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La ville et la démocratie

Author(s): Catherine Colliot-Thélène


Source: Revue européenne des sciences sociales , 1995, T. 33, No. 101, Max Weber
Politique et histoire (1995), pp. 23-38
Published by: Librairie Droz

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40370097

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Revue européenne des sciences sociales, Tome XXXIII, 1995, N° 101, pp. 23-38

Catherine COLLIOT-THÉLÈNE

LA VILLE
ET LA DÉMOCRATIE

1. Dans un compte-rendu de la seconde édition d'Economie et Société,


publiée en 1925, Otto Hintze remarquait que l'entreprise étatique, bureau-
cratique, était aux yeux de Max Weber l'élément essentiel de toute théorie
politique, tandis que l'analyse des formes d'Etat, c'est-à-dire des modes de
constitution et d'organisation des gouvernements, était pour lui un aspect
secondaire, figurant à ses yeux simplement la façade extérieure de l'édifice
politique. Dans la foulée, il constatait que Max Weber «ne s'est pas livré à
proprement parler à une tentative de construction sociologique de la démo-
cratie moderne», et expliquait cette lacune par la prédominance, dans ses
analyses, du pôle autoritaire du groupement politique, au détriment du pôle
coopératif, souligné au contraire par Gierke et son école1. Nous laisserons
de côté la question du rapport de Max Weber à Gierke. Ce que nous nous
proposons de discuter ici est la thèse selon laquelle on ne trouverait pas dans
l'œuvre wébérienne de «construction sociologique de la démocratie
moderne». Au chapitre du rapport de Weber à la démocratie l'on évoque
d'ordinaire quelques textes clés des essais politiques (en particulier «Parla-
ment und Regierung im neugeordneten Deutschland», publié en mai 1918,
ou la conférence de 1918 sur «Le socialisme»). Le ton général de ces textes
est empreint de pessimisme: à les entendre, la revendication démocratique
n'aurait d'autre perspective à l'époque contemporaine que de limiter, de
façon provisoire et fragile, le pouvoir bureaucratique2. Notre propos n'est
pas ici de rappeler et commenter ces textes bien connus : ils nous disent bien
quelque chose du sens, équivoque et restrictif, du terme démocratie aujour-
d'hui, mais ce type de réflexion ne répond pas à la question posée par Otto
Hintze. Il est probable que par «démocratie moderne», Otto Hintze visait
en général les institutions qui sont propres aux pays que nous nommons
aujourd'hui encore «démocraties occidentales». Weber a-t-il négligé de

1 Otto Hintze, Féodalité, Capitalisme et Etat moderne, Editions de la Maison des scien-
ces de l'homme, Paris, 1991, p. 47.
2 Cf. PS, p. 333: «Quelle garantie peut-on fournir que, face à Pinéluctabilité croissante
et à la puissance grandissante du fonctionnariat étatique [...] des puissances existent qui tien-
nent dans des limites et contrôlent efficacement la puissance démesurée de cette couche dont
l'importance va toujours croissant? Comment la démocratie sera-t-elle simplement possible,
même en ce sens limité?» - Les titres complets et les références des œuvres de Weber utilisées
sont indiqués dans la bibliographie à la fin de l'article.

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de réfléchir sur les caractè


tions de leur formation?
rencontre de cette propo
domination dans toutes le
pas que Ton ignore la div
ses modes d'exercice, et les
ces modes. Mais si les lecte
lui réponse à leurs interrog
politiques modernes, c'est
persées en divers lieux de
à établir entre des considér
rencontrait l'Allemagne d
tions et les analyses avan
ampleur qui sous-tend Econ
rer trois lieux nettement
démocratie.
Le plus connu de ces lieux est celui auquel nous venons de faire référence:
les textes politiques, articles et conférences, suscités par l'actualité immé-
diate. Ils relèvent d'une analyse historique rapprochée des conditions de la
politique allemande dans les vingt premières années du siècle, ce qui n'est pas
l'objet de cet article. Il existe au demeurant sur ce thème des travaux très
fouillés3, et nous laissons aux spécialistes de l'histoire allemande le soin d'en
discuter éventuellement les conclusions.
Le second lieu, lui aussi souvent visité par les commentateurs, se trouve
dans Wirtschaft und Gesellschaft, plus précisément dans le chapitre 3 de la
«Théorie des catégories sociologiques» (§ 19), et dans la seconde partie de
la même œuvre, chapitre 9, §2. Max Weber y expose les conditions et les
moyens de ce qu'il nomme administration sans domination, ou «administra-
tion étrangère à la domination», en d'autres termes la démocratie directe. Je
rappelle ici brièvement ce que j'ai montré ailleurs4. Dans la mesure où Weber
ne conçoit pas la possibilité d'une administration qui soit exempte de toute
domination, la démocratie directe ne peut être, au mieux, qu'une «minimisa-
tion de la domination». Ses conditions sont en vérité si restrictives (faible
extension géographique et démographique des groupements concernés, dif-
férenciation sociale peu avancée, tâches administratives simples et immua-
bles)5 qu'aucun cas historique connu ne l'illustre de manière pleinement
satisfaisante. Elle paraît n'avoir dans l'économie de la conceptualisation
wébérienne que la fonction d'un cas-limite heuristique permettant de penser
les types les plus abstraits de la domination : domination de notables exerçant
gratuitement, pour l'honneur, la gestion des affaires publiques, ou bureau-

3 En tout premier lieu l'ouvrage de Wolfgang Mommsen, Max Weber et la politique alle-
mande, 1890-1920, PUF, 1985.
4 Catherine Colhot-Thélène, Le désenchantement de l'Etat, Ed. de Minuit, 1992, pp.
195-199.

5 Cf. W&G, pp. 169-170; E&S, pp. 296-297 et W&G, p. 546.

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LA VILLE ET LA DÉMOCRATIE 25

cratie de fonctionnaires formés et


Socialisme» résumera de manière dr
limité: ou bien être administrée à bon
tent ces fonctions à titre honorifique
tionnaires professionnels salariés»
En avons-nous terminé avec la théorie wébérienne de la démocratie? Et
peut-on considérer que l'usage heuristique de la notion de démocratie directe
d'un côté, l'appréciation extrêmement pessimiste des possibilités encore
ouvertes à la revendication démocratique (entendue en un sens extrêmement
limitée) de l'autre, constituent une théorie sociologique de la démocratie? Si
la contribution de Weber à la réflexion sur la démocratie se réduisait à cela,
il faudrait, je crois, concéder à Hintze qu'il n'y a pas «à proprement parler»
dans l'œuvre wébérienne de tentative de «construction sociologique de la
démocratie moderne». En nous arrêtant à cette conclusion, nous omettrions
cependant un versant de l'œuvre wébérienne auquel, il est vrai, les lecteurs
français ont jusqu'à présent accordé peu d'attention: ses analyses concer-
nant la ville occidentale. Ces analyses sont amplement développées, comme
l'on sait, dans le chapitre de Wirtschaft und Gesellschaft intitulé «La domi-
nation non-légitime: typologie des villes». Leur thème était déjà anticipé
dans Agrarverhältnisse im Altertum6 et repris en différents passages de la
Sociologie des religions1 ainsi que dans le chapitre du cours sur Y Histoire éco-
nomique consacré à la bourgeoisie8. Avant d'esquisser une analyse de ces tex-
tes dans la perspective d'une «théorie sociologique de la démocratie», deux
remarques préalables sont nécessaires.
La première est d'ordre principiei. Quel concept de la démocratie
présuppose-t-on lorsqu'on se met en quête chez un auteur, quel qu'il soit,
d'une théorie de la démocratie? Le constat de l'équivocité du terme n'est pas
chose nouvelle. A moins que l'auteur en question n'ait lui-même proposé une
définition normative de la démocratie, le commentateur n'a d'autre solution,
semble-t-il, que de décider lui-même de cette définition. Seul le contenu de
la démocratie directe, peut-être, est à l'abri de toute contestation. Lorsque
nous parlons de la démocratie occidentale moderne, nous visons pourtant
à l'évidence tout autre chose. Que visons-nous précisément? Quelles sont les
formes institutionnelles que nous identifions comme caractéristiques de la
démocratie occidentale moderne? Si nous entreprenions de démêler les diffé-
rentes conceptions de la démocratie qui se chevauchent dans les discours
analytiques ou normatifs contemporains, nous aurions tôt fait de nous ral-
lier à la conclusion désenchantée de Weber: la démocratie peut signifier des
choses extrêmement différentes (GASS, p.494). Dans les conditions qui sont
celles des sociétés modernes, notamment, le terme semble avoir perdu toute
détermination univoque: «Les conditions de l'administration de formations

6 Agrarverhältnisse im Altertum (1909), in GASW, pp. 1-288.


7 Nous désignons par ce titre rapide l'ensemble des essais publiés dans les trois volumes
des Gesammelte Aufsätze zur Religionssoziologie.
8 HE, pp. 334-356.

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de masse sont radicalement


sant sur le voisinage ou sur
cratie», notamment, quan
point sa signification soc
chose de commun sous ce
qui chez Weber tient lieu d
et de ses traits caractéristiq
en préjugeant de la forme
on faire reproche à Webe
qu'un intérêt marginal,
rationnel en tant que prin
yeux ce genre de construc
la gestation des institutio
conceptions normatives,
exercent une influence p
L'axiomatique jusnaturalis
guidé un temps durant le
droit effectué par les juris
une telle abstraction ratio
ment quotidien des couch
nécessairement, ont présid
si ces institutions ont trouvé dans les doctrines du droit naturel un mode de
justification privilégié.
Acceptons donc de suspendre un moment nos pré-conceptions de la
nature et des sources de la démocratie occidentale. Quelle idée bizarre, dira-t-
on pourtant, que d'aller chercher la théorie wébérienne de la démocratie
dans sa sociologie de la ville. Nous touchons ici à un contresens bien établi
sur l'objet et les enjeux du chapitre de Wirtschaft und Gesellschaft consacré
à la ville. Contresens ancien dont on trouve trace chez des historiens et des
sociologues allemands et américains, et qui fut conforté en France par la
manière dont la traduction française de ce texte fut présenté au public: dans
une collection intitulée «Champ urbain», avec une préface de Julien Freund
qui suggérait que le texte était inachevé et que Weber, s'il avait vécu plus long-
temps, l'aurait vraisemblablement complété par quelques chapitres relatifs
à la ville moderne10. Suggestion compréhensible si l'on s'obstine à voir en
ce texte une étude de sociologie urbaine. Car comment un texte consacré à

9 Cf. W&G, p. 498 ; SD, p. 21 1 , où Weber résume en ces termes le principe du droit naturel
des XVIe et XVIIe siècles: « Tout droit légitime repose sur la codification, et celle-ci à son tour
en dernière instance toujours sur un accord rationnel. Cet accord peut être réel, c'est-à-dire qu'il
s'agit d'un contrat originel effectif entre individus libres, qui règle également le mode de créa-
tion du droit d'institution nouvelle pour l'avenir. Ou bien il peut s'entendre en un sens idéel:
seul est légitime un droit dont le contenu ne contredit pas le concept d'un ordre rationnel insti-
tué par un accord libre. »
10 Max Weber, La ville, Aubier Montaigne, 1992. - Le passage de la préface auquel je
fais allusion se trouve pp. 7-8.

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LA VILLE ET LA DÉMOCRATIE 27

la ville, écrit à la fin de la première d


fleurir les réflexions sur la Großtadt
s'était développée l'urbanisation en
dent) peut-il rester totalement muet
Mais s'agit-il, précisément, d'une s
de Weber, à elle seule, permet d'en do
sacrés explicitement à la ville, une pa
d'histoire du droit et des constituti
frontation entre la ville antique et la
fondamental de ce texte, était déj
Altertum, une étude sur l'histoire soc
gée en 1909 pour le Handwörterbuch
dans la dernière des notes bibliogra
son véritablement critique des stad
et de la ville médiévale serait une œu
naturellement qu'elle ne recherche
manière des constructions de schém
aujourd'hui à la mode, mais qu'au co
dence la spécificité de chacun des deux
résultat final, et ainsi de guider l'imp
déroulement» (GASW, p. 288. Je s
Il n'est pas fait mention ici de la gr
le contexte rend parfaitement com
médiévale et ville antique suffit en e
par Weber: dégager la spécificité du
occidentale moderne et en identifie
l'intérêt wébérien pour l'histoire com
l'objectivité formulait en ces termes:
cificité la réalité de la vie qui nous en
la connexion et la signification cultur
leur configuration actuelle d'une part
qu'historiquement elle s'est dévelop
autre» (WL, pp. 170-171 ; ETS, pp. 1
verhältnisse jusqu'à ses dernières œ
dans la définition de ce programm
accordé une place centrale à la ville m
moderne. A la fin d'une conférenc

1 ' La date exacte de la rédaction de ce tex


pour la situer entre 1910 et 1912, c'est-à-dire p
(1909) et à un moment où Weber entamait se
religions du monde».
12 Notamment: Rieh. Schröder, Dt. Recht
Bürgertum, in Hdw. d. Staatswiss.; Aloys Me
Brunner, Grdz. d. dt. Rechtsgesch.; Robert H
Hatschek, Englische Verfassungsgesch. (191

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sociales de la décadence d
l'héritage de la culture a
résurrection de la ville, fon
des premiers jalons de la
Le texte de 192114 repre
d'apprécier la contribution
tions caractéristiques de l
la liberté bourgeoise.
La comparaison entre an
l'historiographie du XIXe s
rée comme une variante su
guer cette comparaison ave
et l'Orient. Les différences
sur un fond de similitudes
port à la ville orientale. Le
parfois le texte difficile
qu'éprouve Weber de simpl
l'amène à faire état à tout moment des cas déviants: seules les villes de
l'Europe du Nord correspondent au type de la ville médiévale, les villes de
l'Italie ou du sud de la France restant proches au contraire de la cité antique;
les villes antiques, et jusqu'à un certain point les villes médiévales de
l'Europe du Sud également, sont par certains aspects des stades de transition
entre la ville asiatique et la ville occidentale moderne typique, etc. Le but
ultime de cette architecture d'oppositions multiples est pourtant très clair:
malgré les traits communs entre cités antiques et villes médiévales, force est
de constater que «ni le capitalisme moderne, ni l'Etat moderne ne se sont
constitués sur le sol des villes antiques, tandis que le développement des villes
médiévales, bien qu'il ne fut pas à lui seul une étape préalable déterminante,
ni même le porteur de ces deux phénomènes, fut cependant pour leur forma-
tion un facteur tout à fait décisif que l'on ne peut négliger. Malgré toutes les
ressemblances extérieures du développement, on doit donc être aussi en
mesure de déterminer des différences profondes» (W&G, p. 788).
Nous allons donc tenter de préciser, en entrant plus avant dans le maquis
du texte wébérien, ce que fut la contribution de la ville médiévale à l'élabora-
tion des diverses institutions caractéristiques de l'Occident moderne. Antici-
pant sur les pages qui viennent, nous pouvons déjà expliquer pourquoi, mal-
gré Julien Freund et quelques autres, «La Ville» est un texte achevé (même
si le lecteur peut considérer parfois qu'une retouche n'aurait pas nui à sa lisi-
bilité). La ville occidentale, et plus particulièrement la ville médiévale, est,
tendanciellement au moins, une entité politique autonome. Cette autonomie,

13 «Die sozialen Gründe des Untergangs der antiken Kultur», in GASW, pp. 289-311. En
français in Contrepoint ;, septembre 1973.
14 II s'agit de la date de la première publication de «Die Stadt», dans la revue Archiv für
Sozialwissenschaft und Sozialpolitik. Le texte avait été mis au point par Weber dans les derniers
mois précédant sa mort, en juin 1920.

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LA VILLE ET LA DÉMOCRATIE 29

qui se traduit au plan juridique et adm


ble par la faiblesse des pouvoirs politi
princes ou des seigneurs féodaux. Ou
entre ces pouvoirs extérieurs, pluriels
et la constitution de celles-ci en comm
tés politiques autocéphales15. A l'inv
un prince fit obstacle à cette auton
où elle avait eu l'opportunité de se dév
première, celle que Max Weber qual
n'a pu établir son pouvoir qu'en dép
qu'elles s'étaient un temps octroyée, c
tés politiques16. L'autonomie des vil
mezzo historique (W&G, p. 804). Ma
toire, elle constitue un moment ma
l'Etat moderne. Cet Etat qui monopoli
villes leur est redevable de nombre
Parce que l'intérêt de Weber pour le
ment dans le cadre d'une réflexion
moderne, il est naturel que l'essai su
d'urbanisation des XVIIIe et XIXe siè
nous venons de le dire, que les villes o
tions modernes. La commune urbaine
nauté politique par excellence17. Ce
l'Etat centralisé. Avec la monopolisa
et administratifs du pouvoir, les ville
de vue de l'histoire du droit et de l

2. Une fois restituée la perspective q


rence, le titre déroutant sous lequel i
und Gesellschaft: «la domination no
qué. Ce n'est pas dans la typologie d
faut chercher la clé de cet intitulé én
les villes sont par essence une forme
mais que leur constitution et le dével
ville occidentale, et plus particulièrem

15 «Seul l'Occident a connu la commune u


terme, en tant que phénomène de masse» (W
16 Cf. W&G, p. 790, où Max Weber cite le
France du XVIe siècle, et de l'Europe centra
partout rogné de façon croissante cette auton
villes].» Même chose p. 791: «L'Etat patrimo
administratives de la ville en représentations
les compétences ne s'étendaient qu'au cercle de
tion pour les fins administratives de l'Etat.»
17 Cf. W&G, p. 431 : «... la communauté p
Age la commune urbaine...»

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30 C. COLLIOT-THÉLÈNE

impliquait une rupture a


médiévales étaient, ou plu
libres: « [...] 'libres' non pas
violente, mais au sens de l'
la tradition (et la plupart d
la source exclusive de tou
Elles sont illégitimes en c
brisent avec les pouvoirs lé
formes d'organisations poli
tionnaire. La commune urb
à-dire dans les villes médi
politique indépendante d
fut là une grande innovati
dentale médiévale par rap
ouvrant ses portes à l'imm
bilité aux serfs enfuis de s
merce («l'air de la ville ren
rences statutaires tradition
que que revêtait sa fondati
la légitimité, en s 'autorisa
les puissances princières ou
trativement autonome usur
par les puissances féodal
ecclésiastiques18.
La logique de constitutio
conditions qui présidèrent
pation par rapport aux ord
tion. D'où l'importance que
sont d'ailleurs plus nomb
caractère intermédiaire d
son équivalent antique, le
cier la pertinence histor
laquelle, de manière géné
confraternité, du sunoïkism
Age» (HE, p. 338). L'intérê
évident: elle souligne le car

18 Cf. dans le même sens, Jür


der deutschen Geschichte vom sp
lichkeit im 19. Jahrhundert, hg
p. 22: «D'une certaine manière l
'Cair de la ville rend libre', ni la
naissance était ici un critère st
commentaire qui accompagne l
Mohr (Paul Siebeck), Tübingen, 1
cipe juridique de droit médiéval

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LA VILLE ET LA DÉMOCRATIE 3 1

lisation promue par la commune urba


une confédération d'individus19.
S'il est vrai que la ville occidentale, an
«un lieu d'accession de la non-liberté
d'acquisition économique monétaire»
nourrir une image idéalisée des cond
oppositions sociales et les différences d
rieur de la ville, aussi proche fût-ell
ville plébéienne. Tendanciellement pour
prement bourgeoises, qui n'avaient de v
à la communauté urbaine, se substit
société médiévale rurale, avant tout à
et roturiers. Aussi diverses qu'aient pu
binaisons entre structures statutaires traditionnelles et ébauches de droit
bourgeois, à la fin de du Moyen Age et au commencement des temps moder-
nes la ville était généralement dominée par un conseil de patriciens (Ratspa-
triziat) ou une corporation de bourgeois (Bürgerkorporation) (W&G, p. 743).
Weber se garde bien d'exagérer l'égalité politique promue par la ville occi-
dentale, antique ou médiévale, même en ses formes les plus démocratiques.
Des contrastes sociaux intra-urbains, qui ne reposent pas seulement sur la
réussite économique, mais ont aussi leurs aspects juridiques et politiques, se
développent parallèlement à l'éradication des oppositions statutaires de la
société médiévale. Les deux mouvements marchent de concert, mais au bout
du compte, «entre ces deux tendances, l'une qui tend à un nivellement relatif
des différences d'ordre, l'autre qui tend à l'inverse à une plus forte différen-
ciation dans la ville, ce sont les dernières qui l'ont en général emporté»
(W&G, p. 743). S'il est vrai qu'un des deux principes dont se réclame la
démocratie (du moins en tant que démocratie directe) est le présupposé que
tous sont également qualifiés pour gérer les affaires publiques (W&G, p.
546), il est clair que ce principe n'a jamais été réalisé, ni même approché,
dans la ville médiévale.
Celle-ci est restée, même en ses formes les plus populaires, une structure
de domination. Structure exclusive certes (tout habitant de la ville ne faisait
pas partie ipso facto de la corporation des bourgeois), mais - et c'est le point
essentiel du point de vue de Weber - décrochée du système des ordres de la
société féodale. En réalisant ce décrochage, la ville médiévale pavait la voie
qui mène à l'Etat moderne. Elle restait cependant insérée dans le monde

19 Ici encore les analyses de Weber témoignent d'un certain flottement. En soulignant
l'importance de la conjuratio, en tant que forme d'institution privilégiée de la ville occidentale,
il laisse entendre que celle-ci avait dès l'origine le caractère d'une confédération d'individus.
Ailleurs il reconnaît que cette conjuratio pouvait être le fait de familles ou de lignages qui domi-
nèrent dans un premier temps l'administration de la ville, avant que la poussée de la plebs ou
du popolo n'erode leurs privilèges, en sorte que c'est peu à peu seulement que la ville devint
une «confédération de citoyens individuels (chefs de famille), si bien que l'appartenance du cita-
din/citoyen {Stadtbürger) à des communautés extra-urbaines perdît pratiquement toute signifi-
cation en face de la commune urbaine» (W&G, p. 745).

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32 C. COLLIOT-THÉLÈNE

médiéval, en sorte que son a


L'appartenance à la corporat
en vertu duquel l'individu b
ces judiciaires également p
villes participaient aussi n
société en ordres20: les droi
la forme de privilèges de st
lier de bourgeois, en tant q
ristique de la ville au sens
ses wébériennes tient dans
les fondements de l'organis
geois, bien qu'il se présent
corporation bourgeoise, an
des lignages ou des ordres c
(Gebietskörperschaft, W&G
que l'administration et la jus
les nobles, s'affirme nette
Même si, du point de vue ju
de même nature que les dro
la société féodale, il impl
contradictoire avec le prin
Cette originalité du droit
l'essai sur la ville, de man
chez ses lecteurs la culture
n'éprouve pas le besoin de s
sonnalité du droit»), s'écla
chapitre de la Sociologie du
subjectifs». Max Weber opp
attaché à la personne en t
caste), lié donc à des qualité
Ce droit, cette «confessio
revendique d'être jugé le cas
la personnalité». Privilège
la notion de normes valan
donné, et il exclut par con
«L'idée de normes général
absente, mais elle reste à un
personnes ou de choses,
p. 79). Ce concept «personna
fication juridique à l'intérie
toujours des individus ven
extrêmement diverses. Selo

20 Cf. Jürgen Kocka, op. cit., p.


ne s'opposaient pas au système t
caractérisé par un droit spécifiqu

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LA VILLE ET LA DÉMOCRATIE 33

n'être qu'un conglomérat de groupes


semblement d'individus sans attach
telles attaches, ou qu'ils les aient rom
tution d'un droit urbain homogène. Il
la plupart des villes, antiques ou médi
de lignages et de la ville plébéienne
Ce qui se dessine avec la formation
et qui s'affirme avec le retrait des lign
du popolo, c'est une nouvelle forme d
ce mode nouveau de création du droit avec le caractère institutionnel de
l'organisation politique. «Institutionnel» est ici une traduction insuffisante
d'un terme (Anstalt, anstaltsmäßig) qui joue un rôle essentiel dans l'ensem-
ble des analyses wébériennes sur le droit, la ville occidentale et l'Etat
moderne, terme pour lequel le traducteur français doit renoncer à trouver un
équivalent satisfaisant. Pour donner une idée de l'importance analytique de
l'expression, je me bornerai ici à mentionner quelques-unes de ses occurren-
ces dans le texte sur «La ville». Au nombre des différences qui distinguent
la ville occidentale des agglomérations urbaines d'Asie et d'Orient, Weber
note que la première a le caractère d'un «groupement institutionnel de
citoyens [eines anstaltsmäig gesellschafteten... Verbandes von Bürgern]
pourvu d'organes spécifiques et caractéristiques». En tant que membre d'un
tel groupement, les citoyens de la ville «relevaient d'un droit qui leur était
commun, mais auquel il étaient seuls à pouvoir accéder» (W&G, p. 743). Un
peu plus loin, il note la tendance de la ville occidentale, quelles que soient
les conditions particulières de sa formation, à se transformer en une «socia-
tion institutionnelle» [anstaltsmäßige Vergesellschaftung], autonome et
autocéphale, une «corporation territoriale [Gebietskörperschaft] active».
Un autre passage encore nuance les étapes de cette marche vers la réalisation
de VAnstaltsprinzip. Le point de départ est en général un simple groupement
de personnes liées par serment, formé au cas par cas et pour une période
limitée. Celui-ci se transforme en un groupement politique durable dont les
membres relèvent du même droit, le droit statutaire particulier des bour-
geois/citoyens. A cette étape, l'on peut considérer que le «vieux principe de
la personnalité du droit» est déjà formellement détruit. Mais la ville n'est pas
encore organisée selon le principe institutionnel (Anstaltsprinzip) de corpo-
ration territoriale à proprement parler, dans la mesure où le droit du
citoyen/bourgeois reste un droit statutaire des membres de la communauté
unis par serment (W&G, p. 752). C'est un peu plus loin que Weber évoque
enfin la dernière étape de ce procès, atteinte avec la conquête du pouvoir par
les couches plébéiennes. La victoire des couches roturières entraîna un nou-
veau progrès du caractère institutionnel du groupement politique, à la fois
par la réalisation achevée du principe de la communauté locale (Ortsge-
meinschaft), et par la transformation corrélative des conceptions relatives à
la nature du droit. Communauté locale: typique est de ce point de vue le
choix du «demos», pure circonscription territoriale, comme base pour
l'ensemble des droits et devoirs du citoyen de la polis. Celle-ci cessait par là

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34 C. COLLIOT-THÉLÈNE

définitivement de se présen
groupes de soldats ou de lig
toriale institutionnelle [eine
droit: libéré de toute référe
pes de légitimation qui leur
le produit d'une création v
La codification progresse,
jours des règles nouvelles au
«La loi remplaça la jurispr
ment à l'élimination de la
lois» (W&G, p. 782). Weber c
à une époque, il était dem
les lois existantes maintenu
t-il, que le droit en vigueur
sur l'assentiment de ceux
La ville, domination illégit
fut le produit d'une «usurp
à aucun principe de légitima
tion d'un principe de légit
habitués à considérer comme le cœur de la démocratie: l'assentiment des
gouvernés aux normes juridiques auxquelles ils sont soumis.

3. Les caractéristiques qui ont jusqu'à présent retenues notre attention


(formation d'un droit du bourgeois/citadin, statutaire quant à sa forme,
mais virtuellement destructeur de l'organisation statutaire ou de toute logi-
que lignagière22; fondement territorial de ce droit; émergence d'un principe
démocratique de légitimation) sont apparemment communes à la polis anti-
que et à la ville médiévale. Or le but ultime de Max Weber est de comprendre
pourquoi «ni le capitalisme antique, ni l'Etat moderne ne se sont constitués
sur le sol des villes antiques» (W&G, p. 788), alors que la ville médiévale a
contribué de façon décisive à la formation de ces deux piliers de la civilisa-
tion moderne. Au-delà des similitudes, des divergences profondes doivent
par conséquent exister entre ces deux types de villes.
Weber situe ces divergences dans les conditions qui ont déterminé le pro-
cès de démocratisation. Les bases sociales de la ville démocratique antique
étaient selon ses analyses tout autres que celles de la ville plébéienne de
Moyen Age. Ce qu'il s'emploie à montrer en soulignant la nature très diffé-
rente des clivages sociaux dans les deux cas: le «prolétaire» de l'Antiquité
était un citoyen politiquement déclassé, disposant toujours des droits du

21 Cf. W&G, p. 783 : Au nombre des conséquences de la victoire du popolo dans les villes
du Moyen Age, Weber mentionne «des rédactions massives de droits des villes, la codification
du droit bourgeois et de la procédure, une véritable inondation de statuts de toutes sortes».
22 Cf. W&G, p. 752 : Le droit bourgeois signifiait « formellement une élimination du vieux
principe de la personnalité du droit, matériellement la destruction des liens des relations féoda-
les et du patrimonialisme des ordres».

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LA VILLE ET LA DÉMOCRATIE 35

citoyen tout en ayant perdu ce qui en


la propriété foncière. Le prolétaire
mage. En cette différence s'indiqu
économiques de la citoyenneté: le cito
gne d'où il tirait en règle générale ses
ses de la ville médiévale étaient const
et faisant affaire en ville, ou de pe
ce fut dès le commencement l'ind
'démocratie', tandis que dans l'Anti
paysannerie» (W&G, p. 801).
Cette différence des bases sociales
rent le mouvement de démocratisation. Finalités avant tout militaires dans
l'Antiquité: l'évolution de la technique militaire, la supériorité qui revint un
temps durant à l'armée d'hoplites, puis l'érosion de cette supériorité lorsque
les conflits se déplacèrent vers la mer (W&G, p. 805), déterminèrent de
manière décisive l'histoire de la cité antique. Il en alla très différemment pour
la ville médiévale, où la victoire du popolo fut celle des Erwerbsmenschen ,
c'est-à-dire des hommes qui consacrent leur existence à l'activité lucrative,
artisans et commerçants réunis en corporations. Une opposition que Weber
résume en disant que la situation politique du citoyen/citadin du Moyen Age
le destinait à être un homo oeconomicus, tandis que le citoyen antique, en
raison des finalités militaires de l'organisation de la cité, était un homo politi-
cus (W&G, p. 805). La seule couche sociale de l'Antiquité qui laisse présager
ce que sera le bourgeois moderne est celle des affranchis, assignés aux activi-
tés d'acquisition pacifiques par leur statut inférieur qui leur interdisait
l'accès à la propriétaire foncière aussi bien qu'aux sources d'enrichissement
caractéristiques du capitalisme politique, le seul que connut l'Antiquité:
affermage des impôts ou fournitures des marchés publics.
Nous n'approfondirons pas ici, ni ne discuterons, cette comparaison
complexe. Sa ligne directrice est suffisamment claire: d'un côté un procès de
démocratisation porté par des visées avant tout politico-militaires, de l'autre
la prédominance des motivations économiques23. Un aspect pourtant mérite
d'être souligné, qui concerne directement le noyau de notre analyse. Nous
l'avons vu plus haut: ce dont Weber crédite la ville occidentale en général est
d'avoir rendu possible l'individuation du citoyen/citadin en brisant les allé-
geances tribales, de castes ou de lignages. Et il considère que cette individua-
tion fut l'élément qui détermina une transformation de la conception du
droit, de son fondement et de son principe de légitimation. Le parallélisme
des évolutions qui, tant dans le cas de la cité antique que dans celui de la ville
médiévale, ont vu le démos et le popolo imposer leur pouvoir au détriment
des familles patriciennes et des aristocrates, ne doit pas cacher cependant
que la structure de la ville antique limitait de façon importante les préroga-

23 Cf. W&G, p. 805 : «La victoire du popolo reposait en premier lieu sur des raisons éco-
nomiques. Et la ville médiévale typique, ville située à l'intérieur des terres, bourgeoise et indus-
trieuse, était en général d'abord orientée économiquement.»

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36 C. COLLIOT-THÉLÈNE

tives de Pindividu. Ce que


«La Ville»: parce qu'elle éta
que totalité était absolume
gerschaft) comme telle, c
guise de l'individu: elle disp
tion militaire exigeante, et
ques, financement des fêtes
de guerre. Elle intervenai
sphère privée: tout comport
l'éducation des fils ou le rap
qu'il mît en danger l'ordre
tice distribuée par les tri
répulsion évidente les procè
tement ignorants du droit)
sait toute sécurité juridique
principiellement pas ques
(W&G, p. 810).
Les conséquences économ
sont évidentes. «Il était im
prioritairement dans la dire
l'entreprise économique rati
et la vulnérabilité de la rich
rées de la collectivité, éta
type de rationalité économi
lisation moderne. De son c
achevée avait bien tous les
nome et une administrat
n'était pas à elle-même sa
trative abritait le dévelop
commerçantes, au regard
moyen.
Nul ne niera que les analyses développées par Weber dans cet essai sont
d'une complexité souvent déroutante, et l'on peut gager que les historiens
spécialisés, de l'Antiquité, du Moyen Age ou de la Renaissance, y trouve-
raient beaucoup à redire. La piste indiquée par Weber n'est cependant pas
sans intérêt: il s'agissait de penser l'émergence d'un principe de légitimation
durablement enraciné dans la conscience des modernes, non pas, comme on
le fait d'ordinaire, en s 'appuyant sur les textes des théoriciens, mais à travers
l'étude conjuguée des différentes aspects du processus de socialisation (juri-
diques, politiques et économiques tout aussi bien) dont les transformations
solidaires fournissaient un terrain favorable à la réception de ce principe. Il
est vrai qu'en terminant la lecture de «La ville», on serait fort en peine de
dire si l'idée démocratique est née chez les juristes ou chez les hommes
d'Etat, si elle fut pour l'essentiel un instrument idéologique du capitalisme
naissant ou l'expression d'une transformation profonde des représentations
et des attitudes collectives à l'égard du pouvoir. Mais c'est un trait caracter is-

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LA VILLE ET LA DÉMOCRATIE 37

tique de l'ensemble des travaux wéb


ques. Il eût été improbable qu'il s
lorsqu'il s'agissait de rendre compte
des modernes. La complexité de so
pour lesquelles les lecteurs en quê
démocratie moderne ne trouvent pa
les elaborations des juristes {a fortio
tés fonctionnelles de l'économie m
ment s'est imposée l'idée que la seul
d'un contrat librement consenti p
L'essai sur la ville constitue la contribution wébérienne à la caractérisa-
tion et à l'analyse des origines de la démocratie moderne. L'hypothèse selon
laquelle l'histoire de la ville médiévale a joué un rôle décisif dans la gestation
de la liberté des modernes était une idée ancienne chez Weber. En menant
à bien cette comparaison dont il avait conçu le projet dès 1911, il s'orientait
vers une modification de la fameuse typologie des formes de légitimité: aux
formes légale, traditionnelle et charismatique, il envisageait d'ajouter un
principe de légitimation spécifiquement démocratique, lié à un procès
d'individuation dont La ville décrivait les conditions juridiques, politiques
et économiques. Les textes publiés de Weber ne consignent pas, il est vrai,
cette modification. On en trouve trace cependant dans une conférence qu'il
fit à Vienne en 1917, qui donna lieu à un compte rendu publié dans la Neue
Freie Presse le 26 octobre24. Après avoir présenté, dans les termes habituels,
les dominations rationnelle, traditionnelle et charismatique, il concluait en
montrant (selon les termes de l'auteur du compte-rendu «comment le déve-
loppement moderne de l'Etat était caractérisé par le développement progressif
d'une quatrième idée de la légitimité, celle de la domination qui, officielle-
ment du moins, tire sa propre légitimité de la volonté des dominés». Certes,
notait-il encore, en ses premier stades, elle est encore très éloignée de toutes
les idées démocratiques modernes. C'est dans la ville occidentale néanmoins
que cette idée vit le jour, de même que celle-ci fut le lieu de naissance du
«concept sociologique de fonction, de la discipline militaire, des partis poli-
tiques [...] et de la figure caractéristique du démagogue dont la suite consti-
tue le parti politique».
Si nous sommes en droit, me semble-t-il, de voir dans cette prétendue
sociologie de la ville ce qui tient lieu chez Weber de réflexion sur les origines
et les caractères de la démocratie moderne, c'est parce qu'elle est en vérité
une analyse des conditions sociales (juridiques, politiques, mais aussi écono-
miques, et c'est à ce niveau que se joue l'essentiel de la différence entre
antiquité et modernité) de Pindividuation. Le Stadtbürger de la ville médié-
vale ne nous intéresse que parce qu'il est l'ancêtre du Staatsbürger. Sympto-
matique est le fait que le matériau traité dans Economie et Société sous le
titre «Typologie des villes» se retrouve dans Y Histoire économique sous le

24 Neue Freie Presse, 26 octobre 1917, n° 19102, p. 10. Je remercie Stefan Breuer de
m'avoir communiqué ce texte, fort bienvenu pour supporter mon argument.

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38 C. COLLIOT-THÉLÈNE

chapitre: la bourgeoisie. D
de Pépoque médiévale s'an
moderne, indissociableme
terme en français) et citoy

Ecole Normale Supérieure


Fontenay-Saint-Cloud

BIBLIOGRAPHIE DES ŒUVRES DE MAX WEBER CITÉES

En allemand:

Gesammelte politische Schriften, J.C.B. Mohr (Paul Siebeck), UTB, Tübingen, 1988. - Cité:
PS

Gesammelte Aufsätze zur Soziologie und Sozialpolitik, J.C.B. Mohr, UTB, Tübingen, 1988. -
Cité: GASS

Gesammelte Aufsätze zur Sozial- und Wirtschaftsgeschichte, J.C.B. Mohr, UTB, Tübingen,
1988. - Cité: GASW

Gesammelte Aufsätze zur Religionssoziologie (3 volumes), J.C.B. Mohr, UTB, Tübingen, 1988
Wissenschaftslehre, J.C.B. Mohr, UTB, 1988. - Cité: WL
Wirtschaft und Gesellschaft, 5e édition, 3 vol., J.C.B. Mohr, Tübingen, 1976. - Cité: W

En français:
Economie et Société I, Librairie Pion, Paris 1971. - Cité: E&S
Histoire économique, Gallimard, 1991. - Cité: HE
Sociologie du droit, PUF, 1986. - Cité: SD
Essais sur la théorie de la science, Pion, 1965. - Cité: ETS
La ville, Aubier Montaigne, 1982.

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