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22 FEV 2022, CONFERENCE

CRYPTOS : ENJEUX, ÉTHIQUES


ET PERSPECTIVES
Synthèse de l'évènement organisé par les étudiants du MBA Finance Islamique

THÉMATIQUES ABORDEES
LORS DE LA CONFERENCE
AVANT-PROPOS
Thématique n°1 - L'univers des
Le 22 février 2022, s’est tenu dans les locaux de Financia Business
cryptomonnaies
School la conférence Cryptos enjeux éthiques et perspectives. Thématique n°2 - Au cœur de l’actualité
Depuis des années, les cryptos, à travers notamment le Bictoin et les NFT réglementaire
agitent l'actualité financière et économique. Thématique n°3 - Quid de la licéité
De nombreuses questions viennent à l'esprit face à ces innovations religieuse ?
technologiques : est-ce qu'elles permettent de repenser la finance ou tout Thématique n°4 - Cryptomonnaies et
simplement un nouvel outil spéculatif ? éthique : est-ce compatible ?
Thématique n°5 - Un levier de
En préparant cette conférence, nous nous sommes longuement interrogés développement pour les pays émergents
sur l’utilité de ces applications ou encore sur leur capacité à être source de
changements. Progressivement, nous sommes revenus à une question SPEAKERS
essentielle : celle des enjeux éthiques dans le développement de l’univers
cryptos. SH. FAIZAL MANJOO
SH. ABDERRAHMANE BELMADI
Pendant 2h30 nos intervenants se sont efforcés de répondre à nos DAVID NATAF
HUBERT DE VAUPLANE
interrogations, allant au-delà des problématiques posées. Dans cette
JEREMI LEPETIT
courte synthèse, nous mettrons en lumière les points marquants de ces ARO CRYPTO
discussions passionnantes. YANN LE FLOCH
ANICE LAJNEF
CYRIL FILEZAC

https://bit.ly/FormationsFinanceIslamique
https://bit.ly/mba_financeislamique

mba.fi.conf.sem@gmail.com
L'UNIVERS CRYPTOMONNAIE
La crise des subprimes de 2008 fut une crise immobilière et financière majeure qui a renforcé le climat de
méfiance envers l’ensemble des institutions financières. A cette période, un certain Satoshi Nakamoto crée
le Bitcoin afin de proposer une monnaie accessible à tous, en s’émancipant du gouvernement et en
redonnant le pouvoir à la population : régulée par elle et totalement indépendante des institutions
financières.

Le Bitcoin repose sur la confiance : un système de pair à pair, c’est-à-dire un échange d’utilisateur à
utilisateur, sans tiers de confiance. Cette relation de confiance, peut être estimée perdue par les systèmes
monétaires classiques. Nous parlons ici de décentralisation.

Plus tard, d’autres monnaies virtuelles furent créées : les altcoins (monnaies alternatives) ou plus
communément les cryptomonnaies. Aujourd’hui, ce marché des cryptomonnaies représente 3000 Mds$.

Sur ce marché, nous retrouvons les coins et les tokens. Un coin dispose de sa propre blockchain, par
exemple Ether (ETH) dont la blockchain native est Etheurem. Un token ne repose pas sur sa propre
blockchain, comme le Tether (USDT) qui repose également sur Ethereum. Une blockchain est censée
détenir la propriété d'être immuable et infalsifiable. Ce sont les membres du réseau d’une cryptomonnaie
qui la font vivre et en assurent la sécurisation.

Progressivement, les cryptomonnaies se sont invitées dans le quotidien de millions d’individus et ne


laissent personne indifférent, entre les détenteurs, ceux qui s’y intéressent car intrigués et les hostiles.
Justement, les principales critiques que l'on oppose aux cryptomonnaies sont leur instabilité et leur utilité
néfaste pour l’économie et la population. En cause, elles seraient à l'origine de fraudes ou de financement
d’activités illicites. Voici les principales lignes de défense exposées par ses détracteurs.

Cependant, leurs utilités ne cessent de croître. A petite échelle, l’achat de biens et services commence à
se démocratiser. A l’échelle mondiale, certains pays l’utilisent pour relancer leur économie ou s’émanciper
de la domination du dollar ; c’est le cas par exemple du Salvador ou du Vénézuela. Les cryptomonnaies
réussissent le tour de force de s’adapter à chaque demande, aussi différente soit-elle.

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AU CŒUR DE L’ACTUALITÉ RÉGLEMENTAIRE
Speaker : Hubert De Vauplane, avocat @Kramer Levin

D'un point de vue réglementaire, les pays ne Ensuite, cela s'explique par des raisons culturelles,

réagissent pas de manière identique. En effet, notamment en ce qui concerne le traitement des

quand certains pays comme le Salvador adopte le données personnelles. La monnaie digitale MNBC

Bitcoin comme une monnaie et la rend officielle, de la Chine en est un exemple caractéristique : une

d’autres pays comme la Chine préfèrent s’y monnaie digitale permettant la nomination et

opposer fermement. Ceci reflète une disparité l’identification, en opposition totale avec l’anonymat

saisissante quant à sa réglementation et sa que confère une cryptomonnaie.

légitimité au sein de l’ensemble de l’économie.


Pour autant, nous voyons clairement l’utilité D’ailleurs pour preuve, le gouvernement Canadien a

actuelle des cryptomonnaies : se sortir des normes décidé récemment de geler les comptes bancaires

réglementaires imposées par les pays et miser sur des manifestants du Convoi de la liberté. En

un écosystème régulé par ses propres utilisateurs. parallèle, certains Bitcoin Wallets (portefeuilles

Alors une question se pose : pourquoi certains permettant de détenir des Bitcoin) ont refusé cette

pays favorisent l’adoption des cryptos et d’autres demande indiquant qu’ils ne pouvaient pas geler les

refusent de le faire ? comptes car aucun élément d’identification n’était


collecté.

Tout d’abord, cette situation n’est pas souhaitée


par certains gouvernements qui voient dans les Au sein d’autres pays ayant des difficultés de

cryptomonnaies une perte de contrôle indésirable convertibilité de devises, les cryptomonnaies

ou la perte de traçabilité des transactions. constituent toutefois un réel moyen de contourner la


réglementation des changes.

Par ailleurs, pour les pays musulmans, des


questions charaïques se posent dans leur réflexion
sur l’acceptabilité des cryptomonnaies et des
LES CRYPTOMMONAIES SONT VUES monnaies digitales.

PAR CERTAINS GOUVERNEMENTS


COMME UNE PERTE DE CONTRÔLE
INDÉSIRABLE

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QUID DE LA LICÉITÉ RELIGIEUSE ?
Speakers : Sheikh Manjoo CEO @Minarah & Sheikh Belmadi, Economiste et théologien

Bien que peu mise en lumière, la finance islamique L’avis des savants musulmans s’attarde
a été l’une des sorties choisie par certains pays principalement sur la notion de gharar, autrement dit
pour rebondir face à la crise de 2008. En effet, les l’incertitude qui est notamment liée à la non
banques islamiques ont refusé de baser leur tangibilité. Cependant, cet argument peut être
approche sur le dynamo de l'économie classique : aisément contré par l’utilisation quotidienne des
l'intérêt. cartes bancaires classiques. Aussi, les critiques
concernant sa volatilité et son usage pour fraude
Elles proposent une alternative basée sur le partage peuvent être également opposées aux monnaies
des pertes et des profits en s'engageant directement classiques.
au sein du projet d'un investisseur. Ce principe n'est
pas celui adopté par la finance conventionnelle. A ce jour, la plupart des savants peinent à accepter
les cryptomonnaies. Cela peut s'expliquer par une
Pour apporter une réponse concrète à la position du méconnaissance de ce qui est caractéristique d'une
droit musulman et des textes face aux monnaie, au regard du droit musulman. Egalement,
cryptomonnaies, rappelons la règle de base en les enjeux géopolitiques ne sont parfois pas assez
matière de jurisprudence islamique : ce qui n'est pris en compte au sein de la réflexion.
pas explicitement interdit dans le texte est, de
facto, autorisé. Il faut par ailleurs faire une distinction entre d’une
part, la monnaie naturelle, dont la valeur monétaire
est intrinsèque et qui a le plus de valeur (telle que
l’or et l’argent), et, d’autre part, la monnaie artificielle
CE QUI N'EST PAS EXPLICITEMENT ou coutumière dont la valeur est extrinsèque (telle
INTERDIT DANS LE TEXTE que la monnaie marchandise). Cette distinction est
importante car le facteur est l’acceptation du
EST, DE FACTO, AUTORISÉ
marché. Le Salvador par exemple, a accepté le
Bitcoin.

La Blockchain est une technologie neutre, la


question de la licéité se pose au regard de
l'utilisation faite. La finance islamique repose sur
des principes, si l'application qui est faite de cette
technologie les respectent, alors elles sont licites,
sinon, elles ne le sont pas.
“L’USAGE SEULEMENT
Le bitcoin constitue une monnaie alternative au FAIT LA POSSESSION”
système monétaire dominant international.
L'économie islamique le considère comme une
monnaie à part entière. Le choix d’adoption reflète surtout une décision
politique des gouvernements. Ils ne peuvent
Le 'urf (l'usage) est un concept important dans les cependant pas nier que nous allons vers une
fondements de la jurdisprudence islamique et il économie digitale et que le marché acceptera de
s'impose pour accepter cette monnaie virtuelle. plus en plus ces usages et, comme le dit la fable
“L’Usage seulement fait la possession”.

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CRYPTO-MONNAIES ET ÉTHIQUE : EST-CE
COMPATIBLE ?
Speakers : Jérémi Lepetit, CEO @Retreeb, Aro Crypto, CEO
@Aroc Crypto Consulting, Yann Le Floch, Digital Banker
@MAslow Capital Partners

Les applications éthiques reposent Toutefois, tous les projets liés aux
avant tout sur la morale de son cryptomonnaies ne sont pas
utilisateur, de son créateur. En nécessairement éthiques. Ainsi,
effet, tous les individus ont leur chaque projet est à étudier
propre vision de l’éthique : elle est individuellement.
donc subjective. C’est donc le
porteur qui va placer le curseur Ce type de projets nous pousse à
éthique selon ses convictions. nous questionner sur l’éthique des
systèmes financiers classiques :
Certains porteurs de projets quelles utilités et quelle places
Blockchain cherchent l’utilité sociale, réservent-ils à la monnaie ? Cette
le respect de l’environnement tandis question nous renvoie à notre
que d’autres ont des projets manque d’éducation financière,
purement spéculatifs, cherchant la notamment en matière de
performance avant tout. D'ailleurs, fonctionnement des politiques
les tokenomics, à savoir l'étude de monétaires dirigées par les banques
l'écosystème d'une cryptomonnaie centrales.
créé par une blockchain, permet de
mesurer l'utilité du projet, et Les cryptomonnaies permettent ainsi
déterminera ainsi ses règles. de bouleverser l’échiquier financier.
Elles nous permettent d’accéder à
Une illustration très concrète : le une alternative.
projet porté par Jérémi Lepetit,
Retreeb. C'est un moyen de
paiement valorisant et servant la
consommation responsable. Le
principe repose sur une tokenisation TOUS LES INDIVIDUS ONT
de la transaction, i.e. le token LEUR PROPRE VISION DE
prenant la valeur du pays où la
L’ÉTHIQUE QUI NE PEUT
transaction est réalisée, l’intérêt
ÊTRE JUGÉE ET EST
étant d’éviter le change traditionnel.
Un tiers de chaque transaction est SUBJECTIVE.
redistribué à des projets sociaux et
environnementaux. L’engagement
est certifié par la signature d’un
contrat social.

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UN LEVIER DE DÉVELOPPEMENT POUR LES PAYS
ÉMERGENTS
Speaker : David Nataf, Co-fondateur @AFROCoin
Les populations de certains pays émergents traversent une grande précarité,
sans accès au système bancaire classique et malheureusement sujettes au
fléau de la corruption.

La transparence de la Blockchain et des cryptomonnaies peuvent être un LES CRYPTOMONNAIES


moyen efficace de lutte contre la corruption. Par ailleurs, les POURRAIENT
cryptomonnaies pourraient renforcer l’attractivité de ces pays, face aux
RENFORCER
monnaies locales qui sont soumises à de fortes dévaluations. De plus,
l’absence ou le faible niveau de commissions des transactions des crypto- L’ATTRACTIVITÉ DE
monnaies faciliterait considérablement les échanges avec leur diaspora. Ainsi, CES PAYS
cet avènement pourrait être synonyme d’une véritable amélioration du

pouvoir d’achat.

Les cryptomonnaies semblent avoir un réel avenir et sont porteuses


d’espoir pour les pays émergents.

LE REGARD D'UN LANCEUR D'ALERTE :


ANICE LAJNEF
Le mot de la conférence est celui de la confiance. La confiance qui n’est plus
illustrée par nos institutions financières et qui serait retrouvée dans la
Blockchain et les cryptomonnaies.

Mais se défaire des institutions, est-ce une solution viable ? Ne va-t-on pas vers
un système qui prône l’anarchie ? Le problème n’est pas la centralisation du
système financier mais les agents qui le gouvernent.

Nous assimilons beaucoup les cryptomonnaies à l’étalon or. Celui-ci a permis de


se libérer de la dette et nous est synonyme de confiance. Cependant, comme
n’importe quel moyen, l’enjeu réside dans son utilisation. Par exemple, le
Bitcoin est un modèle fini qui peut inciter à l’accumulation : plus nous en

C’EST AU PEUPLE détenons et plus notre pouvoir d’achat en sera amélioré, du fait de sa rareté.
L’accumulation est le vrai fléau et empêche la monnaie de circuler dans
DE BÂTIR UN
l’économie. L’antidote réside dans la redistribution aux plus démunis afin
RÉSEAU DE qu’ils deviennent les acteurs de cette circulation.
CONFIANCE ET
Nous sommes en train d’assister à une “guerre des deux monnaies” qui
RÉINTRODUIRE LA
oppose celle de la finance centralisée et celle de la finance décentralisée. La
MORALE prochaine guerre opposera les cryptomonnaies décentralisées comme le Bitcoin
et les monnaies digitales des banques centrales.

La Blockchain peut constituer un moyen de faire évoluer le système, mais ne


pourra s’y substituer. C’est au peuple de bâtir un réseau de confiance et
réintroduire la morale.
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