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Equinoxe
« Être paysan c’est être exactement à la mesure de
l’homme. » (Jean Giono)
Spiritualité
Histoire de la Wicca
Héritage
Le retour à la Terre
Écologie
Le Mouvement paysan
en Allemagne Spiritualité Héritage Écologie
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Eternel retour
Comme flux et reflux des marées
La vie se renouvelle
Reformulant sans cesse la même vérité
L’univers change mais l’essence persiste
Prenez... … et semez !
Sommaire :
Edito ………………………………………………….……………..….P.3
L’histoire de la Wicca, des origines à nos jours ……………….......P.4
Le retour à la terre ..………………………………….…..…………...P.12
Retour aux sources d’un mouvement paysan européen ……...….P.26
L’épopée du baron Roman von Ungern-Sternberg ...…………......P.29
TRIBUNE LIBRE : Réaction sans filtre à la validation par la justice
du déboulonnage de la statue de la Vierge de La Flotte-en-Ré ....P.33
L’électroculture ou l’art de cultiver avec l’électricité naturelle …….P.36
EDITO
« La terre, elle, ne ment pas. » C’est suite à cette affirmation, que l’on prête volontiers à
Philippe Pétain, que l’on voit ressurgir dans les années 1940, en France, la notion de retour à la
terre ; non pas, à l’époque, au sens immédiat d’exode urbain ou de migration volontaire des villes
vers les campagnes, mais au sens d’un retour aux valeurs de la terre.
Plus près de nous, suite notamment à la pandémie de coronavirus et au confinement qui
en a découlé, des urbains quelque peu avisés, souvent petits fils ou arrière-petit fils de paysans,
ont songé à un retour sur la terre de leurs ancêtres. La possibilité du télétravail, qui ne s’est véri-
tablement développée qu’en ces temps de crise, a fait le reste. Mieux encore, certains se sont
décidés à trouver une activité locale, principalement en tant que paysans ou artisans.
Le manque d’espace, qui s’est fait ressentir lors de l’assignation à résidence, voulue par le
pouvoir, explique en grande partie cette migration. Il est pourtant d’autres raisons, tout aussi vita-
les. La violence qui sévit en ville, doublée d’une quasi-impunité des fauteurs de troubles, est un
des ressorts qui ont poussé les citadins hors de leurs appartements. L’attrait de la vie au grand
air en est un autre.
Avec ce mouvement de population, est apparue la possibilité de reformer des communau-
tés campagnardes autour de valeurs qui ont longtemps été celles de la paysannerie européenne,
comme la solidarité, l’entraide, l’échange, le commerce de proximité, les fêtes champêtres et mê-
me les religions de la nature, issues d’un passé lointain mais toujours aussi vivantes.
Dans ce second numéro d’Equinoxe, nous aborderons justement une religiosité européen-
ne probablement née à l’époque de nos ancêtres latins, slaves, celtes ou germains, qui a refait
surface dans les années 1940 en Angleterre. Il s’agit de la Wicca. Elle fait une synthèse de la reli-
gion des druides et d’une pensée païenne de plus vaste extension. Toutes deux sont inspirées
des pratiques magiques traditionnelles britanniques, d’une approche spirituelle de l’existence et
d’une recherche de la sagesse. Par certains côtés, la Wicca est proche du mouvement de pen-
sée New-Age. Sa philosophie procède d’une vision de l’homme et du monde proche de la nature.
Nous nous pencherons ensuite véritablement sur le retour à la terre, avec un article pré-
sentant quelques solutions pour tendre vers l’autarcie. Il sera suivi d’une rétrospective sur la Ré-
volution conservatrice en Allemagne et ses développements agrariens. Nous nous attacherons à
décrire, dans ses grandes lignes, la pensée de Walther Darré, pionnier dans le domaine de la
protection de la nature et de ce que l’on nomme aujourd’hui « l’agro-écologie ».
Nous ne nous limiterons pourtant pas au seul retour à la terre. En complément, nous abor-
derons la vie du Baron Roman von Ungern-Sternberg, véritable aventurier européen et fédérateur
de peuples. Nous le suivrons en Eurasie dans ses combats contre les bolchéviques et contre l’a-
liénation de la Russie par le communisme.
Nous aborderons aussi un exemple de dés-historicisation de la France, au travers du dé-
boulonnage de la statue de la Vierge Marie du village de la Flotte-en-Ré. Le ton volontiers rude et
polémique de l’auteur est à la mesure de l’agression subie par les habitants des lieux qui ne com-
prennent pas le sectarisme, l’intolérance et la haine du groupuscule associatif La libre pensée,
qui est à l’origine de la décision de justice relative à ce monument.
Pour finir, nous vous proposerons de découvrir l’électroculture qui, comme son nom l’indi-
que, est un ensemble de techniques destinées à faire pousser des végétaux grâce à des cou-
rants électriques et des champs magnétiques de faible intensité.
Le trait d’union entre tous ces articles est la notion de « Terre ». La Terre comme substrat
de l’écocomplexe paysan ; la Terre comme concept philosophique ; la Terre comme inspiration
de l’idéologie agrarienne et comme lieu d’éclosion d’une pensée identitaire. La Terre, qui est la
nôtre, et qui voit revenir par cycles, non seulement les saisons, les années et les âges, mais en-
core, sur une échelle de temps plus restreinte, les défaites et les triomphes de nos peuples occi-
dentaux face à l’adversité.
Bonne lecture !
TdP
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L'histoire de la Wicca : des origines à nos jours
Par Philémon Pont-des-Arts
cheurs estiment que Gardner a créé la Wicca mant des bougies et en honorant la renaissan-
en utilisant des éléments empruntés à d'autres ce du soleil.
traditions païennes et occultes, tandis que
d'autres estiment qu'il a véritablement redé- Imbolc (1er février) : cette fête mar-
couvert une tradition ancienne de sorcellerie que le début du printemps et la fin de la pério-
britannique qui avait été largement oubliée. de sombre de l'hiver. Les Wiccans honorent la
déesse Brigit, qui est associée à la guérison et
La Wicca a rapidement gagné en popu- à la créativité.
larité en Grande-Bretagne et a commencé à
se répandre dans d'autres parties du monde. Ostara (21 mars) : cette fête marque
Dans les années 1960, un certain nombre de l'équinoxe de printemps et le retour de la ferti-
groupes de Wicca ont été fondés aux États- lité de la terre. Les Wiccans célèbrent cette
Unis, où la religion est devenue très populaire fête en semant des graines, en décorant des
auprès des mouvements de la contre-culture. œufs et en honorant la déesse de la fertilité
Eostre.
Les successeurs de Gardner, tels que
Doreen Valiente, ont continué à développer et Beltane (1er mai) : cette fête mar-
à promouvoir la Wicca dans les décennies sui- que le début de l'été. Elle est associée à la
vantes. Doreen Valiente a contribué à élargir fertilité et à la passion. Les Wiccans célèbrent
la portée de la Wicca, en ajoutant des élé- cette fête en dansant autour du mât de mai,
ments de la magie traditionnelle et en mettant en décorant des arbres et en honorant les
l'accent sur la pratique de la divination. dieux et les déesses de l'amour.
Un autre personnage important de l'his- Litha (21 juin) : cette fête marque le
toire de la Wicca est Alex Sanders, qui a fon- solstice d'été et le jour le plus long de l'année.
dé son propre coven dans les années 1960. Les Wiccans célèbrent cette fête en allumant
Sanders a développé sa propre version de la des feux de joie, en honorant le soleil et en
Wicca, appelée Alexandrian Wicca, qui a in- célébrant la fertilité de la nature.
corporé des éléments de magie sexuelle.
Au fil du temps, la Wicca est devenue Lughnasadh (1er août) : cette fête
de plus en plus diversifiée, avec de nombreux marque le début de la récolte. Elle est asso-
groupes et traditions différents se formant ciée à l'abondance. Les Wiccans célèbrent
dans le monde entier. Les pratiquants de la cette fête en récoltant des fruits et des légu-
Wicca sont connus sous le nom de mes, en honorant le dieu Lugh et en célébrant
« Wiccans » et ils ont tendance à mettre l'ac- l'abondance de la nature.
cent sur la célébration de la nature, la pratique
de la magie et la recherche de la sagesse et Mabon (21 septembre) : cette fête
de la spiritualité. marque l'équinoxe d'automne et le début de la
période sombre de l'année. Les Wiccans célè-
Voici une liste des huit principales brent cette fête en réfléchissant sur les récol-
fêtes de la Wicca, également appelées Sab- tes de l'année, en honorant la déesse de la
bats : lune et en se préparant pour la saison sombre.
wiccans pour développer la tradition Gardne- années 1950 et a travaillé avec lui pour déve-
rienne de la Wicca. Gardner a également écrit lopper la Wicca Gardnerienne. Elle a égale-
plusieurs livres sur la Wicca, dont "Witchcraft ment apporté de nombreuses contributions à
Today" (1954) et "The Meaning of Wit- la pratique, notamment en écrivant certains
chcraft" (1959). des chants et des poèmes les plus célèbres
Gardner était un personnage complexe de la tradition wiccane. Elle a également re-
et controversé. Certains wiccans le considè- manié certains des textes de Gardner, ajou-
rent comme un fondateur vénéré et un vision- tant de nouveaux éléments et des références
naire, tandis que d'autres le voient comme un historiques qui ont élargi et enrichi la pratique
charlatan qui a créé la Wicca à partir de rien… wiccane.
Néanmoins, il est indéniable que Gardner a En 1953, Valiente a été initiée dans la
été un pionnier dans le développement de la tradition Gardnerienne et a rapidement gravi
Wicca moderne et a incité des milliers de per- les échelons pour devenir la Grande Prêtresse
sonnes à travers le monde à pratiquer cette du coven de Bricket Wood. Elle a également
religion. Sa vision de la Wicca comme une re- été l'une des premières personnes à diffuser
ligion de la nature, centrée sur la pratique de publiquement des informations sur la Wicca,
la magie et l'équilibre entre les sexes, a eu un écrivant des livres sur la pratique et donnant
impact durable sur les pratiques wiccanes qui des interviews à la presse.
ont suivi. En dehors de son travail dans la Wicca,
Valiente a également été une poétesse et une
Doreen Valiente (1922-1999) était une écrivaine renommée, publiant plusieurs re-
sorcière britannique, poétesse et écrivaine qui cueils de poésie ainsi qu'un livre sur les
a joué un rôle clé dans le développement de la croyances païennes et les pratiques magiques
Wicca moderne. Elle en est souvent considé- intitulé An ABC of Witchcraft. Elle a également
rée comme la mère spirituelle aux côtés de été une ardente défenseure de la liberté de
Gerald Gardner, et est également reconnue religion et de la reconnaissance publique de la
pour avoir apporté de nombreux ajouts impor- Wicca comme une religion légitime.
tants à la pratique wiccane. Aujourd'hui, Doreen Valiente est consi-
Valiente a rencontré Gardner dans les dérée comme l'une des figures les plus impor-
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teur et journaliste britannique qui a également connue pour son travail en faveur de la justice
commencé à pratiquer la Wicca dans les an- environnementale, de l'égalité des sexes et de
nées 1970. Il est devenu un grand prêtre de la la coopération plutôt que de la compétition.
tradition Alexandrienne de la Wicca, travaillant Elle est l'auteure de plusieurs livres sur
avec Janet Farrar pour écrire plusieurs livres la Wicca, notamment The Spiral Dance
sur la pratique wiccane. En plus de ses contri- (1979), qui est devenu un classique de la pra-
butions à la Wicca, Stewart Farrar a égale- tique wiccane et est souvent considéré com-
ment écrit des romans, des pièces de théâtre me un texte fondateur du mouvement féminis-
et des scénarios pour la télévision et le ciné- te spirituel. Starhawk a également fondé le
ma. Covenant of the Goddess, une organisation
Ensemble, Janet et Stewart Farrar ont wiccane internationale qui promeut la pratique
écrit plusieurs livres sur la Wicca. The Witche- de la Wicca et les droits des wiccans.
s' Way est devenu un classique de la pratique Starhawk est connue pour sa pratique
wiccane. Ils ont égale- de la magie wiccane axée
ment travaillé ensemble sur l'action politique et socia-
pour développer et pro- le. Elle a travaillé pour cons-
mouvoir la pratique de la truire des communautés in-
Wicca, en particulier en tentionnelles, notamment le
créant des rituels et des Starhawk's Earth Activist
célébrations qui ont été Training, qui vise à former
adoptés par de nombreux des militants et des agri-
wiccans. culteurs à utiliser la magie et
Les Farrar ont éga- la spiritualité pour transfor-
lement été des défen- mer les communautés.
seurs de la reconnaissan- En tant que militante
ce publique de la Wicca et auteure, Starhawk a reçu
comme une religion légiti- de nombreux prix et distinc-
me et ont travaillé pour tions, notamment le prix de
promouvoir une compré- l'ONU pour la Paix en 1987
hension plus large de la et le prix de la Fondation de
pratique wiccane. Ils ont Miriam Simos l'Environnement Global en
contribué à populariser la 2013. Aujourd'hui, Starhawk
Wicca dans le monde entier et ont été une in- continue d'écrire et de travailler pour promou-
fluence majeure sur de nombreux wiccans voir la pratique de la Wicca, la justice environ-
modernes. nementale et les mouvements sociaux. Elle
Aujourd'hui, Janet et Stewart Farrar est une figure importante de la Wicca moder-
sont largement considérés comme des figures ne et a inspiré de nombreux wiccans à travers
clés de la Wicca moderne, ayant apporté des le monde.
contributions importantes à la pratique et à la
compréhension de cette religion. Leur travail Les Sabbats
continue d'inspirer de nombreux wiccans et
leur influence sur la pratique est encore large- Les « sabbats » font référence à des
ment ressentie à ce jour. célébrations saisonnières dans les pratiques
religieuses de plusieurs traditions païennes
Starhawk, de son vrai nom Miriam modernes, telles que Wicca, la sorcellerie, la
Simos est une auteure, militante et prêtresse magie cérémonielle, etc...
wiccane américaine née en 1951. Elle est Les sabbats sont généralement célé-
considérée comme l'une des figures les plus brés huit fois par an, aux solstices, aux équi-
influentes de la Wicca moderne et du mouve- noxes et aux points intermédiaires, et ils sont
ment féministe. associés aux cycles de la nature, à la fertilité,
Starhawk a commencé à pratiquer la à la récolte, à la mort et à la renaissance. Les
Wicca dans les années 1970 et a rapidement sabbats sont souvent célébrés en plein air et
été impliquée dans les mouvements de justice incluent des rituels, des offrandes, des dan-
sociale, notamment les mouvements pour les ses, des feux de joie et des banquets.
droits des femmes et pour la paix. Elle est Dans les pratiques wiccanes, les huit
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Expérience
« Toutes les inventions des hommes ne haitent s’installer en milieu rural, ainsi qu’à
sont que des imitations assez grossières ceux qui y résident déjà. Je m’adresse tout
de ce que la nature exécute avec la derniè- particulièrement aux personnes qui recher-
re perfection. » chent, à défaut d’une parfaite autarcie, une
(Georges-Louis Leclerc de Buffon) certaine autonomie alimentaire et énergétique.
Je m’adresse aux amoureux de cette Europe
L’exode urbain des peuples, des patries et des provinces, fai-
te de savoirs ancestraux, de traditions et de
Un mouvement de retour à la terre est particularismes, qui attend de ses fils légitimes
en cours. Certains fuient la promiscuité des qu’ils fassent un premier pas vers une nouvel-
centres urbains et la maladie à coronavirus. le « Révolution conservatrice » agraire.
D’autres désertent les banlieues cosmopolites
où règnent la loi du plus fort, la drogue et les La faillite écologique du productivisme en
armes. D’autres encore refusent la compro- agriculture
mission ethnique et la soumission à des hor-
des de déracinés analphabètes et violents. Contrairement à ce que l’on pourrait
D’autres enfin, policiers et gendarmes, bais- penser, ce qu’il est convenu d’appeler au-
sent les armes face à ces tribus sauvages, jourd’hui la « biodiversité » (je préfère utiliser
protégées par une justice laxiste et entrete- le terme de « biocomplexité » - Voir Equinoxe
nues par des politiciens de tous bords, avides n°1 page 11) est tout autant, si ce n’est plus,
de pouvoir et d’argent. Ces tribus au compor- le fait des espaces de l’agriculture traditionnel-
tement brownien constituent en effet une sour- le que des espaces forestiers. Le
ce inépuisable d’électeurs, qu’une rhétorique « paysan » (j’emploie ici ce terme à dessin, et
de bazar suffit à fédérer… presque en opposition au terme
« agriculteur », qui renvoie bien trop souvent à
J’adresse mon propos à ceux qui sou- l’image de « l’exploitant agricole productivis-
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te ») est celui qui, au fil des siècles, a construit des pistes suggérées, en fonction de son envi-
un écosystème stable et harmonieux composé ronnement propre. En fait, à chacun de trou-
de la ferme et des êtres vivants (sauvages et ver sa voie.
domestiques) qui y vivent. La diversité naturel-
le et cultivée des espaces agricoles était enco- S’installer ?
re, au début du siècle dernier, bien plus éle-
vée que la diversité sylvestre. Les choses ont Ce mot n’est pas entendu ici au seul
bien changé : pensons simplement aux petits sens de « s’installer comme agriculteur », bien
oiseaux des champs (chardonnerets, pinsons, que cela puisse être le choix de certains, mais
linottes, verdiers, serins…) et aux plantes sau- en un sens plus général, qui correspond à plu-
vages (orchidées d’Europe, glaïeuls sauva- sieurs autres orientations de vie. Il concerne
ges, lys, primevères…), jadis si nombreux et donc aussi ceux qui ont un métier en milieu
en voie de disparition aujourd’hui… Mais qui rural autre que l’agriculture et ceux qui ont les
s’en soucie ? Sont-ils vraiment moins impor- moyens d’exercer une activité à distance
tants que la production agricole surabondante (télétravail).
et empoisonnée que nous procure notre systè-
me agricole actuel, destinée à nourrir des po-
Devenir agriculteur ?
pulations étrangères pléthoriques et affamées,
que l’absence d’une politique malthusienne et
l’abandon des cultures vivrières dans leur pro- S’installer comme agriculteur n’est pas
pre pays amènent aux portes de nos cités - et chose facile. Cette démarche présuppose des
bientôt de nos villages ? connaissances agronomiques, qui peuvent
s’acquérir en reprenant des études, mais aus-
si en suivant les formations proposées par des
Avertissement
associations, comme il en existe tant dans les
milieux dits « alternatifs ».
Je n’aborderai pas ici le sujet de la bas- A mon avis, qui n’est pas celui d’un
se-cour et du petit élevage. agriculteur de métier, je le précise, la meilleure
Je présenterai dans ce texte, pour le solution est de pratiquer une activité d’agri-
reste de l’activité agricole, des orientations gé- culture biologique en polyculture-élevage,
nérales, des réflexions, des conseils, parfois avec tout de même une dominante. Sur les
illustrés d’exemples, mais pas de recettes affi- espaces cultivés, il est possible et souhaitable
nées ni de données techniques très précises. de combiner des arbres et des cultures - pen-
A chacun de mener ses recherches à partir sons à l’agroforesterie, qui associe sur la mê-
me parcelle une production de bois ou de sieurs types d’occupation du sol. Au plus près
fruits et une activité agricole (céréalière, vitico- de la VILLA se trouve le jardin potager
le, d’élevage…). Il a été démontré, dans cer-
tains systèmes agroforestiers, que pour pro- Les énergies grises
duire autant qu’une parcelle d’agroforesterie il Elles englobent l’ensemble des énergies
fallait une surface en cultures séparées « invisibles », auxquelles on ne pense pas
(baptisée la SEA ou Surface équivalente asso- immédiatement, consommées pour emballer
lée), supérieure à celle de la surface agrofo- un produit, le transporter, le stocker, le distri-
restière. buer, le vendre, l’utiliser, l’entretenir et le re-
L’agriculture biologique, et son cadre de
cycler.
développement, la permaculture, sont respec-
tueuses de l’environnement comme de la san-
L’agriculture biologique
té des hommes d’aujourd’hui et de leurs des-
« L'agriculture biologique est un système de
cendants.
production qui maintient la santé des sols,
Être agriculteur pour adopter les métho-
des écosystèmes et des personnes. Elle
des chimiques des multinationales est un non
s'appuie sur des processus écologiques, sur
sens au regard de la démarche de celui qui
la biodiversité et sur des cycles adaptés aux
effectue un retour à la terre. La croyance que
conditions locales, plutôt que sur l'utilisation
l’agrochimie seule est à même de nourrir un
d'intrants (engrais et molécules de synthèse,
peuple (voire des peuples dans une économie
extérieurs à l’écosystème) ayant des effets
mondialisée) est une grossière erreur, soi-
néfastes. L'agriculture biologique allie la tra-
gneusement entretenue par les cercles de
dition, l'innovation et la science au bénéfice
pouvoir soumis à ces mêmes multinationales.
de l'environnement commun [...] »
Chaque peuple, chaque communauté et cha-
(International Federation of Organic Agriculture Move-
que individu, peut et doit vivre de son propre ments)
sol. Le mouvement de l’agriculture biologi-
Comme corollaire à l’agriculture biologi- que est né d’une réaction à l’agrochimie
que, la commercialisation dans des circuits (apparue au milieu du XXe siècle) et à l’usa-
commerciaux courts est une solution qui dimi- ge d’engrais minéraux (effectif dès la fin de
nue les frais générés par les énergies grises la première guerre mondiale). Il s’accompa-
et les pollutions liées au transport. La vente et gne d’une critique des pratiques agricoles et
l’achat peuvent être remplacés par le troc, ser- de la vision réductionniste, matérialiste et in-
vice contre service, produit contre produit ou dustrielle qui prévaut aujourd’hui. Il plaide
service contre produit. pour un retour aux pratiques traditionnelles,
aux libertés paysannes et à « une relation
La « VILLA » gallo-romaine, un exemple plus spirituelle à la nature », selon les idées
d’organisation de l’espace de Rudolf Steiner (1861-1925).
Il combat la mainmise des intérêts fi-
Atour du centre de gravité que consti- nanciers et commerciaux dans la conception
tuent la VILLA (PARS URBANA ou PRAETORIUM, et la gestion des exploitations agricoles. Il
résidence du maître) et ses dépendances s’oppose aux développements technologi-
(PARS RUSTICA), en s’éloignant toujours plus ques qui se font aux dépends de la fertilité
de ce centre, il est possible de recenser plu- des sols.
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(HORTUS), où poussent des légumes, des Le jardin est la pierre angulaire de toute
plantes et quelques petits fruitiers de faible recherche d’autosuffisance. Lorsqu’il est bien
développement. Vient ensuite le verger pensé et que sa surface est suffisante (800 à
(POMETUM) avec des arbres de plus fort déve- 1200 m2), il peut nourrir une famille de cinq
loppement. En s’éloignant toujours plus vien- personnes toute l’année.
nent les terres cultivées (AGER), ainsi que les Le maraîchage, dans l’idéal sur une
prairies d’élevage (PRATUM). Pour finir, vien- surface de 1,5 à 2 hectares (plus si l’on veut
nent les « bois » et les forêts (SILVA). Entre les laisser les sols se reposer), peut apporter un
deux, se trouvait à l’époque romaine le SAL- revenu non négligeable. Il demande un fort
TUS, une zone intermédiaire entre les cultures degré d’organisation pour pouvoir répondre à
et la forêt, où se pratiquaient l’élevage extensif la demande des clients. L’étalement des pro-
et la culture d’arbres fruitiers rustiques ductions, pas toujours aisé, est un élément
(certains pommiers, poiriers et cormiers), dis- majeur de réponse à la demande de la clientè-
séminés au milieu d’arbres forestiers épars. le actuelle.
Devenir actif rural ou être agriculteur ? La première chose à faire, pour le jardi-
nier comme pour le maraîcher, est le diagnos-
S’installer comme actif rural ou être té- tic du sol. Est-il sableux, argileux, limoneux ou
létravailleur, est une bonne solution pour vivre une combinaison des trois ? Est-il acide, basi-
à la campagne, plus facile que l’installation que ou neutre ? Est-il profond ou superficiel ?
comme agriculteur. Si la surface idéale d’une Les sols argilo-limoneux avec une certaine
ferme en agriculture biologique est de 50 à 80 proportion de sable, neutres ou légèrement
hectares, la surface idéale d’une propriété acides (ph = 6 ou 7) et profonds, sont les meil-
d’actif non agriculteur est, elle, de 2 à 3 hecta- leurs. Les sols sableux et acides (ph = 2 à 5)
res. Lui aussi gagnera à pratiquer une agri- sont en général très pauvres. Les sols calcai-
culture sans pesticides ni engrais minéraux. res (ph = 8 à 13), sont les plus délicats, car
Si l’on veut être précis, l’occupation du toutes les plantes ne peuvent pas supporter la
sol d’une ferme en polyculture-élevage se ré- présence de carbonate de calcium dans la ter-
partit entre le jardin (ou les surfaces en maraî- re fine. Les sols argileux lourds sont difficile-
chage), le verger, les grandes cultures, les vi- ment exploitables par les racines des plantes.
gnes, les prairies, les friches accompagnées
et la forêt. Les éléments végétaux linéaires Le choix des variétés végétales est lié
(haies, agroforesterie intra- et extra- au type de sol, chaque plante ayant ses préfé-
parcellaire) et ponctuels (arbres isolés) sont rences. Un sol limono-argilo-sableux à ph neu-
essentiels. A cela s’ajoutent les ruisseaux, les tre ou légèrement acide convient à toutes les
cours et les plans d’eau, qu’il est possible d’u- plantes. Un sol sableux acide convient aux vé-
tiliser, sans pour autant les tarir. gétaux dits « acidiphiles ». Il ne retient pas
L’actif rural non agriculteur, à son l’eau : il est donc nécessaire d’arroser fré-
échelle et sur son temps libre, peut organiser quemment. Il peut aussi être amendé par ap-
sa propriété comme une mini-ferme en poly- port de marnes (terres calcaires et plus com-
culture élevage mais ne pratiquera ni le maraî- pactes), de façon à augmenter son ph et sa
chage ni les grandes cultures. Les produits de capacité à retenir l’eau. Un sol calcaire ne
cette activité para-agricole pourront être auto- convient pas aux plantes dites « calcifuges ».
consommés, échangés, ou vendus sur les Il restreint beaucoup le choix du jardinier, mais
marchés de pays, procurant ainsi un complé- il peut être amélioré par un apport de matière
ment de revenu. organique, de copeaux de bois de résineux,
ou par un semis de plantes améliorantes
Le jardin familial et le maraîchage (engrais vert formé, par exemple, par de la
moutarde). Un sol argileux peut être grande-
La différence majeure entre ces deux ment amélioré par un apport de matière orga-
activités est essentiellement d’ordre économi- nique et par une augmentation de son ph.
que. Le jardin est prévu pour l’autoconsomma- D’une façon générale, les sols de fonds
tion, éventuellement les échanges et les ven- de vallons, situés près de cours d’eau perma-
tes occasionnelles. Les parcelles de maraî- nents ou temporaires, bénéficiant d’un collu-
chage sont destinées à produire un revenu. vionnement (dépôt de limons et d’éléments
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essaient de les conserver et de les diffuser. Les jachères (parcelles mises au repos)
C’est à ces associations qu’il faut s’adresser sont laissées en herbe, avec des plantes sau-
pour acheter les variétés destinées au verger. vages dans l’idéal, ou semées en espèces
Ces variétés seront bien souvent résistantes améliorant le sol, et éventuellement mellifères.
aux maladies et diversifiées (durée de conser- Les parcelles cultivées sont, si c’est
vation, goût, adaptation au contexte écologi- possible, ensemencées, après récolte, par des
que, esthétique aussi, pourquoi pas…). espèces transitoires permettant le semis direct
sous couvert végétal, vivant ou mort. Il s’agit
Les terres cultivées en grandes cultures d’un semis au sein même d’une culture en pla-
ce, préalablement passée au rouleau ou dévi-
Certaines des idées avancées plus en talisée par le froid de l’hiver, sans travail du
amont dans le chapitre consacré au jardin et sol.
au maraîchage biologiques, sont applicables,
peut-être avec moins de finesse d’intervention L’assolement, qui correspond à la ré-
sur le milieu, aux terres de grandes cultures. partition spatiale des productions, pour une
Nous allons aborder ici certaines de leurs par- année donnée, peut être soumis à une rota-
ticularités, sans prétendre épuiser le sujet (qui tion de cultures. Un même type de production
est très vaste). réapparaîtra donc de façon cyclique à plu-
sieurs années d’intervalle, sur une même par-
Plus que l’agriculture dite
« raisonnée », qui utilise avec modération les
produits de synthèse, et bien plus encore que
l’agriculture conventionnelle ou productiviste,
qui combine produits agro-pharmaceutiques,
Les intrants
Un intrant est un élément extérieur apporté
au sol, qui ne provient ni de l’exploitation agri-
cole, ni de sa proximité. Il est donc étranger à
l’agro-écosystème. Il est possible de distin-
guer les intrants biologiques (le purin d’ortie
en est un), qui, en général, sont compatibles
avec le fonctionnement naturel du sol, des Litière d’un sol vivant, alimentée par des
intrants minéraux et chimiques qui artificiali- feuilles et des aiguilles d’arbres voisins
sent le substrat de culture et qui conduisent
les agriculteurs à se priver des avantages celle. Ce système permet d’éviter l’épuisement
d’un sol vivant. des sols par une culture permanente (penser
engrais minéraux, semences génétiquement à la monoculture du maïs), les sols se régéné-
modifiées par transgénèse, sur-mécanisation rant d’autant mieux dans l’intervalle de la rota-
ultra-technicité… l’agriculture biologique res- tion que les cultures successives ne deman-
pecte les équilibres naturels. Elle n’utilise que dent pas les mêmes éléments nutritifs, et que
peu d’intrants, sans effet sur l’écosystème, et l’on apporte, directement ou par des semis de
des outils adaptés à la configuration des lieux plantes améliorantes et couvre-sol, de la ma-
de culture. Elle s’appuie sur l’agriculture tradi- tière organique. Des éléments minéraux peu-
tionnelle qui existait avant la révolution agrico- vent être remontés des profondeurs par des
le du début du XXe siècle. Elle ne refuse pas plantes. Le seigle, sur sols pauvres, remplit
systématiquement les outils de haute techno- très bien cette fonction. Le Rumex obtusifolius
logie, mais peut aussi accepter des méthodes (patience sauvage, déjà citée) a le même type
anciennes remises au goût du jour, comme d’action : ses racines peuvent descendre jus-
des attelages à chevaux couplés à des outils qu’à 1 mètre 10 de profondeur. De l’azote
modernes conçus pour eux. pourra être captée dans l’air par des
L’agriculture biologique considère le sol « légumineuses » (« fabacées » aujourd’hui)
comme un être vivant, un écosystème dans comme la féverole ou le trèfle.
l’écosystème, qu’il faut à tout prix garder en
état de fonctionnement. Une ferme en agriculture biologique ga-
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Vigne biologique à l’automne, parcourue par des moutons, qui fument la parcelle
tout en maîtrisant la végétation herbacée
gne à être plantée de haies. Elles assurent
une protection contre l’érosion des sols et l’ef-
fet desséchant du vent. Elles permettent l’aug- Avant l’apparition du phylloxéra, en
mentation de la diversité des espèces vivant 1863, la vigne européenne n’avait pas de véri-
sur la propriété et fournissent un refuge aux table ennemi. Cette maladie, venue d’Améri-
espèces auxiliaires des cultures (oiseaux, in- que du nord, létale dès la troisième année
sectes, petits mammifères…). Ces haies, que d’infestation, a décimé nos vignobles. Pour y
les forestiers appellent parfois « forêt linéai- répondre, dans un premier temps, les euro-
re » fourniront périodiquement du bois de péens ont acclimaté des vignes américaines,
chauffage, du fourrage (feuillage) et du broyat résistantes ou tolérantes au phylloxéra. Mais
de bois vert (bois raméal fragmenté ou BRF), le goût du vin ne plaisait pas. L’idée a vu le
qui peut être très utile comme couvre-sol dans jour de greffer les vignes européennes sur des
le jardin ou les parcelles de maraîchage. vignes américaines : le phylloxéra, dont les
colonies mortelles se trouvent autour des raci-
Une telle ferme peut aussi contenir des nes, a été ainsi vaincu.
parcelles d’agroforesterie. Ce terme générique Restaient bien d’autres maladies, non
désigne l’association d’arbres (à bois, à fruits, létales mais préjudiciables à la santé de la vi-
à feuillage) à une culture agricole ou à un éle- gne et à la récolte du raisin. Les plus connues,
vage. Parmi les combinaisons possibles, nous originaires d’Amérique du nord elles aussi,
pouvons citer l’association de peupliers avec sont le mildiou (apparu en France en 1878) et
du maïs, d’arbres fruitiers plein vent avec de la l’Oïdium (apparu en France en 1851), respec-
prairie (pré-verger), de noyers avec du blé, de tivement sensibles au cuivre et au soufre, qui
cormiers avec de la vigne… sont de ce fait utilisés en traitement préventif.
Certains pépiniéristes « hybrideurs »
ont eu l’idée de croiser des vignes européen-
La vigne
nes avec des vignes américaines. Dans le
meilleur des cas, les vignes américaines ont
Chaque ferme possédait autrefois, à transmis des gènes de résistance au phylloxé-
défaut de parcelles de vigne pour le commer- ra, au mildiou et à l’oïdium et les vignes euro-
ce du vin, un petit carré pour l’usage familial. péennes les propriétés organoleptiques. De ce
Je n’aborderai pas ici en détail le métier fait, il a été possible de bouturer, sans les
de vigneron. Il faut simplement savoir, en pre- greffer, ces nouveaux cépages (que l’on ap-
mier lieu, que les vignes actuelles en agri- pelle aussi hybrides producteurs directs) et
culture conventionnelle sont traitées avec des d’en faire un vin qui, même s’il n’a pas parfai-
produits très nocifs pour l’environnement et tement le même goût que celui produit par les
pour les hommes, en second lieu que la viti- vignes européennes, n’en est pas moins de
culture biologique gagne du terrain.
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La première opération est de passer un conseillé d’élever ses plants à partir de grai-
gyrobroyeur (ou une faucheuse s’il s’agit d’une nes récoltées localement, (se référer au princi-
prairie) sur une bande de 7 mètres de large, pe de la marque de qualité dite « végétal lo-
puis de laisser 3 mètres sans intervention, cal », imposée à certains pépiniéristes pour
puis de recommencer la même opération jus- des plantations de haies ou des parcelles
qu’à ce que l’on ait ainsi traité toute la parcel- agroforestières). Il est essentiel de ne broyer
le. Le résultat est un ensemble de bandes pa- qu’une seule fois par an et à la bonne période.
rallèles alternativement broyées et laissées en Pour les plantations, il faut choisir des plants
évolution libre. Aux deux extrémités, il faut d’un an ou de deux ans, pas plus, qui seront
laisser une tournière (espace pour manœu- installés en novembre.
vrer). A partir du moment où les arbres se se-
Au fil des années, la partie broyée ou ront développés (entre 3 et 5 ans), il peut être
fauchée constituera une prairie naturelle et la intéressant d’effectuer une taille de formation
partie intermédiaire deviendra une friche dans forestière. Sans entrer dans les détails, cette
laquelle des arbres commenceront à pousser, taille peut être décrite comme une opération
grâce à des graines transportées par des ani- visant tout à la fois à obtenir une tige unique
maux (des oiseaux comme le geai des chê- pour chaque arbre, par des suppressions de
nes, la corneille noire, la grive…, des mammi- fourches, et à anticiper sur l’opération d’élaga-
fères comme le renard, le blaireau, l’écu- ge. L’élagage forestier (à ne pas confondre
reuil…). Pour accélérer le processus d’ense- avec l’élagage en arboriculture) est la sup-
mencement naturel, des branchages pourront pression systématique des branches sur la mi-
être disposées sur les bandes de 3 mètres hauteur d’un tronc, alors que l’arbre fait 10 à
afin que des oiseaux viennent s’y poser et re- 14 mètres de haut.
jettent les graines des fruits qu’ils viennent de En enlevant au fil des ans les branches
consommer. En complément à cette de plus fort diamètre, la taille de formation li-
« régénération naturelle assistée », il est tou- mite la surface des plaies de l’élagage, qui lui
jours possible de planter des arbres élevés succède. Après l’opération d’élagage, l’arbre
dans sa propre pépinière. produira jusqu’à sa récolte du bois sans
Pour bénéficier du maximum de diversi- nœuds au-delà du noyau central du tronc cor-
té génétique sur les 7 mètres de prairie, il est respondant aux années précédant cette opé-
préférable de broyer ou de faucher à partir de ration.
la mi-juillet, jusqu’au début du mois de sep- Lorsque le peuplement forestier sera
tembre. Les graminées seront alors épuisées formé, c'est-à-dire que les plus beaux arbres
et les plantes plus rares auront eu le temps de (dits « arbres objectifs ») auront été traités par
produire leurs graines. Pour conserver le patri- la taille et l’élagage, et que le couvert se sera
moine génétique des arbres de pays, il est fermé, (c'est-à-dire au bout de 20 ans envi-
ron), il sera possible de passer aux éclaircies. dits de « franc pied » (souche à tronc uni-
Une éclaircie consiste à supprimer les arbres que) ? Est-il une combinaison des deux ? Est-
dont l’enlèvement a un effet bénéfique sur la il composé d’essences d’arbres multiples
croissance et le développement des arbres avec, sur le même espace, des arbres de tous
objectifs. Il peut y avoir, dans un peuplement âges et de toutes dimensions qui se côtoient
de chêne, plus d’une dizaine d’éclaircies. Les pied par pied ?
premières fourniront du bois de chauffage, les Dans le premier cas, il s’agit de
dernières du bois de chauffage et du bois « taillis ». Il est généralement utilisé pour faire
d’œuvre. La coupe définitive fournira elle aussi du bois de chauffage, car les brins sont de fai-
les deux types de produits, mais le bois d’œu- ble diamètre.
vre sera majoritaire. Dans le second cas, il s’agit de
Il faut noter que le scénario décrit ci- « futaie ». Le bois peut-être utilisé pour des
dessus est celui d’une futaie régulière (arbres usages architecturaux (charpente, ossature),
issus de graines et de même âge, sur la par- pour la menuiserie, l’ébénisterie et une très
celle). D’autres conduites sont possibles, mais grande variété d’objets (pensons, parmi les
difficiles à mettre en place, comme le taillis- usages les plus nobles, à la lutherie qui est la
sous-futaie ou la futaie irrégulière (qui est sou- fabrication d’instruments de musique en bois
vent conduite avec des méthodes « proches » et à cordes).
ou « inspirées » de la nature - voir plus avant). Dans le troisième cas, il s’agit de
« taillis-sous-futaie » ou de taillis avec réser-
La forêt ves, qui associe un sous-étage de taillis de
même âge à un étage supérieur de tiges de
En guise de préambule et d’avertisse- futaie de classes d’âge différentes appelées
ment, et par souci de ne pas faire perdre de « réserves ». Dans le quatrième et der-
temps au lecteur, je ne parlerai pas longtemps nier cas, il s’agit de futaie irrégulière à espè-
ici des plantations résineuses pures, faites à ces multiples, qui produit du bois d’œuvre
grand renforts de subventions et sous l’in- pour l’essentiel.
fluence des industriels du bois, dans les an-
nées d’après-guerre. Ces plantations, sous Bien que la tronçonneuse soit d’un usa-
prétexte d’exode rural et de désertification des ge plutôt dangereux, la récolte de bois de
campagnes, ont non seulement détruit les ter- chauffage dans du taillis simple, c'est-à-dire
roirs de certaines provinces historiques fran- non associé à des arbres de futaie, est à la
çaises, mais aussi conduit à un désastre éco- portée de tous. Si le taillis est très diversifié en
logique et ethnologique (destruction de l’éco- âges, il est possible de fractionner l’ensemble
complexe paysan). en unités de passage en coupe, dont la surfa-
Mal en a pris aux forestiers productivis- ce est égale à la division de sa surface totale
tes : les plantations d’épicéa de plaine (un par le nombre d’année (la « rotation ») que
exemple parmi tant d’autres) sont aujourd’hui met le taillis à se régénérer sur ses souches.
dévastées sur des milliers d’hectares, par des De cette façon, chaque année, le taillis produi-
insectes, sous l’effet d’un affaiblissement phy- ra un certain nombre de « stères » (unités de
siologique lié à la sécheresse - et aux hiver cubage du « bois de feu »). Le point délicat
trop doux qui favorisent la reproduction de ces est la création de ce décalage de la récolte,
parasites. Et le pire est encore à venir... qui, si le taillis à des stades d’évolution voi-
sins, demandera de faire attendre les espaces
Les parcelles forestières à tendance non exploités plus longtemps que la durée
naturelle sont les plus intéressantes, à bien prévue de la rotation. Une fois parvenue à l’é-
des titres. Tout d’abord comme réserves de tat d’équilibre, et si le sol est également riche
bois de chauffage et de bois d’œuvre, ensuite sur toute la surface, l’ensemble produira cha-
comme lieux de cueillette, de promenade, de que année un même nombre de stères, ce qui
repos, de conservation d’un écosystème parti- est pratique pour ceux qui consomment régu-
culièrement riche… lièrement une même quantité de bois.
La première des choses à faire est de
bien observer les lieux. Le « peuplement fo- La récolte de bois d’œuvre en futaie est
restier » est-il composé de cépées (souches à une affaire de professionnels ou d’amateurs
plusieurs « brins ») ? Est-il composé d’arbres éclairés ayant suivi une formation spécifique.
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bois d’œuvre est une très belle opportunité, futaie irrégulière plurispécifique est souvent
bien que ce mode de conduite de la forêt soit nommée « sylviculture d’arbres », au sens où
considérée comme obsolète par certains fo- le forestier réfléchit de façon particulière à
restiers « progressistes ». A rotation voisine chaque bouquet ou petit ensemble d’arbres,
de celle d’un taillis simple, 20 à 25 ans par au lieu de réfléchir au niveau d’une parcelle et
exemple, le taillis est entièrement coupé sur la de systématiser les opérations. Cette conduite
parcelle et le propriétaire en profite pour d’une est aussi dénommée sylviculture « proche de
part récolter les arbres mûrs, d’autre part ré- la nature », au sens où la forêt est considérée
colter quelques arbres d’âge intermédiaire à comme un écosystème que l’on doit guider
titre d’amélioration du peuplement et de maîtri- doucement vers la production de bois, sans
se du couvert de la réserve sur le tailis, et en- pour autant remettre en cause son équilibre.
fin recruter de jeunes arbres qui étaient au mi- Les forestiers profitent ainsi du travail gratuit
lieu du taillis pour remplacer ceux qui ont été de la nature. Un vieil adage ne dit-il pas
récoltés. L’opération se répète à chaque rota- « Imiter la nature, hâter son œuvre » ?
tion, sans que jamais la parcelle ne soit com-
plètement mise à nu. Là encore, le propriétaire
de la forêt peut se charger du bois de chauf-
fage du taillis et des « houppiers » (branches)
des arbres de réserve, et il doit s’y limiter.
Retour aux sources d’un mouvement paysan européen
26
1936), Ernst Niekisch (1889-1967), Carl paysannerie traditionnelle, qui permettait aux
Schmitt (1888-1985) et Ernst Jünger (1895- ruraux de vivre dans un certain état d’autarcie
1998). La figure de proue, à la naissance de tout en fournissant à suffisance des biens ali-
ce mouvement, est Moeller van den Bruck mentaires aux citadins. Les paysans sont dé-
(1876-1925). sormais soumis à la loi du marché. La spécu-
La Révolution conservatrice s’oppose à lation sur les produits de la terre en vient à
la philosophie des Lumières et au triomphe de gouverner leur destinée.
la bourgeoisie éclairée. Elle est empreinte d’u- L’année 1928 voit apparaître des mou-
ne nostalgie qui s’attarde sur un monde euro- vements de masse corporatistes, tout d’abord
péen révolu, dont elle refuse le déclin. Elle est pacifiques puis ensuite plus violents, qui s’op-
orientée vers un ordre politique nouveau d’où posent à la république de Weimar. Les
renaîtrait la civilisation. Elle s’oppose ferme- paysans et leurs représentants les plus radi-
ment à la « table rase du passé » qu’ont théo- caux rêvent d’un Etat populaire agrarien. A la
risé et mis en œuvre les révolutionnaires fran- fin de cette même année, le
çais de 1789 et prône ce que l’on pourrait « Landvolkbewegung », nom que l’on peut
nommer une « nostalgie du futur » - c'est-à- aussi traduire par « Mouvement du peuple de
dire quelque chose d’attendu, qui est à la fois la terre », est fondé. Un journal voit aussi le
ancien et nouveau, qui se reformule et renaît jour, Das Landvolk ou Le peuple de la terre.
de ses cendres, sous un nouvel avatar, dès L’ensemble est complété par les
que le peuple est en danger. « Wachtvereinigungen » ou « Associations de
garde » paramilitaires, proches des Corps
Le développement du Mouvement paysan Francs.
La division asiatique de cavallerie unités militaires les plus colorées et les plus
mystérieuses de l'histoire de la Russie impé-
La Division Asiatique de Cavalerie a été riale. Sa composition multiethnique et son ca-
l'une des unités militaires les plus fascinantes ractère indiscipliné en ont fait une force redou-
de l'histoire de la Russie impériale. Composée table, mais aussi difficile à contrôler. Son rôle
de cavaliers Mongols, Bouriates, Kalmouks, dans la guerre civile russe et dans la lutte pour
Kazakhs, Bachkirs et même Japonais, elle a l'indépendance mongole a laissé une emprein-
joué un rôle crucial dans la guerre civile qui a te durable dans l'histoire de la région.
suivi la révolution russe de 1917. Son histoire
remonte à la Première Guerre mondiale, lors- L’ataman Grigori Semenov
que des régiments de cavaliers mongols ont
été formés pour servir dans l'armée impériale Grigori Mikhailovitch Semenov était un
russe. Ces cavaliers se sont distingués sur personnage complexe et controversé de l'his-
plusieurs fronts, notamment en Galicie, où ils toire de la Russie. Né en 1890 à Omsk, en Si-
ont été utilisés pour des missions de recon- bérie, il a commencé sa carrière militaire en
naissance et de sabotage. Après la révolution tant que sous-lieutenant dans l'armée impéria-
de février 1917, les régiments mongols sont le russe, avant de rejoindre les rangs de l'Ar-
restés fidèles au gouvernement provisoire, mée blanche pendant la guerre civile. Seme-
mais ont rapidement été désarmés par les bol- nov est surtout connu pour son rôle dans la
cheviques. formation et le commandement de la Division
En 1918, les Mongols se sont rebellés asiatique de cavalerie. Semenov a été nommé
contre les bolcheviques et ont créé leur propre commandant en chef de la division en 1919.
état indépendant en Mongolie. Leur chef, le Sous le commandement de Semenov,
Baron von Ungern-Sternberg, a donc organisé la Division asiatique de cavalerie est devenue
une armée de deux mille cavaliers mongols et une force redoutable sur le champ de bataille.
russes pour soutenir leur lutte. Cette armée a Les cavaliers mongols étaient particulièrement
été rebaptisée la Division asiatique de cavale- efficaces en tant que guérilleros, utilisant leurs
rie et a été placée sous le commandement du compétences en équitation et en archerie pour
général Grigori Semenov. Cette division a infliger des pertes importantes à l'ennemi. Ce-
combattu avec courage et détermination pendant, la division était également connue
contre les bolcheviques, utilisant des tactiques pour sa tendance à se livrer au pillage et au
de guérilla et de harcèlement pour affaiblir massacre des civils.
leurs positions. Les cavaliers mongols étaient Semenov a été critiqué pour son man-
particulièrement redoutables, utilisant des arcs que de contrôle sur ses troupes et pour son
et des flèches ainsi que des sabres dans les comportement brutal envers les civils. Il a éga-
combats rapprochés. lement été accusé d'être impliqué dans le tra-
En 1920, les forces soviétiques ont en- fic d'opium, une accusation qui a été large-
vahi la Mongolie et ont capturé la Division ment rapportée dans les journaux de l'épo-
asiatique de cavale- que ; bien entendu
rie. Les soldats ont Le Baron Fou, vu par Hugo Pratt nous pouvons aussi
été exécutés ou en- douter de la véracité
voyés en exil, et la de ces accusations,
division a cessé émanant de la pro-
d'exister. Cependant, pagande bolchevi-
l'héritage de la divi- que.
sion a survécu dans Après la dé-
la mémoire populaire, faite de la Division
ainsi que dans les Asiatique de Cavale-
œuvres d'écrivains et rie, Semenov est
d'artistes qui ont été parti en exil en Chi-
inspirés par son his- ne, où il a continué à
toire. mener des actions
Ainsi, la Divi- de guérilla contre les
sion asiatique de ca- forces soviétiques.
valerie a été l'une des Après une vie aven-
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victoire du Baron a également inspiré la crain- ont même prétendu avoir trouvé l'entrée de ce
te et le respect chez ses ennemis, qui l'ont royaume mystique, mais la plupart n'ont ja-
surnommé « l'Attila de Sibérie ». mais été en mesure de prouver leur découver-
Une fois maître des lieux, le Baron von te.
Sternberg rétablit le Bogdo Khan dans ses Malgré cela, l'histoire de l'Agartha conti-
fonctions (le Bogdo Khan en Mongolie étant nue de captiver l'imagination des gens du
l’équivalant du Dalaï Lama au Tibet, à savoir monde entier, un rappel constant que les limi-
le guide spirituel et l’autorité religieuse de tes de notre monde ne sont pas encore com-
Mongolie), ce dernier bénit le Baron Sternberg plètement comprises, que les secrets les plus
et lui donna le titre de Khan de Mongolie. profonds peuvent être cachés juste sous nos
Thubten Gyatso, le 13e Dalaï Lama pieds, attendant d'être découverts.
(décédé en 1933) disait que le Baron Stern- Selon certains récits, le Baron Von Un-
berg était une émanation de Mahakala, une gern-Sternberg s’intéressait tellement à l’idée
divinité protectrice du bouddhisme Tibétain. de recruter une aide « Agarthienne » pour son
Pourtant, la prise d'Ourga a également mar-
combat contre les bolcheviques, qu’il aurait
qué le début de la fin pour le Baron von Stern-
berg. Ses troupes, indisciplinées et parfois envoyé deux expéditions à la recherche de la
même dépravées, ont commencé à semer la mythique cité. La seconde expédition a dispa-
terreur dans les régions qu'elles occupaient. ru sans laisser de traces.
Les alliés potentiels du Baron se sont retour-
nés contre lui, et sa fin est arrivée rapidement.
Malgré cela, la prise de la ville d'Ourga
par le Baron Von Ungern-Sternberg reste un
moment fascinant de l'histoire de la guerre ci-
vile russe. Elle est un exemple de la complexi-
té de cette période, où des personnages hauts
en couleur ont lutté pour le pouvoir et l'influen-
ce dans une région en crise.
Le royaume de l’Agartha
Culture de l’effacement
avec le Soleil, pour un ordre cosmique apai- dont on peut s’évader pour aborder l'infini,
sant et inspirant. C'est surtout cela, la Vierge pour finalement, en bout de course, y revenir...
Marie. Mais ces gens ne l'ont certainement jamais lu
et encore moins compris.
Les représentants de la gauche ont du
pain sur la planche, avec tous les problèmes Revenons à cette statue, sur cette île…
du monde d'aujourd'hui, et ils devraient s’atta-
cher à les résoudre, au lieu de s'en prendre à Les habitants de ce village l'aiment
la destruction de symboles qui devraient nous mais aucun ne donne de raison religieuse
inspirer pour ce qu'ils ont de meilleur, d'autant pour défendre sa présence. La première rai-
plus en ces temps troublés. Mais ces miséra- son est qu'elle jamais gêné personne. C'est
bles valident tout, et les capitalistes peuvent juste qu'ils aiment cette vision, qui est une
se frotter les mains car, avec des pseudo- douce habitude. Elle représente l'immuable
révolutionnaires comme ceux-là, ils n'ont pas dans les tourments du monde et de l'existen-
grand chose à craindre... ce, elle suscite la joie de cet homme qui a
Ils se sentent opprimés par le système quitté son île pendant trente ans pour travailler
alors qu'ils en sont les enfants chéris et les à l'étranger et la retrouve avec émotion à son
agents. Ils critiquent la « bien-pensance » retour.
alors que ce néologisme, justement, corres- Cette statue, c’est aussi ces enfants qui
pond à ce qu’ils sont. Ils valident la néfaste jouent, sans se rendre compte de sa présen-
injection au nom de la science, votent pour le ce, c'est encore la petite mamie qui se signe
destructeur du deuxième tour, par crainte que discrètement sous son manteau tout en tenant
la centriste Marine (avec sa « colloc » et ses fermement sa baguette contre elle, dans le
petits chatons) ne se transforme en Himmler. vent… et c'est cette femme qui l'a offerte à la
Ils discriminent pour lutter contre la discrimina- ville, juste après la guerre : elle l'a priée durant
tion, sont violents pour lutter contre la violen- tout le conflit pour que son fils et son mari re-
ce, valident totalement l'immigration de masse
qui est un vrai « truc » de la droite.
Ils font aussi la police de la pensée au
nom de la liberté de penser, méprisent les
gens du petit peuple en les traitant de fachos,
ne parlent que de couleur de peau au nom de
l'antiracisme, détruisent au nom de la cons-
truction et traitent ceux qui disent la vérité de
dangereux complotistes.
Enfin, ils défendent l'assassin Zelenski
au nom de la paix, agressent des manifestants
ou des manifestations violemment au nom de
l'anti-fascisme, et surtout ne veulent pas sortir
de l'Union Européenne et trouvent admirable
cette institution. L’Europe de Maastricht est
pourtant destructrice, corrompue, punitive,
mensongère, amie des marchés financiers,
des banques, des lobbies de l'agro-business,
des vendeurs d'armes et de vaccins, et des
fauteurs de guerre… car vouloir se débarras-
ser de tout cela serait... populiste et fasciste.
Arsène d’Arsonval
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Électroculture de la vigne