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Droit et Société 11/12-1989

Le Droit, (p. 81-100)

un ensemble peu convivial

André-Jean Arnaud *

Résumé L’auteur
Né en 1936, il est juriste de
On suppose que le Droit peut être considéré, pour les besoins de l’étude, formation et Docteur en Droit.
Élève puis Assistant de Michel
comme un système. Il est fondamental de connaître les possibilités Villey à la Faculté de Droit de
d’ouverture d’un tel système par rapport aux autres systèmes qui Strasbourg, il entreprit sous son
constituent son environnement. Or, le Droit apparaît comme un système impulsion des études universi-
clos, ce qui en fait un piètre candidat pour une analyse dans les termes taires complémentaires en let-
tres classiques, en philosophie
des plus récents développements de la théorie des systèmes. et en droit canonique. Avocat à
Il n’est, dès lors, pas surprenant de trouver deux types d’approche du la Cour d’Aix-en-Provence, il a
Droit : 1 – Dans le cadre de la théorie des systèmes, le Droit est considéré suivi, ensuite, une carrière de
chercheur. Il est actuellement
comme un sous-système du système social global. Cette approche fait fi Directeur de Recherche au CNRS,
de la normativité spéciale du Droit ; 2 – Une alternative consiste à et occupe la charge de Directeur
considérer que le Droit est un ensemble, composé d’éléments possédant Scientifique de l’Institut Interna-
tional de Sociologie Juridique
une normativité spécifique par rapport aux autres systèmes normatifs. d’Oñati (Pays-Basque, Espagne).
Ainsi considéré, le Droit possède certaines qualités du système, non pas En vingt-cinq ans, il a produit
toutes ; il convient, par conséquent, de l’étudier selon une méthodologie plusieurs dizaines d’articles de
fond et de nombreux ouvrages,
particulière, appropriée. depuis Les origines doctrinales
du Code civil français (Paris,
LGDJ, 1969) et l’Essai d’analyse
structurale du Code civil. La rè-
Summary gle du jeu dans la paix bour-
geoise (Paris, LGDJ, 1973) ; Les
juristes face à la société, du XIXe
siècle à nos jours (Paris, PUF,
It is supposed than law can be studied as a system. It is important to un- 1975) ; La Justice (Paris, Seghers,
derstand the ability of such a system to be open to those other systems 1977), jusqu’à la Critique de la
which constitute its environment. The law, however, appears to be closed raison juridique, I – Où va la so-
ciologie du droit ? (Paris, LGDJ,
to such an environment and this makes it a difficult candidate for analysis 1981), dont il prépare le tome 2
with the aid of the most recent research systems theory. (L’Homme-droit. Éléments pour
It is therefore not surprising to find two approaches to the law : 1 – In the une anthropologie juridique) et
framework of systems theory, law is seen as a sub-system of the general un tome 3 consacré à l’étude des
conditions d’être d’une épisté-
social system. This approach is taken at the expense of helping us to un- mologie juridique. Plusieurs de
derstand the specific normativity of the law ; 2 – Alternatively, the law ses travaux ont été publiés dans
might be characterized as a set of elements possessing a unique norma- des langues étrangères.
tive quality as compared with other normative systems. From this per-
spective the law seems to possess some but not all of the qualities of sys-
tems, and must therefore be studied according to a methodology particu- * Institut International de Socio-
larly appropriate to it. logie Juridique d’Oñati, Pays-
Basque, Espagne.

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André-Jean Arnaud L’adjectif « convivial » n’est que depuis peu attesté par le Petit
Le Droit, Robert. Mais si l’on se reporte au radical dont il est composé, on
un ensemble peu convivial comprend aisément ce qu’on veut évoquer en l’utilisant. Étymolo-
giquement, le cum-vivere désigne un art de la vie en commun : da-
vantage que ce que l’on attend d’un « convive » réduit au sens de
Il est, avec Jacques Commaille et « commensal », à moins que, par commensalisme, on entende, dans
Jean-François Perrin, le fonda- une acception propre aux sciences biologiques, cette « association
teur de la revue Droit et Société. d’organismes d’espèce différente, profitable pour l’un d’eux et sans
Il a créé également, à l’Institut
d’Oñati, une revue, Current Le-
danger pour l’autre », par opposition à ce qui se produit dans le
gal Sociology, et une collection, cas du parasitisme.
Oñati Proceedings. Co-auteur de En traitant le droit d’ensemble peu convivial, on prononce deux
nombreux ouvrages collectifs, affirmations : que parler de système juridique ne suffit pas à rendre
collaborateur régulier des Archi-
exactement compte de la nature spécifique du droit ; et que le
ves de Philosophie du Droit, puis
de l’Année Sociologique, corres- droit, conçu comme ensemble systémique, ne s’ouvre pas volontiers
pondant de nombreuses revues à son environnement. On dira peut-être que c’est, à première vue,
étrangères, il a récemment compliquer beaucoup les choses que de parler d’ensemble systémi-
coordonné le Dictionnaire Ency- que, alors qu’il n’est pas encore commun, chez l’ensemble des ju-
clopédique de Théorie et de So-
ciologie du droit. Résolument
ristes, de considérer le droit comme un système, dans un sens
tourné vers le dialogue entre des strict, dans toute la rigueur où ce terme est reçu par les sciences
cultures trop longtemps cloi- sociales. Si, en effet, évoquer la notion de système en droit n’a rien
sonnées par les nationalismes, il de très nouveau, rares, cependant, sont encore les juristes qui font
prépare un livre intitulé Pour écho aux recherches les plus récentes, alors que, depuis quelques
une pensée juridique européenne
(Paris, PUF, coll. « Les Voies du décennies, les travaux sur les systèmes ont complètement boule-
Droit »). versé le panorama traditionnel de l’étude en sciences sociales. Des
noms comme ceux de Von Foerster, Hofstadter, Varela, Herbert A.
Simon, ne se rencontrent pratiquement jamais dans des ouvrages
traitant de droit.
Il y a des exceptions. Ainsi rencontre-t-on des études très éla-
borées, sur le système juridique, à l’aide des outils conceptuels les
plus récents, chez des auteurs comme Luhmann, ceux qui l’en-
tourent, quelques chercheurs isolés (G. Timsit, M. Delmas-Marty) et
ceux qui se sont groupés autour de la Revue Interdisciplinaire
d’Études juridiques de Bruxelles (François Ost, Jacques Lenoble, Mi-
chel van de Kerchove). Mais une chose est certaine, c’est qu’il n’y a
pas unanimité chez ces auteurs, ni sur la manière dont est conçu le
système en droit, ni sur la façon dont il opère. Il est vrai qu’ils se
rattachent à des courants – ou se réclament de filiations – diffé-
rents (Ost, van de Kerchove, 1988).
Pour l’essentiel, il est assez remarquable que les juristes ont
tendance à concevoir le système juridique comme ensemble de
normes – même s’il leur apparaît ne pas être que cela – tandis que
les chercheurs venus de la sociologie traitent du droit comme d’un
simple sous-système social global, au même titre que les autres
sous-systèmes, politique, religieux, moral, économique etc. La per-
tinence des conséquences qui découlent de cette prise de position
initiale est attachée à la valeur de ce postulat. Au titre de la clôture
du système juridique, c’est là une question liminaire sur laquelle je

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voudrais m’arrêter. Qui dit système, en effet, suppose clôture. Par Droit et Société 11/12-1989
clôture, on entendra, après Varela, cette autonomisation qui diffé-
rencie de façon stable et « négociée » une entité identifiable (le sys-
tème) de l’environnement dans lequel elle intervient activement, et
par rapport auquel elle est, donc, aussi ouverte. L’existence néces-
saire, essentielle, d’une clôture, pose deux problèmes importants :
celui de la détermination de ce qui est inclus dans le système, et
celui de la connaissance des effets et du prix de l’autonomie ainsi
acquise par le système.

Clôture du système et objet « droit »


Lorsqu’on aborde l’objet « droit », et que l’on souhaite être
tout à fait clair et rigoureux dans l’analyse, il semble difficile de
considérer un système où se côtoieraient pêle-mêle, à titre
d’éléments de ce système, des acteurs, des comportements, des
normes et des énoncés discursifs. Ces réalités sont donc ou bien
sélectionnées, ou bien ramenées à l’unité par les auteurs, comme le
fait, par exemple, Luhmann par le truchement du concept de com-
munication (Luhmann, 1982, p. 122-137 ; p. 2-3).
Une difficulté majeure tient, effectivement, au fait qu’il est ab-
solument légitime de souhaiter avoir une vue globale du phéno-
mène juridique, mais qu’il est essentiel, en même temps, d’assurer
l’unité du système tout en respectant la rigueur de la représenta-
tion. Si l’un des intérêts primordiaux de la systématisation consiste
bien dans la possibilité de modélisation qui y est attachée (Le Moi-
gne, 1977/84 et 1982), il est très important de reconnaître qu’il y a,
en ce qui concerne le phénomène juridique, plusieurs types de
modèles différents, selon qu’on prend, pour élément-base de
l’analyse, l’acteur et son comportement, la norme qui dicte ce com-
portement, ou encore les propositions selon lesquelles sont énon-
cées les normes.

Le juriste, le sociologue et le sémioticien


Une première modélisation concerne les normes juridiques. Un
ensemble de dispositions reçues et appliquées comme étant le
droit, en un lieu et en un temps donnés, constitue un ensemble
dont il est possible d’examiner les éléments (unités de l’ensemble
des dispositions au sens large : textes législatifs ou réglementaires,
décisions judiciaires, voire administratives, coutumes etc.), et la
manière dont ces éléments entrent en relation les uns avec les au-
tres. Il est même possible d’extraire, de la qualification de ces rela-
tions, une qualification générale de l’ensemble considéré. Ainsi
peut-on démontrer, en analysant le système que constitue, par
exemple, l’ensemble des articles du Code Napoléon, qu’il fut
l’expression d’une « paix bourgeoise » (Arnaud, 1973).

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André-Jean Arnaud Une deuxième modélisation concerne les interactions juridi-
Le Droit, ques. Dans une société donnée, régie par des normes juridiques
un ensemble peu convivial précises, toutes les interactions se résolvent, de la part des acteurs
du droit, en rôles et attentes, dictés par le système des normes ju-
ridiques sous l’emprise duquel ils vivent. Par exemple les citoyens
attendent du législateur ou du juge qu’ils jouent leur rôle en disant
le droit. Ou bien encore, le propriétaire attend du locataire qu’il
joue son rôle en payant son loyer et en jouissant des lieux loués en
« bon père de famille » ; et le locataire, de son côté, attend du pro-
priétaire qu’il le laisse jouir en paix des lieux loués. Les citoyens
attendent les uns des autres qu’ils respectent mutuellement leur
liberté et leur propriété ; et si l’un d’entre eux transgresse ce rôle,
et porte atteinte à la liberté ou à la propriété d’autrui, ce dernier
attend de la police et de la justice que l’une et l’autre remplissent
leur rôle, qui est de mettre le contrevenant à la raison. Des qualifi-
cations de ces diverses interactions juridiques, émerge une qualifi-
cation générale, qui explique la tonalité particulière du système.
Cette qualification coïncide, dans le meilleur des cas, avec celle qui
résulte de l’analyse du système des normes juridiques sur lesquel-
les sont fondées ces interactions.
Nous nous trouvons déjà en présence de deux types de modè-
les pour une même qualification essentielle, un modèle propre-
ment juridique, et un modèle plus sociologique. Mais il y a une
seule qualification générale, cette qualification étant l’expression
de ce que je nomme la raison juridique. Par « raison juridique »,
j’entends ce principe d’organisation cohérente du système, les pro-
positions qui le forment constituant un réseau de connaissances
organisées qui définissent une rationalité du monde. Dans la me-
sure où le droit, en tant que système, a une activité, ce qui dirige
cette activité vers la réalisation de ses fins se nomme raison juridi-
que. Elle est le moteur en vertu duquel un système juridique
s’organise de façon cohérente et propre à réaliser certaines fins.
Elle est la condition nécessaire et suffisante de l’existence d’un sys-
tème juridique, auquel elle sert à la fois de référence et de support.
Ses qualités sont l’unité, l’efficacité, l’exclusivité et le dynamisme
(Arnaud, 1981, p. 26-33).
Voilà donc un ensemble juridique ayant une raison unique,
mais modélisable de deux façons. Il s’en ajoute une troisième : le
discours juridique. En effet, les normes juridiques sont exprimées
par des énoncés discursifs. L’ensemble des énoncés discursifs
constituant le droit d’une société donnée mérite également d’être
modélisé. C’est le travail et du logicien, et du sémioticien, et l’on
sait quels sont, aujourd’hui, les développements de ces nouvelles
branches d’étude du droit que constituent la logique et la sémioti-
que juridiques (cf. Droit et Société, vol. 8, 1988).
Une raison, trois modèles, trois manières de concevoir le droit
comme système juridique. Ces trois manières sont complémentai-

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res pour la compréhension totale du phénomène juridique. On se Droit et Société 11/12-1989
trouve alors en présence d’un système complexe composé de sous-
systèmes spécifiques, celui des normes juridiques, celui des repré-
sentations symboliques des interactions juridiques prévues par les
normes, et celui du discours de ces normes. Système complexe,
puisque l’ordre n’y est pas apparent, mais caché ; puisque, égale-
ment, les relations y sont obscures, aléatoires, antinomiques. Mais
nous parlons ici de compréhension : au stade de l’analyse, les trois
modélisations font l’objet d’études spécialisées. Tout est rendu
plus complexe encore par le caractère normatif de ce système.

La double nature normative du droit


Les chercheurs en sciences sociales qui s’intéressent au droit
prennent mille précautions pour rassurer les juristes. Ils précisent
bien qu’ils étudient un objet rendu très particulier par sa normati-
vité. Et ces assertions sont troublantes. D’une part, ces auteurs
s’inscrivent dans le champ de la normativité ; et d’autre part, ils
composent leurs systèmes à la fois d’éléments normatifs par na-
ture et d’éléments productifs de normativité. Cette difficulté se re-
trouve dans les effets inter-systémiques, le système juridique étant
considéré comme pouvant au moins accéder à la connaissance par
une ouverture vers les systèmes composant son environnement.
Or, du fait que le droit relève du devoir-être, il est difficile d’ad-
mettre qu’il puisse, en quoi que ce soit, être ouvert sur l’extérieur.
Niklas Luhmann, il est vrai, résout le problème d’une manière
radicale, puisqu’il nie la grande dichotomie. Il déclare d’entrée de
jeu que ceux qui tiennent encore pour la distinction de l’être et du
devoir-être ne sont que des attardés en un temps où seule la dis-
solution des délimitations précises de ces mondes fait surgir un
espoir de progrès dans la connaissance du droit. Il s’agit là d’un de
ces coups de force dont il est coutumier. Mais ce n’est peut-être
pas la manière la plus propre à convaincre.
Les difficultés de convivialité du droit ne sont pourtant pas in-
surmontables. Elles s’aplanissent, par exemple, si l’on admet que le
droit se spécifie par une normativité double. Ses éléments relèvent
à la fois d’une normativité simple et d’une normativité spéciale. Est
simple la normativité par laquelle on distingue un système norma-
tif d’un système qui ne l’est pas ; la normativité spéciale est celle à
quoi l’on distingue le droit d’autres systèmes normatifs. Pour com-
prendre en quoi le droit a une nature normative double, il suffit de
se reporter au moment de l’émergence de la norme juridique, et de
se demander ce qui fait que le droit est du droit.
Ce qui est « droit » est tel parce que, au moment où est née la
prescription juridique, c’est telle disposition et non telle autre qui
a été choisie pour être le droit. Le choix impose l’idée d’une multi-
plicité antérieure. Il y avait, avant le moment du choix, une multi-

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André-Jean Arnaud plicité d’éventualités, toutes les dispositions possibles qui se trou-
Le Droit, vaient en concurrence ayant chacune en propre vocation à devenir
un ensemble peu convivial droit. Parmi elles, une seule est devenue le droit. Mais toutes
avaient vocation à l’être. Cette qualité les réunissait dans une
classe d’objets de même nature, mais d’une nature différente du
droit.
En même temps, la disposition qui fut prescrite devint le droit,
devint du droit, sans avoir perdu sa nature antérieure, comme un
second vêtement qu’on passe par dessus le premier. En effet, au
moment de son abrogation éventuelle, cette disposition est desti-
née, perdant sa qualité de droit, à retrouver celle de simple dispo-
sition ayant toujours vocation à devenir droit, qualité que, par
conséquent, elle n’avait jamais perdue. Toute norme qui concourt à
former un système de droit a donc une double nature, celle de
droit venant se surimprimer sur celle de juridique. On peut ici utili-
ser la qualification de « juridique », qui est plus large que celle de
« droit ». Ce qui n’est pas juridique ne peut pas être du droit. Il n’y
a que ce qui est juridique qui puisse être du droit. Le divorce est,
dans tel système positif de droit, une institution du droit, qui ne
l’est pas dans tel autre. Dans ce dernier, le divorce ne perd pas
pour autant sa vocation à devenir un jour le droit. En attendant, il
demeure dans l’ensemble des éventualités, dans l’ensemble des
conçus, mais dans un ensemble spécial de conçus qui, s’il peut
concerner aussi la morale, la religion, la société, le politique, n’est
ni la morale, n’est ni du religieux, ni du social, ni du politique, mais
un ensemble capable de prendre et de perdre la qualité de droit, un
ensemble sui generis, un ensemble juridique.
Il en va des systèmes de normes comme des dispositions
considérées de manière atomique, ces dernières constituant les
éléments des systèmes. On peut même considérer l’existence de
systèmes à un seul élément. Mais alors, quand les auteurs parlent
de système juridique, à quoi se réfèrent-ils ? À ce que nous nom-
mons ici système juridique, c’est-à-dire ensemble d’éléments ayant
vocation à devenir droit ? Plutôt à ce que nous appelons « droit ».
Et c’est là que le juriste ne peut plus s’entendre avec les chercheurs
en sciences sociales, dans la mesure où ces derniers confondent le
niveau du système juridique avec celui du droit.
Par quoi reconnaissons-nous le droit du juridique ? Il faut faire
intervenir ici le concept d’idéologie. Les juristes ont en effet appris,
de longue date, à cerner, dans le droit, un phénomène irréductible
à un simple sous-système social, et qui ne peut être défini correc-
tement sans intervention de l’idéologie. L’intervention de la notion
d’idéologie est essentielle pour la définition du droit – ce qu’elle
n’est pas au même degré pour les autres domaines de la vie so-
ciale. Dans le droit, en effet, sont présentes toutes les composantes
de l’idéologie : idéologie des valeurs, de la légitimité, de l’obliga-
toire, de la force coercitive institutionnelle (Arnaud, 1981, p. 310 et

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404). Par idéologie des valeurs, je vise aussi bien les valeurs uni- Droit et Société 11/12-1989
verselles (« je crois à la nécessité de respecter le droit parce qu’il
est l’expression de notions supérieures, le juste, le beau, la paix,
l’harmonie, l’ordre, la morale... ») que des valeurs de civilisation
(« je crois à la nécessité de respecter le droit parce qu’il correspond
à la conception du monde telle que l’a formée l’histoire de la civili-
sation dans laquelle je suis immergé »). L’idéologie de la légitimité
peut être ainsi formulée : « je crois à la nécessité de respecter le
droit parce qu’il est l’expression de l’autorité légitime » ; l’idéologie
de l’obligatoire : « je crois à la nécessité de respecter le droit parce
qu’il est droit, et simplement pour cela ». Par idéologie de la force
coercitive institutionnelle, il faut entendre celle qui assure le res-
pect aussi bien de l’administration que de la police et de la justice
(« je crois à la nécessité de respecter le droit parce qu’il y a de tel-
les autorités chargées de le faire respecter »). L’une ou l’autre, ou
plusieurs de ces différentes composantes de l’idéologie peuvent se
trouver, à un titre ou à un autre, caractériser d’autres domaines de
la vie sociale, généralement des domaines normatifs. Mais il n’y a
que dans le droit qu’ils se trouvent ainsi tous réunis. Ce fait
conduit à considérer le droit comme autre chose qu’un simple
sous-système du système social tout entier : traiter ainsi du sys-
tème juridique, cela est concevable ; du droit, cela ne l’est pas.
Cela ne veut pas dire que, d’une certaine manière, le droit ne
puisse être traité également comme un sous-système du système
social global. Il peut l’être, mais il n’est pas que cela. Rappelons ici
la double nature normative du droit. D’une part, certes, il est droit,
et sa normativité spéciale ne le laisse pas comparer aux autres sys-
tèmes normatifs qui concourent à la complexité de la vie sociale.
Mais, d’autre part, il a aussi un caractère normatif qui permet de le
comparer à ces autres systèmes normatifs, un caractère normatif
qu’on pourrait qualifier de simple, par rapport à l’autre, qui est
spécial. Dans la mesure où il peut être l’objet d’une comparaison
avec d’autres systèmes normatifs de la vie sociale, il peut être dit
« simplement juridique ». En tant que système juridique, le droit
peut être alors considéré comme un sous-système du système so-
cial global. Mais, dans sa partie la plus profonde, qui est spécifiée
par une normativité spéciale, il ne peut pas l’être.
Les chercheurs en sciences sociales – N. Luhmann en tête –
parlent de système juridique en visant le droit. Mais ce qu’ils ap-
pellent droit n’est, compte tenu de la double nature du droit, que
du « juridique ». S’ils veulent avoir affaire réellement au droit, il
leur faut tenir compte de cette normativité spéciale qui spécifie le
droit. Ici, leurs analyses se révèlent sans portée. Si elles sont vala-
bles pour le « juridique », elles ne le sont plus pour le droit (Ar-
naud, 1988, p. 408 et 411). Le moment est donc venu d’examiner
quelles sont, dans ces conditions, les conséquences de l’existence
d’une clôture dans le système juridique et dans le droit.

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André-Jean Arnaud
Le Droit,
Clôture du système et autonomie du droit
un ensemble peu convivial Les juristes ont toujours rêvé d’autonomie. Que le droit soit
l’expression du « juste », et à l’écart des variations de l’ordre social,
de l’ordre politique, de l’ordre économique, a toujours été un but
poursuivi par eux avec avidité. Jamais, peut-être, avec les dévelop-
pements contemporains des recherches sur les systèmes et leur
application au droit, ils n’ont été plus près du but. Le droit, en ef-
fet, considéré comme système clos, ne fonctionnerait plus que sur
lui-même : apogée d’un droit pur.
Mais l’autonomie d’un système s’apprécie de deux points de
vue, cette faculté qu’a le système de fonctionner sur lui-même
pouvant être examinée dans les rapports entre systèmes ou dans
les relations entre les éléments à l’intérieur du système.

Relations entre systèmes


Et d’abord, comment le droit réagit-il à son environnement ?
Les systèmes se distinguent communément en ouverts et fermés,
selon qu’ils acceptent ou refusent la confrontation, l’interaction,
dans l’une quelconque des phases de leur fonctionnement, avec
d’autres systèmes avec lesquels ils se trouvent en concours dans la
complexité de la vie sociale. Or, si l’on attend d’un système qu’il ne
stagne pas à un niveau de performance insuffisant, il faut admettre
que ce système ne soit pas complètement fermé ; il faut assurer
une liaison avec l’extérieur, dans un certain nombre de cas et sur
un certain nombre de problèmes qu’on aura pris le soin de préci-
ser, afin d’obtenir des indications sûres sur la qualité des perfor-
mances du système.
Malheureusement pour les juristes assoiffés d’autonomie, plus
personne ne se risquerait, aujourd’hui, à parler de système sans
évoquer son degré d’ouverture. De ce point de vue, la cybernétique,
qui a fourni le concept de boîte noire à la modélisation, si elle se
trouve actuellement dépassée, a permis de traduire l’ouverture du
système sur l’environnement et sa dépendance à son égard. Cela
explique, au moins partiellement, la réticence historique des juris-
tes envers la cybernétique naissante. Il appartint à la systémique
d’ajouter le concept d’organisation qui, selon la démonstration
d’Edgar Morin, serait à la face interne du système ce que la boîte
noire est à sa face externe (E. Morin, 1977).
Le degré d’autonomie d’un système est lié à son degré
d’asservissement interne-externe, donc à ses ancrages hétéronomi-
ques (Jacques Miermont, 1986, p. 198). L’ensemble des chercheurs
l’a bien compris, qui ménage toujours une possibilité d’ouverture
d’un système, si fermé soit-il, vers les autres systèmes qui forment
son environnement, cette ouverture et cette fermeture pouvant

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être conçues comme complémentaires ou concomitantes (J.P. Du- Droit et Société 11/12-1989
puy, 1986.16, p. 9 suiv.).
Prenons l’exemple du système forgé avec minutie par Niklas
Luhmann : c’est chez lui qu’on trouve actuellement l’une des expli-
cations les plus soignées et les plus précises de l’autonomie du
système juridique. Pour lui, et compte tenu du fait que le système
juridique n’est qu’un sous-système dans le cadre général de la
théorie de la société, sous-système qui se distingue fonctionnelle-
ment des autres systèmes (entendons : il s’en distingue en ce qu’il
a une fonction propre), l’autonomie n’est pas « un but souhaité,
mais une nécessité fatale » (Luhmann, 1984). Le système juridique,
pas plus qu’aucun autre sous-système du système social global, ne
peut échapper à cette autonomie. Comment l’environnement par-
vient-il, dès lors, à se faire entendre d’un système normatif clos,
fonctionnant sur lui-même ? Par des interventions qui, postule
l’auteur, ne peuvent être ignorées en raison de leur puissance : ici,
ce sera la connaissance, dont les sources sont extérieures au sys-
tème, et lui sont aussi nécessaires que peut l’être une source
d’énergie. Le système juridique tel que le décrit Luhmann se pré-
sente donc comme clos normativement, en ce qui concerne l’infor-
mation et le contrôle, mais ouvert du point de vue cognitif. C’est
qu’il sait bien qu’il n’est pas de pragmatique des communications
sans la prise de conscience de systèmes complexes de cognition
sous-jacents et que, réciproquement, il n’y a pas de systèmes de
cognition sans une activation de leurs compétences effectives dans
des échanges interactifs (Miermont, 1986).
C’est trop, ou pas assez. C’est trop, car le droit est un système
clos, fermé dans l’instant ; imaginer une ouverture cognitive et une
fermeture normative, cela n’a de sens qu’au niveau de l’abstraction.
Mais, au niveau de la pratique quotidienne, qui est l’objet du droit,
quel sens cela a-t-il ? Quelle légitimation justifiera le moment de
l’ouverture ? la quantité d’ouverture ? la qualité de l’ouverture ?
Comment fonctionnera l’apport de la connaissance à la normativi-
té ? Luhmann résout la question de la légitimité en termes
d’opportunité – opportunité qui est entre les mains de ceux qui dé-
cident, ce qui conduit à considérer le droit comme une machine de
reproduction de l’ordre établi. En vérité, en tant que droit, nulle
communication avec l’extérieur. Le droit est image, reflet, insaisis-
sable et intangible aussi longtemps qu’il demeure »droit ». En sa
qualité de système juridique, par contre, il est l’objet d’une dialec-
tique infinie avec les autres systèmes qui lui fournissent ses ali-
ments ; société, politique, morale, psychologie, religion, économie,
science (notamment à travers l’état conceptuel des outils propres à
assurer son développement), en un mot tout ce qui constitue le
domaine de l’avant dire-droit (Arnaud, 1981, p. 324-350), dont la
constitution écarte toute ressemblance, par ailleurs, avec le nomos
de Hayek (Hayek, 1983, I, ch. 4). Si le modèle de Luhmann a quel-

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André-Jean Arnaud que chance de se révéler pertinent, ce sera à coup sûr dans ce sys-
Le Droit, tème que nous avons pris soin d’appeler « simplement juridique »,
un ensemble peu convivial mais certainement pas dans l’étude du « droit » à strictement par-
ler.
Mais alors, c’est trop peu : le type d’ouverture cognitive préco-
nisé par Luhmann n’est pas suffisant pour rendre compte de la dy-
namique extraordinaire du système juridique. Or, il existe un mode
de description simple des relations entre systèmes : nous le dési-
gnerons globalement sous le nom de polysystémie. La polysystémie
est la conjonction de plusieurs systèmes. Plus précisément, la poly-
systémie simultanée est la rencontre de plusieurs systèmes en un
même lieu et en un même temps. S’agissant de droit, nous avons
dit que, en un même lieu et en un même temps, il ne peut y avoir
rencontre de normes contradictoires appartenant à un même sys-
tème ; il ne peut y avoir, en un lieu et en un temps donnés, qu’un
seul système de droit en vigueur. Confrontés à cette situation, les
auteurs ont été amenés à construire des théories appropriées : le
lebendesrecht de la Freirechtslehre, par exemple, dont la fortune a
été grande jusqu’aux USA avec l’élaboration des théories réalistes
et de la Comprehensive Jurisprudence ; ou encore le pluralisme ju-
ridique qui permettait à Gurvitch de compter, au nombre des sour-
ces de règles de droit, toutes les communautés, collectivités supra-
étatiques ou groupements infra-étatiques divers, d’où jaillit un
droit spontané (Belley, 1986).
La théorie de la polysystémie simultanée permet de tenir
compte de ces phénomènes, des cultures, du droit vivant, tout en
respectant parfaitement la distinction, fondamentale pour les juris-
tes, de l’être et du devoir-être, dont la transgression jetait un soup-
çon sur les théories précédentes. Un droit en vigueur forme un sys-
tème. Mais, comme on l’a souligné, si l’on observe l’origine de ce
système, on se rend compte qu’il n’a la qualité de droit que parce
qu’un jour, en un lieu donné, une entité investie du pouvoir de dire
le droit a choisi, pour être le droit, l’ensemble des prescriptions
formant ce système, de préférence à d’autres corpus d’énoncés
prescriptifs. Ainsi le droit n’apparaît-il, au sein d’une matrice expo-
sitoire, que comme l’un des systèmes juridiques possibles qui
étaient susceptibles d’être désignés comme « droit ». Le simple fait
de désigner tel « possible juridique » comme droit entraîne deux
conséquences.
Premièrement, le droit en tant que système de normes joue dé-
sormais un rôle spécifique : ses éléments fournissent au système
d’interactions juridiques qui lui correspond les qualifications des
relations qui existent entre ses propres éléments. Par exemple, un
élément du système de normes prescrit l’obligation, pour le bail-
leur, de laisser son locataire jouir du bien loué. Dans le système
d’interactions correspondant au droit en vigueur, le lien verbal en-
tre le rôle du bailleur et l’attente du locataire sera dicté par cet

90
élément du droit, et s’énoncera « assurer la jouissance du bien Droit et Société 11/12-1989
loué ».
En second lieu, le fait de désigner tel « possible juridique »
comme droit, plutôt que tel autre, rejette instantanément dans les
conçus, voire les vécus, tous les autres « possibles » non consacrés
par le diseur de droit. Ainsi, parallèlement au droit, et parfois
contre lui, se dressent des systèmes juridiques conçus et vécus
préconstitués, qui forment un infra-droit, qui n’est pas droit, mais
qu’on nomme ainsi par référence au droit, au même titre qu’on
parle d’infra-rouge – qui n’a rien de rouge – mais permet de
« situer » ce dont on parle.
La question qui se pose est alors la suivante : quelles chances
un tel système juridique a-t-il de s’imposer, c’est-à-dire de venir
changer le droit en vigueur, ou de le supplanter. Il est nécessaire,
pour cela, qu’il repose sur un conçu, qui se matérialise dans un en-
semble de pratiques vécues en non-conformité avec le droit, paral-
lèlement et concurrentiellement avec lui. Ce système présente alors
la plupart des caractéristiques du droit, bien qu’il ne puisse être
appelé lui-même « droit ». Il s’agit d’un système juridique vulgaire :
il est constitué de toutes les pratiques qui ont lieu lorsque les ac-
teurs croient agir légitimement, alors qu’ils ne le font pas confor-
mément au droit imposé, et qui renvoient à un corps de normes ju-
ridiques conçues ayant vocation à devenir droit. Lorsque le subor-
donné refuse d’obéir à l’ordre de l’autorité, il ne réclame pas une
faveur : il croit dans le caractère légitime de sa prétention ; il se ré-
fère à un conçu propre dans lequel sa pratique plonge ses racines
et puise une raison. Quant à nous, nous savons que ce conçu, cette
pratique, cette raison peuvent être qualifiés de juridiques.
L’ensemble des prescriptions qui dictent au subordonné son rôle
forme bien un système, car sa pratique s’inscrit comme élément
d’un ensemble systématique en ce qu’elle correspond à une attente
relevant d’un conçu précis, ce qui, au niveau de l’interaction, as-
sure l’existence d’une bijection entre rôle exécuté et attente. De
plus, ce système présente ce caractère de « vocation à devenir
droit » qui en fait un système juridique.
Entre ce système vulgaire et le droit, il existe une interaction
qui apparaît comme un affrontement entre deux systèmes juridi-
ques. Cette rencontre se situe dans un champ. Pour qu’il soit perti-
nent de parler de champ, il faut qu’on puisse déterminer une zone
spatiale où s’exercent des forces d’une certaine et même nature, de
telle manière que, en chaque point, il soit caractérisé par la force
qui en résulte sur un élément donné placé en ce point. Parler de
champ juridique suppose que l’on précise où s’exercent les forces,
quelle est leur nature et de quelle manière elles s’affrontent.
En ce qui concerne le lieu de l’affrontement, on comprendra ai-
sément qu’il ne puisse se situer dans l’ordre du droit puisque, par
définition, le droit suppose la non-contradiction au sein du sys-

91
André-Jean Arnaud tème qu’il constitue. C’est dans l’infra-droit que se situe le champ
Le Droit, vulgaire où a lieu la lutte entre le droit et son contradicteur : le sys-
un ensemble peu convivial tème juridique qui prétend devenir « droit ». Mais alors, comment
expliquer que des éléments de droit puissent soudain traverser la
clôture du système auquel ils appartiennent, clôture hermétique,
on le sait, pour tomber dans l’infra-droit à seule fin de pouvoir
rencontrer son ou ses adversaires dans le champ vulgaire ?
Au niveau des systèmes d’interactions juridiques, la bijection
entre attentes et rôles requis par le droit en vigueur n’existe par-
fois pas ; dans ce cas, il y a une possibilité pour que la bijection
existe entre le rôle exécuté et une attente située dans un système
juridique autre. Rôles et attentes sont alors dictés par des normes
constituant un système juridique relevant de l’infra-droit. On peut
dire, dans ce cas, que les prescriptions de droit qui dictent les at-
tentes auxquelles il n’est pas répondu de manière conforme
connaissent un dédoublement de leur nature. Leur double nature
de juridique et de droit qui, un temps, coïncidait, ne coïncide plus,
se dédouble. N’ayant pas été abrogées, elles continuent d’appar-
tenir au système de droit ; mais elles se trouvent par ailleurs dé-
préciées, près d’être disqualifiées.
La force du droit tenait dans le fait qu’il constituait une parti-
tion : l’institutionnalisation de normes assurait la nécessaire com-
plémentarité d’un conçu et de vécus, ensembles non vides, disjoints,
et dont la réunion formait le droit. Or voici que s’élève un système
juridique (vulgaire), relevant de l’infra-droit, qui présente ces mê-
mes caractères (Contra : Y. Barel, Le paradoxe et le système, Greno-
ble, PUG, 1979, montre l’impossibilité d’une telle disjonction). Tan-
dis que l’infra-droit acquiert les caractères d’une partition, le droit
en vigueur, lui, tend à les perdre. Il connaît ce symptôme fonda-
mental de dissociation, la Spaltung, en quoi les psychiatres voient
l’élément spécifique de la schizophrénie. On voit disparaître, dans
le système de droit, la cohérence entre conçu et vécu ; le droit se
replie sur lui-même comme système purement formel. Même si son
vêtement officiel le rattache encore à l’ordre du droit, il se retrouve
dans le champ vulgaire en sa qualité de système simplement juri-
dique. Dans ce champ vulgaire, les éléments dépréciés du droit
peuvent, en leur qualité de « juridique », rencontrer – et ren-
contrent effectivement – ceux du système juridique vulgaire. Le
champ juridique vulgaire peut donc être défini comme celui des
transformations pacifiques d’éléments d’un imaginaire en éléments
de droit, moyennant une matérialisation qui s’est affirmée parallèle
au droit en vigueur, et sa concurrente.
Non seulement l’affrontement entre système vulgaire et droit
apparaît comme un affrontement entre deux systèmes juridiques,
mais encore, chaque système venant en contact au nom d’une rai-
son, le choc est celui de deux raisons juridiques. Cette remarque

92
permet de comprendre la nature du changement juridique opéré Droit et Société 11/12-1989
par la confrontation de ces systèmes.
En effet, le droit ne peut plus ne pas compter avec le système
juridique qui vient le concurrencer. Plusieurs cas peuvent se pré-
senter, selon le degré d’impact de la norme de remplacement que
le porteur entend substituer à celle qui appartient au système de
droit. Du choc peuvent naître une innovation, une simple adapta-
tion, une vaccination du vieux système, ou une récupération du
nouveau par le plus ancien.
Voilà comment fonctionnent l’ouverture et la fermeture des
systèmes juridiques par rapport au droit. Cette dynamique inter-
systémique se complique en outre d’une permanente récursivité
d’un système à l’autre. L’activité qui se noue entre systèmes en-
traîne, en effet, la modification des systèmes et de la clôture elle-
même. On observe ici ces phénomènes que François Ost et Michel
van de Kerchove qualifient, après Hofstadter, de boucles étranges
et hiérarchies enchevêtrées, qui permettent de conclure, plutôt qu’à
la complication, à la complexité du système juridique. Par l’ex-
pression « strange loop », Hofstadter vise, en effet, cette « inter-
action entre des niveaux dans laquelle le niveau supérieur redes-
cend vers le niveau inférieur et l’influence tout en étant lui-même
en même temps déterminé par le niveau inférieur » (Hofstadter,
1985, p.799). Une ébauche de cette complexité des systèmes juri-
diques a été dessinée par les auteurs bruxellois : leurs analyses
prennent une plus grande signification, peut-être, une fois faite la
part de la dynamique intersystémique telle qu’on l’a présentée,
c’est-à-dire la part faite, dans les systèmes juridiques, au droit
stricto sensu.

Des relations à l’intérieur des systèmes


Tout système juridique est structuré. Les éléments y ont cha-
cun leur place, selon la fonction qui est la leur. Tout système est
ordonné – ce qui n’exclut pas aussi le désordre. Sa structure peut
se révéler appartenir à l’un des deux types de réseaux, hiérarchique
ou circulaire. Un bon exemple de treillis est fourni par le droit du
Code Napoléon, tel qu’il est fondé sur les principes du jusnatura-
lisme moderne (Arnaud, 1973, p. 53). Par contre, la structure hié-
rarchique est celle qui caractérise par exemple la pyramide kelsé-
nienne. Quant à la structure circulaire, elle apparaît là où se trouve
refusée la linéarité, la simplification abstraite. S’appuyant sur ces
propos d’Edgar Morin, et se référant à la démonstration d’Hof-
stadter, Ost et van de Kerchove montrent comment ce type de
structure peut rendre compte de nos droits actuels. Si le modèle
hiérarchique en constitue largement le noyau central, on peut dé-
terminer l’existence d’un certain nombre de boucles étranges qui
transforment la hiérarchie apparente en hiérarchie enchevêtrée, par

93
André-Jean Arnaud l’action sur le système de quelque chose d’intérieur au système lui-
Le Droit, même. « Il ne s’agit pas d’une simple régulation par... (un) proces-
un ensemble peu convivial sus de feed-back..., ni d’un programme dépourvu de moniteur et
consistant exclusivement en réseaux de transitions entremêlées...
(La) présence d’une gradation, d’une relation de supériorité, d’une
position de commandement est incontournable même si elle est
immédiatement déjouée. En cela consiste l’étrangeté des boucles
observées : elles sont étranges car elles déçoivent une attente natu-
relle, celle, précisément, d’une hiérarchie respectée, d’une supério-
rité en acte » (Ost et van de Kerchove, 1987, IV, ch. 2).
Bien que les auteurs appliquent leur démonstration au droit en
tant que système de normes, cette circularité est surtout percepti-
ble dans les systèmes qu’on a nommés « simplement juridiques »,
ceux qui ne sont pas du droit en vigueur. En effet, ils sont formés,
on l’a vu, de conçus et vécus, ces deux niveaux opérant l’un sur
l’autre par une émulation constante (Arnaud, 1981 : schéma encar-
té p. 184).
Étant structuré et ordonné, tout système juridique apparaît
comme organisé, l’agencement des relations entre les éléments as-
surant le dynamisme des systèmes (Cf. Morin, 1977, p. 104). Étant
organisé, tout système juridique devrait apparaître également
comme organisant (Le Moigne, Intelligence, 1986, p.244). Cela n’est
pas vérifié s’agissant du droit envisagé comme système de normes.
Parler, en effet, de sa « mise en œuvre », de sa « dynamique », est
un abus de langage. Ce qu’on peut vouloir signifier par là, c’est que
les acteurs du droit mettent en œuvre des prescriptions qui sont à
leur disposition. Mais, ce disant, référence est faite non plus au
système de normes, mais au système des interactions juridiques
correspondant à ce système de normes. Le système de normes,
quant à lui, une fois consacré comme « droit », demeure herméti-
quement clos et complètement statique, comme le mécanisme
d’une pendule qu’on aurait arrêtée. On y puise des liens propres à
qualifier les relations entre éléments du système des interactions
juridiques, mais lui, le droit, ne bouge pas.
Qu’on n’oppose pas à cette assertion une soi-disant « évolu-
tion » du droit. La formule n’est pas autre chose qu’une manière
commode de signifier que, sans changement brutal, il y a, de temps
à autre, remplacement du système de normes par un autre système
de normes. Prenons le cas de l’innovation : l’innovation n’assure
pas une évolution interne du système de droit, elle permet de cons-
tater le remplacement d’un système de droit ancien par un autre.
Le déséquilibre du droit ne se règle pas – sinon par commodité du
langage – par réajustements continuels du droit en vigueur selon
les besoins sociaux, politiques, économiques du moment, mais par
une succession incessante de systèmes de droit. Lorsqu’une déci-
sion jurisprudentielle vient « modifier » le droit « précédemment »
en vigueur, ce changement juridique ne se traduit en termes d’évo-

94
lution que dans le vocabulaire doctrinal. En réalité, un nouveau Droit et Société 11/12-1989
droit succède à un autre plus ancien. Seule l’absence d’une révolu-
tion brutale donne l’impression qu’il y a eu une simple évolution.
D’une règle de droit ne saurait en naître une autre. Le droit n’est
pas organisant. À plus forte raison ne peut-on parler d’auto-
organisation ni d’autoréférence du droit.
Il est possible, par contre, de le faire si l’on vise le système ju-
ridique « simple », fait de conçus et de vécus ; il est possible de le
faire, aussi, si l’on envisage le droit en sa qualité de systèmes
d’interactions juridiques. Ici et là, par des récurrences constantes
d’un niveau à l’autre, par une référence constante à la raison qui
assure l’unité du système, on voit ce dernier s’organiser. Des élé-
ments naissent sur les liaisons denses ; la structure tend à se mo-
difier. Mieux, la clôture du système elle-même, qu’on pouvait croire
donnée a priori, se modifie sous l’impulsion de la force organisante
du système : bel exemple de complexité.

* *
*

L’ouverture du système tend à se définir par la capacité orga-


nisationnelle de ce dernier. Cela confirme notre assertion selon la-
quelle le droit constitue un ensemble absolument hermétique tan-
dis que les systèmes juridiques simples n’ont pas ce problème de
clôture. L’avant dire-droit, composé de tous les facteurs subjectifs
et objectifs a priori et a posteriori destinés à former les conçus et
les vécus juridiques (y compris ceux qui seront dits « droit »), in-
fluencés eux-mêmes par les opportunités psychologiques, sociolo-
giques, économiques, politiques les plus variées, participe directe-
ment à la création des normes par la série de références qui sont
faites à cet environnement au moment de l’inscription des systè-
mes juridiques dans la matrice où sera opéré le choix du diseur de
droit. Deux remarques s’imposent ici :
1. il ne s’agit pas à proprement parler de l’ouverture cognitive
préconisée par Luhmann, car l’expression n’aurait de sens que par
rapport à une fermeture normative propre au droit, alors qu’on se
trouve ici dans le cadre d’un système « simplement juridique » où
la nécessité de justifier une ouverture ne s’impose plus ;
2. le type d’ouverture préconisé est maîtrisé à chaque étape,
par un processus scientifiquement vérifiable.
Le propre et l’intérêt de la reconnaissance de l’existence de
système juridiques simples réside dans le fait qu’ils ne relèvent pas
– malgré leur normativité – de l’ordre du devoir-être, ce qui réduit
de beaucoup l’utilité de la distinction « cognitif/normatif », inap-
plicable, par ailleurs, au droit (par opposition au système juridi-
que). Sans compter que, par un effet des boucles étranges, le nor-
matif se trouve être, aussi, du cognitif.

95
André-Jean Arnaud Cette distinction entre système de droit et système juridique
Le Droit, présente, en outre, l’avantage de saisir la duplicité de la matière eu
un ensemble peu convivial égard à la théorie organisationnelle. Étant organisant, tout système
juridique qui n’est pas droit est, comme tel, producteur de lui-
même, c’est-à-dire auto-organisant, capable d’assimiler les exigen-
ces de l’environnement tout en développant sa propre identité.
Cela explique que les minorités porteuses de contre-droits soient
souvent peu malléables, car elles fonctionnent sur elles-mêmes,
oubliant souvent de prendre en compte des modifications qu’un
observateur extérieur jugerait indispensables à leur progrès, voire
à leur survie. Mais la dynamique interne des système juridiques
leur permet de pallier le déséquilibre constant qu’énonce le prin-
cipe selon lequel tout système absolument fermé tend au maxi-
mum d’entropie. C’est dans ces systèmes, reflet vivant du droit
s’ils dictent des rôles et attentes conformes aux normes imposées,
contre-reflet vivant du droit s’il s’agit de systèmes juridiques sim-
ples formés de conçus et de vécus parallèles au droit, qu’on ob-
serve la règle du jeu juridique. C’est là que l’observateur peut ap-
précier quelle raison révèlent la structure, l’organisation et la dy-
namique du système, par exemple raison « ludique » (droit d’une
économie et d’une société libérales) ou au contraire raison
« providentielle » (droit d’une économie et d’une société interven-
tionnistes), ou mixte (Arnaud, 1979).
Ces quelques observations sur la clôture du systèmes juridi-
que nous enseignent enfin – et peut-être surtout – la prudence.
Deux conclusions s’imposent à cet égard. D’abord pour constater la
polysémie du terme « système ». S’agissant du droit stricto sensu,
hermétiquement clos, le terme n’évoque guère davantage que ce
qu’on entend par là dans le langage ensembliste : un ensemble
d’éléments identifiables, qui a une frontière et des objectifs, un en-
vironnement, qui peut être abstrait, et, eu égard au temps, stati-
que, dynamique ou homéostatique (Le Moigne, 1974). Le terme, par
contre, peut s’employer spécifiquement s’agissant des systèmes ju-
ridiques dans le sens qu’on a défini, par opposition au droit enten-
du strictement. En ce sens, et ce sera notre seconde conclusion, ces
derniers sont susceptibles d’une modélisation au titre de la systé-
mique, tandis que le droit demeure plutôt le lieu de l’investigation
analytique.

96
Droit et Société 11/12-1989
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