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Transcription de l'entretien avec un

professionnel
Ana Nedelcu : A votre avis, quelles sont les caractéristiques les plus importantes d'une personne qui
souhaite devenir psychothérapeute ?

Angélique Mezy : Il y a quand même une différence entre psychologue et psychothérapeute, on n'est pas
forcément psychologue quand on est psychothérapeute.

Oui, tout à fait. Donc moi j'ai choisi spécifiquement de m'intéresser au au titre de psychothérapeute.

C’est plutôt récent. Je dirais que, je pense que peut-être vous vous êtes renseignée là-dessus, ça fait 10 ans
à peu près que c'est réglementé, oui.
Parce que effectivement, c'est pour pallier à tous ceux qui s'installaient et qui n’avaient pas forcément de
formation.
Maintenant, on joue un peu sur les mots. Maintenant, il y a des thérapeutes ou psychopraticiens, qui ne
sont pas forcément réglementés.

Et oui, c'est ce que j'ai cru comprendre.


Du coup, psychothérapeute est un titre qui est maintenant réglementé mais ce n’est pas le cas du
psychopraticien.

Oui, en tant que psychothérapeute, il faut avoir un master de psychologie, donc je dirais que n'importe
quel master psychologie, sauf le master de psychologie clinique qui donne le titre de psychothérapeute
d'office. Les autres demandent une petite formation en plus.

Ah, c'est intéressant justement parce que quand j'ai fait mes recherches préalables je n'ai pas trouvé
cette information. Donc j'ai bien compris qu'il fallait deux années de master mais il me semblait
que, à la fin de la de seconde année de master, l’obtention du titre était automatique.

C’est automatique pour les psychologues cliniciens.


Ça, c'est important à savoir. Donc les cliniciens, quand ils s'enregistrent à l’ARS, ils obtiennent
automatiquement leur numéro Adeli.
Et pour les autres, il faut faire un petit temps de formation en plus et 500 heures de stage.
Donc, soit ce côté-là pour avoir le titre de psychothérapeute ou il faut avoir un master de psychanalyse et
la formation en plus.
Étant donnée cette particularité là, je pense que vous avez dû entendre parler de la sélection aussi.

Oui, oui, tout à fait oui.


Et je ne sais pas ce que vous en savez, ce que vous en pensez aussi de la sélection.

C'est-à-dire que c'est un peu effrayant.


Après bon, j'ai la chance d'avoir quand même, pour le moment d'assez bon résultat, mais j'espère
que potentiellement je pourrais avoir accès à un master parce que je sais que c'est assez compliqué.

Ça, c'est compliqué parce qu'il faut se dire que dans les places qui sont disponibles des étudiants des autres
universités y ont droit aussi.
A mon époque, on avait la sélection entre le M1 et le M2 mais là depuis 2-3 ans c’est après la licence.
Donc c'est vrai que je ne sais pas trop s'ils ont modifié le parcours licence.
En tous cas, je pense qu'il ne faut pas désespérer parce que je vais vous dire un peu, pourquoi moi,
finalement, je n’ai que le titre de psychothérapeute.

D’accord, c’était justement ce que j’allais vous demander.

Actuellement donc, je suis allée jusqu'à la maîtrise de psychologie clinique et cette fameuse sélection.
Et je n’ai pas pu passer, alors je j'ai refait un master psychanalyse.
Tout ça pour dire que, je pense, il ne faut pas désespérer parce que j'ai des collègues qui ont persévéré 2-3
ans pour passer la sélection.

D’accord c’est rassurant.

Oui, et après il y a des formations adultes. Parce que là vous voyez, je suis en activité, je travaille, je
travaille à temps plein en libéral, oui, mais depuis cette année, je me suis inscrite en M2 de psychologie
clinique.
Mais il s’agit de formations, cette fois, destinées vraiment aux professionnels qui travaillent, avec des
formations le week-end.

Oui, c'était justement une des questions que j'avais préparées. C'était par rapport aux formations.
Est ce que vous avez suivi, suite à votre parcours de master, d'autres formations en plus ?

Je pense que c'est un métier où, vous allez voir, il faudra toujours se former. Oui, et c'est important dans la
pratique. Alors je ne sais pas ce que vous avez imaginé, pratique plutôt en libéral, pratique, plutôt en
institution…

Alors moi ce qui m'intéresserait vraiment, ce serait la pratique en libéral. Après, sachant que de ce
que j'ai pu comprendre jusqu'à maintenant, ce n’est pas quelque chose qu'on peut viser dans
l'immédiat, après la fin des études, on doit quand même passer par l’institution.

Alors je dirais, ça dépend, parce qu’il y a le discours. Effectivement quand j'étais en psychologie clinique,
on nous déconseille le libéral tout de suite donc on nous conseille plutôt de faire 2-3 ans en institution.
Et après, le titre de psychothérapeute, comme il était plutôt récent quand je l'ai passé… Maintenant, c’est
un peu plus ouvert je pense, mais ça restait compliqué d'être embauché en tant que psychothérapeute.
Donc je pense qu'il faut savoir qu'il y a cette limite là aussi qui est en train de s'ouvrir parce que
maintenant c'est réglementé, ça devient plus simple.

Mais c'est vrai que oui, on a tendance à nous dire que l'exercice en libéral, c'est quelque chose qui
est assez difficile, que ce n'est pas atteignable dans l'immédiat.

Je dirais que si on se lance en libéral, je ne sais pas si c'est quelque chose dont on a pu vous parler, mais
c'est important qu'on ait un suivi personnel.
Parce que l'institution, malgré tout, il y a quelque chose qui est un peu porteur et qui protège le
psychologue.

Mais oui, c'est sûr que ça doit être très difficile du coup d'un point de vue, peut-être personnel aussi
de faire face.

Voilà, je pense, c'est pour ça qu'il faut vraiment, c’est une nécessité, d'avoir un suivi parce qu’on se
confronte à des choses, peut-être qui effectivement sont plus violentes personnellement, on affiche par
exemple notre nom de manière publique. Donc il y a beaucoup de choses qui sont plus compliquées, j'ai
des collègues qui travaillent en institution et en libéral qui peuvent comparer les 2 pratiques. Bizarrement
en libéral il y a des choses qui sont plus difficiles qui tiennent moins bien alors l'institution il y a des
questions qui ne se posent pas.

C'est intéressant. Je n'avais pas du tout pensé à ce côté là.

Alors certains diront aussi qu'en libéral on a peut-être des patients moins difficiles, mais je pense que ce
n'est pas toujours le cas non plus. Il peut y avoir des patients avec une complexité qui rejoint l'institution.
Donc je pense qu'il faut vraiment penser en libéral - bon, je dis qu'on est seul, mais ce n'est pas tout à fait
vrai - au réseau, avec qui on s'entoure, de quels collègues on s'entoure, avec qui on a à peu près les mêmes
orientations théoriques.

D'accord, justement je me demandais, vous collaborez avec un réseau de professionnels ?

Tout à fait, là vous avez vu, on est dans un cabinet où on est plusieurs. Donc voilà, avec les collègues du
cabinet on a les mêmes orientations, on fait beaucoup les fratries.
Et après, je dirais le réseau, il ne faut pas hésiter à aller voir le milieu scolaire, les conseillers qui envoient
les enfants, les médecins, les sage-femmes… Enfin, il faut vraiment se créer un réseau et dans le temps,
c’est quelque chose qui se fixe un peu, ça se crée vraiment.

Est-ce que c'est quelque chose qui a été difficile pour vous, de vous créer un réseau ?

Je dirais que ce sont des choses qui ont pu se faire petit à petit. Et alors vous voyez, moi j'attaque ma
sixième année d’installation, ça fait 2 ans que c'est posé à peu près et c'est maintenant les mêmes
professionnels qui m’adressent des patients.
Mais vous du coup, vous avez d'abord commencé par l'exercice en institution et après ouvert un
cabinet ?

J’ai commencé directement en libéral. Comme j'ai dû faire des études en plus, j'ai fait peut-être plus de
temps de stage que la moyenne. Donc voilà, il y a des heures de stage qui se sont un peu rajoutées.

Par contre, je pense qu'il faut vraiment le suivi et des temps de supervision aussi pour réguler un peu la
pratique.

D'accord. Vous, plus spécifiquement, j'ai vu sur votre site, que vous pratiquiez la psychothérapie
analytique, donc est ce que ça ressemble plus à la psychanalyse ?

On est inspirés de la psychanalyse parce que bon, du coup avec la psychothérapie, on reste sur du face à
face. Mais je dirais mon référentiel théorique, ce sur quoi je me base pour comprendre qui j'ai en face de
moi, c'est la psychanalyse.
Alors je sais pas, parce qu'il y a beaucoup d’orientations, il y a beaucoup de modes de faire, je ne sais pas
si vous y avez pensé aussi…

C'est un peu tôt pour moi, honnêtement, je n’ai pas nécessairement une idée claire de la
spécialisation que j'aimerais faire, mais la psychanalyse m'intéresse beaucoup. Mais après je suis
aussi intéressée par le côté un peu scientifique, les neurosciences… Donc pour moi ça se joue, c'est
un peu un dilemme pour le moment, j'ai pas tout à fait choisi.

Je dirais qu’il peut y avoir un peu des deux. Alors la psychanalyse c'est une orientation, mais je dirais que
c'est quelque chose aussi, quand on en fait une, qui s'éprouve et qui s’expérimente et, je pense, qui vient
marquer la pratique.

Alors oui, justement j'ai vu que pour pratiquer la psychanalyse il faut - je ne sais pas si c'est une
obligation - faire sa propre analyse.

On va dire que c'est une question éthique parce que, pareil, la psychanalyse n'est pas réglementée. C'est un
métier, on peut s'installer en psychanalyste et légalement il n’y a aucune formation demandée. Après, je
pense que pour être psychanalyste, il vaut mieux avoir - je sais pas si on peut dire jusqu'à fini, parce que
pour dire qu'une analyse est finie, c'est une autre histoire - mais il faut un travail d’analyse bien entamé. Il
faut être au clair avec pas mal de choses et avoir une formation théorique de l'université quand même
assez conséquente.

Bien sûr ! Et ça se passe comment exactement ? Faire sa propre analyse, c'est quelque chose qu'il
faut faire dans le cadre de ses études ou c'est plutôt un travail personnel ?

C'est un travail personnel. Je pense qu'il faut le faire quand on se sent prêt. Parce que pareil, on entend « Il
faut avoir un suivi, il faut un suivi » mais je pense que tant qu'on n’en sent pas le besoin, ça ne sert à rien
d'y aller.
Oui, bien sûr.

Par contre, ce sont des métiers où forcément, à un moment donné, on va être confronté à quelque chose de
difficile. Voilà, et là il ne faudra pas hésiter.

Intéressant, on fait beaucoup de psychanalyse à mon Université et on nous parle beaucoup de ce


phénomène de transfert en psychanalyse…

Et justement, pour pouvoir faire face à ça, il faut être bien au clair avec ses propres émotions. Parce que
dans la psychothérapie, on peut être facilement pris dans ce que nous renvoie le patient. Et c'est vrai que si
il n’y a pas ce travail là, c'est difficile de s'en décoller.
Après, c'est délicat parce que ça nécessite quand même un travail personnel, c'est un coût en plus aussi. Il
faut trouver la bonne personne, également parce qu'il faut se sentir suffisamment en confiance. Donc ce
n'est pas c'est pas si simple. Ce n'est pas une obligation, c'est plus une affaire d'éthique.

Oui et pour peut-être se sentir apte à aider au mieux les autres, il faut être au clair soi-même.

Il faut pouvoir régler déjà ses problèmes. Parce que je dirais, si on choisit ce type de travail là, ce n'est
jamais par hasard.

Je pense que c'est une certitude.

Mais effectivement ce sont des métiers qui attirent tous types de profils et donc je pense qu'il faut pouvoir
travailler avec ça avant de démarrer.

Oui, mais c'est très intéressant ce que vous disiez un peu plus tôt à propos du fait qu’au final, ça
peut être mieux de commencer en institution, parce que c'est vrai que j'avais pas du tout vu la chose
comme ça.

Oui alors je ne l’aurais pas vu en tant qu'étudiante dans ce sens-là non plus, mais aujourd'hui en travaillant
avec des collègues qui sont sur l'institution et en parlant finalement de cette double pratique, on se rend
compte qu'en libéral, il y a que nous comme barrière. Alors que l'institution, il y a une équipe, il y a des
situations qui peuvent être gérées en équipe.

Même si en libéral, il y a une collègue en particulier avec qui je travaille souvent les familles en commun.
Mais ça reste quand même chacune dans nos bureaux, on peut parler des situations ensemble, donc il y a
quand même quelque chose de soutenant, mais voilà, dans les institutions il y a des choses qui peuvent
mettre des barrières et protéger.
Il y a la question du paiement aussi, en institution, les soins sont gratuits... Il y a quand même la sécurité
sociale qui prend en charge.

Ah intéressant.
Donc en libéral, on demande un paiement.

Oui, bien sûr, est-ce que ça c'est quelque chose qui pose problème, vous rencontrez des difficultés
avec ?

En début de pratique, ça peut… On est dans ce type de questionnement de légitimité. Mais finalement plus
ça se pose, moins ça pose problème de demander.
Il y a plein de choses dont on ne se rend pas compte et dont on ne parle pas concernant le libéral. Surtout
en psychologie clinique, quand je faisais ma formation de ce côté-là, on nous dit tellement d’aller vers
l'institution qu'on nous prépare pas en début de carrière à partir sur du libéral.

Oui, après, d'un autre côté, c'est vrai aussi que je pense qu'il y a beaucoup de stéréotypes à propos
des institutions, moi personnellement, quand je pense à l'idée de travailler en institution, je le vois
comme beaucoup plus difficile que de travailler en libéral, justement à cause de la difficulté des cas,
des patients, enfin des cas plus avancés peut-être.

Ça dépend peut-être de l'institution aussi. Dans tous les cas, je pense qu'il faut se dire qu'il y a aussi une
équipe. Si quelque chose pose difficulté, on peut donner le relais à quelqu'un d'autre aussi.

C'est vrai aussi, la possibilité de travailler en équipe et d'avoir quelqu'un qui est là pour soutenir un
peu, ça doit être bien.

Mais après, effectivement, l'institution peut être un secteur fermé ou avec des patients très difficiles ou
même je pense aux prisons par exemple. Ce sont des patients que l’on ne voit pas en liberal, mis à part
pour injonctions de soins ou pour le suivi après.
C'est un suivi qui est imposé, ce sont injonction de soins. Mais bon, ça complique les choses. Il y a pas la
demande de la personne.

Ça doit être très très difficile.

Moi personnellement j'en ai pas trop pris, j'ai plutôt ma collègue qui en prend de temps en temps mais ce
sont des suivis qui ne durent pas forcément vu qu’il y a l'obligation.

Et oui, quand ça ne vient pas de la personne, c'est beaucoup plus difficile.

J'avais quelques questions d'ordre pratique justement vu que vous êtes en libéral. Je me demandais
comment est-ce que vous avez fait pour vous établir ? Enfin, est-ce que vous avez repris un cabinet ?
Où est-ce que ça a été une ouverture ?

Ça a été une ouverture.


Donc au départ on était très peu dans ce bâtiment, pour ce qui est de l’orientation analytique, je pense que
j'étais la première. Maintenant, je pense qu'on est en majorité dans ce bâtiment, donc comme quoi il y a
peut être un effet un peu de synergie.

Et donc oui, c'était une ouverture de de cabinet. C'était une installation donc après c'est plus un travail
d'aller rencontrer les médecins, d'aller rencontrer un peu tout le monde.

Comment est ce que vous avez fait pour construire une base de patients, pour vous faire connaître
un peu ?

Oui, alors c'est je pense que c'est vraiment ça qui est le plus difficile quand on s'installe en libéral,
vraiment de créer sa patientèle et d'avoir son réseau. Mais c'est pour ça qu'il faut un peu de temps.
Après, il y en a qui fonctionnent aussi par des plateformes. Il y a DoctoLib, toutes ces plateformes là où ça
peut marcher très vite si on s'inscrit.

C’est vrai que maintenant, avec l'avancée justement de de ces services, ça peut permettre de se
lancer.

Ici, on a la maison des libéraux qui fait une formation gratuite pour tous ceux qui veulent s'installer pour
parler de tout ça justement. Pour tous ceux qui se posent des questions, comme la comptabilité… parce
qu'il y a des choses à savoir quand on s'installe en libéral, ne serait-ce que de l’ordre administratif ou légal.
Donc après je dirais, il y a ça, une fois qu'on a défini son secteur, c'est après la rencontre des
professionnels de santé du secteur qui est importante.
Ce n'est pas un choix, je dirais, à prendre à la légère. Peut être sinon on peut démarrer par l'institution, ça
permet au moins de s’expérimenter parce que le début de pratique, on sait qu'on peut faire des erreurs,
qu'on a pas peut être toujours le recul nécessaire. D'où l'importance de la supervision de et d'un travail de
suivi.

Oui, c'est vrai que ça doit être difficile, même d'un point de vue personnel d'avoir confiance en sa
propre légitimité en tant que thérapeute.

On aura le titre, je dirais légal. Mais est ce que c'est ça qui fait praticien ?

Oui, c'est ça justement. Du coup, au niveau de la formation, quand vous avez fait vos études, est-ce
que pendant le master, on est formé à être psychothérapeute ? Ou est-ce toujours un enseignement
qui est d’ordre théorique ?

C’est un enseignement théorique, je dirais qu’on apprend en pratiquant. Ce sont les stages qui peuvent
vraiment aider. Mais après, c'est la pratique, il n’y a que dans la pratique qu’on peut apprendre. Je dirais
qu'au niveau théorique, on nous apprend le positionnement, les questions éthiques… Mais après, il faut
expérimenter.

Quand on fait des stages, ça se passe comment ?


En troisième année, ce sera plutôt des stages d'observation, je pense. Enfin après, ça dépend du lieu de
stage aussi. Sinon faire un stage dans une institution, c'est plutôt orienté vers l'observation du coup. En
master on demande d’être un peu plus autonome mais en licence, c'est vraiment la première découverte du
milieu. Surtout je ne sais pas si vous avez déjà été dans des lieux de soins ?

Non pas, je n’y suis jamais allée vraiment.

Si on peut, ça peut être bien de se laisser le choix du lieu, peut-être voir en premier les enfants, plutôt que
les adultes.

Oui, c'est vrai que ça peut aider.

Je ne sais pas si vous avez pensé aussi à quel type de population vous seriez confrontée plus tard ?

Alors moi, personnellement, ce serait plutôt des adultes. Après ça pourrait être intéressant aussi de
faire un stage d'observation dans une institution pour enfants.

Et oui, c'est vrai qu'au départ c’était pareil pour moi, les enfants on se dit qu'il y a quelque chose qui est
plus compliqué. Et bizarrement, gérer les enfants, c'est peut être plus simple, c’est plus facile de créer un
lien. En tout cas, ce qui est peut être plus compliqué, c'est qu'il faut travailler avec plusieurs personnes vu
qu’il y a les parents derrière de l'enfant, ce qui, en institution peut être sera moins présent.

Et vous, vous travaillez avec des adultes et également avec les enfants ?

Oui.

D'accord et quand vous travaillez avec des enfants, leurs parents sont-ils systématiquement présents
?

Alors je dirais là, ça dépend de chacun. On peut avoir un cadre différent. Mais moi, souvent, les enfants
dans les premiers temps, je reçois d'abord les parents seuls, il y a des psy qui diront qu'ils ne reçoivent
jamais les parents seuls.
C'est pour ça, c'est assez personnel aussi. Après, je reçois 3 fois l'enfant seul et après je reçois les parents
pour faire le point. Des fois je peux avoir des temps où je vois quand même comment l'enfant est par
rapport aux parents.

Oui, pour les voir ensemble, comment ils interagissent.

Tout à fait.

Ah c'est intéressant. C'est vrai que j'ai pas du tout pensé à cet aspect. En réalité, quand on travaille
en libéral, on va être plutôt libre de choisir sa méthode…
Oui, la seule limite étant posée par des questions éthiques qui sont quand même plutôt générales à tous.
Par exemple, en tout cas dans la pratique analytique, on ne reçoit pas de monde de la même famille. C'est
pour ça que, par exemple, les fratries, on se les partage.

Oui, bien sûr.

Donc je dirais, il y a des règles éthiques. Après, on fait notre cadre comme on le souhaite. Il faut que notre
priorité soit de sécuriser le patient. Pour les enfants, quelque part c'est pareil, même si un temps est partagé
avec le parent. On ne dit pas ce que l'enfant nous a dit. On partage quelque chose de notre ressenti.

Oui, il faut maintenir quand même cette confidentialité et cette confiance au-delà de tout.

Oui, il faut pouvoir vraiment sécuriser, surtout les enfants qui ont peur que ce qu'ils vont dire peut avoir
une influence sur leurs parents. Donc il faut vraiment qu'ils soient protégés de tout ça.

C'est vrai.
Est ce que vous pensez tout de même que pour vous, le fait d'exercer en libéral, c'est ce qui vous
convient le mieux ?

Au fond, il n'y a pas d'enjeu professionnel, on peut très bien vivre en libéral, je pense, on peut gagner
mieux notre vie qu'en institution.
En même temps, vous allez le voir en stage et je pense que ça va changer, la psychologie est quand même
très mise à mal en ce moment. Donc les conditions de travail peuvent être compliquées. Le psychologue
peut être facilement pris dans les demandes institutionnelles. Alors qu'on a une place quand même, qui se
doit d'être un peu à part, c'est pas toujours simple.

Intéressant.

Enfin, quelque part, normalement dans les institutions, on devrait avoir aussi des temps d'analyse, de
pratiques de supervision. Ce n'est pas obligatoire et ce n'est pas toujours le cas. Donc il y a des choses qui
ne peuvent pas toujours être mises en place, il y a des problèmes de budget.
Je dirais malheureusement qu'il ne faut pas se leurrer aussi et je pense que ça va bouger parce que les
choses restent compliquées en institution.
Donc je pense qu'il faut déjà être bien au clair aussi avec sa place pour pouvoir garder cette place en
institution. Oui, ça me paraît nécessaire.

Mais après, c'est une autre vraie question, parce que du coup je me relance justement cette année en
reprenant le master 2, pour avoir ce titre en plus si jamais un jour j’ai envie d'être un peu aussi en
institution.

Bien sûr.
Quelle est, selon vous, la différence principale entre être psychologue et psychothérapeute ?
Alors, les psychothérapeutes ne font pas des tests psychométriques par exemple.

Vous n’êtes pas habilitée à les faire ?

Alors je ne sais pas si légalement on est habilité ou non. Moi j'ai fait le choix quand même de ne pas
proposer de tests.
Et justement les institutions maintenant attendent du psychologue qu’il soit souvent que du côté du
diagnostic et du passage de test.
Alors que psychothérapeute, on est vraiment du côté de la psychothérapie, ça s'arrête là.

Le psychologue en institution, on veut qu'il ait un regard d'expert sur le diagnostic.

Mais du coup, c'est-à-dire qu'on enlève un peu tout ce côté thérapie du métier de psychologue en
institution ?

Je pense que je caricature en disant ça comme ça, parce qu'il y a encore des lieux où ce n’est pas tout à fait
le cas. Après le psychologue des institutions, il est quand même là pour les groupes de paroles, pour les
suivis personnels.

Est-ce que vous, en travaillant en libéral, vous vous interagissez aussi avec des psychiatres ?

Je pense que c'est important quand on s'installe d'aller voir aussi les psychiatres du lieu où on est.
Et il y en aura besoin parce qu'il y a des patients qui ont besoin d'un traitement médical.

Oui, c'était justement là que je voulais en venir. Comment ça se passe pour les patients qui sont sous
traitement, est-ce qu'ils peuvent quand même consulter un psychothérapeute ?

Alors souvent là, ce que je fais avec mes patients, c'est que pour le traitement médicamenteux ils
consultent un psychiatre et moi je suis là pour la thérapie.
Surtout que les nouveaux psychiatres, pareil avant, ils étaient formés à la psychanalyse, au suivi….Mais
maintenant un psychiatre est là pour prescrire un traitement.

Est-ce que c'est une bonne chose ?

Ça, c'est une autre histoire, mais dans la formation, maintenant, on est malheureusement de ce côté-là et
après c'est libre au psychiatre, une fois formé et installé de se former ou non en plus.

Est ce que vous avez eu quand même une formation, pas nécessairement officielle, mais ce que vous
vous êtes intéressée justement aux traitements ?

Oui, un peu les traitements. Mais après, effectivement je laisse de côté parce que je laisse vraiment le
psychiatre s’occuper du traitement. Par contre, l'avantage aussi, c'est que, pour certains patients, la
psychothérapie peut permettre de diminuer le traitement. Certes on ne pourra pas toujours l’arrêter, surtout
si on est du côté de la psychose, mais ça aide. Il y a un vrai effet et c'est ça qui est intéressant.

C'est vraiment l'idéal, de réussir dans la mesure du possible d’en arriver là.
Alors je voulais vous demander, est ce que vous pratiquez les séances en groupes ou en couples ?

Oui alors je fais les couples, mais c'est vrai que je ne m'occupe pas des familles ou je ne fais pas les
groupes non plus pour le moment, en tout cas.

Et c'est quelque chose que vous envisagez peut-être de faire ?

C'est quelque chose que j'aimerais bien faire, je pense peut-être que je me formerais un peu plus pour tout
ce qui est groupe d'analyse, des choses comme ça, parce que ça c'est quelque chose qui m'intéresserait.
Mais après les familles, j'ai des collègues qui font des des familles et qui sont formés plutôt aux thérapies
systémique et qui rassemblent les familles en deux. Enfin, ils sont 2 thérapeutes pour la famille.

Ah, d'accord, je savais pas que c'était quelque chose qui se pratiquait.

Mais après, ça dépend aussi de comment on le sent. Je pense qu'il faut vraiment s'écouter parce que chaque
thérapeute aura son style et sa pratique, selon son vécu, son cadre…

Vous travaillez spécifiquement avec des problèmes particuliers ?

Je pense que c'est vrai qu'il y a ça, qu'on imagine quand on termine, il faut qu'on ait une boîte à outils
spécifique et qu'on traite tel ou tel problème.
Alors moi je pense que personnellement, enfin étant d'orientation psychanalytique, que ce n'est pas la
question du symptôme qui est importante, c'est la question du sujet. Donc finalement, et je pense qu'il faut
se décaler du symptôme, si on se focalise sur le symptôme, on passe à côté de tout. Donc je pense qu’on
peut tout traiter, tout dépend de nos propres limites.

D'accord, est-ce que vous avez vu des réticences au début, quand vous avez commencé, par rapport
à certains cas un peu plus avancés ?

Je pense qu'on peut toujours avoir un peu peur mais justement si on a peur du symptôme, si on se retrouve
avec des psychoses en libéral, on se dit « est-ce que ça va tenir, est ce que c'est raisonnable ? ». Mais bon,
là il faut un encadrement psychiatrique.
Ou alors quand on est pris, surtout avec des enfants, dans la panique du parent, du symptôme qui peut être
très envahissant et handicapant… C'est pour ça qu’après, ça tient plus de nous, de notre capacité à nous
décaler de ce qu'on nous demande.
Une fois qu'on a réussi ça quelque part, ça va. Sauf que bon après, il peut toujours y avoir des
problématiques qui nous touchent plus que d'autres, c’est plus ou moins facile de se décaler.

C’est très intéressant, on a parfois l'impression qu’il faut qu’on soit préparé à tout.
Oui, on a l’impression qu’on doit tout savoir, vu le nombre de théories et de concepts qu’on apprend.
Mais je dirais, quand on reçoit quelqu'un, il faut faire comme si on ne savait rien.
C'est un peu bizarre de le dire comme ça, mais si on veut rencontrer la personne sur le moment, il faut ne
pas qu'on se dise il m'a dit ça, donc ça me fait penser à tel concept, et je vais l’encadrer dans tel symptôme.
On est dans ce qu'on appelle enfin, on dirait « le sujet supposé sachant ». Supposé, donc on ne sait pas au
final ce qui ne va pas.

Mais c'est justement cette position qui inspire confiance au patient et qui lui permet de s'ouvrir…

C'est ça, il faut qu'on ait cette position là du savoir, mais on ne l'incarne pas, on n'est pas le savoir.

C’est une belle manière de dire les choses…


Je vous remercie énormément pour toutes ces informations, ça à été très enrichissant pour moi.

Avec plaisir, n’hésitez pas à revenir vers moi si vous avez d’autres questions ou doutes.

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