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Je voudrais vous rappeler là-dessus les vérités premières. Ce n’est pas parce qu’elles
sont premières qu’elles sont toujours exprimées, et si « elles vont sans dire », elles
vont encore mieux en les disant. Pour la question du « contre-transfert », il y a
d’abord l’opinion commune, celle de chacun pour avoir un peu approché le problème,
là où il la situe d’abord, c’est-à-dire l’idée première qu’on s’en fait, je dirai aussi la
première, la plus commune qui en a été donnée mais aussi le plus ancien abord de
cette question.
Il y a toujours eu cette notion du « contre-transfert » présente dans l’analyse - je veux
dire très tôt, au début de l’élaboration de cette notion de transfert - tout ce qui chez
l’analyste représente son inconscient en tant que non analysé, dirons-nous, est nocif
pour sa fonction, pour son opération d’analyste, en tant qu’à partir de là nous avons la
source de réponses non maîtrisées et surtout, dans l’opinion qu’on s’en fait, de
réponses aveugles dont, dans toute la mesure où quelque chose est resté dans
l’ombre, et c’est pour cela qu’on insiste sur la nécessité d’une analyse didactique
complète, poussée fort loin - nous commençons dans des termes vagues pour
commencer - c’est parce que, comme c’est écrit quelque part, il résultera de cette
négligence de tel ou tel coin de l’inconscient de l’analyste de véritables taches
aveugles, d’où « résulterait » - je le mets au conditionnel, c’est un discours
effectivement tenu, que je mets entre guillemets, sous réserves, auquel je ne souscris
pas d’emblée mais qui est admis - éventuellement tel ou tel fait plus ou moins grave,
plus ou moins fâcheux dans la pratique de l’analyse, de non reconnaissance,
d’intervention manquée, d’inopportunité de telle autre intervention, voire même
d’erreur.
Mais d’autre part on ne peut pas manquer de rapprocher de ce propos ceci : qu’il est
dit que c’est à la communication des inconscients qu’en fin de compte il faut se fier
au mieux pour que se produisent chez l’analyste les aperceptions décisives, les
insights les meilleurs.
Ce n’est pas tellement d’une longue expérience, d’une connaissance étendue de ce
qu’il peut rencontrer dans la structure que nous devons attendre la plus grande
pertinence - ce « saut du lion » dont nous parle Freud quelque part et qui ne se fait
qu’une fois dans ses réalisations les meilleures 1. On nous dit que c’est à la
communication des inconscients que ressortit ce qui, dans l’analyse concrète,
existante va au plus loin, au plus profond, au plus grand effet, et qu’il n’est pas
d’analyse à laquelle doive manquer tel ou tel de ces moments.
C’est en somme directement que l’analyste est informé de ce qui se passe dans
l’inconscient de son patient, par une voie de transmission qui reste dans la tradition
1 Cf. Sigmund. Freud : L’analyse finie et l’analyse infinie. « Le proverbe qui dit :
“Le lion ne bondit qu’une fois” doit avoir raison. » GW 16, 1937, p. 62, déjà cité
par Lacan.
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2 Relatif à la controverse.
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s’agit même d’élucider pourquoi il peut se faire, pourquoi ce sont les tendances de
l’instinct de vie qui sont ainsi offertes, mais pas n’importe lesquelles, spécialement
parmi celles que Freud a toujours, et tenacement, cernées comme les tendances
sexuelles. Il y a une raison à ce que celles là sont spécialement privilégiées, captivées,
captées par le ressort de la chaîne signifiante en tant que c’est elle qui constitue le
sujet de l’inconscient.
Mais ceci dit, pourquoi - à ce stade de notre interrogation il faut poser la question -
pourquoi un analyste, sous prétexte qu’il est bien analysé, serait insensible au fait que
tel ou tel provoque en lui les réactions d’une pensée hostile, qu’il voie en cette
présence - il faut la supporter bien sûr pour que quelque chose de cet ordre se
produise - comme une présence qui n’est évidemment pas en tant que présence d’un
malade, mais présence d’un être qui tient de la place. Et plus, justement, nous le
supposerons imposant, plein, normal, plus légitimement il pourra se produire en sa
présence toutes les espèces possibles de réactions. Et de même, sur le plan intrasexuel
par exemple, pourquoi en soi le mouvement de l’amour ou de la haine serait-il exclu,
disqualifierait–il l’analyste dans sa fonction ?
À ce stade, à cette façon de poser la question il n’y a aucune autre réponse que celle-
ci : en effet pourquoi pas ! Je dirai même mieux, mieux il sera analysé, plus il sera
possible qu’il soit franchement amoureux ou franchement en état d’aversion,
de répulsion sur les modes les plus élémentaires des rapports des corps entre eux, par
rapport à son partenaire. Si nous considérons tout de même que ce que je dis là va un
peu fort, en ce sens que ça nous gêne, que ça ne s’arrange pas, tout de même qu’il
doit bien y avoir quelque chose de fondé dans cette exigence de l’apathie analytique,
c’est qu’il doit bien falloir qu’elle s’enracine ailleurs.
Mais alors, il faut le dire, et nous sommes, nous, en mesure de le dire. Si je pouvais
vous le dire tout de suite et si facilement, je veux dire si je pouvais tout de suite vous
le faire entendre avec le chemin déjà parcouru, bien sûr je vous le dirais. C’est
justement parce que j’ai un chemin encore à vous faire parcourir que je ne peux pas le
formuler d’une façon complètement stricte.
Mais d’ores et déjà il y a quelque chose qui peut en être dit, jusqu’à un certain point,
qui pourrait nous satisfaire
- la seule chose que je vous demande, c’est justement de ne pas en être trop satisfaits
avant d’en donner la formule et la formule précise - c’est que si l’analyste réalise,
comme l’image populaire, ou aussi bien comme l’image déontologique qu’on s’en
fait, cette apathie, c’est justement dans la mesure où il est possédé d’un désir plus
fort que ceux dont il peut s’agir, à savoir : d’en venir au fait avec son patient, de le
prendre dans ses bras, ou de le passer par la fenêtre - cela arrive - j’augurerais même
mal de quelqu’un qui n’aurait jamais senti cela, j’ose le dire.
Mais enfin il est un fait qu’à cette pointe près de la possibilité de la chose, cela ne
doit pas arriver d’une façon ambiante.
Cela ne doit pas arriver, non pas dans la mesure négative d’une espèce de décharge
imaginaire totale de l’analyste, dont nous n’avons pas à poursuivre plus loin
l’hypothèse, quoique cette hypothèse serait intéressante, mais en raison de quelque
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chose qui est ce dans quoi je pose la question ici cette année, que l’analyste dit : « je
suis possédé d’un désir plus fort ». Il est fondé en tant qu’analyste, en tant que s’est
produite pour tout dire une mutation dans l’économie de son désir.