Vous êtes sur la page 1sur 11

Séminaire 7ème séance 2019-05-25

Quelques phrases extraites de mon dernier séminaire : « je suis ça », « je n’ai plus à venir », «  le
phallus est la vérité de la castration entre la barre et le poinçon, entre un manque et un rapport », « 
on est coupable de ce dont on n’a pas voulu être comptable », «  le symptôme dit une vérité non
connue », « tout ne peut se dire, c’est cela la castration suprême » , « il n’existe plus l’Autre de la
demande », « vacuité », « l’os d’une analyse », «  je suis comme je jouis ». Voilà comme résumé ce
que j’ai dit la dernière fois.

Aujourd’hui il n’est pas sûr que nous parvenions à épuiser totalement ce «  donc » de logique mais je
vais tenter de m’en approcher. Je me suis rendu compte que je n’ai pas donné le titre du chapitre
donné par les Argentins à ce cours. Aujourd’hui je vais faire un saut entre le chapitre 5 qui s’appelle
« Règles singulières et arbitraires » et à partir du chapitre XIX qui s’appelle la logique du fantasme, le
postulat de la psychanalyse, l’inconsistance de l’inconscient, l’acte analytique, l’être de l’analyste,
c’est cela que je laisserai en suspens parce que l’être de l’analyste mérite de rester en suspens.
J’essaye d’attraper ce point qui concerne les conditions selon lesquelles à partir d’une suite de dits
nous pouvons dans la perspective psychanalytique tirer une conclusion qui vaille ; il nous faut alors
revenir sur ce qui mène à cette conclusion et qui ici dans ce cours s’appelle le fantasme, le fantasme
et sa traversée ; dès lors qu’on le sait que c’est le fantasme qui fixe la règle singulière pour chacun,
qui fixe le sens, dès lors que l’on ne comprend que par le fantasme, il s’en déduit que la conclusion
de la cure touche au fantasme et à sa traversée. Or parler d’un « donc », d’une conclusion logique de
la cure c’est parler d’une thèse et comme toute thèse elle nécessite d’être validée par un jury qui
s’appelle le cartel de la passe. La perspective que nous adoptons ici est celle de la logique au sens
psychanalytique et donc il s’agit de questionner la nature et la validité de la conséquence logique en
psychanalyse. J’ouvre ici une parenthèse dès lors que nous parlons de conséquences en
psychanalyse, nous sommes renvoyés à cette éthique des conséquences que Lacan a formulé pour
l’opposer à l’éthique des bonnes intentions et qui conduit celui qui en passe par l’analyse à se poser
cette question, quelle conséquence aura ma parole ? Quelles conséquences auront mes actions dans
le champ des responsabilités petites ou grandes, institutionnelles ou familiales qui sont les miennes.
Quelle voie est ouverte par ce que je sais ou par ce que je dis ? Jusqu’à quel point suis-je engagé
dans les conséquences de ce que je fais ou de ce que je dis ? Ce sont des questions qui paraissent
évidentes mais qu’il n’est pas inutile de rappeler ; par exemple, il arrive que quelqu’un rate son train
et qu’il a ensuite le culot de faire le reproche à son hôte de ne pas être là quand il arrive et de ne pas
l’avoir attendu pour le déjeuner, c’est un peu fort, ça fait rire, mais ça laisse perplexe sur l’éthique
des conséquences qui habite ce sujet et il pourrait à juste titre être tenté de renvoyer cet invité
irresponsable à sa règle toute personnelle qui est son fantasme, on pourrait lui dire si on est son
analyste et encore vaut mieux s’en garder et faire en sorte qu’il le trouve lui-même ; qu’as-tu fais toi
qui ait pour conséquence que tu te sentes ainsi rejeté du champ de l’Autre ? Voire maltraité par
l’Autre alors que c’était toi qui n’était pas là où tu étais attendu. Quelle est donc ta règle  qui te
pousse à accuser l’Autre de t’infliger ce que tu as toi-même fait et qui consiste à manquer à ta place ?
On se demande quelle pourrait être l’opération qui permettrait à ce sujet de traverser ce point alors
qu’il en semble si éloigné, si loin de son inconscient en somme. Et bien traverser ce point, traverser
cela c’est toujours une surprise : cela surgit quand ça arrive et quelque fois cela ne surgit jamais
après 30 ou 40 ans d’analyse après une longue série d’inductions et de déductions pour reprendre les
termes logiques utilisés par JAM dans son cours lorsqu’il convoque le logicien Saül Kripke ce moment
de traversée, c’est un moment électif où se découvre que la règle du dire à laquelle était le sujet,

1
comme si elle était nécessaire bien que douloureuse, cette règle fantasmatique de son dire aurait pu
être autre qu’elle n’était et qu’en fait elle était contingente, bonheur de la traversée donc, qui rend à
juste titre joyeux. En fait le fantasme est une proposition logique qui règle le dire de l’analysant là où
justement dans l’expérience d’une analyse, il ne devrait y avoir aucune autre règle du dire que celle
de l’association libre qui est un dire sans règle, c’est pourquoi la question de la conclusion de la cure
est si importante puisqu’elle concerne en premier lieu cette façon donc, la façon que le sujet pourra
formuler la règle fantasmatique à lui, la façon dont le sujet pourra en savoir la cause et aussi, savoir
que cette règle fantasmatique et bien elle aurait pu être autre, celui qui pourrait légitimement dire
« donc je suis analysé » c’est selon JAM celui qui aurait cessé d’être fou ; on pourrait que c’est celui
qui saurait depuis sa fenêtre sur le Réel qui était son fantasme( c’est la définition de Lacan) voir un
autre relief et donc cela signifie que savoir formuler, un jour, peut-être, sa règle fantasmatique cela
permet de cesser d’être fou c’est-à-dire de cesser de croire en son fantasme  ; je trouve que c’est un
très beau programme au moins pour s’encourager à poursuivre son analyse jusqu’à ce point de
traversée et en tirer les conséquences qui permettent de conclure sur une règle de jouissance
personnelle ; par exemple celui qui découvre que sa règle fantasmatique consistait dans le fait de ne
pas prendre la parole au prétexte qu’il n’était pas d’accord avec ce qui se disait ou qui se déroulait
dans son entourage familial à travers ce point de croyance fantasmatique, le mutique lorsqu’il
s’aperçoit que cette position de jouissance lui permettait de ne pas avoir à monter sur la scène du
dire, de ne pas avoir à s’exposer aux conséquences de sa parole qui peuvent être de prendre des
coups mais le paradoxe de cette position de jouissance silencieuse, se payait pour ce sujet, d’une
culpabilité colossale et d’un malentendu fondamental agi dans son existence comme conséquence
d’avoir cédé sur son désir de dire.

Revenons au cours de JAM ; c’est intéressant de lire chez un éditeur argentin de ce cours qui a donné
comme titre à ce chapitre V où JAM énonce la formule de la règle fantasmatique que je viens de
vous donner : ils ont donné ce titre au pluriel « règles singulières et arbitraires » car ce titre souligne
le caractère toujours unique et singulier de cette règle qui ne vaut que pour un seul mais il en révèle
le caractère éminemment contingent qui est une catégorie de la logique au même titre que le
nécessaire le possible et l’impossible. C’est ainsi que JAM convoque le logicien Kripke et son
paradoxe sceptique sur la conjecture avec le fameux personnage du sceptique bizarre qui est bizarre
parce qu’il questionne la règle même avec laquelle on déduit une règle et donc il y introduit la
surprise ; ce paradoxe de Kripke dit que d’une certaine façon même s’il y a une règle il y a toujours de
l’arbitraire et comme nous ne sommes pas de grands logiciens JAM propose que pour nous le
sceptique bizarre ce soit le psychanalyste qui encourage à dire n’importe quoi, à parler sans règles, à
partir de cela que justement le sujet en analyse ne sait pas ce qu’il dit mais qu’à la fin à force de
redites et de surprises à force de se contredire lui-même parfois , peut-être s’il le veut, il saura, c’est
à cela que Lacan a donné ce nom de sujet- supposé- savoir et c’est ce qui fait dire ici à JAM que pour
pouvoir conclure à partir d’un dire sans règle, il faut avoir au moins avoir trouvé sa règle
fantasmatique et pour cela il faut avoir pu dire tout et son contraire. Pour pouvoir tirer une
conclusion sur une règle toujours contingente c’est cela la logique du fantasme qui a fait dire à Freud
que le fantasme est une phrase qui peut se résumer à la structure « on bat un enfant ou un enfant
est battu et qui a fait dire à Lacan que le fantasme est un axiome et que cet axiome il est possible de
le franchir pour aller vers une conclusion logique de son analyse, une conclusion qui porterait en fin
de compte sur ce que les mots veulent dire pour soi seul, c’est en quelque sorte ce que moi
j’appellerai sa fenêtre sur le Réel des mots, celle par laquelle on va jouir des mots et ainsi trouver sa

2
propre règle sur une jouissance qui est son Réel à soi seul et qui est voilé par le sens par tout le sens
que l’on y met ; il m’a fait ça parce que ceci, il m’a dit ça parce que cela c’est tout à fait nécessaire
parce que c’est l’entreprise analytique qui oblige à cela mais à la fin se découvre que finalement ça
n’a pas d’autre sens que sa règle fantasmatique. Je me souviens que dans les deux premières années
de mon séminaire je vous avais parlé de cette règle en convoquant G. Cantor parce que Lacan s’est
servi de Cantor pour donner une autre explication sur cette règle personnelle avec la suite infinie des
nombres de laquelle Cantor a extrait l’aleph 0 qui est d’une certaine façon ce qui va donner la règle il
extrait de ça aleph 0 c’est à dire le nombre transfini c’est une invention géniale pour dire que la suite
est infinie mais lui a trouvé en extraire un nombre qui représente cette suite infinie et donc finir cette
suite infinie en lui donnant un nom. Je trouve que c’est un petit peu la même opération logique,
mathématique que JAM nous propose ici avec l’extraction du nombre transfini c’est presque ça avec
l’extraction de sa règle fondamentale de jouissance fantasmatique ; donc ça c’était une parenthèse
que j’appellerai la fenêtre sur le Réel des mots qui est voilé par le sens. Parce qu’en effet ça signifie
que chacun voit midi à sa fenêtre mais si chacun voit midi à sa fenêtre encore faut-il trouver son
propre midi que j’appellerai son propre mi- dire pour pouvoir passer à une autre heure, c’est une
autre façon de concevoir la dialectique et le renversement de la Vérité qui ont été les outils lacaniens
de son premier enseignement qui a été hégélienne du maitre et de l’esclave ; c’est une autre façon
de concevoir la dialectique et le renversement de la Vérité que de s’apercevoir que ce qui faisait
souffrir était source majeure de jouissance et donc sortir d’un aveuglement par son Moi, le moi rend
aveugle, ça aussi Lacan s’est employé à le démontrer dans tout son premier enseignement, je vous
en avais parlé il y a deux ans quand nous avions traversé « Fonction et champ de la parole et du
langage » et donc sortir de l’aveuglement qui est de l’ordre du fantasme pour rejoindre un
inconscient plus proche du Réel c’est cela que veut dire cesser d’être fou, si l’on s’avise que la folie
pour Lacan est liée à ce principe de méconnaissance qui caractérise le Moi et qu’alimente le rapport
du sujet au fantasme à cette sorte de loi du cœur hégélienne de la belle âme qu’est le fantasme et
qui est la loi particulière d’un sujet qui n’agit, qui ne pense, qui ne juge ne parle donc qu’à travers son
fantasme le fantasme par exemple avec lequel, comme je vous l’ai dit tout de suite, on va dénoncer
l’Autre qui ne m’accueille pas comme il faut alors que moi je ne suis pas au rendez-vous. On voit ici
l’affinité discrète du fantasme avec la folie, voire dit Lacan avec le délire au sens du fou hégélien de la
loi du cœur ; avec le fantasme, avec cette fenêtre sur le Réel le sujet concoure, participe, nourrit le
désordre même du monde dont il se plaint, contre lequel il s’insurge, c’est ce qui fait dire à Lacan
que cliniquement le Moi est fou, qu’il est toujours gros de délires et qui procède de cette structure
fondamentale qui s’appelle la méconnaissance, qui fait qu’au fond le Moi se croit toujours se croit
toujours autre qu’il n’est, ça c’est la définition de l’infatuation eh bien c’est cette structure de
méconnaissance qu’il faut franchir dans une analyse si l’on veut en savoir quelque chose. Pourquoi
alors insister sur le fait que le fantasme que le franchissement de ce point fantasmatique ce soit cela
l’enjeu de la conclusion de la cure. On se rappelle ici du passage de l’écrit « subversion du sujet et
dialectique du désir » où Lacan indique que le sujet ne veut pas sacrifier sa différence, ce que Freud
appelait « le narcissisme de la petite différence » tout plutôt que ça, souffrir plutôt que sacrifier sa
petite différence ; on ne veut pas de moi, on ne m’accueille pas, on ne m’attend pas c’est une
jouissance solitaire. Dans ce texte Lacan dit qu’en effet le sujet couvre ce qui serait sa castration, de
sacrifier sa petite différence par l’image d’un Moi fort et quel type le sujet peut se maintenir dans
une position éventuelle de victime de l’Autre. JAM rappelle cette expression lacanienne issue de
subversion du sujet qui est celle du narcissisme suprême de la cause perdue et du christianisme de
désespoir, ce sont les expressions de Lacan très fortes ; dans ce christianisme de désespoir il fait

3
référence à Claudel pour en fait mettre en garde ceux qui s’y croient trop quand ils occupent une
fonction à cette époque là c’était à eux que Lacan s’adressait pour leur dire qu’il y a là les prémisses
d’un destin de victime élue car le Moi finit toujours par rencontrer son propre bourreau, c’est sa loi,
la loi du Moi, c’est pourquoi tout au long de son enseignement Lacan insiste sur cette nécessaire
séparation avec la théorie du Moi qui est une impasse sous toutes les formes et qu’il remplace
d’abord par une théorie du sujet, plus exactement par une théorie de la subjectivation de l’aliénation
et de la séparation comme possibilité logique d’un au-delà logique de l’imaginaire, puis ensuite Lacan
en arrive à une conclusion de la cure dans les termes d’une chute de l’objet de jouissance et de
destitution du sujet. Il passe donc de la subjectivation de la castration à la destitution subjective et au
dévoilement d’une perte, d’un trou. C’est intéressant de noter que JAM rapproche cette folie du moi
à se croire autre qu’il n’est mais la folie du Moi ce peut-être de se croire ce qu’il est, de se croire lui-
même ce qu’il est. Il la rapproche de la problématique de la fin de l’analyse tel que Lacan l’amène
dans son écrit de la direction de la cure et les principes de son pouvoir lorsqu’il expose Lacan que le
désir fondamental du névrosé c’est toujours à cette époque là pour Lacan d’être le phallus et qu’en
effet la conclusion de la cure c’est de découvrir qu’il ne l’est pas et d’accepter de l’avoir ou de ne pas
l’avoir. Avec cette folie phallique on comprend mieux ici pourquoi Lacan a pu dire que le Moi couvre
la castration et aussi pourquoi c’est avec la cure du petit Hans que va pouvoir s’attraper quelque
chose de la logique de la fin de la cure du point de vue de cette déflation phallique démontrée par la
conscience en des termes d’impossibilité par toute cette mise en équation signifiante rigoureuse de
toute sa mythologie qui apparaissait comme un immense espace de défense contre sa jouissance
phallique.

Je vais m’arrêter sur la leçon du 25 Mai 1994 de ce cours « donc » que les Argentins ont nommé la
logique du fantasme et qui revient sur l’invention par Lacan du concept et de la pratique de la passe
et qui revient sur les coordonnées de cette invention de la passe ; c’est tout à fait utile de revenir à
cela parce que pour beaucoup d’entre nous la passe est une évidence, elle fait partie du parcours,
elle fait partie de la doctrine, elle fait partie de la vie de l’école de la Cause et de l’AMP, la passe est
devenue l’horizon de toute analyse ce qui n’était pas le cas il y a 25 ans c’est pourquoi JAM avait pris
le parti dans ses cours de l’époque comme de l’époque d’avant d’en repasser par la logique qui avait
conduit Lacan à inventer la passe, la première logique étant de répondre à Freud si l’analyse peut se
finir, l’analyse n’est pas infinie ; elle peut se finir à condition d’une démonstration logique de sa
conclusion et nous en sommes là avec ce cours. Donc les coordonnées de l’invention de la passe. JAM
part d’une phrase des Ecrits p. 853 où Lacan propose que la structure du fantasme soit liée à la
division du sujet d’avec son désir en tant que cette division est un rapport méconnu par lui avec un
objet qui la cause : donc Lacan propose d’abord comme mathème de la passe, peut-être l’a t’il déjà
donnée mais là il propose que ça part de ça, ça part d’une division d’avec son désir et il est
positionné par quelque chose qui est méconnu par lui et qui est un objet et qui va être l’objet qui
cause son désir mais il ne le sait pas. Qu’est que cela peut vouloir dire ? Donc je vous lis ce passage
des Ecrits texte de 1964 et Lacan a inventé la proposition de la passe en 1967 donc l’époque de 1964
était l’époque où il y a eu la scission avec la Société Française de Psychanalyse, avec l’IPA. A partir de
1964 il prépare l’invention de la passe en 1967 et qui s’appelle la proposition de 1967 sur le
psychanalyste de l’Ecole ; là on est dans le texte qui s’intitule « Du Trieb de Freud » et du désir du
psychanalyste un tout petit texte des Ecrits où Lacan introduit la pulsion et le désir du psychanalyste
c’est peut-être la première fois que Lacan parle du désir du psychanalyste avant ça n’existait pas  : « 
C’est donc l’assomption de la castration qui crée le manque dont s’institue le désir. Le désir est désir

4
de désir, désir de l’Autre, avons –nous dit, soit soumis à la loi …la castration est le ressort tout à fait
nouveau que Freud a introduit dans le désir, donnant au manque du désir le sens resté énigmatique
dans la dialectique de Socrate, quoique conservé dans la relation du Banquet (il fait ici référence au
Séminaire sur le transfert qu’il va longuement commenter du Banquet de Platon pour expliquer cette
question du transfert) La pulsion divise le sujet et le désir, lequel désir ne se soutient que du rapport
qu’il méconnait, de cette division à un objet qui le cause. Telle est la structure du fantasme. Dès lors
quel peut être le désir du psychanalyste ? Quelle peut être la cure à laquelle il se voue ? Alors, quelle
est la fin de l’analyse au delà de la thérapeutique ? Impossible de ne pas l’en distinguer quand il s’agit
de faire un analyste. (c’est un tout petit texte tout à fait important ce qui signifie que c’est au-delà
de la thérapeutique que Lacan situe un analyste digne de ce nom et une psychanalyse digne de ce
nom) Car nous l’avons dit sans entrer dans le ressort du transfert, c’est le désir de l’analyste qui au
dernier terme opère dans la psychanalyse ». Ce qui veut dire à l’époque et pour le dire très vite que
si le désir de l’analyste, s’il veut guérir son patient, ça va marcher il va le guérir mais pour Lacan ce
n’est pas ça qui fait un analyste, c’est ce qui fait un psychothérapeute. Freud l’avait dit quand il dit
que la guérison vient de surcroit il l’avait dit à sa façon, il ne s’agit pas d’être toujours malade après
20 ans d’analyse, c’est quand même plus intéressant d’aller un petit mieux mais c’est quelque chose
qui vient de surcroit ; en fait on est guéri quand on a compris quand on a trouvé, ça rend joyeux
d’avoir compris même ce qui faisait souffrir mais Lacan est en train de dire qu’il y a quelque chose qui
concerne la pulsion et il le dira sous toutes ses forme après de la pulsion on ne guérit pas et
heureusement parce que la pulsion c’est la part de vie en chacun. Mais ici ce qui m’intéresse c’est
que JAM, éminent logicien, s’arrête sur deux versants de cette proposition Lacanienne

Premier versant : que c’est la division du sujet et du désir qui est rapporté à la pulsion, c’est-à-dire
que la pulsion intervient précisément dans cette division entre le sujet et son désir. Et c’est cette
division qui permet de nommer le sujet barré S barré qui dit donc que le principe de S barré c’est la
pulsion, et c’est une perte de jouissance qu’assure la pulsion, et le deuxième versant qui intéresse J.
A. M c’est que le désir se soutient d’un rapport de cette division à un objet qui la cause. C’est cela la
structure du fantasme, donc il l’écrit comme ceci aSbarré

Le désir se soutient de ce rapport qu’il méconnait, donc on peut écrire ça S barré ----> a, que la
méconnaissance de ce rapport de la division du sujet à la pulsion et bien c’est cela le fantasme. Si on
suit bien cette démonstration sur la structure du fantasme, on voit bien en quoi le fantasme vient
boucher quelque chose qui s’aperçoit d’un manque, d’un trou, c’est pour cela qu’il y a une impasse,
là, dans le désir, puisque pour désirer il faut quand même qu’il y ait quelque chose qui manque, mais
si le sujet vient immédiatement boucher ce qui manque, avec un objet qui cause son désir, à la fois
ça cause son désir et à la fois ça bouche le manque constitutif du désir. Et c’est ce qui permet d’écrire
cette formule, qui est la formule d’un rapport, je vous l’ai déjà dit beaucoup, on peut le résumer à ça,
la grande théorie de Lacan jusqu’au bout c’est qu’il n’y a pas de rapport sexuel, mais il y a un rapport
fantasmatique, d’un côté il n’y a pas et de l’autre côté il y a, le sujet protège un rapport
fantasmatique, il ne veut pas sacrifier sa petite différence, sa castration, c’est donc cette
méconnaissance du vrai support du désir que Lacan baptise le fantasme, et J. A. M s’y arrête, me
semble t’il, parce que selon lui cette formule est une anticipation de ce que Lacan appellera La Passe
c’est-à-dire franchir la structure du fantasme, qui est de méconnaissance, en direction d’une certaine
vérité du désir, qui serait son rapport avec la pulsion, c’est pour cela que Lacan a pu dire à la fin de
son séminaire XI que le désir de l’analyste n’est pas un désir pur, vous voyez bien qu’il ne peut pas

5
être pur, le désir puisqu’il est en rapport avec la pulsion, et la pulsion, il y a une chose dont on est
sûre c’est qu’elle n’est pas pure.

Donc, c’est pourquoi la logique de la cure, sera indexée par Lacan, à la logique du fantasme qui
donne une vérité du désir comme jouissance de la pulsion. Vous voyez que tout y est. On a là les
fondements de ce qui deviendra sa proposition sur la Passe et sur les psychanalystes de l’Ecole. C’est
sur cette logique du fantasme que J. A. M propose de revenir, à ce moment de son cours. Il repart de
cette thèse Lacanienne, selon laquelle le symbole du signifiant se manifeste d’abord, le symbole est
le meurtre de la chose, il y a donc antinomie du signifiant et de la chose, c’est-à-dire que le signifiant
barre la chose. Mais J. A. M dit qu’est-ce que c’est que la Chose ? La Chose, c’est n’importe quoi.
C’est n’importe quel objet. Ça peut être ce Das ding dont Freud a parlé mais c’est tout aussi bien
n’importe quoi qui peut se mettre à la place de la Chose, et c’est avec l’exemple du Fort Da, de cette
opposition signifiante majeure que l’on peut le mieux se représenter cette destruction signifiante de
l’objet, sa mortification entre présence et absence. Le Fort Da tout le monde sait ce que c’est, mais J.
A.M nous le rappelle pour nous représenter ce qu’est le meurtre de la Chose par le signifiant. Le petit
garçon qui dit loin et ici, à ce moment-là il peut se passer de la Chose, il peut supporter l’absence de
la Chose, qui est la mère. Donc c’est vraiment très très parlant de prendre cet exemple à ce moment-
là. D’ailleurs le fort Da il est parlant pour expliquer beaucoup de choses. C’est un exemple de génie,
que Freud a été cherché chez son petit-fils. N’oublions pas que Lacan à propos du symbole comme
meurtre de la chose a proposé comme premier symbole de l’humanité la sépulture précisément la
sépulture où l’on essaie au moins de conserver un signifiant qui est le signifiant du nom propre. Et
n’oublions pas non plus que la première conception de la fin de l’analyse qu’a proposé Lacan était
dominé par la subjectivation de la notion de la mort, tous ces premiers séminaires portaient sur cette
subjectivation de la fonction de la mort, une conception qui ne laisse au sujet que de réaliser la
solitude de sa propre mort dont aucun autre ne peut le soulager, c’est une fin d’analyse comme
anticipation de cette solitude mortelle que Lacan va nommer à cette époque assomption de son être
pour la mort, il s’inspire ici du philosophe Heidegger, L’être pour la mort, qui a en effet pour effet là
pour de bon, de barrer le sujet, c’est sûr s’il y a bien une chose qui barre le sujet c’est bien la mort.
Donc dans un premier temps, le signifiant barre le sujet et dans un second temps que nous restitue
ici J. A. M, qu’il y a un reste de vie que Lacan va appeler l’objet petit a, le fantasme qu’il décrit alors
de la formule, S barré poinçon petit a, ce sera donc l’écriture de cette complémentation du sujet
mortifié, et complémenté par le reste de vie. Le reste de vie, Lacan, vous le savez, nous en avons
beaucoup parlé, Lacan l’a désigné par son signifiant, grand phi le phallus, dont je vous ai retracé il y a
deux séances, la signification, la signification du phallus. Et c’est à ce reste de vie phallique, que le
sujet en effet, préfère s’identifier. S’identifier au phallus plutôt qu’à son être pour la mort. C’est
pourquoi Lacan fait du phallus ce signifiant électif de l’identification, être ou ne pas être le phallus,
c’est pourquoi Lacan propose une autre fin d’analyse que la subjectivation de son être pour la mort,
en terme de désidentification par rapport au phallus, pour en promettre d’autres usages.

Et c’est dans un troisième temps, Donc nous y sommes, c’est ce que J.A.M va nous montrer, c’est ce
temps logique de Lacan que Lacan propose La Passe comme fin d’analyse, à partir d’un rapport cette
fois-ci, du sujet non pas au phallus mais à La Chose, en tant que La Chose est ici présentée comme le
négatif du sujet, et c’est ici qu’apparaît le terme de jouissance, qui est maintenant aussi utilisé à
toutes les phrases, la jouissance comme nouveau terme, pour baptiser le reste de vie. C’est un reste
de jouissance et le fantasme ça articule donc un sujet barré à ce reste de jouissance, là la lecture de
ce mathème, le fantasme articule un sujet barré à ce reste de jouissance, d’une certaine façon le

6
sujet barré est sous les hospices d’un moins et le reste de jouissance est sous les hospices d’un plus.
On articule un moins à un plus. Et ce qui va se démontrer après avec tous les enseignements de
Lacan, nous y reviendrons, vous en avez entendu parler, avec les AE, ce sera cela la fin d’une analyse,
c’est concevoir ce reste de jouissance comme inaliénable, comme incastrable, comme inmanquable,
et savoir faire avec, il faut savoir faire avec ce reste, La Passe à ce moment pose la question d’un
comment peut-on se reconnaître soit, dans ce petit reste de jouissance ? Comment admettre un Tu
es cela, qui n’est pas la glorification de l’identification phallique mais la reconnaissance d’un être qui
est l’être de jouissance, et que Lacan écrira moins phi. Il y a un plus qui sera ce reste mais il faut
d’abord passer par ce moins phi, qui est l’envers de la glorification phallique à laquelle le sujet tente
de s’identifier d’abord, ce n’est pas la même chose de s’identifier à un Je suis ça, brillant, phallique, à
un Je suis ça, du petit objet a. Ce n’est pas si facile.

Il y a un processus de causation du sujet et un trajet de la cure analytique, que l’on peut écrire avec
ces mathèmes, d’abord le sujet barré visité par le signifiant, ensuite l’objet et puis cette
défalsification qui est corrélative de sa relation avec l’objet, que d’ailleurs, Lacan a pu écrire quelque
part petit a sur moins phi, le mathème de la fin de l’analyse. Donc vous voyez que ce trajet de la cure
analytique nous ramène à la castration mais à une castration dans l’ordre de la jouissance. J.A.M
démontre en quoi cette nouvelle version de la fin de l’analyse est plus complexe, c’est entre perte du
côté du désir et gain du côté de la pulsion, finalement ce que j’ai là c’est un moins de désir, et un gain
de pulsion, ça s’articule avec ce plus de pulsion, qui ne vient pas ici comme bouchon, mais qui vient
comme une division du désir, assumée. Dans cette déflation phallique, affine avec une certaine
désillusion, c’est pour cela que J. Lacan dit dans un texte des Ecrits : la fin de la cure s’appréhende
cognitivement, c’est une déflation, d’une certaine façon, le sujet passe un mauvais moment, avant de
pouvoir renaître. « Quelque chose reste que précisément le fantasme voile et qui est la pulsion », le
fantasme voile l’horreur, le fantasme vient dire cette petite phrase : comme un enfant est battu, je
suis battu par le père, je suis battu par la mère, par untel, c’est une phrase grammaticale, générique,
qui peut se décliner autrement pour chacun, mais qui vient habiller l’horreur de la pulsion, qui vient
délirer, dit Lacan, il y a quelque chose de délirant dans le fantasme, donc la fameuse phrase de Lacan
à la fin du séminaire XI, que je n’a pas recherchée donc qui n’est peut-être pas tout à fait exact :
comment celui qui a traversé le fantasme fondamental peut-il vivre la pulsion ?

C’est ici que se rejoignent la logique du fantasme et la logique de la cure dans leur lien à une
topologie, et c’est ici que Lacan essaie de donner l’abord d’une définition de ce qu’est de devenir
analysant, devenir analysant ce n’est pas évident, ce n’est pas parce que vous allez voir un analyste
que vous êtes un analysant, et pour le dire vite pour Lacan devenir analysant c’est cesser de rejeter
l’inconscient. On voit bien qu’il faut d’abord avoir été véritablement analysant pour devenir analyste.
Et ce cours nous montre que cela se démontre très logiquement et très rigoureusement. Quelqu’un
qui fait une analyse pendant 40 ans, c’est qu’il n’est toujours pas analysant, c’est qu’il y a quelque
chose qui résiste en lui.

La question pourrait se résumer à celle-ci : comment dans la psychanalyse nous opérons à partir du
champ de la parole et du langage, sur la jouissance ? Il semblerait que pour Freud et pour Lacan ce
soit par la voie du fantasme. J.A.M le dit ainsi : « le fantasme c’est la pointe la plus avancée de ce
champ de la parole et du langage ». On imagine bien cette image d’une île dans la mer, qui serait le
champ de la parole et du langage avec la pointe la plus avancée dans la mer de la jouissance.

7
« C’est l’association la plus délicate, la plus exquise entre le signifiant et ce qui reste de jouissance »
vous voyez que J.A.M accole au terme de fantasme le mot d’exquis pour dire à quel point on s’en
repait du fantasme. C’est quand même mieux de mettre la faute sur l’autre plutôt que de prendre la
faute sur soi. C’est quand même plus facile. Et donc c’est une mauvaise conjonction car elle est liée à
une méconnaissance profonde, celle qui soutient le désir et qui éclipse la pulsion. Et alors la pulsion,
ce serait une bonne conjonction du sujet et de la jouissance, ce serait celle qu’il s’agirait à découvrir
au-delà de la traversée du fantasme, au-delà de la déflation du désir, la conclusion de la cure pourrait
alors s’écrire comme une nouvelle alliance avec la pulsion. S’écrire puisqu’elle ne peut pas se dire, la
pulsion est hors du champ du langage. Comme une nouvelle alliance avec la pulsion mais
détachée de toute identification en même temps qu’acceptée par le sujet. C’est très difficile
d’accepter quelque chose qui vous laisse sans identification. La Passe ne concerne pas cette
assomption de la fin de la cure, elle concerne en fait ce que le sujet peut en faire, de cet accès
nouveau qu’il aura au reste de jouissance. Mais aussi la Passe concerne ce que l’analyste va pousser
le sujet à en faire, faut quand même que l’analyste soit dans la partie, pour la passe, on peut faire la
Passe avec un sujet qui s’en va tout seul, il y a quelque chose qui se passe avec l’analyste, qui, à ce
moment là doit savoir faire signe, si vous relisez tranquillement les témoignages des AE depuis 30
ans, vous allez tomber sur des perles, parce que comment un analyste va faire signe à un analysant
de la fin de l’analyse ? Alors que justement ce qu’il s’agit de montrer c’est quelque chose de
pulsionnel qui ne peut pas se dire. Et on a des témoignages de Passe publiés dans quarto je pense à
notre petite camarade Belge, je dis petite car elle est petite mais elle est très grande en élaboration
et qui s’appelle Monique et qui a raconté sa Passe, le moment de conclusion de son
analyse, en décrivant la pantomime de son analyste, puisqu’il faut que quelque chose soit signifié, je
vous en ai déjà parlé de cette petite souris parce qu’elle est haute comme trois pommes et elle a
décliné sous toutes les formes que la petite souris va se faire manger par le chat. A la fin de son
analyse, elle sort dans le couloir obscur de son analyste et il ne la raccompagne pas à la porte et elle
le retrouve, et elle voit un analyste qui est comme cela, en position de gros chat qui va lui sauter
dessus. Et il y a un effet de sidération de voir son analyste dans cette position là mais il y a un effet
d’interprétation immédiat. Elle en était là, c’était fini, elle pouvait en rire et elle le démontre très
bien. Il faudrait que vous retrouviez cela. Il faut que l’analyste fasse signe car on se trompe beaucoup
dans une analyse de là où on en est parce que justement on est régi par la chose fantasmatique.
Donc il faut être deux.

Il y a donc un dire et un faire, un savoir y faire avec le reste qui serait le signe d’une trace consentie
des deux côtés, J.A.M a tenté ici de rendre lisible ce qu’il appelle une articulation, qui se démontre
donc, à partir d’une double opération topologique entre la logique de la cure et la fin de l’analyse. A
partir de l’inconscient cette articulation, il la démontre pendant plusieurs leçons, ça vaut la peine d’y
aller voir, il reprend les cercles d’Euler pour symboliser la passe, moi je vous l’ai résumé en trois
phrases alors qu’il y a trois chapitres.

A partir d’une double opération topologique de l’inconscient, le sujet peut positiver un Je ne pense
pas et à partir de ça, à partir de la jouissance, le sujet va positiver un Je ne suis pas. Il va positiver la
conversion du sens dans la jouissance. C’est une opération complexe mais très importante, qui fait
écrire à Lacan à la fin de Subversion du sujet, dans Les Ecrits : Je suis à la place de la jouissance. C’est
très parlant de dire cela.

8
Alors c’est cette double positivation qui a des conséquences surprenantes sur le devenir analyste,
auquel Lacan ne manquera pas d’ajouter son complément, devenir Analyste de l’Ecole. C’est
pourquoi ça s’appelle AE. C'est-à-dire ceux qui sont nommés Analyste de l’Ecole à l’issue de la
procédure de La Passe par un jury de La Passe.

Qu’est ce que ça veut dire d’être AE ? C'est-à-dire que quand on a trouvé cette petite solution là, de
jouissance, qu’on a pensé toute sa vie qu’on allait se faire croquer par les chats, c’est une petite
révélation, AE ça veut dire qu’on ne s’en va pas avec cette petite découverte dans sa poche. L’AE
c’est celui qui décide de miser avec ce qu’il a trouvé, dans une école, transmettre le vif de ce qu’il a
déduit, de ce qu’il a franchi, et pour en faire une démonstration rigoureuse. C’est pour cela que c’est
compliqué. Demander La Passe, car s’il est nommé il en a au moins pour trois ans, à transmettre la
logique de comment ça s’est passé pour lui. Exigence de rigueur et de transmission, finalement de
rendre à l’Ecole ce qu’elle lui a donné.

Je voulais vous parler d’une passe « le jouir de l’être parlant s’articule »qui est paru dans la dernière
revue de la Cause Freudienne qui s’appelle Mariage et arrangements où vous trouverez de très bels
articles de P. Naveau que vous allez entendre cet après midi, et qui travaillent sur les malentendus et
les quiproquos. Et Hélène Girard la dernière fois avait évoqué à propos de son commentaire très fin
sur le petit livre de J.A.M L’os d’une cure, que j’espère vous avez lu depuis. Elle avait commenté
l’autre cas de Passe qui est publié dans cette revue, La Passe de Anne Béraud, L’amur de l’amour,
quelque chose qui l’avait marqué, je crois. Et moi je voulais vous parler de l’autre cas de La Passe qui
est celle de Myriam Chérel, AE, que certains connaissent car Myriam Chérel est venue l’année
dernière ou il y a deux ans, nous parler des sujets autistes, une des grandes spécialistes de l’Autisme,
dans le champ Lacanien, et ce qui m’a intéressé par rapport à tout ce que je viens de vous dire, je ne
l’ai pas écrit donc je vais essayer de le résumer comme ça, elle appelle Chut son témoignage à partir
d’un événement contingent, il faut aimer la contingence, avoir la disposition d’esprit pour attraper la
contingence, parce qu’elle se dit qu’elle a fini son analyse, et elle se dépêche d’envoyer un SMS à sa
copine, « je crois que j’ai fini mon analyse mais Chut ! » elle entend le Chut et à ce moment là elle
peut comprendre toute son analyse et toute sa vie, à partir du fait contingent qu’elle soit sortie de sa
séance et qu’elle ait écrit à sa copine ; en fait elle ne l’avait pas élaboré donc elle retourne en analyse
pour relire ce qui lui paraissait claire mais qu’elle voit sous un autre relief, en effet toute sa vie elle
avait affaire à un grand Autre qui lui disait TAIS TOI, tu parles trop, tu as la langue trop bien pendue,
cela elle l’avait traversé, sans doute, dit et redit, elle le décline dans tous ses témoignages, c’est une
récente AE nous allons l’écouter pendant trois ans. Donc elle relit l’ensemble de sa cure à partir de ce
Chut, comme étant celle qui d’un côté avait eu à faire au surmoi qui lui disait Tais toi et d’un autre
côté à cette pulsion de vie qui n’arrêtait pas de parler et qui disait des choses qu’elle aurait dû ne pas
dire, par exemple, elle n’avait pas sa langue dans sa poche, ce qui lui faisait prendre des coups, elle
disait ce qu’il ne fallait pas dire. Donc elle relit aussi la rencontre amoureuse avec son partenaire,
passionnée qui avait pour elle tempéré cet Autre méchant qui lui dit Chut, et qui pour elle avait pris
l’aspect d’une voix, tonitruante, c’est pourquoi elle met sa passe sous l’objet voix, mais moi j’ai eu
plusieurs fois l’occasion de dire que ce sera pour chacun l’objet voix, puisque l’on parle, puisque c’est
à partir de la parole que quelque chose va se passer, mais pour chacun va se décliner la présence, la
prégnance des autres objets, et évidemment l’objet regard et pour les hommes et pour les femmes,
et donc elle relit la rencontre avec son partenaire amoureux qui est un musicien, et qui va tempérer
pour elle le côté tonitruant de la voix de l’Autre, on voit se construire cette logique, et puis elle va
relire grâce à cela, son fantasme, et je crois que nous en avions eu une petite idée quand elle était

9
venue à Tours, son fantasme de sauver les autistes de leur mutisme, de sauver les autistes d’un Autre
qui leur dirait Tais toi. C’était son fantasme à elle. On ne peut pas sauver l’autiste de son mutisme, on
peut l’accompagner, on peut lui proposer tout un tas de choses mais on ne peut pas le sauver. C’est
d’elle dont il s’agissait, elle voulait qu’ils parlent les autistes, donc elle traverse tout cela et elle relie
tout cela avec quelque chose qui avait été en effet un Chut, dans sa famille, dans sa vie qui était
l’enfant né avant elle est mort, l’enfant perdu de la mère, qui avait été tu, ce qui arrive souvent dans
les familles, et à partir de la découverte duquel se relie pour elle que tout était un secret et qu’en
même temps elle ne pouvait pas tenir sa langue, elle essayait toujours de dire quelque chose, que
c’était quelque chose comme ça, elle essayait de dire ce que sa mère ne pouvait pas dire, donc elle,
elle était la petite fille très très vivante, par contre. Et elle aperçoit la singularité de sa jouissance, à
jouir du secret, à la fois de ne pas avoir la langue dans sa poche mais à la fois à jouir du secret et ça
cela lui a joué beaucoup de problèmes, pour terminer son analyse, puisqu’elle continuait à jouir du
secret jusqu’au bout, et que l’analyste avait bien compris qu’il y avait encore quelque chose à dire, et
qu’il a fallu l’événement contingent qu’elle puisse rapporter ça dans son analyse, et conclure mais il
lui manquait ça. « L’objet voix peut être cédé, dit-elle, l’Autre n’existe pas. Restait pour elle la peur
de dire des bêtises ». Mme Chérel est professeur des universités à Rennes 2, elle ne dit pas trop de
bêtises quand même. Pour elle, c’était un fantasme jusqu’au bout. Qu’elle n’avait pas sa langue dans
sa poche sur le fond qu’il y avait un secret, il fallait qu’elle parle tout le temps de tout et de n’importe
quoi. Vous voyez qu’il y a toute une logique comme ça juste à partir du Chut qu’elle envoie en SMS.
Elle dit que pour elle la Passe a été la traversée de la jouissance du secret. J’ai trouvé cela assez
lumineux, je dois dire. C’est très bien écrit. Et je sais qu’elle a poursuivi ce témoignage qui va
sûrement être publié, à la soirée des AE du mois dernier, sur le thème du nouvel amour, du fameux
nouvel amour dont parle Lacan à propos de La Passe, en se référant à la poésie d’Arthur Raimbault. Il
y a un contre sens fondamental, des Lacaniens se sont trompés sur le sens à donner à cette formule
de Lacan, Nouvel Amour après La Passe, c'est-à-dire on change de partenaire, la vie change, tout
change, bon on peut changer de partenaire après la Passe, car en effet quand on se rend compte
qu’on s’est fourvoyé à cause d’une répétition de jouissance malheureuse, c’est possible de changer
de partenaire, mais ce n’est pas ça le net plus ultra de la Passe, sinon ça va commencer à créer des
problèmes à l’Ecole de La Cause Freudienne si ceux qui font La Passe changent de partenaire. Il s’agit
d’un nouvel amour, d’une autre façon d’aimer, une autre façon de mettre l’amour dans sa vie, c'est-
à-dire d’aimer le savoir. D’aimer vraiment le savoir, d’aimer savoir la Cause. Donc ça été la dernière
soirée, et je sais que Myriam Chérel a repris cela avec sa rencontre amoureuse avec un musicien et la
problématique de la voix, entre se taire, parler… et la prochaine soirée de La Passe sera sur La
surprise (par opposition à la répétition). Cela risque d’être très intéressant car comme je vous l’ai dit
aujourd’hui, il faut être ami avec la surprise, sinon on n’y arrive pas.

Je vais m’arrêter là ; pour les devoirs de vacances, je voulais vous annoncer le séminaire de J. A. M
sur lequel je voulais travailler l’année prochaine mais mon cœur balance entre deux, pour des raisons
très distinctes, j’en choisirais peut-être un troisième, le premier auquel j’ai pensé s’appelle l’hostilité,
c’est un des premiers cours de J. A. M. qui date de 1985 quand il édite le séminaire l’éthique de la
psychanalyse. Cela fait 34 ans, j’ai assisté à tous les cours de J. A. M. je me souviens particulièrement
de celui-ci, parce qu’il y a tout un passage sur l’extimité au sens de l’étranger, au sens du racisme. Je
trouvais que c’était tout à fait d’actualité, avec la division en deux parties de l’humanité, entre ceux
qui veulent bien de l’Autre et ceux qui n’en veulent pas. Et avec les cours de 2002-2004, qui sont
l’année des forums des psy, avec beaucoup de remue ménage, avec l’amendement qui voulait régler

10
la question des psychothérapies, et à partir de la question de l’évaluation, qui est en train de détruire
tous les liens sociaux, dans notre société, le cours s’appelait Un effort de poésie, que je le fasse ou
pas, vous allez pouvoir y aller. D’abord le titre est très joli et c’est l’année où il a publié ses livres, «  Le
neveu de Lacan », « Les lettres à l’opinion éclairé ». Nous qui regrettons que les cours de J. A. M
contrairement à l’Argentine ne soient pas publiés en livre en France, je me disais au moins on aurait
des livres. Les lettres convoquent des tonnes de savoir que J. A. M a et que nous n’avons pas, J. A. M
s’adressent à des personnages particuliers… ça nous remet dans cet esprit combatif de l’Ecole d’il y a
15 ans dans lequel l’Ecole est restée depuis. Il y a eu les forums et maintenant il y a des forums
Européens. Depuis cette époque là, l’Ecole s’est engagée dans la politique. La psychanalyse est
concernée par le politique.

11

Vous aimerez peut-être aussi