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République du Bénin
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Université d’Abomey-Calavi
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Licence 1
BILAN DE LA DECENTRALISATION
Géographe-Aménagiste,
Spécialiste en décentralisation,
Développement Local, Environnement et
Genre
Tél : (229) 97 48 55 10
akobinno@yahoo.fr
akobinno@gmail.com
Avril 2023
Document support de cours sur le Bilan de la décentralisation au Bénin aux Etudiants de CEFORP _année 2022-2023.
Dr. Ir. Innocent Kocou AKOBI
2. Objectif général
Eclairer les étudiants sur les acquis, les faiblesses et les perspectives du processus de
décentralisation en cours au Bénin.
3. Objectifs spécifiques
A la fin du cours, l'apprenant doit être capable de:
Au niveau du savoir :
1. définir le concept de décentralisation et d’autres concepts clés qui en sont liés ;
2. connaître le cheminement du processus de décentralisation en cours au Bénin ;
3. comprendre les avancés, les limites et les perspectives de la décentralisation au
Bénin.
Au niveau du savoir-faire :
4. analyser les relations entre les principaux groupes d’acteurs de la déconcentration ;
5. identifier dans une administration des collectivités locales les facteurs de blocage
du processus de décentralisation au Bénin ;
6. faire des propositions pour améliorer certains paramètres du processus de
décentralisation en cours.
Au niveau du savoir-être :
7. être un citoyen averti et apte à contribuer au succès de la politique de
décentralisation au Bénin ;
8. être prêt à participer à l’amélioration de la gouvernance locale dans son milieu de
vie ;
9. être capable de contribuer efficacement aux débats sur la Politique Nationale de
Décentralisation.
4. Méthodes pédagogiques
Elles reposent sur les techniques suivantes :
- Cours magistral (déroulé avec un support power point projeté par vidéo projecteur) suivi de
débats ;
- Exposé de groupe ;
- Mise à disposition des apprenants du support du cours.
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Plan du cours
INTRODUCTION ..................................................................................................................5
CONCLUSION ....................................................................................................................55
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................56
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INTRODUCTION
Les réformes institutionnelles engagées dans les années 1990 pour l’instauration de la
démocratisation du pouvoir dans les pays d’Afrique au Sud du Sahara ont abouti à l’amorce
du processus de décentralisation. Le Bénin à l’instar de nombreux pays ouest-africains, n’a
pas résisté à ce mouvement.
En effet, la crise qui a secoué l’État béninois à la fin des années quatre-vingt et qui a conduit à
la tenue de la Conférence des Forces Vives de la Nation du 19 au 28 février 1990, a marqué
un tournant décisif dans l’histoire du pays. Cette rencontre historique a consacré les bases de
profondes des mutations aussi bien, politique, économique, sociale que culturelle. Les
réformes institutionnelles au plan politique ont orienté le choix vers le régime démocratique
ayant pour corollaire la décentralisation. Après treize (13) ans de tergiversations, le Bénin a
véritablement amorcé ce processus en 2003 avec l’élection et l’installation des premiers
conseils communaux et municipaux. Vingt (20) ans plus tard, quel bilan peut-on faire de la
pratique de décentralisation au Bénin ?
Pour donner un contenu satisfaisant à ce cours, nous tenterons de définir dans un premier
temps les concepts clés qui faciliteront la compréhension du processus de décentralisation,
ensuite, nous allons mettre en relief les acquis de la décentralisation au cours des deux
décennies (2003 -2023) et enfin passer en revue les faiblesses et les perspectives de la
décentralisation en cours au Bénin.
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1. Concentration
Dans un système de concentration administrative des pouvoirs, seul l'organe situé au sommet
de la hiérarchie, essentiellement le chef de l'exécutif et les ministres, dispose du pouvoir de
décision. C’est un système d’administration où tous les pouvoirs sont concentrés entre les
mains de l’Etat qui, par ses services, règle aussi bien les problèmes relatifs à l’ensemble du
pays que les problèmes spécifiques aux populations d’une zone géographique donnée
(MISD, 2003). Dans un tel système, les échelons hiérarchiquement subordonnés (inférieurs)
n'ont qu'un rôle de transmission : saisis d'une question concrète, ils adressent au ministre les
dossiers à trancher puis, une fois la décision prise, ils exécutent les ordres ministériels.
2. Déconcentration
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3. Centralisation
La centralisation étant la concentration de toutes les tâches administratives du pays entre les
mains de l’Etat qui les exécute uniquement par le moyen d’une administration hiérarchisée et
unifiée. Le pouvoir central se voit confier l’ensemble des tâches aussi bien de portée locale
que nationale.
4. Décentralisation
5. Compétence
C’est l’aptitude d’une autorité administrative ou judiciaire à procéder à certains actes dans des
conditions déterminées par la loi (Guillou et Moingeon, 1995). On distingue deux sortes de
compétences des communes (selon leur statut) : les compétences générales de toutes les
communes et les compétences spécifiques aux communes à statut particulier.
Ces compétences sont de trois types : les compétences propres (développement local,
aménagement, habitat et urbanisme, infrastructures équipement et transports, environnement,
hygiène et salubrité, etc.), les compétences partagées enseignement, éducation,
alphabétisation, santé, action sociale et culturelle) et les compétences déléguées (police
administrative, protection civile, publication des lois et règlements, état civil)
6. Aménagement du territoire
Selon Petit (1950), l’aménagement du territoire est la recherche dans le cadre géographique
d’un pays, d’une meilleure répartition des hommes en fonction des ressources naturelles et
des activités économiques. L’aménagement du territoire doit transparaître à travers un
équilibre régional organisé autour des pôles et des espaces de développement. Chaque espace
ou bassin de vie devrait être complémentaire des autres par ses ressources et ses activités.
L’aménagement du territoire est une politique d’organisation spatiale qui valorise les
complémentarités et articule les différents éléments d’un espace géographique. Il structure le
territoire et réduit les disparités liées à la métropolisation. L’implication du plus grand nombre
grâce à la démarche participative favorise l’aménagement plus équilibré d’un territoire .
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Pour Merlin (2000), c'est l'action et la pratique (plutôt que la science, la technique ou l'art) de
disposer avec ordre, à travers l'espace d'un pays et dans une vision prospective, les hommes et
leurs activités, les équipements et les moyens de communication qu'ils peuvent utiliser, en
prenant en compte les contraintes naturelles, humaines et économiques, voire stratégiques.
L'aménagement du territoire désigne à la fois l'action d'une collectivité sur son territoire, et
le résultat de cette action. On peut donc dire que l’aménagement du territoire est porté par le
développement local qui est lui-même lié à la notion de proximité géographique. Voilà
pourquoi Prod-homme (1996) conseille d’initier le développement local dans des territoires
correspondant à un espace de solidarité, dans lequel les habitants ont une histoire commune à
laquelle ils sont attachés individuellement et collectivement, dans lequel ils ont envie de
construire un avenir commun. Cet espace de solidarité existe aujourd’hui plus ou moins dans
les villages et dans certains arrondissements. Il résulte à la fois des liens culturels qui puisent
leurs racines dans le passé et des réseaux économiques malheureusement extravertis.
Houée (2001) parle de dynamique à géométrie variable. Car avec la décentralisation, les élus
devraient travailler à élargir ces noyaux traditionnels de solidarité à l’ensemble du territoire
communal par des services (transport scolaire, gestion des ordures ménagères, aménagement
et gestion de forêt etc.) qui dépassent les ambitions et les capacités villageoises et inter-
villageoises. En fonction de la vision des élus, les communes peuvent également se regrouper
en intercommunalité, créer les zones d’activités, mutualiser les ressources humaines et
financières et répartir les charges pour améliorer la qualité des services liés à leurs intérêts
partagés comme le propose la Délégation à l’Aménagement du Territoire (2003). Car
l’expérience a montré que le développement économique pour avoir un impact significatif,
nécessite un seuil de population qui dépasse celle de la plupart des communes béninoises.
Aussi pour faire un plaidoyer efficace, les partenaires des communes y compris l’Etat,
apprécient la démarche des élus locaux à l’aulne de la taille du territoire qu’ils représentent.
7. Développement local
« Le développement local est fondé sur la mobilisation locale des ressources et des savoir-
faire, et met l’accent sur le développement des initiatives locales, le renforcement des
solidarités intercommunales et la prise en compte des aspirations et des besoins de la
population dans les domaines économique, social et culturel. » Région Alsace(1988).
« Un processus déclenché par une volonté politique au profit des acteurs locaux pour changer
la situation du territoire communal sur lequel ils vivent ou auquel ils s’identifient. Ce
changement s’opère à partir des actions concertées de l’ensemble de tous les acteurs en vue de
construire, par leurs efforts conjugués, un projet de société à ce territoire. Un tel projet doit
intégrer à la fois les diverses composantes économique, sociale, culturelle, environnementale
et technologique, articulées avec les autres niveaux de décision, régional (ou départemental),
national et international ». Akobi (2009)
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8. Le principe de subsidiarité
Le principe de subsidiarité est donc le principe selon lequel une responsabilité doit être prise
par le plus petit niveau d'autorité publique compétent pour résoudre le problème. C'est donc,
pour l'action publique, la recherche du niveau le plus pertinent et le plus proche des citoyens.
Il conduit à ne pas faire à un échelon plus élevé ce qui peut être fait avec la même efficacité
(ou plus) à un échelon plus bas. Le niveau supérieur n'intervient que si le problème excède les
capacités du niveau inférieur (principe de suppléance). C’est un principe qui trouve son
origine dans la doctrine sociale de l'Eglise catholique
En résumé, le principe de subsidiarité est un principe qui permet le partage des compétences
entre les différents échelons du pouvoir. Il consiste à n'attribuer à l'échelon supérieur, que ce
que l'échelon inférieur, ne pourrait effectuer que de manière moins efficace
C’est donc le souci de veiller à ne pas faire à un niveau plus élevé ce qui peut l’être avec plus
d’efficacité à une échelle plus faible, c’est-à-dire la recherche du niveau pertinent d’action
publique.
9. La participation citoyenne
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Le citoyen c’est l’habitant d’une cité (localité : village, quartier de ville, hameau, ferme) qui,
dans un territoire donné, jouit des droits civiques et politiques ; mais développe des attitudes
de nature à générer son développement personnel et celui de sa société en général.
La participation citoyenne trouve son fondement juridique dans l’article 2 de la Loi N°97-029
du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin. Cet article
dispose que : « la Commune est l’expression de la décentralisation et le lieu privilégié de la
participation des citoyens à la gestion des affaires publiques locales »
10. L’intercommunalité
La politique de décentralisation en cours au Bénin n’a pas été accompagnée d’un découpage
administratif à l’échelle communale. Ce qui ne serait pas sans hypothéquer les chances de
développement local selon les conclusions des travaux du LARES(2001) et même de la
Délégation d’Aménagement du Territoire (DAT). En effet, les territoires des communes
actuelles seraient peu appropriés pour asseoir les bases d’un véritable développement
économique et socioculturel. Ainsi, la coopération intercommunale serait alors un palliatif à
cette insuffisance conformément à l’esprit de la loi n° 97-029 du 15 janvier 1999 portant
organisation des communes en République du Bénin dont l’article 176, dispose que :
« Plusieurs communes peuvent décider de s’associer en vue de la réalisation et de la gestion
d’équipements et de la création de services d’intérêt et d’utilité intercommunaux ».
Avant le vote de loi sur l’intercommunalité, plusieurs communes béninoises se sont
regroupées au sein d’associations (loi 1901).
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Avec le vote de la loi sur l’intercommunalité, il est constaté que les différentes associations
intercommunales préalablement créées sont appelées à subir des mutations pour se conformer
à l’esprit de la loi. En effet, la loi n° 2009-17 du 13 août 2009 portant modalité de
l’intercommunalité en République du Bénin, définit l’intercommunalité ou coopération
intercommunale comme la forme de coopération entre les communes limitrophes ou proches,
fondée sur leur libre volonté de coopération entre elles, notamment d’élaborer les projets de
développement. Cette loi présente les principes généraux de création, d’organisation, de
gestion et de contrôle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Ces
établissements sont dotés de personnalité juridique et de l’autonomie financière. Ils sont
classés en trois (3) catégories : la communauté de communes, la communauté urbaine, la
communauté d’agglomération.
- La communauté de communes désigne l’établissement public de coopération
intercommunale regroupant plusieurs communes qui en décident la création pour exercer
à la place et pour le compte des communes membres, certaines de leurs compétences
prévues par la loi.
- La communauté urbaine désigne l’établissement public de coopération intercommunale
regroupant plusieurs communes à caractère urbain qui en décident la création pour
exercer à la place et pour le compte des communes membres, certaines de leurs
compétences prévues par la loi.
- La communauté d’agglomération désigne l’établissement de coopération
intercommunale regroupant plusieurs communes qui en décident la création, autour d’une
commune à statut particulier, en vue d’exercer à la place et pour le compte des communes
membres, certaines de leurs compétences prévues par la loi.
Il faut noter que cette loi ne tient pas compte des expériences d’association de communes. Par
ailleurs, ses décrets d’application peinent à être élaborés et promulgués par le Gouvernement.
Sous l’impulsion des Partenaires Techniques et Financiers (PTF), une relecture de cette loi est
envisagée pour tenir compte des réalités vécues par les communes.
Au Bénin, cette coopération est plus large et implique à la fois les collectivités territoriales
décentralisée étrangères que les organisations et associations diverses dans le respect de la loi.
Plusieurs communes se sont battues pour nouer des partenaires avec des collectivités locales
ou associations étrangères.
12. Gouvernance
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La gouvernance locale selon le PNUD (1997) est l’ensemble des mécanismes, processus et
institutions par lesquels, les personnes et les communautés expriment leurs intérêts, exercent
leurs droits, remplissent leurs obligations et règlent leurs différends. La gouvernance locale
peut être entendue sous l’angle du rapprochement des citoyens autour du niveau de décision
politique local, du développement d’espaces de dialogue où les habitants expriment leurs
besoins et où l’autorité locale s’appuie davantage sur les organisations et initiatives des
populations.
13. La redevabilité
La qualité d'être redevable, en parlant d'une taxe. C’est l’obligation de rendre compte. La
redevabilité engage la responsabilité du dirigeant pendant et après son mandat à la tête de son
pays.
Redevabilité (au sens étroit) : La redevabilité se définit généralement comme « le moyen par
lequel des individus ou des organisations rendent compte de leurs actes à une (ou des)
autorité(s) reconnues et sont tenues pour responsables de ceux-ci. » (Edwards et Hulme 1996,
cité par Mulgan en 2000).
Redevabilité (au sens le plus largement répandu) : relation entre un détenteur de droits ou une
revendication légitime (un bien public, par exemple) et les personnes ou organismes (porteurs
de responsabilités) censés matérialiser ou respecter ce droit en effectuant ou en n’effectuant
plus certains actes. En langage fondé sur les droits, la redevabilité correspond à la réactivité
des « porteurs de responsabilité » et à la capacité des « détenteurs de droits » à faire entendre
leur voix, c.-à-d. à exprimer leurs besoins et à revendiquer leurs droits.
Redevabilité verticale : relation directe entre les citoyens et leurs mandataires publics,
essentiellement au travers des élections mais également au travers de formes plus directes de
participation et d’engagement citoyen.
Redevabilité vers le haut : redevabilité des niveaux de pouvoir inférieurs envers les niveaux
supérieurs ; une administration locale, par exemple, doit rendre des comptes à son ministère
de tutelle.
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Redevabilité vers le bas : redevabilité des niveaux de pouvoir supérieurs envers les niveaux
inférieurs : il incombe à un ministère de tutelle de soutenir les services d’appoint, par
exemple.
15. Transparence
• les citoyens ont accès aux informations sur le fonctionnement et la gestion des
collectivités locales ;
La loi exige que les collectivités locales soient soumises à des audits réguliers et
indépendants, financiers mais aussi organisationnels, dans des délais et suivant un calendrier
précis, et cette loi est appliquée. Au BENIN les communes sont soumises à un audit annuel et
à des missions d’inspection et de vérification dont les rapports sont mis sur le site de la
CONAFIL. Aussi les communes sont tenues d’avoir un tableau d’affichage et une salle de
documentation ouverte au public et contenant au minimum outre les meubles, le budget le
compte administratif le plan de développement communal.
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Après cette séquence de clarification des concepts clés liés au système de décentralisation, il
importe de rappeler brièvement sa pratique au Bénin depuis deux décennies.
La décentralisation telle qu’elle vient d’être définie n’est pas une pratique nouvelle au Bénin.
Bien des expériences ont été tentées et il convient de les rappeler avant d’analyser le cas
actuel, objet du présent cours.
Une analyse fine de l’histoire politique du Bénin fait apparaître en résurgence, des tentatives
de la pratique de décentralisation avant l’ère du renouveau démocratique en cours. A ce sujet,
on distingue trois expériences de nature et de contexte différents qui sont brièvement mises en
relief ici.
La première expérience a été faite vers la fin de la période coloniale et précisément en
1955. Par la loi 55-1489 du 18 novembre 1955, il fut créé des communes de plein exercice
gérées par un Conseil municipal, un maire et des adjoints disposant d’un budget communal. Il
s’agit des communes d’Abomey, de Cotonou, de Parakou, de Porto-Novo et de Ouidah.
La deuxième expérience date de 1964 quand la loi a de nouveau créé des communes qui sont
définies comme étant des collectivités territoriales autonomes tout en restant des
circonscriptions administratives avec à leur tête un représentant du pouvoir central.
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Les deux premières expériences de décentralisation n’ont pas été profondes. La première est
l’œuvre du colonisateur pour servir les intérêts de la métropole et tromper l’élite dahoméenne
en effervescence dans la marche vers les indépendances. La deuxième expérience par contre
est intervenue dans une période d’instabilité politique et n’a pas connu une véritable
application.
Quant à la troisième qui a bénéficié de certaines circonstances favorables (stabilité politique
et longue période d’application), elle n’a pas été concluante. En dépit des dispositions
législatives prévues pour rapprocher l’administration de l’administré, les pouvoirs n’ont
jamais été transférés. Cette troisième expérience a été étouffée et le parti unique a continué à
dicter ses lois depuis le sommet de l’État.
L’échec ou la remise en cause des trois expériences n’a pas empêché que la Conférence
nationale des forces vives de février 1990 recommande vivement le retour à une
décentralisation profonde qui accompagne le renouveau démocratique. Le législateur a-t-il
tenu compte de ces ratés pour l’expérience en cours à l’avènement du renouveau
démocratique ?
1.2.2 Rappel sur les grandes étapes du processus de décentralisation en cours au Bénin
Dans le cadre de l’exécution des recommandations issues de la Conférence des Forces Vives
de la Nation tenue du 19 au 28 février 1990, l’Etat béninois a mis sur pied un certain nombre
de chantiers à savoir :
5. De Juillet 1997 à février 1998 : vote des cinq lois par l’Assemblée Nationale.
9. En décembre 2002 et janvier 2003 les premières élections communales et municipales ont
été organisées
10. Dès mars 2003 les premiers conseils communaux/municipaux ont été installés
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15. Aussi la loi 2021-14 du 20 décembre 2021 portant code de l’administration territoriale, en
République du Bénin, a procédé à de profondes mutations dans l’organisation des communes
dans l’optique de la séparation des fonctions politiques des fonctions techniques et
administratives, un des principes directeurs de la réforme. Cette orientation a induit une
réorganisation du pouvoir politique avec la création d’un nouvel organe délibérant, qu’est le
conseil de supervision.
Cinq (5) lois ont régi la décentralisation au Bénin jusqu’au début de 2022. Il s’agit de :
L’ensemble de ces cinq lois se résume à travers les neuf (9) grands principes suivants.
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Le cinquième principe affirme que la commune dispose d’un budget propre qui doit
être élaboré et voté en équilibre des charges et des recettes par le conseil communal et
municipal.
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Par ailleurs, en dehors des instances étatiques, il y a des structures créées par les communes
elles-mêmes. Il s’agit de :
• L’Association Nationale des Communes du Bénin (ANCB) qui a, entre autres, pour
mission d’assurer le plaidoyer et le lobbying auprès de l’Etat et des Partenaires
Techniques et Financiers (PTF) en vue d’accompagner le développement des
communes.
• Les Associations régionales et départementales de communes qui sont pour la plupart
des associations de type loi 1901 ; on peut citer : le Groupement Intercommunal des
Collines (GIC), l’Association pour la Promotion de l’Intercommunalité dans l’Alibori
(APIDA), l’Association des Communes de l’Atacora et de la Donga (ACAD), l’Union
des Communes du Zou (UCOZ), l’Association pour le Développement des Communes
du Borgou (ADéCoB), etc.
Enfin on peut noter les Partenaires Techniques et Financiers qui appuient les efforts de l’Etat
en matière de décentralisation ; ce sont : la coopération suisse, la coopération allemande,
l’Ambassade royale du Danemark, la coopération technique belge, la coopération française,
etc.
Ils portent sur les éléments clés suivants : la nature, le niveau, le statut et les compétences, le
type de pouvoir des collectivités décentralisées et les raisons de la décentralisation.
La nature
Par rapport à la nature, il faut souligner que la décentralisation en cours au Bénin est
territoriale car elle s’applique aux entités territoriales qui s’administrent librement dans des
conditions prévues par la loi. Ces entités sont dotées de la personnalité juridique et de
l’autonomie financière. Il faut retenir que les deuxième et cinquième principes fondent ainsi la
nature de cette décentralisation.
Le niveau
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Le type de pouvoir
Dans le système de décentralisation, la question de représentativité fait distinguer plusieurs
types de pouvoir : le pouvoir par alternance, le pouvoir « consensuel », le pouvoir rotatif, etc.
C’est le premier cas qui est de mise au Bénin. Il s’agit du pouvoir par alternance c’est-à-dire
le système électif où celui qui incarne le pouvoir est élu sur la base de « ses idées » ou son
« programme » même si dans la pratique on se réfère pour le moment plus à d’autres
considérations telle que l’appartenance ethnique.
Les raisons
Les raisons de la décentralisation se situent très souvent à trois niveaux. Elles sont soit
extérieures aux États, soit issues des États ou des populations. Dans le contexte béninois, ces
trois raisons ont bel et bien concouru à l’avènement de cette décentralisation actuelle. Le
neuvième principe est très bien fondé ici.
Ces traits caractéristiques, brièvement présentés permettent de faire ressortir dans le tableau
ci-dessous de façon claire les relations entre État central – Département – Commune à travers
les notions de décentralisation et déconcentration.
Déconcentration Décentralisation
Acteur principal Administration, services déconcentrés Collectivités locales
Mode de désignation Nomination Élection
Mode de contrôle Hiérarchique Tutelle a posteriori
Assistance-conseil
La décentralisation telle qu’elle vient d’être présentée à travers ses fondements et ses
caractéristiques vise des enjeux qu’il convient de mettre en relief.
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Les collectivités de base doivent jouer le rôle de médiation en permettant aux citoyens de
participer effectivement au processus décisionnel et aux formations politiques de démontrer
leur capacité à prendre en compte les problèmes réels du développement.
Ils portent sur la libéralisation de l’économie, une des options inhérentes aux réformes
institutionnelles engagées par le Bénin. De ce fait, ces enjeux lient le Bénin à ses partenaires
que sont les institutions internationales (FMI, Banque mondiale) à travers le programme
d’ajustement structurel. Ces institutions voient la décentralisation comme un élément de la
« bonne gouvernance » permettant d’améliorer le fonctionnement de la gestion publique au
sens large et de réduire le déficit budgétaire de l’État en particulier. Aussi, ces réformes sont-
elles conformes à la philosophie libérale de ces institutions financières internationales dont
l’un des objectifs est de réduire les prérogatives de l’État central au profit des acteurs privés
du marché, de la société civile et, éventuellement, des pouvoirs locaux intermédiaires ; d’où la
politique de privatisation des entreprises d’État en cascade.
Tout en étant un objectif visé pour apporter un changement qualitatif, le développement local
apparaît comme un enjeu de la décentralisation pour le pays. Selon les conclusions des États
Généraux de l’Administration, la décentralisation vise à impliquer et à responsabiliser les
populations dans la mobilisation des ressources nécessaires pour la promotion d’un
développement à la base, seule voie pour les sortir de la misère.
Dans l’esprit des acteurs de la coopération aussi, la décentralisation doit être avant tout un
outil de développement local. Cette idée introduit la notion de participation des populations
aussi bien aux choix politiques qu’aux choix d’orientations économiques de leur milieu de
vie.
Quelle que soit la position des acteurs impliqués, la décentralisation accorde de nouvelles
compétences aux collectivités locales mobilisables pour le développement local.
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De ce bref rappel du processus de décentralisation quel bilan peut-on faire après de deux
décennies de sa mise en œuvre ? La deuxième partie sera consacrée à l’analyse des acquis de
la décentralisation béninoise.
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Les acquis de la décentralisation seront appréciés sur quatre (4) volets essentiels : le point de
l’arsenal juridique, le bilan financier, le bilan de l’ingénierie administrative et territoriale, et le
la promotion de la démocratie locale.
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Notons que sept ministères sectoriels, plus celui en charge de la tutelle des collectivités
locales ont élaboré des Plans de Déconcentration / Décentralisation (Plan2 D) adoptés en
Conseil des Ministres, le 11 mars 2020. Le processus d’élaboration des Plans 2D est en cours
dans les autres ministères. Les Plans 2D comprennent des axes stratégiques dont un central
fait référence à l’amélioration des mécanismes de transferts des compétences et ressources.
Au niveau déconcentré les douze départements que compte le Bénin ont validé leur Plan
Départemental de Coordination des Actions de Développement (PDCAD).
Tout cet arsenal juridique a renforcé le processus et lui confère sa solidité au fur et à mesure
en le rendant irréversible. Il faut noter que le Code de l’Administration Territoriale dont la
mise en œuvre vient de commencer, il y seulement a un an, a apporté une innovation
significative dans l’arsenal juridique. Non seulement il a regroupé les cinq (5) premières lois,
mais elle a également introduit des réformes fondamentales dans le fonctionnement des
collectivités territoriales.
Si cette réforme vient répondre à certains besoins exprimés au forum organisé sur la décennie
de la décentralisation en 2015, il faut dire que durant les deux décennies, les collectivités
territoriales ont appris à exercer à leur manière les compétences qui leur sont conférées par
l’arsenal juridique et qui leur sont réellement transférées.
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Après avoir passé en revue le fondement juridique de cette décentralisation, il est normal
d’apprécier le bilan de la décentralisation financière pour l’application du principe de transfert
des ressources aux collectivités territoriales conformément à la définition du concept lui-
même.
Durant les deux décennies, les communes béninoises ont essayé chacune en ce qui la concerne
d’opérer la mobilisation des ressources à travers diverses formes prévues par la loi, les
ressources dites propres :
- les recettes fiscales (Impôts directs, impôts indirects et taxes assimilées, produits des
impôts partagés) ;
- les recettes non fiscales (Produits d’exploitation du domaine public, Produits de
prestations de service, Produits de patrimoine communal
- les recettes partagées (Taxe touristique, TVA, Taxe sur l’exploitation des carrières et
mines, Taxe sur Véhicule à Moteur,
- les emprunts (Financement des Institutions bancaires, organismes spécialisés de prêt aux
Communes),
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Par ces mécanismes, les communes ont mobilisé des ressources qui leur ont permis d’exécuter
leur budget surtout dans la section de fonctionnement. Il s’agit des dépenses relatives au
paiement des salaires, des fournitures de bureaux, d’entretien des bureaux, les charges
d’électricité et d’eau, de la sécurité sociale, des indemnités d’élus, etc.
Dans l’ensemble ces ressources paraissent insuffisantes pour assurer efficacement ces
charges. Il y a des communes aux ressources très limitées qui n’arrivent pas à supporter ces
charges. Les communes les plus pourvues en matières fiscales ont consacré plus aisément une
partie de leurs ressources propres à la section d’investissement.
Pour l’instant, les ressources locales propres, dont la mobilisation dépend des autorités
locales, sont très faibles. A titre illustratif nous mettons ici en exergue l’évolution des
ressources propres des communes béninoises dans l’intervalle de 2017 à 2020 aux plans
national et départemental.
RECETTES PROPRES
40000000 000
35640914 482 34841009 909
35000000 000 32757347 387 32068187 853
30000000 000
25000000 000
20000000 000
15000000 000
10000000 000
5000000 000
-
2017 2018 2019 2020
Source : Conafil
Le graphique n°1 montre une tendance presque identique sur les quatre (4) années avec une
légère baisse en dernière année 2020. Le montant tourne autour de 30 milliards de francs CFA
de recettes propres dans l’ensemble des communes. Ces recettes qui sont de trois natures sont
variables en volume comme l’illustre le graphique ci-dessous.
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Graphique n°2 : L’appréciation des composantes des recettes propres au plan national
Source : CONAFIL
Le graphique n°2 montre que les recettes fiscales propres qui oscillent entre 16 et 19 milliards
de francs CFA sont largement plus importantes que les deux autres composantes. Ce sont les
recettes non fiscales qui suivent dans l’ordre croissant dans la proportion variant entre 10 et
13 milliards de francs CFA. Les recettes fiscales partagées sont en infimes proportions et
tournent autour de 3 milliards de francs CFA.
Comparée au niveau départemental, ces recettes nous donnent une belle appréciation du
niveau de leur recouvrement dans la période sur l’ensemble des communes du pays (Voir la
figure ci-dessous).
Graphique n°3 : L’appréciation des tendances des recettes fiscales au plan départemental
Source : CONAFIL
La figure montre clairement une nette avancée du département du Littoral qui n’est rien
d’autre que la seule et unique commune de Cotonou. Pendant que ce département avoisine les
10 milliards de francs CFA sur la période, le département de l’Atlantique qui vient en
deuxième position tourne autour de 3 milliards de francs CFA annuellement. Le département
de la Donga ferme la marche avec un volume très minable. La figure ci-dessous nous en
donne une idée plus claire en termes de pourcentage.
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Source : Conafil
Source : CONAFIL
La figure montre une fois encore que le département du Littoral est largement avantagé dans
la répartition des recettes fiscales partagées. Il est suivi cette fois-ci des départements de
l’Ouémé et du Borgou qui comportent respectivement les deux autres villes à statut particulier
que sont Porto-Novo et Parakou.
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Source : CONAFIL
Graphique n°7 : L’appréciation des tendances des recettes non fiscales au plan départemental
Source : CONAFIL
Par rapport aux recettes non fiscales, la tendance change complètement de physionomie. Le
rendement est apprécié comme l’indique le graphique ci-dessus pour la même période 2017-
2020. C’est le département de l’Atlantique qui vient en tête et talonne les 3 milliards de francs
CFA suivi remarquablement des départements de l’Ouémé avec environ 2,5 milliards de
francs CFA et du Littoral autour de 2 milliards. La variation interannuelle est plus
remarquable dans le département du Littoral que partout ailleurs.
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Graphique n°8 : L’appréciation de la répartition des recettes non fiscales au plan départemental
Source : CONAFIL
La « note de cadrage budgétaire » a été prise dans le but d’assainir le cadre financier
communal par notamment (1) des limites pour la prévision des recettes et dépenses, (2) un
certain nombre de ratios à respecter (performances financières) et (3) une précision des
informations minima à présenter. Son évaluation après quelques années d’exécution et sa
relecture ont abouti à des résultats très encourageants.
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Quel est le niveau de mise en œuvre ou du respect des indications contenues dans la lettre de
cadrage des budgets communaux de novembre 2017 ?
- Dans l’ensemble, le taux de réalisation des recettes propres passe de 63% à 61% entre
budgets primitifs et prévisions finales. Si une dizaine de communes ont réalisé les
prévisions de leurs budgets primitifs à plus de 100%, il n’en reste que quatre qui
réalisent celles du dernier collectif : (Lokossa (107%), Natitingou (111%) Abomey-
Calavi (113%) et Adja-Ouèrè (103%);
- Quoiqu’il en soit, on assiste globalement à une amélioration du taux de réalisation des
prévisions budgétaires au cours des dernières années. Celui-ci passe de 54% en 2016 à
59% en 2017, 63% en 2018, 71,49% en 2019 et 69,12 en 2020; en témoigne le
graphique ci-après.
Source : CONAFIL
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Dépenses d’entretien sur ressources propres : plusieurs communes exécutent les dépenses
d’entretien sur fonds propres. Celles qui ne le font pas évoquent le faible niveau de
mobilisation des ressources propres, pour justifier leur incapacité à faire face à des dépenses
d’entretien sur fonds propres.
Respect de la note de cadrage dans la présentation des budgets et comptes administratifs (CA)
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Source : CONAFIL
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Graphique n°10 : Classement des communes sur la base de note de performance en 2019 (note sur 100 points)
89,25 89,25
87,25
86,5 86,25 86,25
85,65
85 85
Source : CONAFIL
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Graphique n°11 : Classement des communes sur la base de note de performance en 2019 (note sur 100 points).
Source : CONAFIL
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[Tapez un texte] [Tapez un texte] [Tapez un texte]
Quelle conclusion tirée du bilan des finances locales de la décentralisation ? Les constats
d’ensemble montrent :
- une évolution considérable dans la gestion de la fiscalité locale de 2003 à nos jours ;
- une amélioration d’année en année pour l’ensemble des collectivités locales entre 2008 et
2019 du poids des principaux impôts (Patente, TDL, TFU) dans les recettes de
fonctionnement, malgré les difficultés enregistrées à l’échelle communale ;
- une chute de 2008 à 2019 par contre des autres taxes locales (celles recouvrées directement
par les services des mairies : La comparaison a été faite entre la valeur moyenne entre 2008
et 2013 et la valeur de 2019) ;
- les recettes partagées quant à elles ont connu des fortunes diverses allant d’une très bonne
performance en termes de mise à disposition effective des ristournes à une absence totale de
partage ;
- au regard du niveau des recettes collectées en 2020 comparé aux autres années on peut
déduire que la crise sanitaire a eu un effet néfaste sur les recettes propres des communes ;
- spécifiquement au niveau des recettes fiscales, nous pourrons affirmer que la DGI a fait un
exploit en matière des collectes des patentes auprès des grandes et moyennes entreprises mais
malheureusement le dispositif mis en place n’a pas profité les communes. A titre d’exemple,
l’ensemble des patentes collectées par la RPI et reversé à la Trésorerie générale de l’Etat n’est
pas transféré en 2020 aux communes ;
- quant à la note de cadrage elle est de plus en plus respectée néanmoins son actualisation
s’impose.
A la suite des finances locales, il importe d’aborder à présent le volet des ressources
transférées aux communes pour exercer les compétences subséquentes.
2.2.2 Transfert de Ressources financières aux communes
Le bilan des transferts de ressources financières à présenter ici ne prend pas en compte toutes
les années puisque le transfert n’a été effectif qu’au début de la deuxième mandature, en 2008
avec la loi portant la création du FADeC et celle portant la création de la CONAFIL. Il sera
donc abordé les transferts faits par l’Etat et les PTF, d’une part, et les transferts faits par les
Ministères, d’autre part en mettant en relief les montants par régime (2008-2015 et 2016-
2020).
Graphique n°12 : L’évolution des ressources transférées aux communes de 2008 à 2020 par l’Etat et les
PTF
5E+10
4,5E+10
4E+10
3,5E+10
3E+10
2,5E+10
2E+10
1,5E+10
1E+10
5E+09
0
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
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Ce graphique montre la tendance de l’évolution du montant transféré par l’Etat et les PTF qui
progressif mais en dents de scie. C’est l’année 2015 qui bat le record suivi de l’année 2019.
Pour finir, il importe de rappeler qu’en matière de gouvernance financière, les communes ont
fait l’effort de respecter le délai moyen de passation des marchés publics, de rendre disponible
leur plan de passation des marchés publics et de respecter les procédures de passation des
marchés publics conformément au code des marchés public.
Ce point sera fait sur les aspects suivants : les ressources humaines, les ressources matérielles,
le fonctionnement des organes, la fourniture des services, la promotion de la démocratie
locale, le partenariat et la coopération, la participation citoyenne et le genre.
2.3.1 Les ressources humaines transférées et recrutées au service des collectivités locales
Par rapport aux ressources humaines, il faut noter que l’Etat a transféré aux communes au
démarrage en 2003, les ressources humaines en fonction dans les sous-préfectures et
circonscriptions urbaines. Ensuite, le gouvernement a fait former certains cadres des
anciennes Sous-préfectures capables d’assumer la fonction du Secrétaire général des
nouvelles mairies. C’est dans le corps de ces agents nouvellement formés qu’il est demandé
aux maires de nommer un secrétaire général de leur choix. Au fur et à mesure de
l’amélioration de leurs ressources financières, les communes procèdent à des recrutements.
L’article 108 de la loi n°97-029 donne la latitude à la commune, dans l’exercice de ses
compétences, de solliciter le concours des services techniques de l’Etat. L’alinéa 2 du même
article lui donne également la latitude de recourir également aux sociétés ou organismes de
d’Etat, aux établissements publics, aux sociétés d’économie mixte ou agences d’exécution.
Aussi, l’article 142 de la même loi dispose-t-il que dans l’exercice de ses compétences
d’autorité de tutelle, le préfet (à travers ses services) apporte de l’assistance conseil aux
communes.
Par ailleurs, il faut reconnaître que l’Etat à travers l’ANPE a souvent mis à disposition des
mairies des stagiaires qui devraient être embauchés à la fin de leur stage par les maires. Dès
l’avènement de la rupture, le recrutement direct pas les maires a été gelé. Ce n’est qu’avec les
réformes sectorielles de la décentralisation nouvellement amorcées que l’Etat a procédé au
transfert effectif de ressources humaines aux communes en 2022. Le gouvernement a mis en
place le fichier national des fonctions techniques et administratives dans nos mairies et a fait
un recrutement des Secrétaires Exécutifs (SE), ainsi que des titulaires de six (06) autres
fonctions (responsables des affaires administratives et financières, personne responsable des
marchés publics, responsable des services techniques, responsable du développement local et
de la planification, responsable des services d’information et Personne responsable des
marchés publics).
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Les communes ont hérité du patrimoine tant immobilier que mobiliers des anciennes sous-
préfectures. En dehors du cas des abattoirs nommément cité, il s’agit pour la plus part des
bâtiments administratifs dans des états très délabrés. Depuis, ce patrimoine s’est
considérablement accru par le biais des acquisitions, des constructions et dons, etc. Les
ressources du FADeC et les accords de partenariat ont notablement contribué à cette
amélioration.
Les élections communales et municipales de 2002 et 2003 ont rendu effectif le processus de la
décentralisation de l’ère du renouveau démocratique au Bénin. Depuis lors trois autres
élections ont eu lieu. Il s’agit des élections communales et municipales de 2008, 2015 et 2020,
soit au total 4 mandatures. Bien que la durée du mandat soit prévue pour 5 ans, la 2 e
mandature a connu 7 sept ans et la 4e en cours aussi est prévue pour durer 6 ans. Toutefois, les
conseils de villages et de quartiers de villes n’ont pas toujours été renouvelés ensemble avec
les conseils communaux et municipaux. Ils ne l’ont pas été, notamment en 2002/2003 et en
2020.
Par rapport au fonctionnement des organes il faut noter que dans l’ensemble et de façon
générale la situation s’est beaucoup améliorée comparativement au début du processus aussi
bien en termes de la régularité de la tenue des sessions ordinaires des conseils, la réunion de
municipalité, la production des rapports d’activités du maire, que de la qualité de l’animation
avec le renforcement des capacités des élus. Pour ce qui est des commissions permanentes, le
constat est le même. Pour ce qui est de la gouvernance territoriale et foncière, les points forts
notés concernent l’élaboration des Schémas Directeurs d’Aménagement Communal (SDAC)
et la fonctionnalité des organes de gestion foncière (CoGeF et SVGeF).
Pour ce qui concerne les institutions, il convient de rappeler au passage la désignation des
chefs-lieux des six (6) autres départements et la nomination des douze préfets en 2016. Cet
acte très courageux posé par le Chef de l’Etat pour rendre opérationnel un volet de la
PONADEC touchant la déconcentration, a conforté par ricochet la décentralisation. La
proximité de de la tutelle devenue effective, les communes ont été soulagées à travers
l’assistance conseil et le contrôle de légalité des leurs actes plus rapprochés et réguliers.
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A titre d’illustration, les nouvelles réalisations en 2020 au plan national, d’après les résultats
des audits FADeC 2020 se présentent sommairement comme l’indique le contenu du tableau
suivant.
Tableau n°6 : Quelques réalisations des communes relevées lors de l’Audit FADeC 2020
Ces ouvrages réalisés pour le compte de la seule année 2019 et audités en 2020 montrent à
quel point les communes ont équipé les populations durant les deux décennies ; même si le
rythme n’est pas le même sur toutes les années. Ces ouvrages rendent énormément service
aux populations des communes et améliorent considérablement la qualité de leur cadre de vie
et de travail. On note aussi que les réalisations couvrent une gamme variée de secteurs bien
qu’il y ait plus de concentration sur certains secteurs que d’autres. La figure ci-dessous en est
une parfaite illustration.
Dans l’ensemble, c’est le secteur de l’éducation qui vient largement en tête suivi des secteurs
du commerce et des transports.
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L’objectif de ces regroupements est de résoudre des problèmes communs en mutualisant les
moyens et de valoriser des ressources partagées.
Pa ailleurs, les communes ont également dynamisé certains partenariats existants et ont noué
de nouveaux à l’extérieur de pays sous l’angle de coopération décentralisée. Le tableau ci-
dessous présente le récapitulatif de l’état des lieux des différents partenariats de coopération
décentralisée des communes du Bénin.
Tableau n°7 : Etat des lieux des partenariats de coopération décentralisée au Bénin
Le tableau montre que 117 partenariats de coopération décentralisée sont actifs en 2020 et
couvrent 45 communes, 70 en cours de formalisation pour 27 communes, 95 sont inactifs
pour 39 communes et 7 sont à terme pour 7 communes. Cette situation a certainement évolué
soit de façon qualitative et quantitative ou non à cause du caractère dynamique des relations
partenariales. Les domines embrassés par ces coopérations sont divers et variés et touchent :
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l’appui institutionnel, la gestion des ordures ménagères, la police municipale, les NTICs, le
renforcement de capacités du personnel communal, la gouvernance locale, l’eau et
l’assainissement, le développement agricole, l’élevage, l’électrification photovoltaïque et les
panneaux solaires, l’éducation, la santé, la culture, l’industrie, l’économie locale, le voyage et
le tourisme, l’état-civil, la construction de divers équipements, l’aménagement du territoire, la
pêche, la formation, les échanges culturels et sportifs, l’artisanat, l’appui aux finances locales,
l’hydraulique villageoise, la sécurité transfrontalière, le RFU et le foncier rural, la promotion
de la femme rurale, les micro-crédits, la promotion de l'éducation des enfants, la mobilisation
de ressources, le développement économique et la formation professionnelle, le patrimoine,
l’alphabétisation, l’urbanisme, les loisirs, etc.
Signalons qu’il y a au moins 13 communes sur les 77 qui n’ont pas jusqu’en 2020 signé un
seul partenariat de coopération décentralisée. Il s’agit des communes de : Ouinhi, Pobè,
Sakété, Dangbo, Aguégués, Ouaké, Djakotomey, Dassa-Zoumè, Sinendé, N’Dali, Tanguiéta,
Péhunco et Cobly.
Pour ce qui est de l’approche genre, le bilan de la représentation des femmes dans la
gouvernance locale au cours de la période de 2003 à 2020 peut s’apprécier également. Ainsi,
pour la première mandature des élus locaux, de 2003 à 2008, il y a eu 3,2% de femmes
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conseillères (45 sur 1287) et seulement 04 femmes ont été élues Maires sur les 77 (Pobè,
Kérou, Kétou et Nikki). A la deuxième mandature, le taux est passé à 4,52 (65 sur 1435) avec
une seule femme élue maire sur les 77 (Kérou). A la troisième mandature, la participation a
enregistré 4,8% de femmes (69 sur 1435) avec 04 femmes élues Maires sur les 77 (Pèrèrè,
Toffo, Ouidah et Aplahoué). Quant à la quatrième mandature, celle en cours, le taux est de
4,35% de femmes (79 sur 1815). Les 79 femmes sont élues dans trente-cinq (35) communes
sur un total de 801 femmes présentées sur les trois listes des partis politiques finalistes. On
compte parmi les conseillères trois (3) femmes maires (Toffo, Kandi et Kétou), onze (11)
femmes élues Adjointes au maire et quinze (15) Chefs d’Arrondissement et cinquante (50)
conseillères libres. La figure n°14 suivante indique bien le nombre important de femmes non
responsabilisées au sein des conseils communaux et municipaux.
Graphique n °14 : Proportion des postes de responsabilité occupés par les femmes au sein
des conseils communaux et municipaux au Bénin quatrième mandature
4%
14%
Maires
Adjointes au Maire
Chef d'Arrondissement
19% Conseillères libres
63%
Bien qu’on note une légère amélioration, les résultats des dernières élections communales
indiquent que la cible de 30% de représentativité des femmes aux sièges de conseiller
communal et municipal est loin d’être atteinte. En 2020, sur 1815 élus communaux et
municipaux, seulement 79 femmes ont été élues (voir figure n°15 ci-dessous).
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Graphique n°15 : Pourcentage des Hommes et des Femmes élus aux élections communales et
municipales en 2020
4%
Elus Hommes
Elues Femmes
96%
REFEC/REFELA
Les femmes élues conseillères dans leur élan de défense et de promotion de l’approche Genre,
ont mis en place un creuset dénommé Réseau des Femmes Elues Conseillères (REFEC)
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aujourd’hui en mutation pour devenir Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique, Chapitre
Bénin.
Coopération transfrontalière
Par ailleurs, on note déjà d’autres formes de coopérations naissantes entre communes
frontalières des pays voisins du Bénin. Sans être encore formalisées ces coopérations se
concrétisent pour l’instant à travers des visites d’échanges entre délégations conduites par les
maires de ces communes limitrophes.
Au regard de tout ce parcours combien impressionnant, peut-on penser que tout est parfait sur
toute la ligne et que la décentralisation béninoise n’a pas connu des ratés et qu’elle a de beaux
jours devant elle ? La réponse à cette interrogation sera donnée dans la troisième partie de ce
cours consacrée aux limites, défis et perspectives.
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Il y a lieu de distinguer ici des limites d’incohérence des textes de lois, de rigidité de lois, des
limites de non application des lois, d’empiètement des textes de lois, et celles relatives à la
participation citoyenne.
Par ailleurs, il se pose également de gros problèmes d’application des textes et d’accessibilité
limitée de leurs contenus aux populations dans leurs langues. Les sessions se tiennent en
langue française, ce qui limite la participation des populations invitées à y prendre part.
Certains de ces textes ne traduisent pas toujours une vision et une politique de
développement, notamment les textes régissant l’intercommunalité et le code foncier qui
érodent les compétences communales et les ressources issues des lotissements, pour ne citer
que ces cas.
Les textes spécifiques de la décentralisation sont peu articulés avec les textes des ministères
sectoriels ayant un lien avec les compétences des communes. Le défaut ou l’insuffisance de
déclinaison dans chaque secteur des compétences à transférer est l’une des faiblesses de la
décentralisation béninoise et cela s’explique, par ailleurs, par la clarification insuffisante par
secteur, des compétences sectorielles propres, déléguées et transférées. Bref, les faiblesses
institutionnelles et réglementaires sont liées aux facteurs suivants :
• les incomplétudes, incohérences et parfois contradictions d’un texte à l’autre ;
• les périodes de validité des plans stratégiques sectoriels se chevauchent ;
• plusieurs documents stratégiques ne sont pas assortis de plans de mise en œuvre, ce qui
compromet le suivi ;
• l’inexistence de plan stratégique de financement et de mobilisation de ressources pour
soutenir la mise en œuvre des politiques,
• le manque de clarification sur le rôle des communes lors de la définition de certains
documents, ce qui conduit à des interprétations menant au non-respect du principe de
subsidiarité dans la mise en œuvre de certaines actions relevant des compétences dévolues
aux communes
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A ce niveau il fut mettre en relief le Loi sur la Taxe du Développement Locale (TDL) dont
l’application est rendue difficile dans certaines communes. Après plus d’une décennie de ma
mise en vigueur, certaines communes n’ont jamais pu l’appliquer. En lieu et place, elles ont
toujours utilisé es valeurs inactives pourtant rendues caduques dès ma mise en vigueur. Deux
régimes juridiques dans un même pays en matière de recouvrement de taxes.
Le processus de décentralisation amorcé en 2003 au Bénin est marqué depuis 2016 par la
création d’un nombre important d’agences intervenant dans les compétences dévolues aux
communes. En effet, soucieux d’une certaine célérité dans la réalisation de certains projets, le
gouvernement actuel espère trouver en cette formule de maîtrise d’ouvrage déléguée
communale aux agences, la réponse aux diverses faiblesses de l’administration. Une étude
commanditée par l’ANCB en 2021 et qui a porté sur le thème « Articulations entre agences et
communes pour une meilleure délivrance des services publics locaux » a révélé une difficile
cohabitation entre Agences et communes.
Les compétences des communes qui se prêtent à conflit avec les attributions des nouvelles
agences sont juridiques (principe) ou de fait, très nombreuses. Si l’origine de ces conflits est
liée au partage des compétences des communes avec les agences, leurs manifestations ne sont
pas violentes. Elles sont essentiellement verbales et parfois justifiées par des gestes de
désengagement et le défaut de collaboration sincère avec les responsables d’agences.
Le nombre d’agences réellement touchées par ces conflits est limité. Sur une trentaine
d’agences dénombrée (voir tableau suivant) qui partagent les compétences des communes,
cinq vivent de façon manifeste les conflits. Il s’agit en tête de liste de l’ANIP chargée de
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l’état-civil suivi respectivement par ordre décroissant de l’acuité des conflits les compétences
liées aux secteurs de l’eau, de l’éducation, de l’assainissement et enfin de l’énergie.
Tableau n°8 : Agences délivrant les services publics locaux au même titre que les communes
Pour ce qui est de la participation citoyenne, au regard des pratiques qui ont cours aujourd’hui
dans nos communes, la population n’est pas trop acquise à la cause. L’adhésion et la
collaboration pour une véritable veille citoyenne n’est pas encore définitivement garantie. On
note une indifférence affichée de la population pour la participation à la gestion des affaires
locales dans bon nombre de communes. On a l’impression d’avoir en face des élus de simples
habitants que de citoyens au sens noble du terme. Cette tendance varie selon les milieux et
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serait moins caractéristique des grandes communes, du fait des intellectuels et cadres qui
comprennent les enjeux de la décentralisation qui s’impliquent librement. Dans les milieux
ruraux, l’implication est toujours négociée et suscitée parfois moyennant des prébendes.
La participation citoyenne reste à revoir d’autant plus qu’on relève une faible participation
aux élections locales. Les formes de participation telles que : la possibilité pour les citoyens
de présenter des pétitions, l’organisation de référendums d’initiative citoyenne et l’expression
des avis citoyens à travers les enquêtes de satisfaction sur les différents sujets qui les
intéressent ne sont pas encore à l’ordre du jour. En somme, la démocratie locale telle que
voulue et souhaitée comme un enjeu de la décentralisation n’est pas encore au rendez-vous.
Il faut aussi mettre en relief les faiblesses du système au niveau des organes infra-
communaux. En effet, niveau des arrondissements et des villages et quartiers de villes, la
situation est encore à revoir. Les autorités centrales n’y accordent pas autant d’intérêt qu’elles
le font pour les conseils communaux et municipaux au point où les élus locaux y taillent très
peu d’importance.
En ce qui concerne les relations avec la tutelle, les faiblesses constatées dans ce domaine ont
trait à :
- la transmission dans les délais des documents financiers (budget, compte administratif et
compte de gestion) ;
- la conformité des actes communaux ;
- la participation des élus au CDCC.
Avec la réforme structurelle apportée par le Code de l’Administration territoriale, certaines
communes souffrent encore de pénurie de cadres, liée au départ d’un grand nombre non
compensé. La collaboration entre maires et SE et entre SE et les Agents de l’administration
n’est pas encore partout franche. Il y a aussi le retard dans la mise en œuvre des dispositions
de CAT (des Conseils de Supervision non installés). La lourdeur administrative constaté au
niveau des agents nouvellement affectés dans le communes et qui serait due à leur manque
d’expérience, le choix ayant été basé sur un tirage au sort du fichier national. Le greffage de
ce personnel du fichier national sur des anciens agents des collectivités locales suscite un
véritable problème d’injustice dans le traitement salarial. La question d’augmentation de
salaire des agents des collectivités territoriales à l’instar des agents de l’Etat fait surface au
grand jour. Le fonctionnement des organes infra communaux (arrondissement et
village/quartier de villes) souffre de nombreuses insuffisances faute d’accompagnement et de
suivi.
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Pour ce qui est du volet territorial, il faut souligner la récurrence des problèmes de tracé de
limites administratives. Il existe plusieurs conflits liés à l’imprécision des limites entre les
différentes unités administratives (villages, arrondissement et communes voire départements)
qui compromettent la cohésion sociale et les rapports de bon voisinage. Il existe un nombre
élevé de contentieux fonciers impliquant la Mairie (Elus et agents de la mairie avec tiers).
La politique de l’aménagement du territoire au niveau national n’est pas perceptible. La
plupart des communes ploient sous le joug d’une disparité spatiale de développement. On
note de façon flagrante la tendance à la concentration des richesses dans certaines zones du
pays au détriment d’autres.
L’une des principales difficultés dans cette dimension financière de la décentralisation est
celle du recouvrement des ressources internes, notamment le recouvrement des impôts locaux
par les agents des impôts au profit des communes. Il y aussi de graves irrégularités dans la
gestion des infrastructures qui se manifestent à travers :
-les mécanismes mis en place dans la plupart des communes pour la gestion des plateformes
marchandes ne sécurisent pas les ressources collectées ;
- la non utilisation de valeurs inactives ;
- les complicités pour détournement ;
- le non versement des recettes collectées (à temps ou pas du tout) ;
- le fractionnement de tickets.
Soulignons au passage les difficultés organisationnelles remarquables qui sont entre autres :
- la mauvaise affectation des ressources humaines, matérielles et financières pour le
recouvrement ;
- la faible clarification des rôles et responsabilités des acteurs au sein de la mairie ;
- la dispersion des tâches entre plusieurs services ;
- l’absence de mécanisme pertinent de motivation ;
- l’absence d’outils fiables pouvant renseigner en temps réel sur le niveau de la mobilisation
des ressources.
Il y a également la tarification non formalisée et inappropriée qui se traduit par :
- les tarifs souvent basés sur une appréciation subjective du collecteur ;
- les affinités ;
- l’humeur des acteurs en présence ou l’accueil que le contribuable réserve au collecteur ;
- le fait que la toute première entente souvent profitable au contribuable devient presque un
principe que ce dernier impose aux autres collecteurs.
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Les faiblesses et défis à relever dans l’élaboration des documents budgétaires et comptables
des communes sont entre autres :
- la mauvaise planification budgétaire dans les communes ;
- le retard de la mise en place d’une boussole pour encadrer l’élaboration et l’exécution des
budgets communaux;
- la mauvaise qualité et non fiabilité des comptes administratifs pourtant très
indispensables pour une bonne reddition des comptes aux populations ;
- les difficultés du Bénin à renseigner certains indicateurs convenus avec les PTFs qui
abondent le FADeC ;
- le faible taux de transferts de ressources aux communes (moins de 5% du budget général
de l’Etat)
- le retard accusé dans le transfert des ressources aux communes occasionnant de graves
répercussions sur la planification locale ;
- les difficultés de mobilisation des ressources propres à cause de l’incivisme fiscal, la
fraude et l’évasion fiscale ;
- la faiblesse du taux des dépenses d’entretien des équipements et ouvrages qui d’une façon
générale est en deçà des normes admises et fixée par les autorités ministérielles et qui se
présentent comme suit : i) 8 à 10% des dépenses totales de fonctionnement pour les
communes ordinaires, ii) entre 12 et 15% pour communes ordinaires chefs-lieux de
département et grandes agglomérations (Abomey-Calavi, Malanville, Bohicon, Sème
Kpodji, Comè, Ouidah) ; et iii) entre 20 et 25% pour les communes à statut particulier.
Par ailleurs, un niveau d’au moins 10% des recettes propres communales doit être
consacré aux dépenses d’entretien des infrastructures.
Au regard de toutes ces limites et vu l’importance des défis mis en relief, il serait absurde de
ne pas envisager quelques pistes de solutions pour favoriser le processus de décentralisation
dont l’irréversibilité est notoire.
3.2 Perspectives
3.2.1 Cadre institutionnel, législatif et réglementaire
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Les résultats de l’évaluation de l’Indice de Gouvernance Locale (IGL) a montré que plus de la
moitié des communes du Bénin ont une performance moyenne. Afin d’améliorer la
gouvernance locale au Bénin beaucoup d’efforts restent à faire, notamment l’amélioration des
indicateurs de gouvernance par domaine retenu pour cette étude. Il est nécessaire de
commencer par travailler dans le sens de l’amélioration des indicateurs qui affaiblissent
chaque domaine de gouvernance locale.
L’amélioration des indices de gouvernance locale requièrent la collaboration de tous les
acteurs impliqués dans le processus de leur conception en l’occurrence les principaux acteurs
que sont : les maires des communes, la tutelle, et le ministère en charge de décentralisation et
de la gouvernance locale.
Par ailleurs, il faut rendre plus fonctionnels les organes infra communaux ; ce qui passe par un
renforcement de capacités des acteurs concernés. Au sein de l’appareil administratif, il faut
aussi également renforcer les capacités du personnel et le mettre au travail avec des mesures
de motivation. Prévoir au budget, des ressources pour l’animation des sessions de CQ et CV
et définir des cahiers de charges dans le cadre d’un système de performance dans
l’administration locale. Pour ce faire le Préfet doit veiller à la prise en comptes des frais de
session des CQ et CV lors de l’approbation des budgets communaux puis s’assurer de la mise
en place d’outils d’un système de performance et d’évaluation des agents. Le MDGL doit
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Au plan territorial, il faut élaborer et mettre en œuvre les documents de planification spatiale ;
puis élaborer et mettre en place un mécanisme de suivi-évaluation sur le territoire communal.
Par ailleurs, il faut accélérer le projet sur le tracé des limites administratives pour désamorcer
les crises récurrentes entre populations limitrophes. L’Etat doit faire de gros investissements
structurants pour amorcer un véritable développement harmonieux du territoire national à
travers une nouvelle politique de l’aménagement du territoire (redistribuer les ressources
nationales de façon équitable sur l’ensemble du territoire national…). Une option phare de la
promotion du développement économique local à l’échelle régionale doit être envisagée.
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Faire l’état des lieux des dysfonctionnements de chaque matière fiscale et non fiscale
:
- décrire les opérations telles qu’elles se font,
- identifier les sources de problèmes,
- analyser les problèmes rencontrés par les acteurs,
- proposer des pistes de solutions probables
Élaborer un plan d’action global pour le suivi des opérations sur le terrain.
Approche sophistiquée
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CONCLUSION
Les réformes institutionnelles engagées dans nos pays africains dans les années 1990 en
faveur de la démocratisation du pouvoir ont conduit inexorablement à la décentralisation. Le
Bénin a ouvert le bal des conférences des forces vives de la nation en février 1990 et a jeté les
jalons de sa décentralisation de l’ère du renouveau démocratique qui a commencé avec
l’installation des premiers conseils communaux et municipaux en 2003. La consistance de ce
système administratif et politique repose sur la solidité de son arsenal juridique. Sur cet
arsenal juridique sont posés les trois principaux piliers de la décentralisation béninoise :
décentralisation politique, administrative et financière.
Après deux décennies de sa mise en œuvre le bilan présente des forces et des faiblesses
relevées par les indices de gouvernance locale utilisés par la PONADEC. Ces indices
montrent en 2016 que toutes les communes du Bénin réalisent de faible performance en
matière de gouvernance politique, administrative, financière, participative et relationnelle
avec la tutelle. Ces faiblesses constituent des défis à relever impérativement tant le processus
paraît irréversible. Toutefois, les acquis sur les différents volets analysés sont largement
positifs sur des aspects bien précis et s’améliorent progressivement. Car, il faut reconnaître
que ces indices cachent des aspects de performances indéniables réalisées par les communes;
lesquelles performances méritent d’être consolidées.
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BIBLIOGRAPHIE
Décret N° 2022 - 319 du 1er Juin 2022 fixant les critères de catégorisation des communes
en République du Bénin
Décret n° 2022- 320 du 1er Juin 2022 portant catégorisation des communes en
République de Bénin
Décret n° 2022-322 du 1er juin 2022 fixant les conditions et modalités de délégation de
pouvoirs et de signature du maire et du secrétaire exécutif.
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Décret 2014-349 du 02 juin 2014 portant approbation de la note de cadrage des projets
en partenariat public privé (PPP) en République du Bénin.
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MCL (2014) : Capitalisation de l’animation territoriale au Bénin, zoom sur les expériences
des Collines, de l’Alibori et du Borgou, MDGLAAT, Cotonou, 75 p.
MDGL (2015) : Rapport général du forum des dix ans de décentralisation au Bénin,
Cotonou, 16 p.
Loi n° 2017-15 du 10 août 2017 modifiant et complétant la loi n°2013-01 du 14 août 2013
portant code foncier et domanial en République du Bénin.
Loi n°2020-26 du 29 septembre 2020 portant code des marchés publics en République
du Bénin.
MDGL (2020) : Rapport sur l’indice de gouvernance locale au titre de l’année 2016,
version révisée, Cotonou, 167 p.
RB (République du Bénin), (2013) : Loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier
et domanial en République du Bénin, in Journal Officiel 124, année n°18 bis du 16
septembre 2013.
TECSULT (2009) : Elaboration des schémas directeurs d’aménagement communaux et des
schémas directeurs d’aménagement des territoires. PAGEFCOM, 129 p.
ZOLA X. (2017) : La réforme foncière au Bénin, pour vous et moi. Cotonou, AFPI-
Prestations 80 p.
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