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CHAPITRE II: LES METHODES DU DROIT COMPARE

La prise en compte de droits de plus en plus lointains et différents par leur esprit impose à la
démarche comparative le respect de méthodes rigoureuses. Aux exigences méthodologiques
stricto sensu (Section I) s'ajoutent, dans la comparaison des droits, des contraintes très fortes
concernant la documentation et la traduction (Section II).

Section I. Les exigences de méthode de la démarche comparative

La science du droit comparé s'appuie sur diverses méthodes entres autres : les méthodes
traditionnelles d'étude du droit (Paragraphe 1), et une méthode classique, le fonctionnalisme
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1. Le droit comparé et les méthodes traditionnelles d'étude du droit

Il existe des méthodes de travail générales, communes à tous les juristes.

A partir des idées, d'hypothèses de travail, la recherche et l'observation permettent de


procéder à des vérifications.

Diversité des méthodes

Dans un 1er temps, le « droit comparé » était plutôt la législation comparée. Lorsque le droit
comparé a émergé, il n’y avait pas vraiment de méthode : on a fait l’étude des législations
étrangères d’une façon assez empirique.

La méthode portant sur la législation comparée a rencontré en France un certain succès, elle
permet de réformer le droit français par observation des législations étrangères.

Cependant, elle est déjà critiquée par Saleilles dans les années 1890 : il ne comprend pas
l’intérêt de « résumer » les législations étrangères sur chaque question du droit national.

A partir du Congrès de droit comparé de 1900, on va réfléchir à de nouvelles méthodes.

Ainsi on peut voir quelques une des méthodes utilisées

• Méthode conceptuelle

Méthode assez commune : étude des concepts juridiques, des institutions et des notions. On
s’efforce de trouver des correspondances.

Ex : stare decisis (la règle du précédent n’a pas exactement le même sens au RU qu’aux EU).
Parce que le système juridictionnel est différent, la règle ne peut pas fonctionner de manière
identique.
Parfois, mieux vaut même reprendre le mot étranger lui-même, afin d’éviter toute confusion.
Ex : Common Law

• Méthode contextualiste

Cette approche met l’accent sur la nécessité d’observer le contexte dans lequel s’inscrit la
règle, avec cette idée que la règle doit s’expliquer au regard de facteurs environnementaux
(contexte économique, social, historique…). Il s’agit de « sonder l’arrière plan culturel du
discours juridique ».

• Méthode factuelle (méthode des cas).

Développée par le professeur Schlesinger, l’idée est de se baser sur un certain nombre de
situations de fait, pour être sûr que chaque pays apporte sa réponse à la même question. Partir
de cas concrets.

Paragraphe 2. Le droit comparé et le fonctionnalisme

Le fonctionnalisme est la méthode classique du droit comparé : la découverte de la fonction


d'une notion, d'un organe, d'un mécanisme permet d'aller plus loin dans la compréhension de
cette notion qu’une simple définition.

La recherche de la fonction de la notion, de la règle (ou norme), de l'institution (organe ou


mécanisme), et la découverte du fonctionnement du système sont donc privilégiées. On
distingue de la règle (ou norme) isolée, l'institution, qui peut être un organe, ou un
mécanisme.

Ainsi, l'institution du mariage est faite d'un arrangement de règles, justifiées par un ou
plusieurs objets, par un ou plusieurs buts. Les institutions répondent à des besoins, qui en
justifient l'existence. Elles ont une source matérielle, qui fournit leur raison d'être et
expliquent leur matière: elles ont une ratio legis.

Autre exemple le droit de la publicité foncière. Ce droit a pour raison d'être, pour ratio legis,
la sécurité des transactions immobilières.

Paragraphe 3. Le droit comparé et les autres méthodes d'étude du droit

Tous les auteurs reconnaissent au fonctionnalisme, à la recherche de la fonction dans le


système, une place importante dans la méthodologie de la comparaison des droits.

Est-ce une méthode dominante, une méthode privilégiée, une méthode de départ, une méthode
d'orientation?

Aujourd'hui, beaucoup d'auteurs insistent sur la place et le rôle d'autres méthodes, qui peuvent
s'avérer aussi efficaces que le fonctionnalisme. On ne peut donc pas les qualifier de méthodes
annexes. Chacune est fondée sur une relation logique privilégiée.
Pour aller plus loin

La méthode causale, la méthode structurale, la méthode actancielle, la méthode dialectique,


la méthode herméneutique.

Ces méthodes si diverses ne peuvent, sans dommage ou perte d'efficacité, être écartées de la
panoplie des outils à la disposition du comparatiste. On voit immédiatement que l'étude du
droit fait rencontrer des phénomènes de combinaison de ces méthodes. L'intention du
législateur (schème actanciel) est parfois prise en compte par le juge, dont la fonction
majeure est l'application d'une règle générale à des faits déterminés, dans son application de
la méthode herméneutique (l'interprétation de la volonté du législateur), ou de la méthode
fonctionnelle, ou téléologique, (qui lui fait rechercher le but visé par le législateur), ou de la
méthode structurale, bien utile pour que le droit garde son caractère d'ensemble cohérent,
non contradictoire, de normes.

La démarche comparative a donc une exigence de méthode particulièrement forte. Cette


recherche de méthodes juridiques éprouvées donne des résultats qui enrichissent la science du
droit en général: c'est l'une des contributions majeures du droit comparé au droit en général.

Le droit comparé présente une deuxième originalité de méthode, qui touche à son matériau de
travail: le traitement de la documentation exige des procédés particuliers.

Section II. Les Instruments de la Comparaison des Droits

Deux instruments de la comparaison des droits sont particulièrement utiles et nous


retiendrons: la recherche des documents (Paragraphe 1) et la traduction de ceux-ci
(Paragraphe 2). Nous terminerons cette section, par l'étude de l'aide que le droit comparé peut
trouver dans des disciplines voisines (Paragraphe 3).

Paragraphe 1. La recherche documentaire

Le problème de la recherche documentaire a toujours été crucial et difficile, en droit comparé.


Avant l'apparition de l'internet, la question de la documentation menaçait déjà d'engloutir le
comparatiste (1). Après cette innovation, la difficulté n'a pas disparu et la question s'est
trouvée posée en des termes différents (2).

(1) Un problème traditionnel

L'ambition du droit comparé de s'intéresser à tous les droits, la volonté d'en dresser une
typologie complète, le désir de rester informé de tous les développements ont toujours posé de
grands problèmes aux comparatistes.

Il est de fait que le droit comparé nécessite des connaissances très vastes et des intérêts très
divers. A la période récente, l'émergence des nouvelles puissances économiques, que sont le
Brésil, la Chine, l'Inde ou la Russie, a suscité le besoin de s'intéresser au développement de
ces droits, à l'égal des droits romanistes ou de common law.
La création de sociétés de législation comparée, à partir de 1867, celle de revues
spécialisées, celle d'instituts de droit comparé, à commencer, en France, par celui créé par
Lambert, au début du XXème siècle, au sein de la faculté de droit de Lyon, ont marqué des
étapes importantes du développement de la documentation en droit comparé.

(2) La révolution de l'internet

Les institutions génératrices de droit, en particulier les parlements, les gouvernements, les
juridictions supérieures, ont créé des sites web, qui fournissent non seulement les journaux
officiels et des recueils de jurisprudence, mais encore le compte rendu des débats, les travaux
préparatoires, des commentaires et des études de doctrine. Les sites des ministères de la
justice sont particulièrement utiles.

Il faut aussi relever les sites, de plus en plus nombreux, créés par des universités, des
bibliothèques universitaires, des facultés, des centres de recherche, des universitaires et autres
chercheurs agissant de leur propre initiative, individuellement ou en équipe. De plus en plus,
les éditeurs juridiques créent des sites spécialisés, où l'on trouve une documentation de
qualité, synthétisant l'ensemble des sources, formelles ou non, du droit.

La recherche documentaire sur le net conduit inévitablement à poser la question de la


traduction. Il existe des sites en plusieurs langues, notamment ceux des institutions
internationales, et aussi des sites officiels nationaux, et des sites privés, universitaires et
autres.

Paragraphe 2. Le droit comparé et les langues étrangères

Le droit comparé met directement en contact avec des sources, écrites ou orales, en plusieurs
langues. Il y a donc une problématique spécifique au droit comparé (1), dont traite la science
de la traduction ou «traductologie» (2).

(1) La problématique de la traduction

Certes, la globalisation multiplie les possibilités d'apprendre plusieurs langues simultanément,


parfois depuis le plus jeune âge. Mais la situation la plus courante, pour les chercheurs, est
celle dans laquelle ils ont une seule langue maternelle, et ils sont allophones dans une ou
plusieurs autres langues qu'ils ont à manier. On parle justement alors de langues étrangères.
Dans ce cas, la problématique de la traduction, qui s'impose au chercheur, le met au contact
de la diversité des traductions possibles, de la variabilité de la traduction.

Ce problème est souvent minimisé, ce qui est fort dangereux pour le caractère scientifique du
travail, car les langues présentent des disparités grammaticales et des différences lexicales,
qui sont porteuses de différences de vision et de traditions culturelles. Le vocabulaire lui-
même peut parfois se monter très trompeur.

Les Canadiens ont acquis une riche expérience de la traduction de concepts du droit d'une
famille de droit, dans la langue d'une autre famille de droit.

(2) La science de la traduction ou traductologie


Comme son nom l'indique, la traductologie est une science: la science de la traduction.

Quatre figures de proue de la traductologie: Luther, d'Ablancourt, Humboldt et


Schleiermacher.

Paragraphe 3. Le droit comparé et les sciences humaines

Il faut encore mentionner, parmi les connaissances fortes utiles, et souvent indispensables, à
des études sérieuses en droit comparé, des notions de diverses sciences humaines, en
particulier l'histoire et la géographie.

(A) L'histoire et, en particulier, l'histoire du droit

La connaissance de l'histoire générale des sociétés dont on veut étudier le droit est fort utile,
et généralement indispensable.

L'histoire, qui donne au droit son milieu naturel (Carbonnier), est le plus souvent nécessaire à
la compréhension en profondeur de l'état actuel du droit positif.

Tout étudiant débutant aura d'abord à se familiariser avec les sources formelles du droit: la loi,
la coutume, la jurisprudence. En progressant dans ses études, il se trouvera rapidement
confronté à des notions de fond essentielles. Toutes ces notions ont une histoire … Car il
n'existe pas de rupture entre le passé et le présent: la vie passée des institutions a façonné
leurs caractères actuels. C'est à ce but que répondent les enseignements historiques … pour
peu qu'ils visent à éclairer les origines du droit moderne.

(B) La géographie

La géographie est également une science dont des connaissances générales sont fort utiles à
des études de droit comparé. Les familles de droit sont si diverses, leurs membres sont si
nombreux, si dispersés à la surface du globe, qu'il est nécessaire de pouvoir localiser la
majeure partie des quelques 200 Etats de la planète.

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