Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
méditerranéen. Série
épigraphique
Résumé
Avec leur riche assortiment de notions abstraites, les Grecs, comme les Romains et comme d'autres peuples d'ailleurs, ont su
tirer parti de la richesse de leur vocabulaire en personnifiant des abstractions et en ne cessant de susciter par ce moyen des
divinités protectrices. On ne saurait nier l'importance de telles abstractions dans l'histoire politique des cités grecques :
Homonoia, Dèmokratia, Eirènè, Démos et d'autres encore ont en effet présidé, à divers degrés, aux destinées de la cité et de
ses citoyens. Ce rôle de premier plan, Homonoia l'a joué de façon indiscutable. Cette recherche rassemble tous les
témoignages, les traduit, établit l'apparition du culte, son développement, ses modalités, sa répartition géographique, ses
sanctuaires, ses temples, ses autels, ses prêtres et enfin ses liens souvent marquants avec les grands événements de l'histoire
grecque, dont la trame est une suite presque ininterrompue de conflits, de guerres et de dissensions. En outre, favorisé par la
grande période d'instabilité politique de l'époque hellénistique, qui a vu son développement, ce culte témoigne à sa manière de
la vitalité religieuse des cités à cette époque.
Thériault Gaétan. Le Culte d'Homonoia dans les cités grecques. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean
Pouilloux, 1996. pp. 3-250. (Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen. Série épigraphique, 26);
https://www.persee.fr/doc/mom_0985-6471_1996_mon_26_1
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ
par
Gaétan THÉRIAULT
LYON QUÉBEC
1996
oU
Le culte d'Homonoia dans les cités grecques. - Lyon : Maison de l'Orient Méditerranéen et
Québec : Éditions du Sphinx, 1996, - 260 p. - (Collection Maison de l'Orient : 26,
série épigraphique 3).
INTRODUCTION
Sujet
Avec leur riche assortiment de notions abstraites, les Grecs, comme les
Romains et comme d'autres peuples d'ailleurs, ont su tirer parti de la richesse de leur
vocabulaire en personnifiant des abstractions et en ne cessant de susciter par ce
moyen des divinités protectrices1. On ne saurait nier l'importance de telles
abstractions dans l'histoire politique des cités grecques: Homonoia, Dèmokratia, Eirènè,
Démos et d'autres encore ont en effet présidé, à divers degrés, aux destinées de la cité
et de ses citoyens. Ce rôle de premier plan, Homonoia l'a joué de façon indiscutable.
Selon Mnaséas, un auteur alexandrin du IIIe siècle avant notre ère, Homonoia
était la fille de (Zeus) Sôtèr, Zeus Sauveur, et de Praxidikè, déesse de la vengeance
ou "celle qui réclame le châtiment" ou encore "protectrice du droit"2, dont Homonoia
tirait son nom, et la soeur a'Arétè, la Vertu, et de Ktèsios, le Protecteur du Foyer3.
Cette généalogie, qui ne me retiendra pas davantage dans cette étude, associe donc
Homonoia à des divinités bienfaisantes et salutaires et rend ainsi compte des vertus
protectrices de la déesse.
En fait, le mot ομόνοια4 signifie littéralement: la conformité des sentiments,
l'unanimité, l'harmonie, la concorde, dernier terme par lequel il est communément
Sources
Etudes antérieures
Les seules études entièrement consacrées au sujet sont les brefs articles de H.W.
Stoll et de J. Zwicker, publiés respectivement dans le Lexicon Roscher (1886-1890)
et la Realencyclopädie (1913)5. Utiles certes, ces articles ne présentent toutefois
qu'une liste des témoignages, aujourd'hui incomplète, accompagnée parfois de
quelques courts commentaires. A ces études peuvent s'ajouter les quelques lignes,
très générales, dTE. Saglio dans le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines
(1900), de G. Scichilone et de A. Bisi dans YEnciclopedia dell'Arte Antica (1961 et
1963) et de H.A. Shapiro dans le Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae
(1990), qui se limite exclusivement et superficiellement à l'étude iconographique du
culte6. Celui-ci a aussi mérité quelques pages, cinq en tout (p. 49-53), dans
l'ouvrage de H. Kramer (191S), consacré au thème de Γόμόνοια et dans lequel notre
sujet n'est, à la vérité, que partiellement effleuré. Enfin, il a naturellement donné
lieu à de courtes notices, certaines plus élaborées que d'autres, dans bon nombre des
différentes publications consacrées à chacun de nos documents et que j'évoquerai tout
au long de cet ouvrage. On voit, en définitive, que le sujet n'a fait l'objet que d'un
très petit nombre d'études, dispersées et surtout incomplètes.
Méthode
Sauf indication contraire, les traductions des extraits littéraires et des inscriptions sont les
CHAPITRE I
Pour qui s'intéresse de près ou de loin à l'histoire des cités grecques, il est
notoire que la discorde civique leur a été souvent plus funeste qu'un ennemi extérieur
et qu'elle a été à l'origine de nombreux désastres. La liste des témoinages est
considérable et révélatrice de l'incapacité des Grecs à mettre un terme aux dissensions
internes qui rongeaient leurs cités. Mais comment parvenir à la concorde ?
Comment vaincre la pluralité des groupes, le goût du pouvoir, le déséquilibre dans la
répartition des richesses, etc. ? Illusoire et utopique, concluaient Platon et Aristote,
et ils avaient raison8. Les dissensions internes sont éternelles. Ce mal intrinsèque
n'était certes pas né avec la cité, mais il s'y était naturellement installé, complu et
développé.
Naturellement, il n'est pas du propos de cette étude de retracer l'histoire de la
violence et de Yhomonoia dans les cités. Un rappel de leurs traits essentiels suffira.
D'abord, comment expliquer toutes ces querelles internes et la violence
fréquente avec laquelle elles se manifestaient ? Car il ne s'agit pas seulement de
divergences d'opinions, de débats et de discussions, parfois houleux et pittoresques,
dans les conseils et les assemblées, mais de bousculades, de violences verbales et
physiques, d'exils, de confiscations, d'assassinats, etc.9. La réponse réside sans doute
dans le caractère ouvert des démocraties grecques et dans les conflits sociaux sous-
jacents entre riches et pauvres, c'est-à-dire entre citoyens possédants et non-
possédants. Dans les monarchies, l'autorité impose l'ordre et l'obéissance, donc,
dans une grande mesure, la paix politique et sociale. Or la cité n'a-t-elle pas permis,
avec l'élargissement du pouvoir à la période archaïque, l'expression des opinions, des
divergences et des conflits, expression propre à la vie politique ? Les dissensions
purent alors s'exprimer avec une force et une liberté inconnues jusque-là, que
l'instauration des démocraties favorisa encore davantage. Ainsi, écrivait Platon, qui a
consacré au régime démocratique une bonne partie du livre VIII de sa République,
"n'est-il pas inévitable que dans pareille cité l'esprit de liberté s'étende à tout ? ... Et
8 Cf. J. de Romilly, "Les différents aspects de la concorde dans l'oeuvre de Platon", RPh, 1972, p.
15-16.
* Sur la violence dans les cités grecques, voir notamment A. Lintott, Violence, Civil Strife and
Revolution in the Classical City, London and Canberra, 1982; A. Fuks, Social Conflict in Ancient
Greece, Jerusalem-Leiden, 1984.
6 LE CULTE ΌΉ0ΜΟΝ0ΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
qu'il pénètre ... dans l'intérieur des familles et qu'à la fin l'anarchie se développe
jusque chez les bêtes ?" (562e)10.
Cette "anarchie", comme l'écrivait le philosophe, se traduisait souvent par de
nombreux démêlés entre oligarques et démocrates, querelles qui alimentaient les
troubles politiques les plus sérieux et les plus tragiques dans lesquels étaient
plongées les cités, puisqu'ils donnaient fréquemment lieu à des manifestations de
violence allant de l'exil et de la simple confiscation des biens à la trahison, au
meurtre, au massacre. Les témoignages relatifs à ces disputes sont nombreux et
j'aurai l'occasion, au cours de ce chapitre, d'en évoquer plus d'un. D'autre part,
parallèlement à ces mêmes conflits, surgissait inévitablement l'épineux problème de
l'inégalité économique et sociale. Les revendications du partage des terres (γης
αναδασμός) entre citoyens et de l'abolition de leurs dettes (χρεών αποκοπή)
étaient connues depuis l'époque archaïque et, lors des réformes de Solon et de
Clisthène, par exemple, la cité d'Athènes s'était trouvée déchirée entre les factions.
Plus tard, au IVe siècle, quand on assiste à une nouvelle paupérisation des masses,
les inégalités sociales et économiques donnèrent lieu à de véritables staseis^ 1 qui
opposaient la minorité des riches (les oligarques), souvent détentrice du pouvoir, au
démos, c'est-à-dire à la masse des pauvres, citadins ou paysans. Dans bien des cas, le
renversement du régime oligarchique visait non seulement la conquête du pouvoir
politique, mais aussi l'obtention d'avantages matériels, d'où les massacres, exils et
bannissements permettant des confiscations.
Evidemment, les dissensions internes des cités grecques ne se limitaient pas à
ce type de conflits. Maints autres dissentiments, petits ou grands, à l'époque
archaïque comme à l'époque romaine, affligèrent les cités. Les Actes des Apôtres,
par exemple, témoignent, dans les cités d'Asie Mineure, d'Egypte et de Grèce, de
l'agitation constante suscitée par le Christianisme naissant et l'engouement qu'il
provoquait dans la population. Mais il reste que les conflits internes connus par
l'histoire étaient surtout politiques et sociaux, et que la plupart opposaient, chez les
citoyens, oligarques et démocrates, riches et pauvres, gouvernants et gouvernés.
Nombre de témoignages sur la concorde l'attestent et il est temps d'aborder la
question.
Très tôt, en fait, et quel que fût le vocabulaire employé12, l'harmonie civique
fut perçue comme l'un des biens suprêmes de la polis, puisqu'une cité en proie aux
Traduction, légèrement modifiée, d'E. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 1946. Cf. aussi
557b; 557e; 558c; 560e; 561 d-e; 562d; 563c-d.
Cf. M. Austin et P. Vidal-Naquet, Economies et sociétés en Grèce ancienne, Paris, 1972, p.
159-163. Sur la stasis au Ve et IVe siècles, voir H.-J. Gehrke, Stasis. Untersuchungen zu den inneren
Kriegen in den griechischen Staaten des 5. und 4. Jahr underts v. Chr., München, 1985.
12 Cf., ci-dessous, note 16.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 7
13 Sur l'importance de Yhomonoia dans la cité, cf. A. Moulakis, Homonoia; Eintracht und die
Entwicklung eines politischen Bewußtseins, München, 1973, p. 24-53, avec toutes les références utiles.
14 Notamment les fragments 2-5; 24-28. Cf. A. Lintott, op. cit. (note 9), p. 46.
15 Cf. notamment F.W. Wassermann, Thucydides and the Disintegration of the Polis", TAPhA,
85 (1954), p. 46-54.
16 Le mot ομόνοια et le verbe correspondant όμονοεϊν ne figurent ni chez Homère, ni chez
Hésiode, ni même chez Hérodote. La notion de "bonne entente" n'y était pas négligée pour autant et
tous trois utilisent de préférence όμοφροσιίνη : cf. Homère, Odyssée, VI, 180-183; Hésiode,
Théogonie, 60; Hérodote, VIII, 75. Le terme ne se trouve pas non plus chez Aristophane là où, d'après
E. Levy, "on l'attendrait" (Athènes devant la défaite de 404. Histoire d'une crise idéologique, Paris,
"unanimement"
B.E.F.A.R., fasc.{Les
225,Oiseaux,
1976, p. 1015).
209). L'auteur
On doit lacomique
première
emploie
étude du
notamment
mot ομόνοια
l'adverbe
à H.ομοθυμαδόν,
Kramer, Quid
valeat ομόνοια in litter is Graecis, Göttingen, 1915. Sur le premier emploi du terme, on consultera J.
de Romilly, "Vocabulaire et propagande ou les premiers emplois du mot ομόνοια", Mélanges de
linguistique et de philologie grecques offerts à Pierre Chantraine, Paris, 1972, p. 199-209, en même
temps qu'A. Moulakis, op. cit. (note 13), p. 19-23 et G. Thériault, "L'apparition du culte d'Homonoia",
LEC, 64 (19%), p. 128-129.
1 ' Loc. cit. (note précédente). Cf., infra, note 20.
1 Ä Π figure aussi, comme l'indique J. de Romilly (loc. cit. (note 16), p. 199, note 2), chez
Démocrite: Β 250; 255. Mais, poursuit l'auteur, "les dates de Démocrite sont trop incertaines pour
fournir un repère; au reste, il ne semble pas pouvoir être antérieur à Thucydide"; voir, ci-dessous, note
20.
19 Vin, 75, 2: ... ώρκωσαν ττάντας τους στρατιώτας τους μέγιστους δρκους, κα\
αυτούς τους έκ της ολιγαρχίας μάλιστα, ή* μην δημοκρατ^σεσθαι τε κα\ όμονοήσειν
8 LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α DANS LES CITES GRECQUES
pour sauver l'Etat, menacé par ces guerres. L'on dirait même que l'on en voit naître
le besoin au cours du récit de Thucydide"20. En tout cas, le mot ομόνοια a, au
tout début de son histoire, une valeur spécifiquement politique, opposée
essentiellement à la discorde civique, et sa première acception semble liée au bon
fonctionnement du régime démocratique21.
Vhomonoia devint rapidement l'une des pierres angulaires du programme des
philosophes et des orateurs. Ainsi, le sophiste Antiphon aurait écrit, à la fin du Ve
siècle, son fameux traité moral intitulé Περί ομονοίας22. Un autre sophiste,
Thrasymaque, déplorait, à propos, semble-t-il, des événements de 41 1 à Athènes, que
la concorde ait cédé le pas à l'inimitié et aux querelles internes23. Pour Démocrite,
qui était fortement attaché aux valeurs démocratiques24, ni guerre ni entreprise
d'envergure n'étaient possibles pour les cités sans la concorde de leurs concitoyens25;
et il affirmait ailleurs que "lorsque les riches (οι δυνάμενοι) osent dépenser pour
les démunis (τοις μη £χουσι), les aider et leur rendre service ... les citoyens
vivent dans la concorde, et d'autres bienfaits en découlent, si grands que nul ne peut
Loc. cit. (note 16), p. 199. En fait, le premier emploi pourrait être antérieur au récit
thucydidéen. Outre une inscription d'Athènes (IG, I2, 140), datée sans plus de précisions de la
première moitié du Ve siècle, et une monnaie de Métaponte dont le terminus post que m a été
récemment placé en 430, et sur laquelle je reviendrai (infra, p. 13-17), le mot apparaît dans un oracle
de la Pythie conservé par Diodore et adressé au législateur Spartiate Lycurgue, puis dans deux
témoignages indirects relatifs à Heraclite (fin VIe -début Ve), et enfin dans le controversé décret de
Thémistocle, bien connu des épigraphistes et dont la question a définitivement été réglée par C. Habicht
(Hermes, 89 (1961), p. 1-3S). Mais J. de Romilly s'est penchée sur ces trois derniers cas et ses
conclusions, tout à fait fondées, tendent à réfuter l'authenticité de ces témoignages. Elle a montré, pour
reprendre ses mots, que les textes étaient suspects, qu'il y avait des versions divergentes, des retouches,
des contradictions et des accommodements (loc. cit. (note 16), p. 201-208, où l'on trouvera toutes les
références utiles; cf. aussi S. Celato, "Homonoia e polis greca", CRDAC, 1 1 (1980-1981), p. 265-266).
21 Cf. J. de Romilly, loc. cit. (note 16), p. 199; E. Lévy, op. cit. (note 16), p. 219, pour qui
"Y homonoia convient tout particulièrement à un gouvernement fondé, au moins en théorie, sur l'accord
de tous. Aussi a-t-on dès l'origine", écrit-il, en reprenant l'exemple de Samos chez Thucydide, "associé
homonoia et démocratie".
Malheureusement l'état fragmentaire dans lequel cette oeuvre nous est parvenue empêche de
déterminer la nature exacte de ses propos. Voir DK Π6 87, Β 44-71 (p. 356-366). Cf. H. Kramer, op.
c'a. (note 16), p. 54-59; A. Moulakis, op. cit. (note 13), p. 105-106.
23 DK II6 85, Β 1 (p. 323, 1. 4-5): dvfi δ' ομονοίας εις έχθραν και ταραχας προς
αλλήλους άφικέσθαι. L'acmé de Thrasymaque semble se situer dans les trois dernières décennies
du Ve siècle. Sur le rapprochement de ce fragment avec les événements de 411, cf. S.A. Cecchin,
Πάτριος πολιτεία. Un tentative propagandistico durante la guerra del Peloponneso, Torino, 1969, p.
13-14. Sur Thrasymaque, Platon et Γόμόνοια, cf. J. de Romilly, loc. cit. (note 8), p. 8; A. Moulakis, op.
cit. (note 13), p. 74-80.
24 DKU6 68, Β 251 (p. 195): ή έν δημοκρατίηι πενίη της παρά τοΊς δυνάστηισι
καλεσμένης εύδαιμονίης τοσούτον έστι α'ιρετωτέρη, όκόσον έλευθερίη δουλείης.
25 DKÎ16 68, Β 250 (ρ. 195): από όμονοίης τα μεγάλα έργα και τα"ις πόλεσι τους
πολέμους δυνατόν κατεργάζεσθαι, άλλως δ' ου. Cf. aussi B 255 (ρ. 197).
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 9
les énumérer"26. Socrate, d'après Xénophon, exaltait Γόμόνοια dans les cités en ces
termes: "la concorde est considérée comme le plus grand bien pour les cités et très
souvent, dans celles-ci, les conseils d'anciens et les hommes les plus nobles
recommandent aux citoyens de vivre dans la concorde, et partout en Grèce il y a une
loi qui oblige les citoyens à jurer qu'ils vivront en harmonie et partout ils prêtent ce
serment ... Sans la concorde, aucune cité ne saurait être bien gouvernée, aucune
maison bien administrée"27. Le philosophe tarentin Archytas, dans la première
moitié du IVe siècle, associait la fin de la stasis et l'accroissement de Yhomonoia à la
générosité des riches envers les pauvres, à la confiance et à l'égalité qui en
résultaient28. Andocide, dans son discours Sur les Mystères, rappelait aux Athéniens
que c'était grâce à "la sauvegarde (σωτηρία) de la cité et à la concorde des citoyens",
qu'ils s'étaient montrés, lors du rétablissement de la démocratie en 403, les plus
avisés des hommes29. Lysias, de son côté, affirmait que les Athéniens devaient
reconnaître "que le plus grand bien pour une cité était Yhomonoia et que la stasis
était la cause de tous les maux"30. Isocrate allait même jusqu'à rattacher le
redressement d'Athènes, après l'éviction des Trente, à Yhomonoia des citoyens31.
Pour Platon, qui a consacré dans la République de longs développements à cette
question, la cité idéale ne saurait se faire sans l'union parfaite de tous les citoyens32.
Et c'est à son disciple Aristote, enfin, que nous devons une définition désormais
26 DKU6 68, Β 255 (p. 196-197): δταν οι δυνάμενοι το"ίς μη εχουσι και 7τροτελε~ιν
τολμέωσι κα\ ύπουργεΊν κα\ χαρίζεσθαι ... τους πολιήτας όμονόους έιναι κοπ άλλα
αγαθά, ασσα ουδείς 5ν δΰναιτο καταλέζαι.
2' Mémorables, IV, 4, 16: ομόνοια γε μέγιστον αγαθόν δοκε*ΐ ταΐς πόλεσιν είναι
κα\ πλειστάκις έν αυτάις αϊ τε γερουσίαι και οι άριστοι άνδρες παρακελευΌνται
το~ις πολίταις όμονοείν. κα\ πανταχού έν τή 'Ελλάδι νόμος κείται τους πολίτας
όμνΰναι
ουτ' <5ν πόλεις
όμονοήσειν,
εύ πολιτευθείη
κα\ πανταχού όμνυουσι τον δρκον τούτον ... άνευ δε ομονοίας
ουτ' οίκος καλώς οικηθείη.
28 DAT Π6 47, Β 3, 1. 7-12 (ρ. 436-437): στάσιν μεν Επαυσεν, όμόνοιαν δέ αυζησεν
λογισμός ευρεθείς· πλεονεξία τε γαρ ουκ έστι τούτου γενομένου καχι Ίσότας εστίν ...
δια τούτον ούν οι πένητες λαμβάνοντι παρά των δυναμένων, ο'ί τε πλούσιοι
διδόντι τοις δεομένοις, πιστευοντες αμφότεροι δια τούτω το ίσον 'έξειν. Cf. H. Kramer,
op. cit. (note 16), p. 16-17; G. Grossmann, Politische Schlagwörter aus der Zeil des Peloponnesischen
Krieges, Zürich, 1950, p. 39.
2"
I, 140: έπι σωτηρίαν της πόλεως και όμόνοιαν των πολιτών. Sur Γόμόνοια
athénienne de 403, cf. G. Grossmann, ibid., p. 19-20; 30-70; Ε. Lévy, op. cit. (note 16), p. 209-222; P.
Funke, Homonoia und Arche. Athen und die griechische Staatenwelt vom Ende des peloponnesischen
Krieges bis zum Königsfrieden (4041403-38716 V.Chr.), Wiesbaden, 1980, notamment p. 17-26; 70.
Péroraison sur la confiscation (XVIII), 17: νυν\ δε πάντες <5v όμολογΓ{σαιτε
όμόνοιαν μέγιστον αγαθόν είναι πόλει, στάσιν δέ πάντων κακών αιτίαν. Cf. aussi
Pour un citoyen accusé de menées (XXV), 20; 23.
3* Aréopagitique (VU), 69: Κα\ γάρ toi δια ταυτην την γνώμην ε'ις τοιαυτην ήμας
όμόνοιαν κατέστησαν κα\ τοσούτον έπιδοΰναι την πόλιν εποίησαν. Voir aussi Contre
Callimakhos (XVIII), 44; 69.
•^ Voir notamment la discussion de J. de Romilly sur ce point (foc. cit. (note 8), p. 1 1-16). Cf.
aussi A. Moulakis, op. cil. (note 13), p. 60-96.
10 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
33 Ethique à Nicomaque, IX, 1 167 a 22- b2. Pour les commentaires, cf. R.A. Gauthier, J.Y. Jolif,
L'éthique à Nicomaque. Introduction, traduction et commentaire, Π, 2, Lou vain-Paris, 1970, p. 737-740;
ainsi que A. Moulakis, op. cit. (note 13), p. 97-104, particulièrement p. 103.
JH Du IVe siècle, nous est également parvenu le témoignage d'Enée le Tacticien qui, dans son
traité intitulé la Poliorcétique, dans lequel l'auteur propose une série de mesures visant à assurer la
sécurité des villes, engageait les gouvernants, dans les moments critiques, "à pousser la masse des
citoyens le plus possible à la concorde", notamment "en soulageant les débiteurs par la modicité des
intérêts ou en les supprimant totalement"; il recommandait même, quand la situation devenait trop
périlleuse, de supprimer une partie des dettes ou leur totalité, car, écrivait-il, "les hommes ainsi endettés
sont de loin les plus dangereux à avoir auprès de soi" (XIV, 1: Το δε πλήθος των πολιτών εις
όμόνοιαν τέως μάλιστα χρή προοίγειν, άλλοις τε ύπαγόμενον αυτούς κα\ τους
χρεωφειλέτας κουφίζοντα τόκων βραχΰτητι τ\ δλως αφαιρουντα, έν δέ τοΤς λίαν
έπικινδι$νοις και των όφειλημα'των τι μέρος, και πάντα δταν δέη, ως πολιί γε
φοβερώτατοι έφεδροι ε'ισιν ο'ι τοιοίδε άνθρωποι ...).
De l'époque hellénistique, peu de témoignages littéraires traitant de la concorde ont été
conservés.
36 Sylloge3, 360 (5-7; 15-16): ... ομονοήσω υπέρ σωτηρίας κα\ ελευθερίας πόλεος κα\
πολιταν ... ουδέ καταλιίσω ταν δαμοκρατίαν ...
37 Sylloge*, 398 (1. 25-28): ... έπειίχεσθαι τώι τε δίίμωι τώι Κώιων γίνεσθαι τα
αγαθά κά\ μεθ' ομονοίας πολιτευεν έν δαμοκρατίαι ...
Jö Inschriften von Erythrai und Klazomenai, II, 504 (1. 16-18): ... [δπως ε'ις το λοιπό]ν
έλευθέραι δυσαι και δημοίκρατούμεναι μεθ' ομονοίας πολ^τεύωνται κατά τους
πατρί(ους έκαστων νόμους]. Cf. F. Piejko, "Decree of the Ionian League in Honor of Antiochos I,
ca 267-262 B.C.", Phoenix, 45 (1991), p. 126-147.
3"
OGIS, 229 0- 64-65): ... και πολιτειίσομαι μεθ' ομονοίας άστασιάστως κατά
τους Σμυρναίων νόμους και τα ψηφίσματα του δίηΊμου και συνδιατηρη'σω τι^ν τε
αύτονομίαν και δημοκρατίαν ...
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 11
Iasos (197-192)40, à Mégalèpolis (164)41, à Cnide (ca 45)42 et dans bien d'autres
cités, est attesté ce désir de vivre dans la démocratie et dans la concorde. Et je ne
saurais passer sous silence les nombreux décrets en l'honneur de juges étrangers
appelés dans les cités pour résoudre des différends politiques et sociaux de toutes
sortes, mais plus particulièrement ceux reliés aux problèmes des dettes entre
débiteurs et créanciers: leur rôle était de "rétablir la concorde", εις τήν όμόνοιαν
καθιστάναι43. Il en est ainsi dans des décrets de Karthaia (280)44, de Samos
(280)45, de Syros (IIIe siècle av. J.-C.)46, ou encore de Phalanna (174-173)47, où un
juge étranger "mit fin à la stasis et ramena la concorde". On se limitera à ces
exemples en ce qui regarde les décrets des juges étrangers, dans lesquels le thème du
rétablissement de Γόμόνοια ne manque jamais48.
Pour l'époque romaine aussi, quand les cités, malgré le calme relatif, n'étaient
pas à l'abri des calamités, les témoignages de concorde ne manquent point. Mais les
raisons de nombreuses discordes internes n'apparaissent pas toujours clairement dans
notre documentation. Bien des témoignages sont incomplets ou peu explicites et les
allusions à la concorde difficiles à interpréter. A Gérasa, par exemple, une série de
dédicaces des trois premiers siècles de notre ère font état de la concorde du peuple49.
A Pruse en Bithynie, au début du IIIe siècle ap. J.-C, est connu un groupe de
40 OGIS, 237; Die Inschriften von Iasos, 4 (1. 51; 57-58): ... [την δημοκρίατίαν και
αύτονομίαν διαφυλάσσειν ... μεθ' ομονοίας πολιτευεσθαι. Cf., ci-dessous, ρ. 40-41.
41 Sylloge*, 665 (1· 17-19): ... δπως δα[μ]οκρατουμενοι και τα ποθ' αυτούς
όμονοοΰντες ο'ι Άχαιο"ι διατε[λ]ώντι εις τον άέί χρονον οντες έν είράναι και
εύνομίαι ... Voir aussi 1. 39-40.
^ Die Inschriften von Knidos, 52, 1. 10-11 (SEG, XL, 963): ... ό δαμος σωθε'ις έν όμονοίαι
και δαμοκρατίαι ττολειτεύεται.
HJ Voir la précieuse étude de D. Asheri, "Leggi greche sul problème dei debiti", SCO, 18 (1969),
p. 5-122 et l'excellent tableau brossé par L Robert, "Les juges étrangers dans la cité grecque", Xenion.
Festschrift für Pan J. Zepos, I, Athènes, 1973, p. 765-782 (= OMS, V, p. 137-154).
44 IG, XII5, 1065 (1· 3-4): [δΜω]ς ... [οικώμίεν τήμ ττολιν όμονοουνίτες] ... Cf. D.
Asheri, loc. cil. (note précédente), p. 47-48.
4^ SEG, 1,363 (1-6-7): ... υπέρ των μετεώρων συμβολαίων βουλωμένος έν όμονοίαι
τήμ πόλιν είναι Φιλοκλής βασιλεύς Σιδονίων ... (1. 15-17) προαιρούμενοι τους
διαφερομένους τώμ πολιτών διαλυθέντας έν όμονοίαι πολιτευεσθαι ... Cf. D. Asheri,
ibid.,p. 49.
46 IG, XI, 4, 1052 (1. 28-29): ... εις όμόνοιάν τε αποκατέστησε την πόλιν ... Cf. D.
Asheri, ibid., p. 50.
47 IG, IX1, 1230 (I- 12-13): ... [και σ]τά"σιν άνελών ε'ις όμόνοιαίν κα]τή[γαγ]εν ...
Cf. D. Asheri, ibid., p. 67-68. Des troubles internes à Phalanna sont aussi attestés, à la même époque,
par un décret pour des juges de Metropolis: cf. Nouveau choix d'inscriptions grecques, Paris, 1971, no
12.
48 Voir aussi Die Inschriften von Prient, 8 et IG, VU, 21 (cf. D. Asheri, loc. cit. (note 43), p. 37-
38; 61-62), ainsi que IG ΧΠ3, 172; IG, ΧΠ5, 722; add., 658; SEG, XXVI, 677; Inschriften von Erythrai
und Klazomenai, 1 16; 506; Inschriften von Magnesia, 101.
49 IGR, ΠΙ, 1344; F.M. Abel, RB, 18 (1909), p. 451-453, no 4; IGR, ΠΙ, 1355; OGIS, 622; cf.
IGR, ΙΠ, 1364.
12 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
phylarques désignés sous le titre de φυλαρχοι της ομονοίας, sans qu'il soit
possible de déterminer la nature de leur fonction50. Un problème similaire se pose
avec les discours des rhéteurs qui n'ont cessé, au Ie et au IIe siècle de notre ère,
d'exhorter les citoyens à vivre dans la concorde. Ainsi le néo-pythagoricien
Apollonios de Tyane, d'après Philostrate, prêcha la concorde aux Smyrniens,
apparemment aux prises avec de sérieux problèmes internes (στάσις προς
αλλήλους)51. Dans les fameux discours de Dion Chrysostome sur la concorde, où
le mot ομόνοια apparaît à de nombreuses reprises, notamment dans les discours
XXXII, XXXIV, XXXIX et XLIH où le rhéteur prêche la concorde interne à
Alexandrie, Tarse, Nicée et Pruse52, il est possible de voir un désaccord entre la
boulé, que contrôlaient les riches, et l'assemblée, à laquelle avaient accès les moins
bien nantis. L'hypothèse est particulièrement vraisemblable, nous le verrons (infra,
p. 57-61), dans son discours adressé aux Nicéens et paraît confirmée par le
monnayage impérial, dans lequel le thème de la concorde apparaît fréquemment: je ne
signalerai ici qu'une monnaie de Marc-Aurèle, frappée à Nicomédie et qui porte la
légende ΒΟΪΛΗ, ΔΗΜΟΣ, ΟΜΟΝΟΙΑ, de même qu'une monnaie de Gordien III,
frappée à Nicée et qui porte la même inscription53. Signalons aussi, avant de
terminer, le discours sur la concorde qu'adressa Aelius Aristide aux citoyens de
Rhodes, alors en crise54.
Pour conclure, notons simplement que tous ces exemples, que j'aurais pu
multiplier, montrent clairement que les conflits étaient surtout politiques et sociaux,
qu'ils opposaient, pour la plupart, oligarques et démocrates, riches et pauvres,
gouvernants et gouvernés. Ils montrent aussi que toutes les cités, quelles que
fussent l'époque ou la région, furent un jour ou l'autre plongées dans des querelles
internes. On peut comprendre, dès lors, ce foisonnement des appels à Γόμόνοια
50 IGR, ΠΙ, 60; 65; 67; 68; 1421 et SEG, XIV, 774. En fait, le titre exact se lit comme suit, avec
quelques variantes: οι της ομονοίας ήιρημένοι εις την αρχήν αύτου φίλαρχοι. Selon G.
Mendel (BCH, 25 (1901), p. 68-72), suivi par A.R.R. Sheppard ÇHomonoia in the Greek Cities of the
Roman Empire", AncSoc, 15-17 (1984-1986), p. 245-246), le mot ομόνοια pourrait marquer ici
l'apaisement d'un conflit survenu peut-être en 215 entre le collège des phylarques et celui des archontes
de la cité. A. Körte (MDAI(A), 24 (1899), p. 437), s'inspirent de LBW, 1178, était tenté d'y voir une
réconciliation survenue à la suite d'une incorporation éventuelle dans les tribus urbaines de la cité
d'habitants des régions avoisinantes (κατοικουντες). Voir l'argumentation de G. Mendel à l'encontre
de cette hypothèse (loc. cit., p. 69).
51 Philostrate, Vie d'Apoilonios de Tyane, IV, 8.
5^ Sur Dion et la concorde, cf. C.P. Jones, The Roman World ofDio Chrysostom, Cambridge
(Mass.), 1978, p. 83-94; O. Andrei, "Π tema délia concordia in Dione di Prusa (or. XXXVIII: XXXIX:
XL; XU); ceti dominant! ed idéologie nel Π sec. d.C", SRISF, 1 (1981), p. 89-120; A.R.R. Sheppard,
loc. c'a. (note 50), p. 229-252; N. Méthy, "Dion Chrysostome et la domination romaine", AC, 63 (1994),
p. 173-192. Voir en dernier lieu, A. Bravo Garcia ("Notas sobre el tema de la concordia en Dion de
Prusa", Habis, 4 (1973), p. 81-92) pour qui Dion prêche non seulement la concorde entre les hommes et
entre les cités, mais aussi entre les dieux, les animaux et le cosmos.
53 Nicomédie: Recueil, I, p. 529, no 95, pi. XCI, 16; Nicée: ibid., p. 488, no 710, pi. LXXXV, 3.
Cf. W. Ruge, RE, XVII, 1 (1936), 481, s.v. Nikomedeia; ibid., 236-237, î.v. Nikaia.
54 XXIV. ' Ροδίοις ττερ\ ομονοίας.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 13
civique, qui était devenue non seulement un idéal auquel ont aspiré tant de cités
grecques, mais également une notion d'unité à la fois indispensable et inaccessible.
Indispensable d'une part, puisque l'union des citoyens était à la fois un but
socialement souhaitable, un gage de prospérité pour la cité et un rempart contre un
ennemi extérieur: Platon écrivait que, dans l'union parfaite des citoyens d'une cité,
"les guerriers combattraient d'autant mieux les ennemis qu'ils s'abandonneraient
moins les uns les autres, parce qu'ils se connaîtraient et se donneraient entre eux les
noms de frères, de pères ou de fils"55. "L'union fait la force!", dira-t-on. Mais
notion inaccessible, d'autre part, pour des raisons essentiellement humaines. Est-il
possible, en effet, de rallier constamment l'ensemble de la population d'une cité ?
Platon lui-même avouera l'irréalisme d'un tel concept56.
Ces appels à la concorde témoignent donc d'une agitation constante dans les
cités, agitation à laquelle tentèrent de remédier tant bien que mal les citoyens, tantôt
par l'imposition d'un serment sur la concorde, tantôt par le recours à des tribunaux
étrangers, tantôt, enfin, par diverses mesures visant à apaiser les ressentiments.
Dans bien des cas, il semble que ces expédients furent vains, du moins à long terme.
C'est dans un tel contexte que le culte d'Homonoia fut appelé à jouer un rôle
grandissant dans les querelles entre citoyens.
Précisons d'abord que j'analyserai ici tous les documents concernant le culte
qu'on peut rapprocher de la concorde civique ou qui ont fait l'objet d'hypothèses en ce
sens. D'autre part, le choix de certains documents pourra sembler arbitraire au
lecteur, car bon nombre d'entre eux ne peuvent être rapprochés, sans conteste, d'une
discorde civique. En effet, comme dans le cas de quelques témoignages évoqués ci-
dessus, certains sont peu explicites et les allusions à Homonoia difficiles à
interpréter. Il m'a semblé néanmoins que la plupart d'entre eux pouvaient avoir un
lien, plus ou moins étroit, avec ce type de conflit. Je tenterai donc, autant que
possible, de justifier mon choix dans les commentaires.
Meta ponte
Notre premier témoignage est justement l'un de ces documents. Il s'agit d'un
statère de Métaponte à double relief où apparaît au droit une effigie féminine portant
une boucle d'oreille et un collier et dont la chevelure est maintenue en place à l'aide
d'un ruban étroit; on peut lire sur la gauche la légende ΟΜΟΝΟΙΑ (pi. III, 1). Le
revers représente un épi et les lettres META, pour Métaponte57.
(1931), p. 92, no 420, pi. ΧΧΧΠ, no 420. La Société américaine de Numismatique, désirant rééditer,
avec un certain nombre de compléments, les deux études de S.P. Noe sur les monnaies de Métaponte,
The Coinage of Metapontum Ι-Π, en a chargé A. Johnston. Les textes de S.P. Noe ont été conservés et
les additions et corrections d'A. Johnston ont été placées à la fin de chacune des deux parties. L'étude
qui nous intéresse, soit The Coinage of Metapontum II, couvre les pages 55-89 de la réédition, et est
suivie aux pages 90-109 de la contribution d'A. Johnston. Toute référence, dans les pages qui vont
suivre, à S.P. Noe ou à A. Johnston concerne cette nouvelle réédition (The Coinage of Metapontum,
Parts I and 2, by Sydney P. Noe, with Additions and Corrections by Ann Johnston, New-York, The
American Numismatic Society, 1984). On y trouvera la description de notre monnaie à la page 78, no
420, pi. ΧΧΧΠ, no 420.
5° Loc. cit. (note 16), p. 130-134. On y trouvera une discussion plus serrée et toutes les
références utiles.
^ "Osservazioni sulla monetazione di Métaponte", Metaponto. Alti del tredicesimo Convegno di
Studi sulla Magna Grecia (Taranto, 14-19 ottobre 1973), Napoli, 1974, p. 85-86. Notons que ce
congrès a permis à différents savants de revenir sur les points essentiels discutés lors des conférences
principales, dont faisait partie celle d'A. STAZIO. Ces discussions, qui ont elles-mêmes donné lieu à de
nouveaux débats, ont également été publiées dans le même volume sous les titres de // débattit ο , p. 237-
303, et // dibattito e le repliche, p. 327-336. F. Di BELLO (p. 287-300) de même que E. LEPORE (p.
335-336), sont revenus sur l'étude d'A. STAZIO. Ce dernier, reprenant la discussion de F. Di BELLO (p.
333-335), a de nouveau fait allusion à la chronologie de certaines pièces de notre série, dont celle avec
l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ (cf. p. 334). Toute référence ultérieure à F. Di BELLO et E. LEPORE
concerne, sauf indication contraire, ce congrès de Tarente.
60 Loc. c'a. (note précédente), p. 291-292.
61 Op. cit. (note 57).
LE CULTE ΌΉ ΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 15
Grande-Grèce, et notamment pour Métaponte, région très fertile pour la culture des
céréales. Sur ce point, la représentation d'épis, l'un des attributs de la déesse, sur les
revers de cette série de monnaies, semble significative. J'ai également rappelé les
liens étroits qui unissaient Demeter et la notion de concorde. Il reste, ai-je conclu,
que "si fondée que soit l'hypothèse de S.P. Noe et si probant que soit le lien entre
Demeter et la notion α'όμόνοια, cela suffît-il pour reconnaître incontestablement
l'effigie de Demeter sur notre pièce ? Je suis enclin à croire qu'il persiste toujours un
doute. On peut se demander si, désirant représenter la déesse Homonoia, les graveurs
de Métaponte l'auraient fait de façon fort différente des effigies habituellement
gravées sur les monnaies de l'époque, et si, dans ce cas, l'inscription ομόνοια
n'était pas justement destinée à éviter toute méprise. Au surplus, il ne serait pas
impossible de parler, avec M. Giangiulio, d'une représentation d'Homonoia de type
démétriaque. Que faut-il en conclure ? Question difficile et, dans l'état actuel de nos
connaissances, impossible à résoudre"62.
Quoi qu'il en soit, la nouvelle chronologie de cette pièce, si elle s'avère exacte,
pourrait permettre de rapprocher, selon E. Lepore, l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ des
grands bouleversements que connurent les cités de la Grande-Grèce au Ve siècle63.
Polybe (II, 39, 1-4), en effet, raconte qu'à la suite d'une réaction antipythagoricienne,
une agitation considérable secoua les villes de cette région et qu'il s'ensuivit une
série de meurtres, d'émeutes et de troubles de toute sorte (... συνέβη τας ...
'Ελληνικός πόλεις αναττλησθήναι φόνου και στάσεως και παντο-
δαπής ταραχής)64. Ces troubles, que rapportent aussi Porphyre (Vie de
Pythagore, 54 et s.) et Jamblique (Vie de Pythagore, 248 et s.), furent apaisés grâce
à l'envoi de médiateurs provenant de l'Achaïe: on procéda à la formation d'une
fédération - dite ligue achéenne -, qui comprenait à l'origine Crotone, Sybaris et
Caulônia, formation que l'on situe dans le dernier tiers du Ve siècle et à laquelle se
serait peut-être jointe la cité de Métaponte.
Une première difficulté vient toutefois de la date même de cette crise, que
certains tendent à situer avant 453, date de la reconstruction de Sybaris, d'autres aux
environs de 445, d'autres enfin, plus récemment, entre 440 et 41565. Toute la
question dépend également de la date attribuée à la médiation achéenne et à la création
de la fédération. Sur ce point plus encore que sur tout autre, notre information est
66 Ibid.
"' Voir sur ces points l'analyse détaillée de D. Musti, ibid.
68 Cf. les doutes soulevés par D. Musti, "Città di Magna Grecia I. Metaponto", RFIC, 1 1 1 (1983),
p. 284.
69 Cf. D. Musti, loc. cit. (note 65), p. 63-64.
7" VTI, 57, 11: Ίταλιωτών δε θούριοι και Μεταττόντιοι, έν πηαϋταις ανόγκαις
τότε στασιωτικών καιρών κατειλημμένοι ... Trad. J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres,
1970.
1 Strabone et la Magna Grecia. Città e popoli dell'Italia antica, Padova, 1988, p. 141 et s.; id.,
loc. cit. (note 65), p. 62-65.
LE CULTE ΌΉ ΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 17
Κ im is s a
Ce fut peut-être aussi pour des raisons de discorde interne que fut frappée, au
IVe siècle, à Kimissa en Sicile, une série de drachmes d'argent portant au droit
l'effigie a'Homonoia. Une première pièce a été publiée en 1896 par Sir Arthur
Evans73. Le droit révèle en effet une effigie féminine ceinte d'une couronne de myrte
et ornée d'une boucle d'oreille et d'un collier; comme légende, l'inscription
ΟΜΟΝΟΙΑ. Au revers, se trouve un autel surmonté d'une flamme, dans lequel
G.E. Rizzo a vu, avec raison, un autel d'Homonoia, donc un signe du culte74. Il est
orné de branches de laurier, délimité par deux cornes et flanqué, de part et d'autre, de
deux branches de laurier. En exergue apparaissent les lettres ΚΙΜΙΣΣ. Un deuxième
exemplaire et un troisième, publiés respectivement en 1931 et en 1946 par E.
Voir particulièrement A. Delatte, Essai sur la politique pythagoricienne, Liège, 1921, p. 1 12;
122; 143; 167; 171-172.
73 "Contributions to Sicilian Numismatics.-Π", NC, Sér. ΠΙ, 16 (1896), p. 140-143, pi. EX, fig. 13.
Cf. également G.F. Hill, Coins of Ancient Sicily, Westminster, 1903, p. 180-181, pi. ΧΙΠ, fig. 2; A.
Holm, Storia délia moneta sicUiana fino all'eta di Augusto, Torino, 1906, p. 158, no 310; B.V. Head, op.
cit. (note 57), p. 163; ce dernier attribue faussement la frappe de cette monnaie à Panormos (Palerme).
H.A. Shapiro (UMC, V, 1 (1990), p. 478, no 6, s.v. Homonoia), pour sa part, ayant mal lu l'article d'A.
Evans, confond lui aussi cette monnaie avec un exemplaire de Panormos; cf., ci-dessous, note 151.
74 Mone te greche délia Sicilia, Bologna, 1946, p. 267. M. Giangiulio ("Edifici publici e culti
nelle nuove iscrizioni da Entella", ASNP, Sér. ΙΠ, 12 (1982), p. 988) croit, quant à lui, que cet autel
pouvait faire allusion à un sacrifice offert à Homonoia.
18 LE CULTE ΌΉ ΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Gabrici et G.E. Rizzo, ne diffèrent que très légèrement du premier75. Sur le droit de
la seconde pièce, l'effigie est identique à la première; on y lit OMON[OIA]. Au
revers, sur la gauche, l'éditeur a lu, mais à tort, [Κ]ΡΙΜΙΣ et en-dessous ΣΑΙΩΝ,
pour l'ethnique Κριμισσαίων76. Le troisième exemplaire, montre une tête féminine
coiffée différemment, mais toujours accompagnée de la légende ΟΜΟΝΟΙΑ. Sous
la base de l'autel, au revers, on lit ΚΙΜΙΣΣ, et au haut de la pièce, ΑΙΩΝ, donc
l'ethnique Κιμισσαίων. Une autre pièce de la même série vient d'être publiée par
XAmerican Numismatic Society11.
Encore une fois, j'ai déjà traité de cette série de monnaie dans mon article sur
l'apparition du culte78, ayant noté que l'identification de la déesse faisait l'unanimité
- ou presque - et que la datation, communément admise, devait être antérieure à 3 17,
peut-être entre 350 et 330.
Quant aux raisons qui suscitèrent l'émission de ces monnaies, l'arrivée de
Timoléon en Sicile (344) pourrait facilement en rendre compte. En effet, son arrivée
et la chute de nombreux tyrans qui s'ensuivit - dont celle du plus important, Denys
II de Syracuse - ranimèrent chez les insulaires ce sentiment de liberté et d'unité dont
parle G.E. Rizzo: leur style "nous ramène à ces idéaux politiques de liberté et
d'unité, à cette renaissance de la conscience siciliote ranimée par le grand libérateur,
Timoléon". Parmi les mesures prises par ce dernier après l'éviction des tyrans (338),
on note la formation d'une alliance des cités désormais libérées79. C'est pourquoi R.
von Scala a suggéré que la cité émettrice de notre monnaie était l'une de celles qui
formaient alors la nouvelle alliance80. Malheureusement, l'hypothèse est
75 E. Gabrici, "Notes on Sicilian Numismatics", NC, Sér. IV, 11 (1931), p. 87-88, pi. V, fig. 2;
G.E. Rizzo, op. cit. (note précédente), p. 267, pi. LIX, 22. Voir aussi, pour ce dernier exemplaire,
H.A. Cahn, L. Mildenberg, R. Russo & H. Voegtli, Griechische Münzen aus Grossgriechenland und
Sizilien. Antikenmuseum Basel und Sammlung Ludwig, Switzerland, 1988, p. 104-105, no 346, avec
photo; H.A. Shapiro, loc. cit. (note 73), p. 477, fig 5.
S'inspirant d'A. Evans, qui croyait que la légende ΚΙΜΙΣΣ était une erreur du graveur ou
encore une version locale d'un nom et qu'il fallait plutôt lire ΚΡΙΜΙΣ, pour le nom du fleuve Krimisos
(ou Krimissos), où l'armée carthaginoise avait été mise en déroute par les troupes de Timoléon vers
339, E. Gabrici a lu le nom ΚΡΙΜΙΣΣΑΙΩΝ, qu'il rapprochait d'une cité de Lucanie dénommée
Krimessa dont parlent Strabon (VI, 2S4 et s.) et Lycophron {Alexandra, 313). Mais la théorie d'A.
Evans et la lecture d'E. Gabrici ont été vertement critiquées par G.E. Rizzo {op. cit. [note 74]): la
découverte du troisième exemplaire portant les lettres ΚΙΜΙΣΣΑΙΩΝ, dit-il, a montré qu'A. Evans,
comme de coutume, s'était trop fié à son imagination et qu'E. Gabrici avait ajouté arbitrariamente un Ρ à
la légende.
77 Sylloge Nummorum Graecorum: The Collection of the American Numismatic Society, Part 5,
Sicily ΠΙ, New-York, 1988, no 1321, pi. 42, 1321.
78 Loc. cit. (note 16), p. 143-144.
79 Diodore, XVI, 82, 4: (Timoléon) τύραννους ^ιζολογιίσας, τας πόλεις έλευθερώσας
εις την συμμαχία ν ττροσεδέξατο. Cf. R. von Scala, Die Staatsverträge des Altertums, I, Leipzig,
1898, p. 222. Sur cette alliance, voir RJ.A. Talbert, Timoléon and the Revival of Greek Sicily, 344-317
B.C.. Cambridge, 1974, p. 143-145.
™ Op. cit. (note précédente), p. 222. S'inspirant d'A. Evans qui, d'après son interprétation de la
légende (ci-dessus, note 76), était enclin à chercher dans les environs immédiats du fleuve Krimisos les
villes susceptibles d'avoir émis cette monnaie, et qui pensait à Ségeste ou à Panormos, R. von Scala a
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 19
invérifiable, puisque nos trois pièces de monnaie sont les seuls témoignages
conservés sur Kimissa; ni sa localisation ni son histoire ne sont connues81.
En fait, l'union de 338 fut certainement une bonne occasion pour une frappe au
nom et à l'effigie d'Homonoia. Cependant nous manquons de preuves. Et est-ce la
seule hypothèse possible ? Les années qui suivirent la mort de Timoléon, survenue
vers 337, ne marquèrent pas le début d'une période de bonheur et de prospérité en
Sicile82. La stabilité politique et la paix sociale disparurent dans 111e. Résultat:
Agathoclès devint tyran de Syracuse en 317, et la Sicile se trouva de nouveau
fortement divisée83. On peut se demander si certaines de ces années, inévitablement
marquées de conflits internes, politiques et sociaux, dont le récit de Diodore se fait
l'écho (XIX, 3 et s.), n'ont pas été propices elles aussi à l'invocation d'une divinité
comme Homonoia. Mais tout cela ne tient pas compte de la problématique évoquée
ci-dessus, à savoir si une période de paix peut convenir à un tel monnayage. J'y
reviendrai (infra, p. 181-182).
En tout cas, l'effigie, et surtout l'autel d'Homonoia, s'il s'agit bien de cela, sont
des signes incontestables de la présence d'un culte d'Homonoia dans cette petite cité
sicilienne. L'immolation des victimes, que suppose cet autel, indique
vraisemblablement l'existence de prêtres pour le déroulement des cérémonies. Enfin, 330 ou
même 317 étant, d'après les numismates, un terminus ante quern assez sûr, quelle
que soit la date exacte de l'émission, ces pièces sont parmi nos plus anciens
témoignages du culte.
My til è ne
Notre premier document à être incontestablement lié à des désordres internes
provient de Mytilène. Il s'agit d'une inscription84, découverte en 1973-74 dans le
également proposé Ségestc, à tort nous le savons. Notons l'existence de monnaies timoléoniennes
portant la légende ΣΤΜΜΑΧΙΚΟΝ; cf., sur ce point, RJ.A. Talbert, op. cit. (note précédente), p. 188-
189.
Le problème est d'autant plus difficile à résoudre que le lieu de découverte de ces monnaies
repose sur des informations orales et ne peut être localisé avec précision. Les renseignements
recueillis par G. Manganaro ("Per una storia délia Sicilia romana", ANRW, I, 1972, p. 447) l'incitent à
situer la cité antique près d'une petite localité sise à proximité d'Agrigente, Raffi Rossi. Mais les
informations orales recueillies par E. Manni (Geografia fisica e politico délia Sicilia Antica, Roma,
1981, p. 161) font plutôt état de Monte Raffe, dans la province de Caltanissetta au centre de la Sicile.
De son côté, M. Giangiulio (loc. cit. (note 74), p. 988) croit qu'il y a tout de même une certaine analogie
entre l'ethnique Κιμισσαίων et le fleuve Krimissos, de même qu'une certaine analogie typologique,
écrit-il, avec des monnaies de bronze de Païenne du ΠΡ siècle av. J.-C. (notamment BMC Sicily, p.
123, no 17-18); cela pourrait conduire, conclut-il, à une localisation dans la partie nord -occidentale de
Hie. En fait aucun élément ne permet pour l'instant de trancher la question. Cf. K. Ziegler, RE, Suppl.,
VIH (1956), col. 247, s.v. Kimissa.
Ainsi que le laisse croire Plutarque (Timoléon, 39, 7).
83 Cf. notamment M.I. Finley, Ancient Sicily2, London, 1 979, p. 104.
84 1. Tsirivakos, AD, 29 (1973-1974), Π 3 Chron. (1980), p. 855-865, texte en majuscules, p. 865
et phot., pi. 644, a (G. Touchais, "Chroniques des fouilles en 198σ\ BCH, 105 (1981), p. 845, et phot. p.
20 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
pavement en mosaïque d'un édifice romain, montrant un décret voté pour "que les
citoyens vivent dans leur cité en démocratie pour toujours, en étant aussi bien
disposés que possible les uns envers les autres" (1. 2-4): ως κεν οι πόλιται
οΐκει[εν ταμ πό]λιν έν δαμοκρασίαι τόμ πάντα χρόνον [εχον]τες
προς άλλάλοις ώς εύνοώτατα. Dans la première partie des décisions, on voit
le conseil et le peuple adresser leurs voeux à diverses divinités dont Zeus Héraios,
Basileus, Homonoios et Homonoicfi5:
... ευξασθαι μέν ταμ βόλλαν και τον δαμον τίο-]
1ς θέοισι τοίίς δυοκαίδεκα και τώι Δίι τώι 'Η-
ραίωι και Βασίληι και Όμονοίωι και ται Όμο-
8 νοίαι και Δίκαι ...
Dans la seconde partie, il est surtout question de jugements rendus avant le
rétablissement de la démocratie et concernant des condamnés à l'exil et à la peine
capitale (1. 14-15): al μέγ κέ τις δίκας γενομένας κατ τον νόμον
φΰγηι έκ τας πολιός η άπυθάνη. Ces événements ont été datés, avec
beaucoup de vraisemblance, des années 330 par A.J. Heisserer86, dont j'ai discuté
brièvement l'argumentation dans mon article sur l'apparition du culte d'Homonoia*1 .
La présence d'Homonoia daterait donc de ces années. Mais, comme je l'ai déjà
écrit88, "à quand remontait son culte ? On l'ignore. Qui était ce Zeus Homonoios,
voisin d'Homonoia dans l'invocation et qui apparaît plus tard à Assos, en Troade ?
On l'ignore aussi89. Chose certaine, il est invoqué lui aussi comme une sorte de
"patron de la concorde". Cela dit, le retour de la démocratie et des exilés, dans les
années 330 ou en 324, fut certainement une occasion propice à l'instauration d'un
culte d'Homonoia".
842, fig. 145); A.J. Heisserer & R. Hodot, "The Mytilenean Decree on Concord", ZPE, 63 (1986), p.
109-128, pi. Π-m (SEG, XXXVI, 750). Cf. Bull, épigr., 1982, 247; 1988, 395.
" Cette épiclèse homonoios attribuée à Zeus se trouve également dans une inscription de
l'époque impériale d'Assos en Troade (Ιερεύς τοΰ Διός του Όμονώου). Cf. CIG, Π, 3569; R.
Merkelbach, Die Inschriften von Assos, Bonn, 1976, no 15.
86 Alexander the Great and the Greeks. The Epigraphic Evidence, Norman (Ok.), 1980, p. 118-
139, notamment p. 131-139; voir aussi A.J. Heisserer & R. Hodot, loc. cit. (note 84), p. 120-128; I.
Worthington, "Alexander the Great and the Date of the Mytilene Decree", ZPE, 83 (1990), p. 194-214.
Contra, en dernier lieu, A. Wittenbergh, "Π ritomo degli esuli a Mitilene", Symposion 1988. Vorträge
zur griechischen und hellenistischen Rechtgeschichte (Siena-Pisa, 6-8. Juni 1988), Köln-Wien, 1990,
p. 271-272.
87 Loc. cit. (note 16), p. 145-147.
^ Ibid., p. 147.
89 Homonoia apparaît à une autre reprise à Mytilène, mais sous la forme d'une épithète
d'Artémis; l'inscription sur laquelle elle figure n'est pas datée {IG, ΧΠ, 2, 108). Cf. E.L. Shields, The
Cults of Lesbos, Menasha (Wisconsin), 1917, p. 16-17. Reprenant l'étude du corpus épigraphique de
Lesbos, R. Hodot (EAC, V (1976), p. 32-34) a rapproché IG, XII, 2, 108 et 109. Cf. SEG, XXVI, 891.
Sur Zeus Homonoios à Assos, voir, ci-dessus, note 85.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 21
Isthmos (Cos)
Des dissensions internes liées au retour de la démocratie furent peut-être à
l'origine de l'apparition, au IVe siècle, d'un culte d'Homonoia sur 111e de Cos. Telle
est l'opinion, nous le verrons, de F. Sokolowski. La déesse apparaît en effet dans un
fragment d'un calendrier des cultes d'Isthmos, le dème le plus important de Cos90.
Elle y figure en compagnie d'Hygieia, déesse de la santé, et de son époux Asclépios,
dont le culte à Cos jouissait d'une grande renommée. Voici les douze premières
lignes du fragment qui nous intéresse:
A
ω
[ Άσ]κλα7πώ[ι]
[ · ται αύται] άμέραι* ΎγιεΙι]-
4 [at ' Οΐμονοίαι ονν
[ ' Εκ]άται έμ πόλει aft]-
[γα τελέαν και οι ν] έπίποκον
τελ ί αν date ] Άσκλαπιώι έν Ίσθμώ[ι]
8 [οιν τέλεον Πα]νάμου νευμηνίαι*
ΑΙ ] και Ίστίαι Ταμίαι γαλ-
[αθηνόν και άλφιϋτων ήμίεκτον και
[ θΰε]ται έτπ τας Ίστίας
12 [ date Άφροδί]ται Πανδάμωι ëpi-
S.M. Sherwin-White date le fragment du début du IIIe siècle av. J.-C.91. Il
s'agit d'une partie du calendrier rituel pour les mois de Hyakinthios et de Panamos,
comme le montre la ligne 8, où commence la rubrique relative à Panamos. On y
trouve en effet les divinités auxquelles il fallait alors sacrifier et W.R. Paton et E.L.
Hicks en ont déduit, avec raison je crois, que les lignes 1-7 devaient concerner les
sacrifices du mois précédent, Hyakinthios. C'était donc durant ce mois que les
habitants d'Isthmos offraient en sacrifice un mouton ou une brebis (1. 4: οιν) à
Homonoia, dont le culte est ainsi bien attesté au début du IIIe siècle av. J.-C. Il
s'agit là d'un terminus ante quern relativement sûr. L'existence dans cette cité d'un
culte annuel signifie par conséquent, sinon la présence d'un temple ou de statues, du
moins celle d'un ou de plusieurs autel(s) pour l'immolation des victimes et sans
aucun doute de prêtres pour le déroulement des cérémonies.
Quant à l'origine du culte, qui est antérieure au calendrier rituel, F. Sokolowski
l'a rapportée à la stasis ayant causé le synoecisme de Cos en 366 en se fondant
90 C.T. Newton, GIBM, Π, 338; W.R. Paton & E.L Hicks, The Inscriptions of Cos, 401 (F.
Bechtel, SGDI, 3731; J. von Prott, Leges Graecorum Sacrae, I, 10); G. Pugliese Carratelli, ASAA, 41-42
(1962-1964), p. 158 (F. Sokolowski, Lois sacrées des cités grecques, Paris, 1962, p. 295-298, no 169).
L'inscription complète comporte quatre fragments, tous très mutilés: A, Β Ι, Β Π et C.
^ Ancient Cos. An Historical Study from the Dorian Settlement to the Imperial Period, Göttingen,
1978, p. 330. R. Herzog (Heilige Gesetze von Kos, Berlin, 1928, p. 20, no 7) et F. Sokolowski (note
précédente) se contentaient de le situer au IIIe siècle av. J.-C., datant les fragments A, Β I et Β Π du
HP siècle, et C du siècle précédent
22 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Nakoné
Egalement du début du IIIe siècle date une importante inscription de Nakoné en
Sicile94, où les citoyens, à la suite d'un conflit civique, ont décidé d'offrir un
sacrifice annuel et, chose exceptionnelle, d'organiser une fête, également annuelle, à
Homonoia. Ce document comporte plus d'une particularité à laquelle nous devrons
nous attarder longuemenL Mais, d'abord, examinons la provenance et la chronologie
de notre document.
Il émane d'une série bien connue de neuf décrets sur bronze provenant de
fouilles clandestines dans la région d'Entella, cité située dans la partie occidentale de
la Sicile, à une trentaine de km au nord-est de Sélinonte95. Sept des huit décrets
considérés comme authentiques proviennent d'Entella même. Les Entelliniens y
remercient et y honorent les cités et les citoyens qui se sont portés à leur secours
dans une guerre menée précédemment contre les Carthaginois (πολέμου
κατασταθέντος ποτι Καρχηδονίους)96. En revanche le numéro III, qui
retient ici notre attention, se distingue à la fois par sa provenance et par son contenu.
Il émane d'une petite cité, Nakoné, dont la localisation n'est pas assurée mais qui,
selon toute vraisemblance, doit être placée elle aussi dans la partie occidentale de
111e, dans les environs d'Entella97. L'histoire de cette cité nous est inconnue. Elle
est mentionnée, sans plus, par Etienne de Byzance et apparaît dans une notice de la
Souda9*. Elle fit battre monnaie et fut occupée par les Campaniens, comme le
prouve la légende ΚΑΜΠΑΝΩΝ ΝΑΚΩΝΑΙΩΝ".
La chronologie aussi soulève des questions. Pour la série de tablettes
concernant Entella, la datation pose d'énormes difficultés dont l'analyse n'est pas
essentielle à notre propos. Signalons donc simplement que les dates proposées
s'échelonnent entre la fin du IVe siècle av. J.-C. et les années 250-240100. Quant à
notre décret, D. Asheri, en se fondant sur des critères paléographiques (apparemment
suggérés par des collègues), le situe au début du IIIe siècle101. M. Giangiulio
souscrit à cette thèse et tente de démontrer que le culte a'Homonoia à Nakoné
s'inscrit effectivement dans le contexte socio-culturel sicilien du IIIe siècle, modelé
sur celui des plus importantes cités de 111e102. L'hypothèse est certes invérifiable et
les critères paléographiques offrent assurément un meilleur point d'appui. Outre
ceux-ci, le décret n'offre en fait aucun élément permettant de résoudre la question
chronologique. Retenons donc comme date le début du IIIe siècle.
Le contenu du décret, lui, est d'un intérêt tout à fait particulier. En effet, à la
suite d'un conflit civil dont la nature exacte nous échappe, les Nakoniens ont
favorisé le retour à la concorde civique en remodelant leur communauté en petits
groupes de frères; cet acte de fraternisation est désigné par le mot άδελφοθετία, un
hapax, et les procédures à suivre, sur lesquelles je reviendrai, sont uniques dans la vie
politique grecque.
confirment, de façon générale, cette localisation approximative: dans la partie occidentale de la Sicile
(G. Bejor, "Città di Sicilia nei decreti da Entella", ASNP, 12 (1982), p. 820-825); au nord de Sélinonte
(A. Cotroni Tusa, "Contributi délia monetazione alla identifîcazione dei siti menzionati nelle iscrizioni
da Entella", ibid., p. 846); dans les environs de Ségeste et Entella (S. Alessandri, "Sul terzo decreto da
Entella", ibid., p. 1050); à Monte Andranone à mi-chemin entre Contessa Entellina et Sambuca di
Sicilia, d'où proviendrait d'ailleurs, selon V. Giustolisi, la totalité des tablettes, ce qui sous-entend que
l'officine où furent gravés les décrets était située à Nakoné (V. Giustolisi (op. cit. (note 95), p. 16; 120-
137; contra, E. Manni, "Annotazioni sulle tabelle enee di Entella", Kokalos, 33 (1987) [1990], p. 3-10;
cf. G. Nenci, "Nuovo decreto Entellino (M)", ASNP, 17 (1987), p. 128); enfin, sur la mer Tyrrhénienne
près de Soluntum, à l'est de Panotmos (M. Tegon, "Nakona in Stefano Bizantino", ibid., p. 981-988).
Voir également la brève discussion de G. Nenci, "Klarographia e Adelphothetia". Osservazioni sul
decreto di Nacona (ASNP, s.m, ΧΠ, 1982, pp.776-777; SEG, XXX, nr.1119)", Symposion 1988.
Vorträge zur griechischen und hellenistischen Rechtgeschichte (Siena-Pisa, 6-8. Juni 1988), Köln-
Wien, 1990, p. 174-175.
98 Etienne de Byzance (FHG, I, fr. 27, 188): Νακόνη· ώς 'Αλκόνη, ττόλις Σικελίας· το
έθνικόν Νακοναίος· Φίλιστος 'έκτψ Σικελικών. La Souda: Νακώνη· πόλις Σικελίας.
* Cf. Β. Ross Holloway, "La monetazione di Agyrion, Aluntion, Entella, Hipana, Nakoné,
Stiela", AlfN, 20 (1975), Suppl., p. 143-144. Autres références utiles chez M. Tegon, loc. c'a. (note 97),
p. 987, note 34.
100 On trouvera un résumé fort utile du débat dans SEG, ΧΧΧΠ, p. 253-255. Cf. également D.
Knoepfler, loc. cit. (note 96).
101 "Osservazioni storiche sul decreto di Nakoné", ASNP, 12 (1982), p. 1033. Cf. G. Nenci,
"Nuove considerazioni sui decreti da Entella", ASNP, 13 (1983), p. 997-998.
102 Loc. cit. (note 74), p. 983; 992. Cf. aussi M. et H. Van Effenterre, loc. cit. (note 94), p. 688.
24 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
L'intitulé précise que le décret a été voté le quatrième jour du mois d'Adônios
(Άδωνίου τετάρται Ισταμένου), un mois à peu près inconnu, dont il existe
une variante à Iasos en Carie (Inschriften von Iasos, 42). Les considérants se lisent
comme suit (1. 3-9): "attendu que, dans l'heureuse tournure prise par la Fortune, les
affaires publiques des Nakoniens se sont redressées et qu'il importe qu'à l'avenir ceux-
ci vivent dans la concorde comme citoyens; (attendu que) des envoyés de Ségeste
sont venus, Apellichos, fils d'Adeidas, Attikos, fils de Piston, Dionysios fils de
Dékios, et qu'ils ont donné à tous les citoyens des conseils sur ce qui touche l'intérêt
de la communauté ..."103. Les Nakoniens ont donc traversé une période de troubles
politiques, nés de dissensions internes et désormais apaisés. Les résolutions qui
suivent indiquent clairement que ce conflit était effectivement de nature interne,
puisque l'on décrète la tenue (1. 9-12), le quatrième jour du mois d'Adônios, d'une
assemblée à laquelle devront prendre part "tous ceux qui, parmi les citoyens, ont été
touchés par le conflit (διαφορά) et qui se sont querellés au sujet des affaires
publiques (των κοινών) ... pour mettre un terme au différend ..."104. Vient
ensuite la procédure à suivre pour mettre à exécution l'acte de fraternisation (1. 12-
27), instrument principal de la réconciliation. Trente personnes de chaque camp, soit
un total de soixante citoyens, doivent être désignées dans l'un et l'autre des partis.
Les archontes inscriront leurs noms sur des tablettes qu'ils déposeront séparément
dans deux urnes, desquelles ils tireront un nom de chaque camp. Du reste de la
population, ils ajouteront, par tirage au sort, les noms de trois autres personnes, en
veillant à exclure les proches parents. Les cinq personnes ainsi réunies par le sort (1.
19-21) seront frères d'élection (αδελφοί αιρετοί) et devront vivre en harmonie les
unes avec les autres en toute justice et en toute amitié (όμονοουντες αλλάλοις
μετά πάσας δικαιότατος και φιλίας). Trente groupes de cinq personnes
seront ainsi formés, soit un total de 150 citoyens. Le reste de la population sera
également partagé, toujours en évitant la parentèle et toujours par tirage au sort, en
groupes de cinq; ils auront à vivre eux aussi comme des frères105. Le sacrifice d'une
chèvre blanche vient couronner cette άδελφοθετία (1. 27-29) qui restructurait à la
fois le corps civique et jetait le fondement d'une nouvelle concorde.
*°·* ... επειδή τας τυχας καλώς προαγημένας διώρθωται τα κο[ινα] των
Νακωναίωγ, συμφέρει δέ και ές τον λοιπόν χρόνον όμον[ο]ουντας πολιτεύεσθαι,
πρέσβεις τε Έγεσταίων παργεναφ[έ]ντες Άπέλλιχος Άδείδα, 'Αττικός Πίστωνος,
Διονύσιος Δεκ[ί]ου υπέρ των κοιναι συμφερο'ντοχν π>άσι τοις πολίταις
συνεβοΙοΊλευσαν ...
*" ... και όΌσοις ά διαφορά των πολιτίαν] γέγονε υπέρ των κοινών
άγωνιζομένοις ... διάλυσιν ποιησασθαι ...
Cet acte de fraternisation a suscité, on le comprendra, une abondante littérature. On
consultera, dans l'ordre, D. Asheri, loc. cit. (note 101), p. 1040-1045; S. Alessandri, loc. c'a. (note 97),
p. 1051-1054; I. Savalli, "Alcune osservazioni sulla terza iscrizione da Entella", ibid., p. 1061-1067; D.
Asheri, loc. cit. (note 94), p. 140-145; G. Amiotti, "Un singolare istituto di Pace, Γάδελφοθετία di
Nacone", CISA, 11 (1985), p. 119-126; M. et H. Van Effenterre, loc. cit. (note 94), p. 698-700; G.
Nenci, loc. cit. (note 97: Symposion 1988), p. 173-177.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟίΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 25
106 Loc. cit. (note 97), p. 1047-1054, notamment p. 1048; 1050; 1053, note 11. D. Asheri (loc.
cit. (note 101), p. 1036-1037; 1039), à la suite d'une lecture erronée à la ligne 31, ayant lu δκα (= δτε)
δοκψάζωντι au lieu de 6 κα οοκψάζωνπ, a traduit ces mots par quando faranno la dokimasia. Π
était donc enclin à croire que les magistrats devaient offrir une victime en sacrifice, tous les ans à la
même date, "quand aurait lieu la dokimasie" des magistrats. Aussi a-t-il rapproché ces dissensions
entre Nakoniens de conflits survenus lors de la dokimasie des magistrats. Mais P. Gauthier ("La
dokimasia des victimes. Note sur une inscription d'Entella", ASNP, Sér. ΠΙ, 14 (1984), p. 845-848) a
bien montré et l'erreur de lecture de l'éditeur et qu'il s'agissait en fait de la dokimasia des victimes,
invalidant du même coup l'hypothèse de D. Asheri. Ce dernier s'est rallié, en 1984, à la nouvelle
lecture de P. Gauthier ("Π decreto di Nakoné (SEG, XXX, nr. 1119). Addenda et Corrigenda", ASNP,
14 (1984), p. 1261).
107 Loc. cit. (note 94), p. 696-697. Voir aussi I. Savalli, loc. cit. (note 105), p. 1060-1061.
108 L. Dubois, "Actualités dialectologiques", RPh, 112 (1986), p. 103-104. Cf. aussi id., op. cit.
(note 94), p. 260.
109 Loc. cit. (note 94), p. 689-693. L. Dubois (loc. cit. (note précédente), p. 103), en parlant de
Nakoné, écrit ainsi: "Ceci n'est pas complètement gratuit puisque les autres décrets nous apprennent
que la cité a connu un συνοικισμός ...". Or, ces "autres décrets" proviennent d'Entella.
U0Loc. cit. (note 105), p. 1061.
111 Loc. cit. (note 94), p. 696. Voir toute la discussion aux pages 693-698.
26 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
l'intervention de trois envoyés de Ségeste112 et, d'autre part, la mise en place d'un
procédé de réconciliation tout à fait unique et très complexe.
Quoi qu'il en soit, les dernières résolutions, qui ont suivi cet extraordinaire acte
de fraternisation, stipulent, aux lignes 29-33, que les magistrats devront offrir une
victime convenable en sacrifice, tous les ans à la même date, soit le 4 d'Adônios,
aux Ancêtres et à Homonoia, et que les citoyens devront célébrer une fête entre eux
conformément aux rites de fraternisation; je reproduis ici, d'après le texte de L.
Dubois, les lignes 29-33 de ce décret:
ομοίως δε και α<ι> κατά πόδας
άρχαι
πάσαι θυόντω καφ' έκαστον ένιαυτόν ταΰται ται άμέραι τοΊ[ς]
γενετόρεσσι και ται Όμονο<ί>αι ιερείον έκατέροις δ κα
δοκιμάζων-
παρ'
32 τι, και οί πολΐται πάντες έορταζόντω άλλάλοις
κατά τα<ς ά>δελφοθετίας ...
"... et que, pareillement, tous les magistrats qui se succéderont offrent en
sacrifice, chaque année, ce jour-ci, aux Ancêtres et à Homonoia, une victime
jugée convenable pour les deux partis, et que tous les citoyens célèbrent une
fête entre eux, conformément113 aux rites de fraternisation."
Ce sacrifice offert à Homonoia présuppose, comme l'a fait justement remarquer
M. Giangiulio, la présence d'un autel de la Concorde114. L'existence du culte
pourrait donc être antérieure au conflit connu par le décret. La cérémonie, en tout
cas, était annuelle et probablement inscrite au calendrier rituel de la cité, comme cela
se faisait déjà à Isthmos dans l'île de Cos à la même époque (supra, p. 21) et à
Erythrées en Ionie au siècle suivant (infra, p. 44), et comme cela devait se faire aussi
pour les autres divinités tutélaires de Nakoné. En revanche, l'établissement d'une
fête annuelle, dont le thème était vraisemblablement Γόμόνοια des citoyens et à
laquelle d'ailleurs l'ensemble de la population était tenu de participer, κατά τά<ς
ά>δελφοθετίας, est tout aussi unique que l'est Γάδελφοθετία elle-même. Ces
réjouissances permettaient aux Nakoniens de resserrer les liens qui les unissaient à
leurs "frères", de désamorcer d'éventuelles tensions qui ne pouvaient manquer de
survenir au cours d'une année, bref étaient une occasion d'oublier tout différend et de
repartir à neuf. De cette façon, on "scellait" chaque année Γόμόνοια des citoyens,
tout cela sous l'oeil attentif de la déesse dont le culte à Nakoné dut jouir d'une grande
importance.
1 12 Sur ces envoyés, cf. I. Savalli, loc. cit. (note 105), p. 1058-1059.
H·* L'expression κατά jà<ç ά>δελφοφετίας fait difficulté. D. Asheri (loc. cit. (note 94:
ASNP 1982), p. 783) la traduit par "come alle adozioni a fratello"; G. Daux (BCH, 108 (1984), p. 396),
avec un sens temporel, par "pendant les adelphothésies"; L Dubois (op. cit. (note 94), p. 262), avec un
sens distributif, par "association par association". Ma traduction, empruntée à celle de H. et M. Van
Effenterre (loc. cit. (note 94), p. 691), exprime ici la conformité, sens courant de la préposition κατά.
114 Loc. cit. (note 74), p. 981.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 27
Théra
La toute première dédicace privée que nous possédions en relation avec le culte
appartient aussi au IIIe siècle et pourrait concerner des conflits internes. C'est en
effet à cette époque que, dans 111e de Théra, un ancien soldat de la cour des
Ptolémées, Artémidôros de Pergè, personnage haut en couleur, fit délimiter un
téménos près de l'entrée principale de la cité, où furent sculptés et gravés, sur un
énorme rocher, des représentations animales, des autels et des inscriptions concernant
différentes divinités; l'un de ces autels fut ainsi dédié à Homonoia115:
'Ομονοίας.
'Αρτεμίδωρος 'Απολλώνιου
Περγάιος κατ' ένΰττνιον.
Άθάνατον βωμον πόλει εϊσατο τίμδ' 'Ομονοίας
πατρίδος ων Πέργης κατ' ένυπνιον 'Αρτεμίδωρος.
"(Autel) <X Homonoia. Artémidôros de Pergè, conformément à un songe.
Artémidôros, étant de Pergè, sa patrie, a érigé, conformément à un songe, un
autel immortel â'Homonoia à cette cité."
Les deux dernières lignes sont des vers dont la graphie diffère de celle des lignes
précédentes, dont les lettres sont plus grandes. Quatre autres vers, gravés en retrait
au-dessus de l'autel, montrent qu1 Artémidôros a reçu une couronne en reconnaissance
de cet autel116:
Παν άνέμωι τρέφεται και αφ' ήλιου, είτα σελήνης*
γη καρπούς τε φέρει, και δσ' αυξάνει, αύθι μαραίνει·
ή δ' 'Ομόνοια θεά βωμού χάριν άνταπέδωκε
τον στέφανον παρά της πόλεως μέγαν Άρτεμιδώρωι.
"Tout croît grâce au vent et grâce au soleil, puis à la lune; la terre porte des
fruits et tout ce qu'elle fait croître, aussitôt elle le consume; la déesse
Homonoia a offert, en reconnaissance de l'autel, la grande couronne, de la part
de la cité, à Artémidôros1 17."
115 IG, ΧΠ3, Supp.,1336. Pour l'ensemble des dédicaces, cf. ibid., 1333-1348. F. Hiller von
Gaertringen (ibid., p. 294) a situé en gros ces dédicaces à l'époque de Plolémée Π et de Ptolémée ΙΠ.
Pour une vision de l'ensemble monumental, voir les pages 296-297, ainsi que les articles récents de O.
Palagia, "Cult and Allegory: The Life of Artémidôros of Perge", ΦΙΛΟΛΑΚΩΝ : Lakonian Studies in
honour of Hector Catling, London, 1992, p. 171-177, et de F. Graf, "Bemerkungen zur bürgerlichen
Religiosität im Zeitalter des Hellenismus", Stadtbild und Bürgerbild im Hellenismus. Kolloquium,
München, 24 bis 26Juni 1993, München, 1995, p. 107-1 12. Cf. U. von Wilamowitz-Moellendorff, Der
Glaube der Hellenen*, Darmstadt, 1959, p. 387-388 (réimpression: Darmstadt, 1976, p. 382-384); M.P.
Nilsson, Geschichte der griechischen Religion*, Π, München, 1961, p. 189-190. Sur Artémidôros, cf.
W. Peremans et E. Van't Dack, Prosopographia Ptolemaica, VI, Louvain, 1968, no 15188; S. Guettel
Cole, Theoi Megaloi: the Cult of the Great Gods at Samothrace, Leiden, 1984, p. 61 -64.
116 Ibid., 1341.
1 1 ' F. Hiller von Gaertringen (note précédente) a noté avec raison que les vers 3 et 4 de cette
inscription avaient été effacés et remplacés par de nouveaux dont le contenu ne concorde pas avec les
vers précédents. Aussi a-t-il arbitrairement rapproché ces deux vers de ceux gravés sur l'autel; cette
inscription, qui en fait n'en n'est pas une, porte néanmoins le no 1342 dans son étude:
28 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
II me paraît clair qu'un incident politique est venu bouleverser la cité de Théra,
mais la nature exacte du conflit, ici encore, nous échappe. W.C. West croit qu'une
éventuelle association entre Théra et Pergè, la cité natale d'Artémidôros, pourrait
expliquer la dédicace à Homonoian%. Mais rien n'est moins sûr, car aucun indice ne
permet, d'une part, de connaître les liens entre Théra et Pergè et, d'autre part, d'écarter
l'hypothèse d'un conflit. La discorde en question, selon moi, devait être interne,
puisqu' Artémidôros a érigé cet autel pour la cité, et il a certainement joué un rôle de
premier plan dans la réconciliation, puisqu'il fut récompensé d'une couronne παρά
της πόλεως119. Il devint même, par la suite, citoyen de Théra, comme nous
l'apprend l'inscription 1344: Δήμος έχειροτόνησεν [ό] Θηραιος
Άρτεμίδωρον, και στεφάνωι τίμησεν άμενπτον έόντα πολίτη ν.
Comme le faisait remarquer U. von Wilamowitz-Moellendorff, la discorde pouvait
avoir un lien avec l'occupation lagide de 111e: Artémidôros, ancien soldat de la cour
des Ptolémées, aurait peut-être agi comme médiateur dans les tensions internes que
ne manqua sans doute pas de susciter la présence de troupes étrangères dans la cité120.
Cela me semble plausible. En tout cas, le culte d'Homonoia à Théra n'a
probablement pas eu la même envergure qu'à Nakoné, où il était célébré
annuellement: non seulement la dédicace était-elle privée, mais la divinité n'a pu
faire l'objet de sacrifices, du moins pas sur l'autel qu' Artémidôros fit seulement
sculpter sur un rocher.
Ile de Thynie
Des troubles internes pourraient également expliquer la présence d'un sanctuaire
d'Homonoia sur la côte bithynienne de la Mer Noire. Apollonios de Rhodes
(Argonautiques, Π, 717-719) raconte en effet que les Argonautes, lors de leur passage
dans le Pont-Euxin, auraient fondé un sanctuaire d'Homonoia sur 111e de Thynie,
colonie d'Héraclée:
κεισ' και τ' εισέτι νυν γε τέτυκται
Όμονοίης Ίρόν έυφρονος δ ρ' έκάμοντο
αύτοι κυδίστην τότε δαίμονα πορσαίνοντες.
Άθόνατον βωμον ιτόλει ε'ίσατο τηιδ' 'Ομονοίας
πατρίδος ών Πέργης κατ' ένΰπνιον 'Αρτεμίδωρος·
ή δ' 'Ομόνοια θεά βωμού χάριν ανταπέδωκε
τον στέφανον παρά της πόλεως μέναν Άρτεμιδώρωι.
1 18 "Hellenic Homonoia and the New Decree from Plataea", GRBS, 18 (1977), p. 308, note 3.
1 * ' Cf., sur ce point, M.P. Nilsson, loc. cit. (note 115), p. 39, ainsi que J. Ferguson {Moral Values
in the Ancient World, London, 1958, p. 127) pour qui "In Thera too the cult was political, and seems to
have been taken over by the state". L'auteur ne s'étend pas plus longuement sur la question et attribue
faussement (p. 128) l'inscription au JF siècle av. J.-C.
^0 Op. cit. (note 115), p. 383. Sur l'occupation lagide de lue, on trouvera les références utiles
chez E. Van't Dack, "Les commandants de place lagides à Théra", AncSoc, 4 (1973), p. 71, note 1,
ainsi que chez R.S. Bagnall, The Administration of the Ptolemaic Possessions outside Egypt, Leiden,
1976, p. 123-134, particulièrement, p. 134.
LE CULTE ΏΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 29
Cf. surtout F. Vian, Apollonios de Rhodes. Argonautiques, tome I, Paris, Les Belles Lettres,
1976, p. 16-17; 48-49; ainsi que T.M. Paskiewicz, "Aitia in the Second Book of Apollonius'
Argonautica" ,ICS, 13 (1988), p. 58.
122 Ce chant d'Orphée, incitant ses compagnons à la réconciliation et à la concorde, n'est pas
sans rappeler le lien fort étroit existant entre la musique et l'harmonie. Voir notamment le Cratyle de
Platon (405, c-d) où le philosophe, par la bouche de Socrate, traite de l'harmonie musicale. On trouve
l'écho d'une telle définition dans une métaphore de Cicéron, toute platonicienne, définissant la concorde
idéale (De Republica, Π, 69): ...et quae harmonia a musicis dicitur in cantu, ea est in civitate
concordia... Cf. R. Hunter, "Apollo and the Argonauts. Two notes on Ap. Rhod. 2, 669-719", MH, 43
(1986), p. 53-54.
123Op. cit. (note 121), p. 124. Cf. M. Valverde Sanchez, El aition en las Argonâuticas de
Apolonio de Rodas: estudio literario, Murcia, 1989, p. 200-201.
124 L'expédition des Argonautes était déjà connue chez Homère, entre autres dans l'Odyssée
(ΧΠ, 70).
12' Cf. D.N. Levin, Apollonius'Argonautica re-examined, I, Leiden, 1971, p. 180; R. Etienne et
M. Piérart, "Un décret du koinon des Hellènes à Platées en l'honneur de Glaucon, fils d'Etéoclès,
d'Athènes", BCH, 99 (1975), p. 73; M. Giangiulio, loc. cit. (note 74), p. 985; S. Mitchell, "The Greek
City in the Roman World. The Case of Pontus and Bithynia", ΠΡΑΚΤΙΚΑ TOT H' ΔΙΕΘΝΟΥΣ
ΣΥΝΕΑΡΙΟΤ ΕΛΛΗΝΙΚΗΣ ΚΑΙ ΛΑΤΙΝΙΚΗΣ ΕΠΙΓΡΑΦΙΚΗΣ. ΑΘΗΝΑ. 3-9 ΟΚΤΟΒΡΙΟΥ
1982, Athènes, 1984, ρ. 130-131; R. Hunter, loc. cit. (note 122), p. 50; T.M. Paskiewicz, loc. cit. (note
121), p. 58.
30 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
^ Loc. cit. (note 121), p. 57-61. Pour les aitia en général dans l'oeuvre d'Apollonios, cf. E.
Delage, La géographie dans les Argonautiques d'Apollonios de Rhodes, Bordeaux-Paris, 1930, p. 283-
284.
121 Loc. cit. (note 121), p. 57.
mLoc. cit. (note 125), p. 130-131.
129 Op. cit. (note 126), p. 277-286.
L'ouvrage d'E. Delage {ibid.) en fournit de nombreux exemples.
131 A travers l'Asie Mineure, Athènes, B.E.F.A.R., fasc. 239, 1980, p. 5-10.
132 Ibid., p. 10.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CTTE 31
II est généralement admis que, pour la partie de son oeuvre touchant cette
région, l'auteur s'est inspiré du logographe héracléote Hérodoros (-400 av. J.-Q et de
l'historien Nymphis (né vers 310), qui a écrit une histoire d'Héraclée se terminant en
246133. Tous deux ont parlé de 111e de Thynie. Nymphis lui donnait un périmètre
de sept stades134. Le témoignage d'Hérodoros nous intéresse davantage puisque
l'auteur y soulignait la présence d'un autel d'Apollon Matinal, érigé par les
Argonautes135. Selon Apollonios les membres de l'expédition avaient érigé cet autel
le jour même de la fondation du sanctuaire d'Homonoia. Or, ni Nymphis ni
Hérodoros ne font allusion à l'érection d'un sanctuaire d'Homonoia. Il serait alors
tentant de rejeter le témoignage d'Apollonios. Le poète aurait-il simplement
"matérialisé" le thème de Γόμόνοια entre les Argonautes, ou s'agissait-il tout
bonnement, comme le prétendait K. Ziegler, d'une légende locale136 ? En réalité, le
silence des sources, dont nous n'avons conservé que des fragments, ne constitue pas
un sérieux élément de doute. Est- il besoin de rappeler par ailleurs que les
renseignements d'Hérodoros et de Nymphis viennent de scholies au texte
d'Apollonios et que ce scholiaste ne s'intéressait peut-être pas au sanctuaire
d'Homonoia ? Aussi je préfère croire, avec T.M. Paskiewicz et S. Mitchell, que les
aida chez Apollonios de Rhodes étaient reliés à une série de monuments et de cultes
qui existaient sur la côte bithynienne de la Mer Noire au IIIe siècle av. J.-C, voire
au siècle précédent
En admettant donc que ce sanctuaire ait bel et bien existé à l'époque
d'Apollonios, il reste à déterminer, dans la mesure du possible, la date et les raisons
de son érection. Selon le poète, ce sanctuaire existait encore à son époque (εισέτι
νυν), c'est-à-dire vers 250-240 av. J.-C.137. Cette date constitue donc un terminus
ante quern sûr. Quant au terminus post quern, la question est beaucoup plus
délicate. De nie de Thynie et de sa population, nous ne savons presque rien, sinon
qu'elle portait aussi les noms de Daphné, Daphnoussa et Apollonia, qu'elle était
pourvue d'un port et qu'elle était une colonie d'Héraclée138. En fait, les Héracléotes
ι ^^
■" Cf. E. Delage, op. cit. (note 126), p. 280. Sur la part de Nymphis dans les Argonautiqu.es
d'Apollonios, cf. P. Desideri, "Studi di storiografia eracleotica, I, Nymphis e Promalhidas", SCO, 16
(1967), p. 366-416. Voir les propos peu flatteurs de L. Robert au sujet de ce dernier article {op. cit.
(note 131), p. 10, note 25).
134 Schol. Apoll. Rhod., 2, 672-673 (= FGrHist, 432, F 13). Cf. R. Walther, De Apollonii Rhodii
Argonauticorum rebus geographicis, Halle, 1891, p. 56-57.
135 Schol. Apoll. Rhod., 2, 684 (= FGrHist, 31, F 48). Cf. R. Walther, op. cit. (note précédente),
p. 56-57.
136 RE, VI A, 1 (1936), col. 720, 6-11, s.v. Thynias: "... wird nicht Erfindung des Dichters,
sondern Tempellegende sein".
13 ' Sur la date de composition de l'oeuvre, cf. F. Vian, op. cit. (note 121), p. ΧΙΠ.
138 Sur lfle en général, cf. K. Ziegler, loc. cit. (note 136), col. 718-720. Sur la colonisation de
l'île par Héraclée, cf. notamment le Pseudo-Scylax, GGM, 1, 67, 34 (92).
32 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
y S.M. Burstein, Outpost of Hellenism: The Emergence of Heraclea on the Black Sea,
Berkeley (Calif.), 1976, p. 68.
140 Ibid.
Ibid., p. 68 et p. 135, note 7. L'hypothèse est plausible, mais malheureusement invérifiable.
142 Ibid., p. 135, note 6.
13 Loc. cit. (note 121), p. 59: "... and the cult of Homonoia, as founded from Heraclea, probably
had a different emphasis, on political stability and concord within a city".
Le fait ne serait pas unique. Rappelons qu'à cette époque la petite cité de Chersonese en
Crimée, également une colonie d'Héraclée (Strabon, VU, 308), était aux prises avec de sérieux
problèmes politiques liés à des exilés et à une stasis, comme le prouvent le fameux serment de cette cité
(IOSPE, 12, 401) et une inscription publiée en 1984 par E.I. Solomonik ("Fragment d'une inscription de
Chersonnèse sur les exilés politiques", VDI, 1984, 3, p. 72-81 (en russe, mais voir le résumé en anglais
à la page 81). Sur ce dernier document, cf. SEG, XXXIV, 750; Bull, épigr., 1990, 556.
145 Voir principalement S.M. Burstein, op. cit. (note 139), p. 39-94.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 33
Cf. la Souda, s.v. Klearchos et Ephoros. De même, Justin, Historiae Philippicae, XVI, 4, 9
{arbiter civilis discordiae).
147 Notamment, en 334, i Mytilène (Arrien, ΙΠ, 2, 6; 7) et à Ephèse (Arrien, I, 17, 10-12). Cf.
AJ. Heisserer & R. Hodot, loc. cit. (note 84), p. 109-128.
148 FGrHist, 434, F 4: ... μάλιστα γε των της 'Ηράκλειας φυγάδων ττρος
Άλέξανδρον περιφανώς ηδη της 'Ασίας κρατούντα διαπρεσβευομένων κα\ κάθοδον
και την της πόλεως πάτριον δημοκρατίαν έζαιτουμένων.
* Sur ces mesures prises par Alexandre, cf. Diodore, XVm, 8; W.W. Tam, Alexander the
Great, I, Cambridge, 1948, p. 111-114; C.B. Welles, Alexander and the Hellenistic World, Toronto,
1970, p. 46; et J.R. Hamilton, Alexander the Great, Pittsburgh, 1973, p. 136 et s.
34 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Panormos
A Panormos (Palerme), en Sicile, fut frappée, après 254 av. J.-C, une série de
monnaies de bronze rappelant les émissions de Métaponte et de Kimissa, examinées
ci-dessus150. Le droit révèle en effet une effigie féminine, voilée et ceinte d'une
couronne d'épis; comme légende, l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ. Au revers, se trouve
une corne d'abondance151 ceinte d'une bandelette et accompagnée de l'inscription
ΠΑΝΟΡΜΙΤΑΝ.
L'identification de l'effigie, tout comme celle figurant sur le statère de
Métaponte, ne fait pas l'unanimité. T.E. Mionnet, A. Evans, G.F. Hill, R. Pera et
H.A. Shapiro y ont reconnu Homo nota152; B.V. Head et E. Gabrici y ont plutôt
reconnu Demeter, peut-être en raison de la couronne d'épis dont est coiffée
l'effigie153. J'ai discuté, ci-dessus, des nombreuses interrogations que ne manquent
pas de soulever cette identification. Je renvoie donc à ces pages (supra, p. 14-15) en
me bornant à signaler l'incertitude entourant cette question.
Quoi qu'il en soit, l'émission de cette pièce, que l'on date de la période romaine,
soit après 254 (prise de Panormos par les Romains [Polybe, I, 38]), pourrait elle
aussi concerner des troubles internes, suscités par exemple, entre factions puniques et
romaines des villes siciliennes, par l'arrivée d'Hannibal sur l'échiquier politique.
150 Catalogo del Museo Nazionale di Napoli, Medagliere, no 4726-4727; Mionnet, I, p. 279, no
619; E. Gabrici, La monetazione del bronzo nella Sicilia antica, Palermo, 1927, p. 154, no 5-7, pi. VIE,
no 14a-b. Cf. A. Evans, loc. cit. (note 73), p. 143; G.F. Hill, op. cit. (note 73), p. 207-208; B.V. Head,
op. cit. (note 57), p. 163; R. Pera, Homonoia sulle monete da Augusto agli Antonini. Studio storico-
tipologico, Genova, 1984, p. 119; H.A. Shapiro, loc. cit. (note 73), p. 478, no 6. Mais voir la note
suivante.
Le commentaire d'A. Evans (note précédente) semble avoir semé la confusion chez
plusieurs savants, lesquels font faussement état d'autres monnaies avec une effigie féminine et
l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ, avec au revers, cette fois, un autel, en renvoyant curieusement ou bien au
tableau DC, fig. 14 d'A. Evans (G.F. Hill, B.V. Head, R. Pera et H.A. Shapiro, lequel attribue
faussement la monnaie à Kimissa) ou bien au BMC Sicily, p. 123, no 17-19 (R. Pera). Or, aucune de
ces monnaies ne comporte l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ. Une simple vérification et du tableau DC, fig. 14
présenté par A. Evans et du BMC Sicily, aurait donc suffi à éviter cette méprise.
152 Cf. note 150.
153 Cf. note 150.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 35
Nous verrons bientôt {infra, p. 36-38), en effet, comment de telles discordes se sont
manifestées à Syracuse, durant le règne éphémère du tyran Hiéronymos (215-214), et
comment le culte d'Homo no ia fut alors mis à contribution. Mais puisqu'il ne
semble pas exister de terminus ante quern précis pour cette émission, je ne saurais
insister davantage sur ce rapprochement. Il reste que la thèse du conflit interne est
certainement très plausible.
Pirée (Athènes)
Une dédicace privée du IIIe siècle semble par ailleurs montrer que le culte
d'Homonoia, lié aux discordes internes, touchait différents niveaux dans les cités. A
Athènes, en effet, un thiase établi au Pirée fit ériger un autel d'Homonoia sur lequel
était gravée l'inscription suivante154:
'Ομονοίας
του θιάσου.
Il est donc probable que les thiasotes étaient en proie aux dissensions
internes155. Cela n'étonnerait pas outre mesure puisque le thiase, communauté en
soi, avec ses lois particulières, ses assemblées, ses propres décrets, son trésor
commun, etc.156, était inévitablement exposé aux dissensions intérieures, à l'instar
de la cité elle-même. Cette idée de "concorde du thiase" est d'ailleurs indirectement
exprimée dans un décret honorifique d'un thiase d'Aphrodite établi au Pirée (/G, II2,
1261), daté de l'extrême fin du IVe siècle: un membre de la société, y lit-on (1. 20-
22), a consacré une statue de Δήμητρα Όμόνοιαν του κοινο(ΰ)157. Dans ce
cas, il s'agit d'une épithète. Mais il n'est pas interdit de croire que le personnage
honoré par le décret, un certain Stephanos, ait pu jouer un rôle important dans le
rétablissement de la concorde entre les membres de la société: il est honoré en outre
pour "le soin qu'il a pris de toutes les affaires communes" (1. 4-6: ... των κοννώ[ν
πάν]των έπιμεμέληται τήν έττιμ[έλ]ειαν ...) et pour "son zèle et sa loyauté
envers l'association des thiasotes" (1. 13-15: [φ]ιλοτιμίας ένεκεν και
άνδρα[γα]θίας της εις το κοινόν των θια[σ]ωτών ...).
C'est vraisemblablement à la suite d'une réconciliation quelconque que les
membres du thiase ont jugé opportun de consacrer un autel d'Homonoia, le seul
témoignage attestant l'existence d'un culte de cette divinité à Athènes. Quant aux
modalités de ce culte, il est permis de se demander si elles différaient de celles du
culte public. On l'ignore. Mais il serait surprenant que ce culte privé ait eu la
même envergure qu'un culte public. L'existence d'un autel, en tout cas, suppose la
tenue de cérémonies sacrificielles et peut-être l'existence de prêtres.
Syracuse
Le IIIe siècle a vu le culte d'Homonoia de nouveau associé à des conflits entre
démocrates et aristocrates. Dans son récit des événements qui devaient mener au
retour de la démocratie à Syracuse en 214, Tite-Live évoque en effet la présence d'un
autel d'Homonoia. Deux importants discours, sur lesquels je reviendrai, y furent
prononcés. Le premier fut tenu devant l'autel par un certain Polyainos, l'un des
principaux citoyens de la cité (XXIV, 22, 1):
Luce prima populus omnis, armatus inermisque, in Achradinam ad curiam
conuenit. Ibi, pro Concordiae ara, quae in eo sita loco erat, ex principibus
unus, nomine Polyaenus, contionem et liberam, et moderatam habuit ...
"Au commencement du jour, tout le peuple, armé ou sans armes, se
rassembla à Achradine, à proximité de la Curie. Là, devant l'autel de la
Concorde, qui était placé à cet endroit, un des principaux citoyens, du nom de
Polyainos, prononça un discours et libre et modéré ... "
Le second discours fut prononcé dès le lendemain par le premier citoyen de
Syracuse et gendre de l'ancien tyran Hiéron, Adranodôros, qui s'installa directement
sur l'autel pour haranguer la foule (XXIV, 22, 13):
Posterο die luce prima, patefactis Insulae portis, in forum Achradinae uenit.
Ibi in aram Concordiae ex qua pridie Polyaenus contionatus erat, escendit,
orationem earn orsus est ...
"Le jour suivant, au point du jour, les portes de l'Ile ayant été ouvertes, il
vint au Forum d' Achradine. Là, il monta sur l'autel de la Concorde où, le
jourIt précédent, Polyainos avait harangué la foule, et commença son discours
ICO
lDO H ne semble faire aucun doute, comme le souligne M. Giangiulio (loc. cit. (note 74), p. 989),
que le contexte ici soit tout à fait grec et qu'il s'agisse bien d'un culte d'Homonoia.
159 Loc. cit. (note 74), p. 989; 992.
1°" On pourrait certes présumer que les cinquante-quatre années de paix civile que connut
Syracuse sous le règne de Hiéron (~ 269-215), puisque la popularité du tyran auprès du peuple avait
tenu la cité à l'abri de tels fléaux (cf. Polybe, ΥΠ, 8; Tite-Live, XXIV, 5, 1), ne furent pas propices à
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 37
Le choix d'un tel lieu pour la tenue de ces discours ne fut pas l'effet du hasard et
il faut remonter à la mort du tyran Hiéron, survenue en 215, pour en comprendre
toute la portée161. En effet, son petit-fils Hiéronymos, âgé seulement de quinze ans,
lui succéda et instaura une tyrannie bien éphémère, dont Baton de Sinope écrivit
l'histoire et dont la cruauté, selon certains, dépassa celle de Phalaris, célèbre tyran
d'Agrigente du VIe siècle162. Le nouveau tyran opta pour Carthage dans le conflit
qui opposait celle-ci à Rome et rompit ainsi le traité qu'avait conclu son grand-père
avec les Romains (263). Cette décision, dont les répercussions allaient être
désastreuses, fut à l'origine du meurtre dont fut victime le jeune despote (214). Son
règne n'avait duré que treize mois. Partisans de la tyrannie et partisans de la liberté
recouvrée (libertatis restitutae) allaient maintenant s'opposer.
A la nouvelle de l'assassinat de Hiéronymos, Adranodôros, partisan du jeune
tyran, avait dépêché des troupes en plusieurs points de l'Ile et de la citadelle, alors
que le peuple avait pris les armes et s'était réuni à Achradine. C'est alors que
Polyainos vint devant l'autel d'Homonoia pour s'adresser à la foule. Rappelant que
les "désastres qu'apporte la discorde civile (discordia avilis), les Syracusains en
avaient entendu parler par leurs pères plutôt qu'ils ne les avaient vu de leurs propres
yeux"163, il leur proposa de ne pas recourir aux armes et d'envoyer des députés à
Adranodôros, députés "qui lui enjoindraient de se soumettre au conseil et au peuple,
d'ouvrir les portes de l'Ile et de livrer la garnison". Si celui-ci tenait néanmoins à
conserver la tyrannie, Polyainos était d'avis "de réclamer la liberté à Adranodôros
avec beaucoup plus d'âpreté qu'à Hiéronymos". Adranodôros, écrit Tite-Live, fut
ébranlé et, dès le lendemain, il monta sur l'autel d'Homonoia et annonça qu'il s'en
remettait au peuple et rappela aux tyrannicides que la cité courait un grand danger
s'ils ne veillaient pas à la paix et à la concorde (periculumque ingens manet, nisi
pari et concordiae consultas, ne libéra efferaîur respublica). Ainsi forma-t-on, dans
les jours qui suivirent, un gouvernement démocratique.
Cette entente était d'autant plus souhaitable que les Syracusains étaient toujours
aussi divisés sur le parti à prendre dans la guerre qui opposait Rome et Carthage.
Selon Tite-Live (XXIV, 32, 2), tout ce qui était soldat et une grande partie de la
plèbe étaient hostiles à l'alliance romaine. On peut en conclure que l'oligarchie, en
l'érection d'un autel d'Homonoia, et que celle-ci pourrait être antérieure à 269, mais la concorde n'était-
elle implorée qu'en temps de crise ? Voir notre discussion, infra, p. 181-182.
161 Les événements qui suivent ont été principalement tirés de Tite-Live, notre principale
source; cf. XXIV, 4-7; 21-34. Le sujet est également abordé par Polybe, mais de façon beaucoup plus
succincte; cf. Vu, 2-8.
162 Allégations que rejette fortement Polybe (Vu, 6-7), contrairement à Tite-Live (XXTV, 5, 5)
qui dépeint le jeune tyran comme un être méprisant animé de passions étranges (libidines novae) et de
cruauté inhumaine (inhumana crudelitas).
XXIV, 22, 2: discordia ciuilis quas inportet clades, audisse magis a patribus Syracusanos
quant ipsos vidisse. Tite-Live ici fait sans doute allusion aux cinquante-quatre années de paix civile
que connut Syracuse sous le règne de Hiéron (-269-215). Cf., ci-dessus, note 160.
38 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
bonne partie du moins, lui était favorable164. Une flotte romaine attendait donc à
Murgantia l'issue des agitations causées par la mort du tyran, et une flotte punique
faisait de même à Pachynum. Or il s'avéra que le discours d'Adranodoros était une
ruse et qu'il avait cédé momentanément aux circonstances, attendant l'occasion
favorable pour s'emparer du pouvoir. Mais ses véritables intentions furent bientôt
connues; lui et son complice, Thémistos, furent assassinés, ainsi que leurs épouses.
La concorde entre l'oligarchie et le peuple fit place à la cruauté. Une loi ordonnant
de tuer toutes les personnes de race royale fut adoptée et l'une des filles d'Hiéron et
ses deux enfants furent mis à mort bien qu'ils se fussent réfugiés dans un sanctuaire
(XXIV, 26). La faction punique l'emporta donc et le siège de Syracuse commença
alors: la ville, malgré le génie d'Archimède, fut prise en 212.
On ne doute pas que les différends entre factions puniques et romaines
persistèrent pendant les deux années que dura le siège. On ne sait si l'autel fut à
nouveau utilisé pour inciter les deux partis à la réconciliation. Quoi qu'il en soit, il
est clair que le choix de Polyainos et d'Adranodoros d'y tenir leur discours était
calculé: on misait sur la puissance agissante de la divinité pour ramener démocrates
et oligarques à de meilleurs sentiments et pour en arriver à une entente sans effusion
de sang. Le procédé n'a que momentanément porté fruit
Cos
Revenons à la concorde dans la cité, à divers niveaux, grâce à un témoignage de
Cos, daté des environs de 200, qui montre qu'Homonoia, un peu comme chez les
thiasotes du Pirée, fut implorée par un groupe de magistrats pour sceller, semble-t-il,
la bonne entente entre ses membres: le monarchos et les hiéropoioi ont consacré une
dédicace à Aphrodite et à Homonoia165:
5-6
Μόναρχος θευκλής Άριστί ]
καν ιεροττοιοι
Νικοκλής Νικαγόρα
4 Πλάτων ' Εκατοδώρου
Εΰητωρ Βατίωνος
'Αλέξανδρος Άνάξιππου
Θρασΰ ανδρός Νικοστράτου
H est vrai que la rupture du traité avec Rome avait été menée par Hiéronymos qu'appuyaient
bon nombre d'oligarques, dont Adranodôros (cf. Tite-Iive, XXIV, 4-7). Quoi qu'il en soit, la plupart
d'entre eux était en effet favorable aux Romains, comme le prouve la trahison des notables, que l'on
avait chassés de la ville lors de l'abandon du parti romain et qui s'étaient réfugiés dans le camp romain
et, à l'instigation de Marcellus, entretenaient des relations avec des Syracusains assiégés favorables à
Rome (Tite-Live, XXV, 23, 1-7). Sur les factions puniques et romaines parmi les principaux
personnages de Syracuse, cf. F.P. Rizzo, "Baton di Sinope storico di Geronimo", RSA, 13-14 (1983-
1984), p. 127-137. Sur Tite-Live et l'oligarchie dans la seconde guerre punique, voir E. Badian,
Foreign Clientelae, Oxford, 1958, p. 147 et s.
Inscription dont le texte a paru pour la première fois chez S. M. Sherwin White, op. cit. (note
91), p. 195, note 120, M. Segre, Iscrizioni di Cos, Roma, 1993, 1, EV 2; Π, tav. 77, EV 2.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 39
8
Εΰδαμος Πυθαγόρα
Διομέδων Ευφρόσυνου
Άφροδίται και Όμόνοιαι.
"Le monarchos Theuklès fils d'Aris- et les hiéropoioi Nikoklès fils de
Nikagoras, Platon fils d'Hékatodôros, Euétôr fils de Batiôn, Alexandras fils
d'Anaxippos, Thrasyandros fils de Nikostratos, Diomèdôn fils d'Euphrosynos,
à Aphrodite et à Homonoia."
J. et L. Robert, ainsi que F. Sokolowski, ont bien montré l'importance du rôle
d'Aphrodite, dans les dédicaces de magistrats, en tant que déesse de la concorde et de
la bonne entente: épislates, agoranomes, hiéromnémons et nomophylaques ont
souvent fait appel aux vertus réconciliatrices de cette divinité166. Les hiéropoioi de
Cos ont donc associé deux divinités dotées de vertus similaires, capables de
maintenir l'harmonie entre leurs membres, souvent opposés, naturellement, sur des
questions d'administration publique167. Evoquons ici une statue de marbre de
Thessalonique (IG, X, 21, 61) élevée au IIe siècle de notre ère et dédiée à une
Aphrodite Homonoia ΟΑφροδείτη ·ι 'Ομόνοια ό ιερεύς Ποντιανός. ίίτους
δισ Σεβαστού)168. Le culte d'Homonoia, nous le savons, est bien attesté dans
nie de Cos (infra, p. 21).
lasos
Le document qui suit pourrait concerner des problèmes politiques. Nous
verrons toutefois que cette conclusion suscite certaines difficultés. Il s'agit d'une
inscription d'Iasos, en Carie, qui rapporte une dédicace à Homonoia et au Peuple
consacrée par une commission de cinq épimélètes et un architecte chargés par le
peuple de la construction ou de la restauration du bouleutèrion et de Yarcheion169:
Oi α'ιρεθέντες του τε βουλευτηρίου και του αρχείου έπιμεληται
Λύσανδρος Άριστοκρίτου, Μενοίτιος Ευκράτου, 'Ιεροκλής 'Ιάσονος,
166 J. et L. Robert, Bull, épigr., 1959, 325; 1962, 264; F. Sokolowski, "Aphrodite as Guardian of
Greek Magistrates", HThR, 57 (1964), p. 1-8.
1 Ce rapprochement entre Homonoia, Aphrodite et la concorde d'un groupe transparaît
vraisemblablement dans une dédicace privée de Mytilène datant de l'époque romaine où les patrons et
les employés d'une industrie du cuir (oi την σκυτιίκ]ήν τέχνην έργα[ζ]<?μενοι) offrent
conjointement un portrait de bronze et une statue d'Aphrodite à Artemis Thermia Homonoia
(Αρτέμιδι θείρμίίφ Όμονοίφ), allusion manifeste à un conflit entre travailleurs, ou entre employés
et patrons. Cf. H.G. Lolling, MDAI(A), 11 (1886), 281-282, no 42-43; W.R. Paton, IG, ΧΠ2, 108-109
(R. Hodot, EAC, V (1976), 32-34; SEG, XXVI, 891). A Sidè en Pamphylie (220-250 ap. J.-C.), un
conflit entre deux groupes de travailleurs de la boulangerie semble être à l'origine d'une colonne
consacrée τή όμονοίςι των συνβιωτών. Cf. J. Nolle, "Die Eintracht der Mehlsieber und
Brotformer in Side", EA, 1 (1983), p. 131-140, phot., pl. 16, no 8a (SEG, ΧΧΧΙΠ, 1165); cf. Bull,
épigr., 1984, 487.
168 Cf. L. Robert, RPh (1974), p. 198 (= OMS V, p. 285).
169 E.L. Hicks, GIBM, ΠΙ, 443 (C. Michel, Recueil, 1203); W. Blümel, Inschriften yon lasos,
252. L'archeion était la résidence officielle des magistrats et le lieu où étaient conservés les documents
publics. Cf. W. Blümel, ibid.
40 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
1 7Π
/u D est intéressant de noter que l'un des épimélètes évoqués dans cette dédicace, Lysandros
fils d'Aristokritos, apparaît dans un décret de Calymna {Inschriften von Iasos, Τ 55, 1. 25; 38) en
l'honneur déjuges iasiens chargés de rétablir la concorde entre les Calymniens (1. 11-13: οι πα[σαν
σπουδίαν έττοιτίσαντο του διαλυθένταίς] <τούς ττολείτας> [τα πόθ αύτο]ύς μεθ'
ομονοίας πολιτειίεσθαι ...)· Voir aussi 1.31-33.
171 Cf. M. Holleaux, Etudes d'épigraphie et d'histoire grecques, IV, Paris, 1952 (études réunies
par L. Robert, avec notes complémentaires), p. 209-210.
^ Le Grand roi avait profité du conflit entre Rome et Philippe (seconde guerre de Macédoine
[200-197]) pour reprendre, en juillet 197, selon M. Holleaux (ibid., p. 308, note 5; surtout p. 309, note
2), Iasos des mains du Macédonien.
173 W. Bliimel, op. cit. (note 169), 4. Cf. J. et L Robert, Bull, épigr., 1971, 621; 1973, 432, ainsi
que P. Gauthier, ibid., 1987, 18.
174 E.L. Hicks, A Manual of Greek Historical Inscriptions, Oxford, 1901, no 174; id, GIBM, 442
(C. Michel, Recueil, 467; W. Dittenberger, OGIS, 237); W. Blümel, op. cit. (note 169), 4, 1. 51-62.
D'après un rapprochement effectué par J. et L. Robert, sans un examen de la pierre (Bull, épigr., 1971,
621), on a longtemps cru (encore W. Bliimel) que ce décret faisait partie intégrante de celui voté
antérieurement. Or, C.V. Crowther ("Iasos in the Early Second Century B.C.: a Note on OGIS 237",
BICS, 36 (1989), p. 136-138) a montré de façon convaincante que ce rapprochement était impossible,
vu l'épaisseur de la pierre, sa forme et celle de ses lettres.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 41
et par un témoignage de Tite-Live. Le décret rapporte que le roi avait écrit souvent
au peuple au sujet du maintien de l'autonomie et de la démocratie à Iasos, et
qu'Apollon même avait "joint son témoignage à celui du roi en invitant (la cité) à
vivre dans la concorde". Quant à Tite-Live, il rapporte (XXXVII, 17) qu'à la fin des
opérations romaines en Lycie, en 190, le préteur L. Aemilius Régillus et ses troupes
débarquèrent à Iasos et entreprirent d'investir la cité que tenait une garnison
d'Antiochos. Des exilés iasiens, selon l'historien, s'étaient alliés aux Romains,
expliquant avoir été chassés par la violence des partisans du Grand roi. Il s'agissait
sans doute d'oligarques favorables aux Romains175. Il appert donc quiasos, comme
Phocée176, était en proie à d'importantes dissensions internes et que le parti
démocratique était favorable à Antiochos, ce qui explique à la fois la présence dans la
ville de la garnison royale et de celle des troupes romaines dans la campagne. Telle
était la situation à Iasos dans la première décennie du IIe siècle.
Dès lors, suivant E.L. Hicks, il est tentant de rapprocher la dédicace à
Homonoia et au Peuple des événements mentionnés ci-dessus. En effet, on lit à la
ligne 9 du décret que le peuple "a reçu du roi les plus grands biens et les conserve"
(...τα μέγιστα αγαθά παρειληφώς παρά του βασιλέως ταύτα
διατηρεί). Le savant anglais en a déduit que les lettres d'Antiochos à Iasos étaient
accompagnées de dons et de promesses, dont l'envoi de fonds destinés à
l'embellissement de la cité, notamment pour la construction ou la restauration du
bouleutèrion et de Yarcheion. Il explique la dédicace par le fait que, le parti
démocratique ayant chassé le parti oligarchique, la démocratie et la concorde auraient
été rétablies: les Iasiens auraient accepté les dons d'Antiochos et auraient consacré
une dédicace à Homonoia et au Peuple. Le rapprochement, très séduisant, a
communément été suivi177. La dédicace à Homonoia se situerait donc après l'exil
des oligarques. Elle pourrait aussi être placée, à mon avis, après la défaite
d'Antiochos en 190 et le retour supposé des exilés et d'un effort de réconciliation
nationale.
Un autre élément, déjà évoqué, pourrait d'ailleurs jouer en faveur de la datation
proposée par E.L. Hicks: le tremblement de terre de 199-198. Iasos dut en effet
relever des monuments et des édifices ravagés par le séisme. De tels travaux sont
175 Cf. les commentaires de E.L. Hicks, GIBM, 442, p. 61-62, et de J.-M. Engel, Tite-Live.
Histoire romaine. Tome XXVII, Livre XXXVII, Paris, Les Belles Lettres, 1983, p. 120, note 4.
Comme dans beaucoup de cités grecques à cette époque, les oligarques étaient favorables à Rome: cf.
Tite-Live, XXXV, 34, 3.
En 190, avant les incidents diasos, Phocée avait été le théâtre d'événements similaires alors
que le peuple, écrit Tite-Live (XXXVII, 9, 1-4), était du côté d'Antiochos et que l'oligarchie désirait
rester dans l'alliance romaine {optimales in Romana societate perstantum censebani). Cf. aussi Polybe,
XXI, 6.
1 77' Notamment par P. Herrmann, "Die Selbstdarstellung der hellenistischen Stadt in den
Inschriften: Ideal und Wirklichkeit", ΠΡΑΚΤΙΚΑ TOT Η' ΔΙΕΘΝΟΥΣ ΣΥΝΕΔΡΙΟΥ
ΕΛΛΗΝΙΚΗΣ ΚΑΙΑΑΉΝΙΚΗΣ ΕΠΙΓΡΑΦΙΚΗΣ, ΑΘΗΝΑ. 3-9 ΟΚΤΟΒΡΙΟΤ 1982, Athènes, 1984, ρ.
119. Ή n'a fait l'objet d'aucune critique de la part de W. Blûmel (op. cit. [note 169]). Cf. aussi A.J.
Heisserer & R. Hodot, loc. cit., (note 84), p. 113.
42 LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α DANS LES CITES GRECQUES
effectivement attestés pour le théâtre à partir de 190 environ178. Il est donc possible
que le bouleutèrion et Yarcheion aient été endommagés par ce séisme et que les
travaux en question aient été de simples restaurations179.
Il existe néanmoins une autre possibilité, négligée par E.L. Hicks mais
brièvement évoquée par C.V. Crowther. En effet, des troubles impliquant
Yhomonoia des citoyens sont attestés par des décrets iasiens en l'honneur de juges
étrangers provenant de Priène180. Ces décrets sont généralement datés du milieu du
IIe siècle av. J.-C. (E.L. Hicks, GIBM , 420, p. 39) ou de peu auparavant (F. Hiller
von Gaertringen, Inschriften von Priene, 53). On y lit (1. 10-11): ... ïva
συλλυθέντες οι αντίδικοι τα προς αυτούς μεθ' ομονοίας πολιτεΰων-
ται ... Le rétablissement de cette concorde civique n'était-il pas lui aussi une
occasion favorable à une dédicace à Homonoia ? Je le pense. Si l'on en croit C.V.
Crowther, qui semble remettre en question la chronologie de ces décrets, ceux-ci
pourraient même avoir un lien avec les événements de OGIS, 237181. Toutefois
l'historien anglais ne s'étend pas davantage sur cette question et promet de revenir sur
la date et le contexte de ces documents dans un prochain article.
Il reste, malgré tout, qu'une date plus tardive est également possible, car la
restauration de certains édifices a pu exiger plusieurs décennies. Bref, l'existence du
culte est bien attestée à Iasos au IIe siècle, mais rien ne permet de savoir à quand il
remontait
Cos
On pourrait également conclure qu'une discorde civique fut à l'origine d'un
sacrifice offert à Homonoia à Cos, d'après un décret concernant des célébrations en
l'honneur du roi de Cappadoce, Ariarathe IV, et de sa famille. En voici les lignes
11-21182:
... μετά δε τα ν]
12 συναρχιαν θυσάντω ται τε [Κώι και ται 'Ιστίαι ται Βου]-
[λ]αία[ι] και τώι Διι τώι Μεγίστω[ι και τώι Άσκλαπιώι και]
Όμονοία[ι καΓι Διι [Βο]υλαίωι και [Εύδαιμονίαι και Πλ]-
[ο]υτωι κ[α\ θεοΊς ττ]ασι και πάσα[ις υπέρ τε τας ύγιείας]
16 και σωτίηρίας] του τε δόμου κ[αι βίαοίιλέως Άριαράθα και]
1 78° Cf . L Migeotte, "Iasos au IT siècle avant J.-C: le financement des Dionysies et des travaux
du théâtre", Chiron, 23 (1993), p. 286-289.
179 Ibid., p. 289, note 71.
180 W. Bltimel, op. cit. (note 169), 73-75; 78.
181 Loc. cit. (note 174), p. 138.
1 82 Transcription et commentaire de M. Segre publiés par G. Pugliese Carratelli, "La regina
lo*-
Antiochide di Cappadocia", PP, 27 (1972), p. 182-184, suivis du commentaire de G. Pugliese Carratelli,
p. 184-185; F. Piejko, "A Decree of Cos in Honor of the Cappadocian Royal Couple", PP, 38 (1983), p.
200-207 (SEG, ΧΧΧΙΠ, 675); M. Segre, Iscrizioni di Cos, Roma, 1993, 1, ED 5; Π, tav. 2, ED 5; cf.
Bull, épigr., 1973, 323; S.M. Sherwin-White (op. cit. (note 91), p. 133; 369; Bull, ipigr., 1987, 272. Le
texte reproduit ici est celui de F. Piejko.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 43
Ε ry threes
II est également attesté à Erythrées où il pourrait peut-être, encore une fois,
concerner la concorde civique. Homonoia apparaît sur deux fragments d'un calendrier
sacrificiel de la cité, que l'on date de la première moitié du second siècle. Le premier
de ces fragments a été publié par J. Keil, en 1910 (1. 7-9)187:
100 [ .. ]ωι'Ηλίωι/Ηρακλέχ/Αθηνίαι ]
[Μεγ]άλοις θεοΊς, Νίκηι, ' Ομογίοίαι ]
[ .... ]κοινά. τρίττμ· Άθάμανίτι ]
Le second fut publié plus récemment, en 1980, par E. Varinlioglu188:
] ένάτηι* Έρΰθρωι τελε[ίου κδ'
] και Όμονοίαι τελεί[ων
8 ΆπόλΙλωνι,Άρτέμιδι, Λη[τοϊ γαλαθηνών τριών κδ'
La présence d'Homonoia dans ce calendrier rituel donne à penser que le culte
jouissait d'une assez grande importance à Erythrées. Il atteste certainement
l'existence d'un autel et peut-être de prêtres pour le déroulement des cérémonies.
Quant à son lien avec la concorde civique, on peut présumer qu'un culte civique a de
fortes chances d'y être rattaché.
siècle avant notre ère, mais que L. Robert est enclin à placer au siècle précédent,
figure au revers une divinité féminine que l'on identifie à Tychè ou à Homonoia: elle
porte un kalathos et tient une corne d'abondance et une phiale; inscription:
ΤΑΒΗΝΩΝ ΚΞΤ TA (pi. Ill, 3)191.
Dans tous ces cas, il est bien difficile de résoudre le problème de
l'identification, puisque la corne d'abondance et la phiale sont des attributs propres à
Tychè autant qu'à Homonoia192. Mais s'il s'agit bien de notre divinité, il est
plausible que de telles émissions aient été frappées à la suite de discordes internes.
En tout cas, en ce qui concerne Tralles, le culte d'Homonoia y est attesté plus tard
par un témoignage d'Appien (Bell. Mithr., 23), qui rapporte que, lorsque Mithridate
VI Eupatôr ordonna, en 88 av. J.-C, le massacre des Romains vivant en Asie, les
citoyens de Tralles engagèrent un certain Théophilos, un Paphlagonien, pour mener
à bien la triste besogne; paradoxalement le massacre eut lieu dans le temple
d'Homonoia:
... και ό Θεόφιλος αυτούς συναγαγών έπι τον της 'Ομονοίας
νεών ηπτετο του φόνου, και τινών τοις άγαλμασι
συμπλεκομένων τας χείρας άπέκοπτεν.
"... et Théophilos conduisit celles-ci (les victimes) au temple d'Homonoia,
les tua, coupant les mains de ceux qui s'étaient enlacés aux statues divines."
La question reste entière quant au choix du temple d'Homonoia pour un tel
massacre: fut-il l'effet du hasard, ou, au contraire, pleinement délibéré ? On l'ignore,
mais il n'est pas interdit d'y voir une pointe d'ironie à l'égard des Romains qui ne
durent pas manquer, dans les jours et les heures qui précédèrent le massacre, de faire
appel à Vhomonoia. En fait, les ressentiments et les tensions entre Grecs et
Romains n'étaient pas récents en Asie: les Romains s'étaient approprié de
nombreuses terres, sans compter leurs nombreuses exactions, et nombre de Grecs
étaient devenus leurs débiteurs. Mithridate promettait d'ailleurs une redistribution
des terres et une abolition des dettes193. Ainsi, le culte d'Homonoia est bien attesté
à Tralles au début du Ier siècle avant notre ère, mais on ignore à quelle époque il
remontait
Kymè
Une petite cité d'Eolide, Kymè, connut probablement des dissensions internes,
car une bienfaitrice bien connue dans l'épigraphie kyméenne, Archippè, promit de
191 BMC Caria, p. 160, no 1, pi. XXV, no 1; B.V. Head, op. cit. (note 57), p. 626; L Robert, La
Carie II, Paris, 19S4, p. 124, A, pi. 20, 8-9, où l'on trouvera toutes les références utiles; discussion sur la
date aux pages 131-132. Cf. R. Pera, op. cit. (note 150), p. 119.
'^ Sur les attributs d'Homonoia, voir ma discussion, infra, p. 172.
193 Cf. B.C. McGing, The Foreign Policy of Mithridates VI Eupator King of Ponlus, Leiden,
1986, p. 115-116.
46 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
donner, après sa mort, des champs dont la vente allait permettre la construction SUT
l'agora d'un temple a'Homonoia avec son autel G· 1-14)194:
"Εδοξεν τή βουλή· γνώμη στρατηγών και φυλάρχων και
των συνέδρων επειδή Άρχίππη ή* Δικαιογένου έπηγγεί-
λατο τ<£ δη'μω δώσειν άπό των αγρών τών ύπαρχόν-
4 των αυτί] έγ χώρορ Άχαίω τον τε καλοΰμενον Χημίω-
νος και Σκυθεινου κα\ τόν καλοΰμενον 'Αριστοδήμου,
ών και την κυριείαν τταρεχώρει τψ δη'μω μετά την
εαυτής μεταλλαγών ένεκεν του κατασκευασθήναι
8 αναθέματα έν τή άγοραι ναόν τ[ε] 'Ομονοίας και βωμόν
και στοάς και εργαστήρια, στοιχούσα δέ τή ύπαρχου-
ση περί έαυτήν φιλοδοξίας βοΰλεται έπιτελεΐσθαι τα
αναθέματα και παραδιδοι τψ δη'μω άπο τών αγρών
12 τών έπηγγελμένων τόν καλου'μενον Χημίωνος και
Σκυθινου, ώστε πραθέντος αυτοί) έπιτελέϊσθαι τα
πρώτα τών έργων τών κατά τα αναθέματα ...
"Il a plu au conseil; proposition des stratèges, des phylarques et des synèdres:
attendu qu'Archippè, fille de Dikaiogénès, a promis de donner au peuple, des
champs qui lui appartiennent dans la région d'Achaios, celui dit de Chémiôn
et de Skytheinos et celui dit d'Aristodèmos, dont elle cédait aussi la propriété
au peuple après sa mort, pour que soient érigés des offrandes religieuses sur
l'agora et un temple a'Homonoia, un autel, des portiques et des ateliers;
(attendu que) fidèle à son zèle envers elle (la cité), elle désire mener à bien les
offrandes achevées et elle remet au peuple, des champs promis, celui dit de
Chémiôn et de Skytheinos, afin que, une fois celui-ci vendu, soient achevés
les premiers travaux concernant les offrandes; ..."
Les nombreux décrets qui nous sont parvenus concernant Archippè ont été datés
par J. et L. Robert, pour des raisons paléographiques, de la seconde moitié du IIe
siècle av. J.-C: ils sont vraisemblablement postérieurs à la constitution de la
province d'Asie en 129195. Combien de temps après cette date ? On ne peut le dire.
Manifestement, les Kyméens ont traversé une période de crise dont la nature et
l'importance nous échappent, puisque l'histoire de la cité est peu connue. I. Savalli-
Lestrade évoque, à juste titre, la possibilité que la guerre entre Rome et Aristonikos
194 H. Malay, "Three Decrees from Kyme", Ε A, 2 (1983), p. 8, avec traduction, p. 9, quelques
commentaires, p. 16 et photographie, pi. 6, 15 (SEG, ΧΧΧΠΙ, 1041); cf. J. et L. Robert, Bull, épigr.,
1984, 352. Pour d'autres décrets pour Archippè, voir H. Engelmann, Die Inschriften von Kyme, 13; cf.
J. et L. Robert, Bull, épigr., 1968, 444-445. Voir en dernier lieu, I. Savalli-Lestrade, "Archippè di
Kyme, la benefattrice", in A cura di Nicole Loraux. Grecia alfemminile, Roma, 1993, p. 230-273.
193 Bull, épigr., 1968, 445. Cette datation a été suivie par H. Engelmann {op. cit. (note
précédente), p. 27) et confirmée, selon H. Malay (loc. cit. (note précédente), p. 11), par le second
décret qu'il a lui-même publié et qui contient une allusion aux Sôtéria et aux Rhomaia, fêtes instituées
après la défaite d'Aristonikos et l'organisation de la province romaine; cf. R. Mellor, ΘΕΑ ΡΩΜΗ, The
Worship of the Goddess Roma in the Greek World, Göttingen, 1975, p. 54; 57-58; surtout p. 74; de façon
plus générale, id., "The Goddess Roma", ANRW, 17 ,2 (1981), p. 950-1030.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 47
ait divisé les citoyens de Kymè196. Mais les preuves manquent. Il est donc
impossible de rapprocher la construction de ce temple et de son autel d'événements
précis. Cependant, comme pour l'autel de Syracuse, l'emplacement du futur temple,
l'agora, nous oriente vers la concorde civique: comme l'ont justement noté J. et L.
Robert (Bull, épigr., 1984, 352), "le choix de cette divinité, sur l'agora, est tout un
programme". Ainsi, le culte est bien attesté à Kymè dans la seconde moitié du IIe
siècle, avec son autel et avec la première mention d'un temple d'Homonoia.
Hydai, My la sa et Prié ne
L'existence du culte dans d'autres cités, à la fin de l'époque hellénistique,
pourrait aussi être attribuée à des conflits politiques ou sociaux. Ainsi la présence de
prêtres d'Homonoia atteste l'existence du culte, dans la seconde moitié de IIe siècle,
dans les environs d'Hydai, en Carie, où un certain Iasôn était prêtre d'Homonoia
( Ιάσονος του Φα[νίο]υ ιερέως 'Ομονοίας)197. De même, à la fin de
l'époque hellénistique, à Mylasa, également en Carie, un prêtre d'Homonoia a
consacré un autel ou une statue, peut-être de cette divinité (Ήρώιδης Κλέωνος
ιερεύς 'Ομονοίας άνέθηκεν τόν )198. Enfin, à la même époque, Priène
vota un décret en l'honneur de Kratès, un évergète qui avait été aussi prêtre
d'Homonoia (και καθ' δ της 'Ομονοίας f)v ιερεύς)199. Il s'agit là des
premiers documents attestant l'existence de prêtres d'Homonoia. Il n'est pas
nécessaire d'insister à nouveau sur le rapprochement plausible entre la présence de ces
cultes et les discordes civiques, puisque nous manquons de preuves. Mais il n'est
pas inutile de rappeler, en ce qui concerne Mylasa par exemple, les nombreuses
discordes internes dont elle fut le théâtre à l'époque hellénistique et dont témoignent
nombre de décrets en l'honneur de juges appelés à y rétablir Yhomonoia200.
Kasara
On pourrait en arriver à des conclusions similaires avec une base de statue
provenant de Kasara dans la Pérée rhodienne et datée, sans plus, de l'époque
hellénistique; on y lit simplement Όμονοία[ι]201. Il devait s'agir, selon toute
vraisemblance, d'une statue d'Homonoia2**2·.
19^ Loc. cil. (note 194), p. 246-249, particulièrement p. 248. Sur la guerre d'Aristonikos, cf. E.
Will, Histoire politique du monde hellénistique2, Π, Nancy, 1982, p. 419-425.
19 ' W. Blümel, Die Inschriften von Mylasa, 903, 1. 18. Cette inscription est un acte de prise de
possession {Urkunde über Inbesitznahme).
198 W. Blümel, "Neue Inschriften aus Mylasa", EA, 19 (1992), p. 9, no 353 (SEG, XUI, 1012); ü
s'agit d'un fragment de base circulaire.
199 F. Hiller von Gaertringen, Inschriften von Prient, 111,1. 198.
200 Cf. notamment W. Blümel, op. cit. (note 198), no 101; 127; 141.
201 N. & M. Chaviaras, AE, 1913, p. 3, no 86 (A. Bresson, Recueil des inscriptions de la Pérée
rhodienne, Paris, 1991, p. 159-160, no 171); W. Blümel, Die Inschriften der rhodischen Peraia, Bonn,
1991, p. 27, no 63. Je ne retiens pas l'hypothèse, trop fragile, avancée prudemment par E. Bresson
48 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Kition
A Kition, sur 111e de Chypre, une dédicace à Homonoia et à d'autres divinités se
présente ainsi204:
Διι Κεραυνίωι,
'Αφροδίτη ι, Πόλει,
4 Δτίμωι, Όμονοίαι,
Αύιανία και Αϋιάνιος
τας στοάς και τα
έν αύταΐς πάντα
8 εκ του ιδίου.
[ traces ]
"A César dieu?, à Zeus Keraunios, à Aphrodite, à la Cité, au Peuple, à
Homonoia, Aviania et Avianius ont dédié les portiques et tout ce qui est à
l'intérieur, de leurs propres deniers."
Une lecture erronée de la première ligne βθεώι]? Καίσ(αρι]) a conduit T.B.
Mitford à situer cette inscription après 44 av. J.-C: il en concluait que la concorde
devait faire référence au "uneasy calm" qui a suivi la bataille de Philippes205. Mais
O. Masson, qui a revu la pierre et dont j'ai reproduit le texte, a montré que la lecture
était erronée et qu'il devait s'agir "plus naturellement d'Auguste"206. La thèse du
selon qui il pourrait s'agir d'une dédicace à Δομετίφ θ[ε]ςί Σεβαστή Όμονοίφ , analogue à une
inscription provenant aussi de la Pérée rhodienne, soit de Thyssanunte {infra, p. 150).
^ * H est peu vraisemblable, en effet, comme le notait lui-même W. Blümel, qu'il s'agisse ici d'un
202
monument funéraire pour une femme nommée Homonoia.
203 Panormos: SNG ANS, 4, no 559 (non vidi); H.A. Shapiro, loc. cit. (note 73), p. 478, no 1 1;
Entella: BMC Sicily, p. 61, no 8 (Period of Roman Dominion); Tabai: BMC Caria, p. 163, no 26-28, pi.
XXV, no 10; B.V. Head, op. cit. (note 57), p. 626; L. Robert, op. cit. (note 191), p. 126, J, où l'on
trouvera toutes les références utiles; discussion sur la date aux pages 132-134. Cf. R. Pera, op. cit.
(note 150), p. 119-120.
204 CIG, 2641 (T.B. Mitford, Salamine de Chypre. Histoire et archéologie, Lyon, 13-17 mars
1978, Collogues internationaux du CNRS, 578, Paris, 1980, p. 284-285; SEG, XXX, 1617); O. Masson,
Centre d'études chypriotes, Cahier 6 (1986), p. 6-10; id.,BCH, 111 (1987), p. 275-277, avec
photographie, p. 273, fig. 4 (SEG, XXXVI, 1251). Je reproduis ici le texte d'O. Masson.
205 Loc. cit. (note précédente); cf. aussi id., "Roman Cyprus", ANRW, Π, 7.2 (1980), p. 1320,
note 127; id., "The Cults of Roman Cyprus", ibid. Π, 18.3 (1990), p. 2187; 2195.
206 Loc. cit. (note 204: BCH), p. 276.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 49
conflit interne me paraît ici appropriée, si l'on considère que la dédicace est
également adressée à la Cité (Πόλει) et au Peuple (Δη μ cm).
207 Sur cette chronologie, cf. S.M. Sherwin-White, op. cit. (note 91), p. 330.
ZO8 yu une chronologie vague, l'ordre de présentation suivi ici est arbitraire.
209 Cf. la discussion de S.M. Sherwin-White, op. cit. (note 91), p. 124-129.
210 M. Segre, Memorie pubblicate a cura dell'Istituto storico-archeologico FE.R.T. e délia r.
deputazione di storia patria per Rodi, ΙΠ, 1938, p. 49; id., TUuli Calymnii, 1952, no 137 B, pi. LXXXIL
Cf. Bull, épigr., 1939, 277; G. Pugliese Carratelli, "Monarchos coo e stephanophoros calimnio", PP. 24
(1969), p. 372-374; S.M. Sherwin-White, op. cit. (note 91), p. 330, note 362.
211 M. Segre, ibid. (note précédente: Memorie), p. 50, pi. 36, 3; K. Hô'ghammar, Sculpture and
Society. A Study of the Connection between the Free-standing Sculpture and Society on Kos in the
Hellenistic and Augustan Periods, Uppsala, 1993, p. 198, no 88, qui attribue faussement la première
édition du texte à L. Laurcnzi, Historia (Milano-Roma), 5 (1931), p. 625 et s. Cf. Bull, épigr., 1939,
265; M. Segre, (note précédente: Tituli), p. 29; G. Pugliese Carratelli, loc. cit. (note précédente); S.M.
Sherwin-White, op. cit. (note 91), p. 330.
212 W.R. Paton & E.L. Hicks, The Inscriptions of Cos, 61 (H. Collitz & F. Bechtel, SGDI, 3653);
M. Segre, op. cit. (note 210: Memorie), p. 48; id., Tituli Calymnii, no 26; K. Höghammar, op. cit. (note
précédente), p. 146, no 36. Cf. H. Kramer, op. cit. (note 16), p. 50 et, pour la date, S.M. Sherwin-
White, op. cit. (note 91), p. 330, note 361
50 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
[ΠάΊμφιλος Παρμενίσ-
[κο]υ φΰ(σει) bï Πΰθων Άπολλο-
[δώΐρου στεφαναφορών
[τον] ναον και το άγαλμα
[Όμον]οίαι και τώι δόμω.
"Pamphilos fils de Parméniskos, par nature Pithôn fils d'Apollodôros, étant
stéphanéphore, a consacré le temple et la statue à Homonoia et au dème."
M. Segre a montré que ce Pamphilos était Calymnien, d'après un
rapprochement avec une inscription de Calymna honorant un 'Απολλόδωρος
Πΰθωνος, le père ou le fils de notre personnage213. Or l'inscription qui nous
concerne fut retrouvée à Cos: provenait-elle de Calymna ? Admise par M. Segre,
cette possibilité a néanmoins été rejetée par lui214. Il est difficile de trancher. Le
lieu de découverte, en tout cas, suppose que ce temple et cette statue d'Homonoia
furent dédiés sur l'île de Cos215.
M. Segre a rapproché ces trois textes les uns des autres, croyant y voir les
traces d'un même conflit entre Calymniens et Isthmiens: ces derniers se seraient
opposés à ce que les stéphanéphores calymniens soient considérés comme éponymes
à Cos même, comme le monarchos de Cos l'était à Calymna. G. Pugliese Carratelli
a réfuté cette hypothèse en montrant notamment que les documents officiels avaient
continué d'être datés par le seul monarchos de Cos. Mais il a, à son tour, avancé une
hypothèse tout aussi fragile, en supposant qu'il pouvait y avoir un rapport avec le
droit de chaque dème d'interdire aux concitoyens d'autres dèmes l'accès à certains de
leurs cultes: une demande calymnienne en ce sens aurait été rejetée par les Isthmiens,
"gardiens des plus anciennes traditions religieuses de l'île"; l'abolition de ce droit
d'interdiction serait à l'origine du rétablissement de la concorde. Plus séduisante est
l'hypothèse émise récemment par K. Höghammar216, pour qui les trois documents
pourraient être rapprochés des troubles internes que connut 111e dans les premières
décennies de la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère. Ces années furent en
effet marquées par le retour du tyran Nikias et par de sérieuses querelles avec les
principaux leaders politiques de 111e217, parmi lesquels, selon Strabon (XIV, 2, 19),
une certain Théomnèstos, un harpiste renommé. Or ce Théomnèstos pourrait être
originaire d'Isthmos, comme le suggérait R. Herzog218. On devine aisément le
raisonnement de K. Höghammar, qui conclue: "If Théomnèstos, the opponent of
Nikias, is identical with the Théomnèstos from Isthmos, perhaps the discord
213 Op. cit. (note précédente), p. 28-29, no XXVTI. Voir également la discussion de K.
Höghammar, op. cit. (note 21 1), p. 40-41.
214 Ibid., no XXVI.
21^ Cf. M. Segre {ibid., no XXVII) qui écrit: "... ilium Calymnium, qui in urbe Coo Concordiae
templum dedicauit (test. XXVI)".
216 Op. cit. (note 21 1), p. 99-103; cf. aussi p. 40-41.
Δ1 Sur ces événements peu connus, voir S.M. Sherwin-White, op. cit. (note 91), p. 141-145.
218 HZ, 125 (1922), p. 214, note 4.
LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α ET LA CONCORDE DANS LA CITE 51
between the citizens was one between the supporters of Theomnestos, probably to a
large extent consisting of Isthmiotes, and the supporters of Nikias, i.e. the other
citizens and among them in particular the Kalymnians. The adoption of
Apollodoros, son of Python, and Pamphilos, son of Parmeniskos, by Koans may
have formed part of the series of events as may also the acts which led to their being
honoured by the Kalymnians as well as by the entire demos of Kos"219. Cela
semble plausible.
Mais en fait, rien n'indique que les trois documents soient contemporains:
chacun peut donc évoquer un conflit particulier, sans lien avec les autres. D'autre
part, seule la statue d'Homonoia exprime clairement une mésentente entre Isthmiens
et Calymniens: la dédicace de Zôpyros concernait non pas les Calymniens seuls,
mais apparemment tous les dèmes de Cos. Il me paraît plus sage d'admettre que la
nature exacte de ces conflits nous échappe, comme c'est souvent le cas avec les
dédicaces à Homonoia. Il est indiscutable, en revanche, que les conflits étaient
internes et concernaient, au moins dans les deux premiers cas, les relations entres les
différents dèmes de la cité. Ils marquent des réconciliations dans lesquelles Zôpyros
et Pamphilos ont peut-être joué chacun un rôle déterminant. En tout cas, ils sont de
nouvelles preuves de la popularité du culte d'Homonoia à Cos.
C allât is
Des conflits entre oligarques et démocrates furent peut-être à l'origine de
l'érection d'un temple d'Homonoia à Callatis dans le Pont-Euxin. Le culte y est
attesté par un fragment de décret220, daté des années 12-19 de notre ère, en l'honneur
d'Aristôn fils d'Aristôn, évergète bien connu dans l'épigraphie callatienne, qui "avait
fourni des fonds à ses frères en religion, les aidant à célébrer telle procession
solennelle et s'assurant ainsi leur reconnaissance durable"221. Le décret devait être
déposé dans le temple (ou le sanctuaire) d'Homonoia (1. 18-21):
πατρίδα, ένγράψαι [δε το]
[ψάφιίσμα εις τελαμώνα λευκίου]
20 [λίθου] και άναστ[ή]σα[ι εις τον]
[ναόν τ]α[ς] 'Ομονοίας.
certaine surprise à voir lefoedus entre Rome et Callatis exposé dans le temple de la
Concorde plutôt que dans celui de Jupiter Capitolin, selon la coutume227. Mais G.
De Sanctis rappelle que le grand temple avait été lourdement endommagé par un
incendie lors de la prise de Rome par S y lia en 83 et qu'il n'avait été consacré de
nouveau qu'en 69, d'où l'impossibilité d'utiliser l'édifice pour l'exposition des
documents durant cette période228. Cette explication ne tient que si le traité date
bien de 71 (supra, note 224) et tout cela n'explique pas pourquoi un exemplaire latin
fut retrouvé à Callatis.
Est-il possible d'expliquer et de dater la présence d'un temple d'Homonoia à
Callatis ? A cette question D.M. Pippidi a consacré tout un article229. Ses
conclusions tendent à faire remonter l'érection du temple au IIe siècle av. J.-C. et à la
rapprocher d'une crise politique qu'aurait connue la cité pontique. Il s'est inspiré
d'une inscription oraculaire de Callatis, datée du IIe siècle av. J.-C, qu'il a publiée en
1962 et dont je reproduis ici les lignes 3-1 1230:
Πυ[θίου 'Απόλλωνος χρησμοί]
4 ό θεός έΊχρησε λώϊον και άμεινον ειμεν
Θέμιτι Άγίοραίαι, Έρμεί Άγοραί-]
ωι Άφροδίτα[ι Άγοραίαι ]
των έπιβουλίευοντων ]
8 ό θεός έχρησε [λώϊον και αμεινον ειμεν]
Άθάναι 'ϊττερδίεξίαι ? Δ]-
[ijî ΆίΓοτροτταΙίωι Ποσειδών-]
[ι] Άσφαλείίωι ]
Le raisonnement de D.M. Pippidi repose sur deux points. D'abord, toutes les
divinités évoquées dans l'oracle concernent la protection de la cité. Les trois
premières (1. 5-6), Thémis Agoraia, Hermès Agoraios et Aphrodite Agoraia, "sont de
celles", écrit-il, "qui à des titres divers président aux activités de l'Agora, centre
politique et religieux de toute πόλις digne de ce nom"231. Les trois autres, d'après
les épithètes qui leur sont attribuées (1. 9-11), "Athéna qui étend sa droite sur la
cité", "Zeus qui détourne les maux" et "Poséidon qui dispense la sécurité", doivent
être à juste titre considérées comme protectrices de la cité. Ainsi, poursuit-il, "il est
clair que l'Oracle a dû être consulté à un moment où les Callatiens se sentaient
sérieusement menacés, - que ce soit avant ou après la crise dont ils redoutaient les
Ήράκλειαν και αυτός έν τώι του Διός Ίερώι; celles du traité passé entre Rome et Maronée
au Π" siècle avant notre ère (AD, 28 (1973), Chron. 2 (1978), p. 464), ανατεθήναι έν μεν ' Ρώμη
έν Τ(ψ Καττετωλίψ, έν δέ Μαρωνείαι έν τώι Διονυσίωι.
227 Loc. cit. (note 225: Scythica Minora), p. 183.
22° Op. cit. (note 225). Ce point de vue est confirmé par A. Degrassi, loc. cit. (note 224), p.
438-442.
Z&Loc. cit. (note 225: Scythica Minora).
23^ "Inscription oraculaire de Callatis", BCH, 86 (1962), p. 517-523; id., Scythica Minora, p.
131-137; id., loc. cit. (note 225: Scythica Minora), p. 189, lignes 3-11. Cf. Bull, épigr., 1964, 288.
231 Loc. cit. (note 225: Scythica Minora), p. 190.
54 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
effets, - et il est tout aussi clair que les χρησμοί d'Apollon ont dû être gravés à
peine le péril en question a-t-il été conjuré. Le recours aux conseils et à l'autorité du
dieu de Delphes à des moments difficiles de la vie des individus ou des collectivités
est trop connu pour qu'il soit nécessaire d'insister"232. Par ailleurs, le rôle de
Thémis dans les activités judiciaires et surtout d'Aphrodite Agoraia dans le
fonctionnement des magistratures laissent croire à un conflit intérieur233.
Le second point, qui paraît confirmer cette hypothèse, est la lecture, qui semble
assurée234, du mot έπιβουλίεύοντων] à la ligne 7. Les Callatiens auraient donc
été victimes, quelque part au IIe siècle, d'un complot que D.M. Pippidi est fortement
tenté d'attribuer à d'éventuels conflits opposant oligarques et démocrates. Le
rétablissement de l'ordre et de l'entente civique par les autorités en charge auraient
donné lieu à la construction d'un temple d'Homonoia.
Malheureusement, comme l'a avoué l'auteur lui-même, cette belle
démonstration ne peut être étayée d'aucune façon, l'histoire interne de Callatis au IIe siècle
échappant presque entièrement à notre connaissance. On doit simplement convenir
que, si la cité a réellement été le théâtre de tels événements, ceux-ci auraient été
favorables à l'érection d'un temple d'Homonoia. En fait, seule la découverte
éventuelle de documents plus précis permettrait d'établir une telle datation. Aussi
suis-je surpris que D.M. Pippidi ait plus tard considérée comme acquise l'existence
d'un ιερόν της ' Ομόνοιας dès le IIe siècle av. notre ère235. A mon avis, la seule
certitude est son existence au début du Ier siècle ap. J.-C.
Cyrène
Daterait également de ce siècle une statue d'Homonoia consacrée à Cyrène par
des nomophylaques et leurs secrétaires236:
Νομοφ[υλ]ακες
ol έφ' ιαρ[ευς] Ξοΰθω
232 ibid.
233 Sur ce rôle précis de Thémis et d'Aphrodite Agoraia, on trouvera toutes les références utiles
chez D.M. Pippidi, ibid., p. 190, notes 45-46. On consultera notamment F. Sokolowski, loc. cit. (note
166), p. 1-8.
Li* Lecture suivie par S. J. Saprykin, Héraclée du Pont et Chersonnèse Taurique. Relations entre
métropole et colonie du VIe au Ier s., Moscou, 1986, p. 166 (en russe); non vidi, mais voir J.
Vinogradov, Bull, épigr., 1990, 577, qui d'ailleurs tend plutôt à restituer im βουλίευτηρίωι]; même
lecture chez A. Avram et F. Lefèvre, "Les cultes de Callatis et l'oracle de Delphes", REG, 108 (1995),
p. 13-15.
235 Loc. cit. (note 225: Scythica Minora), p. 184; et loc. cit. (note 224), p. 193.
236 E. Ghislanzoni, RAL, 1925, p. 421, fig. 9; commentaires p. 426, no IV (SEG, K1, 135).
L'éditeur a lu, à la 1. 13, όμονοίαίς ένεκα], lecture justement corrigée par P. Roussel {Bull, épigr.,
1926, p. 287) qui y a vu une statue d'Homonoia, à l'instar des autres inscriptions publiées par E.
Ghislanzoni (p. 418-420) où les nomophylaques dédient des statues d" Αγαθά Τιίχα, d" Απόλλων
NOMtoç, d"A<|>poôeÎTa Νουοφυλακίς et ^Άφροδείτα. G. Oliverio a proposé de lire, dans
l'apparat du SEG, ' Ομόνοια! ν Σεβαστών?] , restitution possible, mais invérifiable.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 55
ΊσίδωροΙς Έ]τεόίρχω,
4 Κλητόμαϊχος Κλίητομάχω,
Νίκιππος Άριστοβοΰλω,
Ευνικος Ευίππω,
Βίων Ίσογόνω,
8 Ηλιόδωρος Ήλιοδώρω*
γραμματές
Μουσαίος Μουσαίω,
Σώστρατίος — ]
12 θαλίαρχίος - - ]
Όμόνοιαίν — ]
άνϊέθηκαν].
"Les nomophylaques (en charge) sous le prêtre Xouthos, Isidôros fils
d'Etéarchos, Klètomachos fils de Klètomachos, Nikippos fils d'Aristoboulos,
Eunikos fils d'Euippos, Biôn fils d'Isogonos, Hèliodôros fils d'Hèliodôros;
secrétaires Mousaios fils de Mousaios, Sôstratos fils de ..., Thaliarchos fils
de ..., ont consacré (une statue) d'Homonoia."
Cette dédicace paraît évoquer la concorde entre les nomophylaques, qui ont
également consacré, à la même époque, une statue d'Aphrodite, dont les vertus
réconciliatrices ont déjà été évoquées ci-dessus (supra, p. 39), ainsi qu'une statue d'
Άφροδείτα Νομοφυλακίς237, c'est-à-dire, d'après F. Sokolowski, "protectrice du
collège des nomophylaques"238. Mais le texte pourrait aussi évoquer la concorde
générale dans la cité, les nomophylaques ou "gardiens des lois" ayant sans doute un
rôle de ce point de vue. D'ailleurs J. et L. Robert, étudiant les inscriptions
concernant le culte d'Aphrodite, qu'ils considéraient comme une "déesse de la
concorde civique", ont rappelé ces dédicaces cyrénaïques: "il nous semble que ces
dédicaces à une Aphrodite civique ... s'expliquent par le fait qu'Aphrodite est la déesse
de la concorde et de la bonne entente (les nomophylaques de Cyrène élèvent aussi la
statue d'Homonoia)"239. Cette statue atteste donc le culte d'Homonoia à Cyrène au
Fsiècleap.J.-C.
Dorylaion
Si les conclusions précédentes demeurent hypothétiques, il en va autrement
avec une inscription de Dorylaion en Phrygie, où un certain Asklépiadès Diogénès,
fils de Stratonikos, fut, au Ier ou au IIe siècle de notre ère, Ιερεύς της των
γερόντων ' Ομονοίας (1. 11), c'est-à-dire prêtre de YHomonoia des gérontes, dont
237 E. Ghislanzoni, loc. cit. (note précédente), p. 420 (SEG, Di\ 133).
Loc. cit. (note 166), p. 4. L'auteur ajoute que de telles épilhètes "describe really the harmony
of the group in doing their business". Pour l'ensemble des inscriptions dédiées par les nomophylaques,
cf. S.M. Marengo, "L'agora di Cirene e le testimonianze epigrafiche", MEFRA, 100 (1988), p. 98.
239 Bull, épigr., 1959, 325. Cf. ibid., 1962, 264.
56 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Cyzique
A Cyzique, en Mysie, une inscription postérieure au règne des Flaviens nous
apprend qu'un certain Flavius Aristagoras, prêtre de Korè, fit ériger une statue de la
déesse Homonoia à sa patrie241:
θεαν Όμόνοιαν
τή πατρίδι Φλ(άβιος)
'Αρισταγορας
υιός Άρισταγόρου
'ιερωμένος της
Κόρης.
Il s'agit vraisemblablement ici de la concorde interne de la cité, puisque la
statue est dédiée τή πατρίδι. Aucun motif valable ne permet de rapprocher,
comme l'a fait J.H. Mordtmann, cette statue QHomonoia d'une bonne entente
intervenue entre Cyzique, Smyrne et Ephèse242.
Nicée
C'est assurément pour des raisons de discorde civique que le culte d'Homonoia
apparaît dans le discours XXXIX de Dion Chrysostome, adressé aux habitants de
Nicée en Bithynie et intitulé Περί ομονοίας εν Νικαία πεπαυμένης της
στάσεως. Le rhéteur, en effet, termine son allocution en adressant à Homonoia et
aux dieux protecteurs de la cité une prière pour mettre fin à une discorde civile (8):
... εύχομαι δη τορ τε Διονύσω τ<£ προπατορι τησδε της
πόλεως και ΉρακλεΊί τορ κτίσαντι τη'νδε την πόλιν και Διι
Πολιέί και Άθηνςί και 'Αφροδίτη Φιλία και ' Ομόνοια και
Νεμέσει και τοις άλλοις θεοϊς άπο τησδε της ημέρας τήδε τή
πόλει πόθον εαυτής έμβαλεΐν και έρωτα και μίαν γνώμην
και ταύτα βοΰλεσθαι και φρονεΐιν, στάσιν δε και έριδα και
240 Ρ. Wolters, MDAI(A), 22 (1897), p. 481-483, d'après la copie de J. Meliopoulos, avec texte
en majuscules (W. Dittenberger, OGIS, 479; R. Cagnat, IGR, IV, 522). Pour les sept premières lignes
du texte, cf. la restitution fort convaincante de W.H. Buckler ("Auguste, Zeus Patrôos", RPh, 41 (1935),
p. 187), à qui l'on doit la restitution [Διογίένης (1. 6) dans le texte ci-dessus. La pierre semble
malheureusement avoir disparu. Cf. F. Poland, Geschichte des griechischen Vereinswesens, Leipzig,
1909, p. 501. Ce document, daté du IF siècle de notre ère par P. Wolters et W. Dittenberger, daterait
plutôt, selon W.H. Buckler, du siècle précédent, en raison des iotas adscrits et de l'orthographe Ίέρηα
0. 13).
241 J.H. Mordtmann, "Zur Epigraphik von Kyzikos", MDAI(A), 6 (1881), p. 130, no. 15. Cf. W.
Drexler, Lexicon Röscher, I, 2 (1886-1890), col. 2701, 45-52, s.v. Homonoia; R. Mouterde, Syria, 2
(1921), p. 281. Le monument doit être une base de statue.
242 Suivi par F.W. Hasluck, Cyzicus, Cambridge, 1910, p. 239; contra, W. Drexler (note
précédente).
LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α ET LA CONCORDE DANS LA CITE 57
243 Üben und Werke des Dio von Prusa, Berlin, 1898, p. 364; 367; 373; 382.
244 W. Schmid, RE, V, 1 (1903), col. 866, s.v. Dion; L. Lemarchand, Dion de Pruse. Les oeuvres
d'avant l'exil, Paris, 1926, p. 155; C.P. Jones, op. cit. (note 52), p. 89; 136. C.P. Jones allègue que,
puisque Dion est en Bithynie au moment où il prononce son discours, celui-ci ne peut qu'être postérieur
à son retour d'exil, ce que rejetait L. Lemarchand, pour qui le discours n'était qu'un simple exercice
oratoire.
245 Dio Chrysostom: the Bithynian Years", AC, 53 (1984), p. 170; 173 {Chronological Summary).
246 Cf. C.P. Jones, op. cit. (note 52), p. 136; A.R.R. Sheppard, loc. cit. (note précédente), p. 170-
171. On peut se demander, si le discours n'avait été, comme le croyait L Lemarchand (pp. cit. [note
244]), qu'un simple exercice oratoire, pourquoi Dion l'aurait abrégé sous prétexte de son état de santé.
247 Cf. C.P. Jones (note 52), p. 139; A.R.R. Sheppard (note 245), p. 170; 173.
24° XXXIX, 6: ομοίως δε και νσυς rfnç αν μετά ομονοίας itXét] του κυβερνι^του
και των ναυτών, auTif τε σάζεται και σο^ζει τους έμπλέοντας ... το αοτο τοΰτο
58 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
réalité, le conflit devait opposer les dirigeants au peuple. C.P. Jones propose d'y
voir un désaccord entre la boulé, que contrôlaient les riches, et l'assemblée, à laquelle
avaient accès les moins bien nantis249. L'hypothèse, certes vraisemblable, est
malheureusement invérifiable. En fait, comme le poids politique de l'assemblée dans
les cités grecques a décru sous l'empire romain250, il n'est pas rare que d'importantes
dissensions éclatent entre les deux partis. A propos de Tarse, en Cilicie, Dion
(XXXIV, 16) rapporte, sans autre précision, la mésentente entre la boulé, le démos
et la gérousia2Sl. Le discours XL VIII, adressé aux habitants de Pruse, montre lui
aussi le mécontentement de l'assemblée envers la boulé dont les membres, qui
détiennent les fonds publics, ne respectent pas leur promesse de contribuer à
l'embellissement de la cité252. A Nicomédie, à une époque plus tardive, une
monnaie de Marc-Aurèle (161-180) porte la légende ΒΟΪΛΗ, ΔΗΜΟΣ,
ΟΜΟΝΟΙΑ, légende que l'on trouve aussi à Nicée, sur une monnaie de Gordien III
(238-244)253. Egalement révélatrice est une monnaie de Julia Maesa (218-223),
provenant de Tios, toujours en Bithynie, sur laquelle figurent Boulé et Démos qui,
en signe de réconciliation, se serrent la main au-dessus d'un autel (a'Homonoial); on
y lit l'inscription ΒΟΥΛΗ, ΔΗΜΟΣ, ΤΙΑΝΩΝ254. De même, sur des monnaies
de Claude II (268-270) frappées à Sagalassos, en Lycie, figurent Boulé et Démos se
serrant la main avec l'inscription ΣΑΓΑΛΑΣΣΕΩΝ ΒΟΪΛΗ ΔΗΜΟΣ255. Quant
à la nature de ces querelles, on peut songer, comme l'a montré G. Salmeri, à la
famine, à l'augmentation des prix ou au maintien de prérogatives que l'on désire
abolir256. De telles circonstances incitaient parfois les citoyens à envisager les
solutions les plus radicales: ainsi, à Pruse en Bithynie, à la suite d'une famine
έττι άρματος* ctv μέν δ θ' ηνίοχος άρχει ν έπίστηται κατά τρόπον ο'ί τε ίπποι
όμοφρονοοντες και πειθόμενοι ώσιν. έλπίς έστιν εν μέν άγώνι νικαν, έν δέ πολέμω
σ^ζεσθαι τό τοιούτον άρμα* στάσεως δέ κα\ ταραχής ένοΰσης, τοσούτω μείζων ό
κίνδυνος ... Notons l'emploi du mot στα" σι ς dans le dernier exemple.
249 Op. cit. (note 52), p. 90.
250 Cf. I. Lévy, "Etudes sur la vie municipale de l'Asie Mineure", REG, 8 (1895), p. 218; A.H.M.
Jones, The Greek City from Alexander to Justinian, Oxford, 1940, p. 175 et s.
251 Cf. C.P. Jones, op. cit. (note 52), p. 80; S. Mitchell, Anatolia. Land, Men, and Gods in Asia
Minor, I, Oxford, 1993, p. 203. Le discours XXXIV de Dion est daté de 100 ou après par C.P. Jones
{ibid., p. 136), de 107-109 par A.R.R. Sheppard {loc. cit. (note 245), p. 173).
252 Cf. G. Salmeri, "Per una biografia di Dione di Prusa: politica ed économie nella Bitinia
impériale (Ι-Π sec. D.C.)", SicGymn, 33 (1980), p. 683. Sur la datation du discours XLVTII, cf. supra,
note 247.
253 Nicomédie: Recueil, I, p. 529, no 95, pi. XCI, 16; Nicée: ibid., p. 488, no 710, pi. LXXXV, 3.
Cf. W. Ruge, loc. eu. (note 53: Nikomedeia), col. 481; ibid., col. 236-237 (Nikaia).
254 SNG Von Aulock, Heft 15, no 7183, pi. 248, 7183. Cf. P.R. Franke, Kleinasien zur Römerzeil.
Griechisches Leben im Spiegel der Münzen, München, 1968, p. 17.
255 BMC Lycia, p. 250, 53-54, pl. XXXVHI, 13. Cf. K.W. Harl, Civic Coins and Civic Politics in
the Roman East (AD. 180-275), Berkeley-Los Angeles-London, 1987, p. 77.
256 Loc. cit. (note 252), p. 684.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 59
désastreuse qui engendra une hausse des prix, il est question de brûler les demeures
des riches et même leurs propriétaires et leur famille257.
Mais, quelle que soit la nature du conflit évoqué par Dion, cette stasis était
certainement propre à Nicée et il semble bien qu'au moment du discours elle battait
encore son plein. Qu'Homonoia ait alors été implorée avec des divinités bien
attestées à Nicée258 y révèle l'existence relativement ancienne de son culte259.
A cette époque, beaucoup de réflexions sur la concorde civique sont marquées
par la crainte de l'intervention romaine dans les affaires des cités. Les appels de Dion
à la concorde traduisent souvent la crainte constante de voir ces interventions miner
l'autonomie relative des cités: l'orateur ne manque pas de rappeler aux habitants de
Pruse qu'en aucun cas leurs dissensions internes ne devaient parvenir aux oreilles des
gouverneurs romains (XL VI, 14)260. Aussi ne cesse-t-il, dans ses nombreux
discours, d'exhorter ses concitoyens à la concorde. Le même souci est perceptible
chez Plutarque, son contemporain, pour qui l'intervention de Rome dans les affaires
intérieures des cités privait de leur pouvoir la boulé, l'assemblée et les tribunaux261.
Les autorités romaines intervenaient en effet en cas de désordres et leur contrôle
s'étendait même aux finances des cités262. D'après Plutarque (Préceptes politiques,
815 A), la principale cause en était l'ambition et la volonté de dominer des notables
(πλεονεξία και φιλονικία των πρώτων)263 qui, par les préjudices qu'ils
causaient aux moins bien nantis (τους έλάττονας) ou par leurs rivalités
personnelles, incitaient les citoyens de différentes classes à réclamer l'ingérence
romaine264. Aussi prône-t-il ouvertement, lui aussi, l'amitié et la concorde dans la
cité. Pour lui, alors que les guerres entre Grecs ou avec les Barbares ne sont plus, il
257 Dion, XLVI, 1 1. Le discours date de 70-80 selon C.P. Jones (op. c'a. (note 52), p. 134).
258 Cf. W. Ruge, loc. cit. (note 53: Nikaia), col. 239-240.
ijy Pour le monnayage nicéen et la divinité, cf. ci-dessous, chap. V.
260 Pour Dion et l'ingérence romaine, cf. G. Salmeri, loc. cit. (note 252), p. 686-690; N. Méthy,
loc. cit. (note 52), p. 183 et s. Sur les difficultés des cités bithyniennes avec les autorités romaines, cf.
M.H. Quet, "Rhétorique, culture et politique. Le fonctionnement du discours idéologique chez Dion de
Pruse et dans les Moralia de Plutarque", DHA, 4 (1978), p. 54 et principales références p. 85, notes 57-
58; S. Mitchell, op. cit. (note 251), p. 203-204.
261 Préceptes politiques, 815 A: ... και βουλή και δήμος κα\ δικαστήρια κα\ αρχή
πάσα τήν έξουσίαν άπόλλυσι. Ces préceptes sont adressés à un jeune aristocrate de Sardes et
portent essentiellement sur les disputes entre factions et sur le maintien de la concorde, objectif
principal, selon Plutarque, de l'homme politique. Sur les discours de Dion et les Moralia de Plutarque,
cf. M.H. Quet, loc. c'a. (note précédente), p. 51-77.
262 Cf. G. Salmeri, loc. cit. (note 252), p. 688, note 59.
* J Dion utilise les mêmes ternies lorsqu'il parle des causes de la discorde interne (XXXIV, 19:
φθόνου, πλεονεξίας, φιλονεικίας).
Sur les discordes internes entre les notables des cités grecques et les commentaires de
Plutarque, cf. J.H. Oliver, The Ruling Power; a Study of the Roman Empire in the Second Century after
Christ trough the Roman Oration ofAelius Ar istides, Philadelphia, 1953, p. 953-958 ÇTAPhS, N.S., 43,4);
Ε. Valgiglio, Plutarco. Praecepta gerendae reipublicae, Milano, 1976, p. 112-113; H. Pavis d'Escurac,
"Périls et chances du régime civique selon Plutarque", Klèma, 6 (1981), p. 287-300.
60 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
ne reste plus à l'homme politique qu'à "faire naître toujours une concorde et une
amitié mutuelles entre les concitoyens, à éliminer querelles, dissentiments et toute
hostilité"265. Vu l'état de faiblesse de la Grèce, écrit-il plus loin, il est préférable
aux Grecs "de vivre dans la paix et dans la concorde" (824 Ε: μεθ' ησυχίας και
ομονοίας καταβιώναι). En tout temps, l'homme politique doit se montrer un
médiateur conciliant, capable d'enrayer tout élément de discorde de nature à
compromettre l'autonomie précaire de la cité (824 A-825 D). Manifestement, le
pouvoir des notables, dont les prérogatives se maintiennent tant et aussi longtemps
que subsiste le consensus avec les autorités romaines, dépend souvent de leur
capacité à maintenir et à garantir l'ordre et la concorde civique dans les cités. En
somme, ils ont tout intérêt à les préserver266.
Mais les conseils répétés de Dion furent vains. Le cas de la Bithynie est le
plus remarquable. Devant le désordre incessant que connaissait la province,
l'empereur Trajan délégua en 110 Pline le Jeune, avec titre de légat et mission de
contrôler le gouvernement de la province. Sa correspondance avec l'empereur illustre
de bien des façons la complexité d'une telle tâche267. Selon A.N. Sherwin-White,
ces lettres, comme les discours de Dion, montrent que "the popular disorders were
directed against the civic authorities rather than the proconsuls, and the factions
among the upper classes were concerned with personal feuds and ambitions within
the civic framework ,.."268.
Or, la situation décrite par Dion et Plutarque n'a guère évolué au cours des
décennies suivantes. Dans un discours, daté de 149, qu'il adresse aux citoyens de
Rhodes alors en crise (XXIV. ' Ροδίοις περί ομονοίας), Aelius Aristide reprend
pour ainsi dire les mêmes propos que ses prédécesseurs, rappelant aux Rhodiens les
maux innombrables engendrés par la discorde entre citoyens et le danger de
l'intervention romaine269. "Si les choses continuent ainsi, dit-il, vous risquez fort
d'être privés de cette prétendue liberté et, si vous n'y consentez de bonne grâce,
d'autres interviendront qui vous sauveront malgré vous, par la force, car la situation
est telle qu'il n'est pas permis aux gouvernants de l'ignorer ou de n'y pas accorder
d'importance" (22)270. Les conseils qu'il prodigue rejoignent les allusions de
265 824 D: ... όμόνοιαν έμττοιεΐν και φιλίαν ττρός αλλήλους α ει τοις
συνοικουσιν, έριδας δε και διχοφροσΰνας και δυσμένειαν έξαιρείν απασαν ...
266 Voir, en dernier lieu, tout le chapitre ΙΠ de l'ouvrage de K.W. Harl (op. cit. [note 255]) qui y
discute des notables et surtout des monnaies frappées par les cités, signes de leur autonomie.
267 Cf. A.N. Sherwin-White, The Utters of Pliny, Oxford, 1966, p. 527. De façon générale, voir
aussi L. Vidman, Etude sur la correspondance de Pline le Jeune avec Trajan, Praha, 1960; B. Levick,
"Pliny in Bithynia - and what followed", G&R, 26 (1979), p. 1 19-131; S. Mitchell, op. cit. (note 251), p.
203.
268 Op. cit. (note précédente).
zoy Sur la date du discours, cf. C.A. Behr, Aelius Aristides and the Sacred Tales, Amsterdam,
1968, ρ. 74, note 48a.
Λ Trad. A. Boulanger, Aelius Aristide et la sophistique dans la province d'Asie au il' siècle de
notre ère, Paris, B.E.F.A.R., fasc. 126, 1923, p. 375. Comme l'a fait remarquer avec raison A.
LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α ET LA CONCORDE DANS LA CITE 61
Plutarque: il faut "que d'un côté comme de l'autre, disparaissent jalousie (φθόνος) et
volonté de dominer (πλεονεξία), j'entends jalousie des petits pour les grands et
volonté de dominer des grands sur les faibles" (32).
Nous verrons que les Romains avaient, autant que les Grecs, intérêt à préserver
la concorde entre les citoyens, préférant le gouvernement par consensus, politique
qu'ils chérissaient, à l'intervention armée qui entraînait le maintien et l'entretien de
troupes dans les cités271. Ce souci transparaît peut-être sur une monnaie de Philippe
l'Arabe (244-249), émise à Edesse en Macédoine, dont le revers présente la déesse
Rome assise sur un trône et portant une corne d'abondance, avec l'inscription
ΟΜΟΝΟΙΑ ΕΔΕΣΣΑΙΩΝ272.
Ephèse
Les disputes entre la boulé et le démos, ont naturellement donné lieu à des
débats et à des discussions, parfois houleux et pittoresques, dans les conseils et les
assemblées, qui ont parfois dû dégénérer en bousculades, en violences verbales et
physiques. Or il semble que les Ephésiens, au second siècle de notre ère, aient tenté
d'inciter les membres du conseil et de l'assemblée à se réunir dans l'harmonie et le
calme en installant, dans les lieux de réunion, des monuments consacrés à
Homonoia. C'est du moins ce que donne à penser l'importante inscription relative à
la fondation de Vibius Salutaris, que l'on date de 104 ap. J.-C. et qui était gravée sur
l'un des murs du théâtre. L'une des nombreuses prescriptions de la fondation nous
apprend, en effet, la présence d'une image273 d'Homonoia dans le théâtre, là où se
tenaient les assemblées274 à l'époque romaine (1. 437-440)275:
Boulanger (ibid.), "cette allusion fort claire à l'intervention probable de l'autorité romaine est d'autant
plus significative que, plusieurs fois déjà, les Rhodiens avaient payé leur turbulence de la perte de leur
liberté". Cf. Tacite (Annales, ΧΠ, 58) qui écrit que cette liberté, les Rhodiens "l'avaient souvent perdue
et recouvrée selon qu'ils nous avaient servis dans nos guerres ou offensés par leurs séditions".
271 Sur les troupes dans les cités, cf. Pline le Jeune, Lettres, livre X, 22-23; 52-53; 77-78; 100-
103.
272 BMC Macedonia, p. 40, no 28.
273 Sur le sens et l'interprétation du mot ε'ικών, cf. L. Robert, REA, 62 (1960), p. 316-324 (=
OMS, Π, p. 832-840); K. Koonce, AJP, 109 (1988), p. 108-110; ainsi que CM. Rogers, The Sacred
Identity ofEphesos, London-New York, 1991, p. 117, note 15.
274 Cf. G.M. Rogers, "The Assembly of Imperial Ephesos", ZPE, 94 (1992), p. 224-228,
particulièrement p. 227.
Λ Je ne signale ici que les éditions complètes: J.T. Wood, Discoveries at Ephesos (Appendix),
Inscriptions front the Great Theatre, I (1877), p. 2-43, no 1; E.L. Hicks, GIBM, ΠΙ, no 481; R.
Heberdey, Forschungen in Ephesos, Π, Wien, 1912, no 27; F.H. Marshall, GIBM , IV (Appendix), no
481*; J.H. Oliver, The Sacred Gerousia, Princeton, Hesperia, Suppl. 6, 1941, p. 55-69, no 3, avec
traduction anglaise; H. Wankel, Inschriften von Ephesos, no 27, avec traduction allemande; G.M.
Rogers, op. cit. (note 273), p. 152-185, avec traduction anglaise; cet ouvrage est entièrement consacré
à cette inscription. Pour un lemme complet et détaillé, cf. H. Wankel, chez qui l'on trouvera également
une imposante liste de références (p. 170).
62 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Orchomène
La même volonté pourrait aussi expliquer la présence, à une époque
indéterminée, d'un autel portant la simple inscription 'Ομονοίας dans le théâtre
d'Orchomène d'Arcadie277; en tout cas cet autel atteste l'existence du culte dans la
cité. Un tel recours à la divinité n'est pas sans rappeler, à Rome, un épisode de 154
av. J.-C, relaté par Cicéron, selon lequel le censeur C. Cassius transféra une statue
de Concordia dans la curie, désirant dédier celle-ci à cette déesse afin "d'inciter les
sénateurs à émettre leur avis sans passion partisane (sine studiis dissensionis), en
plaçant le temple même où siégeait le conseil de l'Etat sous l'autorité sacrée de la
Concorde"278.
276 E.L Hicks, GIBM, m, 600; C. Böiker & R. Meikelbach, Die Inschriften von Ephesos, V, no
1600. Cf. notamment R. Merkelbach, ZPE, 36 (1979), p. 155-156.
277 G. Steinhauer, AD, 29 (1973-1974) [1979], p. 301, pi. 193 b {BCH, 104 (1980), p. 605; SEG,
XXIX, 399; L. Dubois, Recherches sur le dialecte arcadien, Π, Louvain-la-Neuve, 1986, p. 180-181,
no 1 8). Cf. M. Jost, Sanctuaires et cultes d'Arcadie, Paris, 1 985, p. 1 1 5 et 53 1 .
278 De domo sua, LI, 131; traduction de P. Wuilleumier, Paris, les Belles Lettres, 1952. Cf. aussi
De domo sua, XLDC, 130, LJI, 136-137. Voir H.H. Scullard, Roman Politics 220-150, Oxford, 1951, p.
232-233, qui croit que le transfert d'une statue de la Concorde dans la curie "may have been designed
to hide from the People the serious lack of Concordia among the senators on domestic issues".
LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α ET LA CONCORDE DANS LA CITE 63
Alexandrie
D'autres genres de conflits internes sont peut-être à l'origine d'émissions
monétaires bien particulières que l'on trouve à Alexandrie d'Egypte, à l'époque de
Trajan. Une série de drachmes, s'échelonnant de 109 à 1 14, montrent au revers une
Homonoia, debout, couronnée d'épis, vêtue d'un chiton et d'un peplos, tenant une
double corne d'abondance et serrant la main a'Eirènè, qui tient une corne d'abondance;
on y lit, outre la date, l'inscription ΕΙΡΗΝΗ ΚΑΙ ΟΜΟΝΟΙΑ (pi. Ill, 4)279. A
ces pièces doit être ajoutée une frappe également particulière, datée de 1 12-1 13, où
figure Homonoia, debout, vêtue d'un chiton et d'un peplos, tenant des épis, des
coquelicots et une double corne d'abondance; l'inscription est la suivante:
ΟΜΟΝΟΙΑ ΠΟΛΕΟΣ280.
Ce monnayage est unique: Homonoia est connue, certes, dans le monnayage
d'Alexandrie de Néron à Dioclétien (infra, chap. V), mais seules les émissions de
Trajan représentent Eirènè et Homonoia, bien identifiées par l'inscription. Tout
aussi unique est la pièce portant l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ ΠΟΛΕΟΣ, allusion
indiscutable à la concorde civique. Manifestement, l'unicité de telles émissions doit
correspondre à des événements marquants de l'histoire alexandrine à cette époque. Or,
c'est en 115-117, qu'eut lieu à Alexandrie l'une des plus importantes révoltes juives
de la Diaspora. Les tensions entre Grecs et Juifs avaient dégénéré en massacres, qui
s'étaient bientôt étendus à toute l'Egypte. Or, il est probable que ces hostilités
remontaient à un certain temps. Les Acta Hermaisci font d'ailleurs état d'ambassades
juives et grecques envoyées à Rome auprès de Trajan, à la suite d'un litige dont la
nature nous échappe281. La date de ce document n'est pas connue et a fait l'objet
d'une hypothèse qui nous intéresse particulièrement, celle de W. Weber282. Selon
celui-ci, les Acta seraient à rapprocher des troubles évoqués par Dion dans son
discours XXXII, adressé à la population d'Alexandrie. Datant ce discours de 108-
1 12, W. Weber situait les Acta dans les années immédiatement postérieures, entre le
printemps 111 et le printemps 1 13, en raison notamment de l'attitude différente de
l'empereur envers les Alexandrins dans les deux documents. Il en rapprochait aussi
les monnaies d'Eirènè et d'Homonoia et celle portant l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ
ΠΟΛΕΟΣ283.
Mais deux arguments de poids sont généralement invoqués à rencontre de cette
théorie. D'abord, le discours de Dion ne fait aucune allusion explicite à un conflit
279 Dattari, no 862-869; BMC Alexandria, p. 52, no 428-434, pi. Vm, 434; Geißen, no 603-604;
641-642; cf. A. Shapiro, toc. cit. (note 73), p. 478, no 27.
280 Dattari, no 919, pi. XVI; Geißen, no 613.
281 Pap. Oxyr., X, 1242. Cf. H.A. Musurillo, The Acts of the Pagan Martyrs, Oxford, 1954, p.
44-48, et commentaires p. 161-178.
282 "Gerichtsverhandlung vor Traiana", Hermes, 50 (1915), p. 76-80; suivi notamment par H.I.
Bell, "Anti-Semitism in Alexandria", JRS, 31 (1941), p. 14.
283 hoc. cit. (note précédente), p. 77; 80. Cf. M. Rostovtzeff, "Pax Augusta Claudiana", JEA, 12
(1926), p. 26-27.
64 LE CULTE ΌΉ0ΜΟΝΟ/Α DANS LES CITES GRECQUES
entre Juifs et Grecs284: l'orateur n'y critique que la turbulence et l'attitude déplorables
des Alexandrins lors des représentations théâtrales et des courses de chevaux.
Ensuite, la date même du discours est loin de faire l'unanimité. Déjà, en 1926, L.
Lemarchand optait pour une datation antérieure à l'époque de Trajan, voire à celle de
Titus285. Plus récemment, CP. Jones est probablement le plus opposé à la date
communément admise, rapportant le discours à l'époque de Vespasien286. On ne
peut trancher avec certitude. La théorie de W. Weber se révèle donc fragile. Il reste
toutefois que les Ac ta, mentionnant la présence de Trajan à Rome, sont
nécessairement antérieurs à 113, date du départ de Trajan pour l'Orient d'où il ne
devait plus revenir, et qu'ils pourraient bien avoir un lien, plus ou moins étroit, avec
l'insurrection de 1 15-1 17. Ils prouvent, en tout cas, que des frictions entre Grecs et
Juifs existaient bien avant 115. Aussi suis- je enclin à croire que nos monnaies,
uniques et bien datées de 109-114, correspondent aux troubles de ces années.
Homonoia et Eirènè auraient été mises à contribution, soit pour célébrer une
concorde et une paix momentanément rétablies, soit pour inciter Juifs et Grecs à
vivre en harmonie.
Olympie
Des troubles internes expliquent peut-être la présence d'un autel d'Homonoia à
Olympie à l'époque de Pausanias. En effet, dans la description et rénumération des
autels de l'Altis, nous trouvons cet unique et bref témoignage (V, 14, 9):
'Εφεξής δε 'Ομονοίας βωμός και αύθις 'Αθήνας ...
"Ensuite un autel d'Homonoia et un autre d'Athéna ..."
On le voit, cette brève mention ne donne aucun indice sur l'origine de l'autel ni
sur la raison de sa présence à Olympie287. Là, fut toutefois découvert, dans le
dernier tiers du XIXe siècle, un imposant pilier portant l'inscription ^αλείων περί
όμονοίαρ (Inschriften von Olympia, 260): "(Offrande) des Eléens au sujet de la
concorde". Ce pilier, que R. Weil a rapproché à tort de l'autel d'Homonoia évoqué
par Pausanias288, provient sans doute, comme l'ont montré W. Dittenberger et K.
284 Cf. H.A. Musurillo, op. cit. (note 281), p. 166-167; CP. Jones, "The Date of the Dio of
Pnisa's Alexandrian Oration", Historia, 22 (1973), p. 304.
285 Op. cit. (note 244), p. 86-110, particulièrement, p. 102-1 10.
2%6Loc. cit. (note 284), p. 302-309; id., op. cit. (note 52), p. 36-44; 134. Contra, J.F. Kindstrand,
"The Date of the Dio of Pnisa's Alexandrian Oration- a Reply", Historia, TJ (1978), p. 378-383.
*° ' Selon L. Weniger ("Die monatliche Opferung in Olympia. I. Die Opferordnung", Klio, 9
187
(1909), p. 295, no 27 et plan, p. 302 et s.), l'autel d'Homonoia était situé au nord du Temple de Zeus, à
peu près à mi-chemin entre l'Héraion et le Métroon. Cf. aussi W. Dörpfeld, Alt Olympia, I, Osnabrück,
1935, p. 67.
288 "Ueber die Ausgrabungen von Olympia", MDAI(A), 3 (1878), p. 226. R. Weil croyait que
l'autel avait été consacré à Zeus en raison d'un accord interne entre les Eléens. Cf. W. Drexler, loc.
eu. (note 241), col. 2701, 16-27.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CTTE 65
Purgold, d'une statue colossale de Zeus érigée par les Eléens, selon le Périégète (V,
24, 4), à la suite d'une paix conclue avec les Arcadiens en 363 av. J.-C.289. Bien
que l'hypothèse de R. Weil ait été écartée, L. Weniger, développant une idée déjà
émise par K. Wernicke, avança l'hypothèse, dans une série d'articles parus entre 1907
et 1920, que l'autel pouvait avoir été érigé pour le même motif que la statue de Zeus,
soit le règlement du conflit opposant les Eléens et les Arcadiens290. Cette
hypothèse, sans doute attrayante291, demeure cependant fragile, car elle ne repose que
sur un rapprochement invérifiable.
Nicée et Apamée
C'est probablement dans un contexte de discorde civile que doivent être
comprises deux monnaies, l'une de Lucius Vérus provenant de Nicée en Bithynie,
l'autre de Marc- Aurèle provenant d*Apamée en Phrygie. Sur la première, Homonoia
figure assise, tenant une corne d'abondance et une phiale; devant elle se trouve un
autel; comme légende: [0Μ0]Ν0ΙΑ ΝΙΚΑΙΕΩΝ292. La seconde montre la
divinité debout, voilée et vêtue d'un long chiton, bras droit étendu, bras gauche
abaissé; on y lit ΟΜΟΝΟΙΑ ΑΠΑΜΕΩΝ293. Ces inscriptions ne sont-elles pas
une allusion manifeste à un rétablissement de la concorde civique294 ? On peut
présumer que ces pièces étaient destinées à proclamer - ou à promouvoir - la
concorde entre les citoyens.
Pergame
L'hypothèse vaut peut-être aussi pour un autel dédié, au IIe siècle, à Pistis et à
Homonoia par un citoyen de Pergame, conformément à un songe295:
Πίστει και
Όμονοία
Λ. Καστρίκιος
Inschriften von Olympia, 260. Voir ma discussion dans mon article sur l'apparition du culte
d'Homonoia, loc. cit. (note 16), p. 136-137.
290 K. Wemicke, "Olympische Beiträge I", JKDAI, 9 (1894), p. 96; L. Weniger, "Olympische
Forschungen. ΠΙ. Dienst der Muttergöttin und Verwanstes", Klio, 7 (1907), p. 16S. Cf. aussi id., "Die
monatliche Opferung in Olympia. Π. Die Prozession", Klio, 14 (1915), p. 421; id., "Die monatliche
Opferung in Olympia. ΙΠ. Die heilige Handlung", Klio, 16 (1920), p. 1-39. Sur le conflit opposant
Eléens et Arcadiens, cf. Xénophon, Helléniques, VU, 4, 12-35.
291 Comme l'a noté M. Giangiulio (loc. cit. (note 74), p. 985-986), on ne peut lui opposer aucun
argument valable.
292 SNG Von Aulock, Heft 2, no 565, pi. 17, 565.
293 BMC Phrygia, p. 97, no 161.
iy Cest ce que présument, avec raison, C.P. Jones, op. cit. (note 52), p. 186, note 51, et R. Pera,
op. cit. (note 150), p. 124.
295 H. Hepding, MDAI(A), 35 (1910). p. 460-461, no 42 (W. Dittenberger, Sylloge*. 1 148, note
2). Cf. M.P. Nilsson, op. c'a. (note 115), Π, p. 338-339.
66 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
4 Παύλος
κατ' οναρ.
μύστης
Centuripe
De Centuripe en Sicile, provient un bloc très mutilé, du IIe siècle, sur lequel on
lit, en grosses lettres (23 cm)296:
'Ομονοίας
Comme l'a noté M.T. Manni Piraino, la hauteur de ces lettres semble traduire
l'importance de l'inscription, qu'il tend donc à rattacher à une dédicace consacrée à une
divinité et située dans un lieu public. Il est donc possible que ce culte ait un lien
avec la concorde civique. Il est intéressant de noter que ce culte, à moins qu'il ne
s'agisse ici d'une transposition de la Concordia romaine, subsistait toujours en
Sicile, plus de trois siècles après la conquête de l'île.
296 G. Kaibel, IG, XIV, 302; M.T. Manni Piraino, Iscrizioni greche lapidarie del Museo di
Palermo, Palermo, 1973, p. 35-36, no 12, pi. VU, 12. Cf. L. Giangiulio, loc. cit. (note 74), p. 990, note
147.
297 Nicée: BMC Bithynia, p. 162, no 66, pi. ΧΧΧΠΙ, 3; SNG Von Aulock, Heft 2, no 587, pi. 18,
587; Smyrne: Mionnet, IV, p. 153, no 870: buste d'Homonoia.
298 ΟΜΟΝΟΙΑ ΝΙΚΑΙΕΩΝ: Recueil, p. 461, no 496, pi. LXXX, 6; Weiser, p. 369. Abb. 15.
299 ΟΜΟΝΟΙΑ ΠΑΤΑΡΕΩΝ: SNG Von Aulock, Heft 10, no 4384, pi. 143, 4384. Homonoia y
figure debout, vêtue d'un polos, tenant une corne d'abondance et un gouvernail; à ses pieds, un oiseau
entre deux colonnes sur lesquelles deux genii soutiennent un baldaquin. Mais signalons une autre
monnaie de Gordien ΙΠ provenant de Pitanè, en Mésie, montrant une représentation similaire et portant
l'inscripton ΟΜΟΝΟΙΑ ΠΙΤΑΝΕΩΝ, et dont la divinité est identifiée, cette fois, à Tychè (Mionnet,
Suppl.V,p.490tnol241).
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE DANS LA CITE 67
Epidaure
A Epidaure, en 258, un prêtre et hiéromnèmôn d'Asclépios Sôtèr a consacré un
autel d'Homonoia ou une base sur laquelle pouvait être placée une statue
d'Homonoia300:
Ό ιερεύς και ιερομνη-
μων του σωτήρος
'Ασκληπιού Μ. Αύρ. Διονύσιος
4 θεςί Όμονοία κατά κέλευ-
σιν, έτους ρλέ.
"Le prêtre et hiéromnèmôn d'Asclépios, Marcus Aurelius Dionysios (a
consacré cette statue ou cet autel) à la déesse Homonoia, conformément à un
ordre (divin). Année 135."
Encore une fois, on ne peut que conjecturer le lien entre une telle dédicace et la
résolution d'une dispute interne, résolution dans laquelle le personnage aurait peut-
être joué un rôle important.
Bargylia
II en va de même, pour terminer, avec la consécration, à Bargylia en Carie,
d'une porte (ou d'un portail) à Homonoia et à Dionysos301:
Έρμίας Σαμιάδου πρυ[τανεΰσας] και άγωνοθετησας Όμονοίαι και
Διονΰσ[ωι]
τον πυλώνα.
"Hermias fils de Samiadès, qui a été prytane et agonothète, a dédié la porte
(ou le portail) à Homonoia et à Dionysos."
Ce document, non daté, pourrait rendre compte d'une discorde interne et du rôle
important joué par Hermias dans sa résolution.
3. Conclusion
L'analyse qui précède permet d'abord de constater que le culte d'Homonoia est
souvent lié, comme nous l'avions pressenti, aux problèmes politiques et sociaux de
la cité. Il en est ainsi, en tout cas, pour les conflits entre démocrates et oligarques et
il n'est pas inutile de rappeler que la première acception du mot ομόνοια semble
liée au bon fonctionnement du régime démocratique à Athènes. Or, le statère de
Métaponte et les drachmes d'argent de Kimissa, peut-être deux des plus anciens
300 Ch. Blinkenberg, Asklepios, Copenhague, 1893, p. 127, no 18 (J. Baunack, Philologus, 54
(1895), p. 19, no 10); M. Fraenkel, IG, IV1, 994; F. Hiller, IG, IV2, 1, 415.
301 LBW, p. 155, no 484-485; C.T. Newton, A History of Discoveries at Halicarnassus, Cnidus
and Branchidae, Π, London, 1863, p. 607, no 1-2; p. 802, no 103 a-b; W. Blümel, Die Inschriften von
lasos, Π.621.
68 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
tous les niveaux305. Rappelons aussi qu'à Ephèse, une image d'Homonoia était
placée dans le théâtre lors de chaque assemblée, veillant au bon déroulement des
assemblées et à la bonne entente des participants. Il en était peut-être de même à
Orchomène d'Arcadie.
D'autres constatations, sur lesquelles je n'insisterai que brièvement, doivent
s'ajouter aux précédentes. D'abord, la présence sur l'agora, centre civico-politique de
la cité, de monuments dédiés à Homonoia, comme à Syracuse et à Kymè, est un
indice de la nature des dissensions qui ont mené à l'érection de ces monuments.
Malheureusement, l'absence de précisions topographiques dans les autres
témoignages empêche de tirer des conclusions sûres. D'autre part, de nombreuses
dédicaces privées révèlent sans doute que les dédicants étaient directement concernés
par le conflit et sa résolution, dans laquelle ils ont pu jouer un rôle déterminant.
Notons aussi la grande popularité du culte, d'une part, en Sicile, au IVe et au IIIe
siècle av. J.-C. (Kimissa, Nakoné, Panormos, Syracuse), popularité probablement
due aux nombreuses crises que connut 111e à cette époque, d'autre part à Cos, où il
est attesté par de nombreux témoignages. On ne saurait passer sous silence, enfin,
l'association, dans la dédicace des hiéropoioi de Cos, d'Homonoia et d'Aphrodite,
déesse à qui l'on prête également des vertus réconciliatrices liées à l'harmonie
civique. Témoignent dans le même sens une statue de Thessalonique élevée au IIe
siècle de notre ère et dédiée à une Aphrodite Homonoia, ainsi qu'une dédicace privée
de Mytilène dans laquelle les patrons et les employés d'une industrie du cuir ont
conjointement offert un portrait de bronze et une statue d'Aphrodite à une Artemis
Thermia Homonoia, soulignant qu'il s'agissait manifestement d'une allusion à un
conflit entre travailleurs, ou entre employés et patrons. L'association de deux
divinités dotées de vertus similaires rappelle, à Rome, les frappes du monétaire L.
Mussidius Longus dans lesquelles on reconnaît Concordia et peut-être une Venus
Cloacina, ou Cluacina, à qui certains savants confèrent des vertus réconciliatrices306.
Ces vertus sont également attestées par Pline l'Ancien (Naturalis historia, XV, 1 19),
Lucrèce (De rerum natura, I, 28-31), par un poète anonyme (Peruigilium Veneris,
72) et par une inscription de Thugga (CIL, VIII, 26471). Mais l'association rappelle
aussi le lien entre Homonoia et Demeter, lien que j'ai brièvement souligné en
quelques occasions.
L'importance du culte d'Homonoia dans certaines cités est marquée par son
inscription au calendrier rituel: ainsi à Isthmos, au IIIe ou au IVe siècle av. J.-C,
Signalons ici les nombreux décrets éphébiques d'Athènes, datant des IIe et Ier siècles av. J.-
C, où il est souvent question de la concorde des éphèbes: cf. entre autres IG, Π2, 1006, 1. 32 et 85;
1008, 1. 27 et 57; 1009, 1. 10 et 40; 101 1, 1. 20 et 37; 1027, 1. 22; 1028, 1. 38 et 76; 1029, 1. 23; 1030, 1. 34;
1039,1.52; 1043,1.45.
306 M.H. Crawford, Roman Republic Coinage, I, Cambridge, 1974, p. 508-509, no 41 -42c. Sur
les vertus réconciliatrices de cette Vénus, cf. R. Schilling, La religion romaine de Vénus depuis les
origines jusqu'au temps d'Auguste, Paris, 1954, p. 211-214. Contra, J. Gagé, Matronalia, Bruxelles,
1963, p. 94-95. Voir en dernier lieu, M. Amit, "Concordia, idéal politique et instrument de
propagande", Jura, 13 (1962), p. 135.
70 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
probablement à Nakoné, au IIIe siècle, où les citoyens devaient chaque année sacrifier
à la divinité et, témoignage unique, participer à une fête destinée au maintien de la
concorde. Homonoia figurait aussi au calendrier d'Erythrées, en Ionie, au IIe siècle
avant notre ère. L'existence de cultes annuels et de sacrifices signifie par conséquent,
sinon la présence de temples et de statues, du moins celle d'autels pour l'immolation
des victimes et sans aucun doute de prêtres pour le déroulement des cérémonies.
Dans les documents examinés dans ce chapitre, un sanctuaire est formellement
attesté dans 111e de Thynie; des temples le sont à Tralles, à Kymè, à Cos et à
Callatis; des statues le sont à Kasara, à Calymna, à Cos, à Cyrène et à Cyzique; des
autels le sont à Théra, à Athènes (Pirée), à Syracuse, à Kymè, à Olympie, à
Pergame, à Epidaure et à Orchomène d'Arcadie; une porte ou un portail l'est à
Bargylia; une image l'est à Ephèse, enfin, des prêtres le sont à Hydai, à Mylasa, à
Priène, à Ephèse et à Dorylaion. La présence de temples, de statues, d'autels et de
prêtres sont aussi des signes incontestables de la présence du culte d'Homonoia en
tous ces lieux.
Si l'on considère la chronologie de tous ces documents, au nombre de 39, l'on
voit que le culte est davantage attesté au IIIe et au IIe siècle avant notre ère, avec 19
témoignages, qu'aux siècles suivants. Assurément, il est tentant de voir dans cette
particularité un lien, d'une part, avec les nombreuses discordes internes attestées au
IIIe et au IIe siècle av. J.-C. par de nombreux serments, traités et décrets relatifs à la
concorde et à la démocratie, et par plusieurs décrets en l'honneur de juges étrangers
(supra, p. 11), qui d'ailleurs tendent eux aussi à disparaître après le IIe siècle, et,
d'autre part, avec la Pax Romana qui, malgré l'existence de nombreuses querelles
internes, n'assurait pas moins un calme relatif entre citoyens. Toutefois, il serait
imprudent de tirer des conclusions assurées, en raison des hasards de la
documentation et des aléas de la chronologie.
De façon générale, tous ces témoignages sont le reflet des nombreuses crises
qui ont frappé les cités grecques à l'époque classique, hellénistique et romaine. Ils
témoignent du désir des citoyens, par des prières et des dédicaces, d'enrayer les
innombrables disputes qui les opposaient ou de marquer le retour de la concorde. Ils
témoignent aussi de la grande diffusion du culte: en Grande Grèce, en Egypte, à
Athènes (Pirée), dans le Péloponnèse, en Asie Mineure, où l'on note une
concentration en Ionie et en Carie, dans le Pont-Euxin et à Chypre. Tous ces lieux
représentent bien l'ensemble du monde grec. Or il est clair que beaucoup de
témoignages nous manquent Je croirais donc volontiers que chaque cité
hellénistique et impériale faisait une place, petite ou grande, à ce culte. Chaque cité, en effet,
avait ses problèmes internes, même à une époque calme comme celle de l'Empire et
dans des régions très prospères comme la Bithynie.
CHAPITRE Π
Ce que nous savons de la nature des disputes entre cités et des efforts entrepris
pour les résoudre, aux époques archaïque, classique et hellénistique, se réduit souvent
à ce que nous pouvons tirer de quelques allusions d'historiens et aussi d'inscriptions,
somme toute assez abondantes, mais éparses et parfois obscures. Contrairement au
chapitre précédent, on ne peut plus compter ni sur les grands orateurs ni sur les
grands philosophes, davantage préoccupés par les conflits internes et les questions
internationales. En revanche, l'époque impériale est plus généreuse et plus
révélatrice, ses rhéteurs n'ayant cessé de prêcher la concorde entre cités. D'autre part,
l'étude de la documentation ne permet pas toujours de mettre en évidence les motifs
de discorde: certains se devinent aisément, d'autres ne se perçoivent qu'en filigrane,
d'autres enfin ne laissent place à aucune certitude. Mais on verra aussi que l'appel à
Yhomonoia n'est pas toujours lié à l'existence de conflits. Deux catégories de
documents ressortent: les cas d'arbitrage entre cités d'abord, qu'il faut bien distinguer
des tribunaux étrangers appelés à résoudre des conflits internes308, et puis,
naturellement, les témoignages sur la concorde.
La première catégorie touche surtout les époques archaïque, classique et
hellénistique309. Très tôt, en effet, les cités grecques s'étaient avisées de confier la
résolution de leurs litiges à des arbitres internationaux. On constate rapidement que,
dans plus d'un cas sur deux310, ces cas d'arbitrage concernaient des disputes
territoriales, entre cités limitrophes pour la plupart. Quelques exemples
caractéristiques suffiront. Ainsi Plutarque rappelle l'intervention d'arbitres éry-
^07 Π me paraît utile de rappeler qu'il ne sera pas question, dans ce chapitre, du culte
à'Homonoia et des relations internationales entre l'ensemble des cités grecques, sujet que j'aborderai
plus loin sous le thème de XHomonoia des Hellènes. Ce sont plutôt le culte et les rapports particuliers
entre deux, ou même trois cités, qui retiendront ici mon attention.
308 Cf. L. Robert, loc. cit. (note 43), p. 768-770.
y Les causes d'arbitrage ont fait l'objet de nombreuses et excellentes études: E. Sonne, De
arbritris externis, quos Graeci adhibuerunt ad Utes et intestinas et peregrinas componendas, quaestiones
epigraphicae, Göttingen, 1888; V. Bérard, De arbitrio inter libéras Graecorum ciuitates, Paris, 1894;
M.N. Tod, International Arbitration amongst the Greeks, Oxford, 1913; Ch. Lécrivain, L'arbitrage
international dans la Grèce classique, Toulouse, 1915; et plus récemment, L. Piccirilli, GH Arbitrari
Interstatali Greci, I. Dalle Origini al 338 a. C, Pisa, 1973. Cf. L Robert, loc. cit. (note 43), p. 768-769.
J<1 If) Plus de la moitié des documents répertoriés par L. Piccirilli (op. cit. [note précédente]) ont
trait à de telles disputes. Cf. M.N. Tod, op. cit. (note précédente), p. 53-60.
72 LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α DANS LES CITES GRECQUES
thréens, samiens et pariens dans un contentieux qui divisa, aux alentours de 655-650,
les habitants de Chalcis et ceux d'Andros, à propos d'une colonie thrace311. De
même, est connue, au début du VIe siècle, l'intercession d'un médiateur, Bias, l'un
des sept sages, dans une controverse qui opposa les Priéniens aux Samiens, au sujet
d'une dispute territoriale312. La liste des exemples pourrait être longue: évoquons
simplement ceux d'Athènes et de Mytilène au VIe siècle313, de Sparte et d'Argos au
siècle suivant314, de Phlionte et de cette même Argos au IVe siècle315, d'Epidaure et
de Corinthe au IIIe siècle316, et enfin d'Itanos et d'Hiérapytna au siècle suivant317.
Outre ce type de querelle, les autres causes les plus fréquentes concernaient d'une part
les accords de paix entre cités belligérantes, telle l'intervention des Corinthiens dans
le règlement de paix entre Thèbes et Athènes en 519 av. J.-C.318, d'autre part les
contestations et les interprétations des traités de paix ou d'alliance, comme l'évoque
Thucydide à propos de la Paix de Trente Ans entre Athènes et Sparte en 446-445319.
La seconde catégorie, celle des témoignages sur la concorde, nous retiendra plus
longtemps320. Une première constatation s'impose, plutôt inattendue: le thème de la
concorde entre cités ne témoigne plus exclusivement de la résolution de conflits,
comme c'était le cas à l'intérieur des cités, mais souvent des relations d'amitié entre
deux villes, et plus particulièrement entre cités parentes. Très révélateurs sont à cet
égard deux décrets identiques de Camarina et de Gela321, découverts à Cos et datés de
245-244 av. J.-C, par lesquels ces cités acceptent l'asylie du sanctuaire d'Asclépios
et les sacrifices et concours offerts à cette divinité par les habitants de Cos et surtout
dans lesquels elles ne cessent de souligner les liens de parenté322 et les relations
d'amitié les unissant à Cos. En outre, la formule de résolution qui apparaît deux fois
dans chacun des textes (1. 4-5; 23-25), exprime aussi l'idée de concorde entre les deux
cités: ... δεδόχθαι έπ' άγαθάι τΰχαι και όμο[νοίαι και σωτηρί]αι του
δόμου τώγ Καμαριναίων και τώ[γ Κώιων] ... De même, dans un décret
d'iEgosthènes, daté des environs de 200, dans lequel les jEgosthénitains évoquent la
proédrie accordée à la ville béotienne de Siphae pour ses preuves constantes de
dévouement (προ[υ]πάρχωσα εύνοια έκ προγόνων) il n'est pas question de
conflits et on lit, dans la formule hortative: "afin donc qu'il soit manifeste que la cité
des iEgosthénitains maintient la concorde, par tradition ancestraie, avec la cité des
Siphéens"323. Ce trait est particulièrement remarquable aussi dans une inscription
découverte à Tlos en Lycie et datée de l'époque romaine324, sur laquelle on lit:
[Ξ]ανθίων ή πόλις ή του Λυκίων έθνους μητίρόΊπολις Τλωέων τον
δήμον τον συνγενή έπι τή διηνεκεϋ όμονοία. La cité de Xanthos, on le
voit, considère Tlos comme sa parente325, et l'adjectif διηνεκής, qui signifie
"continuelle, durable", "tend à prouver", comme l'écrivait pertinemment L. Robert,
"que la concorde ne fut pas troublée, alors que souvent l'invocation à la concorde
témoigne d'une discorde antérieure"326.
Les cités qui célèbrent ainsi leur amitié et leur concorde évoquent donc un trait
original de Yhomonoia. Même s'il paraît naturel que Cos, étant très éloignée de
Camarina et de Gela, n'ait eu guère d'occasions de conflits avec elles, leurs liens de
parenté semblaient garants de leurs bonnes relations. Il paraît en être de même entre
Tlos et Xanthos, pourtant limitrophes, donc plus enclines aux querelles. En outre,
ces cités ne célèbraient-elles pas, en même temps, leur origine commune ou la
paternité de l'une pour l'autre ? Cela explique-t-il l'absence de conflits ? En tout
cas, on aimait célébrer entre cités parentes non seulement la parenté et l'amitié, mais
aussi la bonne entente.
Naturellement des rétablissements de la concorde entre cités divisées sont aussi
attestés à l'époque hellénistique. Par exemple, un décret de la Confédération des
Magnetes, au IIe siècle avant notre ère, honore un stratège qui a résolu un différend et
ramené la concorde dans les cités de la région327. De même, dans l'arbitrage, déjà
cité, entre Itanos et Hiérapytna, les arbitres devaient "préserver le dévouement des
cités l'une envers l'autre, avec paix, toute concorde et philanthropie"328. Mais de
telles disputes et de tels efforts sont surtout attestés à l'époque romaine.
Nombreuses et pittoresques, en effet, furent les disputes entre cités grecques
sous l'Empire. Elles furent le souci constant, à la fois des autorités romaines,
soucieuses de maintenir l'ordre dans les provinces, et des sophistes, soucieux quant à
eux d'éviter une ingérence romaine qui risquait de compromettre une autonomie déjà
précaire dans certaines villes329. Les appels à la concorde entre cités furent fréquents.
Ainsi, un extrait de Plutarque laisse croire à l'existence, à son époque, d'ambassades
chargées de négociations sur la concorde et l'amitié avec une autre cité330. Une
inscription de Périnthe, sur la rive nord de la Propontide, nous révèle la présence en
Thrace, à l'époque des Sévères, d'un προστάτης της ομονοίας των πόλεων,
dont la fonction n'est malheureusement pas connue331. Mais surtout je rappellerai
brièvement qu'à maintes reprises Dion Chrysostome et Aelius Aristide ont prêché la
concorde entre cités ennemies332. "J'affirme, Nicomédiens, qu'il vous faut vivre dans
la concorde avec les Nicéens"333, déclarait Dion dans un discours intitulé Προς
Νικομηδέίς περί ομονοίας της προς ΝικαεΊς (XXXVIII), relatif à une
querelle opposant, sous Trajan, les cités voisines de Nicée et de Nicomédie en
Bithynie334. La cause du conflit était le titre de "première cité de la Bithynie"
327 IG, IX2, 1100 G· 13-14): ... λίαβεΤν λ\5]σιν την διαφοραν και εις όμόνοιαν
κατα[στήναι τας πόλεις] ...
328 Sylloge3, 685; Die Inschriften von Magnesia am Meander, 105 (1. 13-14): ... μετ' ειρήνης
δέ και της πάσης ομονοίας [και φιλανθρωπίαΐς ιίήν προς άλλήλοΐυς διαφυλάσσειν
ευνοιαν ...
y Voir ma discussion, supra, p. 59-61.
330 pr£ceptes politiques, 808 C: ... πρεσβείαν φιλάνθρωπον, οίον ήνεμόνος τιμάς
έχουσαν τ\ προς πόλιν υπέρ φιλίας και ομονοίας εντευζιν.
331 IGR, Ι, 797; mais voir surtout L. Robert, loc. cit. (note 326), p. 69-74 (= OMS, VI, p. 291-
296). Cf., ci-dessous, p. 96-97.
Sur le thème de la concorde chez ces sophistes, voir les références, supra, note 52 et infra,
notes 490; 492; 496.
333XXXVm, 7: Φημι δε"ίν ύμας, άνδρες ΝικομηδεΊς, όμονοήσαι προς Νικαείς.
Le discours daterait d'après 98; cf. C.P. Jones, op. cit. (note 52), p. 135. Sur le discours en
général, ibid., p. 84-89; sur le thème de la concorde, O. Andrei, loc. cit. (note 52), p. 94-101.
LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α ET LA CONCORDE ENTRE LES CITES 75
JJJ Je renvoie ici à la belle étude de L. Robert, "La titulature de Nicée et de Nicomédie: la
1«
gloire et la haine", HSPh, 81 (1977), p. 1-39 (= OMS, VI, p. 211-249). Le titre de "premiere <ât6 de
Bithynie", Nicée se l'était vu octroyer sous Claude, alors que Nicomédie, qui portait déjà celui
incontesté de "métropole", n'en fut gratifiée que plus tard, sous Vespasien. Manifestement, Nicée
n'entendait pas être déchue de son titre. De là le contentieux évoqué par Dion, qui ne prit
véritablement fin que beaucoup plus tard, lors du conflit entre Septime Sévère et Pescennius Niger,
dans lequel Nicée, par haine pour sa rivale, prit ouvertement parti pour Niger (Hérodien, ΠΙ, 2, 9):
victorieux, Sévère abolit le titre de "première de la province" à Nicée, qui le perdit définitivement. Cf.
également, W. Weiser, "Römische Stadtmünzen aus Bithynia une Pontus", SNR, 68 (1989), p. 55-58.
33" Pour la course aux titres honorifiques, cf., outre l'étude de L. Robert, loc. cil. (note
précédente), celles de R. Merkelbach, "Der Rangstreit der Städte Asiens und die Rede des Aelius
Aristides über die Eintracht", ZPE, 32 (1978), p. 287-296, de A.R.R. Sheppard, loc. cit. (note 50), p.
234-237, et de S. Mitchell, op. cit. (note 251), p. 205-206.
337 § 3σ, 38. VoirCP. Jones, op. cit. (note 52), p. 88, note 37.
338 Sur la date du discours, cf. A. Boulanger, op. c'a. (note 270), p. 162 (ca 161-165); mais p.
376 (ca 161-169); CA. Behr, op. cit. (note 269), p. 104, note 28 (167).
339 § 12: ... τας πόλεις ... περ\ του πρωτείου νυν άμιλλωμένας. Cf. R. Merkelbach,
he. cit. (note 336), p. 292-296. Smyme, rappelle Philostrate (Vies des Sophistes, I, 539-540), avait
obtenu le titre de "prôteia" (ή Σμύρνα τα πρωτεία νικώσα), grâce à un plaidoyer post mortem du
sophiste Polémon auprès d'Antonin. De la même époque, nous est parvenue une lettre de l'empereur
adressée aux gens d'Ephèse (Sylloge3, 849), indignés du fait que Smyme, contrairement à Pergame,
omettait, dans "son décret relatif aux sacrifices communs", de signaler les titres (ονόματα) qui leur
appartenaient D est bien permis de douter que ce soit "par hasard" (κατά τυχην), comme l'écrivait
l'empereur (1· 1 1)· que les Smymiens aient omis de le faire.
76 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
ont été pour elles causes de grands bienfaits et qu'au contraire la stasis a été source de
maux extrêmes340; enfin, que Vhomonoia est le plus grand bien de l'univers341.
Cette rivalité, cet άγων, est donc surtout attestée en Asie Mineure, mais on la
trouve aussi en Macédoine entre Béroia et Thessalonique342, en Syrie entre Laodicée
et Antioche et en Phénicie entre Tyr et Bérytos343.
On ne peut passer sous silence deux autres discours de Dion Chrysostome, que
l'on date de 101 et qui s'intitulent Έν τη πατρίδι περί της πρός'Απαμεϊς
ομονοίας (XL) et Προς Άπαμείς περί ομονοίας (XLI)344. Le rhéteur y
prêche la concorde entre Pruse, sa patrie, et Apamée (Myrleia), petite cité portuaire
sise à une vingtaine de km au nord de Pruse, sur la rive sud de la Propontide. Dion
n'exprime pas clairement la ou les cause(s) de la dispute, mais celle-ci semblait
concerner la frontière entre les deux territoires (XL, 30)345. Dion insiste encore une
fois sur l'importance de la concorde entre cités voisines et sur les liens quasi
familiaux qui unissent les gens d' Apamée et de Pruse, eux qui "vivent presque dans
la même ville", qui ont tant de liens communs: "les mariages, les enfants, les droits
de citoyens, les sacrifices aux dieux, les panégyries et les spectacles; qui ont été
élevés ensemble, qui banquettent ensemble, qui se reçoivent les uns les autres et qui
"passent la plus grande partie de leur temps ensemble, qui sont presque un seul
peuple, une seule cité" (XLI, 10). Il conclut qiT'il n'y a rien de plus beau ni de plus
merveilleux que l'amitié et la concorde, soit entre un homme et un homme, soit
340 § 53: Ούτω και Ιθνει κοινή κα\ πόλεσι ταϊς προεστώσαις κα\ καθ' εαυτή ν
έκαστη πάλει μεγάλων αγαθών ή προς αλλήλους φιλία και ομόνοια, και
τουναντίον ή στάσις κακών των εσχάτων αιτία πέφυκε γίγνεσθαι.
341 § 78: ... και μεγάλων υπαρχόντων κάλλιστον είναι δοκε~ι ή προς αλλήλους
ομόνοια ...
342 Η. Gabler, "Zur Münzkunde Madekonicns", ZN, 24 (1904), p. 331-336. Cf. A.R.R. Sheppard,
loc. cit. (note 50), p. 235-236. Voir également J.M.R. Cormack, JRS, 30 (1940), p. 50-52.
343 Hérodien, ΠΙ, 3, 3: ... έστασίασαν δε προς αλλήλους [τψ αύτψ ζήλω κα\
μίσει] Λαοδικείς μεν κατά Συρίαν Άντιοχέων μίσει, κατά δε Φοινίκην Τΰριοι
Βηρυτίων εχθει ... Ces villes, en raison de la haine qui les opposait, avaient, elles aussi, pris parti
différemment dans la lutte entre Septime Sévère et Pescennius Niger (voir ci-dessus). Cf. L. Robert,
loc. cit. (note 335), p. 24. Voir aussi, à propos de la Syrie, Libanius (XVITJ, 187), qui écrivait, au IVe
siècle de notre ère: έδέξατο δη το δικαστιίριον εκείνο και πόλεις υπέρ πρωτείων
άμφισβητουσας αϊ των έν Συρία ... L'on voit en définitive que ces types de conflits se sont
perpétués et que, chose intéressante, des tribunaux étaient appelés à les trancher.
344 Sur la date et la contemporanéité de ces discours, cf. C.P. Jones, op. cit. (note 52), p. 93 et
138. Sur les discours en général, cf. C.P. Jones, ibid. p. 91-94; sur le thème de la concorde, O. Andrei,
loc. cit. (note 52), p. 106-115.
J Cf. C.P. Jones, ibid., p. 93. Cette dispute dut sans doute, comme le souligne justement C.P.
Jones (p. 91 et 93), avoir de fâcheuses répercussions dans leurs rapports commerciaux. Apamée, en
effet, dépendait de sa voisine pour son approvisionnement en bois de construction, en blé et pour ses
exportations d'huile; en revanche, Pruse, sise à l'intérieur des terres, voyait ses importations et ses
exportations transiter exclusivement par le port d'Apamée (Dion, XL, 30). Nous verrons plus loin
{infra, p. 96-97) comment Apamée palliait l'interruption de ses rapports commerciaux avec Pruse en se
tournant particulièrement vers Périnthe, sur la côte nord de la Propontide. Cf. aussi, D. Magie, Roman
Rule in Asia Minor to the Third Century after Christ, I, Princeton, 1950, p. 599.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE ENTRE LES CITES 77
entre une ville et une ville"346. Un autre intérêt de ces discours est qu'ils font bien
ressortir les différentes causes de friction entre cités à cette époque: Dion en fait
l'énumération suivante (XXXVIII, 22): limites territoriales, à la fois terrestres et
maritimes, partage des revenus et différences de coutumes. A cela s'ajoutent
évidemment les titres honorifiques.
Dans ses deux discours Tarsiques (XXXIII-XXXIV), Dion évoque aussi de
violents démêlés entre Smyrne et Ephèse, de même qu'entre certaines cités de Cilicie,
surtout entre Tarse, métropole de la province, et les villes d'Aigeai, de Mallos, de
Soloi et d'Adana347, ses voisines pour la plupart. Ces disputes semblaient concerner
tantôt le partage du territoire, terrestre ou maritime, comme avec Mallos348 et peut-
être Aigeai349, tantôt, dans le cas de Soloi et d'Adana350, la prééminence de Tarse351.
Manifestement, les motifs les plus fréquents de conflits étaient les disputes
territoriales entre cités limitrophes. L'épigraphie de l'époque romaine en a
effectivement légué de nombreux témoignages: ainsi, entre les cités de Lamia et
Hypata, en Thessalie, de Kiéros et Metropolis, en Thessalie également, de Delphes
et ses voisines Ambryssos, Amphissa, Myania et Antikyra en Phocide et en Locride,
de Thisbé et Coronée en Béotie, de Sagalassos et Tymbrianessos (village) en Pisidie,
de Dorylaion et Nicée en Phrygie et en Bithynie, et d'autres encore352. Flavius
Josephe rappelle de telles frictions entre Damas et Sidon en Phénicie353.
XLI, 13: ... φιλίας δε και ομονοίας ουδέν κάλλιον ούδε θειότερον και άνδρνι
προς άνδρα κα\ πάλει προς πό"λιν.
347 ΧΧΧΠΙ, 51; ΧΧΧΤν, 10-14; 43-48.
° Cf. C.P. Jones, op. cit. (note 52), p. 77. La dispute avec Mallos concernait apparemment des
terres sablonneuses situées près d'un lac ou d'un marais (λίμνη); cf. Dion, XXXIV, 43-46; T.
Callander, "The Tarsian Orations of Dio Chrysostom", JHS, 24 (1904), p. 67; en dernier lieu, A.H.M.
Jones, The Cities of the Eastern Roman Provinces2, Oxford, 1971, p. 205-206. D. Kienast et H.
Castritius ("Ein vernachlässigtes Zeugnis für die Reichspolitik Trajans: Die zweite tarsische Rede des
Dion von Prusa", Historia, 20 (1971), p. 62-83) voient dans cette dispute et dans l'importance de sa
résolution un lien avec le début de la campagne de Trajan contre les Paithes en 1 13, alors que de telles
frictions pouvaient compromettre l'approvisionnement des troupes impériales.
34"
Dion (XXXrv, 10) parle notamment d'une dispute περί τας άπονραφίίς, "à propos des
registres". C.P. Jones (op. cil. (note 52), p. 77) écrit: " Dio's word "registrations" probably refers, as in
the Rhodian, to the registration of property made by the tributary cities for the periodical census. Since
the two cities were not neighbors, their quarrel probably did not concern land: but since both had
harbors, and Tarsus at least had "control" over the adjacent stretch of sea, the dispute between them
may have been a maritime one". Cela est plausible; voir également D. Kienast et H. Castritius, loc. cit.
(note précédente), p. 66-67.
350 Cf. C.P. Jones, op. cit. (note 52), p. 77-78.
OJ1 Pour une rivalité pour les titres entre Tarse et Anazarbe, une autre cité voisine, cf., ci-
dessous, note 429.
352 Lamia et Hypata: IG, IX2, 60; Kiéros et Metropolis: IG, K1, 261; Delphes et Ambryssos,
Amphissa, Myana et Antikyra: Sylloge3, 827; Thisbé et Coronée: IG, VU, 2870; Sagalassos et
Tymbrianessos: IGR, DJ, 335; Dorylaion et Nicée: MAMA, V, 60.
353 Antiquités judaïques, XVIII, 153.
78 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
360 Loc. cit. (note 354). Voir déjà, du même auteur, op. cit. (note 254), p. 23-24. Cf. également
L. Robert, "Trois ateliers monétaires dlonic et de Carie à l'époque impériale". Actes du 9e congrès
international de numismatique, Berne, septembre 1979, Louvain la Neuve-Luxembourg, 1983, p. 311-
312 (= OMS, VI, p. 699-700), ainsi que les ouvrages de R. Pera, op. cit. (note 150) et de D.O.A. Klose,
op. cit. (note 354), notamment p. 48 et s.
361 Op. cit. (note 354), p. 48.
362 Aezanoi-Cadi: SNG Von Aulock, Heft 9, no 3362; Sidé-Pergé: ibid., no 4830-4831; cf. J.
Nolle, "Side. Zur Geschichte einer kleinasiatischen Stadt in der römischen Kaiserzeit im Spiegel ihrer
Münzen", AW, 21 (1990), p. 260-262, qui penche plutôt pour des querelles à propos de titres
honorifiques; Téménothyrai -Sébastè: SNG Von Aulock, Heft 9, no 4012. Cf. A.R.R. Sheppard, loc. cit.
(note 50), p. 234, plus note 35. Sur ce type de disputes et le monnayage d'homonoia, cf. surtout H. von
Fritze, APAW, 1910, p. 102 (non vidi, mais cité par A.R.R. Sheppard, ibid., p. 233, note 32).
363 Ephèse-Smyme: D.O.A. Klose, op. cit. (note 354), p. 51-53; Smyrne-Ephèse-Pergame: BMC
Ionia, p. 1 10, no 403-404. Cf. A.R.R. Sheppard, loc. cit. (note 50), p. 235; D.O.A. Klose, op. cit. (note
354), p. 51-53.
364 Ephèse-Smyme: Mionnet, Suppl. VI, p. 147, no 446. Cf. A.R.R. Sheppard, loc. cit. (note 50),
p. 235.
365 Cf. M.K. Nolle, J. Nolle, loc. eu. (note 355).
366 Cf. notamment D.O.A. Klose, op. cit. (note 354), p. 53-54.
80 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
point de vue commercial, P.R. Franke, entre autres, a vu, dans une émission
conjointe de Nicée et de Byzance, sur laquelle figurent deux nasses, un autel et
l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ ΝΙΚΑΙΕΩΝ ΒΤΖΑΝΤΙΩΝ, le symbole d'un accord
concernant des droits de pêche367. D.O.A. Klose associe le monnayage conjoint de
Magnésie du Sipyle et de Smyrne à des rapports politiques et celui de Smyrne et de
Rome à des rapports de dépendance politique et économique368. Enfin, les émissions
conjointes de Smyrne et d'Athènes369 rappellent les liens traditionnels unissant les
deux cités, tels qu'évoqués notamment par Tacite et par Aelius Aristide370.
Que ressort-il de ce qui précède ? D'abord que les discordes entre cités étaient
monnaie courante, à toute époque et en tout lieu; que les cités étaient principalement
divisées sur des questions de frontières, auxquelles elles ont tenté de remédier, du
moins aux époques archaïque, classique et hellénistique, en recourant à l'arbitrage
international. Ensuite qu'une nouvelle source de disputes est apparue sous l'Empire
romain, celle des titres honorifiques, mal endémique dans les provinces d'Asie qui
donne à penser, comme le souligne justement C.P. Jones, que les autorités
romaines, en octroyant ces titres, ont encouragé d'une certaine façon les rivalités
entre cités371. On constate aussi, pour cette époque, le souci constant des rhéteurs de
voir Yhomonoia, "si indispensable et si avantageuse", être rétablie entre cités
ennemies. On peut douter, toutefois, de leur succès, car de nouvelles contestations
territoriales ou l'octroi d'un nouveau titre menaçaient à chaque instant de rompre une
union déjà fragile. Il est intéressant de noter, d'autre part, que les querelles les plus
fréquentes opposaient des cités voisines, ce qui est naturel, vu leur proximité, mais à
cause aussi, à n'en point douter, de la persistance de tracasseries et d'antagonismes
enracinés depuis des générations. De telles disputes ne sont pas uniquement attestées
dans le monde grec, mais partout en Méditerrannée, en Gaule, en Italie et en Libye
notamment372. Il est probable que des frictions de ce genre ont affecté un grand
nombre de villes et de villages, mais sans laisser de traces. Rappelons cependant
qu'aux époques hellénistique et romaine, le thème de la concorde ne sous-entend pas
nécessairement une réconciliation, donc un conflit, comme l'illustrent bien les
émissions d'homonoia dont les motifs furent très divers.
Voyons maintenant comment le culte d'Homonoia se définit dans ce contexte.
■>ΌΙ Op. cit. (note 254), p. 16-17. Sur les rapports économiques, voir particulièrement L. Weber,
loc. cit. (note 358), p. 1 16-120.
368 Op. cit. (note 354), p. 58-59.
369 SNG Von Aulock, Heft 17, no 8004 (Commode).
-"" Voir D.O.A. Klose, op. eu. (note 354), p. 59-60, où l'on trouvera toutes les références utiles.
371 Op. cit. (note 52), p. 85.
Gaule: Vienne et Lugdunum (Tacite, Histoires, I, 65); Italie: Nucérie et Pompéi (id..
Annales, XIV, 17); Lybie: Oea et Leptis (id.. Histoires, TV, 50). D'autres exemples chez F. Millar, The
Emperor in the Roman World: 31 BC-AD 337, London, 1977, p. 437-438.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΪΑ ET LA CONCORDE ENTRE LES CITES 81
Nagidos
Notre premier document est une intéressante inscription, datée entre 238 et 221,
d'Arsinoé en Cilicie373. Les Arsinoéens ont dû régler un différend territorial avec la
cité voisine de Nagidos, colonie samienne. L'origine du conflit remontait à la
fondation d'Arsinoé. Aétos, commandant de Cilicie au service de Ptolémée II
Philadelphe (283-246), s'était emparé d'un emplacement favorable (τόπος
επίκαιρος) à l'établissement d'une colonie. Il y fonda une nouvelle cité,
vraisemblablement entre 279 et 260374, éponyme d'Arsinoé II, épouse de Philadelphe, y
installa des habitants auxquels il alloua une partie du territoire qu'usurpaient les
Barbares qu'il avait chassés, mais qui appartenait aux Nagidiens375. Selon toute
vraisemblance, ceux-ci réussirent à reprendre leur terre, peut-être, comme l'a noté P.
Gauthier, lors de la 2e Guerre de Syrie (~260-253), alors que cette région était
tombée aux mains des Séleucides376. Quoi qu'il en soit, la région redevint lagide en
246 et le territoire fut de nouveau contesté.
L'inscription montre qu1 Aétos a disparu et que c'est à son fils et successeur
Thraséas que s'adressent les Arsinoéens. La stèle comporte deux documents: une
lettre de Thraséas adressée "à la Cité et aux magistrats d'Arsinoé" (1. 1-18) et un
décret émanant de Nagidos (1. 19-56). La lettre montre que les Arsinoéens ont
dépêché une lettre et une délégation de deux personnes, Androménès et Philothès, à
Thraséas au sujet du territoire (υπέρ των κατά την χώραν). Leurs demandes
ont été favorablement reçues par le commandant et par les Nagidiens, qui ont concédé
le territoire contesté. Le décret qui suit confirme non seulement la cession du
territoire par les Nagidiens mais aussi leur désir d'établir de soudes liens de parenté et
d'amitié avec leur voisine. Aucune contestation περί της χωράς της
δοθείσης (1. 41) ne sera désormais permise. La réconciliation se traduit également
par des célébrations communes: les prescriptions des lignes 37-40 sont les suivantes:
373 E. Kirsten, I. Opelt, "Eine Urkunde der Gründung von Arsinoe in Kilikien", ZPE, 77 (1989),
p. 55-66, pl. 3, publiée par I. Opelt et commentée par Ε. Kirsten, avec photos, pi. 3 et traduction
allemande; C.P. Jones, C. Habicht, "A Hellenistic Inscription from Arsinoe in Cilicia", Phoenix, 43
(1989), p. 317-346, d'après des photographies de la pierre, avec traduction anglaise (SEG, XXXIX,
1426; J. Hengstl, "«Lokales Recht» im außerrömischen Bereich - anhand einer neugefundenen
Inschrift aus dem ptolemäischen Kilikien", ZRG, 109 (1992), p. 486-500, avec traduction allemande; A.
Chaniotis, "Ein diplomatischer Statthalter nimmt Rücksicht auf den verletzten Stolz zweier
hellenistischer Kleinpoleis (Nagidos und Arsinoe), EA, 21 (1993), p. 33-42). Pour la datation, voir C.
Habicht, loc. cit., p. 336-337. Cf. P. Gauthier, Bull, épigr., 1990, 304.
374 Cf. C. Habicht (note précédente), p. 336-337.
J J Sur le territoire d'Arsinoé et le statut de ses habitants, voir la discussion de A. Chaniotis, loc.
cit., (note 373), p. 36-42; sur les questions juridiques, cf. J. Hengstl, loc. cit. (note 373).
376 Loc. cit. (note 373), p. 489. Cf. C. Habicht, loc. cü. (note 373), p. 337.
82 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Aphrodisias
Une inscription d'Aphrodisias en Carie, en effet, témoigne d'un traité d'alliance
entre Plarasa- Aphrodisias et deux cités voisines, Kibyra et Tabai379. Le document,
3 Loc. cit. (note 373), p. 63: "Die Vereinbarung wird besiegelt durch die Gründung eines
"Î77
Kultes der Homonoia".
378 Cf. C.P. Jones, loc. cU. (note 373), p. 326.
J. Reynolds, Aphrodisias and Rome. Documents from the excavation of the theatre at
Aphrodisias conducted by Professor Kenan T. Erim together with some related texts. Journal of Roman
Studies Monographs, 1, London, 1982, p. 6-11, no 1, pi. 1. Cf. Bull, épigr., 1983, 362; S.R.F. Price,
Rituals and Power: the Roman Imperial Cult in Asia Minor, Cambridge, 1984, p. 127. L'inscription avait
déjà été signalée dans AS, 20 (1970), p. 21 ainsi que chez R. Mellor, op. cit. (note 195), p. 50; 221, no
165.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE ENTRE LES CITES 83
que l'on date de la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C.380, débute par une dédicace à
Zeus Philios, à Homonoia et à la Déesse Rome; il me semble utile de reproduire ici
l'ensemble du texte:
Διι Φιλίωι και Όμονοίαι κα[ι]
Θεάι 'Ρώμηι οι δήμοι ο'ί τε [?ν.]
Πλαρασέων και Άφροδισ[ι]-
4 έων και ό Κιβυράτων και ό Τα-
βηνώνιερών
καθ' ττοιησάμενοι
νεοκαΰτων
καικαι
δρκιία]
σφίά]-
[για] νπέρ της προς αλλήλους φ[ύσ]-
8 [ει] συμμαχίας και ομονοίας
[αί]ωνίου και άδελφότητος καΓι]
[ύ]πέρ του μηθέν ύ<π>εναντίον
[π]ράζειν μήτε 'Ρωμαίοις μητίε]
12 αύτοΊς^ και μήτε τινά ^γράψαι μ[η]-
τε είπείίν μτίτε εισαγγείλαΐι μηΊ-
τε άναγράψαι κατά των έν τοΓΐς]
δρκοις άναγεγραμμένων [?ν.ν.]
16 τον δέ πράζαντά τι κατά τοΰτίων]
εξώλη είναι και αυτόν και γε[νε]-
άν και ενοχον είναι θανάτω και [εύ]-
θΰνεσθαι υπό του βουλομέν[ου]
20 και κατά τας κοινας συνθηκα[ς]"
αγαθά δέ άλλη'λοις δσα αν δ[υ]-
νατον η* ι συνπράξειν άπροφασί[σ]-
τως και τα συνωμολογημένα τη[ρ]-
24 [ηΐσειν. vacat
"Α Zeus Philios, à Homonoia et à la déesse Rome, les peuples de Plarasa-
Aphrodisias, de Kibyra et de Tabai, ayant prononcé des serments sur des
offrandes fraîchement brûlées et fait des immolations pour leur alliance
naturelle les uns envers les autres, pour leur concorde éternelle et pour leur
affection fraternelle, et aussi pour que rien ne soit fait qui s'opposerait aux
Romains ou à eux-mêmes; que personne n'écrive, ne dise, n'annonce,
n'inscrive rien de contraire aux choses inscrites dans les serments; que celui
qui fera quelque chose de contraire à celles-ci soit ruiné, lui et sa famille, qu'il
soit passible de mort et soit traduit en justice par quiconque le voudra selon
•ion
La sympolitie de Plarasa et Aphrodisias constitue un terminus post quem, mais la date de
cette association nous échappe. J. Reynolds (note précédente, p. 2-3; 9) est encline à rapprocher cette
sympolitie de l'annexion de l'Asie par Rome au lendemain de la guerre d'Aristonikos, soit après 129.
Notre traité d'alliance serait de peu postérieur aux événements (cf. aussi J. Reynolds, "The Origins and
Beginning of Imperial Cult at Aphrodisias ", PCPhS, 206 (1980), p. 70; id., "The Politeia of Plarasa and
Aphrodisias", REA, 87 (198S), p. 214; id., "New Evidence for the Social History of Aphrodisias",
Sociétés urbaines, sociétés rurales dans l'Asie Mineure et la Syrie hellénistiques et romaines. Actes du
colloque organisé à Strasbourg (novembre 1985), Strasbourg, 1987, p. 107-113). A l'encontre de cette
théorie, voir M. Errington ("θεά ' Ρώμη und römischer Einfluß südlich des Mäanders im 2 Jh. v.Chr.",
Chiron, 17 (1987), p. 97-118) pour qui le traité d'alliance aurait suivi la réorganisation, sous la
supervision de légats romains, des cités cariennes après leur libération de la domination de Rhodes en
167 av. J.-C.
84 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
les conventions communes; qu'ils (les peuples) se fassent les uns aux autres
autant de bien que possible, sans hésitation, et qu'ils observent ce qui a été
convenu."
Les causes exactes de cette alliance, pour laquelle Rome semble avoir joué un
rôle de premier plan - présence de θεά ' Ρώμη et serment, aux lignes 10-11, de ne
rien entreprendre qui soit contraire aux intérêts romains -, nous sont inconnues381.
Quant à Homonoia, dont le culte est ainsi attesté à Aphrodisias et dont l'apparition
dans la cité ne peut être précisée, sa présence dans le traité soulève les interrogations
que voici.
J. Reynolds commente ainsi la ligne 1: "On the face of it Zeus Philios and
Homonoia are natural deities to choose for a dedication which solemnizes a
treaty"382. Plus loin: "it was the family relationship between the contracting
powers, stressed in 11. 7-9, that dictated the choice of this particular manifestation of
Zeus and of Homonoia"3**. C'est effectivement le cas pour Zeus Philios, souvent
invoqué lors de serments entre amis384 et, si l'on en juge par les décrets de
Camarina, de Gela et d'iEgosthènes évoqués ci-dessus (supra, p. 72-73), Homonoia a
certainement sa place dans un tel traité. En fait, la question est de savoir s'il y eut
ici un conflit ou non. Examinons les propos de J. Reynolds.
L'historienne rappelle d'abord que les trois cités étaient des alliées naturelles en
raison de leur situation géographique385. Elle rapporte également les liens de parenté
qui unissaient, selon la tradition, Kibyra et Tabai, liens clairement établis par J. et
L. Robert dans leur ouvrage sur la Carie386. Notre traité confirme, selon L. Robert,
que des liens existaient aussi avec leur voisine, Aphrodisias, comme lui et son
épouse l'avaient suggéré dès 1954387. Les lignes 7-9 stipulent en effet que leurs
liens d'alliance, de concorde éternelle et de fraternité étaient φύσει, soit "de nature",
381 Je renvoie ici à la discussion de J. Reynolds, op. cit. (note 379), p. 1-3; 8-9.
382 Op. c'a. (note 379), p. 7. Mêmes propos chez R. Mellor, op. cit. (note 195), p. 50. J.
Reynolds {op. cit. (note 379), p. 7) rappelle une monnaie à' homonoia entre Thyatire (Lydie) et
Pergame, frappée sous Trajan et sur laquelle apparaît l'effigie de l'empereur avec l'inscription Φ ΙΛΙΟΝ
ΔΙΑ (lire, à la page 7, ligne 5 du commentaire de J. Reynolds, non pas s.v. Homonoia, mais s.v.
Philios). Cf., en demier lieu, D. Kienast, loc. cit. (note 357 [1995]), p. 278-279; mais voir les réserves
évoquées supra, note 357.
383 Op. eu. (note 379), p. 8.
384 Notamment chez Lucien, Toxaris, 1 1; 12. Cf. J. Reynolds, op. cit. (note 379), p. 7; surtout O.
Höfer, Lexicon Röscher, ΠΙ, 2 (1902-1909), col. 2305, 66-68; 2306, 1-10, 5. ν. Philios.
385 Op. cit. (note 379), p. 10. Cf. J. et L. Robert, op. cit. (note 191), p. 17 et s.
386 J. et L. Robert, op. cit. (note précédente) p. 73-76; 88; 136-137; J. Reynolds, op. cit. (note
379), p. 10; cf. aussi L. Robert, Villes d'Asie Mineure, Paris, 1962, p. 215 et s.
387 Cf. CRAI, 1978, p. 285, note 68.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE ENTRE LES CITES 85
un mot important ici avec αδελφότης388. J. Reynolds qualifie donc leurs relations
de "blood relationship" et semble voir dans la dédicace à Homonoia une divinité
strictement garante de l'alliance conclue entre cités soeurs.
Au contraire S. Mitchell note que "the vigour with which the three parties at
Aphrodisias assert their friendly intentions for the future only strengthens the
suspicion that all had not been well before: αγαθά δε άλλήλοις δσα αν
δυνατόν ή*ι συνπράξειν άπροφασίστως και τα συνωμολογημένα
τηρήσει ν. "; et, plus loin, que "even remote mountain territory, such as might
come into question between Aphrodisias and Tabae, and even more between Tabae
and Cibyra, could lead to quarrels, witness the treaty between Miletus and Heraclea
which regulated, inter alia, του μέρους της χώρας της ορεινής της
αμφισβητούμενης (5/G3, 633. 1. 78, early 2nd cent. B.C.)"389. Pour S.
Mitchell, donc, Zeus Philios serait garant de l'alliance entre les trois cités et
Homonoia garante de la concorde rétablie entre celles-ci.
La question est impossible à trancher. Il reste qu'Homonoia a certes sa place
dans un tel traité, que celui-ci succède ou non à une période de discorde. Il n'y a pas
de raisons de croire, comme le fait S. Mitchell, que la divinité soit strictement
invoquée après une situation conflictuelle. En tout cas, il est certain que les trois
cités parentes ont voulu éviter toute mésentente et assurer la viabilité et la
consolidation d'un événement aussi important, en le plaçant sous les bons auspices
de la divinité.
Antioche du Pyrame
A l'appui de sa thèse, J. Reynolds a évoqué la présence ^Homonoia dans un
important décret d' Antioche du Pyrame (Magarsos)390, en Cilicie, daté
approximativement de 140 av. J.-C, donc à peu près contemporain391. Ce
document concerne les bons rapports que la cité désire entretenir avec ses
3 L. Roben (ibid.) qualifie en fait les trois cités de "peuples frères", δήμοι αδελφοί. La
restitution du πκΛφίυσει] a été discutée par I.H.M. Hendricks (EA, 3 (1984), p. 33-34) qui a proposé
de lire plutôt ο(ϋσης]. Selon H.W. Pieket (SEG, ΧΧΧΠ, 1097), "it can be doubted whether the photo
warrants an omicron". La restitution est de L. Robert, loc. cit. (note précédente).
389 "Aphrodisias and Rome", CR, 34 (1984), p. 291-297. L'auteur rappelle pertinemment
l'existence, au Pr siècle avant notre ère à Aphrodisias, d'un στρατηγός της χώρας, "stratège du
territoire"; cf. J. Reynolds, op. cit. (note 379), p. 11-12, no 2, 1. 8-9, plus commentaires p. 13. Sur le
stratège du territoire, voir aussi BCH, 14 (1890), p. 605-607, no 2.
390 Inscription découverte par H. Th. Bossert et publiée par S. et R. Werner, JKAF, 2 (1951), p.
325-327; phot, ibid, 1 (1950), pi. ΧΧΧΠ (SEG, ΧΠ, 51 1; pour les 22 premières lignes, F. Sokolowski,
op. cit. (note 90), p. 183-184, no 81; pour les lignes 22-25, O. Curty, op. cit. (note 324), no 83, plus
commentaires, p. 252-253). Sur l'identification d'Antioche du Pyrame avec Magarsos, cf. L. Robert,
CRAI, 1951, p. 256-258, ainsi que G. Dagron et D. Feissel, Inscriptions de Cilicie, Paris, 1987, p. 111-
116. Une étude plus approfondie de ce décret se fait toujours attendre.
39 * Aux alentours de 140 selon les éditeurs, date que L. Robert tendait à faire remonter d'une
vingtaine d'années (loc. cit. (note précédente), p. 259).
86 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
συγγενείς και φίλοι d'Antioche du Kydnos (Tarse). Il débute par des voeux et
par une série de prescriptions religieuses reliées aux négociations περί των
σίυ]μφερόντων άμφοτέραις τάίς πόλεσιν (1. 38-39) que s'apprêtent à
entreprendre les deux cités voisines. Il intéresse directement notre sujet lui aussi.
Voici donc l'ensemble de ces voeux et de ces prescriptions (1. 1-23):
['Αγαθήι Τυχηι και έπ\ σωτηριαι]392
του ημετέρου δήμου και τ[ου Άντιοχέων των προς τώι]
Κυδνωι και των συναυξησόντων τα τή[ς φιλανθρω]πίας και
4 φιλίας και ομονοίας δίκαια* δεδόχθαι τήι βουλήι και τώι δήμων
συντελεσθήναι τα προδεδηλωμένα καθ' α έφάνη τώι πλη'θει, της
δέ
κατασκευής του βωμού προνοηθήναι τους πρυτάνεις· έν ή*ι δ' αν
~ ήμέραι
[κ]αθιδρυθη ό βωμός πεμφθήναι πομπήν άπό της εστίας της
βουλαίας
8 ώς καλλίστην και επιφανέστατη ν δια του δημιουργού και τών
πρυτάνεων εις το 'ιερόν της 'Αθηνάς της Μαγαρσίας* θυθήναι
δέ
τήι τε 'Αθήναι και Όμονοίαι έκατέραι δάμαλιν χρυσοκέρω,
συμπομπευσαι δέ τους τε ιερείς και τήν συναρχίαν και τους
νενικηκότα[ς]
12 τους στεφανίτας αγώνας και τον γυμνασίαρχον μετά τών
έφη'βων τών νέων και τον παιδονόμον μετά τών παίδων είναι
δέ
και έκεχειρίαν και στεφανηφορίαν και έργων και δεσμών
άφεΐσθαι
πάντας· συναχθήναι δέ τους μέν άρχοντας και τους στεφανίτας
16 έν τώι Ίερώι της 'Αθηνάς τής Μαγαρσίας, τους δέ πολίτας
κατά φυλάς·
τής δέ περί την πανηΎυριν εύκοσμίας προνοηθήναι τον τε
Ίερομνημονα
και τους φυλάρχους· έν δέ τοΊς μετά ταύτα χρόνοις θυ'εσθαι έπι
του
βωμοί) κατά μήνα τήι νουμηνίαι ιερείον κατά δέ ένιαυτόν
έκαστον
20 τήν τε πομπήν και τας θυσίας και ταλλα πάντα γίγνεσθαι
ακολούθως
τοις προγεγραμμένοις* τα δέ προδεδηλωμένα
έτοιμάζεσθαι δια τών ταμιών άπό τών
δημοσίων ...
"A la Bonne Fortune et pour le salut de notre peuple, pour celui d'Antioche
du Kydnos et pour ceux qui contribueront ensemble à accroître ce qui convient
à la philanthropie, à l'amitié et à la concorde; plaise au conseil et au peuple:
™2 L'insertion de cette fonnule, qui est due, semble-t-il, à F. Sokolowski, dont je reproduis ici le
texte, n'est pas assurée: d'après L. Robert (loc. cit. (note 390), p. 258) l'essentiel du décret "a disparu
avec les considérants dans leur entier, car même les trois premières lignes conservées ne faisaient pas
partie des considérants, mais d'une fonnule de voeux".
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE ENTRE LES CITES 87
les négociations que Ton décide de faire mener «au sujet des intérêts des deux
villes»"394.
Ce décret, d'abord interprété comme une loi relative au culte, s'inscrit donc,
comme l'a vu L. Robert, dans le cadre d'un "rétablissement de bons rapports avec la
ville de Tarse (Antioche du Kydnos)"395. La fin de l'inscription révèle en effet que
trois délégués seront dépêchés dans la cité voisine pour remettre le décret aux
habitants et pour entreprendre des négociations qui porteront sur "les intérêts des
deux cités" (1. 34-39). Or, la question est de savoir quels étaient les motifs de ces
négociations. L'absence des considérants du décret se fait ici cruellement sentir396.
L. Robert écrivait: "la fondation de cet autel de la Concorde atteste qu'il y avait eu
des disputes avec Tarse"397. C'est en effet probable. Aussi, bien que les habitants
d' Antioche du Pyrame se déclarent les parents et amis de ceux d'Antioche du Kydnos,
rien ne permet d'exclure, comme semble le faire J. Reynolds, l'existence de querelles
entre eux. Mais rien ne permet non plus de les supposer.
Thessalonique
De l'extrême fin de la période hellénistique, nous sont parvenues des monnaies
de bronze de Thessalonique, datées des environs de 37 av. J.-C, sur lesquelles figure,
au droit, l'effigie d'Homonoia, diadémée, voilée et accompagnée de l'inscription
ΟΜΟΝΟΙΑ [pi. III, 5]; au revers, un cheval galopant et l'inscription ΘΕΣΣΑ-
ΛΟΝ(ΙΚΕΩΝ) ΡΩΜ(ΑΙΩΝ)398. L'effigie rappelle non seulement les émissions
de Métaponte, de Kimissa et de Panormos, examinées ci-dessus399, mais surtout les
émissions romaines de la fin de la République, sur lesquelles apparaît une effigie
similaire et l'inscription CONCORDIA400.
Comme l'ont vu H. Gaebler et les éditeurs du RPC, le droit et le revers de ces
pièces doivent être rapprochés et interprétés comme évoquant Γόμο voice entre
Thessalonique et Rome. Pour H. Gaebler, cette concorde devait avoir un lien avec le
retrait de la cité de l'administration provinciale, puisque Thessalonique avait été
proclamée cité libre par les triumvirs peu après la bataille de Philippes (octobre
42)401 çeja parait plausible, mais les preuves manquent. Quoi qu'il en soit, le
culte a de nouveau été mis à contribution pour célébrer la concorde entre deux cités.
De l'époque hellénistique, nous n'avons conservé aucun autre témoignage du
culte d'Homonoia lié aux relations entre cités. Tournons-nous maintenant vers
l'époque romaine où les témoignages sont assez nombreux, certes, mais aussi,
malheureusement, souvent ambigus.
Delphes
Notre premier document date de la seconde moitié du Ier siècle de notre ère. Il
s'agit d'une base de marbre pentélique, provenant de Delphes, sur laquelle reposait
vraisemblablement une statue d'Homonoia, érigée pour la concorde des Delphiens et
des Chéronéens402:
'Υπέρ 'Ομονοίας Δελφ[ών και]
Χαιρωνέων < Όνησίφ(ορος]
Σωστράτου Δελφός, έίπαγγει]-
4 λάμενος τή ττόλει, εκ ι(ών ιδί]-
ων Άπόλλωνι Πυθίωι.
"Pour YHomonoia des Delphiens et des Chéronéens, Onèsiphoros fils de
Sôstratos, Delphien, l'ayant promis à la cité (a dédié cette statue) de ses
propres fonds à Apollon Pythien."
Se pose d'abord l'inévitable question: quels événements sont à l'origine de cette
dédicace ? Il est impossible d'y répondre en toute certitude. Dans la mesure où
Chéronée et Delphes sont voisines, mais non limitrophes, on peut difficilement
envisager une dispute territoriale. La dédicace est certes privée, mais Onèsiphoros l'a
faite après l'avoir promise à la cité (de Delphes). Il agissait donc en quelque sorte en
son nom. Qui était-il pour poser un geste aussi important ? Où se trouvait cette
statue ? Un geste aussi symbolique a des chances d'avoir marqué la fin d'un conflit.
Mais, faute d'indices et de dates précises, avouons notre ignorance. Quoi qu'il en
soit, cet Onèsiphoros a sûrement joué un rôle important dans les rapports ou dans
les négociations qui ont mené à l'érection de cette statue. L'on peut croire qu'il a agi
comme ambassadeur, ou comme médiateur, auprès des Chéronéens et qu'il a promis
cette statue d'Homonoia pour le succès des négociations, quelles qu'elles fussent403.
40 * Op. cit. (note 398), p. 122. Sur cet octroi de la liberté à Thessalonique, cf. C. Edson,
"Macedonica", HSPh, 51 (1940), p. 133; F. Papazoglou, "Quelques aspects de l'histoire de la
Macédoine", ANRW, Π, 7, 1 (1979), p. 327-328. Cf., en dernier lieu, D. Kienast, loc. cit. (note 357
[1995]), p. 280-281; mais voiries réserves évoquées supra, note 357.
40^ Signalée par H. Pomtow (Beiträge zur Topographie von Delphi, Berlin, 1889, p. 94, no 59) et
publiée par lui dans Philologus, 71 (1912), p. 94, no 49 (W. Dittenberger, Sylloge3, 816; L. Robert, loc.
cil. (note 326), p. 68, note 46 (= OMS, VI, p. 290, note 46). Cf. R. Mouterde, loc. cit. (note 241), p.
282; D. Kienast, loc. cit. (note 357 [1964]), p. 51, note 4; 62, note 42.
403 Cf. R. Mouterde, loc. cit. (note 241).
90 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Antioche de Pisidie-Galatie
D'Antioche de Pisidie-Galatie, nous sont parvenues deux intéressantes
inscriptions des environs de 200 ap. J.-G, qui relancent la discussion soulevée plus
haut par J. Reynolds; la première a d'ailleurs été évoquée par l'historienne. Il s'agit
d'un monument public (base de statue) rappelant le don, par Lystra, colonie
augustéenne de Lycaonie, d'une statue d'Homonoia à sa soeur, Antioche de Pisidie
(Galaa'e)404:
Τήν λαμπροτάτην
Άντιοχέων κολω-
νίαν ή λαμπροτά-
4 τη Λυστρέων κολω-
νία την αδελφή ν
τω της 'Ομονοίας
άγάλματι έτείμη-
8 σεν.
"La très illustre colonie des Lystriens a honoré la très illustre colonie des
Antiochéens, sa soeur, par la statue d'Homonoia"
Une inscription presque identique montre qu'Antioche a reçu à la même époque
le même honneur d'une autre cité-soeur, Tavia, petite cité sise au nord-est de la
Galatie405:
Την
λαμπροτάτην και σε-
βασμιωτά-
4 την
Άντιοχέων κολω-
νία ν άδελ-
φήν σεβασ-
8 τή Τρόκμων
Ταουία έ-
τείμησεν
τω της Όμο-
12 νοίας άνδρί-
404 J.R.S. Sterrett, PASA, 3 (1888), ρ. 218, no 352 (R. Cagnat, IGR, ΠΙ, 302; W. Diltenbergcr,
OGIS, 536). Cf. W. M. Ramsay, The Church in the Roman Empire before AD. 170, London, 1904, p.
50; id.. The Cities of St. Paul, London, 1907, p. 280-282; D. Magie, op. cit. (note 345), Π, p. 1320, note
31; P. Veyne, Latomus, 21 (1962), p. 70, note 2; L. Robert, loc. cit. (note 326), p. 69, note 49 (= OMS,
VI, p. 291).
405 W.M. Calder, "Colonia Caesareia Antiocheia", JRS, 2 (1912), p. 84-86, no 3. Cf. D. Magie,
op. cit. (note 345), p. 1320, note 31; L. Robert, loc. cit. (note précédente), p. 69, note 50. Sur Tavia, cf.
W. Ruge, RE, IV, A, 2 (1932), col. 2524-2526, s.v. Tavium.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE ENTRE LES CITES 91
αντί· διευτυ—
χειτε.
"L'auguste Tavia des Trokmiens a honoré la très illustre et très vénérable
colonie d'Antioche, sa soeur, par la statue d'Homonoia. Soyez heureux."
Ces inscriptions soulignent l'étroite parenté unissant ces cités, parenté qui
s'explique, du moins dans le premier document, par le fait que Lystra et Antioche,
cités voisines, furent toutes deux colonies d'Auguste406. Les liens avec Tavia sont
plus difficiles à établir; mais ils existaient bel et bien, comme le prouve
l'inscription407.
En 1921, R. Mouterde écrivait à propos du premier document: "C'est par
l'hommage d'une statue de la Concorde, τόρ της 'Ομονοίας άγάλματι, que
Lystra affirmait son alliance avec «la ville soeur», également colonie d'Auguste,
Antioche de Pisidie. Au temps de Septime Sévère, des bronzes de Césarée de
Cappadoce portent la légende ΣΜΪΡΝΑΙΩΚΑΙΣΑΡΕΟΜΟΝΟΙΑ, «alliance de
Smyrne et de Césarée»"408. Cette idée d'alliance ne tient plus, puisqu'elle était
manifestement inspirée du monnayage â'homonoia, longtemps désigné, à tort,
comme "alliance coins" (supra, 78). Ces statues marquaient-elles donc simplement
les liens parentaux et les bons rapports entre ces colonies ? Ou s'agit-il uniquement
d'un hommage rendu à une ville-soeur, comme semble l'indiquer le verbe
έτείμησεν409 ? Cette hypothèse paraît certes plausible: elle illustrerait elle aussi
la présence d'une Homonoia garante du maintien des bonnes relations entre cités
parentes. Mais peut-on écarter la possibilité de dissensions antérieures ? Pour
D.O.A. Klose, il pourrait s'agir d'une veille querelle (ein alter Streit) entre deux
colonies augustéennes, imputable à la hiérarchie et aux titres410. Signalons ici un
parallèle numismatique. En effet, au revers d'une monnaie, évoquée sans plus par
P.R. Franke411, apparaissent deux personnages féminins se serrant la main,
accompagnés de l'inscription COL ANT - COL ICON CONCORDIA, dans laquelle
on reconnaît notre colonie d'Antioche de Pisidie et sa voisine, Iconion, en Lycaonie,
également colonie augustéenne. Les deux personnages féminins représentent les
406 Sur la colonisation d'Antioche et Lystra, cf. Komemann, RE, IV, 1 (1900), col. 550-551, no
260, s.v. Coloniae; ainsi que les commentaires de W. Dittenberger (OGIS, 536) et de D. Magie (op. cit.
(note 345), p. 1320, note 31).
407 Cf. sur ce point, W.M. Calder, loc. cit. (note 405), p. 85-86); D. Magie, op. cit. (note 345), p.
1320, note 31; O. Curty, op. cit. (note 324), p. 262.
408 Loc. cit. (note 241), p. 281.
409 Voir L Robert, AC, 35 (1966), p. 399. Rappelons cette statue de la Concordia Perpetua
offerte et dédiée, vraisemblablement en signe d'amitié, par la civitatis Bencennensis à Vchi Maius,
désormais promue au rang de colonie sous Alexandre Sévère: CIL, VIII, 15447 (1. 8-14): ... quod
indulgenftia] Augusti nostri colonia Alexa[nd]riana Augusta Uchi Maius pr[ onto] ta honorataque sit ordo
ciu[ita]tis Bencennensis statuant Con[co]rdiae perpetuae dédit et de[di]cavit. Cf. J. Gascou, ANRW, Π,
10, 2 (1982), p. 273.
410 Loc. eu. (note 354), p. 46-47.
4ilLoc. cit. (note 354), p. 93.
92 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟίΑ DANS LES CITES GRECQUES
Op. cit. (note 354), p. 93-94. L'auteur ne mentionne que notre premier document.
413 SNG von Aulock, Heft 14, no 6481, pi. 221, 6481. Cf. D.O.A. Klose, op. cit. (note 354), p.
62.
414 Cf. D.O.A. Klose, ibid.
415 BMC Lydia, p. 209, no 1 1 8. Cf. D.O.A. Klose, ibid., p. 57, note 340.
416 Ibid., p. 57-58.
LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α ET LA CONCORDE ENTRE LES CITES 93
Mopsueste
De Mopsueste en Cilicie nous est parvenue cette dédicace privée425:
417 E. Schönen, Dit Münzprägung von Perinthos, Berlin, 1965, p. 269, no 917, pi. 57, 917.
Op. cit. (note précédente), voir discussion p. 22; suivie par D.O. A. Klose, op. cit. (note 354),
p. 57. Sur les liens particuliers à' homonoia et de Demeter, cf. supra, p. 14-15.
419 Cf., ci-dessous, p. 96.
420 Ephèse: E. Schönen, op. cit. (note 417), p. 268-269, no 914-915, pi. 57, 915, plus discussion
p. 22; Nicomédie: BMC Pontus, p. 193, no 1; E. Schönen, op. cit. (note 417), p. 269, no 916, pi. 57, 916,
plus discussion p. 22.
421 SNG von Aulock, Heft 3, no 702, pi. 21, 702; E. Schönert-Geiss, Griechisches Münzwerk.
Die Münzprägung von Byzantion, Π, Berlin-Amsterdam, 1972, p. 122, no 1836-1837; 123-124, no 1840-
1844, pi. 109, 1836-1837; 1842; Weiser, p. 262-3, no 153-156, pi. 12, 153-156.
422 Op. cil. (note précédente), p. 22-23.
423 Cf. ibid.
Voir ma discussion infra, p. 173-174.
425 M.L Smith & M.N. Tod, Annals of Archaeology and Anthropology, 4 (191 1), p. 43, no 27 a,
sixième ligne omise; R. Mouterde, loc. cit. (note 241), p. 280-282, no 1 1 (L. Robert, loc. cit. (note 326),
94 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Τήν 'Ομόνοιαν
Μοψεατών και Άνα-
ζαρβέων Κλαυδιανός
4 Κόρου, θέσει δέ Θαυμαστού,
τήν έξ υποσχέσεως
στη>(η)ν.
"La Concorde des habitants de Mopsueste et d'Anazarbe. Klaudianos fils de
Kyros, par adoption de Thaumastos, (a consacré) cette stèle à la suite d'une
promesse."
Ce document, que D.O.A. Klose date du IIIe siècle426, montre donc qu'un
certain Klaudianos avait promis d'ériger un autel ou une statue427 d'Homonoia pour
la concorde entre les habitants de Mopsueste et d'Anazarbe, deux cités voisines. Ce
geste rappelle, dans une certaine mesure, la promesse faite par le Delphien
Onèsiphoros pour Vhomonoia des Delphiens et des Chéronéens". Sans doute
Klaudianos a-t-il joué lui aussi un rôle important dans des négociations de nature
inconnue. Dans leur commentaire, M.L. Smith et M.N. Tod428 ont bien fait
allusion à "the long rivalry between Anazarbos and Mopsuestia", mais ils ont
confondu Mopsueste avec Tarse: une longue rivalité à propos des titres opposait
effectivement Tarse et Anazarbe429, mais aucun document n'en confirme l'existence
entre Mopsueste et Anazarbe. L'hypothèse ne serait pas invraisemblable pour
autant, puisque Mopsueste pouvait elle aussi se prévaloir de certains titres. A mon
avis cependant, on ne saurait écarter non plus l'hypothèse de conflits territoriaux, très
fréquents entre cités limitrophes. W. Ruge, relevant l'erreur des premiers éditeurs, y
voyait plutôt le témoignage de "bonnes relations" {gute Beziehungen) entre ces
cités430; l'on pourrait tout aussi bien dire: le "rétablissement" de bonnes relations
entre celles-ci. Mais, en fait, la question demeure entière.
p. 68, note 48). Cf. W. Ruge, RE, XVI, 1 (1933), col. 248, 53-62, s.v. Mopsu(h)estia; D. Kienast, loc.
cit. (note 357 [1964]), p. 62, note 42.
426 Op. cit. (note 354), p. 46, note 282.
42' η s'agit d'un autel ou, selon R. Mouterde {loc. cit. (note 241), p. 280), d'une "base en forme
d'autel" sur laquelle aurait reposé une statue d'Homonoia. L'emploi de l'accusatif Την 'Ομόνοια ν
laisse croire en effet qu'il puisse s'agir d'une statue; cf. P. Veyne, loc. cit. (note 404), p. 68 et s. G.
Dagron & D. Feissel (op. cit. (note 390), p. 131) parlent d'un "autel de la Concorde".
428 Qui renvoyaient à un article de W.M. Ramsay, Journal of Philology, 1 1 (1882), p. 157, no
18.
429 Cf. LBW, m, 1480; W.H. Waddington, "Inscriptions de Tarse", BCH, 7 (1883), p. 283-286;
W.M. Ramsay, loc. cit. (note précédente), p. 157-158; P. Weiss, "Die Abkürzungen ΓΒ und ΓΓ auf den
spätkaiserzeitlichen Münzen von Tarsos und Anazarbos", Chiron, 9 (1979), p. 545-552; S. Mitchell,
"Festivals, Games, and Civic life in Roman Asia Minor", JRS, 80 (1990), p. 192.
430 Loc. cit. (note 425).
LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α ET LA CONCORDE ENTRE LES CITES 95
Thespies (?)
Un petit mom u ment de l'époque impériale, retrouvé à Thèbes mais provenant
vraisemblablement de Thespies, rappelle également la concorde entre Thespiens et
Athéniens431:
Όμό(νοια)
θεσπίεων και 'Αθηναίων.
Il n'y a pas, comme le fait remarquer A. Schachter, de référence évidente à un
culte d'Homonoia432. La pierre, en effet, ne semble avoir ni la forme d'un autel ni
celle d'une base de statue. Prudent, P. Foucart écrivait pourtant: "Une inscription
d'une date plus ancienne présente un exemple d'une construction analogue; c'est un
petit autel ..."433. On ne sait trop quoi penser. La description de W. Dittenberger
n'éclaire pas non plus: "Tabula marmoris". Mais, selon J. Ferguson, qui
malheureusement n'a pas étayé ses propos, une statue de la déesse accompagnait
sûrement ce monument434. Il est impossible de trancher en faveur ou non d'un
culte. Quoi qu'il en soit, le monument fut sans doute érigé, d'après P. Foucart, "soit
pour rappeler l'antique amitié de Thespies et d'Athènes, soit pour célébrer le
rétablissement de la concorde entre les deux villes"435. L'inscription n'est pas sans
rappeler un ex-voto, du Ier ou du IIe siècle, déposé à l'agora romaine d'Athènes et
dédié "pour la concorde du peuple athénien et notre patrie"436, celle-ci demeurant
pour nous inconnue. L'éditeur, s'inspirant du monnayage d'homonoia et de l'ouvrage
controversé de D. Kienast437, parle d'un "traité d'homonoia" (συνθήκη ομονοίας).
A mon avis, l'on ne peut exclure, ici non plus, l'hypothèse d'une querelle et d'une
réconciliation. Mais il n'y a pas trace de culte.
431 P. Foucart, "Inscriptions de Béotie", BCH, 9 (1885), p. 406-407, no 18; ÏG, VU, 1784 (A.
Schachter, Cults of Boiotia, Π, London, 1986, p. 60). Comme l'a écrit P. Foucart, la dédicace, quoique
retrouvée à Thèbes, provient vraisemblablement de Thespies, comme le texte l'indique: beaucoup de
pierres de cette cité ont été apportées à Thèbes.
432 Ibid.
433 Loc. cit. (note 431), p. 407.
434 Op. cit. (note 119), p. 128. Cf. également H. Kramer (op. cit. (note 16), p. 51) qui cite
l'inscription et écrit: "attamen etiam singulae ciuitates in memoriam communie actionis Όμόνοιαν
uenerantur, uelut Athenienses et Thespienses".
435 Loc. cit. (note 431).
436 V.N. Bardani, Horos, 4 (1986), p. 39-40, no 1 (SEG, XXXVI, 266): Εύ"χαριστήρ[ι]ον ύιτϊρ
της ό[μο]νοίας του δημ[ου] του 'Αθηναίων και του πατρίου çtt* άγαθφ. Cf. Bull, épigr.,
1988, 542.
437 Supra, note 357 [1964].
96 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Périnthe
Le témoignage suivant provient de Périnthe, sur la rive nord de la Propontide.
Il s'agit d'un autel d'Homonoia dédié par l'association des Philapameis, c'est-à-dire les
amis d'Apamée (ou des Apaméens):438
Άγαθήι [τυχηι]
Το συνέδρ[ιον]
των Φιλαπαμέω[ν]
4 τον βωμον
τή Όμονοία
ευτυχώς.
"A la Bonne Fortune. L'association des Philapaméens (a dédié) l'autel à
Homonoia. Soyez heureux."
Daté de "l'époque impériale avancée"439, cet autel, selon L. Robert, montre les
bonnes relations que désirait entretenir Périnthe avec une certaine Apamée dans
laquelle il a justement reconnu celle de Bithynie, sise sur l'autre rive de la
Propontide. Leurs relations commerciales pourraient être à l'origine de la dédicace.
En effet, le savant français a bien montré la complémentarité des activités
commerciales de ces deux cités: la région de Périnthe était riche en blé, en céréales et
en pâturages, mais dépourvue de bois, donc d'oliviers, alors que le territoire
d'Apamée était presque exclusivement consacré à l'oléiculture. Souvent aux prises
avec sa voisine, Pruse (supra, p. 76-77), dont elle dépendait pour son
approvisionnement en bois et en blé et pour ses exportations d'huile, Apamée,
"durant les périodes de brouille et de haine entre les deux cités voisines", écrivait L.
Robert, "pour écouler son huile et pour acheter son blé, se tournait vers la côte nord
de la Propontide et d'abord vers Périnthe". "Ainsi", concluait-il, "l'association des
Périnthiens en relations avec Apamée de la Propontide dédiait un autel à la Concorde
pour le bon maintien des heureux rapports"440.
Mais l'hypothèse d'un conflit est-elle envisageable également ? Rappelons
cette autre inscription de Périnthe, brièvement évoquée plus haut, de l'époque des
Sévères, en l'honneur du gouverneur de Thrace, M. Ulpius Senecio Saturninus, qui
portait le titre de προστάτης της ομονοίας των πόλεων et fut honoré d'une
statue pour son rôle dans le rétablissement de la concorde entre Périnthe et Cyzique,
sise elle aussi sur la côte sud de la Propontide, à l'est d'Apamée441. Egalement
reconnue pour sa culture de l'olivier, Cyzique put elle aussi fournir de l'huile à sa
voisine du nord en échange de blé. Un rétablissement de la concorde lié à ces
échanges commerciaux est d'ailleurs d'autant plus plausible que l'érection de la statue
fut assurée par le sitophylaque de Cyzique442. Il se pourrait donc, selon moi, qu'une
dispute commerciale ait été à l'origine de l'autel d'Homonoia dédié par les
Philapameis.
Nakoleia
Notre dernier témoignage révèle que des villages, et non seulement des cités,
faisaient eux aussi appel à Homonoia pour célébrer la concorde entre eux. Un bel
exemple en est l'inscription gravée sur un autel provenant de la région de Nakoleia
en Phrygie. Un sculpteur nommé Alexandras a dédié un sanctuaire et une statue de
la Concorde des villages443:
'Αλέξανδρος
λ άτυπος το
ιερόν κ(αι) των χω-
4 μών την Όμό[ν]-
[οιαν ]
441 IGR, I, 797 et surtout L. Robert, op. cit. (note 326), p. 69-74 (= OMS, VI, p. 291-296). Cf.
Bull, épigr., 1976, 469.
2 Sur les échanges commerciaux entre Périnthe et Cyzique et sur le rôle du sitophylaque dans
le rétablissement de la concorde entre les deux cités, voir la discussion de L. Robert, ibid., p. 73-74.
443 Th. Drew-Bear, Nouvelles inscriptions de Phrygie, Zutphen, 1978, p. 50, no 26, pi. 16, ΙΠ 26
(SEG, XXVm, 1176). Cf. Bull, épigr., 1979, 529.
444 Cf. M. Sartre, L'orient romain. Provinces et sociétés provinciales en Méditerranée orientale
d'Auguste aux Sévères (31 avant J.-C. - 235 après J.-C), Paris, 1991, p. 292.
445 Ibid. Cf. S. Mitchell, op. cit. (note 251), p. 185.
98 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΪΑ DANS LES CITES GRECQUES
les paysans". Le même savant a justement mis en lumière l'une de ces disputes,
dans laquelle deux petits villages phrygiens, Attioukômé et Lagonia, situés dans la
région d'Orkistos, se sont disputé la possession d'une importante source446.
Mais, dans le cas qui nous intéresse, s'agit-il incontestablement d'une
réconciliation ? En fait, des associations de villages, regroupant deux (δικωμία)447
et parfois même trois communautés (τρικωμία)448, sont connues dans la région de
Nakoleia et de Dorylaion, un peu plus au nord. On peut donc se demander si cette
dédicace ne concernait pas le maintien des heureux rapports à l'intérieur d'une telle
association. En tout cas, la présence d'un sanctuaire, d'un temple (?) et d'un autel
d'Homonoia témoigne de l'importance que ce culte dut revêtir dans ce petit village
phrygien.
3. Conclusion
D'après des inscriptions rupestres inédites, qui seront publiées dans un volume de mélanges
en l'honneur de Z. Tasliklioglu. Je remercie M. Th. Drew-Bear, à qui je dois cette information et qui
m'a aimablement transmis une copie de son article.
447 Cf. Th. Drew-Bear, op. cit. (note 443).
44° ΜΑΜΑ, V, 87: dédicace faite par οι κατοικοΰντες έν τή τρικωμίςι.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE ENTRE LES CITES 99
statue) érigé (e) pour la concorde des habitants de Mopsueste et d'Anazarbe, deux
cités limitrophes.
Il convient d'insister aussi sur les liens fraternels que suscitaient ou
entretenaient entre certaines cités les sacrifices à la Concorde, qui étaient une
occasion unique pour celles-ci de festoyer, de faire bombance et de célébrer leurs liens
d'amitié et de parenté, assurant ainsi, sous l'égide d'Homonoia, la durabilité de leur
bonne entente: il en est ainsi entre Nagidiens et Arsinoéens et entre habitants
d'Antioche du Pyrame et ceux d'Antioche du Kydnos. Je n'ai pas manqué de rappeler
les similitudes entre ces festivités et celles qu'avaient instituées, au IIIe siècle, les
Nakoniens à la suite de querelles internes. Il faut aussi marquer l'importance du rôle
à'Homonoia dans le traité d'alliance entre Plarasa-Aphrodisias, Kibyra et Tabai, dans
lequel elle est invoquée aux côtés de Zeus Philios, garant de l'alliance, et de la déesse
Rome, rappelant le rôle, sans doute important, des Romains dans l'affaire. Que cet
événement ait succédé ou non à une discorde, n'enlève rien au fait que les trois cités
ont choisi d'implorer trois divinités aptes à garantir le succès de leur entreprise. Et,
bien que ce soit le seul exemple où Homonoia est associée à un tel traité, la déesse y
avait certainement sa place.
Le culte ûHomonoia est donc attesté à Nagidos, à Aphrodisias, à Antioche du
Pyrame, à Delphes, à Antioche de Pisidie-Galatie, à Mopsueste, à Périnthe, à
Nakoleia et peut-être à Thespies. De façon générale, la documentation conservée
rend compte, encore une fois, de la grande popularité du culte en Asie Mineure et,
inversement, de sa faible représentation en Grèce même. Elle témoigne des efforts
des cités pour entretenir avec les autres cités, parentes ou ennemies, d'heureux
rapports, avec ou sans bons résultats. Mais il est certain que beaucoup de
témoignages nous manquent: nombreuses furent probablement les cités qui, peut-être
en Grèce continentale autant qu'en Asie Mineure, invoquèrent Homonoia dans des
contextes analogues.
/ίο
CHAPITRE III
En 1916, B. Keil écrivait, en parlant des cités grecques classiques: "La paix est
une interruption contractuelle de la guerre, et non la guerre une interruption de l'état
de paix"449. Certes, il ne faut pas exagérer à l'excès la justesse de cet énoncé, mais,
perpétuellement tourmentée par les guerres et les luttes fratricides, que la guerre du
Péloponnèse devait porter à son comble, la Grèce entretenait un état de guerre quasi
continuel: c'est à juste titre que l'on parle d'exiguité des sols450, d'esprit d'autonomie
et de rivalités hégémoniques451. Et il y a plus: le particularisme de chaque cité et les
inévitables heurts entre cités étaient des données admises par les Grecs comme allant
de soi et, comme ailleurs, la guerre était un autre moyen de faire de la politique.
Pourtant, malgré cet antagonisme indéniable, les Grecs étaient pleinement
conscients des liens de sang, de langue, de religion et de moeurs452 qui les unissaient
et qui surtout les distinguaient des barbares. L'antithèse entre ceux-ci et les Grecs est
un sujet trop connu pour qu'il soit nécessaire d'insister453. Conscients de leur
originalité culturelle et fiers d'un passé glorieux associé aux guerres médiques, les
Grecs du Ve et du IVe siècle en vinrent cependant à déplorer leurs luttes fratricides et
à prêcher l'union et la concorde de tous les Hellènes face aux barbares. Certains ont
utilisé le mot "panhellénisme", je préfère parler d'unité et de concorde helléniques,
comme le faisaient les Grecs d'autrefois454. Il n'est pas de mon propos d'entreprendre
ici une analyse détaillée de ce sujet complexe, auquel de nombreuses et savantes
études ont été consacrées. Il suffira d'en faire ressortir les traits utiles à l'étude du
culte d'Homonoia.
Comme l'écrivait G. Mathieu, "Alors que la lutte contre la Perse n'était pas
encore terminée et que seul le danger immédiat était écarté, Salamine et Platées
prenaient déjà une valeur symbolique, et les écrivains conviaient les Grecs à
continuer la politique qui leur avait valu le succès"455. Représentés au printemps de
472, les Perses d'Eschyle, par exemple, attribuaient le mérite de la victoire non aux
seuls Athéniens, mais à la Grèce entière456. Mais nous savons qu'avec la montée de
l'impérialisme athénien, cette solidarité et cette union des Grecs firent bientôt place à
la rivalité de Sparte et d'Athènes et de leurs alliés respectifs.
Comme l'ont noté bon nombre de savants, ce sont probablement les
bouleversements de la guerre du Péloponnèse qui firent surgir, ou ressurgir, le thème
de la réconciliation entre les Grecs, comme ont le voit nettement chez
Aristophane457. Dans la Paix, représentée aux grandes Dionysies de 421, quelques
jours avant la conclusion de la paix de Nicias458, Aristophane dénonçait les vieilles
rancunes réciproques et incitait les Grecs à la réconciliation nationale: "Mets fin aux
batailles et aux tumultes, que nous puissions t'appeler Lysimaque; fais cesser parmi
nous les suspicions subtiles par lesquelles nous déblatérons les uns contre les autres;
mêle-nous de nouveau, les Hellènes, par un suc d'amitié; tempère notre esprit d'un
peu plus de douce indulgence" (συγγνώμη)459, telle était la prière adressée à la
Paix par Trygée, qui s'était rendu à la demeure des dieux pour le "bien de tous les
Hellènes"460. De cette idée d'unité, mais aussi de lutte contre le barbare, on trouve
aussi l'expression dans Lysistrata, vraisemblablement représentée en 411, alors
qu'Athènes était aux prises avec la défection de nombreuses cités ioniennes passées
dans le camp de Sparte et du Grand-Roi (412): Lysistrata s'adresse à tous les Grecs,
les invitant à renoncer à leurs querelles alors que "les barbares sont là en armes"461.
Aristophane n'y manque pas non plus d'évoquer le souvenir des guerres médiques462.
Bien que le mot ομόνοια n'apparaisse dans aucun de ces extraits, c'est bien de
concorde des Hellènes dont il est question ici. Aristophane déplore, à sa façon, non
seulement l'ineptie de ces luttes fratricides, mais aussi l'insouciance, devant la
menace barbare, de l'Hellade, trop préoccupée par ses querelles internes463.
Or, à cette guerre exceptionnellement grave succéda un conflit dans lequel les
Grecs se trouvèrent de nouveau dressés les uns contre les autres: la guerre dite
"corinthienne" (395-386), dans laquelle les Perses jouèrent également un rôle de
premier plan. C'est vraisemblablement dans ce contexte que le mot ομόνοια,
récemment apparu dans le vocabulaire politique (supra, p. 7-8), vint pour la première
fois, se greffer au thème de l'union des Grecs contre le barbare. Ce thème retiendra
maintenant toute mon attention464.
C'est d'abord dans la réflexion sophistique qu'il se démarque, ce qui ne surprend
guère, puisque nous avons vu au chapitre I comment Antiphon, Thrasymaque,
Démocrite et d'autres se préoccupaient de Yhomonoia dans les cités. Selon
Philostrate, Gorgias fit de Γόμόνοια des Grecs et de la lutte commune contre le
barbare le thème d'un discours qu'il prononça à Olympie, vraisemblablement en 392,
en pleine guerre de Corinthe465. Une ou deux olympiades plus tard, en 388 ou 384,
461 Lysistrata, 1 133-1 134. Cf. W.M. Hugill, op. cit. (note 457), p. 16-19.
wz Lysistrata, 1247-1261: évocation de l'Artémision et des Thermopyles. Référence erronée
chez E. Levy, op. c'a. (note 16), p. 158, note 12.
ΗΌ3 L'une des préoccupations des Perses à cette époque, si l'on en croit Xénophon (Helléniques,
I, 5, 9), était d'ailleurs de veiller à ce que nul peuple en Grèce ne devienne puissant et qu'ils soient tous
affaiblis par leurs dissensions mutuelles (αλλά πάντες ασθενείς, αυτοί εν αυτοί ς
στασιάζοντες).
464 Cf. Κ. Thraede, loc. cit. (note 319), col. 191-194.
4<" Vie des sophistes, I, 493: Ό δέ Όλυμπικός υπέρ too μεγίστου αύτφ έπολιτευθη.
Έστασιάζουσαν γαρ την Ελλάδα όρων ομονοίας ζυμβουλος αΰτο"ίς έγένετο τρέπων
έπι τους βαρβάρους και πείθων άθλα ποιείσθαι των απλών μη τας αλλήλων
πόλεις, αλλά την των βαρβάρων χώραν. Plutarque (Préceptes de mariage, 144, b-c [= DK,
A, 1, 4]) fait également allusion à ce discours dont Aristote nous a conservé quelques fragments
(Rhétorique, 1414, b 29): Γοργίου του όήτορος αναγνόντος έν 'Ολυμπία λόγον περί
ομονοίας τοΊς "Ελλησιν ... La date de 392 est généralement admise: cf. F. Koepp, Isokrates als
Politiker, Berlin, 1892, p. 477; mais la date de 408 a aussi été avancée par U. Von Wilamowitz-
Moellendorff, Aristoteles und Athen, I, Berlin, 1893, p. 172, suivi par R. Etienne et M. Piérart, loc. cit.
(note 125), p. 71. Sur le "panhellénisme" durant la guerre de Corinthe, cf. S. Payrau, loc. cit. (note
450), p. 24-50. On attribue également à Gorgias un discours funèbre, YEpitaphios, dédié à la mémoire
des Athéniens tombés durant la guerre; bien que, comme l'indique Philostrate (Vie des Sophistes, I,
493), l'idée de concorde des Hellènes en ait été absente (υπέρ ομονοίας μεν της προς τους
"Ελληνας ουδέν διήλθεν), il y excitait les Athéniens έπι Μήδους τε και Πέρσας και τον
αυτόν νουν τφ Όλυμπικ<$ αγωνιζόμενος, en insistant notamment sur les hauts faits des
guerres médiques (ένδιέτριφε δέ το~ΐς των Μηδικών τροπαίων έπαίνοις). Le seul fragment
que nous possédions de YEpitaphios concerne en effet Grecs et barbares (Philostrate, ibid.): τα μέν
κατά των βαρβάρων τρόπαια βμνους απαιτεί, τα δέ κατά των 'Ελλήνων θρήνους.
104 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
466 Discours olympique (ΧΧΧΙΠ). Sur la date et sur l'authenticité du discours, voir M. Bizos,
Lysias, Discours, tome Π, Paris, Les Belles Lettres, 1989, p. 200-201. La tenue de tels discours à
Olympie ne surprend guère: Herakles, écrit Lysias (2), avait institué les jeux pour réunir les Grecs, "et
ce rapprochement, croyait-il, marquerait le début d'une amitié mutuelle entre Grecs" (ήγήσατο γαρ
τον ένθάδε σϋλλογον αρχήν νενήσεσθαι το~ις "Ελλησι της ττρός αλλήλους φιλίας);
cf. aussi Isocrate, Philippe (V), 111-1 14.
467 Traduction de M. Bizos, op. cit. (note précédente).
468 § 7: ... και έν τοΙς παρεληλυθάσι κινδιίνοις σωτήρας γενομένους της
'Ελλάδος περ'ι των μελλόντων προορασθαι. Sur le "panhellénisme" de Lysias, essentiellement
dirigé contre le tyran grec Denys de Syracuse, cf. notamment E. Levy, op. cit. (note 16), p. 161; ainsi
que S. Perlman, loc. cit. (note 453), p. 19-20.
4o* Denys d'Halicarnasse, Isocrate, I; Quintilien, ΠΙ, 1, 13; la Souda, s.v. Gorgias. Sur les
pensées et les expressions empruntées par Isocrate à son maître, cf. G. Mathieu, op. cit. (note 454), p.
25; id., Isocrate, Discours, Π, Paris, Les Belles Lettres, 1961, p. 4.
Sur ce point, l'on se reportera à A. Moulakis, op. cit. (note 13), p. 54-59, où l'on trouvera
toutes les références utiles. Voir également K. Thraede, loc. cit. (note 319), col. 192-193.
471 Eloge d'Hélène (X), 67: Εύριίσομεν γαρ τους "Ελληνας δι' αυτήν όμονοήσαντας
και κοινή ν στρατείαν έπι τους βαρβάρους ποιησαμένους. Sur la date du discours, cf. E.
Brémond, Isocrate, Discours, I, Paris, Les Belles Lettres, 1929, p. 159-160. Isocrate, dans son
Panathénaïque (70-89), devait à nouveau reprendre l'exemple de la guerre de Troie, où cette fois
l'éloge rejaillit sur Agamemnon.
LE CULTE DE L'HOMONOIA DES HELLENES 105
sujet de la guerre contre les barbares et de la concorde entre nous"472. Il écrivait plus
loin: "en effet, il est impossible ni d'obtenir une paix solide si nous ne faisons pas
en commun la guerre aux barbares, ni d'instaurer la concorde entre les Grecs avant
que nous n'ayons tiré nos avantages des mêmes sources et ne nous soyons exposés
aux dangers contre les mêmes ennemis"473. Comme ses devanciers, Isocrate ne
manquait pas d'évoquer les hauts faits des guerres médiques, rappelant qu'en ce
temps-là les Athéniens et les Lacédémoniens "ne flattaient pas le barbare pour
l'asservissement des Grecs, mais s'accordaient pour le salut commun"474. Comme
eux, il était également convaincu que l'union des Grecs devait s'organiser autour
d'une puissance hégémonique, celle d'Athènes précisément, en qui il voyait un chef
légitimé par la tradition et que mettait en relief tout son Panégyrique415. Cette
conception devait prendre une autre tournure avec l'arrivée de Philippe de Macédoine
sur l'échiquier politique.
Persuadé désormais qu'aucune grande cité de Grèce n'était en mesure de réaliser
l'unité de lUellade, Isocrate voulut confier cette lourde tâche à Philippe, auquel la
paix de Philocrate (346) avait conféré une certaine autorité dans les affaires de la
Grèce. C'est en tout cas ce qui ressort du Philippe qu'il publia en 346476, dans
lequel deux tâches indissociables étaient assignées au Macédonien: réconciliation des
cités grecques et conquête de l'empire perse. L'orateur athénien estimait en effet que
la richesse et la puissance acquises par Philippe au cours de ses campagnes étaient
les seuls moyens de persuader (πείθειν) et de contraindre (βιάζεσθαι) les
Grecs477. Aussi n'hésitait-il pas à conseiller au Roi "de prendre l'initiative
472 Panégyrique (IV), 3: ήκω συμβουλεύσων περί τε του πολέμου του προς τους
βάρβαρους και της ομονοίας της προς ή μας αυτούς ... Sur la vraisemblance qulsocrate se
soit inspiré du discours olympique de Gorgias, dont il a été le disciple, pour le contenu du Panégyrique
de même que pour sa publication durant une fête olympique, cf. G. Mathieu, op. cit. (note 469:
Discours), p. 4-5. Sur la date du discours, ibid., p. 5-6.
473 Panégyrique (IV), 173: οΰτε γαρ ειρήνην oîov τε βεβαίαν άγαγε"ίν fiv μή
κοινή τοΊς βαρβάροις πολεμήσωμεν, ουθ' όμονοήσαι τους "Ελληνας πρ\ν αν και τας
ωφελείας έκ των αυτών κα\ τους κίνδυνους προς τους αυτούς ποιησώμεθα.
474 Panégyrique (IV), 85: ... ούδ' έπι δουλεία τή των 'Ελλήνων τον βάρβαρον
θεραπευΌντες, άλλα περί μεν της κοινής σωτηρίας όμονοουντες ... Sur la célébration
des guerres médiques par Isocrate, cf. G. Mathieu, op. cit. (note 454), p. 56-57.
47'
Voir notamment G. Mathieu, op. cit. (note 454), p. 69 et s.
47° Sur la date du discours, cf. G. Mathieu, Isocrate, Discours, IV, Paris, Les Belles Lettres,
1962, p. 7-8. Sur le thème de Yhomonoia dans le Philippe, voir G. Dobesch, Der panhellenische
Gedanke im 4. Jh. ν. Chr. und der "Philippos" des Isokrates, Wien, 1968, p. 125-136; ainsi que S.
Perlman, "Isocrates' "Philippus" and Panhellenism", Historia, 18 (1969), p. 372; id., loc. cit. (note 453),
p. 27-28. Isocrate avait publié, entre temps (354-353), Sur l'échange (XV) où l'on trouve toujours le
thème de Yhomonoia des Hellènes et de la lutte contre le barbare (77): "Ετι bï τις αν περί
καλλιόνων και μειζόνων πραγμάτων του τους'Έλληνας έπί τε την των βαρβάρων
στρατείαν παρακαλοΰντος κα\ περ\ της προς αλλήλους ομονοίας συμβουλεύοντος;
411 Philippe (V), 15.
1 06 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
478 Philippe (V), 16: ... σοι συμβουλευ'ειν προστήναι της τε των 'Ελλήνων
ομονοίας και της έττι τους βαρβάρους στρατείας. Voir aussi, dans le même sens, ibid., 83:
τότε συμβουλευσομεν ως χρή πολεμείν προς τους βαρβάρους, δταν ϊδωμεν αυτας
όμονοου'σας ...
9 Voir notamment Philippe (V), 141: ... οΰδένα γαρ άλλον ποτέ δυνήσεσθαι μείζω
πραξαι τούτων ούτε γαρ εν τοΊς "Ελλησι γενήσεσθαι τηλικουτον έργον, όσον έστιν
το πάντας ήμας έκ τοσούτων πολέμων έπι την όμόνοιαν προαγαγεΐν.
480 Cf. G. Dobesch, op. cit. (note 476), p. 131, note 42. Cf. aussi Plutarque (Alexandre, 9, 13),
selon qui Philippe aurait demandé à l'un de ses hôtes, le Corinthien Démarate, "ce qu'il en était de la
concorde entre les Grecs" (... επερωτώντος του Φιλίππου πώς έχουσιν ομονοίας προς
αλλήλους ο\ "Ελληνες ...); pour le même épisode, cf. id.. Oeuvres morales, 70 C, 2; 179 C, 1.
Notre thème paraît au § 13: έμέ δε τών λόγων ηγεμόνα τούτων γεγενημένον
των παρακαλουντων τους "Ελληνας έπί τε την όμόνοιαν την προς αλλήλους και
την στρατείαν έπΥ τους βαρβάρους ...; au § 42: ΟΙ μέν τοίνυν ημέτεροι πρόγονοι
φανήσονται τήν τε προς τους "Ελληνας ομόνοια ν και την προς τους βαρβάρους
έχθραν ...; ainsi qu'au § 77: εις όμόνοιαν δέ καταστήσας (Agamemnon) τα μέν περιττά
τών έργων και τερατώδη και μηδέν ώφελουντα τους άλλους ύπερεΤδεν,
στρατόπεδον δέ συστήσας έπι τους βαρβάρους ίίγαγεν ... Sur la date du discours, cf. E.
Brémond, Isocrate, Discours, TV, Paris, Les Belles Lettres, 1962, p. 63.
482 Op. cit. (note 454), p. 170-171. Voir notamment la digression des § 72-88, où l'auteur trace
un portrait admiratif d'Agamemnon. Se référant vraisemblablement à G. Mathieu, 'la critique, écrivait
E. Brémond (op. cit. (note précédente), p. 69), a souligné que ce long développement dont s'excuse
l'auteur (88), cependant qu'il accumule les raisons tendant à le justifier, était un procédé auquel avait
recours Isocrate pour faire accepter de ses lecteurs l'idée que le rassemblement des Grecs fût confié
désormais - non plus à une ville - mais à une personnalité forte, laquelle en 342, ne pouvait être que
Philippe; le rapprochement a été fait et il apparaît justifié, de la rédaction du par. 77 du discours et de
celle du par. 1 11 du Philippe qui lui-même s'insère dans un portrait d'Héraclès qu'Isocrate propose
expressément en exemple flatteur à Philippe". Cf. J. Kessler, Isokrates und die panhellenische Idee,
Padeborn, 191 1, p. 65 et s.
* * FUippo il Macedone, Firenze, 1934: voir les p. 209-210 de la traduction française, Philippe
de Macédoine, Editions de l'Eclat, 1992.
LE CULTE DE L'HOMONOIA DES HELLENES 107
certain: les Perses étaient des ennemis héréditaires qu'il fallait soumettre484, objectif
que seule Γόμόνοια των ' Ελλήνων permettrait de réaliser485.
Après Isocrate, le thème de la concorde des Hellènes disparaît, du moins des
sources dont nous disposons. Il est toutefois repris, quoique très brièvement, au
siècle suivant. Deux inscriptions en font foi et toutes deux sont étroitement liées à
la guerre de Chrémonidès (268/7-262/1), alors que de nombreuses cités grecques
s'étaient coalisées, autour d'Athènes, de Sparte et de Ptolémée II, contre Antigonos
Gonatas486. Nous avons en effet le décret même du traité conclu en 267 (décret dit
"de Chrémonidès") entre Sparte, Athènes et le Lagide (IG, II2, 687; Sylloge3, 434/5)
et le fameux décret en l'honneur du frère aîné de Chrémonidès, Glaukon, document
dont l'étude nous retiendra dans la seconde partie de ce chapitre (infra, p. 1 12-1 18).
La guerre de quelques cités grecques contre Gonatas rappela sans doute aux
Grecs l'importance de l'union contre un ennemi commun, comme l'avaient fait jadis
leurs ancêtres à Marathon, Salami ne et Platées. Les chefs de file du mouvement à
Athènes, Chrémonidès et Glaukon, exploitèrent largement une propagande rappelant
les exploits des guerres médiques. Ainsi les considérants du décret de Chrémonidès
rappellent le rôle tenu autrefois par les Athéniens, les Lacédémoniens et leurs alliés
respectifs qui, "ayant fait entre eux un pacte d'amitié et une alliance commune,
livrèrent de nombreux et beaux combats, les uns avec les autres, contre ceux qui
tentaient de réduire les cités en esclavage, à la suite de quoi ils acquirent pour eux-
mêmes la gloire et procurèrent aux autres Grecs la liberté"487. Cette évocation des
guerres médiques, symbole de l'union et de la liberté des cités grecques, se traduit
aussi, dans la formule hortative, par l'impérieuse nécessité d'établir Y homonoia entre
les Grecs (1.31-35):
... όπως αν ούν κοινής ομονοίας γενομ-
32 ένης τοις "Ελλησι προς τε τους νυν ήδικηκότας και παρεσπον-
δηκότας τας πόλεις πρόθυμοι μετά του βασιλέως Πτολεμαίου
και μετ' αλλήλων ύπάρχωσιν άγωνισται και το λοιπόν μεθ'
Cette concorde n'avait toutefois pas l'envergure du programme qui avait animé,
au siècle précédent, Gorgias, Lysias et surtout Isocrate. Comme le notait E. Will,
"la coalition qui se noue alors sous le patronnage de l'Egypte n'est
vraisemblablement pas d'un alliage très pur. Outre Sparte et Athènes, elle ne groupe que des Etats
péloponnésiens: les Eléens, déjà débarrassés de leur tyran, les Achaiens, qui ne
présentent que quelques bourgades sans importance, certains Arcadiens (Orcho-
méniens, Tégéates, Mantinéens); s'y ajoutent quelques communautés Cretoises liées à
Sparte"488. On voit bien d'autre part que, même si un puissant souci d'autonomie
persiste dans les cités au IIIe siècle, des cités comme Athènes ou Sparte par exemple
n'ont plus l'initiative de la "grande" politique ni des "grandes" guerres, et n'ont donc
plus guère l'occasion de reprendre l'idée d'une union de tous les Grecs: pour quelles
raisons ? contre qui ? La guerre de Chrémonidès est une exception, certes, mais sa
portée est somme toute limitée. Cet appel à la concorde des Hellènes ne fut donc
sans doute que circonstanciel.
D'ailleurs, il faut attendre plus de quatre siècles pour voir reparaître ce thème,
dans un contexte également fort différent, celui de la Pax Romana. Evidemment,
même s'il y eut vraisemblablement moins d'occasions de prêcher la concorde générale
dans les siècles qui suivirent la guerre de Chrémonidès, on ne saurait en déduire que
l'idée d'unité disparut totalement en Grèce. La perte de beaucoup d'oeuvres littéraires,
en effet, nous prive de bien des courants d'idées de la période hellénistique. Quoi
qu'il en soit, le thème apparaît pour la dernière fois489 chez ce grand admirateur de la
politique romaine490 que fut le sophiste Aelius Aristide. Il figure d'abord dans son
49 1 Cf. J.H. Oliver, The Civilizing Power; A Study of the Panathenaic Discourse of Aelius
Aristides against the Background of Literature and Cultural Conflict, with Text, Translation, and
Commentary, Philadelphia, 1968, p. 33-34.
Vii
JAM Voir particulièrement A. Boulanger, op. cit. (note 270), p. 369-370; ainsi que J.H. Oliver, op.
cit. (note précédente), p. 12-16.
493 142: ... κοινήν έχον παράκλησιν τοΊς "Ελλησιν εις τε όμόνοιαν και το των
βαρβάρων καταφρονείν. J.H. Oliver (pp. cit. (note 491), p. 35-38) a vu dans cette dénonciation
historique du péril perse une allusion vraisemblable à la menace que représentaient pour l'hellénisme, à
l'époque du sophiste, un christianisme de plus en plus envahissant, des invasions parthes rappelant la
menace barbare et un enrôlement accru de barbares dans l'armée romaine. Quoiqu'attrayante, cette
hypothèse n'en demeure pas moins fragile. D'une part, de telles préoccupations ne sont pas exprimées
dans le discours d'Aristide, du moins de façon explicite; d'autre part, dans la mesure où plusieurs parties
du discours sont imitées du Panégyrique et du Panathénaïque dlsocrate, dans lesquels culminait le
thème de la concorde des Grecs et de la lutte contre le barbare, l'évocation du péril perse n'implique
pas nécessairement une allusion à quelque menace contemporaine. Sur le thème du barbare dans le
Panathénaïque d'Aristide, signalons une étude de F.W. Lenz ("Aristidea et Epigrammatica", WS, 81
(1968), p. 28-45) sur les scholies à Aristide, Panathénaïque, I, 203, 12-205, 20; le savant y a traduit une
série d'épigrammes exaltant la victoire des Grecs sur les Perses.
494Περ\ ομονοίας τα~ις πόλεσιν (ΧΧΙΠ), 2-3: ... της τε προς αλλήλους ομονοίας
και του πολέμου του προς τους βαρβάρους ... εγώ δ' υπέρ μϊν του πολέμου του προς
τους βαρβάρους ούκέθ' όρώ καιρόν λέγειν. Άθρόαν γαρ απάντων δεδωκότων δίκην
τοΊς τε θεοΐς κα"ι τοις ήγεμόσι μελήσειν οΐμαι, κα\ συν αΰτοϊς γε ειπείν τοΊς θεοΊς
οΰ πολύν τον αγώνα νομίζω γενήσεσθαι ... περί της προς αλλήλους ομονοίας
οΰτως δπως αν οίος τε ώ διαλέγομαι.
1 10 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
hellénistique, dans la "grande" politique était encore plus nette à l'époque romaine.
En fait, cette recherche d'unité, ressentie surtout dans le second extrait d'Aristide,
n'est plus suscitée par un ennemi commun ni par le désir d'asservir le barbare, elle
s'inscrit dorénavant dans une unité hellénique à l'intérieur de l'Empire romain, garant
de la paix, de l'autonomie et de la liberté des cités. Aristide ne manque pas de faire
valoir aux Hellènes l'excellence de l'administration romaine, la paix et l'unité qu'elle
procure495. Utilisant un thème connu, il présente cette domination comme la
réalisation d'un cosmos où les astres célestes sont un exemple d'harmonie et où
Rome tient le rôle de Zeus, garant de la paix, de la concorde et de l'ordre mondial496.
Ainsi, pour Aristide comme pour Isocrate, la concorde des Grecs ne semblait
possible que par l'entremise d'un seul ήγεμών.
Il faut ici revenir un peu en arrière et évoquer le Panhellénion, conseil fondé par
Hadrien en 131-132, qui se réunissait à Athènes tous les ans dans le sanctuaire de
Zeus Panhellénios et regroupait des délégués de cités et Etats fédéraux (koina) de
toutes les régions de la Grèce497. Parmi les cités-membres figuraient d'abord
Athènes, dont le choix comme siège du nouveau conseil relevait de sa primauté
intellectuelle, artistique et religieuse, puis, toujours en Grèce, Sparte, Argos,
Epidaure, Méthana, Corinthe, Mégare, Chalcis, Acraephiae, Amphicleia, Hypata et
Démétrias, en Macédoine Thessalonique, en Thrace Périnthe, en Asie Aezanoi,
Tralles, Milet, Apamée, Synnada, Thyatire, Sardes et Magnésie du Méandre, dans les
îles Rhodes, en Crète et en Cyrénaïque Lyttos, Gortyne, Hiérapytna, Cyrène et
Apollonie de Cyrène. Quelles furent les attributions et le but de ce Panhellénion ?
Les documents conservés, qui concernent uniquement la qualification des membres,
le culte, le festival et le paiement de la dîme à Eleusis, n'autorisent que peu
d'hypothèses quant au pouvoir du conseil. Celle de J.H. Oliver, selon laquelle le
Panhellénion aurait "replaced the Senate for Hellenic affairs", ne peut guère être
étayée, comme l'a montré A.R.R. Sheppard498. Il me semble douteux que le
Panhellénion, organisme à caractère plutôt religieux et culturel, ait eu une autorité
politique si importante499. Il demeurait même sous l'étroite dépendance de Rome, à
qui étaient communiquées ses décisions500. "En réalité", selon M. Sartre, "le
495 Περϊ ομονοίας ταίς ττόλεσιν (ΧΧΙΠ), 8-11; 'Ρόδιοις περί ομονοίας (XXIV), 31.
496 Notamment 'Ρόδιοις περί ομονοίας (XXIV), 77-78; Εις 'Ρώμη ν (XXVI), 102-103.
Cf. J. Bleicken, Der Preis des Aelius Aristides auf das römische Weltreich, Göttingen, NAWG, 1966, 7,
p. 241-242; E. Ratti, loc. cit. (note 490), p. 334-335; F. Vannier, loc. cit. (note 490), p. 501; A.R.R.
Sheppard, loc. cit. (note 50), p. 239-240.
9 On trouvera toutes les références utiles chez A.J. Spawforth et S. Walker, "The World of
Panhellénion. I. Athens and Eleusis", JRS, 75 (1985), p. 78-104; id., "The World of Panhellénion. Π.
Three Dorian Cities", ibid., 76 (1986), p. 88-105.
^yö J.H. Oliver, Marcus Aurelius; Aspects of Civic and Cultural Policy in the East, Princeton,
Hesperia, Suppl. 13, 1970, p. 134. Cf. A.R.R. Sheppard, loc. cit. (note 50), p. 238-239, ainsi que P.
Graindor, Athènes sous Hadrien, Le Caire, 1934, p. 1 10-1 11.
499 Cf. AJ. Spawforth et S. Walker, loc. cit. (note 497 [1985]), p. 82-84.
500 Cf. P. Graindor, op. cit. (note 498), p. 1 1 1.
LE CULTE DE LHOMONOIA DES HELLENES 1 11
C'est donc pour promouvoir cette inaccessible unité, sous des auspices divins,
que les Grecs fondèrent un culte de YHomonoia des Hellènes à Platées en Béotie,
symbole de liberté et d'union auquel était associée l'expulsion définitive des Perses
hors de la Grèce. Dès 479, selon Thucydide (II, 71,2), le Spartiate Pausanias avait
le premier offert sur l'agora de Platées un sacrifice à Zeus Eleuthérios. Dès lors,
chaque année au jour anniversaire de la bataille, le Conseil hellénique (το
'
Ελλη νικόν συνέδριο ν) se réunissait à Platées et sacrifiait à Zeus Eleuthérios en
souvenir de la victoire508. Or, à une époque indéterminée, les Grecs ajoutèrent à
cette ancienne cérémonie un sacrifice à YHomonoia des Hellènes, comme le montre
le décret pour Glaukon.
Platées
En effet, cet important décret509, auquel j'ai déjà fait allusion, honore un
Athénien, Glaukon, le frère de Chrémonidès, l'un des principaux acteurs de la "guerre
de Chrémonidès"510. En voici le texte complet et la traduction:
508 Plutarque, Aristide, 19, 7. Sur la chronologie de ce koinon, cf. R. Etienne et M. Piérart, loc.
cit. (note 125), p. 68.
509 Th. Spyropoulos, "News from Boeotia", AAA, 6 (1973), p. 375-377, avec photo, fig. I (P.
Roesch, ZPE, 15 (1974), p. 180-182, avec bref commentaire; J.P. Michaud, BCH, 98 (1974), p. 653-
654, avec photo, fig. 175); surtout R. Etienne et M. Piérart, loc. cit. (note 125), p. 51-75, avec photo, fig.
1. Cf., pour une traduction française, J.-M. Bertrand, inscriptions historiques grecques, Paris, 1992, p.
175-176, no 96.
5'° Sur les causes et le déroulement de cette guerre, cf. supra, note 486.
LE CULTE DE L'HOMONOIA DES HELLENES 1 13
511 Sur la riche carrière de Glaukon, on consultera principalement J. Pouilloux, "Glaucon, fils
d'Etéoclès d'Athènes", Hommages à Claire Préaux, Bruxelles, 1975, p. 376-382; R. Etienne et M.
Piérart, loc. cit. (note 125), p. 56-58.
Après avoir repris un point de chronologie delphique, R. Etienne et M. Piérart {loc. cit. (note
125), p. 59-62) ont abaissé la date généralement admise, soit 263/2, à 262/1. Cette remise en question
leur a valu une sévère critique de G. Daux (cf. G. Daux, "Etudes delphiques", BCH, Suppl. IV (1977),
p. 57-61; R. Etienne, "La Béotie antique", Colloques internationaux du CNRS, Paris (1985), p. 259).
Faute de pouvoir approfondir ici l'argumentation des uns et des autres, je m'en tiens à la date proposée
par R. Etienne et M. Piérart, principaux éditeurs du décret.
JlJ Loc. cit. (note 125), p. 62. Sur la possibilité que Glaukon, à la mort de Ptolémée Π, se soit
mis au service de son fils, Ptolémée ΠΙ, que pourrait également viser le décret de Platées, voir R.
Etienne et M. Piérart, ibid., p. 62, note 36. Enfin, sur la possibilité que Glaukon ait été honoré à titre
posthume, cf. K. Bourazelis, Das hellenistiche Makedonien und die Ägäis, München, 1982, (non vidi),
dont les conclusions sont contestées par R. Etienne, loc. eu. (note précédente), p. 261-263; voir en
dernier lieu D. Knoepfler {Chiron, 22 (1992), p. 474, no 114), qui signale que l'"on ne peut manquer
d'être troublé par le caractère assez impersonnel des honneurs octroyés au bienfaiteur: l'absence de la
couronne en particulier, est frappante; or, cette absence distingue précisément les décrets attiques pour
des bienfaiteurs défunts tels que Lycurgue et Démosthène".
LE CULTE DE L'HOMONOIA DES HELLENES 115
l'inscription du dème d'Acharnés publiée par L. Robert en 1938, où l'on peut lire,
aux lignes 2-3: δπως αν ό βωμός ο'ικοδομηθήι του "Αρεως και της
'Αθήνας της Άρείας; alors qu'un peu plus loin, aux lignes 14-15, il est
question d'autels au pluriel: οικοδομεί ν τού[ς β]ωμοΰς519. "L'inférence, en
concluent-ils, n'est donc pas entièrement sûre". Les fouilles de Th. Spyropoulos,
dans l'année qui suivit la découverte du décret, ont mis au jour les fondations d'un
seul bâtiment rectangulaire de grandes dimensions (15m X 4m) et une nécropole qui
pourraient correspondre d'une part à l'autel de Zeus Eleuthérios, d'autre part aux
tombes des guerriers tombés dans la bataille contre les Perses, conformément à la
description de Pausanias520. Aucune trace, donc, d'un second autel. En fait, rien ne
prouve même de façon formelle, qu'il s'agisse bien de l'autel de Zeus Eleuthérios521.
La question apparaît donc insoluble522.
Il est clair néanmoins qu'au cours du IVe ou du IIIe siècle les cérémonies
entourant le culte de YHomonoia des Hellènes furent vraisemblablement intégrées
aux cérémonies déjà anciennes du culte de Zeus Eleuthérios et que les deux divinités
reçurent conjointement un sacrifice annuel destiné à commémorer le souvenir de la
libération de la Grèce du péril perse et celui de la concorde des Grecs523. Telle est du
moins l'impression que donne le décret pour Glaukon (1. 16-20). En quoi
consistaient ces cérémonies ? Rappelons que, selon Thucydide (II, 71, 2), elles
remontaient au lendemain même de la victoire sur les Perses, et le Spartiate
cf. AD. Nock, "Συ' νναος Θεός", HSPh, 41 (1930), p. 1-62 (= Essays on Religion and the Ancient
World, I, Oxford, 1972, p. 202-251).
516 Loc. cit. (note 125), p. 56.
519 Etudes épigraphiques et philologiques, Paris, 1938, p. 294.
520 IX, 2, 5: ... ου πόρρω δέ από του κοινού των 'Ελλήνων Διός έστιν
'Ελευθερίου βωμός * * ... Cf. Th. Spyropoulos, loc. c'a. (note 509), p. 377-381.
52* Voir notamment J.-P. Michaud (loc. cit. (note 509), p. 654) pour qui 'la chronologie des
tombes, manifestement tardives, devra être précisée". Aucune étude de la sorte et aucune fouille
ultérieure sur le site n'ont, à ma connaissance, été entreprises.
522 Cf. en dernier lieu E. Kirsten (RE, 20, 2 (1950), col. 2328, 36-41, s.v. Plataiai) pour qui IG,
Vu, 2510 (παρά Tcj? Έλευθερίω Δη και Όμονοία των Ελλήνων), que j'analyserai
ultérieurement, donnait i entendre la désignation de deux autels (beider Altäre). Mais je signalerai, ci-
dessous (note 577), que le sens de la préposition παροί suivie d'un complément au datif désigne
communément un sanctuaire, et non un ou des autels. La formule eût vraisemblablement été, en ce
cas, παρά τον βωμόν (τους βωμούς), comme c'est précisément le cas à la ligne 39 du décret pour
Glaukon.
52-* il est permis de se demander si l'autel fut également utilisé lors du sacrifice funéraire que les
Grecs offraient annuellement aux héros morts en 479, cérémonie qu'il convient de distinguer nettement
du sacrifice à Zeus Eleuthérios. Plutarque (Aristide, 21, 2-3) précise en effet que la cérémonie avait
lieu le seize du mois de Maïmactèrion (novembre-décembre), ou mois d'Alalcoménios chez les
Béotiens, soit deux mois après le sacrifice à Zeus Eleuthérios. Notons que, lors des Eleuthéria de
Platées, célébrées tous les quatre ans, les concurrents de l'épreuve de la course devaient partir d'un
trophée situé à une quinzaine de stades de la ville pour vraisemblablement passer ou arriver devant
l'autel; cf. Pausanias, IX, 2, 6, ainsi que L. Robert, REA,Ï\ (1929), p. 13-15; 225-226; id., "Epigrammes
satiriques à Lucillius", L'épigramme grecque, Vandoeuvres-Genève, 1967, p. 187-190 (Fondation
Hardt, tome XIV).
LE CULTE DE L'HOMONOIA DES HELLENES 117
524 Aristide, 19,7: ταυτην την μάχην έμαχέσαντο τη τετράδι του βοηδρομιώνος
ισταμένου κατ' 'Αθηναίους, κατά δέ Βοιωτούς τετράδι τοϋ Πανέμου φθίνοντος, ή
κα\ νυν ετι το Έλληνικόν έν Πλαταιαϋς αθροίζεται συνέδριον κα\ θΰουσι τ<$
Έλευθερίω Δη Πλαταιεϊς ύπερ της νίκης. Sur la divergence de ces dates, voir Plutarque,
ibid., 19, 9 et la discussion de W.K. Pritchett, "Calendar of Athens again", BCH, 81 (1957), p. 277, no 4.
Ce sanctuaire n'était connu, jusqu'à la découverte du décret pour Glaukon où il apparaît aux
lignes 15 et 29, que par Strabon, DC, 412. Il en est peut-être aussi question dans l'inscription athénienne
citée supra, note 517.
526 Plutarque, Aristide, 19, 7; id.. De la malignité d'Hérodote, 873 B; traduction de R. Flacelière.
Ces vers sont attribués à Simonide; cf. Anthologie palatine, VI, 50, où le texte diffère légèrement. Sur
cette attribution à Simonide, voir Pausanias, IX, 2, 5, ainsi que U. von Wilamowitz-Moellendorff,
Sappho und Simonides, Berlin, 1913, p. 197-198.
527 Cf. P. Roesch, loc. eu. (note 509), p. 181.
Ibid. Cf. aussi R. Etienne et M. Piérart, loc. cit. (note 125), p. 54, commentaires des lignes 1-
2.
118 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Athènes (Platées)
La première inscription provient d'Athènes et se compose de plusieurs
fragments opisthographes, tous très mutilés. Je ne reproduis ici que le fragment
a529:
Côté A
Côté Β
*2"
Ce fragment comporte deux parties, l'une publiée par J. Kirchner, IG, Π2, 4795, l'autre par
M.T. Mitsos, AE, 1961, p. 198-201, no 1; cf. J. et L. Robert, Bull, épigr., 1966, 144. Pour l'inscription
complète, on consultera D.J. Geagan, "Hadrian and the Athenian Dionysiac Technitai", TAPhA, 103
(1972), p. 133-155 (SEG, XXX, 86), dont je reproduis ici le texte. Le côté A au complet et le fragment
a du côté Β ont été également publiés, avec quelques commentaires, par J.H. Oliver, Greek
Constitutions of Early Roman Emperors from Inscriptions and Papyri, Philadelphie, Memoirs of the
American Philosophical Society, Volume 178, 1989, p. 244-250, no 98-104.
tt°Loc. cit. (note précédente), p. 144; 152.
LE CULTE DE L'HOMONOIA DES HELLENES 1 19
531 Pour la datation des différents documents, cf. DJ. Geagan, loc. cit. (note 529), p. 150-151;
ainsi que J.H. Oliver, op. cit. (note 529), p. 245.
532 Cf. DJ. Geagan, loc. cit. (note 529), p. 152; J.H. Oliver, op. cit. (note 529), p. 245.
533 Voir /G, Π2, 2047-2048; Insc. de Délos, 2538. Cf. J. et L Robert, Bull, épigr., 1966, 144;
DJ. Geagan, loc. cit. (note 529), p. 153; S. Follet, op. cil. (note 506), p. 192. D'après cette dernière,
puisque notre personnage "ne porte pas, dans ces textes, le titre de «prêtre», sa prêtrise et son archontat
ne sont pas contemporains".
534 Cf. notamment J. et L. Robert, loc. cit. (note précédente); DJ. Geagan, loc. cit. (note 529), p.
153-155; S. Follet, op. cit. (note 506); surtout H. Müller, "Claudia Basilo und ihre Verwandtschaft",
Chiron, 10 (1980), p. 457-484; SEG, XXX, 1302. Voir aussi, AJ. Spawforth et S. Walker, loc. cit.
(note 497 [1985]), p. 91-92; id., loc. cit. (note 497 [1986]), p. 89-90; J.H.M. Strubbe, "Grander
kleinasiatischer Städte. Fiktion und Realität", AncSoc, 15-17 (1984-1986), p. 283.
535 W.M. Leake, Travels in the Morea, London, 1830, no 6; P. Lebas, LBW, Π, 1836, p. 137, 37;
id.. Expédition de Morie, Π, 76 (M. Fraenkel, IG, V1, 452, et addendum p. 303, no 452; Α. Wilhelm,
Neue Beiträge, JE, p. 28-31, no 18; B.D. Meritt, Hesper ia, Supplement 8 (1949), p. 220, pour lettres
additionnelles d'après les notes de Francis Vernon; SEG, XI, 771; A.M. Woodward, Studies presented
ίο D.M. Robinson, Π, Saint-Louis, 1953, p. 872-876). Pour la restauration des lignes 1-2, cf. DJ.
Geagan, loc. cit. (note 529), p. 153, note 47. Sur la date de l'inscription, cf. AJ. Spawforth et S.
Walker, loc. cit. (note 497 [1986]), p. 90.
1 20 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Le document est daté du milieu du IIe siècle ap. J.-C. Les restitutions de DJ.
Geagan me paraissent plausibles. On notera au passage que le personnage en
question, dont le nom n'apparaît malheureusement pas dans le texte, a non
seulement, comme Attalos, été archonte de la cité, mais qu'il a aussi exercé de hautes
charges athéniennes à cette époque: héraut du conseil de l'Aréopage et ancien stratège
des hoplites541.
Très mutilée également est cette dédicace découverte à Athènes près de l'église
dΉaghiaTriada542:
[ . . . .8. . . . ] και άίγωνοθέτης γενόμενος]
'Ολυμπίων κοινών τή[ς 'Ασίας ]
της 'Ασίας, Σμυρναί[ων ]
4 ιερεύς θεοί 'Αδριαν[ου Πανελληνίου και]
'Ομονοίας των Έλ[ληνων και επώνυμος της]
ΊπποθοωντίδΙος φυλής εύνοιας ένεκεν]
της είίς εαυτόν.]
"... qui a été agonothète des Olympia communs de l'Asie ... de l'Asie, des
Smyrniens ..., prêtre d'Hadrien Théos Panhellénios et de l'Homonoia des
Hellènes, éponyme de la tribu Hippothontis, en raison de son dévouement
envers lui."
Ce document, d'après J. Kirchner, serait postérieur au milieu du IIe siècle. Il
est intéressant de noter qu'en plus d'avoir été prêtre de VHomonoia des Hellènes,
notre personnage a été prêtre d'Hadrien, qualifié ici de Panhellénios, titre qu'il reçut
après avoir fondé à Athènes le Panhellénion. D'autre part, Zeus Eleuthérios manque.
Notre personnage était-il originaire d'Asie ?
A Athènes toujours, on a découvert l'inscription suivante, publiée par DJ.
Geagan543:
[Γ-----Μτ]ος
[ιερέως της] Όμονοί-
[ας των Έλ]λη'νων
4 [και του Έλ]ευθερίου
[Διός Ίουλ] Θεμίσω-
[νος του κ]αι Παμμέ-
[νους Παια]νιέως άρ-
8 [ζαντος τ] ή ν έπώ-
[νυμον αρχήν ]
"... du prêtre de YHomonoia des Hellènes et de Zeus Eleuthérios, Julius
Thémisôn, fils de Pamménès, du dème de Paeania, qui a exercé la charge
d'archonte éponyme ..."
L'identification de ce Thémisôn, qui a lui aussi exercé la charge d'archonte à
Athènes, fait difficulté. La lecture de l'éditeur ne permet aucun rapprochement avec
un archonte connu. S. Follet a plutôt proposé d'y lire: [Διός Μουν. (?)]
Θεμίσωίνος του κ]αι Παμμέ[νους Άζη(?)]νιέως ..., archonte entre
542 W. Dittenberger, IG, ΠΙ1, 724; J. Kirchner, IG, Π2, 3623 (DJ. Geagan, loc. cU. (note 529).
p. 157, c). Cf. P. Graindor, op. cit. (note 498), p. 169, note 7.
543 Loc. cit. (note 529), p. 156-157, a, pi. I (SEG, XXVIII, 364). Selon l'éditeur (p. 157), il
pourrait s'agir ici d'une "citation in the heading of a public document, or a genealogy from a dedicatory
monument like IG, Π2, 3592".
1 22 LE CULTE ΌΉ ΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
200/201 et 210/21 1544. J.S. Traill a restitué, pour sa part: [Διός Αίλ]
Θεμίσωίνος του κ]α\ Παμμέίνους Άζη]νιέως ..., archonte en 160/161545.
La question me parait difficile à résoudre. Quoi qu'il en soit, l'inscription est
vraisemblablement postérieure à Hadrien.
Du IIe ou du IIIe siècle ap. J.-C, date ce fragment d'inscription découvert à
Athènes et corrigé par DJ. Geagan546:
του κήρυκος
ιερέως της Όμ[ονοίας των 'Ελλήνων και]
του ' Ελευθερίου [Διός ]
4 έκδικτίσαντος
κεφάλαιον τ
συνέδριον
Τιτιανου τ
8 οι κατά τήν
— κησα
"... du héraut..., du prêtre de YHomonoia des Hellènes et de Zeus Eleuthérios
.... qui a été ekdikos ... etc."
L'état déplorable du document rend toute interprétation hasardeuse. Le nom
Titianus de la ligne 7 est peut-être celui du prêtre de YHomonoia des Hellènes et de
Zeus Eleuthérios dont il est question aux lignes précédentes.
Thèbes (Platées)
De Thèbes nous est parvenue une base de statue, datant de la première moitié du
IIIe siècle ap. J.-C. et portant l'inscription suivante547:
'Αγαθή τΰχη.
Τον λαμπρότατον ύπατικόν, έττανορθωτήν Άχαιίας
Λ(ουκιον) Έγνάτιον Βίκτορα Λολλιανόν, jôv άγνόν και δίκαιον,
παρά τψ Έλευθερίω Διι και Όμονοία των 'Ελλήνων
Πλαταιέων (ή) πόλις τον εαυτής εύεργέτην.
"A la Bonne Fortune. La cité des Platéens (a honoré d'une statue) son
bienfaiteur, le très illustre consul, corrector de l'Achaïe, Lucius Egnatius
544 Op. cit. (note 506), p. 102, note 1. Sur ce Mounatius Thémisôn, on trouvera toutes les
références utiles chez DJ. Geagan, loc. cit. (note 529), p. 156, note 57, ainsi que chez S. Follet, op. cit.
(note 506), p. 101-102.
545 Hesperia, 47 (1978), p. 321.
546 A. Boeckh, CIG, 524; W. Froehner, Les inscriptions grecques (Louvre), Paris, 1865, p. 52, no
34; J. Kirchner, IG, Π2, 1352 (DJ. Geagan, loc. cit. (note 529), p. 157-158, d). A. Boeckh, suivi par
W. Froehner et J. Kirchner, lisait à la ligne 2: ιερέως της Όμίιτνίας Διί μητρός του Διός].
La correction de DJ. Geagan ne fait aucun doute dans mon esprit. Pour la datation, cf. DJ. Geagan,
loc. cit. (note 529), p. 158.
547 A. Boeckh, CIG, 1624; W. Dittenberger, IG, VII, 2510 (Ε. Groag, Die römischen
Reichsbeamten von Achaia bis auf Diokletian, Wien et Leipzig, 1939, p. 135 [réimpression: Nendeln-
Iiechtenstein, 1976]).
LE CULTE DE L'HOMONOIA DES HELLENES 1 23
5 ° Voir notamment R. Etienne et M. Piérart, loc. cit. (note 125), p. 56, mais surtout p. 71, note
69, où ils renvoient, pour d'autres exemples de ce genre, à M. Feyel, Contribution à l'ipigraphie
béotienne. Le Puy, 1942, p. 57 (IG, VU, 1664-1665) et à IG. VU, 2464.
549 Op. cit. (note 547). Sur la présence possible d'un culte de Zeus Eleuthérios à Thèbes, cf. IG,
VU, 2464, ainsi que la discussion de E. Kirsten, loc. cit. (note 522), col. 2328, 36-52.
550 Cf. infra, note 522.
551 Cf. son commentaire de IG, VU, 2510, avec renvoi à IG, ΠΙ, 632. Sur Lollianus père, cf.
PIR\ Π (1897), p. 33-34, no 29; E. Groag, RE, V, 2 (1905), col. 2000, no 41, s.v. Egnatius; PIR2, m
(1943), p. 72-73, no 35.
552 Loc. cit. (note précédente), col. 2001, 60-64. Sur Lollianus fils, cf. PIR1, Π (1897), p. 34, no
30; E. Groag, loc. cit. (note précédente), col. 2001-2003, no 42; id., op. cit. (note 547); PIR1, ΠΙ (1943),
p. 73-74, no 36.
"3 5ur ΐ'έττανορθωΤΓΐς, que l'on traduit communément par corrector, cf. A. Premerstein, RE,
IV, 2 (1901), col. 1646-1656, notamment 1646, s.v. Corrector; A. Stein, "ΕΠΑΝΟΡΘΩΤΗΣ",
Aegyp tus, 1938, p. 234-243, notamment p. 235; ainsi que B.E. Thomas son, Legatus. Beiträge zur
römischen Verwaltunsgeschichte, Stockholm, 1991, p. 80-84.
554 J.M. Fossey, "Some Imperial Statue Bases from the South West Kopaïs", Studien zur alten
Geschichte: Siegfried Lauffer zum 70. Geburstag am 4. August 1981 dargebracht von Freuden,
Kollegen und Schülern, I, Roma, 1986, p. 251-253, no 5, pl. 7 (SEG, XXXVI, 427). Cf. aussi J.M.
Fossey, Epigraphica Boeotica I: Studies in Boiotian Inscriptions, Amsterdam, 1991, p. 110-111.
124 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Athènes (Platées)
Enfin, un autre prêtre de YHomonoia des Hellènes apparaît à Athènes dans une
liste éphébique remontant à la seconde moitié du IIIe siècle ap. J.-C.555. L'en-tête se
lit comme suit:
'Αγαθή ι Τύχη ι
Έπι άρχοντος τό Β' του κρα' [ιερέως \Αθηνας]
'Πολιάδος
Ελλήνων Τίτ'Φλ'
και ιερέως της '(Χμονοίας των]
ΜόνδωνοΙς ]
του Φιλείνου Φλυέως κτλ.
"A la bonne fortune. Sous le second archontat de l'excellent prêtre d'Athéna
Polias, prêtre de YHomonoia des Hellènes, Titus Flavius Mondôn..., fils de
Phileinos du dème de Phlyées, etc."
La datation de cette liste est discutée. H.A. Thompson a proposé la date de
260-267, O.W. Reinmuth celle de 265-266, S. Follet celle de 263-264, E.
Kapetanopoulos, enfin, celle de 274-275 ou de 278-279556. La question me paraît,
ici aussi, difficile à résoudre. Toujours est-il que ce Mondôn a lui aussi été archonte
à Athènes, et même à deux reprises, et que, quoiqu'il ait été citoyen d'Athènes, il
appartenait sans doute, comme l'a montré J.H. Oliver, à une célèbre famille de
Thespies, celle de Titus Flavius Philinus557. Notons, pour terminer, l'absence de
Zeus Eleuthérios.
Tous ces témoignages, on le voit, concernent le culte de Platées. Six
inscriptions, certes, proviennent d'Athènes et une de Sparte, mais il est tout à fait
fondé d'y voir, avec J. et L. Robert, des prêtres de YHomonoia des Hellènes célébrée
dans la cité béotienne558. Comme l'a montré DJ. Geagan, la nature des documents
"supports the non-Athenian character of the cult. The names of the priests and the
contexts in which the priesthood is cited indicate the importance of the cult, yet
references to the priesthood are made only incidentally to the context in which the
name of its holder was cited; that is, it occurs among others in lists of offices held
or as a courtesy because of the prestige of the office"559. La dédicace en l'honneur de
Victor Lollianus se rapporte directement au culte platéen.
555 J.H. Oliver, Hesperia, 2 (1933), p. 505-511 no 17, avec photo et commentaires; id.,
Hesperia, 1 1 (1942), p. 71-74, no 37, avec photo et de nouveaux fragments (DJ. Geagan, loc. cit. (note
529), p. 158, e, pour les lignes 2-5; SEG, ΧΧΧΙΠ, 158). J.H. Oliver avait d'abord lu aux lignes 3-4:
Ιερέως της 'Οΐμπνίας των Παν]ελλΐίνων; lecture corrigée par P. Graindor (op. cit. (note 498),
p. 289) et également par L. Robert (JRPh, 1934, p. 291, note 2; cf. Bull, ipigr., 1936, p. 359) en ιερέως
της 'Οίμονοίας των] 'Ελλήνων. J.H. Oliver s'est rallié à cette correction lors de sa seconde
publication.
556 H.A. Thompson, JRS, 49 (1959), p. 66 note 28; O.W. Reinmuth, TAPhA, 93 (1962), p. 386; S.
Follet, op. cit. (note 506), p. 245, surtout p. 340; E. Kapetanopoulos, AAA, 16 (1983), p. 52-53.
55^ Voir, entre autres, J.H. Oliver, The Civic Tradition and Roman Athens, Baltimore, 1983, p.
124-125. Pour la bibliographie antérieure, l'on trouvera toutes les références utiles dans ces pages.
558 Loc. cit. (note 529).
559 Loc. cit. (note 529), p. 152.
LE CULTE DE L'HOMONOIA DES HELLENES 125
560 Loc. cit. (note 509), p. 181. Cf. aussi R. Etienne et M. Piérart, loc. cit. (note 125), p. 54,
commentaires des lignes 1-2.
561 Cf. DJ. Geagan, loc. cit. (note 529), p. 153, qui renvoie à J.H. Oliver, op. cit. (note 498), p.
44-57.
562 Notamment [G, VII, 2509: Το κοινόν συνέδριον των 'Ελλήνων των εις
Πλατηας συνιόντων; Sylloge3, 835 A: oi 1ς Πλαταιας συνιόντες "Ελληνες; Α. Rehm,
Milet, I, 9, Thermen und Palaestren, 1928, no 369: Ελευθέρια τα έν Πλαταιαίς [τα τ]ιθέμενα
ύπό του κοινού των 'Ελλήνων. Cf. W. Weber, Untersuchungen zur Geschichte des Kaisers
Hadrianus, Leipzig, 1907, p. 195-196; L. Robert, REA, 31 (1929), p. 14; 16, note 1; Ε. Kirsten, loc. cit.
(note 522), col. 2315, 14-20.
126 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
JDJ Nous ne connaissons pas grand chose de ce koinon; cf. L. Robert, loc. cit. (note précédente),
p. 16, note 1; R. Etienne et M. Piérart, loc. cit. (note 125), p. 68.
Cf. particulièrement N.G.L. Hammond, "Plataea's relations with Thebes, Sparta and Athens",
JHS, 112 (1992), p. 143-150.
565 Loc. cit. (note 529), p. 152.
566 Cf. notamment, les articles de H. Müller, loc. cit. (note 534), p. 457-484, et de C.P. Jones, "A
Leading Family of Roman Thespies", HSPh, 74 (1970), p. 223-255.
LE CULTE DE L'HOMONOIA DES HELLENES 127
Lébadée
Reste à étudier un dernier témoignage d'un intérêt tout à fait remarquable, qui
montre que le culte existait non seulement à Platées, mais aussi à Lébadée. Il s'agit
d'une inscription qui provient de Chéronée et qui concerne non pas un prêtre, mais
une grande-prêtresse de YHomonoia des Hellènes, la seule que nous connaissions572:
5"7 R. Neubauer, Commenlationes epigraphicae, Berlin, 1869, p. 52; P. Graindor, op. cit. (note
498), p. 108, note 8; 169.
56^ Voir notamment les discussions de P. Graindor, op. cit. (note 498), p. 167-169; A.E.
Raubitschek, "Hadrian as the Son of Zeus Eleuthérios", Α/Λ, 49 (1945), p. 128-133; V.J. Rosivach,
The Cult of Zeus Eleuthérios at Athens", PP, 42 (1987), p. 277-278.
569 Cf. CIL, Vin, 7059 (= ILS, 1067); E. Groag, op. cit. (note 547), p. 104-105; A.H.M. Jones,
op. cit. (note 250), p. 136; J.A.O. Larsen, in T. Frank, An Economie Survey of Ancient Rome, IV,
Baltimore, 1938, p. 447; E. Kirsten, be. cit. (note 522), col. 2315, 6-10; 23-29.
570 A.D. Keramopoullos, AE, 1934-1935, Chronika, p. 15, no 180: Αυτοκράτορα Τραϊανόν
Άδριανόν, Όλυμίτιον, ή πολις ή Πλαιταιέων τον κτίστην. Cf. Ε. Kirsten, loc. cit. (note
522), col. 2315, 29-31.
571 Sylloge3, 835 A (base de statue): AüTOKpdtTOpi Άδριανψ σωτήρι, ^υσαμένψ και
θρέψαντι τήν εαυτού Έλλοίδα, οι Ίς Πλαταιας συνιοντες "Ελληνες χαριστήριον
ανέβηκαν. Cf. W. Weber, op. cit. (note 562), p. 195.
572 G. Henzen, Annali dell' Instituto di corrispondenza archeologica, 38 (1866), p. 139-149, no
6; M.P. Descharme, Archives des missions, sér. Π, tome IV (1867) p. 509-513, no 16 (W. Dittenberger,
IG, VU, 3426; L. Vidman, Sylloge inscriptionum religionis Isiacae et Sarapiacae, Berlin, 1969, p. 31-
32, no 62; A. Schachter, CEA, 8 (1978), p. 104-105, no 10); J.M. Fossey, loc. cit. (note 554: Studien), p.
258, no 9, pi. 1 1 (= op. cit. (note 554: Epigraphica), p. 108, no 64, pi. 35). Cf. A. Schachter, Cults of
Boiotia, Π, London, 1986, 59; ibid., ΠΙ, 1994, p. 86; D. Knoepfler, loc. cit. (note 513), p. 497, no 174.
128 LE CULTE D'HOMONOIA DANS LES CITES GRECQUES
Άγαθήι τυχτμ.
Φλαβίαν Λανείκαν την άρχιέρειαν
δια βίου του τε κοινού Βοιωτών της
4 Ίτωνίας 'Αθηνάς και του κοινού Φω-
κέων έθνους και της 'Ομονοίας των
Έλλη'νων παρά τ<ίρ Τροφωνίω, την
αγνότατη ν ίεραφόρον της άγιας Εϊσι-
8 δος, ίέρειαν δια βίου της <Τ>αποσειριάδος
Εΐσιδος ό βοιωτάρχης το γ' και άρχιερεύς
δια βίου των Σεβαστών και της λαμπροτ(άτης)
Χαιρωνέων πόλεως λογιστής Γν(αΐος) Κουρ(τιος)
12 Δέξιππος τήν γλυκυτάτην μητέρα μνη'-
μης αρίστης εϊνεκα έκ της κατά τας^
διαθήκας εντολής* ψ(ηφίσματι) β(ουλής) δ(η'μου).
"A la Bonne Fortune. Le béotarque pour la troisième fois, grand-prêtre à vie
des Augustes, logistès de la très illustre cité de Chéronée, Cnéus Curtius
Dexippos (a honoré) Flavia Laneika, grande-prêtresse à vie du koinon des
Béotiens d'Athéna Itônia, du koinon du peuple des Phocidiens, de YHomonoia
des Hellènes auprès de Trophônios, la très intègre hiéraphore de la sainte Isis,
prêtresse à vie d'Isis Taposiris, sa très chère mère en son excellent souvenir,
conformément aux instructions de son testament Par un décret du conseil et
du peuple."
YHomonoia des Hellènes576 παρά Ttj> Τροφωνίω (1. 5-6), en d'autres mots dans
le sanctuaire de Trophônios577, le fameux oracle de Lébadée578. L'inscription y
révèle donc l'existence d'un culte de YHomonoia des Hellènes, distinct de celui de
Platées. Quels événements pourraient expliquer sa présence et quel rapport avait-il
avec l'oracle ? On voit mal a priori quel événement historique pourrait justifier la
création d'un tel culte dans cette petite cité. Mais peut-être faut-il voir, avec G.
Henzen, un lien avec le caractère panhellénique des Basileia, concours que les
Lébadéens avaient institués sur l'ordre de Trophônios au lendemain de la victoire de
Leuctres et qui semblent avoir fait place aux Trophoneia à l'époque romaine579. Ce
caractère panhellénique marquait aussi l'oracle qu'on venait consulter de partout et
qu'Hérodote (1, 46) énumérait avec d'autres grands sanctuaires oraculaires de la Grèce:
Delphes, Didymes et Dodone. La tenue des Basileia-Trophoneia a donc pu donner
lieu, à une époque inconnue, à la fondation d'un culte de YHomonoia des Hellènes,
car c'était aussi une occasion de commémorer Ynomonoia des Grecs. Quant au lien
du culte avec l'oracle, qui rappelle celui entre Homonoia et Zeus Eleuthérios à
Platées, notons que d'autres cultes, selon Pausanias (IX, 39, 3-5), s'y célébraient
déjà, certains dédiés à de grandes divinités, telles Demeter, Apollon et Zeus
Basileios, d'autres à des divinités mineures comme Zeus Hyétios (de la pluie),
Daimôn Agathos (Bon Esprit) et Tychè. Celui de YHomonoia des Hellènes est
vraisemblablement venu s'y greffer. Le silence de Pausanias indique sans doute que
sa fondation fut postérieure au Périégète580.
"Les cultes égyptiens en Béotie", Egitto e storia antica dall'ellenismo ail' età araba. Bilancio di un
confronto. Atti del colloquio internazionale, Bologna, 31 agosto-2 settembre 1987, Bologna, 1989, p.
628. Flavia Laneika figure dans la prosopographie de F. Mora, Prosopografia Isiaca, I. Corpus
Prosopographicum Religionis Isiacae, Leiden-New York-K0benhavn-Koln, 1990, p. 318.
5 " Non pas prêtresse de Zeus Trophônios comme semblent le croire P. et M. Bonnechère,
"Trophônios à Lébadée. Histoire d'un oracle", LEC, 57 (1989), p. 301: "... la carrière sacerdotale d'une
femme qui avait cumulé de nombreuses fonctions religieuses, dont celle également de prêtresse du
Dieu".
C'est le sens, communément admis dans l'épigraphie, de la préposition παρά accompagnée
du datif; cf. L. Robert, REG, 94 (1981), p. 348, note 45; P. Chameux, "Du côté de chez Héra", BCH,
111 (1987), p. 208-209.
Sur cet oracle, on pourra consulter l'étude récente de P. et M. Bonnechère, op. cit. (note
576), p. 289-302.
579 Loc. cit. (note 572), p. 142-143. Sur la fondation des Basileia, cf. Diodore, XV, 53, 4. Sur
leur caractère panhellénique, voir Nouveau choix d'inscriptions grecques, Paris, 1971, p. 40. On
trouvera une liste complète des témoignages relatifs à ces concours chez P. et M. Bonnechère, loc. cit.
(note 576), p. 298, notes 58 et 60.
Peut-on songer à l'époque d'Hadrien ? Rien ne s'y oppose. Rappelons, en tout cas, cette
inscription honorifique de Lébadée en l'honneur d'Hadrien, justement retrouvée dans le sanctuaire des
Eleuthéria à Platées (IG, VII, 1675): Ή πόλις ή Λεβαδέων Αυτοκράτορα Καίσαρα
Τραιανόν Άδριανόν Σεβαστών, τον ίδιον ε[ΰ]εργέτην και σωτήρα, δόΎματι της
πίόλεως]· Cf. W. Weber, op. cit. (note 562), p. 157; E. Kirsten, loc. cit. (note 522), col. 2315, 31-36 (y
lire p. 157 au lieu de 137).
1 30 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
3. Conclusion
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET
LA CONCORDE FAMILIALE
581 Op. cit. (note 149), Π p. 402; suivi par J. Ferguson, op. cit. (note 1 19), p. 1 18.
J Δ Sur la concorde familiale, on consultera principalement H. Kramer, op. cit. (note 16), p. 45-
49; H. Fuchs, Augustin und der Antike Friedensgedanke, Berlin, 1926, p. 119-121; F. Zucker, "Socia
Unanimans", RhM, 92 (1944), p. 213; et en demier lieu Κ. Thraede, loc. cil. (note 319), col. 202-203.
583 VI, 180-185: σο\ δέ θεοί τόσα δο~ιεν 'όσα φρεσι σησι μενοινςίς, [άνδρα τε και
οίκον,
δθ' όμοφρονέοντε
και όμοφροσϋνην
νοήμασιόπαοίκον
σε ta νέχητον
έσθλήνάνήρ οΰ μέν
ήδέ γαρ
γυνή* τουπό*λλ'
γε κρε"ίσσον
<χλγεα και δυσμενέεσσι,
αρειον }\
χάρματα δ' εΰμενέτησι* μάλιστα δέ τ* έκλυον αυτοί.]. Texte et traduction de V. Bérard,
Paris, Les Belles-Lettres, 1924.
584 126e: 'Εγώ μέν οΐμαι φιλίαν τε λέγειν και όμόνοιαν, Γΐνττερ πατήρ τε ύον
φιλών ομονοεί και μήτηρ. και αδελφός άδελφω, και γυνή άνδρί. Traduction de M.
Croiset, Paris, Les Belles Lettres, 1970.
1 32 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
s'est de tout temps intéressé aux relations familiales. Dans ses Lois par exemple, où
il traitait de la cité idéale, il proposait des lois dans les cas de pères reniant leur fils
(XI, 928d-e-929a-d). En outre, il avait imaginé, en cas d'incompatibilité d'humeur
entre époux, un système de conciliation auquel étaient spécialement préposés dix
magistrats et dix inspectrices (XI, 929e-930b) et il proposait de légiférer sur les
testaments, source constante de brouilles et de haines (XI, 923a-c). Cet intérêt des
philosophes pour la concorde familiale, on le verra, s'accentuera à l'époque romaine.
Le thème figurait aussi chez les orateurs, du moins si l'on en juge par un
fragment de discours attribué à Lycurgue, dans lequel on peut lire que "lorsqu'une
femme a été privée de la concorde avec son mari, la vie qui lui reste à vivre devient
intolérable"585. Il ne tarda pas non plus à surgir au théâtre, où les scènes de la vie
familiale jouissaient d'un vaste répertoire. "Agréable est le désir de concorde entre
frères", retrouve-t-on dans un fragment de Ménandre586. De son continuateur,
Apollodore de Carystos, nous a été conservé un fragment d'une pièce traitant du
mariage et de la concorde entre époux587.
L'épigraphie apporte aussi sa part de renseignements. Une inscription de
Délos, datée des années 170 av. J.-C, évoque la bonne entente entre les fils de
Massinissa, roi de Numidie588. De la même époque date un décret d'Hiérapolis en
Phrygie, en l'honneur de la reine Apollonis de Pergame qu'on loue, entre autres, pour
"avoir magnifiquement vécu en commun avec son mari et pour s'être noblement
comportée à l'égard de ses enfants, avec toute concorde"589. Ce témoignage rejoint
585 Cf. F. Durrbach, Lycurgue. Contre Léocrate. Fragments, Paris, Les Belles Lettres, 1932, p.
94, frag. Κ, 3: "Οταν γυνή ομονοίας της προς <τόν> άνδρα στερηθή, αβίωτος ό
καταλειπόμενος γίγνεται βίος (= Stobée, Florilèges, LXVm, 35).
586 Α. Meineke, FCG, IV, p. 290, no 262: Ήδιί y' εν άδελφοΊς έστιν ομονοίας Ιρως.
Cf. aussi Α. Koerte, Menandri quae super sunt, Lipsiae, Edition Teubner, 1953, fragment 580: δΰ' εσθ'
ä κρΊναι τον γαμέΐν μέλλοντα δει, ήτοι προσηνή y' Οψιν r\ χρηστόν τρόπον την γαρ
όμόνοιαν την προς αλλήλους ποιεί. Cf. F. Zucker, loc. cit. (note 582).
58' C. Austin, Comicorum Graecorum Fragmenta in Papyris Reperta, Berlin, 1973, p. 4, no 10 (L
1-3):
οΰκ ευ* λογίζΐηΐι πλουτ[ο]ν, ώ ΚλΙ
ανδρός [ό]μόνοιία]ν κσ\ γυναικός [
έκ τον [..]λειν θ(]αυτ[.]ς όμονο[ι
Sur le contenu de la pièce, voir T.B.L. Webster, Studies in Later Greek Comedy2, Manchester-
New York, 1970 p. 237.
588 ... τους έαυτο[5 φίλους εύνοιας ένεκεν] και όμονοίίας]; cf. M.F. Bazley, "Un
monument de la famille royale de Numidie à Délos", REG, 94 (1981), p. 161-165, particulièrement p.
163, note 10.
589 W. Dittenberger, OGIS, 308 (1. 7-9): ... και προς τόν ϊδιον ανδραν συνβεβιωκέναι
μεγαλοπρεπώς, προσενενηνέχθαι δέ και το~ις τέκνοις μετά πάσης ομονοίας γνησίως
... Voir aussi aux lignes 16-18: ... και της ιδίας καλοκαγα[θίας] τηι προς τα τέκνα
συνπερ[ιφ]ορ5ι και όμονοίαι κάλλιστον [τεκμήριον] πίρ]ος επαινον ύπελίπετο ...
LE CULTE D'HOMONOIA ET LA CONCORDE FAMILI ALE 133
l'éloge de Polybe, selon qui la reine manifesta à ses quatre fils "un dévouement et
une tendresse insurpassables"590.
Les témoignages ne manquent pas non plus pour l'époque romaine. Dans un
décret de Mantinée, daté du Ier siècle de notre ère, en l'honneur d'un certain
Euphrosynos et de sa femme Epigone, il est écrit qu'il régnait entre eux une
"concorde indivisible"591. Mais cette question de Xhomonoia familiale fut surtout
l'affaire des philosophes. Du stoïcien Musonius Rufus (~30-101) nous sont
parvenus deux fragments, conservés par Stobée, d'un traité intitulé Du but principal
du mariage592, dans lequel l'auteur s'interrogeait sur la vie conjugale idéale. Il y
estimait que la réussite du mariage ne tenait ni à la noblesse de la famille, ni à la
richesse, ni même à la beauté, mais avant tout aux qualités de l'âme, les seules qui
puissent assurer l'accord des coeurs, "car", écrivait-il, "quel mariage peut être bon
sans la conformité des sentiments ? Quelle relation peut être heureuse ? Comment
des êtres humains, étant méchants entre eux, pourraient-ils vivre dans la concorde ?
Ou comment le pourrait un homme bon avec un méchant ? Pas plus que l'on
pourrait ajuster ensemble un pièce de bois tors avec une pièce droite ou ajuster deux
pièces torses. Car, le tors ne s'adapte pas au tors, et au droit, son opposé, encore
moins. Donc, le méchant aussi ne peut être ami avec le méchant, ni s'accorder avec
lui et encore moins avec l'honnête homme"593.
De son contemporain, Plutarque, dont l'affection véritable pour les membres de
sa famille est chose connue, nous sont également parvenus deux intéressants traités
relatifs aux sentiments familiaux: Les préceptes de mariage et De l'amour fraternel.
Partisan convaincu, lui aussi, de l'amour conjugal, qu'il célébrait abondamment dans
le premier de ses traités, Plutarque y écrivait que "toute action dans une maison
sagement réglée est le résultat de l'accord des deux époux"594. Il insistait plus loin
sur le fait que c'était à l'homme de faire régner Xhomonoia dans la maison, rappelant
le discours sur la concorde que le rhéteur Gorgias avait lu aux Grecs à Olympie
{supra, p. 103) et qui aurait fait dire à un certain Mélanthios: "Voilà un homme qui
nous donne des conseils sur la concorde, mais entre lui-même, sa femme et sa
590 ΧΧΠ, 20, 1-3; voir aussi Plutarque, De l'amour fraternel, 480 C.
591 IG, V2, 268 G. 33-34): ... παρ' άμφοτέροις άμέριίστος όΐμόνοια.
Sur la signification du mariage chez Musonius Rufus, voir la discussion de A.C. Van
Geytenbeek, Musonius Rufus and Greek Diatribe, Assen, 1963, p. 62-71.
593 Stobée, Florilège, IV, 22, 104: ... ποίος μέν γαρ γάμος χωρίς ομονοίας καλός;
ποία δέ κοινωνία χρηστή; πώς δ' αν όμονοιίσειαν άνθρωποι πονηροί δντες
αλλήλοις; η πώς <ά"ν> αγαθός πονηρψ όμονοήσειεν; ουδέν γε μάλλον ή όρθ<ψ ξιίλω
στρεβλόν συναρμόσειεν αν, ή στρεβλά άμφω δντα άλλήλοιν. το γαρ δη στρεβλόν τψ
τε όμοίω τψ στρεβλή άνόρμοστον, και τψ έναντίω τψ ευθεϊ έτι μάλλον. èVri δη
καΊι ό πονηρός τψ τε πονηρή οΰ φίλος ούδ' όμονοε"ϊ κα\ πολύ ήττον τ<ψ χρηστψ.
594 11 (139 C-D): ... πασά πραξις έν οικία σωφρονούση πράττεται μέν ύπ'
αμφοτέρων όμονοουντων ... Traduction de J. Defradas, J. Hani et R. Klaerr, Plutarque. Oeuvres
morales, tome Π, Paris, Les Belles Lettres, 1985.
1 34 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
servante, chez lui où ils sont trois, il n'a pu faire régner l'accord des sentiments!"595.
Il ajoutait* "Or il faut avoir créé l'harmonie dans sa maison quand on veut établir
l'harmonie dans la cité, dans l'assemblée du peuple, entre des amis ..."596. J'aurai à
revenir sur cette idée. Dans De l'amour fraternel, l'auteur dénonçait la rareté de cette
forme d'amour à son époque et proposait une série de remèdes aux querelles
fraternelles, par exemple: ne pas se livrer aux mêmes activités (486 B) ou encore ne
pas abuser de sa supériorité d'âge pour brimer son cadet (486 F). En fait, pour
Plutarque, l'harmonie entre frères tenait de la nature: "comme dans le même corps
humide, le sec, le froid, le chaud, pour participer à une seule nature, à une seule
nourriture, créent par leur accord symphonique le plus parfait composé, la plus douce
harmonie, sans lesquels, dit-on, ni <la richesso, ni <l'autorité du roi, égalant
l'homme aux Dieux> n'offrent nul agrément, ni profit, et si entre ces principes
apparaissent le déséquilibre et la discorde, ils détruisent et bouleversent de la façon la
plus affreuse l'être vivant; tout de même, grâce à l'union entre les frères, la famille et
la race jouissent d'une santé florissante, les amis et les familiers, comme un choeur
bien réglé, ne font, ne disent, ne pensent rien à contre-temps"597.
Un autre contemporain, Dion Chrysostome, surtout préoccupé par les
dissensions entre citoyens et entre cités, n'a pas abordé directement la question; mais
il n'a pas manqué, à l'occasion, d'y faire allusion. Ainsi, s'adressant aux
Nicomédiens et dénonçant la querelle les opposant aux Nicéens (supra, p. 74-75), il
interrogeait la foule en ces termes: "Le bon mariage est-il autre chose que la concorde
entre mari et épouse ? Et qu'est-ce que le mauvais mariage sinon leur dissentiment ?
Quel avantage sont les enfants pour les parents, quand, poussés par la folie, ils
commencent à se rebeller contre eux ? L'affection fraternelle est-elle autre chose que
la concorde entre frères ? Et qu'est-ce que l'amitié sinon la concorde entre amis ?"598.
595 43 (144 B-C): <Ούτος ήμΐν, £φη, συμβουλεύει περί ομονοίας, δς αυτόν κα\ την
γυναίκα κα\ την θεράπαιναν Ιδία τρεΙς οντάς όμονοείν ού πέπεικεν>. Traduction,
ibid.
59" 43 (144 C): Ευ τοίνυν ήρμοσμένον τον οίκον είναι δει τ<$ μέλλοντι
άρμόζεσθαι πόλιν και άγοραν και φίλους· μάλλον γαρ έΌικε τα των γυναικών f\
τα προς γυναίκας αμαρτήματα λανθάνειν τους πολλούς. Traduction, ibid.
597 479 A: ... και τροφής τα υγρά κα\ ξηρά κα\ ψυχρά κα\ θερμά τη όμονοία
και συμφωνία την άρίστην και ήδίστην κρασιν έμποιεί και άρμονίαν ή*ς χωρίς
ούτε <πλούτου. φα σι ν ούτε. τας Ίσοδαίμονος άνθρώποις βασιληίδος άρχας> είναι
τίνα χάριν και ονησιν, αν δε πλεονεξία και στάσις αΰτοΊς έγγένηται, διέφθειρεν
αϊσχιστα κα\ συνέχεε το ζω,ον, οοτως αδελφών όμοφροσυνη και γένος και οίκος
υγιαίνει κα'ι τέθηλε. καΥ φίλοι και συνήθεις ώσπερ εμμελής χορός ου'θέν οΰτε
πράσσουσιν εναντίον ούτε λέγουσιν ή φρονουσιν. Traduction de J. Dumortier, Plutarque.
Oeuvres morales, tome Vu, l*1· partie, Paris, Les Belles Lettres, 1976. Le mot ομόνοια apparaît aussi
en 481 A; 483 D; 484 B; 490 D; 490 F. Cf. également Plutarque, Du bavardage, 51 1 C-D; Démétrios, 3,
2.
59 Προς Νικομηδείς περί ομονοίας της προς Νικαείς (XXXVTH), 15: ό δε γάμος
ό αγαθός τι άλλο έστιν f\ ομόνοια ανδρός προς γυναίκα; και ό κακός γάμος τί
άλλο έστιν ή ή τούτων διχόνοια; και τέκνων δε τίς ωφέλεια γονευσιν, δταν ύπό
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE FAMILI ALE 135
II en va de même avec Aelius Aristide599, qui, dans son discours Aux Rhodiens sur
la concorde , rappelait et commentait longuement l'épisode d'Ulysse et de Nausicaa,
évoqué ci-dessus. "N'allez pas croire", disait-il, "qu'il y a une façon d'établir
convenablement une maison, et une autre d'établir toute une cité"600. Pour lui, si le
salut de la maison était dû à "l'accord de sentiments" (το ταύτα φρονείν), il n'en
allait pas autrement pour la cité601. En fait, le conseil pour la concorde (6
σύμβουλος περί της ομονοίας) lui semblait aussi valable pour ceux qui
s'apprêtaient à prendre maison que pour ceux qui depuis longtemps habitaient une
cité602. Même s'il est clair que Dion et Aristide n'ont usé du thème de la concorde
familiale que dans le seul but de promouvoir Γόμόνοια entre cités et entre citoyens,
leurs propos n'en démontrent pas moins l'importance naturelle de l'harmonie dans les
relations familiales.
L'importance de ce type de concorde transparaît enfin dans une dernière catégorie
de documents, plus tardifs et que l'on ne saurait passer sous silence. Ce sont les
nombreuses bagues de mariage du IVe et du Ve siècle, dont le chaton représente soit
le Christ debout, le bras droit levé sur l'épaule du fiancé, le bras gauche sur celle de
la fiancée, soit une croix placée entre les futurs époux; en exergue: le mot
ΟΜΟΝΟΙΑ603. Il s'agit bien entendu du mariage chrétien, dont l'harmonie est ainsi
placée sous l'autorité divine et sanctifiée par le Christ lui-même ou par la croix. Le
mot, comme l'écrivait C. Pietri, "rappelle le sens de l'image".
En terminant, il est intéressant de noter que se tenait, le 22 février à Rome, une
fête appelée Charistia, à laquelle participaient parents et alliés, afin que, "s'il était
survenu quelque division dans la famille, on pût s'entremettre et ramener la concorde,
à la faveur des libations religieuses et de la gaîté du festin"604. Selon Ovide, ce jour-
là, la douce Concorde leur était présente605. La fête fut maintenue, avec un esprit
analogue, dans le calendrier chrétien de Polemius Servius, sous le nom de Cara
II est donc certain que les Grecs ont attaché une grande importance à Γόμο νότα
familiale et qu'ils ont sans doute tenté d'y associer le culte de la divinité. Deux
témoignages seulement permettent de le croire.
606 Cf. CIL, I, p. 259, plus commentaire p. 310; F. Cumont, Lux Perpetua, Paris, 1949, p. 435-
436; G. Dumézil, La religion romaine archaïque, Paris, 1966, p. 394-395.
Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, I, 2, p. 921, s.v. Caristia ou Cara Cognatio.
608 Cf. Pline l'Ancien, Naturalis historia, XXXV, 134: ... pinxit in templo Eleusine phylarchum et
Athenisfrequentiam, quam uocauere syngenicon ...; voir aussi § 143. Cf. A. Reinach, Recueil Milliet.
Textes grecs et latins relatifs à l'histoire de la peinture ancienne, Paris, 1921 , p. 299, note 3.
609 Voir sur ce point la discussion de H. Fuchs, op. cit. (note 582).
610 Voir par exemple Xénophon, Mémorables, VI, 14 et s., Aristote, Politique, I, 12. Cf.
également, H. Fuchs, ibid.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE FAMILI ALE 137
Apulie
Le premier est intéressant sur plus d'un point En effet, la déesse apparaît sur
une pélikè apulienne à figures rouges (pi. I) attribuée au peintre de Darius611 et
datée, par conséquent, des années 340-330 av. J.-C.
La scène se divise en deux registres. Le registre inférieur, qui importe ici,
comprend neuf personnages dont deux petits puai. Cinq d'entre eux sont clairement
identifiés: au centre, Andromède, assise sur un trône; devant elle, agenouillée et
implorante, Cassiopée, sa mère, les bras tendus vers sa fille; derrière Cassiopée, à
droite, le héros Persée et Céphée, père d'Andromède (le premier tient une épée au-
dessus de sa tête, alors que le vieux monarque, soutenu par un serviteur et s'appuyant
sur un bâton, s'avance péniblement vers le héros); à gauche, derrière Andromède,
Homonoia [ΟΜΟΝΟΙΑ] (pi. II). Son coude gauche est gracieusement appuyé au
dossier du trône. De sa main droite, elle tient un éventail ou un parasol. Sa pose
est détendue: elle croise nonchalamment les jambes. Sa coiffure est maintenue à
l'aide d'un ruban et d'un sakkos que semble ajuster l'un des puni. Elle porte un
collier et est vêtue d'une longue tunique drapée qui laisse entrevoir l'épaule droite.
Son regard se porte sur une jeune femme non identifiée, assise sur un diphros à
l'extrême gauche de la scène. Celle-ci porte sur ses genoux un coffret ouvert. Son
regard semble croiser celui $ Homonoia.
Cette scène illustre donc une Cassiopée implorant à genoux le pardon de sa fille
Andromède. La légende, en effet, raconte que Cassiopée avait provoqué la colère des
Néréides en prétendant être plus belle que toutes les Néréides réunies. Outrées,
celles-ci avaient alors chargé Poséidon de punir l'insolente. Ce dernier envoya
aussitôt un monstre pour ravager le royaume de Céphée, l'Ethiopie. Or seul le
sacrifice d'Andromède, la fille du roi, pouvait, d'après l'oracle d'Ammon, délivrer la
région de ce fléau. Céphée dut accepter l'horrible sacrifice et l'on attacha la jeune
fille à un rocher. Or Persée, au retour de son expédition contre les Gorgones, aperçut
la pauvre victime et, transporté par sa beauté, vint à son secours, tua le monstre et
délivra Andromède dont il fit son épouse612. Quant aux repentirs de Cassiopée, que
61 1 A.D. Trendall, "Farce and Tragedy in South Italian Vase-Painting", Looking at Greek Vases,
Cambridge, 1991, p. 178-179, fig. 74. Voir également H.A. Shapiro, loc. cit. (note 73), p. 477, no 2;
479; C. Aellen, op. cit. (note 1), p. 168-169, et fig. 1 1 1. Sur le peintre de Darius et sa période, cf. A.D.
Trendall & A. Cambitoglou, The Red-Figured Vases of Apulia, Π, Oxford, 1982, p. 483-486; A.D.
Trendall, Red Figure Vases of South Italy and Sicily, a Handbook, London, 1989, p. 89 et s. Une autre
représentation d'Homonoia est également attestée par Pline l'Ancien (Naturalis historia, XXXV, 141),
d'après lequel un certain Habron aurait peint une Homonoia: Habron amicam et Concordiam pinxit ...
Malheureusement, on sait très peu de choses de cet Habron dont l'acmé pourrait se situer à la fin du
IVe siècle et au début du me. Cf. H. Brunn, Geschiente der griechischen Künstler, II, Stuttgart, 1892,
p. 201; E. Pfuhl, RE, Vu, 2 (1912), col. 2156-2157, j.v. Habron; A. Reinach, op. cii. (note 608), p. 78;
Ε. Pfuhl, Malerei und Zeichnung der Griechen, München, 1923, p. 917; M.B. Marzani, EAA, ΊΠ (1960),
p. 1077-1078, i.v. Habron.
612 ApoUodore, Bibliothèque, II, 4, 3; Ovide, Les Métamorphoses, IV, 665 et s.
1 38 LE CULTE UHOMONOIA DANS LES CITES GRECQUES
Milet
Le second témoignage est tiré d'un extrait du roman de Chariton, Chairéas et
Callirhoé. En effet, d'après le romancier, il existait à Milet un temple é'Homonoia
où les futurs maris recevaient la main de leur fiancée. L'action se situe au moment
ou Callirhoé, l'héroïne du roman, s'apprête à épouser Dionysios, le premier
personnage de Milet (ΙΠ, 2, 16):
Μία bï πάντων f|v επιθυμία Καλλιρρόην θεάσασθαι,
και περί το Ιερόν της 'Ομονοίας ήθροίσθη το
πλήθος, όπου πάτριον f]v τοις γαμοΰσι τας νΰμφας
παραλαμβάνειν.
"De fait, l'unique désir de tous était de contempler Callirhoé. La foule se
rassembla autour du temple à' Homonoia, là où il était coutume pour les
futurs maris de recevoir la main de leur fiancée."
Plusieurs questions retiennent notre attention. D'abord la vraisemblance du
cadre et de l'action, puisque l'existence de ce temple ne fait pas l'unanimité. La
trame du roman repose sur un fond historique et géographique assez précis.
Callirhoé y est la fille d'Hermocrate, le général syracusain vainqueur des Athéniens
en 413. La vie privée et politique à Syracuse, principal foyer de l'action, y est
dépeinte, selon G. Molinie, de façon "tout à fait juste, dans la mesure où l'on
considère que le cadre général et non les détails de la fiction. C'est la cité grecque
classique, avec l'agitation de son petit peuple, l'autorité d'un haut magistrat investi
de la confiance commune, et l'attitude des membres du conseil, qu'il s'agisse du
616 Chariton. Le roman de Chairéas et Callirhoé, Paris, Les Belles Lettres, 1979, p. 5-6.
Ibid., p. 8. Sur la vraisemblance, mais aussi sur les incohérences des données historiques de
Chariton, cf. A. Billault, "Aspects du roman de Chariton", IL, 33 (1981), p. 207-209.
618 G. Molinié, op. cit. (note 616), p. 8; A. Billault, loc. cit. (note précédente), p. 208. Voir aussi
C.P. Jones, "La personnalité de Chariton", Le monde du roman grec. Actes du colloque international
tenu à l'Ecole normale supérieure (Paris 17-19 décembre 1987), Paris, 1992, p. 163.
61"
Voir, en dernier b'eu, C.P. Jones, ibid.; id., "Hellenistic History in Chariton of Aphrodisias",
Chiron, 22 (1992), p. 91-102.
620 J. Jakob, Studien zu Chariton dem Erotiker, I, Aschaffenberg, 1903, p. 27 et s.; G. Hetteger,
Ueber das Mythologische bei Chariton, Krumau, 1915, p. 13: "Da die Stelle ... kaum reine Erfindung
des Autors"; et p. 14: "Wenn daher bei Chariton Homonoia als Schutzgöttin der Ehe gedacht ist, so kann
dieser Zug von der römischen Concordia entlehnt sein". Sur les difficultés que posent les dates de
Chariton, dont la vie d'ailleurs nous est absolument inconnue, cf. G. Molinié, op. cit. (note 616), p. 1-2;
l'auteur y expose les principales pièces du débat. Il semble que le romancier ait vécu à la fin du Ier
siècle de notre ère et au début du siècle suivant. Cf. également C. Ruiz Montero, "Una observacion
para la chronologie de Canton de Afrodisias", EClas, 24 (1980), p. 63-69; l'auteur en arrive à la même
conclusion.
140 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
621 Op. cit. (note précédente), p. 14. Cf. G. Wissowa, Religion und Kultus der Römer, München,
1912, p. 329; R. Peter, Lexicon Röscher, 1, 1 (1884-1886), col. 919, 38-41, s.v. Concordia.
G. Molinié, op. cit. (note 616), p. 8; M. Laplace, "Les légendes troyennes dans le roman de
Chariton, Chairéas et Calliihoé", REG, 93 (1980), p. 83-125. Pour cette dernière, le roman de Chariton
reposerait sur deux légendes troyennes: l'une se rapportant au passé des Grecs, la guerre de Troie et la
présence d'Hélène; l'autre au passé des Romains, le destin d'Enée. Callirhoé incarnerait tout aussi bien
Hélène que la mère d'Enée, Aphrodite. Cf. A. Billault, loc. cit. (note 617), p. 209.
623 RE, Vm, 2 (1913), col. 2266, 29-34, s.v. Homonoia: "Hier scheint also der Tempel der
ehelichen Eintracht gegolten zu haben". J. Zwicker ne prétend pas que le temple a toujours existé à
Milet, comme l'écrit i tort G. Molinié (op. cit. (note 616), p. 8).
"Chariton und die Geschichte", Sozialökonomische Verhältnisse Un alten Orient und im
klassischen Altertum, Berlin, 1961, p. 344.
625 Loc. cit. (note 618), p. 163; Cf. id. loc. cit. (note 619), p. 101.
Chariton précise lui-même sa profession au livre I, 1 (Χαρίτων Άφροδισιευς, Άθηνα—
γόρου του ρΊ^τορος ύπογραφεύς ...).
627 Loc. cit. (note 619), p. 101, note 48.
62° Et même au-delà (δπου πότριον f|v).
^ Ce procédé était une façon efficace de donner une touche d'authenticité au récit ou
d'assurer un certain réalisme historique et géographique dans le roman. Cf., sur ce point, G. Molinié,
op. cit. (note 616), p. 5-10, et A. Billault, loc. cit. (note 617), p. 207-209.
LE CULTE D'HOMONOIA ET LA CONCORDE FAMILIALE 141
3. Conclusion
OJU F. Stössl (loc. cil. (note 1), col. 1052, 47 et s.) pensait qu'il pouvait s'agir ici d'une influence
romaine, celle de la concordia du couple impérial (voir, ci-dessous, p. 146-147). Cela me parait
plausible.
\kl
CHAPITRE V
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET
LA CONCORDE IMPERIALE
Jusqu'ici, j'ai examiné les documents de l'époque romaine sans aborder, sauf à
l'occasion, la question de l'intervention de Rome, et plus particulièrement celle de
l'empereur, dans l'établissement ou le maintien de la concorde entre citoyens et cités
grecs. Il est temps d'examiner cette question à laquelle de nombreux témoignages du
culte d'Homonoia viendront se greffer.
1. La concorde impériale
631 GIBM, IV, 894, 1. 2-13; W.H. Buckler, loc. c'a. (note 240), p. 183: ... [έ]πεΥ ή αιώνιος
και αθάνατος του παντός φύσις το (μέ)γιστον αγαθόν προς υπερβάλλουσας
ευεργεσίας άνθρ[ώ]ποις έχαρίσατο Καίσαρα τον Σεβαστόν ένεν|κ]αμένη χρ[ν] τώι
καθ' ήμας εΰδαίμονι βίωι πατέρα μέν της εαυτοί; πατρίδος θεάς 'Ρώμης, Δία δέ
Πατριρον και σωτήρα του κοίιΐνου των ανθρώπων γένους* ού ή πρόνοια τας πάντων
είύΊχας ουκ έπλιΐρωσε μόνον άλλα και ύπερηρεν, είρηνεΰθη μέν γαρ γη και
θάλαττα, πόλεις δέ άνθουσιν εΰνομίαίι] όμονοίαι τε και εύετηρίαι, ακμή τε και
φορά παντός έστιΐν ά]γαθο[ϋ], ελπίδων μέν χρηστών προς το μέλλον, εΰθυμίαίς δ]έ
εις το παρόν των ανθρώπων ένπεπλησμένων αγώ[σ]ιν καΓι ποιηΊμασιν θυσίαις τε
και ομνοις την εαυτών [πί]σίτιν τάς τε θείας εύθε]το[υ'ντ]ων σπουδάς·... Ma traduction
est inspirée de celle de W.H. Buckler, ibid., p. 183-184.
144 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
fut donné aux Romains et à leurs alliés de prospérer dans une telle paix et dans une
abondance de biens telles que celles que leur a procurées César Auguste depuis qu'il
s'est emparé du pouvoir absolu"632. Epictète, qui vécut au premier et au second
siècle de notre ère, voyait également en l'empereur l'artisan de cette paix heureuse:
"mais voyez la paix profonde que César semble nous procurer, car il n'y a plus ni
guerres, ni luttes, ni brigandages importants, ni pirateries, mais on peut à toute
heure voyager sur terre ou naviguer sur mer de l'Orient à l'Occident"633.
Cette évocation de la Pax Romana et du bonheur qui en découle était en fait
bien angélique, car il ne régnait dans le monde grec à cette époque qu'un calme
relatif, troublé par de nombreux ressentiments entre citoyens et cités divisés, dont
témoignent maints documents évoqués dans les chapitres précédents. Quoi qu'il en
soit, les grands conflits de l'époque hellénistique étaient chose du passé et cette Pax
Romana attirait à l'empereur une certaine gratitude et lui conférait souvent un rôle de
médiateur, de conciliateur, auquel plusieurs cités de l'Empire n'hésitèrent pas à
confier la résolution de leurs disputes. Ce fut à Auguste en personne, par exemple,
que s'adressèrent, en 20 avant notre ère, les habitants de Gadara en Palestine pour
trancher un différend qui les opposait au roi Hérode634. Nombre de lettres et
d'ambassades alexandrines furent dépêchées aux empereurs durant les tensions entre
Grecs et Juifs d'Alexandrie635 L'étude des sources, d'autre part, montre à quel point
les interventions princières, particulièrement dans les litiges entre cités, furent
monnaie courante tout au long de l'époque romaine. Ainsi, Domitien intervint dans
une querelle divisant les villes italiennes de Falerii et de Firmum636, Trajan dans un
litige territorial entre Delphes et ses voisines Ambryssos, Amphissa, Myania et
Antikyra637, Hadrien dans une querelle territoriale entre Lamia et Hypata en
Thessalie638, Antonin le Pieux dans la résolution d'une dispute similaire entre
632 VI, 4, 2: Ουδέποτε γοΐίν ευπορήσαι τοσαΰτης ειρήνης κα\ αφθονίας αγαθών
υπήρξε 'Ρωμαίοις και τοις συμμάχοις αυτών, οσην Καίσαρ τε ό Σεβαστός
παρέσχεν, αφ' ου παρέλαβε την έξουσίαν αυτοτελή ...
^* Entretiens, ΠΙ, 13,9: 'Οράτε γαρ δτι είρήνην μεγάλην ό Καίσαρ ήμίν δοκεί
παρέχειν, δτι ουκ ε'ισιν οΰκέτι πόλεμοι ουδέ μάχαι ουδέ ληστήρια μέγα' λ α ουδέ
πειρατικά, αλλ' εξεστιν πάση ώρα όδειίειν, πλεΊν απ' ανατολών έπΥ δυσμάς. Voir
également Plutarque, Sur les oracles de la Pythie, 28: ... πολλή γαρ ειρήνη και ησυχία,
πέπαυται δέ πόλεμος, και πλάνοι και στάσεις ουκ ε'ισιν ουδέ τυραννίδες, ουδ'
άλλα νοσήματα και κακά της 'Ελλάδος ...
634 Flavius Josephe, Antiquités Judaïques, XV, 10, 3 (354-359).
635 Cf. H.A. Musurillo, op. cit. (note 281), IV, Acta Isidori (Claude), p. 18-26; 117-140; VŒI,
Acta Hermaisci (Trajan), p. 44-48; 161-178; cf. supra, p. 63; IX, Acta Pauli et Antonini (Hadrien), p.
49-60; 179-195.
636 CIL, IX, 5420. Cf.F7/M2,I,no75.
637 Sylloge\ 827. Cf. F. Millar, op. cit. (note 372). p. 436.
638 IG, IX, 2, 60. Cf. F. Millar, ibid.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 145
Thisbé et Coronée en Béotie639, enfin Caracalla dans un litige analogue entre les
villes lydiennes de Thyatire et de Hiérocésarée640.
Les interventions romaines dans les affaires de la Grèce étaient en fait assez
anciennes, puisque déjà au IIe siècle avant notre ère de nombreuses contestations
territoriales avaient été tranchées par Rome elle-même ou par une commission
nommée par elle641. Si l'on comprend facilement la crainte que de telles
interventions devaient susciter, quelques siècles plus tard, chez Dion Chrysostome et
chez Aelius Aristide642, on comprend tout aussi aisément le souci des autorités
impériales de maintenir l'ordre dans les provinces et la nécessité d'intervenir
diplomatiquement dans les situations conflictuelles de la Grèce et d'ailleurs. Il
s'agissait non seulement d'éviter l'envoi et surtout l'entretien de troupes armées,
beaucoup plus utiles aux frontières de l'Empire, mais aussi d'éviter que de telles
querelles, parfois dérisoires, ne dégénèrent et ne prennent une ampleur incontrôlable.
L'unité de l'Empire dépendait de la capacité de Rome à maintenir, au sein des
provinces, l'harmonie entre les citoyens et entre les cités. Mais nous verrons qu'elle
dépendait également de la capacité de l'empereur à faire régner l'union et la concorde
au sein même des citoyens de Rome. Voyons quels furent les efforts entrepris en ce
sens par Auguste principalement.
On avait longtemps craint, durant les deux derniers siècles de la République,
que Rome ne s'écroulât sous le poids des séditions intérieures, crainte que devaient
porter à son comble les guerres civiles du Ier siècle avant notre ère. Cicéron songea
même à écrire un grand ouvrage Sur la concorde, après que César eut franchi le
Rubicon et provoqué la guerre civile643. Or, entre 62 et 40 approximativement,
apparut pour la première fois sur les monnaies romaines l'effigie de Concordia, tête
voilée et diadémée644. Chacune de ces émissions correspondait vraisemblablement à
un événement marquant des troubles civils et commémorait souvent l'accord
intervenu entre partenaires politiques645. Telle était donc, au seuil de l'Empire, la
Concorde, avec son caractère religieux certes, mais aussi politique.
C'est sous le principat d'Auguste que prirent officiellement fin les sanglantes
guerres civiles, par l'édit du mois d'août 28 av. J.-C.646. Ainsi rétablie, la concorde
fin aux guerres civiles et rétabli la concorde entre les Romains (... δια το έν τ<$ μ η ν ι τούτω
τους εμφυλίους πα υ σα ι πολέμους ... και εις όμόνοιαν τους 'Ρωμαίους ηδη
καταστησαι). Or, poursuit Jean le Lydien, la concorde et le nombre huit prirent même alors une
signification particulière: "τούτω όγδόω το δνομα του της ομονοίας αυτοϋς αιτίου
άνέθεντο" (J. Lydus, De mensibus, IV, p. 150 de l'édition de R. Wünsch, éd. Teubner, 1898). Voir P.
Jal, "Pax civilis - Concordia", REL, (1961), p. 227.
647 CIL, Π, 3349 (= ILS, 3786).
64° ILS, 3785. On a également découvert dans les vestiges une statuette à la figure drapée
portant une corne d'abondance, l'attribut par excellence, nous le verrons, de Concordia; cf. L.
Richardson Jr., "Concordia and Concordia Augusta: Rome and Pompeii", PP, 33 (1978), p. 268.
49 Fastes, VI, 637-638: Te quoque magnifica, Concordia, dedicat aede Liuia, quant caro
praestitU ipsa uiro. Cf. les commentaires de J.G. Frasier, Publii OvidiiNasonis, Fastorum libri sex, IV,
London, 1929, p. 304-305; ainsi que ceux de R. Hoïek, "Die Auffassung der Concordia bei den
Dichtem des Prinzipats", SPFB, 16 (1967), E12, p. 153-162, et de CJ. Simson, "Iivia and the Constitution of
the Aedes Concordiae. The Evidence of Ovid Fasti I.637ff.", Historia, 40 (1991), p. 449-455. Sur Iivie
et la concorde, cf. Ovide, Fastes, I, 649-650.
"" Loc. cit. (note 648), p. 270. Contra, M. Boudreau Flory, "Sic exempla parantur. Livia's shrine
to Concordia and the Porticus Liviae", Historia, 33 (1984), p. 309-330.
651 CIL, I, p. 231 et 308, Fasti Praenestini; cf. Dion Cassius, LV, 8. Ce temple figure sur
quelques frappes monétaires: cf. notamment P.V. Hill, "The temple of Concordia on sestertii of
Tiberius", NCirc, 86 (1978), p. 66. Voir également B.A. Kellum, "The City Adorned: Programmatic
Display at the Aedes Concordiae Augustae", Between Republic and Empire, interpretations of Augustus
and his Principate, Berkeley-Los Angeles-Oxford, 1990, p. 276-307. Rappelons un autel très abîmé,
découvert à Rome, portant l'inscription [Conc]ord[iae] Aug(ustae) sacr(um), que l'on tend à dater de
l'époque d'Auguste: cf. A.M. Colini, RPAA, 43, (1970-1971), p. 55-70, particulièrement, pour la
datation, p. 67. En dernier lieu, signalons qu'une colonie augustéenne a porté le nom de colonie Iulia
Concordia Augusta (Bénévent): cf. G. Bruzin, op. cit. (note 440), p. 421-422, î.v. Iulia Concordia.
652 Sicile (Halaesa): G. Manganaro, Epigraphica, 51 (1989), p. 190: [Concor]diae Aug[ustae
saciium)] /[TA. Meuius Z\ethus sev[ir Aug(ustalis)]; Espagne (Tarraco): CIL, Π, 3349: Augusto, Paci
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 147
II est donc clair que la notion de concorde était désormais devenue, avec
Auguste, l'apanage de l'empereur et de la famille impériale, qui incarnaient et
perpétuaient l'idée d'unité. L'empereur lui-même paraissait être assimilé à cette
notion, lui qui avait réussi à imposer son autorité et à faire l'union de tous les ordres
dans sa personne. La concordia augusta était synonyme de la paix intérieure assurée
par l'empereur. Et puisque "le prince est la tête du corps immense qu'est
l'Empire"653, cette idée de concorde interne devait nécessairement s'étendre à toutes
les provinces romaines. "Dans la mesure où", écrivait P. Jal, "une fois achevée, la
guerre civile provoquait par réaction un sentiment de cohésion, sans doute jamais
éprouvé jusqu'alors, entre les diverses parties de l'Empire, l'entente qui s'établit ainsi
entre les provinces, membres de ce vaste corps, déclenche ou accentue au Ier siècle le
développement d'un certain cosmopolitisme qui n'est, à certains égards, que
l'extension de la "concordia" des citoyens de Rome à l'ensemble des sujets de
l'Empire"654.
On comprend bien, dès lors, que certains groupes de citoyens ou certaines cités
n'aient pas hésité à confier à l'empereur en personne la résolution de leurs conflits,
puisqu'il était lui-même la Concorde. Suétone rapporte que, lorsque Vitellius voulut
abdiquer et déposer son poignard dans le temple de la Concorde, "certains lui criant
«qu'il était lui-même la Concorde», il revint et affirma que non seulement il
conservait son glaive, mais encore qu'il acceptait le surnom de Concorde"655.
Cette assimilation à la Concordia des empereurs et des autres membres de la
famille princière s'est maintenue tout au long de l'époque impériale et plus
particulièrement dans le monnayage. De Néron à Maximien (54-296), en effet, nous
sont parvenues des centaines d'émissions des empereurs, impératrices, princes et
princesses, frappées en Italie, en Gaule, en Espagne et en Germanie, sur lequelles
figure Concordia accompagnée de légendes telles CONCORDIA AUGUSTA, la
concorde impériale, CONCORDIA AUGUSTI, la concorde de l'empereur,
CONCORDIA AUGUSTORUM, la concorde des empereurs ou des membres de la
famille impériale, CONCORDIA PROVINCIARUM, la concorde des provinces, et
CONCORDIA EXERCITUUM ou MILITUM, la concorde des armées ou des
soldats. Les belles études de M. Amit, de P. Jal et de J. Béranger656 ont souligné
perpétuât et Concordiae Augustae; ibid., 3090: [Conc]ordiae Au[g(ustae) ...; ibid., 4270: Concord aug.;
Afrique du Nord (Thubumica ad Aquas): CIL, VDI, 14686: Concordiae Aug. Sac; (Uchi Maius): CIL,
VU!, 15447: Concordiae Aug. Sacrum.; (Thougga): CIL, \ΊΠ, 26466: [Con]cordiae Aug. Sacrum pagus
et ciuitas Thugg. PP.
653 F. Préhac, "Pour le commentaire de Sénèque", REL, 10 (1932), p. 404, note 1; voir
notamment les propos de Sénèque, De dementia, III, 2-3. Cf. de façon générale, J. Béranger,
Recherches sur l'aspect idéologique du principal, Bâle, 1953, p. 218-252.
654 Loc. cit. (note 646), p. 229.
653 yiieiiius, XV, 7-8: Sed quibusdam adclamantibus <ipsum esse Concordiam>, rediit nec soium
retinere se ferrum affirmauit, uerum etiam Concordiae recipere cognomen.
656 M. Amit, loc. cit. (note 306), p. 133-169; P. Jal, loc. cit. (note 646), p. 210-231; J. Béranger,
"Remarques sur la Concordia dans la propagande monétaire impériale et la nature du principal",
148 LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α DANS LES CITES GRECQUES
Notons d'abord qu'à Rome l'empereur n'était pas le seul à pouvoir être assimilé
à la Concorde: princesses et impératrices l'étaient également. Un sesterce de
Caligula, en effet, montre au revers Agrippine, Drusilla et Julia Livilla, les trois
soeurs de l'empereur, personnifiant Securitas, Concordia et Fortuna659. C'est
Drusilla, bien en vue au centre de la représentation, qui personnifie Concordia: elle
porte une patère dans la main droite et une corne d'abondance dans la gauche, les
principaux attributs de la Concorde. Les actes des Frères Arvales du 6 novembre 58,
anniversaire de naissance d1 Agrippine, font mention, quant à eux, d'Agrippinae ...
Beiträge zur Alten Geschichte und deren Nachleben, Festschrift für Franz Altheim zum 6.10.1968, 1,
Berlin, 1969, p. 477-491. Voir également D.H. Swingler, "Roman coinage. Its use as an implement of
propaganda", San, 7 (1976), p. 48-51.
657 hoc. cit. (note 306), p. 169.
OJO R. Etienne, Le culte impérial dans la péninsule ibérique d'Auguste à Dioclétien, Paris,
B.E.F.A.R., fasc. 191, 1958, p. 330.
659 RIC\ I, p. 1 10, no 33, pi. 13, 33. Cf. J. Béranger, loc. eu. (note 656), p. 481-482.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 149
Halasarna (Cos)
Or, ce type d'assimilation apparaît également en Grèce. Une inscription du
dème dUalasarna, à Cos, présente le texte suivant662:
Ό δαμος ό Άλασαΐρ]-
νειταν καθιέρωσε
Σεβασταν Όμονοίαν
4 [- —]
δια ναποάν Λεω-
νίττπου του 'Αρτεμιδώρου,
Αυλού Τερεντίου
8 Αυλού υιού,
Μάρκου Κοιλίου Μάρκου
υιού πρεσβυτέρου
φιλοκαισάρων.
"Le dème d'Halasama a consacré (une statue) de — Auguste Homonoia, par le
soin des néopes Léônippos fils d'Artémidôros, Aulus Terentius fils d'Aulus,
Marcus Coelius fils aîné de Marcus, philocésars."
Pourrait-il s'agir d'une statue de Drusilla, soeur de Caligula, comme le croyait
R. Herzog ? En effet, la ligne 4 a été martelée et l'historien a cru reconnaître les
lettres Δ.Ο.Σ....Ν, d'où la lecture Δρουσίλλαν et le rapprochement avec le sesterce
de Caligula évoqué ci-dessus. Mais P. Veyne a rappelé que "le nom même de
Drusilla n'est jamais martelé dans les inscriptions ..." et qu'"au témoignage de sa
transcription, Herzog n'a rien lu sous la rasura"663. Il pourrait plutôt s'agir,
concluait-il, de Valeria Messalina, femme de Claude, ou encore de Statilia
Messalina, femme de Néron, dont les noms ont été martelés sur plus d'une
inscription664. On ne peut trancher avec certitude. Quoi qu'il en soit, une telle
dédicace ne surprend guère, venant de néopes qualifiés de "philocésars" (1. 1 1), donc
de gens manifestant une loyauté certaine envers Rome.
°"^ ILS, 229, 1. 15 et s. Figurent plus loin, au jour anniversaire de Néron cette fois, les mots
Concordiae honoris Agrippinae Aug(ustae).
**" E.B. Thomas, "Italische Einflüsse auf das friihkaiserzeitliche Pannonien", Le rayonnement
des civilisations grecque et romaine sur les cultures périphériques. Huitième congrès international
d'archéologie classique, Paris, 1963, p. 364-375, particulièrement p. 366-367, pi. 82, 1-3.
66^ R. Herzog, "Das Heiligthum des Apollo in Halasarna", Sitzungsberichte der königlich
preussischen Akademie der Wissenschaften zu Berlin, 1901, p. 493, no 5 (R. Cagnat, IGR, IV, 1098).
663 Loc. cit. (note 404), p. 54, note 5.
664 Ibid., avec références.
1 50 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Thyssanonte
Du dème de Thyssanonte, dans la Pérée rhodienne, on connaît également le
témoignage d'une telle assimilation, daté entre 81 et 96, concernant, de façon certaine
cette fois, Domitia, épouse de Domitien665:
και Δομετία
ΚΑΙ ](Χ ....]ΣΣί
θ[ε]ςί Σεβαστή ]_
4 ' Ομόνοια
'Ιάσων Άριστογένευς Βουλ[ί](δας)
άγησάμενος έπι Χερσο[νά]-
σου και Σύμας, έφ' ού απε[κα]-
8 τεστάθη ά πάτριος πολει-
τεία<ς>, και
ό δάμος ό θυσσανουντίων
και οι κατοι-
12 κοΰντες έν Θυσσανουν-
τι και ά κτοίνα ά Στραπι-
ατάν
καθιέρωσαν.
" ... et à Dométia Déesse Auguste Homonoia, Iasôn fils d'Aristogénès, du
dème de Boulidai, qui a été gouverneur de la Chersonnèse et de Symè, sous
lequel fut rétablie la constitution ancestrale, le dème de Thyssanonte et ceux
qui habitent Thyssanonte et la ktoina des Strapiatai ont fait la dédicace."
Ces assimilations de princesses ou d'impératrices à la Concorde avaient donc
également cours en Grèce. Elles évoquaient, comme à Rome, le rôle que tenaient les
femmes dans les affaires, le bon fonctionnement et l'harmonie de l'Etat et de
l'Empire, rôle qui s'était fait pressentir dès Livie, épouse d'Auguste, et qui ne cessera
de se manifester tout au long de l'époque impériale.
Pergé
Comme dans d'autres régions de l'Empire (supra, p. 146), le culte même de la
Concordia Augusta est également attesté dans le monde grec. Il paraît d'abord dans
une inscription honorifique de Pergé, en Pamphylie, pour Elaibabès, prêtre de
YHomonoia Auguste666. En voici les quinze premières lignes:
665 M. & N. Chaviaras, AE, 1911, p. 60-61, no 52b (Sylloge3, 819); A. Bresson, op. cit. (note
201), p. 130-131, no 132, avec omission de la dernière ligne. Cf. A. Wilhelm, Neue Beiträge, ΠΙ, 1913,
p. S0-S1; P. Veyne, loc. cit. (note 404), p. 54. On signalera au passage que la transcription du texte
fournie par les frères Chaviaras donne, aux lignes 11-12, les lettres ΚΑΤΟΙΚΟΤΝΤΕΣ qu'ils ont, par
mégarde, restituées par κατοιτοικοΰντες; cette fausse lecture a été suivie par A. Bresson.
666 J. Franz, CIG, 4342, plus add., p. 1 160; C. Lanckoronski, G. Niemann, Ε. Petersen, Les villes
de Pamphylie et de la Pisidie, I, Paris, 1890, p. 166, no 33 (R. Cagnat, IGR, ΠΙ, 796); L. Migeotte,
L'emprunt public dans les cités grecques, Québec-Paris, 1984, p. 339, no 1 13, 1. 19-23; R. Merkelbach
& S. Sahin, EA, 11 (1988), p. 126-127. Cf. A. Wilhelm, Archäologisch-epigraphischen Mutheilungen
aus Österreich-Ungarn, 20 (1897), p. 65-66.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 1 51
667 Cavedonius, Annal. Inst. arch. Rom. XIX, p. 159 (non vidi, mais cf. CIG, 4342, add., p.
1160); A. Wilhelm, loc. cit. (note précédente); A.M. Woodward, "ΑΣΤΛΩΤΟΣ", CR, 46 (1932), p. 9-
11; E. Merkelbach et S. Sahin, loc. cit. (note précédente); Th.S. Mackay, "Major Sanctuaries of Pam-
phylia and Cilicia", ANRW, Π, 18, 3 (1990), p. 2051.
66° Voir discussion et références, infra, p. 161-162.
669 Loc. cit. (note 573).
1 52 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
670 Cf. A.M. Woodwaid, loc. cit. (note 667), ainsi que Th.S. MacKay, loc. cit. (note 667), p.
2052.
671 Cf. A.M. Woodward, loc. cit. (note 667), p. 10-11.
ΌΙΔ Un prêtre et une prêtresse d'Homonoia Auguste pourraient aussi être attestés à Dorylaion en
Phrygie; cf. l'inscription publiée par P. Wolters, MDAI(A), 22 (1897), p. 481-3, d'après la copie de J.
Meliopoulos, et republiée par W. Dittenberger, OGIS, 479, et R. Cagnat, IGR, IV, 522. Mais ce
document doit être utilisé qu'avec une extrême prudence puisque le texte est lacunaire et que la
formule [Όμο νοίαι Σίεβαστήι (1. 4) a été restituée par P. Wolters, précisément d'après notre
inscription de Pergé. Une lecture différente a d'ailleurs été proposée par W.H. Buckler (loc. cit. (note
240), p. 187) qui a restitué de façon convaincante les sept premières lignes de l'inscription et qui a
montré que, dans le cas qui nous intéresse, le mot θεά ι était "indispensable dans ce contexte" et qu'il
fallait "un nom de divinité plus court que [ Όμονοίαι Σίεβαστήι, restitué par Wolters". Sa lecture
[θεά ι Τύχη ι Σίεβαστηι est plausible mais non décisive. La pierre semble malheureusement avoir
disparu (cf. W.H. Buckler, ibid.).
673 CIL, Π, 3349; 4270; cf. R. Etienne, op. cit. (note 658).
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 153
Ephise
Le culte est également attesté à Ephèse, si l'on en juge par l'inscription relative
à la célèbre fondation de Vibius Salutaris, datée de 104 ap. J.-C. Gravée sur l'un des
murs du théâtre où elle fut découverte lors des fouilles de 1866, l'imposante
inscription, qui comporte pas moins de 568 lignes, est composée de sept documents
relatifs aux procédures et aux prescriptions de la fondation. Je ne reproduis ici que la
prescription des lignes 470-477674:
ομοίως και ε'ικών άργυρέα
Σεβαστής 'Ομονοίας Χρυσοφόρου, ολκής
472 συν Tq> έπαργυρω τής βάσεως αυτής
λειτρών ϊξ, ή καθιερωμένη τή τε Άρτέ-
μιδι και τους άει χρυσοφορουσιν ιερευ-
σιν και Ιερονείκαις προ πόλ[εω]ς, τίθεταίι]
476 κατά πάσαν έκκλησίαν [έπάν]ω [τής] σε-
λίδος, δυ ο'ι ιερονέϊκαι κα[θέζ]ονται.
"De même, une image en argent de YHomonoia Auguste Chrysophore,
pesant, avec sa base plaquée argent, 6 livres, dédiée à Artémis, aux prêtres
successivement chrysophores et aux hiéroniques au nom de la cité, est
déposée, à chaque assemblée régulière, au-dessus de la rangée où s'asseoient
les hiéroniques."
Vibius Salutaris était l'un des plus importants citoyens d*Ephèse à cette époque.
Issu d'une riche famille, à la fois citoyen romain et citoyen d'Ephèse, membre de la
boulé et de l'ordre équestre, il avait notamment occupé, sous Domitien,
d'importantes charges administratives et militaires, en Sicile, en Maurétanie et en
Belgique675. Sa fondation est l'une des plus étonnantes et des plus intéressantes qui
soient Evoquons rapidement ses traits principaux.
Elle consistait, d'une part, en un don de sommes d'argent remises à différents
corps civiques de la cité et, d'autre part, en la dédicace d'une série de statues (ou
plutôt de copies de statues: απεικονίσματα) et d'images676 (είκο'νες)
représentant des membres de la famille impériale, des divinités, dont YHomonoia
Auguste Chrysophore, certains corps civiques ainsi que des personnages ayant joué
un rôle important dans la cité. Ces statues et images, au nombre de trente-et-une,
devaient faire partie d'une procession qui, selon G.M. Rogers, "probably would have
taken place at least once every two weeks in the city throughout the year"677.
Le cortège quittait le célèbre temple d'Artémis, situé à l'extérieur des murs, où
étaient conservées, dans le pronaos, statues et images, pour emprunter ensuite la
porte Magnésienne et suivre, en direction sud, la voie menant à la ville haute, partie
678 Sur la tenue de ces assemblées, cf. G.M. Rogers, loc. cit. (note 274).
679 Sur l'itinéraire et les particularités de cette procession, cf. G.M. Rogers, op. cit. (note 273), p.
80-126, plus les cartes des p. 195-197.
Cf. G.M. Rogers, ibid., p. 81; 111. L'absence de toute signification religieuse avait déjà été
signalée par M.P. Nilsson {op. cit. (note 115), p. 326) pour qui, d'ailleurs, "Das Ganze ist ein
hervorragendes Beispiel des leeren Prunkes und der Eitelkeit eines reiches Mannes, die sich neben
Servilität gegenüber den Regierenden breit machen. Religiöse Bedeutung hat es höchstens negativ".
in t On trouvera les descriptions et les références utiles dans l'ouvrage de G.M. Rogers, op. cit.
OSI
(note 273), p. 2-16; 86-106. Voir également M. Le Glay, Villes, temples et sanctuaires de l'Orient
Romain, Paris, 1986, p. 129-153.
uo^ II est clairement exprimé aussi dans la fondation elle-même, dont le but était "d'embellir et
célébrer les lieux sacrés et publics de la grande et remarquable cité d'Ephèse, pour l'honneur et la piété
de la très illustre déesse Artémis et de la maison impériale" (1. 382-386: ... κοσμέΐ[ν] και
οίεμνυνειν και τα άγ]να κίαι] τα κοινά -rfrjc μεγίστης] κα\ έττισίημοτατης υμών
■πόλεως, εϊ]ς τε τειμήν κα\ εύσέβίειαν τή]ς έπιφανεοΐτα'της θεάς] 'Αρτέμιδος κα\ του
οίκου των αύτοκρατόρίωΐν ...).
683 Op. cit. (note 273), notamment p. 80-126.
6MIbiä.,p. 86-95.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 1 55
plupart d'entre elles, comme nous le verrons, pouvaient avoir un lien plus ou moins
étroit avec la concorde impériale.
Néron
Curieusement, en Grèce comme à Rome, Homonoia et Concordia
n'apparaissent pas dans le monnayage d'Auguste ni de ses successeurs immédiats; ce n'est
qu'avec Néron, dernier empereur Julio-Claudien, qu'elles refont surface.
Dans le monde grec, les exemplaires néroniens proviennent presque
exclusivement d'Alexandrie, en Egypte. Il s'agit de billons, datés des années 56-60,
représentant au revers une Homonoia assise, voilée, vêtue d'un chiton et tenant de la
droite une phiale; en guise de légende: ΟΜΟΝΟΙΑ689. Sur des monnaies de bronze,
provenant de Smyrne et datées, sans plus, de l'époque de Néron, figure aussi la
divinité, debout, tenant une phiale et une corne d'abondance, avec la légende
ΣΤΡΑΤΗΓΟΣ ΚΛΑΡΟΣ690. La représentation alexandrine diffère sensiblement de
celle que l'on retrouve sur le monnayage de Rome, plus tardif, dans lequel la déesse
assise tient, en plus, une corne d'abondance de la gauche; inscription CONCORDIA
AUGUSTA691, qui laisse croire que la concorde est toujours directement liée à
l'empereur.
La crise des années 68-69 donna lieu, à Rome, à de nouvelles émissions,
frappées en Espagne, en Gaule et en Germanie, montrant Concordia, debout, avec
rameau et corne d'abondance, accompagnée de légendes parfois révélatrices:
CONCORDIA, CONCORDIA PRAETORIANORUM et CONCORDIA PROVIN-
CIARUM692. Comme l'ont noté M. Amit et J. Béranger, la concorde de ces années
est nettement différente de la concorde des empereurs Julio-Claudiens. "C'est",
écrivait avec justesse M. Amit, "entre les nouvelles forces politiques de l'Empire
qu'il faut rétablir la bonne entente"693. Pour J. Béranger, "avec la chute de Néron et
la fin de la dynastie d'Auguste, la Concorde disponible retombe dans l'arène
politique"694. Mais l'arrivée de Vespasien, proclamé par les armées d'Orient et du
Danube, mit un terme aux guerres civiles et la concorde fut rétablie au sein de l'Etat.
C'est sous son règne (69-79) que fut restauré le temple de la Concorde du Forum695.
Son monnayage provient de Rome, mais aussi d'Antioche et de Judée en Orient: aux
représentations habituelles de Concordia s'ajoute celle d'une Concorde sacrifiant sur
689 Années 56-57: Dattari, p. 14, no 237; Geißen, no 120; années 57-58: Dattari, no 238; années
58-59: BMC Alexandria, p. 18, no 150; Dattari, p. 15, no 239; Geißen, no 136; années 59-60: Dattari, no
240; Geißen, no 146.
690 BMC lonia, p. 250, no 131-132, pi. XXVI, 7.
691 RIC\ I, p. 153, no 48.
692 RIC2, 1, p. 213-214, no 118-1 19; 132.
693 toc. cit. (note 306), p. 148.
694 Loc. cit. (note 656), p. 483.
695 ILS, 3781.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟίΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 1 57
Titus
II faut attendre le monnayage de Titus (79-81), dont quelques exemplaires
alexandrins montrent une Homonoia assise, tenant une branche d'olivier et
accompagnée parfois d'une étoile; inscription: ΟΜΟΝΟΙΑ698. Les représentations
romaines, identiques à celles du monnayage de Néron, continuent de présenter la
légende CONCORDIA AUGUSTA. Une nouveauté toutefois: nombre de celles-ci
ont été frappées en l'honneur d'autres membres de la famille impériale: Vespasien,
son père défunt, Domitilla, sa mère, Domitien, son frère, et enfin Julia, sa fille699.
Un phénomène identique caractérise le monnayage de Domitien, à Rome comme
dans le monde grec.
Domitien et Domina
Ce n'est que sous le règne de ce dernier (81-96) qu'apparaissent, dans la partie
orientale de l'Empire, les premières émissions comportant l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ
ΣΕΒΑΣΤΗ, pendant grec de la légende CONCORDIA AUGUSTA, dont était déjà
orné le monnayage romain depuis Néron: elles sont issues du Koinon de Bithynie, de
Prusias sur l*Hypios (Bithynie) et de Smyme. Homonoia y apparaît debout cette
fois, tenant soit un rameau ou une couronne de la droite, soit une corne d'abondance
ou un sceptre de la gauche; un serpent figure à ses côtés sur l'une des pièces du
Koinon100. De Prusias sur l'Hypios nous est aussi parvenue une monnaie de
l'impératrice Domitia, avec légende et représentation similaires701. De l'empereur,
on connaît également un billon d'Alexandrie, avec représentation analogue à celles du
monnayage de Titus, avec toutefois la légende ΕΤΟΪΣ ΔΕΪΤΕΡΟΥ702. Une
première représentation d'Homonoia, tenant de la gauche une corne d'abondance et de
la droite une phiale au-dessus d'un autel allumé, est également attestée sur des
696 RIC, Π, p. 20, no 43; p. 57, no 360 (Antioche), avec autel; p. 59, no 372 (Judée); p. 67, no
416 (autel).
"^ Sur cette nouvelle détermination, cf. la discussion de J. Béranger, loc. cit. (note 656), p. 482.
698 BMC Alexandria, p. 34, no 278-280, pi. X, 280; Geißen, no 317-318; 322-323.
699 RIC, Π, p. 129, no 1 12a-c (Titus); p. 134, no 149 (Vespasien); p. 124, no 70 (Domitilla, sans
déesse); p. 137, no 166a-d; 167 (Domitien); p. 140, no 178-179 (Julia).
100 Koinon de Bithynie: G.F. HOL JHS, 17 (1897), p. 84, no 8-9; SNG von Aulock, Heft 15, no
6912, pi. 238, 6912; Prusias sur l'Hypios: Recueil, p. 603-604, no 6-7, pi. Cm, 21-22; SNG von Aulock,
Heft 3, no 885, pi. 27, 885; Smyrne: Mionnet, VI, p. 686, no 495-498; Imhoof-Blumer (1890), p. 770, no
813. Pour une représentation de Demeter (?), avec sceptre, épis, serpent et inscription ΟΜΟΝΟΙΑ
ΣΕΒΑΣΤΗ , cf. SNG von Aulock, Heft 1, no 278, pi. 9, 278.
701 Recueil, p. 604, no 1 1, pi. Cffl, 27.
702 Curtis, p. 10, no 286.
1 58 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Nerva
Du règne de Nerva (96-98), on ne connaît en Orient qu'une seule émission
présentant Homonoia: elle provient de Périnthe et montre la divinité debout avec ses
attributs habituels; inscription: ΠΕΡΙΝΘΙΩΝ707. A Rome, la déesse n'apparaît pas
au revers de son monnayage.
Trajan
En revanche, Concordia est représentée à de nombreuses reprises dans le
monnayage romain de Trajan (98-117): elle est assise, porte une patère et une
"double" corne d'abondance, ce qui est une nouveauté; devant: un autel708. Un fait à
signaler: aucune des monnaies répertoriées dans le RIC ne comporte la légende
CONCORDIA, signe peut-être, selon M. Amit, "que le problème de la discorde ou
de la concorde ne se posait pas au cours du règne de Trajan"709. Il en est autrement
dans le monde grec. De Bithynie, on connaît des pièces de Iuliopolis et de Prusias
sur l'Hypios portant l'inscription ΣΕΒΑΣΤΗ ΟΜΟΝΟΙΑ, sur lesquelles figure la
divinité, debout, tenant un rameau et une corne d'abondance710. Le koinon de cette
province fit aussi frapper une monnaie particulière: y figurent l'inscription
ΣΕΒΑΣΤΗ ΟΜΟΝΟΙΑ, ainsi que Demeter serrant la main, au-dessus d'un autel,
703 E. Schönen, op. cit. (note 417), p. 138-139, no 272-288, pi. 13-14.
704 Imhoof-Blumer (1901), Π, p. 501, no 2; RecueU, p. 172*. no 45.
705 BMC Ionia, p. 252, no 143-144, pi. XXVI, 14.
706/tfC,n,p. 179-181, no 212; 215; 217.
707 BMC Thrace, p. 149, no 18; E. Schönert, op. cit. (note 417), p. 143, no 312-314, pi. 15.
708 RIC, Π, entre autres, p. 245, no 2; 12; p. 246, no 31; 33.
709 Loc. cit. (note 306), p. 152.
710 Iuliopolis: SNG von Aulock, Heft 2, no 466, pi. 14, 466; Prasias sur l'Hypios: ibid., Heft 3, no
886, pi. 27, 886.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 1 59
71 1 SNG von Aulock, Heft 15, no 6913, pi. 238, 6913. Pour une représentation de Demeter, avec
torche, épis et inscription ΟΜΟΝΟΙΑ ΣΕΒΑΣΤΗ , cf. ibid., no 6914, pi. 238, 6914.
712 Pergame: SNG von Aulock, Heft 16, no 7501, pi. 259, 7501; Périnthe: Ε. Schönen, op. cit.
(note 417), p. 146, no 324-328, pi. 16.
713 Geißen, no 614.
714 Années 108-109: Dattari, no 1152-1153 (Homonoia); mais cf. Christiansen, I, p. 155
(Jychè); Π, p. 46, note 131; années 109-1 10: Christiansen, I, p. 165. Voir aussi ibid., p. 217.
715 Années 112-113; Dattari, no 1031; cf. Christiansen, I, p. 184. Voir également Christiansen,
I, p. 193 et 214.
716 Années 1 12-1 13: Mionnet, Suppl. DC, no 128.
717 Années 1 12-1 13: Christiansen, I, p. 224.
718 Cf. El-Khachab, BullSEHGSuez, 6 (1955-1956), p. 114 (Homonoia); Christiansen, I, p. 226
(Jychè); Π, p. 49, note 254.
719 Supra, p. 74-77.
720 Supra, p. 60.
121 Supra,p. 63-64.
160 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
722 RIC, Π, notamment p. 339, 4a-c; avec statue de Spes et corne d'abondance sous le siège;
CONCORDIA AUGUSTA: entre autres ibid., p. 387, no 393; CONCORDIA EXERCITUUM: ibid., p.
414, 581a-e, tenant un aigle et un étendard; Sabine: ibid., notamment, p. 386, 390-391; p. 387, 399a-b;
Aelius César: ibid., entre autres p. 392-393, 436-437; 441; 443; avec corne d'abondance près du siège.
723 Hadrianoutherai: BMC Mysia, p. 75, no 2; Alexandrie: Geißen, no 755.
724 BMC Lydia, p. 146, no 57.
725 BMC Alexandria, p. 107, no 921-922, pi. X, 921; Geißen, nol271-1272.
726 BMC Alexandria, no 923, pi. X, 923; Geißen, no 1273-1274.
777
ΙΔΙ Voir, sur ce dernier point, M. Amit, loc. cit. (note 306), p. 152.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 161
Antonin le Pieux
Avec Antonin le Pieux (138-161), les émissions de à l'empereur sont plus
nombreuses. Etes pièces de Philippopolis en Thrace et de Phocée en Eolide illustrent
la divinité debout, avec ses attributs habituels, sacrifiant parfois au-dessus d'un autel
allumé et accompagnée de l'ethnique728. Une scène particulière orne le revers d'une
monnaie de Tralles en Lydie: Homonoia, assise sur un trône, tient une corne
d'abondance de la gauche, mais de sa droite une statuette de Zeus Nicéphore,
inscription: ΕΠΙ ΠΟΠΛΙΟΪ ΓΡΑΜ ΤΡΑΛΛΙΑΝΩΝ729. Des monnaies
d'Alexandrie, enfin, montrent d'une part la déesse avec ses attributs habituels, en
compagnie d'Eirènè (ou d'Euthènia ?) [pi. Ill, 9]730, d'autre part, Homonoia seule,
debout ou assise, tenant une double corne d'abondance et une phiale au-dessus d'un
autel731. Un fait à noter: aucune monnaie n'est émise au nom de l'impératrice,
contrairement au monnayage romain732.
728 Philippopolis: BMC Tauric Chersonese, p. 162, no 7-8; p. 236, no 8a; Phocée: BMC Ionia, p.
222, no 137.
729 SNG von Aulock, Heft 8, no 3287, pi. 106, 3287; H.A. Shapiro, loc. cit. (note 73), p. 478, no
15, pi. 332, 15.
730 BMC Alexandria, p. 111, no 961, pi. VIE, 961 (Eirènè); Curtis, p. 27, no 620, no 98
(Euthènia); Geißen, no 1837-1840 (Euthènia).
731 BMC Alexandria, p. 1 12, no 965, pi. X, 965; Geißen, no 1546; 1592.
732 Notamment RIC, ΠΙ, p. 158-160, no 1074-1076; 1086-1089.
733 BMC Pontus, p. 7, no 4 (Amaseia [Pont]); BMC Cilicia, p. 191, no 164 (Tarse [Cilicie]); ibid.,
p. 126, no 28 (Olba [Cilicie]); SNG von Aulock, Heft 13, no 5796, pi. 196, 5796 (Olba [CUicie]);
Recueil, p. 197, no 1 (Pompeiopolis [Cilicie]); U. Klein, "ΟΜΟΝΟΙΑ ΣΕΒΑΣΤΩΝ und Faustina
Augusta. Zwei rara oder inedita von Mark Aurel und Faustina Π", GNS, 33 (1983), p. 57-64
(Pompeiopolis [CUicie]); SNG von Aulock, Heft 13, no 5479, pi. 183, 5479 (Anazarbe [Cilicie]); BMC
Lycia, p. 265, no 76 (Selge [Pisidie]); SNG von Aulock, Heft 3, no 947; 949 (Tios [Bithynie]). Cf. L.
Robert, La déesse de Hiérapolis Castabala (Cilicie), Paris, 1964, p. 76.
734 Op. cit. (note 131), p. 425-426. L'auteur discute également, dans ces pages (p. 423-426), de
l'idée d'appeler Homonoia une cité à fonder en Mésopotamie après la victoire sur les Parthes. Π montre
que l'idée était évoquée ironiquement par Lucien (Comment il faut écrire l'histoire, 30) et rendait
uniquement compte de la concorde des deux empereurs. Sur un rapprochement avec une cité
Homonoia dans la région de Tibériade (Flavius Josephe, Vies, 281), cf. ibid., p. 425 et note 18.
735 Particulièrement, RIC, ΙΠ, p. 214-215, no 7-11; p. 217, no 41-46.
162 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
"L'entente entre les deux chefs de l'Empire est évidemment une des conditions
essentielles de la paix intérieure; les monnaies font savoir à tous que la concorde
règne entre les deux princes", écrivait M. Amit736. Rappelons que, pour Aelius
Aristide, Vhomonoia était le plus grand bien de l'univers et l'union parfaite des deux
empereurs devait servir d'exemple à la population737. Curieusement la divinité elle-
même n'est pas largement mise à contribution. Cependant une monnaie de
Nicomédie montre, au droit, l'effigie des deux empereurs s'affrontant et, au revers,
Homonoia assise dans un temple tétrastyle, avec phiale et sceptre, légende: ΝΕΩΚΟ
NIKOM ΟΜΟΝΟΙΑ738. Cette représentation donne à penser qu'il existait un
temple <XHomonoia à Nicomédie739. Un droit similaire a été frappé sur une pièce
d'Alexandrie, dont le revers comporte l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ et notre déesse,
debout, tenant une branche et une corne d'abondance740.
On connaît aussi des monnaies frappées par chacun de ces empereurs. Sur des
émissions de Philippopolis en Thrace, de Pessinonte en Galatie et de Pitanè en
Eolide, Homonoia est représentée debout, avec ses attributs habituels, sacrifiant
parfois au-dessus d'un autel, accompagnée de l'ethnique des cités741. Scène identique
sur une pièce d'Alexandrie, avec toutefois l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ et une corne
d'abondance double (pi. Ill, 10)742. De cette cité également, on connaît trois autres
pièces sur lesquelles Homonoia est représentée debout, tenant des épis ou une
branche d'olivier et une corne d'abondance, inscription: ΟΜΟΝΟΙΑ743.
La divinité apparaît également dans le monnayage de l'impératrice Faustine II,
épouse de Marc-Aurèle. Elle sacrifie sur un autel allumé, avec ses attributs habituels
et l'ethnique, sur des monnaies d'Hadrianopolis et de Périnthe en Thrace744. Sur une
pièce de Périnthe, également en Thrace, l'impératrice elle-même, assimilée à la
736 Loc. cit. (note 306), p. 153. Cf. CIL, VIE, 8300-8301.
'·" Περί ομονοίας ταις πολεσιν (ΧΧΙΠ), 78-79: Υπάρχει δ' ύμιν και των
άνθρωπείων παράδειγμα έν οφθαλμοί ς το μέγιστον, ο'ι πάντα dptOTot βασιλείς, οις
πολλών και μεγάλων υπαρχόντων κάλλιστον είναι δοκεΐ ή προς αλλήλους ομόνοια
και σπουδή; cf. Β. Forte, Rome and the Romans as the Greeks saw Them, Rome, 1972, p. 409 et s.;
A.R.R. Sheppard, loc. cit. (note 50), p. 239.
738 Recueil, p. 531, no 112, pi. XCI, 28. Cf. infra, p. 174.
Jy Cf. Ε. Saglio, Dictionnaire des Antiquiés grecques et romaines, Paris, 1900, ΠΙ, p. 235, s.v.
Homonoia.
740 BMC Alexandria, p. 159, no 1311;.
* Philippopolis: BMC Ίauric Chersonese, p. 162, no 1 1 (Marc-Aurèle); Pessinonte: SNG von
Aulock, Heft 14, no 6215, pi. 214, 6215 (Marc-Aurèle); ibid., no 6221, pi. 214, 6221 (Lucius Vérus);
Pitane: BMC Mysia, p. 173, no 19 (Marc-Aurèle).
742 BMC Alexandria, p. 149, no 1239, pi. X, 1239 (Marc-Aurèle); Geißen, no 1902-1903; 1927
(sans l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ).
743 BMC Alexandria, p. 156, no 1292, pi. X, 1242 (Marc-Aurèle); Curtis, p. 36, no 728; Geißen,
no 1996 (Marc-Aurèle); BMC Alexandria, p. 170, no 1377; Geißen, no 2130; 2187 (Lucius Vérus);
Geißen, no 2122 (Lucius Vérus).
744 Hadrianopolis: BMC Thrace, p. 117, no 6; Périnthe: E. Schönen, op. cit. (note 417), p. 166-
167, no 436-440, pi. 24.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 163
Commode
Avec Commode (180-192), le monnayage de la Concorde se fait plus rare, dans
le monde grec comme à Rome. Elle figure, dans ses représentations habituelles et
accompagnée de l'ethnique des cités, sur des émissions d'Attaea (Mysie), de
Philippopolis, de Nicomédie et d'Aigai (Eolide)749. Fait très intéressant, elle se
trouve aussi sur une monnaie d'Halicarnasse, à l'intérieur d'un temple distyle, debout,
avec phiale et corne d'abondance, devant un autel allumé, ethnique: ΑΛ11ΚΑΡ]ΝΑΣ-
ΣΕΩΝ (pi. Ill, 12)750. Comme sur la pièce de Nicomédie évoquée ci-dessus (supra,
p. 162), cette représentation donne à croire qu'il existait un temple d'Homonoia à
Halicarnasse751.
Notons sans plus, avant de passer au monnayage de Septime Sévère et à celui
du IIIe siècle, que la divinité, pourvue de ses attributs habituels et accompagnée de
l'ethnique, apparaît aussi sur quelques émissions smyrniennes, datées sans plus de
précisions de l'époque des Antonins ou simplement du IIe siècle752.
745 BMC Thrace, p. 151, no 25; E. Schönen, op. cit. (note 417), p. 167, no 441, pi. 24.
746 M. Amit, loc. c'a. (note 306), p. 154.
747 Von Aulock (1987), p. 144, no 1484, pi. 44, 1484; Schönert-Geiss (1991), p. 163, no 16-17,
pi. 35, 16-17.
748 Traianopolis: ibid.. p. 162, no 9, pi. 35, 9; Nicomédie: Recutil, p. 530, no 109, pi. XCVI, 25.
749 Attaea: NC, 20 (1900), p. 288; cf. B.V. Head, op. cit. (note 57), p. 522; Philippopolis: BMC
Tauric Chersonese, p. 163, no 20; Nicomédie: BMC Pontus, p. 184, no 30, pi. XXXTV, 9; Recueil, p.
535, no 148-149, pi. XCII, 25; Aigai: BMC Troas, p. 97, no 16; cf. Kraft, p. 211, no 10b, qui identifie,
faussement à notre avis, la déesse à Tychi.
750 BMC Caria, p. 1 1 1, no 87.
751 Cf., infra, p. 174.
752 BMC lonia, p. 255, no 160-164, pi. XXVII, 4; SNG von Aulock, Heft 6, no 2184, pi. 67, 2184.
164 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
l'ethnique; il en est ainsi sur des pièces thraces d'Augusta Traiana, de Traianopolis,
de Maronée, d'Anchialos et de Périnthe, de même que sur des pièces de Skepsis en
Troade, de Nicée, de Marcianopolis (Mésie), de Pergame, de Smyrne et de Stratonicée
(Carie), et peut-être sur une monnaie d'Héraclée du Pont753. Avec les mêmes
attributs, elle apparaît sur une pièce phocéenne, couronnée toutefois par Niké,
inscription: ΕΠΙΣΤΡΑ ΛΟΪ Φ...? ΦΩΚΑΕΩΝ (pi. IV, 13)754. Sur un
exemplaire de Périnthe, elle serre la main de l'empereur, porteur d'un sceptre, et tient
de la gauche une corne d'abondance; inscription: ΠΕΡΙΝΘΙΩΝ ΝΕΩΚΟΡΩΝ755.
Une autre représentation particulière, provenant de Nicée, montre l'empereur serrant
la main de son fils aîné Caracalla, associé au pouvoir en 198; auprès d'eux se tient
Homonoia, tenant un sceptre et une phiale, à ses pieds: un autel, inscription: ΕΙΣ
ΑΙΩΝΑΤΟΤΣ ΚΪΡΚΟΤΣ] ΝΙΚΑΙΕΩΝ756. Une représentation quasi similaire
orne le revers d'une pièce émise à Rome, sur laquelle les deux princes sacrifient sur
un autel derrière lequel se tiendrait Concordia, légende: CONCORDIA AUGG757.
Une pièce d'Alexandrie, avec Homonoia debout, est signalée sans plus de précisions
par E. Christiansen758.
Tout aussi nombreuses sont les émissions de l'impératrice Julia Domna.
Debout, avec ses attributs familiers, sacrifiant parfois au-dessus d'un autel et
accompagnée de l'ethnique, Homonoia figure à l'avers de pièces émises par les villes
thraces d'Augusta Traiana, de Traianopolis, de Maronée et de Périnthe, et sur des
frappes de Nicopolis en Mésie inférieure et vraisemblablement aussi de
Nicomédie759. D'Alexandrie nous est parvenue une nouvelle représentation, qui sera
753 Augusta Traiana: Schönert-Geiss (1991), p. 74, no 129, pi. 10, 129; p. 75, no 133, pi. 10, 133;
p. 77, no 151-156, pi. 10, 151-156; p. 82, no 187-188, pi. 13, 187-188; Traianopolis: BMC Tauric
Chersonese, p. 177, no 6; Maronée: Schönert-Geiss (1987), p. 216, no 1710; Anchialos: BMC Tauric
Chersonese, p. 83, no S; Périnthe: ibid., p. 151, no 28; E. Schönen, op. cit. (note 417), p. 173, no 465, pi.
26 (inscription: ΠΕΡΙΝΘΙΩΝ ΝΕΟΚΟΡΩΝ); 177, no 487, pi. 28 (inscription: ΠΕΡΙΝΘΙΩΝ
ΝΕΟΚΟΡΩΝ); Skepsis: BMC Troas, p. 83, no 27, pi. XV, 151; Nicée: SNG von Aulock, Heft 15, no
7034, pi. 242, 7034; Marcianopolis: BMC Moesia, p. 28, no 5; 7; Pergame: BMC Mysia, p. 152, no 312;
Smyme: BMC Ionia, p. 262, no 224, pi. XXVÏÏI, 2; Stratonicée: BMC Lydia, p. 286, no 12; Héraclée du
Pont: SNG von Aulock, Heft 2, no 378, pi. 12, 378.
754 BMC ïonia, p. 223, no 145.
755 E. Schönen, op. cit. (note 417), p. 178, no 493.
756 SNG von Aulock, Heft 2, no 590, pi. 18, 590.
757 RIC, IV, 1, p. 202, no 814.
758 Christiansen, I, p. 273.
759 Augusta Traiana: Schönert-Geiss (1991), p. 85, no 210-211, pi. 14; Traianopolis: ibid., p.
168, no 40, pi. 36; Maronée: BMC Tauric Chersonese, p. 131, no 89; Schönert-Geiss (1987), p. 217, no
1714; Périnthe: BMC Tauric Chersonese, p. 152, no 34-36; E. Schönen, op. cit. (note 417), p. 185, no
528-529, pi. 30; p. 186-188, no 530-545, pi. 30-31 (inscription: ΠΕΡΙΝΘΙΩΝ ΝΕΩΚΟΡΩΝ);
Nicopolis: BMC Tauric Chersonese, p. 44, no 25; Nicomédie: SNG von Aulock, Heft 3, no 775, pi. 23,
775.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 165
de plus en plus fréquente: Homonoia, debout, bras droit étendu, tenant de la gauche
une double corne d'abondance760.
intérieure766. Bien que des tensions aient existé entre Caracalla et Géta767, comme
en témoigne le sort réservé à ce dernier, aucune représentation a'Homonoia en leur
compagnie n'est attestée. Etait-ce justement à cause de ces tensions ? On l'ignore.
Ensuite il est intéressant de noter, d'une part, que ce monnayage est surtout concentré
en Thrace, en Mésie inférieure, en Phrygie et en Bithynie et, d'autre part,
qu'Homonoia apparaît pour la première fois dans les émissions de nombreuses cités
de ces mêmes provinces: en Thrace à Augusta Traiana, à Maronée, à Anchialos, à
Pautalia et à Serdica, en Mésie inférieure à Marcianopolis et à Nicopolis, en Troade à
Skepsis et en Phrygie à Otrys. Or, rappelons que la plupart de ces provinces avaient
joué un rôle important lors de la lutte entre Septime Sévère et Pescennius Niger en
193-194768 et que Sévère, vainqueur, avait ramené paix et concorde dans l'Empire.
Je suis donc enclin à croire qu'il existe un lien entre ces événements et la présence
d'Homonoia sur ces émissions de Thrace, de Mésie et de Bithynie. Mais les preuves
manquent.
Macrin et Diadwnenianus
Sous le règne de Macrin (217-218), autant dans le monde grec qu'à Rome, le
monnayage de la Concorde tend à se raréfier. De l'empereur, on ne trouve des
exemplaires qu'à Marcianopolis et à Alexandrie (sans l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ),
similaires à ceux évoqués ci-dessus769. Une frappe de Marcianopolis a toutefois été
émise en l'honneur de Macrin et de Diadumenianus, son fils770. Du fils seul, il
existe aussi quelques émissions aux représentations identiques, provenant de
Nicopolis et d'Alexandrie771.
/o° Evoquons ici une inscription athénienne, datée de 209-210 et gravée à l'occasion de la
nomination de Géta comme corégent avec Septime et Caracalla, qui évoque την αθανατον
όμόνοιαν των όσιων βασιλέων (IG, Π2, 1077 [1. 18-19]).
767 Voir notamment l'article d'A. Mastino, "L'erasione del nome di Geta dalle iscrizioni nel
quadro délia propaganda politica alla corde di Caracalla", AFLC, NS 2 (1978-1979) [1981], p. 47-81.
768 Sur ces événements, voir D. Magie, op. cit. (note 345), I, p. 671-672; Π, p. 1538-1540, note
20.
769 Marcianopolis: BMC Tauric Chersonese, p. 31, no 28; Alexandrie: BMC Alexandria, p. 189,
no 1482.
770 BMC Tauric Chersonese, p. 32, no 34.
771 Nicopolis: BMC Tauric Chersonese, p. 49, no 54; 56; Alexandrie: W.E. Metcalf, loc. cit.
(note 763), p. 182, no 30, pi. 20, 30.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 167
772 Périnthe: E. Schönert, op. eu. (note 417), p. 220, no 688, pi. 41-42; p. 223, no 704-705, pi. 43
(inscription: ΠΕΡΙΝΘΙΩΝ ΔΙΣ ΝΕΩΚΟΡΩΝ); Philippopolis: BMC Tauric Chersonese, p. 237, no
48a; Marcianopolis: ibid., p. 34, no 47-48; p. 35, no 54; p. 36, no 62 (Elagabal et Julia Maesa);
Nicopolis: ibid., p. 50, no 62.
773 BMC Alexandria, p. 191, no 1496; Geißen, no 2328; 2343.
774 BMC Tauric Chersonese, p. 156, no 55; E. Schönert, op. cit. (note 417), p. 226, no 715, pi. 44;
p. 227, no 722, pi. 44.
775 Julia Maesa: Périnthe: E. Schönert, op. cit. (note 417), p. 229, no 728-731, pi. 45; Alexandrie:
Curtis, p. 63, no 999; Geißen, no 2357; Julia Soemias: Alexandrie: BMC Alexandria, p. 200, no 1560;
Geißen, no 2390; Julia Paula: E. Schönert, op. cit. (note 417), p. 228, no 727, pi. 45; Alexandrie: BMC
Alexandria, p. 196, no 1529; Aquila Severa, ibid., p. 197, no 1542; Geißen, no 2369; 2380.
776 Marcianopolis: BMC Tauric Chersonese, p. 36-37, no 68-70; 77; Périnthe: ibid., p. 158, no 61;
E. Schönert, op. cit. (note 417), p. 233, no 744, pi. 36; p. 234-235, no 753-754, pi. 46-47; p. 237, no 768,
pi. 47; Pergame: BMC Mysia, p. 158, no 335; Thyatire: BMC Lydia, p. 301, no 56; Nicée: SNG von
Aulock, Heft 2, no 618-619, pi. 19, 618-619; Weiser, p. 350, Abb. 17; Tios: SNG von Aulock, Heft 15,
no 7172, pi. 248, 7172; cf. aussi SNG von Aulock, Heft 3, no 986, pi. 30, 986.
777 Nicée: BMC Pontus, p. 167, no 95; Nicomédie: SNG von Aulock, Heft 3, no 783, pi. 24, 783.
778 BMC Alexandria, p. 209, no 1622-1626; Curtis, p. 68, no 1041; Geißen, no 2416; 2457; 2468;
2478; 2487.
779 Julia Mamaea: Deultum: BMC Thrace, p. 112, no 12; Périnthe: E. Schönert, op. cit. (note
417), p. 244, no 793-794; 796-797, pi. 49; Cyzique: SNG von Aulock, Heft 16, no 7381, pi. 255, 7381;
168 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Maximin et Maxime
Passons aux émissions de Maximin (235-238). D'abord une monnaie de
Pergame représente Homonoia, avec ses attributs habituels, sacrifiant au-dessus d'un
autel allumé; en face d'elle se tient une autre divinité qui pourrait être Demeter, la
main gauche au-dessus de l'autel et tenant des épis de la droite; entre les deux figures
se trouverait une torche (?) [pi. IV, 16]781. Puis quelques pièces, provenant de
Nicée, de Phocée et d'Alexandrie, présentent la divinité avec ses attributs coutumiers,
parfois debout, parfois assise782. La déesse pourrait également figurer sur une
monnaie de Tralles, portant le sceptre et une corne d'abondance (pi. IV, 17)783. Comme
pour le monnayage de Septime Sévère et de Macrin, quelques monnaies de Maximin
sont frappées à l'effigie de son fils, Maxime: elles ont été émises à Nicée et à
Alexandrie784.
Alexandrie: BMC Alexandria, p. 222-223, no 1737-1739; Curtis, p. 76, no 1131 (avec palme); Geißen,
no 2504; 3485; Nicée: SNG von Aulock, Heft 2, no 628, pi. 19, 628; Orbiana: Alexandrie: BMC
Alexandria, p. 220, no 1719.
780 Loc. cit. (note 306), p. 158.
781 BMC Mysia, p. 160, no 339, pi. ΧΧΧΠ, 7; cf. P. Berghaus, "Erasionen auf Münzen von
Pergamon in der Sammlung Th. Bieder der westfälischen Wilhelms-Universität", Studien zur Religion
und Kultur Kleinasiens. Festschrift für Friedrich Karl Dörner zum 65. Geburtstag am 28. Februar 1976,
I, Leiden, 1978, p. 158-162, particulièrement, p. 160, no 1.
782 Nicée: BMC Pontus, p. 170, no 116; Phocée: SNG von Aulock, Heft 6, no 2139, pi. 66, 2139;
Alexandrie: BMC Alexandria, p. 229, no 1785; Geißen, no 2556.
783 BMC Lydia, p. 354, no 166-167.
784 Nicée: SNG von Aulock, Heft 2, no 645, pi. 19, 645; Weiser, p. 224-225, no 55-57, pi. 4, 55-
57 (no 57 avec une petite Niké); Alexandrie: BMC Alexandria, p. 233, no 1814.
785 Gordien I: BMC Alexandria, p. 236, no 1827; Geißen, no 2601; Gordien Π: BMC Alexandria,
p. 237, no 1832; Balbin: Curtis, p. 85, no 1216-1218; Geißen, no 261 1; Pupien: BMC Alexandria, p. 238,
no 1836.
LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α ET LA CONCORDE IMPERIALE 169
786 Deultum: BMC Thrace, p. 1 13, no 17-19; Périnthe: BMC Tauric Chersonese, p. 160, no 70; E.
Schöneit, op. cit. (note 417), p. 249, no 817-823, pi. 51; p. 255, no 850, pi. 53; Odessos: BMC Tauric
Chersonese, p. 139, no 20; Dionysopolis: ibid., p. 24, no 2; Nicée: Recueil, p. 488, no 709, pi. LXXXV,
2; SNG von Aulock, Heft 2, no 657, pi. 20, 657; Weiser, p. 229-230, no 67-69, pi. 5, 67-69 (Niké);
Bruzos: BMC Phrygia, p. 1 14, no 24, pi. XIV, 5; Hyrgales: Von Aulock (1980), p. 1 15, no 357, pi. 1 1,
357; Smyrne: Mionnet, Suppl. VI, p. 326, no 1606 (Homonoia); SNG Copenhagen, ΙΠ, no 1318, pi. 29,
1318 (Homonoia); Kraft, p. 119, no 72b, pi. 10, 72 (Tychè); T.V. Buttrey et alii, Greek, Roman and
Islamic Coins from Sardis, Harvard-Cambridge-London, 1981, p. 30, no 115 (Homonoia); Halicarnasse:
BMC Caria, p. 1 1 1, no 89 (temple tétrastyle et autel); Alexandrie: BMC Alexandria, p. 240, no 1850; p.
243-244, no 1874-1879; Geißen, no 2617; 2625; 2637; 2645; 2657; 2666-2667; 2675.
787 E. Schöneit, op. eu. (note 417), p. 258, no 860, pi. 54; p. 259, no 862, pi. 53-54.
"7QQ
'oo Messembna: BMC Tauric Chersonese, p. 134, no 16; Marcianopolis: ibid., p. 40, no 91.
789 Périnthe: BMC Tauric Chersonese, p. 160, no 73-74; E. Schöneit, op. cit. (note 417), p. 260,
no 863-866, pi. 54-55; p. 261, no 870-871; pi. 55; p. 262, no 880-881, pi. 54-55; p. 263, no 885-889, pi.
54-55; p. 264, no 893, pi. 55; Nicée: SNG von Aulock, Heft 2, no 663-664, pi. 20, 663-664; Alexandrie:
BMC Alexandria, p. 249, no 1925-1927; Geißen, no 2688.
790 Tomis: BMC Tauric Chersonese, p. 64, no 65; Nicée: SNG von Aulock, Heft 2, no 672-674,
pi. 20, 672-674; Alexandrie: BMC Alexandria, p. 253, no 1958-1960, pi. X, 1958; Curtis, p. 94, no 1345-
1347; Geißen, no 2699; 2710; 2719; 2745; 2755.
791 Nicée: SNG von Aulock, Heft 3, no 689; 693; pi. 21, 689; 693; Weiser, p. 243, no 105; p. 247,
no 1 15; Alexandrie: BMC Alexandria, p. 261, no 2018-2020.
792 Messembria: BMC Tauric Chersonese, p. 135, no 23; Nicée: SNG von Aulock, Heft 3, no
685, pi. 21, 685; Weiser, p. 251, no 122, pi. 9, 122; Alexandrie: BMC Alexandria, p. 264, no 2043-2044;
p. 266-267, no 2056-2059; p. 268, no 2067 (palme); Geißen, no 2786; 2797-2800; 2802-2803; 2807.
170 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟίΑ DANS LES CITES GRECQUES
Emilien
Du règne éphémère d'Emilien (253) nous ne connaissons que quelques pièces
présentant la déesse: elles proviennent de Iulia, en Phrygie, et d'Alexandrie797.
807 Claude Π: BMC Alexandria, p. 301, no 2319; Curtis, p. 123, no 1706; Geißen, no 3020; 3040;
Aurélien: BMC Alexandria, p. 305, no 2348; Curtis, p. 130, no 1797-1799; Vaballathus: BMC
Alexandria, p. 311, no 2397 (couronne); Curtis, p. 127, 1750; Zénobie: BMC Alexandria, p. 311, no
2400-2401; Curtis, p. 127, no 1752; Probus: BMC Alexandria, p. 314, no 2418-2419; Curtis, p. 135, no
1883-1885; Geißen, no 3147; 3153; 3156; Carinus: BMC Alexandria, p. 318, no 2455; Curtis, p. 138, no
1922-1924; Geißen, no 3185; Diocléuen: BMC Alexandria, p. 324-325, no 2512-2514 (étoile); Curtis, p.
143, no 2003-2004 (étoile); Geißen, no 3218-3219; Maximien: BMC Alexandria, p. 329-330, no 2560-
2568 (étoile); Curtis, p. 149, no 2091-2094 (étoile); Geißen, no 3280; 3292-3294; 3329; 3332; 3338;
Constance: BMC Alexandria, p. 333, no 2609; Galère: ibid., p. 334, no 2616. Signalons aussi ce faux de
Censorin, usurpateur de Claude le Gothique: Geißen, no 3494.
808 Œ, entre autres, RIC, V, 2, p. 304, no 678.
809 Voir E. Pottier, Dictionnaire des Antiquiés grecques et romaines, Paris, 1873, IV, p. 434-435,
î.v. Phiala.
810 Voir ibid., 1887, 1, 2, particulièrement p. 1517-1518, î.v. Cornucopia.
αϊ «
La corne d'abondance, la roue et le gouvernail sont les insignes naturels de Tychè.
812 G. Ayala, "L'autel sur les monnaies antiques", Archeologia, 251 (1989), p. 59.
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 1 73
Euthènia) sur une pièce d'Antonin le Pieux. Seules quelques émissions d'Aelius
César, d'Antonin le Pieux et de Marc-Aurèle présentent la divinité, avec corne
d'abondance (double), sacrifiant avec une phiale au-dessus d'un autel. De Julia
Domna à Galère, le monnayage alexandrin n'offre plus qu'une seule représentation,
exclusive: Homonoia debout, parfois assise, parfois couronnée, bras droit étendu et
tenant de la gauche une double corne d'abondance.
Il y a également des différences marquantes, dans les légendes, entre les frappes
d'Alexandrie et celles d'Orient. En effet, en Egypte le mot ΟΜΟΝΟΙΑ seul apparaît
fréquemment, du moins de Néron à Géta, alors qu'aucun exemple n'est attesté
ailleurs. En revanche, la légende ΣΕΒΑΣΤΗ ΟΜΟΝΟΙΑ ne figure sur aucune
monnaie alexandrine; en Orient, elle apparaît de Domitien à Trajan.
Hormis l'Egypte, où cinquante-cinq empereurs, princes et impératrices ont eu
un monnayage de la Concorde, celui-ci est surtout concentré dans le nord (voir la
carte 1), particulièrement en Thrace (10 cités), en Mésie inférieure (3), en Troade (2),
en Mysie (4), en Bithynie (4) et dans le Pont (6). Viennent ensuite Lesbos (1) et les
régions côtières d'Asie: l'Ionie (1), l'Eolide (5), la Carie (4), la Lydie (1) et la
Pamphylie (1); enfin, quelques régions de l'intérieur: la Phrygie (4), la Galatie (1) et
la Pisidie (1). Notons qu'une seule pièce provient de la Grèce proprement dite, de
Phigaleia dans le Péloponnèse (Géta). La Thrace domine avec des émissions dans
dix cités, alors que Nicée, en Bithynie, est l'endroit où l'on trouve le plus grand
nombre de pièces issues de règnes différents, avec dix-sept. Enfin, le règne de
Septime Sévère et l'époque des Sévères (193-235), sont ceux durant lesquels des
émissions furent frappées dans le plus grand nombre de cités, soit respectivement
quatorze et trente-et-une. Comment expliquer ces déséquilibres, notamment l'absence
presque totale d'émissions en Grèce continentale ? On ne saurait dire.
Quelques questions complexes méritent aussi notre attention. D'abord, ces
monnaies attestent-elles l'existence d'un culte QHomonoia dans les cités émettrices ?
Cela ne paraît guère concevable, car, bien que l'évocation de la divinité,
particulièrement sacrifiant sur un autel, soit un acte cultuel en soi, rien n'indique
l'existence d'un culte, bien que cela ne soit pas exclu totalement813. Peut-être faut-il
distinguer entre l'acte cultuel représenté ponctuellement sur ces émissions et
l'existence d'un culte régulier. Cette question est d'autant plus obscure, qu'une
multitude d'abstractions ornent le monnayage impérial. S'il fallait faire une
hypothèse, je croirais volontiers que la plupart d'entre elles sont plus symboliques
813 HJ. Rose (The Oxford Classical Dictionary, Oxford, 1970, p. 526. s.v. Homonoia) note que
ces monnaies "may or may not connote actual cult in the States issuing them". Même son de cloche
chez J.R. Fears ("The Cult of Virtues and Roman Imperial Ideology", ANRW, 17,2 (1981), p. 938) qui
écrit, à propos du monnayage grec et romain: "The appearance of a deity among the coin types of a
city is not in itself indisputable evidence of cult".
1 74 LE CULTE VHOMONOfA DANS LES CITES GRECQUES
que cultuelles. En revanche, les temples représentés sur les émissions de Nicomédie
et d*Halicarnasse permettent de croire à l'existence de ces édifices, donc d'un culte814.
D'autre part, peut-on croire que la propagande impériale, liée au rôle de
l'empereur et des membres de sa famille dans le maintien de la concorde dans
l'Empire et omniprésente dans les émissions romaines, s'est transposée dans le
monnayage grec ? Les choses ne sont pas simples et mes conclusions seront-elles
volontiers prudentes sur ce point, puisque la question du contrôle de l'empereur dans
le monnayage provincial et ses représentations n'est pas entièrement claire815. Il n'y
a cependant aucune raison de parler d'un contrôle strict et absolu des autorités
romaines, ni, à l'inverse, d'une liberté totale des cités. En fait, celles-ci jouissaient
manifestement d'une assez grande latitude dans les représentations des revers, pouvant
elles aussi user de ce merveilleux instrument de propagande et promouvoir des
concepts ayant une signification purement locale, sans aucun lien forcément avec la
politique impériale. Bref, comme je l'ai déjà indiqué (supra, p. 155-156), il n'y a pas
nécessairement toujours un lien étroit entre le revers et son droit, le premier
évoquant souvent des traits propres aux cités émettrices, le second ne donnant, d'une
certaine façon, que l'image impériale. Mais, ce n'est pas là, de toute évidence, le cas
de toutes les émissions présentant Homonoia. J'ai peine à croire en effet qu'il
n'existe aucun lien entre les émissions romaines et leur propagande et les émissions
grecques. J'ai évoqué à maintes reprises certaines similitudes entre les deux
monnayages, par exemple: d'une part, des légendes identiques: CONCORDIA
AUGUSTA et ΟΜΟΝΟΙΑ ΣΕΒΑΣΤΗ qui, bien qu'elles n'apparaissent pas à la
même époque - d'après les témoignages du moins -, disparaissent simultanément816
(supra, p. 160); d'autre part, l'iconographie souvent identique (ou quasi identique):
attributs, sacrifice sur un autel allumé et surtout empereurs conjoints avec la divinité
(Septime Sévère et Caracalla; Gallien et Valerien). Les légendes CONCORDIA
AUGUSTA et ΟΜΟΝΟΙΑ ΣΕΒΑΣΤΗ et la représentation des empereurs conjoints
ne mettaient-elles pas en relief, en Occident comme en Orient, la paix intérieure
assurée par l'empereur et la concorde entre membres de la famille impériale,
condition essentielle du bon fonctionnement de l'Empire ? L'abondance du
monnayage dans certaines parties et cités de l'Empire dans des époques troubles et
particulièrement favorables aux émissions de la Concorde, comme ce fut le cas en
Thrace, en Mésie inférieure, en Phrygie et en Bithynie, lors de la lutte entre Septime
Sévère et Pescennius Niger (supra, p. 166), me paraît aussi un élément révélateur.
fi t A. De façon générale, voir l'article de Th. Drew -Bear, "Representations of Temples on the
Greek Imperial Coinage", ANSMusN, 19 (1974), p. 27-63.
olJ Voir particulièrement les pages instructives de A. Burnett, Coinage in the Roman World,
London, 1987, p. 17-32; 66-85; particulièrement, p. 24-28; 80-85, et de A. Burnett, M. Amandry et P.P.
Ripollès, Roman Provincial Coinage, I, London-Paris, 1992, p. 1-48.
010 Rappelons aussi les légendes identiques (sans divinité) ΟΜΟΝΟΙΑ ΣΕΒΑΣΤΩΝ et
Rift
CONCORDIA AUGUSTORUM des émissions conjointes de Marc-Aurèle et de L. Vérus (supra, p.
161-162).
LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ ET LA CONCORDE IMPERIALE 1 75
De là à croire donc que les autorités romaines sont intervenues, directement ou non,
dans le choix de certaines représentations, il n'y a qu'un pas qu'il est bien tentant de
franchir. Qu'elles émanent plutôt des cités elles-mêmes ne porte pas forcément à
conséquence, puisque il me semble certain que ces représentations devaient refléter à
leur manière le contexte politique de l'époque, dans lequel les empereurs en personne
ont joué un rôle de premier plan, comme le prouvent leurs nombreux édits, lettres et
discours adressés aux Grecs.
3. Conclusion
II reste à tirer les conclusions de notre enquête, qui a laissé entrevoir, à travers
la diversité de la documentation, les traits généraux du culte d'Homonoia. Nous
sommes maintenant en mesure de porter sur eux un jugement plus approfondi. Mais
rappelons d'abord les principaux éléments de cette étude.
Nous avons vu que les citoyens ont tenté de remédier aux innombrables staseis
qui ont affligé les cités grecques à l'époque classique, hellénistique et romaine, par
diverses mesures visant à apaiser les ressentiments, notamment par des serments sur
la concorde et par le recours à des tribunaux étrangers. Dans le même esprit, tous les
documents examinés au chapitre I témoignent du désir des citoyens, par des prières et
des dédicaces à Homonoia, d'enrayer les innombrables disputes qui les opposaient ou
de marquer le retour de la concorde. La documentation est imposante. En fait, il m'a
semblé que chaque cité hellénistique et impériale devait faire une place, petite ou
grande, à ce culte, puisque chaque cité avait ses problèmes internes. Il est intéressant
de noter, d'autre part, que la première acception du mot ομόνοια semble liée au bon
fonctionnement du régime démocratique à Athènes et que certains des plus anciens
témoignages du culte pourraient également être liés à des luttes ou à l'apaisement de
luttes entre groupes politiques rivaux.
Les citoyens n'ont pas manqué non plus d'implorer la divinité lors de conflits
entre cités, très courants et souvent pittoresques. Aux époques archaïque, classique
et hellénistique, nombre de ces disputes, pour la plupart territoriales, étaient
soumises à l'arbitrage international et, à l'époque impériale, aux Romains.
Toutefois, un seul des dix-huit témoignages examinés au chapitre II a pu clairement
être lié à ce type de querelle. L'ambiguïté du reste de la documentation n'a pas
permis, en effet, d'identifier les motifs qui étaient à l'origine des dédicaces, des autels
et des sacrifices à Homonoia. On peut songer, par exemple, à des problèmes
économiques, religieux ou politiques. Il faut cependant insister sur la possibilité que
la divinité ait pu être invoquée simplement comme garante du maintien des bonnes
relations entre cités, et plus particulièrement entre cités parentes, comme le laissent
croire le traité d'alliance entre Plarasa-Aphrodisias, Kibyra et Tabai et d'autres
témoignages. Il pourrait s'agir là d'un trait original de Y homonoia et de son culte.
Il eût été étonnant que les Grecs, constamment en proie aux luttes fratricides,
n'aient pas aussi songé à y associer le culte de la Concorde. Déplorant ces luttes,
craignant la menace barbare, prêchant obstinément la concorde de tous les Hellènes
face aux barbares et évoquant sans cesse l'union et les exploits des guerres médiques,
Gorgias et surtout Isocrate n'ont cessé d'encourager la réconciliation entre les
Hellènes. C'est donc pour promouvoir cette inaccessible unité, sous des auspices
1 78 LE CULTE ΌΉ0Μ0Ν01Α DANS LES CITES GRECQUES
divins, que les Grecs fondèrent, au IVe ou au IIIe siècle av. J.-C, un culte de
YHomonoia des Hellènes à Platées, en Béotie, symbole de liberté et d'union auquel
était associée l'expulsion définitive des Perses hors de la Grèce. Le nouveau culte fut
intégré aux cérémonies déjà anciennes du culte de Zeus Eleuthérios et vint à jouir,
partout en Grèce, d'un grand prestige, qu'il conserva jusqu'à l'époque romaine, pour
laquelle de nombreux prêtres sont attestés, pour la plupart des Athéniens issus de
grandes familles. L'important symbolisme politique de ce culte fut mis à profit par
l'Athénien Glaukon, au IIIe siècle avant notre ère, dans sa lutte contre Antigonos
Gonatas, puis, près de quatre siècles plus tard, par Hadrien, fervent promoteur de
l'unité grecque. Rappelons que le culte est aussi attesté à Lébadée.
Le culte est également lié aux disputes familiales. Certes peu de témoignages
corroborent ce fait, mais ils sont sans équivoque. Un vase apulien, daté des années
340-330 av. J.-C. et qui constitue ainsi l'un des plus anciens témoignages du culte,
évoque vraisemblablement la concorde entre une mère et sa fille, alors que, selon un
extrait de Chariton, il existait à Milet un temple d'Homonoia où les futurs maris
recevaient la main de leur fiancée. Je n'ai pas manqué de rappeler l'ancienneté de la
notion de concorde familiale chez les Grecs et l'intérêt que ceux-ci lui ont porté de
tout temps. Il m'a même semblé vraisemblable, dans le cas du temple de Milet,
qu'il pouvait s'agir là d'une coutume assez répandue dans les cités où existait un culte
û'Homonoia.
Enfin, la concorde des Hellènes, irréalisable par les Grecs eux-mêmes, leur fut
en fait imposée, dans une soumission commune, par la Pax Romana. Les cités
durent désormais vivre au sein d'un Empire dont l'unité et l'harmonie étaient assurées
par l'empereur et les membres de sa famille, eux-mêmes assimilés à la Concorde.
L'harmonie à l'intérieur de la famille impériale était perçue comme le symbole
religieux de l'ordre, de la concorde et de la prospérité de l'Empire. En Grèce comme à
Rome donc, sont attestés des assimilations de princesses ou d'impératrices à la
Concorde, ainsi que le culte de la Concordia Augusta, connu en Asie Mineure sous
le titre emprunté d" Ομόνοια Σεβαστή. De ce phénomène témoigne également
l'abondant monnayage impérial grec et romain. En fait, il est ressorti de la
documentation du chapitre V que, dans ce contexte, Homonoia n'était, dans une
certaine mesure, qu'une transposition de la Concordia romaine.
Ainsi, il apparaît dans cette étude que le culte fut associé à tous les types de
conflits qui pouvaient survenir dans la cité ou entre cités. De façon générale, il faut
cependant noter que l'analyse de la documentation n'a pas toujours permis d'identifier
les motifs exacts de discorde. D'autres constatations s'imposent également.
Aspect chronologique
Un mot d'abord sur l'apparition du culte. J'ai traité en détail de cette question
dans mon article sur les plus anciens témoignages du culte, auquel je renvoie encore
une fois le lecteur et que je résume ici818. Il s'est avéré, en fait, que retracer avec
exactitude l'apparition du culte n'allait pas sans créer d'énormes difficultés et qu'il
était téméraire de prétendre vouloir toutes les résoudre. Il faut d'abord préciser que
l'émergence des autres cultes à caractère politique, tels ceux de Dèmokratia, Eirènè et
Démos, n'est incontestablement attestée qu'au IVe siècle819. Dans le cas
d'Homonoia, trop de témoignages prêtent à discussion et les divergences sont telles,
dans certains cas, qu'il est impossible de trancher. Le mot ομόνοια, on l'a vu
(supra, p. 7-8), n'est apparu, de façon incontestable, qu'à l'extrême fin du Ve siècle,
avec Thucydide, et il me semble peu vraisemblable que l'apparition du mot ομόνοια
ait été immédiatement suivie de la création du culte. Par conséquent, celui-ci a donc
peu de chances d'être antérieur au IVe siècle. En fait, seul le statère de Métaponte
offre cette possibilité, mais sa chronologie me paraît incertaine (terminus post quem
fixé à 430) et l'identification même de la divinité suscite la controverse, puisque
certains y ont reconnu Demeter, en dépit de l'inscription ΟΜΟΝΟΙΑ. J'ai noté
toute la fragilité de ce témoignage et l'impossibilité d'en tirer des conclusions
assurées. N'échappent pas non plus à la controverse les témoignages pouvant
remonter à la première moitié du IVe siècle: le synoecisme de Cos en 366 (supra, p.
21-22) et l'autel d'Olympie (supra, p. 64-65) en 363. J'ai montré, là encore, à la fois
la vraisemblance et la fragilité des hypothèses relatives à ces documents820. En
revanche, le culte est formellement attesté dans le dernier tiers du IVe siècle, au
817 Rappelons que ces monnaies n'attestent pas nécessairement l'existence du culte dans les cités
émettrices; voir ma discussion, ci-dessus, p. 173.
il*Loc.cit. (note 16).
819 Voir ma discussion, ibid., p. 147-148.
820 Ibid., p. 130-136.
1 80 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
°ΔΙ Cf., sur ce point, les discussions de L. Deubner (loc. cit. (note 1), col. 2074, 58 et s.), E.
Skard {Zwei Religiös politische Begriffe, Euer getes -Concordia, Oslo, 1932, p. 69) et F. Stössl (loc. cit.
(note 1), col. 1052, 3 et s.), pour qui cette antériorité ne semblait faire aucun doute.
822 Voir, ci-dessus, note 817.
823 Voir, ci-dessus, p. 51-54.
824 Voir, ci-dessus, p. 138-141.
825 Voir, ci-dessus, p. 64-65.
826 Hellenistic Civilisation3, édition révisée par l'auteur et par G.T. Griffith, London, 1952, p. 91.
CONCLUSION GENERALE 181
bien vivant durant cette période et que les citoyens et les cités n'ont pas hésité à y
recourir fréquemment. En outre, là où il était déjà établi, ce culte a naturellement
perduré.
célébraient, selon toute apparence, leur parenté et leur amitié par des sacrifices et des
invocations à Homonoia.
Origines du culte
II faut considérer cette question en tenant compte que bien peu d'études, à ma
connaissance, ont fait le point sur l'origine des abstractions à caractère politique et
que, sur bien des points, tout reste encore à débroussailler et à nuancer. En effet,
l'étude des origines du culte $Homonoia ne peut être envisagée que dans le cadre des
autres personnifications politiques.
J'ai rappelé ci-dessus la controverse entourant l'apparition du culte d'Homonoia
et celle des autres abstractions à caractère politique. C'est le IVe siècle qui les a vus,
sinon apparaître, du moins commencer à se développer et prendre la forme que nous
leur connaissons à l'époque hellénistique. En fait, pour plusieurs historiens de la
religion, ces cultes correspondraient à une nouvelle mentalité religieuse qui se serait
emparée des cités au IVe siècle828. Or c'est justement à propos de cette nouvelle
mentalité religieuse que le bât blesse et que des nuances doivent être apportées.
D'abord, quel serait ce «changement religieux» ? Dans un article intitulé Le fait
religieux à l'époque hellénistique, A.J. Festugière notait, en 1955, que le "lien entre
dieux et cités n'a de vraie valeur qu'aussi longtemps que la cité est autonome,
maîtresse de ses décisions, libre d'agir selon ses propres vues ... Vienne le jour où la
cité perdra son autonomie, ne formera plus un Etat, mais fera partie d'un Etat plus
grand dont le monarque lui dictera ses décisions, et ce changement essentiel dans le
statut de la cité entraînera un changement correspondant dans la religion civique"829.
C'est évidemment de l'époque hellénistique qu'il est question ici, de ses rois, des ses
royaumes, du présumé déclin de ses cités et de leur autonomie politique. Dans un
monde si agité, les grandes divinités civiques, jusque-là conçues et perçues comme
protectrices de la cité, auraient été de moins en moins aptes à répondre aux nouvelles
difficultés des poleis, perpétuellement plongées dans les guerres et les crises sociales.
Les divinités poliades ne se souciaient plus des humains. Manifestement, devant
l'impuissance des divinités traditionnelles, on aurait cherché ailleurs des protecteurs
plus efficaces830; de là le recours à de nouvelles divinités, telle Homonoia*31.
Or, cette idée du «déclin» des cités grecques et de leurs institutions à l'époque
hellénistique n'emporte plus la conviction de nos jours832. Certes, des cités comme
828 Cf. par exemple l'article récent de A. Swiderek, "La cité grecque et l'évolution de la
mentalité religieuse dans les premiers temps de l'époque hellénistique", Eos, 78 (1990), p. 259-272.
y "Le fait religieux à l'époque hellénistique", Vivre et Penser, 1945, p. 36 (= Etudes de religion
grecque et hellénistique, Paris, 1972, p. 120).
830 Cf. M.P. Nilsson, loc. c'a. (note 1), p. 36-37; A. Swiderek, loc. eu. (note 828), p. 269.
831 Cf. A. Swiderek, loc. eu. (note 828), p. 268-269.
A la suite des ouvrages de L. Robert, qui a contesté ce déclin durant des décennies, voir par
exemple les études pénétrantes de P. Gauthier, "Les cités hellénistiques: épigraphie et histoire des
CONCLUSION GENERALE 183
Athènes et Sparte ne sont plus ce qu'elles étaient à l'époque classique, mais les
institutions politiques de la cité, loin de s'estomper ou d'être entièrement
subordonnées au pouvoir royal, n'en continuent pas moins d'exister, de faire preuve
d'une certaine continuité, voire même d'une certaine originalité833. Il en va de même
avec la religion. Comme en témoignent abondamment les sources littéraires,
épigraphiques et numismatiques, le culte et les rites des vieilles divinités civiques
continuent d'être célébrés scrupuleusement. L. Bruit Zaidman et P. Schmitt Pantel
écrivent avec raison: "... l'établissement des royautés hellénistiques ne marque
nullement la fin du système religieux qui s'était imposé au cours des siècles
classiques. Au contraire, de nombreux témoignages attestent la permanence des
cultes officiels, auxquels participent rois et cités. Les dieux reçoivent toujours des
statues et des temples, comme le montrent les dédicaces retrouvées, les sanctuaires
continuent d'être entretenus et restaurés, de nouvelles fêtes sont fondées, les trésors
sacrés s'enrichissent"834. Tout cela toutefois n'exclut pas des nouveautés:
l'évhémérisme se développe, les associations religieuses de toutes sortes, confréries
typiques de l'époque hellénistique, se multiplient; on voit apparaître le culte de
l'homme vivant, rois et évergètes notamment; on fait largement appel aux divinités
orientales, Isis, Osiris et Sarapis, et aussi aux abstractions déifiées à caractère
politique.
A mesure donc que les problèmes politiques se sont accentués dans les cités,
sans pour autant parler de «crise», les thèmes de l'heure, telles la concorde, la
démocratie et la paix, sont devenus des idéaux politiques que l'on crut sans doute
consolider, pour reprendre les termes d'E. Will835, en les sacralisant. Mais cette
divinisation de notions abstraites répondait à un besoin pressant, celui de faire face
aux nouvelles réalités, alors que l'on recherchait désespérément paix, concorde et
démocratie836. Tous s'entendent pour situer les débuts de ce phénomène au IVe
siècle.
Dans le cas de Γόμόνοια, cette quête est particulièrement remarquable dans les
écrits philosophiques et rhétoriques de l'époque, dans lesquels foisonnent, vainement,
des appels à la concorde. Antiphon, Thrasymaque, Démocrite, Socrate, Archytas,
Andocide, Lysias, Platon, Aristote (et d'autres certainement) ont en effet repris ce
Caractère religieux
Cet inventaire ne tient compte ni des témoignages suscitant, sur ces points, la controverse
(par exemple: autel ou statue à Mopsueste en Cilicie), ni des représentations de temples sur les
monnaies impériales (Nicomédie et Halicarnasse).
843 Laodycée du Lykos. Le nymphée, Québec-Paris, 1969, p. 321.
844 J.-P. Vemant, Mythe et religion en Grèce ancienne, Paris, 1990, p. 9; voir également p. 8.
845 Religions, histoires, raisons, Paris, 1979, p. 6.
846 Cf. B. Bravo, "Dieu et les dieux chez F. Creuzer et F.G. Welcker", L'Impensable
polythéisme. Etudes d'historiographie religieuse, Montreux, 1988, p. 375-424, particulièrement p. 41 1.
QA*] Voir particulièrement son étude, "La Grèce. La religion", dans Histoire générale des
religions, Π, Grèce-Rome, Paris, 1944, p. 50. Cf. J.-P. Vemant, op. cit. (note 844), p. 8 et 33.
1 86 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
leur hésitation à accorder un véritable caractère religieux aux notions abstraites. Or,
c'est par la pensée antique elle-même qu'il faut comprendre et tenter d'expliquer la
religion antique848.
Mais la réponse n'est pas nécessairement plus aisée. Cette difficulté, J.
Rudhardt l'appellait "le flottement perpétuel de la notion de dieu"849. En fait, les
Grecs eux-mêmes en avaient-ils défini la nature exacte ? Que signifiait pour eux le
«sacré», le Ιερός particulièrement, ou le «divin», le θειος ? Ils reconnaissaient la
présence de forces clairvoyantes et omniscientes, protectrices de leurs communautés
et détentrices d'une force qui présidaient à la destinée des humains. Pour J. Rudhardt,
cette "puissance efficace dans la vie humaine, tel est le premier caractère ou le
premier attribut du divin"850, ce qui rappelle la perception de L. Deubner, évoquée ci-
dessus. J. Rudhardt ajoutait, en parlant des Grecs: "Non seulement l'homme doit la
vie à la puissance divine, mais surtout il ne peut trouver nul bonheur, il ne peut
parvenir à nulle réussite humaine, hors de l'ordre divin"851. Au reste, comment
douter de la portée du rituel grec, avec ses fidèles et ses dévots: temples, sanctuaires,
statues, hymnes, prières, invocations, consécrations, libations et sacrifices surtout,
avec processions et autels, tout cela assurait la «communication» avec le divin et le
principe qui l'animait. C'est dans ce cadre et sous cette forme que prit corps la
religion des Grecs, véhiculée par les récits traditionnels, les fêtes et les rituels de
toutes sortes.
Quant aux abstractions politiques, leur caractère religieux ne me semble faire
aucun doute. Elles ont certes un caractère politique, mais le politique n'est-il pas
imprégné de religieux852 ? Les Grecs surent certainement intégrer cette nouvelle
réalité dans leur système religieux traditionnel, comme ils le firent plus tard avec le
culte impérial, d'après la brillante étude de S.R.F. Price853. Manifestement, elles
ont toutes les caractéristiques du divin et notamment leur puissance efficiente,
comme l'attestent les sacrifices qu'elles reçoivent. Elles ont souvent une généalogie,
preuve, selon certains, d'une grande proximité avec le divin854; Homonoia, on l'a vu,
serait fille de Zeus Sôtèr et de Praxidikè {supra, p. 1). Quelle est cependant leur
place dans le panthéon ? Les dieux grecs, on le sait, forment une hiérarchie
regroupée sous l'autorité de Zeus, à l'intérieur de laquelle les groupes sont définis par
les compétences et les liens de parenté. "Dans le cadre d'un panthéon, chacune de ces
puissances se définit non en elle-même, comme sujet isolé, mais par sa position
relative dans l'ensemble des pouvoirs, par le système des rapports qui l'opposent et
l'unissent aux autres puissances composant l'univers divin"855. Au haut de la
pyramide, on trouverait donc les «grands dieux», Zeux, Héra, Athéna, Apollon,
Aphrodite, Artémis, etc., dont le champ d'action est vaste et qui occupent une place
prépondérante dans les récits mythologiques. Puis viendraient sans doute les
divinités «mineures», les δαίμονες, qui agissent dans une sphère déterminée et que
l'on caractérise par une activité particulière. Enfin, viendraient les héros, qui
représentent une catégorie à part856. C'est donc du groupe des δαίμονες qu'il
conviendrait de rapprocher les abstractions politiques telles Eirènè, Dèmokratia et
Homonoia, elles qui ont une action plus limitée: maintenir ou rétablir la paix, la
démocratie ou la concorde. Il ne faut pourtant pas sous-estimer leur importance et
leur rôle dans la vie religieuse. J. Rudhardt a en effet bien montré que la réalité
cultuelle offrait une "autre image" de la société divine et de l'importance respective
des divinités857. Zeus, certes, occupe toujours une place prépondérante, mais les
documents officiels, calendriers, décrets, lois, etc., nous font connaître une multitude
de divinités, que souvent la mythologie ignore. En d'autres termes, les panthéons
locaux associent et invoquent, au gré de leurs besoins et de leurs désirs, des dieux qui
sont certainement plus près de la réalité quotidienne et davantage aptes à assurer le
bien-être de toute la communauté. Tout cela s'inscrit naturellement dans un
polythéisme souple, qui se plie aisément aux contraintes des petites communautés,
qui ont leur panthéon, avec leurs règles et leur hiérarchie, et dans lequel les
abstractions politiques occupent sans doute une place importante et ont donc
davantage qu'une valeur «symbolique».
Le premier attribut du divin, nous l'avons vu, était la «puissance agissante» -
le numen comme disaient les Romains858 -, dont les Grecs croyaient subir les effets
et à laquelle ils recouraient volontiers. L'homme, cherchant à s'attirer la
bienveillance de la divinité, accomplissait tous les actes rituels permettant d'agir sur
elle: prières, invocations, dédicaces, fêtes et surtout sacrifices. Dans le cas
d'Homonoia, ils l'ont fait régulièrement, pour que sa «puissance agissante» les
réconcilie, les rapproche, voir inspire l'unanimité des sentiments, des esprits, comme
le veut le sens étymologique du terme. Elle était exploitée à tous les niveaux dans
la cité, tant pour régler les différends entre groupes sociaux ou politiques que pour
rétablir l'harmonie au sein du couple. Mais, comme le prouve la documentation, le
recours à la divinité concernait le plus souvent les troubles internes qui menaçaient
la communauté entière. A nos yeux, avec un recul de plus de 2 000 ans, les
résultats paraissent certes décevants. Mais pour les Anciens, du moins à partir du
IVe siècle et dans les cités où existait un culte de la divinité, chaque réconciliation,
chaque victoire de la concorde, si éphémères furent-elles, devaient être l'oeuvre
a' Homonoia. Si celle-ci ne permit pas de résoudre toutes les discordes, elle n'en
contribua pas moins, pour les Grecs, à apaiser nombre d'entre elles, des plus
sérieuses aux plus futiles, apportant ainsi, dans un monde troublé, des périodes de
paix et de tranquillité et s'assurant une place de choix parmi les divinités protectrices
de la cité.
C'est également le recours à cette «puissance agissante» qui explique
qu'Homonoia a servi d'épithète divine. Ainsi dans un décret du thiase du Pirée (IG,
II2, 1261) en l'honneur de Δημητηρ 'Ομόνοια του κοινο(ύ) (302-301), une
statue de marbre de Thessalonique dédiée à une Aphrodite Homonoia au IIe siècle de
notre ère (supra, p. 39) et enfin une dédicace datant de l'époque romaine à une
Artémis Thermia Homonoia par des employés d'une industrie du cuir de Mytilène
(supra, note 167). On pourrait même croire que ce fut là, comme l'ont suggéré R.
Etienne et M. Piérart859, son premier emploi, avant de recevoir un culte indépendant
Cette hypothèse repose évidemment sur le statère de Métaponte, dont l'inscription
ΟΜΟΝΟΙΑ, on l'a vu, pourrait être une épithète appliquée à Demeter. Mais, d'une
part, nous avons vu toute l'incertitude entourant cette question; d'autre part, le point
de vue des deux savants est vraisemblablement fondé sur leur tableau des plus
anciens témoignages du culte a'Homonoia jusqu'au IIe siècle av. J.-C, qui est loin
d'être exhaustif, comme je l'ai montré860. En outre, le culte indépendant de la déesse
est bel et bien attesté au IVe siècle.
001 La construction des premières tétrères à Athènes remonterait tout au plus aux années 340-
330 av. J.-C. De dix -huit qu'il était en 330-329, le nombre des tétrères est passé à cinquante en 325-
324. Notre tétrère Homonoia fait sans doute partie des 32 nouveaux vaisseaux venus s'ajouter à la
flotte athénienne durant ces cinq années. Elle pourrait aussi être antérieure. Cf. J.M. Schmitt, "Les
premières tétrères à Athènes", REG, 87 (1974), p. 80-90, ainsi que J.S. Morrison & J.F. Coates, The
Athenian Trireme. The History and Reconstruction on an Ancient Greek Warship, Cambridge, 1986, p.
47.
862 O/>.«/. (note 16), p. 49.
Cette utilisation d'abstractions pour la dénomination des vaisseaux était monnaie courante à
l'époque: les inventaires du Pirée comportent des noms tels que Dèmokratia (la Démocratie),
Dikaiosyni (la Justice), Eleuthiria (la Liberté), Eunomia (l'Ordre) et Eirinè (la Paix).
864 DU Namen der attischen Kriegsschiffe, Engelsdorf-Leipzig, 1931, p. 53; 60-62 {Homonoia:
p. 62). On trouvera une liste assez complète des noms de vaisseaux aux pages 96-99, ainsi que chez F.
Miltner, RE, Supplement V (1931), 947-952, s.v. Seewesen, et, avec corrections et ajouts, chez L.
Cas son. Ships and Seamanship in the Ancient World, Princeton (New-Jersey), 1971, p. 350 et s. Voir
aussi D. Whitehead, "Competitive Outlay and Community Profit", C&M , 34 (1983), p. 68-69. Π est
190 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
En fait, je suis enclin à croire qu'il n'en était rien. Il s'agit plutôt, comme le
pense L. Casson, de noms abstraits exprimant les qualités, voire les aspirations de la
cité et du peuple865. En effet, l'utilisation d'abstractions était monnaie courante dans
l'appellation des vaisseaux, surtout sous forme féminine: ainsi Dynamis (la
Puissance), Andreia (la Bravoure), Sôtèria (le Salut), Syntaxis (l'Ordre de bataille),
Boètheia (le Secours), Symmachia (l'Alliance), Hègémonia (l'Hégémonie), Euploia
(l'Heureuse navigation), Apobasis (le Débarquement), Tragâdia (la Tragédie),
Komôdia (la Comédie) et Technè (l'Art). De leur côté, Eirènè (la Paix), Sophia (la
Sagesse), Dikaiosynè (la Justice), Pronoia (la Prévoyance), Dèmokratia (la
Démocratie) et Homonoia, étaient autant de dénominations propres à exprimer des
idéaux athéniens. Certes des concepts comme Homonoia, Dèmokratia et Eirènè,
entre autres, étaient déjà divinisés à l'époque, mais on ne peut pour autant les
assimiler à ces dénominations ni attribuer à celles-ci, de façon indéniable, un sens
cultuel. Bref, je crois que cette tétrère ne constitue pas un témoignage certain de
l'existence d'un culte d' Homonoia à Athènes dans le dernier tiers du IVe siècle.
intéressant de noter, par ailleurs, que les navires romains portaient également des noms tels que
Concordia, lustilia. Pax, etc. Cf. F. Miltner, loc. cit., 952-956 et, avec corrections et ajouts, L. Casson,
op. cit., p. 356, note 57.
865 Op. cit. (note précédente), p. 353. Cf. aussi J. Zwicker {loc. cit. (note 623), col. 2269, no 3),
qui n'inclut pas ce témoignage parmi ceux du culte.
APPENDICE II
χυτρίδι'
'Εγώ Πτολεμαίου
άκρατου της
του τ'βασιλέως
αδελφής τέτταρα
προσλαβών
της του βασιλέως ταυτ\ απνευστί τ' έκπιών
ως αν τις ηδιστ' ίσον ΐσω κεκραμένον,
και της 'Ομονοίας δυο, τί νυν μη κωμάσω
άνευ λυχνούχου προς το τηλικουτο φως;
"Moi, après avoir pris en l'honneur du roi Ptolémée quatre pots de vin pur, et
autant pour la soeur du roi, et après les avoir bus sans reprendre haleine,
comme quelqu'un buvant agréablement du vin mélangé en quantité égale, et
deux aussi pour Homonoia (ou Yhomonoia ?), pourquoi à présent ne
célébrerai-je pas sans flambeau face à une lumière aussi grande ?"
J'ai discuté, dans mon article sur l'apparition du culte d'Homonoia*61 , de la
chronologie de cette pièce, de son rapprochement possible avec la guerre de
Chrémonidès et enfin de la nature exacte du mot ' Ομόνοια (ou ομόνοια). Il m'a
semblé que rien n'indiquait qu'il s'agissait bien de la déesse et que le personnage
inconnu pouvait lever son verre à Yhomonoia du couple royal ou à celle d'autres
personnes, comme on lève depuis des siècles son verre à la santé des convives868.
Bref, la prudence me paraît ici de mise869.
Magie, D. Roman Rule in Asia Minor to the Third Century after Christ, I-II,
Princeton (New Jersey), 1950 (réimpression: New York, 1975).
Martin, V. La vie internationale dans la Grèce des cités, Paris, 1940.
Mathieu, G. Les idées politiques d'Isocrate, Paris, 1925 (réimpression: Paris, 1966).
Mattingly, H. "The Roman Venues", HThR, 30 (1937), p. 103-117.
Mellor, R. ΘΕΑ ΡΩΜΗ, The Worship of the Goddess Roma in the Greek World,
Göttingen, 1975.
Merkelbach, R. "Der Rangstreit der Städte Asiens und die Rede des Aelius Aristides
über die Eintracht", ZPE, 32 (1978), p. 287-296.
Méthy, Ν. "Dion Chrysostome et la domination romaine", AC, 63 (1994), p. 173-
192.
Millar, F. The Emperor in the Roman World: 31 BC-AD 337, London, 1977.
Mitchell, S. "The Greek City in the Roman World. The Case of Pontus and
Bithynia", ΠΡΑΚΤΙΚΑ TOY Η' ΔΙΕΘΝΟΥΣ ΣΥΝΕΔΡΙΟΥ ΕΑΑΗΝΙ-
ΚΗΣ ΚΑΙ ΛΑΤΙΝΙΚΗΣ ΕΠΙΓΡΑΦΙΚΗΣ, ΑΘΗΝΑ, 3-9 ΟΚΤΟΒΡΙΟΥ
1982, Athéna, 1984, ρ. 120-133.
Moulakis, Α. Homonoia; Eintracht und die Entwicklung eines politischen
Bewußtseins, München, 1973.
Nilsson, M.P. Geschichte der griechischen Religion, I-II, München, 1950.
Nilsson, M.P. "Kultische Personifikationen. Ein Nachtrag zu meiner Geschichte der
grieschischen Religion", Eranos, 50 (1952), p. 3 MO.
Nolle, M.K., J. Nolle, "Vom Feinen Spiel städtischer Diplomatie zu Zeremoniell
une Sinn kaiserzeitlicher Homonoia-Feste", ZPE, 102 (1994), p. 241-262.
Oliver, J.H. The Ruling Power; a Study of the Roman Empire in the Second
Century after Christ trough the Roman Oration of Aelius Aristides,
Philadelphia, 1953 (TAPhS, N.S., 43,4).
Oliver, J.H. Demokratia, the Gods and the Free World, Baltimore, 1960.
Oliver, J.H. The Civilizing Power; A Study of the Panathenaic Discourse of Aelius
Aristides Against the Background of Literature and Cultural Conflict, with
Text, Translation, and Commentary, Philadelphia, 1968 (TAPhS, N.S., 58,1).
Oliver, J.H. Marcus Aurelius; Aspects of Civic and Cultural Policy in the East,
Princeton, 1970 (Hesperia: Suppl. 13).
Payrau, S. "Eirenika. Considérations sur l'échec de quelques tentatives panhelléni-
ques au IVe siècle avant Jésus-Christ", REA, 73 (1971), p. 24-79.
Pera, R. Homonoia sulle monete da Augusto agli Antonini. Studio storico-
tipologico, Genova, 1984.
Perlman, S. "Isocrates1 "Philippus" - a Reinterpretation", Historia, 6 (1957), p. 306-
317.
Perlman, S. "Isocrates1 "Philippus" and Panhellenism", Historia, 18 (1969), p. 370-
374.
Perlman, S. "Panhellenism, the Polis and Imperialism", Historia, 25 (1976), p. 1-
30.
202 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
1. Auteurs anciens
2. Inscriptions
3. Monnaies
INDEX GENERAL
1. Noms de personnes
Pausanias: général Spartiate qui le premier Septime Sévère: conflit avec Pescennius
offrit sur l'agora de Platées un sacrifice à Niger: 76; 166; concorde avec Cara-
Zeus Eleuthérios: 112; 117. calla: 164; monnayage: homonoia:
Peintre de Darius: pélikè apulienne sur 91; Homonoia: 163-166; 172-173.
laquelle figure Homonoia: 137-138. Simonide: vers gravés sur l'autel de Zeus
Pertinax: aucun monnayage avec Eleuthérios à Platées: 117.
Homonoia: 163. Socrate: et Yhomonoia dans les cités: 9;
Pescennius Niger: conflit avec Septime 183; sur l'accord des cités et des
Sévère: 76; 166. individus entre eux: 131.
Philippe de Macédoine: concorde des Solon: réformes: 7; élégies et
Hellènes et lutte contre les barbares: 105- exhortations à la concorde: 7.
106; προστάτης της των Έλλη'νων Sôstratos: secrétaire cyrénéen, dédie une
ομονοίας και της έπι τους statue à Homonoia: 55.
βαρβάρους στρατείας: 106; reconstruction Statilia Messalina: Statilia (?) Auguste
de Platées: 115. Homonoia dans une inscription d'Hala-
Philippe l'Arabe: monnayage: sarna: 149.
homonoia: 61; Homonoia: 169. Stephanos du Pirée: thiase, a consacré une
Philippe II (fils de Philippe l'Arabe): statue de Demeter Homonoia: 35.
monnayage: Homonoia: 169. Sylla: et le temple de Jupiter Capitolin à
Philippe V: occupe Iasos: 40. Rome: 53.
Platon: et la concorde interne de la cité: S;
9; 13; 183; et la concorde familiale: Thaliarchos: secrétaire cyrénéen, dédie une
131; 136. statue à Homonoia: 55.
Platon: hieropoios de Cos, auteur d'une Thémistocle: décret de Thémistocle: 8.
dédicace à Aphrodite et à Homonoia: 39. Théomnèstos d'Isthmos (?): opposant au
Plautilla: monnayage: Homonoia: 66; tyran Nikias de Cos: 50-51.
165. Théophilos de Paphlagonie: massacre des
Pline le Jeune: délégué par Trajan en Romains dans le temple à'Homonoia à
Bithynie: 60; 159. Tralles: 45.
Plutarque: et les interventions romaines Theuklès: monarchos de Cos, auteur d'une
dans les affaires intérieures des cités: dédicace à Aphrodite et à Homonoia: 39.
59-60; et l'amitié et la concorde dans les Thraséas: commandant de Cilicie, et la
cités: 59-60; et la concorde familiale: demande des Arsinoéens au sujet du
133-134. territoire de la cité: 81.
Polemius Servais: calendrier chrétien et Thrasyandros: hieropoios de Cos, auteur
fête de la concorde: 135. Voir Car a d'une dédicace à Aphrodite et à
Cognatio. Homonoia: 39.
Polyainos de Syracuse: discours sur un Thrasyboulos d'Athènes: fait prêter
autel à'Homonoia: 36-38. serment à l'armée athénienne de vivre dans
Probus: monnayage: Homonoia: 171. la concorde: 7.
Ptolémée Π: dans la guerre de Chrémoni- Thrasyllos d'Athènes: fait prêter serment à
dès: 107-108; 114; reçoit l'athénien l'armée athénienne de vivre dans la
Glaukon: 114; dans une pièce d'Alexis: concorde: 7.
115; 191. Thrasymaque: et la discorde à Athènes: 8;
Ptolémée ΠΙ: et l'athénien Glaukon: 114. et la concorde dans les cités: 103; 183.
Preimigénès d'Ephèse: prêtre à'Homonoia: Tibère: temple d'Opimius dédié à la
62. Concordia Augusta: 146; bienfaits à l'égard
Pupien: monnayage: Homonoia: 168. d'Ephèse: 154.
Tibérius Claudius Attalos Andragathos:
Quietus: monnayage: Homonoia: 171. archonte athénien originaire de Syn-
nada, prêtre de X Homonoia des Hellènes
Sabine: monnayage: Concordia: 160; et de Zeus Eleuthérios à Platées: 118-
Homonoia: 160. 120; 125-126; prêtre des Hellènes: 120.
Salonine: monnayage: Homonoia: 171.
224 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
2. Noms de divinités
Andromède: avec Homonoia sur un vase Apollon Nomios: statue consacrée par les
apulien: 137-138. nomophylaques de Cyrène: 54.
Aphrodite: honorée à Cos au côté Arétè: la Vertu, soeur d'Homonoia: 1.
d'Homonoia: 39; 69; déesse de la concorde: 39; Artémis: avec l'épithète Homonoia à Myti-
55; 69; dédicace à Kition: 48; statue lène: 20.
consacrée par les nomophylaques de
Cyrène: 55. Artémis
d1 Artémis d'Ephèse:
sur uneHomonoia
monnaie deavec
Périnthe:
statue
Aphrodite Agoraia: préside aux activités de 93; dédicace d'une image d'Homonoia
l'agora, dans une inscription oraculaire Auguste Chrysophore: 153-154.
de Callatis: 53-54. Artémis Pergéenne: asylie et datation d'une
Aphrodite Homonoia: statue à Thessaloni- inscription de Pergè: 151-152.
que: 39; 69; 188. Artémis Thermia Homonoia: dédicace par
Aphrodite Nomophylakis: statue les patrons et les employés d'une
consacrée par les nomophylaques de Cyrène: industrie du cuir: 39; 69; 188.
55. Asclépios: dans un calendrier sacrificiel
Aphrodite Philia: et le rétablissement de la d'Isthmos (Cos): 21; sacrifice à Cos: 43;
concorde à Nicée: 57. 72; prêtre qui consacre un autel ou une
Apollon: et le rétablissement de la statue d'Homonoia à Epidaure: 67; avec
concorde à Iasos: 41; oracle consulté par les Homonoia sur une monnaie de Stratoni-
Callatiens à la suite d'une crise (?): 53- cée: 171-172.
54; culte célébré à Lébadée auprès de Athéna: rétablissement de la concorde à
Trophônios: 129. Nicée: 57; autel à Olympie: 64.
Apollon Matinal: culte et autel voués par Athéna Hyperdexia: protectrice de la cité
les Argonautes: 29-30. dans une inscription oraculaire de
Callatis: 53.
INDEX GENERAL: NOMS DE DIVINITES 225
Athéna Magarsia: reçoit avec Homonoia pièces de Périnthe: 92-93; 167; culte à
un sacrifice mensuel et annuel à Antio- Lébadée auprès de Trophônios: 129; sur
che du Pyrame: 87. une monnaie avec l'inscription
ΟΜΟΝΟΙΑ ΣΕΒΑΣΤΗ: 157; 159; avec
Boulé: effigie sur le monnayage Homonoia sur une monnaie bithy-
à'homonoia: 78. nienne: 158; avec Homonoia et Sarapis
sur des pièces alexandrines de Trajan:
Cassiopée: avec Homonoia et Andromède 159; avec Homonoia sur une pièce de
sur un vase apulien: 137. Traianopolis (?): 163; avec Homonoia
Céphée: avec Homonoia et Andromède sur sur une monnaie de Pergame: 168; avec
un vase apulien: 137. Homonoia en général: 172.
Concordia: influence sur le culte grec: 3; Dèmokratia: abstraction politique: 1; 189;
148; 180; transposition du culte romain apparition du culte: 179; caractère
en Sicile (?): 66; présente à la Char ist ia: religieux: 184; 187.
135; symbolise l'union du couple Démos: abstraction politique: 1; dédicace à
impérial: 139; caractère politique: 145; Kition: 48-49; effigie sur le monnayage
assimilée par l'empereur: 146-148; à'homonoia: 78; apparition du culte:
personnifiée par Drusilla: 148; 179.
assimilée par Agrippine: 149; monnayage: Dieux Adelphes: sacrifices des Arsinoéens:
République: 69; 88; 145; monnayage 82.
impérial: 145; 156-160; 164-166; 170- Dionysos: et le rétablissement de la
171; monnayage grec: 174; statues: concorde à Nicée: 57; reçoit avec Homonoia
statue transférée à la curie par C. la dédicace d'une porte (ou un portail) à
Cassius: 62; Pompéi (?): 146; statuette Bargylia: 67.
de Pannonie et Domitilla: 149; 158;
temples: Rome: 68; 180; et lefoedus Eirènè: abstraction politique: 1; avec
conclu entre Rome et Callatis (Ier siècle Homonoia sur des monnaies d'Alexandrie:
av. J.-C): 52-53; dédié à Auguste par 63-64; 161; 172; apparition du culte:
Livie: 139; 146; restauré par Vespasien: 179; caractère religieux: 184; 187.
156. Espérance: et la corne d'abondance: 172.
Concordia Augusta: associée à Auguste et à Eudaimonia: sacrifice à Cos: 43.
la paix intérieure dans l'Empire: 146- Euthènia: avec Homonoia sur des
148; 178; dans une inscription monnaies d'Alexandrie (?): 161; 172.
d'Andalousie: 146; portique de Pompéi: 146; et
la concorde du couple impérial: 146; et Félicité: et la corne d'abondance: 172.
le Porticus Liviae: 146; temple de la Fortuna: personnifiée par Julia Livilla sur
Concorde Auguste dédié par Tibère: 146; un sesterce de Caligula: 148.
autel à Rome: 146; culte à Halaesa en Fortune: et la corne d'abondance: 172.
Sicile: 146; à Tarraco en Espagne: 146;
175; à Thuburnica ad Aquas, à Uchi Herakles: et le rétablissement de la
Maius et à Thougga en Afrique du Nord: concorde à Nicée: 57; institue les jeux
146; 175; transposée par Homonoia: olympiques pour réunir les Grecs: 104;
148; 175; 178; entre Marc-Aurèle et L. comparé à Philippe de Macédoine: 106.
Vérus: 151; associée à l'empereur: 152. Hermès Agoraios: qui préside aux activités
de l'agora dans une inscription oracu-
Daimôn Agathos: célébré à Lébadée auprès laire de Callatis: 53.
de Trophônios: 129. Histia Boulaia: sacrifice à Cos: 43.
Demeter: et l'épi thète ομόνοια sur un sta- Homonoia: fille de Zeus Sôtèr et de Praxi-
tère de Métaponte (?): 14-15; 179; 188; dikè: 1; 186; dans une pièce d'Alexis (?):
et la notion de concorde: 15; et l'épi- 115; 191; sur un vase apulien: 137-138;
thète ομόνοια sur une monnaie de Pa- et la concorde impériale: 155-175;
normos (?): 34; statue de Demeter apparition du culte: 179-180; et une
Homonoia au Pirée: 35; 188; liens avec tétrère athénienne: 189-190; autels:
Homonoia: 35; 69; avec Homonoia sur Kimissa (?): 17; Cos (?): 21; Nakoné
le monnayage à'homonoia: 78; sur des (?): 26; Théra: 27-28; 70; Thynie (?):
226 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
34; Pirée: 35; 70; Syracuse: 36-38; 47; 152; Dorylaion (?): 152; prêtresse:
68; 70; Erythrées (?): 44; Kymè: 46-47; Dorylaion (?): 152; sacrifices: Pergè:
70; Mylasa (?): 47; Orchomène: 62; 70; 152.
Olympie: 64-65; 70; Pergame: 65; 70; Homonoia Auguste Chrysophore: image
Epidaure: 67; 70; Nagidos (?): 82; dans le théâtre d'Ephèse: 153-155; 175;
Antioche du Pyrame: 87-88; Mopsueste: rôle: 155.
94; 98; Thespies (?): 95; Périnthe: 96- Homonoia des gérontes: prêtre à
97; Nakoleia: 97-98; en général: 98; Dorylaion: 55; 68.
184-185; dédicaces: Théra: 27-28; Homonoia des Hellènes: sacrifice des
Pirée: 35; Cos: 38-39; Iasos: 39-42; Grecs à Platées: 114-118; 130;
Mylasa: 47; Kition: 48-49; Isthmos association avec le culte de Zeus Eleuthérios:
(Cos): 49-51; Cyrène: 55; Cyzique: 56; 115-117; 119-123; 125; 127; 130;
Pergame: 65-66; Epidaure: 67; Bargylia: 178; apparition du culte: 112; autel: de
67; Aphrodisias: 83-85; Delphes: 89; Zeus Eleuthérios et de YHomonoia des
Mopsueste: 93-94; Périnthe: 96-97; en Hellènes: 115-117; prêtres: 117-126;
général: 98; monnayage: 155-175; 130; prêtresse: grande-prêtresse à
attributs: 172; culte et monnayage: 173- Lébadée: 127-129; sacrifices: 114;
174; monnayage romain: 174-175; 116-117; 125; 130.
prêtres: Kimissa (?): 19; Isthmos Hygieia: avec Homonoia dans un
(Cos): 21; Thynie (?): 34; Pirée (?): 36; calendrier sacrificiel d'Isthmos: 21.
Hydai: 47; 70; Mylasa: 47; 70; Priène: Isis: entre Sérapis et Homonoia sur des
47; 70; Ephèse: 62; 70; sacrifices: pièces alexandrines de Trajan: 159; 172.
Kimissa (?): 19; Isthmos (Cos): 21;
Nakoné: 22; 26; 70; Thynie: 34; Pirée Juno Pronuba: qui préside à l'hymen: 139.
(?): 36; Cos: 42-43; Nagidos: 82;
Antioche du Pyrame: 87; en général: 98; Korè: prêtre à Cyzique, dédie une statue
181-182; sanctuaires: Thynie: 28- à'Homonoia à sa patrie: 56.
34; 70; Callatis (?): 51; Nakoleia: 97- Ktèsios: Protecteur du foyer, frère d'Homo-
98; en général: 185; statues: Isthmos noia: 1.
(Cos) [?]: 21; 70; Mylasa (?): 47;
Kasara: 47; 70; Calymna: 49-50; 70; Némésis: et le rétablissement de la
Cyrène: 54-55; 70; Cyzique: 56; 70; concorde à Nicée: 57.
Epidaure: 67; Delphes: 89; Antioche de Némésis de Smyrne: Homonoia tenant
Pisidie-Galatie: 90-92; 98; Mopsueste: deux statuettes de la Némésis de Smyrne
94; 99; Thespies (?): 95; temples: Cos sur une monnaie d' homonoia: 92.
(?): 21; Tralles: 45; 70; Kymè: 46-47; Niké: couronnant Homonoia sur une
70; Calymna (Cos): 49-50; 70 Callatis: monnaie phocéenne: 164; 172; en médaillon
51-54; 70; Nakoleia (?): 97-98; Milet: avec Homonoia sur une monnaie nicé-
138-141; sur une pièce alexandrine de enne: 168; 172.
Trajan (?): 159; 172; sur une monnaie de
Nicomédie: 162; 174; sur des monnaies Orphée: rétabli la concorde entre les
d'Halicarnasse: 163; 169; 174; en Argonautes: 29.
général: 185. Voir Aphrodite, Artémis,
Demeter, Eirènè. Paix: et la corne d'abondance: 172.
Homonoia Auguste (ou Sébastè): dans une Persée: représenté avec Homonoia et
dédicace de Cyrène: 54; Drousilla (?) Andromède sur un vase apulien: 137.
Auguste Homonoia dans une inscription Pistis: autel dédié à Pistis et Homonoia à
d'Halasarna: 149; transposition de la Pergame: 65-66.
Concordia impériale: 150; 174; 178; Poséidon Asphaleios: protecteur de la cité,
Domitia assimilée à Homonoia Auguste dans une inscription oraculaire de
dans une inscription de Thyssanonte: Callatis: 53.
149; dans une inscription de Pergè: 150- Praxidikè: déesse de la vengence, mère
152; 175; en général: 178; antériorité d'Homonoia: 1; 186.
plausible sur Concordia: 180; autel:
Pergè (?): 152; prêtres: Pergè: 151-
INDEX GENERAL: NOMS DE DIVINITES 227
Rome: dédicace avec Homonoia et Zeus Zeus Basileios: à Mytilène: 20; culte à
Philios à Aphrodisias: 83-84; 99; dans Lébadée auprès de Trophônios: 129.
une inscription d'Halic amasse: 144. Zeus Boulaios: sacrifice à Cos: 43.
Zeus Eleuthérios: sacrifice à Platées par
Sarapis: avec Demeter et Homonoia sur des Pausanias: 112; 115; 117; sacrifice de la
pièces alexandrines de Trajan: 159; 172; part de Glaukon: 114; association avec
entre Isis et Homonoia sur des pièces le culte de XHomonoia des Hellènes:
alexandrines de Trajan: 159; 172. 115-117; 119-123; 125; 127; 130;
Securitas: personnifiée par Agrippine: 148. 178; prêtres à Platées: 117; 119-122;
Spes: parfois représentée avec Concordia 125.
sur des monnaies impériales: 160. Zeus Héraios: à Mytilène: 20.
Zeus Homonoios: à Mytilène: 20; à Assos:
Thémis Agoraia: qui préside aux activités 20.
de l'agora dans une inscription oracu- Zeus Hyétios: culte à Lébadée auprès de
laire de Callatis: 53. Trophônios: 129.
Trophônios: grande-prêtresse de l'Homo- Zeus Keraunios: dédicace à Kition: 48.
noia des Hellènes auprès de Trophônios Zeus Megistos: sacrifice à Cos: 43.
à Lébadée: 128-129. Zeus Nicéphore: statuette tenue par
Tychè (?): sur des pièces de Tralles et de Homonoia sur une monnaie de Tralles: 161.
Tabai: 44-45; 172; culte à Lébadée Zeus Panhellénios: sanctuaire à Athènes et
auprès de Trophônios: 129; attributs réunion du Panhellénion: 110.
semblables à ceux d' Homonoia: 172. Zeus Patrôos: Auguste considéré comme
Zeus Patrôos et sauveur du genre humain
Vénus: vertus réconciliatrices: 69. Voir dans une inscription d'Halicarnasse: 143.
Aphrodite. Zeus Philios: dédicace avec Homonoia et la
Venus Cloacina: vertus réconciliatrices: déesse Rome à Aphrodisias: 83-85; 99;
69. invoqué lors des serments entre amis:
84.
Zeus: statue à Olympie: 65; garant de la Zeus Polieus: et le rétablissement de la
paix et de l'ordre mondial: 110. concorde à Nicée: 55.
Zeus Apotropaios: protecteur de la cité Zeus Sôtèr: père d'Homonoia: 1; 186.
dans une inscription oraculaire de
Callatis: 53.
Gallien: 171; Salonine: 171; Valerien naissance de Chariton: 140. Voir Pla-
II: 171; Macrien: 171; Quietus: 171; rasa.
nature différente des représentations Apollonia (Pont): autre nom de l'île de
alexandrines: 173; plus grand nombre de Thynie: 31.
pièces avec Homonoia: 173. Apollonie de Cyrène: membre du
Amastris (Pont): monnayage: Domitien: Panhellénion: 110.
158. Apulie: vase avec représentation d'Homo-
Ambryssos: dispute territoriale avec noia: 137.
Delphes: 77; 144. Argos: dispute territoriale avec Sparte: 72;
Amphicleia: membre du Panhellénion: 110. dispute territoriale avec Phlionte: 72;
Amphissa (Locride): dispute territoriale membre du Panhellénion: 110.
avec Delphes: 77; 144. Arsinoé (Cilicie): querelle territoriale avec
Anazarbe (Cilicie): dispute territoriale (?) Nagidos: 81-82; 99.
avec Tarse: 77; concorde avec Mop- Asie Mineure: agitation suscitée par le
sueste et dédicace à Homonoia: 94; 99; Christianisme: 6; diffusion et popularité
rivalité avec Mopsueste (?): 94; 99; du culte d' Homonoia: 70; 99; 178; culte
rivalité pour les titres avec Tarse: 94. d'Homonoia Auguste: 178;
Anchialos (Thrace): monnayage: monnayage: homonoia:l%; 161; Homonoia:
Homonoia: Septime Sévère: 164. 168.
Andalousie: et le culte de la Concordia Assos (Troade): culte de Zeus Homonoios:
Augusta: 146. 20.
Andros: dispute territoriale avec Chalcis: Athènes: déchirée entre les factions au VIe
72. siècle: 9; redressement après l'éviction
Antikyra (Phocide): dispute territoriale des Trentes: 9; autel de YHomonoia du
avec Delphes: 77; 144. Thiase au Pirée: 35; 70; 179; bon
Antioche (Syrie): dispute de titres fonctionnement du régime démocratique: 67;
honorifiques avec Laodicée: 76; monnayage: 177; diffusion du culte d'Homonoia: 70;
Concordia: Vespasien: 156. 177; dispute territoriale avec Mytilène:
72; règlement de paix avec Thèbes: 72;
Antioche
d1 Homonoia: de Pisidie-Galatie:
90-92; 98-99;
deuxliens
statues
de Paix de Trente Ans avec Sparte: 72;
parenté avec Lystra et Tavia: 90-92; 98. liens traditionnels avec Smyrne: 80;
Antioche du Kydnos (Tarse) [Cilicie]: monument érigé à Thespies pour la
concorde des Thespiens et des Athéniens:
participe
d' Homonoia aux à célébrations
Antioche du en
Pyrame:
l'honneur
86- 95; ex-voto pour la concorde du peuple
88; 98; liens de parenté avec Antioche athénien et une patrie inconnue: 95;
du Pyrame: 87-88; 98; troubles avec rivalité avec Sparte: 102; aux prises avec
Antioche du Pyrame: 87-88. la défection de nombreuses cités
Antioche du Pyrame (Cilicie): autel, fête et ioniennes: 102; ήγεμών de la concorde des
sacrifices à Homonoia: 86-88; 98-99; Hellènes et de la lutte contre les
181; liens de parenté avec Antioche du barbares: 104; 109; dans la guerre de Chrémo-
Kydnos: 87-88; 98; troubles avec nidès: 107-108; 114; siège du
Antioche du Kydnos: 87-88. Panhellénion et des Panhellenia: 110-111; 127;
Apamée (Myrleia): troubles internes: 65; et l'épithète Πανελλήνιος attribuée à
dispute territoriale (?) avec Pruse: 76; Hadrien: 111; prise par Antigonos
96; 159; relations économiques avec Gonatas en 262/1: 114; et le culte de
Périnthe et autel d'Homonoia: 96-97; YHomonoia des Hellènes à Platées: 118-
relations économiques avec Pruse: 96- 122; 124-127; liens avec Synnada: 120;
97; troubles commerciaux (?) avec liens avec Platées: 126; déclin présumé
Périnthe: 96-97; membre du à l'époque hellénistique: 183; et une
Panhellénion: 110; monnayage: Homonoia: tétrère portant le nom d'Homonoia: 189-
Marc-Aurèle: 65. 190; monnayage: homonoia: 80.
Aphrodisias (Carie): traité d'alliance avec Attaea (Mysie): monnayage: Homonoia:
Kibyra et Tabai et dédicace à Homonoia: Commode: 163.
82-85; 98-99; 177; liens de parenté Attaleia(Pamphylie)monnayage:
avec Tabai et Kibyra: 84; 177; lieu de Homonoia: Caracalla: 165.
INDEX GENERAL: NOMS DE LIEUX ET DE PEUPLES 229
homonoia: 80; Homonoia: Sabine: 160; Artemis Thermia Homonoia par les
de Marc-Aurèle à Gallien: 171. patrons et les employés d'une industrie
Mallos (Cilicie): dispute territoriale (?) du cuir: 39; 69; 188; dispute territoriale
avec Tarse: 77. avec Athènes: 72.
Mantinée: concorde indivisible entre deux
Mantinéens: 133. Nagidos (Cilicie): sacrifices à Homonoia:
Marathon: valeur symbolique dans la lutte 81-82; 99; conflit territorial avec Arsi-
contre les Perses: 107. noé: 81-82; 99.
Marcianopolis (Mésie): monnayage: Nakoleia (Phrygie): sanctuaire et statue
Homonoia: Septime Sévère: 164; Cara- dédiés à la Concorde des villages: 97-
calla: 165; Macrin: 166; Diadumenia- 98; association de villages: 98.
nus: 166; Elagabal: 166; Julia Maesa: Nakoné (Sicile): sacrifice et fête offerts
167; Alexandre Sévère: 167; Gordien ΙΠ annuellement à Homonoia: 22-26; 28;
et Tranquilina: 169. 69-70; 87; 99; 181; 185; troubles
Maronée (Thrace): foedus avec Rome: S3; internes: 22-26; localisation: 22.
monnayage Homonoia : Septime Nicée (Bithynie): discorde interne: 12; 56-
Sévère: 164; 166; Julia Domna: 164; Volu- 59; 68; 159; prière adressée à Homonoia
sien: 170. par Dion Chrysostome: 56-59; troubles
Mégalèpolis: démocratie et concorde: 11. avec Nicomédie: 74-75; 134; 159;
Mégare: membre du Panhellénion: 110; et dispute territoriale avec Dorylaion: 77;
l'épithète Πανελλήνιος attribuée à rapports commerciaux avec Byzance:
Hadrien: 111. 80; monnayage: homonoia: 12; 58;
Mésie inférieure: mon η a y a ge: Homonoia: 80; 93; Homonoia: Lucius Vérus: 65;
et la lutte entre Septime Sévère et Pes- Septime Sévère: 164; Julia Domna: 66;
cennius Niger: 166; en général: 174. Caracalla: 164; Plautilla: 66; 165;
Messembria (Thrace): mon η a y age: Alexandre Sévère: 167; Julia Mamaea
Homonoia: Gordien III et Tranquilina: 169; (?): 167; Maximin: 168; Maxime: 168;
Philippe II: 169. Gordien III: 168; Tranquilina: 169;
Métaponte: statère avec l'effigie Philippe l'Arabe: 169; Otacilia Severa:
d'Homonoia: 8; 13-17; 34; 88; 179; 188; se 169; Philippe Π: 169; Herennius Etrus-
joint (?) à la ligue achéenne (Ve siècle): cus: 170; Hostilianus: 170; Trebonianus
15-16; troubles antipythagoriciens: 15- Gallus: 93; 170; Valerien: 170; Valerien
16; troubles internes (Ve siècle): 15-16; et Gallien: 170; Gallien: 171; Salonine:
67. 171; derrière Alexandrie pour le plus
Méthana: membre du Panhellénion: 110. grand nombre de pièces avec Homonoia:
Méthymna (Lesbos): monnayage: 173.
Homonoia: Géta: 165. Nicomédie: troubles entre la boulé et le
Metropolis (Thessalie): dispute territoriale démos: 12; 58; troubles avec Nicée: 74-
avec Kiéros: 77. 75; 134; 159; temple d'Homonoia (?):
Milet: traité avec Héraclée: 85; membre du 162; 174; monnayage: homonoia: 12;
Panhellénion: 110; et l'épithète 58; Homonoia: Marc-Aurèle et L. Vérus:
Πανελλήνιος attribuée à Hadrien: 111; 162; Faustine Π: 163; Commode: 163;
temple d'Homonoia: 138-141; 178; Julia Domna: 164; Alexandre Sévère:
180; et Aphrodisias: 140. 167; Salonine: 171.
Mopsueste (Cilicie): dédicace d'un autel (et Nicopolis (Mésie inférieure): monnayage:
statue ?) à Homonoia pour la concorde Homonoia: Julia Domna: 164;
avec Anazarbe: 94; 99; rivalité avec Caracalla: 165-166; Diadumenianus: 166;
Anazarbe (?): 94; 99. Elagabal: 167.
Myania: dispute territoriale avec Delphes:
77; 144. Odessos (Pont): monnayage: Homonoia:
Mylasa: prêtre d'Homonoia: 47; 70; Gordien ΙΠ: 168.
troubles internes: 47. Olympie: autel d'Homonoia: 64-65; 70;
Mysie: monnayage: Homonoia: 173. 179; troubles internes: 64; Gorgias et la
Mytilène: décret sur la concorde et concorde des Hellènes: 103; 133.
Homonoia: 19-20; 69; 180; dédicace à une
INDEX GENERAL: NOMS DE LIEUX ET DE PEUPLES 233
Rhodes: troubles internes: 60; fin de sa Sicile: troubles du IVe siècle: 18-19;
domination sur les cités cariennes et inscription de Nakoné: 22-26; inscription
sympolitie à Aphrodisias: 83; membre de Centuripe: 66; autel de Syracuse: 36-
du Panhellénion: 110. 38; popularité du culte d'Homonoia: 70;
Romains: massacrés à Tralles dans un 179; et le culte de la Concordia Augusta:
temple d'Homonoia: 45; tensions entre 146; monnayage: Homonoia: 34.
Grecs et Romains en Asie: 45. Sidè (Pamphylie): et la concorde entre deux
Rome: foedus avec Callatis: 52-53; foedus groupes de travailleurs de la
avec Astypalée: 52; foedus avec boulangerie: 39; dispute frontalière avec Pergè:
Héraclée du Pont: 52; foedus avec 79; monnayage: homonoia: 79.
Maronée: 53; intervention dans les Sidon (Phénicie): dispute territoriale avec
affaires des cités grecques: 59-61; 143- Damas: 77.
145; statue de Concordia transférée à la Siphae (Béotie): concorde ancestrale avec
curie: 62; ambassades juives j£gosthènes: 73.
d'Alexandrie auprès de Trajan: 64; troubles Skepsis (Troade): monnayage:
internes: 68; 145; temples de la Concorde: Homonoia: Septime Sévère: 164.
Camille: 68; Opimius: 52; 68; Cnéus Smyrne: démocratie et concorde: 12;
Flavius: 68; dédié par Livie à Auguste: mésentente possible avec Cyzique et
139; 146; dédié par Tibère: 146; rôle de Ephèse: 56; troubles internes: 12; 66;
premier plan dans l'alliance entre dispute de titres honorifiques avec
Aphrodisias, Kibyra et Tabai: 84; 99; Ephèse et Pergame: 75; 79; 109; dispute
ή γερών de la concorde des Hellènes et territoriale (?) avec Ephèse: 77; et
de la lutte contre les barbares: 110-111; concours sacrés axés sur le thème de la
et le Panhellénion: 110-111; garante de concorde: 79; rapports politiques avec
la paix et de l'ordre mondial: 1 10; fête de Magnésie du Sipyle et Rome: 80; liens
la concorde appelée Char ist ia: 135; traditionnels avec Athènes: 80;
autel de la Concordia Augusta: 146; monnayage: homonoia: 79-80; 92;
concorde interne et extension de la Homonoia: Néron (?): 156; Domitien: 157;
concorde à l'ensemble de l'Empire: 147; Antonins: 163; Septime Sévère: 164;
rôle des femmes dans les affaires de Julia Domna: 66; 92; Gordien ΠΙ: 169.
l'Etat: 150; dans une inscription de Soloi (Cilicie): dispute de titres
Pergè: 158; liens avec Ephèse: 154- honorifiques (?) avec Tarse: 77.
155; monnayage: homonoia: 80; Sparte: dispute territoriale avec Argos: 72;
Concordia: 156-165. Paix de Trente Ans avec Athènes: 72;
rivalité avec Athènes: 102; reçoit dans
Sagalassos (Pisidie): mésentente entre la son camp de nombreuses cités
boulé et le démos: 58; dispute ioniennes: 103; ηγεμών de la concorde des
territoriale avec Tymbrianessos: 77; Hellènes et de la lutte contre les
monnayage: homonoia: 58. barbares: 104; dans la guerre de Chrémonidès:
Salamine: valeur symbolique dans la lutte 107-108; 115; membre du
contre les Perses: 102; 107. Panhellénion: 110; dédicace concernant Tibérius
Samos: décret pour juges étrangers: 11; Claudius Attalos Andragathos: 119-120;
dispute territoriale avec Priène: 72. 125; liens avec Synnada: 119-120;
Sardes (Lydie): concours sacrés axés sur le monnayage: homonoia: 79
thème de la concorde: 79; membre du Stratonicée (Carie): monnayage:
Panhellénion: 110; monnayage: Homonoia: Septime Sévère: 164; Gallien:
homonoia: 79. 171.
Sébastè (Lydie): dispute frontalière avec Synnada (Phrygie): membre du
Téménothyrai: 79; monnayage: Panhellénion: 110; liens avec Sparte et Athènes:
homonoia: 79. 120; admission au Panhellénion: 120;
Ségeste (Sicile): 18-19; rétablissement de dédicace: 120. Voir Tibérius Claudius
la concorde à Nakoné: 24-26. Attalos Andragathos.
Sélinonte (Sicile): 23. Syracuse: troubles sous le règne du tyran
Serdica (Thrace): monnayage: Hiéronymos: 37-38; 68; autel d'Homo-
Homonoia: Géta: 165.
INDEX GENERAL: NOMS DE LIEUX ET DE PEUPLES 235
noia sur l'agora: 36-38; 47; 68-69; dans Thisbé (Béotie): dispute territoriale avec
l'oeuvre de Chariten: 138-139. Coronée: 77; 144.
Syrie: troubles entre cités: 76. Thourioi: troubles internes (Ve siècle): 16.
Syros: décret pour juges étrangers: 1 1 . Thrace:mon η a y a ge: homonoia : 7 8;
Homonoia: et la lutte entre Septime Sévère et
Tabai (Carie): traité d'alliance avec Kibyra Pescennius Niger: 166; en général: 173.
et Aphrodisias et dédicace à Homonoia: Thugga: liens entre Vénus et la Concorde:
82-85; 98-99; 177; liens de parenté 69.
avec Kibyra et Aphrodisias: 84; 177; Thyatire (Lydie): membre du Panhellénion:
monnayage: Homonoia: 44; 48; 172. 110; querelle territoriale avec Hiérocésa-
Tarraco (Espagne): prêtresses de la Con- rée: 145; mannay Bfp-.Homonoia:
cordia Augusta: 152. Alexandre Sévère: 167.
Tarse (Cilicie): discorde interne: 12; Thynie (île de la mer Noire): sanctuaire
mésentente entre la boule, le démos et la d'Homonoia: 28-34; 68; 70; troubles
gérousia: 58; dispute territoriale (?) avec internes: 32-34; 68.
Aigeai et Mallos: 77; dispute de titres Thyssanonte (Pérée rhodienne): dédicace à
honorifiques (?) avec Soloi et Adana: Dométia Déesse Auguste (Thea Sébasta)
77; dispute territoriale (?) avec Ana- Homonoia: 48; 150; 175.
zarbe: 77. Tios (Bithynie): mésentente entre la boulé
Tavia (Galatie): don d'une statue d'Homo- et le démos: 58; autel d'Homonoia (?):
noia à Antioche de Pisidie-Galatie: 80- 58; monnayage:/iomonoia: 58;
92; liens de parenté avec Antioche de Homonoia: Alexandre Sévère: 167.
Pisidie-Galatie: 91. Tlos (Lycie): concorde durable avec sa
Téménothyrai (Lydie): dispute frontalière parente Xanthos: 73.
avec Sébastè: 79; monnayage: Tomis (Pont): monnayage: Homonoia:
homonoia: 79. Philippe l'Arabe: 169.
Thèbes: règlement de paix avec Athènes: Traianopolis (Thrace): mon η a y a ge:
72; dédicace à L. Egnatius Victor Lol- Homonoia: Faustine II: 163; Septime Sévère:
lianus auprès de Zeus Eleuthérios et de 164; Julia Domna: 164; Caracalla: 165.
X Homonoia des Hellènes: 122-123. Tralles (Lydie): massacre de Romains (88
Théra: autel d'Homonoia dédié par Artémi- av. J.-C) dans le temple d'Homonoia:
dôros de Pergè: 27-28; 70; troubles 45; 70; membre du Panhellénion: 110;
internes: 28. monnayage: Homonoia: 44; 172;
Thespies: monument érigé pour la Antonin le Pieux: 161; Maximin: 168.
concorde des Thespiens et des Athéniens: Troade: monnayage: Homonoia: 173.
95; 99; famille de Titus Flavius Phi- Tymbrianessos (Pisidie): dispute
linus: 124. territoriale avec Coronée: 77.
Thessalonique: statue dédiée à une Tyr (Phénicie): dispute de titres
Aphrodite Homonoia: 39; 69; 188; dispute de honorifiques avec Bérytos: 76.
titres honorifiques avec Béroia: 76; Xanthos (Lycie): concorde durable avec sa
concorde avec Rome: 88-89; membre du parente Tlos: 73.
Panhellénion: 110; monnayage:
Homonoia: 88.
4. Notions diverses
Abolition des dettes: voir: Χρεών άπο— Adônios: mois nakonien et sacrifices
κοπή. offerts aux Ancêtres et à Homonoia: 24;
Abstraction: voir Personnification. 26; mois iasien: 24.
Άδελφοθετία: acte de fraternisation à Agora: temple et autel d'Homonoia sur
Nakoné: 23-26. l'agora de Kymè: 46-4347 70; autel
'Αδελφοί αιρετοί: "frères d'élection" à d'Homonoia situé sur l'agora de
Nakoné: 24. Syracuse: 36; 68; 70.
'Αδελφότης: esprit de fraternité: 75; 85. Aitia: chez Apollonios de Rhodes: 29.
236 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Alalcoménios: mois béotien et sacrifice Char ist ia: fête romaine et concorde dans la
funéraire en l'honneur des héros morts à famille: 135. Voir Car a Cognatio.
Platées en 479: 116. Chèvre: sacrifice d'une chèvre blanche à
Alliances: alliances politiques, Nakonè lors de Yadelphothétia: 24.
commerciales et culturelles dans le monnayage Concordia: dénomination de vaisseau: 190.
d'homonoia: 78-79; traité d'alliance Concours sacrés: axés sur le thème de la
entre Aphrodisias, Kibyra et Tabai et concorde: 79.
dédicace à Homonoia: 83-85. Conseil (voir aussi boulé): voeux à
Ambassades: chargées de négociations sur Homonoia à Mytilène: 20.
la concorde entre les cités: 74. Conseil de l'Aréopage (à Athènes): et un
Arbiter civilis discordiae: à Héraclée: 33. prêtre de Y Homonoia des Hellènes: 120.
Arbitrage international: dans les conflits Conseil hellénique: réunion annuelle à
entre cités: 71-72; 80; 177. Platées et sacrifice à Zeus Eleuthérios: 112;
Archontat: occupé à Athènes par des 114; 117.
prêtres de Y Homonoia des Hellènes et de Coquelicots: avec Homonoia sur des
Zeus Eleuthérios à Platées: 120-122; monnaies: 63.
124-126. Corne d'abondance: attribut d' Homonoia:
Assemblée: sur la concorde dans le théâtre 34; 44-45; 48; 63; 65; 92-93; 157-167;
de Dionysos à Athènes: 7; en désaccord 172; de Concordia: 148; 156.
avec la boulé: 12; 58-59; délibération Corrector de l'Achaïe: L. Egnatius Victor
dans un esprit de concorde: 62; 69; 155; Lollianus: 122-123; sur le sens du mot:
et l'harmonie familiale: 134; 136. 123.
Autel: Apollon Matinal sur l'île de Thynie:
29; 31; sur le monnayage en général: Décret: sur la concorde: 10; 70.
58; 78; 92-93; 157-159; 161; 163-164; Dédicace: voir Homonoia.
167; 172-173; 184. Voir Homonoia et Dèmes: querelle entre les dèmes de Cos:
Concordia. 49-51; 68.
Démocrates: conflits avec les oligarques:
Bague: bague de mariage évoquant la 7; 12; 32-34 (Héraclée); 36-38; 68
concorde entre les fiancés: 135. (Syracuse); 39-42 (Iasos); 41 (Phocée);
Barbares: concorde des Hellènes face aux 51-54.
barbares: 101-107; 109; 177. Dèmocratia: dénomination de vaisseau:
Basileia: concours institués à Lébadée sur 189-190.
l'ordre de Trophônios: 129. Voir Tro- Démocratie: source de conflits: 5; et
phoneia. concorde: 7-11; 183; troubles à Mytilène
Basileia-Trophoneia: voir Basileia et (IVe siècle): 20; 68; troubles à Cos (IVe
Trophoneia. siècle): 21; troubles à Héraclée (IVe
Boulé des Cinq cents (Athènes): et un siècle) 32-34; troubles à Iasos (IIe
prêtre de X Homonoia des Hellènes: 120. siècle): 40-41.
Boulé: en désaccord avec l'assemblée: 12; Démos (voir aussi Peuple): sur des
58-59; sur des monnaies de Nicomédie et monnaies de Nicée et de Nicomédie: 12; en
de Nicée: 12. désaccord avec la boulé: 58.
Bouleutèrion: autel d' Homonoia à Dettes: source de conflits: 10-11; conflits
Syracuse: 36; discours sur la concorde d'Ae- à Héraclée: 32; troubles en Asie: 45.
lius Aristide à Pergame: 75. Diaphora: différend, désaccord: à Nakoné:
Brebis: à Isthmos (Cos), sacrifice à 25.
Homonoia: 21. Voir mouton. Δικωμία: association de villages en
Phrygie: 98.
Calendrier: et sacrifices à Homonoia:
Isthmos (Cos): 21; 69; 181; Nakoné (?): 26; Εικών: sens du mot: 61.
70; Erythrées: 26; 44; 70; 181; Antio- Eleuthéria de Platées: épreuve de la course:
che du Pyrame (?): 87; en général: 184. 116; liste de vainqueurs: 125;
Cara Cognât io: fête romaine et concorde organisées par le κοινόν συνέδριον των
dans la famille: 135. Voir Charistia. Έλλ τίνων: 125; imitées par les Panhel-
lénia: 127.
INDEX GENERAL: NOTIONS DIVERSES 237
Image: d'Homonoia à Ephèse: 61-62; 69; Mariage: concorde dans le mariage: 133-
153-155; sur le sens du mot, voir 135; 139. Voir bague.
Είκών; en général: 185. Voir Portrait. Mère: concorde de la mère avec son fils:
Impératrices: effigie sur le monnayage 131.
d'homonoia: 78; assimilées à la Monnaies d'homonoia: désignées à tort
Concorde: 148-150; 163; 175. sous le titre ^"alliance-coins": 79; 91;
Isopolitie: voir traités d'isopolitie. représentations: 78-79; 92-93; motifs à
l'origine de ce monnayage: 78-80; 92-
Juges étrangers: décrets: 11; 70; juges de 93; 98.
Priène honorés à Iasos (IIe siècle): 42; Mouton: Isthmos (Cos), sacrifice à Homo-
honorés à Mylasa: 47. noia: 21. Voir brebis.
Koinè eirènè: correspond à une recherche Néocorie: source de conflits entre cités: 75;
de concorde générale: 106. dans le monnayage d'homonoia: 79.
Koivôv συνέδριον των 'Ελλήνων: Nomomphylaques: et une statue
125. Voir conseil hellénique. d'Homonoia à Cyrène: 55; concorde entre les
nomophylaques: 55; 68.
Légendes monétaires: Νόος: esprit, pensée, raison: 2.
Numen: puissance agissante: 187.
CONCORDIA: 88; 91; 156; 158; 160.
CONCORDIA AUG: concorde de Oligarques: conflits avec les démocrates:
l'empereur ou concorde impériale: 160. 7; 12; 32-34 (Héraclée); 36-38
CONCORDIA AUGG: concorde des (Syracuse); 39-42 (Iasos); 41 (Phocée); 51-54
Augustes: 164; 171. (Callatis).
CONCORDIA AUGUSTA concorde Ομοθυμαδόν: unanimement: 7.
impériale: 147; 156-157; 160; disparition: Όμός: semblable, pareil: 2.
160; 174. Panhellénia (Panhellénies): fête annuelle
CONCORDIA AUGUSTI: concorde de fondée par Hadrien et liée au Panhel-
l'empereur: 147; 156; 158. lénion: 111; 126-127.
CONCORDIA AUGUSTORUM: concorde Panhellénion: conseil fondé par Hadrien:
des empereurs ou des membres de la 110-111; 120-121; 126-127.
famille impériale: 147; 151; 174. Panhellénisme: conception moderne: 101;
CONCORDIA EXERCITUUM: concorde durant la guerre de Corinthe: 103.
des armées ou des soldats: 147; 160. Partage des terres: voir Γης αναδασμός.
CONCORDIA MILITUM: concorde des Patère: attribut de Concordia: 148.
armées ou des soldats: 147. Pax Romana: assure un calme relatif entre
CONCORDIA PRAETORIANORUM: citoyens: 70; 143-144; 180; et la
concorde des prétoriens: 156. concorde des Hellènes: 108; 112; 130; 178;
CONCORDIA PROVINCIARUM: et la gratitude des cités envers
concorde des provinces: 147; 156. l'empereur: 144; rôle de médiateur de
ΕΙΡΗΝΗ ΚΑΙ ΟΜΟΝΟΙΑ: 63. l'empereur dans les conflits: 144.
ΟΜΟΝΟΙΑ: 12; 15; 17; 34; 58; 61; 63; Père: concorde du père avec son fils: 131.
78; 80; 88; 91; 92-93; 156-157; 159- Personnification: références: 1;
162; 165-167; 173; 188. apparition: 182-183; caractère politique et
ΟΜΟΝΟΙΑ ΑΥΤΟΚΡΑΤΟΡΩΝ: religieux: 184-188; pour les
concorde des empereurs: 161. dénominations de vaisseaux: 189-190.
ΟΜΟΝΟΙΑ ΠΟΑΕΟΣ: 63. Peuple: voeux à Homonoia à Mytilène: 20;
ΟΜΟΝΟΙΑ ΣΕΒΑΣΤΗ: 157-159; dédicace au côté d'Homonoia à Iasos: 40;
disparition: 160; 173-174. dédicace à Kition: 4849. Voir Démos.
ΟΜΟΝΟΙΑ ΣΕΒΑΣΤΩΝ: concorde des Phiale: attribut d'Homonoia: 44-45; 48;
empereurs: 161; 174. 156-164; 170; 172.
ΣΥΜΜΑΧΙΚΟΝ: 19. Philocésar: à Halasarna: 149; Tibérius
Claudius Kyreina Apollonios Elaibabès
Mari: concorde entre le mari et son épouse: de Pergè: 152.
132. Phylarque: de la concorde à Gérasa: 11.
INDEX GENERAL: NOTIONS DIVERSES 239
Avant-propos I
Introduction 1
Chapitre I: Le culte d'Homonoia et la concorde dans la cité S
1. Le thème de Γόμόνοια et la concorde dans la cité 6
2. Le culte d'Homonoia et la concorde dans la cité 13
Métaponte 13
Kimissa 17
Mytilène 19
Isthmos (Cos) 21
Nakoné 22
Théra 27
IledeThynie 28
Panormos 34
Pirée (Athènes) 35
Syracuse 36
Cos 38
Iasos 39
Cos 42
Erythrées 44
Traites, Blaundos et Tabai 44
Kymè 45
Hydai, Mylasa et Priène 47
Kasara 47
Panormos, Entella et Tabai 48
Kition 48
Cos (Isthmos et Calymna) 49
Callatis 51
Cyrène 54
Dorylaion 55
Cyzique 56
Nicée : 56
Ephèse 61
Orchomène 62
Alexandrie 63
Olympie 64
Nicée et Apamée 65
Pergame 65
Centuripe 66
Nicée, Smyrne et Patara 66
Epidaure 67
Bargylia 67
3. Conclusion 67
242 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES
Appendice 1 189
Appendice II 191
Abréviations 193
Bibliographie 199
Cartes
1. Répartition géographique du monnayage impérial à l'effigie d'Homonoia.
2. Répartition géographique du culte d'Homonoia.
Planches
I. Homonoia et le mythe d'Andromède (Peintre de Darius).
244 LE CULTE ΌΉΟΜΟΝΟΙΑ DANS LES CITES GRECQUES