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DU MONDE MÉDITERRANÉEN
2 / Genèse d'un empire
L’ijlISTOi RE ET
SES PROBLÈMES sous la direction de
CLAUDE NICOLET '
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ROME ET LA CONQUÊTE
DU MONDE MÉDITERRANÉEN
2 / Genèse d'un empire
Ont contribué à cet ouvrage :
Jean-Marie Bertrand
maître-assistant à l’Université de Paris I.
Jehan Desanges
professeur à l’Université de Nantes.
Jean-Louis Ferrary assistant à l’Université de Paris IV.
Christian Goudineau
maître de conférences à l’Université de Provence.
Jacques Harmand
professeur à l’Université de Clermont-Ferrand.
Claude Nicolet
professeur à l’Université de Paris I, directeur d’études
à 1 Ecole pratique des Hautes Etudes (IVe section).
Daniel Nony
maître-assistant à l’Université de Paris I.
Maurice Sznycer
directeur d’études à l’Ecole pratique des Hautes
Etudes (IVe section).
Pierre Vidal-Naquet
directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en
Sciences Sociales
NOUVELLE CLIO
L'HISTOIRE ET SES PROBLÈMES
Collection fondée par Robert Boutruche et Paul Lemerle
et dirigée par Jean Oe/umeau et Paul Lemerle
8
bis
ROME
ET LA CONQUÊTE
DU MONDE MÉDITERRANÉEN
264-27 avant J.-C.
TOME SECOND
Genèse d'un empire
sous la direction de
CLAUDE NICOLET
avec la collaboration de
J.-M. BERTRAND, J. DESANGES, J.-L. FERRARY
C. GOUDINEAU, J. HARMAND, D. NONY, M. SZNYCER
P. VIDAL-NAQUET
ILLUSTRATION DE LA COUVERTURE
La bataille de Zama
Tapisserie des Gobelins (1690), détail,
d après un carton de Jules Romain
Musée du Louvre
(d- des Musées Nationaux)
ISBN 2 13 O3585O O
ire édition : 4e trimestre 1978
© Presses Universitaires de France, 1978
108, Bd Saint-Germain, 75006 Paris
AVERTISSEMENT
'
BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE PREMIER
CARTHAGE ET LA CIVILISATION PUNIQUE
1) Méthodologie
2) Les sources
Il n’existe aucun recueil, complet ou partiel. Seuls ont été réunis les
passages d’Hérodote concernant l’Afrique du Nord :
B) Epigraphiques
C) Archéologiques
427-433-
[1445] J. Aubonnet, Aristote, Politique (texte établi et traduit par), t. I, Paris,
1968, p. 168, n. 7.
[1446] A. Caquot et M. Sznycer, Textes ougaritiques, t. I, Paris, 1974.
[1447] F. C. Fensham, The Judges and Ancient Israélite Jurisprudence, dans
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[1456] W. Seston, Remarques sur les institutions politiques et sociales de Car¬
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480 Rome et la conquête du monde méditerranéen
V / La religion
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2) Généralités
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Ajouter :
c) Hannibal
Dans l’immense bibliographie rassemblée dans [1540 b\, on retiendra:
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rants, Paris, 1961, 109-237.
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d) Aspects militaires et politiques de la guerre
[1555] A. D. Finton Brown, After Cannae, Historia, 1959, 365-371-
[1556] — La stratégie romaine, 218-216 ac, Studi Annibalici, 1964, 181-189.
[d557] W. Hoffmann, Hannibal und Sizilien, Hermes, 1961, 470-494.
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[1560] P. Marchetti, La deuxième guerre punique en Sicile, Bull. Inst. Belge
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[1561] A. J. Pfiffig, Die Haltung Etruriens im 2. Punischen Krieg, Historia,
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[1563] H. H. Scullard, Scipio Africanus : soldier and politician, London, 1970.
[4563 a] —- The éléphant in the Greek and Roman world, Londres, 1974.
[ï564] J. Ungern-Sternberg, Capua im zweiten Pun. Krieg, Munich, 1975.
e) Sur les problèmes militaires
— Le passage des Alpes :
[1565] Gavin de Beer, Hannibal’s Alarch, London, 1967.
[1566] R. Dion, La voie héracléenne et l’itinéraire transalpin d’Hannibal,
Hommages Grenier (coll. « Latomus »), 1962, 527"543-
[1567] D. Proctor, Hannibal’s march in history, Oxford, 1971 -
[1568] F. Walbank, Some reflections on Hannibal’s pass, Journ. Rom. Stud.,
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[[570] F. Bertocchi, Recenti scavi ai sepolcreti di Canne, Studi Annibalici,
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[1571] F. Cornélius, Cannae, Leipzig, 1932.
[1572] N. Degrassi, La zona archeologica di Canne délia Bataglia, Studi
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[■573] J- Kromayer, Die Schlacht am Trasimenischen See..., N eue Jahrb.
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486 Rome et la conquête du monde méditerranéen
CHAPITRE III
L’AFRIQUE ROMAINE ET LIBYCO-BERBÈRE
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[1588]
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[1589] A Berthier J Juillet et R. Charlier, Le « Bellum Jugurthinum »
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1,6351 archaiqu'de 1'Afri<'"'
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492 Rome et la conquête du monde méditerranéen
Les Grecs
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C1763] — Los « mercatores », « negociatores » y « publicani » como vehiculos
A) Revues
[17734 Gallia, Chronique des circonscriptions archéologiques.
[1774] Revue archéologique de Narbonnaise.
[4775] Revue des Etudes ligures.
[1776] Cahiers ligures de Préhistoire et d’Archéologie ( CLP A).
[1777] Revue d’Etudes anciennes, Chronique gallo-romaine, par P.-M. Duval,
B) Synthèses
[1778] C. Jullian, Histoire de la Gaule, Paris, 1908-1926.
[1779] M. Clerc, Massalia, Marseille, 1927-1929.
[1780] F. Benoit, Recherches sur Vhellénisation du midi de la Gaule, Aix-en-Provence,
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[1781] Fr. Villard, La céramique grecque de Marseille, Paris, i960.
[1782] Histoire de Marseille (dir. E. Baratier), Toulouse, 1973-
[1783] M. Clavel, Marseille grecque, La dynamique d’un impérialisme marchand,
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[1784] G. Barruol, Les peuples préromains du sud-est de la Gaule, Paris, 1969)
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[1785] CLP A, 24, 1975 : articles de P.-A. Février, Chr. Goudineau, M. Clavel,
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[1786] Ch. Ebel, Transalpine Gaul, The emergence of a Roman province, Leyde, 1976.
[1787] J. Jannoray, Ensérune, contribution à l’étude des civilisations préromaines de
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[1788] M. Labrousse, Toulouse antique, Paris, 1968.
[1789] M. Clavel, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, Paris, 1970.
[1790] J.-Cl. Richard, La région montpelliéraine à l’époque préromaine, Coll. Latomus,
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[1791] Narbonne, archéologie et histoire, Montpellier, 1973*
[1792] P. Arcelin, Les civilisations de l’âge du fer en Provence, dans La
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[1793] G. Barruol, Les civilisations de l’âge du fer en Languedoc, ibid.,
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[1794] J.-P. Morel, Les Phocéens en Occident : certitudes et hypothèses, La
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[! 795] — L’expansion phocéenne en Occident : dix années de recherches
(1966-1975), BCH, 1975, 853-896.
C) Ouvrages de référence
[1796] A. Aymard, L’interdiction des plantations de vignes en Gaule trans¬
alpine sous la République romaine, Mél. Faucher, I, 1948, 27-47.
2
ROME, 2
498 Rome et la conquête du monde méditerranéen
[1797] E. Badian, Notes on Provincia Gallia in the late Republie, Met. Piganiol,
II, 1966, 901-918.
[1798] G. Barruol, La résistance des substrats préromains en Gaule méri¬
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[*799] C. H. Benedict, The Romans in Southern Gaul, Am. J. Phil., 1942,
38-50.
CHAPITRE VI
LA GAULE INDÉPENDANTE ET LA CONQUÊTE CÉSARIENNE
3) La Gaule : généralités
4) Civilisation gauloise
5) Culture gauloise
[1903] A. Brisson et J.-J. Hatt, Le cimetière de la Tempête à Normée (Marne),
Mém. Soc. Agric., Commerce, Sc. et Arts du département de la Marne, LXXXIV,
1969, 21-37.
[1904] S. Czarnowsky, Le culte des héros et ses conditions sociales. Saint Patrick
héros national de l’Irlande, préface de H. Hubert, Paris, 1919.
[ 1905] J. de Vries, Die Druiden, Kairos. Zeitschrift fur Religionwissenschaft und
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CHAPITRE VIII
ROME ET LA MÉDITERRANÉE ORIENTALE
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[2250] Colloque anglo-roumain d’épigraphie ancienne. Les villes grecques de
Scythie mineure à l’époque romaine, Dacia, XIX, 1975, 141-182.
[2251] H. Daicoviciu, J. TRYNKowsKr, Les rois daces de Burebista à Décébale,
Dacia, XIV, 1970, 159-166.
[2252] P. Foucart, Les campagnes de M. Antonius Creticus, JS, igo6, 569-581.
522 Rome et la conquête du monde méditerranéen
Egypte, Cyrénaïque
Le monde oriental
CHAPITRE IX
LES JUIFS ENTRE L’ÉTAT ET L’APOCALYPSE
I / Remarques préliminaires
ROME, 2 3
530 Rome et la conquête du monde méditerranéen
Sur Daniel
Sur Judith
[2444] Guerre des Juifs (A. Pelletier), 1975, nous concernent directement. Sont
également traduits en français (sans le texte grec), sous la direction de
Th. Reinach, les :
[2445] Œuvres complètes de Flavius Josèphe, 7 vol., Paris, 1900-1932 (manque
F Autobiographie, traduite dans la collection des Universités de France par
A. Pelletier, 1959).
[2446] Trad. franç. de la Guerre des Juifs par P. Savinel, Paris, 1977, précédé
par : P. Vidal-Naquet, Flavius Josèphe ou du bon usage de la trahison.
[2447] Importante édition avec trad. allemande et commentaire, par O. Michel
et O. Bauernfeind, 3 vol., Munich, 1959-1969.
[2448] H. Schreckenberg, Bibliographie zu Flavius Josephus..., Leyde, 1968.
[2449] — Die Flavius Josephus Tradition in Antike und Mittelalter, Leyde, 1972.
Un paradoxe :
IV / Etudes historiques
3) Histoire de la période.
Plusieurs chapitres concernent notre sujet dans les deux premiers
volumes de :
[2508] S. W. Baron, Histoire d'Israël. Vie sociale et religieuse, éd. franç. par
V. Nikiprowetzky, I et II, Paris, 1956-1957 et dans le livre déjà cité
[2279] de F. M. Abel.
[2509] D. S. Russell, The Jews firom Alexander to Herod, Oxford, 1967.
Voir aussi :
[2523] Ch. Habicht, Hellenismus und Judentum in der Zeit des Judas Makka-
bâus, Jahr. Heid. Ak. Wiss., 1974, 97-110.
Sur la rencontre, outre les ouvrages cités ci-dessus sur l’époque et les
livres de Maccabées, notamment Ch. Habicht [2431] :
!974> I35"I52'
Sur 1 affrontement sur place avec d’autres communautés, en
« décapole » :
[2534] H. Bietenhard, Die Dekapolis von Pompeius bis Traian, Jeitsch.
Deutsch. Palàst. Ver., 1963, 24-58.
[2535] Cl. H. Kraeling (éd.), Gerasa, City of the Decapolis, New Haven (Conn.),
1938 (archéologie monumentale et inscriptions).
[2536] H. Mantel, Studies in the History of the Sanhédrin, Cambridge (Mass.),
1965 (étude d’une institution qui s’est développée à l’époque romaine).
Sur les Juifs à Rome :
[2537] A- Alfôldi, Redeunt Saturnia régna, Chiron, 1973, 131-142 (influences
juives sur le monnayage).
[2538] H. J. Leon, The Jews of Ancient Rome, Philadelphie, i960.
6) Le nationalisme juif.
Deux ouvrages importants :
Pharisiens et Sadducéens :
[2546] L. Finkelstein, The Pharisees2, 2 Vol., New York, 1940 (nous n’avons pu
lire la 3e édition de 1962).
[2547] J. Le Moyne, Les Sadducéens, Paris, 1972.
[2548] J. Livingstone, Sadducees versus Pharisees. The Tannaitic Sources,
Mélanges Morton Smith, III, Leyde, 1975, 206-217.
[2549] J. Neusner, The Rabbinic Traditions about the Pharisees, 3 vol., Leyde, 1971.
[2550] E. Rivkin, Defining the Pharisees. The Tannaitic Sources, Hebr. Un.
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[2560] A. Ben David, Die Talmudische Okonomie. Die Wirtschaft des jüdischen
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(concerne aussi notre période; il en est de même des autres ouvrages
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[2610] R. Martini, Ricerche in tema di editto provinciale, Un. di Genova, Milano,
GiufFre, 1969.
[2611] L. D. Mellano, Sui rapporti tra governatore provinciale e giudici locali alla
luce delle Verrine, Milano, GiufFre, 1977-
[2612] B. D. Hoyos, Lex provinciae and governor’s edict, Antichton, 1973, 47-53.
[2613] G. Garbarino, Roma e la filosofia greca dalle origini alla fine del II0 secolo AC,
2 vol., Turin, 1971.
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PREMIÈRE PARTIE
L’Occident
Chapitre Premier
CARTHAGE
ET LA CIVILISATION PUNIQUE
par M. SZNYCER
Il n’est donc pas étonnant, dans ces conditions, que la plupart des travaux
consacrés à Carthage aient été l’œuvre d’historiens de Rome, ou d’archéologues,
non sémitisants ([132i]-[i33r]3 D333L CI335l» II337]-[I34oj), bien qu’il s’agisse
546 L'Occident
i) LES SOURCES
et sans doute utilisé les œuvres des historiens grecs qui écrivaient du point de
vue carthaginois : le Lacédémonien Sôsylos, qui fut le précepteur d’Hannibal,
Silenos et Chairéas. Mais, la seule fois où il les mentionne explicitement, il ne
cache pas son mépris pour eux : « Point n’est besoin de s’arrêter plus longtemps
sur les écrits de Chairéas et de Sôsylos, car il ne s’agit pas là d’histoire et l’on ne
doit pas, je pense, y attacher plus de prix qu’à de vulgaires ragots, comme il
s’en débite dans les boutiques de barbiers » (Polybe, III, 20).
Les fouilles des sites puniques en Afrique du Nord ont été entreprises par
les archéologues français dès la fin du xixe siècle, mais, l’effort principal ayant
porté avant tout sur la découverte des vestiges de l’époque romaine, elles n’ont
pu mettre au jour que, surtout, des nécropoles et des tombes puniques, notam¬
ment dans la région du cap Bon, au Sahel, à Vaga (Béjà), à Bulla Regia, à
Teboursouk, à Gighti, à Dougga, ainsi que, sur le territoire algérien, à Djidjelli
(Gollo) ou à Gouraya. Après la dernière guerre mondiale, il faut surtout men¬
tionner les fouilles du sanctuaire punique de Sousse (Hadrumète) (Cintas [1374])
et les fouilles puniques à Utique (Cintas [ 1375])3 découverte, d’un très grand
intérêt, d’une ville punique de l’époque hellénistique à Kerkouane, au cap Bon
(Cintas [1376], Morel [1377]), les fouilles puniques et les recherches sur la côte
oranaise, dans Pilot de Rachgoun, aux Andalouses (Vuillemot [1378]), surtout à
Tipasa (Cintas [1379], Lancel [1380]), ainsi que la découverte, accidentelle
mais exceptionnelle, de plusieurs centaines de stèles votives inscrites à Constantine
(Cirta), provenant du sanctuaire punique d’El-Hofra (Berthier et Charlier [1381]),
et également des trouvailles puniques dans la région de Constantine, notam¬
ment dans les nécropoles de Tiddis (P.-A. Février [1382], Berthier [1383]) et
de Sigus, où ont été, entre autres, découvertes quelques stèles votives puniques
(Baghli et P.-A. Février [1384], 24, Bouchenaki [1385], 68-69). Le bilan d’explo¬
rations et recherches puniques récentes en Tunisie a été dressé par M. Fantar
[1386], en Algérie, par M. Bouchenaki [1385], et en Libye, par A. Di Vita [1387],
qui a souligné le caractère punique plutôt que phénicien de trois emporia en
Tripolitaine, Leficis Magna, Oca et Sabratha. La Tripolitaine a d’ailleurs livré
plusieurs dizaines d’inscriptions néo-puniques datant de 1 époque romaine et
publiées par G. Levi Délia Vida. En ce qui concerne le Maroc, depuis la paru¬
tion des synthèses de P. Cintas [1388] et de M. Tarradell [1389], plusieurs
prospections archéologiques ont ete entreprises sur les sites phéniciens, puniques
ou punico-mauritaniens, le long du littoral atlantique et à 1 interieui du pa^s .
dans la région de Tanger (Tingi) (Ponsich [1390]), à Lixus (Ponsich [139Oh
où une nouvelle inscription bilingue libyque et néo-punique a été trouvée
récemment (Galand et Sznycer [1392]), à l’île de Mogador (Essaouira) (Jodin
[1393]), à Volubilis, à Sala (Chella), près de Rabat (fouilles de J. Boube), etc.
Les inscriptions puniques et néo-puniques d.u Maroc ont été publiées par
550 V Occident
J.-G. Février [1394]. Depuis une vingtaine d’années, les archéologues italiens
déploient une vive activité dans l’exploration systématique des sites puniques en
Sicile (Pareti [1395], Tusa [1396], [1340], Moscati [1341], 25-123, Pottino [1397]),
notamment à Motyé [1398], où une mission archéologique anglaise explore
également le port punique, appelé le cothon [1399L à Lilybêe, à Sélinonte, à Solonte,
à Palerme (importantes nécropoles puniques), etc.; ensuite à Malte, où a été
exhumé un important temple dédié successivement à Ashtart (Astarté), à Tanit et à
Junon [1400]; enfin, en Sardaigne (Pesce [1401], Moscati [1402], Barreca [1403]),
où l’on doit mentionner les fouilles de Nora, de Bithia, de Sulcis, et plus récem¬
ment, de Monte Sirai [1404], d’Antas [1405] et de Tharros [1406]. Les nombreuses
inscriptions puniques et néo-puniques de tous ces sites ont été rassemblées par
M. G. Guzzo Amadasi [1354]. Enfin, en Espagne, les archéologues espagnols et
allemands ont exploré plusieurs sites phénico-puniques, en mettant au jour les
vestiges de diverses installations phéniciennes, notamment des nécropoles, avec de
multiples objets et quelques inscriptions phéniciennes, mais aussi d’assez nom¬
breuses trouvailles, et quelques inscriptions puniques (Garcia y Bellido [1407]),
plus récemment, à Almuhécar (Sexi), en Grenade (Pellicer Catalan [1408]), à
Villaricos (Baria) (Astruc [1409]), etc. Aux Baléares, les nécropoles puniques
d’Ibiza ont livré de nombreux objets d’art et quelques inscriptions (Vives y
Escudero [1410], Aubet [1411], Tarradell [1412]).
Le surnom d’Amilcar, qui lui est attribué par les auteurs anciens, Barca
pose le problème de son interprétation, s’il représente, comme c’est probable
la transcription d’un mot phénicien. On se rappelle, d’autre part, que les
Carthage et la civilisation punique 553
surnoms sont extrêmement rares chez les Phéniciens et les Carthaginois, d’après
les attestations phénico-puniques. On peut penser à deux explications diffé¬
rentes. Celle, d’abord, qui y verrait un nom de personne théophore et hypoco-
ristique formé d’après la racine BRK « bénir ». Les noms de cette catégorie
sont connus en phénico-punique, par exemple, BRKB'L (« Ba'al a béni »),
ou, de loin les plus nombreux, BRK tout seul. Deux fois seulement est attesté
l’hypocoristique BRK’. Barca constituerait, dans cette hypothèse, un autre nom
(et non pas un surnom), accolé à celui d’Amilcar, ce qui ne serait pas très
usuel. La seconde explication consisterait à y voir la transcription du mot
sémitique BRQ_ (Baraq) « éclair », ce qui donnerait un surnom acceptable,
mais ce mot n’est pas attesté en phénico-punique. Il est bien connu en hébreu
biblique en tant que mot et aussi en tant que nom de personne (et non pas un
surnom), également en ougaritique, en araméen et en palmyrénien, de même
qu’en sud-arabique, ainsi qu’en transcription grecque de ce nom sémitique :
Barka et Barkaios. Il est donc possible, et même probable, que le nom de Barca
ait représenté le surnom d’Amilcar : l’éclair. Mais, de toute manière, l’appellation
barcide pour désigner toute sa famille peut paraître arbitraire, du point de vue
punique, car, s’il paraît naturel, chez les Sémites, d’étendre le nom de l’ancêtre
à toute sa postérité, il n’est pas dans les mœurs qu’un surnom, qui caractérise
les qualités, ou les défauts, d’une personne, puisse être appliqué à toute la
famille.
lequel elle est rattachée au continent est large d’environ vingt-cinq stades
(= 4 440 m). Sur cet isthme, du côté de la mer ouverte et à faible distance de
Carthage, se trouve Utique, tandis que Tynès (= Tunis) est située de l’autre
côté, près du lac » (Pol., I, 73), et plus loin : « L’isthme reliant Carthage au
continent est barré par une chaîne de collines difficile à franchir, sinon par des
voies taillées à main d’homme » (Pol., I, 75). On sait, en effet, que Carthage
punique était située sur une presqu’île, ayant à peu près la forme d’un triangle,
défendue naturellement de tous les côtés, encadrée par la mer, les chaînes de
collines et deux lacs, Sebkha er Riana, l’ancienne baie au nord de l’isthme, du
côté d’Utique et de l’embouchure de la Medjerda, et Sebkha et Bahira, l’actuel
lac de Tunis. D’autre part, des hauteurs bordent le rivage, vers le nord-est.
La cité a dû donc s’étendre sur la bande côtière entre la baie du Kram et le
cap Carthage (actuelle Sidi Bou Saïd), qui s’élève à 130 m d’altitude, en englo¬
bant à l’est les deux collines, celle de Byrsa (anc. Saint-Louis) et celle dite de
Junon, s’élargissant ensuite à la banlieue rurale, appelée Megara. Si l’empla¬
cement de la Carthage punique peut être situé en gros, avec sa ville basse,
groupée autour des ports, sa ville haute, sur les collines, celle de Byrsa notamment,
et son arrière-pays rural, une sorte de banlieue, que les textes désignent du
nom de Megara, il est, en revanche, encore difficile de tracer les limites de la
cité d’une manière tant soit peu précise, sans parler du fait que nous échappent
presque totalement les différentes transformations et agrandissements imposés
au fur et à mesure que la cité se développait au cours des siècles.
Aussi bien Appien que Strabon disent que l’un des ports, le
port militaire, était circulaire et l’autre, le port marchand, rectan¬
gulaire. Or, cette description concorde étrangement avec la dispo¬
sition de deux lagunes de Salammbô, situées à une centaine de
mètres du rivage actuel, l’une circulaire avec un îlot au milieu,
qu’on appelle l’îlot de l’Amirauté, et l’autre ovale et rectangulaire
à la fois. Cette ressemblance avait frappé d’emblée Chateau¬
briand dès qu’il avait aperçu, du haut de la colline de Byrsa, les
lagunes, et, depuis longtemps, plusieurs chercheurs ont voulu voir
dans ces lagunes les vestiges des ports puniques. En 1859, Beulé
([1357], 112) explora la lagune circulaire et les travaux de
dragage effectués cent ans plus tard ont confirmé l’une de ses
conclusions, à savoir que le fond de la lagune était dallé.
Entre 1909 et 1915, A. Merlin a retrouvé des vestiges puniques
dans l’île de l’Amirauté. Cependant, de nombreuses autres hypo¬
thèses concernant l’emplacement des ports puniques ont été
échafaudées depuis, celles par exemple de Carton [1422], de
Saumagne [1423] ou, récemment, de Cintas [1424], [1335],
II, 139-237), qui a déployé beaucoup d’énergie et beaucoup
d’imagination pour démontrer que les lagunes ne peuvent aucune-
558 U Occident
ment être les vestiges des ports puniques. Or, les fouilles actuel¬
lement en cours dans le quartier des ports, dans l’îlot de l’Ami¬
rauté, conduites par une mission archéologique britannique
(Hurst [1372]) semblent confirmer que les deux lagunes repré¬
sentent bien les anciens ports de Carthage. Les archéologues
britanniques pensent, en effet, que l’actuel îlot de l’Amirauté
était formé artificiellement vers 400 av. J.-C. par le remblaiement
d’une lagune préexistante et que divers aménagements ont été
réalisés au ive siècle av. J.-C., comme une digue chaussée qui a
relié l’îlot à la terre ferme, etc. Ainsi, les indications d’Appien
et de Strabon sur les ports puniques à la veille de la troisième
« guerre punique » semblent maintenant corroborées par les
toutes récentes fouilles anglaises. Il faut cependant, pour une
confirmation définitive, attendre encore les résultats ultérieurs des
fouilles en cours.
Le mot Byrsa n’est pas encore expliqué d’une manière satisfaisante. On sait
que, selon la légende de la fondation de Carthage par la reine Elissa (Didon),
celle-ci aurait recouvert l’espace occupé par elle et ses compagnons de la peau
(bursa) découpée en lanières. Plusieurs explications de ce mot par le sémitique
ont été proposées, mais elles sont toutes contestables. On a voulu y voir la
transcription du mot sémitique Boçra, qui n’est pas connu en phénico-punique,
mais est attesté dans l’inscription du roi de Moab, Mesha, et également en
hébreu biblique, surtout en tant qu’un nom de lieu, dont le sens pourrait être
« endroit inaccessible ». Mais, ce mot serait transcrit évidemment Bosra et non
pas Byrsa (ce qui supposerait une métathèse et un changement de vocalisation).
De même, Byrsa ne peut être normalement une transcription de B’RÇT (= bêar-
çoth), qui figure sur la légende des monnaies carthaginoises et qui doit signifier
« dans les territoires ». Le mot Byrsa garde encore son mystère.
une cité pareille, dans l’ensemble, aux cités grecques, comme une
polis, et ensuite que, parmi ces poléis, celle de Carthage méritait,
par ses institutions, d’avoir un rang honorable.
Il fallait rappeler ce fait car le peu que nous pouvons savoir des rouages
de la Constitution carthaginoise, du fonctionnement de la cité punique, des
structures du pouvoir politique, nous le devons à peu près uniquement à ces
quelques notices chez les écrivains grecs et latins, principalement, Aristote,
puis Diodore de Sicile, Trogue-Pompée, à travers l’abrégé de Justin (ces deux
derniers paraissent d’ailleurs dépendre de Timée), Polybe, Appien, Tite-Live.
On peut y ajouter Cornélius Nepos et, pour mémoire seulement, la référence
donnée par Athénée (XIV, 27) sur un traité qu’un certain Hippagoras, dont
nous ne savons rien, aurait consacré aux institutions carthaginoises, et un petit
traité sur la Constitution de Carthage d’un érudit byzantin du xive siècle,
Théodoros Métochitès. Tous ces passages ne nous livrent que peu d’informations
disparates et, malgré tous les travaux faits depuis, reste toujours valable la
remarque préliminaire de Gsell ([1323], II, 183) :« Nous n’avons que de maigres
renseignements sur la Constitution politique de Carthage », comme reste égale¬
ment valable et plus que jamais actuel son avertissement (ibid., 184) : « Les
indications dont nous disposons proviennent d’auteurs étrangers à Carthage,
qui n’ont pas toujours été bien informés et qui ont d’ordinaire employé des
termes de leur langue pour désigner des institutions puniques. Ajoutons que ces
textes se rapportent à diverses époques, depuis le milieu du vie siècle jusqu’au
milieu du 11e; il ne faut pas les utiliser sans avoir pris soin de les classer chrono-
logiquement, car, pendant cette longue période, l’Etat carthaginois n’est pas
resté immuable. » Il faut constater, au préalable, que depuis l’analyse de Gsell,
comme toujours minutieuse et exhaustive, publiée il y a soixante ans, peu de
progrès ont été accomplis. Cf. par ex. les minces résultats du travail pourtant
exhaustif de E. Bacigalupo Pareo [1429].
On sait que, depuis une époque très ancienne, les cités phéniciennes avaient
à leur tête un roi et l’on connaît, aussi bien par les textes phéniciens que par
les sources étrangères, toute une série des rois à Byblos, à Sidon, à Tyr, etc.
Dans les inscriptions, le terme « roi » est toujours rendu par les trois lettres-
consonnes MLK (phén. milk, et non pas mèlèk, comme on l’indique généralement,
qui est une vocalisation uniquement hébraïque). Cependant, il y a une diffé¬
rence fondamentale, déjà perceptible dès la fin du IIe millénaire av. J.-C.,
entre les roitelets des cités-Etats phéniciennes et les monarques absolus de droit
divin en Mésopotamie, de même qu’en Israël : un roi phénicien, même si le
principe d’hérédité est respecté, n’est, le plus souvent, qu’un primus inter pares,
soumis aux pressions de diverses couches de la population, non seulement à
566 L’ Occident
des portraits d’Amilcar Barca, d’Asdrubal et d’Hannibal sur les monnaies pro¬
venant du sud de l’Espagne, que le numismate anglais E. S. G. Robinson [1432]
avait définitivement attribuées au monnayage barcide en Espagne, et où ces
« monarques barcides » apparaîtraient couronnés de lauriers, portant le diadème
royal, de même que la massue, emblème de Melqart-Héraclès, ce qui prouverait
leur désir d’être assimilés à cette divinité ([1435]; [1436]; [1437], 104 sqq.;
[i333]j 2I3)- En fait, l’identification du portrait d’Hannibal sur les monnaies
de Carthagène avait déjà été proposée, dès 1948, par A. Beltrân [1438], l’examen
exhaustif de ces monnaies ayant été fait par Robinson, qui, cependant, il faut
le souligner, ne propose d’y voir les portraits des chefs barcides que sous toutes
réserves (toujours avec un point d’interrogation). Mais ces identifications,
déjà repoussées par J. M. Navascués [1439], ne sont pas admises dans le dernier
travail d’ensemble paru sur les monnaies puniques d’Espagne, celui de
L. Villaronga [1440], qui préfère considérer les bustes qui ornent ces monnaies
comme représentant des divinités. D’autre part, il semble que, loin d’utiliser
à leur seul profit et à des buts uniquement personnels, et qui seraient dirigés
contre Carthage, la force et le pouvoir qu’ils ont acquis en Espagne, les Barcides
non seulement n’ont jamais rompu, ou voulu rompre, avec la cité mère, mais
l’ont, au contraire, toujours servie avec dévouement et empressement, en
développant à son profit l’exploitation des richesses minières d’Espagne afin
d’accélérer le paiement des indemnités de guerre à Rome et reconstruire la
marine punique, en restant continuellement en contact étroit avec Carthage,
en veillant à ce que leurs actes en Espagne reçoivent l’approbation des autorités
carthaginoises. Quant aux racontars de l’historien romain, violemment anti¬
carthaginois, Fabius Pictor, sur la prétendue tentative d’Asdrubal de renverser
la Constitution de Carthage et d’instaurer la royauté, Polybe, qui les rap¬
porte (III, 8), en a déjà fait lui-même justice. En conclusion, il paraît douteux
que les Barcides, qui étaient avant tout des chefs militaires, appuyés par l’armée
et comptant sur le dévouement de celle-ci, aient jamais exercé un véritable
pouvoir royal.
Les suffètes sont les magistrats puniques les mieux connus, du moins par
leur nom.
Il s’agit d’un terme punique, et plus généralement sémitique, formé sur la
racine SPT; c’est un participe actif de la forme simple à valeur nominale :
shophet, d’après la vocalisation hébraïque, prononcé plus probablement en
phénico-punique shouphet. Ce terme est bien attesté dans les inscriptions puniques,
mais aussi en transcription latine (sufes ou suffes, plur. sufetes, ou suffîtes) chez
les auteurs latins et, plus tard, dans les inscriptions latines. On ne connaît guère
de transcription grecque. Ainsi, les auteurs anciens écrivant en grec ont été
obligés de transposer ce terme, pourtant si spécifiquement sémitique, dans leur
568 L'Occident
On sait que les suffètes ont été, du moins à partir d’une certaine
époque, les magistrats suprêmes de Carthage. C’est pourquoi, on
a admis depuis longtemps que le terme « rois » (basileis, reges),
si fréquemment employé par les écrivains gréco-latins quand, dans
leurs récits, il est question du gouvernement carthaginois, est
celui-là même qui désignait, dans la plupart des cas, des suffètes
puniques. Malgré les efforts de certains auteurs qui, dans le
sillage de 1 ancienne théorie de Beloch [1430], s’efforcent de
démontrer que, dans ces appellations, il s’agirait de véritables
rois à Carthage (cf. ci-dessus, p. 565), tout semble indiquer, au
contraire, que la thèse de « la synonymie des termes basileus, rex
et sufes » (Gsell [ 1323l5 Hj J94)> acceptée d’ailleurs par les récents
traducteurs et commentateurs d’Aristote [1445], ou de Polybe [61],
Carthage et la civilisation punique
569
soit plus que jamais valable. Ainsi, par exemple, le fait que Polybe
désigne généralement le suffète carthaginois par le terme grec
basileus (« roi ») peut etre confirmé, par l’analogie, par ce qu’il
dit des consuls romains : « A qui portait toute son attention sur
les pouvoirs des consuls, elle (= la Constitution romaine) appa¬
raissait comme un régime entièrement monarchique, avec toutes
les caractéristiques d’une royauté » (Pol., VI, 11), quant on sait
que, pour les Romains, les suffètes carthaginois étaient préci¬
sément considérés, à l’époque des « guerres puniques », comme
1 équivalent, dans une certaine mesure, de leurs consuls (cf., par
exemple, Tite-Live, XXX, 7, 5 : « Sufetes, quod velut consulare
imperium apud eos erat... »; Sénèque, De tranquil. animi, IV, 5 :
« Non vis nisi consul..., aut sufes administrare rem publicam »;
Paul Diacre (dans Lindsay, éd. de Festus, p. 405) : « Sufes
consul lingua Poenorum »). Ou bien, dans le passage signi¬
ficatif de Cornélius Nepos (.Hann., 7, 4) : « De la même manière
en effet que Rome se donne des consuls, Carthage créait chaque
année deux rois munis de pouvoirs annuels » (« ut enim Romae
consules, sic Karthagine quotannis annui bini reges creabantur »),
il est clair que bini reges désigne les deux suffètes annuels de Car¬
thage. Et, comme l’a bien démontré Bacigalupo Pareo ([1429], 81),
on ne peut guère, comme on l’a voulu (Picard [1442], 274 sqq.),
considérer ce passage comme une interpolation tardive d’un
scholiaste, ne serait-ce qu’à cause du témoignage correspondant
de Zonaras (VIII, 8), et il faut donc conclure, avec l’auteur
italien, que les « annui bini reges di Nepote corrispondono senza
dubbio ai due sufeti eponimi ». Si les termes basileus et rex sont
les plus couramment employés par les auteurs grecs et latins quand
il s’agit pour eux de désigner le suffète carthaginois, ceux-ci se
servent parfois d’autres termes encore pour désigner les magis¬
trats puniques : praetor (Tite-Live, XXXIII, 46, 3; Cornel.
Nepos, Hann., 7, 4), dux, archôn, etc. Cette apparente confusion
résulte du fait, on l’a dit, que le suffétat était une magistrature
spécifiquement punique, sémitique, difficilement compréhensible,
dans son sens profond, aux Grecs et aux Romains, qui ont cherché,
on dirait désespérément, d’abord de savoir à quoi exactement
elle pouvait bien correspondre, et ensuite de trouver un terme
grec ou latin plus ou moins équivalent pour la désigner à leurs
57° V Occident
lecteurs. Le fait que les termes employés par eux soient nombreux
et qu’aucun parmi eux ne rende exactement, et ne pouvait rendre,
le sens que le terme suffète avait en punique, le fait aussi qu’on ait
recouru à une simple transcription du mot sémitique (sufes),
prouveraient à eux seuls qu’il s’agissait d’une institution parti¬
culière et spécifique. Pour essayer de comprendre cette spéci¬
ficité, il convient d’abord de définir le sens de ce terme punique à
partir du sémitique, où il est abondamment attesté dès le
IIe millénaire av. J.-C.
de cent suffètes sont ainsi mentionnés dans les inscriptions puniques de Carthage,
ce qui semble prouver que le terme suffète était un titre, qui restait attaché pour
toujours à la personne qui a exercé cette fonction même une fois. On peut
cependant se poser la question si tous ces shouphet mentionnés dans les généalogies
des dédicants carthaginois étaient vraiment tous des magistrats suprêmes,
c’est-à-dire des suffètes proprement dits, ou s’il s’agissait, du moins pour une
partie d’entre eux, des simples juges—puisque le terme punique avait ces deux
significations —, appartenant à cet ordo iudicum dont Tite-Live (XXXIII, 46)
dénonçait la domination à Carthage. Il est difficile, dans l’état actuel de nos
connaissances, de répondre à cette question sans extrapoler, d’autant que le
texte de Tite-Live est ambigu. En revanche, le doute n’est pas permis en ce
qui concerne la deuxième catégorie d’inscriptions carthaginoises, celle qui
mentionne des shouphetim éponymes, c’est-à-dire des suffètes annuels. En effet,
plusieurs inscriptions dédicatoires ou commémoratives sont datées par la for¬
mule B$T SPTM ( = be-shat shouphetim) « en l’année des suffètes » suivie des
noms de ces suffètes annuels, généralement au nombre de deux (p. ex., CIS, I,
3921, 5523, etc.). Un texte signale même le remplacement de deux suffètes par
deux autres, l’année d’exercice des premiers ayant pris fin : l’inscription CIS, I,
3914, qui commémore la construction de deux nouveaux sanctuaires aux
deux déesses, Ashtart et Tanit du Liban, est datée « depuis le mois de Hiyar,
étant suffètes Abdmelqart et (lacune où se trouvaient le nom du deuxième suffète
et l’expression « jusqu’au mois tel »), étant suffètes Shaphot et Hanno fils de
Adoniba'al ». La plupart de ces inscriptions de Carthage datées d’après deux
suffètes annuels éponymes semblent être du 111e siècle av. J.-C. La datation
par deux suffètes éponymes est aussi bien attestée dans les cités puniques de
Sicile [CIS, I, 135) ou en Sardaigne {CIS, I, 143; Guzzo Amadasi [1354],
p. 109-112), ainsi que, postérieurement, dans les inscriptions néo-puniques des
villes sous influence de Carthage mais datant généralement d’après la chute de
celle-ci (p. ex., à Thinissut (Bir Bou-Rekba), KAI 137, ou à Lepcis, KAI 119,
120, etc., ou encore à Bitia, en Sardaigne {KAI 173)) à la fin du 11e siècle de
notre ère), quand, à l’époque romaine, les suffètes deviendront des magistrats
municipaux et seront abondamment attestés dans les inscriptions latines (sufetes)
provenant de plus de vingt villes situées principalement sur le territoire de
l’ancien Etat carthaginois, mais aussi en dehors de ses frontières, et même,
par exemple, en Maurétanie Tingitane (à Volubilis). (L. Poinssot a dressé,
en 1942, une liste des villes africaines ayant eu à leur tête des suffètes [1452];
à laquelle il faut maintenant ajouter quelques autres.) Dans certaines de ces
cités d’origine numide (à Althiburos, à Maktar, à Thougga, etc.), les inscriptions
signalent non pas deux mais trois suffètes, et l’on a pensé qu’il s’agissait là des
traces d’une institution proprement africaine (cf. p. ex., Camps [1453]) 25®)>
mais il faut rappeler qu’une inscription punique de Carthage, qui peut dater
du nxe siècle av. J.-C. {KAI 80), mentionne, semble-t-il, trois suffètes. Cependant,
574 V Occident
à cette exception près (qui n’est pas tout à fait sûre puisque, dans cette inscrip¬
tion, manque la fin des lignes), aussi bien à Carthage que dans des cités puni¬
ques, en Afrique et dans les îles, ce sont généralement deux suffètes qui sont en
exercice. Une tentative récente de retrouver quatre suffètes à Carthage, d’après
une obscure allusion prêtée à Caton dans un texte postérieur (Festus, éd. Lindsay,
p. 142), probablement altéré, et une reconstitution arbitraire de deux inscriptions
puniques fragmentaires de Carthage (Huss [1444]), ne paraît guère convaincante.
Une autre formule de datation qui se rencontre dans les inscriptions puniques
est celle qui commence par ' TR, où il faut voir deux mots, comme l’invite à
le faire un texte dans lequel ces deux mots sont en effet séparés par un point,
le mot T ( = ’eth) « temps », « époque » et la lettre R, qui est très probablement
I abréviation du mot RBM (= rabbim), pluriel de rab, terme qui signifie« grand»,
« chef » mais qui doit avoir ici le sens général de magistrat, et traduire donc
la formule par « au temps (ou « à l’époque ») des magistrats », dont les noms
suivent. Cette formule est, entre autres, attestée dans le grand Tarif sacrificiel
dit de Marseille (KAI 69) : « A l’époque des magistrats (= de la magistrature)
de Hillesba'al, le suffète, fils de Bodtanit, fils de Bodeshmoun, et de Hillesba'al,
le suffète, fils de Bodeshmoun, fils de Hillesba'al, et de leurs collègues. » On a
donc ici deux suffètes éponymes, mentionnés en compagnie de« leurs collègues».
II ne semble pas que, comme l’ont cru certains auteurs, cette appellation ait
désigné un « collège suffétal » ; elle fait plutôt allusion à un autre collège que
celui des suffètes, qui assiste ceux-ci dans l’exercice de certaines de leurs fonc¬
tions. Plutôt qu aux membres du Sénat proprement dit, J.-G. Février pensait
à un conseil restreint, peut-être de trente membres, que Tite-Live appelle
sanctius consilium [ 1454]• Quoi qu’il en soit — et il est difficile de savoir ce que
recouvre l’appellation « leurs collègues» —, le fait qu’il ne s’agit pas de suffètes
semble être confirmé par l’inscription carthaginoise trouvée récemment (Dupont-
Sommer [1426]), où il y a une double datation : d’abord, « en l’année des
suffètes Shaphot et Adoniba'al », ensuite « à l’époque de la magistrature de »,
suivi de 1 énumération de plusieurs noms, avec filiation, mais sans l’indication
de leur qualité, énumération qui se termine par l’expression « et leurs collègues».
Ainsi, la datation par deux suffètes éponymes est bien attestée par plusieurs
inscriptions de Carthage et du monde punique, qu’on peut dater en général
du 111e siècle, mais certaines peut-être un peu plus haut, c’est-à-dire au début
du 111e ou à la fin du IVe siècle av. J.-C. Cependant, on peut maintenant allé¬
guer une inscription punique de Carthage que les critères paléographiques
permettent de dater, en prenant toutes les précautions, du Ve siècle av. J.-C.,
au plus bas vers 400 av. J.-C. Il s’agit d’un texte qui aurait eu certainement
une importance capitale pour la connaissance des institutions à Carthage, et
notamment du suffétat, s’il nous était parvenu complet. Malheureusement,
il s agit d un fragment. Mais même tel quel, il livre des renseignements très
intéressants, bien que fragmentaires. Cette inscription (CIS, I, 5632) mentionne,
Carthage et la civilisation punique
575
D) Les assemblées
Une chose, cependant, semble assurée, car elle est sous-jacente chez tous les
auteurs anciens et est peut-être confirmée également, en partie, par les inscrip¬
tions puniques, c’est le rôle particulier, et souvent de très grande importance,
qu’ont joué dans la conduite des affaires à Carthage des conseils restreints,
des commissions. Il a sans doute existé, au sein du Sénat, un Conseil étroit
permanent, aux pouvoirs étendus, ainsi que divers comités et commissions,
ayant probablement des attributions plus précises. Ainsi, par exemple, pendant
la« guerre des mercenaires» (241-238 av. J.-C.), Polybe mentionne la désignation
d’un Conseil des Trente membres parmi le Sénat (Conseil des Anciens) (Pol., I,
87, 3), qui avait pour mission de réconcilier deux généraux rivaux, Hamilcar
et Hannon, et, en 203, Tite-Live indique l’existence d’un conseil restreint
(consilium sanctius), composé de triginta seniorum principes (XXX, 16, 3). D’autre
part, si l’on n’a pas trouvé trace des pentarchies, dont parle Aristote {Pol., II, 11, 7),
les inscriptions carthaginoises attestent l’existence de plusieurs commissions.
Ainsi, les tarifs sacrificiels de Carthage mentionnent les« trente hommes préposés
aux taxes » (K AI 69), qui ont précisément eu pour mission d’établir ces « tarifs
des taxes». Cette commission de trente membres avait donc de larges attributions
financières. Une autre commission, composée de dix membres, est attestée par
l’inscription punique de Carthage, CIS, I, 175 : il s’agit de« dix hommes préposés
aux sanctuaires ». J.-G. Février, remarquant que ces deux commissions connues
par les textes puniques sont composées chacune d’un nombre de membres
qui est un multiple de cinq, les a mises en rapport avec les pentarchies d’Aristote,
la première commission ayant été formée par la réunion de six pentarchies, la
seconde, de deux seulement (Février [1454]), mais ce n’est qu’une hypothèse
et rien ne nous permet d’affirmer que tel a été le cas.
5) LA RELIGION
Tophet est un mot hébreu qui désigne, dans la Bible, un lieu de sacrifices
humains dans la vallée de Béné-Hinnom, à Jérusalem, et dont l’étymologie n’a
pas encore été expliquée; on ne sait même pas s’il s’agit vraiment d’un mot
sémitique. C’est ce terme hébreu mystérieux qui a été adopté par les historiens
de religions et les archéologues pour désigner, dans le monde punique, le sanc¬
tuaire à ciel ouvert où l’on pratiquait des sacrifices humains (et des sacrifices
de substitution) commémorés par l’érection des stèles votives (Moscati [1465]).
Quant à la déesse Tanit, la vocalisation de ce nom divin est conjecturale et est
devenue conventionnelle, étant popularisée par Flaubert, l’étymologie et l’origine
du nom de cette grande déesse restent encore mystérieuses. Tel est également
le cas, en partie, du nom de Ba'al Hammôn, nom divin composé de deux mots,
dont le sens du premier est seul assuré : Ba'al signifie « Maître », « Seigneur »
et désigne le grand et vigoureux dieu sémitique, maître de la fécondité et de
la fertilité. Le deuxième terme Hammôn est plus difficile à comprendre. On en
a proposé différentes explications : « autel à parfum», nom propre d’une localité
proche de Tyr, Amanus, ce serait alors le « Maître de l’Amanus », « brasier »,
donc« Maître du brasier», etc. Aucune de ces explications ne semblent s’imposer.
Il est toutefois vraisemblable que le mot hammôn ait été formé sur la racine HMM
« être chaud », « être brûlant ».
588 T Occident
et leur nom punique se retrouve dans la transcription latine, attestée sur des
nombreuses stèles dédiées à Saturne, qui a hérité et remplacé B a' al Hammôn,
(Le Glay [1481]), du terme punique sous la forme de molchomor, qui est une
transcription quasi exacte de deux termes puniques mlk ’imèr (ou ’émor) signifiant
« sacrifice molk d’un agneau » (Carcopino [1482], Février [1483]).
On peut dire, d’une manière générale, que c’est à partir du Ve siècle av. J.-C.
seulement qu’il est permis de parler du punique en Afrique et en Occident en
général. Quant au terme néo-punique, inventé au xixe siècle, il est appliqué
aux inscriptions d’Afrique du Nord, ainsi que, beaucoup plus rarement, à celles
provenant des îles méditerranéennes, rédigées au moyen d’une écriture parti¬
culière, appelée précisément néo-punique. En effet, l’écriture néo-punique diffère
considérablement de l’écriture punique et elle est immédiatement reconnaissable.
Elle constitue essentiellement une écriture cursive et ce sont ces formes cursives
qui sont gravées sur la pierre ou les métaux. De ce fait même, cette écriture
est beaucoup plus difficile à déchiffrer que l’écriture punique, car elle est carac¬
térisée, entre autres, par la confusion fréquente, et parfois constante, entre
plusieurs lettres de l’alphabet : il arrive même qu’un seul signe, par exemple
un simple petit trait vertical, soit employé pour trois lettres totalement diffé¬
rentes (le b, le d et le r). Si l’écriture néo-punique est surtout attestée après la
chute de Carthage, elle apparaît pourtant bien avant cet événement. Elle a
ainsi coexisté avec l’écriture punique jusque vers le milieu du Ier siècle avant
notre ère et elle lui a survécu jusqu’au me siècle de notre ère. Quant à la« langue
néo-punique », il s’agit tout simplement de la langue punique dans le stade
ultérieur de son évolution, où elle est déjà engagée dans le processus d’une
certaine désagrégation, sous l’influence sans doute des éléments étrangers,
libyques et latins. L’une des particularités de cette évolution est la décompo¬
sition du système phonétique : disparition quasi totale des gutturales, qui ne
se prononçaient plus, confusion entre des sifflantes et des chuintantes, etc.
Cependant, cette désagrégation a conduit à la création d’un véritable système
de notation des voyelles, à l’aide, précisément, de ces gutturales disparues de
la prononciation et qu’on commence à utiliser pour noter la vocalisation. Cela,
on le comprend, est très précieux pour nous, puisqu’une telle notation nous fait
connaître la vocalisation, donc la prononciation, de différents mots phénico-
puniques. (Sur tous ces problèmes, cf., en dernier lieu, M. Sznycer [1489].)
En ce qui concerne les textes puniques, si l’on connaît près de sept mille
inscriptions puniques et néo-puniques, les seuls spécimens des textes proprement
littéraires ne nous sont connus qu’en transcription latine ou en traduction
grecque ou latine, mais, dans ce dernier cas, il peut s’agir le plus souvent non
pas d’une simple traduction du punique mais d’une adaptation. Les principales
traductions ou adaptations sont le célèbre Périple d’Hannon, qui a fait couler
tant d’encre et à propos duquel la controverse entre les partisans et les adver¬
saires de l’authenticité de ce texte n’est pas prête d’être close (dans le meilleur
des cas, il ne peut s’agir que d’une adaptation), et le Serment d’Hannibal, c’est-à-
592 V Occident
ROME, 2 5
Chapitre II
i) PUISSANCE DE CARTHAGE
A) L’économie
C’est un lieu commun depuis Cicéron au moins {De Rep., II, 7),
de représenter Carthage comme une puissance exclusivement
commerciale, qui aurait négligé l’agriculture et les armes. Cette
puissance a, en fait, constitué plusieurs empires : l’un en Afrique,
qu’elle conservera jusqu’en 201. Le second en Sicile et en Sar¬
daigne, qu’elle disputera aux Grecs et aux Romains, et qu’elle
ne perdra qu’en 241 et 234. Le troisième enfin en Espagne, qui
fut certainement une grande aventure, qu’elle ne conservera il
est vrai qu’une trentaine d’années. Mais, en tout cas, cette ville
« marchande » mènera contre la puissance « continentale » (sic)
des Romains deux guerres très longues et très dures; au cours de
la seconde, l’un de ses généraux occupera pendant quinze ans
une partie du territoire italien. Les victoires d’Amilcar et d’Han-
nibal (mais avant elles celles des généraux qui combattirent Grecs
et Romains en Sicile), la résistance inattendue et héroïque de la
ville entre 149 et 146 contredisent le jugement sommaire de
Cicéron (dont il faudrait étudier l’origine et la fortune, qui n’est
en tout cas pas du tout celui de Polybe), de même que la
renommée des agronomes carthaginois justifiait en 146 la tra¬
duction officielle, sur l’ordre du Sénat, du traité de Magon. Il
faut donc tenter un inventaire de la puissance territoriale, militaire
et financière de Carthage au moment où son conflit avec Rome
Les guerres puniques
595
B) U empire
C^SL 90-91)- Si une telle division du territoire africain de Carthage est théo¬
riquement possible, il faut cependant souligner qu’elle est fondée uniquement
sur des données de l’époque romaine, et notamment sur les pagi connus par les
inscriptions latines. Sauf un seul cas où, en effet, un pagus, celui de Thusca,
semble correspondre à une ancienne circonscription punique (cf. ci-dessous),
rien ne nous permet d’affirmer que ces pagi de l’époque romaine étaient les
équivalents des anciennes circonscriptions puniques.
Les finances. — L’étude des finances carthaginoises, en tant que telle, n’a
jamais été faite. Gsell a sans doute, en passant, mentionné la plupart des sources,
mais une synthèse serait absolument nécessaire. La monnaie carthaginoise
— qui est d’ailleurs tardive par rapport au monnayage grec et commence par
un monnayage local, peut-être militaire, en Sicile — n’a été étudiée que récem¬
ment par G, K. Jenkins ([1507], [1508]). Le vieux livre de Müller [1506]
602 U Occident
est dépassé. (Pour les monnaies « barcides » d’Espagne, bien étudiées récemment,
cf. Villaronga [1440].) Au 111e siècle, des monnaies d’or, d’argent et de bronze
ont été frappées sur étalon phénicien (adopté d’ailleurs par les Lagides), mais
de facture grecque (cf. l’inscription de la colonne de Duilius, ILS, 65). Il est
hors de doute (cf. ci-dessous) que la conquête barcide de l’Espagne a eu pour
résultat et peut-être pour but de développer grandement l’exploitation des
mines d’argent dans la région de Carthagène surtout. La possession des sources
de métaux monétaires est très importante. Leur perte a obligé peut-être à avoir
recours à des monnaies fourrées (T.-L., XXXII, 2, 2). Mais ce n’est qu’un
aspect des finances publiques. Comme l’a bien montré Gsell, la possession d’un
empire, en Afrique d’abord, est pour Carthage une source de profits : les indi¬
gènes qui lui sont directement soumis paient des impôts ou des redevances en
nature et en argent, comme le précise Polybe (I, 72, 2) : ces contributions
furent doublées au cours de la première guerre punique. Mais Hannibal ou
Amilcar lèvent aussi des contributions en Espagne. Un des textes essentiels
est Pol., I, 71, 1 : les Carthaginois comptaient sur les produits de la chora pour
leur ravitaillement et leurs besoins intérieurs, tout ce qui avait trait à la guerre
et même aux dépenses de l’Etat en général devait être fourni par les possessions
africaines. Ce texte indique que l’impôt direct n’existait pas : il est confirmé
par T.-L., XXX, 44, 11, qui montre qu’en 196 on envisageait seulement d’y
avoir recours, devant l’embarras du Trésor et la nécessité de payer l’indemnité
de guerre. Notons que la première indemnité de guerre a été payée sur le produit
des mines d’Espagne — ce qui prouve bien l’inexistence d’un « royaume »
barcide indépendant. Lorsque Hannibal veut prendre en main les finances
lors de son suffétat en 196, T.-L. parle des « revenus de la terre et de la mer »
qui formaient les ressources du Trésor : vectigalia terrestria maritimaque (XXXIII,
47, 1) : donc sans doute aussi des droits de douane. Il existait, on l’a vu, des
magistrats spécialement chargés des finances, que Tite-Live appelle quaestores.
Gsell a supposé, sans preuve mais avec vraisemblance, que les impôts étaient
affermés et que, contrairement à ce qui existe à Rome, sénateurs et magistrats
pouvaient s’en charger. Entre 201 et 196, des sommes considérables auraient
ainsi ete détournées aux dépens du Trésor, qu’Hanmbal aurait récupérées
(T.-L., XXXIII, 47).
A) Les sources
Les guerres puniques sont à la fois très bien et très mal connues. Bien, parce
que nous avons conservé, en partie du moins, le récit continu d’un presque
contempoi ain, Polybe, lasciné par son sujet, Grec ayant longuement vécu à
Rome au contact des responsables, voyageur qui a connu Massinissa, l’Espagne,
Scipion et d autres. Diplomate et militaire, il juge en homme de métier. Histo¬
rien pénétré de l’importance de son rôle, il réfléchit, en philosophe, se fait une
doctrine des causes, des prétextes, des raisons profondes (qu’il trouve dans les
« institutions» au sens large). Bref, une œuvre intelligente, honnête, irrempla¬
çable. Pour la deuxième guerre punique, nous avons un autre récit continu,
détaillé, celui de Tite-Live, bien évidemment très postérieur, mais qui, parallèle-
Les guerres puniques 605
Syracuse. Le traité comportait aussi des clauses financières, dont le détail est
intéressant. Le premier projet de convention entre le consul romain et les
négociateurs carthaginois prévoyait une indemnité de guerre de 2 200 talents
euboïques, payable en vingt ans. Or ce projet ne fut pas ratifié par le peuple
romain, qui exigea une aggravation des clauses financières, et elles seules :
le délai de paiement était réduit à dix ans, et Carthage devait verser immédia¬
tement 1 000 talents de plus : au total donc 1 000 talents sur-le-champ, plus
dix annuités de 220. Polybe dit formellement que c’est « le peuple » qui refusa
la première convention. Même si sa source est Fabius, très antipopulaire, il
n’y a pas de raison de douter du fait. Il est très difficile de savoir, pour cette
date, ce que représentait exactement cette somme : traduite en monnaie d’argent
du temps, de toute manière, elle représente beaucoup moins que le coût de la
guerre pour les Romains. Tenney Frank ([335], I, p. 67) a supposé, sans preuve,
qu’elle a été utilisée à rembourser une partie au moins des impôts payés pendant
la guerre (il se fonde sur ce qui produira en 187); on peut penser qu’on a en
effet remboursé les « liturgies » volontaires de 243 (Poh, I, 59, 6-8). En tout
cas il n’est pas question de clause commerciale en faveur des négociants romains.
D’une façon générale, quand, à cette époque, il est question du « profit » d’une
guerre, il s’agit presque toujours de butin (individuel ou collectif), ou d’indem¬
nités de guerre : disons que la conscience économique passe d’abord par la
conscience fiscale.
Ce qui ne signifie pas l’absence de ces negotiatores romains : car on les voit
jouer un rôle important pendant la guerre des mercenaires (Poh, I, 83). Des
marchands italiens avaient ravitaillé les insurgés, et les Carthaginois en avaient
pris plus de 500; les Romains reconnurent leurs torts, libérèrent les derniers
prisonniers carthaginois de la guerre en échange de ces Italiens, autorisèrent
désormais leurs marchands à ravitailler Carthage, et leur interdirent de ravi¬
tailler ses ennemis (I, 83, 10) : le commerce avec Carthage était-il donc interdit
aux Italiens par le traité de 241 ?
Depuis Heuss [1525], le dossier des origines de la première guerre punique a
été constamment repris, jusqu’à Veyne [1532], Meister [1528] et Mitchell [1529].
La plupart de ces auteurs admettent, avec Heuss, que l’appel des Mamertins
embarrassa plutôt le Sénat, qui s’en remit en somme au consul de la tactique
à suivre sur place, et qui ne prévoyait au plus qu’une guerre limitée à la Sicile.
L’importance géographique de l’enjeu sicilien (relais indispensable, tout comme
la Sardaigne, pour passer d’Afrique en Italie et inversement) a été bien montrée
par Veyne. Rome, ou du moins le Sénat, avait-elle vraiment peur de la présence
des Carthaginois en face de Rhegium ? Ces considérations, en tout cas, jouèrent
dans le Sénat au moins autant que les prétendues visées « économiques » des
commerçants romains : Polybe parle, parmi les raisons qui ont entraîné le
peuple en 264, de « celles déjà exposées sur l’intérêt commun » (I, 11, 2 :
ce sont les raisons stratégiques et militaires). On reviendra ci-dessous, en
6io U Occident
conclusion, aux débats toujours actuels, mais peut-être un peu vains, sur la défi¬
nition, l’existence, le contenu de « l’impérialisme » romain (Holleaux [1999];
Veyne [1532]).
C) La guerre d’Hannibal
Han., 3, 1). Désormais, aucun doute n’est plus permis : il sera toujours stratègos
régulièrement nommé par les autorités de Carthage. Et, tout au long de sa
guerre, s’il eut parfois à discuter, à plaider par émissaires interposés, à réclamer
de l’aide ou de l’argent, à suggérer telle ou telle mesure, s’il eut des adversaires
au sein du Sénat (comme le fameux Hannon qui, d’après Tite-Live, XXIII, 12-1,
émit des doutes, même après Cannes, sur la portée des victoires d’Hannibal), il
ne cessa en fait d’être loyalement soutenu par son gouvernement qui, à plusieurs
reprises, lui envoya les secours demandés : en 216 (T.-L., XXIII, 13, 7-8; 32, 5),
en 205 (T.-L., XXVIII, 46, 14), sans compter ce qu’il reçut d’Espagne. Lors¬
que après le débarquement de Scipion en Afrique on le rappelle, comme d’ailleurs
les généraux de Ligurie (T.-L., XXX, 19; 20), il se peut qu’il ait vu là un
coup de ses adversaires ou qu’il ait regretté ce départ (pourtant prévu et préparé
par lui ! : 20, 5); il obéit cependant. Pas plus donc que son père en Espagne,
Hannibal ne peut être traité de « condottière » ou de roi agissant pour son
propre compte, comme Timoléon ou Pyrrhos : jusqu’à son exil en 195, il sera
un général et un politicien carthaginois, régulièrement nommé. Si « dynastie »
il y a, c’est dans le contexte aristocratique de la politeia carthaginoise, semblable
à celui de la République romaine.
Rien ne le prouve mieux d’ailleurs que le seul document diplomatique
authentique qui nous soit parvenu, le Serment d’Hannibal envers Philippe V
(Pol., VII, 9). Les études de E. Bickermann [1490] [1491] ont montré qu’il
s’agit de la traduction grecque de la version punique de ce traité, rédigée
selon le formulaire traditionnel de la diplomatique orientale. Si (cf. ci-dessous)
Philippe y apparaît très en retrait de son « allié » Hannibal, alors au sommet
de sa gloire sinon de sa puissance, il n’y a aucun doute cependant qu’Hannibal
ne traite pas en son nom, mais au nom de Carthage, puisque à ses côtés trois
personnages, Magon, Myrcanus et Barmocaros, ainsi que tous les autres séna¬
teurs présents dans son camp et tous les Carthaginois de l’armée jurent aussi
le traité; puisque Hannibal n’est nommé qu’après le peuple carthaginois et
en tant que stratègos (VII, 9, 5 : kyrioi Charchèdonioi, ce qui est la façon sémitique
de désigner le peuple).
Bien entendu, la régularité de ses fonctions militaires et politiques n’exclut
en rien qu’il ait eu une très large autonomie quant à la stratégie et même quant
à la diplomatie à adopter ni qu’il ait développé des vues personnelles et originales.
Dès lors commence une aventure dans laquelle, en effet, Hannibal développe
des vues politiques et stratégiques nouvelles et originales. La première est la
décision d attaquer Rome par le nord de l’Italie, c’est-à-dire à travers la Gaule
Peut-être en a-t-il hérité l’idée d’Asdrubal — en tout cas Rome et ses alliés
marseillais redoutaient au moins des entreprises carthaginoises au nord de l’Ebre
Mais il faut distinguer deux choses ; d’une part, le choix d’un itinéraire terrestre
Les guerres puniques 615
par les cas précis connus de nous : Capoue, dont le Sénat presque
entier passa à Hannibal, Nuceria, qui lui résista unanimement
(XXIII, 15, 3), Tarente, qui fut livrée par deux jeunes « nobles »
(T.-L., XXV, 8), enfin les villes étrusques en 208, dont Arretium,
où c’est le Sénat qui conspire contre Rome (T.-L., XXVII, 24).
Ce n’est rien enlever à la largeur de vues d’Hannibal, chef de
guerre et patriote carthaginois, diplomate habile, que de ne pas
en faire un idéologue.
Carte i . — L’Afrique c.
L’AFRIQUE ROMAINE
ET LIB Y CO-BERBÈRE
par J. DESANGES
Le territoire annexé devint une province appelée Africa, un nom dont l’étymo¬
logie reste obscure, malgré les mérites d’une récente étude de Fruyt [1617].
Il était constitué de ce qu’il subsistait du terroir africain de Carthage au
début de la troisième guerre punique, à la suite d’une série d’annexions effec¬
tuées au détriment des Carthaginois par Massinissa, grâce à l’arbitrage de commis¬
sions du Sénat romain. C’était donc un ensemble d’une superficie assez médiocre
(de 20 000 à 25 000 km2, soit le cinquième de la Tunisie actuelle), articulé
essentiellement sur la basse vallée de la Medjerda, sur celle de l’oued Miliane et
sur le Sahel de Sousse. La province fut séparée du royaume numide par un fossé
ou fossa regia. Quelques bornes de délimitation, d’époque très postérieure (prin-
cipat de Vespasien), ont été retrouvées, si bien qu’on a une idée approximative
des contours de VAfrica. La frontière partait, au nord, de l’embouchure de la
Tusca (oued el-Kebir de Khoumirie), laissait en Numidie Thabraca (Tabarca),
Vaga (Beja), Thubursicu Bure (Teboursouk) et Thugga (Dougga) et courait vers
l’est jusqu’au djebel Florin, au sud-ouest de Zaghouan, à moins de 50 km de
la mer, pour s’infléchir de là vers le sud ou le sud-est jusqu’à Thaenae (Hr Thina),
à 12 km au sud-est de Sfax, sans qu’on sache si elle englobait ou non les steppes
où sera édifié plus tard Kairouan. Saumagne [1638] a défendu l’hypothèse de
la plus grande extension, mais un passage du Bellum Africum (XLIII) nous paraît
plaider en faveur de l’hypothèse inverse. Le creusement même de la fossa, limite
administrative, mais peut-être aussi ligne de défense (Romanelli [1634], 44),
indiquait que Rome entendait bien conserver à sa conquête un caractère limité.
Il ne semble pas que celle-ci ait suscité dans les premières années un courant
d’immigration en provenance de l’Italie.
Les sept villes libres qui avaient abandonné Carthage au début de la dernière
guerre punique, à commencer par Utique et Hadrumète, restèrent en principe
autonomes et souveraines et reçurent même parfois de nouveaux territoires
(Appien, Lib., 135)- Le reste de la province fut dévolu au peuple romain (ager
publiais populi Romani). Mais, apres une assignation fictive, les anciens proprié¬
taires indigènes se virent en général reconnu un droit d’usage, moyennant le
versement d’un tribut foncier annuel (stipendium), auquel s’ajoutait une capita¬
tion. Quelques terres de 1 ’ ager publicus, sur lesquelles les droits de Carthage
avaient dû être contestés, furent concédées aux fils de Massinissa, et d’autres à
des transfuges carthaginois. Mais une bonne part de Vager publicus restait à la
disposition de l’Etat, notamment les terres qui avaient appartenu en propre à
Carthage et aux cités qui lui étaient restées fidèles. Rome en tira profit en les
vendant à de riches Romains (ager priuatus uectigalisque) ou en les louant soit à
des Romains, soit à des Africains. Il est probable que Y ager publicus fut cadastré
dès les lendemains de la chute de Carthage. En tout cas, la loi agraire de 111
présuppose ce cadastre. On a retrouvé des traces de la première cadastration
dont l’unité de base fut la centurie carrée de 50 ha environ (Caillemer et
Chevallier [1597], 275; Chevallier [1604], 61-78). Les axes de référence (cardo
et decumanus) étaient inclinés de 290 par rapport aux points cardinaux.
C) La guerre de Jugurtha
roi, auquel Bestia avait « extorque de l’argent» (p. 217)5 aurait noué avec les
populaires, dont il s’était aperçu qu’ils étaient maîtres du jeu, une « conjuration
jugurthine » fondée sur un intérêt devenu commun et dirigée contre les nobles.
Ces derniers, aux abois, auraient alors réussi à faire tomber Jugurtha dans une
embûche (la provocation de Massiva). En fait, cette trop subtile exégète repose
sur deux passages de Cicéron interprétés à contresens (Brutus, XXXIII, 127, et
De nat. deorum, III, 30, 74). En réalité la quaestio coniurationis lugurthinae est la
commission d enquête sur la conjuration de Jugurtha, c’est-à-dire sur la collusion
avec le roi pour raison de vénalité que les populaires reprochaient à Bestia et à
ses amis.
D) La colonisation marienne
E) De Marins à César
Sylla maître de 1 ’ Urbs (88 av. J.-C.), Marius tenta, avec l’aide de Marius
le Jeune, d’organiser ses partisans, fort nombreux en Afrique. Le gouverneur
romain lui refusa son appui. Quant au successeur de Gauda, Hiempsal II, après
lui avoir fait bon visage, il lança sa cavalerie à ses trousses sur le rivage de la
Petite Syrte (Plut., Alar., XL, 14). Désormais, la dynastie massyle attachait sa
destinée au parti des optimales. Marius toutefois put lever pour son compte des
cavaliers qui contribuèrent à sa reconquête de Rome (87).
Après la mort de Marius (janvier 86), les luttes entre Syllaniens et Maria-
nistes eurent des prolongements sur le sol d’Afrique. En 84, les premiers, et
notamment le fils de Metellus le Numidique, essayèrent de prendre en main la
province. Mais le gouverneur désigné par les Marianistes, C. Fabius Hadrianus,
réussit à imposer son autorité. Il pratiquait une politique démagogique et n’hési¬
tait pas à exciter les humbles et les esclaves, partisans des populaires, contre les
riches négociants fixés à Utique. En 82, assailli dans sa résidence officielle, il fut
brûlé vif et ses meurtriers ne furent pas inquiétés. Pourtant, à l’automne de cette
même année, le consul marianiste Papirius Carbo, vaincu par Sylla, après avoir
abandonné son quartier général de Clusium (Chiusi, en Etrurie), passa en Afrique
avec « ses amis » (Appien, BC, I, 92). H devait bientôt être capturé lui-même
à Cossura (Pantelleria) ; mais il est possible qu’il ait établi auparavant quelques-
uns de ses compagnons étrusques dans la vallée de l’oued Miliane, si l’on admet
une séduisante hypothèse d’Heurgon [1623], qui a récemment publié les bornes
d’un grand domaine inscrites en langue étrusque. On relève dans l’inscription la
présence de l’anthroponyme Unata qui est un gentilice de Clusium.
Les troubles civils finirent par avoir de sérieuses répercussions dans le
royaume de Numidie et même au-delà. En 81 avant notre ère (Scardigli [1640],
L'Afrique romaine et libyco-berbère 637
F) L’Afrique césarienne
Les partisans de Pompée, appuyés par Juba, mirent donc l’Afrique en état
de défense. S’étant rendu maître de l’Italie, puis de la Sicile toute proche, César
chargea Curion, devenu propréteur, de les affronter. Celui-ci débarqua avec
deux légions à la fin de juin 49 (calendrier rectifié). D’abord vainqueur de Varus,
légat propréteur de Pompée, il fut bientôt défait et tué par Juba accouru avec
ses troupes (Cés., BC, II, 23-44). Le parti césarien se résolut à chercher un appui
auprès des souverains des deux Maurétanies, plus jaloux du Numide que fidèles
à la mémoire de Sylla. Mais les plans établis pour une intervention en Afrique
à partir de l’Espagne, tombée entre les mains des Césariens, échouèrent en raison
de graves dissensions dans l’armée et l’administration de l’Espagne ultérieure.
Après la défaite de Pompée à Pharsale et son assassinat devant Péluse (été 48),
les Pompéiens d’Afrique furent renforcés par l’arrivée de nombreux sénateurs
(Gic., Att., XI, 7, 3). D’autres partisans de Pompée, comme Caton ou encore
d’anciens légats de César, tels L. Afranius et T. Labienus, s’étaient réfugiés en
Cyrénaïque. Ils entreprirent au prix de grandes souffrances, à l’automne de 48,
la difficile traversée du désert des Syrtes qu’évoquera Lucain au chant IX
(371-949) de la Pharsale. 10 000 hommes parcoururent en deux mois la distance
qui sépare Bérénice (Benghazi) de Lepcis Magna, en Tripolitaine. Beaucoup
périrent, victimes des serpents et des scorpions. Puis au début du printemps de 47,
la colonne gagna Utique, où une escadre venue de l’Adriatique renforçait
encore l’armée pompéienne. Celle-ci pouvait paraître imposante, avec ses dix
légions et ses 15 000 cavaliers auxiliaires appuyés par l’armée bien entraînée de
Juba Ier, très supérieure aux contingents de fortune jadis rassemblés par Massi-
nissa. Des stocks d’armes et de céréales tout à fait considérables avaient été
constitués. Et pourtant, les chefs pompéiens, divisés entre eux et souvent en
désaccord avec Juba, ne surent pas profiter de cette concentration de forces et
640 V Occident
Mais César prit aussi des mesures de bien plus grande portée.
Il supprima les deux royaumes de Numidie, sans susciter appa¬
remment de résistance parmi les indigènes. Juba avait péri, ainsi,
sans doute, que Mastenissa, dont le fils, Arabion, s’était enfui
en Espagne. Le royaume des Massyles de l’Est, excepté la rési¬
dence royale de Cirta, devint une nouvelle province (Prouincia
Noua). L’historien Salluste, alors préteur, en fut le premier gouver¬
neur avec le titre de proconsul et des pouvoirs militaires (cum
imperio). On ignore si la résidence du gouverneur fut fixée à f)ama,
selon une hypothèse de Romanelli [1634], 131, ou plutôt à Sicca
Veneria (Le Kef), surnommée la nouvelle Cirta (Noua Cirta),
selon une conjecture très séduisante de Salama [1635], 147. Les
biens de Juba furent vendus. Cirta et une partie du royaume de
Mastenissa (dont les contours sont mal connus) constituèrent une
sorte de principauté, battant sa propre monnaie, qui fut octroyée
à Sittius. L’aventurier disposait vraisemblablement d’une façade
maritime, depuis Y Amp saga (oued el-Kebir) à l’ouest jusqu’à un
point inconnu situé à l’est de Rusiccade (Ras Skikda). Hippo Regius
(Annaba), dont il s’était emparé à la fin du conflit {Bell. Afr.,
XCVI, 1), était rétrocédé à la Nouvelle Province. A l’ouest de
Y Amp saga, Bocchus II de Maurétanie régnait désormais (Appien,
BC, IV, 54), et ce fleuve resterait la frontière entre la Maurétanie
et la Numidie au moins jusqu’à l’époque vandale, cf. Camps [1602].
La Gétulie, qui bordait au sud la principauté de Cirta à une cen¬
taine de kilomètres de la côte (Gsell [1323], VIII, 158), demeurait
en fait dans une situation d’autonomie. On a des raisons de sup¬
poser qu’elle s’étendait vers l’est jusqu’à une ligne Madaure
642 L’ Occident
côté de La Malga, mais non sans quelques empiétements qui pourraient avoir
suscité la colère destructrice du grand pontife Lépide, entre 40 et 36 avant
notie ère (Appien, Lib., 136; Cassius Dio, LII, 43, 1). 3 000 colons venus de
Rome y furent installés, d’autres furent recrutés au voisinage. C’est probable¬
ment César qui a décidé de rattacher au territoire, ou pertica, de la nouvelle
colonie les gioupements de citoyens romains (pagi) éparpillés à proximité des
cités indigènes, sans se soucier des discontinuités territoriales. La pertica de
Carthage englobait dès lors des territoires situés dans la Nouvelle Province. Elle
reçut l’immunité en raison de l’origine italienne de ses colons, cf. Broughton
[*59^1* Outre Carthage, César décida sans doute la fondation de plusieurs
colonies dans le cap Bon, très probablement Clupea (ÇMibia), peut-être Curubis
(Korba), Carpi (Mraïssa), Neapolis (Nabeul). Les liens de ces cités avec Carthage
étaient assurément très étroits, sans qu’on puisse en préciser la nature. D’autre
part, il est possible que César ait fondé une colonie à Hippo Diarrhytus (Bensert,
Bizerte). Il nous semble fort douteux, en revanche, qu’il ait créé un municipe
à Mustis (Hr Mest).
Arabion se hâta de revenir dans les anciens Etats de son père, tua Sittius
et repoussa Bocchus II vers l’ouest, sans doute jusqu’à la Soummam (prin¬
temps 44 : Cic., Ait., XV, 17, 1; Appien, BC, IV, 54). Mais il ne put arracher
Cirta aux Sittiani. Pendant ce temps, les gouverneurs des deux provinces étaient
paralysés par leurs désaccords, sans toutefois entrer ouvertement en lutte. Il
en alla différemment à partir de la constitution du triumvirat, à la fin de 43
avant notre ère. T. Sextius en Africa Noua, lié à Antoine, était l’homme des
triumvirs; Q,. Cornificius en Africa Velus, ami de Cicéron, considérait qu’il
n’avait d’ordres à recevoir que du Sénat. Ils s’affrontèrent en 42 avant notre
ère. Les Sittiani, anciens partisans de César, firent cause commune avec Sextius,
cependant qu’Arabion louvoyait. Ce fut Sextius qui l’emporta après maint
épisode, grâce au ralliement d’Arabion.
644 L'Occident
Jusque vers 120 avant notre ère (Salluste, Iug., CX, 9), nous
ignorons tout du royaume de Maurétanie. Peut-être n’atteignit-il
la Moulouya qu’après la défaite de Syphax. C’était là, en tout cas, la
limite entre ce royaume et le royaume massyle à la fin du règne
de Micipsa. Pour la période antérieure, les historiens grecs et latins
ne nous renseignent que sur le royaume massyle, considéré seul
désormais comme numide.
Ayant pris parti contre les royaumes numides, les deux sou¬
verains de Maurétanie, alliés de César, se trouvèrent en 46 dans
le camp des vainqueurs. Les Etats de Bocchus II vinrent border
la principauté de Sittius sur 1 Ampsciga (oued el-Kebir du Constan-
tinois). Mais en 38, Bogud se rangea du côté d’Antoine et
Bocchus II du côté d’Octave. Tingis (Tanger), qui perpétuait une
très ancienne tradition d’autonomie au sein de la Maurétanie
— en 81, elle avait son propre « roi », peut-être un vassal de
Bocchus Ier, et des relations étroites avec Rome —, se souleva
contre Bogud, que Bocchus II chassa de ses Etats avec l’accord
d’Octave. Les Tingitains devinrent citoyens romains (Cassius
L'Afrique romaine et libyco-berbère 651
Dio, XLVIII, 45, 3), tandis que Bocchus II régnait dès lors sur
la Maurétanie unifiée, de l’Atlantique à YAmpsaga, jusqu’à sa
mort en 33 av. J.-C. Il ne semble pas qu’il ait eu d’héritiers
naturels.
Octave disposa de ce vaste royaume, encore mal connu des
Romains, sans en faire une province (Gsell [1323], VIII, 201),
dont la création eût été assurément prématurée. Il convenait avant
tout d’amorcer sur ces terres lointaines une première romanisation.
Nous ne savons à peu près rien de l’activité d’Octave-Auguste dans les sept
ans qui précédèrent l’avènement de Juba II (25 av. J.-G.). On suppose qu’il
profita de ce laps de temps, pendant lequel il avait les mains libres, pour créer
une douzaine de colonies, ports et centres de communications (Pline l’Ancien,
HN, V, 2; 5; 20-21), qui lui permettaient de contrôler les parties essentielles de
la Maurétanie. En fait, une inscription, qui a été récemment découverte dans
la région de Tipasa et sera éditée sous peu par M. Bouchenaki et P.-A. Février,
révélera bientôt à quel point Juba II dépendit d’Auguste, jusque dans l’adminis¬
tration des communautés de son royaume. Les Romains n’avaient pas hésité, au
temps de Marius, à pratiquer une colonisation viritane sur le territoire du roi
Gauda; et, autant qu’on le sache, les colons ne furent jamais inquiétés par les
Numides. On ne peut dès lors exclure qu’Auguste ait créé, après 25, des colonies
urbaines, en les détachant d’un royaume qui lui devait sa résurrection.
Juba Ier qui mit en circulation des monnaies d’argent. Pour leur
commerce extérieur, ces rois utilisaient des monnaies d’argent
étrangères. On a des raisons de penser que la partie occidentale
de leurs Etats en resta à l’économie de troc. Par ailleurs, aucune
monnaie ne peut être attribuée aux rois de Maurétanie avant
l’époque de Bocchus II et de Bogud.
Par-delà la mort, des soins attentifs liaient les vivants aux défunts (Camps
[1598], 461-566). Chairs et os étaient souvent revêtus d’une ocre rouge censée
revivifier le cadavre. Des aliments continuaient de le nourrir et des amulettes le
protégeaient. Il recevait de nombreuses offrandes. Les morts qui avaient joui
d’une particulière estime rassemblaient autour de leur tombeau des foules funé¬
raires et sans doute aussi des foules de vivants. On comprend fort bien dès lors
que les souverains aient fait l’objet d’un culte funéraire et, dans certains cas,
d’une divinisation après la mort (Camps [1453], 279-295).
Venu de Sicile, mais après avoir longuement transité par Carthage, le culte
des Cereres (Déméter et Coré) s’était sans doute déjà répandu en Numidie avant
le règne de Massinissa. Il ne pénétra pas chez les Maures. C’était un culte agraire
qui réunissait dans une même ferveur l’Afrique de tradition punique et l’Afrique
numide. Les aspects naturalistes, parfois fort crus, du rituel et un mysticisme
d’accès immédiat expliquent le succès des Cereres auprès des agriculteurs libyens.
E) Conclusion
LA PÉNINSULE IBÉRIQUE
par D. NONY
Cette péninsule massive, aux climats et aux sols très divers et que l’on peut
rapprocher de la péninsule anatolienne pour la variété de ses paysages, était
ouverte depuis des siècles, malgré la barrière pyrénéenne, aux invasions terrestres,
et ses mers bordières, parfois dangereuses, accueillaient des navigateurs venus de
la plus lointaine Méditerranée comme de l’Atlantique. Les dernières grandes
invasions celtiques semblent appartenir au IVe siècle : désormais il n’y eut plus
que des apports faibles ou, comme les Cimbres a la fin du 11e siecle, sans etablis¬
sement notable. Ces envahisseurs venus en plusieurs vagues depuis le IXe siècle
ont rencontré des peuples en place, possesseurs d’une métallurgie avancée, et
qui, en partie grâce au contact avec les Phéniciens et les Grecs, ont commencé
à se doter d’une organisation politique permanente. Les Celtes ne purent
annihiler cet héritage et, au contraire, on note une iberisation rapide des nou¬
veaux venus en Aragon et en Castille (peuples celtibères comme les Carpétani,
ROME, 2
7
658 L'Occident
les Celtici de l’Alentejo, etc.) tandis que les Ibères gardent, à travers différents
groupes, une relative unité de civilisation, du sud du Portugal et de la basse vallée
du Guadalquivir (où résident les descendants des Tartessiens) jusqu’à l’embou¬
chure du Rhône, aire qu’ils défendirent mieux dans la péninsule qu’en Lan¬
guedoc. Or ces civilisations ibérique, celtibérique et celtique du Nord-Ouest, qui
reçoivent de leurs contacts avec leurs envahisseurs un enrichissement et une
nouvelle impulsion, du 111e au Ier siècle av. J.-C., avant leur quasi totale dispa¬
rition, sont presque absentes de nos sources littéraires : Polybe, comme Tite-Live
(où prédomine 1 ’Epitomé), ne livrent que la trame des événements militaires, et
seul Strabon (et, dans une bien moindre mesure pour cette période, Pline
l’Ancien) qui ont puisé dans le Polybe disparu et dans Poséidonios d’Apamée,
également perdu, deux auteurs qui avaient personnellement visité la péninsule,
offrent quelque secours (FHA [1654]).
Les fouilles d’habitats se multiplient, mais rarement en plaine où, oblitérés par
des occupations plus récentes, ils ne manquaient pourtant pas, le plus souvent en
acropole, où les sites ont été parfois désertés par la suite (par ex. Azaila). On
prend conscience d’une relative urbanisation en gros villages fortifiés au plan à
rue centrale; Sagonte, au 111e siècle, couvrait déjà plusieurs hectares. L’économie
était agricole et pastorale, mais l’introduction de la vigne et de l’olivier favorisait
la sédentarisation, tandis que le faible peuplement et l’immensité des plateaux et
de certaines plaines encourageaient, en particulier, l’élevage du cheval. L’archi¬
tecture paraît d’une grande simplicité (de nombreuses murailles cyclopéennes
sont bien conservées souvent d’époque romaine) ; la sculpture est assez abondam¬
ment représentée mais la datation de ses principales productions et leur inter¬
prétation font encore souvent problème, et les pièces les plus célèbres (Dame
d’Elche, Dame de Baza, etc.) appartiennent aux Ve et ive siècles; certaines pièces
du Cerro de los Santos datent du 111e siècle et les reliefs d’Osuna des me-ne siècles.
D’innombrables statuettes de bronze ont été retrouvées (Nicolini [1679]) surtout
dans les sanctuaires rupestres (Despenaperros, Castellar de Santfsteban) avec
des oeuvres encore de qualité, et la plupart des sites livrent une céramique peinte
originale et très variée des me-ier siècles av. J.-C., avec un décor géométrique qui
s’enrichit de décors floraux très stylisés et surtout de nombreuses représentations
humaines et animalières (Elche, Liria, Azaila, Verdolay).
Or il semble bien que le but principal des conquérants ait été l’exploitation
des richesses minières : Strabon, utilisant Polybe et Poséidonios, en donne un
témoignage éloquent (III, 2-3; III, 2, 8 à n) ainsi que Diodore de Sicile
(W 35-38), et Tite-Live recense minutieusement les quantités importantes de
métaux précieux versés par les gouverneurs dans le Trésor public de Rome :
environ 30 t d’argent et une tonne d’or de 206 à 197. Polybe mentionne
40 000 mineurs à Carthagène (Strabon, III, 2, 10) procurant un revenu de
25 000 deniers par jour (soit 9 millions par an?). Sur le terrain, les recherches
archéologiques ont encore peu progressé tant elles présentent de difficultés de
datation, mais quelques résultats ont déjà été présentés, en particulier par
C. Domergue [1730 à 1736] qui a mis en valeur la reprise de l’exploitation
ou son intensification à la fin du 11e siècle et durant la première moitié du Ier
pour le plomb argentifère de Carthago-Nova et de la Sierra-Morena, avec la
participation d’hommes d’affaires campaniens (d’après les estampilles sur les
lingots). Pour l’exploitation du cuivre, de l’or, bien attestée sur le terrain et
dans nos sources littéraires (pour le fer et l’étain l’archéologie demeure encore
discrète), les jalons chronologiques manquent le plus souvent : à Aljustrel,
pour le minerai de cuivre et d’argent et dans le Nord-Ouest pour les filons
aurifères, rien n’atteste une exploitation avant l’époque impériale (Pline,
XXXIII, 78), mais ce fut vraisemblablement un des objectifs des guerres
668 Z,’ Occident
4) LA ROMANISATION
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100 km
6) CHRONOLOGIE
LA GAULE TRANSALPINE
par C. GOUDINEAU
i) SOURCES ET PROBLÈMES
t/j, Certaines d’entre elles peuvent être orientées (Cicéron, César). Surtout,
elles s’intéressent peu aux populations autochtones.
L archéologie peut corriger en partie ces lacunes, mais le propre même des
decouvertes archéologiques est de laisser un très vaste champ à l’interprétation.
On suivra l’évolution des recherches dans les revues citées en bibliographie sous
les numéros [1773] à [1777].
Strabon (III, 4, 19) écrit :« Les auteurs antérieurs appelaient Ibérie tout le
pays situe au-delà du Rhône et de l’isthme formé par le resserrement des golfes
galatiques », affirmation confirmée par les sources anciennes (celle d’Aviénus,
Ora Maritima, 612-613, celle du Pseudo-Scymnos, 206-208). A quand remonte
l’attribution (scientifique) du Languedoc et du Roussillon à la Gaule ? On ne
sait, mais la date en est récente, et cette donnée essentielle ne doit pas être
oubliée.
poteiies faites au tour ([1792], 66g) [1820]). De même, depuis deux siècles,
la sculpture de pierre, d’abord rudimentaire (stèles de Mouriès, B.-du-Rh.
[1800], 29-33), a m's la technique méditerranéenne au service d’une iconographie
indigène : bustes de Sainte-Anastasie (Gard), « xoanon» de La Courtine (Var),
guenier de Grézan (Gard) : [1800] (pièces de datation d’ailleurs imprécise).
Resterait à déterminer si la plupart de ces caractères sont généraux ou s’ils
concernent plus particulièrement les sites proches de la vallée du Rhône ou du
littoral, zones où les recherches se sont surtout exercées. De fait, à mesure qu’on
s’en éloigne, les vestiges d’un abondant commerce avec Marseille ou par son
entremise (amphores, mortiers, premières céramiques campaniennes, monnaies)
semblent se raréfier. Cette réflexion s’applique également aux périodes postérieures.
Les textes sont énumérés par G. Barruol ([1784], 148-152), à quoi il faut
ajouter celui qui concerne les Volques (Tite-Live, XXI, 26). La divergence
entre les sources anciennes et les sources récentes peut se justifier par une
adaptation du vocabulaire, jusqu’alors imprécis, aux connaissances acquises par
la multiplication des contacts. La parenté ethnique entre les populations du Midi
et les Gaulois d’Italie est affirmée par Polybe (III, 48) et par les peuples du
Languedoc eux-mêmes à lire Tite-Live (XXI, 20 : « Ils savaient que les hommes
de leur race étaient chassés par les Romains de toute l’Italie, accablés de tributs
et de persécutions »). Trogue-Pompée, plaçant la fondation de Marseille sur le
territoire des Ségobriges (nom celtique) ou narrant le siège mis devant elle pâl¬
ies troupes celtiques de Gatumandos (Justin, XLV, 3), peut reprendre des
chroniques massaliotes dignes de foi.
D’autre part, on ne décèle pas de rupture archéologique au cours du
m Slede> sauf à Privilégier destructions partielles ou incendies, qu’on trouve à
toute epoque. Habitats et modes de vie évoluent progressivement. En Languedoc
occidental, la persistance linguistique de l’ibérique est attestée jusqu’à une date
récente (Jannoray [1787], 422 sq.; Barruol [1793], 684). Plus près de Marseille,
des graffiti gallo-grecs sont apparus déjà.
La Gaule transalpine 683
B) Marseille
2, 7914) ? Brunei [1803] a tenté de montrer que les villes du domaine faisaient
partie intégrante de la tcoXiç Maaaa/iaç; l’analyse paraît fragile [1819].
L’influence politique de Marseille à l’est du Rhône au 111e siècle est bien marquée
par les difficultés rencontrées par Hannibal et par le fait que ce sont des Gaulois,
hospites des Massaliotes, qui fournirent les renseignements sur l’expédition
d Hasdrubal (Tite-Live, XXVII, 36). Marseille utilise d’ailleurs les services de
mercenaires gaulois (Polybe, III, 41, 9; César, BC, I, 34).
En 181, c’est de l’activité des pirates ligures que les Massaliotes se plaignent
(Tite-Live, XL, 18). Une petite flotte romaine règle l’affaire. On a parfois vu
dans cet appel le premier signe d’une faiblesse massaliote qui n’allait que
s’accentuer : Benedict [1799], 39. En fait, comme le rappelle Ebel [1786],
686 V Occident
61-62, la Ligurie étant province consulaire depuis sept ans, une intervention
unilatérale de Marseille était exclue.
En 154, l’affaire est plus grave. On en trouve le récit dans Polybe, XXXIII,
8-11. Deux peuplades ligures, les Oxybiens et les Déciates, assiègent les comptoirs
de Nice et d’Antibes. Une ambassade romaine est rejetée à la mer. Le consul
Q,. Opimius vainc successivement les deux peuples. « Il livra aussitôt aux Massa-
liotes tout ce qu’il jugea bon de leur donner comme territoires et, pour l’avenir,
contraignit les Ligures à leur remettre des otages. » Sur ces événements et leur
localisation, abondante bibliographie régionale citée par Dugand [1809].
pérée. Les milliaires pourraient donc dater, des Pyrénées au Rhône, d’avant 146,
ce qui laisserait supposer un contrôle de Rome.
Cicéron, De Rep., III, 9, 16. L’un des participants au dialogue, pour
démontrer la relativité de la justice, donne cet exemple : « Nous (les Romains),
parangons de justice, n’interdisons-nous pas aux peuples transalpins de planter
l’olivier et la vigne afin de valoriser nos oliveraies et nos vignobles ? » Composé
vers 53-52, le dialogue est censé se dérouler en 129. Beaucoup ont plaidé l’ana¬
chronisme : Aymard [1796] rapporte la mesure à la fin du 11e siècle, Clavel
C1789], la juge de peu antérieure à la composition de l’œuvre. Badian
[356], 19 sq., exclut avec raison ce type d’hypothèses mais sa solution, liant
l’interdiction à la campagne de 154 dans le Sud-Est, n’est pas satisfaisante. En
revanche, s’appliquant au Languedoc où divers indices laissent supposer au moins
des essais (Clavel [1789], 310-312), la mesure se comprend bien.
d) Il reste enfin des arguments négatifs mais non sans force : pourquoi, lors
des opérations de 125 à 122, aucune action n’est-elle signalée à l’ouest du Rhône ?
Est-il imaginable que Rome ait pu créer une colonie à Narbonne en 118 si le
milieu venait seulement d’être pacifié ?
teaux sont façonnées par une main-d’œuvre locale : [1787], 120-131. Des équi¬
pements collectifs (collecteurs, drains) sont aménagés. Des monuments publics
en forme de portique, dont on a retrouvé le plan à Entremont ([1833], 1 7) et,
sui d autres sites proches du delta, des éléments de piliers et de linteaux (Benoît
[1800], 16-28), le développement de la sculpture en relief ou en ronde bosse
(ibid.), la découverte de trésors de monnaies et de bijoux (Gallia, 1974, p. 501-
502) : vodà qui prouve l’existence de forts « surplus », même si leur bénéfice est
réservé à une élite.
De cette aristocratie, les statues trouvées en terre salyenne fournissent une
représentation : guerriers en cuirasse, une rapière au côté, femmes au long voile
à franges : [1833], 27-57. La pose« officielle» montre les hommes trônant, assis
« en tailleur », la main sur une tête ou sur un groupe de têtes coupées aux yeux
clos, celles des ennemis tués au combat, selon une coutume rapportée un peu
plus tard par Posidonius (Strabon, IV, 4, 5, et Diodore de Sicile, V, 29, 5).
Armes et bijoux appartiennent au répertoire celtique.
L hegemome qu’on prête aux Arvernes sur la Gaule du 11e siècle se fonde
sur un texte de Strabon (IV, 2, 3) et sur des analyses numismatiques (Colbert
e ea.u îeu [1 05]) qu il n y a pas lieu de discuter ici. Les Arvernes auraient-ils
lance leurs clients à l’assaut de Marseille [1786], 66? Rien ne prouve de tels
rapports. Au contraire, les seuls peuples qui sont mentionnés lors des premières
campagnes (Ligures — nom réservé désormais aux peuplades proches de la
La Gaule transalpine 68g
ROME, 2 8
6go V Occident
A côté des nombreux problèmes de détail que posent ces campagnes fort mal
connues, trois points plus importants :
aux envahisseurs, par exemple à Glanon (CRAI, 1967, 118), on les considérera
avec réserve.
— 90. Révolte des Salyens, matée par C. Caelius (Tite-Live, Epitome, 73).
5) ORGANISATION ET « ROMANISATION »
DE LA TRANSALPINE JUSQU’A CÉSAR
B) Marseille
C) L'économie
En dépit des railleries de Cicéron (Pro Font., 33) la relative intégration des
« élites » se marque par le recours aux processus légaux contre les magistrats
concussionnaires (Fontéius, Calpurnius Piso, Muréna). Les monnayages locaux
à légendes nominales témoignent peut-être de l’ostentation d’une aristocratie,
au même titre que les nouvelles maisons d’Ensérune et de Saint-Rémy.
Non seulement la vie continue dans les oppida si 1 on excepte les sites,
proches de Marseille, détruits à la fin du 11e siècle — mais on y constate des
agrandissements et des réfections d’enceintes. De nouveaux établissements
fortifiés sont même créés ([1793], 685; [1834], 16-32), dont 1 un a fourni des
vestiges du rite des têtes coupées ([1825], 41-42), indice probable de la persis¬
tance de luttes entre peuples voisins. A côté de nouvelles productions, souvent
tournées, la poterie modelée maintient son répertoire traditionnel de formes
fermées. Les rites funéraires demeurent liés à l’incinération, même si on note
6g6 L Occident
Outre les droits de cité individuels qu’il ne ménagea pas, il est probable
que César accorda le droit latin à nombre de communautés de Transalpine :
la liste des oppida latina rapportée par Pline {NH, III, 4, 36-37) a chance de
remonter à cette période, ainsi que le titre de colonie (latine) dont se pareront
plusieurs villes : [1785], 30-33. A Marseille, il accorda de nouveaux privilèges,
probablement en Gaule intérieure {BC, I, 35) : [1818], 108 sq. Est-ce à ce
gouvernement que se rapporte la fondation du marché de Forum Julii (Fréjus,
Var) ?
conserve que son autonomie (Strabon, IV, 1,5), les îles d’Hyères
et Nice, Antibes échappant à sa juridiction (Strabon, IV, 1, 9).
Ce sont des colonies de vétérans (Xe légion à Narbonne, VIe à Arles) dotées
du droit romain. Ces deux villes porteront ultérieurement la titulature de
Colonia Julia Paterna, accordée par Octave-Auguste pour commémorer son père
adoptif. Le texte de Suétone amène à rechercher d’autres colonies contempo¬
raines. Or, les déductions militaires connues (mais de date incertaine) concernent
Béziers (VIIe légion), Fréjus (VIIIe) et Orange (IIe). Le cas le plus clair
paraît celui de Béziers : malgré Clavel ([1789], 165-167), cf. Brunt [298], 483
et 589, et Vittinghoff [505], 67. On ne peut exclure un statut colonial pour
Valence {ILS, 884). Remarquons aussi que Carpentras et Lodève portent le
nom de Forum Neronis.
LA GAULE INDÉPENDANTE
ET LA CONQUÊTE
par J. HARMAND
i) LA GAULE INDÉPENDANTE
DEPUIS LE MILIEU DU IIIe SIECLE AVANT NOTRE ERE
a.) Les bases des connaissances. La situation documentaire est difficile face
a ce qui constitue le milieu et la fin du second âge du fer ou, en gros, soit les
périodes de la T'ene II et III, soit les Tène I finale et II (si l’on tient compte de
tendances actuelles qui visent à réduire à deux les subdivisions du Fer II). Si
l’on se réfère aux témoignages écrits (rassemblés dans [1843], [1856]) on pâtit
à divers degrés de leur provenance, de leur datation, de leur nature. Du premier
point de vue ces textes sont tous protohistoriques ([1846], p. 8) : exclusivement
gréco-latms, ils voient presque tous le monde barbare selon l’esprit du Médi¬
terranéen antique, porté en ethnographie au schéma et au cliché. Quant à
leurs dates, ils sont au mieux contemporains de la fin de l’indépendance gauloise,
c est-à-dire de la Tène III, comme Diodore, mais souvent beaucoup plus tardifs,
ainsi Strabon, Lucain ou à la limite Ammien Marcellin et Orose, alors que le
souvenir historique, chez les Anciens, supporte mal l’épreuve du temps. Enfin,
lorsque au-delà des peintures de mœurs et des localisations géographiques il
s’agit de l’histoire événementielle des peuplements gaulois, on ne dispose que de
données extrêmement sporadiques. A ce tableau surtout négatif s’oppose, il
est vrai, 1 ample « hapax » du De Bello Gallico de César. Cette œuvre, qui est
beaucoup plus qu’une collection de bulletins de campagne, n’informe sans
doute directement que sur une décennie de la vie gauloise, avec un arrière-plan
d’une quarantaine d’années atteignant au début du Ier siècle avant notre ère
et recouvrant l’ensemble de la Tène III. Mais son portrait des milieux celtes ou
belges contemporains est d’une lucidité toute moderne et elle possède une
grande cohérence ([1857]). Il y a en fait déséquilibre entre César et le reste de
la documentation écrite.
La Gaule indépendante et la conquête 701
Il faut ici aller plus loin, car ce tableau jure à l’évidence non seulement
avec les situations par essence provisoires que l’on doit restituer à la plus ancienne
Tène, mais aussi avec celle de l’apogée celtique du me siècle avant notre ère, et
cela parce qu il reproduit un corps géopolitique amputé des terres tombées aux
mains des Belges. Et il y a lieu de se demander si, en particulier dans le secteur
tampon parisiaco-lingon et en Armorique, nombre de peuplements de la Tène III
ne sont pas constitués par des réfugiés du Nord; je songe au premier chef aux
groupes dont le nom comporte le suffixe -Cassi et qui sont tous voisins de la fron¬
tière sud du Belgium : Durocasses, Baiocasses, Véliocasses, Viducasses à l’ouest,
Tricasses à 1 est; aux Sénons, limitrophes des Parisiens, mais dont la toponymie
révèle la trace en Lorraine; aux Mandubiens dont l’insertion et l’histoire en
Auxois, entre Eduen et Lingon, ont un caractère anormal. Obligatoirement,
l’avance belge a bouleversé les conditions territoriales bien au-delà de ses
limites mêmes; par la toponymie surtout une restitution des implantations
antérieures s’imposerait.
Un des principaux éléments des structures des cités tend à faire envisager
pour elles, au moins territorialement, une origine ancienne (à l’échelle de la
présence celtique en Gaule) : ce sont les marches frontières dont elles envelop¬
paient leur territoire utile. Ces marches, en somme des réserves du passé bota¬
nique du pays, consistaient en terres laissées à l’état de nature, à la forêt, plus
ou moins dégradée sans doute car pas plus là qu’ailleurs elle n’a gêné le Romain,
au marécage, à la simple broussaille. Le survol des cités montre que dans
l’ensemble ces régions marginales correspondaient souvent à des mauvaises
terres qui aujourd’hui encore demeurent hors des zones agricoles; ainsi dans le
Belgium les fonds de la forêt de Compiègne entre Bellovaques et Suessions, en
Celtique le massif de l’Yveline entre les Parisiens et les Carnutes, la Sologne
entre ces mêmes Carnutes et les Bituriges, la Double au sud des Santons face à
l’Aquitaine. Tout se passe comme si durant le processus de création des cités
les populations, par empirisme selon toute vraisemblance, s’étaient réparties,
pacifiquement ou non, les bonnes terres, ouvertes déjà ou encore à défricher, et
La Gaule indépendante et la conquête
7°7
les faisant passer, comme on l’a dit, des clairières à la plaine, avaient peu à peu
repoussé les sols incultes jusqu’à des auréoles géographiques prédestinées par
1 édaphisme puis politiquement utilisées. Une telle démarche tend, répétons-le,
à donner l’idée d’une prise de possession de date reculée, en des temps de droit
du poing, et d’une aspiration des peuples à l’isolement, sur laquelle il faut
tout de suite mettre l’accent. A ces zones se liait une toponymie spéciale en
-ido, évocatrice de la clairière. On doit s’attendre à ce qu’elles aient connu une
insécurité chronique au moins dans les décennies désordonnées de la Tène III,
et en tout temps (du point de vue économique) des activités surtout pastorales,
comme autour des cités grecques, qui elles aussi s’enveloppèrent de telles franges
(['92°]j P- 164). Il est à noter que les cités celtes installaient là facilement
des populations migrantes, à titre de gardes frontières; ce fut le cas des Boïens
en — 58 dans le Sancerrois, pour le compte des Eduens devant les Bituriges
(BG, I, 28, 5; VII, 9, 6) ([1857], P- 572‘573)> et probablement, parmi les réfu¬
giés du Belgium, des Durocasses au nord de la Beauce carnute, des Mandubiens
sur les mauvaises terres de l’Auxois, peut-être des Sénons vers l’Othe et les
marais avoisinants. Il fallait insister sur cet aspect symptomatique et trop peu
perçu des cités et du paysage gaulois ; des enseignements multiples pourraient en
découler; surtout si une cartographie particulière était réalisée à l’échelle de
la Gaule ([1846], p. 53-54; [1857], p. 563-564; [1893], p. 265; [1894]).
L évolution de i habitat gaulois au second âge du fer est assez évidente sur
le plan de sa distribution. A l’apogée de l’époque de la Tène il consistait quasi
exclusivement en unités répandues à travers les campagnes; ces unités ont
correspondu soit au type de l’habitat dispersé (grandes fermes ou manoirs de la
noblesse surtout), soit à celui du petit habitat groupé avec les villages de paysans.
Les deux formes subsistaient à la Tène III, à la fin de laquelle le De Bello Gallico
définit par des termes latins la première comme aedificium, la seconde comme
uicus. C’est indistinctement autour de l’une et de l’autre qu’ont dû s’organiser
les terroirs concentriques évoqués plus haut. Le problème de l’architecture
gauloise, moins net, a été très longtemps faussé par la dangereuse notion de la
hutte, qui tire 1 image de la Gaule vers la sauvagerie et qui provient de références
littéraires incertaines comme celles de Strabon (IV, IV, 3) dont les sources
pourraient être insulaires, plutôt que d’une archéologie de l’habitat hier encore
indigente. On peut admettre avec prudence que les demeures populaires, celtes
ou non, ont eu des proportions et des structures modestes; mais il exista autre
chose. Les enquêtes allemandes, très en avance sur la France depuis un demi-
siècle, avaient déjà donné une image infiniment plus complexe de la construction
des âges du fer, point seulement de la Tène ([1842], p. 54). Depuis, si jusqu’à ces
dernières années l’aedificium celte ou belge est resté un mot, les explorations
aeriennes de R. Agache en Picardie ont révélé sa réalité, celle de vastes exploi¬
tations à cours multiples imbriquées de façons très diverses et centrées parfois
par le prototype de la maison de ferme gallo-romaine à portique de façade
[1867]. Enfin des espérances d’une archéologie du village ténien commencent
à se dessiner, en Berry notamment, en même temps que celles de l’archéologie
du village médiéval et dans un esprit voisin.
La Gaule indépendante et la conquête
709
Si les oppida, il faut y insister, n’ont pas normalement fixé des noyaux consi¬
dérables de population permanente, pourtant certains d’entre eux, surtout ceux
qui pour des motifs commerciaux ont été attirés par des berges de rivières, ont
tendu à des ébauches de villes : ainsi Cabillonum des Eduens sur la Saône,
Lutetia des Parisiens sur la Seine, Avaricum des Bituriges sur l’Yèvre et l’Auron
(terme de comparaison précis pour Avaricum dans la Celtique d’Allemagne
à Manching, [1922]).
Gomme dans toutes les civilisations antiques, agriculture et élevage sont les
bases de l’économie. Pour la première, la Tène III fournit, grâce au De Bello
Gallico, une assise chronologique sûre; si cette œuvre atteste que la forêt n’a guère
été un décor de la conquête, elle fait aussi intervenir la logistique à fondements
locaux du gros exercitus de César, qui permet de se rendre compte du développe¬
ment agricole du pays; le proconsul n’a pas eu plus de mal à se ravitailler qu’il
7i4 T Occident
Leur conception du Divin semble avoir été proche de l’esprit numinaire des
plus anciens Romains, par la croyance en des divinités non personnalisées et,
à plus forte raison non anthropomorphisées, dont les noms variaient d’une cité,'
smon d’un pagus à l’autre. Pourtant il existe assez de constantes, à la Tène III
au moins, pour que le De Bello Gallico (VI, 17, 1-2; 18, 1) présente un tableau où
es grandes fonctions divines gauloises sont recouvertes par des appellations
prises au panthéon romain classique : Mercure protège les activités économiques,
Apollon fait figure de dieu médecin, Minerve patronne les arts et les métiers.
Mars est le dominateur de la guerre, alors que Jupiter est présenté en maître
du monde céleste et Dis Pater reconnu comme dieu des morts. Peut-être est-ce
la le fruit d une évolution, car à la même époque une certaine anthropomorphi-
sation s est développée, BG, VI, 17, 1 parlant de simulacre dont les plus nombreux
représentaient Mercure. Un siècle après, le poète Lucain mentionnera dans son
La Gaule indépendante et la conquête 717
Bellum Ciuile (I, 445-446) trois dieux celtes par leurs noms indigènes, Teutatès,
Esus, Taranis, mais sans fournir aucune précision fonctionnelle et, à nouveau,
dans un esprit de folklore, horrifique, qui n’ajoute rien au De Bello Gallico, VI,
17 et 18 ([1916, [1906], [1907]).
Mais les Celtes ont fait une large part à la vénération d’autres figures supra-
terrestres, les héros, dans l’ensemble des ancêtres divinisés. Autant que les dieux
et sans que l’on puisse exclure des fusions entre les deux groupes, ces héros sont
indispensables à la compréhension du psychisme religieux de la Gaule. Leur
importance n’eut d’égale au mieux que celle du monde héroïque grec [1904].
Elle est très normale dans un groupe humain qui se voulait issu du dieu des
morts (BG, VI, 18, 1).
l r TmPTne Ct’ Pfr S°n anCfage danS le maIheur des temps, la sœur des
décennie^— f2TnV t’ ^ ,E Gaulc méridionale durant la
uecenme — 120 n y trouvèrent pas trace de druides. A côté des visions nébu-
(SeTei.e e ZZ
hu?air*T'ar?e? P?Vilè8“ &Ca" “
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du *• orifices
« Parvenu à assujettir la
l'éducation «»—»
2) LA CONQUÊTE CÉSARIENNE
C. Marius, avait posé les fondements d’un exercitus à recrutement non plus aristo¬
cratique et censitaire, mais « prolétarien », qui devait cesser d’être une milice
pour devenir une troupe professionnelle. Dans la suite le Sénat avait été inca¬
pable d’assurer le bon fonctionnement financier du nouveau système, et la
formule marienne, indispensable en son principe, avait abouti à l’apparition
d’armées pillardes, irresponsables et de valeur technique inégale. César, pro¬
consul des Gaules, a mis fin à cette période intermédiaire en promouvant une
nouvelle mentalité collective des soldats, par des mesures d’ordre psychologique,
puis par une réforme de la solde. Sur le plan de l’efficacité il a flanqué une infan¬
terie légionnaire hors de pair maintenant, notamment en matière de polior-
cétique, d’une cavalerie permanente à recrutement en partie barbare, alors que
l’incurie sénatoriale avait laissé disparaître après Marius l’arme montée. De
sorte qu’au plus tard dans les années — 55/— 54 il a existé un exercitus césarien
qui ne pouvait être confondu ou comparé avec aucun autre élément de la
machine militaire romaine [934].
Qu’ont opposé à cette armée de nouveau modèle — cet emprunt cromwellien
est justifié — les divers peuplements barbares affrontés par César entre — 58
et — 51, et pour lesquels on ne s’en tiendra pas aux frontières de la Gaule ? Sur
un seul point il y eut uniformité des conditions. Face à une armée césarienne qui
passa d’environ 25 000 à 50 000 hommes, Celtes, Belges ou Germains ont quasi
toujours eu la supériorité numérique. Pour le reste, le proconsul s’est trouvé en
présence de formules très diverses. Durant l’année — 58 où il a, comme on l’a
dit, pris le pays en main, il s’est heurté, soit avec les Helvètes, soit avec les
Germains d’Arioviste, à la vieille formule des masses d’infanterie articulées ethni¬
quement, vigoureuses, mais pesantes, des peuples du Fer de l’Europe moyenne et
septentrionale. Dans chaque cas une seule bataille a réglé la question, alors que
pourtant l’armée de César, à peine constituée, traversait une crise de départ qui
eût pu être mortelle (BG, I, 24-26; 39-53). Chez les Belges, les Nerviens surtout
en — 57 (BG, II, 17-28), ce même genre de phalange a connu un sort identique.
Pendant la phase médiane de la conquête le proconsul ou ses lieutenants ont
dû compter avec ce que l’on appellera des « hapax » militaires. En — 56 la
flotte de nefs vénètes a été détruite par les galères césariennes, une fois de plus
en une unique journée, le nouveau légionnaire se révélant redoutable dans
l’abordage (BG, III, 13-16). La même année les Aquitains ont tenté, avec l’aide
d’auxiliaires espagnols, d’opposer au légat Crassus le Jeune une castramétation
copiée sur Rome; pour en avoir tiré un parti incomplet ils ont subi un désastre
(BG, III, 23-26). Enfin en Bretagne, en — 55 et — 54, César a eu personnelle¬
ment affaire à ce qui était plus ou moins un autre fossile du plus ancien second
âge du fer : les Belges passés dans l’île avaient conservé l’usage d’une très forte
charrerie agissant de manière systématique, en arme tactique homogène; après
avoir exercé un effet positif de surprise, elle a été incapable d’empêcher la
défaite des insulaires (BG, IV, 23-26, 32-35; V, 9, 15-22).
ROME, 2 9
722 L'Occident
L’Orient
-
Chapitre VII
LES SOURCES
Pour les événements qui vont des guerres d’Illyrie à celle d’Achaïe (229-146),
notre source la plus importante est bien entendu Polybe (ca 210-200 - apr. 118).
Ses mérites sont bien connus, et il suffit de renvoyer à l’ouvrage que Pédech [65]
a consacré à sa méthode historique. Il est cependant nécessaire de rappeler
que Polybe lui-même doit être lu d’un œil critique : tout d’abord parce qu’il
reste tributaire de ses propres sources et de ses informateurs, mais aussi parce
que, nécessairement, il raconte et analyse les événements, ceux surtout auxquels
ses proches et lui-même ont été mêlés, en fonction d’un certain nombre de pré¬
supposés et de préventions, et plus généralement d’un système de valeurs et de
concepts, dont l’historien actuel doit tenir compte (cf. Musti [68], 1149-1150);
et de ce point de vue l’ouvrage apologétique de Lehmann [1965], quel que soit
le mérite des analyses qu’il contient, ne peut apparaître satisfaisant. Il convient
en particulier de rappeler que Polybe avait primitivement prévu d’arrêter ses
Histoires en 167, et que c’est après la tragédie qui s’abattit en 146 sur la Confédé¬
ration achéenne sa patrie qu’il décida de les prolonger, afin que ses contemporains
vissent clairement si l’autorité de Rome était acceptable ou intolérable, et que la
postérité pût juger si elle méritait l’éloge ou le blâme (3, 4, 7). La participation
de Polybe à l’organisation romaine du Péloponnèse en 145 (39, 5) ne permet pas
de douter de sa réponse. Malgré ces nécessaires réserves, l’incontestable valeur
du récit polybien fait déplorer comme une première catastrophe le fait que seuls
les cinq premiers livres (s’arrêtant en 216) en soient intégralement conservés] des
35 autres, nous n’avons que des fragments, que complètent très imparfaitement
celles de nos sources qui en dérivent, en premier lieu Tite-Live et Diodore de Sicile,
730 L'Orient
Ce dernier semble avoir suivi de très près Polybe dans les livres 22 à 32 de sa
Bibliothèque historique (compilée au Ier siècle av. J.-C.), mais d’eux aussi nous
ne conservons que des fragments. Soulignons enfin que le commentaire historique
de Walbank [63] constitue un instrument de travail indispensable. Une Suite à
Polybe avait été composée par Posidonius d’Apamée, célèbre philosophe et savant
stoïcien (ca 135-50). C’était une œuvre importante, que nous connaissons par
quelques fragments et par ceux de Diodore qui s’en est inspiré. II en sera plus
longuement question à propos des guerres contre Mithridate.
La seconde tradition historiographique importante concernant notre période
remonte aux Annalistes, c’est-à-dire aux historiens romains de la période répu¬
blicaine (éd. des fragments dans le premier volume des Historicorum Romanorum
Reliquiae de Peter). Le problème de sa valeur historique a été posé en particulier
à propos des origines de la seconde guerre de Macédoine. Les analyses de
Petzold [2019], selon qui la version annalistique des faits serait un mélange de
matériel polybien déformé et de pures inventions, dans le seul but de créer les
apparences d’une guerre juste, sont sans aucun doute excessives : on a pu montrer
depuis que les motivations et les méthodes des annalistes étaient plus complexes
(Bickermann [2020] et [2050]), et qu’ils avaient pu utiliser des documents
ignorés de Polybe (pièces d’archives sénatoriales, annales maximi; cf. KIotz
[80 fois]). L’éclectisme dans l’utilisation des sources, si sévèrement condamné par
Petzold, apparaît donc méthodologiquement fondé, mais Walbank [1964], 3-4,
a justement averti contre la tentation d’une réhabilitation inconsidérée, « hypo-
critique », de la tradition annalistique, dont nous paraît témoigner Balsdon
[2021]. D’autant que la plupart de nos sources, et notamment Tite-Live,
n’utilisèrent pas directement, ou du moins très peu, les annalistes du 11e siècle
contemporains des événements, mais bien plutôt les annalistes tardifs du Ier siècle,
tels Claudius Quadrigarius et Valerius Antias dont la conscience historique était
des plus médiocres.
De Tite-Live, nous conservons les livres 21 à 45 (de 218 à 167). Le récit de la
première guerre de Macédoine, réparti dans les livres 23-29, est très décevant;
même si Polybe a été directement utilisé (ce qui reste disputé), sa narration a été
abrégée, et fortement contaminée par des éléments d’origine annalistique. Mais
pour les livres 31 à 45, les nombreuses recherches entreprises depuis Nissen [1968],
qui reste fondamental, ont établi que de façon générale le récit des faits se dérou¬
lant en Grèce et dans l’Orient hellénistique s’inspire directement de Polybe,
tandis que le reste de l’œuvre reflète la tradition annalistique; et un consensus
s’est à peu près réalisé sur la répartition entre parties « polybiennes » et « anna-
listiques ». La perte de Tite-Live à partir de 167 est une seconde catastrophe.
Des livres perdus, nous n’avons que de très brefs résumés (periochae), de faible
valeur; un abrégé perdu de Tite-Live a dû être la source principale des histoires
de Florus (11e siècle), Eutrope (rve siècle) et Orose (ve siècle).
P, Meloni [1970] avait cru pouvoir identifier dans les fragments conservés
Rome, les Balkans, la Grèce et VOrient
731
des Macedonica d’Appien (seconde moitié du 11e siècle) les traces d’une troisième
tradition historiographique, remontant à des historiens grecs contemporains de
Polybe, mais hostiles à Rome; cependant Gelzer (Bibl. Or., 1957, 55-57) et
Gabba ( [ 1971 ] et Riv. St.lt., 1956, 100-106) ont montré qu’il n’y a rien dans les
Macedonica et la première partie des Syriaca qui ne provienne selon toute vraisem¬
blance de Polybe ou des annalistes (y compris ceux du 11e siècle). De même
Y Histoire romaine de Dion Cassius (début du 111e siècle — connue pour notre
période par des fragments et, jusqu’à 146, par le résumé du Byzantin
Zonaras) ne paraît-elle utiliser que des matériaux polybiens ou annalistiques. Il
reste enfin à signaler certaines biographies de Plutarque (ca 46-120), de contenu
essentiellement polybien, mais avec un certain nombre de détails précieux
inconnus par ailleurs. Il faut donc prendre garde que les sources primaires
auxquelles nous pouvons remonter sont presque exclusivement romaines ou favo¬
rables à Rome. Le point de vue des adversaires de Rome est très mal représenté.
On ne saurait trop souligner combien les sources littéraires deviennent insuffi¬
santes à partir de 167, et réellement indigentes après 145. D’assez nombreuses
inscriptions cependant, presque toutes grecques, éclairent l’histoire de notre
période. Les plus importantes de celles qui étaient connues au début du siècle
ont été recueillies dans la Sylloge [244] et les OGIS [243] de Dittenberger, dont
le commentaire reste précieux; également dans les IGR [245], qui ne dispensent
pas de recourir aux éditions originales. Le recueil de Moretti [1972] les complète
pour la Grèce et la Macédoine jusqu’en 146. Les sénatus-consultes et lettres de
magistrats romains connus par des inscriptions grecques ont été commodément
rassemblés dans les RDGE de Sherk [247]. Il faut également rappeler que le
Bulletin épigraphique de J. et L. Robert [250], qui rend compte annuellement des
nouvelles publications épigraphiques en y adjoignant souvent de précieux
commentaires, est un instrument de travail essentiel. Les principales inscriptions
seront signalées au fur et à mesure de notre exposé.
décision en fut prise. Mais la piraterie illyrienne n’était pas le mal endémique que
suggère Polybe, et ne devait pas remonter au-delà de ca 250 (Dell [2004]); elle
avait pris en revanche en 230 une nouvelle dimension, devenant brusquement
une espèce d’impérialisme brouillon qu’encourageait la faiblesse des Etats
voisins. C’est en 231 que les Illyriens réapparaissent, après quarante ans d’un
silence total des sources, quand la Macédoine loue leurs services pour protéger
l’Acarnanie contre les attaques des Etoliens et que ces derniers sont défaits. En 230,
les Illyriens prennent par surprise la ville épirote de Phoenicé, et après avoir
défié une armée étolo-achéenne, obtiennent l’alliance des Epirotes et des Acar-
naniens. En 22g enfin, quand Rome entre en action, ils se sont emparés de Corcyre
et assiègent Epidamnos (Dyrrachium) et Issa : ils paraissent sur le point de
contrôler toute la côte de l’Adriatique Sud, c’est-à-dire les principaux ports en
liaison avec l’Italie. La brusque et massive expédition romaine n’attaqua pas le
cœur du royaume illyrien, mais porta son effort sur la façade maritime au sud
de Lissos. On peut admettre que Rome avait senti une menace (Badian [2002],
5), mais elle ne se contenta pas de l’écarter en brisant la puissance illyrienne; elle
en profita pour établir définitivement son influence sur la rive orientale de
l’Adriatique, et c’est en cela qu’il est permis de parler d’impérialisme.
Une réserve doit cependant être formulée : dans le récit de Polybe (3, 1 6, 3)
comme dans le texte qu’il cite du traité entre Hannibal et Philippe V (7, 9, 13b
les cités illyriennes sont purement et simplement considérées comme sujettes de
Rome; surtout dans le résumé livien du traité romano-étolien (26, 24, 12) elles
semblent bien être désignées par la formule qui Romanorum dicionis sunt; si son
authenticité venait à être confirmée, il faudrait certainement reconsidérer le
problème du statut de ces cités. On a parfois pensé que Rome avait également
voulu se prémunir contre la Macédoine, « en dressant une barrière entre elle et
734 V Orient
donienne contre un tiers; elle conservait des « amis », dont Attale, mais ses
devoirs envers eux relevaient de sa seule appréciation. Rien ne permet d’ailleurs
de penser que le Sénat ait ratifié la paix de Phoenicé avec le dessein arrêté de
reprendre la guerre dès que Carthage aurait été vaincue. Mais cela ne signifie
pas qu’il l’ait fait sans rancoeur ni méfiance. L’idée qu’il soit redevenu indiffé¬
rent aux initiatives de la Macédoine et à l’évolution des rapports de forces en
Grèce et dans l’Egée est un paradoxe que rien ne nous contraint à admettre.
L argument principal, sinon unique, produit en ce sens depuis Holleaux ([1999],
289-297) est E façon abrupte dont le Sénat (en 202 ?) aurait éconduit une ambas¬
sade étolienne venue se plaindre de Philippe. Mais ainsi que l’a souligné Badian
([•984]; 208-211, et [2030], 50-51), les sources invoquées sont de valeur médiocre
(T.-L., 31, 29, 4-5, simple allusion à l’intérieur d’un discours, et App., Mac. 4;
cf. en revanche le silence de Pol., 15, 23, 7-9). Il paraît donc prudent de ne pas
trop faire fond sur cette ambassade et la façon dont on l’aurait reçue.
Selon Holleaux ([1999], 315-331, leur principal argument aurait été l’annonce
du pacte conclu entre Philippe et Antiochos pour se partager les possessions
lagides (cf. Pol., 3, 2, 8; 15, 20) : le Sénat y aurait vu une conspiration des
monarques orientaux, destinée un jour à se tourner contre l’Italie, et aurait
décidé d’en finir avec le plus faible tandis qu’Antiochus était occupé à conquérir
la Coelé-Syrie. L’existence même de ce pacte a été mise en doute (D. Magie,
JRS, 1939, 33-44; R. M. Errington, Athen., 1971, 336-354), sans doute à tort
(Schmitt [2041], 237-261), mais sa fragilité était apparue dès 201 (Pol., 16, 1)
et surtout, si le Sénat avait craint à ce point une coalition des deux rois, il
aurait dû sonder au plus vite les intentions d’Antiochos et s’enquérir du progrès
de la guerre de Syrie, alors que ses ambassadeurs ne prirent contact avec lui
qu’après le vote de la guerre contre Philippe. Il ne semble pas en réalité que
Rome se soit inquiétée des agissements d’Antiochos avant sa grande offensive
de 197 en Asie Mineure. Nous croyons en revanche qu’Holleaux, et après lui
Badian ([1214], 64-65) ont sous-estimé les chances de succès de l’entreprise de
Philippe en Egée, ou plutôt le découragement de ses adversaires. Rhodes, dont
les tentatives de médiation lors de la première guerre de Macédoine avaient
montré qu’elle n’aimait guère voir la flotte romaine intervenir en Egée (Pol.,
11, 4-6), ne se serait pas associée en 201 à la démarche de Pergame si elle avait
eu bon espoir de contenir l’expansion macédonienne sans l’aide de Rome. La
campagne de 201 avait confirmé la supériorité terrestre de Philippe V, et montré
que la flotte macédonienne, impuissante certes face à la coalition de celles de
Rhodes et de Pergame, pouvait l’emporter sur chacune séparément; Philippe
en 200 s’empara d’Abydos et prit position de part et d’autre des détroits sans
que ses adversaires tentassent de l’en empêcher.
s’engager dans la guerre aux côtés de la Macédoine (T.-L., 31, 25), et c’est sans
doute ce qu’espérait le Sénat, dont les légats s’étaient arrêtés à Aegium le prin¬
temps précédent. Mais aucune autre initiative diplomatique n’avait suivi.
Galba en était resté au système d’alliances de la première guerre contre Philippe,
ne faisant d’ouverture qu’en direction des Etoliens, qui entrèrent en guerre
dans l’été 199. Flamininus lui-même n’arriva peut-être pas en Grèce avec les
idées nouvelles qu’on est tenté ex eventu de lui attribuer : l’étude de la campagne
de 198 montre qu’il n’adopta pas d’emblée une stratégie fondamentalement
différente de celle de Galba, et que son passage en Thessalie puis en Phocide
s’explique dans une large mesure par des impératifs logistiques (Eckstein [2031]).
Même s’il fallait renoncer à voir dans le ralliement de la Ligue achéenne le
premier résultat d’une grande offensive diplomatique dont nos sources d’ailleurs
ne parlent pas, il reste que Flamininus sut exploiter l’opportunité qui s’offrait,
et en tirer l’idée d’une nouvelle stratégie. Il tenta systématiquement en 197 de
rallier à la cause romaine, sous la menace mais si possible sans user de la force,
les derniers membres de la Ligue hellénique, y parvenant en Béotie (T.-L.,
33, 1-2) et échouant de peu en Acarnanie (33, 16). Et il se servit de ces nouveaux
alliés pour consolider sa position face aux ambitions territoriales étoliennes lors
de la conférence de Tempé. La controverse à ce sujet a été relancée par la
publication du fragment épigraphique du traité de 212-211 que les Etoliens
invoquaient pour soutenir leurs droits (état de la question dans Musti [68],
1146-1149). Mais il est à craindre que cela n’ait fait qu’obscurcir le problème.
Déjà Aymard ([2047], 171 ) avait souligné que Flamininus refusa alors aux
Etoliens des villes que Philippe avait accepté de leur remettre dès les entretiens
de Locride : toute argutie juridique mise à part, la décision romaine ne pouvait
leur apparaître que comme une injustice. Ce qui n’empêcha pas les autres
Grecs, inquiets des appétits étoliens, d’approuver le proconsul (Pol., 18, 39, 1),
d’accepter donc que Rome décidât de la nouvelle carte politique de la Grèce.
De fait, en vertu du traité romano-macédonien et du sénatus-consulte qui en
précisait l’application, c’est aux Romains que Philippe remit toutes les villes
qu’il occupait encore en Grèce (18, 44), à la grande fureur des Etoliens. Le
différend personnel qui les opposait à Flamininus (18, 34) n’avait fait qu’aviver
un désaccord fondamental : le refus romain de les laisser tirer tous les avantages
de la défaite macédonienne et de trop accroître leur puissance; et le Sénat sur
ce point manifesta clairement son accord avec Flamininus (T.-L., 33, 49, 8).
Vainqueur en Coelé-Syrie dès 200, Antiochos n’eut sans doute jamais l’inten¬
tion d’intervenir dans la guerre romano-macédonienne, mais compta bien en
profiter pour renforcer sa position en Asie Mineure. Au printemps de 197 il
entrepôt une grande expédition par terre et par mer, qui le conduisit en 196
en Ghersonese de Thrace. Cette avance inquiéta Rhodes, puis les Romains, et
comme le roi fut assez habile pour conclure avec Rhodes, dès juin 197, un
partage amiable des zones d’influence, c’est tout naturellement vers Rome
que se tournèrent Smyrne et Lampsaque quand elles refusèrent de se soumettre
à lui (cf. Syll. , 591; Bickermann [2038] et Desideri [2042], 501-506). Les
Romains protestèrent en 196 contre l’occupation de cités précédemment possé¬
dées par Philippe et qui leur revenaient de par leur victoire, demandèrent
Rome, les Balkans, la Grèce et V Orient
745
également à Antiochos de ne pas porter la main sur les cités lagides et autonomes,
et s’inquiétèrent enfin de son passage en Europe. Le roi répliqua qu’il n’avait
aucune mauvaise intention contre Rome : il avait repris possession des cités
d’Asie et de Thrace occupées par Philippe en vertu de droits ancestraux remon¬
tant à 281 ; Ptolémée allait devenir son gendre et son allié; et ce n’était pas des
Romains mais de lui que les cités d’Asie devaient recevoir leur autonomie. Les
négociations tournèrent court (Pol., 18, 49-52).
traite ci alliance sanctionnant le statu quo, et lorsque dans un entretien privé avec
Flamininus et les dix légats de 196 les Syriens se virent proposer un compromis
(Rome abandonnerait la cause des cités d’Asie si Antiochos évacuait l’Europe),
ils se déclarèrent incompétents pour le négocier (T.-L., 34, 57-59; en ce sens
Badian [2040], 126-127; contra Will [1974], II, 173)- L’impasse était totale, les
contre-propositions séleucides présentées à une ultime ambassade romaine
(App., Syr., 12, cf. Desideri [2042], 508-510; T.-L., 35, 13-17) n’impliquant
aucune concession sur le fond. C’est alors qu’intervinrent les provocateurs :
Eumène d’un côté, ayant tout à perdre à un renforcement de la puissance séleu-
cide en Asie, poussait les Romains à la fermeté (35, 13, 7-10); les Etoliens de
l’autre voyaient en Antiochos leur unique espoir de briser l’ordre établi en
Grèce par Rome. Polybe (3, 7, 1-3) fait à tort du mécontentement étolien la
cause unique de la guerre, mais il est certain que leur rôle fut décisif au moment
critique. Il semble en effet qu’Antiochos ait espéré contraindre les Romains à
accepter le statu quo en utilisant contre eux leurs propres armes, et en se faisant
appeler par les Etoliens « pour libérer la Grèce et arbitrer le conflit entre Rome
et eux » (T.-L., 35, 33, 8), mais qu’il ait alors été débordé par les initiatives
étoliennes (Holleaux [2012], 394"395; Badian [2040], 130-134) : c’est ce que
suggère le peu de forces avec lesquelles il finit par passer en Grèce à l’automne
de 192.
Le texte du traité est connu par Polybe (21, 43), et d’après lui par Tite-Live
(3 5 38). La clause territoriale (T.-L., § 4; le texte correspondant de Polybe est
mutilé) en reste disputée. Si l’on accepte une correction qui remonte à Budé
elle définissait une ligne Taurus-Halys allant de la Méditerranée à la mer Noire’
qui dans sa partie méridionale serait la nouvelle frontière de l’Etat séleucide’
mais plus généralement délimiterait la partie de l’Asie Mineure sur laquelle
Antiochos renoncerait à toute prétention (Holleaux [2043]). Allant plus loin
Liebmann-Frankfort ([1993], 62-64) pense que par cette clause Rome établissait
sa zone d’influence sur toute l’Asie située à l’ouest de la ligne Taurus-Halys y
compris la Bithynie, la Paphlagonie et la Galatie indépendantes du royaume
syrien (cf. les objections de E. Will, Syria, 1971, 515-519). Mais la correction de
Bude n est peut-être pas nécessaire, et le texte de Tite-Live a été vigoureusement
Rome, les Balkans, la Grèce et V Orient 747
défendu depuis Mommsen, en dernier lieu par Mac Donald [2045] : la clause
territoriale délimiterait tout simplement la nouvelle frontière imposée au
royaume de Syrie dans le sud-est de l’Asie Mineure. Rejeté au-delà du Taurus,
Antiochos se voyait également interdire d’attaquer les peuples de l’Europe et
des îles de l’Egée. Les moyens d’ailleurs lui en étaient enlevés, puisqu’il ne
pourrait conserver plus de dix vaisseaux non pontés, qu’il lui était interdit
d’envoyer au-delà du cap Sarpédon (le texte de la clause navale — Pol., § 13,
T.-L., § 8 — est corrompu; nous suivons les conclusions de Mac Donald et
Walbank [2046]). Antiochos enfin devait verser à Rome 12 000 talents (à raison
de 1 000 par an, et sans compter les 3 000 déjà livrés en 189 : en tout douze
fois et demie ce qu’avait dû payer Philippe). Ce traité a fait l’objet d’apprécia¬
tions très diverses (De Sanctis [262], IV, 1, 200-202; Holleaux [2012], 425).
Antiochos restait souverain dans son royaume; sa politique n’était entravée ni
vers l’est ni vers le sud (pas d’interdiction notamment d’engager la guerre contre
l’Egypte); ses forces terrestres n’étaient pas non plus limitées en nombre; le
traité se contentait de lui interdire de posséder des éléphants et de recruter des
mercenaires dans les territoires sous contrôle romain. Les plus lourdes étaient
la clause navale et la clause financière; cette dernière notamment, s’ajoutant à
la perte des revenus de l’Asie Mineure, allait créer à la monarchie séleucide de
sérieuses difficultés, jusque dans les premières années du règne d’Antiochos IV
(cf. Will [1974], H, 255-256).
Succédant à Scipion en 189, Cn. Manlius Vulso entreprit, sans doute selon
les instructions du Sénat (cf. T.-L., 37, 5i, 10; Frank [1954], !78-179), une
campagne d intimidation contre les Galates, qui fit très bonne impression
auprès des Grecs (Pol., ai, 41) et fournit un butin appréciable. Il siégea en 188
à Apamee avec les dix commissaires du Sénat, procédant à l’organisation de
lAsie Mineure. Le detail nous en échappe encore largement (pour les cités
indépendantes, état de la question dans Bemhardt [1961], 52-71) La théorie
selon ^quelle les décisions en faveur de Pergame et de Rhodes auraient été
1 evocables, Rome gardant un droit de propriété sur ces territoires, repose seu¬
les mêmes présupposés juridiques erronés que la thèse selon laquelle la liberté
accordée en 196 par la proclamation de Corinthe aurait été précaire (Schmitt
[1989], 97-108; Bemhardt [1961], 80-83). Le principal bénéficiaire des arran¬
gements romains fut Eumène, dont l’inimitié envers Philippe et Antiochos
garantissait aux Romains la fidélité : son royaume était désormais le plus
puissant d Asie Mineure (détails dans Magie [838], II, 758-764); il recevait
egalement la Chersonese de Thrace en Europe, et au milieu des possessions
rhodiennes le port lycien de Telmessos. Cela ne l’empêcha pas de disputer à
Antiochos la possession de la Pamphylie; le Sénat dut accéder à sa demande
leur territoire, et les Epirotes le prévinrent qu’ils feraient de même le cas échéant.
Sur ces défaillances, le Sénat préféra fermer les yeux, sur les conseils notamment
de Flamininus. Il n’y eut même pas d’épuration; quelques extraditions furent
exigées d’Antiochos, mais on n’assista pas à une politique systématique comme
en 167 (Deininger [1987], 108).
C’est dans ce traité qu’apparaît pour la première fois la« clause de majesté»,
considérée par les juristes postérieurs comme caractéristique des traités inégaux,
et qui donnait en quelque sorte une forme légale au statut d’Etat client (Badian
[1214], 84-87). L’Etolie perdait les cités qu’elle avait possédées en Thessalie et
en Achaïe Phthiote, la Phocide qui fut constituée en ligue, Ambracie qui devint
une cite libre, et 1 île de Cephallénie qui, de même que Corcyre et Zacynthe
(perdue par l’Athamanie), passait sous la surveillance directe des Romains.
Enfin la cite de Delphes, qui n avait jamais appartenu à la Confédération mais
était sous sa totale dépendance, retrouva toute sa liberté, et les Romains s’empres¬
sèrent de confirmer les privilèges du sanctuaire et d’étendre le domaine sacré
(RDGE, n° 37, 1 et 38; cf. Daux [1981], 213-280).
voulait imposer sa volonté sans avoir à employer la force, aurait créé une tension
dangereuse avec Rome et engendré dix ans de chaos dans le Péloponnèse;
Callicratès en revanche aurait eu le mérite de reconnaître et de mettre à nu le
véritable rapport de forces, d’en tirer les conséquences et de rétablir la paix.
C’est aller trop loin dans la remise en cause, salutaire en soi, des jugements de
Polybe (24, 11-13; 39, 3), dont le père Lycortas avait été le bras droit de Philo-
poemen, et qui lui-même devait à Callicratès sa déportation à Rome (cf. les
conclusions plus nuancées de Larsen ([1986], 447) et de Deininger ([1987],
125-7); cependant que Stier et Lehmann suivent fidèlement Polybe). La faute
la plus grave de Philopoemen fut peut-être, alors qu’il voulait éviter toute
immixtion de Rome, d’agir vis-à-vis de Messène et surtout de Sparte avec une
rudesse et une maladresse qui multiplièrent les mécontentements, et donc les
occasions d’interventions romaines (répression sanglante et abolition des insti¬
tutions tiaditionnelles à Sparte en 188 — T.-L., 38, 33“3-4 '—> manoeuvres à
Messène — Pol., 22, 10) : contradiction qui aurait pu être évitée par un politicien
plus adroit. Mais lorsque Callicratès et ses amis, après avoir par leurs dénoncia¬
tions (Pol., 22, 10 et 24, 9) renforcé les tendances interventionnistes d’un Sénat
peut-être divisé (Derow [2049]) et préparé l’épuration de 167, firent triompher
leur politique « réaliste », ils ne parvinrent à établir qu’une paix et une stabilité
trompeuses, parce que mal acceptées par la majorité du pays, et qui amenèrent
par réaction au drame de 146.
Dès la fin de la guerre étolienne sinon depuis 196, Philippe avait entrepris
une politique de reconstruction économique et sociale (T.-L., 39, 24-25; cf. Wal-
bank [1977], 224; Rostovtzeff [330], 632-634) : augmentation des revenus de
l’Etat, à la fois sans doute par un accroissement de la production agricole et des
échanges commerciaux (essor notamment du port de Démétrias) et par une
aggravation de la pression fiscale; ouverture ou réouverture de mines et reprise
des émissions monétaires d’argent (dès 188-187 : Boehringer [2104], 102-104);
encouragement à la natalité et installation de colons thraces en Macédoine.
Philippe releva son royaume dépeuplé et ruiné par les guerres et les conditions
de paix dictées par Rome, et son action, poursuivie par Persée, explique la
prospérité de la Macédoine en 172 (T.-L., 42, 12, -8-10). Il entreprit d’autre part
de garantir la frontière septentrionale du royaume par une politique balkanique
ROME, 2 IO
754 V Orient
Pour toute cette période, cf. Meloni ([1978], 61-209). Mais Giovannini [2052]
a établi (par une nouvelle analyse de Syll?, 613) qu’il n’y a aucune raison de
supposer que la Macédoine n’ait retrouvé qu’en 179-178 ses deux sièges à
l’Amphictyonie delphique et d’y voir un premier succès de la diplomatie de
Persée, et il a souligné à juste titre que c’est à partir de 174 seulement que la
politique philhellénique de ce roi a pris toute son ampleur, suscitant rapidement
une réaction romaine ([2051], 856). Le personnage de Persée reste difficile à
cerner à travers une tradition historiographique uniformément hostile. L’effort
de propagande de Rome à la veille et au début de la guerre fut considérable, et
nous en possédons un précieux document : les fragments d’une lettre adressée,
sans doute en 171, à l’Amphictyonie delphique pour énumérer les crimes de
Persée (RDGE, 40; cf. Daux [1981], 319-325). Il est bien évident que les accusa¬
tions contenues dans ce texte, de même que dans le discours prêté par Tite-Live
à Eumène, doivent être accueillies avec circonspection. Celle d’avoir attisé les
conflits sociaux en Grèce (11. 23-24), bien que généralement acceptée par les
Modernes (cf. Giovannini [2051], 860) exige la même prudence. On ne saurait
se contenter du texte fameux de Tite-Live sur l’état des esprits en Grèce en 172
(42, 30), d’après lequel Persée aurait gagné à lui la plèbe et les notables endettés
ou démagogues (cf. les critiques de Derow, Phoenix, 1972, 307-308 et Gruen
[2054], 31). Si l’on cherche des indications plus précises, on constate qu’Eumène
ne peut accuser Persée que d’avoir suscité des troubles en Thessalie et Perrhébie
en faisant espérer une abolition des dettes (T.-L., 42, 13, 9 cf. Diod., 29, 33). Il
est possible en effet que dans ces pays pourvus par Flamininus d’un régime censi¬
taire, Persée ait cherché parmi les débiteurs une clientèle à opposer à la classe
dirigeante proromaine; mais ce n’est pas non plus nécessaire : alors que l’Etolie
voisine, où le problème des dettes était endémique (Pol., 13, 1-2), connaissait de
ce fait des troubles sanglants, rien d’étonnant que la révolte se soit propagée en
Thessalie, où les créanciers se livraient à de tels abus que les Romains eux-mêmes
756 V Orient
imposèrent en 173 un compromis allégeant le poids des dettes (T.-L., 42, 5, 7-9).
On aimerait en savoir plus sur la signification et les conséquences de l’interven¬
tion de Persée en Etolie, sans doute entre 177 et 175 à la demande des autorités
fédérales (T.-L., 42, 12, 7; 40, 7; 42, 4; cf. Deininger [1987], 146-152; Gruen
[2054], 35-36), sur la situation sociale en Béotie au moment de son rapproche¬
ment avec la Macédoine (cf. Pol., 22, 4, suggérant la liquidation à partir de 189
de l’anarchie démagogique qui régnait depuis vingt-cinq ans). Trop de choses
nous échappent pour qu’on puisse affirmer avec certitude que Persée reprit
systématiquement les tendances « populaires » de la politique hellénique de son
père, dont d’autres indices suggèrent qu’il a voulu se distinguer (T.-L., 41, 22, 7;
Pol., 25, 3, 5-8). Persée constituait d’ailleurs pour Rome un danger plus grand
encore s’il cherchait à séduire les classes aisées autant que les masses, et se posait
en successeur d’Antigone Doson autant que de Philippe V.
Appliquant à la troisième guerre de Macédoine l’explication proposée par
Holleaux pour la seconde, Bickerman [2050] a proposé de voir dans l’annonce
d’un conflit imminent entre la Syrie et l’Egypte ce qui détermina le Sénat à
entrer immédiatement en guerre contre Persée, pour en finir avec lui avant qu’il
pût s’allier avec le vainqueur en Orient; mais c’est en 178 que Rome aurait dû
agir, si sa crainte obsédante depuis 201 avait été celle d’une coalition des rois.
La décision du Sénat de remettre à l’année suivante l’entrée en guerre (T.-L.,
42, 18) s’explique sans doute essentiellement par le délai nécessaire aux prépa¬
ratifs militaires, et notamment à la remise en état de la flotte (Rich [1962],
22-26); il est plus surprenant qu’il ait attendu fin septembre ou octobre (Rich,
88-89) pour envoyer à travers la Grèce la grande ambassade dirigée par
Q.. Marcius Philippus. Par tous les moyens, y compris la dissolution de la Confé¬
dération béotienne, Phihppus et ses collègues affaiblirent sérieusement la position
macédonienne. Le seul échec qu’ils essuyèrent fut en Illyrie. En ce qui concerne
le rapprochement de son roi Genthius avec la Macédoine, il faut ajouter aux
indications de Tite-Live (40, 42; 42, 26 et 45) l’émission (à une date qui reste
malheureusement imprécise) de monnaies s’inspirant des types macédoniens
créés en 187-186 (Cabanes [1988], 286-287).
La guerre contre Persée ne fut pas facile : les forces romaines piétinèrent deux
ans en Thessalie avant de pouvoir pénétrer en Macédoine. Au printemps de 170,
certains dirigeants molosses complotèrent de s’emparer du consul pendant qu’il
traversait l’Epire et de le livrer à Persée (Pol., 27, 16) : la tentative échoua,
mais une partie des Epirotes passèrent du côté de la Macédoine, et cette défection
Rome, les Balkans, la Grèce et l'Orient
757
iendit plus difficiles les communications entre l’Italie et la Thessalie; en mars 169,
la trahison de certains Etoliens faillit livrer à Persée la place de Stratos, très’
importante aussi du point de vue logistique (T.-L., 43, 21-22); dans l’hiver
de 169-168 enfin, le roi d’Illyrie Genthios rejoignit le camp macédonien (Pol.,
29, 3-4). Dès 171, d’autre part, il était apparu que les alliés grecs, à l’exception
de Pergame, participaient à la guerre sans enthousiasme, n’envoyant que des
contingents réduits, voire dérisoires (T.-L., 42, 55). Ce fut en particulier le cas
des Rhodiens, que leur hostilité envers Eumène depuis 180 et les liens écono¬
miques étroits qu’ils avaient renoués avec la Macédoine (L. Robert, Etudes de
numismatique grecque, Paris, 1951, I79"2I6) incitaient à limiter au maximum leur
engagement : sur 40 navires promis, 6 seulement rejoignirent les Romains, et
furent aussitôt renvoyés chez eux (Pol., 27, 3 et 7). Dès lors ils ne prirent plus
part à la guerre, et en 168 entreprirent une tentative de médiation brutalement
interrompue par la victoire romaine (29, 10-11; cf. Gruen [2070]). Eumène
lui-même, voyant son royaume menacé par les Galates, put envisager de favo¬
riser une solution négociée du conflit (29, 5-9; cf. Badian [1214], 102-103;
B. Schleussner, Historia, 1973, 119-123); il y renonça finalement, mais le bruit
de ses contacts avec Persée transpira, et alimenta les accusations de trahison.
de Callicratès en 181 ou d’Eumène en 172 n’étaient que trop fondés. Cet aspect
passionnel du raidissement qui suivit Pydna explique que le Sénat, sous l’influence
d’un certain nombre de ses membres, soit dans l’ensemble revenu au bout de
quelques années à plus de souplesse. Il ne s’agit pas de rejeter la responsabilité
des mesures de 168-167 sur une « clique de plébéiens extrémistes » dont un
homme comme Paul Emile aurait été malgré lui l’instrument (Scullard [1225],
212-219) : Polybe, dont dépendent Tite-Live et Plutarque, était trop porté à
disculper le père de Scipion Emilien son ami pour qu’on le suive sans méfiance
(Badian [1214], 98). Plus généralement, analyser en termes de groupes familiaux
dans la tradition de Münzer les divergences attestées au sein du Sénat en matière
de politique hellénique et orientale, comme l’ont fait Scullard [1225] et surtout
Briscoe [2057] et [2069], ne nous paraît pas conduire à des résultats satisfaisants.
Peut-être faudrait-il s’attacher en priorité à préciser les attitudes et les opinions
d’un certain nombre de principes et d’« experts» (Caton, M. Aemilius Lepidus,
Paul Emile, Ti. Sempronius Gracchus le père, C. Popillius Laenas, Cn. Octa-
vius...), sans prétendre les regrouper à l’intérieur de deux ou trois factions, et
voir dans quelle mesure, et dans quelles directions, ils ont pu infléchir la politique
du Sénat.
exigées de Philippe en 196); s’y ajoutaient pour les Macédoniens les impôts que
chaque république devait nécessairement collecter, d’autant que les Romains
s’étaient emparés du trésor royal et qu’elles ne disposaient donc d’aucune réserve.
Il n’y a aucune raison de considérer ce tribut comme l’une des indemnités de
guerre que Rome avait l’habitude d’exiger après ses victoires (Frank [1954], 210;
Badian [356], 18), car nos sources n’indiquent pas que le versement n’en ait été
prévu que pour une durée limitée. Nous ne savons si les anciennes propriétés
royales passèrent au peuple romain dès 167 (Larsen [335], IV, 299) ou seulement
lors de la constitution de la Macédoine en province (Mac Kay [2064], 257;
Perelli [2064 é]). Le fait que la réouverture des mines de métal précieux en 158
(Cassiod., p. 130, Mommsen) ait permis à la fois d’importantes émissions de
tétradrachmes par la Macédoine Première (où se trouvaient les mines du Pangée)
et la reprise d’abondantes émissions de deniers à Rome (Crawford [2100], 44-5)
paraît confirmer l’interprétation que donne Larsen [1986] 299 de T.-L.,45, 29,11,
à savoir que Rome et les républiques macédoniennes se partageaient à égalité le
produit de l’exploitation de ces biens; mais cela ne nous paraît avoir de sens
que si les Macédoniens en gardaient, sous cette condition, la propriété. Le Sénat
n’aurait voulu, en 167, ni confisquer l’ensemble des propriétés royales, ni laisser
les républiques les exploiter à leur guise (cf. Diod., 31, 8, 7; T.-L., 45, 18, 4-5).
Le compromis tenté par Paul Emile pour les mines de fer et de cuivre dut paraître
assez satisfaisant pour qu’on l’étendît ensuite à celles d’or et d’argent. Exploiter
économiquement la Macédoine sans se charger de l’administrer ni de la protéger,
c’est à quoi revenait, pour le plus grand profit des Romains, le statut de 167.
Les précisions de Polybe sur le traitement de l’Epire ont été confirmées par
l’archéologie (Cabanes [1988], 303-305), et encore à l’époque de Strabon
(7) 7) 3) Ie pays était presque un désert. Même des Etats restés fidèles virent leur
puissance amoindrie : Rome acheva de constituer son protectorat sur les îles
ioniennes en détachant Leucade de l’Acarnanie (T.-L., 45, 31, 12); dès 167
(Diod., 31, 8, 6) l’Amphilochie fut enlevée à la Confédération étolienne, dont le
démembrement fut achevé par l’indépendance de la Locride, de la Doride et de
l’Oetaia (en 166 : Daux [1982], 326-328), avec l’accord, sinon à l’instigation de
Rome. Notons encore que la Confédération béotienne ne fut probablement pas
reconstituée en 167 (R. Etienne et D. Knoepfler, Hyettos de Béotie et la chrono¬
logie des archontes fédéraux entre 250 et 171 av. J.-C., BCH, suppl. 3, 1976,
342-347).
L’épuration des classes dirigeantes aurait eu pour conséquence, selon
Deininger [1987], que l’opposition à Rome dans les Etats grecs, jusqu’alors
conduite par une partie des notables jouissant de l’appui des masses, devînt
en 167 l’exclusivité de ces dernières : l’attitude vis-à-vis de la puissance romaine
aurait donc pris à cette date une signification sociale nouvelle. Mais peut-on
parler d’une mutation décisive alors que dès 194 Flamininus donnait aux cités
thessaliennes une Constitution à base censitaire, et que la révolte de l’Achaïe
encore ne sera pas seulement celle des masses, mais aussi d’une partie des
notables ? Les textes de Tite-Live et de Polybe qui paraissent signaler des états
d’esprit différents selon les couches sociales doivent sans doute être utilisés avec
plus de précaution que l’a fait Deininger : son analyse repose sur une division
entre Oberschicht et Unterschicht qui ne correspond qu’imparfaitement à celle de
Tite-Live entre principes et plebs (car princeps peut désigner un chef de parti
« populaire» : cf. Musti [68], 1165-1166); et Tite-Live lui-même ne faisait que
traduire et interpréter à sa façon Polybe, chez qui on ne trouve pas de vocable
correspondant à principes, tandis que ot 7toXXol, to 71X7)00? et même ot 07X01
n’ont pas nécessairement une signification sociale aussi évidente que plebs, et
désignent souvent tout simplement la majorité qui se dégage au sein d’une
assemblée (P. S. Derow, Phoenix, 1972, 304-310). La terminologie polybienne est
donc beaucoup moins nette que la traduction qu’en donnent Tite-Live et Dei¬
ninger, d’autant que les mécanismes constitutionnels qui permettraient de
l’éclairer restent mal connus : on dispute toujours pour savoir si les synodoi
achéens étaient des assemblées primaires (en dernier lieu A. Giovannini, MH,
1969, 1-17) ou représentatives (Walbank, MH, 1970, 129-143; Larsen, CP, 1972,
178-185). Il reste en tout cas qu’en Thessalie en 194, en Macédoine en 167, dans
le Péloponnèse en 145, les Romains ont pris soin d’exiger une qualification
censitaire pour l’accès aux magistratures et aux conseils (synedria), et d’accroître
Rome, les Balkans, la Grèce et l'Orient
763
leurs pouvoirs aux dépens des assemblées populaires : leur souci était évidemment
de 1 enforcer les facteurs d ordre intérieur et de stabilité, et de mieux contrôler
les Etats grecs en en confiant la direction à une minorité de possédants qui leur
devraient leurs privilèges. Mais cette alliance entre Rome et les possédants ne
s’est consolidée que progressivement. Les Romains n’ont certainement pas conçu
dès l’origine le dessein d’établir des gouvernements censitaires dans toute la Grèce :
c’était un moyen que l’on utilisait lorsque l’intérêt le conseillait, non un but que
l’on poursuivait systématiquement. Et il faut tenir compte aussi de ce que, depuis
la mort de Nabis, il n’y avait plus eu en Grèce de telle menace contre l’ordre
social qu’elle précipitât les notables dans les bras des Romains : ni Antiochos ni
Persée ne nous ont paru adopter la politique démagogique qui aurait pu avoir
cette conséquence. On a l’impression au contraire qu’au moment de la guerre
contre Persée ce sont certains des partisans d’un engagement total aux côtés des
Romains contre la Macédoine qui se livrèrent à la démagogie, et réussirent à
s’appuyer à la fois sur les autorités romaines et sur les classes populaires pour
éliminer les dirigeants en place puis pour exercer un pouvoir de type tyrannique
(cf. Musti [68], 1167-1168, et déjà, non sans excès, Passerini [2066], 328-334).
Telle semble du moins avoir été la politique de Charops le Jeune en Epire, ce
qui expliquerait l’hostilité de Paul Emile à son égard, et le désaveu que finit
par lui infliger le Sénat (Pol., 32, 5-6). Il en allait peut-être de même pour
Lyciscos en Etolie, Mnasippos en Béotie et Ghremas en Acarnanie. La mort
de tous ces hommes vers 159 permit le rétablissement de l’ordre, et des ambassades
du Sénat durent contribuer à la réconciliation des classes dirigeantes (cf. 32, 6
et 14) : c’était de la part de Rome le retour à une politique plus traditionnelle.
Le cas de la Confédération achéenne semble différent : les amis des déportés
y restèrent assez puissants pour envoyer à Rome ambassade sur ambassade
demander leur libération (accordée en 150 seulement), et nos sources ne parlent
pas de troubles sociaux. Callicratès ne semble pas s’être comporté en tyran
démagogue, et le Sénat lui conserva son appui jusqu’à sa mort en 14g.
Rares sont les cas où le Sénat, comme il l’avait fait d’autres fois
où il ne voulait pas intervenir militairement, manifesta par une
action diplomatique ferme et répétée qu’il entendait faire respecter
sa volonté. On ne peut guère citer que ses démarches pour obtenir
de Ptolémée VI qu’il cède Chypre à son frère Physcon (en 162-152),
et de Prusias qu’il renonce à attaquer le royaume de Pergame
(en 156-154) : Rome alla jusqu’à rompre ses relations d’amitié
avec les souverains récalcitrants. Encore doit-on remarquer que,
si Prusias se soumit, Ptolémée n’en fit rien, et que le Sénat finit
par laisser tomber l’affaire. On a souvent exagéré non seulement
la docilité et la passivité des rois, mais la volonté d’intervention
d’un Sénat qui se serait acharné à affaiblir les royaumes en
encourageant, voire en suscitant toutes les sécessions et les
intrigues dynastiques.
et, avec H. Bengtson, Qir Geschichte des Niederganges des Ptolemâerreichs, 1938) :
cf. cependant les réserves de Manni [i997]> 247-252, et la critique, trop systé¬
matique peut-être, de Gruen [2071]. Les décisions sénatoriales les plus contes¬
tables concernent la Syrie : à la mort de Séleucos IV, en gardant en otage son
fils Démétrios et en laissant Eumène installer sur le trône Antiochos IV, le Sénat
lut largement responsable de la querelle dynastique qui allait affaiblir le royaume;
lorsque le jeune Antiochos V succéda à son père, il profita de ce qu’il détenait
toujours Démétrios pour ordonner la destruction de la flotte et des éléphants
séleucides (163-162), une mesure qu’on hésite à attribuer à la seule initiative
d un légat (Gruen [2071], 81-83); enfin lorsque Démétrios s’enfuit et détrôna
Antiochos V, il accueillit avec bienveillance les envoyés des Juifs en révolte
conti e le pouvoir central avant d’accepter de reconnaître Démétrios (162-160).
Mais par la suite il semble renoncer à une politique active en Syrie : l’interven¬
tion de Démétrios en Gappadoce ne suscita pas de réaction défavorable;
Alexandre Balas en 153-152 demanda encore l’autorisation de Rome avant
d’aller renverser Démétrios, mais ce sont Attale, Ariathe et Ptolémée VI qui le
soutinrent militairement; de 150 à 145 enfin, Ptolémée VI imposa son autorité
de fait sur la Syrie sans que Rome, bien occupée il est vrai jusqu’en 146, tentât
de l’en empêcher. Pour ce qui est de l’Egypte il faut noter que le conflit entre
Ptolémée VI et son frère Physcon remontait à 170, et que Rome n’en porte pas
la responsabilité. En dépit de sa volonté d’indépendance, Ptolémée VI comptait
au Sénat un certain nombre d’amis influents, hostiles à une trop grande inter¬
vention romaine dans les affaires lagides (Manni [1997], 237-240). L’ambassade
conduite en 140-139 par Scipion Emilien à travers l’Orient manifestera en tout
cas le souci de favoriser la stabilité des Etats et le retour de la paix et de l’ordre
dans I Orient hellénistique, dans l’intérêt de Rome qui n’avait rien à gagner à
une généralisation de l’anarchie (Diod., 33, 28 b, 4; Posidonius, fr. 30, Jacoby;
cf. Plut., Mot., 200 e). Mais si grande impression qu’elle ait faite sur les contem¬
porains, elle ne put ménager qu’une trêve : la guerre dynastique reprit en
’gypte en 132-131 et ne tarda pas à s’étendre à la Syrie, et Rome, qui au même
moment pourtant prenait définitivement pied en Asie Mineure, semble s’être
abstenue de toute intervention.
mesure les dirigeants au moins eurent conscience d’entraîner leur pays dans une
guerre contre Rome. On a peine à croire qu’ils n’aient pas pesé ce risque dans
l’hiver 147-146 (même s’ils ne s’attendaient pas à une réaction immédiate,
l’attaque de Metellus ayant manifestement pris Critolaos au dépourvu : Gruen
[2075], 63-66). Il est en tout cas remarquable que la victoire de Metellus, la
mort du stratège et d’un grand nombre d’hommes n’aient pas suffi à briser la
résolution des Achéens. Les artisans de la résistance trouvèrent sans aucun doute
parmi les masses populaires leurs partisans les plus convaincus (cf. notamment
38, 12, 5), et c’est ce que confirme la politique antidémocratique adoptée par
les Romains en 145; mais en dépit du moratoire des dettes institué dès l’hiver
de 147-146, malgré les mesures d’urgence prises en 146, qui, sans déclencher la
révolution sociale, étaient du moins susceptibles d’effrayer les possédants (contri¬
butions exceptionnelles imposées aux plus riches et aux corporations, affran¬
chissement et enrôlement de 12 000 esclaves; 38, 15, 3-6; IG, IV, 757), il semble
bien que même à l’intérieur de la classe politique et de la « bourgeoisie » en
général l’opposition active à la politique de Diaios et Critolaos ait été rare,
et que la grande majorité des Achéens ait soutenu la lutte nationale contre
Rome (Fuks [2074]). Il faut tenir compte du mécontentement et de la frustration
accumulés pendant dix-sept ans, et qui s’étaient manifestés dès la mort de Calli-
cratès en 149 par la destruction de ses statues et la restauration de celles de
Lycortas (36, 13). Les exigences romaines heurtèrent de plein front les Achéens
au moment où ils croyaient revenue la période de la résistance légaliste. Il est
bien possible que Diaios et Critolaos aient voulu agir en héritiers politiques de
Philopoemen et de Lycortas, mais leur aveuglement dans ce cas était d’autant
plus grave que l’attitude de Rome envers Carthage, largement commentée
en Grèce (36, 9), ne permettait pas d’entretenir d’illusions sur la possibilité de
rétablir une telle politique.
Les Achéens entraînèrent pourtant d’autres peuples grecs dans leur révolte,
en moins grand nombre d’ailleurs qu’on le pense généralement : Thèbes et,
peut-être, d’autres cités béotiennes, ainsi que Chalcis d’Eubée, mais la partici¬
pation à la guerre des Phocidiens et des Locriens reste incertaine (Pol., 38, 3, 8;
Cic., Verr., 2, 1, 55; Paus., loc. cit.; cf. Gruen [2075], 68). Corinthe fut prise par
L. Mummius et mise à sac, ses habitants tués ou réduits en esclavage, puis, sous
prétexte que des ambassadeurs romains y avaient été maltraités, le Sénat ordonna
la destruction de la ville et la confiscation de son territoire. Encore une fois, il
choisissait de frapper de terreur par un châtiment exemplaire.
Il n’y a aucune raison de penser que les frontières de la Macédoine aient été
modifiées en 148-146. Une inscription de l’époque flavienne (AE, 1900, n° 130;
Larsen [2061], 88-90) montre que les merides, et peut-être leurs synedria, avaient
survécu à la réduction en province, perdant bien sûr toute souveraineté, mais
pouvant continuer à s’occuper de la collection du tribut. L’un des premiers
soins de Rome semble avoir été la construction de la via Egnatia, qui partait des
ports d’Apollonia et de Dyrrachium sur l’Adriatique, passait par Pella, rejoi¬
gnait la mer Egée à Thessalonique, capitale de la province, desservait Amphipolis
et s’arrêtait à Gypsela sur l’Hèbre qui constituait la frontière orientale de la
Macédoine. Un texte de Strabon invoquant le témoignage de Polybe (7, 7,
4 = 34> I2) permettait d’en dater la construction d’avant ca 120. La découverte
d’un des milliaires primitifs (G. Romiopoulou, BCH, 1974, 813-816) a confirmé
cette indication, et prouvé que la voie tirait son nom du proconsul qui la fit
construire, Cn. Egnatius. G’est avant tout dans le but de favoriser l’achemine¬
ment et le mouvement des troupes qu’il fut procédé à l’aménagement et au
jalonnement de cette voie. Sur son tracé, cf. N. G. L. Hammond, History of
Macedonia, I, Oxford, 1972, 19-58 (à compléter par JRS, 1974, 185-194) et
P. Collart, BCH, 1976, 177-200. Strabon (Polybe) précise qu’elle franchissait la
frontière entre l’Illyrie et la Macédoine entre Lychnidos et Héraclée. On
prétend souvent que dès 148-146 le gouverneur de Macédoine eut autorité sur
l’Illyrie méridionale, mais on n’en a aucune preuve pour le 11e siècle (les textes
invoqués sont de Cicéron, Strabon, Pline et Ptolémée). L’Illyrie septentrionale
en tout cas ne relevait pas de sa prouincia (les guerres contre les Dalmates étant
toujours confiées à d’autres magistrats).
B) L’Asie Mineure
saisit du problème, et envoya cinq légats en Asie. Selon Badian ([356], 22),
il n’aurait pas alors songé à annexer l’ancien royaume, mais seulement à pro¬
clamer la liberté des cités et mettre sur pied l’exploitation des propriétés royales
au profit de Rome. C’est seulement après la révolte d’Aristonicos qu’on aurait
décidé de réduire l’Asie en province. C’était chose faite en tout cas lorsque fut
rédigé le sénatus-consulte ratifiant les actes d’Attale (RDGE, 11) : il y est fait
mention de ot ziç, ’Aalav 7rop£u6pevot aTpaTrjyoi, qui ne peuvent être les cinq
légats (Vogt [2085]), mais seulement les futurs gouverneurs de la province
(Schleussner [2091]). L’hypothèse de Badian implique donc de dater ce sénatus-
consulte de 129 (en ce sens Magie [838], 1033-1034), et non de 133 comme on le
fait généralement.
Les sources littéraires (Strab., 14, 1, 38; Justin, 36, 4; Florus, 1, 35; Orose,
5, 10; Eutrope, 4, 20) sont très insuffisantes, mais heureusement complétées
par des documents épigraphiques et monétaires. Ainsi que l’a montré Robinson
[2084], c’est à Aristonicos que doivent être attribués des cistophores frappés au
nom d’Eumène à Thyateira (dans la deuxième année de son règne = 132-131),
Apollonis (3e et 4e années) et Stratonicée du Calque (4e année), où le prétendant
fut fait prisonnier (Orose et Eutr.). Si le signal de la révolte fut donné depuis le
port de Leucae (Strab.), dès 132 le cœur du royaume d’Aristonicos-Eumène III
était donc la plaine du haut Caïque, c’est-à-dire, comme l’a souligné L. Robert
[2086], « le domaine par excellence de la colonisation militaire, des établisse¬
ments des Macédoniens », qui fournirent à Aristonicos des soldats de valeur.
Quoi qu’insinuent Florus et Appien (Mithr., 62), il ne semble pas en revanche
qu’il ait jamais obtenu l’appui des plus importantes cités grecques : Phocée,
toute proche d’ailleurs de Leucae, est la seule dont nous sachions qu’elle se rallia
à lui, d’autres étant prises de force. Mais Pergame resta fidèle à Rome ÇSyll.3,
694) : sans doute Aristonicos y eut-il au début quelques partisans (OGIS, 338,
prévoit l’atimie et la confiscation des biens contre ceux qui auraient quitté ou
quitteraient la ville), mais l’hypothèse d’un mouvement en sa faveur qu’aurait
réprimé Mithridate V doit être abandonnée (IGR, IV, 292, faisant en réalité
allusion à l’occupation de la cité par Mithridate VI : C. P. Jones, Chiron, 1974,
190-205). Ephèse fut hostile au prétendant dont elle battit la flotte (Strab.),
776 V Orient
ainsi que Smyrne (Aelius Aristide, 19, 11), et bien d’autres cités (Tac., Ann.,
4) 55)- L’espoir de connaître une plus grande autonomie sous la tutelle romaine
pouvait les y pousser; la prudence aussi. Plus difficile est de préciser si elles
s’opposèrent à Aristonicos parce qu’il leur parut dès le début menacer l’ordre
social, ou si c’est la résistance des cités qui le contraignit à chercher des partisans
parmi les divers groupes de mécontents. Il recruta très tôt parmi les colons
militaires : considérés avec suspicion par les cités, aspirant aux pleins droits
politiques, ils constituaient un facteur de dynamique sociale que le prétendant
sut exploiter (Musti [1992], 178-184), d’autant que la disparition de la monar¬
chie attalide ne pouvait que les inquiéter pour leur avenir. Dès 133 on voit les
Pergaméniens réagir en donnant le droit de cité à l’ensemble des groupes
militaires établis dans la cité ou sur sa chôra, mais ils ne manifestent pas alors
une égale inquiétude vis-à-vis des esclaves, dont un petit nombre seulement
voient leur statut amélioré (OGIS, 338, cf. Launey, Recherches sur les armées
hellénistiques, 11, 664-669 et Dumont [2087]). C’est peut-être dans un second temps
seulement (Strab.) qu Aristonicos rassembla « une foule de miséreux et d’esclaves
auxquels il donna le nom d’héliopolites» (= citoyens de la cité du soleil). Dans
un chapitre consacre à la révolté servile de Sicile, Diodore (34) 2, 26) parle aussi
en passant d esclaves qui le rejoignirent. Mais c’est solliciter abusivement ces
deux textes que de ranger la tentative d’Aristonicos au nombre des grandes
révoltes serviles, comme on l’a trop souvent fait depuis Bûcher (Aufstânde der
Unfreien Arbeiter 143-129 v. Chr., 1874, et encore J. Vogt, Struktur der antiken
Sklavenkriege, 1957). La structure économique et sociale de l’Asie attalide n’était
d’ailleurs pas la même que celle de la Sicile romaine, et il faut tenir compte,
à côté des esclaves, des masses indigènes des régions montagneuses de Mysie,
Lydie et Phrygie, de ces laoi dont le degré de dépendance reste d’ailleurs disputé
(cf. Carrata Thomes [2088], 18-23; Rubinsohn [2089], 563-567; H. Kreissig,
Eirene, 1977, 5-26). Ce sont ces gens qui en 129 continuèrent le combat en Mysie
Abbaïte (M. Holleaux, Etudes, II, 180-181) ou en Méonie {Bull., 1963, n° 220),
et 1 Hélios d Aristonicos, qui n’est pas de toute façon un dieu des esclaves (cf. la
mise au point de F. Borner, Untersuchungen über die Religion der Sklaven in Griechen-
land und Rom, Mayence, 1961, 396-415), est sans doute une divinité indigène
des campagnes anatoliennes (L. Robert [2086]). On a peine à croire que le
prétendant au trône qu’était Aristonicos ait été guidé par une sincère idéologie
révolutionnaire (en ce sens encore Vavrinek [2090]), que l’hétérogénéité de ses
partisans lui aurait de toute façon interdit de préciser; et ce n’est pas la présence
à ses côtés du stoïcien Blossius de Cumes, ancien conseiller de Tiberius Gracchus,
qui peut suffire à nous en persuader. Il est vrai que sa recherche de partisans
contre Rome le conduisit à exploiter les conflits sociaux latents, mais plus
encore qu’une révolte des esclaves contre leurs maîtres, c’est celle des paysans
indigènes contre les cités qui éclata à cette occasion. Cela, ainsi que l’espoir de
recueillir des miettes du gâteau pergaménien, explique que les rois du Pont, de
Rome, les Balkans, la Grèce et /’ Orient 777
romaine en Asie, qui ne nous est guère connue que par des documents d’époque
cicéronienne, avait été réorganisée en 123 par une loi de C. Gracchus, et comme
nous ignorons presque tout des décisions d’Aquillius en cette matière, il nous est
difficile d’apprécier l’ampleur de cette réforme. Velleius (2, 6, 3) signale l’insti¬
tution de nouveaux portoria; Cicéron (Verr., 2, 3, 12) lui attribue le système de la
censoria locatio (par lequel ces impôts étaient affermés tous les cinq ans à Rome,
par les censeurs, aux sociétés de publicains) ; enfin selon Appien (J3C, 5, 4, dans
un discours de Marc Antoine aux« Grecs et autres peuples» d’Asie), C. Gracchus
aurait rétabli le tribut précédemment versé aux Attalides, et que les Romains
auraient dans un premier temps aboli. Mais cette générosité est suspecte, même
si on en restreint le bénéfice aux cités : il n’était guère dans les habitudes des
Romains d’abolir les redevances perçues par les rois auxquels ils succédaient.
La présence de publicains en Asie avant 123 semble bien impliquée par un
fragment de Lucilius (671-672, Marx; cf. J. Christes, Der frühe Lucilius, Heidel¬
berg, 1971, 100-102), mais ils pouvaient se contenter d’y exploiter le nouvel
ager publicus. Ce n’était sans doute pas, ou plus, le cas quand fut pris le sénatus-
consulte tranchant un litige entre Pergaméniens et publicains (RDGE, 12 :
l’application en est confiée aux magistrats qui« afferment les revenus de l’Asie» :
rîjç ’AaioLÇ tàç 7rpoaoSouç pt[a0wcnv, 1. 15). La date en est malheureusement
contestée. On accepte généralement celle de 129, proposée par Passerini (Athen.,
r937, 252-283), mais Magie [838], 1055-1056 et H. B. Mattingly (AJP, 1972,
414-423) ont suggéré de l’abaisser à 101. La discussion tourne autour de la
restitution des lignes 5-11, très mutilées, et de la difficile identification (en
l’absence des cognomina) des membres du consilium qui assistèrent le magistrat
dans son arbitrage : en l’état actuel des choses, il nous paraît impossible de
trancher.
Si l’on admet comme hypothèse la plus vraisemblable que dès 126 la province
entière fut astreinte au paiement d’une dîme levée sous le contrôle du questeur,
et que l’essentiel de la réforme gracchienne consista à en confier la collecte à des
sociétés de publicains romaines, on attribuera volontiers au tribun le désir
d’augmenter les revenus de l’Etat, mais non celui de protéger les provinciaux.
Selon Badian ([1214], 184-185), les magistrats, cessant d’être juge et partie,
auraient été mieux à même d’arbitrer avec équité les différends entre provinciaux
et collecteurs de l’impôt; c’est une vision des choses trop optimiste. Les cités
ou les sanctuaires qui avaient reçu l’immunité fiscale pouvaient résister aux
tentatives d’empiétement des publicains en recourant à l’arbitrage du Sénat
{RDGE, 12; Strab., 14, 1, 26). Mais les sociétés tenaient entre leurs mains les
cités tributaires qui, presque toujours à court de grains, devaient racheter leurs
propres dîmes à prix d’argent, et acheter souvent en supplément une partie des
dîmes levées en nature sur les communautés rurales (Broughton [335], IV,
540-542). Elles ne tardèrent pas à étendre leur activité hors de la province :
en 104 Nicomède de Bithynie, requis de fournir des troupes aux Romains,
780 L’Orient
souligna que nombre de ses sujets étaient emmenés en esclavage par les publi-
cains d’Asie (Diod., 36, 3), qui se remboursaient sans doute ainsi de prêts qu’ils
avaient consentis. Les excès des publicains ont pu être noircis par l’historio¬
graphie (notamment Diod., 37, 5), mais leur réalité est suffisamment prouvée
par les mesures prises par Q.. Mucius lors de son proconsulat et par l’impopu¬
larité de la domination romaine en 88, à l’arrivée de Mithridate.
T. Didius sur les Thraces, que l’importation d’esclaves asiatiques en Sicile est
encore attestée dans les années 70 (Cic., Verr., 2, 5, 146), et que l’élimination de
la piraterie par Pompée entraîna peut-être un manque de main-d’œuvre servile
et la recherche de nouveaux fournisseurs dans la vallée du Danube (M. Crawford,
J RS, 1977, 117-124).
Nous pensons qu’on ne peut vraiment parler d’une province de Cilicie
qu’avec les conquêtes de P. Servilius Vatia Isauricus (78-74), et que la prouincia
Cilicia resta jusque-là un commandement maritime contre les pirates, La loi
de 100 est parfaitement compatible avec cette interprétation, qui remonte à
R. Syme [2093] et a été développée par Badian ([2094], 161-162) et Liebmann-
Frankfort [2095].
auraient diminué de 85 % entre 168 et 164 : même s’il est probable qu’ils furent
alors affermés très en dessous de leur valeur réelle parce que les financiers
n’avaient aucune confiance en la situation rhodienne tant que les relations avec
Rome n’étaient pas bonnes (Larsen [335], IV, 356), le coup était très rude.
L’importance de Délos comme marché d’esclaves, approvisionné en particulier
par les pirates ciliciens, a été soulignée par Strabon (14, 5, 2) : l’Italie et la
Sicile avaient d’énormes besoins de main-d’œuvre servile (souvent qualifiée),
que 1 Asie pouvait fournir. G’est egalement à Délos que les Romains pouvaient
se procurer les produits précieux acheminés par les caravanes jusqu’en Syrie
ou par la mer Rouge jusqu’en Egypte. La composition de la colonie étrangère
confirme les grandes orientations du commerce de l’île : en dehors des Romains,
les Syriens et Phéniciens en forment le principal groupe, suivis des gens d’Alexan¬
drie et d’Asie Mineure; la Grèce propre et la Macédoine en revanche sont peu
représentées (Roussel [641], 72-96 et BCH, 1931, 438-449). Nous avons vu que
l’Italie enrichie par ses conquêtes pouvait se permettre d’acheter beaucoup plus
qu’elle vendait : les exportations d’huile et de vin italiens (8,8 % des timbres
de Délos sont d’origine italienne, appartenant d’ailleurs surtout au premier
quart du Ier siècle : E. L. Will, dans Explor. arch. Délos, XXVII, 1970,
383-386) assuraient du moins une cargaison aux navires se rendant à Délos.
ROME, a 11
786 V Orient
trésors postérieurs à cette date, nous ignorons dans quelle mesure la monnaie
athénienne a profité de l’arrêt des émissions fédérales achéennes, et de celles de
la plupart des cités du Péloponnèse sauf Messène. Un décret amphictyonique des
années 125-100 (F. Delphes, III, 2, 139) ordonnant « à tous les Grecs d’accepter
le tétradrachme athénien pour quatre drachmes d’argent » (c’est-à-dire sans
retenir d’agio) confirma en tout cas la prédominance de la monnaie athénienne
en Grèce (Daux [1981], 387-391 ; Accame [827], 120-123). L’émission de frappes
régulières et abondantes constituait pour Athènes une source d’enrichissement; il
semble d’autre part que l’activité commerciale du Pirée n’ait pas trop souffert
de f essor de Délos (qui n’a pas monopolisé les échanges entre Etats grecs), et
ait profité au contraire de la destruction de Corinthe et peut-être du recul de
Rhodes. La cité d’Athènes, et non pas seulement les hommes d’affaires athéniens
établis à Délos, a donc dû tirer profit au 11e siècle de son alliance avec Rome
(cf. Day [2098], 76-95).
En ce qui concerne le déclin de Rhodes, une indication intéressante est fournie
par les timbres amphoriques. A Athènes depuis le début du 11e siècle, à Argos
dans la seconde moitié du siècle et, dans une moindre mesure, à Délos, on constate
un net déclin des amphores rhodiennes au profit de celles de Cnide (cf. pour
Délos et Athènes, V. Grâce, dans Explor. Arch. Délos, XXVII (1970), 277-382;
pour Argos, M.-T. Lenger, BCH, 1955, 484-508 et 1957, 160-180). Rhodes reste
cependant après 166 un centre économique important. L’île a dû conserver un
rôle de premier plan dans le commerce du blé (Casson [2099]). Elle maintient
ses relations commerciales avec l’Egypte (sur la prépondérance écrasante des
timbres rhodiens à Alexandrie, cf. Fraser [625], 162-169). En ce qui concerne
le Pont-Euxin, autre grande région céréalière, on constate à partir de ca 150 un
net recul des exportations rhodiennes vers les cités de la côte européenne
(M. Gramatopol et G. Poenaru Bordea, Dacia, ig6g, 187-282), mais le même
phénomène ne se manifesterait pas en ce qui concerne le Bosphore cimmérien
(J. B. Brashinsky, Eirene, 1973, 137-138, citant une étude en russe de D. B. Shelov
pâme en 1958). En dépit du coup porté en 166, Rhodes restait une cité prospère
(Strab., 14, 2, 5), et c’est sans doute en ce sens qu’il faut interpréter la frappe
assez régulière de monnaies d’or dans la seconde moitié du 11e siècle (T. Hackens
BCH, 1965, 518-534).
très peu probable que le monnayage macédonien ait pu continuer à être frappé
après la création de la province (comme le suggère Boehringer [2104], 115) ;
celui de Thasos dut alors profiter de sa disparition, et il est permis de penser
qu’une partie du métal frappé provenait des mines du Pangée devenues pro¬
priété de l’Etat romain.
Les Romains héritèrent en Asie d’une situation monétaire particulière.
Suivant peut-être l’exemple des Lagides, Eumène II avait institué dans son
royaume une circulation monétaire fermée, interdisant l’usage de toute autre
monnaie que les cistophores, d’un poids inférieur à l’étalon attique international
(H. Seyrig, Rev. JVum., 1963, 22-31). Kleiner vient d’en dresser le corpus [2107] :
il en date l’apparition de ca 166, et souligne que sous les apparences d’un mon¬
nayage fédéral émis par un certain nombre de cités, il s’agissait bien d’un mon¬
nayage royal, frappé dans trois ateliers seulement, à Pergame, Ephèse et Tralles.
Les Romains là encore ne firent aucune révolution : les trésors montrent que les
cistophores restèrent la principale monnaie en usage dans la province d’Asie.
Mais leur étude systématique reste à faire pour la période postérieure à 133. Les
mieux connus sont ceux d’Ephèse, émis continûment de 134-133 à 68-67, avec
indication de l’ère provinciale et probablement sous le contrôle des Romains
(Kleiner [2105]). La régularité de ces émissions confirme l’importance de cette
cité; son statut de capitale de la province et le réseau routier aménagé par
Aquillius contribuèrent assurément à en faire le port principal de l’Asie cistau-
rique (Strab., 14, 1, 24).
Chapitre VIII
ROME
ET LA MÉDITERRANÉE ORIENTALE
AU 1er SIÈCLE AVANT J.-C.
par J.-M. BERTRAND
A) Le royaume du Pont
Th. Reinach [2333], dans un livre classique, a montré combien était extraor¬
dinaire le territoire pontique. Si c’est « le pays le plus montagneux du globe »
(p. 10), si « les véritables accidents de terrain y sont les plaines » ou du moins
ce que l’on nomme tel, partout la végétation est luxuriante, « pâturages, embla-
vures dorées, vignobles, vergers, forêts opulentes», les chasses sont giboyeuses, les
carrières, les mines sont productives, le Pont est« le type même du pays complet
se suffisant à lui-même », son seul défaut est sans doute d’être peu ouvert sur
l’extérieur, mais n’était-ce pas un avantage en cas de conflit?
790 U Orient
Voir E. Olshausen [2325]. E. Will [1976] a fait un récit concis et clair des
étapes de la constitution de ce royaume (II, p. 39 sqq.) dont l’unité profonde
doit être soulignée : L. Robert ( [2344], p. 538 sq.) a montré qu’il existait entre les
populations du royaume du Bosphore et de l’Asie Mineure septentrionale
d’étroites concordances onomastiques qui témoignent d’une origine commune
du peuplement de part et d’autre de la mer, plutôt qu’elles ne perpétuent le sou¬
venir des transferts de population effectués par Mithridate ([1976], II, p. 58-60
avec bibliographie).
Les sources primaires (inscriptions, monnaies) ne sont pas rares en effet, mais
les découvertes récentes (cf. [2106] et F. S. Kleiner [2146]) n’ont pas à propre¬
ment parler bouleversé les conclusions qu’en avait tirées Th. Reinach, très attentif
à utiliser ce type de matériel. De nombreux auteurs se sont attachés à comprendre
ce que sont les partis pris, les sympathies d’Appien ou de Plutarque. La tradition
historiographique favorable au roi, connue parStrabon (XI, 8, 14; XIII, 1, 66),
se fonde sur l’œuvre de Métrodore (cf. FGH, 184, fr. 12; ibid., II, B 609, 610,
614) et a pu exercer une certaine influence à l’époque du conflit romano-
pontique (Fuchs [2178], J. Deininger [1987], cf. G. W. Bowersock [192], p. 6,
108; Gandiloro [2248] a montré comment s’est développé un sentiment hostile
à Rome dans le peuple grec). Mais elle n’eut guère de postérité (la fameuse lettre
apocryphe de Mithridate à Arsace —• cf. Bickerman [2113], malgré E. Tiffou,
Essai sur la pensée morale de Salluste, 1973, p. 959 — doit être interprétée dans le
cadre de la pensée sallustéenne, Mazzarino [56], II, p. 374-375, E. Tiffou, ibid.,
p. 563, n. 306); c’est aux mémoires de Sylla ou à l’œuvre de Posidonios qui
« si e fatto porta voce delle idee di Silla » que remontent nos sources ; il faut donc
les utiliser avec quelque précaution et ne point chercher à juger le roi (cf. Desideri
[2122], I. Galabi [2116]. Voir in [58] les communications de Mariotti, Pascucci
et Valgiglio).
En Asie
En Grèce
(1) Ils continuent d’être désignés par l’ethnique Italikos, cf. Hatfzeld [375];
A. J. N. Wilson [310] a bien montré contre Hatzfeld que les Romains d’origine
étaient plus nombreux en Orient que les Italiens; néanmoins cette désignation
géographique a prévalu jusqu’à l’époque des triumvirs, cf. Cassola [860], p. 315;
il ne semble pas que les rivalités qui auraient opposé les citoyens romains et les
Italiens pour l’exploitation des provinces (cf. E. Gabba [911], P. A. Brunt [906],
E. T. Salmon [9*8], E. Badian [901], B- È. Selekij [2356]) aient été connues des
Orientaux; à propos de la collusion des Italiens d’outre-mer avec les insurgés,
cf. Nicolet [2323] ; les contacts établis entre Mithridate et les insurgés d’Italie
n’ont eu aucune influence sur sa politique en Asie, cf. Magie [838], p. 207, 1101,
n. 24.
Rome et la Méditerranée orientale
795
L’histoire d’Athènes durant les deux premières décennies du Ier siècle av. J.-G.
est une des plus méconnues qui soit; l’œuvre de M. Thompson [2102], les dis¬
cussions qu’elle a suscitées, cf. p. 785, n’ont pas contribué à clarifier le débat
(même si les conclusions en sont trop souvent négligées, cf. Badian, [2245],
n. 14) : Badian [2245] et Chr. Habicht [2258] ont fort heureusement apporté
quelques lumières (voir A. D. Merritt, Athenian Archons 347/6-48/7, Historia,
1977, 160-191). On peut admettre que, de 91 à 88, un archonte Medeios fils de
Medeios se perpétua dans sa charge au mépris des règles constitutionnelles mais
avec le soutien de Rome; cette période fut dénoncée comme une période
« d’anarchie » et une réaction populaire rétablit en 88 la démocratie (cf. Badian
[2245], p. 517; Geagan [2128]). Un ambassadeur officiel fut alors envoyé
auprès de Mithridate, Athénion; il revint enthousiasmé des succès royaux (avant
les « Vêpres éphésiennes ») et fut alors élu « stratège des armes » ; ses amis reçurent
les autres magistratures (contrairement aux idées reçues, ces gens appartenaient
à des familles célèbres et honorées avant comme après la guerre mithridatique,
cf. P. Mac Kendrick, The athenian aristocracy, 399 to 31 BC, Martin Class. lect.,
XXIII), le roi lui-même occupait la charge d’éponyme (de même qu’il fut à
Milet stéphanéphore [2151], I, 2, n° 125,1. 5) : la liste des archontes — IG, II, 2,
1714 — ne donne pas son nom et fait ainsi de l’année 88-87 une année d’anarchie,
au sens technique du terme (Arist., Ath. Pot., XIII; Habicht [2258] a montré
que c’était par l’effet d’une sorte de damnatio memoriae dont on connaît un exemple
antérieur, Xen., Hel., II, 3, 1 ; elle ne pouvait frapper que le nom du roi lui-
même). Athénion dut faire face, par des moyens brutaux, à de nombreuses diffi¬
cultés intérieures (Posidonios, fr. 36, cf. Touloumachos [2068], [2167], Dei-
ninger [1987], p. 254, n. 34); Délos, où s’étaient réfugiés plusieurs milliers de
Romains fit sécession, défendue par un préfet (Orbius n’était pas un marchand
qui aurait armé en guerre des vaisseaux de commerce, P. Roussel [641], p. 324),
résista à la flotte athénienne qui voulait la réduire et ne céda que devant l’amiral
pontique Archélaos (qui tua là 20 000 réfugiés, App., Mithr., 28, Paus., III, 22, 3) :
la tyrannie dès lors régna sur Athènes, l’homme fort dans la ville s’appelait
Aristion (son nom associé à celui de Mithridate est connu par une monnaie dont
la datation est au centre de la controverse qui naît de l’œuvre de Margaret
796 U Orient
Thompson, cf. supra; le fait que le roi soit ainsi monétaire dans la cité est fort
important sur le plan politique, cf. Habicht [2258], p. 135) : on ne sait si ce
nom n’est pas une désignation nouvelle d’Athénion, ce que pourrait laisser
penser notamment Strabon, X, 5, 4, ou s’il faut croire à l’existence de deux
personnages différents qui se seraient succédé à la tête de l’Etat athénien; la
thèse dite« séparatiste» est la plus répandue (cf. une bibliographie in H. Berve,
Tyrannis bei der Griechen, I, 414-415 et Badian [2245], p. 514), ce qui ne veut pas
dire qu’elle soit la mieux fondée (sur la philosophie de cette tyrannie, cf. Nicolet
[684], p. 671).
L’histoire de l’Asie Mineure est d’ailleurs d’autant moins claire que les
fastes des provinces anatoliennes sont, pour la première décennie du siècle, conjec¬
turaux en grande partie (cf. Badian [2282], Sherwin-White [2096], p. 13, n. 76).
Même la date du gouvernement de Q,. Mucius Scaevola, soulageant les provin¬
ciaux pressurés par les publicains (Diod., XXXVII, 5), n’est pas assurée, alors
qu’il inaugura par son édit une politique qui resta un modèle pour les gouver¬
neurs soucieux du bonheur de leurs administrés (Cic., Att., V, 17, 5; VI, 1, 15).
Peut-être fut-ce lui qui organisa le territoire provincial (cf. Badian [2281],
cf. infra) ; il apparaît dans nombre de textes officiels (notamment dans le traité
entre Sardes et Ephèse, Sherk, RDGE, n° 47). Pourtant l’on discute pour savoir
s’il vint en Asie après sa préture en 97-96 ou après son consulat en 94-93. Badian,
dans un article remarquable [2280], dont il ne renia jamais les conclusions (en
dernier lieu cf. [652], p. 8g), avait donné une grande vraisemblance à la théorie
de la date basse. Néanmoins Nicolet ([684], p. 545-546) fondant son raisonnement
sur l’analyse d’un texte d’Asconius (« provinciam... deposuerunt ne sumptui esset
aerario», p. 14, G, ne peut faire allusion au fait qu’il quitta sa province au bout
de neuf mois, Att., V, 17, 5), montre de façon sans doute irréfutable que Mucius
renonça à exercer un gouvernement après son consulat, que la date haute
traditionnelle est donc la seule vraisemblable; après une période de flottement
où les érudits citaient systématiquement les deux dates éventuelles, il semble que
l’on en revienne à affirmer plus vigoureusement la valeur de la date haute
(B. A. Marshall [2321], cf. M. Sordi [2361]).
trône, et il devait appuyer son auctoritas (sur la notion de legatus cum aucloritate,
cf. Hellegouarch, Vocabulaire politique, chap. III, Magdelain Auctoritas principis),
sur l’imperium du gouverneur de la province Voisine doté d’une petite armée
(App., Mith., n; sur le fait que les ambassadeurs-légats peuvent commander
des troupes même légionnaires, voir T.-L., 29, 20, 7); on ne sait pas bien s’il
était en fait soumis à son autorité ou lui imposait ses volontés.
D) Sylla en Orient
En Grèce, d’où son légat Lucullus fit sortir Bruttius Sura, légat
du gouverneur de Macédoine (cf. Plut., Syll., 11; Badian [2245],
p. 508, n. 22, date cet épisode du début de 87, comme le faisait
Holleaux [249], I, p. 153-154), dès la fin de l’année 86, après la
prise difficile d’Athènes (ier mars), puis les victoires de Chéronée
et Orchomène, Sylla était maître du terrain. L’Asie commençait
déjà à échapper au roi; son despotisme lassait les Galates dont il fit
égorger les princes, le sort des Chiotes qu’il fit déporter sur la
mer Noire avait frappé les Grecs d’horreur. Pour retrouver la
« liberté commune », c’est-à-dire le régime provincial (cf. R. Ber-
nhardt [2190 c] et [2078]), Ephèse appela à la révolte (6>//.3,
742, cf. J. Oliver, AJPh, 1939, p. 437'439)- Pour se maintenir,
8oo Lj Orient
Le règlement syllanien
Clauses financières
dement, App., Mithr., 62), fut maintenue quand l’Asie fut à nou¬
veau soumise aux règles de la lex Sempronia et fut utilisée chaque
fois que le gouvernement devait répartir une contribution (Cic.,
Flacc., 32 : « Il a réparti les contributions en argent d'après les rôles établis
par Pompée, lequel s'était conformé à la répartition de Sylla. Celui-ci avait
réparti toutes les cités d'Asie suivant leur importance — omnes Asiae civitates
pro portione discripsisset... »
De telles exigences provoquèrent évidemment une très grave
crise. Les cités durent emprunter pour s’acquitter de leurs obli¬
gations, et comme elles n’avaient aucune réserve, puisque Mithri-
date n’avait rien laissé à glaner, et peu de revenus, elles durent
souvent mettre en gage leurs bâtiments publics (App., Mith., 63)
pour garantir leurs emprunts. Le rendement espéré de leur misère
attira aussitôt une foule de financiers (nous savons combien ils
étaient nombreux à Lampsaque lors du séjour de Verrès, en 79,
Cic., Verr., I, 69, cf. ibid., 74; à Laodicée de Phrygie, lors du
procès de Philodamos, ibid., 73, siégeaient« certains citoyens créan¬
ciers des Grecs qui avaient souvent besoin des bonnes grâces des
magistrats romains pour faire rentrer leur argent »). En près de
quinze ans, ils réussirent à extorquer aux provinciaux 120 000 talents
(Plut., Luc., 7) et cela (comme le remarque Broughton [335], IV,
p. 545) sans risques excessifs. L’Asie était potentiellement riche
lorsque, par l’action de Lucullus, gouverneur en 70, les taux
d’intérêt furent ramenés à 12 % (Plut., Luc., 20; pour le calcul des
taux consentis en 84, cf. Broughton [335], IV, p. 561); elle put
rapidement s’acquitter. Les signes de pauvreté restèrent longtemps
visibles; cultes et panégyries furent interrompus, à Tralles, Milet,
Pergame. Nous connaissons les difficultés qu’éprouva la confédé¬
ration des cités groupées autour du sanctuaire d’Athéna Ilias
(L. Robert [2342]) en l’an 77. A Priène, il n’y eut ni stéphanéphore
ni banquets publics durant plusieurs années; de même à Milet,
durant deux ans, la fonction de stéphanéphore fut laissée au dieu
(Rehm [2123], II, p. 125). Il est peu de cités qui semblent avoir
conservé une certaine prospérité à l’instar de Stratonicée de Carie
(son temple fut reconstruit dans les années qui suivirent immédia¬
tement la guerre, Chamonard, BCH, 1895, p. 260-262, cf. L. Robert
[2338], p- 427)- Elle faisait partie des rares à avoir gardé sa fidélité
à Rome et reçut de grands privilèges, dont l’attribution de terri-
Rome et la Méditerranée orientale 805
Caenique, selon le texte nouveau découvert à Cnide, cf. supra, p. 797). Le fait
qu’ait été par la suite nommé un questeur en poste à Chypre (Cic., Fam., XIII,
48) corrobore cette conclusion (contra A. J. Marshall [2316]).
Le commandement de Lucullus
cité de Callatis signa alors un traité d’alliance avec Rome, la Thrace sub-danu-
bienne entra dans la mouvance romaine et y resta jusqu’à l’époque du roi
Burebista (sur les rapports entre ce dernier et Pompée à l’époque des guerres
civiles, cf. Mihailov, IG Bulg., I, 13). Outre les travaux de D. M. Pippidi
(cf. [2265]) qui connaît et expose avec clarté les problèmes de ces régions, voir
divers articles parus ces dernières années dans les revues Pontice et Dacia
(notamment [2251], [2264], [2272], [2273]); sur le stratège installé à Messem-
bria, voir Mihailov, IG Bulg., 157, plutôt que Sarikakis [2080].
B) Pompée en Orient
imperium a soulevé des discussions (qui ne sont pas de notre ressort à propre¬
ment parler), cf. après le grand article de V. Ehrenberg [1148], celui de
Jameson [1157]. Sont intéressantes, pour comprendre ce que fut le statut des
légats (auxquels fut confié chacun des secteurs d’opération pour qu’aucun
ennemi n’échappât à la multiplicité des flottes qui furent alors levées), ainsi
que la responsabilité qu’ils purent exercer dans l’administration des secteurs
où iis opéraient, les inscriptions publiées par Joyce Reynolds [2391].
avec les croisières du pirate Athenodoros en 69, mais avec les exigences de
M. Antonius. L’activité de M. Antonius s’étant essentiellement orientée contre
les pirates crétois (cf. Liv., Per., 97 : « M. Antoniuspraetor bellum advenus Cretenses
parum prospéré susceptum morte sua finiit »), le Sénat voulut prolonger son action
par la constitution d’une véritable province de Crète confiée en 68 à Q. Metellus
(qui y gagna le surnom de Creticus). A laprovincia Creta (pro Plane., 27, cf. G. Perl
[2390]), qui, étant à conquérir, ne pouvait se suffire à elle-même, fut adjointe la
Grèce (base arrière à M. Antonius) détachée ainsi pour un temps de la Macédoine
(cf Cic., pro F lac., 63 : L. Flaccus, légat de Q,. Metellus, fut nommé préfet et
prit en charge l’administration de l’Achaïe-Béotie-Thessalie. La triple désigna¬
tion « Achaia, Boeotia, Thessalia » est traditionnelle à l’époque pour nommer le
territoire grec de statut provincial, Cic., Dom., 60). Pompée se heurta à lui (ainsi
que le légat auquel il avait confié l’« Hellade», archôn t'es Hellados, Diod., XXXVI,
18, 19, cf. Liv., Per., 99) mais ne put lui imposer ses vues, aussi est-ce à Metellus
que revint en 66 de donner des lois à une nouvelle terre romaine (Liv., Per., 100;
sur l’existence d’un koinon crétois qui semble démontrée par Cic., Flac., 100,
cf. Deininger [2207], p. 12; sur l’union de cette province à celle de Cyrène,
cf. Perl [2390], p. 331, et le caractère de cette union, J. A. O. Larsen, Class.
Phil., 1952).
Le règlement pompéien
Les revenus que Rome tirait de ses provinces orientales sont connus essen¬
tiellement par l’œuvre de Cicéron, discours ou correspondance. Il n’est peut-être
pas inutile donc de rappeler que la Macédoine payait un tribut depuis la chute
de ses rois (cf. supra), l’Asie une dîme (pro Flac., 19) ainsi que le produit de la
taxe sur les pâturages (scriptura) et unportorium (droits de douane); de même la
Cilicie (Cic., Ait., V, 15, 4; V, 13, 1), la Bithynie (Cic., Fam., XIII, 65, XIII, 9),
la Syrie (Cic., Prov. Cos., 10; Pompée y a sans doute étendu le système asiatique
d’imposition, cf. Badian [652], p. 75). Les anciens domaines royaux étaient
exploités : ainsi rapportaient les terres jadis possédées par Persée en Macédoine
(Cic., Leg. Agr., II, 50, « a censoribus locati sunt et certissimum vectigal... ») et les
mines (ibid., I, 1; II, 50; cf. Jonkers [2143], ad toc.), la Chersonnèse (ancienne
possession d’Attale qui était rattachée administrativement à la province d’Asie,
cf. U. Kahrstedt, Beitràge zur Geschichte der Thrakischen Chersones, Baden-Baden,
■954; P- 3> et L. Robert, Bull., 1954, n° 54,1955, n° 156; il ne faut pas la confondre
avec la Chersonnèse Gaenique, province rattachée à la Macédoine dont il est
question dans le discours In Pis., 86), les domaines royaux de Bithynie (Leg.
Agr., II, 50), Cilicie, Pont, Paphlagonie, Cyrénaïque ou de l’Antiliban (Cic.,
Att., II, 16, 2). Les publicains exploitaient en Anatolie des mines (Strabon,
XII, 3, 40; l’affaire était peu rentable car les mineurs, des condamnés, souffraient
Rome et la Méditerranée orientale 819
de l’insalubrité du lieu), des salines (en Bithynie, Le g. Agr., II, 40; en Asie,
notamment à Priène, Ins. von Priene, n° 111, cf. Nicolet [684], p. 351 ; cf. L. Robert
t2337]> PP- 436-439) ou des pêcheries.
Toutes ces ressources pouvaient paraître abondantes : or il semble que l’Asie
était la seule province à « faire ses frais » (Cic., Imp. Cn. Pomp., 14; cf. Jonkers
[2I42L arl t°:-) : « Les revenus que nous tirons des autres provinces, Quirites,
sont à peine assez grands pour nous suffire à assurer leur protection. Mais l’Asie
est si riche que la fécondité de son sol, la variété de ses productions, l’ampleur
de son élevage, la multitude des denrées d’exportation lui donnaient sans
conteste la supériorité sur tous les pays. »
Les sociétés fermières sont étudiées par des travaux anciens, Kniep [837] ,
Ivanov [835 b], et par Badian [652] et Nicolet [839; 841]; cf. Vol. I, 260-269.
On ne sait pas très bien ce qu’étaient leurs activités en Macédoine (Cic., 2 Ven.,
III, 27; cf. Pis., 98) où le Sénat avait hésité à les introduire (T.-L., XXXV,
18, 3) ; de ce qu’elles font en Syrie, nous ne connaissons guère que les ennuis que
leur a procurés Gabinius (Cic., Prov. Cons., 10; QF, II, 11, 2; III, 2, 2; Flavius
Josèphe, AJ, XIV, 6, 104, utilisant des sources locales montre combien son
Rome et la Méditerranée orientale 821
laisser les individus face aux sociétés, mais de leur assurer comme ils en avaient
l’habitude la protection de leur cité (ces pactiones devaient procurer par ailleurs
quelques avantages annexes aux contractants, Cic., QF, I, i, 35).
Abus et exactions
Les exigences des gouverneurs étaient limitées par la loi (une lex Porcia
de 195 à laquelle on fait toujours référence en 70, lex Antonia de Termessibus,
FIRA, 11, C II, 13-17 : que nul magistrat, promagistrat ou autre agent de Rome
ne puisse leur demander ou leur prendre autre chose que « ce qu’il convient et
conviendra qu’ils donnent ou fournissent selon les stipulations de la loi Porcia », cf. Fallu
[788], p. 326; puis la lex Julia, Cic., Att., V, 16 : « Quod eos ex lege Iulia dari solet»)
et définies par un sénatus-consulte de pure forme voté chaque année au bénéfice
de chaque titulaire d’une province, pour lui permettre, quelles que fussent les
circonstances, d’accomplir sa tâche. Cic., Flac., 27, justifia Flaccus de l’accusa¬
tion d’avoir fait lever une flotte en Asie aux frais des provinciaux en lisant un
sénatus-consulte « qui était en tout semblable aux décrets de toutes les années précédentes »,
ensuite il démontra pourquoi l’existence de cette flotte était nécessaire. Il fallait
un sénatus-consulte pour régir les rapports entre le gouverneur et les communautés
libres situées dans sa zone d’activité, on se souvient que naguère tel allié avait pu
refuser d’accéder aux exigences d’un magistrat (Pol., XXVIII, 13, 21; T.-L.,
XLIV, 17) et le ferait encore (ainsi les Rhodiens voulurent recevoir un ordre
direct du Sénat avant de venir en aide à Cassius, Appien, BC, IV, 66) ; il fallait
a fortiori définir la façon d’appliquer certaines dispositions de la lex provinciae.
La capacité fiscalisante du gouverneur doit être reconnue dans certains textes célè¬
bres, comme le sénatus-consulte dit d’Asclépiade où il est prévu que les navarques
seront exempts de tout impôt, qu’il soit fixé par la lex pour l’ensemble de la
province ou exigé par un gouverneur (Sherk, RDGE, n° 22, cf. C. Nicolet [684],
p. 351, pour le sénatus-consulte de agro Pergameno qu’il faut mettre en parallèle,
cf. supra).
Shatzman [701] a raison de souligner que les sénateurs ne faisaient pas
carrière uniquement pour gouverner une province et en tirer profit (cf. Yavetz
[1307] qui considère les bénéfices alors recueillis comme un remboursement
824 U Orient
des frais engagés dans la carrière), aucun pourtant ne dédaigna le profit qu’il
pouvait tirer de sa nomination. Cicéron refusa la Macédoine, mais retira,
quand il eut été contraint de gouverner la Cilicie par l’effet de la lex Pompeia
(cf. A. J. Marshall [2316]) 2200000 sesterces salvis legibus d’une année de
proconsulat; d’ailleurs il est possible qu’il ait profité des pillages exercés par
C. Antonius durant son gouvernement à la tête de la Macédoine qu’il lui avait
abandonnée (Cic., Fam., XV, 4, 13; V, 6; V, 5; cf. Shatzman, p. 413, n. 866-
867) ; de la même façon il n’hésita pas à emprunter à son frère Quintus partant
pour l’Asie l’argent de son ornatio (QF, 1,3,7, Att., I, 16, 4; IV, 3, 6; cf. Shatzman
[701], p. 412; c’est d’une pratique courante, cf. Imp. Pomp., 37, mais il n’hésitait
pas à l’occasion de s’en indigner, Pis., 87; ce système était commode pour rapa¬
trier discrètement les bénéfices d’une année passée en province).
gnements qu’a transmis Pline. Elles servaient de ressort judiciaire (cf. A. J. Mar¬
shall [2224], G. P. Burton [2204]; pour cette raison Badian en fait remonter la
création à O. Scaevola [2280], [652]), mais dans leur cadre s’organisaient de
nombreuses activités d’intérêt général (cf. les très éclairantes remarques de
L. Robert [2359], VII, p. 122 sqq., [2343], p. 93 sqq.).
A) La question d'Egypte
Rappelons que depuis la fin du 111e siècle le royaume lagide était entré en
décadence (Rostovtzev [330], II, p. 705-706; Will [1976], II, p. 32 sq.); inca¬
pables d’en maintenir la cohérence, englués dans leurs querelles de famille, les
Ptolémées s’étaient mis en rapport avec la puissance romaine dont ils savaient
qu’elle pourrait servir en Orient de contrepoids à la force des Séleucides (cf. Hol-
leaux [2000], p. 67 sqq.; Will [1976], II, p. 96; H. Heinen [1998]). En effet,
en 168, Popilius Laenas renvoya en Syrie Antiochos IV qui assiégeait Alexandrie,
sans avoir à se servir de la force (T.-L., XLV, 12) : il n’était pas en son pouvoir
néanmoins de porter remède à la désastreuse situation du royaume (cf., à ce
sujet, Cl. Préaux, Esquisse d’une histoire des révolutions égyptiennes sous les
Lagides, Chron. Eg., 1936, p. 522 sqq.). Il n’était pas non plus de l’intérêt de
Rome de mettre la main sur le pays alors que l’on n’envisageait pas de provincia-
liser la Macédoine. La nature des rapports qui se nouèrent entre Rome et la
dynastie (cf.E. Manni [1997]; H. Winckler [2396]; W. Otto-H. Bengston [2388];
H. Heinen [1998]) fut transformée en 155 quand Ptolémée VIII publia un
testament (SEG, IX, 7 avec une bibliographie; cf. Th. Liebmann-Frankfort
[2221]) par lequel il faisait du peuple romain son héritier s’il mourait sans enfant
(le texte prévoyait la transmission du« royaume»; il est peu vraisemblable qu’il
ne se soit agi que de Cyrène où se trouvait alors le testateur à la suite d’un accord
avec son frère Ptolémée VI, cf. P. Roussel [2392]). Les conditions de dévolution
du legs ne se trouvèrent pas remplies mais un lien juridique formel n’en avait pas
moins été établi. Au cours de son grand voyage oriental Scipion Emilien
(cf. Astin [2108]) fit étape dans le pays, dont il comprit que la richesse et la
puissance auraient pu être grandes s’il avait été gouverné (heu commun déjà
éculé à l’époque d’Alexandre le Grand) ; cette découverte orienta pour longtemps
le choix des politiques romains plus soucieux de s’accommoder de la faiblesse
de leurs protégés que de leur bonheur. La mort de Ptolémée VIII provoqua un
début de dislocation du royaume, son fils illégitime devint roi à Cyrène qui revint
à sa mort à Rome (sur son testament et la constitution de la province de Cyré-
832 V Orient
naïque, cf. supra p. 810). Aux conflits entre frères rivaux (Ptolémée IX contre
Ptolémée X) s’ajoutaient les conséquences de la guerre mithridatique (les deux
fils de Ptolémée X avaient été faits prisonniers par Mithridate, son neveu s’était
réfugié auprès de Sylla : cf. Will [1976], II, p. 402, 435) pour rendre fort pré¬
caire la survie de la dynastie. En 81-80, pour succéder à Ptolémée Philometor
Sôter (Ptolémée IX), Sylla achemina sur Alexandrie le fils de Ptolémée X : son
règne n’y dura que dix-neuf jours (cf. Skeat [2394]), car il jugea bon d’assassiner
aussitôt après l’avoir épousée sa cousine Cléopâtre fort aimée des Alexandrins.
Ceux-ci le massacrèrent (sur les rapports fort complexes qui « in historical ternis »
se sont noués entre les Alexandrins et le roi lagide, cf. P. M. Fraser, Ptolemaic
Alexandria, p. 115 sqq. avec notes nombreuses). Un testament faisait désormais
du peuple romain le propriétaire du royaume (« regnum illud populi esse factum »,
Cic., Le g. Agr., I, 1; l’existence du testament royal n’est plus guère contestée,
cf. E. Will [1976], II, p. 436; un article de Badian néanmoins [237] tente de
jeter le doute sur l’identité de son auteur, pour lui le testateur est Ptolémée X
Alexandre Ier, hypothèse qui pose plus de problèmes qu’elle n’en résout). Le
soulagement des créanciers de l’éphémère souverain fut grand (Volkmann,
PW, sv. Ptolemaios, cf. E. Will [1976], II, p. 437; Badian évoque à cette occasion
les difficultés pour les investisseurs à trouver des zones d’activité nouvelle en
cette période où sont fermés leurs marchés traditionnels [2371], p. 186). Us
firent immédiatement saisir à Tyr, par des légats, les éléments de sa fortune mobi¬
lière (Cic., Leg. Agr., II, 41, cf. Jonkers [2143], ad toc.). Quant au royaume lui-
même les Romains oublièrent qu’ils en étaient les maîtres. En 65, Crassus voulut,
censeur, intégrer l’Egypte au catalogue des vectigalia du peuple, ce qui impliquait
une annexion formelle (Broughton [1133], II, p. 157). En 64-63 Pompée fut
sollicité par les Alexandrins pour qu’il favorisât la reconnaissance d’un prince,
fils de Ptolémée IX (qu’ils avaient pu retrouver à l’issue de sa captivité) comme
roi (Appien, Mith., 114) : trop occupé, il ne fit rien. En 63 la rogatio servilia
proposa de lotir le pays, ce qui impliquait une provincialisation de fait (Cic.,
Leg. Agr., II, 43). En 59, César, consul, réussit à fermer la porte de l’Egypte
aux entreprises de quiconque et donna le titre de roi au candidat des Alexandrins
(Ptolémée XII Aulète : il y gagna quelque argent, cf. Shatzmann [701], p. 116 sq.
et 348, Suét., Jul., 54, 3); comme il n’y avait pas alors pourtant de politique
romaine qui fût cohérente, l’année suivante Clodius (cf. p. 408) fit prendre
possession des biens lagides à Chypre (se fondant sans doute sur les clauses
du testament de Ptolémée Alexandre, cf. Luzzatto [2384], p. 280 et n. 70,
que pourtant la reconnaissance de Ptolemee XII avait dû rendre caduques).
Cela provoqua (comme il était prévisible) l’émeute à Alexandrie et le départ
pour l’exil du roi. Une ambassade alexandrine, opposée à son retour, le suivit
à Rome, les hommes de main du roi (dont Pompee était l’hôte) la massacrèrent
(cf. Cic., Pro Caelio, et Classen, ANRW, I, 3, 60, 94); nombreux étaient ceux
qui desiraient le rétablir en ses droits (encouragés par les subsides qu’il versait
Rome et la A'iéditerranée orientale
833
grâce aux prêts de C. Rabirius Postumus, cf. Nicolet [684], II, sv.), mais une
consultation opportune des livres sibyllins interdit que cela pût se faire par la
force (Dion Cassius, XXXIX, 15-16). Aussi ce fut Gabinius, gouverneur en
Syrie (pour rendre service à ses patrons politiques et contre promesse du verse¬
ment d’une somme de 10 000 talents — montant fabuleux, cf. Badian [356],
p. 74 — qui ne lui fut jamais payée, cf. Fantham [2379], p. 442, puisqu’il termina
ruiné sa carrière politique) qui ramena en sa capitale le « flûtiste », lui laissant
pour le protéger quelques mercenaires (sur ces troupes, cf. P. M. Fraser [625],
index, sv. Gabiniani, sources et références bibliographiques; l’installation de cette
pseudo-garnison romaine a pu donner lieu à des affirmations excessives, cf. à
ce propos Will [1976], II, p. 442, mais n’a pas de signification par elle-même).
C. Rabirius Postumus qui poursuivait le remboursement de ses créances fut à
même de faire entrer dans ses caisses la substance même de l’Egypte puisqu’il
fut nommé par le roi dioecète. L’hostilité des Alexandrins à cette sorte de prélève¬
ment à la source l’empêcha de remplir longtemps sa fonction qui paraissait aux
Romains peu digne d’un de leurs concitoyens (cf. Cic., Rab., 21; 29).
B) Le problème parthe
Tout ce qui peut être dit des conséquences de la défaite de Carrhae l’a été
par Timpe [2412], les raisons du succès des Parthes et du maintien durable de
leur puissance par Wolski [2417], qui a su montrer à quel« iranisme renouvelé»
le royaume arsacide devait ses succès (les sources grecques et romaines ne sachant
pas apprécier cet élément à sa juste valeur).
L’histoire parthe depuis ses origines doit beaucoup aux travaux de J. Wolski
(voir un résumé et une utilisation habile de ses travaux in Will [1976], I, p. 270 sqq.
et index sv., voir aussi les états récents des questions in Wolski [2415], [2417],
Widengren [2414]. La chronologie de certains règnes, fondée sur les résultats de
la recherche numismatique le plus souvent, a parfois été renouvelée par les
travaux de Le Rider [2406], cf. Simonetta [2161], Sellwood [2158], récemment
R. Walton Dobbins [2413]).
Soulignons que c’est la volonté romaine (celle de Crassus en l’occurrence) qui
V Orient
834
Dès que César eut franchi le Rubicon, Pompée décida son repli
vers l’Orient, seule région capable d’alimenter un conflit décisif.
L’exemple de Sylla rentré vainqueur, riche d’armées et d’argent,
l’inspirait (cf. Cic., Att., IX, 2 et 6), sans qu’il se rendît compte qu’il
n’avait pas de Mithridate à vaincre pour justifier son abandon
de Rome et l’installation d’un fantôme de Sénat à Thessalonique
« C’est Rome qu’il fallait garder », écrivit Napoléon Ier. Carco-
pino [265], p. 370, dénonce à juste titre cette faute politique qui
donna à César une sorte de légitimité fort utile à sa cause, lui
permettant de rappeler à Déjotaros qu’il incarnait la continuité
de la politique romaine, et qu’un homme aussi prudent que lui
aurait dû savoir « quel était le maître de la Ville et de l’Italie,
et que là où étaient le Sénat et le Peuple, là était la légitimité »,
(BC, III, 11). Sans doute les Grecs gardaient-ils à Pompée un
respect qui lui fut manifesté même après Pharsale (Dion Cassius,
XLII, 2, 1 ; ses agents furent parfois appréciés et honorés,
Rome et la Méditerranée orientale
835
Magie [838], p. 406 : Pythodoros était assez riche pour racheter les propriétés
qui lui furent confisquées, Strab., XIV, 1, 42, sur ce personnage, cf. infra). Sur
l’usage que fit César de ces levées, cf. Shatzmann [701], p. 351-352; il réclama
aux communautés orientales le versement de ce qu’elles avaient promis à
Pompée, plus diverses autres contributions (Dion Cass., XLIII, 49, 1). Dolabella,
en 43, dont l’allégeance était peu claire (cf. Cic., Phil., XI) fut particulièrement
sauvage en ses exactions (Cic., Fam., XII, 15, 1 : « Vastata provincia correptis
vcctigalibus»), les fonds qu’il leva furent déposés à Tralles chez un certain Méno-
dore, homme à la carrière trouble (cf. Magie [838], p. 1275, 1289; la connais¬
sance que nous avons des levées de Dolabella doit beaucoup aux Lettres de
Brutus : sur leur authenticité, cf. Broughton [335], IV, p. 584; Magie [838],
p. 482 et 1274, n- 545 L. Torraca [2166]; Bengtson [2196], p. 4-5 qui traite pour
la période de l’état des sources). Cassius ne fut pas tendre pour qui avait obéi
aux ordres de Dolabella, Tarse fut entièrement ruinée (App., BC, IV, 64), Rhodes
fut pillée et taxée (Plut., Brut., 32, App., BC, IV, 73), Ariobarzane fut assassiné
et ses trésors confisqués (App., BC, IV, 63). Brutus pilla la Lycie; unis, les deux
associés demandèrent à l’Asie de payer en deux fois le tribut de dix années
(Broughton [335], IV, p. 583) : comme le souligne Magie ([838], p. 423) « they
used Asia as a source of supplies », aussi leur dureté devait-elle être à la mesure
de l’épuisement de la région. Octave prépara la campagne de Philippes en ras¬
semblant le blé de Thessalie et du reste de la Grèce (App., RC, IV, 122; cf. Larsen
[335], IV, p. 433). Sous Antoine, l’Asie dut payer en deux ans la valeur de neuf
ans de tribut (App., BC, V, 6); rois, dynastes et villes libres furent taxés propor¬
tionnellement à leurs possibilités (Broughton [335], IV, p. 585, montre ce que
fut le gaspillage des fonds recueillis mais détournés par les favoris du général,
cf. Shatzmann [701], p. 313 sqq.). La théorie de Rostovtzev selon laquelle
Antoine avait confisqué à son profit des terres publiques a été discutée, notam¬
ment par Broughton [335], IV, p. 587; Magie [838], p. 1015, n. 60, 1047,
n. 37; Shatzman [701], p. 304, n. 111 admet l’idée de Frank [2209] et Broughton
[2288] selon laquelle il s’appropria les biens de proscrits.
Nous connaissons assez bien les événements notamment par Dion Cassius,
XLVIII, 24-27; 39-40, grâce aussi à de nombreux textes épigraphiques qui
constituent un dossier aussi important que celui qui peut être établi pour la guerre
mithridatique, preuve de l’importance qu’eut cette période dans la mémoire
collective des habitants de l’Asie Mineure. Les principaux documents sont cités
par Magie [838], p. 430-431 et 1280, n. 10; quand il s’agit de documents officiels
romains ils ont été repris par Sherk, RDGE (notamment 27, 28, 29, 59, 60), la
recherche récente et en particulier les découvertes d’Aphrodisias ayant permis
de modifier certaines datations et conclusions (cf. Joyce Reynolds [2335], p. 117,
840 V Orient
D) Administration, reconstruction
Les mesures prises par Antoine ont été étudiées sérieusement par H. Buc-
cheim [2399], cf. aussi Cimma [2190 b], p. 284 sqq. Les auteurs de monographies
régionales apportent bien évidemment beaucoup (cf. par ex., pour l’Anatolie,
Magie [838], p. 433 sqq.; B. Levick [2309]; pour la Syrie, U. Kahrstedt [2307],
p. 104; Jones [2303]; Abel [2279]). Celui qui a le mieux compris et fait apprécier
cette politique est toujours R. Syme [1226].
Important est le fait que les liens étroits s’étaient tissés tout au
long des conflits entre grands personnages romains et membres de
l’aristocratie orientale. La collaboration ardemment souhaitée
de certains d’entre eux leur fit parfois jouer un rôle décisif (que
l’on songe à l’intervention de Mithridate de Pergame dans la
guerre d’Alexandrie). Ils apparaissaient donc désormais comme
des partenaires, des égaux (auxquels on pouvait marier sa fille :
Antoine donna la sienne à Pythodoros de Tralles) dont l’accession
à la direction des affaires pouvait être envisagée. Le monde
romain impérial, équilibré et serein, naîtrait de ce rappro¬
chement que seul pouvait rendre possible l’infini abaissement de
la classe politique romaine.
Chapitre IX
i) LES « KITTIM »
(1) Dans cette même collection les Juifs ont fait l’objet, outre le volume de
Marcel Simon et André Benoît, d’un chapitre important de l’ouvrage tout récent
de Claire Préaux sur le monde hellénistique. Je me suis efforcé d’éviter les
répétitions.
Les Juifs entre l'Etat et Vapocalypse 847
ROME, 2 13
850 L’ Orient
Ce lien entre le Temple et l’existence des Juifs apparaît si fort que, hors de
Jérusalem, d’autres temples seront esquissés, à Qasr el-Abd, en Transjordanie où
le Tobiade Hyrcan fut peut-être le maître d’œuvre d’un grand bâtiment construit
à la façon des temples de Syrie, au tournant du 111e et du 11e siècle, à Léontopolis
d’Egypte après la fuite d’un grand prêtre dont il est difficile de dire s’il fut
Onias III ou Onias IV, vers 162 ou une quinzaine d’années plus tard (les récits
de Josèphe — Guerre, I, 33; VII, 421-425; Ant., XII, 387-388; XIII, 62-73 —
sont contradictoires ; voir Tcherikover [2521], p. 280), peut-être même à Antioche
où la synagogue, qualifiée par Josèphe de hiéron, avait hérité, après la mort
d’Antiochos IV (163), des ornements pillés à Jérusalem (Guerre, VII, 44-45). A
quoi il faut évidemment ajouter le sanctuaire rival, celui du mont Garizim et des
Samaritains (cf. Hengel [2520], p. 272-275).
frontières d’Israël. Ils chassèrent les esprits arrogants et, sous leur
direction, la besogne fut menée avec succès » (I Mac., II, 45-47,
trad. Abel rectifiée). La notion religieuse centrale qui rend compte
de ce comportement est celle, capitale, de zèle qui, du temps des
Maccabées (I Mac., II, 54) à celui des « Zélotes » du Ier siècle ne
cesse d’être invoquée par les combattants (cf. W. R. Farmer [2542]
et M. Hengel [2593]). La purification du territoire peut s’opérer
par l’expulsion des habitants comme à Joppé (I Mac., XIII, 11),
par leur massacre selon le vieux principe de l’anathème biblique
dont le modèle était l’action de Josué, ainsi Judas le Maccabée à
Gaspin dans le Golan (II Mac., XII, 14-16), ou par la conversion
des habitants, ainsi les Iduméens au temps de Jean Hyrcan, qui
les soumit « et leur permit de rester dans le pays à la condition
d’adopter la circoncision et les lois des Juifs » (Ant., XIII, 257).
L’autre politique consistait à agrandir le territoire en acceptant
sa diversité, en admettant qu’il puisse acquérir une « structure
lâche et bigarrée » (Will [1976], II, p. 285) comme celle de l’Etat
séleucide.
ère, passera pour avoir eu Perdiccas comme fondateur (C. B. Welles in Kraeling
[2535], n° 137). Inversement, si loin que s’étendent les frontières de l’Etat juif,
il est bien loin de rassembler tous ceux qui se réclament du judaïsme. Les deux
diasporas, celle d’Orient et celle de l’Occident gréco-romain, avec au premier
chef la communauté d’Alexandrie, font en sorte qu’au dédoublement palestinien,
qui oppose et opposera encore longtemps «Juifs et Grecs», fait pendant le dédou¬
blement entre les Juifs de Judée, sujets de l’Etat juif, et ceux de la Diaspora.
Quatre ans après la reprise de la citadelle de Jérusalem, en 139, les Juifs
sont expulsés de Rome pour propagande religieuse dangereuse (Valère
Maxime, I, 3, 2).
3) LE NOM DOUBLE
Le témoignage des monnaies va dans le même sens. Ce sont les pièces frap¬
pées par Alexandre Jannée qui, pour la première fois, portent, outre une légende
hébraïque, une légende grecque. Le dernier des Asmonéens, Antigone-Mattathias,
fera de même. Encore faudrait-il savoir dans quelle mesure certaines de ces;
856 U Orient
monnaies ne sont pas destinées aux sujets « grecs » de ces rois. En tout cas, rien
ne permet de dire que la langue grecque était alors parlée couramment comme
elle le sera un peu plus tard après le règne hellénisateur d’Hérode (voir S. Lieber-
mann [2524] et [2525]; J. N. Sevenster [2527]; B. Lifshitz [2528]).
4) DE L’ALLIANCE AU PROTECTORAT
Les rapports avec Rome, même s’ils sont alors établis par
la même ambassade (I Mac., XII, 16), relèvent d’une tout autre
logique. Ils auraient été inaugurés, selon une tradition juive qui
n’est nullement invraisemblable, dès 164, au temps de Judas. La
lettre adressée par les ambassadeurs romains Quintus Memmius
et Titus Manius Sergius « au peuple » (ou « à la foule », selon un
manuscrit) des Juifs (II Mac., XI, 34-38), tout à fait à la fin du
règne d’Epiphane, doit être lue, comme l’a bien montré Habicht
([2431], p. 11-12), en liaison avec la lettre adressée par Lysias
« à la foule » (plethos) des Juifs », c’est-à-dire aux rebelles (II Mac.,
XI, 16-21). Les Romains se contentent de donner leur adhésion
aux mesures d’apaisement promises par la chancellerie royale et
demandent à s’informer de ce que souhaitent les Juifs. Il n’est pas
même besoin, pour admettre l’authenticité du texte, de se demander
86o L’Orient
Selon la tradition juive, une tradition qui remonte au moins aux années 175-
170, date assurée des Explications de Vécrit de Moïse de 1 écrivain Aristobule
(fr. 3, Walter in Eusèbe, Praep. Ev., XIII, 12, 1-2; cf. Bikerman [2517], p. 168),
date possible aussi de la Lettre d’Aristée (discussion in A. M. Denis [2461], p. 109-
110), la traduction de la Bible aurait été entreprise vers 280-250 sous l’inspi¬
ration du roi Ptolémée II. Ceci ne concerne que la Torah proprement dite,
le Pentateuque; quant au reste des livres bibliques, ils seront traduits tout au
long des deux siècles suivants. On peut, par exemple, fixer à 78-77 le terminus
862 V Orient
n’est-ce pas ceci : dénouer les liens de la méchanceté, laisser flotter les attaches
du joug, renvoyer libres ceux qui sont maltraités, et que vous brisiez tous les
jougs », le texte grec, qui peut être daté de 170-150 (Bikennan [2517], p. 147)
remplace l’image pastorale par un vocabulaire juridico-politique, celui du
monde contraignant des contrats que les papyrus nous ont restitués : « Défaire
les liens des accords imposés par la force, renvoyer libres ceux qui sont brisés,
annuler tout contrat injuste. »
Activité politique au plus haut niveau, certes, mais ce n’est pas la seule.
La Lettre d’Aristée contient, entre autres, les éléments d’un traité Sur la royauté
ou, plus exactement, un traité du bon usage que la communauté juive, prise
entre le groupe des Grecs, majoritaire à Alexandrie, et l’ensemble égyptien,
soumis mais majoritaire, pouvait faire de l’institution royale. Le jeu n’allait pas
toujours sans danger. Lors des troubles de 145-124 qui opposent Ptolémée VIII-
Evergète II et Cléopâtre II (Will [1976], II, p. 356-366), les Juifs, à tout le moins
ceux de Léontopohs, centre d’une colonie militaire et d’un temple, prennent,
contre les Alexandrins grecs, le parti de la reine, jeu classique de bascule d’une
minorité. Après la conquête romaine, que les Juifs avaient favorisée, et l’instal¬
lation par Octavien, en 30, de son pouvoir à Alexandrie, les distinctions juri¬
diques se figent. On peut être Romain ou Alexandrin, c’est-à-dire Grec, on
peut faire partie des « gens du gymnase » (dans la chôra), distinction sociale,
non juridique; on peut enfin être un originaire, par exemple un Juif d’Alexandrie
(voir, sui la transformation de la notion d’Alexandrin, M. A. El Abbadi [2501]
p. 106-123). Un papyrus daté de 5-4 av.J.-C. (Corfi. Pafi. Jud. [2495], II, n° 151)
porte involontairement témoignage sur cette transformation. Un Juif se définit
comme « Alexandrin, fils d’un père lui-même Alexandrin », mais le scribe
Les Juifs entre l'Etat et /’apocalypse 865
signifie-t-il vraiment que les Juifs ont pris le parti des populares (Stern in Safrai
et Stern [2512], p. 161-162) ? Cette interrogation demeure, en dépit des privilèges
que César, selon Josèphe, accorda aux Juifs de la Diaspora (Ant., XIV, 190-216).
Paradoxalement c’est au siècle précédent que nous avons peut-être une indi¬
cation sur la propagande juive à Rome. Valère Maxime (I, 3, 2) justifie l’expul¬
sion des Juifs de Rome en 139 av. J.-C. — sont expulsés aussi les astrologues —
en disant qu’ils voulaient introduire à Rome le culte de « Jupiter Sabazios ».
Il n’est pas impossible que l’introduction de ce dieu soit apparue comme une
sorte de revival dionysiaque tel que celui qui provoqua en 186 le sénatus-consulte
des Bacchanales. A. Alfôldi ( [2537], p. 121-142) a rassemblé sur ce point plusieurs
témoignages monétaires et littéraires, à Vrai dire d’interprétation difficile — rien
ne prouve non plus que les thèmes sur le retour de l’âge d’or au 11e siècle soient
liés à l’oracle de la Sibylle — mais il est vrai, par exemple, qu’encore en 55,
après la prise de Jérusalem, une monnaie de l’édile A. Plautius, qui fut légat
de Pompée, appelle le grand prêtre de Jérusalem « Bacchius Iudaeus » (Alfôldi
[2537L P- 138-139). C’est là encore une figure de ce dédoublement, si carac¬
téristique, des Juifs qui, par le nom, par le culte qu’on leur prête, ne sont pas
seulement, comme on le dit trop souvent (et encore tout récemment J. Sevenster
[2539]); Pétranger, l’autre, mais à la fois le proche et le lointain : celui qui
peut être à la fois, au temps de César, citoyen de la vieille cité de Sardes (Ant.,
XIV, 235) et Juif parmi les Juifs.
Le seul phénomène capital que nous puissions deviner est celui du dévelop¬
pement des scribes, des sages (soferim), phénomène véritablement gigantesque
qui a transformé l’histoire de la région. On le voit naître à l’époque de Qohelet
(111e siècle?) et surtout à celle de Ben Sirach (début du 11e siècle). Celui-ci
s’adresse, comme le montre bien Hengel ([2520], I, p. 132), à des jeunes gens
tentés par l’hellénisation. Mais, du coup, pour citer encore Hengel (ibid.), le
« zèle pour l’éducation dans la sagesse juive et l’entrée dans le monde hellénis¬
tique marchent ensemble ». La multiplication des écoles juives s’appuie certes
sur une tradition très ancienne de la Sagesse (voir R. N. Whybray [2441]) mais,
dans la mesure où elle est la riposte à l’hellénisation, on pourrait aussi soutenir
qu’elle est adaptation à l’hellénisation.
Comme cela a été très bien vu (par exemple par Stern, in Safrai et Stern
[2512], II, p. 621), l’entrée dans le monde des scribes est un instrument de
mobilité sociale. D’où le mot célèbre de Max Weber : « Dans l’ensemble, les
rabbins constituaient une couche d’intellectuels plébéiens » ([2507], p. 513).
Les textes rabbiniques nous donnent de très nombreux exemples de sages prove¬
nant de milieux très modestes, de sages aussi exerçant des métiers artisanaux.
« Parmi les professions qu’exercèrent les plus anciens docteurs mentionnés dans
le Talmud, on peut rassembler entre autres : cloutier, marchand de lin, bou¬
langer, fabricant (ou marchand) d’orge perlé, ouvrier en cuir, copiste, fabri¬
cant de sandales, architecte, marchand d’asphalte, tailleur » (Jeremias [2562],
p. 16). Ce sont là des métiers honorés, il en est d’autres « méprisés » (voir ibid.,
p. 399-410), tels que tisserand, médecin ou colporteur. Tout cela laisse un peu
hésitant car nombre de témoignages sont contradictoires et risquent d’être des
exempla moraux. Ben Sirach, par exemple, se signale par un éloge des médecins
(XXXVIII, 1-8) et une attaque contre les artisans qu’on croirait traduite du
grec et non traduite en grec : « Tous ces gens ont mis dans leurs mains leur
confiance, chacun d’eux dans son œuvre se montre sage, sans eux aucune cité
ne sera construite, on n’y habitera pas, on n’y circulera pas. Mais pour le conseil
du peuple on n’ira pas les chercher, dans l’assemblée ils ne seront pas élevés »
(XXXVIII, 31-33). H est tentant d’assimiler ce groupe social des « Sages » à
la secte pharisienne, et on a beaucoup cédé à la tentation. Il faut, écrit Jeremias
([2562], p. 340), qui entend la réfuter, « établir une distinction tranchée entre
scribes et Pharisiens et rejeter l’idée complètement fausse selon laquelle les
Pharisiens en tant que tels étaient des scribes. Un seul point est exact : les chefs
et les membres influents des communautés pharisiennes étaient scribes ». A quoi
il faut ajouter qu’il y avait des scribes sadducéens (J. Le Moyne [2547], p. 352-
353) et, bien sûr, comme cela a été amplement démontré à Qumrân, des scribes
88o V Orient
esséniens. Dans toutes les révoltes du Ier siècle de notre ère, les scribes seront
présents. Dans les siècles précédents on constate que, sans remplacer les prêtres,
se recoupant parfois avec les prêtres, ils constituent indiscutablement ce qu’on
appellera une « classe montante », pour laquelle « écrire est un pseudonyme de
vivre » (A. Paul [2467], p. 6).
Mais l’apocalypse emprunte aussi à ce qu’elle dénonce; elle utilise les formes
littéraires du monde grec : l’apocalypse résumée qui ouvre Y addendum grec au
texte d’Esther, le rêve de Mardochée, s’inspire des rêves de la tragédie grecque
(Bikerman [1976], p. 264-265). Une analyse serrée du matériel des visions de
Daniel y montre aussi tout un bric à brac hellénistique (A. Caquot [2476]).
Cette remarque a valeur générale, comme l’a admirablement montré J. J. Collins
[2477]. Le discours apocalyptique relève donc de ce dédoublement que nous
avons analysé tout au long de ce chapitre. Sous le masque « pseudépigraphique »
juif qui le caractérise (cf. M. Hengel [2464], p. 231-308), ce sont souvent des
thèmes grecs qui apparaissent. En ce sens, il y a moins d’opposition qu’on ne
l’imagine au premier chef entre un pseudépigraphe judéo-grec comme la Lettre
d’Aristée et un pseudépigraphe judéo-juif comme les Testaments des douze patriarches.
Un texte comme le troisième livre sibyllin marque assez bien la transition entre
un genre et un autre.
La bête, les bêtes sont les empires, les Etats conquérants. Mais
s’ensuit-il que le Fils d'homme soit non seulement Israël, mais
l’Etat juif, tel qu’il renaît effectivement sous la dynastie asmo-
néenne —- ces grands prêtres qui n’étaient pas fils de Sadoq et qui
devinrent des Basileis —-, tel qu’il paraît renaître encore en 37,
avec Hérode ? Entre le « royaume » des textes apocalyptiques et
la réalité que vivaient les auteurs, un abîme se creusait dont témoi¬
gnent non seulement les documents esséniens mais beaucoup
d’autres textes. Citons encore Y Assomption de Moïse. On y lit, avec une
parfaite clarté, la progression dans le mal, celle qui fait succéder à
une lignée de prétendus rois-prêtres « accomplissant l’iniquité dans
le Saint des Saints » [c’est-à-dire les Asmonéens], « un roi insolent
qui n’est pas de la race des prêtres, un homme audacieux et éhonté »,
Hérode. Le « Maître de justice » des documents de Qumrân est un
Juif, mais le « prêtre impie » est aussi un Juif. Mais déjà Daniel
organisait les tournants de l’histoire autour de la fonction sacer¬
dotale. Ses « oints » sont des grands prêtres (cf. Lacocque [2435],
p. 21). C’est avec raison queD. S. Russell ([2472], p. 98) note qu’ «il
n’est pas surprenant que ces convictions aient commencé à être
exprimées au temps de la révolte des Maccabées », mais on hési¬
tera à le suivre quand il fait purement et simplement de ces écrits
une expression du « revival du nationalisme juif ».
La littérature apocalyptique a été un très efficace instrument
de dénonciation de l’Etat oppresseur, mais elle rappelle aussi et
fait comprendre que la révolte a débouché sur la guerre civile.
Conclusion
L’ « IMPÉRIALISME » ROMAIN
par C. NICOLET
i) QUESTIONS DE MÉTHODE
Conquête, empire : il n’y avait sans doute rien de surprenant dans cex mots
ou ces réalités pour les Anciens. A peine est-elle constituée, que la pensée anthro¬
pologique et historique des Grecs (avec Hérodote et bientôt Thucydide) consi¬
dère l’aventure humaine comme un combat permanent et généralisé pour la
« domination » (arche ou hègémonia), qui ne trouve des limites que dans celles
des forces des partenaires — par exemple des cités. Mais l’histoire du monde,
vue de haut, est celle de grands empires successifs, qui tendent tous à la domi¬
nation universelle, qui approchent plus ou moins du but, mais faute de succès,
non de désir. Le thème n’apparaît sans doute dans sa plénitude que chez les
historiens postérieurs à Alexandre, influencés peut-être par des sources orientales,
lorsqu’ils parlent des Mèdes par exemple (Swain [256g]). Il est pourtant bien
connu d’Hérodote. Démétrios de Phalère, vers la fin du IVe siècle, méditait sur
la succession des Empires perses et macédoniens (Pol., XXIX, ai; Diod.,
XXXI, 10, 1, 2).
Polybe (I, 2) commence l’énumération avec les Perses, ignore les Athéniens,
mentionne Lacédémone, puis les Macédoniens. Ailleurs, il fait une place à part
à la domination sur mer des Carthaginois (I, 20, 12). La version la plus élaborée
de cette histoire universelle des empires successifs nous est transmise, vers le
milieu du Ier siècle av. J.-G. par Diodore de Sicile, s’inspirant des auteurs
grecs antérieurs, Théopompe, Ephore, etc. Denys d’Halicarnasse (I, 2, 1-4)
et Appien (Praef, 32) reprendront le thème (Gabba [2125]), ainsi que Velleius
(I, 6) (Hellegouarc’h [92]). Sous le règne d’Auguste, un citoyen d’origine gau¬
loise, Pompeius Trogus, écrit le premier en latin, sous le titre d'Histoires philip-
piques (parce que géographiquement centrées sur la Macédoine), une histoire
universelle qui — bien que transmettant souvent des courants très antiromains,
comme sans doute ceux de Métrodore de Skepsis et surtout de Timagène
d’Alexandrie — aboutit chronologiquement et logiquement à la domination
L’ « impérialisme » romain 885
les rendre tributaires, pour la plus grande part, des schémas géographique,
ethnographique et même cosmographique des Grecs. Pas entièrement toutefois :
J. Heurgon a récemment noté comment Caton, lors de sa censure en 184 (mais
d’autres peut-être avant lui), avait mené, dans la Cisalpine reconquise, une
enquête administrative et géographique, concrète et pragmatique, qui ne devait
rien à la « doctrine » grecque, mais reflétait au contraire à la fois les visées
économiques et militaires de l’empire, et les curiosités d’un savant qui recherche
volontiers les Origines des peuples et des cités, hors des légendes grecques ([378]).
Curieusement d’ailleurs, un Grec comme Polybe, porteur de la culture géogra¬
phique courante de son temps (qui oppose bien sûr Grecs et barbares), admet
que seule la victoire romaine en Occident a permis des reconnaissances poussées,
des voyages suivis en Espagne, en Afrique et en Gaule (III, 58, 8; 59, 1-3) ; et on
a pu montrer que tout l’aspect pratique de sa vision, extrêmement attentive aux
richesses, minières ou agricoles, des diverses régions, aux relations commerciales,
aux ressources en hommes, aboutit à une géographie utilitaire, résolument roma-
nocentriste (J. G. Texier, DHA, 1976, 395-407),« impérialiste» ou« coloniale».
Polybe, de ce point de vue, ouvre la voie dans laquelle s’engagera plus tard
la pensée grecque appliquée aux succès romains : Posidonius d’abord, Diodore
et surtout Strabon par la suite, car il est bien difficile, avant César, de savoir
si des Romains s’étaient essayés au genre géographique ou anthropologique
(sinon implicitement, comme annalistes ou orateurs, tel Caton l’Ancien). Une
étude de « l’anthropologie » romaine des 11e et siècles reste d’ailleurs à faire.
Mais qu’il s’agisse de Posidonius, savant universel et stoïcien, historien qui
voulut continuer Polybe (Strasburger [2576]), contemporain de Sylla et de
Pompée, ou de Strabon (Pédech [2575]), contemporain d’Auguste et de Tibère,
historien et géographe, leur vision du monde s’organise fortement autour des
problèmes de la conquête romaine. II est significatif de leurs époques différentes
que le premier ait insisté sur les dangers, pour les Romains eux-mêmes, de la
démesure et de la cupidité de leur classe dirigeante, sur les révoltes serviles ou
sur le développement de la piraterie, dans une perspective pessimiste qu’explique
en partie 1 effroyable exploitation des provinces dans la première moitié du
Ier siècle, ainsi que le recul marqué de l’empire entre la guerre des Cimbres et
la demiere phase de la guerre de Mithridate en 66. Le second, au contraire,
est le contemporain, après la tourmente des guerres civiles (qui furent des guerres
« mondiales»), de la« pacification» augusteenne, de l’extension, puis de l’arrêt
(pour des raisons qu’on tentera d’analyser ci-dessous) des conquêtes, de la mise
en tiain du processus de romanisation, par l’envoi de colonies assez nombreuses
en Oiient, par 1 urbanisation en Occident. L’œuvre historico-géographique de
Strabon est de ce point de vue d’une grande richesse : si elle s’organise autour
de l’opposition bien évidemment grecque entre civilisation (= vie en cités,
le piopre des Grecs et des Romains) et barbarie (= vie non civique, paysannerie,
absence de culture, etc.), il faut noter que cette opposition est culturelle, non
L’ « impérialisme » romain 889
raciste : l’aune à laquelle on. juge et on classe est celle des genres de vie, et la
barbarie elle-même peut être éventuellement créditée de notations positives
(c’était d’ailleurs déjà le point de vue universaliste du géographe Eratosthène,
au 111e siècle av. J.-G., d’après Strabon, I, 4, 9). Que la vision soit impérialiste,
c’est sûr : mais du moins montre-t-elle clairement que Rome agit dans le sens
d’une koinè gréco-latine, et rien n’interdit de penser que tout homme est un
civilisé en puissance. Strabon, Grec d’Asie, petit-fils d’un ancien partisan de
Mithridate, il est vrai, est hyperromain quand il parle de l’Empire.
Un autre document de premier ordre montre quelle pouvait être la vision
du monde des responsables d’une des phases les plus agressives de la conquête :
les Commentarii de César, en fait notre seule source directe sur la Gaule intérieure
et les Germains au milieu du Ier siècle. Sous l’apparence de la froideur et du
rationalisme, pour justifier des initiatives qui risquent d’être impopulaires
(comme le passage du Rhin, Plut., Caes., 22, 3 : Caton voulait qu’on livre
César aux Germains), il exprime très exactement les idées qui devaient toucher
le public actif de ses partisans italiens : distinction soigneuse, parmi les Gaulois,
de ceux, traités sur pied d’égalité, qui sont dans l’alliance romaine ; éloge, bien
sûr, de la valeur militaire des adversaires, critique de leurs défauts « tradition¬
nels» (emportement, versatilité). Mais remarquable objectivité lorsqu’il transmet
le discours, sans doute authentique, de Gritognatus (BG, VII, 77) qui présente
la lutte comme celle de la libertas contre la servitude. On a noté parfois que César
a passé sous silence des motivations économiques dont Strabon se fait l’écho :
elles ne l’auraient sans doute pas gêné auprès de son public, mais il préfère,
au livre I surtout, justifier son entreprise par le souvenir du danger gaulois,
et l’affirmation (cf. ci-dessous) de la légitimité de l’Empire sur la Gaule depuis les
victoires de 123 av. J.-C. (Gelzer [2576 a]). Mais César n’est pas loin de Strabon,
en assumant pleinement, au profit de Rome, l’opposition barbare/civilisé,
sans que le barbare soit en tout méprisable (Sherwin-White [2540]).
Il y aurait beaucoup à dire, dans cette perspective, sur la vision que les
Romains eurent des Grecs eux-mêmes. Eléments culturels et politiques s’y
mêlent étroitement, mélange d’admiration et de méfiance, dans tous les domaines
et à tous les niveaux (Boyancé [2577]; Petrochilos [25776]). Justifier une
domination qui doit s’exercer en Grèce aussi est un des soucis de Rome (par ex.
Cic., d-Fr., I, 1), mais important pour notre propos est par exemple le fait que
Crassus, au début de son expédition parthique, comptait trouver des alliés
naturels dans les villes grecques de Mésopotamie (Plut., Crassus, 17, 2-5; Dion,
40, 13, 1).
Vers le milieu du Ier siècle, les Romains eurent le sentiment, après les victoires
de Pompée et la conquête des Gaules, d’avoir atteint des limites géographiques
(et peut-être culturelles) qu’il n’était ni possible ni souhaitable de dépasser.
Alors apparaissent des expressions comme « les limites de l’horizon terrestre »
(orbis terrarwn), « les frontières du ciel et de la terre », et cela non seulement dans
8go Rome et la conquête du monde méditerranéen
des discours politiques (très souvent chez Cicéron, à propos de Pompée), mais
dans des textes officiels, comme une loi d’exemption fiscale pour Délos en 58
[CIL, I2, 2500). Exagération rhétorique à base culturelle, sans doute, puisque
les Romains savaient bien qu’au-delà du Rhin comme au-delà de l’Euphrate
existaient de vastes parties du monde qui leur échappaient : mais leur monde
était culturellement hellénique et géographiquement centré sur la Méditerranée.
Cependant, c’est peut-être précisément une conception géographique erronée
qui leur a fait tenter, sous Auguste, des campagnes militaires et navales au-delà
du Rhin, le long de la mer du Nord — qui échouèrent plus devant les lieux
que devant les hommes : Auguste, influencé par les géographes qui croyaient
possible une circumnavigation de l’Europe par le Nord, et qui imaginaient
l’existence d’une sorte de passage du nord-est vers la mer Noire par le Tanaïs
(le Don), aurait voulu que Drusus ouvrît cette voie, que Rome aurait alors
contrôlée comme elle contrôlait les colonnes d’Hercule (Roger Dion [2578] et
[2579]) : le monde aurait alors été vraiment clos. L’échec était patent, au nord
comme à l’est : Strabon, écrivant en 15 apr. J.-C. un additif à sa description
de l’Italie (VI, 4, 2), tente de le dissimuler, en invoquant les nouvelles campagnes
germaniques, en prétendant que les Parthes « certes puissants » sont les clients
des Romains, en affirmant que ne reste en dehors de l’Empire que le monde
sans intérêt des « peuples de la Tente » (cf. C. Wells [2579 a], 3-13; Chevallier
[2579 £])•
XVIII, 45; Holleaux, Etudes, V, 43). Cette raison est nettement donnée, rétros¬
pectivement, par Persée à ses propres troupes (T.-L., XLII, 52, 16) età Antiochus
et Eumène, dont il sollicite l’alliance : « Rome est une cité qui ne peut coexister
avec des rois », « qui ne peut tolérer d’avoir pour voisin un roi et une nation
militairement forte». C’était là un motif déjà invoqué avant la première guerre
punique (Pol., I, 10, 6, d’après Fabius Pictor ?, Gelzer, Caesar, 103; KS, III,
59; 88). Ce sera encore celui mis en avant par César (BG, I, 10, 1-2 : homines
bellicosospopuli Romani inimicos) en 58. Ne pas avoir de voisins puissants, empêcher
des cités rivales d’occuper des lieux stratégiques ou trop favorisés pour le com¬
merce ou la guerre, c’est là le motif ouvertement donné par Cicéron pour
excuser la destruction complète de Carthage et de Corinthe {De leg. agr., II, 87).
De cette notion admise, au moins par certains (il y avait des opinions
contraires, comme on verra ci-dessous), on passe aisément à une conception
encore plus envahissante. Peut-être dès 168, se fait jour la doctrine selon laquelle
les rois ou les peuples qui ont été partie prenante d’un traité passé par Rome,
même s’ils ont été solennellement déclarés libres, indépendants et amis du peuple
romain, ne doivent leur liberté et même leur existence qu’à la sentence de Rome,
en principe révocable. C’est l’époque ou se multiplient les sentences d arbitrage
romaines entre puissances grecques, que Rome en général rend de façon hégé¬
monique (le renvoi à une autre cité, Sherk, n° 4, ca 175-160?, est exceptionnel).
Massinissa aurait, d’après Tite-Live, XLV, 13, 15, déclaré qu il n était que le
procurator de son royaume, dont la véritable propriété appartenait au peuple
romain : attitude très différente de celle de Prusias se prétendant le client des
sénateurs : ce dernier se place dans la vieille perspective de la Fides, 1 autre
annonce une doctrine dont toute une tendance de l’opinion romaine (les populares
à la fin du 11e siècle) se prévaudra pour affirmer une véritable créance fiscale
et un droit de propriété sur le sol provincial, comme il apparaîtra clairement
lors de la guerre de Jugurtha (Saumagne [1636], avec le rapprochement :
Gaius, II, 7). Le temps n’est plus loin où les Romains recevront en héritage
par testament les biens privés et les royaumes des souverains, ce qui est aberrant
et impensable pour une cité, et se situe au confluent de la conception patrimo¬
niale de la royauté hellénistique et des prétentions juridiques du peuple romain
à la domination universelle. Ce nouveau droit impérialiste implique que même
si elle n’a pas pris immédiatement après une victoire possession d’une région,
Rome a le droit de le faire quand bon lui semble : c’est par exemple ce qu’ex¬
plique César à Arioviste {BG, I, 45. 2-3, texte essentiel), mais c’est déjà à peu
près l’avis que donnait Marius à Mithridate en 97 (Plut., Marins, 31, 3), et
c’est sans doute le prétexte dont s’entourait la lex Clodia de 58 qui décidait
l’annexion du royaume allié de Chypre (Dion, XXXVIII, 30; Vell., II, 45, 5).
894 Rome et la conquête du monde méditerranéen
A) Les acteurs
discutent librement, et les témoignages formels que nous avons, pour les ne et
Ier siècles av. J.-C., des discours et de leur argumentation montrent qu’on y
parlait le plus souvent pour une opinion beaucoup plus large : cela forçait au
moins à chercher, pour les avis qu’on défendait, des prétextes ou des arguments,
et cette publicité devait, par la force, exercer un contrôle sur le contenu même.
Nous avons ainsi la trace continue de grands débats de politique étrangère qui,
jusqu’à la fin de la République, ont profondément divisé le Sénat. En 264,
sur la réponse à donner à la demande des Mamertins (Pol., I, 11, 1 ; Calderone
[1524]); en 218, sur l’attitude à adopter vis-à-vis d’Hannibal et de Carthage.
En 203, si l’on en croit Appien, sur les négociations finales avec Carthage (Pun.,
31 ; et surtout en 201, Appien, Pun., 57-64), où déjà se serait posée la question de
la destruction éventuelle de Carthage, pas forcement anticipée. En 171, on 1 a
vu, à propos des nouvelles méthodes diplomatiques et militaires de Marcius
Philippus. En 167, pour la décision de faire ou non la guerre aux Rhodiens
(T.-L., XLV, 27, 2). Rien n’égale en célébrité le débat qui en 149 (mais en fait
depuis longtemps déjà) opposait Caton et Scipion Nasica sut « la destruction de
Carthage ». Notre tradition est particulièrement intéressante, parce qu’elle
prête aux deux partis des arguments qui dépassent de beaucoup la simple
opportunité précise (l’éventuel danger carthaginois, le prétexte pour une « juste
guerre») : l’un et l’autre auraient en fait développé une vision cohérente, presque
une« philosophie» de la conquête et de l’Empire, avec des implications d ordre
moral et politique sur la nécessaire « crainte d’un ennemi» (metus hostilis), pour
maintenir le peuple dans la discipline, et sur la modération extérieure poui
préserver le bon vouloir et la sympathie des sujets et alliés. On a suspecté ces
thèmes, parce qu’on les trouve exprimés a posteriori dans les sources postérieures,
en particulier chez des philosophes et des historiens (Diodore = Posidomus,
Salluste, etc.). Il convient peut-être de se rappeler cependant qu’en 155-154,
la célèbre ambassade athénienne composée des trois philosophes, Carneade,
Diogène et Critolaos, avait publiquement, et sous couvert de la philosophie,
discuté à Rome des justifications même de l’Empire (sources désormais dans
Garbarino [2613], I, 80-86). Mentionnons encore les débats au moment de la
guerre de Jugurtha, et en plein Ier siècle, malgré le déplacement marque des
responsabilités entre les mains des dynastes et du peuple, ceux de juin 56 sur les
provinces consulaires, où c’était en fait toute la politique de César en Gaule qui
était indirectement mise en cause : c’est donc dans le discours au Sénat de Cicéron,
alors allié au proconsul, que nous lisons les arguments en faveur de 1 entreprise .
une analyse typologique en serait fructueuse. Comme on verra, s’il est vrai que
l’historiographie du i«r siècle av. J.-C., de Posidonius à Salluste, véhiculé une
réflexion antithétique et totalisante sur l’impérialisme romain, que la philoso¬
phie, de Panétius à Cicéron, en fait un des pôles de ses réflexions, là encore
contradictoires, il est à présumer que de tels débats existaient au sein de la classe
dirigeante romaine.
896 Rome et la conquête du monde méditerranéen
Mais il est vrai que le Sénat n avait pas l’absolu monopole des décisions.
Depuis la République moyenne, certains actes solennels, en particulier les décla¬
rations de guerre, devaient être votés par le peuple. On connaît, entre 505 et
iii av. J.-C., 26 lois de belto indicendo, dont huit ou neuf entre 264 et 111 : pour
des guerres majeures, comme la première et la deuxième puniques, la première
guerre illyrienne en 229, la seconde macédonienne (200), la guerre d’Antio-
chus (191), la troisième macédonienne (171), la guerre de Jugurtha (111).
La très grande majorité de ces lois, jusqu’à 111 exclusivement, sont des lois
centuriates proposées, la plupart du temps sur l’ordre du Sénat, par des magistrats
à imperium : c’est normal, dans la perspective traditionnelle, étant donné la
vocation même des comices centuriates. Leur caractère militaire et timocratique
n excluait cependant ni les débats, ni les résistances; souvent, il fallait expliquer
et convaincre des électeurs récalcitrants. En 264, si l’assemblée en fin de compte
décide la guerre, alors que le Sénat est divisé, c’est parce qu’on lui fait reluire
l’espoir de profits (Pol., I, 11). En 200, l’assemblée commence par refuser la
guerre de Macédoine, et nous savons qu’une opposition publique se manifeste
(Q,. Baebius, T.-L., XXXI, 6, 4, avec des arguments très proches de ceux des
partisans de Varron en 216, T.-L., XXII, 34, 4, encore dans la bouche d’un
Baebius !). Beaucoup plus que dans de mystérieux intérêts « économiques »,
il faut chercher l’origine de ces résistances dans le fait que les électeurs romains,
à cette époque (malgré Veyne [1956], p. 843) sont encore et surtout de futurs et
d anciens soldats. En 167, pour la première fois, un préteur, Juventius Thalna,
sans prendre l’avis du Sénat (mais on en discuta quand même au Sénat),
proposa au peuple de déclarer la guerre aux Rhodiens. Nous avons conservé’
dans Tite-Live et surtout dans Aulu-Gelle (VI, 3, 14; i5) 26; 34, etc. Cf. Malco-
vati, n° XLII) la fameuse dissuasio de Caton, qui s’adresse directement à des
sénateurs (cf. le fameux fragment 167 sur la loi agraire), mais aussi au peuple
dans son entier (fragment 169). Il n’y est pas fait allusion à la jalousie que,
d apres Polybe et Strabon, Rome aurait portée au commerce rhodien, sinon
pour la stigmatiser peut-être (Aulu-Gelle, VI, 3, 7, qui fait plutôt allusion au
butin ou aux indemnités de guerre). Comme on a vu (vol. I, p. 236) c’est essen¬
tiellement sous 1 angle des profits de la guerre et des finances publiques — quand
0n,n invoquait pas les traditions, la grandeur de l’Etat, l’orgueil militaire —
qu on exposait au peuple les problèmes extérieurs.
La fin du ne siècle voit, à cet égard, un changement déterminant. Depuis
qu il avait ete déchargé du tnbutum en 167, grâce à la victoire de Pydna et à
énormité du butin macédonien, le peuple romain était certainement très sensible
aux avantages financiers directs tirés de la conquête (ci-dessous, p. 900). En 122
un pas de plus fut franchi, avec la théorie présentée par Tibérius Gracchus
d abord, par Ca.us ensuite, selon laquelle les bénéfices de la conquête devaient
profitei individuellement à chaque citoyen (utilisation du trésor d’Attale pour
financer la lo, agraire, Plut., TG, 14; T.-L., Per., 68; Aur. Vict., Vir. lit. 64,
L’ « impérialisme » romain
897
des ressources de la province d’Asie et, en général, des vectigalia, pour la loi
frumentaire, Florus, II, 1,5). Dès lors, sur proposition de tribuns en général,
le peuple intervint de plus en plus fréquemment dans des domaines financiers
ou administratifs (répartition des provinces, par exemple, comme le montre la
loi épigraphique de Delphes/Cnide, Ferrary [2097]), ou dévolution de grands
commandements qui impliquent une guerre future, ou même changement de
commandement qui signifie un changement dans les objectifs d’une guerre, dont
l’exemple le plus frappant est la rogatio Manilia de 66 qui rappelle d’Orient
Lucullus et lui substitue Pompée, et qui fut défendue par Cicéron, dont nous
avons conservé le discours et les arguments. Les lois et les plébiscites marquant
dans ces domaines la compétence grandissante du peuple se multiplient à partir
de 59 (lex Vatinia, leges Clodiae de 58, lex Trebonia de 55, etc.). Sans doute il faut
être prudent, et distinguer dans le recours à cette procédure ce qui est moyen
commode pour des ambitieux d’obtenir des pouvoirs exceptionnels qu’un Sénat
jaloux leur aurait à bon droit refusés, et manifestation des intérêts véritables
des électeurs. Essayer de déterminer le rôle du peuple dans la politique étrangère
revient donc à étudier l’électorat, le fonctionnement des assemblées, leur compo¬
sition, mais aussi la façon dont on les actionne et le type d’arguments qu’on
emploie (dans les deux sens, car presque aucune de ces mesures ne fut décidée
sans débats souvent acharnés). On n’y reviendra ici (Cf. Nicolet [804] et [802])
que pour rappeler que même l’assemblée tribute est, en grande partie, faite
pour donner une prédominance, après 89, aux notables des tribus rustiques
qui peuvent ou veulent venir ou résider à Rome; que, sauf dérèglement abusif
en période de troubles, un tel public bien évidemment sensible à tous les argu¬
ments d’intérêt (fiscal, financier, voire économique) était encore et peut-être
surtout sensible aux appels émotionnels à la tradition du nom romain, aux vertus
militaires, à la gloire, etc., comme le montre précisément le Pro lege Manilia,
et plus encore, peut-être, la propagande césarienne des Commentarii (recoupée
entièrement par le De provinciis consularibus), ou même toute la littérature officielle
de type triomphal, y compris les inscriptions comme celles dressées par Pompée
(Pline, NH, VII, 95-98; Diod., XL, 4; Liebmann-Franckfort [1993], 314).
Le Sénat, le peuple : des collectivités à l’intérieur desquelles il convient
de rechercher les opinions et les groupes divers. Il en va de même des individus :
la structure du pouvoir à Rome laissait ■— même au temps de la République
unitaire et archaïque de la tradition — la part assez grande aux initiatives des
magistrats investis d’un pouvoir en grande partie autonome. Des ambitions
personnelles, au gré des individus et des circonstances, ont pu jouer, ainsi que
des tempéraments : mais c’est tomber dans le truisme que de le souligner, et
c’est un système d’explication réducteur que de tout ramener, ou presque, au
jeu des rivalités ou à la concurrence pour le pouvoir, la gloire, les honneurs.
Mieux vaut s’interroger sur la nature profonde d’un système de pouvoir qui
— avec de notables exceptions de modération, de prudence, de refus de la gloire
8gS Rome et la conquête du monde méditerranéen
des armes — suscite, dans une classe dirigeante d’ailleurs constamment renou¬
velée et élargie dans son recrutement, un tel expansionnisme militaire, la recherche
si constante et systématique des commandements, de la victoire, bref la volonté
de puissance, l’agressivité vers l’extérieur. Paradoxe apparent pour les magis¬
trats d’une cité, car en général ce sont là des motivations prêtées, dans la psycho¬
logie sociale ancienne, aux tyrans ou aux rois. Force est d’aligner plusieurs
constatations (en l’absence d’études nécessaires dans ces domaines encore peu
explorés). La première, c’est que toute l’organisation de la cité, y compris la
société, repose sur des hiérarchies qui sont celles du pouvoir militaire (vol. I,
p. 395). La consécration suprême sera toujours, à Rome, celle du grand comman¬
dement victorieux, donc du triomphe : des Fastes capitolins et des elogia (ILLRP,
309-319) aux Res Gestae d’Auguste, c’est là l’idéologie dominante à laquelle
doit avoir recours constamment un homme comme Cicéron lui-même, pourtant
togatus par excellence — et pas seulement pour les besoins d’une cause, comme
celle de Muréna, mais dans des textes théoriques, comme le De Oratore et le De
Officiis. Les carrières « civiles » ne trouveront jamais beaucoup d’adeptes, certai¬
nement parce qu’elles étaient plus obscures et plus aléatoires : seuls exemples
parmi ceux qui émergent : Caius Gracchus, P. Clodius (encore qu’on ignore ce
que celui-là aurait voulu faire de son consulat). Que, selon les époques, cette
valorisation du guerrier ait changé d’habits, qu’elle se soit parée, à partir
du 11e siècle, des dépouilles alexandrines du monarque victorieux, sa nature
reste profondément enracinée dans la mentalité et dans les réalités sociales de
Rome et des Italiens : à cet égard, l’entrée de ceux-ci dans la cité romaine,
avec leurs traditions non moins militaires, n’a fait que nourrir l’agressivité de
la classe dirigeante romaine — témoin entre autres Velleius Paterculus (Helle-
gouarc’h [92]).
Mais une deuxième constatation s’impose : l’agressivité, la recherche à tout prix
des honneurs militaires auraient pu, comme chez d’autres peuples, se satisfaire
à moindre prix. Au contraire, nous voyons les ambitions s’élever tout au cours
du 11e siècle — le même homme, Emilien, sera à la fois le destructeur de Carthage
et de Numance, comme son grand-père adoptif avait été le vainqueur d’Hannibal
puis d’Antiochus; c’est bientôt à l’échelle du monde, de l’Occident à l’Orient,
avec Sylla, puis surtout Pompée, que se manifesteront des ambitions qui abou¬
tissent, pour certains, à des proconsulats qui sont de Vraies vice-royautés sur le
tiers ou le quart du monde et qui peuvent durer cinq ou dix ans, le plus remar¬
quable, celui de Pompée entre 55 et 51, étant exercé de Rome par des légats,
ce qui annonce l’Empire. Cette montée des enchères a été bien mise en évidence
par R. Syme, E. Badian, E. Gruen. Il faut noter qu’elle va de pair avec une
inflation certaine des fortunes privées accumulées par ces grands vainqueurs,
si bien que, depuis longtemps (et en somme depuis Posidonius et Salluste) on
a fait un sort à la cupidité, à la soif de richesses des capitaines romains — Crassus,
que sa fin malheureuse a condamné, mais aussi bien Pompée ou César, sans
L « impérialisme » romain 899
compter Lucullus. Seulement on a noté aussi que ces immenses fortunes avaient
primordialement une destination politique, qu’elles servaient en fait à régler
les frais de carrières extrêmement coûteuses, à entretenir clientèles ou même
armées privées, qu’elles représentent, par leur ampleur, autant ou même plus
que le budget régulier de l’Etat. Dès lors on peut renverser la question, et se
demander si ces fortunes et ces très grands commandements n’étaient pas rendus
nécessaires par les dimensions mêmes d’un Empire qu’il fallait bien sûr conserver
et préserver, sinon agrandir, ce qui dépassait les moyens d’une république même
gigantesque, comme était Rome : les caisses de Pompée ou de Crassus sont déjà,
un peu, ce que sera la caisse du prince. Notons pourtant que, même lorsqu’il
s’agit de généraux qui paraissent agir de manière presque indépendante, comme
César ou Pompée, ils ont toujours besoin, au départ, de se voir accorder des
moyens, en hommes et en argent, par le Sénat ou le peuple.
Il faut noter peut-être que le système a commencé à connaître cette poussée
inflationniste dans tous les sens, à partir du moment (167, puis 133-123) où
quelques traits démocratiques, à la grecque, sont venus s’insérer dans la très
conservatrice et timocratique Constitution de Rome. Impérialisme et démocratie
sont naturellement liés, comme Athènes en avait fait l’expérience.
B) Les intérêts
Pour beaucoup de Modernes, qui ne sont pas tous marxistes, c’est fonda¬
mentalement dans l’économie qu’il faut chercher la raison profonde et les
motifs véritables de l’impérialisme romain. De manière bien entendu contra¬
dictoire : pour les uns, un véritable « capitalisme », au moins marchand, s’étant
développé au 11e siècle (certains disent même : au 111e siècle) en Italie et à Rome,
c’est pour s’emparer de routes commerciales, de matières premières ou de
débouchés, pour offrir un champ d’exploitation aux nouvelles puissances finan¬
cières que furent décidées — en général — guerres, annexions, réglementations
diverses des pays conquis. Dans cette conception, l’historiographie du xixe siècle
finissant (mais encore H. Hill [673]; F. Cassola [1037 £]) donne une place de
choix à la« classe» commerçante et marchande (sic), l’ordre équestre, et surtout
aux publicains. Pour d’autres, c’est au contraire le caractère principalement
« esclavagiste » du mode de production romain, les besoins d’une agriculture
latifondiaire fondée sur la main-d’œuvre servile de masse qui expliquent les
guerres pourvoyeuses de captifs, mais aussi, de proche en proche, toute une
action économico-politique de Rome, établissant dans les provinces, sous son
égide, l’union sacrée des classes dirigeantes, propriétaires d’esclaves.
Si des études brillantes, comme celle de Badian [356], ont été consacrées à
réfuter ce que de telles vues ont de schématique, il faut dire que le problème,
parfaitement légitime, n’a jamais été traité à fond dans une étude exhaustive
et, pourquoi pas, chiffrée. Les sources font moins défaut qu’on ne dit : encore
faudrait-il interroger les géographes ou les auteurs techniques anciens, pas
goo Rome et la conquête du monde méditerranéen
supprimer toute taxe à Délos, et que vous nous avez enlevé la liberté dont
jouissait notre peuple de régler selon ses intérêts l’administration du port de
Rhodes. » De son côté, Strabon dit formellement que la grande prospérité
commerciale de Délos a commencé, non en 167, mais seulement après la destruc¬
tion de Corinthe (X, 5, 4) en 146. Et jusqu’à cette date et même au-delà, les
Romains et les Italiens sont loin d’être les principaux étrangers à profiter de
la nouvelle situation de Délos. Rhodes d’ailleurs ne tarda pas à se relever de
son abaissement provisoire (vol. I, 182; ci-dessus, 781) : il était financier et
politique, non commercial. Il en va de même de la décision contemporaine de
détruire les villes mêmes de Carthage et de Corinthe (Cic., De Leg. agr., II, 87).
Dans cette période, le seul texte explicite qui prouverait une politique
économique délibérée de la part des Romains est la phrase prêtée par Cicéron à
l’un des interlocuteurs du De Republica (III, 16) selon laquelle les Romains
« les plus justes des hommes » ont interdit aux peuples transalpins de planter
vignes et oliviers, « pour augmenter la valeur de leurs propres plantations ».
Certains, rejetant comme anachronique l’existence d’un pouvoir romain en
Transalpine en 129, ont voulu nier le fait, ou admettre que la mesure ne pouvait
favoriser que les Massaliotes (cf. vol. I, 105; 118; mais cf. ci-dessus, p. 686 :
la Transalpine a pu dépendre de l’Espagne dès cette époque). Il faut noter
que cette mesure coïnciderait avec l’apparition des premiers crus renommés
en Italie, et qu’elle est donc moins invraisemblable qu’on le dit.
En 112, comme on sait, la guerre de Jugurtha commence vraiment avec
le massacre des negotiatores italiens installés à Cirta, après la prise de la ville
(Sali., Jug., 26) ; or le sénat ne tient pas particulièrement à la guerre et c’est sous
la pression de C. Memmius, tr. pl., qu’elle est finalement décidée (Sali., Jug., 27).
Il est hors de doute qu’en 107, ce seront ces mêmes negotiatores à Utique, à Vaga
ou ailleurs, ruinés par la durée de la guerre, qui soutiendront activement la
candidature de Marius {Jug., 64, 5; 65, 4), de même que les officiers équestres
de l’armée. En 101, la loi épigraphique (Delphes/Cnide), qui traite de la répar¬
tition des provinces orientales en prévision d’une campagne contre les pirates,
affirme la nécessité de protéger « les affaires » et la liberté de mouvement, sur
terre et sur mer, des « Romains et allies latins d’Italie ». En 72, la lex Antonia
de Tennessibus, qui rend à cette cité tous ses biens et sa liberté, prévoit cependant
une exemption des droits de douane locaux pour les publicains romains {CIL,
I3> 1- 31)- Voilà à peu près tous les témoignages sûrs. Il faut y ajouter des
indices plus ou moins nets : d’abord, la mainmise, en Espagne principalement,
sur les mines d’argent, d’or et de cuivre (vol. I, 146-149) : il est plus que vrai¬
semblable que les informations recueillies avant la deuxième guerre punique
sur ce que les Barcides en tiraient ne sont pas étrangères à la stratégie audacieuse
des Scipions en 218, à la mainmise sur la nouvelle province : mais avec les métaux
précieux, nous touchons un de ces domaines communs à la politique et à l’éco¬
nomie, il s’agit d’un instrument immédiat de prospérité et de puissance pour
902 Rome et la conquête du monde méditerranéen
un Etat. L intérêt pour les mines de Macédoine a certainement été aussi soulevé
par Eumène dans son discours (tenu secret) au Sénat en 172 (T.-L., XLII, 11).
Leur exploitation, naturellement affermée, pouvait tenter des publicains : mais
en 169 le Sénat était entré violemment en conflit avec ces derniers, et c’est
contre eux que fut prise la décision de fermer (pour dix ans) les mines de Macédoine.
Il faut donc bien se garder de confondre motivations et conséquences écono¬
miques de la conquête. Il est certain par exemple que la domination du monde
a permis, à partir du milieu du 11e siècle, une certaine émigration romaine et
italienne dans des régions autrement inaccessibles : commerçants, financiers
ou possesseurs de terres, ces hommes ont trouvé là des avantages : mais conquérir
des terres pour s’y installer en masse (ce que faisaient encore, ou tentaient de
faire, des peuples migrateurs comme Gètes, Germains ou Helvètes au 11e et
au Ier siecle) est totalement étranger au comportement romain, sauf exceptions
notables. En Italie, les confiscations successives de terres aux vaincus ont grossi
le domaine public du peuple romain (même s’il a été confisqué au profit d’une
minorité) ; la seule distribution viritane est celle de Vager gallicus en 232 : les
raisons stratégiques en semblent évidentes, comme celles de la colonisation (la
seule de quelque ampleur) de la Cisalpine au début du ne siècle. Les premiers
projets officiels de colonisation transmarine en 123 (Carthage et Corinthe)
rencontrèrent une très forte opposition de la part du Sénat, et avortèrent. Ce
n est qu au Ier siecle, et au profit quasi exclusif des vétérans, que le mouvement
se développe. Mais on ne peut vraiment qualifier l’Empire romain d’empire
e peuplement (vol. I, 87; 134-135) : les propriétaires fonciers romains en
iransalpme et en Espagne, bien attestés au 1er siècle (Cic., Pro Font., 12; Pro
Qumctio, 12), ou en Epire, en Grèce et en Asie, sont de grands propriétaires qui
ont peut-etre bénéficié des facilités du pouvoir romain — non une masse d’émi-
grants paysans; il faudrait pouvoir évaluer, même approximativement, la propor¬
tion des terres cultivables de ces régions qu’ils possèdent. Dépossession sans doute,
au détriment des vaincus ou des provinciaux, mais, semble-t-il, statistiquement
G) La politique
Il est extrêmement difficile de trouver des lignes de partage dans les expres¬
sions parvenues jusqu’à nous de l’opinion grecque et orientale devant la conquête
romaine. Les témoignages littéraires et épigraphiques concernant les honneurs
rendus dans telle cité à tel magistrat (hymnes, statues, décrets, etc.) sont difficiles
à interpréter exactement, et l’on peut souvent douter de leur spontanéité ou
de leur sincérité (Verrès lui-même en avait reçu en Sicile, visiblement extor¬
qués; cf. aussi ce que dit Cicéron de ceux de M. Gastricius, Pro Flacco, 75, un
simple negotiator). Pendant deux siècles, la politique romaine, au gré des cir¬
constances souvent locales, a considérablement varié à l’égard de chacune des
cites, et très rares sont celles qui ont ete constamment alliées ou constamment
adversaires. Tenter de montrer, comme a voulu le faire Deininger [1987], que le
mouvement antiromain en Grèce propre est étendu à des groupes dirigeants
L’ « impérialisme » romain 90 7
jusque vers 146, qu’il se limite auxpolloi après cette date, est extrêmement hasar¬
deux. Si l’on envisage de l’autre côté les positions des individus — rhéteurs,
philosophes, historiens, dont l’opinion seule a la chance d’avoir transpiré
jusqu’à nous — on ne peut que noter aussi l’ambiguïté de notions trop sommaires
comme « antiromanisme », même lorsqu’elle est ouvertement appliquée à des
hommes comme Métrodoros de Skepsis et Timagène : elle ne les empêcha pas
d’entretenir d’excellents rapports avec quelques Romains. L’abaissement d’une
cité grecque pouvait réjouir grandement sa voisine, une mesure prise par un
Romain être rapportée par un autre, etc. Rares sont les témoignages qui ont
une portée plus collective et permettent d’appréhender une opinion populaire
spontanée : parmi eux, une brève poussée d’enthousiasme vers 196, autour de la
spectaculaire et combien décevante décision de Flamininus : l’hymne en son
honneur, Plut., Titus, 16; les premières manifestations du culte de Rome (Mellor
[2183]); peut-être l’hymne en l’honneur de Rome de la poétesse Mélinno,
s’il date du début du 11e siècle (Bowra [2595]), et non de l’époque de Sylla.
Mentionnons cependant une littérature curieuse, de type oraculaire, dont le
plus ancien témoignage, transmis par Phlégon de Tralles, remonte aux années 190
dans un contexte étolien, au moment où pour la première fois Rome va passer
en Asie. Vers 140, peut-être, Or. Sib., III, 175-189, Rzach, qui dénonce déjà,
en termes proches de Pol., XXXI, 25, 3, la dépravation des mœurs romaines;
de l’époque de Mithridate en revanche daterait Or. Sib., III, 350-355, ainsi que la
soi-disant prophétie d’Hystaspès (Lactance, Inst. Div., VII, 15, 19), toutes deux
antiromaines et plus orientales que grecques.
A l’inverse, une littérature savante ou populaire proromaine existait aussi.
Très tôt également se manifeste dans le monde grec le culte de Rome, sous
des formes diverses : la plus ancienne trace, qui ne daterait que de 204 et non
des années suivant Pyrrhus d’après Mellor [2183], est une monnaie de Locres
où l’on voit une statue soit de Rome, soit de la Fides (Pistis) de Rome. Dès le
tout début du 11e siècle, au temps de Flamininus, apparaît en Orient (à Smyrne,
d’abord) un culte de Rome — qui bientôt prendra de multiples formes : statues
associées dans un sanctuaire, temple, concours, indépendamment du culte ou
des concours décrétés pour des Romains éminents. Rome succède ainsi naturel¬
lement aux rois et princes hellénistiques : mais la seule cité qui avant elle avait
été adorée sur cette échelle était Rhodes, sans aucun doute à cause de la véritable
police des mers qu’elle exerçait pour le bien de tous. R. Mellor a dressé récem¬
ment l’inventaire utile et détaillé de ces manifestations, qui vont jusqu a la dédi¬
cace, à Rome même, de statues de Rome par des cités ou des princes dès le
11e siècle (ce qui est peut-être une datation haute pour les inscriptions contro¬
versées qui les mentionnent, Degrassi [2596]).
9°8 Rome et la conquête du monde méditerranéen
Aucun des textes qu’on allègue en général pour le 11e siècle n’est vraiment
concluant. On a vu plus haut que l’argumentation prêtée à Scipion Nasica
est peut-être anachronique. Des discours de Tibérius Gracchus (résolument
impérialistes) dans Plutarque ou Appien, on peut discuter. L’anecdote rapportée
par Valere Maxime, IV, 1, 10, sur la prière solennelle de la clôture du Lustre,
que Scipion Emilien aurait changée dans un sens anti-expansionniste en 142,
ne résiste pas à l’examen (Astin [1213], 325-331). Une tradition bien connue
prétend qu’un des trois scholarques envoyés comme ambassadeurs par Athènes
V « impérialisme » romain 9°9
2, 9°)-
ASIE, 250, 266, 802, 803, 817, 865. blé, 87, 103, 104, 170, 183, 205, 243 à
ASIE MINEURE, 797. 245, 249, 257, 258, 595, 597, 611,
Asmonéens, 852, 873. 629, 638, 652, 714, 786.
Assemblées (à Carthage), 575,576-584. G. Blossius de Cumes, 776.
C. Ateius Capito, 358. Bocchus I, 634, 646, 649.
ATHÈNES, 261, 334, 736, 744, 783, Bocchus II, 643, 650.
785-786, 795, 799, 801, 903. Bogud, 650.
Athénion, 225, 795, 802. BOÏENS, 707.
Athénodoros, 812. bois, 144.
Atilii, 608. BRETAGNE, 721.
Attale II, 736. brigue électorale, 352.
Attale III, 774, 896. BRINDES, 343, 608, 732.
Atticus (T. Pomponius Atticus), 429, BRUTTIENS, 124.
825, 826. BRUTTIUM, 98, 125, 284.
ATTIQUE, 84. Brutus (M. Junius Brutus), 251, 259,
auctoritas patrum, 381. 825, 835.
Auguste (C. Ogtavius, devenu C. Ju¬ budget, 241.
lius Caesar, l’empereur), 142, 236, BULLA REGIA, 635.
312, 361, 421, 673, 890 (voir aussi Burebista, 719.
Octave). butin, 327, 781.
Aulu-Gelle, 235, 395, 397, 896. BYBLOS, 571.
auspices, 395. BYRSA, 555, 559, 560.
auxilium, 398, 399, 408.
AVARICUM, 724. Q,. Caecilius, 174.
C. Avianius Flaccus, 203. G. Caecilius Isidorus, 114, 211.
L. Caecilius Jucondus, 173.
Ba'al, 570, 588. Callicratès, 751, 752, 763.
Ba'al Hammôn, 548, 559, 587, 588, L. Calpurnius Bestla, 631.
590. CAMPANIE, 98, 99, 122, 125, 150.
BABYLONIE, 866. CAMPANIENS, 608.
Q.. Baebius, 892, 896. CANNES, 621.
BALÉARES, 596. CAPOUANS, 619.
BANASA, 654. CAPOUE, 87, 141, 275, 276, 282 à
banque, 171. 284, 616 à 618, 904.
banque publique, 175, 255. Carnéade, 861, 805, qoq.
banquier, 94, 169, 183 (voir aussi CARNUTES, 703.
argentarius). CARRHAE, 308, 316, 833.
barbares, 658. CARTÉIA, 672.
barbarie, 888. CARTHAGE, 84, 134, 181, 273, 545-
Barca, 553. 593> 624, 630, 642, 644, 661, 892.
Barcides, 566, 567. CARTHAGÈNE (CARTHAGO-
BAZA, 659. NOVA), 163, 217, 567, 596, 601,
BELGES, 704. 602, 666.
BÉZIERS, 680. C. Cassius Longinus, 835, 837, 840.
Bible, 861. Sp. Cassius, 412.
BITHYNIE, 266, 748, 791, 815. Catilina (L. Sergius), 138, 218, 227,
BITURIGES, 703. 297, 442 à 444, 448, 691.
Index général des tomes i et 2 923
Caton (M. Porcius Cato, dit l’An¬ CIMBRES, 657, 690, 709.
cien ou le Censeur), 96, 102, 104, Cinna (L. Cornélius), 296, 441.
109, 118, 130, 143, 149, 160, 216, cippes gracchiens, 126, 132, 292.
263, 623, 758, 764, 888, 896. CIRTA, 548, 631, 653.
Caton (M. Porcius Cato, dit le Jeune CISALPINE (GAULE), 146.
ou d’Utique), 242, 386, 433, 439, cistophore, 260, 788.
830. cité (en GAULE), 706-7/5.
CAUNOS, 821. citoyens romains, 274.
cavalerie, 316, 317, 722. civitas, 274, 292, 334, 706 (voir aussi
CELTES, 657, 682. droit de cité),
Celtillos, 702, 724. classes sociales, 185.
cens, 79, 128, 132, 190, 191, 284, 296, classis, 190 à 192, 305, 313, 316,
3°4, 3io, 759, 762, 772. 351-
cens équestre, 259, 268. Ap. Claudius Pulcher (censeur, 169),
cens sénatorial, 365. 221.
censeur, 121, 122, 153, 154, 193, 221, Ap. Claudius Pulcher (cos. 143), 132,
241, 242, 266, 272, 344, 362, 367, 133-
820. Cléopâtre, 843, 873.
census, 88-89, !9L 365. clientèle, 230, 232, 234, 433, 659,
centurie, 193, 304, 342, 343. 712.
centurion, 318, 328. Cloatii, 203, 813.
César (C. Julius, le Dictateur), 139, P. Clodius, 218, 219, 221, 227, 245,
140, 154, 155, 233, 251, 259, 297, 258, 411, 425, 445, 830, 832.
302, 324, 331, 360, 372, 416, 426, Cluvii, 183.
639> 640, 673, 696, 700, 706, 719, codex, 172.
723> 725> 830, 834, 837, 841, 842, cohorte, 314.
867, 889, 908. COLCHIDE, 814.
Chaeremon de Nysa, 792, 839, 903. collèges (professionnels), 95, 178, 183,
CHAMP DE MARS, 347. 239, 444, 445.
Charops, 447. collégialité, 399.
chars gaulois, 158, 715. colonie, 134, 278, 672, 674, 697.
chevalier, 225, 328, 351, 360, 363, colonie latine, 277 à 279, 283.
366, 427, 442, 445 (voir aussi eques colonie romaine, 275, 630, 845.
et ordre équestre), colonus, 114, 187.
chirographe, 172. COLUMELLE, 96, 97, 112, 216.
744-
C. Flaminius, 371. HADRUMÈTE, 549, 597, 629.
Flavius Josèphe, 317, 571, 858, 868, Hannibal, 212, 273, 279, 282, 301,
259. 665.
tribunal).
93° Rome et la conquête du monde méditerranéen
SYRIE, 766, 814, 821. tribu, 210, 308, 336, 340, 343, 351,
352, 422.
tribun de la plèbe, 307, 408-412.
tabella, 348. tribun militaire, 319, 320, 329.
tabernarius, 204. tribunal, 268, 378, 827 (voir aussi
table d’Héraclée, 365. juges).
Tabula Hebana, 343. tribuni aerarii, 262.
Tacite, 906. tributum, 240, 245, 246, 248, 254, 256,
TAMUDA, 654. 286.
TANAÏS, 890. tributum simplex, 254.
Tanit, 548, 559, 587, 588. trientabula, 120.
TARENTE, 87, 134, 161, 616. trinundinum, 346.
TARENTINS, 125. triomphe, 377, 898.
tarifs sacrificiels, 580, 585. TRIPOLITAINE, 549.
TARRACO, 666. triumvirat (premier), 416.
TARSE, 836. triumvirat constituant, 448.
telônai, 261. triumvirat monétaire, 425.
M. Terentius Varro, 371. Trogue-Pompée, 679, 695, 860, 884,
testaments des rois (en faveur de 905.
Rome), 774, 809, 831. TYR, 571, 572, 595.
Teuta, 732.
TEUTONS, 690, 709. URSO, 674.
textile, 144. UTIQUE, 628, 629, 638, 640.
THASOS, 786. UXELLODUNUM, 725.
Théophane de Mytilène, 429, 815,
828. C. Valerius Caburus, 695.
THRACE, 810. Varron (M. Terentius Varro, l’éru¬
Avertissement. 4^9
Bibliographie. 473
PREMIÈRE PARTIE
L’OCCIDENT
5) La religion . 586
6) L’écriture, la langue et les textes puniques . 59°
6) Chronologie
Table des matières 937
DEUXIÈME PARTIE
L’ORIENT
Chapitre IX. — Les Juifs entre l’Etat et Vapocalypse (P. Vidal-Naquet) 846
n BEC 1 g. 2.0,05
TRENTU NIV
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Nicolet, Claude, 1930-
Rome et la conquête du inonde
méditerranéen.
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L'HISTOIRE ET SES PROBLEMES
Collection fondée par Robert BOUTRUCHE et Paul LEMERLE
et dirigée par Jean DELUMEAU et Paul LEMERLE
Volumes parus :
1. André LEROI-GOURHAN, Gérard BAILLOUD, Jean CHAVAIL-
LON et Annette LAMING-EMPERAIRE, La Préhistoire
2. Paul GARELLI, Le Proche-Orient asiatique, des origines aux
invasions des peuples de la mer
2 bis. Paul GARELLI et V. NIKIPROWETZKY, Le Proche-Orient
asiatique. Les Empires mésopotamiens, Israël
6. Claire PRÉAUX, Le monde hellénistique, tome 1
6 bis. Claire PRÉAUX, Le monde hellénistique, tome 2
7. Jacques HEURGON, Rome et la Méditerranée occidentale jusqu’aux
gqerres puniques
8. Claude NICOLET, Rome et la conquête du monde méditerranéen.
T. 1 : Les structures de l’Italie romaine
8 bis. Claude NICOLET et divers auteurs. Rome et la conquête du
monde méditerranéen. T. 2 : Genèse d’un empire
9. Paul PETIT, La paix romaine
10. Marcel SIMON et André BENOIT, Le judaïsme et te christianisme
antique
11. Roger RÉMONDON, La crise de l'Empire romain, de Marc Aurèle
à Anastase
12. Lucien MUSSET, Les invasions : les vagues germaniques
12 bis. Lucien MUSSET, Les invasions : le second assaut contre
l’Europe chrétienne (Vlle-Xle siècle)
14. Renée DOEHAERD, Le Haut Moyen Age occidental : économies
et sociétés
18. Léopold GENICOT, Le XIIIe siècle européen
20. Robert MANTRAN, L'expansion musulmane (Vlle-Xle siècle)
22. Bernard GUENÉE, L'Occident aux XIVe et XVe siècles : les Etats
23. Jacques HEERS, L’Occident aux XIVe et XVe siècles : aspects
économiques et sociaux
25. Francis RAPP, L’Eglise et la vie religieuse en Occident à la fin
du Moyen Age
26. Pierre CHAUNU, L'expansion européenne du XIIIe au XVe siècle
28 ^(f,,,f>'erre CHAUNU, Conquête et exploitation des nouveaux mondes
(XVIe siecle)
27. Frédéric MAURO, L'expansion européenne (1600-1870)
28■ il®|l„n'Louis m'ÈGE, Expansion européenne et décolonisation, de
1870 a nos jours
30. Jean DELUMEAU, Naissance et affirmation de la Réforme
30 bis. Jean DELUMEAU, Le catholicisme entre Luther et Voltaire
31. Henri LAPEYRE, Les monarchies européennes du XVIe siècle •
les relations internationales
32. Frédéric MAURO, Le XVIe siècle européen : aspects économiques
33. Robert MANDROU, La France aux XVIIe et XVIIIe siècles
34■ F’ierre JEANNIN, L'Europe du Nord-Ouest et du Nord aux XVIIe
et XVIIIe siècles
36. Jacques GODECHOT, Les Révolutions (1770-1799)
37. Jacques GODECHOT, L'Europe et l'Amérique à l'époque napo¬
léonienne (1800-1815)
38. Jean-Baptiste DUROSELLE, L'Europe de 1815 à nos jours : vie
politique et relations internationales
43. Claude FOHLEN, L'Amérique anglo-saxonne, de 1815 à nos jours
44' yoursÇOiS CHEVALIER' L'Amérique latine, de l'indépendance à nos
45. Jean CH ESN EAUX, L’Asie orientale aux XIXe et XXe siècles (Chine
Japon, Inde, Sud-Est asiatique ) '
46. Catherine COQUERY-VIDROVITCH et Henri MONIOT, L'Afrique
noire, de 1800 à nos jours ^
48. Jean-Jacques FOL, Les pays nordiques aux XIXe et XXe siècles
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