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Module « La place des représentations sociales

dans la recherche en Sciences sociales »

Pr ESOH ELAME

UE.4 : Méthdologie de recherche en Sciences sociales

Master « Coopération internationale, Action humanitaire et Développement durable » (CA2D)


On observe actuellement que dans les sciences sociales, le concept de représentations sociales suscite
un intérêt d’autant plus vif que s’affirme parallèlement son utilité dans la catégorisation sociale et la
construction identitaire. En réalité, ce concept qui s’est emparé des sciences sociales a aussi une utilité en
sciences exactes. Il existe évidemment différentes manières de poser le problème des représentations
sociales selon la discipline et l’échelle d’observation privilégiées, aussi, pour entrer dans l’analyse des
phénomènes identitaires. La relation entre les questions identitaires et les représentations sociales comme
on va le voir, est centrale et a d’ailleurs déjà été objet de plusieurs études et analyses. Toutefois, les études
sont rarissimes où la civilisation nègre et mieux son système de pensée a été interrogés à partir des
représentations sociales. La civilisation négro-africaine, plus directement son espace géographique
principal à savoir l’Afrique subsaharienne à travers sa mémoire historique, ses faits sociétaux, ses
problèmes de développement n’a pas encore fait objet de nombreuses réflexions sur les représentations
sociales en s’appuyant sur une analyse pertinente construite à partir du système de pensée négro-africaine.
Par ailleurs, il existe très peu de littérature scientifique abordant plus directement la pensée négro-africaine
et les phénomènes identitaires qui en dépendent. Sans privilégier nécessairement le rapport au territoire,
l’étude des représentations sociales a néanmoins quelque chose à voir avec lui. Ainsi, il est intéressant
d’analyser le concept de représentations sociales dans la civilisation négro-africaine pour mieux
comprendre comment en va-t-il de certaines de ses approches qui, plutôt centrées sur les constructions
identitaires et leurs conséquences. Les analyses faites sur les représentations sociales dans la civilisation
nègre peuvent nous permettre de mettre en tension les deux pôles représentés par l’universalisme et les
particularismes ethniques notamment dans la civilisation nègre. L’une des questions qu’on peut se poser
est alors de savoir si le concept de représentations sociales à sa place dans la pensée nègre. Comment les
représentations sociales sont-elles utilisées dans la compréhension et l’analyse des objets de vie
quotidienne dans la civilisation négro-africaine ?
Nous allons dans une première phase expliquer la notion de représentations sociales. Ensuite nous
analyserons la relation entre la pensée nègre et l’utilisation de la théorie des représentations sociales.

1. La notion de représentation sociale (RS)


À partir du moment où les particularités structurelles de la pensée nègre ont un impact sur la
construction des identités territoriales, y compris sur la personnalité des individus qui partagent ce
système de pensée, l’analyse des représentations sociales et leur prise en compte dans l’analyse des
problèmes et enjeux sociétaux des peuples, nations et États de la civilisation négro-africaine devient alors
centrale, pour ne pas dire le point de départ de toute reconnaissance sociale au sens d’Habermas.
Le concept de représentation est issu des sciences sociales. Par ailleurs, la sociologie, l’ethnologie, la
psychologie sociale, l’histoire, la géographie, et l’économie l’utilisent largement et depuis longtemps
(parfois sans le dénommer comme tel dans leurs travaux de recherche. Aujourd’hui, le concept de
représentations sociales bouscule également les sciences exactes. Ainsi en va-t-il pour une meilleure
connaissance et interprétation des phénomènes sociaux, culturels, économiques et environnementaux qui
caractérisent plusieurs savoirs scientifiques en sciences exactes. À titre d’exemple, on peut citer la place
des représentations sociales dans la gestion des déchets municipaux, l’influence des représentations
sociales dans la protection de la biodiversité, l’influence des représentations sociales dans la protection
du patrimoine architectural bâti, ou encore la conséquence de la non-prise en compte des représentations
sociales des populations sur une question bien précise qui interfère dans la construction d’un barrage
d’eau, d’une route, d’un pont dans le contexte géographique de la civilisation nègre. Au stade actuel des
connaissances scientifiques, des travaux qui prennent plutôt acte du fait qu’il existe des représentations
sociales dans la civilisation nègre et donc au sein de chaque État, minorités ethniques et culturelles qui la
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compose et que ces représentations doivent obligatoirement être prises en compte dans l’analyse des
problèmes du territoire sont rares.
Il y a des travaux qui abordent la question des représentations sociales dans l’étude de certaines
minorités ethniques indigènes, sans toutefois faire un lien avec la civilisation négro-africaine et la pensée
nègre. Ces études sont faites en utilisant des référentiels de la pensée occidentale et ceci remet en cause
la pertinence des données analysées. Les études sur les représentations sociales mêlent indissolublement
le contexte civilisationnel d’analyse et le système de pensée de référence à prendre en compte. La difficulté
est alors d’articuler, dans un cadre bien précis, les représentations sociales de l’objet à étudier et un
système de pensée clairement identifiable, qui soit en cohérence avec l’environnement civilisationnel où
se fait l’analyse.
Sur le plan général, la notion de représentations sociales repose sur le postulat kantien que la
connaissance n’est jamais celle de la réalité, mais celle d’un modèle de la réalité. Celle-ci est reconnue par
la raison qui en élabore une représentation. Cela ne signifie évidemment pas que le réel n’existe pas, mais
simplement que les hommes en fabriquent des interprétations, à leurs yeux pertinents.
La littérature scientifique nous apprend que c’est au sociologue français Émile Durkheim (1858-1917)
que l’on doit les premiers travaux de théorisation du concept de représentation. Durkheim, dans son
article de 1898 intitulé Représentations individuelles et représentations collectives et paru dans la Revue de métaphysique
et de morale, donne une véritable impulsion théorique et épistémologique à la notion de représentations. Il
distingue trois réalités, les processus physico-chimiques du cerveau, les représentations individuelles et
les représentations collectives (Durkheim., 1898). Pour Durkheim, les représentations collectives sont
des croyances et valeurs communes à tous les membres d’une société, intrinsèquement distinctes de
l’addition des représentations de ces individus. On retiendra surtout de ses travaux sur les représentations
que :
- (1) la société forme un tout, une entité originale, différente de la simple somme des individus qui la
compose.
- (2) dans la représentation collective, il faut tenir compte de la contrainte sur l’individu : la
représentation impose à l’individu des manières de penser et d’agir, et se matérialise dans les institutions
sociales au moyen de règles sociales, morales, juridiques.
- (3) il existe une supériorité des éléments sociaux : conscience collective, et représentation collective,
sur les éléments individuels.
Durkheim légitime les représentations collectives car elles sont au cœur des interactions sociales.
Toutefois, il faut aussi reconnaitre l’existence des représentations individuelles qui font partie du vécu
quotidien d’un sujet, ce qui a un sens pour lui, donne un sens à ses actions, et sont surtout liées à ses
expériences personnelles de vie. Ces représentations individuelles sont présentes dans la relation que
l’individu a avec lui-même et avec le monde qui l’entoure.
La relation entre représentations individuelles et représentations collectives est à situer dans la relation
entre l’individu et la société. Les travaux de Durkheim montrent bien que les représentations individuelles
sont propres à chaque individu et variables. Justement, en insistant sur la variabilité des représentations
individuelles, Durkheim considérait d’ailleurs que c’était les représentations collectives qui prévalaient.
Si l’on peut dire, à certains égards, que les représentations collectives sont extérieures aux consciences individuelles,
c’est qu’elles ne dérivent pas des individus pris isolément, mais de leur concours, ce qui est bien différent. Sans doute,
dans l’élaboration du résultat commun, chacun apporte sa quote-part ; mais les sentiments privés ne deviennent

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sociaux qu’en se combinant sous l’action des forces sui generis que développe l’association ; par suite de ces
combinaisons et des altérations mutuelles qui en résultent, ils deviennent autre chose […] (ibid p. 35-36).
Durkheim dans son ouvrage « les formes élémentaires de la vie religieuse », souligne bien que les catégories
sont des représentations essentiellement collectives, elles traduisent avant tout des états de la collectivité :
elles dépendent de la manière dont celle-ci est constituée et organisée, de sa morphologie, de ses
institutions religieuses, morales, économiques, etc. Il faut pour cela retenir que :
La société est une réalité sui generis ; elle a ses caractères propres qu’on ne retrouve pas, ou qu’on ne retrouve pas
sous la même forme, dans le reste de l’univers. Les représentations qui l’expriment ont donc un tout autre contenu
que les représentations purement individuelles et l’on peut être assuré par avance que les premières ajoutent quelque
chose aux secondes (1912, p 25).
Les travaux de Durkheim constituent une base de réflexion qui ont permis d’arriver en toute logique
à prendre en compte aussi bien les représentations individuelles que collectives mais en plaçant ainsi les
faits sociaux au-dessus des faits individuels. Durkheim accorde une préférence aux représentations
collectives par rapport aux représentations individuelles aussi parce que la durée de vie de ces dernières
est limitée dans la mesure où elles disparaissent en même temps que leurs concepteurs. En effet, pour
l’auteur, la conscience collective constitue la base de la communauté. Mieux encore, le groupe social
incarne la société et est régi par un système constitué d’une conscience collective ou l’âme collective qui
comporterait des croyances (attitudes mentales et sociales, comme la simple opinion « croire que » ou ayant
une connotation religieuse « croire en », proche du mot foi), des sentiments, des souvenirs, des idéaux et
aussi des représentations partagées par tous les membres d’une société. En clair, la conscience collective
impose à l’individu des façons de penser et d’agir. Cela se concrétise au niveau des institutions
socioculturelles par la mise en place des règles sociales, morales, juridiques ou politiques, la codification
de la vie religieuse à travers des croyances, rituels collectifs, etc. La représentation ainsi présentée par
Durkheim peut alors s’assimiler dans une analyse critique à une forme d’évolution de la pensée à travers
des interactions instaurées donnant lieu à une représentation coopérative et négociée des règles. Elle peut
porter sur différents objets à savoir la religion, les faits sociétaux, la politique, les questions techniques, la
morale, etc et être sur le plan matériel, à l’origine des pratiques et des comportements individuels ou
collectifs. Nous retrouvons aussi dans les travaux de Durkheim sur les représentations collectives, leur
dimension transgénérationnelles, c’est-à-dire qu’elles sont durables au-delà même des générations. Ce
caractère durable des représentations est un point fondamental dans l’intérêt accordé aux représentations
collectives aux dépens des représentations individuelles.
Émile Durkheim donne l’impulsion théorique et épistémologique, à l’étude sur les représentations.
D’autres chercheurs sensiblement de la même époque telsLévy-Bruhl et Marcel Mauss s’intéressent aussi
des perceptions à travers l’étude des mythes, des mentalités dites archaïques, les représentations
religieuses et magiques des sociétés traditionnelles sans écriture.
Depuis les années soixante, le concept de représentation connaît un regain d’intérêts en sciences
sociales et humaines notamment en anthropologie, histoire, linguistique, psychologie sociale,
psychanalyse, sociologie, géographie, sciences de l’éducation, économie, etc. C’est leFrançais Moscovici
qui développa de manière incisive le concept de représentation sociale pour l’affermir en théorie dès
1961.Dans son ouvrage La psychanalyse, son image et son public, il s’attache à montrer « comment une nouvelle
théorie scientifique ou politique est diffusée dans une culture donnée, comment elle est transformée au
cours de ce processus et comment elle change à son tour la vision que les gens ont d’eux-mêmes et du
monde dans lequel ils vivent » (Moscovici., 1961).

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C’est Moscovici dans ses travaux qui nous propose de transformer les représentations collectives en
représentations sociales. L’adjectif « social » associé à la représentation a toute son importance : il vient
qualifier la représentation en ce qu’elle est essentiellement collective, c’est-à-dire partagée par un grand
nombre d’individus. Moscovici (1976) définit les représentations sociales comme :
des ensembles dynamiques, des théories ou des sciences collectives destinées à l’interprétation et au façonnement du réel.
Elles renvoient à un corpus de thèmes, de principes, ayant une unité et s’appliquant à des zones d’existence et d’activité
particulières […]. Elles déterminent le champ des communications possibles, des valeurs ou des idées présentes dans
les visions partagées par les groupes, et règlent par la suite, les conduites désirables ou admises (p 48).
On ne peut pas se passer de prendre en considération cette autre définition des représentations
sociales proposée par Moscovici (1984). Une représentation sociale est :
une manière d’interpréter le monde et de penser notre réalité quotidienne, une forme de connaissance sociale que la
personne se construit plus ou moins consciemment à partir de ce qu’elle est, de ce qu’elle a été et de ce qu’elle projette
et qui guide son comportement. Et corrélativement (la RS est) l’activité mentale déployée par les individus et les
groupes pour fixer leurs positions par rapport à des situations, événements, objets et communications qui les concernent
(p. 132).
Moscovici nous parle ici de la manière d’interpréter le monde et de penser la réalité quotidienne. Cela
nous invite à reconnaître les représentations sociales comme des déterminants de notre existence, qui
nous servent pour construire nos savoirs, nos connaissances, nos jugements, etc. Ainsi sur le principe,
les représentations sociales constituent un patrimoine inattaquable, que tout sujet vivant en société a
l’obligation de disposer. Elles se constituent comme un savoir que chacun des membres de la
communauté partage. Elles sont par leur nature et leur utilité irrenonçables, car elles nous servent de
guide, de repères mais aussi pour accéder à des formes de savoir collectif reconnaissables comme
consensuelles et familières aux membres d’une communauté bien donnée. Moscovici nous propose une
autre définition qui cette fois, associe la représentation sociale aux systèmes de valeurs.
[la représentation sociale] est un système de valeurs, de notions et de pratiques relatives à des objets, des aspects ou
des dimensions du milieu social, qui permet non seulement la stabilisation du cadre de vie des individus et des groupes,
mais qui constitue également un instrument d’orientation de la perception des situations et de l’élaboration des réponses
(Moscovici 1987, p.125).
Les systèmes de valeur dont parle Moscovici nous pouvons les considérer comme un ensemble
dynamique et interactif de croyances acceptées, partagées dans une communauté, débouchant en de
normes, de références pouvant influencer l’attitude, la conscience, les comportements des individus. Elles
servent de référence dans les jugements, la conduite à tenir. Elles peuvent être classées de la plus haute à
la plus faible.

2. Les représentations sociales au-delà de Moscovici


La théorie des représentations sociales élaborée par Serge Moscovici a influencé et continue
d’influencer les questions épistémologiques et méthodologiques de plusieurs disciplines de sciences
sociales. À la suite de Moscovici, de nombreux chercheurs de plusieurs disciplines scientifiques
(sociologie, psychologie sociale, anthropologie, ethnologie, géographie, histoire, linguistique, pédagogie,
économie, etc), vont s’intéresser aux représentations sociales. C’est le cas de Ariès (1962), Chombart de
Lauwe (1971), Herzlich (1972), Farr (1977, 1984, 1987), Duby (1978), Laplantine (1978, 1987), Bourdieu

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(1982), Jodelet (1984, 1989,1999), Bonardi et Roussiau (1999, 2001), Abric (1994), Seca (2001), Moliner,
Rateau, Cohen-Scali (2002) pour ne citer que ceux-là.
Aujourd’hui, de nombreux travaux1 s’inspirent et s’inscrivent dans le prolongement de ceux de
Moscovici surtout dans le domaine du social, de l’économique, de l’éducation, de la santé, de la
psychologie, et de plus en plus de l’environnement.Sur le plan de la production scientifique, il existe de
nos jours, un corpus très riche de définitions et d’analyse sur les représentations sociales et de
nombreuses recherches menées sur cette théorie qui commencent à aller au-delà des sciences sociales.
La flexibilité sémantique autour de ce thème tient au fait qu’il s’agit avant tout d’un paradigme, c’est-à-
dire d’un courant de pensée et d’un espace de structuration des savoirs en sciences sociales. Sa position
mixte au carrefour d'une série de concepts sociologiques et de concepts psychologiques (Moscovici, 1976, p. 39) en fait
un concept dynamique qui alimente nos réflexions. Il produit un changement socioculturel, qui mène à
des interrogations fondamentales sur le fonctionnement de la société moderne, le rôle des groupes, des
individus, et des idées.
En dehors des définitions proposées par Moscovici, l’une des définitions les plus citées pour définir
les représentations sociales est celle de Jodelet selon qui une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée
ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social (Jodelet, 1989, p.
36). En effet, en considérant la représentation sociale comme une forme de connaissance socialement
élaborée, renvoie à dire qu’elles sont une forme de connaissance construite en commun, par relais social.
Ce qui lui donne une dimension collective permettant ainsi aux individus de se transmettre les
connaissances. Le concept de représentation sociale en tant que forme de connaissance, socialement
élaborée et partagée, permet de mieux comprendre les individus et les groupes en analysant la façon dont
ils se représentent eux-mêmes, les autres et le monde. Les connaissances générées par les représentations
sociales permettent aux individus dans leur vie sociale, de gérer la réalité quel que soit sa complexité, de
savoir comment ils vont se comporter vis-à-vis d’une situation précise. Jodelet signale également que la
représentation sociale peut être désignée comme :
savoir de sens commun ou encore savoir naïf, naturel, cette forme de connaissance est distinguée, entre autres, de la
connaissance scientifique. Mais elle est tenue pour un objet d'étude aussi légitime que cette dernière en raison de son
importance dans la vie sociale, de l'éclairage qu'elle apporte sur les processus cognitifs et les interactions sociales (ibid).
La définition de la représentation sociale proposée par Jodelet, met en évidence la notion de Savoir de
sens commun, par opposition aux savoirs scientifiques. Le sens commun définit la réalité pour l’ensemble
social qui l’a élaborée dans une visée d’action et de communication. Elle constitue une forme particulière
de connaissance. La représentation sociale en se présentant comme un ensemble de connaissances,
croyances, schèmes d’appréhension et d’action à propos d’un objet socialement important, mobilise un
ensemble de préacquis du groupe. Elle concourt à la construction d'une réalité commune où les individus
du groupe auront la même image de l’objet, facilitant ainsi la communication, la catégorisation.
Jodelet pense aussi que la représentation sociale est capitale en raison de son importance dans la vie
sociale, de l'éclairage qu'elle apporte sur les processus cognitifs et les interactions sociales. L’analyse de

1 Quelques exemples de travaux sur les représentations sociales: le fou et la folie (Da Rosa, 1987), la folie (Jodelet, 1989b), le
sida (Morin et Vergès, 1992), l’argent (Vergès, 1992), l’entreprise (Moliner, 1993b, 1996), la fonction d’infirmière (Guimelli,
1994), les droits de l’homme (Doise, Clémence et Lorenzi-Cioldi, 1994 et Devos, Clémence et Doise, 2000), le groupe idéal
(Rateau, 1995), la banque (Vergès, 2001), l’environnement (Marquis, 2001), la violence (Abric, 2003), l’Europe (Baugnet et
Fouquet, 2005), le vin (Lo Monaco, 2008), la santé (Apostolidis et Dany, 2012), le marketing (Piermattéo, Lo Monaco, Guimelli
et Brel, 2012), l’alcool chez les jeunes (Dany et Lo Monaco, 2013), etc
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Jodelet sur la représentation sociale est riche en enseignements et nous invite à reconnaitre les
représentations sociales :
en tant que systèmes d'interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, orientent et organisent les
conduites et les communications sociales. De même interviennent-elles dans des processus aussi variés que la diffusion
et l'assimilation des connaissances, le développement individuel et collectif, la définition des identités personnelles et
sociales, l'expression des groupes, et les transformations sociales (ibid, p. 37).
Les représentations sociales en tant que phénomènes cognitifs, font intervenir un ensemble des
processus mentaux qui se rapportent à la fonction de construction des connaissances telles la mémoire,
le langage, le raisonnement, l’apprentissage, la résolution de problèmes, la prise de décision, la perception,
etc. Elles engagent l'appartenance sociale et culturelle des individus avec les implications affectives et
normatives, avec les intériorisations d'expériences, de pratiques, de modèles de conduites et de pensée,
socialement et culturellement inculqués ou transmis par la communication sociale, qui y sont liées. Tout
compte fait, une « représentation sociale est donc toujours représentation de quelque chose (l’objet) et de quelqu’un (le
sujet) » (Jodelet, 1989, p. 59). Il n’y a pas de représentations sociales sans le sujet. C’est justement la relation
entre le sujet et l’objet qui détermine la représentation sociale. Cette relation sujet-objet constitue à cet
effet, le principe de base autour duquel la représentation sociale s’organise et prend véritablement corps.
Pour Abric (1987) : « On appelle représentation le produit et le processus d'une activité mentale par laquelle un
individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique » (64). Cette
définition de la notion de la représentation sociale met en exergue l’activité mentale qui sous-tend la mise
en place d’une représentation sociale. Elle met les facteurs cognitifs et symboliques au centre de l’axe de
construction d’une représentation sociale. Elle montre aussi que la reconstruction du réel par un individu
ou un groupe débouche à la production des représentations sociales. Il est à cet égard significatif de savoir
analyser et mieux prendre en considération les opinions, attitudes, croyances et informations qui se
réfèrent à un objet ou une situation. Abric va plus loin en faisant le lien entre les représentations sociales
et l’idéologie. Il considère alors les représentations sociales comme : … les pratiques que les sujets acceptent de
réaliser dans leur existence quotidienne qui modèlent, déterminent, leur système de représentation ou leur idéologie (Abric,
1989, p 208).
De plus, Abric pense aussi que la représentation sociale est vraisemblablement :
un ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référant à un objet ou une situation.
Elle détermine à la fois le sujet lui-même (son histoire, son vécu) par le système social et idéologique dans lequel il est
inséré, et par la nature des liens que le sujet entretient avec ce sujet social (1989, p 205).
La définition de Abric nous amène à mettre en évidence le fait qu’il n’ait pas indiqué de sous-estimer
ou minimiser une représentation sociale. Quelle que soit sa nature, son degré de pertinence, elle reste une
représentation sociale, une information qualitative nous permettant de mieux interpréter une réalité bien
précise. Elle peut signifier des mauvaises attitudes, qui parfois ne sont en fait que bien souvent
d’innocentes appréciations. Elles nous fournissent les informations dont nous avons besoin pour
comprendre l’objet d’analyse et construire une représentation plus pertinente. Il est important de savoir
découvrir les raisons sous-jacentes d’une attitude, opinion, information. Ceci est d’autant plus important
quand on sait que :
Les représentations fonctionnent comme un système d’interprétation de la réalité qui régit les relations des individus
à leur environnement physique et social, elle va déterminer leurs comportements ou leurs pratiques. La représentation
est un guide pour l’action, elle oriente les actions et les relations sociales. Elle est un système de pré-décodage de la
réalité car elle détermine un ensemble d’anticipations et d’attentes (Abric., 1997).

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Par ailleurs, Abric considère que :
la représentation n’est donc pas un simple reflet de la réalité, elle est une organisation signifiante. Et cette signification
dépend à la fois de facteurs contraignants –nature et contraintes de la situation, contexte immédiat, finalité de la
situation – et de facteurs plus généreux qui dépassent la situation elle-même : contexte sociale et idéologique, place de
l’individu dans l’organisation sociale, histoire de l’individu et du groupe, enjeux sociaux (1994, p 13)
Tout compte fait, en tant que processus cognitif, la représentation sociale suscite un grand intérêt
parce qu’elle permet de comprendre comment se construisent les perceptions dans la vie quotidienne,
mais aussi de les confronter. L’intérêt des représentations sociales est qu’elle permet de structurer ou
alors mettre en évidence l’existence d’une vision commune, largement partagéeet significative au sein des
groupes d’individus, mais également de perceptions contrastées entre les groupes, selon leurs pratiques,
leur système de pensée, leurs idéologies et leur positionnement identitaire.Ainsi, les représentations
sociales peuvent aussi être considérées comme des systèmes d’action socialement structurés et institués en relation
avec des rôles (Abric., 1994, p 217). Leur structuration en découle de nos comportements et nos pratiques
sociales. Dans de domaines bien précis, les représentations sociales sont issues d’un savoir partagé
déterminé par des facteurs personnels, sociaux, culturels, économiques, environnementaux, idéologiques,
relationnels, abstraits, et partant du vécu quotidien. Abric nous propose une autre définition qui enrichie
le corpus d’analyse des représentations sociales à savoir :
Toute représentation est donc une forme de vision globale et unitaire d’un objet, mais aussi d’un sujet. Cette
représentation restructure la réalité pour permettre une intégration à la fois des caractéristiques objectives de l’objet,
des expériences antérieures du sujet, et de son système d’attitudes et de normes. Cela permet de définir la représentation
comme une vision fonctionnelle du monde qui permet à l’individu ou au groupe de donner un sens à ses conduites, et
de comprendre la réalité, à travers son propre système de références, donc de s’y adapter de s’y définir une place. (…)
(2003, p.13).
Par ailleurs, les travaux de Abric analysant la représentation sociale comme une vision fonctionnelle
du monde, la considère aussi comme « un système d’interprétation de la réalité qui régit les relations des individus à
leur environnement physique et social, elle va déterminer leurs comportements ou leurs pratiques » (ibid). Les processus
cognitifs qui sont au cœur des transformations du monde social, à partir des propriétés structurales de la
représentation sociale assurent le passage vers différents systèmes symboliques. Sur le plan pratique, on
peut donc dire que « la représentation est un guide pour l’action, elle oriente les actions et les relations sociales. Elle est
un système de pré-décodage de la réalité car elle détermine un ensemble d’anticipations et d’attentes » (ibid). Ces différentes
approches de lecture de la représentation sociale d’après Jean Claude Abric contribuent à une meilleure
compréhension et analyse de ce concept.
Pour Claude Flament, « une représentation sociale est un ensemble organisé de cognitions relatives à un objet, partagées
par les membres d’une population homogène par rapport à cet objet » (1994 :37). La représentation sociale est donc
avant tout un ensemble organisé d’opinions, d’informations, de valeurs, de croyances, d’idéologies, etc.
elle fait appel à des cognitions ou éléments et elles sont liées à des conditions de production bien précises.
Pour Guimelli, les représentations sociales constituent une modalité de la connaissance dite de “ sens commun ” dont
la spécificité réside dans le caractère social des processus qui la produisent (1994, introduction, p. 12). Molinier (2001)
pense que : les représentations sociales ne sont pas fondées sur les choses et les situations dont elles parlent mais sur les
communications à propos de ces choses et de ces situations (p.126).

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3. Processus d’élaboration des représentations sociales
De manière générale, une représentation sociale en tant qu’une forme de connaissance courante dite
de sens commun, s’élabore de plusieurs manières. D. Jodelet (1991, p. 69) relève six différentes approches
d’élaboration des représentations sociales que nousprésentons ici :
 La première approche valorise particulièrement l’activité cognitive du sujet dans l’activité
représentative. Le sujet est un sujet social, porteur « des idées, valeurs et modèles qu’il tient de son groupe
d’appartenance ou des idéologies véhiculées dans la société ». La représentation sociale se construit lorsque le sujet
est en « situation d’interaction sociale ou face àun stimulus social ».
 La deuxième approche concerne les aspects signifiants de l’activité représentative. Le sujet est
« producteur de sens ». À travers sa représentation s’exprime « le sens qu’il donne à son expérience dans le monde
social ». La représentation est sociale, car élaborée à partir des codes sociaux et des valeurs reconnues par
la société. Elle est donc le reflet de cette société.
 La troisième approche envisage les représentations sous l’angle du discours. Ses propriétés sociales
dérivent de la situation de communication, de l’appartenance sociale des sujets parlants, de la finalité de leurs discours ».
 La quatrième approche valorise la pratique sociale de la personne. Le sujet est un acteur social, la
représentation qu’il produit « reflète les normes institutionnelles découlant de sa position ou les idéologies liées à la place
qu’il occupe ».
 La cinquième approche met en avant l’aspect dynamique des représentations sociales : ce sont les
interactions entre les membres d’un groupe ou entre groupes qui contribuent à la construction des
représentations sociales.
La sixième approche analyse la manifestation des représentations en postulant l’idée d’une
reproduction des schémas de pensée socialement établis. L’individu est déterminé par les idéologies dominantes
de la société dans laquelle il évolue.
Les six approches ainsi mises en évidence pour comprendre comment se construisent les
représentations sociales, trouvent très bien leur application dans la pensée négro-africaine. Mais il faut
souligner que contrairement à la civilisation occidentale où l’individu est moins rattaché à un groupe
ethnique qui se distingue par des traits culturels et des pratiques comportementales bien spécifiques, dans
les sociétés négro-africaines, la question des représentations sociales est plus prégnante, car l’individu est
très fortement lié à son ethnie d’appartenance. L’ethnicité est une source importante de production et de
reproduction des représentations auprès des individus. D’ailleurs l’ethnicité se nourrit, se renouvelle et
résiste à l’assimilation grâce aux représentations sociales qu’elle produit. En outre, la riche diversité
ethnique de certains pays africains nous renvoie au fait de devoir comprendre comment les différents
acteurs d’un même pays parviennent-ils à édifier une identité nationale, quand on sait qu’au départ chacun
d’entre eux est fortement imprégné de représentations sociales de sa communauté ethnique. Les
particularités des cultures africaines notamment en ce qui concerne la place de l’individu dans la société,
l’importance de la dimension magico-religieuse ou encore du lien entre le monde visible et invisible sont
autant d’éléments qui participent activement à l’élaboration des représentations sociales. Ils enrichissent
et rendent complexe l’univers des phénomènes représentatifs dans la civilisation nègre.
L'on ne saurait objectivement réfléchir sur l’élaboration des représentations sociales dans la civilisation
nègre à partir du système de pensée qui la caractérise sans faire allusion à l'ethnicisme et ses conséquences
dans la construction des représentations sociales. Les langages et discours des communautés ethniques
participent activement dans la construction des représentations sociales en contexte négro-africain. Les
dynamiques ethniques interviennent dans la construction des représentations sociales des individus et
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permettent de remonter aux constructions internes des sociétés en présence, d’interroger les
représentations que celles-ci produisent. S'agissant des sociétés noires africaines, la production des
représentations sociales n’est pas à dissocier ou à considérer à travers une rupture avec l'ordre ancien.
L’ancestralité intervient considérablement dans la construction des représentations sociales. Elle
conditionne énormément les représentations sociales.
Il est aussi important de souligner que dans le contexte négro-africain, la mise en place des
représentations sociales s’opère aussi avec le legs colonial. Ainsi, un retour sur le regard colonial et ses
récurrences dans les temps actuels est important. On a beau aujourd'hui parler de l'indépendance des
pays africains, il ne faut pas sous-estimer le poids de l’héritage colonial, en matière de production des
représentations sociales. La mission civilisatrice a marqué une étape décisive dans la destinée des Nations
africaines et continue énormément d’influencer la production des représentations sociales dans les pays
de l’Afrique subsaharienne.
Le regard que l'ordre ancestral a sur la vie sociale et culturelle dans les sociétés négro-africaines ne
peut donc pas être sous-estimé dans la production des représentations sociales en Afrique noire. Il
continue de déterminer largement, dans un sens comme dans un autre, les images et opinions que les
populations se font sur une question bien précise. C’est le cas dans la santé. La perception de la maladie,
de la guérison, de la relation malade/famille, médecin/patient. C’est le cas du mariage, de la mort, etc.
Le vieil émerveillement colonial aussi continue d’influencer les perceptions. L'émerveillement colonial,
a produit des représentations dans plusieurs domaines qui s'exprime par la déstructuration des sociétés à
travers l’emprunt de représentations qui ne sont pas en phase avec la pensée qui inspire la civilisation
nègre. Pris dans un regard, il est à constater que l’Afrique subsaharienne reste enfermée dans une histoire
lourde de domination qui se traduit aussi par des représentations imposées, subies, au point de rythmer
désormais leurs choix symboliques et leurs assises idéologiques.

4. Les fonctions des représentations


Étant socialement élaborées et partagées, les représentations sociales ont une visée pratique
d’organisation, de maîtrise de l’environnement et d’orientation des conduites. Les principales fonctions
auxquelles les représentations sociales peuvent servir sont lessuivantes :
- Des fonctions cognitives : Les représentations sociales permettent aux individus d’intégrer des données
nouvelles à leurs cadres de pensée, comme cela a été mis en évidence par Moscovici à propos de la
psychanalyse. Ces connaissances ou ces idéesneuves sont diffuséesplus particulièrement par certaines
catégories sociales : les journalistes, les politiques, les médecins, les formateurs. Dans le contexte de la
civilisation nègre, la fonction cognitive des représentations sociales est aussi diffusée par les rois ou les
chefs traditionnels, les notables, les guérisseurs traditionnels ou tradipraticiens, les griots, les prêtres
traditionnels. Rappelons ici que la légitimité du pouvoir du roi ou du chef traditionnel vient
essentiellement de son caractère sacré, obtenu suite à un correct accomplissement des cérémonies rituelles
d’initiation et d’intronisation au pouvoir tout en utilisant les symboles exigés à l'occasion. Cette situation
confère au chef, un pouvoir coutumier qui apparait comme la toile de fond lui permettant d’avoir une
influence sur ses sujets. De ce fait, le chef gère directement le pouvoir traditionnel en tant qu’autorité
hiérarchique traditionnelle, dont la reconnaissance de la légitimité est due au fait qu’il provient de la
famille régnante, qui n’est autre que la famille des ancêtres fondateurs de la communauté. Son pouvoir
traditionnel tire son fondement du sacré tel qu'il est reconnu et accepté par les membres de cette société.
Il s'enracine par ailleurs dans la mémoire de ce groupe et déploie leur effectivité en utilisant les repères
que ce groupe s'est donné depuis des temps immémoriaux. Ainsi, le chef contribue dans la production et
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la consolidation des représentations sociales à travers l’exercice de son pouvoir. Il gouverne en utilisant
les représentations sociales. Sa légitimité exige qu’il puisse sauvegarder et assurer la survie de la coutume
ancestrale. Ceci passe par une gestion des affaires de la communauté dans le respect des us et coutumes
et donc des représentations sociales propres à la communauté. Au regard de ce qui précède, il convient
de dire que la légitimation de l’autorité du pouvoir traditionnel souvent assimilée à un pouvoir devant
lequel on s’incline, aussi bien par crainte que par le respect tire une bonne partie de sa révérence dans les
représentations sociales. La légitimité sacrée des chefs traditionnels repose dans bien de cas sur des
constructions de perceptions qui ne sont rien d’autres que des représentations sociales.
Sur le plan opérationnel, les fonctions cognitives des représentations sociales en Afrique noire
s’inspirent de manière globale à partir du système de pensée négro-africaine. Il existe bel et bien un corps
de connaissances cohérent et rationnel, dont le champ de lecture oscille entre le monde visible et le monde
invisible, développé pendant des temps immémoriaux, qui est transmis de générations en générations
successives qu’on appelle pensée nègre ou pensée négro-africaine. Cette pensée produit des savoirs
endogènes entendus d’après le philosophe béninois Hountondji (1994), cité par ADEA comme une
configuration culturelle donnée, une connaissance vécue par la société comme partie intégrante de son héritage, par opposition
aux savoirs exogènes qui sont encore perçus, à ce stade au moins, comme des éléments d’un autre système de valeurs (2012,
p 13). Ces savoirs jouent un rôle capital dans les fonctions cognitives des représentations sociales en
Afrique noire. Les savoirs endogènes en tant que des savoirs ancestraux qui s’innovent, se nourrissent de
nouvelles représentations du savoir, alimentent aussi la fonction cognitive des représentations sociales.
- Des fonctions d’interprétation et de construction de la réalité :
Les représentations sociales sont une manière de penser et d’interpréter le monde et la vie quotidienne.
Les valeurs et le contexte dans lequel elles s’élaborent ont une incidence sur la construction de la réalité.
Il existe toujours une part de création individuelle ou collective dans les représentations. C’est pourquoi
elles ne sont pas figées à jamais, même si elles évoluent lentement. La civilisation nègre justement permet
à partir des représentations sociales, d’interpréter le monde de plusieurs manières. La construction de la
réalité que l’on peut se faire par exemple en analysant la forêt dans le contexte subsaharien est fort
intéressante.
La construction de la réalité de l’environnement forestier tout comme la fonction d’interprétation qui
en résulte, sont bien différentes de la réalité occidentale. Tout au moins aujourd’hui, la pensée occidentale
privilégie une approche écologique, économique de la forêt. Une dimension culturelle y est associée, mais
sur le plan strictement touristique. Or l’analyse de l’interprétation de la forêt et la construction de la réalité
qui en découle, nous permet de constater que au sein de plusieurs communautés culturelles
subsaharienne, avant qu’elle ne puisse avoir une dimension écologique, économique, la forêt est
premièrement interprétée comme une entité culturelle. Ainsi, dans bon nombre de cas, la forêt a une
importante dimension sacrée, c’est un espace cosmogonique, magico-religieux. On verra par exemple
chez les peuples Bamilékés du Cameroun, qu’il s’est construit une réalité de la forêt assez originale : selon
son emplacement, la forêt peut être le cœur de la tradition où sont gardés les totems du village. Il n’est
pas rare d’entendre les personnes parler de la maison de Dieu (Die sie), le lieu de Dieu (Zie sie) quand ils
parlent de la forêt. C’est un lieu, un site ou un emplacement réservé où sont déposées les offrandes (sel,
huile de palme, poudre de mais écrasé, aliments cuits, poussins, cabris, moutons, bref certains animaux à
sacrifier en fonction du rituel en usage) pour rendre hommage aux bons ancêtres. La sacralité de cette
forêt dérive des fonctions qu’elle joue dans la société. Quand certains malheurs frappent le village, c’est
vers certaines forêts sacrées que l’on se dirige pour implorer les bons ancêtres (synonyme de saints).
Certaines de ces forêts sacrées servent aussi pour les rituels visant à dévoiler un voleur, un sorcier ou
quelqu’un qu’on accuse d’avoir tué mystiquement un être humain.
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Il n’est pas possible d’imaginer une résidence de la famille royale sans forêt sacrée. Ainsi, du point de
vue de l’aménagement du territoire autochtone bamiléké, la forêt située derrière la chefferie (résidence de
la famille royale) est forcément sacrée. Elle est aussi le « la’akam », lieu des grandes cérémonies initiatiques,
en particulier le lieu d’initiation des nouveaux chefs traditionnels et dans de cas bien précis, les successeurs
de certaines catégories de notables impliqués dans la gouvernance de la communauté (gestion des
hommes, la maîtrise et à la protection des traditions, la procréation, l’acquisition et transmission des
totems, litige foncier, etc). En effet, tout nouveau chef y séjourne pendant une période de neuf semaines
pour son initiation au métier de chef. Celle-ci abrite aussi les crânes des ancêtres protecteurs notamment
les crânes de tous les monarques défunts, rangés dans l’ordre chronologique de leur règne. On y trouve
plusieurs sociétés secrètes.
- Des fonctions d’orientation des conduites et des comportements
Les représentations sociales sont utiles dans leurs fonctions d’orientation des conduites et des
comportements. Elles sont justement porteuses de sens, et servent pour agir sur le monde qui nous
entoure en créant du lien. C’est grâce à elle que le sujet oriente ses comportements, opinions, attitudes.
Elles aident les individus à communiquer, à s’orienter dans leur environnement, à agir, à interagir. En fait
la représentation sociale « oriente et organise les conduites et communications sociales » (D. Jodelet, 2003, p.53). La
réalité quotidienne et les différentes formes de connaissances sociales que les personnes se construisent
plus ou moins consciemment guident leurs comportements, orientent leurs prises de positions et
discours. À cet effet, une représentation sociale en tant que forme de connaissance socialement élaborée
peut orienter les conduites et les comportements même dans le sens d'anticiper les rapports
socioculturels. Elle peut orienter les conduites et les comportements dans le sens positif au point de
construire une représentation sociale pertinente ou alors dans le sens négatif. Une représentation sociale
peut orienter les conduites et les comportements dans le but de construire des ponts entre cultures,
peuples, communautés, nations afin que les individus se rencontrent, puissent dialoguer. Elle peut aussi
pour produire une situation de conflit, de contraposition, d’absence de dialogue. À bien analyser, une
représentation sociale dans sa fonction d’orientation des conduites et des comportements, « elle est un
système de prédécodage de la réalité car elle détermine en ensemble d'anticipations et d'attentes. » (Abric, 1994, p.13).
Parce que les représentations sociales engendrent donc des attitudes, des opinions et des comportements,
il est important que leur fonction d’orientation des conduites et de comportements soit toujours bien pris
en compte même quand elles ont un aspect prescriptif : elle définit ce qui est licite, tolérable ou inacceptable dans
un contexte social donné (ibid., p. 251).
Dans la civilisation nègre, l’utilisation des représentations sociales dans la fonction d’orientation des
conduites et des comportements est très fréquente. Dans la civilisation nègre, l'intérêt du groupe passe
avant l'intérêt individuel. L'individu est fortement lié à son groupe. Il dépend culturellement,
matériellement et psychologiquement de sa communauté. Il existe alors des conduites et des
comportements spécifiques qui appartiennent à la communauté, dans le domaine alimentaire, agricole,
de l’éducation, des relations amoureuses, de la paternité, de la maternité, etc. C’est justement à travers
cette fonction d’orientation des conduites et des comportements que l’on note une très forte adhésion à
la communauté, un grand esprit d'équipe, des comportements loyaux extrêmement importants.
- Des fonctions identitaires :
Les représentations sociales étant un processus de construction et de reconstruction de la réalité que
les groupes élaborent à propos des objets sociétaux, génèrent des activités, produisent des acquis, qui
peuvent se transformer en patrimoine matériel ou immatériel avec des interférences identitaires. À travers
les processus de reconstruction, l’ensemble de connaissances, de croyances, d’opinions, d’attitudes qui
sont produites collectivement et donc partagées par les individus d’un même groupe social se transforme
13
aussi en capital identitaire. Il est donc clair qu’un contexte hyper productif de représentations sociales
constitue également une modalité particulière de la production de la connaissance, pouvant donner lieu
à des éléments identitaires qui ne sont pas figés, mais constamment en construction à travers un processus
d’identification évolutif, construit de manière interactionnelle. La fonction identitaire des représentations
sociales dont il est question ici concerne la construction et le renforcement de l’identité du groupe social.
La connaissance de sens commun qui génère la représentation sociale pour autant qu’elle se cristallise dans la
mémoire collective et participe à l’identité des groupes sociaux, contribue aussi à définir l’identité qui
passe de toute façon, par l’établissement d’un rapport entre soi et l’autre, individuel ou collectif. Les
représentations contribuent au partage d'un même langage, d'une même idée où les souvenirs des
évènements collectifs du passé peuvent aussi servir dans la construction et la conscience en soi. Elles sont
aussi la construction d'« une vision consensuelle de la réalité pour ce groupe » (Jodelet, 2003, p. 52) susceptible de
renforcer et d’affirmer une identité sociale.
En abordant la question des représentations sociales dans la civilisation nègre et en utilisant la pensée
nègre, il existe effectivement plusieurs éléments pour justifier la fonction identitaire des représentations
sociales. C’est par exemple la fonction identitaire de la représentation sociale de la forêt qui voudrait que
chez le peuple Bandjoun (Cameroun), qu’on ait deux principaux types de forêts : la forêt à l’intérieur de
la résidence royale et celle hors de la résidence royale. La forêt à l’intérieur de la résidence royale (Tsa)
qu’on appelle communément en langue locale Vo Totza, est une forêt sacrée où se déroulent les
cérémonies rituelles et mystiques pour protéger le totem du chef et renforcer son pouvoir mystique. Dans
cette forêt, quiconque s’aventure à vouloir couper un arbre ou les branches d’un arbre se verra paralysé
ou immobilisé jusqu’à ce que le chef vienne le délivrer ou lui rendre sa mobilité. Pour les forêts qui sont
hors de la résidence du chef, elles sont de plusieurs types et ont plusieurs attributions. Nous pouvons
citer :
- le Nto’(Sim.kè) C’est un bois sacré situé sur la place du marché. C’est là que se déroule la danse du
Kè. Cette forêt abrite aussi des génies et totems divers. Le Kè est une danse qui est dansée une fois tous
les deux ans. Ne peuvent danser sur la place du marché que les initiés qui, à l’occasion, ont le visage
masqué. Cette danse a pour but de solliciter une année d’abondance et de fécondité tant pour le sol que
pour les femmes ainsi que de conjurer le mauvais sort qui pourrait éventuellement s’abattre sur la
chefferie.
- le Messo Denghem : C’est un bois sacré pour le rite du Kè à denghem. Il sert de refuge à la Masso
pour l’ouverture du rite du Kè. Le rite de la Masso est un rite qui se déroule tous les deux ans. L’année
où il se déroule est appelé Ngou’kè (l’année de la magie). C’est une année de purification qui débute en
décembre et dure de six à sept mois. Il s’agit de purifier tout le village ancestral : la terre, les récoltes, les
hommes. Le rite commence un soir par l’arrivée de la Masso à Denghem.
- le Vo guè Mtum : Forêt sacrée à Djehem réservée aux rites pour appeler la pluie par Wabo Tékam,
qui détient le pouvoir de faire tomber la pluie.
- le Vo leng : Forêt sacrée, refuge de divers totems, des Bandjoun. C’est là que la population Bandjoun
s’est réfugiée lors des raids de Bali. Plusieurs épouses du chef Bandjoun qui s’étaient enfuies vers les
monts Batié, y ont trouvé la mort. On ne peut pas brûler à la chefferie du bois venant de cette forêt.
- le Vo’mtzam à Famgwo Forêt sacrée où demeure de la Masso après l’année du Kè. C’est une forêt
mystique où il est interdit de s’aventurer.
- le Tchueb Mhac, sorte de bois sacré des jumeaux. Chaque famille qui a des jumeaux doit se créer un
bois sacré pour ses jumeaux.

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La fonction identitaire de ces forêts est claire. Elles jouent un rôle culturel important, elles sont des
marqueurs culturels du territoire. Les hommes du territoire quel que soit leur instruction, leur fonction
sociale, respectent les représentations sociales que le peuple Banjo s’est fait de ces forêts et notamment
ses fonctions identitaires. Ainsi, dans la ville de Banjo un, ces forêts sont classées, protégées à cause de
leur fonction identitaire. Elles ne sont pas à la merci des activités humaines, mieux d’une exploitation
anarchique, non contrôlée par l’Homme. Quiconque s’engage à porter atteinte à ces forêts est sévèrement
puni et condamné pour avoir porté atteinte à leur fonction identitaire, patrimoniale. Mieux, les
ressortissants de Bandons savent qu’ils ne doivent pas s’aventurer dans cette forêt, car s’en suivront les
sanctions suivantes : le paiement des amendes pour les fautes légères, la mort par le totem pour les fautes
graves, la paralysie, la folie, la malédiction sur ta descendance, l’extradition du village par le chef. Le
paiement des amendes s’effectue lorsqu’un autochtone non seulement pénètre dans cette forêt, mais de
plus s’il glisse et tombe. Alors, il doit payer des amendes pour que les notables le lavent pour le soigner à
travers des rituels bien précis contre la malédiction. Pour ce qui est de la mort, elle survient lorsqu’un
autochtone aguerri s’en va dans la forêt sacrée couper le baobab. Toutefois, une personne ignorante qui
s’engage à aller se promener dans une forêt sacrée ne sera sanctionnée que par des blâmes et
avertissements. La fonction identitaire de la forêt à Banjoun permet de conserver les forêts pour les rites
culturels, identitaires, participant de la même manière à la protection de l’environnement.
- Des fonctions de justification des pratiques :
Les représentations sociales font partie de notre vie socio-affective. Elles sont utilisées pour justifier
des pratiques, y compris pour s’identifier par rapport à quelqu’un, à quelque chose ou à un groupe. La
justification des pratiques des représentations sociales concerne particulièrement les relations entre
groupes et les représentations que chaque groupe a de l’autre groupe. Elles servent aussi pour justifier le
vécu, gérer son capital en fonction de comment on veut se projeter dans la société. Elles servent pour
justifier également des prises de position et des comportements. Elles justifient des pratiques permettant
de se sentir accueilli et compris, d’être accepté et de maintenir une relation d’acceptation avec autrui. Les
représentations sociales jouent alors un nouveau rôle des représentations : celui du maintien ou du renforcement de la
position sociale du groupe concerné (Abric, op.cit., p. 18). La fonction de justification des pratiques des
représentations sociales est utile pour comprendre le discours identitaire qui le sous-tend. Elle permet
aussi de mieux saisir le sentiment d’appartenance symbolique ou réelle des individus concernés à un
groupe en légitimant ses actes et prises de position. Elle renforce ainsi son affiliation socioculturelleau
groupe. D’une certaine manière, la représentation faite de l'autre sert à justifier l'action qu'on entreprend à son égard
(W. Doise, 1996, p. 24). Cette action est liée à de nombreux facteurs qui entrent en jeu y compris les
pratiques identitaires, langagières, etc. À cela, il faut rajouter le contexte qui entoure la production de
l’action. À titre d’exemple, la représentation peut être la justification d'un comportement stigmatisant, qui
incarne la recherche de la marginalisation sociale, pour justifier un profond malaise, face à un autre
groupe, notamment, pour se donner bonne conscience. Ainsi, dans la situation de rapports compétitifs vont être
progressivement élaborées des représentations du groupe adverse, visant à lui attribuer des caractéristiques justifiant un
comportement hostile à son égard (Abric, 1994, p. 18).

5. La structure des représentations sociales : l’objectivisation et l’ancrage


Parler de représentations sociales revient à évoquer son organisation et sa structure qui renvoient sur
le plan pratique à la manière dont elles se forment. Toute représentation sociale a un contenu et une
structure. Toute représentation sociale est chargée d’un sens qui permet aux éléments qui la composent,
d’être liés entre eux. On parle alors d’une interdépendance qui sert de substrat dynamique à la
représentation sociale. Cette interdépendance fort complexe répond à des mécanismes qui prennent en
15
compte des données aussi importantes que diverses. Une représentation se définit par deux composantes : ses
éléments constitutifs d’une part, et son organisation, c’est-à-dire les relations qu’entretiennent ces éléments d’autre part
(Rouquette et Rateau, 1998., p. 29).
La notion de « représentation sociale » que propose Moscovici, quelles que soient sa dynamicité, sa
transformation au fil du temps, exige deux processus importants appelés l’objectivisation et l’ancrage
dans son organisation et sa structuration. Moscovici est le premier chercheur qui va proposer une théorie
rendant compte de la genèse des représentations sociales. En particulier, il va mettre en évidence deux
processus qui interviennent dans leur constitution : l’objectivation et l’ancrage.

5.1. L’objectivation
Pour Moscovici (1961), parler de représentation sociale signifie aussi s’interroger sur le processus
d’objectivation. Moscovici cité par Jodelet (1991) souligne que Objectiver, c'est résorber un excès de significations
en les matérialisant (p 371). L’objectivation est le processus à travers lequel on rend concret ce qui est
abstrait. Le processus d’objectivation permet à un groupe social de rendre utilisable un objet nouveau, c'est-à-dire de
résorber un excès de significations en les matérialisant (1976). C’est en d’autres termes un processus de
concrétisation de concepts, en donnant un contenu tangible à ce qui n'était initialement qu'une idée
abstraite.C’est alors le processus de transformation d’un concept en une image, mieux en un noyau
figuratif. Jodelet (1984) dira à cet effet que C’est l’objectivation qui, par une mise en images des notions abstraites,
donne une texture matérielle aux idées, fait correspondre des choses aux mots, donne corps à des schémas conceptuels. Le
processus d'objectivation permet aux individus de s'approprier et d'intégrer des phénomènes ou des
savoirs complexes à leurs propres conduites, pratiques, attitudes. Pour le rendre plus abouti,
compréhensible et intelligible, l’objectivation se traduit également en un travail de simplification par le
langage, permettant de concrétiser des notions collectives abstraites, en faisant correspondre des choses
aux mots. Seca (2002) fait bien de souligner que l’objectivation permet, à un ensemble social d’édifier un savoir
commun minimal sur la base duquel des échanges entre ses membres et des avis peuvent être émis (p. 62). Ces échanges,
suivant le contexte, les situations, peuvent jouer un rôle essentiel dans la construction et reconstruction
des représentations sociales tout comme dans l’ensemble du processus de leur appropriation par les
membres du groupe.
Le processus d’objectivation qui permet de s’approprier et d’intégrer des phénomènes ou des savoirs
complexes, comporte trois phases principales qui sont : la sélection et décontextualisation des éléments
de la théorie, la formation d’un « noyau figuratif » et la naturalisation.
Phase 1 : la sélection et décontextualisation des éléments de la théorie.
Cette première phase consiste en un filtrage des informations concernant l’objet de la représentation.
La sélection (ou la construction sélective) … permet à la personne de sélectionner certains éléments et caractéristiques de
l’objet de la représentation, ce qui implique des suppressions et des modifications de l’objet (Seca, 2001, p.63). Les critères
culturels ou normatifs, et les systèmes de valeurs du groupe social jouent ici le rôle de filtre. Une fois
filtrées selon ces critères, les informations vont alors être extraites du champ contextuel auxquels elles se
rattachaient initialement, pour pouvoir être réintégrées et réappropriées par l’individu indépendamment
de ce contexte d’origine.
Phase 2 : la formation d’un « noyau figuratif ».
Une structure imageante va reproduire de manière visible une structure conceptuelle. Les informations
ainsi sélectionnées et décontextualisées vont alors pouvoir être réorganisées et matérialisées sous la forme
d’un « schéma imagé » ou « noyau figuratif » qui fait sens pour l’individu, et qui devient donc facilement
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mobilisable. Ce noyau figuratif donne la signification centrale de la représentation sociale. Les
informations retenues s’organisent en un noyau « simple, concret, imagé et cohérent avec la culture et les normes
sociales ambiantes » (Rouquette &Rateau, op.cit., p. 32). Par la suite, c'est autour de ce noyau figuratif que se
construira l'ensemble de la représentation sociale. Il permettra ainsi l’interprétation des nouveaux
éléments de l’environnement en offrant un cadre de référence à partir duquel l’individu agira et
communiquera.
Phase 3 : la naturalisation.
C’est la dernière étape de l’objectivation. Elle permet de rendre naturelles les représentations sociales
en vulgarisant des données scientifiques, théoriques. Elle permet de concrétiser chaque élément du
schéma figuratif. En d’autres termes : La naturalisation des notions leur donne des valeurs de réalités concrètes
directement lisibles et utilisables dans l’action sur le monde et les autres (Jodelet, 1997, p.73). Elle permet au noyau
figuratif ne plus être seulement une réalité abstraite élaborée par un groupe social, mais qu’il puisse
prendre une valeur de réalité concrète. Selon Abric, une fois élaborée, cette « structure imageante » va servir
aux individus de grille de lecture dans leurs interactions quotidiennes. Le noyau figuratif prend alors pour le
sujet un statut d’évidence, il est pour lui la réalité même, il constitue le fondement stable autour duquel va se construire
l’ensemble de la représentation » (Abric, 1994, p. 21). Ainsi, comme le fait bien remarquer Seca (op.cit) « Le
concept ou la théorie scientifique, après avoir été transformés en images et en éléments faisant sens dans l’esprit du sujet,
perdent leur caractère de reconstruction et deviennent la réalité sur laquelle et à partir de quoi on agit et communique (p.63).

5.2. L’ancrage
Le processus d’ancrage répond au besoin de rendre familier ce qui est nouveau, de rendre rassurant
ce qui fait peur, de rendre compréhensible ce qui, a priori, ne l’est pas. C’est mettre un objet nouveau dans un
cadre de références bien connu pour pouvoir l’interpréter (Doise, Palmonari., 1986). L’ancrage d’après Jodelet
(1984), c'est l'enracinement social de la représentation et de son objet (p 375). Signalons qu’il comporte deux aspects
principaux à savoir le sens et l’utilité. À propos de ces deux aspects, Jodelet(1984) souligne :
- Le sens : l'objet représenté est investi d'une signification par le groupe concerné par la représentation. À travers le
sens, c'est son identité sociale et culturelle qui s'exprime.
- L'utilité : " les éléments de la représentation ne font pas qu'exprimer des rapports sociaux mais contribuent à les
constituer … Le système d'interprétation des éléments de la représentation a une fonction de médiation entre l'individu
et son milieu et entre les membres d'un même (376, 377).
Avec l’ancrage, nous avons affaire à une sorte d’intégration cognitive de l’objet représenté dans le
système de pensée préexistant. Jodelet (1997) explique à cet effet que l’ancrage se déroule :
[…] en amont et aval de la formation des représentations, en assurant leur incorporation dans le social. En amont,
l’ancrage enracine la représentation et son objet dans un réseau de significations qui permet de les situer en regard des
valeurs sociales et de leur donner cohérence. (…) En aval de la formation représentative, l’ancrage sert à une
instrumentalisation du savoir en lui conférant une valeur fonctionnelle pour l’interprétation et la gestion de
l’environnement. Il se situe en continuité avec l’objectivation (p. 73)
En outre, elle met en œuvre des mécanismes généraux comme le classement, la catégorisation,
l’étiquetage, la dénomination, etc. L’ancrage permet l’insertion de la connaissance dans un ensemble de
connaissances familières. Sur le plan pratique, le système de représentation fournit les cadres, les repères
par lesquels l’ancrage va classer dans le familier et expliquer d’une façon familière. D’une manière
générale, le processus d'ancrage, situé dans une relation dialectique avec l'objectivation, articule les trois fonctions de base

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de la représentation : fonction cognitive d'intégration de la nouveauté, fonction d'interprétation de la réalité, fonction
d'orientation des conduites et des rapports sociaux (Jodelet., 1984, p. 376). Il permet donc de rattacher cet objet
aux autres représentations. Deschamps & Molinier (2012) montrent qu’il existe trois types d’ancrages :
• L’ancrage psychologique « correspond à l’imbrication des représentations dans des croyances d’ordre générales
auxquelles les individus adhèrent plus ou moins.
• L’ancrage sociologique « correspond à l’insertion des représentations dans les groupes sociaux. »
• L’ancrage psychosociologique « concerne l’imbrication des représentations dans les dynamiques sociales (p.147-148)

6. La théorie du noyau central et des éléments périphériques


La notion de noyau figuratif, élaborée par Moscovici, a été reprise et mieux développée par Abric
(1984, 1989, 2003) sous le terme de noyau central (ou noyau structurant). Empruntée de la physique
atomique, la théorie du noyau central et des éléments périphériques permet de concevoir chaque
représentation sociale comme une molécule possédant un noyau central et des atomes (éléments
périphériques) gravitant autour du noyau. Selon la théorie abricienne, […] l’organisation d’une représentation
présente une modalité particulière, spécifique : non seulement les éléments de la représentation sont hiérarchisés mais par
ailleurs toute représentation est organisée autour d’un noyau central, constitué d’un ou de quelques éléments qui donnent à
la représentation sa signification (1989., p.19). Ces remarques qui restent générales, rendent aussi pleinement
compte de la pertinence de la théorie du noyau central et des éléments périphériques. Les inter-relations
du caractère hétérogène très marqué des systèmes qui composent la représentation sociale exigent que le
noyau central en tant que l’élément fondamental de la représentation, car c’est lui qui détermine à la fois
sa signification et son organisation selon une structure bien précise, soit analysé en tenant compte de ses
atomes qui sont les éléments périphériques.
Ce noyau structurant est l’élément fondamental de la représentation ; son repérage permet l’étude
comparative des représentations sociales. Il conclut ses travaux en affirmant que le noyau central a une
fonction organisatrice : si on ne donne pas aux sujets des informations portant sur le système du noyau
central, ils retiennent moins de choses. Ses conclusions proviennent d’un travail sur les représentations
de l’artisanat. Il réalise son expérimentation en deux phases : il commence par tenter de trouver les
éléments centraux de la représentation de l’artisan puis donne une tâche de restitution mémorielle à
travers une liste de mot. Cette expérimentation montre que les éléments centraux sont mieux restitués
que les éléments périphériques.

6.1. Le noyau central


Toute représentation sociale (RS) a des éléments partagés par l’ensemble du groupe considéré. L’idée
fondamentale de la théorie du noyau est que, dans l’ensemble des cognitions se rapportant à un objet de
représentation, certains éléments jouent un rôle différent des autres. Ces éléments, appelés éléments
centraux, se regroupent en une structure nommée noyau central ou noyau structurant. Le noyau central
est un sous-ensemble de la représentation composé d’un ou de quelques éléments dont l’absence
déstructurerait ou donnerait une signification radicalement différente à la représentation dans son
ensemble.
Le noyau central de la représentation est constitué d’éléments non négociables, stables et cohérents
entre eux, qui résistent le plus au changement. Identifier le noyau central d’une représentation permet de
comprendre comment s’articule la représentation à l’intérieur d’un groupe. La fréquence d’apparition
18
d’un ou de plusieurs éléments dans le discours des sujets ne suffit pas à affirmer qu’il s’agit d’éléments
constitutifs du noyau central. Par contre, lorsque ceux-ci entretiennent un nombre élevé de relations avec
l’ensemble des autres éléments et surtout leur donnent leur signification, on considère que l’importance
quantitative de ces liaisons est un indicateur pertinent de la centralité. Bonardi & Roussiau (1999) pensent
que le noyau central est :
[…] un paramètre fédérateur de l’ensemble des autres éléments, mais aussi être pour le sujet un point de référence
stable : s’il ‟donne le ton”, c’est-à-dire son sens à la représentation, il lui est nécessaire et en même temps, il
conditionne la sélection d’autres éléments suivant la tonalité qu’il fixe. En clair, la sélection des éléments les plus
fondamentaux dictera celle de l’ensemble des autres éléments. (p.58).
Pour ce qui est du contenu du noyau central, il est constitué des éléments qui donnent sens à la
représentation notamment : - la nature de l’objet représenté ; - la relation de cet objet avec le sujet ou le
groupe ; - le système de valeurs et de normes.
Pour ce qui est des dimensions du noyau central,il faut surtout retenir que la nature de l’objet et la
finalité de la situation définissent le ou les éléments centraux de la représentation sociale qui prennent
alors deux dimensions :-soit une dimension fonctionnelle où les éléments centraux sont ceux qui
concernent directement la réalisation d’une tâche ; - soit une dimension normative où les éléments
centraux sont constitués par une norme, un stéréotype ou une attitude dominante envers l’objet de la
représentation.
Concernant les fonctions du noyau central, on peut retenir des travaux d’Abric que le noyau assure
deux fonctions essentielles :
Il a, d’une part, une fonction génératrice de sens. C’est-à-dire que c’est par lui que les autres cognitions
de la représentation acquièrent un sens et une valeur spécifiques pour les individus.
Il a, d’autre part, une fonction organisatrice ; c’est autour du noyau que s’agencent les autres cognitions
de la représentation. Et c’est le noyau qui détermine les relations que ces cognitions entretiennent les
unes avec les autres (Moliner, 1996, p.60). Les éléments centraux à travers leur double fonction
organisatrice et générative, donnent une orientation générale à la représentation sociale (valeur de l’objet,
bien ou mal).Si les éléments centraux changent, ce n’est plus la même représentation. Le travail de Abric
va au-delà des travaux de Serge Moscovici en 1961, quand il a étudié les représentations sociales de la
psychanalyse et a fait appel à la notion du noyau figuratif ou imageant. Le noyau central de Abric est un sous-
ensemble de la représentation composé d’un ou de quelques éléments dont l’absence d’un seul
déstructurerait ou donnerait une signification radicalement différente à la représentation dans son
ensemble. Il est simple, concret, imagé et cohérent, il convient aux valeurs qu’adoptent les individus et à
leur culture.
Ce noyau est un système structurant qui a un rôle qui assure deux fonctions, (l’une organisatrice, l’autre
génératrice) et qui assure la stabilité de la représentation sociale et empêche son changement. La première
est la source de créer ou de transformer la signification des autres éléments qui constituent la
représentation sociale et qui portent un sens ou une valeur à cause de lui. La deuxième rend le noyau
central l’élément unificateur et stabilisateur de la représentation.
Par ailleurs, Abric (1989) nous recommande de considérer que le noyau central constitue l’élément le
plus stable de la représentation sociale, c’est lui qui en assure la solidité et la rigidité dans des contextes
mouvants et évolutifs. Donc, il est l’élément le plus résistant au changement. Abric (1989) nous invite à
retenir que toute modification du noyau central entraîne une transformation complète de la représentation
sociale. Si on a deux noyaux centraux différents, cela implique qu’on a deux représentations différentes
19
même si elles ont le même contenu. Ce qui est essentiel dans le jeu de la représentation sociale c’est
l’organisation de ce contenu : deux représentations définies par un même contenu peuvent être radicalement différentes
si l’organisation de ce contenu, et donc la centralité de certains éléments, est différente (ibid, p 22).
Il est aussi important de tenir compte que le noyau central a une certaine stabilité et se modifie
lentement. Deschamps & Molinier (2012) nous rappellent que :
Le noyau est donc commun aux membres d’un même groupe et c’est lui qui est à l’origine des significations qui se
dégagent de la représentation sociale. En d’autres termes, le noyau peut être considéré comme un point commun de
signification : quelque chose que les individus partagent quant à la signification qu’il convient d’attribuer à un objet
donné. C’est pourquoi ce noyau est stable et n’évolue que très lentement. En effet, des changements brusques du noyau
pourraient avoir pour conséquences des variations dans l’homogénéité du groupe au regard de l’objet social (p.145)

6.2. Les éléments périphériques


Abric (1989) dans son analyse, montre que les éléments périphériques sont des éléments moins
centraux de la représentation sociale. Ils jouent néanmoins deux rôles essentiels : celui de décryptage de
la réalité, et celui de tampon. Pour ce qui concerne le premier rôle, ils permettent à l’individu de
comprendre et de mieux maîtriser les évènements qui surviennent en leur assignant une signification.Pour
ce qui concerne le deuxième rôle (rôle de tampon), cette fonction apparaît dès lors que l’individu est
confronté à des évènements qui viennent contredire son système de représentation.
Les éléments périphériques peuvent se déformer, changer, sans que cela n’affecte en rien le contenu
global et l’orientation générale de la représentation sociale touchée. Il n’est non plus exclu à cause de
plusieurs facteurs qu’un individu puisse ajouter un ou plusieurs informations dans la structure
périphérique de sa représentation sociale. Dans certains, un tel changement peut être utile pour rendre la
représentation sociale plus efficace, plus appropriée et adaptée. Il peut également arriver qu’il puisse
plutôt perdre, éliminer, se débarrasser de certaines informations qui faisaient parties de la structure
périphérique de sa représentation sociale. D’une manière générale, les éléments périphériques sont en
étroite relation entre eux. En plus ils sont négociables et peuvent très bien évoluer à cause de leur
instabilité. Ils peuvent aussi être incohérents et parfois individuels.
Les éléments périphériques gravitent autour du noyau central qui sont la base de la structure d’une
représentation sociale. Ceux-ci font partie du système périphérique. Selon Jean-Marie Seca (2001), ces
derniers sont à :
(…) qualifier de schèmes de concrétisation ou d’illustration de la représentation car, contrairement aux unités du
système central, ils semblent, du fait de leur diversité et de leur flexibilité, présents en plus grand nombre dans le
discours (p.75).
Si pour nous représenter une situation, un objet social, nous avons besoin de nous appuyer sur des
connaissances, croyances et savoirs pas forcement pertinents mais qui font partie de notre réseau
d’information, ce réseau existe, produit des données à partir d’un noyau central. Ce dernier nous permet
de gérer la réalité en produisant des informations dont la qualité dépend du noyau central. Ce dernier est
d’ailleurs très résistant au changement. Toutefois, ses éléments périphériques permettent plus facilement
l’intégration d’éléments nouveaux dans la représentation susceptible de conduire, à terme, à sa
transformation. Les éléments périphériques qui sont dans la zone tampon de la représentation sociale,
protègent le noyau central et lui permettent de rester stable. Ils ont un rôle de défense du noyau central.
Ils ne sont pas aussi importants pour définir les contours d’une représentation sociale. Ils servent plus
d’ajout à la représentation sociale. Comparés au noyau central, les éléments périphériques sont
20
négociables, relativement instables. Même si le noyau central est le fondement de la représentation, les
éléments périphériques tiennent une place importante dans la représentation. Ils comprennent des informations
retenues, sélectionnées et interprétées, des jugements formulés à propos de l’objet et de son environnement, des stéréotypes et
des croyances … Ils constituent … l’interface entre le noyau central et la situation concrète dans laquelle s’élabore ou
fonctionne la représentation (Abric, op.cit., p. 25).
Les éléments périphériques assurent les fonctions suivantes :
- Fonction prescriptive : les éléments périphériques indiquent ce qu’il convient de faire (quels
comportements adopter) ou de dire (quelles positions prendre) selon les situations. Ils donnent des règles
qui permettent de « comprendre chacun des aspects d’une situation, de les prévoir, de les déduire, et de tenir à leur
propos des discours et des conduites appropriées » (Rouquette et Rateau, op.cit., p. 38).
- Fonction de personnalisation des représentations et des conduites qui lui sont rattachées : ils
autorisent une certaine souplesse dans les représentations, qui tient compte de l’appropriation individuelle
et du contexte dans lequel elles s’élaborent. Cette fonction rejoint la fonction de régulation définie par
Abric, selon laquelle les éléments périphériques permettent l’adaptation de la représentation aux
évolutions du contexte.
- Fonction de protection du noyau central (ou fonction de défense chez Abric) : le système
périphérique fonctionne comme pare-chocs de la représentation, d’après l’expression de Flament.

7. La Pertinence des représentations sociales dans la civilisation nègre


La représentation occupe une place centrale dans l’analyse et l’explication du fonctionnement des
sociétés. D’une part, parce que les sociétés fonctionnent à partir des représentations qu’elles produisent
en permanence : Nous avons toujours besoin de savoir à quoi nous en tenir avec le monde qui nous entoure. Il faut bien
s’y ajuster, s’y conduire, le maîtriser physiquement et intellectuellement, identifier et résoudre les problèmes qu’il pose. C’est
pour cela que nous fabriquons des représentations (Jodelet, 1989, p.31).
D’autre part, parce que les individus, acteurs sociaux, sont dépendants des représentations plus ou
moins pertinentes qu’ils se font du monde qui les entoure et dans lequel ils doivent se mouvoir. Les choix,
les décisions, les actions des acteurs, quelle que puisse être leur situation sociale, sont profondément
déterminés par ces représentations sociales. Les représentations sociales ont toutes leurs pertinences dans
la civilisation négro-africaine. Elles sont conçues comme un ensemble d’idées, d’attitudes, de
comportements, coordonnés et de modèles explicatifs cohérents utilisés par les individus pour raisonner
à partir de la pensée négro-africaine face à des situations données. Les us et coutumes des peuples
subsahariens qui constituent le socle de la civilisation négro-africaine sont des composantes objectives
qui peuvent conduire à la construction et reconstruction des représentations sociales.
Les représentations sociales en tant qu’objets en jeu dans la vie quotidienne, sont construites,
reconstruites dans un système cognitif, intégré à un système de valeurs. Elles dépendent de l’histoire de
l’individu, de ses expériences, du contexte social et même idéologique qui l’environnent et bien entendu
du système de pensée dont il fait référence. Mobiliser les représentations sociales dans la civilisation
négro-africaine signifie s’intéresser à la manière avec laquelle la construction d’un savoir ordinaire élaboré
est fait dans le système de pensée négro-africain. C’est aussi comprendre comment des valeurs et des
croyances propres à la civilisation nègre, partagées par un groupe social peuvent donner lieu à une vision
commune se manifestant au cours des interactions sociales.

21
Utiliser les représentations sociales pour comprendre la civilisation nègre et son système de pensée est
une nécessité. Il n’est pas possible de s’approprier des connaissances sur la civilisation négro-africaine
sans comprendre comment les représentations sociales constituées d’éléments informatifs, idéologiques
ou normatifs, de croyances, d’attitudes, de valeurs, d’opinions et d’images s’y construisent. Pour
s’approprier de la civilisation négro-africaine, il faut surtout comprendre son système de pensée. Sa
compréhension passe par une mise en correspondance avec les composantes de la civilisation nègre. Ce
premier niveau d’imbrication définit le cadre de référence commune, nécessaire pour une bonne
connaissance de la civilisation nègre à partir de son propre système de pensée et non pas à travers les
représentations sociales construites à partir de la rationalité occidentale. En effet, toute connaissance de
la civilisation nègre qui s’opère sans une appropriation de son système de pensée, produit des
représentations sociales non pertinentes. Elles constituent une lecture stéréotypée, avec une imagerie
mentale, un point de vue, une conception de la civilisation nègre qui n’est pas conforme à la réalité négro-
africaine.
Les catégories mentales à propos de la civilisation nègre d’un point de vue théorique ne peuvent que
mieux s’expliquer et bien être comprises en s’appuyant sur la conception, sur les composantes de la
civilisation nègre. En d’autres termes, il faut prendre en compte le fait que lorsqu’un individu souhaite
parler de la civilisation nègre, le considérer comme un objet social, il ne peut que le faire à travers une
lecture raisonnée, un regard spécifique qui se fait à partir de la pensée négro-africaine. Il faut pour cela
dépasser la dichotomie pensée occidentale/civilisation de l’universel. La pertinence du discours sur les
représentations sociales exige que pour parler de l’Afrique subsaharienne et des afro-descendants, la
priorité soit donnée à la pensée de référence qui est ici la pensée négro-africaine, très rarement objet
d’intérêt dans les études scientifiques. L’étude des représentations sociales nous permet d’apprendre à
interroger la pensée négro-africaine pour mieux connaitre l’Afrique subsaharienne et les afro-
descendants.
Ne perdons pas de vue que l’application de la théorie des représentations sociales en contexte négro-
africainnous amène d’avoir accès à une forme de savoir permettant aux individus d’acquérir des
connaissances sur la civilisation négro-africaine, de les intégrer dans un cadre classificatoire, et par là, de
comprendre et d’interpréter la réalité du monde négro-africain, jusqu’ici convenablement bien étudié à
partir des repères qui lui sont propres. Nous devons sortir d’une analyse et production des connaissances
sur l’Afrique noire et les afro-descendants qui sont investis d’une signification qui s’est construite dans la
pensée occidentale et qui expriment parfois le legs de la mission civilisatrice qu’a été le colonialisme.
Se trouve ici traduite l’idée que plusieurs connaissances actuellement disponibles sur l’Afrique
subsaharienne, et ses transformations sont le produit de représentations partagées, mais qui ne se sont
pas construites à partir de la pensée nègre. Pour notre part, il est impossible de comprendre en profondeur
l’Afrique noire si l’on ne met pas en évidence les processus de fonctionnement profondément déterminés
par les représentations construites à partir de son propre système de pensée. Sans une profonde et bonne
connaissance et diffusion scientifique de la civilisation nègre et de son système de pensée, il n’est pas
possible de connaitre l’Afrique noire dans sa profondeur. Il ne suffit non plus de se construire des
représentations sociales sur l’Afrique noire à partir de l’expérience quotidienne de contact avec ce
continent et éventuellement des communications conversationnelles, médiatiques sur l’Afrique.
Le point de départ de toute construction non stéréotypant des représentations sociales sur l’Afrique
part de sa reconnaissance comme une civilisation au même titre que la civilisation occidentale, de
reconnaitre qu’elle est porteuse d’une pensée, d’étudier cette pensée et enfin de savoir interroger le monde
subsaharien à partir de cette pensée. On ne peut étudier un objet en utilisant une pensée qui n’a aucun
lien avec l’objet d’étude. Il s’agit dans ce cas une étude caricaturale qui ne peut que produire une
22
représentation sociale non pertinente, inconsistante, et biaisée qui détermine à son tour des conduites,
comportements et orientations stéréotypées. À partir du moment où les pratiques et les représentations
s’influencent réciproquement, nous devons veiller à ce que le système de leur collecte ne souffre d’aucun
biais en particulier le biais civilisationnel. Ainsi il n’est pas recommandé d’analyser avec autant de
certitudes sans aucune réserve, un objet de la vie quotidienne ancré dans un contexte civilisationnel précis
en utilisant une rationalité et système de pensée qui n’est pas le sien.
Les représentations sociales se construisent à travers les échanges suscités par les objets de la vie
quotidienne dans leur système de pensée respectif. Nous devons sortir de la logique consistant à croire
qu’il existe à transformer la pensée occidentale en pensée universelle à travers laquelle nous nous
appuyons pour interroger d’autres contextes, construire et reconstruire des représentations sociales. Les
représentations sociales offrent une grille de lecture des objets de la vie quotidienne à propos desquels
elles ont été elles-mêmes élaborées. Toutefois, cela ne peut se faire qu’en tenant compte des systèmes de
pensée respectifs où se trouvent les différents objets de lecture.Les sources d’informations à partir
desquelles se construisent les représentations sociales sont certes hétéroclites : expériences, savoirs
scientifiques et naïfs, croyances populaires et religieuses, connaissances, contexte idéologique, etc, mais
elles devraient aussi prendre en compte de manière prioritaire, le système de pensée de référence dans
lequel se fait l’analyse. La dimension ou mieux la nature sociocognitive des représentations sociales exige
qu’elles soient produites en respectant les systèmes de pensée de départ des objets d’analyse. Cet aspect
devrait d’ailleurs encourager des études comparatives entre différents systèmes de pensée sur le regard
qu’ils ont d’un même objet.

8. La légitimité des représentations sociales


Affirmer que la représentation est : la création sociale d’un schéma pertinent du réel (Guérin, 1982, p. 13)
revient à constater que toute décision, grande ou petite, dépend des représentations que l’acteur socialisé
se fait du monde. La société que produisent les hommes dépend beaucoup des idées qu’ils s’en font et
des valeurs qui sous-tendent leur culture. Ceci est d’autant plus important quand on sait que les valeurs
ne sont pas des faits, mais plutôt des opinions ou des croyances étroitement liées à la civilisation et de
manière plus spécifique à la réalité culturelle dans laquelle elles prennent naissance. Le regard des
populations, leurs opinions qu’elles soient subjectives, relatives à un groupe toujours limité, au mieux à
une culture, peuvent constituer des atouts ou des obstacles pour rendre une représentation sociale
légitime ou pas.
Quant aux valeurs, si elles sont partagées par une même société, elles agissent comme des règles qui
influencent de façon déterminante un territoire. Ainsi comme il a déjà été souligné plus haut, le contexte
d’analyse des représentations sociales est important à prendre en compte notamment pour ce qui
concerne le système de pensée de référence à prendre en considération. La légitimité des représentations
sociales repose justement dans le fait qu’elle s’est construite ou reconstruite en tenant compte du système
de pensée de l’objet d’étude.
Toutefois, un certain nombre de précautions scientifiques et déontologiques sont indispensables pour
bien traiter des représentations. Rappelons qu’elles ne sont pas des faits bruts constitutifs d’une « réalité »,
mais une reconstruction mentale à quatre étages.
 Le premier niveau impose de bien interpréter la nature des représentations. Il faut les comprendre
comme des constructions de la réalité (spatiale) élaborées par les acteurs.

23
 Le deuxième niveau demande à ne pas se laisser enfermer dans le faux dilemme de l’objectivité des
représentations spatiales. Elles ne sont ni vraies ni fausses (au sens positiviste) ; elles sont plus ou moins
pertinentes et se transforment en pratiques, en actes, ou non.
 Le troisième degré porte sur la diffusion des représentations spatiales dans la société et les
dimensions implicites, naturelles, des discours qui les véhiculent. Beaucoup ne sont jamais rendues
publiques sous la forme d’un discours formalisé. Ces constructions mentales ne se donnent pas.Il faut
aller les chercher dans les productions, les documents, les discours (spontanés ou provoqués,
questionnaires, interviews) des acteurs.On ne saisit qu’une partie, fatalement réduite, de leur complexité,
de leurs contradictions.
 Le chercheur, l’expert, opère par conséquent un double travail :il collecte des données, puis les
interprète pour les énoncer comme des représentations. Les représentations sociales sont produites par
ceux qui tentent d’analyser les logiques des individus, et qui engagent une part irréductible d’eux-mêmes
dans la formulation des problématiques et des questions initiales, puis dans la demande de discours ou
dans le choix des textes. C’est le chercheur, l’expert qui fait naître et qui énonce le produit que devient la
représentation.

Pour conclure
Toute représentation apparaît donc comme un objet d’étude légitime, compte tenu de son impact sur
la connaissance scientifique en raison de son importance dans la vie sociale, des conséquences qui peuvent
en découler et de la connaissance qu’elle révèle sur le fonctionnement de la société. Bien qu’apparaissant
comme un objet flou, déroutant, aux contours fluctuants, la représentation sociale est cependant un outil
puissant, une réelle heuristique pour comprendre les logiques sociales. Elles sont utiles pour comprendre
la civilisation nègre et pour mieux diffuser sa pensée. Les représentations sociales ont alors leur place
dans la civilisation négro-africaine et en particulier dans la pensée qui la sous-tend.
De ces dispositifs, il est possible de conclure que le niveau d’utilisation des représentations sociales
dans les études sur l’Afrique noire reste très faible et quand elles sont faites, c’est parfois de manière
caricaturale dans la mesure où les analyses ne sont pas faites à partir des fondements de la pensée négro-
africaine. Il faut pour cela des dispositifs et des effets de consigne pour encourager une meilleure
connaissance de l’Afrique noire à partir des études sur les objets de vie quotidienne en s’appuyant sur la
pensée négro-africaine. Il faut que les représentations sociales mobilisées dans les études sur l’Afrique
noire, puissent épouser le contexte d’étude parce qu’elles ont été élaborées en s’inspirant de la pensée
nègre. Dès lors, se pose la question de repenser l’étude des représentations sociales dans le contexte
civilisationnel de l’Afrique noire.
En outre, l’effet conjoint que les études sur les représentations sociales en Afrique noire puissent aussi
mobiliser la pensée occidentale pour des études comparatives est à encourager tout comme la possibilité
d’intégrer les résultats de telles études dans une théorie explicative globale. Il n’est non plus exclu que
l’utilisation de la pensée nègre dans les études sur les représentations sociales en contexte civilisation
négro-africaine et dans les études comparatives avec le système de pensée occidental, puisse générer des
représentations partagées. Dans tous les cas, il est nécessaire aujourd’hui, dans les études sur les
représentations sociales en contexte subsaharien, de prendre en considération la pensée nègre comme
pensée de référence, pour distinguer leur mode de construction, le produit de cette construction, le
processus d'actualisation, et les paramètres situationnels qui l’affectent.

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À partir de cette réflexion théorique, il est possible d’orienter les recherches. Tout d’abord, le cadre
général de compréhension des recherches sur les représentations sociales est à repenser dans une
perspective postcoloniale. L’identification des représentations sociales ne peut plus se faire en s’appuyant
sur le seul système de pensée occidentale. Continuer à le faire dans des contextes d’étude où l’objet
d’analyse mobilise d’autres savoirs obéit à la logique du discours colonial. Il faut se démarquer du legs
colonial dans les études sur les représentations sociales. Pour cela, l’analyse de différents paramètres est
à encourager afin de disposer des connaissancessur les autres civilisations qui permettent au chercheur
de s'adapter à la situation. Ceciamène le chercheur à avoir un certain rapport particulier à l’objet dans une
approche interculturelle, et à analyser la représentation à partir de certains éléments et dimensionsplus
que d’autres, permettant de mieux mettre en exergue les particularités qui en découlent de la pensée nègre.

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