Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
L'histoire que nous connaissons d'après la télévision n'est pas le fruit de notre existence, mais de notre
imagination. Nous ne faisons que l'imaginer, sur la base d'éléments réels, certes, mais dont la construction
dépend de nous. Nous recevons une image proche de la réalité ou une image qui en est totalement éloignée en
10 fonction de la manière dont nous structurons ces éléments. Il s'agit d'une sorte de fabulation du monde.
Le rôle de l'image télévisée est énorme. Nous devons toutefois rester conscients que l'image ne suscite pas de
réflexion ; elle agit seulement sur nos émotions.
Il est impossible de freiner des phénomènes négatifs, l'exploitation des émotions par exemple. Un journaliste
entre dans l'appartement d'une mère dont le fils vient de mourir et il lui demande comment elle se sent. Tel l'œil
15 d'une hyènel, l'objectif de la caméra guette les larmes, les gestes de désespoir. Il n'a pas de scrupule, pas de freins
éthiques2. Et il n'y a aucun moyen d'échapper à cela, car le mécanisme de la concurrence est un mécanisme de
marché ; or le mécanisme de marché est la base de la démocratie. Nous n'avons pas de système meilleur que le
marché, la démocratie, la concurrence, un système qui veut que si quelqu'un (un journaliste en l’occurrence)
refoule un comportement, il libère une place qui sera aussitôt occupée par un autre. On peut condamner ce
20 système, le limiter, le critiquer. Mais on ne peut pas le supprimer.
Combien de fois voyons-nous des gens confondre le concept3 de « voir » avec celui de « comprendre » ! Par
exemple, deux personnes se querellent. L'une dit à l'autre : « Ma chère, tu as tort. Ce que tu dis est faux ! » Et
l'autre de répondre : « Comment ça, j'ai tort ? Puisque je l'ai vu à la télévision ! ».
En percevant le monde par le biais des médias, nous ne connaissons que les conséquences, la surface des
25 événements. Or, si nous ne connaissons pas leurs causes, nous ne sommes pas en état de réfléchir sur eux de
manière appropriée. En même temps, les médias ne sont pas en mesure de tout expliquer de manière exhaustive4
; ils opèrent donc une sélection, un choix. Le principe guidant la transmission de l'information est le résumé.