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Partie I.
Rapport à l’altérité : introduction et cadre théorique
Introduction
Extraits d’entretiens :
“Ceux du Mexique, c’est des Mexicans mais ici, ils les appellent Latinos, Mexican pour moi
sonne tellement raciste, je ne sais pas pourquoi. Si quelqu’un me dit tu es mexicaine, c’est
comme s’ils le disaient avec une connotation raciste. Et je suis sur ma défensive mais s’ils
disent que je suis Latina, c’est normal […] je préfère être appelée Mexican-American car
Mexican-American sonne plus... j’appartiens aussi à ce pays parce que je suis américaine,
mexicaine montre que je n’en fais pas partie.
[…]
Quand ils me demandent, je dis que je suis mexicaine, ça me fait bizarre mais c’est ce que je
répond et j’ai peur qu’ils ne vont pas m’aimer. Mais je ne peux pas répondre Latina, ça sonne
bête, et je ne sais pas si c’est juste de dire que je suis Mexican-American, c’est stupide aussi
je pense. Je suis mexicaine car je viens du Mexique.”
- Sur quels éléments les gens se basent-il pour dire que Zaira vient d’ailleurs ?
- A quoi est due la peur d’être identifiée ?
- Pourquoi utiliser autant de termes pour se définir ?
- Pourquoi cette confusion dans les termes utilisés ?
- Quel sens donne Zaira à toutes les catégories nominales qui désignent les Mexicains ?
- Que veut dire blanc pour Zaira ?
- Quelle est cette différence entre blancs et autres groupes que perçoit Zaira ?
- Comment se fait-il que son comportement change en fonction de l’origine des amis
fréquentés ?
- Quel type d’expériences ont vécu les minorités aux Etats-Unis ?
Ces questions découlent de la lecture d’un extrait d’entretien au sein duquel la locutrice
manipule des catégories discursives pour parler d’elle et des autres. Pour répondre aux
questions ci-dessus, il faut resituer la construction des catégories dans un contexte macro-
sociologiques. Pour ce faire, l’étude de cas du recensement de population montrera comment
se sont constituées les diverses catégories de population. Avant cela, il est nécessaire de
construire un « cadre théorique » qui permettra d’analyser les divers processus en cause.
La réflexion qui va suivre cherche à répondre aux questions nées de la lecture des entretiens
en resituant la problématique dans un contexte théorique plus large. Elle ne vise toutefois pas
seulement à répondre aux interrogations posées au départ, elle a pour but de proposer un cadre
théorique cohérent qui soit en mesure de servir de base d’analyse pour l’étude de la
construction des catégories de l’altérité en général. C’est la raison pour laquelle nous
commençons par discuter des propositions générales pour les affiner progressivement et
arriver aux discours des individus quant à leur présentation de soi. Par ailleurs, étant donné
l’orientation plutôt constructiviste de la démarche adoptée, nous avons choisi de ne pas définir
au départ les catégories de l’altérité mais de les constituer au cours du travail.
C’est par conséquent autour de l’acte de nommer, pouvant paraître au prime abord anodin,
que se construit le cheminement théorique à venir. La construction théorique qui suit – parce
que c’en est aussi une – part d’affirmations relatives à un niveau d’abstraction élevé ; elle se
fonde sur cinq postulats d’ordre général qui montrent l’articulation et l’interdépendance entre
les catégories de pensée et du langage et la réalité sociale qu’elles désignent. Nous jugeons
important de discuter des paradigmes et concepts sur lesquels reposent nos postulats quand
bien même ils font partie des « classiques » de la sociologie. Si pour ceux qui se reconnaissent
comme tenants de ce point de vue, il tombe sous le sens de dire que la réalité est construite,
rares sont ceux qui s’appliquent à expliciter les mécanismes qui y participent. Cette dernière
démarche apparaît comme incontournable si on souhaite travailler avec un cadre théorique qui
peut avoir une certaine emprise sur les faits observables et qui n’est pas uniquement un
discours rhétorique sur le monde social.
Ainsi, en développant les postulats et en affinant progressivement notre cadre théorique pour
isoler les processus et les éléments propres à notre objet de recherche, nous parvenons à un
« modèle explicatif » qui soit un instrument pertinent pour penser la production des catégories
sociales de l’altérité. Pour mener à bien cet exercice, il est indispensable d’opérer une
sélection des concepts en fonction de leur cohérence et consistance intrinsèque mais aussi et
surtout en fonction de la pertinence qu’ils recouvrent pour notre problématique. C’est
principalement les écrits de Pierre Bourdieu2 qui ont inspiré notre réflexion, en particulier sa
théorie sur les « luttes de classements sociaux ». Cette dernière a toutefois été complétée,
enrichie, nuancée – parfois critiquée – grâce à l’apport d’autres auteurs parmi lesquels Berger
et Luckmann.
1
Tiré de Francesca Poglia Mileti, construction sociale des catégories d’alterité et identité des populations migrantes.
Réflexion théorique et étude de cas, 2001, version électronique
2 On trouve chez Pierre Bourdieu une théorie sociologique complexe qui donne à voir la réalité dans son ensemble et dont la
portée permet de dépasser les classiques oppositions entre structure et individu et entre positions objectiviste et subjectiviste.
On naît où on est
- Les catégories sociales naissent et prennent sens dans un contexte social et historique.
Le deuxième postulat met en lumière une autre facette de la dynamique reliant connaissance
et réalité sociale. La connaissance n’est pas appréhendée uniquement comme le lieu d’ancrage
des processus d’institutionnalisation mais elle est le produit d’interactions sociales
historiquement et socialement situées. Les représentations, classifications – ou visions du
monde – sont donc imbriquées dans des rapports sociaux liés aux contextes au sein desquels
elles sont générées, maintenues et légitimées. C’est pourquoi les classifications, en tant que
résultats mais aussi comme processus, constituent des enjeux de luttes sociales, c’est-à-dire de
luttes symboliques autour de la définition des ensembles sociaux, de leurs frontières, des
positions respectives de celles-ci et de la place des individus en leur sein.
Il faut accorder au langage un statut particulier au sein du répertoire que constituent les
schèmes d’interprétation de la réalité. C’est, en effet, le système de signes le plus élaboré de la
production humaine et, en tant que tel, il contribue à définir, à maintenir et à légitimer la
réalité sociale. Le langage rend possibles les schèmes de classification qui servent à
différencier les objets. Il n’est pas qu’un canal, un support ou un « emballage » qui
permettraient de reconnaître les catégories et d’en lire les composants, il contribue pleinement
au processus de construction de la réalité sociale3. Les noms désignant des catégories sociales
(ce qui nous intéresse) sont une objectivation du système de signes que constitue le langage.
En vertu de la dimension systémique du langage, tout nom traduit une vision du monde
particulière ; donner un nom, c’est dire ce qu’est la catégorie mais aussi ce qu’elle devrait être
en vertu des représentations sociales, des stéréotypes4, des lieux communs, des
représentations officielles qui lui sont attachés. Ainsi, l’acte de nommer (ou la nomination),
3
Sur la relation entre le concept de catégorie et le langage, se référer, entre autres, à Fradin et al.(1994).
4
Pour ce concept, nous nous référons à Cecilia Oesch Serra et Bernard Py (1993 : 157) qui, reprenant l’idée de
Uta Quasthoff (1987), définissent le stéréotype comme « l’attribution d’une propriété à un groupe, à un de ses
membres ou à un objet ou institution qui sont considérés comme emblématiques de ce groupe ». Cette définition
se distingue de celle de nombreux auteurs qui considèrent les stéréotypes comme des jugements ou des attitudes
négatives à l’égard d’individus, de groupes ou de catégories de populations.
Tout en soutenant les premiers postulats, cette dernière affirmation tempère leur élan
constructiviste. Elle introduit l’idée de l’existence de rapports de force qui s’enracinent dans
une structure sociale. Cela signifie que le pouvoir de dire, de faire reconnaître une vision du
monde et par conséquent de créer et de construire ce monde n’est pas également réparti entre
les individus et les groupes qui composent une société. La position occupée dans la structure
sociale, et en conséquence les ressources mobilisables en relation à cette dernière, sont en
étroite corrélation avec le pouvoir d’imposer ou non sa conception du monde. L’imposition, et
conjointement la reconnaissance de perceptions et de catégories de perception, sont le fait de
« luttes de classement », dont la dénomination d’un groupe en termes ethniques ou nationaux
constitue un cas particulier.
Postuler l’existence d’inégalités sociales – parce que c’est bien de cela qu’il s’agit –c’est
affirmer sans ambages notre appréhension de la réalité sociale et des mécanismes qui la
gouvernent. Si nous avons d’entrée de jeu introduit cette dimension de type structuraliste,
c’est parce qu’une réflexion portant sur les populations immigrées ou minoritaires ne peut
faire l’économie des concepts de domination et d’inégalité. En supposer, a priori, l’existence
n’empêche pas de comprendre au travers de quels mécanismes elles s’exercent et quelles sont
les stratégies adoptées par les acteurs pour y faire face, le cas échéant pour s’en défaire.
La notion de catégorie et la question des classements est ancienne, a été et est encore au
centre de nombreux débats. Quelques définitions simple basiques (issues de disciplines
différentes) permettent de poser des jalons pour penser les catégories.
Approches
Catégories sont des principes de classement ; ce qui prime c’est l’activité logique de sélection
plutôt que la répartition d’objets, de choses en des classes.
Pour notre réflexion, toutes ces approches sont utiles car elles montrent comment les
disciplines appréhendent les catégories.
Si on considère les catégories sous l’angle du rapport entre individu et monde social, on peut
les relier à 5 fonctions principales
L’utilisation de l’adjectif « normal » doit faire réagir tout sociologue dont le travail est de
chercher à comprendre ce qui fait que certaines choses apparaissent comme naturelles,
normales aux individus. Derrière cette démarche, il y a l’idée que la réalité sociale s’est
constituée dans et par les relations sociales.
Postuler qu’il n’y a pas de « catégories naturelles », signifie aussi admettre la plasticité des
catégories. En effet, que l’on parle de principes de classements, d’imputation d’éléments à des
catégories ou classes – pour le sociologue – les catégories changent selon :
• Les individus
• Les groupes
• Les lieux
• Les sociétés
• Les époques,
• différences et limites
• critères de classements
• référents symboliques
• indices de classements
• rites d’institution
• normativité et rôles sociaux
• champs
• enjeu
• classifications et classements
• acteurs (agents)
• violence symbolique
• importance du langage
Pour mieux comprendre le lien entre luttes symboliques (lutte de définition des catégories,
des classements, de la place de chacun) et contextes réels, il est utile de se référer à quelques
notions développées par Pierre Bourdieu, comme celles de « rites d’institution » (pas traitée
ici), de « champ social » et de « violence symbolique ». Ces concepts sont présentés de
manière très brève puisqu’ils ont déjà fait l’objet d’enseignements plus approfondis dans
d’autres cours.
Rites d’institution
Pour Pierre Bourdieu la « magie sociale parvient toujours à produire du discontinu avec le
continu», à créer des catégories discrètes qui, sont légitimées ou consacrées par une limite
arbitraire, et de fait apparaissent comme légitimes ou même naturelles. Cette magie sociale
dont parle souvent Pierre Bourdieu touche à tous les rites de nomination, d’institution mais
aussi à tous les gestes classants qui sont reconnus comme légitimes. Les rites d’institution
peuvent être des nominations officielles mais aussi tous les gestes quotidiens au travers
desquels on indique à l’autre ce qu’il est, la position qu’il occupe dans l’espace social et
comment il doit se tenir à la place assignée.
Champ
Sphère de la vie sociale qui s’est progressivement autonomisée au cours de l’histoire autour
d’une activité spécifique et d’enjeux particuliers. Les enjeux sont spécifiques à chaque champ
même si les champs fonctionnent tous sur le même mode (homologie des champs)6.
5
Le flou qui entoure les notions de classements et de catégories est pour l’heure utile à notre réflexion, il amène
une flexibilité que n’auraient pas des définitions plus arrêtées.
6
Le débat portant sur la définition et notamment sur la délimitation du champ reste ouvert et oppose une vision qui estime que
les champs existent en réalité puisqu’ils sont définis par les acteurs alors que l’autre conception insiste sur la constitution du
champs par l’activité de définition scientifique.
Les acteurs ont plus ou moins de ressources à leur disposition (capitaux, économique, social,
symbolique). Analogie du jeu (cartes, atouts). Avec en réalité une dimension supplémentaire,
celle du pouvoir.
Un enjeu particulier : les luttes de classements (il y en a d’autres, qui lui sont liés, comme
s’approprier les ressources, contrôler certaines institutions, etc.). L’enjeu est constitué par la
définition de la place de chacun dans la société (pas seulement dans les représentations, dans
les schèmes de pensées, mais dans la réalité). On a vu que la définition des catégories impose
des conduites (ou tout au moins défini des attentes).
Dans d’autres champs (ex : de la musique), la définition de l’étranger est fondée sur d’autres
critères et la définition différente (exotique, différent et en même temps rassembleur, etc.
« world music »).
La construction des catégories est un enjeu des luttes de classements. On ne peut toutefois la
comprendre sans faire référence au concept de « violence symbolique » et au rapport de
pouvoir qu’il implique.
Violence symbolique
La particularité du concept de violence symbolique est qu’il montre comment les dominés
deviennent en quelque sorte « complices » du processus de domination. Pourquoi ? non pas
parce que « les dominés » aiment être dominées mais parce qu’ils ont intériorisé la
signification du monde qui leur a été imposée et voient leur situation légitime (juste,
normale). Leur vision du monde (lunettes pour voir le monde) est celle que leur ont construit
les dominants. « Les dominés appliquent à toute chose du monde, et en particulier, aux
relations de pouvoir dans lesquelles ils sont pris, aux personnes (…) à eux-mêmes, des
schèmes de pensées, impensés, (…) » (Pierre Bourdieu, 1990 : 10) qui font apparaître ces
relations de pouvoir comme naturelles .
L’imposition d’une part et l’intériorisation d’autre part, des schèmes de pensées distinctifs
entre hommes et femmes se fait au travers de l’éducation des corps « soumission immédiate et
pré-réflexive des corps socialisés » (Bourdieu, 1990 : 10) et la manière de se tenir (« hexis
corporelle ») ainsi que du langage (associer des objets qui ressemblent aux hommes à des
Ex : Pierre Bourdieu, La domination masculine (1998) : intéressant, les mécanismes sont bien
développés, mais le livre est un peu caricatural, ne tient pas compte des changements advenus,
des rôles des différents acteurs (ex : féminisme, etc.)
Peut-on penser différemment en tant que dominés ? Bourdieu estime que oui, et notamment la
sociologie peut fournir les ressources pour penser différemment.
Ce livre publié dans les années 70 (en plein remise en question du fonctionnalisme, période
faste du constructivisme a été traduit très tard en français). Il a suscité un intérêt dans les
années 80-90 au moment où on re-découvrait les interactionnistes, les approches qualitatives,
etc.
En résumé, parler de construction sociale de la réalité, c’est associer deux processus qui sont
interdépendants (CORCUFF, 1995 : 79) :
Pour Berger et Luckmann, parler de construction sociale de la réalité, c’est étudier comment
toute connaissance ou corps de connaissance en vient à être socialement établi en tant que
réalité (BERGER et LUCKMANN, 1986). Le propos des auteurs n’est pas de chercher à
établir le degré de fidélité entre une représentation du monde et le monde comme entité réelle8
mais d’étudier les processus qui font qu’une connaissance est développée, transmise et
maintenue par des réalités sociales, indépendamment de la validité ou la non-validité
fondamentale de cette connaissance. C’est en particulier au travers d’une réflexion sur la
réalité quotidienne que les auteurs démontrent comment les acteurs, au travers de
l’objectivation des processus subjectifs (et des significations) édifient le monde du sens
commun intersubjectif (BERGER et LUCKMANN, 1986: 32).
• Processus de typification
7
Cette section est tirée de Francesca Poglia Mileti, construction sociale des catégories d’alterité et identité des populations
migrantes. Réflexion théorique et étude de cas, 2001, version électronique.
8
Contrairement à des perspectives constructivistes plus subjectivistes (voir entre autres Watslawick et les
ethnométhodologues), Berger et Luckmann postulent l’existence de la société en tant que réalité objective, c’est-à-dire
extériorisée (s’émancipant des acteurs qui la produisent) et objectivée (constituées de mondes d’objets séparés des sujets).
Par schèmes de typification, les auteurs désignent l’ensemble des schèmes et des modèles qui,
acquis au cours des processus de socialisation primaire et secondaire, permettent aux
individus d’appréhender les personnes et les choses qui les entourent tout en leur pourvoyant
des modèles d’interaction pré-arrangés socialement. Ce n’est qu’au travers des confrontations,
au cours des multiples interactions sociales, que les schèmes de typification individuels
acquièrent un statut d’objectivation. Lorsque les typifications sont partagées, on peut parler
d’objectivation, processus qui est au fondement du sens commun et de la réalité quotidienne.
Cette dernière apparaît alors comme objectivée, constituée d’objets ordonnés qui se présentent
comme tels pour les individus, et s’impose dès lors comme allant de soi.
Mais ce qui intéresse particulièrement notre propos, c’est que le langage permet de dépasser le
face-à-face, de transcender la réalité en objectivant un grand nombre d’expériences, en les
typifiant et en les rangeant à l’intérieur de catégories élargies qui leur donnent un sens. C’est
donc au travers du langage que se mettent en place des schémas de classification visant à
différencier les objets selon le genre et le nombre (BERGER et LUCKMANN, 1986: 60)
On peut définir l’institutionnalisation comme le processus qui « se manifeste chaque fois que
des classes d’acteurs effectuent une typification réciproque d’actions habituelles. En d’autres
termes, chacune de ces typifications est une institution » (BERGER et LUCKMANN, 1986:
78). Cela implique que les typifications réciproques et le consensus sur le sens des actions soit
connu et reconnu et qu’elle tendent à se cristalliser pour acquérir une certaine stabilité au
cours du temps.
Ainsi, les actions habituelles s’inscrivent dans un processus d’accoutumance qui précède toute
institutionnalisation. S’il est vrai que toute typification ne trouve pas toujours un espace de
réciprocité, il faut néanmoins que celles qui se trouvent à la base des institutions soient
partagées par tous et accessibles à tous les membres du groupe en question, l’institutions
typifiant à la fois les acteurs et les actions des individus.
C’est en vertu de l’accumulation des schémas de typification partagés et objectivés que les
stocks de connaissances – au travers du langage par exemple – peuvent se transmettre d’une
génération à l’autre. Cela est possible parce que le monde se présente comme une réalité
objective préexistante à l’individu et parce que le sens qui lui est attaché se transmet par les
générations précédentes. Il en résulte que le monde institutionnel est perçu comme une réalité
objective ayant une histoire, dans laquelle l’individu vient inscrire sa biographie. En ce sens,
on peut dire que les institutions sont édifiées au long d’une histoire partagée dont la
dimension temporelle revêt une importance qui ne peut être omise d’un point de vue
analytique puisque toute institution se construit sur une situation sociale qui se prolonge dans
le temps.
Une des caractéristiques de nos contextes contemporains est la diversité et le pluralisme des
réalités : les institutions ont tendance à se spécialiser, la division du travail augmente, les
acteurs occupent au sein de chaque institution des rôles sociaux différenciés (BERGER et
LUCKMANN, 1986 : 102).
Pour se maintenir, les univers institutionnels ont, toutefois, besoin d’être légitimés sur le plan
à la fois cognitif et normatif. Cette légitimation est qualifiée d’objectivation de signification
de second ordre (BERGER et LUCKMANN, 1986 : 127). L’expression « de second ordre »
indique qu’elles intègrent des significations différentes déjà existantes qui ne se rapportent
pas forcément à la même institution. Ces dernières produisent ainsi de nouvelles significations
qui rendent objectivement disponible et subjectivement plausible l’objectivation de premier
ordre déjà objectivée lors du processus d’institutionnalisation (BERGER et LUCKMANN,
1986). La fonction symbolique des significations de second ordre a une double
visée : cognitive d’abord (les choses sont ce qu’elles sont) et normative ensuite (il s’agit de les
justifier et de leur donner sens). A cela il faut ajouter la fonction de contrôle que constitue
l’institution pour l’individu. L’intérêt du modèle réside dans le fait que le contrôle s’exerce
indépendamment des mécanismes de sanctions qui auraient pour but de maintenir l’institution
mais au travers des « modèles prédéfinis de conduite » évoqués plus haut.
Différences et limites
Création de catégories
discrètes à partir de critères
stéréotype, jugements
catégorie nom
valeurs, normes,
règles, …
acteur
acteur
acteur
habitus
habitus habitus
Catégories nominales
champ
schèmes de schèmes de
typifications Processsus typifications
d’objectivation
Langage
NOMS
symbolique
Individu A Individu B
Typifications réciproques
Æ Stocks de connaissances
Processus d’objectivation
Stocks
de Sens commun
connaissances Processus d’institutionnalisation
Processus de légitimation
Catégories Catégories Catégories Catégories Catégories Catégories Catégories Catégories Catégories Catégories
Types de Indigènes Exprimées médiatisées scientifiques politiques, statistiques administra- d’action officielles Juridiques
catégories de gestion tives
Individus Porte-parole, Médias, porte- Scientifiques, Politiques, Statisticiens, Institutions Travailleur Institutions Légistes,
Acteurs Groupes représentanst parole, Experts porte-parole, Experts étatiques,.. s sociaux, politiques,
politiques Experts Institutions porte-
, etc. parole
Expression Revendica- Visibilisation Légitimation Normalisa- Légitimation Légitimation Normalisa- Légitimation Légitima-
Processus d’identité tion d’identité sociale, scientifique, tion, chiffrée, officielle, tion, institution- tion légale
Auto- rationnelle légitimation « objective », réification des banalisa- nelle
affirmation Objectivation idéologique, institution- catégories tion
sociale reclassement nelle
symbolique