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MARCHE ET DEAMBULATION EN LOGE

1 - INTRODUCTION
Mes frères, nous avons tous ressentis un grand bonheur nous envahir le jour de
notre initiation.

Passés les craintes, le sentiment de chaos et l’incompréhensions parfois


douloureuses des épreuves subies, vient le sentiment d’être accueilli dans une
fraternité d’hommes sympathiques et de commencer une nouvelle vie.

C’est au fil de l’apprentissage que les questions apparaissent et que parfois le


doute fait place aux certitudes des premiers moments.

L’engagement contracté par serment auprès de mes frères est-il conforme à ce


que je suis venu chercher en Loge ? Telle est la question qui souvent ronge le
nouvel apprenti.

Il faut laisser du temps au temps. Ce n’est qu’au fur et à mesure des Tenues et
des réunions d’instruction que prend corps véritablement le sens de notre
engagement et que se révèle la Lumière.

Nous appartenons à un ordre, ce qui veut dire que nous acceptons les règles de
vie qui constituent l’essence même de notre communauté.

Pour parvenir ensemble et individuellement à la connaissance de soi et transcender


l’intérêt personnel, la franc-maçonnerie fait référence à des rituels fondés sur le
symbolisme de la construction.

Qu’est-ce qu’un rituel ? :

Un rituel est un moment, un moment privilégié de sortir de l’espace et du temps


ordinaire pour entrer dans un espace particulier ou tout devient possible et à
l’intérieur de ce temps mythique ou sacré on va performer des expériences qui
vont venir transformer en profondeur la vision que l’on a de soi et des autres. C’est
une voie d’accès privilégié pour accéder à un autre niveau de conscience et
permettre d’entrer en communion avec les autres participants.

Les rituels sont des gestes chargés de sens et porteurs d’une intention de
transformation.

Voilà pourquoi, je vais avec vous mes frères aujourd’hui, revenir sur ce qui
constitue en grande partie l’ossature de notre rituel et lui donne le moyen de
parvenir à en comprendre le sens et la finalité : il s’agit de la marche et de la
déambulation en Loge.

Ce sujet symbolique sera abordé successivement pour chacun des degrés


Apprentis, Compagnons et Maître ?
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Mais, un tel sujet n’a de sens et de raison d’être que si nous savons pourquoi et
dans quel but nous avons rejoint la franc-maçonnerie. C’est une évidence.

Il est bon de revenir régulièrement, presque en forme de rituel, à des questions


qui nous ramènent au début du chemin. C’est pourquoi, conscient du monde qui
nous entoure, de ses imperfections et de notre place dans l’univers, nous nous
posons l’éternelle question : « D’où je viens ? Qui suis-je ? Où je vais ? «

C’est là notre ambition de progresser dans la recherche de la vérité, d’appréhender


la Connaissance et de parvenir à la Sagesse.

A cette question, Pierre DAC, répondait : « En ce qui me concerne


personnellement, je suis moi, je viens de chez moi et j’y retourne ! »

Plus sérieusement, je ferai référence aux questions auxquelles KANT répondait par
trois autres questions :

- D’où je viens : Que puis-je savoir ?


- Qui suis-je ? : Que dois-je faire ?
- Où je vais ? : Que met-il permis d’espérer ?

Il s’agit de questions, dont chacun aimerait répondre de manière formelle. Je ne


peux bien évidemment y apporter que mes réflexions personnelles.

A cette première problématique : « d’où je viens ? », à laquelle KANT oppose : «


que puis-je savoir ? » se pose l’éternelle interrogation de nos origines.

Je réponds qu’à cette question s’opposent deux hypothèses, une théorie


scientifique, celle du big bang et celle plus mystique d’un Dieu unique, créateur de
l’Univers. Deux points de vue qui par ailleurs ne sont pas inconciliables et qui
laissent le mystère entier.

Le big bang est un concept développé dans les années 1920 qui définit l’origine et
le développement de l’univers consécutivement à une explosion originelle, de
laquelle se seraient formées les galaxies de notre système solaire. Selon cette
théorie, le big bang a créé l’espace et le temps, l’univers au début étant
complètement rempli par la matière.

On aborde ici la notion d’unité principielle, notion partagée tant d’un point de vue
scientifique que d’un point de vue mystique. Dans une conception alchimique, à
laquelle se réfère les maçons, avant la création, c’est-à-dire le début, il n’existe
que l’Unité et seulement l’Unité, ni Lumière, ni Ténèbres ne sont évoquées. Pour
des raisons encore ignorée de la science, mais que non appelons Dieu ou Grand
Architecte de l’univers, cette unité se met en mouvement. Dès lors, à partir de ce
moment, la partie en mouvement prend le nom de ténèbres et ce qui reste prend
le nom de Lumière.

Ces notions d’hermétisme, l’impétrant les aborde lors de son passage dans le
cabinet de réflexion à la lecture de l’acronyme « VITRIOL » et de la vue des
premiers symboles, le souffre, le mercure et le sel. Il n’en comprend ni le sens, ni
la finalité, mais l’alchimie l’accompagnera tout au long de son parcours, lui
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permettant, entre autres disciplines, de mieux comprendre d’où il vient et de
l’accompagner dans son chemin de Lumière

Nous n’irons pas au-delà dans cette voie aujourd’hui, pour se satisfaire
uniquement de la notion d’Unité principielle, le UN, et de la relation binaire Lumière
et Ténèbres.

A la deuxième question métaphysique : « Qui suis-je ? : Que dois-je faire ? »,


intervient la maxime attribuée à Socrate, inscrite sur le fronton du Temple de
Delphes : « Connais-toi toi-même... ». Le nouvel initié en fait sa devise et
commence ainsi son introspection. C’est en cela qu’il s’ouvre à la découverte de
lui-même et qu’il pourra répondre à la question « qui suis-je ? ».

Enfin, pour répondre à l’interrogation de Kant : « Que dois-je faire ? », je réponds


cette phrase d’une banalité telle, qu’elle énerve beaucoup de nos frères ; « Tout
est dans le rituel ! ». Je m’explique : bien sûr que tout est dans le rituel, mais le
rituel n’est non pas une fin en soi, mais davantage un moyen, un moyen d’éclairer
notre connaissance. Comme il a été dit précédemment, le rituel a pour vocation
essentielle de nous transporter d’un monde ordinaire à un monde sacré pour
accéder à un autre niveau de conscience.

A la dernière question existentielle : « Où je vais ? » et « Que met-il permis


d’espérer ? », Je réponds qu’à l ’instar de tout franc-maçon, notre but est de
trouver la Lumière en Loge pour espérer atteindre la Connaissance et la Sagesse
au bout du chemin.

Confions donc au rituel le soin de nous réaliser, tel que nous le souhaitons et tel
que la franc-maçonnerie nous le propose.

2 – LA MARCHE DE L’APPRENTI
La marche de l’apprenti concours par les symboles dont elle enrichit son action à
la compréhension et à l’obtention des fondamentaux de la Tradition maçonnique.

Quand on demande à l’apprenti ; « Quel âge avez-vous ? ». Il répond : « Trois ans


Vénérable Maître ! ».

Trois est le chiffre de l’apprenti. On le retrouve symboliquement partout dans la


Loge et le rituel : Trois marches, les Trois Grandes Lumières de la franc-
maçonnerie, le Volume de la Loi Sacrée, l’Equerre et le Compas, les trois piliers,
Sagesse, Force et Beauté, les Trois bijoux Fixes, la pierre brute, la pierre cubique,
la planche à tracer, les Trois bijoux mobiles, l’équerre, le niveau et la
perpendiculaire, les Trois fenêtres grillagées, etc...

Tout ce qui entoure l’apprenti contribue à lui faire prendre conscience que le
principe ternaire est la voie pour quitter la dualité qui règne dans le monde profane
et accéder à l’Unité. En se mouvant du binaire au ternaire, l’apprenti dépasse
l’aspect simpliste et contradictoire des antagonismes apparents pour rejoindre la
troisième voie et pouvoir remonter jusqu’à la source, celle qui mène à la Lumière
et qui permet à l’initié d’en concevoir la force principielle.
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En entrant en Loge, l’apprenti, se met à l’ordre, main droite au niveau de la gorge,
le pouce en équerre contre le cou. Ce signe d’ordre signifie « je préfère avoir la
gorge tranchée que de révéler les secrets qui m’ont été confiés. ». Les pieds sont
en équerre.

Derrière lui, les colonnes Jakin et Boaz, symbolisent la dualité créatrice, placée à
l’intérieur du Temple, pour être visibles, elles matérialisent la porte d’entrée.
L’apprenti leur fait dos et tourne donc son regard vers l’Orient, laissant derrière lui
les Ténèbres.

Il s’apprête ainsi à faire trois pas glissés de l’Occident vers l’Orient. Chacun d’eux
est réalisé timidement avec précaution, montrant ainsi qu’il n’y a rien de sûr dans
sa marche. L’apprenti n’a aucune certitude, il est en recherche de lui-même,
encore hésitant, il a besoin de garantir, d’assurer sa marche.

La position de départ, pieds en équerre, indique la droiture de conduite qui doit


être la première qualité du maçon. Le regard dirigé vers l’Orient où se trouve le
Vénérable Maître, l’apprenti avance avec mesure son pied gauche, son pied droit
au sol. C’est seulement lorsque le pied gauche aura assuré son avance, qu’il
rapprochera contre celui-ci son pied droit en équerre. Il s’agit du premier pas, il
intervient comme une tentative incertaine d’approcher la Lumière. Le deuxième
pas, toujours effectué avec prudence, est celui encore de l’incertitude. Ce n’est
qu’au troisième, qui le conduit au pied des deux piliers « Force » et « beauté »
qu’il est enfin rassuré.

La marche s’exécute pas à pas pour rappeler que la progression vers la Lumière
se réalise par étapes successives. Au Rite Écossais Ancien et Accepté, ainsi qu’au
Rite Écossais Rectifié, toute marche ou déambulation démarre du pied gauche. Le
pied gauche symbolise la primauté du cœur, le pied droit, la raison.

Les trois pas glissés de l’apprenti nous amènent au pied des trois piliers sagesse,
force et beauté. C’est en cet endroit, à l’ordre du grade, que l’Apprenti salue les
trois officiers qui dirigent la Loge, le Vénérable Maître et les deux Surveillants.

Cette avancée est pour l’apprenti le passage du binaire au ternaire. Empruntant le


langage des oiseaux, je dirai que chaque pas de l’apprenti est un PAS -SAGE

Trois petits pas, qui sont une grande avancée vers la Lumière, même si le bout du
chemin est encore loin à l’horizon. L’apprenti laisse derrière lui le monde profane.
Il se rapproche du ternaire, les trois piliers, sachant que rien n’est encore gagné,
ce que lui rappelle le binaire du pavé mosaïque qui s’étale à ses pieds.

La symbolique du chiffre trois, s’impose à l’apprenti comme une constante. La


marche du grade en est la parfaite illustration. Elle permet de dépasser l’apparence
du binaire. Voir au-delà est un exercice difficile, c’est un chemin initiatique, un
pèlerinage au plus profond de soi.

Il y a dans l’exercice de la marche de l’apprenti une signification symbolique très


forte, qu’il appartient à chacun de découvrir. Il s’agit en quelque sorte d’aller voir
ce qu’il se passe derrière le miroir, d’aller au-delà des apparences.
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Quant à la circulation en Loge, elle se fait dextrorsum, c’est-à-dire dans le sens
des aiguilles d’une montre, de la gauche vers la droite, de la colonne du nord vers
celle du midi. Il n’y a que deux exceptions à cette règle au grade d’apprenti. La
première a lieu lors du premier voyage de l’initiation. La seconde, lorsque le
Second Surveillant s’assure que tous les frères présents sont apprentis francs-
maçons, à ce stade du rituel, les travaux ne sont pas encore ouverts. Dans ces
deux cas la déambulation est dite senestrorsum, ce qui correspond au sens de
rotation de la terre, c’est en sens contraire des aiguilles d’une montre.

Il est demandé à l’apprenti de bien entrer en Loge. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’au-
delà de ce formalisme, s’expriment des symboles, dont l’apprenti doit découvrir le
sens. C’est ainsi qu’il éclairera son chemin, qu’il comprendra où le rituel le conduit
et qu’il trouvera les réponses aux questions métaphysiques qu’il se pose. Demeure
un long chemin à parcourir, c’est ce que nous allons poursuivre avec la marche du
Compagnon.

3 – LA MARCHE DU COMPAGNON.
A chaque degré une étape est franchie sur le chemin de la connaissance.

Le Compagnon qui entre en Loge doit montrer rituellement qu’il possède les usages
de son grade et ceux du degré précédent.

A l’ordre d’Apprenti, il avance en ligne droite en direction de l’Orient.

Ayant salué respectivement le Vénérable Maître, le Premier puis le Second


Surveillant, il s’apprête ensuite à exécuter la marche du Compagnon.

Dans un premier temps, ayant quitté l’ordre d’Apprenti, le Compagnon effectue la


première partie du signe d’Ordre, appelée « Signe de Salutation », qu’il fait en
levant la main gauche, le bras étant horizontal et l’avant-bras vertical formant une
équerre ; la main gauche est présentée paume en dehors, les doigts réunis, sauf
le pouce qui forme équerre par rapport à l’index. Simultanément, le Compagnon
applique sa main droite sur le cœur, les doigts arrondis en griffes, comme pour
l’arracher. Il s’agit du « Signe de Fidélité ».

Le bras et la main gauches en équerre lui rappelle la rectitude de ses pensées et


de ses actes. Elle est dressée vers le ciel, comme pour invoquer le Grand
Architecte.

La main droite au niveau du cœur a une double signification : elle évoque le


serment qu’il doit respecter sous peine d’avoir le cœur arraché et l’amène à
prendre conscience qu’une part de lui-même, de ses décisions et de ce qu’il
entreprend émane du cœur, symbole de l’amour, de l’intelligence du cœur, de ce
qui au-delà de la raison, ouvre à la contemplation, à la perception du divin et du
sacré, à ce qui est invisible. C’est en quelque sorte un trait d’union entre la
promesse qu’il fait au Grand Architecte de respecter ses engagements et l’amour
qu’il est en capacité de donner à ses frères.

Dans cette position, le Compagnon s’apprête à accomplir son premier pas de


Compagnon, dans la continuité de la marche d’apprenti, c’est-à-dire son quatrième
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pas. C’est ainsi que conservant son pied gauche au sol, et contrairement à ce qu’il
a appris jusqu’ici, il avance son pied droit en oblique sur la droite, vers la colonne
du midi, quittant pour se faire légèrement le sol.

C’est une situation totalement inhabituelle. Jusqu’à présent, l’apprenti se


contentait d’une marche rectiligne. Symboliquement cela signifie que le
Compagnon a maintenant la capacité de s’écarter du chemin, d’aller à la
découverte du monde. Il est notamment en possession d’un mot de passe
Schibboleth, qui lui permet de se faire reconnaître et de poursuivre sans encombre
son chemin.

Le but du Compagnon est de voyager, d’acquérir et de parfaire ses connaissances,


d’avoir un nouveau regard sur le monde.

C’est un moment particulièrement symbolique. En s’écartant de la ligne droite et


de l’Orient, il quitte quelques instant la pleine Lumière pour se rapprocher d’un
éclairage plus faible, celle des trois fenêtres qui se trouvent au midi. Grillagées au
grade d’Apprenti, elles sont maintenant ouvertes, laissant au Compagnon le
sentiment que de l’autre côté de ses fenêtres existe certainement un autre monde.
A lui de le découvrir. Cette faible Lumière lui rappelle également qu’il sera aidé et
guidé au cours de ses voyages par l’étoile flamboyante, tout comme l’ont été les
Trois mages vers Jérusalem.

L’avance du pied droit dans cette position a été pour lui une aventure, il va
connaître d’autres frères, d’autres Loges, d’autres rites et comprendre ainsi que la
franc-maçonnerie est universelle.

Mais avant tout, il devra toujours revenir dans l’axe de sa progression personnelle,
et auprès de ceux avec qui il a commencé son chemin. C’est ainsi, qu’il va ramener
son pied gauche contre le pied droit et ensuite revenir dans l’axe entre les deux
Colonnes, « Force » et « Beauté », entamant cette action du pied gauche dans la
ligne initiale et ramenant son droit en équerre contre le pied gauche.

Voici donc le Compagnon, à nouveau face à l’Orient, toujours au Signe d’Ordre.

Il a accompli cinq pas, chiffre symbolique du grade. Du binaire au ternaire, par


l’initiation et son travail à la Colonne du nord, il passe aujourd’hui au chiffre cinq,
cinq comme les cinq branches de l’étoile flamboyante, avec en son centre la
lettre « G », dont il développera la signification. Son âge n’est-il pas de cinq ans
d’ailleurs !

Ce grade n’est pas un aboutissement, mais un passage, après le travail de


l’Apprenti sur lui-même, dans le silence de ses profondeurs, passant de la verticale
à l’horizontal, le Compagnon s’ouvre au monde qui l’entoure. D’autres étapes sont
à venir, c’est ce que nous allons entreprendre de commenter.
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