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LES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES

EN ORTHOPHONIE
Sous la direction de Thierry ROUSSEAU
(UNADRIO)

TOME III
PRISE EN CHARGE ORTHOPHONIQUE
DES PATHOLOGIES OTO - RHINO - LARYNGOLOGIQUES
PRÉFACE

L’orthophonie est une discipline jeune qui s’est construite progressivement, souvent de manière intuitive grâce
au génie clinique de certains praticiens. Elle s’est également enrichie des connaissances de nombreuses autres
disciplines, en particulier la médecine mais aussi la psychologie, les sciences du langage ou encore les sciences de
l’éducation.
Cette diversité des apports scientifiques et cliniques, cette position au carrefour de plusieurs professions, ont
parfois créé une difficulté d’identification des professionnels mais ont aussi fait l’originalité, la singularité et sans
doute la richesse de l’orthophonie.
Malgré cela, inévitablement, des orthophonistes, dans leur pratique, se sont heurtés à des questions sans réponse,
à des cas n’entrant pas dans les modèles théoriques proposés, à des moyens d’investigation insuffisants, à des solu-
tions thérapeutiques anormalement inefficaces ou au contraire à des tentatives opérant de façon surprenante.
Quelques-uns ont alors cherché les réponses, soit dans une démarche de praticien-chercheur, soit en intégrant
des équipes de recherche d’autres disciplines. Ainsi, progressivement, tant au niveau de l’évaluation des troubles
que de leur prise en charge, une connaissance spécifique, purement orthophonique a vu le jour, riche à la fois
des acquis des sciences connexes mais aussi des acquis de l’orthophonie elle-même.
C’est avec l’idée de rassembler ces connaissances et l’objectif de théoriser une pratique que j’ai voulu réaliser cet
ouvrage collectif, pensant que c’était mon rôle en tant que président de l’Union Nationale pour le Développement
de la Recherche et de l’Evaluation en Orthophonie (UNADREO). Pour se faire, une équipe de recherche (ERU 9),
dont j’ai assuré la direction, a été créée, rassemblant tous les co-auteurs à qui il a été demandé de rédiger un
chapitre sur un thème qui correspondait à un libellé de la nomenclature des actes professionnels des orthophonistes
ou du décret de compétence, l’objectif étant de couvrir l’ensemble du champ thérapeutique de l’orthophonie.
Il a été également demandé de mettre l’accent sur l’aspect thérapeutique et non sur l’évaluation.
Une large autonomie a été accordée aux auteurs qui devaient partir des troubles pouvant avoir été relevés lors
de bilans orthophoniques et proposer, à partir de là, les solutions thérapeutiques orthophoniques possibles.
Les auteurs devaient, en fait, tenter de répondre à ces 4 questions :
• quelles sont les solutions thérapeutiques face à telle pathologie ? ples différentes approches
• pourquoi choisir cette approche ? ples références théoriques
• comment agir concrètement ? pla pratique clinique
• quels résultats espérer ? pl’évaluation des pratiques
Il leur était bien sûr fortement conseillé d’être le plus exhaustif possible : en orthophonie, comme dans la plupart
des autres disciplines de soins, il n’existe que rarement une possibilité thérapeutique unique. Chaque auteur devait
éviter de ne présenter que sa pratique personnelle mais il est bien évident que l’exhaustivité et l’impartialité sont
difficiles dans ce genre d’exercice. Des choix ont forcément été faits, à commencer par le choix, que j’assume,
des auteurs : tous ont une compétence reconnue, notamment par des travaux antérieurs, dans le sujet qu’ils ont
traité, ils sont quasiment tous chargés d’enseignement et un certain nombre est engagé dans une équipe de
recherche. Par ailleurs, et même s’ils sont nombreux à avoir suivi parallèlement une autre filière universitaire,
33 des 37 co-auteurs sont orthophonistes et tous ont une pratique professionnelle de clinicien.
Chaque auteur a souvent lui-même fait des choix plus ou moins volontaires, chacun ayant une pratique préfé-
rentielle qui risque immanquablement de transparaître. Je ne suis pas intervenu à ce niveau, laissant à chaque
auteur la responsabilité de ses orientations, j’ai simplement veillé à ce qu’elles soient étayées et qu’elles aient une
assise théorique ou clinique suffisante.
Qu’il me soit donc permis de remercier chaleureusement tous les auteurs à qui je suis bien conscient d’avoir demandé
un gros travail mais qui se devait d’être fait. L’orthophonie arrive à maturité : même si elle ne renie pas être la
petite fille de la médecine, la petite soeur de la psychologie et la cousine germaine de l’éducation, elle est
désormais capable d’être autonome. Tous les auteurs ont bien montré la spécificité de l’approche thérapeutique
en orthophonie, certes souvent issue d’une pratique intuitive enrichie d’une connaissance multidisciplinaire mais
désormais alimentée par une réflexion des orthophonistes eux-mêmes sur leur pratique clinique qu’ils ont codifiée
et qu’ils soumettent au crible de l’évaluation scientifique, en étant en particulier à travers une collaboration avec
l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES) dont l’UNADREO est l’interlocuteur
privilégié. Tout ceci aboutit à l’élaboration d’un savoir propre à l’orthophonie qui a pour objet le développement, le
rétablissement ou le maintien des capacités de communication orales et écrites des individus. C’est la définition même
d’une science, d’une science orthophonique qui a besoin de se développer, de s’enrichir, de progresser
perpétuellement grâce, notamment, à l’existence d’une recherche officielle en orthophonie et ce, d’abord et
avant tout, dans l’intérêt des personnes touchées dans leur outil de communication qui doivent avoir la garantie
que les professionnels à qui elles demandent de l’aide sont issus d’une discipline qui dispose des meilleurs moyens
pour mettre en œuvre une thérapie adéquate.
De nombreuses pierres ont déjà été posées pour l’élaboration de cette science orthophonique, cet ouvrage vient
sceller l’édifice.

Thierry Rousseau
Président de l’UNADREO
LES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES EN ORTHOPHONIE

TOME III
PRISE EN CHARGE ORTHOPHONIQUE
DES PATHOLOGIES OTO - RHINO - LARYNGOLOGIQUES

CHAPITRE I : Démutisation dans les surdités du premier âge, appareillées ou non


y compris en cas d’implantation cochléaire :
Annie DUMONT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

CHAPITRE II : Rééducation ou conservation du langage oral et de la parole dans les surdités


appareillées ou non, y compris en cas d’implantation cochléaire :
Elisabeth MANTEAU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

CHAPITRE III : Réadaptation à la communication dans les surdités acquises appareillées


et/ou éducation à la pratique de la lecture labiale :
Danièle HAROUTUNIAN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .81

CHAPITRE IV : Rééducation des troubles de la voix d’origine organique ou fonctionnelle :


Joana REVIS, Florence CAYREYRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

CHAPITRE V : Rééducation du mouvement paradoxal d’adduction des cordes vocales


à l’inspiration :
Philippe BETRANCOURT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .105

CHAPITRE VI : Rééducation des dysphagies chez l’adulte et chez l’enfant :


Michèle PUECH, Virginie WOISARD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .113

CHAPITRE VII : Rééducation des troubles vélo-tubo-tympaniques :


Jean-Marc KREMER ................................................................ 153

CHAPITRE VIII : Education à l’acquisition et à l’utilisation de la voix oro-oesophagienne


et/ou trachéo-pharyngienne et à l'utilisation de toute prothèse phonatoire :
Jean-Marc KREMER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161

CHAPITRE IX : Rééducation des anomalies des fonctions oro-faciales entrainant des


troubles de l’articulation et de la parole :
Frédéric MARTIN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE – langage oral ................................................................ 226


8
CHAPITRE I
Démutisation des surdités du premier âge,
appareillées ou non, y compris en cas
d’implant cochléaire

Annie DUMONT, Orthophoniste


Chargée d’enseignement à l’université de Paris VI

SOMMAIRE
I - INTRODUCTION ...............................................................................................................
11

II – LES SURDITÉS DE L’ENFANT


A – La première étape de la prise en charge des surdités de l’enfant
est constituée par le diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
B – Derrière le diagnostic : le visible et l’invisible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
C – Dire la surdité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
D – Informer sur la surdité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
E – Les professionnels du quotidien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16

III – LES RÉPERCUSSIONS DES SURDITÉS SUR LA COMMUNICATION ET LE LANGAGE


A – La communication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
B – L’émergence du langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
C – Qu’en est il pour 90% des enfants sourds qui naissent de parents entendants ? . . . . . . . . . . . . . . . 18/19

IV – QUELLES SONT LES PRATIQUES À PRIVILÉGIER ?


A – Objectifs et moyens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
B – Stratégies de communication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
C – Moyens et contenus en fonction des âges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

V – CONCLUSION ............................................................................................................... 27

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................. 27


I – INTRODUCTION
Les surdités du premier âge constituent un problème de santé publique avec une prévalence de 1 °/oo à la
naissance ce qui représente en France la naissance de 600 à 700 enfants chaque année. Pour un foyer sur mille,
l’arrivée d’un enfant sourd représente un bouleversement qui impose des remises en question, des démarches,
des choix, des adaptations multiples.
Que faire face à un bébé qui ne peut percevoir la voix de ses parents, les bruits de l’environnement, ses propres
productions alors qu’il ouvre grand ses yeux sur le monde qui l’environne…
Les conséquences des surdités de perception bilatérales congénitales sur l’acquisition du langage, la construction
identitaire, la socialisation, et plus tard la scolarité, l’accès à la culture, le choix d’une profession sont tels
qu’une prise en charge précoce adaptée est nécessaire pour aider l’enfant et la famille à répondre aux besoins
spécifiques créés par la surdité. La principale répercussion des surdités concerne l’accès à la communication et
au langage dès lors les orthophonistes sont totalement engagés dans les dispositifs multidisciplinaires qui entou-
rent le diagnostic et la prise en charge des surdités du premier âge. La nomenclature prévoit des AMO 15 pour
la "démutisation des surdités du premier âge appareillées ou non y compris les implants cochléaires".

II – LES SURDITÉS DE L’ENFANT


A - LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA PRISE EN CHARGE DES SURDITÉS DE L’ENFANT
EST CONSTITUÉE PAR LE DIAGNOSTIC
Or en France ce diagnostic demeure tardif puisqu’il est réalisé en moyenne entre 18 et 24 mois ce qui dans la
vie psychologique, linguistique, affective, cognitive d’un enfant est tardif ; en effet les éléments de la communi-
cation se mettent en place dans les premières semaines de vie, quant à la relation, elle existe (dit-on) dès la
première échographie avant même que l’enfant ne soit arrivé au monde.
Les pouvoirs publics chargés de la politique de santé en France ont décidé en 2003 (arrêté de décembre 2003) de
mettre en place un dépistage néo natal systématique car le dépistage précoce recommandé depuis plus de
30 ans dans notre pays demeure encore à ce jour insuffisamment appliqué. Ce dépistage universel réalisé par des
examens objectifs (potentiels évoqués auditifs) permet de tester dans les trois premiers jours de vie tous les
bébés qui naissent afin de repérer une éventuelle surdité. Il est déjà mis en pratique dans de nombreux pays à
l’échelon local ou national: Belgique, Allemagne, Pays Bas, Luxembourg, Italie, 36 états des Etats-Unis,
Grande Bretagne, Suisse, Autriche, Pologne, Espagne, République Tchèque, Canada , Japon, Taiwan, Australie, ……
Cependant ce dépistage ne peut être bénéfique que s’il permet une prise en charge de l’enfant et de sa famille
car, pour les surdités bilatérales congénitales liées à des atteintes irréversibles de l’oreille interne, il n’existe pas
de traitement médical mais une prise en charge multidisciplinaire permettant de prendre en compte les
situations de handicap créées par la perte auditive et leurs répercussions afin de prévenir les surhandicaps.
Dès le diagnostic la prise en charge de l’enfant sourd comporte :
• appareillage,
• orthophonie,
• guidance parentale.
Comme avec tous les autres bébés porteurs de handicaps de type sensoriel, moteur ou mental, la prise en charge
est globale et s’adresse tout spécifiquement aux parents qui sont les principaux interlocuteurs du petit
enfant. Le premier enjeu du traitement est donc l’information aux parents afin de créer ou de relancer une
dynamique de relation et de communication qui souvent a été brisée par l’annonce de la surdité. En effet même
si l’enfant naît déficient auditif, il ne le devient dans la réalité familiale que lorsque les mots "votre enfant est sourd"
ont été prononcés par le médecin qui assure la lourde tâche de la révélation du handicap. Quel que soit l’âge de
l’enfant, c’est à ce moment que son statut change fondamentalement. Plus le diagnostic est émis tardivement,
plus l’enfant idéal est regretté, plus il est émis tôt dans la vie de l’enfant moins la prise de conscience de la sur-
dité a le temps de se réaliser. Dans toutes les situations, le choc existe et le travail de deuil doit se
faire mais les parents évitent les errances, les soupçons faussement écartés, les doutes sur eux-mêmes et sur leur
enfant lorsqu’ils connaissent rapidement la réalité.

11
B - DERRIÈRE LE DIAGNOSTIC : LE VISIBLE ET L’INVISIBLE
Au tout début les parents sont sidérés par le choc du diagnostic. Ils manquent de repères et évoquent souvent que
"personne n’est préparé à avoir un bébé sourd". Dès lors ils éprouvent un grand besoin d’informations de tous
ordres, ils interrogent les divers professionnels qu’ils rencontrent, les associations de parents, les personnes sourdes,
les sites internet. Ils posent des questions diverses sur la situation immédiate ou sur un futur lointain : "Est ce qu’on
peut l’opérer ?", "Pourra-t-il apprendre à lire ?" "Quelle sera sa scolarité ?" "Quand il aura ses appareils il aura pris
6, 12, 18 mois de retard, quand comblera-t-il ce retard ?" "Je ne comprends rien à tout cela : qu’est ce que ça veut
dire surdité neurosensorielle ?" "Qu’est ce qu’il entendra avec un appareil ou avec un implant cochléaire ?"
"Quelles professions pourra-t-il exercer ?"…
A travers les questions initiales des parents, on comprend qu’au delà de la perte auditive définitive mais plus ou
moins importante, c’est l’absence de repères sur la surdité qui pose problème dès l’annonce du diagnostic de
surdité.
La naissance d’un bébé dans une famille est porteuse d’attentes diverses. Avant même son arrivée au monde,
l’enfant existe dans l’imaginaire parental ; il est ressenti et pressenti comme acteur de l’histoire familiale et
comme destinataire de l’expérience acquise par la lignée familiale. L’histoire familiale lui sera rapportée à travers
des évènements marquants racontés par les uns et les autres, les parents mais également les grands parents,
oncles et tantes, cousins, cousines… Dans la filiation, le récit oral avec ses dits et ses non dits tient une grande
place pour la transmission de l’histoire familiale indispensable à la construction identitaire. Cette potentialité peut
être brutalement brisée lorsque l’enfant est nommé "Sourd". La filiation se trouve alors rompue. La représenta-
tion réductrice de l’enfant sourd, considéré comme étranger à l’espace sonore et à la communication orale,
change le regard de l’entourage, perturbe les liens relationnels, bloque les échanges et modifie les dialogues
conversationnels.
L’environnement de l’enfant sourd est doublement appauvri en informations sonores et en interactions de
communication. La surdité réduit qualitativement et quantitativement les interactions verbales entre l’entourage
et l’enfant sourd alors que ce dernier éprouve le besoin d’une communication plus riche pour compenser la
réduction de ses expériences auditives.
C’est dans ce silence qui entoure le bébé que les professionnels se doivent de :
• nommer la surdité,
• d’informer sur la surdité,
• d’accompagner les parents dans leur découverte de cet univers inconnu.

C - DIRE LA SURDITÉ
Il s’agit ici de donner un nom au trouble qui parfois n’est pas encore apparent et dont on ne connaît pas bien
les répercussions.
Si la surdité peut être considérée comme une déficience importante et durable des perceptions auditives, ses
répercussions sont variables en fonction de l’ampleur de la perte auditive, des ressources personnelles de l’enfant
et de sa famille ainsi que des diverses réponses et adaptations du milieu écologique. Le déficit d’audition crée
essentiellement un handicap de communication avec l’environnement, handicap quasiment invisible au tout
début. En effet les familles se plaignent peu d’avoir un bébé au regard très présent, calme et silencieux, dormant
longuement et profondément. Et lorsque la surdité est diagnostiquée et que le bébé est appareillé, l’entourage
immédiat pense qu’il commence à entendre et qu’à partir de cette date le jeune enfant se retrouve dans un
contexte habituel de développement du langage.
Mais la surdité est plus complexe qu’un simple décalage dans le temps ou qu’une perte plus ou moins impor-
tante en décibels. Les conséquences des surdités sur la communication, le développement du langage et l’intel-
ligibilité de la parole sont complexes, multiples et variables.
Les répercussions sont également dépendantes de la date d’apparition de la surdité car si l’audition est indispen-
sable dans les premières étapes du développement du langage d’autres facteurs interviennent au fur et à mesure

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de la construction du langage. Ainsi l’on différencie les enfants dont la surdité est survenue avant 2 ans
(surdité prélinguistique), ceux dont la surdité est plus tardive notamment après 5-6 ans (surdité postlinguistique)
et le groupe des enfants pour lesquels l’atteinte auditive est apparue entre les deux (surdité périlinguistique). Dans
les surdités postlinguistiques, l’enfant peut interpréter des messages sonores incomplets et déformés sur une
compétence langagière déjà établie tandis que dans les surdités prélinguistiques, l’enfant doit conjointement cons-
truire ses représentations du monde, élaborer des modes de communication, développer et structurer son
langage.
Les rapports entre entendre, communiquer, comprendre et parler sont complexes et dépassent le cadre de
l’audition car ils font intervenir de nombreux processus cognitifs, affectifs, culturels et linguistiques qui s’établis-
sent sur les compétences initiales des très jeunes enfants.

D - INFORMER SUR LA SURDITÉ


Toute information sur la surdité et le langage doit s’inscrire dans le monde personnel de la famille. Ce monde
est en fait constitué d’univers variés :
• univers personnel de représentations,
• univers pragmatique d’usages,
• univers symbolique,
• univers de sons, de voix, d’intonations.
Univers personnel
de représentations

Univers pragmatique
Univers physique d’usages, de formes
des sons

Univers symbolique
De mots, de discours
◆ Univers physique des sons
Du côté de l’univers physique des sons, il est classique de considérer les surdités à la lecture des audiogrammes
qui délivrent une image du champ auditif. En effet dans la physiologie de l’audition normale, le stimulus auditif
est capté par l’oreille externe, amplifié par l’oreille moyenne puis décodé en fréquence par l’oreille interne avec
notamment les cellules ciliées qui, par leurs représentations tonotopiques permettent aux fibres du nerf auditif
d’être stimulées différentiellement suivant les fréquences des sons parvenant à l’oreille. Ainsi l’audiogramme va
permettre d’explorer le champ fréquentiel entre 250 Hz et 8000 Hz en fonction de l’intensité. La courbe obtenue
permettra d’imaginer le champ d’audibilité du sujet (cf schéma 1)
Avec les critères du BIAP, les fréquences conversationnelles sont prises en compte et la moyenne obtenue sur les
fréquences 500 Hz, 1000 Hz, 2000 Hz et 4000 Hz quantifie la surdité en déficience auditive légère, moyenne,
sévère ou profonde.

Surdité légère 20 à 40 db de perte


Surdité moyenne 1er groupe 40 à 50 db de perte
Surdité moyenne 2ème groupe 50 à 70 db de perte
Surdité sévère 1er groupe 70 à 80 db de perte
Surdité sévère 2ème groupe 80 à 90 db de perte
Surdité profonde 1er groupe 90 à 100 db de perte
Surdité profonde 2ème groupe 100 à 110 db de perte
Surdité profonde 3ème groupe = ou supérieur à 110 db de perte.

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A cette évaluation tonale qui permet ,en fonction de sons calibrés, de rechercher des seuils de détection précis,
on associe une audiométrie vocale qui permet d’étudier la perception des sons de la parole mais avec les très jeu-
nes enfants, cette évaluation se limite souvent à l’appel du prénom qualifié de réaction à la voix, parfois des jouets
sonores calibrés sont utilisés.
On considère qu’un enfant présentant une perte légère (20 à 40 décibels de perte) est gêné pour recevoir
clairement le message dans un environnement bruyant et sa parole peut être altérée. Pour le jeune enfant, une
perte transitoire de ce type est fréquente, en raison des otites séro-muqueuses survenant dans l’enfance. Le
retentissement de la perte auditive légère sur le développement langagier peut être évalué à partir de 2 ans et demi
par des tests orthophoniques permettent d’apprécier le niveau de vocabulaire, l’organisation des phrases et la qua-
lité de la production sonore de l’enfant. Avant cet âge, il s’agit d’avoir recours à des analyses de la communica-
tion dans des situations si possibles standardisées et d’utiliser avec les parents des questionnaires qui donnent des
indications sur le comportement de communication de l’enfant à la maison et dans diverses situations quotidien-
nes. Ces évaluations permettent d’attirer l’attention des parents sur l’aménagement des interactions de commu-
nication, la nécessité de réduire le bruit de fond, les risques pour l’apprentissage de la lecture si cette perte est
ou devient permanente. Avec une perte auditive légère, l’enfant est fatigable et irritable, il doit faire sans arrêt
attention s’il veut comprendre les paroles échangées. Il a parfois sur le plan oral de légères difficultés d’articulation
et un certain flou de compréhension. Il ne perçoit pas la voix faible et pour être intelligible son entourage doit
intensifier le message parlé.
Quand la perte auditive est moyenne (40 à 70 décibels de perte) le retentissement est plus marqué dans la
réception des messages, dans le contrôle de la voix et dans l’acquisition du langage. Le sujet malentendant
perçoit mal la voix émise à l’intensité habituelle. L’enfant peut acquérir le langage mais de façon imparfaite.
L’articulation et le timbre de la voix peuvent révéler l’existence de la surdité. La parole est perçue au niveau du
seuil, elle est audible mais non intelligible. La lecture labiale est souvent utile notamment dans les situations
d’apprentissage. L’enfant doit être appareillé pour acquérir le langage et suivre une scolarité classique. Ces
surdités ne sont parfois repérées que lorsque les enfants sont âgés de 2 ans et demi-3 ans ; en effet, ils ont par-
fois développé, sur un lien de confiance fortement établi, une bonne base de communication, ils possèdent alors
un langage fonctionnel mais ils sont en difficultés quand il faut traiter un flux important de parole ou quand il s’a-
git d’exprimer finement leur pensée dans des structures de phrases plus complexes et abstraites. Des manifestations
comportementales apparaissent alors. La voix peut également être modifiée par la surdité et un timbre spécifique peut
apparaître avec notamment une raucité vocale.
Dans les contextes de perte sévère (70 à 90 décibels de perte), le sujet identifie les bruits de l’environnement et
certaines voyelles mais plus difficilement les consonnes. Il utilise beaucoup la lecture labiale pour comprendre
le langage. La parole n’est pas comprise mais la voix peut être perçue. Un langage intelligible ne peut s’élaborer
spontanément chez l’enfant en plus de l’appareillage qui apporte un gain très appréciable s’il est porté constam-
ment, une prise en charge orthophonique est nécessaire pour acquérir le langage et développer la parole.
Au dessus de 90 décibels de perte (surdité profonde), la parole "articulée" n’est pas perçue mais des éléments pro-
sodiques de mélodie et de rythme sont conservés. En plus de l’appareillage, la lecture labiale est indispensable
car l’apport informationnel par la voie auditive est faible.
En fait, ces classifications qui prennent en compte le seuil audiométrique doivent être reconsidérées depuis le
recours aux prothèses numériques et aux implants cochléaires. Les concepts "d’audition fonctionnelle" et
"d’audition résiduelle" développés notamment par l’école espagnole autour de D. Sanchez semblent plus
adéquat pour rendre compte de la perception du langage. L’audition fonctionnelle est définie comme le niveau
d’audition qui permet de reconnaître et de comprendre des mots et des phrases préalablement connus. Ces
éléments de langage ayant été découverts, perçus et intégrés grâce à la lecture labiale, le LPC, le français signé
ou l’écrit, ils peuvent être identifiés par la voie auditive seule. Cette audition fonctionnelle permet la compréhen-
sion du langage dans certaines interactions généralement avec des interlocuteurs familiers et un bon gain prothétique
pour les enfants qui présentent des surdités sévères et/ou un implant cochléaire pour ceux qui sont atteints de sur-
dité profonde.
L’audition résiduelle, c’est le niveau d’audition qui améliore la réception des messages parlés reçus par la lecture
labiale. La compréhension du langage ne peut se faire uniquement par l’audition, elle est dépendante de
l’information visuelle et du contexte verbal.

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Les enfants présentant une surdité sévère ou profonde du premier groupe peuvent atteindre une audition fonc-
tionnelle grâce aux nouvelles prothèses numériques. Les enfants présentant une surdité profonde du deuxième
groupe ou du troisième groupe peuvent maintenant aspirer à une audition fonctionnelle grâce à l’implant
cochléaire.
Quelle est la réalité au delà des chiffres ? Tout autant que l’importance de la perte auditive, l’efficacité de l’in-
formation et les résultats de la prise en charge précoce vont dépendre des qualités personnelles de chaque enfant
et des compétences familiales et sociales de son entourage qui vont progressivement "voir" et vivre la surdité pour
l’intégrer dans leurs différents univers. Les résultats dépendront également des aides techniques et humaines
nécessaires pour l’accès à la scolarité et aux divers apprentissages académiques et culturels.

◆ Univers personnel de représentation


Il n’est ni évident ni simple de se représenter la surdité ou l’état de surditude. Les parents ont souvent la tentation
pour se mettre dans des conditions de surdité de fermer le son de la télévision.
Que découvrent ils alors ?
• La complexité du langage et des messages parlés.
• La rapidité de la parole.
• L’importance mais également la difficulté de la lecture labiale.
• L’apport des expressions et des gestes qui accompagnent la parole.
• La fatigue occasionnée pour tenter de suivre et de comprendre.
• La frustration de ne pas comprendre.
• Le sentiment d’être "en dehors", exclu…
Ils se construisent alors une image de la surdité sur le manque et veulent que leur enfant échappe à cette
situation douloureuse.

◆ Univers symbolique
La question du sens de la surdité de cet enfant là dans la famille est source de nombreuses interrogations :
"Pourquoi mon enfant est il sourd ? Pourquoi cela m’arrive-t-il ?..." Pour certains la génétique doit fournir des
réponses à ces questions pour d’autres le mystère permet de garder une dynamique de vie ou de survie pendant
ce bouleversement du diagnostic. Tous sont confrontés à l’image du sourd-muet véhiculé dans l’inconscient
collectif et visiblement tenace dans la qualification de "démutisation" attribuée aux actes orthophoniques dans
le domaine des surdités du premier âge. Les frères et sœurs sont également taraudés par ces questions mais ils les
expriment peu ou de façon détournée.

◆ Univers pragmatique
La présence d’un enfant sourd dans une famille nécessite un aménagement des échanges parlés. On doit parler
plus clairement, respecter la distance et l’éclairage, attirer l’attention sur le locuteur… Ceci peut contraindre les
différents membres de la famille à modifier leurs habitudes de parole. Dans certaines familles, le langage est avant
tout basé sur l’humour et l’implicite, dans d’autres le silence est recommandé et langage est essentiellement
utilitaire. Dans certains groupes familiaux, tout le monde parle en même temps, alors que dans d’autres familles
on ne répond que si l’on est interrogé…
Par ailleurs il arrive fréquemment que les nécessités d’augmentation de l’intelligibilité poussent certains membres
de la famille à devenir interprète plus ou moins exclusif de l’enfant. Au total tous ces aménagements et adapta-
tions plus ou moins volontaires créent un style spécifique dans les échanges conversationnels.
De plus pour certaines familles, la musique tient une place très grande et l’univers des sons est fortement investi
en terme de plaisir, d’esthétique et certains éprouveront une injustice à connaître ce monde alors que l’enfant
sourd ne pourra découvrir et partager ce plaisir…
L’usage de la télévision est également à rediscuter.
Ces différents univers révèlent combien la surdité qui entre dans une famille va imposer un remaniement des
repères en même temps qu’elle va susciter ou développer des ressources de créativité, d’adaptation et d’ouverture
qui enrichiront le parcours de vie de chacun des membres de la famille.

15
E - LES PROFESSIONNELS DU QUOTIDIEN
Une fois la surdité repérée et identifiée, l’enfant sourd et sa famille ne sont plus seuls ; ils rencontrent divers
professionnels qui vont les aider dans les diverses actions à entreprendre et les accompagner dans leur découverte de
l’univers de la surdité.

◆ Les médecins :
Avec le médecin ORL, la surdité est rendue visible par divers documents imprimés portant le nom de l’enfant
et les résultats chiffrés recueillis par les divers examens qui quantifient et qualifient la perte auditive : otoémissions,
potentiels évoqués auditifs, courbes audiométriques, gain prothétique s’entassent alors dans le carnet de santé ou
se trouvent bien rangés et numérotés dans un dossier qui s’épaissit au fil des mois et des diverses équipes
rencontrées. Mais ces divers documents qualifiant et numérisant la surdité ne traduisent pas le vécu spécifique
de l’enfant sourd. Pour l’orthophoniste, c’est essentiellement l’audition fonctionnelle en terme d’utilisation au
quotidien et de représentation de la surdité à partir des différents examens qu’il s’agira de "travailler" dans le domaine
de l’information aux familles. Cependant ce travail ne pourra s’accomplir que si la surdité a été identifiée, nom-
mée et caractérisée par le médecin ORL dans le sens du réel et des possibles plutôt que dans celui du déficit.
Avec le médecin généticien, les parents vont pouvoir replacer la surdité dans le contexte de son origine. Cette
démarche souvent accomplie dans les premiers mois qui suivent le diagnostic, peut permettre, quand il existe
une réponse, de situer et de donner sens au handicap.
Avec le médecin pédiatre, les parents repositionnent le développement de leur enfant dans une dynamique
globale et le bébé sourd retrouve ici son statut d’enfant avant tout. Il apprendra à manger seul, à marcher,
à grandir comme tout enfant.

◆ Les audioprothésistes :
La réalité de la surdité est rendue tangible par l’expérience visible et perceptible de l’appareillage vécu chez
l’audioprothésiste. Cette étape audioprothétique ne constitue pas qu’un acte technique dans la mesure où elle
cristallise plus qu’ailleurs les espoirs des parents qui se retrouvent brusquement confrontés au possible imagi-
nant "qu’avec l’appareil il va pouvoir entendre". Le rôle de l’audioprothésiste est alors éthique et complexe car
il doit annoncer aux parents des performances prothétiques réelles s’inscrivant dans leur vécu tout en respectant
l’espoir qu’ils placent en la prothèse. Une nouvelle fois, après les examens médicaux, la surdité est ressentie dans
la cabine de l’audioprothésiste quand le parent tient le bébé sur ses genoux et qu’il ne réagit pas aux sons de
fréquence et d’intensité variables. Puis la prise des empreintes et la mise au point des contours rendent tangibles
le handicap. Les prothèses constituent le signe de la surdité, la rendent visible en l’inscrivant dans le corps de
l’enfant, dans la réalité quotidienne des parents et dans le regard de l’entourage. De plus, il est nécessaire chaque
jour et même plusieurs fois avec le bain, la sieste, l’habillage…de retirer puis de remettre les appareils. Par ces
gestes du quotidien, la surdité est ressentie par les parents. On observe parfois que les deux parents n’investis-
sent pas l’appareillage de la même façon. Dans telle famille seule la mère manipule, positionne, range, nettoie,
vérifie le bon fonctionnement des appareils ou de l’implant cochléaire dans d’autres familles c’est le père.
La façon dont l’appareillage est nommé témoigne du vécu de la prothèse certains parlent "d’appareils", d’autres
"d’oreilles", de "yoyos", de "bijoux"… Pour les jeunes enfants implantés cochléaires le passage de la prothèse à
l’implant fait qu’il existe déjà une expérience familiale des problèmes matériels et concrets de bon fonctionne-
ment et des piles ou des accus. Les implants boîtiers compliquent l’habillage mais le recours aux implants
contours est de plus en plus fréquent.

◆ Les orthophonistes :
L’orthophoniste qu’il exerce dans un centre spécialisé ou au sein des réseaux de professionnels libéraux, travaille
en éducation précoce et en accompagnement familial sur la réalité du handicap avec les compétences initiales
de l’enfant et de la famille dans une dynamique de potentialités à développer. Il travaille conjointement sur la
réalité de la surdité et sur les capacités de l’enfant en développement. Il fonctionne en relation avec le médecin,

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l’audioprothésiste, la psychologue, l’assistante sociale qui aident les parents dans les démarches de reconnaissance
légale de la surdité (allocation d’éducation spéciale, remboursement des prothèses…).
La durée et le contenu des interventions de chaque membre de l’équipe multidisciplinaire se module après le
diagnostic. Dans les premiers mois, au moment de l’annonce du diagnostic, le médecin est très présent puis les
consultations s’espacent après les premières années mais elles doivent demeurer au moins annuelle.
L’audioprothésiste est également très présent pour la mise au point, le suivi de l’appareillage et son intégration
dans la vie quotidienne. Mais c’est l’orthophoniste qui par la durée et la fréquence des séances (une à trois fois
par semaine) rencontre le plus souvent la famille et l’enfant. Il peut donc coordonner et intégrer les diverses
interventions dans le sens de la construction de la communication selon un mode qui s’approche le plus pos-
sible du naturel. L’orthophoniste est engagé dans l’information aux parents et aux autres professionnels qui
entourent l’enfant, dans le traitement précoce de l’enfant et dans la prévention des surhandicaps.

◆ Les psychologues
Les psychologues ont pour objectif de travailler avec la famille et l’enfant pour les aider à préserver un équilibre et
à favoriser un développement harmonieux garant de l’accès à une estime de soi et au bien être. Il s’agit d’aider
la famille à dire sa souffrance, à repérer les symptômes de l’enfant en rapport avec sa surdité, à diminuer le
niveau d’angoisse, à permettre le développement cognitif et affectif du jeune sourd.

◆ Les assistantes sociales


Les assistantes sociales aident les parents dans les diverses démarches de reconnaissance du handicap, de rem-
boursement des prothèses, d’identification des droits et aides de la CPAM, CAF, de même que pour les contacts
avec les diverses commissions CDES, CCPE, CCSD…

III – LES RÉPERCUSSIONS DES SURDITÉS


SUR LA COMMUNICATION ET LE LANGAGE
A - LA COMMUNICATION
Pour chaque être humain le processus de construction de l’échange verbal est avant tout basé sur la communi-
cation. L’enfant construit et développe sa compétence langagière à travers des interactions avec les adultes et
spécifiquement sa mère. Celle ci s’adresse au jeune enfant au moyen de formulations verbales adaptées à ce que
le bébé comprend, connaît, produit. L’enfant et la mère sont partenaires d’un échange qui assure une commu-
nication rapidement fonctionnelle qui conduira au langage.
Au cours de l’échange chacun peut à tour de rôle indiquer par un comportement postural, corporel, gestuel,
intonatif ou langagier s’il est prêt à s’engager dans une interaction, s’il a ou non compris, si cette "conversation "
lui plait ou non…Le langage adressé à l’enfant a été largement étudié dans les années 80. Il possède des
marqueurs spécifiques notamment dans le domaine prosodique et linguistique :
• ralentissement du débit,
• élévation de la hauteur tonale,
• accentuation des mouvements mélodiques,
• longueur moyenne standard de production verbale,
• segmentation des énoncés…
Ces caractéristiques assurent une grande intelligibilité et permettent de capter et de retenir l’attention de
l’enfant.
Ce "moule verbal" de l’échange permet à l’enfant de prendre dans de multiples situations d’échanges informels
autour des activités du quotidien, des repères et d’utiliser des indices qu’il va s’approprier par des processus
d’imitations, de productions, de créations…

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B - L’ÉMERGENCE DU LANGAGE
L’émergence du langage repose sur des processus d’imitations réciproques : imitation spontanée de la mère qui
reprend les productions de son enfant, imitations des productions maternelles par l’enfant. Ces imitations sont
caractérisées par la mise en place de moules prosodiques selon l’expression de G. Konopczynski. L’enfant déve-
loppe ainsi un proto langage basé sur la mélodie qui devient intonation et véhicule du sens. L’allongement final
de l’énoncé traduit le rythme de base de la langue et permet à l’enfant de prendre son tour de parole. Ainsi au
cours de sa première année l’enfant passe progressivement du cri au premier mot en passant par des vocalisa-
tions, des productions syllabiques, un babil rythmé et intonné….au sein de situations d’échanges.
De plus, ces processus de communication et de conversation, se produisent dans un cadre naturel souvent
ludique où les intentions pédagogiques n’apparaissent pas. D’après Bruner "les deux partenaires font converger
leur attention sur le même matériel prosodique et sonore, un partage est alors en train de se construire".
Les règles des enchaînements conversationnels se mettent en place sans effort conscient dans la construction de
dialogues quotidiens. Il s’agit d’un "apprentissage par approximations successives".
Dès la fin de la première année, les conversations qui se nouent entre le bébé et ses parents fournissent au jeune
enfant un "enseignement implicite" du langage par :
• une adaptation du langage maternel aux productions de l’enfant,
• des feed-back correctifs souples avec répétitions des énoncés de l’enfant ou des recours à des intonations
d’approbation ou de désapprobation,
• des comportements d’étayage avec des expansions ou des extensions qui enrichissent les contenus sémantiques
des mots,
• des demandes d’information, un respect des tours de parole, une prise en compte des actes de langage de l’enfant.
Le langage s’acquiert, se développe, s’épanouit par les conversations qui mettent en jeu des systèmes complexes.
Le schéma basique du locuteur s’adressant à un interlocuteur dévoile peu à peu les contraintes et systèmes sous
jacents dont le schéma suivant révèle l’organisation. La conversation est une interaction entre deux locuteurs
qui alternent leurs productions conversationnelles (pc) au rythme de leur pensée, leur motivation, leur style
personnel et l’enjeu de l’échange sous l’influence complexe de contraintes fines et spécifiques agissant tout
autant sur la compréhension que sur la production.
cf schéma 2

C - QU’EN EST IL POUR 90% DES ENFANTS SOURDS QUI NAISSENT DE PARENTS
ENTENDANTS ?
Le diagnostic qui qualifie l’enfant de "sourd" fait que celui-ci n’est plus reconnu comme un partenaire dans la
communication verbale; il arrive même que les parents mettent en doute les interactions langagières qu’ils ont
pu avoir avant le diagnostic : "on se sent tout bête", "je lui parlais mais elle ne m’entendait pas"… Le silence
s’établit alors révélant le désarroi des parents. Le regard de l’enfant croise des visages silencieux et figés qui retien-
nent peu son attention. Les diverses productions du bébé constituées de mouvements du haut du visage (front,
sourcils) et du bas du visage (bouche, lèvres, langue) parfois accompagnés d’éléments sonores ne sont pas repri-
ses par l’entourage qui n’attribue pas une valeur de communication à ces productions. Lorsque par un talent spon-
tané, l’enfant a développé une mimogestualité riche, comprise et reprise par l’entourage, il arrive que ses
vocalisations soient maintenues après 7-8 mois. Mais en raison de l’absence de feed-back auditif, l’enfant sourd
tend à réduire ses vocalisations, il ne peut donc proposer à sa mère une gamme de productions variées permet-
tant l’élargissement du patron prosodique vers des formes syllabiques.
Et lorsque le diagnostic de surdité est posé et l’enfant appareillé, les parents pensent qu’il va falloir tout lui
apprendre. Dès lors les relations langagières se rigidifient et deviennent pédagogiques. La conversation n’est plus
établie pour dialoguer mais pour servir de véhicule à l’enseignement du langage et de l’articulation, à la décou-
verte et la mémorisation de nouveaux mots, de nouvelles formes syntaxiques etc…
Le langage adressé à l’enfant sourd se caractérise par :
• une longueur moyenne de production verbale réduite : énoncés brefs voire très brefs constitués souvent d’un mot
unique. Selon Cross et al, 85% des énoncés adressés à des enfants sourds de 2 ans sont des impératifs. Le
prénom de l’enfant et l’impératif "regarde" sont deux fois plus utilisés que dans les dyades parent/enfant
entendants de 1 an ;

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• une intonation impérative : l’utilisation de ce ton impératif aurait pour fonction de maintenir l’interaction
ou de contrôler le comportement de l’enfant,
• un nombre réduit d’énoncés : selon Cross et al, le langage adressé à des enfants entendants de 2 ans est plus
complexe que celui reçu par des enfants sourds de 5 ans,
• l’emploi d’un lexique concret et peu diversifié,
• le recours à des structures syntaxiques simples et souvent juxtaposées sans mot de relation.
Dans l’interaction conversationnelle, on observe :
• peu d’interprétation ou de reprise des productions de l’enfant,
• de nombreuses co-vocalisations qui débouchent sur des chevauchements de tours de parole,
• un recours à des thèmes concrets avec de nombreuses répétitions de l’énoncé. Selon Cross et al, 70% des
énoncés adressés à un enfant sourd font référence au contexte immédiat.
Ainsi au-delà du déficit de décibels, le bébé et l’enfant sourd souffrent d’une carence d’interactions indispen-
sables pour construire la communication verbale. Pour S. Vinter, ces tendances observées dans le langage
adressé à l’enfant sourd par les mères ne permettent pas à ce dernier d’être acteur et partenaire de la communi-
cation. Plus que d’échanges, il s’agit de discours parallèles dans lesquels la mère a tendance à instaurer avec son
enfant une relation didactique et rigide dans le domaine verbal. Ainsi au lieu d’être un outil de communica-
tion, le langage devient un objet d’apprentissage. Le langage sert ici essentiellement à se représenter, désigner,
nommer les choses avant d’être source d’échange et de partage, motifs de communication. Le recours fréquent
aux formes impératives témoigne de cette orientation du discours maternel.
Au-delà de la famille proche et des interlocuteurs familiers, Erber (1994) a montré qu’un certain nombre de
difficultés spécifiques dans les conversations entre personnes sourdes et entendantes pouvaient être repérées :
• Désorientation des tours de parole: la fin d’un énoncé est marqué par un contour intonatif spécifique qui
passe souvent inaperçu pour la personne sourde ce qui entraîne des chevauchements des tours de parole.
• Modification du style personnel d’élocution : le locuteur peut se mettre à articuler exagérément ou à marquer
de façon trop renforcée l’intensité du message verbal. Il n’est pas dans son registre habituel, dans ses gestes
naturels de parole ce qui nuit à la souplesse et à la richesse de l’échange.
• Nécessité de répétitions.
• Maintien d’un contenu superficiel pour éviter les mots complexes ou les tournures syntaxiques trop élaborées.
• Réalisation de nombreuses clarifications.
Pour prévenir ces tendances qui risquent de créer chez l’enfant sourd une communication restreinte, décalée de
ses modes de pensée, l’orthophoniste va proposer des objectifs précis et adapter des moyens spécifiques en fonc-
tion de chaque enfant et des modes de communication choisis par les familles.

IV – QUELLES SONT LES PRATIQUES À PRIVILÉGIER ?

A - OBJECTIFS ET MOYENS
Les orthophonistes ont pour souci de proposer aux parents des programmes adaptés à chacun et leur permet-
tant d’aider leur enfant sourd à accéder à la communication et au langage.

◆ Objectif 1 : créer une dynamique de communication


Il apparaît indispensable de fournir aux parents des évidences comportementales sur les réactions du bébé à
l’environnement affectif, sonore, visuel… quotidien et de mettre en évidence les ressources communicatives de
l’enfant et de toute la famille car sans communication le langage ne peut émerger. Le bébé sourd comme tous
les bébés du monde réagit aux intentions de son environnement, il comprend et tente de se faire comprendre
mais souvent ses tentatives sont moins visibles que celles d’un bébé entendant alors les parents doutent de leur
enfant et des messages qu’ils lui adressent. Tandis qu’avec un bébé entendant, on ne s’interroge pas sur le fait de
lui parler sans arrêt tout au long des diverses activités de la journée quand l’enfant a été nommé sourd, on doute

19
qu’il puisse comprendre les paroles qu’on lui adresse. Cependant tout jeune enfant interprète les messages qu’on
lui adresse, il réagit aux expressions du visage, aux gestes, aux postures, aux diverses directions du regard… tout
autant qu’aux mots qui sont dits. Point n’est besoin de comprendre chacun des mots de l’énoncé "on va pren-
dre la voiture pour conduire ta sœur à l’école" alors que le manteau sur le dos, les clefs à la main et l’air pressé
fournissent suffisamment d’informations pour capter le message du départ.
Créer une dynamique communication dans une situation réelle c’est prendre en compte le positionnement de
chacun, s’assurer du contact visuel, observer les réactions et les messages de l’enfant (distinguer s’il est inquiet,
heureux, fatigué…), développer une attention conjointe… Communiquer c’est bien autre chose qu’entendre des
sons et des mots, c’est échanger par tous les moyens dans une dynamique d’adaptations et d’ajustements réciproques.

◆ Objectif 2 : rendre vivant et réel le monde sonore


L’orthophoniste travaille sur la vigilance auditive, l’attention à la dimension sonore avec notamment le repérage
du prénom. Toute personne qui a assisté à la première réaction d’un enfant à l’appel de son prénom émis par sa
mère ne peut oublier ce moment chargé d’émotion. Cet intérêt à la voix de même que les réactions de vigilance
aux bruits de l’environnement familier (sonnette d’entrée, aspirateur, chien qui aboie…) fournissent aux parents
des évidences comportementales des possibilités de perception auditive de leur enfant. L’entrée dans des paysa-
ges sonores partagés relance alors la dynamique d’échange verbal et conduit les parents du jeune enfant sourd à
lui parler.
Avec la découverte des réactions du bébé au monde sonore, on observe un enrichissement de la communication par
• un recours à la fonction d’appel : utilisation du prénom pour attirer l’attention de l’enfant,
• une multiplication des sollicitations verbales,
• un allongement des énoncés. Les messages adressés à l’enfant dépassent le stade du mot même si le recours à
des expansions propositionnelles demeure restreint,
• une restitution de la dynamique verbale avec une véritable alternance des tours de parole.

Parfois après l’appareillage, il ne se produit pas de modification notable : l’enfant réagit peu, ne semble pas surpris
ou refuse cette information auditive nouvelle. Et c’est seulement en séances d’orthophonie que l’on constate des
modifications se situant essentiellement sur le versant des productions orales. Ainsi on observe que le bébé produit
plus de sonorités quand il porte son appareillage. On aidera alors les parents à repérer ce changement et à le main-
tenir et le renforcer par une reprise des productions de l’enfant.
Quelque soit le gain, l’objectif est d’aider l’enfant à accepter et à tirer bénéfice de ses prothèses ou de l’implant
cochléaire. Produire des sons par le biais d’instruments de musique ou les visualiser sur un écran permet parfois
à l’enfant de découvrir et de manipuler le monde sonore mais c’est généralement par l’impact de sa voix sur son
entourage que l’enfant s’engage dans le monde sonore.
L’orthophoniste montre aux parents comment attirer l’attention de leur enfant sur les bruits chargés de sens qui
s’égrènent tout au long d’une journée de bébé : l’eau du bain qui se remplit annonçant un moment agréable,
sonorité du micro-ondes quand le biberon est prêt, sonnette de la porte anticipant l’arrivée d’une personne
attendue… Il s’agit ici d’attirer l’attention en mettant en mots l’expérience vécue et ayant une charge informa-
tive pour le bébé.

◆ Objectif 3 : construire des interactions permettant l’accès au langage


Pour qu’un enfant parle, il faut qu’on lui parle, l’orthophoniste va donc suivre les réaménagements des proces-
sus d’échanges et d’interactions et travailler ainsi les perspectives de développement et d’acquisition du langage
dans la réalité de la surdité de l’enfant sur trois aspects : la dynamique de l’interaction, la forme du message,
le contenu du message.
Dans la dynamique de l’interaction, l’initiation de l’échange est fondamentale. Il est donc nécessaire dans les
routines quotidiennes de distinguer qui est l’initiateur de l’échange, dans quels lieux elle se produit le plus faci-
lement et à quel moment elle se déroule au mieux. On mettra en évidence comment peut être sollicitée
l’attention de l’enfant par un geste, un regard, un contact corporel, un positionnement… On repérera
également comment maintenir l’attention du bébé, respecter les tours, relancer l’échange le clôturer.

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DYNAMIQUE DE L’INTERACTION
Enfant
Qui ? Parent
Autres…
En voiture
Où ? A la maison
Autres…
Initiation Dans un partage d’activités
de l’échange Pendant le repas
Quand ?
Au moment du coucher
En situation d’urgence
Appel
Désignation
Comment ?
Demande
Autres…
Un geste
Un regard
Sollicitation
Un contact corporel
de l’attention par
Une position
Autres…
Des mimiques
La lecture labiale
Maintien Intonatives
Des relances verbales
de l’attention Lexicales
Anticipation des ruptures
Adaptation aux glissements de thèmes
Minimale
Distance Moyenne
Maximale
Désignation du locuteur
Respect des tours de parole par Allongement des pauses
Autres…
Dans quelles conditions
Rupture de l’échange par A quel moment
Autres…
Approbation
Reformulation
Relance de l’échange par
Incitation à l’expression
Autres…
Glissement du regard
Clôture de l’échange Intonation
Autres…

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Toutes formes de message étant à utiliser pour faire éclore le langage on identifiera les différentes formes du
message énumérées dans le tableau ci-dessous :

FORME DU MESSAGE
Expression d’une intention de communication
Nombre d’énoncés
Gestuel
Mimogestuel
Modes de communication Oral
Verbal
Graphique
De l’intensité
Du débit verbal
Utilisation spontannée
De l’intonation
Des pauses
Mots isolés
Complexité syntaxique
Répétition de mots clefs
Phrases courtes/longues
Niveau de production de production verbale Phrases impératives
Phrases négatives
Phrases interrogative
Absence d’ambiguïté
Diversité lexicale
Feed back
Reformulation
Style d’énonciation Création
Vérification de la compréhension
Autres…

Le contenu du message est important c’est lui qui permet d’adapter la syntaxe, de la développer, de la préciser.

CONTENU DU MESSAGE
Conversation
Discours
Type d’intervention Négociation
Demande d’information
Autres…
Par rapport au contexte
Choix du thème Selon le centre d’intérêt
Réel/imaginaire
Choix du point de vue

Par ce travail sur la dynamique des interactions verbales, on aide les parents à devenir plus libres dans leurs
échanges avec leur enfant et à construire des comportements langagiers dans des conditions réelles d’échanges
conversationnels ce qui crée de bonnes conditions d’apprentissage formel incident.

22
◆ Objectif 4 : aider les parents dans le choix des modes de communication
Par l’article 33 de la loi du 18 janvier 1991, le législateur donne aux parents le libre choix entre une communi-
cation bilingue associant la L.S.F et le français et une communication orale. Mais comme disent les parents
"comment choisir quand on ne connaît pas". Il faut donc les amener à découvrir qu'à partir de différentes
modalités que constituent le langage oral, le langage écrit, la Langue des Signes, le français signé, le Langage Parlé
Complété, les gestes phonétiques Borel Maisonny… diverses stratégies de construction d’une communication
chez l’enfant sourd peuvent être proposées. Pour ne rien compromettre de l’avenir, il faut découvrir la stratégie
qui conviendra à chacun et permettra aux parents de transmettre sur les plans affectifs, cognitifs et linguistiques
la richesse de leur langue et à l’enfant d’exercer ses capacités initiales expressives, auditives et visuelles afin de cons-
truire son propre système de communication et de langage en fonction de ses besoins identitaires et culturels.

Stratégies de communication
MONOLINGUE BILINGUE

1 2 3 4
LO LO LO Lang. des Signes
Mim. Gest Français Signé L.P.C. Langue écrite
Lect. Lab B.M. Langue orale

Mode Simultané Mode alterné

Il existe globalement quatre type de stratégies de communication dont le tableau ci dessus fournit une représen-
tation schématique. Trois d’entre elles peuvent être situées dans un domaine de monolinguisme et une dans le
bilinguisme.
Pour la stratégie figurée dans la première colonne, la langue orale est aménagée et renforcée afin de la rendre
plus accessible à l’enfant sourd. Les parents utilisent leur langue dans la modalité orale, renforcent leur mimo-
gestualité et sollicitent la lecture labiale de leur enfant. Ce recours à la langue maternelle dans la modalité orale
pour communiquer permet aux parents d’être naturel dans les interactions conversationnelles tout en prenant
compte des besoins spécifiques de leur enfant. Ils renforcent la mimogestualité naturelle pour solliciter l’atten-
tion et faciliter la compréhension. Ils peuvent stimuler l’audition de leur enfant dans des situations réelles de com-
munication ce qui facilite l’imprégnation auditive sous certaines conditions : port régulier des prothèses ou de
l'implant cochléaire, proximité du locuteur, niveau vocal suffisant. Ils attirent l’attention de leur enfant vers la
bouche pour renforcer la lecture labiale. Sur le plan de la communication cette solution peut se révéler très inté-
ressante mais elle exige des parents d’être très attentifs et créatifs par rapport aux productions de leur enfant afin
de lui donner son tour de parole indispensable à l’élaboration d’une communication équilibrée.
La stratégie figurant dans la deuxième colonne combine la langue orale et les signes de la langue des signes selon
la syntaxe de la langue française. Ce français signé a le mérite d’être rapidement accessible à l’enfant tant au niveau
de la réception que de la production, aspect indispensable à l’acquisition des compétences linguistiques. Cette
stratégie impose aux parents d’apprendre rapidement les signes nécessaires à la communication quotidienne et
requiert un emploi conjoint des signes et de la langue orale dans de bonnes conditions de production sur les deux
versants. L’adulte doit produire conjointement les signes en même temps qu’il parle d’une façon naturelle au niveau
de l’intensité et de la prosodie. Ce type de communication présente l’avantage de préparer l’enfant à la langue
des signes et de le rendre rapidement capable de produire des énoncés. Ces derniers sont le plus souvent signés
mais parfois accompagnés de productions sonores. Cependant il apparaît difficile de proposer une langue riche
sur le plan syntaxique dans ce type de stratégie.
Une autre solution consiste à compléter la langue orale au moyen d’aides manuelles non iconiques ne renvoyant
pas à du sens mais à des éléments phonologiques et morphosyntaxiques. Ainsi avec le Langage Parlé Complété

23
pour la réception et le recours aux gestes Borel Maisonny pour la production, la langue peut être présentée de
façon complète. Ce type de stratégie permet un développement précoce de la lecture labiale, une stimulation des
capacités de l’enfant à parler en même temps qu’un entraînement auditif dans la réception de la parole. Elle répond
à l’impératif neurologique d’un entraînement à la parole et d’une présentation grammaticale de la langue pour
que les centres du langage de l’hémisphère gauche soient stimulés.
Les stratégies 1, 2 et 3 se situent dans un contexte monolingue où la langue de référence est celle du parent, c’est-
à-dire celle où ce dernier peut transmettre aisément sa culture, son histoire, ses sentiments. La langue orale est
accompagnée simultanément d’aides visuelles la rendant accessible à l’enfant sourd et lui permettant également
de développer ses capacités spécifiques en vision. Fréquemment les stratégies 2 et 3 sont employées conjointe-
ment et l’on observe des familles où le message adressé à l’enfant est composé d’un français oral accompagné de
clés du LPC pour les petits mots et les éléments morpho-syntaxiques alors que les monèmes de l’énoncé sont
donnés en français signé. Cette stratégie est parfois appelée Français complet signé codé (FCSC).
La stratégie 4 est radicalement différente et la seule véritablement bilingue. La langue des signes et la langue
française écrite et orale sont proposées alternativement à l’enfant pour développer ses compétences linguistiques.
Ce type de stratégie nécessite de la part de chaque intervenant un haut niveau de compétence tant en langue des
signes qu’en langue écrite ou orale pour fournir à l’enfant des modèles suffisamment complexes pour répondre
aux exigences neurologiques de grammaticalité et de mise en place de la conscience phonologique indispen-
sable à l’acquisition de la lecture. Dans la pratique la présentation est alternée et la difficulté réside dans le fait
de maintenir une harmonie entre les différents temps de présentation et les divers intervenants.
Le choix d’une stratégie de communication pour l’enfant sourd dépend tout autant de l’information faite aux
parents sur la réalité des différentes approches éducatives que de leur aptitude à intégrer ces informations dans
le milieu quotidien et des compétences, capacités et motivations de l’enfant.

◆ Objectif 5 : Construire une représentation du monde


L’enfant sourd doit pouvoir se situer, être nommé, comprendre et nommer ce qui l’entoure. La mise en place d’un
cahier de vie avec les photos des divers membres de la famille lui permet cette identification par la médiation de
la photo ou du dessin. On travaillera également au monde environnant l’enfant : sa maison, les lieux où il se rend,
les personnes qu’il côtoie… On demandera aux parents de conserver les traces d’évènements marquant. Tout ce
travail avec le cahier de vie permet à l’enfant de se représenter et d’évoquer les faits de sa vie personnelle et de
les situer dans le temps.

◆ Objectif 6 : Découvrir et utiliser la voix


L’enfant sourd n’est pas muet, il produit des sons et il va s’agir de conserver ses possibilités d’expression en ren-
forçant l’utilisation de la voix dans des contextes de communication, d’échanges et de plaisir. On encourage les
parents à repérer les situations dans lesquelles l’enfant utilise sa voix. Il peut s’agir de moments de confort, de
bien être ou au contraire des moments d’insatisfaction qui poussent l’enfant à utiliser sa voix pour s’exprimer.
On conseille aux parents d’imiter les productions de l’enfant ce qui généralement les renforce. Pendant la période
d’acquisition de la marche, l’enfant est entraîné dans des gestes moteurs globaux qui souvent favorisent l’émer-
gence de syllabes rythmées constituant le babillage (cependant celui-ci peut apparaître dans d’autres contextes).
Tous les jeux de marionnettes ou d’animaux favorisent le recours aux onomatopées qui constituent une étape
fondamentale dans la découverte des sonorités du langage et l’utilisation de la voix dans des situations d’échanges.

◆ Objectif 7 : Développer le lexique


L’enfant va acquérir les mots si ces mots sont évoqués par un entourage bienveillant et attentif à les proposer dans
des situations adaptées. Ainsi l’enfant découvre le mots "bateau" est évoqué face à une situation où ce mot a de
l’importance parce que l’enfant regarde un bateau, joue avec un bateau, montre du doigt un bateau…Cet objet
offre des représentations multiples (bateau à voile ou à moteur, barque, pirogue, canoë, paquebot, vedette…) qui
ont toutes en commun de voguer et de transporter. Ces deux qualités du "bateau" peuvent être montrées à l’en-
fant dans leur réalité, en jouet, en photo et dans des jeux en image ou en modelage, à diverses échelles. Le jeune

24
enfant peut exercer ses sens sur l’objet "bateau", le toucher, le mordre, taper avec pour faire du bruit, le regar-
der, le faire flotter, le déplacer, le sonoriser et finalement se l’approprier. Quand les manipulations spontanées
de l’objet deviennent cohérentes et adaptées à sa fonction c’est que l’enfant attribue un sens stable à l’objet et
que l’étiquette verbale est vraiment acquise. Les mots peuvent ensuite faire l’objet de regroupement, de classifi-
cation qui mettent le mot en lien avec les autres contenants lexicaux que l’enfant possède.

◆ Objectif 8 : Structurer la langue


La sensibilisation aux mots s’élabore à partir de leurs sens définis par le contexte, par leurs usages courants, par
leurs fonctions dans l’espace dans l’énoncé. Nous pouvons débuter le travail sur la structure par la construction
d’un verbe, noyau sémantique et fonctionnel de tout énoncé. Par exemple pour le verbe "marcher" nous mimons
cet acte avec l’enfant jusqu’à ce qu’il en incorpore le sens tout en le formulant "marche, marche,
marche…" afin de lui faire ressentir ce qu’est un verbe d’actions. Par la suite, nous étendons le champ
d’application du verbe marcher à d’autres sujets et à d’autres objets. Ce qui permet à l’enfant sourd d’accéder
à des structures de base sujet-verbe-complément. L’enfant (sujet) réalise une action (verbe) sur un objet
(complément) jusqu’à ce qu’il incorpore ces fonctions syntaxiques à l’origine de la plupart des énoncés.

◆ Objectif 9 : Favoriser les entrées futures dans la langue écrite


En même temps que l’on utilise le cahier de vie pour coller des photos ou des dessins symboliques indispensables
pour la vie quotidienne de l’enfant, on écrit leurs formes visuelles. L’enfant progressivement s’intéresse à cette
forme de représentation notamment son prénom dont il repère souvent certaines lettres. Le sens de l’écrit est
rapidement vécu et intégré par l’enfant sourd mais il faudra bien veiller à la mise en place de la conscience
phonologique.

◆ Objectif 10 : Accéder à l’autonomie


C’est souvent en communiquant en dehors de son milieu familial d’habitués que l’enfant vit vraiment les
fonctionnalités du langage. On veillera à proposer à l’enfant des lieux et des environnements différents où il pourra
expérimenter différentes stratégies de communication à partir de ses propres ressources. La halte garderie,
la scolarité en maternelle constituent des étapes fondamentales dans le développement personnel et verbal de
l’enfant. Des aides techniques et humaines sont disponibles en fonction des choix de communication
privilégiés par la famille et des ressources locales. Ainsi codeurs en LPC, interprètes en langue des signes
peuvent contribuer au projet établi et apporter une contribution importante.

C - MOYENS ET CONTENUS EN FONCTION DES ÂGES


Les moyens sont adaptés aux réalités de la vie de l’enfant et de ses parents : disponibilité de la famille, éloignement
du domicile, présence de frères et sœurs, handicaps associés… Les séances d’orthophonie peuvent s’effectuer
en cabinet ou en centre spécialisé. Les prises en charge sont en général de longue durée, la fréquence des séances
est adaptée aux besoins de l’enfant et de la famille. Leur nombre varie de 1 à 3 par semaine en fonction de
différents critères. Ces séances sont d’une durée de 45 minutes en individuel il existe également des possibilités de
travailler en groupe.
Le contenu des séances est adapté à l’âge de l’enfant et ajusté aux objectifs du bilan initial et des évaluations de
suivi. L’orthophoniste a une vision globale de l’enfant et organise pour chacun un projet spécifique prenant en
compte son histoire, ses possibilités et son adaptation à l’environnement actuel et futur. L’orthophoniste cherche
tout d’abord à susciter chez l’enfant le désir de communiquer, c'est-à-dire comprendre et se faire comprendre.
Il l’aide à développer son langage et à clarifier sa pensée pour qu’il puisse exprimer ses désirs, ses raisonnements,
son imaginaire… En général, l’orthophoniste a recours à tous les modes spécifiques dans le but d’aider l’enfant
à communiquer, lire sur les lèvres, parler, lire et écrire.

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◆ Du diagnostic jusqu’à 12-14 mois
Le travail sur la communication est global et réalisé en étroite collaboration avec les parents. Il porte essentiel-
lement sur le développement d'attitudes communicatives, d’attention conjointe, de mise en place de routines
interactives, d’imitations réciproques.
L’orthophoniste s’attache tout spécialement dans cette période à valider, renforcer et donner du sens aux pre-
mières productions sonores de l’enfant qui passent souvent inaperçues compte tenu de leur faible quantité et
de l’absence de diversité.
L’éducation auditive est également essentielle dans cette période. Elle permet aux parents d’accepter les prothèses
auditives et à l’enfant d’en tirer un bénéfice par rapport à l’environnement sonore et au langage.
La guidance parentale est fondamentale dès le début de la prise en charge. Il s’agit d’aider les parents à inclure
dans leurs interactions quotidiennes avec l’enfant (repas, promenade, bains…) des stratégies de communi-
cation et d’échanges ainsi qu’une vigilance à l’environnement sonore. Il faut les accompagner dans cette
période difficile proche du diagnostic où ils découvrent le monde de la surdité et répondre à leurs questions à
partir des possibilités du bébé.

◆ De 12 à 24 mois
Avec l’acquisition de la marche, l’environnement de l’enfant se modifie. Il découvre la distance, une
certaine autonomie. Le travail sur la communication consiste à renforcer les éléments déjà acquis dans la phase
précédente et à favoriser l’émergence et la stabilisation des premiers mots.
En éducation auditive, l’orthophoniste veillera à apporter des éléments cliniques précis car si le gain prothétique
apparaît insuffisant la question de l’implant risque d’être posée.
La vigilance auditive peut véritablement être expérimentée par la découverte de la distance et de l’éloignement.
La guidance parentale se tournera vers la double nécessité de valider l’enfant dans ses tentatives langagières et de
favoriser la compréhension. Le recours au cahier de vie permettra d’aborder des moments d’échange sur du
matériel symbolique. Il faudra veiller à informer les parents des diverses stratégies de communication.

◆ De 2 ans à 4 ans
La communication se précise en fonction des modalités choisies par la famille. L’orthophoniste s’efforce d’aider
l’enfant à organiser les éléments de cette communication dans un code linguistique garant de l’acquisition des
structures de la langue. Ainsi par l’enrichissement du cahier de vie réalisé à partir des divers évènements de la
vie quotidienne de l’enfant on s’attachera à développer les premières associations et la grammaire pivot.
Le développement du stock lexical et des premières amorces syntaxiques est ainsi rattaché à des situations concrètes
et lié aux évènements de la vie de l’enfant.
L’éducation auditive s’organise autour des tâches de différenciations des sons sur du matériel standardisé (lotos
sonores) et sur les mots si la récupération auditive le permet.
La guidance parentale est orientée vers la double nécessité de valider l’enfant dans ses tentatives langagières et
d’élargir les relations initiales. D’une part, on conseille aux parents de s’efforcer de comprendre les productions
de l’enfant et parallèlement de lui permettre une prise d’autonomie à travers des expériences sociales. C’est par
la multiplicité des échanges avec d’autres personnes que l’enfant prend conscience de la valeur du code linguistique
et de la nécessité d’une intelligibilité orale. Il faut là aussi individualiser le projet et adapter le programme à chaque
famille et à chaque enfant. L’hétérogénéité du développement linguistique dans cette période est très importante
chez tous les enfants sourds et entendants.
Le choix d’une scolarité en intégration ou en milieu spécialisé est au cœur des questions des parents.

◆ De 4 à 6 ans
Le travail sur le langage est particulièrement axé sur le développement du vocabulaire. On aide l’enfant à acquérir
les unités indispensables à son expression. Au niveau lexical on travaille l’accroissement du nombre de mots par
tous les moyens disponibles : cahier de vie, livres, imagiers, CD-rom, fiches… L’orthophoniste veille également

26
à l’organisation et à la structuration de ce lexique en réseaux sémantiques et phonologiques par l’établissement
de répertoires.
Les aspects syntaxiques visent à l’enrichissement de la phrase de base par l’acquisition des élongations proposi-
tionnelles et les précisions des temps de verbe. Le développement du schéma narratif est également abordé par
des histoires séquentielles. De nombreux moyens sont utilisés : conversation, récit d’évènement survenus dans
le quotidien, histoires en images, livres, BD…
L’éducation auditive est moins formelle car c’est tout au long des échanges quotidiens que l’enfant renforce l’utilisa-
tion de son audition à travers ses prothèses conventionnelles ou son implant. Il faut veiller à une bonne harmoni-
sation de l’utilisation conjointe de la lecture labiale et de l’audition. Par ailleurs, une reprise d’entraînement systématique
est nécessaire lors de réappareillage ou du recours à de nouvelles stratégies de codage de l’implant cochléaire.
Pour les enfants en intégration, on peut également proposer la mise en place de système haute fréquence.
L’aide à la scolarité peut prendre des formes différentes suivant que l’enfant est scolarisé en intégration ou en milieu
spécialisé. En milieu spécialisé le travail scolaire est proposé à un petit groupe d’enfants sourds, la pédagogie est
donc adaptée. L’enfant rencontre peu de difficultés dans ses acquisitions académiques et l’orthophoniste se
consacre essentiellement au développement du langage oral et écrit sauf en cas de troubles associés. Alors qu’en
intégration, l’enfant doit réaliser conjointement des acquisitions verbales et pédagogiques au même rythme et
suivant les mêmes modalités que les autres enfants de la classe. Cela nécessite de la part des parents, de l’ortho-
phoniste et des enseignants de soutien un travail en étroite collaboration, ajusté aux besoins spécifiques de
l’enfant. Des réunions de concertation à l’école sont indispensables et le médecin ORL est invité à donner son
avis pour le projet d’intégration.

V – CONCLUSION
Au total la prise en charge orthophonique des surdités de l’enfant est un travail de longue haleine qui porte sur
le développement des compétences communicatives et linguistiques. Il s’effectue en étroite collaboration avec
les parents. Il porte un accent au développement de l’éclosion du désir et du plaisir de parler, d’échanger, de
créer du sens. Quelles que soient les stratégies de communication choisies par les parents et les modes de
réhabilitation proposés par les médecins et les audioprothésistes, l’orthophoniste multiplie les situations de
parole travaille la structuration de la langue, s’appuie sur les habiletés sociales et la créativité de l’enfant et les
ressources de son entourage.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Juarez, A., Montfort, M. (2003). Savoir dire ; un savoir faire. Madrid : Entha ediciones.
Bruner, J. (1987). Comment les enfants apprennent à parler. Paris : Retz.
Erber, N.P, Ling, C. (1994). Communication therapy: theory and practice. Journal of academy of rehabilitation
Audiology, 27, 267-287.
Dumont, A. (1995). L’orthophoniste et l’enfant sourd (2ème édition). Paris : Masson.
Dumont, A. (2001). Mémoire et langage (2ème édition). Paris : Masson.
Dumont, A., Calbour, C. (2002). Voir la parole. Paris : Masson.
Konopczynski, G. (1991). Le langage émergent : caractéristiques vocales et mélodiques. Hambourg : Buske,
Verlag.
Shiroma, M., Funasaka, S., Yukawa, K., Kawanami, S. (1996). Clinical application of landscape montage technique
for counselling cochlear implant recipients and families. London : Whurr Publishers.
Spir Jacob, C. (2002). Les professionnels autour de l’enfant sourd. Connaissances surdités Juin, 1.
Vinter, S. (1994). L’émergence du langage de l’enfant déficient auditif : des premiers sons aux premiers mots. Paris :
Masson.
Cross et all (1984). Language Learning and Deafness. Cambridge Universiy Press.

27
28
CHAPITRE II
Rééducation ou conservation
du langage oral et de la parole
dans les surdités appareillées ou non,
y compris en cas d'implantation cochléaire

Elisabeth MANTEAU, Orthophoniste


Docteur en Sciences du Langage
Titulaire du Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement des Jeunes Sourds
Chargée d’enseignement au Centre National de Formation des Enseignants
pour Déficients Sensoriels à l’Université de Savoie

SOMMAIRE
I – INTRODUCTION
A – (Ré ?)éducation ............................................................................................................................................................................................................... 31
B – Au centre des préoccupations : le langage ........................................................................................................................................... 32
C – Un débat crucial: (ré)éducation orale ou oralisme ? ................................................................................................................ 33

II – APPROCHE HISTORIQUE DE LA PRISE EN CHARGE ORTHOPHONIQUE


DES ENFANTS SOURDS
A – Précurseurs et fondateurs, les travaux de Suzanne BOREL ............................................................................................. 34
B – Inscrire la réflexion sur la (ré)éducation dans une approche des sciences du langage :
l’enseignement de Denise SADEK ............................................................................................................................................................ 34
C – Donner à l’enfant sourd les moyens d’acquérir, expérimenter et maîtriser une langue :
l’approche novatrice de Danielle BOUVET...................................................................................................................................... 35
D – Les prémisses du bilinguisme .......................................................................................................................................................................... 36
E – Vers une éducation langagière bilingue ................................................................................................................................................. 37

III – L'ACQUISITION DU LANGAGE, PISTES APPORTÉES PAR


LA LINGUISTIQUE CONTEMPORAINE
A – A quoi sert le langage ? ........................................................................................................................................................................................... 39
B – Le langage ne peut s'étudier en dehors des situations où il est parlé
et des individus qui le parlent ....................................................................................................................................................................................................................................... 40
C – Un élément fondateur de l'acquisition du langage : l'interaction ............................................................................. 40

29
IV – AIDER L’ENFANT SOURD À S’APPROPRIER LA LANGUE ORALE.
QUELLE INTERACTION ?
A – Le Français signé, embûches et enjeux..................................................................................................................................................... 41
B – Une technique oraliste ? Le LPC ................................................................................................................................................................... 43
C – Une interaction en langue écrite......................................................................................................................................................................44

V – CONSTRUCTION DE LA LANGUE
A – Le lexique ............................................................................................................................................................................................................................... 45
B – La syntaxe ............................................................................................................................................................................................................................... 47
C – Les fonctions du langage ........................................................................................................................................................................................ 52

VI – PERCEPTION POLYSENSORIELLE DE LA LANGUE ORALE


A – La perception auditive .............................................................................................................................................................................................. 52
B – L’éducation auditive .................................................................................................................................................................................................... 54
C – La perception vibro-tactile ................................................................................................................................................................................... 56
D – La perception visuelle ............................................................................................................................................................................................... 57

VII – PRODUCTION DE LA LANGUE


A – Articulation .......................................................................................................................................................................................................................... 63
B – Prosodie .................................................................................................................................................................................................................................... 65
C – La voix....................................................................................................................................................................................................................................... 66

VIII – LE LANGAGE ÉCRIT


A – Des questions autour de la langue écrite ............................................................................................................................................... 67
B – L'acquisition de la lecture...................................................................................................................................................................................... 68
C – Utiliser la langue écrite ............................................................................................................................................................................................ 70

IX – D'AUTRES SURDITÉS
A – Surdités modérées ou unilatérales ................................................................................................................................................................. 73
B – Conservation du langage oral et de la parole dans les surdités acquises à l'âge adulte
(après l'acquisition du langage) ....................................................................................................................................................................... 74
C – Conservation et enrichissement du langage oral et de la parole dans les surdités acquises
dans l'enfance ..................................................................................................................................................................................................................... 74

X – QUAND LA SURDITÉ N'EST PAS LE SEUL PROBLÈME


A – Les surdités dans le cadre d'un pluri- ou d'un poly-handicap......................................................................................... 75
B – Les surdités avec des difficultés ou troubles associés.................................................................................................................. 75

XI – CONCLUSION .............................................................................................................. 76

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................. 77

30
PRÉAMBULE
Après une introduction (I) qui tentera de situer le cadre conceptuel de ma participation à cet ouvrage, je traiterai
dans les sept paragraphes suivants de ce propos (II à VIII), des surdités congénitales et prélinguales qui constituent
le point central de cet apport théorique et clinique. Lorsqu'on parle de surdités sans en préciser le degré, il
s’agit généralement de surdités sévères ou profondes. C’est dans ce sens que j’emploierai dans ce chapitre les
mots de "surdités" et "sourds".

Le neuvième paragraphe (IX) passera en revue certaines spécificités des "autres surdités", à savoir, par ordre de
gravité, les surdités plus légères et/ou surdités unilatérales, les surdités acquises à l'âge adulte, les surdités acquises
dans l'enfance. Le dixième paragraphe (X) abordera les surdités dans le cadre des polyhandicaps et les surdités
accompagnées de troubles ou difficultés associées.

Enfin, j'essaierai de conclure (XI) par quelques réflexions qui me paraissent importantes pour le travail des
orthophonistes pour "la rééducation ou la conservation du langage oral et de la parole dans les surdités, appareillées
ou non".

L'orthophoniste n'a comme outil et comme matériau


que cela même sur lequel elle doit travailler : le langage.
(D. SADEK)

I – INTRODUCTION

A - (RÉ ?)ÉDUCATION
1 - Education
Lorsqu’un orthophoniste a pour charge d’accompagner un enfant sourd 1 et sa famille dans le parcours qui va
mener cet enfant à la meilleure maîtrise possible du langage, cet immense chantier s’apparente plus à une
éducation, certes très spécialisée, qu’à une rééducation proprement dite. Rééduquer suppose l’acte de corriger
ou rétablir l’usage d’une fonction, ce qui n’est certes pas le cas de l’éducation langagière d’un petit enfant qui
s’est développé dans et avec la surdité.
Un enfant entendant apprend à parler parce qu’on lui parle, parce qu’il entend son entourage lui parler et répondre
en feed-back à ses propres essais de langage, le petit enfant sourd, privé de cet apport langagier de par son handicap
perceptif, ne peut mener seul cette acquisition de la langue orale.
Trop souvent, néanmoins, cette particularité de l’enfant sourd a mené à des méthodes de "démutisation", ou
acquisition de la langue orale, artificiellement éloignées de ce qu’est l’acquisition de la langue par un enfant
entendant, semblant oublier ou mettre de côté le fait que les petits enfants sourds sont avant tout des enfants et
que leur pensée et leur personnalité n’ont aucune raison de se développer différemment de celle des autres enfants.

1
J'ai toujours choisi d'employer le vocable "sourd" dans l'acceptation de la différence qu'il suppose, en parallèle à "entendant", plutôt que les expres-
sions "déficient auditif" ou "handicapé auditif" qui, en insistant sur le déficit de la personne, ne me paraissent pas plus respectueuses ; quant au
vocable "malentendant", il peut s'appliquer aux surdités légères ou moyennes mais ne traduit absolument pas la réalité de perception d'une per-
sonne sourde sévère ou profonde.

31
2 - Interactions
La linguistique contemporaine a mis en évidence la façon dont un enfant tout-venant construit sa langue par
des interactions avec son milieu. Les orthophonistes savent bien que chez des enfants entendants, cette inter-
action fait souvent défaut, quantitativement et/ou qualitativement, pour de multiples raisons, et que cela
entraîne grand nombre de déficits et retards langagiers nécessitant une rééducation. Pour la langue orale, les
enfants sourds représentent des cas extrêmes de déficit interactif. Quelle que soit la qualité affective de leur
entourage, ils ne peuvent développer seuls ce langage oral qu’ils ne perçoivent pas, en l’absence de mesures
(ré)éducatives particulières.

3 - (Ré)éducation orthophonique
Le dépistage précoce de la surdité, immédiatement associé à une prise en charge, accroît les chances de réussite
de la (ré)éducation orthophonique du petit enfant sourd. Au cours de cette éducation précoce, qui est traitée dans
le chapitre de ce livre développé par Annie DUMONT, l'orthophoniste joue généralement un rôle important
que l'on qualifiait autrefois de guidance et que l'on considère plutôt maintenant comme un accompagnement
parental ; ce travail spécifique qui nécessite de bonnes connaissances médicales, linguistiques et psychologiques
mais également de l'expérience et des qualités humaines, met la communication de l'enfant et de sa famille au
centre de toutes les actions d'éducation précoce mises en place.
Si certains textes officiels attribuent encore à cette période éducative le vieux vocable de "démutisation", au risque
de laisser croire au grand public que les sourds seraient muets, c’est sans doute pour mettre en relief l’importance
capitale de cette étape pour l’accès à la langue orale, mais nous ne pouvons pas souscrire à une telle appellation
qui laisse encore penser que les personnes sourdes seraient muettes.
La (ré)éducation du langage oral est un long travail que l’orthophoniste mène avec chaque enfant sourd, sa
famille, et toute une équipe médico-éducative, depuis cette période d’éducation précoce et souvent tout au long
des apprentissages de l’enfant et du jeune, à condition que cette acquisition corresponde à un désir de la part de
la famille dans un premier temps, de l'enfant ensuite.
Les enfants sourds sont différents entre eux par la nature, l'âge et le degré de leur surdité, par leurs compétences
et leur appétence pour la communication orale, par leurs potentialités, leurs besoins, leurs éventuels troubles
associés, par leur cadre de vie et les choix de leurs familles. Ce travail n'est donc jamais le même, et c'est ce qui
le rend passionnant. C’est également pour ces raisons qu'est difficile la présentation exhaustive qui nous est
demandée …

B - AU CENTRE DES PRÉOCCUPATIONS : LE LANGAGE


On ne peut être orthophoniste en faisant l'impasse d'une réflexion sur le langage et sur son rôle. Trois directions
semblent fondamentales, et ne s'excluent pas, qui doivent interroger nos pratiques auprès des enfants sourds.

1 - Le langage est communication


La linguistique humaniste, centrée sur l'énonciation, développée par Emile BENVENISTE, part d'un postulat :
le langage est pour l'homme "un moyen, en fait le seul moyen, d'atteindre l'autre homme, de lui transmettre et
de recevoir de lui un message. Par conséquent, le langage pose et suppose l'autre" (Benvéniste, 1974). Cela
suppose qu’on ne puisse réfléchir au langage, ni à son acquisition, en dehors des contextes humains dans lequel
il se développe.

2 - Le langage est représentation


C'est même sa première fonction selon Gustave GUILLAUME. Si les hommes communiquent, c'est pour dire,
et s'ils disent, ils disent quelque chose, ils parlent de l'univers ; le langage est "dans la pensée humaine, un
ouvrage par elle construit qui lui sert – c'en est le finalisme principal – à reconnaître en elle-même où elle en est
de sa propre pensée" (Guillaume, 1958). On retrouve une approche du même type chez VIGOTSKY pour qui

32
le langage n'est pas seulement un système "paresseux" qui ne ferait qu'exprimer la pensée, il est essentiel pour la
"prise de conscience", il est un outil qui établit des liens et de ce fait entre dans la construction même de cette
pensée, ainsi que dans celle des relations sociales. (Vigotsky, 1977).

3 - Le langage est liberté


Chaque locuteur peut utiliser le langage quand il le veut et dans le but qu'il désire. La langage peut exercer de
multiples fonctions à l'intérieur même de l'acte de communiquer : transmettre ou délivrer une information, nouer
un contact, agir sur le destinataire du message par un ordre, une demande, exercer une persuasion ou une
séduction, essayer de savoir ce que l'autre ressent, lui exprimer, ou lui dissimuler, ce que nous ressentons.
Le langage peut également réfléchir sur et à propos du langage ou jouer avec l'énoncé qui devient une fin en soi.
Le langage peut dire vrai, ou dire faux, on peut aussi parler pour ne rien dire. Et c'est la liberté de chaque locu-
teur. Ces fonctions du langage, sur lesquelles nous reviendrons, ont été étudiées par Roman JAKOBSON
(1963), puis développées par le courant de la linguistique pragmatique (Austin, 1962).

C - UN DÉBAT CRUCIAL : (RÉ)ÉDUCATION ORALE OU ORALISME ?


Si telles sont les principales fonctions du langage, on ne peut aborder l’éducation langagière d’un enfant sourd
sans se poser la question du projet langagier mis en œuvre par la famille et l’entourage éducatif de l’enfant sourd.

1- Le libre choix
Le propos de ce chapitre n’est pas d’entrer dans une querelle entre oralisme et langue des signes, mais il ne peut
pas esquiver ce débat à la croisée de tous les chemins éducatifs. Certes, ce n'est pas l’orthophoniste chargé de la
rééducation d’un enfant sourd qui fera ce choix langagier, c’est en premier lieu le rôle de la famille, la loi de 1991
précisait déjà la légitimité de ce choix. Les nouvelles lois françaises qui entourent l’enfance rappellent et accroissent
ce rôle déterminant des parents. Mais l’orthophoniste joue un rôle central dans l’information apportée aux
familles sur ce choix langagier puis dans la mise en place des mesures (ré)éducatives qu’il suppose.
Il faut sans doute repréciser les termes, au risque de se répéter : l’oralisme est une "école de pensée" qui fait le
choix de n’utiliser pour l’éducation d’un enfant sourd que la langue orale et écrite, à l’exclusion de tout autre mode
langagier ; par contre, l’éducation orale, peut tout à fait être envisagée dans le cadre d’une éducation bilingue,
associant, comme la loi française le prévoit, la langue des signes à la langue orale et écrite.(Manteau, 2000).

2 - Les compétences de l'orthophoniste


Pour travailler avec un enfant sourd, un orthophoniste doit avoir une connaissance sans cesse remise à jour des
données cognitivo-langagières de l'acquisition du langage, des données anatomo-physiologiques de la surdité, des
données acoustiques de la réhabilitation prothétique, il doit également maîtriser tous les codes de communication
qui seront employés par la famille et l’entourage éducatif de l’enfant. Dans ce sens, il paraît difficile, même dans
le cas d’une prise en charge oraliste, de faire l’impasse d’une certaine connaissance de la langue des signes.
Apprendre la langue des signes, c’est approcher le mode de pensée développé par des personnes qui privilégient
le canal visuo-gestuel, expérience cognitive incomparable qui aide à déterminer les processus (ré)éducatifs qui
aideront l'enfant sourd.
Connaître la langue des signes, c’est se donner la possibilité de communiquer avec tous les enfants sourds, mais
aussi d’utiliser cette langue pour leur apporter toutes les explications nécessaires sur leur prise en charge, leur appa-
reillage, le travail qu’on leur propose, etc. Maîtriser la langue des signes, c’est pouvoir accompagner les enfants
sourds dans leur expérimentation précoce des fonctions du langage, c'est également pouvoir mener, avec les enfants
qui l’utilisent, un travail métalinguistique de comparaison des deux langues qui les aidera pour la maîtrise de la
langue orale et écrite.

33
II – APPROCHE HISTORIQUE DE LA PRISE EN CHARGE
ORTHOPHONIQUE DES ENFANTS SOURDS
Depuis la Renaissance et les progrès de la connaissance médicale de cette époque, les hommes ont compris que
la "mutité" n’était que la conséquence de la surdité, et depuis lors s’est naturellement développée l’idée que cette
mutité n’était pas irrémédiable (Cuxac, 1983), d'où de nombreuses recherches de "pédagogie curative"
(Bernard, 2004). Les premiers essais d’éducation de la parole de Pedro PONCE en Espagne se basaient déjà
sur un certain nombre de techniques rééducatives, encore utilisées à notre époque : perception des vibrations
laryngées, etc. Si ces techniques rééducatives se sont considérablement développées au 20ème siècle, c’est bien sûr
grâce aux progrès technologiques qui ont permis le dépistage, la mesure, l’appareillage de la surdité, mais
également grâce à une meilleure connaissance psycholinguistique de l’acquisition du langage et de la parole.

A - PRÉCURSEURS ET FONDATEURS, LES TRAVAUX DE SUZANNE BOREL


1 - Une méthode
On ne peut exposer notre pratique professionnelle sans faire référence aux travaux de Suzanne BOREL-
MAISONNY. Ses incomparables connaissances en phonétique acoustique et articulatoire, conjuguées avec son
humanisme et son abord pragmatique des situations de communication, l'avaient amenée à construire, bien plus
qu' une "méthode", un cadre théorique et pratique de la prise en charge des troubles et difficultés de langage.
De ses connaissances en phonétique, elle avait déduit des systèmes complémentaires de visualisation graphique
de la parole que nous utilisons encore et cette célèbre série de gestes inducteurs dont l'utilisation dépasse de
beaucoup une simple méthode d'acquisition de la lecture (Silvestre de Sacy, 1971). Ces techniques qui nous ont
été exposées dans nos formations initiales et enseignées dans nos lieux de stage, sont tellement intégrées dans nos
réflexes professionnels que nous ne pensons pas toujours à les définir comme étant issues de la "méthode
Borel-Maisonny", pouvant laisser penser à tort que nous les aurions écartées de nos pratiques.

2 - Un questionnement permanent
L'écoute humaine des situations individuelles, qui transparaît des études de cas de Suzanne BOREL-
MAISONNY (Borel, 1969), l'amenaient à bâtir pour chaque enfant une progression adaptée à ses possibilités
et ses besoins, tant sur le plan articulatoire qu'aux niveaux lexical et syntaxique. Cette déclinaison obligatoire-
ment individualisée d'un projet, et des chemins à parcourir pour y parvenir, constitue la définition même de notre
profession d'orthophonistes, parfois difficile à expliciter à d'autres professionnels en charge de tâches éducatives
collectives.
Même si les connaissances physiologiques et psycholinguistiques ont évolué, les travaux de Suzanne BOREL-
MAISONNY représentent les fondations de nos savoir-faire. Il est remarquable par ailleurs de constater que cette
pionnière a toujours remis en question ses propres conceptions et pratiques, reconnaissant qu'"à surdité égale,
appareillage valable […] certains sujets parlent facilement, d'autres pas" et prônant comme solution "vitale" pour
tous les enfants présentant de graves difficultés d'accès au langage oral (sourds et dysphasiques) "un large usage
de l'expression gestuelle, spontanée ou codée". (Borel, 1979).

B - INSCRIRE LA RÉFLEXION SUR LA (RÉ)ÉDUCATION DANS UNE APPROCHE DES


SCIENCES DU LANGAGE : L’ENSEIGNEMENT DE DENISE SADEK
1 - La linguistique guillaumienne
Comme Suzanne BOREL-MAISONNY et les autres précurseurs de notre profession, Denise SADEK-KHALIL
était disciple de Gustave GUILLAUME dont elle a largement contribué à faire connaître et comprendre les
travaux. Elle ne s'est pas contentée de se nourrir de cet enseignement de linguistique mais a poursuivi,

34
à partir de son expérience, toute une réflexion sur les mécanismes opératoires qui sous-tendent les systèmes de
la langue. Une de ses idées fortes qui remettent en question les approches rééducatives basées sur un travail
répétitif, part de la constatation qu'on ne peut "enseigner" à l'enfant sourd tous les effets de sens et qu'il faut donc
leur enseigner – leur "conférer" dit-elle – "les opérations de pensée qui engendrent tous ces effets de sens".
(Sadek, 1997-1).

2- Une approche exigeante


Denise SADEK nous a également appris à ne pas nous limiter à des définitions restrictives mais à briser les
mécanismes de représentation trop systématiques ou simplistes à et présenter toujours l'étendue d'un champ séman-
tique 2. Dans ses "libres cours" (Sadek, 82-89), elle nous enseigne la rigueur nécessaire pour concevoir et faire
expérimenter à l'enfant un système de langue mais également la nécessité de "casser" par une démonstration contraire
toute explication efficace qui pourrait conduire à une rigidité de la pensée
Son approche exigeante est tout le contraire d'un enseignement rigide mais vise précisément à faire prendre cons-
cience à l'enfant sourd de "la marge de liberté dont il peut disposer" en utilisant la langue avec la variété de ses
champs sémantiques et dans ses différentes fonctions. Dans des "perspectives entr'ouvertes sur le geste",
(Sadek, 1997-1), Denise SADEK, conclut que l'enfant doit et désire par le langage, geste ou non, intérioriser
le réel et ne pourra rien exprimer qui ne soit fonction de cette intériorisation".

C - DONNER À L’ENFANT SOURD LES MOYENS D’ACQUÉRIR, EXPÉRIMENTER


ET MAÎTRISER UNE LANGUE : L’APPROCHE NOVATRICE DE DANIELLE BOUVET
1 - Une recherche dans la même voie
Contrairement à ce que pensent certains, j'affirme qu'il n'y a pas de rupture entre les pratiques fondatrices de
Suzanne BOREL et de Denise SADEK et les nouvelles approches qui ont été initiées par Danielle BOUVET.
A partir de cette reconnaissance de la nécessité de donner précocement à l'enfant des moyens de maîtriser une
langue qui puisse lui permettre d'expérimenter et intégrer les fonctions de représentation et de communication
du langage, et de construire ainsi sa pensée, Danielle BOUVET a théorisé et expérimenté une nouvelle approche
de l'éducation langagière des enfants sourds, s'élevant "contre une conception instrumentaliste du langage :
ce dernier n'est pas un outil auquel nous préexistons, que nous façonnons pour une communication entre indivi-
dus, mais il est ce en quoi, et par quoi, chaque sujet émerge à son existence propre" (Bouvet, 1982).

2 - L'enfant sourd, sujet parlant


Parce que notre génération a eu sur celle de nos aînés l'avantage de pouvoir comprendre la langue des signes
"de l'intérieur", c'est-à-dire de l'apprendre, de la parler, de l'étudier, Danièle BOUVET a eu l’intuition, ensuite
confirmée par ses études et ses expériences, que la "parole de l'enfant sourd" pouvait être une parole en langue
des signes, ce qui lui permet d'accéder à une communication précoce sans entrave et de se construire comme "sujet
parlant" à part entière ; sans qu'il y ait pour autant antinomie avec une acquisition progressive de la langue de
l'entourage.
Si la langue des signes est ainsi précocement offerte à l'enfant sourd, par des interactions avec des locuteurs
compétents de cette langue, les parents peuvent communiquer avec lui dans une communication bimodale souple ;
Danielle BOUVET nomme "langue maternelle" "ce pont que la mère peut alors lancer à son enfant pour le
faire passer de sa langue à lui, qu'elle comprend, à la langue des autres dont il pourra être compris" (Bouvet, 1979).

2
Ainsi dans le chapitre sur le temps grammatical, elle présente les possibilités d'utilisation du présent, non comme un point sur la ligne du temps
mais comme un champ sémantique pyramidal partant de l'instant précis < la saison < l'année < le siècle < l'époque moderne < l'universel
(Sadek, 1997-2, p. 22).

35
Les deux schémas ci-dessous, extraits de La parole de l'enfant sourd (Bouvet, 1982), illustrent bien ce rôle de la
mère (de l'entourage) pour l'entrée progressive de l'enfant dans une dynamique langagière bilingue.

Cette orthophoniste et linguiste est ainsi une des premières à inscrire l'acquisition du langage dans un projet
"bilingue" qui permette précocement à tout enfant sourd de mettre en place non seulement les fonctions de com-
munication de la langue auxquelles on a tendance à la réduire, mais également les fonctions de représentation,
de construction de la pensée, dont Denise SADEK décrivait l'importance.

D - LES PRÉMISSES DU BILINGUISME


Les cheminements obligatoirement pragmatiques des professionnels et des parents d'enfants sourds entre
langue des signes et langue orale ont souvent conduit à des essais de synthèse.

1 - La communication totale

◆ Philosophie.
Aux USA, dans les années 70, et dans les pays scandinaves un peu plus tard, est apparue une méthode qui prônait
de ne négliger, dans l’éducation des enfants sourds, aucun des canaux de communication. Philosophie non
sectaire et généreuse (Hansen, 1980), la communication totale a contribué, de façon pragmatique, à dépasser les
clivages entre oralisme et langue des signes.

Symbole de KC (Center for total Communication) de Copenhague (Danemark),


un cercle entouré de points mentionnant dans le sens des aiguilles d'une montre :

SOUND p SPEECH p LIPREADING p WRITING/READING p


MIMICRY p GESTURES p POINTING p PANTOMIME p
ICONIC/IMITATIVE PANTOSIGNS p ABSTRACT SIGNS p SIGNED
DANISH p FINGER SPEELING p MOUTH-HAND SYSTEMS p
SIGN LANGUAGE p EYES CONTACT

◆ "SIM-COM".
Le désir d'ouverture et de synthèse de la communication totale a parfois donné naissance à des méthodes confuses
dans leurs fondements théoriques et un peu compliquées pour les enfants, comme la SIM-COM (communica-
tion simultanée) dans les années 80 aux Etats-Unis où tous les éléments de la langue orale étaient doublés de
langue des signes ou de dactylologie, ou bien des essais de synthétisation entre langue des signes et codes
gestuels de type LPC qui se sont concrétisés plus tard dans des méthodes telles que le "français complet".

36
◆ FCSC.
Le "français complet" ou FSFC (Français Complet Signé Codé), développé au centre Comprendre et Parler de
Bruxelles, prône l'utilisation d'une forme de français oral, signée (accompagnée de signes de la LSF) pour les
monèmes de l'énoncé et codée (accompagnée des clés du LPC) pour "les petits mots et les éléments morpho-
syntaxiques", afin de "permettre la réception par l'enfant de la totalité de l'information morpho-syntaxique et
phonologique (Périer, 1994). C'est une méthode structurée, certainement inspirée par le souci pragmatique
d'apporter à l'enfant les modèles langagiers les plus riches et les plus précis possibles. Néanmoins, il est un peu
difficile de souscrire à cette méthode systématique, dans laquelle les modèles langagiers deviennent obligatoi-
rement confus et qui d'une part se situe en réponse aux "limites de l'oralisme" et préconise d'autre part de
passer dès que possible à de l'oral seulement accompagné de LPC (Charlier et Hage, 2003).

2 - Le bilinguisme
Basées sur des analyses linguistiques des langues des signes (Stockoe, 1974, Cuxac, 2000), et des travaux de
linguistique appliquée, les options éducatives bilingues sont autres puisqu'elles se basent sur l'appropriation par
l'enfant sourd des deux langues : une langue des signes qui leur est apportée par des locuteurs compétents de cette
langue (généralement des personnes sourdes) et une langue orale-écrite qui leur est apportées par les familles aidées
par des professionnels spécialisés au premier rang desquels on retrouve les orthophonistes. Ces options éducatives
ne peuvent bien entendu se concevoir que si elles correspondent aux choix des familles et à un travail en étroite
relation avec les parents qui restent les premiers interlocuteurs et éducateurs de leurs enfants.

E - VERS UNE ÉDUCATION LANGAGIÈRE BILINGUE


S'il est maintenant courant de parler de bilinguisme pour les choix langagiers offerts à l'enfant sourd, ce concept
recouvre des conceptions linguistiques et pédagogiques très différentes qui induisent d'importantes nuances
dans la (ré)éducation orthophonique

1 - Recherches actuelles sur les bilinguismes


On a parfois dénié le terme de bilinguisme à une éducation langagière de l'enfant sourd introduisant la langue
des signes, au prétexte qu'il ne pouvait s'agir de "vrai" bilinguisme, au sens où le décrivaient les linguistes de la
première moitié du vingtième siècle, ces cas où le locuteur a la même maîtrise des deux langues et peut leur accor-
der le même statut, ce que JAKOBSON décrit comme bilinguisme "authentique et absolu" (Jakobson, 1963).
Or, dans le monde moderne, les situations de bilinguisme sont très nombreuses : un rapport de l'UNESCO de
1953 estimait déjà à 50% environ les enfants qui, dans le monde, reçoivent une éducation dans une langue autre
que leur première langue (Jisa-Hombert, 1993). Les linguistes contemporains qui travaillent sur le(s) bilinguisme(s)
décrivent des situations variées de bilinguisme dominant ou équilibré, simultané ou consécutif. Ils s'attachent
plus à l'analyse linguistique (et socio-linguistique) de toutes ces situations où des individus se trouvent ainsi ame-
nés à comprendre et produire des énoncés significatifs dans deux langues, dans leur vie de tous les jours, et prin-
cipalement au cours de leur développement langagier et leurs premiers apprentissages (Hamers et Blanc, 1983)

2 - Des approches différentes du bilinguisme de l'enfant sourd


La reconnaissance progressive du statut de langues aux langues des signes, sous l'influence initiale de linguistes
comme William STOCKOE (Stockoe, 1974) Edward KLIMA et Ursula BELLUGI (Klima et Bellugi, 1979) a
amené, aux USA puis en Europe, à réintroduire la langue des signes dans l'éducation des enfants sourds, selon
des principes et des modalités qui évoluent depuis une vingtaine d'années.

37
◆ Le bilinguisme langue des signes / langue écrite.
Cette option bilingue radicale du bilinguisme prônée dans certains établissements pionniers de l'utilisation de
la langue des signes comme Gallaudet College à Washington ou des établissements pour enfants sourds des pays
3
scandinaves, ne correspond pas réellement à ce que les décrets d'application de la loi de 1991 entendent en France
par éducation bilingue puisqu'on y parle bien de langue française orale et écrite. Mais la difficulté de l'éduca-
tion orale des enfants sourds, renforcée par le vécu douloureux de cette éducation exprimé par certains sourds
adultes (et qui ne peut que nous questionner sur nos pratiques), conduit un certain nombre d'établissements à
mettre en place une éducation bilingue de qualité mais dans laquelle seul le versant écrit de la langue française
est développé 4.

◆ Langue des signes, langue première.


Certaines écoles ont développé des options éducatives bilingues proches des options précédemment décrites, basées
sur une acquisition précoce de la langue des signes apportée par des locuteurs compétents, mais sans toutefois
exclure l'accès ultérieur à la langue orale. Ce bilinguisme successif où la langue orale serait présentée assez
tardivement, comme une langue étrangère, est parfois décrit à tort comme LE bilinguisme, y compris par des
auteurs qui ne prônent pas cette option (Juarez et Montfort, 2001), alors que d'autres voies éducatives bilingues
sont développées et utilisées depuis plus de dix ans par de nombreuses équipes en Europe (voir en 3. ci-après).

◆ Langue des signes, langue seconde.


Enfin, d'autres "écoles", généralement issues de l'évolution d'écoles oralistes, ont au contraire accepté
l'introduction de la langue des signes, mais seulement comme une langue seconde plus tardive, craignant encore
que l'acquisition de cette langue ne parasite l'acquisition de la langue orale ou n'en détourne les enfants sourds.
Cette option éducative n'accorde pas à la langue des signes un rôle de communication précoce ni de
construction de la pensée.

3 - Une nouvelle approche du bilinguisme langue des signes / langue orale-écrite


Dans un colloque de l'ANPEDA5 de 1994, les participants notaient qu'il y avait un large accord sur l'intérêt pour
les sourds de devenir bilingues, mais de nettes divergences sur les moyens d'y parvenir.
Les recherches de la linguistique contemporaine et des travaux précurseurs comme ceux de Danièle BOUVET
ont conduit un certain nombre d'équipes à mettre en place une éducation bilingue de l'enfant sourd dans le sens
d'un bilinguisme simultané. Cette option exigeante exige des dispositifs pluri-disciplinaires au coeur desquels se
développe le rôle des orthophonistes. Cela nécessite que la langue des signes soit apportée à l'enfant sourd par
des locuteurs compétents formés à son enseignement et que toutes les actions de présentation précoce et de
développement de la langue orale (puis écrite) soient développées simultanément (éducation auditive de qualité et
actions éducatives et rééducatives offrant des interactions en langue orale, avec l'aide des techniques augmentatives
comme le LPC lorsque l'enfant est prêt à en tirer du profit, etc). Ces options éducatives, développées avec des
familles de tous milieux socio-culturels depuis une quinzaine d'années, (Manteau, 1992) ont fait leurs preuves
puisque des adolescents sourds ont grandi dans cet environnement bilingue et y ont développé de façon harmo-
nieuse une communication et des apprentissages dans les deux langues.
Tous les aspects du développement de la langue orale (et écrite) présentés dans la suite de ce chapitre peuvent se
concevoir dans une optique oraliste pour les familles et les professionnels qui en feraient encore le choix, mais
également dans l'optique du versant oral d'une éducation bilingue de ce type.

3
Loi 91-73 du 18.01.91, dite "loi Fabius" ou loi du "libre choix"
4
On peut trouver des travaux sur cette approche particulière du bilinguisme dans la revue Etudes et Recherches publiée par l'association 2LPE
(2 Langues Pour une Education), basée à POITIERS.
5
Association Nationale des Parents d'Enfants Déficients Auditifs.

38
III – L'ACQUISITION DU LANGAGE, PISTES APPORTÉES PAR
LA LINGUISTIQUE CONTEMPORAINE
A - A QUOI SERT LE LANGAGE ?
La linguistique contemporaine nous a montré qu'au-delà des nécessaires études formelles des langues dans leurs
niveaux phonétiques, lexicaux, morphosyntaxiques, il était essentiel de prendre en compte leurs différentes
fonctions dans la communication, en plus du rôle déterminant du langage dans la fonction de représentation et
son lien étroit avec le développement de la pensée.

1 - Les différentes fonctions des langues


◆ Le langage ne se limite pas à la relation de sens entre signifiant et signifié.
Dans les années 40, BÜHLER présentait déjà trois rôles importants assurés par les langues (Ducrot et Todorov,
1972) :
• un rôle référentiel, en relation avec le contenu du message (le signifié) ;
• un rôle conatif, en relation avec le destinataire du message (appel, ordre, demande) ;
• un rôle expressif, en relation avec les manifestations de l'attitude psychologique et émotionnelle du locuteur.

◆ Les six fonctions du langage.


Dans le même courant théorique, dans les années 60, Roman JAKOBSON a développé les fonctions du
langage (Jakobson, 1963) qui restent encore aujourd'hui les fonctions essentielles, décrites et enseignées :
• fonction référentielle
• fonction conative
• fonction expressive
• fonction phatique (fonction de contact de formules comme "allo" "eh bien")
• fonction métalingustique (le langage qui "parle du langage")
• fonction poétique (l'énoncé étant considéré comme une fin en soi)

2 - Dire, c'est faire


La linguistique pragmatique a prolongé et développé cette approche. Prenant en compte les analyses de ce que
John AUSTIN nomme "les actes de langage", (Austin, 1962) les énoncés ne sont plus considérés prioritairement
dans leur forme mais dans leur fonction communicative.

3 - Ne pas limiter l'éducation de l'enfant sourd à un développement de la fonction référentielle


Denise SADEK nous a mis en garde sur le fait qu'un enfant sourd à qui on a enseigné le langage comme
une succession de relations mots/objets a à sa disposition une collection d'étiquettes et non pas une langue.
Danielle BOUVET dans les débuts de son propos évoque sa perplexité face à une enfant sourde qui répondait
de façon littérale à sa question, n'en comprenant pas le sens profond (Bouvet, 1982). Notre responsabilité
d'orthophoniste est grande si des enfants sourds qui nous sont confiés se trouvent dans l'impossibilité cognitive et
langagière d'expérimenter et de comprendre que le langage peut remplir ces différentes fonctions.

39
B - LE LANGAGE NE PEUT S'ÉTUDIER EN DEHORS DES SITUATIONS OÙ IL EST
PARLÉ ET DES INDIVIDUS QUI LE PARLENT
1 - L'énonciation
Dans les travaux sur l'énonciation, en tant qu'actes individuels d’utilisation de la langue, les "actes de langage"
ont été plus particulièrement centrés sur la personne. Ce courant humaniste s’attache donc à la prise en compte,
dans les énoncés, de ce qui caractérise la personne, la situe dans un faisceau de relations, la lie à ses interlocuteurs,
traduit ses intentions, etc. Emile BENVENISTE souhaite que la linguistique moderne se fonde sur "le trinôme :
langue, culture, personnalité" (Benvéniste,1974).

2 - L'acquisition du langage
Pour VIGOTSKY, "l'enfant devient conscient de ses concepts spontanés relativement tard : la capacité de les
définir verbalement [ …] apparaît longtemps après l'acquisition du concept" et cette prise de conscience nécessite
un "étayage" que l'adulte lui apporte par son langage, à la fois "instrument de pensée et de communication".
(Vigotsky, 1977).
Si la "faculté de langage", au sens où elle est décrite par Noam CHOMSKY, est innée - tout être humain a la
faculté d’apprendre une langue (vocale ou gestuelle), voire de la créer, c’est ce qui le distingue des espèces animales
(Chomsky, 1965) - le langage lui-même n’est pourtant pas inné, il nécessite pour se développer des conditions
physiques, psychologiques et environnementales (Lentin, 1972).
Les travaux de linguistique de l'énonciation, centrant l'étude du langage sur la personne et ses relations à l'autre,
ont ainsi aidé à la prise en compte des conditions d'acquisition du langage par l'enfant "tout-venant", cette
acquisition n'étant plus alors étudiée comme un phénomène développemental isolé mais comme élément lié aux
relations interpersonnelles et notamment aux relations langagières avec l'entourage.

C - UN ÉLÉMENT FONDATEUR DE L'ACQUISITION DU LANGAGE : L'INTERACTION


1 - WYATT : la relation mère-enfant dans l'acquisition du langage
Etudiant sous l'angle de la qualité relationnelle la relation mère-enfant, Gertrud WYATT, qui collectionnait des
dialogues spontanés entre des mères et leurs enfants dans des moments de vie quotidienne, avait pu observer "la
situation interpersonnelle de feed-back réciproque entre l'enfant et adulte" et analyser l'adaptation intuitive des
mères aux possibilités de leur enfant. Elle fut ainsi amenée à mettre en évidence le rôle de guide de leur interaction
langagière dans les processus de développement du langage, développement qu'elle envisageait comme interdé-
pendant avec les autres aspects du développement de la personnalité. (Wyatt, 1969).
Quand tout va bien, l’entourage de l’enfant, sans aucune formation particulière, et le plus souvent même sans
en avoir conscience, apporte à l’enfant non seulement un bain langagier mais encore un feed-back à ses propres
productions langagières qui lui permet à la fois de savoir qu’il a été entendu et compris et également de recevoir
en retour son énoncé enrichi aux niveaux phonétique, lexical, morpho-syntaxique.

2 - BRUNER : le réglage minutieux


Jerome BRUNER observe les conduites des jeunes enfants en relation avec celles de leur entourage. Il montre
la façon dont l’enfant, "le plus interactif de tous les petits d’animaux" a besoin d’interactions avec une autre
personne pour mener tous ses apprentissages, y compris et surtout celui du langage. Dans le même ordre d'idées
que l'approche de Vigotsky, il souligne l'importance de l'interaction dans un perspective de communication,
l'adulte apportant un étayage à l'enfant "pour l'aider d'une part à passer de la saisie conceptuelle à l'expression
linguistique"et d'autre part à s'exprimer au travers du langage. Dans les jeux systématiques de la petite enfance
(jeux de coucou, etc), la mère limite la tâche à ce dont elle croit son enfant capable et élève le niveau dès qu'elle croit
qu'il peut mieux faire.

40
La même adaptation s'observe dans l'interaction langagière, l'adulte visant l'efficacité de la production linguis-
tique plus que sa perfection. "Les parents prennent une part bien plus active que le simple fait de donner des
modèles" ; ce qu'on observe est un "réglage minutieux : les parents parlent au niveau où leurs enfants peuvent
les comprendre et vont de l'avant tout en restant extrêmement sensibles aux progrès de leurs enfants." (Bruner,
1983). Les travaux de Jerome BRUNER remettent en question l'importance traditionnellement admise du
"bain de langage", "être exposé à un flot de langage compte bien moins que d'en faire usage dans le cours d'un
"faire", au sens de la linguistique pragmatique. (Bruner, 1990).

3 - LENTIN : les schèmes sémantico-syntaxiques créateurs


Les travaux de Laurence LENTIN et de l'équipe de chercheurs qui ont collaboré à ses travaux au sein de Paris 3
(Lentin, 1984) ont décrit le même "réglage minutieux" en étudiant de façon précise la structuration des énoncés
des enfants et des adultes avec lesquels ils dialoguent. L'ensemble des corpus recueillis (auprès d'enfants différents,
dans des situations diverses) mettent tous en évidence des constantes reconnues comme fondatrices de l'acqui-
sition du langage : les enfants ne répètent pas les propos des adultes (on tourne donc le dos aux vieilles théories
de l'imitation) mais s'approprient des éléments de leur discours (éléments lexicaux, morpho-syntaxiques, structures
syntaxiques, etc), qu'ils ont pu comprendre, ou tout au moins sur lesquels ils ont pu faire des hypothèses, en
situation, et ils les réutilisent ensuite, de façon autonome, pour exprimer leur propre pensée.
Ce sont ces éléments, qui ne fonctionnent pas comme des modèles, mais comme des "stimulations mentales de
mise en relation d'éléments verbalisables" que Laurence LENTIN nomme "schèmes sémantico-syntaxiques
créateurs". "Ce fonctionnement mental permet à l'apprenant, dans d'autres circonstances, de s'approprier pour
son propre système langagier un fonctionnement dont on lui a donné l'expérience (Lentin, 1988). Cette inter-
action dont tout orthophoniste a l'intuition au cours de sa pratique est réellement constatée et mesurée lorsqu'on
s'astreint au recueil et à l'analyse de corpus selon cette méthodologie (Manteau, 1990).

IV – AIDER L’ENFANT SOURD À S’APPROPRIER


LA LANGUE ORALE. QUELLE INTERACTION ?
A - LE FRANÇAIS SIGNÉ, EMBÛCHES ET ENJEUX
1 - Le français signé n'est pas une langue
Le français signé n'est pas la langue des signes française (LSF), c'est un fait de communication qui associe au
français oral des signes de la LSF, employés dans l'ordre des mots de la phrase orale. Ce n'est pas une langue, pas
même, certainement, une méthode, mais seulement un mode de communication souvent rencontré dans les
communautés où sourds et entendants se côtoient. On le qualifie parfois de pidgin, ce qu'il n'est pas puisqu'un
pidgin est "une langue résultant d'un mélange de langues, mais "grammaticalement cohérente", ce serait plutôt
un sabir au sens où on l'entend dans les "mélanges épisodiques, limités et non structurés de langues orales "
(Ducrot et Todorov, 1972): l'entendant parle sa langue et la "double" de signes de LSF, un peu comme des
éléments de sous-titrage dans l'espace, pour la rendre accessible à son interlocuteur sourd ; le sourd s'exprime en
langue des signes en oralisant certains mots correspondants aux signes qu'il utilise. On comprend que le français
signé ne peut être décrit car il n'a pas une forme définitive, il est dépendant de la maîtrise que chacun a de la
langue de son interlocuteur et dépend également de la situation de communication. Ce mode de communica-
tion est courant, spontané, souvent inconscient ; si on fait l'expérience de demander à chaque locuteur ce qu'il
a dit et ce qu'il a signé, son analyse est souvent loin de la réalité enregistrée en vidéo.

41
2 - Le français signé est dangereux
La LSF et le français, langues différentes, ont des syntaxes différentes, on ne peut donc jamais parler et en même
temps apporter un message correct dans la modalité signée. Il peut conduire à des jeux de mots idiomatiques dans
le meilleur cas, à des aberrations le plus souvent (exemple de l'énoncé "la neige tombe" traduit par deux signes
LA-NEIGE et TOMBE avec le signe évoquant la chute d'une personne ou d'un objet lourd alors qu'il existe un
signe, tout en légèreté qui signifie LA-NEIGE-TOMBE) 6. Si l'on présente toujours à l'enfant ce mélange, il risque
de ne percevoir que des bribes décousues des deux langues, sans réel modèle qu'il puisse s'approprier pour faire
ses hypothèses et construire son langage. Il est donc essentiel de l'aider à s'approprier chaque langue dans sa
construction propre.
Des essais de langue signée systématique (signer tout ce qu'on dit,) tentés dans la méthode de communication
simultanée, ont montré à la fois leurs difficultés et leurs limites.

3 - Pourtant … le français signé peut être un atout … à condition(s) …

◆ Fait de communication.
D'une part, cette réalité de communication bimodale spontanée s'observe partout entre personnes sourdes et enten-
dantes (même dans des services qui s'en défendent). D'autre part, il est, avec le jeune enfant sourd, une des
seules possibilités de pouvoir se faire comprendre de lui tout en lui parlant notre langue.

◆ Source d'interaction.
Les études auxquelles nous faisons référence ont également montré que cette bimodalité souple (il n'est pas
question de proposer un français signé systématique) permet à l'enfant sourd de faire comprendre à l'adulte ses
premiers essais à l'oral et de pouvoir ainsi non seulement communiquer avec lui, mais bénéficier en retour
d'une interaction langagière adaptée 7. (Manteau, 1999).
MAIS la condition indispensable pour utiliser ce mode de communication est de bien maîtriser la langue des
signes afin d'éviter les pièges et aberrations citées plus haut et de pouvoir également apporter à l'enfant des
éléments de réflexion métalinguistique qui l'aident dans ce cheminement cognitivo-langagier bilingue.

◆ Importance de cette interaction bimodale.


Constater dans des recherches universitaires et des expérimentations personnelles, le rôle fondamental de l'inte-
raction dans l'acquisition du langage par l'enfant "tout-venant", questionne obligatoirement sur la façon dont
on peut aider l'enfant sourd à parcourir un chemin comparable. Expliquer un mot, un énoncé, un texte, est à
la portée de tout professionnel habitué à travailler avec un enfant sourd, mais il est plus difficile de rendre cet
enfant autonome dans cet apprentissage. Avec l'enfant sourd, on se retrouve trop souvent en situation de
"nourrissage langagier", lui apportant progressivement mots, outils, constructions de la langue.

6
J'adopte la transcription des signes habituellement utilisée par les chercheurs tels que Christian CUXAC et également par l'équipe de IVT (Cuxac,
1983, Moody et al., 1983).
7
Par exemple (extrait de Manteau, 1999), Hugues à plusieurs reprises en regardant un livre d'images dit que la vache mange [ve], énoncé non com-
pris de l'adulte. Puis il a l'idée d'ajouter pour être compris le signe de la couleur verte et dit en signant :
{ve e(lle) man(ge) (énoncé oral)
{VERT (énoncé signé)
L'adulte qui connaît la langue des signes peut alors le comprendre et lui apporter en feed-back le mot "herbe" que l'enfant ne trouvait pas
{Oui, de l'herbe ! elle mange de l'herbe verte
{ HERBE HERBE VERT
Interaction positive puisque Hugues réutilise ensuite le signe HERBE accompagné de l'ébauche orale de ce mot : [eb]

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Une intuition est née de cet essai de synthèse entre nos formations initiales et cet abord psycho-linguistique de
l'acquisition du langage (Manteau, 1992-1) : la possibilité d'offrir à l'enfant sourd des situations communicati-
ves au cours desquelles il pourrait à la fois être un "sujet parlant" puisqu'il utiliserait des éléments de langue des
signes pour comprendre et être compris, et également bénéficier, dans cette double modalité, d'une interaction
langagière comparable à celle que vivent les enfants entendants. Cette intuition a été expérimentée et évaluée dans
des études universitaires (Manteau, 1999) et les enfants qui ont commencé leur éducation dans ce mode bilin-
gue sont maintenant des adolescents utilisant le langage dans les deux modalités.
MAIS cela suppose que soient mises en place parallèlement pour l'enfant sourd des situations éducatives où lui
seront apportées la langue des signes, d'une part, des situations (re)éducatives adaptées, d'autre part, pour
l'aider à accéder à la langue orale.

B - UNE TECHNIQUE ORALISTE ? LE LPC


1 - Une technique simple dans son principe
◆ Principe du cued-speech.
Le Cued-speech, a été créé en 1967 par le Dr CORNETT aux USA où il semble ne plus être très utilisé
(Dumont, 2002) alors que son utilisation s'est beaucoup répandue en Europe.
Le principe du cued-speech ou LPC (Langage Parlé Complété) est simple : pallier les imprécisions de la lecture
labiale au moyen de petits codes gestuels ou "clefs" qui n'ont pas de signification en elles-mêmes mais lèvent les
ambiguïtés des sosies labiaux et autres images labiales absentes. C'est la combinaison de la forme de ces clés, de
leur position par rapport au visage et de l'image labiale elle-même qui permet de décoder sans confusion possible
la syllabe prononcée. Comprendre le principe du LPC, "complément visuel à la perception de l'oral" (Branchi,
2003), est assez simple pour les orthophonistes habitués à appréhender la parole dans sa forme phonétique
(ce n'est pas toujours le cas des parents ou des autres professionnels qui ont du mal à se distancier de la forme
écrite des mots).

◆ Utilisation.
Le but du LPC n'est pas seulement de faire comprendre les messages par l'enfant mais de pouvoir lui proposer
un bain de langage et des interactions langagières dans leur totalité, notamment en faisant prendre conscience
des mots-outils et des marques morpho-syntaxiques, souvent brefs et difficiles à repérer labialement.
Acquérir une compétence d'utilisation de ce code à vitesse de parole, sans en déformer la prosodie ni briser la
spontanéité, est par contre, une performance très difficile qui nécessite un entraînement intensif et une pratique
assidue.
Un autre code du même type avait été élaboré en Belgique : un "Alphabet de Kinèmes Assisté", bâti sur le même
principe que le LPC, mais se rapprochant plus d'une analyse phonétique de la langue (Cerise, 1987). En effet,
dans les débuts de cette méthode, les principes du LPC ont dérouté des professionnels formés en phonétique,
par son organisation, certes pragmatique, mais ne respectant pas une distribution phonologique, une même clef
pouvant coder des occlusives ou constrictives, sourdes ou sonores. Mais l'AKA est resté marginal parce que le LPC
était déjà une méthode très utilisée en Europe.

2 - Une méthode oraliste


Dans l'application qui en a été faite, l'utilisation du LPC était jusqu'à ces dernières années prônée en continu.
"Il faut coder le langage dans sa totalité", non seulement dans ce qui est dit à l'enfant sourd […] mais également
quand on s'adresse à d'autres personnes en [sa] présence (Vinter, 1981). Les précurseurs de l'emploi de cette
technique en ont fait une méthode exclusive : coder tout ce qui est dit à l'enfant pour lui apporter le bain de langue
orale le plus riche possible, à l'exclusion de tout autre mode de communication. Cette démarche a naturellement
conduit ses adeptes à un choix exclusivement oraliste.

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Lorsque cette exigence a pu être suivie de façon intensive et adaptée (sans dénaturer le rythme ni la spontanéité
de la parole), cette méthode a effectivement montré qu'elle pouvait être la source d'une interaction langagière de
qualité. Cette interaction n'est pas réellement équivalente de celle que vit un entendant car l'enfant sourd ne
perçoit et ne peut essayer de comprendre que ce qu'il regarde (et dans le cas présent ce à quoi il est attentif), alors
que l'enfant entendant saisit tous les messages qui l'entourent, même lorsqu'il est occupé à toutes sortes d'activités,
mais il faut reconnaître qu'elle est supérieure à ce qu'elle pourrait être dans un bain de communication unique-
ment orale.
Pourtant, des orthophonistes signalent que certains jeunes sourds "n'accrochent pas" au LPC (Gorouben, 1999) ;
beaucoup de familles disent leurs difficultés à maîtriser cette technique, simple dans son principe mais difficile
dans son emploi, et beaucoup d'enfants peinent à fixer leur attention sur ces clefs abstraites, non porteuses de
sens et qui ne permettent pas d'être précocement de réels acteurs des échanges langagiers.

3 - Utilisation pragmatique du LPC


Un grand nombre d'orthophonistes travaillant auprès des enfants sourds profonds, y compris parmi des
formateurs à cette technique, ont évolué dans leur pratique du LPC. La nécessité d'apporter précocement à
l'enfant sourd la langue des signes afin qu'il accède à une langue pour comprendre, s'exprimer, apprendre,
construire sa pensée, expérimenter les fonctions du langage, est maintenant un principe éducatif reconnu par la
loi et largement partagé. Par ailleurs, il semble vraiment puéril à beaucoup de s'enfermer dans des querelles
dépassées entre oralisme et "gestualisme". Débuter l'éducation langagière de l'enfant sourd en bilinguisme n'est
plus un cheminement rare mais pour autant le versant oral de la langue n'est toujours pas facile d'accès pour
l'enfant sourd et dans ce sens il paraît important d'utiliser également le LPC, technique intéressante, peut-être
pas de la façon systématique qui était prônée il y a encore une dizaine d'années, mais dans l'idée d'une inter-
action langagière adaptée.
Dans l'utilisation d'un français signé "souple", communication bimodale évoquée plus haut, on peut apporter
en feed-back à l'enfant l'énoncé oral rendu accessible par le LPC. De la même façon, des histoires racontées en
LSF à l'enfant afin qu'il se les approprie dans leur sens, dans leurs évocations, dans leur poésie, peuvent ensuite
lui être dites oralement avec le LPC afin qu'il s'imprègne également de leur forme dans cette langue. Le LPC
n'est donc pas une méthode exclusivement oraliste mais peut être une technique au service de l'acquisition de
la langue orale, même dans une optique bilingue.

C - UNE INTERACTION EN LANGUE ÉCRITE


1 - La dictée à l'adulte
Imaginée et expérimentée par Laurence LENTIN , la "dictée à l'adulte", inspirée de ses travaux sur le rôle de
l'interaction dans l'acquisition du langage, a inspiré de nombreux praticiens, notamment pour l'accès à la langue
écrite (Lentin, 1977). Le but est d'amener les apprenants (enfants aux débuts de l'apprentissage de la lecture ou
apprenants tardifs en difficultés) à produire oralement une énonciation que l'adulte écrit sous sa dictée. Cette
énonciation se construit en interaction avec l'adulte ; "l'apprenant voit ainsi, sous ses yeux, sa parole devenir de
l'écrit : il participe à sa transformation, en demeure le maître et prend conscience que la langue écrite est […]
porteuse de sens. (Delefosse, 1993).

2 - Interactions écrites pour les enfants sourds


L'interaction langagière apportée oralement à l'enfant sourd est toujours imparfaite parce que rapide et difficile à
décoder pour lui, même avec l'utilisation du LPC. J'utilise souvent en séance l'interaction écrite pour laisser à
l'enfant une trace moins fugitive d'un énoncé sur lequel nous nous sommes arrêtés, sur lequel nous avons
réfléchi, travaillé. Cela lui permet de mémoriser cet énoncé partagé en situation, non pas comme un modèle

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reproductible, mais comme une trace langagière dont il pourra tirer ultérieurement des éléments utilisables pour
sa propre expression, au sens où Laurence LENTIN explique les mécanismes interactifs.

3 - Dictée de l'enfant sourd à l'adulte entendant


Au-delà des interactions écrites ponctuelles, il y a beaucoup de profit à tirer d'un travail plus structuré avec la
technique de la dictée à l'adulte. L'enfant sourd exprimant son idée oralement avec l'aide de ses autres moyens
de communication, éventuellement en partant d'énoncés directement exprimés en langue des signes, l'adulte peut
alors mener un travail interactif pour arriver avec lui à une trace écrite dont l'enfant tire profit pour le dévelop-
pement de sa langue orale et écrite.
La spécificité du travail avec l'enfant sourd est alors que le cheminement habituellement considéré dans le sens
langue orale p langue écrite peut devenir langue des signes p langue orale p langue écrite p langue orale.
L'enfant sourd tire grand parti de ces réflexions métalinguistiques de comparaison entre les langues et enrichit
ainsi son langage. (Manteau, 1992-2)

V – CONSTRUCTION DE LA LANGUE
Eduquer le langage d’un enfant sourd suppose de connaître et utiliser tous les autres versants de la rééducation
orthophonique. C’est en ce sens que des professions complémentaires de la nôtre rencontrent des difficultés dans
l’établissement même de leur programme de formation. Comment délimiter les connaissances qui seront
nécessaires tout au long de l’éducation langagière de l’enfant sourd et former rapidement des professionnels à ce
travail ? Pour contribuer à l’éducation langagière d’un enfant sourd, l’orthophoniste n’a pas à sa disposition de
programme ou de progression finie, mais peut et doit puiser à tout moment dans ses connaissances physio-
logiques, acoustiques, phonétiques, linguistiques.

A - LE LEXIQUE
1 - Un chantier sans fin
Permettre à l'enfant sourd de découvrir, mémoriser et réemployer les mots de la langue orale et écrite représente un
immense chantier. Il est toujours facile de lui expliquer le sens des mots concrets qu'on peut voir, dessiner,
toucher, sentir, goûter, fabriquer ; le problème est plus complexe dès qu'on aborde des concepts abstraits. La période
d'éducation précoce permet généralement à l'enfant d'engranger un certain nombre de mots concrets, il est
vital qu'il sache également précocement, pour construire sa pensée, que se dénomment des notions du domaine
du temps, des sentiments, de la pensée, etc. Là encore, la langue des signes permet que l'enfant ait très tôt des
concepts abstraits dans le fonctionnement de sa pensée.
Chez tous les êtres humains, cette acquisition du vocabulaire de la langue se poursuit tout au long de la vie ; notre
lexique passif, ce que nous comprenons, étant toujours plus large que notre lexique actif, celui que nous
utilisons.

2 - Structuration du lexique
Comment l'enfant entendant apprend-il le lexique de sa langue ? Ses premiers mots recouvrent des concepts
larges, correspondant à sa compréhension du monde. Le petit enfant qui appelle minou le chat de son voisin,
peut dénommer ainsi les autres quadrupèdes familiers, il découvre ensuite que ces quadrupèdes se subdivisent
en "chiens" et "chats", ce ne sont pas seulement des mots qu'il découvre, mais un découpage cognitivo-langagier
du monde qui l'entoure. En enseignant du vocabulaire précis au petit enfant sourd, on ne réussit pas toujours
à le laisser effectuer ce cheminement intellectuel.

45
Tous les adultes qui ont l'expérience de l'apprentissage des langues étrangères savent qu'il est difficile de
mémoriser des listes de mots. Comment penser alors que l'enfant sourd pourrait les apprendre ainsi ? Si la
découverte de vocabulaire par thèmes peut être utile dans une pédagogie de groupe, on sait bien (même pour des
enfants entendants) qu'elle ne permet pas à tous les enfants de mémoriser les mêmes mots. Le lexique
personnel n'est pas une juxtaposition de mots, mais une appréhension structurée, progressivement affinée du
monde ; chaque mot nouveau suppose une réorganisation de cette structure de pensée personnelle 8.

3 - Travail du lexique en orthophonie


Le rôle de l'orthophoniste me semble donc être triple en ce domaine.

◆ Interaction.
Tout d'abord, en amont, mettre en place toutes les stratégies éducatives qui permettent à l'enfant de pouvoir,
grâce aux interactions avec son entourage, appréhender lui-même un maximum de lexèmes en situation, dans
les moments où il leur est confronté et où il a besoin d'eux. L'enfant qui découvre un mot en situation, le
mémorise et peut le réemployer (peu importe en l'occurrence qu'il l'articule bien, nous parlons ici de langage)
pour exprimer sa pensée dans le sens exact dont il a eu l'expérience, cet enfant n'a pas besoin de l'aide ultérieure de
l'orthophoniste ou d'un pédagogue, et chaque pas ainsi franchi en autonomie est une petite victoire.

◆ Explications.
Ensuite pouvoir à tout moment lui apporter les explications nécessaires à la compréhension d'un lexème sur
lequel il bute ou dont notre intuition d'orthophoniste nous fait penser qu'il n'a pas réellement compris le sens ;
dans ce cas lui apporter les explications précises sur ce mot dans son sens général, dans son sens précis particu-
lier à ce contexte et avec une ouverture au champ sémantique large de ce mot, à ses éventuelles polysémies, à ses
sens figurés, etc. Ce travail est très long mais il peut être réalisé même en utilisant des mots simples et même en
langue des signes ; l'important est que l'enfant ne reste pas sur une idée simpliste et donc non exacte de ce que
le mot veut dire. L'expérience montre que les enfants sourds s'habituent à cette gymnastique mentale et peuvent
même y prendre du plaisir.
Il ne faut pas oublier qu'on n'est sûr que les explications sur le sens d'un mot sont comprises que lorsqu'on aura
pu observer que l'enfant le réemploie de façon adaptée à ce qu'il cherche à exprimer.

◆ L'histoire des mots.


L'expérience du travail avec des grands adolescents sourds et la nécessité pour eux de découvrir des mots complexes
m'a amenée à travailler en amont avec des enfants jeunes dans un troisième direction : expliquer aux enfants,
lorsqu'un mot se présente à notre étude, le sens précis de ce mot, à partir de son histoire, bien sûr avec des
indications étymologiques précieuses concernant les préfixes ou racines habituellement rencontrés (et qui l'ai-
deront ultérieurement à appréhender des mots nouveaux), mais également en racontant l'histoire du mot depuis
son sens premier, en passant par ses sens successifs, l'élargissement de son champ sémantique, ses glissements de
sens, ses utilisations métaphoriques, etc. Les enfants sourds sont intéressés plus qu'on ne le croit par cette
découverte, je pense qu'elle les aide à comprendre ce monde des mots, difficile d'accès pour eux, à découvrir qu'il
n'est pas une construction arbitraire mais qu'il correspond à la logique de la pensée et des échanges humains.
Les travaux de Denise SADEK nous apprennent beaucoup sur cette appréhension large du monde des mots, son
cours sur les symboles et les métaphores est un exemple incomparable de ce travail exigeant (Sadek, 1986).

8
Dans une formation sur les troubles du langage, je donnais récemment à des enseignants cet exemple qui a semblé les aider : lorsqu'un adulte décou-
vre le nouveau mot "dysphasie", ce n'est pas un simple mot qui vient s'ajouter à une liste de mots connus de lui dans le domaine des "troubles
du langage", cela l'oblige à réorganiser ce domaine de la connaissance, de la pensée, pour que le nouveau concept s'articule avec les autres mots
qu'il connaissait déjà dans ce champ conceptuel et qu'il accorde à chaque mot sa juste place ; articulation qui évoluera au fil du temps et de l'ap-
profondissement de ses connaissances.

46
Des recherches ponctuelles dans des dictionnaires historiques peuvent nous aider à réaliser ce cheminement
linguistique et les enfants sont intéressés par cette idée que nous avons, nous aussi, besoin de réfléchir et de nous
documenter pour connaître exactement l'histoire des mots (Rey, 1998).

B - LA SYNTAXE
1 - Le rôle de la syntaxe
Aider un enfant sourd à maîtriser la langue ne peut se résumer à enrichir son vocabulaire. Bien plus, un enfant
sourd qui ne maîtrise pas les structures de la langue se verra dans l'impossibilité de comprendre dans ce contexte le
lexique qu'il croit connaître et, a fortiori, de découvrir le sens de nouveau vocabulaire. Nous avions mené il y a
une dizaine d'années une expérience avec des lycéens sourds présentant un bon niveau de langage oral et écrit
mais en difficulté devant un texte des annales du baccalauréat de philosophie : tous les lexèmes étaient connus
d'eux et ils pouvaient en donner des exemples de réemploi ; pourtant la structure de la phrase d'Auguste Comte
était telle, accumulant introducteurs de complexité peu courants, subordonnées en incises, voix passive, etc, qu'ils
ne parvenaient pas à en comprendre le sens. Malgré la complexité du propos, le même énoncé, découpé en phrases
plus brèves et contournant les difficultés syntaxiques évoquées, leur était apparu accessible et ils avaient pu se
mettre au travail, sans explication supplémentaire, à la surprise de leur enseignant. (Coutard et Manteau, 1992).
Au début de ses recherches Laurence LENTIN recherchait des constantes dans le langage en cours d'acquisition
à travers un grand nombre de corpus recueillis en diachronie qu'elle transcrivait et analysait ; il est ressorti de
ces nombreuses analyses la nécessité de centrer ses recherches sur la syntaxe (sans considérer les autres paramètres
de la langue - phonologie, lexique, etc. - comme négligeables), la maîtrise du fonctionnement syntaxique se
montrant déterminante de l'évolution du langage de l'enfant.

2 - La phrase
Les premiers mots-phrases ne doivent pas être compris comme des mots isolés ; ils peuvent remplir une
fonction de récit lorsqu'ils ne se contentent pas de dénommer mais qu'ils racontent. Pour Frédéric FRANCOIS
le "saut sémiologique" que représente le fait de "passer du langage objet présent au langage objet absent est quelque
chose de beaucoup plus important que de compter le nombre de mots, le nombre de constructions ou la
correction d'un discours" (François, 1993) 9. C'est alors l'interaction apportée par le langage de l'adulte qui
permet à l'enfant de traduire sa pensée en une phrase ; une interaction qui s'adapte aux possibilités de compré-
hension de l'enfant, au sens du "réglage minutieux" de BRUNER.
En séance, on peut tout à fait expliquer à un jeune enfant, éventuellement sous forme de jeu, en dessinant pour
des actions concrètes illustrables, ou en langue des signes pour des actions plus complexes, plus abstraites, tous
les énoncés qui pourraient correspondre à ses premiers essais de phrase et lui présenter les phrases qui correspondent
à ces réalités.

3 - Les questions
◆ Des questions pour interroger
Les questions représentent un outil langagier essentiel pour aider à la compréhension et à l'élaboration de ces pre-
mières phrases : questions posées à l'enfant, non pas pour vérifier, mais pour réellement comprendre son propos.
Imaginons une image sur laquelle on voit dormir un jeune garçon. "Que fait le garçon ?", le garçon est en train
de dormir : l'adulte le voit aussi bien que l'enfant, la question est artificielle; ce type de question peut être
utilisé pour vérifier, pour élaborer, seulement lorsque l'enfant a déjà compris les différents rôles des questions et
le but de l'exercice.

9
Frédéric FRANCOIS illustre son propos par l'exemple du petit enfant qui montre à sa maman l'endroit où il est tombé en disant "boum" ; il ne
s'agit pas d'une simple "monstration" mais bien du récit d'une action passée qu'il tente de raconter à sa mère.

47
En amont, cela suppose que l'enfant ait pu vivre des expériences de compréhension de la "situation d'interro-
gation", préalable indispensable à l'acquisition de notions complexes (Sadek, 1997-2, chapitre sur la causalité).
La question "où ?" est plus facile à comprendre lorsqu'on cherche avec lui un objet qu'on ne trouve pas (je perds
toujours mes clefs, cette réalité peut devenir une activité source de langage) ou qu'on a intentionnellement
caché pour jouer, plutôt qu'en désignant une image qui apporte la réponse à la question : "où est le chat?",
le chat est sous la table et cela se voit tellement que la question n'a pas lieu d'être.
Lorsque le jeune enfant comprend, en situation, le sens de la question, il est important de lui donner le mot
correspondant (oralement et/ou en signes). Ces outils langagiers lui permettent ensuite de comprendre les
questions qu'on lui pose et, cela est essentiel à la communication qu'il pourra établir, lui permettent d'en poser.

◆ Des questions pour élaborer


Les questions sont par ailleurs indispensables au travail d'élaboration des énoncés puisqu'elles permettent d'amener
l'enfant à préciser progressivement sa pensée pour passer des premiers essais de phrases à des énoncés explicites :
"Parti" "qui ? qui est parti ?" "Damien" "Damien est parti, où est-il parti ?" "Paris" "Damien est parti à Paris,
ah bon ! Quand Damien est-il parti ?""Hier, Damien parti à Paris ", etc. Pour ce travail mental et langagier, les
indispensables questions peuvent être exprimées oralement avec les supports augmentatifs nécessaires, LPC, etc.
On préfèrera bien sûr les questions introduites par de mots interrogatifs que celles qui sont portées par une simple
intonation (Damien est parti ?) non perceptibles par l'enfant (mais il faudra bien sûr lui dire très vite que ce mode
de questionnement existe). Pour un travail de ce type, il est souvent préférable d'utiliser les signes de la LSF afin
d'être sûr de lever toutes les ambiguïtés de compréhension et de laisser à l'enfant toute son énergie et sa concen-
tration pour ce difficile travail d'élaboration. Lorsqu'on prend le temps d'enregistrer (en vidéo) et de transcrire
ces échanges, on constate que cette élaboration progressive des énoncés en interaction, lorsqu'elle est menée dans
des situations de réelle communication, est positive et qu'elle conduit peu à peu à une appropriation par l'enfant de
la structure de la phrase.

◆ Quelles questions ?
• Qu'est-ce que c'est ? qui ? (qui c'est ? ou qui est là ?) où ? amènent des réponses généralement univoques et concrètes.
Ce sont généralement les premières questions que les enfants peuvent comprendre et utiliser.
• Où ? est vite acquis car c'est la base de tous les jeux de cache-cache et il peut induire des réponses concrètes
(à la différence de quand )
• Que fait ? peut être plus ambigu parce qu'il ne s'agit pas forcément d'une action au sens concret du terme, mais
cette question est essentielle pour comprendre et exprimer des phrases, énoncés articulés autour d'un verbe.
• Pourquoi ? doit être introduite dès que possible car c'est la clef qui va mener à la prise de conscience de la notion
de causalité, base conceptuelle des raisonnements. Denise SADEK nous rappelle que cette question est acquise
à l'âge de 3 ans chez l'enfant tout venant. En langue des signes, l'enfant sourd peut, au même âge, la
comprendre et commencer à l'employer. Si on doit la présenter à l'enfant qui n'en pas réellement acquis le concept,
il faut veiller à ne pas en réduire de façon simpliste le champ sémantique car ce "pourquoi ?" va pouvoir amener
des liens conceptuels différents, de l'ordre de la cause, de la raison ou du but. (Sadek, 1997-2, chapitre sur la
causalité).
• Quand ? est très abstraite car elle renvoie au repérage temporel et à l'expression d'une notion fugitive par défi-
nition ; elle ne pourra être maîtrisée que lorsque l'enfant aura des repères solides dans l'orientation spatiale car
la représentation du temps ne pourra se faire que par "des moyens constructifs et descriptifs qui sont de
l'ordre de l'espace". (Guillaume, 1945).

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4 - La construction de la phrase simple
Pouvoir comprendre - utiliser - une phrase simple (c'est-à-dire une proposition indépendante au sens grammatical
traditionnel) suppose de pouvoir en comprendre - utiliser - tous les éléments, les mots fortement chargés au niveau
sémantique (noms, verbes, adjectifs) mais également les "mots-outils" qui la composent 10. Ne pouvant exposer tous
les aspects syntaxiques et morpho-syntaxiques de la langue, nous nous arrêterons sur trois catégories : les déter-
minants, les pronoms, les indicateurs spatiaux temporels.
Ces mots, qui vont permettre de parvenir au sens précis de l'énoncé, présentent le double inconvénient d'être
difficilement compréhensibles parce qu'abstraits et difficilement perceptibles dans la langue orale parce que
brefs. Le LPC, nous l'avons dit, est facilitateur pour leur perception, il faudra néanmoins souvent une aide pour
aider l'enfant sourd à en maîtriser le sens et l'usage. Dans ce domaine, la langue des signes ne sera pas forcément
une aide directe parce que la construction syntaxique de la phrase en LSF diffère de celle de la phrase en français
oral mais un travail en bilinguisme peut consister alors à mener un travail de comparaison entre les
structures des deux langues ; ce qui suppose de bien connaître ces deux langues.

◆ Les déterminants.
On ne présente jamais à l'enfant un nom isolé, non précédé de son déterminant, cela aide l'enfant sourd à
mémoriser ensemble le nom et l'article et aide à pallier cette difficulté de la langue française liée au genre des
noms ; ce réflexe est généralement observé dans les lieux de pédagogie et de rééducation. On observe par contre
un flou assez général sur l'utilisation des articles définis ou indéfinis qui ne permettent pas ensuite aux enfants
d'en maîtriser la différence conceptuelle. Rappelons qu'on utilise l'article indéfini pour des "choses" dénom-
brables, l'article défini pour les "choses" uniques ou singulières ou non dénombrables, ou déterminées par leur
lieu, leur moment ou leur appartenance. Il convient d'attirer l'attention de l'enfant sourd sur ces articles
(qui, comme dans d'autres langues, n'accompagnent pas systématiquement la classe nominale en LSF) et
de soutenir nos interactions orales de LPC et/ou de traces écrites.
Les déterminants possessifs sont situés avant le nom en français, la nécessaire logique visuelle de la LSF oblige
à signer d'abord la "chose" dont on parle avant de dire à qui elle appartient, cela ne pose aucun problème aux
enfants bilingues si on prend la peine de le leur expliquer. Les très jeunes enfants sont capables d'une réflexion
méta-linguistique "en signes, on dit ceci, en parlant on dit cela".

◆ Les pronoms.
La linguistique de l'énonciation nous aide à comprendre que ce que la grammaire regroupe dans la catégorie des
"pronoms personnels" correspond en réalité à des découpages conceptuels du monde de nature différente.
"Chaque "je", chaque "tu" sont des personnes uniques dans une réalité de discours qu'on peut seulement identifier
dans cette instance de discours qui les contient; cette référence constante et nécessaire à l'instance de discours
constitue le trait qui unit je/tu et une série d'indicateurs spatiaux, temporels, propres à cette instance précise.
(Benvéniste, 1966). C'est bien dans une situation de discours seulement qu'on peut travailler ces concepts de
personne. "Il" par contre, "troisième personne" n'est pas marqué par une corrélation de personne ; pour Emile
BENVENISTE, c'est une non-personne. Il faut mettre en scène, jouer les différents rôles des pronoms pour aider
l'enfant à en saisir, en langue orale comme en langue des signes, la réalité changeante.
Quant aux pronoms personnels objets, la langue des signes peut aider à la prise de conscience de leur rôle à
travers un processus propre à cette langue qui est celui des verbes directionnels : certains verbes peuvent intégrer
l'objet du verbe à leurs mouvements, ainsi on signera différemment ME-DONNER, TE-DONNER,
LUI-DONNER, ME-DIRE, TE-DIRE, etc. L'expérience montre que les enfants sourds bilingues qu'on aide
dans cette comparaison peuvent facilement transférer ce processus iconique pour prendre conscience du sens de
ces petits mots qui peuvent changer le sens d'un énoncé.

10
Nous ne pouvons que renvoyer aux Cours sur le langage de Denise SADEK (Sadek, 1982 à 89) qui représentent, pour un grand nombre de mar-
queurs syntaxiques et morpho-syntaxiques, une source incomparable, non pas de recettes, mais de questionnements et de pistes de réflexion.

49
◆ Les indicateurs spatio-temporels.
On entend souvent dire que les enfants sourds rencontrent des difficultés avec les indicateurs spatio-temporels
parce qu'ils parlent – ou écrivent - comme ils signent.
En signe on dit LA-TABLE DESSUS LE-VASE (1: référence spatiale p 2: objet) pour "le vase est sur la table"
(1 : objet p 2 : référence spatiale) et les enfants sourds peuvent parfois dire – ou écrire – "la table est dessus le
vase"(1: référence spatiale p 2: objet).
En réalité l'étude de textes et de notes de rééducation vieux d'une trentaine d'années, à l'époque où nous ne tra-
vaillions qu'en oralisme, montre bien que les enfants sourds faisaient déjà les mêmes fautes. Cette même remarque
a été faite en 1982 dans un centre de la région toulousaine : ces "fautes de sourds" étaient faites par des enfants
sourds de famille entendantes qui n'étaient pas au contact avec la LSF (Gorouben, 1999).
Certaines études assez récentes fondent ainsi un travail comparatif de l'expression des notions spatiales et tem-
porelles sur le postulat "… un certain nombre d'erreurs, dont certaines sont dues à des interférences entre LSF
et français …", mais reconnaissent dans leur conclusion qu'il semble "qu'un certain nombre d'enfants sourds
ne pratiquant pas la LSF réalisent le même type d'erreurs". (Maeder, 1995).
Comment expliquer alors cette difficulté ?
Les écrits de linguistes comme GUILLAUME, BENVENISTE, BRUNER, précédemment cités, nous aident à
comprendre les rapports entre le langage et la pensée. On peut avancer l'hypothèse que les personnes sourdes ne
pensent pas dans le sens 1 : cadre spatial p 2 : objet parce que la langue des signes les aurait habitués à cet ordre,
mais plutôt qu'elles expriment la réalité dans cet ordre là, en langue des signes, parce que cela correspond à
leur mode de pensée et de perception. On ne peut pas représenter un objet dans un cadre si on n'a pas auparavant
dit à son interlocuteur ce qu'est ce cadre. Dans l'apprentissage des signes, on passe une étape dans la maîtrise de
la langue le jour où on commence à "penser visuellement", cela est indispensable pour comprendre et intégrer
la syntaxe de la langue des signes. Il faut imaginer la scène virtuelle dans laquelle se déroule le récit, même
abstrait, pour utiliser tous les paramètres spatiaux et directionnels de cette langue.

"Le signeur en tant que metteur en scène et narrateur a planté son décor
(la forêt et la maison de la grand-mère) et ses personnages (le petit chape-
ron rouge et le loup) sur la scène :
Remarquons que ces localisations servent aussi à montrer les positions
relatives entre les personnes et les choses. La place du chaperon rouge et
du loup indique déjà qu'ils se trouvent dans la forêt. Ce n'est donc pas la
peine de faire le signe DANS, sauf si le signeur veut insister. […] Signa-
lons qu'on établit la forêt avant de placer les personnages "dedans". De la
même manière, on signera TABLE avant de placer un VERRE "dessus",
une CAISSE avant de placer les POMMES "dedans", "etc."
In La langue des signes, tome 1 (Moody, 1983)

Il semble bien que, même s'il ne connaît pas la langue des signes, le petit enfant sourd qui grandit dans un mode
de perception visuelle perçoit et pense ainsi le monde. A partir de cette expérience, on peut aider l'enfant à
passer d'une saisie conceptuelle visuelle, en "trois dimensions", à la nécessaire linéarité de notre langue orale et
écrite. Il ne s'agit plus alors de fautes à corriger mais d'un mode de perception qu'on peut comprendre, expliciter,
accompagner.

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5 - Les introducteurs de complexité
◆ Structures complexes de la langue.
Parmi les traits linguistiques déterminants de la maîtrise du langage qui avaient retenu l'attention de Laurence
LENTIN et des autres praticiens-chercheurs de son équipe, on retrouve un certain nombre de constructions
complexes. LENTIN a nommé "introducteurs de complexité" ces constructions, relevées comme les plus
significatives de la progression de la complexité syntaxique, en liaison avec l'articulation du raisonnement, dans
le langage en voie d'acquisition. Ces introducteurs ne recoupent pas exclusivement l'habituelle classe des connecteurs
(ni la catégorie grammaticale des subordonnants) mais comportent également, par exemple, les premières
constructions complexes de type préposition + verbes à l'infinitif (Vo) : pour + Vo, à + Vo, … qui représentent
souvent les premières articulations cognitivo-langagière entre deux éléments de l'énoncé.
Les principales structures syntaxiques qui fonctionnent déjà, quand tout va bien, chez un enfant de 4 ans
favorisent "l'extension progressive des énoncés et la complexité croissante des phrases, permettant la combina-
toire nécessaire à un langage structuré, support de toute pensée abstraite" (Lentin, 1972).

◆ Acquisition des introducteurs de complexité.


Les travaux d'analyse des corpus montrent que c'est par l'interaction langagière dans des situations porteuses de
sens que l'enfant entendant rencontre ces schèmes, fait à leur propos des hypothèses cognitivo-langagières et se
les approprie ensuite pour exprimer ses propres idées ; les corpus prouvent qu'il ne s'agit pas d'imitation
(l'enfant ne répète pas le propos de l'adulte) mais bien d'emploi autonome différé, dans des énoncés nouveaux,
parfois dans des essais non encore aboutis.
L'adulte …. Tu as été plus vite que moi …
Un peu plus tard :
L'enfant (2 ans 1/2) : le rond plus vite carré moi (= elle a défait très vite le cercle de jetons qu'elle avait réalisé,
plus vite que l'adulte n'a réussi à défaire le carré)
L'adulte peut alors, à son tour, renforcer cet essai par une interaction adaptée où il emploie à nouveau l'intro-
ducteur de complexité plus … que.
Il apparaît par ailleurs dans l'analyse des corpus qu'un certain nombre de ces interactions positives ne sont pas
liées à l'activité elle-même (histoire, jeu, etc) mais au discours "autour de l'histoire", aux évènements ou petits
accidents qui émaillent la séance, ce qui renforce l'idée que des situations porteuses de sens, représentent sou-
vent des situations plus bénéfiques pour l'interaction langagière qu'une séance ludique mais un peu artificielle.
L'enfant qui vit une mise en relations d'évènements (relation de temps, de causalité, de comparaison, etc) est à
même de comprendre et s'approprier les schèmes langagiers qui expriment cette mise en relation.

◆ Peut-on enseigner les introducteurs de complexité ?


Comment apporter à l'enfant sourd des situations interactives comparables à celles que vit l'enfant entendant
pour l'aider dans cette appropriation ? L'enfant sourd, comme les autres enfants, a un équipement intellectuel
qui lui permet d'établir des relations, mais, comme tous les enfants, il a besoin d'interactions pour prendre
conscience de cette relation qu'il établit et de savoir qu'il est possible de l'exprimer (Sadek, 1984). Il est donc
important de verbaliser à l'enfant (en langue orale et/ou en langue des signes) ces éléments de mise en relation,
chaque fois que l'enfant est en situation de les vivre, afin qu'il puisse en prendre conscience et qu'il connaisse le
schème linguistique qui les exprime, quelle que soit la langue dans laquelle on exprime ce concept.
Denise SADEK explique à plusieurs reprises qu'il est" impossible d'enseigner à l'enfant tous les effets de sens du
langage" mais qu'on doit "lui faire voir" "l'opération de pensée élémentaire et inéluctable qui les engendre tous"
(Sadek, 1997-2). Le premier rôle de l'orthophoniste est alors de faire voir ces opérations de pensée à l'enfant dans
la modalité langagière qui lui sera la plus accessible afin qu'il s'en imprègne et se les approprie. Si l'enfant en a
acquis le concept, l'opération de pensée fondamentale, il sera plus facile ensuite de l'aider à découvrir et maîtriser
les différents sens et usages de la langue orale et écrite qui véhiculent cette opération.

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C - LES FONCTIONS DU LANGAGE
Si la nécessité de la démonstration amène à présenter séparément les aspects lexicaux et syntaxiques de la
langue, le travail orthophonique est en permanence sollicité par ces deux voies d'accès au sens et on ne peut
envisager de centrer le travail orthophonique sur un seul de ces aspects.

1 - Expérimenter les fonctions du langage


Il est également essentiel, dès l'éducation précoce et tout au long de la (ré)éducation orthophonique de l'enfant
sourd, de mettre en place des conditions de communication qui amènent l'enfant à expérimenter les fonctions
de la langue et en prendre conscience. Lorsque l'enfant a pu accéder précocement à la langue des signes, il a pu
vivre ces situations cognitives et langagières et n'a généralement besoin que de notre vigilance et de notre aide
pour transférer ses expériences premières dans une autre modalité. De la même façon que, lorsque nous
apprenons une langue seconde ou une langue étrangère, nous n'avons pas besoin qu'on nous explique que
l'ironie peut exister mais seulement qu'on nous dise comment l'exprimer.

2 - Les présenter dans des situations (ré)éducatives


Lorsque l'enfant n'a pas pu bénéficier, ou pas suffisamment, de cette expérience linguistique en langue des
signes, il est de notre responsabilité d'orthophonistes (en lien avec les familles et les autres professionnels) de lui
offrir des situations langagières où il pourra découvrir qu'on peut poser des questions, donner des ordres, sup-
plier, persuader, dénommer les objets et les actions mais aussi les idées et les sentiments, raconter des histoires
vraies ou imaginaires, faire de l'humour, expliquer des mots, employer des métaphores, jouer avec les mots, etc.

VI – PERCEPTION POLYSENSORIELLE
DE LA LANGUE ORALE
A - LA PERCEPTION AUDITIVE
1 - La mesure de la surdité
Cet ouvrage n'a pas pour vocation de traiter la question du bilan. Lorsque l'orthophoniste est introduit dans
l'entourage éducatif d'un enfant sourd, la surdité de celui-ci est généralement déjà dépistée, mesurée, peut-être
appareillée. Pourtant l'évaluation de la perte auditive et sa prise en compte ne se limitent pas à cette première étape.

◆ Diagnostics en cours.
L'orthophoniste peut être amené à détecter lui-même une déficience auditive chez un enfant qui lui a été adressé
pour une autre pathologie. Il peut également commencer à intervenir alors que le diagnostic est établi mais pas
encore définitivement évalué ; l'observation qu'il peut apporter des réactions auditives de l'enfant à des sources
acoustiques précises (si possible évaluées en fréquence et en intensité), dans des environnements sonores donnés,
peut constituer une contribution importante aux évaluations réalisées par l'équipe médicale et l'audioprothésiste,
avec lesquels il convient de mettre en place une collaboration régulière.

◆ Prise en compte de la surdité.


Bien sûr, tout orthophoniste sait lire un audiogramme dont la prise en compte est importante à plusieurs niveaux :
• mesure en intensité : calcul de la perte moyenne binaurale et pour chaque oreille ;
• composantes fréquentielles : la forme de la courbe est un indice précieux de ce qui parvient à l'enfant (prise
en compte des formants des phonèmes qui sont ou non perceptibles) ;
• audiogramme vocal : analyse des courbes d'intelligibilité.
L'orthophoniste doit également expliciter ces informations à la famille et à l'entourage éducatif de l'enfant pour
qui un audiogramme n'est pas toujours un document évocateur.

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◆ Surveillance.
Un certain nombre d'enfants sourds est suivi de façon régulière et adaptée par des équipes médicales et d'audio-
prothèse, néanmoins il peut arriver que des familles, pour de multiples raisons, et parmi celles-ci des difficultés
socio-économiques, ne s'assurent pas de ce suivi avec régularité ; il est de la responsabilité de l'orthophoniste de
s'assurer que ce suivi régulier peut être effectué, voire d'aider la famille à le mettre en place si celle-ci rencontre
des difficultés. Par ailleurs l'orthophoniste doit être attentif aux variations de résultats de l'enfant qui peuvent
laisser penser à une aggravation de la surdité (il ne faut pas oublier qu'un nombre important de surdités sont
évolutives) ou à un dysfonctionnement de ses prothèses : troubles de l'attention, baisse des performances en
éducation auditive, aggravation des confusions vocaliques, détérioration de l'articulation ou de la voix, etc.

2 - Les appareillages
Rôle de l'orthophoniste dans le processus d'appareillage.
S'il ne revient pas à l’orthophoniste de réaliser l’appareillage, il a pourtant un rôle important autour de cet apport
technique. Tout d’abord c'est à lui que revient généralement le soin d'expliquer le rôle et les limites de l'appareil
aux parents et à l’entourage de l’enfant sourd.
Il lui revient également d'aider la famille à accepter cet appareillage et à mettre l'enfant en condition d'en profiter
avec bénéfice et avec plaisir. Enfin, l'orthophoniste doit être vigilant au fonctionnement, à l'adaptation et au bon
réglage des prothèses et être en relation régulière avec l'équipe médicale et para-médicale qui en a la charge.

◆ Limites.
Il est souvent difficile pour les personnes qui ne connaissent pas la surdité de comprendre qu’elle affecte non
seulement l’intensité de la perception mais encore (surtout) la qualité de l’information perçue. Il faut souvent
expliquer, et de préférence avec des mots simples pour que cette information soit comprise de tous, que des
fréquences sont plus touchées que d’autres par la perte auditive et que le message perçu est, de ce fait, déformé
par rapport à la perception dont bénéficie un entendant 11.

On peut par exemple expliquer cette déformation du message perçu en schématisant les zones de fréquence des
phonèmes dans des tableaux de ce type et en les comparant avec les restes auditifs tels que les audiogrammes les
mettent en évidence :
250 500 1000 2000 4000 8000
Hz Hz Hz Hz Hz Hz
[U]
L L
[y] L L
[i] L L

[O] L L

[œ] L L

[e] L L

11
Pour des personnes qui auraient du mal à imaginer cette réalité phonétique, j’utilise souvent l’exemple du poste de radio : si on écoute à faible
volume un poste réglé sur une longueur d’onde décalée, le message est difficile à comprendre, si on amplifie ("si on met la radio plus fort"), on
entend le message "plus fort" mais on le comprend pratiquement aussi mal. Il est important d'apporter ces éléments à l’entourage de l’enfant
sourd afin que celui-ci ne soit pas confronté à des incompréhensions du type "puisqu’il est appareillé, il doit entendre, et s’il ne comprend pas,
c’est qu’il ne fait pas assez attention" !

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◆ Rôle.
Il faut également expliquer le rôle de cet appareillage si l’enfant bénéficie d’un gain prothétique, sans le limiter,
comme cela est fait trop souvent, à la perception de la parole et aux apprentissages, mais en prenant en compte
également la perception par l’enfant de son milieu de vie. En effet l'appareillage peut permettre à l'enfant sourd
de bénéficier de signaux d’ "alerte" qui ne sont pas superflus dans la vie de tous les jours (voiture qui arrive,
porte qui claque, bruit de course, etc) mais également, si le gain prothétique le permet, des informations que le
paysage sonore peut apporter sur l’environnement (bruits de voix, cris des animaux, musique, etc). Il est important
de prendre en compte l'intérêt et le plaisir que l'enfant peut en retirer.
Par ailleurs, l'orthophoniste doit être vigilant à l’apport de cet appareil afin de pouvoir aider par ses observations
à son adaptation et à son réglage. Il est grave de laisser un enfant avec un appareil hors d’usage qui s’apparenterait
finalement à des bouchons d’oreille !

3 - Les implants
La plupart des orthophonistes de terrain constatent que les implants cochléaires - s’ils constituent des appareillages
très différents dans la qualité acoustique de la stimulation qu’ils apportent, et très performants dans les cas de
surdités profondes sans gain prothétique avéré - ne changent pas totalement la réalité de la situation :
un "enfant sourd implanté reste un enfant malentendant qui doit faire des efforts de décodage pour analyser
et comprendre les informations auditives qui lui parviennent" (Dumont, 1996). Cet enfant a besoin d’une
(ré)éducation spécifique de qualité en ce qui concerne l’acquisition de la parole et du langage oral. Si la famille
et l’équipe médicale qui suit l’enfant font le choix de ce type d’appareillage, un des rôles de son orthophoniste
sera d'apporter une observation précise des perceptions de l’enfant afin d’aider aux réglages de son implant.
Il convient néanmoins d’être vigilants afin de ne pas entrer dans une évaluation et une stimulation
permanentes que l'enfant pourrait vivre comme un acharnement.

B - L’ÉDUCATION AUDITIVE
On continue souvent de nommer "éducation auditive" des exercices exclusivement axés sur la reconnaissance de
phonèmes, avec des jeunes enfants. Or, la reconnaissance de ces petites unités sonores rapides, acoustiquement
proches et non porteuses de sens lorsqu'elles sont isolées, nécessite de nombreuses étapes perceptives antérieures
qu'un jeune enfant sourd a besoin de parcourir de façon structurée et adaptée à ce que ses appareils (tradition-
nels ou implants) peuvent lui permettre de percevoir. Et surtout, le but même de cette éducation auditive peut
se concevoir de façon plus large comme une éducation à percevoir le monde sonore et pas uniquement à
"déchiffrer les sons du langage" comme on le concevait autrefois (Chuillat, 1969).

1 - Une spécificité des implants cochléaires ?


L'enfant "implanté" perçoit des informations dont la nature acoustique diffère de celles que nous percevons
(Dumont, 1996). Il est donc indispensable de lui proposer une éducation structurée et suffisamment intensive
pour qu'il puisse donner du sens à ces perceptions, décrites par les adultes sourds implantés comme foncièrement
déroutantes. Dans les débuts de cette méthode d'appareillage, les équipes hospitalo-universitaires ont donc
insisté sur l'importance de mettre en place une éducation auditive pour les enfants sourds auxquels un implant
était placé. Mais il y a paradoxe car l'éducation auditive, décrite comme indispensable pour eux, est nécessaire
à tous les enfants sourds, quel que soit leur mode d'appareillage. Des colloques ont présenté des études compa-
ratives entre les résultats de l'évolution perceptive d'enfants sourds porteurs d'appareillages traditionnels, n'ayant
bénéficié que de quelques séances d'éducation auditive, d'une part, et, d'autre part, des enfants implantés
bénéficiant de stimulations pluri-hebdomadaires, mais mener des études comparatives n'a d'intérêt que si on les
mène dans des conditions comparables. Mon propos n'est pas de nier la spécificité ni la performance des implants
cochléaires mais d'affirmer que bon nombre d'enfants sourds (bien) appareillés de façon traditionnelle et
bénéficiant d'une éducation auditive précoce, régulière et de qualité, peuvent évoluer de façon tout à fait per-
formante dans leur perception auditive.

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2 - Etapes de l'éducation auditive
Les informations acoustiques nouvelles qui parviennent à l'enfant nouvellement appareillé ne sont guère
porteuses de sens, il faut donc l'aider à en prendre conscience, les trier, leur donner sens et – c'est important –
y prendre plaisir.

◆ Prise de conscience des sons


Normalement menés au cours de l'éducation précoce, mais il y a encore dans notre pays des dépistages et des
prises en charge tardifs, les débuts de l'éducation auditive consistent à prêter attention aux informations auditives,
y compris en utilisant le contrôle vibratoire ou visuel, à leur apparition, à leur disparition. C'est une étape
incontournable et essentielle pour la suite du travail.
On peut bien entendu dans cette première étape utiliser des jouets sonores et instruments (simples) de musique,
mais les premiers bruits auxquels l'enfant est confronté et pourra donner sens sont les bruits familiers, perçus en
direct (en manipulant les objets par exemple) ou en différé, en utilisant sous diverses formes, des enregistrements
de ces bruits. Il faut que ces enregistrements soient de qualité, que l'enfant puisse les associer à l'idée de la source sonore
qui les produit habituellement (photographies, films, figurines, images, dessins) et "étendre sans limite la palette
des sons" (Gaurier, 1985). En corollaire, l'enfant doit pouvoir également produire des sons, les écouter, jouer avec,
y prendre plaisir.

◆ Discrimination
Assez vite, l'enfant sourd peut être amené à reconnaître les bruits entre eux, ce qui suppose qu'il ait été habitué
à leur donner du sens dans la première étape : comparer des sources sonores différentes pour lesquels on aura
soin, au début, de choisir des qualités acoustiques différentes, par exemple des sons continus/discontinus (instru-
ment à vent/instrument à percussion, bruit de moteur/jappement du chien). Cette étape de discrimination est
très longue et si l'on veut que l'enfant soit performant, il est nécessaire de pouvoir utiliser des sources sonores
très variées dont les caractéristiques acoustiques vont devenir de plus en plus proches. On utilise encore des enre-
gistrements de sons familiers et séquences sonores familières, des sons musicaux, des sons purs (avec des
générateurs de sons), etc.

◆ Comparaison entre les sons


Cette étape consiste à comparer des bruits, les classer (moteurs/bruits de la nature, animaux/voix, voix d'hommes/de
femmes) puis reconnaître des sons ou des séquences sonores identiques. Le matériel mis au point par Jacques
GAURIER permet ainsi des systèmes ludiques d'appariements de bruits semblables.

◆ Organisation temporelle des sons


Dans la perception de la chaîne parlée, l'enfant va être confronté à une succession organisée d'informations acous-
tiques. Aussi, lorsqu'il est capable d'identifier des sons isolés, il est important d'introduire le critère de temps dans
l'éducation auditive : successions de sons liées à une logique temporelle (histoires séquentielles sonores) ou
successions "gratuites" de sons que l'enfant, tour à tour, produit ou reconnaît, pour jouer.

◆ Polyphonie.
Enfin, la difficulté de reconnaître dans une information acoustique polymorphe le signal pertinent, nécessite éga-
lement d'être capable d'identifier des informations au milieu d'autres bruits, c'est ce que Jacques GAURIER nomme
polyphonie, dernière mais incontournable étape d'une éducation auditivo-perceptive de qualité.

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3 - Modalités de l'éducation auditive
◆ Qui ?
Les orthophonistes sont les maîtres d'œuvre de l'éducation auditive, ils doivent la mener en étant attentifs aux
critères acoustiques des sons utilisés ; ils peuvent être aidés par des pédagogues musiciens, j'ai toujours eu cette
chance dans ma pratique à Nevers ; ils doivent également introduire les familles dans ce processus. L'éducation
auditive commence et se poursuit dans la vie de tous les jours ; il faut parfois aider l'entourage de l'enfant à
écouter, analyser leur environnement sonore, en déduire ce qui peut être perceptible par l'enfant sourd, trouver
avec eux comment aider l'enfant dans cette écoute.

◆ Comment ?
L'éducation auditive ne peut être performante que si elle est menée de façon régulière, dans le plaisir (qui
n'exclut pas de l'exigence dans le choix des activités proposées) et avec du matériel sonore varié et de qualité. Il
est difficile de prétendre mener une éducation auditive de qualité avec une flûte, un tambourin et un magnéto-
phone à mauvaise bande passante.
Plusieurs logiciels ont été mis au point ces dernières années, le reproche qui peut être fait à la plupart est de ne
proposer les sons que dans un rapport univoque un son/une image et de ne pas permettre d'écouter les sons en
succession, en continu, en juxtaposition (polyphonie), etc, limitant donc les situations d'écoute.
L'éducation auditive peut éventuellement être menée avec des amplificateurs et des casques mais cela gêne
l'enfant dans ses déplacements et le prive de la perception directe, d'instruments de musique par exemple ; il me
semble bien préférable de laisser à l'enfant pour ces activités ses prothèses habituelles, (dont on aura pris soin de
vérifier le bon fonctionnement), celles avec lesquelles il prolongera et enrichira son écoute dans la vie de tous les
jours.

◆ Une méthode exclusive ?


Tous les enfants sourds n'ont pas les mêmes restes auditifs, ni le même gain audio-prothétique, et tous ne
développent pas la même appétence ni les mêmes performances en éducation auditive. S'il semble indispensable
de proposer à tous les enfants une éducation auditivo-perceptive de qualité, il serait vain de penser qu'elle peut
suffire à pallier les difficultés de perception et de maîtrise de la langue orale.
Il existe toutefois aux USA et au Canada une méthode nommée Auditory-Verbal qui centre tout le travail
d'éducation de l'enfant sourd sur un entraînement auditif intensif, allant jusqu'à proscrire tout recours, certes
aux signes, mais également aux systèmes de codes gestuels et même… à la lecture labiale. Cette méthode oraliste
extrême (on serait tentés de dire extrémiste ?), actuellement prônée par Daniel LING (Dumont, 2002), et dont
on entend occasionnellement parler dans des congrès et publications depuis une quinzaine d'années, n'a jamais
pu s'implanter en Europe.

C - LA PERCEPTION VIBRO-TACTILE
1- La perception vibratoire
Nous avons dit que l'éducation auditive, à ses débuts, utilise la perception vibratoire pour prendre conscience
et contrôler la présence des informations acoustiques (planchers vibrants, cubes vibrants, etc). L'éducation précoce
a dû apporter à l'enfant sourd cet éveil multi-sensoriel qui fera de l'enfant sourd (c'est sans doute souhaitable
pour tous les enfants) un être ouvert aux différents canaux de perceptions. Lorsqu'on travaille avec des jeunes
enfants sourds, on développe pour soi-même cette attention à la vibration sur laquelle on peut attirer son
attention et il est facile d'amener son entourage à cette même sensibilité.

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2 - Les vibrations laryngées
Sentir de façon vibro-tactile les vibrations laryngées (ou d'autres vibrations faciales) de l'adulte et essayer de les
reproduire en les contrôlant de façon vibro-kinesthésique, est un procédé aussi ancien que les premiers essais de
"démutisation" des enfants sourds.
Ce procédé est précieux et incontournable, mais doit être utilisé avec une certaine prudence. En effet, certains
enfants ne supportent pas de toucher le corps d'un adulte qui leur est étranger car ce toucher peut être
inquiétant et n'acceptent pas qu'on les touche, ce qu'ils vivent peut-être comme une intrusion sur leur propre
corps. Il est donc préférable avec les jeunes enfants de passer par la médiation du parent qui participe à la séance
"tu sens comme ça chatouille dans le cou de maman ?" et avec les enfants plus grands, lorsqu'il est ponctuelle-
ment nécessaire de contrôler une vibration, de la leur expliquer sans contact direct ou, tout au moins, de leur
en demander la permission.

3 - Utilisation de la perception vibro-tactile


Cette sensibilité aux informations vibratoires peut également être utilisée comme information palliative dans le
travail de la parole avec les enfants présentant des surdités très profondes ; elle est moins utilisée ces dernières
années du fait des performances accrues des aides prothétiques mais peut constituer encore une aide pour
certains enfants sourds qui ont peu d'informations auditives ou qui, pour diverses raisons, ont du mal à investir ce
type d'informations.
Les appareils de table (Galaxie, Suvag) présentent tous des sorties vibrateurs. Il est préférable de laisser l'enfant
les utiliser de façon passive au début, en "écoutant" avec la peau, afin qu'ils choisissent eux-mêmes la partie de
leur corps (généralement le bout des doigts ou la paume de la main) où ces vibrations leur "parleront" le plus.
Les vibrateurs peuvent ensuite être utilisés ponctuellement dans des exercices comme outil de discrimination et
de contrôle des éléments de la parole et/ou de la prosodie. J'ai vu au Maroc des enfants sourds "écouter" de la
musique par ce biais avec un réel bonheur.

D - LA PERCEPTION VISUELLE
C'est bien entendu la vue qui sera le vecteur privilégié de la perception de la parole ; l'enfant sourd ne voit pas
mieux que son pair entendant, de même que l'enfant aveugle n'entend pas mieux, mais chacun développe au
maximum son(ses) mode(s) de perception intact(s) et organise à partir de là son univers perceptivo-cognitif.
Les petits enfants sourds, quels que soient les choix langagiers faits par leur entourage, sont presque toujours plus
à l'aise dans le canal visuo-gestuel.

1 - La lecture labio-faciale

◆ "Lire" sur les lèvres.


Tous les entendants l'utilisent spontanément et inconsciemment, en milieu bruyant par exemple, pour
compléter la perception auditive (Istria, 1982). La lecture labiale est naturellement utilisée par les personnes
sourdes et malentendantes, en dehors même de toute éducation spéciale. Dans les cas de dépistage tardif, on
voit souvent des enfants malentendants qui ont développé seul cette aide perceptive, c'est parfois même ce
"don" qui a contribué à masquer longtemps leur gêne auditive.
Pourtant cet "art subtil de la lecture sur les lèvres", si admirablement décrit par Mabel GRAHAM BELL à la
fin du 19ème siècle, mérite mal son nom de "lecture" tant cet exercice de suppléance mentale permanente
s'apparente plutôt à de la "devinette labiale". Rappelons que lorsqu'on prend en compte les phonèmes postérieurs
et tous les sosies labiaux, on estime à un tiers environ des informations phonétiques celles qui sont réellement
"lisibles" labialement. Et lire sur les lèvres consiste à "choisir instantanément, parmi la demi-douzaine de mots
qui lui ressemblent, celui qui a été employé" et se faire une idée de ce qui a été dit "d'après les mots qu'on a
pu nettement reconnaître ça et là", c'est-à-dire à "lire par le contexte" (Graham Bell, 1896).

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◆ Apprentissage.
Proposer des exercices systématiques de lecture labiale est important pour des personnes devenues sourdes.
Pour les surdités prélinguales, ce type d'exercices systématiques et progressifs comme la méthode "Labia"
(De Larturière et Muzzolini, 1999) peut être quelquefois utilisé comme "entraînement" avec des adolescents qui
en ressentent le besoin, parce qu'ils ne sont pas assez performants en cours par exemple. Mais faire des exercices
ne suffit pas à préparer au travail de suppléance mentale décrit ci-dessus ; et puis les enfants sourds se lassent vite
d'un travail systématique et non porteur de sens.
Ce qui me paraît primordial pour "enseigner" la lecture labiale est, comme nous le développerons ci-après pour
le travail articulatoire, d'expliquer, avec des mots simples, le système phonologique du français afin d'en
montrer la structure logique. Les sosies labiaux doivent être expliqués aux enfants sourds pour les aider à être
performants, mais également pour qu'ils comprennent les difficultés de l'exercice et qu'ils ne les vivent pas
comme des échecs. On explique par exemple aux enfants pourquoi l'image "bouche fermée" (articulation
bilabiale) correspond à trois phonèmes différents : [ p ], sourd, [ b ], sonore, [ m ], nasal.

Consonnes occlusives
(On peut expliquer occlusion = fermeture/ouverture d’une partie de la "bouche")

Mode articulatoirep Consonnes sourdes Consonnes sonores Consonnes nasales


Image labiale r (non voisées) (voisées)
Image bilabiale stable p b m
Image apicale visible t d n
avec les voyelles ouvertes
Occlusion postérieure k g
pas d’image labiale fiable

Consonnes constrictives (ou fricatives)


(On peut expliquer constriction = resserrement d’une partie de la "bouche" ; friction = frottement de l’air)
Mode articulatoirep Consonnes sourdes Consonnes sonores
Image labiale r (non voisées) (voisées)
Image labio-dentale stable f v
Image apicale visible s z
avec les voyelles ouvertes
Image labiale arrondie stable ∫

Il ne faut pas oublier de prendre en compte l'influence du contexte vocalique sur la lisibilité de certains
phonèmes consonantiques : ainsi t, d, n, s, z, l, qui sont déjà des quasi-sosies labiaux ne sont réellement visibles
qu'avec les voyelles ouvertes.
Avec les jeunes enfants précocement sourds, ce type d'exercice est rarement nécessaire, c'est une imprégnation
lente et progressive qui s'effectue, la prise d'indices labiaux se faisant en même temps que tous les autres modes
de perception. Néanmoins, il est important d'attirer l'attention de l'enfant sur le mouvement labial précis
lorsqu'on présente un phonème dans un travail de perception, de réalisation, de lecture, etc. Le LPC présente
l'avantage de centrer le regard et l'attention de l'enfant sur les mouvements labiaux ; il faut toutefois être attentif
à mettre également l'enfant en situation de prise d'indices sans LPC si on veut pouvoir le rendre autonome.
Les codes graphiques traditionnellement employés dans la méthode Borel-Maisonny ont largement fait leurs
preuves et aident entre autres les enfants à fixer les mouvements labiaux. Suzanne BOREL préconise de
proposer à l'enfant des dessins représentant les images labiales de face et de profil (Borel, 1979).

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◆ Conditions pour une bonne lecture labio-faciale.
La lecture labiale apporte à l'enfant sourd des renseignements articulatoires précieux, mais on doit plutôt
parler de lecture labio-faciale car ils s'inscrivent également dans une large prise d'indices sur le visage de
l'interlocuteur : renseignements sur le rythme et la prosodie de la parole et également sur la fonction expressive
de son langage.
Cela suppose de regarder en permanence le visage de l'autre, attention contraignante et fatigante qui nécessite
de bonnes conditions de proximité, d'éclairage (on ne doit pas travailler dos à la lumière avec des enfants
sourds), de direction du regard (être en face et à hauteur du visage évite de se "tordre le cou") ; mais cette
attention impose également une proximité physique avec l'autre qui peut parfois sembler insupportable à celui
qui regarde comme à celui qui est regardé, il ne faut pas mésestimer ces blocages possibles dans les processus
de communication.

2 - Les techniques d'aide à la perception de la parole


Puisque les enfants sourds développent généralement une habileté visuelle et s'appuient dessus, il est utile en
orthophonie de pouvoir utiliser tous les supports visuels qui pallient l'imparfaite perception auditive. Ces aides
peuvent être électroniques, mais également "artisanales" et plus simplement humaines.

◆ Les outils électroniques.


• La littérature (Chulliat, 1969) mentionne un grand nombre d'appareils de table, amplificateurs et écrans de
contrôle, comme le "logoscope", le "vocaliscope", le "chromoscope", l'"indicateur de S", le "visible-speech" et autres
"lampes d'accents" qui ne sont plus employés, plus connus même, pour la plupart ; on peut penser que les
progrès considérables dans les appareillages individuels ont rendu moins nécessaires tous ces appareillages
palliatifs.
L'expérience de travail dans des pays en voie de développement12, dans lesquels peu d'enfants sourds sont
appareillés individuellement, remotive parfois la nécessaire utilisation d'appareillages de ce type pour aider à
la prise de conscience de l'univers sonore les enfants sourds qui le désirent.
• Des amplificateurs sont encore utilisés, non seulement pour l'intensité de l'amplification qu'ils permettent, mais
pour leurs systèmes permettant de pallier partiellement les zones fréquentielles non perçues : systèmes de filtres
(appareils Suvag, principalement utilisés dans le cadre de la méthode verbo-tonale), de sons de compensation
des fréquences non perçues (premiers amplificateurs Lafon) ou de transposition des données fréquentielles
(Galaxie du Professeur Lafon). Ces appareillages qu'Annie DUMONT qualifie à juste titre de "guide-langue
acoustiques" peuvent être utiles pour apporter des repères auditifs dans un travail ponctuel de reconnaissance
et/ou de reproduction d'un aspect articulatoire ou prosodique de la parole. Une bonne connaissance des traits
acoustiques de la parole est indispensable pour les utiliser13.
• Le phonaudioscope, permet de visualiser la trace de l'image vibratoire sous forme d'oscillogrammes mais l'in-
convénient est qu'il en respecte les critères temporels et que cette trace est donc fugace ; s'il a constitué un outil
précieux, d'autant plus que ces oscillogrammes ont inspiré les schémas phonétiques de la méthode Borel, il est
moins utilisé actuellement, en raison de l'utilisation répandue du speech-viewer.
• Le speech-viewer, permet de travailler séparément les paramètres de l'articulation et de la voix (caractéristiques
purement phonétiques ou suprasegmentales), soit de façon ludique, soit par la visualisation de courbes qui
présentent l'avantage de pouvoir être figées, reproduites, comparées. Il permet ainsi de faire, en temps réel, des
courbes d'analyse du spectre, des graphiques de fréquence et d'amplitude, des courbes d'enveloppe, dont le sujet
sourd peut prendre conscience et qu'il peut essayer de reproduire.

12
Missions dans le cadre de l'association Orthophonistes du Monde (Manteau, 2003).
13
Il faut également être très prudents sur le maniement d'appareillages de ce type qui produisent des amplifications considérables, possiblement
nuisibles pour les restes auditifs. Les orthophonistes doivent notamment veiller à mettre en garde leurs stagiaires sur les risques de traumatismes
sonores liés à un effet larsen à une telle intensité. "Primum non nocere" !

59
Exemple de prise de conscience des différences entre phonème sourd/sonore/nasal
[ p ]- [ b ]- [ m ] (pain, bain, main)

Exemple de prise de conscience des phonèmes, de leur succession et de l'organisation prosodique de la phrase
(le jeune homme tenait à la bouche une fleur)

◆ Les miroirs
L'utilisation d'un miroir pour voir en même temps les mouvements labio-faciaux de l'orthophoniste et les siens
et jouer à imiter, reproduire, puis contrôler est un outil classique que l'utilisation d'outils sophistiqués n'a pas
rendu caduque.

◆ Le corps de l'autre
C'est à Annie DUMONT que revient l'expression "orthophoniste-miroir"qui illustre bien comment l'enfant
perçoit les paramètres d'émission de la parole à travers le corps de l'adulte qui lui fait face (Dumont, 1988). C'est
d'ailleurs certainement, en amont, par le corps de sa mère et des autres personnes de son entourage proche que le
petit enfant sourd perçoit visuellement la parole qui lui est adressée, surtout si elle l'est dans un contexte de
communication multimodale porteuse de sens. Dans cette "lecture" labio-faciale et même plus largement
corporelle, l'enfant sourd qui a compris grâce aux informations gestuelles ou mimo-gestuelles le message qu'on
veut lui adresser peut puiser des indications sur les mouvements de parole qui accompagnent et délivrent ce
message.

◆ Les codes gestuels


C'est un des buts du LPC, nous l'avons déjà largement expliqué, que de pallier les imprécisions de la lecture labiale
et c'est un indicateur visuel précis. D'autres systèmes de codes peuvent être utilisés ponctuellement pour lever

60
des ambiguïtés ou préciser une perception, l'important étant pour l'orthophoniste de bien maîtriser ces codes.
Il peut alors proposer à l'enfant celui qui l'aidera le mieux dans telle ou telle situation et partager ces expériences
avec les parents et l'entourage de l'enfant. Parmi ces codes gestuels, citons l'alphabet dactylologique et les gestes
Borel. S'ils sont plus traditionnellement destinés à expliciter un mot par son orthographe pour le premier, à accom-
pagner le travail de production des sons la parole et d'apprentissage des symboles d'écriture qui le transcrivent
pour le second, ces codes peuvent aider l'enfant à comprendre et reconnaître des composantes
phonétiques des mots.

[ a ], [ i ], [ o ],[ y ] en LPC

[ a ], [ i ], [ o ],[ y ] ou a, i, o, u en gestes Borel

a, i, o, u en dactylologie

◆ Les codes écrits


Il était parfois préconisé de ne pas présenter de langue écrite à l'enfant lors de son éducation à la parole
"pour que l'enfant soit bien orienté vers l'aspect oral du langage afin de ne pas fixer les défauts [articu-
latoires] en les associant au signe graphique qui est bien déterminé" (Chuillat, 1969). Il semble que cette
consigne serait encore préconisée dans certaines institutions, sans qu'on en comprenne le bien-fondé, tant il est
évident pour la plupart des orthophonistes que les enfants sourds ont besoin de repères visuels dans leur décou-
verte du monde oral. Suzanne BOREL, consciente de cette nécessité, avait mis au point des techniques de
"traces" graphiques de la parole qui sont devenues des réflexes pour la plupart des orthophonistes :

• L'écriture bicolore des mots pour visualiser le rythme syllabique, aidant à la fois à la prise de conscience de la
forme sonore du mot et à sa transcription :
Le chat mange
Le garçon court

61
• L'écriture phonétique des séquences : il est intéressant d'utiliser précocement avec les enfants sourds la
transcription phonétique qui permet de mettre en évidence les règles particulières de prononciation
(s p [z ] ou ss p [ s ] ; x p [ ks ] ou [ gz ] etc), les élisions de e muets, etc. Je choisis pour ma part d'utiliser
l'API14 qui est largement utilisé par les professeurs de langue étrangère, ce qui permet aux adolescents d'avoir
un même repère de décodage et de prononciation. La transcription phonétique présente en outre l'avantage
de mettre en évidence d'autres traits phonétiques comme les liaisons et, également, le découpage en rhèses,
unités liées à la fois au sens, à la logique du discours, et à la respiration du locuteur (étymologiquement, ce qui
s'écoule):
le jeune homme tenait à la bouche une fleur

• Le dessin des tracés vibratoires (issus des oscillogrammes) avec les codes très "parlants" utilisés pour marquer
la différence entre l'occlusion/la friction, le voisement/l'absence de voisement, l'oralité/la nasalité, etc. (Borel,
1979) ;
• La trace de la courbe intonative, importante notamment pour marquer les effets intonatifs signifiants comme
ceux de l'interrogation (Argod-Dutard, 1996).
• On peut également utiliser d'autres codes écrit, souvent issus de la méthode verbo-tonale, pour sous-tendre et/ou
entraîner les énoncés oraux :
- le graphisme phonétique, développé par Aldo GLADIC (Gladic, 1982)
- la DNP, Dynamique Naturelle de la Parole, de DUNOYER de SEGONZAC (Dunoyer, 1991),
- les codes de la méthode "Dire-Lire" de Marie-Annick CONSTANTIN-BREMOND (Constantin,
1994).

VII – PRODUCTION DE LA LANGUE


Trop souvent, dans l’esprit de l’entourage familial, enseignant, éducatif de l’enfant sourd, l’orthophonie, la" mal
nommée" (Sadek, 1997), est considérée dans un sens limité que son nom peut induire : celui de la correction
des troubles de la parole et de la voix. Confondant parole et langage, on a tendance à supposer pour les enfants
sourds ou en difficultés de langage que celui qui présente des troubles articulatoires et/ou de la parole a plus de
problèmes que celui qui a une belle voix et une bonne articulation, même si celui-ci dispose d'un vocabulaire
limité, ne s'exprime que par des phrases simples et comprend mal le langage d'autrui.

Pouvoir s'exprimer avec une articulation compréhensible, une parole fluide, une voix bien placée est bien entendu
un des facteurs d'efficacité de la communication orale et d'insertion sociale et cet aspect de l'éducation ortho-
phonique, s'il n'est pas le point central de la construction langagière, n'en demeure pas moins une composante
importante et qui correspond souvent à des demandes pressantes de l'entourage de l'enfant.

L'échelle de Nottingham est un outil de classification de l’intelligibilité du langage oral des personnes sourdes,
classée selon cinq catégories :
• Catégorie 1 : parole non intelligible, quelques ébauches de mots ;
• Catégorie 2 : parole non intelligible, quelques mots intelligibles en contexte, existence d'ébauches labiales ;
• Catégorie 3 : parole intelligible pour un auditeur qui prête attention et utilise la lecture labiale ;
• Catégorie 4 : parole intelligible pour un auditeur qui a l’expérience de la parole des sourds ;
• Catégorie 5 : parole intelligible pour tout le monde.

14
Alphabet Phonétique International.

62
A - ARTICULATION
A l'intérieur du travail sur l'acte de communication et sur la construction de la langue, le travail d'articulation
se situe "comme un moment spécifique dans la relation d'aide pour l'accès à une parole fluide, claire et intelligible,
reflet de la pensée de celui qui parle" (Dumont, 1988). Mais d'anciennes méthodes rééducatives dans
lesquelles on nomme "orthophonie" des séances brèves et répétées de travail articulatoire, généralement en
cabine et au casque, ont marqué les personnes sourdes15 et perdurent dans l'esprit de certains de nos partenaires.
Il est important que nous en ayons conscience et que nous soyons à même d'offrir ponctuellement aux enfants
sourds des méthodes adaptées à leurs âges et respectueuses de leur appétence à la communication orale.

1 - Monter l’articulation ?
Dans la plupart des cas, le diagnostic et l’appareillage précoces des enfants sourds, joints à une éducation auditive
de qualité, permettent à l’enfant sourd d’acquérir seuls bon nombre des phonèmes de la langue ; il est donc
évidemment inutile dans ce cas de travailler l’articulation de ces phonèmes ; évidemment… mais il faut tout de
même le redire puisqu’on assiste parfois, lors d’épreuves pratiques de certains examens par exemple, à des
"leçons d’articulation" portant sur des phonèmes par ailleurs observables dans la parole spontanée de ces enfants !
Action inutile qui pourrait faire sourire si elle ne constituait pas une négation inintelligente de l’enfant ainsi confronté
à un exercice fastidieux et sans aucun sens. Si le phonème est utilisé par l’enfant, l’orthophoniste n’a aucune raison
d’en retravailler l’articulation, il pourra par contre en renforcer la maîtrise par un feed-back auditif et
visuel (labial, LPC, écrit) dans des mots et énoncés porteurs de sens.
Lorsque le phonème n’est pas spontanément maîtrisé, il faut bien entendu le présenter à l’enfant et l’aider à
l’acquérir. Ce travail, commencé pendant la période d’éducation précoce, n’est pas toujours terminé à l’issue de
cette période. Il ne peut pas être apporté à l’enfant par des exercices systématiques si celui-ci n’y est pas prêt.

2 - Leçons d’articulation ?

◆ Préalable.
Le travail articulatoire s’appuie sur le travail perceptif développé dans le paragraphe précédent. On ne peut
reproduire que ce qu’on a perçu, même partiellement, ou dont on a pu prendre conscience.
Cette reconnaissance auditive est particulièrement importante pour différencier les timbres des voyelles qui ne
s'appuient par sur des "gestes articulatoires" précis comme l'articulation des consonnes. Suzanne BOREL
(Borel, 1979) insiste sur la nécessité de maîtriser le système vocalique car "la précision vocalique est indispensa-
ble à l'intelligibilité d'une langue comme le français" qui a, rappelons-le, un des plus riches systèmes vocaliques.
Or des significations précises reposent sur des oppositions au sein de ce système des 14 phonèmes vocaliques du
français moderne.

◆ Techniques.
En dehors de cette attention particulière à la perception, les techniques de ce travail articulatoire ne sont pas
spécifiques, et l’orthophoniste utilise avec l’enfant sourd tous les moyens qu'il a sa disposition pour rééduquer
les pathologies de la langue orale. Plus que sur des techniques particulières, ce travail de l’articulation doit être
basé sur une connaissance parfaite du système phonologique de notre langue. Mener un travail d’articulation
suppose de connaître parfaitement, pour chaque phonème, son mode articulatoire, son point d’articulation,
la forme et les positions respectives des parties de l’appareil phonateur, les vibrations qu’il engendre, les sensa-
tions de souffle et les zones bucco-faciales où ces vibrations sont le mieux ressenties, etc. Si l’on maîtrise parfai-
tement ces données, on peut toujours inventer des activités, même ludiques, pour aider l’enfant à les comprendre,

15
Voir le signe traditionnel ORTHOPHONISTE en LSF, qui évoque un casque sur les oreilles.

63
les assimiler, essayer de les reproduire. On peut bien sûr donner à des étudiants ou stagiaires des techniques, des
"trucs", des exemples d’exercices, mais il leur faudra néanmoins réinventer sans cesse le "jeu" qui aidera un
enfant donné, à un moment donné, à mieux maîtriser un mouvement articulatoire donné. Là encore, à quoi
serviraient des exercices de souffle systématique avec un enfant qui, par exemple, maîtrise déjà les constrictives ?

◆ Progression.
Il est impossible de définir une progression du travail articulatoire ; Suzanne BOREL explique à travers des
exemples que la progression de ce travail ne peut jamais être la même. Il faut s'appuyer sur les mouvements et
modes articulatoires maîtrisés par l'enfant pour l'aider à compléter peu à peu ce phonétisme ; par ailleurs la
motivation d'un enfant à savoir dire tel mot, le nom de telle personne, etc, est un facteur moins technique mais
peut déterminer "l'envie d'essayer".

3 - Prise de conscience du système phonétique de la langue


Il est important pour ces progrès articulatoires, de même que pour la lecture labiale, d'apporter assez tôt aux
enfants sourds une présentation explicite du système phonétique de notre langue. On ne s'encombre pas de
termes techniques dans un premier temps mais l'expérience montre que les adolescents adorent connaître cette
terminologie qui les aide peut-être à conceptualiser une réalité qu'ils ont du mal à appréhender de façon
sensitive et c'est une façon respectueuse de leur donner les moyens de s'approprier ce monde étranger à leur
perception. On peut expliquer la façon dont s'organise ce système (avec des tableaux du type de ceux qu'on
évoquait pour la lecture labiale et qu'on peut illustrer avec les schémas phonétiques de la méthode Borel), dès
l'acquisition de la lecture : la grande opposition consonnes/voyelles est déjà apprise en classe ; on la complète
par les oppositions :

• voyelles orales/nasales
• consonnes occlusives/constrictives
- constrictives sourdes/sonores
- occlusives sourdes/sonores/nasales
• on rajoute ensuite les liquides puis les semi-voyelles.

L'expérience montre que les enfants sourds sont rassurés que ce monde des sons ait une logique et également que
ce soit un monde "fini" ; une fillette sourde m'avait demandé, un peu incrédule, de lui jurer que lorsqu'elle
réussirait à articuler tous les sons de ce petit tableau, elle saurait tout prononcer.

4 - Quel matériel ?
Les orthophonistes n'utilisent plus beaucoup les guide-langue créés par Suzanne BOREL-MAISONNY (même
si ces instruments restent parfois utilisés à tort comme symboles de la profession), préférant que l'enfant décou-
vre de façon plus autonome les mouvements articulatoires qui lui sont expliqués.
Tout ce qui permet à l’enfant d’avoir un contrôle tactile et/ou visuel de sa production sonore peut être utilisé et
là encore toutes les techniques orthophoniques de rééducation des troubles articulatoires peuvent être utilisées :
• voir l’effet du souffle d'une constrictive sur une plume ou un mouchoir de papier ;
• sentir sur le dos de la main le souffle glissant du [ f ], ou le souffle frais du [ s ], ou celui, plus chaud, du [ ∫ ] ;
• guetter la trace du souffle des nasales sur un miroir métallique ;
• sentir du bout des doigts la vibration laryngée ou celle des résonateurs ;
• ou bien percevoir la présence de ces traits acoustiques sur l’écran d’un speech-viewer ;
• etc.
L’important est de pouvoir proposer rapidement, à tout moment, la perception la plus utile, mais sans bloquer
l’action de communication établie avec l’enfant.

64
5 - Du phonème à la parole
Il y a du chemin entre la maîtrise de l’articulation d’un phonème isolé que l’on répète avec un soutien visuel (geste
Borel, LPC, lettre écrite), la possibilité de le reproduire dans une suite de phonèmes puis son emploi dans la parole
spontanée. Le même chemin peut-être que de la répétition au piano d’une mesure, l’intégration de cette mesure
dans l’enchaînement d’une phrase mélodique puis l’interprétation de l’œuvre entière…
Un enfant sourd, concentré sur le message qu’il est en train de conceptualiser et d’exprimer oralement, n’est pas
toujours en mesure d’en maîtriser également la forme sonore, d’autant plus qu’il ne la contrôle souvent que de
façon kinesthésique. Difficulté évidente pour un professionnel du langage mais qu’il faut souvent ré-expliciter
à l’entourage de cet enfant. Là encore, c’est le feed-back (labial, avec geste Borel, en LPC …) qui peut permettre, tout
en acceptant le contenu de ce qu’il exprime, d’apporter à l’enfant un reflet corrigé de sa production. Le rôle de
l’orthophoniste est alors de fournir à l’enfant ce feed-back, chaque fois que l’occasion s’en présente, mais
également d’aider son entourage à le lui apporter.

B - PROSODIE
Les travaux de Shirley VINTER montrent le rôle fondamental des éléments prosodiques dans les premiers
échanges vocaux de la communication, avant le langage articulé, et leur valeur prédictive pour la maîtrise future
de la parole et du langage (Vinter, 1994). Ce nouveau regard sur les éléments prosodiques, que nous devrons
apprendre à intégrer à nos bilans de jeunes enfants, sourds ou non, renforce la nécessité de les prendre en compte
dans tout travail sur l'acte de parole.

1 - Prosodie du français
La combinaison des phonèmes dans la chaîne parlée supporte des traits phonétiques suprasegmentaux de durée,
d'intensité et de hauteur qui jouent un rôle à la fois distinctif (sur le plan phonologique), démarcatif (sur le plan
des délimitations à l'intérieur de la chaîne parlée) et significatifs (au sens de la fonction expressive du langage)
(Argod-Dutard, 1996). La prosodie de la langue française est caractérisée par les faits suivants :
• la durée, qui dépend de l'environnement syllabique, des pauses marquées et du débit de la parole ;
• l'accentuation, qui constitue un marqueur de fin de groupe qui se manifeste par une augmentation de
l'intensité et de la hauteur sur la dernière syllabe :
• le rythme, qui est différent selon la vitesse de parole et la répartition de ces marques d'accentuation dans la
chaîne parlée ;
• l'intonation, qui varie selon des variations de hauteur qui composent la courbe mélodique de la phrase.

2 - Perception des traits prosodiques


Les éléments prosodiques sont essentiels à la compréhension du discours. Des pauses ne respectant pas le découpage
des rhèses, une accentuation mal appropriée, une élocution "recto-tono", peuvent donner à la parole une aspect
"bizarre", déconcertant l'interlocuteur, ou même la rendre incompréhensible.
La perception qu'un enfant sourd peut avoir de ces traits prosodiques est liée à la perception qu'il aura pu
développer avec l'aide de son appareillage et de son éducation auditive. Toutefois leur prise de conscience peut
être facilitée d'une part par toutes les données visuelles qui les symbolisent (comme les traces graphiques déjà
citées), d'autre part par tous les vécus corporels qui les expriment. Suzanne BOREL utilisait déjà des mouvements
du corps et des exercices de rythme pour aider à la prise de conscience de traits de la parole, ce passage par le
corps a été largement développé dans la méthode verbo-tonale. On peut également travailler cette modalité
dans des petits groupes de psycho-motricité et orthophonie.

65
3 - La méthode verbo-tonale
La méthode de Petar GUBERINA, se présente comme une approche éducative globale et poly-sensorielle
(Guberina, 1963). Cette approche se décline en rythme corporel, rythme musical et graphisme phonétique
(Gladic, 1982). Elle préconise, associée à une éducation auditive intensive, un travail faisant intervenir le corps
comme médiateur vers la maîtrise de la parole. La "macro-motricité" (corps entier) est considérée comme une
voie de facilitation pour la "micro-motricité" des organes phonateurs, les paramètres articulatoires et
prosodiques étant alors traduits et exprimés par le corps tout entier. Utilisée à ses débuts comme une méthode
exclusive de l'éducation langagière, elle est actuellement utilisée très fréquemment comme approche complémen-
taire, particulièrement pour le travail de prise de conscience et de maîtrise de la prosodie.

C - LA VOIX
1- La voix des sourds
Les orthophonistes de ma génération ont pu constater une évolution importante dans ce paramètre de
l’éducation orale. Nous sommes bien moins souvent confrontés à la nécessité de devoir remédier à ce qu’on
appelait autrefois des "voix de sourds" caractérisées par un usage excessif des vibrateurs postérieurs et par des varia-
tions de hauteur mal maîtrisées. Une plus grande précocité et les progrès des appareillages (traditionnels ou par
implants) aident les jeunes enfants sourds auprès desquels nous travaillons actuellement à ne pas perdre leur jasis
spontané et à garder le plus souvent une voix naturellement bien placée et/ou à retrouver une voix plus sembla-
ble à celle des entendants, les aidant à se faire comprendre par leurs interlocuteurs et facilitant leur insertion sociale.

2 - Travailler la voix ?
Le travail de la voix, lorsqu'il est nécessaire, ne peut se concevoir sans éducation auditive ; il faut que la personne
sourde ait, au moins a minima, la notion des paramètres sonores pour qu’on puisse l’aider à en maîtriser la
production. Le contrôle du souffle et du tonus est important. On peut utiliser la perception des données du souffle
et de la vibration ainsi que la lecture des données visuelles du speech-viewer. Comme pour le travail articulatoire,
les principes et les techniques du travail vocal ne diffèreront avec une personne sourde de celui d'une personne
entendante que sur ce chapitre de la perception.
Il convient néanmoins d'être vigilants à ne pas induire ou laisser s'installer des tensions associées à l'acte vocal,
en spontané ou lors des séances de parole, qui pourraient entraîner des distorsions ou des malaises vocaux,
parfois inconscients pour l'enfant sourd qui ne s'entend pas. De la même façon, il convient d'être prudents envers
une utilisation trop systématique et inappropriée des contrôles visuels qui peut induire "des forçages ou une toni-
cité excessive" (Romand, 1999).

3 - Jeux vocaux
Si l'on n'y prend pas garde, le vécu vocal de l'enfant sourd peut être lié à une notion de travail, d'effort ; on peut
contribuer à une autre approche en proposant à l'enfant des jeux vocaux, par exemple dans des moments
d’éducation auditive. Les enfants sourds peuvent aimer chanter. Le but n’est pas de les amener à reproduire des
mélodies qui leur demanderaient encore un effort, parfois insurmontable du fait de leurs difficultés perceptives,
mais de jouer dans le plaisir, avec les paramètres de la voix, en tant que "matériau musical" (Manteau JM, 1992),
comme cela est pratiqué par exemple dans la musique contemporaine. Cet abord nouveau des pratiques vocales où
l'on compose à partir des différentes "dimensions" du son, souvent en vivant le "geste vocal en rapport avec son
corps et l'espace au sein duquel il est émis" (Reibel, 1984) ne met pas les jeunes sourds en difficultés puisqu'on
travaille plus sur l'utilisation que sur la perception et la reproduction. L'expérience montre que des adolescents
sourds peuvent se passionner pour cette découverte différente du monde musical, améliorer sensiblement leur
voix et découvrir un plaisir de l'acte vocal qu'ils expriment eux-mêmes.

66
VIII – LE LANGAGE ÉCRIT
A - DES QUESTIONS AUTOUR DE LA LANGUE ÉCRITE

1 - Accès direct
Benoît VIROLE nous rappelle que l'écriture est une acquisition relativement tardive de l'humanité, qu'il existe
des langues qui ne s'écrivent pas, que les cultures se transmettent oralement dans ces communautés linguistiques.
Ces constatations socio-linguistiques conjuguées à la difficulté pour les personnes sourdes de maîtriser la langue
orale dont l'écrit serait un codage phonographique (nous reviendrons sur cette analyse), amènent à se poser la
question d'une acquisition directe de la langue écrite pour les enfants sourds, sans passage par la langue orale ;
"de tous ces éléments, il ressort qu'il n'y a aucune raison objective de penser qu'il est absolument nécessaire
d'apprendre à parler aux enfant sourds pour leur permettre d'apprendre à lire" (Virole et Martenot, 1996).
Christian CUXAC, à partir de ses travaux d'analyse de la LSF, et notamment de la prise en compte des traits
d'iconicité de la langue des signes (Cuxac, 1996), évoque, dans le même ordre d'idées, une démarche analytique
"descendante" à partir du "haut niveau" vers le "bas niveau" d'un texte : fonctions de la langue J grandes
opérations J niveau sémantique J niveau syntaxique et morphologique (Cuxac, 1995).
Marie-Thérèse ABBOU, enseignante sourde, développe, à partir de sa propre expérience, une démarche
intellectuelle passionnante d'accès direct au sens des textes écrits, à partir d'indices sémantiques contextuels ou
apportés par des interactions en langue des signes (Abbou, 1996).

2 - Passage obligé par la conscience phonologique


A l'opposé, les psychologues cognitivistes, partant finalement d'un même constat d'une écriture de type
"transcription phonographique de la langue", ont depuis plusieurs années développé la nécessaire acquisition d'une
conscience phonologique pour pouvoir maîtriser le code de la langue écrite : "la conscience phonémique",
"facteur explicatif des troubles de l'acquisition du langage écrit" "n'est plus au cœur des débats, elle fait
l'unanimité pour elle" (Santos, 1999).
Jesus ALEGRIA dans ses études sur l'acquisition de la lecture met en évidence "des routines phonologiques pour
traiter l'information orthographique", le "bon lecteur" étant celui qui "peut utiliser la voie phonographique d'accès
au lexique de manière plus efficace que le mauvais lecteur". Il préconise donc pour l'enfant sourd de l'amener à
développer une conscience phonologique qui lui fait généralement défaut, en utilisant si besoin les indices manuels
comme le LPC, l'AKA ou la dactylologie (Alegria et Leybaert, 1986). Si ces auteurs n'écartent pas de leur analyse
des difficultés de lecture des enfants sourds d'autres éléments linguistiques - "les sourds sont de mauvais lecteurs
parce qu'ils connaissent mal la langue qu'ils doivent apprendre à lire" – ils centrent néanmoins cette acquisition
autour du "système de correspondance graphème-phonème" dont "on ne peut faire l'économie".
La médiation phonologique est alors décrite comme une nécessité incontournable ("sine qua non") de l'appren-
tissage de la lecture (Share, 1995). D'où des recherches pour élaborer des stratégies éducatives et rééducatives
orales, visant à amener l'enfant à acquérir une conscience phonologique performante par des stimulations auditives
et visuelles (emploi du LPC notamment).

3 - Quelle(s) méthode(s) ?
Nous ne pouvons entrer dans le détail de ce que peuvent être des méthodes d'acquisition de la lecture qui ne sont
peut-être pas de la responsabilité directe des orthophonistes, ni dans celui des pathologies de l'écrit qui ne sont
pas forcément différentes de ce qu'elles sont pour des personnes entendantes. Pourtant, nous devons nous
questionner sur les spécificités de l'acquisition de la langue écrite pour des personnes qui ont des difficultés de
maîtrise de la langue orale du fait de leur surdité et sur le rôle des orthophonistes dans cette acquisition majeure
dans notre société pour la communication et l'acquisition des connaissances, ceci pour tous les enfants, sourds
ou entendants.

67
B - L'ACQUISITION DE LA LECTURE
1 - L'écrit, porteur de sens
Donner du sens à l'écrit que l'on rencontre, c'est renvoyer à un discours déjà constitué, ce que traduit bien la
formule de la langue commune :
Qu'est-ce que cela veut dire ?
Et son pendant :
Ça ne veut rien dire. (Delhom, 1999).

◆ Le sens de différents écrits


Quand "tout va bien", les enfants sourds savent assez vite que l'écrit est porteur de sens. Habitués à rechercher
des indices de compréhension hors du canal auditif, ils prennent vite des repères dans l'écrit. Des pratiques
pédagogiques et (ré)éducatives aident à cette prise d'indices : des mots et des petits énoncés sont souvent écrits
sur des cahiers de vie ou sur d'autres traces écrites soutenant des récits oraux et/ou gestuels. On peut renforcer
cette prise de conscience en leur expliquant systématiquement (oralement et/ou en signes) ce qu'on écrit, chaque
fois qu'un document passe des parents à nous, de nous aux médecins, etc. Les familles jouent également un rôle
clef dans l'apport de cette interaction langagière en amont de l'acquisition de la lecture.

◆ Des livres illustrés


Dans d'autres pays que le nôtre, on utilise, pour apprendre à lire, des livres (illustrés) d'histoires plutôt que des
manuels de lecture, c'est notamment le cas des pays anglo-saxons (Karnoouh, 1992) ; pour l'apprentissage de
ces opérations de pensée complexes et interdépendantes qui composent le "penser-parler-lire-écrire" (Lentin, 1998),
quelques travaux, encore un peu marginaux, préconisent un réel travail de langage à partir de l'utilisation des
livres illustrés : le texte de ces livres illustrés, lu par l'adulte, apporte à l'enfant un étayage qui le conduit, à
travers l'appropriation de la langue orale, vers la découverte du sens de l'écrit (Karnoouh, 1996).

◆ Entrer dans l'écrit à partir des histoires : l'expérience de Danielle BOUVET


Dans la seconde édition de son livre "la parole de l'enfant sourd", Danielle BOUVET développe une entrée dans
l'écrit de ce type, à partir de livres illustrés. L'enfant sourd peut s'intéresser à l'écrit pendant qu'il"est encore en
train d'apprendre à parler" et "les questions [qu'il se pose] à propos de la langue écrite favorisent grandement
son activité métalinguistique si fondamentale dans tout le processus d'acquisition du langage". (Bouvet, 1989).
Des livres illustrés sont ainsi racontés aux enfants en langue des signes puis en langue orale à plusieurs reprises
afin que les enfants s'imprègnent de ces histoires et puissent se les approprier ; ils en découvrent ensuite le texte écrit
sur lequel ils peuvent faire tout un travail d'hypothèses, de recherche de sens, de réflexion sur les processus de
transcription.
Dans cette recherche d'indices, Danielle BOUVET souligne toute la composante idéographique de notre
langue écrite que l'on décrit toujours comme exclusivement phonographique : "les blancs entre les mots
assurent une segmentation du texte en unités de sens de première articulation ; l'orthographe d'usage lie entre
elles des séries lexicales […] ; l'orthographe grammaticale indique aussi, par des lettres sans valeur phonétique,
des marques de genre, de nombre, etc".
Ce qui semble déterminant dans cette approche à partir du "haut niveau" comme le préconisait Christian
CUXAC, c'est qu'elle introduit, sans s'éloigner de la recherche de sens, la médiation de la langue orale, à
l'intérieur de laquelle Danielle BOUVET n'exclut pas la recherche et l'utilisation des indices phonologiques.

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2 - Reconnaissance des signes écrits
◆ Correspondance graphème-phonème
Cette découverte de l'écrit basée sur des récits porteurs de sens (au lieu de lire d'abord et rechercher le sens
ensuite) n'est pas une méthode globale d'acquisition de la lecture : on n'apprend pas à l'enfant à reconnaître
globalement des mots, on le guide vers une prise d'indices pour retrouver dans l'écrit ce qu'on sait du sens de
l'histoire. Les signes écrits eux-mêmes (les lettres) peuvent faire l'objet d'hypothèses ; les enfants ne les découvrent
pas à ce moment là, ils les connaissent déjà un peu. Ces graphèmes sont précocement utilisés par les orthophonistes
qui travaillent auprès des enfants sourds, non pas dans le but de leur apprendre à lire, mais comme des traces
correspondant aux phonèmes ; leur reconnaissance ne pose généralement pas de réel problème.

◆ Des gestes inducteurs.


L'utilisation des gestes inducteurs de la méthode BOREL-MAISONNY représente un atout pour faire le lien
entre le phonème que l'enfant peut ou non prononcer, mais dont il a conscience, et la lettre écrite. Certains
orthophonistes ont abandonné cette méthode avec l'introduction du LPC, il me semble qu'elles sont pourtant
complémentaires : les gestes BOREL ne peuvent pas être employés à vitesse de parole comme le LPC mais ils
présentent l'intérêt de ne pas être des codes artificiels et d'induire, par leur mouvement même, la forme acoustique
ou visuelle de la "lettre" (Sylvestre de Saci, 1971). Comme pour beaucoup d'apprentissages, cette induction
(geste Borel J lettre lue) est facilitée par l'étayage de l'adulte : on peut, on doit, l'expliciter à l'enfant (orale-
ment et/ou en signes).
Ces gestes sont faciles à utiliser également dans la famille ; les parents apprécient de pouvoir s'approprier cette
méthode toute simple qui peut accompagner l'enfant dans toutes ses activités de lecture, transcription, etc.

3 - Conscience phonologique
Nous avons évoqué les nombreux travaux qui se sont attachés à mettre en évidence et à décrire l'importance d'une
prise de conscience de la phonologie, et de la concordance graphème-phonème, pour la maîtrise de la langue écrite
dans notre système d'écriture.
Nous ne les développerons pas ici, car ils ne sont pas une spécificité de la (ré)éducation des enfants sourds.
Pourtant, il semble important de corriger une affirmation courante liant le degré de surdité à la difficulté, voire
l'impossibilité, de faire surgir cette conscience phonologique : il semble qu'on confonde souvent discrimination
et prise de conscience.

◆ Prise de conscience
Avoir conscience d'un phénomène, quel qu'il soit, est une activité de pensée, cela ne signifie pas en maîtriser la
technique, ni même la perception. Ce qu'un enfant sourd n'entend pas peut lui être explicité avec toutes les aides
poly-sensorielles que nous avons décrites. Même s'il n'entend pas réellement le phonème [s], très aigu, et même
si son articulation n'est pas parfaitement placée, peut-être un peu trop tonique, etc, il peut connaître l'existence
de ce phonème et sa place dans un système phonologique comme consonne constrictive sourde (même si ce ne
sont pas les termes que nous employons) entre [ f ], plus antérieur, et[ ∫ ], plus postérieur.

◆ Le système phonologique
Une fois encore, j'insiste sur cette importance d'expliquer à l'enfant la logique d'un système que sa seule percep-
tion ne lui permet pas d'approcher. Les jeunes enfants sourds peuvent savoir très vite qu'il y a des sons - des let-
tres - qui "explosent"/des sons qui "glissent" (occlusives/constrictives), des sons qui vibrent dans la gorge/des sons
qui ne vibrent pas (sourdes/sonores) ; et que tous ces sons sont organisés par paires (orales/nasales, sourdes/sono-
res) ou par groupes de trois (sourdes/sonores/nasales).

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J'affirme donc, fondant mon propos sur l'expérience, que les enfants sourds, même s'ils n'ont qu'une maîtrise
imparfaite de l'articulation de la langue orale, peuvent mettre en place dans leur pensée une conscience
phonologique qui les aide dans la prise d'indices de lecture. Bien entendu, ce travail sera facilité par l'éducation
auditivo-perceptive et soutenu par les techniques précédemment décrites : LPC, gestes Borel, etc.

C - UTILISER LA LANGUE ÉCRITE


Précisons en préambule à cette réflexion que l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la
communication : fax, minitel, internet, "texto", etc, que les jeunes sourds s'approprient avec un grand bonheur,
semblent induire une nouvelle motivation pour la communication écrite.

1 - Lire-écrire
◆ Une même opération de pensée
Apprendre à penser, parler, lire, écrire représente un continuum (Lentin, 1988). Il est important de prendre
conscience que ce continuum représente des étapes d'une même activité de pensée. On n'apprend pas à parler
puis à lire puis à écrire mais on maîtrise progressivement les étapes de cette maîtrise de la langue, orale et écrite.

Schéma illustrant le chapitre "langage oral, langage écrit : une même langue, in Apprendre à penser – parler – lire – écrire
(Lentin, 1998)
A = ensemble, pratiquement illimité, d'énonciations pouvant être parlées
B = ensemble, pratiquement illimité, d'énonciations pouvant être écrites
C = intersection des deux ensembles : énonciations pouvant être soit parlées, soit écrites
a1c1 : classe de variantes orales "équivalentes", d'un point de vue strictement informatif
b1c1 : classe de variantes écrites "équivalentes", d'un point de vue strictement informatif
c1c'1 : intersection des deux classes précédentes, d'un point de vue strictement informatif
a2c2 : autre classe de variantes orales
b2c'2 : autre classe de variantes écrites

◆ Des cheminements divers au sein de ce continuum


S'il est habituellement admis pour les enfants entendants qu'il est préférable de maîtriser la langue oralement avant
d'en découvrir les variantes écrites, la pratique orthophonique montre que ce cheminement est plus polymor-
phe pour les enfants sourds. Chaque compétence langagière que l'enfant développe l'aide, par une réflexion
métalinguistique, consciente ou non, à développer sa maîtrise des autres paramètres (Manteau, 1992-2).

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COMPÉTENCE COMMUNICATIONNELLE

Compétence linguistique

Communication
Langues orales
mimo-gestuelle
Français
= langue de rééducation Parfois autre langue
LSF et d’enseignement orale = langue de la
(souvent langue famille
familiale)
Autres modes de
communication : { Compétence phonologique}
dessin, mime, danse
Langues écrites

◆ Pratiques pédagogiques et rééducatives issues de cette analyse


La dictée à l'adulte que nous avons déjà présentée comme une modalité possible d'interaction pour aider à la
construction de la langue orale, est une méthode d'accès à l'écrit qui respecte entièrement ce cheminement de
pensée. L'enfant exprime à l'adulte ce qu'il voudrait écrire et, par des interactions langagières orales (qui peuvent
cheminer par des échanges langagiers en langue des signes), l'adulte accompagne l'enfant dans un travail d'éla-
boration de ce que sera l'expression écrite de cette pensée.
Antoine TARRABO qui enseigne le français à des collégiens et lycéens sourds à partir d'une réflexion linguistique
très élaborée (Tarrabo, 2002- 1 et 2) décrit de façon précise cette utilisation fructueuse de la dictée à
l'adulte (Tarrabo, 2003).
Dans le cheminement vers la langue écrite que Danielle BOUVET présente, les enfants sourds utilisent les textes
des histoires déjà lues pour y retrouver des mots, des expressions qu'ils réutilisent pour leurs propres textes ; ils
ne peuvent faire ce travail que parce qu'ils se sont réellement appropriés le sens de ces histoires et qu'ils savent
faire un lien entre ce langage "vécu", intériorisé, et les formes langagières écrites qui le traduisent.

2 - Enrichissement permanent de la langue orale-écrite


◆ "Savoir lire".
Apprendre à lire n'est pas apprendre à déchiffrer et de nombreux enfants sourds qui "savent lire" se retrouvent
confrontés à l'école à des textes dont ils ne peuvent comprendre seuls le sens précis, et ceci dès les premiers
livres de lecture. La mission des orthophonistes n'est pas de leur apporter un soutien scolaire relatif au contenu
disciplinaire de ces textes, mais de mettre en place toutes les stratégies langagières précédemment exposées pour
les aider à découvrir et utiliser les éléments langagiers nécessaires à la compréhension de ces textes. Une harmo-
nisation entre ce travail langagier accompagné par les orthophonistes et le travail de soutien scolaire, générale-
ment nécessaire, est primordiale afin d'optimiser les apports de ces différents professionnels et de permettre aux
jeunes sourds de comprendre et utiliser ces aides différentes.

◆ Une progression permanente.


Nous apprenons tout au long de notre vie et notre langage s'enrichit à mesure que nous apprenons. Les parti-
cularités des cheminements langagiers des personnes sourdes accentuent encore cette progressivité des acquisitions
langagières. La difficulté croissante des acquisitions scolaires auxquelles les élèves sourds sont confrontés les
expose sans cesse à de nouvelles formes lexicales et syntaxiques et il est important d'expliquer à leur entourage

71
et à eux-mêmes que cette maîtrise peut aller sans cesse en s'améliorant. Lorsque l'on compare des productions
écrites de jeunes sourds à leur arrivée en classe de seconde et lors de leur classe de terminale, on voit nettement
que, s'ils ont pu bénéficier encore d'un travail d'orthophonie, et se motiver pour ce travail, leurs productions en
trois ou quatre années se sont enrichies dans la construction de leur discours et son adaptation aux consignes,
dans l'utilisation (appropriée) des complexités syntaxiques, et également au plan lexical et morpho-syntaxique.

◆ Enrichissement par le bilinguisme


Lorsque les jeunes sourds ont évolué dans une dynamique de bilinguisme, les réflexions qu'ils peuvent être amenés
à faire, avec la médiation de l'adulte, sur les fonctionnements respectifs des deux langues, enrichissent leur
activité métalinguistique qui bénéficie à terme au développement des deux modalités. Un travail régulier et
systématique peut ainsi être mené par des professionnels maîtrisant bien les deux langues. On travaille alors le
plus souvent en binôme, un orthophoniste connaissant bien la LSF avec un pédagogue sourd ayant une connaissance
de la langue orale-écrite et des capacités d'analyse linguistique de sa propre langue. C'est un travail de ce type
qui est développé dans les expériences de "pédagogie associée" (Grau et Woringer, 1999).

3 - Les autres apprentissages


◆ L'évaluation des connaissances
Une difficulté est généralement pointée par les enseignants, les familles et les jeunes eux-mêmes : celle des énoncés
des évaluations (devoirs, interrogations, examens). Les jeunes semblent avoir acquis et intégré les connaissances
requises pour faire un certain travail mais ne comprennent pas, ou mal, ce qu'on leur demande de réaliser ou de
reformuler. On est souvent amené dans le travail d'orthophonie à travailler sur les formes langagières habituel-
lement rencontrées dans des énoncés mais on n'est jamais à l'abri d'une évaluation déconcertante pour eux dans
sa formulation.
Dans le nécessaire travail de concertation, on peut expliquer aux enseignants l'importance de sérier les difficultés
et de savoir ce qu'on évalue :
• la connaissance elle-même ?
- dans ce cas, on peut essayer d'utiliser, surtout si la connaissance évaluée est complexe, des questionne-
ments simples dans leur formulation langagière (en évitant notamment les constructions syntaxiques
complexes car ce n'est pas le lexique qui pose le plus de problèmes en général) ;
• les différentes formulations des questions auxquelles les jeunes seront confrontés plus tard (dans leurs examens,
etc,) ?
- dans ce cas, on peut travailler, à propos de contenus assez simples et dont on présuppose la connaissance
par l'enfant, sur des formes d'interrogations nouvelles, complexes et variées.

◆ L'acquisition des connaissances


Si ces questionnements autour des difficultés d'évaluation sont courants, il est moins habituel de se questionner
sur les difficultés mêmes que les jeunes sourds peuvent rencontrer, du fait de leurs difficultés langagières, pour
acquérir certaines connaissances. Bien entendu, ce n'est pas leur intelligence qui est en cause mais peut-être ces
relations complexes entre langage et pensée que nous avons esquissées au début de cette réflexion.
Les jeunes sourds n'ont a priori aucune raison de se trouver en difficulté dans des activités de logique non
verbales et, de ce fait, les mathématiques devraient être pour eux d'un accès facile. Pourtant un certain nombre
de jeunes, intelligents, motivés pour les apprentissages, malgré des progrès importants dans leur évolution
langagière, semblent rencontrer des difficultés dans le maniement de la pensée logique.
Il y a sans doute beaucoup à découvrir dans ce domaine que nous ne pouvons développer ici. Le langage joue
un rôle déterminant dans la mise en place des activités de pensée logique et cela pourrait expliquer que de
nombreux enfants sourds aient besoin d'une médiation adaptée pour les accompagner dans ces processus
cognitivo-langagiers.

72
IX – D'AUTRES SURDITÉS
Nous avons essentiellement développé les approches orthophoniques dans le cas des surdités bilatérales de
perception, sévères ou profondes, congénitales ou prélinguales. Les réflexions menées sur l'acquisition du
langage s'appliquent à tous les autres cas de surdités et les méthodes et techniques sont les mêmes ; néanmoins,
nous passerons rapidement en revue dans ce chapitre les questions particulières que peut poser le travail auprès
de personnes présentant d'autres types de surdités.

A - SURDITÉS MODÉRÉES OU UNILATÉRALES


1 - Les surdités unilatérales

◆ Négligeables ?
Le corps médical avait tendance jusqu'à ces dernières années à présenter comme négligeables sur le plan de
l'éducation langagière et scolaire, les répercussions des surdités unilatérales. Puisque la seconde oreille "fonctionne"
disait-on aux parents, il n'y a pas de problème. Or, la réalité clinique, nous amenait de temps à autre à interve-
nir auprès d'enfants ou adolescents présentant des surdités sur une seule oreille et rencontrant des difficultés dans
leur évolution psycho-motrice, langagière, scolaire, parfois attribuées à des perturbations psychologiques. Ces
pertes auditives unilatérales, dont la prévalence est estimée entre 0,5 et 13 pour 1000 selon les études, sont souvent
dépistées tardivement (il faut penser qu'elles échappent notamment aux épreuves de dépistage en champ libre).

◆ Facteurs psycho-acoustiques.
Des études récentes confirment notre intuition clinique en pointant des difficultés souvent associées à ces
pertes auditives unilatérales (Watier-Launey C. et Ployet M.J., 2001). Il semble bien qu'il ne faille pas prendre
en compte ces pertes uniquement en fonction d'un calcul quantitatif de la perte auditive, mais tenir compte des
facteurs acoustiques pouvant perturber la reconnaissance du message sonore. D'une part "la présence simultanée
de deux capteurs sonores" permet un effet de" sommation", amplification de l'impression sonore, qui n'existe
pas dans le cas des surdités unilatérales ; d'autre part, selon" la localisation de la source sonore", la masse osseuse
de la tête peut provoquer un "effet d'ombre" gênant la transmission du son vers l'oreille saine ; enfin et surtout,
la binauralité permet également "d'extraire le message pertinent du bruit de fond en partie grâce aux propriétés
physiques différentes du son atteignant chaque oreille".
Il semble donc médicalement reconnu que des surdités unilatérales, si elles ne sont pas comparables dans leurs
effets à des surdités plus importantes, peuvent représenter une gêne pour l'enfant et qu'elles doivent à ce titre
être prises en considération et, si nécessaire, faire l'objet d'un accompagnement psycho-moteur (une perception
unilatérale peut avoir des conséquences sur la perception de l'espace) et orthophonique, sans attendre que des
difficultés n'apparaissent au niveau scolaire. L'éducation auditive peut notamment aider ces enfants à mieux
gérer, dans différents contextes acoustiques, leur perception de l'univers sonore.

2 - Les surdités "légères"


Les surdités de moindre importance, qui peuvent se révéler légères ou moyennes selon des critères audiométriques,
peuvent également passer inaperçues, ou bien être détectées mais peu prises en considération du fait de leur
intensité.

◆ Les "courbes en pente".


La forme de la courbe auditive est bien entendu très importante : une surdité moyenne peut correspondre à une
audition normale dans les fréquences graves avec une perte sévère sur les fréquences plus aigues, entraînant une
distorsion considérable dans la perception des phonèmes, on est alors en face d'une difficulté, sinon de même
ampleur, du moins de nature comparable à celle d'enfants plus sourds. Une autre difficulté peut être liée à ce

73
genre de perte auditive : comme l'enfant entend toujours quelque chose (la partie grave du son) il donne
l'illusion d'avoir entendu, ce qui explique parfois des dépistages tardifs et entraîne souvent une incompréhen-
sion de la part de son entourage qui a du mal à comprendre qu'il ait pu entendre et ne pas comprendre.

◆ Les autres "malentendances".


Dans les autres cas de surdités bilatérales légères et moyennes, le gain prothétique peut représenter une aide
importante pour la perception de l'environnement sonore en général et de la parole en particulier. Pourtant ces
personnes sourdes, très gênées dans le bruit ambiant (ce qui peut être un signal d'alerte pour une surdité non
dépistée), doivent mettre en place des stratégies d'attention et d'anticipation pour saisir la totalité des informa-
tions sonores (Cosson, 2003). Chez l'enfant, cela se traduit souvent, certes par des confusions phonémiques, mais
également, et l'entourage n'en est pas toujours conscient, par des "trous", dans les acquisitions et dans la maîtrise du
lexique, sans doute liés à des conditions irrégulières de réception des messages.
Un dossier récent de la revue Connaissances Surdités fait le point sur les différentes difficultés des enfants
malentendants et Christian CALBOUR conclut à la nécessité d'"actions orthophoniques de guidance auprès des
parents d'enfants à risque" (Calbour, 2003).

B - CONSERVATION DU LANGAGE ORAL ET DE LA PAROLE DANS LES SURDITÉS


ACQUISES À L'ÂGE ADULTE (APRÈS L'ACQUISITION DU LANGAGE)
Devenir sourd peut évidemment représenter un traumatisme important. En dehors du vieillissement inévitable
de la fonction auditive qui pourrait nécessiter parfois un accompagnement orthophonique dans les domaines de
la lecture labiale et d'une certaine "éducation auditive" avec prothèses, les surdités acquises à l'âge adulte, quelles
qu'en soient les causes, demandent à la personne de réorganiser son univers perceptif et communicatif, ce qui
devrait nécessiter l'aide conjointe d'un orthophoniste et d'un psychologue. Nous ne pourrons développer ici ce
type de prise en charge rééducative qui, bien entendu, se centrera plus sur les aspects perceptifs que sur le langage,
déjà acquis par la personne. Une intervention orthophonique auprès de ces personnes fait essentiellement inter-
venir la lecture labio-faciale et la mise en place de toutes les stratégies d'adaptations possibles : perceptives,
communicatives, langagières. Dans les cas de surdités très importantes, il peut être nécessaire de travailler la parole
dans ses traits articulatoires et supra-segmentaux afin d'éviter une détérioration de ces phénomènes liée à la
disparition de la boucle audio-phonatoire.

C - CONSERVATION ET ENRICHISSEMENT DU LANGAGE ORAL ET DE LA PAROLE


DANS LES SURDITÉS ACQUISES DANS L'ENFANCE
Selon des chiffres récents, "la prévalence de la surdité [de perception] de l'enfant est analogue dans les pays
occidentaux. Celle des surdités sévères et profondes est de l'ordre de 1 pour 1000 à 1 pour 2000 à la naissance
et de l'ordre de 3 pour 1000 à 3 ans", ce qui suppose donc un pourcentage non négligeable de surdités acquises
dans les premières années de la vie (Robier, 2001).
En fonction de l'âge auquel survient la surdité et de la brutalité de son apparition, le travail de l'orthophoniste
sera plutôt du même ordre que celui, précédemment décrit, auprès des adultes devenus sourds, ou bien s'appa-
rentera au travail auprès des enfants porteurs de surdités prélinguales lorsque la surdité intervient avant que
l'enfant n'ait pu maîtriser le langage oral-écrit. Dans les deux cas, un accompagnement psychologique de
l'enfant et de la famille devra intervenir en complément pour les aider à surmonter le traumatisme et à intégrer
de nouvelles dimensions de communication et d'échanges.

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X – QUAND LA SURDITÉ N'EST PAS LE SEUL PROBLÈME
A - LES SURDITÉS DANS LE CADRE D'UN PLURI- OU D'UN POLY-HANDICAP
Plus encore que pour toute autre surdité, il est indispensable de travailler en équipe pluri-disciplinaire lorsque
la surdité n'est qu'un versant du handicap qui frappe un enfant et une famille. Sans développer ici un sujet qui
demanderait une approche particulière, notons simplement l'importance de bâtir, avec les familles et les autres
professionnels, un projet prenant l'enfant en compte dans sa globalité et n'écartant jamais la notion de bien-être
d'un enfant confronté à plusieurs difficultés. Le travail de l'orthophoniste, plus que dans l'apport de techniques
particulières, peut alors être celui d'un regard sur les conditions de mise en place et de développement de toute
modalité langagière propre à aider cet enfant-là, avec son entourage, dans le développement de sa pensée et de
sa communication.
L'expérience amène enfin à la prudence dans la présentation des aides possibles afin de ne pas laisser l'entourage
d'enfants gravement handicapés ne garder dans son champ de vision que la dimension de la surdité, en
négligeant de prendre en compte les autres handicaps qui, parfois, font encore plus peur.

B - LES SURDITÉS AVEC DES DIFFICULTÉS OU TROUBLES ASSOCIÉS


1 - Un autre problème
Sans entrer réellement dans le champ du poly- et du pluri-handicap, il peut arriver que des enfants sourds
auprès desquels nous travaillons, aient un ou plusieurs autres problèmes associés, c'est notamment le cas de
problèmes visuels pour un certain nombre de surdités génétiques, notamment dans le cas des syndrômes
d'Usher et de Stickler (Denoyelle, 2001). Il est alors indispensable de s'entourer d'avis pluri-disciplinaires pour
comprendre ces autres difficultés et les prendre en compte dans la conception et la mise en œuvre de nos actions
(ré)éducatives.

2 - Sourds et dysphasiques ?
Depuis que l'accent est mis, renforcé par les apports des neurosciences, sur les troubles sévères du langage, de
nombreuses équipes s'interrogent sur des enfants sourds présentant des difficultés particulières d'accès à la
langue orale-écrite, et même parfois d'accès à la langue des signes : présentent-ils des troubles dysphasiques ?
Les définitions originelles de la dysphasie décrivaient un trouble sévère du langage en l'absence de déficit intel-
lectuel, de trouble envahissant de la personnalité et de déficit perceptif. Dans cette acceptation du problème,
on n'est pas dysphasique si on est sourd.
Les recherches plus récentes, pourtant, décrivent des dysphasies (Bernardi, 2001), diverses dans leurs formes et
leurs évolutions, et définies par une série de marqueurs (Montfort, 2001) qui se conjuguent entre eux pour
parvenir à un diagnostic. Avec ce nouvel angle de vue, il semble bien que certains enfants sourds rencontrent
des problèmes spécifiques d'accès au langage, dans ses différentes modalités, et on pense que certains d'entre
eux présentent des difficultés spécifiques qui sont "d'ordre dysphasique".
Il faut toutefois être prudents et honnêtes et ne pas nommer dysphasiques des enfants sourds qui seraient en
échec dans leur évolution langagière et scolaire parce que des stratégies inappropriées auraient été employées
avec eux, par exemple des enfants pour lesquels des stratégies exclusivement orales auraient été mises en place
et maintenues alors qu'elles ne correspondraient pas à leur processus développemental (Dumoulin, 2003).

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XI – CONCLUSION
Il est difficile de conclure une réflexion sur le travail des orthophonistes auprès des personnes sourdes, elle
demanderait à être encore longuement poursuivie, approfondie. La surdité, les surdités, représente(nt) pour
l'orthophoniste, passionné par le domaine de la pensée, du langage, de la communication, une perpétuelle
interrogation.
Ces dernières années, nos connaissances se sont trouvées remises en question dans tous les domaines :
la médecine, avec ses nouvelles connaissances du fonctionnement de la cochlée, les neurosciences, avec un
nouvel angle de vue sur le fonctionnement de la perception et des apprentissages, la technologie, avec les
performances nouvelles des prothèses et la petite révolution des implants, la phonétique avec ses nouvelles
approches de la prosodie, la linguistique, avec ses études des langues des signes, sans oublier les apports de la
psychologie, de la psycho - et de la socio-linguistique. Autant de disciplines dans lesquelles nous avons un
devoir de formation réellement continuée.
Pourtant, au milieu de ce salutaire tourbillon, il y a des enfants, sourds, et leurs familles. Ils sont tous différents,
ils ont des potentiels, des besoins, des désirs différents. Ont-ils tous besoin d'orthophonie et d'orthophonistes ?
C'est à eux de répondre.
Avec le temps, on acquiert quelques savoirs et un peu de savoir-faire. L'important est de bâtir avec chacun un
projet, réellement individualisé, d'adapter notre mode d'approche, notre progression, à cet enfant là et à sa
famille, et d'accepter de tout remettre en question si c'est nécessaire.
A défaut de savoir réellement ce que doit être la (ré)éducation orthophonique d'un enfant sourd, on approche,
avec le temps et l'expérience, ce qu'elle ne devrait pas être.
Conduire la (ré)éducation orthophonique d'un enfant sourd ne peut pas amener à se conduire comme le
professionnel tout puissant qui sait tout et décide de tout. Il faut savoir évaluer, ou essayer d'évaluer, nos
pratiques et cela passe par un réel travail d'équipe (la famille étant nécessairement un membre de cette équipe).
La vidéo est un outil incomparable pour évaluer tous les aspects de la communication et approcher les straté-
gies d'apprentissage ; elle n'est pas toujours gratifiante pour le professionnel qui voit sur l'écran tous les petits
défauts de ses actions, de son attitude, de son interaction, mais c'est un "mal nécessaire" et porteur de progrès.
Conduire la (ré)éducation orthophonique d'un enfant sourd ne peut pas consister à travailler tout seul. En plus
du partenariat habituel avec les équipes médicales et audio-prothétiques, les incidences de la surdité sur les
phénomènes d'apprentissage amènent à travailler en partenariat avec les pédagogues (sourds et entendants) ;
les intrications du développement du corps, de la pensée et du langage, ne peuvent s'aborder sans travail
d'équipe avec des psychologues et psycho-motriciens ; travailler en équipe n'étant pas considéré comme
travailler les uns à côté des autres, mais réellement les uns avec les autres, ce qui n'est pas toujours facile, mais
est toujours enrichissant.
Conduire la (ré)éducation orthophonique d'un enfant sourd ne peut pas se vivre en s'enfermant avec lui pour
des petites séquences "à répétition" dans une cabine exiguë et sans fenêtre. Quelle pensée, quel langage, peut-on
avoir envie de développer dans un tel cadre ? L'enfant et sa famille ne demandent généralement pas un cadre
luxueux, mais au moins respectueux de leurs personnes : un vrai bureau, avec des vraies fenêtres ouvertes sur
la vraie vie et de l'espace pour bouger un peu. Quant au rythme des séances, je ne crois pas à l'éducation
"zapping" : vingt minutes tous les jours apportent peu et lassent vite ; mener un travail d'étayage pour la pen-
sée, le langage et la parole, dans une réelle situation de communication, demande un peu de temps et nécessite
également du temps entre les séances, pour que l'enfant souffle, assimile, réfléchisse, expérimente, se prépare à
la séance suivante. Ce sont l'âge, les besoins, les désirs de l'enfant et de sa famille qui décideront si une, deux,
trois, (quatre ?) séances hebdomadaires de 30, 45 minutes (ou plus) sont nécessaires.
Conduire la (ré)éducation orthophonique d'un enfant sourd ne peut pas se résumer à mettre l'enfant devant des
logiciels aussi performants soient-ils ; l'enfant a besoin de l'étayage de l'adulte pour apprendre et de l'interaction
avec l'adulte pour développer son langage. L'orthophoniste se doit de pouvoir soutenir le travail de l'enfant par
du matériel performant et varié, mais ce matériel ne fera jamais, heureusement, la séance à la place de
l'orthophoniste.
Conduire la (ré)éducation orthophonique d'un enfant sourd représente un cheminement long et exigeant, mais éga-
lement une chance réelle ; chaque enfant sourd auprès de qui nous cheminons ainsi, à la recherche du langage, nous
apprend beaucoup en partageant avec nous les richesses de sa perception, de sa pensée et de sa (ses) langue(s).

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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CHAPITRE III
Réadaptation à la communication dans les surdités
acquises appareillées ou non et/ou éducation
à la pratique de la lecture labiale

Danièle HAROUTUNIAN, Orthophoniste


Titulaire d’une maîtrise de lettres modernes
DU d'Audidogie

SOMMAIRE
I - INTRODUCTION ............................................................................................................... 83

II – PRISE EN CHARGE RÉÉDUCATIVE DES PERSONNES ADULTES PRÉSENTANT


UNE SURDITÉ ACQUISE
A – Cas concernés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
B – Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
C – Orientation du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
D – Préliminaires à la prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

III – LE TRAVAIL DE RÉÉDUCATION DE LA COMPRÉHENSION


A – La fonction de discrimination phonétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
B – La fonction de séparativité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
C – La fonction de vitesse de décodage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
D – La fonction de sélectivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
E – La concentration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
F – La capacité mnésique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

IV – CONCLUSION .............................................................................................................. 90

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................. 90


I – INTRODUCTION
L’intitulé de ce chapitre recouvre trois types de prises en charge possibles en fonction de la gravité de l’atteinte
auditive :
• rééducation de la compréhension par réactivation de certaines fonctions neurologiques (réveil d’aptitudes méta
phonologiques, mnésiques, perceptives…) pour les surdités de degré léger à sévère [les plus nombreuses ; les
derniers chiffres communiqués par le BUCODES font mention de 4 millions de personnes atteintes de surdités en
France, soit 7% de la population. Huit mille personnes sont nées sourdes profondes. Pour les autres, soit trois millions
deux cent mille personnes :
- 2,2 millions ont une atteinte située entre 20 et 40 dB - surdité légère
- 1,3 " " " " " " 40 et 70 dB - surdité moyenne
- 0,36 " " " " " " 70 et 90 dB – surdité sévère
- 0,12 " " " " " au-delà de 90 dB – surdité profonde ]
• apprentissage de la lecture labiale pour les surdités de degré sévère et profond, et dans certaines surdités
évolutives.
• mariage de ces deux approches.
Ainsi pour répondre à l’intitulé de cette partie de la nomenclature, deux parties distinctes seront développées :
• l’une exposant le travail possible pour une réactivation de la compréhension sans lecture labiale,
• l’autre proposant des conseils et une proprosition de progression pour l’apprentissage de la lecture labiale.

II – PRISE EN CHARGE RÉÉDUCATIVE DES PERSONNES


ADULTES PRÉSENTANT UNE SURDITÉ ACQUISE
La méthode de rééducation présentée est le fruit d’un travail empirique qui a débuté vers 1994. Elle a été
l’objet d’une publication, Haroutunian (2000). L’auteur en prépare un remodelage complet qui comprendra :
• l’étayage théorique,
• un nouveau bilan avec étalonnage,
• de nombreux nouveaux exercices

A – CAS CONCERNÉS
Le mode d’intervention est fonction du degré de gravité de la perte auditive mais également du seuil de
compréhension du patient, déterminé lors du bilan.
Lorsque la surdité est totale ou très sévère (de plus si elle est évolutive), la réponse thérapeutique est l’apprentissage
de la lecture labiale (Garric, 1998), le versant visuel étant à privilégier pour maintenir la communication ; mais
lorsque le patient présente une surdité légère à moyenne, le versant auditif doit permettre l’accès à une commu-
nication satisfaisante. Dans les cas très sévères et les surdités évolutives, un mariage entre les deux approches
thérapeutiques sera proposé.
Nous allons aborder dans ce chapitre la prise en charge des surdités acquises de type léger et moyen ; se référer
au chapitre relatif à l’apprentissage de la lecture labiale pour les cophoses et surdités sévères.

B – INTRODUCTION
Quelque soit l’étiologie de la perte auditive (presbyacousie, otospongiose, traumatique…), l’approche thérapeutique
sera identique ; elle proposera une réactivation de certaines fonctions "psycho-acoustiques" fonctions qui sont
à l’origine d’une compréhension satisfaisante chez chacun de nous, lorsqu’elles sont opérationnelles.

83
[ "fonctions psycho-acoustiques" : le terme approprié serait "fonctions neuro-psycho-acoustiques" :
les messages sonores sont transmis à notre cerveau via des images constituées au niveau de l’oreille interne et de
nombreux facteurs liés à nos expériences, notre vécu, interviennent dans la constitution de ces images (notam-
ment nos émotions, notre fonctionnement psychologique…) ; le décodage de ces images est effectué par notre
cerveau. Lorsque qu’il est question de ces fonctions, je me réfère aux mécanismes mis en oeuvre de la percep-
tion d’un message à son décodage.]
Le système auditif est un capteur de sons transformés en "images sonores" transmises au cerveau lequel doit les
analyser pour en restituer le sens. Des expériences (Leipp, 1977) ont montré que ces images peuvent être recon-
nues même si elles sont déformées à la condition qu’elles conservent certains identifiants indispensables. Lorsqu’il
y a baisse auditive, certains mots ou séquences, par le fait qu’ils sont mal perçus, peuvent être à l’origine
d’images non fiables, ce qui entraînent des erreurs dans l’analyse du sens ; le cerveau a reçu dans l’enfance une
programmation pour la reconnaissance de ces images ; la baisse auditive les modifie.
En travaillant la discrimination auditive fine, nous pouvons recréer des images identifiables.
Il est nécessaire également de s’exercer à séparer les éléments de la chaîne parlée à bon escient, de les mémoriser.
De plus lorsqu’une personne entend moins bien, son rythme, sa vitesse de décodage des messages finissent par
fonctionner au ralenti.
De même, les capacités mnésique et de concentration s’altèrent au fil du temps.
Comprendre, c’est également être capable de sélectionner ce que l’on désire entendre et faire abstraction du
contexte environnant c’est-à-dire d’autres sources sonores notamment du bruit.
Tous ces aspects (ceux présentés ici ne sont pas exhaustifs mais sont suffisants pour recouvrer une compréhension
satisfaisante- dans la majorité des cas-) participant de la compréhension vont être à remobiliser lors du travail
rééducatif.

COMPRENDRE EST SYNONYME D’ADAPTABILITE CEREBRALE.

C – ORIENTATION DU TRAVAIL
De nombreuses fonctions sont actives pour notre compréhension ; l’expérience montre qu’en développant,
stimulant, réactivant des aptitudes spécifiques, notre compréhension s’améliore et chez certains redevient quasi
"normale".
Ces aptitudes vont être remobilisées par des exercices particuliers.
Le bilan (élaboré sur l’étalonnage de ces aptitudes) aura évalué certaines caractéristiques qui fondent les troubles
de la compréhension du sujet (Haroutunian, 2000) :
1 – la fonction de discrimination phonétique
2 – la fonction de séparativité du discours
3 – la fonction de vitesse de décodage
4 – la fonction de sélectivité des informations sonores
5 – la concentration
6 – la capacité mnésique

D - PRÉLIMINAIRES À LA PRISE EN CHARGE


Avant d’exposer en détail le travail de rééducation, abordons toutes les récriminations que ce type de patient
exprime et essayons si ce n’est d’y apporter une solution tout au moins une explication ou un éclaircissement.

1 - Récriminations habituelles dues à l’appareil auditif


La personne attendait beaucoup du port d’un appareil auditif et celui-ci ne lui apporte pas la satisfaction escomptée.
Il existe un grand pourcentage de personnes qui ont des difficultés à supporter un appareil qui leur semble
privilégier plus les bruits que la parole, qui intensifie tout mais pas l’intelligibilité de la parole, qui ne leur
permet pas de comprendre.

84
Soit, il s’agit de personnes qui sont restées longtemps sans se préoccuper de leur baisse ou perte auditive et qui
se sont habituées à un flou relationnel, une absence de communication, qui attendent tout ou beaucoup de
l’attitude des autres pour leur compréhension, qui pensent par exemple, que ce sont les autres qui articulent mal,
que leur appareil est mal réglé, en résumé que c’est l’extérieur qui doit changer, s’adapter à eux… Dans ce cas,
il est important de les mettre face à la réalité de certains faits pour qu’elles puissent devenir actives dans le tra-
vail de réactivation de leur compréhension ; en effet, si on pense que les autres sont responsables de nos
difficultés, il n’y a pas de moteur intérieur actif qui s’enclenche pour que nous soyons acteur du changement désiré.
Donc, leur montrer la réalité de leur "mal-compréhension" en nommant toutes les difficultés cernées lors de la
passation du bilan.
Il faut savoir de surcroît que le gain prothétique (de la même façon que chez les personnes ayant une baisse ou
perte auditive, le même degré de perte ne signe pas le même degré de compréhension), varie d’un sujet à l’autre
et ceci de façon considérable, au même titre que chacun d’entre nous présente un niveau de compréhension
différent quelque soit notre niveau auditif ; ainsi un "normo-entendant" peut présenter une compréhension
altérée. De plus, chez certains, le gain prothétique, en pourcentage sera de 30 ou 40%, chez d’autres de 10.
Ce gain évoluera dans le temps d’une part parce que la personne s’habituera à l’apport de l’appareil et d’autre
part parce que le travail de remobilisation de la compréhension portera petit à petit ses fruits.

Ou bien, nous sommes devant des personnes qui présentent une très grande sensibilité à l’apport sonore de
l’appareil, souvent dans les aigus (phénomène du recrutement).
Et dans ce cas précis, il est important, tout particulièrement, de travailler conjointement avec l’audioprothésiste
afin que les réglages de début de prise en charge soient inférieurs à leur potentiel optimum habituel, pour être
mieux supportés et permettre une acceptation de l’appareil qui soit progressive. Les paliers de réglage s’effectue-
ront au fur et à mesure de l’amélioration constatée de la compréhension globale du sujet.

Le confort du port est primordial ; il est important de démarrer le travail avec une stabilité de réglage pour que
les nouvelles images puissent se constituer.

La publicité des prothèses auditives vante une bonne compréhension dans le bruit ; cela est mensonger (en tout
cas actuellement). La perte de la capacité de sélectivité des informations sonores est un dénominateur commun
à toutes les personnes présentant des baisses auditives ; cette capacité est à réveiller afin d’être opérationnelle.

2 - Récriminations adressées à l’entourage


Ne jamais oublier que notre compréhension dépend de notre aptitude relationnelle, de notre implication dans
la communication ; ces facteurs diffèrent d’une personne à l’autre. La motivation pour le travail en séance est
généralement proportionnelle au désir de rester en communication avec les autres.
Certains patients pensent que c’est l’entourage qui articule mal et que c’est à cause de cela qu’ils ne comprennent pas ;
qu’il suffirait que les autres fassent un effort pour qu’il n’y ait plus de problème pour eux.
Ou bien, ils pensent que leur difficulté de compréhension est due uniquement au mauvais réglage de l’appareil.
Eux-mêmes ne sont pas gênés ; ils sont aussi satisfaits de ne pas entendre certaines choses, notamment les bruits.
Finalement, pour une certaine catégorie de personnes, la perte auditive est confortable aussi bien par rapport à
l’environnement que relationnellement. Et dans ces cas, souvent, la personne n’est pas venue en consultation
orthophonique de son propre désir, mais "poussée" par quelqu’un faisant partie de son entourage.
Dans ce cas, le bilan sert de miroir, comme dernière tentative de mobilisation ; il révèle les composants réels de
la compréhension. Chez certaines personnes, cela aura un effet bénéfique car un déclic sera actionné, moteur néces-
saire au travail orthophonique. Chez d’autres, cela renforcera les défenses ou n’éveillera aucun désir mais les confor-
tera dans la certitude que l’entourage est inattentif ; ces personnes ne voient pas pourquoi elles supporteraient
les inconvénients d’un appareil auditif alors qu’elles tirent tant de bénéfices secondaires à leur situation. Avec ces
personnes –un faible pourcentage, environ 5%_ aucun travail ne pourra être engagé.

85
3 - Préambules explicatifs
Il est important et très intéressant pour l’implication du patient :
• d’expliquer le fonctionnement de l’audiogramme,
• de mettre en évidence les atteintes fréquentielles avec leurs correspondances phonémiques,
• de souligner le pourcentage du gain prothétique en insistant sur le fait que l’apport sonore non intelligible
actuel (et pas toujours bien supporté) est indispensable comme base au travail et que c’est grâce à lui que des
progrès vont être possibles,
• de prendre le temps d’expliquer l’apport réel de l’appareil, de reconnaître les gênes engendrés par son port
• de présenter l’évolution possible en détaillant le travail à effectuer.
L’appareil sera mieux toléré lorsque l’intelligibilité sera améliorée. Nommer les secteurs à travailler (ceux que le
bilan aura mis en lumière). Chez certains, l’accent lors du travail sera mis sur la vitesse de décodage, la séparativité,
la capacité mnésique. Pour d’autres, l’essentiel des séances sera consacré à la "re-programmation" de la discrimi-
nation phonétique.
Toutes ces capacités s’inter-stimulent et en travailler une en particulier maintient les autres en activité.
Dans la majorité des cas, la mémoire de travail sera à redynamiser, elle est un élément primordial de notre
compréhension.

Ce long préambule pour insister sur le fait que le plus important du travail de l’orthophoniste -le principal
puisqu’il conditionne les séances- commence avant le démarrage des exercices proprement dits.
Tout d’abord en clarifiant ce que vit le patient afin qu’il puisse se situer par rapport à son désir, s’engager dans
le travail de manière constructive puis en précisant qu’il n’existe pas de solution miracle mais un travail progressif
possible.
Cette clarification passe par :
• des éclaircissements sur le système auditif en tant que transmetteur et sur les mécanismes de la compréhension
gérés par le système neurologique.
• Par des explications sur les potentialités réelles de l’appareil auditif et les difficultés rencontrées par son utili-
sation (avec proposition de solutions).
Citons l’exemple d’une personne qui avait été appareillée à la suite d’un traumatisme crânien, lequel avait provoqué une
perte d’audition importante. Le port de l’appareil ayant entraîné vertiges et chutes, avait été abandonné. Plus d’un an
après, un nouvel essai d’appareillage motive la consultation en orthophonie. L’audiogramme montre ceci :
Oreille droite : 125 Hertz perçus à 20 dB Oreille gauche idem
250 " " 40 dB " " "
500 " " 45 dB " " 40
1000 " " 55 dB " " 50
2000 " " 65 dB " " 80
8000 " " 80 dB " " 80
Le bilan de compréhension montre une compréhension supérieure pour tous les phonèmes concernés par les fré-
quences aigues, et plus altérée pour ceux concernés par les fréquences graves.
Un travail en collaboration avec l’audioprothésiste est indispensable (il n’est d’ailleurs pas le même que celui qui
avait fourni le premier appareillage). Le premier réglage se doit d’être très doux pour être toléré, physiologique-
ment et psychologiquement. Au départ, il était important que l’appareil soit sous réglé pour permettre une
bonne tolérance mais également que le réglage tienne compte de la bonne compréhension sur les fréquences aiguës.
• Par des précisions sur le déroulement du travail et sur le matériel à acquérir : une cassette audio vierge et un
dictaphone ou petit magnétophone.

Une séance hebdomadaire de trois quarts d’heure sera proposée, en fin de laquelle des séries d’exercices seront
enregistrées, avec la consigne d’être travaillées journellement.

86
III – LE TRAVAIL DE RÉÉDUCATION DE LA COMPRÉHENSION
Chaque aptitude déficiente va être réactivée en respectant des paliers de difficultés.

A – LA FONCTION DE DISCRIMINATION PHONÉTIQUE


Pour les surdités légères à moyennes :
• Trois paliers de difficulté à respecter :
- listes de mots différents contenant un ensemble de sons confondus (des constrictives par exemple)
- listes plus "fermées" de mots proches, faisant travailler deux phonèmes (ex : f/s, t/k,p/f…)
- listes de logatomes. [Pour ces deux derniers types de listes (Haroutunian, 2000)]

Pour les surdités sévères (ou si seuil de compréhension très affecté), adapter le travail – dans un premier temps
les enregistrements ne sont pas toujours possibles car non perçus et les exercices donnés doivent être effectués
avec l’entourage :
• listes thématiques de mots de même catégorie lexicale et de nombre syllabique identique (un champ
sémantique – noms de métiers**, d’objets…) ou étude d’un vocabulaire relié à une situation (la poste, le
jardinage, les saisons, les repas…)
• créer des listes de mots sur la base des sons déjà bien identifiés afin d’améliorer petit à petit le champ perceptif.
La fonction de discrimination phonétique se travaille sans aide visuelle. Le patient doit rester face à nous, les yeux
baissés et répéter ce que nous disons.
Pour commencer – surtout si beaucoup d’erreurs ont été relevées lors du bilan et si la personne n’est pas confiante
vis-à-vis d’elle-même - prendre une liste de mots très différents contenant toutes les constrictives (ex de liste
donné en fin de paragraphe*).
Voici comment procéder : dire un mot ; par exemple : "faisceau", la personne peut répondre "cerceau".
Reprendre les deux mots juxtaposés : "faisceau – cerceau". Noter toutes les erreurs persistantes malgré une, voire
deux répétitions.
Quand nous pouvons dresser une liste de 17/18 mots maximum (15 minimum), nous les notons tous sur une
petite fiche. Puis, enregistrer de la manière suivante : une fois, dans l’ordre des mots tels qu’ils sont écrits afin
que la personne s’acclimate par une écoute répétitive à la perception des sonorités difficiles pour elle. Puis les
enregistrer deux fois dans deux désordres différents en laissant un petit laps de temps entre les mots pour que
les réponses puissent êtres écrites (et vérifiées en début de séance suivante).
Cette partie du travail de rééducation sera à privilégier en début de séance et pour certains, occupera toute la séance.
La liste sera à poursuivre à la séance suivante. D’autres lui succèderont plus affinées, plus fermées, au fur et à
mesure de l’avancée du travail.
Le but étant de parvenir à éveiller la perception de plus en plus finement via la nouvelle manière de capter les
sons.
Nous pourrons nous servir ensuite de listes où les mots ne se différencient que par un son, ceci en deuxième phase.
Puis en troisième, le travail s’effectuera sur des logatomes, au départ de trois syllabes, puis de quatre et de cinq ;
si cela est possible et profitable.

*Exemple de liste toutes constrictives confondues


• chemin ciseau chacun séchoir jadis visage
trajet chameau serpent volet chouette jambe
• zorro fermier vélo zèbre cheval jupon
sirène savon foulard fossile chausseur
• sucre fossé siège session station saucier
jasmin jade chose jachère cheveu fichier

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* façon viseur janvier sauveur saveur saison
change zéphyr saphir fraisier siphon souci
* valise chasseur force sachet chaise ferveur
faveur affiche vase vision museau
* fusée viscère voisin saucisse chausson sifflet
silence soufflet farce sourcil ficelle vaisselle
* chimie visite serveur assiette wagon fusil
chemise soleil journal hachoir chignon souris

** Exemple de liste de noms de métiers


• 2 syllabes :
tailleur pêcheur vendeur docteur masseur plombier facteur chanteur danseur acteur jongleur dompteur
boucher serveur caissier
• 3 syllabes :
bijoutier boulanger ingénieur ferrailleur charcutier épicier infirmier tapissier médecin opticien joaillier
géomètre avocat notaire astronaute psychiatre directeur comédien thérapeute couturier comptable
fleuriste banquier fermière professeur
• 4 syllabes :
palefrenier orthophoniste vétérinaire dessinateur électricien laborantine magasinier horticulteur
programmateur

B – LA FONCTION DE SÉPARATIVITÉ
C – LA FONCTION DE VITESSE DE DÉCODAGE
Elles s’exercent ensemble ; il suffit d’augmenter la vitesse d’énonciation au fur et à mesure des progrès.
• Quatre paliers de difficultés :
- émettre trois mots très différents sur le plan phonétique, sans pause. Exemple : "sachet – filon –
museau" ;
- dire trois mots très proches phonétiquement, toujours sans marquer de pause (exemple de listes en fin
de paragraphe*) ;
- émettre sans pause une dizaine de mots**, tout d’abord très différents puis de plus en plus proches
phonétiquement ou contenant des sons difficiles pour la personne ;
- hacher arbitrairement une suite de mots *** ;
- hacher arbitrairement les éléments d’une phrase puis d’un texte**** ;

* liste contenant des séries de trois mots proches phonétiquement :


sente fente tente fils trime crique vente verte veste
soute toute foot faste chaste vaste pente rente vente
sainte teinte feinte branche tranche franche espace palace agace
transe crante France écrou écru écrin souche touche couche
emploi emplette enceinte fresque presque preste veste peste zeste
…/
** série d’une dizaine de mots
suifsuiesûrefuitejutejustejuifrusepuzzlesuite
ou
intruseexcuseamuseastuceinstitutfluctuationsituerinstruitmenuétabli

88
*** Série de mots à reconstituer
Eta- blima-rio- nettees – pritatten- tivemental-litéen-viea-via-tion
Réponse : établi – marionnette – esprit – attentive – mentalité – envie – aviation
…/
**** Phrases à reconstituer
exemple :
lebou – lan – gerse – lè – veàqua - treheu – resduma – tin
le boulanger se lève à quatre heures du matin

La capacité à accéder au sens d’un segment de la chaîne parlée dépend de notre rapidité à rechercher dans un
minimum de temps tous les sens possibles (propres et figurés) reliés à une suite de sons donnée, qui eux-mêmes
se constituent en images sonores et d’effectuer le "bon choix".
Par exemple, si je dis [tylapri], que pouvons-nous comprendre ?
• tu l’as pris, tu la pris (verbe prendre)
• tu la pries (verbe prier)
• tu l’appris (verbe apprendre)
• et plus rarement "tulle à prix (coûtant)"
• ou bien "Tulle a pris"
•…
Ce dernier genre d’exercice est aussi bénéfique pour activer l’agilité mentale.

D – LA FONCTION DE SÉLECTIVITÉ
Plusieurs degrés d’affectation possible :
• gêne avec deux interlocuteurs
• gêne en réunion pour isoler le discours d’un interlocuteur
• gêne en environnement bruyant.
Plusieurs paliers de travail en fonction de la gêne :
1. enregistrement d’un texte avec un léger parasitage (fond musical). Se servir de courtes histoires rédigées dans
un langage courant afin de faciliter l’anticipation.
Conserver ce niveau tant que la personne peine puis augmenter l’intensité musicale.
2. remplacer la musique par des bruits de rue, de réunion….
Augmenter l’intensité du fond sonore au fur et à mesure que la personne progresse.
3. enregistrer deux histoires dites par deux personnes parlant en même temps, une voix doit nettement
prédominer sur l’autre, la consigne étant de décrypter l’histoire dite par la voix dominante.
4. enregistrer deux histoires dites par deux voix à hauteur égale :
les deux histoires doivent être comprises
Eventuellement poursuivre en :
5. complexifiant les histoires (en fonction de la motivation et de la culture du patient) : choisir des textes littéraires,
des poèmes

E – LA CONCENTRATION
Les exercices amènent naturellement la personne à une concentration accrue. Ils obligent à une qualité de
présence, une attention et l’améliorent donc sans un travail spécifique supplémentaire.

F – LA CAPACITÉ MNÉSIQUE
Elle est souvent (si ce n’est toujours) à travailler à part entière même si les exercices précédents la re-stimulent.
Dans le chapitre VII de l’ouvrage de Leipp (1977), les différents mécanismes de la mémoire sont répertoriés ;

89
ceux-ci participent pleinement de notre compréhension. Après les avoir testés il faudra réactiver ceux qui ne sont
pas opérants.
Pour résumé, une information sonore active le phénomène mnésique de la manière suivante :
• saisie instantanée de l’information par l’oreille (mémoire instantanée) – il n’y a pas encore, à ce niveau de décodage.
• l’information est gardée "en suspens" tant qu’elle n’a pas franchi le seuil de la cochlée où elle est transformée
en image sonore avant d’être décodée (mémoire transitoire) dans le cerveau.
• passé ce seuil, cette image doit être reconnue dans notre "disque dur" mémorielle pour être décodée.
Lorsqu’il y a baisse auditive ces processus sont entravés, perturbés et seront donc à remobiliser.
Il existe beaucoup de manuels qui proposent un travail de réactivation de la mémoire visuelle.
En ce qui concerne le travail de la mémoire auditive, voici quelques exemples :
– (on donne la consigne de ne rien noter) –
• Se servir d’une cassette de loto sonore, faire identifier trois ou quatre bruits et exercer la mémoire de travail.
Selon, augmenter le nombre de bruits à mémoriser et reprendre ce qui a été vu d’une séance sur l’autre.
• Emettre trois mots de même longueur et dans un premier temps très différents, ils doivent être répétés dans le
même ordre et en sens inverse
exemple : manteau – crédo – bouquet
la personne doit dire : "manteau – crédo- bouquet"
puis "bouquet – crédo – manteau"
• Faire épeler un mot (les choisir de plus en plus longs) à l’endroit puis à l’envers
exemple : "campagnard"
la personne doit dire "c – a - m – p - a – g -n - a -r -d "puis "d - r – a - n – g - a – p – m – a – c"
ou bien faire épeler un mot syllabe par syllabe à l’endroit puis à l’envers :
exemple : "téléphone"
la personne doit dire : "té – lé – pho – ne "puis "ne – pho – lé – té"
etc…
Ajouter des exercices de mémoire différée à court ou moyen terme.
Exemple, donnez trois ou quatre mots, demander à la personne d’attendre quelques secondes avant de les redire
(et/ou les lui redemander dix minutes après ou encore en fin de séance).

IV – CONCLUSION
D’autres exercices peuvent être créés dans le but d’améliorer la performance des mécanismes amenant à une
compréhension satisfaisante.
A chaque fin de séance, enregistrer un minimum de trois exercices ; la séance suivante débutera par leur correc-
tion.

Pour les surdités légères, une série de vingt séances seront souvent suffisantes, mais cela est fonction de l’âge et
du niveau de la compréhension décelé lors du bilan ; les séances seront à poursuivre d’une part tant que des
progrès sont constatés pour les surdités de type léger à sévère et d’autre part, en fonction du désir du patient ;
pour les autres formes, l’entretien sera nécessaire à long terme.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Garric, J., (1998). La lecture labiale. Les Essarts le Roi : ARDDS.
Haroutunian, D., (2000). Les presbyacousies. Isbergues : Ortho-Edition
Haroutunian, D., (2002). Manuel pratique de lecture labiale. Marseille : Solal.
Istria, M., Jeantoux, N., Tamboise, J., (1982). Manuel de lecture labiale. Paris : Masson.
Leipp, E., (1977). La machine à écouter, Essai de psycho-acoustique. Paris : Masson.

90
CHAPITRE IV
Rééducation des troubles de la voix
d’origine organique ou fonctionnelle

Joana REVIS, Orthophoniste


DEA langage et parole
Doctorat pathologies du langage
Chargée d’enseignement à l’école d’orthophonie de Marseille

Florence CAYREYRE, Orthophoniste


DEA langage et parole

SOMMAIRE
I - INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93

II – LE TRAVAIL DE DÉTENTE MUSCULAIRE


A – Pourquoi ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
B – Comment ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

III – LA POSTURE
A – Pourquoi ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
B – Comment ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

IV – LA RESPIRATION
A – Pourquoi ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
B – Comment ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99

V – LA POSE DE VOIX
A – Pourquoi ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
B – Comment ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

VI – CONCLUSION ............................................................................................................ 102

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ................................................................................ 103


I – INTRODUCTION
La voix est le support de la communication orale. C’est un phénomène particulièrement complexe et riche dont
la fonction principale est d’émettre les sons du langage, mais aussi de véhiculer les intentions du message, les
émotions, et même la personnalité du locuteur (Parret, 2002). En effet, la voix permet l’expression de ce que
l’on souhaite, ce que l’on pense ou ce que l’on ressent. Le message lui-même n’est pas exclusivement verbal
(les mots prononcés). On sait que, d'une manière générale, l'expression de l'émotion est largement vocale
(peur, colère, tristesse, surprise, etc) quel que soit le contenu sémantique. Les comédiens savent bien que le sup-
port phonétique est tout à fait secondaire dans le sentiment qu’ils souhaitent faire ressentir et s’entraînent
d’ailleurs fréquemment sur des phrases anodines telles que "j’ai acheté le pain" pour travailler l’émotion vocale et
corporelle sans être aidés par le message. Le rire ou le sanglot sont également des modes de communication
non-verbale portés par la voix. Par ailleurs, la voix donne des indications sur la personnalité. Par exemple,
l'autorité est souvent associée à une voix forte et grave. De même, certains traits de la personnalité comme la
gentillesse ou encore le caractère charmeur ou timide sont souvent associés à certaines caractéristiques vocales
(Fonagy, 1983). Plus encore, la voix est une véritable fenêtre sur la santé et la forme physique ou psychique du
locuteur. Un enrouement est ainsi considéré comme l'indicateur d'une affection rhino-pharyngée et toute
dysphonie traînant plus de quinze jours impose un examen des cordes vocales par un spécialiste, un
tremblement de la voix peut être le premier signe d'une affection neurologique.
La dysphonie est une altération de la voix qui résulte d’une lésion organique et/ou d’une dysfonction de
production. En découle un timbre particulier, qui est fréquemment qualifié d’ "enroué" par le grand public.
Dans la littérature, les auteurs décrivent un grand nombre de termes permettant de qualifier la voix
dysphonique. Parmi eux, la classification GRBAS de Hirano (Hirano, 1981) est à la fois la plus synthétique et
la plus largement utilisée. Elle prend en compte l’impression globale de dysphonie (grade global : grade),
la raucité (roughness), le souffle (breathiness), l’impression de faiblesse de la voix (asthénie : asthenicity) et le
"forçage" (serrage : strained) (tableau 1).

INITIALE TERME TRADUCTION DÉFINITION


G Grade Grade global de dysphonie Impression globale du degré d’anormalité de la voix
R Rough Raucité Impression d’irrégularité de la vibration des cordes vocales
qui correspond aux fluctuations irrégulières de la Fo et/ou
à l’amplitude du son glottique
B Breathy Caractère soufflé Impression d’une fuite d’air assez importante à travers
les cordes vocales, relative à des turbulences
A Asthenic Asthénie Manque de puissance de la voix relatif à une intensité
faible du son et/ou un manque des harmoniques élevés
S Strained Forçage Impression d’un état hyperfonctionnel de phonation
relatif à une Fo anormalement haute (bruit dans les
hautes fréquences et/ou richesse en harmoniques dans
les hautes fréquences)

Tableau 1 : Classification des termes décrivant la voix dysphonique proposée par Hirano.

Cette classification est largement utilisée en recherche et permet la comparaison des résultats obtenus par les
différentes équipes. Pourtant, certains auteurs considèrent le GRBAS comme réducteur et sont tentés
d’ajouter des termes, comme l’instabilité par exemple (Dejonckere, 1993).
En pratique clinique, le motif de consultation du patient dysphonique est d’ordre esthétique et/ou fonctionnel.
En effet, la dysphonie est perçue par le patient et son entourage, et il est fréquent qu’une femme s’inquiète de
sa voix à partir du moment où on l’appelle "Monsieur" au téléphone. Par ailleurs, la dysphonie est à l’origine d’une
voix inefficace, qui "ne porte plus", et qui peut constituer un véritable handicap chez les patients ayant

93
une utilisation professionnelle de leur voix, comme les professeurs par exemple. Enfin, la dysphonie
s’accompagne d’un geste vocal hypertonique (le forçage vocal) qui est responsable de tensions musculaires
accompagnées de douleurs posturales ou laryngées (Gould, 1971).
La dysphonie peut être le résultat d’un dysfonctionnement organique (lésion des cordes vocales) ou comporte-
mental (forçage vocal). De manière schématique, on peut considérer que dans le cas d’une lésion organique, la
conduite thérapeutique peut consister en l’ablation de la lésion par un chirurgien ORL, alors que dans le cas
d’un geste vocal défectueux, la rééducation orthophonique sera préférée. En réalité, il existe un cercle vicieux
du forçage vocal (figure 1) (Le Huche, 1990) qui indique que la rééducation doit prévaloir sur tout autre choix
thérapeutique.

Lésion Organique

Forçage Vocal

Figure 1 : Cercle vicieux du forçage vocal (Le Huche, 1990).

En effet, le forçage vocal peut être responsable de la lésion laryngée (pour les nodules par exemple) ou consécutif
à la lésion laryngée (dans le cas de kystes congénitaux par exemple). La décision thérapeutique doit permettre de
"casser" le cercle vicieux du forçage vocal. Dans le cas d’une lésion ancienne, l’acte chirurgical permettra de
restaurer l’intégrité du larynx, cependant, le forçage vocal mis en place des années durant afin de compenser la
difficulté de production, perdurera. Ainsi, dans tous les cas, la dysfonction comportementale doit être prise en
charge par une rééducation orthophonique, afin que le forçage vocal résiduel n’engendre pas à nouveau une
lésion laryngée. De plus, la rééducation orthophonique peut permettre à elle seule de faire régresser des lésions
jeunes consécutives à un forçage vocal et ainsi éviter au patient un traitement plus invasif.
Au contraire de la chirurgie, qui agit directement sur la cause organique, la rééducation agit, elle, sur le compor-
tement vocal du patient. A l’issue du bilan vocal, nous disposons d’une série de renseignements : l’anamnèse (qui
nous informe de l’utilisation et de l’hygiène vocale du patient), la nature de la pathologie (fournie par l’ORL),
des mesures physiologiques (fréquence fondamentale, étendue vocale, temps maximum de phonation, fuite
glottique estimée, etc., que nous effectuons nous mêmes en cabinet) et aussi mais surtout, l’observation du
comportement du patient lors des différents types phonation (voix parlée, projetée, chantée, voix de détresse,
etc.). Bien qu’il soit absolument nécessaire de connaître la nature de la lésion (afin d’éliminer les risques vitaux
et de disposer du modèle physiopathologique sous-jacent qui nous guidera dans la rééducation mise en place),
nous devons garder à l’esprit que notre action doit permettre d’améliorer spécifiquement le comportement vocal
du patient, afin de restaurer l’efficacité vocale et le confort de production. Tout l’intérêt du bilan vocal repose
donc sur l’observation des modalités de forçage présenté par le patient, et le projet thérapeutique doit être conçu
dans le but spécifique de faire tomber les verrous comportementaux. Bien évidemment, la nature du forçage
vocal sera différente si le patient présente une paralysie laryngée unilatérale ou un œdème de Reinke, mais la
connaissance du type de lésion n’est en aucun cas suffisante pour concevoir un projet thérapeutique. C’est la
raison pour laquelle nous faisons le choix de ne pas proposer de protocole rééducatif en fonction des pathologies,
mais de décrire les différentes méthodes permettant de faire céder les caractéristiques du forçage vocal qui se
situent classiquement au niveau de la tension musculaire (exercices de détente), au niveau postural, au niveau de
la respiration, et dans l’émission vocale elle-même. L’observation des "défauts" comportementaux présentés par
les patients guideront les orthophonistes dans le choix de telle ou telle méthode. Cependant, il est encore trop
fréquent d’entendre parler du travail systématique de la respiration, alors que certains patients atteints de
forçage vocal ne sont pas déficients sur ce point là. F. Estienne propose au contraire d’assez peu
travailler la respiration ou du moins de ne pas en faire le travail principal en rééducation. Au total, tout dépend
de l’observation du comportement phonatoire initial du patient qui se présente à nous.

94
II – LE TRAVAIL DE DÉTENTE MUSCULAIRE.
De nombreux auteurs s’accordent à dire que le forçage vocal se manifeste entre autres choses par une tension mus-
culaire des organes phonatoires mais aussi de l’ensemble du corps pendant la phonation.

A - POURQUOI ?
La voix normale repose sur le concept de rendement, qui correspond schématiquement à l’équation "efficacité
vocale/dépense d’énergie". Les sujets normophoniques émettent leur voix de manière naturelle, sans y penser,
sans véritable conscience de leur geste vocal. Leur rendement est bon car peu d’énergie est nécessaire pour une
efficacité suffisante, c’est-à-dire qu’elle correspond à la situation. Les sujets dysphoniques, à l’inverse, sont
contraints, de par la conscience aiguë de leur trouble, à contrôler leur émission vocale. La phonation n’est plus
simplement instinctive, mais réfléchie, maîtrisée. L’angoisse du sujet dysphonique est de ne pas être compris ou
entendu. Dès l’intention d’émission vocale, le sujet dysphonique mentalise, prévoit, et mobilise son énergie
dans l’espoir que la voix va "passer" et être perçue. En particulier dans un environnement bruyant, même
modérément, la voix est une source de stress pour le patient dysphonique. Le rendement de ces sujets est donc
médiocre, voire franchement mauvais, car la dépense d’énergie nécessaire à l’émission vocale est maximale quelle
que soit la situation, pour une efficacité souvent limite.
Le forçage vocal correspond à une utilisation "chronicisée" de la voix de détresse. En situation d’urgence vocale, comme
lorsque nous sommes poussés à crier "attention !" dans le cas d’un danger imprévu et immédiat, toute l’énergie
du corps est mobilisée dans un seul but : l’efficacité (la puissance et la conviction). La voix doit être produite
instantanément, le plus rapidement possible, elle doit être puissante, intense et percutante. La voix de
détresse est produite de façon spontanée et échappe au contrôle. Elle fonctionne alors sur un mode réflexe.
La voix de détresse est physiologiquement normale lorsqu’elle est adaptée à la situation. Elle devient forçage vocal
lorsque le niveau d’énergie fourni est constant quel que soit l’environnement.
De nombreux auteurs proposent aux patients dysphoniques des exercices de détente musculaire, basés sur la
relaxation ou la sophrologie, dont le but est de restaurer des sensations normales de confort et de simplicité de
l’émission vocale. Par ailleurs, au moins durant les séances de rééducation, le patient doit savoir accepter la
possibilité d’un échec vocal (blancs dans la voix, dévoisement, courts épisodes d’aphonie sur une phrase), se concen-
trant sur la recherche des sensations. Par analogie, ces patients ont l’impression que leur "voiture vocale" ne se
déplace que pied au plancher. A nous de leur faire comprendre que le poids sur l’accélérateur peut être largement
plus modéré, pour un déplacement plus efficace, même si en début d’apprentissage, le moteur cale quelquefois.
La plupart du temps, les patients dysphoniques n’ont pas conscience de leur état de tension musculaire. La
première étape des exercices de rééducation est de leur faire ressentir ce comportement défectueux et de leur
montrer la possibilité de produire la même chose avec moins d’effort. Selon Le Huche, l’utilisation de la relaxa-
tion dans la thérapeutique vocale "doit être comprise comme un entraînement à la maîtrise du tonus musculaire,
obtenue par une pratique personnelle où le patient devient peu à peu autonome. On peut dire à son sujet qu’elle est la
gymnastique du corps et de l’esprit et qu’elle œuvre vers une meilleure connaissance de soi." Par ailleurs, il est fréquent
de constater chez les sujets dysphoniques un état psychologique anxieux et les exercices de relaxation peuvent
induire une dimension psychothérapeutique. A ce sujet, Le Huche ajoute que "même si l’analyse des réactions
transférentielles n’est pas au programme, celles-ci ne peuvent manquer de se produire…"

B - COMMENT ?
Différentes méthodes de relaxation sont envisagées par les auteurs et couramment pratiquées par les thérapeutes.
La méthode préconisée par Schultz est basée sur la suggestion hétérogène puis autogène avec différents niveau de
suggestion (Heuillet, 1997). Elle est aussi appelée "autodécontraction concentrative" (Le Huche, 1990). Lors de
la phase préparatoire, le patient est incité à se concentrer sur la phrase "je suis tout à fait calme et détendu". Puis
au premier stade, le thérapeute l’invite à ressentir ses membres à tour de rôle comme "lourds", "pesants".
Au deuxième stade, selon le même processus, le sujet se concentre sur une sensation de chaleur. Ensuite, le
patient se concentre sur la régulation de son rythme cardiaque, puis sur la régulation de la respiration,

95
la chaleur épigastrique, et enfin, au sixième et dernier stade, sur la fraîcheur du front. Selon Le Huche,
la pratique de cette méthode est susceptible de déclencher des crises d’angoisse et ne doit donc être réalisée que
par un praticien expérimenté.
Jacobson propose un travail opposant les sensations de tension et de détente. Le but consiste en la recherche d’une
détente segmentaire et de la maîtrise musculaire. Cette méthode n’utilise pas la suggestion mais le contrôle
conscient du sujet sur son corps. (Heuillet, 1997; Le Huche, 1990).
De Ajuriaguerra préconise le dialogue tonique entre le thérapeute et le patient sans suggestion. Cette méthode
est basée sur la recherche de sensation d’une manière autonome. Par exemple, "détendez votre main droite et concen-
trez vous sur les sensations que vous percevez." Le sujet est donc amené à découvrir par lui-même à la fois son
état de tension initial, ses capacités de modification de cet état de tension et les sensations perçues dans la
détente. D’une manière générale, on peut considérer que le thérapeute va influencer l’état tonico-affectif du patient,
et conduire à une prise de conscience des sensations éprouvées.
Wintrebert propose une méthode particulièrement adaptée aux enfants car elle utilise une détente par
mobilisation passive. Le thérapeute mobilise lui-même les membres du patient jusqu’à ce qu’il ressente la
décontraction musculaire. Le mouvement est alors interrompu et le sujet est invité à prendre conscience de cet
état de "membre mou" et à le conserver.
D’autres méthodes sont basées sur l’étirement des segments corporels (étirement des bras et ouverture des côtes,
étirements des bras et détente des épaules, ouverture du bassin) et sur la détente loco-régionale (les trois anneaux
de Lowen (autour de la bouche, jonction bouche et pharynx, jonction cou et thorax), la détente des épaules,
la détente du cou, la détente tronc/tête/bras, et la détente de la colonne vertébrale.
Enfin, la technique de détente proposée par Le Huche est largement enseignée et pratiquée par les thérapeutes de
la voix : il s’agit de la technique dite des "Yeux ouverts". Le but de cet exercice, davantage que de conduire à la
relaxation du sujet, est de tendre vers la maîtrise de l’énergie psychomotrice. "Le sujet est en effet amené progressi-
vement aussi bien à se détendre qu’à mobiliser sa musculature de façon précise et mesurée." (Le Huche, 1990). Cet
exercice se pratique allongé, sur un support relativement dur (tapis de sol). Le sujet pose une main au niveau du
thorax et l’autre sur l’abdomen et doit se concentrer sur sa respiration et l’énergie dépensée doit être minimale.
Lors de la deuxième étape, on introduit la production de soupirs induite par le thérapeute, entrecoupés par une
absence totale de respiration. Ensuite, on introduit une contraction isométrique unique (une seule fois) des
membres à tour de rôle, ainsi que le soulèvement de la tête et des épaules. Puis on revient à une respiration
normale. Le Huche insiste sur le fait que le sujet est actif lors de cet exercice ("il a des choses à faire").
Au total, le choix de la méthode de relaxation ou de détente appartient au thérapeute. Il est nécessaire que ce
dernier soit à l’aise et expérimenté lui-même dans la pratique de l’exercice. Dans tous les cas, cela doit amener
le patient vers trois buts essentiels : la prise de conscience, la recherche de sensations et la maîtrise du tonus
musculaire.

III – LA POSTURE
Les modifications posturales observées au cours du forçage vocal sont l'avancée du
visage, des tensions cervicales, un affaissement thoracique et une flexion du rachis
dorsal (Hoit, 1995). Là encore, ces modifications correspondent à un comportement
que l’on observe classiquement et de façon normale lors de la production de la voix de
détresse : le sujet se jette en avant.

A - POURQUOI ?
Les modifications posturales sont fortement liées aux tensions musculaires décrites dans le chapitre précédent.
D’une manière générale, le sujet dysphonique n’a pas confiance en sa capacité d’émettre une voix efficace. Il part
donc souvent du principe qu’il ne sera pas entendu s’il ne se met pas en situation d’effort. Sa tendance à
mobiliser une énergie sur-adaptée à l’objectif le conduit à "verrouiller" ses muscles en tension, ce qui modifie sa
posture globale et conduit à une distorsion de la vibration des cordes vocales.
Le forçage vocal correspond à une augmentation des tensions péri-laryngées et posturales, dues à un travail

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musculaire inapproprié. Les modifications posturales observées au cours du forçage vocal sont l’avancée du
visage, des tensions cervicales, un affaissement thoracique et une flexion du rachis dorsal (Grini, 1998 ;
Le Huche, 1984, 1990). Conséquence directe d’un état de tension générale inapproprié, ces modifications pos-
turales ont des répercussions sur toute la chaîne du comportement phonatoire. Elles engendrent un geste respi-
ratoire défectueux (la cyphose dorsale, la poitrine creuse, les épaules en avant et le cou tendu en avant limitent
l’amplitude thoracique et abdominale, et verrouillent les mouvements du diaphragme) et limitent les mouvements
du larynx (la projection du visage vers l’avant entraîne une élongation des muscles péri-laryngés suspenseurs du
larynx qui tendent à bloquer le larynx, souvent dans une position trop haute, et l’empêchent de fonctionner en
souplesse, d’où l’apparition de sensations douloureuses).
Une fois encore, signalons que seul le caractère chronique et constant de ces modifications comportementales
est pathologique. Ainsi, une étude réalisée chez les chanteurs (Quarrier, 1993) au cours de l’émission de sons
extrêmes, montre des modifications posturales. Lorsque les chanteurs émettent des sons aigus, le rachis cervical
amorce une flexion au niveau de la 7ème cervicale et une extension au niveau des premières cervicales.
La résultante de ces mouvements est une ouverture de l’angle menton/oreille ainsi qu’un déplacement vers l’a-
vant de la partie supérieure du tronc. Les modifications posturales contemporaines de la production de sons
extrêmes, d’ailleurs comparables à la voix d’urgence, sont principalement localisées au niveau de la tête et du cou
mais ont des répercussions sur l’ensemble de l’équilibre du sujet. Nous souhaitons ainsi souligner le caractère
normal de ce comportement lorsqu’il reste exceptionnel, comme ici, chez le chanteur, lors de la production de
notes particulièrement délicates.
Le travail du thérapeute de la voix consiste ici en restaurer la verticalité du sujet et ainsi limiter les tensions
musculaires posturales, péri-laryngées et laryngées, qui sont sources d’effort, de fatigue et de douleurs. L’objectif
est d’obtenir un maintien adéquat (qui permette une posture confortable et libère les mouvements laryngés) tout
en restant souple (c’est-à-dire évolutif et non figé). En aucun cas le patient ne doit se sentir "prisonnier" de la
posture recherchée, sous peine de revenir à l’état de tension initial. Néanmoins, l’apprentissage d’une posture
adaptée passe par des exercices au cours desquels une attention particulière est portée à l’ensemble du position-
nement du corps et les sensations qui en découlent, et, là encore, ce n’est que lorsque le patient maîtrise
les exercices qu’il peut revenir tout seul à une attitude plus naturelle. En effet, dans les cas de "techniciens de la
voix" que sont les chanteurs professionnels, on observe une attitude relativement stricte lors de la pratique
d’exercices vocaux et de l’échauffement par exemple, laissant place à une totale liberté de mouvement lorsque le
spectacle commence.

B - COMMENT ?
Le Huche fait de la posture correcte la description suivante : "L’attitude verticale
correcte résulte du fait que le bassin est en place (non basculé) et que la colonne vertébrale
joue parfaitement son rôle de soutien laissant une entière liberté de mouvement aux
membres bien sûr, mais surtout à la tête, au cou et au thorax. Les épaules sont reposées.
On peut dire qu’il s’agit d’un individu qui est droit, tout en étant détendu. Il donne une
impression de stabilité."
D’une manière schématique, on considère que :
• les pieds sont légèrement écartés (de la largeur du bassin), solidement ancrés au sol,
• le poids du corps est également réparti sur les deux jambes,
• les genoux sont très légèrement fléchis (non verrouillés en arrière),
• le bassin est en place (non basculé),
• le dos est droit et souple,
• les épaules sont écartées,
• les bras souples le long du corps,
• la tête est droite sans excès et le menton légèrement rentré (on donne souvent l’image
d’un fil accroché au sommet du crâne et qui tire vers le haut).

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Comme toute approche thérapeutique, le travail de la posture doit commencer par
une explication précise et une description détaillée de l’attitude recherchée. Le but là encore est la prise de
conscience par le patient de la discordance entre son attitude actuelle et la posture requise. Il est donc tout à fait
recommandé, voire absolument nécessaire de travailler face à un miroir. Lors de cette étape "explicative", le
patient peut ressentir des sentiments ambivalents : à la fois une sorte de raideur (si cette attitude est trop
éloignée de son comportement habituel qu’il croit être confortable) et une prise de pouvoir sur son corps (dont
les répercussions sont simultanément physiques et psychologiques). Apprivoiser sa posture nécessite quelquefois cette
simple prise de conscience, mais doit souvent passer par un certain nombre d’exercices, permettant petit à petit
d’ancrer les sensations corporelles pour aboutir à leur maîtrise instinctive et spontanée.
En première approche, Amy de la Brétèque propose un exercice visant à ressentir la verticalité au niveau du bassin.
En position assise sur un tabouret "dur", les jambes écartées à 90°, les pieds à plat au sol, le patient effectue un
mouvement de bascule de l’arrière vers l’avant jusqu’à se sentir "posé" sur les tubérosités ischiatiques.
Le Huche préconise essentiellement trois exercices :
• L’exercice dit du "Sphinx" s’effectue debout face au miroir et porte essentiellement sur le haut du corps. Il s’agit de
maîtriser et de dissocier les mouvements de la tête de l’ensemble du corps. Après la recherche de la verticalité,
le sujet tourne la tête à gauche, revient face au miroir, puis tourne la tête à droite et revient face au miroir et
ainsi de suite. Tout au long de l’exercice, le regard reste bien en face et ne tourne pas avec la tête, de même les
épaules, et l’axe du corps et de la tête restent dans le prolongement l’un de l’autre.
• L’exercice dit du "Soupir du Samouraï" basé sur une inspiration nasale profonde exclusivement thoracique immé-
diatement suivie d’une expiration passive, a pour but de dissocier l’appareil costal (mobile) de l’appareil verté-
bral (fixe) et d’en acquérir l’indépendance. Cet exercice s’exécute debout et l’attention du patient est attirée vers
les parties de son corps qui restent immobiles (pieds, jambes, bassin, dos, cou, tête) et celles qui sont au
contraire mobiles (les côtes, rattachées au sternum, lui-même rattaché aux épaules par les clavicules ; les bras,
rattachés aux épaules ; les épaules reliées entre elles par un fil, sans s’accrocher à la tige vertébrale). Le but de
cet exercice est de parvenir à l’acquisition d’une certaine aisance dans l’attitude verticale.
• L’exercice des "5 charnières" consiste en la "destructuration" posturale, puis en sa "reconstitution" selon (deux
fois) 5 étapes. Le départ de l’exercice s’effectue debout dans une attitude verticale sans raideur : le sujet relâ-
che la jonction entre la tête et le cou qui conduit à baiser le regard vers le sol, quelques mètres en avant
(1ère charnière) ; puis le sujet fléchit le cou ce qui conduit à la flexion de la tête, le visage vers le sol, sans modifier
la position du tronc (2ème charnière) ; ensuite le sujet fléchit le haut du dos qui s’arrondit pendant que la poitrine
s’affaisse, sans modifier la position de la taille (3ème charnière) ; puis le sujet fléchit la taille tout en conservant
un bassin vertical (4ème charnière) ; et enfin, il fléchit son bassin en relâchant tout le corps qui vient pendre devant
ses jambes (5ème charnière). Ensuite, le sujet se redresse progressivement en respectant les mêmes étapes en
ordre inverse.

Comme le souligne Le Huche, la pratique des exercices de verticalité n’est pas indispensable pour tous les
patients. Pour certains, la phase explicative peut être suffisante. Pour d’autres, un travail approfondi sera néces-
saire. Quoi qu’il en soit, la pratique des exercices de verticalité permet de faciliter le travail respiratoire et sera
quelquefois recommandée dans ce but précis, même si les patients ne présentent pas de réel défaut postural.

IV – LA RESPIRATION
Le comportement phonatoire doit être considéré comme un ensemble multidimensionnel où chaque attitude
interagit avec les autres. Ainsi, l’observation de la tension musculaire, de la posture phonatoire et de la respiration
doit-elle être réalisée de manière conjointe et indéfectible. D’ailleurs, il peut arriver qu’un défaut respiratoire soit
résolu spontanément par l’acquisition d’une posture correcte ou la diminution des tensions musculaires.
Plusieurs travaux ont été publiés sur le thème des interactions entre posture et respiration, parmi lesquelles
l’étude de Tardy (Tardy, 1997) qui parle d’une véritable synergie respi-statique.

98
Dans la phonation, le locuteur contrôle l'expiration par la mise en jeu simultanée de muscles antagonistes
inspiratoires et expiratoires. La précision du contrôle musculaire est du domaine de l'apprentissage spontané ou
délibérément tourné vers le chant ou la voix projetée. La rééducation orthophonique intervient directement sur
cette maîtrise. La coordination des muscles abdominaux et de la posture est nécessaire.

A - POURQUOI ?
Lors de la phonation, on observe un allongement du temps expiratoire et un raccourcissement du temps inspiratoire,
une augmentation des volumes mobilisés à chaque cycle. La pression pulmonaire surtout doit être réglée en
permanence. En effet, si les cordes vocales sont en position phonatoire c'est-à-dire en adduction, la pression
pulmonaire doit être augmentée pour vaincre cette résistance. Lorsque le sujet produit une voix plus aiguë, les
cordes vocales deviennent encore plus rigides et demandent encore plus de pression pulmonaire pour mainte-
nir la même amplitude vibratoire. Tout un ensemble de muscles interviennent alors pour augmenter cette
pression, muscles expiratoires accessoires mais aussi certains muscles du dos et de la poitrine. La longueur de la
phase expiratoire nécessite par ailleurs des expirations plus longues et des inspirations plus brèves et plus intenses.
Lors de la phonation parlée, l’inspiration normalement utilisée est costo-diaphragmatique, elle correspond à une
descente complète du diaphragme avec relâchement abdominal ainsi qu’à un élargissement du diamètre thoracique
afin d’augmenter le volume pulmonaire (Faure, 1988 ; Sarfati, 1998). Durant toute la phase expiratoire, l'objectif
du sujet est de maintenir une pression constante. Au début, si l'inspiration a été profonde (anticipation inspi-
ratoire) il y a mise en jeu des forces élastiques de rappel sans relâchement du diaphragme. Puis le diaphragme
est relâché au fur et à mesure que les forces de rappel diminuent. La deuxième phase correspond à la mise en route
des muscles intercostaux internes qui tendent à rétrécir la cage thoracique et ainsi à augmenter la pression
pulmonaire. La troisième phase correspond à la mise en route des muscles abdominaux qui est la composante
active la plus importante. Idéalement, dans le chant, c'est la contraction des muscles obliques de l'abdomen et
non celle des muscles grands droits qui contrôle la puissance d'expiration. Les muscles du dos peuvent également
intervenir pour rigidifier le thorax.
Lors de la phonation pathologique, certains sujets n’utilisent pas le mode costo-diaphragmatique pour inspirer,
du fait de leur forçage vocal, mais une inspiration thoracique supérieure. On observe alors une élévation des
épaules. Les mouvements inspiratoires sont de faible amplitude et sont accompagnés de tensions au niveau des
muscles abdominaux. Le sujet doit mettre en jeu ses muscles inspirateurs accessoires (scalènes et sterno-cléido-
mastoïdiens) pour obtenir la capacité pulmonaire nécessaire à la phonation. Cependant, ces muscles ne permettent
pas un bon soutien pneumo-phonique, ni une bonne régulation de l’expiration. On assiste alors à un effondre-
ment thoracique et à une remontée brusque du diaphragme. Le larynx devient alors à la fois sphincter (obturateur
du débit d’air) et vibrateur (Le Huche, 1986 ; Faure, 1988).
D’une manière générale, on peut considérer que la base du travail de rééducation orthophonique est de restaurer
la fonction vibratoire comme unique fonction du larynx au cours de la phonation.

B - COMMENT ?
Tout comme la pratique exclusive des gammes ne reflète pas la maîtrise de l’instrument, il faut considérer que
les exercices respiratoires ont pour but d’éduquer l’habileté respiratoire du patient, sans refléter strictement le geste
attendu pendant la phonation. A ce sujet, Le Huche précise que "les exercices de souffle constituent une gymnas-
tique particulière destinée à rendre le sujet habile avec sa respiration. Sauf exception, il ne faut donc pas chercher dans
ces exercices où le souffle est travaillé pour lui-même en dehors de toute production vocale, de correspondance exacte avec
le déroulement du souffle spontané." (Le Huche, 1990).
Heuillet propose de travailler "le geste respiratoire susceptible de favoriser le bon ajustement de la voix pour créer les
conditions optimales de "porte-voix". Pour Le Huche, "la pédagogie du souffle phonatoire est orientée vers la
précision et le naturel du geste, ou, ce qui revient au même, vers l’économie d’énergie". Elle fait une différence entre
respiration de repos et respiration de soutien. Le travail proposé semble pour l’auteur indissociable du travail de

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la statique, et passe par une série de prises de conscience d’ouverture à différents niveaux :
• abdominale,
• thoracique-latérale,
• thoracique dorsale,
• sternale,
• diaphragmatique.
Les auteurs s’accordent à recommander le contrôle kinesthésique par apposition d’une main sur le thorax et de
l’autre sur l’abdomen. On pourra alors travailler la prise de conscience du geste vertical de la respiration thoracique
(inspiration thoracique nasale, puis souffle "bruité" sur un /ch/) et horizontal de la respiration abdominale pure
(inspiration abdominale nasale puis souffle "bruité" sur un /s/), séparément puis alternativement en opposition
(Amy de la Bretèque, 2000). Le Huche propose également un travail sur le rythme, préconisant par exemple,
une inspiration abdominale "bruitée" ("ffff" inversé obtenu par rapprochement des lèvres) pendant 2 secondes, puis
un suspens inspiratoire sans fermeture glottique de 8 secondes, puis un souffle abdominal actif sur 4 secondes.
Dans le cas où le patient éprouve des difficultés à ressentir et à produire la respiration abdominale, certains exercices
se révèlent tout à fait performants. Amy de la Brétèque propose l’ "ascenseur à livre", au cours duquel le patient
est allongé. On pose sur son ventre une pile de trois ou quatre livres que le patient doit voir s’élever lors de l’inspi-
ration, et redescendre lors de l’expiration. Au fur et à mesure, on retire les livres un à un jusqu’à ce que le patient
parvienne à maintenir le geste sans contrainte. Pour les cas les plus récalcitrants, on propose un exercice en
position assise sur une chaise ou un tabouret, les pieds posés à plat sur le sol, le dos droit penché vers l’avant, les
coudes serrés et repliés sur la poitrine, les deux mains portées sur le côté du visage. Cet exercice permet de
bloquer la respiration thoracique. Puis le patient se redresse progressivement tout en maintenant le geste
respiratoire abdominal ainsi initié.
De nombreux exercices de perfectionnement sont proposés par les auteurs, dont nous ne pouvons faire état ici.
Néanmoins, considérons que tous vont dans le sens du travail de l’habileté respiratoire, l’objectif étant que le patient
(re)trouve les sensations respiratoires adaptées à la phonation, telles que nous les avons décrites dans la section
"Pourquoi ?".

V – LA POSE DE VOIX
Nous arrivons maintenant au "noyau dur" de la rééducation vocale. Le sujet dysphonique, victime des tensions
et dysfonctionnements que nous avons décrits tout au long de ce travail, montre également une utilisation
laryngée défectueuse. Tout indique que la voix soit produite comme en "apnée", sans souffle, ce qui est renforcé
encore par le serrage des cordes vocales. L’essentiel du travail rééducatif se consacre à restaurer la coordination
pneumo-phonique en venant poser la voix sur le souffle. C’est tout l’objet de la pose de voix.

A - POURQUOI ?
Le comportement laryngé contemporain du forçage vocal semble étroitement lié au processus physiologique du
réglage de l’intensité. En fait, tout indique que le sujet "forceur" se comporte comme s’il voulait parler trop fort
tout le temps.
Le réglage de l’intensité correspond au réglage de l'amplitude de la vibration par la combinaison des réglages de
la pression sous-glottique, de la géométrie glottique, de la force d'adduction des cordes vocales et de la géométrie
du tractus vocal dans son ensemble.
La pression sous-glottique dépend de la pression pulmonaire qui est en rapport avec la pression imposée par les
forces qui régissent l'appareil respiratoire. Il existe une relation quasi-linéaire entre la pression pulmonaire et
trachéale et l'intensité du son. En fait si on augmente la pression sous-glottique, toutes choses étant égales par
ailleurs, la fréquence augmente en même temps que la pression. Pour compenser cette élévation de la fréquence,
il est nécessaire d'augmenter la force d'adduction des cordes et d'augmenter ainsi le temps de contact entre les
cordes. L'augmentation de l'intensité va de pair avec la diminution du temps pendant lequel les cordes
vocales restent ouvertes.

100
On peut se demander s'il existe un degré d'adduction idéal puisque si les cordes vocales ne se touchent pas,
la voix n'est ni forte ni même bonne, mais si elles sont trop serrées, avec une force d'adduction trop importante,
la voix est "serrée", "étranglée" et il s’agit d'un effort vocal. Une configuration idéale semble être celle où les
cordes vocales sont presque en contact avant la mise en phonation (diminution de la largeur glottique
pré-phonatoire). Cette configuration assure un fonctionnement presque libre des cordes qui sont ainsi capables
d'exprimer leurs modes de vibration. En pratique, le signal produit est presque sinusoïdal. Ce type de fonction-
nement correspond à ce que les pédagogues du chant appellent "la voix qui flotte sur le souffle" ou une image
mentale voisine. On peut supposer que l'image de parler ou de chanter sur le souffle est utilisée pour ajuster
la résistance glottique de manière à assurer le meilleur rendement possible de la conversion de l'énergie aéro-
dynamique en énergie acoustique en modifiant le moins possible la vibration des cordes vocales.
Lorsqu'il est nécessaire d'augmenter l'intensité, la forme de l'onde glottique change, ce qui correspond à un mode
de fonctionnement glottique plus proche d'un modèle "ouvert-fermé". Ce mode de fonctionnement a un
rendement plus faible et une énergie importante est dissipée au niveau des cordes vocales sous forme de frotte-
ments qui sont susceptibles d'entraîner une inflammation locale et même des lésions des cordes.
Le travail de pose de voix a pour but essentiel d’améliorer le rendement glottique par un développement de la
colonne d’air qui vient "supporter" la voix. En effet, il faut considérer que si la voix ne peut de toute façon être
produite sans air, le débit doit être suffisamment important pour permettre l’équilibration des pressions.
Dans ce cas, il n’est plus nécessaire de renforcer l’adduction des cordes vocales et le serrage doit (théoriquement)
disparaître.

B - COMMENT ?
La première étape du travail vocal à proprement parler a pour objectif de mettre en place la colonne d’air.
Pendant l’émission de la voix, le débit d’air doit être relativement important et constant. Là encore, l’acquisition
du geste passe par une explication théorique ("poser la voix sur le souffle") et surtout par une série d’exercices
permettant d’ancrer les sensations. Dans un premier temps, le souffle seul, va permettre de s’entraîner à régler
le débit. Ce travail peut s’effectuer joues gonflées, ou sur une constrictive non-voisée fermée (/f/ ou /s/), ou encore
à travers une paille "chalumeau" (Amy de la Bretèque, 1997). Une fois les sensations de débit et de pression expé-
rimentées, on va introduire la voix. Pour amener une attaque douce, le souffle précèdera toujours la voix : on
installe le souffle, puis seulement après on vient poser la voix dessus. Dans ces différents exercices, la voix n’est
ni timbrée, ni forte. Au contraire, on recherche une voix légère et diffuse. Toute l’attention du thérapeute et du
patient est portée sur la quantité de souffle et sa constance. Toujours selon les mêmes principes (joues gonflées,
constrictives, paille), on peut ensuite travailler sur des chaînes voisées/non-voisées enchaînées sans jamais inter-
rompre le souffle ni modifier le débit.
Une fois la voix posée dans ces quelques exercices le patient devra conserver cette technique dans la parole (et/ou
dans le chant). On utilisera donc les sons du langage en association avec diverses voyelles. Les consonnes aidant
à la pose de la voix, on pourra sur les voyelles guider le patient dans la recherche de résonances qui augmenteront
le rendement et l’efficacité vocale.
Pour Klein-Dallant, la résonance est à travailler en rapport avec la notion d’espace vocal. La résonance que l’on
recherche dépend de l’espace que l’on veut remplir avec sa voix (espace intérieur, un premier espace extérieur
présent même sans projection vocale, un deuxième espace extérieur, un troisième espace extérieur où l’on cherche
à remplir tout l’espace avec la voix). "Les espaces extérieurs ne pourront correctement résonner que si l’espace
intérieur trouve sa juste résonance".
Le patient doit d’abord sentir "le cheminement du son à l’intérieur et à l’extérieur de son corps". Pour cela on
propose d’abord au patient de produire un son peu intense, bouche fermée. On lui demandera de le localiser et
de le déplacer du larynx vers le pharynx puis jusque dans les cavités nasales. Le patient en entrouvrant la bouche
tentera de délimiter l’espace extérieur qu’occupe le son. En ouvrant lentement la bouche il le transformera en /a/.
Afin de mettre le patient dans une situation de pseudo-communication, le thérapeute se placera face à lui et on
tachera de "s’envoyer" un son (comme on le ferai avec une balle). Le son reçu doit être agréable pour le récep-
teur. Chacun exprimera à son tour son ressenti sur le son reçu. On pourra travailler de même pour

101
le ressenti de l’espace rempli par la voix.
La voix est un tout. Restaurer la voix, c’est la travailler dans son ensemble. On ne peut pas faire l’économie d’un
travail mélodique plus proche de la voix chantée. Amy de la Bretèque propose plusieurs "modèles mélodiques " :
le son recto-tono, le glissando ascendant ou descendant, la sirène ou legato "exagéré", elle peut être ascendante
ou descendante. Il utilise aussi ce qu’il nomme "le son sandwich" (son paille-MMM-son paille) ou encore
"le chapelet" (ZZZ-IIII-ZZZ-IIII-ZZZ…)
Heuillet cite des exercices qui utilisent des "vocalises en voix semi-parlée". Elle parle de l’exercice "du comptage
aimable" de Le Huche ou les arpèges en voix semi-parlée de L. Rondeleux (trouver sa voix). Elle propose aussi
de lire des phrases en progressant d’un demi-ton ou d’un ton. Bien entendu, le travail mélodique occupera une
place bien plus importante dans la rééducation des chanteurs.

VI – CONCLUSION
Dans la parole l'augmentation des tensions dans l'appareil vocal correspond à un ensemble comportemental de
la part du locuteur qui est appelé "forçage vocal" lorsqu'il tend à se pérenniser. En réalité, les configurations
glottiques correspondent au-delà du fonctionnement des cordes vocales à tout l'ensemble des phénomènes
physiologiques qui sous-tendent la communication.
Dans une communication parfaitement "détendue", les phénomènes de tension musculaire sont au minimum.
La tension des cordes vocales et de l'appareil respiratoire correspondent à un fonctionnement idéal. Dans une
communication dont l'objectif est de modifier le comportement de l'interlocuteur (voix projetée), une tension
musculaire plus grande est requise pour produire une voix plus forte et plus "efficace". En réalité, il existe une
augmentation de la tension à tous les niveaux de l'organisme : il a été démontré que tous les muscles, y compris
les muscles de la posture voient leur activité augmenter.
Au niveau comportemental, on observe en général une attitude de redressement du corps avec un regard tourné
vers l'interlocuteur. Au niveau respiratoire, on observe une inspiration plus ample (anticipation pré-phonatoire)
pour faire face à l'augmentation prévue de la pression sous-glottique. Il est à noter que certains sujets peuvent
avoir des difficultés à obtenir le relâchement musculaire nécessaire à une inspiration profonde suivie d'une
expiration contrôlée par les muscles de la paroi abdominale. Au niveau postural, on observe également une aug-
mentation de la raideur de tous les muscles, qu'il s'agisse des muscles du cou et du larynx ou de muscles situés
plus à distance comme les muscles des mollets et du dos. Les modifications de l'activité musculaire en rapport
avec l'augmentation de l'intensité sont donc génératrices d'une dépense d'énergie.
Normalement le sujet compense cet excès d'énergie par un repos compensateur. Mais dans certains cas, le sujet
n'observe pas ce repos et risque l'apparition de complications à type de laryngopathies dysfonctionnnelles
(malmenage vocal). On comprend que la prise en charge rééducative des patients présentant un malmenage vocal
ne puisse se résumer à la modification de la configuration glottique même si elle est nécessaire et que la prise en
charge d'aspects aussi divers que la tension musculaire générale, le niveau de stress, la posture, la respiration pré-
phonatoire soient des éléments indispensables d'une rééducation.
La rééducation orthophonique va agir comme nous l’avons vu sur tous les aspects comportementaux du forçage
vocal. L’adhésion active et informée du patient à la thérapeutique proposée est absolument indispensable. En effet,
il est nécessaire que les exercices d’entraînement soient poursuivis par le patient entre deux séances. Les auteurs
préconisent à ce sujet de réaliser des enregistrements des séances afin que les patients conservent une trace qui
serve de fil conducteur pour leur travail personnel. Par ailleurs, un "contrat" de rééducation doit être mis en place
dès la première séances afin de cerner la demande du patient et d’évaluer la faisabilité de ses attentes. En effet,
il peut arriver que les patients aient une idée erronée de ce que l’on peut leur apporter. Récemment, une patiente
chanteuse opérée d’un œdème de Reinke était satisfaite des résultats sur le plan du confort de production vocale,
mais regrettait la disparition de la raucité dans sa voix, raucité qu’elle considérait comme son originalité. Une
attention particulière doit donc être portée aux attentes des patients et leur satisfaction doit prévaloir sur l’idée
que nous pouvons nous faire d’une bonne (belle) voix.

102
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier Monsieur le Professeur Antoine Giovanni (ORL), Monsieur le Docteur Benoît Amy
de la Brétèque (phoniatre), Madame le Docteur Marie-Noelle Grini-Grandval (phoniatre) et Mesdames
Marie-Dominique Guarella et Christine Spezza (orthophonistes) pour leurs conseils et leur enseignement.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Amy de la Bretèque, B. (1991) Le chant, contraintes et libertés. Courbay : JM Fuzeau.
Amy de la Bretèque, B. (1997) L’équilibre et le rayonnement de la voix. Marseille : Solal.
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103
CHAPITRE V
Rééducation du mouvement paradoxal
d'adduction des cordes vocales
à l'inspiration

Philippe BETRANCOURT, Orthophoniste


Chargé d’enseignement à l’université de Toulouse

SOMMAIRE
I - PRÉSENTATION
A – Inscription à la nomenclature générale des actes professionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
B – Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

II – RÔLE DE L’ORTHOPHONISTE DANS LA PRISE EN CHARGE RÉÉDUCATIVE


A – Premiers contacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
B – Les principes de la rééducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
C – Les exercices spécifiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

III – CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................. 111


I – PRÉSENTATION

A - INSCRIPTION À LA NOMENCLATURE GÉNÉRALE DES ACTES PROFESSIONNELS


Le mouvement paradoxal d'adduction des cordes vocales (MPACV) à l'inspiration caractérise le syndrome de
dysfonctionnement des cordes vocales, Woisard (1998), encore appelé dyskinésie laryngée épisodique ou encore
syndrome du larynx irritable, Andrianopoulos et coll. (2000).
Le choix de cette dénomination dans le texte de la nomenclature est donc, après une étude évaluative de l'agence
nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), centré sur le traitement du symptôme. Cette approche
rééducative dont l'efficacité a été rapportée dans la littérature est souvent associée à d'autres traitements, médi-
camenteux, psychologiques. L'inscription récente de ce trouble à la nomenclature générale des actes profession-
nels est justifiée par la demande croissante de prise en charge rééducative émanant des pneumologues, des
oto-rhino-laryngologistes, mais aussi des généralistes. Il conviendra avant toute prise en charge rééducative
d'éliminer les autres affections susceptibles de présenter des manifestations cliniques ressemblantes. Nous
noterons que cette inscription ne figurait dans aucune des quatre nomenclatures d'autres pays, servant de base
comparative pour l'ANAES.

B - DÉFINITION

Figure 1 : Mouvement paradoxal involontaire des cordes vocales lors de l'inspiration

Crédit photo : Docteur Virginie Woisard


Unité de la voix et de la déglutition
Service d'oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale
Hôpital Larrey – Rangueil - Toulouse

"Le mouvement d'adduction paradoxal correspond à un rapprochement des aryténoïdes et des cordes vocales qui
s'accolent dans leur moitié antérieure alors que les apophyses vocales restent séparées dessinant une fente triangulaire
postérieure interaryténoïdienne", Woisard (1998).

La dyspnée consécutive à ce mouvement paradoxal involontaire à l'inspiration crée des situations de détresse
respiratoire. Il est souvent confondu avec l'asthme dont le traitement dans ce cas s'avère inapproprié.
La multiplication des publications est relativement récente, Altman et coll. (2000) essentiellement, au départ,
dans le domaine de la pneumologie mais aussi dans ceux de l'ORL et de la pédiatrie, et plus récemment de
l'orthophonie, Puech et Woisard (2001). L'intérêt partagé de ces différentes spécialités, leur complémentarité,
imposent au praticien confronté à un patient présentant un MPACV, la nécessité d'une approche pluridisciplinaire.
L'orthophoniste, s'il ne dispose pas des éléments d'information suffisants, se rapprochera du prescripteur ou lui
proposera de mettre en œuvre les examens complémentaires indispensables.

107
II – RÔLE DE L'ORTHOPHONIE DANS LA PRISE EN CHARGE
RÉÉDUCATIVE

A - LE PREMIER CONTACT
Le bilan orthophonique n'est pas l'objet de cet ouvrage, mais nous devons évoquer l'attention particulière
réservée à l'entretien. Au-delà des observations fonctionnelles que nous aurons pu faire au cours d'un bilan de
la phonation, l'entretien permettra au patient une première approche verbale descriptive des manifestations de
son trouble. Cet aspect est très important pour la mise en œuvre des principes de la rééducation. L'ortho-
phoniste notera donc scrupuleusement les divers éléments rapportés, facteurs déclenchants, fréquence des
crises, ancienneté des manifestations, existence d'un événement à partir duquel les crises ont débuté, capacité à
gérer la crise, effet sur l'entourage et comportement de ce dernier. De la reconnaissance de l'existence du
trouble du patient par le thérapeute dépendra l'acceptation de la thérapie, Pinho et coll. (1997). Autrement dit,
cela ne se passe pas uniquement dans l'esprit du patient. Son trouble est bien réel.

B - LES PRINCIPES DE LA RÉÉDUCATION


1 - Reconnaître l'existence de la crise
Martin et coll. (1987) insistent sur l'information du patient, la réalité et la reconnaissance de son trouble ainsi
que de son importance. Nous retrouvons une démarche similaire avec Pinho et coll. (1997) et plus récemment
avec Puech et Woisard (2001).
Il nous apparaît effectivement primordial de donner au patient des explications complètes et claires sur le méca-
nisme de la crise. La sensation d'étouffement est génératrice d'angoisse, évoque la mort par asphyxie. Il convient
donc de rassurer, de convaincre le patient de ses possibilités à gérer cette crise. Le diagnostic médical posé a reconnu
le trouble, l'orientation vers l'orthophoniste est une réponse technique qui va permettre de résoudre le problème.
Dans cette première démarche, se trouvent déjà deux éléments de réponse primordiaux pour le patient : son
trouble est reconnu, une solution thérapeutique existe. La prise en compte des facteurs associés, tels que le stress,
une pathologie ORL trouve toute sa place dans l'explication du mécanisme de déclenchement du trouble.
Notre expérience d'exercice de l'orthophonie en cabinet libéral, nous a permis de constater qu'il existait parfois
une connaissance parcellaire du champ de compétence de notre profession, en particulier pour une réponse à un
problème vital. En quelque sorte, le patient peut être amené à se demander, si, devant un trouble aussi spécifique
et dramatique lors des crises, le traitement proposé est bien adapté. Si nous avons rappelé l'importance du bilan,
c'est bien pour insister sur ce premier contact qui doit assurer le patient de l'adéquation du traitement proposé
au trouble présenté. La prise en charge commence déjà lors de ce premier contact. Ecoute, entendement, recherche
avec le patient des circonstances dans lesquelles survient la dyspnée, des conduites qui la diminuent, de l'angoisse
qu'il ressent, des questions qu'il se pose. Après ce temps de prise en compte de ses difficultés, nous pouvons lui
expliquer qu'il existe une solution et qu'il est possible de l'aider et ainsi aurons nous la possibilité de le rassurer.
Mais, la réponse n'est pas magique... Elle s'appuie sur une connaissance de l'anatomie et du fonctionnement des
voies phono-respiratoires.

2 - Faire du patient le premier acteur de son traitement


Faire du patient le premier acteur de son traitement est certes une évidence, gage de succès de toute thérapie.
Elle prend ici un relief tout particulier. Pour agir sur son trouble, le patient doit en connaître le plus précisément
les mécanismes de déclenchement, mais il doit auparavant posséder une image corporelle et une représentation
aussi juste que possible de la filière respiratoire, au moins pour sa partie bucco-laryngée. Puech et Woisard
(2001) préconisent, lorsque cela est possible, la visualisation de l'enregistrement des explorations faites au
moment de la crise. Si cette solution est idéale, elle reste peu compatible avec les réalités de l'exercice ambulatoire
hors service spécialisé. Toutefois, la réalisation de tels supports à visée d'utilisation rééducative, présentant des

108
mécanismes physiopathologiques, est à l'étude. Le principe de la visualisation d'un larynx, en respiration et en
phonation nous semble particulièrement important. L'utilisation, de plus en plus répandue, de logiciels CD ou
DVD traitant de l'anatomie du corps humain, constitue un très bon support à partir duquel nous pourrons tout
à loisir, adapter nos explications à chaque patient. Ce travail réalisé, nous expliquons alors les mécanismes
physiopathologiques.

3 - Apprendre à gérer la crise


A partir d'une représentation anatomique plus juste, le patient va pouvoir développer une meilleure conscience
proprioceptive. Ne pas céder à la panique, aller à l'encontre de la tentation d'inspiration forcée, plutôt souffler
qu'inspirer. Nous devons toujours avoir à l'esprit que nous demandons au patient de mettre en œuvre un
comportement qui, en période de déclenchement de la crise, risque de lui paraître contre nature. Ne pas céder
à la panique, aller à l'encontre de la tentation d'inspiration forcée, n'est pas évident, et dans un premier temps,
relève plus du domaine du dire que du faire. Les explications données précédemment aideront à condition
qu'une bonne préparation ait permis un bon conditionnement.
La plupart des auteurs ont une approche similaire. Le travail rééducatif, proprement dit, repose sur des exerci-
ces de relaxation globale, Pinho et coll. (1997), Puech et Woisard (2001) mais aussi plus spécifiquement
orientée sur le conduit respiratoire lui-même, puis une évolution vers la mise en pratique lors des activités
favorisant le déclenchement de la crise. Une attention particulière est portée sur le comportement du patient lors
de la crise elle-même, afin de parvenir à son contrôle. Certains auteurs encouragent la mise en œuvre d'une
dynamique de relaxation rapide. Enfin, la simulation de la crise et son contrôle immédiat pourront être mis en œuvre.

C - LES EXERCICES SPÉCIFIQUES


La plupart des exercices proposés sont connus et maîtrisés par les orthophonistes. Ils les utilisent communément
dans les rééducations faisant appel aux techniques de relaxation, de respiration. Sous réserve d'une bonne
information préalable du patient, leur mise en œuvre ne requiert rien de plus que leur adaptation au mouvement
paradoxal d'adduction des cordes vocales à l'inspiration.
Puech et Woisard (2001) distinguent les exercices pendant la crise, des exercices hors crises. De notre pratique,
nous retiendrons que la grande majorité des patients ne présentent pas d'état de crise durant la rééducation, sauf
à provoquer cet état. Les exercices devront donc être suffisamment répétés et intégrés pour que le patient puisse,
seul, les mettre en œuvre lors de l'apparition du trouble. Nous avons pu observer que rapidement, le condition-
nement avait un effet bénéfique, le patient décrivant une sorte d'état d'alerte annonciateur de la crise.

1 - Exercices de relaxation globale


La forme même du dysfonctionnement nous entraîne à privilégier des approches de relaxation évitant tensions
musculaires et situations de stress. Des techniques comme "la poupée de chiffon", des images mentales, des
sensations de relâchement, promenade à travers le corps, donneront la plupart du temps de bons résultats.

2 - Exercices de relaxation ciblée


Le conduit respiratoire, après visualisation sur tout type de support permettant une bonne représentation mentale,
fera l'objet d'un travail spécifique. Il sera fait appel à des sensations de fraîcheur, d'envahissement d'un
ruisseau d'air frais s'étendant largement au niveau de l'abdomen. Surtout, seront évitées toutes prises d'air volon-
taires, brutales et rapides. La respiration nasale pourra, parfois, être privilégiée afin de freiner naturellement le
volume d'entrée d'air. Le plus souvent, il sera demandé au patient de se laisser envahir par l'air, bouche ouverte,
en apportant une attention particulière à la sensation de fraîcheur glottique.
Cet exercice sera d'autant mieux exécuté et profitable, qu'un travail spécifique de mise en œuvre d'une respi-
ration de type costodiaphragmatique aura été préalablement effectué.

109
3 - La respiration
Tous les auteurs insistent sur le rôle primordial d'une respiration de type costodiaphragmatique. Sullivan et coll.
(2001) ont publié les résultats positifs d'une étude réalisée sur 20 patientes adolescentes sportives présentant un
MPACV. Dix-neuf d'entre elles ont pu résoudre leurs difficultés grâce à la mise en œuvre d'un mode respiratoire
adapté.
Nous ne reprendrons pas ici les différentes techniques et facilitations permettant la mise en place d'un fonction-
nement respiratoire de type costodiaphragmatique. Elles sont largement décrites dans la littérature consacrée au
travail vocal. Nous rappellerons son rôle primordial, facilement compréhensible puisqu'il libère les muscles
élévateurs de la cage thoracique, libère le larynx des contraintes extrinsèques, évite les réactions de fermeture glottique
pour la tenue de l'air inspiré et favorise une bonne gestion tant de l'inspiration que de l'expiration. Une
attention toute particulière sera apportée à la réalisation d'une prise d'air passive, évitant tout effort inspiratoire.

4 - La mise en œuvre des techniques acquises lors de la crise


Il est très difficile d'observer une crise survenant lors de la séance de rééducation. Pourtant, le travail rééducatif
consiste à préparer le patient à gérer la crise lors de l'apparition du MPACV. Il conviendra donc d'intégrer
progressivement des situations d'effort à travers des exercices physiques adaptés à l'état de santé du patient.
Il s'agira de grimper des escaliers, sauter sur place, utiliser un vélo d'appartement, etc. Lors de ces exercices,
il sera demandé au patient de mettre en œuvre le type de respiration apprise en séance.
Autre type de mise en situation, les efforts à glotte fermée, permettront de simuler le blocage apparaissant
conjointement au MPACV. Les mêmes exercices peuvent être effectués en associant une prise d'air glotte serrée
en demandant au patient d'émettre la voyelle [a] lors de l'inspiration. Un relâchement immédiat de la tension
glottique par un souffle avec remontée du diaphragme et remise en tension lente et passive de ce dernier pour
une inspiration modérée, sera alors demandé.
L'ensemble de ces exercices a pour but de conditionner le patient et de programmer une réaction précise lors de
la survenue de la crise.

III – CONCLUSION
La plupart des études publiées à ce jour reposent sur des cas cliniques isolés représentant des séries limitées de
2 à 5 cas. Une publication plus récente de Sullivan et coll.(2001) fait état d'une observation portant sur vingt
adolescentes présentant un mouvement paradoxal d'adduction des cordes vocales à l'inspiration durant la
pratique d'un sport. Elles ont bénéficié d'une prise en charge rééducative. Les résultats publiés sont largement
en faveur d'une indication d'un traitement orthophonique. Dix-neuf des vingt patientes traitées déclarent
contrôler le trouble après 6 mois, une présentant toujours des crises de dyspnée. L'efficacité de la rééducation
est reconnue par tous les auteurs, Woisard (1998).
Le faible nombre de publications ne permet pas de disposer d'éléments consensuels sur la durée de la rééducation,
la fréquence des séances, la fin du traitement. La durée sera fonction des patients mais en dehors de tout trouble
vocal associé, de toute perturbation d'ordre psychologique, notre pratique nous a permis de constater que le
traitement s'étale de 5 à 20 séances. La fréquence sera au départ fonction de l'angoisse entraînée par les
situations de crise. Deux séances par semaine nous semblent un bon rythme lorsque le patient n'est plus sous
l'effet de l'angoisse.
La fin du traitement est dictée par le bon sens. Elle correspond à la disparition des épisodes de crise et doit être
suivie d'une période de stabilisation significative. Il sera possible d'interrompre le traitement progressivement,
en espaçant les séances; ainsi, le patient aura l'assurance de pouvoir se référer à l'orthophoniste en cas de besoin.
Progressivement, un effet de sevrage se réalisera tout seul.
Un examen médical, ORL ou pneumologique sera demandé en fin de traitement. La demande sera accompagnée
d'une note d'évolution.

110
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Woisard, V. (1998). Une fois sur deux le dysfonctionnement des cordes vocales est confondu avec l'asthme.
La revue du praticien, 441, 15-18.

111
CHAPITRE VI
Rééducation des dysphagies
chez l’adulte et chez l’enfant

Michèle PUECH, Orthophoniste


Chargée d’enseignement à l’école d’orthophonie
et à l’école d’infirmières de Toulouse

Virginie WOISARD, Médecin ORL-Phoniatre


Chargée d’enseignement à la Faculté de médecine
et à l’école d’orthophonie de Toulouse
Membre du groupe européen de recherche sur la dysphagie

SOMMAIRE
I – INTRODUCTION ........................................................................................................... 115

II – RÉÉDUCATION DE L’ADULTE ET DE LA PERSONNE AGÉE


A – Bases physiopathologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
B – Principes de la prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
C – Rééducation chez l’adulte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124
D – Rééducation chez la personne âgée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135

III – RÉÉDUCATION CHEZ L’ENFANT


A – Bases physiopathologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
B – Principes de la prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
C – Démarches thérapeutiques et étiologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144

V – CONCLUSION ............................................................................................................. 148

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ................................................................................ 148


114
I – INTRODUCTION
Les dysphagies oropharyngées se définissent comme l’ensemble des difficultés se manifestant lors de l’achemi-
nement du bol alimentaire de la bouche vers l’estomac.
La déglutition est un acte mécanique qui réalise le transport des aliments en assurant la protection des voies
aériennes inférieures. Cette fonction est active lors de l’alimentation, 20 à 30 minutes par repas, une à deux
heures dans la journée selon le nombre de repas effectués. Mais elle est aussi active tout au long du cycle veille-
sommeil permettant la gestion du flux salivaire. Elle protège ainsi les voies aériennes inférieures en assurant la
vidange permanente du pharynx et en évitant les inhalations à la reprise inspiratoire.
Sa réalisation nécessite une synchronisation et une coordination entre les différents évènements constituant
la séquence motrice qui relèvent d’un contrôle neurologique complexe.
Les troubles de la déglutition peuvent être la conséquence d’une atteinte des structures anatomiques du carrefour
aérodigestif ou des structures permettant le contrôle neurologique de la séquence motrice.
La déglutition est sur le plan physiologique entre l’alimentation et la nutrition en assurant le maintien de la
respiration. En participant à la bonne réalisation de la respiration et de la nutrition, elle a une fonction vitale.
Ainsi, les risques nutritionnels et respiratoires consécutifs à un trouble de la déglutition peuvent mettre en
danger le pronostic vital de l’enfant, de l’adulte ou de la personne âgée.

ALIMENTATION
DEGLUTITION

RESPIRATION NUTRITION

Cette notion de risque est spécifique à la rééducation de la déglutition et justifie les besoins médicaux pour son
organisation dans le cadre de la prise en charge globale du patient.
La prévalence des troubles de la déglutition dans la population générale est difficile à déterminer. Elle augmente
avec l’âge et est évaluée en Europe à 30 % après 75 ans.
Les étiologies sont variées.
Chez l’adulte, en dehors des processus aigus comme les pharyngites, les angines et les corps étrangers, elles sont
dominées par les pathologies neurologiques et les pathologies tumorales des voies aérodigestives.
Une des manières d’aborder le contexte étiologique est de partir des plaintes décrites par le patient.
Elles sont généralement liées à :
• une douleur lors de la déglutition ou odynophagie. La cause peut en être une inflammation, un traumatisme
ou une tumeur oropharyngée.
• des troubles mécaniques réalisant une obstruction progressive de la filière. Les causes peuvent être une tumeur
oropharyngée, une sténose ou une compression intrinsèque.
• des troubles paralytiques d’origine neurologique centrale (comas, lésions du tronc cérébral, accidents
vasculaires, sclérose latérale amyotrophique, maladie de Parkinson…) ou périphérique (intoxications,
atteintes virales, syndromes neuromusculaires, exérèse chirurgicale...)
• des troubles psychosomatiques. Il peut s’agir de dysphagie paradoxale ou de dysesthésies.

115
Une liste des pathologies dans lesquelles les troubles de la déglutition de l’adulte s’inscrivent ne peut être exhaustive,
nous avons donc choisi de les présenter sous forme de tableau (tableau 1).

Infectieuse Myopathie
Carie, abcès dentaire Dermatomyosite
Mucites Polymyosite
Angines, abcès péripharyngien Dystrophie myotonique
Epiglottite Dystrophie occulopharyngée
Oesophagite Myasthénie
Polyomyélite Sarcoïdose
Diphtérie Syndrome paranéoplasique
Botulisme Métabolique
Maladie de Lyme Syndrome de Cushing
Syphilis Hyperthyroïdie
Structurelle Diabète
Tumeurs des voies aérodigestives supérieures Amylose
Dysfonctionnement du sphincter supérieur de l’œso- Maladie de Wilson
phage Maladie système
Diverticule de Zenker Sclérodermie
Sténoses et compressions extrinsèques Lupus érytémateux
Ingestion de caustiques (accidentelle ou volontaire) Syndrome de Gougerot Sjögren
Corps étrangers Crest syndrome
Ostéophytes et autres anomalies du squelette Iatrogène
Malformations congénitales ou acquises Effets secondaires des médicaments
Pathologies de l’articulation temporo-mandibulaire Radiothérapie
Edentation, prothèse mal adaptée Suites et ou séquelles de chirurgie musculaire ou
Neurologique neurologique
Sclérose latérale amyotrophique Intubation et trachéotomie
Syndromes extrapyramidaux Sonde nasogastrique
Maladie de Huntington Divers
Sclérose en plaques Psychiatrique
Démences Reflux gastro-oesophagien
Tumeurs du tronc cérébral Xérostomie troubles de la salive
Accidents vasculaires Les carences en vitamines B12 et en fer
Traumatismes crâniens Syndrome de Guillain-Barré
Les syndromes malformations de la filière craniocérébrale
Paralysie des paires crâniennes
Infirmité motrice d’origine cérébrale
Tr. de la coordination : syndrome cérébelleux
Dystonies

Tableau 1 : Etiologies les plus fréquentes des troubles de la déglutition chez l’adulte

Chez l’enfant, les étiologies résultent :


• de troubles de la maturation (ontogénèse):
L’enfant ne sait pas faire, bien que les aptitudes perceptivomotrices innées permettant la mémorisation
temporospatiale des mouvements et des informations issues du milieu environnant, Le Métayer (1999) soient
intactes. L’évolution de la neuro-motricité alimentaire et les apprentissages gnosopraxiques oraux peuvent être
retardés par :

116
- un manque de stimulations instrumentales ne permettant pas, par des expériences motrices répétées,
les ajustements des mouvements intentionnels qui amèneront à l’acquisition des automatismes.
C’est généralement le cas lorsqu’il existe une prématurité.
- un manque de stimulations psycho-affectives. L’éveil moteur de l’enfant ne peut évoluer que dans un
contexte affectif propice de motivations et de stimulations éducatives, il en est de même pour la
maturation de l’oralité alimentaire. C’est le cas des enfants hospitalisés dès la naissance en services de
néonatologie ou en réanimation.
- la présence d’une sonde d’alimentation entérale (par sonde buccogastrique, nasogastrique ou par
gastrostomie). Celle-ci prive le petit enfant d’informations kinesthésiques et proprioceptives relatives
à toutes les étapes du déroulement de la déglutition. De même, en ce qui concerne l’alimentation, l’ac-
quisition des sensations d’appétit et de satiété sera compromise.
• de troubles neuromoteurs :
L’enfant ne peut pas faire, son développement moteur et ses capacités d’apprentissage sont limités par :
- une atteinte neurologique : Infirmité Motrice d’Origine Cérébrale, polyhandicaps, traumatisme crânien,
anoxie néonatale, Leroy-Malherbes (2002)
- un syndrome malformatif : Séquence de Pierre Robin, Abadie (2002), Thibault et Bréau (2002),
syndrome de Moébius, fente labio palatine, Montoya et coll. (1996), syndrome de Franceschetti-Klein,
Edery (2002), syndrome de Di George, Philip, (2002), Syndrome de Lange, Leroy-Malherbes (2002)
- une maladie génétique : Prader et Willi, Barbier (2002), Moncla (2002), Postel-Vinay (2002),
trisomie 21…
- une maladie neuromusculaire : dystrophie myotonique de Steinert, dystrophie musculaire de Duchenne
de Boulogne, myopathie congénitales, maladies musculaires inflammatoires, Abinun et Golovtchan (2002),
Leroy-Malherbes (2002).
• d’un refus de s’alimenter :
L’enfant ne veut pas faire, son refus peut être motivé par :
- la peur de manger consécutive à une expérience alimentaire "douloureuse". Celle-ci peut être la
conséquence d’un traumatisme physique tel que l’étouffement lors d’une fausse route ou des sensations
de brûlures lors de la déglutition dues à un reflux gastro-oesophagien, Secker (2001) mais aussi d’un
traumatisme psycho-affectif lié aux interactions environnementales lors de l’alimentation,
- une pathologie psychiatrique telle que l’anorexie, le mérycisme ou rumination ou encore les phobies
alimentaires. Elle peut se manifester par des mécanismes d’expulsion à type d’efforts de vomissement
très différents des régurgitations.

L’ensemble des auteurs s’accorde à penser que la problématique de "la rééducation des dysphagies oropharyngées"
dépasse la restauration dynamique de la fonction de déglutition par une éducation ou une rééducation analy-
tique et/ou fonctionnelle, à partir de la simple observation de symptômes.
Les données de la littérature soulignent l’importance de l’évaluation fonctionnelle (déterminant la tolérance au
trouble) et du bilan étiologique (recherchant la cause de celui-ci). Les modalités de prise en charge pourront être
envisagées en considérant :
• le (ou les) mécanisme physiopathologique responsable du trouble de la déglutition
• leur évolution dans le temps en fonction du pronostic orienté par l’étiologie
• leurs conséquences sur l’alimentation et la qualité de vie de l’individu.
L’abord du dysphagique de ce fait est global. Il nous a semblé difficile, dans ce chapitre de lister des exercices
spécifiques correspondant à un mécanisme physiopathologique donné ou à une pathologie. De nombreux
ouvrages dont vous trouverez les références dans la bibliographie y sont consacrés.
Notre objectif sera plutôt de proposer des bases de réflexions et d’analyses permettant d’organiser au mieux un
programme de réhabilitation à partir de stratégies thérapeutiques.

117
II – RÉÉDUCATION CHEZ L’ADULTE ET LA PERSONNE ÂGÉE

A - BASES PHYSIOPATHOLOGIQUES DE LA RÉÉDUCATION


Les fondements physiopathologiques de la déglutition sont nécessaires à l’organisation de toute prise en charge.
En effet, les données de l’interrogatoire concernant les symptômes ne suffisent pas à élaborer le plan de
rééducation. Seul le résultat d’une évaluation comprenant au moins un essai de déglutition précise les mécanismes
physiopathologiques du trouble du patient. Pour arriver à corriger ces mécanismes, une bonne connaissance de
la physiologie de la déglutition est nécessaire.

1 - Physiologie
La description classique en trois temps (oral, pharyngé et oesophagien) de la déglutition, repose sur des bases
anatomiques.
L'intégration des données de biomécanique et des données du contrôle neurologique de la déglutition tend à
séparer le temps de préparation du bol alimentaire du temps de transport oropharyngé, en ce qui concerne les
deux premiers temps de la déglutition. Cette redistribution de la division des différentes phases de la déglutition
correspond à la réalité clinique de la dysphagie oropharyngée.
Le temps de préparation du bol alimentaire répond sur le plan physiologique aux différents modes de préhen-
sion et de préparation du bol alimentaire qui dépendent sur le plan neurologique de centres différents (masti-
cation, succion...).
Le temps de transport oropharyngé est un phénomène continu dans le temps. De plus, le temps oral de transport
se rapproche plus sur le plan neurologique d'un contrôle automatique (apparenté à celui du temps pharyngé)
que d'un contrôle volontaire retrouvé au niveau du temps de préparation oral. Ce temps dure normalement moins
d'une seconde.
Dans la mesure où plusieurs de ces composantes sont intriquées dans le temps et dans l'espace, une description
synthétique (figure 1) est plus proche des mécanismes physiopathologiques de la déglutition.

Figure 1 : Description synthétique des troubles de la déglutition.

◆ Le transport du bolus
Au début du temps oral, la langue mobile à l'aide des muscles du plancher buccal, appuie en haut et en arrière
sur la surface dure du palais, exprimant vers l'arrière le bolus.

118
A la fin du temps oral, le transit du bolus est initié par la déformation du dos et de l'arrière de la langue qui en
plus d'un effet "toboggan", génère une force de propulsion guidant le bolus vers l'arrière et le bas.
Au moment du déclenchement du temps pharyngé, la contraction péristaltique du pharynx est à l'origine d'une
force dirigée vers le bas, s’exerçant sur la queue du bol alimentaire.
Le recul de la base de la langue crée une force qui chasse le bolus dans l’hypopharynx.
L’ouverture du SSO permet le passage des aliments dans l’œsophage avec une continuité entre le péristaltisme
pharyngé et le péristaltisme œsophagien. La composante mécanique de l'ouverture du sphincter supérieur de
l'œsophage semble être l'élément principal pour la déglutition de petits volumes de liquide. Cependant,
l'amplitude des mouvements n'augmente pas parallèlement au volume du bolus. L'augmentation de l'amplitude
du SSO résulte de l'équilibre entre la pression exercée par le bolus sur les parois et la compliance du SSO
(figure 2).
Ainsi, les structures fondamentales pour la propulsion du bol alimentaire sont : la langue mobile, l'arrière de la
langue, les muscles de la paroi pharyngée et les muscles de la base de la langue (figure 3). Le franchissement du
SSO est dépendant de l'intégrité des forces de propulsion.
Les événements principaux sont le contrôle et le transport oral du bolus (langue mobile), l'initiation du temps
pharyngé (arrière de la langue), le déclenchement du temps pharyngé, la propulsion pharyngée (péristaltisme
pharyngé et recul de la base de la langue), l'ouverture du SSO.

◆ La protection des voies aériennes


Au niveau du temps oral, la protection des voies aériennes comprend :
• la fermeture antérieure de la cavité buccale,
• la fermeture postérieure de la cavité buccale pour éviter les pénétrations pharyngées d'aliments alors que la
respiration nasale est possible.
Au niveau du temps pharyngé, l’exclusion des voies respiratoires est assurée en premier lieu par l’inhibition
respiratoire centrale.
En haut, le cavum est obturé par la fermeture vélopharyngée, prévenant le reflux vers les fosses nasales.
En bas, l’occlusion séquentielle du larynx débutant au niveau des cordes vocales, se poursuit vers le haut, per-
mettant aux particules alimentaires qui seraient rentrées dans le larynx d’être chassées dans le pharynx. Elle est
favorisée par l’ascension et la projection antérieure du larynx qui, associées au recul de la base de la langue,
placent le larynx sous la masse de la langue et complètent la bascule en arrière de l’épiglotte.
Cette description synthétique est schématisée sur la figure 4.
Enfin, en cas de pénétration accidentelle de particules alimentaires dans le larynx avant ou après le déclenche-
ment du temps pharyngé, le réflexe de fermeture laryngée et le réflexe de toux assurent la protection de l’arbre
bronchique.

VW VW
SCOH SCOH

Figure 2 : Ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage. Figure 3 : Le transport du bolus.

119
Protection
A = Fermeture antérieure de la cavité buccale
B = Fermeture postérieure de la cavité buccale
C = Fermeture vélopharyngée
D = Fermeture laryngée et mécanismes d'expulsion
Transport
1 = Initiation du temps de transport orale
2 = Contrôle et propulsion orale
3 = Initiation du temps pharyngé
4 = Déclenchement du temps pharyngé
5 = Propulsion pharyngée
VW 6 = Ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage
SCOH

Figure 4 : Description synthétique de la déglutition.

2 - Sémiologie
L'approche des mécanismes physiopathologiques à partir des anomalies anatomiques ou neurologiques reste
probabiliste.
En effet, seule l'analyse dans le contexte de la fonction permet de déterminer les conséquences d'une lésion sur
cette fonction (notion de déficit fonctionnel). Au cours de la déglutition, les anomalies anatomiques et neuro-
logiques peuvent être compensées par la modification du rôle d'une ou de plusieurs structures non atteintes qui
concourent à la réalisation du même événement de la déglutition. Ainsi, le rôle relatif de la structure lésée et les
possibilités de compensation par les autres structures participantes sont des paramètres qui vont moduler
l'importance du déficit. Ils peuvent varier d'un individu à l'autre en raison des particularités anatomiques, des
capacités différentes d'un individu à modifier un schème moteur.
La liste des mécanismes physiopathologiques déclinés ici (tableau 2) en fonction du déroulement temporel de
la déglutition sera reprise de manière synthétique dans l’évaluation des résultats de la rééducation. Cette analyse
conduira à répondre systématiquement à trois questions :
• existe-t-il un défaut de mécanisme d’expulsion ?
• existe-t-il un défaut de protection des voies aériennes ?
• existe-t-il un défaut de transport du bol alimentaire ?
Pendant la phase préparatoire
– Défaut de contention : - en avant : défaut de fermeture labiale
- en arrière : défaut de fermeture oro-pharyngée
– Troubles de l’insalivation
– Troubles de la mastication
Pendant la phase de transport oral
– Troubles de l’initiation du temps oral
– Défaut de fermeture de la cavité buccale : - antérieure
- postérieure
– Défaut de contrôle du bolus dans la cavité buccale
– Défaut de propulsion du bolus
– Défaut d’initiation du temps pharyngé
– Défaut de déclenchement du temps pharyngé
Pendant la phase pharyngée
– Défaut de protection des voies aériennes
*Supérieures = défaut de fermeture velo pharyngée
* Inférieures = défaut de fermeture laryngée
– Défaut des mécanismes d’expulsion
– Défaut de transport pharyngé : - défaut de péristaltisme pharyngé Tableau 2 : Mécanismes
- défaut de recul basi-lingual physiopathologiques en fonction
– Dysfontionnement du sphincter de l’œsophage des temps de la déglutition

120
B - PRINCIPES DE PRISE EN CHARGE
1 - La démarche
L’OMS définit la réadaptation médicale comme "l’application coordonnée de mesures dans les domaines médical,
social, psychologique et pédagogique qui peut aider à remettre le patient à la place qui lui convient dans la société
et/ou à lui conserver cette place".
Un projet de réadaptation fonctionnelle, quels que soient le déficit et les incapacités consécutives à une lésion,
sera établi en fonction du degré de handicap. Le pronostic d’évolution est déterminant dans le choix des
stratégies thérapeutiques.
Pour ce qui est de la prise en charge de la déglutition, les orientations thérapeutiques seront, selon le pronostic,
axées sur :
• un programme intensif basé sur des exercices analytiques et fonctionnels dans le but de favoriser la récupération
neuro-motrice. Ceci n’est envisageable que si le pronostic autorise une récupération des anomalies neuro
musculaires. Nous donnerons, pour exemple, le cas d’une atteinte partielle du nerf récurrent lors d’une
thyroïdectomie : la conséquence du traumatisme du nerf peut être à l’origine d’un défaut de fermeture
glottique, le délai de récupération dépendra de la nature du traumatisme.
• la réorganisation de la fonction de la déglutition à partir de la mise en place de compensations anatomiques
et neuro musculaires par les structures sensori motrices restantes si le pronostic est en faveur d’une récupéra-
tion partielle. C’est le cas dans les chirurgies de la cavité buccale.
• l’entretien de la trophicité musculaire et l’adaptation des conditions d’alimentation au handicap alimentaire
quand le pronostic est en faveur d’une perte de la fonction de déglutition avec aggravation inéluctable de
l’état nutritionnel. C’est le cas dans les maladies dégénératives comme la sclérose latérale amyotrophique ou
les myopathies. La prise en charge sera axée sur la mise en place de stratégies d’adaptation nécessaires à la
disparition des symptômes tout en permettant une alimentation orale satisfaisante, parfois combinée à un
autre mode d’alimentation.
La démarche thérapeutique s’inscrit généralement dans un contexte global de réadaptation fonctionnelle et
les modalités de prise en charge seront alors différentes selon :
• le niveau de maturation du comportement alimentaire s’il s’agit de troubles chez l’enfant,
• le pronostic évolutif déterminé par l’étiologie, le contexte médical, les capacités d’adaptation et d’apprentissage
du patient d’âge adulte.
La particularité du programme de réhabilitation est son adaptation dans le temps, en fonction de l’évolution de
différents paramètres (figure 5) :
• les mécanismes physiopathologiques et la nature des troubles. Ils peuvent être transitoires, définitifs, stables ou
évolutifs,
• le choix des moyens de prise en charge indiqués pour les mécanismes déterminés,
• le contexte médical du patient ,
• les capacités d’apprentissage, Gau (2001)et la compliance, Vandal et coll. (1999) du sujet face au
traitement qui lui est proposé,
• la sévérité du handicap.

PROGRAMME DE REHABILITATION

MÉCANISMES ETHIOLOGIE Possibiltés


physiopathologiques COGNITIVES
Evolution
Pronostic

PROGRAMME
INDICATIONS DE REHABILITATION

Degré de sévérité

LES MOYENS TROUBLE Contexte médical


GLOBAL
Figure 5 : Programme de réhabilitation.
121
L’objectif de la démarche de réhabilitation de la déglutition est de permettre au patient dysphagique de s’adapter
à son handicap au mieux de ses capacités ainsi que de maintenir une qualité de vie décente. Elle s’appuie sur une
évaluation fonctionnelle permettant d’identifier les mécanismes physiopathologiques et une évaluation étiologique
déterminant la cause du trouble.
Ces évaluations sont indispensables pour répondre à la question essentielle du mode d’alimentation sans risque
pour le dysphagique :
• peut on l’alimenter ?
• quelles doivent être les modalités de cette alimentation (orale, entérale ou mixte) ?
• peut on proposer des essais alimentaires en toute sécurité ?
• doit-on apporter des restrictions à son alimentation, seront-elles transitoires ou doit-on préparer le patient à
l’éventualité de restrictions définitives ?
Ainsi le programme de réhabilitation s’appuie sur la détermination des modalités qui aideront le patient à retrouver
une alimentation satisfaisante en apports caloriques et hydriques, limitant au maximum les risques de dénutrition
et les risques pulmonaires, ainsi qu’un geste alimentaire adapté à ses possibilités d’autonomie.
Ces objectifs sont donc de :
• déterminer les différents moyens thérapeutiques disponibles pour ce trouble
• choisir en fonction du contexte, les associations ou la progression thérapeutique qui seront les plus efficaces
pour assurer une alimentation sans danger pour le patient à long terme
• organiser la stratégie choisie en définissant les différentes interventions thérapeutiques en terme d’intervenants
et/ou de traitements (médicaux, chirurgicaux, prothétiques…) en fonction de l’évolution du patient
• assurer le suivi sur le plan de la déglutition, de la nutrition et de la respiration tant que l’évolution des troubles
le justifiera.

2 - Les moyens
Les moyens de la prise en charge reposent sur :
• des stratégies d’adaptation concernant l’environnement alimentaire, Le Métayer (1999), Morris SE et coll (1987),
Perlman et Schulze-Delrieu (1997), Senez (2002), Woisard et coll (2003) et le comportement du patient lors
de l’alimentation : postures de tête et/ou utilisation de manœuvres de déglutition, Logeman (1983), Woisard
(2003), Hardy et coll (1993), Welch (1990).
Utilisées au moment de l’acte de déglutition, elles ont une conséquence sur le déroulement de celui-ci en
diminuant les symptômes voire en les faisant disparaître, sans efficacité cependant sur le mécanisme du trouble.
Elles pourront être définitives ou transitoires et souvent elles se modifieront en fonction de l’évolution du trouble.
• des exercices spécifiques analytiques visant la récupération des anomalies anatomiques et neuromusculaires
ou le maintien des possibilités sensori motrices des segments musculaires concernés par le trouble.
• des protocoles fonctionnels construits de manière à répondre au mécanisme physiopathologique en s’adressant
alors aux enchaînements dynamiques de la déglutition.
L’évaluation précise des mécanismes physiopathologiques et des déficits neuromusculaires est nécessaire pour établir
un plan de travail spécifique.
De nombreux ouvrages décrivent les moyens que l’on peut utiliser chez l’adulte et le sujet âgé. Vous les
retrouverez cités tout au long de ce chapitre ainsi que dans la bibliographie.
Les programmes thérapeutiques sont généralement construits avec une approche multisensorielle et approche
comportementale basée sur des exercices d’entraînement et de contrôle volontaire, Cot (1996).
Nous rappellerons que les exercices analytiques s’intéressent à la mobilité, au renforcement de la force muscu-
laire et de la sensibilité (tactile, thermique et sensorielle) des différents segments musculaires et unités fonction-
nelles impliqués dans la séquence de déglutition. Pour les structures accessibles, les stimulations sont directes.
Par contre les structures non accessibles seront stimulées par des approches indirectes comme :
• l’utilisation des mobilisations linguales pour favoriser l’ascension laryngée,
• les productions vocaliques favorisant l’ouverture de l’isthme du gosier et la contraction de la paroi de
l’oropharynx,

122
• les exercices portant sur le renforcement de la musculature sushyoïdienne et les étirements de la colonne cer-
vicale favorisant l’ouverture du SSO, Shaker et coll. (1997) et (2002).
Les protocoles fonctionnels s’intéressent plus directement à l’organisation de séquence motrice de déglutition
comme :
• la manipulation de matériel en bouche et la cohésion du bolus décrit par Logemann (1983)
• la manœuvre de Mendelhson pour ouverture du SSO, Logemann (1983, 1990, 1994), Logemann et coll.
(1990), Kahrilas et coll (1991),
• les stimulations thermotactiles, Logemann (1983),

Figure 6 : Les moyens de prise en charge. Figure 7 : La prise en charge pluridisciplinaire.

3 - Les résultats
Evaluer l’efficacité de la prise en charge dans le domaine de la dysphagie est particulièrement difficile.
Ceci dépasse l’évaluation d’une pratique spécifique relative à un exercice analytique (réponse à un déficit
neuromoteur) ou relative à un protocole fonctionnel (réponse à un mécanisme physiopathologique), car pour
la majorité des cas, plusieurs techniques vont être utilisées en combinaison selon les indications.
L’aspect méthodologique employé dans la plupart des études repose sur l’utilisation de protocoles mesurant
d’une part les effets physiologiques et d’autre part les répercussions fonctionnelles sur l’état nutritionnel et l’é-
tat pulmonaire, Cot et coll. (1996).
Mais il apparaît que :
• l’évaluation médicale objective (essai de déglutition réalisé sous nasofibroscopie et/ou par vidéo-radio-cinéma)
permet la quantification des troubles et l’analyse de leurs caractéristiques dynamiques. Elle semble être le
moyen le plus sûr d’évaluer l’efficacité du traitement. Cependant les résultats des différentes études présentent
souvent des biais méthodologiques liés à l’absence des groupes "contrôle" et au manque d’homogénéité des
populations étudiées. Différentes études sont rapportées dans l’ouvrage de F. Cot (1996).
• l’évaluation de l’efficacité d’une technique de rééducation présente l’inconvénient d’isoler une technique
proposée soit pour un mécanisme physiopathologique, soit pour une pathologie. Une liste des travaux ne peut
être exhaustive en ce domaine.
Nous ne citerons que quelques exemples :
- les travaux de J.A. Logemann (1983-1989-1990) évaluent l’efficacité des postures de tête sur la pro-
gression du bol alimentaire et la protection des voies aériennes, ainsi que l’efficacité de la stimulation
thermotactile (Thermotactile Stimulation) sur le retard de déclenchement du temps pharyngé,
- les travaux plus récents de Rosenbeck (1996), mesurent chez 22 sujets l’effet des stimulations thermo-
tactiles telles qu’elles ont été décrites par J.A. Logemann,
- les travaux de R. Shaker portent sur l’évaluation d’un protocole d’exercices portant sur la musculature
sus hyoïdienne et la colonne cervicale, dans le traitement des troubles de la déglutition pharyngée liés
à un défaut d’ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage. Une étude préliminaire effectuée sur des
sujets âgés présentant une petite ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage a montré l’efficacité

123
d’un travail spécifique, 3 jours par semaines, pendant 6 semaines sur le diamètre antéropostérieur de
l’ouverture du sphincter et une diminution de la pression hypopharyngée lors du passage du bol
alimentaire, Shaker et coll. (1997).
Une deuxième étude, Shaker et coll. (2002), utilisant le même protocole, a été réalisée sur 27 sujets
présentant des troubles de la déglutition ayant nécessité la mise en place d’une alimentation entérale,
toutes étiologies confondues. Le protocole comprend des exercices effectués en position couchée :
- Relever la tête en rentrant le menton pour regarder sa pointe de pied en soutenant l’effort 1 minute
(sans soulever les épaules) puis 1 minute de repos, ceci 3 fois,
- 30 fois le même mouvement de façon brève et répétée.
Les résultats sont objectivés par une radioscopie de la déglutition ainsi que par un score chiffré tradui-
sant une évaluation clinique qualitative des compétences fonctionnelles relatives à la déglutition, avant
et après 6 semaines d’exercices réalisés 3 fois par jour. Ils ont montré de façon significative une
amélioration de l’ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage, de l’ascension et de la projection
antérieure du larynx ainsi que la suppression des fausses routes secondaires à la déglutition. Les 27 patients
ont pu reprendre une alimentation orale après 6 semaines, pour la majeure partie (20 sujets) sans
restriction alimentaire.
- Gisel (1996) relate une étude réalisée auprès d’enfants Infirmes Moteurs d’Origine Cérébrale qui
présentaient des troubles de l’alimentation modérés avec ou sans fausses routes. Il s’agissait d’évaluer
l’effet d’un traitement sensorimoteur de la cavité buccale proposé avant le repas sur les compétences
motrices orobuccales, ainsi que sur la croissance (mesures du poids et de l’épaisseur du pli cutané). Cette
étude a montré que le traitement améliore les compétences dynamiques de la cavité buccale pour la moi-
tié des enfants testés sur l’incontinence salivaire mais n'apporte pas de changement significatif sur la
courbe pondérale et les mesures anthropométriques.
- Welch (1993) propose une étude sur la posture de flexion antérieure de tête.
• l’évaluation de l’état nutritionnel est fondamentale avant, pendant et après toute prise en charge.
Elle semble être pour la majorité des auteurs, la meilleure façon d’objectiver les résultats de la prise en charge.
En pratique courante, cette évaluation est avant tout clinique. Elle repose sur :
- des mesures anthropométriques (pli cutané, périmètre des membres), les marqueurs de la fonte
musculaire,
- la recherche des signes spécifiques et aspécifiques de dénutrition : suivi des courbes pondérales,
sécheresse cutanée, ongles striés et déformés, affections buccodentaires,
- une enquête alimentaire concernant la qualité et la quantité des aliments ingérés ainsi que le temps
du repas,
- des échelles et index de dénutrition comme le "Mini Nutritional Assessment Test" qui permettent
d’évaluer le degré de sévérité de la dénutrition.

C - RÉÉDUCATION CHEZ L’ADULTE


La prise en charge des troubles de la déglutition et de l’alimentation repose avant tout sur une démarche
thérapeutique adaptée à l’étiologie et sur le choix de moyens organisés en fonction de mécanismes physiopatho-
logiques.
Les résultats de la démarche thérapeutique dépendent de la qualité du suivi de la déglutition et de l’alimen-
tation mis en place.

1 - Indications et mécanismes physiopathologiques


Les moyens de prise en charge organisés en fonction des mécanismes physiopathologiques constituent les indications.
Nous avons choisi de présenter ses indications sous forme de tableaux.
Ces tableaux se rapportent à un mécanisme physiopathologique établi à partir des signes sémiologiques.
Ils résument les différents moyens de rééducation spécifique ainsi que les stratégies d’adaptation qui sont à la
disposition du thérapeute.

124
Ils pourront se combiner en fonction des mécanismes impliqués, de leur prépondérance et de l’évolution du trouble.
Au sein des tableaux, certaines manœuvres de déglutition ou postures se retrouvent placées aussi bien dans les
protocoles fonctionnels que dans les stratégies d’adaptation. Leur utilisation est justifiée par leur efficacité dans :
• la mise en place de compensation,
• la réorganisation de la séquence motrice,
• la récupération neuromusculaire.

◆ Les défauts de protection des voies aériennes


• défaut de fermeture labiale
Le défaut de fermeture labiale se définit comme une diminution du tonus de la sangle labiojugale pendant
le temps de préparation ou le temps de propulsion orale.

Défaut de fermeture labiale


Rééducation spécifique Stratégies d’adaptations
Exercices analytiques : Bol alimentaire :
• Travail musculaire de la sangle Consistance : > liquide épais
labio-jugale : tonus et force musculaire Volume : 0
• Stimulations sensitives de la sangle Autres caractéristiques : 0
labio-jugale et de la muqueuse buccale
Postures
Le travail de contrôle • Travail des muscles masticateurs • Tête en arrière
du bolus permet de • Inclinaison du côté sain
Exercices fonctionnels :
réduire la stase buccale Manœuvres :
et de diminuer • Travail de contrôle du bolus • Mise en bouche postérieure ou du côté sain
l’incontinence labiale. • Aspiration jugale ± manipulations

Tableau 3 : Défaut de fermeture labiale

• défaut de fermeture oropharyngée


Le défaut de fermeture oropharyngé se définit comme une diminution de la force de fermeture vélolinguale qui
s’oppose au passage du bolus vers le pharynx pendant le temps de préparation ou le début du temps oral.

Défaut de fermeture oro-pharyngée


Rééducation spécifique Stratégies d’adaptations
Exercices analytiques : Bol alimentaire :
• Travail vélaire Consistance : > liquide épais
Le travail de contrôle
du bolus permet Volume : 0
• Travail lingual (arrière de la langue)
d’éviter le passage Autres caractéristiques : homogène
• Travail pharyngé
prématuré d’aliments Postures
dans le larynx et Exercices fonctionnels : • Flexion antérieure
d’éventuelles fausses
• Travail de contrôle du bolus Manœuvres :
routes avant le
• Fermeture précoce du larynx
déclenchement de la • Manœuvre susglottique
déglutition.
Tableau 4 : Défaut de fermeture oropharyngée

125
• défaut de fermeture vélopharyngée
Le défaut de fermeture vélopharyngée correspond à une diminution de la force de fermeture qui s’oppose au
passage du bolus vers le rhinopharynx à la fin du temps de transport oral et durant le temps pharyngé.

Défaut de fermeture vélopharyngée


Rééducation spécifique Stratégies d’adaptations
Exercices analytiques : Bol alimentaire :
• Travail vélaire Consistance : solide > liquide
L’apprentissage
Volume : petites quantités
du retard de • Travail pharyngé
déclenchement du Autres caractéristiques : homogène, lent
Exercices fonctionnels :
temps pharyngé Postures
prévient le reflux • Retard de déclenchement • Extension
des aliments dans du temps pharyngé
le rhinopharynx. Manœuvres : 0

Tableau 5 : Défaut de fermeture vélopharyngée.

• défaut d’occlusion laryngée


Le défaut d’occlusion laryngée est nuancé selon le niveau de fermeture :
- susglottique : retard ou absence de fermeture du vestibule et/ou de la margelle laryngée au moment où
le bol alimentaire entre dans l’oropharynx,
- glottique : retard ou absence de l’adduction des cordes vocales à la fin de la phase de transport oral.

Défaut d’occlusion laryngée


Rééducation spécifique Stratégies d’adaptations
Exercices analytiques : Bol alimentaire :
• Travail de la musculature pharyngée Consistance : > liquide épais
La manœuvre de intrinsèque Volume : 0
déglutition super- - susglottique
- glottique Autres caractéristiques : lent
susglottique peut être
utilisée comme exercice • Travail de la musculature laryngée Postures
extrinsèque pour l'ascension • Flexion antérieure
pour renforcer le
• Travail de recul de la base de la langue • Rotation éventuelle si défaut unilatéral
mouvement de bascule
des aryténoïdes et ainsi Exercices fonctionnels : Manœuvres :
optimiser la fermeture • Fermeture glottique prématurée/Toux
• Manœuvre super-susglottique • Manœuvre susglottique
susglottique. • Manœuvre super-susglottique

Tableau 6 : Défaut d’occlusion laryngée.

◆ Les défauts de transport du bol alimentaire


• trouble de l’initiation de la phase orale
Ce mécanisme se définit comme le retard ou l’absence de démarrage de la séquence motrice de propulsion antéro-
postérieure du bol alimentaire après l’introduction du bol alimentaire dans la bouche, alors que le patient ne
s’y oppose pas consciemment.

126
Troubles de l’initiation de la phase orale
Exercices spécifiques Stratégies d’adaptations
Exercices analytiques : Bol alimentaire :
• Stimulations sensitives tactiles Consistance : liquide épais, pâteux
ou thermo-algiques Volume : 0
• Désensibilisation éventuelle des réflexes Autres caractéristiques : homogène, lisse
Stimulation du temps archaïques ou de la protrusion linguale
oral par pression de la Postures
partie antérieure de la Exercices fonctionnels : • Tête en arrière
langue ou par des • Stimulations du temps oral Manœuvres :
manipulations du • Appui sur la langue avec la cuillère
plancher buccal. • Positionnement postérieur du bolus

Tableau 7 : Trouble de l’initiation de la phase orale.

• défaut de contrôle du bolus et défaut de transport oral.


Lorsqu’il existe un défaut de contrôle du bolus, les structures neuro-musculaires de la cavité buccale ne peuvent
assurer la cohésion du bol alimentaire pendant la phase de préparation et la phase de transport oral. Dans le
défaut de transport oral, il existe une diminution de la force exercée par le langue d’avant en arrière dans la
cavité buccale : cette force déplace le bolus vers le pharynx.
Pour ces deux mécanismes la prise en charge diffère peu.

Défaut de contrôle du bolus dans la cavité buccale


Rééducation spécifique Stratégies d’adaptations
Exercices analytiques : Bol alimentaire :
• Travail musculaire de la sangle labio-jugale Consistance : liquide épais, pâteux
Volume : 0
• Travail musculaire de la langue
La déglutition Autres caractéristiques : homogène
volontairement forcée • Stimulations sensitives orales
Postures
est un exercice visant Exercices fonctionnels : • Tête en arrière au moment d’avaler
l’augmentation de la • Inclinaison du côté sain
force de propulsion • Travail de contrôle du bolus
Manœuvres :
pour limiter la stase • Déglutition d’effort • Aspiration jugale
buccale. • Positionnement du bolus dans la bouche

Tableau 8 : Défaut de contrôle du bolus et défaut de transport oral

• retard de déclenchement du temps pharyngé


Ce mécanisme se définit par le retard ou l’absence de démarrage de la séquence motrice du temps pharyngé,
alors que le bol alimentaire a franchi l’isthme oropharyngé et a pénétré dans l’oropharynx.

127
Retard de déclenchement du temps pharyngé
Rééducation spécifique Stratégies d’adaptations
Exercices analytiques : Bol alimentaire :
• Travail pharyngé Consistance : > liquide épais
Volume : petites quantités au départ
• Travail sur la base de la langue
Autres caractéristiques : lent, stimulant
Le contrôle du bolus • Stimulations sensitives et sensorielles
Postures
permet de limiter le Exercices fonctionnels : • Flexion antérieure
passage prématuré • Inclinaison éventuelle si asymétrie
des aliments avant le • Stimulations thermo tactiles du temps
pharyngé Manœuvres :
déclenchement du • Fermeture précoce du larynx
temps pharyngé. • Contrôle du bolus • Manœuvre susglottique

Tableau 9 : Retard de déclenchement du temps pharyngé.

• défaut de transport pharyngé


Ce mécanisme correspond à un défaut de la force de propulsion du bol alimentaire à travers le pharynx. Il peut
résulter de la diminution de la force induite par la déformation de l’arrière de la langue, une diminution de la
force de recul de la base de la langue ou de la diminution de la contraction des muscles des parois
pharyngées.

Défaut de propulsion du bolus au temps pharyngé


Rééducation spécifique Stratégies d’adaptations
Exercices analytiques : Bol alimentaire :
• Travail pharyngé Consistance : liquide > solide
• Travail de la musculature laryngée Volume : petites quantités
extrinsèque Autres caractéristiques : lisse
Le contrôle du bolus
permet d’optimiser la • Travail de recul de la base de la langue
Postures
cohésion du bolus et • Travail lingual • Rotation du côté lésé
la déglutition forcée • Inclinaison du côté sain
Exercices fonctionnels :
augmente la force de Manœuvres :
propulsion basi- • Travail de contrôle du bolus • Alternance liquide/solide
• Déglutitions répétées à vide
linguale. • Déglutition d’effort • Manœuvre susglottique

Tableau 10 : Défaut de transport pharyngé.

• dysfonctionnement du sphincter supérieur de l’œsophage


Ce mécanisme correspond au défaut d’ouverture du sphincter au moment de l’arrivée et du passage du bol
alimentaire. Il peut être consécutif à :
- un défaut d’ascension et de projection antérieure du larynx,
- un défaut de relaxation du sphincter.

128
Dysfonctionnement du sphincter supérieur de l’œsophage
Rééducation spécifique Stratégies d’adaptations
Exercices analytiques : Bol alimentaire :
• Travail de la musculature laryngée Consistance : > liquide > solide
extrinsèque
Volume : petites quantités
• Travail cervical : travaux de Shaker
Autres caractéristiques :
• Travail pharyngé
Postures
Exercices fonctionnels : • Flexion antérieure

• Manœuvre de Mendelsohn Manœuvres :


• Déglutitions répétées à vide
• Déglutition tête en extension • Manœuvre de Mendelsohn

Tableau 11: Dysfonctionnement du sphincter supérieur de l’œsophage.

2 - Démarche thérapeutique et étiologie


Nous avons déjà souligné l’importance de l’étiologie dans l’élaboration du programme de réhabilitation, en tant
que facteur pronostique.
Nous avons souhaité ici donner quelques exemples de démarches thérapeutiques établies à partir de l’étiologie
pour illustrer nos propos. La liste des exemples ne peut être exhaustive, il s’agit de présenter des bases de réflexion.

◆ Les causes chirurgicales


Les pertes de structures engendrées par les exérèses chirurgicales conduisent à des modifications structurelles et
fonctionnelles responsables d’une séquence de déglutition le plus souvent déficitaire en post opératoire.
La démarche thérapeutique est ciblée sur la mise en place d’un mécanisme de compensation par les structures
anatomiques et neuromusculaires restantes. La récupération d’une déglutition efficiente peut être longue et
nécessite souvent d’associer au travail spécifique, des stratégies d’adaptation transitoires.
Nous prendrons comme exemple le cas de la laryngectomie susglottique.

Les conséquences anatomiques


En fonction de la localisation de la tumeur, la résection peut être plus ou moins étendue avec :
• la perte de l’épiglotte dans tous les cas,
• plus ou moins des bandes ventriculaires vers le bas,
• plus ou moins une partie de la base de langue vers le haut.

La résection de la partie supérieure du cartilage thyroïde est associée, en fonction des équipes, à l’exérèse
systématique de l’os hyoïde entraînant des conséquences plus ou moins importantes sur l’ascension laryngée.
Ces modifications anatomiques induisent la création d'une zone formée en avant par la base de la langue, en bas
par le plan glottique et en arrière par les aryténoïdes dénommée par certains auteurs "récessus glosso-laryngé"
(figure 8). Ce récessus appartient à la fois au pharynx et au larynx : il n’existe plus de barrière anatomique entre
ces deux régions du carrefour aérodigestif.

129
Figure n°8 : Les conséquences anatomiques après laryngectomie susglottique : le récessus glosso-laryngé.

Les conséquences fonctionnelles


La perte de l’épiglotte supprime le rôle de bouclier et fait disparaître les deux derniers niveaux de fermeture
laryngée : la bascule en arrière de l’épiglotte et la bascule en avant des aryténoïdes sur celle-ci. La résection des
bandes ventriculaires diminuera le degré de fermeture.
Ce défaut de fermeture susglottique est responsable d’un défaut de protection des voies aériennes à l’origine de
pénétrations laryngées. Elles seront :
• soit évacuées par un réflexe de protection laryngée vers le pharynx suivi d’une déglutition secondaire,
• soit aspirées à la reprise inspiratoire provoquant alors une fausse route trachéale. L’évacuation de ces fausses
routes dépendra du niveau de conservation des mécanismes d’expulsion de l’arbre trachéobronchique.
Lorsque la résection est étendue vers le haut à la base de la langue, un défaut de transport pharyngé est associé
au défaut de fermeture susglottique.

Les mécanismes de compensation


La fermeture laryngée susglottique va être compensée par la fermeture complète du récessus glosso-laryngé.
Celle-ci sera obtenue grâce à l’augmentation de la bascule en avant des aryténoïdes et l’augmentation du recul
de la base de la langue, complétant ainsi, dans la fermeture laryngée, l’adduction des cordes vocales (plus ou
moins associée à l’adduction des bandes ventriculaires si elles ont été conservées).
Bien que deux ou trois niveaux de fermeture soient obtenus, seule la fermeture complète du récessus garantit
l'absence de fausse route à long terme.
Il est à noter que la base de la langue est alors impliquée dans la protection des voies aériennes, son rôle dans
le transport du bol alimentaire est donc amoindri. Cette modification peut être compensée par l’augmentation
de la contraction de la paroi pharyngée.

Le programme de rééducation, l’évolution fonctionnelle et les résultats sur la déglutition


Le mécanisme de compensation est rarement efficient en postopératoire immédiat et sa mise en place sera
favorisée par des exercices spécifiques et des adaptations du comportement lors de la déglutition. Le choix se
fera d’après les tableaux d’indications présentés plus haut et d’après l’évolution fonctionnelle.
Dans la première phase de récupération, l'apprentissage de la manœuvre de déglutition susglottique (bloquer
la respiration par une fermeture glottique avant la déglutition, avaler, tousser ou racler la gorge et expirer),
permet d'éviter les fausses routes en l'absence de fermeture du récessus.
Puis les mécanismes de compensation anatomiques vont permettre la fermeture du récessus et une déglutition

130
sans fausse route en l'absence de toute adaptation du comportement du patient.
La rééducation peut être utilisée tout au long de la phase de récupération fonctionnelle pour guider et favori-
ser la mise en place des mécanismes compensatoires. Elle renforcera :
• le recul de la base de la langue,
• le mouvement antérieur du mur pharyngé,
• l’ascension laryngée,
• la fermeture susglottique.
Le résultat de la prise en charge est souvent incomplet. Les études radiologiques de la déglutition chez des
patients asymptomatiques à long terme, ont montré la persistance de fausses routes infra-cliniques dans 25%
des cas. L’absence de récupération d’un mécanisme d’expulsion à point de départ laryngé est à l’origine du
caractère infra-clinique de ces fausses routes, Woisard et coll. (1993).
Le suivi fonctionnel des patients est donc fondamental dans ce type de chirurgie.
La surveillance par une scintigraphie de la déglutition paraît justifiée pour prévenir ce type de complications et
doit être complétée par à des évaluations nutritionnelles.

◆ Les causes neurologiques


Les troubles de la déglutition d’origine neurologique résultent soit de l’atteinte des territoires neuromusculaires
investis dans l’acte d’avaler, soit de l’atteinte de différents centres nerveux régissant la commande et le contrôle de
l’organisation du mouvement.
Les mécanismes physiopathologiques sont souvent combinés. Les dysphagies neurologiques d’origine centrale
s’inscrivent dans un contexte sémiologique large et peuvent être associées à des déficits corporels, des déficits
des fonctions supérieures ou des états confusionnels voire démentiels.
Dans les atteintes neuromusculaires intéressant les territoires des voies aérodigestives supérieures, la dysphagie
est rarement isolée. Les troubles de la phonation associés (à l’origine d’une dysphonie ou d’une dysarthrie)
seront pris en charge de façon concomitante. L’atteinte fréquente des fonctions supérieures explique le faible
niveau de conscience que le patient a de ses troubles. Il est alors plus difficile d’obtenir son adhésion à la réédu-
cation et aux stratégies d’adaptation proposées ainsi que le respect des consignes d’alimentation.
La prise en charge diffère de celle des troubles de la déglutition liés à des lésions chirurgicales des voies aérodi-
gestives supérieures par le contexte médical global, l’évolution dans le temps et le pronostic de récupération qui
en découlent.
Nous distinguerons :
• les atteintes neurologiques avec récupération possible. Il s’agit des atteintes des nerfs crâniens et des atteintes
centrales comme les accidents vasculaires cérébraux et les traumatismes crâniens,
• les atteintes neurologiques sans récupération possible, notamment la sclérose latérale amyotrophique, la
maladie de Parkinson, certaines myopathies.

◆ L’accident vasculaire cérébral sylvien


Horner et Massey (1988), Lozano et Guatterie (1993), Robbins et coll.(1993), Woisard et Puech (2003).
De manière globale, le retard de déclenchement du temps pharyngé de la déglutition est le mécanisme physio-
pathologique dominant. Il a été authentifié dans 82% des cas dans l’étude de Veis et Logemann (1985).
Souvent associé à une diminution du péristaltisme pharyngé, il favorise la survenue de fausses routes prédomi-
nant sur les liquides. Ces fausses routes sont souvent "silencieuses", elles ne déclenchent pas de réflexe
d’expulsion.
La paralysie de l’hémi-face entraînera un défaut de fermeture antérieure de la cavité buccale pouvant favoriser
un bavage et/ou un mauvais contrôle oral du bolus.
Le lien entre l’apraxie et les troubles du temps oral est discuté. Il n’y pas de lien entre une apraxie oro-bucco-
faciale et la présence de troubles de la déglutition oropharyngée. En revanche, une apraxie bucco-faciale sévère
associe des troubles de la mastication et des anomalies au moment de la mise en bouche.
L’évolution du patient est souvent rapidement favorable mais il faut garder en mémoire la persistance de troubles

131
infra-cliniques avec des décompensations ultérieures possibles. Leur retentissement sur l’état de santé du
patient n’étant pas négligeable, les risques de pneumopathie sont en effet très fréquents, il paraît important
d’y être attentif et de les prendre en charge précocement.
Ils sont associés généralement à ces mécanismes physiopathologiques, des troubles du geste alimentaire. Par exem-
ple, chez un patient droitier :
• dans les AVC gauches, il peut exister un trouble de la compréhension du langage et une apraxie,
• dans les AVC droits, il peut exister une hémi-négligence, une anosognosie et une hémi-asomatognosie,
• une hémiplégie est souvent retrouvée.
Le caractère rapidement pauci-symptomatique de ces troubles met au premier plan leur dépistage. Il s’agit
d’une évaluation d’équipe qui devrait être systématique dans les institutions et qui demande une formation
spécifique du personnel soignant.
Dans la majorité des cas, la rééducation spécifique de la déglutition n’est pas nécessaire, la récupération est le
plus souvent spontanée. Cependant des adaptations alimentaires et comportementales seront rapidement mises
en place par l’équipe.
Plus spécifiquement dans le cas d’un AVC droit, il faudra toujours tenir compte de l’hémi-négligence, de l’a-
nosognosie et de l’hémi-asomatognosie souvent associées. Il est nécessaire de penser à se positionner du côté
non négligé, contrairement aux principes de rééducation de l’hémi-négligence, afin que le patient reçoive le
maximum d’informations. Il faudra rester vigilant pendant le repas et éventuellement tourner le plateau de maniè-
re à ce que le patient puisse consommer tout son repas. Dans le cas d’un AVC gauche, il faudra s’assurer des
capacités de compréhension du patient ainsi que de ses possibilités de réalisation praxique, gestuelle et bucco-
faciale.
Le patient doit être régulièrement réévalué pour réajuster ces adaptations. Bien que la rééducation ne semble
pas très "technique" dans ce cadre pathologique, elle peut cependant favoriser la récupération. Il sera toujours
bénéfique d’entreprendre une rééducation spécifique lors d’une apraxie bucco-faciale afin de permettre un
contrôle volontaire plus rapide de la motricité de la face, de la bouche et du larynx. Dans le cas où la récupé-
ration est lente, nous pourrons proposer des exercices spécifiques. Le travail portera notamment sur le
contrôle lingual, le recul de la base de la langue et le retard de déclenchement pharyngé.

◆ La sclérose latérale amyotrophique : SLA


Brihaye et Du Penhoat (1996), Danoy (1993), Robbins (1987), Short et Hillel (1989).
La SLA est une maladie dégénérative du moto neurone de la corne antérieure de la möelle pour laquelle le pro-
nostic est sombre.
Le tableau neurologique de la forme bulbaire est une paralysie labio-glosso-pharyngée pouvant être associée à
un syndrome pseudo-bulbaire.
Pour la forme spinale, les signes d’une atteinte bulbaire peuvent apparaître plus tardivement avec des troubles
de la déglutition.
Les mécanismes physiopathologiques de la dysphagie sont :
• un défaut de propulsion orale plus important que le défaut de propulsion pharyngée qui lui est associé,
• un retard de déclenchement du temps pharyngé,
• un défaut de fermeture laryngée,
• une relative conservation des mécanismes d’expulsion.
Les conséquences sur l’alimentation conduisent à une augmentation de la durée du repas, à la mise en place
d’adaptation de l’alimentation plus ou moins restrictives allant vers une consistance mixée fluide et la survenue
de fausses routes, généralement avant ou pendant la déglutition. Quelquefois elles se produiront après la
déglutition, selon l’importance du défaut de propulsion pharyngée.
L’évolution de la dysphagie est corrélée à l’évolution de l’insuffisance de la fonction ventilatoire et des troubles
arthriques associés. Elle conduit à la pose d’une gastrostomie d’alimentation, assurant au départ une alimenta-
tion mixte (orale et entérale) puis exclusivement entérale, et à une ventilation non invasive pouvant évoluer vers
la mise en place d’une trachéotomie.
Le programme de prise en charge sera élaboré dans la perspective d’un accompagnement thérapeutique.

132
Les objectifs seront adaptés aux trois principaux stades évolutifs : atteinte modérée, moyenne et sévère, Bianco-
Blache (2002).
Il doit être globalisé autour du patient, incluant la prise en charge de sa famille et de l’équipe paramédicale.
Son objectif doit être de les préparer aux différents stades évolutifs du pronostic défavorable en écoutant,
en expliquant, en rassurant et en nuançant, Orenstein (2003).
Les principes généraux sont :
• l’intervention précoce, dès l’annonce du diagnostic pour mettre en place d’autres automatismes,
• la lutte contre la spasticité et les comportements inadaptés (dyspneumie, forçage vocal, désynchronisation
entre la respiration et la déglutition),
• l’entretien de la fonction de déglutition par la mise en place progressive d’un travail passif, en limitant le travail
moteur actif au profit de la qualité du mouvement. L’objectif est d’éviter la fatigue musculaire.
• l’apprentissage de nouveaux automatismes en essayant au mieux d’anticiper les phases évolutives pour préserver
la qualité de vie du patient.
Les différents moyens rééducatifs sont :
• non spécifiques aux troubles, avec des exercices de détente globale et loco-régionale, des exercices de respi-
ration, de production vocale et de réalisation de mouvements oro-bucco-faciaux,
• spécifiques aux troubles, plus ciblés sur l’occlusion labiale, l’aspiration jugale, la fermeture vélo-pharyngée,
la force de propulsion de la base de la langue, le péristaltisme pharyngé et la mise en place de mécanismes de
compensation et de protection.
Les stratégies d’adaptation donnent lieu à une éducation précoce du patient et de son entourage :
• le passage du bol alimentaire vers la bouche de l’œsophage est optimisé, en diminuant les risques de fausses
routes par la mise en place précoce d’une posture de sécurité : le dos doit être droit, la tête en position neutre et
le menton légèrement rentré. Plus tard, la tête sera fléchie.
• le choix des aliments doit particulièrement tenir compte des goûts du malade en raison du caractère évolutif
des stratégies d’alimentation.
Au départ, quand les fausses routes aux liquides apparaissent et qu’elles persistent malgré la posture, le patient
sera orienté vers des boissons naturellement épaissies comme les nectars de fruits. L’utilisation d’épaississants
alimentaires en poudre (comme Magic Mix, Nutilis, Thicken up…) pourra être conseillée.
Les caractéristiques physicochimiques du bol alimentaire (texture, consistance, volume, goût) seront adaptées
à la diminution de la vitesse et de la force de propulsion oropharyngée. Une progression vers des repas mixés
puis mixés lisses plus ou moins hydratés, mixés fluides et enfin semi-liquides est alors proposée. Le volume de
la bouchée diminuera progressivement.
Plus tard, quand la force de propulsion devient insuffisante et que les caractéristiques du bol ne peuvent plus
être adaptées, les prises alimentaires seront sécurisées par l’introduction de stratégies concernant le geste
alimentaire (le positionnement postérieur du bolus dans la cavité buccale) et la modification des modalités d’a-
limentation (la répartition multiple des prises au cours de la journée et le fractionnement de chaque repas sont
les dernières stratégies possibles).
Dans le dernier stade de l’évolution, une alimentation mixte sera proposée, le maximum des apports se faisant
par la voie entérale. Les prises alimentaires orales respecteront les repas en famille mais n’auront pas d’objectifs
nutritionnels.
Les manœuvres de déglutition permettent de pallier la désynchronisation entre la respiration et la déglutition:
la première manœuvre utilisée est la fermeture précoce du larynx, puis viendra l’apprentissage de la man-
œuvre de déglutition susglottique à laquelle s’associera une aide manuelle à la fermeture labiale. Une procédu-
re de déglutition peut aider le malade à mieux coordonner les différentes séquences : mettre en bouche - favo-
riser la fermeture labiale - mastiquer (sans fatigue) - inspirer et bloquer- avaler (peut–être plusieurs fois) - tousser.
Une aide manuelle à l’élévation laryngée peut améliorer la déglutition.

◆ La maladie de Parkinson
Coates et Bakheit (1997), Fuh et al. (1999), Leopold et Kagel (1997), Nagaya et coll. (1998), Pollak (1993),
Ramig et Scherer (1992).

133
Cette atteinte neurologique est liée à la dégénérescence des neurones dopaminergiques dont le rôle est essentiel
dans le contrôle du mouvement.
Des troubles de la parole et une dysphagie apparaissent au cours de l’évolution de la maladie pouvant condui-
re à une perte de l’initiation de la communication et des pneumopathies d’inhalation. La rigidité et l’akinésie
ont un rôle majeur dans le mécanisme physiopathologique du trouble. Lorsque la maladie est avancée, entre-
prendre une deuxième tâche motrice alors que la précédente n’est pas terminée est impossible. Elle peut alors
entraver l’exécution du mouvement en cours.
Le handicap est progressif et les troubles se combinent au fil du temps entraînant une désynchronisation entre
les différentes phases de la déglutition. Il n’existe pas de trouble sensitif.
Le temps oral est caractérisé par un défaut d’initiation pouvant se traduire par des mouvements répétitifs de la
langue de type antéropostérieur sans propulsion du bol alimentaire (la bouchée roule plusieurs fois sur la
langue avant l’initiation, on parle de "rolling" ou "de festination linguale") ou par un blocage buccal.
La phase pharyngée est caractérisée par une diminution du péristaltisme pharyngé entraînant des stases
valléculaires et hypopharyngées. Elles peuvent être à l’origine de fausses-routes secondaires et d’une fragmen-
tation du bol alimentaire.
Au cours de l’évolution, vont apparaître un dysfonctionnement laryngé lié soit à son hypotonie, soit à sa rigidité
(les cordes vocales sont atrophiques, la glotte ovalaire), un retard de déclenchement ou un défaut d’initiation
du temps pharyngé, un dysfonctionnement du sphincter supérieur de l’œsophage et une diminution du
péristaltisme oesophagien.
La prise en charge a pour but :
• de maintenir l’autonomie alimentaire,
• d’informer le patient et sa famille des conséquences de l’évolution de la maladie sur la déglutition et l’alimen-
tation,
• d’éduquer la famille au rôle primordial qu’elle a à jouer dans la surveillance de l’état nutritionnel et dans la
mise en place des stratégies d’adaptation,
• de soutenir la famille face aux fluctuations et à la dégradation des capacités à s’alimenter,
• d’entretenir la fonction de déglutition par un travail spécifique, par la mise en place de comportements spé-
cifiques permettant de compenser la perte des automatismes et par la mise en place de stratégies d’adaptation
au mécanisme du trouble.
On apprendra au patient à anticiper la survenue des périodes de blocage et à organiser les prises alimentaires
en fonction de celles-ci.
Les adaptations sont modulées autour :
• des possibilités d’autonomie du patient (choix des ustensiles, adaptation du mobilier…)
• des conditions du temps de repas (diminution des facteurs émotionnels, optimisation de la concentration,
savoir attendre ou différer lors des blocages.)
• des adaptations alimentaires (consistances, quantités, fractionnement du temps de repas permettent de
diminuer l’anxiété, la durée du repas et la fatigue…)
Le travail spécifique concerne l’entretien de la fonction de la déglutition, il sera axé :
• sur la prise de conscience du trouble,
• l’entretien de la trophicité musculaire par des massages, des mouvements volontaires recherchant la précision
d’enchaînements simples et le contrôle du bol alimentaire,
• la prise en charge en premier lieu de la phase orale qui reste souvent le mécanisme prioritairement atteint,
• la relaxation dynamique loco régionale mais aussi globale.
La rééducation s’articule autour du principe d’utilisation de l’incitation motrice volontaire au secours des
automatismes défaillants. La difficulté majeure réside dans le fait qu’il est difficile pour le patient atteint de la
maladie de Parkinson de mener à bien la réalisation d’une tâche, lorsque plusieurs consignes sont cumulées
alors qu’il les comprend parfaitement intellectuellement.
Une seule consigne sera alors donnée : penser à initier la déglutition d’un mouvement fort et net.
Une des stratégies de la prise en charge motrice est d’utiliser une "diversion" lorsque le défaut d’initiation se
manifeste : le rééducateur apprend au patient à exécuter une autre tâche plus aisée au moment du blocage pour

134
revenir sur la tâche initiale.
Lors de la marche, on demandera d’enjamber un obstacle posé au sol. Sur ce principe, lors du repas nous propose-
rons de tourner la tête pour regarder un point précis ou de déplacer sa serviette pour revenir à la déglutition de
la bouchée. Après avoir trouvé le comportement le mieux adapté, le patient doit apprendre à banaliser son
utilisation à défaut de l’automatiser.
La gestion des troubles et leur maîtrise seront d’autant plus faciles que leur dépistage est précoce.
L’évolution des troubles de la déglutition dans la maladie de Parkinson est lente mais conduit à une dégradation
imposant souvent la mise en place d’une alimentation mixte puis entérale exclusive limitant ainsi les risques.

D - RÉÉDUCATION CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE


La presbyphagie est définie par J.A. Logemann comme "l’ensemble des effets du processus de vieillissement sur
le mécanisme de déglutition".
Le vieillissement modifie l’ensemble des structures bucco-dentaires, pharyngées, laryngées et oesophagiennes
entraînant des modifications fonctionnelles au niveau de la déglutition et des fonctions qui lui sont associées :
respiration, perception olfactive et gustative.
Ces modifications sont à replacer dans le contexte global du vieillissement moteur, perceptif et cognitif de
l’individu.
La détérioration du système nerveux central est responsable des altérations motrices. Elles portent sur la limi-
tation de la force, l’endurance, la souplesse, la vitesse et l’amplitude des mouvements, ainsi que sur que sur la
réduction des capacités de traitement de l’information. L’exécution des mouvements est plus lente et la grande
variabilité des performances est une des caractéristiques du sujet âgé.
Les altérations perceptives sont à corréler à la détérioration de l’organe sensoriel et à la dégradation d’une part
de la qualité de la propagation des informations et d’autre part de la connexion des voies centrales, Aubert et
Albaret (2001).
Le ralentissement cognitif est responsable de troubles de la mémorisation et de l’attention ainsi que de la réduc-
tion des capacités d’apprentissage.
Nous n’envisagerons ici que les troubles de déglutition dans le cadre du vieillissement normal, presbyphagie
primaire, ce qui permettra de poser les bases de réflexion de la prise en charge orthophonique en gériatrie.
Le vieillissement affecte tous les tissus en entraînant une atrophie des muqueuses, une diminution de la force
musculaire, du tonus et de l’élasticité des muscles, Logemann (1983), Rossi (1998). Les modifications sont
invalidantes. On note une augmentation des seuils perceptifs et un trouble de l’identification des saveurs, par-
ticulièrement en ce qui concerne le salé. Disparaissent ensuite le goût sucré, puis acide. La perception du goût
amer persiste plus longtemps. Ceci peut expliquer la plainte des personnes âgées quant à une amertume
buccale, pouvant entraîner un désintérêt pour l’alimentation voire quelquefois une anorexie.
Spécifiquement, la presbyphagie est caractérisée par :
• des troubles du geste alimentaire en rapport avec la perte de diminution de l’habileté motrice (mise en bou-
che, gestion des aliments dans l’assiette et gestion des ustensiles sont affectés),
• le temps de mastication est augmenté, l’altération de l’homogénéité du bol alimentaire, le bavage fréquent
sont consécutifs aux troubles de l’insalivation, à l’édentation partielle ou totale et du manque de force de la
sangle labio-jugale et de l’articulation temporomandibulaire,
• la diminution de la force de propulsion orale et de la force de contention postérieure est à l’origine de stases
buccales et de pénétrations pharyngées prématurées,
• le retard de déclenchement du temps pharyngé, la diminution de la force de propulsion pharyngée, de
l’ascension laryngée et le défaut de relaxation du sphincter supérieur de l’œsophage sont à l’origine de stases
hypopharyngées et de pénétrations laryngées,
• le temps de transit est globalement augmenté et participe à l’allongement du temps de repas, ainsi qu’à la mise
en place spontanée de restrictions alimentaires.
Les modifications physiologiques de la déglutition combinées aux modifications morphologiques, dynamiques
du système digestif et au ralentissement du métabolisme conduisent fréquemment à une altération de l’état
nutritionnel de la personne âgée avec un possible retentissement pulmonaire.

135
Le risque de dénutrition (plus que le risque d’infection pulmonaire) doit être considéré comme un des facteurs
aggravants de la dégradation de la qualité de vie du sujet à âgé notamment en fin de vie. De ce fait, une prise en
charge des troubles de la déglutition peut être envisagée dans un contexte de prévention d’une part et palliatif
d’autre part.
La prise en charge globale des conséquences de la sénescence semble être un élément positif dans la maintien et
le développement des activités cognitives et psychomotrices, Aubert et Albaret, (2001), améliorant ainsi la qua-
lité de vie de l’individu mais elle reste discutée en ce qui concerne les modalités d’intervention et les limites de
celle ci.
Les techniques utilisées dans le domaine de la réhabilitation des fonctions cognitives font de plus en plus appel
à la conception de programme de maintien de l’efficience (en facilitant les possibilités d’accommodation et de
compensation) et de remédiation (apport de connaissances, de méthodes ou de stratégies de substitution fondées
sur des instructions et un entraînement spécifique au déficit), Marquié et Isingrini,M.(2001).
Les techniques de prise en charge motrices s’orientent sur l’utilisation des mouvements lents lors de programmes
limités dans le temps. Les résultats des différentes études sont en faveur de bénéfices sur l’équilibre, la force
musculaire, la sensibilité kinesthésique du mouvement et une meilleure utilisation des structures périphériques
au profit de la réduction de la participation des structures nerveuses centrales responsables des ajustements
posturaux anticipatoires.
Ces éléments peuvent être une base de réflexion pour le programme de réhabilitation de la déglutition.
Le travail réalisé par Rossi (1998) a montré qu’un programme ciblé sur les symptômes spécifiques aux troubles
permettait d’améliorer les compétences dynamiques et de limiter les risques de dénutrition.
La population testée était constituée de 25 femmes âgées de 71 à 96 ans (moyenne 83 ans).
Les critères de sélection excluaient les antécédents médicaux et chirurgicaux pouvant influencer la déglutition.
Les protocoles étaient de courte durée (15 mn -3 fois par semaine pendant un mois en alternant un jour de repos)
et réalisés à partir d’un système de volontariat.
Ils ont été élaborés à partir des mécanismes physiopathologiques retrouvés dans la littérature et des protocoles
déjà éprouvés dans la rééducation spécifique de la dysphagie chez l’adulte.
Une évaluation à J moins 7 et des évaluations à J 30 et à J 60 ont permis de mesurer l’efficacité de la rééduca-
tion.
Il s’agissait essentiellement de reproduction de mouvements volontaires de la sangle labiale, jugale, de la
mandibule et de la langue, de protocoles spécifiques concernant la préparation du bol alimentaire (contrôle, homo-
généité), la propulsion orale et la propulsion pharyngée ainsi que le déclenchement du temps pharyngé et l’as-
cension laryngée.
Le temps de la séance comprenait des mouvements volontaires complétés en alternance par des exercices spécifiques
ou la répétition de mots permettant des mouvements antéro postérieurs de la langue plus amples et un recul de
la base de la langue de meilleure qualité.
L’efficacité de la rééducation a été significative en ce qui concerne l’amélioration du temps de mastication, des
praxies buccales, de la force musculaire, de la motricité vélopharyngée et des musculatures extrinsèques et intrin-
sèques du larynx.
La rééducation n’a pas eu d’efficacité sur la qualité de l’occlusion laryngée et la déglutition atypique. On notait
des bénéfices indirects en ce qui concerne la sensibilité gustative, les capacités d’apprentissage, la mémoire, le
langage ainsi que l’humeur et le moral des patientes.
Le bénéfice de la prise en charge était conservé à court terme, il n’a pas été effectué d’évaluation à moyen terme
lors de cette étude.
Les limites de la rééducation sont liées aux capacités d’adaptation et d’apprentissage du sujet, au contexte envi-
ronnemental (institution, milieu familial…) dans lequel est appréhendé la déglutition ainsi qu’aux caractéristiques
cognitives et psychiques inter individuelles liées au vieillissement.
Il semble que dans le cas où une rééducation est envisageable, il soit intéressant de pratiquer une évaluation des
fonctions supérieures et un test d’apprentissage d’une nouvelle praxie. Le Mini Mental State permet un dépistage
rapide des altérations des fonctions supérieures, Folstein et coll. (1975).
Le facteur pronostique est avant tout la qualité de l’environnement alimentaire et la prévention des troubles de
la déglutition Baulon (2000). Ces deux axes de prise en charge sont assurés d’une part par la famille et d’autre

136
part par les équipes médico-soignantes. Les buts recherchés sont :
• un état buccodentaire correct,
• l’adaptation de l’alimentation et de l’hydratation aux besoins du patient,
• l’installation correcte du patient pour une meilleure gestion du geste alimentaire,
• la recherche des adaptations du comportement lors de l’alimentation (postures et manœuvres de déglutition),
• encouragement à l’autonomie,
• l’aménagement et la gestion du temps de repas,
• le dépistage d’éventuels troubles.

III – RÉÉDUCATION CHEZ L’ENFANT

A - LES BASES PHYSIOPATHOLOGIQUES


Les schémas moteurs de la déglutition se mettent en place très tôt, pendant la vie intra-utérine, Adverson (1993),
Robinson et Smotherman (1992).
Le tronc cérébral reçoit les premières informations sensorielles provenant du pharyngo-larynx dès la 7ème semaine,
la langue prend position dans la cavité buccale en se dégageant des fosses nasales permettant ainsi des mouve-
ments de type "lapement" et la croissance de la cavité buccale. La déglutition pharyngée semble exister à partir
de la 11ème semaine fœtale, les premières manifestations de réflexe sensori-moteur de succion apparaissent entre
la 18ème et la 24ème semaine. Elles ne sont pas forcément suivies d’une déglutition. Puis le réflexe de succion-déglu-
tition se met en place, permettant l’ingestion de liquide amniotique.
Entre la 26ème et la 29ème semaine anténatale, les poumons sont capables de respirer, bien qu’avec difficulté, de
l’air et le système nerveux central est mature. A partir de la 34ème semaine, le fœtus peut subvenir à ses besoins
vitaux ; il est capable d’ingérer entre 450 et 850 ml de liquide par jour, lorsqu’il est à terme (jusqu’à 3l, d’après
certains auteurs, Senez (2002).

1 - La maturation de la déglutition et du comportement alimentaire


Le comportement alimentaire de l’enfant se construit de la naissance à l’âge de deux ans, en inter-dépendance
avec l’évolution de trois paramètres : la maturation organique, la maturation psychoaffective et le diversification
alimentaire.

◆ La maturation organique de la fonction de déglutition.


De la conception aux premiers mois de la vie, se développe l’oralité primaire sous la dépendance du tronc céré-
bral, qui va être relayée par l’oralité secondaire corticale, Vernel-Bonneau et Thibault (1999).
L’évolution de la fonction de déglutition in utero permet la croissance de la mandibule.
Les différences anatomiques avec l’adulte sont significatives et font que dans les premiers mois de la vie, le
nourrisson ne peut respirer que par le nez, la langue occupant toute la cavité buccale. La respiration buccale est
possible vers 3 mois.
"La langue, au cours de son évolution neurophysiologique est soumise au gradient croissant de complexité
praxique et gnosique des structures oro-bucco-pharyngées qui prendra toute sa signification lors de l’éclosion
du langage alors que le jeune enfant élargit sa panoplie alimentaire et porte à la bouche nombre d’objets à des
fins de connaissance". Thibault (2002).
Les praxies alimentaires (mise en bouche à la cuillère, mastication…) s’acquièrent parallèlement aux praxies
phonatoires (cris, vocalises puis babillage et mots…) et représentent une des bases des comportements de
communication.

◆ La maturation psychoaffective
Cette maturation est fortement liée aux échanges qui se jouent avec l’ entourage et notamment à la qualité des

137
interactions entre les parents et l’enfant. Elle permet la construction de l’identité de l’enfant, l’exploration de son
schéma corporel et l’acquisition de son autonomie.
Ces interactions sont d’ordre comportemental, affectif et fantasmatique, Belargent (2000).

◆ La diversification alimentaire
Elle est apportée par la quantité et la variété croissante des aliments ainsi que par l’évolution des consistances et
des textures.

Tableau 12 : Le comportement alimentaire.

La déglutition de l’enfant se construit parallèlement à son développement neurologique, psychomoteur et


perceptif. La maturation de la déglutition va de pair avec les modifications anatomiques et le développement de
la motricité fonctionnelle globale et des compétences motrices fines.
Les premières acquisitions motrices vont de mouvements très simples à des mouvements de plus en plus complexes.
La motricité primaire, réalisée par les mouvements réflexes et archaïques, disparaît avec les apprentissages
moteurs lors des 3 premiers mois de la vie pour laisser la place à une motricité volontaire de plus en plus fine
et à l’acquisition d’automatismes fonctionnels précis et efficaces.
Les paramètres de l’évolution motrice fonctionnelle sont, Le Metayer (1999) :
• la maturation qui perfectionne la potentialité cérébro-motrice,
• les aptitudes perceptivo-motrices innées qui permettent la mémorisation temporo-spatiale des mouvements
produits et des informations issues du milieu extérieur,
• les expériences motrices répétées permettant les ajustements des mouvements intentionnels,
• des apports énergétiques et nutritifs suffisants.
La maturation complète et le passage à la déglutition adulte est reconnue pour la majorité des auteurs vers l’âge
de 6 ans.
Les tableaux 13 et 14, résument les différentes étapes de progression du jeune enfant et présentent parallèlement
l’évolution des différents paramètres en jeu : l’âge, la motricité globale, la séquence motrice de déglutition et la
progression alimentaire.

138
EVOLUTION / DEVELOPPEMENT
Réflexes archaïques pActes volontaires pAutomatismes
Cadre normal du développement de l’enfant de 0 à 2 ans.

Âges Motricité Temps de Temps de


Préhension Temps pharyngé Progression
Mois Globale préparation transport oral
Aspiration à la Succion-déglutition
0 - 4 asym + flex tétine : Suckling * réflexe Liquide
sein ou biberon
Malaxage
Tenu assis Tétine+débuts à la Diminution du réflexe Liquide
4-6 Contrôle cuillère+apprentissage Suckling de succion-déglutition +Semi-liquide
de tête de la boisson au verre
Rotation Tétine Début de dissociation Semi-liquide
Malaxage Suckling **
6-9 4 pattes + cuillère + début de mastication + début Sucking entre succion + mixé
Debout + verre et déglutition
Marche de cuillère Malaxage > Mixé
9 - 12 coté + verre mastication Suckling > Sucking + Solide mou
Marche cuillère Malaxage < Solide mou
12 - 18 + + verre mastication Suckling< Sucking + Solide dur
Différents
stades
cuillère Mastication
18 - 24 Sensori
+ verre Sucking Solide dur
Moteurs

Tableau 13 : Evolution de la déglutition en fonction de l’évolution du développement postural.


Ce tableau a été construit d’après une synthèse des travaux de Macie et Adverson (1993), Morris et Klein (1987), Rigal (2003)
par Tapin (2001), Woisard et Vergeau.
* : le suckling définit les mouvements antéro-postérieurs de la langue. Ils représentent les premiers schémas moteurs et sont
en rapport avec la posture de décubitus et de flexion du nourrisson.
** : le sucking définit les mouvements de la langue allant du haut vers le bas. Ils apparaissent entre 6 et 9 mois et ne peu-
vent se mettre en place que lorsque la musculature est suffisamment développée pour que l’enfant puisse se tenir en posi-
tion verticale et permettre ainsi les mouvements de mandibule.
Ces deux types de mouvements se combinent dans la cavité buccale entre 6 et 12 mois, ils sont une étape vers la mani-
pulation et la préparation du bol alimentaire.

Age Aptitudes cognitives Aptitudes sensori motrices Aptitudes alimentaires


0 à 2 mois Fixe du regard la lumière Equilibre du tonus flexion et extension Interactions parent/enfant pendant
et poursuit un objet en mouvement Tronc et cou l’alimentation
Maintient de la posture 1/2 fléchie
3 à 4 mois Reconnaissance des parents Maintien de la tête et alignement Alimentation par les parents
avec le tronc Position assise pour l’alimentation à la
cuillère
5 à 9 mois Intérêt visuel pour petits objets S’assied seul Alimentation en position assise +++
Recherche-attrape Utilise la pince manuelle pour attraper Début de l’alimentation avec les doigts
Peur de l’étranger Ne mange pas seul
18 à 24 mois Jeu +++ Perfectionnement de la motricité fine Utilisation des couverts
Augmentation de l’attention et persiste Mise en bouche autonome
dans les activités Imitation de l’autre pendant les repas
Indépendance/aux parents
Jeux d’imitation
Tableau 14 : Etapes de développement des aptitudes d’après Brodsky et Adverson (1983).

Ces tableaux permettent de poser quelques repères d’âge d’acquisition nécessaires à l’orientation d’une part de
l’évaluation et d’autre part de la prise en charge.

139
2 - L’évaluation des troubles
Elle repose sur une évaluation clinique qui peut être complétée comme pour l’adulte par une évaluation objective.
La radioscopie de la déglutition est le moyen le moins intrusif permettant d’évaluer le mécanisme physiopa-
thologique et les risques face à l’alimentation orale. L’auscultation cervicale permet l’analyser des bruits de la
déglutition.
L’évaluation analytique des structures du carrefour aérodigestif semble ne pas pouvoir être standardisée avant
l’âge de 2 ans et fait appel jusque là à des normes de développement.
La connaissance du développement neuro moteur normal et de la maturation de la neuromotricité alimentaire
ainsi que l’histoire médicale et familiale de l’enfant sont donc des prérequis indispensables à l’évaluation.
De 0 à 2 ans, on observera les manifestations globales concernant les possibilités de maintien et de contrôle
postural, en situation de repos, d’activité et d’alimentation ainsi que les signes plus spécifiques aux troubles de
la déglutition : avant, pendant et après la mise en bouche.
Il s’agit de faire l’analyse d’un mécanisme probable et de répondre aux questions : l’enfant "sait-il faire ?", "peut-
il faire ?", "veut-il faire ?"
Faire la part entre la réponse à un trouble mécanique et/ou un trouble du comportement alimentaire est souvent
difficile. Il sera important d’essayer, lors de l’examen, de stimuler l’enfant pour obtenir une réponse la mieux
adaptée.
De 2 à 6 ans, le bilan peut être similaire à celui de l’adulte. Il restera cependant spécifique pour l’enfant poly-
handicapé.

B - PRINCIPES DE LA PRISE EN CHARGE


La prise en charge des troubles de la déglutition et de l’alimentation, chez le nouveau-né et le jeune enfant, a pour
but premier de lui permettre de se nourrir par la bouche de façon satisfaisante, assurant ainsi une croissance et
un développement neuro-moteur normal.
Elle est à définir dans un cadre relationnel complexe défini par les interactions qui se jouent entre :
• l’enfant et le thérapeute,
• le/les parents et le thérapeute,
• la diade enfant/parent(s) et le thérapeute,
• l’équipe pluridisciplinaire quelquefois complexe : diététicien, psycho motricien, kinésithérapeute, infirmière,
médecins (pédiatre, gastro entérologue, neurologue), psychologue, pédopsychiatre.
Ces interactions contribueront à la maturation psychoaffective de l’enfant dysphagique.
Dans le plus jeune âge, le thérapeute selon ses compétences et le cadre institutionnel (pouponnière, service
hospitalier…) dans lequel se trouve l’enfant, peut aussi bien être un orthophoniste, une infirmière puéricultrice
ou un éducateur.

1 - L’accompagnement familial
Les interventions auprès des enfants porteurs d’un handicap relèvent d’un accompagnement familial ayant pour
objectifs, Belargent (2000) :
• d’écouter la souffrance et les inquiétudes des parents pour le présent et l’avenir.
• de soutenir la parentalité en dédramatisant, en déculpabilisant, en responsabilisant et en valorisant les parents
face à leur enfant avec lequel ils ont du mal à lier un échange, un attachement malgré leurs efforts. Le discours
positif du thérapeute doit les aider à voir les potentialités de l’enfant. Ils pourront alors être acteurs dans le
développement de celui-ci et avoir confiance en leur savoir-faire.
• de rétablir une communication efficace pour favoriser l’attachement des parents à leur enfant. Une observation
ciblée et une analyse fine des interactions permettront de relever les dysfonctionnements qui devront être
modifiés.

140
• d’aider les parents à aborder la question du handicap au sein de la famille, afin de rétablir le dialogue pour
permettre de partager la douleur et les angoisses.
• d’apprendre aux parents à connaître et à "apprivoiser" la déficience au fur et à mesure de l’évolution de l’en-
fant, en réajustant au mieux les comportements et en apprenant les gestes justes. Ils pourront alors envisager
les possibilités d’autonomie en restant dans la réalité du handicap.
Il s’agit de mettre en place une véritable collaboration avec les parents en leur apportant une aide pratique pour
assurer la vie au quotidien, sans pour autant en faire des thérapeutes pour leur enfant, Le Métayer (1999).
Les moyens de l’accompagnement familial sont :
• le développement des aptitudes à l’observation. La qualité de l’écoute et de l’observation est bien sûr dépen-
dante de l’expérience du thérapeute et de l’équipe soignante. Elle demande de l’authenticité et des capacités
d’anticipation pour permettre le réajustement de nos attitudes et des stratégies.
• la définition des objectifs et de la démarche de la prise en charge,
• la maîtrise de la technique,
• la recherche et le respect du dialogue,
• le respect du "savoir-faire" des parents et du contexte culturel et ethnique de la famille. Lotze, M (1995).
Le terme d’éducation précoce est généralement utilisé pour qualifier les interventions thérapeutiques auprès de
l’enfant de 0 à 3 ans. On comprendra que l’accompagnement familial et l'éducation précoce sont indissociables.

2 - Les moyens de la prise en charge précoce (0 à 3 ans)


Pour le jeune enfant, l’élaboration du programme est régie selon trois paramètres : l’accompagnement familial,
les adaptions du contexte alimentaire, la rééducation des fonctions orobuccofaciales. Au delà de l’âge de 3 ans,
l’organisation de la prise en charge se rapprochera de celle des troubles chez l’adulte.

◆ L’accompagnement parental
La maturation du comportement alimentaire est fortement liée, comme nous l’avons souligné précédemment,
aux interactions qui existent entre l’enfant et ses parents.
L’accompagnement parental est en ce sens le socle de la prise en charge.
Sur les bases décrites dans les paragraphes précédents, l’accompagnement parental sera spécifique à la gestion de
l’angoisse face aux risques encourus lors de l’alimentation, à l’apprentissage des gestes justes et au respect des consi-
gnes d’alimentation.

◆ Adaptations du contexte alimentaire


La proposition de stratégies d’adaptation permettra d’assurer l’alimentation dans des conditions confortables, en
toute sécurité et dans le plaisir pour l’enfant et la personne qui le nourrit.
Comme pour l’adulte , elles concernent :
• l’environnement alimentaire :
- la personnalisation des ustensiles en fonction du handicap sensori-moteur et des possibilités neuro-motrices
du carrefour aéro-digestif (verre tronqué, cuillère à moka, rebord d’assiette…) ainsi qu’ aux caractéris-
tiques du bol alimentaire (taille et matière des tétines…),
- les adaptations posturales globales (position d’allaitement, coques adaptées,…) et locales (flexion
antérieure de la tête…),
- les adaptations alimentaires :
■ les caractéristiques physico-chimiques du bol alimentaire (volume, consistance, homogénéité, texture,

température, goût),
■ la planification des repas (fractionnement; gestion du temps : par exemple la tétée ne doit pas

durer plus de 15 à 20mn, rythme des bouchées…),

- les consignes d’alimentation :

141
■ préparation de petites portions, avec des aliments variés et attrayants,
■ présentation d'aliments solides dans un premier temps puis d'aliments liquides,
■ favoriser la mise en bouche autonome,

■ soustraire la nourriture si l’enfant joue avec,

■ mettre fin au repas si l’enfant jette la nourriture avec colère,

■ n’essuyer les lèvres de l’enfant ou ne laver son visage et ses mains que si le repas est entièrement

terminé.
• l’apprentissage du geste alimentaire. Il permettra à l’enfant de passer de la mise en bouche par une tierce per-
sonne à l’autonomie. Il nécessite une bonne connaissance de la part de l’intervenant, des possibilités de contrôle
de la déglutition : contrôle manuel de la stabilité de la mandibule, de la fermeture labiale lors de la tétée, de
l’ascension laryngée, maintien du biberon, présentation de la cuillère…
• l’ éducation des parents est très souvent nécessaire afin de permettre l’intégration des recommandations nutri-
tionnelles indispensables à une croissance optimale. Elle est le plus souvent proposée avec l’aide d’un diététi-
cien et concerne :
- la diversification alimentaire en fonction des besoins énergétiques, de l’évolution des textures et de la
répartition du type de repas selon l’âge,
- l’enrichissement de l’alimentation par l’apport de dextrine maltose, d’huile, de beurre, de crème fraîche,
de fromage ou l’utilisation de compléments diététiques buvables (adaptés aux enfants de moins
de 6 ans) compenseront les carences induites par les troubles de la déglutition,
- les modalités d’épaississement des liquides pour assurer l’hydratation nécessaire et la gestion du débit
(Gumilk, Gélopectose, la Maizena pour les enfants de moins de 12 mois. Les produits disponibles sur
le marché sont généralement déconseillés avant 1 an),
- la spécificité de l’alimentation mixte (orale/entérale). Il s’agit de réfléchir avec eux à la meilleure répar-
tition de l’alimentation entérale dans la journée. Pour que l’enfant puisse intégrer des notions de faim
et de satiété normales, il s’agit de laisser la place d’une part aux stimulations adaptées au mécanisme physio-
pathologique, et d’autre part à l’alimentation orale à des horaires physiologiques.

3 - Rééducation des fonctions orofaciales


Le programme analytique et fonctionnel sera adapté aux capacités neuro-motrices de l’enfant et à son contrôle
postural. Il ciblera l’augmentation de la force, la stabilité, l’amplitude des mouvements ainsi que le développe-
ment de la coordination des mouvements des structures sensori-motrices lors de la respiration, de la déglutition
et de la parole, Sheppard (1995).
Les stimulations directes de la face et de la cavité buccale seront pratiquées dans le but de renforcer la tonicité
et la force musculaire. Il s’agit :
• de massages des lèvres, des joues, de la langue, des gencives,
• de stimulations tactiles (pressions soutenues ou légères, tapotements, caresses…) et sensorielles avec des textu-
res différentes, d’abord douces à température ambiante (coton, gants, brosse à cheveux pour bébé, houppette
de maquillage, peluches…) puis des textures plus stimulantes (brosse à dents, à ongles…),
• de la manipulation en bouche d’objets souples ou d’une brosse à dents pour enfant,
• des jeux de souffle, associant souffle nasal et buccal, des déglutitions de liquide à la paille dans le but de
tonifier le voile du palais,
• du maintien de la mandibule pour améliorer sa stabilité ainsi que la fermeture antérieure de la cavité buccale.

Des protocoles plus fonctionnels s’adressent à des mécanismes physiopathologiques précis et complexes.
La liste ne peut être exhaustive, nous ne citerons que quelques exemples et les ouvrages de référence en la
matière.
• Harris (1986) préconise une manipulation de l’os hyoïde vers le sternum pour pallier l’ incoordination entre
la succion et la déglutition chez le nourrisson. Adverson (1983) propose un apprentissage de la succion non
nutritive d’abord sur le doigt plus ou moins nappé de substance réflexogène, puis la présentation d’une tétine,
lorsque l’action rythmique de la langue peut être combinée avec des mouvements de rétraction. L’alimentation

142
au biberon est alors possible, elle demande cependant des adaptations de consistance et un choix de matière
pour la tétine permettant la meilleure adéquation entre le débit et la force de succion. Cela évitera d’une part
que l’enfant ingurgite de l’air et d’autre part que la vitesse du bol soit supérieure à ses compétences.
• A partir de ses différentes formations et de son expérience clinique, Senez (2002) a étudié le développement
du réflexe nauséeux, ainsi que sa physiopathologie lorsque, exacerbé, il est associé aux régurgitations et aux
vomissements. Il est défini comme "une réaction d’aversion et de rejet déclenchée à partir des sensibilités
gustatives de la zone oro-pharyngée, variables selon les individus et serait chez les personnes ayant des
hypersensibilités olfactives et gustatives, la réponse à une stimulation non nociceptive.". Cela l’a conduite à
proposer un protocole de massages intra-buccaux de façon intensive (minimum 8 fois par jour) afin de
normaliser son apparition et permettre une alimentation normale chez des enfants pour lesquels l’hyper
réactivité faisait refuser les morceaux.
• Une éducation de la mastication est décrite dans l’ouvrage de Le Métayer (1999). En premier lieu,
l’inhi-bition de la protrusion linguale est obtenue par pression digitale sous le plancher buccal, vers le haut,
tout en maintenant le corps et le tête. Elle est suivie de la fermeture synchrone de la bouche. La diminution
de la force de la pression entraîne une réouverture de la bouche sans protrusion. Associée à des stimulations
de la langue provoquant des mouvements latéraux automatiques de recul et de torsion vers le même côté, la
protrusion va s’inhiber, il sera alors facile de suivre, d’accompagner puis d’amplifier le rythme des
mouvements combinés de la langue et du maxillaire. Un aliment (morceau de pain ou de viande) peut être
introduit dans la cavité buccale pour effectuer la stimulation et sera progressivement mastiqué.
L’apprentissage précoce permettra des engrammes plus stables. Les stimulations doivent être répétées pluri
quotidiennement pour que les apprentissages deviennent automatiques.
Un travail similaire est décrit dans les ouvrages de Adverson et coll. (1983), Morris et Klein (1987) et
Rosenthal et coll. (1995)
• En ce qui concerne la préparation du bol alimentaire, la flexion de tête facilite la coordination entre les lèvres,
la langue et la mandibule, Morris et Klein (1987). L’initiation des mouvements de la langue au départ de
la séquence motrice peut être obtenue par la pression de la cuillère sur la partie antérieure de la langue ou par
la stimulation digitale (vers le haut) du plancher buccal dès l’introduction de l’ustensile.
• La stimulation par pression digitale de l’os hyoïde du bas vers le haut et en arrière permettra le recul de la
base de la langue et l’élévation du larynx, Cot (1996). Cette stimulation peut initier le déclenchement du
temps pharyngé. La tête doit être maintenue dans l’axe du corps.
• Une description de la stimulation de la déglutition non nutritive est faite par Bleeckx (2001). Elle peut
être facilitée par la mobilisation vers l’avant, entre le majeur et le pouce, du buccinateur alors que l’auri-
culaire ou l’index est introduit dans la cavité buccale. Le majeur assure la stabilité de la mandibule. Le démar-
rage de la succion est initié par une pression sur la langue. La force de l’appui, la dimension du doigt et les pres-
sions synchrones sur l’orbiculaire seront adaptées à la réaction de l’enfant. La pulpe du doigt est placée contre le
palais pour mieux percevoir les appuis, la force et l’endroit stimulé.
• Le "bavage" est la conséquence d’une ou plusieurs déficiences des segments impliqués dans le contrôle des
sécrétions orales. Ces défauts résultent soit d’une hyper-réflexivité pharyngée, soit d’un déficit neuro-mus-
culaire des structures sensori-motrices et du contrôle postural, soit de déficits sensitifs ou encore d’une alté-
ration des réalisations praxiques. On retrouve fréquemment associés des problèmes dentaires (caries, gingivi-
tes ou malocclusions). Les traitements médicamenteux et/ou chirurgicaux sont généralement combinés au
traitement des fonctions oro-bucco-faciales et aux adaptations des comportements. La reconnaissance des
sensations de contrastes entre sec et mouillé, dur et mou, relève d’un apprentissage sensoriel. La stabilité de
la mandibule nécessaire au contrôle de la salive dans la cavité buccale est obtenue par un maintien manuel
doux et ferme, Bleeckx (2001), Sheppard (1995), Sénez (2002).
Un programme moteur de la sphère oro-bucco-faciale peut être adapté en fonction des capacités d’apprentis-
sage et d’adhésion de l’enfant. Cependant il demandera pour être efficace, un entraînement quotidien et un
changement de comportement souvent difficile à obtenir, Brodsky (1993).

143
C - DÉMARCHES THÉRAPEUTIQUES ET ÉTIOLOGIES
La prise en charge des troubles de la déglutition et de l’alimentation chez l’enfant, requiert la mise en place d’un
programme individualisé dont les étapes évolutives sont en interdépendance avec la maturation neuromotrice et la
croissance de l’enfant.
Comme pour l’adulte, nous ne présenterons ici que quelques exemples de démarches thérapeutiques chez le
petit enfant, élaborées à partir de l’étiologie et du pronostic évolutif. Les facteurs favorisant les troubles sont
souvent multiples et leur combinaison ne peut répondre à un traitement ciblé sur une seule technique.
L’analyse des différents paramètres que sont le diagnostic fonctionnel, le pronostic d‘évolution dans le temps,
le niveau de développement sensorimoteur et la qualité des interactions familiales vont guider les modalités du
projet thérapeutique.

1 - Démarche thérapeutique et trouble de la maturation


Les troubles de la maturation se retrouvent principalement dans les cas de grande prématurité.
Il semble illusoire de tenter de précipiter la maturation, les enfants prématurés de plus de 32 semaines sont
capables de déclencher des succions mais la force, la capacité à gérer les volumes, la pression intraorale et la
coordination succion-déglutition ne sont pas optimales, Leroy-Malherbes (2002).
Plus le terme est éloigné, moins l’oralité primaire et "les apprentissages gnoso- praxiques" seront achevés : la
dysoralité et les problèmes respiratoires associés ne peuvent pas permettre à l’enfant d’être compétent face à
l’alimentation.
Il ne sait pas encore faire, il n’a pas encore les moyens neuro-moteurs pour se nourrir par la bouche. Lorsque
la prématurité est importante, une alimentation entérale par sonde naso gastrique sera indiquée. Les complica-
tions respiratoires (hypercapnie, bronchodysplasie…) imposent souvent une ventilation dont les contraintes
varient en fonction des modalités de celle-ci (intubation, trachéotomie, ventilation continue…). Si la préma-
turité n’est pas un facteur favorisant les refus alimentaires, Tapin (2001), l’investissement du carrefour aérodi-
gestif pendant les tous premiers jours ou mois de la vie peut majorer les troubles de la maturation, Adverson
(1993) : la présence de la sonde dans le rhino-pharynx réduit l’efficacité des pressions intra orales nécessaires à
la succion et à la déglutition, diminue le seuil du réflexe nauséeux, la ventilation par pression positive modifie
les récepteurs sensoriels, la canule de trachéotomie ne permet pas le passage de l’air dans le larynx et peut contri-
buer à l’inhibition du réflexe de toux, l’enfant peut interdire toute introduction en bouche d’une sucette, d’une
tétine ou d’une cuillère.
Selon le pronostic, l’indication de gastrostomie peut être posée. Les apprentissages sensori-moteurs seront alors
facilités. Les conditions d’hospitalisation entravent la construction psychoaffective du nourrisson en créant des
perturbations dans les interactions avec la famille. Le facteur temps reste un élément primordial mais néan-
moins non quantifiable.
Les paramètres de la prise en charge sont :
• l’entretien du réflexe succion-déglutition pendant la période nécessaire,
• la stimulation de la succion non nutritive,
• les apprentissages gnosiques et praxiques liés à l’oralité primaire à partir d’un programme de stimulations
tactiles et sensorielles adaptées et répétées. Ce programme a pour but de normaliser la séquence motrice en
respectant les stades évolutifs et en gardant à l’esprit qu’il n’est pas forcément nécessaire que l’enfant passe par
l’étape de la tétée pour parvenir à une alimentation suffisante par la bouche,
• un programme nutritionnel favorisant l’apprentissage de la satiété et permettant de faire l’expérience des
sensations de faim à des moments normalisés,
• l’émergence du langage et la mise en place des praxies phonatoires.
Les parents et le personnel soignant sont acteurs principaux de cette prise en charge car les stimulations doivent
être répétées le plus souvent possible. Les réajustements sont faits en fonction de l’évolution des comporte-
ments et discutés avec les parents et l’équipe thérapeutique.
Quelles que soient les modalités d’alimentation, le retour à la maison doit être préparé pour être le plus
sécurisant possible pour les parents et l’enfant.

144
2 - Démarche thérapeutique et cadre pathologique
◆ Les syndromes malformatifs
Sous cette appellation sont regroupées les atteintes survenues lors de la neurulation, étape du développement
embryonnaire pendant laquelle les structures du massif facial se différencient.
La plaque neurale céphalique est une structure embryonnaire à partir de laquelle va se constituer d’une part le
cerveau et d’autre part la face, Verney-Bonneau et Thibault (1999).
"L’ensemble du massif facial est ainsi un marqueur qualitatif, quantitatif et topographique de l’ensemble du
système nerveux central" Couly (1992). Des lésions cérébrales peuvent être associées.
Les fentes faciales (division palatine, fentes labio-vélo-palatines) et la séquence de Pierre Robin sont le plus
souvent évoqués, Abadie (2001), Vernel-Bonneau et Thibault (1999).
Quel que soit le syndrome malformatif, l’annonce du diagnostic est traumatisant pour la famille. L’enfant qui
arrive est non conforme à la "normalité" et loin de l’enfant virtuel attendu des parents.
Le traumatisme résulte de l’importance du préjudice esthétique, de la blessure narcissique et du sentiment de
culpabilité. Il a pour conséquence le rejet immédiat de la mère et de l’entourage et une forte inquiétude pour
l’avenir : à court terme face à l’alimentation, à moyen terme face au langage et à la scolarité, à long terme face
au handicap et à l’intégration sociale.
Les traitements chirurgicaux dans le cas des fentes faciales sans lésion cérébrale, sont souvent par étapes et
s’associent à un traitement fonctionnel prothétique et rééducatif.
Dès l’annonce du diagnostic, il est nécessaire d’envisager un accompagnement pour soutenir les parents. La prise
en charge précoce est engagée dans le même temps pour mettre en place les stratégies alimentaires, faire
acquérir les praxies de déglutition et les praxies phonatoires, favoriser l’émergence du langage.
Dans les meilleurs des cas, les compétences pour téter peuvent permettre l’allaitement maternel mais le désir de
la mère doit être suscité, entretenu et soutenu.
Les conséquences fonctionnelles apparaissent généralement dès la naissance :
• Les troubles de l’oralité alimentaire peuvent être immédiats. Les mécanismes sont divers et souvent combinés :
reflux nasal, difficulté ou impossibilité à téter, toux ou étouffement pendant la tétée, mécanisme d’expulsion
exacerbé. Ils peuvent être différés, souvent dominés par des refus d’alimentation lorsque l’enfant a bénéficié d’une
alimentation entérale.
• Des désordres respiratoires simples peuvent apparaître par défaut d’indépendance entre la ventilation nasale et
la ventilation buccale ou par la présence de ronflements consécutifs à une hypotonie vélaire. Il peut exister des
troubles graves comme les apnées du sommeil d’origine centrale ou une détresse respiratoire en rapport avec
une glossoptose. L’enfant porteur d’une canule de trachéotomie présentera des troubles plus complexes.
• Des troubles de la parole et de la voix secondaires à des acquisitions imprécises et à la mise en place de
compensations : un forçage laryngé, une raucité, un souffle rauque, des coups de glotte, une rhinolalie fermée
ou une hypernasalité.
Le programme entre 0 et 14 mois s’organise autour des premières interventions avec :
• La réhabilitation de la succion, la maturation de la séquence motrice et la normalisation de l’alimentation.
Ces trois éléments sont garants d’une croissance harmonieuse de la cavité buccale.
Bien que l’allaitement soit possible, l’alimentation est plus aisée au biberon. Dans les deux cas, la posture a une
importance capitale, il sera proposé à la maman une position qui évite le reflux nasal et favorise la meilleure
force de tétée. On évitera de trop allonger le nourrisson dans les bras, la tenue du biberon par en-dessous doit
permettre de façon concomitante de contrôler la stabilité mandibulaire. Pour la mise en bouche à la cuillère,
l’enfant sera assis face à la maman.
• L’aide apportée aux parents pour être acteurs principaux dans l’éducation de leur enfant. Elle concerne :
- l’apprentissage des gestes spécifiques au développement de l’oralité, à l’éducation du comportement neuro-
musculaire et au confort de l’alimentation : stimulations sensorielles, massages des cicatrices et des lèvres,
mobilisations passives des segments musculaires, brossage des gencives, l’exploitation de la succion
non nutritive, l’apprentissage de la préhension labiale adéquate à la cuillère,
- l’apprentissage des praxies hors déglutition et hors langage (mouchage, clics buccaux…),

145
- le choix d’aliments non traumatisant pour les muqueuses (l’acidité notamment est à proscrire),
- l’acceptation et entretien de l’orthèse,
- le soutien des parents pendant la période des interventions chirurgicales.
• L’émergence du langage :
- en favorisant les échanges et les interactions parents/enfants,
- en guidant les parents dans une démarche de communication orale efficace et adaptée aux potentialités
de l’enfant.
De 14 mois et 3 ans, c’est la période des interventions secondaires. La blessure narcissique et la souffrance encore
mal cicatrisées sont ravivées. Le soutien parental est toujours nécessaire. La prise en charge s’oriente plus
spécifiquement sur la parole et le langage.
La rééducation du comportement neuromusculaire de la sphère oro-bucco-faciale comporte :
• des massages et assouplissements des cicatrices, pour éviter les fibroses,
• le renforcement de la motricité,
• la suppression des compensations inadaptées,
• la restructuration du schéma corporel,
• des réalisations praxiques hors langage : le mouchage (24 mois), le souffle dans une paille, les clics de langue,
le reniflement, la canalisation du souffle au travers d’ embouts de tailles différentes, la confection de bulles…
C’est à cette période que la majorité des engrammes phonatoires vont se fixer. Il s’agit donc d’une période
sensible d’apprentissage pendant laquelle la rééducation orthophonique précoce est indiquée. Elle aura pour
objectif d’aider la programmation motrice et prévenir les compensations palliant l’insuffisance vélaire que l’enfant
va trouver pour se rendre intelligible (coup de glotte, raucité de la voix, pincement narinaire…).
Les axes de la prise en charge sont classiques, nous citerons la reproduction des bruits d’animaux, des bruits de
la vie courante (moteur, réveil, jet d’eau…). La Dynamique Naturelle de la Parole , Dunoyer de Segonzac
(1991), inspirée en partie de la méthode verbotonale, est "une approche polysensorielle et psychomotrice de la
parole" intéressante chez le très jeune enfant.
Au delà de 3 ans, la prise en charge est classique et s’axera sur l’intelligibilité de la parole. La déglutition s’est
généralement normalisée et les enfants ne présentent plus de troubles de l’alimentation.

◆ Les maladies génétiques


Nous avons choisi de présenter le syndrome de Prader-Willi qui, dans la période néonatale, associe des troubles
de l’alimentation et un retard d’acquisition motrice en raison de l’hypotonie dominant le tableau clinique.
Le syndrome de Prader-Willi est considéré comme le plus fréquent des syndromes microdélétionnels. Une
délétion a été mise en évidence sur le chromosome 15 (15q11-q12). Il a été décrit en 1956 par une équipe suisse
(Prader, Willi et Labhart). Sa fréquence est estimée de 1/10 000 à 1/15 000 sans prévalence de sexe ni d’origine
raciale.
Les signes majeurs à la naissance sont une hypotonie sévère déjà présente in utero et responsable d’un retard
d’acquisitions psychomotrices constant et des troubles de la tétée en rapport avec le manque de force musculaire.
Si la prise pondérale est lente pendant la première année, il apparaît entre 1 an et 6 ans une hyperphagie d’ori-
gine centrale difficilement contrôlable par les enfants et aboutissant le plus souvent à une obésité. On note une dys-
morphie faciale modérée mais dont les traits sont typiques, un hypogonadisme associant une hypoplasie des organes
génitaux.
Dans les signes mineurs et les signes associés, Moncla et coll. (2001), nous relèverons ceux qui sont pertinents
pour la prise en charge : les troubles du comportement se développant très souvent autour de l’alimentation, les
difficultés d’apprentissage des praxies phonatoires et de la parole, une voix nasonnée, l’épaississement des
sécrétions salivaires, une diminution du réflexe nauséeux. Pour certains, il existe un retard mental modéré
perturbant les acquisitions langagières.
La mise en place précoce d’une prise en charge kinésithérapique et/ou psychomotrice pluri quotidienne justi-
fiée par l’hypotonie globale, permet de favoriser le développement neuro-moteur (l’acquisition de la station
assise se fait en moyenne à 1 an et la marche vers 2 ans). Face à l’importance des troubles de la tétée, la mise en
place d’une alimentation entérale peut être indiquée pour assurer des apports caloriques suffisants, de façon

146
transitoire et n’excluant pas les prises orales.
La prise en charge orthophonique précoce est nécessaire pour :
• soutenir les parents à l’annonce du diagnostic et leur permettre d’envisager l’avenir de leur enfant
• apprendre aux parents, démunis face au manque de réactivité de l’enfant, les gestes et comportements qui vont
leur permettre de le stimuler de façon appropriée tant au niveau de la déglutition, de l’apprentissage des praxies
oro-bucco-phonatoires que de l’émergence du langage, Dessain-Gelinet (2000), Woisard (1999),
• aider les parents à rendre l’enfant le plus autonome possible, Barbier (2001),
• apprendre à gérer très tôt les apports nutritionnels et imposer un cadre de vie par rapport à l’alimentation pour
limiter les risques d’obésité, Postel-Vinay (2001).

3 - Démarche thérapeutique et refus alimentaire


◆ Alimentation orale et refus
Les causes de refus d’alimentation chez le petit enfant restent hypothétiques et sont très souvent difficiles à
évaluer directement. La composante psychologique est généralement au premier plan, elle peut être consécutive à
un trouble de la déglutition et s’associe parfois à une composante organique. Le refus d’origine psychologique
peut aussi être la conséquence d’interactions délétères entre l’enfant et l’entourage nourricier.
Les défauts de coordination entre la succion et la déglutition, le reflux gastro-oesophagien peuvent être à
l’origine de fausses routes et s’accompagner de toux ou de sensations d’étouffement. L’hypersensibilité du réflexe
nauséeux peut interdire toute introduction dans la bouche. Ces expériences sont négatives et souvent doulou-
reuses pour l’enfant, elles seront souvent à l’origine du refus.
La prise en charge s’adaptera spécifiquement au mécanisme du trouble et selon l’âge de l’enfant, des jeux de rôles
autour de l’alimentation (comme les dînettes) ainsi que des jeux de langage seront introduits de façon conco-
mitante.
Des cadres de vie en rapport avec l’alimentation seront mis en place avec les parents et viendront compléter les
consignes d’alimentation :
• les repas doivent être pris dans une atmosphère neutre et calme,
• il ne faut pas forcer l’enfant, éviter les commentaires,
• ne pas laisser l’enfant jouer pendant le temps de repas,
• l’aliment ne doit jamais être présenté comme une récompense,
• les récompenses et les punitions liées à l’alimentation sont à manier avec délicatesse en fonction du contexte
psychologique,
• les repas doivent être réguliers et les collations programmées,
• la durée du repas ne doit pas être supérieure à 30 minutes,
• en dehors de l’eau, si l’enfant a soif, rien ne doit être proposé entre les repas (ni lait, ni jus de fruits),
• l’enfant ne doit pas être isolé pour prendre ses repas.
En ce qui concerne les refus d’origine essentiellement psychologique, la prise en charge s’axera plus spécifique-
ment sur les interactions parents/enfants et pourra être complétée par une prise en charge psychologique.

◆ Alimentation entérale et refus


La plupart des enfants bénéficiant d’une alimentation entérale assurée soit par sonde nasogastrique, soit par sonde
de gastrostomie, ont une histoire médicale complexe et des troubles de l’alimentation sévères ne permettant pas
l’apprentissage du lien entre la prise alimentaire et le plaisir de manger, les sensations de faim et de satiété.
Le sevrage de la sonde ne peut être envisagé que lorsque l’enfant est capable d’avoir une alimentation suffisante
par la bouche même si les troubles de la déglutition ne sont résolus que partiellement. Le passage par une
alimentation mixte (entérale et orale) est nécessaire selon une progression adaptée.
L’étude de Tapin (2001) avait pour but de déterminer les facteurs favorisant les refus d’alimentation et ceux
favorisant la reprise alimentaire après une période d’alimentation entérale par sonde de gastrostomie, quelle que
soit l’étiologie.

147
Elle a montré qu’en ce qui concerne les refus alimentaires, les facteurs favorisants sont :
• une alimentation entérale initiale et exclusive jusqu’à l’âge de 7/8 mois, âge auquel se met en place la praxie
de malaxage,
• une mucovisidose ou une pathologie neurologique pour laquelle la gastrostomie est proposée tardivement,
• le sexe, la prématurité et l’âge de l’enfant lors de la pose de la sonde sont des facteurs indifférents dans cette
étude.
En ce qui concerne les reprises alimentaires, les facteurs favorisants sont :
• le type de la pathologie initiale,
• l’expérience d’une alimentation orale ayant précédé la pose de la sonde ou d’une alimentation mixte effective
avant l’âge de 8 mois,
• le sexe et la prématurité sont des facteurs indifférents.
Les données de la littérature Adverson (1983), Morris (1987), Senez (2002), Sheppard (1995), mettent en
évidence la notion de périodes sensibles à l’exercice d’une compétence, les conditions d’hospitalisation et la
place de l’enfant dans la famille.
La prise en charge précoce est indiquée pour développer l’oralité chez le nourrisson lorsque l’alimentation entérale
est proposée dès la naissance (quand il existe une importante prématurité, par exemple).
Si les troubles apparaissent plus tardivement et si la sonde d’alimentation est proposée secondairement, l’éducation
précoce est mise en place pour permettre à l’enfant d’acquérir les capacités fonctionnelles et les comportements
alimentaires corrects. La technicité requise et les contraintes d’une telle prise en charge ne doivent pas prendre
le pas sur le plaisir réciproque de s’alimenter, elle est indissociable d’un accompagnement parental.

IV - CONCLUSION
Quel que soit le contexte de l’évaluation des troubles de la déglutition et de l’alimentation (évaluation médicale,
paramédicale, institutionnelle…), l’appréciation du degré de sévérité de la situation est l’ élément essentiel sur
lequel va reposer la démarche thérapeutique.
Le risque vital encouru par le patient justifie qu’il soit porté une attention particulière à la qualité de la collabo-
ration médicale.
La validation des modalités de la prise en charge demeure incomplète. En effet, la démonstration de l’efficacité
d’un exercice spécifique adapté à un mécanisme physiopathologique est relativement simple sur un plan métho-
dologique. En revanche, la validation de l’action d’une stratégie thérapeutique sur un groupe de patients, en terme
de contrôle d’une part de l’état nutritionnel et d’autre part de l’état pulmonaire, est plus difficile à mettre en œuvre.
La collaboration entre les différents acteurs de la prise en charge est à la base de la qualité du suivi, du succès de
la prise en charge et la garantie de son efficacité. Le patient, son entourage proche et son médecin traitant en
sont les éléments clés.

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Woisard,V., Serrano, E., Yardeni, E., Puech, M., Pessey, JJ. (1993). Deglutition after supraglottic laryngectomy.
J Otolaryngol, 22, 278-283.
Woisard, V. (1999). Place de l’Orthophonie. Prader-Willi France, 9, 14-16.
Woisard, V., Puech, M. (2003). La réhabilitation de la déglutition chez l’adulte. Le point sur la prise en charge
fonctionnelle. Collection le Monde du Verbe. Marseille : Solal.

151
CHAPITRE VII
Rééducation des troubles
vélo-tubo-tympaniques

Jean-Marc KREMER, Orthophoniste


Chargé d’enseignement à l’école d’orthophonie de Nancy

SOMMAIRE
I - PRÉSENTATION
A – Inscription à la nomenclature générale des actes professionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
B – Origine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
C – Définition : la fonction tubaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

II – LA RÉÉDUCATION TUBAIRE : THÉRAPEUTIQUE ET PRÉVENTION


A – Le premier contact avec le patient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .157
B – Les principes de la rééducation : description de la méthode et exercices spécifiques . . . . . . . . . . . . 157

III – CONCLUSION .............................................................................................................. 159

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................. 159


154
I – PRÉSENTATION

A - INSCRIPTION À LA NOMENCLATURE GÉNÉRALE DES ACTES PROFESSIONNELS


◆ Une pathologie fréquente.
Les oto-rhino-laryngologistes, les pédiatres et les médecins généralistes, dans leur pratique de ville, sont confrontés
de plus en plus souvent, surtout chez le jeune enfant, aux otites séro-muqueuses, maladies de l’oreille moyenne.
C'est une pathologie fréquente, dont la physiopathologie n'est pas encore établie définitivement et dont le
traitement peut être décevant (Kocher, Nancy, 1978). La description inaugurale de l'otite séro-muqueuse date
de 1768 et revient à Portal, qui pressentait déjà l'origine tubaire de cette affection de l'oreille moyenne.
Le choix de la dénomination "rééducation vélo-tubo-tympanique" résulte de la littérature dans le domaine, et
des avis successifs obtenus au début des années 90 par l’Académie de Médecine. Cette approche rééducative, dont
l'efficacité a été rapportée dans la littérature médicale (médecine aéronautique et médecine des profondeurs)
de différents pays (Etats Unis d’Amérique du Nord, Union Soviétique, Belgique…), est souvent associée à d'au-
tres traitements, médicamenteux, crénothérapie, et à des actes chirurgicaux (paracentèse et pose d’aérateurs
transtympaniques (ATT).
L'inscription récente de ce trouble à la nomenclature générale des actes professionnels (Juin 2002), précédée
par l’inscription de ce trouble à la compétence (décret ministériel) des seuls orthophonistes en 1992 est
justifiée par la demande en augmentation de prise en charge rééducative émanant principalement des
oto-rhino-laryngologistes, mais aussi des généralistes de plus en plus souvent ; en effet, cette rééducation
semble réservée, d’une part, pour les enfants à partir de 5, 6 ans, pour lesquels les traitements classiques se sont
avérés être des échecs partiels, d’autre part pour les enfants, adolescents et adultes en attente ou suite à une
chirurgie de l’oreille moyenne. Cette demande de prise en charge spécifiquement orthophonique est en lien
aussi, semble-t-il, avec une recrudescence des pathologies de l’oreille moyenne qui seraient dues aux conditions
environnementales (climatiques, pollutions…).
Bien évidemment, ce sera le médecin jugeant de l’échec des traitements traditionnels, ou pour éviter une
nouvelle chirurgie qui risquerait de rigidifier le tympan, qui proposera cette pratique rééducative fonctionnelle,
requérant la participation active du patient.

B - ORIGINE
La rééducation tubaire, appelée à l'origine kinésithérapie tubaire, est née il y a quelques décennies de besoins spé-
cifiques en médecine aéronautique, en médecine de plongée sous-marine et dans le thermalisme O.R.L.. Devant
la fréquence de l'otite séreuse ou séro-muqueuse chez l'enfant et face à la difficulté médicale d'en venir à bout
chez certains d'entre eux, les oto-rhino-laryngologistes la préconisent de plus en plus souvent et ne la réservent
plus seulement aux échecs des autres traitements. Certains souhaitent en effet l'intégrer dans une stratégie
thérapeutique globale où sa place est repensée.
La rééducation tubaire a le mérite de n'être pas agressive et de ne pas gêner la mise en route d'autres types de
traitements ; bien au contraire, elle viendra le plus souvent en complément d'un traitement médical, de la pose
d’un ATT ou d'une crénothérapie.

C - DÉFINITION : LA FONCTION TUBAIRE


La rééducation tubaire est une méthode de rééducation fonctionnelle, à la fois préventive et thérapeutique,
ayant pour but de restituer aux trompes d'Eustache une bonne perméabilité en les rendant fonctionnelles.
Le rôle des trompes d'Eustache est d'assurer le passage de l'air du nez vers l'oreille moyenne, c'est-à-dire d'amener
au niveau de celle-ci l'air nécessaire, d'une part, au fonctionnement optimum du tympan (équipression) et de
la chaîne ossiculaire, assurant une bonne transmission mécanique des ondes acoustiques, d'autre part, à la
muqueuse qui recouvre les parois de l'oreille moyenne. La trompe d'Eustache assume ainsi sa fonction de bonne
aération.

155
Crédit image : Ortho Edition : La rééducation tubaire.

L'autre fonction de la trompe d'Eustache est celle du drainage, puisque l'épithélium tubaire, constitué de cellules
ciliées, assure la propulsion du mucus vers le rhino-pharynx, permettant ainsi une bonne épuration. La trompe
d'Eustache est constituée pour un tiers d'une partie osseuse, jouant un rôle passif, et pour deux tiers d'une
partie cartilagineuse qui est toujours fermée ; elle s'ouvre lors de deux mouvements physiologiques naturels :
le bâillement et la déglutition. La partie cartilagineuse est alors actionnée par les muscles péristaphylins interne
et externe, assurant ainsi l'aération, le drainage du mucus et l'équipression de la paroi tympanique, de l'oreille
moyenne et de ses dépendances mastoïdiennes.
Ainsi, lorsque la trompe d’Eustache n’assure pas ses fonctions physiologiques, le fonctionnement même de l’oreille
moyenne est perturbé, engendrant par là une accumulation de mucus "amortissant" la souplesse et la réactivité
de la chaîne ossiculaire dans la transmission mécanique de l’onde acoustique vers le nerf auditif ; l’audition est
donc en déficit, déficit qui est à la limite de la gêne sociale, mais qui peut entraîner, à l’âge de l’acquisition du
langage oral, troubles d’articulation et de la parole, et plus tard, déficit patent de type perceptif (qualité de
discrimination auditive) perturbant l’acquisition du langage écrit.
De plus, comme cette maladie de l’oreille moyenne est asymptomatique, il convient d’être très vigilant dans les
5 premières années de la vie, âge du pic de sa survenue (pic statistique entre 2 et 4 ans – Deblay, 1977).

Crédit image : Ortho Edition : La Rééducation tubaire.

156
II – LA RÉÉDUCATION TUBAIRE :
THÉRAPEUTIQUE ET PRÉVENTION
En tant que méthode thérapeutique fonctionnelle, la rééducation tubaire a donc un double but :
• par un apprentissage du mouchage (hygiène nasale) et une rééducation respiratoire, éviter l'entretien d'une
infection chronique et récidivante ayant pour conséquence le blocage de la trompe d'Eustache, responsable de
diverses anomalies: hypoacousie plus ou moins importante avec sensation d'oreille bouchée, d’oreille "pleine",
douleurs auriculaires, bourdonnements, perforation tympanique avec écoulements, accolement du tympan au
fond de la caisse tympanique ;
• par des exercices bucco-linguo-mandibulo-vélaires spécifiques, favoriser l'ouverture de la trompe.
La rééducation tubaire s'adresse donc surtout aux enfants (particulièrement entre 5 et 8 ans) et aux adolescents
atteints de cette pathologie.
Cette rééducation se présente aussi comme une méthode préventive, dans la mesure où permettre ainsi à
l'enfant de bénéficier d'une audition correcte, c'est lui permettre d'accéder sans entrave aux sons, à leur
décodage cortical et à leur discrimination perceptive, donc au langage, et d'éviter par là même le risque
d'installation d'un trouble d'articulation, d'un retard de parole ou d'un retard du langage oral, voire d'un
trouble du langage écrit.

A - LE PREMIER CONTACT AVEC LE PATIENT


L’orthophoniste recevra son patient sur indication stricte du médecin ; si le médecin généraliste rédige la
prescription de bilan, il conviendra cependant de s’assurer que le médecin ORL aura bien réalisé un examen
clinique spécialisé, une audiométrie et une tympanométrie qui objectiveront le dysfonctionnement tubaire. L’audio-
métrie permettra d’apprécier la gêne auditive engendrée par cette otite séro-muqueuse ; le déficit de transmis-
sion se situera généralement aux alentours de 20 à 40 dB maximum ; la tympanométrie (ou impédancemétrie)
est une mesure de la compliance de l’oreille moyenne, reflet de la mobilité du système tympanoossiculaire.
Bien que le bilan orthophonique ne soit pas l'objet de cet ouvrage, nous nous devons d’évoquer l'attention
particulière réservée à l'entretien avec le patient ou avec ses parents, et la nécessité de réaliser des observations
fonctionnelles et un bilan de l’articulation, de la parole, des gnosies auditives et des fonction oro-faciales
(examen des praxies bucco-faciales…). L’histoire ORL du patient est particulièrement importante, et il sera
essentiel d’en connaître toutes les étapes (infections, otites, pose d’ATT, hypoacousie…). Cette phase du bilan
orthophonique est très importante pour la mise en œuvre des principes de la rééducation et des conseils d’hygiène.
L'orthophoniste notera scrupuleusement aussi les facteurs environnementaux qui pourraient faire perdurer la mal-
adie séro-muqueuse de l’oreille moyenne (température régnant dans la chambre à coucher, degré d’hygrométrie,
indications ou contre-indications relatives à la propreté des oreilles et à la pratique de sports ou activités
aquatiques…). Enfin, de cette phase dépendra aussi l’acceptation par le patient de sa rééducation et des
principes qui en découlent.

B - LES PRINCIPES DE LA RÉÉDUCATION : DESCRIPTION DE LA MÉTHODE


ET EXERCICES SPÉCIFIQUES
La rééducation spécifique doit être précédée de quelques exercices et conseils préparatoires et de quelques règles
d'hygiène élémentaires et indispensables, à assurer en présence des parents :
• apprentissage du mouchage (le médecin aura conseillé des instillations nasales pour la propreté des fosses
nasales)
• apprentissage du souffle nasal
• interdiction des reniflements
• explications anatomiques et physiologiques simples.

157
La rééducation orthophonique proprement dite, qui a essentiellement pour but de rendre la trompe d'Eustache fonc-
tionnelle en tonifiant tous les muscles qui concourent à son ouverture, se déroule classiquement en trois phases :

◆ 1 ère phase :
• apprentissage correct de la respiration naso-diaphragmatique : travail de la valve nasale, travail de la dynamique
diaphragmatique, synchronisation de la dynamique nasale et de la dynamique diaphragmatique.

◆ 2 ème phase :
• travail actif des muscles péri-tubaires
• travail actif du sphincter vélo-pharyngé
• exercices linguaux : protraction et rétropulsion, balayage du palais et du voile, poussée linguale…
• exercices véliques : mouvement limité de déglutition, exercices de contraction du voile du palais (baîllements, réflexe
nauséeux, production d’un "a" en voix chantée…), exercices d’articulation spécifiques…
• exercices mandibulaires : protrusion et rétropulsion du menton, diduction, rotation mandibulaire…
• exercices linguo-véliques : association enchaînée d’exercices précédents
• exercices linguo-mandibulo-véliques : association enchaînée d’exercices précédents
• exercices d'articulation spécifiques : /ks/ - /kt/ - /kp/ … groupes consonantiques complexes, puis mots et phrases
les contenant
Tous ces exercices, visant à renforcer la musculature péritubaire, sont autorisés en poussée de rhino-pharyngite,
ce qui n'est pas le cas pour les manoeuvres d'auto-insufflation (phase suivante de la rééducation), qui sont
absolument contre-indiquées en période inflammatoire. C'est donc l'oto-rhino-laryngologiste qui doit, après un
contrôle médical, autoriser ou non la poursuite de la rééducation tubaire.

◆ 3 ème phase :
• manoeuvres d'auto-insufflation (manoeuvres de Valsalva, de Frenzel, de Misurya, cette dernière étant la moins
"agressive" et la plus intéressante car elle s'effectue en activant la musculature tubaire).
Il est tout à fait normal que les manoeuvres d'auto-insufflation occupent une place tardive dans le programme
de rééducation ; en effet, l'acquisition préalable d'une bonne musculation de l'ensemble du vélo-pharynx ne pourra
rendre que plus aisée l'ouverture tubaire, les exercices d'auto-insufflation n'en seront ensuite que plus
efficaces.
La plupart des exercices proposés sont connus et bien maîtrisés par les orthophonistes. Mis à part les manœuvres
d’auto-insufflation, ils les utilisent déjà communément dans diverses rééducations des fonctions oro-faciales. Sous
réserve d'une bonne information et d’une bonne motivation préalables du patient, leur mise en œuvre ne requiert
rien de plus qu’un entraînement quotidien, la plupart du temps réalisé sous le contrôle des parents (lorsque cela
s’avère possible psychologiquement et culturellement). De ce fait, lorsque cela est possible, et lorsqu’il s’agit
d’un enfant jeune (il est exceptionnel de commencer ce type de rééducation avant l’âge de 5 ans, autant pour
des raisons anatomo-physiologiques que pour des raisons de bonne compréhension des consignes), les ortho-
phonistes réalisent la plupart des séances de rééducation en présence d’un parent.
Enfin, sont souvent associés à cette pathologie, une déglutition atypique, des troubles d'articulation, des retards
de parole, qui seront mis en évidence lors du bilan orthophonique ; il conviendra donc d'ajouter, en fonction
de chaque cas, des séries d'exercices adaptés, ou de bien différencier les séances d’orthophonie pour rééduquer
des troubles différents bien que souvent liés (voire de faire appel à deux thérapeutes différents).
Lorsque l’orthophoniste prend en charge un enfant motivé et bien soutenu par ses parents (l’enfant est souvent
gêné dans sa vie sociale par cette maladie, privation des sports d’eau…, ce sont des motifs sur lesquels le
praticien s’appuiera pour motiver le petit patient), la rééducation se fait en une quinzaine de séances (à raison
d’une séance par semaine), avec deux contrôles, à 3 puis à 6 mois. Le travail en coopération étroite avec les parents,
on l’a vu, est essentiel pour la réussite de la rééducation tubaire. Lorsque la trompe d’Eustache aura ainsi recou-
vré toutes ses fonctions, la guérison de l’oreille moyenne sera en bonne voie.

158
III. CONCLUSION
M. Gersdorff, C. Cambier et V. Huybrechts-Foerster, dans une étude statistique de 1986, ont essayé d'objectiver
l'évolution de leurs patients en se fondant sur les modifications des tympanogrammes réalisés avant la rééducation,
après la cinquième séance et en fin de rééducation. Les résultats qu'ils apportent dans leur étude sont intéres-
sants : dans plus de 60% des cas, l'évolution de l'otite séreuse est favorable, la guérison est complète ; dans
2,5% des cas, ils signalent une régression de la pathologie, et dans 21% des cas un statu-quo. Les mêmes
auteurs observent que "les réussites ont d'autant plus de valeur que les patients nous sont généralement
adressés en dernier recours avant une intervention chirurgicale. Nos résultats confirment donc l'efficacité de la
rééducation tubaire en tant que thérapeutique".
Une étude plus récente, réalisée en 1991 pour l'obtention d'un mémoire d'orthophonie à Nancy sous la direc-
tion du Professeur Simon, vient confirmer l'intérêt de la rééducation tubaire. En effet, sur 36 cas étudiés, les
résultats objectifs (après audiogrammes et tympanogrammes) de l'acuité auditive à court terme sont positifs
pour 61%, stationnaires pour 8%, négatifs pour 3% et divers pour 14%. Les auteurs, I. Barret et L. Petitdidier,
concluent "qu’il ressort, à long terme, que la rééducation tubaire paraît efficace. Même utilisée en dernier
recours, elle a permis dans la plupart des cas de rétablir les fonctions équipressives et de drainage de la trompe
d'Eustache, d'améliorer l'audition, d'éviter une aggravation dans d'autres cas, et souvent d'enrayer la chronicité
des otites. Par ailleurs, il semblerait qu'elle ait permis d'avancer l'âge d'arrêt des épisodes otitiques et d'atteindre
la maturité anatomique en stabilisant les lésions".

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Barret, I., Petitdidier L. (1991). Rééducation de la trompe d'Eustache : des résultats à long terme. Université de
Nancy : Mémoire d'orthophonie.
Dauly, A. (1989). La rééducation tubaire. Université de Nantes : Mémoire d'orthophonie.
Deblay, M.D. (1977). La rééducation tubaire. Université de Nancy : Mémoire présenté en vue de l'obtention du
CES de rééducation et de réadaptation fonctionnelle.
Deblay, M.D. (1977). La kinésithérapie tubaire : expérience clinique. Journal français d'Oto-rhino-laryngologie,
30, 7, 441-442.
Dejong-Estienne, F. (1988). "Caverne Oreille et Cirque Eustache". L'oreille et la rééducation tubaire racontées aux
enfants. Louvain La Neuve : Academia.
Gersdorff, M., Cambier, C.,Huybrechts-Foerster, V.(1986). La logothérapie tubaire. les Cahiers d'ORL, 21, 9,
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Gosset, S. (1982). La kinésithérapie de la trompe d'Eustache. Université de Nancy : Mémoire.
Jacobs, A. (1981). La kinésithérapie de la trompe d'Eustache. Université de Nancy : thèse de médecine.
Kocher, J.P. (1978). Les otites séro-muqueuses. Résultats éloignés de l'aération trans-tympanique. Université de
Nancy : Thèse de médecine.
Kremer, J.M., Lederlé, E. (1991). La rééducation tubaire. 3ème édition. Isbergues : L'Ortho-Edition.
Riu, R., Flottes, L., Bouche, J., Le Den, R. (1986). La physiologie de la trompe d'Eustache. Société Française
d'Oto-rhino-laryngologie et pathologie cervico-faciale. Paris : Librairie Arnette.

159
CHAPITRE VIII
Education à l’acquisition et à l’utilisation de la
voix oro-oesophagienne et/ou trachéo-pharyngienne
à l’utilisation de toute prothèse phonatoire

Jean-Marc KREMER, Orthophoniste


Chargé d’enseignement à l’école d’orthophonie de Nancy

SOMMAIRE
PRÉAMBULE

I - PRÉSENTATION
A – Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
B – Compétence de l’orthophoniste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
C – Inscription à la NGAP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

II – CADRE MÉDICAL
A – Indications médico-chirurgicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
B – Les principales fonctions pharyngo-laryngées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
C – Les thérapeutiques médicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
D – Un travail interdisciplinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170

III – OÙ COMMENCE LA PRISE EN CHARGE ORTHOPHONIQUE


A – L’information préalable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
B – La personne laryngectomisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
C – Et la rééducation orthophonique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

IV – DESCRIPTIF DES "TECHNOLOGIES" ET OUTILS DIVERS


A – Les canules trachéales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
B – Les prothèses phonatoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
C – Les vibrateurs externes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
D –Les filtres trachéaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

V – LES ASSOCIATIONS DE MALADES ............................................................................ 194


VI – CONCLUSION ................................................................................................................ 0

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................... 0

162
REMERCIEMENTS
Je remercie spécialement,
- pour leur enseignement, Monsieur le Professeur Wayoff et Monsieur le Professeur Simon, directeurs
de l’Ecole d’orthophonie de Nancy, qui ont succédé à Monsieur le Professeur Grimaud, fondateur de
l’Ecole de Nancy en 1965
- les chirurgiens et tout particulièrement le docteur Philippe Poivret de Thionville, chirurgien ORL,
pour sa confiance et pour son aide technique et pédagogique, ainsi que pour le travail précieux qu’il
réalise pour nos patients communs
- toutes les personnes laryngectomisées que j’ai été amené à rencontrer et que je rencontre depuis 30 ans,
et qui m’ont tout appris.

PRÉAMBULE
Thierry Rousseau, Président de l’UNADREO, initiateur et directeur de cet ouvrage collectif, m’a demandé
d’écrire cet article sur la pratique orthophonique relative à la prise en charge orthophonique de la personne laryn-
gectomisée. C’est bien volontiers que j’ai accepté ce défi, tant il est difficile d’écrire "une expérience" personnelle,
fût-elle de trente années… Ce qui suit sera donc un point de vue personnel et surtout pas un "guide universel"
de la rééducation orthophonique de la personne laryngectomisée. D’autres ouvrages existent sur le sujet, beaucoup
plus complets et plus "scientifiques", auxquels il faudra se référer, et qui m’aident dans la pratique quotidienne.
Les médecins ORL avec lesquels je travaille, les autres membres de cette équipe médicale de prise en charge,
et surtout les personnes laryngectomisées elles-mêmes, ont été, et sont encore, tous les jours, mes "pédagogues".
Pour essayer de "parler" au mieux de ce domaine de l’orthophonie, important dans ma pratique d’orthophoniste,
il conviendra bien évidemment de présenter en premier lieu le contexte historique dans lequel nous
travaillons, la compétence de l’orthophoniste dans ce champ, le rapport qui existe avec l’assurance maladie
(NGAP).
Dans un deuxième temps, nous ferons état des indications médico-chirurgicales, des fonctions pharyngo-
laryngées, des thérapeutiques médico-chirurgicales, puis de la nécessité d’un travail interdisciplinaire.
Dans un troisième temps, il s’agira d’approcher plus précisément la prise en charge de la personne laryngec-
tomisée, l’information préalable nécessaire, la "nouvelle vie" de la personne laryngectomisée, la rééducation
orthophonique proprement dite, avec les différentes méthodes de rééducation de la voix ainsi que tout le travail
connexe.
Enfin, nous essaierons de présenter quelques outils et technologies qui améliorent la vie quotidienne des
personnes laryngectomisées, avant de dire l’importance des associations de malades dans la réhabilitation de
leurs pairs.

I – PRÉSENTATION

A. HISTORIQUE
"Je ne peux plus rire". "On ne m’écoute plus". "Sans parole, sans voix, je n’existe plus."
Ces quelques "mots-maux" de personnes laryngectomisées en disent long sur le traumatisme subi après l’inter-
vention mutilante de la chirurgie carcinologique. Ces mots expliquent en même temps très bien pourquoi, dès
le début de l’histoire de la carcinologie laryngée, et plus largement de la sphère ORL, la chirurgie est étroitement
liée à la réhabilitation vocale.
C’est dire aussi la place naturelle que prend la discipline orthophonie aux côtés de la chirurgie cervico-faciale en
carcinologie, le rôle que doit assumer l’orthophoniste au sein de l’équipe médicale qui prend en charge l’opéré, qui
ne sera considéré comme soigné, voire "tiré d’affaire", que lorsqu’il pourra à nouveau entrer en communication sociale.

163
Au début de cette histoire, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, quelques recherches expérimentales sur la
réhabilitation de la parole s’articulent autour de prothèses externes (Ozermack, 1859 – Burns, 1861 – Billroth
avec la prothèse de Gussenbauer après la première laryngectomie qu’il réalisa en 1874 – cité par Traissac, 1992).
Mais, aussi ingénieuses qu’elles aient pu être, leur utilisation était problématique et peu satisfaisante.
Et c’est un laryngectomisé hollandais, au tout début de notre vingtième siècle scientifique, qui formalisa la
méthode hollandaise, apprentissage d’une voix de type oesophagien, sans prothèse, mais avec utilisation
ingénieuse du nouveau "vibrateur" constitué par la néo-glotte, résultat chirurgical de l’ablation du larynx.
Jusque dans les années 60 du siècle dernier, malgré les recherches multiples pour trouver une prothèse externe
satisfaisante (Caselli, 1871 – Gosten, 1892 – Briani, 1950… - ibidem), les orthophonistes, quand ils existent,
se débrouilleront tant bien que mal, avec les associations naissantes de "mutilés de la voix", pour leur apprendre une
voix fonctionnelle, au moins dans la vie courante.
Commence alors la période moderne, caractérisée par la multiplication des méthodes, avec des progrès fulgu-
rants dans les protocoles de soins des cancers des voies aéro-digestives – chirurgie + radiothérapie + chimiothé-
rapie -, et des recherches actives en matière de prothèses :
• la chirurgie reconstructive, dans le but, non seulement de redonner une voix, mais aussi d’assurer d’autres fonc-
tions laryngées ;
• les prothèses externes, technologiquement avancées, allant jusqu’à la tentative d’implantation de larynx
artificiel1 ;
• la transplantation laryngée (1969), qui, vu la complexité de l’organe, se révèle être un échec total ;
• la technologie des prothèses miniatures dans des fistules chirurgicales trachéo-oesophagiennes, grâce à la mise
au point de silicones…
Les chirurgiens, conscients des séquelles irréversibles de leur chirurgie invasive et mutilante, ont cherché à
préserver l’organe vocal le plus possible : c’est ainsi qu’ils ont développé et mis au point des techniques de
chirurgie partielle reconstructive. Notons les noms des auteurs des techniques les plus récentes : Traissac, Labayle,
Piquet, Tucker…

B - COMPÉTENCE DE L’ORTHOPHONISTE
Aujourd’hui, s’il n’y a plus vraiment batailles de chapelles sur les techniques et protocoles à utiliser de préférence,
ce qui importe avant tout c’est le malade : chaque nouveau progrès, chaque nouvelle technique, doivent se
mesurer qualitativement avec le recul de la seule mortalité, qui est malheureusement l’unique paramètre étudié.
Qu’en est-il des fonctions de déglutition, d’articulation, de voix et de communication, et du confort de vie en
général ? Dans chaque cas, le médecin, ou l’équipe médicale, devra trouver le protocole de soins, ou la technique
chirurgicale la plus adaptée au malade, avec la finalité de le mutiler le moins possible, ou tout au moins celle de
lui laisser le maximum de chances de pouvoir être réhabilité le moins mal possible…
C’est pourquoi la participation du malade au choix de la décision thérapeutique est si importante ; voilà pourquoi
aussi il est tellement important qu’un membre de l’équipe médicale puisse expliquer et informer largement le
malade et son entourage…
C’est dans ce domaine tout à fait particulier, celui de la réhabilitation du malade après ses soins médicaux (chirurgie
et radiothérapie, et parfois encore chimiothérapie...) que l’orthophoniste va pouvoir exercer pleinement son art,
qui ne sera pas seulement celui du technicien qui essaie de redonner une voix de substitution à son malade.
Si, dès le début de l’histoire de l’orthophonie (années 1950 avec Mme Claire Dinville), l’apprentissage de la voix
oesophagienne est un pilier important de l’activité de l’orthophoniste, le décret de compétence de 1983, et plus
récemment, celui de 2002, sont tout à fait limpides en matière de prise en charge orthophonique dans
ce domaine :

1
Décret n° 2002-721 du 2 mai 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’orthophoniste.

164
"2. Dans le domaine des pathologies oto-rhino-laryngologiques :
• la rééducation des fonctions oro-faciales entraînant des troubles de l'articulation et de la parole ;
• la rééducation des troubles de la déglutition (dysphagie, apraxie et dyspraxie bucco-linguo-faciales) ;
• la rééducation des troubles de la voix d'origine organique ou fonctionnelle pouvant justifier l'apprentissage des voix
oro-oesophagienne ou trachéo-oesophagienne et de l'utilisation de toute prothèse phonatoire."1
Il revient donc naturellement à l’orthophoniste de prendre en charge tout malade ayant subi une chirurgie
carcinologique de la sphère cervico-faciale, et dont les séquelles fonctionnelles touchent la déglutition et la
communication – voix, parole, articulation.
Nous verrons en quoi la rééducation orthophonique de la personne laryngectomisée est bien plus que cela, bien
au-delà de ce que le terme de "rééducation" a de réducteur dans son acception étroite et littérale. En effet, en
premier lieu, s’agissant d’un véritable apprentissage nouveau, celui d’une voix nouvelle avec un autre organe et
produite différemment, le terme de rééducation paraît inapproprié. Par ailleurs, s’agissant d’une réhabilitation,
d’une réinsertion familiale et sociale, voire professionnelle, la "rééducation" ne pourra se limiter à une simple prise
en charge technique, spécifique à l’apprentissage vocal, mais bien à un travail en équipe où l’orthophoniste, après
le chirurgien, a une place essentielle à notre avis, non seulement auprès du malade, mais aussi auprès de sa
famille et plus généralement de son entourage.
Ce qui est rapporté dans cet article sera le fruit d’une longue pratique de trente années auprès de personnes
laryngectomisées, hommes et femmes adultes, personnes âgées de 35 à 87 ans, et un cas encore plus dramatique,
celui d’un adolescent laryngectomisé à l’âge de 14 ans et demi !

C - INSCRIPTION À LA NOMENCLATURE GÉNÉRALE DES ACTES


PROFESSIONNELS
Quant à l’aspect médico-administratif, l’extrait de la nomenclature des actes professionnels qui concerne
l’orthophonie, et spécifiquement ce domaine de l’orthophonie, précise les choses de manière très nette :
"- Rééducation des anomalies des fonctions oro-faciales entraînant des troubles de l'articulation et de la parole,
par séance ....................................................................................................................................................10
- Education à l'acquisition et à l'utilisation de la voix oro-œsophagienne et/ou trachéo-œsophagienne, par
séance ..........................................................................................................................................................10
- Education à l'utilisation des prothèses phonatoires quel qu'en soit le mécanisme,
par séance..................................................................................................................................................102".
Ainsi, les actes d'orthophonie réalisés dans ce contexte, après bilan orthophonique (AMO 16) et demande
d'entente préalable auprès du service médical de l'organisme payeur de l'assuré (D.E.P.), sont-ils pris en charge
par l'assurance maladie dans le cadre des affections de longue durée (remboursement à 100%).

II – CADRE MÉDICAL
L’intervention de l’orthophoniste auprès de la personne laryngectomisée se fait dans un cadre strictement médical,
après une intervention chirurgicale vitale mutilante non seulement du point de vue vocal, mais plus générale-
ment sur le plan socio-familial. La réhabilitation va donc demander le concours de toute une équipe médicale
autour du malade et de sa famille.
Nous verrons donc quelles sont les indications médico-chirurgicales de cette intervention, puis les principales
fonctions touchées par la chirurgie, les thérapeutiques et le suivi médical, avant de préciser le rôle de chaque
professionnel de santé en équipe autour du malade.

2
Arrêté du 28 juin 2002 modifiant la Nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes
et des auxiliaires médicaux.

165
A - INDICATIONS MÉDICO-CHIRURGICALES
La chirurgie carcinologique sur le larynx, et plus généralement sur la sphère cervico-faciale, est généralement indispen-
sable, car toujours vitale.
En cas de détection d’une lésion carcinologique de la sphère ORL, la médecine dispose de 3 armes thérapeutiques,
que les médecins vont conjuguer suivant la place de la lésion, son étendue locale et à distance : la chirurgie, la
radiothérapie et la chimiothérapie. Les médecins vont dont avoir à leur disposition 9 formules thérapeutiques :
par exemple, en première instance, chimiothérapie et radiothérapie, ou chirurgie et radiothérapie
complémentaire… La chimiothérapie exclusive, quant à elle, est toujours préopératoire.
La chirurgie sera donc souvent préconisée en première intention, avant tout autre protocole (sauf désaccord du
patient), parce que plus "confortable" et moins risquée ; elle sera malheureusement indiquée en deuxième inten-
tion, après échec d’un protocole thérapeutique tel que la radiothérapie seule, ou en association avec une chimio-
thérapie.
Dans ce deuxième cas, le chirurgien sera face à des difficultés supplémentaires, principalement des problèmes
de cicatrisation des tissus irradiés, d’apparition de fistules résistantes, de nécessité d’auto-greffes pédiculées…
L’objet de cet article n’étant pas d’étudier précisément les techniques chirurgicales, ni les protocoles thérapeu-
tiques, pas plus que les causes d’interventions mutilantes, nous nous limiterons à citer les principales inter-
ventions qui vont nécessiter une prise en charge orthophonique dans les suites opératoires, rééducation qui ne
sera pas que vocale, suivant une classification simplifiée…

1 - Chirurgie de la cavité buccale


Les conséquences de cette chirurgie seront plus ou moins aggravées en fonction de la nécessité de réséquer
largement les tissus ou les éléments du squelette. Dans de nombreux cas, un curage ganglionnaire uni ou bila-
téral est nécessaire. Dans ces cas, où le larynx est indemne, la trachéotomie pratiquée ne sera que provisoire, le
temps de la cicatrisation des tissus :
• glossectomie partielle ou totale : conséquences sur la déglutition, sur la voix et sur l’articulation de la parole,
en raison de la résection totale ou partielle du volume du muscle lingual, ainsi que de ceux du plancher buccal
et de la base de langue (glossectomies partielles : hémi-glossectomie, glossectomie transversale, glossectomie
basilinguale)
• ablation d’une amygdale pharyngée et généralement du pilier antérieur du voile du palais : conséquences
sur la déglutition, sur la voix et sur l’articulation de la parole (avec envahissement osseux ou non)
• bucco-pharyngectomie transmaxillaire : conséquences sur la déglutition, sur la voix et sur l’articulation de
la parole, conséquences esthétiques ; ostéotomie mandibulaire, parfois nécessité de dégagement et de désarti-
culation de la mandibule, et reconstruction par un lambeau musculo-cutané local ou à distance (de grand pec-
toral) ou un lambeau muqueux
• pelvimandibulectomie et glosso-pelvimandibulectomie interruptrices ou non interruptrices : ostéotomie man-
dibulaire (PM et GPM interruptrices) et reconstruction-réparation de la muqueuse par suture de la muqueuse
linguale restante à la muqueuse jugale
• ablation partielle du plancher lingual, avec atteinte linguale : conséquences sur la déglutition, sur la voix
et sur l’articulation de la parole ; parfois nécessité d’ostéotomie et de reconstruction cervicale par un lambeau
musculo-cutané de grand pectoral.

2 - Chirurgie pharyngo-laryngée
Dans les cas d’interventions partielles sur le larynx, en fonction de l’exérèse, les conséquences fonctionnelles seront
plus ou moins importantes ; la respiration naso-buccale sera presque toujours préservée (trachéotomie transitoire
mais pas de trachéostome), mais la voix sera toujours plus ou moins touchée, ainsi que la déglutition. En fonc-
tion de l’étendue locale plus ou moins importante, les lésions sont classées T1, T2, T3 ou T4 (de l’extension
moindre à l’extension maximum).

166
Dans les cas de laryngectomie et de pharyngo-laryngectomie totales, la voix laryngée disparaît de fait totalement,
des troubles de la déglutition peuvent exister et persister.
Concernant cette chirurgie carcinologique, on peut classer, schématiquement, ces interventions en 3 types :
• la cordectomie (Tucker) : une ou deux cordes vocales (tumeurs de la ou des cordes vocales, avec extension ou
non à la bande ventriculaire)
• la laryngectomie partielle : laryngectomie horizontale sub-totale susglottique avec CHEP (crico-hyoïdo-
épiglotto-pexie), la laryngectomie sub-totale avec CHP (crico-hyoïdo-pexie) ou laryngectomie sub-totale
verticale : hémi-laryngo-pharyngectomie (tumeurs localisées du sinus piriforme, tumeurs de la margelle laté-
rale ne dépassant pas la ligne médiane avec larynx mobile)
- la pharyngo-laryngectomie ou laryngectomie totale plus classique, avec ou sans greffe d’un lambeau muqueux
ou musculo-cutané pédiculé de grand pectoral : tumeurs larges de la ou des cordes vocales – tiers antérieur –
et/ou du sinus piriforme : ablation totale du larynx ou du pharyngo-larynx avec trachéostome (avec ou sans
pose d’implant phonatoire).
Dans les jours qui suivent l’intervention chirurgicale, l’équipe médicale vérifie la perméabilité de la voie
oesophagienne (absorption d’un liquide teinté). Pour éviter des difficultés d’alimentation et un amaigrissement
du patient qui a besoin de ses forces pour guérir, est posée une sonde d’alimentation oesogastrique (par le nez)
ou plus souvent actuellement gastrostomique (directement dans l’estomac).

Avant, puis après laryngectomie totale

Il ne sera pas question ici, bien évidemment, des interventions très "limitées" anatomiquement sur le larynx en
cas de lésions néoplasiques réduites : cordectomie, hémilaryngectomie verticale au laser… Dans ces cas précis,
la perte de la voix n’est pas forcément totale, et la fonction respiratoire n’est pas déviée par un trachéostome.
La rééducation, ainsi que toute la prise en charge, s’en trouve dès lors fort différente, et ressemble davantage à
une rééducation vocale en cas de paralysie récurrentielle.

B - LES PRINCIPALES FONCTIONS PHARYNGO-LARYNGÉES


Les fonctions pharyngo-laryngées essentielles qui vont nous concerner dans les cancers cervico-faciaux, suivant
l’importance de l’exérèse et/ou de la reconstruction, sont :
1 - la déglutition et tout ce qui s’y rattache
2 - la respiration et tout ce qui s’y rattache
3 - la phonation et donc la communication oro-verbale.

1 - La déglutition
Cette fonction, liée essentiellement à l’alimentation (solide et liquide), est un phénomène qui paraît si spontané
qu’on en oublie qu’elle nécessite la coordination d’un grand nombre d’activités motrices volontaires et/ou
involontaires. Habituellement effectué de manière non consciente et fortement automatisée, répété plus de mille

167
fois par 24 heures, fonction primitive et d’importance vitale, l’acte de déglutition requiert la coordination
précise et rapide de l’ensemble des structures anatomo-physiologiques buccale et pharyngo-laryngée : la déglu-
tition est indispensable à deux autres fonctions fondamentales, la nutrition et la protection des voies aérien-
nes.
L’analyse des phases de cette fonction est rendue difficile par la complexité et la rapidité des enchaînements de
mouvements, décrits en 3 phases dont seule la première est un acte volontaire, les deux autres s’enchaînant de
manière réflexe :
• la phase labio-buccale
• la phase pharyngée
• la phase oesophagienne.
Bien évidemment, toute exérèse ou intervention plus ou moins mutilante qui touche le muscle labial, la langue,
le pharynx et/ou le larynx va entraîner des difficultés, momentanées ou plus durables, de la fonction de déglutition,
qu’il s’agira de prendre en compte en tant que troubles fonctionnels spécifiques. De manière associée, le goût et
l’odorat risquent eux aussi d’être perturbés. Enfin, une radiothérapie complémentaire ou préalable à la chirur-
gie carcinologique entraîne fréquemment des difficultés de salivation.
Le plus souvent une hyposialie pouvant aller, mais rarement, jusqu’à l’asialie les glandes salivaires étant irradiées et
rendues non fonctionnelles, trouble qui va compliquer encore la fonction de déglutition déjà perturbée.

2 - La respiration
Bien évidemment, c’est la pharyngo-laryngectomie totale qui va le plus perturber la fonction physiologique de
respiration. En effet, dans ce cas, le chirurgien est contraint, en raison de l’exérèse du larynx, lieu carrefour entre
le canal respiratoire et le canal oesophagien, de détourner l’orifice respiratoire par un trachéostome, au niveau
du cou, juste au-dessus du sternum. Ce trachéostome, dont le diamètre, la forme et l’emplacement seront
fonction des obligations chirurgicales et des phénomènes de cicatrisation propres au patient, permet de main-
tenir la fonction vitale de respiration, en la séparant totalement de la voie oesophagienne. Il arrive aussi, dans
certaines techniques chirurgicales avec greffe d’un lambeau pectoral pédiculé que le trachéostome ne soit pas
centré, et que la "géographie anatomique" locale soit bouleversée. Ce trachéostome, durant une phase plus ou
moins longue de cicatrisation et de stabilisation anatomique, sera maintenu ouvert par une canule (en silicone
ou autre matière moderne, les canules en métal étant plus rares aujourd’hui) dont le diamètre, la forme et la
grandeur sont choisis par le chirurgien pour chaque patient.

Respirant désormais par cet orifice artificiel, la personne laryngectomisée, le plus souvent ancien tabagique, va
voir sa fonction physiologique respiratoire totalement fragilisée par l’absence du filtre que constituaient les fosses
nasales et le pharynx : filtre à impuretés, à température et à humidité. De ce fait, il conviendra de prodiguer force
conseils préventifs afin d’éviter, autant que faire se peut, toute infection des voies aériennes supérieures.
Dans les cas où le trachéostome n’est que provisoire (chirurgie partielle du larynx), la fonction respiratoire et
l’odorat retrouvent progressivement une fonctionnalité quasi normale.

168
3 - La phonation
Toute intervention chirurgicale dans la sphère ORL va entraîner une perturbation plus ou moins importante de
la phonation, articulation, parole et/ou voix, et donc de la fonction de communication. Un traitement par
irradiation du larynx peut provoquer une radiomucite, produisant une dysphonie caractéristique. Une chirurgie
linguale, mandibulaire et/ou labiale, par ses retentissements articulatoires évidents, provoque un trouble de
l’articulation et de la parole. Une cordectomie classique ou par laser ou une chirurgie reconstructive du larynx,
entraînent une aphonie ou une dysphonie importante, dont les paramètres sonores ressemblent à une paralysie récur-
rentielle. Enfin, une ablation totale du larynx prive totalement le laryngectomisé de sa voix ; il ne peut que chu-
choter, ou "grenouiller". En effet le larynx étant l’organe essentiel de la phonation, vibrateur naturel, lorsque le
chirurgien est contraint de l’enlever, ce sont toutes les fonctions qui sont touchées à la fois : déglutition,
respiration et phonation ; car ce conduit fibro-musculo-cartilagineux est interposé entre le pharynx en arrière
dans lequel il s’ouvre, la trachée en bas qui le prolonge et la base de langue en haut qui le surplombe.
C’est dans le domaine de la phonation disparue ou perturbée que l’orthophonie jouera naturellement, pleine-
ment et ouvertement son rôle en essayant de rétablir, en fonction des possibilités du patient, une voix nouvelle,
dite classiquement voix oesophagienne en raison de la fonction vibratoire qui est rétablie avec la bouche oeso-
phagienne ou néo-glotte, et ce quel que soit le procédé employé : injection, gobage ou déglutition d’air absorbé
par la bouche ou contenu dans la bouche. Dans le cas ou le patient est implanté (prothèse phonatoire interne),
c’est l’air provenant des poumons qui va être utilisé via l’implant phonatoire par obturation du trachéostome.
Compte tenu des fonctions pharyngo-laryngées essentielles dans la physiologie de la respiration, de l'alimentation
et de la communication verbale, toute agression dans cette zone va avoir des répercussions importantes pour la
vie quotidienne d'un individu.

C - LES THÉRAPEUTIQUES MÉDICALES


1 - Le suivi médical
Lorsque le diagnostic médical est posé pour le patient, après examen clinique du larynx en approche directe, après
biopsie et analyse anatomo-pathologique, après examens radiologiques (radiographies, scanner, Petscan et éven-
tuellement IRM), il reste au chirurgien à convaincre son patient d’une thérapeutique chirurgicale éventuellement
complétée par une radiothérapie qui sera adaptée à son cas particulier. Certains protocoles, pour certaines loca-
lisations et extensions limitées de lésions préconisent, avant le recours à une intervention chirurgicale qui sera
de toute façon plus ou moins mutilante, soit une radiothérapie seule préalable pour essayer de sauver le larynx,
soit une radiothérapie alliée à une chimiothérapie en première intention. Dans ce cas, ce sont les médecins
cancérologues qui assurent le traitement, le médecin ORL ayant été à l'origine du diagnostic.
Le risque vital étant toujours en jeu essentiellement en raison de la nature carcinologique de la lésion, de sa
localisation et de son extension, le chirurgien ORL sera parfois amené cependant à proposer une intervention
de chirurgie qui aura pour objectif de préserver au maximum les organes et les fonctions pharyngo-laryngées :
c’est alors une chirurgie partielle de la gorge qui est préconisée. Enfin, lorsqu’il n’y a aucune autre solution mini-
mum, le chirurgien propose une laryngectomie ou pharyngo-laryngectomie totale, et, au cas par cas et selon sa
maîtrise des techniques multiples, il offre au patient la possibilité de la pose d’un implant phonatoire. Cette
dernière indication n’est pas encore généralisée, car, nous le verrons, l’implant phonatoire oblige à des contrain-
tes d’hygiène et de remplacements de prothèse réguliers. L’implant phonatoire fait aussi l’objet de controverses
médicales, avec ses zélateurs et ses contempteurs.
Dans les suites médicales, le médecin traitant et le chirurgien reverront régulièrement leur patient : l’omnipra-
ticien pour le suivi médical général, le spécialiste pour un suivi longitudinal des suites opératoires et la
surveillance du risque d’une récidive loco-régionale.

169
2 - Les traitements complémentaires : radiothérapie et chimiothérapie…
Très fréquemment, lorsque le patient n’a pas subi sa laryngectomie après un protocole de soins fondé sur une
radiothérapie préalable avec ou sans chimiothérapie, la radiothérapie vient en complément de la chirurgie.
Le malade va donc devoir suivre, généralement pendant un à deux mois, une radiothérapie complémentaire à
raison de 5 séances par semaine ; l’intensité de cette irradiation, ainsi que le nombre de séances, sont fixés par
le spécialiste.
Cette période est généralement très éprouvante pour le malade ; non seulement il est encore fatigué et traumatisé
par la laryngectomie, par son récent séjour hospitalier et ses conséquences sur sa vie quotidienne, mais
encore doit-il compléter son traitement – c’est donc qu’il n’est pas guéri ! – par des séances quotidiennes ambu-
latoires en milieu hospitalier, où il côtoie d’autres "cancéreux", traitement qui apporte d’autres inconvénients nou-
veaux : le plus souvent, rougeurs et brûlures de la peau de toute la zone cervicale, perte progressive de la barbe,
perte de la salivation, du goût, difficultés et/ou douleurs lors de la déglutition, et fatigue et amaigrissement qui
s’ajoutent à la fatigue et à l’amaigrissement précédents…
Une chimiothérapie complémentaire va entraîner quant à elle, encore d’autres désagréments bien connus…
Le radiothérapeute sera lui aussi amené à suivre son patient à distance et régulièrement.

D - UN TRAVAIL INTERDISCIPLINAIRE
Dans ce cadre thérapeutique, et tenant compte des multiples intervenants qui gravitent autour du malade
laryngectomisé, depuis l’annonce du diagnostic, l’intervention et ses suites proches jusqu’à la prise en compte
de toutes les séquelles, il est légitime de se poser la question de la composition de l’équipe soignante qui prend
en charge ce malade du début de sa maladie jusqu’à sa réhabilitation, si tant est qu’on puisse considérer que la
réhabilitation dans ce cas peut être totale.

1 - Quelle équipe soignante ?


Vont donc être impliqués, dans l’ordre d’apparition, le médecin traitant pour le signalement des premiers
symptômes (enrouement persistant, dysphonies passagères, troubles dysphagiques), son orientation vers
le médecin oto-rhino-laryngologiste, qui, après toute observation suspecte du larynx, effectue une biopsie et
fait réaliser des examens radiographiques destinés à préciser l'extension locale de la lésion détectée; puis, le même
ORL annonce le diagnostic difficile au malade et à sa famille, et une proposition d’intervention chirurgicale (ou
tout autre traitement décidé en conférence avec les médecins impliqués dans le diagnostic) plus ou moins urgente
ainsi que les mutilations et séquelles fonctionnelles qu’elle va entraîner ; suites opératoires et thérapeutiques, de
l’intervention de l’orthophoniste, puis éventuellement de celle du pneumologue, il est aussi question des soins
infirmiers à domicile dans certains cas, du radiothérapeute pendant une période plus ou moins longue, puis
enfin souvent le masseur-kinésithérapeute ; sans oublier le transporteur sanitaire, qui sera mis à contribution
au moins pour toute la durée de la radiothérapie complémentaire ambulatoire… Dans cette équipe large inter-
viennent aussi à différents moments bien répertoriés, l'anesthésiste, le gastrologue, le chirurgien-dentiste et
éventuellement le psychiatre ou le psychologue du service d'oncologie. Ajoutons-y les homologues du
laryngectomisé, regroupés en association, qui font un travail de conseils et de soutien parfois extraordinaire, que
je n’hésite pas à insérer, toutes proportions gardées, dans l’équipe de soins.
Qui fait, ou qui doit faire quoi, parmi tous ces professionnels de santé, dans quel ordre, avec quelle mission,
et qui coordonne le tout ?

2 - Une équipe où chacun a son rôle


Paradoxalement, en tout cas c’est l’expérience de bientôt trente ans que nous en avons, les choses s’articulent assez
bien d’elles-mêmes et on pourrait dire "naturellement" avec le malade et sa famille. Certes, l’annonce du diagnostic
de cancer du larynx n’est pas facilement acceptée, et c’est un des moments les plus difficiles pour le malade et son
entourage. Dans les paroles de laryngectomisés, confiées à l’orthophoniste au décours de la rééducation vocale plus

170
ou moins longue qui va suivre, c’est ce moment qui est dit avoir été le plus dur ; d’autant que des reproches sont
souvent faits quant au "manque de délicatesse" avec lequel l’annonce médicale est parfois faite…
Du point de vue de l’orthophoniste que je suis, des relations privilégiées et très régulières – par écrit et par
téléphone – existent avec le chirurgien (ORL le plus souvent, cancérologue plus rarement, mais cela est dû à ma
situation géographique loin du CHU) ; un lien d’information existe aussi avec le radiothérapeute, et souvent,
dans les suites et en tant que besoin avec le masseur-kinésithérapeute et avec le pneumologue, ces malades étant
souvent sujets à des infections des voies aériennes. Les rapports avec le médecin traitant sont malheureusement
plus ténus, comme avec le radiologue, l’anesthésiste et le gastrologue, au moins pendant la première phase des
suites opératoires, et on peut comprendre pourquoi.
Le travail avec l’entourage du laryngectomisé, conjoint(e) et famille, mais parfois aussi enfants et amis, a une impor-
tance primordiale pour la réinsertion du malade et sa réhabilitation, tant physique que psychologique.

3 - Le médecin traitant
C’est lui qui est en première ligne au début de la maladie, et, en fonction de symptômes à présent bien connus
chez son malade dont il sait les habitudes et les risques de santé, qui va avoir les premiers soupçons d’un risque
de cancer. Il va donc orienter rapidement son malade chez un ORL pour obtenir un diagnostic spécialisé et
autorisé ; il est plus rare aujourd’hui que 6 mois ou un an soient perdus avec administration de force pastilles
ou sirop inopérants…
Lorsque le diagnostic grave est posé, si le médecin traitant demeure autour du patient et de sa famille, il "passe
la main" au spécialiste jusqu’à la fin des thérapeutiques médicales (chirurgie et radiothérapie). Il restera de fait
le coordinateur des soins autour du malade, par exemple en continuant à prescrire les traitements qu’il convient.
Il sera présent aussi pour répondre à tous les symptômes et angoisses qui vont apparaître dans les premiers mois
post-opératoires.

4 - Le chirurgien ORL
C’est lui qui, lors du premier examen ORL, par observation directe du larynx et de toute la zone pharyngo-laryngée
(observation indirecte au miroir, naso-fibroscopie), va soupçonner la présence d’une lésion néoplasique suspecte,
voire va réaliser immédiatement son diagnostic. Dans tous les cas, une biopsie sera nécessaire, pour analyse et
confirmation du diagnostic de cancer, ainsi qu'un bilan radiologique d'extension de la tumeur.
C’est alors qu’il aura la difficile tâche d’annoncer le verdict à son malade, de le lui faire accepter, si tant est que
cela soit possible, et de lui faire accepter la thérapeutique préconisée, ses conséquences multiples et l’échéance
des interventions ; en effet, il est parfois nécessaire de pratiquer en premier lieu une intervention pour créer le
trachéostome, puis de réaliser la laryngectomie dans un second temps chirurgical. C’est à cette période que le
médecin ORL peut avoir recours à l’aide de l’orthophoniste et/ou du "visiteur" de l’association locale des laryn-
gectomisés pour expliquer au malade et à sa famille ce que représente l’intervention, et comment on y répond
en termes de réhabilitation dans tous les domaines. C’est en tout cas une phase à laquelle il me semble que
l’orthophoniste devrait toujours être associé, plus habitué qu’il est, par sa formation, sa pratique et son expérience,
à prendre en compte la dimension "vie quotidienne" du laryngectomisé, nous le verrons par la suite.
Dans tous les cas le chirurgien intervient (l’intervention chirurgicale dure de 4 à 6 heures généralement),
surveille les suites opératoires immédiates (le malade étant hospitalisé pour une durée moyenne d’une quinzaine
de jours lorsque n’apparaît aucune complication) et ordonnance les soins infirmiers : pose et nettoyage de la canule
trachéale, soins cicatriciels, alimentation parentérale transitoire (sonde nasale ou sonde gastrique, cette dernière
solution étant plus fréquemment proposée de nos jours, car, même si sa pose – et plus tard sa dépose – nécessitent
une intervention spécialisée, cette solution d’alimentation est plus facile à gérer et entraîne moins d’inconvénients
et de risques que la sonde nasale posée dans une région dont les tissus sont cicatriciels), ré-alimentation progressive
per os, etc.

171
5 - Le radiologue
Ce spécialiste participe, par son examen hautement spécialisé et technologique, à l’établissement du diagnostic :
en effet, la radiographie, le scanner et le Petscan, voire l’IRM, permettent de faire le bilan de l’extension de la
lésion carcinologique, bilan qui aura des conséquences évidentes sur la thérapeutique qui sera envisagée.
Le radiologue travaille donc en étroite liaison avec le chirurgien et avec le cancérologue. Il sera consulté à nou-
veau lors de la surveillance médicale post-opératoire, lorsqu’il s’agira de vérifier l’existence ou non d’une récidive
loco-régionale.

6 - L’anesthésiste
L’anesthésiste intervient avant l’intervention chirurgicale, une fois qu’elle est décidée, par son examen pré-
opératoire. Et, bien évidemment, il joue un rôle essentiel pendant la durée de l’intervention et pendant la période
de "réveil" du malade. Son rôle est d’autant plus important que, souvent, les malades opérés sont âgés et
affectés de maladies respiratoires plus ou moins importantes (bronchites chroniques…).

7 - Le gastrologue
Le gastrologue est de plus souvent sollicité pour la pose d’une sonde gastrique d’alimentation, qui va simplifier
les suites opératoires et la cicatrisation des zones cervicales concernées par un détournement radical de la voie
d’alimentation. Il sera revu lors de la suppression de la sonde, parfois plusieurs semaines après l’intervention,
lorsqu’une alimentation per os sera redevenue possible et que ne subsistera pas de risque de phénomène de
dénutrition.

8 - Le pneumologue
La laryngectomie totale, en tant qu’elle est une intervention qui va détourner la respiration naturelle par le traché-
ostome (qui peut parfois être pratiqué quelques jours avant la laryngectomie), supprimant de fait le filtre naso-
buccal (poussière, température, humidification) ; cela va profondément modifier la physiologie respiratoire du
patient, d’autant plus que, très souvent, le patient étant un récent ou ancien adepte de l’herbe à Nicot, il est affecté
d’une bronchite déjà plus ou moins chronique, et donc d’une fragilité préalable de son système respiratoire.
En conséquence, dans ma pratique orthophonique, je demande au patient, lorsque cela n’a pas été fait préala-
blement à l’intervention chirurgicale, qu’un bilan pneumologique soit réalisé – capacité respiratoire, fonction
respiratoire, prélèvement de sécrétions bronchiques… - par le médecin pneumologue. Dans un certain nombre
de cas, ce dernier est amené à prescrire au malade un traitement particulier, voire à le soigner pour une
infection qui peut être contagieuse (j’ai moi-même été victime d’une telle contamination, qui a résisté un an
à 4 antibiothérapies…). En effet, l’orthophoniste, s’il doit prendre des précautions d’hygiène avec ses patients,
ne peut exercer l’orthophonie, a fortiori l’apprentissage de la voix oro-ou trachéo-oesophagienne, muni d’un masque
de protection…

9 - L’infirmière
L’infirmière hospitalière, de fait avant et après l’intervention, prodigue à l’opéré ses bons soins habituels qui sont,
en service ORL, spécifiques : soins de pansements classiques, certes, mais aussi soins trachéaux avec pose, dépose
et nettoyage de la canule trachéale, aspirations bronchiques quand c’est nécessaire, alimentation parentérale…
Lorsque la cicatrisation se fait avec complications et difficultés, par exemple lorsque apparaît une fistule (ou
plusieurs), même lorsque le malade sera revenu à son domicile, des soins infirmiers sont nécessaires pendant une
période plus ou moins longue en dehors de l’hospitalisation. Mais ce peuvent être aussi l’âge et la situation du
malade (vivant seul) qui nécessitent des soins infirmiers à domicile (dont la fréquence varie selon les malades).
L’infirmière sera donc instamment associée à l’équipe soignante, elle sera même la première professionnelle à recueillir
les angoisses du malade, les questions et les problèmes posés par le malade ou par sa famille.

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10 - Le masseur-kinésithérapeute
Après l’intervention, la période de cicatrisation et la radiothérapie complémentaire lorsqu’elle a été nécessaire,
il n’est pas rare que la zone cervicale soit très perturbée physiologiquement et puisse même perturber l’apprentissage
de la voix oro- ou trachéo-oesophagienne d’une part, la déglutition d’autre part, voire l’articulation de la parole :
tissus cervicaux oedémateux, manquant de souplesse, douleurs cervicales et scapulaires (en cas de curage ganglion-
naire large), perte de la musculature, sensibilité perturbée ou non recouvrée.
Pour compléter le suivi post-opératoire, il est alors indiqué de prescrire au malade une série de séances de
drainage lymphatique cervical et de massages et stimulations de la zone cervicale et cervico-scapulaire.
L’aide du kiné est primordiale, si on s’est assuré de sa compétence en matière de drainage lymphatique, technique
destinée à rétablir une bonne irrigation des tissus cervicaux, et donc leur souplesse et leur sensibilité.

11 - L’orthophoniste
L’orthophoniste est "naturellement", et ce depuis l’invention de la discipline, le professionnel de santé qui
intervient à la suite de l’intervention chirurgicale. Sa mission première est expressément de rétablir la fonction
de communication du malade par l’apprentissage d’une nouvelle voix, quelle que soit la méthode employée :
apprentissage de la voix oro-oesophagienne avec différentes techniques, apprentissage de la voix trachéo-
oesophagienne en cas d’implantation, apprentissage de l’utilisation d’un vibrateur externe, apprentissage d’une
bonne voix chuchotée…
Mais le rôle de l’orthophoniste va bien au-delà, nous le verrons au paragraphe III. Nous pensons qu’il va très vite
devenir, en tout cas pour certains laryngectomisés, la personne située au carrefour de toutes les autres disciplines,
celui avec qui on commence à oser s’exprimer comme on peut, et à qui on va, la confiance gagnant, parler de
plus en plus et confier angoisses et secrets qu’on ne peut dire à personne d’autre.
De ce fait, la responsabilité de l’orthophoniste auprès de la personne laryngectomisée est importante ; c’est ainsi
qu’il se devra d’être le point de rencontre et de communication avec tous les autres membres de l’équipe soignante
d’une part, mais aussi avec la famille et l’association des mutilés de la voix ; puis, plus tard, avec les fournisseurs
de produits destinés aux laryngectomisés : filtres tissus, protège douche, canules, filtres trachéaux…

12 - Le chirurgien-dentiste
Nous n’avons pas encore évoqué l’intervention du chirurgien dentiste autour de la personne laryngectomisée. C’est
pourtant souvent lui qui interviendra le premier, même avant l’intervention chirurgicale de l’ORL, pour un bilan
de la denture, pour l’extraction de certaines dents, voire de toutes les dents.
En effet, l’irradiation due au traitement radiothérapeutique complémentaire entraîne des contraintes et une
fragilisation de la dentition : par exemple, les soins dentaires seront fort délicats – risques hémorragiques –
pendant au moins deux années, il faudra une application quotidienne d’une pâte de fluor sur la denture qui
demeurera au moyen d’une gouttière réalisée après empreinte pour éviter que les dents ne cassent "comme du
verre" par la suite.
Enfin, en cas d’extraction de la totalité des dents du patient préalablement à l’intervention, il conviendra de faire
réaliser des prothèses dentaires, pour une meilleure mastication lors de l’alimentation, certes, mais aussi pour
une meilleure articulation de la parole et pour des raisons esthétiques.
La réalisation de ces prothèses se fera moins simplement que chez les personnes non laryngectomisées.

13 - L’aide technique : les matériels


Au cours de la période de réhabilitation du malade, l’orthophoniste, en accord avec l’oto-rhino-laryngologiste,
sera amené à préconiser, au cas par cas, des indications de filtres respiratoires trachéaux spécifiques. C’est lui
qui, la plupart du temps, entrera en contact avec les fournisseurs pour essayer de trouver le matériel qui correspond
le mieux aux particularités de son malade : positions du trachéostome, géographie anatomique,

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besoins spécifiques (le malade reprend-il une activité, laquelle, est-elle bien protégée des risques d’aspiration de
poussières, de produits toxiques, etc.).
Il sera aidé dans cette tâche par l’association locale des laryngectomisés, qui peut vendre et apporter un certain
nombre de produits directement au malade. Dans tous les cas, ces produits doivent être prescrits, s’ils bénéficient
d’une prise en charge financière, par l’assurance maladie.

14 - Et le psy ?
Dans certains cas, ceux pour lesquels une aide psychologique est réclamée (très rarement), et pour les personnes
dont il est constaté qu’elles font une dépression, bien avant toute tentative d’autolyse, en accord avec le médecin
traitant et le chirurgien, nous pouvons faire appel à une aide psychologique : psychiatre en ville, ou psychiatre
ou psychologue en milieu hospitalier.
Il arrive que ce soit l’orthophoniste qui repère une décompensation du malade, avec des phénomènes de laisser-
aller, refuser de se nourrir, ne pas prendre ses médications…, des manifestations de pleurs et d’effondrement
psychologique brutal, ou même des paroles qui sont dites et qui doivent impérativement être prises en compte.
Si quelques psychotropes peuvent aider à surmonter un passage difficile, une véritable thérapie de type
psychologique peut être mieux indiquée.

III – OÙ COMMENCE LA PRISE EN CHARGE ORTHOPHONIQUE ?


A - L’INFORMATION PRÉALABLE
La révélation d’un diagnostic grave, quel qu’il soit et quelle que soit la maladie, est toujours un moment difficile
pour le malade, qui n’est jamais prêt à entendre la vérité ou la réalité, surtout si elle est brutale et inattendue.
Elle est aussi difficile à admettre pour l’entourage du malade. Mais ce moment est aussi très difficile pour le
médecin, qui, même s’il est habitué à des situations dramatiques de ce type, n’est pas toujours en mesure d’avoir
une attitude adaptée à chaque cas, à chaque malade. En effet, trop souvent nous reviennent, au cours de nos nom-
breuses séances d’orthophonie, des paroles qui font état du vécu difficile de ce moment, vécu difficile qui est mis
sur le compte de l’attitude médicale. Evidemment, il faut entendre ces discours comme des discours de malades,
même si parfois des conjonctions d’informations peuvent faire croire à un fond de véracité. Les médecins, pas
plus que les orthophonistes, ne sont formés à affronter ces moments particulièrement difficiles dans leur vie
professionnelle.
C’est pourquoi nous croyons qu’au moment de l’annonce du diagnostic de cancer, le travail en équipe peut
être utile, chacun ayant sa personnalité, sa compétence et son expérience propres pour "affronter" le malade à
cet instant crucial, qui va déterminer aussi, dans une certaine mesure, sa façon de lutter avec l’équipe soignante
et sa famille contre cette maladie qui est encore synonyme de mort.

1 - Par le médecin
Le médecin a certes le rôle le plus délicat : c’est lui qui est maître du diagnostic, pour lequel il se repose sur une
analyse tangible de la biopsie. C’est à lui aussi que revient la rude tâche d’expliquer quelles sont les thérapeu-
tiques possibles, quels sont les risques ensuivis, quelles seront les séquelles selon la thérapeutique choisie. Dans
ces domaines, il faut avouer que les malades, pas plus que leurs familles, ne "comprennent" ce qui leur est dit ;
soit ils sont sourds à ce qui est dit à ce moment-là, sorte de déni de la maladie, soit ce qui leur est expliqué est
par trop rapide et par trop complexe. Les médecins savent-ils toujours choisir les mots qu’il faut ? Ont-ils assez
de temps pour expliquer, illustrer, répondre à toutes les questions et les provoquer ?

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2 - Par les visiteurs de malades, eux-mêmes laryngectomisés
Dans ce travail d’annonce du diagnostic, il est indéniable que si le futur opéré est d’accord, il faut qu’un
laryngectomisé de l’association locale, expérimenté et délicat, lui soit présenté. Il sera ainsi aidé à comprendre
ce qui se passe lorsqu’on est "guéri" de cette maladie, il constatera qu’on peut "s’en sortir" et qu’on peut à
nouveau communiquer socialement. Cela l’aidera certainement à prendre sa décision par rapport à ce qui est
proposé par le médecin. On ne dira jamais assez combien cette aide associative peut être bénéfique. En revan-
che, lorsque le malade ne souhaite pas rencontrer un laryngectomisé, il convient de respecter son souhait.

3 - Par l’orthophoniste
L’orthophoniste devrait être le partenaire naturel et privilégié du médecin et être présent à ses côtés lorsque le
diagnostic est révélé. En effet, peut-être a-t-il lui, davantage de temps pour expliquer les conséquences concrètes
de l’intervention chirurgicale, au moyen de schémas, voire de vidéos : respiration par le trachéostome, nouvelle
voix, conséquences sur la déglutition et sur l’alimentation…
De toute façon, ce travail-là, l’orthophoniste est amené à le faire lorsqu’il voit la personne laryngectomisée au
cours des premières séances, et même encore longtemps après. Il est étonnant de constater le besoin qu’ont de
nombreux malades de comprendre ce qui leur arrive, de comprendre aussi comment on va faire ensemble pour
"rééduquer" certaines fonctions et pourquoi on fait certains exercices ; et surtout, il est surprenant de constater que
très souvent les malades n’osent même pas poser leurs questions, très souvent au médecin, et avouent que c’est
plus facile de les poser à l’orthophoniste, qui leur semble plus proche d’eux.
Il serait donc intéressant de faire intervenir l’orthophoniste, presque systématiquement, lors de la révélation du
diagnostic, ou dans le même lieu, juste après son annonce par le médecin.

B - LA PERSONNE LARYNGECTOMISÉE
◆ Le premier contact
La rééducation, et plus généralement la réhabilitation médico-psychologique de la personne laryngectomisée
va se jouer par les contacts qui se nouent dès le début avec les membres de l’équipe de soins. Il va sans dire que,
préalablement, la confiance du malade et de ses proches dans le chirurgien est primordiale. Nous avons en effet
rarement constaté une remise en cause du diagnostic annoncé, confirmé par une ou d’autres consultations
spécialisées successives.
Pour ce qui concerne la "prise en charge orthophonique", elle se joue dès la prise de rendez-vous, même si celle-ci
est demandée par le conjoint par téléphone ; mais les orthophonistes savent tous cela. Le premier contact
physique aussi est primordial : souvent le malade que nous rencontrons vient tout juste de sortir de l’hôpital ou
de la clinique, il est affaibli, il porte parfois encore des pansements, ou des fils cicatriciels, voire une sonde nasale
ou gastrique. Il ne s’exprime plus et pense même qu’il viendra pour apprendre à parler et non pas à produire de
la voix… ; il s’énerve rapidement lorsque son conjoint ne comprend pas son "grenouillage" (bruits venus du fond
du néo-pharynx sans injection-éructation d'air et ressemblant aux bruits réalisés par une grenouille), ou ses ges-
tes, ou les deux…
Le moment de cette première rencontre sera donc essentiel pour la suite, d’autant plus que, souvent, il n’en a
pas terminé avec les soins : radiothérapie en vue – qui signifie que la maladie n’a pas complètement disparu –
soins infirmiers, alimentation aléatoire, ennuis de santé qui risquent de s’enchaîner…

◆ Sa "psychologie" : homme ou femme ?


Le plus souvent le cancer du larynx touche l’homme, âgé de plus de 50 ans, et en moyenne encore plus âgé.
Souvent aussi il s’agit d’une personne qui fumait, ou d’une personne alcoolique, voire dépendante de ces deux
substances à la fois. Le malade, bien qu’il soit à présent opéré, refuse toujours la fatalité de sa maladie :
pourquoi est-ce tombé sur lui, alors qu’il connaît untel qui fume bien plus, et en plus qui "picole"…

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Par ailleurs, homme malade, rescapé provisoire, le voilà réduit à quia, lui qui était peut-être avant autoritaire dans
sa famille, ou qui avait des responsabilités professionnelles ou associatives ; il a dû abandonner son métier, et peut-être
même sera-t-il mis en invalidité ! Très vite l’orthophoniste apprend à savoir à qui il a à faire, ce dont il tiendra
compte tout au long de la rééducation, qui deviendra très vite une "prise en charge globale". En cas de dépression
constatée, il conviendra de trouver les mots pour inciter le malade à consulter un psychologue ou un psychiatre,
car, bien que la prise en charge comprennent un abord "psychologique", l’orthophoniste n'est pas un psycho-
thérapeute.
Lorsqu’on est confronté à une personne laryngectomisée femme, ce qui est encore aujourd’hui assez rare mais
qui, si on en croit les statistiques sera plus commun dans les années à venir (celles-ci fument et boivent semble-
t-il de plus en plus souvent…), l’attitude de l’orthophoniste sera modifiée, l’atteinte et la mutilation esthétique
et corporelle étant vécues de façon autrement plus dramatique que chez l’homme ; c’est la féminité tout entière
qui est remise en cause, surtout s’il s’agit d’une femme encore jeune. Par ailleurs, la voix oesophagienne qu’elles
ont pu entendre ne correspond que très peu à ce qu’elles auraient pu attendre : voix caverneuse, rauque, grave,
graveleuse, peu harmonieuse…
Toutes ces spécificités prises en compte confirme encore une fois qu’une "rééducation orthophonique" ou une
"prise en charge orthophonique" de ce type doit être une thérapeutique sur mesure, en fonction de la person-
nalité du malade, de sa psychologie, de sa manière d’affronter la maladie, de la façon dont l’entourage accepte
et aide ou non, des exigences culturelles, sociales, professionnelles et familiales…

◆ La compréhension de la maladie, ses causes…


Un temps important de la prise en charge sera consacré à la compréhension de la maladie, à son étiologie, à
l’acceptation conséquente progressive de celle-ci et de ses conséquences multiples en termes de désagréments dans
la vie quotidienne.
Ces questions reviendront longtemps à la surface, comme pour se rassurer, comme un déni après le choc de la
révélation de la maladie, et pour ne pas trop tomber dans la culpabilisation : "si j’avais su, je n’aurais pas fumé
tant… ou bu aussi souvent et régulièrement" - "c’est sûr, le médecin m’a dit que c’était à cause de la cigarette, il
oublie que j’ai travaillé toute ma vie dans les vapeurs de diesel…" - "je connais quelqu’un qui a eu le cancer des
cordes vocales et pourtant il n’avait jamais fumé de sa vie…".
A tout cela, il faut savoir répondre, mais il faut aussi savoir calmer les angoisses, donner des réponses techniques
lorsque c’est possible.

◆ Un nouveau corps, une nouvelle identité, une nouvelle image de soi pour soi et pour les autres…
Comme toutes les mutilations chirurgicales, ou accidentelles, le malade a du mal à accepter sa nouvelle image,
son nouveau schéma corporel, sa nouvelle identité. De plus, cette mutilation entraîne la mutité, et donc, dans
une certaine mesure, la rupture du lien social. Peut-on imaginer se réveiller, et vouloir dire une phrase, et n’en-
tendre que du silence articulé sortir de sa bouche : sentiment d’impuissance absolue et brutale, plus de possibi-
lité d’agir sur le monde ! C’est ce qui arrive à la personne laryngectomisée, à son réveil, dès qu’elle est sortie de
la léthargie anesthésique : prise de conscience cruelle de la mutilation vocale, bien avant la prise de conscience
de toutes les autres séquelles.
Et puis, c’est la révélation du trachéostome, qu’on voit dans le miroir, à la base de son cou, trou supplémentaire
et artificiel duquel surgit un tuyau de plastique, la canule, encombrée de sécrétions, sensation angoissante
d’étouffement, expectorations violentes.
C’est une autre personne physique : "je ne parle plus, les autres ne comprennent rien à ce que je leur chuchote,
ils me tendent un papier et un crayon, ou une "ardoise magique", je ne sens plus aucune odeur, les muscles de
mon cou tiraillent, j’ai la bouche sèche et pâteuse, on m’alimente par un tuyau et je ne goûte plus rien ; cela
va-t-il être toujours ainsi ?".
"Et comment vont me regarder les autres ? Aurais-je le cran de sortir encore, d’aller faire des courses, de demander
une baguette à ma boulangère ?".
La laryngectomie est une catastrophe dans la vie d’un individu, il n’est plus la même personne après cette
intervention.

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◆ L’entourage
L’entourage, sa capacité à comprendre et à aider, sans infantiliser le malade, sera un partenaire "de soins" et de
réhabilitation très important, avec lequel il faudra compter. Encore faut-il qu’il soit en capacité d’aider de
manière adaptée. Combien de fois faudra-t-il s’entretenir avec le conjoint que n’en pourra mais, qui ne saura plus
y faire parce qu’il – le malade – est devenu si agressif depuis son opération, qui baissera les bras par impuissance
devant l’incompréhension verbale (a-t-on pensé au conjoint âgé qui est peut-être presbyacousique ?), et les soucis qu’il
donne.
Sans compter qu’il arrive que le malade se remette à boire, voire à fumer par le trachéostome !
Et combien de fois n’avons-nous pas vu une épouse, longtemps aliénée par un mari trop autoritaire, tenir sa
vengeance en raison de l’impuissance verbale de son époux enfin silencieux !
Les plaintes, du malade et de l’entourage, nous devrons les gérer du mieux que nous pourrons, avec l’idée qu’il
faudra ménager les deux parties, en nous appuyant tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre.
Ce qui est évident, c’est qu’un entourage compréhensif et délicat sera un allié essentiel pour l’orthophoniste, en
tout cas pour inciter le malade à parler avec ces bribes incertaines de nouvelle voix bizarre qui commence à se
faire entendre. La réhabilitation passe donc aussi par un travail actif avec la famille.
Et lorsque le malade vivra seul, il faudra avoir des contacts avec les personnes qui s’occuperont de lui, à domicile
ou dans la maison de retraite…

◆ La vie courante : ce qui "n’est plus pareil"


Nous l’avons vu, la vie après l’intervention de pharyngo-laryngectomie n’est plus pareille qu’avant. Au décours du
temps qui passe après l’opération, après les soins immédiats, la radiothérapie et ses séquelles propres atténuées, le
malade va découvrir petit à petit, peu ou prou, toute une série d’inconvénients et de désagréments dans sa vie :
• les contraintes d’hygiène et de prévention : l’existence du trachéostome, la modification de la respiration physio-
logique, la cavité buccale qui ne sert plus à respirer, la présence de dents résiduelles, vont commander des
gestes d’hygiène particuliers. Il s’agira de se "moucher" régulièrement par le trachéostome, d’expectorer les
sécrétions nombreuses pour éviter qu’elles ne dessèchent et risquent d’obstruer les bronches et/ou la trachée.
Le matin, ce type de soins prendra du temps au malade, les sécrétions s’étant accumulées pendant la nuit.
Il conviendra d’effectuer régulièrement les soins dentaires (gouttière avec produit fluoré) et d’avoir une hygiène
buccale impeccable (bains de bouche, surveillance de l’apparition d’une éventuelle mycose buccale).
• l'abstention de tabac et d'alcool : bien évidemment, si le malade vient de s’arrêter par contrainte médicale
de boire et/ou de fumer, il faudra l’aider à ne pas sombrer à nouveau dans ces conduites addictives. Peut-être
faudra-t-il envisager une aide psychologique, ou par produits de substitution (patches…). L’entourage devra,
pour sa part, prendre des précautions pour éviter que le malade ne soit à nouveau tenté par ces produits. La
sensation de manque pourra provoquer comportements agressifs et inadaptés.
• les troubles du sommeil : très souvent, dans les semaines ou les mois qui suivent l’intervention, la personne
laryngectomisée présente des problèmes de sommeil, dus essentiellement à l’anxiété provoquée par la maladie
et aux troubles respiratoires (expectorations fréquentes, sensations d’étouffement…). Il n’est pas rare, lorsque
le malade se plaint de ses insomnies, que le médecin prescrive une médication adaptée.
• les troubles de l'alimentation : dans les suites opératoires immédiates, la plupart du temps le malade est
alimenté par sonde oesogastrique ou gastrique. L’alimentation administrée par cette voie est spécifique et très
calorique (produits alimentaires médicaux). Lorsque ce type d’alimentation est abandonné après un temps qui
varie selon la guérison et la cicatrisation de la zone oro-pharyngée, la reprise de l’alimentation normale per os
se fait progressivement ; au début, il conviendra souvent que les aliments soient moulinés. Par ailleurs, lors-
qu’existe une perturbation des fonctions gustatives, voire une agueusie, il est conseillé à l’entourage (la personne
qui prépare à manger) d’étudier avec le malade les perceptions gustatives qui demeurent, qui réapparaissent,
et même de réapprendre les goûts. Enfin, il peut être utile d’avoir recours à l’aide d’une diététicienne qui
déterminera un régime alimentaire adapté au cas par cas, par exemple après une perte de poids excessive et une
difficulté à retrouver le poids initial. Pour aider certains malades qui présentent des dysphagies, en raison soit
de difficultés de cicatrisation, soit de sténose partielle ou totale de l’œsophage, il est utile aussi d’épaissir les
liquides par des produits spéciaux, disponibles en pharmacie.

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Enfin, en raison de la perturbation de la salivation (hypo- ou asialie), on recommande au patient de manger
peu d’aliments hydrophiles : mie de pain, purée de pomme de terres, etc. ; ou de manger en buvant beaucoup.
Dans tous les cas, il leur est conseillé de boire énormément (ce qui permet aussi de bien hydrater les cellules
pulmonaires, et donc de mieux éliminer les sécrétions).
Malgré l’intervention et ses séquelles gênantes, il est possible que la personne laryngectomisée trouve à nou-
veau agréable de s’alimenter avec plaisir ; il existe un livre de recettes spécialement conçu pour redonner du goût
à tous les malades touchés dans leur plaisir de manger : "Les plaisirs de la table retrouvés", Editions Jaquet,
Paris 2003, disponible à la Librairie Mot à Mot, 5 rue Dugommier - 75012 Paris – tél : 01.43.44.07.72.
commande par internet à www.mot-a-mot.com
• les troubles du goût : comme nous l’avons vu dans le paragraphe consacré à l’alimentation de la personne laryn-
gectomisée, il arrive fréquemment que la perception des saveurs soit perturbée, et même parfois qu’il n’existe
plus aucune perception de saveur (agueusie) ; dans ce cas, quel que soit l’aliment absorbé, le malade a l’im-
pression de manger une matière insipide. Seules, nous expliquent-ils certaines fois, la couleur, la texture et la
connaissance qu’ils ont de l’aliment absorbé leur permet de faire appel à leur mémoire gustative ; ils savent qu’ils
mangent des haricots verts par exemple, et ont alors l’impression de goûter les haricots verts. Le plus fréquemment,
le goût, perturbé par l’opération chirurgicale et surtout par la radiothérapie complémentaire, revient petit à petit
et par bribes au bout de quelques mois.
• les troubles de l'odorat : si la fonction demeure intacte, c’est la modification du canal respiratoire qui l’inva-
lide ; le malade ne perçoit plus les odeurs, sauf parfois des odeurs prégnantes… Cette fonction pourra être en
partie réactivée par l’apprentissage d’une autre technique d’absorption des odeurs environnantes, lorsque la
personne le souhaite : il suffit d’inverser le passage de l’odeur, en la propulsant de la bouche vers la sortie que
constitue le nez (comme fait habituellement un fumeur qui "tire" sur sa cigarette et qui rejette la fumée par le
nez). Même si cette fonction annihilée semble être un détail au milieu de tous les autres désagréments
conséquents de la laryngectomie, la réhabiliter, même en partie seulement, est important pour le malade…
• les perturbations de la force physique : l’absence de larynx, donc de glotte, ne va plus permettre de bloquer
la respiration, ce qu’on fait habituellement par réflexe, pour effectuer un effort important, par exemple soule-
ver un meuble pour le déplacer. Par ailleurs, en cas de greffe d’un lambeau du muscle pectoral, ou en cas de
curage ganglionnaire cervico-scapulaire large, le côté du thorax concerné – et surtout la force du bras – sont
plus faible désormais. Il conviendra, au cours des premières séances d’orthophonie, et lorsque le malade
commence à être en confiance, de l’informer aussi de ce type d'incommodité, en lui expliquant que c’est une
séquelle normale.
• les difficultés d'élimination : dans le même ordre d’idée – absence de glotte ne permettant plus de bloquer
la respiration pour effectuer un effort –, la personne laryngectomisée sera souvent constipée, et aura des difficultés
à expulser. Le médecin, prévenu, sera alors amené à prescrire des médications spécifiques.
• les troubles éventuels de la sexualité : en ce qui concerne la sexualité, plusieurs paramètres sont en cause qui
vont éventuellement perturber, parfois gravement, voire définitivement, cette fonction. Une abolition du désir
sexuel peut provenir de la mauvaise image de soi qu’a la personne laryngectomisée, et du sentiment dévalorisé
qui s’y attache : "je ne puis plus attirer physiquement", "je ne suis plus coquette"… Cette perturbation, qui
va toucher davantage le sujet jeune et encore dans la force de l’âge, mais peut-être différemment la femme que
l’homme, est aussi fonction de l’acceptation du nouveau schéma corporel, avec cet "orifice" nouveau à la base
du cou, et "tout l’attirail" qu’il convient de porter dans la situation amoureuse pour ne pas "souffler sur
l’autre"… Enfin, là encore, l’absence de glotte, et donc de blocage respiration pendant un effort, pourra être
gênant (peut-être plus chez l’homme).
Cet aspect des séquelles de la laryngectomie est rarement évoqué par le malade, encore moins par le conjoint…

◆ La nouvelle vie
La révélation du diagnostic de cancer, l’annonce de la thérapeutique mutilante et invalidante qui s’ensuivra, et
le constat, après l’intervention, de toutes les séquelles, même si certaines ne sont pas irréversibles, obligent la
personne laryngectomisée à modifier totalement sa vie : nouvelle hygiène de vie (abstinence alcoolo-tabagique totale),
nouvelle façon de s’alimenter, nouvelle image de soi, nouveau schéma corporel, nouveaux soins quotidiens

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(trachéostome, filtres, implant phonatoire…), nouvelles sensations physiques, dépréciation psychologique,
irritabilité, fatigabilité, complexe de n’être plus performant comme avant, perturbation et modification, voire absence
de communication sociale (rendue plus difficile), mise en longue maladie dans un premier temps puis mise en
invalidité permanente pour les personnes encore dans la vie active, en invalidité partielle avec reprise d’un
travail à un poste protégé pour quelques-uns seulement…
C’est vraiment une autre vie qu’apprend à vivre la personne laryngectomisée : les rapports familiaux sont modifiés,
une dépendance nouvelle est apparue, les relations sociales sont plus difficiles ou refusées parfois, travailler ou
bricoler devient pénible et vite fatigant ; dans ce contexte, inutile de répéter que la présence bienveillante et
adaptée de l’entourage peut éviter une nouvelle catastrophe…

C - ET LA RÉÉDUCATION ORTHOPHONIQUE ?
Si jusqu’à présent nous avons mis l’accent davantage sur la "prise en charge" de la personne laryngectomisée
que sur la "rééducation" orthophonique proprement dite, c’est parce que, au-delà de l’aspect technique de certains
apprentissages – déglutition, voix etc. – nous nous occupons d’une personne traumatisée par la maladie : la cons-
cience du malade demeure totale, et aujourd’hui, aucun malade n’ignore plus qu’il était atteint d’un cancer de
la gorge, ne serait-ce que parce qu’on présente la maladie telle qu’elle est et ses séquelles dans les documents de
prévention, voire dans des spots télévisés. Cela ne signifie aucunement qu’il faut négliger l’apport "technique"
de l’orthophonie dans ce domaine spécifique, bien au contraire. Si l’orthophoniste se présente au malade comme
le professionnel qui prend en charge une personne laryngectomisée une fois l’opération réalisée, seront plus
facilement acceptées par le malade les contraintes des apprentissages orthophoniques.

◆ La déglutition : dans un certain nombre de cas, la personne laryngectomisée présente une dysphagie transitoire,
qui peut être provoquée par différentes causes :
• phénomènes cicatriciels empêchant une bonne reprise de la déglutition,
• présence d’une fistule qui laisse passer des aliments (dans ce cas, l’alimentation parentérale est encore recom-
mandée jusqu’à résorption totale de la fistule),
• fonction de déglutition trop longtemps non utilisée en raison de l’alimentation par sonde (nasale ou
gastrique),
• sténose partielle de l’œsophage après l’intervention chirurgicale (en cas de sténose totale, le chirurgien tentera
"d’écarter" les parois oesophagiennes resserrées, ou alors sera tenté un "pontage" par greffe d’un bout
d’intestin).
Dans le cas d’une dysphagie, la rééducation se fera classiquement par apprentissage des étapes de la déglutition,
après explications, et la fonction sera entraînée avec des aliments adaptés.

◆ Les fonctions oro-faciales


Les fonctions oro-faciales sont toujours peu ou prou perturbées par l’intervention chirurgicale ; sont en cause
essentiellement la langue et le muscle labial. N’oublions pas non plus que très souvent, la personne laryngecto-
misée s’est vue priver d’une partie ou de la totalité de sa dentition, et qu’il n’est pas question, dans l’immédiat,
de faire adapter une prothèse dentaire ; il est donc évident que tous les repères proprioceptifs sont bouleversés.
Il est donc recommandé, et pas inutile du tout, dans le but de l’apprentissage de la voix oro-oesophagienne et
même de la voix trachéo-oesophagienne (cela sera utile aussi pour la déglutition et l’alimentation), de passer un
certain temps à fortifier, à entraîner ces muscles à des gestes affinés par des exercices simples. En effet, ces mus-
cles seront nécessaires pour l’apprentissage de l’injection d’air, et pour une bonne articulation :
• exercices de gymnastique du muscle labial : étirement des commissures labiales, arrondissement labial,
"bisous", explosions et implosions labiales, grimaces diverses…
• exercices de gymnastique linguale : tirer et rentrer la langue, la faire claquer au palais dur, la sortir de la bouche
et balayer de droite à gauche…
• exercices de gymnastique jugale : gonfler les joues avec l’air résiduel de la bouche pour obtenir une bonne
occlusion labiale…

179
Dans un certain nombre de cas, et ce dans la première phase de l’apprentissage de la voix oro-oesophagienne,
il sera utile d’assouplir les tissus du cou traumatisés par les cicatrices et/ou les effets de la radiothérapie afin de trou-
ver un positionnement de la bouche oesophagienne plus favorable à l’injection-éructation de l’air : si le malade
ne bénéficie pas de l’aide thérapeutique d’un masseur-kinésithérapeute (drainage lymphatique et massages
cervicaux), il s'agit de lui faire exécuter de lentes rotations de la tête et des mouvements de droite et de gauche et
de bas en haut…

◆ L’apprentissage d’une "nouvelle" voix


Après pharyngo-laryngectomie totale, le malade devient "muet" ; perdant son larynx, il a perdu en même temps
la fonction vocale vibratoire. La mission principale de l’orthophoniste, rôle technique s’il en est, sera d’enseigner
à la personne laryngectomisée à produire une nouvelle voix.
Si le malade a bénéficé d’une intervention "classique" sans pose d’implant phonatoire, il s’agira de tenter lui appren-
dre ce qu’il est désormais convenu d’appeler "voix oro-oesophagienne" avec ce qui subsiste de son
pharynx et de la bouche oesophagienne reconstruite par le chirurgien. Il s’agira donc de donner à la bouche
œsophagienne, ou néo-glotte, une fonction volontairement vibratoire qu’elle ne possède naturellement que de
façon incontrôlée dans l’éructation involontaire.
Dans le cas de pose d’un implant phonatoire (ou prothèse phonatoire interne), la voix qui sera enseignée en
priorité est la "voix trachéo-oesophagienne", puisqu’elle fait appel à l’air venu des poumons, comme lorsque
le larynx était encore fonctionnel. Cet apprentissage spécifique n’interdit pas, bien évidemment, l’apprentissage
concommittant ou ultérieur de la voix oro-oesophagienne, qui viendra en secours de la voix trachéo-oesopha-
gienne en cas d’ennuis particuliers avec la prothèse.
Enfin, en cas d’échec de l’apprentissage d’une nouvelle voix, ne subsistera plus que la solution du vibrateur
externe et de l’amélioration de la voix chuchotée.
"Le terme de voix oesophagienne est consacré par l’usage depuis la présentation par Gutzmann à Vienne en 1908 de
25 laryngectomisés s’exprimant à voix haute3".

1 - La voix oro-oesophagienne : les différentes méthodes


Le principe de la voix oro-oesophagienne repose sur la mise en vibration volontaire de la bouche oesopha-
gienne par différentes méthodes ; il est fondé sur l’éructation volontaire. Quelle que soit la méthode utilisée
(nous essaierons de les décrire rapidement : par déglutition, par aspiration ou gobage, par blocage et par injec-
tion), l’orthophoniste essaiera surtout de trouver celle qui convient à son malade. D’ailleurs, il est rare que la façon
qu’a le malade de produire sa nouvelle voix soit orthodoxe et corresponde précisément à l’une ou l’autre méthode
décrite ; il utilisera une voix "hybridée", qu’il fera fonctionner du mieux qu’il pourra sans se rendre compte
exactement de ce qu’il fait.
Enfin, il nous paraît important de préciser que si l’orthophoniste maîtrise une méthode d’éructation volontaire,
même sans que son utilisation soit aisée, c’est-à-dire sans parler d’une voix fluente, il sera plus facile pour lui de
l’enseigner à la personne laryngectomisée, qui s’appropriera ce savoir-faire plus volontiers ; l’expérience person-
nelle dans ce domaine est essentielle pour pouvoir transmettre à l’autre en ressentant soi-même les manifesta-
tions proprioceptives.
Enfin, dans ce domaine de l’orthophonie encore davantage que dans d’autres, le terme de rééducation est mal
approprié, bien qu’on puisse considérer qu’il s’agit d’une rééducation de la parole ; en réalité, il s’agit plus de
l'apprentissage ou de l'appropriation ab nihilo d’une nouvelle voix par le truchement d’un organe naturellement
consacré à une autre fonction que la fonction vocale.
Bien évidemment, loin de nous l’idée de préférer l’une ou l’autre de ces méthodes ; en réalité et en pratique, le
choix de telle ou telle méthode se fera au cours des "essais" et des "tentatives" de production des éructations par
le malade. Et, avant de commencer l’apprentissage proprement dit, une phase pédagogique d’explication, avec
des schémas, des exemples, des comparaisons, sera nécessaire, et tous les orthophonistes passent par cette phase
incontournable. Cela étant, rien ne dit au départ qu’une personne acceptera "psychologiquement"
3
Le Huche F. et Allali A, Réhabilitation vocale après laryngectomie totale.

180
sa nouvelle voix.
Enfin, de manière pratique, avant de débuter la "rééducation" proprement dite, il est utile de demander simple-
ment au sujet s’il sait déjà roter ; peu de personnes font en effet le rapport entre le phénomène d’éructation spon-
tané et/ou volontaire et l’apprentissage de cette nouvelle voix qui reposera sur le même mécanisme ; là encore,
il faudra s’appuyer sur "les savoirs cachés ou inconscients" des personnes dont nous avons la charge.
Dans tous les cas, deux manières de faire peuvent être décrites pour obtenir les "injections" d’air dans la bouche œso-
phagienne nécessaires à la production d’éructations : soit on "tire" l’air dans l’œsophage (gobage), soit on pousse
l’air dans l’œsophage (méthode par déglutition, par blocage, méthode hollandaise).
Des exercices pratiques sont réalisés préalablement à l’apprentissage de la nouvelle voix :
• l'indépendance des souffles
• l'articulation chuchotée
• les praxies linguales et mandibulaires
Voyons à présent, de manière formalisée, les principales méthodes d'apprentissage de voix oro-oesophagienne
répertoriées depuis le début du XXe siècle :
• la méthode classique dite de déglutition : décrite par Gutzmann en 1909, elle est fondée sur l’utilisation de
la déglutition qui va permettre au malade de prendre conscience du mécanisme de l’entrée d’air dans la bou-
che oesophagienne préalablement à l’éructation : la consigne sera donc, pour résumer : "avalez puis rotez", consi-
gne relativement facile à comprendre de tout un chacun, puisqu’il est arrivé à tout le monde de roter spontanément
après avoir bu, par exemple. Pour arriver à maîtriser ce mécanisme, il conviendra de passer par une phase plus
ou moins longue d’ingestion d’eau ou bien mieux d’eau gazeuse qui facilitera l’éructation. Lorsque l’eau est ava-
lée, on recommande au malade de contracter sa sangle musculaire abdominale, ce qui vise à créer un courant
d’air ascendant dans l’œsophage. Si au début les éructations sont longues à venir, il faut insister, car un "trop
plein" d’air dans l’estomac tend toujours à s’évacuer. L’entraînement devra donc être insistant, jusqu’à créer un
automatisme, qui permettra par la suite de se passer de déglutition de liquide ; seul l’air finira par être avalé.
Très souvent, cette méthode sert à débuter toute rééducation, et permet à la personne laryngectomisée de
prendre conscience du phénomène et de l’expérimenter.
• la méthode hollandaise : venue des Pays Bas comme son nom l’indique, elle est le résultat du travail d’analyse
personnel d’une personne laryngectomisée, M. Jean Winter (1952). En effet, cette personne avait constaté la
plus grande facilité qu’il avait à "injecter" de l’air directement dans la bouche oesophagienne en prononçant
des mots qui commençaient par certaines consonnes : il a donc découvert "l’effet injectant" du geste
articulatoire des consonnes occlusives non voisées, et dans une moindre mesure des consonnes fricatives
sourdes. Il a donc systématisé ses constatations, en préconisant, comme premières productions vocales, non pas
des voyelles mais des syllabes dont le premier phonème serait ces consonnes facilitant l’injection automatique
d’air. La musculature labiale et linguale est sollicitée de façon très tonique pour réaliser les injections d’air en
appui sur les gestes moteurs de production des consonnes ; d’où l’intérêt de fortifier et d’affiner toute la mus-
culature de la zone oro-faciale, dans cette technique comme dans les autres d’ailleurs.
Quelle que soit la méthode, un bruit particulier – plus ou moins audible selon chacun – signera l’entrée d’une
"bulle" d’air dans l’œsophage.
Dès les premiers pas dans les apprentissages, ce ne sont donc pas des sons isolés non significatifs que nous allons
essayer de produire, mais bien des mots ou des morceaux de mots porteurs de sens, les voyelles qui suivent les
consonnes injectantes étant produites automatiquement, sans effort spécial. Car n’oublions pas ce que nous recher-
cherons en affinant la production de la nouvelle voix : la production de mots et de phrases, de la manière la
plus fluente possible, sans aucun comportement d’effort, et sans souffle trachéal parasite qui signe l’effort et la
non-maîtrise de l’indépendance des souffles.
Cette "méthode" présente enfin l’avantage d’éviter d’injecter, préalablement à la phonation, une grande
quantité d’air, qui peut provoquer aérophagie, aigreurs et brûlures dans l’œsophage ou dans l’estomac. C’est
donc en parlant qu’on éructe, en injectant une quantité d’air suffisante pour produire les syllabes des mots, et
de façon à obtenir quand même une bonne "fluidité" verbale ; c’est là tout l’intérêt du principe de la méthode
hollandaise.

181
• la méthode du gobage (Seeman) : cette technique d’éructation volontaire est aussi dénommée "méthode par
succion ou par inhalation". Au lieu de déglutir l’air contenu naturellement dans la cavité buccale, le sujet est
invité (ou réalise spontanément) à "gober" de petites quantités d’air au moyen de ses lèvres et d’un mouvement
caractéristique de la mandibule, l’aspiration conséquente au mécanisme de gobage faisant entrer l’air dans la
bouche de l’œsophage. Pour réaliser ce gobage, l'aspiration rapide et nette est facilitée, la sangle abdominale
étant contractée, par une dilatation de la cage thoracique due à une inspiration forcée ; puis, succédant au blo-
cage de la sangle abdominale, il convient de réaliser un mouvement inspiratoire abdominal qui abaissera le dia-
phragme, et, ce faisant, une aspiration (comme le ferait une pompe à vélo) dans l’œsophage aidera l’injection.
Là encore, un bruit caractéristique d’entrée d’air dans la bouche oesophagienne témoignera de la
réussite du mécanisme.
Ensuite, il conviendra, tout comme dans la méthode classique par déglutition, de travailler les éructations-
voyelles, puis d’essayer progressivement de produire syllabes puis mots.
• la méthode des blocages : elle est décrite pour la première fois par le centre de prise en charge des Deux Tours
à Marseille au début des années 1970. Cette méthode consiste à créer des mouvements de blocage de l’air
contenu dans la cavité buccale au moyen des joues et des lèvres, de façon à créer une compression de cette
quantité d’air, compression qui va "pousser" l’air vers l’arrière gorge et l’injecter dans la bouche oesophagienne.
Par cet entraînement, le malade prend progressivement et peu ou prou l’habitude d’injecter de l’air et de
produire des éructations vocaliques, qui lui permettront peu à peu d’émettre des syllabes puis des mots.
Ces mécanismes de blocage sont souvent plus fatigants que les autres méthodes car ils exigent un effort
physique plus important.

La voix oro-oesophagienne, pour conclure provisoirement :


Quelle que soit la méthode d’apprentissage choisie par l’orthophoniste, nous pensons qu’elle doit être déterminée en
fonction des possibilités propres du malade, le but recherché étant cette finalité simple : produire une nouvelle
voix, la voix oro-oesophagienne. Bien évidemment, si certains défauts (grenouillage, souffle trachéal parasite, impré-
cision articulatoire, intensité faible…) peuvent être évités dès le départ, c’est tant mieux. Dans le cas contraire,
il sera temps d’essayer de les corriger par la suite, même si on sait que cela s’avèrera plus difficile.
Il n’est pas rare non plus qu’on soit obligé d’avoir recours à une pression d’un doigt sur le cou – il faut recher-
cher le bon endroit et trouver la bonne pression (direction et force) – pour repositionner ou décontracter un
œsophage encore oedémateux ou dévié, facilitant ainsi l’injection d’air.
Répétons aussi, qu’à notre avis, il n’y a pas, a priori, une méthode plus valable ou plus efficace qu’une autre ; en
effet, lorsque nous avons en charge une personne laryngectomisée, ce qui importe, c’est de lui donner le plus
rapidement possible les moyens d’obtenir des éructations, fondation qui permettra de construire cette nouvelle
voix nécessaire à la production d’une parole audible par autrui.
Par ailleurs, il est très rare qu’un malade utilise exclusivement une seule "méthode" orthodoxe ; nous pensons
que toutes les manières de produire des éructations sonorisées et vocalisées sont présentes plus ou moins en même
temps dans la voix oro-oesophagienne, avec prédominance de celle qui est plus efficace.
Ce qui importe avant tout, c’est de réussir à apprendre au malade à bien produire sa nouvelle voix, avec une bonne
articulation et une excellente différenciation des voyelles (orales et nasales) afin que l’intelligibilité la meilleure
possible soit atteinte ; pour ce qui est de la fluidité de la parole, ce paramètre, à notre avis, ne nécessite pas de
travail ni d’exercices particuliers, tout au moins dans la plus grande phase de l’apprentissage : la fluence verbale
(possibilité d’émettre un maximum de syllabes au moyen d’une seule injection d’air) s’acquerra par l’expérience,
au fil du temps et de l’utilisation de la voix oro-oesophagienne.
Pour ce qui concerne le temps nécessaire à l’acquisition de la voix oro-oesophagienne, il sera difficile de
déterminer une moyenne ; en effet, nul ne sera surpris de constater que ce temps varie selon chaque individu.
Dans notre expérience d’une trentaine d’années en cabinet libéral, il nous est arrivé de transmettre cet appren-
tissage – une belle voix et très fluente – aussi bien en quelques semaines, c’est-à-dire grosso modo en 20 séances
(mais la personne en question avait des dispositions certaines et une personnalité très réceptive) qu’en 18 mois
chez une autre personne ; le malade mettant un quart d’heure ou plusieurs mois avant d’obtenir une éructation

182
apparentée à une syllabe, quelques jours ou plusieurs semaines avant de prononcer des mots compréhensibles
après la maîtrise de l’éructation simple, et tout à l’avenant pour l’émission de phrases et pour la tenue d’une
conversation. Quoi qu’il en soit, l’apprentissage d’une bonne voix, efficiente et relativement harmonieuse et fluide,
s’acquiert avec le temps.
Il reste aussi, pour le malade, et pour l’entourage, à accepter cette nouvelle voix, bizarre, pas naturelle, manquant
d’harmoniques et parfois peu harmonieuse ; c’est une démarche psychologique importante aussi dans la maîtrise
et l’utilisation de la voix oro-oesophagienne. Nous avons déjà rencontré des personnes laryngectomisées qui savaient
faire pendant les séances, mais dont nous apprenions, par la suite, par eux-mêmes ou par l’entourage, qu’ils ne
s’en servaient guère en dehors de notre bureau…
Même si elle est plus longue et plus difficile à acquérir que la voix trachéo-oesophagienne, la voix oro-œsopha-
gienne présente l’intérêt d’être produite sans "outil" (vibrateur externe ou implant), et de laisser les mains
libres pour la communication ou le travail.
Il sera conseillé, de toute façon, de l’enseigner même aux personnes porteuses d’un implant phonatoire, pour le
cas où leur prothèse phonatoire ne pourrait être maintenue en place ; elle sera alors d’un grand secours,
puisqu’elle ne laissera pas le malade, brutalement, et pour la deuxième fois, sans voix.
Enfin, en cas d’échec total de l’apprentissage, ou en cas de refus d’utiliser cette voix (nous l’avons vécu une seule
fois avec une femme), le recours au vibrateur externe et à son utilisation permettra au malade de s’exprimer
oralement tout de même, dans certaines situations où la voix chuchotée est inopérante, au téléphone par exemple…

2 - La voix trachéo-oesophagienne
Cette voix caractérise la technique vocale employée en cas de pose, en première intention lors de la pharyngo-
laryngectomie totale, voire en seconde intention par la suite, d’un implant phonatoire, encore appelé prothèse
phonatoire.
Il n’est pas question ici de vanter les mérites de telle ou telle prothèse : tout juste les citerons-nous, en sachant
que les progrès techniques nous apporteront certainement à l’avenir d’autres produits.
Il n’est pas question non plus d’entrer dans la querelle de chapelles des chirurgiens ORL et cancérologues ;
il y a ceux qui posent des implants et qui sont convaincus de leur intérêt, il y a ceux qui y sont opposés, parce
que c’est compliqué, qu’il faut changer l’implant phonatoire régulièrement, et que cela demande un suivi médi-
cal plus soutenu, car il peut survenir des complications (fuites alimentaires dans les bronches, proliférations myco-
logiques…).
Toujours est-il que, et notre expérience personnelle en témoigne puisque nous travaillons régulièrement avec un
chirurgien qui est partisan, au cas par cas, avec l’accord du patient et uniquement lorsque cela paraît indiqué médi-
calement et socialement, de la pose de l’implant phonatoire ; dans la plupart des cas, l’apprentissage de la
nouvelle voix via l’implant a été spectaculaire (quelques séances seulement pour une voix nette et fluente) et n’a
demandé que peu d’efforts au malade. Il peut donc à nouveau communiquer verbalement à haute voix très
rapidement. (Signalons enfin que notre expérience exposée ici ne concerne pour le moment que les prothè-
ses phonatoires de type Provox, distribuées par Collin-ORL en France.)
Comment se déroule l’apprentissage ?
La première phase de l’apprentissage de la voix trachéo-oesophagienne consiste en une information précise
relative à l’implant, phase importante qui devrait avoir lieu le plus rapidement possible après l’intervention, afin
de donner à l’opéré une perspective positive : qu’est-ce que l’implant, comment est-il, à quoi il sert, comment
se produira la nouvelle voix, pourquoi il faut obturer le trachéostome pour produire de la voix, quel est le rôle
du souffle trachéal dans la production vocale, comment a été modifiée l’anatomie par le chirurgien ? Il sera utile
de montrer schémas, films vidéos, et éventuellement un échantillon de la prothèse posée. Il s’agit surtout de
s’assurer que le malade a bien compris toutes ces informations ; il sera en effet plus facile de passer à la deuxième
phase – hygiène et entretien de l’implant – puis à la troisième phase qui est la production sonore (souvent
les phases 2 et 3 se déroulent concomitamment) et la phonation.
En effet, l’implant, quel qu’il soit, demande un entretien, une maintenance et des règles d’hygiène. Personnel-
lement, nous avons surtout l’expérience des prothèses de type Provox. Il convient, régulièrement, et selon la

183
nécessité, de nettoyer, voire de déboucher le canal de l’implant, qui peut être obturé par des sécrétions muqueu-
ses, sèches ou humides, ou par des aliments qui "collent" le clapet de sécurité présent côté œsophage ou qui
migrent vers la trachée. Cela se fait au moyen d’un écouvillon spécial qui est fourni au malade, et avec lequel il
entretient, ou fait entretenir son implant ; car, certaines fois, le malade ne peut réaliser cette opération
lui-même, puisqu’il ne peut voir son propre implant dans un miroir…Il faut aussi enlever les sécrétions dessé-
chées qui collent autour de l’implant, côté visible : pour ce faire, il est déconseillé d’utiliser des pinces en métal,
la matière composant l’implant étant trop fragile.
L’entretien de l’implant doit être régulier et précautionneux.

Principe de la voix trachéo-oesophagienne :


Au moyen de la prothèse phonatoire, et par obturation du trachéostome avec un doigt dans un premier temps
(doigt nu ou avec un pansement de gaze, doigt muni d’un doigtier ou main gantée pour l’orthophoniste), l’air
trachéal est dirigé par en-dessous dans la bouche oesophagienne, cet air vient faire vibrer les bourrelets des tissus
œsophagiens ainsi que la muqueuse pharyngo-oesophagienne, la bouche étant ouverte, produisant ainsi une
nouvelle voix. L’ apprentissage consiste donc à obtenir une parfaite obturation du trachéostome, sans pression
excessive, sans bouleversement de la géographie locale (basculement de l’implant, contact du doigt avec l’entrée
de l’implant…) et à faire produire au malade une expiration d’air parfaitement adaptée pour obtenir la
vibration des tissus oesophagiens, vibration d’air engendrant alors l’onde acoustique de la voix trachéo-oesopha-
gienne. Ce travail nécessitera donc une recherche progressive du geste le plus adapté possible avec le malade,
car même si un son est obtenu d’emblée (ce qui arrive relativement souvent), encore faut-il qu’il permette
l’émission de la parole, sans blocages ni interruptions intempestives de la production sonore.
Le choix du doigt, la recherche de sa position et de la pression adaptée qu’il exerce sur le trachéostome (qu’il faut
simplement obturer de façon étanche) pourra prendre quelques séances. Dans certains cas, malgré ces premiè-
res conditions réunies, l’air trachéal sortira par la bouche via l’implant sans produire de son ; il conviendra alors
de s’assurer que le patient n’est pas trop contracté, ou que ses muscles cervicaux ne sont pas hypertendus.
Quelques exercices de décontraction musculaire, de massages légers de la zone cervicale, voire des compressions
et manipulations digitales pourront aider (mêmes types de gestes que dans les cordectomies ou dans les paraly-
sies récurrentielles).
Bien évidemment, le mécanisme respiratoire utilisé dans la production de la voix trachéo-oesophagienne est
de type abdominal, il ne change pas d’avec la production vocale naturelle, ce qui n’est absolument pas le cas
dans la voix oro-oesophagienne. Il faudra donc s’assurer que le contrôle du souffle abdominal et sa coordination
avec le geste d’obturation du trachéostome sont correctement effectués, et il conviendra de travailler dans ce sens.
Quant à l’articulation, il est rare qu’elle soit perturbée dans ce cas, sauf exception, lorsque le malade est trop "capté"
par la qualité de sa nouvelle voix, auquel cas il peut être amené, inconsciemment, à "marmonner" pour atténuer
ou camoufler sa voix…
Comme l’obtention d’une voix dans ce contexte est assez rapide, et donc positif et très gratifiant pour la personne
laryngectomisée, très vite, il sera non seulement possible de converser le plus naturellement possible, mais de
travailler alors le débit, puis la prosodie de la parole, et pourquoi pas, le chant.
Enfin, il peut arriver, puisque l’implant demande une surveillance médicale plus soutenue, ainsi qu’une main-
tenance et une hygiène plus strictes, que le chirurgien soit contraint de retirer provisoirement ou définitivement
l’implant phonatoire, privant ainsi brutalement la personne d’une voix efficace à laquelle elle s’était bien accou-
tumée (relâchement des tissus créant des fuites perpétuelles, présence de granulômes, infections, colonisations
par des champignons…). Il sera donc opportun, si le patient est d’accord, d’enseigner en même temps ou
successivement la voix oro-oesophagienne, qui sera "la roue de secours", la suppléance vocale.

Début de l’apprentissage de la voix, proprement dit :


La rééducation "vocale" devra débuter dès que les conditions de cicatrisation et la dépose de la canule le
permettent. En effet, sauf à disposer d’une canule spéciale (ouverte à l’emplacement de l’implant), il ne sera pas
possible de rendre l’implant fonctionnel tant que la canule est indispensable ; au début donc, avec l’autorisation
du chirurgien, il faudra procéder, ponctuellement, à la dépose temporaire de la canule pour la production sonore.

184
Ensuite, il faudra vérifier la bonne perméabilité de la prothèse ; en effet, dans les suites opératoires immédiates,
surtout chez les patients bronchiteux chroniques, il arrive souvent qu’ils soient gênés, pendant un temps plus ou
moins long, par l’expectoration fréquente de sécrétions et de mucosités nombreuses.
Le moment idéal du début de l’apprentissage sera donc évalué, au cas par cas, par l’orthophoniste, en fonction
de l’état médical, des observations cliniques et de la psychologie du malade.
En conclusion, la voix trachéo-oesophagienne présente l’avantage de faire retrouver au malade la possibilité de
communiquer à nouveau très rapidement avec son entourage, au moyen d’une voix audible, d’une fluence
verbale quasi normale, et d’une articulation correcte, la capacité de s’exprimer dans toutes les conditions de la
vie privée et professionnelle. Cependant, la présence même de ce corps étranger implique des précautions qui
sont souvent contraignantes.

3 - Les voix "défectueuses" ou impossibles : vibrateurs externes ?


Il arrive que la personne laryngectomisée, pour différentes raisons, ne puisse pas apprendre une voix oro-oeso-
phagienne, ou refuse de l’apprendre, voire de l’utiliser, ou encore ne parvienne qu’à grenouiller, chuchoter ou
produire quelques éructations sonores à peine audibles et inintelligibles. Dans ce cas, afin de ne pas laisser la
personne absolument "sans voix" et en rupture majeure de communication avec autrui, il est possible de pro-
poser un vibrateur externe.
Les vibrateurs externes, ou prothèses externes électriques à transmission vibratoire transcutanée, sont
actuellement les plus répandus de toutes les prothèses phonatoires externes.
Ils se présentent sous la forme d’un cylindre qui tient dans la main, dont le principe de fonctionnement est le
suivant : un vibrateur à énergie électrique (batterie rechargeable) transmet par sa partie supérieure une vibration
aux tissus (joue, gorge, cou…) qui met en vibration l’air contenu dans les cavités pharyngo-buccales ; il s’ensuit
la production d’un son artificiel qui ressemble à une voix de "robot" et qui, s’il est articulé, se transforme en parole
sonore et plus ou moins audible. Le vibrateur externe est censé "remplacer" la fonction vibratoire des cordes
vocales.
L’utilisation de ce type de prothèse externe demande du doigté au malade, car la voix produite est toujours
faible, parasitée en plus par le bruit engendré par le vibrateur lui-même.
Cependant, il permet à certains malades de mieux communiquer, par exemple au téléphone lorsque ni la
lecture labiale ni les mimiques ne peuvent suppléer une voix défaillante ; il est un substitut utile en cas
d’impossibilité d’apprentissage de la voix oro-oesophagienne.
Les prothèses modernes sont moins bruyantes, plus légères et plus fiables ; elles sont équipées de boutons de réglage :
ton et intensité des vibrations. Certaines vibrent lorsqu’on appuie sur un bouton, d’autres entrent en fonction
dès le contact ferme assuré entre la membrane vibratoire et les tissus externes du sujet. Quelques modèles sont
aussi équipés d’une sonde buccale avec adaptateur, qui permet de transmettre la vibration non plus par contact
externe, mais par "injection" dans la cavité buccale.
L’appareil est livré avec une batterie de rechange et un chargeur qui permet d’avoir toujours de l’énergie électrique
à disposition.

4 - Les "troubles" à gérer en début de rééducation


Outre l’angoisse de la maladie, les douleurs cervicales, les difficultés d’alimentation et la rupture plus ou moins
importante de la communication que ressentent et vivent plus ou moins douloureusement les personnes
laryngectomisées, apparaissent des troubles qui gênent leur vie quotidienne.
Comment y répondre, comment aider les malades ?
En premier lieu, la surveillance médicale doit être constante, tout au moins dans les premiers mois qui suivent
l’intervention, et le médecin traitant doit être à même de répondre aux différents symptômes qui apparaissent,
et de diriger le malade vers le chirurgien à la moindre alerte.
Cela étant, les orthophonistes, qui reçoivent les patients deux à trois fois par semaine au début de la rééduca-
tion, sont souvent les premiers professionnels qui recueillent les confidences des malades, ainsi que les

185
inquiétudes des familles ; c’est pourquoi ils doivent toujours être à l’écoute, et assurer un travail d’orientation
et de conseils judicieux…
Voyons la liste des troubles qui surgissent souvent et dont se plaignent les patients, et pour lesquels, en aucun
cas l’orthophoniste n’a compétence à prescrire quoi que ce soit :
• les troubles du sommeil : il n’est pas rare que la maladie, le choc de l’intervention et de ses conséquences les
plus évidentes, ainsi que l’abstinence (tabac et alcool) entraînent des insomnies ; si ce n’est déjà fait, le médecin
pourra prescrire temporairement une médication adaptée, médicaments de la série des benzodiazépines ou des
hypnotiques essentiellement.
• les mycoses buccales : la radiothérapie entraîne une abolition de certaines défenses des muqueuses, exposant
le malade à des agressions bactériennes et mycosiques : si un traitement préventif n’est pas donné en début
d’irradiation, il faudra diriger le malade chez son médecin dès qu’on s’apercevra de l’apparition de couleurs
suspectes dans la bouche (langue brune, etc.) : des médications du type Fungizone, Glyco-Thymoline 55 ou
Daktarin gel buccal seront alors employées.
• la prolifération fongique autour de l’implant phonatoire : ce type de prolifération est moins fréquent de
nos jours, parce que les silicones dont sont composées les prothèses sont traités spécialement, mais ce phéno-
mène est à surveiller ; dans ce cas, le retrait temporaire de l’implant peut s’avérer nécessaire.
• les brûlures des tissus cervicaux : suivant l’intensité de l’irradiation et la tolérance de chacun au traitement
radiothérapeutique, des brûlures parfois importantes de la peau pourront survenir plus ou moins rapidement,
provoquant épluchage des téguments et même suintements avec plaies (rarement un décollement de l’oreille) ;
la Biafine sera tout indiquée dès le début du traitement, et parfois le médecin sera amené à prescrire des
applications de produits pour brûlures (Duo-derm, Flammazine…).
• l’aérophagie, les aigreurs et acidités dans l’estomac ou dans l’œsophage : ce type de symptôme est
relativement fréquent, et peut-être provoqué soit par la physiologie de l’alimentation qui est modifiée, soit par
l’ingestion d’air en raison de l’apprentissage de la voix oro- et/ou trachéo-oesophagienne. Dans ce cas aussi, un
traitement est indiqué, donné par le médecin, pour atténuer ces effets désagréables (produits de type
Gaviscon et médicament du type Mopral pour les aigreurs et brûlures, Pereflat ou Smecta pour l’aérophagie..).
• une alimentation spécifique : parfois, lorsque l’alimentation par voie parentérale doit se poursuivre longue-
ment, ou lorsque le malade ne parvient pas à reprendre progressivement un poids normal après une perte
pondérale importante, il convient de lui faire prescrire des aliments spécifiques, spécialement calorifiques ; cette
prescription se fera avec le médecin, voire avec le diététicien : type Rénutril et tous les produits hypercaloriques
et hyperprotéinés.
• les réflexes nauséeux exacerbés : les premières injections d’air dans la bouche oesophagienne pour l’appren-
tissage vocal provoquent parfois des envies de vomir chez le patient ; la sensibilité de toute la zone intra-cervicale
est bouleversée par la chirurgie et par l’irradiation, et les réflexes nauséeux du fond de gorge sont exacerbés ; des
produits existent qui pourront être administrés dans ce cas aussi (type Primpéran…).
• l’hyposialie : c’est surtout l’irradiation qui va provoquer des troubles de la salivation – rarement une hyper-
salivation, le plus souvent une hyposialie pouvant aller jusqu’à l’absence totale de la salivation temporairement
– et perturber à la fois l’ingestion des aliments ainsi que l’articulation et l’apprentissage de la voix oesophagienne ;
il existe en pharmacie un substitut de salive (Artisial) et, dans tous les cas, il convient que le malade ait
toujours à sa disposition une bouteille d’eau. Il faudra éviter, en matière d’alimentation, les aliments
hydrophiles (purée de pommes de terre, mie de pain…).
• les sécrétions bronchiques : il en a déjà été question, les personnes laryngectomisées, par la modification de
la physiologie respiratoire, et aussi en raison du fait qu’elles sont souvent affectées par la bronchite chronique
du fumeur, expectorent souvent ; la consultation chez un pneumologue, s’il n’a pas été déjà consulté, peut être
nécessaire, en tout cas un traitement de fond peut être indiqué avec aérosol (Surbronc aérosol, Muxol…).
Il faudra en outre que le malade procède à son désencombrement régulier, se mouche, nettoie bien son trachéos-
tome (parfois, il conviendra d’enseigner ces gestes à l’entourage, et l’orthophoniste sera amené à faire ce tra-
vail aussi en séance) et des produits fluidifiant les sécrétions seront prescrits par le médecin. En cas de détection
d’atteinte bactériologique, l’orthophoniste prendra des précautions particulières (port d’un masque). De toute
façon, et ce systématiquement, le praticien devra respecter des règles d’hygiène de base : travailler avec des gants
(vinyle plutôt que latex), se laver les mains (de préférence avec du savon contenant un agent antimicrobien qui

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assurera une défense contre la plupart des micro-organismes), porter parfois un masque. Tous ces produits sont
disponibles chez les distributeurs spécialistes.

5 - La "main à la pâte" de l’orthophoniste


La prise en charge de la personne laryngectomisée exigera donc un investissement important de la part de
l’orthophoniste, mais n’est-ce pas le cas dans toutes les rééducations orthophoniques ? En plus du travail
d’information, de conseils d’hygiène et d’alimentation, d’accompagnement de la famille qui se fait en principe
de manière partagée avec les autres membres de l’équipe soignante, au cours de la rééducation proprement dite,
pendant les séances, l’orthophoniste devra constamment mettre "la main à la pâte", c’est-à-dire faire des démons-
trations, des manipulations, des gestes d’hygiène qui vont être nécessaires : démonstration sur soi-même du
mécanisme de l’injection-éructation, des praxies bucco-linguales à effectuer, manipulations cervicales chez le patient,
nettoyage régulier du trachéostome, voire de la canule, entretien de l’implant phonatoire… Il faudra donc
s’habituer à des conduites de soins auxquelles de nombreux orthophonistes sont peu familiarisés.
L’orthophoniste a donc besoin "d’outils" de base indispensables, dont voici la liste non exhaustive :
• des boîtes de mouchoirs en papier,
• une bouteille d’eau et des gobelets,
• des pinces et des cotons-tiges,
• des compresses stériles,
• des gants d’examen,
• des masques respiratoires de protection en papier,
• des écouvillons pour nettoyer les prothèses phonatoires,
• des échantillons de démonstration, ou tout au moins des images : implants, filtres trachéaux, vibrateur
externe, canules…
Ce travail, il conviendra de le réaliser avec prudence, et, si l’orthophoniste a la moindre angoisse ou la moindre
inquiétude quant à des signes ou des troubles atypiques survenant chez le malade, il faudra contacter rapidement
le médecin.

6 - Rééducation au cabinet ou stage en centre


En principe, les orthophonistes reçoivent au cours de leur formation initiale théorique et pratique l’essentiel de
ce qui est nécessaire pour prendre en charge ce type de malades particuliers. Il se pourra aussi que, par choix
personnel, certains orthophonistes refusent, et c’est leur droit, de rééduquer les personnes laryngectomisées,
préférant les personnes aphasiques ou les enfants.
La rééducation près du domicile du patient peut être préférée ; il est en effet important, pour la plupart des malades,
qu’ils puissent être accompagnés par leur famille à la sortie de l’hôpital. Dans ce cas, il est souhaitable, tout au
moins dans les premières semaines, que les séances aient lieu au moins deux fois par semaine au cabinet.
Concernant le transport, tant que le malade subit une radiothérapie complémentaire, il est tout indiqué, en tout
cas admis, qu’il se rende au cabinet, tout comme au centre hospitalier, en ambulance ou en VSL (Véhicule sani-
taire léger), voire en taxi, transport pris en charge par l’assurance maladie. Cette manière de faire sera également
admissible pour une personne qui a des difficultés à se mouvoir (hémiplégie…), ou isolée et sans moyen de transport.
En revanche, dans notre pratique, nous pensons que si le malade est capable d’aller à la pêche ou de faire ses cour-
ses au supermarché avec son véhicule personnel, la réhabilitation sociale passe aussi par le fait qu’il se rende chez
l’orthophoniste par ses propres moyens, dans la mesure où son état général le lui permet.
Pour certains malades, il est parfois nécessaire de les envoyer en stage dans un centre spécialisé ; on pourra aussi,
après avoir analysé leurs arguments, les y envoyer à leur demande. Ce pourra être pour eux un moyen de
s’isoler de leur entourage lorsque cela est indiqué (en cas de rejet par la famille, ou de difficulté à prendre en charge
le malade à domicile…), et/ou de bénéficier d’une prise en charge totale (hébergement, alimentation correcte,
suivi médical et paramédical quotidien…) lorsque les conditions matérielles ne peuvent être assurées au
domicile du patient. Enfin, l’intensité de la rééducation orthophonique (2 séances au moins par jour, dont une
en groupe) peut permettre un bon démarrage de la communication orale.

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7 - Les rééducations de groupe
Pour ce qui concerne le choix ou non d’insérer les malades dans un groupe de rééducation, notre expérience
personnelle nous prouve que cela doit se faire au cas par cas. En effet, si le groupe peut stimuler certains malades,
il peut aussi en inhiber d’autres. Il faudra donc être prudent dans la constitution des groupes (mélanger des malades
porteurs d’implant ou non par exemple), éviter de mêler des personnalités difficiles, des personnes déprimées,
en sachant que là aussi, le rythme d’acquisition est particulier à chaque individu.

8 - La qualité vocale et la communication : relations sociales, téléphone, réinsertion professionnelle


L’objectif de la rééducation vocale, en particulier, est bien évidemment de redonner au malade les moyens d’une
bonne communication avec autrui. S’il existe des échelles d’évaluation de la nouvelle voix, en réalité l’apprécia-
tion de la qualité vocale obtenue dépend en premier lieu des exigences de l’entourage et de l’investissement du
malade dans son milieu.
En effet, s’il s’agit d’une personne très âgée, qui ne sort presque plus de chez elle et qui vit chez elle, les besoins
de communication seront différents de la personne jeune laryngectomisée, qui va prochainement reprendre une
activité professionnelle, même protégée.
De la même manière, une personne taciturne n’aura pas les mêmes exigences qu’une personne extravertie, qui
ne présente aucun complexe après sa mutilation.
Le premier objectif sera donc de permettre au malade de pouvoir exprimer clairement ses besoins et ses deman-
des à son entourage ; ensuite, et cela progressivement, de se faire comprendre au gré des rencontres ou des
réunions familiales et sociales ; mais il faudra que le malade ait toujours conscience qu’il ne pourra jamais plus
se défendre verbalement comme auparavant, si ce n’est que du point de vue de l’intensité vocale, fortement
diminuée, surtout en milieu bruyant (dans la rue, pendant une réunion familiale ou un match de football).
En tout cas, si cela intéresse l’orthophoniste, il pourra avoir recours à diverses échelles d’évaluation de la nouvelle
voix, selon les différents procédés de production vocale. Cependant, nous recommandons d’être prudent dans
l’utilisation de ce type d’échelle, car s’il est des paramètres qu’on peut évaluer objectivement (intensité vocale,
voire qualité des fréquences vocaliques…), la communication est faite de tant de paramètres subjectifs qu’il
paraît difficile d’évaluer une communication de manière aussi réduite. Pour les orthophonistes que ce genre
d’échelle intéresse, citons par exemple (liste reprise dans l’ouvrage Réhabilitation vocale après laryngectomie totale,
Le Huche F. et Allali A.) :
• échelle de Wepman (1953)
• échelle de l’école de Marseille (1981, Conrad, Heuillet et Sermet)
• Speech Penetration Capacity (1986)
• échelle du Groupe d’Etude Francophone
• échelle de l’Ecole de Groningue
• échelle de niveau Le Huche-Allali (1993).

9 - L’aspect administratif
Abordons à présent un domaine dont l’orthophoniste aura aussi peut-être à s’occuper, le domaine administratif.
Le malade laryngectomisé doit bénéficier de l’ALD (Affection de Longue Durée prise en charge à 100 % par
l’assurance maladie) pour tous les soins qui concernent l’affection de longue durée reconnue ; l’orthophonie fait
partie de ces soins. Il conviendra donc de s’assurer que le dossier ALD a bien été instruit par le médecin du malade,
et que l’ALD est déjà reconnue. Cela simplifiera le paiement des actes d’orthophonie en procédure de tiers
payant, car le malade a peut-être d’autres préoccupations que celle de payer les séances d’orthophonie pour se
les faire rembourser par la suite.

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Par ailleurs, dans certains cas "sociaux" – en particulier lorsque la couverture sociale du malade est précaire
(SDF, chômeurs…), – il sera utile de faire appel à l’aide sociale ou au bureau d’aide sociale afin de mettre en place
des aides spécifiques nécessaires à la réhabilitation du malade (suivi social, participation à un groupe d’abstè-
mes, recherche d’un logement, de mobilier avec des associations caritatives…). L’orthophoniste sera parfois le
mieux placé pour amorcer ces aides.
Enfin, il conviendra de s’assurer qu’un dossier est bien instruit pour l’obtention, par la COTOREP (Commission
Technique et de Reclassement Professionnel), du taux d’invalidité (80%) affecté dans ce cas, et de la délivrance
de la carte attestant ce taux, qui permettra au malade d’être un peu protégé dans la vie courante (places assises
réservées dans les transports en commun, places de parking réservées et gratuites…).

Carte de stationnement délivrée par la COTOREP en cas d’invalidité

10 - L’accompagnement terminal
Enfin, et malheureusement, il arrive certaines fois que le malade rechute, fasse une récidive secondaire, et que
la médecine ne puisse plus rien pour l’aider. Le cancer migre dans la mandibule, dans l’amygdale pharyngée, dans
les fosses nasales, ou dans un autre organe.
Avec le médecin se mettront en place progressivement les soins palliatifs (anti-douleurs, procédure parentérale
d’alimentation…). Mais, sauf lorsque le malade baisse les bras, il arrivera que son souhait soit de poursuivre la
rééducation orthophonique. Nous savons bien que dans ce cas, le terme de la vie du malade est proche, mais nous
acceptons de poursuivre cette prise en charge qui devient très particulière, et qui nous amène même parfois à
revoir le malade, sur son lit d’hospitalisation de fin de vie, à sa demande, travail d’accompagnement auquel nous
ne sommes guère préparés psychologiquement. Heureusement, nous pouvons parfois être aidés par les médecins
de soins palliatifs, ou par le psychologue de ce service, qui sont disponibles pour nous aider à poursuivre,
jusqu’au bout, ce qu’un médecin conseil national a qualifié un jour de "rééducation compassionnelle".

IV – DESCRIPTIF DES "TECHNOLOGIES" ET OUTILS DIVERS...


Afin d’illustrer, pour ceux qui ne connaissent pas trop ce domaine, les outils et "technologies" dont peuvent être
équipées les personnes laryngectomisées, voici un rapide descriptif et quelques images. Bien entendu, il ne
s’agit que d’une information concernant quelques marques commerciales, et nous ne pouvons les présenter toutes.

A - LES CANULES TRACHÉALES


Les canules trachéales sont posées dès qu’il y a nécessité de trachéotomie, afin de maintenir écartées les parois
de l’ouverture respiratoire pratiquée dans la trachée, généralement au niveau de son troisième anneau.
Les chirurgiens posent donc, en principe provisoirement, une canule durant toute la période de cicatrisation, a
fortiori lorsqu’il y aura trachéostome. Dans la plupart des cas, sauf complication, la canule ne doit être mainte-
nue en place que quelques semaines, voire un ou deux mois.

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Les modèles de canules sont choisis en fonction de leur forme, de leur longueur et surtout de leur diamètre.
S’il y a peu encore les canules pouvaient être en métal (même en argent) ou en produits de type plastique-caout-
chouc, la plupart sont aujourd’hui fabriquées en silicone, produit qui s’assouplit avec la température du corps,
afin de bien épouser le canal pratiqué et l’anneau trachéal amarré à la peau du cou. Certaines comportent des
systèmes pour les attacher et les maintenir bien en place, d’autres sont équipées d’un ou de plusieurs orifices dans
la partie supérieure du "tuyau", afin de permettre l’usage, soit du larynx s’il n’a pas été enlevé, soit d’un implant
phonatoire chez une personne laryngectomisée.

Quelques modèles de canules trachéales respiratoires

B - LES PROTHÈSES PHONATOIRES


Nous rappellerons les principales techniques, en précisant que notre expérience personnelle concerne principa-
lement le système de type Provox, plus largement utilisé de nos jours. Précisons aussi que dans les années 1970,
certains chirurgiens ont mis au point des techniques sans prothèse comme par exemple la canalisation muqueuse
trachéo-oesophagienne (tubulisation oesophagienne avec sphincter proximal).

1 - Les boutons phonatoires (prothèses amovibles) :


Le patient peut les poser et les ôter lui-même, selon ses besoins. Cette conception fait suite aux recherches
vocales entreprises avec un shunt ou punctures trachéo-oesophagiennes.

Prothèses Blom et Singer : à gauche modèle basse pression, à droite "bec de canard"

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2 - Les implants phonatoires (prothèses inamovibles) :
Ils sont posés à demeure par le chirurgien, le plus souvent en première intention. S’ils ne peuvent être
manipulés par le patient, sauf pour l’hygiène au moyen d’un écouvillon, il convient de remplacer régulièrement
l’implant phonatoire (durée de vie moyenne de 10 mois) ; ce geste d’une dizaine de minutes est effectué par le
chirurgien, aujourd’hui sans anesthésie.

Prothèse phonatoire type Groningue Prothèse phonatoire type PROVOX

Pose et utilisation de la prothèse type PROVOX

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C - LES VIBRATEURS EXTERNES
Nous l’avons vu précédemment, en cas d’échec de l’apprentissage de la voix oesophagienne, ou pour un besoin
particulier, nous pouvons être amenés à recommander l’utilisation d’un vibrateur externe.
Voici les deux modèles les plus fréquemment utilisés.

Principe d’utilisation classique d’un vibrateur externe

Principe d’utilisation classique Jedcom JMO 11 MK3 Amplicord de CEREDAS (automatique)


d’un vivrateur externe

Modèle SERVOX Inton (prise en main et utilisation par pression digitale)

D - LES FILTRES TRACHÉAUX


En dehors des filtres tissus et des foulards de protection fortement recommandés pour protéger un peu le
trachéostome et le système respiratoire, il est recommandé de faire "équiper" la personne laryngectomisée d’un
filtre trachéal spécifique, beaucoup plus efficace en prévention des infections des voies aériennes supérieures que
toute autre protection en tissu. Certains filtres trachéaux, encore appelés "nez artificiel" ou ECH (Echangeur de
Chaleur et d’Humidité), ont fait l’objet d’études pour évaluer leur intérêt dans la nouvelle physiologie respira-
toire fragilisée de la personne laryngectomisée. En effet, l’air inspiré par le trachéostome n’étant plus ni filtré, ni
réchauffé ni humidifié, c’est tout le système respiratoire qui souffre : hypersensibilité de l’épithélium, pollution et
inhalation de particules, avec ses conséquences que sont la toux réflexe, l’augmentation des sécrétions muqueuses,
assèchement et irritation, qui peuvent provoquer croûtes et bouchons muqueux dangereux. Sans parler des

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sensations d’inconfort qui sont gênantes pour le patient. Ces systèmes, outre qu’ils aident à améliorer la qualité
de vie, protègent dans une belle proportion des infections des voies aériennes supérieures. Plusieurs systèmes
coexistent, qui reposent tous sur les mêmes principes. En France, les principaux produits sont les suivants :

1 - Le système Cyranose de CEREDAS

Coupe du Cyranose Couvercle en métal (sans implant) Couvercle pour porteur d’implant phonatoire

Eléments composant le système Cyranose

Pose quotidienne du Cyranose et utilisation (avec implant phonatoire)

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2 - Le système Provox de chez Collin-ORL : système classique, système "mains libres"

Pose et utilisation du système Provox Pose du système classique Provox

Système de filtre Provox avec implant phonatoire Système de filtre Provox avec implant phonatoire
(système "mains libres") (pression digitale)

V - LES ASSOCIATIONS DE MALADES


Pour les personnes laryngectomisées, les associations de malades sont d’un grand secours. Si l’équipe médicale
est d’accord, et si l’association est suffisamment disponible et comprend en son sein des malades réhabilités
formés et disposés à "accompagner" les nouveaux, il est très utile pour tous qu’une aide soit proposée dès la
révélation du diagnostic.
Dans ce sens, nous pensons que l’association doit être incluse dans l’équipe soignante, à sa place, avec son rôle
spécifique ; les malades réhabilités pourront ainsi, à leur mesure, non seulement apporter une aide matérielle et
en informations diverses, mais aussi un réconfort moral et des encouragements à suivre les traitements jusqu’au
bout, jusqu’à la réhabilitation maximale.
Par ailleurs, les associations organisent des rencontres, des réunions, des repas, au cours desquels sont invités à
participer des médecins et des orthophonistes, réunions qui sont parfois les seules "sorties sociales" pour
certains malades.

VI - CONCLUSION
La "prise en charge" de la personne laryngectomisée, en raison du contexte médical et psychologique, réclame
un investissement important pour l’orthophoniste ; davantage encore que chez d’autres malades, pensons-nous,
l’orthophoniste "entre" dans la vie de la personne laryngectomisée. En outre, l’orthophoniste, qui doit être très
disponible pour ses malades (certains sont parfois "envahissants"…), doit se tenir informé régulièrement des
progrès et technologies modernes, qu’ils soient médicaux ou technologiques, afin d’aider au mieux ses patients.
Par exemple, il est très utile, sinon indispensable, d’obtenir de la part du chirurgien le compte rendu opératoire,

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qui nous renseigne précisément sur la technique chirurgicale utilisée et sur l’étendue de l’ablation, ce qui peut
avoir des effets sur certaines difficultés rencontrées lors de la rééducation. De la même façon, les comptes
rendus du radiothérapeute sont informatifs, sans parler de ceux du médecin des soins palliatifs…
Enfin, l’orthophoniste sera aussi parfois amené à servir d’agent de renseignements, de plate-forme d’orientation
sinon de coordination entre les différents intervenants autour du malade. On sait maintenant que cette coordi-
nation est indispensable pour que le "bon soin" soit administré au bon moment pour le malade, seul moyen d’une
efficacité et d’une qualité thérapeutiques en même temps que d’une cohérence et que d’une rationalisation.
Le travail de l’orthophoniste ne peut se réaliser qu’en équipe, où la coopération étroite et régulière avec le
chirurgien est la clé d’une bonne prise en charge.
En trente années de pratique orthophonique auprès des personnes laryngectomisées, j’ai pu constater les
progrès importants réalisés pour ces malades : dépistage plus précoce du cancer, bien qu’il y ait encore des
progrès à faire dans ce domaine, plus récemment campagnes de prévention plus toniques, techniques chirurgi-
cales considérablement améliorées (exploits chirurgicaux à chaque fois), soins et protocoles thérapeutiques
complémentaires perfectionnés. Mais bien plus, aujourd’hui il est admis que l’équipe de soins autour de la per-
sonne laryngectomisée est élargie, et comprend désormais aussi naturellement, dès la sortie de l’hôpital, le
médecin traitant, le pneumologue, le masseur-kinésithérapeute, la diététicienne et le dentiste.
Bien sûr, malgré l’annonce, il y a quelques années, de la réussite d’une greffe de larynx aux USA dont nous
n’avons cependant plus de nouvelles, intervention à laquelle ont participé des chirurgiens français, il est trop tôt
pour espérer dans cette voie. Tout au plus est-il à souhaiter que les avancées de la recherche dans le domaine de
la connaissance et de la lutte contre le cancer, si les moyens financiers ne sont pas amputés, pourront éviter, à terme,
l’ablation totale de l’organe de la phonation.
En attendant, il reste la prévention des risques (tabac, alcool et inhalation professionnelle de produits toxiques)
et le dépistage précoce.
Tout en ayant conscience que certaines personnes laryngectomisées, que j’ai rencontrées, n’ont jamais fumé ni
bu d’alcool ; certes, dans les statistiques, elles sont de loin ultra-minoritaires…

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Cros, P. (1985). Oui, on peut vivre sans larynx. Paris : Union des Associations françaises de laryngectomisés.
Dinville, C. (1961). La rééducation de la voix oesophagienne. Journal Français ORL, 1, 61-66.
François, J. (1960). Je peux reparler. Paris : Union des Associations françaises de laryngectomisés.
Heuillet, G. et coll. (1982). Une nouvelle voix. Moulins-lès-Metz : Maisonneuve.
Heuillet-Martin, G. et Conrad, L. (1997). Du silence à la voix. Marseille : Solal.
Le Huche, F. (1980). La voix sans larynx, 4° édition. Paris : Maloine.
Le Huche, F., Allali, A.(1993). Réhabilitation vocale après laryngectomie totale. Paris : Masson, Coll. Phoniatrie.
Luboinski, Pr., Gehanno, Pr., Traissac, Pr. (1995). La protection des voies respiratoires au niveau du trachéos-
tome chez les laryngectomisés totaux. Intérêt de CYRANOSE®, Nez artificiel ou E.C.H. Revue Officielle de la
Société Française d’O.R.L. et de Pathologie Cervico-Faciale, 33.
Traissac, L. (Eds) (1992). Réhabilitation de la voix et de la déglutition après chirurgie partielle ou totale du larynx.
Paris : Arnette.
Union des Associations Françaises de Laryngectomisés et Mutilés de la Voix, U.A.F.L.M.V. (1981). Des raisons
d’espérer. Le Mutilé de la Voix, numéro spécial hors série.

CRÉDITS ICONOGRAPHIQUES
Avec l’autorisation de :
Société CEREDAS, 191 Rue Adolphe Pajeaud – F-92160 ANTONY – France
Société COLLIN-ORL- CMF – 19 rue de la Gare – F-94230 CACHAN – France
SMT Servox Medizintechnik GmbH – Postfach 91 07 53 – D-51077 KOLN – Germany

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CHAPITRE IX
Rééducation des anomalies
des fonctions oro-faciales entraînant
des troubles de l’articulation et de la parole

Frédéric MARTIN, Orthophoniste

SOMMAIRE
I - INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

II – GÉNÉRALITÉS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

III – NOTIONS NÉCESSAIRES


A – Nerf facial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
B – Nerf trijumeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
C – Autres nerfs crâniens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
D – Articulation temporo-mandibulaires (ATM) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201

IV – LES PATHOLOGIES
A – Troubles de l’appareil manducateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202
B – Maladies de l’épiderme, neuromusculaires ou inflammatoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
C – Paralysies périphériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205
D – Atteintes de la motricité automatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208
E – Atteintes de la motricité volontaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209

V – EVALUATION ............................................................................................................... 210

VI – RÉÉDUCATION
A – Matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210
B – Massages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
C – Rééducation des muscles faciaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
D – Rééducation des spasmes et des syncinésies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212
E – Rééducation de la sensibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213
F – Rééducation de l’appareil manducateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214
G – Rééducation de la motricité oro-faciale chez la personne polyhandicapée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215
H– Rééducation de la langue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216
I – Rééducation des transferts musculaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
J – Sutures et greffes nerveuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218
K – Biofeedback électromyographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218
L – Rééducation de la parole et la phonation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218

VII –RÉSULTATS ................................................................................................................ 219

VIII – CONCLUSION ........................................................................................................... 219

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220

ANNEXES .......................................................................................................................... 222

198
I – INTRODUCTION
La nomenclature de la pratique orthophonique intègre maintenant la notion de rééducation des anomalies
oro-faciales. Cette caractéristique ne correspond pas à une pathologie en particulier, mais à un ensemble de
dysfonctionnements dont les étiologies peuvent être très variées. On distingue généralement les origines
congénitales (malformations, troubles du développement, polyhandicaps) et les origines acquises (paralysies,
lésions cutanées, musculaires et osseuses, troubles fonctionnels, traumatismes, atteintes neuro-musculaires
globales).
La rééducation s’insère souvent dans un programme de traitements multiples (chirurgie, appareillages, traitements
médicaux…) et, en fonction des étiologies, la récupération peut être complète ou partielle. Parfois, l’atteinte est
irréversible et la rééducation vise à la mise en place de modes compensatoires.
Les anomalies des fonctions oro-faciales sont la plupart du temps responsables de troubles fonctionnels importants
qui peuvent concerner la mimique, la parole, la phonation, la vision, la mastication et la déglutition. Certaines
dysharmonies provoquent de véritables désordres psychologiques et relationnels dont il faut tenir compte ;
ils ne dépendent pas nécessairement de la gravité des atteintes.
Dans ce chapitre, nous avons cherché à répertorier la plupart des pathologies responsables de troubles oro-faciaux –
la liste n’est pas exhaustive – et surtout regrouper les grands aspects de la rééducation adaptés aux étiologies,
en fonction des différentes approches thérapeutiques. Les études épidémiologiques restent encore limitées car elles
portent souvent sur un nombre restreint de cas, toutefois, les notions de validation des résultats apparaissent plus
régulièrement. L’évaluation clinique reste incontournable mais elle doit être couplée de façon régulière aux
évaluations instrumentales comme l’électromyographie, l’étude vidéoscopique, la photographie, les échelles
d’auto-évaluation.
Enfin, la rééducation peut intervenir à différents stades du traitement : soit isolément, soit en pré puis post
opératoire, soit après une chirurgie reconstructrice. Par conséquent, la validation de la rééducation doit être
fréquente, et le thérapeute doit avoir la connaissance de tous les types de traitements – notamment chirurgicaux
– qui peuvent être associés à son action.

II – GÉNÉRALITÉS
La motricité oro-faciale est régie par un ensemble d’actions nerveuses, musculaires et articulaires qui s’enchaînent
de façon précise et simultanée. La sensibilité, la proprioception et les sécrétions jouent un rôle très important.
La fonction oro-faciale peut être altérée lors d’atteintes des muscles oculo-moteurs, faciaux, masticateurs,
pharyngo-laryngés, linguaux ou cervicaux ; des articulations temporo-mandibulaires ; de l’articulé dentaire ; des
fonctions sécrétrices ; de la sensibilité endo et exo buccale. L’origine peut se situer à plusieurs niveaux :
• Lésions sur les voies cortico-bulbaires : Atteinte de la motricité volontaire. Ce sont les accidents vasculaires
cérébraux (AVC) ou les traumatismes crâniens ; la sclérose en plaque (SEP) ; la sclérose latérale amyotrophique
(SLA).
• Lésions extra-pyramidales : Atteinte de la motricité automatique. Ce sont la maladie de Parkinson, la
paralysie supra-nucléaire progressive (PSP), les syndromes choréiques, l’athétose, la dystonie.
• Lésions neuromusculaires ou inflammatoires : Atteinte musculaire et altération des réflexes. Ce sont les
différentes formes de myopathies, la myasthénie, les dermatopolymyosites et certaines atteintes des tissus
cellulaires comme les sclérodermies ou les neurofibromatoses.
• Lésions périphériques : Atteinte isolée ou combinée des nerfs périphériques. Les nerfs les plus fréquemment
touchés sont le nerf facial et le nerf trijumeau. Des atteintes associées du glosso-pharyngien ou de l’hypoglosse
peuvent entraîner des perturbations fonctionnelles massives, avec troubles de la mimique faciale, de la parole,
de la déglutition et de la sensibilité.
• Lésions articulaires ou osseuses : Atteinte de la cinématique mandibulaire. Outre le trouble fonctionnel,
elle peuvent avoir pour conséquence des troubles masticatoires, de la parole et de la sensibilité.

199
La chirurgie maxillo-faciale, neurochirurgicale ou ORL peut provoquer des troubles oro-faciaux importants qui
amènent souvent à proposer une rééducation spécifique, ou bien certaines atteintes nécessitent une intervention
(paralysies définitives, traumatisme de la face etc…) qui s’accompagne d’une rééducation. Enfin, on intervient
auprès de la personne polyhandicapée et dans certains cas de maladies congénitales ; la rééducation oro-faciale
s’intègre alors dans une prise en charge globale.

III – NOTIONS NÉCESSAIRES


La rééducation des anomalies des fonctions oro-faciales nécessite des connaissances anatomo-physiologiques
précises. En effet, les troubles sont rarement isolés et certains dysfonctionnements peuvent en provoquer
d’autres (ex. : une paralysie faciale entraînera un trouble de la cinématique mandibulaire) ou être associés à une
atteinte plus diffuse (ex. : une fracture du rocher peut provoquer une surdité unilatérale, une paralysie de
l’hémiface et du côté controlatéral, une paralysie oculo-motrice, des troubles de la sensibilité etc.).
Les muscles qui entrent en jeu sont innervés par les paires des nerfs crâniens V, VI, VII, IX, X, XI et XII dont les
noyaux gris se situent dans la protubérance et le bulbe rachidien. Ils sont contrôlés par les noyaux gris centraux
qui régulent la coordination des mouvements. Le contrôle sensitif et végétatif est dû à l’influence du système
pyramidal et cérébelleux sur les noyaux sensitifs des nerfs crâniens. La motricité réflexe s’organise dans le bulbe.
Les muscles oro-faciaux ont une structure stable. Paralysés, ils gardent une certaine tonicité et ne présentent guère
d’atrophie, à l’exception de la langue. Ils se différencient des autres groupes musculaires par leurs tailles, leurs
inter-relations, leurs dépendances aux impulsions volontaires et émotionnelles, mais aussi leur rôle primordial
dans la communication. [Bruyer, (1981), Clausnitzer, (1989), Mc Comas, (1998)]

A - NERF FACIAL
C’est un nerf mixte, sensori-moteur, qui possède trois fonctions : une fonction motrice par l’innervation des
muscles de la face ; une fonction sensitivo-sensorielle par la transmission de la sensibilité du goût sur les 2/3
antérieurs de la langue et la sensibilité de l’oreille externe ; une fonction végétative par l’innervation d’une par-
tie des glandes lacrymales, salivaires et nasales.
Le noyau moteur du VII est situé dans la protubérance et les fibres contournent le noyau du VI (oculo-moteur
externe). Elles reçoivent en cet endroit un contingent de fibres venant du côté opposé, destiné à la partie
supérieure du visage. Cette particularité anatomique expliquerait la préservation de la motricité du territoire
supérieur du visage dans les atteintes d’origine centrale. Le nerf pénètre dans le conduit auditif interne avec le
VII bis et le VIII cochléaire et vestibulaire. Suit son parcours intrapétreux puis extra crânien où il se divise en
2 branches terminales cervico et temporo-faciales, qui innervent les muscles faciaux, ainsi qu’une branche
collatérale destinée au muscle de l’étrier, (Lamas, (2004)).
Ces données anatomiques sont importantes car elles permettent de comprendre l’existence de certains signes
associés à la paralysie, tels que :
• surdité dans les cas d’exérèse de neurinomes ou méningiomes ou lors de fractures du rocher,
• acouphènes,
• névralgies faciales,
• hyperacousie par immobilisation du muscle de l’étrier,
• troubles oculo-moteurs externes,
• assèchement lacrymal ou salivaire,
• perte ou altération du goût.

200
B - NERF TRIJUMEAU
Il a un triple rôle.
Sa branche mandibulaire innerve les muscles masticateurs (temporal, masséter, ptérygoïdiens externe et interne),
le muscle du marteau, le péristaphylin externe, le mylo-hyoïdien, le ventre postérieur du digastrique. Elle a un
rôle sensitif sur la dure mère (région temporo-pariétale) ; les téguments du temporal, du menton et de la lèvre
inférieure ; la muqueuse du plancher de la bouche et de la face interne des joues ; les 2/3 antérieurs de la
muqueuse de langue ; les dents de la mâchoire inférieure. Elle a enfin un rôle sécrétoire et sensoriel sur les
glandes salivaires et les 2/3 antérieurs de la langue.
Sa branche maxillaire supérieure a un rôle sensitif sur les téguments de la région temporale, des paupières
inférieures, de la cornée, des pommettes, des ailes du nez et de la lèvre supérieure ; de la muqueuse des fosses
nasales, des sinus maxillaires, de la voûte palatine, du voile du palais, des gencives supérieures ; des dents de la
mâchoire supérieure. Elle n’a pas de rôle moteur ou sécrétoire.
Il existe une liaison inter-neuronale entre le noyau du V et le noyau du VII responsable du réflexe de cligne-
ment – appelé réflexe trigémino-facial – que l’on cherche à détecter lors des électromyographies du nerf facial,
(De Bisschop et Dumoulin, (1992)).

C - AUTRES NERFS CRÂNIENS


Les nerfs ophtalmiques III, IV et VI ont une origine commune mais un trajet différent sur la face ventrale du
tronc cérébral. Le parcours du VI (abducens) étant parallèle à celui du VII, il est fréquent qu’une paralysie
faciale consécutive à une fracture du rocher soit accompagnée d’un trouble de l’oculo-motricité externe.
(Rouvière et Delmas (1997))
Le glosso-pharyngien est moteur, sensitif et végétatif. Il innerve les muscles du pharynx, du para-pharynx et du
voile du palais. Sa branche viscéro-motrice est destinée à l’innervation sécrétoire de la glande parotide. Ses
rameaux sensitifs et sensoriels correspondent à la base de langue et l’oro-pharynx (douleurs, température, tact,
gustation). (Rouvière et Delmas (1997), Sobotta et coll (2000)).
Le nerf vague, outre ses branches motrices à l’origine de l’innervation des constricteurs moyens et inférieurs du
pharynx, du voile et du larynx, est responsable de la sensibilité générale du larynx et du pharyngo-larynx ainsi
que la gustation.
Le nerf hypoglosse décrit un parcours délicat à la sortie de la base du crâne car il passe entre la carotide et la jugu-
laire interne pour pénétrer dans la région sus-hyoïdienne puis sub-linguale où il donne toutes ses branches
motrices. Des traumatismes du cou et de la région carotidienne (chirurgie ou lésion externe) peuvent provoquer
une paralysie linguale.
L’atteinte du IX, du X et du XII est responsable de troubles de la déglutition et de fausses routes.

D - ARTICULATION TEMPORO-MANDIBULAIRE (ATM)


Elle est constituée d’une surface articulaire fixe (os temporal) et d’une surface articulaire mobile (mandibule).
Un disque inter-articulaire, de structure fibro-cartilagineuse, s’intercale entre les deux condyles. L’ATM est
activée par le jeu des ligaments et des muscles masticateurs et faciaux.
La mandibule peut être mobilisée selon trois plans :
• Le plan antéro-postérieur : Les mouvements de propulsion et de rétropulsion sont actionnés par les muscles
ptérygoïdiens externes. Le condyle mandibulaire et le ménisque glissent sur le condyle temporal.
• Le plan vertical : Les mouvements d’abaissement sont réalisés par les muscles sus-hyoïdiens et sous-hyoïdiens,
et les mouvements d’élévation par les muscles masticateurs (temporal, ptérygoïdien interne et masséter). Les
condyles effectuent des mouvements de glissement et de roulement.
• Le plan transversal : Les mouvements de latéralité ou de diduction sont réalisés par la contraction des muscles
d’un seul côté. La diduction permet le broyage des aliments par les molaires. Chaque ATM effectue alterna-
tivement des mouvements de propulsion et de rotation.

201
Les mouvements de la mandibule dépendent directement de l’action d’autres muscles (cervicaux, de la face, de
la langue et du pharynx), qui tiennent un rôle important dans l’équilibre des forces. [Rouvière et Delmas (1997),
Rozencweig (1994),Sobotta et coll (2000)].
L’action combinée de l’ouverture, la fermeture, la propulsion, la rétropulsion, la diduction permet de réaliser des
mouvements complexes tels que la mastication, la déglutition, l’articulation, la phonation, le bâillement.
Il existe une synergie entre les deux ATM ; le dysfonctionnement de l’une des ATM retentit sur l’autre.
L’interaction entre la face, la langue, la cinématique mandibulaire et la sensibilité peut provoquer des douleurs
ou des contractures musculaires très diffuses.

IV – LES PATHOLOGIES
A - TROUBLES DE L’APPAREIL MANDUCATEUR
Les troubles des ATM sont fréquents, accompagnés de nombreux signes associés (claquements à l’ouverture, bruits
articulaires, sub-luxation, blocages…). La douleur est souvent le motif du traitement. Les conséquences sont des
difficultés masticatoires, des troubles phonatoires, des troubles de la mimique [Hebting et Dotte-Masson (1991)].
Il existe plusieurs origines :

1 - Luxation
C’est un traumatisme de l’ATM. Elle peut être due à un choc temporal, un choc mentonnier ou parfois une ouver-
ture forcée. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une luxation antérieure, le condyle mandibulaire franchit le
condyle temporal et reste bloqué en arrière par le ménisque, qui reste dans la cavité glénoïde. Elle crée un défaut
de fermeture buccale accompagné de douleurs. [Bottini et coll (2003), Raphael et coll (1997)]

2 - Ankyloses
Il s’agit d’une constriction permanente des maxillaires, d’origine osseuse. On connaît 4 causes d’ankyloses :
• ankylose traumatique : séquelles de fracture, traumatisme obstétrical (utilisation de forceps à l’accouchement),
• ankylose infectieuse : arthrites suppurées dues à une plaie ou une infection hématologique,
• ankylose rhumatismale : polyarthrite rhumatoïde,
• ankylose congénitale : malformation temporo-mandibulaire.
Elles s’accompagnent d’une limitation de l’ouverture et de la fermeture buccale, d’une latérodéviation (lorsque
l’ankylose est unilatérale), d’une atrophie musculaire, d’un trouble de l’hygiène dentaire, d’une limitation de la
croissance mandibulaire chez l’enfant (micromandibulie ou museau de musaraigne), de troubles de l’alimentation.
Il y a rarement des douleurs articulaires.

3 - Arthrites
On distingue les arthrites rhumatismales et les arthrites infectieuses :
• arthrites rhumatismales : elles sont rares, dues à un rhumatisme articulaire, une polyarthrite articulaire ou un
rhumatisme psoriasique. Elles entraînent une inflammation des ATM.
• arthrites infectieuses : elles peuvent être dues à une septicémie, une plaie articulaire, une otite, une mastoïdite,
une parotidite, des infiltrations (injections de corticoïdes).
Elles s’accompagnent de douleurs, d’une limitation des mouvements mandibulaires, d’un trismus, d’un œdème
et de craquements articulaires.

4 - Arthroses
A l’inverse des arthrites, elles ne sont pas inflammatoires, et sont dues à une lésion dégénérative des cartilages

202
articulaires. Il s’agit souvent d’un vieillissement prématuré de l’articulation. Elles provoquent des douleurs, des
craquements articulaires, une limitation de l’ouverture buccale.

5 - Trismus
On oppose le trismus à l’ankylose, car il s’agit d’une constriction temporaire de l’ATM empêchant l’ouverture
buccale. Les origines sont multiples : contractures musculaires, infection bucco-pharyngée, infection dentaire,
plaie cutanée, séquelles post-opératoires, algie faciale, dysphagie, tumeurs cervico-faciales. Il entraîne une
limitation de l’ouverture buccale (parfois, impossibilité d’ouvrir la bouche), une algie faciale, un trouble de la
parole, un trouble de la mastication et de la déglutition.

6 - Constrictions permanentes extra-articulaires


On les distingue des ankyloses de part leur origine : brides cicatricielles, tumeurs du massif facial, brûlure,
lésions osseuses extra-articulaires. Elles provoquent une limitation de l’ouverture buccale et des douleurs.

7 - Syndrome Algo-Dysfonctionnel de l’Appareil Manducateur (SADAM) :


C’est le trouble le plus fréquent, qui provoque un défaut d’ouverture et de fermeture buccale associé ou non à
un syndrome douloureux. Il a plusieurs origines (traumatisme facial, luxation, malocclusion dentaire, port de
prothèses, traitement orthodontique, bruxisme, contractions musculaires faciales et cervicales, défaut de posture
linguale, maladies rhumatismales, œdème intra-articulaire, inflammation ligamentaire, dégénérescence du disque
inter-articulaire, troubles psychiques…). On distingue deux types de SADAM :
• Le déplacement discal réductible (DDR) dans lequel l’ouverture n’est pas limitée mais accompagnée d’un
claquement à une ATM ou aux deux, généralement à l’ouverture et à la fermeture et lors des mouvements de
propulsion et de diduction. Les douleurs ne sont pas systématiques et l’on observe un ressaut du condyle.
• Le déplacement discal irréductible (DDI) où l’ouverture est limitée et douloureuse en raison d’un excès de
tension sur les ligaments. Il n’existe pas de claquement ; l’ouverture est souvent déviée du côté douloureux qui
reste en arrière. [Couture et coll (1997), Rozencweig (1994)]
Les signes associés sont une algie faciale, des douleurs temporo-mandibulaires, cervicales et musculaires (chaque
muscle ou groupe musculaire concerné présente une douleur primitive et entraîne une douleur projetée, qui
s’étend généralement des peauciers à la tempe), des migraines, des acouphènes, des troubles dentaires, salivaires
et de la mastication, une gêne laryngée, des troubles psychologiques.
Dans la pratique, les troubles, s’insèrent dans une évolution chronologique et l’on préfère décrire les signes selon
4 stades :
• Stade 1 (foulure) : douleurs, céphalées, douleurs à la palpation, radios normales (parfois le condyle peut paraître
en position antérieure).
• Stade 2 (entorse – sub-luxation) : dilacération ligamentaire, rupture de certaines attaches latérales et
postérieures, DDR.
• Stade 3 (luxation) : arrachement ligamentaire, DDI, atteinte de l’ouverture buccale, atteinte de la structure
méniscale, lésions.
• Stade 4 (dégénération) : surfaces articulaires plates, disparition de l’espace articulaire, frottements osseux
(bruits de “papier de verre”). [Clauzade et Daraillans (1992 et 1998)]
L’évaluation et le traitement des troubles de l’occlusion s’intègrent à un travail d’équipe composée du médecin
stomatologue, de l’orthophoniste, du kinésithérapeute, du dentiste, de l’ORL, du neurologue.
Le bilan clinique doit être précis et détaillé car il permet souvent de déterminer la cause de l’affection. Il faut recher-
cher à la fois les causes fonctionnelles et certaines origines psycho-affectives qui peuvent être très importantes dans
les syndromes algo-dysfonctionnels.

203
B - MALADIES DE L’ÉPIDERME, NEUROMUSCULAIRES OU INFLAMMATOIRES
1 - Neurofibromatose de type 1 (Maladie de Recklinghausen)
C’est une anomalie du développement, qui affecte la peau, la rétine et le système nerveux. Cette maladie est
autosomique dominante ; elle affecte la 17ème paire chromosomique et est marquée par des tumeurs multiples
au niveau des nerfs crâniens et rachidiens, et des anomalies cutanées (pigmentation anormale, formations
tumorales). Sa fréquence est de 1 cas pour 3 000 à 4 000 naissances. On observe une série d’anomalies dont
certaines peuvent avoir des conséquences extrêmement handicapantes : tâches café-au-lait (TCL), lentigines des
plis, neurofibromes, nodules de Lisch, gliome des voies optiques, dysplasie osseuse.
Les localisations nodulaires au niveau du cou (goitre massif) entraînent des troubles de la voix et de l’articula-
tion en raison d’une hypotonie vélaire caractéristique.
On observe dans les cas de NF1 des difficultés d’apprentissage particulièrement fréquentes chez les enfants
atteints de Recklinghausen liées à des anomalies cérébrales sans substrat anatomique reconnu. On note généralement
des troubles de la coordination motrice fine, une dyslexie, une dysorthographie, une dyscalculie, des troubles de
l’attention et des difficultés de concentration, et parfois, des difficultés d’élocution.

2 - Sclérodermie
C’est une dermatose qui provoque un épaississement de la peau et du tissu cellulaire (formation en plaques, en
bandes, généralisées). Elle s’accompagne d’atteintes des muscles, des articulations et des viscères.
On note des troubles de la mimique faciale et des mouvements fonctionnels, une atteinte des muscles masticateurs
et ptérygoïdiens (troubles de la mastication) et des troubles de la parole et de la voix.

3 - Dermatopolymyosites
Ce sont des affections musculaires acquises qui associent la destruction de certaines fibres musculaires à des lésions
inflammatoires. On observe des œdèmes provoquant des douleurs musculaires. Parfois, une paralysie faciale
périphérique peut être associée au déficit des membres inférieurs et supérieurs. L’extension peut se faire aux
muscles du tronc, aux muscles respiratoires et aux muscles pharyngiens. L’atrophie musculaire peut ne pas être
évidente en raison de l’œdème du corps musculaire.
Il existe une atteinte de l’épiglotte et du voile. Les vallécules et les sinus piriformes sont évasés ainsi que
l’hypo-pharynx et le sphincter.
L’évolution est chronique mais considérablement modifiée par la corticothérapie.
Les patients présentent des troubles de la parole et de la mimique faciale. Le manque d’élasticité musculaire gêne
la mastication et les mouvements d’élévation du larynx et de propulsion pharyngée. L’atteinte peut porter sur
l’épiglotte et le voile.

4 - Myopathies
Les pathologies musculaires dégénératives entraînent généralement des dysarthries associées à des tableaux
dysphagiques plus ou moins graves. Ces signes s’accompagnent de troubles moteurs de la face et du tronc. On
observe généralement un dysfonctionnement des masticateurs, des orbiculaires des lèvres, des joues, des mus-
cles de la langue sus et sous hyoïdiens et des muscles péristaphilins.
Il peut exister parallèlement une atteinte des voies cérébelleuses qui affecte la régulation de la coordination
motrice. On peut alors observer des phénomènes de bavage, une mauvaise traction du bol, des stases jugales, un
reflux nasal, des fausses routes et des régurgitations.
Des traitements chirurgicaux sont parfois proposés, en vue de réduire les troubles de la déglutition des
myopathes : myotomie du muscle crico-pharyngien, trachéo-laryngoplastie de fermeture.

204
◆ Maladie de Steinert (appelée aussi myopathie ou dystonie atrophique)
Elle est relativement fréquente et débute chez l’adulte jeune. Elle se caractérise surtout par une myotonie
(c’est-à-dire une anomalie de la décontraction) de la langue et du pharynx. Outre le trouble de la parole ; les
fausses routes et les régurgitations sont nombreuses. Elles entraînent des pneumopathies fréquentes.

◆ Myopathie de Duchenne
Elle est caractérisée par l’absence de myotonie. Il existe une dysprosodie et un nasonnement. Le second temps
de la déglutition est atteint et des stases alimentaires s’observent au niveau des sinus piriformes et des vallécules,
provoquant des reflux nasaux et des fausses routes.

◆ Dystrophie musculaire oculo-pharyngée


Elle est caractérisée par une atteinte des muscles oculo-moteurs associée à des troubles de la déglutition, un déficit
facial et un déficit proximal des jambes. Le patient présente un trouble élocutoire, un nasonnement, un trouble
de la mimique faciale.
La dysphagie concerne les solides puis les liquides. La mobilité du voile se réduit et le réflexe d’abaissement de
l’épiglotte s’atténue progressivement, d’où l’augmentation des fausses routes. Il existe une anomalie des contrac-
tions pharyngées et œsophagiennes avec prolongation du temps de contraction. Ici, c’est le passage du 2ème au
3ème temps de la déglutition qui est touché.

◆ Maladie de Hoffman
Le tableau est semblable aux paralysies bulbaires avec atteinte des noyaux moteurs. Le pharynx se paralyse ;
l’hypo-pharynx et les sinus piriformes s’évasent, ce qui favorise les stases alimentaires et les fausses routes par
inhalation et régurgitations. En fin d’évolution, on a souvent recours à la pose d’une sonde parentérale.

◆ Myasthénie
Il s’agit d’un déficit moteur apparaissant à l’effort, qui n’existe pas au repos. Une activation soutenue et répétée
du muscle peut aboutir à une paralysie totale. Les troubles moteurs peuvent être extrêmement variables d’un moment
à l’autre. La musculature oculaire est atteinte, puis les muscles de la face (inexpressivité, sifflement impossible
etc...).
Le déficit touche les muscles masticateurs et s’accuse au cours des repas, au point de laisser une mâchoire
tombante.
L’atteinte des muscles pharyngo-laryngés est génératrice de troubles de la phonation et de la déglutition. Il existe
même une fatigabilité des muscles de la nuque.
Les régurgitations nasales sont abondantes, le voile du palais étant atteint dans la majorité des cas. Il existe une
perte du tonus pharyngé, et surtout, des anomalies œsophagiennes caractérisées par une anormalité ou une
absence de contractions.
L’évolution de la maladie est imprévisible. Des injections de Prostigmine atténuent les troubles temporairement.
Les accidents respiratoires constituent le risque majeur des aggravations.

C - PARALYSIES PÉRIPHÉRIQUES
1 - Paralysies faciales
Les paralysies les plus fréquentes sont les paralysies périphériques dites "a frigore" ou paralysies de Bell,
c’est-à-dire par compression ou œdème du nerf dans son trajet osseux inextensible. Maintenant, on préfère
le terme "paralysies idiopathiques". Il n’existe pas de cause apparente directe, mais elles sont dues souvent à
l’exposition au froid, à une atteinte virale (Herpes simplex virus de type 1 [HSV1]), ou une hypertension
artérielle. En fonction de l’importance de la compression (pourcentage de perte de fibres neuromotrices),

205
la paralysie sera légère, moyenne avec ou sans séquelles, sévère avec séquelles, voire définitive. [Lamas (2004)]
Les autres paralysies périphériques ont des étiologies spécifiques telles que : traumatisme chirurgical direct ou
post opératoire sur neurinome ou méningiome ; tumeur de l’oreille moyenne ou externe ou de la parotide ;
fracture du rocher ; complication d’otite ; zona ; compression néo-natale ; traumatisme facial ; origine infectieuse
ou toxique ; atteinte congénitale.
La paralysie est généralement unilatérale, parfois bilatérale, surtout lors des fractures du rocher et des atteintes
toxiques. Les territoires supérieur et inférieur sont paralysés, aussi l’œil demandera une attention toute particulière
en raison de la perte de la fermeture palpébrale. Les muscles paralysés sont souvent flasques mais peuvent conserver
un relatif tonus en fonction des cas et certains visages paraissent peu déséquilibrés au repos. Outre l’altération
des mimiques, la paralysie provoque des troubles élocutoires et masticatoires qui peuvent générer une gêne
permanente dans la vie quotidienne. La perte ou l’altération de la transmission des émotions entraînent souvent
un repli sur soi majoré par l’atteinte esthétique.
La paralysie est rarement isolée et l’on doit traiter en parallèle les autres troubles tels qu’une atteinte vestibulaire,
une diplopie, des troubles sensitifs.
La récupération des paralysies faciales laisse souvent des séquelles comme le spasme de l’hémiface ou la synciné-
sie. La rééducation doit avant tout les prévenir afin d’éviter leur apparition ou au moins en limiter l’intensité.
Souvent, le contrôle des syncinésies, ou plus exactement des co-contractions, devient l’essentiel de la rééducation.
La plupart des paralysies d’apparition brutale sont traitées par une corticothérapie et un traitement antiviral, de
préférence dès l’apparition des troubles. On y associe des soins quotidiens de la cornée par des collyres sous forme
de gel, des pommades ophtalmiques contenant de la vitamine A. La paupière doit être maintenue fermée la nuit
et parfois une partie de la journée. Une chirurgie palpébrale peut être proposée : tarsorraphie, alourdissement
de la paupière par insertion d’une plaque d’or, étirement de la paupière inférieure, greffe d’allongement de la pau-
pière supérieure, toxine botulique dans le muscle releveur. Cette chirurgie est plus généralement pratiquée à long
terme, en cas de séquelles. Il existe maintenant des lentilles protectrices de la cornée.
Dans les cas de compression intracrânienne massive, on pratique parfois une chirurgie de décompression par voie
intrapétreuse.
Dans les cas de récupération infructueuse, deux chirurgies permettant de retrouver une symétrie et une certaine
mobilité du visage sont proposées : l’anastomose hypoglossofaciale et la myoplastie d’allongement du muscle tem-
poral. Ces deux chirurgies s’accompagnent obligatoirement d’une rééducation appropriée. La technique de
transfert d’un lambeau libre est de moins en moins pratiquée.
Le traitement fonctionnel des paralysies reste la rééducation. Il est nécessaire de la débuter assez tôt, même sans
réponse clinique significative, afin d’établir une évaluation précise, donner des explications détaillées au patient
sur les gestes à faire et à ne pas faire, l’évolution, les risques de séquelles et les moyens de les prévenir.

2 - Autres paralysies périphériques


Les paralysies peuvent concerner une paire crânienne isolément lorsque la lésion siège sur le noyau ou le trajet
du nerf. Elles peuvent être associées et toucher plusieurs paires dans les cas d’atteintes diffuses du tronc cérébral.

◆ Atteinte du V
Elle provoque des troubles masticatoires et surtout une perte de la sensibilité faciale et endo-buccale (voir
chapitre Troubles de l’Appareil Manducateur).

◆ Atteintes des IX, X, Xl et XII


Elles sont responsables de la paralysie des muscles pharyngo-laryngés, d’un défaut de relâchement de la bouche
oesophagienne et de troubles sensitifs. Les fausses routes sont permanentes aux solides et aux liquides. Dans ce
cas, on doit généralement stopper l’alimentation orale.

206
◆ Paralysie bilatérale du XII
Elle entraîne un bavage, une difficulté à retenir les liquides et une absence de propulsion vers l’arrière, ainsi que
des troubles de la parole importants.
◆ Syndrome de Guillain-Barré (SGB)
C’est une polyradiculonévrite inflammatoire, c’est-à-dire une démyélinisation segmentaire associée à un
processus inflammatoire. Il existe une classification qui prend en compte les lésions morphologiques et leurs
rapports avec les manifestations cliniques : la forme typique du SGB caractérisée par l’installation rapide de
paralysies ; la forme motrice pure où l’atteinte des paires crânienne est fréquente ; la forme sensitive pure ;
le syndrome de Miller-Fischer (MFS) qui est défini par la triade clinique : ophtalmoplégie, ataxie et aréflexie
tendineuse ; la forme axonale qui laisse des séquelles importantes. [Nicolas et coll (2000), Salle et coll (1996)]
L’atteinte nerveuse est liée à une atteinte immuno-allergique dans 50 % des cas. Elle fait suite à une vaccination
ou une maladie infectieuse et les premiers signes apparaissent 8 à 10 jours après. Dans l’autre moitié des cas,
l’atteinte neurologique est apparemment primitive.
Les premiers signes cliniques sont caractérisés par des paresthésies, des douleurs, un déficit moteur aux pieds puis
aux mains. Le malade devient rapidement tétraplégique et en 10 à 15 jours, on note une extension aux nerfs
crâniens, entraînant une diplégie faciale, des troubles oculo-moteurs et une paralysie pharyngo-laryngée. Les
troubles se stabilisent après 3 semaines d’aggravation. On observe ensuite une régression progressive, après
plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Généralement, on administre des corticoïdes qui atténuent les troubles
sensitifs et limitent la progression, mais n’influencent pas la régression des paralysies.
Les troubles concernent la respiration, la motricité oro-faciale et la déglutition. Les risques majeurs sont les acci-
dents respiratoires dus à la paralysie du diaphragme et des inter-costaux et la paralysie du carrefour aéro--digestif.
Une trachéotomie avec pose de canule à ballonnet branchée sur un respirateur artificiel est très souvent néces-
saire. Dans les formes sévères, il persiste une diplégie faciale dont la récupération est souvent hétérogène : les
troubles peuvent régresser totalement en quelques mois ou la récupération motrice peut être lente et incomplète,
avec souvent d’importantes syncinésies. La paralysie faciale dans le SGB est caractérisée par la fatigabilité
musculaire persistante, l’apparition de syncinésies qui peuvent disparaître totalement même quand elles sont mas-
sives, l’atteinte bilatérale. Elle peut être associée, dans les débuts, à des troubles de la déglutition, des troubles
oculo-moteurs, une agueusie et une anosmie. Ces troubles régressent généralement de façon spontanée.

◆ Syndrome de Mœbius
C’est une atteinte génétique dont le gène responsable n’a pas encore été identifié. Il se caractérise par une para-
lysie faciale bilatérale et une atteinte oculomotrice (altération du développement des paires crâniennes VI et VII).
Les nerfs III, V, VIII, IX, XI, XII peuvent être également affectés. Certains signes physiques sont parfois
associés : pied bot, doigts manquants ou palmés, malformation des membres, hypotonie. Les troubles fonction-
nels sont une amimie, des troubles de la parole et de la mastication, une diplopie. La rééducation consiste à
équilibrer le visage au repos, développer des modes compensatoires pour améliorer l’intelligibilité de la parole.
Une myoplastie d’allongement des muscles temporaux est maintenant souvent proposée ; elle s’accompagne
d’une rééducation spécifique.

◆ Neurofibromatose de type 2 (NF2)


Elle est beaucoup plus rare que la NF1 (1 cas pour 50 000 à 100 000 naissances). Son gène est situé sur le bras
du chromosome 22. Les manifestations cutanées sont généralement absentes. On note essentiellement la
présence de tumeurs cérébrales telles que : schwannome vestibulaire bilatéral, méningiome, neurinome
bilatéral du VIII, tumeurs rachidiennes.
Les manifestations sont plus sévères en cas d’apparitions tumorales précoces avant 25 ans. Le traitement consiste
en une neurochirurgie d’un ou des deux neurinomes avec les risques de surdité, de troubles vestibulaires, de troubles

207
oculo-moteurs et surtout, de paralysie faciale. Une rééducation de la face associée à l’apprentissage pré et post
opératoire de la labio-lecture est généralement conseillée.

D - ATTEINTES DE LA MOTRICITÉ AUTOMATIQUE


Les lésions extra-pyramidales sont responsables de maladies appelées parfois “démences sous-corticales”, comme
les syndromes parkinsoniens, la chorée de Huntington et certaines dystonies. [Couture et coll (1997)].

1 - Maladie de Parkinson
Elle est la conséquence d’une altération du Locus Niger, structure située à la base du cerveau. Il libère une
substance neuro-transmettrice, la Dopamine, qui permet le passage des informations au Striatum. C’est le
manque de Dopamine qui est spécifique de la maladie de Parkinson et qui entraîne un dysfonctionnement des
mouvements automatiques utilisés dans la marche, les postures, la parole, la déglutition, l’écriture. Le tremble-
ment est quasi constant. Les 3 symptômes principaux sont : la raideur musculaire (hypertonie), le tremblement
et l’akinésie (ralentissement de l’initiation du mouvement). On nomme ces 3 symptômes la “triade parkinsonienne”.
Ce retard à l’initiation des gestes et leur lenteur provoque une importante gêne motrice chez ces malades.
50 à 90 % des parkinsoniens ont des troubles de la déglutition dont 20 à 50 % peut entraîner des pneumopathies
d’inhalation. Les 3 temps de la déglutition sont touchés et l’on note une hyper sialorrhée, des stagnations
buccales, des stases valléculaires, un fractionnement de la déglutition, une insuffisance de l’ouverture pharyngo-
œsophagienne, une rétention hypo-pharyngée (inhalations).
La dysphagie est associée à une dysarthrie, des troubles phonatoires et respiratoires, des troubles de la mimique
et des praxies faciales. [Couture et coll (1997), Guillard et Fénelon (1991)]

2 - Maladie de Steele-Richardson (ou paralysie supra-nucléaire progressive)


Elle est due à une dégénérescence neuro-fibrillaire qui touche les noyaux des nerfs crâniens, la partie interne du
Globus Pallidus, le corps de Luys, le Mécencéphale, le Locus Niger, la calotte protubérantielle et le noyaux
dentelé du cervelet. Cette affection cérébrale dégénérative entraîne une paralysie oculaire, une akinésie de la face
et des membres, une hypertonie en extension de la nuque, une dysarthrie, une dysprosodie, une dysphagie aux
liquides.
En cours d’évolution, la paralysie du regard devient tout à fait significative, ainsi que l’amimie. La parole devient
quasi inintelligible, considérablement ralentie et la voix est monotonale, évoquant une dysarthrie akinétique. Les
fonctions supérieures s’altèrent progressivement jusqu’à une démence frontale irréversible.

3 - Chorée de Huntington (ou syndrome choréique)


C’est la conséquence d’une atrophie macroscopique du cortex cérébral, prédominante sur le cortex frontal ; d’une
atrophie du striatum et d’une dégénérescence des neurones restants. Il existe des chorées aiguës comme la
chorée de Sydenham (danse de Saint-Guy) et les chorées chroniques dont la plus fréquente est la chorée de
Huntington.
Elle débute vers la quarantaine et se caractérise par des mouvements anormaux, brefs, rapides, brusques et
involontaires. Ils sont aggravés par l’effort physique ou intellectuel, la fatigue et les stress émotionnels. La face,
le cou et les membres sont les lieux habituels des manifestations choréiques.
On observe une amimie de type paralysie faciale centrale, un trouble de la parole et de la voix, des troubles du
souffle, une dysphagie aux liquides (le 1er temps de la déglutition est touché en raison de la mauvaise préhension
labiale, mais il existe des fausses routes dues à l’incoordination entre l’élévation laryngée et le blocage respiratoire).

4 - Athétose et Dystonie
Ce sont des mouvements anormaux. Dans l’un et l’autre cas, le mouvement met en jeu simultanément

208
le muscle antagoniste. Il y a perte de l’innervation réciproque, le mécanisme est peu connu. [Yoshida et coll (2002)]
L’athétose se manifeste aux membres et à la face. C’est une forme de syncinésie, c’est-à-dire qu’à l’occasion d’un
geste volontaire, des territoires très distants se trouvent simultanément activés.
La dystonie est un mouvement tonique intermittent qui donne au muscle une attitude extrême, indépendante
de la volonté. Elle peut toucher la face, les paupières, la langue (par crises de protraction), les muscles mastica-
teurs. La crampe de l’écrivain est aussi un phénomène dystonique. On note généralement des troubles de la parole
et de la mastication. Le traitement est l’association de la rééducation, de myorelaxants et d’injections de toxine
botulique.

E - ATTEINTE DE LA MOTRICITÉ VOLONTAIRE


La motricité volontaire de la fonction oro-faciale et de la déglutition est perturbée lorsque les voies cortico-bul-
baires sont lésées de façon uni ou bilatérale. On distingue les accidents vasculaires cérébraux et traumatismes
crâniens des affections neuro-dégénératives. [Couture et coll. (1997)]

1 - Accidents vasculaire cérébraux et traumatismes crâniens


Les lésions unilatérales localisées aux voies cortico-bulbaires et provoquant une hémiplégie associée à une para-
lysie faciale centrale entraînent un trouble de la parole, une paralysie faciale, un bavage, des stases jugales, un retard
d’initiation du temps pharyngé et une relative immobilité du larynx. Les fausses routes aux liquides sont plus
fréquentes dans les cas d’hémiplégie gauche.
Certains AVC peuvent siéger dans le bulbe et générer une paralysie du larynx et du pharynx. Le syndrome de
Wallenberg, qui provoque un ramollissement du tronc cérébral, entraîne un trouble massif de la déglutition dû
à la paralysie du pharynx et du larynx et la perte de leur sensibilité.
Les traumatismes crâniens ayant provoqué des lésions nucléaires et supra-nucléaires peuvent générer des trou-
bles de la motricité oro-faciale et de la déglutition, semblables à ceux causés par les AVC.

2 - Atteintes bulbaires et supra-bulbaires


◆ Sclérose en plaques (SEP)
C’est une lésion inflammatoire qui touche la gaine de myéline des nerfs. Le foyer de démyélinisation apparaît à
la surface de la moelle, ou au niveau de la substance blanche cérébrale. Ces lésions sont disséminées sans ordre
et forment des plaques de dimensions inégales. Les troubles varient selon la localisation de ces lésions ; c’est ce
qu’on appelle le polymorphisme de la SEP. On note un déficit moteur souvent limité aux membres inférieurs.
On peut observer toutefois une paralysie faciale centrale associée à une abolition du réflexe du voile et une
exagération de réflexe du masséter. La maladie provoque des sensations de picotement ou de fourmillement, mais
aussi des douleurs, et parfois, une névralgie du trijumeau. On observe souvent des troubles de l’équilibre et de
la coordination musculaire dus à des foyers de démyélinisation dans les voies cérébelleuses.
Il existe très souvent la présence de plaques au sein du nerf optique entraînant des troubles de la vision.
Enfin, les foyers intéressent les fibres des nerfs crâniens et les voies supra-nucléaires. On observe alors des troubles de
la phonation et de la déglutition ; parfois une paralysie faciale périphérique ainsi qu’un nystagmus évoquant un
désordre vestibulaire et une paralysie des nerfs oculo-moteurs.
En conclusion, on observe un trouble de la parole caractérisé par une dysarthrie de type paralytique, un trouble
de la mastication lié à une douleur aux articulations et aux masséters, des fausses routes à la salive trop fluide,
des troubles de la coordination respiratoire, des troubles psychiques (notamment une dégradation de la mémoire
et de l’attention), une fatigabilité extrême liée au nystagmus, aux troubles visuels et oculo-moteurs.

◆ Sclérose latérale amyotrophique (SLA)


C’est une lésion dégénérative qui entraîne la disparition progressive des neurones moteurs périphériques. On
observe souvent, en début de maladie, une atteinte des membres supérieurs puis inférieurs. Le malade ressent des

209
crampes puis les troubles évoluent vers une atrophie et des fasciculations musculaires. Les réflexes sont vifs et
exagérés.
On note généralement des troubles de la parole et de la déglutition, une exagération des réflexes des masséters,
une spasticité de la face, des rires et des pleurs spasmodiques, des spasmes crico-pharyngés, des troubles respiratoires
et phonatoires.
Le diagnostic doit être confirmé par l’étude du LCR et une électromyographie ; il est fondé sur la présence de
trois critères : atteinte du neurone central (motoneurone cortical), atteinte du neurone périphérique (motoneu-
rone médullaire), aggravation des troubles au cours de l’année. Il y a absence d’atteinte sensitive, de troubles génico-
sphinctériens (différent de la SEP), d’atteinte des muscles oculo-moteurs, de troubles intellectuels (différent du
Parkinson), d’escarres.
Sur le plan clinique, on rééduque la dysarthrie, la phonation, la respiration, les mimiques et la déglutition. Les
signes cliniques étant très divers d’un patient à l’autre et leur ordre d’apparition étant différent, on propose dans
la pratique une rééducation “à la carte”.

V – EVALUATION
Il existe des grilles d’évaluation clinique spécifiques à la plupart des pathologies. Certaines comportent des cotations
pour l’examen de la force musculaire. Pour les paralysies faciales, la classification de House et Brackmann est
utilisée comme référence internationale [House et Brackmann (1985)]. Plusieurs intègrent la notion de signes
subjectifs, d’auto-évaluation, d’échelles (comme les échelles de douleurs). Le tableau Evaluation des fonctions
oro-faciales (figure 1) présente les principaux items retrouvés dans la plupart des protocoles.

VI – RÉÉDUCATION

A – MATÉRIEL
Le traitement des anomalies des fonctions oro-faciales nécessite un matériel spécifique que l’on peut se procurer auprès
des enseignes spécialisées dans la rééducation fonctionnelle, mais aussi chez les fournisseurs de matériel pour
dentistes et orthodontistes. En voici une liste non exhaustive, chaque rééducateur ayant généralement ses
propres outils parfois inventés au cours de certaines rééducations.
• table de massage
• miroir en pied
• réfrigérateur/congélateur
• bouilloire électrique
• fauteuil à haut dossier
• tabouret roulant
• appareil photo
• caméra vidéo
• logiciel de traitement photo/vidéo
• logiciel d’analyse vocale
• moniteur mobile
• biofeedback avec contrôle visuel et sonore et électrodes de surface
• vibrateur à basses fréquences
• gants de latex
• larmes artificielles
• compresses stériles et sparadrap
• pochettes de thermothérapie (à chauffer ou auto-chauffantes)
• abaisse-langue adultes et enfants
• écarteurs labiaux

210
• dynamomètre
• silicone ou résine pour la fabrication de cales mandibulaires
• matériel pour le contrôle du souffle (pailles, bougie, ballons, miroir métallique…)
• matériel pour la préhension labiale (pinces labiales, haltères labiales, boutons de diamètres différents avec fil
de coton…)
• matériel pour la mobilité linguale (haltères linguales, anneaux de diamètres différents, élastiques orthodontiques,
tétines, billes de plastique trouées de tailles variées…)
• posters anatomiques de la tête et du cou
• Crâne en plastique

B - MASSAGES
Ils sont proposés dans les cas de paralysies flasques ou de contractures musculaires. La plupart des auteurs
s’accordent pour des effleurages sans force excessive, respectant l’insertion des fibres musculaires, avec des étire-
ments lents et sans relâchement brusque. On pratique une alternance d’étirements et de massages "roulés".
La position semi-assise avec appui-tête ou mieux encore, la position allongée sont préconisées. Ils ne doivent pas
excéder 10 minutes. On peut agir sur l’ensemble des muscles de la face, sans oublier les peauciers du cou.
Les massages internes des lèvres et de la joue sont importants dans les cas de paralysies faciales et de chirurgie
reconstrutrice. On peut les pratiquer également sur la langue dans les cas d’atrophie linguale (paralysie du XII,
anastomose hypoglossofaciale, chirurgie carcinologique).
Les cicatrices doivent également être massées : légères pressions parallèles à la cicatrice, petits étirements
perpendiculaires, décollement des adhérences. On peut s’aider d’un vibrateur à basses fréquences, à la fois pour
les cicatrices, les transferts de lambeaux libres et dans les cas de contractures musculaires. Les massages labiaux
à la main et au vibrateur sont parfois intéressants chez la personne polyhandicapée afin de stimuler la préhen-
sion labiale. Les étirements orthodermiques et le palper-rouler sont effectués en début de traitement. [Hebting
et Dotte-Masson (1991)]
En neurologie, certains auteurs s’accordent pour proscrire les massages dans les cas de Maladie de Parkinson et
de PSP. Ceux-ci sont plus efficaces dans les syndromes choréiques (effleurage légers) et surtout pour les SLA où
ils sont pratiqués de façon quasi systématique.
En règle générale, on peut associer les massages faciaux à des applications de chaleur, sauf dans les cas de SEP,
SLA et myasthénie, ou le froid est plus conseillé.

C - RÉÉDUCATION DES MUSCLES FACIAUX


Les muscles faciaux sont relativement stables et même paralysés longtemps, ils ne présentent pas d’atrophie
réelle. Leur particularité vient de leur taille et leur proximité ainsi que leur dépendance aux impulsions volon-
taires et émotionnelles. Tout muscle facial paralysé est fatigable et peut évoluer vers une contracture. Dans les
cas d’atteinte du nerf facial, des syncinésies - ou co-contractions - peuvent apparaître ; elles sont la conséquence
d’une régénération nerveuse aberrante, d’une transmission éphaptique entre deux axones adjacents et d’une
hyperexcitabilité nerveuse. En raison de ces particularités observées en clinique et expérimentées en électromyo-
graphie, il existe un consensus pour un travail sans excès, a minima, sur un temps court avec des répétitions
limitées pour chaque mouvement. [Couture et coll. (1997), Martin et coll. (2004)]
Lorsque les muscles sont paralysés et flasques, on procède selon 5 stades en agissant sur trois zones distinctes :
• la zone front-œil,
• la zone nez-joue,
• la zone bouche-menton-cou,

Stade passif : Le déplacement musculaire est effectué à la main ou au vibrateur par le rééducateur pendant que
le patient se concentre sur le mouvement ainsi exécuté. Le travail est généralement réalisé devant miroir afin de
contrôler l’équilibre – surtout en cas d’atteinte unilatérale - et afin de créer un feed-back positif. Ce travail est
important car il participe à la ré-organisation corticale.

211
Stade passif-assisté : Lorsque l’on perçoit la moindre ébauche de mouvement, celui-ci est démarré par le patient
puis accompagné par le rééducateur quelques secondes. Le passage au repos doit être long car à ce stade, le muscle
est très fatigable. La vidéo macroscopique est alors très utile, afin de mettre en évidence certains mouvements
non ressentis.
Stade actif-assisté : Le mouvement est réalisé par le patient et aidé par le rééducateur en fin de course afin de
limiter l’effort.
Stade actif : Lorsque l’ébauche est suffisante pour déclencher le départ du mouvement, visible à l’œil nu, le patient
peut commencer à travailler seul devant un miroir, sans exagération.
Stade actif, contre résistance : Le patient arrive à créer un mouvement durable qu’il peut initier contre une légère
résistance.
Le passage par ces stades est très important pour éviter tout risque de co-contractions voire de spasmes.
Le muscle frontal est en général plus lent à récupérer en raison de sa structure très fine (peu de fibres musculaires) ;
il doit être souvent massé.
Le muscle triangularis est également plus long à mobiliser en raison du peu d’anastomoses sur la branche
mandibulaire du VII.
Le sphincter labial doit être renforcé en priorité car en cours de récupération, la joue prend souvent le dessus sur
les lèvres et il se crée alors un déséquilibre qui peut favoriser les syncinésies.
Tout travail exagéré peut provoquer des crampes, des syncinésies ou des spasmes. Ceux-ci sont généralement
localisés sur l’orbiculaire des paupières et le muscle frontal, ainsi que sur la commissure des lèvres et les peauciers
de cou.
Quand le risque de spasme est éloigné, on peut avoir recours à du matériel afin de renforcer certaines zones :
• lèvres : boutons, guide-langues, haltères labiales, bouchons de diamètres différents, tétine, pailles, ballons
gonflables…
• joues : guide-langue, perles de plastiques, billes de tailles différentes, ballons…
• langue : élastiques orthodontiques, anneaux, haltères linguales (anneau relié à un poids par un fil, que l’on
maintient de la pointe de la langue), pailles…
En neurologie, dans les cas d’atteinte de la motricité automatique, on travaille la motilité linguale, les exercices
jugaux, les lèvres et l’ouverture buccale volontaire, avec lenteur et sans force afin d’éviter toute crispation.
Les instruments sont proscrits ; les mouvements sont souvent enchaînés avec une aide manuelle.
Dans les cas de SEP et surtout de SLA, on évite la mobilisation active afin d’éviter une fatigue musculaire.

D - RÉÉDUCATION DES SPASMES ET DES SYNCINÉSIES


Ce phénomène apparaît surtout dans les cas de paralysies faciales sévères et longues à récupérer. [Diels (1995),
Martin et coll. (2004), Moran et Neely (1996)]
Dans la pratique, tout mouvement anormal accompagné d’une contracture musculaire est appelé spasme de
l’hémiface. En règle générale, il s’agit d’une distorsion entre les territoires supérieur et inférieur. Exemple :
la fermeture de la paupière ou la mobilisation du front provoquent un étirement de la commissure labiale,
accompagné parfois d’une contraction du menton et du cou. A l’inverse, les mouvements de protraction des
lèvres, ou de pincement entraînent la fermeture parfois complète de l’œil et une contraction du frontal et du sour-
cilier. Cette séquelle peut être extrêmement gênante, parfois plus que la paralysie flasque asymétrique, et sa résorp-
tion est difficile. Elle apparaît dans les cas de paralysies sévères, qui récupèrent lentement et de façon non
homogène. Au début, les contractures sont peu perceptibles et parfois non ressenties par le patient. Leur mise
en évidence est très importante, soit devant une glace, soit filmées en gros plan et projetées en temps réel sur un
moniteur, soit par biofeedback.
Au début, on cherche à réduire la tonicité trop importante, d’abord par un relâchement général, des exercices
respiratoires, voire de relaxation en position allongée. La relaxation accompagnée d’une contraction/décontrac-
tion des membres est bénéfique car elle renforce le contrôle cortical des mouvements. On effectue des massages
des tissus, lents et sans à-coups, ainsi que des massages internes de la joue en ramenant la commissure vers

212
l’avant. Les vibrations à basse fréquence sont ici préconisées.
Ensuite, on recherche l’inhibition des co-contractions en focalisant l’attention du patient sur le spasme et non
sur le mouvement réalisé. Le mouvement doit être extrêmement léger, tenu au moins 10 secondes. La difficulté
réside en une très grande attention, d’où la nécessité des exercices préliminaires. Lorsque la co-contraction
apparaît, le mouvement est tenu jusqu’à la disparition complète ou quasi complète de celle-ci. Ensuite le patient
se relâche totalement et recommence après un temps de repos.
Le contrôle de la paupière sur les mouvements de projection des lèvres ou de serrement est difficile à obtenir ;
on commence généralement par l’aspiration de la lèvre inférieure, puis de la supérieure, puis des deux. L’œil doit
rester totalement ouvert. Ce constat met en évidence l’importance du renforcement du sphincter labial, afin de
limiter l’étirement en arrière.
Le contrôle du territoire inférieur (commissure, menton et cou) sur la fermeture de l’œil est plus facile à réali-
ser sous électromyographie de surface à feed-back sonore. De la même manière que pour les lèvres, on demande
au patient de fermer les yeux lentement, en regardant vers le bas, parfois en aidant la paupière de la main. Dès
l’apparition de la syncinésie au territoire inférieur, la fermeture est maintenue, avec une force minimale, jusqu’à
la disparition de la contracture. Sans biofeedback, on demande au patient de se pincer légèrement la joue afin
de ressentir la contraction entre ses doigts.
A force, ces exercices demandent moins d’attention et peuvent être exécutés plus rapidement. A ce stade, le contrôle
volontaire reste très important et l’on arrive à une automatisation que bien plus tard.
La diminution des syncinésies est fonction de la récupération du nerf. Parfois, la qualité motrice reste médiocre
mais le contrôle du spasme permet une plus grande symétrie au repos et sur des mobilisations non forcées.
Dans les cas de bonne récupération motrice mais quand les co-contractions sont tenaces, on peut être amené à
faire pratiquer des injections légères de toxine botulique dans les muscles les plus contractés. Le contrôle des
contractures est alors plus aisé et l’on peut obtenir à terme un meilleur équilibre. [Poignonec et coll. (2004)]
Les applications de chaleur, les exercices corporels (gymnastique, yoga), la magnéto- thérapie peuvent être des
compléments à la rééducation, qui ont une importance non négligeable
Cette séquelle des paralysies des muscles de la face est extrêmement gênante et peut souvent être définitive, c’est
pourquoi le rééducateur doit être vigilant dès le départ et orienter son travail sur la prévention des syncinésies ;
l’information au patient est très importante.

E - RÉÉDUCATION DE LA SENSIBILITÉ
Le sensibilité exo et endo-buccale peut être touchée, soit par atteinte directe du nerf trijumeau – et l’on observe
une baisse, voire une perte de la sensibilité de la face – ou soit par diffusion de contractures musculaires ou
d’inflammations, et l’on voit alors des phénomènes douloureux, des algies de la face et des gencives, une hyper-
sensibilité des lèvres et de la langue.
En cas d’hypo-sensibilité, il faut exercer régulièrement les 5 stimulations sur zone et hors zone : pression des doigts,
effleurage léger (plume ou coton), stimulations profondes (aiguille ou pointe de ciseaux), chaleur, froid.
Le patient a les yeux fermés et compare avec les zones non atteintes. Lorsque le trijumeau est totalement touché
(méningiome, exérèse de neurinome), ces stimulations permettent parfois de réduire la sensation de "douleur
profonde " résiduelle. Elles sont également importantes chez les enfants présentant une paralysie motrice d’origine
cérébrale et dans certaines atteintes congénitales ; on peut y adjoindre les stimulations avec des vibrations à basse
fréquence. Parfois on observe un bavage lié à la parésie labiale et au manque de sensations sur le territoire
inférieur du visage ; les exercices sont alors réalisés devant miroir et l’on peut être amené à demander que les repas
soit pris devant une glace pour obtenir un feedback.
En cas d’hyper-sensibilité, on n’exerce aucune stimulation forte, aucune suractivité musculaire. Les exercices de
relaxation sont préconisés ainsi que des effleurages sur l’ensemble de la face. On rencontre ce phénomène dans
les cas de spasmes post-paralytiques ou dans les syndromes algo-dysfonctionnels de l’appareil manducateur ;
il peut être la gêne principale, dans ce cas, la rééducation vise à supprimer ou réduire la douleur.

213
F - RÉÉDUCATION DE L’APPAREIL MANDUCATEUR
Dans la pratique, on intervient dans les cas de dysfonctionnements crânio-mandibulaires (DCM) dont le motif
principal est la douleur. Le bilan fonctionnel est très important car il permet de mettre en évidence les différentes
causes du trouble. Les patients ont souvent un long passé médical et ont suivi un certain nombre de traitements
(meulages, traitements anti-inflammatoires, extractions dentaires, psychothérapie…). Beaucoup d’auteurs insistent
sur le bénéfice de la rééducation et quelques études épidémiologiques montrent des résultats significatifs. L’auto-
rééducation et le travail quotidien à domicile sont préconisés dans de nombreux articles. [Hans (2002), Kato et
coll. (2001), Lemière et coll. (2003), Mac Farlane (2002), Murakami (2002), Zeno et coll. (2001)]
Les massages sont réalisés systématiquement. On intervient sur l’ensemble de la face et l’on exerce des effleurages,
des toucher-rouler, parfois des massages profonds des temporaux et masséters. Les applications de compresses
chaudes ont des effets analgésiques et décontractants. Parfois, les exercices préparatoires sont complétés par de
la relaxation, des exercices de souffle, un travail sur la conscience corporelle devant un miroir (conscience de la
statique vertébrale, de l’appareil manducateur au repos et en mouvement, du dysfonctionnement de la cinématique
mandibulaire…).
Les exercices sont pratiqués devant une glace. On agit d’abord sur la décontraction musculaire et la prise de
conscience des para-fonctions, des tics et des positions vicieuses. [Annunciato (1998), Wright et coll. (2002)]
La langue joue un rôle très important. Dans 80% des cas, il existe un défaut de posture linguale (position anté-
rieure, hypotonie du dos et de la base de langue, étalement des bords latéraux). Les premiers exercices consis-
tent à renforcer la mobilité linguale, développer les mouvements de recul, d’écrasement au plancher (renforcement
du digastrique), de déglutition. La langue sera utilisée ensuite afin de mobiliser les ATM : elle se substitue aux
muscles masticateurs. [Nicolakis, Burak et coll. (2001), Nicolakis, Erdogmus et coll. (2001), Oh et coll. (2002)].
En fonction des cas, on peut pratiquer un certain nombre de mouvements qui aideront l’ouverture, la propul-
sion et la diduction. Ceux-ci doivent être limités afin d’éviter toute contracture, parfois proscrits en cas de
douleurs importantes, d’amplitude réduite en cas de claquement des ATM (ou luxations "réductibles"). Le choix
de ces exercices varie selon les cas. En voici une liste qui est reprise par la majorité des auteurs :
Ouverture et fermeture (relâchement/renforcement des masséters et des temporaux, renforcement/relâchement
du digastrique et des peauciers du cou)
• étirement des peauciers
• protraction de la langue
• ouverture contre-résistance
• mise en place d’une cale postérieure (réalisée sur mesure avec du silicone)
• pincement des lèvres
• aspiration de la lèvre inférieure
• rétraction de la langue (apex sur luette)
Protraction et rétropulsion (renforcement/relâchement des ptérygoïdiens médians et latéraux, des temporaux
antérieurs et moyens)
• propulsion de la lèvre inférieure
• lèvre inférieure sur lèvre supérieure
• lèvre inférieure rentrée
• apex sur lèvre supérieure
• poussée de l’apex dans la lèvre inférieure
• apex sur la luette
Diduction (renforcement/relâchement des ptérygoïdiens externes)
• langue dans la joue
• langue à la commissure labiale
• langue vers le cou
• sourire unilatéral
• apex sur les dents de sagesse inférieures et supérieures
• étirement unilatéral des peauciers du cou
Ces exercices peuvent être pratiqués unilatéralement afin de travailler une seule ATM. La plupart du temps,

214
la douleur ou le dysfonctionnement sont unilatéraux ; parfois, c’est l’ATM controlatérale qui présente une anoma-
lie (ex. : un claquement sur un condyle peut être la conséquence d’un défaut de luxation du condyle controlatéral).
Des exercices de mastication et de déglutition en situation sont souvent réalisés : appui lingual au palais, masti-
cation à vide, mouvements rotatifs, appui des incisives, croquer des aliments de dureté et de taille différentes.
Les ATM et les muscles temporaux, masséters et digastriques sont contrôlés ; on vérifie la symétrie, les hyperto-
nies, les craquements et douleurs.
Des exercices de phonation sont pratiqués sur les phonèmes apico-dentaux.
Un contrôle par biofeedback est souvent proposé afin de développer la prise de conscience de certains dysfonc-
tionnements musculaires [Dahlström et coll. (1985)]. Lorsque l’on ne possède pas ce type d’appareil, le travail
devant miroir est essentiel, ou mieux, filmé en vidéo.
Une gouttière de sur-élévation est souvent proposée parallèlement à la rééducation. Pour être efficace, elle est
régulièrement meulée afin que les points d’appui dentaires soient différents.

G - RÉÉDUCATION DE LA MOTRICITÉ ORO-FACIALE CHEZ LA PERSONNE


POLYHANDICAPÉE
Chez la personne polyhandicapée, on retrouve généralement deux types d’attitude :
Les attitudes en extension, liées à la spasticité ou une augmentation du tonus : on recherche la mobilisation du
bassin, du rachis et du cou. De légères pressions exercées sur la face antérieure du tronc provoquent la flexion
de la tête vers l’avant. La personne spastique présente le cou en rotation ou en inclinaison latérale, les yeux sont
tournés vers le haut, la mandibule est en ouverture exagérée, la langue est rétractée, peu mobile, souvent l’apex
collé au palais, la lèvre supérieure est étirée vers le haut et les pommettes sont saillantes. [Crunelle (1998)]
Les attitudes en flexion, liées à une hypotonie : Une mobilisation active est plus efficace. Les exercices d’éléva-
tion des membres supérieurs, de pression sur les épaules afin d’obtenir un redressement, de tapping sur la face
postérieure du tronc et sur la base du crâne facilitent la normalisation de l’attitude posturale. La personne hypo-
tonique contrôle difficilement la tête et le tronc. On observe une chute vers l’avant ou le côté. Les paupières sont
tombantes. La bouche est ouverte, les masséters relâchés. La langue est étalée et en protrusion. Les mouvements
sont lents et le bavage important. [Crunelle (1998)]

Tout travail sur la motricité oro-faciale doit être précédé d’une prise en charge de la pathologie globale. Celle-ci
diffère que l’on soit en présence d’une personne spastique ou hypotonique. On recherche toutes les attitudes,
postures, mobilisations qui amènent l’inverse des manifestations pathologiques.
Le travail de la respiration, du souffle naso-nasal, du mouchage fait suite aux exercices corporels.
Les effleurages et massages faciaux sont très importants. On conseille des effleurages doux sur l’ensemble du visage
pour les personnes spastiques et des massages plus actifs, parfois localisés sur les lèvres, le menton et les joues,
en cas d’hypotonie. Dans certains cas, notamment chez les enfants, l’approche buccale est difficile et l’on peut
déclencher des réactions de retrait, de morsure : un massage au niveau du crâne, des tempes et des orbiculaires
des paupières peut être approprié.
Après un travail sur les postures, la motricité oro-faciale est exercée :
• succion (parfois avec l’aide d’une tétine)
• aspiration (paille, sucette)
• motricité labiale (souffler avec la paille dans un verre)
• recul de la langue ("tapping" sur les lèvres, massages du plancher buccal, stimulation tactile des gencives, du
palais et de la langue)
• mastication (croûte de pain, viande…)
• travail sur les muscles antagonistes afin d’obtenir la fermeture
Ces stimulations doivent être répétées plusieurs fois dans la journée afin de développer de nouveaux automatis-
mes. Les résultats sont plus probants en cas de prise en charge précoce, chez le petit enfant ou le bébé.
Pour l’alimentation, la présentation des repas est très importante. On doit préférer des aliments semi-mixés, très
parfumés (en évitant les produits trop acides), afin de favoriser la mastication, le recul de la langue et la

215
proprioception. La présentation des liquides au verre est plus efficace car elle permet la préhension labiale et
l’aspiration. On utilise souvent des pailles courtes. Pour le petit enfant, on peut utiliser un coussin de mousse
dure bloqué contre une table ; l’enfant est sur les genoux du thérapeute, les jambes en tailleur ou de chaque côté,
le dos et la tête reposant sur le coussin. Cette position permet d’être face à l’enfant, d’avoir les mains libres et de
faire les exercices sur la sphère oro-faciale. Dans d’autres cas, on bascule le fauteuil contre un mur, les roues blo-
quées par une cale, an ajustant l’appui-tête. [Crunelle (1998)]

H - RÉÉDUCATION DE LA LANGUE
Dans les anomalies des fonctions oro-faciales, il peut exister une paralysie complète ou partielle de la langue (lésion
du tronc cérébral, section ou compression du XII, anastomose hypoglossofaciale), ou un défaut de contrôle des
mouvements linguaux (dystonie, chorée, atteinte cérébelleuse). Enfin, la chirurgie carcinologique provoque des
lésions, des pertes de substance, des paralysies partielles ; la greffe de lambeaux libres et les effets de la radiothérapie
majorent le dysfonctionnement. Dans la pratique, on intervient dans 4 cas : les paralysies, l’incoordination
motrice, la chirurgie des muscles et des muqueuses, les anastomoses.

1 - Paralysies linguales
On pratique des massages directs de la langue : lissage des bords latéraux, de l’apex, du dos, par des pressions,
de l’intérieur vers l’extérieur. Le froid est recommandé par la plupart des auteurs ; dans de nombreux cas, on fait
manger quelques cuillères de glace avant l’entraînement de la mobilité, ou l’on passe un glaçon glissé dans un
gant de latex sur toute la surface de la langue. Avec le temps, il peut apparaître une atrophie musculaire de la zone
paralysée c’est pourquoi il faut particulièrement insister sur les massages internes. Le muscle digastrique est
massé, sous le menton. On peut y passer un vibrateur ou des applications froides.
La mobilité est exercée soit par poussées contre pression, dans toutes les directions, soit accompagnée du doigt
ou d’un abaisse-langue (on préfère utiliser les abaisse-langue pour enfants, qui sont plus lisses et ne risquent pas
de blesser). Le travail du plancher lingual et du recul de la base doit être fait systématiquement afin de limiter
les phénomènes de morsure latérale. L’entraînement par la proprioception est souvent utile : on utilise généra-
lement les saveurs acides et amères qui favorisent les contractions musculaires. Les perles de tailles variées, les balon-
nets gonflés d’air ou d’eau sont souvent utilisés. Certains rééducateurs proposent des haltères linguales de poids
différents afin de renforcer l’apex et la base de langue. Enfin on propose la plupart des exercices qui sont prati-
qués lors des rééducations de la posture de langue en association à l’orthopédie dento-faciale. [Leloup (1998)]
La rééducation motrice est accompagnée d’exercices de phonation et de mastication-déglutition. Les enregistre-
ments et les logiciels de traitement vocal sont souvent utilisés.

2 - Incoordination motrice
Dans les cas d’incoordination motrice, la parole et la phonation sont plus altérées que dans les paralysies partielles.
La rééducation porte surtout sur cet aspect mais l’on travaille aussi sur la prise de conscience des para-fonctions
et des mouvements parasites. On s’oriente sur une prise en charge passive : langue en repos, positions fixes,
indépendance langue-mandibule, feed-back visuel devant miroir, coordination respiratoire.
Pour la dystonie, on a recours à des "distracteurs" : chewing-gum pendant la phonation, maintient d’une
allumette entre les dents, pose d’une gouttière inférieure courte afin de réduire les mouvements involontaires.
Souvent des injections de toxine botulique sont réalisées dans la langue et les masséters. Des massages faciaux
sont pratiqués afin d’obtenir un relâchement plus global.

3 - Chirurgie carcinologique
La chirurgie de la langue entraîne des troubles fonctionnels massifs : troubles de la parole, de la mastication et
de la déglutition, douleurs, agueusie. Les massages internes et externes sont pratiqués. On exerce la sensibilité

216
(appui sur des billes, des mousses, des balonnets). On stimule le goût en évitant les saveurs acides. L’assèchement
de la bouche (hyposialie) est très fréquent, surtout après radiothérapie et l’on veille à une hygiène buccale rigou-
reuse. En cas de greffe, les cicatrices sont massées quotidiennement. Des exercices articulatoires utilisant les
moyens de compensation sont pratiqués (exagération de l’articulation, syllabisation, ralentissement du débit).
Parallèlement aux mouvements de langue (assistés et contre résistance), la déglutition est travaillée avec respect
des postures de sécurité et recherche de modes compensatoires (manipulations laryngées, inclinaison de la tête,
"appui front contre main"…).

4 - Anastomose hypoglosso-faciale
Elle est réalisée dans les cas de paralysies faciales définitives, à 24 mois maximum de la paralysie. Les axones de
l’hypoglosse sont anastomosés sur le nerf facial, en aval de la lésion (anastomose termino-terminale) [Lamas (2004)].
Après 4 à 6 mois, la repousse axonale dans la gaine du VII permet de laisser passer les influx en provenance du
grand hypoglosse jusqu’aux muscles faciaux et permettre ainsi un rétablissement partiel de la mimique. L’hémi-
langue du côté opéré devient rétractée et perd de sa mobilité. Elle doit être rééduquée très régulièrement, le plus
tôt possible, les exercices pratiqués quotidiennement. Le but est de retrouver une mobilité latérale et d’activer la
repousse nerveuse au niveau de l’anastomose. Les exercices sont ceux des hémiparésies linguales, avec renforce-
ment de l’appui de l’apex et du dos au palais et contre les alvéoles supérieures. [Gatignol et coll. (2002),
Martin et coll. (2004)]
Il y a transfert de fonction, une partie du nerf hypoglosse étant maintenant utilisée pour la mimique faciale. Les
exercices de contrôle volontaire, de mouvements imaginés, de mobilisation passive des muscles vont permettre
de mettre en jeu la plasticité cérébrale ; il y a transfert de commande et à terme, on recherche la dissociation entre
les mouvements de la langue et ceux de la face, afin d’obtenir d’un côté un sourire autonome puis spontané et
de l’autre côté, des mouvements linguaux amples et indépendants de la mimique.
Parfois, on pratique des anastomoses termino-latérales, qui préservent tout ou partie du nerf hypoglosse. Dans
ce cas, la langue n’est pas touchée mais les résultats sur la mobilité faciale sont décrits comme moins efficaces.

I - RÉÉDUCATION DES TRANSFERTS MUSCULAIRES


En chirurgie carcinologique, on greffe parfois des lambeaux musculaires sur la zone opérée. C’est le cas lors
d’atteintes parotidiennes diffuses, des tumeurs des régions temporales et cervicales. La partie greffée est massée
régulièrement par des mouvements roulés, des pressions, des étirements, des décollements des adhérences. Les
cicatrices sont aussi massées ; les infra-sons sont préconisés. La zone est généralement insensible. On assiste les
mouvements, à la main, en recherchant avant tout un équilibre droite-gauche. A terme, de petites anastomoses
nerveuses peuvent apparaître et le muscle retrouver une certaine mobilité. La rétraction musculaire provoque
souvent un trismus et un défaut d’ouverture de la mâchoire ; celle-ci doit être exercée régulièrement, selon les
trois plans. La pose d’une cale entre les molaires ou les incisives aide à l’extension musculaire. [Marti (2002)]
Dans les cas de paralysies faciales définitives - notamment les paralysies congénitales, celles liées à certaines
parotidectomies, les paralysies de plus de 2 ans - on pratique le transfert du muscle temporal qui consiste en
un décollement de l’ensemble du muscle de la fosse temporale, un allongement des fibres avec transfert du ten-
don temporal vers les lèvres. Cette technique permet la "réanimation" des lèvres et du sourire. Dans ce cas, le mus-
cle conserve sont innervation par le trijumeau. La rééducation à pour objectif de restaurer le mouvement labial
par la mobilisation du muscle temporal, et de développer le contrôle cortical du sourire afin d’obtenir un mouve-
ment autonome puis spontané. [Labbé et Huault (2000), Lambert-Prou (2002)]
La cicatrice et les sutures se situent le long du sillon naso-génien. Ce territoire doit être massé et étiré quotidien-
nement, par des pressions internes et externes. L’ensemble du muscle temporal est travaillé, en association à des
exercices de détente musculaire afin d’éviter toute contracture ou syncinésie. L’élévation de la commissure
s’obtient au début par les mouvements mandibulaires (sourire "mandibulaire"), puis par la contraction du
temporal sans la participation de la mâchoire (sourire temporal volontaire) et enfin, on obtient un sourire
temporal spontané, par le jeu de la plasticité cérébrale.

217
J - SUTURES ET GREFFES NERVEUSES
Dans certains cas chirurgicaux, on peut être amené à pratiquer une greffe nerveuse sur le nerf facial traumatisé
ou sectionné : certaines parotidectomies, plaies cervicales, transferts de lambeaux musculaires, greffe trans-
faciale. La reprise de l’activité musculaire est fonction de la longueur de la greffe ; les sutures en cas de section
franche donnent de meilleurs résultats ; les premiers mouvements apparaissent rarement avant 4 mois.
La rééducation est la même que pour les paralysies flasques, mais le risque de syncinésies est plus grand, même
lors d’atteintes partielles (suture de la branche temporo-faciale lors d’exérèse de parotide, par exemple). Il faut
veiller à ne pas exagérer les mouvements et travailler aussi les zones non concernées par la greffe. Les transferts
du muscle temporal peuvent être couplés à une greffe nerveuse trans-faciale (nerf sural greffé sur le VII contro-
latéral et relié à l’une des branches du nerf temporal profond du muscle transféré). L’objectif est d’obtenir à terme
un sourire plus spontané, commandé par le nerf facial sain. Outre le travail spécifique sur le sourire temporal,
on travaille la mimique faciale dans sa globalité, afin de stimuler le nerf greffé.

K - BIOFEEDBACK ÉLECTROMYOGRAPHIQUE
L’appareil est composé de
• capteurs myoélectriques (électrodes de surface), capteurs de pression, capteurs de déplacement,
• unité de traitement qui analyse le signal et le transforme en une animation visuelle et sonore ; elle peut être
couplée à un P.C.,
• commutateur de sensibilité (en  Volts).
On trouve dans la littérature un assez grand nombre d’articles [de Bisschop et Dumoulin (1992), Martin et coll.
(2002), Martin et coll. (2004)] qui traitent de l’utilisation du biofeedback en rééducation, dans des domaines
divers ; peu d’études épidémiologiques pour l’instant. Les applications en rééducation orthophonique sont les
suivantes :
• Paralysies faciales : de nombreux auteurs utilisent le BFB, d’une part pour mettre en évidence l’ébauche d’un
mouvement et le comparer avec le côté sain, et d’autre part pour la rééducation des spasmes et syncinésies. Dans
ce dernier cas, on place les électrodes sur la zone où apparaissent les co-contractions (ex. : pour la fermeture
palpébrale, les électrodes sont placées à la commissure des lèvres et l’on maintient les yeux fermés en évitant
de déclencher un signal. Pour la pression labiale, les électrodes sont sur la paupière inférieure et de la même
façon, on veille à ne pas déclencher de signal visuel ou sonore lors de la mobilisation des lèvres.). Le BFB reste
l’outil le plus efficace pour la diminution des spasmes.
• Troubles de l’appareil manducateur : les électrodes sont placées sur le temporal et le masséter afin de contrôler
d’éventuelles contractures et de visualiser les déséquilibres droite-gauche. L’appareil permet d’obtenir une plus
grande dissociation entre le relâchement des muscles masticateurs et la contraction de la langue lors de la
déglutition ; il participe à la prise de conscience des para-fonctions et des tics.
• Mouvements anormaux : le BFB est utilisé pour le contrôle volontaire des spasmes. On recherche l’absence
de déclenchement du signal ; les électrodes sont généralement placées sur les peauciers du cou, les lèvres, les
masséters.
Le BFB est un apport non négligeable à la rééducation : il permet une évaluation plus précise de la force
musculaire et se situe entre l’électrodiagnostic de stimulation et de détection et l’évaluation clinique, et d’autre
part, il apporte un effet stimulant grâce aux rétro-contrôles visuels et sonores. [Remond (1994)]

L – RÉÉDUCATION DE LA PAROLE ET LA PHONATION


La rééducation des anomalies des fonctions oro-faciales s’accompagne de façon quasi systématique d’une réédu-
cation de l’articulation et de la phonation. En neurologie, on traite la dysarthrie et le souffle. Pour la maladie de
Parkinson, certains auteurs travaillent exclusivement la phonation dans le but d’améliorer la fonction oro-faciale

218
[Spielman et coll. (2003)]. Souvent, les séances sont couplées à un travail respiratoire : contrôle abdominal,
coordination, souffle naso-nasal, respiration alternée d’une narine à l’autre. Dans certains cas, le dysfonc-
tionement oro-facial provoque le trouble respiratoire (ex. : les paralysies faciales bloquent souvent la narine du
côté atteint), dans d’autre cas, le travail respiratoire favorise le contrôle et le relâchement musculaire (incoordi-
nation motrice, dystonie).
Les exercices de parole sont adaptés au dysfonctionnement : Les paralysies faciales entraînent un défaut sur les
bilabiales [p,b,f]. Les atteintes de la motricité volontaire entraîne un ralentissement global, un nasonnement, une
atteinte des phonèmes postérieurs. Dans les cas d’atteinte des ATM, on exerce les apico-dentales. L’enregistre-
ment d’un texte ou de phrases à plusieurs stades de la rééducation permet d’apprécier la progression ; il est
recommandé d’utiliser toujours le même texte.

VII - RÉSULTATS
Les étiologies étant très variées ainsi que les degrés d’atteinte, les objectifs de la rééducation diffèrent selon les
cas. Pour les paralysies partielles, les traumatismes, les atteintes d’origine fonctionnelle et certaines pathologies
neurologiques, on vise un rétablissement complet ou quasi complet. Quand l’origine est congénitale, neuro-dégé-
nérative, tumorale avec une chirurgie invasive, on travaille sur la mise en place de modes de compensation, sur
les équilibres, sur la restauration ou la préservation des fonctions essentielles ; la rééducation, dans ces cas, ne vise
pas une récupération totale ou une fonction correspondant à la norme.
La photographie et la vidéo sont des instruments essentiels. De nombreux patients "oublient" leur état en début
de rééducation et ne ressentent pas nécessairement l’évolution telle qu’elle apparaît objectivement.
En règle générale, les séances sont hebdomadaires, entrecoupées de périodes d’arrêt, en particulier pour les
paralysies et les troubles de l’appareil manducateur. En neurologie, certains auteurs préconisent des séances plus
rapprochées (jusqu’à 4 par semaine), en particulier pour certaines prise en charge de la maladie de Parkinson et
la SLA. [Guillard et Fénelon (1991)]
L’évaluation des résultats donnent les indications pour l’arrêt complet ou momentané de la rééducation, ainsi
que les orientations vers un autre type de traitement ou une prise en charge chirurgicale.
Les arbres de diagnostic et de résultats sont souvent préconisés dans les travaux récents sur la rééducation. Ils
permettent de mieux définir les procédures et d’orienter la prise en charge en fonction des objectifs atteints. Nous
en proposons trois exemples (figures 2, 3 et 4).

VIII – CONCLUSION
La rééducation des anomalies des fonctions oro-faciales est maintenant régulièrement associée aux traitements
chirurgicaux, dentaires, stomatologiques ou orthodontiques. Cela oblige à des échanges inter-disciplinaires et une
connaissance suffisante des traitements et examens réalisés. On doit pouvoir comprendre les interprétations de
radiographies, panoramiques, scanners, IRM ; lire une électromyographie ; connaître les différentes chirurgies
qui peuvent être proposées aux patients (neurochirurgicales, ophtalmologiques, reconstructrices…) ; savoir les
effets de certains traitements médicaux (traitements neurologiques, toxine botulique…) etc.
La rééducation peut viser soit au rétablissement de la fonction, soit à une adaptation, soit au maintien des fonc-
tions restantes. Dans ces trois cas, le recueil des résultats est très important car il permettra à terme, par le déve-
loppement de réseaux de professionnels, de réaliser de véritables études épidémiologiques, même si cela reste difficile
dans le domaine de la rééducation. Les traitements médicaux et chirurgicaux se développant de façon régulière
et plus ciblée, la rééducation doit pouvoir s’adapter de façon constante et c’est en partie par ce type d’étude et
l’augmentation des échanges qu’elle y parvient.

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ANNEXES

222
Paralysies faciales

223
Rééducation de l’Appareil Manducateur

224
Motricité de la motricité oro-faciale
chez la personne polyhandicapée

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