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NRP décembre 2010, n°5

Dossier
Mohammed ARKOUN,
«L’homme éveillé»

Société Les universitaires algériennes face aux inégalités


d’accès aux postes de responsabilité
Djamila FERNANE

Economie Les Investissements Directs Etrangers boudent l’Algérie


Hamid MOHAN

Droit Ä< { { { { { { {fŞè<Ø{{ { { { { { ÛÃÖ]<àÒ^{{ { { { { { Ú_<æ<Å…]ç{{ { { { { { Ö]<»<Ì{{ { { { { { ßÃÖ]


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Médias Peut-on parler de «journalisme» professionnel en Algérie ?

Ahmed Cheniki

Mémoire [Des sites archéologiques pillés en Algérie]


Dossier El Watan
Sommaire
N° 5 d éc e m br e 20 1 0
Les Investissements Directs Etrangers
boudent l’Algérie
Dossier Hamid MOHAN, p.11
Mohammed ARKOUN,
«L’homme éveillé» L’Etat devra abandonner son statut d’ac-
Décès à Paris de l’islamologue algérien M. Arkoun, p.4 tionnaire principal
Réda AMRANI, p.11
Une vie contre l’obscurantisme
Abdellah TOURABI, p.5
Droit
Mohamed Arkoun, l’homme «éveillé» A propos de l’article 144 bis 2 du code pénal
Lyes SAM, p.12
«J’ai décidé de comprendre, non plus de m’adapter»
Ali EL KENZ, p.6 l
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Mohammed Arkoun et le maghreb pluriel, p.13 < í< { { { { { { { { { { { ×èæ…çe<<<J”
Une approche scientifique Médias
Abdallah BAKOUCHE, p.8
Peut-on parler de journalisme « profes-
Société sionnel» en Algérie ?
Les universitaires algériennes face aux iné- Ahmed Cheniki, p.14
galités d’accès aux postes de responsabilité
Djamila FERNANE, p.9 Mémoire
Le patrimoine culturel en péril
Economie [Des sites archéologiques pillés en Algérie]
L’Algérie à la 136e place du Doing Business 2011 Dossier El Watan, p.15-16
Les difficultés des PME/PMI font tache noire
Mohamed NAILI, p.10 Bibliographie, p.17

La NRP est la nouvelle formule de la « Revue de presse »,


créée en 1956 par le centre des Glycines d’Alger.
[Attestation du ministère de l’information: A1 23, 7 février 1977]
Revue bimensuelle réalisée en collaboration avec le :

C EN TRE DE D OCUM ENTATION E CO NOMIQUE ET S OCIALE


3, rue Kadiri SidAhmed, Oran • Tel: +213 41 4085 83 • Courriel: nrpresse@yahoo.fr
Site web: www.cdesoran.org 2
Ont collaboré à ce numéro
Faïza GACHI
Bernard JANICOT
Hizia LAKEDJA
Youcef MOKHTAR-
Si vous voulez recevoir gracieusement les numéros BELMOKHTAR
suivants de la Nouvelle Revue de Presse, envoyez- Fayçal SAHBI
nous un message à l’adresse suivante: Mehdi SOUIAH
nrpresse@yahoo.fr Leila TENNCI
Houari ZENASNI
Les idées exprimées dans les textes
repris par la NRP n’engagent que la
responsabilité de leurs auteurs

NRP, décembre 2010, n°5


Editorial

Pourquoi consacrer tout un dossier de la Nouvelle Revue de Presse à cet illustre


anthropologue et islamologue qui vient de décéder ?
Sans doute faut-il évoquer une convergence: d’une part la Revue de Presse est née et a
longtemps été l’œuvre du Centre des Glycines à Alger, lieu de rencontre entre chrétiens et
musulmans, entre personnes de toutes nationalités, de toutes formes de pensée. Mohammed
Arkoun fut cela. Les articles qui suivent s’en font l’écho : un artisan infatigable de la rencontre
entre croyants de religions différentes, musulmans, chrétiens, juifs et autres. Homme d’une
rencontre rigoureuse, sans concessions, mais dans une grande ouverture d’esprit.
D’autre part, la NRP est produite grâce à la collaboration active de l’équipe du CDES d’Oran,
centre au sein duquel l’anthropologie, et tout spécialement celle qui concerne l’Algérie et le
Maghreb, veut avoir toute sa place. Et Arkoun fut aussi cela, un anthropologue attentif aux
sociétés maghrébines, dans la multiplicité des cultures, des langues parlées et écrites. Un
intellectuel libre, mettant souvent le doigt « là où ça fait mal. » L’article de la Revue Insaniyat
dont nous publions des extraits – mais qui est à lire dans son intégralité – est un bon exemple
de cette vision perçante et de cette critique acerbe – mais solidement fondée – qui furent
celles de Mohammed Arkoun.
Concilier Islam et Modernité, ce fut le fil conducteur de toute la vie et la pensée de Arkoun ;
un Islam constamment relu à la lumière de toutes les sciences offertes à nous aujourd’hui,
linguistique, anthropologie, histoire, philosophie…. Une Modernité devant laquelle il n’était
pas béat, mais qui à ses yeux était indispensable à tout travail critique sur la pensée
coranique et musulmane. Elle a permis entre autre la sécularisation, la séparation entre ce
qui relève de la sphère de l’Etat et du collectif, et ce qui relève de la sphère privée.
« Repenser la tradition islamique aujourd’hui est un acte intellectuellement urgent et
nécessaire, politiquement et culturellement déstabilisant, et psychologiquement et
socialement délicat. Nous sommes, en fait, obligés de mettre à nu de manière beaucoup
plus claire que l’a faite la critique classique, les fonctions idéologiques, les manipulations
sémantiques, les ruptures culturelles et les incohérences intellectuelles qui se sont réunies
pour délégitimer ce que, pendant des siècles, nous avons été conduits à penser – et à vivre
– qu’il exprimait l’authentique expression de la Volonté divine manifestée dans la
Révélation… Nous devons emprunter les méthodes actuelles de pensée ouvertes par les
sciences de l’homme et de la société… Pour être encore plus clair, la pensée religieuse est à
la recherche de penseurs indépendants, après avoir été, pendant des siècles, soit le monopole
de fonctionnaires zélés, soit la cible de polémistes ayant d’autres objectifs » déclarait-il à
Grenade en Avril 1986.
Sa pensée vigoureuse, novatrice, basée sur une solide érudition, n’a pas été sans provoquer
des réactions tout aussi vigoureuses de la part de ses détracteurs.
Dépassant sa propre personne, il déclarait dans une conférence prononcée à Paris en
2006 :« Tous les Arabes se plaignent de ne pas avoir d’intellectuels, il faut se donner le 3
temps de savoir qu’il y en a et de les lire ».
Bernard JANICOT

NRP,décembre 2010, n°5


DOSSIER

Décès à Paris de l’islamologue algérien Mohamed Arkoun


Le professeur Mohamed Arkoun, grand islamologue algérien, fervent défenseur du dialo-
gue entre les religions, est décédé mardi soir à Paris à l'âge de 82 ans.

L
e professeur Mohamed Arkoun, grand islamologue

BIBLIOGRAPHIE
algérien, fervent défenseur du dialogue entre les Principaux ouvrages
religions, est décédé mardi soir à Paris à l'âge de 82 Mohammed ARKOUN et Maurice
ans, ont annoncé ses proches. BORRMANS : L'Islam : religion et société.
Professeur émérite d'histoire de la pensée islamique à la
Interviews dirigées par Mario Arosio Traduit
Sorbonne, le défunt était l'un des initiateurs du dialogue
inter religieux.
de l'italien par Maurice Borrmans. Ed. du
Né en 1928 à Taourit-Mimoun (Kabylie), dans un milieu très Cerf. 1982
modeste, il fréquenta l'école primaire de son village natal, Mohammed ARKOUN et Louis GARDET : L'Is-
avant de poursuivre ses études secondaires à Oran. Par la lam hier, demain. Paris : Buchet-Chastel ,
suite, il étudia la littérature arabe, le droit, la philosophie et 1982
la géographie à l'université d'Alger. Avec le soutien du
l’Humanisme arabe au Xe siècle (1982, Vrin),
Lectures du Coran (1982, Maisonneuve et
Larose),
Pour une critique de la raison islamique
(1984, Maisonneuve et Larose),
l’Islam, morale et politique (1986, Desclée
de Brouwer/Unesco),
Ouvertures sur l'islam. Paris : Grancher, 1992
Penser l'islam aujourd'hui. Alger : Laphomic
ENAL , 1993.
Mohammed ARKOUN et Joseph MAÏLA : De
professeur Louis Massignon, il a pu préparer l'agrégation Manhattan à Bagdad. Au-delà du bien et du
en langue et littérature arabes à la Sorbonne. Il enseigna mal. Desclée de Brouwer. 2003
par la suite dans plusieurs universités, et en 1980, il est Mohammed ARKOUN, Humanisme et Islam
nommé professeur à la Sorbonne nouvelle-Paris III. Parmi : Combats et propositions, 311 pages, Librai-
ses principaux ouvrages, "Histoire de l'islam et des musul- rie Philosophique Vrin (4 avril 2005).
mans en France du Moyen-Age à nos jours", un ouvrage
encyclopédique qui raconte une histoire commune et millé- Mohammed ARKOUN, “La pensée arabe,
naire, auquel avaient participé de nombreux historiens et 128 pages, Que sais-je ?, PUF, (1991), 7e édi-
chercheurs. Il était également l'auteur de plusieurs autres tion (10 septembre 2008)
ouvrages dont notamment "l'islam, religion et société", Participation à des ouvrages collectifs:
"l'islam, hier et demain", "l'humanisme arabe", "lectures
La Liberté religieuse dans le Judaïsme, le
du Coran", "l'islam, morale et politique", "Pour une critique
de la raison islamique" et bien d'autres publications et con- Christianisme et l'Islam, Colloque internatio- 4
tributions dans ce domaine. L'université d'Exeter nal à l'abbaye de Sénanque. Préface de
(Royaume-Uni) lui attribua ensuite le titre de docteur ho- Claude Geffré. Ed du Cerf, 1981
noris causa et, en 2001, il fut invité à donner les "conféren- Christianisme, judaïsme et islam Fidélité et
ces de Gifford" à l'université d'Edimbourg (Ecosse), un des ouverture. Sous la direction de Mgr Joseph
honneurs les plus prestigieux permettant à un chercheur Doré. Ed. du Cerf, 1999
de grande renommée de contribuer à l'avancement de la
pensée théologique et philosophique. Il reçu, en 2002, le
Histoire de l'Islam et des musulmans en
17e "Giorgio Levi Della Vida Award" pour l'ensemble de ses France du Moyen Age à nos jours, Moham-
contributions dans le domaine de l'étude islamique et, en med Arkoun, Collectif, Jacques Le Goff (Pré-
2003, le Prix Ibn Rochd. face). Ed. Albin Michel, 2006

15 septembre2010
NRP, décembre 2010, n°5
DOSSIER

Mohammed ARKOUN
Une vie contre l’obscurantisme
ce professeur à la Sorbonne sollicitait constamment dans
Abdellah TOURABI ses travaux sur le texte fondateur de l'islam.
[...] Selon Arkoun, tout discours sur le Coran, et sur l'islam en
En moins de cinq mois seulement, la scène intellectuelle général, est conditionné par l'horizon intellectuel et cul-
arabe a perdu trois de ses plus grandes figures, symbo- turel de son auteur, ainsi que par les contraintes que le
les d'une pensée libre, qui ferraille contre le dogmatisme pouvoir politique et la nature de la société lui imposent.
et tente de faire sortir le monde arabe et musulman de C'est dans cette optique qu’il critiquait sévèrement la
sa léthargie. Après la disparition du philosophe marocain dérive politique et idéologique qui veut faire du Coran un
Mohammed Abed Jabri (le 3 mai) et du penseur égyp- moyen de domination, d'oppression et d'asservissement,
tien Nasr Hamid Abou Zayd (le 10 juillet), l’islamologue alors qu'il était au départ un texte novateur et de libéra-
algérien Mohammed Arkoun a tiré sa révérence dans la tion. Mohammed Arkoun se plaignait souvent de cette
nuit du 14 septembre, à Paris. Les trois intellectuels avaient tendance qui assèche le Coran de sa dimension symboli-
en commun le projet d'établir de nouveaux fondements, que au profit d'une lecture étroite qui instrumentalise le
modernes et rationnels, pour l'étude de l'islam en tant texte sacré à des buts purement politiques. Il s'en pre-
que religion, Histoire et civilisation. Dès le début des an- nait également aux Etats arabes et musulmans dans la
nées 1960, Mohammed Arkoun s'est engagé dans la re- mise en place de ce qu'il appelait “une ignorance institu-
cherche sur l'analyse du texte coranique et sa compré- tionnalisée”, c'est-à-dire une vision biaisée et aveugle
hension. Il s’est livré également à une critique, sans con- de l'identité et des rapports à l'égard du “non-musul-
cession, des lectures figées et traditionnelles qui refu- man”. Le prétendu choc des civilisations ne serait plutôt
sent de prendre en considération le poids de l’Histoire et qu'un choc des ignorances institutionnalisées, dont l'en-
de la culture dans la naissance de l'islam et de la révéla- seignement, la culture et les médias sont les principaux
tion. Une position qui lui a valu l'animosité et la rancune vecteurs.
tenace des milieux traditionnels et fondamentalistes, qui
voyaient d'un mauvais œil tout projet intellectuel risquant Identité multiple
d'ébranler leur emprise sur le champ religieux. Pendant de longues années,
Mohammed Arkoun était animé
Question de contexte par la volonté de jeter des ponts
Mohammed Arkoun se présen- de compréhension et de dialo-
tait comme l'héritier d'une li- gue entre les trois religions mo-
gnée de penseurs musulmans, nothéistes : le judaïsme, le chris-
allant jusqu'aux Moutazilites, qui tianisme et l'islam. A l'instar de
privilégient l'usage de la raison son professeur et mentor,
et l'interpellation de différentes l'orientaliste français Louis Mas-
sources du savoir pour compren- signon, il estimait que les zones
dre et saisir le Coran. Selon de convergence et de con-
l’islamologue algérien, le texte nexion entre ces révélations
coranique est un objet perma- sont plus étendues que les 5
nent de questionnement, d'ana- points de discorde et de collision. L'intellectuel algérien
lyse et de relecture. Il serait donc était ainsi membre du Groupe de recherches islamo-chré-
dangereux de prétendre saisir tien (GRIC), au sein duquel il a pris part à des débats avec
totalement et définitivement le des penseurs et philosophes chrétiens autour de ques-
sens de ses versets et épuiser ses secrets, comme le font tions sur le Coran et la Bible. Toutefois, Mohammed
certains livres d'exégèse (Tafsir). Pour Arkoun, “le Co- Arkoun s'est montré souvent critique à l'égard de la res-
ran est un texte ouvert qu’aucune interprétation ne peut ponsabilité des théologiens juifs, chrétiens et musulmans
clore de façon définitive et ‘orthodoxe’. Au contraire, dans l'élaboration d'identités rigides, qui se forment à
les écoles dites musulmanes sont des mouvements idéo- travers l'exclusion et le bannissement de l'autre, au lieu
logiques qui soutiennent et légitiment les volontés de de son intégration [...].
puissance de groupes sociaux en compétition pour l’hé-
gémonie”. Et pour cela, les musulmans ne doivent pas N° 439
se priver de l'usage des sciences sociales modernes, que
NRP,décembre 2010, n°5
DOSSIER
Mohamed Arkoun, l’homme «éveillé»
«J’ai décidé de comprendre, non plus de m’adapter»
Ali EL KENZ core les villes de l’Oranais, offraient des espaces publics,
[...] des magasins, des cafés, des villas, des jardins dont la
Arkoun [...] a grandi à Oran qu’il quitte en 1954 pour pré- conception et la propreté, l’élégance, l’agencement, le
parer son doctorat à l’Institut parisien d’études islami- confort, l’entretien, contrastaient si violemment avec
ques. Il est nommé maître-assistant à la Sorbonne en 1961. l’état extérieur et intérieur des «médinas» et des quar-
Mais sans être dans une position de rupture brutale avec tiers «indigènes».
l’orientalisme classique représenté par Blachère, Laoust, [...]
Pellat et Brunschvig, il se sent plus proche de Jacques • «C’est vraiment la situation de minoritaire, avec tout
Berque qui avait déjà opéré la rupture avec les «anciens» ce que la minorité a à faire d’efforts pour s’insérer dans
et de Maxime Rodinson, plus tard de Bourdieu, tous, plus des majorités et des majorités dominantes, dominantes
ouverts aux sociétés présentes, qu’ils commencent à par la langue, dominantes par la culture, dominantes par
analyser avec les méthodes nouvelles des sciences hu- leur statut social. Et tout cela m’a posé constamment
maines. des problèmes d’adaptation. Et puis, chemin faisant, à
Cette démarche moins «frontale» que celle de Anouar un moment donné, ce n’était plus l’adaptation, c’était la
Abd El Malek lui permettra tout au long de son parcours critique. Parce qu’on s’adapte à quelque chose, on croit
d’universitaire d’être reconnu par le milieu universitaire qu’on s’émancipe, on découvre des choses nouvelles,
français pour ses compétences scientifiques tout en res- etc., on grandit en découvrant autre chose, mais à un
tant ferme sur le «retournement épistémologique» opéré moment donné, on se pose des questions. Est-ce que
par ce nouveau courant qui libère progressivement la c’est bien de s’adapter à quelque chose dont on n’a pas
recherche du «fief des arabisants». Ces «textualisants» fait la critique ? Donc, déjà à partir du second cycle au
comme les avait appelés Jacques Berque, qui pouvaient lycée, je commençais à me poser des questions sur la
déchiffrer et interpréter un texte ancien, mais étaient question même de l’adaptation et de la légitimité des
incapables de comprendre une discussion de village. Dans efforts à faire pour s’adapter à une langue, une culture,
les années 1970, il est nommé avec Djamel Eddine sans lui poser de problèmes. Est-ce que ça vaut le coup
Bencheikh, directeur de département et prend la direc- de simplement s’intégrer ? Et c’est de là qu’est partie la
tion de la prestigieuse revue Arabica en 1980. Exit Char- critique.»
les Pellat, avec lequel il s’était affronté des années du- •«Très tôt, je me suis aperçu que ce qu’écrivaient les
rant. historiens, était quelque chose de très superficiel, quel-
Son intégration scientifique réussie, il reste pourtant sur que chose de très conventionnel, qui ramenait cet en-
«le fourneau» et surtout mène son combat sur deux semble très diversifié à des notions très rudimentaires
fronts. Contre une partie du milieu universitaire français concernant l’Islam et concernant les Arabes, même pas
qui le considère comme un «intrus» dans la recherche la culture arabe. Et donc, au fur et à mesure que j’avan-
métropolitaine, un «infiltré» même quand il insiste sur çais dans mes diplômes, je me détachais en même temps
l’humanisme musulman ; lors de son passage à l’univer- de l’enseignement que je recevais. (…) C’était avant l’in-
sité d’Amsterdam, certaines mauvaises langues l’appel- dépendance, dans un esprit que l’on pouvait deviner. A
lent alors «l’Ayatollah d’Amsterdam». Mais pire et plus part deux ou trois professeurs, c’était le regard de ce
triste, il est obligé aussi d’affronter les siens, en Algérie que l’on appelait la science coloniale contre laquelle il a
et ailleurs qui l’accusent de tiédeur, de mécréance même fallu s’armer pour ne pas se laisser entraîner dans cette
parce qu’il ne vilipende pas, mais argumente. Après quel- présentation-là.»
ques passages en Algérie qui le remplissaient de joie et • [...] Ma résistance à l’islamologie classique s’enracine
d’espoir d’y développer un courant de recherches dans dans le souci de donner une voix, au moins dans l’écri-
le filon qu’il avait ouvert, il se résignât mais maintint le ture historienne et anthropologique, à tant de groupes
cap ailleurs. Car Mohamed Arkoun avait la carrure et l’in- socio-éthno-culturels soumis toujours et partout à l’im-
telligence du long cours. Son humour, qu’il avait incisif et placable dialectique de la puissance et des résidus.» [...] 6
sa curiosité insatiable l’ont gardé, malgré ces batailles • «L’islamologie classique s’en tient à l’étude de l’Islam à
multiples contre des adversaires dédoublés, dans une travers les écrits des docteurs revendiqués comme tels
jeunesse qui a étonné et ravi plus d’un d’entre nous, ses par les croyants. Ce qui caractérise l’Islam, vu exclusive-
cadets ment à travers les écrits, c’est le privilège implicitement
reconnu à l’implacable solidarité entre l’Etat, l’écriture,
Extraits d’entretiens la culture savante et la religion officielle. Ce choix en-
traîne une relative négligence des aspects suivants :
• «Pour diminuer la prolifération des poux, je devais avoir L’expression orale de l’Islam ; le vécu non écrit et non dit
la tête rasée chaque semaine, ce qui me rendait particu- même chez ceux qui peuvent écrire ; le vécu non écrit,
lièrement jaloux des chevelures blondes de mes cama- mais parlé ; les expressions écrites de l’Islam jugées non
rades français ! Très tôt, ces «détails» matériels ont pris représentatives[...]
pour moi des dimensions culturelles et intellectuelles ; je
voulais comprendre pourquoi une large partie de la po-
pulation «indigène» était vouée à une existence diffi- 19 septembre 2010
cile, précaire, rude, alors que les villes, et davantage en-
NRP,décembre 2010, n°5
DOSSIER
Mohammed Arkoun et le Maghreb pluriel
Une approche scientifique
[…]En ce sens, malgré la «résistance africaine’ à la roma-
Abdallah BAKOUCHE nisation, et bien que la «science coloniale» ait fait un usage
Objet de recherche/problématique politique de cette époque, il récuse la «science nationa-
S’inscrivant en faux contre les discours «officiels» natio- liste» qui rend impensable le «Maghreb romain», effa-
nalistes et/ou des élites aristocratiques citadines, qui pri- çant ainsi une mémoire porteuse de la dimension médi-
vilégient dans la culture-identité-personalité maghrébi- terranéenne, qui à l’extrême participerait de l‘ « identité
nes les attributs arabe et islamique (quasi exclusive- maximale » du Maghreb; outre les dimensions arabe et
ment), soit deux mémoires valorisées et activées, quoi- islamique. Par là, il dénonce la rupture des pays maghré-
que opportunément associées à d’autres «mémoires» (i. bins, du moins l’Algérie avec ses ressources anthropolo-
e. berbère), Mohammed Arkoun défend plutôt une dé- giques, géo-historiques, et géopolitiques […].
finition socio-anthropologique des composantes de la cul-
ture maghrébine. A cet effet, il se donne pour tâche de L’Héritage «oral» : Dialectes-cultures-Islam « populaires »
valoriser et d’intégrer toutes les étapes historiques, a Poursuivons l’exposé des observations critiques de M.
fortiori, marquantes, que traversa le Maghreb, c’est-à- Arkoun en matière de politique linguistico-culturelle
dire latino-romaine, arabo-islamique, turque, française appliquée au Maghreb. Dans l’article-programmatif, con-
et nationale. Là où les «Pouvoirs neutralisateurs» défen- sacrée aux cultures du Maghreb, l’auteur affiche une
dent et partant justifient une unité culturelle, soucieuse intention de «dédramatiser la question linguistique». Il y
d’intégration sociale et politique, M. Arkoun se défie de invite a poser les vrais problèmes qui conditionnent l’en-
« l‘idéologique », et oppose le modèle d’une société ma- trée du Maghreb dans une modernité curieuse de consi-
ghrébine plurielle, dans ses expressions et ses «mémoi- dérer également toutes les expressions culturelles. S’il
res», assumant pleinement ses héritages historico-cultu- souligne que l’»arabe» comme langue officielle est un
rels, malgré les «ruptures» historiques, à la faveur de la fait indiscutable, en revanche, il engage les pays maghré-
diversité, et des contrastes, richement éducatifs. Sa dé- bins à revoir les méthodes, les domaines et à soumettre
marche vise surtout à valoriser les cultures dites «popu- davantage l’arabisation à la recherche et aux décisions
laires», sans écritures, injustement opposées à la culture communes, par delà les contingences politiques chan-
«savante», dominante et souvent solidaire de la «raison geantes. Il s’appesantit surtout sur le phénomène de la
d’Etat». A ce titre, son discours « scientifique, à la fois diglossie qui élargit le fossé entre les «lexiques scientifi-
ambitieux, exigeant et rigoureux, est anticipateur, et à ques» sans cesse retravaillés par les chercheurs occiden-
certains égards subversifs. Il prend les traits d’un « projet taux et la langue «arabe», qu’il juge «handicapée» par les
intellectuel exhaustif », audacieux et laborieux, s’inscri- usages de l’imaginaire populiste».
vant sur le long terme, et nécessitant la collaboration de Aussi, convient-il de préciser que cette diglossie se com-
nombreuses équipes de chercheurs. […] plique davantage, au Maghreb, en raison de la pratique
de deux sortes de dialectes très vivants : les dialectes
Grandes ruptures : « refoulements » et « oublis » berbères et les dialectes arabes. Parce que rarement
[…]Procédant à une «psychologie de l’histoire», M. écrits, ces derniers représentent un niveau «oral», de
Arkoun évoque les «ruptures» dans le long parcours du forme linguistique «dégradée», souligne M. Arkoun, et
Maghreb, ayant par conséquent induit des «refoule- corollairement produisant des cultures populaires «mé-
ments» et «oublis», se traduisant ainsi par les «héritages prisées», comparativement à la langue arabe savante,
atrophiés», à la faveur de mémoires «sélectives» et par- noble et sacrée, intronisée par le triomphe de l’Etat isla-
tant «orientées». Ainsi, il considère que l’Histoire du mique classique. Justement, c’est contre ce «mépris»
Maghreb est fragmentée et lacunaire, car trop marquée des «cultures populaires exacerbé par les «Etats-Nations-
par les dispersions et les ruptures culturelles, aussi bien Partis», qui incriminent le colonisateur d’avoir « avili »
dans ses sources que dans ses phases : romaine, arabe, l’arabe/savant, que M. Arkoun s’indigne […].
turque, française, nationale. De telles discontinuités géo-
politiques se traduisent par des « refoulements » collec- En guise de conclusion 7
tifs dans chaque période historique. Sans doute, l’origine du projet intellectuel exhaustif de
prise en charge critique de l’ensemble des héritages
L’Héritage savant : Histoire-langues-cultures maghrébins, est dictée par une réaction indignée de M.
[…]Parmi les obstacles «épistémologiques» qui ne ces- Arkoun contre les usages «idéologiques» envahissants
sent de retarder l’avènement d‘une ère de «réévalua- des Etats-Nations maghrébins post-indépendants […] il
tion critique» des composantes historico-culturelles, so- ne fait aucun doute que le pluralisme culturel que défend
ciologiques et anthropologiques des sociétés maghrébi- le projet arkounien a le mérite de provoquer à nouveau
nes, l’auteur met en cause les «dérives» vers un des débats sur diverses questions culturelles qu’on
«Islam militant» et un «arabisme abstrait et intolerant», croyait réglées. En fait, son œuvre en déploiement
accentués après les indépendances. continu, fonctionne comme un contre système.
Par ailleurs, il marque sa distance avec ce qu’il appelle les
«deux dogmatismes» opposés, successifs, à savoir la
«science coloniale» et la «science nationaliste», et en- N° 43
gage les protagonistes à une «exigence scientifique»,
soucieuse de rétablir les «droits de la connaissance». Janvier-mars 2009
NRP, décebre 2010, n°5
DOSSIER [EN HOMMAGE]
Difficultés des relations entre
musulmans et chrétiens
C’est le titre d’un article de Mohammed Arkoun publié par la Revue de
l’Institut Catholique de Paris (avril/juin 1982) dont nous rapportons
les principaux passages.
[…] Il me faut dire un mot du cadre international les pays les plus «évolués», ne laisse aucune
dans lequel s’inscrivent les rencontres, les place à la quête philosophique du sens de ce que
«dialogues», les échanges, les affrontements entre chaque protagoniste de l’histoire contemporaine
monde musulman et occident. engage dans et par ses décisions.
Soulignons d’abord la grande dénivellation Après avoir évoqué le progrès technologique, les
historique entre ces deux mondes telle que la révolutions scientifiques et intellectuelles que
terminologie elle-même l’atteste : on accole un l’occident a connues depuis le 16ème siècle et
qualificatif apparemment religieux au monde leur impact, avec plusieurs siècles de retard,
musulman, tandis que personne ne dit plus depuis sur le monde arabo-musulman, notamment la
longtemps, monde ou Occident chrétien. De fait, dépendance que cela entraîne, l’A. poursuit :
aucune entente en profondeur, aucun projet engageant Ces interventions vont se faire dans des situations
le destin humain ne peuvent advenir entre deux sociales, des situations culturelles restées
mondes qui ne s’interrogent pas sur la genèse, extrêmement archaïques et attachées à des croyances,
donc la signification, de cette dénivellation attachées à des pratique politiques, attachées à
historique. On préfère éteindre ce sujet brûlant un système de parenté : la tribu, le clan, la
avec les lieux communs des discours officiels qui famille patriarcale qui, précisément, n’ont pas
exaltent « l’amitié des peuples », la grandeur de changé du fait que, dans ces sociétés, il n’y a
l’Islam, la nécessité du rapprochement entre pas eu de grand mouvement qui a bouleversé les
musulmans et chrétiens, etc. sociétés en Occident, mouvement d’industrialisation
Le discours islamique de combat développe l’idée et mouvement de modernisation, à la fois des
que, si l’Islam continue de nourrir, de guider les institutions, de l’agriculture, de la vie
sociétés où il domine, c’est parce que, contrairement intellectuelle, de la production, etc. Cela va
au christianisme, il apporte une réponse plus provoquer des déséquilibres effroyables qui sont
adéquate aux problèmes des rapports entre religion, vécus d’une manière extrêmement douloureuse par
politique et société ; entre autorité spirituelle toutes les couches des sociétés dominées et
légitimante et pouvoirs divers exercés dans la satellisées, à l’exception des couches et des
cité. Non seulement il n’y a pas lieu de séparer classes que l’on appelle dirigeantes et qui, formées
religion et Etat, religion et politique mais il dans les universités occidentales, conduisent les
faut affirmer et développer la supériorité de la négociations, signent des contrats avec leurs
solution islamique de portée universelle, sur la homologues d’Occident.
solution erronée, dangereuse, de l’Occident Si l’on veut se libérer des préjugés anciens sur
laïcisé. l’islam et les musulmans, des imageries développées
L’occident de son côté, célèbre la grandeur de par des journalistes pressés ou malveillants, des
l’expérience démocratique fondée sur le suffrage apologies de certains auteurs qui dénigrent la
universel, de la sécularisation de l’existence civilisation occidentale pour mieux exalter « les
sociale, réduisant la vie religieuse aux croyances promesses de l’Islam » dans un style étranger à
personnelles et à l’initiative privée. toute interrogation scientifique, il est nécessaire 8
Ces divergences culturelles de grande portée de s’engager dans l’étude approfondie de toute
philosophique ne font jamais l’objet de les questions que je viens de mentionner. Mais où
confrontations sérieuses au niveau de tout le mener de telles études ? Sous la direction de
personnel politique et de tous les agents quels maîtres, détestés, rejetés par bien des
économiques qui signent des accords de coopération, intellectuels musulmans ? Ou dans les jeunes
des contrats d’échange, des traités d’amitié. Pour universités arabes ou « islamiques », où les
les raisons indiquées plus haut, elles ne sont pas sciences sociales et humaines restent encore
davantage analysées dans les rencontres culturelles largement ignorées dans les programmes et même
ou religieuses pourtant très nombreuses. Elles dans les chaires officiellement reconnues ? Autres
continuent ainsi de nourrir une perception mutuelle inégalités ; autres obstacles aux efforts
très négative des valeurs ultimes prônées par novateurs, clarificateurs, émancipateurs.
chaque monde. Revue de presse des Glycines
On saisit ici un des drames de notre époque : n°267
l’impératif économique, la guerre économique entre Octobre 1982
NRP, décembre 2010, n°5
Les universitaires algériennes face aux inégalités

[S
d’accès aux postes de responsabilité

OCIÉTÉ]
Djamila FERNANE cement hiérarchique convoité, souhaitent
L’irréversible arrivée en masse de
concrétiser leurs ambitions, ce qui mon-
femmes ayant bénéficié d’une
combiner comme il se doit ses responsabili- tre, à l’évidence, que s’agissant d’avance-
formation supérieure sur le mar-
tés familiales et ses engagements profession- ment dans la carrière, les femmes ne sont
ché du travail aura, à n’en pas
nels, ce qui devrait d’emblée, la dissuader pas moins ambitieuses que les hommes.
douter, des répercussions, aussi
de postuler à un haut poste de responsabi- Si elles se montrent moins ardentes que
bien, sur la vie des entreprises que
lité. Un postulat vite contredit par les réali- les hommes dans la course aux postes de
sur celle plus large, de la société
tés du terrain, à l’exemple de ces femmes responsabilité c’est parce qu’elles sont
algérienne.
entrepreneurs dont les statistiques en notre bien conscientes qu’il existe dans notre
possession nous apprennent que les trois pays une sorte de discrimination institu-
Si l’investissement de l’enseignement supé-
quarts d’entre elles sont mariées, 84% ont un tionnalisée en matière qui privilégie outra-
rieur par un nombre impressionnant de jeu-
ou plusieurs enfants, sans pour autant souf- geusement la gente masculine.
nes femmes a, à l’évidence, normalisé la pré-
frir d’un déchirant choix à faire entre la fa- Le processus de sélection et, dans de nom-
sence de l’élément féminin dans les divers
mille et l’activité professionnelle, la réalité breux cas, de cooptation de femmes di-
rouages de la formation universitaire (ensei-
faisant au contraire apparaître un très sain plômées à des postes de responsabilité
gnement, encadrement pédagogique, enca-
équilibre entre les exigences d’épouse, de n’est, à l’évidence, pas neutre et totale-
drement administratif, etc.), leur relative
mère et d’entrepreneur. ment biaisé par un mode de désignation,
percée professionnelle n’a, paradoxalement,
sexué et fortement dominé par des hom-
pas fait disparaître les inégalités entre hom-
Entraves à la promotion des femmes mes qui, à bien des égards, entravent la
mes et femmes, notamment, lorsqu’il s’agit
voie des promotions féminines. Le cons-
d’accéder aux sommets des hiérarchies.
Pour justifier et expliquer ce phénomène, on tat est, en tout cas, valables s’agissant de
Le constat que la réalité des faits nous a con-
a souvent évoqué l’hypothèse d’un retard nos universités où les femmes ayant le
traints d’établir est on ne peut plus clair :
historique dans l’accès des femmes à l’édu- grade de professeur, de chef de départe-
dans pratiquement toutes nos universités,
cation et aux diplômes et la rareté de celles- ment et autres hautes fonctions, ne sont
force est de constater que plus on s’élève
ci dans les viviers de la formation supérieure. pas légions et ne sont pas prêtes de l’être
dans la hiérarchie et plus les femmes se font
Ce qui était effectivement vrai durant les pre- au regard des préjugés et du mode de no-
rares et largement minoritaires, pour ne pas
mières années de l’indépendance ne l’est, mination totalement inféodé aux hommes.
dire inexistantes, aux plus hauts postes de
évidemment, plus de nos jours. Il convient, en outre, de rappeler que l’en-
responsabilité. Un non sens, mais aussi et
En effet, si à peine, une femme sur trente seignant chercheur est, aujourd’hui encore,
surtout, une véritable injustice très mal vé-
travaillait en 1966, souvent avant le mariage évalué sur la base de critères tels que le
cue par les femmes qui éprouvent d’énor-
ou après le divorce, nous apprennent les sta- nombre de publications, leur rythme et la
mes difficultés à franchir ce véritable « pla-
tistiques de l’époque, les choses ont, à l’évi- notoriété des revues académiques utili-
fond de verre » dressé par des administra-
dence, beaucoup changé aujourd’hui, pour sées, autant de critères qui contribuent à
tions machistes, en dépit du fait qu’elles re-
persister dans cette fausse certitude. Le cons- l’exclusion des femmes qui ne peuvent s’y
présentent, au minimum, 50% de la popula-
tat largement corroboré par les statistiques conformer pour diverses raisons liées à la
tion active.[...]
est que plus 65% des diplômés de la santé, nature de femme, comme par exemple, la
Il est intéressant d’identifier le faisceau d’élé-
60% de l’éducation et environ 40% des effec- maternité et la prise en charge d’enfants
ments qui entre dans la composition de ce
tifs de l’administration publique sont des de bas âge.
«plafond de verre» qui entrave la promotion
femmes. Appliquées dans les entreprises de telles
hiérarchique, pratiquement à tous les niveaux
[...] Le taux de passage des femmes du grade normes – comme par exemple la disponi-
organisationnels. Divers obstacles artificiels
de maître assistant à celui, très convoité, de bilité ou les critères d’âge pour l’accès à
auxquels se mêlent de tenaces préjugés so-
professeur est beaucoup plus faible que ce- des postes de responsabilité - contribuent
cioculturels (prétendue infériorité génétique
lui des hommes, et ce, indépendamment de à entretenir chez les managers des atten-
de la femme, divers stéréotypes, le ma-
la réalité des effectifs concernés fortement tes beaucoup plus favorables aux hom-
chisme, etc.), mais aussi, structurels (organi-
sation du temps de travail défavorable aux dominés par les femmes. On peut, à titre mes qui les conduisent à douter de la com- 9
d’exemple, constater qu’à la faculté des scien- pétence et de l’engagement profession-
femmes, difficultés de transport, manque
ces économiques et de gestion de l’univer- nel des femmes postulants à des postes
d’encouragement etc.) et, il faut le reconnaî-
sité Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, seule de responsabilité. L’environnement socio-
tre, l’adoption par certaines universitaires de
une femme sur les 56 enseignantes de grade professionnel, fait de tenaces préjugés sur
valeurs qui ne favorisent pas l’estime et le
de maître assistant et maître de conférences l’éligibilité des femmes aux postes hiérar-
compter-sur-soi, entravent la percée des
de classe A et B que compte cette faculté a chiques est, tel, qu’il est très difficile pour
femmes auxquelles on a pourtant donné la
pu accéder au grade de professeur.[...] une universitaire algérienne de se frayer
formation requise pour occuper de hauts pos-
Suite à une enquête conduite respectivement un chemin vers les sommets de la hiérar-
tes de responsabilité.
au niveau des secteurs de l’éducation, des chie, ceux-ci semblant être, comme par fa-
Il n’y a pas de discrimination au niveau du
banque et certains services publics, à l’occa- talité, strictement réservés aux hom-
contenu des formations, les hommes et les
sion de la quelle nous avons interrogé une mes.[...]
femmes recevant chacun dans sa spécialité
les mêmes enseignements. Certains évo- vingtaine de femmes cadres, nous avons
quent l’hypothèse, selon laquelle, la femme constaté que 60% de celles qui n’ont pas en- 01 novembre
n’arriverait jamais à organiser son temps et core obtenu un poste hiérarchique ou l’avan- 2010
NRP, décembre 2010, n°5
[E
L’Algérie à la 136e place du Doing Business 2011
Les difficultés des PME/PMI font tache noire

CONOMIE]
En dépit des efforts consentis et d’un discours officiel plutôt optimiste, le climat des affaires ne
cesse de se dégrader en Algérie.

Mohamed NAILI phase de démarrage et d’exploi- des menées ces dernières an-
Après avoir été accablée au sujet tation, leurs échanges commer- nées sont généralement unani-
des contraintes auxquelles sont ciaux transfrontaliers, le paie- mes quant au taux de finance-
confrontés les investissements ment de leurs impôts et taxes et ment des projets de création
étrangers et la prolifération ca- leur fermeture », est-il souligné d’entreprises qui ne dépasse
ractérisée des pratiques liées à la dans le communiqué de la banque pas la moyenne des 50%.
corruption, encore une fois, l’Al- mondiale. Autant de facteurs En outre, les mesures fiscales
gérie vient d’hériter d’une place pour lesquels, d’ailleurs, l’Algérie et réglementaires mises en
pas du tout reluisante dans le clas- accuse un retard non moins im- œuvres ces deux dernières an-
sement des pays en matière des portant en matière de développe- nées par le gouvernement
facilités accordées aux entrepri- ment du secteur de la PME/PMI n’ont fait que compliquer da-
ses locales. Dans le rapport Doing qui ne compte actuellement que vantage la tâche aux entrepri-
Business 2011 de la Société finan- près de 300 000 entités alors que ses économiques. C’est le cas
cière internationale, filiale de la norme mondiale requiert un de l’instauration en 2009 du
la banque mondiale, rendu crédit documentaire
public ce vendredi 5 novem- comme moyen exclusif de
bre, l’Algérie occupe la 136e financement des importa-
place sur un classement tota- tions ou les nouvelles me-
lisant 187 pays à travers le sures fiscales que prône
monde. Le classement tient systématiquement le
compte des paramètres rela- gouvernement. Telles
tifs aux facilités dont jouis- sont donc les contraintes
sent les entreprises locales, auxquelles les pouvoirs
principalement les PME/PMI, publics doivent s’attaquer
que ce soit pour l’accès au à court terme pour espé-
crédit ou au développement rer la relance d’un secteur
de leurs activités. souvent présenté par le
Avec cette position, l’Algérie discours officiel comme al-
est ainsi devancée par les ternative principale à la
pays maghrébins comme la rente pétrolière qui est
Tunisie et le Maroc qui occupent loin de garantir la stabilité de
respectivement les 55ème et seuil de 50 PME par 1000 habi- l’économie à long terme.
114ème places dans ce nouveau tants. Depuis son lancement en 2002,
classement Doing Business Freiner la mortalité des entre- faut-il le noter, «le Doing Busi-
2011.Cette mauvaise posture où prises ness analyse les petites et
caracole l’Algérie dans ce classe- Il y a quelques mois, le Centre na- moyennes entreprises au ni-
ment s’explique évidemment par tional du registre de commerce veau national et mesure la ré-
les difficultés non moins impor- (CNRC) a fait état d’une moyenne glementation s’appliquant à 10
tantes que rencontrent les entre- de 30 000 PME/PMI qui disparais- celles-ci sur tout leur cycle de
prises économiques, notamment sent chaque année. Les relations vie. Doing Business et le modèle
celles du secteur privé, pour l’ac- entre le marché bancaire et le type de coût sont les seuls
cès aux sources de financement monde de l’entreprise n’ont pas outils standard utilisés dans un
ou encore par la persistance des connu non plus le progrès es- large éventail de territoires
pratiques bureaucratiques sous compté depuis des années. Les pour mesurer l’impact des ré-
diverses formes et autres lour- chefs d’entreprises relèvent cons- glementations édictées par les
deurs administratives. tamment l’attitude d’austérité pouvoirs publics sur l’activité
Ce classement étant basé sur « qu’adoptent généralement les des entreprises», explique la
l’analyse des réglementations qui banques, notamment celles du Banque mondiale, initiatrice du
s’appliquent aux entreprises secteur public, vis-à-vis des de- projet.
d’une économie au cours de leur mandes de crédits pour le finan-
cycle de vie, notamment leur cement de la PME/PMI. Les étu- 08 novembre
2010
NRP, décembre 2010, n°5
Les Investissements Directs Etrangers

[E
CONOMIE]
boudent l’Algérie
tervient dans un contexte mondial de pays MED. Selon ce bilan, les mon-
Hamid MOHAN crise, marqué par le recul des IDE à tants des projets annoncés par les
La politique protectionniste, adop- travers le monde en 2009, mais il faut neuf partenaires du sud de la Mé-
tée par l’Algérie depuis 2009, a eu reconnaître tout de même que ces diterranée, plus la Libye et la Tur-
un impact négatif sur le comporte- nouvelles mesures introduites par le quie, sont de 20,4 milliards d’euros
ment des investisseurs étrangers : gouvernement algérien ont eu un jusqu’au 30/10/2010, contre 28,6
en neuf mois, seuls 8 projets ont été impact négatif sur le comportement milliards d’euros en 2009, soit -5%.
détectés et avec une baisse de plus des investisseurs étrangers. Il y a tou- Le nombre d’annonces de projets
de 25% des montants annoncés. jours une inquiétude qui plane», avait repart, par contre, à la hausse avec
Selon le bilan du 3ème trimestre 2010 déclaré le chef de la délégation du FMI 581 projets détectés au cours des
de l’Observatoire des investisse- qui estime que la valeur des projets trois premiers trimestres 2010, con-
ments et partenariats en Méditerra- d’investissements étrangers recen- tre 542 au total en 2009, soit +43%
née (Anima-Mipo), […], le nombre sée en 2009 s’est établie à 258 mil- sur toute l’année. […].
d’annonces d’investissements dans lions de dollars. Sur un autre chapi-
les pays du Maghreb devrait retrou- 11 novembre
tre, Anima-Mipo a relevé une baisse 2010
ver, fin 2010, son niveau de 2008, en valeur des projets d’IDE dans les
mais les flux annoncés sont en chute
libre […].
La baisse des montants annoncés L’Etat devra abandonner son statut
concerne les quatre pays maghré-
bins, mais en nombre de projets d’in- d’actionnaire principal
vestissements, la hausse est forte en
Tunisie (92 annonces en 3 trimestres -Que vont apporter les nouvelles
[Extrait d’un entretien accordé
contre 78 pour l’année 2009), au par Réda Amrani, Consultant en dispositions du code des marchés
moment où elle est sensible au Ma- économie industrielle] publics ?
roc. En revanche, l’Algérie et la Li- […] favoriser les entreprises loca-
-Quelles sont les possibilités qui se pré- les d’études, de réalisation et de
bye enregistrent, selon le rapport, production. Cela est pratiqué par-
sentent pour l’industrie algérienne ac-
une contre performance, avec une tout à travers le monde et permet
tuellement ?
baisse de plus de 25%. Plus encore, Notre industrie reste extravertie car une notamment la création locale de
«l’Algérie est le seul pays MED où la immense partie de ses inputs est im- postes d’emplois, l’émancipation
baisse du nombre de projets d’in- portée et un grand retard s’est accu- technologique et le développement
mulé au niveau des industries de base serein des entreprises locales à ca-
vestissements se double d’une dimi- pitaux publics, privés ou mixtes.
chimie, pétrochimie, engrais, sidérur-
nution du nombre de partenariats, Cette question appelle aussi un
gie, non ferreux, automobile et indus-
en l’occurrence très marquée : seu- trie mécanique pourvoyeuses de biens autre développement car les inves-
lement 8 projets détectés en 9 mois intermédiaires pour les PMI. Il y a là un tissements envisagés par le plan
contre 35 en 2009. réel marché pour le gaz naturel algé- quinquennal 2010-2014 dépasse-
rien en ces périodes de concurrence du ront les 60 milliards de dollars par
Cette baisse a été prévisible du mo- an dont une très large majorité d’in-
gaz non conventionnel, car ces indus-
ment où l’Algérie avait décidé de vestissements publics. Il s’avère
tries sont énergétivores et permettent
renforcer les mesures protection- non seulement de pourvoir aux be- nécessaire de faire un vaste inven-
nistes à l’encontre des IDE, […]. soins locaux mais permettent aussi une taire des potentiels algériens en
études et réalisations par rapport 11
L’exigence d’un partenariat 51-49% exportation réellement maîtrisable et
profitable de l’énergie sous forme de aux besoins en la matière induits par
en faveur de la partie algérienne cet immense programme quin-
produits pétrochimiques, d’engrais,
dans tout projet d’investissement quennal. Ce travail permettra
d’acier, d’aluminium, de verre et même
étranger était souvent mise à l’in- de fibres synthétiques. Les industries d’identifier les écarts en termes de
dex. D’ailleurs, le constat établi ré- manufacturières grandes pourvoyeu- capacités humaines et matérielles,
cemment par la mission du FMI con- ses de main d’œuvre sont elles aussi en de booster les entreprises actuelles
léthargie que ce soit au niveau des sec- du secteur public comme du secteur
firme de manière plus précise les privé et d’évaluer les besoins en for-
teurs publics et privés. Là aussi il existe
répercussions négatives du nou- mation, en investissements organi-
des opportunités réelles de reconquête
veau cadre législatif régissant l’inves- du marché intérieur et même de l’ex- sationnel et matériels ainsi qu’en
tissement sur l’évolution des IDE en portation à travers des partenariats besoins de partenariat technologi-
Algérie. que rendront possibles les investisse- ques et commerciaux bien ciblés.
ments de mise à niveau des industries […]
Selon les experts du FMI, les IDE ont
et des institutions en charge de la lo- 08 novembre
chuté de 60% durant l’année écou-
gistique de transport et de la normali- 2010
lée. «Il est vrai que cette baisse in- sation. […].
NRP,décembre2010, n°5
Le point de vue d’un juriste

[D
A propos de l’article 144 bis 2 du code pénal

ROIT]
Si tu es chrétien, tu n’as qu’à changer de pays !» dira un magistrat à l’un des non- jeûneurs ayant comparu
devant le tribunal d’Aïn El-Hammam (Tizi-Ouzou).
Grave incitation à la haine de la part Lyes SAM laisse le champ ouvert à toute inter-
de celui qui est censé garantir à tous prétation extensive, force est de
et chacun, en vertu des principes de du code civil. constater qu’elle n’est nullement
légalité et d’égalité, la sauvegarde de Ainsi, l’engagement de l’action publi- liée à l’objet de la présente protec-
leurs droits fondamentaux. que dans ce cas de figure et la condam- tion pénale. Bien au contraire, elle
Depuis l’insertion de l’article 144 bis 2 nation, s’il y a lieu, est infondée juridi- se réfère essentiellement à la liste
dans le code pénal algérien, par la loi quement, et constitue une atteinte au énonciative des moyens de
06-23 du 20 décembre 2006, on assiste principe de la légalité des infractions l’outrage ou d’offense indiquée
à une pratique attentatoire aux droits et des peines, universellement admis, également dans les articles 144, 144
humains les plus fondamentaux, à sa- garantie et repris par les article 46, 140, bis, et 147.
voir la liberté de conviction. En effet, et 142 de la Constitution, et réaffirmé D’ailleurs, lors du procès du 21 sep-
plusieurs citoyens ont été surpris par par l’article premier du code pénal sti- tembre dernier, le procureur près le
les forces de l’ordre, puis arrêtés, dé- pulant : «Il n’y a pas infraction, ni de tribunal d’Aïn El-Hammam insista sur
férés devant les tribunaux pour le seul peines ou de mesures de sûreté sans le fait de rompre le jeûne publique-
motif : non-observation du jeûne. loi».Par conséquent, et à défaut d’une ment, en justifiant les poursuites par
Cette pratique illégale et arbitraire loi incriminant expressément et direc- une plainte ou une dénonciation de
soulève deux questions principales. La tement le non-respect du jeûne, on se la part des citoyens contre ces non-
première est relative à la contradiction poserait dès lors la question suivante : jeûneurs. Cet argument est falla-
des poursuites pénales elles-mêmes comment est-on arrivé à une interpré- cieux, et vient, a contrario affirmer
(pas l’article lui-même) avec la liberté tation permettant l’exercice de l’action l’illégalité des accusations, puisque
de culte et de conscience, pourtant ga- publique sur la base de l’article 144 bis 2 ? l’article 144 bis 2/2 dispose que le mi-
rantie par l’article 18 du Pacte interna- nistère public peut engager d’office
tional relatif aux droits civils et politi- II- Une fausse interprétation de l’action publique, en l’absence
ques ratifié par l’Algérie, et reconnu l’article 144 bis 2 même d’une plainte. N’est-ce pas là
par l’article 36 de la Constitution. Toutes les lois doivent être interprétées une manière de se désengager de
Au-delà de toutes considérations d’or- afin d’assure leur application. Cepen- ses responsabilités face à la mobili-
dre religieux, moral, ou politique, la dant, l’interprétation de la loi pénale sation citoyenne ?
seconde est liée à l’interprétation er- revêt une particularité indéniable Une lecture extensive ?
ronée, voire même incompatible aux quant à la méthodologie à suivre. A ce Considérant que le jeûne est l’un des
faits, objet de la poursuite, de l’article titre, le juge pénal doit chercher le sens piliers de l’Islam, le non-respect de
144 bis 2 qui sert de fondement de l’en- exact du texte lacuneux, et se limite à ce précepte est une atteinte à l’Is-
gagement de l’action publique. Cette une lecture «stricte» et «littérale» des lam lui-même. Tel est le raisonne-
deuxième question interpelle tout ju- lois pénales poenalia sunt ment interprétatif suivi par la justice
riste et praticien de droit, et mérite à restringenda, et enfin il ne devrait ja- pour légitimer les poursuites péna-
notre avis d’être analysée d’un point mais interpréter un texte obscur par les contre les non-jeûneurs.
de vue strictement juridique. analogie. Ce pouvoir interprétatif res- De ce fait, au lieu de se contenter
trictif trouve son essence dans le prin- d’une interprétation stricto sensu du
I- L’absence d’un fondement légal cipe de la séparation des pouvoirs ; le contenu de l’article 144 bis 2, nos ju-
de la poursuite pénale législateur est le seul créateur des lois, ges-législateurs se sont accaparés le
Le premier alinéa de l’article 144 bis 2 le juge se chargera de leur application. pouvoir de producteurs des lois pé-
dispose que : «Est puni d’un emprison- A moins que le juge pénal ne s’adonne nales, jusqu’alors domaine réservé
nement de trois ans à cinq ans et d’une à une lecture théologique des textes. exclusivement au législateur en
amende de 50 000 DA à 100 000 DA, Une lecture théologique de l’article 144 bis 2 vertu de l’article 122/7 de la Consti-
ou de l’une de ces deux peines seule- Cette méthode d’interprétation con- tution.
ment, quiconque offense le Prophète siste à interpréter la règle pénale en Ainsi donc, le raisonnement jurispru-
(Paix et salut soient sur lui) et les en- fonction de la volonté du législateur dentiel consacré dans cette affaire
voyés de Dieu ou dénigre le dogme ou ratio legis. En d’autres termes, le juge conduirait à la condamnation éga-
les préceptes de l’Islam, que ce soit doit rechercher les raisons et la fina- lement de tout citoyen non prati-
par voie d’écrit, de dessin, de déclara- lité poursuivie par l’auteur de la règle quant de la prière, et ceux qui ne se
tion ou tout autre moyen». A la lecture pénale. Pour ce faire, le juge pénal con- sont pas acquittés de la «Zakat», ou 12
de ce texte, nous constatons aisément sulte le plus souvent les travaux prépa- tout autres préceptes !
qu’il ne contient aucune mention ex- ratoires. Pour ce qui est de l’article ob- Pour conclure, toutes les voies d’in-
presse au fait de ne pas jeûner. jet de notre étude, il nous semble que terprétation suivies mèneront au
Suivant le principe de la légalité pé- le législateur n’avait pas l’intention même résultat : illégalité et non-con-
nale, un principe clé du droit pénal d’incriminer le fait de rompre le jeûne, formité des actes objet de la pour-
contemporain, nul ne peut être pour- sinon qu’est-ce qui l’aurait empêché de suite avec l’article 144 bis 2. Une lec-
suivi et condamné pour des faits qui, le faire en usant d’un texte clair ? ture stricte du texte vaudrait absence
au moment où ils ont été commis, ne L’objectif du législateur à travers cette de fondement légal de la poursuite.
constituaient pas un acte délictueux disposition est de protéger les envoyés Une lecture extensive de l’article en
d’après le droit national ou interna- de Dieu, et les préceptes de l’Islam con- question conduirait à remettre en
tional Nullum crimen, nulla poena sine tre tout outrage public, comme l’indi- cause un autre principe d’une valeur
lege. En vertu de ce principe, la loi que le Titre même de section I du cha- constitutionnelle supérieure : la li-
(écrite bien entendu) est la source for- pitre V et ce, que ce soit par voie d’écrit, berté de conscience et de religion.
melle unique de droit pénal qui exclut de dessin, de déclaration, ou tout
définitivement de son champ les autres moyens, lorsqu’ils sont de na- 10 novembre
autres sources du droit, telles qu’elles ture offensifs et outrageux. L’expres-
sont énumérées par l’article premier sion «ou tout autre moyen», quoi qu’elle 2010
NRP, décembre 2010, n°5
[DROIT]
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La Nouvelle Revue de Presse est sponsorisée par : 13

La Maison de la Culture Scientifique


22, rue Mahfoud Kettou, coopérative El Mebnia,
Bir Khadem

Nous les remercions vivement

NRP, decembre 2010, n°5


[C
Peut-on parler de journalisme «professionnel» en Algérie ?

ULTURE
Le journaliste américain George Atwell Krimsky qui avait effectué, il y a quelques années, une visite en
Algérie, s'est déclaré extrêmement surpris des « changements positifs » opérés dans la presse
algérienne.
Cet ancien correspondant de A.P (Associated chapelles que se lancent les pro et anti
Ahmed CHENIKI SNJ (Syndicat National des journalistes)
Press, l'une des principales agences de presse

ET MÉDIAS]
au niveau mondial) ne tarit pas d'éloges sur le lieu de l'humilité. M.Krimsky qui a une ou les pro et anti conseil de l'éthique.
la liberté de ton des organes de presse qui longue expérience dans l'écriture journalis- L'écriture journalistique a horreur des drô-
commenceraient à s'imposer sur la scène mé- tique, contrairement aux journalistes fran- leries partisanes caractérisant certaines in-
diatique. Il a, dans un entretien accordé à El çais souvent prisonniers du commentaire, terventions et de la gymnastique et des
Watan, insisté sur des éléments essentiels de la profusion des adjectifs et du compa- contorsions lexicales marquant des écrits,
dans la pratique journalistique : responsabi- gnonnage des hommes politiques et du pleins de mots difficiles et manquant tra-
lité, service public, vérité, éthique journalis- monde de l'argent, va droit au but en usant, giquement de rigueur et de concision. Sou-
tique et techniques rédactionnelles. certes, d'expressions euphémiques, et en vent, la transition d'un fait à un autre pose
Il est des termes qui se conjuguent tellement ciblant les vrais problèmes de la presse en sérieusement problème, trahissant une
à des réalités abstraites qu'ils perdent ainsi Algérie qui sont résumés dans ces mots-clé grave méconnaissance des techniques
leur sens. La notion de liberté reste marquée qui marquent la réflexion de cet homme : d'écriture. La confusion entre les différents
par des équivoques et des glissements sé- manque de responsabilité, mauvaise ges- genres (reportage, commentaire, éditorial,
mantiques et lexicaux très sérieux. Souvent, tion de l'information, absence d'investiga- enquête?) est courante. M. Krimsky qui est
on entend des journalistes protester contre tion et non maîtrise des techniques rédac- l'un des trois fondateurs de The Interna-
l'absence de sources alors que c'est lui-même tionnelles et de l'outil linguistique. M. tional Center for Journalists (ICFJ) avait
qui doit chercher l'information en utilisant Krimsky n'est pas Christine Ockrent, direc- apporté, lors de son passage à Alger avec
tous les moyens possibles pour atteindre son trice générale déléguée de France 24, trop l'organisation non-gouvernementale
but. La quête de l'information implique une piégée par ses amitiés politiques et ses fré- Freedom House, son expérience comme
formation conséquente car celle-ci doit-être quentations de certains milieux économico- gage aux journalistes algériens qui décou-
vérifiée et revérifiée avant d'être digne d'être financiers, qui a vu El Watan lui accorder vraient, du moins certains d'entre eux, la
publiée. L'usage des mots n'est pas aussi sim- deux articles, d'ailleurs redondants, allant spécificité de l'écriture journalistique
ple et facile que certains ont tendance à le dans le sens de la promotion de son pro- anglo-saxonne qui se distingue du style
penser. L'omission d'une virgule dans une duit. trop bavard de nos voisins français. Il a
dépêche a été à l'origine de la plus longue La jeunesse des équipes rédactionnelles insisté sur l'importance de l'investigation
guerre européenne de l'Histoire. Ainsi, liberté souvent non formées ni soutenues par les et du reportage qui sont les éléments es-
rime avec responsabilité. Responsabilité anciens dont un nombre important manque sentiels de l'écriture journalistique.
devant les faits à publier et devant le lecteur. tragiquement d'expérience, l'absence de re- Comme il n'a pas raté de soulever la ques-
Aujourd'hui, dans notre presse encore mar- cul devant l'information et de politiques édi- tion du service public souvent confondue
quée par un flagrant manque de profession- toriales cohérentes donnent l'impression au chez nous avec le secteur public. Tout jour-
nalisme, l'insulte et l'invective s'érigent en lecteur qu'il est en présence de tribunes par- nal, privé ou public, est, en principe, con-
véritables règles de conduite. Le lynchage tisanes et politiques. Le tract se substitue à cerné par cette obligation de service pu-
de personnes ou de structures, sans aucun l'article journalistique. Les adjectifs qualifi- blic qui ne semble pas jusqu'à présent
travail d'investigation préalable, n'obéit à catifs et possessifs, le passé simple, le pré- marquer les consciences. Les journaux
aucune règle professionnelle d'autant plus sent de narration, l'impératif et les formu- devraient prendre en charge leurs journa-
que la vérification et la critique des sources les prescriptibles, lieux exceptionnels dans listes, notamment dans la maîtrise de l'outil
n'ont pas lieu. Dans certains journaux anglo- l'écriture journalistique, se muent en espa- informatique. 14
saxons, on exige du journaliste une grande ces communs. Le conditionnel est souvent Ecrire des articles ne se limite pas à un
distance avec les faits et un éloignement per- malmené alors qu'il se transforme souvent alignement simple de mots et de phrases,
manent des espaces de décisions politiques dans certaines situations de communication, mais obéit à plusieurs logiques qui s'inter-
et économiques, ce qui l'empêcherait de fré- en indicatif. Quand on écrit : « X serait un pénètrent, se complètent et donnent vie à
quenter les hommes politiques, les généraux escroc » ; au niveau de la réception, la for- un texte où les failles et les «trous» sont
et les décideurs. Toute proximité avec ces mule devient tout simplement : « X est un obstrués par une vérification répétée de
univers rendrait son projet sujet à caution, escroc ». l'information. Les journaux sont-ils dispo-
discutable et trop peu crédible. N'est-il pas Le journalisme n'est pas le lieu où se mani- sés à se lancer dans ce type d'écriture, c'est
utile d'appliquer la même logique dans nos festent les états d'âme et les formules sen- à dire dans le journalisme ? Il est néces-
écrits journalistiques, évitant ainsi de faire le tencieuses qui réduisent souvent un propos saire de payer le prix.
jeu volontaire ou involontaire des tribus po- fondamental à quelque tournure phrastique,
litiques ? Le journalisme est l'espace privilé- hautement marquée subjectivement. Le lec- 28 octobre
gié du manque et de la frustration. C'est aussi teur n'a, nous semble t-il, cure des luttes de 2010
NRP, décembre 2010, n°5
Le patrimoine culturel en péril

[M
[Des sites archéologiques pillés en Algérie]

ÉMOIRE]
Des fouilles clandestines sont pratiquées [...] sur des sites [...] non protégés. Des pièces archéologiques
[...] atterrissent chez des [...] réseaux de pillage organisés [...] Soixante dix-huit pièces archéologiques
ont été récupérées, dans la wilaya de Guelma par les éléments de la gendarmerie nationale, qui
avaient tendu une souricière à une bande de trafiquants. Cet énième coup porté aux pilleurs, organisés
[...] en réseaux ayant des ramifications à l’extérieur du pays, ne révèle qu’une infime portion du gros
trafic qui est en train de dépecer le patrimoine antique du pays. Les wilayas de l’Est, [...] sont les
premières ciblées. [...]La proximité avec la frontière tunisienne ouvre des brèches dont l’existence est
[...] signalée [...].

GROS TRAFIC A TEBESSA rations avortés de fouilles suspec-


Dossier EL WATAN tes au niveau des sites archéologi-

L
a région de Tébessa renferme ques. C’est le cas de la mise en
plus d’une centaine de sites ar de la lutte contre le trafic des biens échec, début 2007 à Tébessa,
chéologiques. C’est un véritable culturels ; l’objet en question, en d’une opération d’exportation
musée à ciel ouvert, qui demeure bronze, représente la tête du christ frauduleuse d’objets composés
sans surveillance [...]. Un archéolo- et est estimé à 5 millions de dinars. d’une colonne portant des inscrip-
gue qui connaît bien la région, nous Par ailleurs, [...] un réseau de trafic tions romaines, des jarres, des pier-
déclare à ce propos : « Des milliers de pièces archéologiques a été dé- res gravées d’inscriptions byzanti-
de pièces léguées par les civilisations mantelé par la brigade de la recher- nes et d’autres datant de l’ère pré-
romaine, byzantine, arabe ou autres che de la gendarmerie dans la com- historique. Sur les sites de Gastel,
sont chaque année livrées à un pillage mune de Ouenza. Neuf personnes d’Elma Labiod, de Tébessa et de
en règle, et un véritable commerce spécialisées dans ce trafic ont été Besseriani, à l’extrême sud de la
juteux des trafiquants qui opèrent wilaya, des pièces de monnaie, des
une véritable saignée de ces biens poteries, des sarcophages, des
culturels. Le trafic, qui ne date pas pans de mosaïque…ont été dé-
d’hier, est encouragé par des collec- tournés par des inconnus [...]. La
tionneurs européens. Ce sont des statue de l’Etoile filante (une
commanditaires qui incitent, par le femme nue) a disparue il y a 15 ans
biais de tunisiens, certains habitants de cela et a été cédée à un prix
des frontières à effectuer des fouilles dérisoire à un italien, qui l’attendait
clandestines, surtout dans les sites sur le sol tunisien [...]. On citera le
non surveillés se trouvant dans des cas de la statue de Jeanne d’Arc,
zones éparses. » Peu à peu, ce trafic debout, portant une lance à la
s’est organisé, allant jusqu'à utiliser main, qui avait également disparu.
des cartographies. Avec la complicité Lakehal Samir
de tunisiens et d’européens, des al-
gériens se présentent, cartes en SITES VANDALISES À SOUK
main, se faisant passer pour des ar- AHRAS
chéologues, afin de subtiliser en

D
toute tranquillité des objets précieux arrêtées à Oued El Gassab [...], wilaya es chasseurs de trésor, en
tels que des têtes en marbre, des de Souk Ahras. [...] Cinq pièces de quête de pièces d’or, sacca
poteries et autres, au niveau des dif- valeur, en l’occurrence des statuet- gent des mausolées et audi-
férents sites de la ville de Tébessa. tes en bronze, un chandelier juif et toriums qui remontent à l’anti-
Ces réseaux recourent également à d’autres pièces remontant à l’épo- quité. Des jarres, des statues et des
la contrefaçon. Un membre de l’as- que romaine, ont été récupérées. ustensiles, restés miraculeuse-
[...] Peu de temps, avant, de nom- ment intacts depuis l’ère numide 15
sociation Minerve pour la sauvegarde
du patrimoine archéologique expli- breuses pièces romaines avaient été ou romaine, sont brisés à coup de
que à ce propos : « Cette méthode subtilisées d’un site archéologique pioche. Djalel Khecheb, un univer-
consiste à photographier une pièce dans la commune d’El Houidjbet et sitaire, [...] a insisté sur le travail [...]
archéologique en 3D pour en faire les auteurs présumés de ce vol sont, d’atténuer [...] les atteintes à cette
une copie ; celle-ci remplacera la affirme-t-on, de nationalité tuni- richesse nationale. Il [...] préconise
pièce authentique dans les musées. sienne. Une enquête sera enclen- des sorties sur site. [...] Le club de
» [...] Depuis qu’une brigade spécia- chée par les services de la gendar- réflexion et d’initiative (CRI) a sou-
lisée dans la préservation des biens merie nationale et, un an plus tard, levé un autre écueil [...] : « Des sta-
culturels a été mise en place dans les plus de 53 pièces de monnaie et une tues, des pièces de monnaie et des
trois institutions : la gendarmerie, les statuette datant de l’époque ro- ustensiles ont été transférés au
douanes et la police, l’étau tend à se maine seront récupérées par les ser- musée de Guelma [...] Certains en
resserrer sur les trafiquants. Ainsi, vices de police à Tébessa, alors qu’el- ont fait des objets ornementaux
une pièce archéologique datant de les étaient sur le point d’être ache- de batisses privées [...], a expliqué
l’époque romaine a été récupérée minées vers la tunisie. Cela sans, sans Ammar Djabourabi, un membre du
en septembre dernier par la brigade compter le nombre important d’opé- CRI. Djafri. A
NRP, décembre 2010, n°5
LES TRESORS PERDUS DE SKIKDA Thagaste, Thagura, Gastel, Ad

[M
DES STATUES DE MAITRE SACCA-
Mercurum, Theveste, Madaure,
GEES
Tubursisu Numidarum…

S
kikda a subi une véritable raz Un véritable crime contre le beau se
zia. Cette hémorragie a été en Les réseaux démantelés se trou-

ÉMOIRE]
commt au grand jour, Un crime dont
tamée par le colonisateur le 7 vent souvent à proximité de la fron-
sont coupables les élus locaux, l’ad-
octobre 1838 quand des pans [...] de tière avec la Tunisie. Sommes nous
ministration et la société civile. La sta-
l’antique Russicade furent engloutis face à des flières internationales
tue la plus préstigieuse est celle du
pour servir de soubassement à des spécialisées dans le trafic ?
sculpteur Emile-André Boisseau. In-
constructions. La caserne de France, Oui, la plupart de pièces volées
titulée « Le philosophe grec Diogène
l’hôpital et le lycée Nahda, ont été prennent le chemin de la Tunisie.
brisant son écuelle à la vue d’un en-
érigés sur les ruines romaines. Le D’ailleurs un journal français avait
fant qui boit dans sa main ». L’œuvre
massacre…continuera après fait état d’un gros trafic de pièces
réalisée à la fin du XIXe siècle pour
l’indépendance…Le ton est donné tenu par une bande…Les pilleurs
être exhibée à Paris lors de l’exposi-
au cours de la nuit du 25 décembre prennent des commandes, en-
tion universelle de 1900. Elle séjour-
1996, quand …neuf têtes en marbre suite ils saccagent les sites…
nera au Panthéon, avant de se retrou-
…sont dérobées du dépôt du musée Quelles sont les pièces archéolo-
ver à Skikda lors des célébrations du
au centre culturel Ahcène Chebli. centenaire de la colonisation. La sta- giques les plus ciblées des trafi-
Deux ont été retrouvées par quants et pourquoi ?
tue est délaissée aujourd’hui comme
Onterpol, l’une en Allemagne et Tout ce qui est antique peut rap-
un vulgaire amas de pierre à la rue
l’autre à New York. Les sept autres porter beaucoup d’argent. En
Zighoud Youcef.
demeurent introuvables. En 1962, le 1995, on avait volé 9 têtes appar-
La représentation en marbre du phi-
musée de Skikda comptait plus de tenant à la famille des Sévère du
losophe a déjà perdu son nez, ses
1200 pièces archéologiques réperto- musée de Guelma. A ce jour, elles
deux bras et ses orteils [...] La sculp-
riées. Aujourd’hui, il n’en reste que n’ont pas été récupérées.
ture de Taluet, représentant le
400. En 1967, l’archéologue Khadra Le constat nous renvoie aux mé-
Gaulois…commandée par l’ancienne
avait inventorié un authentique tré- canismes de protection de ce pa-
sor qui ornait un des bureaux du trimoine national. Quelles se-
théâtre communal. Ce trésor comp- raient, selon vous, les mesures
tait des bijoux, mais surtout une rare adéquates à prendre pour parer à
collection appelée « Les verres de ce Fléau ?
Russicade »[...]. L’archéologue Si les musées bénéficient de
s’était étonnée qu’une telle richesse moyens de surveillance plus
soit laissée dans la bâtisse du ou moins efficaces, il n’en est
théâtre,…qui n’était gardée que par pas de même pour les sites ar-
un vieux gardien. Moins de quatre chéologiques situés en dehors
années après, plus aucune trace de des grands centres
ce trésor. La dilapidation s’est éten- urbains…Seuls les responsa-
due à des sites entiers. L’exemple bles archéologiques peuvent
que les skikdis gardent en mémoire quadriller le pays
douloureusement, en mémoire, efficacement…On ne peut
reste …la destruction des « maga- surveiller à partir d’un
sins de l’anone », à Stora, en 1989, ministère…Le travail de ter-
quand des bulldozers ont détruit un rain est essentiel et vital pour
mairie et inaugurée le 7 juin
authentique site archéologique pour enrayer un trafic qui prend de
1879…n’a pas échapé au lynchage
y ériger des constructions. A l’importance…Bien sûr la sen-
puisque Brennus ne repose désor-
Guerbès, sur la côte, selon un cadre sibilisation auprès des services
mais que sur un seul pied, l’autre
de la direction de la culture, les élus de sécurité est une donnée qu’il
ayant été amputé. Une autre œuvre
locaux ont utilisé au cours des années ne faut pas négliger, en plus de
du sculpteur Eugène Thyvier, intitu-
1990 l’espace occupé par une remar- celle des populations qui vivent
lée « le rêve » ne garde que son
quable mosaïque romaine pour y éri- prés des sites. Les différentes
buste.
ger une hideuse baraque. Cette der- lois par l’Unesco depuis 1970,
Ouahab Khider
nière devait servir de poste de se- concernant les mesures à pren-
dre pour interdir l’importation,
16
cours lors des saisons estivales. La ABDERRAHMANE KHELIFA
même source évoque le sort réservé l’exportation de propriété illici-
« La plupart des pièces volées
aux restes archéologiques de la tes de biens culturels avec la
prennent le chemin de la Tunisie »
grande cité Celtianus à Béni Oulbène, nouvelle convention Unidroit
(1995), ainsi que la collabora-

O
dans le sud…Plus récemment, la n assiste ces derniers temps
même source évoque ave amertume tion d’Interpol, n’ont pas réussi
au démantèlement de ré
la destruction en 2007 d’un important à atténuer ce trafic de biens
seaux de trafiquants du patri-
site à El Henchir …« d’après les écrits culturels qui ampute notre
moine archéologique. Quelle est
en notre possession, il s’agirait d’une pays de sa culture matérielle.
l’ampleur de ce phénomène ? Peut-
tombe qui remonterait à l’ère Propos recueillis par Hacen Ouali
on quantifier les pertes ?
romaine…elle contenait d’im- Ce n’est que la partie visible de
portant objets qui ont été en- l’iceberg…La majorité de ces sites ne
gloutis avec la tombe lors des sont pas gardés…Nous avons des si- 03 novembre
travaux de réalisation du pro- tes tout au long de la frontière
jet de périmètre d’irrigation de algéro-tunisienne. Je peux citer 2010
Zit Mba ».
NRP, décembre 2010, n°5
[B IBLIOGRAPHIE] [F ILMOGRAPHIE]

Alger, quand la ville dort Algériens du monde, 5 parcours,


Barzakh, Décembre 2010, 208 pages
UNE dynamique.
Recueil de nouvelles et de
Réalisé par : Ilyes HALFAOUI
photographies, signé
collectivement par : Kaouther Durée : 50 minutes
Adimi, Chawki Amari, Habib
Ayyoub, Hajar Bali, Kamel Daoud, Ils sont cinq personnalités algé-
Ali Malek et Sid-Ahmed Semiane riennes, au parcours tout aussi
et de photographies signées Nasser riche les uns que les autres. A
Medjkane et Sid-Ahmed Semiane. priori, leurs destins sont diffé-
Composé de sept histoires rents, néanmoins quelque
illustrées, ce recueil est inspiré chose les lie ; Ils travaillent dans
d’une atmosphère et d’un climat les nouvelles technologies, la fi-
lugubre, tournant autour d’Alger et de ses facettes
nance, l'environnement, la gas-
cachées. «Nous avons imaginé une sorte de synopsis
portant un clin d’œil au film, dit à propos de ce livre tronomie et la littérature...et ils
Salma Hellal (co-directrice des éditions Barzakh), Quand sont Algériens du monde.
la ville dort de John Huston. Alors, nous avons demandé Ilyes HALFAOUI, natif d’Oran et diplômé d’une
à chaque auteur de faire une nouvelle prestigieuse école d’informatique à Paris, a été con-
fronté, très jeune, aux obstacles que rencontrent la

 
 :
  plupart des étudiants étrangers en France, où réussir
relève de l’exploit et où les échecs sont nombreux.
2010 8 *Rn 8YL?i +> Avec ce film, il va à la rencontre de ses ainés pour
     
..  
   connaitre les clés de leur réussite.
 ! " # $ %& .     lefilm.algeriensdumonde.com
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2;P 8 6 2 -. Q# L 7 R  !> .O Banis au pays des merveilles
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.+ U  V WXL 9FJ -  N >%5. Genre : Alternative / Hip Hop / Rap
Y  NE -
. Z B  7%
[. ! \] +  A N= '^ _  Date de sortie : 2010
(%& 8)*+ +, -. ##7 (-a ] b W; -6D 3 c#Fd 2

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N ; C  & _
 e+    +%.  ^ 
3F  8  !F.8 BOURBIA ANIS
W2. 
2 F7 8f^  g^  =  
c  h+%7 84; e+  
 i Alias Machin Gun
6.j k    #N2 3  8\  ]   #N2 3 / l H< Alias BANIS est un
2 m#$ 3 b>  .  # 3  7 8/%D membre du groupe
  de rap algérien
T.O.X composé de
FADA VEX et Dj
Moyen-Orient, n°7 17
REDHA JAY. Cet an-
Algérie, une transistion sans fins cien adhérant du
CDES d’Oran a fait
Editée par Arion groupe, la revue ces premiers pas
Moyen-Orient aborde les questions dans le rap dans les années 90. Nourrie au rap «
de géopolitique, de géoéconomie, midllle school », BANIS a à son actif plusieurs
de géostratégie du monde arabo- albums, compilations, collaborations et mix-ta-
musulman. Le numéro 7 d’août-sep- pes avec T.O.X. Une plume et une technique très
tembre 2010 a consacré tout un dos- distinguées il a su s'imposer dans le paysage du
sier à l’Algérie : « une transition sans rap algérien d'une manière concrète. Exploitant
fins » : « Presque 10 ans après la fin de plusieurs horizons musicaux : Trip Hop, Jazz, Soul,
la décennie noire marquée par les vio- Gnawi, Blues, Gasba, Rock, Breakbeat et Hip Hop
lences islamistes, nous avons voulu savoir où en était po- cet album s'annonce très différent de ce qui a était fait
litiquement et économiquement le pays. » dans le domaine du rap en algérie.

NRP, décembre 2010, n°5

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