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al-Husseini
grand mufti de Jérusalem
Mohammed Amin al-Husseini (en arabe : )محمد أمين الحسيني, également connu sous le nom
d’Hadj Amin al-Husseini ou encore sous son titre de grand mufti de Jérusalem, est un chef
religieux, nationaliste et homme politique palestinien, né le 4 juillet 1895 (1313 AH)[a] à
Jérusalem et mort le 5 juillet 1974[1] à Beyrouth.
Mohammed Amin al-Husseini
Fonctions
Président du gouvernement de toute la Palestine
30 septembre 1948 – 1959
(16 ans)
(15 ans)
Biographie
Date de naissance Entre le 4 juillet 1895 et 1897
Profession Mufti
Devenu en 1921 mufti de Jérusalem alors que la Palestine est sous mandat britannique, il a
occupé une place centrale dans le nationalisme palestinien. En 1936, il est l'instigateur de la
révolte contre les autorités britanniques.
Exilé par les Britanniques en septembre de l'année suivante, il mise sur une alliance avec
l'Allemagne nazie, dont il sert la propagande pendant la Seconde Guerre mondiale et dont il
approuve la politique. Il rencontre Hitler et appelle à la participation des Arabes aux armées
allemandes.
Sa collaboration avec les nazis pendant la guerre, son antisémitisme et ses prises de
position sur la Shoah au point de l'approuver font de lui une figure particulièrement
controversée du conflit israélo-palestinien. La propagande israélienne a utilisé et amplifié
cette image afin de délégitimer la cause palestinienne.
Biographie
Jeunesse
Le portail de l'école de l'AIU fréquentée par Mohammed Amin al-Husseini et située rue de Jaffa.
La famille Husseini de Jérusalem était l'un des clans les plus puissants et les plus respectés
de la société arabe palestinienne depuis des siècles. Les Husseini prétendent être
descendants de Al-Hussein ibn Ali, petit-fils du prophète Mahomet[2].
Amin al-Husseini est le neveu de Moussa Qazem al-Husseini, leader nationaliste et homme
politique palestinien[3]. Durant sa jeunesse, il est éduqué pour succéder à son père, mufti de
Jérusalem[4]. Il est un temps élève à l'AIU (Alliance israélite universelle)[5] à Jérusalem qui
accueille toutes les confessions. Plus tard, il étudie la loi islamique à l'université Al-Azhar du
Caire puis il poursuit ses études dans une école d'administration à Constantinople[6].
Durant la Première Guerre mondiale, il s'engage dans l'armée ottomane qu'il quitte[c] en 1917
pour retourner à Jérusalem[4]. Après la victoire britannique sur les Ottomans et leur arrivée en
Palestine, il collabore avec ces derniers et devient « un musulman pieux, au service d'une
armée chrétienne, contre un ennemi musulman »[d].
Leader politique
Militant pan-arabe
Après la guerre, Amin al-Husseini devient membre d'Al-Nadi, une société secrète qui milite
pour l'indépendance de la Syrie-Palestine[8]. À cette époque, les Français et les Arabes dirigés
par Fayçal ibn Hussein, s'affrontent pour le contrôle de la Syrie et les Alliés ne se sont pas
encore prononcés sur l'avenir du Moyen-Orient.
En 1920, il figure parmi les principaux instigateurs du pogrom anti-Juifs d'avril 1920, qui tue
une dizaine de Juifs et en blesse plus de 250[10], afin de faire pression sur les Alliés à la veille
de la Conférence de San Remo (1920)[11]. Son rôle lui vaut une condamnation à 10 ans
d'emprisonnement[10], mais il s'enfuit pour Damas, avant d'être arrêté puis nommé grand
mufti par le pouvoir britannique.
En mars 1921, Kamil al-Husseini, par ailleurs grand mufti et demi-frère d'Hadj Amin al-
Husseini, meurt. Selon la loi, des élections sont organisées et le haut-commissaire
britannique doit choisir parmi les trois premiers celui à qui le poste échoit. Amin al-Husseini
termine quatrième. Néanmoins, Herbert Samuel, soucieux de maintenir un équilibre entre les
al-Husseini et le clan rival des Nashashibi (en)[16], invalide le scrutin et décide de nommer
Amin al-Husseini mufti de Jérusalem[17][g], un poste détenu par le clan al-Husseini depuis
plus d'un siècle.
En tant que grand mufti de Jérusalem et président du Conseil suprême musulman, il est le
fonctionnaire arabe le plus puissant de la Palestine mandataire, sa position lui permet de
contrôler des budgets importants[18].
Amin al-Husseini conserve son titre de mufti jusqu'en 1948, date à laquelle il est remplacé
par Husam al-Din Jarallah, nommé par le roi de Transjordanie, Abdallah Ier.
En juillet 1920, mandatée par la Société des Nations, la France prend le contrôle de la Syrie et
chasse Fayçal de Damas. Le pan-arabisme de la révolte arabe de 1916-1918 est vaincu. Un
nouveau nationalisme arabe émerge, et en Palestine Amin al-Husseini s'imposera comme
l'un de ses leaders[19].
Nationalisme palestinien
Par la suite, en tant que dirigeant arabe palestinien, Amin al-Husseini joue un rôle central
dans l'opposition à l'immigration juive en Palestine et à la présence britannique.
Après son retour en Palestine en 1921, al-Husseini continue ses activités politiques.
En mars 1935, le clan Husseini crée son propre parti politique, le Parti arabe palestinien[20].
Le 25 avril 1936, à l'initiative d'al-Husseini, les chefs des clans arabes de Palestine forment le
Haut comité arabe et lui en confient la présidence. En 1936, Al-Husseini est surpris par la
Grande Révolte arabe mais emboîte le pas au mouvement [réf. nécessaire].
En octobre 1939, étant mis sous surveillance par les autorités françaises, il quitte le Liban
pour retourner en héros national[23] au Royaume d'Irak[24] avant de se réfugier en 1941 en
Allemagne jusqu'en 1945[23].
Rachid Ali al-Gillani et Haj Amin al-Husseini lors d'un discours à Berlin, pour l’anniversaire du coup d’État anti-
britannique en Irak du 1er avril 1941 ; année inconnue : 1942, 1943 ou 1944.
Soutenant la prise du pouvoir par Rachid Ali al-Gillani en Irak, il prononce à la radio irakienne
une fatwa appelant les musulmans au djihad contre le Royaume-Uni. La victoire britannique
dans la guerre anglo-irakienne le force à fuir sur le territoire de l'État impérial d'Iran. Après
l'invasion anglo-soviétique de l'Iran, il se réfugie en Italie. Le 27 octobre 1941, il est reçu par
Benito Mussolini, qui accepte le principe d'un soutien de l'Axe à sa cause. Selon le récit d'Al-
Husseini, ce fut une réunion à l'amiable dans laquelle Mussolini exprima son hostilité envers
les juifs et le sionisme [réf. nécessaire]. Benito Mussolini et l'Italie fasciste avaient soutenu
financièrement les rebelles arabes lors de la Grande révolte arabe de 1936-1939 en Palestine
mandataire[25].
Le 28 novembre 1941, Al-Husseini se rend en Allemagne où il est reçu par Hitler[24]. Lors de
leur conversation, Hitler lui explique que les motivations de tous les nationaux-socialistes à
« persévérer dans un combat sans merci contre les Juifs » sont leurs tentatives de
destruction de l'Allemagne ainsi que leur responsabilité dans le déclenchement de la
Première Guerre mondiale et de la montée du communisme. Le mufti lui répond que : « Nous
Arabes, pensons que c'est le sionisme qui est à l'origine de tous ces sabotages et non pas les
Juifs », ce à quoi Hitler lui répond que les Arabes sont un peuple sentimental et que sa
conviction est fondée scientifiquement[26]. Hitler dira plus tard avoir été impressionné par la
prudence du mufti[h].
Il travaille ensuite à des émissions de radio de propagande, destinées aux mondes arabe et
musulman et où il exhorte les auditeurs à « tuer les Juifs où qu'on les trouve [car] cela
satisfait Dieu, l'histoire et la religion »[28]. En mai 1943, il collabore aux recrutements de
musulmans des Balkans pour former la 13e division de montagne de la Waffen SS
Handschar[29].
Malgré cela, la majorité des Arabes et des Palestiniens ne le suivront pas. « Les Arabes et les
Berbères qui combattirent dans les rangs des Alliés durant la Seconde Guerre mondiale sont
considérablement plus nombreux que ceux qui combattirent dans les rangs des pays de
l'Axe[30] ». Seulement 6 300 Arabes rejoignirent différentes organisations militaires nazies
tandis que 259 000 rejoignirent les Alliés, dont 9 000 Palestiniens[31].
Le 13 mai 1943, Amin al-Husseini demande au ministre des Affaires étrangères allemand
« de faire tout son possible » pour bloquer les transferts éventuels de Juifs de Bulgarie, de
Hongrie et de Roumanie vers la Palestine à la suite d'informations selon lesquelles
4 000 enfants juifs accompagnés de 500 adultes avaient réussi à rejoindre cette région.
Cette requête lui fut accordée[32],[33]. En mai 1943, il recommande aux Bulgares d'envoyer des
enfants juifs de Bulgarie en Pologne plutôt que de les laisser émigrer en Palestine[34].
À l'été 1943, Heinrich Himmler lui révèle que « l'extermination des Juifs est en cours et
qu'environ trois millions ont déjà été liquidés ». Lors de la même réunion, Himmler lui
demande comment il compte régler la question juive dans son pays, ce à quoi il répond :
« Tout ce que nous voulons est qu'ils retournent dans leur pays d'origine. »[35]
Appel en arabe et en français aux soldats arabes du Maghreb : « ... L'Allemagne fait la guerre aux Juifs, mais elle est
l'amie de tous les peuples arabes...(elle) a conclu une alliance avec le grand Mufti de Jérusalem », années 1940.
Dans une déclaration publique à Berlin le 2 novembre 1943, il déclare que « les musulmans
devraient suivre l'exemple des Allemands qui ont trouvé une solution définitive au problème
juif »[36]. Le 25 juillet 1944, il écrit au ministre hongrois des Affaires étrangères son
opposition à la délivrance de sauf-conduits pour 900 enfants juifs et 100 adultes pour être
transférés hors de Hongrie et réitère sa demande[37].
Dans ses mémoires, le mufti écrit que les accusations relatives à son implication dans
l'Holocauste sont mensongères : « Durant le régime nazi, les Allemands réglèrent leurs
comptes avec les Juifs bien avant mon arrivée en Allemagne et n'eurent besoin d'aucune
incitation pour le faire »[38]. Il rajoute, évoquant une plainte déposée contre lui à l'ONU en
1947, que « les Allemands étaient suffisamment sans pitié et n'avaient eu besoin d'aucun
encouragement pour exterminer les juifs » et que, pour sa part, opposé au projet de transférer
les Juifs d'Europe de l'Est en Palestine, il s'était contenté d'écrire « à Ribbentrop, Himmler et
Hitler jusqu'à ce qu['il] réussisse à faire échouer leurs efforts »[39]. Le mufti affirme également
que quand il envoya ses requêtes « son intention n'était pas d'empêcher l'extirpation des Juifs
mais plutôt d'empêcher un flot d'immigration agressive juive visant à inonder la Palestine et à
la vider de ses natifs comme en fait cela se produisit plus tard »[40].
À l'issue de la guerre, Amin al-Husseini fut recherché par les Britanniques en tant que
collaborateur et par les Yougoslaves en tant que criminel de guerre.
Il trouva refuge dans la région de Constance où il fut « arrêté » le 15 mai 1945 par les troupes
françaises. Le 19 mai, il fut transféré dans la région parisienne où il fut hébergé avec ses
deux secrétaires dans une villa de Saint-Maur-des-Fossés et ce dans des conditions très
favorables. À titre d’exemple, il recevait ses repas d’un restaurant voisin et, plus tard, un
cuisinier fut mis à sa disposition par la mosquée de Paris. La maison était placée sous la
surveillance de la police judiciaire de la préfecture de police mais c’était le Quai d’Orsay qui
déterminait les conditions de détention du mufti et la politique à adopter à son égard. En
octobre 1945, le mufti déménagea dans la villa « La Roseraie », à Bougival, puis il changea
encore de lieu de résidence. Il était autorisé à librement se déplacer et recevoir ses invités.
Son passif pro-nazi ne l'a pas transformé en un paria après la guerre. À son retour dans le
monde arabe, en Égypte à l'été 1946, il a été salué par les masses en tant que héros. Abdul
Rahman Hassan Azzam, secrétaire général de la Ligue arabe, a persuadé les gouvernements
occidentaux de ne pas le poursuivre pour crimes de guerre[42]. Selon Jeffrey Herf, pour son
clan et son parti politique, le Parti arabe palestinien, ses activités durant la guerre « étaient
une source de fierté et pas de honte »[43].
Légionnaires arabes jordaniens avec des personnalités palestiniennes dont Al-Husseini, en 1947.
Durant la guerre israélo-arabe de 1948, il mène, dans le camp arabe, le clan nationaliste
palestinien, s'opposant à la fois à la fondation d'un État juif et aux ambitions du roi Abdallah
Ier d'annexer une portion de la Palestine. Le 20 juillet 1951 à Jérusalem, Abdallah sera
assassiné par Mustapĥa Ashu, âgé de 21 ans, de deux balles dans la poitrine et une dans la
tête, et ce, sur ordre probable de Hadj Amin al-Husseini, via le colonel Abdulah El Tell[44],[45].
À la suite de son isolement au sein du monde arabe et de la mort de ses deux officiers sur le
terrain Abd al-Kader al-Husseini et Hassan Salameh, son influence sur la guerre sera limitée à
la première partie de la guerre.
La guerre se solde en définitive par le partage de l'ancienne Palestine mandataire entre Israël
et la Jordanie, la Bande de Gaza passant sous administration militaire égyptienne.
Al-Husseini est opposé à l'annexion jordanienne et les États de la Ligue arabe ne sont pas
favorables à voir le territoire jordanien grandir de la sorte[46].
1948-1960
En 1951, il participe au Congrès islamique mondial à Karachi, au Pakistan dont il est élu
président. Il a assisté à d'autres congrès islamiques au Pakistan ce qui augmente sa
popularité dans ce pays[49].
Au cours des années 1950, il maintient ses liens avec des cellules armées et orchestre des
attaques en Israël, ce qui améliore sa popularité dans les pays arabes[50].
Selon Léon Poliakov, Amin al-Husseini a joué un rôle pivot dans l'alignement de pays
africains et asiatiques sur les positions antisionistes défendues par les pays arabes[52]. En
avril 1955, représentant le Yémen à la conférence de Bandung, Amin al-Husseini s'est efforcé
de « révéler les véritables visées sionistes », à savoir « la constitution d'un vaste empire
s'étendant du Nil à l'Euphrate — et incluant notamment la ville sainte islamique de Médine ».
Si les autres orateurs arabes ont également prononcé des discours anti-israéliens à cette
conférence, Amin al-Husseini aurait selon Poliakov été le plus éloquent et aurait convaincu
son auditoire au point que, selon le compte rendu paru dans Le Monde du 20 avril 1955, « la
résolution anti-israélienne a été le seul point d'accord de la conférence[53] ».
Déclin et mort
L'établissement de l'OLP marque la fin de la carrière politique d'Al-Husseini[54]. Au cours des
dix dernières années de sa vie, le nom d'Husseini « disparaît graduellement dans la presse
arabe » et il n'est plus vu aux conférences arabes ou islamiques[54]. Durant cette période, il se
consacre à l'écriture de nombreux articles et mémoires sur sa vie ou destinés à répondre à
ses nombreuses critiques qui le rendent responsables du drame vécu par le peuple
palestinien[55].
À partir de 1964, le représentant palestinien entendu dans « les institutions de la Ligue arabe,
aux réunions de ministres arabes, dans les centres palestiniens de population et dans les
médias » est désormais son fondateur Ahmed Choukairy[54]. À la suite de la Guerre des Six
Jours, Choukairy est contraint à la démission[56] et est remplacé par Yasser Arafat à la tête
de OLP, chapeautant désormais les différentes factions palestiniennes unifiées, et considérée
comme représentante légitime du peuple palestinien[57].
Soutenu par la Jordanie et les Frères musulmans, Husseini s'oppose sans succès au
monopole de l'OLP sur la cause palestinienne en essayant de fonder des unités militaires
sous ses ordres. Celles-ci sont tantôt attaquées par le Fatah d'Arafat, tantôt le rejoignent en
abandonnant Husseini[58]. Al-Husseini s'allie alors au roi Hussein de Jordanie pour lutter
contre l'influence de l'OLP dont les forces sont chassées de Jordanie à la suite des
événements de Septembre noir quand l'armée jordanienne attaque les milices palestiniennes
installées dans son pays[59].
Amin al-Husseini meurt d'une crise cardiaque le 4 juillet 1974 à Beyrouth[61]. Il est
immédiatement visité par les leaders de l'OLP qui se montreront particulièrement visibles à
son enterrement[61]. Selon Zvi Elpeleg, « il est [cependant] improbable qu'il y eût qui que ce
soit dans l'OLP qui ait vu la mort d'Haj Amin comme une perte pour le mouvement national
palestinien »[61].
Mohammed Amin al-Husseini est devenu après sa mort « un symbole de défaite » et les
Palestiniens ont pour la plupart oublié ses échecs et sa mémoire[62].
Analyses et controverses
Walter Laqueur rapporte des témoignages de l'époque qui vont dans le même sens. Ainsi, en
1938, le colonel Kisch écrit : « Je n'ai aucun doute, quoi qu'il en soit, que sans l'abus par le
mufti de ses immenses pouvoirs et la tolérance de ces abus par le gouvernement pendant
quinze ans, une compréhension judéo-arabe dans le contexte du mandat aurait été atteinte
depuis longtemps. » Cependant Laqueur nuance ce point de vue. Il écrit que : « [si le Mufti]
assume beaucoup de responsabilité dans les émeutes de 1929 et la guerre civile de 1936-39
[;] […] il est naïvement optimiste de supposer que sans la nomination du Mufti et ses activités,
les relations judéo-arabes auraient suivi un chemin différent [car] tôt ou tard l'élément
extrémiste aurait prévalu parmi les autorités arabes[63]. »
Les biographies récentes du mufti vont dans le même sens. Tant l'historien Palestinien Phiip
Matar que l'israélien Zvi Elpeleg estiment qu'en 1948, quelles qu'auraient été les actions du
mufti, « l' État d’Israël aurait en tout cas vu le jour en raison des puissants soutiens
internationaux dont bénéficiaient les sionistes » et que « la création d’un État palestinien était
exclue, compte tenu de l’opposition de la plupart des pays arabes à une telle entité
souveraine »[64].
S'il y a débat sur la portée de l'implication du Mufti dans le processus d'extermination des
Juifs, il ne fait néanmoins aucun doute qu'Husseini « a coopéré avec le régime le plus
barbare des temps modernes », suivant l'un de ses biographes palestiniens[65].
Dans son livre « Eichmann à Jérusalem », Hannah Arendt écrit : « Les connexions du Grand
Mufti avec les nazis durant la guerre n’étaient pas secrètes ; il avait l’espoir qu’elles
l’aideraient à exécuter une sorte de solution finale au Proche-Orient »[67]. Selon l'historien Zvi
Elpeleg, il n'y a aucun doute que « la haine d'Husseini n'était pas limitée au sionisme mais
s'étendait aux Juifs en tant que tel. (...) Ses contacts étroits et fréquents avec les leaders du
régime nazi ne pouvait lui laisser de doute sur le destin qui attendait ceux dont l'émigration
était rendue impossible par ses efforts. Ses nombreux commentaires montrent qu'il n'était
pas seulement heureux que les Juifs ne puissent émigrer en Palestine mais qu'il était
satisfait de la solution finale nazie. »[38]. Dans une étude portant sur les possibilités de voir la
solution finale s'établir en Palestine, une équipe d'historiens de l'université de Stuttgart écrit
que « Le Grand Mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, était le plus grand collaborateur
des nazis dans le camp arabe et un antisémite sans compromis »[68],[69]. Selon Philip Mattar,
aucun matériel historique n'atteste une participation du mufti à la solution finale bien qu'il
soit possible qu'il en ait été informé. Cependant, il estime que l'affirmation selon laquelle son
antijudaïsme aurait été limitée à l'antisionisme est fausse comme l'attestent ses déclarations
relatives à la domination du monde par les Juifs[70].
Le sociologue des médias Barry Rubin (en) et l'historien Wolfgang G. Schwanitz vont plus loin
et estiment que le mufti de Jérusalem été l'« architecte de l'Holocauste »[71]. Ils estiment qu'il
a rendu la Solution finale inévitable en fermant aux Juifs toute possibilité de fuir en
Palestine[72]. Cependant, pour Robert Fisk, « faire porter la responsabilité de l'Holocauste sur
cette personnalité misérable est une insulte à l'histoire et aux six millions de victimes de ce
régime démoniaque »[73]. Selon David Mikics, la thèse du mufti responsable de l'Holocauste
est « stupide » et cache un « programme politique » au vu du matériel sur lequel elle se
base[71].
Henry Laurens est plus nuancé. Selon lui, dans l'entre-deux-guerres, le combat du mufti visait
le sionisme car il était convaincu que son but était l'expulsion des Arabes de Palestine et de
s'emparer du Haram al-Sharif (Mont du Temple). Il avait cependant acquis la conviction que
le « judaïsme mondial soutenait de façon occulte les sionistes et exerçait une influence
majeure » en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Se basant sur des propos tenus lors de sa
rencontre avec Hitler et Himmler, Henry Laurens estime qu'« il était encore loin de
l'antisémitisme nazi ». Ainsi, quand Hitler avance que les Juifs sont responsables de la
Première Guerre mondiale, de la montée du communisme et de saper l'essor économique de
l'Allemagne et que c'est ce qui le motive à « persévérer dans un combat sans merci contre les
Juifs », le mufti lui répond que : « Nous Arabes, pensons que c'est le sionisme qui est à l'origine
de tous ces sabotages et non pas les Juifs »[26]. Lors de sa rencontre avec Himmler en 1943
au cours de laquelle ce dernier lui annonce que la solution finale a été enclenchée, il répond
que « tout ce que nous voulons [des Juifs] c'est qu'ils retournent dans leur pays d'origine. »
Henry Laurens note que la pensée du mufti sur le sort des Juifs de Palestine n'était pas
achevée et de toute manière pas d'actualité. Sa conclusion générale est que le mufti a petit-à-
petit identifié son combat en Palestine à celui de l'Allemagne contre le judaïsme mondial (en
particulier, il adhère aux thèses que le judaïsme serait lié au capitalisme mondial et à leur
pseudo-responsabilité dans le déclenchement des deux guerres mondiales) mais qu'il n'a pas
adhéré pas aux idées raciales des Nazis. Il rappelle également qu'il note dans ses Mémoires
ne pas avoir été impliqué dans l'extermination des Juifs d'Europe et qu'il n'a jamais adopté
d'attitude négationniste sur le sujet[26].
Selon le politologue Gilbert Achcar, le mufti de Jérusalem « a pris fait et cause pour le
nazisme, au point d’approuver le « judéocide » et que ce faisant, il est allé bien plus loin que la
logique selon laquelle « l’ennemi (allemand) de mon ennemi (britannique) est mon ami »[75].
Selon Philip Mattar et Zvi Elpeleg, le mufti de Jérusalem n'est en définitive responsable
d'aucun crime de guerre et aucun des deux ne pense « que les erreurs qu’il a commises ont
modifié le cours de l’histoire »[64].
Selon plusieurs auteurs, il existe une filiation entre le nazisme et l'islamisme dont le vecteur aurait été Amin al-
Husseini.
Pour le politologue franco-libanais Gilbert Achcar, le mufti de Jérusalem a occupé une place
centrale dans la propagande israélienne visant à « dénoncer [un] antisémitisme congénital
[chez les] Arabes » et à « impliquer les Palestiniens et les Arabes dans le génocide nazi ».
Cette dimension particulière du conflit israélo-arabe a toujours été cruciale pour l’État d’Israël
[qui] doit impérativement cultiver le soutien des pays occidentaux à sa cause. » Les
motivations sont de « justifier ainsi l’injustifiable occupation de leurs Territoires »[77].
Philip Mattar note que les premières biographies du mufti furent écrites par des nationalistes
juifs tels que Moshe Pearlman (en) (un proche de David Ben Gourion) ou Joseph
Schechtman (un révisionniste) qui le dénigrèrent et discréditèrent son mouvement ; par des
nationalistes arabes, prenant faits et cause pour lui ; ou des auteurs national-socialistes
instrumentant son combat. La couverture de l'ouvrage de Pearlman montre « le dessin d'un
homme grotesque au nez crochu, ironiquement ressemblant à la caricature antisémite d'un
Juif, avec des gouttes de sang tombant des ongles »[78]. La réédition de 1988 de sa
biographie du mufti est résumée par l'éditeur en ces mots :
Dans Beyond Chutzpah, Norman Finkelstein met en avant de nombreuses inventions au sujet
du Mutfi, que l'on retrouve dans la littérature académique, selon lesquelles par exemple il
aurait visité Auschwitz et instigué l'opération Atlas qui aurait visé à empoisonner la
population de Tel-Aviv[80],[81]. En réalité, en octobre 1944, une unité de la Waffen-SS
composée de cinq soldats, trois anciens membres de la Société des Templiers en Palestine
et deux Arabes palestiniens proches collaborateurs du mufti, a été parachutée en Palestine
mandataire avec pour mission de recruter des combattants et de transmettre des
informations aux autorités nazies. C'est Bar Zohar, le biographe de David Ben Gourion, qui a
par la suite affirmé que l'unité avait aussi pour mission d'empoisonner l'eau de Tel-Aviv. Cette
thèse a été rejetée par les historiens[80].
Dans son ouvrage Les Arabes et la Shoah, Gilbert Achcar souligne que « [c]es dernières
années ont vu une recrudescence spectaculaire de la guerre des mots opposant Israël aux
Palestiniens et aux Arabes, avec le concours actif des partisans des deux camps en Europe
et aux États-Unis.
Plus récemment, en octobre 2015 et alors qu'il s'adresse au congrès sioniste à Jérusalem, le
Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou soutient que « Hitler ne voulait pas
exterminer les Juifs à l'époque, il voulait seulement les expulser », mais que c'est le mufti qui
l'aurait persuadé de les exterminer car il ne voulait pas les voir arriver en Palestine[83]. Cette
prise de position entraîne immédiatement de vives polémiques dans lesquelles les propos de
Netanyahou sont fermement condamnés ou vivement défendus[84],[85],[86],[87],[88],[89]. Au bout
d'une semaine et face aux critiques qu'on suscitées ses propos il se rétracte, expliquant qu'il
n'a aucunement l'intention de dédouaner les Allemands. Il insiste néanmoins qu'il ne faut pas
minimiser le rôle qu'Husseini a joué[90].
Cette thèse n'est pas nouvelle dans la bouche de Netanyahou. Dans une étude publiée en
2005, l'historienne Idith Zertal fait référence à des propos similaires tenus en 1993 tandis que
des négociations étaient engagées entre Israël et l'OLP de Yasser Arafat[91]. Netanyahou
affirme à l'époque que le mufti « joua un rôle dans la décision d'exterminer les Juifs
d'Europe » et qu'il « proposa à plusieurs reprises (...) à Hitler, Ribbentrop et Himmler [leur]
extermination ». Idith Zertal explique que la « démonisation du Mufti » vise à l'époque Arafat
et son organisation qui seraient, selon Netanyahou des « descendants spirituels et politiques
du mufti de Jérusalem »[92]. Elle rappelle que « cette affirmation n'a pas - et n'a jamais eu -
aucune base historique, et qu'elle retire une part de responsabilité importante aux vrais
perpétrateurs de la solution finale[92]. »
Idith Zertal estime également que « l'amplification de l'image du mufti et de son rôle dans
l'extermination des Juifs d'Europe ne se limite pas aux actes à visées éducatives et politiques
du procès Eichmann. Elle s'est également diffusée dans l'historiographie de référence sur
l'Holocauste[93]. » Ainsi, reprenant un constat de Peter Novick (en)[94], elle souligne à cet
égard à propos de l'Encyclopédie de l'Holocauste (en), projet international de Yad Vashem,
« le fait étonnant que le mufti a été dépeint par les auteurs de l'Encyclopédie comme l'un des
grands concepteurs et auteurs de la Solution finale : l'article qui lui est consacré est deux fois
plus long que ceux de Goebbels et Goering, plus long que la somme des articles consacrés à
Heydrich et Himmler et plus long que celui d'Eichmann ». Elle ajoute que, dans la version
hébraïque, son article est presque aussi long que celui d'Adolf Hitler[95]. Dans le même ordre
d'idées, l’historien israélien Tom Segev souligne que le mur qui lui est consacré à Yad
Vashem chercherait à tort à donner l’impression d’une convergence entre le projet
génocidaire antisémite du nazisme et l’hostilité arabe à Israël[96].
Notes et références
Notes
a. Philip Mattar fait état d'une controverse quant à la date de naissance d'Husseini qui a
longtemps été présenté comme étant né en 1893.
b. On parle de lui en tant « qu'Hadj Amin al-Husseini », « le mufti » ou « le grand mufti », en
précisant parfois « de Jérusalem ». Attention néanmoins qu'il ne devint mufti qu'à partir de
1921, poste auquel il succéda à son frère.
c. Benny Morris parle de désertion pour rejoindre l'armée de Hussein[7] ; c'est aussi le cas de
sa biographie sur passia.org mais qui fixe cet événement à 1916[6]. Segev, p. 103 fait
référence à une démobilisation pour cause de maladie.
d. Segev indique qu'il aurait ainsi permis le recrutement d'au moins 2 000 Arabes pour les
Britanniques[4].
e. Perlman écrit qu'en réalité il n'est pas gracié à ce moment mais plus tard en septembre, à
la suite d'une visite en Transjordanie et que cela indique la gravité de l'implication d'al-
Husseini[13].
g. « Aux élections du 12 avril 1921, alors que Husseini n'arrive qu'en quatrième position,
Samuel invalide le scrutin et le nomme (8 mai 1921) grand mufti. », Bensoussan, p. 550.
h. « Au cours des discussions il s'est révélé être un fin renard ; en vue de gagner du temps
pour réfléchir, il se fait traduire certaines choses non seulement en français mais aussi en
arabe, et il pousse la prudence jusqu'à s'en faire écrire d'autres. Quand il parle, il soupèse
chacun de ses mots. Dans l'astuce, il égale presque les Japonais »[27].
Références
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s://books.google.com/books?id=GDaZAgAAQBAJ&pg=PA14) [archive])
« The Hajj Amin's opportunistic wartime residence and propaganda
activities in Nazi Germany certainly was not the proudest moment in
the history of Palestinian nationalism. And, certainly, opponents of
Palestinian nationalism have made good use of those activities to
associate the Palestinian national movement with European-style
anti-Semitism and the genocidal program of the Nazis. But it should
be remembered that the Hajj Amin was not the only non-European
nationalist leader to find refuge and succor in Berlin at this time.
While in Berlin, the Hajj might have rubbed shoulders with Subhas
Chandra Bose, a leader of the nationalist Congress Party of India,
who believed that Germany might prove to be an effective ally in the
struggle against British imperialism… Or the Hajj Amin might have
bumped into Pierre Gemayel, the leader of a Lebanese Christian
group called the Phalange, who believed that Nazi Germany
represented the wave of the future… Members of the Stern Gang also
sought a tactical partnership with Nazi Germany and even opened
negotiations with Hitler's government. »
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Filmographie
La croix gammée et le turban - La tentation nazie du grand mufti (https://www.youtube.com/
watch?v=xCmHRRiwGNI) [archive], documentaire allemand réalisé par Heinrich Billstein
en 2009. Diffusé sur Arte en 2012. Durée : 50 min.
Témoignages
André-Paul Weber, Conseiller du Grand Mufti, l'Odyssée du docteur Pierre Schrumpf-Pierron
1882-1952, Éditions Hirlé, 2005.
Articles
Tsilla Hershco, Le Grand Mufti de Jérusalem en France, histoire d'une évasion (1945-1946),
revue Controverses, 1er mars 2006.
Articles connexes
Farhoud
Nationalisme palestinien
Antisionisme
Islamofascisme
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