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Département : Droit privé

Mémoire pour l’obtention du Master :

Droit privé et sciences criminelles

Sous le thème :

Le droit pénal de l’ennemi, entre


efficacité de la lutte anti-terroriste
et respect des droits de l’homme

Présenté et soutenu par : Sous l’encadrement de :

MEDROMI Salim Dr. SLIMANI Chahid

Membres de Jury :

Président : M.SLIMANI Chahid… enseignant-chercheur à la FSJES de Fès

Suffragant : M.ZINEDDINE Aissam… enseignant-chercheur à la FSJES de


Meknès

Suffragant : M.ALOUI Bouchta… enseignant-chercheur à la FSJES de Fès

Année universitaire 2019-2020


Remerciements

Ce travail modeste est d’abord le fruit de plusieurs mois de recherche, de


réflexion et d’analyse. La louange appartient à Allah qui m’a accordé la vie, la
santé, et la force pour réaliser ce mémoire.

Je voudrais tout d’abord adresser toute ma gratitude au directeur de ce


mémoire, M. Chahid Slimani, pour sa disponibilité, ses judicieux conseils, et pour
son encadrement exceptionnel. Merci à vous cher professeur d’avoir contribué à
alimenter ma réflexion et à la réalisation de ce travail.

Je tiens également à remercier M. Maâtouk Salah-eddine, responsable du master


Droit privé et sciences criminelles à la FSJES de Fès de m’avoir donné la chance
d’être un de ses étudiants et d’être le responsable de la promotion 2017-2019.

Je souhaite également remercier M. Zineddine Aissam d’avoir accepté de faire


partie du jury et d’avoir pris le temps de juger mon mémoire de fin d’études.

Aussi, je présente mes remerciements les plus sincères à M. Aloui Bouchta


d’avoir accepté de faire partie du jury sans pour autant oublier de le remercier
pour ses conseils et pour l’accueil chaleureux que je reçois à chaque fois que je
le rencontre au sein de la faculté.

Je profiterai aussi de l’occasion afin de remercier tout le corps professoral de ce


prestigieux Master et en particulier : M. Benziane, M. Alaoui Jaâfar et M.
Gueddouri.

Je dédie également un remerciement particulier à mes chers parents Ahmed et


Rachida, à mes frères Zaki et Hanen, vos encouragements et votre amour
inconditionnel me laissent ému.

Je ne laisserai pas cette occasion passer sans remercier mes amis et collègues
qui ont contribué de prés ou de loin à la réalisation de ce travail notamment :
Hniya.B, Nissrine.K, Youssef.S, Abdelmjid.H, Chaimae.A, Sami.K, Walid.T. Merci
encore une fois, c’est grâce à votre amitié que ce travail a vu le jour.

1
Dédicace

Je dédie ce travail

A ma très chère maman, elle qui m’a doté d’une éducation digne, d’un
amour inconditionnel et d’un soutien inimitable qui a fait de moi l’homme
que je suis aujourd’hui… je vous dédie ma réussite.

A mon papa, aucune dédicace ne saurait exprimer mon grand respect et ma


reconnaissance pour les sacrifices que tu as fait pour mon éducation…
Merci pour tout.

A mes chers frères Zaki le grand économiste et Hanen le petit juriste


d’affaires, je vous dédie ce travail et je vous remercie pour le soutien et
l’amour fraternel… aucun mot ne pourra décrire l’amour et la loyauté que
j’ai envers vous.

2
« Actus dicitur bonus
qui est conformis
legi et rationi. »

3
Sommaire

INTRODUCTION GENERALE:................................................................ 5

PARTIE I : LUTTE ANTI-TERRORISTE AU MAROC, MODUS


OPERANDI ET DROITS DE L’HOMME .............................................. 12

Chapitre I : La politique criminelle marocaine dans la lutte


anti-terroriste ....................................................................................... 13

Chapitre II : Lutte anti-terroriste et droits de l’homme : quelle


relation ? ................................................................................................. 49

Partie II : Le droit pénal de l’ennemi, lutte anti-terroriste ou


lutte anti-droits de l’homme ? ......................................................... 65

Chapitre I : L’émergence et l’effectivité de la théorie .............. 68

Chapitre II : Le droit pénal de l’ennemi aux frontières peu


claires, critiques et limites ............................................................... 89

CONCLUSION GENERALE : ............................................................... 103

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................. 106

TABLE DES MATIERES ...................................................................... 112

4
INTRODUCTION GENERALE:

Le mot terrorisme est devenu un terme omniprésent qui s’aborde


quotidiennement que ce soit par les supports médiatiques ou par le simple
citoyen. Cette tendance n’est certainement pas le fruit du hasard car ce
sujet sensible, tabou et péjorativement intéressant est considéré comme
la bête noire de la société qui à la fois représente un danger et un ennemi
pour la société civile et bien entendu les Etats.

Les racines et pratiques du terrorisme ne sont pas un phénomène récent,


puisqu’elles remontent au 1er siècle après Jésus-Christ au Moyen-Orient et
plus précisément en Palestine où la secte juive des Zélotes qui furent
nommée par les romains « Sicarii » qui signifie en latin assassin, visaient
des personnalités politiques, religieuses et même des simples individus
connus pour leur soutien à l’occupation romaine de la Judée. Ils
égorgeaient leurs victimes à l’aide de leur dague dissimulée et agissaient
n’importe où et n’importe quand dans le but d’instaurer un sentiment de
vulnérabilité à l’ensemble de la population, ce qui demeure une technique
classique du terroriste jusqu’à aujourd’hui1.

Cependant, l’attentat qui demeure le plus sanglant et le plus marquant de


l’histoire moderne n’est rien d’autre que les 4 attentats orchestrés du 11
septembre 2001 causant la mort à 2,977 individus et blessant plus de
6000 personnes2. C’est d’ailleurs cet attentat même qui a démontré une
certaine défectuosité du dispositif anti-terroriste Américain, poussant par
conséquent l’administration Bush à mettre en place un plan d’action dans
le but l’éliminer le terrorisme global3.

1
GERARD Chaliand et ARNAUD Blin, Histoire du terrorisme de l’antiquité à Al Qaida, Paris, Bayard, 2004, p.63.
2
https://edition.cnn.com/2013/07/27/us/september-11-anniversary-fast-facts/, consulté le 04/11/2019 à
16h08.
3
CHARLES Philippe David et LA CHAIRE Raoul-Durand, Le 11 septembre 2001 cinq ans plus tard, Québec, 2006,
p.43.

5
Quant au Maroc, ce terme ne s’est propagé qu’après les 5 attentats
suicides terroristes déroulés le 16 mai 2003 à Casablanca. Ces attentats
revendiqués par la cellule terroriste « Al-Qaïda » fondée en 1988 par
Abdullah Azzam et Osama Bin Laden4 , ont causé la mort à 45 personnes
dont 33 individus et 12 des 14 assaillants5.

D’autre part, quant à la définition étymologique du terme terrorisme il est


issu du mot latin « terrere » qui signifie terreur et qui fût employé pour la
première fois en novembre 1794 pendant la révolution Française.

Toutefois, une problématique se révèle au niveau de la définition moderne


du terrorisme puisqu’elle se résume à l’absence d’une définition convenue
à l’échelle internationale et qui est dû à l’impossibilité que la communauté
internationale fait face en vue de donner une définition politique à ce
dernier depuis 1937 6 ce qui pose un obstacle de plus qui empêche une
lutte effective contre ce fléau meurtrier et sanglant.

En effet, rares sont les pays qui ont donné une définition claire et précise
du terrorisme et à titre d’exemple on cite la législation Américaine dans
son Article 22 de l’United States Code Section 2656f (d) alinéa 2 qui
définit le terrorisme comme étant « une violence préméditée, motivée
politiquement, perpétrée contre des cibles non-combattantes par des
groupes sous-nationaux ou des agents clandestins »7 et définit aussi les
groupes terroristes dans son alinéa 3 comme étant « tout groupe
pratiquant, ou qui comprend des sous-groupes significatifs qui pratiquent,
le terrorisme international » 8 . Il est aussi important de savoir que le
législateur Marocain a aussi pris l’initiative de donner une définition au

4
https://www.pbs.org/moyers/journal/07272007/alqaeda.html, consulté le 04/11/19 à 16h14.
5
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=920, consulté le 04/11/19 à 16h16.
6
DOUCET Ghislaine, « Terrorisme : définition, juridiction pénale internationale et victimes », Revue
internationale de droit pénal, 2005, vol 76, page 5.
7
« the term "terrorism" means premeditated, politically motivated violence perpetrated against noncombatant
targets by subnational groups or clandestine agents » Paragraph 2, Title 22 of the United States Code, Section
2656f(d).
8
« the term "terrorist group" means any group practicing, or which has significant subgroups which practice,
international terrorism » Paragraph 3, Title 22 of the United States Code, Section 2656f(d).

6
terrorisme dans la Loi 03.03 promulguée le 28 mai 2003 dans l’Article
218-19 du Code Pénal.

De son côté, les Nations unies et selon la définition du chercheur


Néerlandais Alex P. Schmid10 : « Le terrorisme est une méthode d’action
violente répétée inspirant l’anxiété, employée par des acteurs clandestins
individuels, en groupes ou étatiques (semi) clandestins, pour des raisons
idiosyncratiques, criminelles ou politiques, selon laquelle — par opposition
à l’assassinat — les cibles directes de la violence ne sont pas les cibles
principales. Les victimes humaines immédiates de la violence sont
généralement choisies au hasard (cibles d’occasion) ou sélectivement
(cibles représentatives ou symboliques) dans une population cible, et
servent de générateurs de message. Les processus de communication
basés sur la violence ou la menace entre les (organisations) terroristes,
les victimes (potentielles), et les cibles principales sont utilisés pour
manipuler la (le public) cible principale, en faisant une cible de la terreur,
une cible d’exigences, ou une cible d’attention, selon que l’intimidation, la
coercition, ou la propagande est le premier but »11.

Conjointement à l’existence du terrorisme et au danger qu’il représente,


se trouve une lutte anti-terroriste acharnée de la part des Etats, des
gouvernements, des forces de l’ordre et bien entendu les différents
services de renseignement. Cette lutte se traduit par les différentes
tactiques, techniques, pratiques et stratégies mises en place pour
combattre ou prévenir le terrorisme.
9
Article 218-1 du code pénal : « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en
relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but l'atteinte grave à l'ordre public par
l'intimidation, la terreur ou la violence, les infractions suivantes : 1) l'atteinte volontaire à la vie des personnes
ou à leur intégrité, ou à leurs libertés, l'enlèvement ou la séquestration des personnes. »
10
Ex-Responsable du Service de la prévention du terrorisme des Nations Unies.
11
« Terrorism is an anxiety-inspiring method of repeated violent action, employed by (semi) clandestine
individual, group or state actors, for idiosyncratic, criminal or political reasons, whereby - in contrast to
assassination - the direct targets of violence are not the main targets. The immediate human victims of violence
are generally chosen randomly (targets of opportunity) or selectively (representative or symbolic targets) from a
target population, and serve as message generators. Threat- and violence-based communication processes
between terrorist (organization), (imperilled) victims, and main targets are used to manipulate the main target
(audience(s)), turning it into a target of terror, a target of demands, or a target of attention, depending on whether
intimidation, coercion, or propaganda is primarily sought » SCHMID P.Alex, Political Terrorism : A New Guide To
Actors, Authors, Concepts, Data Bases, theories, & literature, Amsterdam, Transaction Publishers, 1988, p.28.

7
Ainsi, la première lutte anti-terroriste connue de l’histoire remonte à 1883
à Londres lorsque Sir William Hancourt 12 a créé une brigade policière
nommée « Special Irish Branch » afin de combattre le terrorisme de la
fraternité républicaine irlandaise13 en utilisation la méthode de subversion
et d’infiltration au rang de ces derniers afin d’établir une collecte de
renseignements dans le but d’affronter le terrorisme et de se mettre en
garde contre d’éventuels actes.

Dès lors, la lutte anti-terroriste s’est étendue avec l’éclosion et le


surcroissement de la menace terroriste à la fin du 20ème Siècle et plus
précisément après les attentats du 9 septembre 2001. L’ampleur de ce
drame qui a frappé les États-Unis d’Amérique considérée comme étant
une grande puissance mondiale, a poussé chaque État, à questionner sa
capacité préventive, à gérer et à empêcher ce type de menace.

D’ailleurs les attentats du 11 septembre ont aussi poussé au renforcement


et au maintien de la lutte anti-terroriste et à la création de plusieurs
bureaux et unités d’interventions et de services de renseignement partout
dans le monde tout comme le département de la sécurité intérieure des
États-Unis14et le BCIJ15 au Maroc.

Partant de la dangerosité que le terrorisme modélise, une conception à la


fois intéressante, controversée et largement critiquée a vu le jour sous le
nom de « la théorie du droit pénal de l’ennemi »16.

L’idée principale de cette théorie repose sur un traitement exceptionnel


vis-à-vis d’une catégorie de criminels qualifiés comme des ennemis ou des

12
Ministre de l’intérieur du Royaume-Uni du 28 Avril 1880 à 23 Avril 1885.
13
« Irish Republican Brotherhood organisation » Organisation révolutionnaire républicaine irlandaise, fondée
en 1858 avec un unique objectif : Rendre l’Irlande indépendante du règne Britannique en semant la terreur par
une série d’attentats.
14
« United States Department of Homeland Security », Département gouvernemental fédéral des États-
Unis officiellement créé le 27 novembre 2002 par le président George W.Bush.
15
« Bureau central d’investigation judiciaire », annexé à la direction générale de la sûreté territoriale, créée en
2015 par les directives Royales de sa majesté le Roi Mohammed VI pour lutter contre le terrorisme et le grand
banditisme.
16
« Feindstrafecht », Concept créé par le professeur de droit Allemand Günther Jakobs en 1985 mais qui s’est
retentit dans le code pénal occidental qu’après les attentats du 11 septembre 2001.

8
sources de danger incessant au point de les priver de leurs garanties
légales que ce soit en matière d’assistance judiciaire ou en ce qui
concerne la durée de la garde à vue sans oublier la déconsidération des
principes essentiels sur lesquels se basent les codes pénaux partout dans
le monde comme le principe de la légalité et le principe de la
proportionnalité entre la peine et l’infraction le tout pour réduire les
conditions qui vont aboutir à un procès équitable.

Par Ailleurs, Jakobs a créé comme une sorte d’exception pénale vis-à-vis
des individus considérés par lui comme intraitables et ne méritant pas un
traitement humain car ils ont décidé de rompre le contrat social et se
convertir en ennemis.

Ipso facto, le droit pénal de l’ennemi ne prend plus en compte la


considération humaine du moment qu’il est étiqueté comme un ennemi,
puisque ce dernier « est celui qui n’offre aucune garantie quant à sa
conduite future ; il veut détruire l’ordre juridique et il vit dans un état de
guerre permanent »17.

En réalité, est-ce possible de définir l’ennemi en se basant sur le casier


judiciaire d’un individu quelconque ou sur ses comportements ? Et est-ce
que cette théorie de l’ennemi permettra à mettre fin aux actes délictueux
commis par des individus considérés comme des ennemis dangereux à la
vie sociale et dans ce cas-là le terrorisme ?

D’autre part il est important de souligner que le droit pénal de l’ennemi ne


se résume pas seulement dans la distinction ami/ennemi émise par le
théoricien nazi Carl Schmitt et par conséquent exclure socialement et
pénalement les individus qui se caractérisent par une dangerosité hors
pair pour le fonctionnement, la sécurité et l’ordre de la société, mais elle
comprend également toute mesure légale ou extra-légale dérogatoire
mise en place par l’Etat pour préserver sa sécurité d’où la dénomination la

17
LAZERGES Christine et HENRION-STOFFEL Hervé, « le déclin du droit pénal : l’émergence d’une politique
criminelle de l’ennemi », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2016, N°3, page 650.

9
guerre contre le terrorisme ou comme les américains l’ont nommé war on
terror.

Pourtant, les dérives qui émanent de cette guerre contre le terrorisme ne


sont pas si peu à compter, et le camp de Guantanamo Bay en est
l’exemple concret puisque ce camp de détention est notoirement connu
pour des actes de tortures envers les détenus et que ces derniers se
trouvent dans ce camp sans jugement et sans chef d’accusation ce qui
rend leur détention illimitée dans l’espace et soumise à l’appréciation de
l’administration américaine à qui reste le choix d’inculper ou de libérer
n’importe quelle personne sous le couvert du besoin d’assurer la sécurité
nationales des États-Unis d’Amérique ainsi que celles de ses alliés contre
le danger omniprésent du terrorisme.

En réalité rien ne peut justifier de telles mesures et le président Américain


Barack Obama18 avait signé un ordre exécutif le 22 janvier 2009, soit le
2éme jour de son premier mandant ordonnant la fermeture de ce camp,
mais fort malheureusement, cette décision fût cassée par le président
actuel Donald Trump qui avait signé un autre ordre exécutif en 2018
ordonnant à ce que le camp de Guantanamo reste ouvert et actif19.

Parallèlement, plusieurs pays ont connu leur propre 11 septembre,


autrement dit, on parle d’un ou plusieurs attentats orchestrés visant un
pays précis et qui a donné lieu à l’adoption de plusieurs mesures inspirées
du droit pénal de l’ennemi notamment en matière législative en renforçant
l’arsenal juridique anti-terroriste et en matière sécuritaire en prenant
diverses mesures par les différentes forces de l’ordre notamment en
matière de fouilles et d’arrestations, en France ce sont les attaques du 13
novembre 2015 qui ont donné lieu à l’Etablissement de l’Etat d’urgence et
à une réforme juridique, tandis qu’au Maroc, ce sont les attaques du 16

18
Barack Obama : 44éme président des États-Unis qui a présidé de 2009 à 2017 et qui a été connu pour sa
position contre l’existence du camp de Guantanamo Bay et qui avait signé l’ordre exécutif numéro 13492 qui
l’ordonne à la fermeture de ce camp.
19
https://www.theguardian.com/us-news/2018/jan/30/guantanamo-bay-trump-signs-executive-order-to-keep-
prison-open, consulté le 07/11/2019 à 06h19.

10
mai 2003 qui ont donné la naissance à la Loi anti-terroriste 03.03 et les
séries d’arrestations et de jugements de personnes soupçonnées de
préparer des actes terroristes ou soupçonnées d’être affiliées à des
cellules terroristes.

Dès lors se pose la problématique de ce travail entier : alors que la lutte


anti-terroriste dans ses débuts visait à combattre un fléau aussi
insaisissable et complexe, le droit pénal de l’ennemi n’est-il pas en train
de saper toute lutte légitime dans le cadre de la légalité et du droit ?

Néanmoins, par un souci de sécurité et face à l’accroissement du danger


que le terrorisme représente, les Etats se voient contraints de basculer
entre le respect de droits fondamentaux et de différents principes légaux
et l’obligation de maintenir la sécurité. En réalité, se balancer entre ces
deux obligations s’avère plus facile à dire qu’à appliquer.

Ainsi pour répondre à ces questions, il conviendra dans une première


partie de déterminer et décortiquer le modus operandi de la lutte anti-
terroriste marocaine ainsi que les critiques dont il fait l’objet, puis, dans
une deuxième partie, d’expliquer et citer les fondements conceptuels de la
théorie du droit pénal de l’ennemi ainsi que les critiques et les limites de
la dite théorie.

11
Partie I : Lutte anti-terroriste au Maroc, modus
operandi et droits de l’homme

Chaque Etat a l’obligation de défendre ses citoyens et garantir l’ordre


public par le biais des instruments législatifs, répressifs et judiciaires. Face
aux transgressions de la part de certains individus, l’Etat riposte contre
ces actes à travers un arsenal juridique qui réglemente l’arrestation et la
sanction de ces derniers afin qu’ils paient le prix de leurs actions.

En revanche, le Royaume considéré un Etat de droit ne dispose pas d’une


« carte blanche » leur donnant la prérogative de sanctionner sans prendre
en compte plusieurs attributs notamment les conventions et traités
internationaux relatifs aux droits de l’homme, la constitution Marocaine de
2011 et bien entendu sans se soumettre aux directives de Sa Majesté Le
Roi Mohammed VI.

Toutefois, la politique criminelle envisagée par le Royaume en vue de


combattre le terrorisme a donné de nombreuses prérogatives aux
différents services de sécurité et aussi au parquet. Mais qui font très
souvent l’objet de critique en les qualifiant de rigoristes et accusant leur
mode opératoire d’être arbitraire et exerçant des mesures et méthodes
extra pénaux qui ont donné lieu à des pratiques dégradants ne respectant
pas les droits de l’homme et des transgressions extra légales en matière
juridictionnelle ce qui a permis à plusieurs organismes de critiquer le
dispositif Marocain de lutte anti-terroriste.

12
Chapitre I : La politique criminelle marocaine dans la lutte
anti-terroriste

« A Mon cher peuple, fermement attaché aux constantes de sa civilisation,


à ses institutions et valeurs sacrées, ainsi qu'à ses acquis démocratiques,
Je dis : le terrorisme ne passera pas. Le Maroc restera fidèle à ses
engagements internationaux et poursuivra, sous Notre conduite, avec
conviction, assurance et ténacité, la marche engagée pour concrétiser
notre projet sociétal démocratique et moderniste. Il trouvera son Premier
Serviteur en première ligne pour faire face à quiconque s'avise de le
ramener en arrière. Il le trouvera à l'avant-garde de sa marche vers le
progrès pour remporter notre véritable bataille, celle que nous menons
contre le sous-développement, l'ignorance, le repli et l'ostracisme. Ce
combat sera gagné grâce à Notre stratégie globale, intégrée et
multidimensionnelle. Dans son volet politique, institutionnel et sécuritaire,
cette stratégie vise à plus de rigueur et d'efficacité dans le cadre de la
démocratie et de la suprématie de la loi. Elle tend, dans son aspect
économique et social, à libérer les initiatives et à mobiliser les énergies,
au service du développement et de la solidarité. Enfin, dans sa dimension
religieuse, éducative, culturelle et médiatique, cette stratégie se propose
d'éduquer, de former le citoyen en l'imprégnant des vertus de l'ouverture,
de la modernité, de la rationalité, du sérieux dans ce qu'il accomplit, de la
droiture, de la modération et de la tolérance.»20

Ce que l’on peut conclure du discours Royal c’est la position du Royaume


face au terrorisme en le réprimant sévèrement et en s’attachant aux
dispositions des conventions internationales le tout en s’appuyant sur la
coopération internationale.

20
Extrait du discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI suite aux attentats de Casablanca du 16 mai 2003.

13
Or, cette vision Royale demeure la raison principale de l’élaboration du
dispositif juridique de lutte anti-terroriste Marocain 21 et à l’instauration
d’une politique criminelle à la fois sévère, effective et objective dans le but
d’instaurer la sécurité, prévenir et sanctionner des infractions de nature
terroriste, et de garantir l’ordre public. De ce fait, nous allons traiter dans
une 1èresection la lutte anti-terroriste à la lumière du code pénal et dans
une seconde, les règles de procédure pénale.

Section 1 : La lutte anti-terroriste à la lumière du code pénal

L’adoption de la législation anti-terroriste est une condition indispensable


à la préservation de la sécurité et de la stabilité d’un pays qui proclame
son attachement aux valeurs de liberté, de justice et de tolérance 22 ,et
face à cette obligation, le Royaume s’est vu obligé d’adopter une Loi
adéquate qui déterminera la typologie des infractions qualifiées terroristes
et d’assimiler des peines proportionnelles avec la gravité et la dangerosité
des infractions ainsi que des ses auteurs. Par conséquent, nous allons
préciser les infractions considérées terroristes ainsi que la particularité des
peines des infractions terroristes.

A. La typologie des infractions terroristes

« Nullum crimen sine lege » 23 , tel est le principe universel adopté par
chaque système juridique et bien entendu aussi par le système Marocain.
Ipso facto, le législateur s’est vu obligé de définir le terrorisme ainsi que
les actes considérés terroristes.

Or cette distinction se révèle pesante à cause de la différence majeure


entre l’infraction classique et l’infraction terroriste que ce soit par la

21
Loi n° 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme promulguée le 28 mai 2003.
22
AMZAZI Mohieddine, Essai sur le système pénal marocain, Rabat, Centre Jacques-Berque, 2013, p.136.
23
Adage latin définissant le principe de « pas de crime sans texte de Loi ».

14
particularité de l’auteur, ou de ses actes préparatoires ou par le résultat
désiré. Sans pour autant négliger la finalité de l’acte terroriste qui se
résume tout simplement par une mise en image symbolique de la force de
destruction24 et d’ébranler la sécurité intérieure.

➢ Les infractions contre les personnes et les biens

Ces infractions sont définies par L’Article 218-1 alinéa 1 du code pénal par
« l’atteinte volontaire à la vie des personnes ou à leur intégrité, ou à leurs
libertés, l’enlèvement ou la séquestration des personnes », cela signifie
toute atteinte au droit de la personne dans son corps, sa sécurité, sa vie,
sa stabilité, sa liberté, et comprend dans un même pied d’égalité les
citoyens marocains et les étrangers25.

Ces infractions sont de nature à porter atteinte à la vie ou à l’intégrité


physique d’un ou plusieurs individus ou à leurs libertés de circuler. Ces
infractions peuvent revêtir plusieurs types d’actes criminels, ce qui va
nous pousser à les analyser cas par cas.

• L’atteinte volontaire à la vie et à l’intégrité des personnes

Le Législateur Marocain a précisé dans le Chapitre VII de son code pénal


et plus précisément la 1ére Section dans ses Articles
392,393,394,395,396,397,398,399 les infractions de droit commun qui
portent atteinte à l’intégrité physique.

Cependant, la Loi 03.03 a considéré les infractions terroristes comme


celles qui sont commises dans un contexte spécifique qui est un projet
individuel ou collectif bouleversant l’ordre public par le biais d’intimidation,
de terreur et de violence comme but initial.

24
https://www.amnesty.be/veux-agir/agir-localement/agir-ecole/espace-enseignants/enseignement-
secondaire/dossier-papiers-libres-2005-les-derives-identitaires-identites-et/article/1-2-4-les-objectifs-du-
terrorisme?lang=fr , consulté le 20/11/2019 à 18h17.
25
La politique criminelle dans la lutte contre le terrorisme au Maroc, Mémoire de fin d’études pour l’obtention
du master droit privé et sciences criminelles réalisé par EL MOTTAKY Kamal en 2016, FSJES USMBA.

15
D’un autre côté, L’Article 392 du code pénal a défini l’atteinte à l’intégrité
physique par « Quiconque donne intentionnellement la mort à autrui est
coupable de meurtre et puni de la réclusion perpétuelle. Toutefois, le
meurtre est puni de mort : Lorsqu'il a précédé, accompagné, ou suivi un
autre crime; Lorsqu'il a eu pour objet, soit de préparer, faciliter ou
exécuter un autre crime ou un délit, soit de favoriser la fuite ou d'assurer
l'impunité des auteurs ou complices de ce crime ou de ce délit.»

D’autre part, L’Article 393 26 considère le meurtre commis avec


préméditation ou guet-apens comme un assassinat et le puni de peine
capitale. Quant au parricide, il est aussi puni par la peine capitale par
l’Article 39627 du code pénal, l’infanticide est tout autant traité par l’Article
39728. Parallèlement, le même article souligne dans son deuxième alinéa
que : « Toutefois, la mère, auteur principal ou complice du meurtre ou de
l'assassinat de son enfant nouveau-né, est punie de la peine de la
réclusion de cinq à dix ans, mais sans que cette disposition puisse
s'appliquer à ses coauteurs ou complices. »29.

Cependant, Le code pénal punit sévèrement l’empoisonnement 30 et


l’emploie d’actes de torture et d’actes de barbarie 31 en les considérant
comme des circonstances aggravantes et sont punies de la peine de mort.

Quant aux infractions portant atteinte à l’intégrité des personnes, en droit


commun, ces infractions sont traitées par le code pénal dans les Articles
400,401,402,403,404,405,406,407,408,409,410,411,412,413,414.

26
Article 393 du code pénal : « Le meurtre commis avec préméditation ou guet-apens est qualifié assassinat et
puni de la peine de mort »
27
Article 396 du code pénal : « Quiconque donne intentionnellement la mort à son père, à sa mère ou à tout
autre ascendant est coupable de parricide et puni de la peine de mort. »
28
Article 397 du code pénal : « Quiconque donne intentionnellement la mort à un enfant nouveau-né est
coupable d'infanticide et puni, suivant les distinctions prévues aux articles 392 et 393, des peines édictées à ces
articles. »
29
Alinéa 2 de l’Article 397 du code pénal
30
Article 398 du code pénal : « Quiconque attente à la vie d'une personne par l'effet de substances qui peuvent
donner la mort plus ou moins promptement, de quelque manière que ces substances aient été employées ou
administrées, et quelles qu'en aient été les suites, est coupable d'empoisonnement et puni de mort. »
31
Article 399 du code pénal : « Est puni de la peine de mort, quiconque pour l'exécution d'un fait qualifié crime
emploie des tortures ou des actes de barbarie. »

16
Toutefois, la particularité des infractions terroristes se résument dans leur
finalité, or, dans une infraction de droit commun, on parle d’une atteinte à
l’intégrité physique de façon individuelle tandis que l’infraction terroriste a
pour but de porter atteinte à l’ordre public par le biais de terreur, de
violence et d’intimidation.

C’est exactement la raison pour laquelle la Loi 03.03 les qualifie


d’infractions terroristes et par conséquent l’intention de l’auteur à troubler
l’ordre public et c’est cette intention même qui va alourdir la sanction en y
ajoutant des circonstances aggravantes. Ces atteintes peuvent prendre la
forme de coups et blessures, coups et blessures graves causant une
incapacité à plus de 20 jours, coups et blessures causant mutilation,
amputation ou privation de l'usage d'un membre, cécité, perte d'un œil ou
toutes autres infirmités permanentes, ou encore aider sciemment une
personne dans des faits qui préparent ou facilitent son suicide, ou fournit
les armes, poison ou instruments destinés au suicide… ainsi de suite.

D’autre part, toujours en restant dans le contexte d’infractions visant


l’atteinte volontaire à l’intégrité des personnes et à la fois leur vie, on
trouve une catégorie d’infractions terroristes dites écologiques qui sont
prévues par l’Article 218-3 du code pénal disposant que : « Constitue
également un acte de terrorisme, au sens du premier alinéa de l'article
218-1 ci-dessus, le fait d'introduire ou de mettre dans l'atmosphère, sur le
sol, dans le sous-sol ou dans les eaux, y compris celles de la mer
territoriale, une substance qui met en péril la santé de l'homme ou des
animaux ou le milieu naturel. Les faits prévus au premier alinéa ci-dessus
sont punis de dix à vingt ans de réclusion. La peine est la réclusion à
perpétuité, lorsque les faits ont entraîné une mutilation, amputation ou
privation de l'usage d'un membre, cécité, perte d'un œil ou toutes autres
infirmités permanentes pour une ou plusieurs personnes. Le coupable est
puni de mort lorsque les faits ont entraîné la mort d'une ou de plusieurs
personnes. »

17
• L’atteinte aux libertés des personnes

Ces infractions sont énoncées dans le 2éme chapitre du code pénal dans les
Articles 219,220,221,222,223 ; Parmi ces infractions, se trouvent dans la
1ére section les infractions relatives à l'exercice des droits civiques telles
que l’infraction citée à l’Article 219 comme étant « Les infractions
commises à l'occasion des élections ainsi qu'à l'occasion des opérations de
référendums ».

D’un autre côté la 2ème section a traité les infractions relatives à l'exercice
des cultes, dont la contrainte ou l’empêchement par violences ou menaces
de l’exercice ou d’assister à l’exercice d’un culte ou encore l’emploie des
moyens de séduction dans le but d'ébranler la foi d'un musulman ou de le
convertir à une autre religion 32 , l’entrave volontaire de l’exercice d’un
culte ou d’une cérémonie religieuse occasionner volontairement un
désordre de nature à en troubler la sérénité 33 , la rupture du jeune en
public sans aucun motif en plein ramadan34, exercer un sacrilège35. Ces
infractions peuvent être qualifiés d’infractions terroristes lorsque les
atteintes vis-à-vis des lieux ou objets de culte sont alimentées par la
haine et l’envie d’implanter la terreur et la panique dans une communauté
précise36.

32
Article 220 du code pénal : « Quiconque, par des violences ou des menaces, a contraint ou empêché une ou
plusieurs personnes d'exercer un culte, ou d'assister à l'exercice de ce culte, est puni d'un emprisonnement de
six mois à trois ans et d'une amende de 200 à 500 dirhams. Est puni de la même peine, quiconque emploie des
moyens de séduction dans le but d'ébranler la foi d'un musulman ou de le convertir à une autre religion, soit en
exploitant sa faiblesse ou ses besoins, soit en utilisant à ces fins des établissements d'enseignement, de santé,
des asiles ou des orphelinats. En cas de condamnation, la fermeture de l'établissement qui a servi à commettre
le délit peut être ordonnée, soit définitivement, soit pour une durée qui ne peut excéder trois années.»
33
Article 221 du code pénal : « Quiconque entrave volontairement l'exercice d'un culte ou d'une cérémonie
religieuse, ou occasionne volontairement un désordre de nature à en troubler la sérénité, est puni d'un
emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 200 à 500 dirhams. »
34
Article 222 du code pénal : « Celui qui, notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane,
rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le temps du ramadan, sans motif admis par cette
religion, est puni de l'emprisonnement d'un à six mois et d'une amende de 200 à 500 dirhams »
35
Article 223 du code pénal : « Quiconque, volontairement, détruit, dégrade ou souille les édifices, monuments
ou objets servant au culte, est puni de l'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 100 à 500
dirhams »
36
A titre d’exemple, on cite les séries d’incendies criminelles en suède qui ont eu lieu en 2014 et qui ont visé 3
mosquées. Les auteurs ont utilisé des bombes et des cocktails molotov et ont été motivé par leur idéologie
islamophobique.

18
• L’enlèvement des personnes et la prise d’otages

Pour ce qui est des infractions concernant l’enlèvement des personnes et


la prise d’otages, le Législateur a consacré les Articles
436,437,438,439,440 dans la 4ème section dédiée aux atteintes portées
par des particuliers à la liberté individuelle, de la prise d’otages et de
l'inviolabilité du domicile.

Ces infractions sont : l’enlèvement, l’arrestation, la détention, la


séquestration sans ordre des autorités37.

D’ailleurs la peine varie selon différentes circonstances et motifs dont on


cite : la détention ou la séquestration qui a duré trente jours ou plus38, si
l'enlèvement, l'arrestation, la détention ou la séquestration a eu pour but
de procurer aux auteurs des otages, soit pour préparer ou pour faciliter la
commission d'un crime ou d'un délit, soit pour favoriser la fuite ou assurer
l'impunité des auteurs d'un crime ou d'un délit 39 , si la victime a été
torturée40, si les auteurs ont procuré un lieu pour détenir et séquestrer les
victimes ou un moyen de transport ayant servi à leurs déplacements41.

Cependant le législateur a prévu des circonstances atténuantes dans son


Article 440 comme pour le cas de la libération de la personne arrêtée,
enlevée détenue ou séquestrée en bonne santé avant le cinquième jour
accompli depuis celui de l'arrestation, enlèvement, détention ou

37
Article 436 du code pénal : « Sont punis de la réclusion de cinq à dix ans, ceux qui, sans ordre des autorités
constituées et hors le cas où la loi permet ou ordonne de saisir des individus, enlèvent, arrêtent, détiennent ou
séquestrent une personne quelconque. Si la détention ou la séquestration a duré trente jours ou plus, la peine
est la réclusion de dix à vingt ans. »
38
Article 436 Al.2 du code pénal : « Si la détention ou la séquestration a duré trente jours ou plus, la peine est
la réclusion de dix à vingt ans »
39
Article 437 du code pénal : « Si l'enlèvement, l'arrestation, la détention ou la séquestration a eu pour but de
procurer aux auteurs des otages, soit pour préparer ou faciliter la commission d'un crime ou d'un délit, soit
pour favoriser la fuite ou assurer l'impunité des auteurs d'un crime ou d'un délit, la peine est la réclusion
perpétuelle. Il en est de même si ces actes ont eu pour but l'exécution d'un ordre ou l'accomplissement d'une
condition et notamment le paiement d'une rançon »
40
Article 438 du code pénal : « Si la personne enlevée, arrêtée, détenue ou séquestrée a été soumise à des
tortures corporelles, les coupables sont, dans tous les cas prévus aux articles précédents, punis de mort »
41
Article 439 du code pénal : « Les peines édictées aux articles 436, 437 et 438 sont applicables suivant les
modalités prévues auxdits articles, à ceux qui procurent sciemment soit un lieu pour détenir ou séquestrer les
victimes, soit un moyen de transport ayant servi à leurs déplacements »

19
séquestration 42 , ou encore la libération de la personne arrêtée, enlevée
détenue ou séquestrée en bonne santé moins de dix jours accomplis
depuis celui de l'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration 43 et
finalement la libération de la personne arrêtée, enlevée détenue ou
séquestrée en bonne santé entre le dixième jour et le trentième jour
depuis celui de l'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration44.

• Le vol et extorsion des biens, les destructions, dégradations et


détériorations

Ces infractions sortent de la case des infractions de droit commun et se


qualifient d’infractions terroristes lorsqu’elles sont commises dans le cadre
d’une bande organisée ou même commises par un simple individu dans le
but de porter atteinte à l’ordre public.

Le législateur l’a considéré comme un acte terroriste par l’Article 218-1


Al.545 , parallèlement, le vol est traité dans le 9ème chapitre du code pénal
et plus précisément dans la 1ère section intitulée « Des vols et extorsions »
et régit les conditions et les sanctions de ces infractions par le biais des
Articles 505 à 536.

Ainsi, le vol est défini comme étant une soustraction frauduleuse d’une
chose appartenant à autrui de façon illégale46.

Cependant, le vol est puni de réclusion perpétuelle si l’auteur était muni


d’une arme à feu ou d’un instrument ou d’un objet perçant, contondant,

42
Article 440 Al.1 du code pénal : « si la personne arrêtée, enlevée détenue ou séquestrée comme otage est
libérée en bonne santé avant le cinquième jour accompli depuis celui de l'arrestation, enlèvement, détention
ou séquestration, la peine est réduite à la réclusion de cinq à dix ans. »
43
Article 440 Al.2 du code pénal : « Si la personne détenue ou séquestrée a été libérée, en bonne santé, moins
de dix jours accomplis depuis celui de l'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, la peine est
l'emprisonnement d'un à cinq ans.»
44
Article 440 Al.3 du code pénal : « Si cette libération a eu lieu entre le dixième jour et le trentième jour
accomplis depuis l'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, la peine est la réclusion de cinq à dix
ans.»
45
Article 218-1 Al.5 du code pénal : « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement
en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but l'atteinte grave à l'ordre public par
l'intimidation, la terreur ou la violence, les infractions suivantes : 5) le vol et l'extorsion des biens »
46
Article 505 du code pénal : « Quiconque soustrait frauduleusement une chose appartenant à autrui est
coupable de vol et puni de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 200 à 500 dirhams.»

20
tranchant ou suffoquant47. La raison de la sévérité de la peine du vol sous
la menace d’une arme est attribuée à la dangerosité de l’emploi d’une
arme dans une situation où l’auteur peut-être poussé par la peur d’être
appréhendé ou encore être poussé par son instinct criminel à porter
atteinte à la victime ou à tout autre partie pouvant intervenir afin
d’interrompre l’acte criminel.

Par ailleurs l’extorsion est aussi réprimée par les Articles 53748 et 53849,
ces actes peuvent être qualifiés d’infractions terroristes lorsque la finalité
de l’extorsion était de se procurer frauduleusement la signature ou la
remise d'un écrit, d'un acte, d'un titre, d'une pièce quelconque contenant
ou opérant obligation, disposition ou décharge afin de faciliter l’exécution
d’un acte terroriste ou même lorsque la procuration frauduleuse de la
preuve d’un droit était liée aux actes préparatoires.

D’ailleurs la position du législateur Marocain face à la lutte anti-terroriste


se montre stratégique dans le sens où il a laissé une interprétation vague
donnant une qualification d’infractions terroristes à des actes qui ne
revêtent pas un caractère dangereux mais qui sont liés à une finalité bien
précise qui n’est rien d’autre que de porter atteinte à l’ordre, la stabilité et
la sécurité publique. Ce qui nous amène vers la destruction, la
dégradation et la détérioration des biens, de ce fait l’Article 218-1 dans
son alinéa 3 a qualifié ces actes comme étant des infractions terroristes.
Mais cette qualification manque de précision dans le sens où ces actes
peuvent se caractériser par plusieurs formes.

47
Article 507 du code pénal : « Sont punis de la réclusion perpétuelle les individus coupables de vol, si les
voleurs ou l'un d'eux étaient porteurs de manière apparente ou cachée d'une arme au sens de l'article 303,
même si le vol a été commis par une seule personne et en l'absence de toute autre circonstance aggravante.»
48
Article 537 du code pénal : « Quiconque par force, violences ou contraintes, extorque la signature ou la
remise d'un écrit, d'un acte, d'un titre, d'une pièce quelconque contenant ou opérant obligation, disposition ou
décharge, est puni de la réclusion de cinq à dix ans.»
49
Article 538 du code pénal : « Quiconque au moyen de la menace, écrite ou verbale, de révélations ou
d'imputations diffamatoires, extorque soit la remise de fonds ou valeurs, soit la signature ou remise des écrits
prévus à l'article précédent, est coupable de chantage et puni de l'emprisonnement d'un à cinq ans et d'une
amende de 200238 à 2.000 dirhams.»

21
Toutefois, ces infractions sont prévues dans les Articles 580 jusqu’à 607 et
parmi ces actes se trouve l’incendie criminelle de bâtiments, logements,
loges, tentes, cabines même mobiles, navires, bateaux, magasins,
chantiers servant à l’habitation et de véhicules, aéronefs ou wagons
contenant des personnes 50 ou encore la destruction ou la tentative de
destruction par mine ou tout autre dispositif explosif des voies publiques
ou privées, des digues, barrages ou chaussées, des ponts, des
installations portuaires ou industrielles 51 et finalement la déposition
d’explosif sur une voie publique ou privée52.

La qualification de ces actes en tant qu’actes terroristes n’est pas le fruit


du hasard puisque la destruction ou l’utilisation d’explosif est considérée
par le législateur comme des circonstances aggravantes à cause de
l’intention de l’auteur de porter atteinte à des biens appartenant à des
personnes privés ou même appartenant à l’Etat dans le but de semer la
terreur ou encore provoquer un état d’alerte.

• Le détournement, la dégradation d'aéronefs ou des navires et des


moyens de communication

En ce temps contemporain et suite à la mondialisation, le transport aérien


et maritime constitue un axe majeur du développement économique et
humain puisque ces deux moyens importants lient le monde entier et sont
considérés comme indispensables pour le transport de marchandises, ainsi
que des personnes.

50
Article 580 du code pénal : « Quiconque met volontairement le feu à des bâtiments, logements, loges,
tentes, cabines même mobiles, navires, bateaux, magasins, chantiers, quand ils sont habités ou servent à
l'habitation et généralement aux lieux habités ou servant à l'habitation, qu'ils appartiennent ou
n'appartiennent pas à l'auteur du crime, est puni de mort. Est puni de la même peine quiconque
volontairement met le feu, soit à des véhicules, aéronefs ou wagons contenant des personnes, soit à des
wagons ne contenant pas de personnes mais faisant partie d'un convoi qui en contient.»
51
Article 586 du code pénal : « Quiconque détruit volontairement ou tente de détruire, par l'effet d'une mine
ou de toutes autres substances explosives, des voies publiques ou privées, des digues, barrages ou chaussées,
des ponts, des installations portuaires ou industrielles, est puni de la réclusion de vingt à trente ans.»
52
Article 587 du code pénal : « Quiconque dépose volontairement un engin explosif sur une voie publique ou
privée, est puni de la réclusion de vingt à trente ans.»

22
Cela dit, ces moyens ne sont pas immuns aux attaques terroristes que ce
soit au niveau des aéronefs ou des navires. Ils peuvent être dégradés
même détournés par des terroristes et malheureusement le monde en
était témoin de drames pareils tant de fois. Cependant, avant de traiter la
législation Marocain, il serait crucial de mentionner les différentes
conventions mises en place pour combattre et éviter la prise d’otages
aérien dont la convention de Tokyo signée en 1963, l’accord de Montréal
de 1971 concernant les actes de dégradation contre la sécurité de
l’aviation civile, et le protocole de Montréal de 1988 concernant la
répression des actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile.

Quant aux conventions mises en place pour la protection des navires, on


cite la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la
navigation maritime conclue à Rome en 1988 et finalement le protocole de
2005 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation
maritime.

Quant à la législation Marocaine, le législateur a qualifié ces actes comme


étant terroriste dans l’alinéa 4 de l’Article 218-1 53 du code pénal. Ainsi,
l’Article 607 bis dans son premier alinéa dispose que « Quiconque se
trouvant à bord d'un aéronef en vol, s'empare de cet aéronef ou en exerce
le contrôle, par violence ou par tout autre moyen, est puni de la réclusion
de dix à vingt ans. ».Quant à son deuxième alinéa, il dispose que
« Quiconque volontairement exerce des menaces ou des violences à
l'encontre du personnel navigant se trouvant à bord d'un aéronef en vol,
en vue de le détourner ou d'en compromettre la sécurité, est puni de la
réclusion de cinq à dix ans ».

D’un autre côté, l’Article 607 dans son alinéa 7 a traité la destruction ou
l’endommagement des installations ou services de la navigation aérienne
ou en perturbe le fonctionnement ou communique une information qu'il

53
Article 218-1 Al.4 du code pénal : « le détournement, la dégradation d'aéronefs ou des navires ou de tout
autre moyen de transport, la dégradation des installations de navigation aérienne, maritime et terrestre et la
destruction, la dégradation ou la détérioration des moyens de communication.»

23
sait fausse, dans le but de compromettre cette sécurité 54 . Quant aux
attentats contre les moyens de transport maritime, le Législateur a
consacré les Articles 580 et 581 que nous avons déjà traités dans les
actes de destruction, dégradation et détérioration.

Parallèlement, le législateur a considéré la dégradation ou la détérioration


des moyens de communication comme des actes terroristes dans le 4éme
alinéa de l’Article 218-1 du code pénal. Ces actes sont précisés non par le
code pénal mais par la Loi 24-96 relative à la poste et aux
télécommunications dans son 5ème titre dédié aux infractions et sanctions
pénales.

Ainsi, ces infractions peuvent prendre plusieurs formes comme la


destruction ou la dégradation volontaire des appareils de
télécommunication 55 ou encore la rupture volontaire d’un câble sous-
marin ou lui aura causé ou tenté de lui causer des détériorations de nature
à interrompre en tout ou en partie les télécommunications56.

➢ Les infractions contre l’ordre et la sécurité publique

Le sentiment de sécurité est crucial chez les citoyens de chaque société et


garantir l’ordre et la sécurité publique représente l’une des obligations
majeures de l’Etat, c’est pour cela que ce dernier à travers ses
nombreuses prérogatives et ses ressources humaines ainsi que son
arsenal juridique assure à ce que la paix publique soit garantie et à ce que
toute atteinte visant à l’ébranler soit réprimée. Or l’atteinte à l’ordre public
est unique à chaque société car chaque société se dote de différents

54
Article 607 Al.7 du code pénal : « communique une information qu'il sait fausse, dans le but de
compromettre cette sécurité.»
55
Article 83 Alinéa 6 de la Loi 24-96 relative à la poste et aux télécommunications : « Sera puni d'un
emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de 10.000 à 200.000 dirhams quiconque aura par la
rupture des fils ou des câbles, par la destruction ou la dégradation des appareils ou par tout autre moyen,
volontairement causé l'interruption des télécommunications.»
56
Article 83 Alinéa 7 de la Loi 24-96 relative à la poste et aux télécommunications : « Sera puni d'un
emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de 10.000 à 200.000 dirhams quiconque aura dans les
eaux territoriales ou sur le plateau continental contigu au territoire du Royaume du Maroc, rompu
volontairement un câble sous-marin ou lui aura causé ou tenté de lui causer des détériorations de nature à
interrompre en tout ou en partie les télécommunications.»

24
principes et valeurs, et dans l’absence d’une délimitation par un texte
juridique c’est le pouvoir discrétionnaire de la justice qui donne la
qualification à ce qui est considéré comme atteinte à l’ordre public et à sa
sécurité.

Toujours en parlant des infractions terroristes, le législateur a qualifié


plusieurs actes et infractions comme étant portant atteinte à l’ordre et à la
sécurité publique. Parmi ces infractions on trouve la constitution d'une
association de malfaiteurs 57 qui est considérée comme une infraction
terroriste selon l’Alinéa 9 de l’Article 218-1 du code pénal, de plus cette
infraction est réalisée du moment qu’il ya un ou plusieurs actes
préparatoires dans le but de réaliser un acte terroriste.

De ce fait, ce qu’on peut constater c’est que peu importe si le plan initial
des auteurs a atteint le stage de concrétisation ou pas, ils seront punis par
les dispositions de l’article 294 58 dans le cas de l’appartenance de
l’individu à cette bande ou s’il a la qualité du commandant ou dirigeant. Il
en est aussi pour la fourniture des armes, munitions ou instruments de
crime ou de contributions pécuniaires, des moyens de subsistance, de
correspondance ou de transport, ou encore un lieu de réunion, de
logement ou qui l’aide à disposer du produit de leurs méfaits, ou de leur
porter assistance de toute autre manière59.

On trouve aussi plusieurs types d’infractions qui rentrent dans la phase de


complicité notamment la non-révélation d'infractions terroristes 60 , le

57
Article 293 du code pénal : « Toute association ou entente, quels que soient sa durée et le nombre de ses
membres, formée ou établie dans le but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les
propriétés, constitue le crime d'association de malfaiteurs qui existe par le seul fait de la résolution d'agir
arrêtée en commun.»
58
Article 294 du code pénal : « Est puni de la réclusion de cinq à dix ans, tout individu faisant partie de
l'association ou entente définie à l'article précédent. La réclusion est de dix à vingt ans pour les dirigeants de
l'association ou de l'entente ou pour ceux qui y ont exercé un commandement quelconque. »
59
Article 218-6 du code pénal : « Hors les cas de complicité prévus à l'article 129, est puni de la réclusion de
cinq à dix ans, quiconque, sciemment et volontairement, fournit aux membres de l'association ou de l'entente,
soit des armes, munitions ou instruments de crime, soit des contributions pécuniaires, des moyens de
subsistance, de correspondance ou de transport, soit un lieu de réunion, de logement ou de retraite ou qui les
aide à disposer du produit de leurs méfaits, ou qui, de toute autre manière, leur porte assistance »
60
Article 218-8 du code pénal : « Est coupable de non-révélation d'infractions de terrorisme et punie de la
réclusion de cinq à dix ans, toute personne qui, ayant connaissance de projets ou d'actes tendant à la

25
financement du terrorisme ou la collecte ou la gestion de fonds destinés
au terrorisme61, ainsi que le recel du produit d’une infraction terroriste62
puisque ce dernier est constitué comme un acte de complicité dans la
mesure où le but est d’aider les auteurs à faire disparaître un élément
matériel utilisé pour la consommation de l’infraction dans le but de
brouiller les pistes et d’obstruer une enquête judiciaire et garantir leur
impunité.

D’un côté, l’apologie d'actes de terrorisme63 constitue aussi une infraction


qui touche à l’ordre et à la paix publique dans un sens où approuver et
inciter publiquement des actes de terrorisme par un individu signifie que
la personne a une intention de nuire à la stabilité et au sentiment de
sécurité, et à titre d’exemple, on cite le cas d’un enseignant de 26 ans
résidant dans la ville de Ksar El Kebir qui a été arrêté au début août 2017
pour incitation à des actes terroristes à l'égard des bénévoles belges qui
se trouvaient dans un village près de Taroudant64.

D’un autre côté, sont considérés comme des infractions terroristes le fait
de rejoindre ou tenter de rejoindre individuellement ou collectivement des
entités, organisations, bandes ou groupes, terroristes, quel que soit leur
forme, leur objet ou de recevoir ou de tenter de recevoir un entraînement
ou une formation en vue de commettre un acte de terrorisme ou le fait

perpétration de faits constituant des infractions de terrorisme, n'en fait pas, dès le moment où elle les a
connus, la déclaration aux autorités judiciaires, de sécurité, administratives ou militaires. Toutefois, la
juridiction peut, dans le cas prévu au premier alinéa du présent article, exempter de la peine encourue les
parents ou alliés jusqu'au quatrième degré, inclusivement, de l'auteur, du coauteur ou du complice d'une
infraction de terrorisme. Lorsqu'il s'agit d'une personne morale, la peine est l'amende de 100.000 à 1.000.000
de dirhams.»
61
Article 218-4 Alinéa 1 du code pénal : « Constituent des actes de terrorisme les infractions ci-après : - le fait
de fournir, de réunir ou de gérer par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, des fonds, des
valeurs ou des biens dans l'intention de les voir utiliser ou en sachant qu'ils seront utilisés, en tout ou en partie,
en vue de commettre un acte de terrorisme, indépendamment de la survenance d'un tel acte.»
62
Article 218-1 Alinéa 10 : « le recel sciemment du produit d'une infraction de terrorisme.»
63
Article 218-2 du code pénal : « Est puni d'un emprisonnement de 2 à 6 ans et d'une amende de 10.000 à
200.000 dirhams, quiconque fait l'apologie d'actes constituant des infractions de terrorisme, par les discours,
cris ou menaces proférés dans les lieux ou les réunions publics ou par des écrits, des imprimés vendus,
distribués ou mis en vente ou exposés dans les lieux ou réunions publics soit par des affiches exposées au
regard du public par les différents moyens d'information audio-visuels et électroniques.»
64
http://www.leparisien.fr/faits-divers/maroc-la-belgique-rapatrie-des-benevoles-menacees-de-mort-pour-
avoir-porte-des-shorts-09-08-2019-8131269.php, consulté le 28/11/2019 à 03h07.

26
d'enrôler, d'entraîner ou de former ou de tenter de faire à une ou
plusieurs personnes65, ou encore l’incitation ou la persuasion ou provoquer
autrui à commettre à un acte terroriste66.

Ainsi, ce qu’on peut constater c’est que le législateur sanctionne l’initiateur


de l’attentat par les mêmes peines prévues à l’infraction commise par la
personne ayant été victime du lavage de cerveau. Cette approche est
intéressante dans le sens où la personne ayant été persuadée est soit
naïve soit faible d’esprit soit mineure ou encore elle a une faible estime de
soi ou en manque d’instruction religieuse ou à des doutes sur sa
conviction religieuse et se fait séduire par le sens de fraternité et
d’appartenance offert par l’initiative personnelle du manipulateur ou du
groupe terroriste dont il représente ou dont il est affilié.

Tout en restant dans les infractions contre l’ordre et la sécurité publique


se trouve l’atteinte aux systèmes de traitement automatisé des données
qui se révèle d’une grande importance surtout qu’on vit dans une ère où
la technologie joue un rôle critique dans la vie humaine, ainsi on parle
plus d’un terrorisme à la conception classique mais d’un “cyber
terrorisme“ ou encore d’un “jihad électronique“, ces actes sont souvent
motivés par des raisons politiques ou même des raisons purement
pécuniaires.

De son côté, le Législateur Marocain a considéré ces actes comme étant


des actes terroristes dans l’alinéa 7 de l’Article 218-1 puisque ces

65
Article 218-1-1 du code pénal : « Constituent des infractions de terrorisme les actes suivantes : le fait de se
rallier ou de tenter de se rallier individuellement ou collectivement, dans un cadre organisé ou non, à des
entités, organisations, bandes ou groupes, terroristes, quel que soit leur forme, leur objet, ou le lieu où ils se
trouvent situés, même si les actes terroristes ne visent pas à porter préjudice au Royaume du Maroc ou à ses
intérêts ; le fait de recevoir ou de tenter de recevoir un entraînement ou une formation quelle qu'en soit la
forme, la nature ou la durée à l'intérieur ou à l'extérieur du territoire du Royaume du Maroc, en vue de
commettre un acte de terrorisme à l'intérieur ou à l'extérieur du Royaume, indépendamment de la survenance
d'un tel acte ; le fait d'enrôler, d'entraîner ou de former ou de tenter d'enrôler, d'entraîner ou de former une
ou plusieurs personnes, en vue de leur ralliement à des entités, organisations, bandes ou groupes, terroristes à
l'intérieur ou à l'extérieur du territoire du Royaume du Maroc. Les actes précités sont punis de la réclusion de
cinq à quinze ans et d’une amende de 50.000 à 500.000 dirhams.»
66
Article 218-5 du code pénal : « Quiconque, par quelque moyen que ce soit, persuade, incite ou provoque
autrui à commettre l'une des infractions prévues par le présent chapitre, est passible des peines prescrites
pour cette infraction.»

27
infractions portent atteinte à la sécurité interne du Royaume dans la
mesure où les attaques visent des bases de données contenant des
informations et documents sensibles concernant la sûreté de l’Etat ou des
secrets d’Etat ou de la défense nationale ou encore l’économie nationale 67
que soit par le fait d’accéder de manière frauduleuse dans tout ou partie
d’un système de traitement automatisé de données68 et s’ajoute aussi la
suppression totale ou partielle ou la modification de ces données ou
l’altération du fonctionnement du système69.

Sans pour autant négliger les actes de complicité dont la fabrication,


l’acquisition, la détention, la cession, l’offre ou la mise à disposition
d’équipements, instruments, programmes informatiques ou toutes
données, conçus ou spécialement adaptés pour commettre les
infractions70.

De plus, le faux ou la falsification de documents informatisés de nature à


causer un préjudice à autrui ou l’usage délibéré de ces documents
informatisés sont aussi réprimés par le code pénal71.

67
Article 607-4 du code pénal : « Sans préjudice de dispositions pénales plus sévères, est puni de six mois à
deux ans d'emprisonnement et de 10.000 à 100.000 dirhams d'amende quiconque commet les actes prévus à
l'article précédent contre tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données supposé contenir
des informations relatives à la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat ou des secrets concernant l'économie
nationale. Sans préjudice de dispositions pénales plus sévères, la peine est portée de deux ans à cinq ans
d'emprisonnement et de 100.000 à 200.000.»
68
Article 607-3 du code pénal : « Le fait d'accéder, frauduleusement, dans tout ou partie d'un système de
traitement automatisé de données est puni d'un mois à trois mois d'emprisonnement et de 2.000 à 10.000
dirhams d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement. Est passible de la même peine toute personne
qui se maintient dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données auquel elle a accédé
par erreur et alors qu'elle n'en a pas le droit. »
69
Article 607-3 Alinéa 2 du code pénal : « La peine est portée au double lorsqu'il en est résulté soit la
suppression ou la modification de données contenues dans le système de traitement automatisé de données,
soit une altération du fonctionnement de ce système.»
70
Article 607-10 du code pénal : « Est puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de
50.000 à 2.000.000 de dirhams le fait, pour toute personne, de fabriquer, d'acquérir, de détenir, de céder,
d'offrir ou de mettre à disposition des équipements, instruments, programmes informatiques ou toutes
données, conçus ou spécialement adaptés pour commettre les infractions prévues au présent chapitre. »
71
Article 607-7 du code pénal : « Sans préjudice de dispositions pénales plus sévères, le faux ou la falsification
de documents informatisés, quelle que soit leur forme, de nature à causer un préjudice à autrui, est puni d'un
emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 10.000 à 1.000.000 de dirhams. Sans préjudice de
dispositions pénales plus sévères, la même peine est applicable à quiconque fait sciemment usage des
documents.»

28
Cependant une particularité se dévoile au niveau de la sanction dans le
sens où la tentative de ces infractions est réprimée comme une infraction
consommée 72 , chose qui nous pousse à comprendre la vision du
législateur et sa préoccupation face à la gravité de ces actes. Toutefois,
l’atteinte à l’ordre public ne se résume pas seulement au niveau de la
sécurité mais aussi à un niveau économique et à l’égard de la confiance
publique. Parmi ces infractions se trouve la falsification ou l’altération des
permis, certificats, livrets, cartes, bulletins, récépissés, passeports, ordres
de mission, feuilles de route, laissez-passer ou autres documents délivrés
par des administrations publiques en vue de constater un droit, une
identité ou une qualité, ou d'accorder une autorisation ou encore faire
usage sciemment de ces documents ou qui a fait usage de ces documents
73, on trouve aussi le fait tenter ou de se faire délivrer illégitimement un
des documents cités en haut 74 et l’omission d’inscription d’un client qui
séjourne chez un logeur ou aubergiste ou encore l’inscription délibérée
d’un faux nom dans le registre de clients75.

72
Article 607-8 du code pénal : « La tentative des délits prévus par les articles 607-3 à 607-7 ci-dessus et par
l'article 607-10 ci-après est punie des mêmes peines que le délit lui-même.»
73
Article 360 du code pénal : « Quiconque contrefait, falsifie ou altère les permis, certificats, livrets, cartes,
bulletins, récépissés, passeports, ordres de mission, feuilles de route, laissez-passer ou autres documents
délivrés par les administrations publiques en vue de constater un droit, une identité ou une qualité, ou
d'accorder une autorisation, est puni de l'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 200125
à 1.500 dirhams. Le coupable peut, en outre, être frappé de l'interdiction de l'un ou plusieurs des droits
mentionnés à l'article 40 pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. La tentative est punie comme le délit
consommé. Les mêmes peines sont appliquées : 1° A celui qui, sciemment, fait usage desdits documents
contrefaits, falsifiés ou altérés ; 2° A celui qui fait usage d'un des documents visés à l'alinéa premier, sachant
que les mentions qui y figurent sont devenues incomplètes ou inexactes.»
74
Article 361 Alinéa 1 du code pénal : « Quiconque se fait délivrer indûment ou tente de se faire délivrer
indûment un des documents désignés à l'article précédent, soit en faisant de fausses déclarations, soit en
prenant un faux nom ou une fausse qualité, soit en fournissant de faux renseignements, certificats ou
attestations, est puni de l'emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 200126 à 300
dirhams.»
75
Article 362 du code pénal : « Les logeurs et aubergistes qui, sciemment, inscrivent sur leurs registres sous des
noms faux ou supposés les personnes logées chez eux ou qui, de connivence avec elles, omettent de les
inscrire, sont punis de l'emprisonnement d'un à six mois et d'une amende de 200127 à 500 dirhams ou de l'une
de ces deux peines seulement. Ils sont, en outre, civilement responsables des restitutions, indemnités et frais
alloués aux victimes de crimes ou délits commis pendant leur séjour, par les personnes ainsi logées chez eux.»

29
B. Les sanctions prévues aux infractions terroristes

L’idée de sanction repose sur l’idée de réalisation d’un équilibre entre le


droit et le pouvoir de l’Etat de sanctionner les transgressions et du
principe constitutionnel qui concerne la valorisation des droits et libertés,
ainsi il serait impératif d’établir et de respecter une certaine
proportionnalité entre l’infraction et la peine envisagée puisque le but
initial de la sanction est la réhabilitation de la personne et la réinsertion de
ce dernier dans la société et non pas d’appliquer la loi du talion76.

Ainsi le Législateur a pris une position sur l’aggravation de la sanction si


l’infraction commise est qualifiée comme une infraction terroriste, mais là
on ne parle pas de circonstances aggravantes mais plutôt d’une
aggravation de la peine du moment que l’infraction est considérée comme
terroriste comme pour le cas de la peine capitale lorsque la peine prévue
est la réclusion perpétuelle ou encore la réclusion perpétuelle lorsque le
maximum de la peine prévue est de 30 ans de réclusion77. Par suite, nous
allons citer les peines prévues par le législateur et qui se divisent en 2 :
les peines principales et les peines accessoires.

➢ Les peines principales

Elles se composent de la peine de mort, les peines privatives de liberté,


l’assignation d’un lieu résidence ou d’un périmètre déterminé et de la
dégradation civique.

76
Principe de Loi de représailles se trouvant dans le code de Hammourabi qui incite à appliquer une punition
équivalente au dommage et malheur causé par un individu à cause d’un crime commis par lui, elle est souvent
symbolisée par l’expression « œil pour œil, dent pour dent.»
77
Article 218-7 du code pénal : « Le maximum des peines prévues pour les infractions visées à l'article 218-1 ci-
dessus, est relevé comme suit, lorsque les faits commis constituent des infractions de terrorisme :
- la mort lorsque la peine prévue est la réclusion perpétuelle
- la réclusion perpétuelle lorsque le maximum de la peine prévue est de 30 ans de réclusion
- le maximum des peines privatives de liberté est relevé au double, sans dépasser trente ans lorsque la peine
prévue est la réclusion ou l'emprisonnement
- lorsque la peine prévue est une amende, le maximum de la peine est multiplié par cent sans être inférieur à
100.000 dirhams
- lorsque l'auteur est une personne morale, la dissolution de la personne morale ainsi que les deux mesures de
sûreté prévues à l'article 62 du code pénal doivent être prononcées sous réserve des droits d'autrui.»

30
• La peine de mort

Malgré la ratification du plusieurs conventions internationales relatives au


droit de l’homme et l’abolition de la peine de mort78, le Législateur par le
biais de la Loi 03.03 a gardé la peine de mort parmi les sanctions édictées
en cas de certaines infractions terroristes et le corps de justice l’ordonne
encore.

Cependant, la dernière décision de justice qui comporte la peine de mort


qui fût appliquée remonte à septembre 1993 et a concerné l’auteur du
fameux scandale du « haj tabit »79. Mais la vraie question qui se pose est
pourquoi la peine de mort n’est toujours pas abolie ? La réponse est
simple puisque le Législateur estime que la dangerosité que représente le
terrorisme nécessite une sanction proportionnelle à l’acte.

Or la justice condamne continuellement les auteurs d’actes terroristes par


la peine de mort, dont on cite récemment la condamnation des 3 auteurs
du meurtre des deux touristes scandinaves dans un village du haut d’Atlas
à 80 kilomètres de la ville de Marrakech 80 mais au même temps elle
n’exécute pas ces décisions et se contente de placer ces accusés dans des
pavillons désignés à ce type de condamnés dans les différentes
institutions pénitentiaires.

• Les peines privatives de liberté

Ces peines sont classées sous 2 catégories : la première est la peine de


réclusion qui est considérée comme une sanction pénale utilisée par le
code pénal dans sa lutte contre le terrorisme et elle est soit perpétuelle ou
partielle qui peut aller de 5 à 30 ans, quant à la deuxième, c’est la peine
d’emprisonnement qui est de 1 mois à 5 ans.

78
A titre d’exemple on cite le 2éme protocole du pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté
à New York le 15 décembre 1989
79
Mohammed Mustafa Tabit, Ex-chef de renseignements généraux auprès de la sûreté nationale qui a été
accusé d’avoir violé plus de 500 femmes.
80
https://www.lepoint.fr/monde/scandinaves-assassinees-au-maroc-les-derniers-mots-des-accuses-18-07-
2019-2325326_24.php, consulté le 29/11/2019 à 01h59.

31
Ainsi cette peine est purgée dans une institution pénitentiaire sous haute
surveillance par des agents faisant partie de la direction pénitentiaire.
Mais une particularité se révèle pertinente au niveau de la désignation de
prisons qui accueillent les détenus accusés de terrorisme, parmi elles se
trouvent la prison de Ain-Sbaâ 1 qui se trouve à Casablanca ou encore la
prison de salé.

• Les peines pécuniaires

Cette peine prend la forme d’une amende à payer suite à une décision de
justice émise à l’encontre de l’accusé l’obligeant à payer une somme
d’argent au profit de la trésorerie générale. De ce fait, lorsque le
Législateur a pris la voie d’aggravation de la peine prisonnière en cas
d’infraction terroriste, il n’a pas pour autant négligé l’aggravation des
autres sanctions en cette matière et la peine pécuniaire ne fait pas
l’exception de sa politique d’aggravation de sanctions dans sa lutte anti-
terroriste puisque le minimum du montant de l’amende en cas de peine
d’emprisonnement est fixé à 10.000 dh, et entre 500.000 à 2.000.000 de
dirhams en ce qui concerne les peines de réclusion et jusqu’à 5.000.000
de dirhams lorsque ça concerne une personne morale.

• L’assignation d’un lieu de résidence ou d’un périmètre déterminé

Cette peine consiste dans le fait d’assigner un lieu de résidence à ne pas


quitter ou d’un périmètre déterminé à ne pas franchir sans autorisation
pendant une certaine durée qui ne peut pas dépasser10 ans en cas
d’infraction terroriste81.

Cependant la durée de l’assignation du lieu de résidence ou d’un périmètre


déterminé est comptée à partir de la date d’achèvement de la peine
principale, et ce sont les services de police qui s’occupe de la surveillance

81
Article 70 Alinéa 2 du code pénal : « Lorsque l'acte commis constitue une infraction de terrorisme, la
juridiction peut assigner au condamné un lieu de résidence tel que prévu au premier alinéa ci-dessus dont il ne
pourra s'éloigner sans autorisation pendant la durée fixée dans le jugement sans toutefois dépasser dix ans.»

32
et qui veille au respect de cette peine par l’individu et qui soumet
l’autorisation afin de sortir du périmètre déterminé.

La finalité de cette peine est d’empêcher à ce que l’individu nuise à son


entourage ou à l’ordre social généralement parlant à cause de la
dangerosité qu’il représente.

• La dégradation civique

Aussi qualifiée de mort civile, cette peine consiste en la dégradation totale


ou partielle, temporaire ou permanente des droits civiques telles que la
nationalité, le droit de vote ou encore le droit d’exercer une ou plusieurs
fonctions.

Cette peine peut être prononcée en cas d’infractions terroristes et en cas


de crimes contre la sûreté de l’Etat comme l’espionnage ou la
vente/communication d’informations sensibles ou confidentielles à un
tiers. Il est aussi important à souligner qu’elle peut être prononcée comme
peine principale ou peine complémentaire.

➢ Les peines accessoires

La peine accessoire est la deuxième sanction suivant la sanction principale


qui découle de la condamnation d’une infraction. Elles peuvent revêtir
plusieurs formes notamment : la dégradation civique, La perte ou la
suspension du droit aux pensions servies par l'Etat et les établissements
publics, la privation d’accès à certaines fonctions, la saisie des biens
appartenant au condamné, la dissolution de la personne juridique ou
encore la publication de la décision de la condamnation.

Or cette peine ne peut être prononcée seule et elle a lieu qu’en cas
d’existence de peine principale, d’ailleurs en matière de terrorisme,
certaines peines accessoires sont liées aux peines principales de manière
impérative comme la saisie des biens appartenant au condamné ou qui
sont considérés comme le fruit de l’infraction ou ayant servi ou allaient

33
servir à la commission de l’infraction, ou encore la publication de la
décision de la condamnation.

Section 2 : Les directives de la règle de procédure pénale

Chaque Etat se dote d’un corps de justice et d’un corps sécuritaire mis en
place pour la prévention et la sanction des infractions et cela est achevé
par la voie d’une procédure rigoureuse de poursuite et d’enquête. Au
Maroc, le premier code de procédure pénale remonte à 1959, quant à la
dernière modification, elle a eu lieu le 28 mai 2019 par la Loi 32.18
modifiant et complétant la Loi 22.01 relative à la procédure pénale.

Cependant, la procédure pénale en matière d’infractions terroristes revêt


plusieurs aspects différents par rapport aux infractions de droit commun
étant donné de la dangerosité de l’infraction terroriste ainsi que l’auteur
de l’infraction. Partant de cette spécificité, nous allons analyser les
procédures d’enquête préliminaire et de l’instruction préparatoire ainsi que
les garanties et les droits de l’inculpé avant et pendant le procès mis en
place par la Législation Marocaine.

A. La procédure de l’enquête préliminaire

En matière de lutte anti-terroriste, la procédure pénale a subi plusieurs


changements et d’adaptions et s’est vu ajouter plusieurs règles et
procédures dérogatoires par rapport aux règles et procédures ordinaires
mises en place pour les infractions ordinaires. De ce fait, nous allons
traiter la spécificité des règles en ce qui concerne l’enquête préliminaire.

Selon l’Article 7882 du code de procédure pénale, la police judiciaire peut


soit d’office soit sur ordre du parquet entamer une enquête préliminaire
afin d’éviter la commission hypothétique d’une infraction et dans ce cas là

82
Article 78 du code de la procédure pénale : « Les officiers de la police judiciaire procèdent à des enquêtes
préliminaires, soit sur les instructions du ministère public, soit d’office. Ces opérations sont dirigées par le
procureur général du Roi chacun en ce qui le concerne.»

34
d’une infraction terroriste lorsque cette infraction est soit un crime ou un
délit puni d’emprisonnement.

Or, cette enquête repose sur un aspect préventif dans le sens où on parle
d’une enquête d’anticipation dans le but de s’assurer si la plainte ou la
dénonciation permettra à atteindre un résultat tangible qui n’est rien
d’autre que d’éviter que l’infraction atteigne le stage de la concrétisation
surtout lorsqu’on parle d’infractions en matière de terrorisme. De ce fait,
le Royaume est vivement salué par plusieurs pays de l’Union
Européenne 83 grâce à son effectivité dans le démantèlement de cellules
terroristes et par conséquent éviter à ce que des attentats aient lieu sur
son territoire et sur les territoires des pays dits amis.

D’ailleurs, en matière de lutte anti-terroriste, les enquêtes préliminaires se


révèlent très utiles pour éviter à ce que des attentats aient lieupuisque
l’information communiquée par les services de renseignements nationales
ou internationales84 ou encore les dénonciations par le biais d’informateurs
ou par un simple citoyen lorsque ce dernier constate des activités
suspectes ou des personnes se comportant de manières loin d’être
ordinaires, chose qui aboutit très souvent à des résultats favorables
comme pour le cas d’une affaire traitée par le BCIJ qui a fait la une des
médias et c’est le démantèlement d’une cellule terroriste affiliée au groupe
nommé « L’Etat Islamique » qui avait pour but de commettre des
attentats terroristes au royaume.

Ce qui a permis, par la suite, à une saisie d’un lot d’armes à feu, d’armes
blanches de grande taille, des épées, des sacs en plastique de grande
taille contenant des produits chimiques suspects pouvant entrer dans la

83
https://www.lepetitjournalmarocain.com/2019/12/06/lutte-antiterroriste-lunion-europeenne-veut-en-
apprendre-davantage-du-maroc/?fbclid=IwAR3p6q1plSxlEqrankijxDzJZHnz0HnHUEYGyS4GCsjWkk-
Pzr3KsdLCjLY, consulté le 07/12/2019 à 14h08.
84
A titre d’exemple on cite l’Interpol « The International Criminal Police Organization », organisation policière
internationale qui se constitue de 194 Etats membres qui a été fondée en 1923 et ayant son quartier général à
Lyon.

35
confection des explosifs 85 . Ainsi, l’enquête préliminaire donne plusieurs
prérogatives à la police judiciaire notamment : la garde à vue, la
perquisition, l’interception des écoutes téléphoniques.

Tout d’abord il serait crucial de citer le cadre juridique de chacun de ces


pouvoirs accordés avant de citer leur importance au cours d’une enquête
préliminaire.

Ainsi, nous allons commencer par la garde à vue qui est définie comme
une mesure de privation de liberté prise à l'encontre d'un suspect lors
d'une enquête judiciaire86 et chaque personne arrêtée ou placée en garde
à vue doit impérativement être informée immédiatement par l’officier de
police judiciaire dans une langue qu’elle comprend, des motifs de son
arrestation et de ses droits dont celui de garder le silence87.

Cette prérogative même est réglementée par l’Article 80 du code de


procédure pénal qui dispose: « En cas de crime ou de délit puni d’une
peine d’emprisonnement, lorsque les nécessités de l’enquête préliminaire,
l’officier de la police judiciaire est amené à retenir une personne à sa
disposition, il peut la placer en garde à vue pour une durée n’excédant pas
quarante-huit heures sur autorisation du ministère public. La personne
gardée à vue doit être obligatoirement conduite avant l’expiration ce délai
devant le procureur du Roi ou le procureur général du Roi. Après audition
de la personne qui lui est amenée, le procureur du Roi ou le procureur
général du Roi peut accorder l’autorisation écrite de prolonger la garde à
vue d’un nouveau délai pour une seule fois de vingt-quatre heures. »

Cependant, les dispositions susmentionnées comportent un aspect de


temps puisque la durée de la garde à vue en ce qui concerne les
infractions de droits communs est fixée à 48 heures qui peut être
prolongée une seule fois de 24 heures sous autorisation du parquet. Mais

85
https://www.h24info.ma/maroc/demantelement-dune-cellule-terroriste-les-details-du-ministre-linterieur/,
consulté le 07/12/2019 à 14h11.
86
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14837, consulté le 10/12/2019 à 19h47.
87
Article 66 Al.2 du code de procédure pénale.

36
quand est-il concernant les infractions de nature terroriste ? puisque la
gravité d’une infraction terroriste est loin voire très loin d’être comparable
à la gravité d’une infraction de droit commun, le Législateur Marocain créé
une durée dérogatoire qui est précisée dans le 4ème Alinéa du même
Article et qui dispose : « Lorsqu’il s’agit d’une infraction de terrorisme, la
durée de la garde à vue est de quatre-vingt-seize heures renouvelable
deux fois pour une durée de quatre-vingt-seize heures chaque fois sur
autorisation écrite du ministère public » Ainsi, La durée de la garde à vue
en matière d’infractions terroristes est initialement prévue à 96 heures
mais qui peut être prolongée deux fois de 96 heures sous autorisation du
parquet ce qui donne un total de 288 heures soit 12 jours de détention en
cas de deux prolongations.

Parallèlement, pendant la garde à vue la personne concernée a le droit de


s’entretenir avec un avocat et de bénéficier de son assistance en cas de
prolongation de la garde à vue pour une durée n’excédant pas 30
minutes88 et il est libre soit de designer un avocat soit de demander sa
désignation dans le cadre de l’assistance judiciaire89.

Cet entretien se fait sur autorisation du ministère public à partir de la


première heure de prolongation de la garde à vue pour une durée
n’excédant pas trente minutes sous le contrôle de l’officier de police
judiciaire dans des conditions qui garantissent la confidentialité de
l’entretien90 et cet entretien se fait avant l’expiration de la durée principale
de la garde à vue91. D’ailleurs le ministère public peut différer l’entretien
avec l’avocat avec son client à la demande de l’officier de police judiciaire
sans que ce retard puisse excéder quarante-huit heures à compter de la
première prolongation si les nécessités de l’enquête l’exigent92.

88
Article 80 Al.6 du code de la procédure pénale.
89
Article 66 Al.6 du code de la procédure pénale.
90
Article 80 Al.7 du code de la procédure pénale.
91
Article 66 Al.9 du code de la procédure pénale.
92
Article 80 Al.10 du code de la procédure pénale.

37
Ensuite, la deuxième prérogative en matière d’enquête préliminaire est la
perquisition et saisie qui se traduit par une fouille policière d’un domicile
ou d’un local privé sur ordre judiciaire dans le but de récolter des
éléments pouvant servir à l’avancement de l’enquête, quant à la saisie,
c’est la prise de possession d’un ou plusieurs biens ayant servi ou
devaient servir à l’exécution d’une infraction de n’importe quelle manière.
Tout d’abord il serait crucial de citer que la constitution de 2011 dans son
Article 24 Alinéa 2 dispose que : « Le domicile est inviolable. Les
perquisitions ne peuvent intervenir que dans les conditions et les formes
prévues par la loi ».

Cependant, avant de traiter en détail cette prérogative une définition


s’impose et c’est celle du domicile puisque le code pénal Marocain dans
son Article 511 a donné une définition au domicile93. Mais une question se
pose : quels sont les conditions et formes prévues par la loi en matière de
perquisition ?

Tout d’abord, il est important de mentionner que cette procédure diffère


largement quant à la typologie de l’infraction. Pour expliquer cette
différence d’une manière simplifiée on va commencer par les heures de
perquisition, or dans le cas d’une infraction de droit commun l’Article 62
Alinéa 1 du code de la procédure pénale a fixé les heures des perquisitions
entre 6h du matin et 21h 94 . Mais dans le cas d’une infraction de
terrorisme, les perquisitions et visites domiciliaires peuvent avoir lieu, à
titre exceptionnel, avant six heures du matin et après neuf heures du soir
sur autorisation écrite du ministère public95. En revanche, La perquisition
est soumise à plusieurs conditions dont :

93
Article 511 du code pénal : « Est réputée maison habitée, tout bâtiment, logement, loge, tente, cabine même
mobile, qui, même sans être actuellement habité, est destiné à l'habitation et tout ce qui en dépend comme
cours, basses- cours, granges, écuries, édifices qui y sont enfermés, quel qu'en soit l'usage et quand même ils
auraient une clôture particulière dans la clôture ou enceinte générale.»
94
Article 62 Al.1 du code de procédure pénale : « Les perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être
commencées avant six heures du matin et après neuf heures du soir, sauf demande du chef de maison ou
appels venant de l’intérieur ou exceptions prévues par la loi. Mais les opérations commencées à l’heure légale
peuvent être prolongées sans arrêt. »
95
Article 62 Al.3 du code de la procédure pénale.

38
▪ Lorsque la perquisition est faite chez une personne soupçonnée
d’avoir participé à l’infraction, elle doit avoir lieu en sa présence
ou de son représentant. Si cette personne est dans l’impossibilité
d’assister à la perquisition, l’officier de police judiciaire a
l’obligation de requérir deux témoins pour assister à la
perquisition en dehors du personnel relevant de son autorité96.

▪ Lorsque la perquisition est faite chez un tiers susceptible de


détenir des pièces ou objets ayant un rapport avec les faits
incriminés, ce tiers doit être présent à cette opération de
perquisition ; en cas d’impossibilité il est procédé conformément
à l’alinéa précédent. Une femme requise par l’officier de police
judiciaire assiste, en tout état de cause, à cette perquisition faite
chez les femmes dans les endroits où elles se trouvent97.

▪ L’officier de police judiciaire peut appeler et entendre toute


personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits,
les objets ou documents saisis ; il peut la contraindre à
comparaître en cas de refus après autorisation du ministère
public98.

▪ Les procès-verbaux des opérations sont signés par les personnes


au domicile desquelles la perquisition a lieu ou par leurs
représentants ou les deux témoins ou mention faite au procès-
verbal de refus de signature, d’empreinte ou d’empêchement99.

D’un autre côté, la perquisition a pour but unique la saisie d’un ou


plusieurs biens ayant servi ou devaient servir à l’exécution d’une
infraction. Or cette récolte s’avère très importante dans le sens où elle
96
Article 60 Al.1 du code de la procédure pénale.
97
Article 60 Al.2 du code de la procédure pénale.
98
Article 60 Al.3 du code de la procédure pénale.
99
Article 60 Al.4 du code de la procédure pénale.

39
permet un avancement dans l’enquête et bien évidemment aboutir à la
condamnation des individus concernés par cette investigation. Ainsi, le
code de procédure pénale a fixé plusieurs modalités concernant la saisie
dont :

▪ L’inventorisation des objets et documents saisis, et par là le


législateur a précisé qu’ils doivent être clos et mis dans une
enveloppe ou récipient ou dans un sac et placés sous scellés par
L’officier de police judiciaire100.

▪ En cas de difficultés sur place relatives à l’inventorisation, l’officier


de police judiciaire les scelle provisoirement jusqu’à leur inventaire
et leur mise sous scellés définitifs101.

▪ Ces formalités sont effectuées en présence des personnes ayant


assisté à la perquisition et que les opérations accomplies par
l’officier de police judiciaire sont dressées dans un procès-verbal
par celui-ci102.

Toujours en restant dans le cadre de l’enquête préliminaire et des


prérogatives mises à disposition au cours de cette enquête, se trouve la
3ème et dernière prérogative qui se trouve dans le 5ème chapitre du code de
la procédure pénale intitulée « De l’interception des appels téléphoniques
et des communications effectués par les moyens de communication à
distance ».

Cependant, avant de traiter l’aspect pénal de la chose, il est important de


souligner que la constitution de 2011 a précisé dans son Article 24 Alinéa
2 que : « Les communications privées, sous quelque forme que ce soit,
sont secrètes. Seule la justice peut autoriser, dans les conditions et selon
les formes prévues par la loi, l’accès à leur contenu, leur divulgation totale

100
Article 59 Al.5 du code de la procédure pénale.
101
Article 59 Al.6 du code la procédure pénale.
102
Article 59 Al.7 du code de la procédure pénale.

40
ou partielle ou leur invocation à la charge de quiconque ». Ipso facto,
nous allons traiter ces conditions et formes susmentionnées relatives à
l’interception des appels téléphoniques et des communications.

Partant de ce point, il est important de souligner que l’interception est


normalement ordonnée au cours de l’instruction préparatoire par le juge
d’instruction par le biais d’une autorisation écrite103.

Cependant, elle peut aussi être utilisée au cours d’une enquête par une
ordonnance du procureur général du Roi lorsque l’infraction objet de
l’enquête porte atteinte à la sûreté de l’Etat notamment en matière de
terrorisme104 ou encore en cas d’extrême urgence notamment en cas de
crainte de disparition de moyens de preuve105.

D’ailleurs, le procureur général du Roi est tenu immédiatement d’aviser le


premier président de son ordonnance 106 et que ce dernier doit dans les
vingt quatre heures qui suivent rendre soit une décision de confirmation,
de réformation ou d’infirmation de l’ordonnance de procureur du Roi 107 et
que cette décision prise doit comporter tous les éléments d’identification
de l’appel téléphonique ou de la correspondance à intercepter, enregistrer
ou à en prendre copie ou à saisir et l’infraction qui en justifie le recours
ainsi que la durée de l’opération qui ne doit pas excéder quatre mois
renouvelable 1 fois108. Toutefois en cas d’opposition du premier président
vis-à-vis de l’ordonnance du procureur général du Roi, l’interception est

103
Article 108 Al. 1 et Al.2 du code la procédure pénale : « Est interdite l’interception des appels téléphoniques
ou les communications effectués par les moyens de communication effectués par les moyens de
communication à distance, de les enregistrer, d’en prendre copie ou de les saisir. Toutefois, le juge
d’instruction peut, si les nécessités de l’information l’exigent, prescrire par écrit l’interception des appels
téléphoniques et de toute communication effectués par les moyens de communication à distance, les
enregistrer et d’en prendre copie ou de les saisir.»
104
Article 108 Al.3 du code de la procédure pénale.
105
Article 108 Al.4 du code de la procédure pénale.
106
Article 108 Al.5 du code de la procédure pénale.
107
Article 108 Al.6 du code de la procédure pénale.
108
Article 109 du code de la procédure pénale.

41
immédiatement suspendue 109 et cette décision n’est susceptible d’aucun
recours110.

B. La procédure de l’instruction préparatoire

L’instruction préparatoire est une phase dans laquelle le juge d’instruction


approfondi ses investigations après qu’il soit saisi par un réquisitoire du
ministère public ou par une plainte avec constitution de la partie civile 111.

Ainsi le juge d’instruction est un officier suprême de la police judiciaire112,


ce qui lui permet de se doter de plusieurs prérogatives en ce qui concerne
l’instruction préparatoire. Néanmoins, L’instruction préparatoire est
obligatoire pour les crimes lorsque la peine édictée est la peine de mort, la
réclusion perpétuelle ou lorsque la peine maximale prévue est de trente
ans de réclusion ; pour les crimes commis par les mineurs ; pour les délits
en vertu d’une disposition spéciale de la loi113.

Ainsi, les pouvoirs dont se dote le juge d’instruction sont divisés en 2 :

▪ Les pouvoirs d’investigation


▪ Les pouvoirs juridictionnels

Partant de cette schématisation, nous allons spécifier les différents


pouvoirs selon leurs catégories en commençant par les pouvoirs
d’investigation. A ce propos, on parle principalement de l’investigation par
le biais de prélèvement sur le lieu de l’infraction ou encore la perquisition
et saisie et d’investigation par la voie d’interrogatoire entre ce dernier et
la personne inculpée en vue du recueil d’informations nécessaires utiles à
la manifestation de la vérité 114 et bien entendu l’interception des appels
téléphoniques et des communications.

109
Article 108 Al.7 du code de la procédure pénale.
110
Article 108 Al.8 du code de la procédure pénale.
111
Article 54 Al.1 du code de la procédure pénale.
112
Article 19 du code de la procédure pénale.
113
Article 83 du code de la procédure pénale.
114
Article 85 du code de la procédure pénale.

42
➢ Les pouvoirs d’investigation

Tout d’abord, on va commencer par traiter l’interrogatoire qui est


réglementé par le 7ème chapitre du 3ème titre qui traite l’instruction
préparatoire, or, avant de commencer l’interrogatoire, le juge d’instruction
est tenu de vérifier l’identité de l’inculpé en précisant son nom, prénom,
filiation, date et lieu de naissance, état, profession, lieu de sa résidence et
antécédents judiciaires et il le soumet soit à l’examen du service
anthropométrique ou à un examen médical 115 ;Il l’informe aussi de son
droit de choisir immédiatement un avocat ou de lui designer un à défaut
de choix 116 , parallèlement l’avocat a le droit d’assister à l’interrogatoire
d’identité de l’inculpé117.

Après, le juge d’instruction fait connaître à l’inculpé les faits qui lui sont
imputés et l’avise qu’il est libre de garder le silence 118 . Cependant en
matière d’investigation, le juge d’instruction peut requérir à la commission
rogatoire tout autre juge d’instruction, juge ou tout autre officier de la
police judiciaire dans le ressort de sa juridiction, de procéder aux actes
d’information qu’il estime nécessaires dans les lieux soumis à la juridiction
de chacun d’eux119 et que la commission rogatoire ne peut ordonner que
des actes d’instruction se rattachant directement à l’infraction visée aux
poursuites120.

Deuxièmement se trouve la perquisition faite par le juge d’instruction


contrairement à l’enquête préliminaire qui donne la prérogative à l’officier
de police judiciaire et du ministère public. Cela dit, dans le cadre de ses
fonctions et dans le but de trouver des objets dont la découverte serait
utile à la manifestation de la vérité 121 , le juge d’instruction peut se
transporter sur les lieux pour y effectuer toutes constatations utiles ou

115
Article 134 Al.1 du code de procédure pénale.
116
Article 134 Al.2 du code de la procédure pénale.
117
Article 134 Al.3 du code de la procédure pénale.
118
Article 134 Al.4 du code de la procédure pénale.
119
Article 189 Al.1 du code de la procédure pénale.
120
Article 189 Al.4 du code de la procédure pénale.
121
Article 101 Al.1 du code de la procédure pénale.

43
procéder à des perquisitions en donnant avis au ministère public dont le
représentant a la faculté de l’accompagner 122 et en dressant un procès-
verbal des opérations effectuées123.

Bien entendu, dans le cas d’une infraction de terrorisme, la perquisition


peut avoir lieu en dehors des heures fixées à l’article 62124 et dans le cas
d’extrême urgence le juge d’instruction peut requérir par commission
rogatoire, un magistrat ou un ou plusieurs officiers de la police judiciaire
pour effectuer la perquisition en dehors des heures légales en présence du
représentant du ministère public125.

Troisièmement, se trouve l’interception des appels téléphoniques et des


communications, ainsi comme susmentionnés dans la 1ère sous-section,
L’article 108 du code de procédure pénale dispose dans son Alinéa 1 et
2 : « Est interdite l’interception des appels téléphoniques ou les
communications effectués par les moyens de communication effectués par
les moyens de communication à distance, de les enregistrer, d’en prendre
copie ou de les saisir. Toutefois, le juge d’instruction peut, si les
nécessités de l’information l’exigent, prescrire par écrit l’interception des
appels téléphoniques et de toute communication effectués par les moyens
de communication à distance, les enregistrer et d’en prendre copie ou de
les saisir » Néanmoins, L’autorité judiciaire chargée de l’enquête, de
l’instruction ou l’officier de police judiciaire dresse un procès-verbal
mentionnant la date et l’heure de commencement et de la clôture de
chacune des opérations d’interception126.

Parallèlement, le contenu de la communication ayant relation avec


l’infraction doit être transcrit par écrit et dressé par procès-verbal et
ajouté au dossier de l’affaire 127 et si les communications et les

122
Article 99 Al.1 du code de la procédure pénale.
123
Article 99 Al.3 du code de la procédure pénale.
124
Les perquisitions en matière de lutte anti-terroriste peuvent avoir lieu avant six heures du matin et après
neuf heures du soir.
125
Article 102 Al.2 du code de la procédure pénale.
126
Article 111 Al.1 du code de la procédure pénale.
127
Article 112 Al.1 du code de la procédure pénale.

44
correspondances sont effectuées avec une langue étrangère, elles doivent
être transcrites en langue arabe avec l’assistance d’un interprète qui doit
être soit un traducteur assermenté auprès des juridictions ou s’il ne
dispose pas de ce statut il doit prêter serment par écrit de traduire
fidèlement et de ne pas divulguer les secrets de l’enquête et des
correspondances128.

Quant au cycle final des enregistrements, ils sont détruits à la diligence du


juge d’instruction à l’expiration du délai de prescription de l’action
publique ou lorsque le jugement rendu dans l’affaire est passé en force de
chose jugée129.

➢ Les pouvoirs juridictionnels

Ces pouvoirs sont qualifiés de juridictionnels dû à leur rattachement à la


nature du statut du juge d’instruction qui possède le pouvoir d’exercer la
contrainte à travers des différents mandats ou encore à travers la mise
sous contrôle judiciaire ou la détention préventive.

Tout d’abord, le juge d’instruction peut, en matière de crime ou de délit,


décerner, selon les cas, différents mandats à savoir : le mandat de
comparution, d’amener, de dépôt ou d’arrêt 130 . Dans le cadre de ses
pouvoirs, il peut aussi ordonner la fermeture de frontières et le retrait du
passeport pour empêcher l’évasion de l’inculpé durant l’instruction et il
peut fixer aussi une caution pécuniaire ou personnelle comme garantie de
représentation de l’inculpé131.

Cependant, avant de traiter les différents types de mandats il faut


souligner que tout mandat doit indiquer la nature de l’inculpation et les
textes juridiques applicables ainsi que l’identité de l’inculpé et son numéro

128
Article 112 Al.2 du code de la procédure pénale.
129
Article 113 du code de la procédure pénale.
130
Article 142 Al.1 du code de procédure pénale.
131
Article 142 Al.3 du code de la procédure pénale.

45
de carte d’identité et que tous les mandats sont exécutoires sur tout
l’étendu du Royaume132.

Premièrement se trouve le mandat de comparution, ce mandat a pour


objet de mettre l’inculpé en demeure de se présenter devant le juge à la
date et à l’heure indiquées par ce mandat133. L’inculpé est notifié soit par
un huissier de justice, officier ou agent de police judiciaire, ou par un
agent de la force publique 134 . Ainsi, la personne faisant l’objet de ce
mandat doit obligatoirement comparaître devant le juge d’instruction et
interrogé par ce dernier135 et dans le cas où l’inculpé parle une langue ou
un dialecte que le juge d’instruction ne comprend pas ; il peut se faire
assister par un interprète 136 . Pour finir, l’avocat de l’inculpé a le droit
d’assister à cet interrogatoire137.

Deuxièmement se trouve le mandat d’amener qui est défini par l’ordre


donné par le juge d’instruction à la force publique de conduire
immédiatement l’inculpé devant lui 138 , ce mandat est exécuté par un
officier ou agent de police judiciaire ou par un agent de la force publique
qui délivre l’inculpé 139 ; dans le cas où l’individu est déjà détenu, la
notification est effectuée par le chef de l’établissement pénitentiaire.
Toutefois, l’inculpé conduit devant le juge d’instruction en exécution de ce
mandat doit être immédiatement interrogé140et l’avocat de l’inculpé a le
droit d’assister à cet interrogatoire 141 . D’ailleurs, tout inculpé arrêté en
vertu d’un mandat d’amener et qui a été maintenu plus de vingt-quatre
heures dans l’établissement pénitentiaire, sans avoir été interrogé, est
considéré comme arbitrairement détenu.

132
Article 143 du code de la procédure pénale.
133
Article 144 Al.1 du code de la procédure pénale.
134
Article 144 Al.2 du code de la procédure pénale.
135
Article 145 Al.1 du code de la procédure pénale.
136
Article 145 Al.2 du code de la procédure pénale.
137
Article 145 Al.3 du code de la procédure pénale.
138
Article 146 Al.1 du code de la procédure pénale.
139
Article 146 Al.2 du code de la procédure pénale.
140
Article 147 Al.1 du code de la procédure pénale.
141
Article 147 Al.2 du code de la procédure pénale.

46
Troisièmement se trouve le mandat de dépôt qui est défini par l’ordre
donné par le juge d’instruction au chef de l’établissement pénitentiaire, de
recevoir l’inculpé et de le détenir préventivement 142 . Ainsi, le juge
d’instruction ne peut délivrer un mandat de dépôt qu’après interrogatoire
et si l’infraction constitue un crime ou un délit punissable d’une peine
privative de liberté143.

Quatrièmement et dernièrement, se trouve le mandat d’arrêt qui est défini


par l’ordre donné à la force publique de rechercher l’inculpé et de le
conduire à l’établissement pénitentiaire indiqué sur le mandat où il sera
reçu et détenu144. Ce mandat est décerné après avis du ministère public,
si l’inculpé est en fuite ou s’il réside hors du territoire du Royaume et si les
faits incriminés constituent un crime ou un délit punissable d’une peine
privative de liberté 145 ; cependant l’agent chargé de l’exécution d’un
mandat d’arrêt ne peut pénétrer dans un domicile pour saisir l’inculpé
avant six heures et après vingt et une heures 146 et il peut se faire
accompagner d’une force suffisante pour que l’inculpé ne puisse se
soustraire à la loi147.

Parallèlement et toujours en restant dans le cadre des pouvoirs


juridictionnels, le code de procédure pénale a traité dans son 6ème chapitre
« la mise sous contrôle judiciaire et de la détention préventive » et qui
sont considérés comme deux mesures exceptionnelles applicables en
matière de crime et de délit punis de peines privatives de liberté 148. Or,
l’inculpé peut être mis sous contrôle judiciaire en tout état de l’instruction
pour une durée de deux mois renouvelables cinq fois, à moins que les

142
Article 152 Al.1 du code de la procédure pénale.
143
Article 153 Al.1 du code de la procédure pénale.
144
Article 154 Al.1 du code de la procédure pénale.
145
Article 154 Al.2 du code de la procédure pénale.
146
Article 157 Al.1 du code de la procédure pénale.
147
Article 157 Al.2 du code de la procédure pénale.
148
Article 159 Al.1 du code de la procédure pénale.

47
nécessités de l’instruction, la sécurité des personnes ou de l’ordre public
n’exigent sa détention préventive149.

Cependant, ce qu’on peut comprendre de cet article c’est que la mise sous
contrôle judiciaire est une mesure qui est prise lorsque l’inculpé ne
représente pas un danger de sécurité que ce soit pour les personnes ou
encore l’ordre et la sécurité publique ; chose qui ne correspond pas au
sujet traité qui est le terrorisme puisque quelqu’un accusé d’un acte
terroriste ou la tentative ou encore accusé d’actes préparatoires en cette
matière est considéré comme un ennemi public et par conséquent
représente un danger imminent pour la société et pour la sécurité
publique. Et c’est la raison pour laquelle la mise sous contrôle judiciaire
n’est pas applicable en matière de lutte anti-terroriste puisque l’inculpé
doit être maîtrisé dans un établissement pénitencier dû à sa dangerosité.

Quant à la deuxième mesure exceptionnelle c’est la détention préventive


qui est une mesure privative de liberté qui consiste dans l’incarcération de
l’inculpé pour des besoins d’instruction ou par des mesures de sûreté,
cette mesure a pour but de priver l’inculpé d’avoir contact avec le monde
extérieur afin de garantir la disponibilité de ce dernier à tout moment.

Par ailleurs, la détention préventive est un indice d’une condamnation


future, et en matière de crime elle ne peut excéder deux mois150 et si le
maintien apparaît nécessaire le juge d’instruction peut la prolonger dans la
limite de cinq fois pour la même période soit un total de 10 mois 151 et
cette prolongation est faite par ordonnance spécialement motivée sur
réquisition et également motivée du ministère public152.

149
Article 160 Al.1 du code de la procédure pénale.
150
Article 177 Al.1 du code de la procédure pénale.
151
Article 177 Al.3 du code de la procédure pénale.
152
Article 177 Al.2 du code de la procédure pénale.

48
Chapitre II : Lutte anti-terroriste et droits de l’homme : quelle
relation ?

Le terroriste est considéré comme l’ennemi public n°1 du fait de la


dangerosité qu’il représente et les dégâts qu’il cause ou qu’il est
susceptible de causer par le biais de ses actes visant à ébranler la paix
publique et le sentiment de sécurité chez les citoyens.

Parallèlement, l’Etat réagit face au terrorisme en sanctionnant les auteurs


ou encore les présumés coupables afin de neutraliser le danger et garantir
la paix et la sécurité publique et peut tout autant prendre des mesures
fortes contre la menace terroriste afin de rassurer et protéger la
population et de lutter contre le terrorisme et de prévenir d’autres
attaques. Mais la question majeure qui se pose est : est ce que les Etats
peuvent se permettre de tout faire dans leurs quêtes pour la lutte anti-
terroriste ? La réponse est bien évidemment non puisque l’Etata
l’obligation de garantir l’équilibre entre le besoin de sécurité et le respect
des droits fondamentaux humains même dans des circonstances
particulières notamment la guerre contre le terrorisme puisque, après tout
ça, il reste un état de droit et chaque transgression de sa part au cours de
cette guerre doit être sévèrement réprimée notamment en cas de torture
ou de traitements inhumains ou encore d’arrestation, détention, poursuite
ou condamnation arbitraire hors le cadre de la loi.

La deuxième question qui se pose s’articule autour du privilégiement de la


sécurité au détriment de la liberté et des droits, puisque plusieurs
organisations internationales et nationales critiquent le dispositif anti-
terroriste et prétendent qu’il ne respecte pas les dispositions des
différentes dispositions des conventions internationales notamment en ce
qui concerne les droits de l’homme car selon elles, les Etats considèrent la
finalité de la sécurité publique un atout plus important.

49
Ipso facto pour répondre à ces questions nous allons traiter dans la 1 ère
section la balance entre les droits de l’homme et les contraintes de
sécurités, puis, les critiques émises à l’encontre du dispositif anti-
terroriste dans la 2ème section.

Section 1 : La balance entre les droits de l’homme et les contraintes de


sécurité

Chaque état démocratique doit impérativement lutter contre le terrorisme


sans abandonner les droits humains fondamentaux, et c’est en prenant en
compte cet aspect dans sa lutte anti-terroriste que l’Etat est considéré
comme un Etat de droit. Or, certains considèrent que la guerre contre le
terrorisme ne peut pas être gagnée sans le respect de différents droits
comme l’a précisé António Guterres153 dans son intervention à l’université
de Londres le 16 novembre 2017 : « Le terrorisme prospère lorsque les
personnes privées de leurs droits ne rencontrent que l’indifférence et le
nihilisme. Il est profondément enraciné dans le désespoir et le désespoir.
C'est pourquoi les droits de l'homme, tous les droits de l'homme, les
droits politiques et civils, mais aussi les droits économiques, sociaux et
culturels, font incontestablement partie de la solution dans la lutte contre
le terrorisme »154 Ainsi se posent deux questions majeures : quelle est la
relation entre le terrorisme et les droits de l’homme et quelles sont les
exigences d’un Etat de droit dans la lutte anti-terroriste ?

153
Secrétaire général des nations unies depuis le 1er janvier 2017.
154
Traduction non officielle du discours d’António Guterres qui était à l’origine en anglais : « Terrorism thrives
when disenfranchised people meet nothing but indifference and nihilism. It is deeply rooted in hopelessness
and despair. That is why human rights, all human rights, political and civil rights, but also economic, social and
cultural rights, are unquestionably a part of the solution in fighting terrorism »;
https://www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2017-11-16/speech-soas-university-london-counter-
terrorism, consulté le 06/01/2020 à 01h35.

50
A. La liaison entre les droits de l’homme et le terrorisme

Premièrement, quant à la relation entre le terrorisme et les droits de


l’homme il est tout d’abord important de souligner que l’interférence entre
l’obligation de garantir la sécurité publique et entre l’obligation de
respecter les droits de l’homme a posé plusieurs défis notamment en ce
qui concerne l’équilibre entre ces deux obligations.

Or, les pratiques de lutte contre le terrorisme et principalement


les politiques publiques, actions coercitives et développements légaux et
juridictionnels 155 doivent être en conformité avec les valeurs de l’Etat
démocratique.

Parallèlement, les Etats peuvent dans des situations déroger en toute


légitimité des règles et des lois qui concernent les droits de l’homme et le
tout pour des contraintes de sécurité ; et à titre d’exemple on cite l’Article
15 de la convention européenne des droits de l’homme qui dispose dans
son premier alinéa : « En cas de guerre ou en cas d’autre danger public
menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre
des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente
Convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition
que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres
obligations découlant du droit international. » Mais ces mesures ne
peuvent pas déroger aux dispositions prévues à L’article 3156 et de l’article
7157 de la même convention.

D’un autre côté, ils peuvent déroger à plusieurs règles relatives aux droits
de l’homme notamment dans le cadre de la prévention contre le
terrorisme comme à titre d’exemple à l’article 8 de la convention qui

155
CAMUS Colombe, « la lutte contre le terrorisme dans les démocraties occidentales : état de droit et
exceptionnalisme », Revue internationale et stratégique, 2007/2, n°66, p.10.
156
Article 3 de la convention européenne des droits de l’homme : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à
des peines ou traitements inhumains ou dégradants.»
157
Article 7 de la convention européenne des droits de l’homme : « Nul ne peut être condamné pour une
action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit
national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au
moment où l’infraction a été commise.»

51
dispose que : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile et de sa correspondance » mais en parallèle la
cour pénale européenne des droits de l’homme a conclu dans un arrêt le 2
septembre 2010 que la surveillance de terroristes présumés au moyen
d’un système de navigation par satellites n’avait pas violé leur droit à la
vie privée tel que garanti par l’article 8 158 . La deuxième dérogation en
matière de prévention concerne la liberté d’expression qui est traitée par
l’Article 10 de la même convention qui dispose : « Toute personne a droit
à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté
de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il
puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de
frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les
entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime
d’autorisations » ; cependant ce droit peut être mis à côté comme l’a fait
la cour européenne dans un arrêt le 2 octobre 2008 puisque la cour a jugé
que la condamnation de l’auteur d’une caricature à une amende modérée
pour complicité d’apologie du terrorisme, en raison d’une légende
provocatrice concernant l’attentat du World Trade Center en 2001, n’avait
pas emporté violation des droits garantis à l’intéressé par l’article 10.
Dans cette affaire la Cour a conclu qu’eu égard au moment de la
publication qui a eu lieu après seulement 48h de l’attentat terroriste,
l’auteur aurait dû être conscient de l’impact qu’elle allait probablement
avoir159.

Mais ça n’empêche que ladite cour juge à ce que certaines actions qui
rentrent dans le cadre de la lutte anti-terroriste dépassent les limites
légales et par conséquent violent les dispositions mises en place pour
protéger les droits humains fondamentaux et à titre d’exemple on citera
un arrêt datant du 18 janvier 1975 qui a accusé le Royaume-Uni d’avoir
exercé des séries de pouvoirs extrajudiciaires d’arrestation et de détention
vis-à-vis des personnes soupçonnées d’appartenir à l’organisation

158
Affaire Uzun contre l’Allemagne, requête numéro 35623/05 datant du 2 septembre 2010, Alinéa 80.
159
Affaire Leroy contre France, requête numéro 36109/03 datant du 2 octobre 2008, Alinéa 36 à l’alinéa 48.

52
paramilitaires considérée comme organisation terroriste par le Royaume-
Uni nommée IRA « acronyme de irish republican army » ou l’armée
républicaine irlandaise qui était contre la présence britannique en Irlande.
Or, cette affaire a vu le jour lorsque le gouvernement Irlandais a déposé
plainte contre le Royaume-Uni après que ce dernier ait été accusé de
traitements inhumains de ses détenus et la mise en œuvre de techniques
d’interrogation non conformes durant leur détention préventive après
avoir été accusé de planifier des actes terroristes notamment la privation
de sommeil, de nourriture ou encore la mise de cagoule au détenu pour le
désorienter.

De ce fait, la cour estimant que les méthodes ont causé une souffrance
physique et mentale intense ; a conclu à la violation de l'article 3 de la
convention qui interdit la torture, les pratiques inhumaines et les
traitements dégradants160.

Toujours en restant dans le cadre des violations de droits de l’homme, la


cour a précisé dans un arrêt datant du 27 septembre 1995 que l’atteinte à
la vie de personnes soupçonnées de terrorisme dans le cadre de la
légitime défense en faisant recours à la force meurtrière doit être
absolument nécessaire pour que la légitime défense soit justifiée.

Or le meurtre en 1988 par des militaires britanniques de trois membres de


l’Armée républicaine irlandaise soupçonnés de préparer un attentat à la
bombe a emporté violation de l’article 2161 au motif que l’opération aurait
pu être menée sans recours à la force meurtrière162.

Le dernier exemple relatif aux violations des droits de l’homme concerne


le droit à un procès équitable qui est précisé par l’Article 6 de la même

160
Affaire Irlande contre le Royaume-Uni, requête numéro 5310/71 datant du 18 janvier 1978.
161
Article 2 de la convention européenne des droits de l’homme : « La mort n’est pas considérée comme
infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument
nécessaire : a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ; b) pour effectuer une
arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ; c) pour réprimer,
conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »
162
Affaire McCann et autres contre le Royaume-Uni, requête numéro 18984/91 datant du 27 septembre 1995,
Alinéa 213.

53
convention, puisque la cour européenne des droits de l’homme a énoncé
dans un arrêt le 21 décembre 2000 que des considérations de sécurité ou
d’ordre public ne peuvent pas justifier une violation des droits de l’accusé
de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination163.

De plus, la cour a précisé dans un autre arrêt du 25 septembre 2012 que


les déclarations incriminantes qui avaient été obtenues d’un témoin dans
un pays tiers ne devaient pas être retenues comme preuves par les
juridictions belges sans que celles-ci se soient préalablement assurées que
le témoin en question n’avait pas été soumis à des traitements contraires
à l’article 3, ce que soutenait le requérant dans cette affaire164.

Un autre arrêt du 1er juin 2010 dans une affaire similaire dispose que
l’utilisation dans le cadre de poursuites judiciaires de déclarations
obtenues par la torture ou au moyen d’une autre forme de mauvais
traitements rend la procédure dans son ensemble automatiquement
inéquitable, en somme, contraire à l’article 6165.

Partant de ces points traités, ce qu’on peut conclure c’est que face au
danger que représente le terrorisme, les Etats démocratiques se trouvent
dans l’obligation de trouver le bon équilibre entre la sécurité nationale et
les droits de l'homme pour le succès et l’effectivité de ces stratégies de
lutte contre le terrorisme. Ipso facto, la législation anti-terroriste doit se
doter de la sévérité et de la rigueur sans pour autant porter atteinte aux
valeurs démocratiques sous le prétexte de les défendre ou aux droits des
personnes soupçonnées ou accusées de terrorisme sous prétexte qu’elles
sont des ennemis de l’Etat.

Toujours dans ce contexte, Kofi Annan 166 dans son discours à la séance
plénière de clôture du sommet international sur la démocratie, le
terrorisme et la sécurité en 2005 à Madrid a exprimé que : « Le droit

163
Affaire Heaney et McGuinness contre l’Irlande, requête numéro 34720/97 datant du 21 décembre 2000,
Alinéa 58.
164
Affaire El Haski contre la Belgique, requête numéro 649/08 datant du 25 septembre 2012, Alinéa 99.
165
Affaire Gäfgen contre l’Allemagne, requête numéro 22978/05 datant du 1er juin 2010, Alinéa 187.
166
7éme secrétaire général des nations unies qui a servi son mandat de 1997 à 2006.

54
relatif aux droits de l'homme prévoit amplement une action antiterroriste,
même dans les circonstances les plus exceptionnelles. Mais compromettre
les droits de l'homme ne peut pas servir la lutte contre le terrorisme. Au
contraire, il facilite la réalisation de l’objectif du terroriste - en lui cédant
les hauteurs morales et en provoquant des tensions, de la haine et de la
méfiance à l’égard du gouvernement, précisément parmi les segments de
la population où il est le plus susceptible de trouver des recrues. »167

B. Les obligations de l’Etat de droit dans sa lutte anti-terroriste

Deuxièmement se trouve les exigences de l’Etat de droit dans la lutte anti-


terroriste, puisque face au terrorisme les Etats se trouvent dans
l’obligation de mener une lutte acharnée contre ce phénomène afin de
préserver la sécurité et la paix publique car l’État est visé directement, ou
indirectement au travers de ses populations qu’il a le devoir de
protéger 168 . De ce fait et dans le but d’instaurer un équilibre entre les
exigences de sécurité et le respect des droits de l’homme, chaque Etat
démocratique faisant partie des Nations Unies est dans l’obligation de
respecter les dispositions des conventions en cette matière sous peine de
sanctions et à titre d’exemple on cite :

▪ La convention internationale sur l'élimination de toutes les


formes de discrimination raciale adoptée le 21 décembre 1965
et entrée en vigueur le 4 janvier 1969.

▪ Le pacte international relatif aux droits civils et politiques


adoptée le 16 décembre 1966 et entrée en vigueur le 23 mars
1976.

167
Traduction non officielle du discours de Kofi Annan qui était à l’origine en anglais : « Human rights law
makes ample provision for counter-terrorist action, even in the most exceptional circumstances. But
compromising human rights cannot serve the struggle against terrorism. On the contrary, it facilitates
achievement of the terrorist’s objective -- by ceding to him the moral high ground, and provoking tension,
hatred and mistrust of government among precisely those parts of the population where he is most likely to
find recruits. »; https://www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2005-03-10/kofi-annan’s-keynote-address-
closing-plenary-international-summit, consulté le 07/01/2020 à 06h02.
168
LARRIEU Jacques, Crises et droit, Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2012, p.67.

55
▪ Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants adoptée le 10 décembre 1984
et entrée en vigueur 26 juin 1987.

De ce fait pour être en conforme face à ces obligations, les États doivent
élaborer des politiques, des lois et des pratiques nationales de lutte anti-
terroriste visant la prévention, la poursuite et la punition des responsables
d'actes terroristes en ayant une approche compatible avec la promotion et
le respect des droits de l'homme. Toutefois, ces mesures visant à prévenir
la propagation du terrorisme doivent aussi contenir des mesures visant à
renforcer les droits de l'homme, à prévenir la discrimination ethnique,
nationale ou religieuse, l'exclusion politique et la marginalisation socio-
économique, ainsi que des mesures pour lutter contre l'impunité des
violations des droits de l'homme.

Parallèlement en matière d’approches visant à lutter et à combattre le


terrorisme, ces dernières doivent être basées sur les principes
fondamentaux traités dans le pacte international relatif aux droits civils et
politiques susmentionné. Et parmi ces principes on trouve :

▪ L’obligation du respect du droit à la vie.

▪ L'interdiction de la torture, des peines ou traitements


cruels, inhumains et dégradants.

▪ L’obligation du respect du droit à la liberté et à la liberté de


mouvement.

▪ L’obligation du respect du droit à l'égalité devant la loi.

▪ L’obligation du respect du droit à la présomption


d'innocence jusqu'à ce que la culpabilité soit établie.

56
▪ L’obligation du respect du droit à la vie privée.

▪ La non-discrimination sur n'importe quelle base, comme la


race, le sexe, la couleur, l'origine nationale ou la langue.

Grosso modo, la lutte anti-terroriste requiert la protection des droits de


l’homme et le respect des dispositions de traités et conventions en la
matière même en cas d’état d’urgence, mais d’un autre côté, les Etats ont
aussi une obligation de protéger leurs citoyens et de garantir la sécurité et
la paix publique ce qui pose un défi très difficile à relever car d’un côté les
Etats doivent choisir soit de se combattre avec une main attachée dans le
dos soit de mener une guerre sans merci contre le terrorisme et ne plus
jouir du statut d’Etat de droit mais plutôt en État hors du droit car c’est
leur sécurité qui est mise en jeu puisque la pression de la scène
internationale peut varier entre l’accord et le désaccord comme pour le
cas des États-Unis et sa guerre acharnée depuis les attentats de 2001.

Or d’un côté les uns approuvent les tactiques américaines post 11


septembre en les qualifiant de nécessaires à la stabilité du Moyen-Orient
et par conséquent la sécurité des pays occidentales du fait de la
dangerosité du terrorisme et les dégâts causés comme le nombre de
victimes de l’attentat des Twin Towers qui s’est élevé à presque 3000
morts et que cette guerre est nécessaire pour éviter d’éventuels drames.

D’un autre côté, certains critiquent cette guerre en la qualifiant de guerre


contre l’islam puisque les États-Unis liaient principalement l’islam avec le
terrorisme et le camp de détention de Guantanamo Bay en est l’exemple
concret de cette stigmatisation puisque la totalité des détenus étaient des
individus de confession musulmane soupçonnés d’affiliation aux cellules
terroristes ou encore d’avoir planifié des attaques qui visaient ou avait
pour but de viser soit les États-Unis ou l’un de ses alliés et en accusant

57
aussi les États-Unis d’avoir utilisé la guerre contre le terrorisme comme
tactique pour la manipulation de l’opinion publique comme l’a cité le
général William Odom169 : « Comme de nombreux critiques l'ont souligné,
le terrorisme n'est pas un ennemi. C'est une tactique. Parce que les États-
Unis eux-mêmes ont une longue histoire de soutien aux terroristes et
d'utilisation de tactiques terroristes, les slogans de la guerre contre le
terrorisme d'aujourd'hui ne font que donner aux États-Unis une apparence
hypocrite envers le reste du monde. Un président américain prudent
mettrait fin à la politique actuelle d "hystérie persistante" à propos
d'attentats terroristes potentiels.»170

Section 2 : Les critiques émises à l’encontre du dispositif anti-


terroriste Marocain

La lutte anti-terroriste est très souvent critiquée par ses méthodes


considérées comme extrêmes et portant atteinte aux droits et à la dignité
des détenus, ou encore par ses textes législatifs dédiés spécialement à la
répression du terrorisme qui se dotent soit d’une certaine agressivité et de
sévérité par rapport aux corps législatif des infractions de droit commun
soit d’un manque de précision et de clarté des textes spécifiques à la
matière ce qui laisse place à un certain espace grise.

A. La réprobation du mode opératoire mis en place pour combattre le


terrorisme

Le royaume du Maroc, considéré comme un Etat de droit fait très souvent


l’objet de critiques par plusieurs organismes pour ses approches de lutte
169
Ex-directeur de l’agence nationale de la sécurité Américaine sous l’administration du président des États-
Unis Ronald Reagan qui est connu pour ses critiques vis-à-vis la guerre américaine contre le terrorisme
170
Traduction non officielle de : «The second perverse policy is the so called “Global War on Terrorism.” As
many critics have pointed out, terrorism is not an enemy. It is a tactic. Because the United States itself has a
long record of supporting terrorists and using terrorist tactics, the slogans of today’s war on terrorism merely
make the United States look hypocritical to the rest of the world. A prudent American president would end the
present policy of “sustained hysteria” over potential terrorist attacks», extrait de son Article intitulé “ American
Hegemony: How to Use It, How to Lose It ”, 2007, p.10 .

58
anti-terroriste au niveau des pratiques employées visant la prévention et
la répression du terrorisme et cela est principalement lié à la période post
les attentats du 16 mai 2003.

Tout d’abord, il est important de souligner que la Loi 03.03 devait être
adoptée après les attentats de New-York en 2001 dans le cadre de la
résolution 1373 du conseil de sécurité de l’ONU et que le Royaume avait
même établi un rapport sur les mesures prises par le gouvernement dans
sa lutte anti-terroriste à la fin de l’année 2001. Ce rapport avait mis en
exergue un arsenal juridique dédié au terrorisme et avait pour but de
réformer le code pénal mais malheureusement ce projet de réforme s’est
heurté à de très fortes critiques et résistances, chose qui a empêché son
adoption jusqu’à l’intervention des attentats du 16 mai 2003171.

Cependant, la période post les attentats du 16 mai 2003 a aussi été


marquée par plusieurs dérives policières comme soulignées par le rapport
de la fédération internationale des droits de l’homme notamment :

• Des arrestations par milliers de personnes par la voie des


rafles policières visant les quartiers défavorisés des
grandes villes non sur des bases légales comme l’affiliation
à des groupes terroristes ou sur des indices de
participation à des faits délictueux mais sur des bases
absurdes comme le fait d’être barbu par la voie des rafles
visant des quartiers défavorisés des grandes villes172.

• L’interpellation de personnes innocentes et l’interrogation


de ces derniers puis l’établissement d’une fiche spéciale à
ces individus malgré leur innocence, cependant ils étaient
souvent libérés après 24 heures173.

171
Rapport de la fédération Internationale des droits de l'homme intitulé : « Les autorités Marocaines à
l'épreuve du terrorisme : la tentation de l'arbitraire, violation flagrantes des droits de l'homme dans la lutte
antiterroriste », Février 2004, p.7
172
Rapport de la fédération Internationale des droits de l'homme, art.cité, p.9-10.
173
Ibid, p.9.

59
• Le dépassement des délais de garde à vue précisés par le
code de procédure pénale, et qui pouvait atteindre des
mois voire même des années174.

• La violation des formalités d’arrestation et de perquisition


et saisie puisque la majorité des arrestations ont été
effectuées sans mandat par des agents de la DGST qui ne
disposent pas de la qualité d’officiers judiciaires, ou encore
les arrestations en tenue civile sans avoir montré leurs
cartes professionnelles ni d’avoir communiqué
ouvertement qu’ils sont des agents de police. Quant aux
perquisitions, les mandats manquaient et cette procédure
souffrait de plusieurs violations du code de la procédure
pénale notamment en ce qui concerne la non mise sous
scellés de documents et objets saisis ou encore le non-
respect des formalités des perquisitions ayant lieu hors le
cadre du repos nocturne175.

• Le recours aux différentes méthodes de torture lors des


interrogations et l’application de ces mêmes méthodes
pour contraindre les détenus à signer les procès-verbaux
d’interrogatoire, parmi ces méthodes se trouvent :
l’électrocution, la privation de sommeil, insultes et coup176.

• L’établissement d’extraditions extrajudiciaires de plusieurs


prisonniers détenus illégalement dans les différents camps
d’emprisonnement notamment : le camp de Guantanamo
Bay en Cuba, le camp de Bagrame en Afghanistan ou

174
Ibid,p.13.
175
Ibid,p.10.
176
Ibid,p.14-15.

60
encore le camp de Diego Garcia qui se situe dans le
territoire Britannique de l'océan Indien177.

Autre que les différentes dérives policières, le dit-rapport avait même


critiqué le corps judiciaire suite à des transgressions dont :

• La non soumission des détenus à des examens médicaux


malgré la déclaration de ses derniers d’avoir été soumis à
des maltraitances et actes de torture, parallèlement toute
demande d’expertise de la part des avocats a été refusé
par les magistrats178.

• Le non-respect des garanties et droits mis à disposition en


faveur des détenus comme pour le cas du droit de
désignation d’un avocat et le droit de maintenir le silence
et de s’abstenir de toute déclaration179.

• Forcer les détenus de signer les procès-verbaux rédigés


par le juge d’instruction sans la possibilité de lire le
contenu180.

B. Les recommandations du CNDH au corps législatif Marocain

Parallèlement, le conseil national des droits de l’homme avait communiqué


en 2014 une série de recommandations au législateur Marocain
concernant son arsenal juridique dédié à la lutte anti-terroriste,
principalement la Loi 03.03 et la Loi 86.14 complétant et renforçant la
législation antiterroriste.

177
Ibid,p.17-18.
178
Ibid,p.20-21.
179
Ibid,p.20-21.
180
Ibid,p.19.

61
Tout d’abord on va commencer par les recommandations liées à la Loi
03.03 dont :

• Revoir la Loi 03.03 afin de donner une définition


précise et concise du terrorisme, et que cette
définition est indispensable pour être en ordre avec
le principe de légalité181.

• Réduire au strict minimum la durée maximale de la


garde à vue qui peut atteindre jusqu’à 12 jours, et
permettre l’accès à l’avocat dès le début de la
détention182.

Ensuite, place aux recommandations liées à la Loi 86.14 puisque le même


rapport a invité le législateur a :

• Rectifier la formulation trop générale du terme


« quel que soit son objectif » puisque cette
formulation risque de confondre aux niveaux des
mobiles et des caractéristiques et des objectifs, les
infractions à caractère terroriste avec les infractions
commises par d’autres groupes criminels
organisés183.

• L’introduction d’une disposition qui définit aux fins


de la législation anti-terroriste clairement l’objet des
structures terroristes184.

181
Rapport du conseil national des droits de l’homme intitulé : « Mémorandum relatif au projet de Loi 86.14
modifiant et complétant les dispositions du code pénal et de la procédure pénale relatives à lutter contre le
terrorisme.», 2014, paragraphe 3 alinéa 2, p.5.
182
Rapport du conseil national des droits de l’homme, op.cité, 2014, paragraphe 3 alinéa 2, p.5.
183
Ibid., paragraphe 6 alinéa 1, p.7.
184
Ibid., paragraphe 6 alinéa 3, p.7.

62
• Remplacer le terme apologie au terrorisme par le
terme plus précis de « provocation publique à
commettre une infraction terroriste »185.

• Etudier la possibilité de prévoir des peines


alternatives et des mesures de contrôle judiciaire
comme le bracelet électronique pour sanctionner la
tentative de rejoindre des groupes terroriste et/ou
de suivre un entraînement pour le terrorisme186.

185
Ibid., paragraphe 10 alinéa 2, p.8.
186
Ibid., paragraphe 12 alinéa 3, p.9.

63
Pour synthétiser la 1ére partie, le terrorisme comme tout acte portant
atteinte à la sécurité et à l’ordre public est sanctionné par l’Etat à travers
les différents mécanismes de la politique criminelle que ce soit en matière
de prévention ou de sanction. Or le but de cette politique criminelle anti-
terroriste se manifeste par les diverses prérogatives données au système
judiciaire afin d’exercer la réponse pénale aux actes qu’ils soient
consommés ou en phase d’actes préparatoires visant à commettre une
infraction à caractère terroriste ayant pour but d’ébranler la paix, la
sécurité et l’ordre publique.

Simultanément, ce pouvoir de réponse pénale n’est point absolu puisqu’il


est soumis au respect des droits de l’homme dans toutes les étapes de la
poursuite de personnes soupçonnés ou accusés d’infractions liés aux
affaires terroristes et cela concerne toutes les phases de l’enquête, la
poursuite et le jugement. Et cela est dû au fait que chaque Etat de droit,
de démocratie doit respecter les différents principes constitutionnels et
conventionnels qui sont en relation avec les droits de l’homme notamment
la protection contre les atteintes à l’intégrité physique, le droit à un procès
équitable et le droit à l’assistance judiciaire.

Toutefois, des dérives peuvent avoir lieu lorsque l’Etat riposte d’une
manière draconienne et laisse de côté toutes les garanties et les droits
accordés aux présumés coupables et applique des méthodes considérés
comme inhumaines et surtout illégales comme le fait de détenir
secrètement une personne suspecte pour de longs délais ou encore avoir
recours à des actes de torture en phase d’interrogation ou d’arrestation or
ces pratiques ont été prouvées par plusieurs rapports nationaux et
internationaux par le biais de témoignages de plusieurs ex-détenus ou de
leurs familles. Parallèlement, ces mêmes rapports condamnent plusieurs
dispositions de la législation anti-terroriste pour leur sévérité exagérée en
matière de sanctions ou de mesures contraignantes mises en place et qui
portent directement atteinte à différents principes légaux dont la
présomption d’innocence.

64
Partie II : Le droit pénal de l’ennemi, lutte anti-
terroriste ou lutte anti-droits de l’homme ?

Face à l’émergence du terrorisme et aux risques liés à ce dernier, l’Etat se


trouve dans l’obligation d’utiliser sa prérogative de punir les auteurs ainsi
que chaque personne impliquée dans toute affaire liée au terrorisme. Or,
avec l’accroissement du pouvoir des terroristes et face à l’augmentation
du taux des attentats au niveau global, Les Etats recourent à des règles
pénales exceptionnelles et à des mesures parfois extrajudiciaires qui
visent certaines tranches de la société dites « ennemis ».

Partant de là, ce qu’on peut constater c’est que les Etats réservent un
traitement différencié à certains individus qui oserait porter atteinte de
manière grave aux principes fondamentaux de la société d’où la
dénomination « droit pénal de l’ennemi » qui a été conçue par Günther
Jakobs en 1985 et qui a été développée en une théorie dans les années
90.

Ainsi, cette théorie prend de l’ampleur de jour en jour mais elle ne fût
populaire qu’après les attentats du 11 septembre 2011 et plus
précisément après que l’administration de Bush a décidé de mener une
guerre sans merci contre le terrorisme.

Parallèlement cette théorie cherche à imposer deux systèmes pénaux, un


destiné à la généralité qui respectent les principes de la société et la Loi et
un autre plus sévère destiné à un groupe de personnes qualifiées
d’ennemies. Ainsi, ce qu’on peut constater de cette distinction est l’idée
d’adoption d’un droit pénal dérogatoire à l’encontre d’une catégorie de
personnes tout simplement à cause de la qualification d’ennemi par l’Etat.

Cependant cette distinction revêt non seulement un caractère


discriminatoire et à la fois contraire au principe démocratique d’égalité

65
devant la Loi puisqu’en dehors de la dérogation de la règle pénale à
l’encontre d’un individu étiqueté comme ennemi, le droit pénal de l’ennemi
distingue aussi le citoyen de l’individu dangereux/ennemi.

Cette distinction est fondée sur le fait que l’individu malgré la commission
de l’acte, on peut attendre de lui un comportement sain à l’avenir tandis
que la dangerosité interdit une telle attente car il ne réussira jamais à
revenir à la normativité et par conséquent la société doit de se protéger
de cet individu dangereux qualifié d’ennemi187 d’où la dépersonnalisation
de ce dernier et par conséquent, sa déshumanisation.

Toutefois, à première vue, le droit pénal de l’ennemi apparaît comme un


nouveau modèle possible de droit pénal impliquant et justifiant les
interventions avant la commission d’une infraction188 et dans ce cas-là, les
infractions terroristes. Mais dans le profond, cette théorie est très souvent
critiquée pour ses fondements conceptuels car le terroriste est considéré
non pas comme étant un criminel mais plutôt comme un ennemi et qui se
verra non seulement s’appliquer un régime juridique dérogatoire mais
peut être aussi placé hors du droit 189 et par conséquent soumis à un
dispositif susceptible de le priver de toute garantie juridictionnelle comme
pour les cas des prisonniers du camp de Guantanamo Bay qui ont été
sujets de plusieurs traitements inhumains et de non-respect de leurs
droits juridictionnels.

Toujours dans ce contexte, cette théorie est aussi critiquée pour son
orientation vers le droit pénal de l’auteur. Or ce dernier permet de juger
l’individu pour ce qu’il est et non pour ce qu’il a fait et, et en même temps
heurte la conception du droit pénal de l’acte et dans des cas extrêmes sa
mise en œuvre peut être liée à des régimes totalitaires ayant marqué
l’histoire de l’Allemagne dans l’ère du 3ème Reich Allemand ou encore l’ex-

187
GIUDICELLI-DELAGE Geneviève, « Droit pénal de la dangerosité-Droit pénal de l’ennemi », Revue de science
criminelle et de droit pénal comparé, 2010, n°1, p.76.
188
DREUILLE Jean-François, « le droit pénal de l’ennemi : éléments pour une discussion », Jurisprudence
critique, Université de Savoie, 2012, p.149.
189
DREUILLE Jean-François, art.cité, 151.

66
Union Soviétique 190 . Parallèlement, cette théorie est aussi défendue par
plusieurs auteurs et évoquent la nécessité de l’Etat d’adopter une
législation substituée vis-à-vis des « ennemis »au nom de l’efficacité de la
lutte et à la protection des populations innocentes191.

Partant de cette distinction, deux questions se révèlent pertinentes :

• En quoi consiste l’émergence et l’effectivité de la théorie


de l’ennemi ?
• Quelles sont les critiques et les limites de cette théorie ?

Ainsi, pour répondre à ces questions, nous allons traiter en détail la 1ère
question dans un chapitre premier et la 2ème question dans le deuxième
chapitre.

190
ZAFFARONI Eugenio Raúl, « dans un état de droit il n’y a que des délinquants », Revue de sciences
criminelles et de droit pénal comparé, 2009, p.43.
191
CANTEGREIL Julien, « la doctrine du combattant ennemi illégal », Revue de sciences criminelles et de droit
pénal comparé, 2010, P.81.

67
Chapitre I : L’émergence et l’effectivité de la théorie

L’idée de la séparation entre le citoyen et l’ennemi n’est pas très récente


comme certains le présument, ainsi, le concept de la dualité dans la même
Loi dans le sens où on parle de deux régimes pénaux différents : Le
premier destiné à la globalité des citoyens où les valeurs et principes et
garanties constitutionnelles sont préservés et que les fondements de la
politique criminelle libérale sont respectés, et un deuxième régime où la
logique guerrière triomphe en exerçant l’autorité de sanction sans aucune
restriction192; remonte au 18éme siècle à l’ère des philosophes de lumière
lorsque Jean Jacques Rousseau a écrit dans son fameux livre intitulé le
contrat social que : « D’ailleurs tout malfaiteur attaquant le droit social
devient par ses forfaits rebelle & traître à la patrie, il cesse d’en être
membre en violant ses lois, & même il lui fait la guerre. Alors la
conservation de l’Etat est incompatible avec la sienne, il faut qu’un des
deux périsse, & quand on fait mourir le coupable, c’est moins comme
citoyen que comme ennemi. Les procédures, le jugement, sont les
preuves & la déclaration qu’il a rompu le traité social, & par conséquent
qu’il n’est plus membre de l’Etat. Or comme il s’est reconnu tel, tout au
moins par son séjour, il en doit être retranché par l’exil comme infracteur
du pacte, ou par la mort comme ennemi public ; car un tel ennemi n’est
pas une personne morale, c’est un homme, & c’est alors que le droit de la
guerre est de tuer le vaincu.»193

D’un autre côté il serait important de souligner que cette théorie est loin
d’être considérée comme encre sur papier, puisqu’elle a influencé
plusieurs corps législatifs et surtout dans la lutte anti-terroriste post les
attentats du 11 septembre 2011 et a de ce fait, aussi impacté les relations
internationales. Or, cette influence s’est manifestée sous plusieurs formes

192
،26 ‫العدد‬،2006 ،‫ مجلة الشريعة و القانون‬،" ‫ القانون الجنائي للعدو‬:‫ " التجريم و العقاب في أقوى نزاعاتهما تسلطا‬، ‫بلقاضي عبد الحفيظ‬
.397.‫ص‬
193
ROUSSEAU Jean Jacques, Le contrat social, 1762, p.71.

68
ce qui a donné naissance à ce que certains appellent « la guerre
préventive »194

Conséquemment, nous allons traiter les origines et les fondements de la


notion de l’ennemi dans une section 1ère et la concrétisation de cette
dernière dans un chapitre 2ème.

Section 1 : L’origine et les fondements de la notion et la théorie de


l’ennemi

La qualification de l’ennemi est donnée à un individu lorsqu’il a décidé de


rompre le contrat social et par conséquent, lorsqu’il rejette totalement les
règles de l’Etat et de la société. Or, cette désobéissance lui confère
l’étiquetage comme un état un EXLEX 195 et prive l’ennemi de
systématiquement jouir de la protection légale ainsi que des différents
droits et garanties mis en faveur des citoyens respectant la Loi et faisant
partie de la société. De ce fait pour bien décortiquer cette section, une
étude concernant la manifestation de cette théorie ainsi que ses
fondements est indispensable.

A. La manifestation de la notion de l’ennemi

La notion de l’ennemi ainsi que les mesures prises à l’encontre de cette


catégorie de personnes n’est point une idée récente comme certains le
pensent. Toutefois elle a réussi à survivre jusqu’à son retentissement dans
le début des années 2000 après les attaques du 11 septembre 2001, et a
aussi réussi à influencer concrètement une série de nouvelles tendances
législatives, policières ou encore militaires196.

194
398.‫ ص‬،cité.art ، ‫بلقاضي عبد الحفيظ‬
195
Exlex : Mot latin signifiant Hors la Loi
196
PAPA Michèle, « Droit pénal de l’ennemi et de l’inhumain : un débat international », Revue de science
criminelle et de droit pénal comparé, 2009, n°1, p.3.

69
Au moment même, l’histoire de la notion de l’ennemi et le choix de ce mot
remonte au siècle des lumières lorsque Jean Jacques Rousseau avait
souligné dans le 6ème chapitre du contrat social sur l’impérativité d’exclure
de la société chaque individu considéré comme un non-associé197.

Parallèlement, le philosophe allemand Fichte avait aussi écrit dans ce sens


que : « Quiconque viole les termes du contrat social sous quelque forme
que ce soit, intentionnellement ou non, en ignorant la précaution que ce
contrat impose perds tous ses droits en tant que citoyen et personne et
devient un hors la loi »198. Fichte avait aussi qualifié le condamné comme
étant : « une chose, une tête de bétail » 199 , d’ailleurs ses propos et
perspectives inhumaines ne se sont pas arrêtés à ce niveau puisqu’il a
aussi précisé que cette tête de bétail désormais qualifiée comme animal
nuisible doit être abattue par l’Etat 200 et que « sa mort n’est nullement
une peine, mais seulement un moyen de préserver sa sécurité »201.

Toujours restant dans un contexte philosophique, Hobbes avait cité que


chaque criminel sera bien entendu puni. Toutefois si le criminel est accusé
de désobéissance ou de trahison il subira une peine différente que celles
mises en place pour les crimes ordinaires : « les rebelles, les traîtres et les
autres convaincus de crime de lèse-majesté, ne sont pas punis par le droit
civil, mais par le droit de nature, c’est-à-dire non en qualité de mauvais
citoyens, mais comme ennemis de l’État et que la justice ne s’exerce pas
contre eux par le droit de la souveraineté, mais par celui de la guerre. »202

Ainsi, la vision de Hobbes est expliquée par l’existence de deux types de


crimes : le premier type est commis par un citoyen en transgressant les
règles mises en place par l’Etat et dans ce cas-là il est obligatoire de
sanctionner cet individu selon les dispositions des textes pénaux ; tandis

197
ROUSSEAU Jean Jacques, ouvr.cité, p.22
198
FICHTE Gottlieb Johann, Fondement du droit naturel selon les principes de la doctrine de la science, 1796,
p.269.
199
Fichte Gottlieb Johann, ouvrage.cité, p.287
200
Ibid, p.288
201
406.‫ ص‬،cité.art ، ‫بلقاضي عبد الحفيظ‬
202
HOBBES Thomas, De cive, 1642, chapitre XXII, p.163-164.

70
que le deuxième porte atteinte gravement à l’Etat ce qui le dépouille du
statut de citoyen et le renvoie aux rangs des ennemis de l’Etat d’où la
sanction n’est pas issue du droit civil mais du droit de la guerre.

De ce fait, il est clair que Rousseau et Hobbes voyaient dans chaque


criminel un ennemi certain, toutefois Hobbes ne donnait cette qualification
que lorsque le crime se caractérisait par une dangerosité hors-pair.

Cependant, ils ne sont pas les seules philosophes qui ont étudié et écrit
sur la notion de l’ennemi, puisque Kant avait aussi traité ce point en
précisant que : « Pour que l’on soit à l’abri de tout acte d’hostilité il ne
suffit pas qu’il ne se commette point de tels actes, il faut de plus qu’un
voisin garantisse à l’autre sa sécurité personnelle ; ce qui ne saurait avoir
lieu que dans un état légal. Hors un tel état, chacun est en droit de traiter
tout autre en ennemi, après lui avoir inutilement demandé garantie. »203.

Dès lors, ce que Kant a voulu transmettre c’est que le traitement hostile
ne peut avoir lieu que contre un agresseur et par conséquent un ennemi,
or les individus vivant dans la même communauté doivent se garantir
réciproquement la sécurité et la sûreté afin qu’aucun deux ne constituent
une menace ou un danger pour l’autre. Toutefois si cet engagement n’est
pas honoré par l’une des parties, la personne concernée doit soit changer
de voisinage soit être qualifiée d’ennemi et subir l’hostilité.

Grosso modo, il est évident que la vision de Hobbes et de Kant


comportent des points de similitude puisque Hobbes affirme que le rebelle
qui désobéit les règles et le traître accusé de haute trahison doit être
dépouillé de son statut en tant qu’être humain et par conséquent subir
une dépersonnalisation, parallèlement Kant partage aussi la même
perspective puisque il souligne que chaque personne qui représente une
menace à la société et par conséquent le voisinage ou qui refuse
carrément de faire partie de la société civile est indigne d’être traité
comme un être humain.

203
KANT Immanuel, Essai philosophique sur la paix perpétuelle, 1880, deuxième section, p.12.

71
Ainsi, ce qu’on peut conclure c’est que ces deux philosophes ont reconnu
l’existence de deux régimes pénaux : un régime dédié aux citoyens qui
sont tombés dans la sphère de criminalité par accident ou pour des
raisons contraignantes, et un deuxième régime dédié à l’individu qui a
rendu la criminalité comme son mode de vie. Ipso facto, la différence
entre les deux régimes c’est que l’individu n’est dépersonnalisé et
dépouillé de son statut d’être humain et par conséquent tombe dans la
qualification d’ennemi que s’il est soumis au deuxième régime.

Historiquement parlant, la concrétisation de la théorie du droit pénal de


l’ennemi peut être tracée au début du 20ème siècle avec le fameux
théoricien du droit nazi Carl Schmitt qui avait élaboré la construction
théorique qu’il a nommé Freund und feind204 et c’est cette théorie qui a
construit les bases pour le développement d’une base juridique
permettant de distinguer un droit pour le citoyen dit « ami » qui se
caractérise par une certaine clémence contrairement au droit destiné à
l’ennemi qui est caractérisé par sa sévérité205.

Or, cette approche a été appliquée en plein 20ème siècle à l’Allemagne


nazie pour distinguer ceux appartenant à la race aryenne et par
conséquent la Volksgemeinschaft206 et ceux appartenant à d’autres races
qui étaient considérés comme inférieures et qui ne méritent pas de faire
partie de la race supérieure207.

Ainsi, le premier pas de cette politique était l’exclusion juridique de


chaque individu qualifié comme ennemi et par ennemi ils visaient ceux ne
faisant pas partie de la communauté du peuple, dès lors, ils étaient

204
Freund und feind : mot allemand signifiant “ami et ennemi”
205
MUÑOZ CONDE Francisco, « Le droit pénal international est-il un droit pénal de l’ennemi ? », Revue de
science criminelle et de droit pénal comparé, 2009, n°1, p20.
206
Volksgemeinschaft : mot allemand signifiant “la communauté du peuple”, ce mot fut employé par le régime
nazi d’Adolf Hitler afin de préciser les traits de race aryenne et évidemment le peuple allemand et en excluant
socialement et même parfois tuant chaque personne qui ne dispose pas des critères prédéfinis par ce régime.
207
MUÑOZ CONDE Francisco, art.cité, p20.

72
considérés comme des citoyens de 2ème classe ne jouissant pas de leurs
pleins droits208.

Or, la deuxième phase de cette politique d’exclusion s’est manifestée par


la brutalité puisque les allemands ne se sont pas contentés d’exclure
juridiquement ceux qu’ils qualifiaient d’ennemi mais ils sont passés à la
phase d’élimination physique d’autres races oudes dégénérés de leur
propre race aryenne 209 , ou encore en emprisonnant leurs ennemis sans
aucun type de garanties légales ni de droits dans des conditions
inhumaines.

Toutefois, cette approche visant l’ennemi ne s’est pas arrêtée à ce stade,


elle a aussi influencé le droit pénal allemand et cela par le biais de
Edmund Mezger 210 qui avait même proposé un projet de Loi pour ceux
qu’il appelait « étrangers et ennemis de la communauté » dans lequel il
proposait l’emprisonnement à durée indéterminée dans des camps de
concentration ou encore la stérilisation des « indésirables ». Il est aussi
important de souligner que ces mesures ont concrètement eu lieu dans
plusieurs camps dont celui de Dachau ou encore d’Auschwitz.

Quant à l’histoire moderne, la théorie du droit pénal de l’ennemi a émergé


après les divers attentats suicides qui ont eu lieu dans plusieurs pays,
mais le surgissement ne s’est explosé qu’après les attentats du 11
septembre 2001 à New York lorsque les États-Unis ont élaboré le concept
du « combattant ennemi illégal » et par conséquent l’adoption du Patriot
act211.

Or cette Loi est considérée comme une sorte de « laissez-passer » pour


un droit dérogatoire comportant diverses sanctions et mesures loin de

208
Ibid, p.21.
209
Ibid, p.21.
210
MEZGER Edmund : criminologue allemand connu pour ses positions nazies et ses théories alimentées par la
xénophobie.
211
Patriot act : acronyme de « Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to
Intercept and Obstruct Terrorism Act », est une loi antiterroriste votée par le congrès américain le 26 octobre
2001, en réaction aux attaques terroristes du 11 septembre 2001.

73
l’ordinaire, d’ailleurs cette Loi comportait diverses propositions comme
l’amendement Ashcroft qui proposait de dégrader les citoyens américains
accusé de terrorisme de leur nationalité ou la détention sans caution des
individus suspectés de terrorisme212.

D’ailleurs, cette Loi a aussi permis la création de plusieurs camps de


détention dont le Guantanamo Bay ou encore la prison d’Abu-Ghreib,
toutefois, ces camps d’emprisonnement sont fameux non seulement pour
les profils et la dangerosité des détenus mais aussi pour les conditions
inhumaines et leurs violations des droits de l’homme que ce soit en
matière de traitement des prisonniers ou encore de non-respect de leurs
droits et garanties légales.

B. Les fondements conceptuels du droit pénal de l’ennemi

Comme précédemment cité, le concept de l’ennemi et la dérogation des


règles pénales visant à le sanctionner ne sont pas le fruit d’une conception
moderne. Toutefois, la doctrine la plus connue est celle du droit pénal de
l’ennemi qui a été conçue la première fois en 1985 par Gunther Jakobs
mais qui s’est vue connue particulièrement en 2005 lorsque plusieurs
Etats menaient la guerre contre le terrorisme. Ainsi, une étude
approfondie des fondements de cette théorie s’estime indispensable.

Tout d’abord, la théorie de Jakobs ne vise pas tous les individus qui
enfreignent la Loi, bien au contraire, la figure de l’ennemi autour de
laquelle s’articule la théorie de Jakobs concerne les individus qui récidivent
d’une manière constante ou ceux qui commettent des crimes qui portent
atteinte à l’existence de l’Etat et à sécurité.

Or, l’auteur vise principalement les individus déviants qui n’offrent aucune
garantie liée à un comportent sain et conforme à la Loi, et insiste à ce que
ces derniers ne doivent pas être traités comme des citoyens, mais être

212
http://edition.cnn.com/2003/LAW/09/11/ashcroft.patriot.act/, consulté le 04/02/2020 à 23h37.

74
combattus comme des ennemis213. Ainsi il est évident à ce que l’auteur
vise indirectement une catégorie bien précise de criminels dont : les
bandes criminelles organisées, les tueurs ou encore violeurs en série et
sans pour autant oublier les mercenaires et les terroristes, par conséquent
il faut préciser que ce type de délinquants ont tous un point en commun
qui est l’abandon définitif de leur statut de citoyen avec leur plein gré et
ils se sont automatiquement donné le statut d’ennemi volontaire dans le
sens où ils ont suivi ce parcours par choix ; d’où l’absence de garantie de
réinsertion sociale dans le futur et dès lors, l’étiquetage d’ennemis par
Jakobs car ils sont considérés comme des bombes à retardement qui
peuvent exploser et créer des dégâts n’importe où et n’importe quand. De
ce fait l’ennemi devient un danger imminent qui doit être neutralisé par
tous les moyens dont l’Etat dispose afin de le préserver ainsi que ses
citoyens.

De ce fait, le droit pénal de l’ennemi revêt 3 caractéristiques :

➢ La 1ère est l’anticipation de la sanction, or cette caractéristique


repose sur le fait que le système pénal de l’ennemi se base sur le
futur et non sur le passé dans le sens où le droit pénal de l’ennemi
agit avant même que l’ennemi pense à commettre l’acte ou même
avant de procéder aux actes préparatoires. On peut conclure que ce
droit dérogatoire agit avant l’exécution ou avant la fin de l’iter
criminis214. Ainsi cette action proactive est manifestée par le besoin
fondamental de la sécurité que la société exige et la protège
d’éventuels crimes dangereux tels que l’association des malfaiteurs
et le terrorisme et le trafic illicite de stupéfiants 215 ; de ce fait il
serait indispensable d’exposer ces individus avant qu’ils passent à
leurs actes intimidants et troublants même s’ils sont à première vue
dans un état normal, dès lors l’obligation de sanctionner avant que
le danger potentiel atteint le stage de la concrétisation.

213
411.‫ ص‬،cité.art ، ‫بلقاضي عبد الحفيظ‬
214
Ibid,p.414.
215
Ibid, p.415.

75
➢ La 2ème caractéristique est la sévérité des peines par rapport aux
régimes pénaux dans les conditions ordinaires, puisque le droit
pénal de l’ennemi se caractérise par un certain alourdissement des
sanctions. Toutefois cela peut transgresser le principe de
proportionnalité de la peine vis-à-vis de l’acte commis mais cela
demeure justifié par Jakobs en précisant qu’une lutte voir une
guerre s’estime tout à fait indispensable afin de préserver la stabilité
et la sécurité de l’Etat ainsi que de ses citoyens216, d’un autre côté
l’auteur souligne que la culpabilité est réservée au citoyen et la
dangerosité à l’ennemi et que toute contrainte employée à
l’encontre de l’individu comme la garde à vue ou l’écoute
téléphonique restreint ses droits et constitue une
dépersonnalisation. Toutefois cette dépersonnalisation est divisée en
deux degrés : une dépersonnalisation limitée réservée au citoyen, et
une dépersonnalisation extrême qui conduit à la déshumanisation
destinée à l’ennemi217.

➢ La 3ème et dernière caractéristique est la limitation ou l’élimination


totale des garanties et droits dans la phase procédurale, les fameux
exemples de cette caractéristique peuvent prendre plusieurs formes
notamment :

▪ L’interdiction au détenu de contacter son avocat et


par conséquent le privant d’un de ces droits et en
l’interdisant d’avoir recours à un conseil juridique ou
une assistance judiciaire tout court.

216
GIUDICELLI-DELAGE Geneviève, « art.cité », p.78.
217
Ibid, p.76.

76
▪ La présomption de culpabilité qui remplace la
présomption d’innocence puisque normalement un
individu est toujours considéré innocent jusqu’à la
preuve du contraire et par conséquent sa
condamnation, or dans le droit pénal de l’ennemi ce
principe est remplacé par la présomption de
culpabilité qui signifie que l’individu est coupable des
faits dont il est accusé jusqu’à la preuve du contraire
et dans ce cas-là jusqu’à la preuve de son
innocence. Toutefois, dans l’absence d’assistance
juridique l’individu ne sera jamais en mesure de se
défendre et par suite être acquitté. Ainsi, Jakobs
parle non pas d’une législation de sanction mais
d’une législation de lutte qui est basée sur la
limitation de droits et garanties. De ce fait, la
législation civile cède sa place pour une législation
rigoureuse dans le but est d’assurer la sécurité et la
continuité de l’Etat coûte que coûte en neutralisant
les ennemis dangereux ou encore potentiellement
dangereux.

Section 2 : La concrétisation de la théorie de l’ennemi

Le droit pénal de l’ennemi n’est désormais plus une théorie, mais une
orientation qui fût adoptée par plusieurs Etats afin de lutter effectivement
contre le terrorisme et garantir la paix et sécurité publique. Ainsi les
manifestations tangibles de cette théorie ont toujours existé au cours de
l’histoire humaine comme on l’a précisé à la 1ère section, mais les séries
de manifestations concrètes dans l’histoire moderne ne se sont retenties
qu’après les attentats du 11 septembre 2001 puisque plusieurs Etats ont

77
reformé leurs législations anti-terroristes pour lutter et par conséquent
enchaîner le war on terror.

Cependant cette guerre n’était pas seulement actionnée par les États-Unis
uniquement mais aussi par d’autres Etats notamment ceux faisant partie
de l’Union-Européenne, ainsi ce plan d’action a pris deux formes
majeures :

▪ Un plan d’action législatif


▪ Un plan d’action sécuritaire

Ipso facto, ces deux plans seront étudiés dans les axes suivants dans
lesquels seront démontrées les influences que l’attentat du 11 septembre
a imposé pour prendre les différentes mesures en ce qui concerne la
législation anti-terroriste et les actions des Etats prises en la matière afin
de combattre le terrorisme.

A. Le renforcement du corps législatif

Après les attentats de New-York, plusieurs Etats se sont mis d’accord sur
le renforcement de leurs corps législatifs anti-terroriste en prenant des
mesures qui sont majoritairement contraignantes et portent atteinte aux
droits et libertés fondamentaux.

Toutefois ces mesures restent nécessaires afin d’éradiquer le danger que


le terrorisme représente et satisfaire à l’obligation qui incombe à l’Etat de
maintenir la sécurité et la paix publique, or ces mesures se sont
renforcées dans plusieurs Etats après les attentats du 11 septembre.

Conséquemment il s’impose de citer les différents changements que


certains corps législatifs ont subis suite à cette guerre collective contre le
terrorisme, ipso facto le corps législatif américain, britannique et français
serviront d’exemples puisque ces pays sont considérés comme le berceau
de la démocratie.

78
Premièrement, il est nécessaire de souligner que les États-Unis
d’Amérique fût la première à légiférer contre le terrorisme post les
attentats du 11 septembre et cela est dû au fait que les attaques ont eu
lieu sur son territoire. Or elle adopté le patriot act le 26 octobre 2001 soit
seulement 45 jours après les attentats, cette Loi comportait diverses
mesures exceptionnelles qui allaient être appliquées dans les 4 ans qui
suivent l’adoption.

Ainsi, cette Loi se composait de 10 titres notamment : la protection des


frontières, la modification de la législation anti-terroriste, la lutte contre le
financement du terrorisme, l’amélioration des procédures de surveillance
et l’élimination d’obstacles liés à l’investigation du terrorisme.
Parallèlement, l’adoption du patriot act a permis à l’Etat d’américaine de
prendre différentes mesures notamment la reconnaissance de l’autorité
absolue de l’Etat dans le champ de lutte contre l’émigration sans être
soumise aux restrictions matérielles ou procédurales prévues par le droit
interne ou droit international 218 . Or cette mesure s’est manifestée par
plusieurs aspects notamment :

▪ L’arrestation et la détention pendant une durée non fixée


des non-citoyens et des non-terroristes qui se trouvent
au territoire américain sans un visa d’entrée si ces
derniers sont des apatrides219.

▪ L’accordement au secrétaire d’Etat américain le pouvoir


de fournir à des gouvernements étrangers des
informations liées à la base des données de surveillance
des visas et cela dans le cadre dans la coopération
multilatérale contre le terrorisme220.

218
426.‫ ص‬،cité.art ، ‫بلقاضي عبد الحفيظ‬
219
Patriot Act, section 412.
220
Patriot Act, section 413.

79
Toujours dans ce contexte, l’adoption du patriot act a aussi permis aux
États-Unis d’améliorer ses procédures de surveillance qui s’est concrétisée
notamment par :

▪ L’Autorité absolue à intercepter les communications


orales, téléphoniques et électroniques relatives au
terrorisme221.

Et d’un autre côté a aussi permis au renforcement de sa législation anti-


terroriste par le biais de :

▪ L’application de la législation américaine sur les crimes


commis contre des établissements américains à
l'étranger222.

▪ La suppression de la prescription légale pour certaines


infractions terroristes223.

▪ La supervision des terroristes après qu’ils soient libérés


de l’emprisonnement224.

Deuxièmement, le Royaume-Uni fût aussi affecté par les attentats de


New-York et par conséquent adopte le 14 décembre 2001 le Anti-
terrorism, crime and security act. Toutefois il est important de souligner
que certaines dispositions de cette Loi ont été modifiées à cause de
certaines critiques par la population et par la cour suprême britannique,
nonobstant une lecture sur l’effet des attentats du 11 septembre sur la
législation britannique s’impose.

221
Patriot Act, section 201.
222
Patriot Act, section 804.
223
Patriot Act, section 809.
224
Patriot Act, section 812.

80
Ainsi, le Royaume-Uni s’est vu obligé de renforcer son corps législatif et
par conséquent prendre différentes mesures drastiques dont :

▪ La détention indéfinie sans accusations de


ressortissants étrangers en cas de soupçon
d'implication dans le terrorisme225.

▪ L’enregistrement d’empreinte de tout immigrant ou


demandeur d’asile pendant 10 ans226.

▪ L’interception des communications et des données de


toute personne soupçonnée de terrorisme ou ayant un
lien avec une personne soupçonnée de terrorisme227.

Finalement, quant à la France, la république a promulgué le 15 novembre


2001 la loi relative à la sécurité quotidienne. Toutefois, il est important de
souligner que la France n’a renforcé sa législation anti-terroriste qu’après
l’enchaînement de la guerre collective mondiale contre le terrorisme et
qu’après les attentats de 2015 à paris et qu’elle ne fût pas affectée
directement par les attentats du 11 septembre. De ce fait il serait évident
de citer les différents mesures légales prises en cette encontre :

▪ La soumission à un contrôle administratif immédiat à


toute personne qui a quitté le territoire et suspecté
d’avoir regagné un théâtre d’opérations de
groupements terroristes228.

225
Anti-terrorism, Crime and Security Act 2001: Part IV, Section 23.
226
Anti-terrorism, Crime and Security Act 2001: Part X, Section 89.
227
Anti-terrorism, Crime and Security Act 2001: Part XI, Section 101.
228
Loi 225-1 du code de la sécurité intérieure français.

81
▪ L’autorisation d’exécuter les perquisitions de domiciles
à tout moment en vue d’enquêter sur des infractions à
caractère terroriste229.

▪ L’interdiction aux étrangers accusés d’infractions


terroristes d’accéder au territoire français soit à titre
définitif soit pour une durée de dix ans ou plus230.

▪ La fermeture pour une durée qui ne peut excéder 6


mois de lieux de cultes où sont tenus des idées ou
théories ou activités qui provoquent à la violence, à la
haine ou à la discrimination ou provoquent la
commission d'actes de terrorisme ou font l'apologie de
tels actes231.

▪ L’établissement d’un périmètre géographique


infranchissable et l’obligation d’une présentation
quotidienne aux forces de l’ordre et la déclaration du
lieu d’habitation à toute personne suspectée de
comportement qui représente une menace
particulièrement grave à la sécurité et à l’ordre public
ou qui entretient des relations avec des personnes ou
organisations qui incitent, facilitent ou participent à
des actes de terrorisme, soit cette soutient, diffuse, ou
adhère à des thèses incitant à la commission d'actes
de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes232.

229
Article 706-89 et 706-90 du code de la procédure pénale français.
230
Article 422-4 du code pénal français.
231
Loi 227-1 du code de la sécurité intérieure français.
232
Loi 228-1 et 228-2 du code de la sécurité intérieure français.

82
B. La mise en pratique des plans d’actions sécuritaires

Le droit pénal de l’ennemi ne se concrétise pas seulement à travers


l’aspect législatif en créant un droit à deux vitesses dont un consacré aux
citoyens et un à ceux qualifiés d’ennemis, mais aussi sur un plan d’action
sécuritaire.

Or, qui parle de neutralisation de l’ennemi parle aussi d’emprisonnement,


et bien entendu de modes opératoires de différents services de sécurité et
de renseignement.

Dans les temps modernes, la première concrétisation vient de la part des


États-Unis et date du 13 novembre 2001, lorsque le président Américain
George Bush avait ordonné dans un décret intitulé The Military Order
number 1 la création de tribunaux militaires secrets afin de juger les
individus coupables de complots terroristes ne possédant pas la nationalité
américaine233 et par conséquent la création de l’infâme camp de détention
de Guantanamo Bay qui se trouve à Cuba.

Toutefois il est important de souligner que le 22 janvier 2002 soit 4 mois


après les attentats et avant l’idée de la création des camps de détention,
l’office of legal counsel rend un mémorandum à la maison blanche dans
lequel est cité que les terroristes ne doivent pas jouir de garanties offertes
par la convention de Genève234 d’où l’instauration du statut de combattant
illégal. Par conséquent, le recours à ce statut a permis la création de
différents camps de détention dont Guantanamo Bay et l’usage de
différents méthodes inhumaines et coercitives que ce soit en matière
d’interrogation ou encore de détention, et à dénier aux combattants
terroristes le statut de prisonniers de guerre235.

233
https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2001/11/20011113-27.html, consulté le
12/02/2020 à 23h28.
234
BENHESSA Ghislain, l’Etat de droit à l’épreuve du terrorisme : de l’Amérique post-11 septembre à la France
comme état d’urgence, Paris, L’archipel, 2017, p.92.
235
BENHESSA Ghislain, ouvr.cité, p.92.

83
Ainsi, cette stratégie fût justifiée par John Yoo 236 dans un Article au
Washington post le 1er février 2005 : « Les groupes terroristes
multinationaux et les pseudo-États posent un grave problème pour la
guerre fondée sur les traités. Les terroristes prospèrent en tuant des civils
et en bafouant les règles de guerre conventionnelles. Des dirigeants
comme Hussein et le mollah Mohammed Omar des Taliban ignorent le sort
de leurs soldats capturés. Ils n'ont rien à voir avec le traitement humain
des prisonniers américains. Un traité comme la Convention de Genève
prend tout son sens lorsqu'il lie de véritables nations qui peuvent rendre
un traitement humain aux prisonniers en retour. Son existence et ses
avantages plaident même pour le type d'édification de la nation qui utilise
les troupes américaines et d'autres types de pressions dans des endroits
comme la Somalie, l'Afghanistan et l'Irak; davantage d'États-nations nous
rendent tous plus sûrs. Mais la Convention de Genève n'a pas de sens
lorsqu'elle est appliquée à un groupe terroriste ou à un pseudo-État. Si
nous devons combattre ce genre d'ennemis, nous devons créer un nouvel
ensemble de règles237 »

Par conséquent, la création de nouvelles règles a cédé place à différentes


pratiques sous le prétexte de la sécurité nationale dont :

• La détention indéfinie sans chef d’accusation, puisqu’elle était


considérée comme une conséquence de guerre et non d’un acte
pénalement répréhensible 238 . Ainsi, cette détention avait pour
objectif non pas la traduction de ce dernier devant une

236
Ex-Attaché au département de justice américaine à l’ère de l’administration Bush connu par ses positions
radicales et dérogatoires à l’épreuve de la war on terror.
237
Traduction non-officielle de : « Multinational terrorist groups and pseudo-states pose a deep problem for
treaty-based warfare. Terrorists thrive on killing civilians and flouting conventional rules of war. Leaders like
Hussein and the Taliban’s Mullah Mohammed Omar ignore the fates of their captured soldiers. They have
nothing riding on the humane treatment of American prisoners. A treaty like the Geneva Convention makes
perfect sense when it binds genuine nations that can reciprocate humane treatment of prisoners. Its existence
and its benefits even argue for the kind of nation-building that uses U.S. troops and other kinds of pressures in
places like Somalia, Afghanistan and Iraq; more nation-states make all of us safer. But the Geneva Convention
makes little sense when applied to a terrorist group or a pseudo-state. If we must fight these kinds of enemies,
we must create a new set of rules », https://www.latimes.com/archives/la-xpm-2005-feb-01-oe-yoo1-
story.html, consulté le 13/02/2020 à 11h18.
238
BENHESSA Ghislain, ouvr.cité, p.97-98.

84
juridiction mais plutôt l’éloignement définitif de l’individu afin de
l’empêcher à porter atteinte aux États-Unis et par conséquent
protéger la sécurité nationale.

• L’autorité absolue à procéder à la collecte de renseignements


auprès des détenus sous l’ombre de la sécurité nationale,
puisque les États-Unis ont toujours justifié l’usage de méthodes
coercitives dans les interrogatoires comme étant fructueuses et
ont permis au démantèlement de cellules terroristes et ont
donné lieu à un nombre d’attentats déjoués 239 . Or John Yoo
avait même ajouté que ces techniques interrogatoires ne
peuvent même pas être qualifié de torture et souligne que :
« La prohibition de la torture n’interdit pas toute douleur ou
souffrance, qu’elle soit physique ou mentale, mais seulement
une douleur ou une souffrance sévère. Le Congrès n’a pas
défini le terme sévère. Les dictionnaires de référence
définissent l’adjectif sévère comme impliquant une douleur
grave, intense, aiguë et difficilement supportable. L’OLC
interprète le terme sévère comme caractérisant un niveau de
souffrance équivalant en intensité à la douleur accompagnant
des blessures corporelles graves, comme la mort, une
défaillance organique ou un dysfonctionnement grave des
fonctions corporelles » 240 .Et par conséquent, les méthodes
appliquées ne causent ni dommages sévères ni dommages
prolongés241 et donc conformes aux limitations fixées par la Loi
des États-Unis.

239
Ibid, p.103.
240
Traduction non officielle de : « The ban on torture does not prohibit any pain or suffering, wether physical or
mental, only severe acts. Congress did not define severe. Standard dictionaries define severe in the context of
pain as something that is grevious, extreme, sharp, and hard to endure. OLC interpreted severe as a level of
pain equivalent in intensity to the pain accompanying serious physical injury, such as death, organ failure, or
serious impairment of body functions », YOO John, War by Other Means: An Insider's Account of the War on
Terror, Atlantic monthly press, 2006, p.175.
241
BENHESSA Ghislain, ouvr.cité, p.106.

85
• Le recours aux différentes méthodes afin de « discipliner » les
détenus désobéissants dont : l’isolement, le rasage forcé des
cheveux ou de la barbe, le maintien prolongé en position
debout, la privation de sommeil, l’exercice obligatoire…

Parallèlement, les États-Unis est loin d’être la seule à avoir mis en place
un dispositif sécuritaire pour combattre et prévenir le terrorisme, la France
a aussi pris des mesures exceptionnelles en déclarant l’Etat d’urgence à
partir de l’attaque du 7 janvier 2015 visant le journal satirique charlie
hebdo et l’attaque du supermarché juif qui a eu lieu le 9 janvier soit 48
heures après.

Toutefois, la France à travers ses ministres a toujours exprimé sa position


sécuritaire dont le discours de son premier ministre Manuel Valls le 13
janvier 2015 : « À une situation exceptionnelle doivent répondre des
mesures exceptionnelles. Mais je le dis avec la même force : jamais des
mesures d’exception qui dérogeraient au principe du droit et des valeurs »
242.

Or, contrairement aux États-Unis, la France déclare l’Etat d’urgence qui


est définit comme étant une mesure exceptionnelle pouvant être décidée
par le conseil des ministres soit en cas de péril imminent résultant
d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas de calamité publique et qui
permet de renforcer les pouvoirs des autorités civiles et de restreindre
certaines libertés publiques ou individuelles pour des personnes
soupçonnées d’être une menace pour la sécurité publique243.

Ainsi, la dernière fois que cette mesure a été appliquée, elle a duré
presque deux ans et a eu lieu entre le 14 novembre 2015 et le 1 er

242
https://www.liberation.fr/france/2015/01/13/valls-des-mesures-exceptionnelles-pas-des-mesures-d-
exception_1179873, consulté le 14/02/2020 à 16h11.
243
Loi française n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

86
novembre 2017 en raison des risques d’attentats terroristes qui ont visé la
République.

Toutefois la mise en œuvre de l’Etat d’urgence donne lieu à des mesures


exceptionnelles en matière de sécurité publique, et parmi ces mesures se
trouvent :

• L’interdiction de séjour dans tout ou partie du département à


toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que
ce soit, l'action des pouvoirs publics244.

• Le placement sous surveillance électronique mobile à toute


personne ayant des antécédents liés au terrorisme 245 .
Toutefois cette surveillance peut être appliquées sur les gens
qui n’ont pas forcement de casier judiciaire, mais qui sont
fichés S246.

• L’effectuation des perquisitions, de jour comme de nuit,


lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un lieu est
fréquenté par une personne dont le comportement constitue
une menace pour la sécurité et l'ordre publics247.

• Interrompre les services de communication en ligne qui


incitent au terrorisme ou en font l’apologie248.

244
L'alinéa 3 de l’article 5 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
245
L’article 6 de la loi no 2015-1501 relative à l’état d’urgence modifiée le 20 novembre 2015.
246
Fiche signalétique de personnes recherchées qui a été créée en 1969 pour recenser les personnes
recherchées ou surveillés de prés ou de loin par les services de renseignement, cette base de données
comporte 21 sous-catégories dont celle de la sûreté de l’Etat qui est classée sous la dénomination “S“. De
surcroît, le fichier “S“ comprend 16 niveaux de classification qui augmentent selon la dangerosité de l’individu
et la marche à suivre pour les forces de l’ordre et si la personne fichée est un suspect de “High value“ ;
toutefois elle est largement critiquée pour son mode opératoire notamment l’ajout de certains personnes à
cette base de données parce qu’ils sont stigmatisées ou parce qu’ils sont des militants politiques.
247
L'alinéa 1 de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
248
L'alinéa 2 de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

87
D’autre part, la république avait énoncé le 3 novembre l’effectivité de ses
mesures prises lors de l’Etat d’urgence par le biais d’un bilan établi du
ministère de l’intérieur249 en précisant que cette mesure a permis à :

• Déjouer 32 attentats.

• Effectuer 4469 perquisitions.

• Ordonner 754 assignations de résidence.

• Fermer 19 lieux de cultes.

249
https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-des-actualites/2017-Actualites/Bilan-de-l-etat-d-urgence,
consulté le 15/02/2020 à 12h45.

88
Chapitre II : Le droit pénal de l’ennemi aux frontières peu
claires, critiques et limites

D’un commun accord, nul ne peut contester que le droit pénal de l’ennemi
ne soit pas en norme avec les valeurs démocratiques du fait qu’il mette de
côté le principe d’égalité en imposant un droit à deux vitesses : un droit
destiné au citoyen, et un autre pour l’ennemi.

Parallèlement le droit pénal de l’ennemi revêt aussi un caractère répressif


qui se distingue par rapport au droit pénal ordinaire d’une certaine
inhumanité en éliminant les droits et libertés essentielles tel que le droit à
l’assistance judiciaire, le droit à un procès équitable ou encore le droit à la
protection de la vie privée. Par suite laissant place à la dilution de
nombreux principes légaux universels, chose qui en résulte qu’elle fait
l’objet de nombreuses critiques.

Par ailleurs la théorie de l’ennemi reste une théorie incomplète et à la fois


injustifiée dû au fait d’imperfections qui limitent cette dernière, et par
conséquent laisse place à plusieurs questions quant à ses fondements
conceptuels.

Conséquemment, la section 1ère fera l’objet d’analyse des critiques émises


à l’encontre de cette théorie, tandis que la section 2èmesera consacrée à
ses limites.

Section 1 : Les critiques de la théorie du droit pénal de l’ennemi

Le droit pénal moderne tel que l’a pensé la déclaration des droits de
l’homme en 1789 inspirée par la philosophie pénale de Beccaria250, est un
droit pénal humain qui croît en la rééducation d’un délinquant et par

250
LAZERGES Christine et HENRION-STOFFEL Hervé, art.cité, page 649.

89
conséquent sa réintégration dans la société et de se conduire à l’avenir
conformément à la loi.

D’autre part, c’est aussi un droit qui est soumis à plusieurs principes
universels tels que le principe de légalité, la présomption d’innocence et le
droit au procès équitable.

Toutefois, le droit pénal de l’ennemi comme traité dans le 1erchapitre de


cette section représente tout le contraire du droit pénal moderne libéral et
ne considère pas le délinquant comme étant un être humain puisqu’il est
dépersonnalisé mais plutôt comme un sphinx qui n’offre pas de garanties
quant à ses comportements futurs ergo la nécessité de le neutraliser et le
privant de la jouissance de plusieurs garanties et droits issues de
différents principes légaux universels.

Ainsi c’est ce fondement de la théorie du droit pénal de l’ennemi qui pose


problématique et donne lieu à une série de critiques émises à l’encontre
de cette dernière, ipso facto l’énumération de ces critiques s’estime
indispensable.

A. La dilution du principe de la légalité et de la culpabilité

Le principe de légalité représente un des piliers fondamentaux de l’Etat de


droit, et signifie que nul individu ne peut être condamné pour un crime ou
à une peine qu’en vertu d’un texte pénal précis et clair et parallèlement il
est aussi connu sous l’adage latin « Nullum crimen, nulla pœna sine
lege ».

Toutefois le droit pénal de l’ennemi est tout à fait contraire à ce principe,


or le droit pénal de l’ennemi souligne à ce que la sanction soit anticipée et
par suite appliquée avant la concrétisation de l’infraction on se basant sur
les traits de l’individu visé, ce même droit souligne aussi qu’en cas de
culpabilité de l’individu désormais qualifié d’ennemi d’un acte quelconque

90
ce dernier doit être soumis à des peines dérogatoires sévères que celle
existant dans le droit commun et perdre ses droits en tant qu’être humain.

Mais en réalité, est-ce vraiment juste de sanctionner un individu en se


basant uniquement sur l’un de ces caractéristiques ? La réponse est un
peu complexe.

Ainsi, le rôle du principe de la légalité est d’assurer à ce que les Etats ne


prennent pas des actions ou mesures arbitraires à l’égard des condamnés
par le biais de jugement basé sur des actes qualifiés comme illégales mais
ne figurant pas clairement dans les textes légaux ou encore l’ordonnance
de sanctions cruelles ou exagérées et par suite perdre la qualité d’Etat de
droit et être qualifiée comme un Etat totalitaire.

D’un autre côté, Günther Jakobs précise clairement que le droit pénal
devient prospectif en étendant son filet à des comportements non pas
univoques mais équivoques 251 . C’est donc l’irruption d’un droit pénal de
risque qui réprime des comportements dont les conséquences
dommageables sont incertaines mais tout simplement probables, or la
prérogative de la qualification de dangerosité d’un ou plusieurs
comportements revient à l’Etat lui-même et ces comportements peuvent
prendre plusieurs formes comme pour le cas d’appartenance religieuse,
ethnique, politique ou même dans un cas plus extrême sexuelle ou le fait
d’exprimer des avis ou perspectives peu orthodoxes et sortant de
l’ordinaire ou encore le fait de côtoyer des gens suspects ou visiter des
endroits douteux.

Ainsi, selon la théorie, chaque acte équivoque peut être constitué comme
étant un acte préparatoire qui donnera par suite à la concrétisation d’un
acte criminel et par conséquent à une condamnation, peu importe
l’absence ou la présence de l’intention criminelle.

251
Ibid, p.651.

91
A titre d’exemple on citera le jugement d’une personne suspectée de
préparer un attentat terroriste, tout simplement car il s’est avéré qu’elle
est en possession d’une quantité importante d’engrais qu’il ne peut pas
justifier son utilisation.

Or l’engrais est un produit de fertilisation utilisé par les agriculteurs mais


qui n’est pas considéré comme un produit illicite et par suite peut être
acheté partout et par n’importe qui, toutefois il est aussi reconnu comme
étant la matière première indispensable pour la fabrication des bombes
artisanales qui sont utilisées principalement par les terroristes pour
commettre des attentats, c’était d’ailleurs le cas du terroriste norvégien
Anders Behring Breivik252 auteur des 2 attentats du 22 juillet 2011 dont
un était l’explosion d’une voiture piégée par des explosifs à base d’engrais
et d’autre produits dont la procuration était complètement légitime.

Dès lors se révèle la problématique liée au fait de prouver l’iter criminis à


partir des actes équivoques et des comportements douteux qui aboutiront
plus tard à une conviction, or dans le cadre du respect du principe de la
légalité il faut impérativement créer un lien étroit et direct entre ces deux
pour aboutir à une condamnation dans le cadre de la légitimité et en
respectant les principes de l’Etat de droit et ne pas tomber dans la case
d’Etat de police ou d’Etat totalitaire et en appliquant des qualifications
juridiques arbitraires sous prétexte du maintien de la paix et la sécurité
publique.

Simultanément, le principe de culpabilité est ancré dans les principes


légaux, pourtant le lien entre la peine et la faute est mis à mal avec
l’essor des fonctions de neutralisation et de dépersonnalisation253.

252
Anders Behring Breivik : Terroriste de l’extrême droite norvégien, auteur des attentats du 22 juillet 2011
dont : une explosion d’un fourgon piégé qui était rempli de bombes artisanales qui s’est explosé à 300 mètres
du parlement en plein centre d’Oslo qui a donnée la mort à 8 personnes et le meurtre en déguisement de
policier et armé des plusieurs armes à feu de 69 personnes qui se trouvaient dans une colonie de vacances
dans l’île d’Utoya.
253
LAZERGES Christine et HENRION-STOFFEL Hervé, art.cité, p.654.

92
Tout d’abord, concernant la fonction de neutralisation repose non
seulement sur l’idée classique du châtiment mais aussi sur le traitement
de la dangerosité. Autrement dit, l’individu dangereux doit non seulement
être puni mais aussi soigné, traité comme un « microbe social » 254 . Or
comme l’a précisé Jakobs à maintes reprises, la neutralisation reste le
moyen le plus sûr pour l’élimination des risques futurs.

Par conséquent, la peine privative de liberté ne suffit plus pour payer sa


dette envers la société, donc il faut qu’une sorte de neutralisation ait lieu.
Et à titre d’exemple on citera le contrôle social qui dure pendant une
longue période après l’exécution de la peine privative de liberté, or à cet
effet la commission nationale consultative de droits de l’homme avait
exprimé son avis le 7 février 2008 dans un rapport sur le projet de Loi
relatif à la rétention de sécurité que : « Le lien de causalité entre une
infraction et la privation de liberté est rompu. La personne n’est plus
condamnée en raison de l’infraction, puisqu’elle a purgé sa peine. Mais elle
reste l’auteur virtuel d’une infraction possible. La sanction prévue sera
alors prononcée sur la base de la particulière dangerosité du condamné,
soit un qualificatif flou lié à la personnalité de l’individu et sans aucun
rapport avec un élément matériel, le fait.»255.

Parallèlement, le même rapport avait souligné que l’application des


mesures de contrôle social en se basant sur la prédiction de commission
d’infractions et de comportements dans l’avenir par des personnes
susceptibles de tomber dans la récidive sont en effet basées sur des
caractères extrêmement aléatoires et que l’état de la dangerosité n’est
pas définitif256.

Ipso facto, le contrôle social doit se limiter uniquement à la peine privative


de liberté, toutefois cette peine doit être proportionnelle à l’infraction et

254
Ibid, p.654.
255
Rapport de la commission nationale consultative de droits de l’homme sur le projet de loi relatif à la
rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental, 7 février 2008, alinéa 7.
256
Rapport de la commission nationale consultative de droits de l’homme sur le projet de loi relatif à la
rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental, 7 février 2008, alinéa 5.

93
aux dégâts engendrés par l’infraction commise par l’individu. D’un autre
côté Jakobs met de côté l’idée de réinsertion sociale et de réhabilitation
des individus qualifiés d’ennemis en proposant des mesures extrêmes
pour les neutraliser et par conséquent les priver de jouir de la citoyenneté
encore une fois, approche qui peut être justifiée en prenant en compte la
dangerosité des terroristes par leurs actes et par leur rupture du contrat
social, certes, mais c’est une solution qui n’offre pas de garanties quant au
diminution du taux de récidive puisqu’il ressentiront jamais qu’ils font
partie de la société et se ressentiront jamais comme des citoyens dès lors
l’échouement du rôle de la prison.

Partant de là, Jakobs précise que dans le droit pénal classique, le


délinquant continue à bénéficier du statut de personne après la
commission d’actes délictueux, alors que l’ennemi perd définitivement sa
citoyenneté et nationalité257 en plus de sa peine d’emprisonnement. Or les
dictatures au cours de l’histoire ont toujours utilisé la déchéance de
nationalité comme arme contre les gens qualifiés comme étant des
ennemis d’Etat et par conséquent exclure les traîtres à la patrie 258 et les
condamner à une mort civile.

A cet égard il convient de souligner que la nationalité est le support de la


citoyenneté qui donne le droit de jouir à différents droits civils, politiques
et humaines d’un pays, or la mort civile signifie que l’individu ne bénéficie
de protection ni de droits issus d’un Etat quelconque et par conséquent
laisse la place à divers abus et le soumet aux différentes règles
arbitraires. Ipso facto, la dépersonnalisation reste un acte démesuré,
inhumain et à la fois superfétatoire dans la mesure de la lutte anti-
terroriste effective.

257
LAZERGES Christine et HENRION-STOFFEL Hervé, art.cité, page 655.
258
Ibid, p.655.

94
B. L’instauration d’un nouveau droit pénal : le droit pénal de l’auteur

Dans un sens classique le droit pénal réprime l’activité matérielle d’où


l’adage « pas d’infraction sans activité matérielle », ainsi il est évident à
ce que les infractions peuvent prendre soit la forme d’un acte positif 259 ou
d’un acte négatif260.

Ainsi, compte tenu de l’importance de l’acte ou du comportement il est


impossible de concevoir l’idée d’infraction sans pour autant invoquer un de
ces deux du fait qu’ils constituent la base d’incrimination.

Toutefois et contrairement à ce que le droit pénal de l’ennemi incite, le


droit pénal comparé261 précise qu’il ne faut incriminer les intentions même
si elles sont criminelles ou cruelles 262 et qui est expliquée par la règle
« cogitationis poenam nemo patitur »263. D’autre part, il précise aussi qu’il
ne faut anticiper la poursuite ou la condamnation en se basant sur la
suspicion ou l’établissement de l’état de dangerosité en se basant sur le
mode de vie de l’individu ou de sa situation264.

Par suite, le droit pénal de l’ennemi devient un droit autoritaire lorsqu’il se


concentre plus sur l’auteur plutôt que l’acte d’où le nom Droit pénal de
l’auteur qui est une conception de la doctrine pénale espagnole 265 et qui
constitue l’une des diverses concrétisations du droit pénal de l’ennemi.

Ipso facto, en analysant le droit pénal de l’ennemi, il s’avère qu’il porte


une certaine injustice en appliquant comme une sorte de stigmatisation
qui aboutira à une qualification d’ennemi à tel ou tel personne en se
basant uniquement sur son mode de vie ou encore sur sa situation
sociale, ou spirituelle. Or ; conférer à une personne un étiquetage

259
Acte positif : action qui est interdite par la loi, comme le vol.
260
Acté négatif : l'omission d'effectuer une action que la loi commande, telle que la non assistance à une
personne en danger.
261
Les doctrines de Roger Merle et André Vitu.
262
447.‫ ص‬،cité.art ، ‫بلقاضي عبد الحفيظ‬
263
Adage latin signifiant : « Personne ne souffre la punition de la pensée ».
264
Ibid, p.447.
265
Ibid, p.448.

95
d’ennemi et d’individu potentiellement dangereux sans pour autant réussir
à prouver son implication directe ou même indirecte à un ou plusieurs
actes délictueux reste tout à fait injuste et par conséquent en résultera
une exclusion sociale de la personne stigmatisée, parallèlement l’idée de
base sur laquelle repose cette stigmatisation c’est en effet d’anticiper
l’acte délictueux et dans ce cas des actes terroristes.

Nonobstant, quand on parle de stigmatisation liée au terrorisme c’est


directement visé aux individus de confession musulmane et à toute
personne qui a une barbe au sens du terme et fort malheureusement c’est
le cas en 2020 partout dans le monde et surtout dans les pays
occidentaux où plusieurs personnes rentrant dans cette catégorie font
l’objet de surveillance à leur insu par les services de renseignement tout
simplement à cause de leur appartenance religieuse ou à cause de leur
positions considérées comme radicales.

Toujours dans ce contexte, lorsque Jakobs parle d’anticipation de peine et


de prédiction de passage à l’acte en se basant sur les comportements et
les intentions non dévoilés on peut très clairement dire que c’est une
absurdité du fait qu’il est scientifiquement, anthropologiquement et
sociologiquement parlant impossible de prouver le passage à l’acte en se
basant uniquement sur les traits d’une personne, de ses comportements
ou encore de ses intentions secrètes.

Section 2 : Les objections conceptuelles de la théorie du droit pénal de


l’ennemi

En dehors des critiques émises à l’encontre des fondements conceptuels


de la théorie du droit pénal de l’ennemi, se trouve diverses objections
conceptuelles quant à l’application de cette dernière.

96
Or ces objections se limitent principalement à deux, la première se
focalise sur les caractéristiques conceptuelles relatives à la définition de
l’ennemi et la manière de le distinguer du citoyen, quant à la deuxième
elle traite le bicéphalisme engendré en appliquant un droit pénal à deux
orientations.

A. Le problème quant à l’identification de l’ennemi

Avant toute chose Jakobs n’a jamais donné une définition claire et concise
de ce qui est l’ennemi, il s’est juste limité à donner quelques pistes et
explications vagues en précisant que : « L'ennemi est un individu qui, de
manière qui n'est pas accidentelle, dans son comportement ou dans sa
profession, ou principalement par le biais d'une organisation, c'est-à-dire
en tout cas d'une manière présumée durable, a fait abandon du droit et,
en conséquence, ne garantit pas le minimum cognitif de sécurité du
comportement personnel et montre ce déficit avec son
comportement.»266. Parallèlement et toujours dans ce contexte, il a ajouté
que : « Quiconque considère peu claires ces paroles, devrait réfléchir sur
les événements du 11 septembre 2001. Le délit continue à en être un,
bien que ses auteurs le commettent avec des intentions radicales ou à
grande échelle. Mais alors il faut se demander si, par le biais de ce strict
ancrage dans le concept de délit, on n'impose pas à l'État l'obligation de
respecter l'auteur de ces faits comme personne, ce qui évidemment est un
qualificatif assez inapproprié à l'égard d'un terroriste qui n'offre pas
l'espérance générale de conduite personnelle. En d'autres mots, celui qui
considère l'ennemi comme un délinquant citoyen ne doit pas être surpris
ensuite si les termes "guerre" et "procès pénal" arrivent à se
confondre.»267.

Ainsi, ce qu’on peut déduire c’est que Jakobs n’a pas donné une définition
claire de qui est l’ennemi, il s’est juste limité à donner des variétés
d’exemples de délinquants qui peuvent être qualifiés comme ennemi et de

266
MUÑOZ CONDE Francisco, art.cité, p23.
267
Ibid, p23.

97
différents actes délictueux qui conféreront le statut d’ennemi au
délinquant auteur de ses derniers et bien entendu il a aussi évoqué un
certain nombre de comportements.

Toutefois, cette définition peut être considérée comme une langue de bois
du fait qu’elle soit incomplète et lacunaire, ce qui laissera certainement
place à des qualifications arbitraires et autoritaires dans l’absence de
définitions et d’autres éléments qui permettront à une identification
précise.

D’autre part, il est évident que Jakobs a réuni principalement les sujets
qui sont en attitude de révolte ou d’hostilité envers le système social qui
peuvent se traduire soit par des actes délictueux ou tout simplement des
comportements.

D’autre part, Jakobs s’est aussi appuyé sur l’attentat de 2001 à New York
pour justifier sa position, pourtant pourquoi au juste se focaliser sur cet
attentat plus précisément et pas d’autres ? Certes c’est un attentat qui a
coûté la vie à presque 3000 personnes, mais cette qualification de
terroristes n’émane pas elle de la différenciation ami et ennemi du
théoricien nazi Carl Schmitt ? en d’autres termes, cette distinction n’est-
elle pas basée sur des fondements purement racistes ? En réalité il est
difficile de répondre à ces questions du fait que Jakobs évoque sans cesse
le droit de la société à maintenir son identité et le droit à un minimum de
sécurité ce qu’il appelle “Sécurité cognitive“268et par conséquent la société
se trouve dans l’obligation de se défendre par tous les moyens contre
ceux qui suppose représenter d’une manière permanente un grave danger
ou qui menacent la sécurité et le fonctionnement ordinaire de cette
société.

Ainsi selon Jakobs, ils doivent être qualifiés d’ennemis et non de


personnes et voir même les qualifier d’espèces hybrides ou encore de

268
Ibid, p22.

98
personnes inférieures ce qui est semblable à la distinction faite par
Aristote entre les citoyens et les esclaves269.

Grosso modo le manque d’une définition précise, claire concernant la


notion de l’ennemi et l’identification de ce dernier, ainsi que l’absence
d’une justification basée sur des statistiques et sur des recherches
scientifiques en la matière qui permettront de lier la dangerosité avec les
comportements, la commission d’actes délictueux ou encore la récidive et
qui ne sont basées sur des théories alimentées par des théoriciens connus
par leur racisme et le sentiment de supériorité de leur race ; n’aboutiront
jamais à une reconnaissance de la distinction entre citoyen et ennemi et
les mesures dérogatoires qui vont avec.

B. Le bicéphalisme du droit pénal : entre un droit pénal de sanction et


un droit pénal de neutralisation

La deuxième objection conceptuelle de la théorie s’articule autour du


cadre normatif que le droit pénal de l’ennemi va agir, ainsi que ses limites
d’intervention. Or Jakobs n’a pas précisé clairement aucun de ces deux, ce
qui rend le droit pénal de l’ennemi une construction tout à fait arbitraire et
par suite, laissant la place à tous les abus et violations de droits
fondamentaux comme c’était le cas pour le camp de Guantanamo Bay ou
encore le camp d’Auschwitz où tout acte déshumanisant, arbitraire et
abusif avait eu lieu sous le couvert du traitement pénal de l’ennemi.

Or, contrairement au droit pénal classique, chaque individu auteur ou co-


auteur d’une infraction quelconque est condamné soit à une peine
pécuniaire, une peine d’emprisonnement ou une des deux et dans un cas
plus extrême il pourra être condamné à une peine de mort.

Ainsi, le rôle de ce droit pénal est d’obliger le condamné à payer le prix de


sa faute autrement dit “payer sa dette envers la société“ en garantissant
l’ordre et la sécurité publique le tout en respectant des règles rigoureuses

269
Ibid, p22.

99
notamment celles relatives aux droits de l’homme telles le droit à un
procès équitable et le droit à un traitement humain. Toutefois le droit
pénal de l’ennemi est fondé sur une idéologie de droit de guerre et ce
droit de guerre est destiné à l’ennemi, et en enchainant cette guerre tous
les moyens sont justifiés pour la remporter à tout prix le tout en ignorant
les différents droits juridictionnels ou humains.

Pourtant, si Jakobs parle de guerre contre l’ennemi, même cette dernière


ne donne pas la “carte blanche“ pour tout faire puisque les règles et
principes de la guerre sont réglementés par la convention de la Haye et la
convention de Genève. Ainsi en cas de transgression et du non-respect
des dispositions de ces dernières, les auteurs des atrocités en temps de
guerre qui peuvent prendre la forme soit d’un génocide ou de n’importe
quel crime contre l’humanité ou même l’utilisation d’armes ou de
munitions désapprouvées se verront poursuivis et condamnés par la Cour
Pénale Internationale ; conjointement ces auteurs peuvent être n’importe
quelle personne ayant ordonné ou participé à commettre une infraction
aux dispositions du droit de la guerre et jouissant d’un statut politique
comme pour le cas d’un ministre ou d’un chef d’Etat ou encore ayant un
statut militaire comme pour le cas d’un général ou d’un simple soldat.

Ipso facto, la théorie se voit heurtée entre deux notions : la première


parle d’un droit pénal ordinaire dont le but est de sanctionner le tout en
prenant en compte les dispositions des déclarations universelles des droits
fondamentaux de l’ONU et les dispositions de la convention européenne
des droits de l’homme, et d’un droit pénal de l’ennemi dit de guerre mais
qui est aussi soumis à des règles notamment celles de la convention de la
Haye et de la convention de Genève.

Or, Jakobs en ne précisant pas les limites d’intervention et le cadre


normatif de sa théorie, permet à l’utilisation de tout moyen qui lui semble
nécessaire pour protéger la société et par suite garantir l’ordre et la paix
publique et par conséquent permettra l’existence de diverses méthodes de

100
torture, de traitement inhumain, de jugements abusifs et l’absence de
droits juridictionnels en la matière.

De surcroît, il est évident que les groupes terroristes ne respecteront pas


les règles de la convention de Genève, ni du droit humanitaire, ni les
droits fondamentaux d’aucune de leurs victimes peu importe qu’elles
soient des citoyens militaires ou civils270. Toutefois cela ne veut pas dire
que les Etats visés par ces attaques terroristes puissent employer tous les
moyens pour repousser ces attentats en appliquant aux terroristes leur
propre médicine271, par suite si l’Etat décide d’appliquer la Loi du talion, il
deviendra aussi par conséquent terroriste en ayant recours à un droit
pénal de simple élimination de l’ennemi qui ne respecte pas les normes
mises en place par le droit humanitaire et les différentes conventions en la
matière.

D’autre part il permettra à la création d’un droit pénal terroriste de l’Etat


face au terrorisme contre l’Etat 272 et par suite la naissance d’un cercle
vicieux qui ne produira que plus de sang et de drame que ceux que
produisent les terroristes, sans pour autant trouver une solution effective
qui permettra d’achever ce flux meurtrier.

270
Ibid, p26.
271
Ibid, p26.
272
Ibid, p26.

101
Pour conclure la 2éme partie, l’existence d’un droit pénal de l’ennemi n’est
pas une conception moderne comme beaucoup le pensent mais plutôt une
conception archaïque qui remonte à l’aube de l’humanité et qui fût
employé par les diverses civilisations humaines au cours de l’histoire.
Cependant, il s’est marqué plus après les attentats du 11 septembre 2001
avec les diverses modifications législatives en ce qui concerne l’arsenal
juridique anti-terroriste et la politique étrangère américaine.

Or la concrétisation de ce dernier s’est manifestée par l’aggravation des


mesures anticipatives de sécurité, des mesures répressives, et le recours
à un droit semblable au droit de la guerre où les dépassements sont
tolérés au nom de la sécurité et la paix collective de la société.

Bien au contraire, la lutte anti-terroriste doit se faire efficacement sans


pour autant négliger les différents droits et principes juridiques tel que le
principe de légalité et le principe de légalité sinon le droit pénal prendra la
forme d’un droit draconien et d’un droit inégal qui se dote de deux
vitesses : un droit pénal ordinaire fait pour les partisans et un droit pénal
démesuré fait pour les ennemis. Subséquemment, cette distinction
partisan/ennemi a fait naître un droit pénal non de l’acte mais un droit
pénal de l’auteur.

D’autre part, la théorie de droit pénal de l’ennemi est largement critiquée


pour ses concepts basés sur l’anticipation de peine et de prédiction de
passage à l’acte en estimant que certains comportements qui ne sont pas
forcément illégitimes peuvent aboutir à un acte délictuel et dans ce là un
acte terroriste. Parallèlement, elle est aussi critiquée par ses origines
nazies du fait que Jakobs s’inspire largement du théoricien nazi carl
schmitt et par conséquent invoque la supériorité raciale des uns contre les
autres en labellisant certaines tranches de la société comme étant des
ennemis en se basant principalement sur leurs appartenances raciales ou
religieuses, ou encore sur leurs traits de caractère.

102
CONCLUSION GENERALE :

Le droit pénal avait toujours pour but initial de sanctionner les auteurs
d’infractions en vue de protéger la société et garder la paix et la sécurité
publique et bien entendu en dissuadant d’éventuels individus en
instaurant des peines sévères mais à la fois justes et proportionnelles au
dégât occasionné par les actes de ces derniers, et bien évidemment ces
infractions peuvent prendre la forme d’actes liées au terrorisme.

Toutefois devant le danger que manifestent les terroristes et leurs actes,


et devant la cadence des attaques terroristes et les dégâts qui en
résultent que ce soit des dégâts matérielles ou encore la perte de
plusieurs vies humaines innocentes victimes d’actes terroristes, la théorie
du droit pénal de l’ennemi de Günther Jakobs s’est vu naître en proposant
d’instaurer un droit pénal bipolaire : un droit pénal ordinaire où la
considération humaine et le respect de droit fondamentaux juridictionnels
et humains sont un atout et un droit pénal destiné à ceux qualifiés comme
ennemis où la dépersonnalisation et la suppression de droits et garanties
et l’application de peines au-delà de la sévérité doit avoir lieu du fait que
ces derniers sont des dangers pour le fonctionnement normal de la société
et l’existence de l’Etat.

De surcroît, l’Auteur justifie tout acte et toute mesure contraignante prise


par l’Etat peu importe si elle est inhumaine, barbare, arbitraire ou injuste
par une nécessité de maintenir de la paix, la sécurité et l’ordre publique et
souligne à ce que le droit pénal de l’ennemi n’est non seulement pas un
droit issu de la Loi de talion où l’ennemi payera fort le prix de ses actions
mais qu’il est aussi un droit préventif et anticipatoire dans le sens où le
droit pénal de l’ennemi se base sur plusieurs critères notamment le casier
judiciaire, les fréquentations ou encore les comportements pour
sanctionner l’individu qualifié d’ennemi avant qu’il concrétise son acte
délictueux qui est dans ce cas le terrorisme.

103
Certes c’est une justification qui est assez bien fondée du fait que le
terrorisme peu frapper n’importe quand, n’importe où et surtout par
n’importe qui. Néanmoins, le droit pénal de l’ennemi n’est-il pas entrain
de saper toute légitimité sous le couvert du maintien de la sécurité ?
D’autre part le droit pénal de l’ennemi est-il une réalité qui devient de plus
présente dans le dispositif anti-terroriste global ou c’est tout simplement
une théorie qui offre des solutions extrêmes à un fléau aussi insaisissable?

Ainsi, si Jakobs évoque la nécessité quant à la protection de la société et


le maintien de sa sécurité ainsi que la sanction des transgresseurs il a
pourtant mis à côté les différents principes universels de légitimité surtout
au niveau de la peine. Or la philosophie du droit pénal exige certainement
un aspect dissuasif, en revanche ils doivent être proportionnels aux actes
délictueux sans pour autant tomber sous la qualification de peines
arbitraires comme expliquée par Beccaria en précisant que « pour qu’une
peine soit dissuasive, il suffit que mal qu’elle cause surpasse le bien que le
coupable a retiré de son. Or, surpasser n’est pas excéder. On doit choisir
la moindre des peines applicables dans les circonstances »273, de plus les
Etats en abusant de leur pouvoirs punitifs ne traiteront pas la
problématique du terrorisme et ne le résoudront pas mais ne feront que
couler plus de larmes et de sang, et par conséquent ne seront plus
qualifiés d’Etats de droit mais plutôt d’Etat terroriste et créant par
l’occasion à un cercle vicieux de représailles qui finira jamais.

Parallèlement, il est important de souligner que le droit pénal existe dans


différentes législations et qu’il suffit d’une simple lecture pour en déduire.
Or dans le 21éme siècle on parle principalement de deux périodes
précises : la période avant les attentats du 11 septembre et la période
après les attentats du 11 septembre, puisque la période post le 11
septembre s’est marquée par plusieurs mesures issues du droit pénal de
l’ennemi comme pour le cas des États-Unis lors de l’adoption du Patriot
Act et la création du camp de Guantanamo Bay. Quant au Maroc, ce n’est

273
PIRES Alvaro, « La réforme pénale et la réciprocité des droits », Revue Criminologie, 1991, vol 25, n° 1, p.99.

104
qu’après les attentats du 16 mai 2003 que l’adoption d’une Loi terroriste
appropriée et qui n’est d’autre que la Loi 03.03 et dernièrement quant à la
France ce n’est qu’après les attentats du 7 janvier 2015 que la république
a décidé à renforcer son arsenal juridique notamment une série de
modifications dans le code de sécurité intérieure et l’établissement de
l’Etat d’urgence pendant presque 2 ans.

Nous avons alors besoin du triomphe du droit au niveau national et


international, un droit humain, juste, sévère et dissuasif qui respecte
certains principes et droits fondamentaux de l’être humain, et qui cherche
non la vengeance mais la justice égale pour tous274 et non pas d’un droit
de représailles issus du moyen-âge où la Loi de talion prédomine. Quant à
la réalité, il suffira de finir ce travail avec ce passage écrit dans la revue
de sciences criminelles et de droit pénal comparé de 2009 qui résume la
situation entière : « tous les Etats de droit de ce monde sont en réalité un
processus de contradiction permanente entre l’Etat de droit et l’Etat de
police qui reste enfermé à l’intérieur de l’Etat de droit, encapsulé, contenu
mais avec des pulsions constantes essayant de perforer et, si possible de
faire éclater la capsule. Aussitôt que la contention s’affaiblit, l’Etat de
police émerge avec la tendance à dériver vers un Etat absolu »275.

274
MUÑOZ CONDE Francisco, art.cité, p26.
275
ZAFFARONI Eugenio Raúl, art.cité, p.56.

105
BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES EN FRANÇAIS :

• AMZAZI Mohieddine, Essai sur le système pénal marocain, Rabat,


Centre Jacques-Berque, 2013.
• BENHESSA Ghislain, l’Etat de droit à l’épreuve du terrorisme : de
l’Amérique post-11 septembre à la France comme état d’urgence, Paris,
L’archipel, 2017.
• CHARLES Philippe David et LA CHAIRE Raoul-Durand, Le 11
septembre 2001 cinq ans plus tard, Québec, 2006.
• FICHTE Gottlieb Johann, Fondement du droit naturel selon les principes
de la doctrine de la science, 1796.
• GERARD Chaliand et ARNAUD Blin, Histoire du terrorisme de
l’antiquité à Al Qaida, Paris, Bayard, 2004.
• HOBBES Thomas, De cive, 1642.
• KANT Immanuel, Essai philosophique sur la paix perpétuelle, 1880,
deuxième section.
• LARRIEU Jacques, Crises et droit, Toulouse, Presses de l’Université
Toulouse 1 Capitole, 2012.
• ROUSSEAU Jean Jacques, Le contrat social, 1762.

OUVRAGES EN ANGLAIS :

• SCHMID P.Alex, Political Terrorism : A New Guide To Actors, Authors,


Concepts, Data Bases, theories, & literature, Amsterdam, Transaction
Publishers, 1988.

106
• YOO John, War by other means: An Insider's Account of the War on
Terror, Atlantic monthly press, 2006.

THESES ET MEMOIRES :

• EL MOTTAKY Kamal, La politique criminelle dans la lutte contre le


terrorisme au Maroc, Mémoire de fin d’études pour l’obtention du master
droit privé et sciences criminelles, 2016, FSJES USMBA.

ARTICLES DE REVUES EN FRANCAIS:

• CANTEGREIL Julien, « La doctrine du combattant ennemi illégal »,


Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé, 2010.
• CAMUS Colombe, « La lutte contre le terrorisme dans les démocraties
occidentales : état de droit et exceptionnalisme », Revue internationale et
stratégique, 2007/2, n°66
• DOUCET Ghislaine, « Terrorisme : définition, juridiction pénale
internationale et victimes », Revue internationale de droit pénal, 2005,
vol 76.
• DREUILLE Jean-François, « Le droit pénal de l’ennemi : éléments pour
une discussion », Jurisprudence critique, Université de Savoie, 2012.
• GIUDICELLI-DELAGE Geneviève, « Droit pénal de la dangerosité-
Droit pénal de l’ennemi », Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé, 2010, n°1.
• LAZERGES Christine et HENRION-STOFFEL Hervé, « Le déclin du
droit pénal : l’émergence d’une politique criminelle de l’ennemi », Revue
de science criminelle et de droit pénal comparé, 2016, N°3.

107
• MUÑOZ CONDE Francisco, « Le droit pénal international est-il un droit
pénal de l’ennemi ? », Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé, 2009, n°1.
• PAPA Michèle, « Droit pénal de l’ennemi et de l’inhumain : un débat
international », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé,
2009, n°1.
• PIRES Alvaro, « La réforme pénale et la réciprocité des droits », Revue
Criminologie, 1991, vol 25, n° 1, p.99.
• ZAFFARONI Eugenio Raúl, « Dans un état de droit il n’y a que des
délinquants », Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé,
2009.

ARTICLES DE REVUES EN ANGLAIS :

• ODOM William, American Hegemony: How to Use It, How to Lose It,
Proceedings of the American Philosophical Society, 2007, Vol. 151, n°4.

ARTICLES DE REVUES EN ARABE :

• ،" ‫ القانون الجناايي للعادو‬:‫ " التجريم و العقاب في أقوى نزاعاتهما تسلطا‬، ‫بلقاضي عبد الحفيظ‬
26 ‫العدد‬،2006 ،‫مجلة الشريعة و القانون‬

108
Rapports :

• Rapport de la commission nationale consultative de droits de l’homme


Française sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la
déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental.
• Rapport du conseil national des droits de l’homme Marocain intitulé :
« Mémorandum relatif au projet de Loi 86.14 modifiant et complétant les
dispositions du code pénal et de la procédure pénale relatives à lutter
contre le terrorisme.»
• Rapport de la fédération Internationale des droits de l'homme intitulé :
« Les autorités Marocaines à l'épreuve du terrorisme : la tentation de
l'arbitraire, violation flagrantes des droits de l'homme dans la lutte
antiterroriste »

WEBOGRAPHIE

• https://edition.cnn.com/2013/07/27/us/september-11-anniversary-fast-
facts/
• https://www.pbs.org/moyers/journal/07272007/alqaeda.html
• http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=920
• https://www.theguardian.com/us-news/2018/jan/30/guantanamo-bay-
trump-signs-executive-order-to-keep-prison-open
• https://www.amnesty.be/veux-agir/agir-localement/agir-ecole/espace-
enseignants/enseignement-secondaire/dossier-papiers-libres-2005-les-
derives-identitaires-identites-et/article/1-2-4-les-objectifs-du-
terrorisme?lang=fr
• http://www.leparisien.fr/faits-divers/maroc-la-belgique-rapatrie-des-
benevoles-menacees-de-mort-pour-avoir-porte-des-shorts-09-08-2019-
8131269.php

109
• https://www.lepoint.fr/monde/scandinaves-assassinees-au-maroc-les-
derniers-mots-des-accuses-18-07-2019-2325326_24.php
• https://www.lepetitjournalmarocain.com/2019/12/06/lutte-antiterroriste-
lunion-europeenne-veut-en-apprendre-davantage-du-
maroc/?fbclid=IwAR3p6q1plSxlEqrankijxDzJZHnz0HnHUEYGyS4GCs
jWkk-Pzr3KsdLCjLY
• https://www.h24info.ma/maroc/demantelement-dune-cellule-terroriste-
les-details-du-ministre-linterieur/
• https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14837
• https://www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2017-11-16/speech-soas-
university-london-counter-terrorism
• https://www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2005-03-10/kofi-annan’s-
keynote-address-closing-plenary-international-summit
• http://edition.cnn.com/2003/LAW/09/11/ashcroft.patriot.act/
• https://georgewbush-
whitehouse.archives.gov/news/releases/2001/11/20011113-27.html
• https://www.latimes.com/archives/la-xpm-2005-feb-01-oe-yoo1-
story.html
• https://www.liberation.fr/france/2015/01/13/valls-des-mesures-
exceptionnelles-pas-des-mesures-d-exception_1179873
• https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-des-actualites/2017-
Actualites/Bilan-de-l-etat-d-urgence

TEXTES JURIDIQUES :

• Code pénal marocain.


• Code de procédure pénale marocaine.
• Code de la sécurité intérieure français.
• Code de procédure pénale français.

110
• Convention Européenne Des Droits De l’Homme.
• Loi française n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
• United States code.
• Patriot Act of the United States of America.
• Anti-terrorism, Crime and Security Act 2001 of the United Kingdom.

JURISPRUDENCES :

• Affaire Irlande contre le Royaume-Uni, requête numéro 5310/71, 18


janvier 1978, CEDH.
• Affaire McCann et autres contre le Royaume-Uni, requête numéro
18984/91, 27 septembre 1995, CEDH.
• Affaire Heaney et McGuinness contre l’Irlande, requête numéro
34720/97, 21 décembre 2000, CEDH.
• Affaire Leroy contre France, requête numéro 36109/03, 2 octobre 2008,
CEDH.
• Affaire Gäfgen contre l’Allemagne, requête numéro 22978/05, 1er juin
2010, CEDH.
• Affaire Uzun contre l’Allemagne, requête numéro 35623/05, 2 septembre
2010, CEDH.
• Affaire El Haski contre la Belgique, requête numéro 649/08, 25
septembre 2012, CEDH.

111
Table des matières

INTRODUCTION GENERALE: ......................................................................................................... 5

PARTIE I : LUTTE ANTI-TERRORISTE AU MAROC, MODUS OPERANDI ET DROITS DE


L’HOMME .......................................................................................................................................... 12

Chapitre I : La politique criminelle marocaine dans la lutte anti-terroriste ............ 13


Section 1 : La lutte anti-terroriste à la lumière du code pénal............................................. 14
A. La typologie des infractions terroristes ..................................................................... 14
B. Les sanctions prévues aux infractions terroristes ..................................................... 30
Section 2 : Les directives de la règle de procédure pénale .................................................. 34
A. La procédure de l’enquête préliminaire .................................................................... 34
B. La procédure de l’instruction préparatoire ............................................................... 42

Chapitre II : Lutte anti-terroriste et droits de l’homme : quelle relation ? ............... 49


Section 1 : La balance entre les droits de l’homme et les contraintes de sécurité .............. 50
A. La liaison entre les droits de l’homme et le terrorisme ............................................ 51
B. Les obligations de l’Etat de droit dans sa lutte anti-terroriste .................................. 55
Section 2 : Les critiques émises à l’encontre du dispositif anti-terroriste Marocain ........... 58
A. La réprobation du mode opératoire mis en place pour combattre le terrorisme .... 58
B. Les recommandations du CNDH au corps législatif Marocain .................................. 61

Partie II : Le droit pénal de l’ennemi, lutte anti-terroriste ou lutte anti-droits de


l’homme ? ......................................................................................................................................... 65

Chapitre I : L’émergence et l’effectivité de la théorie ....................................................... 68


Section 1 : L’origine et les fondements de la notion et la théorie de l’ennemi ................... 69
A. La manifestation de la notion de l’ennemi ................................................................ 69
B. Les fondements conceptuels du droit pénal de l’ennemi ......................................... 74
Section 2 : La concrétisation de la théorie de l’ennemi ....................................................... 77
A. Le renforcement du corps législatif ........................................................................... 78
B. La mise en pratique des plans d’actions sécuritaires ................................................ 83

112
Chapitre II : Le droit pénal de l’ennemi aux frontières peu claires, critiques et
limites ................................................................................................................................................ 89
Section 1 : Les critiques de la théorie du droit pénal de l’ennemi ....................................... 89
A. La dilution du principe de la légalité et de la culpabilité ........................................... 90
B. L’instauration d’un nouveau droit pénal : le droit pénal de l’auteur ........................ 95
Section 2 : Les objections conceptuelles de la théorie du droit pénal de l’ennemi ............. 96
A. Le problème quant à l’identification de l’ennemi ..................................................... 97
B. Le bicéphalisme du droit pénal : entre un droit pénal de sanction et un droit pénal
de neutralisation………………………………………………..………………………………………………………..99

CONCLUSION GENERALE : .........................................................................................................103

BIBLIOGRAPHIE ...........................................................................................................................106

113

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