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DE L’APPLICATION DE LA RESPONSABILITE
HIERARCHIQUE MILITAIRE
EPIGRAPHE
Durant le chemin du travail qui est notre parcourt d'études, Seigneur Jésus, nous te
suivions sans savoir le pourquoi, malgré notre trébuchement, notre découragement et la
dureté du long chemin ; nous ne nous sommes pas lassé de te suivre jusqu'à la croix de
GOLGOTHA où nos souffrances, nos peines et nos angoisses se sont transformées en cette
joie immense avec ta résurrection, qui est pour nous l'aboutissement des études.
Amen
« Celui qui agit mal prend la fuite, même si personne ne le poursuit ; mais le juste à autant
d'assurance qu'un jeune lion »
Proverbe 28 : 1
II
IN MEMORIAM
A notre regretté Père BASHUSHANA MIRINDI Damas qui nous a tôt quitté avant de
goûter sur les fruits de ce travail et qui a témoigné d’un amour sincère et digne durant toute sa
vie à notre personne. Nous nous réjouissons de l’héritage et du modèle de vie nous transmis
par vous, votre image ne s'effacera jamais dans notre esprit.
DEDICACE
Quand nous voyons ton ciel, œuvre de tes doigts, La lune et les étoiles que tu y as
fixées, nous pensons aussi à ceux qui nous ont donné la vie par leur amour volontaire ; qui
sont nos parents :
A Dieu, maître omniscient et omnipotent, source de toute connaissance ;
A notre feu père BASHUSHANA MIRINDI Damas,
A notre mère NJINIKIRE M’CHIVULA Graciane,
A notre grand frère MIRINDI ZIRIMWABAGABO Saleh
A toutes les victimes de graves violations de droit international humanitaire en RD Congo et
partout ailleurs sur la planète terre ;
Nous dédions ce travail.
Maurice MIRINDI
IV
REMERCIEMENTS
Prendre la décision de faire un Mémoire est un engagement sacré car c'est un travail
difficile, de longue haleine, mais passionnant. Pour y arriver, il faut certes de la volonté et du
travail, mais aussi un environnement et entourage propices. A ce titre, il nous a été donné de
rencontrer un homme, Mr le Prof LUC HENKINBRANT, qui par sa disponibilité malgré
ses multiples taches, ses orientations et ses conseils, n'a ménagé aucun effort pour diriger ce
travail. Il a été pour nous plus qu'un Directeur de recherche ...
Monsieur le professeur LUC H, trouvez à travers ces quelques lignes toute notre
gratitude et notre reconnaissance pour votre soutien.
Nos remerciements à notre feu père BASHUSHANA MIRINDI Damas, qui, malgré
son absence prolongée, a su amener notre barque à destination sans chavirer par ses conseils
d'autres fois,
Et à notre mère NJINIKIRE M’CHIVULA Graciane, qui, n'a pas cessé de nous
considérer comme un enfant, nous rappelant d'étudier avec assiduité et voilà le fruit de son
encouragement.
Nos remerciements de gratitude à notre grand frère SALEH MIRINDI et son épouse
NZURI MUSAFIRI pour leur précieux conseils ainsi que leurs soutient tant moral que
financier tout au long de notre parcours.
Nos remerciements aux amis, et camarades étudiants de la L2 droit UCB 2013 2014
pour leur amour et encouragement,
V
A tous ceux qui, de près ou de loin nous ont été utiles et dont leurs noms ne sont pas
mentionnés ci-haut ; puissiez-vous trouver ici l’expression de notre profonde gratitude.
V
SIGLES ET ABREVIATIONS
AFDL : Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo
Al : Alinéa.
Art : Article.
C : contre
Chap : Chapitre.
CM : Cour Militaire.
CONV : Convention.
Ed : Edition.
Inst : instance.
Proc : Procureur.
RP : Rôle Pénal.
Vol : Volume
1
INTRODUCTION
I. PROBLEMATIQUE
Depuis plus d’un siècle, il est généralement reconnu qu’il y a des actes ou omissions pour
lesquels le droit international attribue la responsabilité pénale aux individus qui en sont
responsables et contre lesquels la peine doit être imposée1
Les crimes internationaux étant souvent commis en masse, ceux qui y participent sont
généralement plus nombreux que ceux qui s’y salissent les mains. Afin de prévenir la
commission de tels crimes, la communauté internationale souhaite dissuader non seulement les
petits exécutants, mais également les personnes positionnées plus haut dans les hiérarchies
impliquées.
Dans cette logique, le droit pénal international permet de retenir la responsabilité pénale
de personnes en position d’autorité, même si elles n’ont pas ordonné les crimes internationaux,
mais qu’elles ont plutôt omis de les prévenir ou de les sanctionner
En principe, on ne doit répondre que des actes et des faits que l’on a personnellement
commis. Mais il existe des circonstances où la responsabilité pénale pèse sur la personne qui
répond des actes commis par des agents sous son contrôle ou sous son autorité2
Notons que la responsabilité pénale des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques
militaires permet de tenir individuellement responsables ceux qui ont la plus grande
responsabilité dans la commission de crimes internationaux, même s'ils ne commettent pas ces
crimes eux-mêmes3.
C'est la raison pour laquelle la responsabilité des chefs militaires constitue un élément
important dans le Statut de Rome. Il est important de signaler qu'aux termes de l'article 33 du
Statut de Rome, l'ordre de commettre un génocide ou un crime contre l'humanité est toujours
1
I. BROWNLIE, principes du droit public international, 5 éd, presse universitaire d’oxford, 1998, p565.
2
V. MORRIS et M. SHARF, an insider’s guide to the international criminal, tribunal for the former, yougoslavia,
vol1, Irvington-on-Hudson/new York, 1995, p95
3
I. CHOKOLA, la CPI est ce la fin de l’impunité ?, mémoire, Faculté de droit,UCB, 2007, p20.
2
manifestement illégal ; par conséquent, le subordonné qui obéit à un tel ordre ou à une telle loi
fera l'objet des poursuites au même titre que le chef hiérarchique donneur de l'ordre 4 car il est
clair même dans la constitution congolaise que nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement
illégal5
Le texte de l’article 87 du Protocole Additionnel I énumère une série de mesures que les
commandants sont chargés de prendre, à savoir empêcher que des infractions soient commises,
les réprimer lorsqu’elles sont commises ou les dénoncer à l’autorité compétente. Cette forme de
responsabilité est encourue par tout commandant militaire lorsque ses subordonnés violent
gravement les règles du droit international humanitaire tant en matière de conflit armé interne
que de conflit armé international6
À cet égard, le critère retenu est celui du contrôle effectif : le simple pouvoir d’influence
du chef n’étant pas suffisant, le supérieur doit réellement avoir le pouvoir de contrôler les actions
de ses subordonnés pour engager sa responsabilité. Les marques de ce type de contrôle « sont
davantage une affaire de preuve que de droit substantiel et elles servent seulement à montrer que
l’accusé avait le pouvoir de prévenir les crimes, d’en punir les auteurs ou, lorsqu’il convient, de
prendre l’initiative d’une action pénale à leur encontre.
1. Dans quelles conditions un supérieur militaire peut-il voir sa responsabilité pénale engagée
pour des actes commis par ses subalternes même en son absence et lorsqu’il n’en avait pas
connaissance ?
4
Art 33 du statut de Rome.
5
Art 28 de la constitution congolaise.
6
M. SHAW, droit international, 4éd, presse universitaire de Cambridge, 1997, p186.
3
II. HYPOTHESES
On entend par hypothèse une réponse supposée valide et que la recherche doit confirmer
ou infirmer ou encore nuancer7, P RONGERE définit l'hypothèse comme étant « La proposition
des réponses aux questions que l'on se pose à propos de l'objet de la recherche formulée telle
que l'observation et l'analyse puissent fournir une réponse8 ».
En guise d’hypothèses nous proposons ce qui suit:
- la seconde hypothèse est la suivante : les juridictions nationales militaires ne font encore
jusqu’à ce jour application de la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique que d’une
manière très imparfaite
Le pardon n’est pas l’oubli. Ni l’un ni l’autre ne fonde pas la justice9. D’où il est
impérieux de rendre justice par le jugement des criminels. Voilà l’optique qui nous a incité à
choisir la présente thématique intitulée : « de l’application de la responsabilité pénale
individuelle du supérieur hiérarchique militaire », dont l’intérêt est à situer sur trois plans :
7
G. NDAMA et P. MASILA, Rédaction et présentation d’un travail scientifique, éd enfance et paix, Kinshasa,
1993, p18
8
P. RONGERE, Méthode de sciences sociales, dalloz, paris, 1997, p9
9
S. KABA cité par JP. MUSHAGALUSA, La poursuite des crimes internationaux devant les juridictions
congolaises, mémoire, fac de droit, UCB, 2012, p4.
4
- Sur le plan social, l’objectif poursuivi par cette étude est de mettre à la portée de la
société tant nationale qu’internationale la nécessité d’appliquer la responsabilité pénale
individuelle du supérieur militaire hiérarchique par les juridictions congolaises.
A Méthode
Pour recueillir les données nécessaires à la réalisation de ce travail, nous allons faire
recours à deux méthodes successivement.
B. Technique
- La technique documentaire nous sera d’une importance capitale car elle nous permettra
de lire et de synthétiser des ouvrages, rapports, articles et autres documents ayant trait à
notre sujet en vue d’en tirer un résumé pouvant aider à répondre aux questions de recherche
posées plus haut.
Nous aurons également à recourir aux sites internet portant sur les mêmes domaines
d’étude que le nôtre ainsi que d’autres traitant des sujets différents mais complémentaires à notre
travail.
V. DELIMITATION DU SUJET
Selon G. BALIYGUIER, tout chercheur est forcément limité10.En effet, la matière pénale
étant immense et ne pouvant être appréhendée en ce petit document, il sied de mentionner que ce
travail sera limité sur le plan spatial, temporel et enfin sur le plan matériel.
10
G. BALLEYGUIER, cité par B. ANDEM’AMBIKA, la compétence de la CPI dans la poursuite des personnes
jouissant d’une qualité officielle, mémoire, U.C.B, L2 Droit, 2006-2007, .inédit
5
- Sur le plan temporel ; nous allons partir de la date d’entrée en vigueur du statut de Rome
c’est à dire le 1erjuillet 2002 et de la promulgation du code pénal militaire congolais du 18
novembre 2002 jusqu’à ces jours. Cela ne nous empêchera pas de faire référence à d’autres
textes juridiques et aux précédents connus par des juridictions congolaises et internationales
depuis Nuremberg en 1945 jusqu’à nos jours.
- Sur le plan spatial ; cette étude se penchera sur toute l’étendue de la RD Congo et étant
donné que les jugements que nous allons analyser seront ceux rendus par les juridictions
militaires congolaises dans lesquelles est abordée la question de la responsabilité pénale du
supérieur militaire hiérarchique.
- Sur le plan matériel, la présente étude se penche seulement sur la façon dont il est fait
application du principe de la responsabilité pénale individuelle du supérieur militaire par les
juridictions militaires congolaise en vue d’en évaluer l’effectivité.
Au-delà de l’introduction générale qui offre une radioscopie dudit travail, celui-ci sera
subdivisé en deux chapitres afin de rendre intelligibles les différentes données hormis
l’introduction et la conclusion,
11
A. CHAOUCH HELEL, La responsabilité pénale indirecte du supérieur hiérarchique pour violation du droit
international humanitaire, thèse de doctorat en droit, Université de Nice-Sophia Antipolis, 2003, p. 16 et s.
12
Revue juridique du barreau de Québec, 2007, p8.
7
Ainsi, pour que le droit des conflits armés s’applique, une force doit avoir à sa tête une
personne responsable pour ses subordonnés, mais aucun régime de responsabilité précis ni
aucune sanction précise n’étaient prévus pour ce responsable.
Ce n’est que quelques années plus tard, à la suite de la Première Guerre mondiale, que la
question de la responsabilité de commandement fut explicitement considérée dans un contexte
international. Le rapport de la commission internationale établi sur le sujet recommande que les
personnes responsables, incluant celles qui, connaissant la commission des crimes et ayant la
capacité d’intervenir, ne l’ont pas fait, soient tenues responsables criminellement devant un
tribunal international13
Elle traduit le souci que ceux qui s’engagent dans une action risquée et dangereuse
comme faire la guerre soient sous l’autorité d’un commandement responsable qui devrait
prévenir la commission d’atrocités et punir les coupables à chaque fois qu’il y a des
débordements.
La hiérarchie sera tenue pour responsable si elle se montre incapable de prendre de telles
mesures14
C’est en 2002 après plus d’un demi-siècle de négociation qu’on assistera à l’entré en
vigueur du statut de Rome prévoyant l’instauration d’une Cour Pénale Internationale et qui sera
13
Revue juridique du Barreau de Québec, p10.
14
H. VAN DER WILT, la notion de contrôle effectif, art, 2007, p1
8
saisie des situations au Darfour, au Congo, en Ouganda ainsi qu’en République centrafricaine.
Elle est appelée à juger les infractions internationales que sont le génocide, le crime contre
l’humanité et le crime de guerre commise après le premier juillet 2002.
1. Responsabilité pénale
La responsabilité pénale est l’obligation légale faite à une personne, reconnue coupable
par un tribunal, de supporter la peine prévue par la loi correspondant à une infraction. La
responsabilité pénale est désormais applicable aux personnes morales, par l’intermédiaire des
mandataires sociaux, qui les représentent. Elle peut également consister à répondre en justice par
emprisonnement légal du dommage causé par la contravention à une norme légale pénale censée
protéger l'ordre public. La mise en œuvre de cette responsabilité a pour spécificité de pouvoir
aboutir à un emprisonnement ou à une amende15.
Certes, il est des cas qui s’expliquent par eux-mêmes car on connaît d’avance qui agit
sous le contrôle de qui, encore que dans d’autres circonstances, le lien de subordination entre tel
subordonné et tel supérieur n’apparaît pas à première vue16.
2. Supérieur hiérarchique
Le supérieur hiérarchique peut être défini dans le cas sous examen comme la personne
pénalement responsable des crimes commis par des militaires ou civils placés sous son autorité.
Ce raisonnement fut d’ailleurs envisagé et souhaité par les TPI qui, à plusieurs reprises,
ont rappelé que le principe de la responsabilité pénale individuelle doit prévaloir en cas de
chevauchement sur le principe du chef militaire et du supérieur hiérarchique. Cette inaction
positive peut, en outre, être assimilée à un acte positif de complicité susceptible d’engager la
responsabilité pénale individuelle du supérieur hiérarchique civil ou militaire. » 17
La notion de supérieur est plus large et doit être prise dans une perspective hiérarchique
englobant la notion de contrôle. En réalité, la notion du supérieur s’applique à toute personne
investie d’un pouvoir hiérarchique.
Néanmoins, ce principe ne se limite pas aux personnes ayant été officiellement désignées
comme commandants ; il recouvre aussi bien l’autorité de facto que de jure. C’est-à-dire, bien
que la capacité effective du supérieur hiérarchique soit un critère pertinent, il ne faut pas
nécessairement que le supérieur ait été juridiquement habilité à empêcher ou à punir les actes
commis par ses subordonnés. L’élément qu’il convient de retenir est sa capacité matérielle qui,
au lieu de donner des ordres ou de prendre des mesures disciplinaires, peut par exemple se
traduire par le fait d’adresser des rapports aux autorités compétentes afin qu’elles prennent des
mesures appropriées18
17
D’après La loi française d’adaptation : enjeux et tabous, Rapport de la Fédération internationale des ligues des
droits de l’homme (FIDH), septembre 2001.
18
Aff JP. BEMBA ou les méandres de la justice pénale internationale, p5
10
Dans cette partie un seul point fera l'objet de notre analyse, à savoir : la responsabilité
pénale des supérieurs hiérarchiques militaires.
En outre, il est à noter que l'obligation s'étend dans le cadre des compétences qui sont
dévolues à chaque échelon de la hiérarchie et que les devoirs d'un sous-officier ne sont pas
identiques à ceux d'un commandant de division. Pour chacun, et dans le cadre desdites
compétences, la responsabilité s'étend à tous les membres des forces armées qui sont placés sous
son commandement. Dès qu'il a la possibilité de savoir ou même des raisons de savoir que ses
subordonnés commettaient des infractions, le supérieur hiérarchique est automatiquement mis en
accusation. Il ne pourrait se soustraire à cette responsabilité que s'il prouve qu'il a pris des
mesures pour empêcher la Commission d'une infraction ou qu'il en a puni les auteurs.
19
CDDH/I15R50, Actes IX, page 129.
11
Les décisions du TPIR divergent sur le degré de contrôle des subordonnés exigé aux
supérieurs hiérarchiques militaires par rapport à leurs homologues civils. Certaines Chambres
soutiennent qu'il ne devrait pas y avoir de différence entre supérieurs hiérarchiques militaires et
civils et que l'intention criminelle du supérieur doit être prouvée dans les mêmes conditions tant
pour un militaire que pour un civil20.
Pour les autres Chambres, le degré de contrôle du supérieur hiérarchique militaire est
beaucoup plus élevé que celui d'un supérieur hiérarchique civil car le premier doit prendre
l'initiative de s'informer sur les activités de ses subordonnés dès qu'il savait ou en raison de
circonstances, aurait dû savoir, que ses forces commettaient ou allaient commettre des crimes.
Par contre, le supérieur hiérarchique civil n'est pas tenu, de prime abord, à être informé de
chacune des activités menées par les diverses personnes placées sous son contrôle21.
En vue d'empêcher que des infractions soient commises et de les réprimer, les
commandants, selon leur niveau de responsabilité, doivent s'assurer que les membres des forces
armées placés sous leur commandement connaissent leurs obligations.
Les Hautes Parties contractantes et les Parties au conflit doivent exiger de tout
commandant qui a appris que des subordonnés ou d'autres personnes sous son autorité vont
commettre ou ont commis une infraction aux Conventions ou au présent Protocole qu'il mette en
œuvre les mesures qui sont nécessaires pour empêcher de telles violations des Conventions ou du
présent Protocole et, lorsqu'il conviendra, prenne l'initiative d'une action disciplinaire ou pénale à
l'encontre des auteurs des violations22.
20
Le Procureur c. MUSEMA, jugement, cité à la note 16, §§. 147-148; le Procureur c. BAGILISHEMA, jugement,
cité à la note 53, §§. 40-43.
21
Le Procureur c. KAYISHEMA et RUNZIDANA, jugement, cité à la note 16, §§. 227-228.
22
Art 87 du Protocol additionnel 1 aux conventions de Genève
12
ayant autorité sur un subordonné, disposant d’une capacité de mettre fin à une conduite
criminelle dont elle savait ou aurait dû savoir que cette dernière allait ou était en train de
commettre.
A. La relation de subordination
Le supérieur hiérarchique n’est pas n’importe quel supérieur placé dans la chaîne de
commandement, mais seulement un supérieur qui a une responsabilité personnelle à l’égard de
l’auteur des agissements en question, parce que ce dernier, étant son subordonné, se trouvait
placé sous son contrôle. Certes, le système de répression des infractions graves établi par la
Convention de Genève de 1949 vise les “personnes ayant commis ou donné l’ordre de
commettre” une des infractions énumérées. Cela ne signifie pas que la responsabilité pénale de
ceux qui, par omission, ont eux-mêmes directement causé une infraction grave n’est pas
engagée.23
Le lien direct qui doit exister entre le supérieur et le subordonné découle visiblement du
“devoir d’agir ”exprimé au paragraphe 1 de l’article 86 du Protocole additionnel I, qui est ainsi
libellé : « Les Hautes Parties contractantes et les Parties au conflit doivent réprimer les
infractions graves et prendre les mesures nécessaires pour faire cesser toutes les autres
infractions aux conventions et au présent Protocole qui résultent d’une omission contraire à un
devoir d’agir. »24
23
Comité International de la Croix-Rouge de Genève, La Répression Nationale des Violations du Droit International
Humanitaire : Omission et Responsabilité du Supérieur, 23 février 1999
24
C. PILLOUD et alliis, Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du12
août 1949, Genève,(CICR) 1986, p1029.
13
B. Connaissance et Négligence
Le degré de connaissance sera suffisant si la preuve est faite que le Commandant savait
ou aurait dû savoir. Un tel degré de connaissance repose sur la prémisse que c'est la
responsabilité du Commandant de prendre les moyens pour savoir. Le Commandant a des outils
à disposition pour ce faire et il doit s’en servir 26.
Il n’est pas exclu qu’un supérieur ignore effectivement les infractions commises par ses
subordonnés parce qu’il veut délibérément les ignorer. Ce que l’on peut dire, c’est que dans
plusieurs cas flagrants, les tribunaux qui ont eu à juger des crimes de guerre après la Seconde
Guerre Mondiale n’ont pas accepté cette manière de se laver les mains et ont admis que, compte
tenu des circonstances, la connaissance des infractions commises par les subordonnés pouvait
être présumée.
C’est pour cette raison qu’un chef militaire qui « savait ou, en raison des circonstances
aurait dû savoir » que ses subordonnés commettaient ou allaient commettre des crimes voit sa
responsabilité engagée.
25
P. FAUCONNET, la responsabilité : étude de sociologie, 2éd, paris, librairie Félix Alcan, 1928, p368-369.
26
Intervention du major Stefan BOURGON, chef du cabinet du bureau du président, tribunal pénal international
pour l’ex Yougoslavie, p5.
14
Le concept de négligence est également retenu par tous les droits pénaux. Les définitions,
les classifications et les appellations peuvent cependant varier d’un système à l’autre, ce qui rend
la comparaison difficile. Cette difficulté, propre au droit comparé, se répercute nécessairement
en droit pénal international, qui puise à même les différentes traditions juridiques.
Malgré ces difficultés, le professeur Jean Pradel arrive à donner une définition de la
négligence en droit comparé comme étant la violation d’un devoir de prudence, l’auteur ayant
omis de prendre toutes les précautions qui s’imposaient, mais l’infraction n’existant que s’il y
avait pour lui une possibilité de prévoir le résultat ; la négligence suppose donc que le résultat
prévu ou imprévu, mais prévisible aurait pu être évité par l’emploi de précautions commandées
par les circonstances27.
C. Manquement
Le principe ici est que le supérieur hiérarchique responsable informé doit agir pour
empêcher ou réprimer l’infraction. Cette règle vise aussi bien les commandants directs que leurs
supérieurs. Mais les devoirs exprès des commandants font encore l’objet de dispositions
détaillées à l’article 87 du Protocole Additionnel I. La règle susvisée exige aussi bien des actions
préventives que des actions répressives 29.
27
J. PRADEL, droit pénal comparé, 2éd, dalloz, paris, 2002, p302.
28
Intervention du major Stéphane BOURGON, chef du cabinet du bureau du président du tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie, p6
29
Art 87 du protocol additionnel 1
15
Mais elle limite raisonnablement l’obligation des supérieurs aux mesures pratiquement
possibles, car il n’est pas toujours possible d’empêcher une infraction ou de punir ses auteurs. En
outre, le texte se réfère avec bon sens aux mesures qui sont en leur pouvoir et à celles-là
seulement.30
Cette responsabilité subsiste si, ayant connaissance que les violations sont commises,
elles s’abstiennent de prendre les mesures appropriées et qui sont en leur pouvoir pour les
prévenir à l’avenir. Le défaut de connaissance ne les dégage pas de leur responsabilité si cette
ignorance est imputable à une faute de leur part. Le fait que les infractions sont de notoriété
publique, nombreuses, étalées dans le temps et dans l’espace est à prendre en considération
lorsqu’il s’agit de présumer que les personnes responsables ne pouvaient pas les ignorer. En fait,
cette responsabilité qu’encourt le supérieur hiérarchique dans cette circonstance (ne pas prendre
les mesures appropriées pour arrêter les actes criminels) découle d’une omission de sa part.
Evidemment, les mesures à prendre dépendent du poste occupé par le supérieur31.
Il a été admis que le fait de ne pas empêcher la commission de certains crimes ou d’en
punir les auteurs peut aboutir à la responsabilité de la part du supérieur. Cette obligation
comprend celle de porter les crimes à la connaissance des instances politiques pertinentes,
d’insister pour qu’une solution soit apportée et poursuivre l’affaire même si cela exige la
démission.
En résumé, il incombe aux commandants militaires, à tous les niveaux, de prendre toutes
les mesures pratiquement possibles en leur pouvoir pour empêcher leurs subordonnés de
commettre des infractions au droit international humanitaire ou pour réprimer ces infractions 32.
30
Law Report Trials of War Criminals, selected and prepared by The United Nations War Commission, London :
HM’s Stationery Office, vol. 4, London 1948, p. 76.
31
M. GREENSPAN, The Modern Law of Land Warfare, University of California Press, Berkeley, Los Angeles
1959, p. 483.
32
S. MALCOLM, Droit international, 4ème éd, Presse universitaire de Cambridge, 1997, p. 189.
16
Dans ce paragraphe nous allons analyser les causes d’exonération selon les principes du
droit pénal et selon le statut de Rome
-Les causes de justifications ou justificatives sont des causes légales ou jurisprudentielles qui
neutralisent l’élément légal de l’infraction. Elles affectent l’existence même de l’infraction,
parmi les plus courantes on retrouve : l’ordre de la loi, l’état de nécessité et la légitime défense.
-Les causes de non imputabilité sont des causes laissant subsister l’infraction mais effaçant la
culpabilité de l’agent, les plus fréquents sont : la minorité d’âge, la démence, la contrainte
irrésistible et l’ignorance
17
33
B. Le statut de Rome
Outre les motifs d’exonération de la responsabilité pénale ci haut cités, le Statut en son
article 31 prévoit qu’une personne n’est pas responsable pénalement si, au moment du
comportement en cause :
- Elle souffrait d’une maladie ou d’une déficience mentale qui la privait de la faculté de
comprendre le caractère délictueux ou la nature de son comportement, ou de maîtriser celui-
ci pour le conformer aux exigences de la loi ;
- Elle était dans un état d’intoxication qui la privait de la faculté de comprendre le caractère
délictueux ou la nature de son comportement,
- Elle a agi raisonnablement pour se défendre, pour défendre autrui.
- Le comportement dont il est allégué qu’il constitue un crime relevant de la compétence de
la Cour a été adopté sous la contrainte résultant d’une menace de mort imminente ou d’une
atteinte grave, continue ou imminente à sa propre intégrité physique ou à celle d’autrui...,
Cette menace peut être soit exercée par d’autres personnes, soit constituée par d’autres
circonstances indépendantes de sa volonté.34
Il faut cependant souligner que des voix se sont élevées pour dénoncer la reconnaissance
par le Statut de la détresse, et plus encore de la nécessité militaire, comme cause de justification
de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. La gravité de ces crimes permet en effet de
s’interroger sur la possibilité de voir certains d’entre eux justifiés par la nécessité d’accomplir
une mission militaire, de défendre des biens ou même de se défendre35.
Enfin, l’article 29 énonce très clairement que « les crimes de la compétence de la Cour ne
se prescrivent pas ». Par extension, on peut également considérer qu’ils ne sont pas amnistiables.
En effet, en droit international, on considère généralement que l’imprescriptibilité d’un crime
implique qu’il ne peut faire l’objet d’une amnistie, puisque les conséquences de celle-ci sont
33
ASF-RDC, application du statut de Rome de la CPI par les juridictions de la RDC, 2009, p72.
34
Article 31.1 du statut de la cour
35
E. DAVID, Principes de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 1999, p645.
18
encore plus étendues que celles de la prescription, qui ne fait pas, contrairement à l’amnistie,
disparaître la possibilité d’une action en justice contre l’auteur présumé de l’infraction 36.
Contrairement aux droits pénaux anciens, le droit pénal moderne ne frappe pas
automatiquement l'auteur de l'infraction ou son complice. Il oblige d'abord qu'on reconnaisse
l'auteur responsable pénalement.
36
E. DAVID, op cit, 714.
37
M. NYABIRUNGU, Droit pénal zaïrois, éd, DES, Kinshasa, 1989, p 226.
38
Jugement 1èreinst, Kasaï, 4 août 1965, in RJC 1966, p 256 : lorsque l'inculpé invoque qu'il se trouve en état
légitime défense et qu'aucun autre élément de l'instruction ne vient infirmer cette allégation, il y a lieu d'admettre
cette justification, Voir M. LUKOO, la jurisprudence congolaise en droit pénal, Vol I éd. On s'en sortira, Kinshasa,
2006, p56.
19
Cette section comprendra l’analyse des décisions rendues par les cours militaires
congolaises (§1) et en suite l’analyse des décisions rendues par les tribunaux de garnison
congolais (§2)
§1. ANALYSE DES QUELQUES DECISIONS RENDUES PAR LES COURS MILITAIRES
CONGOLAISES
Depuis mars 20012 un mouvement armé avait vu le jour sous l’appellation de M23.
Commandé par le général Bosco NTAGANDA et le colonel SULTANI MAKENGA, anciens
bras droits de Laurent NKUNDA BATWARE, le M23 s’était organisé, structuré et doté d’une
direction politique et d’un état-major militaire. Les unités qui le composaient étaient structurées à
la manière des forces gouvernementales avec des brigades, des bataillons, des compagnies et les
39
RCN justice et démocratie, 10 ans de la CPI bilan et perspective, Kinshasa, 2012, p135.
21
différentes sections de l’état-major général. Des informations diffusées sur les média et dans les
rapports de la MONUSCO signalaient des recrutements de combattants aussi bien à l’intérieur
qu’à l’extérieur du pays.
Les combats meurtriers observés ont connu une telle intensité qu’ils ont menacé la
stabilité de toute la région des Grands Lacs. Plusieurs réunions ont été tenues tant au niveau
régional qu’africain et international pour résoudre cette crise. D’importantes portions du
territoire national, notamment les territoires de NYIRAGONGO et de RUTSHURU, se sont
retrouvées presqu’entièrement contrôlées par le M23 qui y avait nommé de nouvelles autorités
administratives et y percevait des taxes40.
C’est dans le déroulement de ces affrontements armés que le M23 a gagné des batailles
ayant abouti à la prise de la ville de GOMA le 20 novembre 2012. Voulant poursuivre son
avantage sur le terrain, la rébellion avait progressé et conquis SAKE, contraignant les forces
gouvernementales à se replier à BWEREMANA et MINOVA en vue de se réorganiser et
entreprendre des opérations de reconquête du terrain perdu.
Les unités des FARDC qui se trouvaient à MINOVA et ses environs y étaient donc en
opération parce que le repli ainsi que la réorganisation constituent des manœuvres militaires
tactiques et ne peuvent opérés lors de simples émeutes ou troubles internes qui, généralement,
requièrent l’intervention de la police en vue du rétablissement de l’ordre public.
40
CMO du Nord-Kivu RP N°003/2013et RMP N°0372/BBM/013, l’auditeur militaire opérationnel contre 39
prévenus, Minova, 2014, p49.
22
Les pièces du dossier, notamment les déclarations des prévenus eux-mêmes, les rapports
des officiels et les dépositions des témoins comme des victimes, révèlent que les exactions
commises à MINOVA et ses environs s’étaient déroulées sur une grande échelle, touchant
plusieurs localités et un nombre important de victimes. Il ne s’agissait donc pas d’actes isolés ou
sporadiques.
Il ressort en effet des déclarations des prévenus et des témoins que les exactions
commises à MINOVA ont débuté lorsqu’une rumeur s’est répandue faisant état d’une attaque
imminente par l’ennemi sur la localité. C’est alors que les blindés et les chars de la Garde
Républicaine s’étaient mis en mouvement en direction de NYABIBWE via KALUNGU,
entrainant une montée de la tension et une panique générale parmi les militaires loyalistes qui
s’en sont pris indistinctement aux civils et à leurs biens non seulement à MINOVA mais
également dans les villages qui s’étendent sur la route menant vers BUKAVU, à savoir ,
MUBIMBI, KALUNGU, KISHINDJI, BUGANGA.
Au soir du 22 Novembre 2012, une rumeur selon laquelle l’ennemi M.23 a débordé
jusqu’à SHASHA, KIROCHE et BWERIMANA a provoqué une grande panique à MINOVA où
les militaires se sont mis à tirer en désordre, à piller boutiques, bistrots, maisons d’habitation. A
l’occasion, plusieurs femmes ont été victimes de viol.
et s’étaient déversés sur la cité de MINOVA pour commettre tous ces méfaits déplorés par la
population civile41.
- Du crime de guerre en général ; prévu par les articles 8.2 c)i, 8.2 e)v et 8.2 e)vi-1
- Du crime de guerre par pillage ; prévu et puni par l’article 8.2 e)v du Statut Rome
- Crime de guerre par meurtre ; fait prévu et puni par l’article 8.2 c)i-1 du Statut de Rome
- Crime de guerre par viol ; fait prévu et puni par l’article 8.2 e)vi-1 du Statut de Rome de la
CPI.
- De l’extorsion ; fait prévue et punie par l’article 84 du code pénal livre II
- Du viol d’enfants ; fait prévu et puni par les arts 170 et 171 de la Loi 09/001 du 10 octobre
portant protection de l’enfant.
- De la disparition des munitions ; fait prévu et puni par l’article 74 du code pénal militaire.
- De violation des consignes ; fait prévu et puni par l’article 113 du code pénal militaire.
Dans cette affaire l’auditeur militaire opérationnel dans son réquisitoire a demandé à la
cour qu’elle reconnaisse tous les prévenus coupables de faits mis à leurs charges et de les
condamner aux peines prévues par la loi conformément à l’art 7 du code pénal militaire 42.
La défense quant à elle a plaidé non coupable, pour le cas des les supérieur hiérarchique
poursuivis dans cette affaire.
Les prévenus entendus en leur dires et moyens de défense présentés tant par eux-mêmes
que par leurs conseils respectifs, tendaient à plaider non coupables des faits mis à leur charge et à
solliciter leur acquittement ; en plus leur défense à demandé à la cour de ne pas retenir le crime
de guerre parmi les chef d’acquisitions à leur charge parce qu’il n’était pas question de l’Etat de
41
CMO du Nord-Kivu RP N°003/2013et RMP N°0372/BBM/013, l’auditeur militaire opérationnel contre
39prévenus, Minova, 2014, p33.
42
CMO du Nord-Kivu RP N°003/2013et RMP N°0372/BBM/013, l’auditeur militaire opérationnel contre
39prévenus, Minova, 2014
24
guerre, mais la cour a dit qu’il ressort des instruments internationaux de droit international humanitaire,
du Statut de Rome et de la jurisprudence des tribunaux pénaux ad hoc que pour être constitutif de crime
de guerre le comportement doit avoir eu lieu dans le contexte d’un conflit armé et avoir été associé à ce
conflit.
La Cour a expliqué pourquoi elle estime que dans le cas d’espèce il y a bien un conflit armé non
international. Dans ce cas le droit international humanitaire s’adresse alors aux forces armées, régulières
ou non, qui prennent part au conflit et protège tout individu ou catégorie d’individus ne participant pas ou
ne participant plus aux hostilités, tels que : Les combattants blessés ou malades, les personnes privées de
liberté en raison du conflit, la population civile, le personnel sanitaire, religieux, des organismes de
protection civile.
Dans la présente cause les personnes victimes des exactions sont sans conteste des civils protégés
par la loi. La partie civilement responsable entendue dans sa plaidoirie tendant à voir cette Cour
déclarer les prévenus non coupables des faits mis à leur charge et à la mettre en conséquence
hors cause , Les victimes quant à elles ont demandé la réparation, la cour l’a déclaré régulière
mais pour ce qui concerne le viol.
S’agissant des dommages, la Cour relève que les parties civiles qui se sont constituées ont
allégué la perte de leurs biens lors des pillages. Pour s’en convaincre et ne pas considérer leurs
allégations comme paroles d’Evangile, la Cour a tenu à les soumettre au débat contradictoire.
E. Du jugement
S’agissant des autres prévenus, considérés comme des subalternes, la cour les a tous
condamnés à des peines prévues par la loi chacun en ce qui le concerne pour des infractions dont
ils sont coupables.
E. commentaire
Il faut dès lors démontrer que le supérieur avait une autorité sur ses subordonnés, c'est-à-
dire qu’il avait la capacité matérielle d’user de son pouvoir pour empêcher ses subordonnés de
commettre des infractions ou sanctionner les infractions commises par eux.
Au regard de toutes ces précisions, le fait que la Cour de céans ait estimé que les
prévenus NZALE NKUMU NGANDO et WASINGA NTHORE Jean-Marie n’exerçaient plus
de contrôle effectif sur les éléments qui ont commis des infractions à MINOVA et ses environs
parce qu’ils n’étaient plus en fonction, n’avaient plus la capacité de donner des ordres ou d’en
contrôler l’exécution et n’avaient plus le pouvoir de sanctionner.
La Cour a estimé que dans les circonstances qui prévalaient en ce moment-là, les
prévenus ne pouvaient prendre le risque de laisser leurs hommes seuls ou les envoyer à la
recherche des indisciplinés parce que cela n’aurait fait qu’envenimer la situation. La Cour note
43
TPIY, Proc c/KORDIC et CERKEZ, jugement du 26 fév. 2001, § 438 ; TPIY, Proc. c/ORIC, Ch. appel, 3 juillet
2008, § 91 et 92 ; TPIY, Proc. c/HADZIHASANOVIC.
26
qu’il y avait à MINOVA plusieurs centaines de militaires de différentes unités de la 8 ème région
militaire incontrôlés et sur lesquels les prévenus n’avaient pas la mainmise.
Les éléments portés manquants avaient été par la suite appréhendés et les prévenus
n’avaient fait que respecter les instructions de leur hiérarchie au niveau de la région militaire en
les mettant à la disposition de la justice. Cette position de la cour ne fait que jaillir des
contradictions, en ce sens que la cour affirme que ces prévenus n’avaient fait que respecter leur
hiérarchie au niveau de région militaire en mettant leurs subordonnés à la disposition de la
justice, écartant à tout prix la violation de l’autre disposition de l’art.28, celle de l’obligation du
contrôle effectif du chef sur ses subordonnés44.
Ce qui est étonnant est que, pour la cour, rien ne permet donc de dire qu’ils avaient
manqué à leur devoir de sanctionner ou d’en référer aux autorités. C'est d’ailleurs grâce à eux
que des militaires ont été retrouvés et déférés devant cette cour. Ces supérieurs ont eu un
contrôle effectif sur leurs subordonnés en le mettant à la disposition de la justice et ne l’avaient
pas eu au moment de la commission des crimes. C’est très contradictoire comme argument pour
une cour.
Ce procès a opposé le ministère public et 176 parties civiles contre 11 prévenus y compris
un Lieutenant-colonel, commandant bataillon de la 332e brigade basée à KATASOMWA.
44
La responsabilité du supérieur hiérarchique devant les tribunaux pénaux internationaux, revue internationale de
droit pénal, vol2, 2002, p3.
27
Dans des circonstances restées non élucidées, le militaire démobilisé se serait emparé de
l’arme de son adversaire et lui aurait logé une balle dans la tête. Le coup de feu retentit et alerta
toute la localité dans cette soirée là. La nouvelle se rependra dans tout le village qu’un militaire,
connu sous le sobriquet de « Le Blanc », avait été abattu par un civil.
Ce sera le début des crépitements des balles dans tout le village, obligeant les populations
civiles de s’enfuir en dehors du village et dans la brousse suite à la panique.
Les militaires du bataillon, en colère, vont piller leurs habitations ainsi que les dépôts des
marchandises des petits commerçants du village. Le commandant bataillon dépêchera, au
premier coup de balle son escorte afin de s’imprégner de la situation mais eux aussi tremperont45
dans les pillages.
C’est vers 23 heures, dans un climat d’accalmie, que certaines personnes tenteront de
rejoindre leurs domiciles. Cinq femmes se seraient enfermées dans une maison et les tirs des
militaires vont atteindre un enfant de 8 ans qui s’écroula ; les cris des femmes terrorisées
attireront vers elles les militaires qui vont les violer en présence de leurs enfants.
Elles seront contraintes de transporter les effets pillés chez elles par les militaires
jusqu’au centre du village. Au lendemain, seize femmes commerçantes qui venaient vérifier si
quelques effets restaient encore dans leur dépôts pillés seront, à leur retour, surprises par les
militaires qui vont les tabasser et violer successivement. Deux hommes qui les accompagnaient
ont également été tabassés.
La femme d’un major mis au cachot par le commandant de la première compagnie et dont
on a soupçonné d’avoir incité les civils à tuer un militaire sera, lors de sa fuite du village,
attrapée par les militaires du premier bataillon ; ils lui ont ravi tous ses biens et son bébé de
quatre mois, considéré comme un enfant de rwandais. L’enfant demeurera introuvable.
45
CM du Sud-Kivu, RP n°038, RMP n° 1280/MTL/09, 9/03/2011, Min. pub. c. mutins de Katasomwa (Kalehe, Sud-
Kivu), 9 mars 2011.
28
En face des conclusions des parties civiles demandant à la Cour de dire les faits établis et
de condamner les prévenus in solidum avec l’Etat aux dommages-intérêts, les prévenus plaident
tous non coupables, à l’exception de ceux qui ont été jugés par défaut. Ils sollicitent par la suite
un acquittement pur et simple car les faits ne sont pas établis. L’avocat de la république
demandera également à la Cour de dire les faits non établis suite aux prétentions de la partie
civile fondées sur un raisonnement dicté, hérétique et contradictoire.
In limine litis, le ministère public et les parties civiles ont demandé à la Cour de
poursuivre sur base du Statut de Rome les infractions de destruction méchante et d’enlèvement
d’enfant. La Cour a observé que les actes visés rentraient dans la qualification de l’article 7, §1, k
comme autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes
souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale. Les
actes ont été qualifiés à la lumière des dispositions de l’article 7 du Statut de Rome comme étant
crimes contre l’humanité.
46
Des charges à l’égard des parties, CM du Sud-Kivu, RP n°038, RMP n° 1280/MTL/09, 9/03/2011, Min. pub. c.
mutins de Katasomwa (Kalehe, Sud-Kivu), 9 mars 2011.
29
E. Du jugement
• Tous à des dommages-intérêts selon les faits établis à leur égard, in solidum avec l’Etat ;
• 3 prévenus à 15 ans de SPP pour crimes contre l’humanité par viol et par autres actes
inhumains ;
• 7 prévenus à une peine de servitude pénale à perpétuité pour crime contre l’humanité par viol et
par autres actes inhumains.
F. Commentaire
Nous fondons notre commentaire sur les faits préalablement qualifiés de destruction des
installations scolaires et d’enlèvement d’enfant au sens du Code pénal congolais et de la loi
portant protection de l’enfant.
On dit en droit que c’est le juge qui donne le droit lorsqu’il reçoit les faits, «Da mihi
factum, dabo tibi jus », pour dire qu’il n’est pas tenu d’adopter la qualification des faits proposés
par le Parquet. Ainsi, il lui est loisible de modifier cette qualification dans le sens qu’il estime
convenir le mieux47. Telle est la motivation de la Cour pour qualifier les actes de destruction des
deux écoles primaires et d’enlèvement d’un enfant lors de l’attaque par le militaire, d’autres
actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des
atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentales au regard de l’art 7, §1,
k du Statut de Rome.
Nous saluons donc la décision de la cour du fait qu’en se fondant sur les développements
de la loi en rapport avec la responsabilité du supérieur hiérarchique, le Statut du Tribunal Pénal
International pour l’ex-Yougoslavie reconnaît que le supérieur doit assumer la responsabilité
pénale pour un crime commis par un de ses subordonnés si deux conditions sont remplies ;d’une
part, le supérieur doit savoir ou avoir des raisons de savoir que son subordonné était sur le point
de commettre ou a commis le crime, d’autre part, le supérieur doit avoir failli à son devoir de
47
CM du Sud-Kivu, RP n°038, RMP n° 1280/MTL/09, 9/03/2011, Min. pub. c. mutins de Katasomwa (Kalehe,
Sud-Kivu), 9 mars 2011, p. 17
30
prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui s’imposent pour prévenir la
commission de ce crime par son subordonné, arrêter son subordonné engagé dans l’activité
criminelle ou le punir ainsi que dissuader toute autre activité criminelle 48.
S’agissant de la responsabilité du supérieur hiérarchique, la Cour, en établissant la
responsabilité du supérieur hiérarchique a mentionné que celui-ci aurait dû empêcher la
progression des militaires dans leur pillage, or celui-ci ne l’a pas fait.
La responsabilité du commandant se trouve donc établie du fait qu’il avait manqué à son
obligation d’empêcher ses troupes à commettre ces genre des crimes car il n’ya aucun militaire
qui ne soit soumis à un commandement militaire à quelques échelon que ce soit, mais ceci
n’exonère pas néanmoins les subalternes de leur responsabilité car l’objectif des principes de la
responsabilité pénale individuelle relativement à la position officielle, à la responsabilité pour
ordre, et aux ordres du supérieur, est de s’assurer que la responsabilité pénale de personnes, tout
au long de la chaîne de commandement, ayant directement ou indirectement contribué à la
violation des règles du droit international, est suffisamment engagée. 49 C’est dans ce sens que
nous saluons la bravoure avec laquelle la juridiction de séant a rendu sa décision.
Le premier janvier 2004, jour de nouvel an, dans les après-midi, au centre de FIZI, alors
que les habitants fêtent le jour de l’an, les uns chez eux à domicile les autres dans des petites
salles de ciné Ŕvidéo, un coup de balle retentit. C’est un militaire répondant au nom de
NDAISABA PETRO, caporal du secteur d’opérations Amani Leo, en état d’ébriété qui venait de
48
Art 7(3) du statut du TPIY, résolution 827, adopté par le conseil de sécurité de l’ONU, à sa 3217 séance, le 15
Mai 1993, document officiels du conseil de sécurité S/RES/ 827 (1993).
49
V. MORIS et M. SCHARF, op cit, p5.
31
tirer sur un civil sous prétexte qu’il a fait grosse tête à l’égard de son commandant qui lui
sollicitait d’amener une fille à draguer, attitude considérée irrespectueuse par ce caporal.
Une rumeur de la mort du civil sur lequel le caporal avait tiré suffit pour que la
population se dirige vers l’hôpital où gisait le caporal afin de l’achever à coups des pierres.
Le résultat fut fatidique : des biens pillés ; des personnes, dont les enfants, furent
tabassées et Blessées ; d’autres arrêtées et placées en détention ; plusieurs kiosques et boutiques
détruits ; des dizaines des femmes violées, …
- Crime contre l’humanité par emprisonnement ou par autre forme de privation grave de
liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international (Art. 7,
§1, e) ;
- Crime contre l’humanité par viol (Art. 7, §1, g) ;
50
CM du Sud-Kivu, RP n°043, RMP n°1337/MTL/11, 21/02/2011, Min. pub. c. Mutins de Baraka (Fizi, Sud-Kivu)
p.52.
32
- Crime contre l’humanité par d’autres actes inhumains de caractère analogue causant
intentionnellement des grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou
à la santé physique ou mentale (Art. 7, §1, k) ;
Dans son réquisitoire, le ministère public a demandé à la Cour qu’elle reconnaisse tous
les prévenus coupables des faits mis à leur charge et de les condamner aux peines prévues par la
loi. Quant aux victimes qui ce sont constituées parties civiles, elles sollicitent de cette Cour
qu’elle déclare leur constitution de partie civile régulière et fondée et de condamner à des
dommages-intérêts in solidum avec l’Etat congolais, civilement responsable.
Les prévenus quant à eux ont plaidés non coupables des faits mis à leur charge et ont
demandé à la Cour de les acquitter purement et simplement,
L’Etat congolais civilement responsable a fait siens les arguments et a sollicité sa mise
hors cause parce que les faits mis à charge de ses préposés ne sont pas établis.
La Cour, en se penchant sur le droit, a noté que les faits lui étant soumis par le Ministère
public étaient de la compétence des juridictions internes (les infractions au code pénal militaire)
et de la Cour pénale internationale (crimes prévus au Statut de Rome). Suite à l’applicabilité du
Statut en droit interne, elle a décidé, sur base des articles 153, alinéa 4 et 215 de la Constitution,
de faire application du Statut de Rome pour les graves violations de droit international
humanitaire.
Elle appliquera l’article 68 du Statut sur la confidentialité des cas susceptibles d’exposer
les parties civiles aux représailles en désignant par les codes les victimes des violences
sexuelles51.
E. Du jugement
Deux prévenus ont été condamnés pour crime contre l’humanité par emprisonnement ou
autres formes graves de privation de liberté ; quatre prévenus pour crime contre l’humanité par
viol et neuf prévenus pour crime contre l’humanité par autres actes inhumains de caractère
51
CM du Sud-Kivu, RP n°043, RMP n°1337/MTL/11, 21/02/2011, Min. pub. c. Mutins de Baraka (Fizi, Sud-Kivu).
33
analogue. Un seul sera acquitté de tous les faits mis à sa charge ; la Cour l’a renvoyé de toutes
fins de poursuites sans frais et libéré immédiatement.
E. Commentaire
52
TPIR, Procureur c. KAYISHEMA et RUZINDANA, Ch. 1ère Inst, 21 mai 1999 (ICTR-95-1), §123
53
J. MUSHAGALUSA, op cit, p50.
34
statut….54 , or dans le cas d’espèce, tel est le cas pour le prévenu Kibibi bien qu’il a dit que
toutes les personnes qu’il avait arrêté l’ont été sur injonction de la sa hiérarchie ignorant même la
disposition du statut de Rome de la CPI en son article 33 al 2 qui dispose que l’ordre de
commettre un crime contre l’humanité est manifestement illégal,55la constitution congolaise en
son art 28, le rappelant également, le prévenu Kibibi n’était pas obligé d’exécuter un ordre
manifestement illégal venant de Amani Leo comme il le prétend, d’où pour nous l’origine du
fondement de sa responsabilité.
Cependant en examinant les demandes des parties civiles nous n’avons pas été satisfait
de la décision de la cour quant à la réparation proprement dite lorsqu’elle a estimé les
dommages intérêts en équité pour faute d’éléments objectifs d’appréciation sans se fonder sur
aucune des dispositions pertinentes faute des preuves bien que les faits ont été établis 56.
C’est qui est étonnant dans cette décision c’est le fait qu’au lieu que la cour condamne le
supérieur hiérarchique pour avoir ordonné ses militaires à commettre les crimes, la cour se limite
à le condamner pour n’avoir pas empêché la progression des pillages par ses militaires et
pourtant c’est bien lui qui avait intimé l’ordre à ses militaires.
Les combats entre forces armées qui ont entrainé un désordre administratif à l’avènement
de l’AFDL, ont occasionné des conflits fonciers et ces conflits ont eu de l’ampleur en Ituri. C’est
54
TPIR, op cit, §210.
55
Art 33 al 2 du statut de Rome du statut de la CPI.
56
TMG de Mbandaka, RMP 279/GMZ/WAB/05, RP 086/005 et RP 101/006, 20/06/2006, Min. pub. c. mutins de
Mbandaka
35
dans une cohabitation faite des conflits fonciers à répétition entre les Hema/Gegere et les Lendu
avec la population autochtone Bira que KAKADO a géré sa coopérative de 1999 à 2001. Ces
conflits paralysèrent les activités de la coopérative. Bon nombre d’ouvriers découragés et en
insécurité se sont retirés du milieu. Aussi, ce contexte aurait amené le prévenu KAKADO
BARNABA à décider la conversion des ouvriers alors disponible de la CODECO en miliciens et
combattants de la tribu Ngiti, à qui il aurait personnellement fait subir une initiation idéologique
politico tribale et spirituelle, suivie d’une sommaire formation militaire assurée par les transfuges
de la défunte Garde civile, notamment KANDRO NDEKOTE et COBRA MATATA
BANALOKI et cela, au vu et au su de tout le voisinage de la cité de CODECO à Kpesa et à Baiti
; lesquelles localités étaient devenues des centres d’entraînement et de formation militaire 57.
Et cette décision de KAKADO aurait été applaudie par toute la communauté LENDU qui
l’a qualifié de « messie du peuple Lendu », reconnu désormais comme une haute autorité morale
et chef spirituel suprême des combattants Ngiti. La milice ainsi créée et nommée FRPI (Front de
la Resistance Patriotique en Ituri », sous l’autorité morale et spirituelle du prévenu, commettra
des crimes en 2002 lors des affrontements l’opposant à celle de l’UPC appuyée par les forces
ougandaises58 Au courant du 2ème trimestre de l’année 2002, le Gouvernement central aurait
secrètement armé certaines milices dont les FRPI par le biais du groupe armé RCD/KML de
MBUSA NYAMWISI pour ramener tant soit peu la paix en Ituri en combattant l’UPC et ses
alliés ougandais.
Et c’est grâce à cette dotation en armes et munitions que la chefferie de NYAKUNDE et
le groupement de MUSEZO ont été attaqués au courant du mois de septembre 2002 par les
combattants Ngiti du FRPI. En riposte aux opérations militaires de l’UPC appuyée par les forces
militaires de l’armée ougandaise contre les positions avancées du FRPI, par cette attaque
généralisée, les combattants Ngiti et Lese du FRPI ont pris d’assaut la chefferie de
NYAKUNDE, et essentiellement la population civile Bira de cette entité, en se livrant sans
retenue aux massacres, tueries, viols, pillages, destructions et incendies des édifices et
infrastructures de toutes les 28 localités de la chefferie y compris NYAKUNDE -Centre59.
57
TMG de Bunia, RP N° 071/09, 009/010 et 074/010, Min. pub. et parties civiles c. KAKADO
BARNABA YONGA TSHOPENA, 09/07/2010, Feuillet n°21
58
ASF-RDC, jurisprudence congolaise en matière des crimes internationaux, 2013, p236
59
Voir TMG de Bunia, op cit, 2010, p176.
36
- Crime de guerre sous toutes ses formes, notamment atteinte à la vie et à l’intégrité
corporelle,…
- Mouvement insurrectionnel
La défense dans ses moyens plaide non coupable pour chacune des préventions mise en
charge du prévenu KAKADO en arguant sa vocation biblique pour avoir fait l’école
EMMAUS, pour avoir été responsable de la CODEZA depuis la deuxième république avec le
but de faire la terre et l’élevage , que en tant que tel il ne il ne devrait pas être responsable d’une
quelconque milice ou d’un groupe armé tel le FRPI et que par voie de conséquence il n’est pas
non plus responsable des crimes de guerre mis en sa charge par l’auditeur militaire.
Le Tribunal a fait observer que cela n’exclue pas qu’il ait rassemblé les ouvriers avec
intention de résister contre l’attaque d’autres groupes ethniques.
E. Du jugement
Sommes toutes, prononce par l’effet conjugué des infractions en concours matériel et
idéal et c’est conformément à l’art 7du code pénal militaire, la peine de servitude pénale à
perpétuité unique peine plus forte.
Le Tribunal déclare les actions en réparation non recevable pour non constitution des
parties civiles et ordonne en fin la restitution des cranes au Ministère public pour ré inhumation.
F. commentaire
Le traitement de cette décision démontre combien les juges ont de manière générale
rendu une décision acceptable en fondant leur décision sur le Statut de Rome. En plus l’adhésion
du Tribunal Militaire de Garnison de l’Ituri dans cette affaire à la position de la chambre
préliminaire II de la CPI qui a relevé que « la forme de responsabilité pénale envisagée à l’art 28
du statut diffère de celle décrite à l’art 24-3-a en ce que le supérieur hiérarchique peut être tenu
responsable du comportement prohibé de ses subordonnés pour avoir manqué à son devoir de
prévenir ou de réprimer leur comportement illégal ou d’en référer aux autorités compétente, ce
type de responsabilité se comprend mieux lorsqu’on considère la règle qui veut qu’il ne peut y
avoir responsabilité pénale pour omission que si la loi fait obligation d’agir »60.
Cette prise de position du tribunal dans cette affaire confirme la volonté des Juges de
rendre justice en condamnant le supérieur hiérarchique même si n’étant pas sur terrain lors de la
commission des crimes par ses subordonnés « car il ressort que le prévenu KAKADO
BARNABA YONGA TSHOPENA n’a pas individuellement et matériellement commis les
différents crimes de guerre mis à sa charge, mais dont les auteurs matériels sont formellement
identifiées comme étant les combattants Ngiti de la milice FRPI dont il est l'un des fondateurs,
autorité moral et chef spirituel suprême, et de droit commandant en chef du FRPI et le messie du
peuple Lendu, en tant que tel, il en est la plus haute autorité morale, et le chef spirituel suprême,
de facto il est reconnu par des paires du FRPI comme le chef suprême des combattant Ngiti ces
évidences donnant au Tribunal militaire des motifs substantielles de croire que le prévenu
KAKADO BARNABA YONGA TSHOPENA devra logiquement être reconnu pénalement
responsable des faits mis à sa charge de ce mouvement politico-militaire »61.
60
Voir décision de confirmation des charges, affaire le Procureur contre J BEMBA, ch II/CPI, 15 juin 2009,p150
61
TMG de de Bunia, RP N° 071/09, 009/010 et 074/010, Min. pub. et parties civiles c. KAKADO BARNABA
YONGA TSHOPENA, 09/07/2010, Feuillet N°30.
38
En plus nous relevons la célérité dans laquelle ce jugement est intervenu, partant de la
jonction de procédure qui a entrainé une économie du temps dans l’intérêt d’une bonne justice
qui demeure la pierre de lance des tribunaux.62
Ce que nous déplorons cependant dans ce jugement c’est le fait de la méconnaissance par
le tribunal des droits de certaines victimes alors qu’ayant aussi subi le dommage.
La bravoure de ces Juges est à reconnaitre également à travers des cranes collectionnées
par le ministère public en l’appui de ses arguments car la présentation de ces cranes amènerait
une situation très dangereuse des victimes à travers les émotions dues à leurs pairs décédés.
Encore que l’on amènerait même des cranes qui n’ont pas pour origine de décès le crime des
hommes de KAKADO pour influencer la décision du juge.
Ce procès a opposé le ministère public et 121 parties civiles contre 26 prévenus dont
Gédéon KYUNGU MUTANGA.
Entre octobre 2003 et mai 2006, jour de sa reddition, Gédéon contrôlait une partie du
Katanga. Pendant ces années, il commandait un groupe important de Maï-Maï (environ 2000
combattants) réfractaires au brassage et qui ont détruit un vaste espace autour de MILWABA,
son village natal.
62
Lire la Haute Cour Militaire dans l’affaire RP N°001/2004, p98.
63
TMG de Bunia, RP N° 071/09, 009/010 et 074/010, Min. pub. et parties civiles c. KAKADO BARNABA
YONGA TSHOPENA, 09/07/2010, commentaries, Feuillet N°47
39
C’est dans le but de contrer une avancée des rebelles du RCD que le gouvernement, à
travers l’organisation des FAP autrement appelées « Forces d’Intervention Populaire », a dû
armer des civils parmi lesquels Gédéon et son groupe. Plusieurs groupes armés sont nés dans
cette alliance entre les civils et les FAC dans le but de préserver l’intégrité territoriale64. Celui de
MAKABE au sein duquel évoluait Gédéon reçut des armes de la part du gouvernement; il sera
élevé au grade de commandant bataillon après une initiation.
La RDC s’était inscrite, dans la période qui a suivi, dans une dynamique de paix,
engagée par l’accord de cessez-le-feu signé à LUSAKA le 10 juin 1999 afin de sortir de la crise
politique qui l’opposait aux forces rebelles.
C’est ainsi que 7 mois après la cessation des hostilités, en octobre 2003 Gédéon et son
propre mouvement Maï-Maï ajouté à un autre mouvement dénommé « Force d’intervention
populaire Tabernacle de Jéhovah - force de Dieu » vont s’adonner à des attaques contre les
institutions de l’Etat, les forces gouvernementales et les populations civiles qu’il protégeaient
jadis lorsque le gouvernement avait cessé le ravitaillement en moyens de survie.
Les enquêtes menées par les ONG accusent Gédéon et ses troupes d'avoir assassiné la
femme du Directeur du parc UPEMBA, d'avoir enrôlé et utilisé des enfants dans des troupes
combattantes, de l'utilisation d'armes à feu, de création de mouvement insurrectionnel, de pillage
et destructions ainsi que de viols en masse dans tous les territoires dont ses troupes avaient le
contrôle65.
Cette affaire qui a duré près de 3 ans a également souffert de des multiples interférences
dans l’administration de la justice de la part des autorités politico-militaires, ce qui a eu pour
effet de retarder l’enquête , paralyser l’action judiciaire et violer le droit des victimes et des
accusés pendant des nombreux mois66.
64
Lire l’affaire K Gédéon, TMG de Kipushi, mai 2009
65
Voir jugement, TMG de Kipushi, affaire Gédéon kyungu ,2009
66
Tous ces faits constituent le crime contre l’humanité, des crimes de guerre, terrorisme, infraction du mouvement
insurrectionnel et de l’homicide praéter intentionnel prévus et punis par les arts 7(1)a, k, 8(2)c/i, 77 du statut de
Rome et les arts 136, 157, 165, 173 du code pénal Militaire
40
- Les crimes de guerre par exécutions sommaires, par incendies, par pillages et par
Enrôlement d’enfants ;
- Les crimes contre l’humanité par meurtre, par exécution sommaire, par cannibalisme ;
- Les actes de terrorisme.
- Les actes de violence collective de nature à mettre en péril les institutions de la république ;
Par contre, en réaction, le Ministère Public dans son réquisitoire conclut que la nature du
conflit ne constitue point obstacle à l'observation par les parties des règles du droit international
humanitaire.
E. Du Jugement.
Parmi les prévenus, quatre ont été acquittés et 17 condamnés à de lourdes peines pour
crimes contre l’humanité.
67
TMG de Kipushi, RP N° 0134/07 et N° 0182/09, Min. pub et parties civiles c. KYUNGU MUTANGA
Gédéon et consorts, 05 mars 2009, pp. 16-17.
41
Faisant application de l'art 7 du CPM le condamne à la peine de mort qui est l'expression
pénale la plus forte.
Ordonne que les parties civiles soient indemnisées in solidum avec l'Etat.
E. Commentaires
Nous devons donc saluer la bravoure et la manière dont les juges ont pris leur décision
en se fondant sur le statut de Rome en montrant sa supériorité sur les lois nationales
conformément à l’art 215 de la constitution.68
Comme nous l’avons démontré ci-haut, le décret-loi N°0013/2002 du 3mars 2002 entretient une
confusion entre les crimes de Guerre et les crimes contre l’humanité contrairement au statut de
Rome.
Pour nous les Juges n’ont pas raison d’avoir retenu contre Gédéon le crime contre
l’humanité en écartant l’hypothèse de crime de guerre par le motif de l’absence de déclaration de
la guerre par le chef de l’Etat car le fait que le Tribunal ait écarté les crimes de guerre au motif
que « pendant la période de 2003 à 2006 il n’ y avait pas de conflit armé en RD Congo » et ait
rejeté l’action de certaines parties civiles bien que régulièrement constituées…, Pour le Tribunal,
« on ne peut parler de la guerre que lorsque le chef de l’Etat en a fait une déclaration
conformément à l’article 86 de la Constitution de la République. ». 69
68
Article 215 de la constitution de la République Démocratique du Congo
69
Communiqué de presse N°003/2009 de l’ASADHO Katanga sur le jugement de Gédéon KYUNGU, p5
42
Nous pensons donc que le défaut de déclaration de guerre ne suffit pas pour que des tels
actes soient passés sous silence
Néanmoins, nous faisons remarquer que le respect des principes de base du Droit
International humanitaire est exigé même en cas d’un conflit armé non déclaré entre les
belligérants. En tant que groupe armé organisé, le mouvement Mai Mai de Gédéon Kyungu
Mutanga, se devait d’observer les dispositions de l’article 3 commun aux 4 Conventions de
Genève du 12 août 1949, le Protocole II du 08 juin de 1977 à ces conventions, ainsi qu’à d’autres
usages et coutumes régissant la conduite des hostilités.
Nous partageons l’argument du conseil des parties civiles selon lequel l’on ne peut pas
nier que les Maï-Maï de Gédéon et l’Armée nationale étaient en conflit armé sur le territoire de
la RD Congo. Dans l’affaire Akayezu, la Chambre de première instance du TPIR a, en évoquant
l’arrêt Tadic, en date du 2 septembre 1998, donné sa considération sur le conflit armé en ces
termes : « Dans son arrêt Tadić relatif à l’exception préjudicielle d’incompétence, la Chambre
d’appel a estimé « qu’un conflit armé existe chaque fois qu’il y a […] conflit armé prolongé
entre les autorités gouvernementales et des groupes armés et des groupes armés organisés entre
de tels groupes au sein d’un Etat70 »
Le seul fait d’avoir enrôlé les enfants amènerait directement le Juge à retenir le crime de
guerre. Ces éléments doivent à notre avis être retenus pour qu’il y ait indice sérieux de
culpabilité, malgré tout son aboutissement ce procès fut souligné comme un pas crucial vers la
mise en place d’un système dans lequel les responsables doivent rendre de comptes en RDC. 71
Ce qu’on peut déplorer c’est le fait que ce tribunal ait refusé sans motiver sa décision
d'ordonner la descente sur les lieux demandée par les parties civiles. Cela est une violation des
garanties procédurales
Nous déplorons également le fait que le juge ait méconnu les droits de certaines victimes
versées au dossier du Ministère Public alors que le droit d'allouer d'office les dommages et
intérêts rentre dans ses pouvoirs.
70
TPIY, arrêt Tadic §619
71
Vingt-deuxième rapport du Secrétaire général sur la MONUC (S/2006/759), p70, « la monuc a appris avec
inquiétude que le responsable mai-mai Kyungu MUTANGA, connu sous le nom de ¨Gédéon¨ pourrait être nommé
à un poste de commandement et au grade d’officier à cet effet, à l’auditeur militaire, lui demandant d’accélérer
l’enquête judiciaire sur les crimes dont Gédéon était soupçonné ».
43
Une bonne administration de la justice est garantie par un nombre suffisant de personnel
judiciaire justifiant d’une certaine expérience et indépendance72. Les juridictions congolaises
font face à beaucoup des difficultés dans la mise en œuvre de la responsabilité pénale des
supérieurs hiérarchique que nous allons analyser en 2 points ; contraintes liées au manque de
volonté politique, ressources et capacités et contrainte liées à l’inféodation du pouvoir judiciaire
au pouvoir politique73.
Il est donc facile d'imaginer combien il est difficile pour les juridictions tant civiles que
militaires situées à l'Est du pays de siéger. A titre d'exemple, la compétence du Tribunal Militaire
de Garnison de Bukavu s'étend aux infractions commises par des militaires sur toute l'étendue du
territoire de la province du Sud Kivu, ce qui constitue une tache pas facile pour la juridiction qui
doit chaque fois se déplacer dans différents territoires de la province pour y tenir des audiences
foraines chaque fois qu’il y a nécessité alors que l’implantation d’autres juridictions dans ces
coins faciliterait la tache.
72
L. MOSWA MOMBO, la répression de l’infraction se rapportant aux violences sexuelles dans le contexte de crise
de la justice Congolaise, mémoire on line, université de Nantes , 2007, p35.
73
W. Marcel, RDC quelle justice pour lutter contre l’impunité ?, Kinshasa, 2011, p4
74
Rapport de la monusco, avancée et obstacle dans la lutte conte les violences sexuelles en RDC, avril 2014, p20.
44
Sans remettre en cause la compétence des magistrats congolais, le constat est que la
poursuite des crimes de ce genre exige une formation adéquate qui permettrait aux magistrats
d’enquêter sur des crimes complexes.
Il serait nécessaire d’organiser des formations spécialisées, des stages et des recyclages
sur les questions liées à la poursuite des crimes internationaux non seulement pour les magistrats
mais également l’ensemble du corps judiciaire75 car tel que nous l’avions remarqué dans la
plupart des décisions que nous avions analysé, souvent les juges sont confrontés au problème de
qualification des crimes de guerre ne sachant presque pas les éléments à retenir pour être
constitutif de cette infraction76.
La paralysie des victimes devant les juridictions militaires a conduit au rejet de l’option
qui consistait à poursuivre les responsables au moyen de la justice militaire seule, elle à été
laissée de côté en raison des risques de corruption ainsi que du manque de ressources du
système actuel77.
75
La répression des crimes internationaux par les juridictions congolaises, étude réalisée par le club des amis du
Congo, Kinshasa, 2010, p19.
76
CMO du Nord-Kivu RP N°003/2013et RMP N°0372/BBM/013, l’auditeur militaire opérationnel contre 39
prévenus, Minova, 2014
77
J. KINWANI et J. MANGO, problématique de la garantie d’indépendance du pouvoir judiciaire par le conseil
supérieur de la magistrature en RDC, in bulletin RCN justice et démocratie N°28,deuxième trimestre 2009, justice et
séparation du pouvoir, p18.
78
Art 40 al.1 du Code Pénal Militaire : les infractions d'ordre militaire sont seule qui, de par leur nature, ne peuvent
être commises que par des militaires et des personnes assimilées aux membres des forces armées en raison du fait
qu'elles constituent des manquements aux devoirs de leur état.
79
Art 76 du code judiciaire militaire.
45
l’ordre judiciaire cette compétence est désormais reconnue aux juridictions du droit commun
uniquement aux cours d’appels80.
La Constitution du 18 Février 2006 dispose que, les membres des FARDC et de la PNC
qui sont accusés d'avoir commis des infractions pénales doivent être jugés par les tribunaux
militaires81. Cette disposition légale signifie que tous les militaires en RDC sont jugés par la
justice militaire pour toute infraction pénale commise, même en dehors du service ou de leurs
fonctions militaires.
Cependant les crimes internationaux ne sont pas des infractions spécifiques au droit
militaire. Toutefois, le droit congolais précise que, même si les circonstances de l'infraction sont
totalement déconnectées du service militaire, seuls les tribunaux militaires peuvent juger les
militaires82. Ceci constitue un obstacle majeur s’agissant de l’application de la responsabilité
pénale du supérieur militaire étant donné l’étendue de la province en particulier et en général de
toute la RD Congo et le nombre des juridictions militaires établies par province.
Le système judiciaire militaire est dès lors surchargé avec un arriéré de dossiers et des
ressources insuffisantes pour traiter l’ensemble des cas sous sa compétence. De plus, la RDC a
établi un mécanisme indépendant de justice militaire, avec compétence de juger les militaires ou
les membres de groupes armés qui ont commis des actes de viol constituant des crimes de guerre
ou des crimes contre l'humanité83 mais malheureusement nous vivons le contraire dans la
pratique avec des injonctions venant d’ici et là.
L’Etat congolais doit donc implanter les juridictions militaires dans les différents
territoires du pays pour approcher les justiciables de la justice car souvent beaucoup de militaires
échappent à la justice du fait de la distance des juridictions militaires et du lieu du crime et de la
lenteur procédurale et pourtant c’est souvent dans les intérieures du pays qu’on assiste à des
graves crimes internationaux.
80
Art 91 al 1 du code d’o.c.j.
81
Article 156 de la Constitution de la RDC, Kinshasa, février 2006.
82
Article 40, du code pénal militaire.
83
Rapport de la Monusco, op cit, p19.
46
84
Www.lextenso.fr.
85
Art 251 de la constitution du 18 Février.
86
Rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats, Leandro Despouy, sur sa
mission en République démocratique du Congo (15-21 avril 2007), présenté devant le Conseil des droits de
l’homme, le 11 avril 2008, à la huitième session consacrée à la promotion et protection de tous les droits de
l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au, développement §39.
47
capitaine tandis que les cours militaires jugent les officiers supérieurs jusqu’au grade de colonel
et les officiers supérieurs les plus gradés (les généraux) sont jugés par la Haute Cour Militaire.
En outre, les juges et les auditeurs militaires intervenant dans les procédures judiciaires
doivent être de grade égal ou supérieur à celui du militaire jugé ou à juger ce qui ne facilite
souvent pas la tache à la justice militaire car souvent elle se trouve confrontée au conflit de
grade.
Ainsi, l'absence d'enquêtes provient souvent du fait que certaines autorités de la justice
militaire ne sont pas en mesure d'enquêter et de juger les fonctionnaires de grade supérieur.
En conséquence, certains des plus hauts gradés peuvent bénéficier de l'immunité de fait
aux poursuites en raison du manque de magistrats militaires de grade égal ou supérieur.
L’indépendance et la crédibilité du système judiciaire militaire sont en outre menacées
par la question du grade des juges militaires.
Bien qu'il soit possible pour le personnel de la justice militaire d’être « promu » à un
grade supérieur afin de relever ce défi structurel, cette solution temporaire dépend de la volonté
des autorités congolaises et, dans certains cas, du Président lui-même à promouvoir les juges
militaire au grade de général.
Mais malgré cela le problème demeure car la cour militaire opérationnelle ne peut pas
connaitre des crimes qui se sont commis en dehors de la guerre ou avant la guerre en plus cette
cour connait d’autre défaut grave tel que l’absence du degré d’appel.
juridictions militaires sur toute l’étendue de la province ce qui justifie également le nombre
insuffisant des juges et auditeurs militaires87
L’indépendance de la justice est mise à mal par les ingérences directes notamment de
l’armée et du pouvoir exécutif dans les procédures judiciaires, par les attaques contre les
procédures garantissant l’indépendance, et par la corruption, l’on se rappellera de certains
officiers militaires congolais qui étaient cités dans plusieurs rapports des organisations
internationales et des défense des droits de l’homme pour avoir collaboré et fourni des
munitions aux groupes armés qui commettaient des crimes internationaux et qui menaçaient
l’intégrité du territoire national mais qui par la suite ont été blanchies par la RDC et d’autres qui
sont sur la liste des personnes pouvant bénéficier de l’amnistie88.
Il en est de même des commandants militaires qui ont commis les crimes de guerre et
crime contre l’humanité qui ont été déférés à la justice et qui par la suite on été condamné mais
qui actuellement se retrouve dans la brousse et circulent librement, c’est le cas du colonel
CHEKA condamné au Bandundu mais qui a élu domicile en brousse.
Il y a également des supérieurs hiérarchique militaires qui ont fait objet des mandats
d’arrêts mais qui jusqu’aujourd’hui n’ont jamais été remis à la justice, c’est notamment les cas
du général Janvier du groupe APCLS, le colonel Vianney KAZARAMA et bien d’autres89
Dans l’Est du pays, le pouvoir de l’armée est un obstacle majeur à l’efficacité des
enquêtes et des poursuites, la situation est rendue encore plus compliquée par le manque de clarté
de la chaîne de commandement, d’anciens membres des milices aujourd’hui intégrés à l’armée
ayant conservé leurs anciennes allégeances90.
87
www.refworld.org, consulté le 15mai 2014.
88
Nations Unies, rapport sur la DRC, 2013.
89
Communication du ministre nationale de la justice dans sa lettre du 14 mars 2014 adressée au Directeur du
BCNUDH à Kinshasa, p3.
90
Amnistie International, rapport, il est temps que la justice soit rendue, RDC, 2011, p8.
49
Des commandants hauts gradés bénéficient d’une immunité quasi totale et des auteurs
connus de crimes de droit international ont conservé leurs postes de commandement.
L’on se rappellera par exemple que le gouvernement avait ordonné aux « auditeurs » procureurs
militaires de ne pas engager de poursuites contre les dirigeants et les membres de groupes armés
basés dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, en particulier ceux du CNDP à l’époque.
Dans une lettre datée du 9 février 2009, le Ministre de la Justice ordonna qu’aucune
poursuite ne soit engagée contre les membres de ce groupe et que toute procédure en cours
contre eux soit interrompue91
CONCLUSION GENERALE
Tout au long de cette étude nous avons traité « De la responsabilité pénale individuelle du
supérieur hiérarchique militaire pour des crimes internationaux commis en RD Congo depuis
2002 à ce jour ». Pour y arriver, nous sommes partis de la problématique selon laquelle la
gravité des crimes internationaux commis par les supérieurs hiérarchique militaires a conduit la
RD Congo et toute la communauté internationale à mettre en place des juridictions au niveau tant
national qu’internationale pouvant assurer leur répression.
91
AfriMAP et OSISA, République démocratique du Congo: la justice militaire et le respect des droits de
l’homme- l’urgence du parachèvement de la réforme, juin 2009, p1. Voir également le rapport sur le consortium
international pour la coopération juridique, RDC, aout 2009, p31.
50
En effet l’article 173 du code pénal militaire les définit comme « toutes infractions aux lois de la
République commises pendant la guerre et qui ne sont pas justifiées par les lois et coutumes de la
guerre »92. Cette référence aux lois et coutumes de la guerre aurait pu être considérée comme un renvoi au
jus cogens autorisant formellement les juridictions à se référer au Droit International Humanitaire
coutumier. En réalité la définition se limite aux comportements incriminés par le droit national congolais
et ne correspond pas du tout à celle de l’article 8 du Statut de Rome 93, c’est le cas également pour ce qui
concerne le conflit armé.
La faiblesse des décisions rendues par les juges congolaises en matière des crimes internationaux
est due comme nous l’avons signalé ci- haut, au manque des ressources humaines et de capacité des
certains personnels judiciaires, de l’ingérence du pouvoir politique dans les affaires judiciaire notamment
pour ce qui concerne la poursuite de certains haut gradés, et en fin au manque d’infrastructures.
92
Art 174 du code pénal militaire.
93
CMO du nord-kivu, affaire de minova, 2014, p42.
51
Pour y répondre nous avons formulé des hypothèses selon lesquelles la responsabilité du
supérieur hiérarchique militaire peut être engagée de diverses manières même pour les actes
commis par ses troupes
En suite nous avons dit quant à la seconde hypothèse que les juridictions nationales
militaires de la RD Congo ne font encore jusqu’à ce jour application de la responsabilité pénale
du supérieur hiérarchique que d’une manière très imparfaite.
Pour bien mener notre étude, nous avons utilisé la méthode juridique sous ses approches
casuistique et exégétique, la méthode historique et la méthode comparative qui ont été
concrétisées par la technique documentaire. Pour vérifier nos hypothèses, nous avons scindé ce
travail en deux chapitres :
De manière générale, nous pouvons encourager la position adoptée par les juges
congolais quant à la loi applicable en écartant souvent la loi nationale au profit du statut de Rome
et autres instruments internationaux.
Toutefois, il demeure regrettable que nous n’ayons pas analysé certaines affaires qui sont
en cour et que nous tenions à analyser à cause de la lenteur des nos juges qui ne respectent
jamais le délai du délibéré pour le prononcé de la décision, ceci est le cas pour l’affaire de
Kalehe autrement dit du Colonel 106. Ainsi, au regard des difficultés ou contraintes qui peuvent
être à la base des critiques que la justice congolaise ne cesse de faire objet, nous recommandons
à l’Etat congolais ce qui suit :
- Que certaines autorités politiques cessent de s’ingérer dans les affaires judiciaires
52
- Qu’il y ait des poursuites contre tous supérieurs militaires impliqués dans les graves
violations du DIH en RD Congo
- Que l’Etat dote le pouvoir judiciaire des moyens suffisant pour lui permettre de bien
accomplir sa mission et assurer son indépendance
- Que l’Etat organise semestriellement des ateliers de formation pour capaciter les juges et
magistrats en matière des crimes internationaux.
Notre travail ayant porté sur un domaine un peu vaste et complexe, nous n'estimons pas
en avoir épuisé tous les contours, nous laissons le terrain à tout chercheur qui voudra bien nous
confirmer, nous contredire ou nous compléter car la science reste en perpétuelle évolution au
regard de son caractère dynamique94.
BIBLIOGRAPHIE
I. LEGISLATION.
A. TEXTES INTERNATIONAUX.
1. Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, New York, 8 novembre 1994, Rés. CS
955, NU CS, 49è Session., 3453ème réunion, Doc. ONU S/Res/955 (1944), 33 ILM 159S.
2. Statut du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, New York, 25 mai 1993, Rés. Cs 827.
4. Résolution 827, adoptée par le conseil de sécurité de l’ONU à sa 3217 séance, le 15 Mai
1993, document officiels du conseil de sécurité S/RES/ 827 (1993).
94
J. MUSHAGALUSA, op cit, p50.
53
2. Loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial
du 20 mars 2003, Kinshasa.
3. Loi n° 024/2002 du 18 novembre 2002 portant Code Pénal Militaire, JORDC, n° spécial du 20
mars 2003, Kinshasa.
II. JURISPRUDENCES
A. INTERNATIONALE
mai 1999
5. TPIY, Procureur c. KORDIC et CERKEZ, jugement du 26 fév. 2001, § 438 ; TPIY, Proc.
c/ORIC, Ch. appel, 3 juillet 2008, § 91 et 92 ; TPIY, Proc. c/HADZIHASANOVIC.
6. décision de confirmation des charges, affaire le Procureur contre J BEMBA, chap. II/CPI, 15
juin 2009, p150.
B. NATIONALE
3. CM du Sud-Kivu, RP n°043, RMP n°1337/MTL/11, Min. pub. c. Mutins de Baraka Fizi, Sud-
Kivu.( Aff de Baraka), le 21/02/2011.
III. OUVRAGES
1. BROWNLIE I: principles of public international law, 5 éd, oxford, Press University, 1998
2. MORRIS V et MICHAEL S: an insider’s guide to the international criminal, tribunal for the
former, Yugoslavia, vol1, Irvington-on-Hudson/new York, 1995
6. COHENDET M : Méthode de travail, Droit Public, 31ème Ed., Montchrestien, Paris, 1998.
10. MALCOLM S : Droit international, 4ème éd, Presse universitaire de Cambridge, 1997.
11. DAVID E : Principes de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 1999.
55
13. MARCEL W : RDC quelle justice pour lutter contre l’impunité ? Kinshasa, 2011.
16. LUKOO R : La jurisprudence congolaise en droit pénal, Vol I éd. On s'en sortira, Kinshasa,
2006.
2. Enjeux et tabous, Rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme
(FIDH), septembre 2001.
7. Rapport de la MONUSCO, avancée et obstacle dans la lutte conte les violences sexuelles en
RDC, avril 2014.
56
8. Communication du ministre nationale de la justice dans sa lettre du 14 mars 2014 adressée au,
Directeur du BCNUDH en RDC.
9. Amnistie International, rapport, il est temps que la justice soit rendue, RDC, 2011.
10. La répression des crimes internationaux par les juridictions congolaises, étude réalisée par le
club des amis du Congo, Kinshasa, 2010.
16. Rapport sur le consortium international pour la coopération juridique, RDC, aout 2009.
17. Nations-Unies, Rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur l’indépendance des juges et des
avocats, RDC, Avril 2007.
V. MEMOIRES
3. CHOKOLA I, la CPI est ce la fin de l’impunité ?, mémoire, Faculté de Droit, UCB, 2007.
57
TABLE DE MATIERE
EPIGRAPHE.................................................................................................................................... I
IN MEMORIAM ............................................................................................................................ II
DEDICACE .................................................................................................................................. III
REMERCIEMENTS ..................................................................................................................... IV
SIGLES ET ABREVIATIONS.......................................................................................................V
INTRODUCTION .......................................................................................................................... 1
I. PROBLEMATIQUE ................................................................................................................ 1
II. HYPOTHESES ...................................................................................................................... 3
III. CHOIX ET INTERET DU SUJET ...................................................................................... 3
IV. METHODOLOGIE DU TRAVAIL .................................................................................... 4
A Méthode .......................................................................................................................... 4
B. Technique............................................................................................................................ 4
V. DELIMITATION DU SUJET ............................................................................................... 4
58