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Philosophie 340-101-MQ
Philosophie et Rationalité - Cours 6
Déduction, Induction et Sophismes
Professeur : Jean-Philippe Morin

Plan de séance
1. Introduction : La Certitude
2. La Déduction
3. Erreurs de déduction
4. L'Induction
5. Questions de révision et notions à retenir
6. Exercices
7. Réponses de l'exercice

***

1. Introduction : La Certitude
Nous sommes souvent très certains de nos conclusions, lorsque nous
raisonnons. Les gens qui nous entourent aussi peuvent avoir une confiance
en eux à toute épreuve, et être totalement certains de ce qu'ils affirment. Un
personnage comme Donald Trump semble avoir une confiance absolue en la
vérité de tout ce qu'il dit, dans ses discours ou sur twitter.

Mais est-ce que nos raisonnements sont si certains que cela? Comment le
savoir? Il serait aussi très utile d'être capable de démasquer les gens qui
prétendent nous dire des choses certaines, alors qu'en fait, ce qu'elles disent
est très douteux... ou faux!

D'ailleurs, que signifie le mot CERTITUDE? Comment la définir? Par


certitude, nous voulons dire un jugement qui est impossible à remettre en
question, qui est 100% vrai, sans possibilité d'erreur. Ce serait donc une
vérité objective et universelle, vraie pour tout le monde, peu importe les
circonstances, et qui ne dépendrait pas de moi, de mes goûts, de mes
préférences.

Avant d'aborder un peu de logique, je vais vous donner deux raisonnements


en exemple. Lequel de ces raisonnements est le plus certain?
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Ou plus précisément : si les prémisses sont vraies à 100% (totalement


certaines), lequel de ces raisonnements produit une conclusion 100%
certaine aussi?

Un rappel : Nous avons vu au dernier cours ce qu'est un raisonnement : il


s'agit de relier des prémisses (les prémisses sont des jugements) ensemble
pour arriver à soutenir une conclusion.

Lequel de ces raisonnements est le meilleur, dans sa capacité à produire de


la certitude?

Réfléchissez-y par vous-même avant de regarder la réponse.

Premier raisonnement
1) Tous les chats sont gris
2) J'ai un chat

C) Donc mon chat est gris

Deuxième raisonnement
1) Le soleil s'est levé tous les matins depuis le début de l'humanité

C) Donc le soleil se lèvera demain

Réponse :
Le raisonnement qui produit la conclusion la plus certaine est le
premier! Pourquoi? Je l'expliquerai plus loin.

Pour commencer, on peut observer que ces raisonnements ont une structure
différente. Le premier est une déduction ou raisonnement déductif. Le
second est une induction ou raisonnement inductif.

Il est très utile de pouvoir les distinguer, parce que seule la déduction est
capable de produire des vérités 100% certaines, et seulement si les prémisses
du raisonnement sont également certaines. L'induction reste toujours
incertaine, même si les prémisses sont certaines!

Si vous maîtrisez cela, personne ne pourra vous faire croire que quelque
chose est certain lorsque que ce ne l'est pas.
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Nous allons voir cela en détail. Ce que vous aurez à faire, dans ce cours, ce
sera seulement de faire la distinction entre les deux types de raisonnements,
et être capable de repérer des erreurs de déduction.

Durant ce cours, nous ferons un peu de logique.

***

La logique
La logique est un domaine de la philosophie qui étudie le fonctionnement
des raisonnements, surtout de quelle manière un raisonnement parvient à
atteindre la vérité. Qu'est-ce qu'un bon raisonnement? Quelle règle et quelle
structure doit-il respecter? Qu’est-ce que la vérité?

La logique étudie les règles d'un discours véritablement rationnel. Nous


avons vu que cela signifie un discours qui n'est pas seulement intuitif, pas
seulement spontané, mais qui demande plutôt un effort de réflexion.

Un discours logique, rationnel, doit toujours respecter une première règle


(vue au cours 3), la règle de non-contradiction : On ne peut affirmer à la
fois une chose et son contraire (sous le même rapport).

Dans la vie courante, nous disons souvent « c'est logique! » ou « c'est pas
logique! » pour parler de notre discours et de celui des autres. Ce que nous
voulons dire, c'est que nos idées sont parfois bien reliées entre-elles, de
manière rationnelle, mais parfois elles ne le sont pas, elles sont
contradictoires, donc irrationnelles.

La logique est une partie difficile et technique de la philosophie. Pour vous


rassurer : nous ferons très peu de logique, cette session-ci. Ce sera le seul
cours où j'en parlerai.

Ce sera le cours le plus technique de la session : accrochez-vous, et courage,


ce ne sera pas long - et ce sera utile par la suite.

2. La Déduction
Depuis des centaines d'années, lorsque nous étudions la déduction, nous
utilisons un exemple classique. Le voici :

1) Tous les hommes sont mortels


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2) Socrate est un homme



C) Donc Socrate est mortel

Déduction :
DÉFINITION : Une déduction est un raisonnement où la vérité des
prémisses est une garantie absolue de la vérité de la conclusion.

Si les prémisses sont vraies, la conclusion est NÉCESSAIREMENT


vraie (il est impossible qu'elle ne soit pas vraie, elle DOIT absolument
être vraie).

On peut voir la déduction comme une sorte de « machine » : si j'insère des


jugements vrais à l'intérieur, elle produira un jugement vrai en conclusion. Je
n'ai qu'à donner les deux prémisses, et la conclusion saute aux yeux : elle
s'impose à l'esprit avec une évidence forte.

Par exemple, si je dis :


1) Tous les zèbres sont rayés
2) Bob est un zèbre

La conclusion est évidente : « Donc Bob est rayé ». Pourquoi la conclusion


est si évidente? Parce qu'elle est déjà contenue dans les prémisses. L'idée
que Bob est rayé est déjà contenu dans l'idée que tous les zèbres sont rayés
et que Bob est un zèbre. Ce n'est pas une idée nouvelle.

Tout ce que je fais, en tirant la conclusion, c'est de rendre explicite quelque


chose qui était implicite. Explicite veut dire : formulé ou exprimé
clairement, sans le cacher. Implicite veut dire : contenu dans les jugements,
mais pas exprimé ou formulé clairement. L'idée est déjà là, mais on la rend
plus claire, on la fait ressortir.

C'est la même chose avec l'exemple classique : si on dit que tous les hommes
sont mortels, l'idée que Socrate est mortel est déjà incluse dans « tous les
hommes », on ne fait que souligne qu'effectivement, Socrate puisqu'il est
un homme, fait partie de cet ensemble qui contient tous les mortels.

Déduire veut dire tout simplement : faire ressortir clairement une idée déjà
contenue dans des jugements. On n'apprend rien de nouveau, mais on
souligne plus précisément une idée qui pourrait demeurer cachée sinon. La
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déduction est pratique pour tirer des vérités supplémentaires à partir des
vérités qu'on connaît déjà.

C'est ce qu'un détective comme Sherlock Holmes fait : il fait une liste de
prémisses vraies, basées sur l'observation, et à partir de ces prémisses vraies,
il tire une conclusion vraie : telle personne est coupable. Ce n'est jamais une
nouvelle idée, l'idée que la personne est coupable est contenue dans les
prémisses qu'il connaît déjà. Dans un roman policier, un lecteur attentif aura
déjà compris qui est le coupable avant la fin du livre, s'il a accès aux mêmes
informations que le détective. La vérité était déjà là, dans les faits connus.

On peut montrer la structure de la déduction que nous avons suivi :

Structure valide (logique) de raisonnement déductif


1) Tous les A sont B
2) X est A

C) Donc X est B

[On peut le visualiser facilement par ce schéma. Tout ce qui est à l'intérieur
de l'ensemble A est à l'intérieur de l'ensemble B. Il est évident que si X est
dans l'ensemble A, il est dans l'ensemble B aussi.]

Cette structure ci-haut est valide, c'est-à-dire : logique. Si nous respectons


cette structure et qu'il est certain que « tous les A sont B » et que « X est A
», alors il sera certain aussi que « X est B ». Cela fonctionne seulement si
nos prémisses sont certaines, cependant.
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[Tout à l'heure, ce que nous disons était aussi simple : Si l'ensemble des
hommes est à l'intérieur de l'ensemble des êtres mortels, et si Socrate fait
partie de l'ensemble des hommes, il est évident qu'il fait partie de l'ensemble
des êtres mortels.]

Un autre exemple :
1) Tous les humains ont un cerveau
2) Je suis un humain

C) Donc j'ai un cerveau

Vous avez peut-être senti quelque chose de bizarre avec mon premier
exemple, plus tôt dans le cours. Il ne vous semblait peut-être pas si certain.
Regardons-le encore.

Premier raisonnement
1) Tous les chats sont gris
2) J'ai un chat

C) Donc mon chat est gris

Votre doute provient sûrement du fait que la première prémisse, « tous les
chats sont gris », est fausse. Pourtant, si elle était vraie, la conclusion serait
vraie aussi. La forme du raisonnement est logique, mais si nous mettons des
faussetés dedans, nous ne pouvons pas savoir si la conclusion est vraie. La
déduction ne fonctionne donc que si les prémisses sont vraies.
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Exemple :
1) Tous les chats sont des félins (prémisse 100% vraie)
2) J'ai un chat (prémisse 100% vraie)

C) Donc mon chat est un félin (prémisse 100% vraie)

3. Erreurs de déduction
Je me souviens d'un cours où j'enseignais un peu de logique, et un étudiant a
levé la main pour dire ceci :

« La logique ça ne vaut rien. On peut faire dire n'importe quoi aux


raisonnements. Par exemple : les poules n'ont pas de dents, ma grand-mère
n'a pas de dents, donc ma grand-mère est une poule. »

Tout le monde a ri, dans la classe, moi y compris. Mais justement, il venait
de montrer qu'on ne peut pas dire n'importe quoi, on ne peut pas raisonner
n'importe comment. Ce qu'il a dit est un bon exemple d'erreur de logique,
un mauvais raisonnement, qui ne respecte pas les règles de la rationalité.
C'est pour cela qu'il est aussi absurde (et comique).

Ce qui est particulier ici, c'est que les prémisses sont vraies, mais pourtant la
conclusion qui est produite est fausse. Pourquoi au juste? Parce que le
raisonnement ne respecte pas la forme d'une déduction valide. La structure
du raisonnement est illogique.

Sous forme de raisonnement, cela donne ceci :

1) Toutes les poules n'ont pas de dents (vrai)


2) Ma grand-mère n'a pas de dents (vrai)

C) Ma grand-mère est une poule (faux et absurde)

En le schématisant, cela donne ceci :


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L'erreur est évidente quand on la met sous forme de schéma, comme


ci-dessus : nous avons dit que toutes les poules n'ont pas de dents, ce qui est
vrai. Nous avons dit que ma grand-mère n'a pas de dent, ce qu'on va
supposer vrai aussi. Mais l'ensemble des êtres « sans dents » est plus grand
que l'ensemble des poules.

Si on sait seulement que quelque chose est dans l'ensemble « sans dents »,
on ne peut pas savoir si cette chose est aussi dans l'ensemble des poules. Il
nous manque des informations. Nous ne pouvons conclure quoi que ce soit
de l'information « ma grand-mère n'a pas de dents ». Elle pourrait ou non
être incluse dans l'ensemble plus petit « poule ». Nous ne pouvons pas le
savoir avec les informations dont on dispose.

C'est une erreur de dire « donc » après les deux prémisses : elles ne nous
permettent pas d'affirmer cette conclusion. Ici, c'est assez clair parce que la
conclusion est ridicule et absurde, mais ce genre d'erreur de raisonnement
pourrait se glisser dans un discours sérieux, à propos de jugements de
valeur, chez un chroniqueur ou un politicien, par exemple.

Exemple :
« Lorsque la société est juste, les citoyens ne se rebellent pas. En ce moment,
les citoyens ne se rebellent pas. Donc la société est juste. »

Cela semble convaincant, n'est-ce pas? Mais c'est une erreur de logique.

Même si les deux prémisses sont vraies, on ne peut pas logiquement tirer la
conclusion « Donc la société est juste » à partir d'elles. Pourquoi?
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Écrivons cela sous forme de raisonnement


1) Toute société juste est sans rébellion
2) Notre société est sans rébellion

C) Donc notre société est juste

Sous forme de schéma, cela donne ceci :

Avec ce schéma, ce sera plus facile de voir l'erreur de raisonnement. Il peut


être vrai que si une société est juste, il n'y a pas de rébellion : l'ensemble des
sociétés justes est inclus dans l'ensemble des sociétés sans rébellion. Il peut
être vrai également qu'il n'y a pas de rébellion dans notre société.

Mais nous ne savons pas si cette absence de rébellion est causée par la
justice de notre société! L'ensemble des sociétés sans rébellion est plus large
que celui des sociétés justes. Notre société peut être à l'extérieur des sociétés
justes et être tout de même sans rébellion.

Il est possible que cette absence de rébellion s'explique par d'autres causes
que la justice dans notre société. Une société totalitaire, un état policier très
violent, peut empêcher la rébellion simplement parce que les citoyens ont
peur de révolter. Elle pourrait donc être extrêmement injuste et pourtant sans
aucune trace de révolte. Les citoyens sont peut-être seulement paresseux, ou
ignorants de l’injustice.

Relisez très attentivement cet exemple : il peut paraître subtil mais il vous
montre quelque chose de fondamental, en philosophie. Un raisonnement
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peut avoir l'air logique, mais être illogique. Sans s'en rendre compte, on
peut se tromper totalement dans nos raisonnements, et dire des choses
irrationnelles. Parfois nous n'avons pas le droit de tirer une conclusion des
certaines prémisses. Ce serait illogique de le faire.

Les gens autour de nous aussi peuvent faire ce genre d'erreurs. Parfois ils le
font intentionnellement, dans le but de nous tromper. Ils espèrent que
nous ne le remarquerons pas. Un politicien pourrait nous faire croire que
notre société est juste « parce qu'il n'y a pas de rébellion » alors que ce n'est
pas un bon argument pour le prouver.

Vous devez sentir qu'il est donc très utile de maîtriser un peu de logique.
D'abord, afin d'éviter de faire des erreurs de raisonnements : ne pas tirer de
conclusion lorsqu'il est impossible de le faire. Mais surtout pour démasquer
les mauvais raisonnements chez les gens qui essaient de nous tromper.

Nous appelons les mauvais raisonnements faits pour nous tromper des
sophismes. Nous les verrons en détail dans les deux prochains cours.

***

Une erreur de déduction, si on la schématise, c'est dire ceci :


1) Tout A est B
2) X est B

C) Donc X est A

Cela devrait être plus clair si vous regardez le schéma en haut. Nous n'avons
pas le droit d'affirmer que X est A. Nous savons que « Tout A est B », mais
cela ne veut pas dire que « Tout B est A ». Il peut y avoir des éléments de
l'ensemble B à l'extérieur de l'ensemble A. À partir des informations seules :
« Tout A est B » et « X est B », nous ne savons pas si X fait partie aussi
de A ou bien s'il ne fait que partie de B. Nous ne pouvons donc pas tirer
de conclusion, et le faire serait une erreur.

***

Exemples de déduction
Pour se pratiquer, quelques exemples encore. Est-ce que les raisonnements
suivants sont valides? C'est-à-dire, logiques?
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Attention : je vous demande s'ils suivent une structure logique, et non pas si
les prémisses sont vraies ou fausses. Supposez que toutes les prémisses sont
vraies dans ces raisonnements. Ai-je le droit d'affirmer la conclusion à partir
des prémisses seules? Si ce sont de bonnes déductions, oui. Si la structure est
illogique, non.

Premier exemple
1) Tous les poètes sont drogués
2) Je suis un drogué

C) Donc je suis un poète

Deuxième exemple
1) Tous les profs de philo sont de mauvaise humeur
2) Je suis un prof de philo

C) Donc je suis de mauvaise humeur

Troisième exemple
1) Tous les chats sont bleus
2) Je suis un chat

C) Donc je suis bleu

Quatrième exemple
1) Tous les humains sont vivants
2) Je suis vivant

C) Donc je suis humain

***
Réponses :
Les exemples 1 et 4 sont illogiques, les exemples 2 et 3 sont logiques!

Les exemples 1 et 4 ne nous permettent pas d'affirmer la conclusion même si


les prémisses sont vraies. Même si les prémisses étaient vraies, nous ne
saurions pas si la conclusion l'est : nous n'avons pas l'information nécessaire
pour conclure. Dans l'exemple 1, je peux facilement être un drogué sans
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talent pour la poésie. Dans l'exemple 4, je pourrais être un autre animal


vivant, sans être humain.

Les exemples 2 et 3 nous permettent d'affirmer la conclusion à partir des


prémisses. Ne vous faites pas avoir par le fait que certaines prémisses
peuvent sembler fausses (« Je suis un chat »). Si les prémisses étaient vraies,
la conclusion le serait aussi. Ces exemples obéissent au premier schéma que
nous avons étudié, plus haut : Tout A est B, x est A donc x est B.

Pour conclure :
Pour savoir si un raisonnement est logique, la structure seule est importante,
pas la vérité ou la fausseté des prémisses. Le raisonnement suivant est très
bizarre, et ridicule, mais il reste logique (si les prémisses étaient vraies, la
conclusion le serait aussi).

1) Tous les avions sont des chats


2) Je suis un avion

C) Donc je suis un chat

4. L'Induction
Au début de ce cours, je vous avais demandé quel raisonnement semblait le
plus certain, entre deux exemples.

Je reprends le deuxième exemple :

Deuxième raisonnement
1) Le soleil s'est levé tous les matins depuis le début de l'humanité (100%
vrai)

C) Donc le soleil se lèvera demain (est-ce 100% vrai?)

Ce raisonnement n'est pas une déduction, mais plutôt une induction.


Êtes-vous capable de voir la différence avec les raisonnements précédents?

S'il est vrai que le soleil s'est levé tous les matins depuis le début de
l'humanité (et c'est le cas), est-ce que c'est aussi vrai qu'il se lèvera demain
aussi? Si la prémisse est une certitude, la conclusion l'est-elle aussi?

Est-ce certain que le soleil va se lever demain?


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Je ne veux faire peur à personne, mais ce n'est pas certain à 100%! Un


accident cosmique pourrait avoir lieu, que les scientifiques n'auraient pas
prévu, le soleil pourrait s'effondrer sur lui-même ou entrer en phase de
supernova et exploser. La terre elle-même pourrait disparaître. Les chances
qu'une telle catastrophe se produisent sont extrêmement minces, mais ce
n'est pas impossible.

La probabilité que le soleil se lève demain est quelque chose comme


99,9999%, mais ce n'est pas 100%. Et ce, malgré que la prémisse est 100%
vraie.

DÉFINITION
Induction : un raisonnement où la vérité des prémisses rend probable la
vérité de la conclusion

Pour simplifier, une induction est une sorte de prédiction ou de


généralisation. On essaie de dire quelque chose de nouveau, de formuler
une nouvelle connaissance à partir de celles qu'on possède.

Ce n'est pas seulement de rendre explicite quelque chose d'implicite comme


dans le cas de la déduction : ici nous affirmons quelque chose qui n'était pas
contenu dans les prémisses. C'est pour cela que c'est incertain.

Une induction est une sorte de risque que l'on prend : « si cette prémisse est
certaine, cette conclusion sera peut-être vraie aussi ».

À partir d'observations que nous avons fait dans le passé, nous essayons de
prédire ce qui va se passer à l'avenir, ou de généraliser à d’autres cas. Si
c'était vrai dans le passé, ça devrait l'être aussi dans le futur - probablement.

Le raisonnement inductif est probable : même si les prémisses sont


certaines, il n'est pas nécessairement vrai, il est probablement vrai. Cette
probabilité est plus forte si les prémisses sont très nombreuses.

Il y a donc des degrés dans la force des prémisses.


Le lien d'inférence (le lien entre les prémisses et la conclusion) peut être
plus ou moins fort. Dans l'exemple qui suit, le lien d'inférence est très
faible.
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Par exemple :
1) J'ai rencontré un québécois menteur

C) Donc tous les québécois sont menteurs

Même si la prémisse est vraie, ma conclusion est très peu probable.


Qu'est-ce qui cloche, au juste? Ça devrait être évident : je ne me fie que sur
un seul cas. Un cas est insuffisant pour généraliser à tous les québécois, une
population de 8.485 millions de personnes.

La conclusion n'est pas automatiquement fausse pour autant, seulement, les


prémisses sont insuffisantes pour conclure qu'elle est vraie. Ce n'est pas un
raisonnement illogique, mais seulement insuffisant. Le lien d'inférence, le
lien entre les prémisses et la conclusion est très faible. Il y a peu de lien
entre la prémisse et la conclusion.

Pour faire une bonne induction, il faut donc avoir des raisons suffisantes
de croire que la conclusion peut être vraie. Il faut avoir des prémisses assez
solides. Dans chacun des cas, il se demander si les prémisses sont
suffisantes, et garder à l'esprit que la conclusion n'est jamais certaine.

Exemple
1) Les dix premières saisons de Walking Dead sont très bonnes

C) La onzième sera bonne aussi

Il y a de bonnes raisons de croire que la conclusion est vraie, mais on


pourrait toujours se tromper.

Même si toutes nos observations sont vraies pendant des centaines d'années,
la conclusion d'une induction restera toujours probable, elle ne sera jamais
totalement certaine.

Un exemple classique :

1) Tous les cygnes que nous avons observés jusqu'à maintenant sont blancs

C) Donc tous les cygnes seront toujours blancs
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Il suffirait de trouver un seul cygne noir, une bonne journée, pour se rendre
compte que notre induction est mauvaise. Même si elle avait l'air très
fortement probable pendant des centaines d'années, une induction reste
fondamentalement fragile. Un seul contre-exemple suffit à rendre la
conclusion fausse!

Dans l'exemple de tout à l'heure : on peut tomber sur mille québécois


menteurs d'affilée, et affirmer que « tous les québécois sont menteurs », mais
dès qu'on en trouve un qui dit la vérité, « tous les québécois sont menteurs »
devient faux.

Avec une induction, il faut se demander ceci :


- Est-ce que les prémisses sont suffisantes pour affirmer la conclusion?
- À partir de ces prémisses, quel est le degré de probabilité de la conclusion?
Peu probable, très probable, extrêmement probable?

Il faut se méfier des gens qui prétendent affirmer des certitudes, mais qui ne
se basent que sur des inductions. Il reste toujours une possibilité qu'il se
trompent, même si ce qu'ils disent semble certain à première vue. Un
raisonnement inductif n'est que probable, et si la probabilité est très basse, le
raisonnement a une conclusion très douteuse. Un seul contre-exemple suffit
à détruire le raisonnement.

Finalement, on constate ceci : la certitude est très difficile à atteindre.

Nous parlerons des erreurs d'induction dans le prochain cours à propos des
sophismes!

5. Questions de révision et notions à retenir


1. Qu'est-ce qu'une déduction?
2. Qu'est-ce qu'une induction?
3. Quelle est la différence fondamentale entre la déduction et l'induction?
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6. Exercices
[Les réponses sont à la page suivante : faites l'exercice par vous-même avant
d'aller les voir. (Je ne ramasse pas cet exercice, c'est formatif).]

1. Parmi les déductions suivantes, lesquelles sont logiques et lesquelles


sont illogiques?

Exemple A
1) Tous les écrivains fument la cigarette
2) Je suis un écrivain

C) Donc je fume la cigarette

Exemple B
1) Tous les menteurs sont malhonnêtes
2) Je suis malhonnête

C) Donc je suis menteur

Exemple C
1) J'aime tous les fruits
2) Les tomates sont des fruits

C) Donc j'aime les tomates

Exemple D
1) Tous les gouvernements libéraux sont corrompus
2) Ce gouvernement est corrompu

C) Donc ce gouvernement est libéral

***

2. Parmi les raisonnements suivants, lesquels sont des déductions et


lesquelles sont des inductions? Un indice pour les repérer : les
inductions sont des prédictions ou des généralisations.

Exemple E
1) Mon chat ronronne
2) Le chat de ma voisine ronronne
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C) Donc ce chaton qui vient de naître va ronronner aussi

Exemple F
1) Toutes les fraudes sont immorales
2) J’ai fraudé l’impôt

C) Je suis donc immoral

Exemple G
1) Tous les jeux vidéo de From Software sont très difficiles
2) Sekiro: Shadows Die Twice est un jeu de From Software

C) Donc Sekiro: Shadows Die Twice est très difficile

Exemple H
1) Le premier jeu Dark Souls est très difficile
2) Le deuxième jeu Dark Souls est aussi très difficile

C) Donc Dark Souls III sera très difficile
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7. Réponses de l'exercice
[À lire seulement après avoir fait l'exercice par vous-même!]

Question 1
Exemple A : Logique
Respecte la structure valide « Tout A est B, x est A donc x est B ».

Exemple B : Illogique
Ne respecte pas une structure valide (logique). C’est comme si on disait : «
Tous les A sont B, je suis un B donc je suis un A », ce que je n’ai pas le droit
de dire logiquement.

Exemple C : Logique
Respecte la structure valide « Tout A est B, x est A donc x est B ».

Exemple D : Illogique
Ne respecte pas une structure valide (logique). C’est comme si on disait : «
Tous les A sont B. Ce gouvernement est B donc il est A », ce que je n’ai pas
le droit de dire logiquement.

Question 2
Exemple E : Induction
À partir des cas que nous avons observés, quelques chats qui ronronnent, on
prédit que ce nouveau chat ronronnera aussi. Même si cela est vrai que les
premiers ronronnaient, nous n’avons pas une certitude à 100% que celui-ci
le fera aussi, c’est seulement probable. (Si on se basait seulement sur 2
chats, ce serait peu probable, si on se base sur tous les chats qui ont jamais
existé, ce serait très fortement probable, mais ça ne sera jamais 100%
certain).

Exemple F : Déduction
On dit que toutes les fraudes sont incluses dans l’ensemble plus grand des
actions immorales. Si nous avons affaire à quelqu’un qui a fraudé l’impôt, il
a donc fait quelque chose d’immoral. C’est une déduction qui respecte la
forme que nous avons vue. Voyez qu’ici, on prend pour acquis que la
première prémisse (toutes les fraudes sont immorales) est vraie, mais on
pourrait la discuter.
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Exemple G : Déduction
S’il est vrai que tous les jeux du développeur From Software sont très
difficiles, n’importe quel jeu de ce développeur sera très difficile, c’est
évident. La conclusion n’apporte pas une nouvelle information, puisque nous
savons déjà que tous leurs jeux sont très difficiles : elle ne fait que rendre
explicite que Sekiro est un jeu de cette compagnie, et donc nous savons
automatiquement que c’est un jeu très difficile. C’est une déduction.

Exemple H : Induction
Ce cas est différent du précédent, la différence peut paraître subtile. Ici, nous
ne savons pas tout de suite que tous les jeux de From Software sont très
difficiles. Nous savons qu’un de leur jeu est difficile, que la suite l’est
également. Nous faisons donc une prédiction que le troisième de la série sera
aussi dur que les deux premiers, mais le développeur pourrait bien décider
de le rendre plus facile. La conclusion est une prédiction, seulement
probable, même si les deux prémisses étaient totalement vraies. C’est une
induction.

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