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Proposition

de lecture linéaire


De l’Esprit des lois, De l’esclavage des nègres, Montesquieu, 1748


INTRODUCTION : Philosophe des Lumières, Montesquieu a écrit en 1748 De l’Esprit des
lois, ouvrage monumental, aboutissement d’une longue maturation. Il est conduit
logiquement à étudier les relations entre les lois théoriques et les conditions réelles et
infiniment variables dans leur application. Il en résulte de généreuses prises de position
contre l’intolérance, le fanatisme et l’injustice. C’est dans cet esprit qu’est rédigé l’extrait
« De l’esclavage des nègres » qui dénonce cette pratique.

! Lecture de l’extrait

! Problématique : En quoi la dénonciation de Montesquieu de l’esclavage est-elle
paradoxale ?

! Annonce de la démarche

! Construction de l’extrait : il est composé de 9§.

" 1er mouvement : Introduction à l’argumentation « Si j’avais (…) je dirais ».
" 2ème mouvement : Argumentation « Les peuples (…) chrétiens ».
" 3ème mouvement : Conclusion et dénonciation « De petits esprits (…) de la
pitié ? »

" 1er mouvement
L’auteur parle en son nom en employant le pronom personnel « je » ainsi que celui à la
forme élidée « j’ ».
On a l’impression d’un plaidoyer en faveur de l’esclavage « soutenir le droit ».
Le présentatif « voici » annonce plusieurs arguments à venir.
« Le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves », on a l’impression que
l’esclavage est légitime.
Une hypothèse « si » précède le plaidoyer = valeur d’irréel du présent qui est accentuée
avec l’utilisation du conditionnel présent « je dirais ».
Cette phrase est la manière que l’auteur utilise pour formuler se thèse, qui n’est guère
catégorique.

! Nous avons donc une argumentation hypothétique donc faussée, il ne faut donc
pas prendre cette phrase au 1er degré.


" 2ème mouvement
# 2ème § : argument d’ordre historique
La phrase d’introduction annonçait l’étude d’un droit, or, ce premier argument évoque
une nécessité impérative de remplacer la main d’œuvre amérindienne par les noirs « ils
ont dû ». Cette main d’œuvre est nécessaire pour « défricher tant de terres ».

Rapport cause « ayant exterminé » / conséquence « ils ont dû ». Il justifie un crime contre
l’humanité par un autre crime tout aussi monstrueux.

L’emploi des termes sans nuances condamne l’inhumanité de l’esclavage « exterminé,
s’en servir » (comme pour des objets et non pour des personnes).

# 3ème § : argument d’ordre économique
L’esclavage est justifié par un avantage concédé aux Européens = baisse du prix du
sucre.
Nouveau rapport cause / conséquence sur le mode hypothétique « si ».

Nous avons un syllogisme incomplet et surtout choquant :
- Si l’on payait des ouvriers, le sucre reviendrait cher ;
- Or, les Européens veulent avoir du sucre bon marché ;
- Donc il faut utiliser des esclaves … que l’on ne paie pas.

! Faut-il asservir tout un peuple pour satisfaire la gourmandise de quelques
privilégiés ?

# 4ème § : argument d’ordre anthropologique
Rapport cause / conséquence entre la couleur de la peau, la forme du nez et le fait de ne
pas avoir le droit à la pitié « presque impossible de les plaindre ».
Il n’y a pourtant aucun rapport entre le physique et le sentiment.
Cet argument valorise surtout l’insensibilité des esclavagistes.

# 5ème § : argument d’ordre théologique
Argument d’autorité : appel à la sagesse de Dieu.
Contradiction entre la sagesse de Dieu et le fait que les Noirs aient une âme, car la
couleur sombre de la peau empêcherait d’être bon ou même d’être un homme ! « ait mis
une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir ».

! Détournement de la religion pour se donner bonne conscience.

Utilisation de la négation qui donne une apparence de certitude « on ne peut se mettre
dans l’esprit ».

! Manque d’ouverture des esclavagistes.
# 6ème § : argument d’ordre ethnologique
Référence culturelle avec l’utilisation d’un vocabulaire laudatif « les meilleurs
philosophes du monde » pour qualifier les Egyptiens alors qu’en réalité ce sont les Grecs,
l’argument est donc largement contestable.
La double analogie Egyptiens / Européens et hommes noirs / roux renforce le caractère
irrationnel et arbitraire de ces pratiques dont on ne saisit pas l’intérêt.

Nouveau syllogisme :
- Les Egyptiens étaient les meilleurs philosophes ;
- Or, ils tuaient les hommes roux ;
- Donc, pourquoi ne tuerions-nous pas les hommes noirs ?

# 7ème § : argument d’ordre culturel
Nous avons une nouvelle fois un syllogisme :
- Les nations policées font beaucoup de cas de l’or ;
- Or, les nègres ne font pas de cas de l’or ;
- Donc, les nègres ne sont pas policés.

Le fait que les Noirs accordent plus d’importance au verre qu’à l’or explique le mépris
des esclavagistes à leur égard « n’ont pas le sens commun ».
Les Africains préfèrent le verre à l’or car ils ne savent pas le fabriquer alors que le
minerai d’or se trouve assez facilement dans leur pays : ce n’est donc pas un manque
d’intelligence.
Ce serait plutôt une preuve de cupidité des Européens qui ne pensent qu’à s’enrichir et
utilisent le verre comme moyen d’échange contre des esclaves.

# 8ème § : argument d’ordre théologique
Peut-on oser se dire chrétien lorsqu’on maintient des hommes en esclavage ?
Impossibilité de dire Noirs = Hommes sans remettre en cause Blancs = Chrétiens.
Rapport cause / conséquence « parce que ».
Cela prouve l’impossibilité à se remettre en cause donc leur mauvaise foi qui les fait se
donner bonne conscience vis-à-vis de la religion en refusant de considérer les Noirs
comme des Hommes.

" 3ème mouvement
# 9ème §
Nous avons la preuve que l’esclavage n’est pas scandaleux car il y a une absence de
réaction chez les dirigeants politiques européens « princes d’Europe ».
« Les petits esprits » désignent les philosophes.
Implicite = le présupposé « exagèrent trop l’injustice » admet qu’il y a une injustice et
donc les princes devraient intervenir.
Leur indifférence est donc coupable.
Mise en place d’un raisonnement logique et d’une question rhétorique qui termine
l’extrait.
Les deux derniers mots du texte sont « la miséricorde et de la pitié », des valeurs que les
politiques devraient imposer à leurs peuples.

CONCLUSION : Ainsi, dans cet extrait De l’Esprit des lois, Montesquieu dénonce
l’esclavage de façon paradoxale. Dans sa démonstration, il reprend les arguments que
pourraient énoncer les esclavagistes mais en soulignant à chaque fois leur caractère
inadmissible, incohérent et absurde. Mais ce n’est pas le seul philosophe des Lumières a
dénoncé cette pratique. Voltaire, dans son conte philosophique, Candide, au chapitre 19,
dénonce également l’esclavage.

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