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Carole Lipsyc
Ingies
Laboratoire Paragraphe, Paris 8
1
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Aperçu du projet
Le projet de recherche {contributive} cherche à faire exister l’activité contributive comme un objet
d’intérêt social et comme un champ de recherche académique.
L’activité contributive peut être succinctement décrite comme une activité qui est socialement
nécessaire mais qui échappe à toute forme de rétribution.
Le projet {contributive} est porté par une entreprise, Ingies, dans sa démarche de Recherche &
Développement1. Commencé en 2018 lors de la préparation d’une réponse à l’appel « 100% inclusion »
du Plan d’Investissement dans les Compétences, ce projet de recherche a pris une nouvelle tournure
et un nouveau sens à la lumière de la crise engendrée par l’événement du Coronavirus. Devant
l’urgence sociale que suscite cette crise, il nous a semblé important de porter notre vision et notre
proposition de la valorisation de l’activité contributive sur la place publique pour qu’elle puisse être
expérimentée, débattue et construite en commun. Cette démarche correspond à l’outil heuristique
connu sous le nom « d’enquête expérimentale ».
Notre hypothèse est que la valorisation de l’activité contributive peut favoriser l’émergence d’une
solution à la raréfaction du travail en ces temps de crise et à la paupérisation d’une frange accrue de
la population qu’elle entraîne. Notre conviction est que la crise rend encore plus vitale l’activité
contributive et qu’il convient de reconnaître, de protéger et de rétribuer son apport.
Devant l’urgence de la situation, nous avons souhaité agir vite. C’est pourquoi la phase d’enquête
expérimentale du projet est réalisée comme une « opération éclair » : deux mois d’expérimentation
du dispositif technique conçu pour rendre visible et valoriser l’activité contributive, suivis par deux
mois de débats en ligne et de groupes de travail.
Cette phase d’enquête expérimentale n’est cependant ni le début ni la fin du projet de recherche sur
la valorisation de l’activité contributive que mène notre entreprise. C’en est une phase, une phase que
nous portons à la communauté des parties prenantes et de la société pour deux raisons : d’une part,
nos expertises ne couvrent pas tous les champs requis par un projet aussi ambitieux et vaste que la
valorisation de l’activité contributive ; d’autre part, il s’agit d’un problème social d’ampleur devant
lequel nous proposons un dispositif qui revisite l’institution du travail.
Face à une telle dimension collective et institutionnelle, la réflexion et l’élaboration ne peuvent pas
être menées en huis clos par des chercheurs et des experts, que le cadre de ce huis-clos fût public ou
privé. La proposition de valoriser l’activité contributive requiert un débat ouvert à tous avec dissensus
et, souhaitons-le, consensus. Ce débat de deux mois ne sera pas suffisant, évidemment. Il marque
néanmoins une attitude active2 et ouvre une possibilité de récit collectif.
1
Les raisons, les modalités et les limites de l’engagement d’Ingies dans un projet à forte dimension sociale et
scientifique explorée dans le paragraphe 3.6 de l’article.
2
Cette attitude active est une manière de « sortir de notre impuissance politique » qui marque notre époque
(voir par exemple l’ouvrage éponyme (de Lagasnerie, 2020).
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Certaines activités sont contributives simplement parce que socialement il n’est pas convenu et
coutumier de les rétribuer. D’autres, parce que leur public n’est pas solvable.
Ces activités nécessaires qui permettent à la société de fonctionner, à la production de s’effectuer, aux
connaissances de circuler, aux femmes et aux hommes d’exprimer leur élan vital, de trouver et de
souscrire à un sens qui les anime, d’endurer les difficultés de l’existence, de vivre leur corps, leur esprit,
leur affect, ces activités qui rendent notre terre habitable, regardable, respirable, sont des « activités
à impact social et environnemental positif ».
Ces activités socialement nécessaires ne produisent pas directement de la valeur monétaire mais elles
rendent possibles, à un bout de la chaîne, quelque part, la création de valeur. Elles « contribuent » au
système général de production de ressources : sans elles, rien n’existe. Ce sont elles d’ailleurs qui
compensent, autant qu’elles le peuvent, la destruction environnementale ou psychologique générée
par les rouages officiels et marchands de la production. Ces activités à impact positif sont donc
« contributives », contributives au bien commun et contributives à la création de valeur globale.
La raréfaction du travail et de l’accès aux ressources par le travail n’a pas que des conséquences
économiques. Elle a également des conséquences socio-psychologiques. Exclus du travail, il est plus
difficile, voire impossible, de pleinement mettre en œuvre ses compétences, agir sur le monde et vivre
avec les autres. Or c’est un besoin ontologique. Une étude récente de l’Observatoire national français
du suicide pointait que 30 % des demandeurs d’emploi songeaient sérieusement à mettre fin à leurs
jours1, contre 19 % des actifs en poste. Cette souffrance ne peut pas être mise exclusivement sur le
compte des problèmes financiers même si ceux-ci ont un poids indéniable et sans doute prioritaire
dans le sentiment de désespoir. Contribuer est vital. Thornstein Veblen, économiste et sociologue de
l’école pragmatique américaine, appelait cet élan de contribution « l’instinct artisan » [instinct of
workmanship]2, il en faisait le principal moteur de l’évolution, loin devant « l’instinct prédateur » à
l’œuvre dans la rivalité et la domination.
La « forme » que l’enquête {contributive} teste et élabore est celle de l’utilisation d’une plateforme
citoyenne d’intermédiation pour mettre en valeur l’activité contributive, la mettre en valeur
socialement, juridiquement et financièrement. Une plateforme d’intermédiation désigne une solution
numérique qui facilite un domaine d’activité en mettant en relation l’offre et la demande et en gérant
ses flux financiers. Notre proposition est que cette plateforme soit « citoyenne » par opposition à
« publique » (mise en exploitation par des acteurs publics comme l’Etat ou les collectivité territoriales)
et à « privé » (mise en exploitation par une entreprise privée pour son propre bénéfice).
1
(Observatoire national du suicide, 2020)
2
Veblen (1898), Veblen (1914/2003).
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Notre mode opératoire dans l’enquête {contributive} est de formuler les problématiques que nous –
Ingies – avons identifiées et de poser nos hypothèses. Ces problématiques et ces hypothèses seront
« mises en débat » lors de l’enquête. Leur rôle sera d’alimenter les réactions et la réflexion.
Notre objectif n’est pas d’avoir raison ni d’énoncer une vérité absolue au travers de nos hypothèses et
de nos propositions. Nous ne nous positionnons pas dans la construction d’un système d’idées
abstraites, déconnecté d’une application immédiate. Notre objectif est de cerner une « douleur »
sociale et de participer à son « soulagement », maintenant, dans le monde tel qu’il est. Comme le
posait Dewey il y a tout juste un siècle dans sa description de l’enquête pragmatique :
Dans la validation d’un principe ou d’une hypothèse de vérité, on s’intéressera à son
origine qui doit avoir ses racines dans l’expérience, et à ses effets pratiques, positifs ou
négatifs
(Dewey, 1920/2014)
Et c’est parce que nous nous intéressons aux « effets concrets dans l’expérience » que nous proposons,
avant le débat, l’expérimentation d’un dispositif qui incarne et rend possible notre proposition de
reconnaître et valoriser l’activité contributive. Ce dispositif s’appuie sur une plateforme numérique
disponible en ligne, la plateforme contributive.org. Cette plateforme expérimentale a été construite à
partir de la technologie SkillMill d’Ingies.
De la même manière que nous portons à débat nos hypothèses sans les ériger en vérité, nous
n’affirmons pas que ce dispositif technique est le seul à pouvoir les résoudre ni que le paramétrage
que nous lui avons donné est le plus pertinent. L’ensemble du dispositif et de ses attendus seront
soumis à examen mais aussi à l’apport des experts concernés (juristes, économistes, professionnels de
l’insertion et de la formation, spécialistes du numérique) et des parties prenantes (individus,
associations, entreprises, syndicats et acteurs publics).
Le contenu du débat sera disponible sous licence Creative Commons et pourra être utilisé par tous
ceux qui le souhaitent. Nous en proposerons une analyse régulière mais nous n’orchestrerons pas un
processus délibératif. Un tel processus dépasserait le cadre de l’enquête {contributive}, la mission de
notre entreprise et nos moyens. Les modalités et le cadre d’une telle délibération seront cependant
explorées durant le débat.
A l’issue de l’enquête, nous reformulerons nos problématiques et nos hypothèses et nous dresserons
le périmètre d’évolution du dispositif testé, en fonction de notre point de vue. Nous repositionnerons
nos nouvelles problématiques, définitions, hypothèses et propositions au sein des divergences et des
1
(Garreta, 2014).
5
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convergences. L’ensemble des données produites et recueillies durant l’enquête resteront disponibles
et ouvertes pour toute autre initiative d’analyse, de recherche et d’expérimentation que la nôtre.
Nos nouvelles positions seront indépendantes des choix qui seraient retenus, avec leurs propres
modalités délibératives, pour une éventuelle expérimentation subséquente d’un dispositif juridique et
financier de valorisation de l’activité contributive ou « Pacte d’Activité Contributive »1.
Les définitions, problématiques et hypothèses que nous exposons dans la première partie de notre
article et que nous portons au débat sont donc « liminaires ». Elles précèdent l’enquête expérimentale
et sont vouées à évoluer à partir de la confrontation au collectif éphémère qui se formera. Elles jouent
le rôle d’une « pâte mère » comme dans la fabrication du pain.
Dans le reste de l’article, nous allons donc commencer par situer l’activité contributive au sein de
l’appareil critique pour mieux présenter les problématiques que sa valorisation soulève et qui seront
explorées dans le débat. Dans la seconde partie, nous allons détailler le dispositif de valorisation de
l’activité contributive soumis à expérimentation. La troisième partie est consacrée à la méthodologie
de l’opération éclair d’enquête expérimentale que nous lançons et aux questions qu’entraîne le
portage de ce projet de recherche par une entreprise privée.
1 L’activité contributive
L’activité contributive s’oppose ainsi à l’activité marchande. L’activité marchande est réalisée contre
rémunération et s’inscrit dans un cycle de production de valeur monétaire. C’est ce que l’on appelle
« le travail ». Le travail peut prendre place sous diverses formes juridiques : le salariat, l’activité
libérale, le travail indépendant, … voire le « travail au noir », non officiel, non protégé, mais rémunéré2.
L’activité contributive n’est pas du travail au noir. Elle ne possède pas de circuit formel ni informel pour
sa « monétisation ». Elle échappe à la monétisation.
1
Bien évidemment, en tant qu’entreprise, nous menons ce projet de R&D en vue de continuer à le développer
et à l’exploiter dans la suite des expérimentations. Voir la dernière partie de l’article.
2
Nous avons conscience que cette intégration du travail au noir dans le travail n’est pas en phase avec certaines
définitions, cf. notamment la vision d’Alain Supiot citée par Meda : « Le travail se distingue de l’activité en ce
qu’il répond à une obligation, que cette dernière soit volontairement souscrite ou légalement imposée […]. Il faut
et il suffit qu’à un engagement d’agir soient attachés des effets de droit, pour que cette action puisse être
qualifiée de travail. » (Méda, 2018, §32)
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sédimentation et les ruptures des expériences individuelles et collectives. Il est ce « virtuel » personnel
et commun qui rend possible toutes nos activités, qu’elles soient intellectuelles ou matérielles.
Dans un de ses ouvrages oubliés paru en 1904, Solidarisme et libéralisme, le philosophe Célestin Bouglé
cite un texte émouvant de Léon Bourgeois, théoricien du solidarisme et homme politique de la IIIe
République, où le concept de « capital immatériel » est évoqué sous l’angle de la « dette sociale » :
Dès que l’enfant, après l’allaitement, se sépare définitivement de la mère et devient un
être distinct, recevant du dehors les aliments nécessaires à son existence, il est un
débiteur ; il ne fera point un pas, un geste, il ne se procurera point la satisfaction d’un
besoin, il n’exercera point une de ses facultés naissantes, sans puiser dans l’immense
réservoir des utilités accumulées par l’humanité.
(Bouglé, 1904)
S’en suit une éloquente énumération des différents postes affectés à cette dette : les aliments, « fruit
de la longue culture qui a, depuis des siècles, reproduit, multipliés, amélioré les espèces » ; les mots
qui contiennent et expriment « une somme d’idées que d’innombrables ancêtres y ont accumulée et
fixée » ; « le livre et l’outil que l’école et l’atelier lui vont offrir » et dont il ne « pourra jamais savoir ce
que ces deux objets, qui lui sembleront si maniables et de si peu de poids, ont exigé d’efforts
antérieurs ». « Et plus il avancera dans la vie », conclut-il, « plus il verra croître sa dette, car chaque
jour un nouveau profit sortira pour lui de l’usage de l’outillage matériel et intellectuel créé par
l’humanité. »1
Cette conclusion nous importe particulièrement car elle pointe comment un profit, quelque part, n’est
pas dissociable d’un ensemble d’activités humaines précédentes ou concomitantes qui lui sont
rattachées.
La notion lancinante de « dette » qui ponctue ce texte de Bourgeois pourrait être questionnée. La dette
peut être comprise, en effet, comme un instrument au service de la domination des masses par les
puissants comme l’avancent, par exemple, les travaux de David Graeber :
Depuis des milliers d’années, les hommes violents ont pu dire à leurs victimes qu’elles leur
devaient quelque chose. A défaut de tout autre chose, "elles leur devaient leur vie"
(expression révélatrice) car ils ne les avaient pas tués. 2
Graeber (2011, p.5)
Mais ici, l’idée de dette est détournée. Elle n’est pas celle des « débiteurs », des pauvres, des sans-
ressources ni même des pays. Elle est générale et en particulier celle des « créanciers », les détenteurs
du capital et de la propriété intellectuelle, celle des marchés, car cette dette envers la collectivité est
plus importante pour ceux qui en tirent plus de profit.
Dewey, parle du « parasitisme » de ceux qui, sous prétexte de défendre la liberté, « perpétuent la
domination implacable qu’ils exercent sur des millions de leurs contemporains », engendrant un
1
Ibid, pp.9-11
2
Traduction de l’auteur. Texte original : “For thousands of years, violent men have been able to tell their victims
that those victims owe them something. If nothing else, they "owe them their lives" (a telling phrase) because
they haven't been killed.”
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besoin de « charité, tant publique que privée […] à grande échelle ». Il dénonce d’ailleurs leur ironie
quand ils s’opposent aux « indemnités publiques de chômage » alors même qu’ils veulent « maintenir
les conditions qui engendrent la nécessité d’apporter cette aide publique à des millions de
personnes ». 1
« Humainement parlant », dit-il, « une telle chose est impossible ». C’est même selon lui ce qui
« caractérise l’humanité ». L’histoire de la vie humaine, est celle « des communauté humaines ». Et il
est sans doute le premier à énoncer spécifiquement que cette cohérence est « d’ordre immatériel ».
Veblen est très clair sur le rôle de cet « équipement immatériel » collectif : « Sans accès à ce fonds
commun d’équipement immatériel, aucun individu ni aucune fraction de la communauté ne peut
gagner sa vie, et encore moins faire des avancements ».
Cette seule phrase regorge de thèmes qu’il serait passionnant de développer et de raccrocher à
d’autres courants de pensées, notamment d’inspiration marxiste : celui des communs qui ont été
soumis à enclosure, privatisation et confiscation dans la mise en place de l’organisation capitaliste de
la vie sociale et économique (accumulation primitive)3, celui du mythe du mérite personnel qui
justifierait une disparité démesurée de rétributions4, celui de l’invention qui dépendrait uniquement
du génie d’une personne ou de l’investissement d’une entité légitime par là-même à la breveter, la
copyrighter, l’exploiter à son seul profit…
« L’initiative individuelle », poursuit-il, « n’a aucune chance sauf dans le terrain qu’offre le fonds
commun » car « l’invention ou la découverte […] incorporent toujours une telle part de ce qui lui est
antérieurement offert que la contribution créative de l’inventeur ou du découvreur est triviale en
comparaison ». Pour Veblen, rien n’échappe à cette « incorporation » d’un immatériel collectif : aucun
outil de production, même hautement industriel, aucun bien immobilier dont la valeur dépend de la
réputation et de l’organisation du lieu où se trouve le bien, aucune expertise ou savoir-faire. Pas d’actif
matériel, immatériel ou financier qui n’incorpore dans sa propre existence un actif immatériel collectif.
Ainsi dit-il, « les gros bras accaparent ou acculent l’usufruit du savoir ordinaire » au fur et à mesure
que celui-ci s’incorpore dans des outils de production plus imposants ou complexes. Dans la plus lourde
des machines industrielles, Veblen voit l’immatériel qui s’est réalisé, dans sa mise en œuvre aussi.
Mais derrière la création de richesse de ces quelques « gros bras », il y a toujours un collectif qui a
œuvré. Pour lui cette « manière de parler de l’équipement industriel » revient à l’assimiler à « une
institution de l’accaparement des actifs immatériels de la communauté »5. Le terme « institution »
1
(Dewey, 1935/2014)
2
(Veblen, 1908)
3
Voir les travaux de Silvia Federici. Cette confiscation des communs fait partie de la réflexion sur « l’accumulation
primitive », période et processus d’accaparement des richesses au profit de la constitution première du capital.
4
Le mythe du mérite est entre autres dénoncé par Dewey qui le pointe comme l’un des deux piliers du « double
système d’apologétique justificative » du « libéralisme du laisser-faire », le second étant la « glorification » de
« l’indépendance, du libre-arbitre et de la responsabilité » comme « vertus » étant « centrées sur l’individu et
émanant de lui » en toute ignorance de « la dépendance à grande échelle ». Dewey, op. cité.
5
On peut aussi dire, en reprenant le vocabulaire de Robert Cassel et Claudine Haroche qu’il existe une « propriété
sociale » captée par la « propriété privée ».
8
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n’est pas utilisé métaphoriquement, ce n’est pas une façon de parler. Veblen s’inscrit dans la lignée
pragmatique qui réfléchit les institutions comme des cristallisations d’habitudes.
Cette analyse libérale de l’appropriation de la création de valeur par les détenteurs du capital diffère
de l’analyse marxiste traditionnelle plus connue. Elle ne fait pas peser exclusivement le rouage de la
confiscation des richesses sur le profit réalisé au détriment du travailleur par « survaleur » :
rallongement de la journée de travail pour le même prix, hausse de la productivité, marge effectuée
sur le travail. Elle bouscule les notions marxistes de « capital constant » et de « capital variable ».
Le capital variable désigne le travail acheté au travailleur, le capital constant tout le reste des
apports et en particulier les matières premières et les équipements. Il est censé être « constant » parce
que sa valeur se retrouverait à l’identique dans le prix de vente : l’intégralité de la marge reposerait
sur le travail effectué par le travailleur. Mais le capital ne serait être « constant », ne rien incorporer
d’autre que lui-même, puisqu’il incorpore toujours les immatériels non rémunérés de la collectivité
humaine et de la nature. D’ailleurs il en va de même du capital « variable » : il n’intègre pas seulement
le travail direct et singulier du travailleur, il intègre lui aussi l’ensemble des immatériels collectifs
sollicités par ses savoir-faire et par les conditions de son existence sociale.
Le premier mouvement féministe des années 702 a mis au jour cette question et l’a même située
historiquement en montrant le processus de « l’invention de la ménagère »3 qui s’est déroulé « en
quelques décennies » entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe4. Il s’agissait tout à la fois de garantir
une main d’œuvre en meilleure santé au travers des soins prodigués par la femme (l’espérance de vie
ne dépassait pas trente ans à Manchester ou Liverpool dans les années 1860), de satisfaire le travailleur
en lui donnant une domestique gratuite, de garder aux hommes leurs prérogatives mises en danger
par l’autonomisation économique de la femme qui travaillait alors à l’usine, à la mine ou aux champs,
et de réduire la prostitution qui prenait de l’ampleur car, même si les femmes travaillaient, elles ne
1
Ces activités de reproduction se partagent donc entre la « reproduction de la force de travail » et la
« reproduction de la vie quotidienne » (Federici, 2019).
2
« Le féminisme était alors synonyme de recherche d’autonomie, de rejet de la soumission des femmes dans la
famille et dans société (en tant que travailleuses non reconnues et non payées), de soulèvement contre la
naturalisation des tâches domestiques et pour la reconnaissance du travail domestique comme travail ». Ibid,
p.18. Aux Etats-Unis, à cette époque, a existé d’ailleurs le mouvement de la « Campagne Internationale en faveur
du Salaire pour le Travail ménager » ou « International Wages for Housework Campaign (IWFHC) ».
3
(Federici, 2016/2019)
4
Selon Federici, si ce moment spécifique de l’invention de la ménagère a eu lieu lors de la deuxième révolution
industrielle, il fait suite à un long processus qui démarre avec les prémisses du capitalisme aux XVIe et XVIIe
siècles, « moments fondateurs de la dévalorisation du travail des femmes et de l’essor d’une division sexuelle du
travail », dont les chasses aux sorcières ont été un des instruments (op.cit., p. 58). Elle étudie ces « stratégies
employées par le capitalisme pour remodeler la nature humaine » dans son ouvrage Caliban et la sorcière.
9
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Arrêtons-nous sur cette hypothèse émise par Silvia Federici car elle marque en réalité toute la
dynamique à l’œuvre dans la séparation entre le travail rémunéré et l’activité contributive non
rémunérée. Lorsque nous présentons le concept d’une plateforme d’intermédiation pour permettre
la valorisation de l’activité contributive, la résistance commune à l’idée d’une rétribution est toujours
celle-ci : sa rétribution diminuerait sa noblesse, nuirait à sa raison d’être et compromettrait
l’engagement.
On peut regretter la folie de la mesure ou « quantophrénie »6. On peut regretter la mise en algorithmes
et en statistiques du réel7. On peut contester les choix opérés dans les référentiels qui cadrent la
mesure ou qui déterminent les algorithmes et leurs paramétrages. Toutefois, la mesure ne disparaîtra
pas. Elle est consubstantielle à la raison instrumentale qui organise notre société globale. Et c’est
pourquoi l’exclusion de la mesure est devenue l’exclusion tout court 8.
1
Les femmes étaient en effet déjà bien moins payées que les hommes.
2
Ibid, p.140
3
Le concept d’habitude est un concept pragmatique abondamment utilisé tant par Dewey que par Veblen.
L’habitude de pensée et l’habitude d’actions sont les forces de maintien des institutions et formes sociales. Ce
sont elles que l’on doit arriver à modifier par des expérimentations alternatives qui prouvent leur efficacité
(Cometti, 2016; Veblen, 1898).
4
Federici, op. cit. p. 84.
5
On en attend autant de la nature d’ailleurs. Son exploitation respectable jusqu’à épuisement et destruction,
sans contrepartie et sans prise en compte dans les mesures comptables ni les coûts.
6
(Sorokin, 1959)
7
(Rey, 2016)
8
Ce postulat a présidé à la création de notre entreprise : la volonté de créer d’autres formes de mesure, appliqués
à l’immatériel et à l’impact social. Nous avons appelé ces mesures « soft KPI », en opposition aux KPI traditionnels
de la compétitivité-coût. Nous pensons que les systèmes d’information désormais pervasifs et omniprésents
permettent de produire et de documenter ces soft KPI, au service de tous et d’un « intérêt commun » (Carole
Lipsyc, 2016)
9
Toute explication succincte de la pensée de Scholz est toujours une dégradation abstraite qu’elle condamne
comme une perte de signifiance et comme un biais féministe d’autocensure face à la pensée abstraite. Le thème
est vaste et contradictoire, car Scholz dans la lignée de Sohn-Rhetel condamne la « pensée rationnelle
bourgeoise » et pourtant leurs deux œuvres sont sans doute l’expression la plus parfaite de cette pensée
10
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activités de production repose en effet sur la non-création de valeur par les activités de reproduction.
La valeur existe par dissociation entre ce qui est autorisé à la générer [la production] et ce qui est exclu
de son processus de monétisation [la reproduction]
(Scholz, 2019).
Ibid, p. 27
Ou plus largement encore, au-delà de la question des activités de reproduction : la dissociation est la
condition de la valeur. La dissociation entre activités productives et activités reproductives, entre ceux
qui accèdent à la valeur et ceux qui n’y accèdent pas, les « sans salaires de tous les pays »1.
Cette dissociation s’étend d’ailleurs au-delà de notion d’activité, puisque dans nos modèles
économiques marchands, l’apport de la nature n’est jamais valorisé. Son apport ni sa dégradation
n’apparaissent dans aucun « compte ». Comme tout commun, ce que donne la nature est absorbé
dans le profit des détenteurs de plus en plus réduit du capital.
Dépasser les cadres de référence traditionnels pour trouver des solutions communes
devenues vitales
On le voit, marxistes, solidaristes, libéraux et écologistes se rejoignent sur un même constat, mais à
partir de cadres de référence différents : la valeur créée repose sur des activités socialement
nécessaires et sur des actifs communs non rétribués.
Ils s’accordent aussi, en ces temps de crise et de transformation, à pointer l’impasse, le danger
économique et l’iniquité de cette situation. L’iniquité car tous en viennent, au moins, à regretter la
dévalorisation des métiers à connotation féminine (le soin, les services de proximité, l’éducation). Qui
n’a pas vanté le mérite et déploré la dévaluation de ceux qui ont été en premières lignes pendant
l’événement du coronavirus, du personnel médical aux caissières et aux livreurs ? De plus en plus de
rationnelle et abstraite, supposée bourgeoise, dans leur forme absconde et quasiment inaccessible à qui n’est
pas absolument entraîné à l’art de la haute abstraction conceptuelle.
1
Federici, op. cit. p.69
11
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voix s’élèvent pour « condamner la hiérarchie des métiers » en faveur de la « tête » et au détriment
du « cœur » et de la « main » et demander « un rééquilibrage », ce que l’intellectuel conservateur
anglais David Goodhart identifie comme la « lutte pour la dignité et le statut social au XXIe siècle ».1
La notion d’activité contributive vise à désigner le concept d’une activité socialement nécessaire et non
valorisée, de manière transversale aux cadres de référence. La proposition de sa protection sociale et
de sa rétribution au travers d’un nouveau type de dispositif de rétribution, nommé « Pacte d’Activité
Contributive », a pour objectif d’apporter une solution au constat partagé de l’importance de la
valoriser.
(Méda, 2018)
Or Méda souligne dans ses travaux, depuis des décennies, qu’avec la crise de l’emploi et la
transformation du travail, cette « société salariale » touche ses limites. Elle touche ses limites pour
ceux qui sont exclus du travail et pour ceux qui y sont encore inclus. En effet, la qualité du travail est
« entamée », ainsi que la qualité de vie « hors travail » souvent consacrée à récupérer le « surcroît de
fatigue engendré par le travail ».
Les solutions qu’elle développe vont dans le sens d’un « partage civilisé du travail » et d’un « travail
soutenable ».
Nous proposons de les compléter par une solution exogène, extérieure au travail : reconnaître une
nouvelle activité princeps complémentaire, l’activité contributive. Nous évitons ainsi l’écueil de
« subsumer toute activité » sous le concept de travail, tout en offrant une reconnaissance oh combien
vitale à toutes les formes de contributions socialement nécessaire.
L’émergence d’une nouvelle activité princeps ne manquera pas de bouleverser l’intérieur du monde
du travail, pour le meilleur.
1
(Goodhart, 2020)
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• Qui devrait pouvoir accéder au Pacte d’Activité Contributive et aux rétributions et protections
qu’il apporte ?
• Qui peut continuer de bénéficier gratuitement de l’activité contributive rétribuée au travers
du dispositif du Pacte d’Activité Contributive ? Sous quelles conditions ?
• L’activité contributive doit-elle, peut-elle, être mesurée ? Sa mesure peut-elle, doit-elle être
ramenée au temps passé à l’effectuer ? Sur les mêmes bases que le « travail » ? Sa mesure
doit-elle dépendre de l’impact social et environnemental qu’elle crée ? Selon qui ? Pour qui ?
• La mesure et la mise en visibilité de l’activité contributive est-elle, ou risque-t-elle de devenir,
un outil de surveillance, de contrôle et de coercition civils ? Le gain espéré justifie-t-il le
risque ?
• La valorisation de l’activité contributive menacerait-elle d’épuiser la valeur en la généralisant,
c’est-à-dire en sapant la base fondamentale de la dissociation ?
• Faut-il faire constater ou approuver une activité contributive par un tiers de confiance pour
ouvrir ses droits et rémunérations ?
• Qui pourrait être tiers de confiance agréé pour approuver une activité contributive ? Quelles
seraient les modalités d’un tel agrément ?
• Faut-il préférer un salaire universel à un Pacte d’Activité Contributive ?
• Et si une valorisation de l’activité contributive au travers d’un Pacte d’Activité Contributive est
souhaitable et décidée, qui aurait légitimité à porter et à animer le dispositif ? avec quels
outils ? Quelle en serait la gouvernance ?
• La valorisation de l’activité contributive favorisera-t-elle la croissance en augmentant la
capacité de demande des contributeurs ou la freinera-t-elle en faisant concurrence au
domaine marchand sur des secteurs qu’il peut couvrir ?
• Qui doit financer l’activité contributive ? Quel est son modèle économique ?
• Faut-il valoriser l’activité contributive par une monétisation traditionnelle ou par une
monétisation alternative ?
• Quels processus délibératifs pour trancher ces questions ?
Toutes ces questions constituent les problématiques explorées dans notre projet de R&D. Elles seront
développées et débattues lors de la phase de débat de l’enquête expérimentale. Exposer notre point
de vue sur chacune de ces questions dépasse le cadre du présent article. Nous le ferons dans le débat,
puis dans son analyse.
La plateforme de valorisation de l’activité contributive incarne cependant notre point de vue et nos
hypothèses sur quasiment toutes ces questions. Tel est notre positionnement épistémologique et
politique : nos technologies incarnent nos intentions. Cette approche s’inscrit dans une démarche
d’« épistémologie opératoire »1, une étude critique des objets et des milieux techniques qui prend
place en vue de créer des dispositifs propices à l’humain, à la signifiance, à la cognition, au lien à soi,
aux autres, à l’environnement et au vivre-ensemble. L’épistémologie opératoire conduit à un « design
éthique » de la technologie. Expérimenter et débattre avec les parties prenantes fait partie de notre
démarche de design éthique.
1
(Carole Lipsyc, 2018a).
13
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Cette approche des systèmes d’information rejoint les travaux sur « les média économiques » qui
constatent une convergence entre le média économique monétaire et les médias informationnels2.
Cette convergence concerne autant la monétisation de l’attention au travers de l’extrême
capitalisation des réseaux sociaux que les cryptomonnaies.
La plateforme existe dans une première version qui ne couvre pas toutes les fonctionnalités de la
valorisation ni de l’intermédiation. Le Pacte d’Activité Contributive (PACT) n’existe pas, il n’est pas
possible de proposer une intermédiation entre contributeurs et bénéficiaires. Il n’est pas possible non
plus de mettre en place les processus de rétribution. Les contours du PACT doivent en effet être
déterminés lors de l’enquête.
1
Cette hypothèse est à la base de l’ensemble des travaux et de l’offre de notre entreprise.
2
(Beller, 2020)
14
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La porte d’entrée de la valorisation de l’activité passe donc par les compétences : une action
contributive est toujours rattachée à des compétences1.
Dans cette version de SkillMill et de la plateforme contributive, nous cartographions uniquement les
compétences transversales sollicitées par l’activité contributive. Nous nommons ces compétences,
« compétences contributives ». Dans une version subséquente, nous pourrons cartographier
également les compétences dites « métier » ou « expertes » ou « spécifiques ».
La cartographie individuelle des compétences contributives se fait au sein d’un référentiel comportant
six familles. Chaque famille est composée de cinq compétences.
1
La compétence est documentée. Et c’est la documentation qui opère en tant que facteur de cristallisation et de
capitalisation.
15
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1. les compétences nécessaires à l’objet de l’activité contributive [prendre soin d’autrui &
prendre soin de la nature ou « vigilance environnementale »] ;
2. les compétences requises par la mise en œuvre d’une activité contributive dans des cercles
non marchands [opérationnalité, optimisation des moyens, composer avec les autres] ;
3. les compétences motrices de l’activité contributive [être au service].
SkillMill est en effet construit sur une modélisation de l’information qui répond aux grandes étapes de
la topique générale de la communication, telle qu’elle est définie en linguistique pragmatique1. L’objet
de la topique générale de la communication est d’expliquer comment un groupe de locuteurs peut
parvenir à se comprendre et à créer du sens commun2.
« Le sens commun linguistique se conçoit comme une communauté de savoir, et plus précisément,
comme une formation sociolectale qui se distingue comme le savoir propre aux acteurs d’une même
communauté de discours […], comme communauté de savoir groupusculaire […] »
Sarfati (2005, p. 87)
Utilisée non pas comme une grille d’analyse mais comme une structuration modélisante, la topique
générale de la communication permet d’assurer la constitution d’une « communauté de savoir » ainsi
qu’une « formation sociolectale ». Une formation sociolectale désigne un groupe de locuteurs - c’est-
à-dire des « humains », pas des machines - qui maîtrisent un vocabulaire commun et sont en
conséquence capables de se comprendre et de produire du « sens commun ».
Sens commun ne veut pas dire consensus ni similarité. « Sens commun » veut dire qu’il y a un minimum
de distorsion entre ce que dit une personne et ce que comprend l’autre. Je peux être en désaccord
avec une proposition que j’ai parfaitement comprise. Mais, je l’ai comprise. Et cette possibilité de
compréhension assure une cohésion entre moi et l’autre, une possibilité de dialogue.
• La topique sociale (TS) […] contient l’ensemble des possibles normatifs, fait pendant au monde
naturel ; elle correspond au domaine des normes possibles.
• La topique configurationnelle (TC) est chaque fois singulière, […] il s’agit justement des normes qui
configurent un domaine de pratique particulier
• La topique discursive (TD) constitue une particularisation supplémentaire du dispositif des normes
puisqu’il sélectionne celles qui définissent le savoir commun d’un seul groupe (médecins, linguistes,
praticiens de différents secteurs) […]
• La topique générique (TG) reçoit sa forme des contraintes que lui imposent le site d’énonciation […]. À
ce stade, le savoir commun d’un groupe fait l’objet d’une mise en forme spécifique […].
• La topique textuelle (TT) constitue la résultante de ce procès de sémiotisation et d’intégration
linguistique du sens commun. Elle est le lieu de la performance sémiotique […]
Ibid, pp. 85-86
Le référentiel cartographie la « topique configurationnelle ». Le domaine de pratique configuré est
celui de l’activité contributive.
1
Le métamodèle Tpos. Voir (C. Lipsyc, 2017) et (Carole Lipsyc, 2012).
2
(Sarfati, 2005)
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Les catégories sont définies par une intension (définition) et par une extension (conditions de vérité,
d’appartenance). Les extensions des catégories incluent les caractéristiques et les aspirations associées
à la compétence1.
On le sait, la catégorisation est un processus subjectif. La catégorisation est toujours un récit. Inventer
le référentiel de compétences contributives, c’est en conséquence créer le récit commun de l’activité
contributive.
Par exemple, la famille « vigilance environnementale » peut surprendre. En quoi « réduire l’empreinte
carbone » ou « prendre en compte la biodiversité » peuvent-elles être considérées comme des
compétences transversales ? Telle est cependant notre proposition : développer une attitude
transversale qui en toutes circonstances, dans tous nos choix et actions, nous mène à porter l’attention
sur ces paramètres. On peut être « vigilant » sur ces aspects écologiques comme on peut être
« créatif » ou « orienté valeur-client » ou « orienté coût-qualité-délais » ou « orienté profit ». La
vigilance environnementale peut devenir une compétence transversale.
Avec le référentiel, nous avons donc proposé notre vision, notre récit de l’activité contributive. Il
convient désormais que le collectif s’en empare lors du débat et la transforme.
Qu’est-ce que l’empreinte du contributeur ? L’empreinte est la cartographie qui décrit la manière dont
le contributeur opère son activité contributive. On peut y voir l’intensité de sa contribution, les
compétences qu’il mobilise le plus et l’évolution de sa contribution. Elle permet au contributeur de se
situer et d’être situé au sein du domaine de pratique.
1
Le référentiel est disponible sur le site contributive.org, à la rubrique « Guide des compétences contributives »,
en pied de page.
17
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4. l’empreinte-cible
désigne les est produite par un quiz qui ▪ stimuler apparaît sous forme de
compétences que reprend les aspirations listées l’engagement en boule rouge, dans les
le contributeur a dans les extensions des s’appropriant les barres de niveaux de
besoin de compétences objectifs l’empreinte-niveaux.
développer pour ▪ peut être fixée par
être en phase avec une instance
ses aspirations labellisante/certifiante
personnelles comme critère
d’obtention d’un visa
Les empreintes peuvent être considérés comme des indicateurs représentés sous forme graphique.
L’intégralité des indicateurs proposés par la plateforme et leur construction est détaillée en annexe.
Bien évidemment, il est également nécessaire pour un développement optimal d’avoir accès à des
connaissances théoriques concernant ces compétences ainsi qu’à un accompagnement. Les
18
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connaissances théoriques sont dispensées par différents outils proposés par la plateforme
contributive.org, dont notamment le répertoire d’actions contributives qui propose des actions
contributives « types » avec leurs explications. Un véritable Mooc de la contribution et des
compétences contributives.
Cette approche des niveaux est nécessaire dans le processus dit de « gamification », d’incitation à
l’engagement avec un aspect ludique. Dans ce cas, l’incitation est produite par la reconnaissance des
efforts déployés au travers de la progression de l’empreinte.
Cette association entre la progression et le temps passé à agir traduit également l’importance donnée
à l’agir : faire c’est acquérir et développer.
Enfin cette approche est requise pour pallier à l’autonomie de la démarche à grande échelle. Il est
possible, dans le cadre d’un accompagnement de type insertion ou formation où il existe un
programme pédagogique lié à des échelles d’évaluation normées, de fixer des critères de maîtrises tels
que « inconfort » pour le non-initié, « en acquisition » pour le débutant, « capacité & confort,
approprié » pour l’intermédiaire, « pleine maîtrise et inventivité » pour l’initié et « modélisation &
transmission » pour l’expert.
Rien n’empêcherait de coupler cette approche avec celle de la plateforme contributive, au travers d’un
processus encadré de certification.
Il existe deux autres types de visa : l’attestation et la certification. L’attestation est donnée par les
témoins ou les bénéficiaires de l’action contributive qui sont sollicités à l'étape 4 du processus de
déclaration des actions. Elle atteste de la réalité de l’action déclarée. Dès qu'un point de vue est donné,
l'action est attestée.
La certification fait concorder un niveau d’empreinte avec des critères de maîtrise établis.
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La pointification
Si l’empreinte-niveaux est construite sur des « niveaux de maîtrise », l’empreinte-profil est structurée
par des « intensités » de sollicitation. Les intensités sont les suivantes : rare, occasionnelle, régulière,
principale, intensive. Une intensité est calculée par moyenne, un niveau par addition.
Une compétence peut être intensive qu’un contributeur ait déclaré une ou mille actions, qu’il ait passé
une heure ou cent heures à mettre en œuvre la compétence.
Cette courbe exponentielle est traditionnelle dans les processus d’engagement, dits processus de
gamification : on doit progresser rapidement au début pour voir des résultats puis, une fois que l’on
est acquis au processus, on peut consacrer plus de temps à développer l’expérience.
La pointification a été construite à partir des attendus que l’on peut avoir concernant une personne
qui souhaiterait obtenir une rétribution pour son activité contributive.
Nous sommes partis du principe qu’un contributeur qui se dédie à l’activité contributive au travers
d’actions ponctuelles ou régulières effectuées de manière distribuée dans un écosystème ne peut pas
œuvrer 35 heures par semaine (temps de travail réglementaire en France). Il doit entrer en contact
avec des bénéficiaires, cumuler des actions peut-être différentes dans des lieux divers, il n’aura peut-
être pas suffisamment d’opportunités qui s’offrent à lui, quelle que soit sa motivation, l’activité
contributive déclarée requiert peut-être des temps créatifs ou préparatoires importants et non
mesurables etc.
Qui plus est, pour entrer dans les exigences de vérification d’un Pacte d’Activité Contributive, cette
personne devra déclarer, documenter et faire valider son activité. Ces tâches sont elles aussi
chronophages.
Enfin, le temps n’est pas forcément le seul ni le meilleur étalon de la mesure d’une contribution… Le
temps dit « abstrait », celui qui mesure le travail, n’est pas apte à couvrir l’activité contributive. Mais
c’est un sujet en soi, qui sera abordé dans le débat1.
C’est pourquoi il nous a semblé pertinent de proposer, comme point de départ de la réflexion et des
indicateurs expérimentés, que le statut maximal de contribution soit obtenu quand une personne
dédie 2,5 jours par semaine à l’activité contributive, soit 115 jours par an. Nous avons utilisé le
calendrier légal du travail en France, soit 46 semaines ouvrées par an.
1
A ce sujet voir l’article de mon book sur la plateforme contributive.org :
https://contributive.org/fr/directory/2927/chapter/le-travail-et-lactivite-contributive-
2927;queryParams=%5Bobject%20Object%5D
20
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Ces 115 jours correspondent à un total de 23 000 points (100 points par demi-journée d’activité
effective). Ces 23 000 points doivent permettre d’être expérimenté et novice dans 1 compétence et
opérationnel et confirmé dans 2 compétences. Les niveaux de compétence sont ensuite calculés en
conséquence.
Ces paramétrages et leurs attendus seront soumis à débat. Il sera débattu également s’il est légitime
et souhaitable de conditionner l’accès à une pleine rétribution sur la base du « statut » de contributeur,
c’est-à-dire, en partie, du temps consacré à l’activité contributive. D’autres critères pourraient être
décidés que ceux liés au temps. Mais lesquels ? Soulignons d’ailleurs que le temps ici n’est pas utilisé
de la même manière que dans la rémunération du travail. Il n’est pas l’outil de mesure du « travail
abstrait »1. Il cristallise de manière symbolique toute une démarche de développement et de mise
en œuvre de compétences qui dépasse sa réalité métrique.
On le voit : tout dépend de la déclaration de l’activité contributive. Mais à quoi correspond cette
déclaration et comment est-elle effectuée ?
Le mode express est utilisé à la fin d’une action contributive. Il permet de déclarer l’action et de gagner
ses points en un clic. Le processus peut être fait en moins de cinq minutes. Le contributeur pourra
revenir plus tard sur l’action pour la documenter, la publier, demander une attestation ou une
labellisation.
Le mode documenté peut être utilisé dès le démarrage de l’action. Il permet de suivre l’action au fil de
sa mise en œuvre et de la documenter. A la fin, le contributeur est invité à faire un retour d’expérience
et à chercher les avis des témoins et tiers de confiance. Cette action peut être rendue publique dans
l’espace personnel du contributeur, dans son book.
Le mode « apprentissage » guide le contributeur dans la réalisation de son action. Des actions
contributives « types » sont répertoriées et expliquées. Le contributeur trouve ainsi une source
d’inspiration mais aussi une aide à la réalisation. Il choisit une action type, il la démarre puis il rejoint
le processus du mode documenté.
Un comptoir de communs
Le répertoire d’actions grandit grâce à la communauté, toutes les actions publiées remontant aux
modérateurs de la plateforme et pouvant être transformées, après édition, en actions types du
répertoire. Le répertoire est donc de nature participative, une pratique relevant de ce qu’on appelle le
« social learning ».
1
Voir les problématiques soulevées par Temps, travail et domination sociale de Moishe Postone (Postone, 2006).
21
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Mais le fonds commun dépasse le répertoire participatif. En effet, chaque contributeur dispose d’un
espace personnel nommé « book », où il peut raconter son activité, partager son expertise ou ses
créations et transmettre des savoir-faire. La communauté des contributeurs construit ainsi un véritable
comptoir de communs de l’activité contributive.
Dans la version actuelle, la mise en relation est réalisée à partir du moteur de recherche. Dans une
version subséquente, il existera un espace dédié à la mise en relation et des fonctionnalités plus
poussées d’intermédiation, notamment avec un aspect local. La plateforme pourra ainsi servir d’outil
d’intermédiation pour l’activité contributive mais aussi pour l’inclusion et la formation. Ces
fonctionnalités sont essentielles dans la perspective de la mise en place d’un Pacte d’activité
contributive. Se former, donc renforcer son employabilité, peut aussi être considéré comme une forme
d’activité socialement utile, comme une activité contributive…
Elle intègre également la topique discursive d’un sous-groupe plus spécifique. En l’occurrence, nous
découpons la topique discursive (savoir commun d’un groupe spécifique) avec :
Ces listes de domaines et de cadres seront également soumise à discussion lors du débat.
La topique discursive sera affinée lorsque nous intégrerons les compétences expertes. Elle pourrait
également prendre en compte les niveaux de discours (académique, savant, communication,
divertissement par exemple).
• la structuration éditoriale des documents qui se partagent (les catégories à renseigner dans la
bio, dans les chapitres et dans les actions ;
• les critères de la restitution des résultats de mise en relation : localisation de l’offre et de la
demande (bassin de vie) et visas de l’empreinte (attestation, labellisation, certification)
22
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1. La valeur produite quelque part dépend toujours d’un patrimoine immatériel commun, d’un
effort social commun et d’une infrastructure commune ;
2. La mesure de l’impact social passe par la prise en compte du développement et de la mise en
œuvre des compétences transversales, c’est-à-dire des comportements ;
3. Il est possible d’utiliser le temps dans la mesure de l’impact social sans aliéner l’individu, à
condition que le temps ne soit pas considéré et traité comme du travail abstrait [du temps de
vie acheté/vendu] mais comme un support arbitraire, pratique et symbolique pour reconnaître
l’effort de contribution au collectif, en tenant compte des capabilités de chacun [les
contingences externes et personnelles qui impactent la possibilité de mettre en œuvre ses
compétences transversales et expertes] et des effets propices produits ;
4. Tout le monde participe/peut participer au cycle de production de la valeur ;
5. Il n’y a pas de production de valeur monétaire sans production de valeur sociale, laquelle
mérite reconnaissance symbolique, protection sociale et rétribution monétaire ;
6. Rendre visible et reconnaître la production de valeur sociale renforce le collectif, sa cohésion
et ses capabilités, donc sa performance.
Ne l’oublions pas : les techniques sont toujours structurantes, les mesures et les algorithmes aussi. Ils
in-forment la société qu’ils construisent, ils lui donnent une forme. C’est en pleine conscience de cette
réalité que nous avons conçu SkillMill et {contributive}. C’est en pleine transparence que nous le
portons au collectif pour expérimentation et débat.
Le problème social auquel est dédié le projet {contributive} est celui de l’exclusion d’une partie de plus
en plus importante de la population de l’accès aux ressources par le travail.
L’angle proposé pour participer à « soulager » ce problème, et non pas à le résoudre, est de revoir la
dissociation absolument étanche entre d’un côté, les activités valorisées de la sphère marchande ou
« travail » et, de l’autre côté, les activités non valorisées mais néanmoins socialement nécessaires ou
« activité contributive ». La notion de « valorisation » doit être comprise ici à la fois en tant que
reconnaissance symbolique et en tant que rétribution monétaire.
23
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Cette percolation entre activité valorisée et activité non valorisée questionne l’institution du travail
mais encore les oppositions binaires travail/chômage ou capital/travail.
On pourrait croire qu’une telle ambition requiert un temps d’élaboration très long. Pourtant, nous
proposons de mener une « opération éclair » de quatre mois : deux mois d’expérimentation d’un
outillage technique dédié à la valorisation de l’activité contributive et deux mois de débat et de
recherche.
Pourquoi ? Pour des raisons qui relèvent de trois ordres différents : conjoncturelles, heuristiques et
matérielles.
Au niveau conjoncturel, nous sommes actuellement dans un moment de crise particulier, généré par
l’arrêt de l’économie lié au coronavirus, avec des montées de la précarité, de la colère et de la violence
mais aussi l’expression collective d’un désir d’autre chose, d’autres modèles, de plus d’équité dans la
valorisation des apports effectifs à la communauté. L’expression « le monde d’après » a fleuri,
débordante des espoirs et des désespoirs, un monde d’après qui requiert des outillages et des
dispositifs très concrets. C’est donc le moment d’en proposer et d’en tester, sans attendre. Il y a
urgence à tester et à arbitrer la proposition d’un dispositif de valorisation de l’activité contributive.
Au niveau heuristique, l’enquête pragmatique rejoint le constructivisme sur le principe du Verum esse
ipsum factum énoncé par Giambattista Vico : « le vrai est ce qui est fait ». Il n’y a pas une vérité
absolue, surtout pas une vérité « en idées » qui se substituerait au réel, il n’existe pas une seule
solution. Expérimentons, voyons si ça marche et si ça marche gardons-le jusqu’à mieux.
Du point de vue de l’enquête scientifique, rien n’est plus fatal à son droit à la
reconnaissance qu’une prétention au caractère final et indépassable de ses conclusions .
(Dewey, 1920/2014)
Dans cette perspective, il ne sert à rien de débattre pendant 18, 36 ou 60 mois dans des groupes de
travail et des préambules idéologiques. Il s’agit d’expérimenter et de juger sur résultats.
Bien évidemment, cette posture est possible car nous ne sommes pas en train de tester une solution
physique ou chimique aux risques apocalyptiques. Mais le débat pourrait voir cette question
différemment, par exemple arguer qu’un système de déclaration est un système de contrôle qui
demain pourrait mener à des privations de liberté comme le passeport citoyen chinois. Le temps
dévolu au débat changerait-il cependant ce risque ? Non. Apporterait-il davantage de garanties ? Non
plus. Ce type de problème ne sera pas écarté par les échanges d’idées. Il sera cadré par une vigilance
et des règles, toutes choses que nous proposons d’élaborer ensemble. Ou bien il sera évité par le fait
de décider que le risque potentiel de contrôle un jour est plus grave pour notre collectif que la
valorisation de la contribution et la fin de la dissociation tout de suite.
Après tout, même Dewey, malgré son appel à l’expérimentation, s’est opposé au New Deal de
Roosevelt parce que le dispositif ne s’attaquait pas aux racines de l’iniquité sociale mais à ses effets.
Son opposition au New Deal s’inscrit en ce sens dans le droit-fil de sa conviction que les
remèdes apportés à la crise de 1929 ont été principalement destinés à sauver le système
qui l’avait provoquée.
(Cometti, 2016)
24
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Enfin, au niveau matériel, rappelons-le, ce projet est porté par une startup. Nous le finançons sur fonds
propres. Nous n’avons tout simplement pas les moyens de faire plus, plus longtemps. Les autres phases
de l’expérimentation, si elles existent, devront être réalisées dans un autre cadre, avec des
financements dédiés. Nous lançons une idée, nous ne la déployons pas.
A l’issue de cette opération éclair devra être construite une expérimentation territoriale du dispositif
dans son intégralité1 : l’outillage [le Pacte d’activité contributive avec une plateforme d’intermédiation
complète] et les moyens fonctionnels [une instance de gouvernance, des forces d’animation et des
financements].
L’opération éclair est comme le « pitch » d’un projet à des producteurs. Ici le pitch est interactif et
inclusif et les producteurs, c’est la société tout entière.
Une autre enquête expérimentale devra suivre, celle-ci plus longue et plus ambitieuse.
Moments Livrables
Avant l’opération 1. Développement et mise en ligne de la plateforme contributive
avec, en plus des fonctionnalités dédiées à l’activité contributive, un
forum pour les débats
2. 0rganisation de l’enquête : recrutement et accompagnement de
contributeurs qui créent leur book et qui déclarent des actions ;
recrutement de contributeurs et d’animateurs pour le débat ; mise
en place des deux groupes de travail ; mise en place d’un comité
scientifique.
Pendant l’opération 3. Tenue de 3 réunions du comité scientifique
4. Organisation de 12 webinars pour les contributeurs (prise en
main de la plateforme)
5. Tenue de 3 réunions pour chaque groupe de travail
6. 0rganisation d’une table ronde/débat pour chaque thème du
débat en ligne
7. Animation du débat en ligne
8. Compte-rendu quotidien du débat
A l’issue de l’opération 9. Rapport de l’enquête expérimentale, de ses débats et des
résultats des groupes de travail
10. Etude topique des débats et des groupes de travail
Les données de l’enquête seront produits sous licence Creative Commons. Elles seront disponibles pour
toute entité souhaitant les exploiter, voire produire son propre rapport.
L’objectif de l’enquête expérimentale est de parvenir à organiser, dans un ou plusieurs territoires, une
expérimentation du dispositif complet d’activité contributive : plateforme d’intermédiation et Pacte
d’activité contributive. Cette organisation impliquera la création d’une instance de gouvernance et la
mise en place d’un processus délibératif pour trancher toutes les questions qui ont été portées au
débat.
1
Les comptes des membres resteront actifs d’une version à l’autre de la plateforme {contributive}.
25
https: contributive.org │https://ingies.net │contact@ingies.net │01 40 20 06 88
Cette recherche est coopérative car elle sollicite des productions à des acteurs aux compétences
complémentaires, qui travaillent seuls autour des thèmes proposés et qui versent leur production dans
le fonds commun, sans se forcément se répondre ni réagir aux réflexions des autres. Ce type de
contribution de fond est présentée dans les espaces personnels publics des auteurs (leur « book »),
sous formes de pages qui peuvent être rich média et accueillir des documents en pièces jointes (les
« chapitres »).
Pour être repérés par l’équipe d’animation de la plateforme et du débat, les chapitres dédiés à cette
recherche coopérative doivent être signalés par l’indexation « contribution de fond au débat »
disponible à la catégorie « type de chapitre ».
Les chapitres proposent des blocs d’édition. Les textes rédigés dans les blocs d’édition sont sous licence
« Creative Commons ». Les documents joints (ppt, pdf, word, xls) ou insérés (images, vidéos, sons) sont
soumis à copyright/droits d’auteur si l’auteur est mentionné de l’une des trois manières suivantes :
Dans tous les cas, l’auteur de la contribution accepte de partager son point de vue et sa recherche avec
le collectif, pour l’instruire ou l’inspirer.
La recherche est participative car elle est ouverte : elle ne conditionne pas le droit de participer à un
processus de sélection, à un statut officiel ni à une expertise reconnue dans un domaine donné.
Chaque contributeur est cependant libre de préciser dans son profil tout élément qui permettrait de
l’identifier et de vérifier ses qualifications.
Enfin, la recherche est collective car il existe des espaces de production commune : les groupes de
travail et les moments de « forum ouvert », des réunions organisées librement par la communauté, en
visioconférence.
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https: contributive.org │https://ingies.net │contact@ingies.net │01 40 20 06 88
L’espace de débat en ligne produit du « flux », des échanges instantanés ou décalés. Un sujet est posté,
les participants réagissent et se commentent réciproquement. Ces échanges en mode flux font partie
du processus de recherche, quelle que soit leur qualité en termes épistémiques. Soit ils interviennent,
en mode dialogique, dans l’élaboration personnelle ou collective d’une connaissance, soit ils servent
de terrain d’observation des opinions échangées et des publics mobilisés.
L’organisation de l’enquête structure ainsi deux niveaux de recueil : le recueil de stock et le recueil de
flux. Stock et flux peuvent être considérés comme les données de la recherche.
Les résultats de la recherche seront disponibles dans le rapport et dans l’étude topique.
La notion d’enquête expérimentale opère la jonction entre les deux. Une enquête expérimentale est
tout autant débat que recherche. Elle crée un espace de réflexion et d’élaboration d’une innovation
sociale. Elle invite le collectif à expérimenter et penser ensemble. Il s’agit d’un outil de maturité
démocratique et civile. Les citoyens et les organisations sont traités comme des « producteurs de
savoir » et non pas comme des « émetteurs d’opinion ». Il ne s’agit pas de délibérer, de convaincre, de
l’emporter. Il s’agit d’explorer ensemble un territoire encore inconnu du vivre-ensemble, non pas
hors sol, dans le domaine des idées exclusivement mais en situation.
L’étude topique de la concertation du Grand Paris, en 2012, avait permis de dégager deux topiques
intéressantes à ce sujet. La première concernait le besoin de clarté qui passait par l’éducation du
citoyen et la seconde la crédibilité des processus participatifs qui impliquait de différencier les objectifs
et les modalités du participatif.
L’enquête expérimentale couvre les trois premiers modules : recueil des besoins, production
d’analyses et de réflexions et mise en forme des possibles. Elle fait appel aux individus, à la société
civile organisée (entreprises, syndicats, associations et acteurs publics) et aux experts/chercheurs.
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L’analyse de débats prend généralement deux formes principales : l’étude des métriques (données de
consultation, rapports concernant les métadonnées comme, par exemple, les mots-clés ou les
catégorisations) ainsi que la fouille statistique (nuages de mots, thèmes principaux, émotions).
Ces deux genres d’analyse sont automatiques. Elles permettent d’ailleurs de couvrir de gros volumes
de données (big data).
La fouille topique propose une alternative aux approches automatiques. Des analystes et des
interprètes (humains) opèrent des recoupements entre les propos et les contributions. Pour repérer
les documents «candidats » aux associations, ils utilisent des outils de fouilles de données
Au fil des recoupements, émergent progressivement des « topiques » sous-jacentes, grands ensembles
de visions et d’idées qui reflètent les points d’intérêt récurrents et communs. Ces topiques
correspondent aux grands mouvements qui traversent le discours collectif : les ressentis, les enjeux
tacites et les imaginaires.
Plusieurs analystes travaillent séparément. Chaque analyste dégage les points d’intérêt d’une
contribution [A]. Ces points d’intérêt doivent différer de l’explicite qui est remonté par l’analyse
statistique traditionnelle. La fouille topique s’intéresse au tacite.
A l’aide d’un moteur de recoupement, il repère une contribution [B] qui apporte un éclairage sur le
point d’intérêt. Cet éclairage peut être de forme diverse : confirmation, controverse,
explication, recontextualisation, etc. Ces formes constituent justement les « figures », les invariants
qui sont définis par la sémantique analogique2.
1
(Carole Lipsyc, 2009, 2012)
2
Il existe seize figures types de recoupement.
3
Les TOPs sont inspirés par la Théorie de la Mémoire Dynamique de Roger Schank.
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Les topiques qui se dégagent chez un analyste sont proposées aux autres analystes. Les autres
analystes confirment et les alimentent les topiques émergentes ou bien, au contraire, les infirment.
Lors de cette phase de mise en commun, chaque analyste apporte des nuances aux topiques. Les
topiques sont évaluées en commun lors d’une réunion. Certaines se regroupent, d’autres se
décomposent en sous-topiques qui reflètent parfois les topiques discursives (les variations
d’approche).
Les topiques se croisent à leur tour et permettent d’apporter une certaine compréhension
générale des mouvements qui traversent le corpus étudié.
Les étapes 3 et 4 sont effectuées en commun avec un comité de cadrage composé par des experts ou
des parties prenantes.
L’étude topique constitue un complément aux études traditionnelles. Elle repère les signaux faibles
qui traversent un collectif. Elle anticipe les tendances. Notre souhait, dans cette étude, de ramener
une compréhension plus fine des espoirs et des freins associés à l’activité contributive et à sa
rétribution.
Aucune permission publique ou de pairs n’a été cherchée pour cette opération spécifique. Une
recherche à dimension sociale, menée par un acteur privé et cristallisée dans une technologie, est
directement proposée aux parties qu’elle concerne pour expérimentation, débat et élaboration de
connaissances.
Cette situation soulève trois questions principales qu’il convient d’énoncer explicitement : Au niveau
scientifique, quelle est la légitimité de cette enquête ? Quelle en est la fiabilité ? Et surtout, quels
intérêts sert-elle ?
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En effet, les processus de constitution et de sélection des projets de recherche n’ont pas uniquement
la vertu de permettre leur financement. Ils ont également la fonction d’apporter légitimité et fiabilité
à une démarche et de contractualiser les devoirs et les bénéfices des uns et des autres.
Pour répondre à ces interrogations, il convient de resituer l’enquête expérimentale {contributive} dans
son histoire et de la contextualiser au sein des conventions de la recherche. Si la décision de lancer une
enquête expérimentale sur la valorisation de l’activité contributive grâce à une plateforme
d’intermédiation a eu lieu durant le confinement lié à l’événement du nouveau coronavirus en 2020,
le projet a éclos dès 2018, en réponse à l’appel à projets 100% inclusion du « Plan d’Investissement
dans les compétences ». Dans le terrain d’expérimentation choisi, l’Essonne, il avait reçu le soutien de
la Préfecture, du Conseil départemental, du Parquet et d’acteurs associatifs locaux de la mobilité et de
l’insertion. Il devait être accompagné par un comité scientifique composé de chercheurs en intelligence
artificielle et en sciences sociales1.
Le projet avait alors été expertisé par la Commission Economie Sociale et Solidaire du pôle de
compétitivité Finances Innovation et avait été labellisé. La labellisation par un pôle de compétitivité
correspond à une instruction qui vise à confirmer la fiabilité et la solidité d’un projet de R&D.
Skill-Lab Essonne n’était pas un projet né du hasard des circonstances, des appels et des partenariats.
Il était issu des travaux de recherche et de la mission qui ont donné naissance à l’entreprise Ingies. Ces
travaux de recherche concernent la mesure de l’impact social et la mesure du patrimoine immatériel,
grâce aux systèmes d’information qui ont le potentiel de repérer, tracer, cristalliser en data et en
documents, donner la maîtrise et permettre la distribution du patrimoine immatériel. Ils ont été
développés depuis 2012, suite à une thèse de doctorat et à une incubation à la Belle de Mai,
l’incubateur du Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur à Marseille. Ils ont donné
lieu à une sélection aux oraux du Concours Mondial d’innovation en catégorie Big Data.
Il s’agit donc bel et bien d’une démarche de recherche telle que l’entend le Manuel de Frascati, la
référence internationale en matière de définition de la R-D :
La recherche et le développement expérimental (R-D) englobent les travaux de création
entrepris de façon systématique en vue d’accroître la somme des connaissances, y
compris la connaissance de l’homme, de la culture et de la société, ainsi que l’utilisation
de cette somme de connaissances pour de nouvelles applications.
La partie fondamentale de cette recherche a déjà été effectuée au travers des cycles précédents2. Elle
se trouve désormais en partie en phase de recherche appliquée (tout ce qui est traité par les deux
groupes de travail) et en partie en phase de développement expérimental (tout ce qui concerne la
plateforme d’intermédiation).
1
Le projet Skill-Lab Essonne n’a pas été sélectionné par l’appel et n’a pas été réalisé.
2
Ces cycles précédents s’inscrivent dans la démarche heuristique de la C-R&D, Création – Recherche et
Développement, propre à ma recherche. Cette présentation n’est pas le lieu pour la détailler. Elle s’articule en
trois temps : l’exploration d’une thématique au travers de la fiction et de l’art, sa poursuite par la recherche
scientifique puis sa diffusion au travers d’actions sociales et d’offres technologiques à impact social (Lipsyc,
2012). En l’occurrence, {contributive} a débuté avec le projet littéraire des Contes du monde d’après et le
mémoire épistémologique Le désir d’être humain. Résister à la société automate. Ces deux textes forment
ensemble un univers informationnel ou « topos numérique ». Plus d’informations sont disponibles sur la
plateforme contributive, dans mon espace personnel, https://contributive.org/fr/directory/2927 .
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Soulignons d’ailleurs, dans cet esprit, que la plateforme contributive, sous cette forme, n’a pas
vocation à devenir un service. Il s’agit d’une installation pilote au sens du Manuel de Frascati, puisque :
1. Son « objectif principal est d’acquérir de l’expérience et de rassembler des données […] qui serviront
à vérifier des hypothèses, à élaborer de nouvelles formules de produits, à établir de nouvelles
spécifications de produits finis, à concevoir les équipements et structures spéciaux nécessaires à un
nouveau procédé [et] à rédiger des modes opératoires ou des manuels d’exploitation du procédé » ;
Qui plus est, la plateforme contributive est une installation pilote partielle puisqu’elle ne couvre pas
les fonctionnalités d’intermédiation (mise en relation du bénéficiaire et du contributeur, mise en
relation de l’individu et de l’offre locale de formation/insertion, rétribution monétaire ou en nature)
ni de mise en place d’un Pacte d’activité contributive (inscription, vérification, labellisation, contrôles).
D’autres expérimentations pilotes devront donc suivre.
Légitimité et fiabilité de la matière scientifique du projet sont donc garanties par l’historique du projet.
Reste à instaurer les modalités de surveillance et d’évaluation de l’opération éclair. Un comité
scientifique sera créé à cet effet. Il se réunira trois fois : avant le lancement des groupes de travail, à la
fin de l’opération éclair et à la remise du rapport générale et de l’étude topique (livrables 9 et 10).
Les données issues de cette l’opération éclair seront disponibles sous licence Creative Commons. Elles
ne seront pas la propriété d’Ingies. La plateforme contributive et la solution SkillMill ainsi que les
méthodes de mesure de l’immatériel et de l’impact social provenant de la méthodologie DassetsTM
sont en revanche des connaissances propres d’Ingies.
L’objectif d’Ingies n’est pas d’ « ubériser » l’activité contributive, autrement dit notre entreprise n’a
pas l’intention ni la volonté de privatiser l’activité contributive, de la formater à son propre bénéfice
ni d’en prélever un pourcentage monétaire.
Ingies est une entreprise, certes. Mais c’est une entreprise qui s’est constituée en vue de développer
des techniques propices au rapport à soi, à l’autre, au collectif, à la signifiance et à la cognition. Nous
ne pensons pas qu’une entreprise doive être « entreprise à mission » pour inscrire son activité dans
l’engagement social. Nous pensons que toute entreprise doit être à mission sociale autant que
marchande. Nous militons d’ailleurs pour une révision des méthodes de comptabilité et
d’accréditation à cet effet.
1
OCDE (p.49, 2002)
2
Cette vision du formatage d’une épistémè et de la société à partir des techniques du savoir et de la mémoire
s’inscrit dans la ligne critique de la « technologie intellectuelle », telle qu’on peut la retrouver chez Eisenstein,
Goody, Leroy-Gourhan, McLuhan, Anders, Feenberg, Stiegler, Bachimont, Carr, etc. Voir Lipsyc (2017)
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Notre ambition est que le projet de valorisation de l’activité contributive nous dépasse et nous
échappe, qu’il devienne un projet véritablement coopératif et collectif : pensé par des experts issus
des disciplines qu’il concerne, approprié par la société et mis en œuvre par un organe de gouvernance
citoyen.
Bien évidemment, nous espérons que notre approche et notre technique de l’intermédiation de la
valorisation de l’activité contributive seront retenues et contribueront au « going concern » d’Ingies,
à sa pérennité. Mais rien ne l’assure.
Conclusion
Toutes ces approches abordent en réalité le même problème de l’évolution de la forme sociale
« travail » et de la non valorisation de l’activité contributive mais ne le disent pas frontalement, ne
l’assument pas, le nient parfois ou tout simplement ne le savent pas. Il en résulte une multiplication
des dispositifs, donc des coûts, et une moindre efficacité. Surtout, en ne confrontant pas la
problématique fondamentale, nous ne pouvons pas faire émerger de nouvelles formes sociales aptes
à assurer un équilibre économique et social collectif.
Construire une alternative, ce n’est pas chercher à remplacer la culture dominante. C’est offrir une
solution à ceux qui ne peuvent pas y accéder ou qui en pâtissent. Toutefois, si la démarche d’invention
d’une alternative ne va pas de soi en temps normal, en temps de crise, elle devient nécessaire comme
le souligne Dewey2 :
Dans ce qui appartient en propre à l’humain, il y a rarement de l’invention, et
lorsqu’il y en a, c’est en réponse à une situation d’urgence. Dans le domaine de
1
(C. Lipsyc, 2017)
2
32
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l’humain, comme pour tous les enjeux importants, le simple fait d’envisager
l’invention suscite la peur.
Dewey (1920/2014)
Il semblerait que ce soit maintenant le moment d’inventer. D’où notre proposition d’enquête
expérimentale « éclair ».
33
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1
Le travail désigne ici ce que d'autres appellent l'emploi, c'est-à-dire une activité productrice échangée contre
de l'argent et participant au cycle de création de valeur monétaire. Il ne recouvre pas toutes les activités
productrices de valeur économique ou sociale, seulement celles qui sont officiellement reconnues comme telles
par le versement d'un salaire.
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Cette question sociale doit être regardée en face et débattue en connaissance de cause, c'est-à-dire
en connaissance des "programmes" qui structurent les propositions des uns et des autres mais aussi
en connaissance des moyens de leur mise en place.
C'est ce que je propose de faire succinctement et subjectivement dans cet article. Subjectivement car
étant à l'origine du projet {contributive} et de la plateforme de valorisation de l'activité contributive
contributive.org, j'ai évidemment un point de vue et un parti pris.
1
Peut-être est-il temps d'arrêter d'utiliser ces qualificatifs qui ont perdu tout sens à force d'être utilisés comme
des signaux dans un clivage socio-politique. "Néolibéraux" et "anticapitalistes" sont les deux versants
mécaniques d'un même système de lutte qu'il convient de dépasser pour entrer dans une dynamique d'action
constructive, propice et commune, dans un esprit de « réconciliation » pour reprendre l’expression de Robert
Zarader (Zarader, 2012). Les convoquer obstrue le raisonnement et enferme à l'intérieur du système lui-même,
dans un mirage idéologique et toxique sur notre propre époque, un discours autoréalisant (programmatique).
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Le constat de base est le même toutefois entre les deux visions : tout le monde n'a pas accès au
travail, n'ayant pas accès au travail, tout le monde n'a pas accès aux ressources ni aux droits sociaux.
Ce constat est également partagé par {contributive}.
1
En Belgique et au Luxembourg, les artistes bénéficient également d'un traitement spécifique dans le cadre des
assurances chômage mais il ne s'agit pas exactement d'un statut d'intermittence équivalent.
2
Corsani & Lazzarato, (2008)
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1
Stiegler & Kyriou, (2016)
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Bernard Stiegler, dans sa proposition d'un revenu contributif, défend le développement des
capabilités, ces aptitudes qui permettent d'agir, et souhaite contrer la dévastation qu'entraîne
l'automatisation sur les emplois.
On peut constater de nombreux points communs entre la proposition de Bernard Stiegler et la nôtre,
pour commencer la centralité de l'activité contributive, la proposition d'instaurer des droits
conditionnels, mais aussi la volonté de développer les capabilités, de reconnaître les talents de
chacun, d'apporter une solution à la disparition des emplois, de résister à cette automatisation et
ubérisation générales.
Toutefois, il existe trois distinctions fondamentales :
1. Bernard Stiegler écarte la mesure là où nous la revendiquons comme étant la condition de
l'acceptabilité par notre système de rationalité comptable et comme étant le moyen de transformer
la programmatique de cette rationalité comptable. Pour nous, la mesure est un fait constitutif de notre
époque et au lieu de lutter contre il faut agir pour la mettre au service de la transition, donc lui donner
d'autres "outils de vision" du réel, d'autres récits et bases théoriques1.
2. Le revenu d'activité contributive repose sur des droits rechargeables, comme l'intermittence du
spectacle. Le Pacte d'activité contributive repose sur des droits a priori. Les droits a priori sont ouverts
d'emblée dès la signature du Pacte et sont confirmés par la déclaration de l'activité sur une période
d'un an. Les droits ne sont donc pas rechargés mais confirmés.
3. Alors que le moteur de l'activité contributive tel que nous le concevons est l'oïkéiosis, une extension
du soin de soi au soin à l'autre, au vivant, au monde, Bernard Stiegler met en avant la notion d'otium,
ce temps de développement de soi. C'est un détail, certes. Néanmoins il peut avoir de fortes
conséquences sur la définition de ce qui constitue une activité contributive apte à "recharger" des
droits. Il y a entre les deux une différence de focale : moi ou l'autre. On peut bien évidemment défendre
l'idée que l'otium précède l'oïkéiosis, un peu comme dans cette métaphore rabattue de l'avion en
dépressurisation " il faut mettre le masque à oxygène sur soi avant de le mettre sur son enfant". On
peut aussi arrêter de placer l'individu au centre et le resituer toujours dans son lien aux autres.
Précisons d'ailleurs que les indicateurs proposés par la plateforme contributive.org, dans leur
paramétrage actuel avant mise en débat, prennent en compte les temps d'otium. En effet, une activité
contributive à plein temps = 115 jours d'activité, soit 2,5 jours par semaine d'activité (soit 46 semaines
comme le temps de travail). Mais rien n'empêche d'étendre cet otium, sous certaines conditions à
définir, aux jours d'activité contributive déclarés eux-mêmes.
4. Notre proposition est technique, applicable à grande échelle, disponible et compatible avec le
monde tel qu'il existe. Nous apportons des outils qui rendent possible dès à présent la mise en visibilité,
la narration, la constatation et le suivi des effets de l'activité contributives. Ces outils sont de deux
sortes : techniques et méthodologiques.
Au niveau technique, nous avons développé une plateforme de valorisation et d'intermédiation de
l'activité contributive, la plateforme contributive.org.
Au niveau méthodologique, nous proposons de nouveaux types d'indicateurs liés au développement
des compétences, au partage des expériences et à l'estimation personnelle de ses différents temps et
formes d'activité contributive. La notion d'estimation personnelle signifie que le contributeur estime
lui-même le temps qu'il consacre à l'activité contributive, sur la base du Pacte de confiance que
constitue le Pacte d'activité contributive.
1
Carole Lipsyc (2018b)
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Nous sommes convaincus que, si ce genre de plateforme n'est pas développée de manière citoyenne
et collective, au service du développement d'une société de la contribution, du commun et de
l'entraide, elle sera développée par un géant du numérique au service de la tâcheronnisation et de la
marchandisation du quotidien, à son propre profit.
Voulons-nous vraiment que l'action sociale soit ubérisée ? Ou bien au contraire voulons-nous
concurrencer les techniques d'intermédiation au service du collectif et du bien commun, au service de
l'oïkéiosis.
Salaire à vie vs Pacte d'activité contributive
Une autre proposition doit être détaillée dans ce panorama, celle du "salaire à vie" ou "salaire à la
qualification" ou encore "salaire universel" de l'économiste et sociologue Bernard Friot1.
1
Thinkerview (2018)
2
Ce sujet de la mesure de l'impact social et immatériel des organisations est porté par l'entreprise INGIES, sa
technologie SkillMill et sa méthodologie Dassets, dans son offre commerciale. INGIES est à l'initiative du projet
{contributive} et a mis la technologie SKillMill au service de l'enquête {contributive}.
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1
Blanc (2018)
40
https: contributive.org │https://ingies.net │contact@ingies.net │01 40 20 06 88
La V0 de la plateforme contributive.org propose les indicateurs suivants. Ces indicateurs sont ceux que propose par défaut la solution SkillMill by Ingies,
solution socle de la plateforme.
Nom Forme Localisation Objet Mode de calcul
Empreinte profil Une rosace Pilotage Montre l’intensité de 1. On rapporte les points obtenus par 1 compétence par rapport au total
Accueil book sollicitation des des points gagnés. On obtient un pourcentage.
Bio compétences contributives. 2. Ce pourcentage est ramené à une grille des intensités qui définit des
Vignette du membre seuils.
Elle dessine le profil du
contributeur, en montrant Les seuils sont les suivants :
quelles compétences il met Rare = <10% des points gagnés
en œuvre le plus souvent. Occasionnelle = Entre 10 et 20 %
Régulière = entre 20 et 30%
Importante = entre 30 et 60 %
Intensive = > 60%
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Il existe dans la solution SkillMill deux autres indicateurs que nous n’avons pas actionné dans la V0 car il requiert l’intervention d’un tiers de confiance et la
notion de tiers de confiance n’a pas encore été définie dans le projet.
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