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T'oung pao

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


. T'oung pao. 1930.

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SOMMAIRE.
Pagee
Eduard ERKES, Die Sprache des alten Ch'u 1
Paul PELLIOT, Notes sur le "Turkestan" de M. W. Barthold 11
Louis LIGETI, Les noms mongols de Wen-tsong des Yuan 57

Bibliographie: Hosea Ballou Morse, The Chronicles of Ihe Ea.sl India


Company 1635—1834- Frûhling und Herbst des Lu Bu We, aus dem
ehinesischen verdeutscht und erlâutert von Richard Wilhelm ; Alfred
Forke, Geschichte der alten ehinesischen Philosophie-, René Grousset,
Sur les traces du Bouddha, par Paul Pelliot 62
Livres reçus 109.

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aura été envoyé au Directeur.
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sur la poste ou les
chèques.
Pour la rédaction, à
M. Paul PELLIOT, Professeur
an Collège de France, 38 Rue de
Varenne, Paris (VII).
IMPRIMERIE CI-DEVANT E. J. BRILL, LEIDE.
SOMMAIRE.

Articles de Fond.
Page
Eduard ERKES, Die Sprache des alten Ch'u 1
Paul PELLIOT, Notes sur le "Turkestan" de M. W. Barthold 12
Louis LIGETI, Les noms mongols de Wen-tsoug des Yuan 57
Louis LIGETI, La collection mongole Schilling von Canstadt à la bibliothèque
de l'Institut 119
A. C. MOULE, An introduction to the I 3rù t'u chih 179
Paul PELLIOT, Sur la légende d'Uyuz-khan en écriture ouigoure 247
. . .
Paul PELLIOT, Les bronzes de la collection Eumorfopoulos publiés par
M. W. P. Yetts (I et II) .359
Paul PELLIOT, Arnold Yissière 407

Mélange s.
Paul PELLIOT, Lenom turc des "Mille Sources" chez Hiuan-tsang. . . 189
Paul PELLIOT, Le prétendu mot "iascof chez Guillaume de Rubrouck 190
.
Paul PELLIOT, Sur yam ou jam, "relais postal" 192
Paul PELLIOT, Les kôkô-dàbtàr et les p pj pf -flfl- hou-YJeou ts'ing-ts'eu 195
Paul PELLIOT, Un passage altéré dans le texte mongol ancien de l'Histoire
secrète des Mongols 199
Paul PELLIOT, L'ambassade de Manoel de Saldanba à Pékin 421
Paul PELLIOT, "Tchin-mao" ou Tch'en Ngang? .
424
Louis VAN HEE, Rosmarus- 427

Bibliographie.
The Chronicles of the East India Company trading to China 1635—1S34,
vol. V, Supplementary, 1742—1774, par Hosea Ballou Morse ; Frùhling
und Herbst des Lu Bu We, par Richard Wilhelm ; Geschichte der allen
chinesischen Philosophie, par Alfred Forke ; Sur les traces du Bouddha,
par René Grousset (P. PELLIOT) 62
Recherches sur le commerce génois dans la Mer Noire au XIIIe siècle,
par G. I. Bratianu; Les figurines de la céramique funéraire, par
C. Hentze (P. PELLIOT) '. 203
.
Ein Filrstenspiegel: Bas Sin-yii des LuKia, par A. von Gabain (P. PELLIOT) 429

Notes bibliographiques.
Notes bibliographiques 213
IV SOMMAIRE.

Livres reçus.
Page
Livres reçus 1U», ^1/, 4oo

C li o n i q u e.
r
Chronique 2u2.; 4o0

Nécrologie.
Charles Eudes Bonin, par Paul Pelliot 235
Arnold Vissière, par Paul Pelliot 236
Josef Markwart (Marquart), par Paul Pelliot 236
Richard Wilhelm, par Paul Pelliot 237
F. W. K. Millier, par Paul Pelliot. 239
A. von Le Coq, par Paul Pelliot 241
A. H. Francke, par Paul Pelliot 243
Jôrg Trûbner. par Paul Pelliot 244
Heinrich Gluck, par Paul Pelliot 244
Alfred Dirr, par Paul Pelliot 245
Frédéric Courtois, par Paul Pelliot 245
Mathias Tchang, par Paul Pelliot 246
Marinus Willem de Visser, par .1. J. L. Diryvendak 451
Georges Bouillard, par Paul Pelliot 454
Antoine Charignon, par Paul Pelliot 457
W. Barthold, par P. Pelliot 458

Index alphabétique 460


INDEX. ALPHABÉTIQUE. 463

Konow (Sten), Two médiéval documents from Tun-huang


...
Kôkô-dàbtar (Les) et les hou-k'eou ts\ing-ls'eu, par P. Pelliot 39,
Page
195
230
Kouo-li Pei-pHng t'ou-chou-kouan yue-k'an 222
Kôuo-li tchong-yang yen-kieou-yuan li-che yu-yen yen-kieou-so tsi-k'an 222
.

L.
Lcao-kiu tsa-tchou, par Lo Tchen-yu 445
Le Coq (A. von), nécrologie par P. Pelliot
....
241
Le Strange (Guy), Clavijo, Embassy to Tamerlane 1403—1406 443
Library of Congress, Division of Chinese literature, 1928—29
Ligeti (Louis), Les noms mongols de Wen-tsong des Yuan
.....
— La collection mongole de Schilling von Canstadt à la Bibliothèque de
223
57

l'Institut
..... 119
"

Li Sien, commentateur du Ts'ien-tseu wen et de Wen-tseu. 101


Li Tsi, Ngan-yang fa-kiue pao-kao 227
Ld Tchen-yu, Han hi-p'ing che-king ts'an-tseu tsi lou 444
— Leao-kiu tsa-tchou 444
Long-k'an cheou-king 224
Lou Kia et son Sin yu 429
Lu-che tch'ouen-tsHeou 68
Lu Pou-wei 68

M.
Magna Hungaria, par G. Németh 227
Markwart (Josef) [et Marqtiart], nécrologie par P. Pelliot 236
Mei (Yi-pao), The ethical and political works of Motse 445
"Mille Sources" = turc Bïng-yul 107, 189
Miagana (A.); le P. Peeters conteste l'authenticité de son "New document"
sur l'expansion du christianisme chez les Turcs 114
Minns (E. H.), Small bronzes from Northern Asia 225
Miroirs de bronze 444
Modem (A) system for the romanization of Chinese, par Ch. S. Gardner 219
Moine (Le) arménien Heithoum et les apports de l'Extrême-Orient, par
G. Soulier 448
Morse (H. B.), The Chronicles of the East India Company trading to China,
t. V 62
Mo-tseu, trad. par Mei Yi-pao 445
Moule (A. C), An Introduction to the I yù t'u chih 179
Mùller (F. W. K.), nécrologie par P. Pelliot 239
Muséum (The) of Far Eastern Antiquities, Stockholm, Bulletin n° 1 .
225
.

N.
Naivasiki (ouigour) =
sanscr. naivâsika 254
Németh (Gyula), Magna Hungarie 227
464 INDEX ALPHABETIQUE.

Paga
Der Volksname Tùrk. 227
Németh (Gyula),
nyelvek kapcsolata 227
— Az urâli es a tôrôk ôsi
228
Ngan-yang fa-kiue pao-kao, par Li Tsi et Tong Tso-pin
189
Nom (Le) turc des "-Mille Sources" chez Hiuan-tsang, par Paul Pelliot 107,
Noms (Les) mongols de Wen-tsong des Yuan, par L. Ligeti
Notes sur le "Turkestan" de M. W. Barthold, par P. Pelliot
Nour (Riza), Oughouz-name
..... ^ 57
12

o.
"Ordo", "Orda" ou "Hôrdô", frère aîné de. Batu 209
Orient et Occident, par J. Ebersolt 218
Origines (Les) de Vastronomie chinoise, par L. de Saussure 447
Ôshû ni okeru Shinakôko-gakujô no shiryôto sono kenkyû, par S. Umehara
....
231
Otcët o poezdke na Orkhon letom 1926 goda, par N. N. Poppe 228
Otôk et tab'iq °°
Oughouz-namé, épopée turque, par le D 1' Riza Nour 247
Ouigoure (écriture); sou adoption par les Mongols, 34; date à laquelle
elle a cessé d'être employée en pays turc 353

P.
Passage (Un) altéré dans le texte mongol ancien de VHistoire ancienne
des Mongols", par Paul Pelliot 199
Payne (C. H.), Jahangïr and the Jesuits 446
Peeters (P.), Un nouveau document sur l'histoire des Turcs? .... 114
Peinture (La) indienne à l'époque des Grands Moghols, par I. Stchoukine 230
Pelliot (Paul), Notes sur le "Turkestan" de M. Barthold .12
— Le nom turc des "Mille Sources" chez Hiuan-tsang 189
— Le prétendu mot "iascot" chez Guillaume de Rubrouck 190
— Sur yam ou jam, "relais postal" 192

Les kbkô-dàbtàr et les hou-k'eou ts'ing-ts'eu 195
— Un passage altéré dans le texte mongol ancien de l'Histoire secrète
des Mongols 199
— Sur la légende d'Uyuz-khan eu écriture ouigoure 248
— Les bronzes de la collection Eumorfopoulos publiés par M. W. P. Yetts
(I et TI) ,359
— Arnold A7issière 407
— L'ambassade de Manoel de Saldanha à Pékin 423
— "Tchin-mao" ou Tch'en Ngang? 425
.

— Nécrologie de Charles Eudes Bonin 235


d'Arnold Vissière 236
de Josef Markwart (Marquart) 236
de Richard "Wilhelm 937
de Friedrich Wilhelm Karl Mûller 239
— — d'Albert von Le Coq 241
INDEX ALPHABÉTIQUE. 465

Page
Pelliot (Paul), Nécrologie d'A. H. Francke
. . ,
243
de Jôrg Trùbner 244
de Heinrich Gluck 244
d'Alfred Dirr 245
dé Frédéric Courtois ; 245
de Mathias Tchang 246
de Georges Bouillard 454
— —
d'Antoine Charignon 457
de W. Barthold 458
— Notice sur The Chronicles of the East India Company trading to-Ohina,
t. V, par H. B. Morse 62
Frùhling und Herbst des Lu Pu Wei, par R. Wilhelm
Gesehichte der alten chines. Philosophie, par A. Forke
....
.

....
.
68
91
— — Sur les traces du Bouddha, par R. Grousset .
106
Deux lexiques sanskrit-chinois, par Pr. Ch. Bagchi 109
Di uno scritto poco noto del P. I. Desideri, par L. F. Benedetto 110
.
Un nouveau document sur l'histoire des Turcs?, par P. Peeters 114
.

— — Gyokan-roku par Suzuki Torao


116
Tô-Sô Seikwa, par Yamanaka Sadajirô 117
Recherches sur le commerce génois dans la Mer Noire au Xffle siècle,
par G. I. Bratianu 202
Les figurines de la céramique funéraire, par C. Hentze
La -vie et les travaux de M. H. Cordier, par H. Cagnat
.
....
. .
.216
211

Rangga Lawe, par C. C. Berg 217


Sur l'authenticité du Ta tch'eng k'i sin louen, par P. Demiéville. 218
Orient et (Décident, par J. Ebersolt 218
;
A modem system for the romanization ofChinese, par Ch. S. Gardner 219
Zapadnaya Mongoliyai Uryankhaïskiïkraï, par G. E. Grum-Gr2imaïlo 219
Der Fall Erich Schmitt, par Y. Hundhausen 220
L'Inde mystique au Moyen Age, par Yusuf Husain 220
The authenticity of ancient Chinese texts, par B. Kaiigren 221
. . .
Kouo-li Pei-p'ing t'ou-chou-kouan yue-k'an •
222
Kouo-li tchong-yang yen-kieou-yuan li-che yu-yen yen-kieou-so tsi-
k'an 222
— — The Library of Congress,
Division of Chinese literature 1928—29 . 223
Long-k'an cheou-king 224

Small bronzes from Northern Asia, par E. H. Minns 225
.
The Muséum of Far Eastern Antiquities, Stockholm, Bulletin N° 1 225
Magna Hungaria, par G. Németh 227
— «— Der Volksname Tûrk, par G.
Németh 227
nyelvek ôsi kapcsolata
....
227
— — Az urâli es a tôrôk
Ngan-yang fa-yue pao-kao, par Li Tsi et Tong Tso-pin 228
Otcët o poezdke na Orkhon letom 1926 goda, par N. N. Poppe. . 228
Customary law of the Mongol tribes, par V. A. Riasanovsky . .
229
466 INDEX ALPHABÉTIQUE.

Page

Pelliot (Paul), Notice sur La peinture indienne à l'époque des Grands


230
Moghols, par I. Stchoukine
__ Two médiéval documents from Tun-huang, par F. W. Thomas et
230
Sten Konow
Ôshu ni okeru Shina kOko-gaku jo no shiryô to sono kenkyû", par
231
S. Umehara
Jewish Travellers, par E. N. Ad 1er 435
L'Asie ancienne centrale et sud-orientale d'après Ptolémée, par
A. Berthelot 435
Willem Ysbrantz Bontekoe, par G. B. Bodde-Hodgkinson et P. Geyl 436
Commentaries of Ruy Freyre de Andrade, par C. R. Boxer . . .436
P.-A. Huet et l'exégèse comparatiste au XVIIe siècle, par A. Dupront 437
Eastern Art, t. II 438
Thomas Herbert, Travels in Persia 1627—1629, par Sir W. Foster 438
Ibn Battnta, Travels in Asia and Africa, par H. A. Pi. Gibb . . 439
L'âge du bronze au Tonkin et dans le Nord-Annam, par Y. Goloubew 440
Folkways in China, par L. Hodous 441
Some fecundity symbols in China, par B. Karlgren 442
Clavijo, Embassy to Tamerlane 1403—1406, par Guy Le Strange . 443
— —
Leao-kiu tsa-tchou, par Lo Tchen-yu 444
Han hi-p'ing che-king ts'an-tseu tsi-lou, par Lo Tchen-yu . . . 445
The ethical and political works of Motse, par Yi-pao Mei . . . 445
Jahangir and the Jesuits, par C. H. Payne 446
— — Les origines de l'astronomie chinoise, par L.
de Saussure.... 447
Sorai-kwan kinshô, par Abe Fusajirô 448
— — Le moine arménien
Hethoum et les apports d'Extrérne-Orient, par
G. Soulier 448
Tourmente sur l'Afghanistan, par A. Viollis 449
P'eng Yuan-jouei, ancien possesseur du Yi-yu fou-tche de Cambridge . 183
Pi; histoire du caractère pi, "pinceau" 375
Poppe (N. N.), Otcët o poezdke na Orkhon letom 1926 goda .... 228
Prétendu (Le) mot "iascot" chez Guillaume de Paibrouck^ par P. Pelliot . 190
Provinces chinoises (leur nouvelle organisation) 450

Q.
Qïpcaq; origine du nom 280

R.
Rangga Lawe, par C. C. Berg 217
Recherches sur le commerce génois dans la Mer Noire au XIIIe siècle, par
G. I. Bratianu

....
903
_
Riasanowsky (V. A.), Customary Law of the Mongol tribes 229
Rosmarus, par L. Aran Hee 427
Rubrouck (Guillaume de); le mot "iascot" dans son récit, 190;son "Scacatay" 207
..INDEX ALPHABÉTIQUE. 467

S. Page
Saldanha (Manoel de); son ambassade à Pékin 421
Sânggûm (ïlqa ou Nïlqa)
Saussure (Léopold de), Les origines de l'astronomie chinoise .... . .
22
447
Schilling von Canstadt; sa collection mongole à la Bibliothèque de l'Institut 119
Schmitt (Erich); article de V. Hundhausen sur lui 220
Si-king tsa-ki; ses faux récits de violations de sépultures 389
Sib-singgir, nom ouigour du cinabre 313
Sin-yu de Lou Kia 429
Si'ûsiin y sùsiin, et èïiisùnci 37
Small bronzes from Northern Asia, par E. H. Minns 225
Some fecundity symbols in ancient China, par B. Karlgren 442
Sorai-kwan kinshô, par Abe Fusajirô" 448
Sorma ou sôrmà, espèce de boisson fermentée 259
Soulier (G.), Le moine arménien Hethoum et les apports d'Extrême-Orient 448
Soyurya-; son étj^mologie 302
Sprache (Die) des alten Ch'u, par Ed. Erkes 1

Stelioukine (Ivan). La peinture indienne à l'époque des Grands Moghols 230


Sur l'authenticité du Ta tch'eng k'i sin louen, par P. Demiéville 218
. . .
Sur les traces du Bouddha, par R. Grousset 106
Sur yam ou Jam, "-relais postal", par P. Pelliot 193
Suzuki Torao, Gyôkan-roku . . ,.
116

T.
Ta-cheng k'i-sin louen; question de son authenticité 218
Ta.iji, taisi, fai-tseu et t'ai-che 44
.
Tambours de bronze 383, 386
Tamya (al- et k'ôk-) ,
35
*Tatar-tonga, T'a-t'a-t'ong-a 33
Tchang (Mathias), nécrologie par P. Pelliot .
246
aTchin-mao" ou Tch'en Ngang?, par P. Pelliot 424
Thomas (F. W.) et Sten Konow, Two médiéval documents from Tun-huang 230
Tô-Sô seikvja, par Yamanaka Sadajirô 117
Tong Tso-pin, Ngan-yang fa-kiue pao-kao 227
Toryo, toryan, "tissu de soie léger" 52
Tourmente sur VAfghanistan, par Andrée Viollis 449
Trûbner (Jôrg), nécrologie par P. Pelliot 244
Ts'in Che-houang-ti et les bronzes anciens 370
Tuy-târnûr, nom mongol de l'empereur Wen-tsong 57
Turya'ut, catégorie de la garde impériale; de là le nom des Toryôt . . 29
Turkestan down to the Mongol invasion, par W. Barthold 12
Two médiéval documents from Tun-huang, par F. W. Thomas et Sten Konow 230

u.
Uyuz-khan et sa légende en écriture ouigoure 248
468 INDEX ALPHABÉTIQUE.

Page
Umehara Sueji, Oshïï ni okeru Shina koko-gaku jô no shiryô to sono
kenkyïï 2ul

Van Hee (Louis), liste des lettres de F. Verhiest 232


427
— Rosmarus
Verbiest (Ferdinand); sa correspondance . . • • , 232
Viollis (Andrée) [M>e d'Ardenne de Tizac], Tourment sur l'Afghanistan 449
Visser (Marinus Willem de), nécrologie par .T. .1. L. Duyvendak . . . 451
Vissière (Arnold), nécrologie par P. Pelliot 236, 407
Volksname (Der) Tiirk, par G. Nérneth 227

W.
Wen-sin tiao-long 116
Wen-tseu et ses commentaires 100
Wilhelm (Richard), Friihling und Herbst des Lu Bu We 68
— nécrologie par P. Pelliot 237
Willem Tsbrantsz Bontekoe; voir Bontekoe (W. Y.).

Y.
Yada, yadacï, yatci, yaïcï 299
Yam (turc), yam (mongol), "relais postal" f 192
Yamanaka Sadajirô, Tô-So Seikwa 117
Yetts (W. P.), The George Eumorfopoulos Collection, Bronzes I et II 358
.
Yi-yu fou-tche; "introduction" par A. G. Moule 179
Yue-ling, "règles des mois"; leur histoire 82

Zapadnaya Mongoliya i Uryankhaiskti krdi, t. III, par G. E. Grum-Grzimaïlo 219


#JETSPMCHE DES ALTEN CH'U
VON

EDUARD ERKES\

Es ist seit langem bekannt, dass die chinesische Kultur bei


aller Selbstàndigkeit ihres Ursprungs doch von Anfang an kein
einheitliches Grebilde darstellt, sondern aus einer Synthèse niehrerer
altérer Kulturen hervorgewachsen ist. Insbesondere scheint das
Reich Cli'u, das alte sùdchinesische Kulturzentrum am mittleren
Yang-tze, schon im friiben Altertum eine Zivilisation besessen zu
haben, die der eigentlich chinesischen nicbt unebenbûrtig war 1).
Aus ihr ist jedenfalls manches Kulturelement nach China einge-
drungen 2), wenn sie auch auf der andern Seite noch in spàter Zeit
manches von China gelernt und ùbernommen hat8). Dièse alte Sùd-
kultur nun scheint sich sehr lange einen ziemlich selbstândigen
Charakter bewahrt zu haben und wird von den chinesiscben Autoren
stets als eine auslândische, wie es heisst, barbarische, Zivilisation
bezeichnet. Dass man aber die Kultur von Ch'u als etwas Fremdes
empfand, ganz anders als etwa die doch auch nicht rein chinesi-
sche Kultur von Ts'in, hatte seinen Grrund augenscheinlich vor
allem darin, dass in Ch'u noch mindestens bis zur Ts'in-Zeit eine

1) Conrady, China (Pflugk-Harttung's Weltgeschichte Bd. III), p. 478. 524.


2) So wurden in Nordchina Palâste nach Vorbild solcher von Ch'u gebaut; s.
Tso-chnan IX, 31.
3) Nach Tso-chuan VIII, 2 wurden (589 v. Chr.) Handwerker, Nàherinnen und
Weberinnen aus Wei nach Ch'u geschickt, also dort wohl benôtigt.
1
2 EDÏÏAED ESKES.

besondere, mit déni Cliinesischen zwar urverwandte, aber doch scharf


von ihrn unterschiedene Sprache geredet wurde 1).

Die Hauptstelle, die das Bestehen eines solchen eignen Idiome


fur das alte Ch'u erweist und uns sogar eine gewisse Aufklârung
ùber dessen sprachliche Stellung bietet, findet sich im Tso-chuan 2).
Es wird dort die wunderbare Geschichte des Ministerprâsidenten
(ling-yin ^^r) von Ch'u, Tze-wen J- ^,
berichtet, der, heim-
lich geboren, ausgesetzt und von einer Tigerin genàhrt wurde und

denn fê \f f
darum den Namen Nou-wu-t'u, „von der Tigerin gesâugt" erhielt;
g [ §£ |g ^
M % »die Leute von Ch'u SaSen
fur „sâugen" nou f§4 und fur „Tiger" wu-t'u " 8). ^^
Dièse Stelle zeigt nun zunàchst, dass m an in Cb'u eine indo-
cbinesische Sprache redete; denn nou ist ohne Zweifel mit chines.
^L ju (*néiu) und wohl auch $) nai (*nâï) urverwandt, und fu
ebenfalls an die gemeinindochinesische Bezeichnung des Tigers
anzuschliessen, wàhrend in ivu vielleicht am ersten eine chines.
-f§: mu „Mutter" entsprechende Greschlechtsbezeichung zu erkennen

1) Auch sonst scheinen sich. die Bewohner von Ch'u in manchen Âusserlichieiten
von den Chinesen unterschieden zu haben; nach Tso-chuan VIII, 9 waren sie an einer
hesondern Kopfbedeckung {nan-lcuan ga -mt „Siïd-Mûtze") kenntlich. Auch ihre
,
Sitten waren anders; die in China seit alters so strenge Trennung der Geschlechter
scheinen sie nicht heachtet zu haben; s. Tso-chuan V, 22; Sung Yiih, Chao-lvun, V. 107.
2) Tso-chuan VII, 4.
3) Jlg ist Variante von JjSÇ nou' {kou) sàugen (cf. Tze-tien s. v. ^^ ),
sich durch wechselnde Schreibung ( S^
^
/i\^
^
^r*
^
fl^[ SQ" ^ )
was

schon als Prenid-


wort ausweist und nach den gesamten Qruellenangaben ein Wort der Sprache von Ch'u
ist; vgl. die eingehende Behandlung der Stelle durch Schindler im Rirth Anniversary
Volume, p. 643. Die Aussprache nou ( 7^
JO "0J ) gibt der Kommentar des Tu Yù ;
ebenso ist nach dem Komm. J^- wu fî=j ) zu lesen. Der Name ist auch Tso-cJman
(

III, 30 genannt. — Die Stelle ist ferner behandelt bei Plath, Lie fremden barbarischen
Staminé im alten China (Silzungsberichle der Mïmchener Akademie, phil.-hist. KL 1874)
p. 522; Terrien de Lacouperie, The Languages of China before the Chinese (1887), p.
11; Tschepe, Histoire du royaume de Tcliou (1903), p. 34, n. 1; Laufer, Jade (1912),
p. 183; Conrady, Las atteste Lokument sur cliinesischen Kunstgeschichte, Tien-ioen, die
„Himmelsfragen" des E'ùh Yuan, hgg. v. Erkes (1929), Einleitung.
DIE SPRACHE DES ALTEN CHU.

ist, wu-fu also = -^r ^ mu-hu


„mùtterliclier Tiger, Tigerin"
wâre 1). Dann aber gekt aus dem Namen unzweideutig kervor, dass
die Spraclie von Ch'u andern Stellungsgesetzen folgte als das Cki-
n.esiscke, also nickt etwa nur ein oliinesischer Dialekt gewesen sein
kann. Demi eine chinesische Mundart wurde die Stellung wu-fu-nou
(= "^ JJTÈ, ^L) erfordern, wàkrend die ûberlieferte Stellung die der
Taispraolien ist, bei denen der Grenetiv nachgestellt wird2). Wir
kaben die alte Spracke von Ck'u also in dieser Grruppe zu sucken,
am ekesten wokl in der Nâke der Spracke der keutigen Miao-tze,
die ja sickeiiick die Nackkornmen der alten Bewokner von Ck'u sind.
Ein weiterer Beleg fur die Existenz einer von Ckinesiscken
versckiedenen und den Ckinesen unverstândlicken Spracke in Ck'u
ist dann vielleickt in einer Notiz des Tso-chuan vorn Jakre 546

durften:ji^S^o
W #WM o
^
v. Ckr. zu erblicken, nack der, wie es sckeint, die Vertreter von
Tsin und Ck'u auf einer Zusammenkunft einen Dolmetsckers be-

?**^
||
.
£ f: » f| #
II & ifc o „
«Ckao-meng (von Tsin)
flg *
war (Ekren) gast; Tze-muk (von Ck'ti) redete mit ikm, und er
konnte nickt antworten. Er liess Skuk-siang bei der Unterkaltung
kelfen ; aber Tze-muk konnte auck nickt antworten" 8). Die ker-

1) Laufer, 1. e. p, 183 n. 1 vergleicht nou mit tibet. nu in nu-ma „Brust" und


nu-ba „saugen"; fu mit tibet. stag „ Tiger" (cf. Miao-tze clw). Warum er in uni (das
er, wohl durch Tschepe irregeleitet, yû liest) ein Prâfix sehen will, ist mir nicht klar —
wenn er nicht etwa dasselbe meint, was ich oben vermutet habe — und steht jedenfalls
mit den Angaben der Tso-chuan-Koramentave wie auch des 'Fang-yen (8, la) in Wider-
spruch, die ausdriicklich wu-fu als die Ch'u-Bezeichnung fur Tiger angeben. Der Kom-
mentar des Fang-yen (von Kuoh P'oh ^K j-j£ ,h- Anfang 4. Jhdt) bemerkt noch dazu,
dass die „heutigen Wildstamme" in den Gebirgen von Kiang-nan (-4v yf- pj^ 11J ) tt|
den Tiger )jr^& (t'w) nennen, was ^pj ÇJ| (kou) gesprochen werde.
2) Laufer 1. c. hebt hervor, dass die Stellung auch die Zugehôrigkeit zu den tibeto-
birmanischen Sprachen ausschliesst, und môchte die Sprache von Ch'u zur Shan-G-ruppe
ziehen.
3) Tso-chuan IX, 27. Eine âhnliche, aber noch weniger Mare Angabe findet sien
Tso-chuan X, 7, wo von einem Delegierten von Lu gesagt wird: j^ 4g ~~Jp> Qg
4 BDUiED EEKES.

kôrnmlicbe Interprétation fasst die Erzâhlung zwar so auf, als hâtten


die beiden Partner nicht die richtigen Unterhaltungstbemen finden
kônnen und dazu die Hilfe Sbuh-siang's — dessen Name auch in
diesem Sinne sprichwôrtlicb geworden ist — in Ànspruch nehmen
miissen 1) ; aber es ist doch reichlich merkwùrdig, dass gleich zwei
Diplomaten sich so ungescbickt benommen haben sollten, und m.E.
liegt die Ànnahnie nâher, dass sich beide infolge der Verschieden-
beit ihrer Spracben wirklich nicbt verstanden und daber eines
Interpreten bedurften.
Àuf die Spracbverscbiedenbeit Ch'u's yon Cbina scheint dann
aucb eine nierkwùrdige Stelle im Kuoh-yil hinzuweisen, in der
ChVs Eigenart folgendermassen cbarakterisiert wird: Jp_ ^J J£

#*É|3fj, 3tîZm&, Pi9ZMo ^ass der


Herrscber Yergehen gegen die Gresamtheit der Fùrsten meidet und
des Yolk Frieden bebàlt, das ist Ch'u's Kleinod. Was (aber) den
weissen îTepbritgùrtelschmuck betrifft, die Spielerei der alten Kônige,
wieso scbâtzte es den?" 2).
Das kann nun kaum bedeuten, dass man in Cb'u den mate-
riellen Wert des Nepkrits nicbt kannte oder scbâtzte. Denn wir
erfabren anderwârts, dass rnan aucb in Cb'u Jade als Schmuckstein
verarbeitete 8), und die Greschichte yon déni unglùcklichen Fùrsten
Ch'ao Yon Ts'ai, den der Ministerprâsident YOU Ch'u solange fest-
setzen liess, bis er einen naitgebracbten Grùrtelscbmuck berausrùckte 4),
zeigt drastiscb, dass man in Cb'u Yielmehr auf dergleichen ausser-

5^P *yf "als er nac]l C^'u gelaDgte, konnte


"W er bei der Begriissung im Weichbild
nicht antworten".
1) So fasst es auch Legge auf, der in seine Ùbersetzung (Ch. Cl. V, 533) ein „suit-
ably" einschiebt, ebenso wie in die der zweiten Stelle (Ch. Cl. V, 616) ein „properly".
2) Kuoh-yû 18, 8b.
3) Tso-chuan X, 12.
4) Tso-chuan XI, 3.
DIB SPRACHE DES ALTEN CIî'u. 5

ordentlick versessen war, zugleicli auck, dass Nepkrit in Ck'u selten


und daher besonders gesckàtzt gewesen sein muss. Sollte daker die
betonte Greringsckàtzung des Grûrtelsckmuckes als „Spielerei" nicht
yielmebr darauf zurùckzufukren sein, dass der Symbolismus des
GKirtelsckmuckes, den die Ckinesen ja in erster Linie infolge der
sich daran knùpfenden glùckbringenden Wortspiele als „Banner
der Empfindung" x) sckàtzten, den Bewoknern von Ch'u infolge der
Sprackversckiedenkeit unverstândlick war?
Die weiteren Belege fur die Sprackversckiedenkeit Ck'u's vom
ùbrigen Ckina gekôren sâmtlick déni dritten vorckristlicken Jakr-
kundert, der ausgekenden Ckou- und Ts'in-Zeit, an, und es ist
sickerlick kein blosser Zufall, dass sie sick plôtzlick so stark kâufen.
Denn die um dièse Zeit besonders bedroklicke Zunakme der Mackt
Ck'u's, die ganz Ckina in Grefakr brackte, in Ck'u aufzugeken,
musste den Antagonismus der Ckinesen gegen die sicker gerade
infolge ikrer fremden Spracke als Barbaren betrackteten Nackbarn
aufs kôckste steigern. So kontrastiert Meng-tze die „barbariscke"
Kultur von Ck'u sckarf mit der von Ckina: „Ick korte, dass man
mittels des Ckinesentums die Barbaren verânderte; ick kabe nock
nickt gekôrt, dass es durck Barbaren verândert wurde. Ck'en Liang,
aus Ck'u gebùrtig, freute sick. an Ckou-kung's und Ckung-ni's
Wegen; er ging nordwârts und studierte in Ckina. Unter den
Grelekrten des Eordens war ikm keiner voraus" 2) Und weiterkin
wendet er sick gegen einen Pkilosopken aus Ck'u, der in Ckina
fur die sûdckinesiscke Lekre der Ankànger Sken-nung's 3) Propa-

1) Tso-chuan IV, 2. S. die eingehende Beliandlung der Symbolik des Giïrtel-


schniucks bei Conrad)7, Einleitung zu Stenz, Beilràge zur Volkskunde Sïid-Schcmttmgs,
p. 9/LO. 2) Meng-Ue III, 1, IV, 12.
3) Shen-nung gehbrt offenbar — wie HuaDg-ti und Pub-hi, auf dessen nicbtcbine-
siscben Charakter und Namen Haloun (Hirïh Anniversary Volume p. 180/81) bingewie-
sen hat — nicht der altchinesischen Mythologie an; die alte eigentlich chinesische Lite-
ratur (Shu und Shi) kennt ihn nicht, und dass auch Meng-ize (und damit die Kultur-
sphâre, der er angehôrte) ihn nicht kannte bzw. anerkannte, ergibt sich daraus, dass er
6

ganda machte : i î
EDUARD 1RKES.

4 "fi f tt 2 A * ft 2 t"
„Jetzt da der wiirgerzùngige l) Sùdbarbar, der die Art der alten
ï
Kônige negiert!" 2). Auch hier ist also die fremdartige, dem
chi-

nesischen Ohr wie das (xeschrei eines Yogels klingende Sprache


des Mannes von Ch'u als charakteristisch fur sein Barbarentum
hervorgehoben s).
Bei Meng-tze findet sicli dann nocli eine weitere Stelle, an der
die Sprache von Ch'u als ein fremdes Idiom bezeichnet wird, das
der Chinese besonders erlernen musste : „Wenn da ein YVurden-
trâger von Ch'u ist, der wùnscht, dass sein Sohn die Sprache von
Ts'i lernt, wird er dann einen Mann aus Ts'i als Lehrer enga-
gieren oder einen Mann aus Ch'u (usw.)?"4)- Von chinesischen
Dialekten untereinander wird nie gesagt, dass sie besonders erlernt
werden mussten, und es ist auch gar nicht anzunehmen, dass ihre
Yerschiedenheit schon im Altertum so gross war, dass sie nicht
ohne weiteres gegenseitig verstàndlich waren 5). Die Angabe darf

in der kulturgesckichtlichen Skizze, die er bei der Diskussion mit den Shen-nung-Verekrern
entwirft, nicht diesen, sondern Hou Tsih als Erfinder des Ackerbaues nennt (III, 1, 1^ 8). ,
1) Wm- kiieh ist derselbe Voçel wie 1B kii/i, der Wùrger oder Xeuntôter (Shi
I, 15, I, 3), der auch un ter verscliiedenen andern Namen ( T|Ï? &J po-lao-niao,
jg g| ^
*ZKJ-

iÙ W Mj Poh-lao-yiiao, poh-Hao-mao, fâ g| poh-chao, jfâ 3&

tu-wu, -jt* Wffl ij|L Fu-wen-niao, s. Tze-iien s. vv.


|=j# und jjfl ) bekannt ist. Auch

eine Eulenart ^iS$ Wjfî- ning-lcïteh) wird


( so genannt.
2) Meng-tze III, 1, IV, 14.
3) Fremde Sprachen werden auch sonst gern (in China wie anderswo) mit Vosel-
gezwitscher verglichen. Conrad)7 vermutet, dass auch die Bezeichnung der sùdchinesischen
Niao-i j^L p|„Vogelbarbaren" im Shu-king III, 1, 10 darauf zuriickginge (Einlei-
tung zu „Bas atteste Bokument zur chinesischen Kunsigeschichie").
4) Meng-tze III, 2, VI, 1.
5) Sagt dock noch Marco Polo von den heute so stark von einander abweickenden
sùdchinesischen Dialekten : „E è da sapere, che in tutta la provincia di Mangi si osserva
una sola favella e una sola maniera di lettere, nondimeno vi è diversità nel parlare par
le contrade. Corne saria a dir Genovesi, Milanesi, Fiorentini e Pugliesi, che ancor, che
parlino diversamente, nondimeno si possono intendere". (Ramusio, lib. II, c. 79; Yule
The Book of Ser Marco Polo, II, 236).
DIB SPRACHE' DBS ALTEN OH'u. 7

also wolil ebenfalls als Beleg fur das Bestehen einer besoiidern
Sprache von Ch'u aufgefasst werden.
Ebenso spricht Lu Puh-wei von einer Sprache von Ch'u, die
er mit der Sprache der Jung-Barbaren in Parallèle stellt, also
augenscheinlich auch als nicht-chinesisch bezeichnen will : ^ J^

35C A. stt fï ^c o
»^^e Jung-Leute werden bei den Jung gebo-
ren und wachsen bei den Jung auf und wissen nicht, wie sie sich
die Jung-Sprache aneignen. Die Ch'u-Leute werden in Ch'u geboren
und wachsen in Ch'u auf und wissen nicht, wie sie sich die Ch'u-
Sprache aneignen. Liesse man nun einen Menschen aus Ch'u bei
den Jung aufwachsen und einen Menschen von den Jung in Ch'u,
dann (lernte) der Ch'u-Mensch die Sprache der Jung und der Jung-
Mensch die Sprache von Ch'u." -1).
Auch zwei Stellen bei Meng-tze's Zeitgenossen Sûn-tze, die Ch;u
auf der einen Seite mit China, auf der anderen mit dem nach
allgemein anerkannter Ùberlieferung in Sprache und Kultur bar-
barischen Yûeh kontrastieren, sprechen dafûr, dass Ch'u sprachlich
und kulturell als barbarisch empfunden wurde. An der ersten Stelle
heisst es: M A % M
,
1A$I, # ¥ *X .
»Der
Mann von Tûeh findet Befriedigung in Yùeh, der Mann von Ch'u
in Ch'u, der Edle in China (Hia)"2). Die andere Stelle lautet:

1) Lii-shi Gliun-is'vu 5, 21a (R. "Wilhelm, Frùhling und Herbst des Lu Bu Wei,
p. 53). Der Kommentar verweist dazu auf Meng-tse III, 2, VI, 1.
2) Sùn-Ue 2 (4), 11b (Dubs, The Works of Hsùn-tze, p. 59). W ist nach Vor-
schlag von Dubs in den Text eingesetzt statt der herkômmlichen Lesart Tifc „verfei-
nert", das vom Kommentar durch 11—> „gerecht" erklârt wird, aber keinen Sinn ergibt.
Der Parallelismus zu den beiden vorhergehenden Sàtzen verlangt vielmehr, dass auch
hier ein Làndername steht; ebenso spricht dafûr der anschliessende Text: 4P; 3-E
£& H ft B "tfc , JÊ&m'BfèZWM&- -DB.ge.chieht
8 EDÏÏARD ERKBS.

Jg S fl ^ JB ^ Fi &\ M S S îfO

Ch'u, dann ist man (einer von) Ch'u; lebt man in Yûeh, dann ist
o
,Lebt man in

Chinese"1).
man (einer von) Yûeh, lebt man in China, dann ist man
Die Sprache von Ch'u scheint sich nun auch einer besondern
Schrift bedient zu haben, auf deren Bestehen wohl schon die in
der oben besprochenen Tso-chuan-Ste\\e angefûhrten besondern Zei-
chen fur die Ch'u-Worte hindeuten. Wenigstens fasst Schindler
die Stelle so auf und ûbersetzt sie: „Die Leute von Ch'u bezeich-
nen das Sàugen mit déni Zeichen fU£ und einen Tiger mit den
Zeichen j?^ l^T " 2). Ich kann mich zwar der Ùbersetzung meines
gelehrten Freundes nicht ganz anschliessen; denn wenn in der Stelle
direkt auf die Schrift hingeweisen werden sollte, so mùsste m.E.
^ statt ||
stehen, das doch wohl eher die mùndliche Aussprache
bezeichnet. Aber sachlich trifft seine Auffassung sicherlich zu ; denn
es ware sonst unverstàndlich, warum der Lautwert non durch kuh
(huit) und wu durch yil transkribiert wurde. Man hat also in Ch'u
die chinesische Schrift augenscheinlich so verwandt, dass chinesische
Zeichen ohne Rûcksicht auf den Laut, aber wohl mit Rucksicht
auf den Sinn zur Wiedergabe der eignen "Worte benutzt wurden 8).
Auch die oben angefûhrten Stelle aus dem i^«nf/-^i?n-Kommentar
des Kuoh P'oh, nach dem bei den "Wildstàmmen von Kiang-nan
der Tiger Vu heisse, was hou gesprochen werde, làsst sich wohl

nicht durch Kônnen, Talent oder Naturanlage, sondera infolge der Verschiedenbeit der
Anschauungen und Gewohnheiien". Auch die zweite unten zitierte Stelle spricht mit
ihrem genauen Parallelismus dafiir. Aber selbst wenn ¥# die richlige Lesart
wure, so
bliebe doch die Kontrastierung der Kultur von Ch'u mit der „Verfeinerung" Chinas
bestehen.
1) Sïin-Ue 4 (8), 27a/b (Dubs, p. 116).
2) Hirih Annïversary Volume, p>. 643.
3) Vgl. S. 2, Anm. 3.
— Dialektschriflen hat es bis auf Shi-huaDg-ti ja noch
eine ganze Reihe gegeben ; aber ihr Charakter scheint insofern anders
gewesen zu sein
als besondern Wortern auch besondcre Zeichen entspraclien, aber nicht gegenseili"-
Ent-
lehnungcn von Zeichen fur gleicbe Begriffe mit anderer Lautbezeichnung
vorgenommen
wurden. Vgl. Schindler in OZ VI (1917), p. 69/7J.
DIE SPRACHE DES ALTEN CH'U. 9

nicht anders verstehen. als dass dièse sûdchinesischen Primitiven


des 4. Jahrhunderts den Begriff des Tigers J^» schrieben und hou
aussprachen, also eine eigne, mit der chinesisclien zusammenhân-
gende, im einzelnen aber wesentlich von ihr abweichende Schrift
hatten.
Das fûhrt unwillkùrlick auf den Gfedanken, ob dièse Schrift
nicht mit der alten Schrift von Ch'u zusammenhângen kônnte, wie
es auch fur die Schrift der heutigen Miao-tze von d'Ollone, der
zuerst Schriftproben davon verôffentlichte a), wie auch von Conrady
vermutet worden ist2). Die Schrift der Miao-tze ist nach den bei
d'Ollone reproduzierten Proben aus der Gfegend von Yung-ning-
hien im sûdlichen Sze-ch'uan eine Zeichenschrift, die grosse Àhn-
lichkeit mit der chinesischen Gfrasschrift besitzt; die Zeichen gehen
nach der Untersuchung eines leider ungenannten chinesischen Gfe-
lehrten, dem d'Ollone seine Specimina unterbreitete, auf eine alte
Porm der Ts'ao-shu zurùck, die von der zur Ts'in-Zeit abgeschaff-
ten Siegelschrift abgeleitet sein soll8). An den meisten Zeichen
làsst sich ohne Schwierigkeit erkennen, dass chinesische Schrift-
zeichen ohne Pùcksicht auf den Lautwert fur einen gleichen oder
âhnlichen Begriff der Miao-tze-Sprache ûbernommen worden sind.
Die Miao-tze-Schrift ist also nach dem gleichen Prinzip gebildet
wie anscheinend die alte Schrift von Ch'u, und es ist wenigstens
sehr naheliegend, in ihr einen Auslâufer der alten Ch'u-Schrift,
wenn nicht gar dièse selbst, zu erblicken4). Insbesondere ist es

1) d'Ollone, Ecritures des peuples non-chinois de la Chine (1912, Mission d'Ollone,


vol. 7), p. 267—301.
2) Das alteste Dohmnent zur chinesischen Kunstgeschichte, Einleitung.
3) d'Ollone, 1. c. p. 273.
4) Die Schrift der Miao-tze ist im Ncm-chao-ye-shi Kg g2 !gr 9^ erwahnt
(Sainson, Histoire particulière du Nan-ichao, p. 188; das Original war mir nicht zu-
gânglich). Danach hâtte die Miao-Schrift mit der chinesischen nur die Zahlzeichen und
zyklischen Charaktere gemeinsam, wâhrend die ûbrigen Zeichen ahwichen. d'Ollone (p.
268) fiihrt noch andere chinesische Quellen an, die eine Schrift der Miao erwàhnen ;
H) EDUARD ERKES.

intéressant, dass das Miao-tze-Zeichen fur Tiger (d'Ollone Tafel B,


no. 105) der Ts'ao-shu-Form von jgjj», zu entsprecben scheint, das
nach Ivuok P'oh bei den Kiang-nan-Barbaren dafùr gebrauclit wurde,
vralirend das Miao-tze-Zeichen fur Pantber (d'Ollone Taf. B, no. 104)
der Grrasschriftform von J^ „Tiger" entspricht !).
Es wâre im tibrigen vielleicbt moglicli, die Sprache und den
Schriftgebrauch von Ch'u in gewissem Unifang aus den Sprach-
resten zu rekonstruieren, die im Fang-yen und bei den sùdchine-
sischen Autoren der ausgebenden Chou-Zeit, besonders bei Lao-tze2),
Lieh-tze, Chuang-tze, K'ûh Yuan 3) und Sung Yùh erlialten sind.
Die bei diesen Autoren vorkommenden Ch'u-Worte sind zum Teil
scbon von den Kommentatoren als solcke gekennzeiclinet, zum Teil
verraten sie sich durch variierende Schreibvveisen — die ja gevvôhn-

aber dièse waren mir nicht erreichbar, ebensowenig ein leider nicht n;iher genannter
und daher nicht zu identilizierender Aufsatz von Devéria, der eine angebliche Miao-
tze-Schrift behandelt, die aber uacb d'Ollone wahrsebeinlicb von den Yao-tze stammt.
Nach Milteilung des Paters Kireher an d'Ollone (p. 272) solleu auch die Miao-tze von
Tongking eine Schrift, angeblich erst neueren Datums, besitzen, wàhrend Savina (Histoire
des Miao, intr. p. XVI) das Yorkommen einer eigentliehen Schrift bei ibnen bestreitet,
aber angibt, dass Vorlaufer einer solchen in G estait von Kerbhôlzern (die ja auch in
China der Schrift voraugegangen zu sein scheinen) und Anfangen einer Bilderschrift
vorhanden seien. Die Miao in Siam haben eine Tradition, nach der sie friïher eine
eigne Schrift besassen (G-raham, Siam, a Handbook, p. 130).
1) Fin1 freundliche Unterstiitzung bei der Identitizierung der beiden Zeichen bin
ich Herrn Lektor Chou King-yu jj§ -|§- "W zu Dank verptlichtet. Herr Chou ist
ebenso vne der bei d'Ollone zitierte Gelebrte der Ansieht, dass die Miao-tze-Zeichen
einer alten Form der Grasschrift entsprechen.
2) Die bei Lao-tze vorkommenden Ch'u-YVorte habe ich iu Sinica III (192S),
p.
131/32 zusammengestellt. Sie sind insofern von Bedeutung, als sie
m. E. einen srewich-
tigen Beleg dafur darstellen, dass Lao-tze tatsachlieh eiu Sûdcbinese
war uud der
Taoismus ursprùnglich eine sùdchinesische Religion ist.
3) Dass K'ûh Yûan's Sprache einen nichtehiiiesischen Einschlag aufweist, ist
schon
verschiedentlich betont worden, am ausgesprochensten
von H. Maspero . ..Homme de
Tch'ou, Yuan de K'iu e'tait un barbare: le chinois n'était
pas sa langue maternelle; de
là peut-être une certaine gaucherie d'expression que les Chinois ont remarquée
depuis...''
(La Chine antique, p. 600). Zu einem alinlichen Ergebnis ist nach brieflicher
Mitteilung
P. F. Biallas gelangt, der eiue englische Ausgabe der "Werke K'iih Y'iïan's vorbereitet.
DIE SPEAOHE DES ALTEN CH'u. 11

lioh auf fremde Herkunft eines "Wortes himveisen —, durcit eine


von der herkônirnlicken abweichende, sonst nicht vorkommen.de
Aussprache oder endlich dadurch, dass sie mit entleknten Schrift-
zeichen geschrieben sind, die nicht zu dem "Wortsinn passen. Einem
Kenner der Miao- und Taisprachen wiirde es auf Grand einer
Zusammenstellung des erhaltenen Sprachmaterials vielleicht sogar
môglich sein, die sprachliche Stellung des alten Idioms von th'u
genauer festzulegen.
NOTES SUR LE "IITRKESTAN"
DE M. W. BARTHOLD
PAR

PAUL PELLÏOT.

[W. BARTHOLD, Turkestan clown to the Mongol invasion, seconde


édition traduite de l'original russe et révisée par l'auteur avec
l'assistance de H. A. R. GIBB, édition du "E. J. W. Gibb Mémorial",
publiée par Luzac and Co., Londres. 1928, in-8, xs + 514 pages,
avec 1 carte.]
Le bel ouvrage de M. "W. Barthold (Y. Bartol'd), Turkestan v

êpokhu Mongol''skac/o nasestva, paru à Saint-Pétersbourg en 1900,


était depuis longtemps introuvable; en outre, écrit en russe, il
restait fermé à beaucoup de savants occidentaux. On doit féliciter
Sir E. Denison Ross et les trustées du Gibb Mémorial à qui nous
devons une traduction anglaise complètement mise à jour par l'auteur;
seules, les 200 pages de textes orientaux qui faisaient le premier
volume de l'édition russe de 1900 ont été laissées de côté cette fois.
J'ai relu avec un vif plaisir ce livre d'information si riche; il
tient beaucoup plus que ce qu'annonce le titre, d'abord à raison de
la bibliographie critique des sources qui occupe les pp. 1 63, et

aussi parce que, à propos du Turkestan, M. B. a été amené à es-
quisser un tableau général de l'empire mongol tel qu'il fut organisé
par Gengis-khan.
.NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 13

La mise en oeuvre des sources musulmanes témoigne d'une


information prodigieusement étendue; M. B. a dû naturellement
utiliser en outre les sources mongoles, jusqu'ici assez médiocres,
et aussi les sources chinoises, bien supérieures, mais qui ne sont
accessibles aux non-sinologues que par fragments ; encore ces frag-
ments figurent-ils dans des traductions ou des adaptations très
défectueuses, à l'exception de ce qui est dû à l'archimandrite
Palladius.
Les noms orientaux sont reproduits par M. B. avec une grande
fidélité. Il en est cependant quelques-uns pour lesquels je préférerais
une autre orthographe. Tel "Hiuen-Tsiang" (pp. 2, 70, etc.) où Vi
de "Tsiang" est inadmissible quel que soit le système de transcription
adopté (les Anglais écrivent plutôt "Hsùan-tsang", les Français
"Hiuan-tsang"; "tsang" n'est pas palatalisé). "Tamuchin" ne me
paraît non plus très heureux pour le nom personnel de (xengis-khan;
que la voyelle primitive de la syllabe initiale ait été à ou e,
"Temuchin" serait en transcription anglaise plus voisin de Tarnùjin
(ou Temùjin) que "Tamuchin". De même la forme noyan, qui est
celle des textes persans et chinois, vaut mieux que noyon pour
l'époque mongole. Et pourquoi garder encore "Qudatku Bilik"?
Je n'ai, comme de juste, presque aucune remarque à formuler
sur la partie purement "musulmane" de l'ouvrage de M. B. ; mais
du point de vue mongol et chinois, et tant pour l'es faits que pour
les noms, je voudrais soumettre à son appréciation quelques indi-
cations ou réflexions.
Pp. 37 et passim. — Comme M. B. et comme tout le monde,
j'ai parlé autre fois du Mong-ta pei-lbu comme d'une oeuvre de
Mong Hong; mais Wang Kouo-wei a montré que cette attribution
était erronée, et que l'auteur probable était un certain jg|;£:H: Tchao
Hong; cf. Toung Pao, 1928/29, pp. 165—166. En outre, les détails
que M. B. emprunte à "Mong Hong" (p. 460) sur le train de
14 PAUL PELLIOT.

Gengis-khan ne concernent pas celui-ci, qui en 1221 se trouvait


musulmans et que l'envoyé des Song à Pékin ne vit
dans les pays
Muqalï,
jamais; dans le texte original, ces informations portent sur
le lieutenant-général laissé à Pékin par Gengis-khan. M. B., comme
aussi M. Yladimircov dans son Cingis-khan, a été trompé par la
traduction de Vasil'ev qui a rendu par "'tsar" le titre de
|| ^
kouo-wang, "prince", bien connu comme titre de Muqalï.
P. 38, n. 2. —
Lire uHei ta che lion et "Houang yuan cheng
ts'in tcheng fow"; il est en outre prouvé aujourd'hui que
wou
"houang-Yuan" ne fait pas partie du titre, lequel est seulement
Cheng-wou ts'in-tcheng lou- cf. T'oung Pao, 1928/29, p. 169, n. 1.
P. 43. — "The Emperor Kai-san (1308—1311)". Ou bien il
faut lire ce nom, selon la transcription chinoise ( ff^ jjj ), "Hai-
shan" en anglais, "Hai-chan" en français, ou en restituer l'original
non-chinois sous la forme *Qaïsan. On a bien en tibétain une leçon
tardive Haisan (Ha'i'san; cf. Huth, Gesch. des Buddhismus in der
Mongolei, II, 35), mais elle est sans autorité.
P. 44. — Ce n'est pas "an abridged édition" de VHistoire des
Yuan qui a été traduite par Hyacinthe Bicurin, mais la section
pen-ki ("annales principales") des quatre premiers qaghan. Il faut
ajouter que le P. Hyacinthe a eu la malencontreuse idée de suivre
pour les noms propres l'orthographe "réformée" des commissaires
de K'ien-long, ce qui rend son travail à peu près inutilisable et a
souvent induit en erreur d'Ohsson et Berezin.
P. 45. — Plus encore qu'avec le Yuan che, compilation de 1369,
Rasïdu-'d-Dïn est en accord étroit avec le Cheng-ivou ts'in-tcheng lou)
c'est vraiment ce dernier ouvrage qui représente la version chinoise
de la chronique mongole où Rasïdu-'d-Dïn ou ses informateurs ont
puisé, Jj Histoire secrète des Mongols représente une autre tradition,
assez divergente.
P. 51 et p. 388. — L'étymologie de "bakhshï" par le sanscrit
NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 15

bhiksu n'est rien moins que sûre; nous avons plutôt tendance
aujourd'hui à y retrouver le chinois -[^ J^ po-clie (*pâlc-dzcï)', cf.
Laufer, dans T'oung Pao, 1916; 485—487 (la note de la p. 557
est très erronée); mes remarques de JA, 1925, I, 254; pour la
popularité du terme chinois, noter qu'en japonais po-che est repré-
senté non seulement par le sino-japonais haJcushi, mais par la forme
entièrement japonisée hakase.
P. 82. — Le chinois $J$ |j§» Na-mi (*Nâ-miët) ne peut ramener
normalement à "JSTamik"; la véritable lecture de la forme arabe ne
serait-elle pas js^lj *Nâmi5 ?
P. 134, note 4. — Au lieu de "Ta-mo", lire „Tu-mo". Le
chinois ^ j||L Tou-mo (*Dcuk-mâk), avec le cl- initial que les Chinois

ont souvent entendu au lieu de t- au début des mots turcs, suppose


un original *Tuymaq ou *Tuymay, dont la forme tardive ^yj Tûm
ne peut être sortie que par réduction de la gutturale médiane (cf.
sous les T'ang également, :/f§|
^Tou-lo, *Dcuk-lak, etc., pour le
nom de la rivière Tu/la, aujourd'hui Tula, en Mongolie ; voir à
ce sujet T'oung Pao, supra, p. 211); quant à l'amuissement ap-
parent de la gutturale finale de *Tuyma7 dans Tum, il peut en
réalité remonter à une forme dialectale sans -y (ou -g) du moyen-
iranien.
P. 163, note 1. -— L'équivalence phonétique de "Kâsân" avec
le chinois k/|fj|||K'o-sai (*Kcât-SQk), qui supposerait *Karsak, à la
rigueur *Kassak, est difficile à admettre ; peut-être y a-t-il en chinois
une faute de texte; je ne trouve pas actuellement de solution
satisfaisante.
P. 170. "Cïnânckath" n'est-il pas aussi vraisemblable que

"Jïnânjkath"?
P. 197. — Pour les qualités distinctives de chacun des quatre
grands empires, cf. mon article La théorie des quatre Fils du Ciel,
dans T'oung Pao, 1923, 97—125.
16 PAUL PELLIOT.

P. 232, note 2. — Le chinois :g| "^ i*jj mo-hou-t'an (*mâk-


yuo-dcân) est moins clair que M. Laufer ne l'a admis dans Sino-
Iranica, 531. L'original est vraisemblablement *màyndan ou *mâyodân,
mais il est difficile d'y retrouver avec M. Laufer une formation
analogue à "mobeècin mobeV; dans ce dernier terme en effet,
mobeSân est mobeS + marque de pluriel cm, au lieu que *mâyudân
semble être *mâyu -\- dân.
P. 232, note 12. — Les transcriptions chinoises de danismand
sont confirmées par la forme mongole dasmcm, attestée épigraphique-
ment à l'époque mongole.
P. 257, note 5, et passim. — Au lieu de "ïlak", ne vaudrait-il
pas mieux transcrire "ïlig"? Le mot ilig, "roi", est aujourd'hui
bien attesté en ouigour (cf. par exemple l'index de F. W. K. Mùller,
Uigurica II).
P. 261, note 1. — Je suis personnellement en faveur de Sàbâk-
tegin ou Sâbûk-tegin plutôt que de Sabuk-tegin ou de *Sù-beg-tegin;
sur sàbdk (identique au sebik et sewik de M. B.) dans l'onomastique
turque ancienne, cf. T'oung Pao, 1928/29, p. 243; le nom a été
porté aussi bien par des hommes que par des femmes; quant à sdbuk,
identique à sàbdk, on a déjà sàbûk et scivuk dans le Qutcioya bilig
(cf. Radlov, IV, 502, 506). M. von Le Coq s'est également
pro-
noncé pour Sàvùk-tegin (Turk. Namen und Titel in Indien,
p. 1).
P. 269. — Ici et-pp. 308, 333, M. B. dit que "Paigkû" est
probablement à corriger en Yab^û; c'est possible, mais il
ne faut
pas oublier qu'on rencontre dans l'onomastique mongole un nom
4È M? Po-hou (sous les Mongols Pai-hou) qui ramène
normalement
à *Baïqu ou *Baï/u; par ailleurs j^o, lu bïyu, est
en turc le nom
d'un oiseau de proie assez analogue au faucon, et on sait combien
les noms d'oiseaux de fauconnerie sont employés dans l'onomastique
turque et même mongole.
P. 284, note 7. La forme UJ yaya des monnaies peut-être

NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTI-IOLD. 17

comme M. B. le suppose, une graphie incomplète de ..LRJ yayan,


"éléphant"; (cf. To/a pour To/an de Târnur-to/an). Mais peut-être
aussi est-elle la forme ancienne. Nous connaissons en effet aujourd'hui
un ouigour ancien yanga, "éléphant", dont yaya serait normalement
une forme dénasalisée (cf. JA, 1913, I, 455—459). Pour des formes
à nasale et sans nasale, cf. le chinois Yang-mo qui suppose *Yangrna
pour le nom de la tribu des Yayma (JA: 1920, I, 135), ou encore
mon hypothèse qui tire mandchou nikan, pi. nihasa, "Chinois", du
Nankîyas, Nangkiyas, connu en mongol dans le même sens à l'époque
mongole (JA, 1913, I, 465—466).
P. 286, note 2. — Je ne sais pourquoi M. B. qualifie encore
d'anonyme le vocabulaire arabo-turc étudié par Melioranskiï, qu'on
sait aujourd'hui être l'oeuvre d'Ibn-Muhannâ. L'explication que ,-^Lo
serait pour n^-o.i arslûn est déjà dans Melioranskiï, p. 057; mais
peut-être M. B., .qui la croit nouvelle, va-t-il trop loin en la don-
nant comme sûre, car arslan apparaît deux fois dans Ibn-Muhannâ,
mais écrit .ALw.ï arslan (p. 067), et à la rigueur ,..^Uo pourrait
être une mauvaise répétition de ...Xjj qablan (qaplan) qui précède;
nous ne devons donc pas nous trop presser de prêter à certains
Turcs une "année du lion" dans le cycle des douze animaux
(malgré l'année du "lion" de Marco.Polo; on sait que Marco Polo
emploie toujours "lion" pour "tigre", par exemple à propos des
liou-fou ou "tablettes au tigre", vraisemblablement sous l'influence
du persan sër, sïr). Les mots qajylan et arslan (?) manquent comme
synonymes de bars pour 1'"année du tigre" dans l'édition d'Ibn-
Muhannâ publiée à Constantinople en 1921, et par suite ne sont
pas discutés par S. E. Malov dans le t. III des Zapiski Kollegii
Vostokovedov1)] je n'ai pas actuellement à ma disposition les infor-

1) M. Malov ne reprend en outre dans son vocabulaire que les mots de l'édition
de Constantinople qui manquaient aux mss. utilisés par Melioranskiï ou ceux qui y
étaient douteux. Mais il y a des cas où des variantes orthographiques auraient mérité
2
18 PAUL PELLIOT.

mations de Kasyarï sur le cycle des douze animaux. La liste d'Ibn-


Muhannâ, qui remonterait à des documents de 1027, substitue au
du "dragon" celui du "poisson", balïy] il y a peut-être là un
nom
léger argument en faveur de l'explication très hypothétique propo-
sée par M. Poppe pour le nom mystérieux de bslqun que Qazwïnï
donne comme le nom mongol du crocodile (cf. JA, 1927, I, 289).
Si, comme le suppose M. Poppe, bslqun (= *basalqun) était une
forme métathétique d'un mongol *balqasun, "poisson", correspondant
au turc balïq, "poisson", peut-être pourrait-on en outre revenir à
une explication du nom obscur de Balâsâyûn qui a déjà été pro-
posée (par exemple dans Bretschneider, Med. lies., I, 18), à savoir
celle d'une métathèse pour balayasun (attesté sous cette forme à
l'époque mongole; mongol classique balyasun, "enceinte", "ville"),
qui est le correspondant mongol du turc balïy, "ville"; mais tout
cela est très aléatoire. "Wang Kouo-wei (Kouan-f'ang tsi-Un, 14, 3—5)
a essayé de son côté d'expliquer Balâsâ'/ûn par la "ville du tsiang-
kiun P'ei-lo" des T'ang (cf. Chavannes, Doc. sur les Tou-hiue, 10);
mais on attendrait alors *Boïlasângun ou *Buïlasângùn.
P. 317, note 2. — M. B. dit que *Xb> "province", "n'est pas
turc, mais persan". Il y a pas mal de mots dont on hésite à dire
s'ils sont primitivement altaïques ou iraniens, mais ici, et jusqu'à
preuve contraire, j'incline à admettre une origine altaïque du mot.
On a, en turc jaghatai, un mot &£J^>, que Radlov (III, 204.4)
transcrit colg a \ il le rend par "vallée ou plaine arrosée et herbeuse
au pied d'une montagne" et le décompose en col -f- ga, col étant
le mot turc signifiant "désert", déjà attesté dans les inscriptions

d'être relevées; c'est ainsi que, pour l'année du "lièvre", Melioranskiï (pp. 041, 0101, 80)
écrit \JUVAD tawïsyan, sans indiquer de variante; mais l'édition de Constantinople (p. 186)

a ..Ik^ÀiD, soit tafïsyan en fonction de tafiïsyan; il valait de signaler cette orthographe


archaïsante qui est aussi, je crois, celle d'Al-Bïrïïnï, d'après le tableau de Chavannes,
dans T'oung Pao, 1906, 52. Le tableau de Chavannes a d'ailleurs besoin d'être repris,
corrigé et complété.
NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 19

de l'Orkhon et qui se retrouve aussi sous la même forme et dans


le même- sens en mongoll). Vullers (I, 602) a enregistré sL^iys» ou
&£iys- côlgà(ou. cûlgâ), pour lequel il donne la même définition
que Radlov et que, comme Radlov, il tire de col. La définition,
chez les deux lexicographes, est empruntée à VAbusqa, ce qui déjà
implique que Vullers ne connaisse le mot que par un lexique de
mots turcs et non persans2); mais VAbusqa, qui écrit A==- col pour
"désert", orthographie td3y> jôlgci (ou jûlga), et non côlgà, et
n'établit aucun rapport entre les deux mots s). En réalité, je crois

1) Pour col en turc, cf. Radlov, III, 2043. Pour le col mongol, Kovalevskiï et
Golstunskiï indiquent tous deux le sens de "limon", "boue", au fig. "souillure", mais,
dans leurs exemples, rendent plusieurs fois le mot par "désert"; il y a une sorte de
contradiction entre leurs traductions de col oro-, "entrer dans le col", par "entrer dans
un bas-fond couvert d'eau", et de col yajar, "terre de col", par "lieu saDs eau"; peut-
être deux mots se sont-ils confondus ici (ce sera sûrement le cas si la vocalisation ail,
indiquée par Kovalevskiï pour le mot signifiant "limon", est correcte). En tout cas, c'est
au sens de "désert" que col est le plus anciennement attesté en mongol, dans l'Histoire
secrète des Mongols, § 188, et on retrouve ce col conservé en persan dans le passage
correspondant de Rasïdu-'d-Dfn (cf. J. A., 1920, I, 176, 178—179, mais en corrigeant
au début de la n. 2 de la p. 178 le renvoi aux Trudy, qui se rapporte au t. XIII et
non au t. XV). Le lexique d'Ibn-Muhanna, qui ne donne pas col dans la partie turque, a
V^> col dans la partie mongole, au sens de "désert" {barr); cf. Melioransldï dans ZVOIRAO,
XV, 132 (la vocalisation lui de Melïoranskiï est mauvaise). Dans le I)aJablmmikasutra
mongol, col répond au chinois Praif ffir k'ouang-ye, sanskrit atavi, "désert"; cf. J. Rahder,
Glossary of the DasabJwmika-sûtra,- Paris, 1928, in-8, p. 1 (M. Rahder indique en
....
outre comme équivalence tibétaine mya-iian, "affliction", "misère"; comme le texte mongol
est presque sûrement traduit du tibétain, il semble qu'une confusion se soit produite dans
le texte tibétain actuel entre mya-han, "affliction", et mya-ham, "désert de sable").
D'ailleurs, Kovalevskiï a recueilli seulement dans les lexiques deux équivalents tibétains
de col; l'un, 'phyan, n'est pas attesté comme substantif, mais, comme verbe, paraît
signifier "errer"; quant à l'autre, gdon-dun, c'est le mot tibétain normal pour "désert".
A raison de passages comme celui de Rasïdu-'d-Dïn, le mot \tf>- "c~àl, au sens de "désert",
a été recueilli dans les lexiques persans (cf. Vullers, 602); mais Vullers ne dit pas qu'il
considère col comme vraiment persan.
2) Cf. l'édition de VAbusqa donnée par Véliaminof-Zernof, Dictionnaire djaghataï-lurc,
p. 252, s.v. ajG^>- I;e mot paraît cependant s'être acclimaté dans l'onomastique persane;
cf. par exemple le "Ser-i-julge" cité dans Yule et Cordier, Marco Polo3, t. III (Notes
and Addenda), p. 28.
3) Il est possible que Vullers ait songé pour "côlgâ" à un composé fait du turc
20 PAUL PELL10T.

qu'il faut séparer col de jôlgci et que, si aucun d'eux n'est persan,
le premier seul est peut-être vraiment turc, au lieu que le second
serait originairement plutôt un mot mongol. Le mongol, qui écrit
col pour "désert", a en effet un mot jiïlgà (ainsi vocalisé par
Kovalevskiï), qui signifie "prairie", et est évidemment identique
au prétendu côlgâ de Radlov. L'initiale j- et non c- est d'ailleurs
confirmée par turc kùàr. yolgo, "monticules d'herbe dans un marais"
(Radlov, III, 451), et par kirghiz jûlgô, "petite vallée" (Radlov,
IV, 186); le jaghataï côlgâ de Vullers et Radlov semble donc
décidément à corriger en jôlgll ou jillgâ, lequel est ancien en mongol,
car il se trouve, transcrit jôlkâ et traduit par j\\ tch'ouan. "vallée ar-
rosée", dans le § 247 de VHistoire secrète des Mongols ]). Pavet de
Courteille (p. 298) indique sous côlgâ, à côté du sens de "plaine
arrosée", celui de "district d'une ville", et Vâmbéry fait de même
sous jôlgci] ils ne voient donc qu'un mot là où Vullers croyait en
reconnaître deux quand il laissait son u côlgâ" (lire jôlgâ), "plaine
arrosée", à part de »L<L>, ^JOO- OU L<JC=- jolga, "territoire" (I, 525).
Vullers tirait ses informations sur ce second mot d'une note étendue
de Quatremère, dans Notices et Extraits, XIV, i, 59 (Quatremère
lit j-iïlkâ) ; le mot se rencontre en effet assez souvent dans les textes
persans à partir de l'époque mongole, et même dans la version
persane des Mémoires de Bâbur (je ne le retrouve pas actuellement

col, "désert", -f- persan ^ ^


ou ga, "lieu", et que Radlov l'ait simplement copié; mais
une telle hypothèse de Vullers serait gratuite. La différence d'initiale entre col et j'ôlqà
est bien observée dans Vâmbéry, Cugaiaische Sprachstudien, p. 281, mais non dans Pavet
de Courteille, Dictionnaire turc-oriental, p. 298.
1) Si la transcription indiquée dans l'Histoire secrète des Mongols est correcte, il
faudra vocaliser jolgii et non jiilgà comme le fait Kovalevskiï; Rudnev, Materialy
po
govoram Vostocnoï Mongolii, p. 90, garde la transcription jiilgà pour le mongol écrit et
indique jbh/e pour le dialecte des Ordos, ce qui semblerait, dans
ce dialecte, être en
faveur d'une forme ancienne jiilgà. Il y a en outre un mot turc signifiant "vallée arrosée"
et qui est ^iL> j'Hya (Radlov, IV, 128), souvent, employé dans la partie Sud-Ouest du
Turkestan chinois et dans la région de Tourfan ; mais peut-être n'a-t-il rien à
voir
avec jiilgà.
NOTES SUR LE "TTJRKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 21

dans l'original turc, et peut-être n'y est-il pas employé)l). Mais,


une fois de plus, c'est là un mot bien attesté en mongol ancien.
L'édit dit de la veuve de Darmabala (Dharmapâla), écrit en caractères
'phags-pa et qu'on a daté successivement de 1309 et de 1321, mais
qui pourrait bien être de 1333, parle du cholgà de fê Pao-ting, ^
et Pozdnéev a déjà"biejn_vuj}ue_^^^
administratif mongol, l'équivalent du clnnois^J^.j,aM^idistidct''2).
La même orthographe 'phags-pa cholgà et la même équivalence au
chinois lou se retrouvent dans une inscription bilingue de 1314 3).
Enfin la grande inscription sino-mongole inédite de 1362, en écri-
ture ouigoure, parle du "côlgà de Isina", c'est-à-dire du lou de
^ :^| J*j Yi-tsi-nai, l'Eçin de Marco Polo, aujourd'hui la région
de l'Etsin-^ol. Avec cette même valeur de lou, "district", le mot
a enfin passé en tibétain sous la forme chol-kha 4). Les transcriptions
'phags-pa et l'emprunt tibétain font supposer un original mongol,
aujourd'hui inconnu, *côlgà, "district". Nous avons donc bien, je crois,
deux mots différents comme l'a admis implicitement Vullers, mais
son jôlgâ est vraisemblablement à lire côlgâ, et c'est son côlgcl qui
doit être jôlga ou jûlgci. Je ne vois pas de raison pour chercher
à l'un ou à l'autre mot une origine persane 5).

1) Quatremère a cité quelques exemples, mais il y en a bien d'autres, par exemple


à la p. 97 de son ouvrage; c'est aussi le même mot qu'il faut lire au livre de "jalgâh"
dans Yule-Cordier, Cathay2, I, 272.
2) Lelccii po isiorii Mongol'skoi literatwy, II, 123.
3) Cf. Chavannes, dans T'omig Pao, 1908, inscr. n° 54 (pi. 24), ligne 17.
4) Cf. le dictionnaire de Sarat Chandra Das, p. 428; la valeur exacte du terme en
tibétain apparaît clairement dans Huth, GeschicMe des Buddhismus in der Mongolei, II,
147, où les trois chol-kha (ou trois lou) du Tibet s'opposent aux treize "provinces"
(Jchri-skor ; aussi II, 22, mu-ci, du mongol moji; en chinois, cheng) de la Chine propre-
ment dite. L'emprunt chol-kha n'est pas relevé dans les Zomi-words in Tibelan de M. Laufer
{Foung Pao, 1916, 403—552), ni dans ses notes additionnelles de Sino-Iranica, 591—597).
5) Il y a en turc un autre mot de même apparence que côlgâ et signifiant aussi
"territoire'' et "province", c'est le ôlkà (ôlgâ?) du jaghatai et de l'osmanli (Radlov, I,
1253); son histoire m'est inconnue en dehors de YAbusqa, 113—114.
22 PAUL PELLIOT.

P. 343, n. 1. — J'incline à penser que la forme correcte est


Qatïr-Buqu-kkan. Juwainï orthographie y,y> Buqu le nom du pre-
mier souverain plus ou moins légendaire des Ouigours, au lieu que
Kasïdu-'d-Dïn l'appelle S^ Biigû *), et, au moins par l'explication
de leur propre nom au sens de "tronc d'arbre creux", les Qïpcaq
semblent avoir eu certains éléments légendaires assez voisins de la
légende ouigoure de Buqu ou Bùgù.
P. 362, n. 2. — Les dates et les lieux de ces luttes contre
les Màrkit me paraissent encore douteux; j'en ai dit un mot dans
JA, 1920, I, 163—164, mais ni M. B. dans son livre, ni moi-même
dans le présent compte-rendu ne pouvons discuter en détail cette
question qui demandera un article spécial. J'ai réuni pas mal de
textes chinois sur *Cang-bali'7 ou *Cam-balÏ7; il y faut joindre
Tarîkh-i Bashïdf, p. 291. En outre, on paraît bien avoir Cam-balï'7,
encore qu'on ne l'ait pas reconnu, dans une inscription nestorienne
du Semiréc'e (cf. Chwolson, Syrisch-nestorian. GrabinscJiriften, ISTeue
Folge, 1897, p. 28; pour la construction qui a arrêté Chwolson,
cf. son n° 97, à la p. 25).
P. 362, note 4. — Le nom personnel de "Sàngùn" (dans VHis-
toire secrète des Mongols, il faut en réalité partir de Sânggùm ; je
le montrerai dans les notes de mon édition) est écrit ifa ^jfjj 9^>
Ti-la-ha dans le Yuan che et le Clieng-irou ts'in-tcheng lou, et de
même ïlqa (= Ilaqa?) dans Rasïdu-'d-Dîn qui dépend de la même
source que ces deux ouvrages chinois 2), mais toujours Mlqa dans
VHistoire secrète des Mongols (§ 165, 166, 167); l'une des formes

1) Bûgù est la forme des textes chinois de l'époque mongole (c£,-JJ_, 1920, I, 15.8--
T'oungPao, 1928/29, p. 134). C'est Biigù" qu'il faut rétablir au lieu de ^j- Tiigù dans
Berezin, Trudy, V, 111 — 112, et VIII, 112. Les textes de Rasîdu-'d-Dîn que traduit
Berezin portent sur les Naïman ; ils montrent ainsi la popularité de la légende de Bùa;û-
khan dans tout le monde turc et peut-être même turco-mongol.
2) Certaines variantes des mss. de Rasïdu-'d-Dïn peuvent d'ailleurs se lire également
Nïlqa, mais je crois que Ilqa est la bonne leçon.
NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 23

semble être issue de l'autre, et j'ai supposé en 1920 (J14, I,


176) que Yi-la-qa pouvait être sorti de Nïlqa "soit par dénasalisa-
tion dialectale de l'initiale, soit par erreur de lecture d'un texte
mongol original où, comme il est usuel à l'époque ancienne, le
point de Yn initial n'était pas marqué". Je partais de l'idée que
Sânggùm était le plus jeune fils d'Ong-khan, et que nïlqa (aujourd'hui
nilya, "petit garçon") s'est employé parfois au sens de "le plus
jeune" 1). M. B. invoque aujourd'hui que Nasïru-'d-Dîn Tûsï donne,
pour le nom de Sânggûm, la forme li^Lt ïlaqa, qui peut remonter
à une source analogue à celle de Rasïdu-'d-Dïn, du Cheng-wou
tsHn-tcheng lou et du Yuan che, mais montre du moins que la
leçon Ilqa ou ïlaqa était bien donnée de bonne heure dans cette
source; en outre, le nom de ïlqa a été porté par un chef mongol
en Perse lors de la prise de Bagdad (cf. sur lui Bretschneider,
Med. Researches, I, 111, qui, à la suite de Pauthier, suppose que
Kuka • ïlqa recouvre, dans Kuka, le nom du Chinois Kouo K'an).
La double hypothèse que j'ai formulée n'en subsiste pas moins,
mais en la présentant un peu différemment. Il y a dans VHistoire
secrète des Mongols des cas pratiquement certains de méprises entre
alif initial et n initial (à raison du manque d'un point sous Vn
initial); "Isâbur" pour Msapur dans le § 259 de Y Histoire secrète
des Mongols doit bien être une mauvaise lecture de ce genre; on
peut donc supposer que le Mlqa de Y Histoire secrète des Mongols
est une mauvaise lecture des transcripteurs du XIAre siècle aidée
par l'attraction du mot mongol nïlqa, mais la bonne forme serait
ïlqa ou ïlaqa 2). Toutefois des doublets avec et sans n- initial se

1) Cf. cette parole de Gengis-ihan dans Histoire secrète des Mongols, § 242:
Dà'ùnàr-ihi minu nïlqa Otcïgïn iùi-jà, "De mes frères cadets le plus jeune est [Tâmûgà-]
otcïgïn". Kovalevskiï, qui a bien nïlqa seul p. 660, paraît à la p. 646 y voir un doublet
de niyun; mais niyun doit être une variante médiocre de nuyun, nu un, et n'a rien à
voir avec nïlqa.
2) En faveur d'une faute des transcripteurs, on peut invoquer que le mss. mongol
24 PAUL PELLIOT.

rencontrent également; V Histoire secrète des Mongols connaît


nongqasun (§ 85) et ongqasun (§ 101) pour "laine", et Kovalevskiï
a enregistré pour ce mot des orthographes noosu et noyosun (= no'osun)
à côté de ongyasun et de ongyosiin] de même Y Histoire secrète écrit
toujours ïcu~ pour le verbe signifiant "reculer", "s'en retourner",
alors que le mongol classique ne connaît que nicu-. On peut donc
se demander si ïlqa et Nïlqa ne sont pas tous deux corrects et ne
représentent pas vraiment deux formes dialectes différentes, Hqa
étant par exemple la forme spécifiquement kéraït et Mlqa la forme
du mongol proprement dit.
P. 370, note 4. — Le chinois Ho-tou répond au Qodu de
VHistoire secrète des Mongols et ne peut-être "Qiïl-tughân". Les
noms de Toqto'a-bâki, de ses frères et de ses fils seront à étudier
dans un article spécial; Berezin a souvent corrigé pour eux les
leçons de ses mss. d'une manière aussi arbitraire que malheureuse.
Je ne crois pas que le nom de "Qûltughân-Markân" (p. 371) se
retrouve tel quel dans les sources chinoises -1). Sur le nom de
Toqto'a-bâki, cf. JA, 1920, I, 164. Toqto'a est le plus souvent
rendu par jj^ jj^ T'o-t'o (= Toqto) sous les Mongols; mais il
y a
aussi un nom J^ jf^ ^p* T'ou-t'ou-ha (Yuan che, 128), bien
bablement identique au nom J$£ ^
FJ^> T'o-t'ou-ha du
pro-
||| ||| ^
7ft£ Hien-fai fong-ki (éd. du Tchong-kouo
hio-pao de 1916, 8 a);
ces formes ramènent peut-être à une prononciation *Toqtiv7ade Toqto'a,
qui justifierait Tuqtiv/an ou Toqtu7an.
{ P. 381. — M. B. se défie à bon droit du iduy-ivazî-r, "grand
vizir", que Vasilev et Berezin ont voulu retrouver
sous " Aolo-botzile";
"botzile'n est en réalité une transcription
russe basée sur la pronon-
récemmeut découvert en Mongolie et qui contient,
avec des fautes innombrables, environ
la moitié' du texte original de VHistoire secrète des Mongols, e'crit Ilqa
Sanggûm et non
Nilqa Sanggûm ; mais par ailleurs les confusions à'alif et de initiaux abondent
n dans ce mss.
1) Le nom d'année du "bull" est
une inadvertance de traduction résultant de l'em-
ploi assez lâche du mot byk en russe; il faut ici "boeuf" et
non "taureau".
NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 25

ciation pékinoise moderne; on doit transcrire ^^^4 po-ld-lie


(*bôgilà), et nous avons là, selon toute vraisemblance, le titre qui

a pris finalement en mandchou la forme de belle. Il ne me paraît


guère possible de retrouver dans |p£ |||Ngao-lo (= *Aulo, *Auro,
*01o, *Oro?) "une mutilation chinoise du nom de Qutula-qaghan".
Les textes relatifs à ce royaume mongol du milieu du XIIe siècle
ont été jusqu'ici fort mal étudiés par les sinologues européens;
pour l'ensemble des sources chinoises, voir le travail de Wang
Kouo-wei signalé dans T'oung Pao, 1928/29, 126—128.
P. 382. — Je doute que Gtengis-kkan ait jamais porté le titre
de qayan et m'en expliquerai à propos de Y Histoire secrète des
Mongols; son véritable titre me paraît avoir été Cinggis-%an ou
Cinggiz-^an.
P. 382. — M. B. doit trouver tout le premier assez peu satis-
faisants le genre de distinction que fait Palladius entre Mong-kou
et Ta-ta et l'explication que Palladius en propose.
P. 382, note 4. — M. B. a emprunté à Berezin l'information
que, au lieu de bôgâùl, ou bcikàill, "officier de bouche", les Naiman
et quelques autres tribus employaient uqunsaf\ prononcé aqunjcU'n
dans la Mongolie orientale; mais les mss. mêmes de Berezin sup-
posent respectivement qïsat et qïcat (aux passages signalés par M. B.
il faut ajouter Trudy, XV, 140; texte persan, 210), et cette forme
est confirmée par l'étymologie qtsrmsï, "écrasement", qu'indique
Basïdu-'d-Dïn (Berezin, Trudy, V, 176); qismïsï est naturellement
une forme persane substantive en -ï du participe turc qïsniïs, tiré
lui-même de qïs- qui signifie "écraser" dans tous les dialectes turcs.
Dans Trudy, XIII, 130, "Uqdaï-Qunjat" est, d'accord d'ailleurs
avec les meilleurs mss., à lire oL->v^ t_=i<->^>J Buqadai-Q'icat, et
cette forme est confirmée par le texte parallèle du Cheng-tvou ts'in-
tcheng lou (éd. de Wang Kouo-wei, 28 b) qui écrit ^^ p ti ^
26 PAUL PELLIOT.

Pou-koua-t'ai-k'i-tch'a, c'est-à-dire Buqataï-qïca[t] J). Il serait par-


ticulièrement intéressant que le mot naiman pour u officier de bouche"
fût tiré directement dune racine turque; mais on sait que les
étyniologies turques de Rasïdu-'d-Dïn sont souvent sujettes à caution,
et en turc une forme cjïsaf ne dérive pas facilement de la racine
verbale tjïs-; nous devons donc attendre d'autres informations avant
de nous prononcer 2). Quant à l'alternance de -s- et de -c-, elle est

1)L'Histoire secrète des Jlongols (§ 16S) voit ici deux hommes qu'elle appelle
Buqataï et Qïrataï; mais si le dédoublement devait bien être dans le texte original,
"Qïrataï" peut résulter d'une altération soit dans le mss. dont se sont servi les trans-
eripteurs, soit dans la tradition de cette transcription; en effet le mss. mongol récemment
découvert écrit "Buqataï Kiciyutai", évidemment altéré lui aussi, mais où le <.' de (fiait
s'est néanmoins maintenu. Je profite de l'occasion pour signaler que. dans les textes relatifs
à Buqataï-qïèat, il s'agit de manger non pas des "chevaux'' (comme l'a
cru évtdent Berezin,
Triai;/, XIII, 130, 296, en lisant un soi-disant turc ^L!«j ipilqï qu'il identifiait au mot
urc connu JjJb y'iï'fi, "troupeau de chevaux"), mais bien le "festin de fiançailles", en
mongol bn'itljar; et les meilleurs manuscrits de Basîdu-'d-Dîn ramènent en effet à ^-o
bvljar.
2) C'est la forme en -at qui me fait hésiter à admettre une dérivation du turc,
car autrement des titres mongols de fonctions ont jm être empruntés de dialectes turcs.
Beaucoup n'eu restent pas moins d'origine encore douteuse; tel est le le bôgâilt
cas jiour
dont qïsat ou cfùai serait un équivalent et pour son quasi-synonyme battra. Au temjis
de Bïïbur, le bôgiiïtl était au-dessus du battra-,
on traduit souvent, sans grande conviction,
bbgàïd par "échanson" et battra par "cuisinier''. Mais,
pour b'oqa'ùl ou biikdiil {bSqaitl':),
dont la forme n'est d'ailleurs pas claire encore que la suffixation finale -ni «-'«/<-*7v.'/
ou -*fittl) se trouve dans nombre de titres turco-mongols, je n'ai pas relevé jusqu'ici le
mot dans uu texte en langue mongole (cf. sur lui Radlov, dans ZVOIRAO. III, 24;
W. Bang, T'ont kôk/i/rk. zum osmanischen, 2— 3,
pp. 61—62; Gornboez, dans Jfe'tn. Soc.
fin. ott.gr., XXX, 40; Samoïloviè, dans I:v. B. Ak. JS'aitk, 1919, 1115—1116;
et mes
remarques de T\vnig Pao, 1925/26, 64; y joindre encore les indications de Vullers, I,
25 3). Quant à battra', on le rencontre,
sous la transcription baimr'a, dès les
et premières
nominations de fonctionnaires par Gengis-khan, dans YITisioire secrète d^s Monqols
(par
exemple § 124, 208, 229; mais il ne paraît guère avoir survécu
en mongol classique,
car, à en croire les sources de Kovalevskiï et de Golstunskiï, bdvrcin qiir ou btiurèi
car
signifierait une "auberge", et Golstunskiï va jusqu'à donner expressément,
comme synonyme
bauri gàr, où ba'/tri est un "lieu où on descend", de ban-, "descendre de
cheval"-
mais il doit y avoir eu là une contamination, et ba'i/ra
ne peut évidemment se tirer de
bdu-. M. Yladimirkov a retrouvé ba'urci,
au sens de "cuisinier", dans la traduction
mongole du dictionnaire tibétain Li-sïi gur-khafi et
en a déduit que le mongol avait
connu un mot bayttr ou bat-tir, "foie", correspondant au turc bay'ir, "foie"; ba'urci
ou
NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 27

connue en mongol, mais surtout à l'initiale; dans le cas présent,


il peut s'agir seulement de deux formes dialectales mongoles, dont
celle en -s- serait naiman (donc occidentale) comme le veut
Kasïdu-'d-Dîn; je ne crois pas qu'aucune de ces deux formes se
soit retrouvée ailleurs jusqu'ici.
P. 383. — Les hommes dont il est question sous le n° 6 ne
sont pas chargés "to carry the swords in one place", mais ce sont
des porteurs de sabre (comme les qorcï sont porteurs de carquois);
il s'agit de ceux que les textes appellent plus tard des iïldùci, en
mongol classique des ildûci, de illdii (ildù), "épée".
P. 383. — Pour le n° 7, le terme à'aqtaci est employé dès cette
occasion dans le texte mongol (§ 124).
P. 383. — La coutume d'envoyer des messagers porteurs de
flèches est attestée déjà pour les Tibétains sous les T'ang. M. B.
a peut-être raison dans son hypothèse très ingénieuse sur les quatre
personnages qui doivent être des "flèches qui vont loin" et des
"flèches qui vont près", mais il ne faut pas oublier que, dans
l'original mongol, qola-yïn qo'ocaq oyïra-yïn odola, qo'ocaq et odola
sont des noms de flèches inconnus par ailleurs et que qola, "loin",
et oyïra, "près", sont 'amenés par l'allitération'.
P. 383. — La description de la "garde" de Grengis-khan et de
ses successeurs méritera un travail spécial; en attendant, on peut

ba'urcïn serait primitivement mongol, et c'est du mongol que le mot aurait passé en turc
où il a fait une assez grande fortune depuis l'époque mongole {Doklady Aie. nauk, B,
1926, 28); M. Poppe {Zap. Zoll. Yostokovedov, III, 574) a suivi M. Vladimircov. Le
raisonnement me paraît assez fragile. La traduction mongole du Li-si'i gur-khaii est du
XVIIIe siècle, et n'ajoute naturellement rien en elle-même aux mentions qu'on trouve
par exemple dans YHistoire secrète des Mongols. Mais l'Histoire secrète elle-même contient de
nombreux mots purement turcs que les Mongols ont empruntés. Ce qu'il faudrait nous montrer
en mongol, c'est le mot ba'ur lui-même; il ne s'y est jamais rencontré. Jusqu'à nouvel ordre,
nous devrons bien tirer ba'urci de bater, "foie", comme le faisait déjà Radio v (IV, 1433),
mais ce sera en tant que les Mongols ont emprunté le terme tout fait à un dialecte turc
où "foie" se disait peut-être baur ou baur plutôt que bayïr; tel est le cas aujourd'hui
par exemple en Mrghiz et en turc de Kazan.
28 PAUL PELLIOT.

joindre aux informations de M. B. la longue note de Chavannes


dans T'oung Pao, 1904, 429—432, et aussi Yule-Cordier, Mçirco
Polo*, I, 379—381, Notes and Addenda-,- 69. Il est certain qu'au
moins à partir du début du XIVe siècle, la garde était le kasik,
et les soldats de la garde'étaient les kàsiktan, au singulier kàsiktiï
(et kmlktài). Malgré Tule et Cordier, il faut garder le "Qaesitan"
(= "Quesictan"?) des mss. de Marco Polo et ne pas corriger en
"Quesican"; M. Benedetto a malheureusement encore suivi Tule.
De même le .^LX^s" kdzikbânân que M. Blochet a toujours adopté
dans son édition de Rasîdu-'d-Dïn paraît à lire 0liLc<j;5" kaziktaiiân,
pluriel persan de kclziktdn. Bien qu'au XVIIIe siècle les commis-
saires de K'ien-long n'aient plus su que faire des transcriptions
chinoises de Iwsiktàn, kâsiktii, kasiktâi, et les aient altérées pour
les amener à j-isayitai, le vieux mot subsiste dans le nom de la
tribu mongole des Kesikten, qui ne sont pas du tout des "heureux",
mais qui, comme tant de tribus mongoles actuelles, tirent leur nom
de charges de cour de l'époque mongole. Mais si la forme kasik et ses
dérivés sont bien assurés pour la fin de la dynastie mongole, il n'est pas
sûr que cette forme soit primitive. On a vu que Rasïdu-'d-Dïn
écrit kdziktànân, pluriel persan de kaziktan, et il parle ailleurs des
"quatre kàzik" (éd. Blochet, II, 532), qui sont les quatre sections
de la garde se relayant tous les trois jours; mais ailleurs il ortho-
graphie tiLoi/ kasik (cf. Quatremère, Hist. des Mongols, 309—311).
D'autre part, les transcriptions chinoises du Yuan che et aussi
d'autres textes écrits sous les Mongols sont avec l^
sie en second
élément, ce qui paraît supposer *kdsak, VcàsdMan, ou *kdzdk1
*kâzciktan, mais non kdlik, kdsiktdn. En outre, on doit se rappeler
que le Yuan che par exemple suit des sources où s- devant * restait
encore s-, au lieu que ce s- est toujours passé à s- pour les trans-
criptions de VHistoire secrète des Mongols; ce passage de s- à s-
devant i doit donc se placer vraisemblablement vers la fin du
NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTI-IOLD. 29

XIIIe siècle, et peut-être d'abord dans certains dialectes seulement.


Le mongol classique ne connaît plus qu'un mot kàsik (kesik), au
sens de "faveur", "bonté"; en réalité c'est à mon avis le même mot
que l'ancien kàsik, "garde", mais, dans les deux sens, les Mongols
ont emprunté le mot au turc kàzig ou kàsik, bien attesté en ouigour,
et dont le vrai sens est "tour" (on prend son "tour" de garde) et
par suite "sort", "destinée" (cf. par exemple Radiov, II, 1172—1176,
et F. IL Mùller, Uigurica, II, 22, 68) ; on trouve aussi dialectale-
"W.

ment, en kirghiz par exemple, la forme kàzàk (qu'il ne faut pas


confondre avec kàsàk: "morceau", "branche", à laquelle répond le
mongol [emprunté?] kasiïun). Il me semble que, lorsque les Mongols
ont emprunté le mot, la langue a hésité quelque temps entre les
deux formes kàzik ou kàzàk; mais le mongol n'avait pas de z et le
rendait soit par j, soit par s; la forme kàzàk a donné *kàsàk, qui
est représenté par les transcriptions chinoises faites sous la dynastie
mongole; la forme kàzik s'est naturellement maintenue telle quelle
en Jaghataï et chez certains auteurs persans, mais en mongol elle
a commencé par donner kàsik, qui a abouti au kàsik actuel dans
le courant du XIVe siècle; le mandchou a emprunté le mot sous
la forme kesi, au sens de "bonheur", "bénédiction" 1).
Pour ce qui est des deux grandes catégories des personnes
composant la garde, M. B. les appelle "turgewuV et "kebteivut
(singulier kebtewur)". Pour le premier terme, il faut lire turqàut
(= turyàut), pluriel de turqaq (= turyaq); le mot, emprunté au
turc, se trouve déjà au sens de "garde" dans le Qutaclyu bilig (cf.
Eadlov, III, 1457) 2); les 70 turqàut (dalan turqàut) ou "70 gardes

1) Le note 7 de la p. 383 de M. B. est donc à modifier ainsi que le passage sur


lequel elle porte : kàsik n'est pas à interpréter là par "heureux", et kàsiklàn n'est en
tout cas pas le pluriel de kàsik.
2) Turqaq (= turyaq) ou turyaq se rencontre assez souvent non seulement dans
l'Histoire secrète des Mongols, mais aussi dans Rasïdu-'d-Dïn, où Berezin (V, 280 et XV, 128)
l'a mal interprété tantôt par "retenir", tantôt par "guerrier". M. Blochet (II, 27, 77;
30 PAUL PELLIOT.

de jour" dont parle M. B. d'après VHistoire secrète des Mongols


(par exemple § 192) se retrouvent dans Rasïdu-'d-Dîn où il est
question de Toqucar qui était connu sous le surnom de Dalan-
turqaqtu Toqucar (Berezin, dans Trudy, V, 151; XY, 14), c'est-à-dire
de "Toqucar qui a les 70 turqaq"; le suffixe -tu est régulièrement
le suffixe mongol de possession x). Si le mot turqaq (turyaq), pluriel
turqahd (turya'ut), n'a pas subsisté directement en mongol classique,
je ne doute pas que nous devions le retrouver dans le nom des
"Toiyôt" (écrit aujourd'hui Tor/oot) ou "Toryîit", mais dont la
forme ancienne, encore adoptée par Sanang-Secen, est Tor7a'ut
(Tur^a'ut); les explications données pour ce nom par Howorth (I, 558)
Jet par Aristov (Zamétki o korennom sostavé. 308) sont fantaisistes.
I Les Toryôt doivent ce nom soit au souvenir de la garde de
{ I Gfengis-kkan, soit, en tant que descendants des Keraït, à l'ancienne
l
\\ organisation de turyaq que nous savons par VHistoire secrète des
'<

\\ Mongols avoir existé chez les Kéraït avant d'être adoptée par
', Grengis-khan 2).
Quant aux "kebtewuf ou kdbtiïiit de VHistoire secrète des Mongols,

App., p. 29) a donné l'explication correcte par "garde, sentinelle", mais en ajoutant le
mot en écriture mongole comme s'il l'avait rencontré dans un texte vraiment mongol;
nos dictionnaires mongols ignorent en réalité turyaq et je suppose que M. Blochet l'a
tacitement remis en écriture mongole en partant de la forme turque. Pour l'emprunt du
mot en persan, cf. encore Vullers, I, 435.
1) Berezin, V, 280, s'est absolument mépris sur ce terme mongol et sur sa glose
explicative en persan. En comparant la lecture ancienne d'Erdmann, et celles de Berezin
dans V, 280, et VII, 201, il paraît bien qu'il était dit en persan de quelque manière
que Toqucar était à la tête de tout ou partie des turqaq et des hàiiJdït ; quant au terme
mongol, les manuscrits utilisés par Berezin le donnent correctement.
2) J'ai rédigé depuis longtemps un travail sur l'histoire ancienne des Kalmouts,
que je n'ai pas fait encore paraître parce que je n'avais pas la solution de certaines
difficultés; c'est dans ce travail que je reviens sur l'histoire des Toryot, Je dois dès à
présent toutefois prévenir une objection : Berezin, non sans hésitation d'ailleurs, a sup-
posé le nom des Toryot ancien et a cru qu'il existait au temps même de Gengis-khan.
Mais c'est là une erreur; ce qu'il a lu 0^V Toryut (V, 78) est à transcrire Taryut,
et nous avons là la tribu des Taryut dont le nom se trouve dans l'Histoire secrète des
Mongols (§ 120).
NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. "W. BARTHOLD. 31

le singulier n'en est pas "kebtewur" (qui ne s'est jamais rencontré),


niais kâbtâ'ùl, donné lui aussi à maintes reprises dans VEisloire
secrète des Mongols et qui est identique au J^UA/ kàbtàùl que M. B.
lui-même a bien retrouvé sous les leçons fautives de Berezina).
Le mot n'a pas survécu en mongol littéraire et semble être une
formation mongole tirée de kabtâ-, "être couché"; il serait alors
analogue aux mots jaghataï yatïs et yatay^ "garde de nuit", tirés
de yat-, "être couché". Mais l'origine des dérivations turques et
mongoles en -ul «-yul) ou -iïl (<C-gùï) pour des noms de fonctions
n'est pas encore claire 2).

1)Kàbtàùl était déjà donné correctement, quoiqu'avec un point d'interrogation,


dans Hammer, Ilkhane, I, 89. Aux passages de Berezin déjà relevés par M. B., il faut
joindre V, 84.
2) M. W. Bang a groupé un certain nombre de ces mots en -'ul, -'ùl dans Vom
Kbktùrkïschen zum Osmanisclien II—III, 56— 66, et propose d'y voir primitivement
des abstraits, ce qui ne nie paraît pas établi. L'étude serait à reprendre en recherchant
si cette suffixation est primitive en mongol comme en turc ou si les formations vraiment
mongoles de ce type (telle que hàbta'ïtl, kàbtàùl) sont analogiques des formations turques
à même suffixe. Beaucoup de ces mots sont encore obscurs ; on a déjà vu plus haut que
tel était le cas pour b'ôgàùl ou bàkàiil (bàffàiïl?). Non moins obscur est \^X hïïtàul
que M. Bang (p. 60) n'indique que sous cette forme, mais auquel il faut joindre \Jjl4"
et AJulf kàtàiïl (Radlov, II, 1053 et 1127); M. Bang en rapproche l'afghan koitwrd,
ce qui ajoute encore aux complications, car ce dernier mot, qui n'est pas afghan d'origine,
est assez ancien et a eu une grande fortune ; on le rencontre au moins dès Rasïdu-'d-Dïn
(j)ij'ii' dans Blochet, II, 33), et on trouvera d'autres renseignements sur lui dans Vullers,
II, 907, et dans Yule, Hobson-Jobson2, 265. Si la forme primitive est kiïtàïil, et non
kàtàùl, on songe naturellement à un dérivé de turc kilt-, "garder"; mais on est presque
tenté de lire kôtàùl et de voir là une prononciation jaghatai en ô d'un mot primitivement
à voyelle à; une contamination entre kiïlàiil et kàbtà^ùl, sans être impossible, ne paraît
pas vraisemblable. Parmi les beaux mots de ce type non relevés par M. Bang, il faut
inclure encore Sartayul = Sarta'ul, nom mongol des Musulmans (surtout de ceux du
Turkestan russe) au Moyen Age, pour lequel on a aussi alors les formes Sartaqtaï et
Sartaqcm; ce sont autant de dérivés de Sartaq (bien connu comme nom propre de per-
sonne sous les Mongols) qui n'est lui-même originairement que le nom même des "Sart"
(déjà employé sous cette dernière forme dans le Qutadyu bilig). De même encore les
IfcLii^ï qosaul, K^suJàtè qosïqul ou A^jjjJi, qosaqul de Rasïdu-'d-Dîn (Berezin, Trudy,
V, 205; XV, 33, 142, 170, 178), que Rasïdu-'d-Dîn explique en disant qu'ils sont ainsi
nommés parce qu'on les a constitués en prélevant deux hommes sur dix dans d'autres
formations militaires; le mot semble donc se rattacher à une formation dérivée du turc
32 PAUL PELL10T.

P. 383. — Les gardiens des portes sont bien des ffiidanci comme
M. B. Ta supposé.
p. 3S4. — L'étendard de Grengis-khan n'était pas "a standard
with nine white tails", mais "a white standard with nine tails"
(t/asiin koltii caqaan tuq, dans Hist. secrète, § 202); par kôl,
mot-à-mot "pied", auquel le chinois répond par J|| icei, "queue",
j'entends neuf "flammes" disposées l'une au-dessous de l'autre sur
le côté flottant de l'étendard (celui opposé à la hampe); cette
interprétation résulte pour moi des miniatures persanes où on voit
des drapeaux mongols et des tableaux chinois où figurent des
drapeaux des nomades même un peu avant les Mongols. Quant au
drapeau décrit par "Mong Hong" (lire vraisemblablement Tchao
Hong), ce n'est pas celui de Grengis-khan, mais celui de Muqalï,
également à neuf "queues", et nous ne pouvons dire si la "lune
noire" se trouvait aussi sur l'étendard de Grengis-khan ou si elle
était une marque distinctive de celui de Muqalï; j'inclinerais plutôt
à cette seconde solution.
P. 385. — "The military aristocracy, as among the Turks,
bore the title of tarkhans"; les textes dont je dispose ne me pa-
raissent pas justifier une affirmation aussi générale; de même ce
qui est dit en général des honneurs témoignés aux tarkhan (en
mongol darqan) lors des banquets concerne nommément les deux
gardiens de troupeaux Badaï et QïsTïq (Qïsïliq dans VHistoire secrète')
que Gengis-khan nomma darqan et à qui en outre il conféra le
privilège exceptionnel d'avoir des gardes du corps porteurs de
carquois (qorcïn) et des assistants qui, lors des banquets,
accom-

le Cheng-wou ts'iu-tcheng-lou (59 b) écrit ^^


qos (emprunté dans mo. qos), "paire"; dans un passage parallèle à Berezin, Trudi/, XV, 33,
~^J houo-tchou-Jo,
ce qui semblerait
ramener à "qojal, mais peut-être le second caractère est-il fautif (par exemple pour K4fc chou).
Sur les formes en -au/, cf. aussi von Le Coq, Tilrk. Namen und Titel in
Indien, 5 6
NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 33

plissaient pour eux un rite d'invitation (otôk) analogue à celui


observé pour le souverain lui-même l).
P. 386. — Si "gauche" signifie "Est", ce n'est pas précisément
parce que les Mongols regardaient le Sud comme "le côté le plus
honorable", mais en tant qu'ils s'orientaient face au Sud, à la chinoise.
P. 387. — "Tashatun" se trouvait bien déjà dans l'édition russe,
mais c'est une forme fausse; le seul document qui nous parle de
ce personnage ouigour, et qui est sa biographie au ch. 124 du
Yuan che, écrit ^^^|5pf T'a-t'a-t'ong-a; le
nom ne se laisse
pas encore restituer complètement, mais la seconde partie ne peut
être que le turc tonga, "héros" (cf. JA, 1913, I, 457). Il est assez

1) Tel me paraît tien être le sens du § 187 de Y Histoire secrète des Mongols,
mal compris par Palladius. Le mot ôlok ou le verbe "ôt'ôkld'ùl- apparaissent à plusieurs
reprises dans l'Histoire secrète (§ 154, 189, etc.); Ybt'àk était l'"invitation à boire";
bt'àkla'ùl- est le causatif du verbe dénominatif issu de otôk. Le Tcho-keng lou de 1366
(21, 19—20) décrit le rite observé pour boire dans les banquets impériaux. On homme
tenant une tablette de bois était debout à gauche du souverain; un autre tenant une
coupe se tenait debout à sa droite; celui qui tenait la tablette disait gr. Hu* vjo-t'o;
celui qui tenait la coupe répondait jfX kHC ta-pi, la musique jouait, puis on présentait
le vin à l'empereur qui buvait; quand il avait fini, la musique reprenait un autre air
et on offrait à boire aux hauts dignitaires. T'ao Tsong-yi, l'auteur du Tcho-keng lou,
voit là un rite que les Mongols auraient hérité des Kin, mais je crois plus vraisemblable,
dans le cas présent, qu'il s'agisse d'un usage turc. En effet wo-fo est naturellement Yblôk
de Y Histoire secrète des Mongols. Le mot n'a pas survécu en mongol, mais en fait je ne
le crois pas mongol d'origine; c'est simplement, à mon avis, le mot turc bliig, "prière",
et il ne peut être qu'emprunté (et assez tardivement) en mongol, car la correspondance
normale de ôtu- en mongol est bci-, parfaitement attesté; en somme, la formule d'invi-
tation serait la même que celle usuelle en chinois dans le même cas, gm g|q ts'ing-ts'ing,
"je [vous] prie, je [vous] prie". Et quant à ta-pi, en valeur de transcription sous les
Mongols *dabi (aves les incertitudes de notation entre l- et d- initiaux dans les trans-
criptions chinoises de mots altaïques), j'y vois le turc tabïq ou taiuq, "hommage", "respect",
qui existe en mongol, mais emprunté au turc (cf. Vladimircov, dans ZVOIRAO, XX, 170).
En somme, le premier héraut dirait, "je vous prie", et le second ajouterait "en hommage".
Dans les textes chinois de l'époque mongole, on trouve souvent la mention d'une catégorie
de gens appelés KL JKr wo-t'o (altéré dans bien des cas en Jpp 0j£ kan-fo); malgré
l'identité de la transcription, il s'agit d'un tout autre original; ce second vjo-t'o repré-
sente une prononciation ortoq de oriaq, nom connu des associations commerciales qui
étaient organisées surtout par les. Musulmans.
3
34 PAUL PELLIOT.

singulier qu'aucun texte du XIIIe siècle n'ait livré jusqu'ici le nom


de ce personnage, ni ne fasse allusion à son histoire; sa popularité
paraît commencer lorsqu'il reçut un titre posthume en 1308, et il
se peut que son rôle ait été grandi après coup J).

1) T'a-t'a-t'onç-a est bien connu en Europe depuis l'article


qu'Abel Rémusat lui a
consacré (Nonv. mél. asiat., II, 61 — 63); celui-ci l'a tiré du Yuan c/i-e lei-pien
(28, 2)
Rémusat
qui reproduit en réalité le Yuan che avec quelques coupures; je ne sais à quoi
fait allusion en disant que la conversation de Gengis-khan et de T'a-t'a-t'ong-a "est ra-
contée avec quelques détails de plus dans divers ouvrages mandchous et chinois";
s'il
s'agit du Yuan che et qu'il y ait eu accès, on ne voit pas pourquoi il ne l'a pas utilisé
directement (le Mong-wou.-eul che-ki ne connaît pas' d'autre source que le Yuan die pour
T'a-t'a-t'ong-a; cf. aussi Asia Major, II, 287). En tout cas, et à part une suite de
contresens de Rémusat à la p. 62 sur les paroles que, selon Rémusat, T'a-t'a-t'ong-a
adresse aux "autres princes" alorsque, dans le texte, le Ouigour parle à ses propres fils, il
une différence importante entre le Yuan che et le Yuan che
lei-pien. Celui-ci dit
y a
fils au moyen des
que Geugis ordonna à T'a-t'a-t'ong-a d'"euseigner les princes ses
lettres ouigoures" ( ~ÏC* —p* gST ^jP fai-tseu ichou-waug ne signifie pas "le fils aîné
de Tchingkis et les autres princes mongols" comme l'a cru Rémusat; il n'y avait pas
à proprement parler de fai-tseu ou "prince héritier" eu 1206; le Mong-Ta pei-lov. a
une rubrique fai-tseu tchou-woeng, et tous les fils de Gengis y sont ajjpelés
fai-tseu;
fai-tseu a eu d'ailleurs, parmi les Kin et ensuite parmi les Mongols, des emplois encore
plus lâches). Mais le texte complet du Yuan che est que Gengis-khan ordonna à
T'a-t'a-t'ong-a "d'enseigner aux princes ses fils à écrire la langue nationale (c'est-à-dire
le mongol) au moyen des lettres ouigoures" (« ^gr ~jV -?* g|ï —F \/X ~K*
TT

_!£. jp£ [iH =Êr ). Si Rémusat a connu le texte véritable du Yuan che, on comprend
d'autant moins qu'il l'ait négligé que cela lui aurait permis de corriger l'opinion de
Klaproth, reproduite et approuvée par lui en 1820 dans les Rech-erches sur les langues
tartares (p. 31), et selon laquelle "sous le règne de Tchinggis-khan et des trois premiers
de ses successeurs, Ogode-khan, Gouïyou-khan et Monggou-khan, on n'écrivoit ijas en
langue Mongole, mais en ouigour". Le rôle prêté à T'a-t'a-t'ong-a par sa biographie peut
avoir été grandi indûment, mais il n'y a guère à douter qu'on ait écrit la langue mongole,
avec des caractères ouigours, dès le début du XIII0 siècle. Nous ignorons en quelle langue
Gengis-khan aurait ordonné en 1206 à Sigi-qutuqu d'inscrire les sentences judiciaires sui-
tes "cahiers bleus" dont il sera question bientôt; a priori on doit penser que c'était
vraisemblablement en mongol; mais il y a peut-être quelques réserves à faire sur la date.
Plus tard, lorsque Gengis-khan eut au Turkestan chinois des conversations avec le taoïste
K'ieou Tch'ou-ki, il ordonna de noter en traduction chinoise celle du 29 octobre 1222
(cf. Palladius dans les Trudij de la mission russe de Pékin, IV, 331 ; Bretschneider
' Med. Res., I, 95, a confondu cette conversation avec celle dont il va être question en-
suite, et ses conversations en dates européennes sont dans cette partie trop hautes d'un
jour; c'est cette conversation du 29 octobre 1222 qui doit constituer l'ouvrage encore
existant et que j'ai signalé dans T'oimg Pao, 1928/29, 174—175). Mais, par la suite
NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 35

Même à prendre l'histoire au pied de la lettre, le Yuan che


nous dit seulement que Grengis-khan, ayant appris par T'a-t'a-t'ong-a
l'usage du "sceau en or" (^-J|L kin-tchang) du souverain des
Naïman, fit dès lors apposer des sceaux sur ses propres édits;
mais ni la biographie de T'a-t'a-t'ong-a, ni aucun teste contemporain
de Grengis-khan ne donne, pour autant que je me rappelle, des
renseignements sur le ou les sceaux que Grengis-khan employa. Le
"sceau en or" du souverain rTaïman n'avait naturellement
pas été
le premier du genre en Asie Centrale, et il ne fut pas le dernier;
mais aucun terme mongol correspondant n'a encore été signalé, et
le turc altun tamya, qui pourrait signifier "sceau d'or", s'est ap-
pliqué en fait non pas à un sceau en or, mais à un sceau apposé
avec de l'encore d'or (cf. Pavet de Courteille, Dictionnaire turc-
oriental, 31) 1). M. B. parle de deux sceaux des souverains mongols,
le al-tamya ou "sceau vermeil" et le kôk-tamya ou "sceau bleu",
mais ce sont là en réalité des termes turcs, et les formes corres-
pondantes mongoles *al-tamaya et *kôkô-tamcïya n'ont pas encore
été relevées 2).

le 31 janvier 1223, Gengis-khan eut avec le maître taoïste une autre conversation
7r jrt
)3> 0 ^ZJ-?*;
qu'"il ordonna à ses assistants de noter au moyen de lettres liouei-hd" ( "PoC
oE 419); bien que, chez K'ieou Tch'ou-ki,
cf- Palladius> iiid-> 333>
houei-ho désigne tantôt les Musulmans et tantôt les Ouigours, il est bien vraisemblable
qu'il s'agit ici d'un texte écrit en langue mongole au moyen de l'alphabet ouigour.
Tel est le cas, de toute manière, .pour la pierre dite de Gengis-khan qui doit être de
1225. Et on sait que le cachet de Gùyûk en 1246 est aussi en écriture ouigoure, mais
en langue mongole.
1) Cf. l'expression en apparence synonyme altun nisanlïq yarl'iq,"édit au cachet d'or",
dans le yarlïq de Toqtamïs {ZVOIRAO, III, 16) ; mais le yarlïq de Tamir-qutluq, a
(ièid., 38) altun nisanlïq al tamyalïq yarlïq, ce qui montre que nisan et tamya ne se
confondent pas.
2) Le mongol tamaya est très vraisemblablement emprunté, et semble sorti du turc
tamya; M. Bang, Manich, Laien-Beichtspiegel {Muséon, XXXVI, 210), le tient toutefois
pour un reste d'une civilisation préturque. Le mot apparaît déjà dans les inscriptions de
=
l'Orkhon sous la forme tamqa; l'explication de Kadlov sur tamya *tayma {ZVOIRAO,
III, 23) ne semble pas à retenir.
36 PAUL PELLIOT.

soit
Le seul type de sceau des souverains mongols qui nous
directement est le "sceau vermeil", apposé en vermillon sur
connu
du papier blanc; tel est le cas pour le sceau de Grûyùk et pour
des ilkhan de Perse; et le nom d'al-tamya se rencontre assez
ceux
à partir du milieu du XIIIe siècle }). Quant au kok-
fréquemment
tamya, Ranimer {Goldens Horde, 219) l'avait déjà signalé. M. B.
dit que "le sceau bleu ne s'est employé apparemment que dans les
occasions les plus solennelles, principalement sur des documents
adressés à des membres de la famille du khan"; et en note, il
renvoie, pour un exemple d"'emploi du cachet bleu", à Rasïdu-'d-Dïn
(Berezin, Trudy, V, 40; texte persan, VII, 51). Mais cet exemple
est celui-là même auquel Hammer avait déjà fait allusion, et on ne
dit pas que le terme ou la chose soient mentionnés ailleurs.
nous
Dans ce passage de Rasïdu-'d-Dïn, il est question des fils d'un
compagnon de Hulaqu, lesquels fils étaient au service d'Aba/a, et
il est dit que l'un d'eux, ^
Aruq, "se rendit une fois en am-
\

bassade auprès du qu'an (= Khubilaï) et en apporta un kôk-tamyci]


et ici (= en Perse) toute la direction 2) des sûsiïnci (?) 3) lui fut

1) M. B. le signale dans le Tabakai-i Nâsirl, p. 1158 (où la note de P^averty est


indéfendable); cf. aussi Vullers, I, 48; P. Babinger, dans Jahrbuch der asiat. Eunsl, II,
190; aux exemples déjà relevés, ajouter par exemple Juwainî, II, 223, copié ensuite
dans Rasïdu-'d-Dïn (éd. Blochet, II, 39); ce sont là naturellement les bidlae rubeae ou
hotte rosse des textes relatifs aux khans du Qïpëaq (cf. Yule-Cordier, Marco Polo3, I, 352).
Hammer qui, dans sa QeschicMe der goldeneu Morde, imprimée en 1840 (p. 218), avait
distingué le al-iamya apposé en rouge de Yallun-tamya apposé à l'encre d'or, a prétendu
en 1843 dans sa Geschichte der Ilklianen (II, 242) quj'al-iamya est simplement "abrégé"
(abgekurizi) à'altun-tamya, "weil roth fur die Parbe des Goldes gilt", et cette prétendue
identité foncière des deux termes a passé dans Pavet de Courteille, Dict. turk-orlental, 31
(encore qu'à la p. 29 al seul soit rendu entre autres par "sceau... marqué en rouge...")-
il n'y a, à mou avis, rien à retenir de cette théorie bizarre. Cf. aussi Samoïlovic dans
Izv. R. Aie. Nauk, 1918, 1110; 1926, 1115.
2) Je traduis par "direction" le mot que Berezin écrit toujours ,_&j^>Lw«J' et lit
lïtsdmih (cf. Trudy, V, 40 [2 fois], 77, 106 et la note p. 230) en le rattachant à tùz-,
"préparer"; il le traduit tantôt par "organisation", tantôt par "institution", tantôt par
"direction"; les deux premières fois, Berezin a indiqué des variantes de ses mss.-iln'en
signale plus par la suite. M. Blochet (II, 85, 131, 133) donne la même forme que Berezin
NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 37

passée; et par la suite, par création d'Aba^a-khan, il fut émir".


Comme on le voit, rien dans le texte n'indique la nature et la

sans aucune indication de variantes, et je ne vois pas qu'il ait de note explicative sur
ce mot, ni dans le. corps du volume, ni dans l'Appendice. Il s'en faut cependant que la
forme et l'origine du mot soient assurées. Tous les passages montrent qu'il signifie la
"direction" d'un groupe d'individus, le fait de les avoir sous ses ordres. Mais ie glossaire
de l'édition de Bomba}7 de Wassïïf écrit ^c^oLwo yosamih (cf. Vullers, II, 1531) et
y voit un doublet de yasamih; bien que Quatremère n'ait rien dit de ce doublet dans
sa note sur yasamih (Hist. des Mongols, CLXII), cette solution ne serait pas impossible
en soi, puisque nous avons vu les doubles formes bôgàùl et bàkàùl (bàyàul?), kbtàul et
Tcdtàùl et qu'on connaît de bonne beure un doublet yolauci de yalava'c (cf. ZVOIRAO,
III, 23—24) ; mais il serait assez surprenant que Rasîdu-'d-Dîn employât concurremment
les deux formes, et d'ailleurs yasamih, bien que signifiant l'action de régler, de mettre
en ordre, paraît se distinguer par une nuance sémantique du mot qui nous occupe ici
et qui signifie le fait d'avoir tels ou tels groupes sous ses ordres. Si les mss. de
Rasîdu-'d-Dîn ont bien dans la plupart des cas /i^oLw»3' sans variante, comme les
éditions de Berezin et de M. Blocliet donnent lieu de le supposer, c'est à cette forme
qu'il faudra se tenir. Mais les formes turques connues ne donnent pas directement d'ex-
plication satisfaisante (Radlov n'a pas de verbe ^\^iMtJ Pavet de Courteille, 234, a
seulement un mot jj^j^$L*i»j qu'il interprète par "rébellion", "action de s'élancer",
mais pour lequel je ne trouve pas de correspondant dans Radlov, et qui d'ailleurs n'irait
pas ici; à l'index de son t. 3, p. 18, s.v. (^oLci^j Radlov renvoie à un 3tùsa-, 1588,
qui ne se trouve pas dans le corps même du dictionnaire, et d'ailleurs signifie vraisem-
blablement "étaler"); je me demande si, dans tiïsàmih, nous n'avons pas affaire à une
forme verbale apparentée au mot mongol usuel pour désigner les "fonctionnaires",
tùsimal (<[ *tiisimàl; emprunté en ouigour tardif sous la forme tusiïmàl; cf. Radlov,
III, 1591, confirmé par ZVOIRAO, XVI, 03).
3) Les mss. de Berezin ont (-srU_w?_w, ,-5^-w, ^^V_w, et c'est ^S\^H
que Berezin a adopté dans son texte, mais à la p. 232, n. 48, il a écrit sans mot dire
^Ujvw eridisant que c'était là "naturellement" un mot apparenté à sàvinc, "joie'',
et savinci, "message agréable" (cf. Radlov, IV, 505—506), et il y retrouve même, em-
prnntée selon lui au turc, l'expression chinoise t=t -pfc^ siuan-tcli ai qui est sûrement
hors de question (dans les Trudy de Pékin, IV, 420, Palladius a dit au contraire que le
terme "mongol" siunci [= savinci; lire "turc" au lieu de "mongol"] était refait sur le
chinois siuan-tch''ai; cette opinion ne me paraît pas plus plausible, et l'idée en est peut-
être venue à Palladius en lisant la note de Berezin) ; dans XIII, 257, il a adopté <J^v;.
Mais il me paraît bien probable qu'il faille préférer ^^U_w»_w e* reconnaître là les
<!_,_, susunci qui apparaissent à deux reprises dans le yarUo de Tàmir-qutluq, à
côté des yamcï, c'est-à-dire des gens en charge des stations postales {ZFOI11AO, III,
24—25, 37; aussi Samoïlovic dans Izv. S. Ak. Nauk, 1918, 11 23, et Neskol'ko popravok,
tir. à part des Izv. Tavric. Obsc. Islorii, I [1927], 2); et il en est de même pour les
deux prétendus -SUJ.^, de Berezin, Trudy, V, 181 (les mss. C et D, VII, 241, ont
38 PAUL PELLIOT.

valeur du Iwk-tamya ni n'établit même qu'il fût adressé à Abaqa


et ne fût pas un diplôme remis à Aruq pour son usage personnel.
Je crois donc que les conclusions de M. B. sont ici au moins
prématurées, et peut-être même peut-on entrevoir une explication
différente que je ne proposerai d'ailleurs qu'à titre très
assez
hypothétique.
Dans la traduction chinoise abrégée de VHistoire secrète des
Mongols, que Palladius avait alors seule à sa disposition, il est
raconté (§ 203) comment Grengis-khan confia les fonctions de grand
juge à Sigi-qutuqu (en 1206) et lui prescrivit d'inscrire les décisions
sur des ||
jjft ts'ing-ts'ô1). Palladius (Trudy de Pékin, IY, 115)
a traduit ce terme par "tablettes noires" (cërnyya dscicy). en quoi

<?tiM^M). Radlov veut expliquer ce mot par susun, qui signifie en jaghataï "petit lait''
et en kirghiz s'emploie au sens de "boisson" en général; d'après Radlov, il s'agirait
d'un employé des stations de poste chargé de faire boire (et manger, ajoute Radlov) les
fonctionnaires de passage. Malgré la transcription arabe et l'original ouigonr qui écrit
le mot avec u et non il dans la jiremière syllabe, j'incline à revenir pour le ya/rlïq à
une étymologie que Berezin avait proposée (Ehanskie yarlïki, II, 31) et que PLadlov a
écartée, à savoir le mongol si'iisiin, qui se contracte en siisùn, sùsït, et a été emprunté
en mandchou sous la forme sum ; c'était le mot administratif sous les Mongols pour
désigner les "rations" de vivres (on a sous les Mongols une transcription g Efï

cheou-sseu,= "siiis, dans le Yuan tien tchang, 36, 2 v° ; Kovalevskiï, 1431, enregistre
un mot sùrnùsùn ou sihnàsïï qui n'est peut-être qu'un doublet de si'iisiin). Les sûsiinci
seraient les fonctionnaires en charge des rations, mais peut-être une contamination se
produisit-elle de bonne heure en pays turc entre le mongol siisibi, peu connu, et le turc
susun, et ceci expliquerait le susuncï du yarïïq, sinon même l'apparente forme à s- au
lieu de s- des mss. de Rasïdu-'d-Dïn utilisés par Berezin. Le titre de siiïsùniin me pa-
raît à retrouver encore vraisemblablement dans le "sïtgusiïjin" de Ramstedt, Mongol. Briefe
aus Idiqut-Schàhri {Sitzimgsber. d. k. preuss. Ak. d. TTiss., Ph.il.-hist. KL, 1909, 841).
Tout comme les "susuncï" suivent les yamcï dans le yarViq de Tàmir-qutluq, les si'ïisù
ou "rations" sont nommées juste après les nia a ou "chevaux de poste" à la 1. 12 de
l'édit dit de la veuve de Darmabala, et de même à la 1. 25 d'une inscription ^phagspa
inédite du Tch'ong-yang-kong datée de 1351; la combinaison ula'a stusùn a d'ailleurs
survécu en mongol (cf. Kovalevskiï, 394), et a passé en mandchou sous la forme via susu
(cf. le dictionnaire de Zakharov, p. 156).
1) L'édition de Yuan Tch'ang et celles qui la reproduisent ont ici w[f 4W- tsinq-ts'eu
qui est certainement fautif; Palladius a encore connu la leçon correcte, qui est confirmée
par le texte complet à traduction interlinéaire.
NOTES SUR LE "TURKESTAJSï" DE M. W. BARTHOLD. 39

il a été suivi par M. Vladimircov (Cingis-khan, p. 80) et ici même


(p. 391) par M. Barthold. Dans une longue note (pp. 223—224),
Palladius essayait de justifier sa traduction en disant que ts'ing-ts'ô
signifie mot-à-mot "tablettes sombres", et de façon plus générale
"notes", comme par exemple dans ]5 p
"pf ffi hou-k'eou ts'ing-ts'ô,
"notes sur la population"; ts'ing-ts'ô désignerait aussi parfois des
"diplômes accordés par le souverain"; enfin Palladius ajoutait que
les Mongols se servent encore, pour prendre des notes, de tablettes
de bois appelées sambar; elles sont graissées avec du beurre et
frottées de cendre d'aryal] on écrit sur elle avec un roseau par
exemple; les caractères ressortent en noir et se conservent longtemps.
Palladius, à qui nous devons par ailleurs tant de renseignements
excellents, me paraît avoir fait ici fausse route. Les sambar (ou
plutôt, en mongol écrit,- sambara) tiennent lieu d'ardoise ou de
tableau noir, mais ils n'ont pas pour but de garder longtemps ce
qu'on leur confie et qui dure naturellement bien plus longtemps
sur du papier; or on verra, ainsi qu'on pouvait s'y attendre, qu'il
s'agit dans le texte d'assurer la conservation fidèle et immuable
des décisions judiciaires. Par ailleurs, ts'ing-ts'ô signifie normalement
"cahier bleu", et je ne sache pas qu'il s'attache à ce terme des
sens aussi précis que le dit Palladius; peut-être à Pékin l'a-t-on
employé populairement de nos jours pour des diplômes impériaux
mandchous sur fond sombre, mais les dictionnaires ne l'ont pas
enregistré jusqu'ici; quant à hou-k'eou ts'ing-ts'ô, je ne l'ai jamais
lu ni entendu tel quel; l'expression courante est fë P jffi hou-
k'eou ts'ô ou 6P jJJJ- -^ hou-k'eou ts'ô-tseu, qui désigne les liasses

de recensement. Si nous nous reportons au texte mongol de ce § 203,


nous voyons que ts'ing-ts'ô est simplement la traduction littérale du
kôkô dàbtâr ou "cahier bleu" sur lequel devront être écrites les
répartitions de population entre les nobles mongols et les décisions
judiciaires et qui sera broché en cahier (basa gùr irgân-û qubï
40 PAUL PELLIOT.

jarqulaqscm-ï kôkô clàbtar bicik biciju dâbtàrlàju),


qubïlaqsan-ï jarqu
de l'ordre de Gengis-khan continue en disant: "Qu'on
et le texte
change [rien] à l'écrit bleu qui aura été broché avec du papier
ne
blanc; que ceux qui y changeraient soient [traités en] coupables!"
(kôkô bicik caqa'an cet 1alsun-tur dabtàrlâksdn-i bu ya'utkdtûgdi;
ydHltkdkûn haran aldaltan boltuqaï).
Comment faut-il entendre ce texte quant à l'exécution matérielle
du kôkô-claUdr ou "cahier bleu"? Le premier point important à noter
est que nous sommes en principe en 1206, à un moment où il serait
surprenant, mais non impossible, que Sigi-qutuqu eut su lire et écrire;
mais il pouvait à la rigueur se servir de secrétaires sans savoir lire
lui-même; on ne peut toutefois écarter absolument l'idée que, lors
de la compilation de VHistoire secrète des Mongols en 1240, la
tradition orale ait rapporté à 1206 des faits qui étaient assez sen-
siblement postérieurs. Quoi qu'il en soit, le kôkô-ddbtdr, qu'il ait
été rédigé en 1206 ou quelques années plus tard, devait être en
écriture ouigoure et en langue mongole. Il était broché en papier
blanc, mais le texte lui-même était un kôkô bicik, une "écriture bleue",
un "texte bleu". Ceci peut s'entendre de deux façons; ou bien le
texte était écrit à l'encre bleue sur papier blanc, ou bien il était
écrit sur papier bleu avec une encre d'une autre couleur 1). î^ous

1) Je ne fai9 intervenir ici que le papier, mais il pourrait à la rigueur s'agir de


peaux; j'avais réuni plusieurs testes relatifs à d'anciens manuscrits mongols sur peau de

$3 fH îlfl Yuan-'Vin9 tsi, f0 13 v°, et au ^ ^ -^ ^


mouton, mais ne retrouve actuellement que les références au commentaire du ch. 7 du
Clieng-ngan ho tsi, 169,
19 r°. La question sera à reprendre dans une étude sur la diffusion du mot èicpûépa (ou
de son prototype oriental), lequel est à la base de persan dàflar, mongol dabtar, etc.,
et désignait primitivement un manuscrit sur peau; de même le sanscritpustaka, liindustani
poiM, nom usuel des manuscrits liindous, est emprunté à un dérivé iranien de pôst, "peau".
Cf. aussi Hôbogirin, 47i (s.v. baila). Ces manuscrits mongols sur peau devaient être de
même nature que ceux que les Juifs de Chine ont continué d'employer pour leurs Ten-
taieuques; il y a eu aussi des manuscrits manichéens sur peau (cf. A. Stein, Intiermost
Asia, 594). Mais la matière même du daftàr est sans grande importance ici, où il s'agit
surtout du sens à donner à la mention de la couleur "bleue".
NOTES SUR LE "TURETESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 41

connaissons des textes mongols écrits en bleu: tel est le cas par
exemple pour le Kanjur mongol imprimé à Pékin que j'ai rapporté
et qui est aujourd'hui à la Bibliothèque Nationale. Mais en outre
on a écrit souvent en Extrême Orient des textes, surtout religieux,
sur papier bleu foncé et presque noir; cet usage, attesté aujourd'hui
pour des manuscrits bouddhiques des T'ang écrits à l'encre d'or,
a été très répandu au Moyen Age chez les Mongols, les Tibétains,
les Si-hia. Sous les Ming, les taoïstes offraient des suppliques aux
dieux qu'on appelait des ^
j§qj ts'ing-ts'eu ou "écrits bleus"; ils

étaient écrits à l'encre rouge sur papier bleu foncé1). Ici, le fait
qu'on mentionne que le kôkô-dàbtàr sera broché en papier blanc 2)
donnerait presque à supposer que les feuillets eux-mêmes étaient
d'une autre couleur, et je supposerais volontiers qu'il était en papier
bleu-foncé et écrit à l'encre rouge ou même à l'encre d'or 8) si nous
avions connaissance de textes d'usage laïc ainsi écrits. Faute d'indice
de ce genre, j'admets provisoirement qu'il s'agit d'un texte écrit à
l'encre bleue sur papier blanc. Mais, dans l'un comme dans l'autre
cas, ce "Cahier bleu", qui consacrait les fiefs et les privilèges des
nobles, était un ouvrage dont ils devaient se réclamer à l'occasion,
et c'est par là que je reviens à Aruq et à son kôk-tamya. Ce qu'il

1) Cf. JA, 1913, I, 365—366; y joindre Palladius, Russl-o-kitaïsku slovar', II, 344,
qui donne des renseignements analogues mais en traduisant à nouveau tsing par "noir";
aussi Chavannes, Le jet des dragons, p. 114.
2) Ceci du moins paraît bien garantir que le nom de kôkô-dàbtàr n'est pns dû à la
couleur de la couverture comme c'est le cas pour les "livres jaunes, livres bleus", "livres
rouges" de la diplomatie occidentale moderne.
3) Rasïdu-'d-Dïn parle parfois d'un ouvrage mongol Altan dàbtàr ou " Cahier d'or",
gardé sévèrement, et qui semble avoir contenu, entre autres, des données généalogiques
sur les grandes tribus mongoles; cf. à son sujet, Quatremère, Ilist. des Mongols, 74;
Berezin, Trudy,~V, 183; Blocbet, Introd. à l'Histoire des Mongols, p. 309 (à la p. 97,
M. Blocbet dit que Rasïdu-'d-Dïn renvoie "souvent" à YAltan dàbtàr dans ses notices
des tribus; c'est très exagéré); Barthold, Turkeslan2, 44—45. Evidemment ce livre pou-
vait être écrit à l'encre d'or, mais d'autres titres de chroniques, comme celui des Altan
tobci, n'ont sûrement pas cette. signification, et le mot "or" peut simplement avoir été
adopté dans le titre avec la valeur de "précieux".
42 PAUL PBLLIOT.

rapporta de la cour de Khubilaï à la cour de Perse, n'était-ce pas


extrait de cette sorte de d'Hozier mongol, et naturellement muni
un
d'un sceau pour en garantir l'authenticité? ]) Comme c'était alors
extrait du "Cahier bleu", l'habitude avait pu se prendre d'ap-
un
poser en pareil cas un cachet bleu. Ou encore, à la rigueur, le nom
de kok-tamya pouvait désigner par extension un extrait du "Cahier
blev?\ copié à l'encre bleue comme l'original, d'où kôk, et muni
d'un sceau, d'où tamya. Une dernière hypothèse enfin serait qu'à
raison du koko-dabtàr, le nom de kok-tamya se fût par la suite
appliqué à tous les jugements délivrés par le tribunal suprême de
l'empire mongol, même s'ils n'avaient rien à voir avec le contenu
même du kokô-dàbtar primitif. Il se peut enfin que la notion même
du koko-dabtâr soit à rapprocher de ces chroniques inlapita que
Hiuan-tsang (trad. Julien, Mém., I, 72) signalait dans l'Inde.
P. 391. "The office of "Great Bakhshi", i. e. head of the

civil administration in any particular district, was designated by
the Chinese term taishi. In the lifetime of Chin gis-Khan the title
of taishi was borne by the head of the Mongol civil authority in
China, a Jurchit by birth. The commanders of the Qarâ-Khitay
and Jurchit auxiliaries bore the title of daishi, with, according to
Eashîd ad-Dïn, meant "Commander of a tùmen" (division of 10000
men), but there is no doubt that in this case we bave the same
word taishi." Il y a dans ce paragraphe certaines inexactitudes
dues aux sources dont M. B. a disposé, et aussi quelques autres
points qu'il vaut de préciser.
En premier lieu, le "daishi" (daùî) de la seconde phrase, qui

1) Ceci De veut naturellement pas dire que Sigi-qutuqu n'ait pas jugé de procès
d'autres sortes, ni même que ces autres causes n'aient pas figuré dans le (ou les) k'àkô-
dàbiiir. SUT le rôle de juge de Sigi-qutuqu, M. B. fait aussi état d'un paragraphe de
llasïdu-'d-Dîn (Berezin, Tr/i4y,\r, 59) et je crois qu'il a raison, bien que Berezin (ibid.,
VII, p. xi) estime ce passage interpolé.
NOTES SUR LE "TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 43

signifierait commandant de tûmcln et serait' identique à taisi, résulte


de mauvaises lectures de Berezin. Dans le passage auquel M. B.
renvoie, Berezin (Trudy, XV, 143) a parlé d'un "Uyaru-daisi", et
c'est à propos de ce personnage que se trouve, pour udaiW\ la
glose sur le sens de commandant de 10000 hommes invoquée par
M. B. ; mais les mss. mêmes de Berezin (Trudy, XV, texte persan,

p. 214) montrent qu'il faut lire ^'^ X>^ Uyar-vansai (ou Ùyâr-
vansai), et c'est là le même personnage que Berezin a correctement
appelé Uyâr-vansai dans Trudy, XV, 33; la glose sur vansai au
sens de chef de 10 000 hommes se trouve déjà dans ce premier
passage, et l'équivalence n'en est pas douteuse: c'est le chinois
7C ûijî yuan-chouai, "généralissime"1); le passage parallèle du
Clieng-wou ts'in-tcheng lou (éd. de Wang Kouo-wei, 596) a d'ailleurs
;^ i|pr ^2» 7t ifj] Wou-ye-eul yuan-chouai, et il s'agit de jfy ^
fffl "Wou-ye-eul, IJyàr, qui a une biographie dans le ch. 120 du
Yuan che 2).

1) Rasïd emploie aussi cl_w»jCiL vangsai et .y, U. vansai {Trudy, XV, texte
persan, 53, 214). Il faut lire de même ^ixjCio yungsai ou _£>jCj^j> jungsai =
yuan-chouai dans Berezin, XV, 20, 22, 25, 26. Ces dernières orthograpihes semblent
suggérer une prononciation mongole populaire du titre chinois de yuan-chouai où le y-
était jiassé à j- et ou Vn s'était gutturalisé. Je soupçonne que c'est ce titre qui est
employé comme nom propre joour le compagnon de Gengis-khan dont l'Histoire secrète
des Mongols écrit successivement le nom Jungso (ou Jungsu?), Jungsai, Jungsai et
Jungswai.
2) L'identité des jiersonnages ne peut faire doute, mais Rasïdu-'d-Dïn fait de Uyâr
un "Qarakhïtaï", c'est-à-dire un K'i-tan (chez Rasïd, Qarakhïtaï désigne aussi bien les
K'i-tan restés dans la Chine du Nord que les "Qarakhitai de Balasaqun), au lieu que le

Juan clie dit que c'est un Jffl ^Yt Chan-tchou (lu San-tchou à l'époque mongole),
c'est-à-dire un Saljï'ut, donc un Mongol, et connaît son père |jg| S» ±JK ;£§• T'ou-
lou-houa-tch'a (*Turyacaq?, *Turyaqca?); les tableaux généalogiques de Ts'ien Ta-hin ont
pour les membres de cette famille des variantes de noms et une suite de descendants que
le Juan che ne donne pas et qui proviennent vraisemblablement de quelque inscription
funéraire que je n'ai pas retrouvée. Il est possible que Rasïdu-'d-Dïn ait fait une confusion
entre les Chinois du Nord ( Vm 71 Han-jen) que conduisait tlyâr, c'est-à-dire pour lui
des gens du Khitaï, et les Qarakhitaï, c'est-à-dire les K'i-tan. Uyâr, d'après le Juan che,
aurait vécu 95 ans, de 1162 à 1257. J'ai rétabli Chan-tchou (San-tchou) en Saljï'ut,
44
.
PAUL PELLIOT.

Je ne sais où pris
M. B.' le titre de taïsï correspondait
.' a que
à T"office" de "grand ba%sï\ "chef de l'administration civile dans
district quelconque"; Rasïd glose taïsï par bayji-i buzurg et par
un
ba%si u ustâd-i buzurg, mais il n'est pas à ma connaissance qu'un
terme administratif turc à.hdwy bayjï ou mongol de yâkà baqsï ait
jamais été rencontré avec l'indication d'une telle équivalence. Quant
à l'original du titre de taïsï des textes mongols, tantôt c'est j£
^^f-

t'ai-tseu, mot-à-mot "prince héritier", mais dont le sens s'est affaibli


dès l'époque mongole au sens de "prince du sang", puis qui a fini
devenir le simple équivalent de "noble apanage" pour les taiji
j|| ^
par
(- t'ai-tseu) ou hong-taiji (= -^r houang t'ai-tseu, mot-à-mot
"prince impérial") de l'époque moderne; et tantôt c'est le chinois
^$C êïfj t'ai-che l). Dans la vraie Chine du Moyen Age, le titre de
t'ai-che, mot-à-mot "grand instructeur", était encore très élevé,
bien que ne répondant plus à aucune fonction réelle ; l'explication
de Rasîd n'est donc pas inexacte; mais sous les Leao, le titre de
~$C fjflï t'ai-che a été adopté comme nom de fonction dans toutes

sortes d'administrations civiles et militaires, métropolitaines et pro-


vinciales, sans que ces fonctions aient rien à voir avec les t'ai-che
de la hiérarchie purement chinoise; en particulier, il y avait un
fai-che dans chaque "grande tribu"; il prenait rang après le
p^ Iffl Jil yi-U-kin (probablement le irkin ou erkin des vieilles

comme l'avait fait d'ailleurs déjà Ts'ien Ta-hin ; à s'en tenir au teste de Berezin sur les
tribus mongoles, on pourrait hésiter entre les Q^J.1^ Saljiut, qui sont les Saljï'ut
{Trudy, V, 180) et le nom de tribu qu'il lit ^^^UAV Sanjiut {Trudy, V, 187), mais
deux de ses manuscrits (les meilleurs) ont ^.^^s^w Sïjïut, et je ne doute guère que ce
soient là les Sïju'udaï « Sïju'udaï) du § 49 de l'Histoire secrète. Pour le nom des Saljï'ut,
on serait a priori tenté, malgré les légendes généalogiques mongoles, d'y retrouver le
même nom qui est représenté par celui des Saljuq, les Seldjoncides ; mais M. B. (p. 257)
fait remarquer que la véritable forme de ce dernier nom est Sàljiik, ce qui rend l'iden-
tification plus difficile.
1) M. Vladimircov {Cingis-hhan, 14) n'a envisagé que l'équivalence t'ai-tseu; il faut
lui ajouter celle de t'ai-che.
NOTES SUE LE aTURKESTAN" DE M. "W. BARTHOLD. 45

titulatures turco-roongoles) et les deux ministres (tsai-siang) de droite


et de gauche de cette tribu (Leao che, 46, la). Mais la valeur du
titre avait tellement changé que les Chinois à leur tour ne l'ont pas
reconnu, et le Nâkûn-taïsï 1) du § 50 de Y Histoire secrète des Mongols
est appelé un y£ ^p fai-tseu dans la traduction chinoise de ce texte,
un yC ^5 ia-c^ie (lire ^C ^S ^a^-c^e) dans le Cheng-wou ts'in-tcheng
lou (35 5) 2), un ^
f|] fai-sseu. dans le tableau généalogique du
début du Tcho-keng lou de 1366 et dans le tableau correspondant
du ch. 107 du Yuan che, et les traducteurs chinois de Sanang Secen
ont à leur tour rendu son titre phonétiquement par jÇ fai-che. ^
Nombre des taïsï dont il est question dans les textes relatifs aux
origines de l'empire mongol peuvent ainsi suivre la tradition des
Leao, et leur valeur n'est pas encore nécessairement celle des véri-
tables fai-che chinois, pas plus qu'ils ne sont nécessairement ad-
ministrateurs d'un territoire civil ; c'est en outre là une fonction
que les véritables fai-che, quand l'empire mongol aura vraiment
pris par la suite une allure chinoise, n'exerceront jamais; les
fai-che du temps de Rasïdu-'d-Dïn étaient en principe de hauts
dignitaires métropolitains s).

1) Pour ce nom l'explication hypothétique de nàkùn par nikàn, "un", mise en avant
par Berezin (Trudy, XIII, 192), est naturellement à rejeter. Le mot n'a pas survécu en
mongol, mais se retrouve dans le § 200 de Y Histoire secrète des Mongols, où il est
traduit par ^£p A kia-jen, "serviteur"; en outre, le vocahulaire arabo-mongol de Leyde
récemment et brillamment étudié par M. Poppe contient (Izv. Ak. Nauk, 1928, 72) un
terme ^,_j>
.
,<j nikùn bol (à lire vraisemblablement nekùn bol =nàkùn bol) qui est
traduit en arabe par "femme esclave" (bol, mo. écrit bo'ol, signifie "esclave" en général;
j'ignore quel est le terme arabe en question, car M. Poppe n'a donné que le traduction
des mots arabes) ; M. Poppe, qui ne connaissait pas. le § 200 de l'Histoire secrète, a
justement rajjproché du' mot de son vocabulaire le nom de Nakûn-taïsï et le mandchou
nehu, "femme esclave".
2) Cette transcription permet de se demander si le fameux J3.K $& ~fC -Tj
Ye-liu Ta-che, le fondateur des Leao occidentaux ou Qarakhïtaï, n'est pas simplement
à l'origine un Ye-liu taïsï.
3) Ces titres chinois passés chez les peuples non chinois du Nord demanderont une
étude spéciale* C'est ainsi que, au début de l'époque mongole, les sànggiin ou sànggùm
46 PAUL PELLIOT.

Pour dire que, sous Grengis-khan, le chef de l'autorité civile


mongole en Chine, un Jucen, portait le titre de taïsï, M. B. renvoie
au Mong-Ta pei-lou dans la traduction de Vasil'ev (Trudy, IV, 223);
mais deux pages plus haut (p. 221), il aurait pu voir que ce même
titre de ta/m est donné dans le même texte au lieutenant-général
commandant les forces militaires, le kouo-wang Muqalï l). Quant au
taïsï même que M. B. a en vue,, le texte qui le concerne dans le
Mong-Ta pei-lou soulève d'assez sérieuses difficultés. Ce texte est
ainsi conçu: "Le principal ministre, le fai-che j$fc T'o-ho, est ^
le frère aîné du ^^
f ai-fou j^ jfc T'ou-houa; il est originaire-
ment un Jucen; c'est un homme très rusé; les [deux] frères, l'aîné
et le cadet, se soumirent au souverain mongol (= Grengis-khan) qui
a fait d'eux des généraux et ministres". Sur le t'ai-fou T'ou-houa,
aucun doute n'est possible; c'est là le yuan-chouai Tuqa nommé à
côté du yuan-chouai Uyàr aussi bien dans Rasîdu-'d-Dïn (dans
Trudy, XV, 33 et 143) que dans le passage parallèle du Cheng-icou

ne semblent pas être, comme on s'}' attend au premier abord, de ces sàngùn dont le nom,
tiré du chinois tySL jfe tsiang-kiun, "généralissime" (ou parfois simplement "général"),
apparaît déjà dans les inscriptions de l'Orkhon, mais bien des ~AB .Âv sianq-kong, des
"gens de bonne souche", des "fils de famille", comme le veut d'ailleurs Rasïdu-'d-Dîn
(par exemple dans Berezin, Trudy, V, 98, = %udavand mrlah); et c'est assez vraisem-
blablement siang-Jcong, plutôt que tsiang-kiun, qui, passé en langue k'i-tan, est revenu en
chinois des Leao sous les formes |gÊ 10g. siang-vjen, m -<>) tcli' ang-Jcouen, pj^r j£§f

teliang-iven, etc. Les linqqwni mongols semblent être les £$* j\=£ linq-ir.en des Leao
{Leao che, 46, 2 a), sans que l'original chinois de ce dernier titre apparaise clairement;

on songe à JBK îgrlang-kiun, mais le titre de laug-kiun s'était aussi maintenu tel quel
chez les Leao (en tout cas, il ne doit pas s'agir du 'pan I5L ling-kouan indiqué aussi
gratuitement que formellement dans Blochet, Introd. à l'Histoire des Mongols, 183, 289).
1) C'est naturellement ce titre de IgH -fl-> kouo-wang, mot-à-mot "roi", spécialement
donné à Muqalï, qui a été adopté pour lui dans les historiens musulmans sous la forme
éLijjiJ^ (Jwy<lng {kouo, "royaume", est transcrit avec finale -ê en écriture 'phags-pa, d'où
le y de la transcription musulmane); le S 3IL kao-wang de M. Blochet (Introd., 183)
n'existe pas.
NOTES SUR LE " TURKESTAN" DE H. W. BARTI-IOLD. 47

ts'in-tcheng lou (59 v°)l); il a une biographie au ch. 149 du Yuan che;
son nom complet était Iffl $t ^
^g Ye-liu T'ou-houa, et il est
exact qu'il fut nommé fat-fou, mot-à-mot "grand précepteur", à la
suite de ses services militaires sous les ordres de Muqali dans la
Chine du Nord; il mourut en commandant en chef contre les Kin;
on voit que lui du moins, et malgré son titre de f ai-fou, n'avait
rien d'un fonctionnaire civil."
Mais il en est de même pour son frère aîné, le fai-che "T'o-ho".
Selon toute vraisemblance, ^
ho, comme dans la plupart des trans-
criptions de l'époque mongole, est ici en valeur de ^
ha et il faut
lire T'o-ha; nous avons ici par suite un simple doublet du nom
précédent, et nous sommes amenés à supposer, comme l'a fait
Wang Kouo-wei, que l'auteur du Mong-Ta pei-lou ne distinguait
les deux frères que par leur titre, l'un étant pour lui le fai-che
T'o-ha (= Toqa, pour Tuqa), l'autre étant le fai-fou T'ou-houa
(= Tuqa). Mais nous connaissons le nom véritable du frère aîné de
Te-liu T'ou-houa, qui est tout autre; ce frère aîné s'appelait en effet
]|Jf |||
fjflj" yj]| Ye-liu A-hai, et il
a une biographie dans le ch. 150
du Yuan che ; on y voit que Grengis-khan l'avait en effet nommé
fai-che en 1214 et mis à la tête du Grand Secrétariat, en même
temps qu'il nommait f ai-fou
son frère cadet Ye-liu T'ou-houa.
Ye-liu A-hai n'en était pas moins, tout comme son frère, un com-
mandant militaire beaucoup plus qu'un gouverneur civil.
L'indication du Mong-Ta pei-lou que les deux frères étaient des

1) Berezin a adopté ÇLÊ»J Tuyaï dans ]e premier passage, ..LcLi' Tuyan dans le
second; les mss. hésitent entre les deux lectures dans le premier passage, mais supposent
tous Tuyan dans le second; ce doit être là la forme originale de Rasîd, avec Y-n final
quiescent qui se rencontre si souvent dans l'onomastique et le vocabulaire mongols. Le
nom aura subi populairement chez les Mongols l'attraction du mongol tuyan, mais il
n'est pas primitivement mongol, et nous devons garder pour lui la forme Tuqa des
sources chinoises. Pour ce personnage comme pour tîyâr, Berezin a bien lu son titre
sous la forme vansai dans le jjrenrier passage, mais a substitué ddisï dans le second,
contre le texte de tous ses manuscrits.
48 PAUL PELL10T.

Jucen ne doit être accueillie qu'avec certaines réserves. Il est exact


que tous deux étaient dans le territoire et au service des Kin avant
de passer, de bonne heure d'ailleurs, au service de Grengis-khan ;
mais par leur origine, et comme leur nom de famille même l'indique,
c'étaient des K'i-tan, agnats de la famille royale des Leao. Et ceci
explique un passage du voyage de K'ieou Tch'ou-ki à propos duquel
une confusion semble avoir été commise par M. B. M. B. parle
(p. 451) des Qara-khitai qui, après la prise de Samarkand par les
Mongols, s'y établirent avec des Chinois au milieu de la population
musulmane, et il ajoute: "Ahai, le gouverneur de la ville, appar-
tenait aux Qara-khitai, et portait le titre de taisi] il était au cou-
rant de la civilisation chinoise, puisqu'il servit comme interprète
dans la conversation entre Ch'ang-tch'ouen (- K'ieou Tch'ou-ki) et
Grengis-khan." Strictement parlant, Qara-khitai désigne pour nous
les K'i-tan qui avaient émigré du Nord de la Chine un siècle avant
les campagnes de Grengis-khan dans l'Ouest, ceux qu'on appelle en
chinois les "Leao occidentaux", et c'est bien le sens que IL B.
semble bien donner à ce terme dans tout son livre (cf. à l'index,
p. 498: "Liao (Western) see Qarâ-Khitâys") ; ceci étant, il y a dans
le cas présent une erreur manifeste. Si "Ahai" est au courant de
la civilisation chinoise, c'est qu'il s'agit de Te-liu A-hai, d'origine
K'i-tan, mais fonctionnaire des Kin avant de devenir général de
Grengis-khan. Kïeou Tch'ou-ki lui donne le nom de famille de
^ fflj Yi-la, doublet bien connu de Te-liu (Te-liu Tch'ou-ts'ai
écrivait lui-même son nom Yi-la Tch'ou-ts'ai). La biographie de
Te-liu A-hai nous apprend d'ailleurs que lorsque Grengis-khan
partit pour les pays musulmans, Te-liu T'ou-houa resta avec
Muqalï, mais Te-liu A-hai accompagna Gfengis et, après la con-
quête de Buqara et de Samarkand, "fut laissé comme gouverneur
de Samarkand avec la responsabilité entière d'y assurer la bonne
NOTES SUR LE " TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 49

entente" (@ ^ ^ $f "F ¥ fë #$ ® 2 M )• H *e s'agit


pas d'un "Qara-khitaï" 1).
Pp. 391 et 392, n. 3. — La question du titre de ubiki" est
assez obscure et complexe, mais les transcriptions chinoises ne pa-

1) Les biographies des deux frères sont reproduites, avec des notes parfois intéres-
santes, dans un ch. non numéroté du Mong-wou-eul che-ki de T'ou King. Le nom per-
sonnel de A-hai (= *Aqaï ou *Ayaï) peut peut-être s'expliquer, malgré notre ignorance
presque entière de la langue k'i-tan. En jucen tardif, il y a un mot a-ha-ngai (= *aqa'aï),
"esclave", auquel le mandchou répond par aha (cf. Grube, Die Sprache und Schrift der
Jucen, p. 89) ; mais la forme du jucen ancien est donnée sous la transcription IJfll -Q-
a-ho (lire Kflj' FjA« «-&0 dans le vocabulaire final du Kin che (4 a), et le j^
fë£
Tpli flfj Song-mo hi-wen, qui doit être de 1143, dit qu'en jucen
un esclave se dit
tffi J@ ya-hai et une esclave Ej|j Wfc §& ya-hai-tchen. Tout ceci
nous amène à ad-
mettre en jucen ancien un mot aqaï ou axai, "esclave", qui serait exactement représenté
par le a-hai de Ye-liu A-hai. Or, un grand nombre de personnages des tribus nomades
de la Chine ont porté ce nom-là; on a déjà vu que dans Nâkùn-taïiï, nàhùn signifie
"une esclave"; le fils et successeur de Muqali s'est appelé Bo'ol, mot-à-mot "esclave",
et il y a vers l'époque mongole de nombreux personnages qui ont reçu en chinois le
nom personnel de gC^ 77]/ Kia-nou, "esclave", de /\\ ISJÎ Siao-sseu, "petit serviteur",
de £B jjjttr Hei-sseu, "serviteur noir"; il semble qu'il faille rattacher ces noms à l'ha-
bitude qu'on avait de nommer le nouveau-né d'après le premier objet ou le premier être
qui frappait les yeux de la mère dès la fin de l'accouchement. Bien que les K'i-tan
aient parlé, à mon avis, une langue mongole d'ailleurs très palatalisée par le voisinage
des tribus tongous, il n'est pas impossible que le mot jucen pour "esclave", et précisé-
ment à raison de ce voisinage, ait également existé chez eux, ou encore que Ye-liu A-hai,
dont la famille, bien que d'origine k'i-tan, vivait sur le territoire et au service des Kin,
ait reçu un nom jucen. Même chez les anciens K'i-tan, la langue k'i-tan semble avoir
perdu beaucoup de terrain vers la fin des Kin, et le K'i-tan Ye-liu Tch'ou-ts'ai, celui
qui fut ministre de Gengis-khan et d'Ogôdài, passait, à tort ou à raison, pour être le
dernier qui connût l'écriture k'i-tan de ses ancêtres. Pour le nom de l'esclave femme,
la forme du Song-mo hi-wen suggère un original *aqaïjïn ou a%aïjïn, dont le correspondant
ne semble pas avoir existé ou survécu en mandchou; cette finale en -jin ne devra pas
être négligée quand on étudiera les féminins mongols en -cm et -qcïn; cf. par exemple
ce que Rasïdu-'d-Dîn dit des tribus tartares chez qui le nom tribal deviendrait un nom
personnel en ajoutant -iaï s'il s'agit d'un homme, et -cm (ou -fin?) s'il s'agit d'une
femme {Trudy,^, 51-—52); dans le mongol du l'Histoire secrète des Mongols, les noms
de personnes au féminin sont parfois en -qcïn (comme aujourd'hui pour les noms des
couleurs des femelles chez les animaux), mais la distinction de genre des adjectifs,
aujourd'hui inconnue, semble s'être marquée par le suffixe -tu {-tu) pour les hommes et
-tai (-tâi) pour les femmes.
i
50 PAULPELLIOT.

laissent pas laisser de doute qu'il faille lire <jÇo beki (bàki dans
VHistoire secrète des Mongols), peut-être pour *begi, ~*bâgi. Il n'est
exclu, comme on l'a, je crois, proposé, que ce soit là originaire-
pas
ment, et de même lorsque ce "titre" termine des noms de princesse,
le turc bâgi, c'est-à-dire bâg avec le suffixe possessif -i de la
3e personne, emprunté sous forme fixe en mongol, tout comme on

disait en turc tàngrim (dialectalement même tàrim dans les inscriptions


du Semiréc'e), klianïm (et khanum), bàgim ("béguin" de l'Inde),
avec le suffixe possessif -mi de la première personne. Toutefois tout
cela est fort douteux, et M. B. peut avoir raison quand il incline
à séparer le titre de bàlci des hommes de celui de bclki ou bcigi
des femmes. M. Yladimircov (Cingis-khan. 14 et 84) ne dit rien

non plus des titres de princesses à propos de bclki et considère que


ce dernier titre a été porté originairement par des chefs qui étaient
en même temps des sorciers ; c'est possible, mais il n'y a là qu'une
inférence basée sur le passage même de YHistoire secrète que M. B.
a cité. Sans en vouloir tirer actuellement aucune conclusion, je
voudrais faire intervenir un renseignement nouveau. Le Yuan cite
(122, 5—6) contient la biographie d'un homme du Si-hia ou Tangut,
Ht§L$ïn!> Si-H K'ien-pou1), qui a dû vivre de 1191 à 1259;

1) Si-li est le nom de clan ou de famille; quant à K'ien-pou, la "biographie avertit

que c'est la même chose que ~Tr K kan-pou et que les deux formes s'emploient in-
différemment; nous n'avons donc là qu'une variante du "nom" ou plutôt de l'épithète
ou titre que l'Histoire secrète transcrit toujours gambu (ou gàmbiï ?) et qui entre à
l'époque mongole dans le nom d'un assez grand nomhre de gens, JVa-gambu (ou
Jaqa-ganibu), Asa-gambu, etc. ; le troisième fils de notre Si-li K'ien-pou s'est appelé
^V %rt nP ^ao K'ien-pou, c'est-à-dire le "petit gam.bu\
1
îvous avons l'habitude de
transcrire gambo, et de lire Jagambo le nom du frère de Ong-khan des Keràit, mais
c'est pure convention basée sur une étymologie du nom qui est encore hypothétique.
Rasïdu-'d-Dïn interprète K\ Ja-gambu par "chef du pays et chef honoré"
>
» , ^
(^iisLo ^A\ i^sSi* arrûr-i vilâyat u amïr-i mu azzam), ajoutant que ja signifie
_J_O!
o
"pays" {vilâyat) et que gambu signifie "honoré" (rmi'azzam) (Berezin, dans Trudy, V, 98 ;
VII, 125). M. Yladimircov (Cingis-hlum, 14) a dit que le titre de "gam-bo" ou "ju-gam-bo"
était "tangouto-tibétain", ce qui est sûrement exact sous cette réserve que "gam-bo" (gambu)
NOTES SUR LE "TUEKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 51

il servit Grengis^khan, puis participa au siège de Kiazan en Russie


en 1237 et à celui de *Mâkâs au Caucase en 1239—1240 ]); dans
ses tableaux généalogiques des Yuan, Ts'ien Ta-hin a, sur la fa-
mille de Si-li K'ien-pou, des indications beaucoup plus complètes
que celles du Yuan che et qu'il emprunte sans doute à une inscription
funéraire que je ne retrouve pas actuellement2); or on lit entre
autres chez Ts'ien Ta-hin que le père de Si-li K'ien-pou, j$\ fy ^
Ta-kia-cha, "servit ce royaume [de Si-hia] en qualité de pf ^
pi-ki (*bigi), ce qui a le même sens qu'en chinois "ministre" (rpr jfâ
tsai-siang)".
P. 392. — Le nom de la Sibérie apparaît en outre, sous la

seul paraît être vraiment un titre, et que Ja-gambu est en fait un nom d'homme, mais
la connaissance encore très superficielle de la langue si-hia, qui a servi ici d'intermédiaire,
rend plus difficile la restitution de la forme véritable, même si à l'origine celle-ci est
purement tibétaine. Dans sa courte notice sur Ja'a-gambu (à la fin de la biographie de
Ong-khan; le ch. n'a pas de n°), le Mong-wou-eul che-Ici explique le nom par le vieux
titre tibétain de ican-p'o, ce qui est naturellement hors de question. En écriture ouigoure
du mongol, ja'a et jaqa s'écrivent de même; la leçon de Rasîdu-'d-Dïn doit donc nous
faire préférer la lecture ja'a = ja. Berezin n'a su que faire de ce mot, mais il me
paraît assez vraisemblable que ce soit là le tibétain rgya, "vaste", qui a pris en fait la
.
valeur de noms de pays dans rGya-nag ("Vaste noir") ou simplement rGya, "la Chine",
et dans rGya-gar ("Vaste blanc"), "l'Inde"; les Si-hia sembleut avoir connu les Chinois
sous le nom de Ja (j = de), qui serait aussi identique au tibétain rGya (cf. T^oung Pao,
1916, 65, où je ne suis pas d'accord avec l'opinion exprimée par M. Laufer; je recon-
nais toutefois que, si une prononciation ja de l'élément tibétain gya est conforme à cer-
taines prononciations dialectales tibétaines et à la prononciation mongole moderne du
tibétain, les transcriptions chinoises de l'époque mongole faites directement sur le
tibétain transcrivent encore avec gya et non ja; mais nous devons tenir compte ici de
l'intermédiaire si-hia). Quant à gamlu, Berezin (Trudy, V, 261) y a vu le tibétain
mkhan-po, prononcé jiratiquement Jchambo, et qui signifie "maître", "professeur", upadhyâya;
mais ce titre religieux ne va pas très bien ici, et on peut aussi songer à sgam-po, "accompli",
"parfait"; et enfin, ici encore, nous ne devons pas oublier que le titre arrive par le si-hia
et peut recouvrir tout autre chose.
1) Sur le siège de ces villes, cf. JA, 1920, I, 166, 168—169.
2) Ts'ien Ta-hin emprunte évidemment à cette source inconnue un autre nom de
Si-li K'ien-pou, }Li |j 1 | | Yi-li-chan, (ou lë§ |j MI Kai-li-chan?); comme Si-li
est le nom de clan et que Icien-pou est un titre, il est vraisemblable que ce soit là le
vrai nom du personnage.
52 PAUL PELLIOT.

forme "Sibur", dans une lettre franciscaine de 1320, très instructive


par les renseignements qu'elle donne sur des tentatives d'apostolat
qu'on ne savait pas avoir été dirigées jusque-là; cf. M. Bihl et
A. C. Moule, Tria nova documenta de Missionibus Fr. Min. Tartariae
Aquilonaris annorum 1314—1322, dans Arch. Francise, historicum,
1924, 60—62 et 68. Par ailleurs le "Albizibi" du Libro del conosci-
miento (cf. A. Van Den Wyngaert, Sinica Franciscana, I [1929], 572)
ne peut guère être aussi qu'Ibir-Sibir.
P. 393. — M. B., comme M. Yladimircov et la plupart des
auteurs, écrit toujours quridtay (qurultaï) pour le nom des grandes
assemblées des Mongols, et telle est en effet la forme adoptée par
les historiens musulmans; mais la vraie forme mongole est qurïltaï
(qurïlta dans le dernier paragraphe de VHistoire secrète).
P. 393, n. 4. — La forme "Hobogo" du P. Hyacinthe est à
supprimer; elle provient des orthographes "réformées" de K'ien-long.
P. 396, n. 5. — Je ne crois pas à l'existence d'un mot taryû
et je considère que la vraie lecture de ^£ j' ou^j' est toujours
toryu, aujourd'hui toryo; c'est là une autre forme de torqan (- toryan)
qu'on lit dans le § 135 de VHistoire secrète, et le dictionnaire de
Kovalevskiï (p. 1891) a recueilli en mongol les formes tory an, tory on,
torya, toryo. Dans tous les textes que je connais, tory an ne désigne
pas une "pièce d'étoffe en général", mais un tissu de soie léger;
c'est d'ailleurs avec le même sens que toryu existait en ouigour
ancien, et on le rencontre déjà dans le Qutadyu-bilig (cf. Radlov,
III, 1185; la prononciation turyu de III, 1457, est très douteuse).
P. 398. — Les sources musulmanes amènent M. B. à dire que
le gouverneur d'Otrar qui fit assassiner les "envoyés" de Gengis-khan
(telle est la version du Yuan che, avec ||fl 5^ che-tchô, "envoyé",
et il est aussi question d'"envoyés" dans VHistoire secrète), s'appelait
ïnalcïq (ïnalcuq chez Rasïd) et portait le titre de Qàyïr-khan
(rayïr-khan chez Rasïd, = Qayïr) ou de Qàdïr-khan. On remarquera
NOTES SUR LE " TURKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 53

que ïnalcïq signifie "prince" en jaghataï (à peu près comme ïnaï)


et pourrait donc être en soi un titre aussi bien qu'un nom ; on
connaît par ailleurs, chez les anciens Oïrat, un personnage qui a
porté le nom, apparenté à ïnal et ïnalcïq, de ïnalcï (cf. Berezin,
dans Trudy, V, 79; XIII, 222; les sources chinoises connaissent
également cet ïnalcï). D'autre part, Rasïdu-'d-Dîn (Berezin, V,
113—114; VII, 144) parle d'une tribu apparentée aux Faïnian et
dont le chef portait le "nom" de Qadïr-buïruq-khan, ois qadïr
signifiant "fort et tout-puissant" ( Igi^^Jâc cazîm u qalihcir); mais,
ajoute Rasïd, les Mongols, ne connaissant pas ce nom, le prononcent
j>ls qajïr, de même qu'il y a des médicaments mongols qu'on ap-
pelle qajïr, alors que leur nom ancien était qadïr. Il est évident,
de par le texte même, que nous n'avons pas affaire ici, pas plus

que dans le nom du gouverneur d'Otrar, à une forme arabe IAS Qadr
comme l'avait cru Raverty, mais à un mot altaïque, en fait au turc
qadïr, "puissant", "terrible", qui se rencontre déjà dans l'épigraphie
deTOrkhon (Radlov, II, 326, et ajouter F. "W. K. Mûller, TJigurica II,
58 et 59), et qui, dialectement, a passé en turc à qazïr (Radlov,
II, 379); le changement est du même ordre que celui qui oppose
au turc qatïr, "mule", une forme dialectale turque qacïr également
passée dans le mongol du XIIIe siècle (cf. JA, 1927, II, 271)l).
Devant ces flottements, il n'est pas sans intérêt de noter que le nom
du gouverneur d'Otrar apparaît dans le ch. 1 du Yuan che (s.a. 1219)
sous la forme ^ê" M ^â M M ^ Ha-tche-eul Tche-lan-t'ou.

1) Le mongol classique ne connaît plus ni qacir, "mule", ni qajir au sens de


"terrible"., "puissant", même comme épithète de médicaments. Le seul qajir enregistré
dans les dictionnaires mongols désigne un oiseau plus ou moins fabuleux, identifié au grclhra
ou, "vautour" du bouddhisme et où Kovalevskiï semble avoir vu une transcription de
grdhra. Mais l'équivalence phonétique des deux mots ne va pas de soi, et il est très
possible que qajïr sïbahtn ait seulement signifié à l'origine l'"oiseau terrible"; c'est aussi
là l'oiseau qacïr (lire qajïr) dont le nom s'est rencontré dans un texte jaghataï et dont
Radlov (II, 340) ne savait trop que faire. Sur qadïr et qajïr, cf. aussi Vladimircov dans
Dohlady Aie. Naulc, 1929, 135 et 136.
54 PAUL PELLIOT.

Ha-tche-eul ramène régulièrement à Qajïr et représente exactement


le stade "mongol" que Rasïâu-'d-Dïn signale pour Qadïr; j'estime
donc que Qadïr-khan est plus correct que Qayïr-khan. Quant à
Tche-lan-t'ou, il suggère normalement un original *J'ilaltuq; il
semblerait que ce fût une mongolisation de ïnalcïq (*Yïnalcuq?),
avec équivalence mongole fréquente de j- mongol à y- turc,
assi-
milation de n à VI qui suit et suffixe mongol -tuq (cf. par exemple
le nom du Tayïcï'ut Qïrïltuq) à la place du suffixe turc -eïq ou -cuqy
cette série de changements n'en reste par moins surprenante 1).
P. 399, n. 2. — Le nom de l'envoyé mongol dans VHistoire
secrète (§ 254) n'est pas "Uqun", mais Uquna (= uquna, "bouc
domestique") ; M. B. a été trompé par la déclinaison russe du nom.
p. 402. "Ko-san and Ba-sze-ha (Kâsân and Àkksïkatk?)".

La biographie de Ho-sseu-niai-li (Yuan che, 120. 7 a), à laquelle
ces noms sont empruntés, dit: "Ho-sseu-mai-li 2) était un homme
de Kou-tsô-wo-eul-to (Crhuzz-ordo ?) des pays d'Occident. Au début,
il fut au service personnel du Fouo-eul-han (*kôrqan - qiïr-khan) ;
ensuite il fut gouverneur (-j^ ^ tchang-lcouan) J\ J^ 0^ pa-sseu-lw
de ~pj ^ K'o-san qui dépend de Kou-tsô-wo-eul-to. Quand T'ai-tsou
(= Grengis-khan) fit campagne dans l'Ouest, Ho-sseu-mai-li vint au-
devant de lui faire sa soumission en amenant les chefs (|§^ ^
tsieou-tchang) de K'o-san et autres villes." La difficulté porte sur
pa-sseu-ha, où M. B., sur la foi de Bretschneider (Med. i?<?s., I, 233)
a vu un nom de ville, qui ne se retrouve jusqu'ici nulle part ailleurs;
en soi, ce n'est pas impossible. Mais s'il s'agissait d'une ville de

1) Elle est d'autant plus surprenante que, dans cette série, l'initiale turque ï- se
retrouve en mongol, aussi bien dans l'adjectif inaltu que dans inaq et ses dérivés. On
ne peut songer à une faute de texte dans le chinois, car le nom du gouverneur d'Otrar
apparaît encore sous la même forme Tche-lan-t'ou (cette fois sans Ha-tche-eul) dans la
biographie de Ye-liu A-bai {Yuan clie, 150, Ai).
2) On rétablit souvent ce nom en cIsmaïl, ce qui est tentant, mais en assez sérieux
désaccord avec les autres transcriptions chinoises de ce nom; il n'est pas sûr qu'il s'agisse
d'un nom musulman.
NOTES SUR LE "TORKESTAN" DE M. W. BARTHOLD. 55

Kasan et d'une ville de Pa-sseu-ha, on attendrait en chinois, après


les deux noms, une formule ^^ teng-tch'eng que le texte ne
donne pas; j'incline plutôt à croire qu'il n'y a qu'un nom de ville
et que pa-sseu-ha ou bien porte sur K'o-san ou est dans la dépen-
dance de tchang-houan. On ne voit pas quelle pourrait être la va-
leur d'un motpa-sseu-ha qui porterait sur K'o-san. Comme qualificatif
de tchang-houan^ une solution s'offre à l'esprit; pa-sseu-ha transcrit
régulièrement basqaq, le terme turc qui désigne les mêmes fonction-
naires que le terme mongol de clarw/aci; la seule difficulté réelle,
et que je ne suis pas à même de résoudre, est d'établir qu'il y avait
des basqaq en pays qarakhïtai avant la conquête mongole.
P. 403 et n. 1. — "Sârikûl". Si M. B. donne cette forme
comme la forme moderne, je n'ai rien à dire. Mais E,asïdu-'d-Dîn
(Trudiji XV, 40, et texte persan, 63) écrit ^J, UJJ.LW qu'il faut
certainement lire Sarïq-qol, "Rivière jaune" (et non Sarïq-qul comme
l'a fait Berezin). C'est également à Sarïq-qol que ramène la forme
du Cheng-wou ts'in-cheng lou. Quant à VHistoire secrète (§ 237),
elle a non pas "Salikhun", mais Sarïq-qun, "Falaise jaune"; seule-
ment le manuscrit mongol retrouvé récemment prouve que les
transcripteurs du XIVe siècle ont eu ici une mauvaise leçon et que
le texte original de VHistoire secrète avait également Sarïq-qol.
P. 403. — "Bâwurchiq"; M. B. renvoie pour cette forme à
Juwainï, I, 63, où elle ne se trouve pas, et en tout cas on a
oy> 1} Barcuq dans I, 32. Je ne vois pas pourquoi M. B. n'a pas
gardé cette forme, généralement adoptée avant lui et que les
transcriptions chinoises garantissent. D'ailleurs l'inscription sino-
mongole (inédite) de 1362 vient encore confirmer la lecture; le nom
du souverain ouigour y est donné, en écriture ouigoure, sous sa
forme complète de Barcuq-art-tagin. Le nom turc de Barcuq, inter-
prété traditionnellement par bars-)-cuq, 1'"endroit des tigres", se
retrouve dans la nomenclature géographique comme nom ancien de
56 PAUL PELLIOT.

Maralbasï ou d'un emplacement qui en était tout proche (cf. JA,


1916, I, 118, et von Le Coq dans Aufsâtze . . . Ernst Kuhn, 1916,
p. 155). Kowalewski a un mot barcuq, "petite panthère".
P. 409. — Vaut-il mieux lire Suyunô ou Sâvinc?
P. 411 (et 413, 414, 416). — "Tughây-khan". Dans tous les
cas où nous pouvons assurer la lecture, les Tu/âi de Berezin sont
en réalité des Ta/Si; n'en serait-il pas de même ici?
P. 416. — La lecture "Tâynâl" est garantie par VHistoire secrète.
P. 436, n. 1. — Sur une de ces colonies musulmanes transplan-
tées dans l'Est, cf. aujourd'hui JA, 1927, II, 261—279.
P. 451. —
Les dates ont été souvent mal converties par Bret-
schneider; au lieu du 26 avril 1222, il faut lire le 28, et au lieu
du 29 novembre, le 30.
Si j'ai cru bon de formuler toutes ces remarques, si même j'ai
pu les faire, c'est à raison de la masse d'informations précises que
nous devons au très beau travail de M. B. et qui facilitent des
rapprochements nouveaux. Me permettra-t-il de souhaiter en termi-
nant qu'il trouve le temps, malgré des occupations nombreuses et
variées, d'éditer enfin ce "manuscrit Tumanskiï" qui a déjà tant
fourni et paraît promettre encore plus ? 1)

1) Je suis surpris qu'à la p. 13 M. B. ne dise rien sur le sort du manuscrit lui-


même et ne parle que de la copie qui en avait été faite par le baron Rosen. Si je ne
me trompe, le manuscrit original, après des pérégrinations qui l'avaient amené jusqu'à
Paris, est entré depuis plusieurs années dans les collections de l'Académie des Sciences
de Russie.
LES NOMS MONGOLS
DE WEN-TSONG DES YUAN

PAR

Louis LIGETI.

Fils de "Wou-tsong, frère de Ming-tsong, 3Ç Wen-tsong, ^


un des derniers empereurs de la dynastie Yuan, régna de 1328 à
1332. Ce règne fut interrompu en 1329 par celui de Ming-tsong
qui fut tué le huitième mois de la même année.
Le nom de temple (miao-hao) de Wen-tsong mongol fut Jiyayatu
gayan, ou Jayayatu, voire même Jayatu qa'an, sur lequel tous les
historiens mongols, chinois et tibétains sont d'accord. C'est un nom
bien mongol qui ne soulève aucun doute ni au point de vue
sémantique, ni au point de vue phonétique.
Il n'en est pas de même de son nom personnel (ming) mongol.
Le Yuan che, chap. 32, transcrit |Q Ify^ fjf| ||| T'ou t'ie-mOu-eul.
La commission chargée de la correction des noms propres dans les
histoires des Leao, des Kin et des Yuan sous K'ien-long le changea
en |!i| h ^ H^ Ht T'ou-pou t'ô-mou-eul, glosé Tub temur dans
Ie stjft AE 7C jfe pn"
W$- K'in ting yuan che yu Mai, ch. 1. Ce der-
nier nom a fait fortune, et la plupart des historiens européens ont
adopté cette appellation qui ne remonte en fait qu'à l'autorité du
fameux KHn ting yuan che yu kiai dont la valeur en matière
d'explication linguistique n'est que trop douteuse. Dans le cas pré-
58 LOUIS LIGETI.

sent Tub temur, Toi temur de certains auteurs, est très sujet a
caution. Sous cette forme il est complètement inconnu aux historiens
tibétains et on ne le trouve pas non plus dans les textes mongols
qui sont antérieurs à l'activité du comité de K'ien-long.
En consultant quelques textes historiques mongols et tibétains,
nous verrons que la bonne leçon doit être autre.
Sanang Secen ne connaît point ce nom ]). L'"Histoire secrète
des Mongols'1'' est hors de cause pour cette époque. 10"Altan tobci
publié par GTALSANG G-OMBOEV et les fragments d'un autre Altan
tobci édités dans la Chrestomathie de POZDNËEV me sont inacces-
sibles à présent. Le Yuivan ulus-un teûke. plus précisément le
YeJce yuwan ulus-un mandwysan tôrû-yin kôke sudur en 12 chapitres,
publié par le Mongyol bicig-un qoriy-a à Pékin, ne s'étend que sur
l'époque la plus ancienne de l'histoire mongole et sur Grengiskhan.
Un autre ouvrage historique, le Boyda Oinggis qayan-u cedig.
publié également par le Mongyol bicig-un qoriy-a, comprend en
réalité deux textes différents. A la fin de la première partie se
lit ce qui suit: Mongyol-un qad-un yabudal-i bariju qad-un ûndiisiln
qoriyangyui altan tobci neretil sudur tegûsbe. Pour le moment, je
ne saurais décider s'il est à rattacher à un des deux Altan tobci
déjà connus. Du reste, l'auteur de notre Altan tobci a largement
puisé aux sources chinoises en parcourant toute l'histoire mongole
jusqu'au XVIIeme siècle. Il est intéressant de voir qu'à la page 30
et suiv. la liste des empereurs des Ming est incomplète, elle se
termine avec ^jg^ Tien-Vi qui régnait de 1621 à 1627. C'est
donc aux environs de ces années que doit remonter la première
rédaction. Mais elle a été retouchée à une date plus récente,
non

1) A la Metropolitan Library à Pékin j'ai vu une traduction mandchoue de


Sanang Secen. Le P. MOSTAERT affirme que l'historien de l'Ordos y est
connu sous le
nom Sayang Secen. De même le P. VAN OOST, Noies sur le Toem.ei, Variétés sinologi-
ques n° 53 (1922), p. 7.
LES NOMS MONGOLS DE WEN-TSONG DES YUAN. 59.,.

pas. sans y mêler quelques. erreurs et fausses leçons. Toutefois,


à la page 26 on lit une première fois Jayayatu qayan et ensuite
Tiïb teiniïr. Ce dernier nom est, à mon avis, une conjecture ultérieure
que. l'orthographe, (la palatalisation de la voyelle) semble aussi dé-
noncer1). À la page 63 r° du Boyda Cinggis qayan-u cedig com-
mence un autre traité sans titre distinct, avec la phrase suivante :
.
Cinggis
V
qayan-ece inaysida mongyol yucin tabun iiy-e qayan- sayuba
et il est entièrement consacré au cycle de l'histoire légendaire de
Grengiskhan.
En ce moment je n'ai pas d'autres recoupements mongols.
Le témoignage des textes tibétains paraît plus significatif. Dans
le Hor chos byun nous lisons: De'i rjes po-yan-th(w)o rgyal pori
sras cun ba tliug the-mur mchan can jï-ya-ga-th(iv)o rgyal po (t. I,
p. 24). Huth dans sa traduction (t. II, p. 36) écrit Thog the-mur
et non pas Thug the-mur.
Une histoire des Bon-po, le Rgyal rabs bon gyi 'byun gnas,
dont nous devons la description détaillée à M. Laufer (Ueber ein
GeschicMswerk der Bonpo, T'oung Pao: 1911, pp. 34—35) suggère
deux fois Thog thi-mur, nom du père de Rin chen dpal. Cependant
le père de "Wen-tsong était Wou-tsong et on ne peut guère songer
que Thog thi-mur désigne ici j||f ^
Chouen-ti, appelé en mongol
Toyan temûr; celui-ci en effet était le fils de Ming-tsong. La raison
en est à chercher dans la généalogie du Rgyal rabs bon gyi 'byun
gnas qui ne paraît malheureusement pas très sûre.
Un autre texte historique, de date tout-à-fait récente, le Chen
po hor gyi yul du dam paH chos ji Itar dar ba"i chul gsal bar
brjod pa padma dkar poH phren pa les bya ba, dont M. PANKRATOV

1) A cette même catégorie appartient le nom du Tub temur dans l'album que le
Mongyol bïcig-ùn qorïy-a a publié contenant les portraits des empereurs et impératrices
de la dynastie Yuan. L'ouvrage, dont l'authenticité est plus que contestable, est pourvu
aussi d'un titre anglais pour les amateurs de curios. Dans un des derniers volumes de
VAsia Major on a réédité cette galerie de photographies.
60 LOUIS LIGETI.

prépare une traduction annotée, a conservé de même le nom Thug


thi-mur: Bô-yan-thiïi sras cun ha rgyal po bcu bzi pa ce-ya-thu
'flm thug thi-mur (p. 45 b).
Le Satra des sept étoiles de la Grande Ourse fut traduit en 1328
en ouigour et en mongol, en 1337 en tibétain. Les traductions
ouigoure et mongole furent préparées sous le règne de Wen-tsong,
avant avènement au .trône, selon le colopbon, précisé-
ou peu son
ment sur son encouragementl). Le texte tibétain (que M. LAUFER
publia d'après trois exemplaires dont deux étaient complètement
identiques et dont le troisième ne contenait que quelques diver-
gences d'ordre graphique) le nomme The-mur tout court. M. LAUFER
l'identifia, d'ailleurs à bon droit, avec Wen-tsong qu'il nomma
Tob temur. Or le Satra des sept étoiles de la OE-ande Ourse,
quoiqu'inconnu des catalogues de CSOMA, de SCHMIDT-CAKSTADT et
de B. JNANJIÔ 2), fait partie du Kanjur. Ainsi le catalogue de
M. BECKH le signala dans le Kanjur tibétain de Berlin et M. PELLIOT,
de son côté, dans une édition rouge imprimée du Kanjur tibétain
à la Bibliothèque Nationale. Cette édition en outre semble identi-
que avec le Kanjur tibétain du Yong-houo-kong à Pékin, édition
impériale en 108 volumes, dont la répartition, d'après son index,
est toute différente de celle des trois catalogues connus. Dans les
deux derniers Kanjur j'ai repéré notre sûtra dans le colophon du-

1) M. LAUFER qui publia le colophon du sûtra tibétain avec traduction et anno-


tations (Znr buddhistischen Literaiur der TJiguren, T'oung Pcw, 1907, pp. 391—409)
donna à tort 1336 pour la traduction tibétaine. Cette date fut déjà corrigée par
M. PELLIOT, Notes à propos d'un catalogue du Kanjur, Journ. As., 1914, juillet-août,
p. 146. La date de 1330 donnée par M. LATJFEK pour les traductions ouigoure et
mongole n'est pas non plus correcte, malgré les deux précisions du colophon. L'année
du dragon ne pouvait passer pour 1330, même avec les faux systèmes de computation
tibétaine, et du reste, la première année de la période "Tp j|^ T'ien-li {then-li du
colophon tibétain) correspondait toujours à 1328.
2) SYLVAIN LÉVI, L'original chinois du sûtra tibétain sur la Grande Ourse, T'oung
Pao, 1908, pp. 453—454.
LES NOMS MONGOLS DE WEN-TSONG DES YUAN. 61

quel The-mur rgyal bu yun du che rin zin de M. LAUFER est pré-
cédé de Thog d'une façon très nette. Comme on voit, le Kanjur
tibétain, où le texte du colophon paraît mieux conservé *) que dans
les trois exemplaires consultés par M. LAUFER, est également en
faveur de Thog the-mur.
Thog the-mur des transcriptions tibétaines représente un Tuy
temûr mongol qui semble donc être la leçon primitive.

1) Par exemple, on y lit les deux fois TJrug boga.


BIBLIOGRAPHIE.

Hosea Ballou MORSE, The Chronicles of the East India Company


trading to China 1635—1834, vol. Y, Supplementary, 1742—1774,
Oxford, Clarendon Press, 1929, in-8, x +- 212 pages, avec 2 pi.;
15 shill.

Quand M. MORSE a publié en 1926 les quatre premiers volumes


des Chronicles *), il a dû y laisser une lacune importante, car les rap-
ports de Canton conservés à l'India Office étaient très fragmentaires
pour 1743—1753 2) et ceux de 1754—1774 manquaient totalement.
Heureusement, comme M. M. l'apprit bientôt, les doubles conservés
à l'office de Canton avaient été transportés autrefois à la Légation
britannique de Pékin, d'où il fut possible de les faire venir à Londres;
les extraits de ces documents allant de 1743 à 1774 font l'objet du
présent volume, cinquième et dernier de la série.
Le plan suivi dans ce cinquième volume est le même que dans
ceux qui l'ont précédé; M. M. donne des analyses précisées par de
longues citations. Il ne peut être question d'étudier ici le détail
d'informations commerciales nombreuses et minutieuses; le livre est
très riche à tous points de vue, et on y trouvera des renseigne-
ments intéressants par exemple sur les quantités de porcelaine ex-
portées ou sur les difficultés que souleva dès le XVÏIP siècle le
commerce de l'opium. On y peut suivre aussi l'effort assez peu

1) Cf. T'oîmg Pao, II, xxiv [1926], 395 — 398.


2) Malgré le titre, le vol. V n'a rien qui se rapporte à l'année 1742.
BIBLIOGRAPHIE. 63

couronne de succès que la Compagnie anglaise fit pour former des


interprètes anglais sachant'manier le chinois, et l'histoire de la
sinologie retiendra la demande de livres chinois,
en particulier de
dictionnaires, adressée en 1764 par Charles Morton, secrétaire de la
Royal Society, et à laquelle les missionnaires français de Pékin
satisfirent de leur mieux. ......
Comme dans les volumes précédents, M. M. s'est contenté de
publier ou~ de résumer' les documents tels qu'il les rencontrait,
sans
chercher à les compléter ou à les contrôler par d'autres sources1).
Les titres chinois, transcrits parfois de façon assez aberrante
dans les documents, sont en général restitués correctement; c'est
ainsi que le uchonquan" paraît bien, malgré l'anomalie phonétique,
être le tdang-hiun comme l'indique M. M. (pp. 1, 81); mais je suis
moins sûr que utijen" soit -^ ^
ta-tcKen comme il le dit pp. 76
et 81. "Tijen" est une transcription anglaise régulière de la pro-
nonciation cantonaise tai-jen de 7^ J^ ta-jen, et c'est ta-jen qu'on
a dans un document français parallèle à ceux utilisés par M. M.2).
A travers tout ce tome V, on retrouve les difficultés qu'éprou-
vèrent les Anglais, comme les commerçants des autres nations, à
échapper aux tracasseries et aux extorsions des douaniers chinois
de Canton. En 1759, la Compagnie anglaise se décida à une action

1) Il n'a-même pas fait état, dans .les quelques Errata des vol. I—IV donnés ici
p. IX, des corrections que j'avais indiquées dans mon compte rendu, en particulier pour
des noms français. Bien plus, il nomme ici correctement Vauquelin et Thirnotée (p. 16),
mais ne songe pas que ce sont les mêmes personnages qu'il a appelés fautivement
"Vauguelin" et "Thimolée" dans les volumes précédents (II, 3 et 51).
2) Touny Fao, 1902, 288 (si toutefois M. Cordier n'a pas modernisé l'orthographe
des noms chinois dans cette pièce); le "toyjen" de M. M. (V, 105) ramène aussi à ta-jen.
Il y a peut-être aussi des leçons mauvaises chez M. M.; c'est ainsi qu'on est surpris de
trouver côte à côte, dans une pièce anglaise de 1767 (p. 128), une transcription cantonaise
"tsontoe" et une transcription mandarine française "tsontou" pour le titre de tsong-tou.
Enfin, quand des documents donnent des formes "Tien Sing" (I, 298) et "Tienting"
(V, 83 et 105) pour Tientsin, il eût valu d'indiquer l'équivalence entre parenthèses.
64 BIBLIOGRAPHIE.

énergique : un navire, avec l'interprète J. Flintx), fut envoyé a


Mngpo, et comme il ne put obtenir l'autorisation d'y faire du com-
merce, le navire monta jusqu'à Tientsin, et Flint y demanda au
mandarin du sel de transmettre à l'Empereur un placet où la
Compagnie exposait ses doléances; le mandarin y consentit géné-
reusement, mais demanda, pour le risque qu'il courait, 5000
....
taëls; on transigea finalement à 2000 (I, 303). L'Empereur donna
raison aux Européens de Canton contre le surintendant des douanes,
mais le Chinois de Canton qui avait traduit la supplique fut
....
décapité et Flint, exilé pendant trois ans à quelque distance de
Macao, fut ensuite banni de Chine à jamais; pendant son exil, le
mandarin local se montra compatissant envers lui, mais de-
....
manda à lui emprunter 800 taëls, que la Compagnie avança à fonds
perdus 2). A la suite de l'aventure de Flint, l'Empereur sanctionna
un règlement en cinq articles dont M. H. publie (Y, 94—98) une
version anglaise faite évidemment, comme il le dit, sur une tra-
duction française; il vaudrait d'en rechercher le texte chinois.
Dans ce document, il est dit entre autres que "Que-gan", "Kouening",
"Fang-cheou-y" et d'autres ont demandé, par l'intermédiaire de
"Lieou-song-ling", à être appelés à la Cour pour servir l'Empereur.
%M ^
fÉê' Lieou Song-ling est le jésuite Augustin
von Hallerstein;
Jj -ïf- ifH Fang Cheou-yi est le P. d'Ollières; quant à "Que-gan"
et "Kouening", je suppose qu'ils sont altérés de ^
[j| ^H ISTgan
Kouo-ning et de Èp| |§§ ^L Han Kouo-ying, noms chinois respectifs

1) Flint était né vers 1720 et dut arriver à la Chine vers 1740. C'est lui qui
servit d'interprète à Anson dans l'audience que celui-ci obtint du vice-roi de Canton le
30 novembre 1742; je possède, venant de Cordier, la copie récente d'une Anecdote sur
le Sr Flint écrite en 1763 ou 1764 par quelqu'un qui l'avait connu en Chine en 1751;
la pièce est curieuse, bien qu'inexacte par endroits; j'en ignore l'origine.
2) Sur le voyage et la condamnation de Flint, cf. aussi une lettre de Saint-Martin
écrite de Canton le 31 décembre 1759 et que Cordier a publiée dans T'oung Fao, 1902,
287—289; deux dates y diffèrent d'un jour de celles indiquées dans les documents de
M. Morse.
BIBLIOGRAPHIE. 65

d'André Rodriguez et de Pierre Martial Cibot; d'Ollières, Rodriguez


et Cibot" tous trois Jésuites, sont effectivement arrivés en Chine
en 1759.
A la p. 164, on lit: "On September 23, 1771, a small vessel
arrived at Macao commanded by a Hnngarian, Baron Maurice
Angusto Aladar Benyorsky." Puis vient une citation littérale des
registres: "Pc seems beyond doubt he is corne from Kamskatzka,
but by what track, or kis motive, we hâve only what he pleases
to say, being the only person who speaks about their Concerns,
and he very reserv'd." M. M. ajoute: "He claimed Prench pro-
tection, but the Chinese refused to grant him permission to corne
to Canton on the alleged ground that he was a Russian." Nous
avons là un renseignement intéressant sur un personnage bien connu,
car il s'agit naturellement du fameux aventurier Benyowszky qui,
échappé du Kamtchatka en s'emparant d'un petit navire, passa en
•effet vers cette date à Macao, en route pour la France d'où il devait
repartir pour une carrière kéroïcomique jusqu'au jour où il fut tué,
à Madagascar dont il se prétendait Empereur, le 24 mai 1786.
"Kamskatzka" ne peut guère être qu'une faute de lecture ou d'im-
pression pour "Kamskatzka"; mais la forme "Benyorsky" des registres,
pour surprenante qu'elle soit à côté du "Benyovsky" des Memoirs
publiés en 1789 ou de l'orthographe "Benyowszky" qui est celle
des signatures autographes de l'aventurier, se retrouve ailleurs, et
précisément dans des documents relatifs au séjour de Benyowszky
à Macao; c'est ainsi qu'on la rencontre dans la lettre de Chine
publiée par le Gentleman's Magazine de Londres en 1772 et dans
une lettre écrite de Macao le 24 septembre 1771 par Mgr Le Bon,
évêque de Metellopolis 1).

1) Cf. P. Cultru, Un Empereur de Madagascar au XVIIIe siècle, Bemjowszky, Paris,


Challamel, 1906, in-8, pp. 1 et 3. La bibliographie relative à Benyowszky dans Cordier,
Bill. Japonica, 452—455, est assez incomplète; parmi les éditions anciennes, il y man-
66 BIBLIOGRAPHIE.

On sait que les Memoirs de Benyowszky, parus d'abord en


traduction anglaise dès 1789, puis en français en 1791, sont bien
foncièrement son oeuvre, malgré l'aide qu'il se fit certainement
donner pour leur rédaction. C'est un mélange étrange de faits vrais,
narrés avec une profusion de noms et de dates, et de hâbleries
insoutenables1). A propos de son séjour à Macao, Benyowszky
mentionne par exemple ses rencontres avec Tévêque de Mitelopolis,
M. le Bon, françois d'origine" (II, 191), et sa correspondance avec
"M. de Robin, directeur de la compagnie française à Canton" (II, 195) ;

or M. de Robien était bien alors dans ces fonctions à Canton, et


si le titre épiscopal de Mgr Le Bon paraît à première vue légère-
ment altéré, il se trouve que A. Launay, dans son Mémorial de la
Société des Missions étrangères, donne précisément pour le titre de
Mgr Le Bon la forme alternative de Mitelopolis à côté de Metello-
polis. Tout ceci paraît de nature à valoir quelque créance au récit
de Benyowszky.
Mais, à côté même des gros mensonges de Benyowszky quand
il s'agit de se représenter sous un jour avantageux et héroïque,
ses Mémoires abondent en inexactitudes dans des cas où il n'avait
pas d'intérêt à tromper; la note des registres de la Compagnie
anglaise —, que M. M., soit dit en passant, eût bien dû reproduire,
sous sa forme complète s'il a vu de qui il s'agissait, — nous en.
montre un exemple nouveau. Dans toute cette partie de ses Mémoires,,
Benyowszky donne pour ses faits et gestes une chronologie minu-
tieuse, indiquant jour par jour non seulement le quantième du mois,
mais le jour de la semaine; d'après ces Mémoires, il est entré dans
la rade de Macao "le jeudi, 22 septembre, à une heure et demie",

que la traduction hollandaise parue à Haarlem en 1791 —1792; l'édition anglaise don-
née par Pasûeld Oliver en 1893 est indiquée, mais non celle de 1904; l'ouvrage de
Cultru n'est pas mentionné.
1) Je n'ai pas à ma disposition les éditions de P. Oliver et cite l'édition française
des Mémoires parue à Paris en 1791.
BIBLIOGRAPHIE. 67

échangea un salut de coups de canon avec le navire amiral, qui


était dans le port et se rendit le jour même chez le gouverneur.
Mais on a vu que les registres de la Compagnie anglaise placent
son arrivée à Macao le 23 septembre. Erreur d'un jour de la
Compagnie anglaise, dira-t-on, et facile à commettre par des gens
qui vivaient à Canton et non à Macao? Mais Mgr Le Bon, lui,
était à Macao, et il écrit de Macao le 24 septembre: "Il vient
d'arriver hier à Macao un bateau à pavillon hongrois..."; lui aussi
indique donc bien le 23 septembre et non le 22. Par ailleurs, le
calcul rétrospectif des jours de la semaine est simple, et montre
que le 22 septembre était un dimanche, et non un jeudi comme
le prétend Benyowszky; et comme toutes les indications de jours
de la semaine dans cette partie des Mémoires sont parfaitement
cohérentes, il s'ensuit que toutes sont fausses de trois jours. On
pourrait à la rigueur supposer que Benyowszky, bien que hongrois
et catholique, suit ici le calendrier julien parce qu'il arrive de
chez les Eusses orthodoses du Kamtchatka, et le 22 septembre 1771
julien; mais une telle explication n'est
est bien un jeudi en style
pas recevable, car le 22 septembre 1771 julien répondrait au
3 octobre 1771 grégorien; il est impossible, devant les dates indi-
quées par les registres de la Compagnie anglaise et par la lettre
de Mgr Le Bon, de faire descendre l'arrivée de Benyowszky jus-
qu'à cette date:). Une seule solution reste admissible, c'est que
toute cette chronologie si précise des Mémoires de Benyowszky est
une reconstitution faite après coup, d'après des souvenirs et des
notes bien plus vagues.
Paul Pelliot.

1) Les Anglais ont adopté le calendrier grégorien dès 1753, et en tout cas il serait
exclu que Mgr Le Bon, catholique et français, l'eût employé.
68 BIBLIOGRAPHIE.

Friihling und Ilerbst des Lu Bu We, aus dern chinesischen ver-


deutscht und erlàutert von Richard WILHELM, Iena, E. Diederichs,
1928, in-8, xm -f- 542 pages; relié toile, RM. 15.
M. R. WILHELM, qui avait déjà publié chez le même éditeur
des versions nouvelles du Yi Jcing, du Louen yn} de Mencius, du
Tao-tô king, de Tchouang-tseu et de Lie-tseu, s'attaque cette fois
à un ouvrage qui n'avait encore jamais passé dans une langue
européenne, le g
J^; ^p ^
Lu-che tch'ouen-ts'ieou, ou "Annales
du sieur Lu", qui est considéré comme l'oeuvre de Q ^ft JpT Lu
Pou-wei. On ne peut qu'être reconnaissant à M. W. de son zèle à
doter la sinologie allemande de traductions qui sont en général
correctes et, dans la mesure où un étranger peut se permettre une
appréciation en pareille matière, me semblent écrites en un alle-
mand excellent et en tout cas très clair. Mais par ailleurs je dois
bien ajouter que ces publications ne me paraissent pas établies de
manière à assurer le maximum de profit aux recherches, sinologi-
ques. Trop de problèmes importants sont passés entièrement sous
silence; ceux que M. "W. aborde ne sont qu'effleurés. Sans doute
M. AV. ne cherche pas à faire une oeuvre d'érudition minutieuse
qu'il ne pourrait mener à bien si vite, et il s'adresse à l'ensemble
du public allemand lettré plus encore peut-être qu'aux spécialistes.
Mais les uns comme les autres auraient profit, je crois, à une
présentation moins superficielle. Il ne peut s'agir, dans le présent
compte rendu, de tenter une étude d'ensemble sur le Lu-che
tcli'ouen-ts'ieou; je voudrais cependant, en partant de la traduction
de M. W., formuler quelques remarques sur l'auteur et
sur l'oeuvre.
W. a étudié successivement, dans son Introduction, la vie de
M.
Lu Pou-wei (pp. i—vi) et l'histoire de son oeuvre (pp. vi—xm).
La biographie est traduite du commentateur ^fÇ fp| Kao Teou x),

1) Malgré les guillemets, cette traduction n'est pas littérale.


BIBLIOGRAPHIE. 69

et M. "W. continue en disant que l'historien Sseu-raa Ts'ien donne


le même récit, mais en plus grand détail; n'aurait-il pas mieux
valu alors traduire Sseu-ma Ts'ien, qui écrivait vers 100 avant
notre ère, plutôt que le résumé de Kao Yeou, qui est de la seconde
moitié du IIe siècle après Jésus-Christ? A prendre Sseu-ma Ts'ien
au lieu de Kao Yeou, M. W. eût été amené en outre à reproduire
les dates mentionnées par l'historien, et c'eût été double profit: on
constate en effet avec surprise que M. "W. traduit la biographie de
Lu Pou-wei sans donner la moindre indication chronologique, ce
qui n'éclaire guère les lecteurs non spécialistes, et cette absence
de dates, comme on le verra bientôt, a fait aboutir M. W. lui-même
à certaines conclusions que je crois inadmissibles J).
Lu Pou-wei, riche marchand, fit à la capitale du prince de Tchao,
dans le Sud-Ouest du Tcheli, la connaissance d'un jeune prince de
Ts'in qui vivait alors là en otage et dont il sut exciter et seconder
les ambitions. Celui-ci, bien que cadet et né d'une concubine,
réussit en effet, de son lieu de quasi-exil, à se faire choisir
secrètement comme premier fils par son père le prince héritier
JSFgan-kouo de Ts'in qui n'avait pas d'enfant de sa première femme.
En 257 av. J.-C, le jeune prince put s'enfuir de la capitale de
Tchao avec Lu Pou-wei et rentra à Ts'in; en 251, son père
Wgan-kouo montait sur le trône de Ts'in et lui-même devenait
officiellement prince héritier, puis succédait à son tour à Ngan-kouo
.

dès 250; c'est le roi Tchouang-siang. En 247, le roi Tchouang-siang


mourait lui-même et avait pour successeur son fils,, âgé de 12 ans
vrais, et qui devait laisser dans l'histoire un nom fameux, Ts'in
Che-houang-ti.
La naissance du futur Ts'in Che-houang-ti est entourée de
quelque mystère. Le fait certain est que Lu Pou-wei, à la capitale

1) M. W.n'a pas de chance avec le calendrier; la feuille de titre de son ouvrage porte
J UN iing-mao avec une équivalence 1928; mais ting-mao est 1927.
70 BIBLIOGRAPHIE.

de Tcliao, avait une concubine qui plut au prince de Ts'm et que


Lu Pou-wei la lui céda; c'est là la mère de Ts'in Che-houang-ti.
Dans ses "annales principales" de Ts'in, Sseu-ma Ts'ien n'en dit
85, 2 a),
pas plus l)) mais, dans sa biographie de Lu Pou-wei (Che Ici.
il déclare expressément que la concubine était déjà enceinte du
futur Ts'in Che-houang-ti quand Lu Pou-wei la passa au prince
de Ts'in et qu'on le cacha à celui-ci; en ce cas, le créateur de
l'unité impériale chinoise ne serait pas de lignée royale. Je ne suis
pas très porté à admettre cette naissance irrégulière de Ts'in Che-
houang-ti. Les lettrés, qui avaient voué au fondateur de l'unité
impériale une haine d'ailleurs compréhensible, devaient très natu-
rellement accueillir et au besoin créer un bruit qui lui était dé-
favorable. Sseu-ma Ts'ien s'est fait ici leur écho, mais lui-même
paraît fournir inconsciemment un argument contre son récit. Il nous
dit en effet que la concubine de Lu Pou-wei cacha sa grossesse
et qu'elle accoucha au terme du jX* J|§ ta-Fi ; or les anciens
commentateurs sont d'accord pour admettre que ta-k'i signifie "une
année entière", et qu'ainsi la gestation de Ts'in Che-houang-ti au-
rait duré douze mois au lieu des dix mois habituels (comptés à la
chinoise). Si tel est bien le sens, comme nous n'avons pas la même
confiance dans ces grossesses d'une durée excessive, nous tro avérons
plus simple d'admettre que la concubine de Lu Pou-wei n'était pas
enceinte quand elle fut prise par le prince de Ts'in. Sans parler
des altérations graves que, sous les Song, Sseu-ma Kouang fit ici
subir au texte .de Sseu-ma Ts'ien pour le corser, on voit donc que
Sseu-ma Ts'ien lui-même a adopté ici une version évidemment
tendancieuse. Son texte même me paraît d'ailleurs offrir une autre
contradiction intrinsèque quand il représente d'abord la concubine

II, 100: "Lorsque le roi Tehouang-siang était un prince


1) Chavannes, Méni. hist.,
envoyé en otage dans [le pays de] Tchao, il vit la concubine de .Lu Pou-wei- elle lui
plut et il l'épousa; elle enfanta Cke-houang."
BIBLIOGRAPHIE. 71

de Lu Pou-wei comme une simple belle fille qui dansait très bien
(1ffi?BJiSJE$6^#îl^lh> oe vu les habitudes du
1ui>
temps, n'indique pas une origine bien élevée, mais déclare plus loin
qu'elle appartenait à une des grandes familles de l'état de Tchao
(ES W» ^ ~3K)- Enfin,
pour tout ce qui concerne l'origine de Lu
Pou-wei et son rôle jusqu'à l'avènement du roi Tchouang-siang,
les critiques chinois ont déjà signalé de nombreuses divergences
entre les indications du Tchan-houo ts'ô et celles de Sseu-ma Ts'ien;
une comparaison minutieuse de ces deux sources sera nécessaire
pour arriver à des conclusions qui, sans être certaines, soient du
moins probables l).
Lors de son avènement en 250, le roi Tchouang-siang combla
d'honneurs Lu Pou-wei, qui devint bientôt une sorte de premier
ministre quand le roi Tchouang-siang fut remplacé sur le trône par
un enfant de 12 ans en 247 2). Du vivant du roi Tchouang-siang,

1) M. W. n'a pas fait de remarque en traduisant le passage de Sseu-ma Ts'ien ou


plutôt son résumé par Kao Yeou, mais sa note 1 de la p. m montre que lui aussi
doute de la paternité de Lu Pou-wei. Cliavannes {Mém. Jiist., II, 100, n. 2) semble "bien
avoir alors oublié le passage du ch. 85 de Sseu-ma Ts'ien. Mayers (Chin. JLeader's Manztal,
n° 228) prête à Lu Pou-wei un calcul qui va contre les termes de l'historien chinois.
G-iles tantôt donne la paternité de Lu Pou-wei comme une tradition douteuse (Biogr.
Dict., n° 1455, où l'ordre des événements est interverti), tantôt comme un fait avéré
(n° 1712). Le travail européen le plus critique sur la biographie de Lu Pou-wei et le
mariage du roi Tchouang-siang est celui de Ch. Piton dans China Review, XIII, 365 —
374; ses opinions concordent en gros avec les miennes, mais il y a quelques erreurs et
les textes sont à serrer de plus près; cf. aussi A. Forke, Gesch. der alten chines. Philo-
sophie, Hambourg, 1927, gr. in-8, pp. 537-—540.
2) En dehors de son titre de ministre, Lu Pou-wei reçut du jeune prince le titre
de "-un -^V tchong-fou (Che M, 85, 2 b), que le commentateur Tchang Cheou-tsie
interprète par ^jt ^£ ts'eu-fou\ c'est donc à bon droit que M. W. le rend par "second
père". M. W. ajoute que ce titre avait été octroyé antérieurement à des fonctionnaires
particulièrement méritants, tels 'S'-jft) Kouan Tchong de Ts'i. L'exemple de Kouan
Tchong est en effet bien connu, et Tchang Cheou-tsie le rappelle ; mais M. W. eût dû
indiquer les autres exemples anciens qu'il a pu connaître. Tout le monde n'admet pas,
malgré Tchang Cheou-tsie, que le titre ait la même valeur dans le cas de Kouan Tchong
et dans celui de Lu Pou-wei. En ce qui concerne Kouan Tchong, tchong était son vrai
nom, et le Ts'eu yuan soutient que, pour lui, "Tchong-fou" est simplement une appel-
72 BIBLIOGRAPHIE.

peut-être seulement après mort, Lu Pou-wei avait renoué des


ou sa
relations intimes avec son ancienne concubine devenue reine mère.
Quand le jeune souverain parvint à l'adolescence, Lu Pou-wei,
inquiet de l'avenir, s'arrangea pour se substituer dans les faveurs
de la reine mère un sien client Lao Ngai qu'on fit passer pour
et de qui la reine mère eut secrètement deux enfants.
eunuque
La neuvième année de son règne, c'est-à-dire en 238 av. J.-C, le
futur Ts'in Cke-houang-ti, qui avait alors atteint 21 ans réels et
venait de prendre le bonnet viril1), fut mis au courant de toute

lation polie "Seigneur Tchong", de même qu'on a dit


|^ ^
"Chang-fou", "Seigneur
ChaDg", pour H ^fpf Lu Chang. A vrai dire, je ne crois pas que le Ts'eu yuan ait

raison, et le gS" ^rj" Chouo yuan raconte l'épisode d'une manière qui suppose que

HouandeTs'i ( ^V J°L 0^
ichong-fou ait été pour Kouan Tchong un véritable titre de parenté conféré par le duc
|g {41 ^C le Che /ci> ck 62> ne cite Pas le titre
;

de tclwng-fou dans sa biographie de Kouan Tchong; quant au passage du Chouo yuan,


il manque dans le Chouo yuan actuel et je l'emprunte au commentaire de Tchang
Cheou-tsie, Che Ici, 62, 2a; on trouve d'ailleurs le titre même de tchong-fou appliqué
à Kouan Tchong dans d'autres passages du Chouo yuan, éd. des "Cent philosophes",
XI, 2 a; XIII, a a). La lettre de Ts'in Che-houang-ti qui détermina le suicide de Lu
Pou-wei précise bien aussi l'emploi de Ichong-fou comme un titre conférant une parenté.
M. Forke (Gesch. cl. aiten chin. Philos., 538) s'est absolument trompé en pensant que
le ichong-fou de Lu Pou-wei était à interpréter par "Père Tchong", en souvenir de
Kouan Tchong, et cette traduction est à rejeter également pour le seul exemple que je
connaisse du titre de tchong-fou entre Kouan Tchong et Lu Pou-wei, à savoir son
attribution au ministre Hft hjjl Houei Che (cf. Lu-che tch'onen-ts'ieou, XYI1I, 6, assez
obscur d'ailleurs, et la traduction de M. W., p. 308, à préférer ici encore au "Vater
Tchung" que M. Forke indique aussi cette fois, loc. cit., p. 427). En somme ichong-fou,
qui signifie au propre "frère cadet du père", et tel est le sens que lui donne le vieux
jfe riSS Che ming, n'a été, comme titre, qu'une spécialisation adoptée par des princes
souverains en faveur de ministres plus âgés qu'eux d'une génération; c'est dans les
mêmes conditions que tchong-fou sera à nouveau, au début du IVe siècle de notre ère,
le titre de -IL* jB[ Wang
Tao, et ici encore la popularité de Kouan Tchong fera évo-
quer son souvenir (cf. Giles, Chin.-Engl. Bici. 2, 2876, et Bïogr. Dict., 2232). L'expres-
sion tchong-fou, bien attestée, est omise à tort dans le P'ei-wen yun-fou et dans son
Supplément.
1) "Le 4° mois, le souverain [alla] passer la nuit à Yong; au jour ki-yeou,
T£JÊ£

le roi prit le chapeau viril et ceignit l'épée. [Lao] Ngai, marquis de Tch'ang-sin, fo-
menta une rébellion" (Chavannes, Mém. MsL, II, 108). C'est quand on atteignait 20 ans
BIBLIOGRAPHIE. 73

l'intrigue; Lao Ngai se révolta ouvertement, mais fut vaincu et


mis à mort avec ses principaux partisans (sept.-oct. 238). Le mois
suivant (oct.-nov. 238)1), Ts'in Che-houang, qui avait voulu mettre
Lu Pou-wei à mort, se bornait à le relever de ses fonctions
ministérielles 2) et à l'envoyer résider dans ses domaines du Honan.
Au bout de "plus d'un an", donc en principe vers le début de
236 avant J.-C, le roi de Ts'in, inquiet de la clientèle que Lu
Pou-wei avait conservée au Honan, lui enjoignit par lettre d'aller

à la chinoise (19 ans pour nous) qu'on prenait le chapeau viril, et naturellement on
n'avait pas tendance, en principe, à reculer cette date pour un prince déjà régnant. Or,
Ts'in Che-houang-ti, né en 259, avait en 238 vingt-deux ans à la chinoise (c'est aussi
ce que dit Chavannes; ce doit être par une faute de texte que le commentaire de
Tchang Oheou-tsie parle de 21 ans); le rôle qu'il devait jouer par la suite ne suppose
pas par ailleurs une nature timide ou arriérée. Il me semble donc probable que Ts'in
Che-houang-ti n'ait pas attendu la dénonciation de 238 pour savoir plus ou moins ce
qui se passait à sa Cour; mais sa mère et l'entourage de sa mère le maintenaient sinon
en chartre privée, du moins dans une minorité dont il ne put s'émanciper sans peine;
son départ pour Yong dut être une sorte de coup d'état, et Lao Ngai y répondit par
une révolte ouverte.
1) Lao Ngai fut exécuté le 9e mois de la 9e année (filie ki, 85, 3 a), et Lu Pou-wei
fut remercié le 10e mois de la 10e année; il semblerait donc à première vue que plus
d'un an se fût écoulé entre les deux événements; mais, à cette période des Ts'in, l'année
civile commençait au 10e mois astronomique; le 9e mois (astronomique) est donc en
principe le dernier mois de la 9e année, et le 10e mois (astronomique) de la 10e année
vient immédiatement après lui. Ce système n'a pas été d'ailleurs sans causer chez les
historiens des malentendus et des erreurs, et je ne suis pas sûr que les Annalesprincipales
des Ts'in et celles de Ts'in Che-houang-ti ne soient pas parfois fautives de ce chef.
Pour des difficultés, cf. en tout cas Chavannes, Mém. Idst., II, 92, n. 3; 93, n. 1;
ajouter qu'à la p. 103, le dixième mois est mentionné après le troisième, au lieu que,
d'après le système, il devrait commencer l'année; ici encore, comme dans d'autres cas
relevés dans les notes précitées de Chavannes, il semble qu'il s'agisse du dixième mois
qui inaugurait l'année civile suivante (c'est ce que suggèrent les caractères cycliques
cités pour un jour de ce mois); par contre, dans notre texte du eh. 85, le 10e mois
de la 10e année doit bien être le mois par lequel cette année débute, comme c'est le cas
dans Chavannes, Mém. hist., II, 91, pour le premier fait relaté sous l'année 259 av. J.-C.
2) Chavannes, Mém. hist., II, 112, a traduit par "donner sa démission", mais le mot
~§p mien
a les deux sens sous les Han, et la construction du ch. 85, Sa (+ 4Ë
yf© lïil JC* -5L )> aussi kien que les circonstances, sont en faveur
~T /J 7r
d'une sorte de révocation.
74 BIBLIOGRAPHIE.

s'établir au Sseu-tch'ouan avec les siens. Lu Pou-wei vit là le pré-


lude d'une condamnation à mort prochaine et s'empoisonna; les
Annales 'principales du Che ki placent sa mort et ses funérailles
au début de la 12e année de Ts'in Che-houang-ti, c'est-à-dire à
une époque qui va d'octobre 236 jusque dans les premiers mois
de 235 1).

Lu Pou-wei n'était pas un lettré, mais il savait soigner sa


popularité et, conscient des services que pouvaient rendre des
discoureurs et écrivains habiles, il en entretenait autour de lui un
grand nombre; il leur fit mettre en ordre ce qu'ils avaient entendu
dire ou disaient eux-mêmes, et c'est là l'oeuvre qui nous est par-
venue sous le titre de Lu-che tch'onen-ts'ieou ou Annales du sieur
Lu' 2). De nos jours, comme sous les Han, elle est répartie en 26
chapitres et comprend trois grandes divisions: les 12 ki ou ^
"régulateurs" 3), les 8 ^
lan ou "considérations", et les 6 f^ louen
ou "dissertations"; chacun des 12 ki est en 5 sections (= 60 sections),
chacun des 8 lan en 8 sections (- 64 sections)4), chacun des 6 louen
en 6 sections (= 36 sections), soit un total de 160 sections; tous ces
nombres ont une valeur rituelle.
A quel moment l'ouvrage a-t-il été rédigé et l'ordre actuel en
est-il l'ordre primitif? M. "W. a proposé pour ces deux questions
des solutions qu'il me paraît assez difficile d'accepter.

1) Si on peut hésiter entre la fin de 236 et le début de 235, il faut décidément


renoncer à la date de 237 que donnait Mayers, n° 465, et qu'on retrouve encore dans
Legge, Lî Kî, I, 20, et dans Couvreur, Li ki2,1, 330. De l'attitude de Ts'in Che-houang-ti
envers Lu Pou-wei, on ne peut rien conclure ni pour ni contre la paternité de celui-ci.
2) Ce n'est naturellement pas un commentaire sur le Tch'ouen-ts'ieou de Confucius,
et il ne vaudrait pas de le dire si cette erreur singulière ne se rencontrait dans Couvreur
Li M 2, I, 344.
3) Je reviendrai sur ce terme plus loin.
4) Dès les Song, ou même plus tôt, une des sections du premier lan s'est perdue
au moins partiellement, et ce qui en reste a été arbitrairement soudé à la postface qui
termine les 12 Ici; cette postface à son tour est hors nombre par rapport aux 60 sections
des 12 Ici.
BIBLIOGRAPHIE. 75

Les douze là se terminent par un J^5 ^


siu-yi, sorte de post-
face, qui débute ainsi: "La huitième *) année de Ts'in, [la planète]
année étant en y^' |||
t'ouen-t'an 2), en automne, le premier jour
[du mois] étant kia-tseu, ce premier jour un homme de bonne
compagnie s'informa des douze là. Le marquis de Wen-sin 3) ^^
dit: "J'ai étudié l'enseignement que ïïouang-ti a donné à Tchouan-
hiu: En haut, il y a un grand disque4), en bas il y a un grand
carré. ..."
Tous les commentateurs disent que, par "huitième année de Ts'in",
il faut entendre "huitième année de Ts'in Che-houang-ti", et c'est
évidemment la seule solution admissible, encore que la rédaction
soit surprenante 5). Mais ceci ne tire pas d'embarras. M. W. (p. 490)
s'est borné à dire que les commentateurs (chinois) ne sont pas au
clair s'il faut lire l'indication cyclique d'année comme équivalant
à heng-chen ou à sin-yeou, et n'a indiqué aucune correspondance
en chronologie européenne pour l'une ou l'autre de ces années.
Mais un premier point est certain: t'ouen-t'an est toujours et par
définition l'équivalent de ^
clien\ l'indication paraîtrait donc viser
keng-chen^ et keng-chen répond en principe à 241 av. J.-C. (en style

1) M. W., qui a bien traduit par "im achten Jahr" p. 154, a écrit par inadvertance
"in das zehnte Jahr" dans sa discussion de la p. x.
2) M. W. (p. 154) écrit "gun-ttm", soit pour nous Hun-fan; je ne crois pas que
cette lecture existe.
3) Lu Pou-wei avait été nommé "marquis de Wen-sin" la lre année du roi Tchouang-
siang, c'est-à-dire en 250 av. J.-C. (Che ki, 85, 2 b). Au lieu de "Le marquis de Wen-sin
dit", M. W. traduit "Je dis", en ajoutant en note que Lu Pou-wei se désigne ici lui-même
par son titre nobiliaire; M. Forke (Gesch. d. alten cliin. Philos., 5 39) a compris de même,
et. a admis en outre que le Eî yl leang-jen, 1'"homme de bonne compagnie", n'était
autre que le "pupille" de Lu Pou-wei, c'est-à-dire Ts'in Che-houang-ti (qui avait alors
20 ans; M. Forke aurait-il compris au sens de "prince" le ~S~ -¥* kiun-iseu par lequel
Kao Yeou glose leang-jen?). Tout ceci me paraît peu vraisemblable, et il est clair, à mon
sens, qui c'est un autre qui parle de Lu Pou-wei en le désignant par son titre.
4) M. W. traduit (p. 154): "Es gibt einen grossen Konig in der Hôhe", mais "Kônig"
doit être une faute d'impression pour "Ring".
5) Il me semble qu'on attendrait au moins un mot comme 3E toang, "roi", après Ts'in.
76 BIBLIOGRAPHIE.

historique); seulement 241 av. J.-C. est la sixièmo année de Ts'in


Che-houang-ti et non la huitième. On pourrait évidemment songer
à corriger /\
/pa1 "huitième", en -^ lieou, "sixième", mais le com-
mentaire de Kao Yeou, qui est de la seconde moitié du IIe siècle
de notre ère, a aussi "huitième", et il faudrait alors admettre
qu'une altération dans le texte a amené de bonne heure une
altération correspondante du commentaire par l'intervention d'un
"copiste intelligent". Le mieux paraît être de garder le texte, qui
a déjà fait couler beaucoup d'encre même parmi les sinologues
européens. On connaît quelques exemples plus anciens, mais pure-
ment astrologiques et exprimés avec le cycle des lieux sidéraux
de Jupiter, où il faut abaisser de deux ans l'indication cyclique
apparente pour avoir la date réelle; nous admettrons provisoirement
que nous avons ici un exemple unique d'un emploi identique de la
série à laquelle appartient Vouen-Van et qui ne se rencontre en-
suite qu'en cycle stabilisé et avec sa valeur normale1). L'année
visée est donc 239 av. J.-C, qui n'est ni keng-chen. ni sin-i/eou,
mais jen-sïu. Ceci semble confirmé en outre par l'indication du jour:
la mention de l'automne, sans autre précision, doit se rapporter au
début de l'automne ; or, d'après la Concordance du P. Hoang, le
premier jour du premier mois d'automne de 239 av. J.-C. aurait

1) Cf. Chavannes, Mém. hist., III, 659 — 660; de Saussure, dans T'oicng Tao, 1908,
456; 1914, 678 — 684. Dans l'édition de Pi Yuan (que M. W. paraît avoir eue entre
les mains), il est fait e'tat des calculs de ^gë i)M Ts'ien T'ang (1735—1790), qui, au

nom du système ^Q fp^ tcK ao-tch'en ou jjvjk Jfe


i'iao-ich'en, voulait que la mention
de t'ouen-fan fût une erreur d'un an due au rédacteur du Lu-che tch'ouen-ts'ieov., et
prétendait aussi expliquer par le même système tch'ao-tch1en la divergence constante d'un
an dans les notations d'années cycliques chez Pan Kou (cf. à ce sujet Chavannes, dans JA,
1890, 498, et de Saussure, dans T'oung Pao, 1908, 471—475). Je ne retrouve nichez
Chavannes ni chez de Saussure une discussion de ce système tch'ao-tch'en tel qu'il est
exposé dans le Che-san king tchou chou, sous-commentaire du Tcheou li, eh. 26, art. du
^»| TÊÎ .Pt p'ing-siang-che (cf. toutefois Chavannes, Mém. hist., III, 653, qui cite
un
autre commentaire du même passage du Tcheou li).
BIBLIOGRAPHIE. 77

bien été un jour kia-tseu, premier du cycle, comme le veut le texte


du Lu-che tcli? ouen-tsHeou. Mais reste à savoir si l'indication de la
Concordance, à travers les tables de Wang Yue-tcheng, ne provient
pas en dernière analyse du texte même qui nous occupe ici. En
tout cas, le P. Iioang donne, comme équivalent occidental de ce
jour kia-tseu, le août 239 av. J.-C, style historique grégorien.
7

On sait que les dates grégoriennes du P. Hoang antérieures à l'ère


chrétienne doivent être abaissées de deux jours a), ce qui donnerait
ici le 9 août 239; mais, sauf erreur de ma part, c'est le 16 août
239 historique julien, donc le 12 août 239 av. J.-C, style histori-
que grégorien, qui a été un jour Ma-tseu] je n'ai pas poussé la
recherche au-delà.
Ainsi les douze chapitres de "régulateurs" seraient de 239 av.
J.-C, c'est-à-dire d'une époque où Lu Pou-wei était tout puissant
à la cour de Ts'in. Quant aux "considérations", M. "W. a invoqué
ce passage de l'autobiographie de Sseu-ma Ts'ien2): j^i ^|| ^ -^
jffi -||˧ ^
"[Ln] Pou-wei fut banni au Chou (= Sseu-tch'ouan),
et le monde transmit les Considérations de Lu [Pou-ivei]", d'après
M. W. (p. x), Sseu-ma Ts'ien indique ici clairement que Lu Pou-
wei n'a composé ses Considérations qu'après son exil au Sseu-tch'ouan,
et on ne peut d'autre part admettre, ajoute M. W., qu'il y ait là
une erreur de l'historien. Il est de fait que Sseu-ma Ts'ien, vou-
lant expliquer pourquoi il continue son oeuvre d'historien après une
condamnation infamante, cite des exemples anciens d'écrivains que
le malheur non seulement n'a pas arrêtés mais a même plutôt in-
spirés, et parmi eux fait état des Considérations de Lu Pou-wei.
Mais le témoignage est-il aussi décisif que l'admet M. W.? Remar-
quons d'abord que des critiques chinois, tels que yf ^b Fang ^
Hiao-jou (1357—1402), moins conservateurs que M. W., n'ont pas

1) Cf. Toung Pao, 1929, 149.


2) Che 7ci, 130, 5£; tout le passage se retrouve dans Ts'ien San chou, 62, 9 a.
78 BIBLIOGRAPHIE.

hésité à dire que Sseu-ma Ts'ien s'est trompé 1). Un autre lettré
connu, 5f ^f jjjj Ts'i Chao-nan (1703—1768), a fait remarquer s)

qu'immédiatement après le passage relatif à Lu Pou-wei, Sseu-ma


Ts'ien ajoute dans une phrase parallèle: "Han Fei fut emprisonné
par les ïs'in, et [il y eut] le fjj |J
Chouo nan et le gfr 'fff Zbw
/W; ce sont là en effet deux sections de l'oeuvre philosophique
de Han Fei, le Han Fei-tseu, mais il est hors de question qu'elles
aient pu être composées dans le bref intervalle qui s'écoula entre
l'emprisonnement de Han Fei et son suicide forcé. Sseu-ma Ts'ien
lui-même, dans sa biographie de Han Fei, donne d'ailleurs ces
chapitres comme rédigés quand Han Fei se trouvait encore dans
son état natal de Han; bien plus, il indique expressément le chapitre
Kou fen comme un de ceux qui avaient en un temps fait souhaiter
à Ts'in Che-houang-ti de pouvoir attirer Han Fei près de lui s).
Ts'i Chao-nan en conclut que Sseu-ma Ts'ien (dût sa rédaction
nous paraître un peu lâche) procède par analogie et cite des
écrivains qui ont écrit après avoir passé par le malheur à côté
d'autres dont les malheurs subséquents n'ont pas fait supprimer
les écrits.
Telle est en effet la conclusion à laquelle il faut s'arrêter si
on veut sauver le texte de l'autobiographie de Sseu-ma Ts'ien4),

1) Voir l'argumentation de Fang Hiao-jou reproduite dans l'appendice {fou-fc'ao) de


l'édition de Pi Yuan insérée au King-hiun-l'ang ts'ong-chou.
2) Cf. la note de Ts'i Chao-nan placée à la fin du ch. 62 du Ts'ien San chou
dans l'édition de K'ien-long et celles qui la suivent.
3) Cf. Che ki, 63, 3 a et 5 a.
4) Je ne suis pas sûr que cette autobiographie, ou plutôt cette postface au Che ki,
ait la valeur absolue qu'on a accoutumé de lui accorder. L'étude des sections de l'oeuvre
de Sseu-ma Ts'ien qui étaient perdues dès les Han occidentaux montre qu'un passage
important de cette postface a été au moins remanié. Ici même, parmi ces auteurs mal-
heureux qu'il invoque à titre de précédents, Sseu-ma Ts'ien nomme " /^ fÇ- Tso-k'ieou
J^
qui a perdu la vue ( Iffij ming)" et " -5^- Souen-tseu qui
a eu les pieds coupés (
f^M-pi?!.)";

or on sait que ces personnages s'appelaient Tso-k'ieou Ming et Souen Pin. Il y a quelque
artifice littéraire assez peu digne d'un écrivain sérieux à faire état de traditions qui de
BIBLIOGRAPHIE. 79

car il n'est pas douteux, contrairement à ce qu'a pensé M. W.,


que les Considérations, tout comme le reste de l'ouvrage de Lu
Pou-wei, ne soient antérieures à l'ordre d'exil au Sseu-tch'ouan.
Au temps seulement de sa puissance à la Cour de Ts'in Lu Pou-
wei avait autour de lui ces milliers de clients parmi lesquels sont,
selon. Sseu-ma Ts'ien lui-même, les auteurs véritables du Lu-che
tch'ouen-ts'ieou. C'est à cette époque de la vie de Lu Pou-wei que
Sseu-ma Ts'ien, dans sa biographie du personnage (Che ki, 85, 2 b),
attribue, la composition de l'ouvrage complet et qu'il en énumère
toutes les parties, les "Considérations" tout aussi bien que les
"Discussions" ou les "Régulateurs". Bien plus, Sseu-ma Ts'ien cite
à propos de l'ouvrage complet l'anecdote célèbre qui veut que Lu
Pou-wei ait fait placer le Lu-che tch'ouen-ts'ieou à la porte du
marché de Hien-yang, la capitale des Ts'in, et suspendre au-dessus
une grosse somme d'or 1) promise à quiconque trouverait un seul
mot à changer dans le texte; naturellement personne ne se présenta,
car. Lu Pou-wei était puissant. Au contraire, tout le récit de
Sseu-ma Ts'ien devient incohérent si on place une partie de la
rédaction après la disgrâce de Lu Pou-wei. J'ajouterai même que
je ne crois pas que Lu Pou-wei soit jamais allé au Sseu-tch'ouan.
Le texte même de sa biographie suggère qu'il se soit empoisonné
au Honan quand il eut reçu l'ordre de se rendre au Sseu-tch'ouan,
et c'est bien ainsi qu'a compris Fang Hiao-jou. Une circonstance
accessoire me fortifie dans cette opinion. Même après son envoi en

toute évidence sont si étroitement apparentées au nom même des individus qu'elles de-
viennent sus2)eetes en quelque manière. Mais la question des remaniements que le Che M
a subis est trop complexe pour être abordée de biais et en passant.
1) -^f-» .&& ts'ienrkin; la valeur de l'expression a changé au cours des siècles, et
je ne suis pas convaincu que les "mille livres d'or" souvent adoptées soient correctes;
"mille pièces d'or" se justifie encore moins dans un pays qui, pratiquement, n'a jamais
monnayé l'or; les "tausend Pfund Xreld" de M. W. (p. m) sont par contre bien vagues
(si du moins "Geld" n'est pas une faute d'impression pour "Gold").
80 BIBLIOGRAPHIE.

disgrâce au ïïonan, Lu Pou-wei, comme Sseu-ma Ts'ien l'atteste,


avait conservé un certain nombre de partisans. Quand il mourut,
cette clientèle lui fit immédiatement et furtivement des funérailles
rituelles, et qui indisposèrent assez Ts'in Che-houang-ti pour lui
faire prendre contre ceux qui y participèrent des mesures que les
"annales principales" des Ts'in ont enregistrées r). Or une tradition
•constante, attestée au moins dès la première moitié du IIIe siècle
de notre ère, veut que ces funérailles aient eu lieu au Honan et
que la tombe de Lu Pou-wei ait été située sur ce mont Pei-mang
près de Lo-yang qui est la grande nécropole de la "capitale orientale"
dès avant les Plan et jusqu'aux T'ang 2). Ces funérailles rituelles,
faites furtivement pour un homme disgracié, avec un grand concours
de clientèle, s'accorderaient mal avec l'hypothèse de la mort au
Sseu-tch'ouan suivie d'un retour du corps au Honan. Les termes
de l'autobiographie de Sseu-ma Ts'ien ne s'opposent d'ailleurs pas
absolument à la solution que j'adopte; quand l'historien dit que
Lu Pou-wei fut exilé au Sseu-tch'ouan, il dit vrai puisque l'ordre
-en parvint réellement à Lu Pou-wei, mais celui-ci a préféré la mort
immédiate à un lointain exil qui ne l'eût pas sauvé. ±STous admet-
trons donc en définitive que, si la postface qui termine le ch. 12
-est bien authentique, malgré ses bizarreries et ses mutilations, le
Lu-cJie tcVouen-ts'ieou entier a été achevé en 239 avant J.-C, un
an avant la chute de celui dont il porte le nom s).
1) Cf. Chavannes, Mém. hist., II, 116.
Les mesures répressives distinguent entre
les gens de Ts'in et ceux de Tsin. Chavannes dit en note que ces gens de Tsin sont
-ceux qui avaient accompagné Lu Pou-wei quand il était venu de son pavs natal de Tehao,
l'un des trois états formés du démembrement l'ancien Tsin. Il y a là une petite erreur.
Xu Pou-wei faisait son commerce à Iiau-tan, capitale du Tchao, mais lui-même était
originaire soit de Wei, soit de Han, c'est-à-dire de l'un des deux autres états nés des
ruines du Tsin; par suite les gens de Tsin peuvent être aussi bien des compatriotes
appartenant à Wei ou à Han que des compagnons amenés de Han-tan.
2) Cf. Che Ici, 6, 3 b- S5, 3 b.
3) M. Duyvendak, dans son excellent livre The book of Lord Shavg (Londres, Probsthain
1928, p. 10) date le Lu-che tcJicmen-ts'ieou de 238 av. J.-C. Si c'est sur l'idée d'un
BIBLIOGRAPHIE. 81

La question de l'ordre ancien de l'ouvrage est plus difficile à


résoudre que celle de la date. L'ordre actuel est "Régulateurs",
"Considérations'.', "Dissertations", mais la postface est à la fin des
"Régulateurs", au lieu qu'on l'attendrait à la fin de l'ouvrage.
D'autre part, Sseu-ma Ts'ien donne à deux reprises (85, 26, et 14, 16)
l'ordre "Considérations", "Dissertations", "Régulateurs" *), ce qui
semblerait indiquer que les "Régulateurs" terminaient primitivement
l'ouvrage, et ainsi se justifierait que la postface fût placée après eux,
en fin d'ouvrage 2). J'ajouterai qu'en apparence ceci pourrait expli-
quer aussi que Sseu-ma Ts'ien, dans sa postface-autobiographie,
parlât du Lu-che tcli'ouen-ts'ieou sous le titre de Lu lan, "Consi-
dérations de Lu", puisque les "Considérations" seraient alors la
section initiale. M. W. adopte finalement l'hypothèse suivante: Lu
Pou-wei fit d'abord paraître les "Régulateurs" au temps de sa
puissance, et leur donna le titre d'Annales du sieur Lu ; la post-
face actuelle les terminait; plus tard, en exil, il leur préfixa les
"Considérations" et les "Dissertations", sans que le titre général
fût changé.
Ici encore je ne pense pas que les arguments invoqués soient
décisifs, mais je n'ai pas non plus de preuves bien fortes à offrir
dans l'autre sens. L'ordre actuel est sinon primitif, du moins fort
ancien, car il est attesté non seulement par Ma Tsong pour l'épo-
que des T'ang 3), mais par la préface de Kao Yeou pour le IIe siècle

achèvement au Sseu-teh'ouan, la date est trop haute; si c'est, comme je le suppose,


d'après la postface qui termine le ch. 12, elle est trop basse d'un an.
1) M. W. (p. xi) dit que ce même ordre se retrouve, en dehors de Sseu-ma Ts'ien,
.
dans les "Han-Urkunden", ce pjar quoi il semble désigner le Ts'ien Han chou; mais je
ne crois pas que le Ts'ien San chozi énumère nulle part les sections du Lu-che icKouen-is'ieou.
2) A vrai dire M. W., qui fait état de cette position de la préface aux pages x—xi
et l'y estime surprenante si l'ordre actuel, est primitif, dit à la p. 490 que "la postface
de l'ouvrage entier est placée à la fin de la. première partie, conformément à l'usage
chinois" (c'est moi qui souligne), et les deux opinions sont contradictoires; M. W. avait
vraisemblablement rédigé les notes, du texte avant d'écrire son introduction.
3) Cf. le passage de son Ti lin reproduit dans lefou-k'ao de l'édition de Pi Yuan, 2 a.
6
82 BIBLIOGRAPHIE.

de notre ère. Quant au reste, on a vu que je ne croyais pas aux


raisons invoquées pour placer une partie de la rédaction du Lu-che
tch'ouen-ts'ieou au cours d'un exil au Sseu-tch'ouan qui, à mon sens,
ne fut jamais accompli. Dès le début, et ici j'en suis d'accord avec
M. W., les "Régulateurs" ont existé, puisque c'est à eux sûrement

que l'ouvrage doit son titre d'Annales du sieur Lu, déjà donné par
Sseu-ma Ts'ien, et, si la postface a quelque valeur, ces Régulateurs
sont de 239 avant notre ère; mais dès l'année suivante Lu Pou-wei
était tombé, et je ne vois pas que l'oeuvre ait pu paraître en deux
fois. Dans ces conditions, et malgré l'ordre dans lequel Sseu-ma Ts'ien
énumère les sections, j'incline à penser que, dès l'origine, l'ordre
était le même qu'au temps de Kao Teou et de nos jours.
Que sont ces douze ^
ki, ou "Régulateurs", qui, à mon avis,
ont toujours ouvert l'ouvrage et lui ont valu son titre? M. "W. les
appelle des "Aufzeichnungen", à quoi je préférerais l'équivalence
"Regeln" de M. Forke {Gesch. cl. alten chines. Phil., 539): ce sont
des détails calendériques sur les douze mois considérés comme
norme et marque-temps, ou du moins c'est là le sujet du premier
paragraphe de chacun des douze chapitres, à un mois par chapitre.
Ces premiers paragraphes de chacun des douze chapitres ont eu,

au moins en apparence, une fortune singulière, puisqu'on considère


généralement que c'est du Lu-che tch'ouen-ts'ieou qu'ils ont été
extraits sous les seconds Han pour constituer le chapitre M ^
Yue ling, ou "Règles des mois", du Li ki1); on dit même encore

1) Cf. Couvreur, Li ki 2, I, 330—410; Legge, Li Kî, I, 20—21, 249 310. Ce



chapitre est aussi naturellement dans la traduction plus ancienne de Callery; il
a été
traduit en outre par Grube dans le TLeligionsgeschichlliches Lesebuch de Bertholef, Tû-
biDgen, 1911; il y a des divergences assez sérieuses entre Legge, Couvreur et "Wilhelm.
Legge (I, 7) et Couvreur (I, xvn) ont admis (et M. Forke les
a encore suivis récem-
ment pour ,1e Yue ling, dans sa Gesch. d. alten chines. Phil., 515) que trois chapitres
du Li ki, dont le Yue ling, n'ont été incorporés à ce rituel que par Ma Jong (79 —166);
c'est là une information qui provient du Souei chou (32, 9 r°), mais les commissaires
de K'ien-long ont montré dans leur notice du Li Ici (Sseu-lc'ou..., 21, 2 r°)
que le Souei
BIBLIOGRAPHIE. 83

souvent, bien, qu'à tort, que la liste complète des 28 mansions lu-
naires se trouve pour la première fois en Chine dans ces paragraphes
du Lu-che tch'ouen-ts'ieou ]). Il est clair en effet que les premiers
paragraphes de chacun des douze chapitres des "Régulateurs" et le
Yue ling sont copiés l'un de l'autre, à moins qu'ils ne soient
tous deux copiés d'une troisième source. Or cette troisième source
a dû exister, bien qu'elle ne remonte pas au temps du "duc de
Tcheou" comme M. "W. paraît presque incliner à l'admettre (p. vu),
mais à la fin de la dynastie Tcheou: c'est le jj|j Tcheou chou, ^
ou ^MS Yi Tcheou chou. Tcheng Hiuan (127—200) disait
que le Yue ling du Li ki était pris au Lu-che tch'ouen-ts'ieou, mais
Ts'ai Tong (133—192) soutenait qu'en réalité cette partie du
Lu-che tcli'ouen-ts'ieou et le Yue ling du Li ki étaient tous deux
•empruntés au ch. 53 du [Yi] Tcheou chou, précisément intitulé
Yue ling2). Le Yi Tcheou chou est un recueil de morceaux de
dates diverses, mais qui remontent dans leur ensemble au temps
des Tcheou; Sseu-ma Ts'ien l'a connu; malheureusement, si la
table en énumère bien encore aujourd'hui 71 chapitres comme au
temps de Ts'ai Yong, le texte en est aujourd'hui très incomplet
et altéré; en particulier onze chapitres sont perdus au moins depuis
le milieu du XIVe siècle et probablement dès l'an 600 environ,
et parmi eux le Yue ling 3). Mais il ne me paraît nullement in-

chou fait bien probablement erreur et que le Yv.e ling devait faire partie de la collection
de traités qui a formé le Li Jci, à savoir le recueil dit du "petit Tai", au moins dès le
temps de- Lieou Hiang (1"' siècle av. J.-C). Tcheng Hiuan parle d'ailleurs de l'incorpo-
ration du Yue ling au Li ki en des termes qui excluent que cette incorporation soifc due
à Ma Jong, dont il était le disciple préféré. En réalité, i'histoire du Li ki n'a été faite
sérieusement jusqu'ici par aucun de ses traducteurs.
1) C'est encore ce qui est dit dans l'édition posthume des notes du P. Havret,
Mélanges sur la chronol. chinoise (Yar. Sinol. n° 52), Changhai, 1920, p. 26. Pour des
mentions des mansions lunaires avant Lu Pou-wei, cf. de Saussure, dans T'oung Pao,
1922, 283—284, et H. Maspero, ibid., 1929, 277—284.
2) Pour les textes de Tcheng Hiuan et de Ts'ai Yong, cf. le fou-lcao de l'édition
de Pi Yuan, 1 a.
3) Cf. la notice du Sseu Je ou..., 50, \l—4 a.
84 BIBLIOGRAPHIE.

vraisemblable que Ts'ai Yong ait raison et que le Yue ling perdu
du [Yi] Tcheou chou soit l'original des textes correspondants du
Lu-che tch-ouen-tsieou et du Yue ling du Li M 1). Par ailleurs c'est

1) Le ch. Yue ling du Yi Tcheou chou existait sûrement au IIe siècle de notre ère,
commentaire àuLovengu
car il est expressément cité par Ma Jong (79—166) dans son
(cf. Sseu Fou..., 50, 2 b). Ts'ai Yong connaissait bien la question du Yue ling, et lui-
même avait écrit un H & j|p -p}J Yue-liug Ichang-kiu, ou Commentaire du Yue-livg,

en 12 cli. (cf. Souei chou, 32, 7 b), dont de longs passages sont cités dans la première
moitié du VIe siècle par ^fl JKfj Lieou Tchao dans les notes des chapitres qu'il a ajoutés

au Heou Han chou, en particulier dans celles des chapitres sur le calendrier; on admet
qu'il s'agit d'un commentaire du Yue ling du Li Ai, mais il pouvait aussi bien s'agir
de celui du Yi Tcheou chou. Les raisons pour lesquelles Tcheng Hiuan soutenait que le
Yue ling était l'oeuvre de Lu Pou-wei sont rappelées par K'ong Ying-ta (574—648) au
début de son sous-commentaire sur ce chapitre du Li Ici. Les deux principales sont
l'identité entre le Yue ling et le premier paragraphe de chacun des douze "Régulateurs"
de Lu Pou-wei, et le fait que le Yue ling suppose des institutions des Ts'in et non des
Tcheou, en particulier quand il place le commencement de l'année au dixième mois.
L'identité des textes ne prouverait rien si tous deux étaient pris à une même source.
A la seconde raison, K'ong Ying-ta lui-même répond que Lu Pou-wei est mort quinze ans
(quatorze pour nous) avant que Ts'in Che-houang-ti n'eût conquis tout l'empire (221 av. J.-C.)
et ce n'est qu'après cette conquête que Ts'in Che-houang-ti imposa le début de l'année
au dixième mois. Je ne suis pas sûr que cette réponse de K'ong Ying-ta ait grande valeur,
car les Annales principales des Ts'in supposent le commencement de l'année au dixième
mois bien avant 221, et les chronologistes l'adoptent à partir de 255 avant J.-C. (cf.
la Concordance du P. Hoang). Tcheng Hiuan tenait surtout pour l'attribution à Lu Pou-
wei parce que l'autre école, celle de Ts'ai Yong, voulait que l'auteur fût le duc de
Tcheou, qu'on plaçait alors au XIIe siècle avant notre ère. Ceci revient à dire que
l'autre école voyait dans le lue ling un chapitre du Yi tcheou chou attribué au duc de
Tcheou; mais le Yi Tcheou chou ne remonte pas si haut; ce n'est pas une oeuvre uni-
forme, et les opuscules qui le composent sont des derniers siècles des Tcheou; son Yue
ling, même s'il est la source de Lu Pou-wei, pouvait très bien n'être que de la première
moitié du IIIe siècle avant notre ère et avoir subi l'empreinte de la puissance croissante
des Ts'in (certains commentateurs, comme Lou Wen-tch'ao, nient d'ailleurs que le texte
du Lu-che tch'ouen-ts ieou ou du Yue ling impose ce commencement de l'année au
dixième mois). Par une note de Lou To-ming (circa 600 A.D.) iosérée en tête des
commentaires du Yue ling, nous savons que l'attribution du Yue ling au duc de Tcheou,
donc au Yi Tcheou chou, fut encore soutenue, après Ts'ai Yong, par YYane Sou (195 256)
grand lettré, encore que grand faussaire, et auteur d'un commentaire du Li hi, en 30 ch.
qui existait encore sous les Souei (Souei chou, 32, 7 b), mais est perdu; selon toute
vraisemblance, Wang Sou avait encore accès au Yue ling du Yi Tcheou chou. Mais déjà,
clans la première moitié du VIIe siècle, K'ong Ying-ta, en discutant l'opinion de Tchen"
Hiuan, écrit: "Le [Yï] Tcheou chou avait antérieurement un Yue Une/; comment peut-on
BIBLIOGRAPHIE. 85

encore le même texte qui, avec quelques changements, est à la base


du ch. 5 du Houai-nan-tseu, intitulé B^p JflJ Che-tso, "Règles des
saisons" 1).
Mais tout ceci a une répercussion sur l'opinion que M. W. s'est
faite quant à la transmission du Lu-che tcli'ouen-ts'ieou. M. W., en
général très porté à défendre la valeur de la tradition chinoise,
admet ici que le Lu-che tcïïouen-ts'ieou a subi des remaniements
assez importants sous les Han, -car la place du soleil dans les
mansions lunaires se rapporte "à une époque postérieure au début
de l'ère chrétienne"; telle est en effet la conclusion à laquelle est
arrivé l'astronome W. Hartner, qui a étudié les données astrono-
miques de l'ouvrage à la demande de M. W. Je ne suis pas astro-
nome, mais j'avoue garder des doutes sur les conclusions de M.
Hartner. Au nom de l'astronomie, on nous a bien souvent présenté
comme certaines, pour l'antiquité chinoise, des dates historiquement
inadmissibles, et ce n'est pas la faute de l'astronomie en soi, mais
de l'application qu'on en fait à des données chinoises insuffisantes
en elles-mêmes ou insuffisamment comprises. M. Hartner (pp. 507—
509), qui renvoie pour les 28 mansions au Handbook de Doolittle
(1872) et subsidiairement aux notes du P. Havret (f 1901)2), n'a

dire que [le Tue ling] est l'oeuvre de [Lu] Pou-wei ?" ( RH i=fi> Jr~ /O H -^J*
itjf *|ï: -77- X~\ BL pjT ^W ) ; et j'entends par là non pas que, selon K'ong Ying-ta,
le Ti Tclieou chou avait un Tue ling "antérieurement" à Lu Pou-wei (quoique cela soit
impliqué), mais que le Ti Tcheoic chou contenant "antérieurement" un Tue ling déjà
perdu au temps de K'ong Ying-ta; la disparition du ci. 53 du Ti Tcheou chou se pla-
cerait alors entre le milieu du IIIe siècle et la fin du VIe, et peut-être sa trop grande
ressemilance avec Tue ling du Li ki y a-t-elle contribué.
1) Ceci aussi a été signalé par Ts'ai Yong, mais ce chapitre du Houai-nan-tseu,
qui est aujourd'iui le cinquième, est indiqué par lui comme le quatrième. On sait que
le ïïouai-nan-lseu est un recueil de morceaux d'auteurs divers, encore plus que le Lu-che
tçh'ouen-ts'ieou. Dans le cas présent, la concordance avec le Lu-che tcliouen-ts'ieou et le
Tue ling n'est que partielle, mais suffisante toutefois pour qu'une étude critique du Tue
ling doive discuter soigneusement les leçons du Houai-nan-tseu; aucune de nos traductions
ne l'a fait.
2) Parues seulement en 1920 dans le n° 52 des Variétés [et non "Variations"]
Sinologiques.
86 BIBLIOGRAPHIE.

évidemment pas lu les travaux plus récents de de Saussure, mais


il n'était pas besoin de ceux-ci pour savoir à quoi s'en tenir sur
les faisceaux que sont en réalité les sieou et sur le choix des
étoiles déterminatrices parfaitement arrêté dès la fin des Tcheou;
le "Schwerpunkt" et les inductions de M. Hartner sont hors de
cause -1).
Or les conclusions de M. Hartner, obtenues avec une connais-
sance si superficielle de l'ancienne astronomie chinoise, entraîneraient
certaines conséquences que M. "W. ne paraît pas avoir aperçues.
Si les données astronomiques du Lu-che tch'ouen-ts'ieoîi ont été
rajeunies après le début de l'ère chrétienne — on ne nous dit pas
d'ailleurs la date postérieure à ce début à laquelle 31. Hartner a
abouti —, ceci supposerait un remaniement parallèle et identique
dans le Yue ling, que nous avons vu exister à part du Lu-che
tcfûouen-ts'ieoii au moins dès le premier siècle avant notre ère, et
aussi dans le ILouai-nan-tseu qui est du deuxième siècle avant
notre ère, car le Yue ling et Houai-nan-tseu donnent, pour les
divers mois, les mêmes positions du soleil dans les mansions que
celles indiquées par le Lu-che tch'ouen-ts'ieou: encore ne fais-je pas
intervenir le Yue ling perdu du Yi Tcheou chou qui était bien
probablement aussi dans le même cas. Ces changements parallèles
et identiques dans toute cette série d'ouvrages me paraissent in-
vraisemblables et je suis convaincu a i^riori que les données
astronomiques du Lu-che tch'ouen-ts'ieou, reprises par un astronome
mieux au fait de l'histoire de l'astronomie chinoise que le Dr Hartner,
apparaîtront conciliables avec une date allant en gros de 350 à 240
avant notre ère 2).

1) Cf. en dernier lieu H. Maspero dans T'omuj Pao, 1929, 278—284. :\I. Hartner
commet à deux reprises l'erreur de lire "Wu" le nom de la mansion 3* che; lui-même
n'est pas sinologue, et son informateur aura confondu che et flg"
imu.
2) Je n'ose pas encore faire état, pour ou contre la date des données du Lu-che
tcli'oue/i-U'ieon, de la remarque de M. Hartner (p. 509) selon qui "le début de
l'année
BIBLIOGRAPHIE. 87

Si je ne crois pas au remanieraent des données astronomiques


que contenait primitivement le Lu-che tch'ouen-ts'ieou: cela ne veut
pas dire que le texte nous soit parvenu sous une forme absolument
correcte. Les érudits chinois en ont eu le sentiment tous les premiers
et ont fait paraître un certain nombre d'éditions plus ou moins
critiques, sans compter les remarques et notes publiées par plusieurs
érudits au sujet du texte sans donner d'édition complète de celui-ci;
à la base de leur critique textuelle, il y a d'abord les exigences
mêmes de la langue, puis les citations du Lu-che tdi'ouen-ts'ieou
dans d'autres ouvrages depuis les Han jusqu'aux Song, enfin les
récits parallèles à ceux du Lu-che tclCouen-ts''ieou et qu'on retrouve
dans beaucoup d'écrits de la fin des Tcheou, des Han ou même des
Six dynasties, en particulier dans le Tchan-kouo ts'ô, le Kouo yu,
le Houai-nan-tseuy le Chouo yuan. Malheureusement, si H. W. in-
dique certains de ces rapprochements dans ses notes (assez copieuses
au début, très rares pour les derniers chapitres), il a omis de nous
dire de quelle ou de quelles éditions il se servait et à quels tra-
vaux critiques il avait eu accès. De l'ensemble de ses remarques,
on peut déduire qu'il a utilisé une édition dérivant de l'édition
critique établie en 1789 par Jp. yjC Pi Yuan en partant d'un
exemplaire des Yuan, et qui est jusqu'ici la meilleure1); quant

au moment de la constitution de l'almanach, tombait en février, vraisemblablement dans


la seconde moitié". Ce début en février, moins fixe que M. H. ne paraît le dire (à
raison des mois intercalaires), n'est pas le début de l'année astronomique, qui n'a jamais
varié, mais le début de l'année civile jusqu'à la fin des Tcheou et à nouveau à partir de
104 avant J.-C. Par là, M. H. va à son insu contre l'opinion courante, qui croit que
les indications du Lu-che ich'ouen-ts'ieou (et du Tue ling, et aussi celles du Che-tsô du
Houai-nan-tseu) se rapportent à un calendrier du type du calendrier des Ts'in, c'est-à-dire où
l'année civile commençait au dixième mois astronomique. Telle est du moins l'interprétation
aussi bien de Tcheng Hiuan et de K'ong Ying-ta pour le Yue ling (Legge, Lî K'i, I, 294;
Couvreur, Li Ici2, I, 387) que de Kao Yeou pour le Lu-clie ich'ouen-ts ieou; Lou Wen-tch'ao
(1717—1795) a émis toutefois des doutes dont M. W. s'est fait l'écho (p. 484, n. 6).
1) Pour les éditions du Lu-che ich'ouen-ts'ieou antérieures à celles de Pi Yuan, voir,
outre le fou-k'ao de Pi Yuan lui-même, le Catalogue de Mo Yeou-tehe, X, 2 è.
88 BIBLIOGRAPHIE.

aux travaux critiques, M. W. cite une ou deux fois le gjg ^gf- %&
^ Tou-chou tsa-tche de =£ ^ |^
Wang Men-souen (1744—1832),
assez souvent le f|f ^jr ^^
Tchou-tseu fing-yi de Yu Tue
(1821

1906), et au moins une fois (p. 495) un -p fif ^ ^
Tchou-tseu piing-louen. Mais il y aurait bien d'autres études criti-
ques à faire intervenir. Parmi celles sensiblement contemporaines
de l'édition de Pi Yuan, le g -^ ^ f<fi Lu-tseu Hao-pou en 2 ch.,
par |^ 3Ê MÊ Leang Yu-cheng, est accessible entre autres dans le
Che-hiun-Vang ts'ong-chou. Depuis Pi Yuan, ^ f& Ts'ai Yun a fait
paraître un § "P $5£ ?<ît )É)t %& Lu-tseu kiao-pou hien-yi. et il y a
des notes critiques sur le Lu-che tcW ouen-ts 1ieou dans les oeuvres de
JJ$ g
7§f Tch'en Tch'ang-ts'i (1743—1820), dans les oeuvres de
Wang Nien-souen et de Yu Yue qu'a citées M. W., dans le yjï^ }J^

Tcha yi de Souen Yi-jang (1848—1908); le 1er numéro du g^


Kouo-kou de 1919 contenait le début d'un § j^j ^=p ^ ^ jfïj
f<ft Lu-che tclv'ouen-ts'ieou Kao tchou pou-tcheng par -^ ^j| f]||
jE
Souen Tsiang-ming, écrit en 1868. Au Japon, il faut mentionner le
j|j § J3C ^ ^ ^^ Boshi-shunja, en 4 ch., par M W ^. té
Ogiu Putamatsu, et le f<^ §j| fj g
J^ ;fp ^fC lio-fei ÎMw Roshi-
shunja de ^
0n}' y^ ^
Tozaki Immei2), en 5 ch. Encore n'ai-je
pas, fait une étude spéciale du Lu-che tcl'Couen-ts''ieou et doit-il
y
avoir un certain nombre de travaux chinois récents qui me sont
demeurés inconnus.
Telle quelle, la traduction de M. W., si elle n'utilise qu'une
faible partie de tous ces matériaux, demeure correcte, et je pense
même que, dans quelques passages, sa version des "Ptégulateurs"
est préférable aux traductions que Legge et Couvreur ont données

1) Ogiu Futamatsu et Tozaki Immei ont écrit sur un certain nombre de philosophes
chinois, et le second en particulier sur Mo-lseu. M. Forlce (Mé Ti, p. 11, et Gesch. cl.
alieii chines. Philos., 373) écrit le second nom O jëS ; je ne crois pas soit
que ce
l'orthographe correcte.
BIBLIOGRAPHIE. 89'

des passages correspondants du Tue ling\ il eût été bon toutefois de


s'expliquer sur ces désaccords. Il ne vaut pas de s'arrêter longue-
ment à des détails: WJ ^
sseu-tcti'eng est rendu par "Stadthaupt-
mann" p. 127, mais par "Arbeitsminister" p. 356; la seconde
équivalence est seule bonne. A la p. 128, "ohne Angeliôrige" dit
à peu près le contraire de |ffi zj: wou-tchou. P. 188, le nom des
J^Ç lit Ti et non Tche. P. 398: les difficultés de cette géographie
se
légendaire sont esquivées; il faut à la 1. 3 un pays de JÊJL Jj£f
K'i-kong devant "die Einarmigen"; à 1. 15, M. "W. annonce cinq
noms, mais n'en donne que quatre; c'est que ^
^JH tche-Mao est

le reste d'un nom altéré, etc. P. 495, n. 23 : Qu'est-ce que le


""Westpol"? P. 502, 1. 2: "Souen Pin est un écrivain militaire,
non un "diplomate".
Oe sont là des vétilles, et je n'ai d'ailleurs pas suivi parallèle-
ment le texte chinois et la traduction d'un bout à l'autre. Toute-
fois j'ai encore deux remarques à formuler, de nature différente,
mais qui touchent toutes deux à des questions de principe. L'une
est qu'il est inadmissible de ne pas marquer les noms de famille
doubles; "Grung Sun Lung" est indéfendable, tout comme "Sï Ma
Tang"; et M. W. en a eu le sentiment, car sa traduction porte
parfois "Ghing-Sun Lung", mais comment se fait-il que ce genre
de notation n'apparaisse que sporadiquement dans la traduction et
jamais à l'index?-1)
L'autre question est plus sérieuse. Dans la section 7 du ch. 13,
le Lu-che tch'ouen-ts'ieou cite une phrase des J|^ |I= Hia chou ou
"Livres des Hia" et une des ]§•} |t= Chang chou ou "Livres des
Chang", et M. "W. (p. 494) indique que ces phrases se retrouvent
en effet, en rédaction plus ou moins différente, la première dans

1) L'index, qui renvoie aux chapitres et non aux liages, est très incommode et donne
l'impression d'avoir été établi directement sur le texte chinois plutôt que pour la présente
traduction.
90 BIBLIOGRAPHIE.

le ch. -fc 31 SI Ta-Yu.mo des "Livres des Hia" du Chou king


actuel et la seconde dans le ch. j^ — ^ ^ Hien-yeou yi-tô des
"Livres des Chang" du même Chou king; notre confrère se borne
à ajouter que la leçon de la seconde phrase dans le. Lu-che
tcliouen-ts'ieou paraît préférable à celle que le Chou king donne
aujourd'hui. M. W. suit ici les indications des critiques chinois
contemporains, mais ne paraît pas avoir soupçonné le vrai problème,
d'ailleurs pleinement résolu aujourd'hui. Le commentaire de Kao
Teou, au IIe siècle de notre ère, se bornait à dire pour chacune
de ces deux phrases qu'elles faisaient partie du ^
^= Yi Chou,
c'est-à-dire des "chapitres perdus du Chou king". En effet, les ch.
Ta-Tu mo et Hien-yeou yi-tô sont de ceux qui, disparus sous les
Han, reparurent entre le milieu du IIIe siècle et le début du IYe,
dans ce faux qui remonte vraisemblablement à l'école de "Wang Sou
et qu'on appelle le "'Chou king en caractères anciens". Les faussaires
se sont servis de bribes citées dans des auteurs anciens et les ont
accommodées aux besoins de leurs propres théories, les noyant dans
des développements nouveaux de leur crû et leur faisant dire tout
autre chose que ce qu'ils disaient réellement. Si les deux phrases
citées dans le Lu-che tclï'ouen-ts''ieou se retrouvent dans les chapitres
apocryphes du Chou king actuel, c'est qu'elles sont précisément
parmi les éléments dont le faussaire s'est servi, en les altérant
d'ailleurs; et nous avons par là même une preuve de l'ancienneté
du Lu-che tcWoiien-Wieou. Mais il ne semble pas que nos confrères
allemands voient encore clair dans ce problème du Chou king.
Quand M. Forke traduisait Mo-tseu, il a rencontré de même des
citations du Chou king, et en particulier certaines que les érudits
chinois modernes signalent avec raison comme sources auxquelles
les faussaires ont puisé après les Han; mais M. Forke (par exemple
Me Ti, p. 372) a cru que ces érudits modernes arguaient de faux
le Chou king entier, alors qu'il ne s'agit que des chapitres du
BIBLIOGRAPHIE. 91

pseudo-texte en caractères anciens (kou-toen). Il y a cependant là


une donnée essentielle de la philologie chinoise sur laquelle on doit
tomber d'accord en Europe comme c'est chose faite en Chine.
Dans le présent compte-rendu j'ai exprimé bien des critiques;
c'est que le progrès de nos études me paraît lié à certaines exi-
gences dans l'étude comparative et l'annotation des textes. Mais je
ne voudrais pas laisser une impression fausse. M. W. est le premier
à avoir traduit un texte considérable et difficile ; d'autres après lui
pourront aller plus loin; il lui restera le mérite très réel de leur
avoir ouvert et débroussaillé la route.
P. Pelliot.

Alfred FORKE, Geschichte der alten chinesischen Philosophie,


Hamburg, Friederichsen, 1927, gr. in-8, xvi + 594 pages; RM. 36.
[= Hamburg. Universitât. Abhandl. aus dem Gebiet der Auslands-
Jcunde, vol. 25; Reihe B., Yôlkerkunde, Kulturgeschichte und
Sprachen, vol. 14.]

sinologue n'a plus fait pour l'étude de la philosophie


JSTul

chinoise ancienne que M. FORKE, qui, depuis plus de trente ans,


après des notes sur Tang Tchou x) et sur les sophistes chinois 2),
nous a donné une traduction complète du Louen heng s), une tra-
duction complète de Mo-tseu 4), et a fait paraître presque coup sur
coup trois volumes d'exposés généraux, The World-conceptionof the
Chinese (Londres, Probsthain, 1925), Die GedanJcemoelt des chinesi-

1) Tang-chu the Epicurian in kis relation io Lieh-lse the Paniheist, dans J. of the
Pehing Or. Soc, III [1893], 203—258.
2) The Chinese Sophisls, dans JChBrBÂS, XXXIV [1901—1902], 1—100.
3) Lun-Hêng, lre partie, 1907 (avait paru originairement dans les Mitleihtngen du
Séminaire de Berlin de 1906, et a été réimprimé à part en 1907); 2e partie, 1911
(comme Beiband des Mitteil. de Berlin) ; j'ai donné une "bibliographie du Louen heng et
un long compte rendu de la 2e partie dans JA, 1912, II, 156—171.
4) Me Ti, des Sosialethikers und s'einèr Schiller philosophische Werke, Berlin, 1922,
in-8, XIY -f- 638 pages (Beiband pour les années XXIII—XXV des Mitteilungen).
92 BIBLIOGRAPHIE.

schen Kulturkreises (Munich et Berlin, R. Oldenbourg, 1927), et la


grande Geschichte der alten chinesischen Philosophie qui fait l'objet
du présent compte-rendu. Par philosophie chinoise 'ancienne",
M. P. entend celle qui est antérieure à la Chine unifiée de Ts'in
Che-houang-ti (221 av. J.-C); l'époque des Han n'est pas abordée.
Bien des études fragmentaires avaient été publiées, mais aucun
travail d'ensemble, dans une langue européenne, n'avait l'ampleur
que M. F. a donnée à son enquête x). Des travaux japonais au-
raient peut-être pu être mis à profit plus complètement. En Chine
même, on possède le rj=f [f§ Éjl ^ ^ TcJiong-kouo tchô-hio che
("Histoire de la philosophie chinoise") de M. H| 37^ j|" Sie Wou-
leang (1916), très conservateur et peu critique, et le P|? [f| W ^
je ^C %M Tchong-kouo tchô-hio che ta-kang ("Grandes lignes de
l'histoire de la philosophie chinoise") de IL "j^ |||
Hou Che (Hu
Shih), dont le t. I a paru à Changhai en 1917, beaucoup plus hardi,
parfois trop 2).
La tendance personnelle de M. F. est d'accepter la tradition;
il se méfie des novateurs et de leur critique destructive; non seule-
ment Hou Che l'effraie, mais un exégète de la vieille école comme
Souen Yi-jang lui fait l'effet d'un sceptique. IL Forke accepte donc
en bloc la chronologie et les solutions traditionnelles: il donne sans
sourciller les dates de Yao et de Chouen, à partir de 2356 avant
Jésus-Christ; les textes du Chou king relatifs à ces premiers sou-
verains ont été rédigés après leurs règnes, mais sur des documents
de leur temps; le Tribut de Yu est du XXIIIe siècle avant Jésus-

1) Il n'est pas tout à fait juste de dire que les synthèses antérieures n'avaient
pour ainsi dire ajouté rien de nouveau à nos connaissances (p. TU); la Sioria délia
Tilosofia Cinese Anlica de M. G. Tucci (Bologne, 1921), dont ~SI. Y. parle d'ailleurs
avec éloges, donne la traduction de morceaux importants qui n'avaient jamais passé au-
paravant dans une langue européenne.
2) Je regrette de n'avoir pas l'ouvrage de M. Hou Che à ma disposition
en écrivant
le présent compte-rendu.
BIBLIOGRAPHIE. 93

Christ; une éclipse du XXIIe est indiquée correctement; le Tcheou li


est du XIe siècle avant l'ère chrétienne; le Chou king résiste aux
attaques qui veulent qu'une moitié de ce classique soit un faux du
IIIe siècle après l'ère chrétienne, etc. Autant d'opinions que je tiens
pour insoutenables, mais qu'il serait vain de prétendre discuter ici
en détail, et dont on trouvera d'ailleurs une réfutation décisive en-
core qu'indirecte dans La Chine antique de Henri Maspero (1927).
Si le cadre chronologique accepté par M. F. est vermoulu, le
tableau qu'il trace est minutieusement brossé et poussé, et nous
aurons à nous y référer sans doute pendant bien des années.
H. F. a le goût et le sens des systèmes philosophiques, et une
sorte de don pour les résumer clairement. Je crois donc bon de
corriger un certain nombre d'erreurs de fait, indépendantes de toute
théorie.
P. 5. — |§[$ ^ |$||
Tcheng Kia-tsi est à corriger en J||$ 7$C 7^
Tcheng Kia-tsi, et c'est là le tseu de J§[$ ^H Tcheng Ts'iao, l'auteur
du T'ong tche (1104—1162?)J). M. P. a comme nous l'habitude
de citer les noms chinois d'après le ming et non d'après le tseu\
il y a là, à mon avis, une règle nécessaire à la clarté de nos travaux,
et c'est pourquoi j'y insiste ici.
P. 8, n. 2. — C'est mutiler la formule initale du Yao tien et
autres textes anciens que de ne pas la donner sous la forme complète
0J84 yue-jo ki-kou.
P. 33, n. Le mot ^Ç fien, sous sa forme ancienne, n'est
1. —

pas composé de —' y\ "un", et ~j^ ta, "grand"; les inscriptions des
Tin sur écailles et sur os l'ont surabondamment démontré.
P. 47. —Le "Wang Kêng-yen", emprunté au "Wang Kang-
yan" de Legge, Chin. Class., III, 527, résulte d'une faute d'im-
pression de ce dernier; il faut lire chez Legge "Wang Kang-yay"

1) Sur ces dates, préférables à celles du Biogr. Dict. de G-iles, n° 265, mais en-
core douteuses, cf. T'oung Pao, 1924, 13.
94 BIBLIOGRAPHIE.

comme dans Cli. Cl, Prolég., 202, et ce ]£ J# if Wang Keng-ye


lui-même n'est que l'appellation de =£ ^ g Wang Tch'ong-yun,
docteur de 1334 (cf. Sseu-Fou..., 12, 8 a).
P. 63, 1. 1—4. — La rédaction de ces lignes et la note 1 feront
croire à tout lecteur que c'est Lieou Iiie qui suppose le Yu tseu
un faux des T'ang ou postérieur aux T'ang; ce n'est naturellement
pas ce que M. P. a voulu dire puisque Lieou Hie vivait tout au
début du VIe siècle.
P. 72. — La bibliographie du Kouan-tseu sous les Song est
bien plus complexe que les indications de M. P. ne le feraient croire.
C'est ainsi que le morceau de ^
[=[ [j_f Tchang Kiu-chan *) dont

parle M. P. est joint à une édition de 1164, mais on connaît au


moins un exemplaire d'une édition de la fin des Song qui. par-
delà celle de 1164, remontait à une édition corrigée par f^H i!j||
Tchang Nie en 1139 2). Il faudrait un article spécial pour débrouiller
la question.
P. 72, n. 6. — ^^
;(^> Ye Chouei-sin est le tseu de ^^
Ye Che, 1150—1223 (cf. Giles, Biogr. Dkt., n° 2459).
P. 100. — Je me suis interdit de discuter ici les dates chinoises
traditionnelles acceptées par M. P., mais on ne peut donner comme
un fait acquis que le Buddha est né en 557 av. J.-C.
P. 100. — Ici, plus loin et à l'index, M. P. parle toujours du
fils de Confucius en l'appelant „Li Po-yù"; personne, à moins de
le savoir d'avance, n'ira chercher et reconnaître sous cette forme
K'ong Li, tseu Po-yu.
P. 103. — Ici, et toujours par la suite, M. P. nomme les disciples
de Confucius habituellement désignés par leur tseu en orthographiant

1) Un lecteur non averti croira que les dates de 1131 —1163 mises par M. F.
après le nom de Tchang Kiu-chan sont celles de sa naissance et de sa mort; mais ce
sont seulement les dates extrêmes de la période chao-liivg.
2) Cf. par exemple Sseu-k'oic..., 101, 2—3; Chan-pen-cJwu-che isang-clwu iche, 16,
\b — 2a; etc.
BIBLIOGRAPHIE. 95

"Tse Lu", "Tse Yu"; je n'y vois aucun motif, et il me semble que
son système même: de transcription des noms propres devrait lui
faire écrire "-Tse-lu", "Tse-yu", c'est-à-dire Tseu-lou, Tseu-yeou
pour nous.
P. 118. — Mao Si-ho est le hao de % ^ §£ Mao K'i-ling
(1623—1716) !).
P. 150, n. 1 (et p. 260, n. 4). — Les vraies dates de J^ y||
Wou Tch'eng ne sont décidément ni 1249—1333 comme le disait
le Yi-nien lou, ni 1247—1331 comme l'a dit M. Griles (Biogr. Dict.,
n° 2316), mais 1249—1331.; cf. le Yi-nien-lou houei-pien, 5, 105.
P. 150, n. 2. — Il n'y eut que douze classiques sous les T'ang,
car Mencius n'en faisait pas partie; il ne leur fut adjoint comme
treizième que sous les Song, et c'est alors seulement que son texte
fut ajouté aux classiques gravés sur pierre de Si-ngan-fou; cf.
d'ailleurs p. 196.
P. 193, n. 3. — ;fgr i(j£ Tang Hiong (^§ $|
de M. F. est une
faute d'impression) est mort en 18 de notre ère, non en 15.
P. 197. —Il doit y avoir quelque erreur dans l'attribution à
Jouan Yuan d'un commentaire important sur Mencius.
P. 216. — M. F. qui, dans son Me Ti (pp. 8 et 11) lisait
>^H iM "Yang Tchiang" (Yang Kiang pour nous) le nom de l'an-

cien commentateur du Siun-tseu, le lit ici toujours "Yang Liang"


(Yang Leang pour nous). Il est souvent difficile de savoir comment
mieux vaut prononcer, dans un nom personnel, un caractère qui a
plusieurs prononciations, et parfois les intéressés eux-mêmes adop-
tent des prononciations difficilement justifiables. Dans le cas présent,
peut-être la lecture Yang Leang peut-elle être appuyée par un
argument dont il ne faudrait d'ailleurs pas exagérer la valeur.

1) Cf. Giles, Biogr. DicL, n° 1496, qui indiquait 1623—1707; le Yi-nien lou
donnait 1622—1713 et a été suivi par Courant, Oaial., 3110—3111, et par Le Gall,
Tchou Ei, 17; 1623—1716 sont les dates auxquelles conduit la discussion du Yi-nien-lou
houei-pien, 9, 11—12.
36 BIBLIOGRAPHIE.

On a quelque raison de penser que Yang Kiang ou Yang Leang


est un des trois fils de H^ )$£ jfp Yang Jou-che, mais ces trois fils
sont mentionnés sous d'autres noms et on est ainsi amené à sup-
poser que l'un d'eux en a changé (cf. Sseu-k'on..., 91, 7&); or l'un
de ces fils s'appelait^ j||
fâ Yang Tche-yuan; on sait combien
les Chinois aiment à établir un rapport sémantique entre leurs
•divers noms; un des emplois de -fj^, est précisément glosé par le
même |^ yuan,
"loin", qui fait partie du nom de Yang Tche-yuan,
mais, dans cet emploi, la prononciation indiquée par les dictionnaires
est leang et non kiang ou king. Le commentateur du Siun-tseu a
donc des chances d'être le même que Yang Tche-yuan, et il faut
alors bien l'appeler Yang Leang.
P. 219, n. 4. — Pour cette édition du Siun-tseu dans le Kou-yi
ts'ong-chou, cf. BEFEO, II, 320—321.
P. 221. — j|f Jj| Houang Tchen n'est pas des Ming, mais des
Song"; c'est l'auteur bien connu du j|f J^ |Ff ^J? Houang-che je-tcli'ao.
P. 221, n. 1. — Je ne sais quel est le vrai nom de ^f ^J pjf
"Wang ]STa-k'ien, mais lui et ~Jj ^ ^ Fang "Wang-k'i n'ont pu
publier une édition du Siun-tseu sous les Ming, c'est-à-dire avant
1644; Fang Wang-k'i n'est en effet que le hao de ~^f Sf Fang Pao
(1668—1749; Giles, Biogr. Dict., n° 556, donne à tort 1678 —1749),
et le "Siun-tseu expurgé" figure dans les oeuvres complètes de ce
lettré.
P. 244. — Au lieu de j£ ~j^ Yuan-niu, lire ^^ Hiuan-
niu; la forme Yuan-niu a été le résultat d'un tabou de la dynastie
mandchoue.
P. 245. — Au lieu de "K'ao Tch'ien-tschi", il faut rétablir
"K'ou Tch'ien-tschi"; il s'agit du patriarche taoïste ^g |j| ^
K'eou K'ien-tche (Griles, Biogr. Dict., n° 984). Il semble
me que
Legge (Texts of Taoïsm, I, xvn, et passim) accorde
un crédit
exagéré à cet obscur lettré "Li Hsi-yûeh" dont je
ne sais pas
-BIBLIOGRAPHIE. 97

.même comment écrire le nom en ; chinois.: Quant au $£ |§£ ^


-Yin-rfou king, il valait de renvoyer, à Wieger, Canon taoïste,
nos 30 et 105—124.

P. 249, n. 2. — Comment M. -F. paraît-il douter de la dis-


tinction et de la coexistence, dans la Chine archaïque, des $4 sing
et des J^ che?
P. 250. — Il n'y a pas de raison pour identifier spécifiquement
le Ta-ts'in à "l'empire romain dans l'Asie mineure".
P. 250, n. 4. — Il n'y a pas à distinguer la passe Hien-kou
•de celle dont M. P. lit le nom j^j ^
Flan-kou; les gloses, spéci-
fient que le premier caractère doit se lire ici hien; cf. d'ailleurs
'ChaYann.es, Mém. hist., II, 225.
P. 252. — Comment M. F. peut-il supposer qu'une traduction
•deA. Huiler est à la base d'une information de Martini, alors que
l'ouvrage de Martini a paru en 1658 et que la première.édition de
la traduction de A. Huiler est de 1677 (cf. Cordier, Bibl. Sin. 2,
580 et 581)? -'

P. 254. — H. P. paraît regarder Ji


'/pf Yu-ts'ing comme le

nom d'un personnage "Yu Ts'ing"; mais 3Ë iju est presque inconnu
•comme nom de famille; je soupçonne que, dans ce. passage du
commentaire de Tchang Cheou-tsie au Che M (63, 2a), nous avons
affaire ou bien à un taoïste dont Yu-ts'ing était l'appellation, ou
au titre abrégé d'un ouvrage se rattachant à l'orbe du Yu-ts'ing,
l'un des trois orbes du taoïsme.
254, n: 7. — Sur la "préface du -Ko Sien-kong", cf. Toung
P,
Pao, 1912, 396 et 408; quant à la citation que M. P. en emprunte
'-au Che-ki tcheng-i/i, c'est-à-dire à Tchang Cheou-tsie, il eût bien dû
dire où il l'avait prise, car elle ne se. trouve pas dans le commen-
taire de la biographie de Lao-tseu 'dans Che M, 63,- 1—2.- Cette
préface est plutôt de -g^. ^ Kih.Hiuan que de Ko Hong à qui
M. P. a songé; c'est .sous", lé-' 'nom tde/SKo Hiuan - (écrit jâ jC, Ko
/*& /... t h V:! 7
^!
\%\_l\ U ir
•%^V
BIBLIOGRAPHIE.

Yuan par tabou) qu'elle est reproduite dans le T'ou-chou tsi-tch'eng,


King-tsi-tien, 431, 2 v°, avec quelques variantes par rapport au
texte de M. F.
P. 260. — Pour dire que Tsiao Hong donne des extraits de
64 commentateurs du Tao-tô-king, il semble que M. F. n'ait jamais
vu le Lao-tseu yi. Sur cette liste de 64 commentateurs, cf. T'oung
Pao, 1912, 418—419.
P. 263. — Le vrai nom de Tchang Heng-k'iu est î£J| ^
Tchang
Tsai (1020—1077; et non 1020—1076 comme il est dit dans CHles,
Biogr. Dict., n° 117).
P. 265 et p. 591. — A l'index, M. F. parle de ^^g Tang
Fou comme d'un commentateur du Tao-tô-king ; je ne trouve pas
trace que ce disciple de Tcbou Hi ait écrit une telle oeuvre, et il
n'en est pas question non plus dans la récente bibliographie de
Lao-tseu publiée en 1927 par M. ^E Jï.K Wang Tchong-min sous
le titre de -yçr -^- j$~ Lao-tseu Fao.
P. 281. — ^^"^ Tchang "Wen-ts'ien est le tseu de ^^
Tchang Lei (1052—1112, plus probable que 1046—1106 de Giles,
Biogr. Dict., n° 84).
P. 285. — Je ne crois pas que le commentaire de -^ j/L Pfft
Kin Kieou-tch'eou des Ming sur Lie-tseu soit aujourd'hui courant;
M. F. eût donc dû dire où il l'avait consulté; je
suppose qu'il n'en
a connu que la préface reproduite dans le T'ou-chou tsi-tch'eng.
King-tsi-tien, 439, 2 a et b.
P. 286, 287 et 587.
— C'est aussi à la même partie du Tou-
chou tsi-tch'eng, 435, 5 a, que M. F.
a dû emprunter ce qu'il dit
de "Ts'ai Yi", mais il a mal lu le texte, et le
nom complet est
Hg tfl Ts'ai Yi-tchong.
P. 288. — Le nom de l'ancien commentateur de Lie-tseu est
à lire ^^ Tchang Tchan (non Tchang Tch'an). M. F. le dit
"des Tsin, 265—420"; c'est exact, mais
vague. Les auteurs du
BIBLIOGRAPHIE. 99

Sseu-k'ou..., 146, 20a, ont déjà fait remarquer que, d'après la pré-
face même de Tchang Tchan, sa mère était la cousine germaine
de Wang Pi (226—249); si Tchang Tchan dit vrai, il dut vivre
par conséquent tout au début des Tsin, dans la seconde moitié du
IIIe siècle.
.,

P. 288. — Le commentaire de Iiouei-tsong sur Lie-tseu n'est


pas perdu; c'est le n° 725 de Wieger, Canon taoïste (et cf. aussi
n° 726).
P. 288. — yjg -jr J|| [ffîj' ^^ n'est pas à couper en "Lao-tse
i-fu lu" comme M. P. le fait ici et à l'index, ajoutant à l'index
que c'est un ouvrage sur Lao-tseu; il faut lire ufou-lou (section
additionnelle) du Lao-tseu yi" (c'est-à-dire de l'ouvrage de Tsiao
Hong).
P. 289, n. 2. — 0g| ;g" ^yjc Ye Che-lin est le hao de Jpf J^ fjg
Te Mong-tô (1077—1148).
P. 312, n. 1. — La forme ffi jJEf fâ Lin Si-tchong, adoptée
dans les notes de leurs traductions de Tchouang-tseu par Legge et
par M. Griles, est le tseu du personnage; M. Griles, après l'avoir
enregistrée à tort comme ming dans son Biogr. Bict., n° 1255, a
corrigé aux Addenda et y a dit que le ming était jffi. i^t 0£j Lin
Yun-ming; mais c'est une nouvelle inexactitude, et le vrai nom est
ffi if? éfi Lin Yun-ming. Le personnage est docteur non "du début
du XVIIe siècle" comme le dit le Biogr. Bict. de M. Griles, mais
de 1658 (cf. Kouo-tch'ao ki-hien lei-tcheng tch'ou-pien, 249, 49 v°;
Legge, Texts of Tâoïsm, I, 20, avançait aussi trop l'époque de Lin
Yun-ming); son commentaire de Tchouang-tseu a paru d'abord en
1663, et lui-même en a donné une nouvelle édition en 1688 (cf.
Courant, Catalogue, n° 3547). Quant à $^ ||| ^t
Lo Mien-tao, au
sujet de qui M. P. ne donne aucune indication, c'est un écrivain
des Song, et son commentaire de Tchouang-tseu est conservé
(Wieger, Canon taoïste, n° 736).
100 BIBLIOGRAPHIE.

P. 317, n. 2. — M. F. ne paraît avoir connu le $£ -]r H


Tchouang-tseit siue que par Legge et ignorer comment s'écrit le
nom de son auteur; il s'agit de |H j||
~£ Lou Chou-tche.
P. 335, n. 1, et passim. Lire 3||

EL ^
Tong-hiuan H
tchen-king pour., le titre donné au Wen-tseu en 742 ; la forme
T'ong-yuan ( j£ ) tchen-king est un tabou de la dynastie mandchoue.
P. 335. — "Seit der nordlichen l'F^-Dynastie (5. Jahrhundert
n. Chr.) gab es drei Kommentare [de Wen-tseu] : Li Hsien. Hsil
Ling-fu und Tschu Yuan, wovon nur der des Hsû Ling-fu zum
Teil erhalten ist." Il y a là pas mal d'erreurs. En premier lieu,
le commentaire de f^ |||
jfvp Siu Ling-fou, qui doit dater, sous sa

forme dernière, des environs de l'an 800, subsiste intégralement;


un exemplaire manuscrit reproduisant, à travers le Canon taoïgue.
une édition des Song a servi de base à l'exemplaire que Jouan Yuan
offrit à la bibliothèque impériale (cf. la notice du ch. 1 du Sseu-
k'ou icei-cheou chou-mou t'i-yao, et "Wieger, Canon taoïste. n° 740) ]).
Quant au prétendu ^
jQ Tchou Yuan, M. F. a été trompé par une
faute du Sseu-k'on..., 146, 306 (répétée aussi par -Jouan Yuan), mais
il s'agit en réalité de 7^ ^ff- Tchou Pien, des T'ang ou des Song,
et son commentaire est conservé, au moins en partie, dans le Canon
taoïgue (Wieger, Canon taoïste. n° 743) 2).

1) Au point de vue chronologique, certains détails de la notice de Jouan Yuan sur


Siu Ling-fou me paraissent demander un nouvel examen, en particulier la question d'une
présentation du commentaire de Siu Ling-fou au trône dès 742. Pour une oeuvre de
Siu Ling-fou dont le nom même était inconnu et qui a été retrouvée au Japon, cf.
BEFEO, II, 338. Le commentaire de Wen-tseu par Siu Ling-fou est parfois mentionné
dans les catalogues sous le pseudonyme (souvent altéré) de cet auteur, à savoir Mlf ^& -&~
Mo-hi-tseu.
2) La forme Tchou Pieu est bien celle du Canon iaoïnue, et elle est attestée aussi
au XII 0 siècle par le T'ong iclie de Tcheng Ts'iao, ch. 67 (la leçon est confirmée par
la copie de cette section du T'ong lehe insérée peu après dans le -5^- SâC Tseu Ho de
Kao Sseu-souen, éd. du Hio-lsin f ao-yv.au, sect. Tseu-lio-mou, 23 r°) ; enfin l'édition de
Wen-isea publiée sous les Min g par Jj3& j|g Souen K'ouang (docteur de 1574), et qui
donne aussi, entre autres, le commentaire de Tchou Pien, écrit bien Tchou Pien
en
BIBLIOGRAPHIE. 101

Le cas du commentaire de rfj5 j|l Li Sien est différent ; celui-là


est bien perdu, mais ce que nous en savons soulève plusieurs pro-
blèmes assez- délicats. Ce commentaire, en 12 cb., est mentionné
par tous les catalogues des Song1), mais nous n'avons d'indications
un peu précises à son sujet que par le Kiun-tchai tou-chou-tche de
Tcb'ao Kong-wou (éd. de Wang Sien-k'ien, 11, 8 a et b). D'après
Tcb'ao Kong-wou, Li Sien se donne comme un disciple de Prajnâruci,
ce qui fait dire à Tcb'ao Kong-wou que Li Sien doit donc être un
sujet des Wei de famille Yuan. Prajnâruci est Grautama Prajnâruci,
dont les traductions se placent entre de 538 et 543 (Nanjio, Catalogue,

ajoutant son pseudonyme qui est [p -|fj| -^- Tcheng-yi-tseu (cf. {Jt-J JjÉff |||j 0B
H 3la^ TT^ y> Ssew~k'ou kien-ming mou-lou piao-tchou de «K WÎ^ fp^ Chao Yi-tch'en,
14, 49 v°). La leçon "Tchou Yuan" du Sseu-k'ou... a probablement été empruntée au
Wen-hien t'ong-k'ao, 211, citant le Kiun-tchai tou-chou-tche de Tch'ao Kong-wou; mais
on sait combien les noms propres sont altérés dans le Weu-hien t'ong-k'ao, et d'autre j>art
certaines de ces fautes ont été réintroduites par des lettrés dans le Kiun-tchai iou-clwu-
tche; l'édition de Wang Sien-kien, qui en a corrigé beaucoup, a laissé subsister celle-ci
sans aucune remarque (Kiun-tchai tou-chou-tche, 11, 8b). Le Song che (205,25) garantit
indirectement Tehou Pien en écrivant yjfc; '-ft où le second caractère, forme abrégée de
3tg: Ici, est évidemment altéré de JÏL pien et non pas de yr" yuan. Le catalogue du
Canon indique ne donne pas de date pour Tcbou Pien; le P. Wieger le place sous les
Song, mais peut-être simplement piarce qu'il a trouvé mention de son commentaire dans
le Song che; la même raison vaudrait alors pour le Ssetc-k'ou kien-ming mou-Ion piao-
tchou, 14, 49 v°, qui dit aussi Song (mais cet ouvrage est souvent fautif; à la même
page, il met Siu Ling-fou une fois sous les T'ang, ce qui est correct, et une fois fau-
tivement sous les Song) ; mais le Kiun-tchai tou-chou-tche dit que Tcbou Yuan (lire
Tcbou Pien) était des T'ang, et peut-être a-t-il raison. Tous les catalogues des Song
indiquent 12 cb..pour le commentaire de Tcbou Pien; il semble donc qu'une partie en
soit perdue, puisque le catalogue du Canon indique ne lui en donne plus que 7; il man-
quait d'ailleurs déjà un chapitre à l'exemplaire qu'a décrit Tcb'ao Kong-wou.
.• 1) Toutefois le nom est souvent estropié; on a ainsi
-jp* p3 jfË Li Po-tsin dans
le Tseu lio, 2, 10 5, et -^p |J|| gjjj Tseu Sien-biun dans Song che, 205, 2b; ce sont
là simples altérations graphiques, doublées dans le Song che d'une fausse interprétation
où le gffl hiun de gfl Vi hiun-tchou, "commentaire explicatif", est devenu une partie
du nom (le Sin T'ang chou, 59, 3oe, était déjà amphibologique); c'est sous l'influence de
cette faute qu'on trouve "Li Sien-hiun" au lieu de Li Sien à l'index de Wieger, p. 321
(cf. aussi JA, 1912, II, 154).
102 BIBLIOGRAPHIE.

App. II, 116); on voit donc que, d'après la seule source qui donne
une indication chronologique sur ce commentaire de Wen-tseu, il
faut le placer vers 540—550, et non au Ve siècle. Mais une autre
question se pose. J'ai montré dans le T'oung Pao (1926, 198—207)
^5 j||
Li Sien était la vraie forme du nom d'un commentateur
que
du ^^^ Ts'ien-tseu-iven dont l'ouvrage est attesté au moins
dès la fin du IXe siècle, et ce Li Sien, dans sa suscription, se di-
sait sujet des Leang; je n'avais pas relevé alors les indications
relatives au commentateur de Wen-tseu. Il est extrêmement pro-
bable qu'il s'agit dans les deux cas du même individu, et l'indi-
cation des Leang s'accorderait bien avec la date de 540—550 en-
viron qui nous est suggérée par le fait que Li Sien, commentateur
de Wen-tseu, fut élève de Grautama Prajnâruci. Une difficulté sub-
siste cependant, même à ce point de vue, c'est que Grautama Prajnâruci
vivait chez les Wei, et non chez les Leang; mais on peut admettre
qu'un sien disciple ait passé d'un territoire à l'autre. Malgré tout,
et si je ne doute guère de l'identité du commentateur de Wen-tseu
et de celui du Ts'ien-tseu-icen, je conserve quelque hésitation sur
sa date véritable. Il est assez inattendu de voir Wen-tseu commenté
sous les derniers "Wei, et Li Sien, qui a eu sur la personnalité de
Wen-tseu une théorie assez singulière, a parlé du Ts'ien-tseu-wen
en termes qui m'ont paru et me paraissent encore difficilement
conciliables avec une date si voisine de la rédaction même du
Ts'ien-tseu-'iven. Sans vouloir rien affirmer encore, je n'écarte donc

pas l'idée que le commentaire de Wen-tseu par Li Sien, soi-disant


de 540—550 environ, puisse être un faux de la seconde moitié du
IXe siècle 1).
P. 335. — M. F. croit que cinq chapitres du |§t È!| ^^
Wen-tseu tsouan-yi de jfit $!£ M Tou Tao-kien sont perdus, et
rap-

1) Les catalogues des Leang et des Souei l'ignorent; par contre il est mentionné
dans le Sin Tang chou, 59, 3a.
BIBLIOGRAPHIE. 103

pelle que von der Grabelentz a invoqué cette perte pour révoquer
en doute l'authenticité de trois de ces chapitres; mais le texte
complet de Tou Tao-kien se trouve en réalité dans le Canon taoïque
("Wieger, Canon taoïste, n° 742), et le T'ie-k'in-t'ong-kien-leou pos-
sède un exemplaire des Yuan également complet1).
P. 372. — Comme meilleure édition ancienne de Mo-tseu,
M. P. cite „das Tao-tsang pên von Ku Tclïien-li, 1445 n. Chr.
herausgegeben". Cette phrase se trouvait déjà dans le Me Ti de
M. P. (p. 6), et on constate ainsi, non sans quelque stupeur, que
M. P. fait de |||
-^ Jjî Kou Ts'ien-li un personnage du XVe siècle,
éditeur du Canon taoïque sous les Ming. Faut-il donc rappeler que
Kou Ts'ien-li n'est que le tseu de |§| Jlf jffî Kou Kouang-k'i, un
des meilleurs bibliophiles modernes et dont les uns et les autres
nous avons parlé maintes fois? Il a vécu de 1770 à 1839. M. P.
a dû mal comprendre une phrase de la préface du Mo-tseu hien-kou
de Souen Ti-jang.
Pp. 422, 423 et 589. — "Tschung Tschang"; lire "Tschung-
tsch'ang"; -ftp -^ Tchong-tch'ang est un nom de famille en deux
caractères.
Pp. 427 et 538. — Dans le cas de JËL jj^ Houei Che comme
dans celui de Lu Pou-wei, le titre de -fïjj ^C tchong-fou rappelle
celui donné antérieurement à Kouan Tchong, mais signifie seulement
"Second père" et non "Père Tchong"; cf. d'ailleurs supra, p. 72.

1) Tou Tao-kien, bien que sujet des Song, vécut assez avant sous les Yuan. Les
commissaires du Sseu-Jcou... (146, 30 v°) ont invoqué à ce sujet une préface qu'il aurait
écrite en 1306 pour le -yi ^hp 4ê Kieou-houo tsi (c'est une faute du Ssen-k'ou..., au
moins dans l'édition de Canton en petit format, pour ptj ^k\\ 4M Tclwng-houo tsi) de
S5 -îg iftfp Li Tao-chouen ; mais c'est oublier l'épitaphe de Tou Tao-kien par Tchao
Mong-fou, insérée au Song-siue-tcJiai tsi, et d'où il résulte que Tou Tao-kien a dû vivre
de 1222 à 1303. L'édition du Tchong-houo tsi est bien, elle, de 1306 (cf. Chan-pen-
clwu-che ts' ang-chou-tche, 22, 17#), et je suppose que les commissaires de K'ien-long ont
confondu la date de la préface et celle de l'édition. Tou Tao-kien est parfois désigné
.sous son pseudonyme de Jw ^A». -¥~ Nan-kou-tseu.
104 BIBLIOGRAPHIE.

P. 428, n. 2. — jjt -fc %\ Tchang T'ai-yen n'est que le tseu


du savant contemporain que M. F. a cité ailleurs (p. 409) sous son
ming de j|P j)$J $|| Tchang Ping-lin.
P. 436. — Au lieu de "Tch'i Mu-tse", lire "Tch'i-nm tse";
-

M: -f^r K'i-mou ou J|; i§: K'i-wou est un nom de famille double.


P. 437, n. 2. — M. P. parle de deux commentaires perdus du
Kong-souen Long-tseu, qui seraient dus à (^ jj§j5} ~j}% Tch'en Sseu-kou
et à If Jr |||Kia Che-yin; il ne fait que suivre là le Sseu-Vou...
(117, 12a), qui renvoie lui-même au T'ong-tche de Tcheng Tsïao.
Tch'en Sseu-kou vivait sous les T'ang; son commentaire du Kong-
souen Long-tseu est également indiqué dans le supplément du Kiun-
tcliai tou-ehou-tehe (éd. de Wang Sien-k'ien, 5±, 45a); et il avait
écrit en outre un commentaire de Lao-tseu que les deux Histoires
des T'ang mentionnent (cf. Lao-tseu Vao de Wang Tchong-min, 3,
174). Q,uant à "Kia Che-yin", c'est certainement une faute des
commissaires du Sseu-k'ou... pour ^
y\^ |=| Kia Ta-yin. C'est Kia
Ta-yin qui est donné aussi bien dans le T'ong tche (68, 1; et par
suite dans le Tseu lio, sect. Tsen-Ho mou. 24a) que dans le Kiun-
tchai tou-chou-tcJie {loc. cit., 45a). Kia Ta-yin vivait sous les T'ang
et lui aussi avait commenté Lao-tseu, comme nous le savons par les
Histoires des T'ang et par le 0 2Jf5C Jf, ~$t |§f f=f Nilion Icenzai-
shomoku de 889—897 (cf. Lao-tseu Fao, 3, 137).
Pp. 442, 450, 453.
— Tenir compte des corrections de M. Duy-
vendak, The look of Lord Shccng, 7, 14, 68.
P. 461. — "Han Fei-tse, der Sohn des Han Tsao-hsin ".
M. F. répète ici ce qu'il disait déjà dans sa traduction du Louen
Iteng (II, 237). Il y a 16 ans que, dans le JA (1913, II, 403),
j'ai signalé que le pseudo Han Tsao-sin résultait d'une méprise.
Le membre de phrase en question, Èjjjp: ^§r j= ^ ^,
-^- signifie:
"Si le [prince de] Han eût cru (sin) de bonne heure (tsao) le fils
de duc (kong-tseu) [Han] Fei..."; "Han Tsao-sin" n'a donc jamais.
BIBLIOGRAPHIE. 105

existé. J'ai donné cette rectification dans un compte-rendu de 22 pages


du livre de M. Ivanov sur Ran Fei-tseu, et il est vrai que M. F.
n'indique pas dans sa bibliographie de- Han Fei-tseu (p. '464)'ce
travail où j'ai étudié entre autres toute la bibliographie chinoise
du philosophe, mais je veux croire qu'il l'a lu et en tout cas il
est un peu décourageant de voir reparaître après tant d'années des
erreurs aussi manifestes et déjà relevées.
P. 463, n. 4. — Le texte visé est le Tseu Ho de Kao Sseu-souen;
il en est de même pour la p. 501, n. 4.
P. 471, n. 6. — Je crois qu'il vaut mieux lire f^Jc ^
Siu P'ing
que Siu Fong.
P. 483 et index. — Lire j§[ "J =|£ Houang-fou Mi et non
Houang Fou-mi; Houang-fou est un nom de famille double.
P. 484. — M. F. parle à deux reprises d'un " |ff Lien^ ^
TcVien-lisï" ("des Song" suivant la note 1). Dans Me Ti, p. 9, on
rencontre un "Tchien TcliH f^ ^
(Sung Zeit)". Dans les deux cas,
il s'agit naturellement de ^ $|ï
Song Lien, hao Ts'ien-k'i, qui a
vécu non sous les Song (Song est son nom de famille), mais à la
fin des Yuan et au début des Ming, de 1310 à 1381 (cf. Griles,
Biogr. Dict., n° 1836); Song Lien est l'auteur bien connu de
VRistoire des Yuan.
P. 515, n. 3. — Pour les raisons qui empêchent d'admettre
que le Yue ling ait été ajouté au Li Ici par Ma Jong, cf. supra,
p; 82, n. 1.
P. 529. — "Frûher - gab es eine Ausgabe 4n 8 Bûchern."
Comment pourrait-il être question d'une édition de Ho-kouan-tseu
en 8 livres qui serait antérieure à celle connue de Han Tu, alors
que Han Yu est des T'ang et que la recension en 8 ch. n'est
mentionnée, et d'une manière très incidente, que chez Tch'ao
Kong-wou qui est du XII? siècle ?
P. 539, n. 4. — Pour cette note où M. F. admet que Lu Pou-wei
106 BIBLIOGRAPHIE.

parle à Ts'in Ohe-houang-ti et se désigne lui-même par son titre


nobiliaire, cf. supra, p. 75.
P. 547, et à l'index. — " M lrM Tschung-tse Tch'i"; ne
faut-il pas lire "Tschung Tse-ch'i", Tcliong Tseu-k'i pour nous?
Paul Pelliot.

René G-ROUSSET,Sur les traces du Bouddha, Paris, Pion, 1929,


in-8 écu, iv -j- 329 pages, avec 1 carte et 8 planches; 20 fr.
M. GrROUSSET, qui vient de donner chez P. Greuthner la plus
exacte des Histoires de VExtrême-Orient parues jusqu'ici, s'est at-
taché dans le présent ouvrage à faire revivre l'histoire du bouddhisme
chinois en laissant surtout parler les pèlerins, et avant tout le plus
grand d'entre eux, ïïiuan-tsang. Notre confrère se montre, à son
ordinaire, minutieusement informé, et en même temps sensible à
l'émotion religieuse ou esthétique; d'une lecture plus facile que
Y Histoire de V Extrême-Orient,
ce volume-ci mérite de plaire à un
cercle plus vaste de lecteurs, et je lui souhaite un vif succès.
Quelques remarques de détail:
P. 4: Malgré le Kieou T'ang choit et le Biogr. Dict. de Griles, Li
Che-min (T'ai-tsong) a dû naître tout au début de 599, et
non en 597.
P. 8 et suiv. : Le nom du qaghan turc n'est
pas "Kie-li", mais
Hie-li, qui transcrit très probablement le mot turc el.
P. 12: Au lieu de "Pen-kiao", lire -g} jfêj Pien-k'iao.
P. 23: "Tseng-t'ou-sseu" résulte d'une faute d'impression de
Julien, Vie, 3; il faut lire Tsing-t'ou-sseu.
P. 30: La "steppe de l'A-la-chan" est une expression
assez trom-
peuse, surtout pour désigner une région à l'Ouest du Kansou; les
Monts Alasan sont à l'Est de Leang-tcheou.
P. 51, 1. 12: Lire Duldur-aqur.
P. 58: "Sou-fa Pou-che" est une correction, et qui n'est peut-être
pas la plus vraisemblable.
BIBLIOGRAPHIE. 107

P. 61 (et p. 236): Il y a longtemps qu'on a renoncé — et


Chavannes tout le premier — à chercher Kou-mo, etc., à Yaqa-arïq;
c'est Aqsu tout simplement.
P. 62, vers le bas: Lire Jo-hai.
P. 69: "Ming boulak en mongol, Bing gôl en turc". Ces équi-
valences pour les "Mille Sources" ne sont pas très justes ; ming bulaq
est purement turc (turc oriental), et l'équivalent mongol, malgré
Julien (Fie, 58), serait minyan bulaq; quant à bing gôl, c'est la
forme osmanli correspondant à un turc oriental ming Jcôl} "les mille
lacs", "les mille étangs", mais il est assez difficile d'y retrouver le
Jpji J|Ê: P'ing-yu (*Bcieng-iuët), qui est la transcription adoptée dans

la Vie pour rendre le nom indigène signifiant "Mille sources". Le


seul point certain, vu la transcription, c'est que les T'ou-kiue
occidentaux, comme on pouvait s'y attendre, employaient pour
"mille" la forme bïh qui est celle du turc de l'Orkhon, et non pas
la forme min qui sera celle du ouigour. Quant au mot signifiant
"source", mieux vaut dire qu'il n'est pas encore restitué sûrement;
le "bing gôV qu'on se transmet depuis trois quarts de siècle, pour
séduisant qu'il soit, est une retraduction approximative en osmanli
de ming bulaq ; elle est due à Vivien de Saint-Martin et Stanislas
Julien et ne s'appuie, à ma connaissance, ni sur un texte, ni sur
une tradition locale. Si le second élément du nom est bien kôl, il
faudra admettre que les T'ou-kiue occidentaux, dès 630 environ,
prononçaient gôl comme le fait l'osmanli moderne; yu (*iuèt) ne
comporte pas en effet d'ancienne initiale gutturale, et on compren-
drait que la transcription de *B'in-gôl pût assimiler le -n sonore de
Vin au g- sonore de gôl dans quelque chose comme *Bïn/ôl, mais
la même assimilation n'est guère possible avec *B'ïng-kôl. Mais
l'identification est encore trop isolée et incertaine pour qu'on ose
bâtir sur elle. Ce que j'ai dit autrefois sur le nom (BEFEO, Ar, 441)
est à modifier.
108 BIBLIOGRAPHIE.

P. 77: Il serait plus clair de dire que Tardu sad avait épousé
la soeur du roi de Tourfan alors régnant, plutôt que de le faire le
gendre d'un roi mort depuis une dizaine d'années.
P. 79: M. a été hanté par le souvenir du voyageur Song Yun
Grr.

du VIe siècle, mais la citation est en réalité du vieux poète Song Tu.
P. 123: Pararnartha a "traduit", mais non "écrit" une Vie de
Vasubandhu.
Pp. 155, 159: Sur les soi-disant kanaka, cf. Toung Pao. 1929,384.
P. 158: M. dans sa récente Histoire de VExtrême-Orient,
Grr. qui,

a toujours mis Asanga et Vasubandhu au IVe siècle d'accord avec


les conclusions de ~E. Péri, passe ici Péri sous silence et adopte la
chronologie plus ancienne de MM. S. Lévi et Takakusu qui fait
vivre les deux frères au Ve siècle; mais je ne vois pas qu'on ait
pu écarter jusqu'ici les arguments par lesquels Péri a montré qu'une
Vie de Vasubandhu existait déjà à la fin du IVe siècle.
P. 191: Bhaskara Kumâra a demandé une traduction sanscrite
du Tao-tô king, mais non de l'énorme "Canon taoïste".
P. 234: Au lieu de "Kouan-ti", lire "Kouan-tô".
P. 247, 1. 19: De quels "quatre-vingts ans" s'agit-il?
Pp. 254 et 260: Lire Ta-cheng-teng.
La présentation du livre est bonne, mais il n'y a pas d'index;
quant aux planches, elles ne sont ni numérotées, ni paginées, et il
n'y en a pas de table.
P. Pelliot.
LIVRES REÇUS.


N. ADRIANI, Bare'e-Nederlandsch Woordenboek, met Nederlandsch-Bare'e
Begister, Leyde, Brill, 1928, in-8, xv + 1074 pages. [Publ. de la Kon. Batav.
Gen. v. K. en Wetenseh.]
— M. S. ANDREEV, Po êtnologii Afganistana, Dolina Pandssir ("Sur l'ethno-
graphie de l'Afghanistan, La vallée de Panjsir"), Tachkend, -1927, in-8, vm 4-
103 pages + '1 fnch Errata, avec 10 pi. (non numérotées, et saus table des

planches). [Publ. de la Société pour l'étude du Tajikistan. M. A. donne ici


les résultats ethnographiques et linguistiques de son voyage de 1926.]
— G. ANGOULVANT, Les Indes néerlandaises, leur rôle dans Véconomie
internationale, préface de M. Edouard HERRIOT, Paris, Le Monde nouveau,
1926, in-8, 2 vol.; t. I, xxxn + 330 -f ix pages; t. II, pp. 331—842 + ix
pages; nombr. pi. hors texte, 1 carte. [Le livre est de 1926, mais c'est en
août 1929, à l'occasion de la conférence de La Haye, que la Nederl. Handel-
Maatsehappij en a distribué de nombreux exemplaires.]
TU Fu, The autobiography of a Chinese poet
— Florence AYSCOUGH,
A.D. 712—770, t. I, A.D. 712—759, Londres, Jonathan Cape, [1929,], in-8,
450 pages, avec 1 portrait, 3 ff. de plans et une carte; 21 sh.
— Prabodh Chandra BAGCHI, Deux lexiques
sanskrit-chinois. Fan yu tsa
ming de Li-yen et Fan yu ts'ien tseu wen de Yi-tsing, t. I, Paris, Geuthner,
1929, in-8 raison, 336 pages. [= Sino-Indica publiés par l'Université de Cal-
cutta, t. II. C'est la forme définitive du travail; l'édition en 322 pages an-
noncée dans T'oung Pao, 1928, 196, et qui a servi à la soutenance de la thèse,
était incorrecte, et on a recomposé tout le déchiffrement; je suis responsable
de ces corrections tout comme des notes ajoutéos entre crochets sous mes
initiales.]
GABAIN, Tùrkische Turfan-Texte, et Tùrkische
— W. BANG et A. von
Turfan-Texte II, Berlin, 1929, in-8, 30 pages et 2 pi.," et 22 pages et 4 pi.
.[Tir. à part des Sitz. cl. preuss. Ak. d. Wiss., phil.-hist. Kl., 1929, 241—268
et 411—430. Le 1CT art. porte sur un textededivinationapparente.au Yiking
chinois, le 2e sur des Manichaica; M. B. a traité le côté turc; M. von G. a
•fourni les parallèles chinois.]
— Y. V. BARTOL'D, Iran,
istoriceskiï obzor ("Iran, aperçu historique").
'Tachkend, 1926, in-8, 123 pages + 2 fnch; [Publ. de la Soc. pour l'étude du
Tajikistan. L'ouvrage est tout différent de celui que M. B. avait publié en
110 LIVRES REÇUS.

1903 sous le titre assez analogue de Istoriko-geograficesku obzor Irana, tout


en montrant la même richesse et la même sûreté d'information.]
— [Bataviaasch Genootschap.J Feeslbundel uitgegeven door het Koninklyk
Bataviaasch Genoolschap van Kunsten en Weienschappen bij gelegenheid van
zijn 150-jarig bestaan 1118—1928, part I, Weltevreden, G. Kolff, 1929, in-8,
n _|_ 429 pages, ill. [Les articles sont rangés par ordre alphabétique des noms
d'auteurs, de W. Aichele à S. Kure. Les planches ne sont ni numérotées, ni
paginées.]
— Sir Charles BELL, The people of Tibet, Oxford, Clarendon Press, 1928,
in-8, xix -|- 319 pages, avec nombreuses ill. et 3 cartes.
— Davidson BLACK, A study of Kansu and, Honan aeneolithic skulls and,
spécimens from laler Kansu prehistoric sites in comparison with North China
and other récent crania, Part I. On measurernent and identification, Pékin,
1928, în-4, 2 fnch + 83 pages (anglais) -{- 5 pages (chinois), avec 4 tableaux
hors texte. [= Palaeontologia Sinica, Sér. D., vol. VI, fasc. 1.]
— Luigi Foscolo BENEDETTO, T)i uno scritlo poco noto d.el P. Ippolito
Desideri da Pistoia, Florence, 1928, in-8, 29 pages. [Tiré à 25 exemplaires
pour les nozze de Fulvia Casella et Gualtiero Pastorini. C'est une réédition
complète et correcte des instructions pour les missionnaires du Tibet; cf. à
leur sujet T'oung Pao, XXIV, 388; il m'avait échappé
— ainsi qu'au P.
Wessels — qne A. de Gubernatis avait donné une première édition incom-
plète de cet opuscule dès 1876.]
— Bibliographie japonaise concernant l'histoire nationale suivie d'une liste
des principaux ouvrages publiés en 1924, 1925 et 1926, slnd., in-8, 28 pages.
[Cet utile mémento bibliographique a été publié en 1928 par la Commission
nationale de coopération intellectuelle du Japon.]
— G. I. BRATIANU, Recherches sur le commerce génois dans la Mer Noire
au XlIIe siècle, Paris, Geuthner, 1929, in-8, xn -(- 359 pages, avec 5 pi. et
1 carte.

— Sir E. A. Wallis BUBGE, The monks of Kûblâi Khan, Londres, The


Religious Tract Society, [1928,] in-8, xvi + 335 pages, avec 16 pi. [L'intro-
duction historique occupe les pp. 1—118; les pages 119—306 contiennent la
traduction, faite sur le syriaque, de la Vie de Mar Yahbalaha III et de
Rabban Çauma.~\
— Mario CASELLA, Il Libro di Marco Polo, Florence, Olschki, 1929, in-8,
40 pages. [Extr. d'Arch. Stor. Ital., ser. VII, vol. XI, 193—230. A
propos de

[^ ^ ^
l'édition du prof. L. F. Benedetto.]
— CHANG Chung Tao TCHANG Tchong-tao], Les traités in-
égaux de la Chine et l'attitude des puissances, Paris, Marcel Rivière, 1929,
in-8, 216 pages.
— E. CHASSIGNEUX, L'Indochine, Géographie physique, Le pays et ses
habitants, Paris, Van Oest, 1929, gr. in-4, 50 pages, avec 4 pi. et 3 cartes.
[Réimpr. de L'Indochine, publiée sous la direction de G. MASPERO.]
[CHIKAMATSU Monzaemon,] Chefs d'oeuvre de Tchikamatsou,
— le grand
dramaturge japonais, traduits du japonais en anglais par Asataro MIYAMORI
LIVRES REÇUS. 111

et de l'anglais [en français] par Charles JACOB, avec introduction de Asataro-


MIYAMORI et préface de Sylvain'LÉVI, Paris, Leroux, 1929, in-8, xi + 417 pa-
ges avec 74 planches. [Publié sous les auspices de la Société "Yamato Kai,>
de Tokyo.]
— CHOW Ching-yu et W. CHAN, Proben chinesischer Literatur und Um-
gangssprache, établies sous la direction du Dr "Wilhelm SCHÙLER, Stuttgart,
Otto Sperling, sd [1929], in-8, 4 fnch et 14 + 19 + 22 + 23 + 17 -f- 22 pages.
[Morceaux pour l'enseignement par le phonographe.]
— G. COEDÊS, Note sur une statuette bouddhique de style indojavanais pro-
venant du Siam oriental, avec 1 pi. [Réimpr. du Feestbundel de la Bataviaasch
Genootschap, I, 53—56.]
— G. COEDÊS, Etudes cambodgiennes XIX— XXII, 66 pages, avec 2 pL
[Tir. à part de BEFEO, XXVIII, 81—146.]
— H. G. CREEL, Sinism, a study of the évolution ofthe Chinese world-viewf
Chicago, The Open Court, 1929, in-8, x -j- 127 pages; $ 2.00.
— Franz CUMONT, Les religions orientales dans le paganisme romainT
3e édition revue, Paris, Leroux, 1929, in-12, xxiv -f 353 pages. [Cette réédition
compte toujours comme le t. XXIV des Ann. du Musée Guimet, Bibl.devul-
garisation.']
— L. DE VRIES, aKitab Toehpah" en Tuhfal al Muhtâdj li sjarkh al Min-
hâdj, Residtaten van een voorloopig onderzoek, met vertaling van den aKitab
Toehpah", Batavia, Albrecht, 1929, in-8, 2 fnch + 166 pages. [== Verhandel.
de la Batav. Gen., LXVIII, iv.J
— Henri DORÉ, Recherches sur les superstitions en Chine, IIIe partie.
Vie illustrée du Bouddha Çakyamouni. Changhai, 1929, in-8, xi + 394 pages,
avec 45 pi. en couleurs. [= Variétés Sinologiques n° 57, et t. XV des Recherches.]
— Georges DUMÉZIL, Le problème des centaures, étude de mythologie com-
parée indo-européenne, Paris, Geuthner, 1929, in-8, vin -f- 278 pages. [= Ann.
du Musée Guimet, Bibl. d'études, t. 41. M. D. revient à la vieille équivalence
KévTzvpoç-gandharva, en y joignant latin februum et slave god; il s'agit de
thèmes liés au changement d'année. L'information est très vaste. P. 50:
"Louen-Heng" n'est pas un nom d'homme, mais un titre d'ouvrage. Il n'y a
pas d'index.]
— Andréas ECKARDT, A history of Korean Art, traduit de l'allemand
par J. M. KINDERSLEY, Londres, Goldston, et Leipzig, Hiersemann, 1929, iu-4,
xxm -f- 225 pages, avec 8 (A à H) + 168 pi. en noir et 4 pi. en couleurs;
£ 4.4.0.
— Jean ESCARRA, Sources du droit positif actuel de la Chine, Berlin, H.
Sack, sd [1929], in-8, 72 pages. [Tir. à part des Opéra Acad. Univers. Juris-
prud. Comparativa, ser. I Fontes iuris vigentis, fase. 1, Pars orientalis.]
— Filippo de FILIPPI, Il "Ragguaglio" etleaMemoriedeiviaggiemissione
nel Tibet", di Padre Ippolito Desideri da Pistoia, Roma, 1929, in-8, 9 pages.
[Tir. à part de Boll. d. R. Soc. Geogr. Ital., sér. VI, t. VI (1929), 295—301 ;
sur la traduction anglaise de Desideri à laquelle il travaille, et qui donnera
pour la première fois l'ouvrage complet, abrégé et bouleversé dans l'édition
de Puini.]
112 LIVRES REÇUS.

Filippo de Fmppr, 7aile Shâksgam catene Aghil, Roma, 1929, m-8,


— e
S pages, avec 1 carte. [Tir. à part de Boll. d. R. Soc. Geogr. liai., sér. VI,
t. VI (1929), 485—490.]
Geofisica, gravita e
— [De FILIPPI.] Georgio ABETTI et Alberto ALESSIO,
-magnétisme, Bologne, Zanichelli, [1929,] in-4, 222 pages et 38 planches. [=
Spedizione ilaliana de Filippi neW Himàlaia, Caracorùm e Turchestan cinese
(1913—1914), série I, vol. IL]
— Louis FINOT, Nouvelles inscriptions du Cambodge, 38 pages et 5
planehes.
[Extr. de BEFEO, XXVIII, 43—80.]
— [Louis FINOT et V. GOLOUBEW,] Le temple d'Angkor
7at, Première
partie: L'architecture de monument, I, Introduction et pi. là 72; Paris, Van
Oest, 1929, petit in-folio, 42 pages et 72 pi.: II, ibid., 1929, pi. 73 à 150. [=
Mém. archéolog. 'publiés par VEcole française d'Extrême-Orient, t. IL]
— A. FOUCHER, Emile Senart, 18 pages. [Tir. à part du JA, 1928,1,1—18.]
Eu jeu hsùeh-cltih [ÉÉ /fc '§pL pj&, Fou-jen hio-tche], Séries sinolo-

gica ab Universitate Catholica Pekinensi édita, t. I, fasc. 1, janv. 1929, 4 fnch
et 125 + 29 pages, avec 2 pi. [Revue semestrielle; abonnement annuel,
% or 0.80.]

— M. F. GAYRILOV, Sredneaziaiskii poêt i sufiï Khuvaïdo ("Le poète et


sufi d'Asie Centrale Khuvaïdo"), Tachkend, 1927, in-12, 29 pages. [Publ. de
la Soc. pour l'étude du Tajikistan.]
— René GROUSSET, Sur les traces du Bouddha, Paris, Pion, 1929, in-12,
1 fnch et iv -\- 329 pages, avec 10 pi. hors texte et 1 carte.
— Louise Wallace HACKNEY, Guide-Posls to Chinese painting, Boston,
Iioughton Mifilin, 1929, in-4, xn -f 221 pages, iil. [C'est l'édition de 1927,
mais où on a réimprimé en les modifiant la feuille de titre et la préface;
mon nom en a enfin disparu; cf. T'oung Pao, 1929, 67.]
— E. HAEMSCH, Lehrgang der cliinesischen Schriftsprache, I, Textband.
150 Ubungsstûcke, Leipzig, Asia Major, 1929, petit in-8, 1 fnch (allemand) +
162 pages nch. (chinois); RM. 7. [Exercices empruntés aux manuels officiels
chinois de 1909. La traduction et les notes constitueront un second volume.]
— E. IÎAEN1SCH, Al tan Gerel, die ivestmongolisehe Fassung des Goldglanz-
sïïtra, édité d'après un rnss. de la Bibliothèque Royale de Copenhague, Leipzig,
Asia Major, 1929, in-8, vin + 122 pages; RM. 15. [Cette version kalmouke
suit la troisième recension tibétaine en 21 chapitres (Catalogue de Beckh,
102b, n° 1). Un index de tous les mots paraîtra ultérieurement.]

— M. G HAGUENAUER, L'Adresse du Dignitaire de la Province cVLzumo,


avec préface du Prof. N. SUGIYAMA, Tokyo, 1929, 3 fnch -f- 42 pages. [Réimpr.
du Bull, de la Maison Franco-Japonaise, t. I, n° 4. [C'est une traduction
an-
notée du norito d'Izurno.]

M ^ le
— T. HANEDA, A Chinese nestorian scriplure uChili hsilan an lo ching"
#§ $1 24 Paê'es- LTir- à Part du
Jg
T^ gaku-h-o, t. 18.].
— Ching-lin HSIA
>
[ SE.|g| DJA Tsm-lin] et James L. E. CHOAY [ jg
|g Jg TCHEOU Fou-k'ing], The Civil Code of the Republic of China, Book I,
General principles, trad. en anglais, si, 1929, in-8, m + 57 pages. [Ce premier
LIVK.ES REÇUS. 113

Livre, seul paru jusqu'ici, a-été promulgué le 23 mai 1929; il est donné ici
parallèlement en chinois et en traduction anglaise.]
— i3r
llf lIÉ tffi Hôbôgirin, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme
d'après les sources chinoises et japonaises, publié sous le haut patronage de
l'Académie impériale du Japon et sous la direction de Sylvain LÉVI et de J.
TAKAKUSU ; rédacteur en chef, Paul DEMIÉVILLE. Premier fascicule A—Bombay,
:
Tokyo, Maison franco-japonaise, 1929, in-8, 2 fnch + iv + 96
pages, avec les
planches I—VIII (noir et couleurs), et un Supplément de xv pages. [Publié
grâce à la Fondation Ôtani et Wada.]
— Izvestiya Obscestva dlya izuceniya Tajikistana i iranskikh narodnosteï
za ego predelami ("Journal de la Soc. pour l'étude du Tajikistan...."), t. I,
Tachkend, 1928, in-8, vu -f- 247 pages, ill. [Rédacteurs chef: N.L. Korzenevskiï,
en
A. A. Semenov et V. I. Solov'ev.J

— Erenzen KHARA-DAVAN, Cingis-khan kak polkovodec i ego nasledie


("Cingis-khan comme général et sa succession"), Belgrade, 1929, in-8, 232
pages, avec 2 pi. et 1 carte.
— Sten KONOW, Kharoshthï inscriptions with the exception of those of Asoka,
Calcutta, 1929, gr. in-4, cxxvn + 193 pages + 1 fnch Errata, avec 1 carte
et 36 pi. [= Corpus inscriplionum indicarum, II, 1.]
— Berthold LAUFER, The Gest Chinese Research Library at McGill University,
Montréal, slnd [1929], petit in-8, 8 pages.
— Benjamin MARCH, China and Japan inour Muséums, avec introduction
de Fr. P. KEPPEL, New-York, [1929,] petit in-8, XIII + 122 pages, et 6 fnch
de planches. [Publié par l'Ameriean Council of the Institute of Pacific Relations.
Détails sur les collections extrême-orientales des musées des Etats Unis et de
celui de Toronto.]
— Georges MARGOTJLIÈS, Evolution de la prose artistique chinoise, Munich,
1929, in-8, ix + 334 pages. [Constitue la "Section IV, vol. 6a" de la China-
Encyclopaedia, entreprise sous la direction de M. Erkes par la maisou Guenther
Koch de Leipzig devenue à ce propos l'Encyclopâdie-Verlag. Un autre volume,
"Section V, vol. 4a", premier tome de The cultural relations of China and
America, par M. George H. DANTON, a également paru. Si je suis bien informé,
l'entreprise ne sera pas continuée, au moins sous la forme actuelle et par
l'éditeur actuel.]
— Jacques de MORGAN, La préhistoire orientale, t. III, L'Asie antérieure,
Paris, Geuthner, 1927, gr. in-8, vi + 458 pages, avec 3 pi. en couleurs. [Avec
ce tome III s'est terminée cette publication posthume assurée par les soins
de M. Louis GERMAIN.]
— Hosea
Ballou MORSE, The chronicles of the East India Company trading
to China 1635—1834, vol. V, Supplementary, 1742—74, Oxford, Clarendon Press,
1929, in-8, x + 212 pages, avec 2 pi.; 15 sh.
— NAKAYA Jiujiro, Catalogue of works relating to the stone âge
of Japan
[in Foreign Language], 1868—1927, slnd, in-8 raisin, 11 pages. [Réimprimé
de Bibliography on the Stone Age of Japan.]
— NAKAYA
Jiujiro, A study of the stone âge remains of Japan, I, Classi-
114 LIVRES REÇUS.

fication and Distribution of Vases with Spouts, slncl, in-8 raisin, 6 pages.
[Résumé from papers of the Anthropolog. Institute, Collège of Science, Imp.
Univ. of Tokyo, n° 4, 1927.]
E. OBERMILLER, Indices verborurn Sanscrit-Tibetan and
Tibetan-Sanscrit

io the Nyâyabindu of Dharmakïrti and the NyâyabinduiïkU of
Dharmottara,
préface de Th. Stcherbatsky, I, Sanscrit-Tibetan Index, Leningrad, 1927,
avec
in_8, iv + 123 pages [= Bibliotheca Buddhica, XXIV]; II, Tibetan-Sanscrit
Index, Leningrad, 1928, in-8, 1 fnch + 145 pages [= Bibl. Buddhica, XXV].
Ulrich ODIN, Peintures chinoises et japonaises de la collection Ulrich Odin,

avant-propos de Sylvain LÉVI, Paris et Bruxelles, Van Oest, 1929, in-4,
avec
-vu + 63 pages, et LXIV planches. [= Ars
Asiatica, t. XIV.]
P. PEETERS, Un nouveau document sur l'histoire des Turcs?, Liège,

1929, in-8, 6 pages. [Tir. à part de Byzantion, IV (1927—1928). C'est un
compte-rendu du travail de A. MINGANA, The Early Spread of Christianily
in Central Asia and the Far Easl: a Neio Document, paru en 1925. Le Père
P. P. considère que le "nouveau document" de M. M. est un faux tout récent,
et j'en suis d'accord avec lui.]
I. L. PIERSON Jr., The Manyôéû, translated and annotated, Book I,

Leyde, Brill, 1929, in-8, x + 239 pages A- 1 fnch (Errata).
Hartmut PIPER, Die Gesetze der Weltgeschichte, 2e division: Vôlker-

biogr. und -biologie der Menschheit, 1" partie, Der gesetzmâssige Lebenslauf
der Vôlker Chinas und Japan, Leipzig, Th. Weicher, 1929, in-8, XY -|- 110 pages :
RM. 3.50.
— E. D. POLIVANOY, Vvedenie v
yazykoznaniedlya vostokovednykh VUZov
("Introduction à la linguistique pour les établissements supérieurs d'études
orientales"), Leningrad, 1929, in-8, YI A- 220 pages. [= Publ. du Leningradskiï
Vostocn. Institut irneni A. S. Enukidze, n° 31. Une annonce-résumé en anglais,
de 1 fnch -|- 4 pages, est jointe à l'ouvrage. Le présent volume ne contient
que le début de l'ouvrage considérable envisagé par M. P.]
— Jean PRZYLUSKI, La ville du
Cakravartin, Influences babyloniennes sur
la civilisation de l'Inde, Lwôw, 1929, in-8, 21 pages. [Tir. à part du Rocznik
OrjentaL, V, 165—185.]
— J. PRZYLUSKI, Les inpuences populaires dans la
Chândogya-upanisad.
[Réimpr. de Bull. Sch. Or. St., V, 303-306.]
— J. PRZYLUSKI, Fables in the Vinaya-Pitaka of the
Sarvâstivadin School.
[Extr. de The Indian Hist. Rev., V (1929), 1—5.]
— E. J. RAPSON et P. S. NOBLE, Kharosthî inscriptions discovered by Sir
Aurel Stein in Chinese ïurkestan, III: Text of Inscriptions discovered at the
Niya aud Lou-lan sites 1913—1914, Oxford, Clarendon Press, 1929, gr. in-4,
vin pages + pp. 267 à 379 et pi. XIII et XIV. [Ce fascicule achève la pu-
blication entreprise par MM. Boyer, R,apson et Senart. Les pages 329—379 sont
occupées par un index de tous les mots qui figurent dans les inscriptions.]
— Louis RENOU, Les maîtres de
la-philologievédique, Paris, Geuthner 1928
in-8, 74 pages. [Ann. du Musée Guimet, Bibl. d'études, t. 38.]
— M. I. ROSTOYCEY, Sredinnaya Aziya,
Rossiya, Kital i zvérinyï stil'
LIVRES KEÇUS. 115
("Le centre de l'Asie, la Russie, la Chine et le style animal"), Prague, 1929,
in-4, 48 pages et 11 pi. [= XXVÙIKUI, autrement dit première des monographies
consacrées par le Seminarium Kondakovianum de Prague à l'archéologie et
l'histoire des nomades.]
— M. ROSTOVTZEFF, The Animal Style in South Russia and China, Princeton,
Princeton University Press, 1929, in-4, xvi + 112 pages,
avec 33 planches.
[= Princeton Monographs in art and archaeology n° XIV.J
— P. Y. SAEKI, The Nestorian monument in China, avec notice prélimi-
naire de Lord William GASCOYNE-CECIL et préface de A. H. SAYCE, Londres,
Society for promoting Christian Knowledge, [1928,] in-8, + 342
x pages.
12 sh. 6. [Réimpression pure et simple de l'édition de 1916..]
— S. H. l'Emir de Boukharie SAID ALIM KHAN, La Voix de la Boukharie
Opprimée, Paris, Maisonneuve frères, [1929,] in-12, 71
pages + 3 fhch, avec
6 pi. et 1 carte. [Le titre ci-dessus est celui de la couverture; il n'y
a pas
de titre intérieur général.]
— Arménag Bey SAKISIAN, La miniature persane du Xlle au XVIIe siècle,
Paris et Bruxelles, Van Oest, 1929, petit in-folio, xm -f 175 pages, avec 106 pi.,
dont 2 en couleurs.
— L. SCHERMAN, Die àltesten Buddhadarstellungen des Miinchener Muséums
fur Yôlkerkunde. [Extr. du Mùnchner Jahrbuch der bildenden Kunst, V (1928),
64—80, et VI (1929), 147—166].
— B. SCHRIEKE, The effect of Western influence on native civilizations in
the Malay Archipelago, Batavia, Kolff, 1929, in-8, vu -f- 247 pages. [Publ. de
la Kon. Batav. Gen. v. K. u. Wetensch. Le D1 Schrieke a édité le volume, dû
à onze collaborateurs.]
— Georg SCHURHAMMER, Die Disputationen des P. Cosme de Torres S.J.
mit den Buddhisten in Yamaguchi im Jahre 155i, Tokyo, 1929, in-8, x +114
pages, avec 1 pi. fac-similé. [= Mitt. d. deutsch. Gesellsch. f. Nat. und Vôlker-
kunde Ostas., XXIV, partie A.]

Second Conférence on the promotion of Ghinese studies, Cambridge,
Mass., April S, 1929. [Réimpr. de Bull. no. 11 of the Amer. Council of Leamed
Societies, 60—75.]
— A. A. SEMENOV, K dogmatike Pamirskogo ismailizma ("Sur là dogma-
tique de l'ismaïlisme du Pamir"), Tachkend, 1926, in-8, xiv + 52 pages.
[Publ. de la Soc. pour l'étude du Tajikistan. C'est la traduction annotée du
ch. 11 du "Visage de la foi" de Nasir-i-khusraw.j

•«M ^fe Shina ni okeru kesho no genryu ("Sur les origines du fard Chine").
en
[Tirage à part du Shigaku zasshi, t. 40, 1073—1124.]
— Osvald SIRÉN, Histoire des arts anciens de la Chine, t. II, L'époque
Han et les Six Dynasties, Paris et Bruxelles, Van Oest, 1929, in-4, 3 + 121
pages et 120 planches. [= Ann. du Musée Guimet, Bibl. d'art, N"e série, III.]
— Maria Wilkins SMITH, Studies in the syntax of the gathas of Zarathushtra
together with text, translation, and notes, Philadelphie, 1929, in-8, 160 pages.
[= Language Dissertations published by the Linguistic Society of America, n° 4.]
116 LIVRES REÇUS.

— Th. STCHERBATSKY et E. OBERMTLLER, Abhisainayâlankâra-prajnâparâ-


milâ-upadesa-sâstra, the ivork of bodhisattva Maitreya, edited, explained and
translated, Fasc. I, Introd., texte sanscrit et trad. tibétaine, Leningrad, 1929.
in-8, xn + 40 + 72 pages + 1 fnch Errata. [= Bibliolheca Buddhica, XXIII.]
— W. F. STUTTERHEIM, A Javanese period in Surncdran history, Surakarta,
"De Bliksem", 1929, in-8, 25 pages. [Proteste contre le rôle attribué à des
Sailendra de Sumatra dans la période "bouddhique" de Java, et voudrait
plutôt renverser la situation et parler d'une période javanaise dans l'histoire
de Sumatra.]

W. F. STUTTERHEIM, Indian influences in the lands of the Pacific,
Weltevreden, sel, in-8, 9 pages. [Publié par la Kon. Batav. Gen. v. K. en
Wetensch.J
— Sun Yat-sen (Dr.), his life and achievemenis, slnd [Changhai], petit
in-8, 71 pages, en anglais et en français. [Publié sous les auspices du Publicity
Department of the Central Executive Committee.]
— [Library Association of China,] Libraries in China, Pékin, 1929, in-8,
43 naffp.s.

- §p 7K+ fit+^i
in-8, 1 -[• 2 1
SuztJKI Torao' M fS $St ^yôkan-roku, Kyoto, 1928,
368 pages. [M. S. réunit ici plusieurs travaux, dont
certains avaient déjà paru ailleurs. Le recueil comprend: 1° Une biographie
par années de ^/j? $T} Chen Yo, 441—513 (avait paru en 1928 dans les Mé-
langes Kanô, sur lesquels cf. T'oung Pao, 1929, 401); 2° Une étude critique
sur le rass. fragmentaire des T'ang du A7~ ;\^V jSft -rf-p Wen-sin tiao-long
(sect. 1—14) que j'ai rapporté de Touen-houang (avait paru en 192(5 dans les
Mélanges Naitô, sur lesquels cf. T'oung Pao, 1928, 208; 3° Sur les docteurs
( JîfÊ J^ tsin-che) des T'ang (avait paru dans le Shina-gaku de 1927);
4° Critique textuelle du ^Jj Êj^ JjMp Sin-yo-fou de Po Kiu-yi (inédit; est
précédé d'une bonne bibliographie critique des oeuvres de Po Kiu-yi); 5° Sur
la poésie philosophique des Song (inédit); 6° Sur les origines Song des mor-
ceaux à couplets balancés qui, sous le nom de f\ B& ~A7~ Jip pa-kou
ive-n-
tchang, ont joué le rôle principal dans les examens littéraires dès les Yuan
et surtout à partir des Ming (paru d'abord dans Shina-gaku de 1926);
7° In memoriam pour Wang Kouo-wei (paru d'abord dans le Geimon de 1927;
cf. T'oung Pao, 1929, 72); 8° Quatre morceaux poétiques (inédits).]

- SUZUKI Torao, ^& * $fr JC & W fl $t Wl IE


O-Shukurin lion Bunshin-choryu kokanki ("Critique textuelle du Wen-sin
tiao-long de l'édition de Houaug Chou-lin [1738]"), [1929,] 112 pages in-8.
[Tir. à part des pp. 159—270 du volume annuel de "Recherches sinologiques"
(Shina-gaku kenkyu) dont la revue ffif ~Â7~ Shibun a commencé la publication
en 1929.]
- Tajikistan, Sbornik stateï (Le "Tajikistan, Recueil d'articles"), publié
sous la direction de N. L. Korzenevskiï, Tachkend, 1925, in-8, 1 fnch et 291
pages, avec 3 cartes. [Publication de la Société pour l'étude du Taiikistan.]
LITRES REÇUS. 117


TCHAITsoun-tchun [ ^ ^^ ^£ TCHAI Tsiun-tsien], Essai historique
et analytique sur la situation internationale de la Chine, conséquences des traités
sino-étrangers, Paris, Geuthner, 1929, in-8, 235 pages; 50 francs. [= Bibliolheca
Franco-Sinica Lugdunensis, t. III.]


m m TCH'SN Yuan, ^ ^ Z K Vi H * ~R B H ¥
V3L "§* Min9~ki tche Ngeou-Houa mei-chou ki Lo-ma-tseu tchou-yin ("Les
beaux-arts européano-ehinois et les transcriptions phonétiques romanisées
sous les Ming"), Pékin, 1927, gr. in-8, 20 ffnch. [Pointe sur les planches
chrétiennes du 7^ j^ ^g ^T TcKeng-che mo-yuan qui ont déjà été étudiées
dans le travail connu, de M. Laufer, Christian Art in China.]
Mien TCHENG [Kïfr &j| TCH'EN Mien], Le théâtre chinois moderne,

Paris, Presses modernes, 1929, in-8, 195 pages. [Thèse de doctorat ès-lettres.]
[TCH'EN Mien], Répertoire analytique du théâtre chinois
— Mien TCHENG
moderne, Paris, Jouve, 1929, in-8,182 pages. [Thèse complémentaire de doctorat
ès-lettres.]
— Jôrg TRÙBNER, YU und Kuang, Zur Typologie der chinesischenBronzen,
Leipzig, Klinkhardt & Biermann, 1929, in-4, 32 pages et 64 planches; RM. 66.
TSING Tung chun [^©* ff3J 3ΧC TSENG T'ong-tch'ouen], De la-production

et du commerce de la soie en Chine, Paris, Geuthner, 1928, in-8, 228 pages;
50 francs. [= Bibliotheca Franco-Sinica Lugdunensis, t. IV.]

— Giuseppe T'ucci, A visit to an aAstronomicaV Temple in India.


[Ré-
impr. de JRAS, 1929, 247—258.]
— Giuseppe Tucci, Buddhist Logic before Dinnâga (Asanga,
Vasubandhu,
Tarka-sâstras). [Réimpr. de JRAS, 1929, 451—488.J
— B. Ya. VLADIMIRCOV, Sravnitel'naya
grammatika mongol'skogo pis'men-
.

nogo yasyka i khalkhaskogo nareciya, Vvedenie i Fonetika ("Grammaire com-


parée de la langue mongole écrite et du dialecte khalkha, Introduction et
Phonétique"), Leningrad, 1929, in-8, xn -f- 436 pages. [= Publ. du Leningr.
Vostoc. Institut imeni A. S. Enukidze, n° 33.]
B. Ya. VLADIMIRCOV, Bodhicarycwalcira [de] Çàntideva, trad. mongole

de Chos-kyi hod-zer (Chos-kyi 'od-zer), publiée par B. Ya. Vladimircov,
I: Texte, Leningrad, 1929, in-8, vi + 184 pages + 1 fnch Errata. [= Bibl.
Buddhica, XXVIIL]

_ \h ff AË ^t MP YAMANAKA Sadajirô, gf ^^0 Tô-Sô


Seikwa ("Chefs d'oeuvre des T'ang et des Song"), I, Europe, 62 pi., dont 9
en couleurs; II, Amérique, 57 planches, dont 3 en couleurs; Osaka, 1929,
2 vol. in-folio. [M. YAMANAKA Sadajirô, l'antiquaire bien connu d'Osaka, a
consacré ces deux beaux albums aux meilleures oeuvres des T'aug et des
Song conservées en Europe et en Amérique. Les tables sont en japonais et
en anglais. Toutes les préfaces sont japonaises, sauf une anglaise de M.
Langdon Warner. Malgré le titre, quelques oeuvres sont antérieures aux T'ang
et remontent même, en un cas, jusqu'aux Han.]
118 LIVRES REÇUS.

— Year Book of Japanese Art 1927 {The), Tokyo, National Coramittee


of Japan on Intellectual Co-operation, 1928, petit in-4, xm + 162 pages,
avec 120 planches; 8 yen. [Très utile répertoire des musées, expositions,
ventes; les pp. 102—148 sont occupées par de courtes notices biographiques
sur les artistes japonais contemporains, rangées par ordre alphabétique; les
noms ne sont donnés qu'en romanisation.]
LA COLLECTION MONGOLE
SCHILLING VON CANSTADT A LA
BIBLIOTHÈQUE DE L'INSTITUT

PAR

Louis LIGETI.

En publiant le catalogue:) de la collection tibétaine à la


bibliothèque de l'Institut de France, M. Jacques Bacot a rendu
compte de l'oeuvre de ce fervent collectionneur et connaisseur de
livres et manuscrits tibétains, mongols, chinois et même ouigours 2)
qu'était le baron Schilling von Canstadt. Il reste peu de chose à
y ajouter sur son rôle dans l'histoire de la philologie mongole.
Néanmoins, nous lui devons deux collections de livres et ma-
nuscrits mongols, importantes sinon par leur volume, du moins par

1) La collection tibétaine Schilling von Canstadt a la bibliothèque de l'Institut,


Journal Asiatique, octobre-décembre 1924, pp. 321—348.
2) Ici je fais allusion tout d'abord à la réédition lithographique des requêtes
sino-ouigoures des Ming, que le Père Amiot fit connaître le premier en Europe en en
publiant la traduction complète, d'ailleurs peu précise, dans les Mémoires concernant les
Chinois. Ensuite Abel Rémusat se proposa de donner une édition annotée dans le
volume II de ses Becherch.es sur les langues tatares, mais ce volume II n'a jamais paru.
Son manuscrit se trouve conservé de nos jours à la bibliothèque de l'Ecole des Langues
Orientales Vivantes. Nous avons cependant l'édition et la traduction des trois premières
pièces par Klaproth dans TJeber die Schrift und Sprache der Viguren. On trouvera la
reproduction photographique de ces mêmes trois requêtes chez Radlov, comme spécimen
de l'écriture ouigoure, ajoutée aux fac-similés du Qutadyu Bilig. La bibliothèque de la
Société Asiatique possède un exemplaire de la réédition de Schilling von Canstadt sur
lequel M. Pelliot a eu l'obligeance d'attirer mon attention.
9
120 LOUIS LIGETI.

le soin apporté au choix des ouvrages, comme l'a pu constater, de


son côté, M. Bacot à propos de la collection tibétaine. L'une de ces
collections est celle qu'il a rapportée au Musée Asiatique de
l'Académie des Sciences à Saint-Pétersbourg, l'autre celle qu'il a
laissée à l'Institut de France.
A l'usage des érudits européens, il publia une nouvelle édition
du '/jlj $É| ||S} ^
:j||| J§^ Man Iran si fan tsi yao, vocabulaire
des termes bouddhiques en sanscrit, tibétain, mongol, chinois,
mandchou. Cette édition, aujourd'hui peu connue, est relevée dans
la liste des ouvrages qui précède le dictionnaire mongol de Kova-
levski. Un autre vocabulaire bouddhique polyglotte, édité par
A. Schiefner d'après les planches provenant du legs Schilling von
Canstadt, est foncièrement identique au précédent sauf que les
traductions chinoises et mandchoues y ont été omises *).
La collection de l'Institut, fort analogue à celle du Musée
Asiatique si l'on peut en croire le catalogue dressé pour celle-ci
en 1843 2), comprend trente quatre nos en langue mongole et sis
nos bilingues ou polyglottes. D'après un catalogue sommaire ma-
nuscrit, préparé par Schilling von Canstadt lui-même, la collection
se compose des livres sacrés et dogmatiques (3580—3587), formu-
laires de conjuration (3588—3590), hymnes (3591—3593), béné-
dictions (3594), doctrine religieuse (3595), cosmologie (3596—3599),
histoires de transmigration (3600—3602), légendes (3603—3605),
médecine (3606—3607), culte des saints (3608—3609), code des
lois (3610—3613). Ajoutons-y les dictionnaires (3572—3575); les
nos 3533 et 3543 sont des doubles. Sur les quarante nos nous avons
trente-deux xylographes et huit manuscrits.

1) BuddJi.islische Triglotte d. h. sanskril-tibetisch-mon.goUsehes Worterverzeichnis,


ge-
dr/ickt mit den ans dem Nacldasse des Barons Schilling von Canstadt stam??iende?i ïïolz-
tafeln und mil e.ineni leurzen Torioort versehen von A. Schiefner, St. Petersburs;, 1859.
2) Kaialog lcnigam, rukopisjam i kartam na hilaishom, man'czurskom, mongoVskom i
sanskrilskow. jazykakh nalchodjascisja v biblioteke Aziatskago Departamenta, St. Petersb
0'
1843 (1844).
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING TON CANSTADT. 121

Les xylographes sont relativement récents, produits courants et


bon marché des imprimeries lamaïques. Les dates d'impression
données à la fin de chaque livre sont toujours sujettes à caution,
car des prétendues éditions K'ien-long et même K'ang-hi s'impri-
ment et se vendent à Pékin de nos jours.
Les quelques manuscrits, d'une exécution très médiocre, restent
beaucoup au-dessous des xylographes; ils sont également d'une date
récente.
Dans son ensemble, la collection représente pourtant une valeur
sérieuse pour l'initiation dans les études mongoles et surtout dans
le bouddhisme de langue mongole. La plupart de ces textes sont
des traductions du tibétain, ainsi ils peuvent être contrôlés par leur
original et, inversement, ils peuvent rendre parfois des services pour
l'interprétation des textes tibétains, obscurcis par les fautes toujours
nombreuses des copistes.
J'ai donné une description plus détaillée d'une importante col-
lection de dhâranï et de sûtra (Sungdui) qui est d'un usage quoti-
dien chez les bouddhistes mongols et que nous devons toujours
consulter nous-mêmes dès qu'il s'agit des dhâranï et des sïïtra plus
ou moins courts dont le repérage dans le Kanjur mongol, faute
d'un catalogue, demeure fort malaisé 1). Du reste la Presse Com-
merciale à Changhai vient de commencer la publication d'un
recueil de dhâranï en quatre langues : ^ ^ ||f
|§| {5J fit R" IH
A" Wfc jfe ^L Han man mon9 tsang ssea t'i ho pi ta tsang tsHnan
tcheou.
Au point de vue philologique, il n'est pas sans intérêt de con-
stater que certain livres ou traités de la collection Schilling von

1) Nous ne pouvons que regretter que le catalogue du Kanjur mongol de Paris,


oeuvre d'un savant aussi compétent que M. Vladimircov, demeure inachevé et manuscrit.
Il serait souhaitable dans l'intérêt de nos études que les collections mongoles de la
Bibliothèque Nationale (riche en éditions sino-mongoles), du Musée G-uimet et du Col-
lège de France fussent portées au catalogue avec le soin qu'elles méritent.
122 LOUIS LIG-BTI.

Canstadt ont parfois leur titre dans une langue autre que le mongol,
le tibétain ou le sanscrit. Nous nous bornons à signaler ces titres
encore trop énigmatiques. En zang-zung, langue de la religion bon-po
et en partie de l'école de Padmasambhava, nous y lisons ces deux
titres: Bal ling aa lie gu ge M a (n° 3608) et Ta la pa ta y a na lia
(n° 3589, LXXVIPj, en sum-pa A ra na ha li ya (n° 3589, LXXVII),
ensuite deux titres en pseudo-chinois: Arya bar-a yang gyad rta
(n° 3589, LXXXII), et Gcug lag 'phrul gyi rcis srid pa. lha'i skad
du kong ce ling ce mer ma roi ma (n° 3589, LXXVI). Une des
Vajracchedikâ fut traduite de la "langue des dieux" (n° 3587).
Le ~^C ^\ Htl Mk $x: -^
te0u ts'i s^n9 hing y est intitulé en chinois
Bl du chi sing ging (n° 3589, LXXX) a).
A la fin de chaque dhâranï et sûtra nous avons indiqué, autant
qu'il était possible, leur concordance d'après le Kanjur, néanmoins
sans vouloir impliquer par là l'identité absolue des textes confrontés.
Nous avons jugé inutile de citer, outre les références de Beckh,
celles de Csoma et de Schmidt-Canstadt, réunies dans un index
synoptique à la fin du catalogue du Kanjur tibétain de Berlin.
Quant à la transcription mongole j'ai suivi à très peu de chose
près le système que la plupart de nos confrères russes ont adopté
(mais j'ai remplacé par exemple % par q et supprimé 1).
Pour les mots tibétains j'ai suivi la transcription qui est aussi
celle de M. Pelliot et que voici: ka, kha, ga, na, ca, clia, ja, na,
ta, tha, da, na, pa, plia, ba, ma, ca, clia, ja, va, la, za, 'a, ya, ra,
la, sa, set, lia, a.
Les titres sanscrits dans les transcriptions mongole et tibétaine
ont un aspect plus ou moins méconnaissable; et ce qui est pire,

1) Je n'ai pas souvenir d'avoir lu dans l'article de M. H. Franke, cité plus loin
le titre en langue de l'Urgyan (TJ-rgyan skad-du) Mu aksa sa ka ra na, en tibétain Gu
ru padma 'byu/i gnas Icyi slcyes rais rnam par thar pa ses bya ba, en mongol Badina
yadang sudur-un onisiba.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CÀNSTADT. ' 123

forgés souvent par des lamas sachant médiocrement le sanscrit, ils


sont incorrects. M. le baron A. von Staël-Holstein a eu l'obligeance
de revoir les titres sanscrits et de suggérer la substitution de quel-
ques titres altérés ne figurant pas dans les catalogues connus du
Kanjur. M. B. Pankratov a bien voulu corriger quelques inexactitudes
dans les titres tibétains. Je tiens à les en remercier.

3533.
Qutuy-tu bilig-ûn cinadu kijayar-a kûrùgsen vcir oytaluyci ke-
megdekil yeke kôlgen sudur.
Arya vajraccliedikâprajhâpâramitci nâma mahâyânasûtra en ti-
bétain et en mongol.
Xylographe, cf. Jacques Bacot, dans Journal Asiatique, 1924,
octobre-décembre, p. 333.

3543.
Ilaju tegils nûgagsen eke bilig baramid-un yool jirilken nere-tù
yeke kôlgen sudur.
BhagccvaUprajnûpciramitdhrdaya en sanscrit, en tibétain, en chi-
nois, en mongol et en mandchou.
Xylographe, cf. Jacques Bacot, op. cit., p. 335.

3572.
"L'océan des mots". Titre mongol manque, en tibétain Min gi
rgya mcho etc.
Xylographe, cf. Jacques Bacot, op. cit., p. 345.
Les sections III (104 feuillets) et IV (8 feuillets) seulement.
La Bibliothèque Nationale en possède un exemplaire complet dans
le Fonds Tibétain sous les nos 466, 467, 468. Son titre est en mongol
Nere-yin dalai-yin dandya yeke dag yig ûges-iin dalai ba ilges-un
jûil dotorayulun ûiledilgci yeke naran kemekii orusiba, en tibétain
124 LOUIS LIGETI.

Min gi rgya mch'oi rgyab gnon dag yig chen po skad kyi rgya
mcho 'am skad rigs gsal byed ni ma chen po les bya ba bzugs so.
Son sigle ]) chinois est B|J $££ Ming liai. L'ouvrage est réparti en
quatre sections: 1° min mcho, "l'océan des noms", en tibétain, vol.
I, 43 feuillets; 2° dag yig, "l'orthographe", en tibétain et en mongol,
vol. II, 121 feuillets; 3° M 'od, "la lumière du soleil", en tibétain
et en mongol, vol. III, 104 feuillets, c'est le dictionnaire proprement
dit, il est cité, comme ouvrage indépendant, parmi les sources du
dictionnaire de Kovalevski; 4° rmi lam, "le songe", en tibétain et
en mongol, vol. III (section 4), 8 feuillets.
Cf. B. Laufer, Skizze der mongolischen Literatur, dans Keleti
Szemle, t. VIII (1907), p. 180.

3573.

Tôbed iige kilbar surqu bicig.


Le Bod kyi brda yig rtogs pjar si a ba etc.
Cf. Journ. As., 1924, oct.-déc, p. 345.
Les premières pages sont très endommagées. Xylographe broché
à la chinoise, 174 -4- 16 feuillets.
Compilé [olan sudur-ece tegiijiï bicikiii) par Guvan ding bu san
guvang zi dda gusi jangjiya qutuy-tu (§§,7^ ^
flr jH Wi ^\,
H Kouan ting p'ou eh an kouang ts'eu ta kouo che Uan skya
pftî
qutuy-tu). A la fin du premier supplément, composé en 1737, on lit:
Egilnil eke sudur-i klieh ze chin dban busud-un tusa-yi sanaju
tilrgen-e keb-tilr butiigen qayiralabacu sigiln ese jabduysan-i jici
kiyan lung-un nôgiïge on tangyud suryayuli-yin baysi lam-a urad
kûsi bilig-un datai, qalq-a knU blo bzah bzod pa ~) k{v)a ci ki'an 3)

1) Les quelques caractères chinois que portent tous les xylographes mongols et ti-
bétains imprimés en Chine sont plutôt des sigles commerciaux en vue de retrouver
ra-
pidement l'ouvrage voulu que des traductions du titre.
2) Huth, Geschichte des Bîiddhismus, t. II, p. 306. GrùH Ho bzan isod pa dans
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 125

yamun-u mongyol suryayuli-yin baysi lam-a blo bzan chos ''phel.


chos bstan pa. blo bzan clam pa ene yurban kûsi terigilten selte-ber
dutaysan-i nôkiln. sigiijù nige ariyudyaysan keb modon-u sir-a qota-
yin jegun qayaly-a dung quu-a men-il ( j|f St^ P^ ) yadan-a qoyitu
eteged tabdayar qudung sa. dung cang qudung 4) dotor-a sayuci ebu
amban-u sang-dur bui.
En 1588 (Iiuth: 1587), le troisième dalai lama. Bsod nams rgya
incho dpal bzan po fut nommé Kvan tin ta ko hi par l'empereur
chinois 5). Le grand lama de Pékin, Nag dban blo bzan chos Idan
dpal bzan po, qui vivait de 1642 à 1714 (Huth: 1641—1713), fut
nommé à son tour en 1706 (Huth: 1705) Kouan ting p'ou chan
kouang ts'eu ta kouo die 6). C'est bien de ce dernier que parle le
colophon. Pour ce qui est du titre kouo die, en tibétain et en mongol
.

gîisi, gfisri, très répandu dans l'onomastique lamaïque, voir P. Pelliot,


Les kouo die ou "maîtres du royaume" dans le bouddhisme diinois,
T'oung Pao, XII, 1911, pp. 671—676.
Cf. Laufer, Skizze, p. 181.
Sur celui-ci et sur le "Cho la bar sla ba est basé le dictionnaire
tibétain-mongol udq-a-yi tutudyayci saran-u gegen gerel
JSfer-e

kemegdekù tokiyan bicig, soit Brda 1 yig min don gsal bar byed
pa'i zla ba'i ''od snan les bya ba. publié en 1838. (... Qalq-a-yin
yeke kûriyen-ece erekûy-e kilbar kemegdekù nigen delgerenggili tol-
kiyan-u bicig sin-e yaruysan ece jokistay-yi inu yekebëilen abuyad,
Hal-lia ye-ge khu-re phyogs nas \hol bar sla ba les ba'i brda' yig
gyas pa lig gsar du byun ba las lags ëha pliai cher blans sin).

Laufer, Ocerh mongoVsloï literaiury, Leningrad, 1927, p. 17, doit être une faute d'im-
pression et non pas une correction.
3) |i|9 "T* lirt Kouo iseu hien.
4) 3? Jmî ppH |B| Tong-tcKang liou-long.
5) Huth, op. cit., t. Il, p. 230.
6) Huth, t. II, p. 272; P. Cordier, Catalogue du Fonds Tibétain de la, Bibliothèque
Nationale, IIIème partie, Paris, 1915, pp. 535—536.
126 LOUIS LIGE TI.

Ce dernier est en effet l'un des meilleurs dictionnaires tibétains-


mongols.

3574.
Alphabet comparé des écritures lantsa, tibétaine et mongole.
Cf. Jacques Bacot, op. cit., p. 346.

3575.
Li gur khan, aujourd'hui perdu ou égaré. A la Bibliothèque
sVi
Nationale on garde la copie de ce dictionnaire préparée par le lama
Galsang Gromboev.
Cf. Vladimircov, 0 tibetsko-mongoVskom slovare Li-cihi gur-khan,
Doklady Akademii Nauk SSSE, 1926, pp. 27—30.

3580.
Bilig-ûn cinadu kijayar-a kurûgsen qoriu tabun mingyatu orusiba,
La sagesse transcendante en vingt-cinq mille (vers).
En sanscrit PaJimvimkitisaliasrikâprajnâpTiramitU, en tibétain
Ses rab kiji plia roi tuphyin pa ston plirag ni su Ina pa.
Kanjur, Ser phyin XV—XVIII, Beckh, p. 8.
Xylographe en format moyen, 330 feuillets. Première partie.

3581.
Suite du précédent.
Xylographe en format moyen, 302 feuillets.

3582.
Eldeb juil-un uliger-ûn dalai kemegdekil neretil sudur orusibai.
Sûtra appelé la mer des différentes comparaisons.
En tibétain 'Jans bluii. Le titre sanscrit Damamûko ncmia sûtra
n'a très probablement jamais existé; cf. Pelliot, Notes à propos d'un
catalogue du Kanjur, dans Journ. As., juillet-août, 1914, p. 139, et
aussi T'oung Pao, 1929, p. 261.
Mdo XXX 2, B. p. 67.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 127

Copie à l'encre très médiocre, mais traduction remarquable.


Format moyen, 214 feuillets.
Dans le Kanjur mongol de Paris J) c'est dans le vol. XXXI de
l'Eldeb (n° 90 du Ponds Mongol) qu'on retrouve notre texte qui
est terminé par le colophon que voici (f. 430 v°) : Erdeni burqan
baysi-yin nomlaysan eldeb ïdiger-til-yin sudur-i enedkeg-iln kelen-ece
nomlajilan endegûrel iigei tobed-iln keleber delgerengkûy-e sayitur
orciyulju bor-ùn.
Pour ce qui est du titre mongol, cf. le chinois Pj& jÉg l||
P'i yu hing, "Sûtra des comparaisons", Pelliot, Notes, p. 139.
L'histoire des princes Kalyânamkara et Pâpamkara, traduite
aussi en ouigour, y est intitulée Qan kôbegiln buyan qabiya-tu-yin
b'ôlûg (I) ff. 140—152, dans le Kanjur mongol Buyan-tu qan kôbegiln-ii
mil (II) ff. 338—352. Elle est connue sous le même titre dans une
édition de Pékin (III) de 1728; d'ailleurs ces deux derniers textes
ne représentent qu'une seule rédaction. Pâpamkara s'appelle dans
le premier (I) Nigûl qabiya-tu et dans les deux autres (II—III)
Nigùl-tû qan kôbegùn. J. Takakusu, Taies of the Wise Man and the
Fool, in Tibetan and Chinese: J. R. A. S., 1901, p. 451, parle de
Kalyâna-kârï qui est donc à peu près la même forme à laquelle a
abouti M. Pelliot, d'après la transcription chinoise de ce nom, dans
le Toung Pao, 1914, ,p. 227.

3583.
Qutwy-tu degedû altan gerel-til erketû sudur-nwyud-un qayan neretil
yeke kôlgen sudur.
Sublime saint éclat de l'or, puissant roi des sutra. Sûtra du
Grand Véhicule 2).

1) J'ai vu un exemplaire completde cette même édition imprimée du Kanjur mongol,


en 118 volumes, dans le Mahâkala-miao à Pékin.
2) [J'ai laissé le texte de M. Ligeti tel qu'il me l'avait envoyé; mais personnelle-
ment je crois que, dans le présent titre et dans tous ceux qui suivent, le sanscrit Tirya,
128 LOUIS LIG-ETI.

En sanscrit Ârya suvarnaprabltctsottamasûtrendrarctja nctma ma-


hmjànasûtra.j en tibétain 'Phags pa gser 'od dam pa mdo sde'i dbaii
po^i rgyal po ëes bya ba theg pa chen poH mdo.
Xylographe en grand format. Dix chapitres. Imprimé en 1721:
Dayicing ulus-un Engke amuyulang jiraduyar on-u namur-un segûl
sar-a-yin sayin edur-tilr an ding men ( ^^
P^ ngan ting men)
qayalqan-u yadan-a Fit ( jM ) dalai seyilgejù yaryabai.
La même rédaction, éditée à la chinoise, se trouve à la Bibliothèque
Nationale sous les n°s 1843—1844 du Nouveau Fonds Chinois.
Cf. le n° 3528;la concordance donnée ici-même n'est pas exacte,
il faut lire Rgyud XIV, 1, Beckh, p. 102.
Laufer, Skizze, pp. 225—226; Pelliot, A'ofes, p. 147. Ce même
sûtra fut publié pendant le règne de K'ang-hi aussi en ouigour :
Y. Radlov et S. E. Malov5 Suvarnapjrabhasa, (Sutra zolotogo bleska)^
tekst uïgurskoï redakcii, I—VIII, 1913 —1917, formant le volume
XVII de la Bibliotheca Buddhica. Quelques fragments de la version
ouigoure ont été publiés par M. F. YV. K. Huiler dans ses Uigurica ;
voir sa notice sur la rédaction ouigoure dans les Sitzimgsberichte de
l'Académie de Berlin, 1924, p. 117.

3584.
Qutuy-tu pahcaraksâ kemeku neretil sudur.
Sûtra des cinq protections sublimes.
I. Yeke kôlgen-û yeke mingyan yirtïncii-yi mayad daruqui neretil sudur.
Sûtra du suprême triomphe sur les grands mille mondes du Grand
Véhicule.
En sanscrit Mahâsahasrapramardana riâma sûtra, en tibétain
Ston chen po rab tu 'joins pa zes bya baH mdo.
36 feuillets.
Kanjur Rgyud XIV 2 B, p. 102.

tib. 'phags-pa, mo. quiuytu, "saint", "sublime", porte sur tout l'ensemble du titre, et
non sur un de ses éléments. — Paul Pelliot.]
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTÀDT. 129

II. Arvis-un erketei yeke tayus.


La grande paonne, maîtresse des incantations.
En sanscrit Mahâm-ayUrïvidyarâjnï, en tibétain Rigs siiags kyi
rgyal mo rma bya chen mo.
46 feuillets.
Kanjur Egyud XIV 3, B, p. 102.
III. Qutuy-tu arvis-un yeke erke-tei ôber-e ôber-e-de dayaqui neretii
darni.
La maîtresse des incantations, Mahâpratisarâ. Dhâranï.
En sanscrit Arya mahïïpratisardrâjnï (sic), en tibétain Thags
pa rigs snags kyi rgyal mo so sor ''bran ba chen mo.
32 feuillets.
Kanjur Rgyud XIY 4, B, p. 103.
IV. Yeke serigûn tùn sudur.
Le sûtra de la grande forêt fraîche.
En sanscrit Mahâsïtavanï (sic) sûtra, en tibétain Bsil ba'i chai
chen poH mdo.
17 feuillets.
Kanjur Rgyud XIV 5, B, p. 103.
V. Yeke niyuca darni-yi dayan bariyci sudur.
Sûtra qui renferme le grand mantra.
En sanscrit Mahâmantrânudhdri sûtra, en tibétain Gsan siiags
chen po rjes su 'jin pa'i mdo.
10 feuillets, les ff. 10 Y0—13 Y0 contiennent un colophon en
deux parties.
Kanjur Rgyud XIV 6, B, p. 103.
Xylographe en grand format. Il a été traduit du tibétain (cf.
le n° 3527) par Chos-kyi 'Od-zer. M. Vladimircov en signale, à la
bibliothèque de l'Université de Leningrad, un exemplaire provenant
du temps des Yuan. Cf. MongoVskii sbomik razskazov iz Pancatantra
dans Sbomik Muzeja Antropologii i Etnografii imeni Petra Velikogo
pri Akademii Nauk SSSB, t. IV, 1925, p. 444.
130 LOUIS LIGETI.

La deuxième partie du colophon relate l'introduction du boud-


dhisme en Mongolie. Par suite d'une analogie remarquable avec un
passage du Jiriiken-û tolta, attribué généralement à Chos-kyi 'Od-zer,
il nous a paru bon de la publier ici.
(11 v°) Ken tere ene badr-a galab-un dotora kedùi toyatan bur-
qan-nuyud tôriijiï gern iigei jarliy nom inu mongyol irg en-dur ker
kuriigsen siltayan-i qoriyan ogùlesiigei. Ali cay-tur ene sab yirtincû 1)
bayiyiduyad aqui yeke dalai-yin dumda mingyan nabcitu (12 r°) altan
dngge-tii lingqu-a delgeregsen-iariyun oron-daki tngri-ner ujejù borùn.
Sayiïur delgeregsen altan lingqu-a-yin belge sayar iigei ene galab-tur
mingyan toyatan sayibar oduysan burqan-nuyud torilkil kernen sayin
galab sayin galab kernen ja,rlaldujuqui. AU tere cay-ece''terigûlejû
bor-iin amitan naiman tihnen nasidaqui-dur kiirtele altan kiirdiltû
cakravad-un qayan t'ôrujil amitan-i arban buyan-tu m ôr-tur jokiyaju qui.
Tendece amitan naiman tihnen nasulaqui-ece teriguleji'i jayun nasidaqui

cay-un urida tegiis toyuluysan Gargasurtdi terigiden Ganagamuni


tegihicilen gasib itegel toriijû bôrihi. Toy-a tomsi ùgei olan amitan-i
tonilqui qutuy-tur jokiyaju dutuger-tilr toyuluysan baysi bidan-u
Sigamuni tôrilbei. Amitan jayun nasidaqui cay-tur qubitan amitan-u
tayalal-iyar inu yurban jiiil-iyer qoyar kolgen-i nomlaju qotala-yi
qutuy-tur jokiyaju coycas-un qocorli iigei nirvan-dur ovubai. Ôbesiiben
ôber-iin bey-e-ber nomoyadyayad-i dayusqaju orubasu ber tere boyda
nirvan-dur ôlgeldiin merged tôriijii. Tegiin-u jarliy-i (12 v°) uryurnal
naran-dur adali geyigiiliigsen-i erten-ii iriiger-iin kiiciin-iyer bodistv-
nar 2) erketii kiiciitii qayan bolun t'orujii ejelejïï, ober-ûn ober-ûn

1) Cf. ouigour bu sav all(ï)q ylrsuvda, W. Radloff, Kuan-ki-im Pusar, eine tiirkische
Ueberseizung des XXV. Kapitels der chinesischen Ausgahe des Saddharmapuddarika, St.
Pbg, 1911, Bibliotheca Buddhica, XIV, p. 48.
2) Bodisv.ng de notre manuscrit, attesté sous cette même forme dans les dictionnaires
mongols, n'est qu'une méprise graphique et il est à supprimer, il. Pankratov
me com-
munique que B. Vladimircov, TurecJcie elemeniy v mongol'skom jazyke, dans les Zapiski,
t. XX, p. 164, s'est prononcé dans le même sens.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING- VON CANSTÀDT. 131

idus-tayan erdini sasin noin-i delgerejùkili. Uduriyulsun nirvan bolju,


yurban mingyan ôbermice basa jayun on-u dotor-a uridu buyan-u
kûcûn-iyer. Çambudib-un iïme-tù (?) orgil onon neretû yajar-tur
delekei-dekin-i nigen tôrû-dûr oruyulun tngri-ner-e ilr-e sacuydaysan-u
uruy-tur tengsel ilgei buyan bilig-iln kûcûn yeketû Temiijin neretii
er-e boyda tôrûjû bôriin. Cinggir qada neretû jegerdegcïd-ûn terigiin-i
cimeg-iyer takiyuluysan qoyin-a aldar inu Cinggis qayan kemen
Çambudib-tur
v cab boljuqui. Boyda tegiln-û cay-tur-i burqan-u nom-i
bùkù mongyol ulus-a ese aldarsiyulbasu ber burqan-u erdem-i sono-
suyad iniin deger-e bursang qovaray-ud-i alban-ece yaryajuqui. Qutuy-
tu tegûn-û ùy-e-diir inu qubilyan bôged tôriigsen-nû tula ner-e inu
Qubilai kemen qotala-yin oroi degere ôrgûgdeju qoyin-a Secen qayan
kemen aldarsijuqui. Erdem bilig-iyer cimegdejii yirtincil-dekm-e egen-
egde tusatu sedkil inu Esru-a metû ediii ken ber jasaday ilgei mien
joriy inu erdin-ù arsi-nar-un qayan metû bukui-yin tula tere boyda
burqan-u nom bugudece degedii-yi iïnen-iyer uqaju bodistv 'Phags pa
blam-a-yi ireguljû, bûrin-e burqan-u sasin-i sonosqayuljuqui. Uridu
ûgei tulyurcin mongyol-un ûsiig-i uran-a sayitur jokiyayidju, baysi
boluyad ùnen sayin tonilqui mor-i iijiigidugsen-i oroi-yin cimeg bolyan
kûndûlejùkui. Oo-a teyin ber bôgesii burqan-u nom-i oor mongyol-iyar
tbyulyaju ese boluysan-iyar olan-a toyulyan yadan nôkùd-iyen cil
olanggi-da uyiyurcin kelen-iyer sonosun ajuyui. Tegùn-u qoyin-a
terigùlegci tere qayan-u delekei-yin ejen bolyan erke ôgdegsen tede
kôbegùn-û yutayar iiy-e-dûr anu tengsel ilgei Qayisa neretû tôrujil
bôriin. Kôbegûn cay-acayan bôged uridus-tur kûsigurgegsen-i killilg-
iyer-iyen ùlidgeju gûr ulus-un ejen bolyaydaju bilrin-e Kiililg qayan
kemen aldarsiysan ken bôgesii. TJnen uduriduyci ôgùlegcid-un naran
iijerejû Coski Odser neretii kelemilrci-lilge (13 Y 0) iiy-e qoyar-un ary-a
bilig-ûn kûcûn-iyer oor mongyol-un ayalyu-bar nom-i delgerejùkili.
Sayibar oduysan burqan-u nomlaysan sakiyan-u degedil enepancaraksa
nom-i sayitur kiciyen sedkijû siisûg-i egûskiged kû sacalal ûgei du-
132 LOUIS LIGETI.

raclcu bicigiUùgsen buyan-iyar qayan qatun tàrigulen altan uruy-iyar


ba qamuy ebedcin encle todqor anu qayarqay-a qocorli îigekiiy-e
arilju aliba qamuy kùsegsen kilsel bùgùde bûtiitûgei. Amaray tayalal
eke kôbegiin kiged amitan ôber yayuyaban eserkil teserkû jokilduju

asuru ba erikiii kilsel bûgiide biitiïju amuyulang-im iïiles anu ôber-


iyen bùtiiku boltuyai.
J. Schmidt, Geschichte der Ostmongolen, p. 398: A. Pozdneev,
Cf. I.
Khrestomatija, pp. 360—379 (Jirûken-ù tolta-yin tayïlburï), dont une
partie essentielle est reproduite dans ses Lekciipo istoriimongoVskoï
literatury, t. I, pp. 193—194. Le Jirûken-û tolta. à la rigueur
Jiriïken-H tolta-yin tayilburi publié par Pozdneev (du reste plein de
fautes d'impression), n'a réellement rien à voir avec la rédaction due
à Chos-kyi 'Odzer, contrairement à ce qu'on lit même dans la tra-
duction russe de la Skizze de M. Laufer (p. 49) et bien qu'on y ait
déjà corrigé la traduction erronée du titre.
L'exemplaire des "Cinq protections", beau manuscrit du temps
de Altan qa^an des Tûmed, que j'ai rapporté à la bibliothèque de
l'Académie Hongroise des Sciences à Budapest, ignore le colophon
publié plus haut, mais il en donne par contre un autre non moins
intéressant. Ainsi il y est question (na 11 v°) d'un certain Erkegûd
ulus-un yeke noyait buyan-tu nom-un ejen (évêque?) darqan noyan.

3585.
Qutuy-tu yekede tonilyàyci jug-ûd-tur delgeregsen yasiyutan gern-
sikili-ber kilincas-i arilyayad burqan bolyan butiigetuy-e teyin bôged
jokiyaysan yeke kôlgen sudur.
La méthode de devenir Bouddha en effaçant les péchés par le
profond repentir en vue de la sublime délivrance complète qui dé-
passe les points cardinaux. Sûtra du Grand Véhicule.
En tibétain 'Phags pa thar pa chen po phyogs su rgyas pa \jyod
chans kyis sdig byans te sans rgyas su grub par main par bkod
pa
zes bya ba tlieg pa chen po'i mdo.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 133

Format moyen, copie à l'encre. 1ère partie 34 feuillets, Ilème partie


36 feuillets, Illème partie 29 feuillets.
Kanjur Mdo XXIII, 3, B, p. 56.
Les catalogues du Kanjur tibétain ne donnent pas de titre sanscrit.
L. Feer l'a restitué en Kaukrtyapuimkapâpadhuta {Annales du Musée
Guimet, t. II, p. 271). Notre manuscrit, et tous les autres que j'ai
vus depuis, supposent le titre sanscrit suivant, fantaisiste ou altéré:
Arya ghanja mahïï bhricaphulu karma abirana [corr. âvarana ?]
sodhaya buddha rabhuha nâma maliâycma sûtra. Texte très populaire,
il fut traduit du chinois, mais son original demeure jusqu'à présent
inconnu. M. Pelliot a songé à la série des -flfe &
Fo ming king. ^
Le traducteur mongol se nomme Kôke 'Od-zer: Yekede tonilyayci
neretû ene yeke kolgen sudur-i datai metû ïdemji silsùg bisirel-til
dayiming secen qayan-u ') durad duysan jarliy-iyar dayan bayasulcaju
Kôke Odser kemekil kelemeci 2) dayidu-yin darumal sudur-ece mong-
yolcilan orciyulbai. Il a été imprimé en 1708: Engke amuyulang-un
jil-un uridu yurban sar-a-yin
dôcin dolotuyar on-u sir-a qoluyana
sayin edùr-tùr an ding mun yadan-a sayuysan Fa dalai seyilgejii
yaryabai.

3586.
Qutuy-tu vcir-iyar oytaluyci bïlig-iin cinadu kijayar-a (sic) neretû
yeke kolgen sudur.
Xylographe en petit format, 54 feuillets.
Cf. le n° 3533.

||||
1) On ne
T'ien-tch'ong (1627—1635) appelé ~fc ^
peut guère songer à Qubilai, ni non plus à Secen qayan, yç
~^Ç |||_ ffi T'ai isong
tven Iwuang ti,
qui est d'ailleurs des Ts'ing. Cf. Kotwicz, 0 chronologji mongolslciej,Rocznik Orjentalisticsny.
A la fin du volume XXXIII du Mdo dans le Kanjur mongol de Paris (Fonds Mongol, n° 92)

nous lisons : Ùlemji sayin luyan-tu masi uqaya-tu dayiming secen Cinggis qayan-ujarliy-iyar
Kun-dga 'Od-zer helemûrci qordun-a orciyulju orusiyulbai.
2) En ouigour sous cette même forme; il est attesté dans le colophon du JMjUvavâdaka
maliâyanasûtra, publié par V. Radlov, Kuan-si-im Pusar, p. 82.
134 LOUIS LIG-ETI.

3587.
Qutuy-tu bilig-ûn cinadu kijayar-a kûrilgsen vcir-iyar oytaluyci
neretii kemekû yeke kolgen sudur orusibai.
Même que le précédent. Xylographe en petit format, 36 feuillets.
Traduit de la "langue des dieux" par Pan-'chen Diristan (?) :
Bancen Diristan kelemurci tngri-ner-un kelen-ece-iyen jokistay-a orci-
•yulju tamayalyayulbai.

3588.
Sungdui terigun bôlug orusiba.
Première partie du gZuns bsdus.
I (ka) Qutuy-tu maujuéri-yin ner-e-yi ilneger dgulekUi.
Sublime psalmodie des litanies de Manjusrï.
En sanscrit Arya manjuérînamasamglti, en tibétain ^Phags pa
'jam dp al gyi mchan yaii dag par brjod pa.
1—11 v°.
Cf. le n° 3546 où M. Bacot l'identifia, à tort, avec le premier
volume du gZuns bsdus. Dans le Kanjur tibétain de Berlin, le
titre — et probablement le texte aussi
— est plus complet,
Beckh, Verzeichnis, p. 72.
Colophon: Enedkeg-ïm ubadini Sraddhakaravarma kiged Ka-
malagupta luy-a yeke ôcigci kelemurci Bin chen bzanpo orciyuluyad
nayirayulju orusiyulbai.
II (kha) Qutuy-tu caylasi ilgei nasun kiged belge bilig-tii neretu yeke
kolgen sudur.
Sublime vie et sagesse sans limite. Sûtra du Grand Véhicule.
En sanscrit Arya aparimtiâyurjhana nama mahciycmamtra,
en tibétain 'Phags pa che dan ye ses dpag tu med pa zes bya
ba theg pa chen po'i mdo.
11 v°—18 v°.
Rgyud XV 75, B, p. 122.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 135

Qutuy-tu nasun kiged caylasi ilgei belge bilig-til-yin jirùken


neretù darni.
L'essence de la sublime vie et sagesse sans limite. Dhàranï.
En sanscrit Arya aparimitdyurjhdnahrda.ya nama dhàranï,
...

en tibétain 'Pliags pa che dan ye ses dpag tu med paH sniii po


zes bya ba'i gzuns.
Egyud XV 77, B. p. 122.
III (ga) Qamwy tegilncilen iregsen-il usnïs-a ') vijayâ neretil-yin darni
Jciged onol.
L'usnïsavijaya de tous les Bouddhas. Dhàranï et formule
magique.
En sanscrit Sarvatathâgatosnïsavijaya nama dharanïkalpasahitâ
(sic), en tibétain De bzin gsegs pa thams cad kyi gcug tor rnam
par rgyal ba zes bya baH gzuns rtog pa dan bcas pa.
21 v°—23 r°.
Egyud XIV 25, B. p. 105.
IV (fia) Qutuy-tu teyin boged ilayuysan qamuy mayui jayayad-i
uyuyada arilyayci neretil darni.
Sublime effacement complet de toutes les mauvaises naissances.
Dhàranï.
En sanscrit Arya sarvadurgatipariêodhanï usnïsavijayd nama
dhàranï, en tibétain 'Pliags pa iian 'gro thams cad yons su sbyon
ba gcug tor rnam par rgyal ma zes bya baH gzuns.
23 r°—30 v°.
Egyud XIV 24, B. p. 105.
Colophon : Enedkeg-iln ubadini Jinamitra kiged Sïla indrabodhi
luy-a ôcigci yeke kelemùrci Jhdna singha orciyulju nayirayuluyad.

1) Vyniy-a de notre manuscrit, usniy-a des dictionnaires mongols (Kovalevski, Weller)


sont des graphies incorrectes qui s'expliquent par la ressemblance du -y- de l'écriture
mongole ordinaire avec le s de l'écriture galik, employée pour la transcription des mots
étrangers, surtout tibétains et sanscrits.
10
136 LOUIS LIGETI.

Le reste est en sanscrit. Chez Beckh les traducteurs s'appellent


Jinamitra, Surendrabodhi, Ye ses sde.
Y (ai) Qutuy-tu tegiincilen iregsen-il oroi-ece yaruysan cayccn sikiirtei
busud-ta Mil ilaydaqu yelcede qariyuluyci degedii biltiigsen neretû
darni.
La sublime déesse au parasol blanc, sortie de l'usnïsa du
Bouddha, invincible par les autres, qui conjure les maléfices et
les retourne contre leur auteur. Dhâranï.
En sanscrit Arya talhâgatosnlsasitâtapatre aparâjitâmaJiâpjra-
tyangiraparamasiddhi nârna dhâranï. en tibétain ;Phags pa de
bzin gsegs pcii gcug tor nas byun btCt gdugs dkar mo can gza'u
gyis mi thub ma phyir zlog pa chen mo mchog tu grub pa zes
bya biCi gzuns.
30 v°—38 Y 0.
Bgyud XIV 29, B. p. 106. — Bacot, op. cit., p. 333.
Qutuy-tu badarangyui usr/Isa neretiï darni.
Le sublime usnîsa flamboyant. Dhâranï.
En sanscrit Arya usiûsajvala rtâma dhâranï, en tibétain
''Phags pa gcug tor ''bar ba zes bya btCi gzuns.
38 r°—38 v°.
Bgyud XTY 50, B. p. 109. D'après le catalogue de Csoma,
XIII, 39, p. 321. Beckh ne donne pas le titre sanscrit, ni non
plus la référence à Csoma.
VI (cha) Uaju tegiis niigcigsen burgan-u jayun naiman ner-e toytayal
darni.
Les cent huit noms du Bouddha. Dhâranï avec formule ma-
gique.
Cf. tib. Sans rgyas bcom Idan 'das h/i mchan brgya rca brgyacl
pa gzuns snags dan bcaspa, Bgyud XII, 23, B. p. 100.
Sigamuni burqan-u jiriiken darni.
L'essence de Sâkyamuni. Dhâranï.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 137

Cf. tib. 'Phags pa sïïkya thub pa'i shin po, Rgyud XII 5, B.
p. 98.
Biyrocan-a burqan-u jiriïken darni.
L'essence du Bouddha Vairocana. Dhâranï.
44 v°.
Cf. tib. Thags pa mam par snan mjad kyi shin po zes bya
bal. gzuhs, Rgyud XII 6, B. p. 98.
Qutuy yuywysan yosuyar t'ôrùkiï darni.
Dhâranï sur les renaissances conformes aux prières récitées.
44 y°—45 r°.
Saran gerel-tii-yin ner-e dayan duradqui darni.
Souvenir des noms de "Clair-de-lune". Dhâranï.
Cf. tib. Zla baH 'od kyi radian rjes su dranpa, Rgyud XXIII,
B. p. 139.
45 r°_45 v°.
Qamuy tegiïncilen iregsed-iïn jiriïken.
L'essence de tous les Bouddhas.
45 v°.
Cf. tib. De bzin gsegs pa spyi-i shin po rjes su dran pa,
Beckh, p. 99.
Ratna siki burqan-u ner-e-yi orusiba.
Les noms du Bouddha Ratnasikhin.
45 v°.
Cf. tib. Sans rgyas rin clien gcug tor can gyi mchan rjes su
dran pa, Beckh, p. 99.
Qutuy-tu bilig baramid-un jayun naiman ner-e.
Les sublimes cent huit noms de la sagesse transcendante.
En sanscrit Arya prajhapâramitânâmdstaéatakam, en tibétain
'Pliags pa ses rab kyi plia roi tu phyin paH mchan brgya rca
brgyad pa.
45 v°—47 v°.
138 LOUIS LIGETI.

Rgyud XIII 10, B. p. 101.


Qutuy-tu maiclari-yin jayun naiman ner-e Jciged toytayal darni.
Les cent huit noms sublimes de Maitreya. Dhâranï avec formule
magique.
47 y°—50 r°.
Cf. tib. Thags pa byams pa'i mchan brgyarca brgyadpagzuns
snags dan bcas pa, Rgyud XV 37, B. p. 118.
Qutuy-tu maidari ôbesùben aman aldaysan neretiï darni.
Voeu du sublime Maitreya. Dhâranï.
En sanscrit Arya maitrlpratijïm nama dhâram, en tibétain
Thags pa byams pai dam bcas pa zes bya bal. gzuns.,
50 r°—51 r°.
Rgyud XV 46, B. p. 119.
Qutuy-tu mahjusrl-yin bilig kiged oyun-i nemegïdugci neretii
darni.
Accroissement de la sagesse et de l'intelligence du sublime
Mailjusrï. Dhâranï.
En sanscrit Arya mahjiisrlprajhâbiiddhivardhanancmïadhâranï.
en tibétain Thags pa \jam dpal gyi ses rab dan 'phel ba zes bya
ba'i gzuhs.
51 r°—51 v°.
Rgyud XIII 8, B. p. 101. D'après Csoma: XI, 18, p. 314.
Légère divergence entre les titres donnés par Csoma et Beckh.
VII (ja) Qutuy-tai getiilgegcï dura eke-yin jayun naiman ner-e.
Les cent huit noms de la vénérable Târâbhadra.
En sanscrit Arya Târâbhadranwmastamtcikam, en tibétain
Bje bcun ma ''phags ma sgrol mai' mchan brgya rca brgyad pa.
51 v°—56 r°.
Rgyud XVII 22, B. p. 126.
VIII (ha) Qutuy-tai ayulan dotorcdci nabcin debel-tei kemegdeku darni.
La sublime déesse de la montagne, habillée de feuilles d'arbres.
Dhâranï.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 139

En sanscrit Arya parnâêabari nâma dhâranï, en tibétain


'Phags ma ri khrod lo ma gyon ma zes bya ba'i gzwiis.
56 r°—56 v°.
Rgyud XIY 12, B. p. 104.
IX (ta) Qutuy-tu marici neretil darni.
Sublime Mârïoï. Dhâranï.
En sanscrit Arya mariât nâma dhâranï, en tibétain 'Phagspa
'od zer can zes bya ba'i gzwiis.
56 v°—58 r°.
Rgyud XIV 7, B. p. 103:
Colophon: Pandita Amoghavajra luy-a kelemûrci Aldarsiysan
Ei"déni neretil ayay-aa tekimlig orciyuluysan bolai. M. Beckh
donne les noms pandita Amoghavajra et locchava bhiksu Rin
chen grags pa.
X (tha) Qutuy-tu tuy-un ûjilgûr-deki carbayun-u cimeg neretil darni.
Le sublime ornement placé à la pointe de la bannière. Dhâranï.
En sanscrit Arya dhavjâgrakeyûra nâma dhâranï, en tibétain
'Phags pa rgyal mchan gyi rce mo'i dpun rgyan zes bya ba'i gzuns.
58 r°—60 r°.
Rgyud XV 22, B. p. 116.
Colophon: Enedkeg-ûn ubadini Jinamitra kiged Dânaêïla luy-a
ocigci yeke kelemûrci Belge Bilig-un bande. Chez Beckh : Jinamitra,
Dânaêïla, Ye ses de.
XI (da) Coy-tu vcir kimûsùtei neretil darni.
Celle qui possède une puissante serre en diamant. Dhâranï.
En sanscrit Srï vajra tiru (?) nâma dhâranï, en tibétain Dpal
rdo je sder mo zes bya ba'i gzuns.
60 r°—67 rb.
XII (na) Qutuy-tu yeke kûcûtû kemegdekii yeke kôlgen sudur.
La sublime "Grande Force". Sûtra du Grand Véhicule.
En sanscrit Arya mahâbala nâma mahâyânasutra, en tibétain
'Phags pa stobs po che zes bya ba'i theg pa chen po'i mdo.
140 LOUIS LIG-ETI.

67 r°—80 v°.
Egyud XVIII 15, B. p. 129.
XIII {pa) Qutuy-tu jerlig doysin kùmûn-i teyin bôgecl nomoyadyayci
neretil darni.
La sublime méthode de pacifier les sauvages. Dhâranï.
En sanscrit Arya coravidlwamsana nama dhâranï, en tibétain
"Plxags pa mi rgod rnam par 'joins pa zes bya ba'i gzuns.
80 v°—81 v°.
Egyud XIV 40, B. p. 108.
Qutuy-tu qamuy jedker oytal-un arilyayci toyiayal darni.
Sublime effacement de tous les obstacles. Dhâranï m antra.
En sanscrit Arya sarvântarasamgrdsa dhdranimantra, en ti-
bétain 'Phags pa bar du gcod pa tliams cad sel hcCi gzuns snags.
81 v°—82 r°.
Egyud XV 20, B. p. 116.
XIV {plia) Ary-a, avalokitesuvari-yin darni kemegdekii.
Dhâranï de Ârya Avalokitesvara.
En sanscrit Arya avalokitesvara nama dhâram. en tibétain
'Pliags pa spyan ras gzigs dbah pliyug gi gzuns zes bya ba.
83 r°—83 v°.
Egyud XVII 2, B. p. 124.
Ary-a avalokitesuvari-yin jiruken.
L'essence de Ârya Avalokitesvara.
83 v°.
Cf. tib. 'Phags pa spyan ras gzigs kyi shin po, Egyud XVIII
3, B. p. 124.
Arslan dayutu-yin darni.
La voix de lion. Dhâranï.
83 v°.
Cf. tib. Sen ge sgraH gzuns, Egyud XVII 18, B. p. 126.
Colophon : Enedkeg-ïin ubadini Vakisuvar-a {= Vagïsvara)
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 141

Log Jhdnaprajnâ, guur-a kelemûrci orciyulbai. Chez Beckh: Nag


gi dbaïi phyug et Klogs shya ses rab brcegs.
Amovagabasa-yin jirûken neretû dami.
L'essence de l'Amoghapâéa. Dhâranï.
83 v°—85 v°.
Cf. Beckh, p. 123.
XV (6a) Qutuy-tu samanda badr-a-yin dami kemegdekù.
Dhâranï du sublime Samantabhadra.
En sanscrit Arya samantabhadra nama dhâranï, en tibétain
'Phags pa kun tu bzaiis po ses bya baH gzuns.
85 v°—88 v°.
Rgyud XVII 8, B. p. 124.
XVI (ma) Qutuy-tu arban vajirabani-yin jirûken.
Essence des dix vénérables vajrapâni.
En sanscrit Arya daéavajrapâmnamhrdaya, en tibétain 'Phags
pa lag na rdo rje bcuH snin po.
88 v°—89 v°.
Colophon : Enedkeg-iln ubadini Jinamitra kiged Dânaéïla luy-a
ôcigci yeke kelemûrci Belge Bilig-iin bande orciyuluyad sudur-tur
orusiyulbai.
Rgyud XVIII 9, B. p. 129.
Mengge-yi dabqucayuluysan kiling-ten-ù qayan maytayal dami.
Eloge du "Roi de la colère qui fronce les sourcils". Dhâranï.
En sanscrit KrodhabhurkumkUtarâjastotramantra, en tibétain
Khro ba'i rgyal po sine brcegs la bstocl pa'i snags.
89 v°—91 r°.
Bgyud XVIII 19, B. p. 129. Selon notre xylographe, il faut
lire nettement -bhurkumkûta; à ce sujet voir Beckh, p. 129
note 2.
XVII (ca) Qutuy-tu vcir ûlil ilaydaqu yal metih sayitur mongqara-
yuluyci neretih dami.
142 LOUIS LIGETI.

Le sublime diamant qui trouble fortement, à l'instar du feu


invincible. Dhâranï.
En sanscrit Arya vajrâjitânalapramohanï nâma dhâranï, en
tibétain 'Phags pa rdo rje mi phan pa me Itar rab tu rmons byed
zes bya ba'i gzuiis.
91 r°—94 v°.
Colophon : Enedkeg-ûn ubadini Jinamitra luy-a ocigci yeke
kelemùrci Belge Bilig-un bande sin-e jasayuluysan ayalyu-bar
jasaju orciyuluyad nayirayulju sudur-tur orusiyulbai ').
Rgyud XVIII 7, B. p. 128.
XVIII (cha) Qutuy-tu arvis darnis-un qayan yekede amuyuluyci neretu.
Lia grande bénédiction, sublime roi des formules magiques.
En sanscrit Arya vidyarâjaêvâsamahâ, en tibétain 'Phags pa
rig snags kyi rgyal po dbugs chen po zes bya ba.
94 T°—95 v°.
Colophon: Enedkeg-ûn ubadini Prajhâvarma luy-a ocigci yeke
kelemùrci Belge Bilig-un bande orciyuluyad nayirayulju sudur-tur
orusiyulbai.
Rgyud XV 6, B. p. 115.
XIX (;'«) Qutuy-tu olan kbbegun-tu bradisari neretu darni.
Sublime Pratisara qui a beaucoup de fils. Dhâranï.
En sanscrit Arya baliuputrapratisaranâma dhâranï, en tibétain
'Phags pa foi man po rton pa zes bya bcCi gzuiis.
95 y°—96 v°.
Egyud XIV 41, B. p. 108.

1) En tibétain : Rgyagar gyi mkhan po Jinamitra dan zu chen gyi locchava bande
Ye ses sde-s bsgyur cih sus te skad gsar bcad hyis kyah bcos
nas gtan la phab pa.
Cette phrase tibétaine a été considérée par M. Beckh, jusqu'à un certain point,
comme
une crux qui résistait à une explication satisfaisante. A mon sens, la version mongole
donne une interprétation acceptable. Sin-e jasayvluysan (ailleurs ja-saysan) ayalyu veut
simplement dire la "nouvelle" orthographe tibétaine, par opposition à l'ancienne ortho-
graphe dont aujourd'hui les collections tibétaines de Paris, de Berlin et de Londres
fournissent de bons spécimens.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 143

Colophon: Enedheg-ûn ubadini Jinamitra higed Dànaêîla luy-a.


ocigci yeke kelemûrci Belge Bilig-iin bande orciyuluyad nayirayulju
sudur-tur orusiyulbai.
XX (va) Qutuy-tu busud-ta illû ilaydaqu ayul ilgei (-yi?) oggûgci
neretû.
Celui qui fait des aumônes, sans peur et invincible par les
autres.
En sanscrit Arya abliayatâdânanâm.âparajita,en tibétain Thags
pa gon kyis me thogs pa mi jens p>a sphyin pa zes bya ba.
Colophon : Enedkeg-iin ubadini Prajhâvarma luy-a ocigci kele-
mûrci Belge Bilig-ùn bande orciyuluyad nayirayulju sudur-tur
orusiyulbai.
96 v°—98 v°.
Cf. Beckh, p. 115.
Mingyan bolyayci neretil darni.
Les mille souverains. Dharanî.
98 v°—99 v°.
Cf. tib. Ston \jyur zes bya baH gzuïis, Beckh, p. 108. [M.
Beckh hésite à traduire le titre tibétain à cause de la diversité
des sens du tib. ston. Or, le mongol mingyan "mille" n'est pas
équivoque.]

XXI (za) Qutuy-tu jici qariyulun ilayuyci neretû.


Sublime victorieux qui détourne (la sorcellerie).
En sanscrit Arya vijayavâpatina nârna^ en tibétain 'Phags pa
phyir zlog pa rnam par rgyal ba zes bya ba.
99 r°—100 v°.
Rgyud XV 10, B. p. 115, d'après Csoma XIII, 51, p. 323.
Le titre sanscrit donné par notre texte est conforme à celui de
Csoma. Beckh écrit vijayavatï nâma.
XXII (za) Qutuy-tu jici qariyuluyci kilcùtil kemegdekil.
Sublime force qui détourne (la sorcellerie).
144 LOUIS LIGETI.

En sanscrit Arya balavatï nâmapratyaiigirâ, en tibétain 'Phags


pa phyir zlog pa stobs can zes bya ba.
100 v°—101 v°.
Rgyud XV 4, B. p. 114.
Qutuy-tu ïiUes-ihi qarnuy tiiidker-i teyin bôged arilyayci neretu
clarni.
La sublime méthode pour enlever tous les obstacles des actions.
Dhâranï.
En sanscrit Arya sarvakarmâvara/navisodhanï nâma dharanï,
en tibétain 'Phags pa las kyi sgrib pa thams cad mam par
sbyoii ba zes bya. bcCi gzuns.
101 v°—102 v°.
Rgyud XII 8, B. p. 98.
Qutuy-tu bayilduyan-i ilayuyci neretii darni.
Sublime vainqueur dans la lutte. Dhâranï.
En sanscrit Arya kancanavati (?) nâma dhâranï, en tibétain
'Phags pa gyul las ra rgyal ba zes bya ba'i gzuns.
102 v°—105 v°.
XXIII Ça) Bey-e kelen sedkil-iin yurban kuliyesiin-i sayitur ilayuyci
neretii darni.
Dhâranï qui rompt complètement les chaînes du corps, de la
langue et de l'esprit.
En sanscrit KâyavaMcipritastmnhlianavijayâdliâranï(?),
en ti-
bétain Lus nag yid gsum bcïns pa las rab tu rgyal bar byed
pa
zes bya ba'i gzuns.
105 v°—107 r°.
Colophon: Enedkeg-ïin ubadini Pandita Gayadhara luy-a
T'obed-iin Sâky-a Jhâna neretii keleiniirci Asarqui-yin egiiletu
Mail yul kemekû keyid-tur orciyuluysan bolai.
XXIV (ya) Qutuy-tai ilayuysan neretu darni.
La sublime Victorieuse. Dhâranï.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING YON CANSTADT. 145

En sanscrit Arya jayavatï nâma dhâranï, en tibétain 'Phagspa


rgyal ba can êes bya ba?i gzuns.
107 r°—112 r°.
Rgyud XIY 18, B. p. 104.
XXV (ra) Yeke coqtai-yin sudur.
Sûtra de la grande srï.
En sanscrit Mahâêriyah sûtra, en tibétain Dpal chen mo'i mdo.
112 r°—112 v°.
Rgyud XVII 30, B. p. 127.
XXVI (la) Qutuy-tu erdeni-lûge tegûsûgsen neretû darni.
Sublime Hiranyavatï. Dhâranï.
En sanscrit Arya hiranyavatï nâma dhâranï, en tibétain Thags
pa dbyig dan Idan pa êes bya ba'i gzw'is.
113 r°—115 r°.
Colophon: Enedkeg-ûn ubadini Jinamitra kiged Dànasïla luy-a
ôcigci yeke kelemiïrci Belge Bilig-iln bande sin-ejasaysan ayalyu-bar
orciyulju nayirayuluyad sudur-tur orusiyulbai.
Rgyud XIV 16, B. p. 104.
Qutuy-tu qoor-a-yi arilyayci neretû arvis darni.
Sublime formule magique qui dissipe le poison.
En sanscrit Arya jangulï nâma vidyâ, en tibétain 'Phags pa
dug sel ba êes bya ba'i rig siïags.
115 r°—116 r°.
Rgyud XIV 15, B. p. 104.
Qutuy-tai ungsiysan-iyar bùtiiku ilaju tegûs nûgcigsen kimûsûtei
eke neretû arvis-un qatun.
Sublime mère à serres qui de façon définitive est arrivée par
les prières à vaincre triomphalement (est devenue Bouddha).
Reine des incantations.
116 v°—117 r°.
Qutuy-tu qamuy nom-un eke neretû darni.
146 LOUIS LIG-ETI.

La mère de toutes les doctrines sublimes. Dhâranï.


En sanscrit Arya sarvadharmamdtrkâ riâma dhâranï, en tibétain
Thags pa chos thams cad kyi y uni zes bya ba'i gzuns.
117 v°—118 r°.
Rgyud XV 3, B. p. 114.
Qutuy-tu oroi-yin cindamani neretii darni.
Sublime cintamani du sommet de la tête. Dhâranï.
En sanscrit Arya cûdmnani nâma dhâranï, en tibétain 'Phags
pa gcug gi nor bu zes bya baH gzuns.
118 r°—120 Y 0.
Colophon: Enedkeg-îin ubadini Sïlendrabodhi luy-a ôcigci yeke
kelemiïrci Belge Bilig-iïn bande orciyulju nayirayuluyad sudur-tur
orusiyulbai.
Rgyud XV 8, B. p. 114.
Qutuy-tu jiryuyan iïsiig-tû kemeku arvis darni.
Sublime formule magique en six lettres.
En sanscrit Arya sadaksarïvidyâ, en tibétain 'Phags pa yi ge
drug pa zes bya ba'i rig snags.
120 v°—121 Y 0.

Rgyud XV 29, B. p. 117.


XXVII (sa) Jayun silug-i toytayaqui kiged eldeb darni orusiba.
Les cent vers et autres dhâranï.
121 v°. Il est précédé d'une autre dhâranï sans titre.
Qutuy-tu bilig-iïn cinadu kijayar-a kiïrilgsen jayun mingyatu-
yin darni.
Les cent mille (vers) de la sublime sagesse transcendante.
Dhâranï.
En sanscrit: Arya, pjrajhâpdramitâsatasaliasra dhïiram, en ti-
bétain 'Phags pa ses rab kyi plia roi tu phyin pa ston phrag
brgya paH gzuns.
122 r°.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 147

Rgyud XIV 97, B. p. 112.


Qutuy-tu bilig-ûn cinadu kijayar-a kûrûgsen naiman mingyatu-
yin darni.
Les huit mille (vers) de la sublime sagesse transcendante.
Dhâranï.
122 r°—122 v°.
Pas de titre sanscrit ni tibétain, mais c'est sans doute la
traduction de la Arya prajnâpâramitdstasahasra dhâranï, en
tibétain Thags pa ses rab hyi pha roi tu phyin pa brgyad ston
pa'i gzuns. Chez Beckh, Rgyud XIV 99, p. 112, pas de titre
sanscrit. Cf. Csoma XIX 10, p. 340.
Jiryuyan baramiid-un jtruken darni.
L'essence des six pâramitâ. Dhâranï.
122 v°. Cf. tib. Plia roi tu phyin pa drug gi shin po'i gzuhs,
Rgyud XIV 100, B. p. 113.
Jiryuyan baramid-i toytayaysan bolqu-yin darni.
Dhâranï pour obtenir les six pâramitâ.
122 v°—123 r°. Cf. tib. Pha roi tu phyin pa drug bzun bar
'gyur bdi gzuns, Rgyud XIV 101, B. p. 113.
Arban baramid-i toytayaysan bolqu-yin darni.
Dhâranï pour obtenir les dix pâramitâ.
123 r°. Cf. tib. Pha roi tu phyin pa bcu thob par 'gyur ba.i
gzuns, Rgyud XIV 102, B. p. 113.
Dôrben caylasi iigei-yi olyayuluyci darni.
Dhâranï pour obtenir les "quatre infinis".
123 v°. Cf. tib. Chad med pa bzi thob par 'gyur ba'i gzuns,
Rgyud XIV 103, B. p. 113.
Qutuy-tu olanggi sudur-i toytayaysan bolqu-yin darni.
Dhâranï pour permettre (la lecture) du sublime Avatamsaka.
123 v°—124 r°. Cf. Phags pa phal po che bzun bar "gyurba'i
gzuns, Rgyud XIV 105, B. p. 113.
148 LOUIS LIGETI.

Qutuy-tu modon-u jokiyal-un jiriïken.


Essence de la sublime plantation d'arbre.
124 r°. Cf. 'Phags pa selon po bkod pa'i snin po, Rgyud XIV
106, B. p. 113.
Qutuy-tu lamkâvatâra-yin sudur-nuyucl-i ungsiysan bolqu-yin
toytayal darni.
Dhâranï permettant la lecture du sublime Lankâvatârasûtra.
124 r°—124 'Phags pa laii kar gsegs pa'i mdo thams cad
Y0.

Idags par "gyur bcCi gzuns, Rgyud XIV 110, B. p. 113.


XXVIII (.sa) Qutuy-tu vcïr ayuyiduyci-yin darni kemekii.
Sublime "Diamant qui fait peur". Dhâranï.
En sanscrit Arya vqjrabhairava dhâranï nârna. en tibétain
'Phags pa rdo rje \jigs byed kyi gzuns ses bya ba.
125 r°—126 r°.
Rgyud XVIII 17, B. p. 129.
Qutuy-tu nisiin yabuyci arvis darnis-un qayati.
Le sublime flottement. Roi des formules magiques.
En sanscrit Arya dravida (sic!) vddyârâja. en tibétain 'Phags
pa "gro Idin ba'i rig snags kyi rgyal po.
126 r°—128 v°.
Colophon: Enedkeg-un ubadini Jinamitra kiged Dânasila luy-a
oeigei yeke keleinurci Belge Bilig-un bande sin-ejasayuluysan
ayalyu-bar jasqju orciyuluyad nayirayidju sudur-tur orusiyulbai.
Rgyud XV 21, B. p. 116.
XXIX (ha) Qutuy-tu yeke egûlen-v sudur.
Sûtra du sublime grand nuage.
En sanscrit Arya mahcimegha, en tibétain 'Phags pa sprin chen
poH mdo.
129 r°—145 v°.
Rgyud XV 50, B. p. 119.
XXX (a) Grak-nuyud-un eke neretil darni.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSÏADï. 149

La mère des planètes. Dhâranï.


En sanscrit GraJiamâtrkâ nama dhâranï, en tibétain Gza,
rnams
hyi yum zes bya baH gzuns.
145 v°—148 v°.
Rgyud XV 55, B. p. 120. Cf. P. Pelliot, Notes,
p. 148.
XXXI (Ici) Oclon-u eJce neretil darni.
La mère des étoiles. Dhâranï.
En sanscrit NaksatramâtrJm nama dJiaranï, en tibétain Skar
ma'i yum zes bya ba'i gzuns.
148 v°—150 v°.
XXXII Vcir-un qosiyu neretil luus-un tangyariy.
(Jeu)
Le Bec de diamant, voeux des nâga.
En sanscrit Vajratuncla nama nagasamaya, en tibétain Bdo
rje mchu ëes bya ba klu'i dam cJiig.
150 v°—156 v°.
Rgyud XVIII 10, B. p. 129.
XXXIII (ke) Qutuy-tu oytaryu-yin vcir temur qosiyu neretu darni.
Sublime Bec de foudre. Dhâranï.
En sanscrit Arya vajraloliatunda nama dJiâram, en tibétain
"PJiags pa rdo rje gnam Icags J-cyi mchu zes bya- ba.i gzuns.
157 r°—159 v°.
Rgyud XVLII 11, B. p. 129, pas de titre sanscrit.
XXXIV (ko) Qutuy-tu temur qosiyu neretu darni.
Sublime Bec de fer. Dhâranï.
En sanscrit Arya loJiatuncla nama dhâranï, en tibétain 'Phags
pa Icags mchu zes bya baH gzuns.
159 v°—161 r°.
Kgyud XVIII 12, B. p. 129.
XXXV (JcJii) Qutuy-tu qar-a temur qosiyu neretil darni.
Sublime Bec de fer noir. Dhâranï.
' En sanscrit Arya -loJiatuncla
nama dJiâram, en tibétain 'Pliags
pa Icags mcJiu nag po zes bya baH gzuns.
150 LOUIS LIGE TI.

161 v°—164 r°.


Rgyud XVIII 14, B. p. 129.
XXXVI (khu) Qutuy-tu ulayan jes qosiyu-bar qoortan-u qamuy
fijg-'ikl-i darun ûiledûgci neretiï darni.
Sublime vainqueur des méchants de tous les points cardinaux
par le Bec rouge puissant en cuivre. Dhâranî.
En sanscrit (inintelligible) Arya ghajabratanbliandhaghâtâkan-
britacakhadhaya, en tibétain Thags pa zahs kyi mchu dinar pos
gdng pcCi phyogs thams cad gnon bar byed pa zes bya ba'i gzuns.
164 r°—172 v°.
Colophon: Enedkeg-i'm ubadini Jhânadeva luy-a Tôbed-ùn bande
DharmasiddM ') kiged Bakababhabos kelemurci Sibayun-u en-dur
orciyulju nayirayiduyad orusiyulbai.
XXXVII (khe) Qutuy-tu qar-a kelen aman yala-yi amurliyulun
ûiledûgci neretiï yeke k'ôlgen sudur.
Sublime apaisement de la faute de la médisance. Sûtra du
Grand Véhicule.
En sanscrit Arya kliaduvulliarmatapayesûtra{?), en tibétain
Thags pa kha mchu nag po zi bar byed pa zes bya ba'i theg
pa chen po'i mdo.
172 v°—174 r°.
Voir kilinglegsen yeke qayan qar-a kelen aman-i qariyuluyci
darni.
Dhâranî pour écarter la médisance du Vajramahâkrodharâja,
En sanscrit Vajramahâkrodharâja, en tibétain Bdo rje khro
ba.i rgyal po chen po'i ( ?) ba'i gzuns.
174 r°—175 v°.
Colophon: Ratnapâ.ni gûsi duraduysan-iyar Erdem-tû boyda
dcdai blam-a-yin kûl-iïn ûlemji sittïju ayusi gûsi orciyulbai.

1) Dans l'original tibétain on lit Chos gritb, cf. Journ. As., 1927 (octobre-décembre),
p. 240, note 1.
LA. COLLECTION" MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 151

XXXVIII (kho) Qutuy-tu nidûn-i teyin b'ôged arilyayci neretû arvis


darni.
Sublime méthode de purifier les yeux. Formule magique.
En sanscrit Arya caksurviêodhanï nâma vidyâ, en tibétain
'Phags pa mig rnam par sbyoii ba zes bya bcii rig snags.
175 r°—176 v°.
Rgyud XV 18, B. p. 116.
Qutuy-tu nidiln-il ebedcin-i sayitur amurliyuluyci sudur.
Sublime traitement parfait des maladies des yeux. Sûtra.
En sanscrit Arya aksirogapraêamana sïïtra, en tibétain 'Phags
pa mig nad rab tu zi bar byed pcfi mdo,.
176 ^°—177 r°.
R.gyud XIV 37, B. p. 107.
Aksir-a-yin ebedcin-i amurliyuluyci darni.
Dhâranî pour guérir les maladies des yeux.
177 r°—177 v°.
Qutuy-tu qoortan ebedcin-i sayitur amurliyuluyci sudur.
Sublime traitement parfait des hémorrhoïdes. Sûtra.
En sanscrit Arya arêapraêamana sûtra., en tibétain 'Phags pa
gzan 'brum nad rab tu zi bar byed pdi mdo.
177 v°—178 v°.
Colophon: Enedkeg-iin ubadini Jinamitra kiged Dcinaêïla luy-a
ôcigci yeke kelemilrci Belge Bilig-iln bande orciyuluyad sudur-tur
orusiyulbai.
Rgyud XIV 39, B. p. 107.
Qutuy-tu qamuy ebedcin-i sayitur amurliyuluyci neretii darni.
Sublime apaisement complet de toutes les maladies. Dhâranî.
En sanscrit Arya sarvarogapraêamanï nâma dhâranî, en ti-
bétain 'Phags ya nad thams cad rab tu zi bar byed pa zes bya
baS gzwïs.
179 r°—179 v°.
il
152 LOUIS LIGETI.

Egvud XIY 33. B. p. 107.


Kijig ebedcin-i amurUyuluyci, darni.
Dhâranï pour apaiser les épidémies.
179 vu.
ûutuy-tu kijig ebedcin-i sayitur amurUyuluyci neretù darni.
Sublime apaisement complet des épidémies. Dhâranï.
En sanscrit An/a jro.ropjro.saman! riô.ma dhd.ra.nl. en tibétain
'Phags pa riens nad rab tu ii bar byed pa ze>: bya ba'i gzum.
179 Y°—ISO v°.
Egvud XIY 35. B. p. 107.
Quiuy-iai i/elce iayu.s-u.n ytrïïken darni.
Essence de la sublime grande paonne. Dhâranï.
150 Y°.

XXXIX {(jï) Qutuy-iu todqar-i orilyayci darni.


Sublime dhâranï pour enlever les obstacles.
En sanscrit Arya righiiavinâyoParaira (sic) dhâranï. en ti-
bétain 'Phags pa bgegs sel ba'i gzu.hs.
180 T°—1S1 r°.
Rgyud XVIII 20. B. p. 130.
XE (gu) Qutuy-iu jedker->. iasul-un tei/in bogecl arilyayci /leref!' do.r/v..
Sublime méthode d'écarter les obstacles. Dhâranï.
En sanscrit Arga. sarra'/ita~rô.yo.vv-odhcr/~il nâma dho.~ro.iVu en
tibétain Phags pa bar du geod pa thanis cad. rn.a.m par sbgoh
ba ées bi/a ba'i gzu/is.
151 rL'—182 v 0.
Egyud XY 19. B. p. 116.
XEI (ge ) Qutu.y -tu d.eged.ù o.i.ian gerel-t~i. erkeiu sudur-ivw-ud.-u'ii

go.~ o.ii-ëcë éd. kiged adw, usun-t sa.kin nernegidugei neretu d.o.rni.
Dhâranï pour protéger er augmenter les biens et le bétail.
tirée du Suvarnaprabbâsa.
En sanscrit Arya surarna dliâranl. en tibétain Phags pa
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 153

gser 'od dam pa mdo sdeH dban po'i rgyal po las nor phyugs
skyoh zin spel ba zes bya baH gzuns.
182 v°—187 r°.
Qutuy-tu degedû altan gerel-tù erhetû sudur-nuyud-un qayan
ece kesig-i ôggûgci neretû yeke kolgen sudur.
Sûtra du Grand Véhicule pour donner le bonheur, tiré du
Suvarnaprabhâsa.
En sanscrit Arya suvarnasata nâma mahâylmasûtra, en tibé-
tain 'Phags pa gser 'od dam pa mdo sdeH dban poH rgyal po
las khyan skyabs ëes bya ba.
187 v°—196 v°.
XLII (go) Qutuy-tai ed-ûn sijim neretû dami.
Sublime Vasudhârâ (celle qui possède la richesse). Dhâranî.
En sanscrit Arya vasudhârâ nâma dhâranî, en tibétain ''Phags
pa nor gyi rgyun ëes bya ba'i gzuns.
197 r°—201 v°.
Rgyud XV 57, B. p. 120.
XLTII (ni) Qutuy-tu sayin erdeni neretû dami.
Le sublime joyau précieux. Dhâranî.
En sanscrit Arya manibhadra nâma dhâranî, en tibétain
''Phags pa nor bu bzaiï po zes bya ba'i gzuns.
201 v°—202 v°.
Rgyud XVIII 21, B. p. 130.
XLIV (nu) Busud-ta ûlû ilaydaqu ûneger medegci yaks-a-yin dami.
Dhâranî du yaksa invincible qui connaît réellement.
En sanscrit Yaksâparâjita nâma dhâranî, en tibétain Gnod
sbyin gzan gyis mi thub pa yan dag ses gyi gzuiis.
202 v°—203 v°.
XLV (ne) Qutuy-tu- ed mal-i sakin nemegûlûgci neretû dami.
Dhâranî pour protéger et augmenter les biens.
En sanscrit Arya kuberaratnabhabhesarvata nâma dhâranî (sic),
154 LOUIS LIGETI.

en tibétain Thags pa nor phyugs bsruh zih spel ba zes bya baH
gzuns.
203 v°—206 r°.
XLVI (no) Qutuy-tu ciyulyam-u ejen-i darni.
Dhâranî du sublime maître de l'assemblée.
En sanscrit Arya ganapatihrdaya, en tibétain 'Phags pa chogs
kyi bdag po'i gzuns.
206 r°—207 v°.
Rgyud XV 54, B. p. 120.
XLVII (ci) Qutuy-tu ciyulyan-u ejen erdeni ûren yarqu-yin sang iir-e
tariyan kiged ed ayursun-i arbidqayci kerneku darni.
En sanscrit Arya ganaratnabliayadliâranâma (?), en tibétain
'Phags pa chogs kyi bdag po rin po che 'bru'i dkor mjod dan
'bru dan Ions sbyon spel ba zes bya bcCi gzuns.
207 v°—208 r°.
XLVIII (eu) Qutuy-tu sedkigsen sidis-ùn yarqu-yin oron ed-ùn ejen
nece doyor-a-tan kiged aduyusun-u ayimay-i ilayuyci darni.
En sanscrit Arya aparâjitâdhiratnasiddhi nâma, en tibétain
"Phags pa duos grub "byuh pa thugs kyi nor bdag rkyah 'gro
dan gyul las rgyal bah' gzuns.
208 r°—209 v°.
Qutuy-tu jambala qainuy qonin-u ukiil-i sayitur amurliyul-un
uiledugci darni.
Dhâranî pour préserver de la mort tous les moutons de
Jambhala (?).
En sanscrit Arya jambhala, en tibétain 'Phagspa jam-bha-kci
lug nad thams cad rab tu si bar byed pcCi gzuns.
209 v°.
XLIX (ce) Qutuy-turemanda neretu darni.
Sublime Remanta. Dhâranî.
En sanscrit Arya tathagatâremanta nama dharam, en tibétain
"Phags pa re-man-ta zes bya ba.i gzuns.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 155

210 r°—211 r°.


Qutuy-tu qar-a mahâkâla-yin morin-u darni.
Dhâranï du cheval du sublime Mahâkâla noir.
En sanscrit Arya êrïmahâkâla dhâranï, en tibétain 'Phags pa
mgon po nag po rta'i gzuns.
211 r°—211 v°.
Cf. Rgyud XV 61, B. p. 121.
Coy-tu mahâkâla yurban yirtincil-yi erkeber bolyayci.
Puissant Mahâkâla, maître des trois mondes.
En sanscrit Srïmalïâyoginï, en tibétain Dpal nag po chen po
khams gsum la dban bsgyur ba.
211 v°—212 r°.
Vaisiravana aayan.
Le roi Vaisravana.
En sanscrit Vaiêramanavajra: en tibétain Pgyal po rnam thos
sras.
212 r°—212 Y 0.

Qutwy-tu morin-u aamuy ebedcin-i sayitur amurUyuluyci darni.


Sublime apaisement complet de toutes les maladies des chevaux.
Dhâranï.
En sanscrit Arya gharadhani (?), en tibétain 'Phags pa rta
nad thams cad rab tu zi bar byed pa'i gzuns.
212 v°—213 r°. Par une faute d'impression, la page 213 fait
défaut et elle a été remplacée par la page 203. C'est ici-même
qu'eût dû commencer la dhâranï suivante.
L (<%>) Vcir-iyar teyin bôged ebdegci neretil darni.
La méthode de détruire par le diamant. Dhâranï.
(En tibétain Edo rje rnam -par 'joins pa zes bya ba'i gzuns.)
213 r°—215 v°.
Colophon: Ene dami-yi Teke Voir dar-a getulgegci Tarânâtha
masida arilyayu nayirayuluysan bolaL
156 LOUIS LIGE TI.

LI (chi) Qutuy-tu sayin galab-ucl-tu neretii yeJce kolgen sudur.


Sublime bhadrakalpa. Sûtra du Grand Véhicule.
216 r°—224 r°.
Evidemment, il ne s'agit que d'une portion de ce sûtra im-
portant (le vol. I du Mdo dans les catalogues de Csoma, de
Schmidt et de Beckh et qui représente un gros volume), à sa-
voir les mille noms du Bouddha. Parmi les ouvrages cités par
Kovalevski dans son dictionnaire mongol, le Sayin galab-un
mingyan burqan-u ner-e inu, en tibétain Bskcd bza/h rnam \lren
stoii gi mchan, doit être un traité analogue. Par contre, le
Qutuy-tu sayin cay-un neretii yeke Icôlgen sudur (Dict., t. I, xi)
peut, selon toutes les vraisemblances, s'identifier avec le sûtra
complet, donc avec le vol. I du Mdo qui circule aussi séparé-
ment chez les bouddhistes mongols. Dans le Kanjur mongol
imprimé {Fonds Mongol, n° 60), il est intitulé en sanscrit Arya
bhadrakalpnkd nâ/ina mahây'ânasûtr«, en tibétain "Phags pa sic al
pa bzaft po pa zes bya ba theg po'i mdo et en mongol
pa clien
Qutuy-tu sayin cay-un neretii yeke kolgen sudur.
Pour l'exemplaire tibétain, consulter les nos 3520—3521 de
la collection Schilling von Canstadt.
Les mille noms du Bouddha du bhadrakalpa ont été publiés
dernièrement d'après un dictionnaire polyglotte de Pékin, en
sanskrit, chinois, tibétain, mongol et mandchou, par M. P. "Weller,
Tausend Buddhanamen des Bhadrakalpa, nach einer funfsprachigen
Polyglotte, Leipzig, 1928. Cf. aussi I. J. Schmidt, Mémoires de
VAcadémie Impériale des Sciences de St. Fétersbourg, 6ème série,
t. II (1834),pp. 41 — 86; Ch. Elliot, Journal of the Bu.dd.hist
Text Society, t. III (Darjiling 1895), p. 1 et suiv.
Ilqju tegiis niigcigsen eke bïlig-un cinadu kijayar-a kiiriiqsen
yool jiriiken.
Essence de la sagesse transcendante, triomphalement victorieuse.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 157

En sanscrit Bhcigavatlprajnâparamitâhrda,ya'm, en tibétain


Bcom Idan 'das ma ses rab kyi plia roi tu phyin pa'i shiii po.
224 r°—225 v°.
Rgyud XII 22, B. p. 100. Cf. le n° 3543.
Bilig-iln cinadu kijayar-a kilrilgsen jayun mingyan silug-un
udq-a endegilrel ûgei quriyaysan silug.
Vers contenant brièvement le sens correct de la "Sagesse
transcendante en cent mille sloka".
En sanscrit ScdcisâhasrikUprcijnâpâramitd, en tibétain Ses rab
ses plia roi tu bya ba stoii bran brya bdi don ma nor bu bdos pa.
225 v°—229 v°.
Bilig-iln cinadu kijayar-a kûrùgsen eke bilig baramid-un
namancilal-un sudur kemekil.
Le repentir de la sagesse transcendante. Sûtra.
En sanscrit Kauéika prajhâparamita nctma mahâyâhasûtra,
en tibétain Yum chen mo ses rab kyi plia roi tu phyin pcfi
bsags mdo.
230 r°—232 v°. Cf. Beckh, p. 151.
LU {chu) Qutuy-tu nûgcikili cay-un belge bilig neretii yeke kôlgen
sudur.
La sublime sagesse de l'heure de la mort. Sûtra du Grand
Véhicule.
En sanscrit Arya atajhâna nama mahâyânasûtra, en tibétain
'Phags pa "da" ka ye ses èes bya ba theg pa chen p'oi mdo.
233 r°—233 v°..
Mdo X 3, B. p. 33. Cf. J. B'acot/op. cit., p. 347; Pelliot,
Notes, p. 131—132.
LUI (che) Otaci burqan-u sudur.
.

Sûtra du Bouddha médecin.


233 v°—240 v°.
Qutuy-tu yurban coyca kemegdekû yeke kôlgen sudur.
-
158 LOUIS LIGETI.

Les sublimes trois agrégations. Sûtra du Grand Véhicule.


240 v°—242 v°.
LIV (cho) Qutuy-tu sayin yabudal-un iriiger-ùn qayan.
Sublime roi des bénédictions de la bonne conduite.
En sanscrit Arya bhaÀracaryapranidhdnarâja, en tibétain
'Phags pa bzan po spryod pia'i sinon lam gyi rgyal po.
242 v°—247 r°.
Rgyud XXIV, p. 331, B. p. 147.

3589.

Sungdui nôgiïge bôliig orusiba.


Deuxième partie du Gzuns bsdus.
LV (ji) Qutuy-tu inayidari-yin iruger-un qayan.
Sublime roi des prières de Maitreya.
En sanscrit Arya maitreyapranidhanarctja, en tibétain 'Phags
pa byams pa'i smon lam gyi rgyal po.
1 vû—13 v°, plusieurs petits traités.

Nigen silug-tu.
(Dhâranï en) un vers.
En sanscrit Ekagdthâ, en tibétain Chigs su bcad pa gcig pa.
13 v°—14 r°.
Mdo XXVIII 23, B. p. 65.
Qoyar silug-tu.
(Dhâranï en) deux vers.
En sanscrit Gâthâdvaya dhâranï., en tibétain Chigs
su bcad
pa ghis pa'i gzuns.
14 r°—14 v°.
Rgyud XV 27, B. p. 117.
Dorben silug-tu.
(Dhâranï en) quatre vers.
En sanscrit Caturgcdhâ, en tibétain Chigs su bcad
pa bëi pa.
Là COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 159

14 V°.

Rgyud XXVIII 24, B. p. 65.


LVI (ju) Qutwy-tu bilig-ûn cinadu hijayar-a Jcûrùgsen quriyangyui
silug.
Sloka
s
abrégé de la sublime sagesse transcendante.
En sanscrit Arya praynàpciramitasamcayagâtlia,^ en tibétain
'Phags pa ses rab kyi plia roi tu pinyin pa bsdud pa chigs su
bcacl pa.
14 y0—42 r°.
Colophon : Ene bilig-iin cinadu hijayar-a kiirûgsen tûmen
mingyatu-ece yaruysan qutuy-tu quriyangyui silug-un ene jiiil
tasurataysan-i Singha bhadra baysi enedkeg-ûn eke bicig-lûge
tôbed-iin bicig-i tokiyalduyulju salu *) locchava ayay-qa tekimlig
Dharmabliadra jisi basa ariyudqaju nayirayuluysan bolad. Chez
Beckh, les traducteurs portent les noms de Vidyâkarasimha, bande
Dpal rcegs. M. Bacot identifia cette gâthâ avec le volume II du
Gzuiïs bsdus, loc. laud. p. 337.
LYII (je) Qutuy-tu vcir-iyar oytaluyci bilig-iin cinadu kijayar-a
neretù y eke kolgen sudur.
Sublime sagesse transcendante "Tranchant diamant".
42 v°—60 v°.
Cf. les nos 3534, 3586, 3587. Le sûtra est terminé par un
jiriïken, dont voici le colophon : Vajraccliedikâ-yin ene jirilken-i
nigen-te ungsibasu vajracchedikâ-yi yisûn tûmen naiman mingyan-ta
ungsiysan-luy-a adali boloyu.
LVIII (jd) Qutuy-tu oqtaryu-yin jirûken neretii yeke kolgen sudur.
Sublime Âkâéagarbha. Sûtra du Grand Véhicule.
En sanscrit Arya âkâêagarblia nâma mahâyanasûtra, en ti-
bétain 'Phags pa nain mkha'i sniiï po zes bya ba theg pa chen
po'i mdo.

1) Dans le texte tibétain on lit zalu, cf. aussi P. Cordier, Catalogue, t. III, p. 175.
160 LOUIS LIGETI.

60 v°—84 v°.
XXII 17, B. p. 56.
Mdo
LIX (ni) Qutuy-tu yajar-un jirùken-ù jayun naiman ner-e toytayal
darni luy-a nigen-e.
Les cent huit noms de Ksitigarbha avec dhâranî.
84 v°—86 v°.
pa sari min poH mchan brgya rca brgyad pa
Cf. tib. 'Phags
gzuïis snags dan bcas pa.
LX (nu) Tajar-un sudur.
Sûtra de la terre.
Eu sanscrit Bhûmisûtra, en tibétain Sa'i mdo.
87 ru—89 r°.
LXI (ne) Ger dabqucayuluysan sudur.
La maison à étage (?). Sûtra.
En sanscrit Kutagâra sûtra, en tibétain Khcoï bu brcegs
pdi mdo.
89 r°—93 v°.
Mdo XXVIII 32, B. p. 66.
LXII (no) Qutuy-tu mayidari-yin ôcigsen naiman nom neretil yeke
kôlgen sudur.
Les questions du sublime Maitreya sur les huit dharma.
Sûtra du Grand Véhicule.
En sanscrit Arya mmtreyapcmprcchâdharmâsta nâma malul-
yânasïitra, en tibétain 'Phags pa byams bas eus pa chos brgyad
zes hya ba theg pa chen po'i mdo.
93 v°—97 r°.
Dkon brcegs VI 5, B. p. 24.
LXIII (ti) Qutuy-tu sagar-a luus-un qayan-u ôcigsen neretil yeke
kôlgen sudur.
Les questions du sublime roi des dragons, Sagara. Sûtra du
Grand Véhicule.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING YON CAJSSTADT. 161

En sanscrit Arya sâgaranâgarâjapariprccha nâma mahdyâna-


sutra} en tibétain 'Phags pa lcluH rgyal po rgya mchos eus pa
zes bya ba theg pa chen poH mdo.
97 r°—97 Y 0.

Mdo XIV 2, B. p. 39.


Qutuy-tu yurban erdeni-dûr itegel yabuyulqui neretû yeke kôlgen
sudur.
Refuge dans les sublimes trois joyaux. Sutra du GrandVéhicule.
En sanscrit Arya trisaranagamana nanna m.ahâycmasïïtra, en
tibétain 'Phags pa dkon mchog gsum la skyabs su "gro ba zes
bya ba theg pa chen po'i mdo.
9S r°—99 Y0.

LXIV (tu) Naran-u sudur.


Sûtra du soleil.
En sanscrit Sïïryasïitra, en tibétain Ni ma'i mdo.
100 r°—100 Y 0.

Mdo. XXX 23 chez Csoma, p. 290; Ser phyin 24, 23 chez


.

Beckh, p. 13.
Saran-u sudur.
Sûtra de la lune.
En sanscrit CandrasUtra, en tibétain Zla ba'i mdo.
100 Y0—101 r°.
èer phyin 24, 24, B. p. 13.
LXV (te) Qutuy-tu erdeni saran kôbegïm-iï ôcigsen neretû yeke kôlgen
sudur.
Les questions du sublime Ratnacandra. Sûtra du Grand Vé-
hicule.
En sanscrit Arya ratnacandrapariprcdm nâma mahâyânasûtra,
en tibétain 'Phags pa rin chen zla bas zus pa zes bya ba theg pa
chen po'i mdo.
101 r°—112 r°.
162 LOUIS LIGETI.

Mdo XV 7, B. p. 40.
LXVI (to) Qutuy-tu emegen-û ocigsen neretil yeke kolgen sudur.
Les questions de la vénérable vieille. Sûtra du Grand Véhicule.
En sanscrit Arya mahâlalikâptariprccha nâma mahâyânasùtra,
tibétain 'Phags pa bgres mos eus pa zes bya ba theg pa chen
en
po'i mdo.
112 r°—117 v°.
Mdo XV 14, B. p. 41. Le féminin -lalikâ est assuré par le
tibétain, et aussi par le mongol (qutuy-tai emegen)] voir Beckh,
p. 41.
LXVII (thï) Sans titre. (Incipit: yurban erdeni-dûr mûrgiïmili, "je
me prosterne devant les trois joyaux").
118 r°—120 v°.
Qutuy-tu eme bars-un ocigsen neretil yeke kolgen sudur.
Les questions de la sublime tigresse. Sûtra du Grand Véhicule.
En sanscrit Arya vyâghripariprcclm nâma sûtra (sic), en ti-
bétain 'Pliags pa stag mos eus pa zes bya ba theg pa chen
jxfi mdo.
120 v°—127 r°.
LXVIII (thu) Dbang skung neretil milrgiil.
Bénédiction appelée dbaii skun.
127 v°—131 r°.
LX1X (the) Qutuy-tu iiker-iln ayidan-dur vivangkirid-i ') ujilgulugsen
neretil yeke kolgen sudur.
Sublime prédication sur la "Montagne du boeuf". Sûtra du
Grand Véhicule.
En sanscrit Arya goérnavyâkarana nâma mahâyânasïïtra, en

1) Le mot vivangkirid doit appartenir à ce nombre de termes sanscrits etc. qui sont
parvenus au mongol par l'intermédiaire d'une langue d'Asie Centrale (dans la plupart
des cas c'était l'ouigour) et ont survécu sous une forme plus ou moins estropiée. J'ai
vu dans plusieurs sylographes la graphie viyâkarid.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 163

tibétain 'Phags pa ri glan ru lun bstan pa zes bya ba theg pa


chen po'i mdo.
131 v°—148 r°.
Mdo XXXII 11, B. p. 70.
Cf. P. Pelliot, Notes, pp. 144—145, et en dernier lieu
P. W. Thomas, The language of Khotan, Asia Major, t. II,
pp. 251 et suiv. Dans le Kanjur mongol de Paris voir le vol.
XXXIII de YEldeb, f. 305 et suiv. (n° 92 du Fonds Mongol).
Khotan s'appelle Li ulus dans les deux textes mongols.
LXX (tho) Qutuy-tu arbanjilg-iln qarangyu-yi masida arilyayci neretil
yeke Tcôlgen sudur.
Sublime dissipation complète du brouillard des dix points car-
dinaux. Sûtra du Grand Véhicule.
En sanscrit Arya daêadigandhakâravidhamsana ncmia maliâ-
yânasïïtra, en tibétain 'Phags pa phyogs bcu'i mun pa rnam par
sel ba ses bya ba theg pa chen po'i mdo.
148 r°—155 v°.
Colophon : Visuddhasingha kiged kelemilrci bande Bcans
Devendraraksita-yin orciyuluysan-i ôcigci yeke kelemilrci bande
Ndgadhvaja^) sin-e jasaysan ayalyu-bar jasaju orciyuluysan bolai.
Beckh ne connaît que Vièuddhasimha et locchava bande Bcans
Devendraraksita.
Mdo XXIV 3, B. p. 57.
LXXI (di) Qutuy-tu degedil modon-u cimeg neretil yeke kôlgen sudur.
Sublime ornement du vénérable arbre. Sûtra du Grand Véhicule.
En sanscrit Arya datmahjana (?) mahâyânasïïtra, en tibétain

'Phags pa mdo sdod po brgyan pdi ma chog zes bya ba theg pa
chen po'i mdo.
156 r°—157 r°.

1) Dans le texte tibétain on lit Khii rgyal.


164 LOUIS LIGE TI.

LXXH (du) Qutuy-tu ayusi-yin jirilkrm-iyer nasun-u abisig (sic)


ôgqiigcï neretil darni.
L'essence du sublime Amitâyus qui donne la longue vie.
Dhâranï.
En sanscrit Arya apârimitâyurjnânabhisekahrdaya nâma dhâ-
ranï, en tibétain 'Phags pa che dpag tu med pa'i shin po che'i
dban bskur ba ëes bya ba'i gzuiis.
157 v°—160 v°.
Erdeni nasun-u biitiigegci neretil.
L'obtention d'uDe longue vie.
En sanscrit Apjârimita, en tibétain Pin po che che'i sgrub pa
ëes bya ba.
160 v°—163 v°.
Qutuy-tu qamuy ayusi-yin jiruken.
Essence de toutes les sublimes vies sans fin.
En sanscrit Arya cipârimitâyiirjhânasarvahrdaya, en tibétain
''Phags pa che dpaq tu med pa thams cad kyi shin po.
163 v°—164 v°.
LXXIII (de) Qutuy-tu tegïuicilen iregsen-u usnir-ece yaruysan aar-a
sikur-tei neretil darni.
La sublime déesse à parasol noir qui est sortie de l'usnïsa
du Buddha. Dhâranï.
En sanscrit Arya krsnosnlsa ncima dhâranï, en tibétain ''Phags
pa de Min gsegs -pa'i gcug tor nas byun ba'i gdugs nag mo can
ses bya ba'i gzuns.
164 v°—168 v°.
LXXIY (do) Yeke qar-a ôkin tngri cenggegci misa neretil darni.
Usnïsa réjouissant Devï Mahâkalï. Dhâranï.
En sanscrit Devïmahâkâlïlïlosnïsa nâma dhâranï, en tibétain
Lha mo nag mo èhen mo roi par byed pa'i gcug tor ëes bya ba'i
gzuns.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 165

168 v°—176 r°. ,

Cas/an sikilr-tei-yin qariyul-i urbayuluyci.


Celui qui détourne les conjurations de la déesse à parasol blanc.
Cf. tib. Gcug tor dlcar moH bzlog bsgyur.
176 1-0—178 v°.
LXXY (ni) Cinaysi qariyuluyci mayui darnis-un kilrdun kemekii.
La roue des mauvaises dhâranï qui ertourne les maléfices contre
leur auteur.
En sanscrit Batragirmantrabhirbacakranama.(?), en tibétain
Phyir zlog pa dan snags kyi Ichor lo zes bya ba.
179 ro_i86 v°.
Qatuy-tu altan gerel-til sudur-nuyud-un erketù kugùrge-yin
dayutu doysin darni neretù yeke kôlgen sudur.
Dhâranï sauvage qui a la voix d'une puissante cloche, tiré
du Suvarnaprabhâsa. Sûtra du Grand Véhicule.
En sanscrit Suvarnabhavasmritamge [= mrdaéga?] nâma dhâ-
ranï (?). en tibétain Gser "od rna pa mdo sto'i teii poH rag skya
drag po smens zes bya ba theg pa chen poH mdo.
186 v°—189 r°.
LXXYI (iiu) Grak-nuyud-un ariyun-a biirùnggûi, ou Ariyun altan
dusul neretil sudur.
Scintillation des étoiles. (?)
En chinois (kitad-un keleber) Gcug lag 'phrul gyi 'gyur rcis
srid pa, lha'i skad du kon ce lin ce mer ma roi ma zes bya ba,
en tibétain Gza' skar gsan baH zu ce bskol gyi mdo zes bya ba.
189 r°—214 v°.
Ce titre "chinois" est bien connu. M. Laufer, dans son tra-
vail intitulé Die Bruza Spjrache und die historische Stellung des
Padmasambhava., paru dans le T'oung Pao, t. IX, 1908, p. 7,
note 4, parmi les exemples qui visent à prouver la valeur
quelquefois trop douteuse des titres en langues étrangères don-
166 LOUIS LIGETI.

nés par les locchava tibétains, cite le titre d'un sïïtra tibétain,
traduit du chinois, le Dag pa gser gyi mdo tlvig qui porte le
même titre chinois (rgya nag skad du) que nous venons de lire
plus haut. Seulement, M. Laufer l'avait coupé en deux après
\jyur rcis et il voulait que srid pa IhcCi skad du eût la signi-
fication: "en langue des dieux du monde". Le titre serait donc
mi-"chinois", mi-tibétain. M. A. H. Francke a récemment repris
l'interprétation de ce titre dans son Dokument aus Turfan in
tibetischer Schrift, aber unbekannter Sprache, dans les Sitzungs-
berichte de l'Académie de Berlin (1927, p. 130), à propos des
documents en écriture tibétaine mais en langues étrangères.
En omettant le final zes bya &a, il reproduit exactement le
même titre, d'après le Dkar chag dgos \lod kun 'byun, mais il
considère la langue des dieux, srid pa IhcCi skad, comme étant
du domaine de la fantaisie. Sans entrer dans la discussion de
cette question qui du reste ne saurait être tranchée toute seule,
nous insisterons sur deux points. D'abord notre xylographe porte
un point après srid pa. Selon l'interprétation ou bien du tra-
ducteur mongol, ou bien du copiste, il faut lire par conséquent
lhaH skad du, "en langue des dieux", tout court. Ensuite, no-
tons qu'un colophon de la Vajracchedikâ affirme que Pan chen
Diristan (?) l'a traduite de la langue des dieux: B. I). kelemurci
tngri-ner-iln. kelen-ece-iyen jokistay-a orciyulju (cf. le n° 3587).
Est-ce le sanscrit, ou le chinois?
A la fin de la dhâranï se lit le colophon suivant: Kitad-un
oron-durjokigaysan, ene altan dusul kemekil sudur-i Kun gci qayan
yidam bolyan sitïïgsen-iyer masi sayitur ôljei qutuy-i olbai.
LXXVII (ne) Lims-un qayan-u tayalal-i qangyayci.
Exaucement des désirs du roi des nâga.
En sanscrit Nâgarâjadhaya, en tibétain Klu'i dpad bkon.
214 v°—222 v°.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 167

En zang zung Ta la pa ta ya na ha, en sum pa A ra na


hali ya. Ces. titres sont omis dans la traduction mongole. Cf.
A. H. Francke, loc. laud.
LXXVTII (no) Grak-un qamuy ebedcin-i sayitur amurUyuluyci darni.
Dhâranî pour dissiper complètement toutes les maladies des
graha.
En sanscrit Vajrahibasasaguya (?), en tibétain GzaH nad thams
lad rab tu êi bar byed pcCi gzuïis.
223 r°—224 v°.
Qutuy-tu Ijon sing modon-u sudur.
Sûtra du sublime arbre Ijon.
En sanscrit Arya drumasûtra, en tibétain 'Phags pa Ijon siiï
gi mdo.
224 v°—227 r°.
Arban yurban kûrdûn-ù darni.
Dhâranî des treize roues.
227 r°—227 v°.
LXXIX (pi) Qayan-u iijegiilûgsen bradi qubilyan-i jici qariyiduyci
neretii yeke kôlgen sudur.
En sanscrit Arya tarajâmaranicitrinichu (?)/ en tibétain Rgyal
pos cho 'phrul ston pa phyir zlog pa ëes bya ba theg pa chen
po'i mdo.
228 r°—228 v°.
LXXX (pu) Doloyan ebilgen neretii odon-u sudur.
Sûtra des sept étoiles de la Grande Ourse.
En chinois Bi du chi sing ging, en tibétain Sme bdun ëes
bya ba skar maH mdo.
228 v°—232 v°.
Le sûtra des sept étoiles de la Grande Ourse fut assez tar-
divement incorporé au Tripitaka chinois sous le titre j$$ g^ ^
^C- 'tî JH ^ *$$ $§£ ^0 c^l0u0 Pe^ ieou is'^ S™19 yen m™l9 kïn9>
168 LOUIS LIGETI.

cf. Sylvain Lévi, L'original chinois du sutra tibétain sur la


Grande Ourse, Toung Pao, t. IX, 1908, pp. 453—454. Du
chinois il fut traduit en mongol et en ouigour en 1328 et en
1337 en tibétain. Le colophon tibétain qui raconte l'histoire des
traductions a été publié par M. B. Laufer, Zur buddhistischen
Literatur der Uiguren, Toung Pao, VIII, 1907, pp. 391—409.
Cf. P. Pelliot, Notes, pp. 145—146.
Dans le Kanjur mongol de Paris voir le vol. XXXIII de
VEldeb (Mdo) sous le n° 92 du Ponds Mongol (M. Vladimircov,
MongoVskn sbornik razskazov iz Paucatantra, p. 446, renvoie à
tort au vol. XXXII; du reste le Kanjur mongol de la Biblio-
thèque Nationale ne fait pas partie du Fonds Pelliot, comme
on lit à plusieurs reprises dans le même travail, mais d'un
Fonds Mongol spécial). M. Vladimircov, loc. laud., signale en
outre la présence du sûtra de la Grande Ourse dans le Kanjur
mongol manuscrit de Leningrad: Eldeb, t. XXXII, ff. 152—162.
Les versions tibétaines nous ont conservé le titre en mongol
ancien. Le Kanjur de Pékin, les trois exemplaires consultés par
M. Laufer ainsi que le Kanjur manuscrit de Berlin écrivent
Do'-Ion e-bu-gan ne-re-thu ho-dun-nu su-dur sous une forme plus
ou moins altérée. Nous avons donc là hodun "étoile", attesté
alors aussi en écriture tibétaine sous la forme qui lui était
propre aux XHIe et XlVe siècles, de même qu'elle existe en-
core dans certains dialectes de nos jours. Cf. P. Pelliot, Les
mots à h initiale, aujourd'hui amuie, dans le mongol des XlIIe
et XIVe siècles, Journal Asiatique, 1925, avril-juin, p. 219.
Kitad-un todqar-i qariyuluyci sudur.
232 v°—237 r°.
LXXXI (pe) Qamuy gem-iid-i arilyaya adistid gegen jula kemekû
sudur.
Lampe brillante ou la grâce divine purifiant tous les péchés.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 169

Sûtra. Cf. tib. Nés pa kun sel zes bya ba.


239 r°—239 v°.
LXXXII (p>°) Qutwy-tu oytaryui yajar-un naiman gegen neretii yeke
hôlgen sudur.
Les huit sublimes phénomènes du ciel et de la terre. Sûtra
du Grand Véhicule.
En' chinois (nangkiyad^-un keleber) Arya bar-a yang gyad
rta, en tibétain 'Phags pa gnam snaïi brgyad ces bya ha theg
pa chen p'oi mdo.
239 r°—246 v°.
Il est identique au n° 463 du Verzeichnis der tibetischen
Handschriften und Holzdrucke des Asiatischen Muséums (préparé
par Schmidt et Bohtlingk); qui porte le titre sanscrit Arya
padayangadarta. D'autres exemplaires de ce même sûtra, d'ori-
gine chinoise, consultés par M. Laufer comportent le titre sanscrit
{rgya nag au lieu de rgya gar) ''arya par yan gyad rta, soit
''arya pa-ra yan gyad rta, donc foncièrement le même que celui
que nous venons de citer. Cette transcription quelque peu fantai-
siste doit être rétablie, toujours d'après M. Laufer, en [S- Jj|j£ /\
Pa yang king. Cf. B. Laufer, Loan-ioords in Tibetan, T'oung
Pao, t. XVII, 1916, pp. 427—430. Le sûtra de même sujet et
probablement de même contenu, publié par G. Huth, est intitulé
en "chinois" Pan rkyah rkyen2), en tibétain Sans rgyas kyi

1) Le —- -^ Yffi ^jÊ San pien lan, t. III, 78 v°, lit dans la transcrijition
ho
mandchoue nanggiyad. M. Pelliot a expliqué le mot, cf. Sur quelques mots d'Asie Cen-
trale attestés dans les textes chinois, Journal Asiatique, 1913, mars-avril, pp. 451—469,
sur le mot Nafikiâs, pp. 460—466. Dans ce même article a été analysé Manzi, une
autre dénomination des Chinois du Sud à l'époque mongole. Or aux environs de Souei-
yuan les Chinois se désignent eux-mêmes /glft -jp* Man-iseu: PS j|"j ^yjjjy ~jp 5j\0
i|j| -3£» Jt^ /fà| Les lettrés que j'ai consultés à ce sujet, étaient tous d'accord
sur le caractère en question et ont refusé le caractère
V?|| que je leur ai suggéré.
2) [Lire Par yah kyefi, qui est la vraie forme supposée par les transcriptions tibétaines ;
elle répond à la prononciation chinoise ancienne de Pa yang king. — P. P.]
170 LOUIS LIGE TI.

clios gsal zin y ans pa snan brgyad ces bya ba'i mdo. Voir Vas
buddhistische Sûlra der "Acht Erscheinungm", tibetischer Text
mit Uebersetzung von J. Weber, herausgegeben von G. Huth, dans
Zeitschr. d. Deutsch. Morgenl. Ges., t. XLV, 1891, pp. 577—591.
Ce dernier sûtra est incorporé dans le Kanjur, chez Beckh,
Egyud XXIV 296 a.
LXXXIII (phi) Qutuy-tu ôljei qutuy coycalaysan neretil yeke kôlgen
sudur.
Le sublime bonheur entassé. Sûtra du Grand Véhicule.
En sanscrit Arya mangcdagathd nâma mahâyânasïïtra, en ti-
bétain 'Phags pa bkra sis brcegs pa zes bya ba theg pa chen
pcfi mdo.
246 v°—252 v°.
Egyud XVIII 48, B. p. 133.
Ôljeitu situg.
Vers de bénédictions.
252 v°—255 r°.
LXXXIV (phn) Qutuy-tu vayisali balyasun-dw oruysan yeke sudur.
L'entrée à la sublime ville de Vaisali. Grand sûtra.
En sanscrit Arya vipalapravesa mahâsûtm, en tibétain 'Phags
pa yans pa'i gron khyer du Jug pa'i mdo chen po.
255 v°—260 r°.
Egyud XII 4, B. p. 98.
LXXXV (plie) Bajar dovqja-yin iriïger.
Bénédiction de vajradhvaja.
En sanscrit Vajradhvajaparinâina, en tibétain Rdo rje rgyal
mclian gyi yoûs su bstod pa.
260 v°—261 v°.
.
LXXXVI (pho) Tabun tegihicilen iregsen-fi ôljei-til silug.
Les vers de bénédictions des cinq Bienheureux.
En sanscrit Pahcatatlmgata rnangalagâthd, en tibétain De bzin
gsegs pa Ina'i bkra sis kyi chigs su bcad pa.
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 171

261 v°—262 r°.


Rgyud XVIII 44, B. p. 132.
LXXXVII (bi) Doloyan ùlemji burqan-u ôljei-tû silug.
Vers de bénédiction des sept Bouddha.
En sanscrit Buddhakamalasa.pta mangalagâthâ, en tibétain
Sans rgyas gyi rab bdun ba'i bkra sis chigs su bcad pa.
262 r°—263 r°.
Rgyud XXIV, B. p. 147.
Vers de bénédictions.
263 r°—264 v°.

Le n° 3589 compte 265 feuillets. Tables des matières 5 feuillets.


Xylographe en grand format, achevé en 1727: Nayiraltu tùb-iin
tabuduyar on-u ulaycin qonin jil-un jun-u segûl sar-a-yin sayin
edûr-tûr bicijii tegiiskebei.
Ene damis-un quriyangyui kenteku sudur-i Erkin silsilg-tu acitu
jalan janggi kiged Karma baysi; iïlemji silsiig-iyer mongyolcilan
kelen-dùr joyasun-iyar urida vierged-ûn orciyuluysan-i nayirayulju
surun orciyulbai.
Tere an ding men yadan-a sayuysan Fu dalai tede biigude olan
nôkild jùbsiyegsen-diir sayin kemen temdegdey-e sayitur arilan simdaju
kiciyen seyilgejii yaryabai.

3590.
Darnis-un quriyangyui kemegdekû orusiba.
Recueil de dhâranï.
Recueil analogue au précédent. Quelques traités y sont omis.
Xylographe en très mauvais état. Un volume.
3591.
Itegel sudur orusiba.
Sûtra de la foi.
Xylographe en petit format, 7 feuillets.
172 LOUIS LIGE TI.

3592.
Sonosuyad yelcede tonilyayci neretu yeke kôlgen sudur.
Délivrance complète par l'attention, Sûtra du Grand Véhicule.
Copie à l'encre médiocre. Format moyen, 61 feuillets.
Sigle chinois ^
J^ So ni.

3593.
Même que le précédent.
Xylographe en format moyen, 154 feuillets. Imprimé en 1715:
Dayicing ulus-un Englce amuyulang-un dorbeduger on-u narnur-un segiïl
sarayin sayin ediir. [Tabin paraît sauté devant dorbeduger. P. P.]

3594.
Sajin badarangyui-yin irûgel-ûn orusiba.
Bénédiction pour l'extension de la doctrine religieuse.
Xylographe en petit format, 6 feuillets.

3595.
Bisman tngri sudur orusiba.
Sûtra du dieux Bisman (Bnam sras, Vaisravana).
Xylographe en format moyen, 11 feuillets.
Sigle chinois |||
J§| Tô kouang.

3596.
Bya rog kha sor neretu sudur orusiba.
Le sûtra nommé Bya rog kha sor. Autrement Qong keriyen-û
aldaysan neretu sudur, "Sûtra des prophéties du corbeau" ').
Traduit par le gelong Serab (Ses-rab).
Date: Ere usun kalu jil-un namur-un segill sara.

1) [Pour la divination basée sur les cris du corbeau, cf. le travail de M. Laufer
dans T'oung Pao, 1914, 1 110.
— — P. P.]
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 173

3597.
Ciqula kereglegci tegiïs udqa-tu sastir orusiba.
Eecueil complet de tout ce qu'il est nécessaire de savoir.
Copie à l'encre, format moyen, 55 feuillets.

3598.
Qutuy-tu gegen toli kemekû sudur orusiba.
Sûtra du sublime miroir clair.
Copie à l'encre, format moyen, 37 feuillets.
Traduction du tibétain Rgyal rabs gsal ba'i me Ion? Sur ce dernier,
voir Laufer, Skizze, p. 213.

3599.
Eril-i qangyayci erdeiii sastir-un sudur.
Le livre de Erdeni sastir qui exauce les désirs.
Copie à l'encre, petit format, 13 feuillets.
Titre abrégé Erdeni sastir.

3600.
Bodov-a-tan-u ayimay-un iïlemji nom udq-a-yi geyigill-ùn ûiledilgci
jula, ûleger-ûn nom erdeni coycalaysan laks-a tayilburi ornsibai.
Lampe expliquant le sens de la doctrine Po to ba etc.
En tibétain Po to skor baS khyad clios don gsal bar byed pa'i
sgron me dpe chos rin clien spuns ba'i ''bum 'grel bzugs so.
Sigle chinois -fc ^^^ Ta p'ou fi king.
Xylographe en format moyen, 331 feuillets.
Traduit par le grand lama gusri gelong Culgrim (?) rinchen du
monastère de Plm-nin-sïi (sic; en chinois ^^^ P'ou-ning-sseu,
en mongol Qotala engkejigûlugci silm-e; cf. Franke-Laufer, Epigra-
phische Denkmaler aus China, planches 40—51) près de Ye hoH (sic).
Copié par Sayin Coy-tu et Bilig-tù.
174 LOUIS LIGE ÏI.

3601.
Bodi sedkil legusiigsen kôke qoyolai-tu saran kokege neretil sibayun-u
toyiiji orcilang biikun-i jirilken ugei kemen medegcid-un ecigen-û cimeg
kemekït orusiba.
L'histoire de l'oiseau appelé Kôke qoyolai-tu saran kokege etc.
Xylographe en format moyen, 166 feuillets.
Traduit par Ta'i gusrl vagindra sasna varta.
Commencé: Ilangqui tngri-yin tedgûgsen-il yucin tabtayar (1770)
ilergï cayan temiir bars jil-un oki cayan sar-a-yin sin-e-yin nigen-e,
achevé : doloyan sar-a-yin sin-e-yin naiman-a.

3602.
Arban jug-ihi ejen acitu merg en Geser boyda qayan-u toyuji-yin
sndur.
Le livre de l'histoire du roi charitable et sage Bo^da Gfeser,
souverain des dix points cardinaux.
Copie à l'encre lithographiée, format moyen.
Sigle chinois ^ j||J=f^ San kouo tche.

Chap. I 75 ff., chap. II 6 ff., cliap. III 16 ff., chap. IV 39 ff.,


chap. Y 77 ff., chap. VI 8 ff., chap. VII 6 ff.

Date: 1716, Engke amuyidang-un tabin tabtayar on ulayan bicin


fil-un qabur-un ter ig Un sar-a-yin sayin ediir.
Le texte mongol a été publié par I. J. Schmidt, Podvigi ispol-
nennago zaslug geroïa Bogdy Geser Khana, istrebitelja desjati zol
v desjati stranakh; geroiskoe predanie mongolov^ s napecatannogo v
Pekinje ekzempliara. St. Pétersbourg, 1836, pp. 191. Il a été tra-
duit par le même, Die Thaten des Bogda Gesser Chans des Vertilgers
der zehn Uebel in den zehn Gegenden, St. Pétersbourg, 1839. On a
réimprimé la traduction en 1925 comme le premier volume de la
série "Die heiligen Bûcher des Nordens^ herausgegeben von E. Fuhr-
ma-nn".
LA COLLECTION MONGOLE SCHILLING VON CANSTADT. 175

Voir Laufer, Skizze, p. 240, et en dernier lieu N. Poppe, Geserica,


Untersuchung der sprachlichen Eigentilmlichkeiten der mongolischen
Version des Gesserkhan, Asia Major, t. III, 1926, pp. 1-—32. Le
même, 0 nekotorykh novykh glavakh "Geser khana" dans Vostocnie
Zapiski, Leningrad, t. I, 1926, pp. 190—201.

3603.

Mani gambu terigun bôlûg.


Première partie du Mani bka 1 "bum.
Xylographe en grand format, 326 feuillets.
Chap. I 1—89, chap. II 89—144, chap. III 144—193, chap. IV
193—260, chap. V 260—326.

3604.
Suite du précédent. Deuxième partie.
Chap. VI 1—155, chap. VII 155—207, chap. VIII 207—225,
chap. IX 226—264, chap. X 264—275.
Date: Tngri-yin tedgiigsen-û teregûn on (1736) namur-un dumdadu
sar-a-yin sin-e-yin nigen-e. Imprimé à: An ding men-û tong ai soko (?)
neretû pusen-diir Bkra sis slong kiciyenggùyilen keb-tûr seyilgiibei.
Cf. les nos 3578—9, Laufer, Skizze, p. 221.

3605.
Qutuy-tu amin aabiy-a-tu molon toyin-u eke-dur-iyen aci qari-
yulwysan neretû sudur.
Le livre du sublime Amin qabiy-a-tu Molon toyin, comment ij.

a reconnu les bienfaits de sa mère.


Copie à l'encre en format moyen, 80 feuillets.
Traduit par Pandita Sirege-til Gusi Corji (cf. Huth, Die In-
schriften von Tsagan Baisin, Leipzig, 1894, p. 28, Hor chos byuh,
éd. Huth, t. II, p. 248), commencé: ding ulayan bars jil-un namur-un
176 LOUIS LIG-ETI.

terigiin sar-a-yin arban tabun sayin edûr-tur, achevé : miin jil-un


namur-un dumdadu sar-a-yin arban yisiin sayin edïir-tur.

3606.
Rasiyan-u jirïiken naiman gesigutii niyuca ubadis erdem-un ùndil-
sûn-ii nemegsen ary-a emgeg-iin enelgekùi qalayun-i arilyayci qadbur-a
cay busu-yin ûkûl-ûn sehn-e-yi oytaluyci ildun neretil sastir.
L'essence de l'ambroisie de la racine à huit branches de la
science secrète, le moyen de guérir les maladies et les souffrances,
le glaive qui délivre les hommes menacés par la mort prématurée.
Tantra.
En sanscrit Amriahrdayâstâiigâguhya, upadesa tantra. en tibétain
Bdud rci snin po y an lag brgyad pa gsaiï ba m an nag gi rgyud.
Xylographe en format moyen, 426 + 1 feuillets.

3607.
Basiyan-u jirtiken naiman gesigi.itil niyuca ubadis-un Undiisiin ece
yutayar keseg ubadis-un Undiisiin kemekii undiisiin.
Extrait de l'ouvrage précédent.
Xylographe en format moyen, 369 feuillets.
Cf. A. Pozdneev, Ucebnik tibetskoi mediciny,
s mongol'skago i
tibetskayo jjerevel, t. I, St. Pétersbourg, 1908.
En tibétain voir le n° 3568.

3608.
Unen iigetn erdeni qubilyan bonbo-yin ariyun 'bain cayan hius-un
yeke kôlgen sudur.
Les cent mille dragons (naga) blancs sans souillure du bon-po,
incarnation du joyau véridique. Sûtra du Grand Véhicule.
En tibétain Gcan ma klu "bum dkar po bon rin po che "phrul
dag bden pa theg pa. Bien poH mdo, en zang zung (jang jung-un
keleber) Bal ling aa lie gu ge bi a.
LÀ COLLECTION MONGOLE SCHILLING TON CÀNSTADT. 177

Sigle chinois ^||[ ^


Long wang king.
J|pg
Xylographe en format moyen, 83 feuillets. La première page fait
défaut. La deuxième partie seulement. Cf. le n° 3576.
Date: Temilr-iin er-e noqai jil-un cay-un kùrdùn-û ') qabur-un
-dumdadu sara-yin qorin tabun-a {nom-un eke yool tegùs bayasqidang-tu
qotala tegûsiigsen tib-tùr keb biltugen ûiledbei), en chinois &£j 1^
H+ — #Z1^%J— B pf B [gj *&]• La date chinoise,
la 31ème année de K'ien-long, correspond à 1766, l'année ping sw,
feu-rouge-chien, la 32ème année du cycle chinois, 20ème du. cycle
tibéto-mongol. Par contre, le temur er-e noqai peut-être identifié
avec keng siu, 47ème année du cycle chinois, 44ème du tibéto-mongol
et qui est une année métal-blanc-chien. Il est vrai que je n'ai jamais
rencontré temur er-e au sens de er-e temilr (= cayan), mais nous
pouvons avoir là une traduction trop précise du tibétain. Et s'il en
est ainsi, temilr er-e noqai jil peut désigner l'année 1730 ou 1790.
La divergence entre les dates chinoise et mongole n'a naturellement
rien à voir avec les systèmes chronologiques eux-mêmes. Quelques
exemples analogues, seulement pour la divergence des mois, sont
cités par M. Laufer, The Application ofthe Tibetan Sexagenary Cycle,
Toung Pao, t. XIV, 1913, p. 394.
Pour ce qui est du titre zang zung chez Schiefner, Ueber das
Bonpo-Sutra, das iveisse Naga-Hunderttausend, Mémoires de VAcadé-
mie I. de St. Pétersbourg, Vile série, vol. XXVIII, 1880, n° 1, p. 46,
on lit: Dang ling ahe guge bja. M. A. H. Francke, op. cit., donne
da-lin-a-he gu-ge-bya. Quant au titre mu sans ta zig: Mu rgyas
khyab rten "od rum rce, toujours de M. Francke, notre xylographe
l'ignore.
3609.
Qutuy-tu oytaryui yajar-un naiman gegen neretil yeke kolgen
sudur orusiba.

1) En sanscrit kcclacahra, en tibétain dus kyi 'khor lo.


178 LOUIS LI» ET I.

Les sublimes huit phénomènes du ciel et de la terre. Sûtra du


Grand Véhicule.
Copie à l'encre, petit format, 11 feuillets.
Titre abrégé Naimait gegen.
Cf. le n° 3589, LXXXII.
3610.
JarUy-iyar toytayaysan yadayadu mongyol-un toril-yi jasaqu
yabudal-un yamun-u qaoli jiiil-ûn bicig.
Note: "Règlement du Li fan yuan, bureau chargé des affaires
de la frontière chinoise du Nord sous la dynastie mandchoue. Copie
du texte mongol, par le baron Schilling von Canstadt, avec anno-
tations russes. Cf. Journal Asiatique, 3ème série, tome I, 1836. Belle
chèvre fortement piquée. 355 sur 210 mm."
Cf. Kovalevski, Dictionnaire, t. I, p. x. A la Bibliothèque Na-
tionale ce même code existe en chinois ^g ||Ë fé^ J||j ^j] Li fan-
yuan tso li (Nouveau Ponds Chinois n° 356), en mandchou (32 pen,
4 vol., N. F. Ch. n° 1004) et en mongol (50 peu, 7 vol. in-8°, N.
F. Ch. n° 1030) ')•
Tome I, 102 feuillets.
3611.
Suite du précédent.
Tome II, 151 feuillets.
3612.
Suite du précédent.
Tome III, 164 feuillets.
3613.
Suite du précédent.
Tome IV, 177 feuillets.

1) [Le texte mandchou de cet ouvrage a été traduit en russe par Lipovcov en 182S
;
cf. Cordier, Bill. Sin. 2, 533. — P. P.]
AN INTRODUCTION TO THE
I TU T'U CHIH
OR "PICTURES AND DESCRIPTIONS OE STRANOEE NATIONS'
IN THE WADE COLLECTION AT CAMBRIDGE

BY

A. C. MOULE.

This book, which claims attention both for the merit and
interest of the illustrations and because it appears to be the only
copy known to exist, lias kitherto been known ckiefly througli
brief notices of it by Professor Griles in his Adversaria and else-
wkere. It is one of the treasures of the Wade Collection which
was itself until rather recently the best collection of Chinese books
in Europe, and bears traces of the value which Sir Thomas AVade
set upon it, although it seems that in his old âge he left it with
several other books which he had not had time or energy to place
upon the shelves. Thanks to the interest of the late Mr Charles
Sayle it has for the last few years been placed in a box and so
In writing the following notes I
is protected from dust and wear.
hâve been very much helped by Professor Paul Pelliot.
The book measures 31 cm. by 19 cm., exclusive of the binding
and mounting which are in European style. Each leaf is printed
from a block, surrounded by a heavy black line and a finer inner
-
ISO A. C. MO Vh K.

line, measuring 26 cm. in heiglit and 33 cm. (the two pages) in


Avidth. The upper and lower parts of the folded margin are occu-
pied by heavy black lines making the book a =Ê |3 2pC I'iei Vcm
phi or "black-edged book". Below the "fish-tail" are a circle and
the number of the leaf. There is a fly-leaf at the beginning with
a m s. note in red ink; 90 leaves numbered 1 to 90 (the rmmbers
of a few leaves are torn away and the last leaf, 90. is misplaced
by the binder after the 7th leaf of the appendix); and an appendix,
W. j^-jÉr Ë& !§j I ijil cliiii shon £'«, of seven leaves (1 to 7)

with a single nnnumbered page at the end. The second half of


this last double leaf is missing, and the slight apparent différence
in the "fish-tail" is due to the fact that the upper part of the
margin has been torn away and supplied by hand.
Fol. 1 r° contains the title, J| i^ ||j ^ I i/ii fu chih, the
description of Corea, and four seals of a former owner or owners.
Thèse seals, beginning with the top one, read:
PÎÏ ^ J^
H ^r«'* (Wang P'eng shih,
fà HI ^ lH w
?1L Ch'iï' *h<-nfi fa 0 cî'a'' t-z'uHg *h<(-,

M ^k d Hit Yr< cJiP slma tu->


Je JM M ?• fie if iE Ta !Jiian *hn tzn fs'an9 s]w ehl-
The book contains illustrations of 168 countries or places,
each accompanied by the name of the place and a note about it;
and on fol. 1 r° of the appendix is a list of 31 more naines, to
some of which short notes are added, without illustrations. At the
end of this page (fol. 1 r° of the appendix) is the explicit : J1L Jj^
Hf j^> ^ fu
chih chu ne/. It is évident that when Sir Thomas
1 yii
Wade found the book the last nine leaves, at least, were loose,
and the curious clevice of putting the explicit on the first page of
the appendix makes it impossible to know whether any leaves are
missing after 90 or not. The appendix contains drawings of one
bird and thirteen (strictly 14) animais, each with its name but
AN INTRODUCTION TO THE I YÛ ï'u CHIH. 181

witli other explanation. The pictures in the body of the book


110

include incidentally a considérable number of animais. The book


is anonymous and undated. Its value lies chiefly in the illustrations.
The descriptions add, it is said, little or nothing to our historical
or geographical knowledge and are somewhat marred by the use
of vulgar forais and by several misprints, as the whole book is by
careless printing which has often given a double or blurred im-
pression.
Two notices of a book of the same title, I
ijil fu chih: from
printed catalogues and the ms. note on the fly-leaf of this copy
will introduce the question of authorship and date.
-
From the Ssâ Fu chHlan shu tsung mu, 1790, c. 78, fol. 13 r°:
"I yù t'u chih, one chapter (The copy kept in the ^Ç —" H|
T'ien i ko in the house of ^ ||jj ^J Fan Mao-chu [a.t Mng-po]
in Chê-chiang).
"The author's name and family are not recorded. At the end
is a note by ^
y$fc Chin Hsien, governor of Kuang-hsin fu in the

Ming dynasty, to say that there was a Ting-t'ien fu in the Sung


dynasty also 1), so that he suspects that this was written in the
Sung. But in the book it records that the son of the Prince of
Liang of the Yuan was enfeoffed at Tan-lo at the beginning of
the Ming, so that there is no doubt that it is the work of a man
of the Ming. The book is made up of extracts from historiés and
narratives with a very large number of errors. For instance Chan-
ch'êng is subject to An-nan, but it say s that An-nan is subject to
Chan-ch'êng. This is very untrustworthy, and the other notices are
also extremely void of sensé."

1) The book gives the distances of places from Ying-t'ien fu, the name in the
Ming dynasty of the présent Nanking. Chin's argument was that another Ying-t'ien
(now Kuei-tê) was also the Nan-ching (Nanking) of the Sung from 1014 onwards, so
that the use of that name would not fix the date of the book in the Ming dynasty.
182 A. C. MOULE.

The preceding entry ( Jg. j$ ^


7 yii (Mit) on the same page
of the Sau k'11 says, "It is like the 7 yii Vu cliih
printed by
Cliin Hsien".
One would expect to find this same volume described in the
catalogue of the Fan library ( ^C —* pgj ff
fËf T'mi i ko shu mu),

and the title does indeed occur in the prolegomena. fol. 30 v°, in
the list of books transmitted to the Ssù k'u from that library. But
there is no notice of the book in the catalogue itself, nor in any
other printed library catalogue known to Professor Pelliot, and the
volume, which was not thought worthy of transcription for the
Ssû k'u collection, may not hâve found its way back to Xing-po.
The lion. Masa Hachisuka, who took a very great interest in the
book while he was at Cambridge and but for various obstacles
would hâve had it reproduced in facsimile, tells me that no copy
of the book is known to the book-collectors or librarians of Japan
nor to the librarian of the National Library at Peking. The copy
described in the Ssû k'u is however described again in $)y yX ffit
:Hl *â %M ^k- (-^1'- rh'a>l9 t^a'' ('hi- sJni tsung lu (a list of the
w *

books sent from Chê-chiang province for the Ssù k'u collection),
section jj£, fol. 66 r°, as follows:
"I yii t'u chih, one fascicule, a printed book. At the beginning
(4^f) is a note of chi-yu of Hung-cliih (1489) by Chin Hsien to
say that the compiler's name and surname are not known. If we
examine the works of Ch'iian, Prince Hsien of Ning x), they in-
clude an 7 yii f>< rhi-h, which must be this book. In the book are
drawn the likenesses of the men of other lands. alto°'ether 158

^Sf j#jç ^ ;j~|| ),


1) For this prince
who died in 1448,
(

see Ming shih, c. 117, fol. 6. His "


Jg.-tety ;±° ^
a son of the founder of the Ming dynasty,
I vu
chih, one chapter'' is entered in c. 97, fol. 13 r°. For thèse références, which I hâve
of course verified, and for the text of the Chê cliiang ts'ai chi etc. I a m indehted to
Professor Pelliot.
AN INTRODUCTION TO THE I ' YÙ T'U CHIH. 183

Mngdoms, and in each case .'it is noted that the road is sucli a
distance from Ying-t'ien fu."
Finally tliere is the manuscript note on the fly-leaf of the
Cambridge copy, .which. reads:
"At the end of the .Ssù k'u Bureau copy was a note by Chin
Hsien, prefect of Kuang-hsin in the Ming, that he supposed that
this Avas written by a man of the Sung. The [SsU k'u] tsung mu
réfutes this by the fact that in the book it is recorded that the son
of the Prince of.Liang of the Yuan was enfeoffed at Tan-lo in the
Ming. I note that there is also a place where Shih Tsu (Kubilai)
of the Yuan is "addressed as Emperor", and "the présent Ho-lin lu",
and so on. And under An-nan it does not corne down to the
establishment of chùn and hsien after the annihilation of ^^ ^
^ Li Chi-li. So this book is the work of a man of the time of
Hung-wu in the. Ming, and consequently the distances are reckoned
from Ying-t'ien fu throughout. Note by Yùn-mei]), during the

1) =p^- J$a- Yûn-mei was the hao of Tï2 "TT* Jrm P'êng Yûan-jui of tw gt
Nan-ch'ang, whose tzû were *J3± Afh Chang-jêng and WS. ~fj_ Chi-wu, and bis
posthumous title A/ |gn Wên ch'in. He was born in 1731, graduated chin chih in
1757, and died in 1803. Of the seals on the first page of the book (p. 180 above)
"Nan ch'ang p'êng shih" is clearly P'êng's private seal and "Chih shêng tao chai
ts'ang shu" is his library stamp. For his library or studio was named -fi$ -ffi? 5g z5&
Chih shêng tao chai. Professor Pelliot also writes "I do not find anything about his
library in the tefi 1||> \ftP S gi Ts'ang shu chi shih shih of ~tfc g\ Iffijjr Yeh

Ch'ang-chih. His biographies are eollected in gj; BtH ^ Isjr 3p| 3?? Kuo ch'ao

ch'i hsien lei chêng, c. 31, fol. 21 — 29. In one of them, by TEJ| fffîr jy|
Chao Ching-
hsiang, we read (fol. 29 r°), He published critical notes on many of the books in his
library under the title of -p^ |TI 'vÉk P'ei ying chi. But I do not know of any
édition of the E^ei ying chi." The note, however, which is hère translated bas been
found by Professor Pelliot printed without the date in the original édition of -fift JE
Jg 7J)K- =S ^&- {FA/

Pelliot, II, lôô), c. 1, fol. 27, J§. jg£ |||] ^ j^


ÈE Chih shêng tao chai tu shu po wei (Bibl. Nat., Collection

.
For.the identification of Yùn-
mei I was obliged in.the iirst instance to Wylie, Chinese Liferature, 1901, p. 79, and,
j
tbrough Mr Arthur Waley, to Chung kuo en ming ta tzû tien, p. 1149. Mr L. C. Hop-
13
184 A. C. MOULE.

double-yang day of ping-cVên of Chia-ch'ing (9 October, 1796)'.


AUTHOR: There seems to be no positive évidence at ail as to
the author. The fact that a list of Prince Ch'ûan's works includes,
as it is said, an I yû Vu chih seems to suggest him as a possible,
if not probable, author. It is a curious coïncidence that the book
should hâve corne from Nan-ch'ang, which was the home of Ch'ùan
in his later years when he devoted his time to music and writing.
Cf. Ming shih, c. 117, fol. 6 v°.
DATE: It is clearly very difficult to fix from internai évidence
the date of a book of extracts, and in this case there seems to be
no external évidence.
In the first place the Cambridge book may not be the same
as the Ning-po book. For the latter contained a mention of the
Prince of Liang which, as Prof. Griles stated in Adversaria Sinica,
1910, pp. 267, 268, is not in the former, secondly Chin's Préface
or Note is not in the Cambridge book, and thirdly Cambridge bas
pictures of 168 nations as against 158 at Mng-po. On the other
hand it may be said that the Cambridge book is not perfect and
that while Yùn-mei implies that Chin's Note was not in his (i. e.
the Cambridge) copy he does not remark, in 1796, on the absence
of the prince of Liang. The passage, however, about Chan-ch'êng
and An-nan is présent (fol. 18 v°), and the numbers 168 and 158
are sufficiently alike to suggest the possibility of a mistake in the
latter. I am conscious that thèse arguments are alternative.
Other indications of date are thèse:
1. The use of Ying-t'ien as capital. This no doubt excludes the
Yuan dynasty, and the Sung is not really in question. But it
is not equally certain that the date is thus limited to Hung-wu

MES very kindly gave me some help in reading the seals. Of the tliird and fourth seals
I can offer no explanation. Sliu tzû is the équivalent of the very common surname
3E Wang.
AN INTRODUCTION TO THE I YÙ T'U CI-IIH. 185

(1368—1403), for Ying-t'ien remained a capital in a very real


sensé throughout tlie Min g dynasty, and in particular foreign
envoys seem, I think, sometimes to hâve been received there.
Thus the envoys of many foreign countries were received at the
^ ^C PI Fêng t'ien mên in 1433. There was a Fêng t'ien mên
at Peking, but on this occasion the réception was arrangea by
the Président of the Nanking Board of Cérémonies ( ^f ïïj® ^
^ fâ ^^)- Cf. Hsùan Tsung shih lu, c. 105, fol. 1 r°).
2. "Shih Tsu of the Yuan is addressed as Emperor (;|p| *^j*)"
This, on fol. 6 r°, cannot hâve been written before 1260.
3. "The présent Ho-ning lu" 1), fol. 82 r°, cannot hâve been written
before 1312 when Karakorum was named Ho-ning. The lu of
the Yuan were generally changea into fu by the Ming govern-
ment at the earliest possible date, 1356 to 1369, but I hâve
not found the exact date at which the lu of Ho-ning was
abolished.
4. The history of An-nan, fol. 20 v°, is not brought down to
"the establishment of chùn and hsien" in 1407. Cf. Ming shih,
c. 321, fol. 4 r°. But the inference that the book was written
in Hung-wu is not sound.
5. Professor Pelliot remarks that the 7t î|$ ^& jÈ. Yuan ch'aô
pi shih, which is quoted on fol. 6 r°, was not translated into
Chinese before the Ming dynasty.
6. Mng-po is called E/J] jj\
Ming chou on fol. 1 r° and 34 v°.
This, if strictly used, would date those two extracts either in
the T'ang dynasty (738—) or between the years 1356 and 1381,
but it does not at ail prove that the book was not compiled
later than 1381.
7. On fol. 3 v° it is said that the island of -f^ 5frL $$i Ta Liu ch'iu

1) Yiin-mei accidentally writes and prints Ho-lin lu (cf. p. 183 above), but the book
itaelf has Ho-ning correctly.
186 A. C. MOULE.

"has sent tribute at various times in the présent dynasty", and


tbat the sons of the king and nobles had corne to study at the
impérial collège. The kings of Liu ch'iu do not seem to hâve
sent envoys before 1373, nor to hâve sent their sons or the
sons of their nobles before the summer of 1392. Cf. Ming shih,
c. 322, fol. 1 v°.
.8. The naines of some of the animais in the appendix tend to show
that the appendix at least should not be dated before about the
year 1-115. The first two of the animais are the zébra, fol. 2 r°,
called ffg J^ fu-lu, and the giraffe, fol. 2 v°, called jj|jÉ: |||
chH-lin. The zébra and giraffe are both described in the Chu
fan chih, 1225, c 1, fol. 25 v°, where the zébra is given no
narae at ail and the giraffe is called tsu-la. Several examples
of fu-lu and clii-lin are, however, given by Bretschneider,
Rockkill in the T'oung Pao, 1915, and (with Hirth) in Chau
Ju-kua, 1912, and by G. Ferrand in J. A., 1914, 1918. The
books whick thèse authors quote are ^
'$P )^ ^
Ying y ai
shêng Un, c. 1430, M lË 0 lE Hsing cKa shêng lan, 1436,
— T$L M I ï«n9 chih, 1461, H # |? S ^ ^ Xsi
yang
ch\ao liung tien lu, 1520, and Ming shih, 1742. The first two
ef thèse are the work of men who travelled with J|[5 ^|
Chêng Ho; and there seems to be no reason to think that the
later books derived thèse détails from documents earlier than
the fifteenth century. The places to which zébras are attributed
are Aden, Brawa, Hormuz and Zufar, and Gfiraffes to Aden,
Hormuz, Mecca and (under the naine of tsu-la-fa (zurdfa)) Zufar.
Of thèse places Hormuz and Zufar are specified in the fung I
chih, c. 90, as having been unknown before Tung-lo (1403—1424),
and the first envoys from Aden and Brawa are said in the
Ming shih, c. 326, fol. 5 r°, to hâve reached China in 1416.
Hormuz was in fact known in the Yuan dynasty, if not earlier,
AN INTRODUCTION TO. THE I YÙ T'U CI-IIH. 187

but the first envoys came in 1414, after Chêng Ho's visit; and
the first envoys from Zufar in 1421. Mecca (^ç ~jj T'ien-fang)
,

was of course familiar, but it does not seem to bave produced


chH-lin before the fifteenth century. Tbe earliest mention of
chH-lin (sent by Saifu 'd-Din, ruler of Bengàl) in the Ming shih,
c. 7, fol. 1 v°, seems to be in 1414. The fu-lu and clïi-lin
were still rare beasts of good omen deserving of a spécial ode
to be presented to the Emperor in Hsùan-tê (1426-—1435). Cf.
Tzhi yuan, s.v. jjïg ^.
The conclusion that suggests itself is that the zébra and giraffe
had not often been seen alive in China and had not been known
by the names of fu-lu and àCi-lin before the time of Chêng Ho's
missions; and it is difficult to doubt that the artist of the yil I
ch'in shou Vu had seen his animais (except the rhinocéros) alive.
The text of the I yil Vu chih is not an independent work but a
compilation from earlier books (the account of the ostrich, for
example, on fol. 32 r° is quoted from some book dating from before
1178), and it is to be observed that (as far as I hâve noticed). it
is not based on the books which resulted from Chêng Ho's travels
and that it does not mention the less familiar zébra, giraffe, etc.
of the appendix but only such long familiar créatures as the ostrich
and peacock, lion, camel, éléphant and horse. On fol. 74 v° /p ^p
Hsi niu is the yak, whereas the Hsi niu of the appendix, fol. 4 r°,
is beyond doubt a rhinocéros. Thus the whole book seems to hâve
been compiled before 1430, when the Ying y ai shêng lan and other
books based on Chêng Ho's missions began to appear, and the
appendix at least not to hâve been made until after the return of
the missions themselves. The same argument might be applied
with the same resuit to the hornbill ( |||
Tjf ho-ting) and oryx
( Jf ^n" Hfc ina-ha-shou), and the date (about 1415) thus suggested
would agrée well with the authorship of Prince Ch'ùan.
188 A. C. MOULE.

CONCLUSION: It will be seen from the foregoing notes that


the I yiï t'u chih was compiled some time early in the Ming dynasty,
between 1392 and 1430, and was reprinted, or possibly printed for
the first time, in 1489 by Chin Hsien, to wbom the author and
date were quite unknown. Though it would be pleasant to think
that the Cambridge book was of earlier date, it can hardly be said
that there is positive proof that it is not a copy of'the édition of 1489.
The misprints and vulgar forms seem indeed to suggest the work
of Chin Hsien, wko was certainly not a ver y scholarly critic, rather
than that of the literary prince Ch'ùan. On the other hand, and
in addition to the reasons given above for supposing that the
Cambridge and Ning-po books may not be the saine, it is remarkable
that the Ssn khi tsung mu, which regularly registers an appendix
or any additional chapters which hâve a distinct title, and the Chê
chiang tsung ht do not notice the appendix in this case.
. . .
Whatever the dates of the composition of the two parts of the
book may prove to be, the blocks for the whole of the Cambridge
copy seem to hâve been eut at one time and the book to hâve been
printed, however carelessly, before the blocks were much
worn.
MÉLANGES.

Le nom turc des "Mille Sources" chez Hiuan-tsang.

Hiuan-tsang mentionne au Turkestan russe, comme résidence


d'été du souverain des T'ou-kiue occidentaux, la région de Ipp. =è
P'ing-yu (*Bcieng-iuet), dont le nom signifie, selon lui, les "Mille
sources". Depuis Vivien de Saint-Martin, on est parti d'un nom
hypothétique soi-disant mongol de Mïng-bulaq (c'est là une forme
turque et non mongole) pour la retraduire en un turc osmanli
approximatif *Bing-gôl, qui serait l'original de P'ing-yu. Dans le
T'oung Pao de 1930 (p. 107), j'ai fait remarquer que gôl était la
prononciation osmanlie de kôl, "lac", "étang", et que, s'il est nor-
mal que les T'ou-kiue occidentaux aient dit bïng pour "mille"

!
comme les T'ou-kiue septentrionaux de l'Orkhon, il n'était nulle-
ment établi qu'ils eussent prononcé gôl comme le fait l'osmanli,
au lieu de kôl; et cependant l'équivalence phonétique avec P'ing-
yue n'était à la rigueur possible qu'avec une prononciation *Bïn/ôl,
aboutissement de *Bïng-gôl, mais non avec Bïng-kôl. Il restait
d'ailleurs toujours que kôl signifie "lac" ou "étang", mais non
"source".
Je suis convaincu aujourd'hui qu'on doit renoncer à Mïng-kôl
ou *Bïng-gôl. Il y a en koïbal un mot gui, "ruisseau de montagne",
dont je n'aurais pas osé faire état parce qu'il était isolé et que
son sens n'était pas exactement "source". Mais il m'avait échappé
que, dès le XIe siècle, Mahmûd Kâs/arî donne à plusieurs reprises
190 MÉLANGES.

yul (et yulaq) au sens de "source" (cf. Brockelmann, Mitteltiirkischer


Wortschatz, 1928, in-8, p. 96). La forme yul est exactement celle
qui répond à =^ yu (*iuet vers 500, *iutâ sous les T'ang), et il
faut décidément rétablir P'ing-yu en Bïng-yull).
P. Pelliot.

Le prétendu mot "iascof chez Guillaume de Rubrouck.


Pour désigner les lingots d'argent en usage chez les Mongols,
Guillaume de Rubrouck emploie sept fois un mot que les manuscrits
écrivent iascot et dont éditeurs et traducteurs n'ont su que faire 2).
La solution est cependant évidente. Les lingots d'argent et d'or
sont désignés à l'époque mongole, dans les textes persans, sous le
nom de balis, qui signifie un "coussin"; c'est là une allusion à la
forme de ces lingots. En outre on appelait balis eau (persan
balis + chinois "§^ tcli'ao) le papier monnaie qui circulait dans
l'empire mongol comme substitut de ces lingots. Or des textes turcs
de Tourfan, remontant vraisemblablement à l'époque mongole, em-

1) Le mot |gE yu est rareen transcription; l'équivalence certaine obtenue ici aidera
peut-être à restituer le nom encore mystérieux de J1E Sfr Yu-sseu, sur lequel cf. JA,
1913, I, 169; Chavannes et moi l'avons alors lu Yi-sseu, et le caractère =P- a aujour-
d'hui les deux prononciations; mais l'exemple de Bïng-yul amène à préférer yu dans les
transcriptions des T.'ang.
2) Cf. Rockhill, ltubruck, à l'index et surtout p. 156; Y'ule et Cordier, Gathay2, 159 ;
A. Van Den Wyngaert, Sinica Franciscana, I [1929], 237 (l'index, s.v. iascot, ne renvoie
qu'à deux des passages où le mot apparaît réellement dans le livre). Dans le premier
passage, un des mss. de Rubruck (le principal d'ailleurs) ajoute, après iascot, les mots
"vel cosmos" (Sinica Franciscana, 237). Yule-Cordier et Rockhill ont vu dans ces *cosmi
(cosmos serait l'ace, plur.) le même mot que le sommo de Pegolotti (cf. Cattiay2, III, 148),
c'est-à-dire le mot bien connu en turc sous les formes som et siim (cf. le dictionnaire de
Radlov) et qui est aujourd'hui la désignation ordinaire du rouble dans le turc de l'Asie
Centrale. Il est possible que soin se dissimule sous le pseudo-acc. plur. cosmos, si l'ad-
dition du mss. C est bien fondée, et on admettra alors qu'un copiste a altéré en cosmos
un ace. plur. "sommos sous l'influence de cosmos qui est la forme prise chez Rubrouck
par le mot turc q'imïz ou qmriis, le koumis; mais il n'est pas absolument exclu que les
mots "vel cosmos" dans le mss. C soient une addition sans valeur.
MÉLANGES. 191

.ploient le mot yastuq ou l'expression yastuq eau, et M. F. W. K.


Millier a montré de façon certaine, il y a quelques années,
que
yastuq et yastuq eau sont l'équivalent exact, en turc, de balis et
de balis eau en persan; le sens normal de yastuq
en turc est en
effet "coussin" x). Si on se rappelle que c et t se prennent
con-
stamment l'un pour l'autre dans les manuscrits du Moyen Age 2),
la. conclusion s'impose: dans le texte de Rubrouck, il faut lire, au
lieu de uiascof\ iastoc yastuq s). Une fois de plus, le vocabulaire
-
de Rubrouck, s'avère turc et non mongol; le turc fut.la langue
internationale des débuts de l'empire mongol et ce n'est qu'une fois
Hùlàgû régnant en Perse et la capitale de l'empire transférée dans
la région de Pékin que le persan prit la première place.
Dans le cas de; balis et de yastuq, il n'est pas facile de dire
si l'image du "coussin" a été empruntée par les Turcs aux Persans

ou par les Persans aux Turcs; on croirait volontiers, par des rai-
sons de voisinage plus immédiat avec la Chine, que les Turcs ont
été ici les initiateurs, mais un texte syriaque cité par M. Mùller
semble faire pencher du côté des Persans. Il faut remarquer toute-
fois qu'avec leurs "coussins", le turc et le persan s'opposent au
mongol, où une autre image avait prévalu: en mongol de l'époque
mongole, les lingots d'argent ou d'or s'appelaient siiJcâ, mot-à-mot
"hache" 4), et le mot, oublié aujourd'hui en mongol dans ce sens

1) Cf.. Ostasiat. Zeitschrift, VIII [1919—1920], 321 — 322.


2) Les manuscrits mêmes de Rubrouck en donnent de bons exemples, par exemple
hocca pour iocta = ooyiaq.
3) M. Millier ne s'était pas trouvé penser au "iascoi" (= iastoc) de Rubrouck, sans
quoi il l'eût sûrement invoqué; il est plus surprenant que les éditeurs ou traducteurs
plus récents, MM. Herbst et Van Den Wyngaert, ne s'en soient pas avisés, non plus que
M. Pqppe dans son'compte-rendu de l'édition de Herbst publié par Asia Major, II, 616—619.
Quant à l'édition définitive des Uigurische Sprachdenkmàler de Radlov, mise au point en
1928 par M. Malov, non seulement elle ne fait pas état du "iascoi'" de Rubrouck, mais
oublie même.la note de M. Millier et interprète niai le yastuq turc (pp. 274—275).
4) SiiTca, au sens de "lingot", se trouve dans le § 279 de l'Histoire secrète des Mongols.
192 MÉLANGES.

spécial mais emprunté par le mandchou, est resté le nom des lin-
gots dans cette dernière langue; une inscription mongole de 1340
emploie siïka eau pour désigner le papier-monnaie 1), tout comme
on a balis eau en persan et yastuq eau en turc. Sur la forme de
ces lingots, qui rappelle en effet, au Moyen Age, une hache plus
encore qu'un coussin, cf. l'article de M. Bauer et mes remarques
dans Bev. des arts asiatiques, II [1925], 10—13, ainsi que les
travaux de M. Katô Shigerii signalés dans T'oung Pao, 1929,
360—361. Peut-être la forme des lingots et leur nom mongol
sont-ils d'ailleurs des survivances d'un état de choses très ancien,
remontant jusqu'aux haches préhistoriques — pierre et bronze —.
qui semblent avoir été parfois des instruments d'échange. Ce ne
doit pas être un hasard si le mot chinois qui a toujours désigné
le poids type, la livre chinoise ( fy kin), signifie au sens propre
une "hache". Paul Pelliot.

Sur yam ou jam,


v "relais postal".
Dans les Doldady Aie. Nauk de 1929 (289—296), IL B. Yla-
dimircov vient de publier un article fort intéressant Xotes sur des
textes turcs anciens et vieux-mongols, dont la majeure partie est con-
sacrée au mot jam, "relais postal" 2). Sur bien des points, je suis
d'accord avec M. Yladimircov, en particulier quand il corrige, dans
un document mongol du XIVe siècle, la lecture yamud de M. Eam-
stedt, donnée par celui-ci comme le pluriel d'un yamun emprunté
au chinois ya-men, "bureau mandarinal", en jarnud, pluriel de jam,

1) Il s'agit d'une inscription mongole du Yunnan rapportée par la mission d'Ollone.


2) Pour celle de ces notes qui concerne le mot day'ir (pp. 295 296), l'équivalence

à turc yayïz, "brun", "bai", va bien pour le § 3 de VHistoire secrète des Mungols. Elle
paraîtrait moins satisfaisante pour le dayïr iitiigiin, "grande terre", du § 245, dont la
leçon est confirmée par le manuscrit mongol retrouvé récemment; mais cf. yayïz "la
brune" = "la terre" (opposé à kôk, "le bleu" = "le ciel") dans Y. W. K. Mûller,
Uigiirica II, 80; "grand" doit être un contresens des traducteurs chinois.
MÉLANGES. 193

"relais postal"1). De même, si le mot jam ne signifie plus en


mongol moderne que "route", M. Vladimircov a raison de dire
qu'au Moyen Age il signifiait non pas "route", mais seulement
"relais postal", les mots pour "route" étant môr et targà'ùr 2)
. ;

de nos jours, jam ayant pris en mongol le sens exclusif de "route",


le "relais postal" est désigné par le mot ôrtàgà 8). Mais je me sé-
pare de notre confrère quand il cherche à établir à quelle date et
sous quelle forme le mot jam apparaît pour la première fois.
D'après M. VI., le mot jam apparaîtrait d'abord au XIIIe siècle
chez les Mongols qui ont formé le noyau de l'empire gengiskhanide;
de ce jam mongol d'origine inconnue, le turc jayataï et peut-être
ouigour aurait tiré, par la correspondance mongol j- = turc y-,
un mot yam qui a passé en osmanli, et aussi jusqu'en russe. Mais
c'est là, à mon sens, considérer trop facilement comme secondaire
une forme turque yam qui est, avec. Guillaume de Rubrouck et
Marco Polo, contemporaine des plus anciens exemples du jammongol;
et par ailleurs il n'y a guère de mots spécifiquement mongols qui,

1) Je cite depuis longtemps cet exemple à mes auditeurs comme un cas d'amphi-
bologie que rien dans l'écriture ouigouro-mongole ne peut déceler. La confusion entre
jam et ya-men n'a pas été commise seulement.d'ailleurs par M. Ramstedt; on la retrouve
partiellement dans W. Bang, Tùrkisches Lelmgut im Mandscu.'rischeniJJngar.Jahrbûcher,
IV, 19), où yamun (= cli. ya-men) est faussement décomposé en yam -j- un, et tout à fait
dans G.- I. Bratianu, Bech. sur le commerce génois dans la Mer Noire au Aille siècle,
Paris, 1929, in-8, p. 216. Le mot jam a été transcrit d'abord mtê tchan [*cam] (Eei-
Ta che-lio, 9 a).
2) Môr se rencontre déjà dans YHistoire secrète des Mongols; idrgà'iïr est le mot
qui traduit "grand'route" dans le vocabulaire sino-mongol Houa-yi yi-yu du début des
Ming. M. Vladimircov invoque un troisième mot ja'ur-a, "en chemin", d'après l'Histoire
secrète des Mongols; mais ja'ura, qui apparaît très souvent en effet dans cet ouvrage, y
a le sens de "dans l'intervalle" (aussi bien dans l'espace que dans le temps); le terme
me paraît probablement issu de *jaj3ura et s'apparenterait alors à jabsar, "intervalle";
je ne crois pas qu'il faille y chercher le locatif d'un mot signifiant "route". Le mot
mura entre en outre dans une expression obscure cul y.l ja'ttra du § 254 de ['Histoire
secrète, épithète injurieuse adressée à Jôëi et qui doit signifier "bâtard" ou quelque chose
d'approchant.
3) Aux formes mongoles indiquées pour ôriàgâ par M. VI. (p. 294), il faut joindre
orlcing, qui est la forme turque usitée actuellement au Turkestan chinois.
194 MÉLANGES.

empruntés après le XIIIe siècle, aient survécu en osmanli]). Il est


toutefois exact, je crois, que le mot jam du mongol, yam du turc,
ait été pratiquement oublié au sens de "relais postal" quand les
"relais postaux" eurent été désorganisés après la chute de l'empire
mongol2).
Mais le mot lui-même me paraît être beaucoup plus ancien que
M. VI. ne l'a admis. Le Nan Ts'i chou (57, 2b—Se) nous a con-
servé une liste de mots des Wei de la famille T'o-pa; le texte
lui-même est de la première moitié du VIe siècle, mais porte sur
la deuxième moitié du Ve. Ces mots des Wei ont été étudiés par
M. Shiratori dans sa brochure Ueber die Sprache des Hiung-nu-
Stammes und der Tung-hu-Stdmme, Tokyo, 1900, in-8, 64 pages 3).
Parmi eux il est dit que "les gens des relais postaux dans les
provinces sont appelés hien-tcheoi" ( f|f j>\\ fj|i |§p J\^ ^§j) Jfy E)
et déjà M. Shiratori (pp. 33—34) a indiqué yam, "relais postal",
comme le premier élément de ce nom 4). On sait d'autre part que
les noms d'agents des Wei sont régulièrement donnés dans le
Nan Ts'i chou avec la finale en -cïn qui alterne en turc et en

1) M. Vladimircov n'a rien dit des emprunts persans: on a déjàyUm. dans Rasïdu-'d-Dïn,
et les lexicographes persans connaissent aussi les dérivés -i/amci et yameïk (cf. le diction-
naire de Vnllers, II, 1508); les lexiques persans n'ont naturellement pas le sens de
"route" pour yam, mais celui de "cheval de poste" et de "relais postal". Le vrai sens
doit être "relais de poste"; les chevaux de poste eux-mêmes étaient appelés proprement
ulay en turc, ulaa en mongol, et ce mot turc est déjà dans Hiuan-tsang vers 630 (cf.
T'owig Pao, 1929, 219—221).
2) Il resterait toutefois à expliquer pourquoi, dans un document turc de 1469 en
écriture ouigoure, le mot est écrit non pas yam, mais cam en valeur de jam, c'est-à-dire
avec une prononciation mongolo-kirghize (cf. Melioranskiï dans ZVOIRAO, XVI [1906],
02—03, 011).
3) Je me suis occupé de quelques uns des mots de cette liste dans JA, 1925, I,
254—255, mais pas de celui qui signifie "relais postal".
4) M. Shiratori est moins heureux quand il veut expliquer par yam-hana, "maison
de poste", le yam-qa du vocabulaire sioo-ouigour du Bureau des interprètes, et par
yam-ab, "maison de poste", le yamb de Marco Polo. Yam-qa est probablement un datif,
comme l'a proposé M. Bang, et yamb est vraisemblablement à interpréter par addition
d'explosive labiale paragogique après la nasale labiale.
MÉLANGES. 195

mongol avec la finale en -ci. Dans le système de M. Karlgren,


J|£ hien, préciséroent vers l'an 500, représente *yam. La finale en
-m est certaine, de même que le y- initial et la voyelle à timbre
fondamental a. Le y- initial ne fait pas difficulté; nous connaissons
un grand nombre de cas, où y- représente simplement une sorte
à'alif dans la transcription de mots ou de noms altaïques (à com-
mencer par Iiouei-ho pour Uïyur, ho pour alp, etc.); mais alors il
reste seulement *'am. Comme cet a est précédé dans yam (ou jam)
d'un élément palatal, et que cet élément palatal apparaît dans la
prononciation chinoise moderne hien, j'incline à penser que le
système de M. Karlgren néglige ici un élément qui existait déjà
dans la prononciation chinoise de 500 AD. En tout cas, il ne me
semble pas douteux que hien-tchen réponde à yamcin, nom d'agent
formé sur yam: "relais postal". Loin donc que le turc yam soit
emprunté à une forme mongole jam qui elle même n'apparaîtrait
qu'au XIIIe siècle, le mot yam serait un des mots altaïques attestés
le plus anciennement1). P. Pelliot.

Les kôkô-dàbtar et les p p f| ffi hou-k'eou ts'ing-ts'eu.


Dans mes Notes sur le uTurkestan" de M. W. Barthold, j'ai
proposé, à titre très hypothétique (pp. 36—42), de mettre en relation

1) J'ai déjà dit souvent que les Wei ne devaient pas être des Tongous comme on
le répète d'ordinaire, mais des Turcs ou des Mongols. Les mots des Wei semblent
plutôt turcs, et le mot ijamcin viendrait à l'appui d'une parenté spécifiquement turque.
Je ne veux pas cependant en tirer argument, puisqu'on connaît des mots mongols où la
prononciation en j- n'est pas primitive, et qui se prononçaient' encore avec y- au Moyen
Age; à la rigueur, on pourrait supposer que jam, bien que prononcé ainsi en mongol
dès le XIIIe siècle, s'y est prononcé yam plus anciennement. Au cours de son article,
M. Vladimircov donne quelques indications sur le mot mongol côlgà, aujourd'hui inconnu,
qui traduisait sous les Mongols le terme administratif de && lou, "district"; je viens
justement de m'occuper de ce-mot dans T'oung Pan, 1930, 18—21; il me semble qu'il
y a quelque chose d'artificiel dans les couples mo. côlgâ, tib. lui, et mo. jam, tib. lam,
que pose M. VI., puisqu'aussi bien lui-même ne paraît pas supposer un lien phonétique
entre les composants de l'un ou l'autre couple.
196 MÉLANGES.

le kôk tamya, mot-à-mot "sceau bleu", de Rasïdu-'d-Dîn avec les


kôkô-dâbtdr, ou "cahiers bleus", de Y Histoire secrète des Mongols-,
la traduction chinoise abrégée du XIVe siècle rend ce dernier terme
par |lf jjfl- ts'ing-ts'ô. Palladius, qui ignorait alors le texte mongol
de VHistoire secrète, avait prétendu en 1866 que ts'ing-ts'ô équivalait
de façon générale à ""actes", "titres" {zapisï) et invoqué entre autres
une expression pP pf flfr hou-k'eou ts'ing-ts'ô, qu'il rendait par
"titres relatifs aux habitants" {zapisï o zitelyakh) 1). J'ai fait remar-
quer que ts'ing-ts'ô traduisait ici simplement kôkô-dâbtdr 2), et que,
si l'expression de hou-k'eou ts'ing-ts'ô m'était inconnue (Palladius
n'en citait aucun exemple), l'expression Jf5 P jffi hou-k'eou ts'ô ou
Pp jjjj- -^p hou-k'eou ts'ô-tseu
s'employait couramment au sens
de "registres de recensement" (le mot-à-mot est "registres [ts'ô] par
feux [hou, "porte"] et par âmes [k'eou, "bouche"]).
J'ai rencontré récemment dans le Yuan 13a) un passage
clie (22,

qui est bien vraisemblablement celui-là même auquel, directement


ou indirectement, Palladius devait son hou-k'eou ts'ing-ts'ô. Le texte
dit: "[La lre année tche-ta, le 9e mois,] au jour kouei-hai (22 sep-
tembre 1308), le myriarque {ivan-hov.) Ye-lie-men Ha-san vint des
villes de Sie-mi-sseu-kan (Sàmizkânt, Samarkand) 3) et autres, et

1) En traduisant zapisi par "notes" (p. 39), je n'ai pas bien rendu la pense'e de
Palladius.
2) L'expression ts'ing-ts'i) est attestée dès la seconde moitié du Ve siècle (cf. le
E'ei-vjen y un-fou), mais dans un texte où elle sert de parallèle à la "'roue rouge" des
chars des grands, et ne semble pas avoir de valeur technique.
3) La forme turque Sàmizkânt du nom de Samarkand est surtout attestée à l'époque
mongole, mais elle remonte beaucoup plus haut. Albïrïïnï la connaît déjà dans la première
moitié du XIe siècle (cf. Bretschneider, lied. Resmrc/ie.s, II, 60); un demi-siècle plus
tard, elle se retrouve chez Kâsyarï (cf. Brockelmann, lliliellurk. Worisdurfz, Budapest
et Leipzig, 192S, gr. in-8, p. 248); les Chinois l'ont ensuite connue au XIIe siècle (cf.
Bretschneider, Med. Researches, I, 215). Pour l'époque mongole, cf. Bretschneider, ibid.,
I, 21, et JA, 1927, II, 266, 272. Sàmizkânt (Sémïz-kënt) est encore mentionné dans
les Mémoires de Babur (trad. A. Beveridge, p. 75), mais paraît être sorti de l'usaee
peu après.
MÉLANGES. 197

présenta au trône les registres bleus de recensement (Jiou-k'eou


ts'ing-ts'ô) qui avaient été établis au temps de T'ai-tsou (= Gengis-
klian). [L'empereur] octroya de l'argent, des billets de banque et
des soieries, suivant le rang [de chacun]" ( j^ ~h^ j£ <rF.
%M
....
%% s p m n H & m * g ^at,s ^°
Ce texte est assez difficile à interpréter. Les rapports entre Pékin
et le Turkestan russe, presque interrompus pendant près d'un demi-
siècle à raison des révoltes de divers princes mongols et surtout de
Qaïdu, étaient redevenus actifs au lendemain de cette pacification
de 1303 que Vilkhan Ôljâitù célébrait encore en 1305, bien qu'elle
eût un caractère très précaire, dans sa lettre à Philippe le Bel.
Il semble que, malgré le temps et l'éloigneinent, les diverses branches
des Gengiskkanides aient eu encore droit aux revenus des apanages

que leurs ancêtres, les divers fils de Gengis-khan, avaient reçus lors
de la conquête du Turkestan russe. Le 15 septembre 1308, quelques
jours avant l'arrivée de Te-le-men Ha-san, l'empereur mongol avait
fait partir pour Samarkand ^^ p^yfv ||? Siue-ni-t'ai T'ie-
mou-tch'a (*Sùnitài Tâmùca?)1); mais, dès le octobre 1308, sans
9

attendre une enquête de l'envoyé, une nouvelle réglementation des


redevances de Samarkand, Talas et Tachkend était adoptée, et
Siue-ni-t'ai T'ie-mou-tch'a était chargé de la mettre en vigueur.
Entre ces deux dates du 15 septembre et du 9 octobre 1308 se
place l'arrivée de Ye-le-men Ha-san avec les hou-k'eou ts'ing-ts'ô
ou "registres bleus de recensement" remontant au temps de
Gengis-khan. Il ne paraît guère douteux que ces hou-k'eou ts'ing-ts'ô
ne soient ou n'aient été considérés comme identiques aux kôkô-dcibtclr
ou ts'ing-ts'ô de l'Histoire secrète des Mongols] et on a vu (p. 39)

1) Le premier élément est formé du nom tribal des Sùnit; le second contient
vraisemblablement le mot iâmûr, "fer".
198 MÉLANGES.

les kôkô-dàbtdr avaient enregistré en effet "les répartitions de


que
population" entre les princes mongols. Mais s'il est bien probable
la présentation de ces kdkô-dâbtcir fut pour quelque chose dans
que
la nouvelle réglementation des redevances à laquelle on s'arrêta
dix-sept jours plus tard, il nous échappe pourquoi ces koko-dàbtâr
qu'ils étaient
se trouvaient ailleurs qu'à la Cour. S'il faut supposer
restés aux mains de la descendance d'Ogôdâi, cette explication ne
serait pas favorable à mon hypothèse que le Icôk-tamya rapporté
de Pékin par Aruq au temps de Khubilaï ait pu être un extrait
des Jcok-dàbt(ii\ puisqu'alors les kok-dàbtar n'auraient pas été con-
servés à Pékin. Nous ne savons pas davantage quels sont ici les
bénéficiaires des largesses impériales, chacun selon son rang. Il
faudra de nouveaux textes pour décider dans un sens quelconque;
en particulier des renseignements sur Ye-le-men Ha-san -1) seraient
les bienvenus 3).
P. Pelliot.

1) Je n'ai pas d'informations sur ce personnage. Le premier élément de son nom


De se laisse pas restituer directement. J'ai lu le second Ha-san, et non Ho-san, parce

que, dans les noms propres, le Yv.an che emploie régulièrement 'py- ho en valeur de
IjA» ha; Ha-san est vraisemblablement Hasan, et il s'agirait alors d'un Musulman.

2) Je joins en note quelques additions ou corrections à mon article sur le Turkestan


de M. Barthold. — P. 22, 1. 14 : Le nom de Can-balïq se rencontre dès le XIe siècle
chez Kiïsyarï (Brockelmann, Mitteltiïrk. Wortschat-, p. 242). — P. 23, 1. 13 — 16: J'ai
écrit ce passage sans avoir le texte persan sous les yeux, d'après des traductions qui ne
distinguent pas entre q et le; le nom du chef mongol qui se trouvait en Perse en 1258
s'écrit jCL) HgJi- (= Ilùga?), et n'appuie par suite ni n'infirme le nom de Ilqa ou
Nïlqa. — P. 24, 1. 20: Le -J- -j- ÇA T'ou-t'ou-ha du ch. 128 du Juan che est le
personnage dont M. Blochet écrit le nom ^càcj Tuqtaq (Ilist. des Mongols, 11,500);
on attendrait plutôt >_»JjJ(J *Tutqaq. — P. 54, 1. 17: "qur-khan" est une faute d'im-
pression pour gur-khan. — P. 5 6, 1. 8: J'ai dit que la lecture "Tâynâl" était garantie
par l'Histoire secrète, mais ai omis d'indiquer le n° du paragraphe; je viens de le rechercher
en vain, et crains d'avoir fait quelque confusion dans l'indication de la source.
MÉLANGES. 199

Un passage altéré dans le texte mongol ancien


de Y Histoire secrète des Mongols.

La découverte récente en Mongolie d'une chronique mongole


manuscrite où est incorporée à peu près la moitié de la rédaction
mongole originale de VHistoire secrète des Mongols n'a fait qu'aug-
menter notre estime pour le texte mongol du même ouvrage transcrit
phonétiquement en caractères chinois au début des Ming et qui
s'avère infiniment plus correct. Il n'en reste pas moins que même
cette transcription phonétique du texte est sujette à deux sortes
d'altérations. Les unes se sont produites dans la tradition graphique
du texte chinois établi par les transcripteurs et sont, par définition
même, postérieures à cette transcription; on peut aujourd'hui les
corriger presque à coup sûr. Les autres proviennent de fautes dans
le manuscrit mongol original dont les transcripteurs du début des
Ming se sont servi; elles se laissent déceler moins aisément.
Qu'il y ait eu des fautes dans ce manuscrit, c'est a priori très
probable, mais il ne faut pas supposer une faute de texte chaque
fois que nous nous trouvons en présence d'une contradiction in-
trinsèque. Ainsi, dans le §18, le texte mongol transcrit en caractères
chinois prête à Ma'alïq Baya'udaï un rôle qui, d'après les § 15—16,
ne peut guère être joué que par le fils de ce dernier; aussi, dans
les notes de sa version japonaise, Naka Michiya avait-il voulu cor-
riger au § 18 gii'ùn (= kûmû?i), "homme", en kôHin (= kôbàgiin),
*fils", afin de mettre ce § 18 en harmonie avec les § 15—16; mais
la construction obtenue était boiteuse, et le texte retrouvé en Mongolie,
indépendant du manuscrit qu'ont utilisé les transcripteurs des Ming,
a bien Jcûmûn lui aussi; la contradiction remonte donc très probable-
ment à la rédaction originale de VHistoire secrète fixée en 1240.
Dans d'autres cas -au contraire, une faute du manuscrit utilisé
par les transcripteurs est probable. C'est ainsi que le § 10 du texte
14
200 MÉLANGES.

transcrit énumère les deux fils qu'Alan-qo'a (Alan-/oa) eut de


Dobun-màrgàn dans l'ordre "Bugùnûtâi et Bâlgùnûtâi"; mais, par
la suite, on a toujours l'ordre "Bâlgùnûtâi et Bùgûnûtâi", qui est
appuyé par les autres sources et confirmé par le manuscrit mongol
retrouvé récemment; Bâlgûnùtâi devait donc être l'aîné, et une
inversion s'est produite accidentellement dans le manuscrit qui a
servi aux transcripteurs du XIVe siècle. Au § 49, le texte transcrit
appelle Qutuqtu-Yùrki le même personnage qui, aux § 122 et 139,
est nommé Sorqatu-Jùrki; Rasïdu-'d-Dïn (Berezin, Trudij VOIRAO,
XIII, texte persan, p. 54 ; trad., p. 33) l'appelle ^yy. y^jy*
Sorqaqtu-Tiirki ; or le texte mongol retrouvé récemment porte,
dans le passage correspondant au § 49, Jorqatu-Yùrkâ. Il est clair
dès lors que les transcripteurs du début des Ming ont eu un ma-
nuscrit où, comme nous en avons d'autres exemples, on avait con-
fondu s- et q- et qu'il faut rétablir Sorqatu-Yùrki dans le § 49 ;
mais il n'y a pas de raison de corriger automatiquement Sorqatu
en Sorqaqtu ou inversement, car Rasîdu-'d-Dïn et l'Histoire secrète
des Mongols ne représentent pas la même tradition pour les origines
mongoles, et il ne s'agit pas pour l'instant de savoir quelle est la
forme correcte dans l'absolu, mais seulement de déterminer celle
que chaque auteur avait lui-même adoptée.
C'est aussi par une faute de texte que je crois pouvoir rendre
compte d'un passage de Y Histoire secrète qui surprend au premier
abord.
En racontant la lutte que Grengis-khan et Ong-khan ont menée
en commun contre les Tayïcï'ut, Rasïdu-'d-Dîn (dans la traduction
de Berezin) parle d'un combat qui eut lieu à "Engut-Turas" selon
Berezin (XIII, trad., p. 118); mais les manuscrits (ibid., texte persan,
p. 191) ramènent nettement à LIj oJCoî Àlângùt-Turas; enfin,
le Cheng-icou ts'in-tcheng-lou, si nettement apparenté à Rasîdu-'d-Dïn,
Porte %WJt%MMZWi "la Pleine de Yue-lang-wou-
MÉLANGES. 201

t'ou-la-sseu" x), ce qui ne laisse pas de doute que, chez Rasîd, on


doit Yocaliser en u*i;y o^ûJi Ûlàngùt-Turas. Mais, dans le § 144
de l'Histoire secrète des Mongols, consacré aux mêmes événements,

aucun nom de lieu correspondant à Ùlângût-Turas n'est indiqué.


Toutefois, on lit dans ce § 144 que les Tayïcï'ut Onan-u cïnajï
àta'àt hûliïiht turastan càri'ûd-iyàn jasaju qatqulduya kiïàn jasaju
baïju'uï, "[les Tayïcï'ut], disposant de l'autre côté du [fleuve] Onan
(Onon) leurs troupes hûla'ut turastan, se tinrent en formation de
combat en disant: Battons-nous." La traduction interlinéaire rend
liulffût par _^> f||^ to-yu, "en surplus", et turastan par ~jj j{fe >Êf ffij
farig-p'ai yeou-ti, "qui ont des boucliers carrés". Ainsi liùliïiït serait
le pluriel, assez inattendu, de hùWiï, mo. écrit ùlâgù, "en surplus" 2);
turas serait le pluriel d'un mot tura, "bouclier carré"; enfin ces deux
pluriels formeraient une expression adjective en -tu ou -taï, "qui
a des boucliers carrés en surnombre", laquelle expression prendrait
normalement la forme plurielle en -tan puisqu'elle s'applique au
pluriel càrViit 3). Ni les commentateurs chinois de VHistoire secrète,
ni Wang Kouo-wei dans son édition annotée du Cheng-wou ts'in-
tcheng lou, n'ont fait aucune observation. Le mot tura, inconnu
jusqu'ici en mongol, désigne de nos jours, dans la partie occidentale
du Turkestan chinois, les anciennes tours de garde et les anciens
stûpa; en jayataï, il a eu aussi le sens de "bouclier", et les deux
sens sont anciens en turc puisque tous deux se trouvent déjà au
XIe siècle chez Kâsyarî (Brockelmann, Mitteltilrk. Wortschatz, 218);
tura ne peut guère être en mongol qu'un emprunt au turc. Mais
de toute manière, et même à admettre.cet emprunt, l'épithète est
hors de place dans un passage purement narratif et non épique,

1) F° 19£ de l'édition de Wang Kouo-wei reproduite dans l'édition collective de ses


oeuvres (cf. à sonsujet T'oung Pao, 1929, 169—172).
2). Sur cette forme, cf. JÂ, 1925, I, 236—237.
3) Cette construction, avec tous ces pluriels juxtaposés, serait anormale en mongol
moderne, mais le mongol ancien en offre bien des exemples.
202 MÉLANGES.

et alors qu'on attend un nom de lieu. Il me paraît évident que le


texte est fautif et que, sous hùlcïut turastan, se dissimule Ulângùt-
Turas. L'Histoire secrète des Mongols était écrite avec l'alphabet
ouigouro-mongol, où Vh- n'est pas notée; les transcripteurs ont
donc utilisé un manuscrit qui écrivait ùlàgiit, et iUagilt ne diffère
graphiquement à'ulcingùt que par un crochet (le point de Vn n'est
généralement pas marqué dans les anciens manuscrits mongols). Si
les transcripteurs s'y sont trompés, c'est que leur manuscrit avait
ou paraissait avoir une finale -tan d'adjectif pluriel, au lieu qu'il
faudrait ici, après une marque de datif-locatif en -tur. Mais le
s,
manuscrit retrouvé en Mongolie nous vient en aide, car il écrit
Olqut-Turaq-tur a). Autrement dit, et malgré toutes les altérations,
ce manuscrit nous garantit la voyelle labiale initiale et VI qui la suit
dans Ulângùt; le -q de aturaqn est une altération graphique de s,
analogue à celle que j'ai signalée plus haut; enfin le -tur fournit
la forme de locatif que nous attendions et que supposent les leçons
de Rasïdu-'d-Dïn et du Cheng-ivou ts'in-tcheng-lou. Quant au sens
d'Ulângùt-Turas, il nous demeure obscur, mais c'est le cas de beaucoup
de noms propres 2). En définitive, il y a dans ce passage un exemple
topique d'une altération de texte qui a induit en erreur les trans-
cripteurs du XIVe siècle. Le cas n'est certainement pas unique-
Tout en partant des leçons de ces transcripteurs qui sont en général
fort bonnes, nous devrons donc nous tenir sur nos gardes, non
seulement quand ils s'abstiennent de traduire faute de comprendre,
mais même quand ils croient avoir compris et traduisent en con-
séquence. P. Pelliot.

1) Je cite ce manuscrit d'après la copie qui m'en a été envoyée par le Comité
scientifique mongol d'Ourga; une édition a dû en être publiée récemment à Pékin, mais
je ne l'ai pas encore vue.
2) Peut-être le pluriel titras, dans ce nom de lieu, s'applique-t-il non à des "boucliers"
mais à des "tours fortifiées" (on ne peut guère songer à des stupa dans cette région et
à cette date).
BIBLIOGRAPHIE.

Gr. I. BRATIANTT, Recherches sur le commerce génois dans la Mer


Noire au XlIIe siècle, Paris, Greuthner, 1929, in-8, xn +
359 pages,
avec 5 pi. et 1 carte.
Le T'oung Pao 1) a déjà annoncé plusieurs travaux du jeune
érudit roumain qu'est M. Georges I. BRATIANU, professeur à l'Uni-
versité de Jassy; le principal d'entre eux, avant le présent ouvrage,
était son volume de documents empruntés à l'Archivio JSTotarile de
Grênes, Actes des notaires génois de Péra et de Caffa de la fin du
treizième siècle (1281—1290), Bucarest, 1927, in-8, 376 pages 4-
2 fnch Addenda et Errata, avec 4 planches 2). Les Recherches sont
une étude générale qui s'appuie en partie sur les Actes, mais aussi
sur tout ce qui a été écrit déjà sur le sujet; un appendice (pp. 301—326)

1) 1928, 197; 1929, 393—394.


2) Je ne veux pas insérer un compte rendu dans un compte rendu, mais tiens à
signaler que les textes publiés dans les Actes sont encore plus riches au point de vue
onomastique, surtout pour les noms orientaux, que l'index ne le ferait croire, car cet
index est très incomplet. Aux pp. 9 et 25, M. B. dit à deux reprises, sur la foi de
Desimoni, que nachtis vient de l'arabe "nakh" et nascicius de l'arabe "nasith"; mais
nakh est persan, et quant à "nasith", je ne crois pas que cette forme existe; il faut
lire nasij, qui paraît issu régulièrement de la racine ^^vj, "tisser"; cf. d'ailleurs JA,
1927, II, 269—271. A la p. 272, il est question dans un acte, de Caffa, 27 avril 1290,
parmi les témoins, de "Bortagol socius Jugadii nunc Tambuge Imperatoris", ce que
M. B. interprète par "Bortagol associé de Djagataï et de l'empereur Tula Bugha", et
il veut bien (p. 65) me faire honneur de cette solution; je ne me rappelle plus ce que
j'ai pu dire à M. B. à ce sujet, mais la désignation me demeure aussi obscure qu'elle
est intéressante, en toutes ses parties; en 1290, Cayatai, le fils de Gengis-khan, était
mort depuis un demi-siècle; cf. aussi ici infra, p. 207.
204 BIBLIOGRAPHIE.

reproduit en outre un nouveau lot de 22 documents notariés allant


de 1274 à 1296 et jusqu'ici inédits.
M. B. prend les choses dès les origines, et son premier chapitre
est consacré au commerce de la Mer Noire dans l'antiquité et le
haut Moyen Age; il étudie ensuite la développement de la grande
cité ligure et son expansion maritime vers le Levant, ses luttes
avec Yenise, ses établissements dans la Méditerranée orientale, dans
l'empire byzantin, dans la Mer Noire. Nous n'avons ici à nous
occuper de ces questions qu'en fonction des relations diplomatiques
et commerciales qui ont existé entre Grênes et l'Orient méditerranéen
d'une part et d'autre part le monde turco-mongol.
La situation des Génois en Orient a été dominée au XIIIe siècle
par trois événements: en 1204, la création de l'empire latin de
Constantinople avec l'appui des Vénitiens a ruiné les établissements
génois; en 1261, le traité de Nymphée bientôt suivi de l'entrée
de Michel Paléologue à Constantinople a renversé la situation à
leur profit; enfin une sorte d'équilibre plus ou moins stable dure
jusqu'à la guerre entre Grênes et Yenise (1293—1299).
A la fin du XIIIe siècle et au début du XIYe siècle, chacune
des deux républiques, selon M. B., s'appuyait sur un des deux
états rivaux que les Mongols avaient créés dans l'Orient proche:
Yenise tenait pour la Horde d'Or, Gênes était l'alliée des ilkhan
de Perse. Ceci me paraît juste en gros, à condition d'ajouter, à
titre de précision, qu'il y avait alors, dans la Horde d'Or,, une
dualité de pouvoir qui laissait place à une double influence sur
son propre territoire. Quant à la rivalité de la Horde d'Or et des
ilkhan, c'est-à-dire de deux états gengiskhanides, M. B. paraît
l'attribuer surtout à des questions de frontière. Les questions de
frontière ont assurément joué un grand rôle, comme à un moment
donné celle de la conversion à l'islam, mais il me semble que le
conflit fut vraisemblablement aussi d'ordre commercial: c'était à qui
BIBLIOGRAPHIE. 205

monopoliserait à son profit les principaux bénéfices du trafic avec


l'Extrême-Orient. .Et à ce propos, la situation serait assez analogue
à celle qui s'était produite à la fin du VIe siècle quand l'empire
byzantin avait cherché à recevoir, par la voie septentrionale des
Turcs, la soie chinoise dont les Sassanides de Perse entendaient au
contraire se réserver le transit.
L'information de M. B., très étendue, est en général très sûre,
mais, quand on touche à la fois à l'Orient et à l'Occident, l'étude
des sources est si complexe et pleine d'embûches que les inexactitudes
ne sont guère évitables. Voici quelques corrections ou suggestions.
Pp. 40, 203, 299: — La forme "Tchebe" est mauvaise; il faut
écrire "Djebe" (Jàbâ).
P. 161: — "Eufratere"; la forme et la note 4 sont à supprimer.
"Eufratere" n'est pas une "mauvaise transcription d'infra terrain",
car les bons manuscrits de Marco Polo ne donnent pas "Eufratere",
mais bien "en fraterre" et "de fraterre".
P. 184: — La question des atangauV et du "tantaulaggio" est
plus complexe que M. B. ne paraît le penser; mais la discussion
des textes serait trop longue pour l'entreprendre ici.
P. 186, 4: — "1285" est un lapsus; la mission de Rabban
1.

Çauma est de 1287; M. B. a peut-être copié "1285" dans Chabot,


Rist.. du patriarche Mar Jabalalia III, 194, mais c'est là, chez
M. Chabot, une faute d'impression que tout le contexte dénonce;
elle a malheureusement trompé aussi M. Ebersolt, Orient et Occident,
II, 1929, p. 22.
Pp. 186—187: — M. B. a trouvé dans un registre de Charles II
d'Anjou un document fort intéressant; c'est un laisser-passer du 20
mars 1291 pour Robert de Senlis, "valet" du roi de France, qui
conduit un âne sauvage (onagre) envoyé parle "prince des Tartar es"
à Philippe le Bel. M. B. suppose, sans en dire davantage, que ce
Robert de Senlis avait dû porter la réponse faite par le roi de
206 BIBLIOGRAPHIE.

France "à la lettre d'Arghoun khan", c'est-à-dire à la lettre mon-


gole apportée en 1289 par le Génois Buscarel de Ghisulfo et qui
est aujourd'hui conservée aux Archives Nationales. Mais il y a à
cette solution quelques difficultés. Il a échappé à M. B. que R,obert
de Senlis (Robertus de Sanlisio) est connu par ailleurs. Les comptes
des Templiers nous ont appris que, le 2 février 1288, on avait
versé certaines sommes au chevalier Gobert de Helleville et aux
clercs Robert de Senlis et Guillaume de Bruyères, sans compter
un arbalétrier Odard (ou Odin) de Bituris, qui se rendaient alors
en ambassade auprès du souverain mongol de Perse; cette ambas-
sade était envoyée à la suite du voyage de Rabban Çauma l). De
toute évidence, Gobert de Helleville était chef de mission. D'autre
part, Buscarel avait quitté la cour de Perse dès la fin de mai 1289,
et, parvenu à Paris, il y exprima les plaintes de son maître sur
l'attitude arrogante qu'avaient eue les envoyés de Philippe le Bel
(c'est-à-dire Gobert de Helleville et ses compagnons). Il serait bien
étonnant que la mission de Gobert de Helleville fût restée en Perse
de 1288 jusqu'au début de 1291. Les hypothèses possibles sont dès
lors les suivantes: on bien Robert de Senlis resta en Perse assez
longtemps après le départ de son chef de mission; ou bien tout
ou partie de la mission fut retenu longtemps sur la route du retour
entre la Perse et la Sicile; ou bien Robert de Senlis, après le
retour de la mission envoyée en 1288 et dont il avait fait partie,
fut choisi pour en diriger à son tour une seconde, partie de France
à la suite de la venue de Buscarel. C'est à cette troisième solution
que j'incline provisoirement.

1) Dans les courtes du Temple, Robert de Senlis est qualifié de "magister" et


appelé Robertus de Silvaneetis. Ces comptes ont été publiés par L. Delisle, et les pas-
sages concernant l'ambassade ont été reproduits d'après cette publication par l'abbé Chabot
dans son article Supplément à l'histoire du patriarche Mar Jabalaha III et du moine
Iiubban Çauma (pp. 2—3 du tirage à part; l'article a paru au t. IV de la Rev. de
VOrient-latin).
BIBLIOGRAPHIE. 207

P. 213: — "L'interprète italien Omodeo"; je crois vraisemblable


cette solution pour le "Homo Dei turgemannus" de Rubrouck (éd.
Rockhill, p. 50), mais prématuré de la présenter comme une certitude.
P. 215 : — "Skakatai (Djagataï)". Les formes relevées par Rock-
hill (p. 84) sont "Scatai, Scatay, Scatatai, Scatatay, Scatanay" (le
P. Van Den Wyngaert, Sinica Francisc-ana, I, 108, 188 et suiv.,
adopte Scacatay); "Skakatay" et la restitution en "Djagataï" sont
donc des conjectures, et qu'il faudrait présenter comme telles, à
moins qu'on ne trouve à nous citer d'après une autre source un
layataï qui serait un "eonsanguineus" de Batu 1). Je tiens d'ailleurs
la restitution de M. B. pour assez vraisemblable 2), et y chercherais
même peut-être une solution pour le "Jugadii" du document de
1290 mentionné plus haut. En 1290, Ca/ataï, le fils de Grengis-khan,
était mort depuis un demi-siècle, et son nom n'avait d'ailleurs guère
lieu d'être rappelé dans une région où il n'avait pas exercé d'in-
fluence. Au contraire, le Scatai etc., parent de Batu, était connu

1) Guillaume de Rubrouck dit que sou Scatatay ou Scacatay était un capitaneus,


eonsanguineus de Batu (éd. de la Soc. de Géogr., 239; éd. Van Den Wyngaert, 188).
Rockhill (Rubruck, 8 et 84) a j^roposé de reconnaître en lui un personnage mentionné
par Plan Carpin et qui avait épousé la soeur de Batu ; dans le texte de Plan Carpin,
Rockhill a adopté la leçon Catan (p. 8), tout en donnant ailleurs (p. 84) des variantes
"Cadan, Cartan, Catan". En réalité, les notes de Rockhill, tout en voulant les distinguer,
confondent "Cadan", fils de Cayataï (celui-ci est le fils de Gengis-khan), et le beau-frère
de Batu. Les variantes indiquées dans l'édition de la Société de Géographie, aussi bien
que les collations du P. Van Den Wyngaert, ne laissent pas de doute que les mss. de
Plan Carpin n'ont, pour le beau-frère de Batu, ni "Catan", ni "Cartan", mais Carbon
(avec variante moins probable Tirbon) ; nous voilà loin du Scatatay = Jayatay de
Guillaume de Rubrouck. J'ajoute que, même si au Moyen A.ge on pouvait employer
"eonsanguineus" pour un beau-frère, le "jirinceps" de Plan Carpin paraît avoir été un
plus grand personnage que le "capitaneus" de Rubrouck. Le P. Van Der Wyngaert qui
avait d'abord (p. 108) tenu pour "vraisemblable" l'identification proposée par Rockhill,
semble s'être ravisé, car, en la rappelant p. 188, il ajoute "hoc tamen non patet"; je
crois qu'on peut encore accentuer la réserve.
2) Si se- est à interpréter en valeur de s- (comme c'est le cas devant -i, mais non
en général devant -a, on pourra en rapprocher les notations syriaques de mongol c par s
(cf.Pelliot, Les Mongols et la papauté, 108—109); Bar Hebraeus écrit Sâgâtâi {Chronicon,
Syriacum, éd. Bruns, p. 439).
208 BIBLIOGRAPHIE.

des chrétiens puisque Eubrouck lui porta une lettre de l'empereur


latin de Constantinople en juin 1253. Il serait à la rigueur possible
qu'un ancien "compagnon" de ce "Scatai" de 1253, si ce nom cache
bien un Ja^ataï, fût passé après la mort de celui-ci au service direct
du souverain qui régnait sur la Horde d'or en 1290.
P. 216: — Rubruck ne parle pas du "yamen" de Sartaq;
y amen est un terme purement chinois (ya-men) désignant les bureaux
des fonctionnaires, et les Mongols ne l'ont pas employé au XIIIe siècle,
surtout dans leurs possessions occidentales. Ptubrouck fut reçu en
réalité par le fonctionnaire en charge du yam, c'est-à-dire du relais
postal; yam est la forme turque, et la terminologie de Rubrouck
est turque en grande partie; la forme mongole du mot est jam;
cf. d'ailleurs supra, pp. 192—195.
P. 216: — Selon M. B., "un templier de Chypre, qui connais-
sait le syriaque", servit d'interprète à Ptubrouck au camp de Sartaq.
C'est là un vieux contresens qu'après Rockkill (Bubruck. p. 102)
on pouvait espérer ne plus rencontrer. Rubrouck dit qu'il trouva
au campement de Sartaq "unum de sociis David", lequel avait été
en Chypre et avait raconté à Sartaq ce qu'il y avait vu. Les an-
ciens traducteurs de Rubrouck ont traduit absurdément par "un
chevalier du Temple", au lieu qu'il s'agit d'un des compagnons
de ce nestorien David qui, à la fin de 1248, vint trouver saint
Louis en Chypre, se donnant comme un envoyé des Mongols, et
l'étant d'ailleurs bien probablement.
P. 217: — "L'orèw, le "milieu", qui est la "sublime porte"
de l'empire tartare du Kiptchak". Le mot ordu est attesté
en turc
ancien, au sens de "camp" ou de palais"; du turc il
a passé au
Moyen Age en mongol, prononcé ordu, puis ordo]
avec les
Gengiskhanides du Turkestan russe, il s'est acclimaté du turc
en
persan, et a enfin passé en hindustani pour devenir, avec les
Grands Mogols, le nom du dialecte de la Cour, Vurdu. Mais
ce
BIBLIOGRAPHIE. 209

mot turc ordu n'a rien à voir avec turc urta et orta, "milieu"
(cf. d'ailleurs Poppe, dans Asia Major, II, 618). C'est naturellement
de ordu qu'est venu le nom de la "Horde" d'Or, puis notre sub-
stantif horde] c'est aussi le pluriel mongol de ordo qui vaut leur
nom aux Mongols Ordos de la boucle du Fleuve Jaune, parce
qu'ils prétendent se rattacher aux ordo ou "campements" des épouses
principales de Grengis-khan. Cf. encore Yule et Burnell, Hobson
Jobson2, 639—640, s.v. oordoo. Malgré notre orthographe "horde",
le mot ordu (ou ordo) n'est pas de ceux qui, à l'époque mongole,
comportaient en mongol un A-initial (l'A- de l'emprunt tibétain
hor-du paraît également d'origine secondaire; cf. T'oung Pao, 1916,
499). C'est peut-être aussi sans raison suffisante qu'on écrit parfois
avec A-initial le nom du frère aîné de Batu (par exemple dans
Cordier, Hist. gén. de la Chine, II, 391, "Hordou"; Van Den Wyn-
gaert, 66, "Hordu"). Il est exact que ce dernier nom est écrit ^J>
Hôrdu (Hôrdù?) par Juwainï (cf. l'index de l'éd. de Mirzâ Mu-
hammad) 1), mais il est orthographié "Ordu" par Plan Carpin, >o 3i
Orda (Ôrdâ?) chez Rasïdu-'d-Dïn, "Urdyu" *Urdù dans les an-
=
ciennes chroniques russes (cf. Bretschneider, Med. Res., I, 318), et
ces formes sont confirmées par le ij^l ^^
Wo-lou-to (= Ordo ou
à la rigueur Ôrdô) de Yuan che, ch. 2, s.a. 1236 (toutes ces formes
condamnent en tout cas la lecture "Urida" adoptée par M. Blochet,
Hist. des Mongols, II, 92, et App., p. 7). Comme les formes de Juwainï
sont assez souvent aberrantes, je serais tenté de ne pas tenir compte
ici de son orthographe si le P^J1 Jj! j£ Hiu-li-wou de Yuan che,
121, 2 a (cf. Bretschneider, Med. Res., I, 331) n'était peut-être à
corriger en P-^- j|ï ^g Hiu-li-t'ou, c'est-à-dire *Hûrtù = *Hûrdû; mais
ce *Hôrdù ou *Hùrdù, à la classe faible, n'aurait alors rien de commun
avec ordu, "palais", et, à raison de l'orthographe de Rasïdu-'d-Dîn, on y

1) On a de même Hôrdu dans Bar Hebraeus (trad. Bruns, 499, "Harreru" pour
:'Hôrdu"), mais Bar Hebraeus copie Juwainï.
210 BIBLIOGRAPHIE.

verrait un des rares mots dans lesquels, dès la fin du XIIIe siècle,
la prononciation du A-initial n'était déjà plus générale parmi les
Mongols. Si Hiu-li-wou n'était pas *Hùrdù, on songerait naturelle-
ment à Hùlà'ù (Iiulagu), comme l'a fait l'auteur du Yuaiv-che pen-
tcheng, 42, 3 a; Hûlâ'ù avait 23 ans en 1240, mais rien ne montre
qu'il ait participé à la campagne dans l'Europe orientale et centrale.
P. 232:—
"Jaylak" est un nom turc possible; "Alaka" est
connu comme nom de femme en mongol au XIIIe siècle; il n'y a
donc aucune raison de chercher dans ce dernier nom l'indice d'une
origine "lezgkienne".
P. 237: — "Le collecteur du "koinmerkion" impérial de Caffa
est le syrien Jeremichali". C'est possible, mais, dans les Actes, ce
collecteur est appelé "Zilimichali", et il n'est pas qualifié là de
"syrien" (p. 198). Par ailleurs, on trouve à plusieurs reprises dans
les Actes un "Syrien" appelé "Jeremichali", mais, à ma connaissance,
il y est simplement dit "habitant de Caffa" ]). M. B., qui n'avait
pas rapproché les deux noms dans les Actes, admet tacitement ici
une identité qui ne s'impose pas.
P. 239: — "Iving Shi Ta Tien" n'est pas un nom d'homme,
mais le titre d'un ouvrage. Pour ce qui est de l'équivalence
"Sa-ghi-la [^ ^
fi] Sa-ki-la]" = Solhat, Bretschneider l'avait
accompagnée d'un point d'interrogation qu'il valait de garder; au
fond Sa-ki-la répondrait phonétiquement mieux à Saqlab, les Slaves,
si on était sûr que cette forme eût passé dans la nomenclature
mongole (les Turcs la connaissaient, au moins dans la légende
d'Uyuz-kkan). La lettre de Montecorvino ne parle pas du "pays
des Gfoths" (c'est là une erreur des anciens éditeurs), mais du pays
de "Cothay, empereur des Tartares du Nord"; il faut évidemment

1) "Zilimichali" est donné à l'index des Actes, mais non "Jeremichali"; -j'ai relevé
ce dernier nom aux pages 286, 289, 298; peut-être se retrouve-t-il encore dans des actes
où il m'a échappé.
BIBLIO GRAPHIE. 211

lire Toctay; cf. d'ailleurs A. C. Moule, dans JRAS, 1914, 550, 552.
P. 240: — Que veut dire M. B. en parlant des "sommi", "dont
chaque charge équivaut à 5 florins"? C'est chacun des "sommi" ou
lingots d'argent qui, au dire de Pegolotti, vaut cinq florins.
P. 242: —.Le terme de "pays des Ténèbres" n'est pas seule-
ment arménien, mais se trouve dans tous les géographes orientaux,
et par suite ne suffit pas a autoriser les conclusions que M. B. en
tire quant aux informateurs de .Marco Polo.
P. 245: — Le passage cité de J. de Besse n'implique pas en
soi qu'il s'agisse vraiment d'un commerce par troc.
P. 258 : — L'expédition contre le Japon n'est pas la seule grande
entreprise navale de Khubilai; il y faut joindre la campagne contre
Java.
P. 261: — Pourquoi ne pas indiquer qu'"Abtas" est une mau-
vaise leçon pour "Abcas"?
P. 319: — Il n'y a pas de raison pour changer ici et à l'index
"Cigala" en "Cicala", quand on garde "Cigala" dans tous les autres
documents.
Aux pages 295—300, M. B. reproduit sa note précédente sur
le "Lak" de Marco Polo où on a vu jusqu'ici la Yalachie et où
lui reconnaît les Lezghiens du Caucase; j'en suis tout à fait d'accord
avec lui. P. Pelliot.

C. HENTZE, Les figurines de la céramique funéraire. Matériaux


pour Vétude des croyances et du folklore de la Chine ancienne,
Hellerau, Avalun, s.d., 2 vol. grand in-4; t. I, Texte, vu + 105
pages; t. II, Planches, 114 planches.
Voici la Table des matières:
Ch. I. Idées sur la survivance de l'âme et origines de la statuette
funéraire. — Ch. IL L'oiseau de feu. — Ch. III. Figurines hu-
maines. — Ch. IY. Figurines animales. — Ch. V. Exorcistes, Grar-
212 BIBLIOGRAPHIE.

diens et Esprits protecteurs de la tombe. — Ch. VI. Styles. —


Ch. VII. Description des planches.
Les planches reproduisent, outre des spécimens de céramique
funéraire, un certain nombre de monuments de bronze ou de pierre,
à titre de comparaison 1). P. Pelliot.

1) Ce compte-rendu réduit à une table des matières sera, j'espère, selon le coeur de
M. Hentze. Ma réserve est amenée par un article que M. Hentze a donné dans Artibus
Asiae, 1928/1929 [paru réellement en février-mars 1930], 96 —110; j'y ai répondu par
une Lettre ou.verte dans la Iievue des arts asiatiques de 1930. Le lecteur qui voudrait en
savoir plus long sur Les figurines de la céramique funéraire trouvera dans ma Lettre
ouverte les remarques critiques dont je me suis abstenu ici.
NOTES BIBLIOGEAPHIQUES.

^ tl %. ^ publié par j! ^
Gengo to bungaku, le
B jl^ Il ^ Taihoku kokugo-kokubungaku-kwai.
— TÊf

3-v la* 174 pa-


ges, in-8°, N° 1, Janvier 1930.

Auprès de la jeune université de Taihoku à Formose s'est for-


mée une société savante pour l'étude de la langue et de la littéra-
ture japonaises; elle publie une revue intitulée "La langue et la
littérature". Le comité de rédaction est constitué par un groupe
de professeurs de la Faculté des lettres de cette université. Nous
trouvons les noms suivants : MM. M. Andô ( ^ ||| j£
^C ), 8. Ito
(P jg '|Ê ^),
Y. Uematsu (+1 # ^),
T. Takida (yf| ft j|
y£), R. Fukuda (jjîg gg % §f), K- Matsumara (# ^f l|),

et S. Ogawa (/^ )\\ ffJÎ ffÉ)- -^e rédacteur en chef est M. Andô,
professeur de linguistique et de langue japonaise à la Faculté,
auteur de plusieurs ouvrages intéressants sur la langue japonaise,
et qui a fait un séjour de plusieurs mois à Paris il y a deux ans.
Le premier article est dû à la plume de M. Andô. Il est con-
sacré au problème des anciens rapports de la langue japonaise avec
les langues austroasiatiques; particulièrement aux deux mots todaru
(%È |£(j $fë) et chidaru (J^ |]|) (l'article est intitulé Au sujet de
todaru et chidaru -^ [££ ^ J^ J]| ^*). M. Andô indique que,
dans les anciens textes japonais, il existe un nombre notable de
mots dont la signification exacte n'est pas encore établie; parmi
ces mots, il cite ceux de todaru et chidaru qu'on rencontre dans
214 NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.

le texte du Kojiki ("gf ^


|E) (premier volume, passage concer-
nant la tradition du domaine de Okuni-nushi no mikoto y^ [g
ïlIBK ') (P)W)- M- Â-rLdô indique que ces deux mots
ont attiré déjà l'attention du savant historien Tsuboi Kumazô
^
( JZjjî :Jj; -j^ ^g| ) qui, dans son ouvrage concernant les anciens

japonais (Wajin ko HF A. -^I")' suPPose 1ue ces deux mots ont


une origine polynésienne et signifient la lumière. Dans le même ordre
d'idées sont écrites les pages 62 et suivantes de l'ouvrage de M. B.
Horiuchi (J^jj* pfcj 3$T pf ) sur "l'étude mythologique des origines de
la forme politique et sociale du Japon" ( [f| j|J| ^E jf* (J ) jjjljî §j|f
^ |^J |rjf J^), où il considère que ces deux mots représentent la
lumière, le soleil ou le verbe éclairer.
Après avoir passé en revue ces différentes opinions, M. Andô
arrive à la conclusion que les deux mots en question doivent avoir
une origine austroasiatique et cite des mots semblables qui se trou-
vent dans la langue ancienne des îles Ryûkyû ainsi que dans la
langue des indigènes de l'île Formose. C'est pourquoi M. Andô
transcrit aussi l'appellation du Japon "Kuwashi hoko chidaru no kuni"
ï$fl zfe
\ :<E
H 1U^ se trouve dans le volume de Jimmu Tennô

du mhonshoki B 4^SIE {W$^t%3kM) Par >JS àu


soleil", ou encore par "le pays où brille le soleil".
Le deuxième article est de M. Ogawa; il est consacré au pro-
blème du son Q dans la langue de la tribu paiwan qui habite la
partie méridionale de l'île Formose ( )^° -f ^7 2S f^ff/^^ |~f
L'article suivant, de M. Itô, traite du rôle du savant japonologue
Tachibana Moribe ($j ^* «J £ M # #P M = PI (?) $
M
f^WhXj Par raPPort aux deux autres éminents savants japono-
logues Kamo Mabuchi (M 13c M 1$ 1697—1769) et Motoori
Norinaga ( $J§ j§£ jj
1730—1801) qui, aveuglés par leur
nationalisme, ne voulaient pas prendre en considération les in-
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 215

fluences étrangères dans la formation de la civilisation ancienne


du Japon.
Ensuite vient l'article de M. Matsumara au sujet du naturalisme
du poète Masaoka Skiki ( -^ ^ J|
(f\ Zjr :j: ). Les poètes
f||
de haiku qui se groupaient autour de la revue "Hototogisu" ont
subi la forte influence de Masaoka Shiki (1868—1902), et, dans
l'histoire de la poésie japonaise de la fin du XIXe siècle, il a joué
un rôle important.
Les pages suivantes sont écrites par M. Takida, qui s'occupe de
la question des dates des oeuvres du dramaturge japonais Ckikamatsu
(1653—1724) j)r ^P^ 2c -f^f P^ ainsi que de leur composition
(l£L ^ ^C ty^ i3C CE W^t)- E- indique les dates des premières
représentations de certaines pièces, en apportant des corrections, et
relève des particularités communes à plusieurs pièces de Ckikamatsu.
M. Fukuda publie un article sur trois poésies de Vise monogatari
qui soulèvent des doutes tant au sujet de leur texte que de leur auteur
(#§§-#(7)|ÉI!B(7)WtH|b- C'est une étude très fouillée,
et d'un grand intérêt pour quiconque s'intéresse à l'ancienne poésie
japonaise.
M. Uematsu aussi est attiré vers l'ancienne littérature de son

pays; il nous donne des commentaires sur le journal d'une dame


de la cour consacré aux années 954—975 (|Jjj| ifr^ 0 g^i ï§i ^P)-
Cet ouvrage présente des difficultés sérieuses pour sa compréhension
intégrale; il fut commenté déjà au XVIIIe siècle; jusqu'à présent,
il en existait plusieurs copies, mais on n'était pas en possession d'un
texte bien établi. M. Uematsu essaye d'établir un texte en faisant
une critique minutieuse des manuscrits qui nous sont parvenus.
Le dernier article est. de M. Andô; c'est une conférence con-
cernant la phonétique expérimentale et son application à la langue
japonaise ( Jg $f ^ if ^ jg§ ffj£).
La fascicule se termine par des notes sur l'activité de la société
15
216 NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.

des études japonologiques à Taihoku et des résumés de la conférence


de M. Itô sur le Kojiki-den ( ^^ ^
|g, ), sur la trouvaille par
M. Uematsu de l'anthologie de 36 poètes appartenant à la famille
Otani et enluminée de superbes peintures, et sur la conférence de
M. Takida concernant les pièces dramatiques et le mouvement de la
réforme théâtrale au Japon depuis 1886.
Nous souhaitons que ce nouveau groupement de savants japonais
reste toujours aussi actif et que les numéros suivants de la revue Gengo
to bungaku soient aussi intéressants que le premier. — S. Elisséev.

— M. R. CAGNAT, secrétaire perpétuel de l'Académie des In-


scriptions et Belles-Lettres, vient de faire paraître la Notice sur la
vie et les travaux de M. Henri Cordier qu'il avait lue dans la séance
publique annuelle de cette Académie le 22 novembre 1929; cette
Notice (Paris, Firmin-Didot, 1929, in-4, 20 pages) est un hommage
ému rendu à notre ancien fondateur et directeur par un confrère
qui avait beaucoup d'affection pour lui. P. P.

LIVRES REÇUS.

— Annual Report of the Impérial Household Muséums Tokyo & Nara


for the year 1928, Tokyo, Imp. Household Muséum, 1929, in-8, 8 + 178 + 3
pages en japonais et 8 pages en anglais, avec 38 planches: 80 sen.
— Jurgis BALTRUSAITIS, Etudes sur Fart médiéval en Géorgie et en Arménie,
avec préface de H. Focillon, Paris, E. Leroux, 1929, gr. in-8, xv + 105 pages,
avec 1 carte, 1 fnch Errata et CI planches; 300 francs. [Fait partie des Etudes
d'art et d'archéol. publiées sous la dir. d'Henri Focillon.']
— BENVENISTE, Essai de grammaire sogdienne, 2e partie: Morphologie,
syntaxe et glossaire, Paris, Geuthner, 1929, in-8, m + 241 pages. [= Miss.
Pelliot en Asie Centrale, sér. pet. in-8, t. III. C'est la seconde partie de la
grammaire sogdienne entreprise par R. Gauthiot.]
— C. C. BERG, Rang g a Lawe, Middeljavaansche Historische Roman, Cri-
tisch uitgegeven, Weltevreden, 1930, in-8, 202 pages. [= Bibliotheca Javanica
éd. par la Kon. Batav. Genootschap v. Kunsten en Wet., 1.1. Comprend l'ana-
lyse des 14 chants, l'édition du texte et un index des noms propres. L'empe-
reur de Chine y apparaît à plusieurs reprises dans des noms comportant
comme premier élément Taru, et la Chine elle-même est généralement appe-
lée Tatar. Je n'ai pas entrepris de recherches spéciales sur Taru; serait-ce
l'aboutissement du pâli Tarukkha = Turukkha (< Turuska, "Turc"), d'où est
vraisemblablement sorti le Tarûk ou Tarôk, nom birman des Chinois (cf. sur
lui JA, 1914, II, 419)? Quant à "Tatar", l'expédition mongole à Java explique
son emploi, mais sans qu'on comprenne bien encore la fortune extraordinaire
qu'a faite ce nom pour désigner les Mongols, eu Extrême-Orient comme en
Occident.]
— Raoul BLANCHARD, Asie
Occidentale, et Fernand GRENARD, Haute Asie,
Paris, A. Colin, 1929, gr. in-8, 394 pages et 64 pi. hors texte. [= t. VIII de
la Géogr. Universelle, publiée sous la direction de P. VIDAL DE LA BLACHE
et de L. GALLOIS.]
Chinese Parallels.
— Sir J. C. COYAJEE, Some Shahnameh Legends and their
[Tir. à part du JASB, N. S., XXIV (1928), 177-202.]
[Tir. à part
— Sir J. C. COYAJEE, Bahram Yasht: Analogues and Origins.
du JASB, N. S., XXIV (1928), 203—221.J
— Sir J. C. COYAJEE, Astronomy and Astrology in the
Bahram Yasht.
[Tir. à part du JASB, N. S., XXIV (1928), 223—233.]
218 LIVRES REÇUS.

Franz CUMONT, Les religions orientales dans le paganisme romain,



conférences faites au Collège de France en 1905, 48 édition publiée sous les
auspices du Musée Guimet, Paris, Geuthner, 1929, petit in-4, xvi + 339 pages,
in-12
avec 16 pi. [Cette 4° éd. diffère de la 3e éd., de 1929 également, parue
planches et
aux éd. E. Leroux (cf. T'oung Pao, 1930, 111), par l'addition des
par celle des notes (pp. 205—312); ces notes, très développées, mettent l'ou-
bibliographique.]
vrage tout à fait à jour, avec une très riche information
— Paul DEMIÉYILLE,
Sur Vauthenticité du Ta tch'eng k'isinlouen, Tokyo,
1929, in-8, 79 pages. [Extr. du Bull, de la Mais, franco-jap., t. II, n° 2. Il
s'agit de ce -fr ^JÇ |fe "fj=f Êin Ta-cheng k'i-sin louen, traditionnellement
attribua à Asvaghosa (Nanjiô, 1249—1250), et qui a été traduit en anglais
en 1900 par T. Suzuki sous le titre d'Açvaghosa's Biscoursc onthe Awakening
of Faith in the Mahâyâna (la lecture tch'eng adoptée pour JJfS cheng par
M. D. n'est sûrement pas celle qui est théoriquement correcte quand ce mot
est substantif, et il vaudrait de nous indiquer dans quelle mesure elle tend
à l'emporter aujourd'hui dans l'usage chinois). M. Derniéville arrive à la
conclusion provisoire qu'il n'y a pas de raison d'attribuer l'ouvrage a Asvaghosa,
mais que, selon toute vraisemblance, il a bien été traduit du sanscrit en 550
par Paramârtha, et non pas fabriqué en Chine comme certains écrivains
japonais l'ont soutenu et comme Leang K'i-tch'ao a tenté de l'établir en 1924.
P. 10, 1. 21: Au lieu de "552", lire "553", et de même p. 12, n. 2, 1. 3 : à la
p. 12, n. 2, 1. 6, au lieu de "553", lire "554". P. 13: Je crois "Upasûnya"

ZDMG, 62, 105. P. 14: fg[ ^j| -^ ^ j|f


moins probable que le Urdhvasûnya proposé par MM. Watanabe et Leumann,
j|f ne signifie pas absolument
que le personnage a "usurpé" un insigne impérial; il peut remployer par
"emprunt", par "délégation"; cf. l'expression courante '[f§ Ûïï Jria-tsie. et,
plus précisément encore, la biographie de ~@ -jw Ts'ao Hieou dans Sankouo
^ j£ % |§ 0 ^ g fj£ ^ -jç iff g g
tche, Wei-tche, IX, 6 :
M iâ 1? SI H # # H M- pp-8>i fVi 5' etc-: u™ UTs'ao p'i"-
.
P. 19: Lire "Wang Fang-chô". P. 34, n. 1: Au lieu de "Tao-fong", lire Tao-
p'ing. P. 35: L'Hindou Buddha, maître du dhyâna, est le même dont je me
suis occupé dans le T'oung Pao de 1923, pp. 236—265, et qui est devenu,
pour les historiens indigènes de l'art chinois et pour les sinologues européens,
un prétendu peintre "Kabôdha" faussement mis sous les Souei. Pour son disciple
|H^ -^j£ Houei-kouaug, M. D. le fait vivre de 464 à 537, ce qui est en désaccord
avec sa biographie qui dit qu'il mourut à 69 ans réels. La date de 537 résulte,
comme le dit M. D., d'un passage de la biographie de Ling-yu (il m'avait
échappé en 1923); mais ce passage et d'autres données de M. D. me paraissent
inconciliables avec les renseignements que j'ai tirés de la biographie du maitre
Buddha et qui m'avaient fait adopter pour Houei-kouang les dates approxi-
matives de 485—555. La question est à reprendre.]
— lean EBERSOLT, Orient et Occident. Recherches sur les influences by-
zantines et orientales en France avant les croisades. Paris et Bruxelles
LIVRES REÇUS. 219

G. Van Oest, 1928, hi-4, 119 pages et 26 pi.; t. II, Recherches sur les in-
fluences byzantines et orientales en France pendant les croisades, ifrid.,1929,
113 pages et 16 pi. [Quelques remarques sur cet ouvrage généralement très
bien informé: t. II, p. 40: Je crois bien que, dans les prétendus "draps de
Tarse", "panni Tarsenses", etc., il faut voir l'équivalent des "tartaires" de
la p. 53, "Tarse" étant deveuu alors un des synonymes de "Tartare" et
n'ayant en ce cas rien à voir avec la ville de Tarse en Cilicie. — P. 42: le
départ de Rabban Çauma pour l'Europe n'est pas de "1285", mais de 1287.—
P. 50—51 : Comment peut-on encore citer Jean de Mandeville comme un
voyageur véritable? Par ailleurs, si M. E. avait consulté le Recueil des hist.
des Croisades, Hist. Armén., t. II, au lieu d'en rester au si mauvais livre de
L. de Backer, il ne ferait plus mourir Hethonm l'historien à Poitiers, et
saurait qu'il y a un texte original français de son ouvrage, indépendant de
la traduction de Jean Le Long.]
— Jean ESCARRA. Code pénal de la République de Chine promulgué le
10 mars 1928, entré en vigueur le 1er septembre 1928, traduit du chinois; pré-
face de P. GA.RRA.UD, Paris, M. Giard, 1930. in-8, LXXX + 214 pages, et 1 fnch.
Errata. [= Bïbl. de VInst. de droit comparé de Lyon, Sér. de crimin. et de
droit pénal comparé, t. II, 1™ partie.]
— Extrême Asie, n° 40 (oct. 1929), n° spécial sur le Japon (pp. 701—764).
[Entre autres, art. de L. FINOT sur les relations anciennes entre le Japon et
l'Indochine, et de V. GOLOUBEW sur Cl. E. Maitre et N. Péri.]
— Louis FINOT, Emile Smart. [Extr. de BEFEO, XXVIII (1928), 335—347.]
— Charles S. GARDNER, A modem System for the romanization of Chinese,
si, mars 1930, in-8, 11 pages. [M. G. propose des modifications au système de
Wade, grâce auxquelles, pense-t-jl, la transcription suggérera, pour le non-
sinologue, une prononciation moins éloignée de la prononciation chinoise
réelle qu'avec le système de Wade proprement dit. Je n'ai personnellement
de parti pris pour aucun système, mais ai fait bloc avec Vissière et Chavannes
pour une uniformité au moins nationale. M. G. s'adresse surtout aux Anglo-
Saxons, et c'est à eux de choisir; une transcription qui remplace le jj jih
de Wade par rir ne me paraît pas acceptable pour des Français.]
— M. F. GAVRILOV, Materialy k ôtnografii "Tyurok" Ura-tyubinskogorciiona
("Matériaux pour l'ethnographie des "Turcs" de la région d'Ura-tubé"),
Tachkend, 1929, in-8, 25 pages, ill., avec résumé final en allemand. [= Acta
Univers. Asiae Madiae, Ser. II, Orienta lia, fasc. 2.]
— U. N. GHOSHAL, Contributions to the history of the Hindu revenue System,
Calcutta, Univ. de Calcutta, 1929, in-8, xvn + 313 pages.
— Fernand
GRENARD; voir Raoul BLANCHARD.
— G. E. GRUM-GRZIMAÏJLO, Zapadnaya Mongoliya i
Uryankhaïskiï kraï,
t. III, 2E fasc, n pages + pp. 413—859/ Leningrad, 1930, in-8. [Publ. de la
Soc. russe de Géographie. Ce gros fascicule complète l'ouvrage considérable
consacré par M. Gr.-Gr. à "La Mongolie .occidentale et la région Uriangkhai".
L'introduction nous apprend que notre confrère a encore, prête pour l'im-
pression, une Histoire des Mongols. On ne peut qu'admirer son effort si on
220 LIVRES REÇUS.

le
songe que la Société de Géographie russe -vient de fêter au mois de mars
50e anniversaire de l'activité scientifique de l'auteur.]
Maçamouné HAKOUTCHÔ, Les larmes froides, trad. du japonais par S.

ASADA et Charles JACOB, Paris, Editions Ridder, 1930, in-12, 248 pages:
avant-propos de Serge ELISSÉEV.
Sung-nien Hsu, Cinquante Poèmes Chinois, traduits, Lyon, 1929, in-8,

15 pages. [Extr. des Ann. franco-chinoises. Trad. de poèmes allant des T'ang
aux Ts'ing. Voir du même auteur un article sur Ton Fou dans le Mercure
de France du 1er oct. 1929, 78—96.]
[Vincenz HUNDHAUSEN,] Der Fail Erich Schmitt, slnd [Pékin, 1929],

in-4, 11 pages nch. [M. Erich Schmitt avait dit dans un compte rendu que
M. H. avait traduit le roman [JEf j*j| =^ Si siang ki en 1926 non pas di-
rectement du chinois, mais sur la version française de Stanislas Julien.
M. H. affirme n'avoir connu la version de Julien que tout récemment, bien
après l'apparition de son livre. Nous n'avons aucune raison de douter de
l'affirmation de M. H. Quant à ses traductions, il en est une qu'il maintient,
mais à laquelle je ne puis me rallier. Les expressions Wfc f|j| ki-wei et
Éifc Uj ki-wet s'emploient indifféremment l'une pour l'autre (sauf quand il
s'agit de la "porte de Ki", par exemple dans le Tso tchouan, Legge, Ch. Cl,
~\T, 643); cf. le P'ei voen y un fou. Et le terme a bien le sens de "enceinte

des examens" comme l'a dit Julien; "der armselige Stuhlsitz" de M. H. n'est
pas défendable.]
— Yusuf HUSAIN, L'Inde mystique au Moyen Age, Paris, Adrien Maison-
neuve, 1929, in-8, xvi -f- 211 pages. [Bonne étude, et neuve dans l'ensemble,
sur l'action que le mysticisme hindou et le mysticisme musulman ont exercée
l'un s.ur l'autre. On voit mieux, après l'avoir lu, comment Akbar a pu songe]'
à créer une religion nouvelle. Pp. 116 et 117: Dans un livre scientifique,

-5Si^S
écrire plutôt "Babur" que "Bâbar".]
ISHIHAMA Juntarô, ffc ^ || % Tonkôzakkô
(suite). [Extr. du Shinagaku, Y, 153—162. Notes sur l'épigraphie des grottes'
de Touen-houang.]
- ISHIHAMA Juntarô, WWmïWiïM$Ê:% Seika-go yaku

- ISHIHAMA Juntarô, jjg fy\\ if^ii#


Dai-zô-kyô ko ("Sur la traduction du Canon bouddhique en si-hia"), 8 pages
et 2 pi. [Extr. d'une revue indéterminée.]
Manshû-go yaku
Dai-zô-kyô ko ("Sur la traduction du Kanjur en mandchou"), slnd, 2 parties
en 26 pages, in-8.

««
^ÏTT
Rfi !f'L-.WLi
JUQtar5'^*^^«^*^*(DK
( k°nJ'1 Mo-bun Zo-kyo Kon-komyo-kyo no dankan ni tsuite
("Sur un fragment du Suvarnaprabhâsa provenant d'un Kanjur mono-ol en
lettres d'or"), 29 pages. [Extr. du Shinagaku, I\7, n° 3.]
- #U IL JONG Tchao-tsou, jg£ {g M fë ^Mi-sinyutch'ouan-
chouo ("Superstitions et traditions"), Cauton, 1929, in-12, 2 -j- 5 -j- 261 pa^es,
avec 1 tableau et 1 fnch (Errata). [Fait partie du Jj| Jâ if|à= âÊ |fe
LIVRES REÇUS. 221

Min-hio-houei is'ong-chou ("Collection ethnographique"), publié par le Dé-

chan de Canton jt & ^ n M & &


partement philologique et historique de l'UniversitégouvernementaleTchong-
(g ± $ \U Vf $tffi)>

||| ^
et qui compte déjà une trentaine d'oeuvres, dont au moins deux de l'érudit
[^f|j Kou Kie-kang. L'ouvrage de M. Jong est
bien connu un recueil
d'articles qu'il avait déjà fait paraître dans divers recueils, principalement
dans la Revue du Département historique et philologique de l'Université de
Pékin et dans la Revue d'ethnographie ( $£ -jfè. ^j3 ^jj Min-soutcheou-k'an)
de l'Université Tchong-chan de Canton; je crois bien qu'aucune de nos biblio-
thèques d'Europe ne possède au complet ces deux revues importantes. Les
principaux articles que M. Jong reproduit ici portent sur la divination depuis
les Yin jusqu'aux temps modernes (pp. 1—67), sur Pao-p'ou-tseu (pp. 68—131),
sur l'histoire de la fameuse ^ jj£[ jBr Wang Tchao-kiun d'après un texte
de littérature populaire incomplet que j'ai rapporté de Touen-bouang (pp.
172—195). Je profite de l'occasion pour signaler que M. Jong a sous presse un
4v "BK ifË "J ^Jfl HPF Kong-souen Long-lseu tsi-kiai.']
— B. KARLGREN, The authenlicity of ancient
Chinese texts, Stockholm,
1929, in-8. [Tir. à part de Bull, of the Muséum of Far Eastern Antiquities,
I, 165—183. Je suis d'accord avec M. K. sur la majorité des points de cet
exposé méthodologique, sauf certaines nuances dans l'expression qui me semble
être parfois trop affirmative. Quelques remarques: P. 167: Le rjffi, IS =fL
(non im IS =jj>) n'a pas été retrouvé dans la tombe de Ri. Song Lien (plus
juste que "Sung Ring-lien") fut homme d'Etat, historien, tout ce qu'on vou-
dra, mais la qualification de "critique" ne lui convient guère. P.. 69: écrire
iilj: jÊà Leou Yo. P. 172, écrire "Hung I-hûan" et non "Hung I-sùan").
P. 178: JÊH JËB k'i-k'i ne me parait pas être un pur bégaiement, et ce n'est
pas non plus là l'opinion des commentateurs chinois; le mot k'i a parfois le
sens de "extrêmement", "expressément", "décidément", et il me parait clair
que c'est le cas ici; le bégaiement se manifeste par le redoublement du mot.
P. 181, n. 1 : Il resterait à montrer pourquoi c'est un homme duNgan-houei
(Tchouang-tseu) qui emploie le premier un mot dialectal du Chansi.]
Sj tffi ES -fi" Ift =^ Kao-yao Tchen mou cheou-yen, 1 pen d'en-

viron 500 pages, slnd (1929). [Ce sont les adresses, en prose et en vers, reçues
par M. Kjjï /H*L JE; Tch'en Houan-tchang pour le 60e et le 70e anniversaire
de sa mère Mme Tch'en, née tffe Li, de Kao-yao au Kouang-tong. On sait que
M. Tch'en Houan-tchang, auteur d'un livre The économie principles of Con-
fucius and his school, est l'apôtre en Chine du confucéisme intégral.]
Sten RONOW, Saka versions of the Bhadrakalptikâsïltra, Oslo, 1929,

in-8, 22. pages, avec 1 pi. [= Avhandlinger de l'Acad. norvég. des sciences,
Hist.-filos. Rlasse, 1929, n° 1. Le texte fait partie d'un mss. rapporté des
Grottes des Mille Buddha de Touen-houang par Sir A. Stein; le mss. a été
écrit à Touen-houang même.]
RÔPRÙLÛZADE MEHMED FUAD, Influence du chamanisme turco-mongol

222 LIVRES REÇUS.

sur les ordres mystiques musulmans, Istanbul, 1929, in-8, 19 pages.


[= Mem.
de Vinst. de turcologie de VUniversité de Stamboul, Nlle série, 1.]

H J°L ifc^ H |f 11 M 5HI Kou°-U Pei-P'inff t'ou-chou-
kouan yue-k'an ("Bulletin mensuel de la Bibliothèque nationale Pei-p'ing
[Pékin]"); avec second titre et table des matières en anglais {Bulletin of the
National Library of Peping). [Le dernier n° reçu est vol. III, n° 3, de sept.
1929; le titre actuel ne commence qu'avec le t. III, n° 1: il était auparavant,
pour le t. ^ ^ $| g f| ff
II, 2f JJ J\\ Pei-fingPei-hait'ou-chou-
kouan yue-k'an; je n'ai pas vu le t. I. On sait que la Bibliothèque de Pékin,
provisoirement installée au Pei-hai, est devenue Bibliothèque Nationale et doit
prochainement déménager dans de nouveaux bâtiments construits en grande
partie avec des fonds américains. L'obligeance des directeurs m'a valu de
recevoir le t. II et ce qui a paru du t. III; le t. I est épuisé. C'est une ex-
cellente revue de philologie critique, et que je ne puis dépouiller sous la
présente rubrique; mais j'espère le faire ultérieurement dans un article
spécial.]

Kouo-li tchong-yang yen-kieou-yuan li-che yu-yen yen-kieou-so tsi-k'an


("Revue de l'Institut d'histoire et de philologie de l'Institut National de
recherche"), t. I, u° 1, Canton, 1928, in-8, 117 pages. [Cette publication,
dont je n'ai encore vu que le premier n° imprimé à Canton, doit se pour-
suivre à Peiping (Pékin); elle parait parallèlement aux Monographies dont
la 1" est consacrée aux fouilles de Ngan-yang, sur le site de l'ancienne capi-
tale des Yin (cf. infra la notice sur le Ngan-yang fa-kiue po.o-ka.o). Ce
premier n° comprend une Introduction de M. $£§* yr j^ Ts'ai Yuan-pei;
un article anonjmie sur les buts à poursuivre par l'Institut d'histoire et de
philologie; une notice de M. JH; ÂM ^ Tong Tso-pin sur les trois exemplaires
fragmentaires du ^H Sp Ts'ie y un conservés à la Bibliothèque Nationale de
Paris et dont l'un appartiendrait à la rédaction de §K nf$ ~$7 Kouo Tche-
hiuan (vraisemblablement dans le second quart du VIIIe siècle); une explication
de sfZ Par M- f§f ^i jjîll Chang Tch'eng-tsou, qui voit originairement dans
ce caractère le vrai casactère pour "perle", ensuite transformé en £fc tchou;
une notice de M. Hou Che sur un roman de la première moitié du XVIIe siècle
relatif à l'empereur Kien-wen des Ming; une explication par M. HT [Jj

de M' ^
Ting Chan d'une formule obscure des inscriptions des Yin; un long article
7$i lie Yu Yong-leang sur les j^ JH yao-ts'eu et leur auteur;
^
une étude fort importante de M. J|=| jjf|| Jong Tchao-tsou sur l'histoire

Chan; une étude de M. ^ ^


de la divination en Chine; une explication des noms de nombre par M. Ting
I^Jj Fou Sseu-nien sur les Odes des Tcheou
{Tcheou song) dans le Che king; deux notes dues originairement à M. Fou
Sseu-nien et exposant l'urgence pour l'Iustitut a) de faire un recueil de toutes
les stèles sculptées et statues bouddhiques à dédicaces; (3) de pousser à l'étude
des dialectes chinois, des langues non chinoises du Sud-Ouest et des lauoues
LITRES REÇUS. 223-

anciennes et modernes de la Haute Asie. Le nouveau périodique est d'une

tf *
belle tenue scientifique; souhaitons-lui longue vie.]

H JJL *ff J£ gS BÈ $J J3# A'°«°-K tohong-yang
yen-kieou-yuan yuan-wou yue-pao ("Bulletin mensuel de l'Institut national
de recherche"), t. 1, n 08 1 et 2, Changhai, juillet et août 1929, in-8, 147 et
77 pages. [Porte sur l'activité de l'Institut national de recherche, dont
l'Institut d'histoire et de philologie n'est qu'une branche. Donne, outre des
nouvelles administratives, des extraits ou résumés de rapports techniques.]

SjJL^^^ff^ÊKKMft Kouo-li tchong-yang yen-
kieou-yuan tche-yuan-lou ("Annuaire de l'Institut national de recherche"),
année 1929, in-8. 31 pages. [On trouve là les noms et adresses des principaux
savants chinois vivants; trois étrangers y figurent également, élus membres
correspondants eu septembre 1928: MM. F. W. K. Mùller, B. Karlgren, et
moi-même.]

Bl .PC JW K°u°-min lh 1 Pen in-8 non paginé. [Calendriernational
pour 1930. établi par le Département d'astronomie du Bureau national de
recherche, et consacré essentiellement à la mémoire de Sun Yatsen.J
— Louis de LA VALLÉE-POUSSIN, L'Inde aux temps des Mauryas et des
Barbares, Grecs, Scythes, Parthes et Yue-tchi, Paris, Boccard, 1930, in-8,
376 pages -f I p. Addenda, avec 1 carte. [= Hist. du monde dirigée par E.
CAVAIGNAC, t. VI1.]

— Louis de LA AILLÉE-POUSSIN, Notes bouddhiques, VII, Le Vinajra et


la pureté d'intention; VIII, Bouddhologie du Ta-tche-tou-luen. [Tir. à part
des Bull, de la cl. des Lettres de l'Ac. R. de Belgique, 5e sér. t. XV (1929),
201—234.] IX, Le Bouddha éternel {aparântakotinistha); X, Les quatre Gotras
et les Agotrakas; XI, Les degrés de la carrière de Bodhisattva; XII, Durée
de la carrière de Bodhisattva; XIII, Le Bodhisattva "assuré" (niyata, niyati-
patita); XIV, Le Bodhisattva et les mauvaises destinées. [Tir. à part, ibidn
321—350.]
— Louis de LA VALLÉE-POUSSIN, Totémisme et végétahsme. [Tir. à part
des Bull, de la cl. des Lettres de l'Ac. R. de Belgique, 5e série, t. XV (1929),
37—52.]
— Louis de LA VALLÉE-POUSSIN, Extase et spéculation (Dhyâna et Prajîiâ).
[Réimpr. des Indian studies in honor ofCh.R.Lanman, 1929, in-8, pp. 135—136.]
—•
THE LIBRARY OF CONGRESS, Division of Chinese Literature 1928—W,
Washington, 1929, in-8. [C'est l'Appendice II du Report of the Librarian of
Congress, 285—333. Les pp. 285—311 sont de M. HUMMEL, les pp. 311—333
(sur la médecine et l'agriculture) sont de M. W. T. SWINGLE; pour le rap-
port de 1927—28, cf. T'oung Pao, 1929, 403. Les acquisitionsdélivres chinois
en 192-8—29 s'élèvent à 1919 ouvrages, en 24.987 pen ou volumes; la masse
en est constituée par l'achat de la bibliothèque de Wang Chou-ngan, de Tientsin.
Avec ses 133.687 pen ou volumes chinois, la Library of Congress est la mieux
au point des bibliothèques sinologiques hors de l'Extrême-Orient; la belle
initiative du botaniste Swingle a porté ses fruits. Parmi les acquisitions de
l'année, le Report met à la place d'honneur ce qu'il considère comme les
224 LIVRES REÇUS.

originaux des Tableaux de l'agriculture et du tissage ( *Jf ^^ |tl|| Leng-lche-


t'ou) peints en 1696 par jÉ| =j| jâ Tsiao Ping-tcheng sur l'ordre de l'em-
pereur K'ang-hi, je les avais vus en 1926 à New-York chez leur propriétaire
d'alors, le Dr Frederick Petersoo, et je crois bien avoir été le premier à lui
dire que, selon moi, c'étaient là les originaux de '1696. Il restera, toutefois à
examiner pourquoi les poèmes joints aux peintures n'ont été calligraphiés par
JlPi E||. '1$ Yen Yu-touen qu'en 1697. Sur le Keng-tche-t'ou, cf. mon mémoire
des Mém. conc. l'Asie Orientale, I (1913), 65—122, et l'article de M. 0. Franke
dans le t. III (1914—15) de YOslasiat. Zeitschrift. Aux pp. 300-303, bons
renseignements sur les divers ^|j ~j^ -||| Lie niu tchouan, avec des doutes
qui semblent fondés sur l'origine véritable du prétendu Lie niu tchouan
illustré par K'ieou Ying (ou Tch'eou Ying) qui a été publié en 1779. Pp. 300
et 303: 1|# , comme nom de famille, se lit Hiai et non Kiai; donc écrire en
anglais "Hsieh Cliin".]
"H^ *% ~S^* I^L Long-k'an eheou-king, 2 pen in-4 en facsirnilé, et 1

peu explicatif in-8 de 24 pages. [Publié en 1929 par l'Université de Keijô
(= Séoul). On sait que tel est le titre ancien véritable du dictionnaire en
4 ch. publié sous les Leao, en 997, par le moine ^y j^ÊJ Hing-kiun, et dont
un tabou des Song a altéré le titre en Long-k'an cheou-l 43& Ikien. L'édition
courante du ijfji yfe Han h ai est très mauvaise. Un exemplaire des Song du
Sud appartenant à M. -{PB ^©" vitjjj Fou Tseng-siang a été reproduit en 1923
dans le £ÊI "du jffi^ j|=| ïÉS Siukou-yits'ong-chou, et M. -fif~ J3? Tong K'ang
a reproduit plus récemmeût en facsirnilé un exemplaire de même date qui
avait appartenu sous les Ming au Ki-kou-ko. La belle publication de l'Uni-
versité de Keijô reproduit les ch. 1, 3 et 4, seuls retrouvés, d'une édition
coréenne qui doit être de la première moitié du XIIIe siècle et qui a mieux
conservé que les éditions connues des Song la physionomie primitive et le
texte correct de l'édition originale perdue gravée sous les Leao en 997. Le
Long-k'an cheou-king est particulièrement riche en formes vulgaires.]
— Frédéric MACLER, Trois conférences sur l'Arménie faites à la fondation
Carol I à Bucarest, Paris, Geuthner, 1929, in-12, 292 pages et 9 pi. [= Ann.
du Musée Guimet, Bibl. de vulgar., t. 49; ne pas confondre avec le t. 46 qui
a le même titre, sauf que les trois conférences avaient été faites à Strasbourg.
Les pp. 167—190 sont des extraits de la presse de Bucarest sur les trois
conférences ainsi que le texte des toasts portés au conférencier!]
— N. P. MACOKIN, Ocerk rnorfologii nastoyascego vremeni yaponskogo gla-
gola ("Esquisse de la morphologie du présent du verbe japonais"), Vladivostok,
1929, in-8, ix + 142 pages, avec 2 pages annexes de bibliographie des tra-
vaux de l'auteur. [Tir. à part des Trudy Dal'nevost. Gos. Univ., série 6 n° 9.
Les pages 132—138 sont occupées par un résumé en anglais, qui a été égale-
ment tiré seul avec une feuille de titre en anglais, Summary ofaAn Oïdline
of the Morphology of the Présent Tense of the Japanese Verb'\~\
— Emmanuel de MARGERIE, L'oeuvre de Sven Hedin et l'orographie du Tibet
LITRES REÇUS. 225

Paris, Impr. Nat., 1929, in-8, 139 pages, avec 1 pi. et 28 fig., la plupart hors
texte. [Extr. du Bull, de la Sect. de Géogr. du Com. des trav. hist. et scient.,
1928. Analyse, faite de main de maître, des travaux géographiques du Dr Sven
Hedin relatifs au Tibet, et principalement de son grand ouvrage Southern Tibet.]
— A. M. MERVART, Grammatika Tamil'skogo razgovornogo yazyka ("Gram-
maire de la langue tamoule parlée"), Leningrad, 1929, in-8, 228 pages et 1 tabl.;
5 roubles. [= Izd. Leningr. Vostoc. Inst. imeni A. S. Enukiclze, n° 34.]
— The Metropolitan Library, Third' Annual Report for tbe year ending
June, 1929, Peping [Pékin], The Metropolitan Library, 1929, in-8, 53 pages.
[C'est le dernier rapport à paraître sous ce titre; la Metropolitan Library,
réunie avee la Peping Library, forme maintenant la National Library of Peping;
cf. aussi supra, sous Kouo-li Pei-p'ing T'ou-chou-kouan.]
— Wsewolod MILLER, Ossetisch-Russisch-Deutsches Wôrterbuch, édité et
complété par A. Freiman, t. II, lettres I à S, vi pages + 2 ffnch -j- pp. 619
à 1176, Leningrad, Acad. des Sciences, 1929, in-8, 10 roubles.
— Ellis H. MINNS, Small Bronzes from Northern Asia, 1930, 23 pages et
4 pi. [Réimprimé de The Antiquaries Journal, X (1930), n°l. Sur les bronzes
"scythes" provenant.de la Chine du Nord. A la p. 12, M. M. parie d'un animal
du type du tigre "trampling on and biting a long double-headed dragon".
Dans la pièce en question et clans d'autres analogues, je vois un quadrupède
qui mord la queue d'un serpent, lequel mord la queue d'un autre serpent,
lequel mord à son tour la queue du quadrupède.]
— Paul Mrs, Etudes indiennes et indochinoises, [1929,], gr. in-8,134 pages
-\- 1 fnch Errata, avec 2 pi. [Contient : I, L'inscription à Vâlmïki de Prakaça-
dharma. II, Le Buddha paré; son origine indienne; Çâkyamuni dans le
mahayânisme moyen. Tirage à part du BEFEO, XXVIII, nos 1—2. Travail
de grande valeur pour l'iconographie du Buddha.]

The Muséum of Far Eastern Antiquities (Ôstasiatiska Samlingarna)
Stockholm, Bulletin N° 1, Stockholm, 1929. petit in-4,191 pages et 26 planches.
[Le Musée d'archéologie extrême-orientale a été créé à Stockholm à la suite
des découvertes du prof. Andersson dans la Chine du Nord; il contient en
particulier de la poterie préhistorique et de petits bronzes "scytho-sibériens",
mais son activité doit s'étendre peu à peu à tous les aspects de l'archéologie
en Asie Centrale, en Chine et au Japon. Le nouveau Bulletin lui servira
d'organe. Le présent numéro contient: 1° (pp. 11--27) J. C. ANDERSSON, The
origin and aims of the Muséum of Far Eastern antiquities. 2° (pp. 29—37)
"CHOU Chao-hsiang", Pottery of the Chou Dynasty. Les déchiffrements de
M. "Chou" sont assez fantaisistes. Par ailleurs la n. 2 de la p. 29 est erronée;
c'est le Tchou-chou ki-nien, ou uAnnales écrites sur bambou", qui constitue
des annales du Wei; quant aux Yi Tcheou chou, ce sont des morceaux de
caractère varié, et, malgré le nom inexact de Ki-tchong Tcheou chou qu'on
leur donne souvent, ils étaient connus sous les Han et n'ont pas été décou-
verts dans la tombe de Ki en 281. 3° (pp. 39—59) G. BOUILLARD, Note suc-
cincte sur l'historique du territoire de Peking. Utile, surtout par ses plans.
Pas mal d'erreurs de détail, comme celle de la p. 41, n. 4, où le roi Tchao-
226 LIVRES REÇUS.

siang de Ts'in est identifié avec son arrière-petit-fils Ts'in Che-houang-ti.


Il vaudrait, pour les lecteurs du Bulletin, d'indiquer que des dates comme
1989 av. J.-C. pour l'avènement de Yu n'ont aucune autorité. 4° (pp. 61—64)
V. K. TING, Notes onthe language ofthe Chuang in N. Kuangsi. 5° (pp. 65—69)
J. G. ANDERSSON, On symbolism in the prehistoric painled ceramies of China.
6° (pp. 71—142) Hanna RYDH, On symbolism in mortuary ceramies. Pour Mms
Rydh, la décoration triangulaire est d'origine sexuelle (le triangle sacré du
ventre féminin), les cauries figurent l'organe féminin, la hache et la double
hache sont des symboles de fécondité. Ces théories ne sont pas neuves, mais
M",c R. les présente avec un grand luxe d'arguments et de rapprochements.
Il serait prématuré de tenir tout cela pour acquis, et elle-même le dit.
L'article est intéressant en tout cas. 7° (pp. 143—163) J. G. ANDERSSON, De?-
Weg ùber die Steppen. Il semble que ce soit le texte d'une conférence.
M. A. y résume l'histoire des échanges entre l'Asie extrême-orientale et
l'Occident, depuis "un ou deux millions d'années" (au temps de Yhipparion),
jusqu'aux voyageurs européens du Moyen Age, en passant par l'homme
paléolithique, les vestiges néolithiques, les tombes de "Sha Ching" (qui
descendent de 1700 av. J.-C. jusque vers 600—100 av. J.-C). et le style
animal "eurasien" (avec ses subdivisions "Euxine", "Ananino", "Minusinsk"
et "Souei-yuan"). M. A. y revient en passant sur le symbolisme de la céra-
mique préhistorique, non sans des réserves de prudence. 8° (pp. 165—183)
B. KARLGREX, The authenticity of ancient Chinp.se texts: sur ce travail, cf.
supra, p. 221. 9° (pp. 185—191) Fr. E. ÀHLANDER, Bibliogr. of public, based
upon collections ruade voith the support of the Swedish China Research Corn-
mitlee. Tel est ce premier nn, qui tient déjà beaucoup, mais promet plus
encore, et on attendra avec impatience les articles où MM. Andersson, Arne,
Bogajevsky et autres donneront les travaux détaillés dont nous avons ici
parfois des anticipations. Le titre reproduit un couvercle dentelé de céramique
peinte, en forme de buste humain; M. Salmony l'a étudié dans VIpek de 1929r
31—34, mais il y a deux autres spécimens inédits de ce type capital dans les
collections de Stockholm.]
— O. NACHOD, Geschichte von Japan, t. II, 2e partie: T)ie Uebernahme der
chinesischen Ktdtur (645 bis ca. 850), Leipzig, Verlag der Asia Major, 1930.
petit in-8, pp. xxv—xxxn et 541—1179, plus Appendice de 64 pages sur
l'organisation administrative de la Chine ancienne et une carte. Prix du


* # fê ¥
t. II complet, broché, 63 M.
Zl US NAHAVA Jiujrrô, 0 # ;g g ft fê
;pqg ]||L Nihon sekki jidai teiyo ("Manuel de l'âge de pierre au Japon"),
Tokyo, 19'i9, petit in-8, 16 + 581 pages, avec 1 pi. hors texte et 1 carte:
3 yen 80. [Clair; minutieusement informé; illustration bien choisie;
on at-
tachera un prix particulier à la répartition topographique des trouvailles et
à la bibliographie analytique.]
— NÉMETH Gyula, Géza. [Extr. de Magyar nyelv, XXIV (1928), 147—150.
Essai pour tirer ce nom royal hongrois du turc yeg, "suprême".]
— NÉMETH Gyula, Szabirok es magyarok. [Extr. de Magyar nyelv XXV
LIVRES REÇUS. 227

(1929), 81—88. [Développe l'hypothèse que le nom des xâpaprot 'ourtyuKoi de


Constantin Porphyrogénète, le nom hongrois de Szavârd et celui même de la
Sibérie (Sibir) se rattachent à la racine turque sap-, "s'égarer".]
— NÉMETH Gyula, Magna Hungaria. [Extr. des Beitr. zur histor. Geogr...
des Orients de H. Mzik, Leipzig et Vienne, 1929, in-8, 92—98. Etudie les noms
de Basyïrt et de Mojyer qui, dans les textes du Moyen Age, sont employés,
et parfois l'un pour l'autre, pour désigner les Hongrois de l'Oural et ceux
des bords de la Mer Noire (et ensuite du Danube). Estime que la forme première
était *Bas>ïr = *Bâs-(o)yur, les "Cinq *tribus"; le -t de Basyïrt serait un
diminutif vieux-hongrois. Mojyer serait le produit d'une contamination entre
*Basyïr et Mod'eri (= Magyar). Les Baskir actuels seraient des Hongrois
turcisés; ils parlaient encore partiellement hongrois au temps des voj^ages du
Dominicain Julien de Hongrie (1235). Le détail des explications proposées par
M. N. reste fort hypothétique.]
— NÉMETH Gyula, Der Volksname tiirk. [Extr. du Kôrôsi Csoma-Archiv,
II (1927), 275—281. Etudie les habitudes onomastiques grâce auxquelles le
mot turc tùrk ou tiiriik, "puissance", est devenu un nom de tribu, puis celui
de tous les peuples "turcs". P. 276: "tu-lu-kiï" n'existe pas comme nom chinois
des Turcs ou T'ou-kiue; c'est une création ex nihilo de M. B. Munkâcsi.
P. 277: il y a danger à reproduire sans observation des rapprochements
fantaisistes de H. Winkler entre "Hungar", "Bolgar" et "Dzungar", quand
nous savons de façon sûre que "Dzungar" est le mongol Jâ'ùn-yar, "[tribus
de] la main gauche (c'est-à-dire du "côté" gauche)".]
— NÉMETH Gyula, Akadémiânk es a keleti filolôgia,
Budapest, 1928, in-8,
18 pages. [Esquisse de l'histoire de l'orientalisme en Hongrie.]
— NÉMETH Gyula, Az urdli es a
tôrôk nyelvek ôsi kapcsolata, Budapest,
1928, in-8, 24 pages. [Réimpr. de Nyelvtudomânyi kôzlemênyek, t. 47. Sur
des formes grammaticales et des mots qu'on retrouve dans le domaine fmno-
ougrien et en turc. Les mots turcs étudiés sont kùn "peuple" (et mongol
kùmùn > kïCûn > %ûn, "homme"); àr, "mâle", "héros"; bayïr, "foie"; ayiz,
"bouche"; bol-, "être", "devenir"; udï-, "dormir"; qulqaq, "oreille"; unut-,
"oublier"; ar-, "être fatigué"; yala-, "lécher"; qap-, "saisir", etc.; qod-, "placer";
sing-, "s'enfoncer"; ûq-, "ficher"; arva-, "prononcer des formules magiques";
ici, "frère aîné"; kcllin, "bru", "femme du frère cadet"; yàngà, "femme du
frère aîné"; kilyà, "mite"; qunduz, "castor"; sirkà ou sirgà, "lente"; sab, sav,
"mot"; bung, "peine"; sigil, "verrue"; or, "fosse" [le mo. orol, qui est encore
au XIIIe s. horaï < *poraï (cf. JA, 1925, 1,219), est à supprimer]; qom, "vague
.[de l'eau]"; kilbâ, "fourchée de foin"; hue, "force"; Mil, "cendre": mal, "beurre",
"graisse"; al, "partie antérieure"; [ali]mis, "soixante" et [yàtjmis, "soixante-
dix".]
~ 7?T Wl
ffî tfÊ, $H 'tlNgan-yang fa-kiue pao-kao ("Rapport sur les
fouilles de Ngan-yang"), n° 1; Peiping (Pékin), 1929, in-8, 218 pages, avec
11 ff. de planches hors texte et 3 gr. tableaux pliants. [= Kouo-litchong-yang
yen-kieou-yuan li-che yu-yen yen-kieon-so tchouan-k'an, un 1, ou, avec titre
anglais: Academia Sinica, The National Research Institute of History and
228 LIVRES REÇUS.

Philology, Preliminary Reports of Excavations at Anyung, lrc partie. 1 ubli-


cation de première importance par sa nature et par son objet. Par sa nature,
qu'il s'agit de fouilles conduites scientifiquement par des savants
en tant
chinois; nous n'avions eu jusqu'ici, dans cet ordre de recherches, que
la
participation de savants chinois aux fouilles préhistoriques dirigées par le
prof. Andersson et l'enquête de M. Ma Heng sur les bronzes de
Sin-tcheng.
Par son objet, car il s'agit de l'ancienne capitale des Yin qui a livré tant
d'inscriptions divinatoires sur écaille et sur os. Il ne s'agit encore que de
fouilles de reconnaissance dues à MM.
rfjÇ ^£ Li Tsi et j^ ^Ç. 4f| Tong

Tso-pin, et elles sont déjà singulièrement instructives. Je reviendrai plus


longuement sur cette publication.]
Shun ÔSUMI, Histoire des idées religieuses et 'philosophiques du Japon,

Kyoto, 1929, in-8, iv + 202 pages. [Oeuvre posthume du regretté Osumi,
mort à Paris en 1923. La publication en a été assurée par le soin pieux de
M. T. HANEDA, qui a en outre écrit la préface. Le titre est un peu trompeur,
incomplet a
car il n'a pas été possible de publier tout le mss. d'Osumi, trop
partir de la fin du VIIIe siècle; cette Histoire s'arrête donc en réalité à la
fin de l'époque de Nara.]
N. N. POPPE, Otcët o poczdke na Orkhon letom 1926 goda ("Rapport

sur un voyage à l'Orkhon dans l'été de 1926"), Leningrad, 1929, in-8, 25 pages
et 2 planches. M. Poppe a retrouvé une inscription en turc runique, très
fragmentaire et presque illisible. Il publie une brève inscription rupestre en
mongol, datée de 1627 et gravée par ordre de Coqtu Taiji. Des estampages
plus complets ont été pris d'une inscription mongole brisée découverte par
le Comité scientifique mongol en 1923, mais qui n'est pas encore déchiffrée.
Une inscription chinoise de 1733 a été trouvée sur l'emplacement d'une
colonie militaire chinoise qui existait alors sur la rive gauche de l'Orkhon,
à une quinzaine de kilomètres au Nord d'Erdeni-ju. A Erdeni-ju même,
M. Poppe et ses compagnons ont trouvé deux fragments d'une grande stèle
inscrite d'un côté en mongol et de l'autre en chinois; le présent travail
reproduit en facsimilé les fragments mongols, que M. P. traduit et commente,
mais ne donne aucune indication sur le texte chinois. M. P. se demande si
les nouveaux fragments appartiennent à la stèle dont M. Kotwicz a déjà
publié des fragments en 1918, et conclut, sous réserves, à la négative. Il a
échappé à M. P. que j'ai publié dans le JA de 1925, I, 372—375, une note
où j'ai signalé que l'inscription sino-mongole de 1346 dont M. Kotwicz n'avait

chinois original, au ch. 45 du jg j£ ^


connu que des fragments nous avait été conservée intégralement, en texte
Tche-tcheng tsi, collection littéraire
de |^jp 7^ ^gl Hiu Yeou-jen, l'auteur de l'inscription. Il eût donc suffi de
donner quelques mots des nouveaux fragments chinois pour qu'on pût établir
de façon sûre si nous avions affaire à une inscription nouvelle, ou de nouveau
à celle de 1346. Même sans ces fragments chinois, je puis affirmer qu'il s'agit
bien de nouveaux fragments de l'inscription de 1346. Les "cent vin°-t bâtiments"
de la 1. 8 sont les "cent vingt bâtiments" du Jetavana de l'Inde. A la 1. 10
LIVRES REÇUS. 229

la seconde montagne est bien le Grdhrakûta; l'autre, dont le nom manque


au début de la ligne, est l'Himalaya. A la 1. 13, le "neng (?) cayan luvC" de
M. P. est à lire ôn-cang luu, et c'est là le jj££ lou de -jv\ M Yuan-tch'ang
(ancien nom administratif de Karakorum) mentionné par Hiu Yeou-jen; le
"dragon blanc" doit disparaître, ainsi que la note 1 de la p. 18, et les indi-
cations d'équivalences éventuelles à 1280 ou 1340 de la p. 21. A cette même
ligne 13, il n'y a pas un mot "côlege", équivalant à "ciluge", "loisir", mais
côlgà, qui est, sous les Mongols, la traduction régulière du chinois ffi§- lou,
"district". Quant au bing-luu du 2e fragment, qui peut correspondre à 1256,
1316, 1376, il faut évidemment le rapporter à 1256, qui est l'année indiquée
par Hiu Yeou-jen pour le temple bouddhique fondé par Mongka à Karakorum.
L'examen des fragments chinois du verso permettra, puisque nous avons par
ailleurs le texte chinois complet, de replacer les fragments mongols dans leurs
positions primitives; cela fait, il vaudra de reprendre en un travail d'ensemble
tout ce qui subsiste de ce. monument mongol important. P. 17, 1. 18 et n. 7:
Le mot dâlâmà se retrouve non seulement sur les pi. 2 et 3 de T'oung Pao,
1908, mais aussi sur la pi. 4. Le d- initial est également attesté dans le § 21
de VHistoire secrète des Mongols-, où dàlàmà est traduit par ij£ ^j* ts'ao-ts'eu,
"à la légère", "inconsidérément", et dans le § 169, où il est question de propos
dâlàmâ, ce qui est traduit par Jj^ \j& fan-lan, "oiseux" (m. à m. "débordants");
il n'y a pas à faire intervenir ici une sonorisation comme celle qui fait ortho-
graphier dehri pour tàngri en 'phags-pa, car les transcriptions de VHistoire
secrète ont bien un t- au début de ce dernier mot.]
— Jean PRZYLUSKI, Le nom de Vécriture Kharosthi.
[Extr. de IRAS, 1930,
43—45. Essai aléatoire d'interprétation par *Kharaposta, combinaison iranisante
au sens de "peau d'âne". N'a pas tenu compte de T'oung Pao, 1921, 172.]
— Louis RENOU, Grammaire sanscrite, t. I:
Phonétique, composition, dé-
rivation. Paris, A. Maisonneuve, 1930, in-8, XYIII -f- 265 pages.
— Y. A. R,IASANOVSKY, The modem Civil Law of
China, Part II, Harbin,
Harbin Daily News Press, 1928, in-8, 2 fnch -f 143 pages + 1 fnch Errata.
[La lie partie, parue en 1927, était une étude d'ensemble sur le droit civil
chinois. Cette seconde partie comprend les principes généraux des lois chi-
noises concernant la propriété foncière, les mines et les forêts; l'auteur les
étudie d'abord rapidement dans leur développement historique, puis expose
l'état actuel du droit.]
— V. A. RIÀSANOVSKY, Customary
Law of the Mongol tribes, Part 1—III,
Harbin, Artistic Printinghouse, 1929, in-8, 308 pages -+- 1 fnch Errata/ [I:
Le droit coutumier mongol en général; II: Le droit coutumier desBouriats;
III: Le droit coutumier des Kalmouks. Beaucoup de noms propres sont dé-
figurés par des fautes typographiques. Il y a des faiblesses: p. 6, les "Hagas"
reparaissent une fois de. plus quand ce n'est là qu'une mauvaise restitution
de l'ancienne transcription chinoise du nom des Kirghiz; p. 26: il est bien
connu aujourd'hui que la prétendue mention de Môngkâ-khan sur un paiza
repose sur une fausse interprétation.]
230 LIVRES REÇUS.

— Dr RIZA NOUR ,o Us», Oughouz-namé, épopée turque, transcription en


lettres phonétiques, notes, traduction française, texte en turc de Turquie,
facsimilé, Alexandrie, Soc. de public, égyptiennes, mai 1928, in-8, 64 pages
et 4 planches; 20 francs. [Je donnerai clans le prochain numéro du T'oung Pao
un long article critique sur ce texte très intéressant.]
— The Sino-Russian
Crins, publié par The Internat. Relations Committee,
Nankin, Chine, gr. in-8, '105 pages. [De nombreux documents russes saisis,
souvent froissés et à moitié brûlés, sont reproduits en facsimilé.]
— Osvald SIRÉN, Histoire des arts
anciens de la Chine, t. III, La sculpture
de l'époque Han à l'époque Ming, Paris et Bruxelles, Yan Oest, '1930, in-4,
'107 pages et 128 planches. [= Ami. du Mus. Guimet, Bibl. d'art, N 11' sér., III.]

— Ivan STCHOUKINE, Miniatures indiennes du Musée


du Louvre, Paris,
E. Leroux, 1929, in-4, 106 pages + 1 fnch Errata, avec 20 planches. [Fait
partie des Etudes d'art et d'archéol. dirigées par Henri FOCILLON.]
— Ivan STCHOUKINE, La peinture indienne à l'époque des Grands Moghols,
Paris, E. Leroux, 1929, gr. in-4, 214 pages + 1 fnch Errata et 100 planches.
[Fait partie des Etudes d'art et d'arch. publ. sous la dir. d'Henri Focillon.
Texte et planches sont excellents. La thèse de l'auteur, que je crois juste,
est qu'on a exagéré l'opposition entre l'art rnoghol et l'art râjput. Il reste
pas mal de fautes d'impression non relevées aux Errata, comme le ':1448"
de la p. 24 pour "1498". Les "Taghlaq" de la p. 26, bien qu'usuels, doivent
être fautifs pour ''Tughluq". A la p. 28, le texte de Babur dit simplement
"le dessin et l'écriture de Sultan cAli Meshedï et de Behzâd", ce qui, en turc,
ne me paraît pas déterminer, sans autre spécification, qu'il s'agit du dessin
de tel des deux et de l'écriture de l'autre; l'interprétation est donc libre,
suivant ce qu'on sait des deux personnages par ailleurs. P. 47, "dîves" n'est
pas une transcription heureuse pour les dëv persans. P. 67: "qalam (du latin
calamus)" ne donne pas une idée juste de l'histoire du mot.]
— F. W. THOMAS et Sten KONOW, Tivo médiéval documents from Tun-
huang, Oslo, A. W. Brogger, 1929, in-4. f= Royal Frederik University, Pu-
blications of the Indian Institute, I, 3, occupant les pp. 121—160. Edition et
tentative de déchiffrement de deux documents provenant presque sûrement
de Touen-houang et appartenant au baron de Staël-Holstein; l'un est en
tibétain, l'autre en "saka": les éditeurs les rapportent au VIIe siècle, ce qui
parait exclure certaines de leurs identifications, comme tu-tu pour XK ^j^
tou-tou, là où on ne peut attendre qu'une forme à gutturale finale; le nom
de Tourfan à pareille date serait également assez inattendu, mais non im-
possible; à la p. 148 "Icû" pourrait être -0 jj>\ Ti-tcheou, c'est-à-dire Qomul,
Fia-mi, et "Phlïcamni" rendrait bien ïfS M P'ou-tch'ang, l'actuel Pijan.

P. P.]
— F. W. THOMAS, Tibetan Documents concerning Chinese Turkestan. IV:
The Khotan Région. [Extr. de JRAS, 1929, 47—94. P. 80: Sin-san ne peut
guère être tib. hih + chin. chan (san). P. 91: '-Ho" est invraisemblable pour
VpT ho sous les T'ang; il faudrait */ia.]
LIVRES REÇUS. 231

-JJMEHARA sUeji, ^m^m^wf^KMj^) —


je? fë> Shina ko doki kenkyu ni tsuisuru ichi kosatsu ("Pteflexions concer-
nant les recherches sur les bronzes chinois anciens"), 10 pages. [Réimprimé
du Shirin, XY (1929), n°l. C'est la mise au point de réflexions que M. Umehara

- W M *
avait notées à Paris pour M. Sirén.]
VO UMEHARA Sueji, |j£ gfy| J ^ fâ \fî fè ^^
%~$Î ^ _h (7~) S W t K (7~) w IË ^ste ni °keru shina k5k°-
gaku jô~ no shiryo to sono kenkyil ("Les matériaux archéologiqueschinois qui
se trouvent en Europe et leur étude"), 14 pages et 6 pi. [Tir. à part du
Bukkyô bijutsu n° 15. [Parle des diverses collections publiques et privées, et
•des problèmes qu'elles posent. Les planches reproduisent un rare miroir et
deux vases de céramique funéraire recueillis par le Dr Buckens au Honan, des
animaux en jade archaïque de M. Loo, l'éléphant en bronze de la collection
Camondo au Louvre, des plaques "sibériennes" de M. Loo, des bronzes "Ts'in"
de M. Wannieck.J
— Dr. Richard WILHELM, Chinesische Wirtschaftspsychologie, Leipzig,
Deutsche wissensch. Buchhandlung, 1930, in-8, '120 pages, avec 1 carte;
relié, 9 RM. [= Schriften des Weltwirtschafts-Instihdsdes Handels-Hochschide
Leipzig, tome 5.]
— Wou Sao-fong [=
h±. ^vî* 4#s Wou Sieou-fong], Sun Yat-sen, Sa Vie
et sa Doctrine, Paris, Presses Universitaires, 1929, in-8, xxxv + 219 pages.
Préfaces en chinois et en trad. française par MM. WANG Chin-wei [= ^£
WANG, tseu 4»j| j^tr Tsing-wei], Hu Han-min [= ~feU $=j| Jjï Hou Han-min],
WANG Chung-hui [= 5E |f|| JE! WANG Tch'ong-houei], et par l'auteur. [Un
accident de mise en pages a brouillé la pagination et l'ordre des pages entre
la p. 178 et la p. 185.]
— W. Perceval YETTS, Notes on
Chinese roof-tiles, avec appendice par le
Dr. H. J. PLENDERLEITH, [1929,] in-4, avec 1 pi. [Réimpr. des Transactions of
the Oriental Ceramic Society, 1927—28, pp. 13—44. Travail solide, avec une
bonne bibliographie chinoise. L'appendice du Dr. Plenderleith donne des
analyses chimiques.]

16
CHRONIQUE.

— Correspondance du Père Ferdinand Yerbiest. — Des Jésuites belges


préparent une édition de la correspondance de Yerbiest; voici la liste des
lettres déjà retrouvées. Les personnes qui pourraient mettre sur la piste de
documents nouveaux sont priées d'écrire au P. Louis Van Hée, 37, Courte
Rue Neuve, Anvers.

1645 11 Feb. Charles Sangrius à F. Verbiest Romae.


1647 23 fev. Caraffa à F. Yerbiest Romae.
1655 20 Julii Romae Goswin Nickel à F. Y.
1656 fin fev. Gènes F. V. à Ignace Melgaert.
1660 5 juillet Peking F. V. à Philippe Couplet.
1661 13 avril Peking F. A7, à Goswin Nickel.
1661 7 mai Peking F. V. à Phil. Couplet.
1661 ? Peking F. V. à Jean Grueber.
1661 ? Peking F. V. à Goswin Nickel.
1666 ? sept. Peking F. Y. à Mathias d'Arnaya.
1667 3 sept. Peking F. V. à Egide van der Beke.
1668 18 avril Peking F. Y. à Adrien Grêlon.
1669 20 janv. Peking F. V., G. de Magaglianes '), L. Buglio aux P. S. J.
1669 29 avril Pekiug F. Y. à
. . .
1669 janv. Peking F. Y. à l'empereur Kang-Hi.
1669 21 juin Peking F. V., Buglio, de Magalbans ') à Kang-Hi.
1669 2 janv. Peking, F. V., Buglio, de Magaglianes 1) aux P. S. J.
1670 23 janv. Peking F. Y. à Phil. Couplet.
1670 23 janv. Peking F. V. à Fr. Rougemont.
1670 20 août Peking F. V. à Phil. Couplet.
1670 20 août Peking F. V. à J. Le Favero.
1670 20 août Pekiug F. Y. à Fr. Rougemonï.
1670 ? déc. Peking F. Y.. Buglio, de Magalhans à Kang-Hi.
1671 ? ? Peking F. V. à...
1671 10 juillet Peking F. Y. à Th. Yalguernera.
1675 18 fev. Peking F. Y. au tsar Alexis Mikaïlovicb.

1) L'orthographe varie.
•CHRONIQUE. 233

1678 janv. Peking F. V. à Seb. de Almeida:


7
1678 8 fev. Peking F. V. à Seb. de Almeida.
1678 15 août Peking F. V. aux PP. de la Comp. en Europe.
1678 15 août Peking F. V. à Innocent XL
1678 12 sept. Peking F. Y. à...
1678 7 sept. Peking F. V. à Alphonse "VI roi de Portugal.
1680 3 oct. Si ngan fa Dom. Gabiani aux PP. de Peking.
1680 26 oct. Hors des murs de Canton. Bon. Ibaiies à F. V.
1681 ? Peking F. V. à Dominique Gabiani.
1681 18 janv. CM Nan Aug. de S. Pasqual à F. V.
1681 24 janv. CM Nan Fu Aug. de S. Pasqual à F. V.
1681 4 mars CM Nan Aug. de S. Pasqual à F. V.
1681 15 sept. Peking F. V. a Jean Paul Oliva.
1681 15 sept. Peking F. V. à Ch. de Noyelles.
1681 15 sept. Peking F. V. à Jos. Tissanier.
1681 3 dec. Rome Innocent XI à F. V.
1682 1 janv. Alvare de Yenavente à. F. V. Kuang Nang.
1682 23 fev. Près Canton Bonav. Ybanes à F. V.
1682 15 mars Munster F. de Pyrmont évoque à F. "V.
1682 2 août Peking F.V. à Ch. de Noyelles.
1682 ? oct. Peking F.V. à Ph. Couplet.
1683 9 janv. CM Nan Aug. de S. Pasqual à F. V.
1683 15 janv. Peking F. Y. à Greg. Lopez.
1683 9 août Fo Kien Franc. Yaro à F. Y.
1683 2 oct. Peking F. V. à Jean. P. Oliva.
16S3 4 oct. Peking F. V. à Ph. Couplet.
1684 15 janv. Peking F. V. à Franc, Pallu.
1684 25 janv. Peking F. V. à Innocent XI.
1684 25 janv. Peking F. V. aux cardinaux de la Propagande.
1684 25 janv. Peking F. V. au Général de la C. de J. de Noyelles.
1684 22 mars Lisbonne Pedro II roi à F. Y.
1684 28 avril Peking F. V. à Ch. de Noyelles.
1684 28 avril Peking F. Y. à Ch. de Noyelles.
1684 25 oct. Peking F. Ar. à Nie. Avancini.
1684 22 oct. Peking Serment prêté par Yerbiest.
1684 27 oct. Peking Attestation de Verbiest.
1684 26 dec. Peking F. Y. aux PP. astronomes de Peking.
1685 ? janv. Paris Franc. d'Aix de la Chaize à F. Y.
1685 10 juillet Macao Ant. Thomas à F.V.
1685 1 août Peking F. V. à Nie. Avancini.
1685 1 août Peking F. V. à Ch. de Noyelles.
1685 29 août Peking F. V. à Ch. de Noyelles.
1685 13 sept. Peking F. V. à Greg. Lopez.
1685 21 sept. Peking F. V. à Ch. de Noyelles.
1685 14 nov. Peking F. V. à Ch. de Noyelles.
234 CHRONIQUE.

4685 10 nov. Peking F. V. à Ch. de Noyelles.


1685 17 nov. Peking F. V. à Nie. Avancini.
1685 10 nov. Peking F. "V. à la duchesse de Àveiro.
1686 1 sept. Peking F. V. à Ch. de Noyelles.
1686 21 sept. Peking F. V. à Ch. de Noyelles.
1686 24 nov. Peking F. Y. à Nie. Spathar Milescu.
1686 1 nov. Peking F. V. à la duchesse d'Aveiro.
1687 3 mai Peking F. V. à l'empereur Kang-Hi.
1687 1 oct. Peking F. Y. à Franc. d'Aix de la Chaize.
1687 1 oct. Peking F. Y. à Ch. de Noyelles.
1687 2 oct. Peking F. Y. à Ch. de Noyelles.
1688 16 nov Jean III Sobieski roi de Pologne à F. Y.

XVIIP Congrès International des Orientalistes. Secrétariat: Musée



Ethnographique, Rapenburg 67/69, Leiden.

En vertu de la décision prise le 1 septembre 1928 à la dernière réunion


du XVIIe Congrès International des Orientalistes à Oxford, le XVIIIe Congrès
devra se réunir aux Pays-Bas.
Un comité s'est formé à Leiden pour organiser la préparation du prochain
congrès. Ce comité a décidé que le XVIIP congrès se réunira à Leiden (lieu
de réunion du YP congrès en 1883) dans la semaine du 7 au 12 septembre
1931.
Le comité adresse cette première communication aux orientalistes et aux
sociétés orientalistes en les priant de lui accorder leur collaboration, pour
que le congrès soit assuré d'une réussite complète. Nous espérons qu'on voudra
donner au contenu de la présente communication une publicité aussi grande
que possible.
Le comité se propose de faire paraître dans quelques mois une seconde
communication, accompagnée de l'invitation définitive pour le congrès.
Leiden, mai 1930. .1. H. KRAMERS,

secrétaire.
NÉCROLOGIE.

Charles Eudes BONIN.


Charles Eudes BONIN est mort subitement le 29 septembre 1929 à Barcelone,
où il faisait partie de la délégation du Ministère de l'Instruction publique
au 4° Congrès international d'archéologie.
La carrière de Bonin a été assez erratique. Né le 2G juin 1865, il passa
par l'Ecole des Chartes, mais cet archiviste-paléographedébuta ensuite, comme
chef de cabinet du préfet d'Ille-et-Yilaine en 1888, pour remplir bientôt les
mêmes fonctions auprès de celui du Calvados on 1889. Cette même année,
il passa comme commis de résidence en Indochine. Envoyé au Laos (1893),
puis en Malaisie (1893), il fit un premier voj'age d'exploration à travers la
Chine occidentale, du Sud au Nord, en 1895—1896. C'est alors qu'il reconnut
la grande boucle du Yang-tseu-kiangà la limite du Yunnan et du Sseu-tch'ouan,
rencontra au Sseu-tch'ouan Marcel Monnier et la Mission Lyonnaise, traversa
le Kansou et la Mongolie jusqu'à Ourga, d'où il redescendit ensuite sur Pékin ]).
La seconde mission, en 1898—1900, le mena d'abord à Souei-fou sur le
Haut Yaug-tseu, au Mont Omeï 2) et chez les Lolo, puis il gagna Pékin, pour
en repartir à travers la boucle des Ordos, l'Alachan, le Koukou-nôr, Touen-
houang où il visita les Grottes des Mille Buddha3); de là, droit vers l'Ouest,
il reconnut en partie l'ancienne route chinoise du début de notre ère qui passait
par le désert au Nord du Lop Nôr et il aboutit à Karachar et dans l'Ili4).
La suite de la carrière de Bonin appartient à la diplomatie; consul en
1901, secrétaire d'ambassade en 1902, il quitta l'Extrême-Orient en 1904,
remplit les fonctions de ministre en Perse à partir de 1918; son dernier poste
actif fut celui de ministre à Lisbonne (1921). Mais toujours il continua de
s'intéresser à l'Asie.

1) Note sur les résultats géographiques de la mission accomplie au Tibet et en Mongolie


en 1895—1896 {Bull, de la Soc. de Géogr., XIX [1898], 389—403).
2) Le Mont Omei, Paris, 1900, in-8, 16 pages (Extr. àu&ull. de géogr. liislor. et
descr., 1899, n° 1).
3) Les Grottes des Mille Bouddhas, dans Comptes rendus de VAc. des Lnscr. et
Belles-Lettres, 1901, 209—217.
4) Voyage de Pékin au TurJcestan russe par la Mongolie, le Kozikou-Nor, le Lob-Nor
et la Lzoungarie {La Géographie, 1901, 115—122 et 169—180).
236 NÉCROLOGIE.

Ronin n'a pas publié de gros livres; son travail le plus volumineux est
Le Royaume des neiges, paru en 1911 et qui est consacré a l'histoire des états
de l'Himalaya. Mais il a donné à nombre de revues des articles, que parfois
il n'a même pas signés. Outre ceux qui ont été indiqués ci-dessus, je citerai
entre autres:
1° DeTourane au Mékong, avec carte {Bull, de la Soc. de Géogr., Ie série,
XVII [1896], 99 ss.);
2° Aboies sur les sources du Fleuve Rouge (ibid., XVIII [1897], 202 ss.);
3° Les derniers voyages dans le Tibet oriental {ibid., XIX [1898], 389 ss.):
4° Visite au tombeau de Gongis khan {Rev. de Paris, 15 février 1898);
5° Note sur les anciennes chrétientés nesloriennes de l'Asie Centrale (JA,
mai-juin 1900, 584-592);
6° Notes sur le -panislamisme (Ouest, dipl. et colon., 1909, 2e semestre):
7° Les Mahomélans du Kansou et leur dernière révolte {Rev. du monde
musulman, févr. 1910):
8° Le transfert à ÏJehli de la capitale des Indes {Bull, du Comité de VAsie
française, 1912, 22 ss.);
9° Organisation des études orientales au Portugal (ibid., 1924, 73 ss.).
P. Pelliot.

Arnold VISSIÈRE.
En ce premier semestre de 1930, où l'orientalismea été si durement frappé,
nous avons perdu en France Arnold YISSIÈRE, mort à Paris le 28 mars 1930
dans sa 72e année. Nous lui consacrerons dans le prochain numéro du T'oung
Pao un article spécial, avec une bibliographie complète de ses travaux.
P. Pelliot.

Josef MiEKWAET (MAEQUABT).


Josef MARKWART (ou MARQUART comme il écrivit son nom jusqu'en 1924)
a péri dans un accident le 4 février dernier; il était né en 1864, débuta dans
la science à Tûbingen, passa à Leide en 1902 et fut enfin nommé à une chaire
de philologie iranienne et arménienne a Berlin en 1912.
L'érudition de Markwart tenait du prodige, et son don de combinaison
était infini. Philologue et ethnographe, il confrontait les monuments littéraires,
les inscriptions, les monnaies, les coutumes de toutes les époques, de tous les
peuples, de toutes les langues, et en tirait toujours des solutions nouvelles.
Le danger de la méthode était son extrême hardiesse, et une tendance aux
corrections de texte qui allait parfois jusqu'à l'abus. Markwart d'ailleurs
renonçait souvent à des conclusions qu'il avait paru donner d'abord comme
certaines; nul n'a hésité moin3 que lui à se corriger. Les services qu'il a
rendus sont considérables, et il continuera d'en rendre longtemps après sa
mort, tant il y a encore dans son oeuvre, si discursive, de résultats "en puis-
sance" qu'il appartiendra à l'avenir de dégager.
La partie de l'oeuvre de Markwart qui intéresse plus directement nos
études comprend ses Bistorische Glosscn zu den altturkischen Inschriften
NÉGKOLOaiB. 237

(WZKM, XII [1898], 157—200); Die Chronologie der alttiirkischen Inschriften


(1898); ErànSahr (1901); Osleuropàische und Ostasiatische Streifzùge (1903);
ùuwainïs Berichi uber die Bekehrung der Uiguren (Sitz. d. pr. Ak. d. W.,
1912, 486—502); Ueber das Volhslam der Komanen (1914); en collaboration
avec J. J. M. DE GROOT, Das Beich Zabul und der Gotl ÉUn (Feslschr. f. E.
Sachau, 1915, 243—292). Enfin il avait commencé un ouvrage Wehrôt und
der Fluss Arang, auquel il a renvoj'é maintes fois; les 160 premières pages
en ont été imprimées chez Brill il y a plus de vingt ans, et je puis témoigner,
les possédant, de la place importante que jouent les textes chinois dans cette
étude de géographie historique sur la Sogdiane et la Bactriane jusque vers
le Xe siècle.
Quand Chavannes écrivait ses Documents sur les Tou-kiue occidentaux
(1903), Markwart lui suggéra ou lui fournit bon nombre d'identifications.
De mon côté, j'ai consacré une longue étude au mémoire sur les Comans
(A propos des Comans, dans JA, 1920, I, 125—185).
Le Bull, of the School of Or. Studies, t. V, 897—902, contient, à la suite
d'une courte notice biographique par Sir E. Denison Ross, une bibliographie
provisoire de Markwart établie par M. V. Minorsky '). En outre, je crois sa-
voir que M. Bartol'd se propose de passer en revue tout l'oeuvre de Markwart
dans une monographie qu'il est mieux qualifié que quiconque pour rédiger.
P. Pelliot.

Richard WILHELM.
Le professeur Richard WILHELM était gravement malade depuis un an,
sans que son activité d'écrivain en fût ralentie. Le 14 février 1930, on le
conduisit à une clinique de Tùbingen; c'est là qu'il s'est éteint prématuré-
ment le 1er mars, âgé seulement de 56 ans; on l'a enterré à Bad Boll près
Gôppingen, là où il avait débuté comme vicaire, là où il s'était marié.
Richard Wilhelm était né à Stuttgart le 10 mai 1873. Poète, musicien,
il se sentit en même temps attiré par la théologie; ses examens achevés, il
alla comme vicaire à Bad Boll, puis à Backnang. C'est de Backnang qu'en
1899 il fut envoyé comme missionnaire à Kiao-tcheou; bien vite, la Chine le
conquit. Dans le chaleureux article qu'il consacre à la mémoire de Wilhelm
(Sinica,VI, 49^57), M._ W. F. Otto conteste que Wilhelm soit revenu de Chine
autre qu'il n'3r était parti; et c'est exact si on entend par là qu'il avait gardé
son enthousiasme, son ardeur au travail, son optimisme, sa bonhomie. Mais,
quelques pages plus loin, M. Carsun Chang (p. 72) rapporte ce propos que
Wilhelm lui tint un jour: "Ce m'est une consolation que, comme missionnaire,
je n'aie converti aucun Chinois." Il faut donc bien que Wilhelm, parti sin-
cèrement en Chine pour être missionnaire, ait chaDgé là-bas. Comme le dit
M. C. Chang, "Richard Wilhelm vint en Chine théologien et missionnaire et
quitta la Chine disciple de Confucius". Après être parti pour prêcher en Chine

1) de l'article ï)ie nichtslaioischen (althulgarisclien) Ausdriïcke


J'y relève l'omission
m der hulgarischen Furstenlisle, paru dans T'oung Pao, 1910, 649—680.
238 NÉCROLOGIE.

des doctrines occidentales, il revint pour convertir l'Europe à des idées chinoises;
[:unité de sa vie a été dans son besoin d'apostolat.
Avant tout, il fallait révéler au public allemand les oeuvres fondamentales
de l'ancienne littérature chinoise. La Deutsch-chinesische Hochschule de Ts'ing-
tao (Kiao-tcheou) est fondée en -J909, et Wilhelm, qui a abandonné toute
activité religieuse, lui fait publier en 4911 un Deutsch-Englisch-Chinesisches
Fachwôrterbuch. Mais, en même temps, il avait inauguré chez un éditeur à
grand tirage, Eugen Diederichs de Iéna, cette suite de traductions qui, com-
mençant par le Loaen yu [Kung Fu Tse Gespràche (Lim Yii)~\ (1910; et con-
tinuant par le Tao-lô king [Laotse, Taoteking] (1911), devait s'achever par le
Lu-che Ich'ouen-ts'ieou [FrïMing und Herbst des Lu Bu We] (1928; : on nous
promet encore un Li Ki [Li Gi], actuellement sous presse. Ces traductions, qui
devaient répandre clans un large public des oeuvres connues seulement jusque-là
de rares initiés, ont atteint leur but; le Laotse. Taoteking, en particulier,
s'est déjà vendu à 14000 exemplaires; il est vrai que cet opuscule, à qui on
peut faire dire tant de choses, et si contradictoires parfois, a toujours attiré
les lecteurs. La révolution de 1911 valut à Wilhelm des concours inespérés;
des lettrés monarchistes quittèrent Pékin, et tandis que certains, comme
M. Lo Tchen-yn, M. Tong K'ang, Wang Kouo-wei, érnigraient au Japon, cer-
tains se réfugièrent à Ts'ing-tao; parmi ces derniers se trouvait *j=? ~J^ *^
Lao Nai-siuan, ancien recteur de l'Université de Pékin, et c'est avec lui que
Wilhelm prépara, entre autres, la traduction du Yi king, qu'il publia seule-
ment en 1924 (I Ging, 2 vol. in-8).
Sur- la valeur des traductions de Wilhelm, je me suis exprimé récemment
ici même, à propos du Lu-che tch'ouen-ls'ieoîi (supra, 68—91) ; dans l'ensemble,
ces traductions sont bonnes. M. W. Schùler (p. 58) dit à ce propos qu'une
faute manifeste peut échapper au plus avisé, "y compris De Groot qui occupe
une. si haute place précisément comme traducteur". Wilhelm n'a pas autre-
ment besoin de pareilles circonstances atténuantes. Que ce soit le résultat de
sa connaissance de la langue ou d'une heureuse utilisation d'amis chinois
lettrés, peu importe: ses traductions valent mieux que celles de De Groot,
qui fut un travailleur très diligent, mais dont les traductions fourmillent de
méprises.
C'est à un autre point de vue que l'activité de Wilhelm me parait, ap-
peler quelques réserves. Son enthousiasme a attiré l'attention de beaucoup
d'Allemands vers les choses de Chine, et lui a permis de fonder à Francfort
le China-Institut, dont il étendit l'activité à Munich, si même il ne songea
pas un moment à l'y transférer tout entier. Et ceci est un bien. Mais sa foi
d'apôtre l'a peut-être porté plus que de raison à tout magnifier de ce qu'il
croyait trouver dans la Chine ancienne. Comme le dit M. W. Schùler, la-
traduction du Yi king est probablement l'oeuvre que Wilhelm voyait avec le
plus de tendresse. Mais, quand on débarrasse l'interprétation du Yi king de
tout ce que les âges successifs y ont ajouté, il est permis de douter qu'il y
ait dans cette sorte de clef divinatoire le chef-d'oeuvre de sagesse qu'on nous
convie à y contempler. Et je sais bien qu'à prendre cette attitude critique,
KÉCKOLOGIE. 239

on déplaît à maints de nos amis chinois qu'une admiration globale de leurs


institutions flatte davantage^ et qu'on s'expose à être accusé de mal com-
prendre leur civilisation. Je crois pour ma part qu'on peut vouloir apprécier
la Chine saus renier l'Europe, et que des panégyriques excessifs nuisent aux
deux, et en dernière analyse à la Chine principalement1).
Paul Pelliot.

Friedrich Wilhelm Karl MULLER.


Le monde savant a appris avec une douloureuse stupeur qu'à trois jours
d'intervalle, la mort avait enlevé nos deux confrères du Muséum fur Vôlker-
kunde, F. W. K. MULLER. et Albert von LE COQ; le premier est mort le Vendredi
Saint 18 avril 1930; le second, le Lundi de Pâques 21 avril.
F. W. K. Millier était né le 21 janvier 1863 à Neudamm dans le district
de Francfort sur l'Oder; à dix ans, ses parents l'emmenaient à Berlin et le
mettaient au G3rmnase français. Inscrit en 1883 à la Faculté de théologie de
l'Université Friedrich-Wilhelm, il se mit en même temps à l'étude des langues
orientales avec l'arabe, le syriaque et le chinois. Dès '1887, il fut attaché au
Muséum fur Vôlkerkunde qui venait d'être fondé sous la direction de Bastian
et auquel il continua d'appartenir toute sa vie.
C'est à l'occasion des collections de ce Musée que Muller étendit sans
cesse le champ de ses études linguistiques. Convaincu que l'étude des objets
même purement ethnographiques ne va pas saus celle des textes et sans
comparaisons avec des civilisations plus évoluées, et que les textes ne se
livrent pleinement qu'à qui les lit dans l'original, Muller apprend l'hindoustani
pour déterminer les affinités indiennes d'une collection ethnographique de
Sumatra, les langues indochinoises à l'occasion des vocabulaires Pa-yi et Pa-po
que le Musée a acquis de Hirtb, les langues malaises à propos d'une collection
de textes en langue de Samoa recueillis par 0. Stùbel, le japonais enfin.
Directeur adjoint du Musée en 1896, Muller en devint Directeur une dizaine
d'années plus tard. Eutre temps, il avait été prendre, au commencement du
siècle, le contact direct avec l'Extrême Orient.
Mais ce sont surtout les missions archéologiques au Turkestan chinois,
eu particulier les missions allemandes dans la région de Turfau, qui ont
permis à F. W. K. Muller de donner toute sa mesure de philologue génial.
En 1904, la publication de ses Handschriften-Reste in Estrangelo-Schrift aies
Turfan fit sensation parmi les orientalistes. Par "écriture estrangelo" il ne
faut pas entendre ici l'écriture syriaque connue ordinairement sous ce nom,
mais une variété nouvelle que Muller réussit à déchiffrer, et dont il reconnut
immédiatement le caractère manichéen. La langue elle-même était tantôt

1) J'ai emprunté bien des détails de cette biographie aux articles consacrés à Wilhelm
dans Sinica, V, 49—73; on trouvera une bibliographie presque complète des travaux de
Wilhelm ibid., 100—111. On sait que les Sinica ont. pris en 1927 la suite des Chinesische
Blâttèr. fur. Wissenschaft und Kunsi (1925—1927), et que Wilhelm a été le créateur et
L'animateur, de ces deux séries.
240 NÉCROLOGIE.

iranienne, tantôt turque. Et cette première publication amorçait les recherches


si fécondes que Mûller lui-même et d'autres érudits ont poursuivies depuis lors.
Pour la première fois, on avait là des monuments originaux de la grande
religion manichéenne, éteinte depuis des siècles et qu'on ne connaissait plus
que par les attaques de ses adversaires. Au point de vue linguistique, les
documents en écriture manichéenne, mais dont la langue était du rno}ren
persan, allaient permettre de préciser des formes et des prononciations que
les incertitudes de la notation pehlvie laissaient singulièrement flottantes.
Mûller donnait en même temps quelques textes rédigés en un dialecte iranien
encore indéterminé: c'était la langue "sogdienne", qui n'était plus qu'un nom,
et dont il révélait les premiers monuments. Enfin, dans ces deux fascicules si
riches, Mûller transcrivait aussi quelques textes turcs notés en écriture
manichéenne; il amorça ainsi le plus grand progrès qu'aient fait les études
turques depuis le déchiffrement des inscriptions de l'Orkhon par Thornsen.
Je ne puis, dans cette courte notice, énumérer tous les articles de
F. AV. K. Mûller; on en trouvera la liste, jusqu'en 1924, dans un article de
M. F. M. Trautz qui ouvre le t. II d'Asia Major: ce volume, bien qu'il n'ait
fini de paraître qu'en -1925, est dédié à F. AV. K. Mûller à l'occasion de son
soixantième anniversaire '). La caractéristique de tous les travaux de Mûller
est que le fond en est d'une grande richesse, mais la forme d'une extrême
sobriété. Mûller n'a jamais écrit de livres, et certains de ses principaux ré-
sultats sont exposés dans des articles de quelques pages; mais il faut avoir
travaillé sur les mêmes sujets pour apprécier ce que ces travaux si brefs
impliquent de connaissances variées et profondes et de recherches minutieuse-
ment poursuivies. Mûller, qui savait tant de langues et les savait si bien,
n'était pas un linguiste, au sens technique du mot; mais c'était un merveilleux
déchiffreur de textes. Par ailleurs, sa connaissance des littératures orientales
s'est souvent manifestée dans les renseignements et les conseils qu'il a donnés
•à d'autres. Bien qu'il ne parlât pas le chinois et ne fût pas chargé de l'en-

seigner, je ne crois pas que personne en Allemagne ait compris les textes
chinois, surtout ceux du chinois bouddhique, avec plus de sûreté que lui.
Mais sa conscience même l'a fait parfois tarder à publier des travaux im-
portants qui pratiquement étaient prêts; il faut espérer en particulier qu'un
de ses héritiers scientifiques, M. Lenz par exemple, fera paraître prochaine-
ment la liasse considérable de ses déchiffrements sogdiens.
F. W. Iv. Mûller avait été élu à l'Académie des Sciences de Berlin assez
peu de temps après la publication des Handschriften-Reste de 1904 2). En 1913,
il fut gravement malade et dut subir la trépanation. Ses toutes dernières

1) Ily faut ajouter maintenant: 1° Eine soglidisclie Inschrift in Ladakh {Sitz. d.


Fr. Aie. d. IF., 1925, 371 — 372; 2° Reste einer soglidischen TJebersetzvng des Padma-
ciniTimaiji-dltarani-sTdra (ibid, 1926, 2—8); 3° Ein uigurisch-lamaistiselies Zauberritual
ans den Turfanfunden {ibid., 1928, 381 — 386).
2) La date n'est pas indiquée dans la notice de MM. Fr. "Weller et Br. Schindler
à'Asia Major, II, vu—x, mais je crois Lien que cette élection se place entre 1904 et 1907.
NÉCROLOGIE. 241

années furent assombries par la mort de sa femme, jusqu'à l'attaque qui le


laissa inconscient et l'emporta au bout de quelques jours. Le grand public
ignorait son nom; peu d'hommes cependant ont mieux mérité des études
auxquelles ils se sont dévoués.
Paul Pelliot.

Albert von LE COQ.


C'est avec une profonde tristesse que j'ai appris la mort de mon vieil
ami von LE COQ, survenue à Berlin le 21 avril 1980. Sa santé donnait des
inquiétudes depuis quelques années, mais il avait tant de vitalité, de volonté
aussi, qu'il avait surmonté jusque-là toutes les crises. En 1925, alors qu'il
avait dû renoncer à paraître au Musée pendant plusieurs mois, je me rap-
pelle comment je suis venu l'y trouver un matin, et lui qui, depuis des mois,
tenait à peine sur ses jambes, était si heureux de me montrer ses salles et
leurs collections magnifiques que, malgré mes instances, il resta debout avec
moi plusieurs heures; l'enthousiasme que lui inspirait son oeuvre l'avait remis
sur pied, et pour de bon.
Albert von Le Coq est né à Berlin le 8 septembre 1860, dans une famille
commerçante de descendance huguenote qui n'avait pas oublié ses origines;
von Le Coq, bon Allemand, avait le sens et le goût des choses de France ;
quand il vint à Paris il y a trois ans, un concours de circonstances défavo-
rables l'empêcha seul d'aller du côté de Bondy visiter le coin d'où la révo-
cation de l'édit de Nantes avait chassé ses aieux. Avec de pareilles traditions
familiales, on ne s'étonnera pas que, jeune garçon, il ait été mis au "Gym-
nase français" de Berlin, où il eut pour condisciple plus jeune son futur
collègue et ami F. W. K. Mùller. 11 passa de là au Gymnase de Darmstadt,
qu'un incident lui fit quitter avant la fin des études. Entré dans les affaires,
il partit en 1881 pour l'Angleterre, puis pour l'Amérique, d'où il revint en 1887
....docteur en médecine de Louisville. Associé delà firme A. von Le Coq
de Darmstadt, il vendit son affaire en 1900 et alla se fixer à Berlin. C'est
alors seulement, à 40 ans, qu'il débuta dans la vie scientifique où il devait
si bien réussir.
Sitôt libre, il entra comme volontaire à la section africano-océanienne
du Muséum fur Vôlkerkunde, et commença en même temps, au Seminar fur
orientaliscbe Sprachen, l'étude de l'arabe, du turc et du persan. Homme
d'action, il accompagna en 1901—1902 von Luschan à Zenjirli, et y rassembla
les matériaux de ses deux volumes de Kurdische Texte (1903). C'est lui qui
négocia en 1904 l'achat pour le musée de la riche collection gaudharienne
réunie par le Dr Leitner. La même année, il inaugurait la grande oeuvre qui
devait l'occuper jusqu'à sa mort. La première expédition prussienne de Turfan,
avec Grûnwedel et Huth, faisant suite aux sondages de Donner, puis de
Klementz (1898), avait montré en 1902 tout ce que la philologie et l'archéologie
pouvaient attendre d'explorations et de fouilles sérieuses au Turkestan chinois,
en particulier dans la région de Turfan. Le Coq fut désigné à la fin de 1904
pour diriger la seconde expédition. Ptejoint par Grûnwedel en décembre 1905,
242 NÉCROLOGIE.

il resta sous ses ordres dans la troisième expédition jusqu'en juillet 1906,
date à laquelle, malade, il dut quitter le Turkestan chinois. Enfin, de mars
'1913 à mars 1914, il dirigea la quatrième expédition, dont les dernières
caisses franchirent la frontière russo-allemande à la vieille de la déclaration
de guerre.
Ce n'est pas le lieu d'insister sur les trouvailles exceptionnelles faites
par von Le Coq au cours des deux expéditions qu'il a dirigées et de celle à
laquelle il a participé. Dans l'un comme dans l'autre cas, c'est à lui que ces
succès sont dus avant tout; il convient seulement d'associer à son nom celui de
l'excellent technicien Bartus qui fut adjoint aux quatre missions prussiennes
et dont l'habileté permit de ramener à Berlin fresques et statues avec un
minimum de dommage.
De 1906 à 1913, puis surtout après son retour de la quatrième expédition
en 1914, von Le Coq s'attela à une double tâche: l'installation des
collections
au Musée et leur publication. L'installation surtout lui causa de grands soucis.
Des conceptions opposées aux siennes régnaient à ce sujet dans certains milieux
de Berlin, et il fut amené à engager et à soutenir des luttes très vives.
D'autre part, les difficultés de l'après guerre ne laissaient guère l'espoir de
trouvei' les crédits nécessités par la mise en état des objets et l'aménagement
des salles. La persévérance de von Le Coq triompha de tous les obstacles,
et il eut la satisfaction en 1928 de voir ses dernières collections présentées
au public de la manière même qu'il avait souhaitée.
Ce succès était celui de l'homme d'action; l'activité du savant ne lui
céda en rien. Au point de vue philologique, von Le Coq, encouragé par
F. W. K. Mùller, se consacra surtout à la publication de documents turcs
en écriture ouigoure ou manichéenne: le Khuastuanëft ou formulaire de
confession manichéen en 1910—1911, les Manichaica I—III (1911—1922).
Mais il avait aussi recueilli des informations précieuses sur la langue et les
habitudes des gens du Turkestan: de là son livre Volkskundliehes eues Ost-
Turkistan (1916), et une série d'articles qui ont paru principalement dans le
Beiessler-Archiv, en particulier les Sprichwôrter unel Lieeler eius eler Gegenel
von Turfan (1910) et les Bemerkungen i'iber Liirkische Fedknerei (1913).
L'archéologie marcha de front: ce fut d'abord l'imposant et somptueux
Chotscho (1913), puis, de 1922 à 1928, les six volumes Die budelhistische
Spàlaniike in Miitelnsien. Un Bilderatlas zur Kunst unel Geschichte Mittel-
asiens parut en 1925; le récit de voyage des deuxième et troisième expédi-
tions fait le sujet de Auf Hellas Spuren in Ost-Turkistein (1926); à la
quatrième expédition est consacré Von Land tend Leuten in Ostturkistan
(1928). Le titre même à?Auf Helleis Spuren s'inspire d'une thèse chère à
von Le Coq, celle de la dépendance foncière de l'art chinois envers l'art grec.
Il en était si convaincu qu'il avait accueilli sans défaveur les rêveries récentes
qui, en Allemagne et en France, ont voulu nier l'existence de bronzes chinois
antérieurs aux Han. Pour lui, le prototype du dragon chinois était à chercher
dans l'Orient hellénisé. Beaucoup d'entre nous, et il le savait, se refusaient
a le suivre dans cette voie, mais ses remarques mêmes soulignent la corn-
NECROLOGIE. 243

plexité des problèmes et font toucher du doigt la précarité de bien des


opinions traditionnellement admises sans grand examen. Sa dernière oeuvre
est un manuel descriptif de ses collections, que le Musée lui avait demandé;
il en remit peu avant sa mort le manuscrit qui doit être publié très pro-
chainement.
Von Le Coq était venu à la science avec un grand désintéressement.
Ce chef d'expédition ne compta longtemps au Muséum fur Vôlkerkunde que
comme volontaire, puis reçut une solde dérisoire d'attaché. Enfin, le 1er mars
1914, au retour de la quatrième expédition, il fut nommé conservateur adjoint.
La guerre lui prit son fils unique; l'après guerre le laissa ruiné. En octobre
1925, il avait atteint la limite d'âge. Bien qu'on l'eût nommé conservateur
du département hindou en 1923, son peu d'ancienneté ne lui valut qu'une
pension misérable; il avait d'ailleurs à achever l'installation de ses salles,
et, malgré une santé déjà chancelante, il continua de travailler au Musée
avec un salaire mensuel. A la fin de mars 1930, il m'annonçait comme imminente
sa retraite définitive. C'est la dernière lettre que j'aie reçue de lui. Ou plutôt,
je me trompe. Quand von Le Coq sentit approcher l'heure de la séparation
suprême, il acheta des enveloppes de deuil à l'insu de sa femme, et nous,
ses amis, avons reçu les lettres de faire-part dont l'adresse est écrite de sa
propre main !).
P. Pelliot.

A. H. FRAITCKE.
A. H. FRANCKK, qui est mort il y a quelques mois, avait été pendant de
longues années missionnaire des Frères moraves à Khalatse (Ladakh); la
guerre l'avait ramené à Berlin, où on l'avait nommé professeur; c'était un
des meilleurs connaisseurs du Tibet et des Tibétains. Outre des articles
dans Vlndian Antiquary et VEpigraphia Indica, ses principales publications,
avant son retour en Allemagne, sont Der Frùhlings- und Wintermythus der
Kesarsage (MSFO, XV [1902]) ; A lower Ladakhi version of tlie Kesar-saga
(Bibliotheca Indica, 1909); A History of Western Tibet (Londres, 1907, in-12) ;
des articles dans JBAS sur trois noms de pays dans les Mémoires de Hiuan-
tsang (1908 et 1910), sur le sceau du Dalai-lama (1910, 1911, 1912), sur Om
manipadme hûm (1915), et surtout sur les documents tibétains rapportés du
Turkestan chinois par Sir A. Stein (1914); à ce dernier travail se rattachent
les appendices.dûs à Francke dans Serindia et dans Innermost Asia.

1) J'ai utilisé dans la présente notice un article nécrologique que M. E. Waldschmidt


a rédigé pour les Berichte ans den Staatlichen Museen et dont
il a en l'amabilité de me
communiquer une épreuve. Je n'ai pas cherché à donner une bibliographie complète de
•von Le Coq, car je suppose qu'on
Ta trouvera dans la Festsc/irift qu'on devait lui dédier
cette année et qui ne sera plus qu'un hommage posthume. Voir aussi Orient. Lileraiur-
zeitung, 1930, .395—398, et l'article de E. Haenisch dans les Leipziger Nercsten Nach-
i-ichten du 1er mai 1930, reproduit dans le n° 43 (juillet 1930) des Litterae orientales
de Harrassowitz.
244 NÉCROLOGIE.

Al'instigation de Sir John Marshall, Francke avait également entrepris


une enquête archéologique et historique au Ladakh ; les résultats en ont été
consignés dans les deux volumes Antiquities of Indian Tibet (Arch. Survey of
India, N.I.S., vol. 38 et 50); le premier, d'un caractère plus personnel, est
de 1914; le second, consacré aux chroniques du Ladakh, a paru en 1926,
sous la direction de M. F. AV. Thomas.
En 1923, Francke a donné à la ZDMG une étude Zur libelischen Vetâla-
pancaviméatikâ (Siddhikiïr). Dans Asia Major, vol. I, III, IV et V (1924—1928),
il a édité et traduit les livres 1 à 6 du gZer-myig, A Booli of the Tibelan
Bonpos, en même temps qu'il faisait paraître, dans le t. II, des Wa-Tsei-Sgruûs
Fuchsgeschichten, erzàhlt von Dknn-mchog-bkra-shis, ans Kha-la-tsc. Enfin,
dans les Sitzungsberichte de l'Académie de Berlin, Francke a publié en 1924,
1925 et 1928 cinq articles, dont un sur des Felseninschrif/en in Ladakh et
les quatre autres sur d'anciens documents tibétains trouvés au Turkestao chinois
par les missions allemandes et anglaises. Une nouvelle édition de la Tibetan
grammar de Jàschke, avec des Addenda par A. H. Francke, a été publiée par
les soins de M. W. Simon en 1929.
Francke n'avait pas un tempérament de grand philologue, et il laisse
dans l'ombre bien des questions qu'on se fût attendu à le voir aborder;
c'est ainsi qu'il a édité et traduit le gZer-rnyig sans un mot d'introduction
ou d'explication. Mais on lui doit de bonnes enquêtes sur place, des publi-
cations de textes et la première mise en oeuvre d'une partie des riches ma-
tériaux tibétains recueillis par Sir A. Stem. Pour un homme qui n'avait pas
fait de la philologie le but principal de sa vie, c'est déjà fort beau.
P. Pelliot.

Jôrg TRÙENEH,.
Le Dr Jorg TRÛBNER a été enlevé par une maladie brutale en pleine jeunesse,
le 7 février 1930, alors qu'il voyageait en Chine depuis neuf mois comme associé
de son beau-frère l'antiquaire de Berlin Edgar WORCH. Trûbner, qui n'avait
quitté l'Université que depuis quelques années, avait déjà fait preuve d'un
goût très sûr, et en 1928 en particulier avait acquis plusieurs bronzes d'une
qualité exceptionnelle. En 1929, il avait publié chez Klinkhardt et Biermann
un livre Yu und Kuang, in-4 de 32 pages et 64 planches, qui était déjà une
contribution importante à la typologie des bronzes chinois anciens.
P. Pelliot.

Heinrieh GLUCK.
Heinrich GLUCK a été enlevé le 24 juin 1930; il n'avait que 40 ans.
Professeur et conservateur de musée, il appartenait au groupe viennois qui
doit beaucoup de son inspiration à M. Joseph Strzygowski. Ses publications
se rapportent principalement à l'architecture, la sculpture et la peinture de
l'Asie antérieure; il s'est occupé, en particulier, du problème de la voûte,
et il a publié en 1923 Die chrislliche Kunst des Ostens dans la série Die
Kunst des Ostens. Mais on sait toute l'importance que l'école de Strzyo-owski
NÉCROLOGIE. 245

attache à l'art, du Nord de l'Asie. Gluck lie l'a pas négligé, et il a tenté de
retirer aux-Scythes le caractère iranien qu'on en était venu à leur reconnaître
généralement, pour reprendre la vieille théorie qui voyait en eux des Turcs.
De tout ce qu'il a écrit, ce qui nous intéresse ici plus directement est son
article Die EntwicklungsgeschichtlicheStellung des Grabmales des lluo Kiu-ping,
paru dans Artibus Asiate en 1927 (pp. 29—41). Gluck tente de montrer que
ce tombeau, avec son tumulus et le groupe principal du cheval debout et du
guerrier renversé entre ses jambes, dérive des kurgan {qoryan) des peuples
nomades de la Mongolie, de la Sibérie et de la Russie méridionale, lesquels
kurgan sont aussi l'aboutissement du prototype de tombe nomade qui a passé
en Arménie, en Asie Mineure, et jusque dans l'Afrique berbère. M. Strz3rgowski.
renvoyant à l'artikle de Gluck, se demande même (Asiens bildende Kunst,
1930, 269) "si les pyramides d'Egypte ne sont pas déjà des imitations de
semblables tertres, et par suite la transposition en grand art d'une forme
populaire asiatique beaucoup plus ancienne". Je ne doute pas, moi non plus, du
rapport qu'il faut établir entre le tombeau de Houo K'iu-ping et les habitudes
funéraires des nomades; par ailleurs, ce n'est ni le moment ni le lieu de
formuler les réserves que j'aurais à faire sur le détail de l'argumentation et
sur une théorie dont les généralisations et les excommunications me semblent
abusives; j'y reviendrai à un autre propos, et je ne veux aujourd'hui que
déplorer la disparition prématurée d'un savant consciencieux qui était en
même temps un homme de goût.
Paul Pelliot.

Alfred DIRE,.
Alfred DIRE,, qui est mort récemment, avait passé un certain temps à
Paris il y a trente-cinq ans; c'est alors que je l'ai rencontré et ce Bavarois
était déjà étonnamment polyglotte. Bientôt il publia dans la collection Hart-
leben une grammaire annamite, une grammaire de l'arabe vulgaire, et même
une Panstenographie. Plus personnelle est, dans la même collection, sa
Theoretiseh-praktische Grammatik der modernen georgischen (grusinischen)
Sprache; il était là sur le domaine où il devait enfin se fixer. De Tiflis où
il résidait, il voyagea dans tout le Caucase, étudiant infatigablement les
langues si diverses des montagnards. Il les a décrites dans des travaux
nombreux, en même temps qu'il éditait des manuels écrits dans ces langues
à l'usage des écoles. En 1924, il avait fondé au Verlag der Asia Major la
revue Caucasica, et y a publié en 1928 son Einfùhrung in das Studium der
Kaukasischen Sprachen. Je n'ai connu qu'Edouard Huber qui pût accumuler
les idiomes et en tirer profit au point de vue scientifique comme Alfred Dirr.
Paul Pelliot.

Frédéric COURTOIS, S. J.
Le Père Frédéric COURTOIS, S. J., de son nom chinois
^ ^
jj^ Po
ïong-nien, est mort en voyage, à Hai-tcheou, le 21 septembre 1929. Né à
Châtelliers-Notre-Dame le 25 octobre 1860, entré dans la Compagnie de Jésus
246 NÉCROLOGIE.

en septembre 1890, il était arrivé en Chine en 1903. Naturaliste, il était à


sa mort directeur du Musée d'histoire naturelle de Zi-ka-wei. Cette forme
de son activité échappe à notre appréciation, mais il convient de rappeler
ici qu'il avait réuni, sur les nattes, les fourrures et les soieries, des notes
qui ont été publiées comme appendices du livre du P. Simon KIONG, Quelques
mots sur la politesse chinoise (Variétés sinologiques, nn 25, Changhai, 1906),
aux pp. 92—109.
P. Pelliot.

Mathias TCHA1TO, S. J.
Le P. Mathias TOHANG, né le 24 février 1852, était entré dans la Com-
pagnie de Jésus le 1er septembre 1893. D'abord missionnaire, puis attaché à
l'orphelinat de T'ou-se-wé, il est mort le 3 mai 1929. Tous les sinologues
connaissent son nom, à raison de son abondante collaboration aux Variétés
Sinologiques où il a donné en 1905 ses très utiles Synclironisrn.es chinois ')
et, en 1909, le Tombeau des Liang. ire partie, Siao Choen-tche (la suite n'a
jamais paru). Dans la même collection, il avait joint un appendice de Biblio-
graphie aux Quelques mots sur la folitesse chinoise du P. Simon Kiong, et
publié en 1914, en collaboration avec le P. de Prunelé, une monographie
consacrée à un peintre chinois devenu Jésuite, Le Père Simon A. Cunha (Ou
Li Yu-chan) _^L g|J/gj |Jj
(1631-1718).
P. Pelliot.

1) Un extrait des Sijnchronismes avait paru dès 1901 dans BEFEO, I, 312—321,
sous le titre de Tableau des souverains du JSan-ichao.
SUR LA LÉGENDE D'UTOZ-KHAN
EN ÉCRITURE OUIGOURE
PAR

PAUL PELLIOT.

[Dr. RIZA NOUR y Us., Oughouz-namé, épopée turque, trans-


cription en lettres phonétiques, notes, traduction française, texte en
turc de Turquie, facsimilé, Alexandrie, Soc. de public, égyptiennes,
mai 1928, in-8, 64 pages et 4 planches; 20 francs.]

La riche bibliothèque de Charles Schefer renfermait un manuscrit


incomplet de 21 feuillets (42 pages), en écriture ouigoure, qui con-
tenait l'histoire légendaire d'Uyuz-khan, ancêtre éponyme des Turcs
UVuz; ce manuscrit est aujourd'hui à la Bibliothèque Nationale,
Suppl* turc, 1001 x); Radiov a donné le facsimilé de huit pages en

1) Le manuscrit, incomplet, n'a pas de titre; celui &TJyuz-namah adopté par le


Dr Riza Nour. est commode, mais arbitraire ; l'Uyuz-nâmâk dont le Dr R. N. signale des
mentions (pp. 5—6) semble différent du présent ouvrage, comme d'ailleurs le Dr R. N.
le dit lui-même. Dans son Cat. de la coll. de mss. orient, arabes, persans et turcs formée
par M. Oh. Schefer (Paris, 1900, in-8, p. 151), M. E. Blochet a décrit le mss. comme
suit: "Livre d'Oghonz en turc oriental écrit en caractères ouigours ou mongols; frag-
ment dans lequel se trouve exposée la descendance d'Oughouz, le nom de ses fils et
petit-fils et l'invention de leurs armoiries. XVIe siècle. 21 feuillets. 19 sur 13 centimètres."
Si M. Blochet, à défaut du mss. lui-même, avait lu le déchiffrement et la traduction qui
en ont été publiés par Radlov en 1891, il aurait pu donner une analyse moins erronée;
le mss. ne nomme aucun petit-fils d'Uyuz khan, et il n'est question d'armoiries nulle
part. Pour ce qui -est de la date du mss., j'en parlerai à la fin du présent travail.
17
248 PAUL PELLIOT.

1890 puis une transcription ouigoure et une traduction allemande


x),

complètes des 42 pages en 1891 2); une version russe de 1893 est
entièrement conforme à la traduction allemande de 1891 ").
Le Dr Riza Nour a connu ces travaux de Radlov, mais a estimé
à bon droit qu'ils laissaient encore beaucoup à faire. La transcription
de Radlov en caractères ouigours n'est pas toujours fidèle; sa tra-
duction, souvent assez libre, est dépourvue de notes. On ne peut
donc que savoir gré au D 1' Riza Nour d'avoir appelé à nouveau
l'attention sur ce monument fort intéressant et assez énigmatique.
Enigmatique, il le demeure même après la nouvelle publication.
L'éditeur y voit le plus ancien monument de la littérature turque,
ce qui paraît bien exagéré. Je tiens au contraire le tout pour de
date assez basse, mais, avant d'en indiquer quelques raisons, et
sans prétendre à donner ici plus que des notes qui pourront servir
à l'édition définitive du texte4), je voudrais préciser ou rectifier
dans bien des passages les versions de Radlov et du Dl Riza JSTour ;
il sera plus facile de dégager ensuite certaines conclusions.

1) Eudatku Bilik, Facsitn.ile der uigur. Handschrift der K.K. Hofbibliothek in Wien,
S* Pétersbourg, 1890, in-fol, xm -)- 200 pages.
2) Das Eudatku bilik des Jusuf Chass-Hadsehib ans Bàlasagun, lre partie, S' Péters-
bourg, 1891, in-fol., aux pages x—xm et 232—244.
3) K roprosu ob TJïgurakh, suppP au t. 72 des Zapiski de l'Ac. des Se. de S1 Péters-
bourg, n° 2 [1893], aux pages 21 — 28.
4) Il faudrait, avant de l'entreprendre, refaire minutieusement d'après l'original tout
le déchiffrement; les facsimilés publiés ne sont que partiels et trop indistincts pour per-
mettre dans bien des cas les vérifications. Naturellement cette édition définitive, basée
sur un manuscrit que je tiens pour tardif et qui est en tout cas très fautif, demandera
à l'éditeur de longues discussions, et le résultat sera toujours dans une certaine mesure
un compromis entre les leçons incorrectes et incohérentes du manuscrit et ce que la
linguistique turque paraîtra imposer. Dans une écriture' qui ne distingue pas entre -q-,
-y- et -'-, entre t et d, entre -s- et -z-, entre -a, -s et -z, entre o, ô, u, il, et qui con-
fond en outre constamment a («) avec ï (?'), il est bien évident qu'il ne peut s'agir d'nn
déchiffrement et d'une transcription en quelque sorte mécaniques. En ce qui concerne
mes remarques, bien que la plupart m'aient été suggérées par la simple lecture des dé-
chiffrements de Radlov et de M. Riza Nour, je me suis reporté au manuscrit dans tous
les cas.
SÛR LA LÉGENDE D'UrUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 249

I, 1—2: ....bolsun-yïl tâp tâdilàr. Anung angyu-su usbu turur,


"....qu'il soit...., dirent-ils. Yoici son image". Tout ce qui précède
manque; nous n'avons que le verbe final à l'impératif. Mais l'"image"
annoncée par une phrase du texte (laquelle est simplement ici la
légende de la miniature) représente un boeuf. Un boeuf intervenait
donc à ce moment, qui est celui de la conception d'LVuz-khan.
Si nous remarquons qu'ensuite, dans II, 3, la description physique
d'Uyuz brusquement adulte commence par nous apprendre qu'il
avait les pieds d'un boeuf, il ne sera pas interdit de supposer que
la légende n'attribuait pas au boeuf, dans les origines d'LVuz-khan,
un rôle purement épisodique. Le mot que tout le monde a traduit
par "image", "portrait", est nouveau. Radlov l'a introduit dans
son dictionnaire (I, 186), d'après ce texte-ci, sous la forme anu (angu),
qui est fausse; le manuscrit écrit une fois angayu (I, 1), une autre
anguyu (VI, 3; très lisible comme on peut le voir sur la planche
de M. R. ÏT.) ; il s'agit évidemment d'un substantif verbal en -yu:
et la forme correcte semble être angyu nettement donné dans Y, 8
(de a?ig-, "se rappeler"?; cf. aussi angar- et angïl- d'Ibn Muhannâ,
dans Zap. Koll. Vost., III, 230).

I, 3—4: Aï-qayan-nung kôzil yarap butadï; erkàk oyul toyurdï.


Le mss. a sûrement yarap, mais ce peut être une faute. M. R. N.
a lu yarïp et compris: "Les yeux de la reine Aï lui firent mal;
elle a enfanté; elle a mis au monde un enfant mâle". En note,
M. R. dit que yar'i- est équivalant à l'actuel ayrï-, "avoir mal";
1ST.

il ajoute que, de nos jours encore, la sensation de douleur aux


yeux est considérée comme un des signes de la grossesse et que
par exemple, en osmanli, ilk gôz ayrïsï, "la première douleur des
yeux", signifie "la première grossesse". Par contre Radlov a lu
yarup, et traduit par "ont brillé"; deux fois par la suite le manuscrit
emploie, à propos de femmes enceintes qui vont accoucher, le seul
250 PAUL PELLIOT.

mot yarudï (VIII, 3, et X, 4); dans les deux cas, Radlov a ajouté
kôzi devant yarudï et traduit à nouveau par "ses yeux ont brillé";
M. R. N. a adopté l'addition de Radlov, mais traduit à nouveau

par "ses yeux lui firent mal". Mais il me paraît impossible de


ramener phonétiquement y ara-, y art- ou yaru- à ayrï-; par ailleurs
il ne va de soi ni que des "yeux qui brillent" soient un indice
suffisant d'un accouchement prochain, ni qu'on ait le droit d'ajouter
arbitrairement deux fois kôzi (on attendrait d'ailleurs plutôt kôzii)
devant yarudï. On pourrait lire naturellement aussi bien ydrdp,
ycirip ou yàriip que yarap, yarïp ou yarup, puisque l'écriture ne
distingue pas entre ces formes. Il y a un verbe yâr- et yari-, qui
signifie "avoir du dégoût pour", et dont le substantif dérivé yàrik
désigne les dégoûts alimentaires d'une femme enceinte. A moins
d'une image spéciale et attestée ailleurs qui donnerait à yaru-,
"briller", le sens secondaire d'"accoucher", une explication par
yclri-, sans être bien probable, n'est peut-être pas exclue -1). Quant
au reste de ce membre de phrase, il demeure obscur. La lacune
qui précède ne permet pas d'expliquer pourquoi une femme porte
le titre de qayan et non de qatun; il est toutefois vraisemblable
que qayan (= qahtn) soit écrit ici de façon archaïsante pour qan,
"khan", et que ce titre soit employé ici à propos d'une femme

1) M. Deny nie dit qu'il existe en osmanli une expression gbzuîi did'in (olsun),
"que ton oeil soit lumineux", pour annoncer à un père qu'il lui est né un fils (non
une fille). Dans notre texte, les yeux brillants paraissent indiquer un accouchement
seulement prochain, et en tout cas la comparaison des trois passages implique "bien qu'il
s'agisse des yeux de la mère et non de ceux du père. Mais il n'est pas impossible qu'il
y ait cependant quelque analogie entre les deux expressions ; peut-être considérait-on
l'éclat des yeux de la femme au terme de sa grossesse comme l'indice qu'elle allait
mettre au monde un enfant mâle. Pour un autre cas d'hésitation possible entre yiïr- (yari-)
et yaru-, encore que là aussi yaru- soit vraisemblablement la leçon correcte, cf. J. Deny,
A propos d'un traité de morale turc, dans Rev. du monde musulman, 1925, p. 203. En
faveur de l'explication par yaru- dans notre texte, on pourrait encore faire valoir
secondairement que, d'après Kiïsyarî, yaru-, accompagné de yasu-, signifie "se réjouir"
(yarudï yasudï; cf. Deny, ibid., 203; Brockelmann, 80; la traduction de Malov, Zap.
Koll. Vostolcov., III, 245, par "s'éloigner", "se cacher", repose sur quelque méprise).
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 251

selon le même usage d'où est sorti le titre de hânïm A~> pour les
princesses et les dames des Turcs de Crimée et du monde osmanli.
Eeste enfin le mot "butadV. Contrairement à l'usage de l'écriture
ouigoure ancienne, le manuscrit ne note pas la mouillure des voyelles
labiales en première syllabe (sauf dans deux cas que je discuterai
plus loin); on peut donc lire indifféremment butciclï ou butadi.
RadloY n'a pas tenu compte du mot dans sa traduction. M. R. K
a lu butadi et a traduit par "elle a enfanté", ajoutant en note que
buta signifie "enfant" et buta- "enfanter"; ces sens me sont incon-
nus (bota signifie un "jeune chameau"; buta- signifie "se ramifier";
pour un sens douteux du causatif butât-, voir T'oung Pao, 1914,
230; cf. en dernier lieu Brockelmann, Mittelturhischer Wortschatz
nach Mahmnd al-Kâh/arts Divan luyût at-TurJc, Budapest et Leipzig,
1928, in-8, p. 45)1). Je n'aboutis à rien de bien précis pour ce
passage et ai voulu seulement en souligner les difficultés.

I, 5: osol oyul-nung ônglûgi cïrayï 2) kôk erdi; "la couleur du


visage de ce garçon était bleue" (Biza JSTour); "le visage de ce
garçon était bleu" (Badlov). En note, M. R. ]ST. dit que ônglilg est

1) Kâsyarï (Brockelmann, 45) indique, pour "jeune chameau", botu (et une fois botuq) ;
M. Brockelmann a transcrit buta et biduq, mais c'est bota (et non buta) que Radlov
enregistre et que j'ai toujours entendu pour ma part au Turkestan chinois ; bota ne se
confond pas au Turkestan chinois avec buta, "jeune pousse" (surtout attesté dans d'autres
dialectes; mais on trouvera les deux mots côte à côte par exemple dans Shaw, Vocabul., 47).
On a fait état parfois de buta, "enfant", en Jaghatai; cf. par exemple Z. Gombocz, Die
bulgar.-tiirk. Lehnw'orter in der ungar. Sprache, 213; mais c'est sur la foi d'un distique
Jaghatai où, en écriture arabe, on a ^(j-j (cf. Pavet de Courteille, Dict. turc-oriental, 161;
Budagov, I, 272). Vambéry et Budagov ont vocalisé en butam; je puis garantir qu'au
contraire la prononciation du Turkestan chinois est botam, et que c'est là un terme de
caresse pour dire "mon enfant", littéralement "mon petit chameau". C'est vraisemblable-
ment par quelque confusion que ^j'»j botam est en outre donné par Pavet de Courteille
(p. 162) comme un mot indépendant signifiant aussi "jeune chameau". L'emploi hypo-
coristique de bota dans botam a été omis dans le dictionnaire de Radlov.
2) Le manuscrit a en réalité carayï, aussi bien ici que dans XXXIV, 3 ; mais il
n'est pas douteux que cette orthographe soit fautive.
252 PAUL PELLIOT.

formé de ueun" (= ong), "côté droit, ou bdnheur, ou devant", mais


les deux premiers sens sont ceux de ong, non de ong\ ongliig signifie
en principe "qui a une couleur", "qui a la couleur de", mais aussi
"ce qui est en avant", et par suite ici le visage. Reste cïrayï.
dont M. R. X. paraît faire ici un mot signifiant "couleur", encore
que la construction grammaticale ne se prête pas à sa traduction.
Radlov, qui n'a pas tenu compte de cïrayï dans sa traduction, le
fait entrer en ligne de compte dans son Dictionnaire (I, 1207), où
il cite cette phrase de notre texte et la traduit par "Das Antlitz
dièses Knaben war wie eine Fackel". Radlov a donc vu dans cïrayï
la forme possessive de cïray, "lampe", mais, renonçant à faire ad-
mettre qu'un visage pût être "bleu" comme "une lampe", il a sup-
primé le mot "bleu" dans cette seconde traduction. C'était sagesse,
car, dans un autre passage (XXXIY, 3), il est question de gens
dont il est dit que il-kun-lar-i ning onglilgi cïrayï qap qara turur,
et on admettrait difficilement qu'on pût être soit "bleu", soit "tout
noir", mais toujours "comme une lampe". En réalité, nous avons
affaire dans les deux cas à une expression double dont les deux
termes, synonymes, ont tous deux la forme possessive de la troisième
personne, et cïrayï n'est pas la forme possessive de cïray. mais de
cïrm\ "visage"; Cette forme est d'ailleurs intéressante. On sait que,
malgré notre indication usuelle d'une voyelle finale dans un mot
comme cïra)\ son dernier élément est en réalité une semi-voyelle
(que j'ai proposé autrefois de rendre par -y)] c'est pourquoi la
forme possessive n'en est pas *cïraï + s)\ mais cïray -\- 7, donc cïrayï.
Mais, dans les prononciations de nombreux dialectes turcs et mongols,
les semi-voyelles intervocaliqu.es, et les sonores intervocaliques deve-
nues spirantes, tendaient à passer à un simple hiatus que, dès le
XIIIe siècle, l'écriture ouigouro-mongole, pour le mongol, rendait
régulièrement par un -y- pris en valeur de -'-; je considère que
c'est le même cas ici en turc et que cïray:i\ dans les deux passages,
SUR LÀ LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITDUE OUIGOURE. 253

représente cïra'ï <( cïrayï ; nous verrons plus loin un autre exemple
aussi net avec le mot signifiant "eau". Sur cïraï, cf. W. Bang,
Tiïrk. Lehngut im Mandschurischen {JJncjar., Jahrbûcher, IV, 18).

I, 6: Kôzlàri al saclarï qaslarï qara erdilclr cirdi, "ses yeux


[étaient] rouge-vif1), ses cheveux et ses sourcils étaient noirs'.'.
M. R. N. a lu le dernier, mot artï, en l'idenfiant à artïq, "ex-
trêmement" 2), et en le'rattachant à la phrase suivante; mais il
n'y a pas de doute qu'il faille voir en cirti (ou àrdi) une légère
variante orthographique à.''erdi; la formule erdilclr erdi revient
constamment dans le texte. Radiov et M. R. N. ont traduit: "Ses
yeux, ses cheveux et ses sourcils étaient noirs", mais c'est laisser
de côté le mot que tous. deux ont lu y al (ou y cil). Le seul mot
auquel on pourrait songer, y al, "crinière", ne se dit que des animaux,
et d'ailleurs le présent manuscrit l'écrit toujours cal = jal (je re-
viendrai plus loin sur ces prononciations). Et surtout, comme on
peut le voir sur la planche où M. R. !N". a donné le facsimilé de
ce premier feuillet et comme l'examen du manuscrit lui-même.le
confirme, le texte porte al et non y al; on hésiterait davantage à
faire dire au texte qu'IJ^uz, donné comme très beau à sa naissance,
et qui avait la bouche rouge-feu et les sourcils et. cheveux noirs,
avait en même temps les yeux "rouge-rubis", si toute sou apparence,
quand après quarante jours il fut devenu adulte, ne devait être
celle d'un homme-bête assez monstrueux 3).

1) Il n'y a pas à s'étonner que le verbe "être", erdi, ne soitpas répété après al;
le texte offre, à deux autres reprises, des énumérations analogues de trois termes et où
le verbe "être" est omis après le second d'entre eux (IX, 3—5; XXVIII, 6—8).
2) Ce dernier mot se rencontre dans II, 1, mais il y est écrit artaq, et non aflïq
comme Radlov et M. R. N. l'ont lu; artaq peut aussi bien représenter la forme ouigoure
arhiq que la forme artïq des autres dialectes.
3) Le mot al, "rouge vif", existe dans la plupart des dialectes turcs, et est attesté
déjà dans le Qutadyti bilig (cf. le dictionnaire de Radlov, I, 350) et chez Kâsyarï
(Brockelmann., p. 6, au sens de "brocart de couleur orange"), mais, pour autant que je
254 PAUL PELL10T.

I, 7—8: yaqsï nabsikilâr-dàn kôrùklùgràk erdi1); "il était plus


beau que les meilleurs" (Radlov); "il était plus beau que les plus
beaux des hommes" (M. R. N.). Le sens est naturellement: "Il
était plus beau que les bons nabsikV\ et nabsiki (= navsiki?) est
simplement le mot ouigour que le vocabulaire sino-ouigour du
Bureau des Interprètes a enregistré sous la forme naivasiki, au sens
de "dieux", "génies" ( jjj$ chen). M. F. "W. K. Mùller (Uigurica II,
83) a considéré naivasiki comme emprunté au moyen persan nëv-
vûyjsëg, "bon génie"; on a en effet vâyjoeg seul en ouigour; aux
exemples que j'en ai donnés dans T'oung Pao, 1914, 255, on peut
ajouter tisi erkàk qut vaksâg-lar de Suvarnaprabhâsa, éd. Radlov
et Malov, 4251— 2; erkak tïsi qut va%seg-lar, ibid., 68420; qutlar
ua%siklar de von Le Coq, Turkische Manichaica aus Chotscho. III,
3411; qut vaksiklar dans W. Bang et À. von Grabain, Tûrk. Turfan-
Texte. III, 20170 et 31 [le "Buddha Wahsëg (?)" indiqué dans la
partie imprimée du dictionnaire ouigour de Radlov, col. 118, est
par contre une mauvaise restitution; il s'agit des 37 buda-baksik,
c'est-à-dire bodhipaksika]. Mais, en fait, je crois qu'il faut retrouver
dans naivasiki, au lieu du moyen persan nëv-vâ%sêg, le sanscrit
naivâsika. Le mot naivosika signifie au propre "qui habite", et dé-
signe par exemple le bhiksu qui "habite" dans un temple; cf. la
Mahâvyutpatti, éd. de Kyoto, n° 8745, et le dictionnaire tibétain
de Sarat Chandra Das, p. 1080 (où naivâlika est à corriger en

sache, n'a pas été signalé dans le turc de l'Orkhon; il existe aussi en mongol et a passé
dans le russe ahj'i. Mais il est également bien connu en persan, écrit \ \ al. M. H. S.
Nyberg (JJ, 1929, I, 295) ramène le persan ni à un ancien iranien *âla-, et ajoute que,
"sans aucun doute", c'est là le même mot que le sanscrit nia, "arsenic" et "fard".
M. Nyberg n'a pas fait allusion à la présence de al dans les langues altaïques, et il est
peut-être allé un peu loin en admettant "sans aucun doute" l'identité du sanscrit nia
et d'une forme iranienne *âla- qui n'est encore qu'une restitution. Je n'en tiens pas
moins ses solutions pour vraisemblables; al {ni) serait alors à joindre aus emprunts
anciens faits par les langues altaïques à l'iranien.
1) Le mss. a fautivement Jcôriïkliïgruk jrdi.
SUR LA LÉGENDE D'uruZ-KI-IAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 255

naivâsika). Mais naivâsika a dû désigner aussi une catégorie d'êtres


divins. Dans le Divyâvadâna, 3904, naivâsika, est employé pour une
divinité qui "habite" dans un arbre. Les naivâsika sont mentionnés
auprès des yaksa et des amanusya dans le Saktisntra (Hoernle,
Manuscript remains, p. 45). Un texte tokliarien nomme côte à côte
les dieux et les naivâsika (cf. H. Lùders, Weitere Beitrâge zur Gesch.
u. Geogr. von Ostturkestan, dans Sitz. d. pr. Ak. d. TT7"., Ph.-hist.
KL, 1930, 30). Je pense que naivâsika avait pris le sens de "divinité
protectrice d'une région" et que c'est dans ce sens là qu'il a passé
en ouigour; c'est là un développement sémantique très naturel si
on se rappelle que nivâsika et nivâsin, "habitant à", étaient fré-
quemment employés, par la force des choses, à propos des divinités
qui habitaient un lieu donné (cf. par exemple le catalogue des yaksa
de la MahâmUynrï dans JA, 1915, I, 53, 57, 58; ou encore Divyâ-
vadâna, 2097—8). Dans le Divyâvadâna (p. 434), il est question du
yaksa Damstrânivasin. M. Przyluski (La lég. de l'empereur Acoka,
305) a interprété ce nom par "celui qui habite près de la dent",
mais en faisant remarquer que VA-yu wang king l'a traduit par
"celui qui garde la dent du Buddha"; le traducteur chinois n'a
probablement tort qu'en apparence, et on saisit là sur le vif la
liaison entre le sens d'"habiter" un lieu et celui de le "protéger";
par ailleurs, je ne veux pas examiner ici si, dans ce nom, damstrâ
signifie une "dent [du Buddha]" quelconque, et ne joue pas le rôle
d'une sorte de nom de lieu rendu célèbre par la relique d'une
dent du Buddha.

I, Uyuz-ni icib: "ayant bu le premier lait". Le mot que


9 :

M. R. N. transcrit ici uyuz signifie le "premier lait après l'accou-


chement". Dans son Dictionnaire, Radlov a donné le mot sous les
formes ayuz (I, 173; osm., ja/.; cf. de même -et ayuz dans Ibn
Muhannâ, éd. Melioranskiï, 069), ûz (kaz. ; mentionné sous I, 173,
256 PAUL PBLLIOT.

mais omis à sa place alphabétique; cf. aussi Budagov, I, 162),


uuntz (krm.; mentionné sous I, 173, mais omis à sa place, alpha-
bétique), uyus (ouig., I, 1620, avec renvoi au présent passage;
lire uyuz), fis (com., I, 1743; le Codex Comanicus, éd. Kuun, p. 131,
a en réalité "ousn pour le persan comme, pour le turc, et ni la
forme ni le sens ne me semblent assurés) ; cf. aussi le mongol
icyuraq ou uyuruq, de même sens, et Poppe, dans Izv. Ak. Nauk,
1927, 1017 1). Ni Radlov ni M. R. JST. n'ont relevé ce qui me paraît
presque évident. S'il est fait mention ici du "premier lait" (uyuz)
que le futur Uyuz-khan boit seul pour ne vouloir ensuite que des
aliments carnés et des boissons fortes, c'est que la légende rattachait
à ce "premier lait" le nom même d'U^uz-khan. Les textes de
Rasïdu-'d-Dïn et d'Abû-'l-Grhazï ont déformé la tradition dans le
sens islamique, mais eux aussi ont gardé le souvenir du lait
qu'U^uz-khan se refusait à prendre, et qui a donc bien dû jouer
un rôle précis dès le récit encore plus ancien qui ne nous est pas
parvenu. M. R. JSL, sans voir l'explication sous-jacente du nom
d'U/uz-khan, lit cependant uyuz pour le "premier lait" et aussi dans
le nom du prince; Radlov adopte uyuz dans le premier cas, "CVuz"
dans le second (Dictionnaire, I, 1017). Il va sans dire que, puisque
LVuz-khan est le souverain éponyme, si on adopte Uyuz-qa^an
comme forme vraiment ancienne, il faudrait également, en principe,
parler des Toquz-U^uz (To/uz^uz), et non des Toquz-O^uz comme
nous le faisions généralement. En abandonnant la forme Oyuz-khan,
je renonce, au moins provisoirement, à une autre explication d'oyuz
que j'avais proposée à titre d'hypothèse dans le T'oung Pao de 1914,

1) L'exemple le plus ancien du mot en turc est fourni par Kasyarï qui écrit .%£[

ayitz, et enregistre aussi l'adjectif <ç_j;iS ayuzluy (cf. Broclcelmann, Mittellirrk. Wort-
schaïz, 5); mais cette orthographe, où le -z ne peut guère être qu'une prononciation
dialectale, n'est pas décisive non plus pour la voyelle initiale soit en turc commun soit
même/jen dialecte ouigour. La question des z en turc ancien devra d'ailleurs être reprise;
cf. provisoirement ma remarque de T'oung Pao, 1929, 215, n. 3 in fine.
SUR LA. LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 257

p. 257, et bien qu'elle ait eu l'approbation de M. Bang (Keleti


Szemle, XVII, 198) et, semble-t-il, de M. Brockelmann (Mittelturk.
Wortschatz, p. 126). Par là même, j'admets également, jusqu'à
preuve contraire, 1° que l'explication du nom d'Uyuz-khan par
"uyu-z", "premier lait", est bien un trait non seulement ancien,
mais primitif, de la légende; 2° que la prononciation uyuz (et non
*oyuz) du mot signifiant "premier lait", qui semble garantie
par
l'ensemble des dialectes turcs et par le mongol, était bien aussi
celle du mot chez les "Toyuzyuz" 1). Tout ceci n'en reste pas moins
assez aléatoire, et Kâs^arï par exemple, qui écrit cvyuz pour "premier
lait", donne ^ÈÎ oyus (ou w/us?) pour "clan", "tribu", et °ik\ O^uz
(ou Uyuz) pour le nom tribal2).

II, 1: yig àt as sonna tilàdi3); "..., ganz allein Fleisch, Speise

1) Il
ne serait plus nécessaire de dénoncer la vieille erreur d'Erdmann {Temudschin
der unerschûtterliche, 88), qui explique Uyuz par ôkûz, "boeuf" (ceci n'a rien à voir avec
le rôle que j'ai prêté au boeuf plus haut), si elle n'avait été reprise par N. A. Aristov
dans la Zivaya Starina, VI (1896), 418—419. Les hypothèses de M. Maksoudoff (JA,
1924, I, 141—148) sur le manque d'autorité du nom des Ouigours (Uïyur), que les
auteurs arabes ignoreraient "jusqu'au XIIIe siècle" et qu'il faudrait toujours remplacer
par Oyuz, sont ruinées, sans qu'il soit besoin d'autres preuves, par la présence du nom
des Uïyur au XIe siècle chez KîHyarï (Brockelmann, Ein mittelturk. Wortschatz, 251).
Je ne puis accorder plus d'autorité à la conclusion de M. Maksoudoff (p. 147) selon
qui "la légende d'Oguz-Khan, père de toute la race turque, s'est formée dans le Turkestan
au VIIIe siècle après le contact des Turcs avec le monde islamique". M. G. Németh,
qui, comme M. Brockelmann, lit O/uz (et non Uyuz) le nom des "Toquz Oyuz", a
expliqué en 1927 oyuz par „fièche" et subsidiairement "tribu" {Symbola grammat. in
honorera Ioannis Bozwadovjski, Cracovie, 1927, in-8, II, 218, article "La provenance du
nom bulgar"), et j'avoue ne pas voir sur quoi M. Németh se base pour attribuer ainsi
à oyuz le sens de oq. Mais, dans un article de 1929 (Magna Uungaria, dans Beiir. zur
Ustor. Geogr. de Hans Mzik, Leipzig et Vienne, 1929, in-8, p. 97), il n'indique pour
oyuz (et oyur) que le sens primitif de "tribu", sans plus rien dire du sens de "flèche"
que lui-même semble donc avoir abandonné.
2) A la rigueur, le rapprochement entre le mot signifiant "petit-lait" et le nom
d'Uyuz-khan, que notre texte me semble bien impliquer, pourrait s'appuyer sur une
analogie phonétique n'allant pas jusqu'à l'identité.
3) Le mss a ici, comme presque toujours, iâlà- au lieu de tila-, et aussi ensuite
.
UUi, "sa langue".
258 PAUL PELLIOT.

und Getrànke forderte er" (Radlov); "il a demandé de quoi manger,


de la viande, des mets et des boissons" (M. R, K). Je ne sais
comment Radlov interprété yig (ou yik, yek, yeg) par "seulement",
a
à moins qu'il n'y ait vu le persan yak, "un". M. R. K dit en
note que yig est l'actuel ayigi'n, "de quoi manger"; ce ne doit pas
être le sens. Dans son dictionnaire (III, 507), Radlov a plus juste-
ment rapproché le présent passage du mot yig, donné par le voca-
bulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes comme signifiant
"cru", et qui correspond à cig d'Ibn Muhannâ (éd. Melioranskiï, 089)
et de l'osmanli, ci de Kazan et des dialectes de l'Altaï, siki du
lrirghiz. On reste évidemment surpris de voir l'enfant, qui, d'après
l'ensemble du passage, doit prendre simplement l'alimentation des
adultes, réclamer de la viande crue, et on comprend que Radlov
ait fait suivre le mot "cru" d'un point d'interrogation en traduisant
la phrase dans son dictionnairel) ; mais il ne faut pas oublier
qu'U/uz-kkan doit avoir eu, dans la légende, des attaches animales
d'un caractère encore indéterminé. Le mot as est le nom ordinaire
des aliments, et plus particulièrement des bouillies, plats de céréales,
etc., parfois accompagnés de morceaux de viande ; dans le vocabulaire
sino-ouigour du Bureau des Interprètes (tout comme dans le voca-
bulaire sino-persan), as est à bon droit rendu par fan, "nour-j^
riture (en général)", "repas", mais au propre "riz cuit". Quant au
mot qui suit as, Radlov et M. R. N". l'ont traduit d'une façon

1) La phrase y est transcrite ijik as surm'd tilâdi, et traduite "er forderte rohes (?)
Fleisch als Speise"; autrement dit, Radlov a oublié ai dans le texte turc, et siïrmiï dans
la traduction. Le vocabulaire turco-arabe étudié par Houtsma (ffin lurkiseh-arabisclies
G-lossar, Leyde, 1894, in-8, p. 72—73) contient une expression 0IjCo>- cikât, "viande
crue". Houtsma y a vu le "turc oriental" cik, "crû", plus une forme de pluriel arabe
ou mongole. Il me paraît bien plus naturel de lire 0j (j)v_>j> cig lit, "viande crue",
0|
correspondant exactement au yig ai de notre texte. On a déjà o — \A^j>
o
yig dt à deux
reprises daus Xâsyarï (I, 283", et III, 1064); je ne sais pourquoi M. Brockelmann
{MiUeWlrlc. Wortschaiz, 55 et 89) lit yig seulement dans le second cas, et transcrit cig
dans le premier.
SUR LÀ LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 259

générale par "boissons"; tous deux y ont été d'ailleurs amenés


par
un autre passage où le mot reparaît (XI, 3), et, comme ici, précédé
de as. M. R. N. dit que Radlov a lu le mot "soyrma"] qu'il vient
vraisemblablement de sor-, "sucer"; que M. Blocliet lui donné
a
comme équivalence probable le mongol "tchurmé", "soupe", actuelle-
ment corba en Anatolie; enfin que lui-même lit "soïrma", "svïrma"
ou usuvïrma,\ dont la dernière prononciation répond bien au
"suvarma" osmanli actuel qui veut dire "abreuver". Tout cela est
assez contradictoire. Il faut d'abord écarter le ciirmà mongol, qui
est une bouillie et non une soupe, et n'a rien à voir avec corba 1).
Le mot osmanli corba a eu en ouigour un correspondant, que le
vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes écrit et transcrit
surba, en le traduisant par ^
t'ang, "soupe", "bouillon"2); mais,
bien que liquide, c'est là un aliment et non pas à proprement parler
une boisson. Par ailleurs sor- ne.peut donner un dérivé soïrma, et
soïrma ne peut avoir rien de commun avec suvar-, lequel est dérivé
de sub, suv, "eau". Quant à Radlov, il a lu non pas toujours
"soyrma" comme le dit M. R. ]ST., mais, au moins à un moment,
sûrmô (cf. supra, 258); seulement, tout en traduisant le mot par
"boisson" dans sa traduction complète du texte ouigour et en le

1) L'histoire de ce mot ciirmà est elle-même obscure; il n'est pas attesté à date
ancienne; nos' dictionnaires l'empruntent aux dictionnaires polyglottes de Pékin. D'après
le Sseu-fi ho-pi wen-Jcien, 27, 86 b, le nom mandchou du ciirmà est sase, son nom chi-
nois est -yy Tjws ho-lo, son nom tibétain est 'jur-bag. Zakharov donne en effet sase en
mandchou, mais d'après les mêmes sources qui ont fourni ciirmà en mongol à Kovalevskiï.
Quant au' chinois lio-lo et au tibétain 'jur-bag, nos dictionnaires ne les ont pas enregistrés,
mais il paraît bien y avoir une parenté phonétique entre 'jur-bag et ciirmà, et comme
bag signifie "farine" en tibétain, il est vraisemblable soit que ciirmà soit dérivé de 'jur-bag,
soit que 'jur-bag soit issu.de ciirmà, mais avec adaptation sémantique.
2) Pour d'autres formes dialectales, cf. le dictionnaire de Radlov, s.v. surpa, suria,
corba, curpa, sorpa, cobra; à IV, 1030, Radlov a vocalisé en sorba la forme du vocabulaire
sino-ouigour, et je suis d'accord que, dans bien des cas, la vocalisation indiquée par les
transcriptions de ce vocabulaire n'est pas impeccable; il ne faudrait pourtant s'en écarter
qu'à bon escient; le vocabulaire sino-ouigour de l'ancienne collection Morrison (aujourd'hui
à la School of Oriental Studies) transcrit également suria.
260 PAUL PELLIOT.

transcrivant siïrmii dans son dictionnaire sous tjik, Radiov a oublié


de le donner à sa place alphabétique. Je n'ai aucun doute qu'il
s'agisse dans notre texte du même mot que les deux vocabulaires
sino-ouigours transcrivent sorma et traduisent par "vin" ( fff tsieou),
et dont je me suis déjà occupé dans T'oung Pao, 1926, 61 — 63.
De même que nous avons ici as à côté de siirmà (ou sorma), le
vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes commence sa
section des aliments par le mot sonna, "vin", suivi du mot as,
"plat de céréales". Toutefois il reste une double anomalie. Dans
un manuscrit ouigour normal, l'orthographe que le manuscrit Schefer
donne par deux fois ne soulèverait pas de difficulté de principe;
elle représenterait régulièrement sorma ou siirmà, la palatalisation
de la voyelle labiale de la première syllabe étant indiquée par le i
subséquent; mais le présent manuscrit, très tardif, offre cette par-
ticularité de ne jamais noter les palatalisations des voyelles labiales,
sauf dans les deux exemples de sorma (ou siirmà) et dans un mot
ilzà que nous verrons plus loin 1). Il n'y a cependant, à mon avis,
qu'à s'incliner devant l'évidence et à admettre ici une survivance
sporadique de l'orthographe ouigoure régulière. L'autre difficulté
provient de la classe du mot: le vocabulaire sino-ouigour du Bureau
des Interprètes donne, en écriture ouigoure, sorma et non sorma.
Mais il arrive à ce vocabulaire d'omettre de marquer la palatali-

1) A vrai dire, je ne suis pas sûr que cette anomalie dans l'orthographe du ma-
nuscrit n'ait pas fait he'siter Radlov et que, secondairement, il n'ait pas en effet transcrit
soir m a comme son déchriffremeDt en ouigour l'avait fait croire à AI. R. N. En effet, il
est bien surprenant qu'il ait oublié le mot à sa place dans son dictionnaire. Or, si on
n'y trouve pas siirmà (ni sorma), on y a (IV, 515) uu mot "soirma", donné en écriture
ouigoure avec la même orthographe que dans notre manuscrit, et traduit par "la viande
des animaux abattus". Aucune référence n'est indiquée, mais je crois bien que l'ortho-
graphe ouigoure est prise à notre texte; Radlov, cherchant une solution qui n'impliquât
pas la notation d'une voyelle labiale palatalisée, aura renoncé tacitement et à sa tra-
duction antérieure de "boisson" et à sa transcription antérieure de siirmà, et, lisant "soirma",
aura expliqué le mot arbitrairement en le rattachant à la racine soi- (soi-), osmanli s'iyïr-,
sir-, "écorcher (un animal)".
SUE. LA LÉGENDE D'UTUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 261

sâtion des voyelles labiales et déjà, dans mon premier article, et


sans connaître alors les passages de la légende d'U/uz-khan, j'avais
hésité entre sorma et sôrmà, malgré le vocabulaire sino-ouigour du
Bureau des Interprètes, parce que les formes que je relevais dans
Ibn-Mubannâ et dans Rasïdu-'d-Dïn me paraissaient plutôt en fa-
veur de sôrmà que de sorma *). Peut-être avons-nous ici un des
rares mots qui ont eu déjà à une époque assez ancienne des formes
des deux classes 2). Outre les exemples que j'ai cités en 1926 et
ceux que fournit le présent texte, il me reste à verser au dossier
un nouvel exemple : le mot apparaît, transcrit j|jf ^
jffii sou-lou-ma
(= surina,peut-être sùrma) dans un texte de 1319 que nous a con-
servé le y£ J&L i=P Yuan tien tchang (22, 68a). Comme on le voit,
le mot avait dû passer en mongol, mais les Chinois ou leurs inter-
prètes sino-mongols le vocalisaient alors en u et non en o.

II, 2: qïrïq, "quarante". En réalité, le mss. écrit toujours qaraq,


ce qui ne paraît pouvoir être à l'origine qu'une faute graphique,
d'ailleurs facile. Quant à la forme qïrïq pour qïrq, elle se rencontre
aussi dans pas mal de dialectes turcs septentrionaux, mais c'est là,
dans notre texte, un exemple entre plusieurs (cf. tarât- pour tart-,
etc.) de la dissociation des groupes consonantiques plutôt qu'une

preuve d'archaïsme; qïrïq n'est ni ouigour, ni kirghiz.

II, 5—6: bïdanï {?)-nung qamayï tûk-tilluklûg erdi; "seine


Weichen waren dicht behaart" (Radlov); "son corps était tout

1) Dans Toung Fao, 1926, 62, n. 1, une double faute d'impression me prête des
formes "sormax, sorma," au lieu de "sorma, sorma".
2) Une dernière solution serait de supposer que notre manuscrit, qui offre quelques
formes aberrantes qu'on a pu considérer comme très archaïques, eût conservé ici une
forme *soïrma ou *suïrma qui serait à l'origine d'un sorma on surma plus tardif;
je n'y incline pas, mais sans l'écarter toutefois absolument; tout ce que je considère
comme certain, c'est l'identité foncière du mot du manuscrit avec sorma {sôrmà) ou
surma (surma), et par suite son sens de "vin".
262 PAUL PELLIOT.

couvert de poils (ou sa tête était couverte de cheveux jusquau


front" (M. R. K). L'emploi conjoint de tùk-tuliik comme une ex-
pression double signifiant "poil" (et qui reçoit ici une seule finale
d'adjectif en -liig pour les deux mots) était déjà connu par le
vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes1); la difficulté
porte sur bïdarii(?)-nung qamayï. Dans son dictionnaire, Radlov a
transcrit la phrase sous qamaq (II, 480) en lisant pidâning (sic) qamayï
tûlc-tûlûldûk ardi, et en répétant sa traduction de 1891; puis, sous
piddn (IV, 1345), il a précisé ce que les "Weichen" (ou "aine")
pouvaient avoir encore d'imprécis en traduisantpidânining (sic) qamayï
par "son mont de Vénus". M. R. IST., ne croyant pas à ce qu'il
appelle la "région hypogastrique" de Radlov, a lu bitàni ou bidàni]
après avoir envisagé une explication par bùtiln, "tout", ou par un.
original supposé *bitani de l'osmanli actuel bain, "cerveau" (cet
original des plus douteux est à la base de la seconde traduction
de M. R. N., celle où il est question du "front") 2), il a finalement
admis que nous avions affaire au mot 0V> badan, "corps", "tronc";
.

c'est ce qui l'a amené à traduire par "tout son corps". Je crois
que le bon sens est ici du côté de M. R. 'N., et que sa traduction
est exacte, mais je doute que badan, mot arabe, doive entrer en
ligne de compte. La seule solution que j'entrevoie est la suivante.
Le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes a pour
ifp chen, "corps", un mot qui est écrit une première fois -budïn,
mais une seconde fois budun\ ce pourrait être là le mot turc
signifiant "corps", non relevé dans le dictionnaire de Radlov, qui

1) Toutefois le vocabulaire du Bureau des Interprètes écrit et transcrit tiïlc-tiïliing;


Radlov a relevé à bon droit cette particularité, mais a eu tort de l'étendre au présent
manuscrit (IV, 1530), alors que lui-même a donné tulc-tulilk dans son édition et que
iiiliik reparaît ensuite seul ici à plusieurs reprises.
2) En réalité l'osmanli bain, "cerveau", est inséparable des autres formes du mot
désignant le cerveau dans les divers dialectes turcs: mayin, mangi, miing, ma; Radlov
renvoie en outre, sous bain, à une forme bayïn qui ne se retrouve pas à sa place
alphabétique.
SUR LA LÉGENDE D'UÏUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 263

a été plus ou moins altéré dans le manuscrit Schefer. Quant à la


forme correcte de ce mot turc signifiant "corps", je suis très hé-
sitant. Le mot budun est bien attesté au sens de „peuple", et dès
les inscriptions de l'Orkhon; un autre mot signifiant "peuple", kûn,
et qu'en ouigour (et en particulier dans notre texte) on ne ren-
contre que dans la combinaison el-kûn, est le représentant turc du
mot qui en mongol est kûmûn, Itiïiin, et là signifie "homme";
peut-être budun a-t-il eu aussi à un moment, en ouigour, le sens
d'"honirue", et par suite de "corps"; c'est très hypothétique, d'au-
tant plus que le vocabulaire sino-ouigour omet parfois de noter la
mouillure des voyelles labiales, si bien qu'une lecture bihdiln ou
même biitiln demeure possible 1).
Pour ce qui est de qamayï, c'est naturellement la forme pos-
sessive de qamay, variante très attestée de qamïy, qamuy, "le tout",
"tout", et on comprend d'autant moins que Radlov s'y soit trompé
qu'on a de même el-kihn-nùng qamayï, "tout le peuple", à la page
XXXII, l2).

1) Ce mot "turc" ludun ou bildiin est peut-être d'ailleurs, dans le vocabulaire sino-
ouigour du Bureau des interprères, un mongolisme. ~& Histoire secrète des Mongols donne
à deux reprises (§ 103 et 200) un mot budun ou hildiin, traduit par A\ pen, "propre",
"personnel" (bv.d?m biiya, "[son] propre corps": budun âjàn, "[son] propre maitre") ; le
manuscrit mongol retrouvé récemment contient le premier passage et transcrit budun (ou
iiililn). Ce mot mongol, aujourd'hui inconnu je crois, ne paraît se confondre ni avec le
turco-mongol biitùn, "entier" (je soupçonne que le mss. retrouvé récemment en Mongolie
vocalise en û par confusion avec biitiln), ni avec le mongol boda (et bodo), "matière',
"chose". Ou bien le budun (ou bildiin) mongol de l'Histoire secrète est emprunté au turc,
et alors nous retrouverons ce mot turc dans le vocabulaire sino-ouigour et dans la légende
d-Uyuz-khan; ou bien le budun {bildiln?) du vocabulaire sino-ouigour est un mongolisme,
et nous admettrons que ce mongolisme se retrouve dans notre texte de la légende
d'Uyuz-.khan ; ce ne serait pas le seul mongolisme qu'elle contiendrait.
2) Qamay, qui n'est pas donné dans le dictionnaire de Radlov, semble être une
forme spécifiquement ouigoure; c'est à peu près la seule qu'on rencontre dans le texte
que j'ai publié dans le T'oung Pao en 1914, et c'est aussi celle qui est usuelle dans
les documents de Tourfan (cf. Radlov et Malov, Uigur. Sprachdenhnaler, 278). Par
"ouigour", j'entends ici le dialecte des Ouigours de Tourfan, et non tous les textes
écrits en écriture ouigoure; c'est ainsi que la forme ordinaire du Qutadyu bilig est
qamuy et non qamay.
18
264 PAUL PELLIOT.

III, 2: hop mùràn-lâr hop ôgûz-làr bar erdi] "il y avait [là]
beaucoup de fleuves et beaucoup de rivières". La traduction ne fait
pas difficulté, mais il importe de remarquer l'emploi dans ce texte
turc, comme un des deux mots désignant les cours d'eau, du mot
mongol mûran] c'est évidemment le mot employé pour un grand
fleuve, puisque c'est celui qui reparaîtra plus loin (XVIII, 5) à
propos de la Volga. Jusqu'ici, muran n'a été signalé dans aucun
dialecte turc, à l'exception du présent texte et du vocabulaire
sino-ouigour du Bureau des Interprètes; ce vocabulaire donne mûr an
pour équivalent du chinois JQL hiang, et ôgûz (transcrit à tort ûhils)
pour équivalent du chinois ^J" ho\ kiang et ho sont les deux mots
chinois désignant des grands fleuves, essentiellement le Tang-tseu-
kiang et le Houang-ho. Le vocabulaire sino-ouigour de la collection
Morrison donne de son côté le mot mûr an comme équivalent du
chinois et, dans un bref itinéraire de Samarkand à Pékin, in-
Ao,

dique Qara-mùràn ("Pleuve JSFoir") comme nom ouigour de la ville


de Lan-tcheou du Kansou, là où on passait le Fleuve Jaune.
Quand, au début du XVe siècle, et précisément à propos de Lan-
tcheou, les envoyés de Sah-rokh, dont les interprètes devaient parler
cependant turc et non mongol, mentionnent eux aussi le Houang-ho
sous le nom de Qara-mùràn1), on peut à la rigueur y voir une
survivance, chez les musulmans du Turkestan russe, d'un nom
remontant à l'époque mongole, mais il est non moins vraisemblable
que ces envoyés aient entendu le nom sur place dans la bouche
de Turcs ouigours de leur temps. L'emploi du mot miiràn est un
précieux indice quant à l'origine et quant à la date de notre texte
relatif à Uyuz-kkan.

III, 4: qa'at bar erdi. Le mot-à-mot


osol orman ic(i)nclà bâclùk bir
est naturellement: "A l'intérieur de cette forêt, il y avait un grand

1) Cf. Quatrenière, dans Not. et JExtr., XIV, V partie, 399.


SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 265

qa,af\ mais la phrase appelle quelques observations. Je n'ai pas


souvenir qu'orman, "forêt", se soit rencontré jusqu'ici dans un texte
spécifiquement ouigour1); mais le mot est en tout cas bien connu;
il reparaît à la rime dans la poésie de XII, 1. Le mot bâdiïk,
"haut", "grand", est attesté sous cette forme dans l'épigraphie de
l'Orkhon, dans le Qutadyu Ulig et dans les textes de Tourfan.
.La difficulté vient de qa'at (écrit ici qaat ou qyt). M. R. rJ. l'a
lu aqïat" et l'a traduit par "bête fauve", en faisant remarquer que
le manuscrit estropie le mot sous les formes les plus variées
ukiat, tikk, ktakk, ndkk, etc."2), et qu'il adopte, à la suite de
Radlov, la forme nettement donnée dans le premier passage (ce
n'est pas bien exact). La traduction de Radlov porte "licorne", et
un dessin du manuscrit représente en effet l'animal comme une
licorne (cf. le facsimilé de la p. YI). M. R. N. dit que, d'après le

1) Dans le Suvarnaprabkasa en ouigour (éd. Radlov et Malov, par exemple 6087 et I 4,


61517, 62321), le mot pour "forêt" (ch. lyfr lin) est arïq ou arïy, qui ne paraît pas
attesté ailleurs dans ce sens. Dans son dictionnaire ouigour, dont l'impression a été
interrompue et qui n'a pas été piublié, Radlov (col. 114—115) a signalé quelques autres
exemples provenant du même ouvrage, et a traduit arïq par "der Wasserlauf, die mit
Bâumen bewaehsene Flussniederung, der Wald in der Niederung", évidemment pour
relier cet arïq à arïq, "canal d'irrigation"; mais rien ne garantit une telle évolution
sémantique. Toujours d'après le SuvarnaprabliUsa, Radlov rend en outre ar'iq simàh [ou
semà/c] liïs yemis par "die Frûchte, die bei den kiinstlichen Wasserlàufen (Bewâsserungs-
graben) wachsen"; mais, comme on peut le voir dans Millier, TJigurica, 271- 2 (la réfé-
rence de Radlov à "Uig. I, 56, 15" est inexacte), ces termes traduisent simplement le
chinois lo] 7M^ 05' -SB- yuau-lin Jcou-ïcouo, "les céréales et fruits des jardins et bois";
dans le Suvariiaprabhasa, 60820, arïq s&mâk traduit le seul mot lin, "forêt". Dans le
fragment bouddhique de Radlov et Malov, Vigur. Spraclidenhnciler, pp. 198—199, il est
question du bodhisattva qui, d'après la traduction, se met "an einem meinen Semek-Orte
nnter einer Weide"; le texte est arïq sàtnàk orun-da s'àgiit alûn-inda. "Meinem" est une
faute d'impression pour "reinem", et, dans le ouigour de ce temps, s'àgiit signifie "arbre"
en général, et non "saule". Mais surtout il est évident qa'ariq n'est pas ici arïy, "pur",
mais qu'il faut adopter le même sens que dans le Suvarnaprabliïisa, "dans un bois, sous
un arbre".
2) Ceci n'est pas absolument d'accord avec les formes que montre par exemple le
facsimilé de la p. vi, 1. 1 et 3, ni avec les relevés de Radlov dont il va être question,
mais on verra que nous pouvons rétablir sûrement la forme que le copiste a altérée.
266 PAUL PELLIOT.

dictionnaire de Radlov, le mot serait emprunté à l'arabe c^bbi qïyat,


dont Radlov n'indique pas le sens et que M. R. N. n'a pas trouvé
en arabe; mais, ajoute M. R. K, il n'y a pas de mot arabe dans
notre texte ]), et "Radloff se sera trompé". Toujours selon M. R. K,
qïat est donné par Pavet de Courteille comme un nom de tribu
ja/ataï, et les "yeux de qïat" sont célébrés dans un poème deLutfï;
qïat, conclut M. R. N., est donc "un animal ou une tribu dont les
membres ont de beaux yeux".
Il s'est produit là certaines confusions. Le dictionnaire de Radlov
qïyat], II, 858), ne donne le nom que comme celui
(s.v. qiyat [=
d'une tribu ùzbek, et son renvoi à un "arabe" qïyat, vraisembla-
blement erroné en effet de quelque manière, ne vise que le nom
de la tribu. Cette forme Qï/at, comme nom de tribu "jayataï",
est à son tour donnée II, 856, où elle est mentionnée à côté des
\jj\Juà Qï>rat. Je soupçonne que cette dernière forme est fautive
pour ol-à-^ et qu'il faut lire "les Qï'at et les Qonyrat". Les
Qonyrat sont une tribu mongole bien connue; quant aux Qïat ou
Qï'at, c'est là le nom de clan qui est donné pour Grengis-kban lui-
même (cf. par exemple à son sujet Abu-'l-Grhazï, trad. Desmaisons,
II, 32) 2).
Ce nom tribal de Qïyat n'a rien à voir avec celui de l'animal,
et il a échappé à M. R. N. que Radlov avait déjà fait le rappro-
chement essentiel en signalant dans son Dictionnaire, s.v. qat (II, 273),
que le "qïat" du manuscrit Scbefer était évidemment le même que
qat, donné par le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes
comme le nom ouigour du J$& $|| k'i-lin, c'est-à-dire de la licorne.
Mais on peut aller plus loin. La plupart des passages du manuscrit

1)J'en suis d'accord, mais c'est condamner l'explication par haclan de M. R. N.


dans II, 5, puisque hadan est arabe.
2) Pour l'association du nom des Qïyat et de celui des Qonyrat, cf.
par exemple
Aristov, dans Zivaya, Starina, 28 [1903], 425.
SUR LA LÉGENDE D'UTUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 267

Schefer supposent un -y- au milieu du mot; certains d'entre


eux
ont un a, et non un i", dans la première syllabe; je ne doute pas
pour ma part que la forme altérée dans le manuscrit soit non pas
"gi'af, mais qayat. Quel est alors le rapport de qayat à qat?
On yerra que le manuscrit Schefer fournit plusieurs exemples de
graphies telles que tayaut pour tam, qayar pour qar, où, de toute
évidence, le -y- intervocalique est, selon l'usage "mongol", à prendre
en valeur non pas de -7-, mais de -'-. Qayat représente donc
qa'at - qaat, et est bien probablement un simple artifice pour noter
une prononciation longue qat. Quant à l'origine de ce mot qat ou qât,
elle est inconnue; malgré "les confusions qui se sont produites parfois
entre les noms du rhinocéros et ceux de la licorne, le sanscrit khadga,
"rhinocéros", semble exclu ici. En tout cas, nous avons ici un nouvel
exemple d'un mot qui n'est connu jusqu'ici que par le vocabulaire
sino-ouigour du Bureau des Interprètes et par le manuscrit Schefer.

III, 6—7: berkâ dmgâk(?)birlâ el-kiln-ni baswp ercli; "mit einem


Saugen vernichtete es die Leute" (Radlov); "elle causait beaucoup
de mal; elle surprenait les gens" (M. R. JST.). Radlov s'est sûrement
trompé quand il a cru que la bête détruisait les gens avec "une
(birgà) aspiration (à.mgàn?y\ et je n'arrive même pas à voir quel
mot-à-mot il a pu faire 1). Radlov lisait à vrai dire àmgàn là où
M. R. JST. lit âmgâk, mais le sens n'en serait pas changé, le verbe
âmgâ- et ses dérivés impliquant toujours l'idée essentielle de
"souffrance". Quant à la forme à adopter ici, àmgàn- n'est connu
que comme racine verbale dérivée et non comme substantif; à la
page XXVII, 1, le mot reparaît, et là Radlov l'a lu àmgàk, tandis
que c'était au tour de M. R. K de donner âmgâ-, mais âmgâ- est
aussi une racine verbale et non un substantif. J'incline à adopter

1) Sa traduction russe de 1893 est plus précise encore: "[La licorne] détruisait les
gens en les aspirant en elle" (vtyagyvaya v sehya).
268 PAUL PELLIOT.

àmgàk dans les deux cas, mais dois faire remarquer que le mss.
final
a la première fois *àmgciz (ou àmgdn si on suppose un n
dont le point a été omis), et la seconde fois cimgci; la double faute
est assez surprenante 1). Bcïrka ou herltii se rencontre déjà peut-être
dans le Qutadyu hilig au sens de "sévère" (cf. le dictionnaire de
Radio v, s.v. -parg ci, IV, 1234), et se rattache assez vraisemblablement
à Ixirh, "solide", et parfois "sévère"; en mongol, bàrkà, sûrement
identique, signifie "difficile", "pénible". El-hiln est composé de el
ou "peuple", "gens soumis", et de Min, "peuple"; j'ai déjà dit
cil,

un mot de cette expression plus haut; elle reparaît souvent dans


le manuscrit Schefer; on la connaît en outre tant par le Qutadyu
hilig que par le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes.
Ici, comme très souvent, le manuscrit écrit yl pour el; c'est le ré-
sultat d'une légère altération graphique qui a écourté, puis supprimé
le trait de Vctlif initial.

III. 7—8: Uyuz-qayan bir iris qayas erdi; "Ugus kagan


MM

war ein heldenmùthiger Kagan" (Radlov); "Oughouz kaghan était


un personnage royal et un héros". M. R. IST. a lu irilc qayan; le
déchiffrement de Radlov porte irin qayan. M. R. N. a fait observer
que la dernière lettre du premier mot n'a pas le point du n, et
que d'ailleurs irin signifie "lèvre", au lieu que c'est "iriîe" qui
signifie "fort, dur et héros". Telles quelles, ces explications ne sont
qu'à moitié satisfaisantes. Radlov n'a pas songé à irin, "lèvre", et
son déchiffrement répond à erin (cirin), qu'il a donné dans son
dictionnaire (I, 768) comme une forme qui, dans le Qutadyu UHg,
est peut-être fautive pour drik; c'est par ailleurs erik (= ccrUc) que
M. R. N. rend à bon droit par "fort, puissant", mais je crois bien

1) Un substantif iimgu, synonyme iïamgiik,lui est adjoint dans un passage ouisour


que cite le dictionnaire ouigour de Radlov, col.
158; mais le sens de la référence indi-
quée m'échappe, et la forme est surprenante; en tout cas, il est graphiquement difficile
de corriger en -û les -à finaux de notre mss.
SUR LA. LÉGENDE D'UTUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 269

qu'aucune des deux leçons n'est juste. Le mot qayan vient de façon
très anormale entre "irik" et Msi, et la traduction même de M. R. N".
trahit cette gaucherie; en outre, si le manuscrit, comme le dit M. R. îsL,
n'a pas le point de Vn sous la dernière lettre àHrin, il n'y en a pas
non plus sous la dernière lettre du prétendu qayan; le texte porte
donc en réalité iriz qayaz (ou iris qayas). Or le vocabulaire sino-
ouigour du Bureau des Interprètes a, pour équivalent du chinois
JUf£ 'lll k'ang-Fai, "généreux", "chevaleresque", "valeureux",
une
expression ouigoure écrite et transcrite iris qayas; je ne connais
pas l'origine de qayas (qayaz), mais peut-être iris est-il ères,
équivalent au terme aras du mongol, mot-à-mot "les mâles" (de
ara, "homme", "mâle"), mais aussi "les braves", et qui a pris en
mongol même la valeur adjective et adverbiale de "brave" et
"bravement". Comme de juste, il y a parenté entre le turc âr,
"homme", "époux", "héros", et le mongol ara qui a exactement
le même sens; et puisque erik dérive de àr, tout comme ciras
(ères, iris) est originairement le pluriel de cira, il y a parenté entre
le irih (erik, ârik) de M. R. et le ciras que je propose, mais
IST.

l'expression toute faite du ouigour tardif de Tourfan, iris qayas (ères


qayas), est celle qu'il faut reconnaître dans le manuscrit Schefer;
on verra plus loin que le mot qayas se retrouve vraisemblablement
aussi, selon moi, dans deux autres passages, XXVII, 2, et XXXVIII, 1.
Cet iris qayas (= ères qayas?) est un nouvel exemple de l'étroite
parenté dialectale qui existe entre le manuscrit Schefer et le voca-
bulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes.

III, 8: Ici et ailleurs, M. R. a lu avla-, "chasser"; le mss.


JST.

a toujours aula-, "chasser", et au, "chasse" (sauf peut-être ab ou av


dans XII, 1). Je ne sais pourquoi le dictionnaire de Radlov n'indique
la forme en ouigour ni sous aula-, ni sous avla-.
270 PAUL PELLIOT.

IV, 3: cubuq, "rameau", "brindille". La forme est connue en


bien des dialectes, en particulier en ja^ataï, mais le vocabulaire
sino-ouigour du Bureau des Interprètes a cïbïq. également très
attesté et qui est la forme de Kâ~S7arî (Brockelmann, 53); cf.
également Deny, Grammaire de la langue turque, p. 125; je signale
cette divergence de vocalisation parce que j'aurai bientôt à l'in-
voquer en cours de discussion. De même le manuscrit Schefer
(II, 5; IV, 6 et 9; V, 9) écrit aduy, "ours", alors que le voca-
bulaire sino-ouigour a adïy, etc.

IV, 4—5: tang ertà cayda, "à l'aube" (mot-à-mot "au moment
du matin-aube"). De même chez Radlov et M. R. X., mais, à
IV, 7—8, où (en dépit de la note de M. R,. X., p. 35) le mss. donne
la même leçon, Radlov a lu tang ertà cïqtï et M. R. X. tang irdi
ciqd'i. De même, dans XVI, 1, et dans XXV, 6, il faut lire tang
ertà bolduq-da. bien que le mss. ait dans le premier cas cang ertà
et dans le second tang erti. Tang ertà, "aube", est une expression
toute faite qui est donnée, entre autres, dans le vocabulaire sino-
ouigour du Bureau des Interprètes.

V, 5, et p. 35 : Le songqar n'est ni un aigle, ni un vautour,


encore moins un griffon (p. 50), mais le gerfaut; on connaît le
grand prix que les nomades attachaient au gerfaut pour la chasse,
et aussi le rôle qu'il a joué dans l'ancienne religion.

V, 9—VI, 21): [qa'at] buyu y[e]di aduy y[e]di, jiïlam ôltiirdi


tàmilr boisa; qa'at-nï songqar y[e]di; y a oqum songqar-nï ôltiirdi
y[à]l boisa] "Meine Lanze hat das Einhorn getôdtet, da sie von
Eisen ist. Der Greier hat das Einhorn gefressen, mein Pfeil und

Je supprime dans ce passage, à l'exception du mot initial, les additions inutiles


1)
dont Radlov l'a encombré dans son déchiffrement.
SUR LÀ LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 271

Bogen haben (den Greier) getôdtet, da sie von Kupfer sind" (Radlov);
"La bête a mangé le cerf et l'ours; ma pique aurait tué la bête
même si elle avait été en fer. Le sounghour a mangé la bête;
mon arc et ma flèche auraient tué le sounghour même si c'était
le vent (ou l'an ou le printemps)" x) (M. R. N.).
Au point de vue morphologique, M. R. K a transcrit jidâm,
mais le mot n'est pas palatalisé (à plusieurs reprises, XI, 9, etc.,
le mss. a une orthographe fautive jada). Le manuscrit rend
par
un même signe le j- répondant dialectalement au turc ordinaire y-,
et le c-. On sait que l'usage mongol est, dans l'écriture ouigouro-
mongole, de réserver au contraire le c- pour le c- véritable, et
d'employer y- à l'initiale à la .fois pour y- et pour J-, convention
regrettable elle aussi, mais qui du moins est conforme à la vérité
étymologique. Je rends donc le c- initial du manuscrit Schefer
tantôt par j-
et tantôt par c-, suivant ' les mots ; M. R. ~E. a fait
de même, mais de façon sporadique et souvent inexacte. Il me
paraît légitime de transcrire tantôt par c- et tantôt par j-, car
même les dialectes turcs qui ont j- là où le turc commun a y-
De prononcent pas en principe ce j- en
c-, sauf de rares dialectes
comme le sor et le sagaï. Les prononciations en j- sont aujourd'hui
caractéristiques du turc de Kazan et des dialectes kirghiz, mais les
vocabulaires sino-ouigours du Bureau des Interprètes et de la col-
lection Morrison en fournissent quelques exemples; j'y vois, en
ouigour tardif, des mongolismes; nous aurons à examiner s'il faut
expliquer par des influences kirghiz ou par des mongolismes leur
présence assez fréquente, mais non constante même pour les mêmes

1) Avant le passage que je cite et qui est un propos d'Uyuz-khan, M. R. N. lui


met aussi dans la bouche ces mots "L'image du sounghour est ceci"; mais je suis d'ac-
cord avec Radlov pour voir là une incise amenée par la place.de la figure du gerfaut
dans le manuscrit; cette légende du dessin ne fait pas partie des paroles d'Uyuz-khan.
272 PAUL PELLIOT.

mots, dans le manuscrit Schefer l). Pour ce qui est particulièrement


de jïda, je n'en connais pas d'exemple sûr en ouigour ancien );
mais les prononciations turques modernes, qui varient dialectalement
entre yïda, jïda et cïda, supposeraient toutes, si le mot existait en
ouigour ancien, yïda. Radlov, à vrai dire, indique cïda (III, 2091)
non seulement pour le sor et le sagaï; comme on l'attend, mais
pour le ouigour. Il ne cite pas de références, mais on peut y sup-
pléer facilement: cïda est la forme donnée pour "lance", en écri-
ture ouigoure et en transcription chinoise, dans le vocabulaire
sino-ouigour du Bureau des Interprètes, que Radlov a dépouillé en.
principe et qu'il cite souvent. Faut-il en conclure que le ouigour
tardif de Tourfan disait vraiment cïda et non jïda? Je ne le crois
pas. Dans bien des cas, les transcriptions phonétiques de ce voca-
bulaire semblent faites automatiquement, et arbitrairement, d'après
l'écriture ouigoure. Nous admettrons donc plutôt que, en ouigour
tardif, on semblait écrire cïda. Mais il en résulte simplement que
les scribes du Bureau des Interprètes ou leurs maîtres de Tourfan
ont suivi au moins une fois, en ouigour tardif, la même convention
que les auteurs du manuscrit Schefer, et employé dans un cas, pour
noter (dans un mot d'emprunt peut-être) le j- que l'ancienne écri-
ture ouigoure ne possédait pas, non pas y- comme les Mongols,
mais c-. L'autre vocabulaire sino-ouigour, celui de la collection

1) Marco Polo me paraît donner une forme turque en j-,


sans que je puisse dire
de quels intermédiaires il la tenait. Le prince Qaïdu, qui résidait surtout à Talas dans
le Turkestan russe, avait une fille que les textes orientaux appellent du nom purement
mongol de Qutulun (-lun est un suffixe mongol des noms propres de femmes) ; mais
Marco Polo a entendu parler d'elle sous l'épithète turque de "Aigiaruc", signifiant
"lune brillante" (cf. Yule et Cordier, Marco Polo3, II, 463, 465). C'est naturellement
Aï-yaruq, "éclat de la lune". Mais on voit par là que le mot yaruq qui, même dans
notre mss., est généralement écrit yaruq et non jaruq (sauf dans XVI, 4), a été entendu
sous la forme jariiq par Marco Polo.
2) Les manuscrits de Tourfan ont généralement s'ôngu pour "lance". Quant au y'idaq
ou y'iday du Quladyu bilig (Radlov, dictionnaire, III, 495), il demande encore confirmation.
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 273

Morrison, établi sur la prononciation sans égard à l'écriture, transcrit


bien jïda avec ,;- initial et non pas avec c-1).
Le seul mot contesté dans le déchiffrement du passage qui nous
occupe est celui que j'ai transcrit y[à]l. M. R. K a dit que Radiov
avait lu "yas", ce qui, ajoute-t-il, "est erroné", car "yaz ou yas
ne conviennent pas au sens de la phrase"; M. R. N. ne voit pas
d'ailleurs d'où Radlov a tiré le sens de "cuivre"; lui-même lit y cil,
"vent", mais sa traduction montre qu'il a aussi envisagé yïl, "année",
et n'a même pas écarté complètement yas, "printemps". En réalité,
si on se reporte au facsimilé de la p. VI, on voit que le manuscrit
porte yl, ce qui nécessite soit l'adjonction d'une voyelle non notée
et que Radlov a ajoutée alors à bon droit, soit l'apocope fréquente
dans le manuscrit de l'alif devant i, ce qui laisse yl
= il (el).
Radlov a lu y(â)s (avec une forme d'-s final que le mss. n'a en
réalité jamais), mais le mot qu'il a eu en vue n'est pas yas ou yaz,
"printemps", comme l'a cru M. R. IST. ; c'est yas, "cuivre" et "laiton".
A vrai dire, l'identification ne va pas de soi. Le mot a la forme
yas, yes, sporadiquement yis, dans l'Altaï, et est naturellement cas
en sor et en sagai; le Kirghiz a jez; le dialecte de Kazan, jiz; la
forme turque le plus anciennement attestée est celle du coman, yez.
Par ailleurs, le mot est usuel et ancien en mongol, sous la forme Jas;
le vocabulaire arabo-mongol d'Ibn-Muhannâ écrit L^> jiz (= jez);
les formes du mongol écrit tardif sont jcis, jât, jis et même cas et
cis.Tout ceci nous laisse en dehors du turc ouigour, où le mot
usuel pour "cuivre" est baqïr; c'est celui que donnent les documents

1) Les Mongols prononcent jida <Cjida; si le mot pour "lance" en ouigour ancien
de Tourfan était bien sôngii à l'exclusion de yïda, il n'y aura pas à s'étonner que ce
dernier mot, entré dans l'usage de Tourfan au temps de l'influence mongole, y ait été
adopté avec la prononciation mongole. Le jucen et le mandchou disent gida. Au fond,
et malgré le soi-disant jïdaq ou jïday du Qutadyu bilig, il est bien possible que le mot
soit spécifiquement mongol, et emprunté par les dialectes turcs assez tardivement. Sur
tida, voir aussi Bang, Tiirlc. Lehngut im mandschur., p. 19.
274 PAUL PELLIOT.

de Tourfan, et c'est le seul qui soit indiqué par le vocabulaire


sino-ouigour du Bureau des Interprètes. Le vocabulaire sino-ouigour
de la collection Morrison enregistre, à côté de baqïr, le mot jâs,
ainsi prononcé, et qui doit donc être un emprunt assez tardif au
mongol. Dans le manuscrit Schefer, qui a nombre de prononciations
en j-, c'est yàs qu'on attendrait et non yàs, et c'est pourquoi, si

on tient compte aussi que le prétendu s final de E.adlov dans ce


mot est un -l final partout ailleurs, la lecture yàs ne pourrait être
admise que si le contexte la garantissait. Enfin, s'il s'agissait bien
de ce mot-là et puisqu'on l'a sous une forme en y- et non en /-,
il serait normal que -s y fût, comme c'est le cas constant dans ce
manuscrit, en valeur de -z et qu'on dût lire en réalité y[à]z ou y[e]z.
Au point de vue sémantique, M. R. 'S. rapporte tàmïïr et y al
respectivement à la licorne et au gerfaut, au lieu que Eadlov rap-
porte tàimir à la lance et yàs à l'arc et à la flèche. La seconde
construction me semble la moins forcée, et je ne pense pas qu'on
puisse faire dire à LVuz-khan, même à titre de supposition; que
la licorne eût pu être en fer; par contre, le "fer" et la "lance"
sont associés dans un passage de XI, 9, où il est question de
tàmiir jida-lar, c'est-à-dire de "lances de fer" (ou plus probable-
ment de "lances [à pointe] de fer"). Qu'on lise yàs ou yàl, et en
rapportant le mot au binôme "arc et flèche", on devra admettre
qu'il ne porte en réalité que sur la "flèche", car c'est la flèche
qui peut être à la rigueur "en cuivre" (ou plutôt "à [pointe de]
cuivre"), ou qui peut être le vent, c'est-à-dire voler avec la vitesse
du vent. On comprend toutefois ce qui a empêché M. B. JLST.
d'adopter la version de Eadlov: c'est que celle-ci ne tient pas
compte des formes en boisa, qui impliquent deux conditionnels ou
deux futurs plus ou moins optatifs l). La phrase ne veut pas dire
1) Il
y a dans XII, 9, un emploi de -sa en valeur de futur '{bolsam karàk iurur,
"je devrai être"). Cf. aussi boisa presque au sens de bohun dans le yarliy de Toqtamïs
{ZFOIRÂO, III, 14).
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHÀN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 275

que le sujet du verbe, quel qu'il soit, était en fer, mais envisage
le cas où il aurait été ou pourra être en fer. Je comprends donc
finalement: "Ma lance a tué la licorne; elle '(= ma lance)
sera
[telle] le fer". Le mot jïda, substitué en ouigour tardif
au plus
ancien sôngù, peut, comme ce dernier, avoir eu d'abord le simple
sens d'"épieu". Dans ce morceau de caractère épique, Uyuz-khan
est supposé avoir tué la licorne avec un épieu, mais il annonce
déjà les lances à pointe de fer de ses armées futures. Quant
au
"cuivre" de Radlov, même en le restreignant à la pointe de la
flèche, il est trop clair que Radlov n'y a songé que par analogie
avec le "fer" du membre de phrase précédent. Puisque le manuscrit
porte réellement y{d)l, et à moins de faire une véritable correction,
nous devons, je crois, nous en tenir au "vent". Le sens sera alors:
"Mon arc-et-flèche 1) a tué le gerfaut; elle (= ma flèche) sera [telle]
le vent". Et tout ceci vise les combats futurs que le héros livrera
pour créer son empire.

VI, 5—6: tangri-ni jalbaryu-da erdi, "était à invoquer le ciel".


Cette lecture est celle de Radlov ; M. R. N. a préféré jalbarya-da ;
le mss. autorise l'une et l'autre lecture, et c'est jalbaryu-da qui
est correct.

YI, 7—8: kùn-diin aï-dan awyulyulwyraa'i)\ "heller (?) als


Sonne und Mund" (Radlov); "plus brillante que le soleil et la lune"
(M. R. N.). Radlov traduisait d'après le contexte, mais n'était pas
autrement fixé sur qwyulyulwy, qu'il n'a pas recueilli dans son

1) On remarquera que "arc et flèche" font un binôme, qui ne prend qu'un seul
affixe possessif et reste au singulier.
2) Le mss. a en réalité aï aï-dan; la répétition de aï est une faute du copiste,
mais le dan (et non dïn) pour marque de l'ablatif peut être gardé comme indice de
prononciation bien que le manuscrit confonde sans cesse a et z du seul point de vue
graphique.
276 PAUL PELLIOT.

dictionnaire. M. E. X. ne met pas de point d'interrogation ni ne


fait aucune remarque, mais je doute que le mot lui soit mieux
connu qu'à Eadlov. La vocalisation o ou u de la première syllabe
est incertaine. Il s'agit naturellement d'un comparatif en -raq d'un
adjectif en -luy d'un supin ou substantif verbal en -yu d'un thème
verbal *quyul-, *qoyul] mais je ne trouve aucun mot analogue qui
ait le sens qu'on attend; l'analogie d'autres mots du manuscrit Schefer
pourrait faire songer à -y- en valeur de -'-, soit *qcfid- ou *qu\d- -
*qôl ou *qûl] mais cela non plus ne donne rien de clair jusqu'ici.
Il y a un mot qïv, très souvent associé en ouigour ancien, comme
synonyme, à qut, "gloire", "fortune", et on sait que, dans le
manichéisme ouigour, qui désigne aussi la "gloire" au sens de
"lumière divine", "éclat divin" (cf. T'oung Pao, 1927, 427—431).
Notre mss., comme on en a vu et comme on en verra encore des
exemples, emploie souvent u pour 7; si qïv s'était associé à tous
les sens de qui, on pourrait songer à un dérivé *q\Cul- \
*qïvïl-,
tiré de q'iv] c'est une solution presque désespérée, bien que le qïvïq,
"flamme", "étincelle", de l'osmanli lui prête peut-être quelque ap-
pui (pour un substantif qïvïrqaq. tiré d'un verbe *qïvïvqa- issu de *qïv,
cf. Bang et von Grabain, Tiïrlc. Turfan-Texte III, 209, et Tlngar.
JaliiI)., X, 205). Une autre hypothèse serait de lire quqidyiduyraq,
et de partir du ququn, "étincelle", et ququnluy, "étincelant", de
Kâs/arî (Brockelmann, Mit. Wortsch., 164). Si on considère ququn
comme dérivé d'un verbe *quq- ou *ququ-, celui-ci peut avoir un
dérivé *ququl-, de sens neutre ou passif, signifiant "étinceler", dont
q-uqulyuluyraq sortirait régulièrement. On peut naturellement lire
aussi qoqim, *qoq-, *qoqu-; à ce titre, le mot de Kâsyarï est peut-
être à rapprocher de qoq-, qui s'applique en téléout à un foyer assez
ardent pour qu'il n'y reste que des charbons chauffés au rouge
(cf. le dictionnaire de Eadlov, II, 508).
SUR LA LÉGENDE D'UTOZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOTTRE. 277

"VII, 3—4 : Anung basïnda atasluy yarualuy bir mangi bar erdi ;
"auf dessert Haupte sich ein feuriges, leuchtendes Mal befand"
(Radlov); "sa tête avait un visage lumineux et enflammé" (M. R. K).
M. R. N. a cherché ici bien inutilement une série de mots inac-
ceptables; Radlov avait lu et compris correctement mangi, qui
signifie "marque", "grain de beauté". Le manuscrit écrit màng-i,
et la forme usuelle du mot est mâng en ouigour (cf. Radlov et
Malov, Uigur. Sprachclenhn., p. 60), en ja^ataï et dans l'Altaï,
bâng en Crimée, ban en osmanli (cf. aussi mâng de Kâsyarï dans
Brockelmann, Mittelturk. Wortschatz, 121). Mais je ne suis pas
certain que le i final soit, comme le pense M. R. N., un affixe
possessif qui ici ne s'expliquerait guère. De même que le Qutadyu
bilig et le turkï actuel du Turkestan chinois connaissent une forme
mangi pour le mot mâng, "cerveau" (cf. Radlov, IV, 2080), je sup-
pose que le ouigour proprement dit a pu dire tardivement mangi
au sens de mâng pour "grain de beauté"; et je verrais une confir-
mation éventuelle de cette forme allongée dans le mot mongol pour
"signe" et "grain de beauté", mânggâ.

VIII, (et X, 2): Tul{?)buyaz boldï; "da wurde die Prau


1

schwanger" (Radlov); "il s'est rempli jusqu'à la gorge" (M. R. 1SL).


Il est fâcheux que M. R. E". n'ait point suivi ici Radlov, dont
M. A. Z. Validi Bey lui confirmait la traduction; de toute évidence,
il faut comprendre que "la femme devint enceinte". Le mot boyaz
signifie "gorge", mais buyaz et buaz sont connus au sens de "femme
enceinte", "grossesse", dans les dialectes kirghiz, et je puis attester
que bwyaz est employé de même au Turkestan chinois 1). Je suis

1) Radlov donne boyaz pour le tarancï, mais ce doit être une erreur; Shaw vocali-
sait en buyaz pour le Turkestan chinois, et c'est la forme que j'ai entendue aussi bien
à Kachgar qu'à Koutcha, M. Bang {Vngar. Jahrbiicher, V [1925], 234) accepte la forme
boyae pour le tarancï, et paraît même la considérer comme primitive.
278 PAUL PELLIO T.

plus hésitant pour le premier mot. Tul, "veuve", est naturellement


exclu. Je me rallie provisoirement à l'explication de Validi Bey
par le mot tul, qui signifie encore aujourd'hui "corps" dans cer-
taines expressions des dialectes kirghiz (? cf. le lui boyû de Radiov,
Bict., III, 1465); il est assez vraisemblable que tul buyaz ait été
en ouigour tardif une expression toute faite pour désigner une
femme qui devient grosse; mais ces termes, plus ou moins évités,
changeaient souvent. A côté du tul, "corps", invoqué par Validi Bey,
je me demande cependant s'il ne faut pas envisager toi. Aujourd'hui,
au Turkestan chinois, le mot toi est pratiquement restreint au sens
d'"accroissement annuel du troupeau" (cf. aussi mongole, "accrois-
sement"). Kâsrarï a déjà toi comme un mot des '/uzz signifiant
"moment de la parturition" (III, 978, JJOJI ^3*,y, cf. Brockelmann,
Mittelturk. Wortschatz, 215). Vers 1300, Ibn-Muhannâ donne en turc
tôl-lug, "ayant des enfants" ou "ayant des petits" (rJ,.wjJ! 33; cf.
Melioranskiï, Arab filolog o tureckorn yazyké, 49 et 087), et èJ=-<->i

à lire probablement tiL>-<J tôlccik, "femelle qui a mis bas [se dit
surtout des brebis]" (oJJi, et non JOJ), "postérité", comme l'a
imprimé M. Malov dans Zap. Koll. Vest., III, 238) l). Ceci paraît
bien nous laisser parmi les animaux, mais M. Malov (loc. cit.) a
rappelé le Kirghiz tillôk, "enfant nouveau-né"; et toi, dans divers
dialectes turcs septentrionaux, signifie "fécondité", "postérité (en
général)", "enfants" (cf. Radlov, III, 1260). Le "tul" de Validi Bey
serait-il finalement à lire tul? Ou le mot ouigour en serait-il
différent, et ne faudrait-il pas lire alors toi buyaz? M. Bang n'a
pas fait intervenir tul ou toi dans sa nomenclature des termes turcs
désignant la grossesse (Ungar. Jahrb., V [1925], 234).

1) L'édition de Constantinople a en outre, p. 154, un mot ^\^\Ju avec la même


traduction Oj}y\; il ne me paraît pas douteux que ce soit une faute pour ^l^Jj tôlcàk,
comme M. Malov {loc. cit., 235) en a d'ailleurs eu le sentiment.
SUR LA LÉGENDE D'ETUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 279

VIII, 8: alïs-dïn, "de loin" (Radlov); alïn-dan, "en face" (M.


R. N.). Le mss. a en réalité alas-dan (ou alaz-dan), mais il confond
souvent a et ?; d'autre part, il omet parfois le point qui distingue
-n de -s (ou -2); afôs et aZïw sont donc possibles. Le mot alïs, non
attesté en ouigour, est connu en kirghiz et en jaghataï; on ne
l'attend guère dans notre teste. Alan*dan (= alïn-dïn) a l'apparence
d'un ablatif et paraîtrait donc signifier non pas "en face", "en avant",
mais "d'en face"; c'est peut-être pourquoi Radlov l'a écarté. Mais
on sait qu'en turc ancien les mots indiquant les directions se
construisent précisément avec l'ablatif. J'adopte donc ici la lecture
et l'interprétation de M. R. N.

VIII, 9: bu ïyac-nung qabu-caqïnda; "bei dem Thùrchen dièses


Baumes" (Radlov); "juste devant cet arbre" (M. R. F.). Le mss.
a qabu-caqanda. En note, M. R. N. reproche à Radlov (et dans son
introduction, p. 5, à M. Kôprûlù Zadé Mehmet Fuad) d'avoir lu
qapu-, "porte", au lieu de qabu-, "devant" 1). Il est probable que
Radlov lisait en effet qapu, puisque, dans son dictionnaire, il n'in-
dique pour "porte" que qapu et non qabu2), et il a supposé un
diminutif *qabucaq, "petite porte", assez douteux toutefois pour que,
dans son dictionnaire, il ne l'ait pas recueilli. La "petite porte"
d'un arbre ne s'explique guère. Pour M. R. N., il faut lire qabucaq,
diminutif de qabu, "en avant", mais il y a aussi à cette opinion
les plus sérieuses difficultés. Ce diminutif d'un mot signifiant "en
avant" ne peut guère se justifier; les mots employés dans le texte

1) Les hypothèses que M. R. N. formule sur qapu, "porte", qui viendrait de qalu,
"en avant", parce que la porte est "en avant" des bâtiments, ne reposent sur rien. Le
mot "porte" en turc est anciennement qapïy, et se rattache à la racine verbale qap-,
forme allongée qapa-, en mongol qaya- (= qda- <^ qa(3a-), "saisir entre deux", "enfermer",
"fermer", "couvrir".
2) Le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes écrit et transcrit toujours
qabï, mais Radlov n'a enregistré dans son dictionnaire ni qabï, ni' même qapi. Le voca-
bulaire sino-ouigour de la collection Morrison donne qabu.
19
280 PAUL PELLIOT.

ont leur raison d'être, et "un peu en avant" n'ajouterait rien, dans
le cas présent, à un simple "en avant". Et surtout, malgré,l'assu-
rance avec laquelle M. R. K formule ici ses critiques, un mot turc
indépendant qabur "en avant", ne me paraît pas exister. Mon opinion
est que le présent passage du manuscrit Schefer nous conserve,
sous une forme plus ou moins altérée, la trace d'un vieux mot
qui 1 a joué un rôle important dans la légende turque. Dans son
tableau des tribus turques, Rasïdu-'d-Dïn raconte qu'après un com-
bat soutenu par U/uz, une femme enceinte, dont le mari avait été
tué, se réfugia dans le trou d'un arbre creux; et, ajoute Rasïd,
comme, en turc, on appelle \3yj> qabuq un "arbre dont le milieu
est pourri", les descendants de cette femme furent appelés les
o'csuï Qïbcaq (Qïpcaq). Abu-'l-Grbazï dit de manière analogue que
l'enfant fut appelé Q.ïpcaq, parce que, dans le turc ancien, un arbre
creux était dit qïpcaq 1). Notre manuscrit, qui a, sur l'origine des
noms des mêmes tribus turques, des traditions apparentées à celles
transmises par Rasïdu-'d-Dïn et par Abu-'l-Grhazï, mentionne plus
loin les Qïpcaq, mais sans rien dire de la raison pour laquelle ils
ont été appelés ainsi. Il me paraît clair que nous avons dans le
présent passage l'élément de la légende qui manque plus loin.
Le mot \3yà de Rasïd, que j'ai vocalisé en qabnq, est foncièrement
identique à qabaq du tarancï, qawaq du turc de Crimée, qui signifie
"arbre creux", "creux d'un arbre", et la. voyelle a de la première

1) Abu-'l-Ghazi ajoute que, de son temps, on ne disait plus, pour "arbre creux",
qïpcaq, mais V_3LJ>^> cïpcaq, par altération populaire du ^j j en
^ c. Radlov a en-
registré cïpcaq dans son dictionnaire sous qïpcaq (II, 844; mais il a supprimé la partie
relative à la forme qïpcaq, ce qui rend sa citation inintelligible), et par contre ne le
donne pas à sa place alphabétique. Bien que les éditeurs d'Abïï-'l-G-hazï et Zaleman
aient gardé le texte tel quel (cf. Zaleman dans Radlov, Kudatku lilik, 1891, p. xxxm),
le changement de q- en c- est assez singulier, et on est tenté de se demander s'il ne
faut pas lire ^ h au lieu de c, ce qui donnerait une prononciation populaire Hïpëaq.
Autrement, nous devrons supposer qu'Abu-'l-Ghazi a rapproché deux mots qui n'étaient
pas vraiment apparentés au point de vue étymologique.
SUR LA LÉGENDE p'ufUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 28!
syllabe est ainsi justifiée 1). Abu-'l-Grhazï nous fournit de
son côté
la -finale -caq avec son "turc ancien" qïpcaq, de même sens. Le
copiste du manuscrit Schefer ' ne connaissait vraisemblablement plus
le mot, puisqu'il a coupé en qabu -f caq (de même qu'il
coupe
cubu-yan à XI, 3), mais je n'ai pour ma part guère d'hésitation
à rétablir qabucaqïnda, locatif de la forme possessive de qabucaq,
et à traduire "dans le creux de cet arbre"; autrement dit, nous
avons affaire là au même mot par lequel la légende d'Up-mz ex-
pliquait le nom des Qïpcaq 2).

1) Berezin {Trudy TOIliAO, V, 19) avait, lu qubuq, mais Zaleman adopté qabuq
a
dans'Kadlov, Kudatlcu bililc, 1891, p. xx. En réalité, il y a eu aussi des formes du mot
à voyelle labiale dans la première syllabe. Kâsyarï enregistre au XIe siècle qovï et qowï,
"[arbre] creux", et qovuq et qoviuq, "creux" (Brockelmann, Miitelturh. Wortscliaiz, 161
et 162). Ce qovï ou qowï, "creux", paraît par ailleurs inséparable du qobï, "creux", "vide",
du Quiadyu bilig, et ce n'est pas un basard si, dès le Qutadyu bilig, les mots qïpcaq et
qobï sont associés dans une épitbète double qïpcaq qobï qui s'emploie au figuré et
appa-
remment au sens de "vide" (cf. le dictionnaire de Radlov, II, 659 et 843); pour le
turc qobï, cf. peut-être le mongol yobï, "désert". Ainsi, tout en lisant qabûq le mot
donné par Rasïdu-'d-Dïn, je n'exclus pas la possibilité d'une vocalisation en qabûq.
Quant à la légende qui reliait qïpcaq, nom de tribu, à qabucaq, *qabcaq, etc., "arbre
creux", elle j)eut très bien rapprocher deux mots radicalement différents, et peut-être
qïpcaq a-t-il signifié "steppe" comme le mongol yobi (on paraît avoir ce sens pour qïpcaq
dans une énigme du Codex Comanicus ; cf. éd. Geza Kuun, p. 144, et W. Bang, TJeber
die Râtsel des Codex Cumanicus, dans Site. d. Je. pr. Ah. d. W., 1912, 340), mais l'un
et l'autre ont pris la valeur d'un nom propre, nom de lieu en mongol (le Gobi), nom
de tribu en turc (les Qïpcap). Peut-être est-ce par le sens de "désert", et non par le
nom de la tribu, qu'il'faut expliquer le nom de Qïfëaq que Kasyarï mentionne dans la
région de Kasyar (Brockelmann, p. 247), et on sait que la notion de "steppe" resta si
bien attachée au nom même des Qïpcaq que l'immense plaine de la Russie méridionale
et de la Sibérie occidentale fut longtemps connue sous le nom persan de Dast-i Qïpcaq,
"steppe du Qïpcaq" (cf. les textes cités par Quatremère, Hist. des Mongols, 66—68),
de même que nous "disons "désert de Gobi" pour la plaine de Mongolie. Scbmidt {Gesch.
der Ost-Mongolen, p. 407) dit que les Mongols occidentaux appellent le Qïpcaq "Qabëïq";
en mongol, qabciq signifie "tenailles"; en turc, qabcïq ou qabcuq désigne un "petit sac",
une "bourse"; il faudrait être mieux assuré du renseignement de Scbmidt pour songer à
retrouver dans le "Qapèïq" des Mongols occidentaux un souvenir de la légende qui
rattachait le nom des Qïpcaq à qabuèaq, "creux d'arbre".
2) Le mot en question a donc existé et n'est pas dû à une fantaisie comme le sup-
posait M. Bang dans Marquart, TJeber das Volhstum der Komanen, 1914, p. 160, n. 1;
Marquart (pp. 158—162) a une longue discussion sur le nom des Qïpcaq, et s'élève
282 PAUL PELLIOT.

IX, 2—4: anung kôzi kôk-din kôk-rak erdi; anung sacï muran
usu'ï Ukj, anung tisi iinàl tdg erdi, "ihr Auge war blauer als der
Himmel, ihr Haar wie Bâche und Flùsse, ilire Zâhne wie Perlen"
(Radlov); "ses yeux étaient plus bleus que le ciel; ses cheveux
étaient comme ceux du "euçuk" du fleuve; ses dents étaient comme
des perles" (M. R. N.). Deux mots seulement prêtent à des obser-
vations. M. R. K dit que R.adlov a eu tort de lire kôk-rdk et que
le manuscrit a kôk-yak; en réalité, les deux formes sont graphi-
quement très voisines, mais le mss. a bien kôk-rdk, et il est clair
que kôk-rdk est seul correct. Quant à itsuyï, que Radlov avait bien
lu comme moi dans le manuscrit, il l'a corrigé en ôgiizi. M. R. N.
s'est absolument fourvoyé en attribuant à Radlov une lecture ôkïizi,
et en croyant que Radlov avait songé à un "boeuf du fleuve",
peut-être "hippopotame"; comme la traduction de Radlov le montre,
il a lu ôgiïzi, forme possessive de ôgiiz, "fleuve", mais sa traduction
prête à cette critique qu'elle ne justifie pas une forme possessive.
M. R. N. dit que le manuscrit a en réalité uôsilkid\ dont il ne
sait que faire, mais qui est évidemment à la forme possessive par
rapport à rniirdn. Mais M. R. N. s'est trompé à son tour. Le ma-
nuscrit, de façon absolument certaine, écrit usuyï, qui est la forme

contre une traduction de Charmoy pour un passage où qipcaq est interprété par "désert"
(le texte est en tout cas peu clair, et il faudrait pouvoir le citer autrement qu'à travers
le dictionnaire de R.adlov, II, 880); dans l'énigme du Codex Comanicus, le sens de "désert",
quoi que Marquart en dise, va au moins aussi bien que celui d'"arbre creux"; et Mar-
quait, qui a cité les qipcaq qobï du Quladyu bilig, n'a rien trouvé à opposer à l'inter-
prétation de "vide", "désert", mise en avant pour eux par Radlov. Enfin, on avait
remarqué depuis longtemps l'habitude des anciens historiens arabes de ne pas préfixer
l'article au nom des Qipcaq, autrement dit de traiter leur nom comme un nom de lieu
et non comme un nom de tribu. Ici encore, la tentative faite par Marquart pour en
rendre compte (p. 162) est moins satisfaisante que la simple admission d'un sens primitif
de "désert" qui s'est plus ou moins spécifié en un nom de lieu avant de devenir un
ethnique. Sur les flottements dans l'application du nom de Qïpcaq, et sur des incertitudes
dans sa vocalisation, cf. aussi mes remarques du JA, 1920, I, 147 —150; M. Grum-Grzimaïlo
{Zapaclnuija Mongolïya, III [1930], 170 —172) vient de faire à ces remarques des objections
qui sont en fait facilement conciliables avec mes hypothèses.
SUR LA LÉGENDE DUrUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 283

possessive du mot signifiant "eau"; on verra à propos de XIX, 4,


comment je rends compte du mot et de sa forme. Quant au sens,
il est clair : Les cheveux onduleux de la femme paraissaient couler,
telles les eaux d'un grand fleuve.

IX, 7: OÀ aï, a a, ôlàrbiz] "ei ei! ah, ah! wir sterben" (Radlov) ;
"nous serions comme lune (croissant) et arc (courbé)" (M. R. ÏL).
Radlov a évidemment raison, et aï aï, a a sont des exclamations
à caractère d'onomatopées. Même en lisant avec Radlov et M. R. IST.,
contre la lettre du mss., aï aï, yu ya, il est hors de question de
songer à la "lune" et à l'"arc". Aï ai reparaît d'ailleurs à XVI, 8,
et XVII, 1, et M. R. N. y a bien vu alors une exclamation. Sa
lecture olarbïz est en outre condamnée par le fait que, dans tout
notre texte, le verbe "être", "devenir", est naturellement bol-
comme dans le turc ancien et les dialectes orientaux, et non ol-
comme en osmanli. La Ie personne du pluriel des verbes était bien
en -bis en ouigour; cf. ôliirbiz, "nous mourrons", dans T'oung Pao,
1914, 240.

X, 9 : bàcliik toi berdi, "il donna un grand festin". Le même


toi berdi (écrit et transcrit toi birdi) est donné dans le vocabulaire
sino-ouigour du Bureau des Interprètes. Sur toi, "festin", cf. les
remarques de M. Brockelmann dans Asia Major, II, 120—121.

XI, 1-—2: qïrïq 1) lira qïrïq bandàng japturdi; "vierzig Betten


und vierzig Hess er verfertigen" (Radlov); "il a fait fabriquer qua-
....
rante rangées (fois) quarante mille (1.600.000) chaudrons" (M. R. K).
M. R. jN". a une longue note où, objectant à la lecture sïrà de Radlov,
il veut lire sïra, "rangée", retrouver mïng, "mille", dans le ban-

1) Kadlov a les deux fois qirq; M. R. N. lit qïrïq; le mss. a qaraq; cf. supra,

p. 261.
284 PAULPELLIOT.

de bandàng (qu'il lit binclâng), et faire de -clàng le chinois ting, ^


"chaudron", sur la foi de M. Blochet. Il n'y a rien à retenir de
tout cela 1). Le mot sirà est donné par les deux vocabulaires sino-
ouigours au sens de "table" (^jp tcho)1 qui est bien celui de lira? à,
sirà, en mongol, et les Mémoires de Babur attestent qu'on désignait
par là une table sur laquelle on disposait les aliments (cf. Radlov,
s.v. sir ci). Quant à bandàng, dont Radlov n'a su que faire, il ne
débute pas par le mot "mille" qui, dans le dialecte de notre texte,
est nûng et non bïn; c'est simplement le mot que le vocabulaire
sino-ouigour du Bureau des Interprètes orthographie et transcrit
bandeng, avec le sens de "banc", et qui est un emprunt au chinois
j^ 3§Ê pan-teng, "banc". La forme japturclï. au lieu de ycqjturclï,
rentre dans les prononciations qui représentent soit des influences
kirghiz, soit des mongolismes. Le sens du passage est donc, en
définitive: "Il fit faire quarante tables et quarante bancs".

XI, 2—4: tiiring aslar tiirlug sôrmàlàr cahuijan-lar oïmïz-lar


astïlar ictilàr; "verschieclene Speisen, verschiedene Fleischgerichte,
uncl Getrânke bereiteten sie, sie
tranken" (Radlov); "ils ont
....
mangé et bu les mets, les soyrmas divers, les plats de viande et
du koumis" (M. R. X.). La phrase se termine par deux verbes,
dont le premier est astïlar ^ Radlov a corrigé en astïlar, d'où
sa
traduction de "ils préparèrent", mais ces-, en ce sens, est spécial
à des dialectes très éloignés de celui de notre texte;
on retrouve
astïlar [ic]tilcir à XLI, 9—XLII, 1, et il n'y a pas à douter que
M. R. X. ait raison de traduire par "ils mangèrent et ils burent";
le verbe as-, jusqu'ici non attesté, serait donc à mettre à côté de

1) La note de M. R. N. pourrait faire supposer que le mot chinois ting, "chaudron",


se trouve dans un passage d'Ahû-'l-G-hazï où il est question d'un autre festin d'Uyaz;
en réalité, il s'agit seulement dans ce passage d'Abïï-'l-Ghazî de 99 haws en cuir,
, ^^j^
c'est-à-dire de 99 auges en cuir ou de 99 outres.
SUR LA LEGENDE D.'UtU.Z-KHAN EN ÉCRITURE OUI GOURE. 285

la,'forme allongée osa-' et de la forme dénominative asla-. Une


difficulté <.subsiste cependant. Le mot as existe, exactement;
sous la;
même forme et dans le même sens, à la fois en persan et dans'la
majorité des dialectes turcs; on est donc amené à penser qu'il
ya
eu emprunt "dans un sens ou dans l'autre. Or on a cherché au persan
<jà! as une étymologie indo-européenne en le comparant
au sanscrit
âsà- (Horn, Grundriss der neupers. Etymologie, p. 8'; A. Hùbschmaim,
Persische " Stûdien, p. 7). D'autre part,; il serait bien extraordinaire
•qu'un mot emprunté par le turc à l'iranien tardif eût été
suscep-
tible en turc.de dérivations autres que par des suffixes en -Ma et
7lïy et par une formation de verbe dénorùinatif en -la-; ici
nous
aurions non seulement, la forme verbale à racine allongée; asa-,
mais un verbe as-, c'est-à-dire dont le;thème serait celui-là même
du substantif emprunté; je n'y crois guère. Il faut donc, à mon sens,
çii bien séparer complètement le mot turc du mot persan, ce à quoi
je'n'incline pas, ou admettre. qu'as est; moins ancien en persan que
les iranistes ne l'ont pensé, et qu'il y est venu du turc au Moyen.Age;
il se trouve précisément que, de l'avis même de Horn et de Hûbsch-
mann, l'explication de as par âsa-> etc. va contre les règles de l'évo-
lution phonétique eu indo-iranien 1).
Puisqu'il s'agit de "manger" et de "boire", les complètements
doivent répondre à-cette double fonction; on a déjà vu plus haut
en effet que as .désigne les plats de nourriture (à base de céréales,
surtout), et sôrma les. vins; termes assez généraux, ; et qui compor-
tent l'épithète de tûrlïïg, "variés"; les deux mots suivants devront

1) M. Benveniste, que j'ai consulté sur ce qui précède, me confirme que as ne


-

peut guère être'le .représentant en persan de skimsa-. En iranien ancien, le correspondant


de skr-. âJa est normalement Usa, qu'on a en effet en avestique dans \KahrTc\usa, et on
attendrait *âh en persan. Aucune forme voisine n'est connue en moyen iranien ; et, en
iranien moderne, le yaynobï se, de même sens que le persan as, peut très bien, selon
M. BenVèniste, en.être, emprunté. Quant h Us lui-même, dont l'apparition n'est pas an-
cienne :en'persan, notre confrère estime que rien ne!s'oppose à l'expliquer car un em:
.

prunt au turc. ... 0 ; . ,


286 PAUL PELLIOT.

avoir une valeur plus restreinte, mais désigner aussi, en principe,


le premier un aliment et le second une boisson. Dans son diction-
naire (IV, 2185), Radlov, enregistrant le présent passage, a transcrit
cubuyan et l'a rendu par "une espèce de boisson". M. R. IST. a
traduit par "plat de viande" sur l'indication de M. Blochet, qui
lui a fourni le mongol cubudal ou cùbùdâl, mais ce mot mongol,
dont je ne connais pas d'exemple ancien, désigne des grains de blé
restés sur l'aire tout aussi bien que des reliefs de viande, et par
ailleurs ce n'est pas d'avoir mangé des restes qu'on se glorifie dans
un grand banquet; cubudal ou cubudal me paraît donc à écarter.
La solution que j'envisage moi-même est encore hypothétique.
Il y a dans le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes
un mot cïbïyan qui est traduit en chinois par jg£ l*^c tseu-wei;
Klaproth, et à sa suite P^adlov (III, 2154), ont interprété ce
tseu-wei par "friandises", et, si on se rappelle que le manuscrit
Schefer a parfois des formes en u là où le vocabulaire sino-ouigour
du Bureau des Interprètes a des formes en ).', comme ci-dessus
cubuq en face de cïbïq, ou, XXYIII, 8, qajju (ou qabu) en face
de qapï (ou qabï), on sera tenté de retrouver dans cubuyan le cïbïyan
du vocabulaire sino-ouigour. Mais le sens usuel du chinois tseu-wei
est simplement "goût", et il se pourrait, à la rigueur, qu'il fût
pris ici dans son acception ordinaire. Avant d'affirmer l'équivalence,
d'ailleurs probable, de cubuyan et de cïbïyan, je voudrais avoir des
exemples certains de l'emploi, sous les Ming, de tseu-ivei au sens
de "friandise" 1).
Le dernier mot doit en principe désigner une boisson. Radlov
avait imprimé aqma, et lui attribuait peut-être aussi le sens d'une
sorte de boisson, mais sa traduction n'est pas claire à ce sujet et

1) Cf. aussi peut-être l'obscur civiya de Y. "W. K. Mùller, TJigurica III, 8517 et
93;
je ne pense pas qu'on puisse faire intervenir le civgin (opposé à kiivgin) de Kàsyarï
(Brockelmann, Mittelturk. Wortschatz, 57).
SUR LA LÉGENDE D'UrUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOTJRE. 287

dans son dictionnaire non seulement il n'a pas invoqué le présent


passage, mais n'a même noté aucun mot auquel on puisse ramener
Vaqma de son déchiffrement. M. R. N. dit que Radlov s'est trompé,
et qu'il faut lire qïmïz, le koumis; le manuscrit, qui paraît bien
porter qamaz ou qamïz, lui donne raison; la forme reste un peu
surprenante, car le mot apparaît en IX, 8, sous la forme non de
qïmïz, mais de qumuz, et on a vu que ce sont les formes en u
qui sont usuelles dans notre manuscrit. Mais en même temps
l'orthographe du mss. est trop incohérente pour que l'objection
puisse avoir une portée réelle.

XI, 6—XII, 3Mail sinlàr-gà boldum qayan, alalïng y a tayï


:

qalqan, tamya bizgà bolsun buyan, kôk bôri bolsun-yïl uran, tàmûr
jïdalar bol orman, av yerdà yùrùsùn qulan, tayï taluï tayï mûran,
kûn tuy bolyïl kôk qorïyan; "Ich bin nun euer Kagan, lasst uns
Bogen und Schild nehmen, sie môgen uns als Tamga dienen, unser
Bujan rnôge der blaue Wolf sein, unser Uran môge "der eiserne
Speer" sein, im "Walde môge das "Wild leben, die Kulane und die
Talui, und die Musse und die Bâche môgen die Fahne sein. Dies
is der blaue Kurigan" (Radiov) ; "Je suis devenu votre souverain.
Prenez l'arc et le bouclier! Que le "boyau" soit notre tamgha
(empreinte)! Que "loup gris" soit notre mot d'ordre! Lances de fer,
soyez une forêt! Que le gibier et le zèbre courent à l'endroit où
on chasse, dans la mer et dans la rivière! Que la tente bleue soit
comme le soleil!" (M. R. K). Dans ce petit discours que U/uz-
khan prononce à la fin du festin, et qui est annoncé par kim,
M. R. E". a eu parfaitement raison de reconnaître un couplet de
huit vers octosyllabiques rimes; Radlov ne l'avait pas vu puisqu'il
avait introduit de ci de là dans son déchiffrement quelques formes
qui lui semblaient grammaticalement plus naturelles, mais qui ont
le tort de rompre la mesure; en outre la coupe des vers condamne
2 88 PAUL PELLIOX
, ,

certaines des interprétations de -Radiov. On verra qu'il y a à la fin


du manuscrit, après un autre banquet,-un second discours d'U^uz-
qa^an constitué lui aussi par huit octosyllabes rimes, mais cette
fois-là M. R. X. lui-même ne s'en est pas aperçu.
En gros, et sauf pour la dernière phrase, l'interprétation de ce
morceau par M. R. X. est seule défendable, puisqu'elle seule respecte
la coupe des vers. Le premier vers montre que qayan est bien
supposé prononcé en deux syllabes et ne représente pas seulement
ici qa\in \
qân\ par contre je ne suis par sûr, malgré la note de
M. R. que sinlor ne soit pas seulement une mauvaise graphie
INT.,

de sizUlr (dans XII, 9, où M. R. X. lit $in-là>\ le mss. a siz-ldr)]


M. R. X. lui-même lit sizldr dans l'autres passages (XXXVIII. 2, 3 ;
XXXIX, 2; XL, 2, 4; XLII, 7). Je ne sais en quoi consiste le
buyan dont l'empreinte (tamya) sera la marque de la tribu; chaque
tamya portait vraisemblablement un nom qui nous échappe (je ne
trouve d'indication à ce sujet ni dans Kâs/arï, 56—57, ni dans
les passages correspondants de Rasîdu-'d-Dïn, trad. Berezin, dans
Trudy VOIRAO, Y, 24—29); j'ai lu buyan, et non boy an. parce
que boy an n'est pas attesté en Asie Centrale, au lieu que buyan,
"mérite [religieux]"; qui, par le sogdien, remonte au sanscrit punya,
est très fréquent en turc, d'où il a passé en mongol. IS'uran est
à la fois "cri de guerre" et "mot de passe". M. R. X. a raison,
à mon sens, de traduire hok bori par "loup gris" et non par "loup
bleu"; hok s'applique aux deux couleurs, et hok bori est encore
aujourd'hui le nom usuel du loup gris au Turkestan chinois; mais
en même temps, la traduction par "gris" fait disparaître l'unifor-
mité de désignation pour cette couleur presque sacrée et consacrée;
M. R. X. reviendra au "bleu" quand il s'agira plus loin des poils
et de la "crinière" de l'animal. Pour le vers suivants, "Lances de
fer, soyez forêt", j'entends qu'U/uz-khan, se préparant à des ex-
péditions qui l'emmèneront loin de la forêt du pays natal, dit que
SUR LA LÉGENDE D'UTUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 289

les lances dressées de ses soldats lui tiendront lieu de forêt. En-
suite le mss. a ab ijirclir (ou av yirdi). Le plus simple est /peut-être
de corriger en av yerdà comme l'a fait M. R. K, et il faut alors,
sans reprendre le mot gibier, traduire: "Que dans: les territoires
de chasse se .promènent les qul-anl"; les j«i«n ne sont pas des
"zèbres", animaux africains, mais des hémiones (cf., outre Radlov,.
Brockelmann, Mitteltùrk. Wortschatz, 163). J'avoue, toutefois que
ce vers ne me semble pas cadrer, ainsi corrigé et traduit, avec le
ton guerrier de toute la strophe.
Le vers iayï taluï tayï muran est moins clair. Il est singulier
que, dans ses traductions allemande de 1891 et russe de 1893,
Radlov ait cherché dans taluï un nom d'animal, car, dès 1822-,
quand Klaproth avait édité et traduit le vocabulaire sino-ouigour
du Bureau des Interprètes, on avait appris que taluï avait signifié
"mer" en ouigour tardif, tout comme dalaï en-mongol; et" aujour-
d'hui on suit taluï en turc jusque dans l'épigraphie de l'Orkhon
(le manuscrit Schefer a l'orthographe talaï. dans XVIII,- 5; c'est
un mongolisme selon moi). Dans son dictionnaire (III, 888), Radlov
a .-corrigé en 1905 sa version de ce passage, mais en'reliant encore
à mûran le mot initial, mal lu, du vers suivant. -Taluï, bien que
traduit dans le vocabulaire sino-ouigour par v/^ hai, "mer", peut
s'appliquer aussi à une grande masse d'eau courante comme un
grand fleuve; ce sera le cas pour la Volga dans XVIII, 5. Le
môt-à-môt du vers est simplement "et la mer, et le fleuve"; il n'y
a donc pas à faire courir les hémiones "dans la mer et dans là
rivière", comme le dit M. R. K, ce qui serait d'ailleurs pour ces
animaux un exercice singulier. Je suis d'avis de considérer ce vers
en fonction non pas de celui qui le précède, mais de celui qui le
suit,.et ce sera d'ailleurs conforme au rythme selon lequel-les huit
vers forment quatre distiques. Avant de passer, à ce vers suivant,
290 PAUL PELLIOT.

je ferai seulement remarquer que le mot mongol mûran est à la


rime et a donc bien dû figurer dès le début dans le morceau.
Le dernier vers offre des difficultés. Radiov avait lu au début
hilz qu'il corrigeait en ôgûz, "fleuve", et joignait à mûràn, et en-
suite tuy, "drapeau"; c'est certainement indéfendable. Mais le texte
de M. R. X., avec hiln tag, n'est pas satisfaisant non plus. Radiov
avait laissé sans traduction le mot qorïyan (que lui et M. R. X.
lisent qurïyan), et il ne l'a pas relevé non plus dans son diction-
naire. M. R, X. l'a traduit par "tente". Dans XV, 9—XVI, 1, et
XXIX, 7—8, le mot est le complément direct de tiïskiïr-, causatif
de tus-, et, dans XVII, 4, il est le complément direct de tûrtûr-,
causatif de tilr-\ tus-, mot-à-mot "descendre", "tomber", signifie
aussi "camper"; tiïr-, mot-à-mot "enrouler" ou "plier", se dit égale-
ment d'une tente qu'on "plie" ou d'un camp qu'on "lève"; dans
XVI, 2—3, alors qu'on est campé, vers l'aube, un rayon lumineux
pénètre dans le qorïyan d'U/uz; tout ceci cadre bien avec la tra-
duction par "tente" adoptée par M. R. X. Mais je ne puis suivre
notre confrère quand il voit dans qorïyan. purement et simplement
le mot turc bien connu qoryan (ou quryan), "forteresse", "lieu
fortifié", qui, quoi qu'il en dise, n'a pas le sens de "tente". La
solution est peut-être cependant assez voisine de celle-là. Dans le
vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes, on a kuriyàn
iiïsti, "on a établi le camp" ( jS, ^
hia-yïng), et Icuriyan tiïrcli,
"on a levé le camp" (^E ^
k'i-ying) ]). Le mot kiïriyan, "camp"
(soit fixe, soit mobile), est spécifiquement mongol, et c'est du mongol
qu'il a passé tel quel en ouigour tardif, tout comme il avait été
adopté sous la forme hûrcin ou guran (QK^ OU n; 0) en jayatai2).

1) Dans le dictionnaire de Badlov (III, 1455), ce passage du vocabulaire sino-ouigour


est cité, mais le sens des deux expressions a été interverti; c'est une erreur certaine.
2) Cf. à ce sujet le Dictionnaire turc-oriental de Pavet de Courteille, p. 468 beau-
coup plus précis dans le cas présent que Radlov, II, 1451; cf. le giira de dialectes
turcs sibériens dans Radlov, II, 1458; pour un emprunterai» en osmanli cf. Miklosich
SUR LÀ LÉGENDE D'uruZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 291

Mais il y a aussi en mongol un autre mot signifiant "camp",


qorïya ou qorïyan, dérivé de la racine qorï-, "enfermer", laquelle
existe aussi dans quelques dialectes turcs1). Si, comme l'admet
Radlov, la vraie forme ancienne de quryan est à voyelle o dans
la première syllabe, il est possible que qoryan soit pour * qorïyan,
forme à laquelle remonte également le mongol qorïyan. Mais il est
difficile de dire si le qorïyan de notre texte est un archaïsme ou
un mongolisme, et même si soir -y- n'y est pas ici en valeur de -'-
pour -y- comme dans le cïrayï - cïrayï de I, 5. Il résulterait
toutefois de ces équivalences que qorïyan devrait signifier "camp"
plutôt que "tente"; on verra bientôt ce qui me fait hésiter sur
cette traduction. Par ailleurs, à suivre la version de M. R. il IN".,

nous échapperait pourquoi ce "camp" est qualifié de kôk, "bleu


(ou gris)"; mais M. R. N. a mal compris. Pour les deux premiers
mots du vers, le rnss. a sûrement hiin tuy (M. R. N. a lu correcte-
ment le premier mot; Radlov a raison pour le second). Même à
corriger en kiln tàg avec M. R. JSL, on ne voit pas bien pourquoi
ce "camp bleu (ou gris)" sera "semblable au soleil". J'interprète
autrement et, gardant le texte tel qu'il est dans le rnss., je traduis
tout uniment: "Que le soleil soit notre drapeau (tuy\ et le firma-
ment notre qorïyanV On a ce sens de kôk, "ciel", "firmament",
dans VI, 6, mais la comparaison me paraît impliquer que le qorïyan
soit décidément une "tente" et non un "camp". Reste le vers
précédent. Je le traduis par: "Encore des mers! encore des fleuves!"
C'est à raison de ces traversées de fleuves lointains qu'U^uz, devenu
souverain du monde entier, pourra dire que le soleil est son drapeau
et que le firmament est sa tente. Si nous sommes amenés à accepter

dans Denlcschr. de l'Acad. de Vienne, XXXV, 113; XXXVII, 73; XXXVIII, 161; em-
prunté également dans le persan | X guran (Vullers, II, 1044) et dans le russe leuren!.
.
1) Le Iïoua-yi yi-yu, vocabulaire sino-mongol du début des Ming, rend gûri'àn (=
huriyân) par "enclos" ( |^| --P- k'iuan-tseu), et qorïyan par "cour" ( Kjf- >JAL yuan-lo).
292 PAUL PELLIOT.

pour qorïyan le sens de "tente", ce ne sera d'ailleurs pas là le


nom d'une tente quelconque, mais seulement de la grande tente
souveraine comme en ont eu les premiers successeurs de Gfengis-klian
et qui était un monument déjà considérable. J'avoue cependant ne
pas me résoudre à dissocier complètement qorïyan du kûriydn donné
par le vocabulaire sino-ouigour, et ne pas exclure que qoriyan ait
pu être substitué par les remanieurs à un kilriyàn que le texte
ouigour eût comporté originairement.

XII, 4—5: jarlïy jumsacti\ bilturgiiliig bitidi] "... a envoyé des


ordres, a fait écrire des proclamations" (M. R. X.) ; la ligne XII, 5,
a été sautée par Radlov. La îorme jarlïy (le mss. a en réalité jarlay)
pour yarlïy, "édit impérial", "édit royal", est fréquente, mais non
constante, dans le manuscrit; de même juvisa-, pour yurnsa-, "en-
voyer", "déléguer"; jarlïy est la prononciation kirghize et mongole,
mais, dans les dialectes kirghiz, yuriïsa- donne de nos jours jumsa-
et non juinsa-] le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes
transcrit yarViy, yumsa-. Le mot bilturgiilug a été mal lu biltiirgiïlàr
et biltiirgàlâr par Radlov et par M. R. X.; le mss. est très clair
ici, et, à la ligne suivante, où il paraît avoir biltûrg'dlàg. le ci n'est
qu'un -il- mal formé. Bilturgiilug, substantif verbal du causatif de
bil-, "savoir", n'est attesté comme terme technique que dans le
vo-
cabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes, où on a bilturgiilug
traduit en chinois par ]$fj § tclie-chou, "ordre écrit du souverain".

XII, 9—XIII, 1: sizlar-dàn bas calunyuluy tildb man turur\


"von Euch die Unterwerfung fordemd bin ich" (Radlov); "je
vous
demande cinq tributs" (M. R, X.). Au lieu de bas, "tête", M. R, X.
a lu bes, "cinq"; les deux formes se confondent souvent dans le
mss. ;
par ailleurs, M. R. X. doit l'idée des "tributs" à M. Blochet, qui
lui a interprété ccdun- de calunyuluy par "ce que reçoit un soldat
SUR LÀ LEGENDE D''uf UZ-KHAN- EN- ÉCRITURE OUIGOURE. 293

ëil argent, solde; mongol tsaling transcrivant le chinois tsie.n-leang".


Le mot ' caling du .mongol .a' chance d'être un emprunt récent
chinois, et ^^ au
tsJ ien-le'ang désigne la solde des simples soldats

non seulement en argent- (is'ien), mais en grains (leang); il est


d'ailleurs évident qu'il n'y a -rien de commun entre la "solde"
qu'un souverain'paye à ses propres soldats et ce qu'il demande
au
contraire à des peuples étrangers de faire pour lui; enfin
.un sub-'
stantif verbal on -yuluy ne pourrait se faire directement
- sur un
substantif d'emprunt; les "cinq tributs" sont à abandonner. A
mon
avis, il faut lire sans hésiter bas calunyuïuy comme l'avait fait Radlov.
Par ailleurs, Radlov ne s'est pas expliqué sur sa traduction
d'"Unterwerfung" et il n'a recueilli dans son dictionnaire ni calun-,
ni. calunyu-, ni calunyuïuy. Une fois de .plus, le vocabulaire sino-
ouigour du Bureau des Interprètes me paraît donner la solution.
On " y trouve une expression bas calïsdï (à lire bas calïslï)1), ré-
pondant au chinois PP Jpf k'eou-t'eou, "faire le k'o-t'eou", "se
prosterner en cognant la terre du front". Le verbe calïs- signifie
"frapper ensemble d'un coup", de cal-, "frapper d'un coup"; de ce
verbe cal- dérive aussi câlin-, "se frapper, être frappé", qui donne
régulièrement calïnyu et calïnyuluy. Je considère que calunyuïuy
est un nouvel exemple de ces formes en -u- que j'ai déjà signalées
dans le manuscrit Schefer là où le vocabulaire sino-ouigour (et
parfois. le ouigour en général) a -ï- ; ce qu'U/uz-khan demande aux
peuples des quatre coins du monde, c'est de se prosterner devant lui,
autrement' dit de lui rendre hommage 2).
1) Il est certain que le ouigour de Tourian prononçait les s, et le vocabulaire
sino-ouigour les note régulièrement; ici les deux points qui distinguent le s du s auront
été omis accidentellement en écriture ouigoure, et la transcription phonétique chinoise a
par suite s; ceci nous est un nouvel indice que ces transcriptions chinoises du vocabulaire
ont été faites automatiquement d'après l'écriture, et non d'après la prononciation réelle.
Pans son dictionnaire (III,- 1883), Radlov a bien rétabli bas cal'isiï.'
2) Le-même vocabulaire sino-ouigour donne bas ëaqïb, "ayant frappé la tête [sur
le sol]", comme traduction du chinois 3RÏ? U§L t'eou-hiang, "se soumettre"; or bas caq-
est tout à fait synonyme de bas cal-.
-
294 PAUL PELLIOT.

XIII, 2—3: tartqu tartïp, "dem werde ich Geschenke geben"


(Radlov); "lui donnant des cadeaux" (M. R. X.). Au lien de tartqu,
substantif verbal de tart-, mot-à-mot "tirer", le mss. a taratqu,
forme incorrecte (le verbe tarât- signifie "disperser"), résultant de
la dissociation du groupe consonantique; on a de même tarattï pour
tarttï dans XXXI, 9 (M. R. X. a transcrit tarïttï). Dans le voca-
bulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes, tartïp est employé
seul comme équivalent du chinois $$k pt tsin-kong, "offrir le tribut",
mais ce tartïp était naturellement susceptible d'être précisé par un
complément, et le vocabulaire sino-ouigour de la collection Morrison
a seize exemples se terminant tous par tartïp, tels que at tartïp,
"[ayant] offert en tribut des chevaux", qas tartïp, "[ayant] offert
en tribut du jade", etc. ; c'est de la même manière qu'on a ici
altun huiniis tartïp dans XIV, 2. Radlov, qui a rendu ici tartqu
par "présents", n'a pas enregistré le mot dans son dictionnaire,
mais il y a recueilli le jayatai tartïq et tartïy, turkï tartuq,
"présents offerts à un supérieur". J'ai entendu en effet tartuq au
Turkestan chinois comme une sorte de nom technique des "présents"
obligatoires aux autorités, et Babur, dans ses Mémoires, parle des
présents qui lui sont faits en employant tartïq tart-, c'est-à-dire la
construction même que nous avons ici. Il n'y a pas à douter que
tartqu et tartïy, tous deux dérivés régulièrement de la racine tart-,
ne soient de simples synonymes. Mais alors on voit mal comment
l'expression, qui désigne les cadeaux, le "tribut", d'un inférieur à
un supérieur, pourrait s'appliquer ici aux dons faits par le qa^an
à ses vassaux. Je proposerais de considérer la phrase comme mal
construite et de rattacher tartqu tartïp au membre de phrase précédent
dont les vassaux sont le sujet, si, dans XIV, 4, il n'y avait un emploi
aussi peu admissible du verbe qui signifie "octroyer". Je ne puis donc
écarter cette autre hypothèse que le rédacteur ait employé de travers
des termes dont la valeur protocolaire lui échappait.
SUR LA LÉGENDE D'uruZ-KHAN EH ÉCRITURE OUIGOURE. 295

XIII, 4—5: camat caqap; "je le punis" (M. R. K) ; Radlov,


qui lit camat caqïp, n'a pas traduit ces deux mots ni n'a recueilli
camat dans son dictionnaire. Le mot camat reparaît encore dans
XV, 5—6, et dans XXI; 7, les deux fois suivi du participe atup.
M. Blochet a indiqué à M. R. K le mongol jàmâlà-, "faire des
reproches", verbe dénominatif tiré de *jcimà, lequel *jàmà serait
anciennement càmà, pluriel ccimàt, et par là répondrait à camat,
car "l'harmonie vocalique anciennement n'existait pas". M. R. JST.
adopte donc en note le sens de "réprimande", "punition", tout en
faisant remarquer que, dans XXI, 7, c'est un vaincu qui parle
ainsi. Il y a en effet quelques exemples de flottement entre c- et j-
dans le mongol écrit, et aussi d'hésitation entre les classes faible
et forte quand le mot ne comportait pas de gutturale, ni n'avait
en première syllabe une voyelle labiale, c'est-à-dire manquait de
lettres qui permissent, par l'écriture même, de voir si le mot était
ou n'était pas palatalisé. Mais ce n'est pas une raison pour imaginer,
contre toute évidence, que l'harmonie vocalique n'existait pas au
Moyen Age. Quant kjclmâlâ-, c'est une variante peu usitée- de jimàlà-,
verbe dénominatif issu de jimà\ qui signifie "conduite" et "blâme";
le pluriel régulier en serait jimâs, non jimât, et il n'y a pas de
raison de le faire intervenir ici1). Le mot qui est vraiment à
reconnaître dans les prétendus camat de notre texte n'est pas dou-
teux; c'est cïmat, "colère", donné dans le vocabulaire sino-ouigour
du Bureau des Interprètes 2) ; les camat du manuscrit Schefer pa-

1) C'est ainsi que jimalâ-, "accuser", "blâmer", n'a rien de commun avec ci m ala-,
"être insatiable".
2) Ce mot semble isolé en turc, et n'est connu que par ce vocabulaire (cf. le
dictionnaire de Radlov, III, 2 L03) ; il n'est donc pas exclu a priori qu'il puisse être
d'origine mongole, mais en mongol même le mot le plus voisin est cïmal-, "réprimander"
(à ne pas confondre phonétiquement avec jimâlà-, quoiqu'il en ait pu subir l'attraction
sémantique), et il se peut qu'au contraire le verbe mongol cimat- soit emprunté au turc.
Il y a un mot carnyun ou cïmyun, "calomniateur", dans Kïïsyarî (Brockelmann, Mit.
Wortsch., 49, 54); sa parenté m'est inconnue.
20
296 PAUL PELL10T.

raissent dus à un copiste ignorant. M. R. X. a lu caqar, et Radlov


caqïp] le mss. a en réalité caqap, en valeur de caqïp, participe de
caq-, "frapper d'un coup" (comme un briquet par exemple), faire
éclater par choc"; ai- signifie "tirer (à l'arc, avec une arme à feu,
etc.)", "laisser aller"; il s'agit toujours de la colère qui éclate;
carnat caqap (= cïmat caqïp) signifie donc "[ma] colère ayant éclaté".
Je n'écarte toutefois pas absolument la possibilité que caqap soit
pour c'iqïpi "étant sortie".

XIII, 6: UCuraq basïp astur'ip, "ich werde ihn niederwerfen und


hàngen lassen" (Radlov); "je surprends, je pends" (M. R,. X.). Xi
l'une ni l'autre de ces traductions ne tiennent compte de tayuraq
(ta'uraq). M. R. X. a cependant sur ce mot une note due à M.
Blochet et où tayuraq est rapproché du mongol dayurïsqa-. "dire
à haute voix", mal coupé par M. Blochet en dayur-ïsqa-; la base
de ce mot mongol est naturellement dayun, dayu (= dcCun. da'u).
"voix", "son", et -rï est un suffixe; le rapprochement ne vaut rien.
La solution est fournie une fois de plus par le vocabulaire sino-
ouigour du Bureau des Interprètes qui contient le mot tauraq, "vite".
Ce tauraq lui-même, écrit et transcrit de cette manière, est natu-
rellement identique à tabraq et tabïraq du sor et du sagaï, mais
c'est à tort que Radlov (III, 981) a corrigé tacitement en tabraq
le tauraq du vocabulaire sino-ouigour. Grâce à ce tauraq, l'appa-
rent tayuraq du manuscrit Schefer s'explique sans difficulté; c'est
un nouvel exemple de -y- en fonction de -'- pour marquer l'hiatus
intervocalique et ta'uraq répond absolument au tauraq du voca-
bulaire sino-ouigour. Pour la forme tavraq, qui est la mieux attestée
dans les textes ouigours antérieurs à 1400, cf. Radlov et Malov,

\
Uigur. Sprachdmhnàler, p. 293 (le passage tabïraq y tavraq tauraq
est tout à fait parallèle à celui du nom du "lièvre", tab'tsqan \
tavsqan y tausqau). Basïp signifie "ayant écrasé"; il n'y a
pas de
SUR LA. LEGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE 0U1G0URE. 297

difficulté. RadloY et M. R. IsT. ont ensuite lu asturïp, participe du


causatif de as-, "prendre"; cela ne me semble pas aller de soi pour
deux raisons; le verbe astur-, "faire prendre", ne s'est pas encore
rencontré, je crois, et il ne semble pas que la pendaison ait été
le mode de mise à mort usuel chez les nomades de l'Asie centrale.
Si on tient compte de XXX, 7, et de l'écriture du manuscrit, il
apparaîtra selon moi presque certain que le prétendu asturïp est
altéré (assez légèrement d'ailleurs au point de vue graphique) de
ôltùriip, "ayant, tué".

XIII, 7—9 : Gànà bu caycla ong jangaqï-da Alttm qayan clàgân


bir qayan bar erdi; "de plus, à cette époque, il y avait, du côté
droit d'[Uyuz-khan], un qayan appelé Altun qa/an". La traduction
n'offre pas de difficultés. On remarquera gànà pour yana (ydnâ),
"à nouveau", "de plus"; il est constant dans le manuscrit, et n'était

connu jusqu'ici, je crois, que dans des dialectes très occidentaux 1).
L'Altun qa^an ou "Souverain d'Or" est naturellement le souverain
des Kin ou Jucen, qui ont régné dans le Nord de la Chine de
1115 à 1234; mais ce sont par suite les mêmes que les Jùrcât
(Jucen est en fait une mauvaise forme de Jùrcât) nommés dans
XXIX, 9, et que le texte distingue à tort du pays de l'Altun qa^an.
A un autre point de vue, on notera que l'Altun qa^an est placé
au "côté droit", et que, dans XIY, 7, le qa^an d'Urum, c'est-à-dire
du Rûm, sera placé au "côté gauche". Ceci semble indiquer une
orientation face au Word, qui n'est conforme ni à l'orientation face
à l'Est la plus générale anciennement chez les peuples altaïques,
ni à l'orientation face au Sud, que certains d'entre eux ont adoptée
vraisemblablement sous l'influence chinoise 2). Mais il y a là une

1) Le mss. écrit très souvent g(à)nâ; par là même il garde une partie de la tradition
des mss. de Tourfan, où on a très souvent y{a)na [ou y{u)na\ ; cf. par exemple von Le Coq,
Tiïrlc. Manichaica, I, 56.-
2) De même les fils qui sont envoyés à l'Est (XXXVIII, 2) et qui sont placés à
298 PAUL PELLIOT.

question très complexe, et que je ne veux pas reprendre de liais;


il y faudrait faire intervenir les matériaux déjà rassemblés et publiés
par MM. Sirokogorov et Kotwicz et par moi-même, sans compter
quelques autres informations qui n'ont pas encore été utilisées.

XIV, 2—3: kop tCdim alturt kûmûs tartïp, kop telim qas yaqut
tas alup) "ayant offert [en tribut] beaucoup d'or et d'argent, ayant
pris [pour les offrir] beaucoup de jade et de corindons". Le texte
est clair. On notera (il y en a bien d'autres exemples dans le
manuscrit) le participe alup de al-, au lieu de l'usuel alïp] c'est
un aspect de la grande prépondérance de u sur ï dans le manuscrit
Schefer. Pour qa\ le manuscrit n'a ni la forme, ni les deux points
du s, et le déchiffrement de Eadlov porte qas. tout en traduisant
par "jaspe" (lire "jade"). M. R. N. a préféré adopter qïs - qïz,
"fille", et c'est ce que donne sa traduction, bien qu'en note il ad-
mette la possibilité qu'il s'agisse du jade, auquel cas, selon lui,
qas ou qaz serait la forme ancienne de qas] enfin "jade" serait,
selon M. P. N., la "pierre de bague", en ancien turc yôd. Il y a
là pas mal d'erreurs. Les "filles" sont tout à fait hors de place
au milieu de ces métaux et de ces pierres, et il s'agit certainement
cle jade. Si le manuscrit écrit qas (ou qaz) au lieu de qas, on

pourrait y voir un mongolisme, puisque qa,s est devenu qas en mongol;


mais j'imagine plutôt que nous avons affaire à une omission acci-
dentelle des deux points du s, laquelle aura entraîné la forme
spéciale de -s ou -z au lieu de celle du -s. Pour ce qui est du mot
tas qui suit les deux noms de pierres, il porte sur elles deux, car

droite (XLI, 7) sont les "Bozuq" qui régneront dans l'Est, au lieu que les fils envoyés
à l'Ouest (XXXVIII, 3) et qui sont placés à gauche (XLI, 8) régneront dans l'Ouest.
Ici le placement à droite et à gauche pourrait provenir seulement de ce que la droite
était considérée comme la place d'honneur, mais on est frappé de voir que la même ré-
partition se retrouve pour les troupes de "droite" et de "gauche" données aux fils d'Uyuz
d'après ltasîdu-'d-Dïn.
SUR LA LÉGENDE D'ur[JZ-KÏÏAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 299

le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes les appelle


respectivement qas-tas et yaqut-tas. Quant au mot français "jade",
il vient de l'espagnol hijada (ijada), et n'a rien à voir avec l'Orient.
D n'y a par ailleurs pas de vieux mot turc yâd signifiant "jade";
et il y a bien une "pierre" de y ad a en turc, de jada en mongol,
où d'aucuns ont cru parfois trouver l'origine du mot "jade", mais
la pierre de yada ou jada, employée magiquement pour faire tomber
la pluie, est un bézoar -1).

1) Sur l'étymologie du mot "jade" et sur la pierre de yada


ou jada qui est un
bézo&r, cf. mes remarques de T'oung Pao, II, XIII [1912], 436 438; la mauvaise

traduction de yada par "jade" a persisté en 1921 dans A. S. Beveridge, The Memoirs
of Bâbur, 27, 67, 623, 654, 860, 871. Marquait a proposé (TJeber das Tolksinm der
Komanen, p. 37, corrigé p. 201 en ce qui concerne l'étymologie du mot français "jade")
de voir dans yada (et jada) le persan ,.j>(_> jâdû, "magicien" [cf. aussi sogdien c$y,
dans JA, 1929, II, 191], et je ne suis pas hostile à cette étymologie (déjà suggérée
en
1866 par Yule, Cathay; cf. Cathay2, I, 246), en la faisant remonter peut-être, avec M.
Brockelmann, à une forme plus ancienne telle que l'avestique yâtu- (par un intermédiaire
*yâSu?). En fait, Kâsyarî ne connaît que les formes yat, "pierre de pluie", yatcï, "ma-
gicien qui fait usage de la pierre de pluie", et les verbes y alla- et y allai- (Brockelmann,
Mitteliûrh. Wortschalz, 82). MM. Brockelmann et Kopriïliïzade Mehmed Fuad ont donné
des détails intéressants sur ce procédé magique, le premier dans Asia Major, II, 111—112,
le second dans Une institution magique chez les anciens Turcs: yat (dans Actes du
2e Congres international d'histoire des religions de 1923, Paris, 1925, in-8, t. II,
pp. 440—451); les textes chinois et mongols permettraient d'ailleurs d'y ajouter
beaucoup, et il est fâcheux que M. Brockelmann ait fait intervenir la "néphrite"
(= le jade) au lieu des bézoars (de même, après les travaux de M. Laufer, il n'aurait
pas fallu sacrifier Imiuw au "catuq" de Kësyarï). La jade, en turc qas, servait pour les
cachets; comme tel, il est associé à l'histoire de Gengis-khan; par ailleurs, il prostégeait
de l'éclair (cf. Hommel dans Asia Major, Hirth Anniv. volume, 189). L'étymologie de
qas par *lchasa, forme à vrddJii de Khasa = Kourtu., mise en avant par Marquart (loc.
cit., p. 201) et que M. Brockelmann a rappelée, est à première vue séduisante; en
réalité, et en y joignant aussi le nom de Kiisyar, ces rapprochementsremontent en partie
à Eugène Burnouf, en partie à Richthofen; cf. A. Stein, Ancient Khotan, I [1907], 50—51,
où ils sont discutés. Sir A. Stein admet la possibilité d'un rapprochement entre qas et
les monts Vlao-ict, mais écarte Kâsyar et les Khasa; je serais peut-être moins sévère, et
compte en donner ailleurs mes raisons. Mais en tout cas, je n'inclinerais pas à voir dans
qas une "forme à vrddhi" *Khàsa du nom des Khasa; si les noms sont apparentés et
ont pu se confondre à un moment donné, c'est alors, à mon sens, parce que le mot qas,
"jade", préexistait vraisemblablement dans la langue indigène. Sur Khasa, cf. encore
S. Lévi, dans JA, 1915, I, 102; Divyâvadâna, 372; Przyluski, La Légende d'Açoka, 233.
300 PAUL PELLIOT.

Pour ce qui est du yat, yada ou jada, je voudrais encore formuler quelques remarques.
En premier lieu, d'après les textes chinois de l'époque mongole, tout comme d après le
§ 143 de YHistoire secrète des Mongols,
Jada n'est pas en soi le nom de la pierre, mais
celui du procédé magique qui amène le vent et la pluie; il en est de même pour son
verte dénominatif jadala-, "faire naître le vent et la pluie"; malgré le ^Regenstein" de
M. Brockelmann, c'est bien aussi la divination par la pierre, et non la pierre
elle-même,

que Kâsyarï me paraît appeler yat; le


yada-iai n'est donc pas une "pierre yada", mais
la "pierre qui sert au yada"; l'étyinologie par yatu- en est facilitée. Mais il résulte de
là qu'on ne peut retenir la suggestion de M. Mebrned Fuad de corriger en 0ij
y ai
ou
,.^J '//al la pierre0lJ lut de Kïïsyarï (Brockelmann, 45), grosse topaze attachée
aux boucles frontales des princes et des princesses.
Par ailleurs, les formes yat et yatcï
de Kâsyarï ont fait penser à M. Mehmed Puad (p. 449) qu'il fallait corriger en 0L,
yai (et en _>o'L y"1''') le JJ y ai du texte de Juwainï (et le c_>oL y aïci des notes;
éd. de Mîrzâ Muhammad, I, 152); M. Deny (p. 450) s'est au contraire demandé si ce
n'était pas là une forme dialectale; en fait yaïci, "sorcier", est indiqué pour le Jaghatai
par Pavet de Courteille (p. 542) et par Radlov (III, 14), et est
attesté sous la forme
ydicï, dans le même sens, en turc tobol (avec des dérivés yaicïla-, yaïcïlïq; Radlov, III,
14). A vrai dire, Radlov dit bien ici que le y aïci du 'jaghatai vient "sûrement" de ce
que primitivement le sorcier opérait à l'aide d'un "arc" (y a ou y aï), et y aïci signifie
d'ailleurs aussi en jaghatai "archer" (et en outre en coman "fabricant d'arc", yyacci,
Cod. Corn., 103 [à lire i/yaici'i; yau de Cod. Com., 118, est soit pour ya, soit à corriger
en -//aï; la forme, y aï se retrouve peut-être dans le jayli= yailï (lire yaïcï?) de la p. 146,
où le mot, au sens d'"archer", s'opposerait alors à l/ira, "bouclier" (et non tari), "prince",
comme l'ont pensé Kuun et Radlov, ni même l'ara, "maison", comme l'a supposé M. Barig,
Veber die lliithsel, 347; l'allusion de l'énigme serait au guerrier muni d'un bouclier ou
à l'archer qui montera le poulain?)]. Mais, à propos du terme correspondant kirghiz
jaï.iï, Radlov (IV, G) l'interprète bien par "qui sait faire tomber la pluie", de même que
le verbe dénominatif jaïlat-. Budagov (II, 346) a donc raison d'identifier y aïsi à yadacï,
et il fournit même le correspondant kirghiz jaï-ias de yada-iai. L'obscur _|_, bai,
"sorcellerie", de A'ambéry (Cagai. Sprachsind., 243; cf. le dict. de Radlov, IV, 1121)
n'a peut-être rien à voir avec bai/a- (<^ bayla-), et pourrait à la rigueur être une alté-
ration graphique de Jj yaï. Dans Pavet" de Courteille (p. 542), _(_, J^c est traduit
par "art de se servir de la pierre à pluie, dont on fait usage surtout en été", mais il
est clair que -{, y ai n'est ici pas plus yaï, "été", que ce n'était yaï, "arc", dans
yaïcï, "sorcier"; dans les deux cas, yaï répond à yat ou yada, et, si on met en parallèle
le yadcï des Uigarica II qu'on trouvera plus loin, ou sera tenté de supposer une forme
turque archaïque *yaS. La double forme yaï et yaï nous laisse dans l'incertitude quant
à la leçon à adopter dans le texte de Juwainï. D'un côté, on ne s'attendait pas à ren-
contrer si tôt la forme yaï, la correction de yaï en yat est graphiquement très simple
(ce qui n'était pas le cas pour ^^ but), et le mss. fondamental de Juwainï n'est pas
exempt de mauvaises leçons dans les noms propres (ex. Bût-tàngri altéré de Tàb-tànari).
Mais, d'autre part, le nom du procédé magique pour faire tomber la pluie devait être
connu dans le monde des Mongols de Perse, chez qui le manuscrit a été copié au
XIIIe siècle, et Juwainï a parfois une onomastique à formes "turques" aberrantes
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 301

("Tûsi" pour Jôci, etc.). J'incline donc à admettre qu'il a bien employé y ai, qui serait
ainsi attesté, comme prononciation dialectale de y al, dès le XIII" siècle. Les formes
yat et yaicï de Kâsyarî sont toutefois confirmées par le yadcï de F. W. K. Mûller,
TJigurioa II, 84. Dans ce dernier texte, Mûller a rattaché à yadcï, comme une épitliète,
les mots précédents, luu bntnrgiicï, "qui fait lever les naga", et cela l'a amené à parler
d'un rite probable de Schlaugenbeschwôrer analogue au ah.iguntjdka des jataka. Comme
il s'agit d'une énumération de dix-huit conditions pécheresses (ïïsrava), M. BaDg {Znr
Kriiik und Erklàrung der Berliner TJigur. Turfanfragmenle, dans Sitzungsberichte de
l'Ac. de Berlin, 1915, 623—624) s'est demandé si, pour arriver au chiffre de dix-huit,
il ne fallait pas séparer luu ôntiïrgiïci de yadcï; mais cette hypothèse entraîne aussi à
dissocier ensuite le groupe qïnayucï amgâtynci qui n'a cependant qu'un même complément
et à séparer cantal {candcda) de kisi ôlurgiici, "tueur d'hommes"; c'est assez peu admis-
sible. Il me paraît plus vraisemblable que l'énumération soit incomplète (je ne lui con-
nais malheureusement pas de parallèle) et que le yadcï fasse bien "lever les naga".
Dans cette hypothèse, qui était celle de F. W. K. Mûller, on pourrait bien admettre
que les naga, selon le terme hindou, ou, à la chinoise, les dragons n'interviennent ici
qu'en tant qu'ils sont les agents des perturbations atmosphériques. Mais un des textes
cités par M. Mehmed Fuad paraît autoriser une interprétation plus concrète, puisqu'un
serpent véritable y joue précisément un rôle dans la cérémonie magique à laquelle se
livre le yadacï. [Eu parlant plus haut d'une énigme du Codex Comanicus, j'ai accepté,
sous réserves, l'explication de M. Bang qui explique le mot bey de la solution par une
"jument" qui met bas un poulain. Le mot existe en effet sous des formes dialectales
qui vont de bà (M?) à pa, pi, pili, bià, biyà; on a déjà bi dans Kâsyarî (Broçkelmann,
36; je ne pense pas par contre qu'on puisse en rapprocher bcldau, "stérile", "brehaigne",
comme le fait M. Bang); et on voit bien, par le "klunlagan" (= qidunlayan) qui suit,
ce qui amené M. Bang à proposer cette solution. Elle se heurte cependant à trois diffi-
cultés: 1° On voit mal le rapport entre l'énigme et sa solution; mais le cas est assez
fréquent. 2° Le mot bey, dans les deux parties du Codex Comanicus, a partout (sauf
éventuellement dans cette énigme) le sens de "seigneur" (<^ bïicj); ce peut être un cas
d'homophonié. 3° Dans la première partie de l'ouvrage, et c'est là la raison principale
de ma remarque, il y a pour "jument" un mot qu'on n'a pas reconnu et qui n'est pas
"bey". Parmi les noms d'animaux de la p. 127 de l'édition de Kuun, après le cheval
et le lion, et avant la mule et l'âne, on lit: leopardus, en persan madian, en coman
chestrac; Kuun a accepté ce sens de cliestrac dans son index (p. 271), Radlov a rétabli
qïstrac (Das iiirk. Sprachmaterial des Codex Comanicus, p. 28), et ce nom "coman" du
"léopard" a été recueilli dans son dictionnaire (II, 816). Mais le persan madian, comme
l'a vu Kuun (p. 347) et bien qu'il ait gardé l'équivalence "léopard", est évidemment
lolo mâdiyân, "jument", et dès lors il est clair que le coman "chestrac" (= qïslraq)
.
est identique à qïsraq, "jument"; c'est une erreur de copie qui aura donné, sous "léopard",
les noms persan et coman de la "jument". Ceci ne ruine d'ailleurs pas l'explication de
M. Bang, car Kâsyarï (Broçkelmann, 156) interprète qïsraq par "jeune jument", et
plusieurs dialectes modernes (ceux qui n'emploient pas en ce sens baïlal) ont gardé
trace de cette spécification. Au contraire, bi, bâ, etc., s'applique à une jument adulte,
qui a eu un ou des poulains, et ce serait précisément le cas dans l'énigme. En consé-
quence, et sans garantir l'explication de M. Bang, je la crois très probable.]
302 PAUL PELLIOÏ.

XIV, 4—5: llyuz qayan-ya soyuryap berdi, "[l'envoyé de


l'Àltun qa/an] ùberreichte sie [= les joyaux, etc.] Ogus Kaan als
G-eschenk" (Radlov); "il en a fait cadeau à Gughouz Kaghan"
(M. R. K). Il paraît en effet difficile de construire la phrase
autrement, et cependant soyurya-, en turc comme en mongol,
s'emploie expressément au Moyen Age pour désigner les cadeaux
ou faveurs accordés par un supérieur à un inférieur. C'est ce que
montre bien le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes,
qui donne le mot, selon la prononciation mongole postérieure au
XIVe siècle, avec la prononciation soyoryajj, et le traduit par
HÉ l|J| chang-ts'eu, "octroyer (en parlant de l'empereur)". Je suis

donc amené à conclure que, ici comme plus haut pour tartqu tartïp
(XIII, 2—3), le rédacteur a mal employé des mots ayant un sens
protocolaire 1).

1) Dans un texte manichéen, M. Bang et


von Gabain (Tiirk. T/irfau-Te.rte III,
M1'1-'

194 et 210) ont rencontré un verbe qu'ils lisent suyurqa-; il est associé à irinckà- (erincka),
"avoir de la compassion", et doit en être un synonyme. Ils l'ont retrouvé,
avec le même
sens, dans le Stivar/japrablutsa, une fois seul, une fois associé également à arincka-, mais
les deux fois écrit 1 suyurqa-, Cette initiale 1s- ne se rencontrant guère,
que dans des mots
d'emprunt, et surtout d'emprunts au chinois, nos confrères ont considéré
comme certain
que suyurqa- on tsityurqa- représentait le chinois 3-12 1s 1eu, "compassion", plus un suffixe
verbal -ïrqa-, -urqa-, et ils ont fait à nouveau état de cette dérivation dans leurs
UiguriscJie Stvdieit, Vngar. Jalirbih-Jwr, X, 205); ils n'ont rien dit de
soyurya-, "octroyer".
En réalité, la dérivation proposée se heurte à des difficultés phonétiques
assez sérieuses,
car 22 tseu est *chci, c'est-à-dire que le mot n'a jamais comporté de voyelle labiale,
et, jusque vers l'an 1000, il s'est prononcé avec initiale
sonore. La seconde objection
ne vaut naturellement pas pour un mot qui serait emprunté vers l'an 1800 par exemple;
en fait, la traduction ouigoure même du S/rearnaprab/iûsa, qui paraît dater environ de
ce moment-là, transcrit Getse ou Getso le nom de ;É|E j|& Yi-tsing et samtso le titre de
—- psj£ snn-tsang (cf. F. W. K. Mùller, TJigurica, 14—15, où l'interprétation de Kitsï
[= Getse] par ïue-tche est à abandonner, et Radiov et Malov, Siwarjjaprabliâsa,^.i\);
or le tsing de Yi-tsing et le tsang de san-tsaug sont à anciennes sonores initiales; mais,
pour un emprunt ancien, il faudrait citer des exemples de transcriptions de
ce type 1s-
avec des mots dont l'initiale sonore n'était pas encore assourdie. Par ailleurs, je
ne vois
pas de raison pour que la voyelle de ts'eu (*dzci) se soit labialisée dans
un emprunt turc.
Enfin suyurqa- peut aussi bien se transcrire soyurya-, et
on hésite à séparer les deux mots.
Soyurya-, "accorder une faveur", ne se trouve pas dans Rasyarï, mais
est néanmoins assez
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 303

XIV, 5—6: yaqsï bàgil (?) birlà dostluy qïldï, "durcli treffliche
Fùrsten (Gresandten) schloss er mit ilim Freundschaft" (Radlov);
"il a noué des relations d'amitié avec son grand bey" (M. R. K).
Ces traductions me paraissent très peu probables en tant qu'elles
voient dans bâgù (M. R. K lit à tort ici bigiï) le mot bàg, "chef",
"beg", qui n'est attesté nulle part avec un -il final, et que le
manuscrit mentionne à plusieurs reprises sous les formes beg, bclg.
On a de même dans XXII, 6—7, begiï berip dostluy-dïn cïqmas tur,

ce qui a été traduit comme suit: "Wenn der Fùrst gibt, so verlâsst
er nicht die Freundschaft" (Radlov), et "Je ne sortirai pas de
l'amitié en vous donnant [un] bey (il devra être gage)" (M. R. N.).
M. R. N., qui n'avait rien dit sur le premier passage, a en effet
sur le second une note où, hypothétiquement. il met en avant le
mongol bàki, "beaucoup", mais se prononce en faveur de "bey";
le personnage aurait "donné" un "bey" en otage. Si le sens avait
été satisfaisant, on aurait pu à la rigueur voir dans bcigû une forme

ancien en turc, puisqu'il est employé dès le Qutadyu bilig; on le connaît en coman
(Cod. Com., 2155 : "soyurgadi") et en osmanli; le substantif dérivé soyuryal, "faveur",
est attesté en coman (Cod. Com., 2042: "soyurgal", traduit par gratis) et en Jaghatai;
cf. aussi W. Bang, Beitràge zur Erklarung des homanischen Marienliy mnus (Nachr. d. K.
Ges. d.Wiss. eu Gôitingen, 1910, 62; la mauvaise lecture de Radlov que dénonce M. Bang,
et que Radlov n'a d'ailleurs pas recueillie dans son dictionnaire, lui avait été inspirée,
semble-t-il, par une mauvaise remarque de Pavet de Courteille dans JA, 1878, II, 213—214).
Le mongol emploie de même soyurya-, soyuryal et toute une série de dérivés, dont le
nom Soyuryaqtani de la mère de Mongka et de Kbubïlaï. Le persan des Mongols de
Perse a connu de même \\_£ l'abstrait persan ^iXjuoLc <y-w soyuryamisi
v^w soyuryal et
(cf. Vullers, II, 353 et 376). Le Qidadyu bilig prouve que soyurya- était employé en
turc dès la fin du XIe siècle, mais je ne suis pas sûr que le substantif soyuryal, vu sa
dérivation, ne soit pas, même en coman, un mongolisme. Si une étymologie chinoise de
suyurya-, tsuyurqa-, "avoir compassion", se confirmait, on pourrait naturellement en
proposer une analogue pour soyurqa-, dont l'équivalent chinois régulier est Bji ts'eu ou
sseu (*sie) ; maisj'avoue conserver des doutes dans les deux cas. Il ne me paraît pas
exclu que suyurqa- (soyurya-), "avoir pitié", soit identique à soyurya-, "accorder une
faveur", par une évolution sémantique analogue à celle qui fait que yarliqa- ou yarliya-,
"ordonner", signifie aussi "se montrer bienveillant", "se montrer compatissant". Il resterait
à expliquer le ts- de tsuyurya-; peut-être est-ce une notation dialectale (mongolisme?),
sans valeur étymologique.
304 PAUL PELLIOT.

anormale en il de l'affixe possessif en -i, du même type que par


exemple basum (XXII, 6), au lieu de basïm, "ma tête"; mais ces
formes en u au lieu de ;/' ne semblent guère apparaître que dans
les mots non palatalisés (selon le même type qui donne altun, or'',
en ouigour, en ja^ataï et en turkï du Turkestan chinois quand les
autres dialectes ont altïn). Bagiï s'est rencontré, sur un pieu inscrit
de Tourfan que je date de 983, comme un élément d'un nom propre,
mais sa valeur y reste indéterminée 1). Mon opinion est que bâgù
ou begiï ne peut guère s'appliquer qu'à des objets qui ont été
donnés en gage d'amitié, et non à des hommes. On pourrait songer
éventuellement à belgiï, qui est la forme ouigoure du mot signifiant
"marque", "signe"; mais l'omission de dans les deux cas serait
VI

une double faute surprenante. Berg-ii, substantif verbal normal for-


mé de &<?;-, "donner", se heurte à des objections analogues, mais
moins fortes, car, au moins dans le second cas, on peut lire dans
le mss. b(e)rgU au lieu de begû (cf. b(i)rlâ pour birl.li dans XLII, 4);
il y a dans Ibn-Muhannâ" un mot <J"_s qui est traduit par ^uvJi
al-sahï, "généreux"; on est assez tenté de lire Jï^ bergiï. et de
traduire par "générosité", "largesse", ce qui irait bien dans les deux
passages de notre texte.

XIV, 6: amïraq boldï; "[er] lebte mit ihm in Prieden" (Radlov);


"il a fait la paix avec lui" (M. R. X.). En note, M. R. X. cite
pour amïraq une note de M. Blochet, invoquant le mongol "amour-
akhou", "se reposer, être tranquille, en paix avec quelqu'un". Mais
le verbe amuraqu n'est pas à couper en amur-aqu;
son thème est
arnura-. dérivé de amu-, "être tranquille". Quant à amïraq. c'est
une autre forme du turc amraq, "cher", "aimé", bien connu en
ouigour; le mot mongol correspondant est amaraq, qui a le même

1) Cf. F. W. K. Miiller, Zwei PfaMinschrifien, p. 11, et, pour la date, mes remar-
ques du T'oung Pao, 1929, 254.
SUR LÀ LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 305

sens. Ainsi, après avoir fait amitié (dost, mot persan), les person-
nages visés "furent en affection".

XIV, 7:jông jangaqï-da, "de son côté gauche". Comme on vient


de parler de l'Altun-qayan qui était au côté droit (ici = à l'Est)
d'Uruz-khan, et qu'il s'agit ensuite du Urum-qaran ou qa/an du Rûm
qui est forcément à l'Ouest, les traducteurs ont rendu jông par
"gauche" et il n'y a qu'à faire comme eux; mais ils auraient dû
s'expliquer sur le mot, qui reparaît encore deux fois dans XLI, 3
et 8; M. R. N., qui a lu ici cong-, a adopté công dans les deux
autres passages. Je ne trouve pas trace dans le dictionnaire de Radlov
d'un mot correspondant à son déchiffrement et à sa traduction.
Dans le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes, les mots
pour "droite" et "gauche" sont, comme à l'ordinaire, ong et sol.
A titre hypothétique, je proposerai de voir dans le mot du manuscrit
Schefer, en le lisant jông, un emprunt au mot mongol jiïiïn )> jôn,
qui signifie "gauche".

XV, 2—3: qataqlayu barmaz erdi; "er ging nicht um sich ihm
anzuschliessen" (Radlov)- "il n'allait pas chez lui; il se retranchait
dans un endroit escarpé (inaccessible)" (M. R. N.). M. R. N. dit

en note que, d'après le dictionnaire de Radlov, "katak" signifie


forteresse. Mais l'interprétation de M. R. N., qui par ailleurs a
adopté une lecture impossible "qataqlaqïb" (ceci supposerait un
thème dérivé en -q- d'un verbe dénominatif en -la-, ce qui n'existe
pas), est indéfendable, et le texte veut évidemment dire que le roi
du Rûm "n'alla pas pour ...."; autrement dit, qataqlayu dépend de
barmaz. Par un passage du dictionnaire de Radlov (II, 308), nous

voyons qu'il lisait ici qadaqlayu, et voyait en qadaqla- le verbe


"clouer" (dérivé de qadaq, "clou"), d'où "se réunir à", "se join-
306 PAUL PELLIOT.

are à" y a toutefois dans le dictionnaire de Radlov (II, 293)


1). H

un autre verbe traduit également par "se joindre à", c'est-le


ouigour "qatqala-", illustré par un exemple du Qutadyu bilig et
deux du vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes. Mais,
de l'aveu même de Radlov, l'exemple du Qutadyu bilig est très
douteux; quant à ceux du vocabulaire sino-ouigour, ils sont fautifs.
Comme l'avait déjà bien lu Klaproth en 1822, l'un est is qataylap,
"ayant eu [charge de] s'occuper des affaires" (^
iff- kouan-che),
l'autre est tamya-nï qatayluyu, "étant chargé du sceau" ( Jp. \i\j
tchang-yïn) 2). Le verbe qatayla- signifie donc "s'occuper de",
"donner ses soins à", et nous connaissons bien aujourd'hui la
forme réfléchie qataylan-, "faire des efforts" (cf. T'oung Pao. 1914,
268; pour l'orthographe parallèle qatïylan-, cf. Brockelmann, Mit-
telturk. Wortschatz, 151). Dans le présent texte, on a (XX, 6)
baluq-m qataqlayu karcik, "il faut garder la ville". Enfin le mot
a dû pouvoir s'employer au sens de "suivre avec soin", "s'attachera",
ou quelque chose d'approchant, puisqu'on a dans XVII, 8—9, ol
bôrï-nilng artlarïii qataqlab, "ayant suivi de près sur les derrières
de ce. loup". Le sens de qataqlayu barmaz erdi est donc
que le
roi du Rûm "n'alla pas se mettre au service [d'U^uz-khan]".

XV, 6: anga atlayu Uliidi, "und wollte gegen ihm reiten"


(Radlov) ; "[Oughouz kaghan] a voulu monter à cheval ..." (M. R. X.).
Le verbe atla- reparaît souvent clans le texte (XV, 7; XVI, 9 ;

1) Tout en reproduisant expressément ce


passage comme ouigour, Radlov y a transcrit
carlïy le mot signifiant "édit souverain"; mais carlïy, que son dictionnaire
ne donne
d'ailleurs à sa place alphabétique pour aucun dialecte, est
une prononciation invraisem-
blable de yarliy en ouigour, et j'ai indiqué plus haut les raisons qui
me font transcrire
en pareil cas jurl'iy.
2) La lecture de Radlov s'explique d'ailleurs bien
par le fait que la transcription
chinoise, prise telle quelle, donnerait l'impression d'être faite
sur un thème qadaqala-,
et qu'il y a même flottement dans la position des points du second (ou y)
q en écriture
oui goure.
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EF ÉCRITURE OUiaOURE. 307

XX, 9; XXV, 3 et 4; XXXIII, 3; XXXIV, 6), et toujours Radlov


l'a rendu par "reiten", M. R. K par "monter à cheval". Si on
ouvre cependant le dictionnaire de Radlov, on n'y trouve pas atla-,
"monter à cheval" ou "aller à cheval", mais seulement atlan-, et
de son côté M. R. K dit en note (p. 42) qa'atla est l'actuel atlan-
;
KasVarï ne connaît qu'atlan- (Brockelmann, Mitt. Wortschatz, 15).
Radlov s'est trouvé sans doute embarrassé pour enregistrer dans
son dictionnaire atla- au sens de "reiten", "aller à cheval", parce
qu'il donne ce verbe (I, 467) au sens de "schreiten", "marcher",
"faire des pas", et le rattache alors, avec raison d'ailleurs, à adaq
(et ayaq), "pied", "jambe" 1). Il est certain qu'en turc de Kazan
moderne atla- implique si peu l'idée d'aller à cheval que atlap
barrnaq y signifie "marcher [à pied, sans courir]", au lieu
qu'atlatïj) (?) barrnaq y a le sens de "aller à cheval au pas" (cf.
le dictionnaire de Budagov, I, 58). Dès les environs de 1300, le
Codex Comanicus (éd. Kuun, pp. 24 et 222) distingue atlan-,
"aller à cheval" ("equito"), à'atla- ("atlarmen, obirschriyte", =
[ich] ùberschreite, "je franchis"). En réalité, dans notre texte, le
verbe qui signifie au propre "reiten", "aller à cheval", "être sur
un cheval", est min-, qui est le mot turc commun (turc de l'Orkhon
et osmanli bin-); et il en est bien de même dans les dialectes qui
ont atlan- ou des formes en -n apparentées à atlan-; le verbe atlan-
signifie plutôt l'acte même de se mettre à califourchons, c'est au
propre "monter sur le cheval" plutôt qu'"aller à cheval". Par
ailleurs, atla- dans notre texte, aussi bien dans le passage cité au
début de cette note que dans plusieurs autres, est construit avec
un datif; c'est "monter à cheval vers..." ou plutôt "monter à cheval

1) L'osmanli a de même ad-, "marcher", adïin, "pas"; atlamaq, au sens de "marcher",


est donc prohahlement issu de *adlamaq; je ne vois pas de raison pour rattacher osm.
ad- à ai-, "jeter", "tirer", comme le propose Radlov (I, 474). Pour ce groupe de adaq,
ad- et atlamaq (<^ *adlamaq), cf. aussi Németh, As urâli es a tor'àh nyelvek osi Icapcsolata,
dans Nyelvlud. Jcôslem., 47 (1928), p. 23 du tirage à part.
308 PAUL PELLIOT.

contre..."; avec ou sans datif, c'est toujours partir en campagne


contre des ennemis. Puisque cet emploi de atla- n'est pas attesté
ailleurs en turc, peut-être faut-il y reconnaître un mongolisme; en
mongol, morïla-, verbe dénominatif fait sur morïn, "cheval'', tout
comme atla- l'est ici sur ai, "cheval", signifie bien, mot à mot,
"monter à cheval", mais dans les textes les plus anciens, et en
particulier dans VHistoire secrète des Mongols, y équivaut toujours
à "partir en expédition contre". Abû-'l-Grhazï, dans son récit de la
légende d'Uyuz-khan, emploie atlan-, avec un datif, au même sens
de "partir en expédition contre" que nous avons ici pour atla-]
peut-être cet emploi d'atlan-, non relevé dans le dictionnaire de
Radlov, y est-il un reste de la valeur qu'avait atla- dans le texte
ancien de la légende. [J'ai laissé de côté, au cours de cette note,
l'osmanli atla-, "sauter", dont l'origine ne m'est pas claire. Radlov
(I, 467) le considère comme issu de at-, "lancer", "tirer (une flèche)",
par un intermédiaire *atï(a- ; mais, même ainsi, la dérivation reste
anormale. M\ Deny me dit que les Turcs expliquent atla-, "sauter",
par at, "cheval"; ce serait "sauter comme un cheval"; ici la déri-
vation serait régulière, mais l'évolution sémantique ne va pas de soi;
en adoptant "sauter" comme une généralisation du sens de "sauter
à cheval", on rejoindrait le sens premier du verbe atla- de notre
texte.]

XV, 8: Muz-tay. Je pense comme Eadlov et M. R. X. que


Muz-ta/ est la forme correcte pour le nom de cette "montagne",
et on a en effet un Muz-ta^ ou "Mont de la Giace" dans XXYÏ, 8;
mais M. R. X. eût dû indiquer en note, comme l'avait fait Radlov,
que le mss. a ici en réalité, très nettement, Muz-taï. M. Marquart
(Ueber dus Volkstum der Komanen, 143) a pensé qu'il s'agissait de
deux Muz-ta^ différents dans les deux passages, et a cherché à les
identifier l'un et l'autre; mais je doute que nous puissions arriver,
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN- EN ÉCRITURE OUIGOURE. 309

avec notre légende, à d'aussi grandes précisions. En particulier il


ne ni'apparaît pas que, comme le veut M. Marquai"t, on doive, dans
le Uruni (= Rûm) de notre texte, voir les Alains du Caucase.

XYI, 4—6: ol jaruq-dun kôk tûlilldùg kôk jallwy bedâk bir


erkàk bôri cïqtï; "de ce [rayon de] lumière, sortit un grand loup
mâle, aux poils gris, à la "crinière" grise". Le mss. a en réalité
caqtï, mais il faut sûrement lire cïqtï, comme l'ont fait les tra-
ducteurs. Sur la traduction de kôk par "gris", cf. supra, p. 288.
Au lieu de jallwy, M. E. N. a toujours lu càllilg, mais le mss. écrit
toujours le mot à la classe forte. Naturellement, jal est une pro-
nonciation d'influence kirghiz ou mongole pour y al, "crinière", qui
n'est palatalisé que dans peu de dialectes turcs (sauf yàlà en osmanli) ;
jal est la prononciation spécifiquement kirghiz (le mot mongol
correspondant, dâl, en mandchou delun, est palatalisé) l). Un loup
n'a pas à proprement parler de crinière, et il ne peut s'agir que
des poils plus longs et plus rudes de la partie supérieure du cou 2).

XVII, 1: Aï aï Uyuz tapuqung-ya mcin yiiriir bola-man; "und


ich will dir, o Oguz, zu Diensten sein" (Radlov); "ô! ô! Oughouz!
Je marcherai devant vous (à votre tête)" (M. R. K). M. R. 1ST.
a raison, et ceci vaut également pour tapuqlarï-ya de XVII, 5,
pour tapïq-ï-da de XVIII, 6, et pour tapuq-larï-da de XXV, 7;
la seconde et la quatrième fois, Radlov avait traduit encore par
"im Dienste", et la troisième il avait laissé le mot en blanc. Le
mot tapuq ou tapïq signifie "le devant", comme art signifie "l'arrière".

1) Radlov (III, 11 et 153) indique deux formes différentes pour le "taranci", y ail
et ijTd, et renvoie en outre, sous cette dernière, au yakout siii.l; personnellement, j'ai
entendu yal dans tout le Turkestan chinois. Dans la partie imprimée de son dictionnaire
ouigour (col. 84), Radlov cite en outre un adjectif "y'dillik", "ayant une crinière", avec
une indication de source "4 D. 8" dont le sens m'échappe.
2) Dans le vocabulaire arabo-mongol de Leyde, le terme "loup à crinière" désigne
l'hyène; cf. Poppe dans Izv. Ak. Naulc, 1928, 56.
310 PAUL PELLIOT.

J'ai lu tapuq et tapïq, mais peut-être tabuq et tabïq sont-ils corrects


(M. R. X. a lu une fois tapuq, dans XXV, 7). En tout cas, pour
le sens, le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes don-
nait déjà tabuqïnda, "devant" (locatif de la forme possessive), mais
cette explication n'a pas été recueillie dans le dictionnaire de Radlov.

XVIII, 5—6: Edàl niùrân-nùng quduy-ï-da bir qara aduq


tapïq-ï-da ; "An diesem Àdil Miirân bei dem einer schwarzen
Insel" (Radlov); "devant une ile noire à l'embouchure d'Itil Mouran"
(M. R. X.). Le mss. a presque toujours Adâl ou Edâl pour le nom
de la Volga. La traduction de Radlov non seulement laisse en blanc
le mot tapïq, mais n'a pas trace du mot qnduq. On a vu au para-
graphe précédent que l'interprétation de topïq par "devant" est juste
(le mss. a ici, au lieu de tapïq, une forme sans points qu'on peut
lire *tapïqaz ou *tapïqq ; je lis tap/iqq comme M. R. X.). Quant
à quduy, M. R. N. l'a lu quduq et rendu par "embouchure"; quduq
signifie "puits" dans la plupart des dialectes, "source" en téléout,
mais je ne trouve pas le sens d'"embouchure". Le "puits" de
l'Edâl miirân, c'est-à-dire de la Volga, ne donne pas de sens; il
est par ailleurs très peu probable qu'on veuille placer le combat
entre Uyuz-khan et le souverain du Rûm à la "source" du fleuve;
le combat doit avoir eu lieu "au bord" du fleuve. Or il y a dans
le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes un mot qïdïy,
"frontière"; mais ce qïdïy est évidemment le même que qïyïg en koïbal
et sagaï, qïijï en osmanli, qui signifient "rive" d'un fleuve (cf. d'ailleurs
^
taluï ôgiiz qïdïy-ïnga, ch. |§? '/Ê||ï§f tsin ta-luii tsi, "jusqu'aux bords
de la grande mer", dans Radlov et Malov, Suvarnaprabhâsa, 5724)l).

1) Si c'est bien là le mot douteux des JJigur. S-prachdenkmàler, 5840, il faut le lire
qïdïy, à raison même de qïyïg et qïyï, et non qïiïy comme M. Malov l'a transcrit p. 282.
Kïïsyarî a correctement qï'Sïy, "rive" et "bord" (Brockelmann, Mitlelliirk. JForl.sc//al's, 153).
Pour le sens, cf. aussi le mot mongol correspondant Icijaar (<^ *qïdïyar?), "frontière",
"rive (d'un fleuve)".
SUR LA LEGENDE p'uruZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIG-OURE. 311

Je considère donc que l'apparent quduq ou quduy du manuscrit Schefer


répond à qïdïy, et que nous avons là un nouvel exemple d'une pronon-
ciation en u pour un mot à voyelle ï.

XVIII, 8—SIX, 2: cârik-làr-ndng ara-lar-ï-da kôp tàlim boldï


uruh/u, el kun-làr-nâng kôngûl-lâr-i-dà kôp tàlim boldï qaïyu\
"Zwischen den Heeren fanden viele, viele Kâmpfe statt; in den
Herzen der Vôlker entstand da sehr viel Eummer" (Radlov) ;
"Il y a eu plusieurs attaques de la part des soldats; il y eut
beaucoup d'angoisse dans le coeur des combattants" (M. R. N.).
Radlov et M. R. N. ont lu ara, et bien qu'un pluriel de ara,
"milieu" ("au milieu de") m'ait paru d'abord un peu surprenant
et que j'aie envisagé un instant de lire ârà-làr-i-dà (avec ara -
àràn ou = mongol ara), je me suis rallié à leur lecture par ana-
logie avec les tapuqlarï et artlarï de XVII, 5 et 8. A kôp talim,
que Radlov a lu comme moi, M. R. N. substitue "kôp dalïm" dans
le premier cas, akôp yaMm" dans le second. M. R. ajoute en
1ST.

note que yalïm veut dire "angoisse". Quant à "dalïm", M. R. N.


le tire de osm. dal-, "s'enfoncer" (auquel il prête le sens figuré
de "s'enfoncer dans les rangs de l'ennemi"), et M. Blocliet lui a
dit que "bataille" était en "mongol del-im pour dal-im, sans l'har-
monie vocalique, de délé-ku, frapper, qui se retrouve dans les verbes
actuels déle-s-ku, forger, déle-t-ku, frapper". En réalité dàlâsku est
un simple' doublet de dàlâtkù, sans différentiation sémantique;
dâlâkù n'existe pas, et il n'y a pas non plus de substantif mongol
dalïm ou dâlim, "bataille". Enfin, et par-dessus tout, M. R. N.
s'est trompé dans ses lectures; le mss. donne dans les deux cas
la même leçon kôp talim, "beaucoup", expression bien connue en
ôuigour et que lui-même a bien lue et traduite en d'autres passages.
Une dernière remarque: el kùn signifie le "peuple" en général, et

non pas seulement les "combattants"; et les chagrins me paraissent


21
312 PAUL PELLIOT.

être surtout ici ceux des non-combattants restés au pays, les fem-
mes y compris, quand ils apprennent la mort de tant de guerriers;
même à l'armée, les el seraient à mon sens les non-combattants
Jciin

dont les armées nomades étaient souvent encombrées.

XIX, 2—5: tutulunc urusunc anday y aman boldï Mm Edàl


mûran-nûng suyï qïp qïzïl sib-singgir tàg boldï; "Das Bingen und
der Kampf war so lieftig, dass das Wasser des Âdil Muren ganz
roth und wie eine Ader wurde" (Radlov); "La lutte et l'émotion
ont atteint une telle atrocité que l'eau du fleuve Itil est devenue
comme une artère toute rouge" (M. Pt. K). -J'ai des remarques à
formuler sur trois mots.
M. R. X. lit urusunc, comme Radiov, et le sens de "combat"
donné par Radiov s'impose: urusunc est tiré de unes-, "se battre";
un sens inconnu "émotion" est exclu. On ne voit pas pourquoi
Radlov a omis les deux mots très clairs tutulunc et urusunc dans
son dictionnaire.
Le mot suyï est fort intéressant; tout le monde est d'accord
pour y voir la forme possessive de la troisième personne du mot
signifiant "eau", et on retrouve encore suy-ï dans XXIII, 7, mais
les seuls dialectes où ce mot ait pris la forme suy (sor, sagai,
koïbal; cf. Radlov, IV, 755) sont hors de question ici. M. R. X.
ne paraît pas avoir vu la difficulté, car, dans le premier cas, il ne
fait aucune remarque, et, dans le second cas, se borne à faire ob-
server que Radlov a mal lu 6gHz au lieu de asouF\ "eau". Mais,
si Radlov a fait cette correction arbitraire (tout
en ayant d'ailleurs
gardé suyï tel quel dans XIX, 4), c'est évidemment
parce qu'il
trouvait une forme *suy inexplicable. Il ne me paraît cependant
pas difficile d'en rendre compte. La forme ancienne du mot actuel
sw, "eau", est sub (su(3?) et suv, dont la finale labiale consonantique
s'est avérée assez instable après voyale labiale puisque le mot mongol
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 313

correspondant est simplement usu. La forme du ouigour tardif,


dans le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes, est

encore swy, dont la forme possessive est par suite suvï (la spirante
finale a laissé une trace même dans l'osmanli où le cas possessif
de su est suyu, et non *susu). Mais le -v- spirant intervocalique
était en voie d'amuissement et aboutissait presque à un hiatus
intervocalique, c'est-à-dire à ce que l'usage mongol, dans l'écriture
otligouro-mongole, a été de noter par un -y- en fonction de -'-.
Nous avons donc ici, dans suyï - su'ï <( suvï, l'équivalent exact
pour la semi-voyelle labiale de ce que nous avons rencontré dans
I, 5, avec cïrayï = cïra'ï \ cïrayï, pour la semi-voyelle palatale
(le -y de suy en sor, etc., est certainement d'apparition secondaire

pour *su(3). Enfin, on a vu que, dans III, 2, la vraie forme du


mss. est très clairement usuyï, méconnu par Radlov et par M. R. N.
Une forme usu'ï *usu(3ï, supposant usu(3, ne peut guère être
<(

qu'un mongolisme, puisqu'en mongol seul on a cette initiale u de


usu: usun, "eau"; peut-être le mongol usun a-t-il d'ailleurs été em-
prunté également en jayataï (cf. le dictionnaire de Radlov, I, 1746),
encore qu'on ne l'y connaisse que par un lexique.
Sib-singgir (peut-être écrit dans le mss. sâb-sànggir) a été tra-
duit par "artère" aussi bien dans la version de Radlov que dans
celle de M. R. N. Radlov ne s'est pas exprimé autrement à ce
sujet ni n'a recueilli la forme dans son dictionnaire. M. R. N. a
vu dans sib (alors à lire svp) un préfixe d'intensité, du type bien
connu de qïp qïzïl, "tout rouge", qu'on a précisément juste avant
sib-singgif. Mais il faut remarquer qu'il n'y a peut-être pas, dans
les dialectes turcs orientaux, un seul exemple sûr d'intensif de ce
type employé avec un substantif; même pour les adjectifs, les
dialectes turcs orientaux (et le mongol), moins larges à ce point
de vue que l'osmanli, réservent à peu près ces formes d'intensifs

aux adjectifs désignant des couleurs (c'est le cas de notre texte


314 PAUL PELLIOT.

qara et qïp qïzU). Par ailleurs singir (en osmanli


avec ap aq, qap
sinir) signifie "tendon", "nerf", mais non pas "artère", que la
traduction de Radlov, suivie ici par M. R. INT., n'a fait intervenir
que parce qu'il fallait quelque chose de rouge; le mot ouigour et
turkï pour "veine" ou "artère" est tamur, tarnïr (osmanli damar).
La solution est tout autre. Il y a dans le vocabulaire sino-ouigour
du Bureau des Interprètes un mot sibsinggir (la transcription pho-
nétique chinoise donnerait sib sing kir) y répondant au chinois ffi ~$%}
tchou-cha, "cinabre"; j'ai étudié ce mot dans une note spéciale du
T'oung Pao, 1926, 253 — 255, et ai montré qu'il était emprunté
au persan sïmsingâr, "cinabre", composé de sïm, "argent", + singârf,
"cinabre" 1). Il est évident que c'est le même mot ouigour tardif

1) Radlov a recueilli la forme du vocabulaire sino-ouigour dans son dictionnaire


(IV, 731) en lisant sipsimr {sipsingir). Dans ma note du T'oung Pao, j'ai dit que cette
lecture n'était pas conforme à la transcription phonétique chinoise qui suppose sibhihkir
(sibsmgkir); mais ma note elle-même n'est pas exacte sur ce point. Le mot -g4 employé
dans cette transcription a deux p>rononciations, sing et cheng, et peut donc, sous les
Ming, transcrire sing ou sing; or le même vocabulaire emploie le même caractère -gi
dans la transcription du mot singi, "soeur cadette", qui n'est sûrement pas *singi.
Comme par ailleurs le mot, en écriture ouigoure, n'a pas les deux points du s, nous
admettrons que les transcripteurs ont bien voulu lire sibsingkir et non sibsmgkir comme
je l'ai dit. Par ailleurs, l'examen plus détaillé de ce vocabulaire sino-ouigour m'a
amené à la conviction que les transcriptions phonétiques en sont faites plus ou moins
mécaniquement d'après les formes de l'écriture ouigoure, sans grand souci, ou par
ignorance, de la prononciation réelle; il est donc possible que la prononciation réelle
ait été simplement sibsinggir (sibsingir). En tout cas, la lecture sibsinggir (et non sibsinggir)
paraît bien confirmée par le manuscrit Schefer, et sa coupure en sibsinggir vient à l'appui
de l'étymologie que j'ai indiquée. Le passage de sïm à sib est du même ordre, quoi-
qu'inverse, que celui qui a transformé Tabyac en Tamyac ou celui qui a fait transcrire
par les Chinois sous la forme K'in-tch'a, qui suppose *Q,ïmcaq, le nom des Qïpëaq
O *Qïbcaq?). Dans ma note de 1926, j'ai omis de mentionner les formes données poul-
ie "cinabre" par le Codex Comunicus (éd. Kuun, p. 95), à savoir "singft" en persan,
"xingft" en turc; elles sont assez difficiles à interpréter exactement. Dans les deux cas,
comme Radlov l'a admis en restituant pour le turc zincfàr (a = ts) dans Bus tùrk.
Spraehmaleriul des Codex Comanicus (p. 68), le -t final est mal lu ou mal écrit pour -r.
Dans le système de transcription du Codex Comanicus, s répond à s ou s, x représente z,
g répond à g et y, parfois à j. La forme "persane" peut donc ramener à singafr {si?igafr?)
ou à sinjufr {sinjofr?), et la forme turque à *zingafr ou *zinjàfr; le z- fait penser plutôt
SUR LA LÉGENDE D'UTUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 315

que nous avons ici, et qu'il faut comprendre: "La lutte et le combat
furent tels que l'eau du fleuve Edàl en devint toute rouge, comme
du cinabre".

XIX, 5: Uyuz qayan bastï; "Oguz Kagan siegte" (Radlov);


"Oaghouz kaghan a vaincu" (M. R. N.). Le manuscrit
a bastï,
que Radlov a corrigé en bastï, parfait de bas-, "écraser", "presser";
M: R. 1ST. dit aussi en note que bastï est une erreur de copiste.
Cette solution n'est pas satisfaisante. Dans XXX, 5—7,
on lit:
urus toqus basladï, oqlar birlà qïlïclar birlâ urustïlar, Ûyuz-qàyan
bastï,Jûrcàt qayan-ni bastï ôltiirdi, "le combat et le corps-à-corps
commença, on se battit avec les flèches et avec les glaives;
Oyuz-qayan {bastï)] il écrasa (bastï) et tua le qayan des Jûrcàt".
....
Ici, bien que Radlov ait tacitement changé à nouveau bastï en bastï,
M. R. N. fait remarquer que le mot bastï se trouve à la fin de la
phrase, devant ôltûrdi, et qu'il est peu vraisemblable qu'on l'ait
déjà à la ligne précédente. Mais le mot reparaît ailleurs, dans des
passages où M. R. N., malgré sa note sur XXX, 5—7, a simple-
ment adopté dans sa traduction le "a vaincu" de Radlov. Dans
XXXIII, 6, où le manuscrit porte, à propos des ennemis d'IIyuz-
qayan, que celui-ci bastï bastï, Radlov a supprimé le mot bastï.
Dans XXXIV, 6—8, il est dit qu'un combat fut terrible et que
Ùyuz qayan bastï, Mâsàr qayan qacdï, Uyuz qayan anï bastï,

aux formes arabisées, donc à ziwj&fr, appuyé aussi par les 1 formes de l'osmanli, zinji.frâ
et zanjifi-à. Mais il est intéressant de voir que le Codex Comanicus donne pour le persan
une forme qui s'accorde avec le *singàfr que j'avais supposé dans ma note de 1926,
c'est-à-dire où la' métàthèse qui a abouti au persan actuel scmgàrf « *singàrf) ne s'était
pas encore produite. Je considère le "zincfàr" de Radlov comme mal vocalisé; il ne l'a
d'ailleurs pas recueilli dans son dictionnaire. La métàthèse *Hngàfr > persan sàuyàrf
est la même qui, en face d'avest. vafra-, pehlvi vafr, kurde va.fr, afgban vUvra, "neige",
a donné persan- barf (cf. aussi "saka" baura, "neige", dans Sten Konow, Saka versions
of tké Bhadrakalpilcâsûtra, Oslo, 1929, in-8, p. 14); et précisément c'est la forme bafr
{"bâfre'''') qui existait dans le dialecte persan que note le Codex Comanicus (pp. 40 et 82).
316 fAÏÏL PELLIOT.

"Uruz qa/an (bastï); le qayan de Mâsâr (= Misir) s'enfuit;


....
Oyuz qayan l'écrasa"; ici encore, Radlov a changé tacitement bastï
en bastï. Enfin, dans XXXV, 1, en un endroit où le manuscrit est
endommagé, on lit JJyuz bastï; Radlov a corrigé en bastï, et
complété par JJyuz [qayan anï] bastï, "Oyuz-qayan l'a écrasé",
restitution que M. R. X. a acceptée. Mais, à mon sens, il résulte
de tous ces passages avec évidence: 1° que bastï est distinct de
bastï] 2° que bastï est un verbe neutre, et que par suite, dans
XXXV, 1, il faut restituer seulement JJyuz [qayan] bastï. Que
signifie ce verbe inconnu bas-? Dans sa note sur XXX, 5—7,
M. R. N. a considéré que bas- devait être un verbe formé de bas,
"tête", et que bastï signifierait "il était chef", "il était en avant".
C'est évidemment à bas, "tête", qu'on songe, puisqu'on n'a le chois
qu'entre bas- et bas- et que bas ou bas- ne suggère rien; et on ne
voit pas qu'il puisse s'agir d'un verbe correspondant à bas, "blessure".
A vrai dire, on connaît, comme verbe dérivé de bas, "tête", un
verbe dénominatif basla-, attesté déjà dans l'épigraphie de l'Orkhon,
et qui signifie "commencer" au sens neutre, "conduire" au sens actif;
il se trouve précisément au sens de "commencer" dans un passage
où il y a également bas- et bas- (XXX, 5—7). Mais on a vu
plus haut (p. 284) que notre texte contient aussi un verbe as-,
"manger", formé directement sur as, "nourriture", alors qu'on ne
connaissait jusqu'ici que la forme allongée asa- et le dénominatif
alla-; le cas peut être analogue ici. Enfin, si bas- est jusqu'ici in-
connu, on a en osmanli basïn-, "s'opposer", "faire tête", qui paraît
bien être une forme en -n- tirée directement d'un thème verbal bas-.
Le verbe nouveau bas- me paraît signifier quelque chose comme
"aller de l'avant", "s'élancer en avant" 1).

1) L'existence du verbe bas- dans la légende d'TJyuz-khan nous est peut-être


con-
firmée indépendamment. Quand Abû-'l-Ghazï raconte la lutte d'Uyuz contre les Tatar,
il a une phrase que l'édition de Desmaisons imprime sous la forme JJyuz lian basfi,
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGÔURE. 317

XIX, 8—XX, 1 : ordusï-ya kôp uluy ôlûk baryu kôp telim


tàrik baryu tûsû boldï, "in seiner Ordu [du souverain du Rûm]
fanden sie grosse Schâtze (leblose Habe) und zahlreiclie lebendige
Habe" (Radlov); "beaucoup de biens morts et vivants sont tombés
au pouvoir de son armée" (M. R. N.). La traduction de Radlov
est certainement fautive, puisqu'elle supposerait un locatif après ordu,
au lieu que nous avons un datif. Le manuscrit et Eadlov ont tûsû,
mais je suis d'accord avec M. R. N. pour y voir une inadvertance
de copiste, et l'analogie de XXXI, 2, où on a bien tûsti, et précédé
de datifs comme ici, oblige à lire tûsû boldï; tus- signifie au propre
"tomber", "s'arrêter", ici "descendre à", "être déposé à"; c'est donc
à Y ordud'Uyuz-khan que tous ces biens du souverain du Rûm
échurent. Mais cet ordu n'est pas P"armée" d'U/uz, comme l'a
admis M. R. rJ., mais son campement ancestral, sa résidence ordi-
naire; les vocabulaires sino-ouigours traduisent ordu par "palais".
Le mot baryu (ou barqu?), "biens", "richesses", se rencontre à
maintes reprises dans notre texte; il s'apparente naturellement à bar,
"ce qu'il y a", et les traducteurs l'ont bien compris; mais je ne
sais pourquoi Radlov l'a omis dans son dictionnaire à sa place
alphabétique; par contre il le donne sous ôlûk (I, 1250), en le lisant
aparyiï\ Dans le choix des adjectifs qualifiant les biens "morts"
et "vivants", uluq ôlûk baryu et telim t&rik baryu, nous avons
le seul exemple ,d'allittération que j'aie rencontré dans notre texte.
Les deux catégories de biens "morts" et "vivants" reparaissent
plusieurs fois aux pages XXXI—XXXII; c'est une image qu'Abû-
'1-Grhazï a conservée (ôlûk mal).

niais l'édition publiée à Kazan par Fraehn portait TJyuz han baMï (cf. Radlov, Bas
KudatMi bilik, I [1891], p. xxxii; je n'ai pas l'édition de Fraehn). Comme le verbe
n'est pas accompagné d'un complément, au lieu qu'on en attendrait un avec baslï, je
pense qu'Abû-'l-G-hazï avait gardé ici le làstï du teste primitif.
318 PAUL PELLIOT.

XX, 3—4: ol Urus beg oyul-un tay basï-da tarang mûran


arasï-da yaqsï bâràk baluq-qa yumsadï] "Dieser Orus Bek hatte
seinem Sohne eine, auf dem Gripfel des Berges zwischen dem
Tarang Mûrân gelegene, sehr feste Stadt ùbergeben" (Ptadlov);
"Cet Ourous bey a envoyé son fils vers une ville belle et fortifiée
la montagne, dans le Tarang Mouran" (M. R. X.). Je com-
sur
prends que la ville forte que le beg des Russes envoie son fils
garder (et dont la garde [saqla-, participe passé saqlap] sera don-
née par notre texte comme origine du nom des Saqlab, c'est-à-dire
des Slaves) était située au haut d'une montagne, qui se dressait
elle-même sur une île au milieu d'un fleuve. Quant à ce fleuve,
que les traducteurs ont appelé Tarang mûrân, il faut remarquer
annoncés par un
que, dans notre texte, tous les noms propres sont
mot "nommé" ou "dit"; or il n'y a rien de tel dans le présent
passage. A mon avis, il n'y a pas ici de nom propre; tarang est
le mot turc bien connu sous les formes tarang et tdring, "profond"
(cf. le dictionnaire de Radlov, III, 1062, 1066); le vocabulaire
sino-ouigour du Bureau des Interprètes l'écrit tàring (faussement
transcrit taring] le dictionnaire de Radlov a omis cette forme
ouigoure) *). Le mot bclràk (M. R. N. a lu à tort birik) est l'équi-
valent de bàrk] nous avons ici un exemple de décomposition du
groupe consonantique comme pour qïrïq - qïrq, bien plutôt qu'une
survivance d'une forme primitive *bàràk qu'on peut supposer à la
base de bârk. Dans yaqsï berek baluq (où baluq - balïq), M. R. N.
a donné à yaqsï son sens propre de "bon", "beau", mais c'est,
à mon avis, Radlov qui a raison; yaqsï, devant un autre adjectif,
peut former simplement le superlatif (de même dans YII, 2 ; IX, 9 ;
XXVIII, 9); cf. le cas de baduk dans XXVII, 2.

Il est tout à fait gratuit de chercher dans ce prétendu "Tarang muràn" le Dnieper,
1)
comme l'a fait hypothétiquemeut Marquart, JJeber dos Volkstum cler Komanen, 145; à la
p. 159, Marquart a reparlé d'un fleuve Tarang qui ne doit pas provenir d'une source
différente et est donc également à supprimer.
SUR LA LÉGENDE D'ùfUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 319

XXI, 2—3: aï man-ning qayan-um sàn; "Ah! tu es mon


souverain". Au lieu de sàn, que Radiov avait bien lu et que le
niss. donne sûrement, M. R. N. a cru déchiffrer olan qui, dit-il,
"est bien lisible et convient au sens"; mais, dans notre texte, le
verbe pour "être", "devenir" est bol-, et non ol- comme en osmanli.
Par ailleurs, le prétendu olan résulte simplement d'une tache pro-
duite par le report de la page opposée ; le texte même a bien sân.

XXI, 7—8: atam camat atup ersà mânûng tapum erilr-mu;


"Wenn mein Vater sich rïistet, wird dies dann rneine Pflicht sein?"
(Radlov); "Est-ce ma faute si mon père est devenu ton ennemi?"
(M. R. N.). Sur camat = cïmat, cf. supra, p. 295; la première
partie de la phrase signifie donc: "Si mon père se met en colère..."
Le mot tapum (tapum) ou tabum (tabûm) est plus obscur. Radlov
n'a pas dit quelle est la forme qu'il rendait par "devoir", et
l'exemple n'est pas cité dans son dictionnaire. M. R. N. lit tab
et traduit par "faute", mais il n'indique pas sur quoi il appuie
cette interprétation. Je suis moi-même hésitant entre deux formes,
tabï ou tap. Tabï, "attachement (?)", "accord", que Radlov tirait
de l'arabe *jj (III, 969), semble bien être un mot turc ancien, et
Kâs>arï l'interprète par "accord", "entente" (Brockelmann, Mittelt.
Wortschatz, 191); *tabum, pour tabïm, en serait la forme possessive
de première personne. Mais je trouve un sens meilleur avec tapum,
forme possessive de première personne de tap, "gré", "satisfaction"
(cf. P. W. K. Mûller, Uigurica II, 107; Radlov et Malov, Uigur.
Sprachdenhnâler, 171); dans le Suvarnaprabhâsa ouigour (éd. Radlov
et Malov, 1361), àrkimcâ tapïmca est la traduction de g ^ tseu-tsai,
"à mon gré", "librement". Le sens me paraît donc être: "Si mon
père se met en colère [contre toi], est-ce de mon gré?"; tout en
écartant la traduction par "faute" de M. R. N., on voit que
j'aboutis à un sens voisin du sien.
320 PAUL PELLIOT.

XXI, 8—9: sein-clin jarluy baaluq billûg bola-mân; "von dir


kommt mir der Bef'ehl, der Reichthum und Weisheit, das weiss ich"
(Radlov); "Moi, j'ai obéi à vos yârlighs, à vos ordres, à vos pro-
clamations" (M. R. X.). Au lieu de baaluq, Radlov avait lu
baïluq baïlïq, "richesse". M. R. X., qui lit bilig, dit qu'il a
-
trouvé dans le dictionnaire de Radlov le mot biluk au sens de
"signe", ce qui est exact, mais je ne vois pas ce que cela a à voir
bilig M. R. N. traduit par "ordre". Reste bïllûg. "sagesse"
avec que
selon Radlov, "ordre" ou "proclamation" selon M. R. X. Radlov
n'a pas relevé le mot dans son dictionnaire bien qu'il apparaisse
encore dans XXXI, 6, XXXIII, 7, et XXXY, 5. Dans XXXI, 6,
il s'agit d'un personnage appelé Barmaqlay-josun-billig; je n'es-
sayerai pas actuellement de traduire le nom entier, mais la seconde
partie semble signifier "qui connaît la coutume". Dans XXXIII, 7,
et dans XXXV, 5, on a la même construction billûg bolsun kim,
et les traducteurs ont compris tous deux que le sens était: "Qu'il
soit connu que..."; on ne peut guère songer à interpréter autrement1).
Mais si billûg est adjectif dans les deux derniers passages, il doit
l'être aussi dans le premier. Radlov n'a pas recueilli billûg ou billig
(ni bellûg ou bellig) dans son dictionnaire, et c'est d'autant plus
regrettable que la formation du mot est obscure. En principe, nous
devrions avoir affaire à un adjectif en -lig (-lûg) dérivé d'un sub-
stantif *bil: mais ce substantif n'existe pas ou du moins n'est pas
connu, et il n'y a qu'un verbe bil-, "savoir", "connaître". Quoi
qu'il en soit, nous admettrons que billûg ne signifie ni "sagesse",
ni "proclamation", mais "qui connaît" et "connu". Dans ces con-
ditions, notre billûg semble difficilement séparable de l'osmanli balli,
"connu", dont la racine ne me paraît pas bil-. "savoir", mais qui
doit se rattacher à la famille de bàlgâ, "signe", "marque". On sait

1) C'est la même construction billûg bol- de ces passages que nous avons aussi ici,
d'après le mss. lui-même; Radlov et M. R. N. ont lu à tort billûg bilà-màn.
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 321

toutefois combien Mlgà, "sage", et bâlgâ, "signe", se sont mélangés,


et que le bilgà bilig du ouigour ancien, emprunté en mongol, y est
devenu bâlgâ bilig] je n'entreprendrai pas de débrouiller ces formes
ici. Sur la confusion des mots en bil- et en bal-, cf. aussi Deny,
A propos d'un traité de morale turc, 196-—197.
Le mot précédent, lu baïluq par Radlov, bilig par M. R. N.,
est écrit en réalité baaluq ou baaluy, formes impossibles, et pour
lesquelles la correction de Radlov serait très normale si elle s'ac-
cordait avec le contexte; mais je n'y vois rien qui appelle le mot
"richesse". Je soupçonne que baaluq est fautif pour baluq (= balïq),
"ville", qu'on a eu précédemment, et que le fils du bâg d'Urus
dit à JJyuz qu'il veut gouverner la ville au nom d'Uruz et comme
s'il la tenait de lui; mais j'avoue ne pas arriver à faire un mot-à-mot
satisfaisant; j'ai admis que jarluy jarlïy (= yarlïy).

XXII, 1—3: biz-ning qutbiz et biz-ning uraybiz, "notre for-


tune" et "notre race" sont des formes inattendues pour biz-ning
qutumuz et biz-ning uruyumuz. Pour ce passage, en ce qui concerne
l'arbre et sa graine, cf. le texte presque parallèle de Rasîdu-'d-Dîn
traduit par Erdmann, Temudschin, 469.

XXII, 4—5: tàngri sàngà yer bârip bucurmus turur. Le


bolwp
seul mot obscur est bucurmus (= bujurmïs?), encore que la lecture
dans le manuscrit en soit certaine. Radlov l'a traduit par "zuer-
kannt", "décerné", "accordé", mais ne l'a pas recueilli dans son
dictionnaire. M. R. N. l'a traduit par "fait des promesses", en di-
sant que c'était l'actuel buyurmïs. C'est en effet la seule solution
que j'entrevoie aussi (*bïëïrmïs, à quoi on pourrait songer théori-
quement, ne me paraît pas attesté), mais elle se heurte à une
difficulté : aussi bien en kirghiz qu'en mongol, la prononciation j-
de y- est en principe limitée à l'initiale, et on attendrait d'autant
322 PAUL PELLIOT.

moins bujur- buyur- que, dans plusieurs dialectes turcs (et en


<^

particulier en kirghiz), buyur- a abouti de bonne heure à buïr-.


Néanmoins il y a peut-être eu quelques cas anciens de -y- médian
passé à -/-; j'ai proposé déjà en 1914 de retrouver Cyriacus dans
le nom d'un prince des Keraït antérieur à l'époque de Grengis-khan
et qui est appelé par les textes persans et chinois Qurjaquz (cf.
T'oung Pao, 1914, 627).

XXII, 5—6: men seing à basum-nï qutum-rii bâràmàri] "je te


donne ma tête et mon bonheur". Radlov avait bien compris et il
est évident que qutum est la forme possessive de la première per-
sonne de qut, tout comme basum l'est de bas ; M. R. X. s'est
mépris en y cherchant une forme archaïque *qudum de quyum,
"objet en or ou argent".

XXIII, 2—3 : anung ûcùn, "à cause de cela". Telle est bien
la leçon du mss., et non anung icûn comme le donne M. R. X.
(qui dans d'autres passages transcrit ucun, à la classe non palatalisée).

XXIII, 4: càrik birlà TJyuz qayan...\ "avec [son] armée, UVuz-


khan..." Radlov, suivi par M. R. X., avait lu càrik birlà càrik]
...
le mss. est endommagé, mais ce qui reste me semble garantir mon
déchiffrement.

XXIII, 5: miirân-din] clin est illisible. Ensuite, Radlov, suivi

par M. R. X., a lu Eclàl-cliin yang, mais n'a pas traduit yang,


bien que le contexte semble vouloir dire "de l'autre côté du fleuve
Edâl"; M. R. X. a adopté "aux environs d'Itil". Sur le mss., je ne
déchiffre plus qu,Edâl-d...y...; à accepter yang, et en lui donnant
la valeur de yangaq (yïngaq), "direction", on pourra admettre qu'il
est employé avec un ablatif et sans comporter lui-même un suffixe
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN. EN ÉCRITURE OUIGOURE. 323

de cas (pour des exemples .ouigours, cf. par exemple T'oung Pao,
1914, 246, ou Radlov, Tisastvustik, p. 5 [20&8]). "Du côté de l'Edàl",
ainsi obtenu, signifie vraisemblablement "de l'autre côté de l'Edâl".

XXIII, 6—7: Uyuz-qayan anï sûrdi(?)-: "diesen verfolgte er"


(Radlov); "Ougbouz kaghan a demandé (des renseignements sur lui)"
(M. R. N.). M. R. N. a lu sordï, d'où sa traduction; mais ce qu'on
comprend du contexte pousse plutôt à transcrire sùrdi, "poursuivit".
J'ajoute que, dans le mss., le r de sûrdi n'est plus lisible, si bien
que ni la lecture ni le sens ne sont assurés.

XXJJI, 8 : Je ne crois pas que le premier mot, laissé en blanc


par Radlov, soit nîinûp comme le dit M. R. N. A la rigueur ce
pourrait être inûp^ de M?-, "descendre", et parfois "descendre le
cours d'un fleuve".

XXIII, 9—XXIV, 1: Anïng atï TJluy-ordu-bâg erdi; uzluy


[tiizu]n bir er erdi] "son nom était Ulur-ordu-bâg; c'était un
homme expérimenté et honnête". A part tûzùn, complété par
l'analogie de XXXV, 8, et d'autres textes ouigours (cf. tiizùn
traduit par ^
-^ kiun-tseu, "gentleman", dans le vocabulaire sino-
ouigour du Bureau des Interprètes, et les exemples de tùziin à
l'index de von Le Coq, Tûrk. Manichaica aus Chotscho, I, 51),
mon déchiffrement est celui même qu'impose le manuscrit; il doit
remplacer ceux de Radlov et de M. R. N., et en particulier
Ulu7-ordù-bâg, le "bâg Grrand-Palais", doit être substitué au
"Uluy-ordu-osbu-tâng" de Radlov et au Uluy-ordu-tang-ï de M. R. N.
Pour les trois lignes suivantes (XXIV, 2—4), elles sont fort effa-
cées, et il faudrait pouvoir examiner le mss. à la loupe avec une
meilleure lumière que celle dont j'ai disposé.

1) A la fin de ce membre de phrase (XXIII, 6), le tururdï de M. R. N. ne peut


être qu'une faute d'impression; le mss. a bien turd'i.
324 PAUL PELLIOT.

XXIV, 5: Uyuz qayan sàvinë attï Midi, "U/uz-khan manifesta


de la joie, il rit". Radiov avait lu song aïttï, M. R. IST. basdan ketti,
qui sont faux. Sàvinë at-, mot-à-mot "laisser aller de la joie", est
construit comme ëïmat at-, "laisser aller delà colère" (supra, p. 319).

XXIV, — 7:
6 aï aï sein mn tu bàg bolung, Qïpcaq tâgân sàn
bàg bolung; "Àh! ah! sois bàg ici (?) ; sois un bâg appelé Qïpcaq!"
Dans le premier membre de phrase, Radlov et M. R. X. ont lu
mân tàg, et traduit par suite "sois bâg comme moi" (cf. aussi le
dictionnaire de Radlov, II, 844—845). Ils peuvent à la rigueur
avoir raison, mais TJyuz n'est pas bâg, il est qayeen; l'analogie du
muntï de XXVIII, 2, m'amène à compléter ici en mun-tu, et à y
voir le mot signifiant "ceci, ici" (cf. T'oung Pao, 1914, 268).
Dans le second membre de phrase, je n'ai pu distinguer la dési-
nence du dernier mot sur le mss., mais le contexte veut plutôt
que ce soit le bolung de Radlov que le bolsun de M. R. X.
Devant bolung, Radlov a lu tâp et M. R. X. tàg; je ne puis lire
que bàg; en outre M. R. X. a ajouté après tâgân un mot josun
qu'il dit oublié par Radlov, mais qui résulte de quelque inadvertance,
car il n'y en a pas trace dans le mss. En somme, il s'agit ici de la
désignation du bàg des Qïpcaq, et on remarquera que, conformément
à la tradition qui s'attachait à leur nom, c'est à propos d'arbres
qu'il est question du bàg des Qïpcaq; mais c'est à une autre occa-
sion (cf. supra, p. 280) que le nom même de qeibuceiq, "arbre creux",
par lequel on explique ordinairement Qïpcaq, est donné dans notre
texte. Il n'est pas invraisemblable que nous ayons ici affaire à une
légende déjà altérée et qui a dédoublé les épisodes.

XXV, 4: Là où Radlov avait lu beg-làr-ni, "les bâg (à l'ace.)",


M. R. X. écrit "tyiri-lâr-ni", ce qui n'est guère vraisemblable. Ma
propre
lecture est bààg-làr-ni, avec une répétition fautive de la voyelle de bâg.
SUR LA LÉGENDE D'UrUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 325

XXV, 9—XXVI, 1—2: XJyuz qayan bir cuqur-dan aïyïr at-ya


mina turur erdi; "Oquz Eagan bestieg in einem Thaïe einen Hengst"
(Radlov); "Oughouz kaghan était monté sur l'étalon dans une plaine"
(M. R. N.). Avec
le texte tel que je l'ai transcrit, et qui est celui
même du manuscrit, il est assez difficile de traduire autrement
qu'on ne l'a fait. Il n'échappera pas cependant à un lecteur attentif
que c'est une apparition bien inattendue que celle de cette "vallée"
ou cette "plaine", "d'où" (à l'ablatif, sans verbe dont cet ablatif
dépende) XJyuz se tenait à cheval sur un étalon qui n'a pas été
spécifié une première fois par bir, "un" (l'analogie de cet ablatif
avec les "emplois particuliers" de Deny, Grain-, turque, p. 190,
n'est qu'apparente). A titre secondaire, j'ajouterai que je ne sais
si le mot cuqur, au propre "fosse", "trou", et qui est connu en
osmanli et en tatar de Crimée, a eu une expansion quelconque
dans les dialectes orientaux; le cuyurclan de Kâsyarï (Brockelmann,
Mitt. Wortsch., 58) est obscur. Mon impression est qu'il faut rap-
porter bir, "un", à aïyïr at, "étalon", et que les syllabes inter-
médiaires représentent une épithète caractérisant cet étalon. Du
prétendu cuqur-dan, le premier élément ne fait pas difficulté, il
suffit de transcrire coqur, "tacheté", "pie (couleur de la robe d'un
cheval)", bien connu entre autres en ja/ataï et aujourd'hui enturkï;
cf. aussi tel. coqqïr, koïbal soqqïr, sagaï soqïr, mongol coqor,.tous
de même sens, et turc de Kazan cuwar, tùm. cïbar, jayataï cubar,
mandchou cohoro, allant du sens de "pie" à celui de "gris [gris
pommelé?]" (cf. aussi Bang, Tûrk. Lehngut, p. 18). Mais je n'ai
pas de solution satisfaisante à proposer pour dan ou tan (V-n final
est bien pointé dans le rnss., ce qui ne permet guère de songer
à taï).

XXVI, 5—6 : ûzà ùstûndà tong tayï muz-lar turur; "auf dem-
selben war Eis und Schnee" (Radlov); "il y avait de la glace et
326 PAUL PELLIOT.

du gel à son sommet" (M. R. K). Le mot intéressant est ûzâ, que
M. R. N. a transcrit uôyse" (ce qui ferait *ôi$à dans mon système
de transcription), mais dans lequel il a bien reconnu le ozâ ou ûzâ,
"en haut", qu'on rencontre déjà dans l'épigrapkie de l'Orkhon. En
réalité, nous avons là un second exemple (après celui de sôrmà-
cf. supra, p. 260) de la survivance, dans l'écriture ouigoure de
notre manuscrit, de la notation de la voyelle labiale mouillée, en
syllabe initiale, au moyen d'un i placé après cette voyelle l). Le
mot uzii signifie normalement "sur", et par suite "en haut". Le
vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes donne un terme
signifiant "toujours", et qui irait bien ici si le mot
usa, (= iïzci?)
était placé devant turur au lieu d'être au début de la phrase. Le
texte parle de "gel" (tong) et de glaces (inuzlar)] la "neige" de
Radlov n'est pas dans le texte du présent passage.

XXVI, 9—XXVII, 1 : Uyuz Jcayan mundïn kop caya'f amgcik (?)


ciikttp turd'i] "dariiber hatte Uyuz Kagan grossen Kummer" (Radlov);
"cela a causé de la douleur à Oughouz kaghan pendant longtemps"
(M. R. N.). Radlov avait lu hop cayï, à quoi M. R. iST. a substitué
hop caynï, mais en le comprenant comme Radlov, c'est-à-dire avec

cay, "temps"; mais ni la forme possessive au nominatif (cayï), ni


la forme simple à l'accusatif (cayrii) ne se justifient ici. De plus,
si la lecture de M. R. N. répond au nombre des dents du mot,
il n'y a pas de point sous le prétendu «, et bien qu'il y ait dans
le mss. des cas certains où ce point est omis, la lecture normale
n'en est pas moins cayai plutôt que cayn'i. Si on se rappelle que
le mss. a très souvent a pour ï (qaraq pour qïrïq = qïrq, qalac
pour qïl'ic, qal- pour qïl-, camat pour cïmat, caq- pour cïq-, etc.),

1) Le déchiffrement de Radlov paraît en donner un troisième exemple avec iistùndà


qui vient après mii et qu'il écrit avec un i après le premier u ; mais il n'y en a pas
dans le mss., et Radlov aura transcrit ainsi sous l'influence du iiza qu'il venait d'écrire
auparavant.
SUR LA LÉGENDE D'UITO-KHAH EN ÉCRITURE OUIGOURE. 327

on sera tenté de lire cïyaï, que nous traduisons ordinairement et


à bon droit par "pauvre" (cf. en dernier lieu Malov, dans Zap.
Koll. Vost., III, 239), mais qui a pu très bien s'employer au sens
de "misérable", "malheureux"; en fait, cïyaï est traduit dans le
vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes non par ||| k'iong,
"pauvre", mais précisément par ||| |||
kien-nan, "malheureux",
"calamiteux"; et pour "pauvre", les textes ouigours ont plutôt yoq
cïyaï- que cïyaï seul (yoq est d'ailleurs synonyme de cïyaï; cf.
Suvarnaprabhâ-sa, 4434— 5, yoq-ya cïyaï-ya). Pour àmgà, à corriger
peut-être en àmgàk, cf. supra, p. 267. La traduction serait donc:
"Uyuz khan, à cause de cela, supportait beaucoup de souffrances
infortunées". Cette solution reste d'ailleurs hypothétique.

XXVII, 1—2: càrik-clà bir bàclàk qayas er bàg bar erdi; "bei
dem Heere befand sich ein hoher Kagan einHelden Fùrst" (Radlov);
"il y avait un grand bey héroïque et savant dans l'armée" (M. R. 1ST.).
Au lieu de qayas, Radlov et M. R. N. ont lu qayan, et Radlov
a traduit bravement en conséquence; M. R. N., au prix d'une tra-
duction dont le mot-à-mot échappe (avec qayan = héroïque et er -
savant?), a évité du moins de dire qu'un des bàg d'Uyuz était un
"grand qayan". Le prétendu mot qayan n'a pas de point sous n
dans le mss., et la lecture normale est donc qayas (ou qaqaz?),
"brave", "valeureux"; cf. à ce sujet supra, p. 268. Badàk est pour
bàdùk, "grand", "haut"; mais je considère que, placé devant un
adjectif, bàdilk forme un superlatif (comme yaqsï, sur lequel cf.
supra, p. 318) et que bàdilk qayas signifie "très valeureux". Quant
à er, je le joins à bàg; il y avait "un homme-6%", un bàg qui
était vraiment un homme, vraiment un guerrier, et le très valeu-
reux porterait sur cette sorte d'expression composée. Je traduirais
donc: "Il y avait dans l'armée un &â^-héros très valeureux".
23
328 PAUL PELLIOT.

XXVII, 3—4: calang bulang-dan qoruq-maz turur erdi] "der


fûrchtete nichts" (Radlov) ; "on ne le voyait plus depuis Tchalang-
Boulang" (M. R. K). Radlov n'a pas traduit les deux premiers mots,
mais son déchiffrement même est correct; M. R. N. s'est au con-
traire mépris en lisant 1-côriik-maz, contre la lettre du mss. Le verbe
qoruq-, comme l'avait vu Radlov, résulte d'une dissociation du
groupe consonantique de qorq-, "craindre"; en ouigour ancien,
qorq- s'est construit avec le datif, mais dans de nombreux dialectes
(coman, osmanli, etc.), le complément de qorq- se met, comme ici,
à l'ablatif. Il n'y a aucune raison pour voir dans calang bulang
un nom propre; le texte dit simplement que ce bàg ne craignait
pas le calang bulang. Radlov, qui n'a pas traduit le terme ici, ne
l'a pas recueilli non plus dans son dictionnaire; mais on peut sup-
pléer en partie à son silence. Les deux mots doivent former une
expression double constituée par deux substantifs en -ang (ou -ng)
dérivés de deux racines verbales à finale consonantique ou à finale
en a. Le jeu des possibilités est assez grand puisque c- peut être
lu c- ou /- \
y-, que les deux racines verbales peuvent être ou
ne pas être palatalisées, et que, dans chacune des classes, la seconde
peut être à voyelle o ou u. Tout compte fait, je lis * calang, que je
tire de cal-, "asséner un coup" (en particulier "donner un coup de
sabre"). Quant à bulang, qu'on connaît en turkï du Turkestan chinois
au sens de "pillage", de bula-, "piller", je le rattache originaire-
ment à la même racine que bulya-, osm. bula-, "mélanger, troubler",
d'où le mot bulyaq, bien connu au double sens de "désordre (politique)"
et de "mêlée (de la bataille)", et qui avait passé au Moyen Age
en mongol sous la forme bulya; bulang me paraît être ici un
synonyme de bulyaq, "mêlée"; cf. d'ailleurs alan-bulan du Codex
Comanicus1), alaq-bulaq du jaghataï (Radlov, Dict., I, 356, 358).

1) KUUD (p. 143) et Radlov (I, 358) écrivent alang-hdan; mais cf. Bang, TJeber
die Ticithsel des Codex Cumanicits, 338.
SUR LA LEGENDE D'UTUZ-KI-IAN EN ECRITURE OUIGOURE. 329

Je traduirais donc: "Il n'avait pas peur des coups et de la


mêlée" *).

XXVII, 4—7: jùrugù-dd swyuryu-cla onga er ercli] "beim Reiten


und Kânrpfen war er ein trefflicher Held" (Radlov); "c'était
un héros,
le premier dans les guerres et dans les moments difficiles" (M. R. K).
Comme M. R. l'a fait remarquer à bon droit, le mot onga (ou
JSL

onga) se trouve, écrit de même bG3! onga (ou ongà\ dans le voca-
bulaire arabo-turc d'Ibn lluhannâ"2), où il traduit l'arabe *Jio^
mustaqïm. M. R. N. rend ce dernier terme par "droit", "tout droit
(au sens physique)", mais le mot arabe signifie aussi "droit", "fidèle"
au figuré, et en outre, à raison de l'idée de quelque chose de droit,
"ferme", "inébranlable". En commentant les mots obscurs
ou nou-
veaux d'Ibn Muhannâ, M. Malov {Zap. Koll. Vostokovedov, III [1928],
232) a rendu onga par "juste", "fidèle", et a cité un autre exem-
ple du mot dans un texte en écriture ouigoure tardives) ; mais,
comme Radlov n'avait pas recueilli le mot de la légende d'U^uz
dans son dictionnaire, le présent passage s'est trouvé échapper à
M. Malov. Toutes nos citations n'employant onga (ou onga) qu'au

1) L'explication de btdang par bulya- crée une autre possibilité pour le mot précé-
dent. Le verbe bulya- est souvent associé à un verbe tiilgâ- (cf. F. W. K. Mùller,
TJigurica III, 2414; Brockelmann, Mitteltiïrk. Wortschaiz, 202); il y a dans notre texte
au moins trois exemples où c- (_/-) a pris indûment la j'iace de i- ; en lisant *iMlàmg
bulang, *tâlang serait à t'ilg'd- ce que bulang est à bulya-. Talang est également possible
(de tala-, "détruire", "piller"), et M. Deny me signale alan-talan en osmanli.
2) Ed. de Constantinople, 188; le mot est de ceux qui ne se trouvaient pas dans
les manuscrits utilisés par Melioranskiï pour son édition (p. 83).
3) Cf. Radlov, Mn uigurischer Text ans déni XII. Jahrhundert, dans Izv. Im.p. Ak.
Nauk, 1907, 377—394, surtout à la p. 382. Quelle que soit la date de composition
du texte dont parle Radlov, l'orthograplie en est très postérieure au XIIe siècle. Le
texte en question est celui qui est connu sous le nom encore incertain de Hibet-ul-/iaqâiq,
et dont M. Deny s'est occupé dans son article de 1925 sur Un traité de morale en turc.
Sur l'incertitude de la date de composition (circa 1100?), cf. Deny, pp. 208, 214—215;
sur l'écriture, ibid., 215 — 217; le mss. ne note pas la mouillure des voyages labiales
en syllabe initiale.
330 PAUL PELLIOT.

sens figuré, il n'y a pas en soi de raison pour chercher


à expliquer
le mot par "tout droit" au sens physique. Radlov lisait en 1907
qu'il voyait là (p. 382) un gérondif de ong-, "réussir";
onga, parce
M. Malov, tout en traitant onga comme un adjectif, a suivi Radiov
pour le sens, et il a eu vraisemblablement raison; on peut supposer
que les sens figurés de ong et ong- se rattachent à la croyance
que le côté droit était fauste, et admettre qu'une image analogue
est sous-jacente dans onga. "fidèle", etc., mais rien ne le prouve;
ong(i n'est pas encore exclu v). Les mots qui précédent onga ne
sont pas bien clairs. Ce sont évidemment des substantifs verbaux
en -7ii (-</«), et de sens voisins ou du moins susceptibles de s'as-
socier. L'idée naturelle pour le premier mot, ciïrùgù ou jûrugii
(le jirugii de Radlov est une erreur de lecture), est de lire jurilgu,
et d'y voir le substantif verbal de jilrû-, prononciation kirghizo-
mongole de yûriï-, "aller", "marcher (à pied ou à cheval)"; c'est
ainsi qu'a compris Radlov. M. R. N., tout en envisageant subsi-
diairement cette explication, a préféré traduire par "guerre", parce
qu'il a trouvé L5.S- au sens de "ran°; du combat" dans Kâs/arï.
et que M. Blochet lui a fourni un mot mongol "dsungu, ancien-
nement tchoungu, évidemment 'bataille contre un ennemi placé en
face'; aujourd'hui 'contradiction', 'opposition'." Je ne m'arrêterai
...
pas à rechercher quel mot mongol M. Blochet a pu estropier ici,
puisqu'aussi bien, de par les formes mêmes qu'il indique, ce mot
ne peut avoir aucun rapport phonétique avec jïrnV- (ciiru-?). Quant
au oT:> de Kâsrarï, il n'est autre que càrik, "armée" (cf. Brockel-
mann, Mitteltilrh. Wortschatz, 53), et lui non plus ne peut nous
fournir d'ailleurs un substantif verbal en -gïi. Le mieux est donc
de lire jùrûgû et je n'hésiterais pas à le
= ynrûgïï comme Radlov,
faire, vu les doubles formes en y- et /- que notre mss. donne à

1) En tout cas, les oiuja d'Ibn Mulianna et du présent teste ne paraissent pas être
en faveur de la transcription ong-a qui a été adoptée par M. Deny, Joe. cil. 193.
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 331

maintes reprises, si le mss. n'avait partout ailleurs yiiril-, et pré-


cisément même deux lignes plus loin. Malheureusement, le mot
parallèle soyuryu (?) ne s'explique pas plus aisément. Radlov l'a
.

traduit par "combat", vraisemblablement parce qu'il a lu soquryu


et considéré arbitrairement soqur- comme un synonyme de soqus-;
mais il n'a pas recueilli soqur- dans son dictionnaire. Dans un
exemplaire annoté du dictionnaire de Pavet de Courteille que lui
a montré M. Blochet, M. R. ]ST. a rencontré le mot soqur, traduit
par "endroit où l'eau manque", d'où sa version tout hypothétique
de "moments difficiles"; mais un substantif ne forme pas un dérivé
en -yu. De toutes les formes qu'on peut envisager, soqur-, suqur-,
soyur-, suyur-, enfin so'ur- (= sôr-) ou su'ur- (= sûr-), il n'en est
malheureusement aucune qui offre un sens acceptable; et je ne
trouve pas non plus de solution en supposant, comme notre mss.
en offre d'autres exemples, que -o- {-u-) soit ici le substitut de -Ï-.

XXVII, 9: ol beg qcCar-dansarab(a)ninas erdi] "so war dieser


Fûrst von Schnee bedeckt" (Radlov); "ce beg était recouvert de
neige" (M. R. ]ST.). Le contexte, et aussi le fait qu'il s'agit de la
légende expliquant le nom des Qarluq, ne laissent aucun doute que
le mot que M. R. ïf. transcrit "qaqar" signifie "neige", et répond
donc à la forme turque ordinaire qar. Le mss. ne distinguant pas
entre q et y, on peut naturellement lire qayar, et à mon avis
là simplement un exemple de -y- en valeur de -'-,
nous avons
donc qa'ar )> qar; ce n'est pas une forme archaïque *qayar d'où
serait sorti. Radlov avait lu ensuite sarabïnmïs M. R. N. dit
qar ;

c'est incorrect, et qu'il faut lire sarumms, de sarun-, "s'enve-


que
lopper". Sur le fond des choses, je crois volontiers que M. R. K
raison, que nous aurions véritablement affaire; à un
a en ce sens
dérivé de sar-, "enrouler", "envelopper"; mais la racine sar- n'est
guère attestée telle quelle qu'en osmanli et en tatar de Kazan;
332 PAUL PELLIOT.

sarin- en est la forme réfléchie (cf. Brockelmann, MM. Wortschatz,


172), et nous devrions alors avoir ici sarïnmïs; toutefois, dans l'in-
certitude où je suis de la forme que cette racine pouvait avoir
dans le dialecte de notre texte, et vu la notation d'un b qui,
même ramené à u, donnerait *sarumms et non sarïmnïs, j'ai gardé
provisoirement la leçon même du texte.

XXVIII, 2—3: Aï sein munt/i beg-lar-ga bolyïl baslïy, mamarlap


sang a at bolsun QeCemiay; "0 du sei ein Anfûhrer ùber dièse viele
Pùrsten! und dir sei der JSFame Kagarlyk (Karlyk)" (Eadlov);
...
"0 toi sois le chef et marlab de tous les begs! Que ton nom soit
Karlouk (Neigeux)" (M. E. K). M. R. N. dit n'avoir pas trouvé
le mot muntï, et songe à l'identifier à biltiin, "tous"; mais je ne
doute guère qu'il soit identique à munti, "ceci", "ce", "ici" (cf.
supra, p. 324), et qu'il faille comprendre "sois à la tête de tous
les beg qui sont ici". Ma, comme le dit M. E. IST., signifie "aussi".
MaHap a arrêté les deux traducteurs. Je le considère comme le
participe d'un verbe dénominatif formé sur un substantif mar. Le
seul mot mar anciennement attesté en turc (dans une inscription
runique de l'époque ouigoure, où on a marlm, "mon mar") a été
considéré comme un emprunt au syriaque mar, "monseigneur",
entré dans l'usage religieux ouigour avec le manichéismel). Si
cette explication, qui est très probable, est juste, elle exclura
pratiquement que le mar de marïm puisse être le mar de notre
marlap. Mais il ne faut pas oublier que notre manuscrit, par con-
fusion graphique, a constamment a (a) au lieu de ï (?') ; j'en ai
déjà cité de nombreux exemples. Un verbe mirlà- n'est pas attesté,
mais serait très normalement formé sur mir, "chef", "seigneur".
Evidemment le mot est d'origine étrangère, et même arabe ( ^î,
émir), mais il avait été emprunté de bonne heure en persan sous

1) Cf. Ramstedt, Zwei uigur. Runeninschrifteu, p. 7 (dans JSFO, XXX, 3 [1913]).


SUR LA LEGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 333

la forme abrégée ^ mîr, qui a passé ensuite dans de nombreux


dialectes turcs, allant du jayatai à l'osmanli; on a déjà mir en turc
vers 1300 dans le Codex Comanicus. Cette solution me semble sinon
certaine, du moins fort probable, et je traduirais le second membre
de phrase ainsi: "Et qu'étant devenu leur chef, ton nom soit Qarlur".
La légende recueillie par Rasîdu-'d-Dïn et par Àbu-'l-Grhazï ex-
plique aussi par le mot "neige" le nom des Qarluy, mais avec une
anecdote tout autre.

XXVIII, 5—7: bu ôi-nilng ta'am-ï altun-dan ardi, tung-luy-lar-ï


tayï kûmùs-duiij qalaq-lar-ï tàmûr-dcln erdi-lâr erdi] "les murs(?) de
cette maison étaient d'or; ses fenêtres, en outre, [étaient] d'argent;
ses qalaq étaient de fer". Au lieu de oi, M. R. N. a toujours
transcrit "m", ajoutant -"ô'y" entre parenthèse; mais uevi'n est
impossible. Le mot "maison" s'est dit âv, puis oi (ûi) en ouigour,
et le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes enregistre
encore les deux formes; mais "ev*" (âvi pour moi) ne serait pas
le simple. équivalent de oï, ce serait la forme possessive de «i>,
ce qui est ici hors de question. Le mot que M. R. N. transcrit
taqam, pour moi tayam = ta'am, tâm, représente le mot tain qui
signifie "mur" en turc de l'Orkhon, chez Kâsyarî, en ouigour, en
turkï, mais qui est rendu par "toit" dans le Codex Comanicus, et
pour lequel Radiov indique aussi le sens de "toit" en jayataï;
"toit" est également le sens du correspondant osmanli dam. Radlov
et IL R. 7$. ont adopté la traduction "toit" dans le présent passage,
et il est certain qu'à songer aux constructions orientales, on voit
mieux un "toit d'or" que des "murs d'or"; mais par ailleurs nous
avons affaire à une maison de féerie, et pour ma part je ne suis
pas tenté de donner ici à tam une valeur qu'à vrai dire je ne
trouve attestée expressément que dans le Codex Comanicus et dans
le dam osmanli.
334 PAUL PELLIOT,

Eadlov et M. R. X. ont lu tilnglùg le mot que, comme moi,


ils traduisent par "fenêtre"; c'est en effet la forme usuelle du mot,
et elle est déjà dans Kâs/arî, mais le mss. a ici expressément tungluy,
avec deux points sous le -/. L'origine du mot est assez mystérieuse.
Son sens ordinaire est celui d'"ouverture supérieure de la tente"
(pour laisser entrer le jour et sortir la fumée), mais il n'est pas
sûr qu'on doive, avec le dictionnaire de Eadlov, l'expliquer par
une forme abrégée de Hiittïn + Itig (tiitun = fumée; d'où viendrait
la nasale gutturale de ttingliig?). En tout cas, le sens de "fenêtre"
est donné, en ouigour tardif, par le vocabulaire sino-ouigour du
Bureau des Interprètes.
Le mot qalaq est embarrassant. Eadlov ne l'a pas interprété.
M. E. X. l'a traduit par "charpente", sur la foi de Validi Bey
qui lui a dit que le mot, sous la forme qalav. s'employait encore
chez les "Turcs septentrionaux". Ce sens serait acceptable, et il
faudrait alors transcrire plutôt qalay, si le mot était connu par
ailleurs dans les dialectes orientaux. Au cas où on traduirait finale-
ment tam par toit, j'accepterais de rendre qalay par "charpente".
-

Mais si nous nous en tenons, comme je le préfère, à l'usage ouigour,


je proposerai la solution suivante: les murs inférieurs de la maison
sont en or; ses fenêtres sont en argent; quant au qalaq. il faut le
vocaliser en qaliq) que le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des
Interprètes donne comme traduction de ^|| leou, "étage"; la maison
se terminait donc par un étage en fer. J'ai retrouvé d'ailleurs qaViq
traduisant le chinois leou, "étage", dans Suvarnaprabliasa, 62016 1).

XXVIII, 8: Le mss. n'a pas, pour le mot "clef", la forme acquc


indiquée par Eadlov et M. E. X., mais acqac.

1) Radlov n'a pas recueilli le mot dans dictionnaire; je ne sais s'il est fon-
son
cièrement identique à qaï'tq, "ciel", l'idée commune étant celle de
ce qui est élevé, ce-
vers quoi on monte; le dictionnaire de Radlov (II, 241) donne des exemples de qalïq,
"sauf où il a dû avoir ses raisons pour traduire ainsi, mais où
, un esprit, non prévenu
a l'impression qu'il pourrait bien s'y agir des "étages" des cieux.
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUI GOURE. 335

XXVIII, 9: càrik-dâ [b]ir yaqsï càbâr er bar erdi, "dans l'armée


il y avait un guerrier très adroit". Contrairement à Radiov et M. R. N.,
je considère yaqsï comme formant ici un superlatif. Au lieu de càbâr,
que le mss. donne ici et dans XXXI, 5, et qui est la forme normale
du mot, M. R. N. a lu cïbar, qui n'est pas juste.

XXIX, 1: animg atï Tumûrtù-qa'ul tàgàn erdi, "son nom était


Tûmùrtû-qa'ul". Radlov a lu le nom "Tumurdu Kagul", M. R. K
"Toumourtou Kakoul". Il s'agit du personnage qui sera l'ancêtre
éponynie des Qalac et de l'explication de ce nom de Qalac (par
qal, "reste", et ac, "ouvre", au lieu que la tradition de Rasïdu-'d-Dîn
et d'Abu-'l-Gkazï suppose qal, "reste", et «c, "aie faim"). Il ne me
paraît guère douteux que nous ayons affaire ici à un nom mongol;
le suffixe -tu (-tu) forme les adjectifs en mongol, comme -lïy (-%)
en turc. Tùmiir est une variante mongole connue de tâmûr, "fer"1);
tûmilrtû signifie donc "en fer", "à fer". Qa'ul (on peut lire aussi
qaqul, qayul) est plus embarrassant; mon impression est que c'est
le mot mongol yool (toujours transcrit qol dans Rasïdu-'d-Dïn),
mot à mot "fleuve". Tùmùrtù-rool signifierait "Pleuve ferrugineux",
tout comme le nom mongol de l'Issik-kôl est Tâmùrtû-nôr, "Lac
ferrugineux", et il n'y a rien de plus surprenant à voir donner à
un personnage ce nom de "Fleuve du fer" (qui était peut-être à
l'origine un nom de lieu véritable) qu'à en voir un autre porter
celui de "Grand Palais" (cf. supra, p. 323).

XXIX, 8—9: tarla'u-sïz bir yazi yer erdi] "es war eine zum
Ackern geeignete Ebene" (Radlov); "c'était dans une plaine où il
y avait des champs à cultiver" (M. R. N.). Radlov, suivi par M. R. N.,

1) Le mss. mongol récemment retrouvé qui contient, fort altérée 'd'ailleurs, environ
la moitié du teste mongol original de l'Histoire secrète des Mongols, écrit toujours on
presque toujours Tûmûliin pour Tamûlùn, Tûmùjin pour Tâmiïjin, etc.
336 PAUL PELLIOT.

a lu tarlayu-sïn, mais il n'y a pas de point sous la dernière lettre,


et il serait impossible de rendre compte ici grammaticalement du
cas de tarlayusm, qui serait l'accusatif de la forme possessive du
substantif tarlayu ou tarla'u. Si on lisait Harlayu, il faudrait que
ce fût là un substantif verbal d'un verbe Harla-. "cultiver", qui
n'existe pas; on ne connaît que tari-. Mais il y a un substantif
tarlay, tarlau, osm. tarla, "champ cultivé"; c'est lui, à mon avis,
qui est écrit ici tarlayu, à lire tarla'u. Par ailleurs, yazï signifie
"plaine" dès les inscriptions de l'Orkhon, mais, dans le vocabulaire
sino-ouigour du Bureau des Interprètes, yazï yer, "terre inculte"
(Hf s'oppose expressément à tarïy yer. "champs cultivés"
^tfe ye-ti)i

( B9 ^Èi t'ien-ti). Il n'y a donc qu'à garder la leçon même du mss.,

telle que je l'ai transcrite, et à traduire par: "C'était une plaine


en friche, sans champs cultivés".

XXIX, Jïircàt. Il s'agit des Jucen qui ont régné sur la


9:
Chine du Xord, et que la légende sépare ici à tort de l'Altun-khan.
Radlov et M. R. X. ont lu Cùrcit; j'insiste sur le fait que le mss.
a toujours Jurcàt. Dans le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des
Interprètes, on lit en écriture ouigoure une forme qui paraît être
Jiïrcùk, et c'est ce qui a valu à ce nom d'être enregistré sous la
forme Càircùk dans le dictionnaire de Radlov (III, 2197); mais il
s'est simplement produit dans ce vocabulaire un déplacement d'un
crochet; en replaçant avant le prétendu second H le premier crochet
du A-, on obtient Jùrcât, et la transcription phonétique chinoise
garantit cette correction puisqu'elle-même a été faite sur Jurcàt.

XXXI, 3—4: at qa'atïr ucl azlay boldï, "les chevaux, les mules,
les boeufs furent trop peu nombreux". Je ne sais pourquoi Radlov
n'a pas enregistré dans son dictionnaire azlay ou azlaq, qui a été
conservé dans le passage d'Abu-'l-Grhazï correspondant à celui-ci.
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 337

Le mot qa'atir est écrit qayatïr; c'est qâtïr, "mule"; le cas est le
même que plus haut avec qa'ar, tdarn, etc.

XXXI, 4—5 : anda Uyuz-qayan-nung càriki-dà uzluy ysqï (?)


bir càbâr kisi bar erdi; "il y avait alors dans l'armée d'U/uz-khan
un homme adroit, expérimenté et ". Le mot que j'ai transcrit
ysqï(?) a été lu ïsaï (isâi?) par Radlov, ïsaï par M. R. N. Radlov
semble y avoir vu un synonyme du mot précédent; M. R. ~N. n'a
su qu'en faire. Je suis aussi très hésitant. La lecture *ïsaï, qui ne
donne aucun sens, ne correspond pas aux traits du mss., où il y a
après -s- un crochet de plus que pour *'ûaï. A prendre le texte
tel quel, je lis ysqï, avec l'omission, fréquente dans le mss., des
deux points du q. Mais de ce *ysqï, je ne sais trop que tirer, à
moins d'y reconnaître une métathèse fautive pour yaqsï, "excellent".

XXXI, 5—6: anïng atï Barmaq-layjosun billig erdi; "son nom


était Barmaqla^-josun-billig". Radlov avait lu le nom comme moi;
M. R. 'N. a préféré Barmaqlïr, qui revient au même, mais n'est
pas la forme du mss. Le motjosun est identique à yosun, "manière",
"coutume", prononcé aussi yosun en mongol ordinaire, mais dont
josun pourrait être une prononciation kirghize. Sur billig, cf. supra,
p. 320. Barrnaqlay est assez obscur; ce devrait être un adjectif en
-lay (-lïy) de barmaq, "doigt"; peut-être est-ce une allusion à l'a-
dresse manuelle de celui qui construisit la première voiture (qanq),
et valut pour cela à sa tribu le nom de Qanq-lur ou Qanglï.
Dans les pages XXXI et XXXII, le mot "voiture" est écrit sous
des formes altérées, mais qui finalement ne peuvent représenter que
le qanq qu'on a dans Rasïdu-'d-Dïn et dans Abu-'l-Ghazï.

XXXII, 7: oluk-ni târik yiirùgiïrsûn; "bringst du die lebendige


und die todte Beute fort" (Radlov); sauté dans la traduction de
oôb PAUL PELLIOT.

M. R. N. Radlov avait omis le ni après oliik ; M. R. X. l'a rétabli,


mais en en ajoutant tacitement après tlirik un autre que le mss. ne
donne pas. Il me paraît qu'il faut comprendre: "Puisque le [butin]
vivant fait avancer le [butin] mort " On vient en effet de nous
dire que, lorsque Barrnaqla^-josun-billig eut fait la première voi-
ture, il plaça dedans le butin "mort" (oliik baryu), et mit en avant
de la voiture le butin "vivant" (târik baryu), qui la traîna
(tarattï-lar [et non tar'ittï-lar] = tartt'i-lar). C'est pourquoi Umz
peut dire que le "vivant" fait avancer le "mort".

XXXII, 7—9 : Qanq-luy sanyd at bolyuluy qanq bUyïirsûn.


"Que le fait pour toi d'avoir pour nom Qanq-lu/ rappelle le qanqV
Radlov et M. R. X. ont lu bulyuluq, "découverte", en rapportant
ce mot à la "découverte" de la voiture; mais je ne vois pas alors
comment faire le mot-à-mot.

XXXIII, 2—3 : Sindu tayï Tanyqut tayï Sa'am yanyay-lar-ï-qa


atlab ketti] "und ritt zu dem Lande der Tangut und der Schakim"
(Radlov); "il est monté de nouveau à cheval et s'en est allé vers
'Sintou', 'Tankout' et 'Schakim'" (M. R. X.). M. R. X. a eu raison
de rétablir le premier nom, sauté par Radlov, mais la vraie lecture
n'en est pas Sintù comme dans sa transcription ou Sintu comme
dans sa traduction, c'est Sindu, c'est-à-dire le Sind, l'Inde, un des
noms sous lesquels l'Inde a été connue des peuples turco-mongols 1).
Tangqut est naturellement le pays Si-hia, c'est-à-dire en gros la
province chinoise du Kansou. Quant à Sa'am, écrit Sa/am (et non
Sarïm comme Radlov et M. R. X. l'ont lu à tort), c'est naturelle-
ment Sâm, la Syrie. Toutes ces campagnes d'U>uz sont également

1) Des deux autresl'un est Àniidkàk, qui remonte à une forme iranisante *Endàkàg
du nom de l'Inde; l'autre s'écrivait en écriture ouigoure Indu, mais se prononçait Hindu,
comme le montrent les nombreux noms d'hommes "Hindu" qu'où rencontre à l'époque
mongole en transcription persane ou chinoise.
SUR LA LEGENDE D'urUZ-KHAN" EN ÉCRITURE OUIGOURE. 339

mentionnées dans la légende que Rasïdu-'d-Dîn et Abu-'l-Grhazï


ont connue.

XXXIII, 5: yurtï-ya birlcidi, "il les réunit à son propre


ôz
territoire". Radlov avait bien lu et compris cette phrase très claire;
M. R. K s'est créé des difficultés vaines en voulant transcrire Hirmàdi.

XXXIII, 7—9: ...kiin tiïn-ki bulung-da Baraqa tàgân bir yer


bar turur, uluy baryuluy bir yurt turur; "...dass im Winkel
von
Mitternacht ein Batschak genanntes Land und ein an Schâtzen
reiches Volk war" (Radlov); "il y a un endroit nommé 'Batchaka'
à côté de la nuit (à l'occident). C'est un pays très fertile..." (M. R. IST.).
Le mot bulung, "coin", est déjà dans l'épigraphie de l'Orkhon;
M. R. JST. se trompe en le lisant bôliing (de même dans XII, 8)

et en croyant que son représentant actuel est bolûk. En traduisant


kûn tûn-ki par "Mitternacht", Radlov a bien rendu l'idée de tûn,
"nuit", mais "Mitternacht", "minuit", désigne le Nord, au lieu que
la légende entend ici l'Ouest (en fait, le Sud-Ouest); c'est d'ailleurs
ce qui résulte de XXXVIII, 5—6, où le tûn sarï, "côté de la nuit",
est opposé au tang sarï ou "côté de l'aube". Le nom lu Bacaq
par Radlov, Bacaqa par M. R. N., est nettement Baraqa dans le
mss. ; autrement dit, nous avons ici, comme nom de lieu, le It-Baraq
ou Qïl-Baraq qui est le nom du souverain chez Rasïdu-'d-Dîn et
chez Abu-'l-Grhazï1). Au lieu de baryulwy, qui est sûr et que Radlov

1) Baraqa est assez vraisemblablement une forme plus ou moins altérée de Baraq.
Sur la formation possible de ce nom ("les Velus"?), cf. le dictionnaire de Radlov, IV, 1477;
Marquart, TJeber das Volksium der Komanen, 146 ; Brockelmann, dans Asia Major, II, 120,
et Miileltiïrk. WortscMts, 31. Le nom a peut-être passé dans l'onomastique mongole.
Il y a en effet un prince de la branche de Cayataï qu'on appelle généralement "Bôraq"
ou "Borrâq", mais cette vocalisation, due à l'influence de l'islam, n'est garantie par rien,
et a contre elle le "Barac" de Marco Polo et la transcription cbinoise J\ W|J Pa-la
du cb. 107 du Yuan che, laquelle suppose Baraq. La même correction en Baraq de la
fausse lecture "Buraq" ou "Berraq" a été faite pour un personnage de l'entourage des
340 PAUL PELLIOT.

avait bien lu, M. R. N. a transcrit à tort birgûlûg. Baryu signifie


"ce qu'on a", "richesses" (cf. s-upra, p. 338); dans uluy baryuluy,
il ne faut pas prendre uluy et baryuluy séparément; comme -tu
dans le mongol ancien, le suffixe adjectif -luy porte sur uluy-baryu
et non sur baryu seul; uluy baryu signifie "grandes richesses";
uluy baryuluy signifie "qui a de grandes richesses". C'est d'ailleurs
la même construction que dans aq saqalluy de XXXY, 6, etc.

XXXIY, 4 et 7: Le roi du pays de Baraqa est appelé "Masar";


je ne doute guère que nous ayons ici, comme si souvent dans le
mss., des a pour des ?', et qu'il faille lire Misir, l'Egypte. De même
qu'Urum, "Rûni", ou Unis, "Russe", sont devenus plus haut les
noms des souverains de ces pays, Masar, alias Misir. est devenu
aussi un nom de qa/an. La description convient bien à l'Egypte,
avec le pays "très chaud" et la population qui a (en partie du
moins) "le visage tout noir". Le nom de Misir (= Misr), l'Egypte,
a été connu en Asie Centrale à l'époque mongole, et c'est bien
probablement lui qui est alors employé comme nom d'homme à
Tourfan (cf. Radiov et Malov, Uigur. SjjracJulenhnâler, 286). On a
très naturellement Misir dans la lettre mongole d'Àr^un à Philippe
le Bel. Le misàri bolot de Sanang Secen (p. 100) est de 1'"acier
du Misr". En 1353, Jani-bàg offre, entre autres, à l'empereur de

ilkhan par M. Kôpriilùzade Mehmed Fuad dans son article Influences du chamanisme
iurco-mongol sur les ordres mystiques musulmans {Mém. de VInst. de iurcol. doe VTJniv.
de Stamboul, Nne Série, I [1929], pp. 14—15). Dans son e'dition de l'Hisl. des sultans
mamlouks {Patrol. orientalis de G-raffin et Nau, XX, i, 177), M. Bloehet a proposé pour
le nom de Barâq une série d'étyrnologies, pour s'arrêter à baraq, "homme", qui appa-
raîtrait dans le "turc oriental y^o! [, barakh-sin "unique", de barakh, "homme", avec
le suffixe mongol-turc -soun". Ce soi-disant mot baraq, "homme", n'est, à ma connais-
sance, donné nulle part, et j'ignore où M. Bloehet a pris son orthographe en écriture,
arabe de baraqsïn, "unique", en "turc oriental". Ce dernier mot, au sens de "tout seul"
et surtout de "pauvre", "misérable", est mentionné seulement par Radlov (IV, 1147)
sous les formes 'paraqsan et paraqsm dans quelques dialectes de l'Altaï, et il a tout l'air
d'être emprunté au mongol baraqsan, participe passé passif de bara-, "épuiser".
SUR LA. LEGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 341

GMne "des sabres et des arcs du Mi-si-eul (Misr; ;)jt Hj fâ J] ^ ,


dans Yuan che, 43, 3a). Le "fer" particulièrement dur dit en tibétain
mi-che-ri (ch = ts aspiré), sur lequel cf. le dictionnaire de Sarat
Chandra Das, p. 397, a bien des chances d'être étymologiquement
du "fer du Misr". Il ne faut pas oublier d'ailleurs qu'au XIIIe siècle,
les Mamlouks d'Egypte dominaient aussi en Syrie, et qu'ainsi
l'"acier de Damas7' a pu être appelé "acier du Misr". La vocali-
sation en i de Misir (= Misr), qui est celle de tous les textes
d'Asie Centrale au Moyen Age, ne me paraît pas permettre de voir,
dans le "Masar" de notre manuscrit très altéré, l'équivalent de Masr,
qui est aujourd'hui la prononciation égyptienne vulgaire de Misr.

XXXIY, 6: anday] la lecture est sûre; le munday de M. R. N.


est à abandonner.

XXXV, 1 Je ne pense pas que le verbe manquant après qaïyular


:

soit boldï, puisqu'on ne pourrait alors construire la phrase; qaïyidar,


surtout avec ce pluriel, est en effet un substantif; il ne signifie pas
"triste", mais "des tristesses" (cf. d'ailleurs XIX, 2).

XXXV, 2—3: s[ana]yuluysïz nàmâ-lâr yïlqi-lar aldï, "il prit


des objets et des troupeaux sans nombre". J'ai rétabli yïlq'% "trou-
peaux", qui est sûr et que Radlov et M. R. N. ont bien interprété,
mais le mss. a presque toujours yalqï, et c'est le cas ici. Radlov
a lu le premier mot sïn-yu-luy-sïn et a traduit sïn-yu-luy-sïn
nàmâ-lâr par "ailes Zerbrechliche"; il tirait ainsi le premier mot
de sïw-, "se briser", "être brisé"; M. R. N. a reproduit les lectures
de Radlov et signalé son interprétation, en se bornant à parler
d'"autres choses" dans sa propre traduction. Radlov, j'imagine,
aurait été bien embarrassé pour justifier, dans un dérivé adjectif-
substantif, un suffixe -mi après une consonne; en réalité, ici comme
342 PAUL PELLIOT.

dans XXIX, 8, la dernière lettre n'est pas pointée, et est donc


normalement un -z et non un -n] il n'y a qu'à s'y tenir et à lire
-sïz. Le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes nous
fournit la solution certaine quand il enregistre sanayuluysuz. "in-
nombrable". La traduction est donc bien: "Il s'empara d'innom-
brables objets et troupeaux".

XXXY, 4: tasqarun, "hors de". Il faut bien tasqarun comme


à XXXIII, 6, mais en réalité le mss. a ici casqarun; c'est de la
même manière qu'on a eu une fois cang pour tang dans XVI, 1,
et qu'on aura une fois capïilar au lieu de taptMar dans XXXIX, 8 1).

XXXV, 6—7: aq saqalluy m[o]z (?) sacluy uzun uzluy bir qart
km turur bar erdi. "il y avait un vieil homme, à la barbe blanche,
aux chevreux gris (?), à l'expérience longue". Le mot qart. "vieux",
est connu dans de nombreux dialectes, du kirghiz à l'osmanli, et y
compris le coman et le tartare de Kazan, mais non pas en ouigour
qui employait qari'; mais précisément nous avons ici la trace d'un
remaniement dialectal du texte, car, dans XXXVII, 9, c'est bien
le mot ouigour qari qui s'est maintenu 2). Le seul mot douteux
du passage est celui que Radlov a lu mor et M. R. X. moz] tous
deux ont traduit par "gris". Mais mor est un mot osmanli dont le
sens est "violet" (cf. à son sujet Bang, Tilrlc. Lehnwort., 18);
M. R. X. dit que moz est le même que boz, "gris". Moz
= boz

1) Je ne crois pas qu'on puisse songer à des palatalisations (t > c) du genre de


celles dont M. Bang a réuni quelques exemples (compte rendu des Sprichioorter mid Lieder
de von Le Coq, dans Bnll. de VAc. roi/, de Belgique, Cl. des lettres, 1911, 414),
pour
deux raisons. L'une est que cette palatalisation, et cela
se comprend, n'a été signalée
que pour des mots où le t- est suivi d'une voyelle mouillée; ce n'est pas le cas ici.
L'autre raison est qu'en règle générale ces prononciations vulgaires
ne s'écrivent pas; le
Turc de Kachgarie prononcera souvent isi pour "chien", iski pour "deux", mais écrira
correctement it et iJci.
2) En ouigour de Tourfan, qart signifie non pas "vieux", mais "abcès"; cf. qart-ïy
bilz-ig dans Radiov et Malov, Suearnaprab/tâsa, 6143.
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURR. 343

semble être la meilleure solution, mais il faut, remarquer: 1°


que
moz n'est connu pour boz dans aucun dialecte; 2° que le mss. n'a
pas moz, mais mo, ou ma, ou mz; de toute façon, le mot est
donc altéré.

XXXV, 8—9: oqayuluy tûzûn bir er erdi, tûsimâl erdi; "ein


verstàndiger, sehr wohlgesinnter Mann war er und ein Traumdeuter"
(Radlov); "c'était un héros et un savant; il était 'douschimel'?"
(M. R. ~N.). Radlov a lu le premier mot uqyuluy, mais M. R. N.
se trompe en pensant qu'il y voyait ôggulug; quant à M. R. E".
lui-même, sa lecture oquyuluy, "qui a beaucoup lu", va contre le
mss., qui a oqayuluy, mais peut-être est-elle juste quant au fond;
M. R. N. ne traduit pas tilziin, qu'il lit à tort tosun'1);
er n'est
pas ici à proprement parler un "héros"; on l'emploie au lieu de kisi
pour un homme de rang. Reste tùsimàl, que Radlov a lu tiïsmàn
et traduit par "Traumdeuter" parce que, par la suite, cet homme
a un rêve (tus) et l'interprète, mais Radlov s'est gardé de recueillir
cette lecture et cette traduction arbitraires dans son dictionnaire 2).
M. R. N. a transcrit "' dusimeV et a renoncé à interpréter le mot.
Il faut lire tûsimâl, et c'est le mot mongol ordinaire qui veut dire

1) Dans son dictionnaire ouigour (col. 167), Radlov cite à denx reprises un passage
du Suvarnwprablïâsa, 1877, où il lit àr tuzïn àrànlàrig ioruliurdaci, qu'il interj)rète par
"der das Salz (?) der Mânner, die Helden zur Ruhe gebracht habende". Mais àr se rap-
porte à l'expression précédente (ôz ihgsiz àr= ïH£ \ ~~[~" wou-chang-che, "héros sans
supérieur", amdtara) et tuzïn àrànlàrig ioruliurdaci traduit Sljj3 Àm) ~yT ~7C tiao-yic
tchang-fou, "qui dompte et conduit les mâles", purusadamf/asâratM. Le "sel" me paraît
exclu, et iuzin, instrumental de lus ou ioz, ne paraît pas donner de sens. On peut songer
à tiiz-in, instrumental de liiz, "uniformément" (?), mais je lirais presque aussi volontiers
iuzûn; même ailleurs que dans notre mss., tiïziin, "excellent", est souvent associé à àr
(cf. par exemple von Le Coq, Tûrk. Manichaica I, 512, 620).
.
2) Cette lecture de Radlov a le tort de s'écrire en écriture ouigoure tardive comme
dusman,. "ennemi", si bien que M. R. N. a "cru que Radlov adoptait cette dernière forme.
Le mot employé pour "rêve" dans XXXVI, 6, et XXXVII, 2, est le mot turc ordinaire
tus, mais la forme usuelle du ouigour de Tourfan semble avoir été tiil (le verbe restant
iiisa-, "rêver"); cf. F. W. K. Mûller, Uigurioa II, 108; Radlov et Malov, Suoarnupra-
bhâsa, 572^°, 62017—]b; TJigurische Sprachdenkmaler, 300.
23
344 PA.ULPELLIOT.

un "fonctionnaire". Le mot avait passé en ouigour tardif, car on


le trouve dans le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes,
où il est traduit par (J. tch'en, "personne au service du souverain",
"fonctionnaire", "ministre"; c'est par erreur que Ptadlov, dans son
dictionnaire (III, 1591), se référant précisément à ce vocabulaire
qui écrit et transcrit tusimàl. a adopté tùsùmcil. La forme tûsûmâl
existe toutefois, mais dans un document en écriture ouigoure tardive
rédigé au Ferghâna dans la seconde moitié du XVe siècle (cf.
Melioranskiï, dans ZVOIEAO, XVI, 010; T'oung Pao, 1930, 37);
le mot a aussi laissé des traces en tartare de Kazan (cf. le diction-
naire de Budagov, I, 396). Dans les Uigur. Sprachdenhnàler de
Radlov et Malov, p. 9, il y a de même un mot tusumàn. qui est
sûrement ou mal écrit ou mal lu pour tusùmàl tusimàl. Il semble
-
que, pour les rédacteurs de notre légende, le mot mongol tusimàl
avait pris la valeur d'un titre singulièrement élevé, et qu'il répondait
à "ministre" ou quelque chose d'approchant. Je traduirais donc:
"Il y avait un homme qui était une personne de valeur ayant
beaucoup lu; c'était un ministre". À la ligne suivante, il est dit
que ce personnage s'appelait Ulu7-Tùrùk, c'est-à-dire, avec la dis-
sociation des groupes consonantiques fréquente dans notre texte,
Uluy-Tùrk, le "Grand Turc" (ou encore le "Grand Fort"?).
[M. Deny attire mon attention sur un passage du Burhân-i qûti\
284 (et cf. 631), où il est dit que les ^
(5^U> cahn-gïr sont
appelés jL^o tiïhnàl (= tushnàl?) au Turkestan, et où est en outre
donné le synonyme j3LÇ bàkàiil (= bdgàiil?; sur ce titre, cf. T'oung
Pao, 1926, 64; 1930, 26); bien que l'exemple n'ait pas été recueilli
dans le dictionnaire de Badlov, j'aurais pu le trouver
en fait dans
Vullers, I, 555. L'équivalence de cahn-gïr et de bâkcïul ("échanson
qui goûte les mets offerts au souverain") a déjà été indiquée par
Quatremère, Hist. des sultans mamlonks, I, i, 2), mais je doute
que
tusmal en ait jamais été un véritable synonyme.]
SUR LA LÉGENDE D'Uf UZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 345

.' XXXVI, 2-—4: bu.altun y a Min toymï-dan ta kiin batusï-ya-ca


tàggàn erdi, "cet arc d'or s'étendait depuis le lever du.soleil jusqu'au
coucher du soleil". Le mss. a en réalité toyasï pour toyusï, tetgèln
pour, tàggàn. L'intérêt de la phrase est dans ta, "jusqu'à", qui n'est
pas, je crois, bien ancien en turc, et qui me paraît être emprunté
au persan. On a vu déjà quelques emprunts de vocabulaire faits
au persan, mais ici il s'agit d'un emprunt syntactique, et je croirais
volontiers que c'est là une addition tardive, car la phrase turque
est aussi claire sans ta. Dans sa Grammaire de la langue turque,
pp. 281 et 1136, M. Deny a considéré ta comme une particule
"commune au turc et au persan"; selon lui, la particule ta du turc
"a pu se confondre avec le mot persan qui a la même assonance",
mais elle dériverait, à son avis, "du turc taq (pour den)". Je ne
crois pas, pour ma part, à cette explication de ta par taq (ta me
paraît emprunté au même titre que, par exemple, àgâr, "si"),-.
mais fût-elle fondée, l'identité de forme et d'emploi d'un ta turc
issu de taq et du ta persan ne se justifierait guère que par une
influence persane.

XXXVI, 8—9: aï qayanum seing à j(a)s(a)yu (?) bolsun; "Ei


mein Kagan, die môge bekannt sein" (Radlov); "Oh mon souverain,
que cela soit de bon augure pour toi!" (M. R. N.). J'ignore quel
verbe Radlov a eu en vue ; M. R. N. a transcrit _^JJ yasyu, en
donnant comme équivalent mubârâk, "heureux", "fauste", mais je
ne trouve pas que cette valeur de yeis- soit attestée; jaz- = yaz-
ne me serait pas plus clair. Il faut ajouter que le mss. a en réalité
seulement jsyu (et encore sans pointssous le 7); d'autre part, il
arrive très souvent dans notre mss. qu'un a suivant s se confonde
avec la seconde branche de l's; on peut donc lire aussi j(ei)sayu =
yàsayu, et ce yeiseiyu sera lui-même soit un substantif verbal de
yàsa-, soit, une notation à -y- - -'.- pour un substantif yasà'u, yasau.
346 PAUL PBLLIOT.

Le dictionnaire de Radlov n'indique pas pour le ouigour le verbe


yasa-, "créer", "préparer", "mettre en ordre"; il y a existé cepen-
dant, et le vocabulaire sino-ouigour du Bureau des Interprètes a une
expression budun-ï yasap (lire bûtiin-i yasap?; cf. supra, p. 262),
qui traduit le chinois \^
Jp sieou-chen: mot-à-mot "soigner son
corps". A vrai dire, le mot chinois chen est ici au sens de "per-
sonne", et l'expression sieou-cJien s'emploie exclusivement au figuré
dans le sens de "développer sa personnalité morale", mais le mot
de la traduction ouigoure est celui qui signifie "corps" au sens
propre; yasa- (d'où le participe yasap) doit donc être pris au sens
de "soigner", "guérir", que son correspondant y as- a en turc de
l'Altaï. On pourrait en déduire, pour le substantif verbal yasayu.
le sens secondaire de "bonne santé", et la phrase voudrait dire:
"Oh mon qayan\ que la santé soit sur toi!" Une autre solution,
analogue à celle qui nous a fait reconnaître tarie?n tarlau dans
-
tarlayu yasayu - yasa'u = yasau.
(cf. supra, p. 336), serait de lire
Yasau, en turc de Kazan et en jarataï, signifie "préparatifs", mais,
à vrai dire, surtout "préparatifs de bataille", et par ailleurs, pour
dire "Prends des mesures", la formule "Que des préparatifs soient
à toi" ne semble guère satisfaisante. Je crois donc finalement qu'il
s'agit bien d'un voeu de santé.

XXXYII, 1 — 3: La première ligne est endommagée; je ne


cherche pas à traduire, mais doute et du déchiffrement et des
traductions de Radlov et de M. R. X.; en tout cas, je coupe après
tàlâ turur (- tilà turur),
et comprends ensuite: "Veuillez donner
le pays à votre descendance".

XXXYII, 8—XXXIX, Ai mailing kôngùlùm au-nï tdlàp


1 :

turur; qarï bolyumdan mailing qayasluquin yoq turur; "0 mein


Sinn steht nach YVild. Da ich ait geworden, ist fur mich kein
SUR LA LEGENDE D'urUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 347

Herrschertum mehr" (Radlov); "Hé! mon coeur le veut ainsi. A


cause de ma vieillesse, ma souveraineté a pris fin" (M. R. N.).
M. R. X. s'est évidemment trompé en transcrivant
u ni et tradui-
sant par "ainsi"; il faut, comme ailleurs dans notre texte, lire
auriiï, "gibier", à l'accusatif. Mais ensuite, la vieillesse n'a
pas fait
perdre à Uruz sa "souveraineté" (qayanluq), mais,
sa force, sa
"valeur" (qayasluq, ainsi écrit dans le mss.;
sur le mot, cf. supra,
pp. 269 et 327). Uruz-khan dit qu'il voudrait du gibier, mais que
la vieillesse lui a ôté la force d'aller à la chasse, et c'est
pour-
quoi, immédiatement après, il envoie trois de ses fils à l'Est et
trois à l'Ouest, qui tous lui rapportent en masse des quadrupèdes
(kik — kiik) et des oiseaux (qui).

XXXIX, 7—8: -ilc kiimùs oq-nï taptïlar, "ils trouvèrent trois


flèches d'argent". Le mss. a en réalité ëaptïlar, que Radlov a cor-
rigé à bon droit d'après le taptïlar de XXXVIII, 9. C'est un
nouvel exemple de cette faute bizarre qui nous a déjà valu cang
pour tang et casqarun pour tasqarun; cf. supra, pp. 270 et 342).

XL, 5—6: ulwy qurïltaï cayïrtï, "il convoqua un grand qurïltaï".


Le mss. a bien qurïltaï, contrairement au qurïaltaï de Radlov
(faute d'impression?) et au qurultaï de M. R. X. Dans le T'oung
Pao de 1930, p. 52, j'ai fait remarquer qu'à mon avis mieux
vaudrait employer pour ces grandes assemblées mongoles la forme
qurïltaï, appuyée par le qurïlta du dernier paragraphe de Y Histoire
(qurultaï) des ouvrages musul-
secrète des Mongols, que le qurultay
mans. J'aurais dû ajouter qu'en réalité qurultaï, parait être une
forme ja/atai et osmanliassez tardive (appuyée cependant dans
une certaine mesure par le "kurulta" [- qurulta] du Codex Coma-
nicus, 229), et, de même que notre mss. turc de la légende d'U/uz

a la forme qurïltaï, c'est qurïltaï qui est régulièrement employé


348 PAUL PELLIOÏ.

par. les historiens persans de l'époque mongole, en particulier par


Kàsîdu-'d-Dïn; cf. aussi le dictionnaire de Vullers, II, 722, 748.
Bien que le mot soit oublié aujourd'hui en mongol, il est certain
qu'il ne dérive pas d'une racine quru-, mais de qur'ï-. "se réunir"
(cf. qurïua-, "réunir", "rassembler"; la forme simple qurï-.t inconnue
de nos dictionnaires, est attestée par l'Histoire secrète des Mongols
et apparaît déjà, selon moi, sur la "pierre de Gengis-khan"). Il est
toutefois difficile de dire d'où vient 1'/ final de qurïltaï et qurultaï.
La forme mongole attendue est qurïlta. appuyé par VHistoire secrète
des Mongols et indirectement par le Codex Comanicus. et qui est
à qurï- ce que qôvïlta, "empêchement", est à qorï-, "interdire"
(cette racine verbale qorï- a existé aussi en turc, et le fameux
mot qorïq de l'époque mongole, appliqué spécialement alors à la
région tabouée où-les souverains étaient enterrés, est attesté mainte-
nant en turc, sous la forme correcte qor'iy. dès le XIe siècle; cf.
Brockelmann, MitteltUrh. Wortschatz. 160).

XLII, — 7: M. II. X., qui a bien reconnu un couplet de huit


3

vers rimes dans le discours d'U/uz-khan après le premier banquet


(pp. XI—XII), ne s'est pas aperçu que le second banquet avait
excité, exactement sur le même rythme, la verve poétique du vieux
souverain. Voici tout le couplet:
1 Oyul-lar hop m an asadum Urusyu-lar hop incin hôrdiïm
2
3 J'ida bilà (?) l) hop oq atdum 4 Aïyïr b(i)rlâ hop yurudiim

1) Radlov a lu birlii, "avec", dans ce vers-ci et dans le suivant; M. R. N. a lu


bilîî dans le premier cas. b(i)rlii dans le second. Pour le second vers, je suis tout à fait
d'accord avec M. R. N., et la traduction ne fait pas de difficulté. Dans le présent vers,
"avec la lance, j'ai tiré beaucoup de flèches" ne laisse pas d'être une construction "bien
elliptique pour dire par exemple que "[je me suis battu] avec la lance, et j'ai tiré
beaucoup de flèches". La leçon du mss. est incertaine, et graphiquement peut aller de
billi à basa ou biiziï; mais toute autre lecture que bilii = birlii ne paraît rien donner
de satisfaisant. La forme bilii est d'ailleurs ancienne; c'est la seule qu'enregistre Kâsyarï
(Brockelmann, MM. Wortschai'-, 36).
SUR LA LÉGENDE D'UTUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 349

5 Dusman-lar-ï ïylayurdum 6 Dostlarum-ni mdn "kûlgûrdûm


1 Kôlc tângri-gd mdn. ôtadûm 8 Sizlargà birâmàn yurtum.

"Mes fils,' j;ai beaucoup vécu; Des combats, j'en ai beaucoup vu. —

Outre (?) la lance, j'ai tiré bien des flèches; — Avec mon étalon, j'ai
beaucoup parcouru. — J'ai fait pleurer bien des ennemis;
— Et j'ai
fait rire mes amis. — J'ai fait mon dû envers le Ciel bleu; — Et à
vous je donne mon pays."

Après l'examen de tous ces passages^ il nous est maintenant


plus facile de reprendre la question de l'origine de notre texte et
de sa transmission.
Le texte, tel qu'il nous est parvenu, ne contient pas une seule
.

allusion à l'islam ni à aucune religion étrangère (bouddhisme,


nestorianisme, manichéisme). Bien qu'il soit incomplet, il suffit de
comparer son récit de la naissance d'Upoiz-khan avec ceux de
Rasïdu-'d-Dïn et d'Abu-'l-Grhazï pour se convaincre que le récit
devait avoir aussi le même caractère dans ce qui s'est perdu; la légende
est ici purement turque, de Turcs presque sûrement chamanistes,
et ceci est incontestablement un signe d'archaïsme. Il en est de
même pour l'intervention de ce "loup gris", qui joue un rôle de
premier plan dans les plus anciens textes relatifs à l'origine des
Turcs et des Mongols, mais que ni Rasîd ni Abu-'l-Grhazï ne men-
tionnent à propos d'U/uz.
Par ailleurs, il doit y avoir eu une élaboration épique de la
-légende d'Uyuz; notre manuscrit en a conservé deux fragments en
deux couplets rimes de chacun huit vers qui sont mis dans la
bouche d'Uyuz-khan.
Bans l'opinion de M. R. N., qui a reconnu la présence d'un
des couplets, ce seraient là les plus, anciens spécimens connus de la
poésie turque; il est permis d'en douter. Il y a quelque apparence
que le plus ancien type de la poésie turque, comme de la poésie
350 PAUL PELLIOT.

mongole, ait été à allitération et non à rime, et ce serait la


vraisemblablement le résultat d'un assez fort accent sur la syllabe
initiale l). Si le Qutadyu bilig se sert déjà de rimes, et s'il en est
de même, à une époque un peu antérieure, pour les poésies que
Kâè>arï nous a conservées, c'est vraisemblablement par suite de
l'influence persane. Je pense que la même explication vaut ici, et
il n'y a pas à invoquer contre cette influence persane, à l'époque
de notre texte, l'absence de toute trace islamique, puisque le texte
contient un certain nombre de mots incontestablement persans
(citas, dost, diîsman) et deux d'entre eux précisément dans la partie

en vers 2).

Relativement tardive comme type poétique dans sa partie ver-


sifiée, la légende l'est aussi par son contenu même. Quel que soit
le moment où la légende d'U/uz, ancêtre éponyme des Turcs Uruz,
s'est constituée, le texte que nous en avons dans le manuscrit Schefer
en écriture ouigoure fait intervenir la Yolga sous le nom d'Edâl,
le qayan du Rûm (Urum), le bdg des Russes (Urus) et les Slaves

1) La poésie mongole est restée fidèle au principe de l'allittération, c'est-à-dire à


l'emploi, au début de chaque vers du couplet, de mots à syllabe initiale identique
(M. R. N., p. 11, voit de l'allittération là où il n'y en a pas). Il y a cependant, à la fin
de l'inscription mongole du prince Hindu, datée de 1362, une partie en vers où on
emploie à la fois l'allittération et la rime. Mais c'est que cette inscription est traduite
du chinois, où le morceau en vers est naturellement rimé. Les traducteurs ont combiné
le système normal de la poésie mongole avec celui de l'original chinois qu'ils traduisaient.
Cette innovation n'a pas prévalu, mais on voit comment un système poétique étranger,
en fait persan, a pu réagir de même manière sur les principes de l'ancienne poésie turque.
2) M. Bang et M"e von Gabain viennent d'étudier un poème turc manichéen allittéré
(Tiirkische Turfan-Texte III, 1930, in-8) et une confession turque bouddhique allittérée
et rimée {JJngar. Jahrbiicher, X, 208 — 210; ce dernier morceau, imprimé sylographiqne-
ment, date vraisemblablement de l'époque mongole); les énigmes du Codex Cornanicus
sont à la fois allittérées et rimées. L'inscription sino-turque inédite de 1326 et, quelques
années plus tard, l'inscription turque de Kiu-yong-konan (pratiquement inédite malgré
les quelques mots déchiffrés par Radlov dans le JA de nov.-déc. 1894, pp. 546 ss.)
sont encore allittérées; ce n'est naturellement pas sous l'influence chinoise, puisque le
chinois ignore l'allittération; et si la poésie ouigoure eût été alors partout à base de rime,
on ne voit pas qu'une influence mongole la dût modifier si tardivement.
SUR LA LEGENDE D'UTUZ-KHAN EN ÉCRITURE OUIGOURE. 351

(Saqlap), l'Egypte (Masar, lire Misir), la Syrie (Sa'am


= Sam),
l'Inde (Sindu = Sind), le Tangqut, l'Altun-qaran et les Jûrcàt;
tout cet horizon géographique exclut que la légende ait été rédigée
avant les conquêtes mongoles, autrement dit avant le XIIIe siècle1).
Ce qui est vrai du type poétique et des données historiques et
géographiques l'est aussi du point de vue de la langue, mais ici il
faut entrer dans plus de détails.
Radlov, publiant la légende en écriture ouigoure, l'a appelée
une légende ouigoure, et on l'a répété après lui, par exemple
Àristov en 1896 2,), M. Marquart en 1914 8). Entre temps, M. Bar-
toFd, disant qu'il ne fallait pas confondre Ouigours et UVuz comme
Aristov avait tendu à le faire, avait exprimé l'opinion suivante:
"La langue de ce fragment [= mss. Schefer] est essentiellement
différente des dialectes turcs-orientaux. L'auteur de la légende n'est
vraisemblablement pas un Ouigour, mais un habitant des steppes
Mrghiz, où, comme on sait, les Oyuz ont longtemps vécu" 4). Je
ne veux pas entrer ici dans l'histoire très complexe des tribus IT/Oiz
et de leurs parentés, ni rechercher quelle a été la valeur primitive
du nom des Ouigours (Uï>ur). Qu'il suffise de rappeler que si
U^uz-khan est évidemment l'ancêtre éponyme des UVuz (Oyuz),
le texte même de la légende lui fait dire (XII, 7): "Je suis le
qayan du Ui>ur"; et d'autre part, quelle qu'ait été la valeur pri-
mitive plus générale du nom même de Uï/ur, il a pris de bonne

-
point de vue de. M. Marquart (Ueber das Volksium der Ko-
1) C'est également le
manen, 142—146), mais je ne puis le suivre dans le détail de sa théorie où il veut
que chaque passage des campagnes d'Uyuz se rapporte, noms compris, à une campagne
de G-engis-khan ou de ses généraux.
2) N. A. Aristov, Zaméthi ob êtniceskom sostavé iyurkskikli plemèn i narodno&tëi,
dans Zivaya Starina, VI [1896], 418.
3) Ueber das Volksium der Komanen, 142.
4) Compte-rendu du travail d'Aristov, par Bartol'd, daDS ZVOIRAO, XI [1899],
347 n. 3. M. R. N. (p. 8) dénonce à son tour par un point d'exclamation Tépithète
de ouigoure appliquée par Radlov à la légende du mss. Schefer.
352 PAUL PELL10T.

heure un sens plus restreint. Après avoir désigné du milieu du


VIIIe au milieu du IXe siècle l'empire turc qui avait succédé en
haute Mongolie à celui également turc des T'ou-kiue, il est devenu
le nom du royaume turc de la région de Tourfan, celui dont le
centre était à Q.ara-qoco (Kao-tch'ang), avec autre résidence à
Bes-balïq, c'est-à-dire qui dominait sur les deux versants de cette
partie des T'ien-chan. Quand nous parlons de langue ouigoure,
c'est celle de la région de Tourfan que nous avons en vue.
Nous devons évidemment réagir contre une tendance naturelle
à parler de "langue ouigoure" chaque fois .que nous avons affaire
à des textes rédigés en "écriture ouigoure", puisque celle-ci, après
l'abandon de l'écriture turque runique, a servi à écrire des parlers
turcs assez différents jusqu'au jour où l'islam l'a complètement
supplantée. Mais il n'en reste pas moins que l'écriture ouigoure est
plus spécialement celle qui a servi à noter des textes en langue
ouigoure, et ses derniers emplois dans le monde turc à l'ouest des
Ouigours de la région de Tourfan, chez des Turcs musulmans, ne
sont pas toujours une tradition directe et vivante, mais souvent un
archaïsme, et pas toujours un archaïsme heureux.
On comprend très bien ce qui a fait supposer à M. Bartol'd
que l'auteur de la légende d'U/uz en écriture ouigoure vivait dans
les steppes kirghiz: c'est la notation d'un grand nombre de mots
avec un c- (- J-) initial, alors qu'en ouigour de la région de Tour-
fan ils se prononçaient avec y-. J'ai déjà indiqué plus haut qu'on
pouvait, dans une certaine mesure, y voir des mongolismes tout aussi
bien que des prononciations kirghiz. Dans le ouigour même de la
région de Tourfan, sous les Ming, le vocabulaire sino-ouigour du
Bureau des Interprètes transcrit jcimis le mot "fruit", ce qui cor-
respond à la prononciation mongole jimis, au lieu que le vocabulaire
sino-ouigour de la collection Morrison a bien la prononciation
ouigoure normale y amis. De même, le vocabulaire sino-ouigour du
SUR LA LÉGENDE D'ufUZ-KHAN' EN ÉCRITURE OUIGOURE. 353

Bureau des Interprètes a la prononciation jabduzun [= jabclurzun]


pour ya-irtursun, ."qu'on prépare" ]). Gomme on le voit, des pronon-
ciations en /-,' qui dans le manuscrit, et souvent
pour les mêmes
mots, alternent d'ailleurs avec des prononciations
en y-, ne suffi-
raient pas à faire admettre que notre texte ne soit pas du ouigour
tardif de Tourfan purement et simplement.
Il y a cependant à cette dernière solution des objections en
apparence sérieuses, par exemple le fait que des mots sont écrits
avec /- initial alors qu'en mongol même tout comme en ouigour
ils se prononcent avec y-, tel yosun que le mss. écrit josun (XXXI, 6);
et aussi la forme occidentale gânci pour ce qui, en ouigour de Tour-
fan, est toujours yana ou yânà, "de nouveau", "déplus". Que faut-il
en conclure? A mon avis simplement ceci: que le manuscrit Schefer
a été copié, tardivement d'ailleurs, aux environs de l'an 1500, dans
une partie assez occidentale du monde turc, occidentale du moins
par rapport à la région de Tourfan2), et que le copiste ou les

1) La traduction T*Q 4jm yu-pei, "préparer", ne laisse pas de doute sur le mot visé,
.
mais le vocabulaire est fautif en ce que V-r- est omise en écriture ouigoure, et a été
.

omise, également dans la transcription phonétique chinoise JrX, ïfl) J=|f tcha-tou-isouen.
La- transcription montre du moins que le transcripteur admettait des j- en ouigour et
prononçait en -z- les finales verbales en -suri {-zim) ; cette prononciation en -sun nous
est d'ailleurs bien connue dans les textes ouigours anciens. Le même verbe yaplnr- se
rencontre dans- le mss. Schefer, et y est précisément écrit japtur- (XI, 2). Radlov a
oublié d'enregistrer le verbe causatif ouigour ijaptur- dans son dictionnaire, mais il a
pour d'autres dialectes yaptïr- et japi'ir-.
2) Dans son livre Les peintures des mss. orientaux de la Bibliothèque Nationale
(Paris, 1914—1920, in-4, publié pour la Société française de reproductions de mss. à
peintures), M. Blochet a dit (p. 237) que le "manuscrit de l'histoire d'Oughouz est
...
certainement postérieur au XVE siècle, vraisemblablement du XVIIIe siècle", puis, à la
p. 273, indique; sans restriction, que cette "histoire d'Oughouz" a été "écrite en ouighour,
au XVIIIe siècle". M. Blochet utilise cette datation tardive pour montrer que l'écriture
ouigoure n'a pas disparu d'Asie Centrale au XVe siècle, et il affirme, sur la foi de
Vâmbéry, que l'écriture ouigoure "était encore utilisée dans le pays turc au milieu du
XIXe siècle". On lit de même, dans Les peintures orientales de la collection Possi
{Bull. : de la Soc. franc. d,e reprod. de mss. à peintures, 12e année [1928], 13): "Vâm-
béry, dans ses Cagalaisch-e Studien, qui connaissait parfaitement la question, s'est porté
354 PAUL PELLIOT.

garant de ce fait que cette graphie [= Vécriture ouigouré] était encore usitée dans les
villes telles qu'Aksou, Karashar, dans la seconde moitié du XIXe siècle, sous la plume
évidemment des mollas, qui constituent l'aristocratie intellectuelle du monde musulman
dans ces contrées lointaines." Le texte invoqué est celui des Cagalaische SpracJisladieti
(Leipzig, 1867, in-8), pp. 2—3; il suffit de le lire pour voir que Vambéry "ne con-
naissait pas parfaitement la question". Vambéry parle du Turkestan chinois, où il n'est
jamais allé, et y distingue la langue turque de la population sédentaire et le dialecte turc
parlé par les nomades habitant "dans les vallées des Monts T'ien-chan et en Dzoungarie".
Une grande partie de ces derniers, dit-il, professe le bouddhisme et le chamanisme, et
se servent des signes d'écriture apparentés à ceux de l'écriture mongole et
qu'en Asie
occidentale et en Europe on appelle ouigours. "Des mollah de Kàsyar [d'où le "Karashar"
de M. Blochet] et d'Aqsu, qui séjournent chez les dits nomades pour y faire oeuvre de
propagande, se servent encore aujourd'hui de la même écriture " Vambéry ajoute que,
parmi ses compagnons de voyage, il eut à un moment donné un mollah originaire du
Turkestan chinois et qui, ayant vécu longtemps chez les Tungan, connaissait les caractères
ouigours. On sait qu'il n'y a plus depuis longtemps de Turcs bouddhistes dans "les
vallées des Monts T'ien-chan et en Dzoungarie", mais qu'il y a par contre des Mongols,
qui pratiquent le bouddhisme lamaïque; des mollah de Kàsyar ou d'Aqsu, voulant les
convertir à l'islam, ont été très normalement amenés à s'initier à l'écriture mongole.
Que Vambéry, en 1867, ait pris de loin des Mongols pour des Turcs et leur écriture
mongole pour du ouigour, nul ne songera à le lui reprocher; mais il est moios excusable
de répéter avec assurance ces vieilles erreurs en 1920 et en 1928. M. Blochet ajoute
qu'on a trouvé, dans l'Est du Turkestan, un manuscrit ouigour du Suvar?iaprdbliâsa
copié au début du XVIIIe siècle. Il est exact que, dans les montagnes du Sud du Kansou,
déjà sur le territoire de la Chine propre, des Turcs bouddhiques, descendants probables
des Ouigours de Kan-tcheou, ont encore employé l'écriture ouigouré vers l'an 1700;
mais cela n'a rien à voir avec ce qui s'est passé dans les milieux musulmans dans la
partie occidentale du Turkestan chinois et au Turkestan russe. Vers 1700, l'écriture
ouigouré bouddhique du Kansou écrit encore la langue ouigouré véritable et marque la
mouillure des voyelles labiales en syllabe initiale, au lieu que dès la fin du XVe siècle,
dans les régions plus occidentales, les manuscrits en écriture ouigouré provenant du
monde musulman ont supprimé le plus souvent cette notation excellente, et notent un
ou des dialectes qui ne sont plus le dialecte ouigour au sens étroit. Faut-il ajouter que
nous avons maintenant un certain nombre de manuscrits ou de. documents en écriture
ouigouré de provenance musulmane, et qu'il n'en est aucun qu'on puisse placer maté-
riellement après le XVIe siècle? Ni en 1920, ni en 1928, M. Blochet n'a d'ailleurs
rappelé que lui-même, en 1900, datait du XVIe siècle le mss. de la légende d'Uyuz-khan
(cf. supra, p. 247). L'affirmation de Vambéry endossée par M. Blochet quant à l'emploi
contemporain de l'écriture ouigouré par des mollah de Kàsyar va de pair avec cette
autre affirmation de Vambéry {Joe. cit., p. 3) que la langue parlée au Turkestan chinois
y est appelée ouigouré "encore aujourd'hui" (en 1867). D'après Radlov (Zap. Vosi. Otd.
Tmp. Russie. Arhli. Obic., III, 4), le document en écriture ouigouré dont les caractères
graphiques sont le plus voisins de ceux de notre légende d'Uyuz-khan est le varlïy de
Toqtamïs de l'année 1392 (795 de l'hégire); je n'en ai pas actuellement de facsimilé à
ma disposition. Je manque de compétence pour rien déduire de l'examen du papier.
SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN" EN ÉCRITURE OUIGOURE. 355

copistes successifs ont fait subir au texte ouigour de la légende


d'U^uz certains remaniements orthographiques et dialectaux; mais
ces remaniements tout superficiels n'empêchent pas la légende d'être
de rédaction ouigoure au sens étroit, c'est-à-dire ouigoure de la
région de Tourfan.
Qu'au point de vue orthographique le texte ait été remanié,
c'est ce dont l'examen le plus superficiel ne permet pas de douter.
L'écriture ouigoure du mss. Schefer ne distingue plus entre t et d,
q et y, s et s, écrit de même en fin de mot -s, -s et -a, pointe
par contre les n assez régulièrement; enfin elle ne marque aucune
distinction en syllabe initiale, sauf dans les deux mots sormcl et usa,
entre les voyelles labiales qui sont palatalisées et celles qui ne le
sont pas. Or t et d, j et 7 ont été confondus de bonne heure en
écriture ouigoure, s et 2 sont identiques dans l'écriture ouigoure
tardive du vocabulaire sino-ouigour des Ming, mais tous les docu-
ments de Tourfan distinguent encore entre u (0) et û (0) en syllabe
initiale; on ne les trouve confondus que dans des documents en
écriture ouigoure qui sont de basse date et dûs à des Turcs mu-
sulmans évidemment habitués à l'écriture arabe où les voyelles
labiales s'écrivent de même, qu'elles soient ou ne soient pas pala-
talisées. Chez ces Musulmans, l'emploi de l'écriture ouigoure était
si bien un archaïsme de chancellerie qu'on la plaquait lettre pour
lettre sur l'écriture arabe en supprimant tacitement ce qu'elle avait
d'avantages pour la notation du vocalisme turc. Tel est le cas par
exemple dans le yarlïy de Tâmir—Qutluy, qui est de 1397 a), ou
dans le document de 1469 que M. Bartoï'd a rapporté du Turkestan
russe en 1902 2).

1) Cf. la planche dans ZVOIRAO, III [1889], après la p. 40.


2) Cf. l'article de Melioranskiï dans ZFOIRAO, XVI [1906], p. 02. Les mêmes
influences islamiques tendaient d'ailleurs à s'exercer, mais moins puissantes et plus tar-
divement, dans la région même de Tourfan. Alors que, dans les mss. ouigours anciens,
la mouillure de Vu en première syllabe n'est omise qu'après y- (i/uz pour-yîïa),- le v-oca-
-
hulàire sino-pùigour du Bureau des Interprètes l'omet parfois après t- et b-.
356 PAUL PELLIOT.

Le remaniement orthographique dû à quelqu'un dont l'écriture


ordinaire était l'écriture arabe se décèle par un autre trait. L'écri-
ture ouigoure, créée pour une langue qui avait y- et c-, mais non/-,-
n'a pas de signe pour /-. Lorsque les Mongols prirent l'écriture
ouigoure, comme leurs j- et leurs y- répondaient tous deux en
principe à des y- turcs, ils adoptèrent les y- ouigours pour noter
y- et /- indistinctement. Il n'y avait pas de raison pour procéder
autrement dans un dialecte turc qui prononçait /- au lieu de y-,
à moins d'y être amené par l'influence de l'écriture musulmane.
Dans celle-ci en effet, le y- et le /- sont différents, mais c'est j-
au contraire qui se confond avec c-. Dans le document de 1469
rapporté du Turkestan russe, les mots turcs à y- initial sont bien
notés en écriture ouigoure par y-, tels yïl ou yosun, mais le mot
pour "relais postal" est écrit carr^ en valeur de Jean, parce que,
sous l'influence mongole, on prononçait ce terme technique jam à
la mongole et non yam comme en turc; c'est un cas d'influence
de l'alphabet musulman sur l'alphabet ouigour de ce document.
De même, le copiste du mss. Schefer (ou l'un de ses prédécesseurs),
prononçant le turc à la kirghiz, c'est-à-dire avec des /- au lieu de
y-, a remplacé, à la manière de sa notation usuelle du turc en
écriture arabe, les y- par des c- ouigours pris en valeur de /- ;
mais lui-même nous a dénoncé son remaniement partiel en laissant
subsister beaucoup des y- primitifs.
A côté de ces remaniements orthographiques incomplets, y en
a-t-il eu qui ont touché à la langue? Quelques uns peut-être, mais
très sporadiques et superficiels, comme peut-être l'addition de la
conjonction persane to, "jusqu'à", dans XXXVI, 3, l'emploi de tus
pour tiil (XXXYI, 6; XXXVII, 2), et la correction en qart, dans
XXXV, 7, de la forme vraiment ouigoure qan\ "vieux", qui a
subsisté toutefois dans XXXVII, 9 a).

1) La prononciation kirghiz rend compte des changements de y- à /-, mais si la


SUR LA LÉGENDE D'urUZ-KHAN EN ECRITURE OUIGOURE. ;357

Mais partout ailleurs, et surtout si nous rétablissons en pensée


les. .«/- initiaux, changés en j^ .et- les.'yand' (ycïncï) passés à gcmà,
•nous avons le texte le plus normal, le plus coulant en ouigour tardif
de Tourfan qu'on puisse souhaiter. De ce ouigour tardif de Tourfan,
il a toutes les caractéristiques, y compris la prédominance des formes
pour des mots qui sont en. -ï- dans d'autres dialectes turcs 1),
.en -u-
y compris l'emploi jusqu'à l'abus des substantifs verbaux en -yu

prononciation du kirghiz était déjà celle-d'aujourd'hui, on peut s'étonner que l'auteur


du remaniement ait laissé subsister tous les -s- passés à -s- en kirghiz : un mot comme
jwmsa- est "kirghizé" à l'initiale, mais laissé à sa forme ouigoure pour le reste. Il y a
quelqnes autres points obscurs, par exemple la construction d'impératif-optatif en -y'ïlsun,
c'est-à-dire avec double suffixe; j'ignore si cette forme a été courante en ouigour tardif.
De même le mss. Schefer a des cas sporadiques de b- à l'initiale du singulier du pronom
de la première personne (XXI, 6 ; XXIII, 8), ou encore un htncla (= munda) dans III, 3 ;
ce ne sont pas là des formes ouigoures, mais pas davantage kirghizes; elles se rapprochent
du turc runique de l'Orkhon et de l'osmanli. Enfin, s'il est à la rigueur possible que
les notations comme qa'at pour qai, qaar pour1 qar, ta am rjour tan/, Sa'am pour Sam
soient dues à l'auteur du remaniement, il aurait fait preuve là, pour noter des formes
longues, d'une initiative que l'habitude de l'écriture arabe ne lui suggérait pas, au lieu
que de telles orthographes s'offraient aisément à l'esprit de quelqu'un qui, habitué à
l'écriture ouigoure, était également influencé par la manière dont les Mongols employaient
cette écriture. Je crois donc que ces formes allongées pouvaient se trouver déjà dans la
rédaction proprement ouigoure des environs de 1300. A l'appui de cette conclusion, on
pourrait être tenté d'invoquer le qaqadas qu'on rencontre assez souvent en ouigour au
lieu de qadas, "compagnon", "parent", mais il semble aujourd'hui bien établi non seule-
ment que qaqadas est plus ancien que l'époque mongole, mais qu'il est formé de deux
mots qa et qadas (cf. Radlov et Malov, TJigur. Spruchdenkmâler, p. 277); l'expression
demeure d'ailleurs d'origine obscure (cf. peut-être aussi le mongol qarii, "compagnon",
"parent"). Pour un cas de contraction attesté de bonne heure en turc, cf. le mat de
Kàsyarï (Brockelmann, Mitleltùrk. Wortsçhalz, 121), qui me semble bien être identique
à mayat, "certes", du ouigour et du mongol.
1) Le type de ces mots est ouigour altun, en face i'altïu de la plupart des autres
dialectes; mais on a vu dans notre texte bien d'autres exemples, comme cubnq, et même
aduy, quduy et cubuyan là où le vocabulaire sino-ouigour a encore des formes du turc
commun en -ï-, adïy, qïdïy et cïbïyan. Bien que ce vocabulaire sino-ouigour ait donc
moins de formes en -u- que le manuscrit Schefer, il en offre cependant certaines assez
caractéristiques; c'est ainsi que, comme équivalent du chinois -jfc 0J| houancj-ming,
"éclat", "lumière", ce vocabulaire donne, à côté de yaruq, un mot yahiq, qui est évi-
demment le yasïq, "soleil", de Radlov, III, 248 et 254 (transcrit yasiq et yaSiq en vertu
des théories phonétiques particulières de Radlov).
358 PAUL PBLLIOT.

et de la forme subsidiaire en -yuluy, y compris la présence de mots


persans (atas, dost. duhnari), mongols (mùrân, tusimâl, qnrïltaï) et
chinois (bandâng). Il est enfin remarquable qu'un certain nombre
de mots jusqu'ici inconnus ou presque inconnus dans les autres
dialectes turcs se retrouvent dans le vocabulaire sino-ouigour du
Bureau des Interprètes de Pékin. L'accord est même si surprenant,
avec des termes comme naivasïki ("génie protecteur"), qat ("licorne"),
sibsinggir ("cinabre"), yig ("cru"), qal'iq ("étage"), cïmat ("colère"),
iris qayas ("valeureux"), cïbïyan {"friandises"), budun (ou bùtûn?,
"corps"), sonna ("vin"), bandâng ("banc"), en grande partie si
spéciaux qu'on ne se fût pas attendu à les rencontrer tous dans un
vocabulaire qui a en tout moins de 800 mots, que si on tient compte
de nombre d'autres expressions communes au vocabulaire sino-ouigour
et à la légende d'U/uz, telles que tiik ttiliïg, toi berdi, sûk bold'i.
biltiïrgiiliïg, sanaynluysuz, etc., on se demande si la rédaction originale
ouigoure de la légende d'U/uz-khan n'était pas un des textes qu'on
connaissait au bureau ouigour de la cour des Ming et sur lesquels
le vocabulaire sino-ouigour a été établi.
Tout bien pesé, je crois que le manuscrit Schefer représente
une version de la légende d'Uzuz-khan qui, rédigée en ouigour de
Tourfan vers 1300, a été remaniée en pays kirghiz, presque ex-
clusivement au point de vue orthographique, dans le courant du
X.Ye siècle.
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFO-
POULOS PUBLIÉS PAR M. W. P. YETTS (I ET II)

PAR

PAUL PELLIOT.

[W. Perceval YETTS, The George Eumorfopoulos Collection,


Catalogue of tlie Chinese & Corean Bronzes, sculpture, jades, jeioellery
and miscellaneous objects, vol. I, Bronzes: Bitual and other vessels,
weapons, etc.; Londres, Ernest Benn, 1929. in-folio, xn + 89 pages,
et 75 planches, dont 25 en couleurs; £ 12.12.0.; YOI. II, Bronzes:
Bells, drums, mirrors, etc.; ibicl., 1930, in-folio, YIII -f- 99 pages,
et 75 planches, dont 25 en couleurs, £ 12.12.0.]

M. George Eumorfopoulos, qui a la main heureuse, a trouvé


dans la maison Ernest Benn un éditeur assez courageux pour pré-
senter au public ses collections incomparables d'une manière digne
d'elles. Après les six volumes de céramique publiés par M. R. L.
Hobson et les deux volumes de fresques et de peintures dus à M.
L. Binyon, voici que paraissent, à un an d'intervalle, les deux
premiers volumes de la série non moins importante des bronzes,
qui doit en comprendra six. Cette fois, l'étude des pièces est confiée
à M. "W. Perceval YETTS à qui nous devions déjà entre autres, dans
Chinese Art, Burlington Magazine Monograph, ce que je considère
24
360 PAUL PELLIOT.

comme le meilleur chapitre d'ensemble que nous ayons encore sur


les bronzes chinois.
L'étude des bronzes chinois anciens soulève un grand nombre
de problèmes: matière, technique, patines, sujets du décor, style,
types et destination, inscriptions. Les Chinois, qui ont collectionné
de bonne heure les bronzes anciens, mais qui ne disposaient guère,

pour l'étude comparative, que de dessins souvent peu fidèles et


d'estampages, se sont surtout occupés des types, en cherchant à
préciser les noms donnés aux objets dans les textes anciens, et des
inscriptions, où leur amour de l'histoire et des formes graphiques
trouvait à se satisfaire. En Europe, où jusqu'à des temps récents
l'étude de l'art chinois s'est à peu près limitée à celle de la p>or-
celaine, et malgré les ouvrages méritoires de M. Voretzsch et de
M. Koop, presque tout reste à faire. M. Yetts, qui ne voulait pas
s'en tenir à des générations assez floues, a été heureusement in-
spiré de suivre encore dans une large mesure la science chinoise
et d'accorder une attention particulière aux inscriptions. Bien lui
en a pris, car il s'est vite aperçu par exemple, grâce à un mémoire
de -|§^ |p fH Souen Yi-jang (1848—1908), que le seul travail
critique d'apparence qui eût été encore consacré en langue euro-
péenne aux inscriptions des bronzes chinois archaïques, l'étude de
Petrucci sur L'épigraphie des bronzes rituels de la Chine ancienne
(XI, 1916, I, 5—76), suivait les vieilles erreurs d'épigraphistes
chinois d'il y a cent ans, et qu'en particulier deux bronzes que
Petrucci plaçait dans la première moitié du IIIe siècle avant
Jésus-Christ étaient datés de 1114 de notre ère; l'un est exactement
du 24 septembre 1114.
Si des archéologues réputés comzne Jouan Yuan s'y sont autrefois
trompés, c'est qu'on a fait en Chine sous les Song, et en particulier
au début du XIIe siècle, un grand nombre de vases archaïsants,
qui copient les formes ou le décor des Tcheou. Pour y voir clair,
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 361

il faut un oeil exercé, et aussi la connaissance de ce qu'un long-


effort a valu de résultats aux savants chinois. Mais ceci suppose
une bibliographie chinoise abondante, et l'abondance des répertoires
chinois consultés est une des caractéristiques essentielles et très
heureuses des recherches de M. Yetts. Trop souvent, les sinolo-
gues ou collectionneurs européens se croient quittes envers la
science indigène quand ils ont invoqué le Po-kou t'ou-lou ou le
Si-ts'ing kou-kien; c'est méconnaître que la littérature archéologique
chinoise est formidable. Chavannes, au moment de sa mort, pré-
parait un livre sur les épigraphistes et archéologues chinois; in-
achevé, et quoique le détail de bien des recherches garde sa valeur, ce
travail est d'autant moins publiable que d'assez riches bibliographies
épigraphiques et archéologiques ont été publiées en Chine en ces
dernières années. M. Yetts a connu l'une d'entre elles, le <gg- ^
Ç |Ê| Kin-che chou-mou, ou Bibliographie épigraphique (avec ap-

pendice sur les beaux arts), de M. j|f JJL |fjç Houang Li-yeou,
paru en 1926; c'est essentiellement, au dire même de l'auteur, la
bibliographie des sources qu'il a utilisées en préparant son grand
répertoire épigraphique ^ ^ij ;^J |p| Che-h'o ming-houei, en 48 ch.,
qui a dû paraître également en 1926 et que je n'ai pas vu. Mais
la bibliographie de Houang Li-yeou n'est pas la seule du genre.
Il faut nommer, à côté d'elle, le Kin-che chou-mou en 1 ch., de
H^ Ye Ming, paru en 1910;le^5^g^^g Kin-che
ming-tchou homi-mou de M. |U it |t|| T'ien Che-yi, en 1 ch., plus
1ch. de supplément et des appendices, paru en 1925; enfin le
^5 JM. &-?ï IS^ Che-lou kin-che chou-tche de M. ffi |£j Lin
W
Kiun, en 22 ch., paru en 1928. Outre l'ouvrage de M. Houang
Li-yeou, je ne possède que celui de Ye Ming; tous deux sont très
sommaires, et il en est de même de celui de M. T'ien Che-yi.
L'ouvrage de M. Lin Kiun est plus ample, mais, au cours d'une
étude comparative publiée dans le Bull, of the Metropolitan Library
362 PAUL PELLIOT.

{Pei-p'ing Pei-hai t'ou-chou-kouan yue-k'an) de février 1929 (pp.


163 171), M.

^ J| Jong Keng en a signalé les faiblesses singulières.
M. Jong Keng prépare d'ailleurs de son côté, avec plusieurs colla-
borateurs dont son frère M. ^^ fj| Jong Tchao-tsou, une biblio-
graphie de même nature sur un plan encore plus ambitieux et qui,
une fois achevée, paraît devoir être l'instrument indispensable qui
manque encore. En attendant, et tant au moyen de sa propre
bibliothèque que du répertoire de Houang Li-yeou, M. Yetts a donné,
à la fin de son premier volume, une bibliographie de l'archéologie
chinoise, en transcription et en caractères, avec les dates d'édition
et l'index des tseu et /wo, comme aucun ouvrage européen n'en
avait fourni avant lui.
Il faut bien reconnaître d'ailleurs que le déchiffrement des
inscriptions des bronzes ne nous apporte le plus souvent, à l'époque
ancienne, que des informations sans grand intérêt historique. Ce
sont toujours les mêmes formules dédicatoires qui reviennent, et
qu'on est arrivé à déchiffrer précisément à raison de leur fréquence.
Mais les noms d'hommes ou de lieux se lisent assez mal, et il
n'en est que peu qu'il soit possible d'identifier. A travers des
graphies divergentes, on serait mieux assuré de la localisation des
sites si nous étions en présence de monuments d'une provenance
définie. Mais on sait que les fouilles régulières ont été impossibles
en Chine jusqu'ici, et que presque tous les bronzes des "trois dy-
nasties" nous arrivent sans état civil. L'avenir permettra peut-être
de tirer un meilleur profit de ces textes, dont la mise en oeuvre
est actuellement une tâche assez ingrate. Dans l'état actuel des choses,
on peut dire qu'on ne connaît aucun bronze antérieur au milieu du
IIIe siècle avant l'ère chrétienne et qu'on puisse rattacher de façon
certaine à des événements dont les sources littéraires aient conservé
la mémoire.
Dans le premier volume, c'est aux inscriptions sur bronze que
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMOREOPOULOS. 363

M. Yetts consacre le premier et le plus long des trois chapitres


qui précèdent la description des objets; ce premier chapitre occupe
les pp. 1—33. M. Yetts y retrace l'histoire de l'écriture chinoise,
en commençant par les os et écailles inscrits du -village de Siao-
t'ouen, à l'Ouest de Ngan-yang; on sait que, depuis les premières
découvertes qui y ont été faites en 1899, les os et écailles inscrits
de Ngan-yang ont absolument renouvelé tout ce qu'on croyait con-
naître de l'écriture chinoise archaïque; les déchiffrements ont été
dus principalement à Souen Yi-jang, à M. Lo Tchen-yu et à Wang
Kouo-wei, et ces résultats ont été incorporés au prodigieux réper-
toire des signes de l'écriture chinoise attestés dans l'épigraphie qui
a été compilé sous le titre de "^f JS JH Kou tcheou p'ien par M.
ÏÇ IS & M Takata Tadasuke (1925)1). Comme de juste, c'est
sur le Chouo wen et sur le Kou tcheou p'ien que M. Yetts a basé
principalement ses lectures; il s'y montre lucide et ingénieux, à
son ordinaire. Bien des textes n'en restent pas moins d'une inter-
prétation douteuse.
Le second chapitre, "Technique de la fonte du bronze" (pp.
34—39), est le plus original. Ici, M. Yetts n'avait pas de prédé-
cesseurs en Chine, et presque aucun hors de Chine. Il y a trois
types possibles de moules: 1° moules permanents de bronze, de fer,
d'argile, de pierre, etc.; 2° moules temporaires par sections, en sable
glaiseux; 3° moules temporaires obtenus au moyen d'un modèle en
cire qu'on fait fondre et qui est remplacé par du métal en fusion,
autrement dit procédé de la cire perdue. M. Yetts étudie chacun
de ces types de moules et indique ceux qui ont servi dans les
divers cas, à la lumière des traces que leur emploi a laissées sur
les objets. Le premier type, on le savait, n'a guère servi que pour
des bronzes de petite dimension, monnaies, miroirs, armes, boucles
de ceinture, et on n'ignorait pas non plus que la plupart des bronzes

1) Voir sur lui le compte rendu de M. H. Maspero dans JA, 1927, 129—142.
364 PAUL PELLIOT.

chinois anciens ont été fondus à cire perdue. Mais, et ceci est plus
nouveau, M. Yetts montre que, même dans des cas où on avait
conclu à l'emploi de moules temporaires de sable par sections à
raison de raccords visibles sur les bronzes, c'est encore de cire
perdue qu'il doit s'agir: les raccords ne proviennent pas de la fonte
même du bronze, ils résulteraient de l'application préalable du décor,
par estampage sectionné, sur le moule en cire lui-même. Evidem-
ment, la composition même des bronzes vaudrait aussi une étude
approfondie; malheureusement, les analyses effectuées sont trop peu
nombreuses pour autoriser encore aucune conclusion; tout ce qu'on
peut dire, c'est que les proportions de cuivre et d'étain indiquées
théoriquement par un chapitre suspect du Tcheou U cadrent mal
avec la réalité, et aussi que le plomb a joué dans les alliages un
rôle que le Tcheou U ne faisait pas soupçonner.
Dans son troisième chapitre, "Types et emplois des vases"
(pp. 40—51), M. Yetts étudie les noms anciens à attribuer à chaque
type de vase. On sait qu'une partie de cette nomenclature a été
bien identifiée dès le Po-kou t'ou-Iou des Song; mais les érudits du
XIIe siècle avaient commis aussi certaines erreurs qui se sont per-
pétuées jusqu'à nos jours. Des érudits contemporains, en particulier
Wang Kouo-wei, se sont appliqués à les redresser. M. Yetts est
au courant de leurs travaux; son tableau est jusqu'ici le seul à
donner, dans une langue européenne, le dernier état de recherches
que les savants chinois ont poussées bien plus loin que nous.
Le second volume n'avait pas à traiter de questions aussi
générales, et les quarante-deux pages qui précédent la description
critique des pièces sont des études substantielles consacrées
aux
cloches, aux tambours et aux miroirs. Nous les retrouverons plus
loin, au cours des remarques que je voudrais maintenant soumettre
à notre confrère sur des points spéciaux.
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOTTLOS. 365

Tome I, p. 1 : D'après M. Yetts, le jg; ^ Chouo wen de ff£ ;|Jl


Hiu Clien a été complété et présenté an trône en 121 de notre ère
par le fils de l'auteur, et quand celui-ci, un fonctionnaire retraité,
était déjà mort. L'importance de ce doyen des dictionnaires de
l'écriture chinoise ancienne est telle qu'un article spécial serait
nécessaire pour tenter de débrouiller son histoire, présentée de
manière assez divergente dans les divers travaux des sinologues.
Dans les quatre éditions des Caractères chinois du P. Wieger (p. 8)
et dans La Chine à travers les âges (p. 316), on retrouve l'indi-
cation que le Chouo iven fut compilé par Hiu Chen, "lettré déjà
célèbre", "vers l'an 200 de J.-C, après de longs voyages entrepris
pour se procurer les originaux authentiques". Selon Terrien de
Lacouperie (Cat. of Chinese coins, p. xvi), le Chouo wen a été publié
en 123 de notre ère, après la mort de l'auteur. Le Catalogue impérial
(Sseu-k' ou..., 41, 2 b) veut que le Chouo wen ait été achevé en 100
de notre ère, et cette opinion a été reproduite par M. M. Courant
(Cat. des livres chinois, nos 3144, 4424). M. Yetts suit l'opinion
usuelle, enregistrée dans le Biogr. Dict. de Griles (n° 787), et selon
laquelle, Hiu Chen étant mort "A.D.? 120", son fils acheva l'ouvrage
et le présenta au trône en 121; j'ai, moi aussi, dit autrefois de
Hiu Chen qu'il avait dû mourir "vers l'an 120" (Mém. conc.
l'Asie Orientale, II, 135 et 146). La date de 200 est sûrement fausse;
rien n'appuie non plus, à ma connaissance, la date de 123. Celle
de 100 n'est pas sans valeur; dans sa postface rythmée, où il in-
dique la division de son oeuvre en 14 sections (p'ien), sous 540
radicaux, comprenant l'explication de 9353 caractères (avec 1163
caractères qui font double emploi [tch'ong]), et les explications
elles-mêmes prenant 133.441 caractères, Hiu Chen donne pour
l'achèvement de son oeuvre la date du 1er jour, marqué kia-chen,
du premier mois de l'année de la période yong-yuan qui est marquée
du caractère tseu, c'est-à-dire le 29 janvier 100. Quant à la date
366 PAUL PELLIOT.

de la présentation au trône en 121, elle est établie par le mémorial


de présentation dû à §f
£îjl Hiu Tch'ong, le fils de Hiu Chen, et

qui est daté de H * ^ 4fS ;/l j=[


Û^Ë^+BjS^
"la première année kien-kouang, le 9e mois dont le premier jour
était ki-hai, le 20e jour qui était wou-wou"] le 20 du 9e mois de
la première année yen-kouang correspond au 19 septembre 121.
Il faut toutefois admettre qu'une erreur s'est glissée avant les Song
dans l'indication des caractères cycliques des jours, et rétablir
£ J|p ki-mao et j^
J^ ivou-sm au lieu de ki-hai et tvou-wou 1).
Si on a pensé que Hiu Tch'ong avait achevé l'ouvrage, c'est parce
qu'il dit dans son mémorial qu'antérieurement son père n'avait pas
présenté l'ouvrage au trône parce que "le texte n'en était pas
[définitivement] arrêté" (]/£ J>C ^
^C AË)> et 1u,Qn supposait en
outre que Hiu Chen était déjà mort lors de la présentation en 121.
Mais, tout comme la postface de Hiu Chen spécifiait que les ex-
plications du texte achevé le 29 janvier 100 comprenaient 133.441
caractères, ce même chiffre est indiqué dans le mémorial de Hiu
Tch'ong pour la présentation au trône en 121 2) ; c'est donc que
l'ouvrage de 121 est bien identique à celui de 100, et, dans le
membre de phrase sur le "texte" (wen-tseu) qui n'était pas encore
absolument arrêté, il faut vraisemblablement entendre par wen-tseu,
tout comme dans le titre complet lui-même du Chouo-\?en Hori-tseu,
les formes graphiques des caractères étudiés. Cette dernière mise
au point des formes graphiques, il n'y a d'ailleurs aucune raison
pour en faire honneur à Hiu Tch'ong, qui ne s'en prévaut nulle
part. On l'a déduite de la mort supposée de son père avant 121,

1) Les autres corrections auxquelles on pourrait songer entraîneraient des boulever-


sements beaucoup plus grands et moins admissibles; celle que j'adopte ici est déjà indi-
quée dans le Ts'hian chang-kou san-tai is'vuan-wen de Yen K'o-kiun, section des Han
...
postérieurs, 49, 6 b.
2) C'est par une^faute de copie que le Sseu-k'ou..., 41, 2 b—3 a, indique 133.440
caractères.
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMOEPOPOULOS. 367

cette idée de la mort préalable de Hiu Chen a été évidemment


et-
inspirée par la façon dont Hiu Tch'ong parle de son père dans le
mémorial de présentation de 121: g ^ $£ -J£ ^ gf g] ^
$|j ;JJM., "le père de votre serviteur, Y &x.-t'ai-wei et tsi-tsieou du
Nan-ko, [Hiu] Chen"; on a considéré que $£ k°ui que j'ai traduit
par ex-, signifiait "défunt". Mais, si Hiu Tch'ong avait voulu par-
ler de son pèiV mort, il eut mis le mot "défunt" devant le mot
"père", et non devant les titres qui suivent, et d'ailleurs n'est ce
à peu près sûrement pas Jcou qu'il eût alors employé à cette fin.
Il y a plus. Dans la suite de son mémorial, après avoir expliqué
comment le Chouo wen avait été composé par son père du temps
que celui-ci occupait des fonctions à la Cour, mais qu'il ne l'avait
pas alors présenté au trône, Hiu Tcli'ong ajoute: "A présent,
[mon père Hiu] Chen est malade, et il a envoyé votre serviteur
présenter le livre au Palais" (4> '|5t £, 5g gf fg ).^ o
Jf ||
La solution est évidente. Hiu Chen, malade, s'était démis de ses
charges et retiré dans son pays natal; c'est de là qu'il envoya en
121 son fils Hiu Tch'ong présenter le Chouo wen à l'empereur;
mais Hiu Tch'ong n'a rien eu à voir avec la composition de l'oeuvre,
et Hiu Chen, encore vivant en 121, n'est mort peut-être que bien
plus tard 1). En définitive, le Chouo wen est de Hiu Chen seul, et
la date de son achèvement est plutôt à placer en 100 qu'en 121;
121 est seulement l'année de la publication.
Ce Chouo wen des Han, le possédons-nous encore? M. Yetts,
dans la bibliographie du t. I (p. 74) comme du t. II (p. 88),
s'exprime comme suit sur le Chouo wen: "Compiled A.D. 986 by

1) Hiu Chen, dont la carrière n'a commencé qu'à la fin du Ier siècle de notre ère,
n'était peut-être que cinquantenaire en 12.1, et ce n'est pas l'âge, mais la maladie (vraie,
ou feinte pour voiler une disgrâce), qui avait déterminé sa retraite. On trouvera dans le
g& AJT &££? =É| Chouo-iven kiao-yi (ch. 15 è, 8—9, de l'édition du ^£ j^ gl| =|£
Tao-che tiong-clwv) des arguments pour prolonger éventuellement la vie de Hiu Chen.
jusque vers le milieu du IIe siècle.
368 PAUL PELLIOT.

an impérial commission presided over by Iisù Hsûan. An attempt


to restore the original work of A.D. 121, but niany corrections and
additions made, including pronunciation according to the 8th century
dictionary T'ang yûn.'n Je crois que c'est donner là une impression
trop défavorable du texte que nous possédons. L'oeuvre de Hiu Chen
existait encore comme ouvrage indépendant avant l'intervention de
la commission de 986, mais les manuscrits en offraient entre eux
des divergences sur lesquelles les commissaires ont eu naturellement
à se prononcer; leur travail, sur ce point, n'est pas une oeuvre de
compilateurs, mais d'éditeurs. Par ailleurs, ils ont introduit un bon
nombre de caractères nouveaux et ajouté des gloses; mais ces
caractères nouveaux sont expressément indiqués comme ^Jx \ffî -=p
sin-fou tseu ("caractères nouvellement ajoutés"), et les gloses des
commissaires sont marquées "Suivant vos serviteurs, [Siu] Hiuan
et autres, ". Quant aux prononciations en fan-ts'ie, il est bien
évident que le Chouo icen original n'en donnait pas, et les commis-
saires de 986 les ont ajoutées d'après le T'ang yun\ mais là en-
core ce sont des additions expresses, une sorte de commentaire
phonétique, qui ne touche en rien au texte même de Hiu Chen.
Pour qu'il en fût autrement, il faudrait admettre que le Chouo iven
primitif indiquait la prononciation des mots, et cela selon un système
de simples homophones auquel les notations en fan-ts'ie auraient
été substituées par les commissaires de 986. Mais le Chouo wen
était un répertoire explicatif des formes graphiques, non un diction-
naire phonique. A vrai dire, les textes qui nous renseignent sur
les travaux de la commission de 986 disent que les évolutions de
la prononciation avaient rendu obscures les indications phonétiques
dans les manuscrits du Chouo icen, et que c'est là la raison qui
leur fit substituer systématiquement en 986 les prononciations en
fan-ts'ie du T'ang y un. Mais, s'il s'était vraiment agi de notations
phonétiques remontant à Hiu Chen lui-même, les commissaires de
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 369

986 auraient gardé ces indications vénérables, quitte à en ajouter


d'autres pour les expliquer ou les préciser. Il est bien plus simple
d'admettre que, dès ayant 986, mais pas avant le VIe siècle, des
prononciations en fan-is'ie avaient déjà été ajoutées à la recension
courante du Cliouo wen ; ce sont ces fan-ts'ie qui ne cadraient plus
avec les notations du T'ang yun et que les commissaires de 986
ont remplacées par celles du dictionnaire phonique qui faisait au-
torité de leur temps. On connaît d'ailleurs un manuscrit d'un
fragment considéré comme ayant été calligraphié sous les T'ang,
antérieurement donc à l'intervention des commissaires de 986; or il
contient déjà des gloses en fan-ts'ie, mais qui ne sont pas celles du
T'ang yun. Si donc le manuscrit est authentique comme il semble,
nous avons là la preuve que, au point de vue phonétique, le tra-
vail de Siu Hiuan et de ses collaborateurs a été de substituer les
fan-ts'ie du T'ang yun aux fan-ts'ie plus anciens, mais .postérieurs
au Ve siècle, dont le fragment calligraphié sous les T'ang nous a
conservé une faible portion 1). En résumé, l'édition de Siu Hiuan
n'a pas altéré le vrai Chouo iven ; il est toutefois exact que Siu
Hiuan et ses collaborateurs ont été assez souvent trompés par les

1) En réalité, la substitution des fan-is'ie du T'ang yun à ceux que doDnait la


recension antérieure du Chouo wen a été consacrée par Siu Hiuan et la commission de
986, mais elle avait été effectuée un certain nombre d'années plus tôt, dans l'édition du
Chouo wen publiée par le frère cadet de Siu Hiuan, 4j& âtg' Siu K'iai, qui est mort

dès 974. Le Souei chou (32, 14 mentionnait déjà un gër ~AT -S" fe. Chouo-wen
V)

yin-yin, en 4 cb., d'auteur inconnu; nous ne sommes pas en mesure de dire si les
"prononciations du Chouo wen" que citent des auteurs des T'aDg sont empruntées à ce
dernier ouvrage ou à des prononciations en fan-is'ie déjà ajoutées à la recension alors
courante du Chouo vjen, ni si les fan-is'ie du Chouo xoen fragmentaire des T'ang sont
ou ne sont pas ceux du Chouo-ioen yin-yin. Le fragment du Chouo-wen calligrapbié sous

en facsimilé xylograpbique, en 1863, aux frais de Tseng Kouo-fan, par J^ï. ^ -^


les T'ang, d'une importance capitale pour l'bistoire de l'oeuvre, a été reproduit d'abord

Mo Yeou-tcbe, le découvreur du manuscrit, sous le


i^i. -Jr ^R âfe -S
titre de j|ï J3^ 2f£ gfjr ~A£^ ^
T'ang sie-pen Chouo-wen Jciai-tseu mou-pou isien-yi, 40 -j- 10 ff. ;
c'est l'édition dont je me sers; il y en a eu d'autres depuis.
370 PAUL PELLIOT.

fautes de leurs manuscrits, comme le fragment manuscrit calligraphie


sous les T'ang permet de le reconnaître dans plusieurs cas.

T. I, pp. 2, 40, 67: — M. Tetts insiste, en particulier p. 40,


sur le fait que Ts'in Che-houang-ti, qui, désireux d'anéantir les
monuments de la civilisation des Tcheou, fit brûler les livres en
213 av. J.-C, a aussi fait fondre dans le même but les anciens
vases de bronze; cette dernière mesure expliquerait en partie la
rareté des vases anciens sous les Iian et les erreurs commises quant
à leurs noms et quant à leurs types. Ce n'est pas ici le lieu de
discuter la question de l'incendie des livres, dont on me paraît avoir
exagéré les conséquences. Je rappellerai cependant qu'outre les
catégories de livres exceptées de la condamnation, la mesure ne
s'étendait à aucun des manuscrits des classiques ou des philosophes
possédés par les "lettrés au vaste savoir" (cf. Chavannes, Mém. liist.^
II, 172—173). En outre, l'incendie est de 213 av. J.-C, et Ts'in
Che-houang-ti est mort dès 210; son fils et successeur eut bientôt
à faire face à des troubles qui ne lui laissaient guère le temps de
s'occuper de la proscription des oeuvres littéraires, et il fut mis à
mort en 207; ce fut la fin de la dynastie. A une époque où chaque
lettré s'attachait particulièrement à un ou deux classiques qu'il
savait par coeur, il est invraisemblable qu'on n'ait pu trouver après
six ans des manuscrits soit cachés par des particuliers, soit conser-
vés légalement par les "lettrés au vaste savoir", ou qu'à défaut
de ces manuscrits on n'ait pu découvrir pour chaque classique un
lettré capable de le réciter. L'incendie des livres put donc être
un des éléments qui ont amené la disparition de tant d'oeuvres
des Tcheou, mais ce ne fut certainement pas le seul, et l'indifférence
des premiers empereurs Han porte, elle aussi, une large part de
responsabilité.
Quant à la destruction des vases de bronze, M. Tetts reconnaît
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 371

tout le premier que notre source la plus ancienne, le Che Ici de


Sseu-ma Ts'ien, n'en dit rien; on y lit seulement {Che Ici, 6, 6a;
Ohavannes, Mém. hist., II, 134) que Ts'in Che-houang-ti "recueillit
toutes les armes {ping) qui se trouvaient dans l'empire et les ras-
sembla à Hien-yang; il les fondit et en fit des cloches, des sup-
ports de cloches et douze hommes en métal" (j|£ ^C ~f\ &
H^^C^oiêKiSâlÉ^rÀ + — )• D'après ce teste,
o

dit M. Yetts, il semblerait donc que le but de Ts'in Che-houang-ti


.eût été simplement de désarmer le peuple, "mais certainement les
vases de bronze ont été détruits en même temps que les armes.
La rareté, constatée par les textes, des bronzes anciens sous les
Han en rend témoignage En outre, l'auteur de Y Histoire des
Han postérieurs a développé dans son récit le mot 'armes' en
'armes et vases' (jping-kH), et, bien qu'il ait écrit près de 400 ans
après Sseu-ma Ts'ien1), il pouvait sans nul doute s'appuyer sur
une tradition bien fondée." Et M. Tetts renvoie à ce sujet à la
préface du |||
~^ j|| ^
|1| ^^ §|| P'an-kou-leou yi-kH k'ouan-tche
^e m? JiîB. H^ P'an Tsou-yin (1874). Je n'ai pas actuellement à ma
disposition l'ouvrage de P'an Tsou-yin. Quant au Heou-Han chou,
je ne vois pas dans quel passage des "annales principales" ou des
"biographies" il a pu parler de la fonte des ping-Fi par Ts'in
Che-houang-ti2); si c'est dans les monographies, on sait qu'elles
ne sont pas de Pan Te, mais de Sseu-ma Piao (approximativement
240—305), et ont été jointes après coup au Heou-Han chou8).

1) Ceci paraît être un lapsus pour "près de 500 ans"; Sseu-ma Ts'ien écrivait vers
100 av. J.-C, et l'auteur du Heou-Han chou, Fan Ye, dans la première moitié du VE siècle
de l'ère chrétienne.
2) On songe naturellement à chercher ce passage au ch. 102, dans la biographie
de Tang Tcho (f 192), qui détruisit les statues de bronze de Ts'in Che-houang-ti; mais
il n'y est rien dit soit de ping, soit de ping-Tci.
3) Si, en parlant de "l'auteur du Heou-Han chou", M. Yetts avait eu en vue celui
'des monographies, le lapsus chronologique que j'ai signalé plus haut disparaîtrait; mais
les termes mêmes de la phrase le rendent peu probable.
372 PAUL PELLIOT.

Peu importe d'ailleurs, car le terme de ping-lti au lieu de ping


est employé, à propos de la fonte des statues de cuivre de Ts'in
Ohe-houang-ti, dans des ouvrages bien antérieurs à celui de Fan Te,
par exemple dans Y Histoire- des lian antérieurs (27 c 1, 9 &), qui est
de la fin du Ier siècle, et dans un autre ouvrage qui doit dater
des Tsin, le 5EÎ tÉf 'ff $
San-fou kieou-che 1). Mais l'explication
de M. Yetts ne m'en paraît pas meilleure pour cela. Il est exact

que ping signifie "arme", et que k'i signifie parfois un "vase",


mais c'est dans des expressions doubles où le mot "vase" est ex-,
primé par l'autre élément, ou par une extension accidentelle de sens;
la valeur réelle de Vi est "objet", "ustensile". Comme tel, -Ê ^
ping-Fi, mot-à-mot "objet-arme", est aujourd'hui le terme usuel

1) Le San-fon kieou-che ou Sun-fou. Icou [ jW j-cfe est donné comme une oeuvre des
Tsin dans le So/iei chou; cf. les renseignements réunis au sujet de cet ouvrage disparu
par Tchang Tsong-yuan dans le Souei hing-tsi-iche Ic'ao-icheng, 6, 24 b—25 b. Les cita-
tions du San-fov Icieon-clie données sous les T'ang à propos de cette fonte des douze
statues par Ts'in Che-houang-ti, d'une part dans le commentaire Che-lci tcheng-yi sur
Cl/e ki, 6, 6 a (Tcliang Tsong-yuan prête cette citation
au Che-lci so-yin de Sseu-ma
TcLeng; il semble que ce soit une inadvertance), d'autre part dans le commentaire
sur
Heou-Han chou-, 102, 3« — b, sont différentes; c'est dans celle du Che-lci Icheng-yi qu'on
rencontre l'expression pivg-lc'i. D'autre part, le commentaire du Heou-Hun chou 102, 3 a—b,
donne comme tirée du Cl/e Ici lui-même une citation où,
au même propos, pivo-fc'i apparaît
(au lieu du ping seul du texte original) mais c'est
; un résumé altéré où il ne reste
presque aucun des mots employés réellement par Sseu-ma Ts'ien. Je me demande cepen-
dant si ce n'est pas cette citation altérée du Clie hi dans le commentaire du Heou-Han
chou qui, à travers l'ouvrage de P'an Tsou-yin, est indiquée
par M. Yetts comme une
phrase du Heou-Han chou lui-même. [Au dernier moment, j'ai
eu accès à l'ouvrage de
P'an Tsou-yin. C'est bien la citation du Che ki faite dans le commentaire du Heou-Han
chou, que P'an Tsou-yin invoque, et
non le Heou-Han chou lui-même comme l'a cru M. Yetts.
Par ailleurs, il est exact que P'an Tsou-yin donne de ping-lc'i l'interprétation
par ping,
"armes", et Ici, "vases", que M. Yetts a suivie; mais c'est
que P'an Tsou-yin croit que
le commentaire du Heou-Han chou donne le texte correct du Che-lci, où
un mot manquerait
dans le texte traditionnel actuel. Mais P'an Tsou-yin
se trompe. J'ai donné plus haut
le texte original du Che Ici; la prétendue citation de
ce même texte dans le commentaire
du Heou-Han chou porte simplement Tfg &. 0EZ ~j!c K _C §& -|V _|_. *

-4^ A ; c'est une rédaction très altérée. En tout


cas, on voit que Pan Ye, l'auteur
du Heou-Han chou, n'a rien à voir ici; il s'agit seulement d'une mauvaise
citation du
Che Ici due au commentaire du VIIe siècle.]
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 373

pour dire "arme" tout simplement; nos dictionnaires, Griles (sous


ping), Hemeling (sous weapon) l'ont dûment enregistré; le Ts'eu
yuan se sert de ping-Je'i pour gloser ping au sens de "soldat"
("celui qui, tenant une arme [ping-Vi], part en campagne"). Je ne
vois pas de raison pour penser que ping-kH se soit employé dans
un sens différent avant les Han ou sous les Han. Il est vrai que,
dans le Tcheou M, Biot traduit ping-Fi par "armes et objets d'usage"
(I, 124), par "armes et objets usuels" (I, 126), par "les armes, les
objets mobiliers" (I, 127), mais je ne trouve pas que ni le texte, ni
les commentaires imposent cette interprétation (où d'ailleurs on
remarquera que, même en dissociant les deux composants, Biot ne
parle pas de "vases"). Les diverses citations de ping-Fi qui sont don-
nées dans le P'ei-wen y un-fou, qu'il s'agisse d'un autre passage du
Ts'ien-Han chou ou de textes des T'ang, ne se comprennent qu'en
traduisant ping-Fi par "armes" et non par "armes et objets" ou
par "armes et vases"; et d'ailleurs l'expression de formation iden-
tique ^^ ^p; jong-Fi signifie seulement "armes" dans le Li ki
(trad. Couvreur2, I, 309). C'est donc parce que ping et ping-k'i
sont synonymes que Sseu-ma Ts'ien emploie ping seul et que le
Ts'ien-Han chou adopte ping-k'i. J'ajouterai que la chronologie ne
me paraît pas favoriser l'interprétation donnée par M. Yetts à la
mesure prise au sujet des armes par Ts'in Che-kouang-ti. Quand
Ts'in Che-houang-ti ordonne la destruction des livres en 213 av. J.-C,
c'est l'aboutissement d'une lutte de plusieurs années entre les lettrés
et lui. Mais la fonte des armes pour en faire des cloches et des
statues se place huit ans plus tôt, en 221, l'année même où Ts'in
Che-houang-ti s'est proclamé empereur; les circonstances, l'atmos-
phère étaient tout autres, et il n'y a pas lieu, à mon sens, de lier
les deux événements. Ts'in Che-houang-ti avait besoin de bronze
pour ses statues géantes (chacune, dit Sseu-ma Ts'ien, pesait cent
mille livres); d'autre part, il est vraisemblable qu'au terme de sa
374 PAUL PELLIOT.

longue lutte pour fonder sa dynastie, il ait voulu désarmer le peuple.


S'il avait ordonné la destruction des vases rituels de bronze, les lettrés
et Sseu-ma Ts'ien tout le premier —, si ardents à recueillir tout

ce qui pouvait jeter le discrédit sur une mémoire abhorrée, n'auraient
pas manqué, je crois, de le lui reprocher.

T. I, p. 6: — „i£V' ou ak'a" n'est pas bien juste comme


prononciation archaïque de jfpj" ho; vers 500, le mot se prononçait
*yâ, issu peut-être d'un plus ancien *gcâ (cf. Karlgren, Analytic
DicL, p. 143).

T. I, p. 8: — L'emploi de ^che pour Jj| che, "excrément",


n'est pas limité aux Tcheou; il était courant sous les Han. M. Lo
Tchen-yu et Wang Kouo-wei ont montré que. dans les fiches des
Han recueillies au Turkestan chinois par Sir À. Stein, il fallait
Ih-e ,|| ^ =
^JH ma-ehe, "fiente de cheval", partout où Cha-

vannes avait cru lire ^y^ nia-fou et traduit hypothétiquement


par "mortier".

T. I, pp. 14—17: — On sait que, d'après la tradition courante,


d'ailleurs mal autorisée, le pinceau de poils, instrument essentiel
de la calligraphie chinoise classique, n'aurait été inventé qu'à la
fin du IIIe siècle avant notre ère, par le général Mong T'ien.
Chavannes, dans son article si riche sur Les livres chinois avant
Vinvention du papier, a admis (JA, 1905, I, 65—70) que l'invention
du pinceau de poils, même si on doit la retirer à Mong T'ien lui-
même, n'a été faite que de son temps; avant lui, on aurait em-
ployé, sous le nom de ipE pi, un "calame", qu'on trempait dans
un vernis pour écrire sur le bois ou sur le bambou; on n'aurait pas
écrit sur soie à l'époque ancienne, avant l'invention de l'encre et
du pinceau de poils. Le grand intérêt des pages 14—17 de M. Yetts
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 375

est de présenter clairement, et avec quelques arguments qui lui sont


propres, une double thèse qui a été surtout développée récemment
par M. Takata: a.) certaines inscriptions de bronzes des Chang-Yin,
donc du deuxième millénaire avant notre ère, sont la reproduction
fidèle sur bronze d'une calligraphie qui suppose l'emploi du pinceau
de poils; sur les os et écailles du Honan et sur des bronzes des
/3)

Chang-Yin, les formes graphiques du caractère notant l'instrument


pour écrire représentent tantôt une main tenant verticalement un
pinceau de poils chargé d'encre, tantôt une main tenant un pinceau
de poils secs, les poils séparés en trois groupes.
H y a à cette théorie bien des côtés séduisants, et je crois
volontiers que l'avenir la consacrera; elle a encore cependant des
points faibles, en particulier pour le passage du caractère dénotant
l'instrument à écrire dans les inscriptions sur os et sur bronze
des Chang-Yin aux caractères signifiant "pinceau" dans l'écriture
classique.
Le mot actuel pour "pinceau", jpE pi {*piët vers 500 A.D.),
est d'un très grand intérêt pour la linguistique chinoise. Le vieux
dictionnaire Eul ya, qui, en principe, est antérieur aux Ts'in,
contient cette phrase: "Le pou-lu (^pidu-Uuet ou *pudt-liuét), c'est
ce qu'on appelle pi ^piéty gj|(^ ||| ^
=(£)• D'autre part, le
Chouo wen =jï \yu\ c'est ce avec quoi on écrit. En Tch'ou
dit: "

[-moyen Yang-tseu], on l'appelle =j^ yu\ en "Wou [= bas Yang-


tseu], on l'appelle ^
^jjt pou-liu; en Yen [= Tcheli], on l'appelle

1) Le caractère pi, ayant la "clef" du bambou, doit désigner essentiellement un


calame de bambou ou un pinceau de poils à manche de bambou. Pour M. Takata, dont
M. Yetts accepte l'opinion, ce caractère n'a pas existé tel quel avant la dynastie Ts'in,
et s'écrivait auparavant sans la clef du bambou. Sa présence dans le Eul ya et dans le
IÀ Ici (auxquels il convient d'ajouter alors le Tclian houo ts'd; cf. Chavannes, JA, 1905,
I, 66) s'expliquerait par des corrections d'érudits des Han. C'est possible, mais il im-
porte assez peu à ma citation, qui veut seulement rappeler que le Eul ya connaissait
déjà un terme pou-liu, synonyme du mot usuel pour "pinceau" (celui-ci écrit avec ou
sans la clef du bambou).
25
376 PAUL PELLIOT.

jffi fou CWM) *)• Le caractère est formé de ^


nie [comme com-
posant sémantique], et de •—- yi (*'iët) [employé] comme [élément]
phonétique. Tous les caractères qui dépendent de =p [comme com-
posant sémantique] sont formés avec lj£. [Le mot se prononce]
^ yu + ||t
liu (*ï'°o -f- liuet - *iuet y yu)" 2). Immédiatement
après, le Chouo wen explique le caractère :
|jï
"Pi. En Ts'in (= Chànsi),
on appelle ainsi [ce avec quoi on écrit]. Le caractère est
formé avec
[les éléments sémantiques] ^ yu ("ce avec quoi on écrit") et kk tchou
("bambou").....3).
Un point peut être considéré comme certain: malgré la glose
négligeable de Siu K'iai et même malgré ce qui est au moins le
texte actuel du Chouo wen, le caractère pi, "pinceau", n'est pas
composé de deux éléments sémantiques, mais d'un élément sémantique
("bambou") et en outre d'un élément yu qui est à la fois sémantique
et phonétique, car le caractère 7; j, "pinceau", est la notation graphique
par yu, "pinceau", plus l'addition de la clef du bambou, de ce qui
n'est phonétiquement qu'une autre forme dialectale du mot yu lui-
même. Autrement dit, yu (*iuët), pou-liu {*pwu-liuet ou *pudt-liuei),
fou (*piu3t) et pi Cpiét) ne sont que les formes prises dialectalement,
dans la Chine ancienne, par un même mot qui était celui désignant

» .
1) M. Yetts transcrit fo,

ÏÏ m m m. mm z
transcription française.
ce qui

ii z %. iK *•.- s. K. * z m w /A *.* m ®.
.
paraît être une inadvertance pour "fu", fou en

%m z * #. m
Les trois derniers mots, plus petits et mis sur deux colonnes, sont naturellementla glose
phonétique empruntée au T'ang yun par les éditeurs du X.e siècle.
3) Je laisse du côté une glose absurde de Siu K'iai sur la composition du caractère,
et la glose phonétique tirée du T'ang y/m, qui indique la prononciation pi (*piSt). Une
discussion détaillée de tout le passage du Chouo wen et de ses gloses entraînerait beau-
coup trop loin. Je ne suis pas éloigné de penser que le texte primitif du Chouo wen a
été ici plus ou moins brouillé, car c'est immédiatement après "en Yen, on l'appelle fou"
qu'on s'attendrait à avoir "en Ts'in, on l'appelle pi"; ou alors, après la rubrique pi, il
faudrait une définition comme jlK -ftt, "c'est ce avec quoi on écrit"; dans le texte actuel,
,
on est amené à sous-entendre cette définition, mais la construction est boiteuse.
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 377

l'instrument à écrire, que ce soit primitivement un calame ou un


pinceau de poils. Nos prononciations anciennes restituées sont celles
d'environ 500 de notre ère; niais il est probable que, sous les Tcheou,
les différences phonétiques entre ces diverses formes étaient moins
accentuées. On est tenté, comme l'a fait M. Karlgren (Anal. Dict.,
p. 372), de supposer pour yu (*iuët) une prononciation plus archaïque
*bluet y *biuet y Huet, et pour pi {*piet) une évolution *plèt > *p{et.
C'est cette prononciation à *bl- ou *pl- qui est encore représentée
dans le Eul ya et le Chouo wen par le pou-liu (^pidu-liuet ou
*pùdt-liuët) du Wou; et l'existence ancienne d'une liquide dans
l'élément initial de yu (*iuët) trouve une confirmation dans l'emploi
de ce yu comme élément phonétique dans ^k liu (*liuët). On admet
généralement que le turc biti-, "écrire", est emprunté au chinois
pi Cpiet), "pinceau" 1); il n'est pas exclu que le tibétain 'on, "écrire",
se rattache de-même à une forme dialectale chinoise du même mot,
laquelle comportait encore l'ancien *bl- ou *pl-2).
Mais, à côté des variantes phonétiques du mot chinois signifiant
"pinceau", il y a sa notation graphique. On a vu que =jï pi n'est
qu'une différenciation graphique de lp yu par addition de la clef
du bambou; d'autre part, ^
|ij| pou-liu et ïj|j fou sont la simple
notation graphique, au moyen de caractères de tout autre sens pris
ici phonétiquement, de formes dialectales qui n'avaient pas de
caractères spéciaux permettant de les enregistrer. Il subsiste cepen-
dant une difficulté sérieuse; c'est que les formes du caractère
représentant l'instrument à écrire dans les inscriptions des Chang-Yin
ne ramènent pas à ij^ yu, mais à ^p nie. Le Chouo wen explique

1) Cf. JA, 1925, I, 254.


2) Dans son important travail TibeUseh-chinesisclie Wortgleiclmngen (MM. cl. Sem.
f. Or. Spr., XXXII [1929], I, 170), M. W. Simon propose de relier au contraire tib.
'tri à ch. "ffe chou (siwo); mais lui-même est le premier à admettre (p. 160) que cette
équivalence est très aléatoire; jusqu'à nouvel ordre, celle que je mets en avant l'est
d'ailleurs tout autant.
378 PAUL PELLIOT.

ainsi ce dernier caractère: " ^


[nie]. C'est l'habileté manuelle. Il
est formé d'une main ( jj^ yeou) tenant un morceau d'étoffe ( \\\ hin).
Tous les caractères qui dépendent de ^p [comme élément sémantique]
sont formés avec 1p." La glose phonétique empruntée au T'ang yun
ajoute que la prononciation du caractère est nie (*nicip). M. Yetts
tente de trouver une solution en supposant que le caractère yu a eu
originairement un autre sens et n'a été adopté pour noter le
calarne ou le pinceau qu'à cause de sa ressemblance avec nie, le
véritable aboutissant des formes graphiques que prend le caractère
du calarne ou pinceau dans les inscriptions des Chang-Yin. Mais
l'hypothèse ne rend pas compte du double fait que ne nous est ^
pas donné comme ayant le sens de "pinceau", mais celui d'"habileté
manuelle", et surtout que ^p* se prononce nie Ç^niàjy). forme irré-
ductible à aucune des prononciations dialectales que le mot désignant
le calarne ou le pinceau avait dans la Chine ancienne. .Je ne doute
pas que, d'une manière quelconque, lp yu se rattache au caractère
représentant le calarne ou le pinceau dans les inscriptions des Chang-
Yin, mais, à mon avis, aussi bien le son et le sens de ^p nie que
le trait supplémentaire de =p yu restent à expliquer ~l).

T. 1, pp. 34 et suiv. :

Dans cet excellent chapitre sur la
technique de la fonte du bronze, où M. Yetts étudie en particulier
si minutieusement la technique de la fonte à cire perdue, je regrette
qu'il ne dise pas ce qu'il pense de l'invention de ce procédé. On
sait que la fonte à cire perdue est connue également de très bonne
heure dans l'Asie occidentale, et il me paraît a priori bien peu

1) Je ne crois pas plus que INI. Yetts à l'explication du Chouo wen qui voit dans
=|=: =jp nie, pins
yu (*/?<!) l'élément sémantique yî (*-tft) comme phonétique.
Toutefois, comme • yi (*",<£/) ne
paraît jamais avoir comporté de consonne initiale,
cette explication, même erronée, suppose que le *b1- que nous sommes amenés à supposer
à l'initiale de Jp* yn pour l'époque archaïque ait été déjà amui vers l'an 100 de notre ère.
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 379

vraisemblable que des civilisations dont nous voyons mieux cbaque


jour qu'elles ne sont pas demeurées sans contact aient chacune in-
venté cette technique remarquable indépendamment. Les questions
d'origine sont toujours délicates, et il est d'ailleurs possible que
l'Asie extrême-orientale et l'Asie occidentale soient ici également
tributaires d'une civilisation de l'Asie centrale non encore identifiée.
La question eût valu cependant d'être posée.

T. I, p. 42: — Il est exact que Touan-fang et M. J. C. Ferguson


donnent pas mal de renseignement sur la trouvaille de Pao-ki en 1901,
mais il ne me semble pas que ces renseignements cadrent très bien
avec le récit que M. E. JSTewman a fait à M. 0. Sirén et dont
celui-ci a fait état dans Japon et Extrême-Orient, nov.-déc. 1924,
puis, plus brièvement, dans A history of earlij Chinese art, I [1929],
p. 24. M. Tetts a d'ailleurs attiré naguère l'attention sur certaines
de ces divergences dans JE-AS, 1926, 550—552.

T. I, p. 49: — En parlant de "spirit distilled from black millet"


à l'époque du Che hing et du Tch'ouen-ts'ieou, M. Tetts a suivi
Legge. Mais il n'y a pas le moindre indice que les Chinois aient
connu la distillation avant le XIIIe siècle de notre ère, et elle leur
est venue du monde musulman. Jusque-là, ils avaient des boissons
fermentées, mais pas de boissons distillées.

T, I, pp. 53—54, et pi. Y: — Ce bronze paraît avoir appar-


tenu à la collection impériale sous K'ien-long, et son inscription
suggérerait qu'il remontât aux Yin. M. Yetts le donne prudemment
comme de "date doubtful". Je n'ai pas de souvenir de l'original et
île puis parler que d'après la planche; le style du décor me paraît
jurer avec l'inscription, qu'on la date des Yin ou des Tcheou, et j'ai
l'impression que le vase est plus "archaïsant" que vraiment ancien.
380 PAUL PELLIOT.

T. I, p. 65, A 140: — On notera que, pour cet ornement de


bronze garni de grelots, qu'on retrouve aussi en Sibérie, M. Yetts
se prononce résolument en faveur de son origine chinoise. Aux
références de M. Yetts, on peut ajouter la discussion du ^
Tjjz îg

Ht lÈf fH $H Mong-p o-che houo-kou Wong-pian de J^\ J|§ ifp


Tcheou K'ing-yun, vol. IV, in fine, où M. ^f Q§ f| Tch'ou Tô-yi
propose de voir dans ce genre d'objets un
||| ?/i, c'est-à-dire un

support de rênes ; mais cette explication, conciliable avec la définition


donnée de yi dans le Chouo wen ( ifi ||f fl|
iffj ^f" ), ^a moins

bien avec celle du Eul ya (|jEJt|ll|li$Tjï'tiïi)- L'objet


appartenant à M. Tcheou K'ing-yun porte deux caractères de type
très archaïque que M. Tch'ou To-yi lit 7ff JJJL et dont il propose
une explication assez alambiquée.

T. I, p. 72: — "Ch'en Hsi-ch'ih"; c'est une inadvertance pour


"Ch'en Shan-ch'ih" (Tch'en Chan-tch'e) que le texte chinois de la
p. 83 donne correctement. Quant à la date de l'oeuvre, l'exemplaire
que j'ai rapporté à la Bibl. Nat. a été gravé de 1871 à 1876,
avec un supplément gravé en 1877 et 1878. Le Khirdie chou-mou
de ïïouang Li-yeou, 2, 9a, qui ne dit rien de cette édition prin-

ceps, parle d'une édition gravée par l'auteur en 1886; peut-être


est-ce une erreur pour 1878, date de l'achèvement du supplément.

T. I, p. 78: — M. Yetts, comme on le fait généralement en


suivant les indications de l'ouvrage actuel, indique Wang Fou
comme principal compilateur du Siuan-houo po-kou fou-lou. Il me
paraît cependant probable que Wang Fou n'a rien à voir avec
l'ouvrage. Par ailleurs, je ne crois pas qu'on connaisse aucun
exemplaire, même fragmentaire, antérieur à la réédition de 1299,
et il resterait à voir dans quelle mesure cette réédition a été fidèle.
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 381

Mais l'histoire du Po-kou Vou-lou demandera un article spécial.


Pour le titre et la date, cf. T'oung Pao, 1929, 132 *).

Tome II, et suiv. : — Aucun ouvrage en langue européenne


p. 1

n'avait donné sur les cloches chinoises les détails de terminologie


et d'arrangement que M. Yetts emprunte principalement à Tchou
Tsai-yu (1596) et à Tch'eng Yao-t'ien (1725—1814). Grâce aux
figures et à leurs légendes chinoises, on peut enfin y voir un peu
clair; toutefois on eût aimé à trouver quelque part les caractères
chinois originaux pour les noms des cloches grandes, moyennes et
petites. Les noms du Eut y a (V, 22 a dans l'éd. originale de
Jouan Yuan) que M. Yetts ne cite qu'en transcription sont ^Jf^ yong
pour les grandes cloches, Jp|J ftiao pour les cloches moyennes,
^ tchan pour les petites cloches; l'origine de ces appellations
nous échappe {yong se trouve dans le Che king). Le Po-kou fou-loa
donne aux grandes cloches le nom de ^
tfô, aux moyennes celui
de 3IË JJO, aux petites celui de j^
jpien. M. Yetts ajoute que
Tchou Tsai-yu renverse l'ordre des deux premières appellations du
Po-kou Vou-lou. Ces désignations non plus ne sont pas limpides.
À première vue, il semble que ^
^g tfô-tchong, "cloche spéciale",
désigne une cloche destinée à être frappée isolément, et que -^^ ^gf
pien-tchong, "cloches en suite", désigne le jeu de seize cloches

1) L'ouvrage de M. Yetts a été très soigneusement corrigé et lui-même a indiqué


à la p. v du t. II les quelques erreurs qu'il a remarquées après coup dans le t. 1; je
lui signalerai encore les suivantes: P. xn (et t. II, p. vin): il n'est guère possible
d'appeler les Si-hia une "dynastie tartare". P. 41, 1. 8: lire "94, IV 625". P. 71 et
suiv.: le mot Bë& au sens verbal de "conserver", "posséder", se lit ts'ang et non isang ;
,
de même dans t. II, pp. 86 et suiv. P. 72, n° 20: lire "Tiing t'ien ch'ing lu". P. 74:
lire Kanda Kiichiro. P. 75: lire "Li Yii-sun". P. 76, n° 130, et p. 78, n° 155: lire
"Hsing su ts"ao t'ang..."; par ailleurs, si on relie les mots qui font groupe, il ne faut
pas joindre "su" à "ts'ao", mais transcrire "Hsing-su tsao-t'ang..". P. 78, n° 158:
"Lei s/m san ts'ai tu Mi"; "lei shu" ne fait pas vraiment partie du titre. P. 79 : dans
le titre du n° 182, lire "show ts'ang".
382 PAUL PELLIOT.

suspendues à un même cadre et accordées, de même qu'on a pour


les ||£ Fing, ou pierres sonores, les termes correspondants de 9ff
||£ fô-Ving et de ||§ ||p pien-Ving ; et on comprend que la cloche
destinée à être frappée seule soit plus grande que le jeu de cloches
sur lequel on exécute des airs. Malgré le désaccord de certains
commentateurs, je crois que les ^ ||f
po-tchong sont les grandes
cloches, et que le terme est pratiquement synonyme de fô-tchong.
Au lieu que les pien-tchong étaient au nombre de seize suspendues
obliquement, en deux rangées superposées, sur un seul cadre,
chaque po-tchong ou fô-tchong était suspendu (verticalement?) à un
cadre isolé, et un jeu de po-tchong ou fô-tchong comprenait douze
cloches, répondant chacune à un des tubes musicaux, et non seize
cloches comme les pien-tcJiong. Voilà du moins ce qui, pour le mo-
ment, me paraît résulter des textes.

II, p. 13: — Aux dix exemples d'un tambour, fixé sur un


T.
support et qu'un homme frappe à chaque extrémité, que M. Tetts
a relevés sur les bas-reliefs du Chantong publiés par Chavannes,
Mission archéol., il faut ajouter celui de la fig. 1238. Chavannes
ne disposait que de deux photographies indistinctes, et sa description
n'est pas tout à fait exacte. Il a parlé (Mission archéol., texte, I,
265) d'"un objet qui a quelque analogie avec un tambour"; mais
c'est un tambour sans aucun doute. "Au-dessous du tambour,
ajoute Chavannes, un groupe assez confus paraît être formé de
deux quadrupèdes surmontés de deux êtres fantastiques". Les "deux
êtres fantastiques" sont deux individus dont chacun frappe une
extrémité du tambour. Quant aux deux quadrupèdes, ce sont en
effet deux animaux affrontés, vus de profil, mais qui n'ont à
eux
deux qu'une seule tête vue de face 1). Par là, et par bien d'autres
1) Sur ce motif dans l'art
de l'Asie occidentale et de l'Europe, cf. l'article de
W. Deonna, Sires monstrueux à organes
communs {~Rev. archéol., janv.-avril 1930, 28—73),
en particulier p. 69.
LES BRONZES DE. LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 383

détails, cette dalle s'apparente à une autre d'exécution bien supérieure


et que Cliayannes n'a pu connaître, la plus ancienne des sculptures
datées, du Chantong, la dalle de 113—114 de notre ère qui, après
avoir appartenu à Touan-fang et à M. P. Mallon, fait aujourd'hui
partie des collections du baron von der Iieydtl). Enfin le même
type de tambour fiché sur un piédestal s'est maintenu longtemps
dans la tradition artistique, car on le retrouve dans l'illustration
de VOcle de la déesse de la Lo (Lo-chen fou) mise sous le nom de
Kou K'ai-tche et qui est conservée dans la Preer Grallery à
Washington 2).

T. II, p. 15: — M. Hamada avait rapporté au temps des Ts'in


(fin du IIIe siècle av. J.-C.) le fameux tambour de bronze de la
collection Sumitomo qui n'a rien à voir avec les "tambours de
bronze" de la Chine méridionale et de l'Indochine, mais qui a la
forme des tambours qu'un personnage heurte à chaque bout sur les
dalles sculptées du Chantong. M. Yetts insiste sur l'apparence des
surfaces frappantes qui représentent des peaux d'alligators fixées
au corps même du tambour par de triples rangs de clous, et pro-
pose de reconnaître dans ce tambour "le modèle d'un type fait
normalement en matériaux périssables". Jusque-là je suis bien
d'accord avec lui, mais j'hésite davantage quand il estime que ce
modèle "continue probablement la tradition du type, monté sur pied,,
de la dynastie Plia".

T. II, pp. 17 et suiv. — M. Tetts discute ici la question,


ethnographiquement et artistiquement si importante, des "tambours

1) Les meilleures reproductions s'en trouvent dans Coll. Paul Mallon, 2e fasc, pi. II,
dans d'Ardenne de Tizac, Les animaux dans l'art chinois, pi. XII, et dans K. With,
Bildwerhe Ost- und Sildasiens, pi. 1—5; elle est-aussi publiée dans Sirén, A hislory of
Chinese art, III, pi. 20. Cf. en outre mes remarques dans Artibus Asiae, n° 2 [1924],
152—153.
2) Cf. Sirén, Les peintures chinoises dans les collections américaines, pi. 2, B.
384 PAULPELLIOT.

de bronze" qu'on trouve surtout dans le Sud-Est de l'Asie et


jusqu'en Insulinde. Bien informé comme toujours de ce qui a été
écrit avant lui, — et la "littérature" sur les tambours de bronze
est déjà considérable, — notre confrère hésite à formuler une con-
clusion ferme, sauf qu'il écarte la tradition trop facilement accueillie
par Hirth et selon laquelle les tambours de bronze auraient été
inventés par le général chinois Ma Yuan au milieu du Ier siècle
de notre ère. Mais si Ma Tuan du Ier siècle et Tchou-ko Leang
de la première moitié du IIIe sont mis hors de cause, ce n'est pas
à dire que M. Yetts renonce à trouver aux tambours de bronze
une origine chinoise; elle serait seulement plus ancienne. Les
limites d'une analyse critique, même longue, ne me permettent pas
d'entrer dans la discussion minutieuse où notre confrère fait inter-
venir, à côté des textes, les anciennes formes graphiques du mot
chinois pour "tambour" et les associations d'oiseaux, en particulier
de hérons, aux tambours dans la littérature chinoise ancienne.
Mais, malgré toute l'ingéniosité et l'érudition qui sont déployées
dans un exposé entouré d'ailleurs de réserves prudentes, je dois
bien dire que, pour ma part, je n'incline pas à rattacher ces tam-
bours de bronze au monde chinois. Il y a d'abord le type même
de ces tambours qu'aucun texte chinois ne paraît connaître avant
l'ère chrétienne et qui n'a d'analogue avec aucun monument ancien
de la Chine moyenne ou septentrionale. Il y a le caractère parti-
culier du bronze. Il y a le style général du décor. Il y a le motif
de la grenouille dont M. Yetts lui-même renonce à trouver l'origine
dans le inonde chinois. H y a aussi le fait que si, des oiseaux à
longue crête rabattue semblables à ceux des tambours de bronze
se retrouvent sur d'autres monuments, c'est, à ma connaissance,
sur des monuments recueillis en Indochine; tel en particulier un
vase de bronze de la collection Pouyanne actuellement déposé au
Musée Gruiraet. Sans prétendre apporter la solution du problème,
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 385

c'est du côté d'une civilisation indochinoise et maritime


que je la
chercherais1). En tout cas, il reste que
ces tambours de bronze
sont d'une fabrication remarquable, et les plus grands d'entre
eux
rendraient jaloux un fondeur disposant de toutes les
ressources de
l'industrie moderne.

T. II, p. 20:
— En racontant l'histoire du général Tchao T'o,
M. Yetts suit, comme on le fait d'ordinaire, les Mémoires historiques
de Sseu-ma Ts'ien. Mais j'avoue ne
pas admettre facilement que cet
homme du Nord, transféré de bonne heure dans les régions
assez
malsaines de la Chine méridionale, y soit mort plus
que centenaire.
M. H. Maspero a déjà signalé {T'oung Pao: 1924, 390,
n. 2, et
391, n. 1) des difficultés de détail dans les traditions concernant
Tchao T'o. J'incline à une solution plus radicale, mais
en remets
l'exposé à un travail où je compte reprendre en même temps la
question, à mon avis non moins délicate, des traditions relatives
aux
voyages de Tchang K'ien.

T. II, p. 21:
— M. Yetts parle de l'attention prêtée par l'em-
pereur Wou aux régions du Sud-Ouest "à partir de 135 av. J.-C.",
quand il conçut le projet d'ouvrir une route directe vers l'Inde par
le Sud. Il me semble qu'il s'est produit là quelque confusion.
D'après la chronologie traditionnelle, ces tentatives de l'empereur
furent provoquées par les récits que fit Tchang K'ien à son retour
de Bactriane, c'est-à-dire une dizaine d'années après 135 av. J.-C.
Je me demande si M. Yetts, tout en empruntant par inadvertance
la date de 135 à Chavannes, Mém. Jiist., I, LXXX, n'a pas eu
réellement en vue celle de ,123—122 indiquée ibid., I, LXXXII.

1) [Au dernier moment, je reçois un important mémoire de V. Goloubev, L'âge du


bronze au TonJcin et dans le Nord-Annam (tir. à part de BEFEO, XXIX, 1929), où il
.
est longuement question de ces tambours de bronze.]
386 PAUL PELLIOT.

Par ailleurs, c'est peut-être aller trop loin que de donner sans ré-
serves l'ancien royaume de Tien comme un royaume lolo ; à la
rigueur, il pouvait être tai.

T. II, p. 23: — Les Instructions de Yi ( ffi $j\\ Yi hiun) ne


sont pas à faire entrer en ligne de compte pour la Chine des Tcheou;
c'est un des chapitres du -pseudo-Chou King "en caractères antiques"
fabriqué dans la seconde moitié du IIIe siècle de notre ère.

T. II, p. 28 : — Le British Muséum a acquis d'Àrchibald Little


un tambour de bronze qui porte l'inscription suivante: "La 4 e année
kien-hing, le 7e mois, l'artisan (kong) Tchang Fou a fabriqué [ce
tambour]" (^^B^-t^X^H^). Tetts se raDge M.
à l'opinion de Hirth ^ pour admettre que, si l'inscription n'a pas
été gravée après coup, l'auteur de ce tambour doit être un Tchang
Fou qui aurait vécu alors au Sseu-tch'ouan et qui est mentionné
dans le San-houo tche (8, 10&). J'en doute très fort. Admettons,
ce qui n'est pas absolument sûr, que l'inscription soit authentique
et qu'en ce cas, vu la provenance du tambour, celle des périodes
kien-hing dont il s'agit soit bien celle des Han du Sseu-tch'ouan,
dont la 4e année répond à 226 de notre ère. Hirth estime qu'il
serait assez extraordinaire qu'il y eût eu au Sseu-tch'ouan, vers le
même temps, deux personnes de même nom de famille et de même
nom personnel; c'est au contraire un cas assez fréquent, vu la masse
de la population chinoise et le petit nombre des noms de famille;

ce qui est plus rare, c'est que le hasard des documents nous garde
trace de telles homonymies. Mais ce que nous savons du Tchang
Fou du San-kouo tche me semble exclure qu'il puisse être le
Tchang Fou auteur du tambour. L'arrière-grand-père de Tchang Fou

1) Chines. AusicJden liber Bront.eiromm.eJn (Extr. des Mitt. d. Sera. f. Or. Spr.,\JIl,
1904, 50 — 51.
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORPOPOULOS. 387

était ce Tchang Ling ou Tclmng Tao-ling, originaire du Tchôlriang,


qui mourut au. milieu du IIe siècle, au Sseutch'ouan semble-t-il,
après avoir utilisé les associations religieuses à des fins politiques,
et qui a été considéré par la suite comme le premier pape du
taoïsme. Le fils de Tchang Ling, Tchang Sieou, puis son petit-fils
Tchang Lou continuèrent son action en partie double, mais en
étendant de plus en plus leurs ambitions politiques ; la dynastie
des Han orientaux sombrait dans l'anarchie; Tchang Lou songea
-à conquérir pour lui-même le pouvoir suprême, mais, après une
lutte sérieuse, poursuivi au Sseutch'ouan par le fameux et tout-
.puissant Ts'ao Ts'ao, il dut finalement se soumettre à lui à la fin de
215 et fut nommé marquis de fj|| p[l Lang-tchong (au Sseutch'ouan),
en même temps que ses cinq fils recevaient tous un titre de mar-
quisat honoraire. Tchang Fou était probablement l'aîné des cinq fils,
car, lorsque son père mourut à une date indéterminée, c'est lui qui
succéda à son marquisat.
Tel est le personnage qui, selon Hirth, serait l'auteur du tani-
hour de bronze. Que l'inscription le qualifie de m kong, "artisan",
il n'y a rien là, selon Hirth, qui doive nous étonner. Le Po-kbu
t'ou-lou, dit Hirth, reproduit un vase rituel de bronze qui porte
une inscription tout à fait analogue à la nôtre: $|| ^p* ^jl i
^
M ^ 3Ê M *&i "La année kien-pHng (4 av. J.-C), le 10e
3e
mois, l'artisan (kong) "Wang Pao a fabriqué [ce bronze]"; or ce
Wang Pao ne serait autre que l'homme d'Etat et ministre Wang
Pao qui vivait en ce temps-là. D'ailleurs, ajoute Hirth, .32 kong
ne signifie pas un simple "ouvrier", car on possède des bronzes
très artistiques qui portent des inscriptions similaires; et en outre,
on trouve dans le ch. 908 du Ts'ô-fou yuan-kouei, sons la rubrique
JC 3-^ kong-Fiao, "habileté manuelle", la mention de gens dont
certains ont occupé de grandes situations, comme Ma Yuan ou
Tchou-ko Leang.
388 PAUL PELLIOT.

Je ne crois pas à la valeur de cette argumentation. Que le mot


Jcong désigne souvent plus qu'un simple ouvrier, cela va de soi,
mais, précisément à raison de leurs qualités, les bronzes artistiques
que Hirth invoque et que nous admirons ne peuvent être l'oeuvre
que d'artisans professionnels. La rubrique du ch. 908 n'a rien à
voir ici: il s'y agit seulement de gens plus ou moins connus à qui,
tantôt à raison, tantôt à tort, on attribuait des inventions, mais
qui ne se sont jamais qualifiés de JC Jcong, "artisan". Ce dernier
terme, sous les Han, avait d'ailleurs une sorte de valeur admini-
strative; ceux qui le mettaient devant leur nom étaient souvent,
peut-être toujours, des artisans qualifiés, classés dans une hiérarchie.
Il me paraît exclu que le ministre Wang Pao du début de notre ère
ou le marquis Tchang Fou de la première moitié du IIIe siècle
aient jamais pris une telle épithète, ni d'ailleurs qu'ils fussent en
état de la mériter 1).

T. II, pp. 30 et suiv.: — Ici commence le troisième chapitre


de ce second volume, celui consacré aux miroirs. L'étude des an-
ciens miroirs de bronze a fait au XXe siècle des progrès considé-
rables, grâce à M. Lo Tchen-yu en Chine, et surtout grâce à
Tomioka Kenzo et à M. Umehara Sueji au Japon. Cette fois en-

core, M. Tetts met à profit les résultats acquis par nos confrères
extrême-orientaux, en y ajoutant les informations réunies par
M. Kaiibeck dans le bassin de la Houai et le fruit de ses propres

observations. Le symbolisme astrologique est discuté en assez grand


détail. M. Tetts ne dit rien cette fois des rapports entre miroirs

1) Une autre hypothèse, que Hirth n'a pas envisagée, serait de comprendre iw tsao
au sens de "a fait faire"; cf. à ce sujet mon article Sur l'interprétation des marques d-es
porcelaines chinoises {Arlibns Asiae, 1927, 179—187), en particulier pp. 1S1—182. Mais
précisément l'emploi du mot Jcong, "artisan", implique que nous ayons bien ici le nom
de celui qui a vraiment fabriqué le vase.
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMOKFOPOULOS. 389

chinois et miroirs sibériens; j'imagine qu'il


en parlera dans son
quatrième volume, où il traitera la question de l'art "scythe".

T. II, p. 30:
— A propos de la coutume de placer un grand
nombre de miroirs dans les tombes, M. Yetts cite l'exemple suivant:
"Il y a le récit bien connu des centaines de miroirs de fer trouvés
parmi le mobilier funéraire d'un prince de Wei mort vers 295
av.
J.-C"; et M. Yetts renvoie à de Grroot, Relig. System of China,
II, 398. Mais ce témoignage est un enchevêtrement de vieilles
er-'
leurs chinoises, auxquelles de Grroot a encore ajouté.
Le texte en question est emprunté au ^ J^jî |jj£ ffjj Si-king
tsa-M, qui prétend être un témoignage contemporain
sur des évé-
nements des Han occidentaux (206 av. J.-C.—25 ap. J.-C), mais
l'ouvrage est en réalité un faux qui paraît remonter au YIe siècle
et être dû à J^- j^J YVou Kiun. Cela, de Grroot le savait (II, 289) ;
il n'en a pas moins utilisé le Si-king tsa-ki à maintes reprises, en
particulier pour les ouvertures de tombes princières qui auraient
été le fait d'un prince de Jff )\\ Kouang-tch'ouan (II, 289; III,
392, 397, 728); la tombe du "roi de gjj Wei" serait l'une d'entre
elles. Ce prince de Kouang-tch'ouan, de Grroot l'appelle "a certain
Khû-tsih [•^f^]", et s'est pas enquis de lui autrement. Mais il
est clair que le personnage visé est ^J ^ Lieou K'iu, prince de
Kouang-tch'ouan, dont le Si-king tsa-ki dit qu'il "aimait extrême-
ment" (^ ^ tsi-hao) à violer les tombes; et le Si-king tsa-ki
décrit ensuite toute une série de ces ouvertures de tombes, et
énumère les trouvailles qui y auraient été faites. Si nous nous
reportons au Che ki (59, 3 6) et au Ts'ien-Han chou (14, 16 &;
535 Qa—7 6), nous voyons que Lieou K'iu fut nommé prince de

Kouang-tch'ouan en 91 av. J.-C, et qu'il se suicida vingt ans plus


tard en 71 ou 70 av. J.-C; c'était un homme violent, mais aucun
texte ancien ne dit qu'il ait fait ouvrir des tombeaux.
•Q 90 PAUL PELLIOT.

Le texte même du Si-hing tsa-ki trahit d'ailleurs ici l'imposture.


D'après lui, Lieou K'iu aurait ouvert entre autres la tombe du roi
Siang de Wei et celle de son fils le roi Ngai; le Si-king tsa-ki
donne des détails minutieux sur l'aménagement de ces deux tombes.
Or il semble bien établi aujourd'hui que le roi Ngai de Wei n'a
jamais existé; ce prétendu roi est né d'une erreur de Sseu-ma Ts'ien
les Annales écrites sur bambou permettent de corriger l). Il me
que
paraît d'ailleurs probable que le faussaire du Si-king tsa-ki se soit
inspiré dans ses récits de ce qu'on racontait sur les grandes tombes
des princes; le "métal fondu" de la prétendue tombe du roi Kgai
peut être un souvenir des traditions relatives au tombeau de Ts'in
Clie-houang-ti. Quant au choix même des noms du roi Siang et
du roi Ngai de Wei, qui ne sont pas d'ailleurs les seuls dont,
d'après le Si-king tsa-ki, Lieou K'iu aurait violé les tombes, peut-
être faut-il y voir un écho de l'ouverture en 281 de notre ère de
cette "tombe de Ki" qui a livré de si précieux textes anciens, en
particulier les Annales écrites sur bambou et le Voyage du Fils du
Ciel Mou] on sait en effet que cette "tombe de Ki" est celle soit
d'un haut dignitaire de Wei, soit d'un roi de Wei, et que, dans
la dernière hypothèse, on y a vu, selon qu'on suivait la chronologie
de Sseu-ma Ts'ien ou celle des Annales écrites sur bambou, la tombe
du pseudo-roi jSFgai ou celle du roi Siang.
En définitive, il serait vain de faire état des détails du Si-king
tsa-ki sur des trouvailles faites au cours de violations de tombes
dans la première moitié du 1er siècle avant Jésus-Christ. Tout au
plus peut-on dire que le faussaire énumère des catégories d'objets
qu'on découvrait dans les tombes violées vers le temps que lui-
même vivait, sous les Six dynasties; mais là encore il a sûrement
1) Cf. Cliavannes, Mém. hist., V, 462—463; H. Maspero, Chine antiqiie, 397, et
aussi Tonng Pao, 1927, 383; ce dernier travail de M. Maspero fournit en outre un
autre exemple caractéristique, pour les rois de Ts'i du IVe siècle avant notre ère, d'une
chronologie mauvaise chez Sseu-ma Ts'ien et correcte dans les Annales écrites sur bambou.
LES BRONZES DE LA .COLLECTION EUMOREOPOULOS. 391

beaucoup enjolivé,' et on ne peut utiliser ses renseignements qu'avec


des réserves" si accentuées qu'elles équivalent presque à une négation.

T. II, 32—33: Dans la divergence d'interprétation qui sé-



pare MM. Laufer et Yetts pour JE^ ~^ -^ yi tseu-souen, je me
range du. côté de M. Yetts. Il n'est pas douteux que l'expression
a été popularisée, comme le dit M. Yetts, par le Che king (Legge,
Chin. Classics, III, 11—12), et cette ode du Che king été enten-
a
due de bonne heure, à tort ou à raison, comme écrite à l'éloge de
l'épouse féconde du roi Wenl). Chavannes (JA, 1901, II, 210) a
déjà rendu yi tseu-souen par "il est juste que vous ayez une postérité".
Mais peut-être nos traductions en langues européennes forcent-elles
ici la différence entre les deux interprétations; yi tseu-souen, "qu'il
y ait justice dans les fils et petits-fils", signifie bien "puissiez-vous
avoir une nombreuse postérité, comme vous en êtes digne", mais peut
impliquer aussi que ces fils et petits-fils aient le sort heureux qui
leur doit revenir ; et _£L -0| ^
yi heou-wang peut être un souhait
de haut anoblissement non seulement pour le destinataire, mais pour

ses descendants.

T, II, p. 37: — L. de Saussure est mort au moment où, parti


du dogme de l'antiquité très reculée et de l'indépendance de
l'astronomie chinoise, il cherchait de plus en plus des parallèles,
avec le monde iranien et même hellénique; mais il n'a pas eu le
temps de procéder sur ce domaine à une enquête systématique;
ses rapprochements, que M. Yetts rappelle, demeurent des essais
intéressants, mais non concluants. Dans JA, 1913, I, 161, n. 1,
j'ai signalé que l'assimilation des noeuds ascendant et descendant de
la lune à la tête et la queue du dragon, familière à l'astrologie

1) Je ne veux toutefois pas dire par là que l'expression n'ait pas existé en chinois
a-vant-cette-ode.
392 PAUL PELLIOT.

occidentale (et cf. aussi Blochet, dans Patrol. orientalis, XX, i, 217)
se retrouvait en Chine, mais que je ne l'y connaissais pas avant
le VIIIe ou le IXe siècle; j'aurais dû ajouter cependant que la
conjonction du soleil et de la lune dans la "queue du dragon" se
trouve déjà dans le Tso tchouan (Couvreur, TàCoun TsHou, I, 256)
et dans le Kouo yu (cf. sur ce dernier passage le ^ ^|| =g? j|||
Wen-siuan tsien-tcheng, III, 21 r°), et il est possible que les deux
notions soient apparentées.

T. II, p. 38: — A la bibliographie concernant le "cycle des


douze animaux", il faut ajouter aujourd'hui un important article
de M. A. Samoïlovic dans Vostocnye zajriski, I [1927], 147—162,
où l'origine "turque" est révoquée en doute; M. Samoïlovic penche
à chercher l'origine de ce cycle dans l'Asie occidentale; il ne paraît
pas avoir connu les articles de de Saussure. Cf. d'ailleurs le compte
rendu de M. Gaspardone dans BEFEO, XXVIII [1929], 546—547.
J'ai réuni moi-même beaucoup de textes nouveaux; j'espère les
mettre en oeuvre quelque jour.

T. II, p. 39: "déesse des


— M. Yetts doute du caractère de
épidémies" que M. H. Maspero prête originairement à ]5§ j£
"fi^

Si-wang-mou, et revient à la vieille idée que le nom ne signifie


pas primitivement "mère reine d'Occident", mais est, en tout ou
en partie, la transcription d'un nom étranger. J'ai hésité jadis.,
mais je dois avouer que je considère plutôt aujourd'hui Si-wang-mou
comme une très vieille figure de la mythologie chinoise, et qui avait
un caractère féminin dès l'origine.

T. II, pp. 43—49 (et t. I, pp. 27—30): Ces pages sont l'étude

la plus serrée qu'un Européen ait encore consacrée à un bronze
chinois antérieur aux Ts'in pour tenter de le situer exactement
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 393

dans l'espace et dans le temps. Il s'agit d'une cloche portant une


inscription assez longue, et qui fait partie d'un jeu de douze (?)
cloches exhumées, dit-on, en 1862 dans la partie méridionale du
Chansi. Les épigraphistes chinois se sont fort occupés depuis lors
de cette série, non sans différer gravement tant sur le déchiffrement
matériel du texte que sur son interprétation. Grâce aux travaux de
P'an Tsou-yin, de Wou Ta-tch'eng et surtout de Wang Kouo-wei,
M. Yetts arrive à des lectures et à un commentaire qui lui parais-
sent relier de façon satisfaisante ces cloches à des événements connus.
Ce serait là, comme il le dit, "une exception à la règle" (p. 44)
selon laquelle les bronzes chinois archaïques ne prêtent pas jusqu'ici
à des recoupements au moyen des textes historiques. Au terme de
son examen, en termes d'ailleurs prudents, M. Yetts aboutit à la
"théorie plausible" que le personnage nommé dans l'inscription
comme ayant fait faire les cloches est Wei Kiang et que les
cloches ont été fondues vers le milieu du VIe siècle avant notre ère.
Il ajoute (p. 48): "Thèse criteria are as complète as any likely to
be available concerning archaïc Chinese bronzes until systematic
excavation be carried out." J'en suis d'accord, mais avec cette
nuance que ce n'est peut-être pas beaucoup dire. Yoici comment
le problème se pose.
ISTous admettrons, bien qu'il y ait à cet égard une objection

que M. Yetts signale, qu'il s'agit bien d'un jeu de douze cloches
(et non de treize ou plus), et que toute la série a bien été trouvée
dans le Sud du Chansi; nous passerons également sur des difficultés
d'interprétation des termes qni, dans l'inscription, concernent les
cloches elles-mêmes; bien qu'il faille s'écarter ici des explications
traditionnelles pour ^ sseu et ^ tou, en tant que termes techni-

ques s'appliquant à des jeux de cloches, je considérerai avec M. Yetts


que les "huit sseu''' et les "quatre tou" ne font ensemble qu'un seul
394 PAUL PELLIOT.

jeu de douze cloches; ce sont déjà là des conventions qui laissent


place à quelques doutes 1).
Celui qui se donne comme ayant fait fondre les cloches pour
temple familial est un seigneur de gf$. Plusieurs érudits, dont
son
Wou Ta-tch'eng, ont cru reconnaître là le petit état féodal de g.
Kiu, sur la côte Sud-Est du Chantong. Si les renseignements relatifs
lieu de la trouvaille sont exacts, il faut au contraire voir dans
au
ce caractère l'équivalent de
g
Lu, ancien nom de terre seigneuriale
dans le Sud du Chansi; l'argumentation de P'an Tsou-yin et de
Wang Kouo-wei, que suit M. Yetts, est ici solide 2).
Le seigneur de Qj] Lu, auteur de l'inscription, a un nom per-
sonnel de déchiffrement incertain, qui est peut-être j|| , caractère
inconnu, et qui, si c'est bien de lui qu'il s'agit, serait vraisembla-
blement à lire *K'i. *K'i de Lu se dit fils du comte {po) de Lu
et petit-fils (souen) d'un duc (kong) que M. Yetts, dans son dé-
chiffrement et dans ses traductions (I, 30; II, 44), appelle "duc
JU Yi", mais dont il incline finalement (II, 47), avec Wang
Kouo-wei, à lire le nom en "duc Jp. Pi". Par une série de rap-
prochements ingénieux, mais qui n'ont pas tous la même force
probante, Wang Kouo-wei a soutenu que Lu était dans le Sud du
Chansi et que des seigneurs de la maison de ^
Wei avaient pris
le nom de famille ( j^; che) de Lu parce qu'ils avaient transporté
leur résidence principale près de là, à ^
Houo, vers 600 avant
notre ère. M. Yetts en conclut que le "duc Pi" n'est autre que
Jp. ]H Pi Wan, le premier des princes de Wei, celui qui reçut

1) En dehors de celles de ces difficultés que M. Yetts signale lui-même, j'ajouterai


que, comme il le dit, les cloches en question sont du type des pien-tchong, et les pien-
tchong étaient en principe des séries de seize cloches, non de douze (cf. supra, p. 382).
2) Nous avons, en fait, toujours lu Q[J jM* Lu-t'ing le hao du hihliophile Mo
Yeou-tche. L'opinion de M. Yetts s'est évidemment précisée entre le premier et le second
volume; dans le premier volume (p. 30), il disait que le caractère avait été lu tantôt Kiu,
tantôt Lu, "et pouvait en fait n'être ni l'un ni l'autre". ' ' ._
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORPOPOULOS. 395'.

ce fief en 661 av. J.-C.; et *E'i de Lu ne serait autre que


f$| f^Wei Kiang, arrière-petit-fils de Pi "Wan. Il est dit en effet


dans le Tso tchouan qu'en 561 av. J.-C, les gens de J§[$ Tcheng
présentèrent au suzerain de Wei Kiang, au marquis de Tsin, des
instruments musicaux parmi lesquels figuraient deux jeux (sseu) de
cloches et des pierres sonores, et que le marquis de Tsin, voulant
rendre un hommage spécial aux mérites de son vassal, partagea
ces dons avec Wei Kiang, qui "eut ainsi pour la première fois
-des instruments musicaux en bronze et en pierre". Une cloche ex-
humée sur le territoire de l'ancien état de Tcheng (au Honan)
porte d'ailleurs, selon M. Yetts, un décor tellement semblable à
celui des cloches de *K'i de Lu qu'on le croirait obtenu avec le
même moule, et qu'on peut en tout cas conclure que le dessin des
cloches de *K'i de Lu est bien un décor que les artisans de Tcheng
employaient.
-
Aussi M. Yetts met-il en rapport les instruments donnés à
Wei Kiang en 561 avant J.-C. et les cloches de *K'i de Lu.
*K'i de Lu lui-même ne serait autre que Wei Kiang, et c'est
pourquoi la date de la fonte des cloches de *K'i de Lu est rap-
portée, comme "théorie plausible", au milieu du YIe siècle avant
notre ère.
Mais, dès ce moment, nous nous heurtons à de graves difficultés.
L'une est qu'aucun texte ne donne à Wei Kiang un nom qui, de
près ou de loin, ressemble à "*K'i de Lu"; M. Yetts l'écarté en
disant que "ce peut avoir été un nom personnel qui n'a pas été
recueilli [par l'histoire]"; évidemment, mais c'est là une cause
sérieuse d'incertitude. D'autre part, *K'i de Lu se disait "petit-fils
du duc Pi (?) et fils du comte de Lu"; dans sa dernière inter-
prétation, M. Yetts substitue sans autre remarque "arrière-petit-fils"
à "petit-fils"- Mais si le degré de ' descendance peut être exprimé
parfois avec quelque flottement, il me paraît difficile de l'admettre,
Sdb PAUL PELLIOT.

sans raisons péremptoires, quand quelqu'un nomme expressément


son propre grand-père et son propre père.
Enfin le lien même établi par M. Yetts entre les cloches don-
nées à Wei Kiang par le marquis de Tsin et celles de *K'i de Lu
est peut-être plus apparent que réel. Il 7a sans dire, et M. Yetts
est le premier à le reconnaître, qu'il ne peut s'agir des cloches
mêmes offertes au marquis de Tsin par les gens de Tcheng, puis-
que les inscriptions des cloches de *K'i de Lu remontent au mo-
ment même de la fonte et que naturellement les cloches offertes
au marquis de Tsin ne les comportaient pas. Mais M. Yetts estime
"not beyond the bounds of probability" que Wei Kiang ou un de
ses descendants ait fait exécuter, par des gens de Tcheng, des ré-
pliques des cloches que les gens de Tcheng avaient offertes au
marquis de Tsin et que celui-ci avait données à Wei Kiang. Mais,
avec l'hypothèse de telles répliques, toute précision chronologique
disparaît naturellement, et la date de fonte "plausible" du milieu
du VIe siècle avant notre ère indiquée p. 48 devient finalement,
à la p. 49, une date "probable" allant de 561 av. J.-C. jusqu'à la
chute de l'état de Wei en 340 avant notre ère. Toutefois, s'il s'était
agi de commémorer l'octroi exceptionnel à un seigneur de privilèges
rituels que ses prédécesseurs n'avaient pas, il semblerait que l'in-
scription dût faire état du don du marquis de Tsin. Malgré les
incertitudes du déchiffrement, il ne semble pas que le texte con-
tienne rien de tel. Et c'est pourquoi, tout en reconnaissant ce que
l'interprétation de ce monument doit à Wang Kouo-wei et à M. Yetts
lui-même, je crois sage de l'entourer encore des réserves qu'un
mauvais sort oblige à formuler chaque fois qu'on veut dater avec
précision l'inscription d'un bronze chinois des Yin ou des Tcheou.

II, p. 52 et suiv. — Pour toutes ces inscriptions de miroirs,


T. :

il convient maintenant de se reporter à un recueil d'ensemble que


LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 397

M. Lo Tchen-yu vient d'en publier en 24 ff. dans son ||| ,g ^g ^g


Leao-kiu tsa-tchou (1929), sous le titre de ]§| \$ ^ ^ ^ |p| ^g
^H ^ -Sa^ leang-king yi-lai king-ming tsi-lou ; ce recueil est suivi
d'intéressants "Propos sur les miroirs", ^ fg- King houa, en 10 ff.

T. II, p. 56: •—
Je ne crois pas que ^ ||| jen-cheou soit ici
une allusion au nien-hao de ce nom (601—604). Jen-cheou apparaît
dans plusieurs inscriptions de miroirs que donne le recueil de M.
Lo Tchen-yu (176, 18a, 19a) et paraît se rapporter au palais Jen-
cheou (Jen-cheou-tien).

T. II, pp. 77—78: — M. Yetts, qui pensait d'abord (t. I, p. 2)


discuter la question des "tailles" et des j^ '^
hou-fou dans le
présent volume, annonce maintenant (p. v) qu'il la reporte au
5e volume. Il n'en a pas moins eu à publier ici des hou-fou, ou
"tailles au tigre" et en particulier celui coté B 281—283, reproduit
sur la pi. LXIA7", qui soulève plusieurs problèmes très délicats.
On sait qu'on n'a le plus souvent que la moitié des "tailles au
tigre", et que par suite on n'a que la moitié de gauche ou la
moitié de droite de la ligne de caractères, puisque c'est la réunion
des deux moitiés qui doit donner l'inscription complète. Ici, on n'a
que la moitié de gauche. Le déchiffrement en semble toutefois as-
suré, et il faut lire, comme l'a fait M. Yetts: JJ9. J^ $$ |jif Hj?
ik tSt % M 3§> ÊJ %t M -^ Sur le flanc de ranimal5 on i^
les caractères entiers _t ^
yfc

—• M. Yetts a traduit: "Bestowed


as Tiger Tally n° 1 of the Greneral Commanding the Van-guard of
the Commander-in-Chief, Subduer of the "Waves", et "Greneral
Commanding on the Left: One". Ces traductions ne me paraissent
pas justes. Pour la phrase principale, la construction s'oppose à ce
"Commander-in-Chief, Subduer of the Waves" joue le rôle d'un
que
génitif par rapport à ce qui précède. Je ne puis comprendre que ceci :
398 PAUL PELLIOT.

"Taille au tigre (hou-fou) donnée au Grénéral supérieur (chang-tsiang),


[commandant des troupes de] première ligne (ts'ien-fong), le maréchal
Dompteur des flots (Fou-po tsiang-kiun)] n° 1". Quant à l'inscription
sur le flanc de tigre, elle signifie: "[Taille au tigre du] Grénéral
supérieur (chang-tsiang) ; [moitié] gauche (tso); [n°] 1"; autrement
dit, nous avons ici la moitié de gauche de la taille, et l'inscription
correspondante sur l'autre flanc aurait "droite" (yeou) au lieu de
"gauche" (tso). Il y a deux généraux célèbres des Han qui ont reçu
le titre de "maréchal Dompteur des flots" (Fou-po tsiang-kiun). à
raison de leurs campagnes dans le Sud de la Chine : fj|[ ^ ^
Lou Po-to, qui fit campagne dans la Chine méridionale en 112 av.
J.-C. *), et M H| Ma Yuan, qui réduisit une révolte du Tonkin
en 41—42 de notre ère. M. Yetts a utilisé les notes que t|J§ $ï ^gt
Tchang T'ing-tsi (1768—1848) a écrites en 1822 sur cette taille,
et qui ont été éditées en 1924 dans le 7p| -fH pg] ffif pfy ~^f ^
V$$ %, Ts'ing-yi-ko so ts'ang kou-k'i-icou ioen\ je n'ai malheureuse-
ment pas accès à cet ouvrage. Tchang T'ing-tsi remarque que cette
taille est unique par sa taille et par son inscription. M. Yetts con-
clut que la présente taille a peut-être été fabriquée à l'occasion de
la campagne méridionale de Lou Po-to ou de celle de Ma Yuan.
Je puis ajouter que les inscriptions de cette même taille sont
reproduites en facsimilé et commentées dans le ^ ^^ ^
~j^f §§|r
Tsong-kou-t'ang k'ouan-tche hio (éd. de 1906, 4, 19) de f^ |ij ^
Siu T'ong-po (1775—1854), qui avait étudié cette taille dans la
collection de Tchang T'ing-tsi. Siu T'ong-po s'appuie
sur les titres
de chang-tsiang et de ts'ien-fong
pour dire qu'il ne peut s'agir que
de Ma Yuan et non de Lou Po-tô; mais il faut bien ajouter qu'il
déduit ces titres pour Ma Yuan; les biographies
ne les donnent pas.

1) M. Yetts donne la date correcte; le Biogr. Dict. de Giles, n° 1426, a reproduit


la vieille erreur de Maj'ers qui indiquait 120 av. J.-C; cf. Tsien-llan chou,
6, 8—9.
LES BRONZES DE. LA COLLECTION EUMORPOPOULOS. 399

Ce hou-fou de M. Eumorfopoulos m'a intrigué depuis que je


l'ai vu il y a quelques années. Il y a dès l'abord le fait surprenant,
mais non impossible, qu'on retrouve un hou-fou qui aurait appar-
tenu à un personnage aussi célèbre que Ma Yuan ou même que
Lou Po-tô. Mais surtout tous les hou-fou connus sont de style chinois ;
celui-ci au contraire relève de l'art "scytho-sibérien". En outre,
les hou-fou, destinés à être portés sur soi, sont en général assez
petits (de 5 jusqu'à 11 centimètres) et sont évidés intérieurement
pour peser 'moins lourd; celui-ci a plus de 18 centimètres et est
plein ; il se prête donc mal à son rôle. Par ailleurs, Wang Kouo-wei,
soit qu'il ait vu l'original, soit qu'il ne connaisse que le facsimilé
de l'inscription, déclare sans ambages dans son |lç t|JJ ^£ ])£ :?H
^^ z$£ Kouo-tch'ao kin-wen tchou-lou piao, 6, 35a, que le hou-fou
du Fou-po tsiang-kiun reproduit par Siu T'ong-po est un faux ;
or, ce hou-fou est celui de Tchang T'ing-tsi, qui est sûrement le
même que celui de M. Eumorfopoulos.
La question est encore compliquée par l'inscription d'un autre
bronze. M. Stoclet possède une plaque de bronze doré, de style
"scytho-sibérien", ayant environ 7 centimètres sur 15, qui repré-
sente un animal abattu sous l'attaque de deux fauves; elle a figuré
à. une exposition du Musée Cernuschi et est reproduite dans
d'Ardenne de Tizac, Les animaux dans Vart chinois, pi. XIX. Or,
sur la tranche de cette plaque, on retrouve la même demi-inscription
que sur le hou-fou de la collection Eumorfopoulos. Il est clair que
cette plaque à rebords irréguliers, représentant un combat d'animaux,
se prête encore moins que le bronze de M. Eumorfopoulos à jouer
le rôle d'un hou-fou. J'ai eu naguère à la fois entre les mains le
bronze de M. Eumorfopoulos et celui de M. Stoclet, et ai rédigé
à leur sujet une note pour le livre où M. Vignier doit discuter
les principaux problèmes soulevés par les bronzes chinois; mal-
400 PAUL PELLIOT.

heureusement, je ne puis me reporter à cette note actuellement ).


Si mon souvenir est exact, la plaque de M. Stoclet est renfermée
dans une boîte de bois qui porte une inscription due à Siu T'ong-po,
et il y est dit que l'objet a fait partie sous les Ming des collections
de fêtlRHr Tch'en Ki-jou (1558—1639). Tch'en Ki-jou est un
polygraphe qui fut aussi amateur d'art; mais lui-même nous a laissé
des descriptions des objets qu'il possédait; je crois pouvoir affirmer
que le bronze de la collection Stoclet n'y figure pas.
Ainsi deux bronzes de style "scytho-sibérien", qui à des degrés
divers ne répondent pas au rôle normal des liou-fou. portent tous
deux une inscription identique, numéro d'ordre compris, qui en
ferait des hou-fou donnés à l'un ou l'autre des deux célèbres
"maréchaux Dompteurs des vagues" ayant guerroyé sous les Han
dans la Chine méridionale et au Tonkin; ce n'est guère admissible.
On pourrait, à la rigueur, songer à une autre solution. Si l'histoire
connaît surtout deux "maréchaux Dompteurs des vagues", il y en
a eu d'autres, tant sous les Han que sous les "Wei des Trois Royaumes,
sous les Tsin et sous tous les états des Six dynasties, aussi bien
ceux du Nord que ceux du Sud; c'était un titre régulier, assez
peu élevé d'ailleurs après les Han (peut-être dès la fin des Han)
puisqu'il ne comptait qu'au 5e degré mandarinal, et même parfois
au 5e degré inférieur2); il avait été adopté jusqu'en une région
où le titre de "Dompteur des vagues" paraît singulièrement hors de

1) Quandj'ai écrit cette note il y a deux ou trois ans, je ne connaissais naturelle-


ment pas le t. II de M. Yetts qui vient de sortir; en outre je n'avais alors relevé' ni
le passage du Tsovg-koii-fang Iconun-tche hio de Siu T'ong-po, ni celui du Eouo-ich'ao

2) Cf. le ^ "^ ||* £p


kiu-iven icliou-lov. piao de Wang Kouo-wei.
Tjfe T.n hou konan-yin k'ao de Jg pfa ^ K'iu
Tchong-jong (1769—1841 [ou 1842?]; c'était le gendre de Ts'ien Ta-liin), publié il
ya
quelques années par le Tong-fang hio-houei, 5,1. Un Fon-po tsiang-kiun appelé Sï^ ^ifér
Mou Lo a calligraphié l'inscription de 549 reproduite dans le Ein-che ts'ouei-pien, ch. 31,
in fine.
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 401

propos, à savoir le royaume de Kao-tch'ang au Turkestan chinois 1).


Même à nous en tenir aux Han, on connaît à la fin des Han orientaux
au moins deux autres "maréchaux Dompteurs des flots", qui sont
|gC g Tch'en Teng et J| ^ '|$ Hia-heou Touen2); il y en a
eu certainement d'autres. Nos hou-fou pourraient avoir appartenu
à l'un quelconque de ces "maréchaux Dompteurs des flots" des
Han, voire des Trois Royaumes ou des Tsin, connus
ou inconnus.
La même solution pourrait valoir pour un cachet fîff ||M1
Fou-po tsiang-hiun tchang, "Sceau du maréchal Dompteur des flots",
encore qu'on ait voulu prouver que ce cachet ne pouvait être que
celui de Ma Yuan s). En ce cas, on pourrait supposer que le hou-fou

1) Letitre est indiqué dans la notice du Kao-tch'ang insérée au Pei che 97, 5
a.
L'épigraphie confirme cette indication: dans l'inscription de ;p|J jfâr K'iu Pin trouvée
en 1911 dans la partie orientale de l'oasis de Turfan, et dont une partie est de 556,
"une autre de 575, un agnat de la famille royale du Kao-tch'ang porte le titre de Fou-po,
"dompteur des vagues" (cf. cette inscription dans l'éd. du Sin-lciang i'ou-tclw publiée
le Tong-fang hio-houei, 89, 12 £—16 £). L'inscription inédite de ||| -fj^ j|# K'iu Che-
par

jue, trouvée dans la région de Qarakhojo et aujourd'hui à Berlin, mentionne encore un


Fou-po isiang-kiun; cette inscription, postérieure à la conquête chinoise de 640, est de
la deuxième moitié du VIIe siècle. 2) Cf. San-houo iche, 7, 4 b; 9, 1 b.
3) Cf. le Tsi Icou kouaii-yin Mao de K'iu Tchong-jong, 5, 1 a—2 a. K'iu Tchong-
jong, qui n'a pas vu lui-même ce cachet, le décrit d'après le WM X* ^3§* tV HJ gg
Ki-kou-lchai hou-yin p'ou de .TJ. |p3 J^J Wou Kouan-kiun (1684), et ajoute qu'il'figure

antérieurement dans le 4É| "i* hn gg Tsi hou-yinp''oit de fin, J\^ VW Fan Ta-tch'ô
(1600; il s'agit d'un membre de la famille des célèbres bibliophiles Pan de Ning-po) ;
mais alors je ne comprends pas comment la discussion de K'iu Tchong-jong parle de ce
cachet comme étant "en [bronze] doré, à bouton [en forme] de chameau", au lieu que
le texte qu'il emprunte au catalogue de Fan Ta-tch'ô dit "en [bronze] doré, à bouton
[en forme] de tortue". J'ajouterai que, d'une façon générale, on me paraît retrouver en
Chine trop de cachets ayant appartenu à des personnages célèbres; juste avant le cachet
du "maréchal dompteur des vagues", qu'on pourrait en somme attribuer à des gens moins
connus que Lou Po-tô ou Ma Yuan, K'iu Tchong-jong étudie, d'après le f[0. ^" Jf~ j|jl
Mieou-tchouan fen-yun de ;jt[: |H| Kouei Fou (1736—1805 [ou 1806?]), un cachet portant
gU Érfi fjâu Epp fTj "cachet du maréchal de Eul-che";
, or il semble bien qu'il n'y
ait eu qu'un maréchal de Eul-che, le fameux Li Kouang-li (f 90 ou peut être 89 av. J.-C;
la date de f 94 donnée dans Giles, Biogr. Bict., n° 1161, est fausse), qui devait ce titre
à la campagne qui l'avait mené jusqu'à la ville de Eul-che au Perghâna; il n'est pas
impossible, mais il est a priori assez étonnant qu'on ait retrouvé précisément son cachet.
402 PAUL PELLIOT.

Eumorfopoulos a été fait en quelque circonstance anormale, et


qu'on a adopté un modèle "scytho-sibérien" parce qu'il s'agissait
d'un général envoyé contre les nomades de Mongolie. Quant au.
bronze doré de la collection Stoclet, on sait que ces plaques vont
généralement par paires, à sujets symétriquement opposés; on
devrait alors admettre que les deux plaques qui se répondaient
ont été appliquées l'une contre l'autre, et qu'on a gravé sur leur
tranche, tant bien que mal, l'inscription dont une des plaques ne
nous garde naturellement qu'une moitié, celle de gauche; ici en-
core, et plus que pour le bronze Eumorfopoulos, un tel procédé,
sous les Han orientaux, ne se comprendrait guère qu'à un moment
particulièrement troublé, et sous l'influence de quelque menace ou
de quelque invasion venue de Mongolie. Mais la pièce pourrait
aussi provenir des Tsin occidentaux, ou même de quelqu'une des
petites dynasties d'origine nomade qui ont règne dans la Chine du
Nord sous les Six dynasties.
L'examen matériel des pièces devrait permettre de se prononcer
pour ou contre l'authenticité; je dois bien reconnaître que je n'ar-
rive pas sur ce point à des conclusions formelles. Il est délicat de
traiter de telles questions sans avoir les objets sous les yeux.
Autant qu'il m'en souvienne, je n'ai rien vu dans le bronze
Eumorfopoulos qui fût caractéristique d'une falsification; les ca-
ractères d'écriture sont du type Han, mais on a continué de les
employer de même par archaïsme sur les hou-fou jusque sous les
Tsin; la netteté de leurs bords peut venir de ce qu'ils auraient
été protégés par les incrustations d'or ou d'argent que l'analogie
d'autres hou-fou amène M. Yetts à supposer. Le bronze n'est
atteint par aucune oxydation, et n'est évidemment pas du type
ordinaire des alliages chinois des Han; mais son caractère "scytho-
sibérien" peut rendre compte de cette apparence particulière ; à
défaut d'une oxydation qui aurait rongé le métal, la pièce montre
LES BRONZES DE LA COLLECTION ' EUMORFOPOULOS. 403

une . patine à. nuances' rougeâtres qui ne semble pas en faveur


-

d'une fabrication récente; mais ceci encore n'est pas décisif, du


moins dans l'état actuel de nos connaissances, puisque la pièce
a
•déjà été vue par Tcliang T'ing-tsi en 1822 et remonte donc de
toute façon à plus de cent ans !). On n'a, je crois, aucun autre
hou-fou des Han, des "Wei ou des Tsin avec
une titulature de
isiang-kiwi (sauf celui de la collection. Stoclet); mais précisément
le hou-fou Eumorfopoulos est d'un type aberrant par rapport aux
Kou-.fou- connus, qui sont principalement des hou-fou donnés à des

préfets {t'ai-cheou) ; un hou-foii de tsiang-kiun donné par exemple


sous, les Tsin occidentaux, peut-être' même sous une dynastie
septentrionale d'origine nomade, n'est pas nécessairement du type
employé couramment pour les fonctionnaires chargés sous les Han
et les Tsin d'une administration territoriale régulière. Quant à la
plaque de la collection Stoclet, rien ne me paraît permettre de
mettre en doute son authenticité. Comme de juste, on pourrait
supposer que la plaque est authentique, mais que l'inscription est
Tine addition récente. Si mes souvenirs sont exacts, je n'ai rien vu
dans l'inscription elle-même qui imposât cette conclusion. Les ca-
ractères donnent l'inscription d'une gravure ancienne, même en un
endroit où la tranche avait été légèrement endommagée et réparée.

1) Sur la face intérieure, plate, du hou-fou Eumorfopoulos, est gravé un cachet de


collection, qui ne peut être naturellement, comme le dit M. Yetts, qu'une addition (il
& été gravé dans le sens de la plus grande longueur de l'animal, ce qui est aDormal à
jjremière vue puisqu'il se présente ainsi latéralement, mais c'est vraisemblablement parce

dit). M. Yetts le lit "Chin Fu-t'ing's Collection" (= ^ ||j| ^i |j||


qu'on a voulu lui donner la même direction qu'aux inscriptions du Jwu-foti proprement
; je ne pourrais
•garantir, d'après la planche seule, la restitution des deuxième et troisième caractères,
mais M. Yetts m'en a obligeamment envoyé une copie manuscrite). Il serait bon, pour
d'histoire de la pièce, d'identifier ce "Kin Fou-ting", qui paraît être, appelé ici d'après
son hao, non d'après son ming; je.ne trouve rien sur lui actuellement.
404 PAUL PELLIOT.

Il n'en reste pas moins, contre l'authenticité, des arguments assez


forts: le libellé anormalement long de la titulature, les dimensions
et le poids du bronze Eumorfopoulos, le caractère "scytho-sibérieD"
des deux pièces, l'identité absolue de leur texte y compris le
numéro, le silence de K'iu Tchong-jong, de Wong Ta-nien et de
M. Lo Tchen-yu 2) sur ces pièces dans leurs répertoires de hou-fou

alors que celui de M. Eumorfopoulos tout au moins leur était


sûrement connu par la collection de Tchang T'ing-tsi, la condam-
nation portée par Wang Kouo-wei sur ce même hou-fou. Il s'y
ajoute une circonstance troublante. Si mon souvenir est exact,
c'est bien Siu T'ong-po qui a écrit la note gravée sur la boîte de
la plaque Stoclet et où il est prétendu, sans aucun fondement
semble-t-il, que cette plaque a appartenu sous les Ming à Tch'en
Ki-jou; or on a vu que Siu T'ong-po connaissait chez Tchang
T'ing-tsi le hou-fou de la collection Eumorfopoulos, de texte ab-
solument identique. On ne peut se défendre de craindre qu'il y ait
eu là, de la part de Siu T'ong-po, quelque mystification. Le pro-
blème de ces deux prétendus hou-fou, à part même de leur attri-
bution éventuelle à Lou Po-tô ou à Ma Yuan, est d'une impor-
tance réelle aussi bien pour l'archéologie purement chinoise que

1) Le JF|| lïj? Â-^f TH Â-A* Xfr Tsi kou Iio/r-fou iju-fou k'ao de K'iu Tchong-
""jjT

^t ^ gtft Kou ping-fou.


jong a été édité par le Tong-fatig hio-houei à la suite de son Tsi kou kouan-ijin k'ao-
(cf. aussi le t. II ~^ J=k
k'ao Ho de ^ -b~
de M. Yetts, p. 86, n° 35). Le
4E
Wong Ta-nien (milieu du XIXe siècle), resté à l'état de brouillon
incomplet, a été publié en 1916 par M. Lo Tchen-yu (cf. Yetts, t. II, p. 92, n° 153).
M. Lo Tchen-yu est lui-même l'auteur du J^pC 4\* j^£ jjS jg| ^L
Li-tai fou-p'al
t'on-lon (1914) et du Li-tai fou-p'ai t'ou-lou heou-pim [ -£& &&, ] (1916); il a réédité":
et complété ces deux recueils en 1925, ajoutant en particulier la série de hou-fou com-
plets qui ont été acquis depuis lors par M. Loo et dont un a passé dans la collection
David-Weill; il n'y est toujours question ni du bronze de la collection Eurnorfopoulcs..
ni de celui de la collection Stoclet (cf. Yetts, II, p. 89, nos 85, 86, 88).
LES BRONZES DE LA COLLECTION EUMORFOPOULOS. 405

pour l'histoire de l'art "scytho-sibérien", et je souhaite que M. Yetts,


en soumettant le bronze Eumorfopoulos à un nouvel et minutieux
examen, nous le résolve définitivement.

— J'estime que von Le Coq a donné aux objets trouvés


P- 81 :

par lui à Tumsuq une date trop haute; par ailleurs, malgré les
théories de M. Sten Konow qui veulent rattacher Kaniska à Khotan,
je crois hautement improbable que Tumsuq, au Nord de Maralbasi,
ait jamais fait partie du territoire de ce souverain indoscythe. Il
me semble d'ailleurs que M. Yetts, malgré sa réserve, incline à
penser comme moi au sujet des dates.

Pp. 88—89: — La bibliographie du T. II est non moins à jour


que celle du T. I, tant pour les travaux européens que pour les
travaux extrême-orientaux. Je voudrais seulement faire une double
remarque de détail: ^p yfc S
-"-"i Kouang-t'ing, l'auteur du n° 80,

est un auteur sans critique, et je montrerai prochainement comment,


dans son $|L Hf i$
{§[} ^f" Han Si-yu t'ou-k'ao, il
a accueilli les
yeux fermés un pseudo-texte des Song fabriqué maladroitement au
XIXe siècle. Quant au |j| ^ |£
f^ Ts'iuan-pou fong-tche (n° 98),
c'est en grande partie un recueil de faux -1).

Au cours du présent compte rendu, j'ai été amené à discuter


des questions très diverses; leur variété même montre la complexité
des problèmes que M. Yetts a dû aborder et l'ampleur qu'il a

1) Voici de rares Errata au t. IL P. 15: "78 I 42", lire "78 I 421". P. 21,
1. 3: lire "Fu-po Chiang-chûn". P. 44, avant le 3e alinéa: "third référence"; lire

"fourth référence". P. 46, 1. 19 à partir du bas (etp. 98): "Ko-chai...", lire "K'o-chai..."'
comme à p. 92, s.v. "Wu Ta-ch'êng".
406 PAUL PELLIOT.

donnée à ses enquêtes. Nul "ne'pourra, plus parler de la technique


des bronzes chinois, ni aborder l'étude des vases rituels, des cloches,
des tambours, des miroirs, .sans se. référer à ses exposés.. Je les ai
examinés ici surtout en philologue; il faut bien se limiter. Mais
l'étude artistique et archéologique des bronzes eux-mêmes ferait
aisément l'objet d'un long article. Les objets de la collection
Eumorfopoulos sont souvent d'une importance et d'une beauté
exceptionnelles, et les planches, par leur exécution matérielle,, sont
dignes des objets.
ARNOLD VISSIÈRE
PAR

PAUL PELLIOT.

Jacques Antoine Arnold YISSIÈRE, qui est mort à Paris le 28


mars 1930, y était né le 2 août 1858. Diplômé de chinois le 25
novembre 1879 et entré au Ministère des affaires étrangères en
janvier 1880, il fut d'abord mis, comme élève-interprète hors cadre,
à la disposition de la mission brésilienne qui négocia le traité
d'amitié et de commerce entre le Brésil et la. Chine; il fit ensuite
presque toute sa carrière active à Pékin, où il gravit les échelons
de l'interprétariat. Yissière a été le dernier représentant de la lignée
des grands "premiers interprètes", qui, tels les "premiers drogmans"
des ambassades en Turquie, n'avaient pas seulement pour rôle de
traduire les dépêches, mais étaient les véritables conseillers des
ministres par leur familiarité avec une civilisation très différente
de la nôtre, très attachée à ses vieilles traditions et qu'il fallait
bien connaître pour traiter avec elle sans la froisser inutilement.
Aujourd'hui, une grande partie du personnel diplomatique chinois
a habité l'étranger et manie l'une ou l'autre des principales langues
occidentales. Le rôle des interprètes européens tend donc en Chine
à se réduire, comme il l'a fait au Japon. Mais ce serait se mé-
prendre étrangement que d'apprécier à la mesure des conditions
présentes un passé qui n'est cependant pas vieux de cinquante ans.
Quant à la connaissance même de la langue chinoise écrite, telle
qu'on l'employait dans les documents officiels, Yissière l'avait ac-
408 PAUL PELLIOT.

quise dans toutes ses tournures et toutes ses nuances; il a été 1 un


des très rares interprètes qui ont pu traduire directement en style
officiel une communication au Tsong-li ya-men sans que le "lettré'"
chargé de la revoir au point de yue du style trouvât autant dire
rien à y changer. Ses traductions françaises de documents officiels
chinois sont, elles aussi, d'une exactitude minutieuse; pour les vingt
dernières années du XIXe siècle, c'est à elles que Y Histoire des relations
de la Chine avec les puissances occidentales, publiée en 1901 —1902

par Henri Cordier, doit le meilleur de son information chinoise.


En 1899, Vissière vint prendre à Paris la chaire de chinois que
la mort de Devéria avait laissée vacante à l'Ecole des Langues
orientales vivantes; il continuait d'ailleurs d'appartenir au Ministère
des affaires étrangères par le poste de secrétaire interprète, qui
disparut avec lui quand il prit sa retraite du Ministère avec le titre
de ministre plénipotentiaire et entra à la Banque Industrielle de Chine.
La limite d'âge l'atteignit à l'Ecole des Langues en 1928, mais on lui
demanda d'occuper encore la chaire comme professeur nommé pour
un an; cette désignation lui fut renouvelée en 1929. La physionomie
alerte et jeune de cet homme dont les cheveux blanchis très vite
juraient avec un teint étonnamment frais, ne laissait pas soupçonner
son âge ni prévoir la brusquerie de sa fin. Ainsi, pendant trente ans,
c'est Vissière qui a eu la charge de préparer, pour la France et, dans
bien des cas, pour l'étranger, de jeunes sinologues qui iraient vers
l'administration, vers les affaires, vers la science. Xotre pays a dans ce
domaine une tradition glorieuse qui n'a pas périclité entre ses mains.
A côté de ses tâches professionnelles d'interprète ou de professeur,
Vissière s'est intéressé à des questions très variées touchant cette Chine
qu'il connaissait si bien, et il a publié à leur sujet un assez grand nom-
bre de mémoires ou d'articles. En voici la liste complète; je la dois
avant tout au répertoire qu'en a tenu lui-même cet homme si ordonné
et que Madame Vissière a bien voulu me communiquer.
ARNOLD YISSIÈRE. 409

1° ^ |ç| ^ ^ Ngan-nan Ici yeou, Relation d'un voyage au Tonkin


^
par le lettré chinois P'an Ting-kouei ^J. J^} traduite et annotée,
Paris, Leroux, 1890, in-8, 17 pages (extr. du Bull, de géogr. hist.
et descr., IV [1890], n° 2).
2° Recherches sur Vorigine de l'abaque chinois et sur sa dérivation
des anciennes fiches à calcul, Paris, Leroux, 1890, in-8, 28 pages
(extr. du même Bull., 1892).
3° Un message de l'empereur K'ia-k'ing [lire "Kia-k'ing"] au roi
cVAngleterre Georges III, retrouvé à Londres, Paris, 1896, in-8,
12 pages (extr. du même Bull., 1895).
4° Deux chansons politiques chinoises, 10 pages (extr. du T'oung Pao,
lie série, t. X [1899], 213—222).
5° Comment doivent s'écrire les noms Chinois {La Chine nouvelle,
1899, n6 4, pp. 529—533).
6° Une langue qui s'éteint {Bull, de la Soc. d'ethnogr., 41e année,
n° 119 [30 nov. 1899, pp. 86—89]; il s'agit du mandchou; cf.
aussi T'oung Pao, 1899, p. 497).
7° Le phénomène du mirage chez les poètes chinois, 4 pages (extr.
de La Chine nouvelle, 2e année, n° 5, janv. 1900, pp. 39—42).
8° Le nom de Kouang-tcheou-wan {ibid., 2e année [1900], n° 6).
9° L'Odyssée d'un prince chinois, -^ j^ S|^- jipf Hang liai y in ts'ao,
Essais poétiques sur un voyage en mer, par le septième prince,
père de l'empereur Kouang-siu, traduits et annotés, Leyde, Brill,
1900, in-8, 86 pages (tir. à part de T'oung Pao, II, i, 33—62,
125—148 et 189—218). [Comptes rendus dans le Temps, par A.
Chevalley; dans la Semainep<olit. et littéraire (n° 30), par Gr. Reynier;
dans Rev. d'hist. diplom., 5e année, n° 1, par Gr. Baguenault de
Puchesse.]
10° Pékin, le Palais et la Cour, Caen, 1900, in-8, 32 pages (réimpr.
des Mém. de l'Acad. nat, des Sciences, Arts et B.-L. de Caen, 1900).
[C'est le texte d'une conférence que Vissière avait faite à l'Ecole
Coloniale le 12 juin 1900.]
11° Généalogie du prince K'ing, 4 pages (extr. de T'oung Pao, II, i,
342—344).
12° Quelques pensées d'un homme d'Etat chinois, in-12, 7 pages (extr.
de' La Chine nouvelle, 2e année, n° 9 [1909], 47—52).
13° Le prince Tch'oun {Chine et Sibérie, n° 26 [janv. 1901]; cf.
T'oung Pao, 1901, 163).
14° Coup d'oeil sur la Chine économique {ibid., n° 27 [1901]).
15° Le prince Sou {ibid., n° 27 [1901]).
410 PAUL PELLIOT.

16" Un jugement au Céleste Empire (La Sein, polit, et Mit., 25 mai


1901, n° 21; cf. Toung Pao, 1901, 216).
17" (anonyme) Un Américain mandarin et le partage de la, Chine
(Chine et Sibérie, n° 31 [1901]).
18" Une visite à Vancienne capitale du Manzi (Chine méridionale),
avec carte (Bail, de la Soc. de géogr. commerciale, t. XXIII [1901],
nos 3, 4 et 5). [Sur Hang-tcheou ; conférence faite à la Société
le 19 février 1901. Reproduite dans Echo de Chine, 26, 27, 29
et 30 juillet 1901.]
19" Cours pratique de chinois (Langue mandarine de Pékin) (Chine
et Sibérie, n 08 33, 34, 37, 38 [1901]). [Contient les 5 premières
leçons, seules publiées dans cette revue.]
20" La Gazette de Pékin (Chine et Sibérie, n" 34 [1901]).
21" Le nom chinois des zones neutres (JA, mai-juin 1901, 545—549).
22° (anonyme) Tchong Tche-tong, vice-roi des Deux Hou (Chine et
Sibérie, n° 36 [1991]).
23" Le navire à vapeur, poésie chinoise par le marquis Tseng (ibid.,
n° 37 [1901]).
24° (anonyme) Tables de transcription française des sons chinois,
Publ. du Min. des Aff. Etrang., Angers, 1901, petit in-folio, 17
pages. [Cf. aussi nos 28 et 29 ; mon article (anonyme) Notre
transcription du chinois, dans BEFEO, II (1902), 178—184; et
Table de transcription (système Vissière), adoptée par l'Ecole Fran-
çaise d'Extrême-Orient, slnd [Hanoi, 1902], in-8, 6 pages.]
25" Le Pei-ho maritime ou Hai-ho (Bull, du Coin, de l'Asie franc.,
1901, 400).
26" Traité des caractères chinois qne Von évite par respect (Wr $i£ *T*-),
in-8, 54 pages (extr. de JA, sept.-oct. 1901, 320—373).
27" De Vénonciation du taux d'intérêts, en chinois, in-8, 9
pages
(extr. de Toung Pao, II, n [1901], 378—385).
28" (anonyme) Notice bibliographique sur les " Tables de Transcription
française des sons chinois" (Bull. Corn. As. franc., janv. 1902, 48).
p.
[Cf. nos 24 et 29.]
29" Méthode de transcription française des
sons chinois, adoptée par
le Ministère des Affaires Etrangères, Paris, in-12,
22 pages (tir.
à part du Bull. Corn. Asie franc.,
mars 1902, 112—117). [Cf.
n03 24, 28 et 91.]
30" Lj'audience de congé du marquis Tseng à Pékin (1878), Paris,
1902, in-8, 15 pages (extr. de Piev. d'hist. dipl., 1902, n°
2).
31" Recueil de textes chinois à l'usage des élèves de l'Ecole Spéciale
des Langues Orientales Vivantes, Paris, Leroux, in-8:
lre et 2e livr.
ARNOLD VISSIÈRE. 411
1902; 3e et 4e, 1903; 5°, 6° et 7e, 1904; 8e et 9e, 1905; 10e et
11e, 1906; 12e, 1907; en tout xxxn + 184
pages; Supplément,
nos 1, 2, 3, Grlûokstadt et Hambourg; J. J. Augustin, 1922, in-8,
64 pages.
32° Notice sur Canton (dans Guides Madrolle, uIndo-Chine, Indes,
Siam", Paris, 1902, in-12, pp. 168—177).
.
33° Rudiments de la langue chinoise, Paris, Comité Asie Française,
1904, in-12, 36 pages (extr. de Guides Madrolle, Chine du Nord,
Paris, 1904, in-12).
34° Notices historiques des villes de Chine, etc. (dans Guides Ma-
drolle, Chine du Sud et de VEst, Paris, 1904, in-12).
35° Id. (dans Guides Madrolle, Chine du Nord et de V Ouest, Paris,
1904, in-12).
36° Une particularité de récriture chinoise. Les caractères renversés,
18 pages (extr. de JA, janv.-févr. 1904, 97—114).
37° Comptes rendus de Sainson, L'Histoireparticulière du Nan-tchao
dans Bull. Corn. As. franc., avril 1904, p. 215, et dans JA,
mars-avril 1904, 359—363).
38° De la chute du ton montant dans la langue de Pékin, 1904,
in-8, 15 pages (extr. de Toung Pao, II, v [1904], 448—460).
39° Biographie de Jouàn Yuan, 1904, 38 pages, avec 1 portrait
(tir. à part de Toung Pao, II, v [1904], 561—596).
40° Un sceau de Tsiâng K'iû, ministre du royaume de Yen au
IIIe siècle avant l'ère chrétienne, in-8, 23 pages, avec 1 planche
(extr. de Bec. de mém. orient, publié par les professeurs de l'Ecole
des L. O. V. à l'occasion du Congrès d'Alger, Paris, 1905, in-8,
pp. 265—287).
41° L'ouverture de Yunnansen au commerce international (Le mois
comm. et mar., 10 sept. 1905).
42° La réforme monétaire en Chine (Bull. Com. Asie franc., janv.
1907, p. 23).
43° Nouvelles écoles de Pékin (ibicl., févr. 1907, p. 73; reproduit
dans Bev. indochinoise, 15 juillet 1908, p. 70).
44° Un quatrain de VEmpereur de Chine, in-8, 6 pages (extr. du
Bull, de la Soc. franco-jap., mars 1907 [n° 6]).
45° Nouveaux centres administratifs chinois sur la Soungari (Bull.
géogr. hist. et descr., .1907, n° 1).
46° La langue chinoise (conférence), in-8, 14 pages (tir. à part du
Bull, de VAssoc amie, franco-chinoise, 1907, n° 1, 30—49).
47° Chine et Turquie dans le Journal de voyage de Sie Fou-tcli eng
(Bev. du monde musulman, lre année, t. III [août-sept. 1907],
pp. 1-9).
412 PAUL PELLIOT.

48° Encouragement au commerce, à Vindustrie et à Vagriculture en Chine


(Bull, de l'Ass. arn. fr.-chin., 1901, n° 1, 50—61).
49° Journalisme chinois (Bidl. Corn. Asie fr., déc. 1907, 509—510).
50° S. M. L'Empereur de Chine. — Calendrier Sino-français. —
Les herbes, poésie de Po Kiu-yi. — Le pjo'ëte Tou Fou voit en rêve
Li Po. — Extraits de la presse chinoise. — Bibliographie. (Bull.
Ass. am. fr.-chin., I, n° 2 [1908], 114—116 et 125—135).
51° Le Seyyid Edjell Chams ed-Din Omar (1210—1279) et ses deux
sépultures en Chine, in-8, 17 pages (tir. à part de Rev. du monde
musulman, IV [févr. 1908], 330—346). [Cf. n° 57. Compte rendu
par Chavannes, dans Toung Pao, 1908, 268—272.]
52° Compte rendu de E. H. Parker, Ancient China simplifiée! (Bull.
Corn. As. fr., nov. 1908, 492).
53° Double deuil national chinois. — Les Envoyés-étoiles. — Extraits
de la presse chinoise.
— Bibliographie (Bull. Ass. a/m. fr.-chin.,
I, n° 3 [1909], 200—201 et 204—217).
54° Quelques papiers de la mission d'Ollone en Chine (Rev. du monde
musulman, YI [déc, 1908], 703—707).
55° Lettre à Al. Finot, rédacteur du "Journal asiatique" (sur le
mémoire de M. Chavannes, Un faux archéologique chinois) (JA,
nov.-déc. 1908, 455—465). [Cf. aussi mon étude, BEFEO, 1909,
379—387.]
56° Premières leçons de chinois (Langue mandarine de Pékin), Leide,
Brill, 1909, in-8, x -4- 185 pages, avec 1 planche. [Compte rendu
par H. Maspero dans BEFEO, 1909, 808—809.] 2e éd., Leide.
1914, ix -f- 192 pages. [Compte rendu par L. Aurousseau dans
BEFEO, 1915, n" 4, p. 39.] 3e éd., Leide, 1928, in-8, ix+192
pages.
57u Etudes sino-rnahométanes, lre série, I et II (Rev. du monde mus.,
juillet-août 1909, 343 — 368); III (ibid., mars 1910, 313—356);
IV (ibid., oct. 1910, 167—193); V (ibid., janv. 1911, 30—63).
Un tirage à part global a été fait des cinq articles de cette
première série, Paris, Leroux, 1911, in-8, 144 pages. Le tout,
avec d'autres articles parus dans la même revue, a été réimprimé
dans Public, de la mission d'Ollone, Recherches sur les musulmans
chinois, Paris, Leroux, 1911, in-8, pp. 25—49,93—131, 141 165,

221—222, 294—297, 362—369, 389—419. 2e série, I (Rev. du
monde mus., juillet-août 1911, 60—69; II et III (ibid., mars 1912,
162—184); IV et V (ibid., juin 1912, 228—259); VI, en colla-
boration avec Clément Huart (ibid., sept. 1912, 268—281); VII
(ibid., mars 1913, 1—84). Un tirage à part global des sept articles
ARNOLD YISSIÈRE. 413

de cette' seconde série a paru, Leroux, 1913, in-8, 160 pages.


-
[Compte rendu par P. Pelliot, dans LA, janv.-févr. 1914, 203—208.]
3° série, I (ibid., déc. 1913, 282—306); II et III (M., juin 1914,
' 141—161); IV (ibid., juin 1914, 162—173).
58° Du déchiffrement de l'écriture cursive chinoise.
— Spécimen de
l'écriture de Tseng Kouo-fan. — Un autographe de l'Empereur
Kia-h'ing. — Comptes rendus bibliographiques (Bull. Ass. am.
fr.-chin., I, n° 6 [1909], 431—437, 476, 500—514).
59° Stèle de Chouang-t'a-p ou (Traduction).
— Description officielle
du Ning-ling-t'ing (Traduction) (Rev. du monde mus., juin 1909,
IX, 590—592).
60° Calendrier sino-français. — Enseignement du chinois à Paris.

Harbin. — Le Soja. — Bibliographie (Bull. Ass. am. fr.-ch., II
[1910], n° 1, 5—7, 57—64, 80—83).
61° Les Douanes Impériales (2e partie, anonyme). — La langue chinoise
au Siam (avec M. Notton). — La salle des trois anguilles. —• Le nom
Kou-yue-hiuan. — Extraits de la presse chinoise. -— Bibliographie
(ibid., II, 2 [avril 1910], 156—164, 170—174, 190—192).
62° Examens de langue chinoise à Paris.— Deux extraits delà presse
chinoise. — Bibliographie (ibid., II, 3 [juillet 1910], 265—266,
283—284, 293—294).
63° Trois lettres de l'empereur K'ien-long au Khan du Baclakchan
(Rev. du monde mus., juill.-août 1910, 387—395). [Réimprimé dans
Etudes sino-mahométanes, lre série, 136—144, et dans Bubl. miss.
cVOllone, Rech. sur les Musulmans chinois, 362—369.]
64° Deux articles des "Extraits de la presse chinoise". — Nécrologie
de Henri Quesvin (anonyme). — Bibliographie (Bull. Ass. am. fr.-ch.,
II, 4 [oct. 1910], 413—415, 418—419, 425—428).
65° Comptes rendus de Lionel Griles, Sun Tzû, et de Bushell, L'art
chinois, traduit par d'Ardenne de Tizac (JA, sept.-oct. 1910, 406—
410).
66° Calendrier sino-japonais. — Bibliothèque Nationale: fonds chinois
(anonyme). — Bibliographie (Bull. Ass. am. fr.-ch., III, 1 [janv.
1911], 3, 59, 76—84).
67° Un' manuscrit poétique de l'empereur K'ien-long. — Deux livrets
de jade de la collection du comte de Semallé. — Bibliographie (ibid.,
III, 2 [avril 1911], 105—113, 175—176, 191-196, 199—201).
68° (anonyme) Sir Robert Hart. — Bibliographie (ibid., III, 4 [oct.
1911], 381—382, 390—394).
69° La rivière Ya-long et ses affluents (lre partie). — Bibliographie
(ibid., IV, 1 [janv. 1912], 85-90, 109-110).
414 PAUL PELLIOT.

70" Compte rendu de Martin-Fortris, Manuel international de trans-


cription des sons de la langue mandarine (VAsie française, févr.
1912, p. 88).
71" Compte rendu de Public, de la mission d'Ollone, Recherches sur
les Musulmans chinois {ibid., avril 1912, 167—168).
72" (anonyme) Empire et République en Chine. — Notes sur la géo-
graphie politique et Vadministration de la République chinoise. —
La transcription du danois en lettres latines. — Bibliographie
{Bull. Ass. arn, fr.-ch., IV, 2 [avril 1912], 127—132, 185—189,
216—223).
73" Notes sur la géographie politique..., IL — Les Hommes aux yeux
de couleur dans l'empire mongol ]). — Sceaux du général Fou K'ang-
ngan au Musée Guirnet. — Examens de langue chinoise a. Paris. —
Une estampe cVUtamaro à sujet chinois (par K. L. T. et A. V.)
{ibid., IV, 3 [juillet 1912], 291—299, 324—327).
74" Notes sur la géogr. polit..., III {ibid., IV, 4 [oct. 1912], 415—417).
75" Compte rendu de d'Ollone, Langues des peuples non chinois et
Ecritures des peuples non chinois (UAsie française, janv. 1913,
46—48).
76" Notes sur la géogr. polit..., LV.
— Groupements sino-français à
Pékin (anonyme). — Statuts de la décoration chinoise kia-ho, ou
de la Bonne Céréale (anonyme).
— Sur une peinture de Lieou
Sovg-nien {époque des Song).
— Bibliographie {Bull. Ass. arn. fr.-ch.,
V, 1 [janv. 1913], 39—44, 56 59, 93—99).

77" Le sceau des Indices de Vempereur E'ien-long.
— Notes sur la
géogr. polit...., V.
— Note sur un Impala. — Bibliographie {ibid.,
V, 2 [avril 1913], 157—166, 171 173, 188—190).

78" Examens de langue chinoise à Paris.
— Engagements dans le
service des postes chinoises.
— Notes sur la géogr. pcjlit..., VI. —
Un sceau impérial du Palais d'été {ibid., V, 3 [juillet 1913],
213 — 222).
79" Compte rendu de N. G., Notes pratiques sur la langue mandarine
parlée {JA, mai-juin 1913, 693 697).

80" Le nom du Yuan-ming-yuan, palais d'été.
— Notes sur la géogr.
polit..., VIL — Bibliographie {Bull. Ass. arn. fr.-ch., V, 4 [oct.
1913], 303—308, 322—327).
81" Compte rendu de Ed. R.ottach, La Chine en révolution {UAsie
française, nov. 1913, 495—496).

1)Je ne suis pas d'accord avec cette interprétation du terme de pcf Q sô-mou,
et je comprends mou au sens non pas d!"yeux", mais de "classe", "catégorie".
ARNOLD VISSIÈRE. 415
82° Compte rendu de Dr Legendre, Au Yunnan et dans le massif
du Kin-ho (ibid., déc. 1913, 530—531).
83° La décoration du Rang de mérite.
— Notes sur la géogr. polit...,
VIII. — Bibliographie {Bull. Ass. am. fr.-ch., VI, 1 [janv. 1914],
28—36, 63—65).
84° Compte rendu de La ligne du Chan-si, album (L'Asie firme,
févr. 1914, 82—83).
85° Nouvelles nomenclatures militaires en Chine [tir. à part, in-8, 16
pages]. — Les désignations ethniques Houei-houei et Lolo [compte
rendu par L. Aurousseau dans BEFEO, 1915, n° 4, p. 33.]

Compte rendu de Hirth et Rockhill, Chau Ju-lma (Chu fan chï)
(JA, janv.-févr. 1914, 59—70, 175—182 et 196—202).
86° Notes sur la géogr. polit..., IX (Bull. Ass. am. fr.-ch., VI, 2
[avril 1914], 107—109).
87° Notes sur la géogr. polit..., X.
— Examens de langue chinoise
à Paris. — Sou Tong-p'o sous la pluie.
— Bibliographie (ibid.,
VI, 3 [juillet 1914], 169—176, 179—183, 197—198).
88° Villes et pjorts de Chine ouverts au commerce international (JA,
juillet-août 1914, 161—173).
89° Notes sur la géogr. polit..., XI (Bull. Ass. am. fr.-eh., VI, 4
[oct. 1914], 234—236).
90° La marine chinoise et sa nouvelle nomenclature.
— Orthographe
officielle chinoise des noms de capitales étrangères (JA, nov.-déc.
1914, 639—658).
91° Méthode de transcription française des sons chinois (réimpression;
cf. n° 29). — Notes sur la géogr.polit..., XII (Bull. Ass. am. fr.-ch.,
VII, 1 [janv. 1915], 21—46).
92° Compte rendu de Charignon, Les chemins de fer chinois (LAsie
française, janv.-mars 1915, 34—36).
93° Le port de Long-k'eou, nouvellement ouvert en Chine (La Géographie,
avril 1915, 211—214).
94° Nouvelles divisions politiques de la Mongolie (ibid., nov. 1915,
376—379).
95° Les armoiries de la République chinoise. — Chants nationaux
chinois. — Le nom chinois du paon. — Principes cU gouvernement
de l'empereur K'ien-long. — Examens de langue chinoise à Paris. —
Facilités offertes aux étudiants chinois en France (anouyme). —
Notes sur la géogr. polit..., XIII. — Extraits de la presse chinoise. —
Nécrologie (anonyme). — Bibliographie (Bull. Ass. am. fr.-ch.,
VII, 2 [1915], 114—145, 155—161).
96° Compte rendu de Saeki, The Nestorian Monument in China,
(Intern. Rev. of Missions, oct. 1916).
416 PAUL PELLIOT.
97° Choses de Chine {Correspond. d'Orient, 25 sept. 1916).
98° Les lois conventionnelles de la République de Chine. — Examens
de langue chinoise à Paris.
— Nécrologie (anonyme) (Bull. Ass.
am. fr.-ch., VII, 3 [1916], 188—210, 216—221).
99° Compte rendu de Yule et Cordier, Cathay and the way thither
(Intern. Bev. of Missions, juillet 1918).
100° Comptes rendus de The Chinese Social and PoliticalScience Review,
vol. I, n° 1 (avril 1916); de J. M. Planchet, Les missions de Chine
et du Japon 1916] et de E.-A. Ross, trad. Delhorbe, La Chine
qui vient (New China Review, I, 1 [1919J, 96 — 100).
101° Le gouvernement de la République chinoise et sa représentation
diplomatique (JA, janv.-mars 1922, 49—62).
102" Notes sur la géogr. polit..., XIV (Bull. Ass. am. fr.-ch., YII, 4
[1922], 250—253).
103° Le gouvernement chinois. — Compte rendu de Wang Touen-
tch'ang, Etude juridique sur les effets de commerce chinois (Rev.
du Pacifique, nov. 1922, 129 131).

104" L'indemnité dite des Boxeurs due à la France (ibid.,janv. 1923,
79—82, et mars 1923, 301—303).
105° Le divorce dans le nouveau droit chinois, in-8, 19 pages (tir.
à part de ibid., mai 1923, 526 542). [A été reproduit dans la

Politique de Pékin.]
106" La Code commercial et les Chambres de commerce de la Répu-
blique chinoise, in-8, 22 pages (tir. à part de ibid., juillet 1923,
12—31). [A été reproduit dans la Politique de Pékin, 2 sept. 1923.]
107" Compte rendu de A. YValey, Index of Chinese artists (JA,
janv.-mars 1923, 111 — 114).
108" Législation chinoise sur les marques de commerce, in-8, 24
pages
(tir. à part de Rev. du Pacifique, oct. 1923, 330—351). [A été
reproduit dans la Politique de Pékin, 25 nov. et 2 déc. 1923.]
109° Les chambres d'agriculture en Chine, in-8, 16
pages (tir. à part
de ibid., nov. 1923, 427—440).
110" La Constitution définitive de la République de Chine, in-8, 22
pages (tir. à part de ibid., juillet 1924, 18—39.
111" La presse bolchéviste et la guerre civile en Chine (ibid.,
nov.
1924, 348—350).
112" L'Institut des Hautes Etudes chinoises de Paris.
— Travail et
capital en Chine (ibid., nov. 1925, 1092 1097 et 1121—1122).

113" "La voix de Mohammed", journal musulman et bolchéviste de
Pékin (Rev. du monde mus., vol. 62 [1925], 147—156,
avec 1 pi.
hors texte).
ARNOLD VISSIÈRE. 417
114° Compte rendu de G. Maspero, La Chine (La Géographie,
mars-avril 1926 [t. 45], 256).
115° L'Institut des Hautes Etudes chinoises de Paris (anonyme)
(Rev. du Pacifique, juillet 1926, 30—34).
116° Comptes rendus de d'Auxion de Ruffé, Chine et Chinois d'au-
jourd'hui] de Dubarbier, La Chine contemporaine; de A. Duboscq,
La Chine en face des puissances ; de Valentin, L'avènement d'une
République (La Géographie, juill.-août 1926 [t. 46], 166—168, 170).
117° Du classement des caractères chinois (Rev. du Pacifique, nov. 1926,
133—139).
118° Compte rendu de Pereira, Peking to Lhassa (La Géographie,
sept.-oct. 1926 [t. 46], 279).
119° Compte rendu de C. Notton, Annales du Siam, 1" partie
(ibid., nov.-déc. 1926 [t. 46], 420—421).
120° L'Institut des Hautes Etudes chinoises de Paris (Rev. du Pacifique,
15 mars 1927, 152—157).
121° Compte rendu de P. A. Legendre, La civilisation chinoise moderne
(La Géographie, janv.-févr. 1927 [t. 47], 164).
122° La Constitution chinoise et ses précédents français (I). —
L'Institut des Hautes Etudes chinoises de Paris. — L'Université
franco-chinoise de Pékin. — L'Institut des hautes études industrielles
et commerciales de Tientsin [anonyme] (Bull, franco-chinois, VIII, 1
[janv.-mars 1927], 14—24, 34—45).
123° Le dernier débordement du Fleuve Jaune (La Géographie, mars-
avril 1927 [t. 47], 224—227).
124° La concubine légale en Chine (Rev. du Pacifique, 15 mai 1927,
263—269).
125° La Constitution chinoise et ses précédents français (suite). —
Enseignement du chinois à Paris (anonyme). — Extraits de la
presse chinoise. — Bibliographie (Bull, franco-chinois, VIII, 2
[avril-juin 1927], 106—116, 146—152, 173—174).
126° Compte rendu de J. Brandt, Introduction to literary Chinese
(Rev. du Pacifique, 15 août 1927, 510—512).
127° Comptes rendus de Jean Bouchot, Scènes delà vie des Hutungs;
de Lao-P'ong-Yo, La Chine nouvelle; de Yerbrugge, La belle route-
maritime de France en Chine (La Géographie, juill.-août 1927 [t. 48],
101, 114—146).
128° La Constitution chinoise et ses précédents français [suite] (Bull,
franco-chinois, VIII, 3 [juill.-sept. 1927], 203—209).
129° Complément bibliographique pour l'étude du droit chinois (Rev.
du Pacifique, 15 déc. 1927, 711—725).
418 PAUL PELLIOT.

130° La Constitution chinoise et ses précédentsfrançais (fin)- —


L'Université catholique de Pékin. — La semaine de l'étudiant sino-
logue à Paris. — Extraits de la presse chinoise. — Compte rendu de
Tchou Kia-kien et Armand Gfandon, Anthologie delà poésie chinoise
(Bull, franco-chinois,VLII,4:[1927],218—284,309—316,351—352).
131" Comptes rendus de H. Maspero, IM Chine antique] de Gf. D.
Musso, La Cina e i Cinesi; de A. Smith, Moeurs curieuses des
Chinois {La Géographie, nov.-déc. 1927 [t. 48], 389—391).
132" Les musulmans chinois et la Lîépublique: littérature islamique
chinoise (Bev. des études islamiques, cahier III [1927], 309—319).
133" Les banques étrangères de Chang-hai jugées par un conférencier
chinois (Tîev. du Pacifique, 15 févr. 1928, 83—88).
134" La vengeance devant les rites et la justice dans la Chine médiévale
(Annales franco-chinoises, nn 5, 1er trimestre 1928, 5—12).
135" La semaine de Vétudiant sinologue a Paris (2e semestre 1928).—
Comptes rendus de Valentin, L'avènement d'une Liépublique, et de
Lao-P'ong-Yo, La Chine nouvelle: le double dragon, jaune ou rouge
(Bull, franco-chinois, IX, 1 [1928], 64—67, 78—80).
136" Comptes rendus de Jules Gautier, La Chine brûle, et de
Langdon Warner, The long old road of China (La Géographie,
janv.-févr. 1928 [t. 49], 143—144).
137" Compte rendu de Bagchi, Canon bouddhique en Chine (La
Géographie, mars-avril 1928 [t. 49], 325—326).
138" L'impôt foncier en Chine [trad. de l'anglais] (Bull, franco-chinois,
IX, 2 [avril-juin 1928], 117 — 125).
139" Extraits de la presse chinoise (ibid,, IX, 3 [juillet-sept. 1928],
238-243).
140" Comptes rendus de H.A.Franck, China, a geographicalreader;
de comte Sforza, L'énigme chinoise; de Wong Ching-wai, La Chine
et les nations (La Géographie, juill.-août 1928 [t. 50], 153—154).
141° La semaine de Vétudiant sinologue a Paris (année scolaire 1928—
29). — Les routes nationales dans le voisinage de Pei-p'ing (Pékin).

Bibliographie (Bull, franco-chinois, IX, 4 [oct.-déc. 1928], 325—334,
352).
142" Progrès de la colonisation chinoise dans (île de Hai-nan (Annales
franco-chinoises, n° 9 [1er trimestre 1929], 3—7).
143" La colonisation chinoise dans (île de Hai-nan (La Géographie,
janv.-févr. 1929 [t. 51], 77—80).
144° Les nénuphars d'or (Le Monde colonial illustré, mai 1929, 123).
p.
145° Compte rendu de Ting Tchao-ts'ing, Les descriptions de la Chine
par les Français (1650—1750), (Bull, franco-chinois, X, 1 [1929],
55—56).
ARNOLD YISSIÈRE. 419

146° Le traité d'amitié sino-turc et Vopinion musulmane en Chine {Rev.


des études islamiques, 1929, 1er cahier, p. 159.)
147° Notes sur la géogr. polit..., XV.
— Examens de langue chinoise
à Paris {Bull, franco-chinois, X, 2 [1929], 125—127).
148° Ouvrages chinois pour Vétude de Varabe {Rev. des études islami-
ques, 1929, 2e cahier, p. 349).
149° Quelques mots sur la poésie chinoise.
— A propos des Elégies
de Tch'où. — Examens de langue chinoise à Paris {Bull, franco-
chinois, X, 3 [1929], 153—158, 188—194).
150° Les lettres chinoises et les missionnaires catholiques.
— La semaine
de l'étudiant sinologue à Paris (1929—30).
— Bibliographie {ibid.,
X, 4 [1929], 211—217, 259—262).

En outre, Yissière laisse inachevé un Dictionnaire complémentaire


de langue chinoise moderne, politique, scientifique et commercial,
comprenant 1° les néologismes de la langue écrite et de la langue
parlée; 2° un répertoire de noms propres (histoire, géographie,
maisons de commerce, entreprises industrielles et financières); 3° un
index chinois-français des deux catégories précédentes, classé dans
l'ordre des 214 clefs.

De ces publications de Yissière, beaucoup ont un caractère


pédagogique, diplomatique ou administratif, et représentent les di-
vers aspects de ses activités professionnelles; d'autres ont été rédi-
gées pour servir ce Bulletin de l'Association amicale franco-chinoise,
devenu en 1927 Bulletin franco-chinois, dont Yissière a été, dès sa
fondation, l'animateur. Mais la sinologie pure n'en est pas absente.
Yissière a été un remarquable connaisseur de la langue chinoise,
sous toutes ses formes; il avait beaucoup lu en chinois, et se tenait
scrupuleusement au courant de la production sinologique européenne.
L'érudition lui est redevable des Etudes sino-mahométanes, riches
d'informations bien contrôlées. Un de ses premiers travaux, les
Recherches sur l'origine de l'abaque chinois, où il tente de montrer
que, tout au moins sous sa forme actuelle, l'abaque ou boulier n'a
420 PAUL PELLIOT.

été inventé en Chine qu'au XIVe siècle, est d'une importance réelle
pour l'histoire des sciences; on eût même souhaité, s'il en eût pu
trouver le loisir dans une vie fort occupée, qu'il reprît et étendît
ses recherches sur les anciens procédés du calcul chinois en utili-
sant les matériaux accessibles depuis 1892. D'abord interprète de
premier ordre, puis professeur aussi clair que consciencieux, Vissière
a été un traducteur de textes extrêmement précis. C'était aussi un
ami sûr; personnellement, je n'oublierai pas la bienveillance qu'il
m'a témoignée presque à mes débuts, il y a trente ans, et les rap-
ports cordiaux que nous avons toujours entretenus par la suite 1).

1) La carrière de Vissière a été évoquée par M. Paul Boyer dans le Temps du 4


avril 1930; voir aussi l'article nécrologique dans le Bull, franco-chinois, XI, 1 [janv.-
mars 1930], pp. 48 — 57, avec une photographie, et, pp. 63 — 74, une Bibliographie des
travaux de Vissière.
MELANGES.

L'ambassade de Manoel de Saldanha à Pékin.


Dans le T'oung Pao de 1928/1929, p. 195, après avoir dit que
H. Cordier (Hist. gén. de la Chine, III, 270) faisait arriver Manoel
de Saldanha à Pékin "à la fin de 1667", je faisais remarquer que
le texte même de du Halde (I, 542) auquel il renvoyait supposait
l'arrivée à Pékin en 1668 et le départ de cette ville au 3e mois
de 1669. J'ajoutais que, même après ces corrections, on ne voyait
pas comment concilier de telles dates avec le fait que l'accueil fait
par K'ang-ki à l'ambassadeur portugais ne fut connu à Macao, par
des lettres dePékin, qu'en novembre 1670 ou très peu auparavant.
Le P. de Lapparent, qui dirige le Bureau sinologique de Zi-ka-wei,
a eu récemment l'amabilité de m'envoyer quelques renseignements
nouveaux; j'en profite pour revenir sur une question que je n'avais
abordée que très incidemment, à propos des Lettres de François de
Rougemont publiées par le P. H. Bosmans.
Aux tenants de la date de 1667, j'aurais dû ajouter de Mailla
(XI, 60): "Sur la fin de 1667, il arriva à la cour un ambassadeur
portugais Cet ambassadeur partit fort satisfait de la cour à la
troisième lune de l'année suivante, septième de Kang-bi." La
7e année de K'ang-hi est 1668, et devant ce texte en apparence
si précis, on comprend que la date de 1667 pour l'arrivée à Pékin
ait pris une sorte d'autorité. C'est la "fin de l'année 1667" qui est
également indiquée en 1859 par Gr. Pautbier (Hist. des relat. polit.
422 MÉLANGES.

de la Chine, p. 42). Il est cependant certain que cette date est


fausse.
Pauthier aurait dû s'en douter, car lui-même signale que le
recueil officiel bien connu Ta-Ts'ing houei-tien met cette ambassade
en 1670. S'il ne s'est pas arrêté à cette dernière indication, c'est
vraisemblablement qu'il accordait au récit de de Mailla une auto-
rité qu'il n'a pas pour cette période, et aussi, ceci ressort de son
texte même, parce qu'il n'admettait pas qu'une ambassade d'A-fong-
sou, c'est-à-dire d'Alphonse YI de Portugal, fût arrivée à Pékin
"trois ans après la déposition de ce prince".
Toutefois, c'est bien 1670, comme le P. de Lapparent veut bien
me le rappeler, qui est indiqué pour cette ambassade dans une note
des Notices biogr. et bibliogr. du P. Pfister (p. 655) 1), reproduite
dans Havret, Stèle chrétienne, II, 225 ; et il en de même dans
Y Histoire de la mission du
Kiang-nan du P. Colombel 2). Les sour-
ces du P. Colombel sont le Tong-houa lou et l'histoire manuscrite
du P. Dunyn-Szpot3).
Le Tong-houa lou (10, 5) est formel: "La 9e année K'ang-hi
qui était keng-siu le 6e mois, au jour bia-yin (14 août 1670),
,
1W HË Wi A-fong-sou (Alphonse), roi du
royaume de l'Océan
occidental (Si-yang, = Portugal), envoya l'ambassadeur gp[j ï^ ^
Hf ?H iH Ma-no-sa 4)-eul-ta-nie (Manoel de Saldanha) et autres
offrir le tribut et un édit fut obtenu ordonnant
que, le royaume

1) Il s'agit d'une note à la notice n° 233 (notice de D.


Parrenin). On sait que les
notices du P. Pfister, autolithographiées, gardent
encore le caractère d'un document privé;
mais le P. de Lapparent me confirme que, corrigées, elles sont
en cours de publication
véritable.
2) L'ouvrage du P. Colombel
a été, lui aussi, autolitbograpbié ; je l'ai vu autrefois
à Zikawei, mais ne l'ai pas à ma disposition.
3) Sur cette histoire mss., cf. Havret, Stèle chrétienne, II,
71.
4) Le texte qui m'est transmis a fo£ tc/i'u,
que je considère comme fautif pour
fn£ sa; la confusion entre ces deux caractères est fréquente.
MÉLANGES. 423

de l'Océan occidental étant extrêmement lointain et offrant le tribut


pour la première fois, il lui fût octroyé des dons généreux."
Quant au P. Dunyn-Szpot, il parle longuement de l'ambassade
sous l'année 1670, et voici le résumé que me transmet à ce sujet
le P. de Lapparent. Après avoir attendu à Canton pendant plus
d'un an, Saldanha et son chapelain, le P. Pimentel, en partent
dans les premiers jours de janvier 1670. Le 30 juin 1670, ils sont
à trois lieues de Pékin, à ^|| jty T'ong-tcheou. Mais l'Empereur
est en Tartarie; l'ambassade ne peut être reçue que le 31 juillet
("le jour de la fête de saint Ignace, 15 de la 6e lune"). L'ambas-
sadeur fut traité plus honorablement que ses prédécesseurs 1).
A mon avis, ces textes du Tong-houa lou et du P. Dunyn-Szpot
doivent faire foi, et ils sont encore corroborés, comme l'indique le
P. de Lapparent, par des lettres de Verbiest 2) ; du Halde et de
Mailla, qui sont d'ailleurs en désaccord, se sont trompés tous deux.
D'après le P. Dunyn-Szpot, Saldanha aurait été reçu en audience
le 31 juillet 1670, au lieu que le Tong-houa lou dit le 14 août.
Le P. de Lapparent se demande s'il y aura eu deux audiences.
C'est possible; mais j'incline presque à penser que le 31 juillet est
la date de l'audience, et le 14 août celle de l'édit accordant des
récompenses et des cadeaux à l'ambassade. Je crois d'ailleurs qu'on
trouverait sans grande peine d'autres textes chinois relatifs à l'am-
bassade de Saldanha.
L'argument qui avait empêché Pauthier d'accepter la date de
1670 est sans valeur; avec le temps que mettaient les nouvelles
à parvenir de Lisbonne à Macao, et si on tient compte en outre
que l'ambassade fut retenue à Canton plus d'un an, il n'est pas

1) J'entends "que ses prédécesseurs russes et hollandais".


2) Dans H. Bosmans, Ferdinand Verbiest, Directeur de l'Observatoire de PeTcmg,
Louvain, 1912, in-8 (extr. de la Rev. des quest. scientif. de 1912), pp. 63, 69, 70, 73.
76, 77.
28
424 MÉLANGES.

surprenant que Saldanha ait apporté à Pékin, au milieu de 1670,


des lettres d'un souverain déposé dès 1667. Quant au sort ultérieur
de l'ambassade, il ne devrait pas être difficile de le connaître avec
quelque précision. Saldanha, déjà malade à Pékin l). partit de cette
ville à une date encore indéterminée2); mais il mourut en revenant
à Macao, à la fin de 1670 ou dans le courant de 1671 8).
L'ambassade est désormais remise à sa date, mais son histoire
reste tout entière à écrire.
Paul Pelliot.

"Tchin-mao" ou Tch'en Ngang?


L'un des épisodes marquants de l'histoire de la prédication
chrétienne en Chine dans les temps modernes est l'attaque lancée
en 1717 contre certains aspects du commerce européen et contre
les missionnaires par un fonctionnaire militaire du Kouang-tong
que les relations des Jésuites appellent "Tchin-mao". La requête
au trône de ce personnage, les délibérations qu'elle provoqua à la
Cour, l'édit impérial qui en résulta et que les Jésuites tentèrent
vainement de faire modifier, enfin la traduction du mémoire apolo-
gétique en chinois que les Jésuites rédigèrent alors comme ils
l'avaient fait déjà au temps de Tang Kouang-sien, font l'objet

1) Ibid., 69—70, lettre de Verbiest, écrite de Pékin, 20 août 1670: Saldanha fait
alors ses préparatifs de départ, "Car, quelques jours auparavant, le roi avait voulu le
retenir ici à cause de sa mauvaise santé; mais le léget avait hâte de partir, et nous
avions dit au roi qu'il fallait lui permettre de profiter des vents favorables, qui ne
soufflent qu'une fois l'an, vers janvier".
2) Du Halde et de Mailla disent que l'ambassade reste jusqu'au 3e mois de l'année
suivante; mais cela est peu probable à en juger par le texte cité à la note précédente;
et puisque du Halde et de Mailla se sont trompés de deux et de trois ans sur la date
de l'audience, il serait imprudent de leur accorder crédit sur le moment du départ.
3) Legalus Marwel de Saldanha optime ah imperaiore exceptas, obiit in
suo Macaum
redit/t.; ventru non oitinnit commercinm (lettre du P. Maldonado écrite de Macao 10 déc.
1671, dans H. Bosmans, Correspondance de Jean-Baptiste Maldonado, 1910, 44 rExtr. des
Analecles pour servir a fhisl. eccl. de la Belgique, t. 36]).
MÉLANGES. 425

d'une longue lettre du P. de Mailla, en date du 5 juin 1717, qui


est insérée au XIVe Recueil des Lettres Edifiantes1). Le Roux des
Hautesrayes a reproduit la première moitié de cette lettre du
P.. de Mailla, en en modifiant légèrement les termes, dans le t. XI
de VHistoire générale de la Chine (pp. 320—322) quant à la seconde
;
moitié, qui est la traduction du "mémoire apologétique", il n'en
a
retenu que ce qui concerne la fondation de Macao, dans une note
de la p. 331. Cordier a repris à son tour cette note de la
p. 331,
si bien que le nom de "Tchin-ruao" reparaît dans sa nouvelle His-
toire générale de la Chine (III, 130)2).
"Tchin-mao", d'après de Mailla, était $Jj|[ -^ tsong-ping ("com-
mandant militaire") de ^
Kie-che au Kouang-tong. Tant à
^Q"

raison de ses fonctions que par le texte même de sa requête, il


n'est pas difficile d'identifier le personnage; c'est celui que les
textes chinois appellent j^ j^j Tch'en IsTgang. D'une famille origi-
naire de Ts'iuan-tcheou au Fou-kien, Tch'en ISTgang avait passé la
première partie de sa vie à faire le commerce dans les mers du
Sud, et était donc assez bien au fait des questions du dehors. Cette
expérience des choses de la mer lui valut d'entrer au service im-
périal en 1683 lors des opérations contre Formose; il me paraît
bien qu'il dut encore voyager par la suite, tout au moins au Japon;
puis il avança dans le mandarinat militaire, et il est mort à 67 ans
vrais, je ne sais en quelle année 3). De ses trois fils, l'aîné au moins,
1) En fait, le mémoire apologétique ne fut pas distribué ; cf. XXe Recueil des Lettres
Edifiantes, Préface, pp. XLIII—XLIV.
2) Toutefois Cordier s'est trompé en attribuant tout ce passage à la requête de
"Tchin-mao", au lieu qu'il fait partie du "mémoire apologétique" des Jésuites; ce sont
donc les Jésuites, et non les Chinois, qui font à tort commercer les Européens à Canton
et à Ning-po dès la période hong-tche (1488—1505; par contre, la fausse équivalence
1488—1491 n'est pas le fait de de Mailla, mais de Le Roux des Hautesrayes, et il
n'eût pas fallu la reproduire).
3) Il est toutefois probable que cette mort se place en 1717 ou 1718, mais rien
dans la biographie ne vient à l'appui de l'exil en Tartarie et de l'empoisonnement dont
le P. du Halde s'est fait l'écho {XIVe Recueil, Préface, xix—xxtn).
426 MÉLANGES.

tt i^k 'M Tch'en Louen-k'iong, accompagna dans son enfance son


père au Japon; il fit une carrière militaire et maritime assez belle
par moments, mais traversée de disgrâces; c'est lui l'auteur d'un
ouvrage bien connu sur les pays étrangers, le pp [§| p|j Jf, jfë$(
Hai-houo wen-lden lou en 2 ch., achevé en 1730 et paru en 1744;
Tch'en Louen-k'iong est mort en 1751, âgé d'environ 65 ans1).
La double leçon "Tckin-mao" (= Tch'en Mao) et Tch'en ]\Tgang
provient évidemment d'une confusion entre $$ niao et ff, ngang;
et il y a a priori toutes chances pour que les sources chinoises
nous aient conservé la bonne forme, bien que certains textes chinois
attribuent à la requête de Tch'en Ngang une date trop tardive
d'un an2). Le désaccord n'en est pas moins déconcertant, et on
voit mal comment les missionnaires ont pu se tromper sur le nom
d'un personnage qu'ils ont eu à nommer maintes fois, tant en dis-
cutant avec les ministres et les princes qu'en s'adressant à l'empereur
lui-même 8).
Paul Pelliot.

1) Sur la vie de Tch'en Ngang et de Tch'en Louen-k'iong, cf. les notices hiogra-

EË âJJ j£fc Hi-lch'ao ki-lcheng de ^ J||


phiques du Kouo-ich'ao ki-hien lei-icheng tcli ou-pien, 273, 28—29, et 284, 38—42; aussi
^£ fH Wang K'ing-yun, 6, 14*—155
(où on voit que le hao de Tch'en Louen-k'iong était ~%=^- 7f&> Tseu-tchai); sur le
liai-kouo wen-kien lou, cf. Wylie, Noies, 48; Courant, Catal., 1903 et 1904; Bibl. Sin. 2,
2629; T'onng Pao, 1924, 260.
2) Le Ili-lch'ao ki-tcheng date la requête de Tch'en Ngang de la 57e année de
Ii'ang-hi, c'est-à-dire de 1718; or la lettre où le P. de Mailla raconte toute l'affaire
est du 5 juin 1717.
3) Il serait facile de trouver de nouvelles sources pour tout cet épisode, tant dans le
Rouaug-long fong-tche que dans le Tong-hoita lou et les ouvrages chinois modernes con-
cernant les relations étrangères de la Chine au temps de la dynastie mandchoue. Un

^ ^ ^ ^ M^^W^MW-
passage de la requête a été mal compris par le P. de Mailla. Il y est question des pays
De Mailla a lu Ying-kouei-li,
Yu-sseu, La-houo-lan-si, Ho-lan ; mais il faut couper Ying-kouei-li (= Ying-ki-li, Angleterre),
Yu-sseu-la (= Espagne), Houo-lan-si (= France), Ho-lan (= Hollande). Sur Yu-sseu-la,
nom de l'Espagne, cf. B. Laufer, The relations of ihe Chinese to Ihe Philippine Islancls,
p. 249, qui propose d'y retrouver "las Islas", faute de mieux.
.MÉLANGES. ' 427

Rosmarus.
Le terme lo-sseu-ma a fort intrigué la sinologie.
Gr. SOHLEGEL, toujours affirmatif et fougueux, écrivait
en 1895
(T'oung.Pao, vol. VI, p. 24): "Le Narval est bien connu des
Chinois qui l'appellent Loh-sze-ma fâ 1j§f ,||
un nom que nous :

n'avons pu identifier". Une année auparavant, le même auteur avait


dit que le dictionnaire Tcheng-tseu-t'ong contient la description de
ce pinipède (T'oung Pao, vol. V, p. 370). LAUFER, qui unit l'ob-
servation à l'érudition dans ses excellentes recherches, avait com-
battu l'opinion du sinologue hollandais. Dans une intéressante étude
sur le commerce arabe et chinois des ivoires de morse et de narval
(T'oung Pao, 1913, pp. 315—370), il voulait qu'on vérifiât si le
terme se trouvait réellement dans le Tcheng-tseu-fong. Il devinait
juste en ajoutant (?'&., note de la p. 355) "Apparemment lo-se-ma
est la transcription régulière de rosmarus, due à quelque missionnaire".
Je n'ai pas voulu intervenir dans le débat, laissant aux lutteurs la
chance de trouver ce qu'ils avaient les premiers cherché. Mes notes
dormaient. Je pense bon de donner enfin la solution fournie par le
planisphère de VERBIEST, étudié et traduit depuis plusieurs années.
Le début du texte original de VERBIEST, inscrit sur sa carte, com-
porte 32 caractères que le dictionnaire chinois s'est appropriés sans
citer la source; de plus, il a sauté 6 caractères, jugés superflus.
VERBIEST: j£ ff j§ -g 0 £ W
j o
JE £g M M JE
„ .
¥
| |
Dictionnaire:
VERBIEST:
I

ftll. ^li^^f
1

*ffi„
1

|M0|0|0OOl||||.
ffl A.
| | 1

ffl
O O
.
| |
o

Dictionnaire:
VERBIEST: Hf ^H j=§ #tï $iï$

Dictionnaire: I O I 1 I I
o

"Le morse, long d'environ 40 pieds, est court sur pattes. Il vit au
fond des mers et remonte rarement à la surface. Sa peau est si
428 MÉLANGES.

dure que les coups les plus vigouraux *) ne réussisent pas à la percer.
Sur le front il porte deux cornes en forme de crochets [avec les-
quels il s'attache aux rochers et reste des jours entiers au repos
sans se réveiller]" 2).
L. Yan Hee, S.J.

1)[Il me paraît sûr qu'au lieu de JH j\ yong-li, il faut lire Hî ~J1 yotig-tao,
et traduire: "Sa peau est très dure; si on [veut] la percer avec un couteau, il ne peut
y entrer." Peut-être y a-t-il un caractère indistinct ou une faute de gravure sur le
planisphère. — P. P.]
2) La partie mise entre crochets n'a pas été reproduite par le Tcheng tseu t'ong.
BIBLIOGRAPHIE.

Annemarie von GrABAm, Ein Fûrstenspiegel: Das Sin-yù des Lu Kia.


Inaugural-Dissertation zur Erlangung der Doktorwiirde der Holien
Pkilosophischen Fakultàt der Friedrich-Wilhelms-Universitàt zu Ber-
lin, Berlin, 1930, in-8, 82 pages + 1 fnch (Lebenslauf). [Tirage à part
des Mitt. d. Sern. f. Or. Spr., Abt. I, XXXIII (1930).]
Mlle À. von GTABAIN, attachée scientifique à la Commission orientale
de l'Académie de Sciences de Berlin, n'était connue jusqu'ici que par
sa collaboration avec M. W. Bang, dans les quatre séries des Tûrkische
Turfan-Texte (1929—1930); sa part y était d'indiquer, dans les textes
du bouddhisme chinois, les passages parallèles à certains textes oui-
gours de Berlin. Aujourd'hui, elle vient de donner son premier travail
de sinologie véritable, la traduction du 0f ^ Sin tju de j$g p| Lou
Kia, qui lui a valu le doctorat.
Lou Kia, natif du pays de Tch'ou, est un de ces discoureurs
errants, de ces scholastici vacantes, comme il y en eut tant sur la
fin des Royaumes combattants, et comme il en survivait quelques

uns au début des Han; lui du moins, à en juger par le livre qui
circule sous son nom et par l'opinion de Wang Tch'ong dans le
Louen Jieng, se réclamait du confucianisme orthodoxe. Il s'attacha
à la fortune du fondateur de la dynastie des Han; celui-ci l'envoya
comme ambassadeur, en 196 av. J.-C. s'il faut en croire la tradition,
auprès de ^£ ^Tchao T'o, qui s'était proclamé roi indépendant
du Nan-yue, c'est-à-dire des deux Kouang et du Tonkin.
P*g 7JH

Lou Kia aurait amené par son adresse et son éloquence la soumis-
430 BIBLIOGRAPHIE.

sion de ce créateur d'empire colonial, qui se reconnut roi vassal1).


Lors des intrigues qui aboutirent à l'usurpation de l'impératrice Q Lu,
Lou Kia se serait retiré de la Cour, non sans intervenir en sous-
main pour l'empereur légitime. Au lendemain de l'avènement de
l'empereur Wen, Lou Kia, renommé à son ancienne charge, aurait
rempli auprès de Tchao T'o, qui s'était arrogé entre temps certaines
prérogatives impériales, une nouvelle mission non moins heureuse
que la première (179 ou 178 av. -J.-C). Il mourut dans un âge avancé,
à une date qu'on ignore.
Lou Kia, à la demande du premier empereur des Han, avait
composé un ouvrage en 12 sections (J|| p'ien'), le Sin yu, ou
"Paroles nouvelles", pour expliquer la grandeur et la décadence des
royaumes; mais il ne va pas de soi que ce soit bien là l'ouvrage
de même titre et de même division qui est mis sous son nom
aujourd'hui. Mlle von Gr. se prononce décidément pour l'authenticité.
Il y a cependant des arguments assez forts qui vont contre sa thèse.
L'un est que, à la fin du Ier siècle de notre ère, Wang Tch'ong,
dans son Louen lieng, nomme assez souvent Lou Kia et son Sin yu,
et cite des passages de Lou Kia qui, d'après Mlle von Gr. elle-même
(p. 15), ne peuvent provenir que du Sin yu; or le Sin yu actuel

ne les contient pas. Mlle von Gr. a bien dit alors expressément:
"Auf das Pehlen dieser vielen SteHen ist der grôsste Wert zu legen";
mais il n'en est plus question dans la suite de son raisonnement.
D'autre part, Sseu-ma Ts'ien (97, 5b) dit avoir lu le Sin yu, et
on pourrait s'attendre par suite à en trouver trace dans le Che ki;
on n'a cependant rien signalé dans le Che ki qui rappelle un pas-
sage du Sin yu actuel2).
1) Les traditions relatives à Tchao T'o se trouvent déjà dans le texte actuel des
Mémoires historiques de Sseu-ma Ts'ien ; ce n'est pas le lieu de rechercher s'il faut leur
accorder pleine créance.
2) Les commissaires du Sseu-k'ov..., qui regardent le Sin
yu actuel comme un faux
ancien, donnent à cet argument une apparence beaucoup plus forte en disant (91,10a):
"Dans la biographie de Sseu-ma Ts'ien du [Ts'ien-~}IIan clwit, il est dit
que Sseu-ma
BIBLIOGRAPHIE. 431

Des douze sections du Sin yu actuel, sorte d'éthique appuyée


par des exemples empruntés à l'histoire, Wang Ying-lin (1223—1296)
ne connaissait plus que sept, à savoir les sections 1 à 4 et 7 à 9;
mais l'édition de 1502 les donne à nouveau toutes les douze. Les
commissaires du Sseu-k'ou... ont incliné à voir dans le texte actuel
un texte incomplet redivisé, ou même complété, par un faussaire
des Hing. Mlle von Gr. écarte leurs raisonnements, et elle
a bien
fait; mais les meilleurs arguments lui ont échappé, à savoir
que,
parmi les citations du Sin yu que fait le ^
j^ Yi-lin au VIIIe
siècle, il y a des phrases des sections 5 et 10 du texte actuel, et
que, deux siècles plus tôt, il y avait de longs passages des sections
actuelles 5, 10, 11 et 12 dans le ^^
yj§ |g
KHun-chou tche-yao ]).
Il n'y a donc pas à douter que le Sin yu actuel ne soit essentiellement
celui-là même qu'on connaissait au début des T'ang 2).

Ts'ien fit les Mémoires historiques en prenant le Tcha?i-kouo ts'o, le 2E3Î Va -=£Ç* ïjr
Tch'ou Han tch'ouen-is'ieou, [enfin] le Sin yu de Lou Kia. Le Tch'ou Han tch'ouen-ts'ieou
est encore cité dans le [Che kï\ Tcheng-yi de Tchang Cheou-tsie ; aujourd'hui il est perdu
et on ne peut vérifier. Du Tchan-kouo ts'ô, [Sseu-ma Ts'ien] a pris 93 faits, qui tous
sont d'accord avec le texte actuel [du Tchan-kouo ts'o]. Il n'y a que le texte de ce
livre-ci [= le Sin yu actuel) qui n'apparaisse nulle part dans le Che ki." Mais si, dans
la biographie de Sseu-ma Ts'ien au Ts'ien-Man chou (62, 95—10#), il est bien question
du Tchan-kouo ts'ô et du Tch'ou Han tch'ouen-is'ieou, on n'y trouve pas de mention du
Sin yu de Lou Kia. Les commissaires du Sseu-k'ou... me semblent s'être trompés, et la
confusion est peut-être née de ce que Lou Kia est donné par Pan Piao, le père de
Pan Kou, comme l'auteur également du Tch'ou Han tch'ouen-is'ieou (cf. Chavannes, Mém.
hist., I, CLVii; Heou-IIan chou, 70, 2a—&). M1' 0 von Gabain, qui cite à d'autres propos
la notice du Sseu-k'ou..., n'a rien dit du présent passage; si c'est parce qu'il'lui a paru
erroné, il eût convenu de le dire.
1) Les commissaires du Sseu-k'ou... ne connaissaient pas le K'iun-choit tche-yao, qui
n'est revenu du Japon qu'à la fin du XVIIIe siècle, mais le Yi lin, qu'eux-mêmes in-
voquent, eût dû suffire ici à les mettre en garde.
2) Mais ceci n'implique naturellement pas que ce Sin yu existant au VIIe siècle
soit celui des Han. Je retrouve une note où j'avais relevé qu'un passage du Sin yu,
cité dans le commentaire de Kouo P'o au Mou i'ien-tseu ichouan à propos de la visite
du palais de Houang-ti sur le K'ouen-louen par le roi Mou et qui est invoqué également
dans le commentaire de Tchang Tchan à Lie tseu, manque au Sin yu actuel. Je n'ai pas
repris la recherche. Si ma note est exacte, il y aurait là un indice, sans plus, que le
.
vrai Sin yu aurait pu se perdre après le début du IVe siècle, et être remplacé par le
Sin yu actuel avant le VIIe siècle.
.
432 BIBLIOGRAPHIE.

Mais cela ne veut pas dire que les éditions courantes de ce


Sin, yu actuel donnent toujours un texte satisfaisant. Les quatre
textes dont s'est servie Mlle von Cf. sont deux rééditions tardives
du Han Wei ts'ong chou et les deux éditions du "y -p <$? ^§?
Po-tseu ts'iuun-chou] ce sont toutes des éditions fort médiocres.
Mlle von n'a pas eu accès au Yi-lin du VIIIe siècle, tout en
Gr.

en connaissant l'existence par le Sseu-Fou...; c'est fâcheux, car le


Yi-Un cite huit courts passages du Sin yu, avec quelques bonnes
variantes 1). Beaucoup plus riche est le ICiun-diou tche-yao (ch. 40),
avec seize longues citations, qui permettent de compléter beaucoup
des lacunes du texte actuel et d'en corriger un grand nombre de
fautes 2). L'essentiel de ce travail est vraisemblablement fait dans
l'édition du Sin yu publiée par ^^
J^ Song Siang-fong (1776—
1860), mais je ne la possède pas. J'ai relevé des notes critiques
sur le Sin yu dans le ||| ||î ^ ^
Ton-chou yu-lou de -^ $||
Yu Yue (1821 — 1906) et dans le ^[ ^§ Tcha yi (VII, 8—10) de
•^ 1P lit Souen Yi-jang. (1848—1908); ce ne doivent pas être
les seules.
Les circonstances n'ont donc pas permis à Mlle von Gr. d'utiliser
ou d'établir un bon texte; il reste à voir comment elle a manié
celui dont elle disposait. Naturellement, c'est un travail de début,
et on doit le considérer comme tel, mais je crois rendre service à
Mlle von Gr. en lui soumettant quelques remarques. D'abord, il faut

faire attention aux titres qu'on cite; partout, dans son mémoire,
il est question de ^^ Song chou et de 0£| ||pMing chou, au
lieu de ^ j||
Song cite et de B£J jf* Ming che- et c'est d'autant

1) La meilleure édition du Yi lin, avec notes critiques, est celle du J[£ ÊÊk $£(•
ÊÊ? illi 'J-'sv<i-hïO-hi-iutn ts'ong-chou.
2) On peut consulter le X'inn-chou tche-yao soit dans le -r^fc JhfL ^&* MÊ? Yi-

is'o/ien ts'ong-chou (qui a eu deux éditions, dont une récente), soit dans le iîîf +/$
SxtK- ^M-, -3ft-
^» «^ "J
-£P T=ÎS* -3=?" Lieii-iin-ii-iii ts'onq-choit.
1
BIBLIOGRAPHIE. 433

plus regrettable qu'il existe vraiment un Song chou, tout différent.


De même (p. 79), il ne faut pas couper "Sung-pen-schi-san-king
tschu-schu-fu-kiao-k'an-kV\ mais "Sung-pen Schi-san-king-tschu-schu
fu Kiao-k/'an-kiy''; ce sont les Che-san-king tchou-chou qui sont des
Song, et le Kiao-k'an-ki. qui leur est adjoint est l'oeuvre de Jouan
Yuan (1764—1849). Aux pages 80 et 81, "Hung-pao-ts'i yjg Jjf |jj"
est naturellement à lire "Hung-pao-tschai" (^ tsH = ^ tchai).
Quant aux traductions, elles demandent des rectifications nom-
breuses. A la p. 15, toutes les indications du Sseu-k'ou... sur des
passages du Sin yu qui sont cités au VIIe siècle par Li Ohan,
dans son commentaire du Wen siuan, à propos d'oeuvres d'auteurs
anciens, sont données par Mlle von Gr. comme des citations du
Sin yu fournies par ces auteurs anciens eux-mêmes 1). La biographie
de Lou Kia, traduite aux pp. 6—10 d'après le ch. 97 des Mémoires
historiques de Sseu-ma Ts'ien, est à reprendre en majeure partie.
Voici quelques exemples: P. 6: ^ |j|ï ^ jf|, "Man schickte ge-
wôhnlich nur Lehnfùrsten auf Gresandschaften"; il faut: "[L'empereur
Kao-tsou] envoya fréquemment [Lou Kia] en ambassade auprès des
seigneurs". P. 8: {fy j|| ^ -^
^-, "und ferner gab er ihm beim
Abscbied nocb 1000 (Pfund) Grold"; lire "et, comme autres cadeaux,
également 1000 kin" (cf. la glose, et aussi TsHen-Han choit, 43, 3a).
P. 9: ^S^^,^C^5 "voll Sclimerz zog er sicli von seiner
Pamilie zurùck"; lire "alors il démissionna sous [prétexte de] ma-
ladie et se retira dans ses foyers" (cf. d'ailleurs le commentaire à
la fin de TsHen-Han chou, 43: g£ jf§ ^ ^).
P. 9: Jfr % ^f

1) En apparence, il y a un cas où Li Chan du VII0 siècle paraîtrait hors de cause,


puisqu'il s'agirait, d'après Mu° von &., d'un auteur des Song, B|| JËV Tchang Tsai
(1020—1077 [et non 1020—1076 comme dans Giles, Biogr. Dict., n°117]). Mais c'est
que M"° von G. a confondu ce Tchang Tsai des Song avec un autre Tchang Tsai qui
^|
vivait,' lui, à la fin du IIIe siècle (cf. Giles, Biogr. Dict., n° 116). En outre =^p

tsa-che est, dans le Wen siuan, la désignation d'une catégorie particulière de poèmes,
et ne signifie pas "gesamrnelte Gedichte".
434 BIBLIOGRAPHIE.

f-^f ^^SÉl, "[er] verteilte es seinen Sohnen.


Und von 200 (Pfund) Grold liess er Grûter erwerben"; lire "il divisa
[les mille kin] entre ses [cinq] fils, [soit] par fils 200 Jcin, pour en
vivre". Toute la fin de cet alinéa est mal comprise; c'est jusqu'au
bout un discours de Lou Kia à ses fils 1).
Mlle von Gr. a accompli un effort méritoire, et de toute manière,

comme travail de dégrossissement et à raison des index, son mémoire


rendra service. Dans la discussion de l'authenticité du Sin yu, elle
montre d'ailleurs un sens réel des problèmes. Mais elle a encore
besoin d'être dirigée comme traductrice et d'acquérir de l'expérience 2).
Paul Pelliot.
1) A la fin de la biographie de Lou Kia, à propos de sa seconde mission auprès
de Tchao T'o, on lit dans le Che ki (et dans le texte parallèle du Ts'ien-Han chou) que
H*f. Xjû pa THJÇ -1M "le récit s'en trouve dans la monographie sur le Nan-yue"
,
Tdu Che Ici et du Ts'ien-Han chou, respectivement] ; MUe von G. a bien compris, mais il
semble que ce soit de ce membre de phrase qu'est sorti, par quelque erreur, l'indication
de Giles, Biogr. Dict., n° 1404, selon laquelle Lou Kia serait mort dans un âge avancé,
"lcaving beliind him an account of his travels". A la page 29, la phrase %ë hs ÏR? JHR
fon-lch'ao p'o-louen fournit, si le texte est authentique, un exemple de cette comparaison
plus ancien que ceux qu'on invoque à l'ordinaire et que j'ai indiqués dans T'ouvg Pao,
1922, 428—429.
2) [Au dernier moment, je reçois le Bull, of the Nat. Libr. of Peiping, IV, 1
(janv.-févr. 1930), qui contient (pp. 1 — 3) une notice critique de M. Hou Che ("Hu Shih")
sur le Sin-i/n; elle vient également d'être republiée dans le 3e série (san-lsi) du "jtH
IH "^ ^3p Hou Che iven-is'ouen, 873 877. M. Hou Che part de l'édition toute

récente (mais non sans fautes d'impression) publiée dans le BP \££ TS -^y jp£ =$=•»
Long-k'i tsing-eho is ong-chou en utilisant le texte incorporé au -¥-* ïïf^ Tseu houei
des Ming et celui du T'ien-yi-ko de la famille Fan, qui remonte également aux Ming.
L'exemplaire du T'ien-yi-ko s'apparente à l'édition de 1502 dont dérivent plus ou moins
directement toutes les éditions courantes. L'édition du Tseu houei, assez différente, est
seule à mettre à sa vraie place, dans la section 5, un long passage de 228 caractères
qu'une erreur ancienne a fait passer, dans toutes les autres éditions, au milieu de la
section 6. La nouvelle édition apporte en outre bien des corrections de détail; je
regrette de ne pas l'avoir à ma disposition. M. Hou Che a relevé, tout comme je le
faisais ci-dessus, l'erreur des commissaires du Sseu-k'ou.... au sujet de leur prétendue
mention du Sin gu dans la biographie de Sseu-ma Ts'ien du Ts'ien-Han chou. M. Hou
Che, qu'on sait ne pas accepter les yeux fermés les traditions relatives aux oeuvres de
l'ancienne littérature chinoise, tient le Sin yu actuel pour l'oeuvre authentique de Lou Kia.]
LIVRES REÇUS.

— Elkan Nathan ADLER, Jewish Travellers, Londres, Routledge, 1930, in-8,


xxiv -)- 391 pages, avec 8 pi. [Fait partie des Broadway Travellers. Basé en
grande partie sur VOzar Massaoth ("Treasure of Travel") publié en 1926 par
M. J. D. Eisenstein, mais en ajoutant des textes se rapportant à une date
plus ancienne, comme la correspondance de Chisdai avec le roi des Khazar
et une partie des voyages de Benjamin de Tudèle, et en laissant par contre
de côté les récits postérieurs à 1755. P. xv: Benjamin de Tudèle "is the first
Ëuropean writer -who so much as mentions China"; même si on restreignait
cette affirmation en ajoutant "sous son nom de Chine", elle serait encore
excessive, ainsi que l'a déjà fait remarquer Yule, Cathay2,1,144. Par ailleurs,
M. A. a très probablement raison d'admettre ici que Benjamin de Tudèle
n'a pas dépassé le golfe d'Aden, mais alors il ne faut pas dire, à la p. 38,
que le même voyageur est allé de Perse "across the Persian gulf, to India,
Ceylon, and perhaps China". P. 3 : Je ne sais où M. A. a pris chez Ibn Khordadbeh
un pays de "Yurt" qui serait à FOuest des Toyuz-yuz; aussi bien Barbier de
Meynard que de Goeje ont vu là seulement le mot turc yurt, "pays". Pp. 22
et 27: Il est très possible que "Choresvan" soit le Khorasân comme le croit
M. A., mais est-ce sûr? Et ne peut-on penser au Klrwarezm, en relations
(beaucoup plus suivies avec les Khazar? Pp. 59—60: L'équivalence de "Nikpa"
et de Ning-po est hautement improbable, et d'ailleurs le commentaire de toute
cette partie de l'itinéraire de Benjamin de Tudèle me paraîtrait à reprendre.
P. 100: M. A. ne nous dit pas quelle est, dans le document de la Geniza du
Caire, le nom qu'il rend par Ceylan ; si c'est le même nom qui, dans un autre
document de la Geniza, est orthographié Khlmbïï et où on a vu Colombo de
Ceylan, j'ai déjà fait remarquer (T'oung Pao, 1928, 460) qu'il devait s'agir
plutôt de Quilon, le Kâlânbu d'Ibn Battûtah, le Columbum des voyageurs
occidentaux du Moyen Age. P. 372: L'identification de Gingaleh à Cranganor
n'est pas due à G. Oppert, mais à Yule, Cathay2, II, 133; d'une façon géné-
rale, on s'étonne quand, dans un ouvrage consacré à des voyages du Moyen
Age en Orient, le nom de Yule n'est pas mentionné une seule fois.]
Les Fouilles de Hadda, III, Figures et figurines, Album
— J.-J. BARTI-IOUX,
;

photographique. Paris, G. Van Oest, 1930, in-folio, 26 pages et 92 planches;


380 fr. [Fait partie des Méni. de la Délég. arch. franc, en Afghanistan^]
André BERTHELOT, L'Asie ancienne centrale et sud-orientale d'après
436 LIVRES REÇUS.

Ptolémée, Paris, Paj^ot, 1930, ia-8, 427 pages, avec 23 cartes en noir et une
en couleurs; 60 fr. [Fait partie de la Bibliothèque géographique. M. B. établit
les équivalences suivantes: La Tour de Pierre du livre I (celle de Marin de Tyr)
est à Tas-quryan (mais pas celle du livre VI); le ITormétérion est Louen-t'ai
des Han, Bugur; l'Oïkhardès est à la fois ITénisséi, l'Orkhon et la Selenga:
l'Issédon scytbique est vers Gucen (au N.E. d'Ururnci) ; Khaurana est à C'arkblïq
(au S.O. du Lop); les Bautes sont les Tibétains du Koukou-nor: l'Issédon sé-
rique est Sou-tcheou du Kausou; la Sera metropolis est Si-ngan-fou ; Cattigara
est à Tcbang-tcheou du Fou-kien; la ville des Thinae est King-tcbeou (entre
Han-k'eou et Yi-tch'ang). Ce gros travail de géographie mathématique soulèvera
beaucoup de discussions; il y a certaines solutions et certains points de vue
qui me paraissent justes, d'autres auxquels je résiste. Je compte revenir sur
le sujet; en particulier, je ne crois ni à Cattigara = Tcbang-tcheou, ni à
Thinae = King-tcheou.]
BODDE-HOLIGKINSON et Peter GEYL, Willem Ysbrantsz Bontekoe,
— M""-'C. B.
Mémorable description of Ihc East Indian Voyage 1618—25, trad. du hollandais,
avec introd. et notes, Londres, G. Routledge, 1929, in-8,168 pages, avec 10 pi.,
7 sh 6 cl. [Fait partie de The Broadway Travellers ; la traduction est très soignée,
l'annotation sobre, mais suffisante. Le récit de Bontekoe (né à Hôorn en 1587)
a joui d'une grande popularité depuis sa publication en 1646 (voir sa biblio-
graphie dans Bibl. Sin. 2, 2332—2338, 3195—3196 et 4116); il nous intéresse
ici surtout parce que Bontekoe commandait un des navires de la flottille de
Cornelis Reyersz, le Groeningen, lors de l'attaque tentée par les Hollandais
contre Macao le 24 juin 1622 et lors de l'occupation subséquente des Pescadores.
C'est d'après une ancienne traduction française, d'ailleurs infidèle, du texte
de Bontekoe que l'attaque de Macao est racontée dans Cordier, Hist. g en. de
la Chine, III, 226—228; Cordier renvoie en outre à un document de W. Foster,
The English Faetories in Indice, 1622—1623, 225. Groeneveldt (De Nederlanders
in China, 87—91, 353—357 et 434—435) a publié entres autres, sur le même
événement, le journal de Reyersz, une lettre de Reyersz au gouverneur-général
Coen du 10 sept. 1622 et un passage d'une lettre de Bontekoe au même du
4 janvier 1623. M. C. R. Boxer a édité à Lisbonne en 1928 Ataque des Holandeses
à Macau ern 1622, relaçcis inedita de Fr. Alvaro do Piosario. Il faut ajouter la
pièce portugaise publiée en 1899 clans le t. I du Ta-ssi-yang-kuo (Bibl. Sin.2,
2325), et sa traduction espagnole dont je ne connais pas d'autre exemplaire
que le mien, intitulé: Pielacion de la vittoria que los Por-\\tugueses alcançaron
en la ciudacl de Macao, en la China, contra los Olandeses, \\ en 24. de Junio de
1622. tracluzida de la que embiù el padre Visilador de \\ la Compahia de Jésus,
de aquellas partes, a los padres de su Colegio de Madrid. \\ in-fol., 2 ffnch;
,
à la fin: Tracluzida de lengua Poriuguesa en Castellana, por Antonio Noguera
Barrocas, || Portugues, Mercador de Libros. || Impresso con licencia en Madrid aùo
de 1623. || — P. 13: Il valait de dire que "Pehu" est le chinois P'ong-hou, les
Pescadores. — P. 162: Pour File de "Lemon", pourquoi proposer "the Lema
Islands?" au lieu du Namoa de Groeneveldt? Et qu'est-ce que "Kiuhang-Ici"?]
C. R. BOXER, Commentâmes of Buy Freyre de Andrada, Londres,

LIVRÉS REÇUS. 437

Routledge, 1930, in-8, LVI + 328 pages, avec 14 pi. hors texte; 15 ch. [Fait
partie de The Broadway Travellers. Volume remarquable, qui fait grand
honneur à la collection. L'original portugais a été publié à Lisbonne en 1647
par le libraire Paulo Craesbeeck, qui dit l'avoir composé d'après des "docu-
ments dignes de foi"; il n'a jamais été republié ni traduit après cette date.
La vie d'aventures de Ruy Freyre de Andrada, à partir au moins de 1619
et jusqu'à sa mort en 1633, s'est passée surtout dans le Golfe Persique, pour
un temps à Goa; les Commentarios sont une des sources importantes poul-
ies événements de 1622, au cours desquels les Portugais perdirent Ormuz.
M. C. R. B. a annoté le texte sobrement, mais avec une extrême précision,
et il y a joint, dans les appendices, toute une documentation annexe puisée
dans les dépôts de Lisbonne et de Londres. Incidemment, l'histoire des
Européens en Extrême-Orient trouve à glaner soit dans le texte, soit dans
les notes et les appendices, par exemple p. xxn pour la carrière du Miguel
de Sousa Pimentel qui fut à Macao en 1613; p. 80 pour le Todos os Sanctos
qui alla, de Goa en Chine en 1615 sous le commandement de Francisco Lopes
Carrasco; pp. 312—313 pour le carrière de Gonçalo da Silveira qui se rendit
de Malacca à Macao en 1630, et alla résider ensuite six années au Japon; etc.]
— Bfl 'fep "o $S B PB
Chosen koseki zufu ("Album des antiquités
de la Corée"), publié par le Gouvernement Général de Corée, t. VIII, Séoul,
1928, in-folio, 4 ffnch (Table) et planches 981—1150; t. IX, ibid., 1929, in-folio,
4 ffnch (Table) et planches 1151—1300; t. X, ibid., 1930, in-folio, 3 ffnch (Table)
et planches 1301—1470.
Homer H. DOBS, The works of Hsùntze SQI -^-, Londres, A. Probsthain,

1928, in-12, 336 pages. [= Probsthain''s Oriental Séries, XVI; 24 sh. Cette
traduction de Siun-tseic est à lire conjointement avec l'autre ouvrage de M.
DUBS, Hsùntze, Ihe Moulder of Ancient Confucianism, paru en 1927 comme
t. XV de la même série.]
A. DUPRONT, P.-D. Huet et l'exégèse comparatiste au XVIIe siècle,

Paris, Leroux, 1930, in-12, 311 pages. [Livre curieux, où il est souvent question
de la Chine, en partie à raison des querelles sur Confucius et les rites.
P. 251: Il ne faudrait plus écrire "Guillaume de Ruysbroek";il s'agit presque
sûrement de Rubrouck près Cassel. — P. 252: de Gennes a été autre chose
qu'un "aventurier" ayant fondé une "compagnie de forbans". — Pp. 255 et
258: Ce que M. D. dit de Melchisedech (et non Nicolas) Thevenot et de son
neveu (et non son fils) est un tissu d'erreurs; cf. en particulier A. G. Camus,
Mém. sur la coll. des gr. et des petits voyages, Paris, 1802, iu-4, 279—284.—
P. 263: "On [= les premiers missionnaires jésuites) parlait du Christ, le nom-
mant Confucius..."; je crois que M. D. serait bien embarrassé pour donner une
référence valable sur ce point. — Pp. 264—265: Dalquié n'est pas l'éditeur
de la China illustrata, mais le traducteur de l'édition française, et on ne
peut dire que Kircher y soit "assez rapide sur le monument syro-chinois";
Kircher, qui s'était déjà occupé de l'inscription de Si-ngau-fou dans le
Prodromus Coptus de 1636, y revient longuement dans la China Illustrata
de 1667.]
438 LIVRES REÇUS.

— Easiem Art, an Annual, vol. II, 1930, publié pour The Collège Art
Association, Mémorial Hall, Fairmount Park, Philadelphie, -1930, in-4, 246 pages,
nombreuses figures, avec 1 pi. frontispice et 136 planches dans le texte et
hors texte, dont plusieurs en couleurs. [Le premier volume avait paru en 4
numéros, comme une revue trimestrielle en principe, mais qui s'est échelonnée
sur les deux années 1928 et 1929; l'initiative en revenait à Hamilton BELL,
qui en fut directeur avec MM. Langdon WARNER et Horace H. F. JAYNE.
Hamilton Bell était déjà malade, et ce galant homme, de goût très fin, est
mort en 1929; mais la publication est continuée par MM. Warner et Jayne.
Après une courte biographie de Hamilton Bell (1857—1929), le volume com-
prend: (pp. 4—36) Muneyoshi YANAGJ, The peasant painlings of Ôtsu, Japan
(peinture populaire de la région d'Ôtsu, fin du XYIP siècle et tout le XVIIIe);
(pp. 37—121) Lorraine d'O. WARNER, Kôrai Céladon in America; (pp. 122—125)
Muneyoshi YANAGI, A note on the pottery kilns of the Kôrai dynasty; (pp.
126—141) G. GROSLIER, Contemporary Cambodian Art studied in the light of
ils past forms ; (pp. 142—166) H. GOETZ, Indian miniatures in Gerrnan muséums
and private collections:, (pp. 167—206) W. Norman BROWN, Early Vaùhnava
miniature painlings from Western India (sur 40 miniatures d'un rnss. frag-
mentaire qui doit être du milieu du Xe siècle); (pp. 208—242) Ananda IL
COOMARASWAMY, Early Indian architecture (sur les cités et leurs portes et
sur les bodhighara; information étendue et riche nomenclature: pour la
question du vâram de l'arbre de la bodhi, il y aurait lieu de faire intervenir
également Fa-hien et Hiuan-tsang) ; (pp. 236—240) A. K. COOMARASWAMY,
An illustrated Svetambàra Jaina manuscript of A.D. 1260 (sur un mss. prakrit
donné récemment au Musée de Boston par le Dr DenmanRoss); (pp. 240—242)
A. K. COOMARASWAMY, Corrigenda and Addenda à son article Eaxly Indiam
Iconography paru dans les nos 1 et 3 du vol. I d'Eastern Art; (pp. 244—245)
N. MARTINOVITCH, A glass globe of Arghûn (ce globe a été généralement
rapporté au temps de Vilkhan Aryun, 1284—1291; M. M. montre qu'il doit
avoir été exécuté par ordre d'un Aryun qui était haut fonctionnaire en Egypte
au milieu du XIVe siècle). En définitive, volume de haute tenue scientifique,
aux planches excellentes]
— Sir William FOSTER, Thomas Herbert, Travels in Persia 1627—1629,
Londres, Routledge, 1928, in-8, XL + 352 pages, avec 13 pi. hors texte: 15 sh.
[Fait partie de The Broadway Travellers. Thomas Herbert, qui accompagna
l'ambassade de Dodmore Cotton, publia un récit du voyage en 1634, déjà
plein d'informations de seconde main, et qu'il quadrupla presque par d'autres
emprunts au cours des éditions qu'il donna encore en 1638, 1665, 1677; il a
fallu supprimer toute cette information parasite dans l'édition nouvelle, ba-
sée pour ce qui reste sur le texte de 1677. Sir W. F., l'éditeur des treize
volumes des English Factories in India, 1608—1669, des Early Travels in India,
de The Embassy of Sir Thomas Roe, était particulièrement qualifié pour mener
à bien ce travail assez délicat.
— P. 42 (et p. 306, n. 3): pelo, "pilaff". Mal-
gré Hobson-Jobson2, 710, et le rapprochement avec le sanscrit de lexiquepmlâka,
je ne suis pas convaincu que la vocalisation "pulâo" soit à préférer en persan
LIVRES REÇUS. 439

à pàlâu ou pïlâu;. en fait, aucun des exemples de Hobson-Jobson, pas même


-pullow et pullao dont la première venelle brève représente a, ne donne un u
dans la première syllabe; et le pelo de Thomas Herbert n'en suppose pas
non plus. — P. 96 (et p. 313, n. 1): L'explication de tuch par "touchstone"
ne me paraît pas bien rendre compte du synonyme "steel-mirror" donné par
Th. Herbert, à moins que ce dernier terme ait un sens qui m'échappe.

P. 156 (et p. 319, n. 1): L'emploi du mot "callimachee", comme désignant les
"interprètes" à la cour de Perse en 1628, est à noter. Sir W. F. dit que c'est
le mongol "kelemchi" {kàlàmcï); en fait, les seules formes attestées .sont
kàlàmiirci et kàlàmàci, cette dernière forme étant surtout usuelle en.turc
(cf. "calamanci" de Pegolotti, éd. Pagnini, III, xxin; talamaci[corr. ealamacï]
de Codex Comanicus, 105; etc.); on parlait alors volontiers turc à la cour de
Perse (cf. pp. 121, 314). — P. 219 (et p. 327, n.l): A Kaàan; "Nycador-Oglan,
the Usurper, ...was buried hère anuo Heg. 655". En note, Sir W. F. dit sim-
plement que "Nikudar or Tagudar Oghlu ( ..Ahmad Khan), reigned from 1281
to 1284". Malgré le «Tagudar Oghlu" de P. M. Sykes, A hislory of Persia,
II, 184, je considère que le cas possessif oylu n'est pas justifié ici, et qu'il
faut lire oyul ou oylan (comme pour le "Nigudar Aghul \corr. Oghul], or
Ogblan" de Yule et Cordier, Marco Polo, I, 103). S'il s'agit bien ici de
Yilkhan Ahmed, on devrait pouvoir déterminer si son nom est à lire décidé-
ment Negùdàr ou Tegùdâr; il valait en outre de nous dire si on a d'autres
données sur sa tombe-à Kasan et de nous faire remarquer que 655 de l'hégire
(= 1257 A.D.) est forcément fautif pour l'enterrement d'un prince mort en
1284. — P. 234 (et p. 328, n. 2) : "ribzuba, or morse's teeth, usually taken at
Pochora". Le nom morz du morse, sous la forme latinisée mors, et la prise de
l'animal aux bouches de la Petchora étaient déjà dans Herberstein, mais non
pas le nom russe à peine altéré de ces "dents de poisson"; je me demande
où Th. Herbert l'a entendu ou l'a pris; ces renseignements sont à ajouter
aux beaux articles de M. Laufer sur le sujet, en particulier à T'oung Pao,
1913, 355, et 1916, 361—362. — P. 242 (et p. 328, n. 1): "coridschey"; Sir
W. F. dit que c'est le turc "qïïrjï, a member of the royal bodjrguard"; mieux
vaut, je. crois, lire qorci, et le vrai sens en est "porteur de carquois".]
Annemarie von GABAIN, Ein Fûrstenspiegel: Bas Sin-yiï des Lu Kia.

Inaugural-Dissertation zur Erlangung der Doktorwûrde der Hohen Philoso-
phischen Fakultât der Friedrich-Wilhelms-Universitatzu Berlin, Berlin, 1930,
in-8, 82 pages .+ 1 fnch (Lebenslauf ). [Tirage à part des Mitt. d. Sein. f. Or.
Spr., Abt. I, XXXIII (1930); cf. supra, 429—434.]
H. A. R. GIBB, Ibn Battûta, Travels in Asia and Africa i325—i354,

Londres, Routledge, 1929, in-8, vu + 398 pages, avec 8 pi. et cartes; 15 sh.
[Fait partie de The Broadway Travellers. M. G., déjà connu par de fort bons
travaux, ne donne ici que des extraits, avec notes très soignées, en attendant
la traduction intégrale qu'il prépare par la Hakluyt Society. Contre M. G.
Ferrand et d'autres, M. G. maintient qu'Ibn-Battïïta a vraiment visité la Chine,
et aussi Constantinople et la Russie méridionale. Je ne suis pas convaincu.
Et même si Ibn-Battïïta a bien visité tous les pays qu'il a dit, il en a parlé
29
440 LIVRES REÇUS.

un peu à la manière de Fernand Mendez Pinto, qui, lui aussi, avait beaucoup
voyagé. Quelques vétilles: P. 8 et passim: "Ts'wan chow-fu" (Ts'iuan-tcheou-
fou) est mauvais dans tous les systèmes, puisqu'il ne rend pas la mouillure
du premier mot. — Pp. 152 et 357: A-t-on ailleurs l'orthographe oi^y- Sûrdaq
pour Soldaia et Sïïdâq? Il me paraît bien qu'il faut lire
o^ Sïïdâq comme
à la p. 46. — P. 358: Lire "Bertrandon de la Broquière". — P. 358, n. 36:
barbara, "transcription of hyperpyron", l'byperpère; c'est exact, mais on peut
ajouter que l'aphérèse n'est pas ici un fait arabe; on a de même "perpres"
dans Bratianu, Rech. sur le commerça génois, 86, et c'est certainement là,
en syriaque, le "parparé" qui a été méconnu successivement par Chabot
(Hist. du patriarche Mar Jabalaha III, 88), J. A. Montgomery (The History
of Yaballaha III, 70) et Sir E. A. W. Budge (The monks of Kûblâi Khân,
193). •— P. 368: La ressemblance phonétique entre "Urduja" et "Aï-yaruq"
(Aï-Jaruq est une forme "kirghize") n'est pas grande, et on sait eu outre
que Aï-yaruq n'est donné que par Marco Polo comme nom de la fille de Qaïdu
que les autres sources appellent Qutulun. Quand Ibn Battïïta commet l'in-
vraisemblance de placer son Urduja, qui a un nom turc, vers l'archipel Sulu
ou les Philippines, il est excessif de dire qu'une simple confusion phonétique
est "quite probable". — P. 369: Le balis, ou lingot d'argent, est passé de la
Chine aux nomades; quant au nom de balis, il n'a jamais été employé en
Chine que là où on parlait persan; le nom turc était yastuq; le nom mongol,
sûkà; le nom chinois, ting. — P. 369: Les Khitan n'étaient pas des "Turcs"
à proprement parler: on les a souvent considérés comme de langue tongouse;
je pense au contraire qu'ils parlaient un dialecte mongol. — P. 372, n. 26:
"toiva or tuwi"; lire loi. — P. 373: Khân-bâliq n'est pas mongol, mais turc.
Quant à _yùti> Kbâniqïï (Hâniqïï), son explication par Hanqïï, "celle du khan",
me semble, malgré Cl. Huart, insoutenable; le plus simple rne parait être
d'y voir une mauvaise application du vieux nom _^ÂJL> Hânfïï de la capitale
de la Chine, pour lequel il y a d'autres exemples de la faute graphique Hanqïï
(cf. G. Ferrand, Relat. de voyages et textes géogr., II, 711, s.v. "Khânfïï" et
"Khankïï"). — P. 373, n. 32—35: Il est clair que le texte d'ibn Battïïta, dans
cette partie tout au moins, est de pure imagination; les éléments m'en pa-
raissent fournis en partie par ce qu'on racontait populairement des funérailles
des souverains mongols, et en partie par des traditions relatives aux révoltes
de Qaidu et à ses incursions dans les régions de Qaraqorum et de Bes-balïq;
c'est Qaidu qui aurait fourni le prototype du "cousin" Fïrïïz (M. G., p. 299,
a une fois "cousin", une fois "nephew"; c'est "cousin" qui est correct);
peut-être même l'analogie graphique de ^LXJË (?3UX-O) et de 33^s a-t-elle
aidé à faire sortir Fïrïïz de Qaidu.]
— Victor GOLOUBEW, L'âge du bronze au Tonkin et dans le Nord-Annam,
sd [1930], gr. in-8, 46 pages et 32 pi, hors texte. (_Extr. du BEFEO, XXIX,
1929 (paru en fait en 1930). Dans ce bel article, M. G, part des bronzes
trouvés à x)ông-so'n dans le Thanh-hoâ, et qui donnent un repère sûr de
lieu et de temps pour un art dont les monuments les plus curieux sont les
fameux tambours de bronze. On a fait des bronzes de ce type au Thanh-hoâ
LIVRES REÇUS. 441

sous les Han; voilà qui est désormais acquis sans doute possible, et tels dé-
cors de guerriers de ces tambours se retrouvent eu particuliers sur des haches;
j'ajouterai qu'un oiseau du type de ceux des tambours figure
sur un vase de
bronze de la collection Pouyanne actuellement déposé
au Musée Guimet (cf.
supra, p 384). Des bronzes de type chiuois garantissent l'époque Han dans
certains cas; il y aurait lieu de mentionner à ce propos la bouilloire Han
de la collection Pouyanne en "cuivre de Si-yu"
que j'ai signalée dans
Toung Pao, 1929, 120. Certains points particulièrement importants deman-
deront des confirmations nouvelles: il me paraît incertain
que les débuts de
l'art du bronze de l'ancien Kieou-tchen coïncident vraiment avec la campagne
de Ma Yuan (p. 41). Par ailleurs, le rapprochement entre certains motifs des
tambours de bronze et ceux de dotaku japonais (p. 40) pourrait peut-être être
appujré par la composition même de ces bronzes, qui ont
un aspect assez
différent de celui des bronzes proprement chinois; et il serait évidemment
capital de pouvoir y joindre des parentés linguistiques entre le japonais et
les langues de i'Insulinde et de l'Océanie, mais il me semble prématuré de
trouver dans les rapprochements tentés par M. Matsumoto la preuve d'"affi-
nités indiscutables". Enfin j'admets moins facilement que l'auteur que des
tambours trouvés tant au Laos qu'à Java aient été "fondus et ciselés dans
un atelier indigène du Thanli-hoâ antique" (p. 45); le petit tambour de Java
dont parle M. G. dans la note des pp. 44—45 semble être le tambour-miniature
reproduit maintenant dans Oudheidkundig Verslag 1929, pi. 40 (cf. aussi
Tijdschrift v. Ind. Taal-, 1930, 141); mais précisément, comme M. G. l'indique,
ce tambour, en dépit d'une parenté évidente avec les petits tambours du
Thanh-hoâ, s'en distingue par une caisse plus allongée. Si on devait donner
le nom d'"art de Dông-so'n" à l'art dont les tambours de bronze sont les
monuments les plus importants, il ne faudrait donc pas être dupe des mots;
cette dénomination serait provisoirement analogue à tant d'autres adoptées
pour distinguer les diverses phases des civilisations préhistoriques; elle ca-
ractériserait un type qui s'est rencontré largement à x)ông-so'n, mais dont
on. ne peut encore affirmer qu'il s'y soit créé et que ce soit de là qu'il ait
rayonné.]
— Fernand GRENÂRD, Baber, fondateur de Vempire des Indes,
1483—1530,
Paris, Firmin-Didot, 1930, in-12, vr + 183 pages, avec 9 pi. [Fait partie de
la collection Vies. Narration très vivante, faite de première main par quelqu'un
qui connaît bien les textes, le pays et les gens.]

T )1l W H HlRÀFUKU Hyakusui, 0 ^ jl ffî H§ 3fc Nihon
yogwa no shokô ("L'aube de la peinture occidentale au Japon"), Tokyo, 1930,
in-folio, 1 + 1 + 3 ffnch + 79 + 3 + 4 pages, avec 30 planches en cou-
leurs; tiré à 300 exemplaires; 30 yen. [Somptueuse publication sur les débuts
de l'art l'occidental au Japon, principalement sous l'influence hollandaise.]
Lewis HODODS, Folkways in China, Londres, A. Probsthain, 1929, in-12,

IX _|_ 248 pages, avec 18 pi. hors texte. [= Probsthain''s Oriental Séries, XVIII;
12 sh. 6d. M. HODOUS a été longtemps missionnaire en Chine, surtout au
Foukien, mais il a également visité le Chansi, le Houpei, le Hounan. Attaché
442 LIVRES REÇUS.

aujourd'hui au Hartford Seminary (Corm.), il s'est également occupé du


département chinois de la Columbia University de New-York. Le présent
livre, consacré aux croyances et coutumes populaires, doit beaucoup aux
observations qu'il a recueillies sur place, mais M. H. a aussi coDsulté les
ouvrages chinois et européens, par exemple dans le ch. 35 (Cleansing pro-
cessions), qui est presque tout traduit du chinois directement. Quelques in-
exactitudes dans la transcription et l'interprétation des titres d'ouvrages
chinois aux pp. 237—241.]
— JAW Yuanrenn [=îf|| fC "ff^Tchao Yuan-jen], Tzueyhowwuu-fenjong
[ Ht ^$k 3L $!" ɧ Tsouei-heou wou-fen tchong], Changhai, Tchong-boua
chou-kiu, '1929, in-'12, 144 pages. [Adaptation d'une pièce de A. A. Milne; le
chinois y est donné en caractères chinois et dans le système de transcription
créé par M. Tchao; on sait que ce système marque les tons par des différences
dans le corps même du mot, et non par des accents ou des numéros; en outre
les sourdes non aspirées et aspirées y sont écrites respectivement au moyen
des sonores et sourdes non aspirées correspondantes.]
— Bernhard KARLGREN, S'orne fecundity symbols in ancient China, Stock-
holm, 1930, in-8, 54 pages et 6 pi. [Tirage à part de Bull. Mus Far Easlern
antiquities, n° 2. Propose de reconnaître un symbole phallique dans les graphies
anciennes qui correspondent à la partie de droite de ïïjfl tsou et de -|P po,
et dans la partie de gauche de ffiH p'o. Discute la question de Jffl "Terre

(divinité féminine)", de jit+ chô, "dieu du sol (masculin)", et de Ej -+-


Heou-t'ou, qui serait tantôt "la souveraine Terre" (divinité féminine), tantôt
"[Celui qui] domine la terre" (divinité mâle). Interprète le fe^ ts'ong comme
un objet du culte ancestral (de nom apparenté à ^pî tsong, "ancêtre"), et non
comme un symbole de la déesse Terre. Recherche les textes chinois qui
autorisent à voir dans le caurie et dans certains bivalves, à raison de leur
forme, un symbole sexuel de fécondité. Le fao-fie serait un "masque de
dragon", donc en rapport avec la fécondité et la fertilité. Tout cela me paraît
souvent bien hypothétique. A la p. 17, M. K. insiste que, dans JÉÛ Hf' le
,
second caractère, qui n'est là qu'un équivalent de j;)*|, doit se lire comme
ce dernier caractère dont la prononciation théoriquement correcte est k-iu\
c'est vrai, mais qu'y pouvons-nous si, en pékinois moderne, i)|| se lit en fait
hiu et non h'tu? La question des prononciation "incorrectes" généralisées est
très complexe.]
— Bernhard KARLGREN, Compte rendu du t. II des Bronzes de la col-
lection Eumorfopoulos étudiés par M. W. P. YETTS. [Tirage à part du Bull.
Sch. Or. Studies, VI, 241—252. Discute surtout les divers
noms des cloches;
corrige en tch'ouen la prononciation touei adoptée pour la cloche çgïfî
par le
catalogue Sumitomo et par M. Yetts. Sur les vol. I et II des Bronzes, cf.
aussi mon article, supra, pp. 359—406, et 0. Kummel, dans Ostasiat. Zeitschr.,
1930, 289-292.]
— La vie populaire à Pékin (Année 1923), Pékin, La "Politique de Pékin",
LIVRES REÇUS. 443
1925, petit in-8, 241 pages, avec 60 pi. hors texte; $ 3.00. La vie populaire

à Pékin (Année 1924), ibid., 1925, 293 pages, avec 60 pi. hors texte; $ 3.00.—
La vie populaire à Pékin (Année 1925), ibid., 1925, 353
pages, avec 34 pi. hors
texte; $ 3.00. — La vie populaire ci Pékin (Année 1926), ibid., 1926,414
pages,
avec 43 pi. hors texte;' $ 3.00. — La vie populaire à Pékin (Année 1921),
ibid., 1927, 139 pages, avec 101 pi. hors texte; % 2.00. [Fait partie de la
Collection de la "-Politique de Pékin". Il y avait eu auparavant
une Année
1922, de format gr. in-4; rien n'a paru après 1927. Toutes les anecdotes qui
composent chacun des volumes sont empruntées à la presse chinoise, et ont
paru en traduction dans la Politique'de Pékin.}
— Guy LE STRANGE, Clavijo, Embassy to Tamerlane 1403—1406, Londres,
Routledge, 1928, in-8, xv + 375 pages, avec 7 cartes et plans hors texte.
[Fait partie de The Broadway Travellers; 15 sh. Le texte espagnol a été
publié en 1582 et en 1782, puis traduit en anglais par Markham en 1869;
une nouvelle édition du texte espagnol, avec traduction russe, est due à
Sreznevskiï (1881); des articles critiques ont été publiés par Khanikov (1874),
par Veselovskiï (1882) et par Ph. Bruun (1883); cf. d'ailleurs Bibl. Sin.2,
2047—2048, 3176, 4015. Le nouveau traducteur a suivi le texte de Sreznevskiï,
qui lui-même a été établi uniquement sur les éditions de 1582 et 1782. De
ce chef, le travail de M. Le Strange ne peut nous satisfaire entièrement.
>
On sait en effet que les noms propres sont effroyablement défigurés dans les
éditions de Clavijo ; or M. L. S. a eu connaissance de deux manuscrits de
Madrid; l'un est du début du XVe siècle, l'autre est une copie faite à la fm
du XVIe siècle, sur le mss. perdu qui a servi à l'édition de 1582; et M. L. S.
ajoute lui-même (pp. v—vi) que "from the former if carefully collated better
reading's would ensue for a number of the proper names of persons and places
mentioned by Clavijo"; on peut regretter que la traduction ait paru sans cette
collation. C'est ainsi qu'à la p. 358, il nous est dit que, dans les éditions de
Clavijo, les noms de trois des quatre fils de Gengis-Khan "are phenomenally
misprinted, namely Gabuy (Tuhry), Esbeque (Ogotay) and Charcas (Juji)";
si ce sont des "misprints", il fallait nous dire ce que sont les leçons des mss. ;
autrement, nous pouvons nous demander si les équivalences sont bien exactes
et si Clavijo n'a pas cru par exemple, bien qu'à tort, qu'un fils de Gengis-Khan
s'était appelé Ozbàg. Attendons l'édition critique de ce texte si important et
d'une lecture vraiment attachante. La version de M. L. S. est assez souvent
une paraphrase, parfois inexacte; par exemple p. 25, où "....and the wornen
[the Christian captives taken from the Turks at Angora] whom Timur now
sent back to Spain for safe-keeping" répond à " et des femmes, qu'il lui
envoyait selon sa coutume", que donne le texte. L'annotation est en général
suffisante, quoique sommaire; l'index est très incomplet. La note 2 de la p. 358
est "fort inexacte: Khubilai n'est pas devenu grand-khan en 1257, puisque
Mongka n'est mort qu'en 1259; la dynastie Miug commence en 1368, non 1370;
la forme "tanguz" n'existe pas'en turc pour "porc"; "Chingtsu" (Tch'eng-tsou)
n'est pas un "nom personnel" de Yong-lo, mais son nom posthume; et comme
Yong-lo n'est mort qu'en 1424, ce nom posthume est forcément hors de question
lors de l'ambassade de Clavijo.]
444 LIVRES REÇUS.

— Lo Tchen-yu, j|| Jg- |fj|^ Leao-kiu tsa-tchou ("Oeuvres diverses


composées en résidence au Leao-[tong]"), 2 pen, 1929. [M. Lo Tchen-yu a
quitté Tientsin pour aller s'établir à Port-Arthur à la fin de 4928; de là le

1° *5c ipf ^
titre donné à la dernière collection de ses écrits. Le deux pen comprennent:
3|§ O y' Vao-che ("Déchiffrement du vase de O "):- ^
s'agit d'un très beau vase sorti de terre assez récemment; le couvercle a une
inscription de 115 caractères; le vase lui-même en a 116; le nom de l'auteur
du vase est inexpliqué ; le vase a été fabriqué au moyen des dons faits à l'auteur
par un descendant du duc de Tcheou. — 2° fj| ÉP jj^fc J2^ f§£ f$j ]E
Si-yin sing-che tcheng pou-tcheng ("Supplément au Répertoire des noms de
famille qui figurent sur des cachets"). Le Répertoire publié par M. Lo en 1915
était basé sur le dépouillement des catalogues de 46 collections de cachets
anciens; le présent supplément dépouille 20 autres catalogues, dont cinq

portant le total à 1176. — 3° g| || jg J£j[ JJJÇ ^


remontent aux Ming; 82 noms de famille s'ajoutent ainsi aux précédents,
g| §g ^fjl Han
leang-king yi-lai king-ming tsi-lou ("Répertoire des inscriptions des miroirs
depuis les Han occidentaux et orientaux"); fort important. — 4°^^ ||3r
King houa ("Propos sur les miroirs"). — 5° ^|§r J|[ ||| ^ Q ^ ^ ||g
Hao-li yi-wen mou-lou siu pien ("Suite au Catalogue des inscriptions funé-
raires"); en ajoutant ce Supplément au Catalogue publié antérieurement par
M. Lo, on obtient une liste de plus de 2700 inscriptions. — 6° ^tj] /pk £**
-fi' ÉÉ^! Houo-lin kin-che lou ("Epigraphie de Karakorum"). Le Houo-lin
kin-che lou est un déchiffrement des inscriptions chinoises de Mongolie sous
les T'ou-kiue, les Ouigours et les Mongols; c'est une oeuvre de 35 A^* [JJ
Li Wen-tfien qui nous est bien connue par l'édition du Ling-k'ien-ko ts'ong-chou.
M. Lo la reprend ici en l'améliorant beaucoup. Pour l'inscription de Karabal-
gasun, son déchiffrement est entièrement d'accord avec celui que Chavannes
et moi avons adopté, en ce qui concerne la partie où il est question du
manichéisme, dans JA, 1913, I, 196—198. Quant a l'inscription de Bilgà-qayan,
toutes les lectures que j'ai proposées indépendamment dans T'oung Pao, 1929,
232—234, se retrouvent ici, sauf que j'ai lu quelques caractères que M. Lo
n'a pas reconnus, faute d'un bon estampage. — 7° Mfy Ù&L "jfe" Jlt ^fe
1ÉF 4^ ïfB Touen-houang kou
^
sie-pen Mao-che kiao-ki ("Notes critiques sur
le Che[-king] de [la recension de] Mao d'après les anciens mss. de Touen-
houang"). Les mss. utilisés (3 de.3 Six dynasties, 3 des T'ang) sont tous ou
presque tous de ceux que j'ai rapportés à la Bibl. Nationale (je n'ai pas
vérifié pour tous). Ces mss., outre des variantes à retenir, donnent plusieurs

8° iffi Jp||^
leçons qui doivent sûrement l'emporter sur celles du texte traditionnel.
^fff Ti-fan Mao-pou ("Supplément aux Notes critiques

sur le
Ti fan"). M. Lo avait publié ses Notes critiques en 1924, en comparant le texte
du Yong-lo ta-tien et celui d'une éd. japonaise de la période kwambun
(1661—1673); il a connu ensuite un ancien rouleau mss. appartenant à
M. Kojima, et en indique ici les variantes. On sait que le Ti- fan oeuvre de
LIVRES REÇUS. 445

-^
~y^ ~y^ J^. ^ jfijs 2JS^
l'empereur T'ai-tsong des T'ang, s'est mal conservé en Chine. — 9°
0E ,S°nS' tchan Wen-yuan ying-houa ts'an-pen
mt
kiao-ki ("Notes critiques sur un exemplaire fragmentaire du Wen-yuan ying-
houa gravé sous les Song"). On sait que nous n'atteignons cette monumentale
collection littéraire que par une édition des Ming, dont le texte est assez fautif;
M. Lo donne la collation des en. 231 à 240 d'après l'exemplaire fragmentaire
retrouvé au Nei-ko; l'oeuvre était restée longtemps manuscrite et cette édition,

— Lo Tchen-yu,
6

^^2j5'^^^^^^
du début du XIII siècle, est probablement l'édition princeps.]
H an hi-p'ing che-
king ts'an-tseu tsi-lou ("Recueil des fragments des classiquesgravés sur pierre
dans la période hi-p'ing [172—177] des Han"), 1 ch., avec 1 ch. d'additions;
Han hi-p'ing che-king tsan-ts'eu tsi-lou siu-pien ( $ÊÊ &JS, ), idem, 2e série,
avec 1 ch. d'additions; Han hi-p'ing che-king ts'an-tseu tsi-lou san-pien
( —-. /éS )i idem, 3e série, avec 1 ch. d'additions; 2 pen en tout. [Il s'agit de
fragments des classiques gravés sur pierre à Lo-yang de 175 à 183 (cf.
T'oung Pao, 1924, 1—3). Pendant longtemps, on ne connut que quelques
fragments recueillis sous les Song; mais on en retrouve actuellement un
grand nombre, et M. Lo, à quatre mois d'intervalle, a eu à publier trois
séries, avec chacune un supplément, à mesure qu'il connaissait des fragments
nouveaux. J'ai à peine besoin d'ajouter que les fragments ne donnent rien des
chapitres du "Chou king en kou-wen", puisque ces faux chapitres n'existaient
pas encore en 175—183.]
•—•
Georges MASPERO, Un empire colonial français, L'Indochine, t. II,
L'Indochine française; L'Indochine économique;L'Indochine pittoresque, Paris
et Bruxelles, Van Oest, 1930, in-4, 303 pages, avec 155 figures dans le texte,
et 3 dessins, 24 planches et 5 cartes hors texte. Les 2 vol., 300 francs. [Pour
le 1er vol., cf. T'oung Pao, 1929, 405. Le présent volume complète la très belle
publication rédigée sous la direction de M. G. Maspero. Les collaborateurs
sont cette fois H. BRENIER, Eugène CASENAVE, Auguste CHEVALIER, H. GOURDON,
Georges LAMARRE, H. MARCHAL, G. MASPERO, Pierre PASQUIER, le prince et la
princesse Achille MURÂT.]
— Yi-pao MEI, The ethical andpoliticalworksofMot.se ||j| -^p, Londres,
A. Probsthain, 1929, in-12, xiv + 275 pages. {= Probsthain''s Oriental Séries,
XIX. Cette traduction consciencieuse et indépendante est moins complète que
celle publiée en allemand par M. Forke, car elle laisse de côté non seulement
les sections "militaires" (§ 51—71, déjà abrégées chez M. Forke), mais aussi
les sections de dialectique (§ 40—45), dont il est cependant possible de. donner
aujourd'hui, après Leang K'i-tch'ao, MM. Hou Che, H. Maspero et d'autres,
une meilleure interprétation que M. Forke ne l'avait fait en 1922. M. MEI
est parti naturellement de l'édition critique de Souen Yi-jaug.]
A. MONESTIER, A travers la crise nationaliste, t. I, 1er semestre 1927,
Pékin, Impr. de la "Politique de Pékin", 1928, petit in-8, 4 + 410 pages,
1927, ïbid.,
avec nombr. illustr. dans le texte et hors texte ; t. II, 2° semestre
1928, 462 pages; t. III, 1er semestre 1928, ibid., 1928, 421 pages; t. IV, 2e semestre
446 LIVRES REÇUS.

1928, ibid., 1928, 439 pages; t. V, 1" semestre 1929, ibid., 1929, 578 + 5 pages:
t. VI, 2e semestre 1929, ibid., 1930, 461 + 5 pages; t. VII, 1er semestre 1930»
ibid., 1930, 361 + 5 pages. [Fait partie de la Collection de la "-Politique de
Pékin"- chaque vol., $ 3.00. M. Monestier, directeur de la "Politique de Pékin",
a eu l'excellente idée de réunir là en volumes les chroniques hebdomadaires
qu'il donne dans son journal, en les accompagnant des caricatures chinoises
qui sont un des aspects si pittoresques du nouveau journalisme en Extrême-
Orient. Il y a là, au double point de vue de l'actualité politique et des réactions
quotidiennes de l'esprit chinois en présence d'un kaléidoscope d'influences rivales,
une mine d'informations que les historiens futurs de la jeune Républiquechinoise
consulteront avec un intérêt croissant]
— A. C. MOULE,
Christians in China before ihe yeo.r 1550, Londres, Soc.
for promotiug Christian knowledge, 1930, in-12, xvi + 293 pages, avec 13
planches hors texte. [Livre fondamental.]
— Albert NACHBAUR et WâNoNgen Joûng [ ^ }%^ é^ WANG Ngen-jong],

Les images populaires chinoises, Pékin, A. Nachbaur, 1926, in-folio. [L'ouvrage


n'a pas de pagination suivie. Il se compose d'une préface de M. NACHBAUR,
puis de véritables images pupulaires chinoises collées ou insérées en porte-
feuilles; ces images comprennent 18 images du Nouvel An, 3 images de la
5e lune, 1 image de la 8e lune; chacune est accompagnée d'un texte explicatif

en français. L'intérêt de la publication est de conserver des spécimens d'imagerie


populaire qui seraient autrement condamnés à une prompte disparition.]
— C. H. PAYNE, Jahangïr and the Jesuits, with an Account ofthetravels
of Benedict Goes and the mission to Pegu. from the Relations of Father Fernào
Guerreiro, S.J., Londres, Routledge, 1930, in-8, xxix -f- 287 pages, avec 1 portrait
et 5 cartes (dont 2 hors texte); 12 sh. 6. [Fait partie des Broadway Travellers.
M. C. H. PAYNE, l'auteur de Scènes and Characters from Indian history, qui
avait déjà publié dans les Broadway Travellers le volume Akbar and the Jesuits
tiré de VHistoire du P. du Jarric, a puisé cette fois ses matériaux dans les
Relaçam annual de Guerreiro, non sans les compléter au moyen d'autres sources,
en particulier par des lettres originales du P. lérome Xavier conservées dans
les Marsden Mss. du British Muséum; il doit en outre beaucoup au Cathay
de Yule et Cordier, aux Early Jesuit travellers du P. Wessels et surtout
aux
divers travaux du P. Hosten. Le volume est important et fort instructif.
Quelques remarques. Pp. xiu—xiv: Les cinq Relaçam de Guerreiro sont
rares,
mais plusieurs exemplaires de toutes, sauf la troisième, ont passé en vente
depuis dix ans. La traduction espagnole de la cinquième n'a
pas "escaped
notice"; elle est dûment indiquée dans Cordier, Bibl. japon., 259, à côté d'une
traduction'allemande que M. P. n'a pas connue. Pp. 148 et 173: " the
Angil [Ranjur?], that is to say, the Evangelho"; "the Angil, wliich is the
Evangelho"; "'Angil' is perhaps for kanjur". Ceci est au moins amphibologique;
l'homme visé parle persan, et "angil" est naturellement A_^?) infd, l'Evangile.
La 2e partie, pp. 117—182, sur Benoit de Goes, eompléte heureusement le livre
du P. Wessels et l'article publié en 1927 par le P. Hosten dans le J.
a. Pr.
of the R. A. S. Bengal. Pp. 155 et 180: "Tutam" n'est pas tao-fai, forme
LIVRES REÇUS. 447

populaire d'un titre qui n'existait, pas sous les Ming; et ce n'est pas non plus
W& Wt tou-fong
luso-asiâtico, II, 395 et 574; l'original chinois est ^
comme on pourrait le penser d'après Dalgado, Glossârio
^fif* tou-fang;
sur
l'emploi de ce titre sous les Ming, cf. le Ts'eu yuan. Pour la 3° partie, con-
sacrée à l'établissement de Philippe de Brito au Pégou, M. P. s'est servi de
Guerreiro, qui s'arrête en 1609, et a complété le récit jusqu'à la ruine finale
de 1613 au moyen de Faria y Sousa (1666—1675) et de la Decada de Bocarro
achevée en 1635. Mais je suis surpris de ne trouver, ni dans l'Introduction,
ni dans les notes, aucune allusion à une autre source connue depuis long-
temps (cf. par exemple, les indications de Cordier, Bibl. Indosinica, 435—437,
ou de A. Cabaton, Brève et vérid. relat. des évén. du Cambodge, 102—103),
c'est-à-dire au Brève discurso espagnol imprimé à Lisbonne dès 1617 (un ex.
en vente chez Maggs en 1927, cat. 495), dont une traduction portugaise a
été jointe aux éditions portugaises de Pinto en 1711,1725 et 1829. Antérieure-
ment encore, dès 1614, une Relation de las guerras entre les Portugais et les
Pégouans, en 4 pages in-folio, avait été publiée à Séville (un ex. sur même
catalogue de Maggs en 1927; un autre [ou le même?] chez Vindel en 1928).
P. 270: M. P. dit que talapoin vient "probablement" de tala-pattra, talipot, et
ne cite que secondairement, d'après Sir W. Foster, le mon talapoy, mot-à-mot
"seigneur de nous"; mais le seconde explication est seule valable; cf. à ce
sujet A. Coedès, dans BEFEO, XVIII, ix, 7. P. 277: Je ne vois pas comment
"daruré" peut représenter dàrvls, a moins d'une faute de texte chez Guerreiro.]
— Léopold de SAUSSURE, Les Origines de l'astronomie chinoise, Paris,
Mâisonneuve frères, 1930, in-8, x -j- 598 pages, avec préface de G. FERRAND.
[C'est la reproduction photomécanique des articles publiés dans le T'oung Pao
de-1907 à 1922; on sait que la mort a interrompu cette série après la
première partie du "zodiaque lunaire". Telle quelle, il sera précieux de l'avoir
en un volume auquel on a bien fait de donner une pagination continue;
mais il eût valu de laisser entre crochets les paginations originelles, aux-
quelles tous les renvois dans le texte continuent de se rapporter et sans qu'il
y ait même nulle part l'indication des années du T'oung Pao où les divers
articles ont paru. Les idées de Saussure avaient bien évolué sur la fin de sa
vie, et il eût vraisemblablement changé beaucoup à ses premiers articles.
Parti de l'indépendance de l'astronomie chinoise, il aboutissait à faire venir
celle-ci du monde indo-iranien à date très ancienne. Sa lettre du 2 juillet
1925, que M. Ferrand reproduit dans sa préface, est caractéristique de cette
attitude nouvelle; mais il n'est pas certain qu'il s'y fût tenu rigidement s'il
eût vécu.]
— Emile SENART, Chândogya-wpanisad, trad. et
annotée, Paris, Les
Belles-Lettres, 1930, in-12, xxm + 121 + 142 pages, avec un portr. en héliogr. ;
30 francs. [Inaugure brillamment la Collection Emile Senart, publiée par
l'Institut de Civilis. indienne de l'Univ. de Paris sous le patronage de la
Société Asiatique et de l'Association Guillaume Budé. Le principe de la
collection est de publier des textes hindous en romanisation, avec traduction
française vis à vis. La présente traduction a été trouvée prête pour l'im-
448 LIVRES REÇUS.

pression dans les papiers d'E. Senart. M. Foucher en a écrit l'introduction


analytique, a placé en face de la traduction le texte rornanisé, a complété
entre crochets un certain nombre de notes et a ajouté l'index explicatif qui
occupe les pages 123—142.]
— H. Lee SHUTTLEVYORTII,
Lha-lwï Temple, Spyi-ti, avec préface de
A. H. FRANCKE, Calcutta, 1929, in-4, m + 7 -f ni pages, avec 1 pi. {=
Mem. of the Arch. Survey of India, n° 39.]
Osvald SIRÉN, A History of early Chinese art, t. I, The Prehistoric

and pre-Han periods, Londres, Ernest Benn, 1929, in-4, xm + 75 pages, et
108 planches: t. II, The Han period, ibid., 1930, XYI + 87 pages, et 120
planches; t. III, Sculpture, ibid., 1930, XYI + 75 pages, et 128 planches-,
t. IV, Architecture, ibid., 1930, xm + 77 pages, et 120 planches. Les 4 vol.:
14 guinées.
— Osvald SIRÉN, Histoire des avis
anciens delà Chine, t. IV: L'architecture,
Paris et Bruxelles, Van Oest, 1930, in-4, 103 pages et 120 planches; 300 francs.
[= Ann. du Musée Guirnet, Bibl. d'art, Nlle série, IV.]
^1 ɧ fîff Jr^C "H* Sôrai-kwan kinshô ("Chefs-d'oeuvre du Sorai-

kwan"), par Kpj' ^ ^ -ffê ||K ABE Fusajirô, avec préface de NAITÔ Torajiro.
^ |t% ^M. —* J|j3 ISE
introduction de ABE Fusajirô, et plan (fan-li) de
Tsutaichirô, Osaka, Hakubundo, 1930, 1 fao in-plano de 3 pen, reproduisant
en noir 70 peintures chinoises (et autographes), certaines occupant plusieurs
planches, et chacune accompagnée d'une notice. [C'est la "première série" de
reproductions des collections réunies par M. ABE Fusajirô au Sôrai-kwan, à
Sumiyoshi près Kobe. La préface de M. Naitô fait savoir que les deux tiers
des peintures chinoises qui. en 1917, appartenaient encore à -=^ T^JÉJ -S* Hf
1 ^ ' 11 J\j, !?>% pj% ^\
Wan-yen King-hien (T. jâÈ 3& P'ou-souen) sont actuellement au Japon, et
que la moitié de ces deux tiers a été acquise par M. Abe. Les peintures vont
des T'ang aux Ts'ing. Il y a des oeuvres de toute beauté, surtout pour l'époque
des Song. Les reproductions sont excellentes, sans qu'on y puisse toutefois
toujours lire les signatures ou inscriptions dédicatoires. On notera que Mou-k'i
est bien mis ici au XIIe siècle, et non au XIII* comme faisait M. TValey.]
— G. SOULIER, Le moine arménien Hethoum et les apports d'Extrême-Orient
à la fin du XIIIe et an commencement du XIV« siècle [Extr. de Rev. des
études arméniennes, X (1929), 249—254. M. G. S. attire l'attention sur un
passage de Giovanni Villani racontant de façon légendaire le mariage de
Yilkhan Ghazan et d'une princesse d'Arménie, et sur des textes de Villani
et de Cristoforo Landino relatifs à la venue en Italie, en 1300, comme en-
voyé de Ghazan, d'un Florentin membre de la famille Bastari; le reste est
peu neuf et encore moins concluant. D'assez grosses erreurs: A la p. 252, il
est impossible d'imaginer que Hethurn l'historien, après sa prise de l'habit
des Prémontrés en Chypre, ait passé en Terre Sainte, "peut-être à la suite
de Ghazan", car la prise d'habit est de 1305, rien ne montre que Hethum
soit allé ensuite en Terre Sainte, il est faux qu'il soit venu en Europe sur
l'appel de Clément V, et Ghazan était mort dès mai 1304 M. G. S. n'a pas
LIVRES REÇUS. 449

lu l'Introduction du t. II des Doc. arméniens auquel il renvoie. Quant


au
mariage de Ghazan et d'une princesse arménienne, nous ne sommes pas là
"en dehors de l'Histoire, en pleine fantaisie" (p. 251); outre le texte français
déjà cité par Abel Rémusat (Mém. sur les relat. politiques, 127), des textes
orientaux indiquent que Ghazan aurait épousé sinon une fille, du moins une
nièce du roi Hethum II (cf. Brosset, Hist. de la Siounie, 262; Howorth, Hist.
of the Mongols, II, 422).]
— Josef STRZYGOWSKI, Asiens bildende Kunst in Stichproben, ihr Wesen
und ihre Entwicklung, Augsburg, Dr. Benno Filser Verlag, 1930, in-4, xxn +
779 pages + 1 fneh (bibliogr. des -oeuvres de l'auteur à partir de 1921)
;
abondamment illustré; relié pleine toile, R.M. 120.
— Andrée VIOLLIS [= Mmo d'ARDENNE DE TIZACJ, Tourmente sur l'Af-
ghanistan, Paris, Valois, 1930, in-12, 240 pages -f- 1 fnch Erratum, avec 8 pi.
doubles. [Les correspondances envoyées de Kaboul au Petit Parisien par M°B
A. V. avaient donné au jour le jour la chronique très vivante du renverse-
ment du "Porteur d'eau" et de l'avènement de Nadir-khan. Les mêmes événe-
ments sont racontés ici en plus grand détail, et en reprenant les choses
depuis 1919, avec l'indépendance conquise par Amanullah, ses tentatives de
modernisation trop rapides et les oppositions indigènes et étrangères qui le
renversèrent.]
— J. Pli. VOGEL. La scidpture de Mathurâ, Paris et Bruxelles, Van Oest,
1930, in-4, 133 pages et 60 planches. [= Ars Asiatica, XV.]
— Richard WILHELM, Li Gi, das Buch der Sitte des àlteren undjùngeren Dai,
Iéna, E. Diederichs, 1930, in-8, xvm -f- 449 pages. [Trad. complète des chapitres
subsistants du Ta Tai li ki, ou "Rituel de Tai rainé", et d'une grande partie
du Li ki de Tai le jeune. Aux pp. 413—416, étude de M. W. HARTNER sur les
données astronomiques du Hiao siao tcheng, ou "Petit Calendrier des Hia".
Broché, R.M. 14; rel. toile, R.M. 17.50.]
— W. Perceval YETTS,
The George Eumorfopoulos collection. Catalogue
of the Chinese & Corean bronzes, sculpture, jades, jewellery and miscellaneous
objects, vol. Il, Bronzes: bells, drums, mirrors, etc. Londres, Ernest Benn, 1930,
in-folio, vm -j- 99 pages, avec 75 planches, dont 25 en couleurs; 12 guinées.
CHRONIQUE.

Les nouvelles provinces chinoises. — J'emprunte les renseignements


qui suivent à un article de M. &f|f\
-^- "Chang Tan-tse" (Tchang'Tan-tseu),
publié dans The China Weekly Revieiv du 30 septembre 1930, pp. 87—90.
A la fin de l'ancien régime, la Chine comportait, comme on sait, 22 pro-
vinces (18 de la Chine propre, 3 de Mandchourie, enfin celle du Sin-kiang ou
Turkestan chinois). Il y en a aujourd'hui 28, par suite de la création des six
provinces suivantes:
1° Province de "Charhar", créée le 5 septembre 1928 avec une partie de
l'ancien "district spécial" ( ^fc ^jj[^ t'ô-pie-k-iu) de "Charhar"; elle compte
10 sous-préfectures (hien); la capitale provinciale est à ÉB ^* Wan-ts'iuan,
c'est-à-dire Kalgan.
2° Province de Jehol, substituée le 5 septembre 1928 au "district spécial"
de Jehol; capitale Tch'eng-tô (= Jehol).
3° Province de "Suiyuan" (Souei-yuan), substituée le 5 septembre 1928
au "district spécial" de ce nom; capitale "Kweisui".
4° Province de "Hsikang", à l'Est du Tibet et au Nord de la Birmanie;
la région avait été constituée comme un "district spécial" en 1914; elle est
devenue une province le 5 septembre 1928; capitale "Kangting".
5° Province de "Chlngbal" ( w vfe Ts'ing-hai). C'est la région du Kou-
kounor (Kôkônôr), dont Ts'ing-hai, qui a le même sens de "Lac bleu", est
un vieux nom chinois; capitale "Hsining" (Si-ning).
6° Province de "Ninghsia" (Ning-hia). Au Nord du Kansou. Créée le 17
octobre 1928 au moyen du cercle de Ning-hia et des territoires mongols des
TorgUt de l'Edzinai et de l'Alasan; capitale Ning-hia.
Par ailleurs, la province du Tche-li (Petchili) est devenue province de
yqî ;J^ Hopei; en même temps la capitale provinciale a été transférée de
Tientsin à Pékin, et on sait que Pékin, n'étant plus considéré comme capitale
de la Chine, a été alors rebaptisé "Peiping" (Pei-p'ing).
La province de Fong-t'ien(Moukden) s'appelle désormais ^g ^jj$ Leao-ning.
Nankin étant devenu capitale de la Chine, la capitale du Kiangsou a été
transférée à Tchen-kiang.
Bien que ces divers changements ne soient pas tout récents, et que nous
ne fassions pas dans le T'oung Pao une chronique au jour le jour des événe-
ments contemporains, il m'a paru bon d'enregistrer ici des innovations aussi
importantes et qui, au moins pour ce qui est de la création des six nouvelles
provinces, paraissent durables. — P. P.
NECROLOGIE.

Marinus Willem DE VISSER.


To 1930, which has been sucli a black year for Orientalists, Leiden lias
had to pay toll by the deatb of its distinguished Japanologue, Dr. M. AV. de
Visser, who passed away unexpectedly on Tuesday, Octôber 7th. Though lie
had been suffering for a long time, no one had expected the end. His friends
and colleagues share the grief of his widow and only son and mourn the
loss of a kindly man and a fine scholar.
Marinus Willem de Visser was born on October 23rd, 1875, at Stavenisse
in the province of Zealand. He received part of his éducation at Breda and
in 1893 entered the University of Leiden as a student of classical philology.
In 1900 he concluded his brilliant student's years by a doctor's thesis, entitled
De Graecorum dus non referentibus speciem humanam. Shortly before obtaining
his degree he spent some time in Berlin, Paris and London for ethnological
studies. It was this ethnological interest which soon carried him further afîeld,
for, after completing his classical studies, he took up the study of Chinese,
first under Schlegel, and later under de Groot. He decided to spécialise in
Oriental studies and. entered in 1904 the diplomatie service as interpréter at
the Netherlands' Légation at Tokyo. In 1909 he came home on leave and was,
the following year, appointed Curator (Conservator) of the Far-Eastern section
of the Ethnographical Muséum at Leiden! A séries of publications, written
during his stajr in Japan, had proved that his oriental studies were already
bearihg fruit. His new position at Leiden was exactly to his liking. Resuming
his studies with de Groot he at once began a larger book, The Dragon in
China and Japan, which was published in 1913 by the Dutch Rojral Acadéniy
of Sciences and which earned for him in 1 914 part of the Prix Stanislas Julien
from the Institut des Inscriptions et Belles Lettres in Paris. Doubtless under
the influence of his work at the Muséum, he became more and more iuterested
in the study of Buddhism and in 1915 appeared his first large book on this
subject, The Bodhisattva Ti-Tsang (Jizd) in China and Japan (published by
the Ostasiatische Zeitschrift). In 1917 the chair of Japanese, which had been
held by Hoffmann and which represented the traditional interest taken by
the Dutch in Japan, was reïnstated and de Visser was appointed to it. He
assumed his new duties on May 30 1917 with an inaugural address on De
invloed van China en Indië op de Japansche taal en literatuur. In the following
year he was elected a member of the Dutch Royal Academy of Sciences at
Amsterdam.
.
452 NÉCROLOaiE.

Continuing his Buddhistic studies, he published in 1923 The Arhats m


China and Japan. The following yeai's were devoted to the work which he
had been asked to contribute to the séries Buddhica, Documents et travaux
pour Vétude du Bouddhisme, under the title of Ancient Buddhism in Japan;
Sïïtras and Cérémonies in use in the Seventh and Eighth Centuries A.D. and
their History in Later Times. It proved to be his iast great work: the ma-
nuscript has beea complétée! and printed and sofar two fascicles hâve ap-
peared, bat de Visser bas not lived to see this last and greatest effort
published in its entirety.
De "Visser was an extremely diligent worker, always willing to let others
profit from his knowledge or to take endless trouble over srnall matters about
which he was asked for information. Always friendly, he was ever accessible
to his students. His scholarship was sound and exact, for he never jurnped to
conclusions. He was indefatigable in wresting frorn the rnass of Chineseand
Japanese writings whatever data had to be collected and collated, and the
multifarious détails seemed to order themselves easily under his hands and
were presented in a clear and simple forrn, whether in Dutch or in Eûglish,
although he did not perhaps possess a penetrating and synthetic mind in the
truest sensé. It might be said of him, as of Confucius: y|fc j^
~jK, AM
4=î ÏS) #? ~JÇ "A transmitter and not a maker, a sincère lover of anti-
,
quity".
At the présent time with its dearth of Japanologues his death is rnore
than ever to be regretted as a great loss to oriental scholarship.
J. J. L. Dujwendak.
Bibliography of Prof. il. W. de Visser's vjorks.
1° De Graeeorum diis non referentibus speciem humanam (thesis), Leiden,
1900, îv + 28 pages.
2° Die nicht menschengestaltigen Gôtter der Griechen, Leiden, 1903, x -j-
272 pages.
3° The Tengu (reprint frorn "Transactions of the Asiatic Society of Japan",
Vol. XXXVI, part II, pp. 25—99), Yokohama, 1908.
4° The Fox and Badger in Japanese Folklore {Trans. As. Soc. of Japan,
Vol. XXXVI, part 3, pp. 1—159), Yokohama, 1908.
5° Het Pelgrimsleven in Japan (reprint from Onze Eeuw, 8e Jaarg., 1908).
6° The Dog and the Cat in Japanese superstition (extrait from the Trans.
As. Soc. of Japan, Vol. XXXVII, part I, pp. 1—84), Yokohama, 1909.
7° Shinto, De Godsdienst van Japan (Groote Godsdiensten, Séries 1, N° 1),
Baarn, 1911, in-8, 48 pages.
8° Het Buddhisme in Japan (Groote Godsdiensten, Séries I, N° 8), Baarn, 1911,
in-8. 48 pages.
9° The snake in Japanese superstition (reprint from the Mittcilungen des
Seminars fur Orient. Spr. zu Berlin, Jhrg. XIV, Abt. I, Ostasiat. Studien,
pp. 267—322), Berlin, 1911.
10° Japansche kleurendrukken in het Bijks Ethnographisch Muséum te Leiden
N0B I—XVI (Elsevier's Maandschrift, Amsterdam, 1911—1915).
NÉCROLOGIE. 453
11° Oud en Nieuw Japan. Vier lezingen gehoudenvoor de Ned. Indische Bestuurs-
academie, Leiden, 1913, in-8, 123 pages.
12" The Dragon in China and Japan (Verhandelingen der Kon. Ak.v. Wetensch.
te Amsterdam, Afd. Letterkunde. Nieuwe Reeks, Deel XIII, N° 2), Amster-
dam, 1913, 243 pages.
13° Fire and ignés fatui in China and Japan (reprint from the Mitteil. des Sem.
fur Orient. Spr., Jhrg. XVII, Abt. I. Ostasiat. Studien, 97—193), Berlin,
1914.
14° The Bodhisattva Ti-Tsang (Jizd) in China and Japan, with ill. (Erste Sonder-
verôffentlichung der Ostasiat. Zeitschrift), Berlin. 1915, in-4, iv + 181
pages,
with 37 fig.
15° Tentoonstelling van Buddhistische Kunstin hetBijksEthnographischMuséum.
I. De Beelden. II. De Schilderijen (reprint from Oude Kunst, 1915), 16
pages
with 16 fig., and 10 pages with 7 fig.
16° Tentoonstelling van Japansch Lakwerk in het Bijks Ethnographisch Muséum
vanafi5 Deeemberi916. De Beteekenis en de Ornamentiek dertentoongestelde
lakwerken (reprint from Oude Kunst).
17° De invloed van China en Indië op de Japansche taal en literatuur. Rede
uitgesproken bij de aanvaarding van het hoogleeraarsambt aan de Rijks-
Universiteit te Leiden den 30sten Mei 1917, Leiden, 1917, in-8, 32 pages.
18° De Arhats in China en Japan (reprint from Verslagen en Mededeelingen
der Kon. Académie van Wetensehappen, Afd. Letterkunde, 5e Reeks, Deel IV,
pp. 408—443), Amsterdam, 1919.
19° Die Pfauenkônigin (ICung-tsioh ming-wang, Kujaku myô~-ô) in China und
Japan (reprint from Ostasialisehe Zeitschrift, Jhrg. VIII, Heft 1—4, pp. 370—
387), Berlin, 1919—1920.
20° The Arhats in China andJapan, with 16 plates (vierte Sonderverôffentlichung
der Ostasïatischen Zeitschrift), Berlin, 1923, in-4, 215 pages.
21° Het Buddhistische Doodenfeest in China en Japan (Mededeelingen der Kon.
Akademie van Wetensehappen, Afd. Letterkunde, Deel 58, Série B, N° 5,
Amsterdam, 1924, pp. 89—128).
22° De Buddhistische ceremoniën van berouw in Japan (ibid., Deel 62, Série B,
N° 2, Amsterdam, 1926).
23°'Marcel Granet, Danses et légendes de la Chine ancienne, Paris, Alcan, 1926,
2 vol. (review).
24° Ancient Buddhism in Japan. Sïïlras and cérémonies in use in the seventh
and eighth centuries A.D. and their history in later times (Buddhica.
Documents et travaux pour Vétude du Bouddhisme, première série: Mémoires.
T. III— ); Paris, 1928—? (the second volume is ready in manuscript,
but not yet published).
25° J". J. M. de Groot (reprinted from the Levensberichten van de Mij. der
Nederl. Letterkunde te Leiden 1921—1922), Leiden, 1922, 16 pages.
26° Levensbericht van Willem Pieter Groeneveldt (reprinted from the Levens-
berichten van de Mij. der Nederl. Letterkunde te Leiden 1915—1916),
Leiden, 1916.
454 NÉCROLOGIE.

Winter
27° M. Walleser, Die Sekten des alten Buddhismus, Heidelberg,
(Muséum, Maandblad voor Philologie en Geschiedenis, 3D 6 jaaig-, ^ ^
;

April 1928; review).


28° De rnystieke handhoudingen en attributen der voornaarnste figm ei
Noordelijk Buddhisme (Leven en Werken, Jaarg. III, N° ->. x' aai
Menschheid. Monographieen, ge-
29° Shinto en Taoïsme in Ja-pan {De Weg der
religie. Hj-, 40 pi., 83 pages, Amster-
wijd aan kunst, geschiedenis en N°
dam, 1930.
Amster-
30» Buddha's Leer in het Verre Oosten (ibid., N° 12), 40 pi., 84 pages,
dam, 1930.
12).
31° Een belangrijke vondst (reprint frorn Oude Kunst, Sept. 1919, N°
32° Een tweede belangrijke vondst (reprint from Oude Kunst, Oct. 1919, N° 1 ).
33° Een bronzen Jùô-beeld (Ned. Tndië Oud en Nieuw, vol. X. 1925, pp. 182—183).

Georges BO"OTLLASD.
Georges BOUILLARD est mort le 5 septembre 1930 dans ce Pékin qu'il
aimait et où sa vie d'homme s'est presque toute passée: il repose à ses portes,
dans le vieux cimetière de Cha-lan-eul (Chala).
Né en 1862, Bouillard avait passé par l'Ecole Centrale, puis débuté comme
ingénieur aux chemins de fer du Nord; c'est de là qu'il partit en 1898 pour
la construction de la première grande ligne chinoise, le King-Han, ou chemin
de fer de Pékin à Hank'eou. L'insurrection des Boxeurs le surprit avec son
personnel à Tch'ang-sin-tieu, où je fus des quelques uns qui l'allèrent chercher;
le siège des Légations lui valut la croix de la Légion d'honneur. Il reprit
ensuite ses fonctions, tant comme ingénieur en chef du Kiog-han qu'ensuite
comme conseiller technique du gouvernement chinois: même une fois libre
de toute attache officielle, après 27 ans de service, il resta à Pékin où il
s'était construit une résidence à son goût et d'où il pouvait rayonner pour
poursuivre ses travaux de cartographie, de topographie et d'archéologie.
Bouillard ne poussa jamais très loin l'étude de la langue chinoise écrite; il
se faisait traduire les textes; mais il les contrôlait par l'étude directe des
sites et des monuments. A ce titre, ses publications donnent une masse
d'indications et de précisions qu'on chercherait vainement, ailleurs. Je suis
mal placé pour établir une bibliographie complète de ses travaux, et en outre
j'ai eu autrefois connaissance de rapports et de projets techniques qui n'ont
pas été imprimés. Dans le domaine qui intéresse plus particulièrement les
études chinoises, il faut faire une place à part d'un côté à ses cartes de la
région de Pékin et des régions traversées par le réseau des chemins de fer,
de l'autre à ses monographies des environs de Pékin parues dans La Chine
de M. Nachbaur; les tirages à part de ces dernières sont épuisées: Bouillard
m'écrivait il y a quelques mois pour me consulter sur un projet de réédition
qui n'a pas abouti. Il était correspondant de l'École française d'Extrême-Orient
depuis 1916.
Voici quelques indications bibliographiques, assez incomplètes:
NECROLOGIE. 455
1° Les Chemins de fer en Chine (Rev. gén. des Chemins de fer, mai 1900,
430—438, avec 1 carte).
2°.(en collaboration avec le commandant VAUDESCAL)Les sépultures impériales
des Ming (Che-san ling). [B.E.F.E.O, XX, m, 128 pages et 44 planches
;
cf. mon compte rendu de T'oung Pao, 1922, 57—66.]
3° Péking et ses environs. Première série: Le Yang Shan[^t [U Yang-chan]
et ses temples (avec 8 cartes et plans), dessins de J. Ruedolf, Pékin,
A. Nachbaur, 1921, in-8, 42 pages non chiffrées et 8 pi. hors texte, dont
les planches I—VII en couleurs et 1 pi. en noir non chiffrée.
4° Deuxième série: Un temple bouddhiste: Kie T'ai Sze [-E& lÊt ^
Kiai-
t'ai-sseu], Pékin, A. Nachbaur, 1922, in-8, 34 pages non chiffrées, 2 pi.
en couleurs (VIII—IX) e't 4 pi. en noir.
5° Troisième série: Les Tombeaux Impériaux des Dynasties Ming et Ts'ing
(avec cartes et plans), Pékin, A. Nachbaur, 1922, in-8, 23 ffnch. imprimés
à la chinoise d'un seul côté et plies à la chinoise, et 108 pages nch., avec
14 pi. en couleur (I—XIV; mais pi. V n'existe pas; il y a 2 états de la
pi. VIII, et deux pi. XI sans rapports entre elles) 2).
6° Quatrième série: Le Temple du Ciel, Pékin, A. Nachbaur, 1923, in-8, 38
ffnch. imprimés et plies à la chinoise, et 11 pages nch., avec 11 pi. nch.
en noir. [Basé en partie, comme les n03 suivants, sur des notes publiées
par Vaudescal avant la guerre dans le Journal de Pékin. Donne entre
autres la parole et la musique de neuf hymnes exécutées lors des sacri-
fices au Temple du Ciel.]
7° Cinquième série: Le Temple de la Terre, Les Temples du Soleil et de la
Lune, Le Temple de VAgriculture, Pékin, A. Nachbaur, 1923, in-8,24 ffnch.
la plupart imprimés et plies à la chinoise, avec 10 pi.
8° Sixième série: Le Temple de Pi Yùn Sze [3g- fjg ==fe Pi-yun-sseu], Pékin,
A. Nachbaur, 1923, in-8, 21 pages nch., avec 7 pi. en noir et un grand
plan en couleurs.
9° Septième série: Hsiang Shan [^]J£ [Jj Hiang-chan] ou Parc de Chasse,
Pékin, A. Nachbaur, 1923, in-8, 46 pages nch., avec 10 pi. en noir et en
rouge et un grand plan en couleurs.
10° Huitième série : Les Temples autour du Hsiang Shan : Tien fai sze [ ^Ç
-fc ^T'ien-t'ai-sseu], Wo fo sze [ g\ ^^ Wo-fo-sseu], SI yu sze
[?§ $$$ TF Si-yu-sseu], etc., Pékin, A. Nachbaur, 1923, in-8, 77 pages
nch. 16 pi. en noir et 3 grands plans en couleurs. [La partie relative
au Si-yu-sseu est marquée en réalité "14e série", et se retrouve en effet
dans cette dernière dont elle constitue le en. 4.]

1) Toutes les monographies de Péking et ses environs avaient parn


dans la revue

La Chine publiée à Pékin par M. A. Nachbaur.


2) Même pour les tombeaux des Ming, ce travail n'est pas une
reproduction du
n° 2.
30
456 NÉCROLOGIE.

11° Neuvième série : Le Temple lamaïste de Yung Ho Kung ou Temple des Lamas,
Pékin, A. Nachbaur, 1924, in-8, 86 pages nch., avec 6 planches et 2 plans.
12° Dixième série: Tsing Ming Yuan [^0^ (gj ] (La Fontaine de Jade),
Pékin, A. Nachbaur, 1925, in-8, 76 pages nch., avec 9 planches et 3 plans
(ceux-ci appelés "Planches" I, III et IV).

^
-13° Quatorzième série1): Environs Sud-Ouest: She King Shan
[^Jpj ^
Che-king-chan], Yun Kiù Sze \JÊt jjî~ Yun-kiu-sseu], Tung Yù Sze.
[jfC W§ ^f Tong-yu-sseu], Si Yù Sze [Si-yu-sseu], Pékin, A. Nachbaur.
1924, in-8, 76 pages nch., avec 12 planches en noir et 5 cartes et plans
en couleurs. [Le Che-king-ehan est important à raison de ses dalles
d'écritures bouddhiques, sur lesquelles cf. Vaudescal, dans .TA, 1914, I,
375—459; la brochure de Bouillard a de bons plans et des photographies
intéressantes.]
14° Quinzième série: Environs Sud-Ouest: Tien K'ai Shan [ -^
pg [ ( [ 1,
Ku Shen [ gft |_|j ], Shan Fang Shan [ J^ J§ [_[j ], Tow Shuai Sze
[ 5TJ ^ ^f ] et ies grottes de Yun Shui tung [WÈt ~jj^ */|p] J, Pékin,
A. Nachbauer, 1924, in-8, 54 pages nch., avec 11 planches en noir et 5
grands plans (dont 2 en couleurs).
15° Les Grottes de Yûn Shui T'icng [Yun-chouei-tongJ du Shang Fang Shan.
[Réimprimé de Bull, of the Geol. Soc. of China, III, 2 (1924), 147—152,
avec 4 planches.]
16° Les grands vins de France: Bordelais, Bourgogne, Champagne, Pékin.
A. Nachbauer, 1924, in-8, 28 pages nch., avec 3 cartes hors texte.
[Bouillard, gourmet, avait une cave réputée à Pékin.]
17° Notes diverses sur les cultes en Chine: Les ornements rituels des temples
lamaïques et buddhiques, Pékin, Nachbaur, 1924, in-8, 10 pages nch.
18° Notes diverses sur les cultes en Chine: Les attitudes des Buddhas, Pékin,
Nachbaur, 1924, in-8, 28 pages nch. avec 5 planches. [Les 10 premières
pages reproduisent le n° 17.]
19° Carte des environs de Peking au 1/25.000e, en 20 feuilles, avec 1 feuille
d'assemblage au l/200.000e. [La préparation en a duré de 1902 à 1923;
le dessin des minutes et le tirage sont de 1922—1923; 6 couleurs. Le lieu
du tirage n'est pas indiqué; je crois (malgré T'oung Pao, 1926, 406) que
Bouillard fit lithographie)- les cartes sous ses yeux. La feuille d'assemblage
indique, comme agents de vente, La Librairie Française, Tientsin et Pékin.
C'est le meilleur document cartographique sur la région.]
20° Carte au l/i00.000e des régions traversées par les chemins de fer. Peu
après la publication de la Carte des environs de Péking, le Ministère des
communications demanda à Bouillard d'établir des cartes analogues pour
toutes les régions traversées par le réseau des chemins de fer chinois.
Entreprise formidable et qu'il était au-dessus des forces d'un homme de

1) Les séries 11, 12 et 13 n'ont pas été publiées; la série 14 avait paru immé-
diatement ajarès la série 8.
NÉCROLOGIE. 457

mener à bien. Bouillaïd np voulut pas cependant se dérober à la demande


du ministère, et prépara, pour le Tcheli, des cartes au 1/100.000°,
pour
le tirage desquelles il organisa un petit atelier lithographique
aux bureaux
du King-han. Depuis 1925 jusqu'au milieu de 1926, 16 feuilles avaient
paru, chacune accompagnée d'un fascicule in-12 d'index où les noms sont
donnés en transcription française par ordre alphabétique et en chinois
d'après le nombre des traits du premier caractère. Ces feuilles portent
les nos 140, 141, 142, 161, 162, 165, 166, 182, 183, 184, 185, 202, 203, 204,
222, 224. Je n'ai rien reçu depuis le milieu de 1926, et je ne sais si
l'entreprise a été continuée (cf. T'oung Pao, 1926, 406).
Le travail de ces cartes a détourné Bouillard de ses monographies des
environs de Pékin. Il en avait plusieurs assez avancées, sur le v/l| fe ^fe
T'an-tchô-sseu, sur le ^ [Jj P'an-chan, sur le "g" ^ |Jj Po-houa-chan
et le /^ _^L j|f [ I [ Siao-wou-t'ai-chan, sur le IJ|j Hj^ j||} Yuan-ming-yuan,

sur le EB =â [JJWan-cheou-chan, sur le Temple de Confucius, sur le _JL

t-t [ 1| Wou-t'ai-chan. Il est à souhaiter que ses matériaux ne soient pas


perdus, en particulier ceux qu'il avait amassés sur le Yuan-ming-yuan ou
ancien Palais d'Eté. Tant sur les bâtiments chinois que sur les constructions
"européennes" dues aux anciens Jésuites, Bouillard possédait une documentation
recueillie quand les ruines étaient moins délabrées qu'elles ne sont aujourd'hui,
et ses informations ne feraient vraisemblablement pas double emploi avec les
publications chinoises consacrées à l'ancien Palais d'Été que j'ai vu annoncer
récemment, mais que je n'ai pas encore eues entre les mains.
P. Pelliot.

Antoine CHARIGHTON.
Antoine J. H. CHARIGNON est mort très prématurément à Pékin le 17 août
1930; né à Châteaudouble (Drôme) le 22 septembre 1872, il allait seulement
avoir 58 ans. Ingénieur des arts et manufactures, Charignon était venu en
Chine en 1898, la même année que Bouillard, pour travailler aux constructions
de chemins de fer; il fut en poste au Yunnan, sur le King-Han, sur le Long-hai :
puis, en 1908, il fut nommé conseiller technique du gouvernement chinois.
Marié à la fille de Léon Médard, le fondateur de l'école française de Foutcheou,
qui était chinoise par sa mère, Charignon fut un des tout premiers Européens
à se faire naturaliser Chinois. Mais il restait Français de coeur. Lors de la
guerre, il revint servir en France, et reçut la croix de la Légion d'honneur
comme commandant d'artillerie; même après l'armistice, il accompagna le
général Janin en Sibérie. Puis il revint à Pékin; mais il avait été gazé, et,
comme tant d'autres, il est tombé, après coup, victime du conflit qui semblait
l'avoir épargné.
En 1914, Charignon avait publié un bon livre sur Les Chemins de
fer chinois, qui était à la fois un exposé du présent et un programme
458 NÉCROLOGIE.

d'avenir >). Mais c'est surtout après la guerre qu'il se voua à la sinologie et
entreprit en particulier les recherches qui, après quelques essais préliminaires,
aboutirent aux trois volumes de son Marco Polo (1924, 1926 et 1928) 2). J'ai
l'occasion de dire dans le T'oung Pao (1928, 156—169), à propos des deux
eu
premiers volumes, tout le labeur que comportait l'utilisation des sources
chinoises par Charignon, mais aussi les raisons qui, dans des cas fréquents,
avaient frappé cet effort de stérilité. Charignon, qui était la conscience et la
loyauté mêmes, a tenu compte de mes remarques dans son troisième volume.
En tout cas, et bien que je ne puisse me rallier à nombre de ses hypothèses,
il reste beaucoup à glaner dans ses notes et parfois, comme par exemple
dans la question si controversée de Ckigin-talas, ses solutions me paraissent
nettement préférables à celles de ses prédécesseurs. J'ai connu d'autres tra-
vaux manuscrits de Charignon, sur Chô-p'o qui ne serait pas Java, mais la
péninsule malaise, sur Zaïtun qui ne serait pas Ts'iuan-tcheou, mais Canton :
conclusions où je ne pouvais le suivre, et il n'y aura pas, je crois, d'intérêt
à publier les mémoires où elles sont développées. Charignon a été obligé par
les circonstances de travailler en isolé, et ses résultats s'en sont ressentis;
mais on ne peut que s'incliner devant le zèle et la probité de son effort.
P. Pelliot.

W. BARTHOLD.
A tous les deuils de cette sombre année 1930, il faut encore ajouter la
disparition de W. BARTHOLD (V. Y. BARTOL'D), mort à Leningrad le 20 août
1930. Bien que, comme philologue, Barthold appartienne à l'Asie antérieure
et non à l'Extrême-Orient, il fut avant tout un historien et, comme tel, se
tint toujours minutieusement informé de ce qui se publiait dans le domaine
des études asiatiques en général. D'une activité prodigieuse, il a travaillé
su)- le terrain comme archéologue, et surtout il a énormément publié. Ses
livres sont de grande valeur, tel ce Turkestan à l'époque de l'invasion mongole
qui le classa en 1900 au premier rang des historiens de l'Asie travaillant
directement sur les sources imprimées et manuscrites; j'ai eu récemment
l'occasion de m'occuper longuement de cet ouvrage fondamental (T'oung Pao,
1930, 11-—56) à propos de la traduction anglaise, mise à jour par l'auteur',
qui en a été publiée en 1928 dans le UE. J. W. Gibb Mémorial" Séries. Mais,

1) Les Chemins de fer chinois. — Un programme pour leur développement, avec 1


carte d'ensemble, 21 cartes sépare'es et des tableaux statistiques, Pékin, Impr. des Lazar.,
1914, in-8, vin -\- 222 pages. Voir l'indication du titre complet et des comptes rendus
dans Bibl. Sin.2, 4236.
2) Charignon avait publié, dans La Chine et dans La Politique de Pékin, des arti-
cles dont je ne suis pas à même d'établir la liste; il se servait alors du pseudonyme de
"Montuelat", et c'est sous ce pseudonyme que son projet d'édition fut d'abord annoncé
en 1922 et que trois chapitres en furent alors publiés (cf. Bibl. Sin. 2, 4007); l'édition
définitive a paru sous son vrai nom.
NÉCROLOGIE. 459

outre ses livres, Barthold a donné une masse de mémoires et d'articles aux pério-
diques russes et étrangers les plus divers, à Leningrad, à Moscou, à Tachkend,
en Allemagne, et jusqu'en Turquie. En particulier, les articles qu'il a écrits
pour l'Encyclopédie de VIslam sont pleins de renseignements nouveaux ou
représentent des synthèses d'informations que nul n'avait groupées aussi
richement avant lui. Et il n'est pas jusqu'à ses comptes rendus, parfois très
développés, qui n'aient souvent l'importance d'un mémoire original. Tant par
l'étendue des connaissances que par la pénétration et la netteté de l'esprit
critique, l'oeuvre de Barthold est d'une solidité et d'une variété exceptionnelles.
Ce grand savant laisse vide une place que nul n'est préparé à occuper comme
lui. Et il vaut peut-être de rappeler que, par la loyauté, le désintéressement
et le courage, l'homme fut chez lui à la hauteur du savant.
P. Pelliot.
INDEX ALPHABÉTIQUE.

A.
Page
Abe Fusajiro, Shôrai-kwan kinsho 448
Academia Sinica; ses publications 222
Adler (E. N.), Jewish Travellers 435
Age (L') du bronze au Tonkin et dans le Nord-Annam, par V. Goloubew 440
Ambassade (V) de Manoel de Saldanha à Pékin, par P. Pelliot
Andrada (Ruy Freyre de); ses "Commentaires"
.... 421
436
Arderme de Tizac (Mme d'); pseudonyme: Viollis (Andrée)
As, "nourriture"; n'est pas d'origine iranienne
.... 449
285
Asie (L') ancienne centrale et sud-orientale cVaprès Ptolémée, par A. Berthelot 435
Authenticity (The) of ancient Chinese texts, par B. Karlgren 221
A%ai et a%dicin, "esclave" 49
A~ nrâli es a tôrôk nyelvek ôsi kapcsolata, par G. Németh 227

B.
Bagchi (Prabodh Chandra), Deux lexiques sanskrit-chinois 109
Baraq (prince); la vraie forme de son nom n'est pas Borrâq 339
Barthold (AV.); notes sur son ouvrage Turkestan clown to the Mongol
invasion 12
—, nécrologie par P. Pelliot 458
Beki (bàki) et begi (bâgi) 49
Benedetto (L. F.), Di uno scritto poco noto del P. Ippolito Desideri . 110
Berg (C. C), Rangga Lawe 217
Bei'thGlot (André), L'Asie ancienne centrale et sud-orientale d'après
Ptolémée 435
Bodde-Hodgkinson (C. B.), Willem Ysbrantsz Bontekoe 436
Bôgàiil, bàkàiil 26
Bonin (Charles Eudesj, nécrologie par P. Pelliot 235
Bontekoe (Willem Ysbrantsz), par C. B. Bodde-Hodgkinson et P. Geyl 436
'Bouillard (Georges), nécrologie, par P. Pelliot .
454
Boxer (C. R ), Commentaries of Ruy Freyre de Andrada 436
Bratiann (G. I.), Recherches sur le commerce génois dans la Mer Noire
au XIII» siècle 203
Bronzes {Les) de la collection Eumorfopoulos publiés par W. P. Yetts (I et II),
par Paul Pelliot 358
INDEX ALPHABÉTIQUE. 461

c.
Charignon (Antoine), nécrologie par P. Pelliot Page
457
Chouo-wen; sa date et son histoire
365
Chronicles (The) of the East India Company
trading to China, t. V, par
H. B. Morse
62
Classiques (Les) sur pierre de 175—183
445
Clavijo, Embassy to Tamerlane 1403—1406,
Côl et côlgâ
par Guy Le Strange ... 443
^g
Collection (La) mongole de Schilling
von Canstadt à la Bibliothèque de
l'Institut, par Louis. Ligeti 119
Commentâmes of Buy Freyre de Andrada,
par C. R, Boxer 436
Courtois (Frédéric), nécrologie par P. Pelliot 245
Customary Law of the Mongol tribes,
par V. A. Riasanovsky 229

D.
Demiéville (Paul), Sur l'authenticité du Ta tch'eng k'i sin louen 218
Desideri (Ippolito); mémoire de lui étudié par L. F. Benedetto . .
110
. . .
Deux lexiques sanskrit-chinois, par Pr. Ch. Bagchi 109
Dirr (Alfred), nécrologie, par Paul Pelliot 245
Dupront (A.), P.-A. Huet et l'exégèse comparatiste au XVIIe siècle 437
Duyvendak (J. J. L.), nécrologie de M. W. de Visser .
451

E.
Eastem Art, t. II 438
Ebersolt (Jean). Orient et Occident 218
Ein Fùrstenspiegel: Da.s Sin-yii des Lu Kia, par A. von Gabain
Elisséev (S.), notice sur Gengo to bungaku .... 429
213
Erkes (Ed.), Die Spraehe des alten Ch'u 1
Ethical (The) and political works of Motse, par Yi-pao Mei 445
Eumorfopouios (Georges); bronzes de sa collection publiés par W. P. Tetts 358

P.
Fail (Der) Erich Schmitt, par Vincent Hundhausen 220
Figurines (Les) de la céramique funéraire, par C. Hentze 211
Folkways in China,, par L. Hodous 441
Forke (Alfred), Geschichte der alten chinesischen Philosophie
Poster (Sir W.), Thomas Herbert, Travels in Persia 1627—1629
....
...
91
438
Francke (A. H.), nécrologie par P. Pelliot 243
Fruhling und Eerbst des Lu Bu We, par R. Wilhelm 68

G.
Gabain Ein Fùrstenspiegel : Das Sin-yû des Lu Kia
( A. von), ....
G-ardner (Ch. S.), A modem System for the romanization of Chinese
429
219
Gengo to bungaku, publié par l'Université Taihoku de Formose .... .
213
462 INDEX ALPHABÉTIQUE.

Page
Geschichte der alien chinesischen Philosophie, par A. Forke '91
Geyl (P ), Willem Ysbrantsz Bontekoe 436
Gibb (H. A. R.), Ibn-Battûta, Travels in Asia and Africa 439
Gluck (Heinricb), nécrologie par P. Pelliot 244
Goloubew (V.), L'âge du bronze au Tonkin et dans le Nord-Annam . 440
Gx'ousset (René), Sur les traces du Bouddha 106
Grura-Grzimaïlo (G. E.), Zapadnaya Mongoliya i Uryankhaïskiïkraï, t. III 219
Guerreiro ; ses cinq Relaçam 446
Gyôkan-roku, par Suzuki Torao 116

H.
Han Jti-p'ing che-king ts'an-iseu tsi-lou, par Lo Tcben-jru 445
Hartner (AV.), Note sur le calendrier de Lu Pou-wei 85
Hentze (Cari), Les figurines de la céramique funéraire 211
Herbert (Thomas), Travels in Persia 1627—1629, par Sir W. Foster . . 438
Hethum (le moine arménien) 448
Histoire secrète des Mongols (Un passage altéré dans 1') 199
Hiu Yeou-jen; auteur de l'inscription de 1346 à Karakorum 228
Hiuan-tsang; le nom turc des "Mille Sources" dans sa Relation
Hodous (Lewis), Folkways in China
.... 188
441
Hou-fou, ou "tailles au tigre" 397
Hou-k'eou ts'ing-ts'en ou kôkô-dàbtâr 39, 195
Huet (P.-A.) et l'exégèse comparatiste au XVIIe siècle, par A. Dupront 437
.
Hundhausen (Vincent), Der Fall Erich Schmitt 220
Husain (Yusuf), L'Inde mystique au Moyen Age 220

I.
"Iascot" de Guillaume de Rubrouck = yastuq 190
Ibn-Bo,tlûta, Travels in Asia and Africa 1325—1354, par H. A. R. Gibbs 439
Inde (U) mystique au Moyen Age, par Yusuf Husain 220
Introductian (An) io the I yu Vu chih, par A. C. Moule 179

J.
Jade (étymologie du mot) 299
Jahangïr and the Jesuits, par C. H. Payne 446
Jewish Travellers, par E. N. Adler 435

K.
Kabtàût 30
Karakorum (inscription de 1346 à) 228
Karlgren (B.), The authenticity of ancient Chinese texts 221
— Some fecundity symbols in ancient China 442
Kàsiktàn (kàsiktàn) 27
Keng-tche t'oa de Tsiao Ping-tcheng .--'.'TTi,
' i. 224
. .
:
"Librairie et Imprimerie ci-devant,E. J. BRILL, Leide (Hollande).

Brùin, A. G-. de, Introduction to modem Chinese. S°. 3 Vol. FI. 14.—.
. .
Chiiig-Shan. — Diary, being a Chinese account of thè boxer troubles.
Published and translated by J. J. L. DUYYENDAK. 1925. 8°. 7.50.
. . . „
F'êng-Sliên-Yên-I. — Die Metamorphosen der Goetter. Historisch-mythologi-
scher Roman aus dem Chinesischen. .Uebersetzung der Kapittel 1 bis 46. von
WILHELM GRUBE, durcb eine Inhaltsangabe der Kap. 47 bis 100 ergânzt, ein-
geleitet und herausgegeben von HEKBEKT MUELLEU. Band I l<=r und 2<»- Halb-
band. 1912. gr. in-4° 17.50.

^^ -^
• •

Harlez, C. de, Vocabulaire Bouddhique Sanscrit-chinois $|a W?


Han-Ean Tsih-yao. Précis de doctrine bouddhique. 8° 1,75.

Hirth, Fr., Scraps from a collector's note book, being notes on some chinese
painters of the présent Dynasty witk appendices on some old masters and art
historians. 1905. (IV. 135. With 21 pi.)..8°. ' 6.—.

Hoffmann, J. J., Japanische Sprachlehre. 1877. gr. 8° 11,—.

Leinwand 12.—.

— A Japanese grammar. 2d edit. 1876. gr. 8°. cloth . „
12.—.
— Japanische Studien. Erster Nachtrag zur Japanischen Sprachlehre. 1878. gr.
8° ; 2.40.

W Vft ^1} f_5 ~$ù %èj "^"a* ^u ^au& to^ ^chen uoa koueï.
MI3
— Le vendeur
d'huile qui seul possède la reine-de-beauté, ou splendeurs et misères des courti-
sanes Chinoises. Roman Chinois. Trad. sur le texte original par G. SCHLEGEL.
8° ..' 6.—.
• - „
Schlegel, G., Problèmes géographiques. Les peuples étrangers chez les historiens
Chinois. 1—20 9.50.
, „
Sclilegel, G-., La loi du Parallélisme en Style chinois, démontrée par la préface
du Si-Yù-Ki( 1J6 j^& ffH)' ^a traduction de cette préface par feu Stanislas
Julien défendue contre la nouvelle traduction du Père A. Gueluy. 8°. 6.—.

•OÉ $fi[T'OUSfG PAO, Archives pour servir à l'Etude de l'Histoire, des Langues,
de la Géographie et de l'Ethnographie de l'Asie Orientale (Chine, Japon, Corée,
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Vol. I—XIII L'année 12.—.


2e Série, Vol. XIV—XVII 14-—
„ »
Vol. XVIII—XXV
.
16.—.
„ „

Vissering. W., On Chinese currency. Coin and paper money. gr. 8°, doth. „ 9.—.
"Vissière, A.., Premières leçons de Chinois. Langue mandarine de Pékin.
-Accompagnées de Thèmes et des Versions et suivies d'un exposé sommaire de
la LaDgue écrite. 2me,«d. revue et augmentée. 1914. gr. in-8" . . . „ 7.20.
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-
SOMMAIRE.

Pages
Louis LifiETi, La collection mongole Schilling von Canstadt à la bibliothèque
de l'Institut 119

A. G. MOULE, An introduction to the I yù t'u chih 179.

Mélanges: Le nom turc des "Mille Sources" chez Iiiuan-tsang, par P. Pelliot 189
Le prétendu mot "iascof chez Guillaume de Rubrouck, par P. Pelliot 190
Sur yam ou ]am, "relais postal", par P. Pelliot
Les hôkô-dàblàr et les SP ^ .
jffi hou-k'eou ts'ing-ts'eu, par P.
192

Pelliot 195
Un passage altéré dans le texte mongol ancien de YHistoire secrète
des Mongols., par P. Pelliot -...
Bibliographie : G. I. Bratianu, Recherches sur le commerce génois dans la
Mer Noire au XlIIe siècle] G. Hentze, Les figurines de la céramique
199

funéraire. Matériaux 'pour Vétude des croyances et du folklore d.e la,


Chine ancienne, par P. Pelliot 203
Notes bibliographiques: =y g£- \^ ~& J& Gengo to bungaku, publié par
le 4JJ. ;jk m gS. |JJ -yT J& iârf Taihoku kokugo-kokubungaku-
kwai, par S. Elisséev; R. Gagnât, Notice sur la vie et les travaux de
M. Henri Cordier, par P. Pelliot 213
Livres reçus 217
Chronique '. 232
.
Nécrologie: Charles Eudes Bonin ; ArnoldYissière: Josef Markwart; Richard
Wilhelm ; F. W. K. Mûller; A. von Le COÇJ ; A. H. Francke; Jôrg Trûbner;
Heinrich Gltick : Alfred Dirr; Frédéric Courtois ; Mathias Tchang; par
P. Pelliot .' 235
.

AVIS.
— Il sera rendu compte de tous les ouvrages dont un exemplaire
aura été envoyé au Directeur.

Le Directeur ne prend pas la responsabilité des opinions émises
par les collaborateurs de la Revue.
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que l'imprimeur soit avisé avec le bon à tirer.
— D'écrire les articles en gros caractères latin et d'une manière
très lisible, si possible à la machine à écrire.

Le T'OUNG-PAO paraît en cinq livraisons.


Prix de l'abonnement 16 florins le volume, franc de port pour
tous les pays appartenant à l'Union postale. Pour.les autres pays
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Pour les abonnements, à la maison E. J. BKILL. 33a Oude Rijn, Leide,
à laquelle doivent être envoyés les mandats sur la poste ou les
chèques.
Pour la rédaction, à
M. Paul PELLIOT, Professeur au Collège de France, 38 Rue de
Yarenne, Paris (VII).
^Librairie et Imprimerie ci-devant E. J. BRILL, Leide (Hollande).

Bruin, A. G-. de, Introduction to modem Chinese. 8°. 3 Vol. FI. 14.—
. .
Çhing-Sh.an. — Diary, being a Chinese account of the boxer troubles.
Published and translated by J. J. L. DUYVENDAK. 1925. 8° 7.50
. . . ,,
Fêng-Shên-Yên-I. — Die Metamorphosen der Goetter. Historisch-Mytholo-
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Schlegel, G., Problèmes géographiques. Les peuples étrangers chez les his-
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Yulien défendue contre la nouvelle traduction du Père A. Gueluy. 8° 6.—

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Mélanges: L'ambassade de Manoel de Saldanha à Pékin, par Paul Pelliot 421


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Bibliographie: Annemarie von Gabain, Ein Furstenspiegel: Das Sin-yii
des Lu Kiu, par Paul Pelliot 429
Livres reçus 435
Chronique: Les nouvelles provinces chinoises 450
Néo'ologie: Mari nus Willem de Visser, par J. J. L. Duyvendak ; Georges
Bouillard, Antoine Charignon, W. Rarthold, par P. Pelliot
Index-alphabétique
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Le Directeur ne prend pas la responsabilité des opinions émises
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