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AGENT, STRUCTURE ET COGNITION.

QUESTIONS DE RECHERCHE ÀPARTIR DE LA SOCIOLOGIE


DE PIERRE BOURDIEU ET ANTHONY GIDDENS
Author(s): Alfredo Joignant
Source: Cahiers Internationaux de Sociologie, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 108, SOCIOLOGIES
INACTUELLES, SOCIOLOGIES ACTUELLES? (Janvier-Juin 2000), pp. 187-196
Published by: Presses Universitaires de France
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AGENT, STRUCTURE ET COGNITION.
QUESTIONS DE RECHERCHE À PARTIR
DE LA SOCIOLOGIE DE PIERRE BOURDIEU
ET ANTHONY GIDDENS1
par AlfredoJoignant

Parmiles auteursqui se trouvent surle devantde la scènesociologique


depuisdéjà une vingtained'années,PierreBourdieuet AnthonyGiddens
occupentsansdouteune place de choix,étantdonnéla portéethéoriquede
leurœuvreetla multiplication desprogrammes de recherche de
qui s'inspirent
leurstravaux. Mais,plusprofondément, peut-ondécelerdansces deuxprojets
sociologiques,en dépitde leur partirréductible de singularité,des affinités
théoriques essentielles,
susceptibles donc de se voirtousdeux confrontés aux
mêmesenjeuxet aux mêmesquestionsde recherche ? C'est à cettequestion
que l'on entendrépondre en insistant,
à la suited'autresauteurs(parex. Ritzer,
1993, p. 500), sur la comparability du « constructivisme » ou
structuraliste
« structuralisme
constructiviste» de Bourdieu(Bourdieu,1987,p. 147) et de la
théoriede la structurationde Giddensà proposdes rapports entrestructure et
action.

« Habitus » et « consciencepratique » :
des antinomiesau chaînon manquant

II estvraique ces deux auteursne reconnaissent que rarement avoirdes


affinités.
C'est ainsique, à notreconnaissance, il n'existequ'un seul texteoù
Giddensfaitexplicitement mention,à proposde sa notionde « dualitédu
structurel»,d'uneconvergence avecBourdieu(Giddens,1979,p. 217), ce der-
nierne faisant,quantà lui,jamaisréférence au sociologuebritannique2. Cepen-
dant,cetteméconnaissance de leurcommerceintellectuel ne doitpas occulter
le faitque leursprojetssociologiquesse situentsurun mêmepointde démarca-
tion: dépasserce que Giddensappellele « dualisme» opposantl'objectivisme

1. Étantdonnéla complexité du lexiquesociologiquede Giddens,d'une


manière généraleon a préféré conserverla traduction
françaisede MichelAudet
de La constitution
de la société
(Paris,PUF,1987),saufindication allanten sens
contraire.
2. Ajoutonsque dansSociology,
Bourdieun estjamaiscitédansle texte,excep-
tionfaitede troisréférencesqui figurentdansla bibliographieen find'ouvrage
(Giddens,'991a,p. 792-793).Et on peuts'étonnerque dansla réflexionstimulante
que consacreGiddensau structuralisme et au poststructuralisme,
aucuneplacene
soitconcédéeau sociologue français
(Giddens, 1990).
Cahiers internationaux
de Sociologie,Vol. CVIII [187-196], 2000

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188 Alfredo
Joignant
et le subjectivisme1 (Giddens,1987,p. 30), cettefaussequerelledes sciences
humainesqui estconstitutive d'une « visiondualiste» du mondesocial(Bour-
dieu, 1980,p. 95). C'est danscetteperspective que la notionde « dualitédu
structurel » acquiertun rôle toutà faitstratégique, au sensoù elle n'accorde
aucunprimatontologiqueà la structure, de mêmeque l'actionindividuelle ne
se voit conféreraucune prioritélogique ou chronologique : cette notion
exprimedoncl'idéeselonlaquelleles « structures sociales» sontà la fois« cons-
tituéesparFactionhumaine» touten étant« le moyenmêmede cetteconstitu-
tion» (Giddens,1993¿z, p. 122). On peutdonc comprendre que le caractère à
la fois« habilitant et contraignant » du « structurel » (Giddens,1987,p. 226) par
rapport à l'actionsoitle résultat de la simultanéité des effetsde structure et des
pratiques2, ce qui permetà Giddensde décréter commenon fondéesles expli-
cationsunilatéralement causalesou, inversement, compréhensives3. Il s'ensuitla
primauté, dansla théoriede la structuration et dansle « modèlede stratification
de l'agent» qui lui estafférent, de la « consciencepratique», sortede connais-
sancetacitedes agentss'exprimant moinsparce qu'ilsdisentque parce qu'ils
font,et qui estconstitutive d'une« capacitéreflexive » constamment « engagée
dansle flotdes conduitesquotidiennes » (Giddens,1987,p. 33). Il n'estpas
douteuxque l'intérêt portéparl'auteurde La constitution dela sociétéà la réflexi-
vitédes agents,redevablede la « conditionontologique» de la théoriede la
structuration en ce qu'ellese fondesurl'idéeselonlaquelle« toutevie sociale»
se produit« dansla praxissocialeet à travers elle» (Cohen, 1996,p. 3)4,rap-
procheGiddensdes courantsqui incorporent la subjectivité des agentsdans
l'explication scientifique.
Etantdonnéque Giddenset Bourdieupartagent une mêmevolontéde se
démarquerdes visionsdualistesdu monde social,on ne peut s'étonnerde
retrouver, danscertains textesde l'auteurde La distinction, l'idéevéhiculéepar
la notionde « dualitédu structurel », avecuneterminologie certesdifférente et,
surtout, au moyende formulations beaucoupplusproblématiques. C'est ainsi
que l'habitus apparaît à la foiscommele produitde certaines conditions sociales
etcommeprinciped'engendrement de cesmêmesconditions (Bourdieu,1980,
p. 94), dépassant ainsila logiquemutuellement exclusivede l'objectivisme et
du subjectivisme. Toutefois, A. Marya raisonde signaler que c'estallerun peu
viteen besogneque d' « identifier d'embléeles structures "objectives"incor-
poréesparl'habitusaux structures "objectivées"qui sonteffectivement le pro-
duitréifiédu système de schemesqui se constitue au coursde l'histoire collec-
tive» (Mary,1988,p. 91), étantdonnéque ces deux termesrésultent à leur
tourde « structures objectives » prenantla formedes conditionsd'existence.
S'il estvraique les solutions de ces « antinomies », Bourdieules cherche« dans
les ressources de la penséedialectique » (Mary,1988, p. 91), il resteque sa
construction théoriqueestbeaucoupplusproblématique, sansdouteparceque
dansla « doubledimension, objectiveet construite, de la réalitésociale,une

1. Pourun éclaircissement de cestermes cf.Giddens,


antagonistes, 1986.
2. Corcuff parled une« visioncirculairede la constructiondu mondesocial»
(Corcuff, 1995,p. 49).
3. D'autant que« lescontraintesstructurelles
nes'exercentpasindépendamment
desmotifs etdesraisons decequ'ilsfont» (Giddens,
qu'ontlesagents 1987,p. 239).
4. S'il estvraique ce livreest,selonle motde Wacquant, largement« hagio-
graphique » (Wacquant, 1992,p. 390,n. 1),il fautaussirelever
sonsérieux, sibien
qu'ilcontinue à êtrel'unedesmeilleuresétudesconsacrées à l'œuvrede Giddens.

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certaineprimautécontinue[...] à êtreaccordéeaux structures objectives»


(Corcuff, 1995,p. 31 ; dansle mêmesens,Ritzer,1993,p. 501)1.
On a ainsiaffaire à deuxprojetssociologiquesqui se caractérisent parune
affinitéfondamentale consistant à dépasser lesoppositionsentrele subjectivisme
et l'objectivisme,en dépitdes choixthéoriquesqui privilégient, bon grémal
gré,tantôtla réflexivité de l'actionindividuelle, tantôtl'objectivitédes condi-
tionssociales.Est-ce à dire que le défi épistémologique et l'enjeu de la
recherche consistent à établirles fondements d'un rapport« équilibré» entre
l'agentetla structure ? Ainsiformulée, la questionne peutêtreque rejetée,car
entreces deuxtermespolairesdontle « poids» explicatif estvariableselonles
situations,les circonstances et les contextessociaux,il y a place pour une
dimensiondistincte et médiatrice : la cognition,véritablechaînonmanquant
entrela structure et l'agent2.

Du refusdu psychologismeà la sociologiede la cognition

On connaîtle refusque les deuxauteursopposentaux stratégies d'analyse


des pratiquessocialesà partirde la subjectivité des sujets,notamment aux
approchessociologiquesqui prennent appui surl'appareillage psychiqueafin
et d'expliquerles conduites.Alorsque ce refusest,si l'on peutdire,
d'inférer
radicalchez PierreBourdieu,du faitdes risquesde « psychologisme » qui en
découlent,la positionde Giddensesten revanchebeaucoupplusnuancée,ne
serait-ce
que parl'usagesystématique qu'il faitdu vocabulairepsychologique,
voirepsychanalytique3.
Pourtant, bien souventle lexique et le raisonnement des deux auteurs
débordent surdes considérations d'ordrepsychologique. C'est ainsique, par
exemple,l'habitusest définipar Bourdieucommeun systèmede dispositions
ou encorecommedes schemes,
durableset transposables, sansque l'on sachesi
ces deux termesdoiventêtreappréhendés commedes synonymes ou si, au
ils renvoient
contraire, à des dimensions différentesde la pratique4.Plus pro-
fondément, lorsqueBourdieuécrit,dansun des rarespassagesoù il abordele

1. C'est ce qui transparaît clairement textesde Bourdieu,par


de certains
exemple écritque l'agent« n'estpasnécessairement
lorsqu'il le sujetde sespensées
etde sesactes»,caril est« extériorité »,sibienqu'il« accepte
intériorisée desefairele
» (Bourdieu, 1989, p. 47, souligné
sujet apparentd'actionsqui ontpour sujet la structure
par nous).
2. Il est vrai que les notionsde « consciencepratique» et d' « habitus» sont
présentéespar leurs auteurscomme des concepts médiateursentrel'agent et la
structure.Qui plus est, l'habitusest explicitementdéfinipar Bourdieu comme
une dispositioncognitive.Mais en dépit du faitque la cognition se retrouveau
sein de l'habitus,ce qui nous autoriseà lui donnerune place à part,ainsi qu'à la
dimensionproprementcognitivede la pratique,est la nécessitéde la prendre
systématiquement au sérieux,afin de répondreaux objections qui insistentsur
le caractèreexcessivementgénéral des explicationsfourniespar les sociologies
dispositionnelles.
ô. voir a ce proposla note critiqueconsacréea rreua et aux ratesae la parole
dans un importantchapitrede La constitution de la société(Giddens,1987, p. 144-
157), ainsique sa réflexionsurles rapportsentremodernitéet identitéde soi (Gid-
dens, 19916).
4. A cet égard,Maryvoit une « hesitation» au cœurmême du « noyauration-
nel » du conceptd'habitus: « schemeou disposition? » (Mary,1988, p. 14).

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Alfredo

mode de fonctionnementde l'habitus,que celui-ci « tend à assurersa propre


constanceet sa propre défensecontrele changementà traversla sélectionqu'il
opère entreles informations nouvelles, en rejetant,en cas d'exposition fortuite
ou forcée,les informationscapables de mettreen question l'informationaccu-
mulée et surtouten défavorisantl'exposition à de tellesinformations» (Bour-
dieu, 1980, p. 102), il touche du doigt les problèmescomplexes de l'attention
et de la perceptionsansjamais en tirertoutesles conséquences. C'est dire que
cet auteur,alorsmême qu'il entendrépondreen sociologue aux questionsrela-
tivesau mode d' engendreraient des pratiquessociales, « frôleconstammentà la
marge » les mécanismes psychologiquesde sélection de l'information,y com-
prisI' « inconscient» (Braud, 1996, p. 35).
Le travailde Giddens aborde de façon beaucoup plus explicitele problème
des mécanismes de fonctionnementde ce qu'il appelle « le soi agissant»,
notammentà propos du « modèle de stratification de l'agent » qui le conduit à
distinguer clairement la « conscience discursive », la « conscience pratique» et
I' « inconscient» (Giddens, 1987, p. 90 et 442). C'est ainsi que la conscience
pratique, sorte de connaissance tacite de ce que fontles acteurssans pouvoir
l'exprimerdirectementde manièrediscursiveet qui est, ce faisant,constitutive
de leur compétence en tantqu'agents, est non pas « inconsciente» mais plutôt
« non consciente» (non-conscious) (Giddens, 19916, p. 36). En effet,étantdonné
que l'inconscientest faitd'élémentsrefoulésqui, comme tels,ne se manifestent
pas spontanémentdans la conduite de l'individu, la conscience pratique ne
peut donc être que non consciente lors de son accomplissementà traversles
routinesqui entourentles actionsindividuellesde tous les jours, celle-ci deve-
nant seulement discursivelorsque l'agent se voit demander les raisons de ce
qu'il fait.On aura comprisqu'il s'agit moins d'une nuance que d'une distinc-
tion cruciale,car elle permetà Giddens de continuerà soutenirson modèle de
stratification. Mais au-delà de cette distinction,et de celle qui sépare la cons-
cience pratiquede la conscience discursive,il resteque ces deux notions « ren-
voient à des mécanismespsychologiques de rappel utilisésdans des contextes
d'action » (Giddens, 1987, p. 97), avançantainsiun peu plus dans l'analysede la
réflexivitéselon laquelle « tous les êtreshumainsrestent,de manièreroutinière,
en contact avec les fondementsde ce qu'ils font» (Giddens, 19936, p. 45).
Quelles que soient les différencesqui séparent ces deux auteurs, on ne
peut s'empêcher de rapprocherles concepts d'habitus et de conscience pra-
tique1, au moins sous deux rapports.D'abord d'un point de vue fonctionnel,
au sens où les schemes de l'habitus vont, à l'instarde la conscience pratique,
« de la pratique à la pratique sans passer par le discours et par la conscience »
(Bourdieu, 1980, p. 124). Ensuite et surtout,du point de vue de ce sur quoi
us ne parlentpas, cette zone d'ombre qui se trouve à l'origine de « questions
essentielles» restéessans réponse2.Ainsi par exemple de ces questions concer-
nant l'habitus,mais qui ne peuvent qu'intéresserégalementla conscience pra-
tique : « Quels sont exactementles mécanismesde sélectioncognitiveet affec-

de l'habitus,on pourrase reporterà l'articlede


1. Sur la genèseintellectuelle
Héran (1987), et surla présencede la notionde consciencepratiquedansdes nom-
breusestraditions de pensée (Wittgenstein,Garfinkel,Gofíman),on pourraconsul-
terGiddens(1996, p. 69).
¿. Ou, pour parlercommeßouaon dansun aracie ou il esquissepour une ioiî>
une critiquepertinenteaux sociologiesdispositionnelles,des « boîtesnoires» dont
la présencerendimpossiblesdes explications« finales» (Boudon, 1997, p. 226).

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Questionsde recherche 191

tivequi se révèlentà l'œuvredansle travaild'incorporation d'expériences?


commentopèrela mémoire? » (Braud,1996,p. 33). Voilà deuxquestionsqui
mettent clairement l'accentsurla « compréhension » qui se trouveincorporée
dans l'habitus,et qui fonctionnede manièreimpliciteet informulée, par
exempledansle faitde suivreune règle(Taylor,1995). Heran a sansdoute
raisonde se demandersi le « grandpouvoirévocateur» de l'habitus« n'a pas
pour contrepartie une obscuritéirréductible » (Héran,1987, p. 387). Autant
de questionsqui, au fond,reviennent à se demanders'il estpossiblede rendre
compte des pratiquesou des actionsindividuellesen se contentantde
l'univocitéde ces deux concepts,en tant qu'ils sont censés exprimerla
logiqued'engendrement de la pratique.
S'il estvraiqu'aussibienl'habitusque la consciencepratiquesontconçus
parleursauteurscommedesconceptsmédiateurs entrel'agentetla structure, il
reste que leur univocitébloque toute réflexionsur leurs mécanismes
d'activation. Assurément, l'habituspeutêtredéfinicommeune « miseà l'actif
du passif»(Heran,1987,p. 393), de mêmeque la consciencepratiquea partie
liée avecla routinequi fonde« la naturerecursive de la vie sociale» (Giddens,
1987,p. 33). Ce faisant, a-t-ondévoilépourautantla logiquequi présideà leur
activation ? C'est faceà cettequestionque la recherche américaine en cogni-
tionsociale(socialcognition)2 peutse révélerextrêment féconde,en permettant
de prendre au motle défilancéparCohend'accorder du « respect» aux « capa-
citéscognitives humaines » (Cohen, 1996,p. 43).
On entendpar cognitionsocialel'étudede la manièreselonlaquelleles
personnesforment des inferences « à partirde l'information sociale» qui se
trouvedisponible dans1' « environnement » (Sears,Peplau,Freedman, Taylor,
1987,p. 93)3,ce qui supposebienévidemment que les sujetsaientacquispréa-
lablement les capacitéscognitives nécessaires. D'une manièreplus précise,le
processus d'inférence socialeportesurla manièredontles sujetsqui perçoivent
le monde « spécifient le type d'information pertinente pour un jugement
donné», la façondont« ilséchantillonnent l'information et s'ilssuiventou pas
des règlesnormatives » lorsqu'ils« associentl'information à un jugement»
(Fiske,Taylor, 1991, p. 346). L'intérêt proprement sociologique de cette
approchevientde sa manièrede rendrecomptedu rapportentred'une part
l'information toujoursimparfaite de l'environnement socialet d'autrepartle
caractère limitédes capacitéscognitives individuelles. Or, en dépitde cette
ambiguïté inévitable de l'environnement, les individus(que ShelleyE. Taylor
définit métaphoriquement commedes « avarescognitifs ») parviennent malgré
toutà fairedes inferences cognitives,au moyende « raccourcis »
inférentiels
ou d' « heuristiques
(shortcuts), », qui sontautantd'expressions du caractèreéco-
nomique du travailcognitif engagé.S'agissant de processuscognitifs fortement
marquésparl'urgencedes situations socialeset, surtout, par une information

1. On noteraque Bourdieus'est longtempsrefuséà utiliserle terme


d' « action»,préférantplutôtparler au moinsjusqu'àla parution
de pratique, de son
livreRaisons (Bourdieu,
pratiques Surla théorie
1994),dontle sous-titre deFaction sug-
gèrel'idéed'unesynonymie, etnondedeuxdimensions dela conduite.
distinctes
z. voira ce sujetle uvrecruciaiae nsKeet layior,lyyi.rourunepresenta-
tionde ce courant centréesursa contribution relative
à la recherche à la socialisa-
tionpolitique, cf.Joignant (1997).
3. Les analysesqui suiventsonttiréesdu chap.4 de ce livre(« La cognition
sociale»,p. 92-115).

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Joignant
surabondante en même tempsqu'imparfaite, on peut comprendre que les
réponsesdesindividus à cetenvironnement soientéconomiqueset,en ce sens,
rationnelles1, en ce qu'ils évitentde comprendre à nouveauune nouvelle
situation en recourant au stockde connaissances où se trouvent déposéesdes
situations similairesqui leurservent à interpréterl'environnement qu'ilsaffron-
tent.C'est l'organisation schématique dont sontdotésles individusqui fait
fonctionde base d'inférence et qui permetde traiteréconomiquement cet
environnement, du faitde la structure pyramidale desschemes, qui comportent
des éléments abstraitset générauxet des éléments plusconcretset spécifiques.
L'activation de ces éléments abstraits ou spécifiques de l'organisation schéma-
tique dépend,bien évidemment, des traitsplus ou moins complexesde
l'environnement. Parconséquent, un attribut important du traitement schéma-
tiqueestI' « apparition automatique d'inférences », au sensoù il n'impliquepas
un « effort conscient » de la partde l'individu(Sears,Peplau,Freedman, Tay-
lor,1987,p. 103).
Là encore,la théoriede la pratiqueou, si l'on préfère, de l'action,aussi
biende Bourdieuque de Giddens,faitlargement écho,à plusieurs reprises et
dansde nombreuxtextes,à la recherche en cognitionsociale,parexempleen
concevant le senspratiqueparle biaisduquelse manifeste l'habituscommeune
économiede « la réflexion et de l'énergiedansl'action» (Corcuff, 1996,p. 31)
ou, plusgénéralement, lorsquetousdeuxs'intéressent aux limitesde la compé-
tencedesagents.On saitque pourGiddens2 cettecompétence estdoublement
limitée,d'une partpar l'inconscient et d'autrepartpar les conditionsnon
reconnues etles conséquences nonintentionnelles de l'action,compétence qui
se manifeste, etpourcause,de manièreprééminente au niveaude la conscience
pratiqueet seulement marginalement dansla consciencediscursive. C'est donc
direque les ressources cognitives dontdisposent les agents,touten leurper-
mettant d'agirdansla vie de touslesjours,se trouvent aussià l'originedeslimi-
tes qu'ils rencontrent dansleurcompréhension - inégalement partagée- du
mondeenvironnant. S'il estvraique le traitement que faitBourdieude la com-
pétencedes agentsest trèsdifférent de celui de Giddens,au sens où pour
celui-citouslesagentsse révèlent compétents étantdonnéle primatde la cons-
ciencepratique,alorsque chez celui-làl'incompétence se traduit, selon les
objetset les enjeuxsociaux,parun recoursà Vethos3, il resteque dansles deux
cas l'absencede réflexion systématique surla cognitionse faitsentir.
En effet, que veutdireBourdieu,du pointde vue desrapports entrehabi-
tuset champ,lorsqu'ilécritque les schemesde perceptionet d'appréciation
« fonctionnent en deçà de la conscienceet du discours» (Bourdieu,1979,
p. 546), ou encore quand il affirmeque « les structures subjectivesde

1. «Rationnel»en un senstotalement différent de la théoriede l'action


ce quifaitquela recherche
rationnelle, en cognition socialese situedansunrapport
explicitement polémiqueavecl'individualisme méthodologique.
2. Surla conception de la competence desacteurschezGiddens, on pourrase
reporterà Lazar,1992.
3. Commeen témoigne l'analyseque consacre Bourdieuauxdivers modesde
production de l'opinion(Bourdieu, 1984,p. 222-235; voirégalement Champagne,
1990),selonlaquelleYethosestunedimension de l'habitus(Bourdieu, 1984,p. 133),
suggérantainsil'idée,complètement inattendue, comptetenude la critique qu'il
adresseau raisonnement en termes «
d' instances », que l'habitusestfaitde « cou-
ches» ou de « paliers
» différents,
unpeuà la manière de la structure
pyramidale des
schemes relevéeparla recherche en cognitionsociale.

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Questionsde recherche 193

l'inconscient[...] sont le produitd'un long et lent processusinconscient


d'incorporation des structures
objectives » (Bourdieu,1989,p. 47)! ? En quoi
consistent les mécanismes d'activation de l'habitus? C'est sansdoutel'absence
de traitement à ces questionsqui expliqueque Bourdieune s'arrête jamaisà
l'analysede l'habitusindividuel, préférant resterà un niveauagrégéd'où il tire
des conclusions théoriques.En mêmetemps,c'estcettesortede méprispour
touteapprocheindividualisante (exceptionfaitedu livredirigéparBourdieu,
La misère du monde (1993) qui, de ce pointde vue, marqueun véritable tour-
nantde son œuvre)2qui se trouveà l'originedes doutesconcernant, par
exemple,les mécanismes psychologiques et sociauxde fonctionnement des
affinitésélectivesentredesindividuscomparables sousle rapport des homolo-
giesde position.Ainsi,comment, trèsconcrètement, cet « airde famille» qui
relie entreeux des habitusindividuelssemblablessous le rapportde leurs
conditionssocialesde productionse manifeste-t-il ? Plus précisément, com-
mentce que l'on appelledansla recherche en cognition sociale,des« capacités
cognitives », se traduisent-elles
sociologiquement en ressourcescognitives dont
on saitqu'ellessontinégalement distribuéesdansla population(un bon indica-
teurétantle volumeet la structure du « capitalculturel » possédéà un moment
donnédu temps),et se manifestent-elles dansdestraitements socialement diffé-
rentielset fonctionnellement équivalentsde l'information environnante3 ?
Autantde questionsqui ne peuventrecevoirde réponsequ'en prenantau
sérieuxla problématique de la cognition, dansle cadred'une sociologiede la
pratiquequi se centresurla fonctionmédiatrice rempliepar la notionentre
l'agentet la structure.
Il n'estpas surprenant que l'œuvrede Giddens,bien que plusfavorable et
accueillante au vocabulaireet au raisonnement psychologiques, négligeégale-
mentla questionde la cognition, étantdonnél'ambiguïté des rapportsentre,

1. Ce qui soulèvela questionde la genèsedes habitus, notamment de ses


« conditions d'acquisition» (Bourdieu, 1979,p. 122)lorsde la primeenfance étant
donnéle « poidsdémesuré » que le sociologue françaisaccordeauxpremières expé-
riences (Bourdieu, 1980,p. 90). Ainsi,on voitaffleurer sousla plumede Bourdieu
la problématique tantôtde l'inculcation d'unarbitraire culturel(notamment dansLe
senspratique), tantôtde la « familiarisation insensible» (parex. Bourdieu,1989,
p. 36), ce qui semblesuggérer « deuxmodesde génération distincts de l'habitus »
(Mary,1988,p. 90). Pournotrepropos, la questionestde savoirsi cesdeuxmodes
différents de génération ne se trouvent pasau principe de ressourcescognitives, et
doncde compétences sociales,inégalement distribuéesdansla population (contrai-
rementà la conceptionde Giddens),étantdonné la place très différente
qu'occupent et la familiarisation
l'inculcation selonles groupes sociaux.C'estdire
enmêmetempsque la sociologie a beaucoupà gagner le fondement
en investissant
cognitif de l'actionou de la pratique individuelle en s'inspirantde la recherche en
cognition sociale.
¿. Au pointqu il se trouvea l originea une nouvelleapprocne, ia « socio-
analyse ». On se reportera à ce sujetà l'articleprogrammatique (Bourdieu,1991)
qui préfigure La misèredu monde.
3. Si Fon menejusqu au bout1idee selonlaquelleles schemessontdes structu-
res cognitives,on ne peut que conclure,en suivantConover et Feldman,qu'elles
l'expérienceindividuelle,à décider
sontdestinéesà organiser le typed'information
qui
seradéposée ou extraitede la « mémoire», à combler de l'information
les interstices
disponibledansl'environnement des outilspour résoudredes problèmes
et à fournir
(Conover et Feldman,1984, p. 96-97), autantde fonctionsdont il est facilede
soupçonnerl'incidencesociale.

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Joignant
d'une part,des acteurstoujours compétentsdans leur vie quotidienne (au sens
où ils y exercentun contrôleréflexifet continude leur conduite et de celle des
autres) et, d'autre part, du caractère en même temps limité des ressources
cognitivesengagées dans l'action. C'est cette ambiguïté,en effet,qui se mani-
festelorsque Giddens affirmeque la productionet la reproductionde la société
sont « une réalisationadroite de la part de ses membres», alors même que ces
acteurs n'ont jamais « pleine conscience de ce que sont ces savoir-faire,ou
commentils s'arrangentpour les exercer» (Giddens, 1993a, p. 164). Car, com-
ment un agent peut-il être adroit sans en être conscient pour autant? En se
fiant,répond Giddens, à sa conscience pratique, ce qui revientà lui concéder
une place tout à faitcruciale et, surtout,à concevoir comme non motivées la
plupartdes conduites humaines,dont on sait qu'elles s'ancrentessentiellement
dans les routinesde la vie quotidienne. Mais s'agissantde ressourcescognitives
inégalementdistribuées,commentse fait-ilque la reproductionde la société ait
tout de même lieu ? Ce sont sans doute les différences socialementconstituées
des ressourcescognitives,associées à leur distributioninégale, qui expliquent
que la reproductionde la société ne soit pas synonymed'une reproductionà
l'identique, mais plutôt d'une re-création permanente sans que les agents
sociaux aient pour autantà affronter le vertigede l'inédit. Le structurelétantà
la fois habilitantet contraignantpour l'agent, il reste à tirertoutes les consé-
quences de la réflexivitéque l'agent engage dans l'action, en s'interrogeantsur
ses conditionssociales et cognitivesde possibilité.S'il fautentendreà la lettre
l'idée de simultanéitédes effetsde structureet des pratiques (c'est tout le sens
de la notion de « dualité du structurel»), toujours est-il qu'il est nécessaire
d'analyser, au niveau de l'agent, les mécanismes d'ordre cognitif qui les
médiatisent.

Conclusion

II y a peu de doutes sur les risques que comporte ce qui peut être défini,
pour paraphraserLakatos, comme un programmede recherchequi tend moins
à rompre qu'à prolongerla sociologie de l'action ou de la pratique de Pierre
BourcÜeu et AnthonyGiddens. Car, n'est-ce pas trop exiger de la probléma-
tique de la cognition que de lui assignerune fonctionmédiatriceentrel'agent
et la structure? Peut-être. Mais en tout cas, il est difficilede ne pas tenir
compte de cette sorte de chassé-croiséqui relie non seulementle commerce
intellectueldes deux auteurs (ne serait-ceque par la place qu'occupent dans
leur œuvre les notionsvoisines d'habituset de conscience pratique),mais aussi
avec la théorie du scheme qui trouve son origine dans la rechercheen cogni-
tion sociale. Si risque il y a, il réside certainementdans les crainteset les diffi-
cultés à s'approprierune problématiquepsychologique, ainsi qu'à investirles
concepts qui lui sont afférents, dans le cadre d'une sociologie qui cherche à
prendreau sérieux ce dont sont capables les agentsdans le monde social.

Instituto du Chili,
de CienciaPolíticade l'Université
Centrode Investigaciones ARCIS
Socialesde l'Université
JoséForteza 1906
Providencia
Santiago,Chili
die.uchile.cl
ajoignan@abello.

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Questionsde recherche 195

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