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Extrait analysée : Hibike !

Euphonium, Saison 1 Episode 12, 13:25 à 18:05

L’extrait est composé de trois temps : premièrement, la répétition à l’orchestre, puis la sortie du club,
et enfin la séquence du pont, où retentit le flashback du concert de fin de collège, l’une des premières
séquences de la série montrée dès l’épisode 1.

La séquence se passe durant la dernière ligne droite vers les concours régionaux des orchestres, et où
chaque musicien de l’orchestre s’est dit prêt à accomplir l’impossible afin de remporter la victoire lors
du concours. Kumiko, le personnage principal, joue le jeu et on a pu la voir ainsi s’entraîner plusieurs
fois avant cette séquence, n’étant jamais assez bonne aux yeux du chef d’orchestre. Pourtant, malgré
ses efforts, elle ne parviendra à porter les satisfactions du chef d’orchestre. On peut alors observer la
longue montée en tension de la séquence de la répétion : d’abord, une première série de remarques
sont suivies du départ d’un deuxième extrait à répéter. Alors, s’enchaînent deux séries de remarques
filmées de la même manière : une remarque aux trompettes, suivies d’une acceptation, puis une
remarque aux cors, elle aussi acceptée. Ces deux remarques sont cadrées de la même manière. Puis
vient la troisième remarque, demandant à l’euphoniste Tanaka de jouer seule la séquence. Par la
succession rapide de plans-réaction de différents personnage, l’enjeu du dialogue est alors donné au
spectateur, qui comprend rapidement les conséquences de la décision du chef d’orchestre. S’ensuit
alors le panoramique sur le visage de Kumiko et surtout ses yeux, premier élément d’expression dans
l’animation japonaise. Ici, c’est le très distinctif tremblement de l’iris qui crée la sensation du trouble
chez Kumiko.

La voix-off, caractéristique des productions de Kyoto-Animation, prend alors le relais pour exprimer le
ressenti de Kumiko. Le visage s’est assombri, certes d’une manière peu réaliste, cependant efficace
pour exprimer la descente de cette jeune fille s’étant entraîné si dure et dont on coupe l’unique moyen
d’expression au sein de l’orchestre. « Nous devions absolument gagner le concours du Kansai » sonne
alors comme une forme d’auto-persuasion de la part du personage, pourtant rapidement comparé au
plan suivant par un papillon (symbole de vie, éclairé par le soleil) emprisonné par la toile d’araignée.

Le deuxième temps de l’extrait est marqué par le silence de Kumiko, et est plus une sorte d’entracte
entre la séquence de la répétition et celle du pont. Elle est une tentative échouée de ses amies pour
essayer de la réconforter. La réponse se doit de venir d’elle-même, ce qu’exprimera la séquence
suivante.

C’est donc la frustration que ressent avant tout Kumiko en commençant à courir et à répéter par la
pensée et en voix-off « je veux m’améliorer », en utilisant donc ses jambes (chez Naoko Yamada, la
réalisatrice de la série, les jambes expriment très souvent ce que le reste du corps préfère cacher – ici
par un sourire), puis, n’en pouvant plus par la voix. C’est donc ici l’expression de son soi profond qui
vient alors éclore, crié depuis le pont. Si la séquence tourne à la comédie lorsque le tromboniste finit
aussi par crier, elle permet néanmoins d’enlever le poids de la solitude à Kumiko : elle n’est pas la seule
à le ressentir. Et c’est en se souvenant des mots de Reina, alors qu’elle venait de prononcer les mêmes
mots, que sa solitude disparaît complétement : en comprenant Reina, elle se comprend elle-même,
parce qu’elle passe par le même chemin que la trompettiste avait tracé avant elle.

Cette séquence est fondamentale dans le parcours de Kumiko tout au long de la série : si elle
commence assez passive et détachée (ce que lui font remarquer ses camarades), plus vraiment
motivée pour la musique, la première saison de la série est un apprentissage de la passion, où Kumiko
apprendra à aimer la musique et aimer l’euphonium, ce qu’elle dira à sa sœur dans la séquence
suivante.
C’est cette idée d’expression de son soi profond qui est assez intéressante, et dont on trouve des échos
dans l’ensemble du corpus. Ainsi, dans la série Monogatari (Shaft, 2009-2017), le personnage mentor
d’Oshino Meme a pour phrase clef « Toi seul peut te sauver », dont l’idée serait que la réalisation
fondamentale de ses problèmes ne pourrait être résolue que par soi-même.

Cette idée est très présente dans le manga shojo, comme l’idée que c’est cette réalisation de son soi
profond qui conduit à une métamorphose interne du personnage, comme il est ici le cas de Kumiko. Si
son origine peut être conduit jusqu’à Osamu Tezuka, qui était fasciné par les transformations de
chrysalide en papillon, elle traverse toute la narration du manga et de l’animation, qu’elle soit interne
(plus souvent dans le cas du shojo, pour jeunes filles) ou externe (plus souvent dans le cas du shonen,
pour jeunes garçons). Elle est une thématique courante de ce genre de récit, car féconde dans l’idée
du récit d’initiation. Si elle est parfois parasitée ou déformée (comme dans certains cas de
Monogatari), elle est un élément narratif distinct de l’animation japonaise.

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