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 PREMIER DEVOIR DU PREMIER SEMESTRE

T.C.B
ANNEE SCOLAIRE : 2022-2023
DEPARTEMENT : PERIODE DU 28 NOVEMBRE AU 02 DECEMBRE 2022
MONO  : Tle ABCD
CEG1 AGAME
BP : 219 EPREUVE : Français
: 4H

SITUATION D’EVALUATION
Ton continent, l’Afrique, a connu deux faits majeurs profondément douloureux : l’esclavage
et la colonisation. Si tu as entendu parler de ces deux évènements marquants, tu es plus ou moins
informé (e) par contre sur les productions littéraires qui ont mis en relief le traitement dégradant et
inhumain dont tes ancêtres ont été victimes. Le corpus suivant te présente trois textes avec des scènes
évoquant la douleur et la déshumanisation du peuple noir au cours de la colonisation. Tu es invité(e)
à les lire attentivement et à répondre aux questions qui te sont posées.

m
Corpus de textes

s.co
Texte 1 : Aimé CESAIRE, Discours sur le colonialisme.
Texte 2 : Ferdinand OYONO, Une vie de boy
Texte 3 : Olympe Bhêly QUENUM, Un piège sans fin.

Texte 1 :

uve
Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la
police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la
suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. Aucun contact humain, mais des
rapports de domination et de soumission qui transforment l’homme colonisateur en pion, en adjudant,
pre
en garde-chiourme, en chicote, et l’homme indigène en instrument de production.
A mon tour de poser une équation : colonisation = chosification. J’entends la tempête. On me parle
de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes.
Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres
e

confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires


des

possibilités supprimées. On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes,
de canaux, de chemins de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan, Je parle
de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de
millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse,
que

à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe


d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. On m’en donne plein la
vue de tonnage de coton ou de cacao exportés, d’hectares d’oliviers ou de vignes plantés. Moi, je
parle d’économies naturelles, d’économies harmonieuses et viables, d’économies à la mesure de
l’homme indigène désorganisées, de cultures vivrières détruites, de sous-alimentation installée, de
ban

développement agricole orienté selon le seul bénéfice des métropoles, de rafles de produits, de rafles
de matières premières. On se targue d’abus supprimés. Moi aussi, je parle d’abus, mais pour dire
qu’aux anciens très réels on en a superposé d’autres très détestables. On me parle de tyrans locaux
mis à la raison; mais je constate qu’en général ils font très bon ménage avec les nouveaux et que, de
ceux-ci aux anciens et vice-versa, il s’est établi, au détriment des peuples, un circuit de bons services
et de complicité. On me parle de civilisation, je parle de prolétarisation et de mystification.
Pour ma part, je fais l’apologie systématique des civilisations para-européennes.
Chaque jour qui passe, chaque déni de justice, chaque matraquage policier, chaque réclamation
ouvrière noyée dans le sang, chaque scandale étouffé, chaque expédition punitive, chaque car de
C.R.S., chaque policier et chaque milicien nous fait sentir le prix de nos vieilles sociétés. C’étaient
des sociétés communautaires, jamais de tous pour quelques-uns. C’étaient des sociétés pas seulement
1
anté-capitalistes, comme on l’a dit, mais aussi anti- capitalistes. C’étaient des sociétés démocratiques,
toujours. C’étaient des sociétés coopératives, des sociétés fraternelles. Je fais l’apologie systématique
des sociétés détruites par l’impérialisme.
Elles étaient le fait, elles n’avaient aucune prétention à être l’idée, elles n’étaient, malgré leurs défauts,
ni haïssables, ni condamnables. Elles se contentaient d’être. Devant elles n’avaient de sens, ni le mot
échec, ni le mot avatar. Elles réservaient, intact, l’espoir.
Au lieu que ce soient les seuls mots que l’on puisse, en toute honnêteté, appliquer aux entreprises
européennes hors d’Europe. Ma seule consolation est que les colonisations passent, que les nations
ne sommeillent qu’un temps et que les peuples demeurent.
Cela dit, il paraît que, dans certains milieux, l’on a feint de découvrir en moi un « ennemi de l’Europe
» et un prophète du retour au passé anté- européen.

Aimé CESAIRE, Discours sur le colonialisme.

m
Texte 2 :

s.co
« Alors, Bakari, tu as voulu tuer Tiba ? » Mon père ne répondit pas.
« Alors, répond ! Tu réponds ? Tu voulais le tuer, imbécile ! Sale nègre ! Tu voulais le tuer, hein ? »
criait-il en battant mon père sous mes yeux déjà inondés et aveuglés de larmes.
Et il l’a battu, battu mais battu comme je n’ai jamais vu battre un homme. Mais mon père ne bougea
pas ; le commandant était hors d’haleine de l’avoir cravaché, suait, s’épongeait le visage avec son
mouchoir, remontait son pantalon.
« Montre-moi ton poignard ! » uve
A ces mots, je me mis à trembler davantage. De peur que Bakari ne refusât encore d’obéir, ce qui eût
fait pleuvoir d’autres coups de cravache sur sa tête déjà couverte de blessures, mais il s’exécuta et je
pre
me sentis calmé. Mais ce fut pour un instant bien court.
« Tue-le maintenant, tue Tiba, entends-tu ? Vas-y donc, maudit riche, imbécile, lâche ! »
La cravache siffla encore ; les oreilles de mon père recommencèrent de ruisseler de sang. Pour la
première fois depuis l’épizootie cholérique et les ravages des criquets, mais aussi pour la dernière fois
e

je vis les larmes couler des yeux de mon père. Il regardait la dague ; je m’approchai du chantier.
des

« Va, Ahouna, ta place n’est pas ici », dit-il en sanglotant.


Incapable de continuer de pleurer en silence, j’éclatai en poussant des cris de douleur ; l’attention des
gens fut tournée vers moi. [..] Soudain, je vis mon père lever sa dague ; je criai en le montrant du
doigt, mais avant qu’on eût le temps de voir ce qui se passait, les jeux étaient faits !
que

Mon père avait déjà plongé la dague dans son cœur.

Olympe Bhêly Quenum, Un piège sans fin, Pp 57-58.

Texte 3 :
ban

Donne-lui vingt-cinq coups de chicotte, dit Gosier d’Oiseau au garde quand nous fûmes revenus au
camp des gardes.
Je m’étendis à plat ventre devant le garde. Gosier d’Oiseau lui tendit le nerf d’hippopotame qu’il ne
quitte jamais. Le garde le fit siffler vingt-cinq fois sur mes fesses. Au début, je ne voulais pas crier. Il
ne fallait pas que je crie. Je serrais les dents tout en m’efforçant de penser à autre chose. L’image de
Kalisa se présenta devant mes yeux. Celle de madame lui succéda, puis celle de mon père… Tous les
événements de la journée défilaient devant mes yeux…
Derrière mon dos, Mendin s’essoufflait.
- Crie, bon Dieu ! Mais crie donc ! gueulait-il dans notre langue. Ils ne me diront jamais d’arrêter tant
que tu ne crieras pas…
- Le garde compta vingt-cinq puis se retourna vers les Blancs.

2
- Passe-moi la chicotte, dit Gosier d’Oiseau.
Il fit siffler le nerf d’hippopotame sur le dos du garde qui poussa un barrissement de douleur.
- Là ! c’est comme ça qu’il faut frapper ! Recommence !
Mendin retroussa les manches de sa veste kaki, les lèvres tordues de douleurs.
- Crie ! Crie donc ! pleurait-il en s’acharnant sur moi, as-tu de la merde dans les oreilles ?
- Ta gueule ! lui cria l’amant de Sophie en me décrochant un coup de pied sous le menton. Stop !
Stop… Stop ! ajouta-t-il.
Mendin s’arrêta.
Demain, rien à manger… compris ? dit Gosier d’Oiseau en me retournant du pied.
Tu me l’amèneras au bureau après-demain. Chicotte toute la journée… compris ?
- Oui, chef, dit le garde.
Les Blancs s’en allèrent.

m
Ferdinand OYONO, Une vie de boy.

s.co
Consignes
I / Questions sur la compétence de lecture
1 - A l’aide de courts extraits tirés des textes 2 et 3, montre qu’ils constituent une illustration de la
maltraitance de l’homme noir au cours de la colonisation évoquée dans le texte 1 (2 pts)
2 – Après avoir indiqué le genre littéraire auquel appartient chacun des ouvrages d’où les textes sont
uve
extraits, tu indiques la tonalité dominante de chaque texte. (2pts)

II/ Travaux d’écriture (16 pts)


pre
Sujet 1 : Contraction de texte
1- Dis la figure de style mis en exergue dans le paragraphe N°2 à travers la répétition du pronom
personnel "moi ".
2- Dégage la structure du texte et donne un titre à chaque partie. (2pts)
e
des

3- Résumé : (5pts)
Ce texte comporte 579 mots environ. Résume-le au quart de son volume. Une marge de 10% en plus
ou en moins est tolérée. Tu indiqueras à la fin de ton résumé le nombre de mots utilisés. (5pts)
4- Discussion (7pts)
que

Dans le texte 1, Aimé CESAIRE considère la colonisation comme une chosification, un processus de
deshumanisation de l’Homme noir.
A travers une dissertation bien structurée, justifie et illustre ce point de vue en montrant, exemples à
l’appui, que bien qu’ils soient indépendants, les pays africains continuent d’être exploités.
ban

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