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Sujet de brevet

Texte :

Les études en question

Annie Ernaux évoque son père, ancien ouvrier, devenu petit commerçant dans un
village normand ( il tient une épicerie et un café avec sa femme). Il espérait pour sa fille
une "bonne situation".

Je travaillais mes cours, j'écoutais des disques, je lisais, toujours dans ma


chambre. Je n'en descendais que pour me mettre à table. On mangeait sans parler. [...]
Mon père est entré dans la catégorie des gens simples ou modestes ou braves
gens. Il n'osait plus me raconter des histoires de son enfance. Je ne lui parlais plus de
mes études. Sauf le latin, parce qu'il avait servi la messe 1, elles lui étaient
incompréhensibles et il refusait de faire mine de s'y intéresser, à la différence de ma
mère. Il se fâchait quand je me plaignais du travail ou critiquais les cours. Le mot
"prof" lui déplaisait, ou "dirlo", même "bouquin". Et toujours la peur OU PEUT-
ÊTRE LE DESIR que je n'y arrive pas.
Il s'énervait de me voir à longueur de journée dans les livres, mettant sur leur
compte mon visage fermé et ma mauvaise humeur. La lumière sous la porte de ma
chambre le soir lui faisait dire que je m'usais la santé. Les études, une souffrance
obligée pour obtenir une bonne situation et ne pas prendre un ouvrier2. Mais que
j'aime me casser la tête lui paraissait suspect. Une absence de vie à la fleur de l'âge. Il
avait parfois l'air de penser que j'étais malheureuse.
Devant la famille, les clients, de la gêne, presque de la honte que je ne gagne
pas encore ma vie à dix-sept ans, autour de nous toutes les filles de cet âge allaient au
bureau, à l'usine ou servaient derrière le comptoir de leurs parents. Il craignait qu'on
ne me prenne pour une paresseuse et lui pour un crâneur. Comme une excuse : " On
ne l'a jamais poussée, elle avait ça dans elle." Il disait que j'apprenais bien, jamais que
je travaillais bien. Travailler, c'était seulement travailler de ses mains.

Les études n'avaient pas pour lui de rapport avec la vie ordinaire. Il lavait la
salade dans une seule eau, aussi restait-il souvent des limaces. Il a été scandalisé
quand, forte des principes de désinfection reçus en troisième, j'ai proposé qu'on la
lave dans plusieurs eaux. Une autre fois, sa stupéfaction a été sans bornes, de me voir
parler anglais avec un auto-stoppeur qu'un client avait pris dans son camion. Que j'aie
appris une langue étrangère en classe, sans aller dans le pays, le laissait incrédule.

Annie Ernaux, La Place ( 1983), éd. Gallimard.

1 Il assistait le prêtre pendant la messe, dont une partie était dite en latin.
2 Prendre un ouvrier : épouser un ouvrier
Questions / 15 points

I. UN RECIT DE VIE

1/ Quel est le statut du narrateur dans ce texte? Donnez deux indices différents pour
justifier votre réponse. / 1,5

2/ a. Quel est le temps dominant dans ce texte? Relevez deux exemples. Donnez la
valeur de ce temps. / 1,5

b. A quelle période de la vie de la narratrice ce temps renvoie-t-il? / 1

3/ Quel niveau de langue la narratrice employait-elle à cette époque de sa vie?


Justifiez en citant deux exemples. / 1,5

4/ A quel genre littéraire ce texte appartient-il? Développez et justifiez votre


réponse. /2

II. UN PERE ET SA FILLE

5/ A quel milieu social la famille de la narratrice appartient-elle? Justifiez votre


réponse en citant le texte. / 1,5

6/ Quelle est la place des études dans la vie de la narratrice? Développez votre
réponse. / 2

7/ a. "incompréhensibles" : comment ce mot est-il formé? / 1

b. Que peut-on en conclure sur les relations entre le père et sa fille? /1

8/ Relevez deux arguments du père pour justifier ses craintes à l'égard des études de
sa fille? Développez votre réponse. / 2

Réécriture / 5 points

Réécrivez le passage suivant en conjuguant les verbes au présent de l'indicatif ( sauf


"prenne" qui ne change pas).

Il craignait qu'on ne me prenne pour une paresseuse et lui pour un crâneur.


Comme une excuse : " On ne l'a jamais poussée, elle avait ça dans elle." Il disait que
j'apprenais bien, jamais que je travaillais bien. Travailler, c'était seulement travailler
de ses mains.
Dictée : / 5 points

Les jeunes amoureux nageaient côte à côte : lui, plus blanc de peau, la tête
noire et ronde sous ses cheveux mouillés ; elle, brûlée par le soleil, coiffée d'un
foulard blanc.
Elle sourit au jeune homme dont le bleu délicieux des prunelles verdit un peu dans le
reflet de la mer.
Plusieurs fois, ils plongèrent ensemble, burent la tasse, reparurent en soufflant et en
riant comme s'ils oubliaient un instant elle son amour tourmenté pour son compagnon
d'enfance, lui ses seize ans dominateurs, son dédain de joli garçon et son exigence de
propriétaire précoce.

D'après Colette, Le Blé en herbe ( 1923)


Dictée aménagée : / 5 points

Les jeunes amoureux ( nageait / nagaient / nageaient) côte à


côte : lui, plus blanc de peau, la tête ( noir / noire / noirs) et ronde
sous ses cheveux ( mouillés / mouillée / mouillé) ;
elle, ( brûler / brûlée / brûlé) par le soleil, ( coiffée / coiffer /
coiffé) d'un foulard blanc.

Elle sourit au jeune homme dont le bleu délicieux des prunelles


verdit un peu dans le ( reflait / reflets / reflet) de la mer.

Plusieurs fois, ils ( plongères / plongèrent) ensemble, ( bure /


burent / bures) la tasse, reparurent en soufflant et en riant comme
s'ils ( oubliaient / oubliais / oubliaient ) un instant elle son amour
tourmenté pour son compagnon d'enfance, lui ses seize ans
dominateurs, son dédain de ( jolis / jolie / joli) garçon et son
exigence de propriétaire précoce.

D'après Colette, Le blé en herbe, ( 1923)


Rédaction / 15 points

Vous choisirez l'un des deux sujets suivants.

I. SUJET D'IMAGINATION

Parents et enfants ne sont pas toujours du même avis.

Imaginez une situation qui vous tenait à coeur, pour laquelle vous
avez dû argumenter en défendant votre point de vue afin d'obtenir
ce que vous souhaitiez, face à vos parents qui vous opposaient
leurs propres arguments.

Vous présenterez d'abord la situation dans un passage narratif aux


temps du passé. Vous développerez ensuite les arguments et les
exemples de chacun dans un dialogue argumentatif. Vous
terminerez votre devoir par un paragraphe narratif.
Votre devoir doit faire deux pages au moins et être rédigé dans une
langue correcte.

II. SUJET DE REFLEXION

Annie Ernaux écrit : " Les études, une souffrance obligée pour
obtenir une bonne situation."

Selon vous, les études sont-elles plutôt une souffrance ou une


source d'épanouissement pour construire sa vie future?

Dans un devoir argumenté, vous présenterez votre point de vue en


illustrant votre propos d'exemples précis, choisis dans votre propre
expérience ou celle d'autres personnes.

Votre rédaction doit faire deux pages au moins et être rédigée dans
une langue correcte.
Proposition de correction partie 1 :

1/ Le narrateur est interne au récit dans ce texte (0,5 point), en effet on trouve le
pronom personnel sujet de la P 1 du singulier : "je" comme à la ligne 1 : " Je
travaillais"(0,5 point) ou le pronom personnel complément de la P 1 du singulier :
"me" à la ligne 2 : "pour me mettre à table". (0,5 point)

( déterminant possessif : "mon", "ma" ou "mes")

2/ a. Le temps dominant de ce texte est l'imparfait (0,5 point), par exemple : " Je
travaillais" ligne 1 , "j'écoutais" ligne 1. (0,5 point)Il s'agit d'un imparfait d'habitude
pour des actions répétitives dans le passé. (0,5 point)

b. Ce temps correspond à la jeunesse ( adolescence) de la narratrice. (1 point)

3/ Le niveau de langue employé par la narratrice à cette époque de sa vie était


familier (0,5 point) car elle disait par exemple : " prof" ligne 8 ou " dirlo" ligne 8
( "bouquin" ligne 8) 2 justifications (seulement les mots pas des phrases 0) (0,5 + 0,5
points)

*4/ Ce texte appartient au genre littéraire de l'autobiographie (1 point)(s'ils mettent


récit d'enfance (uniquement 0,5 point)). En effet, l'auteur Annie Ernaux, la narratrice
interne au récit et le personnage principal sont une seule et même personne (0,25
point) comme l'indique le paratexte : " Annie Ernaux évoque son père"(0,25 point) .
Il s'agit d'un récit au passé dans lequel l'auteur raconte des souvenirs personnels + une
justification (0,5 point)

5/ La famille de la narratrice appartient à un milieu social modeste (0,5 point) comme


le prouve le paratexte qui précise : " ancien ouvrier, devenu petit commerçant"(0,5
point). + une justification dans le texte (ligne 3 ou lignes 17 " autour de
nous ...parents") (0,5 point)

*6/ - Les études occupent une place essentielle dans la vie de la narratrice qui passe
son temps à lire (0,5 point) par exemple : " à longueur de journée dans les livres"
ligne 10 ou ligne 2 : " Je n'en descendais que pour me mettre à table"(0,5 point).
- La jeune fille apprend bien à l'école par passion ou/et elle travaille beaucoup (0,5
point) comme le fait remarquer son père aux clients : " On ne l'a jamais poussée, elle
avait ça dans elle." ligne 20 ou ligne 12 "les études, une souffrance obligée pour
obtenir une bonne situation" ou "que j'aime me casser la tête"(0,5 point) .

7/ a. In - : préfixe privatif ou négatif / - compréhens- : radical / - ible : suffixe qui


sert à former un adjectif qualificatif et qui marque la possiblité d'être. ( peut-être que
l'on peut se limiter à préfixe , radical et suffixe(1 point) ) Je pense aussi ! Bonus 0,5
s'ils expliquent soit préfixe, soit suffixe ?
*b. Les relations entre le père et sa fille sont donc conflictuelles , placées sous le
signe de l'incompréhension mutuelle et d'une certaine tension.(0,5 point) Ligne 10 : "
Il s'énervait de me voir à longueur de journée dans les livres" ou ligne 16"de la honte
que je ne gagne pas encore ma vie" (0,5 point)

8/ Pour justifier ses craintes à l'égard des études de sa fille, le père recourt aux quatre
arguments suivants ( deux suffisent) :
D'une part, son ambiguïté face à l'éventualité de l'échec de la scolarité (0,5 point)
comme le souligne la phrase de la ligne 8 : " Et toujours la peur OU PEUT-ÊTRE LE
DESIR que je n'y arrive pas". (0,5 point)
D'autre part, ses inquiétudes relatives à la santé de sa fille et à son épanouissement
(0,5 point) : ligne 11 "mon visage fermé et ma mauvaise humeur" ou ligne 12 : " que
je m'usais la santé". (0,5 point)
ou Puis, sa gêne à l'égard de son entourage, en particulier face aux clients, que sa fille
ne gagne pas encore sa vie à dix-sept ans : " toutes les filles de cet âge allaient au
bureau, à l'usine ou servaient derrière le comptoir de leurs parents."ligne 17
Enfin, sa conviction que les études ne sont pas adaptées à la vie quotidienne réelle ,
puisque on trouve ligne 22 : " Les études n'avaient pas pour lui de rapport avec la vie
ordinaire." même distribution des points (une explication personnelle + une
justification)

*Réécriture :

Il craint (1 point)qu'on ne me prenne pour une paresseuse et lui pour un crâneur.


Comme une excuse : " On ne la pousse (0,25 point) jamais, elle a (0,25 point) ça
dans elle." Il dit (1 point) que j'apprends (1 point) bien, jamais que je travaille (0,5
point) bien. Travailler, c'est (1 point) seulement travailler de ses mains.

( 7 verbes à transposer)

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