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FAPED 3

Forum Africain des Parlementaires


pour l’Education

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Séminaire

Thème :

« Droit et Education au 21ème siècle »

Abdoullah CISSE
Professeur agrégé des facultés de droit
Titulaire de la Chaire de droit privé
Université de Saint-Louis - Gaston BERGER
Sénégal

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Janvier 2002
Forum des Parlementaires Africains pour l’Education Droit et Education au 21ème siècle

SOMMAIRE

I/ LE DROIT A L’EDUCATION -------------------------------------------------------------- 5

A/ LE TITULAIRE DU DROIT A L’EDUCATION --------------------------------------------------------- 5

B/ LE CONTENU DE L’EDUCATION --------------------------------------------------------------------- 7

II/ LE DROIT DE L’EDUCATION ---------------------------------------------------------- 9

A/ LE DROIT ET LES EDUCATEURS --------------------------------------------------------------------10

B/ LE DROIT ET LES TECHNIQUES DE L'EDUCATION ------------------------------------------------11

ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE --------------------------------------------------13

Abdoullah CISSE Janvier 2002


Forum des Parlementaires Africains pour l’Education Droit et Education au 21ème siècle

A l’aube du 21ème siècle, face à l’angoisse qui habite le cœur de tout citoyen dans un

monde de plus en plus complexe, l’éducation se révèle comme un des principaux remparts de

l’humanité. Cela est d’autant plus vrai dans un monde où l’absence de repères constitue le

seul repère qui fait l’unanimité, dans un monde qui est à l’image d’un village mais qui n’en a

pas l’âme en raison du recul des valeurs, de la montée des exclusions, des atteintes à la dignité

humaine et de la perte des identités.

Il sera question de redéfinir son contenu, de lui trouver de nouvelles stratégies,


pourquoi pas de la réinventer afin de l’adapter à un univers en perpétuel bouleversement.
Tous les individus, toutes les compétences, toutes les structures, toutes les disciplines, toutes
les sociétés, bref toute l’humanité est interpellée pour apporter sa contribution à la conception
et à la fabrication du remède – le système éducatif- qui la sauvera de la déchéance.
Mais force est de constater que malgré l’hétérogénéité féconde des sources du savoir,
et l’indispensable démocratie à la conception de tout projet éducatif, rien ne se fera, rien ne
changera sans l’entrée en scène de l’instrument juridique. Certes, le droit est cet instrument
magique, divin, venant des hommes et dans le même temps transcendant leurs volontés, cet
instrument qui a accompagné, traduit et parfois, sinon souvent, provoqué le progrès de
l’humanité.
En ce moment crucial de notre évolution où nos pensées sont partagées entre l’espoir
de lendemains meilleurs et l’angoisse de jours à venir plus tristes, moins gais, le Forum des
Parlementaires Africains pour l’Education qui vient de voir le jour répond à une nécessité
urgente. Il nous invite à une aventure faite de passion, celle qui consiste à continuer la
réflexion sur le thème : « droit et éducation ». Ainsi, il se fait le relais et l’écho, en ce qui le
concerne, de la volonté de la communauté internationale qui, lors de la conférence générale de
l’UNESCO en novembre 1991, a invité le Directeur général « à convoquer une commission
internationale chargée de réfléchir sur l’éducation et l’apprentissage pour le 21ème siècle ».
Créée en 1993 et présidée par le Président Jacques Delors, elle a présenté son rapport en 1995
sous le titre : « l’éducation, un trésor est caché dedans1 ». Ce rapport constitue sans nul doute
un document de référence qui indique certes la voie à suivre mais aussi qui laisse à tout
individu la possibilité de contribuer à la définition de cette voie. A l’attention des universités
des pays pauvres, la commission alerte : « tirant les leçons de leur propre passé pour analyser

1
Rapport à l'UNESCO de la commission internationale sur l'éducation pour le 21ème siècle, éditions Odile Jacob

Abdoullah CISSE 3 Janvier 2002


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les difficultés auxquelles ces pays se trouvent confrontés, les universités des pays en
développement se doivent d’entreprendre les recherches susceptibles de contribuer à la
solution de leurs problèmes les plus aigus. Il leur appartient de proposer de nouvelles visions
de développement…, de nouveaux modèles de développement,…de former les élites dont
leurs pays ont besoin… pour sortir des cycles de pauvreté et du sous-développement ».
Cette entreprise et ces propositions dépendront du cadre juridique dans lequel se
mouvra le système éducatif. Le droit, il n’est pas inutile de le rappeler, est un système
normatif et coercitif c’est-à-dire un ensemble de normes qui définissent la conduite à suivre
dans une société donnée pour une meilleure organisation des rapports entre les hommes, au
besoin au moyen de la contrainte armée. Le droit n’a pas un contenu prédéterminé, il est ce
que la société veut qu’elle soit. C’est davantage un contenant ou pour reprendre le style
artistique d’un écrivain théoricien du droit « c’est une toile sur laquelle d’autres peignent à la
place de l’artiste ». Autrement dit, « il est vide de tout et plein des autres ».
L’essentiel est de savoir pourquoi utiliser l’instrument juridique et comment l’utiliser ? Dans
un langage plus sophistiqué, le juriste raisonne par rapport à un sujet et à un objet et parle
ainsi de droit subjectif (right) et de droit objectif (law) :
• Le sujet de droit, c’est la personne humaine. Par conséquent réfléchir sur droit et
éducation revient forcément à préciser la place que réserve le droit à la personne
humaine dans le système éducatif ;
• L’objet du droit en ce qui nous concerne, c’est l’éducation. La prise en compte de cet
objet conduit à préciser la perception de l’éducation par le droit.
Les corrélations entre le droit considéré dans sa double dimension subjective et objective et
l’éducation sont mises en exergue à l’aide de deux prépositions : à, de : qui permettent de
faire la synthèse de toutes les techniques juridiques nécessaires à la formulation d’un projet
éducatif et partant à la prise en compte de toutes les recommandations formulées par la
communauté internationale :
• D’une part le droit à l’éducation traduit les prérogatives reconnues à la personne
humaine par le droit dans l’éducation pour le 21ème siècle ;
• D’autre part, le droit de l’éducation exprime les règles juridiques qui organisent ou
doivent organiser l’éducation pour le 21ème siècle.
Quel droit à l’éducation ? (I) et quel droit de l’éducation ? (II), tels sont les deux axes de
réflexion à laquelle vous convie le Forum.

Abdoullah CISSE 4 Janvier 2002


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I/ Le droit à l’éducation

Le droit à l’éducation est aujourd’hui reconnu par la communauté internationale.


L’article 26 de la déclaration universelle des droits de l’homme énonce : « toute personne a
droit à l’éducation. L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité et au
renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Le droit à l’éducation est un droit de l’homme qui cache derrière la préposition « à »
deux réalités complémentaires mises en visibilité par les deux questions suivantes :
• Le droit à l’éducation : droit de qui ? ( qui apprend ?)
• Le droit à l’éducation : droit à quoi ? ( quoi apprendre ?)
Cette dernière question renvoie au contenue de l’éducation (B) qui ne peut être déterminé
qu’en fonction du titulaire du droit à l’éducation (A)

A/ Le titulaire du droit à l’éducation

Le droit à l’éducation est un droit fondamental de la personne humaine. Il est reconnu


à la personne sans discrimination aucune fondée sur la race, la religion, la couleur, le sexe,
l’ethnie, la fortune, la naissance, l’opinion, ou toute autre considération. C’est par sa
consécration et son exercice que la personne humaine donne doublement un sens à sa vie
c’est-à-dire une signification et une direction.
C’est un droit fondamental qui distingue l’homme des autres composantes de
l’environnement et lui permet de leur imposer sa puissance. C’est un droit à la source duquel
s’apprécie « l’irréductible humain », cette notion forgée par le professeur Boutros Ghali alors
Secrétaire général des Nations Unies, pour désigner de façon négative ce qui fait l’essence de
la personnalité et qui se traduit par l’interdiction du génocide, de l’esclavage, de la torture et
des traitements cruels, inhumains et dégradants. Il est vrai que c’est le déclin de l’éducation
qui permet la commission de crimes contre l’humanité et c’est le progrès de l’éducation qui
permet dans le même temps d’en prendre conscience et d’en juger les auteurs.
S’il est difficile de « durcir en mots ce qui fait l’essence de la personne humaine »
selon la formule de la philosophe Hannah Arendt, il est possible à notre sens par l’éducation,
de le sentir, de le vivre et de le faire briller de tout son éclat.
Le droit à l’éducation, reconnu à la personne humaine, doit rappeler que celle-ci se trouve au
cœur du système éducatif et constitue sa raison d’être : « elle est le premier protagoniste et

Abdoullah CISSE 5 Janvier 2002


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l’ultime destinataire ». (F. Mayor). L’éducation ne doit donc jamais être un facteur
d’exclusion sociale. Pour cela, elle doit s’adapter aux talents et aspiration de ses destinataires
et respecter le pluralisme sous toutes ses formes ( juridique, culturel, linguistique, religieux,
ethnique…), adaptation et respect sans lesquels la cohésion sociale est sacrifiée entre le
marteau de l’échec scolaire et l’enclume de la violence et des dérives individuelles.
Le droit à l’éducation est un droit de toute l’espèce humaine c’est-à-dire un droit des hommes
et des femmes. Son plein exercice doit faire reculer les disparités entre les sexes, l’inégalité
entre les hommes et les femmes en matière d’éducation. Les statistiques de l’UNESCO
enseignent que les deux tiers des adultes analphabètes du globe sont des femmes ( soit de près
de six cents millions de personnes). Cette discrimination dans le droit à l’éducation est une
des causes de la pauvreté, de la maladie et de l’ignorance, en un mot du sous-développement.
Peut-on continuer à se leurrer en espérant le progrès et en se complaisant d’avoir des mères,
des épouses, des sœurs, des voisins analphabètes ?
Le droit à l’éducation a longtemps été considéré dans certains systèmes comme un
droit dont l’exercice était temporaire c’est-à-dire un droit circonscrit dans le temps, un droit
soumis à la prescription extinctive autrement dit, un droit à l’image des batteries qui s’usent
lorsqu’on ne s’en sert pas ou lorsqu’on s’en sert pendant un certain temps. Or, il est
aujourd’hui avéré que le droit à l’éducation est un droit qui échappe à l’usure du temps parce
qu’inhérent à l’humanité et à sa manifestation la plus patente : la personne humaine. « Le
concept d’éducation tout au long de la vie apparaît comme l’une des clés d’entrée dans le
21ème siècle et la condition d’une maîtrise accrue des rythmes et des temps de la personne ».
« Personne ne peut plus espérer aujourd’hui se constituer dans sa jeunesse un bagage de
connaissance initial qui lui suffise dans l’existence »2. A dire vrai, cela n’a jamais été possible
mais le problème se présente de nos jours avec plus d’acuité. La compétence est évolutive ou
n’est pas. Par conséquent, l’éducation doit ouvrir ces possibilités à tous et mettre à profit
toutes les opportunités offertes par la société.
S’il est plus facile d’admettre que tout le monde doit apprendre, il l’est moins lorsqu’il
est question de savoir ce qu’il faut apprendre autrement dit lorsqu’il est question de
déterminer le contenu de l’éducation.

2
Delors Jacques et al., L’éducation, un trésor est caché dedans, Paris, Editions UNESCO et Odile Jacob, 1996,
pp. 107 et 108.

Abdoullah CISSE 6 Janvier 2002


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B/ Le contenu de l’éducation

Qu’enseigner ? et pourquoi l’enseigner ? Telles sont les interrogations suscitées par le


contenu à donner à l’éducation. Eduquer, c’est « transmettre à la personne humaine ce que
l’humanité a appris sur elle-même et sur la nature »3. Il est question d’une éducation créatrice
et fondatrice d’un esprit nouveau dont le socle est bâti sur les quatre piliers que voici :
apprendre à connaître, à faire, à être, et à vivre ensemble avec les autres.
L’éducation devra transmettre massivement et efficacement le savoir et le savoir-faire adaptés
à la civilisation en faisant en sorte que l’individu ne soit submergé par les flux d’informations
qui envahissent les espaces publics et privés. Il n’est point question, par une réponse purement
quantitative, de mettre à la disposition de l’individu, un stock de connaissance où il pourrait
ensuite puiser indéfiniment. Cela est de nos jours impossible et inapproprié. Il est plutôt
question de lui permettre de saisir toutes les opportunités pour approfondir et enrichir cette
connaissance première et s’adapter à un environnement en perpétuelle mutation.
Apprendre à connaître n’est plus évident dans un monde où la connaissance est multiple et
infiniment évolutive. S’il est vain d’essayer de tout connaître, si l’omnidisciplinarité apparaît
comme un leurre, la spécialisation ne doit pas exclure une culture générale suffisamment
étendue pour constituer la base à l’éducation tout au long de la vie. Seul un triple exercice
combiné de l’attention (portée sur les choses et les personnes ), de la mémoire qui permet de
sélectionner des données à apprendre et à retenir et de la pensée ( qui combine l’induction et
la déduction ) permettra à l’individu d’apprendre à apprendre.
Apprendre à faire exige une prise en compte du développement de la société dans laquelle on
voudrait travailler. Autrement dit, l’apprentissage doit être adapté aux sociétés salariales mais
aussi aux sociétés où prédomine le travail indépendant ou informel. Force est de remarquer
que dans l’industrie, la qualification professionnelle cède le pas à la compétence personnelle,
la dématérialisation du travail lance de nouveaux défis et rend primordiale l’activité
d’information et de communication. Les déficits relationnels sont sources de
dysfonctionnement grave et justifient l’élargissement du champ de la connaissance.
Apprendre à vivre ensemble et avec les autres : cet apprentissage doit se faire par le
développement de la connaissance des autres, de leur histoire, de leurs traditions et de leur
spiritualité. Par cette éthique de l’éducation, l’on parviendra à éviter les conflits ou à les
résoudre de manière pacifique, en faisant reculer la violence et en luttant contre les préjugés.

3
Delors Jacques et al., idem, p. 17.

Abdoullah CISSE 7 Janvier 2002


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Mais pour cela, il faudra se connaître d’abord, aller à la découverte de l’autre et développer
des projets communautaires et des actions humanitaires.
Apprendre à être enfin : le 21ème siècle exige de tous une plus grande capacité de jugement et
d’autonomie. En réponse à cette exigence, l’éducation doit contribuer au développement
intégral de l’individu qui doit pouvoir « se constituer une pensée autonome et critique et
forger son propre jugement, pour déterminer par lui-même ce qu’il estime devoir faire dans
ces différentes circonstances de la vie4.»
Apprendre tout cela, à quelles fins, pourquoi faire ? L’apprentissage vise la
connaissance de soi, des autres et du monde et a pour finalité de transformer une
interdépendance de fait en une solidarité voulue. En suscitant cette prise de conscience, elle
donne à chacun la capacité de participer activement à un projet de société tout au long de sa
vie. Autrement dit, elle prépare à la vie civique et à la connaissance des valeurs et pratiques
citoyennes. Toutefois et dans cette perspective, la recherche, dans les sciences exactes comme
dans les sciences sociales, devra veiller à la préservation de son indépendance en se mettant à
l’abri des pressions politiques et idéologiques mais devra également éviter de céder à un
académisme stérile.
En somme, par l’éducation, la personne humaine apprend à vivre humainement et à se
développer humainement. Chose apparemment évidente, simple mais difficile à réaliser.
Galilée avait raison de dire que « enseigner, c’est rappeler aux autres ce qu’ils savent déjà ».
On pourrait en paraphrasant l’appliquer à notre domaine et dire : éduquer, c’est rappeler à la
personne humaine qu’elle doit vivre et se développer en humain. Elle en a certes le droit mais
le droit doit l’y aider.

4
Jacques Delors et al., L’éducation, un trésor est caché dedans, op. cit., p.102.

Abdoullah CISSE 8 Janvier 2002


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II/ Le droit de l’éducation

Pour aider la personne humaine à jouir du plein exercice de son droit à l’éducation, des
règles juridiques sont nécessaires pour l’encadrement du système éducatif. L’ensemble de ces
règles forme le droit de l’éducation. La rationalité de ce droit dépendra de celle de la politique
éducative qui le sous-tend. Cette politique devra être bâtie sur des principes clairs, se fixer des
orientations et avoir vocation à surmonter certaines tensions.
Au plan des principes, tous ceux qui participent à la planification ou à la pratique éducative
doivent être guidés dans la conception et la mise en œuvre de toute politique de l’éducation
par le triple souci d’équité, de pertinence et d’excellence. Toutes ces idées et pratiques
réformatrices doivent être légitimées par des accords entre les parties intéressées. Mais
l’accord envisagé, il est indispensable de prendre en compte les valeurs et préoccupations sur
lesquelles existe un consensus à l’échelle planétaire : dignité humaine, non discrimination,
paix, santé, lutte contre la pauvreté, solidarité, tolérance...
Parmi les orientations devant guider toute politique éducative, mention spéciale devra être
faite à la nécessité de lutter contre l’échec scolaire dans toutes ses manifestations (de
scolarisation ou de mauvaise scolarisation ). L’échec scolaire est, à tous points de vue, un
gâchis, générateur d’exclusion et de pauvreté. De la même manière, les compétences acquises
au-delà de l’éducation initiale, de la vie professionnelle notamment, devraient être reconnues
grâce à de nouveaux modes de certification.
La politique éducative devra enfin aider à surmonter les principales tensions qui sont au cœur
de la problématique du 21ème siècle pour trouver un point d’équilibre : tension entre le global
et le local, l’universel et le singulier, la tradition et la modernité, le spirituel et le matériel, le
long terme et le court terme, l’indispensable compétition et le souci de l’égalité des chances,
l’extraordinaire développement des connaissances et les capacités d’assimilation limitées de
l’homme.
Nourri par une politique réfléchie, approfondie et intelligente, le droit de l’éducation mettra
un accent particulier d’une part sur ceux qui ont la redoutable mission de la transmission du
savoir : les enseignants (A) et d’autre part sur les techniques et méthodes de transmission du
savoir. (B)

Abdoullah CISSE 9 Janvier 2002


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A/ Le droit et les éducateurs

S’il est largement admis que le droit peut jouer un rôle positif dans la société et être un
facteur de progrès économique et social, force est de constater qu’en matière d’éducation, le
droit s’appuiera essentiellement sur les enseignants. Ceux-ci sont des agents de changement
dont l’apport est crucial et le rôle déterminant dans la formation des attitudes, des caractères
et des esprits de la nouvelle génération mais également dans la promotion de la
compréhension mutuelle et de la tolérance entre les membres de la famille humaine.
Pour améliorer la qualité de l’éducation, le droit devra réorganiser le recrutement, la
formation, le statut social et les conditions de travail des enseignants. Il appartient au droit de
créer le cadre idéal pour que l’on obtienne des enseignants les compétences, les qualités, les
possibilités professionnelles et la motivation voulues.
Il est clair qu’avec des ressources financières de plus en plus limitées, il est impossible
d’avoir des enseignants qualifiés et des moyens pédagogiques adéquats. Le problème des
vacataires de l’éducation au Sénégal est à cet égard assez illustratif.
Il faudra que le droit aide à l'établissement de liens plus étroits entre les universités et les
instituts de formation des futurs enseignants, au développement des programmes de formation
continue en en facilitant l'accès à tous les éducateurs, à l'institutionnalisation de l'évolution et
du contrôle des "performances" des enseignants, notamment au supérieur et d'un système de
sanctions positives et négatives à l'endroit des enseignants, à l'amélioration des conditions de
travail et d'existence des enseignants (rémunération motivante, bourses de mobilité,
financement de la recherche).
Dans l'enseignement supérieur qui est à la fois dépositaire et créateur des connaissances, il
faudra inclure l'enseignement de la pédagogie, valoriser l'expertise scientifique et permettre
aux enseignants d'exercer d'autres professions en relation avec leur domaine de compétences.
Dans l'exercice de leurs activités, ils devront œuvrer à l'efficacité du système éducatif en
participant activement aux décisions qui intéressent l'éducation.
Ainsi impliqués, la société dans son ensemble et les enseignés en particulier seront en droit de
réclamer et d'exiger des enseignants des résultats et le cas échéant de les sanctionner
légitimement.
Dans les facultés et les UFR de droit, la réforme devra englober les matières à enseigner.
Parmi toutes les disciplines juridiques, une place de choix sera réservée à l'enseignement du
droit des droits de l'homme discipline autour de laquelle s'opère de nos jours un recentrage de
toutes les autres. L'enseignement du droit devra avoir pour finalité ultime le renforcement des

Abdoullah CISSE 10 Janvier 2002


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capacités personnelles et institutionnelles. Une nouvelle lecture des principes d'autonomie, de


justice, de solidarité, de paix, de liberté, d'unité, d'égalité s'impose pour faire du droit un
véritable instrument de progrès social et de l'université une véritable source de savoir, un
véritable lieu de culture et d'étude ouvert à tous.

B/ Le droit et les techniques de l'éducation

Pour surmonter la tension entre l'extraordinaire développement des connaissances et


les capacités d'assimilation par l'homme, le droit de l'éducation devra offrir des techniques de
gestion et d'administration appropriées au système éducatif et fondées principalement sur la
démocratie et la décentralisation.
La démocratie qui est au cœur de notre système d'organisation sociale doit s'apprendre et se
vivre à l'école et à l'université. Par l'apprentissage de la réflexion critique, de la formation
morale, de la compréhension de la dimension plurielle de l'humanité et de tout ce qu'elle
contient, l'éducation prépare le citoyen à la participation active et responsable dans la gestion
des affaires de la cité.
C'est cette même démocratie qui va légitimer l'ouverture de l'école à tous et donner un
contenu réel et tangible au droit à l'éducation. L'éducation tout au long de la vie est également
une exigence démocratique. Mais en amont, c'est la démocratie, à travers le débat public, qui
doit être subordonnée à l'ordre économique car nombreuses sont les activités d'éducation qui
renvoient strictement à la participation à la vie collective ou à l'épanouissement de la personne
en dehors de toute considération économique.
En outre, la réussite des stratégies d'amélioration et de réforme des systèmes éducatifs sont
fonction du degré d'implication des différents acteurs. Tous les diagnostics fondés sur les
expériences les plus diverses recensées à travers le monde mettent l'accent sur la nécessité de
la décentralisation en matière éducative entendue comme une approche de transfert de
responsabilités et de compétences en vue de l'amélioration de la qualité de la prise de
décision, de la pertinence de l'enseignement dispensé, de l'encouragement de l'innovation et
de la participation de tous. Par la décentralisation dans l'éducation, les programmes
d'enseignement prendront mieux en compte les aspirations culturelles et linguistiques des
groupes universitaires et les initiatives seront encouragées au plan local.
La décentralisation favorise en outre une réelle autonomie des établissements laquelle influe
positivement sur l'innovation.

Abdoullah CISSE 11 Janvier 2002


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Une redéfinition du rôle de l'Etat s'impose en matière d'éducation en vue d'une symbiose
réussie entre les interventions respectives des divers acteurs locaux. L'Etat devra assumer un
certain nombre de responsabilités à l'égard de la société civile car l'éducation constitue un
bien de nature collective qui ne peut faire l'objet d'une simple régulation par le marché. Un
consensus national sur l'éducation est nécessaire de même qu'une cohérence d'ensemble et une
vision à long terme. Il exige de dépasser, en matière d'éducation, le stade des "politiques à
courte vue ou les réformes en cascade qui risquent d'être remises en cause à chaque
changement de gouvernement", voire de ministre5.
En plus des techniques de gestion et d’administration du système éducatif, le droit de
l’éducation devra faire place aux techniques de transmission du savoir, étendre les nouvelles
technologies de l'information et de la communication. Au delà de la diversification des
sources de la connaissance qu’elles engendrent, il faut être très attentif à la discrimination
qu’elles provoquent à l’échelle planétaire entre les pays industrialisés et les pays en
développement. C’est la raison pour laquelle l’introduction de ces nouvelles technologies
dans les systèmes éducatifs doit faire l’objet d’un débat le plus large possible. Elles doivent
favoriser une meilleure diffusion du savoir et accroître l’égalité des chances. Mais ces
objectifs ne seront atteints dans nos pays qu’avec le soutien agissant de la coopération
internationale. L’introduction des nouvelles technologies doit être en effet le résultat d’un
choix politique, social et financier qu’il sera difficile d’assumer sans l’implication de tous les
acteurs de la vie éducative.
Et puisqu’on ne peut échapper à la nécessité de légiférer dans le combat pour un droit
nouveau de l’éducation, on ne saurait rester indifférent vis-à-vis de ce conseil donné aux
législateurs, dans ses « leçons de lois » par le Doyen Jean Carbonnier : « N’accepte de faire
de loi que si tu y crois, non pas à la loi, mais à la nécessité d’en faire une. Et dis-toi bien
qu’en acceptant tu te feras autant d’ennemis qu’il y avait de tes semblables capables d’en faire
autant6 ».
Pour relever le défi de l’éducation pour le 21e siècle, le Forum des Parlementaires
Africains pour l’Education devra mobiliser tout son potentiel pour convertir les espérances
placées en lui en victoires.

5
Jacques Delors et al., idem, p. 183.
6
Jean Carbonnier, Essai sur les lois, Paris, PUF, 1995 p.225.

Abdoullah CISSE 12 Janvier 2002


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ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE

I- Ouvrages

1. Delors Jacques et al., L’éducation, un trésor est caché dedans, Paris, Editions UNESCO et
Odile Jacob, 1996.
2. N'Dri Samoff Joel, Assié-Lumumba Thérèse, Jallade Lucila et Cohen Marc, Inventaire et
revue analytique des études sur le secteur de l'éducation en Afrique analyses, programmes
et priorités de l’éducation africaine Un examen des études sur l'Education en Afrique
lancées, commandées et financées de l'extérieur, 1990-1994, UNESCO septembre 1995.
3. Jean Carbonnier, Essai sur les lois, Paris, PUF, 1995.

II- Rapports et déclarations


1. Forum mondial sur l’éducation,
- Cadre d’action de Dakar, « L’éducation pour tous : tenir nos engagements
collectifs ». Adopté par le Forum mondial sur l’éducation Dakar, 26-28 avril 2000
- Rapport final, Dakar, UNESCO, 2000.
2. Jomtien, Trois ans après l’éducation pour tous dans les pays du Sahel, Rapport du
séminaire sur « les politiques de développement de l’éducation pour tous dans les pays du
Sahel » organisé du 6 au 8 avril Ouagadougou, UNESCO-UNICEF, 1993.
3. PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, Paris, Bruxelles, De Boeck et
Larcier, Département de De Boeck Université, 2000.
4. UNESCO, L’éducation pour tous pour apprendre à vivre ensemble : Contenus et
Stratégies d’Apprentissage - Problèmes et Solutions, Conférence Internationale de
l’Education, Quarante-sixième session, ED/BIE/CONFINTED 46/3, Genève, 29 juin
2001.
5. UNESCO, Conférence Internationale de l’Education, Conclusions et propositions
d’action issues de la 46ème session de la Conférence Internationale de l’Education,
ED/BIE/CONFINTED 46/6, Genève, 8 septembre 2001.
6. UNESCO, Déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le XXIe siècle,
http://firewall.unesco.org/cpp/fr/declarations/world.htm
7. UNESCO, Rapport mondial sur l’éducation 2000. Le droit à l’éducation : vers
l’éducation pour tous tout au long de la vie, Paris, Editions UNESCO, 2000.

Abdoullah CISSE 13 Janvier 2002


Forum des Parlementaires Africains pour l’Education Droit et Education au 21ème siècle

8. UNESCO, Rapport sur l’état de l’éducation en Afrique, stratégie éducatives pour les
années 90, orientations et réalisations, BREDA, septembre 1995.

III- Articles

1. Babadji Ramdane, « Le droit à l’éducation, questions de fond au regard de la mise en


œuvre du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels »,
Dossiers du CIFEDUOP, http://www.eip-
cifedhop.org/publi…iers/dossier2000/fjuridiques.html.
2. Hénaire Jean, « Le droit à l’éducation : quelques repères pour une mise en contexte »,
http://www.eip-cifedhop.org/publi…ossiers/dossier2000/contexte.html
3. Truchot Véronique, « Le droit à l’éducation : Construction de la règle : socialisation
juridique et politique », http://www.eip-
cifedhop.org/publi…s/dossiers/dossier2000/regle.html

Abdoullah CISSE 14 Janvier 2002

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