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Isis Planas Monnier

Politique du cinéma hollywoodien - SciencesPo

Dissertation : La religion dans les films d’horreur

“Ta mère suce des b. en enfer !”, rien de tel pour nous donner une image claire de ce qu'est
le cinéma d’horreur que par cette réplique de L’Exorciste réalisé par William Friedkin 1. Entre
obscénités, mystère et angoisse, le genre cinématographique d’horreur s’est avéré une
représentation des peurs de la société. Nous voyons dans cette citation ce qui pourrait être
une illustration du genre horrifique ; un mélange de grossièreté et de spiritualité, soit la
religion. En effet, nombreux sont les fils d’horreur qui utilisent la religion en mettant en scène
sa vision du bien et du mal pour créer chez nous ce sentiment de peur. D’un côté plus
théorique, nous avons Éric Dufour qui nous définit le cinéma d’horreur étant “un type de film
qui vise à susciter chez le spectateur des émotions d'effroi, de terreur et d'angoisse en
créant une atmosphère d'horreur et en utilisant des éléments tels que le surnaturel, le gore,
le suspense et la violence” dans son ouvrage Le cinéma d’horreur et ses figures 2.

Nombreuses sont les études faites sur le pourquoi les films d’horreur nous font peur. Pour
3
cela, Martine Roberge nous explique, nous pouvons regrouper des images archétypes de
la peur en cinq thèmes majeurs ; l’animalité, le mal, l’autre, l’anormalité et le double. Ces
cinq thématiques différentes ont en commun deux caractéristiques ; la menace à l’intégrité
de l’Homme et de son identité. En effet, dans nombreux de films connus, nous voyons de
figures horrifiques qui incarnent soit quelque chose qui n’est ni non-humain ni humain et qui
va mettre en danger un ou plusieurs personnages du film (l’image du loup-garou) soit
quelque chose qui est totalement extérieure de la dimension humaine et qui incarnerait une
menace (et donc apparaîtrait la peur de l’Autre). Pour illustrer cela, nous pouvons prendre
l’exemple du film Split réalisé par Manoj Nellieyattu Shyamalan en 2016 4. Ce film nous
montre un personnage qui soufre d’un trouble dissociatif de l’identité qui va séquestrer deux
jeunes soi-disant “impures”. La première moitié du film, nous voyons un humain qui remet en
cause l’identité humaine puisqu’il est atteint sévèrement d’une maladie mentale qui le
pousse à faire des actes qui ne sont pas considérés comme humaines. À la fin du film, nous
voyons apparaître sa 24ᵉ personnalité ; “la Bête”. On voit le personnage se transformer en
quelque chose qui échappe à la dimension humaine et qui menace l’intégrité de la nature
humaine.
Il ne faut pas oublier tout de même que les films d’horreur se sont inspirés longuement de la
religion dans la conceptualisation du mal. Le mal va être représenté comme quelque chose
1
William Friedkin. Réalisateur. (1973) L’exorciste. Warner Bros.
2
Le Cinéma d'horreur et ses figures, Paris, PUF, coll. « Lignes d'art », 2006
3
ROBERGE Martine, « L'art de susciter l'effroi », Sciences Humaines, 2005/7 (N°162), p. 26-26. DOI
: 10.3917/sh.162.0026. URL :
https://www.cairn.info/magazine-sciences-humaines-2005-7-page-26.htm
4
M. Night Shyamalan. Réalisateur. (2016). Split. Blinding Edge Pictures

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que l’on ne peut pas considérer humaine entrant dans le champ de la monstruosité. Nous le
voyons dans Split, mais aussi dans la grande majorité des films d’horreur. Le mal est
forcément associé à l’image de l’enfer que la religion, notamment chrétienne, a mobilisée
pour terroriser ses adhérents. C’est pour cela qu’il serait intéressant de nous pencher sur la
question de la représentation et l’omniprésence de la religion dans les films d’horreur.

Pour cela, nous allons tout d’abord analyser la religion dans l’imaginaire de l’horreur en
abordant le sujet de la religion comme source de peur et d’angoisse, mais aussi comme
élément de construction narrative et symbolique de ces films. Dans un deuxième temps,
nous verrons la représentation de la religion en décomposant les figures du mal et de l’enfer
et aussi le détournement des pratiques religieuses.

*****

I. La religion dans l’imaginaire de l’horreur

a. La religion comme source de peur et d’angoisse

Depuis les débuts du cinéma d’horreur, la religion a souvent été utilisée comme créatrice
d’angoisses, mais aussi comme étant la seule qui pouvait nous sauver des possibles
manifestations démoniaques.

En effet, dans divers films, le message qui est mobilisé est celui de “il ne faut pas jouer avec
5
la religion”. Prenons l’exemple de Frankenstein de 1931 réalisé par James Whale. Bien
que ce film ne soit pas explicitement religieux, on peut lui associer tout de même certaines
thématiques religieuses. L’histoire de Frankenstein est en partie une critique de l’arrogance
de l’homme face à la création. Le Docteur Frankenstein incarnerait le rôle de Dieu en tant
que créateur, ce qui, finalement, finit par se retourner contre lui en voyant le monstre qu’il a
créé. Le message ici est clair, nul ne peut défier le rôle de Dieu, seul lui est le créateur
tout-puissant. De plus, comme cette créature a été créée de manière artificielle, celle-ci se
retrouve totalement isolée de la société et est condamnée à la souffrance. Nous pouvons ici
faire un parallèle avec Adam et Ève qui sont rejetés du paradis pour avoir désobéi à Dieu.
Pour en donner un exemple plus concret, nous pouvons prendre le film The Witch 6, réalisé
par Robert Eggers en 2015. Dans ce film, nous voyons la famille de William qui se fait
expulser de leur communauté religieuse à cause de l’orgueil du père, puis s’installent à la

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James Whale. Réalisateur. (1931) Frankenstein. Universal Pictures.
6
Robert Eggers. Réalisateur. (2015) The Witch. Rooks Nest Entertainment.

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limite de la civilisation pour mener une vie pieuse. Au fur et à mesure du temps, la famille
commence à être victime d’incidents étranges et effrayants liés à un certain occultisme.
Même si le père de famille qui tient fermement à ces croyances religieuses, ses enfants vont
être curieux de voir ce qu’il se passe. Plus le film avance, plus les membres de la famille
commencent à rentrer dans une paranoïa qui leur fait éloigner de la foi religieuse. En effet,
la figure de Black Phillipe (un bouc qui symbolise le dieu satanique), qui au début est
représenté comme un simple animal, va prendre chaque fois plus d’importance dans le film
jusqu’à être une représentation du mal et du diable. On pourrait dire que ce personnage est
l’incarnation du péché et de la tentation puisqu’il incite la jeune fille, Thomasin, à
abandonner sa foi puritaine. Dans ce film, donc représente les épreuves que Dieu impose à
la famille et l’importance de ne pas le défier. De plus, on a souvent des symboles des
péchés chrétiens comme la luxure ; à un moment, la sorcière se dénude pour séduire Caleb,
un jeune garçon de la famille. Il y a aussi le péché de l’avarice qui est représenté lorsque le
diable promet de la richesse à Thomasin. La foi de cette famille se voit ébranlée par leur
peur et l’incertitude qui les entoure, ce qui les mènent donc à un éloignement de Dieu 7.
Grâce à ces deux exemples, nous pouvons ainsi dire que la religion nous a inculqué la peur
de ne pas la respecter et des conséquences graves que l’on peut subir si nous ne
respectons pas les règles dictées par Dieu. De plus, le fait de représenter le mal comme
quelque chose d’horrifique, manipulateur et machiavélique contribue à cette construction de
la peur.

De l’autre côté, nous remarquons qu’il y a une tendance à illustrer la religion comme
sauveuse de tous les méfaits du diable. L’élément que nous retrouvons le plus souvent et la
pratique de l’exorcisme qui, selon le dictionnaire La Rousse, est une “pratique religieuse
ayant pour but de chasser le démon qui a pris possession de quelqu’un” 8. Pour en donner
un exemple le plus classique, nous pouvons prendre le film de L’exorciste réalisé par William
Friedkin en 1973. Dans ce film, nous avons Regan MacNeil qui est victime de spasmes
violents et de symptômes étranges. Malgré la tentative de la guérir à travers des traitements
médicaux, la fille ne cesse d’empirer. La jeune fille commence donc à parler avec une voix
rauque, crache du sang et tient des propos violents et scatologiques. La mère, Chris
MacNeil fait alors recours à un prêtre, Karras, qui va examiner les comportements de Regan
et va finir par en conclure que la seule façon de guérir sa fille de la possession diabolique
est de lui faire un exorcisme pour essayer que le démon soit libéré. On assiste à une scène
où le prêtre récite des prières tout en l’arrosant d’eau bénite. Le démon, loin d’être
7
Simon Riaux (2016). The Witch : critique d’une horreur envoûtante. Écran Large
https://www.ecranlarge.com/films/critique/950594-the-witch-une-horreur-sublime-et-onirique
8
LaRousse, définition Exorcisme
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/exorcisme/32187

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insensible, commence à être de plus en plus virulent. Le fait d’avoir eu recours à la religion
comme seul moyen de sauver quelqu’un d’une possession démoniaque montre bien que
celle-ci se positionne seule solution pour pallier le diable. Nous retrouvons cela dans
plusieurs films concernant les esprits et les pratiques d’occultisme. Un autre exemple
pourrait être Conjuring : Les dossiers Warren 9 réalisé par James Wan en 2013 où la famille
fait appel à l’exorcisme pour faire sortir l’esprit de la sorcière qui aurait possédé Carolyn.

b. La religion comme élément de construction narrative et symbolique

Dans ce sens, nous voyons bien que la religion est quelque chose d’omniprésent dans les
films d’horreur. Dans une majorité des films, les références aux valeurs religieuses se font
très présentes jusqu’au point de devenir un élément central dans la construction de l’histoire.

Tout d’abord, les symboles qui représentent la religion, notamment chrétienne, se font très
récurrents. En effet, la croix, l’église, le prêtre ou encore la bonne sœur sont des figures
10
typiques dans ces films. L’un des exemples les plus flagrants est The Nun réalisé par
Corin Hardy en 2018. Ce film a comme axe central le suicide d’une nonne et son enquête
mené par deux ecclésiastiques qui vont se retrouver face à des forces diaboliques. Un autre
exemple qui nous semble plus intéressant à analyser est le film Stigmata réalisé par Rupert
11
Wainwright et sorti en 1999 . Dans ce film, nous voyons Frankie, une jeune femme
coiffeuse et athée, qui commence à avoir des stigmates du Christ lors de sa crucifixion ;
dans sa baignoire, ses poignets se mettent à saigner, puis dans le métro, son dos est
totalement lacéré comme si elle avait été flagellée. D’autres références à la religion dans ce
film seraient l’icône de la Vierge Marie que Frankie regarde souvent pour trouver du
réconfort, la prière que le prêtre demande à Frankie de réciter, mais aussi les diverses
scènes comportant la croix chrétienne ou les fresques religieuses. Bien que ce film soit une
critique ardue de l’Église et du Vatican, Stigmata est un thriller religieux qui fait l’apologie de
12
la religion privée et à la foi intérieure sans nécessité d’avoir des institutions . Il est
important de mentionner que la religion en soi mobilise un discours qui est très binaire en
définissant ce qu’est le mal, soit l’enfer et le diable, et ce qu’est le bien, soit Dieu et le
paradis. De ce fait, l’utilisation de la religion comme axe central d’un film d’horreur met en
évidence ce qui serait le héros et l’anti-héro.

9
James Wan. Réalisateur (2013). Conjuring ; Les Dossiers Warren. New Line Cinema
10
Corin Hardy. Réalisateur (2018). The Nun. New Line Cinema
11
Rupert Wainwright. Réalisateur. (1999). Stigmata. Metro-Goldwyn-Mayer.
12
Eric Dinkian (p.d). Stigmata 1999. https://www.devildead.com/review/1547/stigmata

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Cela permet aussi que ces films abordent des problématiques telles que la vie et la mort. En
13
effet, prenons le film de Martyrs réalisé par Pascal Laugier en 2008. Ce film pourrait
témoigner de l’angoisse sociale que suscite le fait de ne pas savoir ce qu’il y a après la mort.
L’histoire explique et illustre comment une société secrète va kidnapper plusieurs filles pour
les torturer et les mener à l’état de “martyr”, figure qui est très liée à la religion chrétienne.
L’objectif ultime de cette société est d’obtenir, à travers une souffrance inouïe, une révélation
de ce martyr, de ce qu’est la mort. Nous voyons que cette communauté secrète part d’un
principe qu’il existe quelque chose après la mort, ce qui est une idée mise en avant
principalement par la religion. De ce fait, la protagoniste qui est torturé pendant plusieurs
semaines, finit par témoigner de ce qu’il y aurait après la mort à celle qui serait la tête
pensante de la société (nommée dans le film par “mademoiselle”). Mademoiselle finit donc
par se suicider sans partager ce qu'Anna (la martyre) lui a confié. Ce suicide alors pourrait
s’apparenter à une déception qu’éprouve Mademoiselle quand elle apprend qu’il n’existe
pas “l’autre monde” (même si le réalisateur laisse en suspens ce fait, l’interprétation que
nous trouvons plus correct est celle de la non-existence d’un certain paradis). Sachant que
nos instincts naturels ressurgissent à certains moments, la peur de la mort est inhérente à
l’Homme et dans les films d’horreur, nous avons souvent cette ambiguïté sur ce qui est
vivant et non vivant. Cela fait que les films mettant en lumière la religion, ce ne sont pas
simplement des films qui font peur, mais aussi, ils mettent en lumière les angoisses
socialement construites.

*****
Dans cette première partie, nous avons vu comment la religion s’installe dans l’imaginaire
d’horreur en s’imposant, pour divers films, comme thème central de la trame. En effet, nous
voyons que “la punition de Dieu” est quelque chose d’assez récurrent tout comme les
références divines. Ces films mettent aussi en lumière les peurs que nous avons par rapport
à la mort. Dans cette deuxième partie, nous allons voir la pure représentation du mal et de
l’enfer, puis la représentation du détournement de la religion.

*****
II. La religion ; entre l’enfer et son détournement

a. La représentation du mal et de l’enfer

13
Pascal Laugier. Réalisateur. (2008). Martyrs. Canal +

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Malgré ce que nous pourrions penser, le mal et l’enfer n’a pas beaucoup changé depuis le
début du cinéma d’horreur. Il est important de noter une précision, par “le mal” nous nous
référons à tout ce qui peut être du domaine du péché. Or, le diable est bel et bien la figure
physique de l’enfer.
Le mal va très souvent se représenter comme quelqu’un de manipulateur et sadique. L’une
des figures les plus emblématiques est le Comte Dracula dans Dracula réalisé par Tod
14
Browning en 1931 . En effet, dans ce film, le vampire hypnotise l’avocat Renfield qui va
devenir esclave de Dracula. De plus, nous voyons un monstre qui se nourrit du sang humain
et qui tue plusieurs personnes. Il y a eu de nombreuses adaptations de ce film qui montrent
un Dracula très érotisé montrant aussi son côté très séducteur et donc le péché de
succomber à la tentation.
Il est important de noter ici que ce n’est qu’à partir des années 1960 que nous voyons
apparaître des thèmes liés à la religion. Avant cette date, en 1934, le code Hays est imposé
15
et interdit la représentation du blasphème et de la transgression . C’est ainsi dans les
années 1960 qu’on commence à voir des mises en scène des sectes sataniques,
possessions démoniaques et des rituels occultes. À ce moment, on a le film de Rosemary’s
Baby réalisé par Roman Polanski en 1968 16 où l’on voit une femme faisant des cauchemars
dans lesquels elle se retrouve entouré de créatures démoniaques. Dans la scène où elle se
fait violer par le Diable, celui-ci est représenté par un monstre affreux dont les yeux sont
rouges sang. Elle va donc donner naissance à Satan. Cependant, les monstres ne
disparaissent pas de nos écrans, le fait de voir une personne se transformer en quelque
chose de totalement horrifique nous fait trembler de peur.
Parallèlement, les psychokillers commencent à voir le jour dans le cinéma d’horreur. Nous
ne pouvons pas affirmer clairement que ces figures représentent le mal dans le sens
religieux (ce sont plutôt des troubles psychologiques qui sont présentés ici). Tout de même,
une des grandes figures dans le monde des psychokillers qui pourrait se rapprocher le plus
de la figure du Diable est celle de Freddy Krueger, personnage créé par Wes Craven et dont
17
il fait sa première apparition en 1984 dans Les Griffes de la nuit . Ce personnage est
complètement transfiguré dû à des graves brûlures et porte un gant prolongé de quatre
lames de couteaux ; tout pour avoir l’apparence d’un monstre. Bien qu’au début, nous
pensions qu’il est juste un tueur en série, celui-ci finit par avoir le pouvoir de réapparaître
dans les cauchemars des progénitures de ses victimes. Il peut donc manipuler les gens à
travers les rêves et les posséder pour que ceux-là commettent des assassinats. De plus, il

14
Tod Browning. Réalisateur. (1931). Dracula. Universal Pictures
15
Anaïs Leechman (2016). Le code Hays et les vices cachés d’Hollywood. Libération
https://www.liberation.fr/cinema/2016/08/19/le-code-hays-et-les-vices-caches-d-hollywood_1473497/
16
Roman Polanski. Réalisateur. (1968). Rosemary’s Baby. Paramount Pictures.
17
Wes Craven. Réalisateur. (1984). Les griffes de la nuit. New Line Cinema

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peut ressusciter de l’enfer lorsqu’une de ses victimes repensent à lui. De ce fait, nous
voyons une dimension surnaturelle qui enveloppe de plus en plus le personnage.
Les années 2000 sont très caractérisées par, d’une part, toute la dimension surnaturelle
qu’elle comporte et, d’autre part, l’introduction de problématiques plus philosophiques sur
l'existence humaine. Nous avons toute une série de films qu’illustrent des moments
paranormaux avec ces monstres venus de l’autre monde comme The Ring de Gore
18 19
Verbinski en 2002 , Paranormal Activity de Oren Peli en 2007 ou encore Mister
20
Babadook de Jennifer Kent en 2014 . Dans ces trois films mentionnés, nous avons comme
thème central le surnaturel lié à l’enfer qui menace l’intégrité d’un ou plusieurs personnages.
21
De l’autre côté, nous avons des films comme Get Out de Jordan Peele sorti en 2017 ou
22
encore Midsommar de Ari Aster en 2019 qui introduisent des problématiques tout en
restant fidèle à la mise en scène de la religion et de l’occultisme.

b. Le détournement de la religion

Qui dit pratiques religieuses, dit sectes sataniques. En effet, loin d’être négligés, les sectes
sataniques jouent un rôle important dans l’angoisse collective. L’un des exemples les plus
23
illustratifs de ces sectes est le film de Terence Fisher The Devil Rides Out sorti en 1968 .
Duc de Richleau et Rex Van Ryn découvrent que leur ami Simon Aron a rejoint une secte
satanique dirigée par un homme nommé Mocata. Le but de ce dernier est de sacrifier Simon
pour convoquer le diable, ce qui va susciter chez les deux amis de celui-ci un engagement
pour le sauver des plans sadiques de Mocata. Dans ce film, nous voyons les denses
sinistres du sabbat (des assemblées nocturnes souvent associés à des rituels
démoniaques) mais aussi l’apparence du Baphomet (représenté par la tête de bouc bien
connu dans le milieu satanique). Nous avons donc dans ce film tous les clichés que nous
avons sur les sectes sataniques ; des pentagones un peu partout, du désordre partout, une
figure d’autorité presque paternelle, etc. Ce qui est intéressant dans ce film est de voir que
tant Mocata comme Nicholas Duc de Richleau, utilisent des forces occultes, l’un pour faire le
mal en manipulant Simon et l’autre, au contraire, pour faire le bien et le sauver de cette
secte satanique qui veut le sacrifier. Nous voyons ainsi ici un détournement de la situation
24
selon l’objectif de chaque personnage . Un autre exemple représentatif de ces sectes peut

18
Gore Verbinski. Réalisateur. (2002) The Ring. DreamWork Pictures.
19
Oren Peli. Réalisateur. (2007) Paranormal Activity. Paramount Pictures.
20
Jennifer Kent. Réalisatrice. (2014) Mister Babadook. Causeway Films.
21
Jordan Peele. Réalisateur. (2017) Get Out. Blumhouse Productions
22
Ari Aster. Réalisatrice. (2019). Midsommar. B-Reel Films.
23
Terence Fisher. Directeur. (1968) The Devil Rides Out. Hammer Film Productions
24
ESOTERICA (2020). The Devil Rides Out - The Devil’s Bride - Occult Film Review & Analysis.
https://www.youtube.com/watch?v=7TW1PzrkdAY

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être The House of the Devil réalisé par Tim West en 2009 ; une jeune étudiante qui a
besoin d’argent pour payer son loyer est embauchée pour du babysitting. Les propriétaires
de la maison vont commencer par lui demander des tâches hors du commun et va se rendre
compte qu’elle a intégré une secte satanique. Ces personnes vont utiliser cette jeune pour la
sacrifier lors de l'éclipse lunaire pour convoquer le Diable. La scène finale, qui ne manque
pas de sang, on la voit allongée sur un pentagone, ligotée ; le rituel commence, le dirigeant
de la secte commence par lui verser sang, mais elle finit par s’en fuir. Encore une fois, nous
voyons la symbolique satanique ; le pentagone, le sang et la tête de bouc.

Il est important de noter ici que le satanisme qui est représenté est celui qui apparaît dans la
Bible, ce qui nous fait penser qu’il pourrait apparaître comme une contre-réaction du
christianisme. Or, le christianisme est loin d’être la seule religion existante. En effet, dans
plusieurs films apparaissent d’autres religions souvent associées aux païennes. Nous le
voyons par exemple dans Midsommar ou encore dans The Wicker Man réalisé par Robin
26
Hardy en 1973 . Dans ces films, nous voyons tout de même que la représentation de ces
religions sont diabolisées, montrant des scènes qui nous font penser justement aux
pratiques sataniques. Centrons-nous sur le film de Midsommar. Un groupe d’amis sont
invités au village d’un d’entre eux pour participer à une fête estivale qui se célèbre une fois
tous les 90 ans. Les habitants de ce village reculé en Suède vont mener des rituels
choquants. L’une des scènes les plus marquantes est celle où l’on voit deux anciens sauter
du haut d’une falaise et s’écraser contre une pierre, la tête la première, pendant que tout le
monde regarde en silence. La scène finale est tout aussi marquante ; Christian, un des amis
du groupe, est invité à prendre des champignons hallucinogènes tout comme le reste de
personne. Il se voit donc forcé à faire un rite sexuel avec une des jeunes du village sous le
regard d’autres femmes qui, elles, l’encouragent à continuer de faire l’acte. Finalement, nous
voyons tout un rituel où l’on voit tous les membres du groupe, sauf la fille, être sacrifiés pour
27
purger Harga du mal (Harga est l’ancienne qui s’est suicidée au début de leur séjour) .
Nous voyons ainsi que, même si la symbologie satanique n’est pas présente, les rituels et
les sacrifices ont la même justification et la même forme que dans les sectes sataniques. De
ce fait, nous pourrions dire que toute religion s’échappant du christianisme est représenté
comme quelque chose de dangereux et menaçant l’intégrité humaine. Tout ce qu’on pourrait
associer aux péchés dictés par la chrétienté est illustré dans ces sectes ou ces autres
religions.

25
Tim West. Réalisateur. (2009). The House of the Devil. Constructovision
26
Robin Hardy. Réalisateur. (1973). The Wicker Man. British Lion Film
27
Christopher Guyon (p.d.) Explication du film Midsommar ; fin, symboles… Oblikon.
https://oblikon.net/analyses/explication-du-film-midsommar-fin-symboles/2/

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Dans cette deuxième partie, nous avons vus comment le mal et l’enfer est représenté dans
les films d’horreur, puis la diabolisation de tout ce qui pourrait être un détournement de la
religion chrétienne.

*****
En guise de conclusion, nous avons vu dans une première partie comment la religion est
dans l’imaginaire de l’horreur en nous créant des peurs de l’enfer et du non-respect de
celle-ci. En effet, nous avons cité quelques exemples de films illustrant la contribution de la
religion dans notre représentation du mal. Dans une deuxième partie, nous avons analysé
les différentes faces de l’enfer et du Diable puis nous avons remarqué une tendance à
utiliser certaines sectes sataniques et non sataniques pour nous infliger la peur. Même si la
liste des exemples cités est loin d’être exhaustive, nous pouvons en tirer une idée générale ;
la peur de l’Autre.
Malgré les nombreux films de qualité dans le cinéma d’horreur, celui-ci a été très
controversé au sein des critiques des cinéphiles. Des œuvres jugées trop violentes ou trop
transgressives ont été censurées pendant des années. L’un des exemples les plus connus
28
est Haxän réalisé par Benjamin Christensen en 1922 . Malgré être considéré comme un
des films précurseur du genre horrifique, ce film avait été interdit aux États-Unis
principalement qui considèrent ce film comme trop graphique dans ses tortures, sa nudité et
sa perversion sexuelle. Un autre exemple frappant est le film serbe A Serbian Film réalisé
29
en 2010 par Srdjan Spasojevic qui est censuré en Espagne, Australie, Nouvelle-Zélande,
au Brésil et en Norvège. Jugé trop violent, mettant en scène les violes les plus malsains
possibles, ces pays ont estimé que le film était trop à la limite du légal. Si l’on pourrait croire
que la censure pouvait être justifiée à l’époque par le contexte social et politique, on voit
bien que cela n’est pas le cas.
Une chose est claire, nous aimons avoir peur et sentir l'adrénaline du moment. C’est pour
cette raison que les films d’horreur utilisent des aspects de notre vie qui nous sont familiers,
comme c’est le cas pour la religion ; l’enfer et le paradis. Selon le sociologue Luc Boltanski
“avoir sous les yeux la triste preuve de l’extrême fragilité de l'existence rend soudain exaltant
30
le sentiment d’être (encore) en vie” , il y aurait donc un effet cathartique grâce au cinéma
d’horreur. En sachant cela, nous pourrions ainsi nous demander ; est-ce que la censure
est-elle légitime pour certains films ? Ou même, est-ce que le cinéma devrait être contrôlé

28
Benjamin Christensen. Directeur. (1922) Häxan. Svensk Filmindustry
29
Srdjan Spasojevic (2010) A Serbian Film. Contra Film
30
Annabelle Laurent (2012) Pourquoi aime-t-on autant les films d’horreur ?. Cinéma. 20 minutes.

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comme il l’est actuellement, ou au contraire, faudrait le laisser totalement libre pour laisser
place à des nouvelles œuvres plus créatives ?

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Bibliographie :
- ROBERGE Martine, « L'art de susciter l'effroi », Sciences Humaines, 2005/7
(N°162), p. 26-26. DOI : 10.3917/sh.162.0026. URL :
https://www.cairn.info/magazine-sciences-humaines-2005-7-page-26.htm
- SCHEINFEIGEL Maxime, « Chapitre 4. Figures de cauchemars », dans : , Rêves et
cauchemars au cinéma. sous la direction de SCHEINFEIGEL Maxime. Paris,
Armand Colin, « Cinéma / Arts Visuels », 2012, p. 141-188. URL :
https://www.cairn.info/reves-et-cauchemars-au-cinema--9782200276157-page-141.ht
m
- RIOU Alain, « Cinéma : ces peurs qui nous habitent », Imaginaire & Inconscient,
2008/2 (n° 22), p. 73-82. DOI : 10.3917/imin.022.0073. URL :
https://www.cairn.info/revue-imaginaire-et-inconscient-2008-2-page-73.htm
- MAGGI, Gilbert “L’épouvente au cinéma III ; Les différents visages de la peur”, La
revue de cinéma, 1969
https://www.pdfprof.com/PDF_Doc_Telecharger_Gratuits.php?q=-24PDF134894-le+
monstre+au+cin%C3%A9ma
- RUITTON-ALLINIEU, Iseult “Le monstre social : étude de la représentation du
monstre et ce qu’il dit de la société”, Université Grenobles Alpes, 2019-2020.
https://www.pdfprof.com/PDF_Doc_Telecharger_Gratuits.php?q=-24PDF134894-le+
monstre+au+cin%C3%A9ma
- 47, “Une histoire du cinéma d’horreur : Épisode I-VIII”
https://www.youtube.com/watch?v=IUlNli68FpE,
https://www.youtube.com/watch?v=6je0pZsIO5g,
https://www.youtube.com/watch?v=NoDZfb-9ZAc,
https://www.youtube.com/watch?v=x99MPn_wOfg,
https://www.youtube.com/watch?v=rh9aLiLtEXY,
https://www.youtube.com/watch?v=qD49Xtuwqoc,
https://www.youtube.com/watch?v=82oNhj1qaDE,
https://www.youtube.com/watch?v=q5yw0-lBw-E

Filmographie :
- William Friedkin. Réalisateur. (1973) L’exorciste. Warner Bros.
- M. Night Shyamalan. Réalisateur. (2016). Split. Blinding Edge Pictures
- James Whale. Réalisateur. (1931) Frankenstein. Universal Pictures.
- Robert Eggers. Réalisateur. (2015) The Witch. Rooks Nest Entertainment.
- James Wan. Réalisateur (2013). Conjuring ; Les Dossiers Warren. New Line Cinema
- Corin Hardy. Réalisateur (2018). The Nun. New Line Cinema
- Rupert Wainwright. Réalisateur. (1999). Stigmata. Metro-Goldwyn-Mayer.
- Pascal Laugier. Réalisateur. (2008). Martyrs. Canal +
- Tod Browning. Réalisateur. (1931). Dracula. Universal Pictures
- Roman Polanski. Réalisateur. (1968). Rosemary’s Baby. Paramount Pictures.
- Wes Craven. Réalisateur. (1984). Les griffes de la nuit. New Line Cinema
- Gore Verbinski. Réalisateur. (2002) The Ring. DreamWork Pictures.
- Oren Peli. Réalisateur. (2007) Paranormal Activity. Paramount Pictures.
- Jennifer Kent. Réalisatrice. (2014) Mister Babadook. Causeway Films.
- Jordan Peele. Réalisateur. (2017) Get Out. Blumhouse Productions
- Ari Aster. Réalisatrice. (2019). Midsommar. B-Reel Films.

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Isis Planas Monnier
Politique du cinéma hollywoodien - SciencesPo
- Terence Fisher. Directeur. (1968) The Devil Rides Out. Hammer Film Productions
- Tim West. Réalisateur. (2009). The House of the Devil. Constructovision
- Robin Hardy. Réalisateur. (1973). The Wicker Man. British Lion Film
- Benjamin Christensen. Directeur. (1922) Häxan. Svensk Filmindustry
- Srdjan Spasojevic (2010) A Serbian Film. Contra Film

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