi a graffito) che, come in altri casi,
sono l'indicazione stilizzata dei peli della barba.
L'elmo della figura di destra ha forma e decorazione quasi identiche
al precedente ad eccezione dell'ornato della fascia sotto la cresta che consiste in
3 Vi sono diversi elmi greci, in particolare, corinzi e calcidici, che presentano una certa
varietà di ornati incisi sulla calotta e sulle paragnatidi, talora decorate di protoni animalesche.
Alcuni sono di bronzo, altri proteggono le teste di guerrieri ο personaggi mitici rappresentati
su vasi calcidesi e attici a figure nere. Più di frequente la testa di ariete è impiegata come
ornamento delle paragnatidi, sia a rilievo, sia incisa.
Un elmo bronzeo corinzio, nel Museo del Louvre (inv. 43) presenta paragnatidi decorate
appunto con una testa di ariete (A. De Ridder, Les Bronzes antiques du Louvre, vol. II, Paris
1915, p. 2, n. 1102, tav. 65).
Sui tipi di elmi greci, in particolare corinzi, si veda: E. Kukahn, Der Griechische Helm.
Dissertation, Maarburg-Lahn, 1936, passim e pp. 39-40; Th. T. Hoopes, «The Greek Helmet in
the City Art Museum of Saint Louis », in: Studies presented to David M. Robinson, II, 1953,
pp. 833-839, taw. 81, 83-84 (paragnatidi decorate con testa di ariete a rilievo); E. Kunze,
«Korinthische Helme», in: VII Bericht über die Ausgrabungen in Olympia, Berlin 1961, p. 45
e segg.; S. Boucher, in RA, 1964, pp. 97-100; E. Kunze, in VIII Bericht über die Ausgrabungen
in Olympia, Berlin 1967, p. 135 e segg.; in particolare, p. 165, fig. 55, pp. 170-171, figg. 59-60,
pp. 174-175, figg. 63-64.
906 GIULIANA RICCIONI
4 Per questo tipo di stoffa, vedi: P. Colafranceschi Cecchetti, Decorazione dei costumi
nei vasi attici' e figure nere, in Studi Miscellanei, 19, Università di Roma, 1972, p. 25,
tav. XXXIX, 111.
5 Questo tipo di stoffa non è stato considerato nella citata monografia della Colafranceschi
Cecchetti nell'ambito della «decorazione dei costumi nei vasi attici a figure nere». Un tessuto
simile al nostro, ma a file alternate di rombi rossi e neri, appare - ad esempio - in raffigura
zioni di Menadi su di una « Band-cup » nel Metropolitan Museum di New York, datata attorno
al 530 a.C- Beazley, Development, p. 56, tav. 24, tav. 25, 1-8; CVA, New York, Metropolitan
Museum, 2, tav. XIX, 31; Beazley, Paralipomena, p. 78, n. 1 (= pitt. di Oakeshott).
IMMAGINI DI ERACLE E TESEO 907
6 Brit. Mus. Β 426: CVA, Londra, British Museum, 2, tav. 21; Beazley, ABV, p. 256, n. 20.
7 Vedi nota 2 e inoltre: R. Hackl, in Jdl, XXII, 1907, p. 91, figg. 9-11; E. Buschor,
Feldmäuse», in Sitzungberichte d. Bayer. Akad. d. Wissenschaften, heft l, München 1937,
;
908 GIULIANA RICCIONI
p. 4 e segg., figg. 1-2; Beazley, ABV, pp. 202-203, p. 231, η. 10; Paralipomena, p. 109; CVA,
Heidelberg, Universität, 4, pp. 37-38, tav. 159, 5 (inv. 5 121); CVA, Napoli, Museo Naz.le, 1,
p. 11 taw. 21-22 (kylix senza occhioni eponima del pitt. di Kallis).
8 E. Simon, in A] A, LXVII, 1963, p. 43 e segg. (ivi bibl. critica prec).
9 Cfr. Simon, in A] A, cit., p. 46 e segg. e nota 11.
IMMAGINI DI ERACLE E TESEO 909
10 Sulle rappresentazioni di Teseo nell'arte attica dalla fine del VI secolo in poi, vedi:
Simon, A] A, cit., pp. 44-50 (ivi bibl. prec); N. Alfieri, RIAS A, N.S. Vili, 1959, p. 59 e segg.
(articolo non menzionato dalla Simon); ν. anche: S. Patitucci Uggeri, Quaderni ticinesi di
numismatica e di antichità classiche, Lugano 1975, p. 55 e segg., tav. la, tavv. II-III, fig. 2
e p. 69, note 19, 21 (ivi altra bibl. cit.).
11 Ch. Dugas - R. Flacelière, Thésée. Images et récits, Paris 1958; Recueil Ch. Dugas,
1960, pp. 93-107.
12 Beazley, Development, pp. 63, 113, tav. 27, 3; ABV, p. 145, n. 17; Dugas-Flacelière,
Thésée, cit., p. 87, tav. 24, B.
910 GIULIANA RICCIONI
Tav. 1 - Roma - Museo di Villa Giulia (Vulci T. 50). Kylix ad occhioni: esterno.
912 GIULIANA RICCIONI
Tav. 2 - Roma - Museo di Villa Giulia (Vulci T. 50) . Kylix ad occhioni: particolari lati A-B.
IMMAGINI DI ERACLE E TESEO 913
Parmi les lemmes de Verrius Flaccus dont Paul Diacre nous a transmis
la teneur, celui qui est consacré aux Aurelii (Aureliam familiam ex Sabinis
oriundam a Sole dictam putant, quod ei publiée a populo Romano datus
sit locus, in quo sacra faceret Soli, qui ex hoc Auseli dicebantur, ut
Valesii, Papisii pro eo, quod est Valerii, Papirii *) mérite de retenir l'attention
dans la mesure où il traite d'un problème auquel, sans l'ignorer, les modernes
n'ont pas toujours accordé l'attention qu'il mérite. Cette notice se rattache
au groupe de celles qui nous ont gardé le souvenir de cultes et de rituels
confiés par la cité archaïque à certaines gentes2. Il suffira de rappeler ici
3 Varrò, Ling., 5, 74. La liste des divinités énumérées dans ce passage a été mainte fois
commentée: cf. E. C. Evans, The cults of the sabine territory, Rome,1939, p. 152-240; J. Collari,
Varron grammairien latin, Paris, 1954, p. 238-239; O. Terrosi Zanco, Varrone, L.L., V, 74.
Divinità sabine ο divinità etrusche? S.C. Ο., 10, 1961, p. 188-208; G. Radke, Varrò L.L., V, 74,
zu sabinischen Gottheiten in Rom, Romanitas, 6-7, 1965, p. 290-313; J. Poucet, Recherches
sur la légende sabine des origines de Rome, Kinshasa, 1967, p. 46-53. Cf. également Denys
d'Halicarnasse, AR, 2, 50, 3.
4 Varrò, Ling., 5, 68 (que nous citons dans le texte retenu par J. Collari, Varron, De
lingua latina, Uvre V, Paris, 1954, p. 44), Sol uel quod ita Sabini, uel quod solus ita lucet,
ut ex eo deo dies sit. Mais la correction Sol ausel de la leçon solauel donnée par le manuscrit F
(codex Laurentianus LI, 10) est retenue par divers savants parmi lesquels G. Wissowa, op. laud.,
p. 315, n. 3; J. Heurgon, Recherches sur l'histoire, la religion et la civilisation de Capoue
préromaine des origines à la deuxième guerre punique, dans BEFAR, 154, Paris, 1942, p. 42,
n. 2; G. Dumézil, op. laud., p. 432.
5 A. Degrassi, Inscriptiones Italiae, 13, 2, Fasti anni numani et iuliani, Rome, 1963,
p. 493 (au témoignage des Fast. Vail, Aug. 8, des Fast. Allif., Aug. 9, et des Fast. Amitern.,
Aug. 9). De ces deux dates, A. Degrassi retient celle du 9 Août. Cf. d'autre part Tacite,
Ann., 15, 74, I, qui mentionne l'existence d'un antique sanctuaire du Soleil (... Soli, cui est
uetus aedes apud circum).
6 G. Wissowa, op. laud., p. 317.
LE CULTE DE «SOL» ET LES « AURELII » 917
7 Quint, I, 7, 12; G. Wissowa, op. laud., p. 316-317; G. Dumézil, op. laud., p. 432.
8 A. Degrassi, op. laud., p. 535-536 (Fast. Amitern., Dec. 11). Les Fast. Maff. portent
la mention AGON(ALIA), les Fast. Praen. la mention AG[ON(ALIA)] et les Fast. Antiat min.
la mention AG (ONALI A).
9 A. von Domaszewski, Abhandlungen zur römischen Religion, Leipzig et Berlin,
1909, p. 173.
10 G. Wissowa, op. laud., p. 317, ri. 3.
11 Id., Gesammelte Abhandlungen, Munich, 1904, p. 232; id., Neue Bruchstücke der
römischen Festkalenders, Hermes, 58, 1923, p. 369-392, p. 371-372.
12 Lyd., Mens., 4, 155, p. 172 W (qui date le sacrifice du Septimontium et cette cérémonie
du 2 Décembre). L'adjectif γενάρχης qualifie également Ήλιος dans le texte, qui nous a été
transmis par Diodore de Sicile (37,10), du serment par lequel le pacte d'amitié conclu en
91 par M. Liuius Drusus avec Q. Pompedius Silo avait été sanctionné.
13 G. Wissowa, Gesammelte..., p. 232; id., Religion..., p. 317, n. 3, approuvé par
Marbach, RE, 3 A 1, s.u. Sol, col. 901-913, col. 903. F. Bömer, Ahnenkult und Ahnenglaube
im alten Rom, Leipzig et Berlin, 1943, p. 60, se refuse à recourir au témoignage de Jean le
Lydien pour interpréter les témoignages épigraphiques relatifs à la solennité du 11 Décembre.
918 JEAN-CLAUDE RICHARD
14 A. Degrassi, op. laud., p. 535-536 (Fast. Ost., Dec. 11). Les deux lectures proposées
de cette abréviation par E. Vetter (Di nouensides, di indigetes, I.F., 62, 1956, p. 1-32, p. 32;
Zum altrömischen Festkalender, Rh.M., 103, 1960, p. 90-94, p. 93: [AGJON(IORUM) IND(ICTIO)
ou [AG]ON(IA) IND(ICUNTUR) ne sont pas convaincantes.
15 K. Latte, Römische Religionsgeschichte, Munich, 1960, p. 44, 73 et 444 (par rapport
auxquelles la p. 213 est en retrait); A. Degrassi, op. laud., p. 365 et 536; A. Alföldi, Early
Rome and the Latins, Ann Arbor, 1965, p. 252-253; G. H. Halsberghe, The cult of Sol Invictus,
Leiden, 1972, p. 27. Cf. également, sur l'antiquité du culte rendu à Sol, E. Gjerstad, Early
Rome V, Lund, 1973, p. 201. Contra, G. Wissowa, Religion..., p. 317, et G. Dumézil, op.
laud., p. 432. Sur le culte de Sol Indiges, cf. encore C. Koch, Gestirnverehrung im alten
Italien. Sol Indiges und der Kreis der Di Indigetes, Francfort, 1933 (ouvrage que nous n'avons
pu consulter); id., Der römische Juppiter, Francfort, 1937, p. 41-42; G. Radke, Die Götter
Altitaliens, Munster, 1965, p. 150.
16 A. Degrassi, op. laud., p. 536. Cf. respectivement les Agonalia du 9 Janvier (p. 393-
394), du 17 Mars (p. 425) et du 21 Mai (p. 460). L'identité de la divinité en l'honneur de
laquelle cette dernière cérémonie était célébrée reste douteuse.
17 Cf. les témoignages rassemblés, p. 916, n. 3.
18 G. Wissowa, Gesammelte..., p. 180; id., Religion..., p. 317. Cf. également, mais avec
des réserves, F. Richter, Ausführliches Lexicon der griechischen und römischen Mythologie
LE CULTE DE «SOL» ET LES « AURELII » 919
herausgegeben von W. H. Roscher, 4, s.w. Sol, col. 1137-1152, col. 1141. Contra, outre C. Koch,
G. K. Galinsky, Sol and the Carmen Saeculare, dans Latom,us, 26, 1967, p. 619-633, p. 626;
G. H. Halsberghe, op. laud., p. 28.
19 Paul. Fest., p. 9L, s.w. Agonium, ... siue quia agonos dicebant montes, Agonia sacri-
ficia, quae fiebant in monte.
20 Cf. sur ce point J. Poucet, L'importance du terme «collis» pour l'étude du dévelop
pement urbain de la Rome archaïque, dans AC, 36, 1967, p. 99-115.
21 Fest., p. 304 L, s.w. Quirinalis collis, Quirinalis collis, qui nunc dicitur, olim Agonus
appellabatur; Paul. Fest., p. 9L, s.w. Agonium, ... Hinc Romae mons Quirinalis Agonus et
Collina porta Agonensis.
22 Denys d'Halicarnasse, A.R., 2, 70, 1.
23 Varrò, Ling., 6, 14.
24 J. Poucet, Les Sabins aux origines de Rome. Orientations et problèmes, Aufstieg und
Niedergang der römischen Welt (désormais cité A.N.R.W.), 1, 1, Berlin et New-York, 1972,
p. 48-135, p. 103; id., Recherches..., p. 51-52; id., Les Sabins aux origines de Rome: légende
ou histoire, dans LEC, 39, 1971, p. 129-151 et 293-310, p. 140-141.
920 JEAN-CLAUDE RICHARD
30 Liv., 9, 29, 9-10; Macr., Sat., 3, 6, 13 (qui ne mentionne pas Ap. Claudius); Vir. ill.,
34, 2-3. Cf. l'analyse faite de cet épisode par J. Bayet, op. laud., p. 2-63-273.
31 Liv., 1, 20, 6, Ceterum quoque omnia publica priuataque sacra pontificis scitis
subiecit (se. Numa Pompilius).
32 Sur la date à laquelle Ti. Coruncanius accéda aux fonctions de grand pontife, cf.
T. R. S. Broughton, M.R.R., I, p. 210. Elle se déduit des événements dont la mention encadre
dans la Perioch. 18 la référence à l'élection de ce personnage (Tib. Coruncanius primus ex
plebe pontifex maximus creatus est). Sur ses efforts pour briser le monopole que les pontifes
s'étaient réservé de la science du droit, cf. Pompon., Dig., I, 2, 2, 35 (Et quidem ex omnibus,
qui scientiam nacti sunt, ante Tiberium Coruncanium publiée professum neminem traditur)
et 38 (Post hos fuit Tiberius Coruncanius.. . qui primus profiteri coepit). Sur ce personnage
et sur sa carrière, cf. F. Münzer, RE, 4, 2, s.u. Coruncanius, nr. 3, col. 1663-1664, et Jörs,
ibid., col. 1664-1665.
33 P. Monteil, Eléments de phonétique et de morphologie du latin, Paris, 1970, p. 60.
34 Liv., 1, 7, 12, ...adhibitis ad ministerium dapemque Potitiis ac Pinariis, quae turn
familiae maxime inclitae ea loca colebant; id., 9, 29, 9-10.
922 JEAN-CLAUDE RICHARD
gens Potitia, les Pinarii35 étaient eux aussi associés, dans un rôle il est
vrai secondaire, aux cérémonies de VAra Maxima. Or les Fastes consulaires
nous apprennent qu'ils jouirent d'une influence certaine à Rome entre
490 et 470 d'une part, dans les années 430 de l'autre36. Le problème se
pose dans les mêmes termes pour les Horatii tenus d'accomplir chaque année
la cérémonie du tigillum sororium et tout-puissants dans VUrbs autour
de 450 37. De plus le choix de M. Horatius Pulvillus38 comme premier
praetor maximus de la libera ciuitas confirme à nos yeux la tradition selon
laquelle, en des temps plus anciens, la gens Horatia avait compté au nombre
des familles influentes39. Tout suggère en effet que les bénéficiaires directs
des événements de 509 se recrutèrent parmi des clans dont les rois étrusques
avaient combattu la volonté de puissance que, forts des privilèges extorqués
à leurs prédécesseurs latino-sabins, ils ne laissaient pas d'afficher.
Dans ces conditions, le parti le plus sage nous semble être de recon
naître dans les Aurelii une famille d'origine sabine dont l'arrivée à Rome
est sans doute antérieure à la fin du VIIe siècle. En effet, même si une
tendance se fait jour parmi les modernes à rejeter l'hypothèse d'une colonisa
tion massive du Quirinal et du Capitole par les Sabins, archéologues et
historiens des initia admettent volontiers la réalité d'un processus continu
35 Liv., 1, 7, 12; Verg., Aen., 8, 269, Et domus Herculei custos Pinaria sacri; Macr.,
Sat, 3, 6, 12-14.
36 P. Pinarius Mamercinus Rufus et L. Pinarius Mamercinus Rufus furent respectivement
consuls en 489 et 472, L. Pinarius Mamercus (?) tr. mil. c.p. en 432, et P. Pinarius censeur
en 430 (T. R. S. Broughton, MRR, 2, p. 600).
37 Des membres de cette famille parvinrent au consulat en 509, 507, 477, 457, 449, et
au tribunat militaire à pouvoir consulaire en 425. Au IVe siècle, elle ne figure dans les Fastes
consulaires qu'à deux reprises, en 386 et en 378 (id., ibid., 2, p. 572).
38 Liv., 7, 3, 8. La figure du praetor maximus est au centre de controverses qui opposent
les historiens de la Rome archaïque: cf. parmi les travaux les plus récents J. Heurgon, Magistrat
ures romaines et étrusques, dans Entretiens sur l'Antiquité Classique, 13, Genève, 1967, p. 99-127,
p. 104-112; A. Momigliano, Praetor maximus e questioni affini, Studi in onore di G. Grosso,
I, Turin, 1968, p. 161-175; A. Magdelain, Praetor maximus et comitiatus maximus, dans Iura, 20,
1969, p. 257-286; A. Guarino, «Praetor maximus», dans Labeo, 15, 1969, p. 199-201.
09 L'épisode des Horaces et des Curiaces a été récemment étudié par L. Deroy (Le combat
légendaire des Horaces et des Curiaces, dans LEC, 41, 1973, p. 197-206, étude dans laquelle ce
savant rattache le thème *hôra à la racine qui apparaît dans le grec χώρα, reconnaissant ainsi
dans les Horatii « les gens de la campagne » et dans leurs adversaires les « citadins ») et par
E. Montanari (II mito degli Horatii e Curiata, R. et C, I, 1972, p. 229-284). Les conclusions
de ces deux articles restent conjecturales, même si certaines propositions du second méritent
de retenir l'attention.
LE CULTE DE « SOL » ET LES « AURELII » 923
d'infiltration qui, dès une date fort ancienne, permit à quelques petits groupes
venus de Sabine de se faire une place dans la ville naissante 40.
Nous tenons d'autre part pour acquis que les Aurelii rendaient au
Soleil un culte gentilice auquel, dans des conditions qui nous échappent,
leur nouvelle patrie reconnut un caractère officiel. L'appartenance à la plèbe
de leurs lointains descendants ne change rien à l'affaire. Il est vrai que
J. Marquardt 41 croyait trouver dans le lemme de Verrius Flaccus la preuve
de l'existence, en des temps reculés, d'une gens Aurelia patricienne, vouée,
comme d'autres, à une exstinction prématurée. Mais cette affirmation découle
d'une vision dualiste de la population romaine primitive, et du dogme selon
lequel la citoyenneté fut initialement le monopole du patriciat dont les
membres se trouvaient seuls qualifiés de ce fait pour assumer la responsab
ilité des sacra publica.
Reste que le postulat d'un dualisme patricio-plébéien aussi ancien que
Rome est aujourd'hui insoutenable42. Si cette constatation suffit à faire
justice de l'hypothèse formulée par J. Marquardt, elle nous interdit également
d'inclure ab origine les Aurelii dans une plèbe qui n'avait pas encore accédé
à l'être. Il est vraisemblable que le patriciat se forma à partir d'un certain
nombre de clans qui, dès l'époque de la monarchie latino-sabine, affirmèrent
envers et contre tous leur vocation à se perpétuer héréditairement parmi
les patres ou sénateurs43. Malgré le privilège qui lui avait été reconnu, la
gens Aurelia ne put, pour des raisons que nous ignorons, trouver place
40 M. Pallottino, Le origini di Roma, dans ArchClass, 12, 1960, p. 1-36, p. 25-26; Id., Fatti
e leggende (moderni) sulla più antica storia di Roma, dans SE, 31, 1963, p. 3-37, p. 17; Id.,
Le origini di Roma: considerazioni critiche sulle scoperte e sulle discussioni più recenti,
dans ANRW, 1, 1, p. 2247, p. 40; H. Müller-Karpe, Zur Stadtwerdung Roms, Heidelberg, 1962,
p. 46; E. Gjerstäd, Legends and facts of early roman history, dans Scripta Minora Regiae Societ.
Human. Litt. Lund., 1960-1961, 2, p. 43; id., Cultural history of early Rome. Summary of
archaeological evidence, AArch, 36, 1965, p. 1-41, p. 4-5; id., Early Rome V, p. 203; J. Poucet,
Les Sabins...: légende..., p. 134.
41 J. Marquardt, Römische Staatsverwaltung, 32, Leipzig, 1885, p. 131, n. 8. Contra,
Klebs, RE, 2, 2, s.u. Aurelius, col. 2431.
42 Nous nous permettons de faire référence sur ce point au chapitre III d'une thèse
de doctorat sur les origines de la plèbe romaine que nous préparons sous la direction de
Monsieur J. Heurgon. Mais cf. déjà les remarques de P. De Francisci, op. laud., p. 776-785.
43 A. Momigliano, An interim report on the origins of Rome, dans JRS, 53, 1963, p. 95-121,
p. 118; J. Heurgon, Rome et la Méditerranée occidentale jusqu'aux guerres puniques, Paris,
1969, p. 200 et 220; E. J. Bickerman, Some reflections on early roman history, dans RFIC, 97,
1969, p. 393-408,p. 406.
924 JEAN-CLAUDE RICHARD
49 Cf. sur ce point G. H. Halsberghe, op. laud., p. 130-162. Sur les Potitii on consultera
encore A. Alföldi, Die Struktur des voretruskischen Römerstaates, Heidelberg, 1974, p. 148-150,
qui, développant une hypothèse qu'il avait déjà formulée dans Zur Struktur des Römerstaates
im 5. Jahrhundert v. Chr. (Les origines de la République Romaine, Entretiens..., 13, p. 225-278),
p. 248-249, reconnaît en eux, mais sans invoquer d'argument décisif à l'appui de cette identi
fication, les Valerli Potitii; sur les Vinarii, id., Oie Struktur..., ibid.; E. Gabba, Considerazioni
sulla tradizione letteraria sulle origini della Repubblica (Les origines de la République...,
p. 135-169), p. 159-160.
AGNES ROUVERET
I - Description
22 F. G. Lo Porto, art. cit.; cf. Strabon, VI 3 1 (278c), sur Tarente: «έχει δε γυμνάσιόν
τε κάλλιστον».
23 A Tarente même, jeux en l'honneur d'Apollon Hyakinthos, cf. G. Giannelli, Culti e
Miti della Magna Grecia, 2e éd. 1963, p. 34. Sur les prix, cf. lebes d'Onomastos de Cumes,
J. Heurgon, Recherches sur l'histoire, la religion et la civilisation de Capoue préromaine,
Paris, 1942, p. 402, 430.
24 Ph. Bruneau, Tombes d'Argos, dans BCH, t. 94, 1970, p. 437 sqq., sur les offrandes, p. 523 sqq.
25 Cf. parallèles ethnologiques fournis par A. Dupront, De l'acculturation, XIIe Congrès
International des Sciences historiques, Vienne, 1965, p. 35 notes 20 et 21.
26 La pratique du sport, la nudité corporelle qui en résulte constituent un trait d'opposi
tion entre les Grecs et les Barbares (au moins pour l'Asie Mineure) ex: Xénophon Hell. Ill, 4-19.
27 Cf. E. Lepore, Atti Tarante I, 1961, p. 267. A Lanuvium, une tombe du début du
Ve s. av. J.-C, découverte en 1934, associe, dans son matériel, des armes d'une richesse extrême
et un disque de bronze où l'on voit incisés, d'un côté, un discobole et, de l'autre, un cavalier.
On ne saurait mieux résumer les rapports de l'athlétisme avec l'idéologie des aristocraties
locales influencées par l'hellénisme. La rencontre entre Ugento et Lanuvium illustre, en outre,
tout comme les tombes étrusques contemporaines, l'existence d'une koinè culturelle, étendue
du nord au sud de l'Italie. Le matériel de la tombe de Lanuvium et sa description ont été
republiés dans Archeologia e Società, II, janv. févr. 1976, p. 45 à 50. Je remercie vivement
C. Ampolo et F. Coarelli de m'avoir indiqué ce parallèle.
932 AGNÈS ROUVERET
2 - La décoration peinte
la plaque B); puis, seul au centre d'une bande haute de 27 cm, un coq
(Fig. 2). La tête et la queue de l'animal sont effacées; ce qui réduit de
beaucoup les possibilités de comparaison. On note cependant la prédomi
nancede la ligne qui définit les contours et les différentes parties de
l'animal, la couleur, sous forme d'à-plats bleus et rouges s'ajoute au dessin.
Pour la technique, le coq d'Ugento s'oppose ainsi aux oiseaux représentés
sur plusieurs tombes de Paestum au IVe s. av. J.-C. 37 et qui sont créés par
la juxtaposition des touches colorées. Les parallèles s'effectuent, au contraire,
avec les coqs de la céramique attique ou chalcidienne de la fin du
6e s. av. J.-C.38, ceux des tablettes de Locres39 ou des monnaies d'Himère40.
Notons, enfin, que le motif des coqs affrontés apparaît sur des trozzelles
décorées de figures noires (brun foncé en l'occurence), en imitation de la
céramique attique de la fin du 6e s. av. J.-C. 41.
Particulièrement remarquable est l'exemplaire du musée de Lecce
qui semble une adaptation locale de la geste d'Hercule: un personnage
armé d'une massue affronte un oiseau (qui semble être un coq), un arbre
les sépare; de l'autre côté, se trouvent deux autres coqs, dessinés dos à
dos42 (Fig. 4).
Les pattes du coq reposent sur une bandelette rouge semblable à
celles des parois latérales, large comme elles de 7 cm, et distante de 13 cm
des bandes d'encadrement.
La plaque Β est plus longue, elle mesure 1,88 m. Après la bordure
rouge, on lit les contours de deux objets suspendus, on peut supposer
3 - Décoration et narration
3.1 - La tombe d'Ugento s'insère dans le cadre plus général de la
peinture apulienne défini par F. Tinè Bertocchi: les peintures à caractère
décoratif l'emportent de loin sur celles qui représentent des scènes figurées 46.
Il peut s'agir de purs motifs ornementaux - ainsi, dans le sarcophage
tarentin découvert Via Nitti47 - ou bien, comme ici, de bandelettes, de
vases, de feuillages, d'oiseaux que l'on peut interpéter comme autant d'of
frandes adressées au mort. On notera, en particulier, que, d'après l'auteur,
la bandelette funéraire est un motif décoratif typique des tombes du Salento
(IV-IIP s. av. J.-C); dans tous les exemples cités, la bandelette orne la
couverture de la tombe48.
3.2 - Cette prédominance de l'élément décoratif dans les peintures
situées à l'intérieur de tombes pourrait définir une aire de diffusion des
influences tarentines en l'opposant à la situation contemporaine d'Etrurie
ou de Paestum. On voit, en effet, grâce à la tombe du Plongeur49, posté
rieure de 10 ou 20 ans au plus à la tombe d'Ugento, l'existence d'un
autre système à composante narrative, mettant en scène des personnages
et lié aux tendances qui s'affirment à la même époque dans la peinture
de coqs, soit dans les textes, soit dans la céramique cf. Ph. Bruneau, Le motif des coqs affrontés
dans l'imagerie attique, dans BCH, 89, 1965, p. 90-121; H. Hoffmann, Hahnenkampf in Athen.
Zur Ikonologie einer attischen Bildformel, dans RA, 1974, 2, p. 195 à 220): ce «fighting spirit»
(J. D. Beazley, The development of Attic Black-figure, 1951, p. 91) s'exprime aussi bien dans la
guerre (ex CVA Tarante fase. II Italia fase. XVIII, III he pi. 1-3) que dans le sport (coq
des amphores panathénaïques); - par ailleurs, le coq est souvent offert aux divinités chthonien-
nes, et le monde laconien apparaît particulièrement attaché à ces cultes. (Sparte mais aussi
Tarente, cf. G. Pugliese Carratelli, Atti Tarante X, 1970, p. 133 sqq. avec bibl. ad loc). On citera,
entre autres exemples, le relief de Chrysapha (c. 540 av. J.-C), cf. J. Charbonneaux, R. Martin, F. Villard,
Grèce Archaïque, Paris, 1968, fig. 183, p. 149 et les tablettes de Locres (c. 470 av. J.-C.) (dont les
rapports avec Sparte, à l'époque archaïque, sont bien connus); cf. également C. M. Stibbe,
// cavaliere laconico, art. cit. C'est pourquoi, nous privilégierions volontiers cette deuxième
possibilité d'interprétation. Un fait certain est l'adoption des coqs par les décorateurs des troz
zelles de la même époque. Or les trozzelles décorées de figures (personnages et animaux) sont
suffisamment peu nombreuses par rapport à la production d'ensemble, pour que la présence
des coqs prenne un relief tout particulier. On rappellera, enfin, en plus de la tombe de
Karaburun, la frise de coqs et de poules de l'Acropole de Xanthos (c. 470 av. J.-C.) qui atteste une
adoption du motif, à peu près contemporaine, dans le monde lycien cf. H. Metzger, Fouilles
de Xanthos, II, l'Acropole lycienne Paris, 1963, p. 73 à 75, pi. XLVIII et L, 1.
46 F. Tinè Bertocchi, La Pittura funeraria apula, Naples, 1964, p. 138 sqq.
47 Ibid., n° 54 du catalogue, pi. Ill a-b et p. 113.
48 Ibid., p. 139 et chap. 6.
49 M. Napoli, La tomba del Tuffatore, Bari, 1970.
LES OISEAUX D'UGENTO 937
50 F. Weege, Oskische Grabmalerei, dans JDAI, t. 24, 1909, p. 99 à 162, t. n° 15 et fig. 4-5;
J. Heurgon, op. cit., p. 422; pour Ruvo F. Tinè Bertocchi, op. cit., p. 34 sqq.
51 Cf. classification et étude des sarcophages dans M. Vaulina, A. Wasowicz, Bois grecs
et romains de l'Ermitage, Wroclaw, Warzawa, Krakov, Gdansk, 1974, p. 36, notes 27-28.
32 En Etrurie et en Lycie (cf. les découvertes récentes de Kizilbel et Karaburun, A] A 1971,
p. 245; 1972, p. 263 à 268; 1973, p. 297 sqq.; 1974, p. 253 et p. 351; EAA supplì 1970,
p. 399 (article de M. J. Mellink); Cl. Rolley, La Peinture Grecque, dans Archeologia, décembre
1975, p. 16 sqq., fig. 19 à 23).
53 Le banquet des tombes étrusques ou lyciennes prend une tout autre valeur et adapte
les formes grecques aux particularités de la société et des rites qu'il dépeint cf. A. Rouveret,
La tombe du Plongeur et les fresques étrusques; témoignages sur la peinture grecque, dans RA,
1974, 1 p. 15 à 32; La peinture dans l'art funéraire: la tombe du Plongeur à Paestum (à
paraître dans les Publications du centre de Recherches d'Histoire et de Philologie de la
IVe section de 1Έ.Ρ.Η.Ε.) avec bibl. ad loc. On constate, par exemple, que les scènes de banquet
disparaissent totalement des peintures lucaniennes du IVe s. av. J.-C. (alors qu'elles se maintien
nent en Etrurie); ceci nous paraît un indice précieux des changements qui se sont opérés dans
l'organisation politique de Paestum après la venue des Lucaniens.
938 AGNÈS ROUVERET
54 Cf. art. cit., note précédente, le point le plus important est le lien du plongeon avec
les rites de passage, cf. R. Ginouvès, BAAANEUTIKH, Recherches sur le bain dans l'Antiquité
grecque, Paris, 1962, p. 124-125; L. Gernet, La notion mythique de la valeur en Grèce repris
dans Anthropologie de la Grèce antique, Paris, 1968, p. 93 sqq.; M. Détienne, Le «Vieux
de la mer» dans Les Maîtres de Vérité dans la Grèce archaïque, Paris, 1973, p. 29 à 50;
P. Vidal-Naquet, Faire de l'Histoire, III, Paris, 1974, Les jeunes, le cru, l'enfant grec et le cuit,
p. 137 sqq.
55 M. Napoli, Atti Tarante IX 1969, p. 181 à 185; id., Paestum, Novara, 1970 pi. 9-10 et 94 à
104; id., La tomba del Tuffatore, Bari, 1970, p. 54 et 211 (bibliographie), p. 56 (carte des
nécropoles); R. Bianchi-Bandinelli-A. Giuliano, Les Etrusques et l'Italie avant Rome, Paris, 1973,
p. 234 à 241, fig. 267 à 275; P. Orlandini, Atti Tarante XI 1971, p. 273 sqq. et pi. 80 à 85.
56 Les tombes ne sont pas conservées dans leur intégralité, on possède une plaque de
la tombe 21 (Musée de Paestum) et deux de la tombe 23 (réserves du Musée).
57 Nous renvoyons a la publication du matériel des tombes établie par Mmt' A. Greco
que nous remercions des précieux renseignements donnés sur les deux tombes. Ils ont pro
fondément orienté la présente recherche.
LES OISEAUX D'UGENTO 939
dessin préparatoire, incisé dans l'enduit, qui définit des espaces réguliers,
cette pratique est extrêmement rare dans les tombes suivantes. D'autre part,
le décor ne met pas en scène de personnages. Une série de bandes, alternées
régulièrement, réservent, au centre, un espace plus vaste destiné à recevoir
la décoration principale: dans la tombe 21, cette dernière consiste en un
arbre où une chouette semble attirer à elle trois oiseaux noirs58 (Fig. 6);
dans la tombe 23, on voit, sur une plaque, une bandelette surmontée d'une
coupe suspendue à un clou; de l'autre, une branche de rosier encadrée
par une coupe et une œnochoè. Le motif des objets suspendus est repris
sur une plaque de la tombe 30, datée de la fin du IVe s. av. J.-C. et sur
la tombe n° 38 du catalogue de F. Weege59 (Fig. 7), tombe pour laquelle
nous n'avons pas d'indication chronologique. On retrouve donc, sur ces
tombeaux, les éléments du décor d'Ugento mais sans le jeu entre les objets
réels et la peinture, l'ensemble est peint.
4.2 - II est intéressant de constater, en comparant les premières tombes
peintes de Paestum avec l'ensemble des monuments dégagés, que l'on
retrouve, à l'intérieur d'une même série, l'opposition entre peinture décorative
et peinture figurée, établie, au début du Ve s. av. J.-C, pour la tombe du
Plongeur et le monument d'Ugento. De fait, il est possible de définir tout
ce qu'un groupe de tombes lucaniennes doit au monde étrusco-campanien
contemporain 60.
58 Cf. texte curieux d'Aristote, Histoire des animaux, IX, 1 (609 a) où sont énumérés
les ennemis de la chouette (la corneille, P« oiseau danseur») puis: «της δ'ήμερας καί τα άλλα
όρνίοια την γλαυκά περιπέταται, ö καλείται οαυμάζειν καί προσπετόμενα τίλλουσιν · διό οι όρνιθουήραι
δηρεΰουσιν αύτη παντοδαπα όρνίοια», cf. M. Détienne, J. P. Vernant, Les ruses de l'intelligence,
la métis des Grecs, Paris, 1974, p. 174. Si l'on accepte cette interprétation, on voit que le
thème de la capture des oiseaux par la chouette trouve des échos dans d'autres scènes r
eprésentées sur les tombes de Paestum: lièvre poursuivi par un chien, (cf. t. 32; t. 1 (1971);
(réserves du Musée), même carton dans une tombe publiée par A. Marzullo, Tombe dipinte
scoperte nel territorio pestano, 1935, pi. D.); et chasse au Cerf (t. 18, 54, 90 (réserves du
Musée, M. Napoli, Paestum, op. cit., n° 101, p. 62)). G. P. Woimant en m'indiquant que la
chouette était utilisée comme appeau par les Anciens, m'a permis de développer cette interpré
tation.La chouette apparaît comme appeau sur une mosaïque romaine d'Oderzo (début du
IIIe s. ap. J.-C.) cf. G. Becatti, Alcune caratteristiche del mosaico policromo in Italia, dans
La mosaïque gréco-romaine II, (Vienne 1971), éd. Paris 1975, p. 187 et note 61, pi. D, 1.
59 T. 30, réserves du Musée, inv. n° 21 411 à 414. T. 38, Weege, op. cit., p. 120, fig. 10-11.
60 Sur les tombes campaniennes outre Weege, op. cit., cf. J. Heurgon, op. cit., p. 422 sqq.,
W. Johannowsky, Atti Tarante XI 1971, p. 375 sqq. Pour un essai de classification des nouvelles
tombes lucaniennes cf. A. Rouveret, L'organisation spatiale des tombes de Paestum, dans
MEFRA, 1975-2, p. 595 à 652.
940 AGNÈS ROUVERET
Des oiseaux d'Ugento à ceux de Paestum, nous sommes passés des con
ventions du dessin archaïque grec à l'affirmation d'une peinture fondée
sur la couleur et la recherche du réalisme. Grâce à la chronologie des
tombes messapienne et lucaniennes qui est établie à partir de leur matériel
et non sur des critères stylistiques, on peut constater que l'artisanat (et de
plus, en pays indigène) reflète très rapidement les changements que l'on
peut reconstituer, parallèlement, en lisant les textes consacrés à la grande
peinture grecque.
Fig. 1 - Décoration intérieure de la tombe d'Ugento. (D'après F. G. Lo Porto, ASMG, 1970-71, pi. XLIV
LES OISEAUX D'UGENTO 943
Si les Lares sont des divinités de vieille souche, qui apparaissent déjà
dans la triple invocation du carmen archaïque des Frères Arvales - E nos,
hases, iuuate - 1, si leur nature de « protecteurs de terroir » - qu'il s'agisse
de Vager Romanus, du fundus familial ou des compita - paraît incontestable 2,
l'expression Lares Grünaues (ou Grundules), elle, n'en reste pas moins
mystérieuse.
Tout en rappelant les textes qui l'attestent de façon sûre, Wissowa
n'hésitait pas à déclarer que cette désignation est restée incompréhensible
aux modernes comme aux anciens3.
Wissowa n'avait fait allusion qu'à une seule tentative moderne d'inter
prétation. Celle-ci avait été développée par G. J. Vossius4: elle consiste dans
le rapprochement de l'adjectif Grundules avec le mot suggrunda (= auvent)
et se fonde sur un texte tardif de l'Africain Fulgentius (Ve siècle), qui affirme
que « les suggrundaria désignaient jadis les sépultures des enfants morts
avant 40 jours » 5. Ces sépultures d'enfants ensevelis sous l'auvent de la
porte des cabanes expliqueraient l'expression Lares Grundules6.
Une variante de cette interprétation a été présentée par Boehm7. Elle
abandonne la référence funéraire et rappelle que la maison est la demeure
du Lar Familiaris; puisque le chéneau du toit correspond à la limite extérieure
de la maison que le Lar domestique ne doit pas franchir, elle propose
d'interpréter les Lares Grundules comme « les esprits demeurant sous le
chéneau » (« die unter der Traufe wohnenden »).
Faut-il encore citer la suggestion plus récente de G. Radke? A vrai
dire, elle n'est guère explicite car elle se borne à englober les Lares Grundules
dans une liste dont la caractéristique commune serait que les diverses
épithètes qui définissent les Lares auraient, toutes, une valeur topographique,
sans autre démonstration particulière 8.
Tous ces essais ne nous avancent guère sur la signification de l'e
xpression. Dans la mesure où ils esquissent une démonstration, ils se fondent
sur un postulat plus que contestable, tout en négligeant les témoignages des
anciens. Rien n'est en effet plus arbitraire que le lien établi entre l'adjectif
Grundules et les substantifs suggrunda et suggrundaria. Si le mot sug-
grunda, qui désigne l'auvent ou l'avant-toit, est bien attesté chez Varron
et chez Vitruve9, il n'en est d'ailleurs pas de même de suggrundarium: ce
terme n'apparaît qu'une seule fois dans la citation d'un dramaturge inconnu
par ailleurs, Rutilius Geminus, qu'a transmise l'Africain Fulgentius à la suite
de sa propre définition du mot10. Il est possible, voire probable, que ces
formations composées dérivent d'un mot simple, grunda, ainsi que le suggèrent
quant sepulchrum; selon Marbach, (RE, s. v. suggrunda, c. 664) au contraire: melius sub-
grundarium misero quaereres quant sepulcrum. (La citation serait empruntée à une tragédie
intitulée Astyanax).
11 Cf. Ernout-Meillet, D.E.4, s. v. grunda; Walde-Hofmann, L.E.W3, s. v. grunda.
12 Cf. Glossarla Latina (Belles Lettres, 1926) II, p. 163: grunda: στέγη καί το ύπερ τον
πυλεώνα εξέχον. - La remarque sur l'étymologie incertaine est de Ernout-Meillet, 1. 1.
13 Tel est également l'avis de Marbach, RE, l. l.
14 Ernout-Meillet (D.E.4, s. v. grundio) aussi bien que Walde-Hofmann (LEW3, s. v.
grundio) signalent la vraisemblance de cette dérivation.
15 La forme ancienne est bien grundire, en face de la forme rajeunie grunnire: cf.
Thesaurus linguae Latinae, s.v. grundio, c. 2338, 1. 58; Manu Leumann, Lateinische Laut -
und Formenlehre (Munich, 1963), p. 169; Ζ. 1.
16 Curieusement l'adjectif Grundilis est omis dans l'ouvrage de Manu Leumann, Die
lateinischen Adjektiva auf -lis (Strassburg, 1917).
17 Cf. L. Cassius Hemina (IIe siècle avant J.-C.) fragm. 11 de l'édition Peter, Hist. Roman,
reliquiae, I, p. 101. - Nonius Marcellus, p. 164 L. - Ces deux textes seront examinés plus loin
pour le fond du problème. - Une variante tardive se trouve chez Arnobe, Aduersus nationes,
I, 28, qui, dans un contexte polémique, cite les Grundulios Lares.
18 Sans doute faut-il admettre une influence du timbre de la voyelle précédente u pour
la naissance du doublet Grundulis, à l'instar des formations scurrilis (forme classique) -
scurrulitas (forme tardive).
950 ROBERT SCHILLING
19 Varron, RR, II, 17-18: «Parere dicunt oportere (scrofam) porcos quot mammas habeat.
Si minus pariât, fructuariam idoneam non esse. Si plures pariât, esse portentum. In quo illud
antiquissimum fuisse scribitur, quod sus Aeneae Lauini triginta porcos peperit albos. Itaque
quod portenderit factum, post tricesimum annum ut Lauinienses condiderint oppidum Albam.
Huius suis ac porcorum etiam nunc uestigia apparent, quod et simulacra eorum ahenea etiam
nunc in publico posita et corpus matris ab sacerdotibus, quod in salsura fuerit, demonstratur ».
20 Dans l'édition H. Keil (Leipzig, 1884), p. 232, le texte et l'apparat critique révèlent
que derrière apparent, les manuscrits portent iamne, écarté par l'éditeur, repris sous la forme
in amne par les ueteres et corrigé en Lauinii par le philologue P. Victorius du XVIe siècle.
- Dans son Commentarius in Varronis rerum rusticarum libros très (Leipzig, 1891), p. 167,
H. Keil ne nie pas la vraisemblance de la conjecture - Lauinii - de Victorius mais il estime
que le iamne provient simplement de la faute du copiste qui a été influencé par le etiamnunc
qui précède et qui suit cette leçon fautive.
- En tout état de cause, les précisions précédentes de Varron {Lauini; Lauinienses)
suffisent pour localiser ces uestigia à Lavinium même.
LES «LARES GRVNDILES » 951
à ses mamelles, alors ce sera l'endroit désigné pour la ville, la fin certaine
de tes épreuves » 21.
Une prédiction analogue se trouve déjà, à quelques variantes près, dans
Y Alexandra de Lycophron (IIIe siècle avant J.-C.) qui s'inspire lui-même de
l'historien Timée de Tauroménion 22. Prédiction est faite qu'Enée « fondera
trente forteresses - chiffre correspondant aux trente porcelets que mettra
bas une truie de couleur sombre, transportée par lui sur son vaisseau depuis
la Troade, et qu'il élèvera dans une cité un monument de bronze représen
tant cette truie et les cochons de lait ».
Nous reprendrons plus loin l'examen des variantes que présente la
version de Lycophron par rapport à la tradition des auteurs latins; relevons
les, en attendant: Lycophron mentionne une truie de couleur sombre « qu'Enée
transportera depuis les sommets du Mont Ida et du pays dardanien ». Sur
ce point, il n'est pas contredit expressément par Varron (sauf, implicitement,
pour la couleur de la truie) mais par Virgile: selon le poète latin, c'est
sur le sol italique qu'Enée trouvera une truie blanche, avec trente porcelets
blancs. La couleur blanche, notée par les deux auteurs latins23, a manifeste
ment la valeur prophétique d'annoncer la fondation future de la Cité Blanche
{Alba). Lycophron qui ne mentionne pas plus Albe que Lavinium n'attribue
attestés à Rome et à Lavinium: cultes de Iuturna; de Castor (et de Pollux); Venus (Venus
Frutis à Lavinium); d'Enée (inscription Lare Aineia, au lieu dit Tor Tignosa, près de Lavinium);
Penates et Vesta. - Depuis cette date, la découverte spectaculaire d'une tombe archaïque et
d'un heroon à Lavinium a jeté une lumière nouvelle sur le culte d'Enée: cf. P. Sommella,
Heroon di Enea a Lavinium, Recenti scavi a Pratica di Mare, Rend. Pont. Accad. Rom. di
archeol., 44, 1971-1972, pp. 47-74. Cf. aussi M. Guarducci, Enea e Vesta, dans Rom. Mitt., 78,
1971, pp. 73-89.
27 Cf. Lycophron, Alex., 1256 s. (Texte cité dans la note 22); Varron, LL, V, 144:
«Haec (= sus) e naui Aeneae cum fugisset Lauinium, triginta parit porcos». L'allusion trop
brève «sus Aeneae» de RR, II, 18 (voir le texte cité en note 19) ne serait pas décisive,
à elle seule.
28 Cf. Virgile, Ae, VIII, 41-45; 81-85 - Denys d'Halicarnasse, I, 55,4.
29 Cf. Virgile, Ae., III, 389-393 (voir le passage cité en note 21); VIII, 42-45:
« Iamque tibi, ne uana putes haec fingere somnum,
litoreis ingens inuenta sub ilicibus sus
triginta capitum fetus enixa iacebit,
alba, solo recubans, albi circum ubera nati».
(L'interlocuteur d'Enée est le deus Tiberinus).
30 Cf. Denys d'Halicarnasse, I, 56, 3.
954 ROBERT SCHILLING
alba nominatimi. Haec e naui Aeneae cum fugisset Lauinium, triginta parit porcos; ex hoc
prodigio post Lauinium conditum annis triginta haec urbs facta, propter colorem suis et loci
naturam Alba Longa dicta. Hinc mater Romuli Rhea, ex hac Romulus, hinc Roma». (C'est
précisément à Varron que J. Perret, Les origines de la légende troyenne de Rome (Paris, 1942),
pp. 326, s.) attribue l'innovation de l'interprétation chronologique du nombre des porcelets) -
Virgile, Ae., VIII, 47-48 (le dieu du Tibre, interpellant Enée, par les vers cités dans la note 29,
poursuit de la façon suivante):
« Ex quo ter dénis urbem redeuntibus annis
Ascanius clari condet cognominis Albam». - Tite-Live, I, 3, 4. - Denys d'Halicarnasse,
I, 56, 4. - Juvénal, XII, 70-73.
35 Virgile, Ae., VIII, 81-85:
« Ecce autem, subitum atque oculis mirabile monstrum,
candida per siluam cum fétu concolor albo
procubuit uiridique in litore conspicitur sus;
quam pius Aeneas tibi enim, tibi maxuma Iuno,
mactat sacra ferens et cum grege sistit ad aram ».
36 Denys d'Halicarnasse, I, 57,1: Αινείας δε της μεν ύος τον τόκον αμα τη γειναμενη τοις
πατρώοις άγίζει ϋεοΐς εν τω χωρίω τωδ', ου νυν εστίν ή καλιάς, καί αυτήν οι Λαουινιάται τοις
άλλοις αβατον φυλάττοντες ίεραν νομίζουσι. - Sur l'identification de ces πατρώοι ΰεοί avec les
di Penates et sur le sacrifice accompli par Enée, cf. St. Weinstock, JRS, L, 1960, pp. 56-58,
The sacrifice of Aeneas.
956 ROBERT SCHILLING
du sacrifice célébré par Enée37. Dans l'un et l'autre cas, la référence à une
divinité reconnue du panthéon romain ne saurait laisser de doute.
C'est dans une direction bien différente que nous oriente le témoignage
de Cassius Hemina38: non seulement il n'est pas question d'un sacrifice de la
truie et de ses petits, mais un sanctuaire (fanum) est élevé en l'honneur
des Lares Grünaues, à l'exclusion de tout autre dieu. Qui peuvent être ces
Lares « grognons », sinon les porcins prophétiques qui ont été élevés, en
vertu d'une sorte de sublimation sanctifiante, au rang de protecteurs de la
mission confiée à Enée? Dès lors, faudrait-il conclure à une discordance
radicale entre les temps archaïques et l'époque classique? Aurions-nous affaire
pour les temps archaïques à une forme de « thériolatrie » 39 qui serait un
cas unique à Rome?
Les choses sont peut-être plus complexes qu'il ne paraît au premier
abord. Déjà le caractère familier de l'épithète cultuelle devrait nous mettre
en garde contre une interprétation aussi systématique. Dérivé d'un verbe
expressif de la langue de tous les jours40, l'adjectif Grundilis n'a rien d'une
appellation officielle. Par ailleurs, le caractère populaire de la vénération
vouée à la truie et aux porcelets de Lavinium ne fait aucun doute: un
monument en bronze les expose, sur une place publique, à la curiosité
de la foule, pendant que les prêtres n'hésitent pas à montrer aux pèlerins
- au temps de Varron - le corps de la truie qui, depuis des siècles, « se
serait conservé dans la saumure » 41. Il s'agit incontestablement d'une dévo
tionfolklorique qui expliquerait qu'on ait pu gratifier, dans le langage courant,
ces « grognons » qui ont joué un rôle décisif dans une « histoire merveil
leuse », du rôle protecteur des Lares. D'une manière parallèle, Romulus et
Rémus ne bénéficieront-ils pas, eux aussi, sur le futur site de Rome, de
la protection miraculeuse . . . d'une louve?
37 J. Carcopino, Virgile et les origines d'Ostie, pp. 719 s. conclut en faveur de Junon,
tandis que St. Weinstock, /. /., p. 56 et note 133, revendique le sacrifice en l'honneur des Pénates.
38 Cf. le texte cité dans la note 24.
39 A. Alföldi {Early Rome..., p. 277 et note 2) penche dans ce sens, en se référant
au « parallèle » des « dogs and the dogskin clothes of the Lares praestites » (cf. Ovide, F., V,
137-138; Plutarque, Q.R., 51). - Mais cf. l'argumentation de F. Borner, dans son Kommentar
(d'Ovide, F., V, 137), p. 301, à rencontre des partisans de l'identification originelle des Lares
praestites avec des chiens.
40 Grundire est rapproché de verbes expressifs du registre familier, tels que garrire,
gannire, gingrire: cf. Ernout-Meillet, D.E.4, s.v. garrio.
41 Cf. les textes de Varron, RR., II, 18 (cité en note 19) et de Lycophron (cité en note 22).
LES « LARES GRVNDILES » 957
Dès lors, une solution se dessine, dans la mesure où le cas des Lares
Grünaues s'inscrit dans le contexte général des parallélismes que l'histoire
relève entre Lavinium et Rome. Truie et porcelets qui interviennent au
premier stade de la légende des origines de Lavinium, se sont prêtés à une
vaste exploitation populaire du thème, tout comme la louve romaine. En
ce sens, on peut se demander si l'intervention ultérieure de la louve et de
l'aigle, lors de la construction de Lavinium, ne répond pas à une exigence
supplémentaire de symétrie, comme si la louve et l'oiseau (aigle à Lavinium;
pivert à Rome) devaient se retrouver sur les deux tableaux.
Peut-être sommes-nous à même de lever maintenant les difficultés
qui résultent de certaines discordances de nos sources. Nous avons vu que
les auteurs de l'époque classique (Virgile et Denys d'Halicarnasse) 47
n'hésitent pas à faire sacrifier la truie miraculeuse et ses petits par Enée,
römischen Welt, I, 4, Vulca, Rom und die Wölfin, en particulier pp. 557 s. - A propos des
statues de bronze de la louve et des jumeaux, érigées près du figuier Ruminai en 295 avant J.-C,
cf. Tite-Live, X, 23, 12: «... et ad ficum Ruminalem simulacra infantium conditorum urbis
sub uberibus lupae posuerunt (Cn. et Q. Ogulnii aediles curules) ».
45 Cf. Denys d'Halicarnasse I, 59,4: (λέγεται)... λύκον μεν κομίζοντα τφ στόματι της ξηράς
ϋλης επιβάλλειν επί το πΰρ . .
.
une simple fiction littéraire pour devenir une réalité religieuse 52, était tout
désigné à Lavinium pour occuper la place homologue des Lares romains.
Cependant, le prestigieux ancêtre des Romains-Enéades n'a pas
porté ombrage aux humbles compagnons que la légende avait associés à son
aventure. De même que Romulus déifié sous les traits de Quirinus n'a
pas porté atteinte à la légende de la louve romaine, de même Pater Aeneas,
divinisé par la vénération officielle de l'Etat romain, n'a pas fait oublier
la truie miraculeuse et ses petits que le langage familier avait gratifiés du
nom de Lares Grünaues et qui continuaient à être exposés, sur une place
publique de Lavinium, à la curiosité attendrie de la foule des pèlerins.
*
*
Un discorso come quello fatto (ma sarebbe più giusto dire accennato),
pur essendo ancorato a certe testimonianze concrete e a suggestioni non
del tutto prive di verosimiglianza, potrà sembrare semplicistico e meccanico
e forse anche « astratto » o, quanto meno, teorico. Per giunta se si volesse
interpretare con un valore per così dire progressivo, come un'indicazione
dello sviluppo per tappe successive di uno schema planimetrico-architettonico,
dal tipo più semplice a quello più complesso, esso urterebbe contro una
grossa difficoltà di carattere cronologico. Infatti tutti gli edifici chiamati in
causa nella esemplificazione si presentano, come è noto, pressoché contempor
anei, databili come sono nel corso del secolo VI a.C. Non solo, ma il comp
lesso di Murlo (cui si dovrebbe pensare come alla tappa finale del processo)
potrebbe essere persino più antico di quello di Acquarossa e la Regia di
Roma (che dovrebbe precedere l'esempio di Acquarossa) più recente di tutti.
È bene allora precisare a chiare lettere come - a parte il fatto che
sulle datazioni c'è ancora da approfondire, soprattutto in relazione alle fasi
più antiche e originarie dei diversi complessi e che è sempre possibile pen
sare a fenomeni di conservazione e di persistenza in successive fasi di rico
struzione e di adattamento 19 - allo stato attuale delle nostre conoscenze,
Vestali le cui fasi più antiche sono testimoniate, come è noto, da strutture murarie giacenti
sotto le costruzioni di età imperiale che hanno, a differenza di queste, il medesimo orientamento
della Regia e del vicus Vestae che attraversa tutto il complesso. Sempre a proposito della Regia
- e dei contatti tra il mondo etrusco-italico e quello greco - è il caso di ricordare la significativa
strettissima somiglianzà planimetrica di essa con l'edificio, di età pisistratide, del Pritaneo di
Atene (v. C. Ampolo, in La Parola del Passato, 1971, p. 442 segg.).
19 Come potrebbe essere nel caso della Regia di Roma se, come ricorda il Colonna
(op. cit. alla nota 16) p. 91, essa imitava i «palazzi» dei re costruiti sulla Velia e se fra questi
si può risalire, secondo le fonti, fino a quello di Tulio Ostilio.
968 ROMOLO A. STACCIOLI
quel discorso, se è vero che non può essere svolto in senso diacronico, può
però avere un valore in linea di principio e in senso che si potrebbe definire
« concettuale ». Per cui le « tappe » indicate, ο forse soltanto adombrate,
se non possono essere collocate nel tempo, lo possono essere invece nella
logica. E ciò, almeno come tentativo di organizzare con gli scarsi elementi
a disposizione, ma utilizzandoli tutti coerentemente, una possibile linea di
ricerca e di approfondimento che magari soltanto future auspicabili scoperte
potranno ulteriormente chiarire e sviluppare o, al limite, sovvertire e annullare.
A proposito dei possibili approfondimenti, è forse interessante fin da
ora rilevare come, anche nell'ambito di quella che sembra una « contempor
aneità » di fatto, il complesso di Murlo si presenti più organicamente defi
nito e completo di quello di Acquarossa, pur potendo aver assolto a fun
zioni sostanzialmente analoghe, forse in relazione alle esigenze di una
maggiore « concentrazione » di quelle stesse funzioni richiesta dal fatto di
non essere esso inserito in una struttura di tipo urbano, come è nel caso
di Acquarossa, ma isolato e a se stante (nel senso della « residenza-castello »
del Cristofani) mentre ad Acquarossa il blocco degli edifici Α-D poteva
essere completato con funzioni complementari dagli edifici E - F, separati
ma collegati al nucleo principale, all'interno di un « piano » urbanistico più
dilatato ed aperto.
* *
* Cet article est le fruit d'une visite faite à Tivissa en octobre 1972 dans le cadre d'une
mission de 1Ί.Α.Μ. (CNRS, Aix-en-Provence). Les résultats exposés ont été obtenus grâce à
l'accueil exceptionnellement chaleureux et efficace du Dr. Vilaseca à Reus et de M. Adolfo Bruii
à Tivissa. Qu'ils veuillent bien trouver ici l'expression de mes plus vifs remerciements.
1 F. Màrius Bru i Borràs, Fulls d'història de la vila de Tivissa i del seu tenitori antic,
Tivissa, 1955, p. 76-77. Je ne connaissais pas ce travail quand j'ai étudié l'estampille TIBISI
et donné quelques indications souvent dubitatives sur la production de l'atelier de Tivissa dans
un article intitulé Les amphores vinaires de Tarraconaise et leur exportation au début de
l'Empire dans AE Arq., 1971, XLIV, p. 38-85.
974 ANDRÉ TCHERNIA
* *
9 Note sur le matériel recueilli dans la fouille d'un atelier d'amphores à Velaux (B. du R.)
(en collaboration avec J.-P. Villa) dans Actes du colloque international du CNRS «Méthodes
classiques et méthodes formelles dans l'étude typologique des amphores», Rome, 27-29 mai 1974,
(à paraître dans la Collection de l'Ecole Française de Rome).
L'ATELIER D'AMPHORES DE TIVISSA ET LA MARQUE « SEX DOMITI > 977
Fig. 1.
Fig. 2.
978 ANDRE TCHERNIA
' I
Iι Fig.
7 3 - Nos 2 et 3: timbres SEX. DOMITI; Nos 6Ι. etΑ.7:Μ.timbres TIBISI.
J.Lenne
10 cm
L'ATELIER D'AMPHORES DE TIVISSA ET LA MARQUE « SEX DOMITI 979
;
0 10cm
ι
Ιι
I.A.M.
Fig. 4.
JEAN-PAUL THUILLIER
Le lébès Barone, qui doit son nom à l'antiquaire Raffaele Barone, est
sans conteste le vase de bronze le plus célèbre de Capoue. Et tout naturel
lement, M. J. Heurgon lui a consacré plusieurs pages de sa thèse 1. Mais,
bien que le chaudron soit régulièrement cité dans différentes études portant
sur Capoue, il est étrange qu'il n'ait pas encore fait l'objet d'une publication
exhaustive2; il est vrai que celle-ci est prévue depuis quelques années dans
la série Capua Preromana3.
Que ces lébès exécutés à la fin du VIe ou au début du Ve s. selon
les cas aient subi des influences venues d'Italie Centrale est un fait reconnu
par l'ensemble des spécialistes. Ainsi, W. Johannowsky, qui les place, avec
la céramique à figures noires étudiée par F. Badoni, dans la phase VI de
l'histoire des nécropoles, peut-il écrire: «... anche i bronzi di questo periodo,
la cui qualità è in parte relativamente buona, rientrano decisivamente nella
cultura artistica etrusca » 4. M. J. Heurgon, pour sa part, s'était tout
spécialement intéressé au motif central ornant le couvercle du lébès Barone;
et c'est incontestablement les antéfixes de Satricum qu'il fallait rechercher
comme prototype du couple formé par le Silène et la Mènade5. Nous
voudrions, quant à nous, étudier plus en détail la frise gravée sur la panse
du lébès: si l'on fait exception de l'épisode mythologique mettant en scène
1 P. 397-414.
2 S. Haynes, Etruscan bronze utensils, Londres, 1965, p. 16-8, fig. 1; F. Parise Badoni,
Ceramica campana a figure nere, Florence, 1968, p. 147 sq.; Β. d'Agostino, II mondo periferico
della Magna Grecia dans Popoli e Civiltà dell'Italia antica, Rome, 1974, 2, p. 199 (pi. 77).
3 Bronzi ed altri oggetti minori a cura di W. Johannowsky e C. de Theo (Studi e mat
eriali dell'Istituto di Etruscologia e Antichità Italiche dell'Università di Roma).
4 EAA, supplementa, art. Capua, p. 182.
5 P. 412.
982 JEAN-PAUL THUILLIER
ronde 10. Citons enfin les fresques de la Tombe des Olympiades qui peuvent
maintenant servir de référence: pendant que le deuxième et le troisième chars
sont à la lutte, le premier aurige se retourne, sans doute pour s'assurer de
sa victoire, de la même façon que l'aurige de tête du lébès Barone n.
D'une façon générale, on constate que les courses de chars grecques,
qu'il s'agisse de peintures de vases corinthiens ou attiques, sont marquées
par une très grande régularité du motif12. Ainsi, sur le Vase François, les
auriges sont-ils tous placés à la hauteur des chevaux qui suivent 13: il n'y a
aucune irrégularité, aucune dissymétrie dans le traitement du motif. Il est
très rare, en revanche, de voir une course mouvementée, comme sur l'amphore
tyrrhénienne de Florence illustrant une nouvelle fois le départ d'Amphiaraos 14.
Là, on peut en effet apercevoir un cheval renversé à terre, un char brisé
et d'autres chevaux qui se cabrent en atteignant le but symbolisé par une
lourde colonne dorique. Mais les peintures de cette nature, toutes relevées
par R. C. Bronson, peuvent se compter sur les doigts de la main 15; c'est
au contraire un motif presque obligé des représentations étrusques et par
exemple, le schéma de l'aurige qui se retourne apparaît encore au milieu
du Ve s. sur des bas-reliefs de Chiusi 16.
C'est non seulement la disposition d'ensemble mais ce sont aussi les
chars eux-mêmes et la technique de l'aurige qui nous conduisent à une
conclusion semblable. Nous constatons que le lébès Barone présente une
course de biges: bien entendu, ce char était connu des Grecs et il est même
représenté, dès avant le milieu du deuxième millénaire, sur des stèles
mycéniennes 17. Les héros de l'Iliade ne semblent pas avoir connu un autre
type d'attelage, en tout cas pour la course 18; et c'est encore le bige qui
est préféré par le Géométrique récent et les peintres protoattiques. Mais,
dès la fin du VIIIe s., le quadrige commence à faire son apparition et au
VIe s. il submerge complètement le bige qui disparaît pour ainsi dire des
représentations. Il est évident que les courses de biges existaient encore à
cette époque, comme le montrent des listes de vainqueurs et certaines
amphores panathénaïques mais les peintres ont délibérément préféré le
quadrige: après tout, ce choix sera aussi celui des artistes romains qui ont
systématiquement représenté des courses de quadriges 19. Or, en Etrurie, la
situation est claire: à n'examiner que les scènes de jeux, on pourrait croire
que le quadrige y était inconnu; seuls, le bige et, dans une moindre pro
portion, le trige, sont représentés. R. C. Bronson fait remarquer, avec beaucoup
de justesse, que même le peintre d'Amphiaraos, qui est pourtant très hellénisé,
ne va pas jusqu'à imiter les quadriges de son modèle corinthien20. C'est
une course de biges qu'il a peinte sur le vase et c'est aussi ce char que
montreront les fresques funéraires de Tarquinia et Chiusi: on connaît
d'ailleurs la Tombe des Biges, au nom révélateur. Une terre cuite de Velletri
pourrait ici être choisie comme modèle puisqu'on peut y voir, dans une
course, et non sans surprise, un trige suivi de plusieurs biges21.
Le type du char constitue aussi une indication. Autant qu'on puisse
en juger, c'est le type « ionien » qui est représenté ici: on notera en par
ticulier que les roues ont un nombre de rayons supérieur à quatre. Plus
exactement, on constate encore une fois que c'est l'irrégularité qui prime:
certains des chars ont des roues de quatre rayons, d'autres de cinq. Il en
est de même pour les chars de la Tomba del Colle qui ont des roues de
huit, six et cinq rayons; et c'est aussi la diversité que l'on remarque, à
propos de ce point, sur les fresques de la Tombe des Olympiades. Ce que
l'on sent bien, c'est que les artistes étrusques, dans ces différents exemples, ont
voulu montrer que les roues avaient beaucoup de rayons mais, avec désin
volture, ils en ont représenté un certain nombre, au petit hasard. Ce char
s'oppose, en tout cas, au type « continental » qui a « une caisse basse, une
rampe ajourée dont la partie antérieure est plus haute que les parties laté
rales . . . Les roues ont quatre rayons » 22. Or, c'est ce char qui est presque
exclusivement utilisé, en Grèce même, dès la fin du VIIIe s. Ainsi, le choix
du type ionien, comme celui de l'attelage à deux chevaux rapprochent-ils
le lébès Barone de la production étrusque contemporaine.
Mais le point le plus frappant dans cette démonstration que nous
menons est peut-être la relation de l'aurige à l'attelage, autrement dit le mode
d'utilisation des rênes. On constate en effet que les rênes sont nouées autour
de la taille de l'aurige: celui-ci ne se contente pas de les tenir dans les
mains, ainsi que le fait par exemple l'Aurige de Delphes. Or, pratiquement
toutes les courses de chars étrusques présentent cette particularité: l'exemple
le plus net est sans doute là encore celui de la Tombe des Olympiades,
où les cochers sont affublés d'un nœud dans le dos, absolument démesuré
d'ailleurs. Il s'agit d'une technique qui n'est pas inconnue en Egypte où
elle était utilisée pour la chasse ou la guerre: cette façon de placer les rênes
a le mérite de laisser les mains libres et l'on peut ainsi plus facilement
lancer le javelot, par exemple, de son char23. Mais ce sont les Etrusques
qui ont adapté cette techique à la course de chars, la transmettant ensuite
aux cochers romains. Ce procédé permet évidemment à l'aurige de ne jamais
perdre les rênes; en revanche, il entraîne un risque considérable dont on
mesure les conséquences sur plusieurs représentations et en particulier, une fois
de plus, sur les fresques de la Tombe des Olympiades: le cocher pouvait
être ligoté dans les rênes et accomplir ainsi une fantastique cabriole. Ce
risque, les auriges romains le connaissaient bien, qui glissaient dans les
lanières leur encerclant la poitrine et la taille un couteau afin de se libérer
du piège formé par les rênes en cas d'accident24.
Venons enfin à l'équipement des auriges qui doit aussi être relevé. Tous
les cochers du bronze de Capoue portent un chiton court et sans ceinture,
qui arrive juste à la hauteur des cuisses. Or, c'est bien là aussi le costume
traditionnel des Etrusques qui s'oppose nettement à celui des Grecs: il suffit
de penser à l'Aurige de Delphes vêtu d'une longue tunique blanche, qui lui
descend jusqu'aux chevilles25. On notera d'autre part que les cochers
capouans sont affublés d'un couvre-chef apparemment rond, qui leur en
veloppe toute la tête et qui présente surtout la particularité d'être muni
de protège-oreilles. Si les auriges grecs sont, quant à eux, toujours représentés
tête nue, leurs collègues étrusques portent à plusieurs reprises un chapeau
haut et pointu, une sorte de « tutulus » 26. Un des auriges de la Tombe des
Olympiades porte ce que l'on pourrait appeler une bombe, en pensant à
l'équipement de nos cavaliers modernes. Et surtout, différents documents
étrusques nous montrent des cochers coiffés d'une sorte de casque à oreilles,
très proche de celui que l'on peut voir sur le lébès Barone: c'est le cas de
terres cuites de Velletri et de fragments de céramique à figures noires27.
Signalons, pour terminer, le court fouet tenu par le cocher de tête ainsi
que par celui qui est situé en troisième position: cet instrument est lui
aussi utilisé par tous les auriges étrusques et s'oppose nettement à la longue
baguette dont se munissent les auriges grecs, traditionnellement. En définitive,
à s'en tenir à la seule course de chars, la réunion de ces différents él
éments constitue un faisceau de preuves suffisamment important pour que
ne soit pas discutable le caractère étrusque de la représentation.
La scène du pugilat qui suit est tout aussi révélatrice: la présence
d'un flûtiste accompagnant le combat du son de son instrument est un
indice qui ne trompe pas28. Mais une deuxième scène de boxe suscite des
25 Cf. Aristophane, Nuées, v. 69-70: "Οταν συ μέγας ών αρμ' έλαύνης προς πόλιν ώσπηρ
Μεγακλέης ξυστίδ' έχων.
26 C'est le cas en particulier sur les fresques de la Tomba del Colle: R. Bianchi-Bandinelli,
Clusium. Le pitture delle tombe arcaiche, Rome, 1939, pi. D, et 7. Contrairement à l'inte
rprétation trop moderniste de R. C. Bronson, art. cit., p. 96, le bandeau noué autour du front
de l'Aurige n'a pas pour but d'empêcher les cheveux de lui tomber dans les yeux pendant
la course: il s'agit en fait de la taenia, insigne du vainqueur, qu'il vient de ceindre après
son arrivée (M. Chamoux, L'Aurige dans Fouilles de Delphes, 4, 5, Paris, 1955, p. 53).
27 R. C. Bronson, ibid., p. 96, pi. 25 d.
28 Nous renvoyons ici, pour toutes les références, à notre article des MEFRA, 86, 1974,
1, p. 71-74. La seule exception réelle en Grèce est fournie par le coffre de Cypselos, où l'on
pouvait effectivement voir, selon Pausanias, un aulète placé entre les deux pugilistes. J. G. Frazer,
LA FRISE GRAVÉE DU LÉBÈS BARONE DE CAPOUE 987
op. cit., p. 600 sq. Fait d'ailleurs révélateur de l'étrangeté de cette coutume pour un Grec,
Pausanias éprouve le besoin de préciser que cela se fait désormais de son temps pour les
concurrents qui sautent en longueur dans le pentathlon (5, 17, 10).
29 Pourrait-il s'agir d'une scène de pancrace? Rien ne permet de l'affirmer ni d'ailleurs
de le nier absolument; quoi qu'il en soit, les conclusions que nous pourrions en tirer ne seraient
guère différentes: le pancrace n'est jamais représenté en Etrurie sauf peut-être sur les fresques
de la Tombe des Biges et l'on connaît le caractère en partie hellénique de celles-ci.
30 J. D. Beazley, EVP, Oxford, 1947, pi. 2, 2 a. cf. aussi la Tombe du Guerrier: M. Moretti,
Nuovi monumenti della pittura etrusca, Milan, 1965, p. 95, pi. 98, 9.
31 EVP, ibid.
988 JEAN-PAUL THUILLIER
32 E. N. Gardiner, Wrestling dans JHS, 25, 1905, p. 272 sq. Et on en trouve l'illustration
aussi bien sur des vases grecs {ibid., fig. 12) que sur un miroir étrusque (Gerhard-Körte, ES,
5, 224: il s'agit du célèbre miroir du Vatican représentant la lutte de Pelée et Atalante).
33 J. Heurgon, p. 410-11.
34 Herclé, Paris, 1926, p. 99-100: «ce vase est de fabrique indéterminée».
35 J. G. Winter, The myth of Hercules at Rome dans Univ. of Michigan Studies, 4, 1910,
p. 171 sq. En tout cas, aucune représentation grecque du mythe ne peut être indiquée avec
certitude, malgré P. Gardner dans JHS, 13, 1892-3, p. 70 sq.
36 J. Bayet, ibid., p. 100.
LA FRISE GRAVÉE DU LÉBÈS BARONE DE CAPOUE 989
37 Cf. G. Dumézil, La religion romaine archaïque, Paris, 1966, p. 57, n. 1, qui met en
doute l'existence d'un couple Cacus-Caca: «... il n'y a couple que pour des divinités régentes
de la sexualité (Liber -Libera) ou fortement engagées dans la sexualité (Faunus-Fauna) ».
38 ES, V, p. 166-172, pi. 127.
39 Cf. la date proposée par M. Cristofani pour la Tombe François de Vulci dans Dialoghi
di Archeologia, 1, 2, 1967, p. 186 sq. Voir aussi J. Heurgon, La coupe d'Aulus Vibenna
dans Mélanges J. Carcopino, Paris, 1966, p. 515-528.
40 Solin, 1, 8. Cf. J. Bayet, Les origines de l'Hercule romain, Paris, 1926, p. 214 sq.
ETIENNE TIFFOU
Le caractère légendaire des récits sur les origines de Rome était manifeste
dès l'Antiquité. Les réserves de Tite-Live au début du livre I sont éclairantes \
G. Dumézil, pour sa part, fait très justement remarquer que ces contes
présentent: « non pas des mythes fabuleux, ni même des récits épiques en
ordre dispersé, mais une histoire des origines, un récit continu et plausible
du type que . . . nous appelons historique » 2. Mais l'effort pour présenter de
façon organisée les premiers temps de Rome n'a pas éliminé le vieil héritage
indo-européen. On sait les brillantes études que G. Dumézil a menées. Il
ne saurait être question pour nous de les contester, mais seulement d'ap
porter quelques précisions sur le personnage de Romulus. Si celles-ci méritent
d'être retenues, loin de mettre en cause l'analyse dumézilienne, elles doivent
permettre de la pousser plus loin sur le point qui nous préoccupe.
Le personnage de Romulus est ambigu. Contrairement à son successeur
Numa, bon et sage, il est capable du meilleur comme du pire. Avec son
frère Rémus, il se livre à des brigandages3, il est possédé de la regni cupido
et, si l'on en croit Plutarque4, parvenu au faîte de la puissance, il exercera
un tel abus d'autorité que les Sénateurs n'hésiteront pas à le faire périr.
Les historiens, sans dire qu'il ait trempé dans la mort de Tatius, laissent
planer un doute à ce sujet5. Mais il y a plus grave encore, on soupçonne
le héros d'avoir truqué les auspices pour s'assurer le pouvoir6; il tue son
propre frère pour être seul à régner7, et n'hésite pas contre les droits de
l'hospitalité à enlever les Sabines8 en fraudant avec la religion elle-même9.
La ville qu'il a fondée, il la peuple de citoyens peu édifiants en assurant
aux délinquants droit d'asile. Lorsqu'il cherchera pour eux des compagnes
honorables, il se verra invité par dérision à trouver des femmes aussi peu
recommandables 10. Romulus est donc un aventurier qui s'est fait lui-même.
Il a fondé une grande partie de sa réussite sur la violence guerrière n. Sa
figure est donc celle d'un personnage inquiétant, violent et ambitieux auquel
il est incertain de se fier.
Mais ce personnage peut être interprété de façon favorable. Ses origines
sont merveilleuses puisqu'il est non seulement de sang royal, mais fils du
dieu Mars 12. Sauvés des eaux, son frère et lui-même sont allaités par une
louve 13. Ces faits extraordinaires témoignent qu'il est protégé des dieux.
Cette protection apparaît clairement avec la prise d'auspice: c'est confo
rmément à leur volonté que Romulus fondera Rome. Cet appui se manifeste
clairement au moins une fois encore, lorsque l'invocation à Jupiter le sauve
d'une défaite certaine à laquelle le condamnait la bravoure de Mettius
Curtius w. Au reste, s'il lui est arrivé de frauder avec la religion, il sait
aussi se montrer respectueux à son endroit. Après sa victoire sur le peuple
caeninien, il ramène les dépouilles du chef ennemi tué de sa main et les
dépose au pied du chêne sacré des bergers et fonde un temple consacré
6 On connaît les problèmes d'interprétation soulevés par cette prise d'auspices. Au livre I
des Annales d'Ennius, fr. Ern. 43-62, il apparaît que Rémus est le premier à apercevoir un
présage favorable; il n'en reste pas moins que la royauté revient à Romulus. Il s'agit sûrement
dans ce passage d'auspicia impetrativa. On consultera à ce sujet J. Heurgon: Ennius, Annales,
Traduction et commentaire, Paris, 1960, p. 42-3. Mais dans Tite-Live, I, 7, 1-2, il ressort que
l'arrêt des auspices n'est pas accepté de façon sereine. C'est encore une fois la violence qui
décidera.
7 Cf. Tite-Live, ibid., 2-3 et Plutarque, R., 9, 9 et 10, 1-2.
8 Cf. Tite-Live, I, 9 et Plutarque, R., 14-15.
9 En effet Plutarque (ibid., 14, 3-5) note que Romulus inventa le dieu Consus pour tendre
un traquenard à l'occasion de sa fête.
10 Tite-Live, I, 9, 6.
11 Cf. également ses campagnes contre les Fidénates (ibid., 14, 4-11, Plutarque, R., 23, 6-7)
et les citoyens de Véies (Tite-Live, I, 15, Plutarque, R., 25, 2-7).
12 Ennius, Annales, I fr. Ern., 20-36; Tite-Live, I, 4, 2; Plutarque, R., 4, 2.
13 Ennius, Annales, I, 40-2; Tite-Live, I, IV, 6; Plutarque, R., 4, 2.
14 C'est à cette occasion que Romulus invoque Jupiter en lui donnant l'appellation de
Stator. Sur cet épisode cf. Tite-Live, I, 12 et Plutarque, R., 18, 8-9.
NOTES SUR LE PERSONNAGE DE ROMULUS 993
à Jupiter Férétrien 15. En outre, la violence qui lui est est reprochée lui est
imposée souvent par la nécessité. Etait-il possible de trouver des épouses
à son peuple sans commettre un rapt, étant donné le refus des cités environ
nantes? Les guerres sur lesquelles il assied, à la fin de sa vie, la puissance
de sa cité, il ne les a pas délibérément recherchées. D'ailleurs, Romulus
sut se montrer un bon organisateur et donner à sa ville des institutions
sans lesquelles une cité ne peut vivre 16. Enfin sa disparition merveilleuse 17
plaide en faveur du personnage 18.
L'ambiguïté de Romulus demande donc à être interprétée. En fait, les
principales difficultés peuvent se résoudre, si l'on veut bien considérer que
les jumeaux ayant été allaités par une louve sont, dans cette mesure, ses
rejetons. Il est normal dès lors de penser que Romulus, fils de la louve, en
a les caractères. Une telle hypothèse invite à s'interroger sur la signif
ication qu'il importe de donner à cet animal et sur les mythes qui lui sont
attachés. On ne saurait circonscrire le problème en identifiant le loup à
Mars 19, ce dont, au demeurant, s'accommoderait assez bien la légende
romuléenne. On a beaucoup écrit sur le loup20, il ne saurait être question
de reprendre tous les problèmes soulevés. Il suffira de dégager le mythe
essentiel et de voir comment il s'inscrit dans les vieilles traditions indo
européennes avant d'en tirer les leçons permettant d'éclairer la figure de
Romulus.
Le loup présente, comme Romulus, une ambiguïté fondamentale, car
tantôt il est considéré comme féroce et satanîque, tantôt il apparaît comme
bénéfique. «Parce qu'il voit la nuit, il est symbole de la lumière»21. Cette
26 Cf. A. Ernout et A. Meillet, op. cit., p. 751: «II est vain de chercher une étymologie
exacte à un nom de cette sorte qui est sujet à des déformations volontaires: lupus, qui a des
correspondants indo-européens clairs, en est un bon exemple».
27 Le traitement *ylkw serait également possible. C'est lui très probablement qu'atteste
le patronyme Ulpius avec le suffixe -yo- (*vlkwyos> ulpius).
28 En slave les règles rendant compte du traitement de la labio-vélaire sourde sont les
suivantes: *kw>c devant e ou i, *kw>c devant e représentant une ancienne diphtongue *oi,
*ai et *kw>k dans toutes les autres positions.
29 On a vu que le latin et le grec n'offraient pas d'obstacles majeurs. On pourrait égal
ement supprimer la difficulté en gotique qui présente liuhap. On sait que *kw>iv, mais ne pour
rait-on pas postuler une réduction de h à h dans le contexte ufv ? Cela n'est pas invraisemblable
phonétiquement, malheureusement les exemples manquent; aussi cette hypothèse ne peut-elle
être que gratuite.
996 ETIENNE TIFFOU
30 Cet aspect est illustré vraisemblablement par la flagellation administrée par les
Luperques aux femmes stériles afin de les rendre fécondes.
31 Cf. J. Bayet, Histoire politique et psychologique de la religion romaine, Paris, 2e éd.,
Paris, 1969, p. 79.
32 Id., Ibid., p. 80.
NOTES SUR LE PERSONNAGE DE ROMULUS 997
37 Cf. ibid., II, fr. Ern. 89, At sese, sum quae deaerai in luminis oras.
38 Sur tout ce développement, voir G. Dumézil, Mythe et épopée, op. cit., p. 274 sq.
39 Ibid., p. 277.
40 G. Dumézil, Aspects de la fonction guerrière chez les Indo-européens, 1956, p. 15-61,
Id., L'idéologie tripartite des Indo-Européens, 1958, p. 83-86; Id., Mythe et épopée, op. cit.,
p. 278-80.
NOTES SUR LE PERSONNAGE DE ROMULUS 999
1 Direttamente da Varrone derivano: TLE2 814, atrium (ripetuto come etimo di città
in Serv. Aen. I, 726 e in Fest. Paul. p. 12 L);TLE2 838 a, idus (ripetuto da Macr. Sat. I, 15,
14-7); TLE2 851 a (ripetuto in Fest. p. 402 L); Varrone è citato come fonte in TLE2 816,
baltea (in Caris. I, 77). Si noti però come Varrone tenda a ritenere greci (TLE2 819) ο sabini
(TLE2 838) vocaboli da altri con certezza considerati etruschi.
2 Risalgono forse a Varrone le glosse: TLE2 821, capys (etrusco in Serv. Aen. X, 145,
non etrusco
TLE2 822, cassidam
in Fest. Paul,
(Isid. p.
XVII,
38 L,14, «antiqui
1); TLE2 nostri»,
831, falado
e in Isid.
(Fest.XII,
Paul.7, p.
57, 78«Itala
L); TLE2
lingua»);
841,
lanista (Isid. X, 159); TLE2 843, lucumones (Serv. Aen. II, 278, e Vili, 475).
3 Da Verrio Fiacco deriva probabilmente la glossa festiana TLE2 848, nepos (Fest. p. 162 L),
ove è una vasta digressione sul costume economico-familiare etrusco non particolarmente
1002 MARIO TORELLI
frequente nell'opera varroniana. Così pure verriana potrebbe essere l'altra glossa di Festo
TLE2 844, mantisa (Fest. Paul. p. 119 L), malgrado il suo sapore fortemente linguistico (e
dunque varroniano). Da documentazione aruspicale ο anche da tradizione orale deriva TLE2 803,
aesar (in Suet. Aug. 97 e Cass. Dio LVI, 29, 4); certamente tradizione orale è TLE2 812
(raccolta da Afranio e spiegata da Fest. Paul. p. 17 L; cfr. Placid. V, 7, 16). È infine da non
ritenere etrusca TLE2 857, vorsum, poiché la lezione Tusci è errore di tradizione manoscritta
per Osci, attestato nella stessa tradizione e da Varr. r. r. I, 10.
GLOSSE ETRUSCHE: QUALCHE PROBLEMA DI TRASMISSIONE 1003
valore: TLE2 839 ( . . . ίταλον τον ταυρον . . . ), riportato come voce greca anche
da Apollodoro (II, 10), risale presumibilmente a Timeo, ma è riconosciuta
parola italica; TLE2 ad 855, τύρσις, deriva dalla speculazione di Dionigi di
Alicarnasso sui « Tirreni » 4; TLE2 847 (ό 'Οδυσσεύς παρά Τυρσηνοΐς Νάνος . . . ),
oscura ed attestata dal solo Tzetze, potrebbe essere anche parola greca5.
Passando al sottogruppo B, cominciamo con l'osservare che dei tredici
nomi etruschi di piante in Dioscoride, come ebbe a riconoscere V. Bertoldi
in un vecchio studio su tali termini botanici6, almeno 4 di questi nomi,
e cioè σπίνα αλβα {TLE2 850), κικένδα-κομιτιάλις {TLE2 825), απιουμ ρανίνουμ
{TLE2
809), σουκίνουμ {TLE2 852), sono certamente latini, come pure forse
latini sono γαρουλεου {TLE2 833), λάππα μίνορ {TLE2 842), τάντουμ {TLE2 853);
dubbia è γίγοφουμ {TLE2 834), che per Marcello Empirico sarebbe termine
gallico 7, mentre per φαβουλώνιαμ, dal chiaro aspetto latino (faba suilla),
abbiamo la concordanza, che discuteremo poi, con lo Pseudo-Apuleio
{Herb. 5... Tusci fabulongam). Di parole etrusche ο apparentemente tali
restano solo καυτάμ {TLE2 823), μούτουκα {TLE2 846), ραδία {TLE2 849), e,
forse, μασούριπος {TLE2 845). Delle glosse dello Pseudo-Apuleio, apianam
{TLE2 808) è verosimilmente latina, come dimostra il confronto con TLE2 809,
e carofis (TLE2 826) sembra essere adattamento ο trascrizione (che potrebbe
essere tanto etrusco quanto latino) del greco χλωρόπιον.
Da questa breve disamina balza evidente il fatto che tanto Dioscoride
quanto lo Pseudo-Apuleio (o le loro fonti) avevano davanti agli occhi dei
testi in cui accanto a parole etrusche autentiche comparivano parole latine
e che facilmente queste ultime potevano essere etichettate come « etrusche ».
Il sottogruppo B, le glosse esichiane, possiede ugual caratteristica. In
esse infatti dodici parole possono ritenersi genuinamente etrusche, vuoi perché
come TLE2 804 (άϊσοί ■ ϋεοί) hanno preciso riscontro in fonti diverse
(TLE2 803: aesar . . . Etrusca lingua deus) ο addirittura nella tradizione diretta
etrusca (ais-, aiser-, etc.), vuoi perché è possibile ricostruirne una forma
corretta etrusca8, mentre due, κάπρα · αϊξ {TLE2 820) e δέα · ϋεά (TLE2 828),
4 La fonte di Tzetze è Dion. Hal. I, 26, 2 (TLE2 855): τΰρσις... παρά Τυρρηνοΐς αϊ έντείχιοι
και στεγαναί οικήσεις . .
5 Cfr. νάνναζον · παιζόμενον, Hesych.
.
ανταρ (807) ανδας (806) άϊσοί (804) άταισόν (813) δροϋνα (829) άγαλήτορα (802) χάπος (832)
αρακος (81θ) αύκήλως (815) δέα (828)
βυρρός (817)
κάπρα (82θ)
δάμνος (827)
γνίς (835)
9 Art. cit.
10 V. J. F. Mountford, De Mensium Nominibus, in JHS, XLIII, 1923, p, 108 s.
11 Sul problema mancano studi recenti: ancora importante per la connessione tra il mese
"'Chosfer (TLE2 858) e il numerale cezp- (otto?), il lavoro di E. Fiesel, Bemerkungen und
Berichtigungen - 3. Etruskisch «acht» und «Oktober», in St. Etr. X, 1936, p. 324 s.
12 Non tengo conto di una quindicesima glossa esichiana, TLE2 811 e (v. oltre). Su tutto
il problema delle glosse esichiane, ma con diversa prospettiva, M. Durante, Etrusco e lingue
balcaniche, in Ann. Ist. Or. Napoli, III, 1961, p. 59 ss; cfr. anche K. Olzscha, Eine etruskisch-
griechische Hesychglosse, in Gioita XLVI, 1968, p. 263-7.
GLOSSE ETRUSCHE: QUALCHE PROBLEMA DI TRASMISSIONE 1005
13 I nomi delle piante del frammento sono: alaternum, sanguinem, filicem, ficum atrum,
acrifolium, pirum silvatìcum, ruscum, rubum sentesque. Da altre fonti aruspicali abbiamo:
ilex (Plin. N.H. XVI, 237), virga sanguinea (cfr. sanguinem; Plin. N.H. XXIV, 73), morus
talea, ulmo (Plin. N.H. XVII, 124), laureus (Liv. XXXII, 1, 14; Tac. Hist. Π, 48; S.H.A. Sever.
Alex. 13, 7).
14 Fonti e discussione in C. O. Thulin, Die Etruskische Disziplin, III, Göteborg 1909,
p. 88-94.
15 Ibid,p. 118-21.
1006 MARIO TORELLI
per fanciulli, sia ancora alla presenza di fanciulli in riti di aruspicina come
esecutori inconsci ο attendenti 16. E infine nel quadro della disciplina rientra
perfettamente la glossa δροΰνα ■ αρχή: soprattutto nell'età imperiale udiamo
di aruspici appunto in caso di omina e di predizioni intorno al futuro
destino di comando dell'interrogante, e buona parte dei libri era devoluto
a questo importante tipo di predizione. In questo quadro di predizioni di
imperium, credo, inserita la glossa esichiana relativa allo « scarabeo »
(TLE2 817). Anche se l'insetto caratteristico degli omina è l'ape 17, questo
è sempre considerato dirum; allo scarabeo, invece, che ricorre costantemente
come riproduzione plastica nella glittica etrusca, era forse attribuito signi
ficato fausto, tanto più se è corretto l'accostamento di βυρρός della glossa
al burrus latino (cfr. Fest. Paul. p. 31 L) ed al πυρρός greco18, come des
ignazione di colore rosso scarlatto, colore che aveva un ruolo fondamentale
nella formulazione di omina imperii 19.
L'intero secondo gruppo di glosse, quelle esichiane, quelle botaniche
ed i nomi di mesi, può dunque ricondursi senza sforzi ai libri di disciplina
Etrusca, nei quali confluivano trattati miscellanei di interpretazioni di presagi
tratti dal cielo, dagli uccelli, dalle piante e interessanti la vita religiosa, la
vita pubblica, la vita privata20: questi ostentarla, con la loro minuziosa
catalogazione dei fenomeni soprannaturali in rapporto ad una realtà naturale
altrettanto minuziosamente classificata, dovevano essere una fonte preziosa
per glossatori, lessicografi e naturalisti della tarda antichità. E la fonte ci
spiega anche il curioso equivoco in cui tanto i tardi botanici quanto Esichio
sono caduti, quello cioè di ritenere « etruschi » dei termini perfettamente
latini: essi erano in ciò indotti non soltanto (o non tanto) dall'equivoco
inerente al titolo stesso di questa miscellanea letteratura aruspicale, di libri
Etrusci, Etruscorum libri, Etruscae dìsciplinae libri, et sim., ma soprattutto
16 Pueri erano iniziati i nobiles etruschi alla disciplina (cfr. Cic. de div. I, 41, 92; Val.
Max. I, 1); un puer compare nel rilievo ostiense delle sortes Herculis dedicato dall'aruspice
C. Fulvius Salvis (cfr. G. Becatti, // culto di Èrcole a Ostia, in Bull. Com. LXVII, 1939,
p. 40 ss.).
17 C. O. Thulin, op. cit., Ill, p. 98-101.
18 R. Fohalle, A propos de κυβερνάν - gubernare, in Mèi. linguistiques offerts à J. Vendryes,
Paris 1925, p. 157 ss. con P. Kretschmer, Literaturbericht für das Jahr 1925 - Griechisch,
in Gioita XVI, 1928, p. 166.
19 Cfr. il passo dei libri Tarquitiani relativo alla macchia purpurea sulla pecora ο sul
l'ariete (in Macr. Sai. Ili, 7, 2; cfr. Serv. Dan. Bue. IV, 43; S.H.A. Geta 3, 5).
20 Cfr. quanto, sulla base delle nuove fonti epigrafiche, ho potuto concludere nel volume
«Elogia Tarquinensia», Firenze 1975.
GLOSSE ETRUSCHE: QUALCHE PROBLEMA DI TRASMISSIONE 1007
dal fatto che la formularità delle compilazioni lasciava largo posto, accanto
al testo tradotto ο compilato in latino, all'inserzione di brani, lunghi ο brevi
non importa, direttamente in etrusco, uso questo di cui proprio una glossa
festiana (Fest. p. 18 L: arse verse) ci rende edotti.
Trassero i compilatori di glossarii e lessici queste glosse direttamente
dai libri di aruspicina ο dipendevano piuttosto da fonti intermedie? A
questa domanda non è facile rispondere allo stato attuale delle nostre cono
scenze, ma solo avanzare qualche congettura. Esichio certamente per
alcune glosse dipende da fonti intermedie. Se la glossa TLE2 804 e deriva
da Strabone (TLE2 811 a) ο dalla ,f onte di questi, Timeo, tuttavia quest'ultima
glossa non fa parte del gruppo di quelle considerate, perché Esichio omette
in questo caso la specificazione Τυρρηνοί/ύπο Τυρρηνών aggiunta a tutte le
altre quattordici, ciò che, a mio avviso, prova l'omogeneità del gruppo.
Ancor più complesso il caso di Dioscoride, nel quale, come dimostra il
principale editore Wellmann 21, le interpolazioni appaiono numerosissime e di
epoca varia: sarebbe suggestivo pensare, con lo stesso Wellmann22, che
anche i nomi etruschi (o creduti tali) di piante derivino assieme ad altri
nomi di piante di origine non greca dal lessico di Pamfilo di Alessandria,
a sua volta fonte indiretta di Esichio attraverso l'opera di Diogeniano 23.
Che queste glosse figurassero già in lessici di età romana è ipotesi
non inverosimile, ma la confusione tra etrusco e latino, che ritorna in
Esichio come in Dioscoride, non depone troppo a favore di compilazioni
di epoca relativamente antica. D'altro canto, l'interesse per l'aruspicina atte
statoci da storici e da eruditi24 del IV sec. e ancora nel V sec. non ci fa
escludere l'ipotesi di fonti dirette ο quanto meno di una mediazione di
compilazioni tardo-antiche eseguite in circoli colti pagani ο paganeggianti.
La distruzione, operata da Stilicone, dei libri sibillini25 non deve aver coin
volto anche i libri di aruspicina, che a differenza di quelli sibillini non erano
26 Forse del III sec. d.C. (così G. Wissowa, in RE, IV, 1, col. 1351-55), ma che per la
citazione di Macrobio (I, 16, 29) di un liber fastorum difficilmente potrebbe essere posteriore
al I-II sec; tuttavia egli è la fonte principale, con Tarquizio Prisco, per molta dell'erudiziene
di IV e V sec. d.C: cfr. Fulg. serm. ant., p. 112, 11 Helm.
27 Certamente d'età cesariana e non augustea (come vuole invece G. Wissowa, in RE
IV, 1, col. 104), perché in corrispondenza con Sinnius Capito, filologo contemporaneo di Pacuvio
Antistio Labeone, padre del giurista, suicida dopo Filippi. D'altro canto questo spiega perché
il suo calendario finito nel περί διοσημείων di Giovanni Lido sia anteriore alla riforma cesariana.
28 Cfr. « Elogia Tarquinensia » cit.
ROBERT TURCAN
hominum avaritiam vel terrenum cupidinem, ierminis omnia scita esse voluit. Quos quandoque
quis ob avaritiam prope novissimi odavi saeculi data sibi homines maio dolo violabunt
contingentque atque movebunt. Sed quid contingent moveritque, possessionem promovendo
suam, alterius minuendo, ob hoc scelus damnabitur a diis. Si servi facient, dominio muta-
buntur in deterius. Sed si conscientia dominica fiet, caelerius domus extirpabitur, gensque
ejus omnis interiet. Motores autem pessimis morbis et vulneribus efficientur membrisque suis
debilìtabuntur. Turn etiam terra a tempestatibus vel julminibus plerumque labe movebitur.
Fructus saepe ledentur decutienturque imbribus atque grandine, caniculis interient, robigine
occidentur. Multae dissensiones in populo. Fieri haec scitote, cum talia scelera committuntur.
Propterea neque fallax neque bilinguis sis. Disciplinam pone in corde tuo.
5 Apoll. Rhod., Arg., I, 496 ss. = O. Kern, Orphicorum fragmenta2, Berlin, 1963, p. 98, n° 29.
6 A. Piganiol, dans Cahiers d'Histoire Mondiale, I, 2, 1953, p. 344 s.
7 Dans la tradition mythographique, Jupiter apparaît aussi comme le dieu qui met fin
au temps « chaotique » des origines et qui consacre un ordre fondé sur la différenciation des
compétences ou des propriétés: G. Piccaluga, Terminus, p. 148 ss. et passim. Sur Jupiter-
Terminus et l'étrusque Tinia, cf. R. Pettazzoni, La divinità suprema degli Etruschi, SMSR,
4, 1928, p. 218 ss.; J. Heurgon, The date of Vegoia's prophecy, p. 41; La vie quotidienne chez
les Etrusques, p. 133, et les observations critiques de G. Piccaluga, Minutai, p. 144 s.
ENCORE LA PROPHÉTIE DE VÉGOIA 1011
une Grande Année. Le record de longévité atteint par les gens nés le jour
même où telle ville avait été fondée fixait la durée du premier siècle; la
plus longue vie de ceux qui avaient vu le jour au terme de ce premier
siècle correspondait à un second siècle, et ainsi de suite. Les siècles étrusques
sanctionnaient une réussite biologique: la durée maximale d'une génération.
Chez Plutarque, il s'agit de cycles cosmiques dont le terme est arrêté par
Dieu, et non pas de longévités individuelles. Entre ce passage de la Vie de
Sylla et ce que Varron nous apprend de la disciplina Etrusca un point
commun mérite à vrai dire d'être souligné: des prodiges envoyés par les
dieux avertissent les hommes de la fin d'un siècle 16, saeculum, mais non pas
d'un « âge », d'un cycle et encore moins d'une Grande Année. On peut
certes suspecter Plutarque, ou l'historien dont il dépend, d'avoir greffé sur
une donnée de l'haruspicine étrusque des considérations néopythagorisantes
inadéquates au sujet; mais tel qu'il nous est parvenu, ce texte ne saurait
éclairer le prope novissimi odavi saeculi de la pseudo-Végoia.
On voudrait au moins constater une correspondance numérale entre
les huit âges de Vexcursus plutarchéen et le huitième siècle « touchant pres
que à sa fin » de Végoia. Mais, abstraction faite du sens précis que peut
avoir novissimi, Plutarque n'écrit nulle part que les devins toscans an
nonçaient la fin du huitième âge. Ils interprétaient le prodige de la
trompette résonnant dans un ciel serein comme le signe d'un tournant
cosmique: une nouvelle race allait marquer l'histoire du monde. Mais
Plutarque ne leur fait pas dire ni que ce devait être la dernière, ni que
c'était la fin du huitième âge. Pour concilier la pseudo-Végoia avec Plutarque,
on pourrait être tenté de comprendre novissimi dans l'acception de « fin
de siècle » qu'a défendue M. Heurgon. Mais la conciliation ne s'impose
pas, et donc le sens de novissimi odavi saeculi reste incertain, à moins
que la détermination du contexte historique d'où est issue la « prophétie »
ne confirme tel ou tel chiffre de siècles.
Varron fait état d'une supputation étrusque de dix siècles, quibus
transadis finem fore nominis Etrusci 17. La source qu'il transcrivait dans
son livre De saeculis utilisé par Censorinus datait du huitième siècle
16 Ibid., 17,5 (p. 44, 12-14, Jahn) et 6 (p. 44, 19, Jahn). Cf. Plut., Sulla, 7, 8. Selon
A. Bouché-Leclercq (Histoire de la divination dans l'Antiquité, IV, Paris, 1882, p. 97), la
tradition recueillie par Plutarque est «suspecte à plus d'un titre».
17 Censor., De die natali, 17,6 (p. 45, 3-4, Jahn). Cf. G. Dumézil, La religion romaine
archaïque, Paris, 1966, p. 634.
1014 ROBERT TURCAN
étrusque: octavum turn demum agi 18. Mais ce huitième siècle ne devait pas
être le dernier, et c'est encore une raison de penser que l'excursus de
Plutarque est étranger à la science toscane: nonum et decimum superesse 19.
Les Tuscae historiae20 d'où Varron a tiré la matière de son exposé, et dont
la rédaction remontait octavo eorum saeculo, devaient être à peu près con
temporaines de la prophétie attribuée à Végoia. Dans l'optique des Etrus
ques de cette époque, le huitième siècle ne serait pas le dernier, mais
presque le dernier, l'avant-dernier ou l'antépénultième. Un comput de neuf
siècles peut avoir existé concurremment avec une doctrine millénariste
de dix siècles adoptée sous l'influence des idées grecques21. Les rites des
Jeux Séculaires romains et les cultes laviniens de Tor Tignosa22 attestent
l'importance du nombre neuf dans l'Italie antique. En tout cas, rien n'exclut
a priori la traduction traditionnelle de prope novissimi par « avant-dernier ».
A quelle époque pouvait correspondre ce huitième siècle durant lequel
l'historien toscan anonyme suivi par Varron avait consigné le système
chronologique de sa nation? Auguste contait en ses Mémoires (De memoria
vitae suae) 23 qu'au dire d'un haruspice étrusque, Volcanius ou plutôt
Volcatius24, le neuvième siècle aurait pris fin avec l'apparition du Sidus
fulium, la comète de César. Le dixième siècle débutait en -44 suivant ce
comput qui (notons-le en passant) s'accorde encore très mal avec les don-
18 Ibid., (p. 45, 2-3, Jahn; cf. p. 44, 16-17: In Tuscis historiis, quae octavo eorum saeculo
scriptae sunt).
19 Ibid. (p. 45, 4, Jahn).
20 Ibid. (p. 45, 16, Jahn).
21 L. Zancan, art. cit., p. 209. Les Oracles Sibyllins, auxquels R. Bloch (dans Mélanges
A. Ernout, Paris, 1940, p. 21-28) attribue des origines étrusques (cf. G. Dumézil, La religion
romaine archaïque, p. 573: l'histoire de l'acquisition par Tarquin le Superbe des Livres Sibyllins
recouvre un fait authentique, «les premiers grimoires en rapport avec les prodiges ont été
introduits à Rome pendant sa période étrusque»), passaient pour enseigner une périodicité
de neuf siècles, le dixième ouvrant une ère nouvelle: Serv., Ad Bue, IV, 4 (p. 44 s., Thilo);
Juv., Sat, XIII, 28; Κ. Ο. Müller-W. Deecke, Die Etrusker, rééd. anast, Graz, 1965, II, p. 316.
22 R. E. A. Palmer, Roman religion and Roman Empire, Five essays, Philadelphie, 1974,
p. 109 ss.
23 Deutéro-Servius, Ad Bue, IX, 4 (p. 115, 24-116,3, Thilo): Sed Vulcanius aruspex in
contione dixit cometen esse, qui significaret exitum noni saeculi et ingressum decimi; sed
quod invitis diis secreta rerum pronuntiaret, statim se esse moriturum: et nondum finita
oratione, in ipsa contione coneidit. Hoc etiam Augustus in libro secundo de memoria vitae
suae complexus est. L'intérêt de ce texte est souligné dans Κ. Ο. Müller-W. Deecke, op. cit.,
II, p. 311 s.
24 Leçon de Madvig.
ENCORE LA PROPHÉTIE DE VÉGOIA 1015
le mot Velsu inscrit sur les monnaies attribuées à Volsinies 29, que Voltumna,
la grande divinité étrusque dont le sanctuaire abritait près de Volsinies
les assemblées confédérales des douze peuples toscans et qui, apparem
ment, se confond avec Vertumna/Vortumna ou Vertumnus 30. Que le nom
même de Volsinies procède du nom de la divinité ou l'inverse, ils s'enracinent
tous deux dans la même signification de base. L'étrusque Properce31 fait
écho à l'étymologie populaire qui rapprochait de Vertumnus le latin vertere:
quia vertentis fructum praecerpimus anni. Vertumne aurait personnifié
le cycle annuel dont le tournant majeur se situait à l'automne, saison des
fruits que le dieu ou la déesse (car il s'agit d'une puissance androgyne)
faisait prospérer. Vertumne apparaît comme un dieu du changement, du
cours temporel. Or c'est à Volsinies précisément que dans le temple de
Nortia les fameux clous sacrés dénombraient les années écoulées32. On a
dit et répété que Volsinies était une véritable « Delphes étrusque » 33, et
l'on ne s'étonne donc pas que des oracles comme celui de Végoia aient pu y
germer dans les milieux sacerdotaux. En tout cas, dans cette ville just
ement considérée comme le centre religieux et moral de l'Etrurie indépen
dante34, il semble bien que la notion du temps passé, en devenir ou à venir
ait occupé une place de premier plan. Le rite du clavus annalis donnerait
même à penser que le compte des différents siècles énumérés dans les
Tuscae historiae était d'origine volsinienne et que la chronologie étrusque
était fondée sur l'histoire même - authentique ou légendaire - de cette
ville vouée au culte de Vertumne/Voltumnus. Or dans le nom même d'Arruns
Veltumnus à qui Végoia aurait dévoilé l'avenir du huitième siècle se re
connaît celui du dieu volsinien des variations annuelles et du devenir
temporel. Ce nom symbolique de Veltumnus était on ne pouvait mieux ap
proprié à une prophétie des métamorphoses séculaires. Il l'était aussi et
singulièrement à une prophétie post eventum concernant Volsinies (Velsu-):
le nom de la cité transparaît dans celui du confident de la Nymphe.
Que se passait-il à Volsinies vers les années -280, date à laquelle
cette ville qui passait pour la première de l'Etrurie - Etruriae caput35 -
dut faire sa soumission à Rome? Elle était en proie à une révolution
sociale 36. Emancipés en masse et prématurément, les esclaves avaient imposé
ce que nous appellerions la dictature du prolétariat: universam rempublicam
occupaverunt37. Comme souvent, le libéralisme des notables s'était re
tourné contre eux et leur esprit de démission. A cette complaisance de
tels maîtres qui avaient peut-être cru, en jetant du lest, s'assurer l'appui,
voire la complicité de leurs «gens», pourraient faire allusion certaines
expressions de la prophétie de Végoia. Il y est dit à propos du déplace
ment des bornes: Si servi facient, dominio mutabuntur in detenus. L'hypo
thèse- a priori paradoxale, puisqu'un esclave n'a pas, ne peut avoir de
propriété terrienne, ni donc la moindre responsabilité juridique en la
matière - n'a de sens que dans un contexte de confusion révolutionnaire
comparable à celui de Volsinies vers -280, où les servi pouvaient prendre
des initiatives aussi exorbitantes38. Dans la citation des Gromatici, il est
d'action » qui lui aurait permis de déplacer les bornes et d'augmenter la portion de terre à
cultiver. Sur ce point précis les vérifications manquent...
39 Cf. E. Cavaignac, art. cit., p. 106.
40 Loc. cit.
41 La vie quotidienne chez les Etrusques, p. 80.
42 Val. Max., loc. cit.
43 J. Heurgon, op. cit., p. 81; R. Bloch, art. cit., p. 14 s.
44 Zonaras, VIII, 7,4 (= Dion Cassius, I, p. 141, 9-10, Boissevain).
ENCORE LA PROPHÉTIE DE VÉGOIA 1019
1 II y a sur la question une riche bibliographie. Nous nous contenterons de signaler ici
les articles auxquels il sera renvoyé le plus souvent: V. Ehrenberg, The foundation of Thurii,
dans AJPh, LXIX, 1948, p. 149-170; S. Accame, La fondazione di Turi (in Note per la storia
della Pentecontaetia), dans RFIC, XXXIII, 1953, p. 149-170; I. D. Kondis, Ή διαίρεσις των
Θουρίων, dans ΑΕ, 1956, p. 106-113; F. Castagnoli, Sull'urbanistica di Thurii, dans PP, CXXXIX,
1971, p. 301-307; Ν. Κ. Rutter, Diodoro and the Foundation of Thurii, dans Historia, XXII,
1973, p. 155-176.
2 Ed. Will, Le monde grec et l'Orient, I: le Ve siècle, 1972, p. 277, avec bon résumé
des principales données. On trouvera des allusions plus ou moins détaillées à la fondation de
Thourioi dans tous les ouvrages qui traitent de la politique athénienne en Occident au
Ve siècle et, naturellement, de Périclès. Comme ce n'est pas cet aspect du problème qui sera
envisagé ici, nous nous contenterons de renvoyer à l'ouvrage de Brandhofer, Untersuchungen zur
athenischen Westpolitik im Zeitaller des Pericles, Diss. München, 1971, p. 22-53, qui fournit
l'état de la question.
3 F. Castagnoli, PP, p. 301, avec la bibliographie récente pour tout ce qui touche au
problème de l'urbanisme: cf. aussi J. R. McCredie, Hippodamos of Mileto, in Studies presented
to G.M.A. Hanfmann, Fogg Art Museum, Harvard Univ. Monogr. in art and arch., 1971,
p. 95-100. On rappellera également la parution en langue anglaise d'une nouvelle édition
mise à jour de l'ouvrage de F. Castagnoli, Hippodamo di Mileto e l'urbanistica a pianta orto
gonale, Roma, 1966, sous le titre Orthogonal Town Planing in Antiquity, Cambridge Mass.
1971; cf. plus récemment la seconde édition augmentée (mais sans changement sur ce point)
de R. Martin, L'urbanisme dans la Grèce antique, 1974, p. 40-41 et 45.
1022 GEORGES VALLET
4 Diod. XII, 10, 3-7, qui reprend en les développant les indications rapides données au
livre XI (XI, 90, 4).
5 Comme autres sources, on citera quelques passages de Plutarque {Per, 11; Me, 5, 3;
Praec. ger. reip., 15, 812 d) ainsi que Schol. in Aristoph. Nub. 332; Hesych., s.v. Θουριομάν(τεις),
(666) Schmidt; Phot. Lex., s.v. Θουριομάντεις Naber; Tzetzes, in Aristoph. Nub. 332.
6 Plut. Per, 11.
7 Diod., XII, 10.
8 Sur le rôle de l'oracle de Delphes dans ce cas particulier, cf. notamment H. W. Parke
et D. E. W. Wormell; The Delphic Oracle2, II, 1956, p. 58 et Rutter, op. cit., p. 162-163.
AVENUES, QUARTIERS ET TRIBUS À THOURIOI 1023
7 Την δε πόλιν διελόμενοι κατά μεν μήκος εις τέτταρας πλατείας, ών καλοΰσι
την μεν μίαν Ήράκλειαν, την δε Αφροδισίαν, την δε 'Ολυμπιάδα, την δε Διονυσιάδα,
κατά δε το πλάτος διεΐλον εις τρεις πλατείας, ών ή μεν ώνομάσϋη Ήρωα, ή δε
Θουρία, ή δε Θουρΐνα. 'Υπό δε τούτων των στενωπών πεπληρωμενων ταΐς οίκίαις,
ή πόλις έφαίνετο καλώς κατεσκευάσυαι.
9 Le texte cité ici est celui de l'édition Budé, Les Belles Lettres, 1972; cette édition,
œuvre de M. Casevitz, est excellente aussi bien pour l'établissement du texte que pour les
notes et pour la traduction. On trouvera, p. 1032, la traduction proposée pour ce passage.
10 L'idée de faire des parts, ou des parties, s'exprime soit par un accusatif d'objet direct
(διαιρεΐν ...τρία μέρη, Plat. Phaedr., 253 d; οκτώ μέρη διελών το παν πλήθος, Plut. Per., 27) soit
avec κατά, qu'il s'agisse d'une question que l'on divise en parties (κατά μέρη Plat., Leg. 658 a) ou
d'un objet (κατά μέλεα διελών, Hdt, I, 119); l'emploi avec είς ne se rencontre guère que lorsque
le verbe est au passif (cf. Arisi, HA 486 a 5 οσα διαιρείται είς όμοιομερή et Déni., 4e Phil 51
είς δυο ταϋτα διήρετο τα των Ελλήνων).
11 C'est sans doute ce que veut dire F. Castagnoli, PP, p. 301, n. 1, mais, bizarrement,
il parle de είς au lieu de κατά et renvoie à ce sujet à Kondis (cf. infra, p. 9, n. 35) qui,
lui, parle bien de είς, mais à un tout autre point de vue.
12 Nous résumons rapidement ici tout le chapitre 11 du livre 12 de Diodore en utilisant
les commentaires de M. Casevitz (op. cit., p. 99-101).
1024 GEORGES VALLET
qui surgirent dans la ville nouvelle: il y eut d'abord une période de bonne
entente (όμονοήσαντες) entre les citoyens, mais elle fut de courte durée, et,
ajoute Diodore, on pouvait s'y attendre (ούκ άλόγως). Très vite des dissensions
apparurent entre les Sybarites d'origine (οι προϋπάρχοντες Συβαριται) et les
nouveaux arrivés (oi προσγραφεντες ύστερον πολΐτοα): les premiers voulaient
garder un rôle prépondérant dans la vie politique de la cité et dans
les cérémonies religieuses et, surtout, ils s'étaient attribué les terres les plus
proches de la ville (την μεν σύνεγγυς τη πόλει χώραν κατεκληροΰχουν έαυτοΐς),
ne laissant aux derniers venus que les terres plus lointaines (την δε πόρρω
κειμένην τοις έπήλυσι); bref - et c'est l'exemple même sur lequel s'appuie
Aristote 13 pour affirmer qu'on arrive toujours à un état de crise (στασιωτικόν
τι) quand sont juxtaposés dans une cité des éléments étrangers - la crise
(ή διαφορά) éclata, les nouveaux arrivés tuèrent la plupart des Sybarites 14
et restèrent seuls dans la ville (την πόλιν αυτοί κατωκησαν). Mais le territoire
était vaste et fertile et surtout - ce que ne précise pas Diodore - il fallait
pouvoir se défendre éventuellement contre une autre attaque des Crotoniates.
On fit donc venir de Grèce de nouveaux colons, et en grand nombre, et on
répartit la cité et le territoire suivant des principes d'égalité (διενείμαντο
την πόλιν και την χώραν έπ' ίσης ενεμον) 15. Tant de sagesse fut récompensée:
la cité devint prospère, fit alliance avec Crotone et le régime qui s'y établit
fut démocratique; on répartit les citoyens en dix tribus (διεΐλον τους πολίτας
είς δέκα φυλάς), auxquelles on donna un nom tiré de leur ethnie d'origine:
trois, qui regroupaient les Péloponnésiens, furent appelées arcadienne, achéen-
ne et éléenne; trois autres furent appelées béotienne, amphictyonienne,
dorienne; les quatre dernières reçurent les noms suivants: ionienne, athénienne,
eubéenne, insulaire. C'est alors qu'on fit venir comme législateur Charondas
dont l'œuvre est longuement rapportée par Diodore (chap. 12 à 20).
Revenons maintenant aux indications sur la fondation même de la
ville; elle s'est déroulée suivant les rites habituels: recherche du site 16 indi-
13 Arist. Pol. V, 3, 1303 a; cf. aussi Pol., V, 6-8 (1307 b); sur les rapports entre les indica
tions de Diodore et les réflexions d'Aristote, cf. les remarques judicieuses de N. K. Rutter,
op. cit., p. 167-168; cf. aussi F. Sartori, Problemi di storia costituzionale d'Italia, 1953,
p. 110-112.
14 Ceux qui réussirent à échapper au massacre s'installèrent (cf. Diod., XII, 22) sur les
bords du fleuve Traeis.
15 Sur le sens de cette phrase, cf. infra, p. 1029, n. 33.
16 Rappelons que Diodore, comme Strabon (VI, 1, 13, dont le récit contient de toute
façon d'évidentes confusions, indique que le site retenu pour Thourioi et déterminé en fonction
de la source Thouria, se trouvait à proximité de Sybaris (ούκ απω&εν της Συβάρεως). On sait
AVENUES, QUARTIERS ET TRIBUS À THOURIOI 1025
que les fouilles récentes effectuées à Sybaris (cf. infra, p. 1032, n. 42 montrent que Thourioi,
comme la colonie romaine de Copia, s'est installée sur le site de l'antique Sybaris: cf. à ce sujet
l'excellent volume publié par l'Accademia Nazionale dei Lincei, comme supplément aux NSA
(8e série, vol. XXIV, 3e suppl., 1970), qui présente un bilan (Sibari) de dix années de fouilles;
cf. aussi l'article de P. G. Guzzo - responsable d'une large partie du volume précédent -
Scavi a Sibari, PP, 1973, p. 278-314. P. G. Guzzo (Sibari, p. 17 sq.) note que les indications
de Diodore et de Strabon peuvent signifier, plutôt qu'une localisation différente de Thourioi
par rapport à Sybaris, une «non completa sovrapposizione dell'uno all'altro». C'est ce que
suggèrent les recherches effectuées sur le site, «mostrando una zona..., frequentata solo in
epoca arcaica, ed una seconda, quella del Parco del Cavallo, frequentata con buona continuità
dall'ultimo quarto del Vili0 sec. a.C. al V° sec. d.C. » (p. 17).
17 Ces plateiai sont désignées par des adjectifs: les quatre premières portent le nom de
divinités (où ne figure pas Athéna); il faut comprendre την δε 'Ολυμπιάδα par l'avenue de
l'Olympien et non d'Olympie. Pour l'emploi du mot πλατεία dans les textes, les papyrus et surtout
les inscriptions, cf. L. Robert, Etudes anatoliennes, 1937 (reprod. anastatique, 1970), p. 532-538
(notamment p. 532, n. 3 et 533-534): la plupart des πλατεϊαι que nous connaissons sont d'époque
impériale, « alors que presque toutes les villes s'ornaient de larges avenues rectilignes bordées
de colonnades» (L. Robert, p. 532); cf. du même auteur, RPh, 1958, p. 19 et n. 1, RPh,
1959, p. 223 et Bulletin Epigraphique, IV, 1959-1963, p. 191.
18 L'établissement du texte et son interprétation font l'objet d'un long commentaire de
M. Casevitz dans la Notice (p. XVI-XVII) de l'édition citée.
19 Cf. l'introduction de M. Casevitz (op. laud., p. 15 avec bibliographie).
20 F. Vogel, Diod., vol. II, éd. Teubner, 1890.
21 Diodori Sic. Bibl..., Dindorf-Müller, éd. Didot, 1845, p. 421.
1026 GEORGES VALLET
que les manuscrits portaient tous τας οικίας et que la seconde main de P22
corrigeait le début de la phrase ainsi: τούτων δε των στενωπών πεπληρωμένων;
dès lors, c'est ce texte qui fut adopté: une bonne édition de Diodore comme
celle de la collection Loeb qui choisit cette version ne donne (à l'exception
de τας οικίας) aucune indication dans l'apparat critique sur le texte originel
de P, que l'on retrouve dans toute la famille de M.
Cette nouvelle version, comment fallait-il l'interpréter? Diodore, qui
venait de parler des plateiai, reprenait sa phrase, après avoir donné leur nom,
en écrivant: « ces stenopoi une fois remplis de maisons »; il n'y avait donc
pas, ou il n'y avait donc plus, pour Diodore ou sa source, de différence
de sens entre stenopoi et plateiai; les deux mots étaient en fait indistinct
ement employés pour distinguer les rues d'une ville. C'est la thèse qui fut
soutenue, avec les conséquences que vous verrons bientôt, par A. von Gerkan,
dans son ouvrage considéré longtemps comme fondamental et qui reste
important pour toute recherche sur l'urbanisme grec: « en qualifiant ces rues
de rues principales (Hauptstrassen), on présuppose que, entre elles, il y en a
d'autres, plus étroites, et que le mot πλατεία désigne une rue particulièrement
large. Mais nous ne connaissons, dans aucune ville, un système ainsi conçu
de rues complémentaires et la suite du texte de Diodore [c'est la phrase que
nous venons de citer] montre qu'il ne faut pas interpréter Diodore en ce
sens: pour lui, il n'y a plus de différence entre πλατεία et στενωπή, les deux
mots désignant simplement les rues des villes; notons au passage que, pour
Diodore la beauté de la ville résulte de l'agencement régulier du plan de
la ville»23.
Deux ans plus tard, dans son Histoire de l'architecture urbaine, P. Lavedan
qui, semble-t-il, avait lu rapidement von Gerkan, reprenait une partie de ses
conclusions en les interprétant24: il était étonnant qu'une ville comme
Thourioi qui devait être importante, puisque beaucoup de monde avait
22 Cette correction est adoptée par le Scorialensis 104; sur la dérivation du Scorialensis
104 par rapport à P (Patmiacus 50), cf. la communication de P. Beltrac aux Etudes Grecques
(résumé dans REG, 78, 1965, p. XXXIV-XXXV).
23 Arnim von Gerkan,, Griechische Städteanlagen, Untersuchungen zur Entwicklung des
Städtebaues im Altertum, 1924; dans le second chapitre, vingt pages sont consacrées à Hippo-
damos de Milet (p. 42-62), avec deux passages sur la fondation de Thourioi (p. 47 sq. et sur
le plan de la ville (p. 56 sq.); le passage traduit se trouve p. 56-57. Dans Storia della Magna
Grecia (1927), E. Ciaceri semble accepter l'hypothèse de von Gerkan sur le sens de στενωπή
(II, p. 352, n. 3).
24 Pierre Lavedan, Histoire de l'architecture urbaine, 1926, p. 137-138.
AVENUES, QUARTIERS ET TRIBUS À THOURIOI 1027
25 Ibidem.; le même développement est repris à peu près mot pour mot dans Lavedan
et Huguenet, Histoire de l'urbanisme, Antiquité, 1966, p. 164-165.
26 Roland Martin, op. cit., p. 41.
27 Ibidem, p. 45-46.
28 Cf. récemment l'excellent ouvrage de Ed. Will, op. cit., p. 278: «le corps civique fut
divisé en dix tribus... Mais où donc étaient les Sybarites? Peut être y eut-il à l'origine une ou
deux tribus sybarites, car on sait que chaque tribu eut un quartier de la ville, qui en comporta
douze». On notera une étrange variante sur les chiffres dans L. Mumford, La cité à travers
l'histoire, 1964, p. 250: «Thurium était divisée en dix (sic) quartiers par quatre grandes artères
longitudinales et trois transversales. Huit de ces grands ensembles étaient attribués chacun
à l'une des communautés, les deux autres étant réservés aux anciens Sybarites et aux édifices
publics... ».
1028 GEORGES VALLET
Or, il est clair que cette hypothèse, devenue peu à peu une donnée
bien admise, repose sur une erreur de calcul, mieux de raisonnement29.
Comment, en effet, à partir des droites qui les forment, compter les cases
d'un damier? Deux droites parallèles coupant à angle droit deux autres
parallèles déterminent un rectangle et non pas quatre! De même trois
parallèles coupant à angle droit quatre parallèles déterminent six rectangles
et non pas douze. Ce sont donc bien six quartiers, et non douze, que
forment les quatre et trois plateiai orthogonales de Thourioi. Si, par
ailleurs, pour l'ensemble de la ville, on tient compte - et il le faut bien -
des secteurs déterminés en partie par les plateiai, en partie par la muraille,
on ajoutera, autour de ces six quartiers centraux, quatorze autres et on
arrivera à un total de vingt. Tel est bien d'ailleurs le nombre qu'indiquait
von Gerkan: « Les rues étaient bordées de maisons des deux côtés et, le long
de la muraille, on avait non une rue, mais un πάροδος: cela détermine
vingt quartiers, dont il faudra soustraire un certain nombre pour le marché,
les temples, les édifices publics, ce qui nous donnera une quinzaine de
quartiers pour les maisons » 30, et suit un développement sur les remarques
démographiques que l'on peut faire à partir de ce nombre.
Il n'y a donc aucun rapport numérique à établir entre le nombre des
plateiai et la répartition des tribus dans la ville. Peut-on même dire, selon
la formule beaucoup plus prudente de P. Zancani Montuoro, qu'« à la régularité
géométrique du plan de la ville correspondit une répartition aussi précise
des habitants, selon les régions dont ils étaient originaires, en dix tribus »31?
Oui et non; en effet, le texte de Diodore sépare rigoureusement les temps:
il y a d'abord la première fondation de la ville avec la division de l'espace
urbain par les plateiai et la construction des maisons, puis, après une brève
période (ολίγον δε χρόνον) d'heureuse entente, les dissensions rappelées
plus haut, le meurtre de presque tous les anciens Sybarites, la venue de
nouveaux colons de Grèce, et c'est alors qu'ils διενείμαντο την πόλιν και
29 II est étrange que F. Castagnoli qui discute les deux « importantes interprétations »
de Lavedan d'une part et de von Gerkan d'autre part (PP, loc. cit., p. 303) n'ait pas relevé
que le premier reposait en fait sur une simple erreur; la même remarque vaut pour F. Sartori,
Prodromi di costituzione miste in città italiote nel V° sec, dans Atti Ist. Venet. Se. Lett, e Arti,
1972-1973, p. 644, n. 122. Il n'est pas exact non plus de dire, comme le fait F. Castagnoli
(loc. cit., p. 304), que von Gerkan «immagina la città divisa in 20 quartieri»; ce n'est pas
là une hypothèse, mais c'est bien le seul chiffre qu'autorisent les indications de Diodore, comme
nous allons le voir.
30 Von Gerkan, op. cit., p. 57. C'est ce nombre de vingt quartiers qui est indiqué par
W. B. Dinsmoor, The architecture of Ancient Greece, 3e edit., 1958, p. 214.
31 P. Zancani Montuoro, Enc. Arte antica, 1966, s.v. Thurii, p. 843.
AVENUES, QUARTIERS ET TRIBUS À THOURIOI 1029
την χώραν έπ' ϊσης ενεμον 32. Quel que soit le sens qu'il convient de donner à
διενείμαντο 33, il est évident que Diodore veut opposer la première phase
de la vie de la nouvelle cité (avec, déjà le tracé urbain régulier), au cours
de laquelle les Sybarites veulent s'arroger tous les droits dans la ville et
se réserver les meilleures terres dans la χώρα, au nouvel état de choses
qui s'établit par la suite: régime démocratique et répartition de la nouvelle
population en dix tribus. Il n'y a donc non seulement pas de rapport
numérique, mais pas de lien logique entre le tracé urbain et la division en
tribus, même si, en fait, celle-ci utilise d'une certaine manière les possi
bilités que donnent les divisions régulières de la ville.
En résumé, il ne faut pas faire dire à Diodore plus qu'il ne dit.
Dans son premier passage, Diodore évoque le tracé de la nouvelle fondation;
dans un second temps, il raconte comment, après des événements dramat
iques, les nouveaux arrivés furent divisés d'après leur origine; dans le
premier temps, il insiste sur la belle organisation de la ville (au sens matériel:
ή πόλις έφαίνετο καλώς κατεσκεύασυαι) ; dans le second, sur le bon gouverne
ment de la cité (καλώς έπολιτεύοντο).
Nous ne devons donc pas tenir compte des prétendues préoccupations
sociales ou ethniques qui auraient « dicté » le tracé des rues pour éclairer
le texte qui a été le point de départ de nos réflexions et auquel il faut main
tenant revenir. Sans aborder ici le problème des sources de Diodore, qui a été
longuement débattu34, on peut dire que, sans doute dans tout le début
du texte, Diodore résume maladroitement, comme le suggère I. D. Kondis35,
une source plus longue qui devait donner des renseignements assez détail
lés sur la topographie de Thourioi. C'est ainsi que l'expression διελόμενοι
κατά μεν μήκος εις τέτταρας πλατείας résulte probablement de la confusion
de deux idées voisines, qui devaient être exprimées séparément dans la
source suivie: la division de la ville en quartiers (εις μέρη) et la délimita
tion des quartiers par les grandes rues (δια πλατειών). Mais une maladresse
de ce genre ne nous autorise pas pour autant à procéder librement avec
le texte qui suit, en choisissant la correction d'un manuscrit (τούτων δε τών
στενωπών πεπληρωμένων) plutôt que la leçon de tous les autres, pour, en fin
beaucoup plus agréable (ήδίων) si elles sont bien alignées, conformément à la nouvelle mode
introduite par Hippodamos. Nous n'avons pas repris ici le problème d'Hippodamos à Thourioi
(Diodore ne le nomme pas): cf. à ce sujet, outre R. Martin et F. Castagnoli, F. Sartori, loc. cit.,
p. 639 sq. (notamment n. 100, où il rappelle justement l'idée exprimée par E. Lepore, Atti
VII0 Conv. Magna Grecia, 1968, p. 40 selon qui «il racconto di Diodoro - quai che ne sia
la fonte - è pervaso dalle dottrine dominanti nella speculazione ippodomea e suoi riflessi
nella teoria e prassi urbanistica»; Hippodamos certes ne joua aucun rôle dans la législation
de la nouvelle ville, qui fut le fait de Charondas; mais les réserves de Rutter, loc. cit., p. 165,
sur le rôle d'Hippodamos dans la construction de Thourioi doivent nous rappeler les lacunes
de notre documentation plutôt que nous porter à refuser les données fragmentaires qui peuvent
être interprétées dans ce sens.
38 M. Casevitz, loc. cit., p. xvii.
39 On pourrait être tenté de supposer que Diodore avait écrit τούτων δε ύπο στενωπών
πεπληρωμενων: «ces plateiai une fois remplies, c'est-à-dire complétées par les stenopoi», inter
prétation que suggère avec prudence Castagnoli, op. cit., p. 302: « si potrebbe tradurre: ed
essendo queste (cioè le plateiai) riempite di stenopoi (cioè completate cogli stenopoi) ». Mais,
si la conjecture est satisfaisante dans la mesure où elle explique facilement les deux leçons
des manuscrits (un copiste comprenant mal le sens de la phrase aurait substitué των à ύπό
pour retrouver la forme normale d'un groupe nominal à adjectif démonstratif - d'où le texte
du ms. de Patmos - et un autre pensant que l'expression devait signifier avec un ordre de
mots peu naturel « par ces petites rues » aurait voulu rétablir une formulation plus normale
et écrit ύπο δε τούτων των στενωπών, ce qui est le texte corrigé du ms. de Patmos et du
Scorialensis), elle n'est pas soutenable à cause du sens de πληρώ et de l'emploi de ύπό: πληρώ
peut prendre le sens de compléter, quand il s'agit d'un nombre, d'un ensemble qui est « amené
à sa plénitude»; mais les voies secondaires ne «complètent» pas en ce sens les voies principales.
1032 GEORGES VALLET
40 En effet, ce sens de πληρώ, qui nous semble devoir être rejeté en ce qui concerne
le rapport des avenues et des rues, est ici admissible, puisqu'une rue sans maison n'est pas
une rue; il y a d'abord le tracé de la rue, mais celle-ci n'est complète que lorsqu'elle est
bordée de murs.
41 Elle m'a été suggérée par Jean Brunei, professeur honoraire à l'Université de
Montpellier, à qui je suis heureux de redire ici ma gratitude: depuis bien des années, j'ai
toujours trouvé auprès de lui autant de gentillesse que de compétence.
42 Sur les indications que fournissent les fouilles récentes de Sybaris sur les rues de
Thourioi et sur leur disposition, bon résumé dans P. G. Guzzo, PP, 1973, p. 291 sq.; le réseau
des rues est orthogonal; on notera notamment l'existence de deux plateiai de largeur inégale
(l'une, est-ouest, large de 6,50 m.; l'autre, nord-sud, large de 13 m. environ) et de nombreux
stenopoi, larges de 3,50 .m. environ.
PIERRE WUILLEUMIER
L'EMPOISONNEMENT DE CLAUDE
1 C. W. Mendell, Amer. Journ. Phil, LXXII, 1951, p. 337-345; LXXV, 1954, p. 250-270.
E. Koestermann, Philol, CIV, 1960, p. 92-115; Edit, Leipzig, Teubner, 1960; 1965.
2 R. Hanslik et I. Schinzel, Historiarum liber II, Wiener Studien, Beiheft 3, Vienne 1971.
R. Hanslik et H. Weiskopf, Annalium libri XI-XII, ibid., 4, 1973. R. Hanslik, in Antidosis
Festschrift für W. Kraus, ibid., 5, 1972, p. 139-149. M. Zelzer, Wien. Stud., 86, 1972, p. 185-195.
1034 PIERRE WUILLEUMIER
3 Pline l'Ancien, H.N., XXIX, 97: piscium; XXX, 61: coclearum; XXXII, 70: mullorum.
4 Suétone, Cl, 44, 2: Boletum medicatum auidissimo ciborum talium obtulerat; cf.
Nér., 33, 1.
5 Dion Cassius, LXI, 34, 2: Φάρμακόν τι αφυκτον ... ες τίνα των καλουμένων μυκήτων ένεβαλε.
6 Martial, Epigr., I, 20, 4: Solus boletos, Caeciliane, uoras. / ... Boletum qualem Claudius
edit edas.
1 Juvénal, Sat, V, 147: Vilibus anticipes fungi ponentur amicis, / boletus domino, sed
quales Claudius edit / ante ilium uxoris, post quern nihil amplius edit; VI, 620: Minus ergo
nocens erit Agrippinae / boletus, siquidem unius praecordia pressit / Me senis. L'allusion de
Pline l'Ancien, H. Ν., XXII, 92, ne précise pas le nombre des bolets.
8 Cf. A.-M. Tupet, La magie dans la poésie latine, des origines au siècle d'Auguste,
à paraître prochainement.
HUBERT ZEHNACKER
La comédie que nous appelons maintenant Casino, est sans doute une
des pièces les plus tardives de Plaute *. C'est même la toute dernière de
celles qui nous sont conservées, si l'on en croit la chronologie établie naguère
par K.H.E. Schutter2, qui la date de 186-185, alors que Plaute est mort en 184.
Après la disparition de son auteur, la Casina fut l'objet d'une reprise;
à cette occasion, un poète inconnu la pourvut d'un nouveau prologue, qui
est le seul que nos manuscrits aient conservé. Ce prologue, comme le veut
la loi du genre, expose au public les données de l'intrigue, signale l'auteur
et le titre de la pièce grecque qui a servi de modèle, les Clerumenoe
(Κληρούμενοι) de Diphile, et rappelle que la traduction latine, sous le titre
Sortientes, est due à Plautus cum latranti nomine3. En tête du prologue,
après une captatio beneuolentiae de 4 vers, notre poète anonyme, pour
justifier la reprise d'une pièce de Plaute, développe l'idée que les productions
du passé, vieux vin, vieilles monnaies, vieilles comédies, valent mieux que
celles du temps présent. C'est à ce passage (Cas. 5-20), et particulièrement
au vers qui fait allusion aux nummi noui (Cas. 10) que nous voudrions,
après bien d'autres4, consacrer notre attention; et nous offrons cette étude
en un modeste hommage à un savant auquel aucune des réalités de l'Italie
antique n'est demeurée étrangère.
*
* *
Plautus, CR, 1933, p. 52 sqq. Id., Nummus, dans AJPh LVI, 1935, p. 225-231. Tenney Frank, On
the dates of Plautus' Casina and its revival, dans AJPh LIV, 1933, p. 368-372. W. Beare, The date
of the Casina, CR, 1934, p. 123 sqq. S. L. Cesano, La data di istituzione del denarius di
Roma, dans BMIR IX, 1938, p. 3-26. H. Mattingly, The first age of Roman coinage, dans JRS XXXV, 1945,
p. 65-77. A. Stazio, "Nummus" in Plauto, Numismatica, 1948, p. 19 sqq. G. P. Shipp, Plautine
terms for Greek and Roman things, Glotta XXXIV, 1955, p. 139-152. H. B. Mattingly, The first
period of Plautine revival, dans Latomus XIX, 1960, p. 230-252. J. H. Michel, Le prologue de la
Casina et les manages d'esclaves, dans Homm. à L. Hermann, Coll. Latomus XLIV, 1960,-p. 553-561.
R. Thomsen, Early Roman coinage, II, Copenhague 1961, p. 173-175.
LES «NUMMI NOVI» DE LA « CASINA » 1037
15 J. H. Michel, dans l'étude citée supra, attribue à Plaute les v. 1-4, 35-63, 67-88.
16 Rien dans Amph.; Asin. 153, 440, 487; Aul 108, 112, 448; Bacch. 609, 668, 706, 709,
873, 882, 969, 1026, 1033; Capt. 258, 331; Cas. 10; rien dans Cist. ni dans Cure; Ep. 54, 330,
372, 701; Men. 219, 290, 311, 542; Merc. 491; rien dans Mil.; Most. 115, 357, 535, 632, 892,
919, 1011, 1080; Pers. 36, 117, 437, 663, 684, 852; Poen. 166, 345, 594, 670, 714, 732, 734;
Pseud. Arg. Π, 2, et 81, 97, 299, 356, 506, 644, 809, 847, 877, 1323; Rud. 1313, 1314, 1323,
1327, 1406; rien dans Stick; Trin. 152, 844, 848, 954, 959, 962, 966, 970, 995, 1003, 1139;
Truc. 562; rien dans Vid. ni dans les frgts. - Cf. G. Lodge, Lexicon Plautïnum, 2 vol., Leipzig
1904-1933.
1040 HUBERT ZEHNACKER
« Que ces pauvres diables se donnent pour une drachme; moi, à moins
d'un écu, personne ne peut me faire lever de mon banc ». (Trad. Ernout).
On peut penser à un didrachme ou à un tétradrachme.
Dans le Rudens, v. 1323 sqq., le leno Labrax propose de payer success
ivement 300, 400, 500, 600, 700, 1000, 1100 nummi, mais Gripus exige un
talentum magnum; au v. 1344 nous apprenons qu'il s'agit d'un talentum
argenti, c'est-à-dire de 6000 drachmes. Dans une telle enchère, le saut de
1100 à 3000 didrachmes, voire de 1100 à 1500 tétradrachmes, paraît plus
naturel que celui de 1100 à 6000 drachmes. Nummus signifie donc ici
didrachme ou plutôt tétradrachme.
18 Ainsi à Lucéria, CIL I2 401, IX 782. Tenney Frank, On the dates of Plautus' Casina
and its revival,, dans AJPh LIV, 1933, p. 369, pense qu'il s'agit de victoriats, mais J. Heurgon, Les
1042 HUBERT ZEHNACKER
* *
«nummi» de l'inscription du bois sacré de Lucére, dans BSFN XVIII, 1963, p. 278-279, a montré
que ce sont des monnaies de bronze. Des pièces de bronze de Teanum Apulum et de Venouse,
en Apulie également, portent les mentions Ν, Ν Ι, Ν II (W. Giesecke, Italia Numismatica,
p. 137 sq.; R. Thomsen, Early Roman coinage, I, p. 194 et 203).
19 H. Zehnacker, Moneta, 2 vol., Rome 1973 (= BEFAR 222).
20 Ibid., I, p. 350-444.
LES «NUMMI NOVI» DE LA « CASINA » 1043
* * *
22 J. H. Michel, loc. cit., p. 553-557, montre de façon convaincante que les mariages
d'esclaves auxquels il est fait allusion dans ce passage ne sont pas à considérer sous l'angle
juridique, mais comme une festivité: nuptiae et non matrimonium, « noce » et non « mariage ».
23 On a souvent mal compris la raison de la présence de ces personnages, surtout celle
de l'Apulien. Rien n'est pourtant plus simple. Pour attester la réalité de certaines coutumes
grecques, puniques ou apuliennes, qui peut être plus compétent qu'un iudex grec, punique ou
apulien?
24 P. Grimai, Le siècle des Scipions, Paris 1953, p. 88.
25 M. H. Crawford, Roman Republican coinage, 2 vol., Cambridge 1974.
LES «NUMMI NOVI» DE LA « CASINA » 1045
26 Notre propre chronologie est évidemment plus haute que celle de Sydenham, puisqu'il
nous a fallu redistribuer toutes les émissions à partir d'une date initiale qui se situe en 213-211
et non plus en 187.
27 C'est le denier de TAMP, Syd. 335, Cr. 133/3.
28 C'est le victoriat au symbole casque, Syd. 271, Cr. 168/1.
29 Les émissions griffon, Syd. 283, Cr. 182/1, et PVR, Syd. 424, Cr. 187/1.
1046 HUBERT ZEHNACKER
superato la fase a strutture lignee, non sia mai divenuto un edificio stabi
lmente costruito in muratura. Le ragioni probabilmente furono più d'una;
in primo luogo, la natura dei ludi che si svolgevano nel circo Flaminio
implicava una diversa, e più semplice, articolazione dell'arena6; ma soprat
tutto, dovette sembrar conveniente lasciare ad un'area, ormai al centro di
una vasta zona completamente urbanizzata e di spiccata impronta monum
entale, un carattere di adattabilità a usi diversi. Così, Augusto, nel 2 a.Cr.,
potè dare una caccia acquatica al coccodrillo là dove, nel 9, aveva tenuto
l'orazione per la morte di Druso; Vespasiano sembra utilizzasse il circo,
secondo l'antico costume, per farvi sfilare la pompa del suo trionfo; però,
nel 140 e nel 145 vi si celebrano i ludi Taurei, la forma urbis lo presenta
come una piazza e, nel IV sec. d.Cr., Polemio Silvio continua ad annotare
in Roma circi duo, Maximus et Flaminius: notizie in apparenza fortemente
contraddittorie, ma non in reale contrasto, mi sembra, nella spiegazione che
si è proposta. D'altro canto, è da presumere che sia la costruzione (in
muratura) come la demolizione di un edificio di tale portata, avrebbero
lasciato qualche traccia nelle fonti. F. Coarelli certo ha ragione sottolineando
il fatto che il teatro di Marcello invase una parte dell'area del circo Flami
nio 7; ma deve essersi trattato di un'operazione poco laboriosa, relativamente
indolore anzi, se gli antichi, che pur ricordano le distruzioni di templi ο gli
acquisti di suoli privati necessari per la nuova fabbrica, al circo Flaminio
non accennano mai. Solamente in questa prospettiva l'ipotesi del Wiseman
può conservare una sua ragionevolezza: alcuni edifici occuparono parzia
lmente l'originaria area del circo, ma ciò, a mio giudizio, non ne alterò
sostanzialmente la forma e, soprattutto, non ne compromise le funzioni.
Dobbiamo anzi immaginare che, a somiglianzà del circo Massimo, nel cui
interno sorgevano anche edifici sacri, monumenti di diversa natura siano
venuti ad inserirsi negli spazi destinati alle gradinate lignee, intercalandosi
con esse: tale, probabilmente, il caso del tempio dei Castori, che forse trasse
la sua inusuale forma proprio dalla ricerca di un coerente raccordo archi
tettonico con la compagine del circo8; né il massiccio porticato di Via di
S. Maria dei Calderari (la supposta crypta Balbi) può ritenersi ostacolo allo
6 Cfr. G. Marchetti Longhi, Circus Flaminius, Mem. Line. s. V, XVI, 1923, p. 621 ss.
(spec. 649 ss.); il circo aveva delle metae, Varrò, loc. cit.
7 F. Coarelli, II tempio di Diana in circo Flaminio e alcuni problemi connessi, in DdA,
II, 2, 1968, p. 191 ss. (spec. 202 ss.).
8 Sul tempio dei Castori in circo, Vitr. IV, 8, 4.
1050 FAUSTO ZEVI
sviluppo del circo Flaminio, ο addursi a prova del suo estendersi altrove9.
Ha dunque ragione, sembra, chi interpreta il summus circus ovidiano, come
il lato opposto, e quindi il più distante, rispetto al punto di partenza delle
gare 10; in ogni caso, un riferimento alle strutture stesse del circo sembra
da escludere.
9 G. Marchetti Longhi, Nuovi aspetti della topografia del... Campo Marzio, in MEFR,
82, 1970, 117 ss.
10 Recentemente: F. Coarelli, II tempio di Bellona, BCom, LXXX, 1968/67, 37 ss. (spec,
p. 49 ss.); M. Guarducci, in RendPontAcc, XLII, 1969/70, pp. 220 ss.; Marchetti Longhi, art. cit.,
p. 144 ss.; diversamente, in accordo alla sua idea, Wiseman, p. 15 (summus circus = «the edge
of the Circus »).
11 A. V. Domaszewski, Die Triumphstrasse auf dem Marsfelde, in Archiv. Relig. Wiss.,
12, 1909, p. 67 ss.
12 F. Castagnoli (in seguito citato: Castagnoli), II Campo Marzio nell'antichità, Mem. Line,
s. Vili, 1947, p. 93 ss. (spec. 119 ss.).
13 Fest, p. 296 Lindsay, s.v. Petronia amnis. Non credo che il passo di Nicolao Damasceno
(Vita di Aug. XXIII) si riferisca al ponte dell'amnis, come supposto da M. E. Deutsch (Univ.
Calif. Pubi. Class. Phil., II, p. 272 ss.; cfr. Castagnoli, p. 119).
14 In Jordan-Hülsen, Topogr. d. Stadt Rom, I, 3, p. 473.
15 Castagnoli, p. 119; Wiseman, p. 8. II Wiseman mi ha cortesemente voluto comunicare
che egli non crede più a questa funzione di confine dell'amnis Petronia: egli esprimerà questo
suo nuovo punto di vista in una recensione al libro di B. Olinder, in corso di stampa nel
JRS 66, 1976.
L'IDENTIFICAZIONE DEL TEMPIO DI MARTE 1051
16 La individuazione delle direttrici di sviluppo del Campo Marzio è uno dei ineriti maggiori
del Castagnoli (spec. p. 148 ss.); naturalmente, ignorandosi allora la vera ubicazione del circo
Flaminio, egli faceva dipendere l'omogeneità di orientamento degli edifici della zona sud della
pianura, dalla direzione della via che usciva dalla Porta Carmentale.
17 Precisamente con il tempio di Bellona: F. Castagnoli, in Gnomon, XXXIII, 1960, p. 608.
18 Specialmente nel lavoro: L'«ara di Domizio Enobarbo» e la cultura artistica in Roma
nel II sec. a.Cr., in DdA, II, 3, p. 302 ss. (in seguito citato: Coarelli).
19 Cfr. nota 5.
20 Liv., XXXV, 10, 12.
1052 FAUSTO ZEVI
una linea continua di confine tra campo e circo. In età augustea, poi,
quando si generalizza la locuzione in circo Flaminio, le opere di canalizza
zione e di bonifica avranno reso ben difficile seguire, in superficie, il per
corso del fiume.
34 Olinder, p. 110 ss.; Wiseman, p. 13 ss. Ho esposto la stessa idea nel. Colloquium:
Hellenismus in Mittelitalien, Göttingen Giugno 1974 (in stampa). La ricostruzione topografica
proposta da Coarelli è invece accolta con favore da G. Ch. Picard (non J. Heurgon, come
in Olinder, p. Ili), in REL, 1970, p. 647.
^ Idea che egli ha espresso nella recensione cit. a nota 15.
36 Castagnoli, p. 162 s. con bibl; Coarelli, p. 354, nota 43.
37 Coarelli, pp. 313 ss.
38 Questa, e molte delle altre successive argomentazioni, sono state da me presentate nel
citato intervento nel Colloquium: Hellenismus in Mittelitalien.
L'IDENTIFICAZIONE DEL TEMPIO DI MARTE 1055
* * *
39 L. Canina, in Ann. Inst, 1838, 1 ss; una soluzione planimetrica diversa ma sempre
conservante l'orientamento nord-sud già da lui proposto, è presentata dallo stesso Canina in
Antichi Edifizi di Roma, Monum. voi. II tav. VI (riprodotte ambedue da Vespignani, art. cit.
a nota seg., tav. V, figg. 1-2 vedi qui fig. I in basso).
40 V. Vespignani, Avanzi di tempio incerto della IX regione di Augusto, in BCom, L,
1872/73, p. 212 ss.
41 F. W. Shipley, in MAAR, IX 1931, p. 44, afferma che il tempio di S. Salvatore ha
podio di travertino e colonne di tufo; evidentemente una confusione di schede.
42 L. Urlichs, Skopas, Greifswald 1863, p. 129.
1056 FAUSTO ZEVI
44 Ν.
43 Grüber,
Η., XXXVI,
Brit. Mus.
26. Coins, Rep., II, p. 487.; R. Bartoccini, 77 tempio di Nettuno nell'aureo
di Domizio Enobarbo, in Atti Mem. 1st. It. Numism., Ill, 1917, p. 83.
45 H. Brunn, Der Poseidonfries in d. Glypt. zu München, in S ζ. Ber. Κ. Nayr. Akad.,
I, 1876, p. 342 ss. (= Kl. Schriften, II, p. 371 ss.).
46 J. Overbeck, Die Kunstgesch. Stellung d. Rei. mit. Poseidon ecc, in Ber. K. Sachs.
Ges. d. Wiss. Leipzig, 28, 1876, 110 ss.
47 A. Furtwaengler, in Intermezzi, Leipzig-Berlin 1896, p. 33 ss.
48 Art. cit. a nota 11, spec. pp. 79 ss.
49 Atti IstVen, 84, 1924/5, p. 473 ss.
50 H. Kahler, Seethiesos und Census (Monum. Artis Rom. VI), Berlino 1966, p. 35 ss.;
con diversa e originale prospettiva, T. P. Wiseman, Legendary Genealogies... Greece and
Rome, XXI, 1974, spec. p. 160 ss., che interpreta il thiasos come allusione alla leggendaria
discendenza di L. Gellio da Nettuno.
L'IDENTIFICAZIONE DEL TEMPIO DI MARTE 1057
146 62; improbabile, d'altro canto sia più tardo del 40 circa a.Cr., quando
ebbe inizio lo sfruttamento intensivo delle cave lunensi63. È un periptero
senza podio, con crepidoma a gradini, quindi un tempio di tipo pienamente
ellenistico, anzi un unicum in Roma, confrontabile solamente con la tholos
del Foro Boario datata alla fine del II sec. a.Cr.64; ha delle basi di colonne
di forma inconsueta, forse un preziosismo arcaizzante, che è comunque
ragionevole pensare in uso in un periodo in cui la base « attica » non si era
ancora affermata come esclusiva. In conclusione: l'edificio va datato tra
140 e 40 a.Cr., molto verosimilmente nella prima metà di tale periodo
(circa 140-100/90 a.Cr.).
Questi elementi ci consentono di restringere l'arco delle possibilità.
Del tempio di Vulcano non si sa quasi nulla; da Livio (che, contrariamente
ai calendari, lo dice in campo: forse era ai limiti tra le due zone?65) sappia
mo che esisteva già nel III sec. a.Cr.; nessun accenno a ricostruzioni successiv
e. Alcuni elementi indurrebbero a collocarlo presso Piazza Mattei 66. Il tem
pio di Diana risale invece, al pari di Iuno Regina, all'opera di M. Emilio
Lepido (cens. 179); nessun restauro è noto nel periodo che interessa. Le
circostanze del voto e della dedica67 sono tali da far pensare ad uno stretto
collegamento, anche topografico, tra i due edifici; è probabile che Diana
fosse anche prossima al tempio di Apollo, e ambedue i nuovi templi vicini
a quel theatrum ad Apollinis che fu approntato proprio in quella stessa
della Repubblica, assieme al suo collega di minor rango, che si doveva, per
così dire, la creazione del Campo di Marte: quel campo, un tempo privato
possesso dei Tarquini, era stato allora confiscato e consacrato al dio81. Allo
stesso dio ora un discendente del grande Bruto consacrava il tempio del
circo Flaminio, rinnovando le glorie della gente e, a un tempo, richiamando
il leggendario antenato e la nascita dello stato repubblicano. Ma, per altro
verso, il monumento si proponeva come simbolo dello spirito dell'aristocra
zia del tempo: architettura, scultura, poesia, concorrevano all'immagine della
nuova nobilitas che, alle tradizionali doti marziali di valore guerriero, univa
ormai quelle di una cultura e di una sensibilità artistica di stampo greco.
E dunque, in questa precisa corrispondenza tra dati delle fonti e resti monum
entali, l'intuizione di P. Gros non poteva trovare miglior conferma: il
tempio di S. Salvatore richiama i canoni di Ermodoro per la ragione che
esso è opera di Ermodoro, anzi l'unica a lui attribuibile con certezza. Felice
si rivela ora, alla luce della nuova identificazione, l'accostamento tra PAres
Ludovisi e il Mars colossiaeus di Skopas Minore: la statua Ludovisi viene
infatti dalle vicinanze del Palazzo Santacroce, a breve distanza dal tempio
di Marte, di cui forse avrà ornato il temenos; nulla di più logico che al
maestro autore della statua di culto, ο alla sua bottega, siano state commiss
ionate anche le altre sculture che completavano la decorazione dell'edificio.
Resta in piedi, si dirà, il problema dell'« ara di Domizio Enobarbo»;
vera crux interpretum destinata, una volta di più, a sfuggire ad un'interpre-
tazione definitiva. La sua provenienza dal tempio di Marte in realtà non è
sicura (per dimostrarla, F. Coarelli è costretto a supporre prima un furto,
poi un falso in un documento d'archivio, episodi, ahimè, ben possibili, ma
che, in mancanza di prove, pare antimetodico postulare 82); resta però il fatto
che i rilievi del palazzo Santacroce probabilmente provenivano da un monu
mento delle vicinanze e una loro relazione col tempio di S. Salvatore, anche
se non dimostrata, appare ugualmente possibile. Una volta di più, si pone
il problema del rapporto di contenuto fra le due scene. Spero tornare
sull'argomento in altra sede; mi limito qui ad alcune osservazioni.
Se si dovesse istituire tra le due scene un rapporto « gerarchico » di
importanza, la preminenza andrebbe assegnata, credo senza esitazioni, a
quella storica: il corteggio di Nettuno, pur avendo, è certo, un significato
81 Liv. II, 5; Dion. Hal. V, 13; Plut, Popi, 8; Flor. I, 3; Schol. luv., 6, 524: ... Brutus
agrum Tarquini Superbi eo eiecto totum Marti consecravit.
82 Coarelli, pp. 323-324.
L'IDENTIFICAZIONE DEL TEMPIO DI MARTE 1063
83 Cfr. J. Sieveking, Der sog. Altar des Cn. Dom. Ahenobarbus, in ÖJh., XIII, 1910, p. 97.
84 Castagnoli, p. 157.
85 Art. cit., p. 79.
86 Una precisa esegesi della scena è stata proposta da M. Torelli, in un ampio lavoro sul
rilievo storico romano, ora in stampa.
1064 FAUSTO ZEVI
SEZIONE LONGITUDINALE
STATO ATTUALE
1j: ■.,. ..
ίI
Pages
Préface xi
Bibliographie xm
Tabula Gratulatoria xxiii
Pages
Pages
Alain HUS, Stendhal et les Etrusques 437-469
Jean-René JANNOT, Les danseurs aux haches ou le ballet
de Phinée. A propos d'un relief de Chiusi 471-485
Jean JEHASSE, Un lion étrusco-romain d'Aléria 487-495
Laurence JEHASSE, Autour du peintre d'Hésione ...... 497-508
Henri LE BONNIEC, Au dossier de la lex sacra trouvée à
Lavinium 509-517
Joël LE GALL, Evocatio 519-524
Marcel LE GLAY, Magie et sorcellerie à Rome au dernier siècle
de la République 525-550
Michel LEJEUNE, Noms osco-ombriens des eaux, des sources
et des fontaines . . 551-571
Ettore LEPORE, Timeo in Strabon V, 4, 3, C 242-243 e le
origini campane 573-585
Robert LEQUÉMENT-Bernard LIOU, Céramique étrusco-
campanienne et céramique aretine, à propos d'une
nouvelle épave de Marseille 587-603
Eugenio MANNI, Su alcune recenti proposte di identifica
zionedi centri antichi della Sicilia 605-617
Guido A. MANSUELLI, II monumento di Porsina di Chiusi 619-626
Henri METZGER, Création consciente ou image greffée?
A propos d'une figure de jeune dieu chthonien des arts
de l'Italie méridionale 627-640
Alain MICHEL, Entre Thucydide et Platon: éloquence et
morale chez Salluste 641-655
Arnaldo MOMIGLIANO, The date of the first Book of
Maccabees 657-661
Jean-Paul MOREL, Sur quelques aspects de la jeunesse à
Rome . . . , 663-683
.,
Pages
Pages