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L'orientation scolaire et professionnelle

37/3 | 2008
Identités & orientations - 1

Les perspectives constructivistes et


constructionnistes de l’identité (1ère partie)
Constructivisme et constructionnisme : fondements théoriques
Constructivist and constructionist perspectives of identity (1st part).
Constructivism and constructionism: Theoretical bases

Bernadette Dumora et Thierry Boy

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/osp/1722
DOI : 10.4000/osp.1722
ISSN : 2104-3795

Éditeur
Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle (INETOP)

Édition imprimée
Date de publication : 15 septembre 2008
Pagination : 347-363
ISSN : 0249-6739

Référence électronique
Bernadette Dumora et Thierry Boy, « Les perspectives constructivistes et constructionnistes de
l’identité (1ère partie) », L'orientation scolaire et professionnelle [En ligne], 37/3 | 2008, mis en ligne le 15
septembre 2011, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/osp/1722 ;
DOI : https://doi.org/10.4000/osp.1722

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Les perspectives constructivistes et constructionnistes de l’identité (1ère p... 1

Les perspectives constructivistes et


constructionnistes de l’identité (1ère
partie)
Constructivisme et constructionnisme : fondements théoriques
Constructivist and constructionist perspectives of identity (1st part).
Constructivism and constructionism: Theoretical bases

Bernadette Dumora et Thierry Boy

Introduction
1 L’injonction actuelle à l’autonomie individuelle et à la construction de soi est très
présente aujourd’hui dans notre société de façon générale et dans le champ de
l’orientation et du conseil en particulier. Selon Ehrenberg (1998) qui rejoint en cela un
certain nombre de philosophes et de sociologues dans l’analyse de notre modernité 1, le
séisme de l’émancipation a bouleversé collectivement l’intimité même de chacun et la
modernité démocratique – c’est sa grandeur – a progressivement fait de nous des
hommes sans guide en nous plaçant peu à peu dans la situation d’avoir à juger par
nous-mêmes et à construire nos propres repères : nous sommes devenus des individus
au sens où aucune tradition, aucune obligation ne nous indiquent du dehors qui nous
devons être et comment nous devons nous conduire. Les parcours personnels, tout en
restant sous l’emprise de processus globaux, ont une autonomie croissante et ce qui
était octroyé hier par les institutions et les appartenances sociales est censé être
produit aujourd’hui par la réflexion des individus sur eux-mêmes (Martuccelli, 2002).
2 L’injonction à l’individualisation et à la construction de soi dans un contexte mouvant
se décline de la même façon en ce début du 21e siècle dans le champ de l’orientation et
de l’insertion dans le monde du travail qui nous intéresse plus précisément : les
carrières d’aujourd’hui sont imprévisibles, évolutives et faites de courtes étapes
réactives aux contraintes ou aux opportunités de l’environnement. Les trajectoires

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scolaires et de formation professionnelle elles-mêmes se sont diversifiées et


complexifiées. Face à la montée de l’incertitude et à la perte des repères traditionnels,
l’individu – adolescent et adulte tout au long de sa vie – est confronté à l’exigence d’un
projet réflexif et continu de soi et la formation des intentions d’avenir est un versant,
un aspect de la construction de soi. C’est donc la professionnalité même du conseiller
qui est concernée par cette transformation car ses modèles théoriques, modèle
« personne-environnement » et modèle « développement professionnel », centrés sur
la stabilité plutôt que sur la flexibilité et la mobilité sont devenus obsolètes (Savickas,
2007) : ni la rationalité abstraite des schèmes moyens-fins (des moyens de formation ou
d’orientation pour atteindre des fins d’accomplissement professionnel de soi à long
terme) qui constituait l’objectif des pratiques d’aide à l’orientation, ni l’ordre
hiérarchique et séquentiel des tâches d’appariement entre le soi et l’environnement qui
ordonnait la plupart des programmes d’intervention éducative dans le dernier quart du
20e siècle, ne répondent plus aux problématiques de l’orientation. La consultation et le
conseil en orientation doivent désormais aider le sujet à se construire et un certain
nombre d’écrits récents de chercheurs anglophones et francophones proposent des
modèles constructivistes pour la psychologie du conseil et de l’orientation. Notre
objectif est de présenter ces nouveaux modèles, de voir en quoi ils diffèrent des
modèles traditionnels et d’analyser leurs implications concrètes pour la consultation de
conseil.
3 Nous procèderons en deux étapes. Ce premier article, « Constructivisme et
constructionnisme : fondements théoriques », est une présentation générale succincte
des courants du constructivisme et du constructionnisme dans lesquels s’inscrivent ces
nouveaux modèles. Un deuxième article, « Modèles constructivistes et
constructionnistes de l’identité et psychologie du conseil », constituera la présentation
proprement dite des modèles de l’identité dans le champ de l’orientation.
4 Le point commun des conceptions constructivistes et constructionnistes en sciences
humaines est l’idée que les objets de ces sciences seraient « le produit d’un processus de
construction dans lequel les interactions, les activités individuelles et les interlocutions
jouent un rôle majeur » (Guichard & Huteau, 2006, p. 216). Seraient ainsi construites les
structures mentales ou les représentations des individus qu’étudie la psychologie, et la
réalité sociale qu’étudie la sociologie : dans le premier cas, l’accent est mis sur le sujet
individuel, conçu comme interprétant et construisant sa propre réalité. Dans le second,
les relations – interactions et interlocutions – sont fondamentales : « la réalité est co-
construite dans l’expérience avec les autres et par le langage mis en œuvre dans ces
expériences ». (p. 218)
5 Cette distinction entre le constructivisme psychologique et le constructionnisme social
est aussi celle de Gergen (1999/2001) : « pour les constructivistes, le processus de
construction du monde est psychologique ; il s’opère “dans la tête”. Pour les
constructionnistes au contraire, ce qui est tenu pour vrai est le résultat de relations
sociales » (p. 413). C’est aussi la distinction anglo-saxonne. Ajoutons que Gergen définit
aussi un « constructivisme social », celui de Vygotski ou de Bruner par exemple. Il
affirme alors que « l’esprit » construit la réalité par sa relation au monde et par les
relations sociales. Quant au « constructionnisme social », il le définit comme un courant
dans lequel « l’accent principal est mis ici sur le discours comme véhicule autour
duquel s’articulent le Soi et le monde, et sur la manière dont le discours fonctionne
dans les relations sociales » (pp. 110-111). Constructivisme social et constructionnisme

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social se définissent donc tous deux par l’importance du langage et des relations dans le
processus de construction des structures mentales pour le premier et, pour le second,
de l’ensemble des productions humaines sociales telles que les valeurs, les
représentations sociales, les traditions, les recherches scientifiques, les idéologies, les
pratiques et le self. Car il faut préciser ici que Gergen, psychologue social, considère le
self comme une production sociale parmi d’autres.
6 Dans ce premier article, nous débuterons notre réflexion par le constructivisme
piagétien en raison de l’exemplarité de sa démonstration dans le domaine du
développement cognitif. Nous verrons ensuite en quoi les constructivismes sociaux – de
Vygotski et de Bruner entre autres – et le constructionnisme social de Gergen ouvrent
des perspectives de compréhension pour cet objet particulier qu’est la construction de
l’identité. Nous analyserons dans l’article suivant les modèles théoriques récents,
constructivistes et constructionnistes, de l’identité et leurs implications pour les
pratiques dans le champ de l’orientation et du conseil.

Du constructivisme piagétien aux socio-


constructivismes
7 Le constructivisme est d’abord une posture épistémologique selon laquelle la réalité
n’est pas immédiatement connaissable mais construite par l’esprit humain. Le terme de
« constructivisme » a été proposé par Piaget dans le cadre de son projet d’épistémologie
génétique pour désigner le processus de construction des connaissances qu’il a étudié
chez l’enfant, la psychologie de l’enfant n’étant pour lui que le moyen de parvenir à une
théorie générale de la construction des connaissances. Si le terme est piagétien (ou
n’est-il que réactivé par Piaget, il est difficile de le dire...), l’interrogation sur
l’inaccessibilité immédiate du réel s’enracine dans une longue tradition que l’on peut
faire remonter aux pré-socratiques et dans laquelle on trouve aussi bien les
nominalistes médiévaux, la phénoménologie que le pragmatisme américain. Le
constructivisme de Piaget s’oppose radicalement d’une part au behaviorisme
associationniste qui invoque une progression passive et progressive des connaissances
ainsi qu’au cognitivisme innéiste de Chomsky et de Fodor. Pour Piaget, l’activité
constructive du sujet est le processus même de l’intelligence, à tous les niveaux de
développement : dès le stade sensori-moteur puisque l’intelligence de l’enfant se
construit alors elle-même en construisant le monde, ce qui lui permet de passer « du
chaos au cosmos » (Piaget, 1977, p. 7), c’est-à-dire du chaos du réel perçu au cosmos de
la représentation construite du réel – par une coordination des schèmes d’action sur les
objets et une différenciation progressive de l’assimilation et de l’assimilation de ces
schèmes. C’est par cette coordination croissante des schèmes sensori-moteurs et leur
intériorisation dans des ébauches anticipatrices que l’intelligence devient symbolique
ou représentative : comme le schème d’action, la représentation suppose un jeu
complexe d’assimilations conceptuelles et d’accommodations perceptives (Piaget,
1978). Remarquons ici que, pour Piaget, le langage n’est qu’une fonction parmi d’autres
telles que le jeu symbolique et l’imitation différée dans le développement de la pensée
et de l’intelligence. Au stade opératoire concret, les actions constructives de l’enfant
deviennent des opérations mentales sur des représentations d’objets concrets ; quant à
la pensée logique de l’adolescent, elle est une pensée réfléchie et elle construit des
théories. Pour Piaget, structure et genèse sont indissociables, l’une étant un état,

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l’autre le passage d’un état d’équilibre à un état d’équilibre supérieur dont le champ
d’application est plus étendu : « l’équilibration majorante », par son double aspect de
construction et de cohérence accrue, est une « élaboration d’opérations portant sur les
précédentes, de relations de relations, de régulations de régulations etc., bref de formes
nouvelles portant sur des formes antérieures et les englobant à titre de contenus »
(Piaget, 1975, p. 171). Si nous comprenons avec Piaget ce que peut être l’activité
constructive du sujet dans son rapport au monde, il faut bien dire que son système
explicatif, circonscrit à ce rapport au monde physique et au raisonnement logico-
mathématique – pas plus que son évolution néo-structuraliste chez Case ou Pascual-
Leone plus proche du modèle du traitement de l’information (Bideaud, 1999) – ne nous
éclaire pas sur le rapport à soi et sur la construction identitaire.
8 C’est aussi de la construction de la réalité par le sujet qu’il s’agit chez Kelly (1955) et le
construct a la même fonction d’unité de base dans sa théorie que le schème dans celle de
Piaget. Cependant, c’est de la réalité sociale et plus précisément de la représentation de
l’environnement social immédiat qu’il s’agit dans le modèle de Kelly qui est clinicien. Il
explique le fonctionnement des construits par la métaphore du chercheur : toute
personne est un chercheur qui interprète de façon active son univers et procède à des
catégorisations qui donnent du sens aux événements, aux situations, aux relations et
aux actions des personnes et de soi-même. Les construits qui permettent cette
catégorisation sont des dimensions bipolaires qui permettent d’abstraire en regroupant
des éléments observés en fonction de leur similitude et de les discriminer en fonction
de leurs différences (Huteau, 1985). Les construits sont donc des « théories implicites »
élaborées à partir des régularités observées et qui permettent d’anticiper et de décider
ou de changer ses actes personnels. Comme le schème chez Piaget, le construit peut
être révisé lorsque des événements défient, voire invalident, ses présupposés. La
théorie de Kelly peut être considérée comme une formulation psychologique des
principes de Rogers : il s’agit d’aider le consultant à mettre à jour son système de
construits, à prendre conscience de la façon dont ils s’organisent dans son esprit, à
repérer les éléments de dissonance et à modifier ce système de construits en
l’enrichissant ou en le modifiant. Classée d’abord dans le champ de la psychothérapie,
puis considérée ensuite comme une théorie cognitive de la personnalité par les
psychologues (Huteau, 1985), la théorie de Kelly n’est pas restée cantonnée à ces
disciplines. Ainsi, les grilles d’évaluation des construits personnels élaborées par Kelly
pour constituer des instruments d’analyse et un support pour le travail thérapeutique
ont aussi été appliquées à un ensemble d’activités d’intervention et de prévention dans
de nombreux domaines de la prévention sociale et de la formation. Dans le domaine du
conseil et de l’orientation, les modèles théoriques et méthodologiques de Berzonsky et
Kurtines et al. (1992), que nous présenterons dans l’article suivant, sont une application
de la théorie des construits de Kelly. Notons cependant que, sans ignorer l’influence des
relations avec autrui et le monde, cette théorie reste focalisée sur les constructions
mentales, le travail de construction de la réalité étant un travail interne au sujet et
restreint à ses dimensions cognitives, même s’il y a, selon Huteau, une conception
implicite de la motivation chez Kelly.
9 Ce qui nous intéresse davantage est l’ensemble des constructivismes sociaux. La
première raison de cet intérêt est que, partant des propositions de Piaget et/ou des
critiques de ces propositions, ils ont donné à l’interaction sociale, à la culture et au
langage une importance majeure dans l’évolution du fonctionnement mental de façon

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élargie, et non restreint au fonctionnement cognitif – ou plutôt « redonné » car


Baldwin, un des pères fondateurs de la psychologie du développement de type
piagétien, disait en 1913 : « [la société est] un ensemble de produits mentaux, un réseau
de relations psychiques qui façonne et forme chaque nouvelle personne vers sa
maturité. [...] Dans le moi personnel, le social devient individualisé » (cité par Doise,
1993, p. 18). Constructiviste aussi, Vygotski (1934/1997) s’oppose aux premiers travaux
de Piaget dont il critique vigoureusement la conception égocentrique du
développement enfantin jusqu’à huit ans. Car pour Vygotski, les individus sont
inséparables de leur environnement social et physique et le développement réside dans
le processus par lequel le jeune enfant s’approprie, au sein de situations
communicatives, les outils culturels les plus élaborés de son temps, notamment
« l’instrument psychologique » qu’est le langage, et se trouve transformé du fait même
de cette appropriation. Renversant les propositions piagétiennes, Vygotski met en
évidence que le mouvement réel du processus de développement propre à la pensée
enfantine s’effectue non pas de l’individuel vers le social, mais du social vers
l’individuel : le constructivisme de Vygotski est donc bien un socio-constructivisme.
10 Doise examine aussi les limites du constructivisme piagétien trop strictement focalisé
sur l’interaction avec l’environnement physique et sur le niveau intra-individuel des
fonctionnements cognitifs (Doise, 1993). Il analyse un ensemble multiforme de
recherches mettant en évidence des « logiques sociales dans le raisonnement » – c’est le
titre de son ouvrage – et ceci à différents niveaux d’explication : ainsi, l’articulation
interindividuelle de points de vue divergents dans le conflit socio-cognitif génère des
progrès du raisonnement individuel (Doise & Mugny, 1981) ; l’appartenance à des
groupes sociaux et le marquage positionnel des individus – notamment le marquage
scolaire – dans ces groupes agissent aussi sur l’appropriation des savoirs (Monteil,
1989). Enfin, les appartenances et les effets positionnels qu’étudie la psychologie sociale
ne jouent pas seulement sur les processus cognitifs mais aussi sur les processus
d’attribution de causalité (Dubois, 1987), sur les représentations de soi et d’autrui et sur
les dynamiques de différenciation et de comparaison sociales (Codol, 1987) : et ceci
constitue la deuxième raison de notre intérêt pour les constructivismes sociaux
puisqu’ils affrontent le problème même de la construction identitaire. Ainsi, pour
Bruner, qui regrette « l’ombre de Piaget » portée sur les théories du contexte social des
opérations mentales (Bruner, 1983, p. 7), le langage, les interactions et plus largement
les productions culturelles et idéologiques des sociétés ou des groupes particuliers
affectent les processus intra-individuels aussi bien cognitifs qu’identitaires (Bruner,
1990/1991, 1986/2000, 2002). Le socio-constructivisme de Bruner nous intéresse donc à
plus d’un titre.

Ces récits qui nous construisent : la théorie de Jérôme


Bruner
11 Premier point : le rôle constitutif de la culture. Bruner propose de remettre au centre
du questionnement de la psychologie « la construction de la signification » (1990/1991,
p. 18), ce que les cognitivistes, dont il était, ont manqué par la sophistication et le
morcellement de l’étude du traitement de l’information. Pour revenir à la construction
de la signification, les psychologues doivent réfléchir au concept de culture, car c’est la
culture, avec ses systèmes symboliques, qui donne forme à la vie et à l’esprit : pour

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l’auteur, notre façon de vivre, culturellement adaptée, dépend des significations, des
concepts et des modes de discours que nous partageons avec les autres et qui nous
permettent de négocier les différences qui peuvent apparaître dans les significations et
les interprétations. Ce que Bruner appelle la « psychologie populaire » existe dans
toutes les cultures ; elle est constituée d’un ensemble de descriptions reliées les unes
aux autres et plus ou moins normatives, qui nous disent, entre autres choses,
« comment “fonctionnent” les hommes, à quoi ressemblent notre esprit et celui des
autres, comment agir dans des situations précises, quels sont les différents modes de
vie possibles et comment il faut s’y conformer » (p.49). La psychologie populaire donne
la capacité aux gens d’organiser une vision d’eux-mêmes, des autres et du monde : elle
est à la fois le fondement de la signification personnelle et de la cohésion d’une culture.
12 Deuxième point théorique qui nous intéresse dans la psychologie culturelle de Bruner :
sa conception de la construction du self. Bruner conçoit d’une part le self comme le
produit de l’histoire et des situations dans lesquelles se trouve la personne et, d’autre
part, comme le produit de la réflexivité humaine, « notre capacité à nous retourner
vers le passé et à modifier le présent à la lumière du passé, ou le passé à la lumière du
présent » (p. 119). Le self n’est pas intuitivement évident, c’est une construction qui
procède autant de l’intérieur – de la mémoire, des sentiments, des croyances, de la
subjectivité – que de l’extérieur – de l’estime que les autres nous portent, des attentes
que nous reconnaissons très tôt dans nos différents contextes de vie, et de notre
culture. Bruner, rejetant tout essentialisme, met ici en question la conception du self
comme centre de conscience, de motivations, de cognitions, unique et intégré. Il y
substitue l’image d’un self « distribué » parce que lié au réseau des autres et dépendant
d’eux (Bruner, 2002) : le self, pour lui, est transactionnel. La capacité « à entrer en
transaction avec autrui pour mener avec lui sa propre vie, à partir d’intuitions sur la
vie de l’esprit de l’autre » (1986/2000, p. 82) est très précoce chez l’enfant et l’usage
mutuel et conjoint du langage avec autrui lui permet la compréhension de l’esprit
d’autrui, la négociation avec lui et la création de réalités partagées (p. 85). Le self ne
peut être indépendant de cette existence conjointe dont on peut dire qu’elle est
historique, contextuelle et culturelle. Cette idée est proche des développements de
Vygotski sur la zone proximale de développement ; elle est proche aussi de la notion de
« vicariance ». Nos approches du monde se produisent à travers des transactions avec
autrui dont les récits constituent l’essentiel : pour Bruner, notre sensibilité aux récits
est le lien principal entre le self et autrui.
13 Ce qui nous conduit au troisième point que nous retiendrons de Bruner : la fonction du
récit autobiographique et l’idée que le self est un récit permanent (Bruner, 2002). Les
enfants apprennent à donner un sens au monde qui les entoure, à construire des
significations par les récits qu’ils entendent dans leur environnement immédiat et par
les récits de leurs propres actions qu’ils deviennent très tôt capables de faire. Notre
capacité à restituer l’expérience en termes de récits n’est pas seulement un jeu
d’enfant : c’est un outil pour fabriquer de la signification, qui domine l’essentiel de
notre vie au sein d’une culture. Nous pouvons par le récit que nous en faisons,
reconceptualiser le passé et par notre capacité à trouver des alternatives, fabriquer
d’autres manières d’être, d’agir ou de lutter. La pratique du récit et du conte se nourrit
évidemment dans la réserve de culture narrative d’une société donnée : ses histoires,
ses mythes, ses genres littéraires. Les façons de parler de soi évoluent avec le temps
personnel, c’est-à-dire avec l’âge et la succession des contextes significatifs, et avec le

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temps social, c’est-à-dire avec l’évolution des formes narratives, avec les modes des
récits de soi : « ce sont des sortes de sermons, des synopsis tout préparés destinés à
organiser le récit que nous faisons de nous-mêmes » (p. 59). Ces « modèles de
personnalité » ne sont cependant jamais catégoriques et laissent de l’ambiguïté et donc
une marge de manœuvre pour se construire comme unique et différent d’autrui. C’est
en comparant les récits que nous produisons sur nous-mêmes avec ceux que les autres
nous proposent d’eux-mêmes que nous y parvenons. Le récit de soi que nous racontons
aux autres dépend ainsi de ce que nous pensons qu’ils pensent que nous sommes et de
ce que nous pensons que les autres attendent de nous. La définition du self que donne
Bruner, et que nous reprenons ci-dessous, condense différentes perspectives de sa
théorie puisqu’elle est à la fois constructiviste, développementale, contextuelle,
discursive et descriptive :
Le self est une construction [...]. Le self est un texte qui dit comment nous sommes
situés par rapport aux autres et par rapport au monde ; je crois qu’il s’agit d’un
texte qui nous parle de compétences et de capacités, de dispositions, et qui évolue
tandis que nous passons de l’état de jeune à celui d’adulte, ou que nous passons d’un
cadre à un autre. L’interprétation qu’un individu fait de ce texte in situ est le sens
qu’il a de lui-même dans cette situation. Il est fait d’espoirs, de sentiments d’estime
et de pouvoir, etc. (Bruner, 1986/2000, p. 156)

Le constructionnisme social de Kenneth G. Gergen


14 Gergen est le représentant majeur de ce courant. Il fonde sa théorie sur quatre
postulats :
• Pour le constructionnisme social, « les termes par lesquels nous percevons le monde et le soi
ne sont pas dictés de manière absolue ou nécessaire par “ce qui existe” » (Gergen,
1999/2001, p. 89). Nous pourrions nous représenter, parler de nous-mêmes, nous décrire,
mais aussi expliquer, peindre, photographier ou cartographier le monde et chaque situation
de mille façons différentes. Le langage et toutes les autres formes de représentation ne
constituent qu’une possibilité parmi un nombre illimité de descriptions possibles de la
réalité et de nous-mêmes.
• « Nos modes de description, d’explications et/ou nos représentations sont issus des
relations » (p. 90) : ce sont donc les relations – les accords, les négociations, les
affirmations – qui sont à l’origine de ce qui est dit et donc pensé comme vrai des choses, et
non l’esprit ou l’expérience. Les relations sont au centre de tout et produisent la
signification en donnant un sens au soi. La conception constructionniste de l’homme se
libère donc de l’orientation cognitive qui traitait le monde social comme un simple produit
secondaire des esprits individuels.
• « Par nos diverses manières de décrire, d’expliquer ou de symboliser, nous donnons forme à
notre avenir » (p. 91). Le langage constitue la vie sociale elle-même et permet que se
maintiennent les rituels, les traditions, le sens commun et les liens avec nos proches. Mais
aussi, c’est par le langage que nous pouvons transformer la vie sociale, générer de nouvelles
significations et donc construire l’avenir, y compris notre propre avenir en tant qu’individu.
• « Une réflexion sur nos formes de compréhension est vitale pour notre bien-être futur »
(p. 93).
15 Ceci est une invitation – une « célébration », dit Gergen – à la réflexivité. Ce qui paraît
évident, ce qui est tenu pour vrai, ce qui semble s’imposer, doit être mis en perspective,
et même en doute. Il s’agit de réfléchir au caractère limitatif de ce qui semble juste, réel

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et nécessaire, de reconnaître que ces « vérités » sont inscrites dans une histoire, dans
une culture et ainsi de les relativiser en s’ouvrant à d’autres possibles. Ce sont toujours
des vérités relatives à des « points de vue ». Parmi les exemples pédagogiques qui
fourmillent chez Gergen, retenons-en un, tout simple : prenant l’exemple d’une
connaissance objective qu’il pourrait avoir de son environnement familier, Gergen
définit son bureau par ces propriétés : solide, teinté palissandre, d’un poids de 35 kg,
sans odeur ; pour faire immédiatement remarquer qu’un physicien nucléaire le
décrirait comme non solide, fait essentiellement de vide, un spécialiste en balistique
relativiserait son poids, un physiologiste sa couleur ou son odeur. Chaque spécialiste,
dit-il, interprète le monde avec ses concepts et la science ne peut pas affirmer une
vérité universelle, puisque toutes les affirmations sur la vérité sont spécifiques à des
traditions particulières fondées sur la culture et l’histoire. Ce qui s’applique à la
description d’un objet concret s’applique aussi à l’ensemble des situations de notre vie,
y compris à notre identité : ce que nous pouvons en dire et en penser dépend du
contexte, de nos interlocuteurs et du moment, c’est-à-dire des « points de vue » selon
lesquels nous nous plaçons à ce moment.
16 Deux objectifs complémentaires donc chez Gergen : le premier est de proposer la
théorie du constructionnisme social qui rend compte du mode opératoire, relationnel
et langagier, de toutes les productions humaines : sciences, culture, traditions, vie
sociale, Soi. Le deuxième objectif est de formuler énergiquement une injonction à la
réflexivité sur ces productions humaines – on pourrait presque dire que cet objectif est
« déconstructionniste », mais dans un sens différent du déconstructionnisme de
Derrida qui ne peut conduire, selon Gergen, qu’à un « désespoir sans issue » (p. 60).
L’injonction de Gergen à la réflexivité est censée au contraire conduire à
« l’émancipation, l’enrichissement et la transformation » et « générer des alternatives »
(p. 207) : dans un élan poétique, Gergen la considère même « comme une invitation à
danser, à jouer, à réfléchir sur nos vies, nos sociétés et notre avenir » (p. 61). Cette
injonction concerne tous les niveaux de la vie sociale : Gergen l’explicite ainsi dans le
domaine des connaissances scientifiques où il prône le dialogue réflexif et critique
entre scientifiques – il cite d’ailleurs La Structure des révolutions scientifiques de Kuhn
(1970) comme le livre constructionniste le plus marquant du 20 e siècle – et dans celui,
multiforme, des relations micro-sociales quotidiennes comme des relations macro-
sociales.
17 Enfin, et c’est ceci qui nous intéresse ici, l’injonction à la réflexivité s’applique aussi à
l’identité. Car la construction identitaire pour Gergen est bien affaire de relations, donc
de mots, de tournures, de conversations et de récits de soi au sein d’un groupe
d’appartenance. Dans tout groupe, un univers commun de significations et de
conventions, « une ontologie commune » (Gergen, p. 148), se cristallise par les
répétitions et les routines des mots et des tournures employées pour parler de soi et
d’autrui. Un groupe peut ainsi, par ses discours, permettre à ses membres de se
percevoir dans un rapport de pouvoir différent de celui couramment admis par la
société dans son ensemble. Gergen prend l’exemple des écoliers étudiés par Willis dans
le cadre de ses travaux sur la constitution de l’identité ouvrière (1977) : ces écoliers se
regroupent pour construire un monde dans lequel ils se considèrent comme différents
et meilleurs que les enfants des classes supérieures, ceci à partir d’une description de
leurs enseignants qui leur est propre. Les registres d’un groupe se maintiennent par les
justifications, les « amendes honorables » (Gergen, p. 153) et les excuses de ceux qui

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s’en écartent, ou les réprimandes aux enfants ou aux adultes pour les y inscrire ou ré-
inscrire, tout un ensemble discursif mobilisé pour consolider le registre commun
toujours menacé par le désordre et la nouveauté liés aux appartenances multiples :
« l’identité est en situation instable, soumise aux déplacements subtils des mots, des
intonations, des gestes » (p. 147). L’identité est donc relationnelle : conversations, récits
et dialogues la construisent et la transforment.
18 Se rapprochant aussi bien de l’interactionnisme symbolique, de la psychologie
culturelle que de la phénoménologie sociale, Gergen affirme que « le psychologique est
modelé par le social » (p. 231). Signalons cependant que, bien qu’il « [s]’enflamme
beaucoup pour l’idée du soi relationnel », et qu’avec cette conception du Soi, il pense
que nous soyons au seuil d’une « seconde période des Lumières » (p. 246), Gergen ne fait
peut-être que rejoindre une tradition bien ancienne qui commence avec Baldwin
(1913), premier psychologue à considérer la personnalité d’un individu comme un
produit social et culturel et le socius comme un soi bipolaire avec l’ego à un pôle et
l’alter à l’autre. On peut aussi le rapprocher de Cooley (1902) et de son concept de « soi-
miroir » (the looking-glass self) : le sujet s’imagine représenté dans l’esprit d’une autre
personne, et il anticipe les jugements que cette personne porte sur ses manières, sur
son caractère, sur ses actions. Et bien sûr de Mead (1963) qui considère qu’il n’y a ni soi,
ni conscience de soi, ni communication en dehors de la société, c’est-à-dire en dehors
d’une structure qui s’établit à travers un processus dynamique d’actes sociaux
communicatifs, à travers des échanges entre des personnes qui sont mutuellement
orientées les unes vers les autres : lorsqu’un geste a le même sens pour deux ou
plusieurs individus, il devient un symbole qui permet à chacun, grâce au langage, de
comprendre l’ensemble des échanges, de prévoir le comportement des autres et de se
situer par rapport à eux. Pour Mead, la conscience de soi n’est pas donnée mais elle se
constitue au fur et à mesure que l’individu est capable de comprendre sa propre
contribution par rapport à celle des autres et de se mettre à la place des autres.
L’essentiel de son enseignement, dans un ouvrage au titre explicite L’Esprit, le Soi et la
Société, est de montrer le jeu complexe d’internalisation des autrui, auxquels réagissent
les Je, ce qui produit le Soi. Bien avant Gergen donc, Mead critique déjà une psychologie
qui ne s’intéresse qu’au soi comme élément isolé et indépendant, comme une certaine
entité qui pourrait exister par elle-même.
19 Ce qu’apporte cependant Gergen par rapport à ces auteurs réside dans son insistance
sur le récit de soi comme constitutif et transformationnel de l’identité, dans son
analyse des sociétés contemporaines, dans son injonction au dialogue réflexif et, plus
précisément dans le cadre qui est le nôtre, dans sa proposition pour une « auto-
réflexivité » (1999/2001, p. 287) – une réflexion sur sa propre réflexion, sur sa pensée,
sur son sentiment même de soi – dont il fait le pré-requis de nombreuses pratiques
thérapeutiques ou éducatives et que nous retrouverons ci-dessous, sous diverses
formes, dans les propositions pour les pratiques du conseil en orientation. Appliquer
les thèses du constructionnisme social à la thérapie ou au conseil revient à poser la
question : qu’est-ce qui se passerait s’il n’y avait pas de problème, si toute la douleur et
le désespoir qui amènent les gens en consultation étaient sans fondement ? La pensée
constructionniste suggère ce genre de question. Pour Gergen, nous sommes confrontés
à des problèmes difficiles dans notre vie, les problèmes ne sont pas là à l’extérieur
comme des réalités indépendantes de nous, ils le deviennent par notre manière de
négocier la réalité. Il convient donc d’amener le consultant à parler des issues
favorables possibles, au lieu de se centrer sur les causes de cette situation au risque de

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les rendre de plus en plus « réelles » : c’est ce que les praticiens nomment « la thérapie
centrée sur la solution ».

Conclusion
20 Les conceptions constructivistes et constructionnistes que nous venons d’évoquer ont
influencé plus ou moins directement et plus ou moins profondément les réflexions
spécifiques dans le champ de l’orientation et du conseil. La conception piagétienne,
focalisée sur le développement cognitif, n’a pas eu dans le domaine de l’orientation et
du conseil le retentissement qu’elle a eu dans celui de l’éducation et des apprentissages.
La description de l’avènement de l’abstraction et de la pensée formelle à l’adolescence
apporte cependant un éclairage intéressant pour les chercheurs qui étudient
l’évolution cognitive des intentions d’avenir chez les adolescents, collégiens et lycéens,
concernés au premier chef par la question de l’orientation. Cette description
piagétienne de la spécificité de l’adolescence, approfondie et élargie à d’autres secteurs
du raisonnement par Lehalle aujourd’hui (2006) nous paraît constituer une grille de
lecture beaucoup plus fine que les descriptions brossées à grands traits de l’adolescence
dans les théories de Super (1957), de Ginzberg, Ginsburg, Axelrad, et Herma (1951) ou
de Gottfredson (1981), références pourtant fondatrices de la psychologie de
l’orientation. Dans les études longitudinales des arguments des collégiens et des
lycéens que nous avons menées (Dumora, 1990, 2000), notre analyse, fondée entre
autres références sur la théorie de Piaget, montre ainsi que l’adolescent devient
capable de différencier les catégories du possible, du probable et du réel, donc de
penser l’incertitude, le doute et les hasards inhérents à la problématique de
l’orientation : c’est ce que nous avons appelé la « pensée probabiliste ». D’autre part, la
« méta-réflexion », mise en évidence dans ces mêmes travaux, fonctionne
effectivement comme un raisonnement sur le raisonnement puisque les adolescents
construisent a posteriori des jugements critiques sur leurs intentions actuelles et passées
et sur leur propre fonctionnement cognitif face à la complexité de l’orientation. Pour
reprendre des termes piagétiens, la pensée probabiliste et la méta-réflexion constituent
des moyens de penser l’avenir, de rompre ainsi avec le manichéisme et la pensée
magique enfantine et surtout d’en prendre conscience. On voit le parti qui peut être
tiré de cette possibilité réflexive et méta-réflexive adolescente pour susciter en
entretien ou dans les séquences éducatives collectives une élaboration et une prise de
distance par rapport aux intentions d’orientation ou par rapport aux évaluations de
l’école et à ses assignations.
21 Les modèles théoriques de l’identité que nous examinerons dans l’article suivant sont
des constructivismes sociaux. Ce sont des constructivismes parce que les sujets
élaborent des représentations de soi et de leur environnement qui médiatisent leur
rapport à la réalité et ce sont des constructivismes sociaux parce que c’est
fondamentalement dans les interactions des sujets avec leurs environnements
familiaux, sociaux, scolaires ou professionnels, que se forment ces représentations du
monde et que se construisent le soi et les intentions d’avenir. Ces interactions sont de
nature multiple mais les constructivistes donnent une fonction privilégiée aux
interactions langagières dans la construction identitaire des sujets : dialogues, récits de
soi, argumentation à l’intention d’autrui et confrontation de points de vue. Les
références aux conceptions dialogiques de Jacques (1979, 1982), de Bruner (1990/1991)

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et de Ricœur (1983) sont présentes dans plusieurs des modèles constructivistes que
nous présenterons, notamment dans les modèles francophones. Avec la multiplication
des expériences sociales, le sujet parvient à élaborer le sens et à concevoir les
implications et les inférences de ses actions et de ses réactions, comme de celles
d’autrui. L’activité constructive mentale du sujet en interaction avec le contexte est
donc explicite et centrale dans chacun de ces modèles, qu’elle soit désignée sous le
terme de construct par Berzonsky (1993) à la suite de Kelly (1955), de réflexivité
personnelle ou de créativité par Kurtines dans une filiation semblable (Kurtines et al.,
1992), résumée sous la forme « se faire soi » par Guichard (2004) ou sous celle de
« travail biographique » par Delory-Momberger (2004, 2007). Cette activité devient
enfin construction et déconstruction des discours sur soi dans le modèle de Campbell et
Ungar (2004), dans la stricte application du modèle constructionniste de Gergen pour
qui le centre de gravité de la construction de soi réside quasi exclusivement dans les
discours qui sont tenus sur lui.
22 Dans l’article suivant, après une présentation de chacun de ces modèles, nous en
examinerons la pertinence dans le cadre du conseil et de l’orientation dans la société
d’aujourd’hui et nous verrons en quoi ils représentent une alternative aux modèles
traditionnels.

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NOTES
* Courriel : dumora@aol.com.
** Courriel : thierry.boy@cnam.fr.
1. Il ne s’agit pas pour nous de développer cette réflexion qui sous-tend les développements des
deux articles. Nous citerons cependant Beck (1986/2000), Giddens (1990/1994), Taylor (1992),
Touraine (1992), Dubet (1995), Kaufmann (2001/2007).

RÉSUMÉS
Notre contribution à ce numéro spécial sur les théories constructivistes et constructionnistes de
l’identité se présente sous la forme de deux articles. Dans ce premier article, « Constructivisme et
constructionnisme : fondements théoriques », nous définissons les termes en les référant aux
théories fondatrices du constructivisme psychologique de Piaget, du socio-constructivisme de
Bruner et du constructionnisme social tel qu’il est proposé par Gergen.

We are contributing to this special issue about the constructivist and constructionnist theories of
identity with two articles. In this first article, “Constructivism and constructionism: theoretical
bases”, we are defining those terms referring to the theories founding Piaget’s psychological
constructivism, Bruner’s socio constructivism and the social constructivism as proposed by
Gergen.

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INDEX
Keywords : Constructionism, Constructivism, Identity, Self construction
Mots-clés : Construction de soi, Constructionnisme, Constructivisme, Identité

AUTEURS
BERNADETTE DUMORA
Chercheuse associée à l’équipe de Psychologie de l’orientation du Laboratoire CRTD (EA 4132).
Thèmes de recherche : les processus psychologiques de l’élaboration des intentions d’orientation
chez les adolescents et les jeunes adultes. Courriel : bdumora@neuf.fr.

THIERRY BOY
Conseiller d’orientation-psychologue, membre de l’équipe de Psychologie de l’orientation du
Laboratoire CRTD (EA 4132). Thèmes de recherche : l’évaluation des personnes, les
représentations professionnelles des jeunes lors des choix d’orientation. Courriel :
thierry.boy@cnam.fr.

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