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Cet ouvrage, qui renferme un nombre important des contributions de la rencontre


d’Europhras à Paris-Sorbonne en septembre 2014, cherche à orienter le débat concernant
la phraséologie vers une vision qui tente de sortir la réflexion dans ce domaine des sentiers
battus et de permettre l’émergence de nouveaux moyens heuristiques dans l’analyse des
faits phraséologiques. On peut ramener les principales interrogations revisitées dans ce
volume aux points suivants :
– le figement est-il de nature uniquement lexicale, syntaxique, sémantique,
pragmatique, ou implique-t-il toutes ces dimensions à la fois ?
– y aurait-il derrière son fonctionnement des principes généraux directeurs dont la
connaissance pourrait aider à mieux connaître le phénomène et à les intégrer dans
l’analyse des manifestations linguistiques en général ?
– si de tels principes existent, seraient-ils en mesure d’en préciser la portée et d’en
délimiter les unités ?
– d’où les interrogations relatives aux éléments définitoires de la phraséologie : le
La phraséologie :
théories et
processus impliqué dans la création phraséologique et la nature de ce qui est figé :
des séquences ? des structures ? des constructions ? des moules ?
– les grandes difficultés dans la description des faits phraséologiques : la variation,
l’opacité et la dimension pragmatique intégrées dans les séquences figées ?

La phraséologie : théories et applications


Cela se fait dans deux orientations, certes complémentaires, mais tout à fait
différentes : l’une insiste sur l’innovation théorique, l’autre privilégie la dimension
empirique.
applications
Professeur à l’Université de Paris-Sorbonne, directeur de l’Institut de Langue
Française, ancien directeur de l’Équipe de recherche Sens Texte Informatique Histoire
et ancien secrétaire général du Français Moderne, Olivier SOUTET a combiné de
nombreuses fonctions pédagogiques, scientifiques et administratives. Situant ses
recherches au croisement de l’histoire longue du français et de la psychomécanique du Sous la direction d’Olivier Soutet, Salah Mejri et Inès Sfar
langage, il a publié des travaux relevant à la fois de la linguistique générale
(Linguistique, PUF) et de la linguistique du français, diachronique (Études d’ancien et
de moyen français, PUF ; La Concession dans la phrase complexe en français des origines
au XVIe siècle, Droz) et synchronique (La syntaxe du français, PUF ; Le subjonctif,
Ophrys).

Salah MEJRI est Professeur des Universités à Sorbonne-Paris-Cité, Université Paris


13, membre de l’équipe d’accueil LT2DH, responsable de plusieurs projets sur la
phraséologie, la néologie et la dialectologie, auteur de plusieurs publications portant sur
le lexique, la syntaxe et la sémantique.

Inès SFAR est maître de conférences en Linguistique et Français Langue Étrangère


à l’UFR de Langue Française de l’Université Paris-Sorbonne et membre de l’équipe de
recherche Sens, Texte, Informatique, Histoire (STIH, EA 4509). Elle a publié plusieurs
articles et co-dirigé plusieurs numéros de revue sur les langues de spécialité, la
phraséologie, l’humour et l’enseignement-apprentissage de la grammaire française.

ISBN 978-2-7453-4780-0

Bibliothèque de Grammaire et
de Linguistique N o 57
9:HSMHOF=XY\]UU: HONORÉ CHAMPION
PARIS
GL
57
PHRASÉOTEXT – LE FRANÇAIS
IDIOMATIQUE  : UNE MÉTHODE
D’ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE EN
PHRASÉODIDACTIQUE DU FLE 1

María Isabel GONZALEZ-REY

Introduction
Dans cette étude, notre propos est de présenter le déroulement d’un
travail réalisé en synergie dans l’élaboration d’une méthode d’enseigne-
ment des unités phraséologiques (UP) du Français Langue Étrangère
(FLE), la méthode Phraséotext – Le Français Idiomatique, ainsi que
le résultat final de cette entreprise. Pour en faire la présentation, nous
procéderons en trois temps : situer son encadrement dans le projet de
recherche qui l’a vu naître, le projet Phraséotext, exposer les fondements
théoriques qui la sous-tendent et expliciter le guide pédagogique qui lui
correspond. En ce qui concerne le premier volet, nous soulignerons les
liens existant entre la Phraséologie et la Phraséodidactique2 (González-
Rey, 2011, Sulkowska, 2013) ; dans le second volet, nous aborderons
le choix de la littérature dans l’enseignement de la langue, les principes
de la Grammaire des Constructions (C&G) appliqués à la conception
de la méthode en question et les théories liées à la Didactique des Lan-
gues Étrangères (DLE) et à l’Acquisition des Langues Étrangères (ALE)
– deux disciplines centrées l’une sur le processus d’enseignement des
enseignants et l’autre sur le processus d’apprentissage des apprenants –
dans l’élaboration des séquences didactiques, autant d’éléments qui ont
contribué à en façonner la méthodologie depuis le point de vue de l’en-
seignement (DLV : González-Rey, 2010), de l’apprentissage (ALE : Bol-
ly, 2011) et de l’usage (G&G : Legallois, 2005, 2014) ; dans le troisième
volet, nous fournirons la structure de la méthode et son manuel d’emploi.

1  Cette étude s’encadre dans le projet de recherche du groupe RELEX (R2014-


042), soutenu par la Xunta de Galicia (Espagne).
2  Nous emploierons ces termes en majuscules pour référer à la discipline linguis-
tique, et en minuscules pour référer au domaine d’emploi.
302 Mª Isabel Gonzalez-Rey

Cette présentation nous permettra de mettre en avant une méthode que


nous considérons comme un outil intégral et polyvalent, en lien direct
avec les principes scientifiques de la Phraséologie.

1. Le projet Phraséotext
Le projet Phraséotext est un projet de recherche en Phraséodidactique
du FLE développé entre six universités : l’Université de Saint-Jacques-
de-Compostelle, l’Université Complutense de Madrid, l’Université
d’Alicante, l’Université de Murcie, l’Université de Louvain-la-Neuve et
l’Université de Budapest3. Ce projet s’est donné pour but de proposer une
nouvelle approche méthodologique à la didactique de la langue française
à travers sa phraséologie. Au terme de ce projet, l’équipe de recherche a
élaboré une méthode en Phraséodidactique destinée à des apprenants de
FLE, grands adolescents et adultes, et qui porte le nom du projet initial.
L’encadrement du projet dans l’application des théories de la Phraséo-
logie à la didactique des UP du FLE met en pratique les liens qui unissent
la Phraséologie et la Phraséodidactique4. Toutefois, celle-ci, outre sa
condition de discipline appliquée relevant des principes théoriques de
la Phraséologie, constitue également un domaine qui tient compte des
résultats actuels de la linguistique, de la psychologie et de la didactique
des langues vivantes. Son essor ne cessant de croître grâce aux phraséo-
logues et aux didacticiens qui réclament pour elle une place de choix au
sein de la didactique des langues étrangères, la méthode Phraséotext – Le
Français Idiomatique se postule, en réponse à cet appel, comme un ga-
rant de l’enseignement des figés à travers la langue, et de l’enseignement
de la langue à travers les figés.

3  Le projet porte pour titre (traduit en français) : « L’acquisition de la compétence


idiomatique et discursive du Français Langue Étrangère en contexte espagnol : élabora-
tion d’un corpus textuel bilingue à des fins didactiques » (code FFI2010-15092). Chef de
projet : Mª Isabel González-Rey (Université de Saint-Jacques-de-Compostelle). Colla-
borateurs : Vilmos Bárdosi (Université de Budapest) ; Jean-Louis Dufays (Université de
Louvain-la-Neuve) ; Ascensión Sierra Soriano (Université d’Alicante) ; Fernande Ruiz
Quemoun (Université d’Alicante) ; Mª Ángeles Solano Rodríguez (Université de Mur-
cie) ; Claire Nicolas (Université Complutense de Madrid).
4  Ces liens ont été déjà établis dans des travaux antérieurs sur le plan théorique
(González-Rey, 2004, 2006, 2010, 2011) et appliqué (González-Rey, 2007) et sont dé-
veloppés dans un ouvrage récent de  M. Sulkowska (2013) qui retrace l’histoire de la
constitution de la Phraséodidactique comme discipline appliquée de la Phraséologie et
recueille des travaux pratiques réalisés en Phraséodidactique du FLE, notamment une
expérimentation effectuée par l’auteure sur un groupe d’élèves polonais.
Une méthode d’enseignement-apprentissage en phraséodidactique du FLE 303

2. La méthode PHRASÉOTEXT – Le français idiomatique


Il convient de commencer la présentation de la méthode Phraséotext
– Le Français Idiomatique en précisant qu’elle n’est, en aucun cas, le
produit d’une maison d’édition mais le résultat d’un travail de recherche
effectué par un groupe de didacticiens du FLE et de phraséologues, et ré-
alisé pendant trois ans d’affilée (2011-2013). Les fondements théoriques
employés dans l’élaboration de ce matériel didactique sont, en fait, le
fruit d’une mise en commun au sein de l’équipe, mais aussi d’une ré-
flexion menée par des spécialistes de centres FLE ayant testé la méthode
Phraséotext – Le Français Idiomatique sur des enseignants de FLE (cf.
l’Institut Français à Madrid5) et sur des élèves allophones (cf. le Cavilam
de Vichy6). C’est l’ensemble de ces éléments que nous allons présenter
dans ce qui suit.

2.1 Les fondements théoriques de Phraséotext – Le Français Idio-


matique

Le choix de la littérature pour enseigner la langue et sa phraséologie,


l’utilisation des principes de la C&G dans la conception de la méthode
et l’emploi de critères didactico-acquisitionnels issus de la DLE et de
l’ALE dans l’élaboration des séquences didactiques constituent les prin-
cipaux fondements théoriques qui sous-tendent la méthode Phraséotext
– Le Français Idiomatique.

2.1.1 L’enseignement de la phraséologie à travers les textes litté-


raires  : un enjeu didactique

La décision prise d’enseigner la phraséologie du français dans la mé-

5  L’expérimentation réalisée à l’IFM a eu lieu en mai 2014 sur un groupe d’en-


seignants de FLE de cet établissement (une quinzaine) dans une séance de 4 heures.
Une séquence didactique du niveau A1 leur a été soumise (« fiche enseignant »  ; voir le
guide pédagogique pour cette terminologie), accompagnée d’une fiche d’évaluation pour
apprenants.
6  L’expérimentation effectuée au Cavilam de Vichy s’est produite une semaine plus
tard que celle de l’IFM, en une séance de 4 heures sur une quinzaine d’élèves arabo-
phones. Elle a consisté dans la réalisation de la même séquence didactique du niveau A1
soumise à l’IFM et d’un test d’autoévaluation pour apprenants. Les résultats des deux
tests, d’évaluation pour enseignants à l’IFM et d’autoévaluation pour apprenants au Ca-
vilam, nous ont permis d’améliorer la méthode, essentiellement dans le réajustement du
nombre et du niveau des textes littéraires à employer pour chaque séquence didactique et
dans la rédaction des consignes aux élèves.
304 Mª Isabel Gonzalez-Rey

thode Phraséotext – Le Français Idiomatique à travers des textes litté-


raires représente un enjeu didactique qui attribue une nouvelle dimension
à la littérature mise ainsi au service de la didactique de la langue en
général, et de la phraséologie en particulier. Les arguments en appui de
ce choix sont résumés dans l’affirmation de C. Navarro (2004) en ce qui
concerne la nature des textes et des expressions :
El hecho de presentar las UFs mediante un texto literario aporta diversos benefi-
cios. A saber, un texto interesante, divertido, cumple una función mnemotécnica
y desarrolla, asimismo, la competencia sociolingüística, ya que la literatura re-
crea situaciones comunicativas dando cabida a diversos registros, lo que facili-
ta ulteriores explicaciones sobre el ámbito de uso. En realidad, son muchas las
obras donde se nos ofrece buenos ejemplos de lenguaje coloquial […]. Por otro
lado, permite analizar las frecuentes alteraciones (sustitución léxica, ampliación,
reducción…) que sufren estas unidades en el momento de la contextualización
[…]. No hay que olvidar, además, que los fraseologismos con mayor fre-
cuencia de uso son, precisamente, aquellos que en algún momento se han
fijado en el texto escrito, sobre todo en el literario (c’est nous qui soulignons
en gras)7.

Sur le plan didactique, Mª A. Solano Rodríguez (2014 : 98-99) sou-


ligne les bienfaits de la littérature en termes de compétences phraséolo-
giques pour les apprenants :
[…] les ressources littéraires sont aptes pour développer de multiples
compétences […] permettant, par exemple, de sensibiliser à la compo-
sante phraséologique des langues, et d’apprendre les unités phraséolo-
giques de la langue cible dans des contextes réels d’utilisation.

Il est ainsi évident que l’utilisation de morceaux choisis de la litté-


rature n’est pas incompatible avec des objectifs d’enseignement de la
langue. Enseigner la phraséologie à travers la langue utilisée dans des
genres littéraires n’apporte, en fait, que des avantages aux apprenants.
En effet, ceux-ci ont l’occasion non seulement d’apprendre les expres-
sions phraséologiques en contexte mais aussi d’accéder aux auteurs les
plus reconnus en langue française et à leurs ouvrages, acquérant donc, au
passage, un double bagage de connaissances linguistiques et littéraires.
En ce qui concerne Phraséotext – Le Français Idiomatique, il s’est avéré
que les différents genres littéraires employés dans la sélection des frag-
ments (poésie, théâtre, chanson, conte et roman) nous ont procuré, effec-
tivement, des textes suffisamment variés pour trouver des expressions

7  [http : //www.ub.es/filhis/culturele/cnavarro.html] (consulté le 1.09.2014).


Une méthode d’enseignement-apprentissage en phraséodidactique du FLE 305

phraséologiques de tous les types et de tous les niveaux et registres de


langue8 grâce aux différentes techniques narratives (dialogue, descrip-
tion, argumentation, etc.) employées par les auteurs, nous permettant
ainsi de garantir la représentabilité des UP dans la langue.

2.1.2 La Grammaire des Constructions  : plus qu’une simple théorie


grammaticale

Le choix de la C&G comme cadre théorique de la méthode Phra-


séotext – Le Français Idiomatique n’est pas fortuit, non plus. Il trouve
sa justification dans le fait que la Phraséologie, en tant que domaine
des expressions d’une langue figées par l’usage, présente de nombreux
points d’ancrage avec la C&G, comme l’ont démontré les premiers tra-
vaux fondateurs de cette théorie (cf. Fillmore, Kay et O Connor, 1988)
et les tous derniers (cf. Gries, 2008). En effet, les points communs qui
rapprochent la Phraséologie et la C&G sont essentiellement leur objet
d’étude, à savoir les constructions de la langue, abordées à partir d’un
point de vue holistique qui n’établit pas de séparation entre le lexique et
la syntaxe. Dans ce sens la C&G n’est pas une simple théorie gramma-
ticale qui approche le phénomène constructionnel sous une perspective
seulement syntaxique, mais générale qui allie structure, sens et usage. De
ce point de vue, les UP constituent pour la C&G des constructions à part
entière, au même titre que le reste des constructions libres, et non pas un
phénomène marginal. De ce fait, la C&G permet d’intégrer la Phraséodi-
dactique à la DLV en « régularisant » les constructions phraséologiques,
en contribuant à les rendre « normales » aux yeux des enseignants, qui
sont les premiers à devoir être convaincus de leur importance afin de les
faire acquérir aux apprenants.
En ce qui concerne la méthode Phraséotext – Le Français Idioma-
tique, l’application de la C&G est évidente surtout dans l’élaboration
du dictionnaire car elle a permis de classer les UP en deux types de
constructions spécifiques  : phrastiques, d’une part, et syntagmatiques,
d’autre part. Les constructions phrastiques se divisent à leur tour en
constructions fermées, en tant que structures syntaxiquement closes et
lexicalement pleines, ou fermées, c’est-à-dire en tant que structures com-
posées en partie de termes idiomatiques et en partie de « slots » ou trous
à remplir par divers arguments placés dans des parenthèses carrées (voilà

8  Pour plus de détails sur les critères employés pour la composition du corpus tex-
tuel littéraire de Phraséotext – Le Français Idiomatique, voir González-Rey (2014).
306 Mª Isabel Gonzalez-Rey

[+ personne +] qui ; il y a [+ unité de temps +] que ; il n’y a pas de quoi


[+ infinitif] ; [sujet +] avoir beau [+ infinitif]). Ces constructions phras-
tiques sont composées de deux sortes d’UP : les formules routinières (À
tout à l’heure !) et les parémies (Tous les chemins mènent à Rome.),
pouvant se manifester toutes deux sous une forme affirmative (Les bras
m’en tombent.), négative (Il n’y a aucun mal.), exclamative (Ça alors !)
ou interrogative  (N’est-ce pas ?). Ces constructions phrastiques sont
reconnaissables à leur structure syntaxique indépendante et au signe
de ponctuation qui clôt l’énoncé. En ce qui concerne les constructions
syntagmatiques, elles se répartissent en locutions (ou «  expressions
idiomatiques  », c’est-à-dire des expressions non compositionnelles et
connotatives) et collocations (c’est-à-dire des expressions transparentes
et dénotatives), les deux types étant composés de toutes les catégories
grammaticales possibles. Ainsi pour les locutions, il y en a des nomi-
nales  : un fou rire ; des adjectivales : [nom +] de tout poil ; des verbales :
faire le pitre ; des adverbiales : tout à coup  ; des prépositives : à l’égard
de [qqn ] ; des conjonctives : au fur et à mesure que [+ prop.] ; de même
que pour les collocations : une cour de récréation (nominale) ; qui que
ce soit (pronominale) ; des tas de [+ nom] (déterminative) ; chaudement
vêtu (adjectivale) ; faire plaisir (verbale)  ; en réalité (adverbiale)  ; à
commencer par [+ nom/inf.] (prépositive) ; de telle manière que [+ prop.]
(conjonctive). Ces constructions syntagmatiques sont reconnaissables à
leur fonction d’intégrant de phrase et, elles aussi, elles peuvent se diviser
en structures fermées, en tant que structures sémantiquement pleines et
syntaxiquement closes, et ouvertes, en tant que structures reliées au reste
des éléments de la phrase par des mots grammaticaux et signalés entre
parenthèses carrées.
Ce classement des UP en constructions de différente nature est re-
pris dans les séquences didactiques afin de mettre en évidence la faculté
combinatoire de la langue et les rapports que les UP entretiennent entre
elles, ce qui favorise, à notre avis, une meilleure compréhension du phé-
nomène phraséologique chez les apprenants9.

9  Pour plus de détails sur les rapports entre Phraséologie et Grammaire de Construc-
tions, voir González-Rey : « Quels rapports entre Grammaire des Constructions et unités
phraséologiques en Didactique des Langues Vivantes ? ».
Une méthode d’enseignement-apprentissage en phraséodidactique du FLE 307

2.1.3 Critères didactico-acquisitionnels issus de la DLE et de


l’ALE

La méthode Phraséotext – Le Français Idiomatique, visant la mise


en place d’une compétence phraséologique réceptive et productive chez
l’élève, doit la structure de ses séquences didactiques aux principes de
la DLE et de l’ALE. L’application de ces principes a permis la création
d’un double parcours acquisitionnel et didactique appliqué à la Phraséo-
didactique10, à savoir :
• d’une part, un parcours acquisitionnel qui balise l’apprentissage des
apprenants en différents niveaux selon les caractéristiques propres
des UP ;
• d’autre part, un parcours didactique tenant compte du processus d’ac-
quisition de l’apprenant, fondé sur 3 étapes : une étape d’éveil, une
étape d’accommodation et une étape d’appropriation.
En ce qui concerne le parcours acquisitionnel des apprenants, nous
avons cherché à faire correspondre deux paramètres sur l’axe horizon-
tal  : leur progression, d’un côté, établie selon différents stades, du stade
débutant (niveaux A1-A2) au stade avancé (niveaux C1-C2) en passant
par le stade intermédiaire (niveaux B1-B2), et les différents types d’UP,
d’un autre côté, choisis et appliqués à chacun de ces stades en fonction
d’un critère type/occurrence qui met en relation les différentes catégo-
ries d’UP et leur fréquence sur tout le parcours acquisitionnel. Sur l’axe
vertical, à chaque niveau et type d’UP correspondent un thème et un
sous-thème en lien avec un des traits spécifiques de ces unités. Voici en
résumé la correspondance de ces deux axes dans l’établissement du par-
cours acquisitionnel des apprenants :

10  Cf. González-Rey : « Application d’un double parcours acquisitionnel et didac-


tique à la phraséodidactique du FLE ».
308 Mª Isabel Gonzalez-Rey

A1 A2 B1 B2 C1 C2

Formules Formules Formules Formules routi- Expressions idio- Expressions idioma-


routinières, routinières, col- routinières, nières, expres- matiques, parémies tiques, parémies et
collocations à sens locations à sens expressions sions idioma- et collocations collocations termino-
compositionnel compositionnel idiomatiques, tiques, parémies termino- phraséologiques
et structures et structures parémies et collocations à phraséologiques à sens non
régulières régulières et colloca- sens partiellement à sens non compositionnel
UP
tions à sens compositionnel compositionnel ou technique et /
partiellement et structures ou technique et / ou structures
compositionnel régulières ou structures agrammaticales
et structures agrammaticales
régulières

THÈMES PHRASÉOLOGIE TYPOLOGIE SENS GLO- STRUCTURE LITTÉRALITÉ IRRÉGULARITÉ


BAL INTERNE

SOUS- UNITÉS PHRA- CONSTRUC- COMPOSI- COMPOSANTS MOTIVATION AGRAMMATICA-


THÈMES SÉOLOGIQUES TION PHRAS- TIONNALITÉ DES UP LITÉ
TIQUE vs
CONSTRUC-
TION SYNTAG- ENTOURAGE INCONGRUITÉ
MATIQUE TEXTUEL SÉMANTIQUE

TRAITS POLYLEXICA- FIGEMENT et IDIOMATI- VALEUR PRAG- ICONICITÉ OPACITÉ


LITÉ et UNICITÉ RÉPÉTITION CITÉ MATIQUE
SÉMANTIQUE

Dans ce tableau plusieurs éléments sont organisés en fonction des


niveaux des apprenants, à savoir :
- sur l’axe horizontal, un profil d’UP découpées en types et sélec-
tionnées d’après notre propre typologie (González-Rey, 2007), dans
un sens qui va des expressions les plus simples aux plus complexes :
les constructions grammaticalement régulières et sémantiquement
transparentes au niveau débutant  ; les constructions grammaticale-
ment régulières mais partiellement compositionnelles au niveau in-
termédiaire ; et les constructions grammaticalement irrégulières et
sémantiquement opaques aussi bien en langue générale qu’en langue
terminologique au niveau avancé ;
- sur l’axe vertical, un ensemble de thèmes faisant état des grands
chapitres à aborder dans le parcours acquisitionnel des apprenants,
rangés dans un sens qui va du plus général au plus spécifique : une
présentation du domaine de la Phraséologie et de son organisation
interne en types de UP à un niveau débutant ; une introduction au sens
global des UP et à leur structure interne à un niveau intermédiaire ;
un abord des problèmes de la littéralité sémantique (et donc de la
motivation et de l’opacité) et de l’irrégularité syntaxique au niveau
avancé. À l’intérieur de chacun des thèmes est inclus un ensemble
de sous-thèmes déterminés par les différentes propriétés des UP. Ain-
si au niveau débutant, les UP et les deux types de constructions qui
Une méthode d’enseignement-apprentissage en phraséodidactique du FLE 309

les conforment, à savoir les constructions phrastiques (p.ex. formules


routinières) et les constructions syntagmatiques (p.ex. collocations),
sont-elles abordées en mettant en avant deux paires de traits généraux :
la polylexicalité et l’unicité sémantique, d’une part, et le figement et
la répétition, d’autre part ; au niveau intermédiaire, deux autres traits,
l’idiomaticité et la valeur pragmatique des UP, permettent d’appro-
cher la notion de compositionnalité, les composants internes des UP
ainsi que leur entourage textuel  ; au niveau avancé, enfin, les pro-
priétés d’iconicité et d’opacité contribuent à analyser les concepts de
motivation, d’agrammaticalité et d’incongruité sémantique des UP.
En ce qui concerne le parcours didactique des apprenants, les sé-
quences didactiques élaborées pour chaque stade comprennent des ac-
tivités qui tiennent compte des procédés d’acquisition des apprenants,
procédés fondés sur les facteurs neurobiologiques impliqués dans l’ap-
prentissage du lexique mental (processus acquisitionnel), et cela quel
que soit le stade du parcours acquisitionnel (débutant, intermédiaire,
avancé). Ces procédés correspondent, en fait, aux différentes étapes qui
constituent tout parcours didactique, à savoir une étape d’éveil, une étape
d’appropriation et une étape d’accommodation, et qui consistent dans un
procédé de décodage, d’encodage et de stockage, respectivement. Ces
procédés s’appliquent selon des principes neurolinguistiques d’appren-
tissage et de mémorisation : le principe d’activation déductive pour le dé-
codage, celui d’activation inductive pour l’encodage et celui de fixation
(ou entrenchment) pour le stockage. Les activités didactiques élaborées
en accord avec les étapes, les procédés et les principes cités sont ain-
si adaptées au comportement développemental de l’apprenant et visent
l’obtention de compétences phraséologiques réceptives et productives,
à l’oral et à l’écrit. Voici la structure d’une séquence didactique (SD)
conçue pour la méthode Phraséotext – Le Français Idiomatique :
310 Mª Isabel Gonzalez-Rey

SÉQUENCE DIDACTIQUE – Fiche Enseignant/Apprenant

NIVEAU X

Textes de travail : A, B, C

Consignes générales  : (pour enseignant/apprenant)

I) ACTIVITÉS À APPLIQUER SUR UN SEUL TEXTE À CHAQUE FOIS

! ÉTAPE D’ÉVEIL

Compréhension ORALE

 TRAVAIL DE SENSIBILISATION ET DE DISTINCTION AUDITIVE DES UP 


- Exercices de repérage des UP dans le discours
- Exercices de déduction du sens des UP repérées

Compréhension ÉCRITE

 TRAVAIL SUR LE SENS DES UP EN CONTEXTE


- Exercices de paraphrase des UP
- Exercices de reconstruction textuelle à partir des UP

II) ACTIVITÉS À APPLIQUER SUR PLUSIEURS TEXTES À LA FOIS

! ÉTAPE D’ACCOMMODATION

Production ÉCRITE

 TRAVAIL SUR LA FORME  : LES COMPOSANTS ET L’ORDRE DES MOTS


- Exercices de reconstruction interne des UP
- Exercices de recomposition des UP à partir d’UP déviées

 TRAVAIL SUR LE SENS  : REFORMULATION ET MISE EN RELATION SENS LITTÉRAL-SENS FIGURÉ


- Exercices d’ordre relationnel (synonymie, antonymie, etc.) entre UP
- Exercices d’illustration sur le sens littéral des UP

Production ORALE

 TRAVAIL DE LECTURE ACTIVE DES TEXTES ET DE PRONONCIATION DES UP


- Exercices de prononciation et d’intonation des UP en contexte
- Exercices d’interprétation de textes dialogués ayant des UP

! ÉTAPE D’APPROPRIATION

REPRODUCTION ET RÉCRÉATION ORALES ET ÉCRITES

 TRAVAIL DE MÉMORISATION DES UP


- Exercices de mobilisation
- Exercices de réutilisation

 TRAVAIL DE CRÉATIVITÉ DES UP


- Exercices de contextualisation
- Exercices de pragmatisation

AIDE MÉMOIRE DES UP TRAVAILLÉES

Corrigés

Cette fiche contient les principaux éléments communs à toutes les SD


de la méthode, à savoir :
• le destinataire : deux types de SD sont élaborées en fonction de l’uti-
lisateur, une fiche-enseignant (où se trouvent incluses les consignes
d’emploi pour le professeur et celles pour l’élève), et une fiche-appre-
Une méthode d’enseignement-apprentissage en phraséodidactique du FLE 311

nant qui ne contient que les consignes pour l’élève ;


• la référence au niveau de langue des UP à travailler ;
• les textes impliqués, tirés du corpus littéraire de la méthode, et limités
à 3 pour chaque SD11 ;
• une première série d’activités réceptives, orales et écrites12, centrées
sur un seul texte à chaque fois pendant l’étape d’éveil, suivie d’un en-
semble d’exercices productifs, écrits et oraux13, visant les trois textes
à la fois pendant l’étape d’accommodation, pour finir par un groupe
d’activités, toutes compétences réceptives et productives confondues,
destinées à réutiliser les UP d’abord dans des contextes connus, puis
dans des contextes inconnus pendant l’étape d’appropriation ;
• un aide mémoire des UP travaillées et les corrigés des exercices dans
les deux fiches, pour enseignant et pour apprenant, afin de favoriser
autant l’enseignement guidé des professeurs que l’auto-apprentissage
des élèves.
En bref, l’objectif initial dans l’application de ces deux parcours est
d’amener l’apprenant à prendre conscience de la particularité du phé-
nomène phraséologique dans la langue objet d’étude, éventuellement le
FLE. Par contre, l’objectif à atteindre au bout de ces deux itinéraires est
de lui en faire perdre conscience en traitant les UP comme le font les
locuteurs natifs (LN), sous une forme holistique, dans des discours auto-
nomes, diversifiés et individuels.

3. Explicitation du guide pédagogique de phraséotext – le fran-


çais idiomatique

La méthode Phraséotext – Le Français Idiomatique se place sous le


patronat du Ministère espagnol pour la Recherche14, qui a financé le pro-
jet, et des six universités qui ont collaboré dans son élaboration. Elle se

11  L’expérimentation de la méthode dans les centres FLE indiqués ci-dessus a dé-
montré qu’un nombre plus élevé de textes portait préjudice aux élèves dont l’attention
diminuait au-delà de ce chiffre.
12  Bien que l’ordre oral-écrit / écrit-oral ne soit pas pertinent pour beaucoup, nous
estimons que suivre cet ordre favorisera la mémoire phonologique de l’individu et in-
fluencera positivement par la suite la mise en place de la compétence productive orale,
d’ordinaire si tardivement atteinte.
13  L’ordre écrit-oral dans cette étape nous semble mieux adapté aux besoins des
apprenants en ce sens que l’écrit les sécurisera dans leur saut à la production orale.
14  Ministerio de Economía y Competitividad.
312 Mª Isabel Gonzalez-Rey

présente sur support DVD pour un usage aussi bien en situation d’ap-
prentissage guidé que d’apprentissage autonome. La structure de la mé-
thode est commune à ces deux modalités d’apprentissage mais son em-
ploi peut varier en fonction de celle qui est choisie. Elle s’adresse à des
apprenants débutants de FLE, grands adolescents et adultes, ayant soit
une langue maternelle quelconque soit l’espagnol comme L115.

3.1 Structure de la méthode PHRASÉOTEXT- le français idioma-


tique

La méthode Phraséotext – Le Français Idiomatique s’organise autour


de trois éléments principaux : 1) une anthologie de textes littéraires fran-
çais16  ; 2) un dictionnaire d’expressions monolingue Français-Français
(FR-FR)17 ; 3) des séquences didactiques du niveau A1 au niveau C2 du
Cadre Européen Commun de Référence (CECR).

3.1.1 Anthologie de textes littéraires français


Le corpus textuel est conformé de courts fragments de textes littéraires
rédigés en français par des auteurs français ou francophones contempo-
rains (XXe et XXIe siècles), et appartenant à tous les genres de la littéra-
ture, prise dans un sens large, à savoir  : bande dessinée, poésie, chanson,
théâtre, conte, roman. Ces fragments sont présentés dans des encadrés
formés d’une en-tête où figurent les données bibliographiques du texte
et le niveau de langue attribué par nos soins en fonction des niveaux du
CECR. Le corps du texte est aligné de façon à ce que les phrases soient
présentées sous une forme claire et intelligible afin d’aider l’apprenant à
repérer plus facilement les UP présentes dans le fragment. Toutes les UP
des fragments originaux sont soulignées dans le but d’être mieux repé-

15  Pour un public large, un premier DVD version français-français (FR-FR) est
paru en 2015 avec le code ISAN 0000-0003-9DB1-000-F-0000-0000-T, accompagné
d’un RPI (Registre de Propriété Intellectuelle) dans les 6 universités collaboratrices. Une
version français-espagnol (FR-ES) de la méthode Phraséotext- Le Français idiomatique
est prévue à moyen terme pour des hispanophones apprenants de FLE.
16  La reproduction de ces fragments est soumise au droit de citation qui autorise la
reproduction et la communication au public de courtes citations d’œuvres de toute nature
sans le consentement des titulaires du droit d’auteur, à condition que la taille de la citation
respecte la proportion du texte original et qu’elle soit faite dans un but d’enseignement,
comme c’est le cas pour la méthode Phraséotext- Le Français Idiomatique. En effet, les
fragments sont en moyenne de 300 mots.
17  Le corpus textuel et le dictionnaire Phraséotext comptent sur une traduction à
l’espagnol en vue d’une éventuelle version français-espagnol de la méthode.
Une méthode d’enseignement-apprentissage en phraséodidactique du FLE 313

rées par les usagers dans leur approche aux textes18. C’est aussi une façon
de leur signaler, au passage, que ces expressions sont recueillies dans le
dictionnaire et qu’ils peuvent donc y consulter la définition. Ce corpus
donne ainsi l’occasion aux élèves d’observer, d’analyser et d’appréhen-
der l’emploi des expressions figées dans des contextes qui favorisent la
compréhension et la rétention de ces séquences.

3.1.2 Dictionnaire d’expressions français-français


Un dictionnaire des expressions françaises tirées de l’anthologie des
textes est offert dans une version monolingue FR-FR. Cette version
contient la liste des expressions françaises d’abord sous leur forme lem-
matisée, puis dans leur contexte littéraire, suivies d’une définition soit
extraite de dictionnaires les recueillant au préalable, soit explicitée par
les auteurs de la méthode ; viennent ensuite des colonnes avec le mot-clé,
le concept correspondant à l’ensemble de l’expression, la source d’où
elle est issue (auteur et ouvrage), son niveau de langue attribué en fonc-
tion des niveaux du CECR et la catégorie constructionnelle à laquelle
elle appartient d’après un classement inspiré sur les principes de la C&G
cités ci-dessus.

3.1.3 Séquences didactiques du niveau A1 au niveau C2


Une série de SD, organisées en termes de compétences réceptives et
productives à l’oral et à l’écrit, fait appel aux connaissances phraséolo-
giques des apprenants obtenues à travers les textes grâce à des activités
de deux types : celles destinées à la compréhension globale des textes
et à la compréhension sélective des expressions, en ce qui concerne les
compétences réceptives orale et écrite ; celles consacrées à la récupé-
ration active de ces expressions et à leur réemploi dans de nouveaux
contextes, en ce qui concerne les compétences productives écrite et orale.
Suffisamment diversifiées, toutes ces activités ont pour but d’amener les
apprenants à maîtriser complètement les expressions figées de la langue,
soit en les complétant toutes soit en choisissant celles dont ils ont le plus
besoin. Les éléments qui composent toutes les séquences de la méthode
consistent en deux fiches : l’une pour enseignant, avec des indications
réservées au professeur pour le déroulement de chaque exercice et des
consignes (en italique) pour l’élève  ; l’autre pour apprenant, avec des

18  Pour des exemples de fragments de ce corpus, voir González-Rey (2014).


314 Mª Isabel Gonzalez-Rey

consignes destinées à son intention.


L’usage de ces trois éléments constitutifs du dispositif Phraséotext
– Le Français idiomatique est explicité dans une sorte de trousse pé-
dagogique qui se trouve dans le DVD sous le bouton AIDE, avec trois
voies d’accès au mode d’emploi : 1) Comment utiliser le corpus litté-
raire  ; 2) Comment utiliser le dictionnaire Phraséotext ; 3) Comment
utiliser les fiches didactiques. Des conseils d’utilisation et un guidage
pédagogique est offert pour chacun de ces trois éléments aux enseignants
et aux apprenants pour une meilleure efficacité d’emploi. C’est ce gui-
dage que nous allons présenter maintenant.

3.2 Manuel d’emploi de phraséotext―le français idiomatique


La page d’accueil du DVD Phraséotext – Le Français idiomatique
donne d’abord entrée aux crédits de la méthode (auteurs, collaborateurs
et partenaires) et à trois boutons : 1) MENU, 2) AIDE et 3) QUITTER.
Le MENU permet l’accès aux trois composantes de la méthode (corpus
textuel, dictionnaire et séquences didactiques) de façon indépendante, ce
qui accorde une certaine flexibilité à l’usage que peuvent en faire aussi
bien l’enseignant que l’apprenant.
En ce qui concerne le corpus textuel, l’utilisateur a la possibilité d’y
accéder directement soit par le genre littéraire auquel appartiennent les
textes, soit par la liste des auteurs ou encore par les niveaux de langue qui
peuvent leur être attribués selon le CECR. Les trois types d’accès abou-
tissent à la même base de données où figurent les textes qui s’affichent
au format PDF à l’écrit et au format audio pour l’écoute des fragments à
l’oral. En ce qui concerne les chansons, ce format audio se dédouble en
deux fichiers, l’un pour l’écoute du texte lu et l’autre pour l’écoute du
texte chanté a capella19. L’utilisation de ces textes peut se faire librement 
: y accéder pour un usage autonome et indépendant des autres ressources
du DVD, ou en lien avec les autres outils didactiques. En effet, mis à part
les objectifs didactiques pour lesquels est conçu ce corpus littéraire, l’en-
seignant peut choisir de travailler sur un texte concret avec des activités
personnelles, de type linguistique ou littéraire, et l’élève peut également
profiter du corpus pour le simple plaisir de lire ou d’écouter de la litté-

19  La version chantée a capella a été possible grâce à la bonne volonté de l’un des
collaborateurs de la méthode, en vue d’offrir un matériel propre, sans conflit légal. Bien
entendu, cette version peut être éventuellement remplacée par les versions originales que
se procureront alors les utilisateurs de la méthode (enseignants ou apprenants).
Une méthode d’enseignement-apprentissage en phraséodidactique du FLE 315

rature.
En ce qui concerne le dictionnaire PHRASÉOTEXT, il est com-
posé d’un DICO GÉNÉRAL et de DICOS INDIVIDUELS. Le DICO
GÉNÉRAL se trouve sous l’onglet MENU et regroupe toutes les UP
de tous les textes employés dans la méthode dans une version FR-FR.
Les DICOS INDIVIDUELS se trouvent sous l’onglet SÉQUENCES
DIDACTIQUES (SD) et recueillent les UP des 3 textes travaillés dans
chaque séquence. Ces deux types de DICO sont élaborés sur un tableau
Excel qui permet aux élèves de les consulter en les regroupant par co-
lonne selon l’objet de leur recherche : le mot-clé, la forme lemmatisée,
le contexte littéraire, la définition, le concept, la source, le niveau de
langue ou le type de construction. Ce tableau Excel se présente au format
Word pour donner aux apprenants un accès à une recherche dynamique
grâce à la fonction RECHERCHE sur le logiciel Windows, mais aussi
pour leur fournir l’occasion de transformer cet élément en un outil per-
sonnel. En effet, ils pourront, au gré des expressions qu’ils rencontreront
dans d’autres textes, compléter la liste des expressions contenues dans
ces deux modalités. Celles-ci leur serviront ainsi de modèle dans leur
tâche de collecte. Un double emploi du dictionnaire est donc possible,
comme outil de consultation dynamique et comme « carnet de notes »,
c’est-à-dire, comme recueil des expressions que chaque usager voudra
introduire. Toutefois, le dictionnaire est aussi fourni au format PDF afin
d’en assurer la version originale.
En ce qui concerne les SD, elles sont au nombre de 6, une pour cha-
cun des niveaux recommandés par le CECR. Pour chaque SD, deux types
de fiches sont offertes  : une SD-enseignant et une SD-apprenant. Des
consignes destinées à l’enseignant ou à l’apprenant s’affichent au tout
début de chaque unité afin de les orienter sur les objectifs à atteindre.
Un guidage est offert sur la SD-enseignant avec un premier groupe de
consignes générales à suivre pour l’ensemble de la séquence et avec un
second groupe de consignes plus précises pour chaque activité. Chaque
enseignant est libre de choisir les activités les mieux adaptées à ses ob-
jectifs d’enseignement selon le niveau ou la compétence qu’il souhaitera
faire acquérir. Par ailleurs, ces orientations lui laissent l’entière liberté de
les modifier ou d’en concevoir d’autres. Avant d’aborder les exercices
d’entraînement, une mise en route sur les textes à travailler (pas plus de
3 pour chaque SD) est conseillée à travers les couvertures des œuvres.
Une fois cette mise en route achevée, les activités proposées pour l’ac-
quisition réceptive et productive des UP de la SD en question travaillent
toutes les compétences liées à la bonne maîtrise de la langue,– comme
316 Mª Isabel Gonzalez-Rey

pour toute méthode de FLE, d’ailleurs –, à savoir l’aspect phonologique,


lexical, syntaxique, sémantique et pragmatique. En effet, il s’agit d’exer-
cer d’abord l’élève à la prononciation des expressions en travaillant
l’éducation auditive perceptive, qui lui fera éviter des erreurs de sens
et favorisera l’articulation précise et consciente des sons spécifiques du
français. Lui faire découvrir le système phonologique et prosodique de la
langue étrangère à travers sa phraséologie le conduira vers une commu-
nication doublement efficace. Cette première démarche à travers les sons
constitue un cheminement qui amènera l’apprenant tout naturellement
au sens et à la forme des expressions contenues dans les textes. Dans les
SD les activités sur le sens des UP précèdent celles sur la forme suivant
le processus acquisitionnel des élèves qui privilégie généralement le si-
gnifié sur le signifiant. En effet, la manière holistique qu’a l’apprenant
d’approcher la langue dans les premières étapes de son apprentissage est
remplacée par la manière analytique dans les étapes avancées. Ainsi, une
première approche de nature onomasiologique aux UP l’aidera à décou-
vrir ensuite leur organisation au moyen d’activités sur la forme. Quant
à la structure, elle est abordée à travers une typologie inspirée sur une
conception constructionnelle issue de la Grammaire des Constructions,
théorie qui allie, rappelons-le, la forme, le sens et l’usage. Et finalement,
en ce qui concerne l’aspect pragmatique, des exercices de reformulation
des UP dans différents contextes sont proposés aux apprenants aussi bien
à l’écrit qu’à l’oral pour une mise en place définitive d’une compétence
phraséologique productive. Chaque SD est, ainsi, structurée entre des
activités de découverte et de compréhension pendant une première phase
d’exposition, suivies d’un travail plus approfondi de reformulation et de
création avec des objectifs précis pour stimuler le réemploi des expres-
sions étudiées et apprises dans des situations orales ou des actes d’écri-
ture.
En définitive, la présentation et l’utilisation des trois composantes qui
se trouvent dans la trousse pédagogique sous le bouton AIDE fournissent
à l’usager des orientations pour une bonne utilisation de ces éléments.
Ces orientations contiennent des grilles-repères explicitant la structure
de chaque élément (les parties des encadrés des fragments de textes ; la
nature des colonnes du dictionnaire ; les types d’activités des SD) et leur
mode d’emploi, dans un souci de guidage qui favorisera une meilleure
exploitation de la méthode auprès des utilisateurs.
Une méthode d’enseignement-apprentissage en phraséodidactique du FLE 317

Conclusion
Notre propos dans cette étude a été de mettre en exergue le caractère
innovant d’une méthode, la méthode Phraséotext–Le Français Idioma-
tique, au sein de la Phraséodidactique. Conçue pour l’acquisition des UP
dans le domaine du FLE selon une approche contextualisée des expres-
sions figées dans des textes littéraires, cette méthode permet à l’élève
d’aborder les UP dès leur emploi dans le discours tout en prétendant, au
passage, introduire la littérature en cours de langue.
L’atout des trois parties qui composent la méthode (un corpus de
morceaux choisis de la littérature contemporaine en langue française ;
un dictionnaire des expressions figées tirées de ce corpus et une série
de séquences didactiques du niveau A1 au niveau C2) consiste dans le
fait qu’elles sont à la fois autonomes et complémentaires. En effet, bien
qu’elles aient été créées les unes en fonction des autres, elles peuvent être
utilisées de façon indépendante : les textes peuvent être travaillés en eux-
mêmes pour le plaisir de la lecture ou comme déclencheurs d’activités
que les utilisateurs peuvent concevoir à titre personnel ; le dictionnaire
peut être employé comme outil de consultation ou bien comme « carnet
de notes » ; les séquences didactiques contiennent des activités qui re-
quièrent des deux autres parties mais aussi des exercices indépendants.
La somme de ces parties constitue un ensemble structuré qui prétend of-
frir à la fois des éléments reliés et libres selon les besoins des utilisateurs
et des activités qui privilégient le travail sur la langue et sa phraséologie,
et sur son fonctionnement dans des contextes diversifiés.
En définitive, l’approche constructionnelle sur laquelle est fondée
cette méthode permet un enseignement-apprentissage des unités phra-
séologiques du FLE ancré dans des contextes qui favorisent l’acquisi-
tion d’une compétence réelle de la phraséologie de la langue. Née à la
croisée des chemins entre les principes théoriques de la recherche en
Phraséologie et les pratiques de cours FLE, Phraséotext – Le Français
Idiomatique constitue ainsi une méthode intégrale qui cherche à renfor-
cer un domaine scientifique par sa contribution à un champ d’applica-
tion, et à rebours, à compléter un domaine appliqué par son appartenance
à un champ de recherche déterminé.

Mª Isabel GONZALEZ-REY
Université de Saint-Jacques-de-Compostelle
318 Mª Isabel Gonzalez-Rey

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Sułkowska, M., De la phraséologie à la phraséodidactique, Katowice, WydawnictwoU-
niwersytetuŚląskiego, 2013.
gl_57_couv_broche_OK.qxp_hc_couv_155x235 23.11.17 08:27 Page1

Cet ouvrage, qui renferme un nombre important des contributions de la rencontre


d’Europhras à Paris-Sorbonne en septembre 2014, cherche à orienter le débat concernant
la phraséologie vers une vision qui tente de sortir la réflexion dans ce domaine des sentiers
battus et de permettre l’émergence de nouveaux moyens heuristiques dans l’analyse des
faits phraséologiques. On peut ramener les principales interrogations revisitées dans ce
volume aux points suivants :
– le figement est-il de nature uniquement lexicale, syntaxique, sémantique,
pragmatique, ou implique-t-il toutes ces dimensions à la fois ?
– y aurait-il derrière son fonctionnement des principes généraux directeurs dont la
connaissance pourrait aider à mieux connaître le phénomène et à les intégrer dans
l’analyse des manifestations linguistiques en général ?
– si de tels principes existent, seraient-ils en mesure d’en préciser la portée et d’en
délimiter les unités ?
– d’où les interrogations relatives aux éléments définitoires de la phraséologie : le
La phraséologie :
théories et
processus impliqué dans la création phraséologique et la nature de ce qui est figé :
des séquences ? des structures ? des constructions ? des moules ?
– les grandes difficultés dans la description des faits phraséologiques : la variation,
l’opacité et la dimension pragmatique intégrées dans les séquences figées ?

La phraséologie : théories et applications


Cela se fait dans deux orientations, certes complémentaires, mais tout à fait
différentes : l’une insiste sur l’innovation théorique, l’autre privilégie la dimension
empirique.
applications
Professeur à l’Université de Paris-Sorbonne, directeur de l’Institut de Langue
Française, ancien directeur de l’Équipe de recherche Sens Texte Informatique Histoire
et ancien secrétaire général du Français Moderne, Olivier SOUTET a combiné de
nombreuses fonctions pédagogiques, scientifiques et administratives. Situant ses
recherches au croisement de l’histoire longue du français et de la psychomécanique du Sous la direction d’Olivier Soutet, Salah Mejri et Inès Sfar
langage, il a publié des travaux relevant à la fois de la linguistique générale
(Linguistique, PUF) et de la linguistique du français, diachronique (Études d’ancien et
de moyen français, PUF ; La Concession dans la phrase complexe en français des origines
au XVIe siècle, Droz) et synchronique (La syntaxe du français, PUF ; Le subjonctif,
Ophrys).

Salah MEJRI est Professeur des Universités à Sorbonne-Paris-Cité, Université Paris


13, membre de l’équipe d’accueil LT2DH, responsable de plusieurs projets sur la
phraséologie, la néologie et la dialectologie, auteur de plusieurs publications portant sur
le lexique, la syntaxe et la sémantique.

Inès SFAR est maître de conférences en Linguistique et Français Langue Étrangère


à l’UFR de Langue Française de l’Université Paris-Sorbonne et membre de l’équipe de
recherche Sens, Texte, Informatique, Histoire (STIH, EA 4509). Elle a publié plusieurs
articles et co-dirigé plusieurs numéros de revue sur les langues de spécialité, la
phraséologie, l’humour et l’enseignement-apprentissage de la grammaire française.

Bibliothèque de Grammaire et HONORÉ CHAMPION


de Linguistique N o 57 PARIS
GL
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