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eMiliano Fiori*
il fut parfois évoqué en tant que traducteur du corpus des œuvres de denys
l’aréopagite3 ; son discours sur la vie spirituelle fut édité, mais assez mal traduit4.
c’est donc Henri Hugonnard-roche qui, à la in du siècle dernier, a commencé
à s’ occuper de sergius de façon systématique, avant tout par un examen critique
de la iabilité des attributions d’ouvrages à l’archiatre5, et ensuite par l’analyse, et
dans certains cas la traduction, de ses écrits logiques, accompagnées d’études sur
la terminologie technique qui y est utilisée, en la comparant avec la constellation
des œuvres logiques en syriaque du premier millénaire qui nous sont parvenues6.
À la suite de la publication des études de Hugonnard-roche, les essais sur sergius
de rešʿaynā se sont succédés : son œuvre a été éditée7, traduite8 et approfondie9 ;
3. p. sherwood, « sergius of reshaina and the syriac version of the pseudo-denys », Sacris
Erudiri 4 (1952), p. 174-184 ; J.-M. Hornus, « le corpus dionysien en syriaque », Parole de
l’Orient 1 (1970), p. 69-93 ; g. Wießner, « Zur Handschriften̈berlieferung der syrischen Fassung
des Corpus Dionysiacum », Nachrichten der Akademie der Wissenschaften in Göttingen, Philologisch-
historische Klasse, vandenhoeck & ruprecht, g̈ttingen 1972, p. 165-216.
4. p. sherwood, « Mimro de serge de rešayna sur la vie spirituelle », L’Orient Syrien 5 (1960),
p. 433-457 ; 6 (1961), p. 95-115 et 121-156. il faudrait maintenant rééditer cette œuvre fondamen-
tale, sur la base des variantes de plusieurs manuscrits ignorés par sherwood et surtout des cahiers et
des fragments retrouvés du manuscrit sainte catherine du sinaï, syriaque 52.
5. particulièrement importante est la découverte du fait que la première traduction syriaque des
Catégories n’est pas l’œuvre de sergius (cf. surtout H. Hugonnard-roche, La logique d’Aristote du
grec au syriaque. Études sur la transmission des textes de l’Organon et leur interprétation philosophique,
vrin, paris 2004 [textes et traditions, 9], p. 26 et 36).
6. Hugonnard-roche, La logique d’Aristote du grec au syriaque, p. 123-231.
7. e. Fiori, « l’épitomé syriaque du traité Sur les causes du tout d’alexandre d’aphrodise attri-
bué à serge de reshʿayna : édition et traduction », Le Muséon 123 (2010), p. 127-158.
8. Fiori, «l’épitomé ».
9. M. Quaschning-Kirsch, « die Frage der benennbarkeit gottes in der syrischen versionen
des Corpus Dionysiacum Areopagiticum », in r. lavenant (éd.), Symposium Syriacum VII : Uppsala
University, Department of Asian and African Languages, 11-14 August 1996, pontiicio istituto
orientale, roma 1998 (oca, 256), p. 117-126 ; s. bhayro, « syriac Medical terminology: ser-
gius’ and galen’s pharmacopia », Aramaic Studies 3 (2005), p. 147-165 ; H. Hugonnard-roche,
« le vocabulaire philosophique de l’être en syriaque d’après des textes de sergius de rešʿaynā et
Jacques d’édesse”, in J. e. Montgomery (éd.), Arabic Theology, Arabic Philosophy. From the Many
to the One: Essays in Celebration of Richard M. Frank, peeters, leuven 2006 (ola, 152), p. 101-
125 ; sergio di reshʿayna, Trattato sulla vita spirituale, intr., trad. dal siriaco e note a cura di e.
Fiori, edizioni Qiqayon, Magnano 2008 (testi dei padri della chiesa, 93) ; e. Fiori, « “È lui che
mi ha donato la conoscenza senza menzogna” (sap 7, 17). origene, evagrio, dionigi e la igura del
maestro nel Discorso sulla vita spirituale di sergio di reshʿayna», Adamantius 15 (2009), p. 43-59 ;
id., « elementi evagriani nella traduzione siriaca di dionigi l’areopagita : la strategia di sergio di
reš‘aynā », Annali di Storia dell’Esegesi 27 (2010), p. 325-334 ; id., « l’épitomé », p. 127-158 ;
id., « Mélange eschatologique et “condition spirituelle” de l’intellect dans le corpus Dionysiacum
syriaque », Parole de l’Orient 35 (2010), p. 261-276 ; id., « sergius of rešʿaynā and dionysius : a
dialectical Fidelity », in J. Watt - J. l̈ssl (éd.), Interpreting the Bible and Aristotle. The Alexan-
drian Commentary Tradition from Rome to Baghdad, surrey - ashgate, Farnham/burlington 2011,
p. 179-194 ; id., « the topic of Mixture as philosophical Key to the Understanding of the Divine
Names : dionysius and the origenist Monk stephen bar sudaili », in l. Kariková - M. Havrda
(éd.), Nomina divina : Colloquium Dionysiacum Pragense (Prag, den 30.-31. Oktober 2009), aca-
demic press Fribourg, Fribourg 2011 (paradosis, 52), p. 71-88 ; id., « Mystique et liturgie entre
denys l’aréopagite et le Livre de Hiérothée : aux origines de la mystagogie syro-occidentale », in
a. desreumaux (éd.), Les mystiques syriaques, geuthner, paris 2011 (études syriaques, 8), p. 27-44 ;
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 61
reçus ; [...] il vint avec eux à constantinople [...] sergius l’archiatre mourut là
soudainement, et agapète mourut après lui à cette même époque11.
11. ps.-Zach., Hist. eccl., ix, 19 136-137 (t. ii), 93-94 (t. ii) [Historia ecclesiastica Zachariae
Rhetori vulgo adscrpita, ed. e. W. brooks, t. i, peeters, louvain 1919 (csco, 83), 19532 (t.) ; t. ii,
peeters, louvain 1919 (csco, 84), 19532(t.) ; t. i, peeters, louvain 1924 (csco, 87), 19652 (v.) ;
t. ii, peeters, louvain 1924 (csco, 88), 19652] : ܓܕܫ ܕܝܢ ܣܪܓܝܣ ܐܪܟܝܛܪܘܣ ܕܪܫܥܝܢܐ
ܟܕ ܡܘܕܥ ܐܦܪܝܡ.ܒܝܘܡܬܐ ܗܠܝܢ ܣܠܩ ܐܢܛܝܘܟ ܕܢܩܒܘܠ ܥܠ ܐܣܘܠ ܐܦܣܩܦܐ ܕܬܡܢ ̈
ܕܟܬܒܐ̈ ܘܡܠܛ ܗܘܐ ܒܩܪܝܢܐ. ܘܓܒܪܐ ܗܘܐ ܗܢܐ ܠܫܢܢܐ.ܦܛܪܝܪܟܐ ܕܐܬܢܟܝ ܡܢܗ
ܕܡܠܦܢܐ ̈ ܕܟܬܒܐ̈ ܩܪܐ ܗܘܐ ܠܗ ܕܝܢ ܒܦܘܫܩܐ.ܕܝܘܢܝܐ ܘܒܝܘܠܦܢܗ ܕܐܘܪܝܓܢܝܣ ̈ ̈ܣܓܝܐܐ
̈
ܘܒܝܒܠܝܐ . ܘܣܘܪܝܝܐܝܬ ܚܟܡ ܗܘܐ ܩܪܝܢܐ ܘܠܫܢܐ.ܐܚܖܢܐ ܒܐܠܟܣܢܕܪܝܐ ܙܒܢܐ ܝܕܝܥܐ ̈
ܘܦܘܫܩܐ ܕܕܝܢܘܣܝܘܣ. ܘܒܨܒܝܢܗ ܡܗܝܡܢܐ ܗܘܐ ܐܝܟ ܕܣܗܕ ܐܦ ܦܪܠܓܘܣ.ܕܐܣܝܘܬܐ
ܒܝܘܡܝ ܛܒܝܒܐ ܦܛܪܣ ̈ ܘܐܓܘܣ ܕܥܒܝܕ ܠܗ ܥܠ ܗܝܡܢܘܬܐ.ܕܛܒ ܠܚܡܐܝܬ ܥܒܕ
ܘܙܠܝܠ.ܒܙܢܘܗܝ ܣܓܝ ܫܪܝܚ ܗܘܐ ܗܢܐ ܣܪܓܝܣ ܒܪܓܬ ̈ܢܫܐ ̈ ܒܪܡ ܕܝܢ.ܐܦܣܩܦܐ ܡܗܝܡܢܐ
. ܠܗܢܐ ܟܕ ܢܣܝܗ ܐܦܪܝܡ ܘܐܫܟܚܗ ܕܡܕܪܫ. ܝܥܢ ܗܘܐ ܕܝܢ ܒܪܚܡܬ ܟܣܦܐ.ܗܘܐ ܘܐ ܢܟܦ ܼ
ܒܐܓܖܬܐ ܠܘܬ ܐܓܦܝܛܐ ܪܝܫ ̈ ܟܕ ܠܪܗܘܡ ܢܫܬܠܚ ܡܢܗ.ܐܫܬܘܕܝ ܕܟܠ ܕܫܐܠ ܢܣܥܘܪ
̈ ̈
ܘܫܩܠ ܟܬܝܒܬܐ ܠܘܬ. ܘܐܙܕܘܕ ܒܐܝܩܪܐ ܡܢ ܐܦܪܝܡ. ܼܗܘ ܕܝܢ ܩܒܠ.ܟܗܢܐ ܕܬܡܢ ܘܐܗܦܘܟ ̈
̈
ܘܝܗܒܘ ܐܓܖܬܐ ܘܐܬܩܒܠܘ. ܐܬܡܛܝܘ ܡܕܝܢ ܘܗܠܝܢ ܠܪܗܘܡ ܠܘܬ ܐܓܦܝܛܐ... .ܓܒܪܐ
ܘܐܓܦܝܛܐ. ܘܡܝܬ ܬܡܢ ܣܪܓܝܣ ܐܪܟܝܛܪܘܣ... ܘܐܬܐ ܥܡܗܘܢ ܠܩܘܣܛܢܛܝܢܦܘܠܝܣ...
ܒܝܘܡܬܐ ̈ ܒܬܪܗ ܒܗܘܢ. trad. angl. in The Chronicle of Pseudo-Zachariah Rhetor. Church and
War in Late Antiquity, ed. by g. greatrex, transl. by r. phenix - c. b. Horn, with contributions by
s. p. brock and W. Witakowski, liverpool U. p., liverpool 2011 (translated texts for Historians,
55), p. 368-371 : ici, la note 298 à p. 369 suppose erronément que le “logos sur la foi” de sergius doit
être identiié avec l’introduction aux œuvres de denys, tandis que cette introduction vient d’être
mentionnée par le pseudo-Zacharie en tant qu’ouvrage indépendant.
12. il faudrait remarquer aussi que l’une des preuves à l’appui de cette airmation est justement
la traduction des œuvres de denys l’aréopagite (« il fut croyant, comme l’attestent aussi bien le
prologos que la traduction de denys »), que le pseudo-Zacharie voit donc, peu après la première
parution du corpus de denys, comme un service rendu à la cause miaphysite.
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 63
13. il était d’ailleurs assez normal pour les médecins, dans l’antiquité tardive, d’être employés
pour des missions diplomatiques : v. nutton, « From galen to alexander. aspects of Medicine and
Medical practice in late antiquity », Dumbarton Oaks Papers 38, Symposium on Byzantine Medi-
cine (1984), p. 1-14, ici p. 12, observe que les témoignages littéraires attestent un usage toujours plus
fréquent des archiatres pour des tâches non dépendantes de leur profession, et en général une amé-
lioration de leur statut : « compared with the irst three centuries of the roman empire, the doctor
in late antiquity has a much greater public proile beyond the conines of his city and civic life. He
becomes a bishop, a church leader, even a saint ; an ambassador, a provincial governor, even the Mas-
ter of oices » : les documents à l’appui sont variés, de Jérôme (Vir. ill. 89, sur basile d’ancyre) à
épiphane (Haer. 67, sur Hiérocrate), de grégoire de nazianze (Or. 7, sur le frère césarius) à socrate
le scholastique (vii, 8, sur Maruta) et à augustin (Conf. iv, 3 et ep. 138, sur vindicianus). plus loin
nutton poursuit : «there can be no doubt of the signiicance of medical men in late antiquity as
envoys and mediators between byzantium and persia » (p. 13). il cite beaucoup d’attestations tirées
de procope et Ménandre, de l’Histoire ecclésiastique du pseudo-Zacharie et de la Chronique de Séert ;
c’est là qu’il mentionne sergius, archiatre mais aussi prêtre (bien que seuls les titres de certaines œuvres
nous informent de cette fonction), et enin surtout, comme chargé d’une tâche diplomatique très
délicate comme celle de se rendre jusqu’à rome pour amener le pape chez l’empereur ain de discuter
de l’opportunité d’une continuation des hostilités en italie entre les armées ostrogote et byzantine.
14. le premier à avoir formulé cette hypothèse est i. perczel, « the early syriac reception of
dionysius», in s. coakley - c. M. stang (éd.), Re-Thinking Dionysius the Areopagite, in Modern
Theology Special Issue 4/4 (2009), p. 27-41, ici p. 30, où l’on lit une airmation qui est dépourvue
de tout appui dans les sources : « From the ecclesiastical History of pseudo-Zachariah of Mytilene,
we learn that sergius was a follower of origen and belonged to the Origenist movement » (notre ita-
lique) ; cette confusion a ensuite été répétée et développée par King, « origenism », p. 208-211,
dans un article par ailleurs excellent.
15. King, « origenism », p. 208 : « the church historian ps.-Zachariah criticised sergius of
resh‘aina for being a follower of origen ». l’« origénisme » prétendu de sergius est aussi traité
dans King, « alexander of aphrodisias », passim, mais nous nous concentrerons dans le présent
article sur son étude de 2011, qui est plus spéciiquement consacrée à ce problème.
16. King mentionne entre autres comme possible élément à l’appui de sa thèse le fait que sergius
aurait traduit les Képhalaia Gnostika d’évagre le pontique (selon une célèbre hypothèse d’antoine
64 e. Fiori
le fait de lire origène à la in du ve siècle n’était bien sûr pas une activité
neutre ; mais il faudra voir quel usage sergius a fait de cette lecture, et si cet
usage peut être déini comme “origéniste”17. il est nécessaire d’introduire tout
d’abord une distinction heuristique entre, d’une part, un origénisme que l’on
pourrait nommer “hérésiologique”, qui visait un phénomène réel et par traits
réellement extrémiste dont cependant les caractéristiques nous échappent et qui
devait comprendre des positions assez diverses18, attestées principalement par le
Livre du Saint Hiérothée19 mais aussi et surtout par des sources hostiles20 comme
guillaumont), bien qu’il reste incertain à cet égard. l’hypothèse de guillaumont semble en efet
avoir été réfutée par son disciple paul géhin; cf. p. géhin, « d’égypte en Mésopotamie : la récep-
tion d’évagre le pontique dans les communautés syriaques » in F. Jullien - M.-J. pierre (éd.), Mona-
chismes d’Orient : Images, échanges, inluences. Hommage à Antoine Guillaumont, brepols, turnhout
2011 (bibliothèque de l’école des Hautes études. sciences religieuses, 148), p. 29-49, ici p. 32-37.
17. la complexité de la question et la diiculté du terme “origénisme” sont notoires, et la littéra-
ture abonde ; les études les plus importantes restent celles de F. diekamp, Die origenistischen Streiti-
gkeiten im sechsten Jahrhundert und das fünfte allgemeine Konzil, aschendorf, M̈nster 1899 ; M.
richard, «léonce de byzance était-il origéniste ? » Revue des études byzantines 5 (1947), p. 31-66
et id., « le traité de georges Hiéromoine sur les hérésies », Revue des études byzantines 28 (1970),
p. 239-269 ; a. guillaumont, Les “Képhalaia Gnostica” d’Évagre le Pontique et l’histoire de l’Origé-
nisme chez les Grecs et chez les Syriens, éd. du seuil, paris 1962 (patristica sorbonensia, 5) ; l. per-
rone, La chiesa di Palestina e le controversie cristologiche. Dal concilio di Efeso (431) al secondo concilio
di Costantinopoli (553), paideia, brescia 1980 (testi e ricerche di scienze religiose, 18) ; b. daley,
« the origenism of leontius of byzantium », Journal of Theological Studies n.s. 27 (1976), p. 333-
369, et id., « What did ‘origenism’ Mean in the sixth century ? », in g. dorival – a. le boulluec
(éd.), Origeniana sexta. Origène et la Bible / Origen and the Bible (Actes du Colloquium Origenianum
Sextum, Chantilly, 30 août-3 septembre 1993), peeters, leuven 1995 (bibliotheca ephemeridum
theologicarum lovaniensium, 118), p. 627-638 ; d. Hombergen, The Second Origenist Controversy.
A New Perspective on Cyril of Scythopolis’ Monastic Biographies as Historical Sources for Sixth-Cen-
tury Origenism, pontiicio ateneo s. anselmo, roma 2001 (studia anselmiana, 132) ; l. perrone,
« palestinian Monasticism, the bible, and theology in the Wake of the second origenist contro-
versy », in J. patrich (éd.), The Sabaite Heritage in the Orthodox Church from the Fifth Century to the
Present, peeters, leuven 2001 (ola, 98), p. 245-259.
18. « great eclectic sixth-century “courant mystique” », comme Hombergen, The Second Ori-
genist Controversy, p. 364 le déinit.
19. édition dans The Book which is Called the Book of the Holy Hierotheos, with Extracts from
the Prolegomena and Commentary of Theodosios of Antioch and from the “Book of Excerpts” and Other
Works of Gregory Bar-Hebraeus, ed. and transl. by F. sh. Marsh, Williams and norgate, london 1927
(text and translation society. publications). il ne semble pas suisamment démontré, en revanche,
que l’œuvre de léonce de byzance contienne des éléments d’origénisme “hérétique” : la proposition
de d. b. evans, Leontius of Byzantium. An Origenist Christology, dumbarton oaks studies 13, dum-
barton oaks, Washington d.c. 1970, qui suggérait de voir dans l’œuvre de léonce une christologie
origéniste, a été réfutée par de Halleux dans un compte-rendu convaincant (a. de Halleux, compte
rendu d’ evans, Leontius of Byzantium, Le Muséon 84 (1971), p. 553-560), puis à nouveau par daley,
« the origenism », p. 336-355. istván perczel poursuit actuellement des recherches fort intéres-
santes sur la présence de doctrines origénistes dans les Questions et Réponses du pseudo-césarius.
20. il est vrai qu’à part le Livre de Hiérothée (qui n’est certes pas la voix de l’origénisme tout
entier) on ne possède pas de sources originales de l’origénisme “réel”, mais uniquement des sources
hérésiologiques; toutefois, on ne pourra nier que celles-ci, bien qu’à travers la déformation de la polé-
mique, nous informent sur des doctrines réellement existantes, même si les dimensions, les contours
et les diférences des groupes qui le prônèrent continuent à nous échapper.
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 65
les anathématismes contenus dans les canons de 55321 qui témoignent en fait
d’un usage extrémisant de certaines doctrines d’origène et d’évagre, certaines
scholies de Jean de scythopolis à denys l’aréopagite22 et la Retractatio de
théodore de scythopolis23; et, d’autre part, la catégorie très vague d’“origénisme”
dont se servirent certains écrivains après 553 et encore beaucoup de savants
aujourd’hui, qui a été utilisée pour condamner ou simplement indiquer des
tendances intellectuelles très diverses. ces tendances furent caractérisées plutôt
par «l’intérêt pour la vie intellectuelle et pour la spéculation théologique »
souvent inspirées par origène et évagre, « que par n’importe quel système
de doctrine en particulier », comme l’a dit daley, cité par King24. ce fut
l’efet de la condamnation de l’origénisme que nous venons de déinir comme
“hérésiologique” que de rendre suspecte toute libre spéculation qui voulût
se référer aux œuvres d’origène et d’évagre (et même de didyme l’aveugle).
cela n’empêcha pas que beaucoup d’intellectuels chrétiens “orthodoxes”
continuèrent à lire les maîtres alexandrins25. certains d’entre ces intellectuels,
dont – selon nous – denys l’aréopagite mais aussi, plus tard, barsanuphe et
Jean de gaza, allèrent jusqu’à utiliser origène et évagre contre leurs sectateurs
extrémistes26. c’est donc uniquement selon le deuxième sens que l’on pourrait
déinir sergius, aussi bien que, par exemple, denys et son scholiaste Jean de
scythopolis27, comme “origénistes”, et il serait sans doute plus approprié de
les déinir comme des “origéniens”, qui lisaient origène et évagre sans pour
autant suivre les enseignements de leurs partisans radicaux du vie siècle, tel un
étienne bar sudaili. d’ailleurs, comme on vient de le démontrer, sergius ne
fut jamais accusé d’origénisme. Mais tandis que l’origénisme ne lui fut jamais
imputé comme catégorie hérésiologique, il faut cependant admettre qu’il fut de
ceux (les “origéniens”) qui lurent origène et évagre et s’ en inspirèrent pour
construire leur propre enseignement. c’est parce que King confond les deux
21. Canones XV contra Origenem sive Origenistas, dans J. straub - e. schwartz (éd.), Concilium
universale Constantinopolitanum sub Iustiniano habitum, de gruyter, berlin 1971 (acta conci-
liorum oecumenicorum, iv/1), p. 248-249 ; cf. aussi diekamp, Die origenistischen Streitigkeiten,
p. 90-96.
22. Scholia in Corpus Areopagiticum, dans PG 4, col. 14-432, 527-576. l’édition de la Patrologie
contient plusieurs scholies d’autres auteurs ; l’édition des scholies de Jean sur les seuls Noms divins
vient de paraître : b. r. suchla, Corpus dionysiacum iv/1, de gruyter, berlin/boston 2011 (patris-
tische texte und studien, 62).
23. Libellus de erroribus origenianis, dans PG 86, col. 232-236.
24. King, « origenism », p. 209 (cit. daley, « the origenism », p. 366).
25. c’est probablement le cas de léonce de byzance. Même dorothée de gaza, comme le rap-
pelle perrone, « palestinian Monasticism », p. 255, continuait à lire les Képhalaia Gnostika d’évagre
le pontique.
26. pour denys, cf. e. Fiori, Dionigi l’Areopagita e l’origenismo siriaco. Edizione critica e studio
storico-dottrinale del trattato sui Nomi divini nella versione di Sergio di Reš‘aynā, bologna 2010
(thèse doctorale) (lisible en ligne, Url : <http://ebookbrowse.com/iori-emiliano-tesi-pdf-pdf-
d383633421>), p. 58-70 ; pour les pères de gaza, perrone, « palestinian Monasticism », p. 251-
255, dans un paragraphe qui porte le sous-titre signiicatif de « origen and evagrius defended
against themselves (and their actual supporters) ».
27. cf. Hombergen, The Second Origenist Controversy, p. 366 et n. 530.
66 e. Fiori
niveaux que nous venons de distinguer qu’il est amené à penser que le fait de lire
les deux anciens maîtres devait impliquer automatiquement une condamnation
de la part du pseudo-Zacharie. ce dernier, en revanche, attaque sergius pour des
raisons strictement confessionnelles. il est vrai aussi que, comme on vient de le
dire, à une époque où lire ces écrivains était devenu une activité suspecte, il fallait
prendre ses précautions : on le soulignera dans les sections sur l’astronomie et
sur le projet spirituel de sergius. King a raison en efet de reconnaître qu’il y a
un il rouge d’intérêts origéniens chez sergius, mais il ne les cherche pas toujours
là où il faudrait les chercher : en particulier, lorsque parmi les éléments qui
conirmeraient l’origénisme de sergius, il mentionne la traduction du corpus des
œuvres de denys l’aréopagite. cette supposition se base sur l’idée aujourd’hui
assez répandue que le corpus dionysien est « un commentaire et une élaboration
hautement philosophique des sentences succinctes des textes origénistes
condamnés au concile de constantinople en 553 »28. nous sommes convaincus
au contraire que les écrits dionysiens sont une réaction contre certaines
dérives extrémistes (notre origénisme “hérésiologique”) des enseignements
d’origène et d’évagre, comme celles qui se trouvent dans les sentences de
553. les contemporains, d’ailleurs, ne perçurent aucune hérésie dans le corpus
aréopagitique (en tout cas du moins pas une hérésie liée à origène), non pas parce
que denys cachait eicacement ses intentions véritables, mais tout simplement
parce qu’il n’y a pas, dans ses ouvrages, d’élément qui pût être perçu comme
hérétique29, d’autant moins par le pseudo-Zacharie : celui-ci a même des mots
élogieux pour la traduction dionysienne de sergius, car il la considère comme
un service rendu à la cause miaphysite, utile à celle-ci en tant que “bien faite”.
le deuxième élément, que King propose à l’appui de la thèse de l’orgénisme de
sergius, bien que correctement de façon plus dubitative, est la possibilité que
sergius ait produit la version syriaque non remaniée des Képhalaia Gnostika
28. perczel, « pseudo-dionysius and palestinian origenism », in J. patrich (éd.), The Sabaite
Heritage in the Orthodox Church from the Fifth Century to the Present, peeters, leuven 2001 (ola,
98), p. 261-282, ici p. 280.
29. la thèse de l’“origénisme” de denys a été soutenue par istván perczel, qui en attirant l’atten-
tion des savants sur la présence d’origène et d’évagre chez denys ouvrit une piste de recherche fon-
damentale pour la compréhension de l’aréopagite. ses hypothèses sont développées dans un grand
nombre d’articles, notamment i. perczel, « le pseudo-denys, lecteur d’origène », in W. a. bienert
- U. K̈hneweg (éd.), Origeniana Septima : Origenes in den Auseinandersetzungen des 4. Jahrhun-
derts, leuven U. p. - peeters, leuven 1999 (bibliotheca ephemeridum theologicarum lovanien-
sium, 137), p. 673-710 ; id.,« pseudo-dionysius and palestinian origenism » ; id., « god as Monad
and Henad : dionysius the areopagite and the Peri Archon », in l. perrone et alii (éd.), Origeniana
octava : Origen and the Alexandrian Tradition. papers of the 8th international origen congress
(pisa, 27-31 august 2001), 2 voll., leuven U. p. - peeters, leuven 2003 (bibliotheca ephemeri-
dum theologicarum lovaniensium, 164), p. 206-224, et id., « the early syriac reception » ; nous
croyons pourtant que son analyse du corpus aréopagitique comme document origéniste, lequel aurait
même appartenu selon lui à un courant spéciique de l’origénisme, n’est pas convaincante. nous
renvoyons à ce propos à nos études, dans lesquelles nous avons essayé de formuler une méthodologie
d’analyse alternative des mêmes textes dionysiens : notre thèse doctorale (Fiori, Dionigi l’Areopagita
e l’origenismo siriaco), p. 47-76 et 426-468 ; et encore nos articles « Mélange eschatologique », « the
topic of Mixture », « Mystique et liturgie ».
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 67
2.1 Le médecin
sergius fut comme on le sait avant tout médecin, et ceci bien qu’une inime
partie de son œuvre médicale nous soit parvenue, sans doute parce qu’au ixe siècle
il fut surclassé par Ḥunayn ibn isḥāq31. ce que nous aimerions suggérer, et qui
est resté jusqu’ici trop implicite, c’est qu’il faut étudier ses intérêts intellectuels
comme s’ ils étaient des cercles concentriques, qui se sont développés autour
de sa formation médicale : c’est de sa profession de médecin que dépendent ses
autres choix scientiiques, avant tout la logique et l’astronomie. le cas de ses
écrits de caractère ascétique et théologique est quelque peu diférent, comme
nous le verrons : car si la médecine reste le pivot de sa igure intellectuelle du
point de vue de son activité, entraînant avec elle les autres centres d’intérêt de
notre auteur, nous verrons que ce qui guide cette formation est sa visée religieuse
ou plus exactement, s’ il est permis d’utiliser ce mot, spirituelle. Mais que ce soit
du point de vue du curriculum scientiique ou du point de vue spirituel, le cadre
qui explique cette formation, et bien qu’elle se déploie en Mésopotamie, est
purement alexandrin.
avant tout c’est l’éducation plurielle de sergius qui est alexandrine. devenir
médecin dans l’alexandrie de la in du ve et du début du vie siècle32 impliquait
le vie siècle, et est mentionné par damascius, Hist. philos., fragm. 84, p. 206-213 athanassiadi (cf.
damascius, The Philosophical History. Text with Translation and Notes by p. athanassiadi, apamea,
athens 1999), et qui était le ils du médecin Hésychius (il s’ agit vraisemblablement de la génération
précédant celle de sergius). de Jacques, damascius traçait dans son Histoire philosophique un por-
trait élogieux. originaire de damas, Jacques était « parfait dans sa science », et notamment dans le
diagnostic et le traitement. sa proximité avec le milieu des philosophes est attestée par le fait que
lors d’un passage à athènes, il avait essayé de soigner proclus, qui pourtant aurait dû à cette occasion
enfreindre les préceptes alimentaires de la loi pythagorique pour suivre les prescriptions de Jacques.
À athènes, damascius aurait vu une statue de ce dernier, et il nous informe que Jacques avait été
désigné comes, ce qui conirme le rôle politique important que tenaient parfois les médecins. selon
le résumé de photius, la famille de Jacques était d’origine syrienne, bien qu’elle ait vécu à alexandrie
(une situation assez commune à l’époque). son père Hésychius avait pratiqué cette même profession
pendant quarante ans, voyageant « presque partout dans le monde », et il avait certainement séjourné
à constantinople. bien que l’ampleur des voyages d’Hésychius soit probablement une exagération, ce
témoignage met en évidence un fait important. s’ il est vrai, comme l’écrit v. nutton, « Archiatri and
the Medical profession in antiquity », Papers of the British School at Rome 45 (1977), p. 191-226,
ici p. 198, qu’il existait des lignées d’archiatres et que le métier tendait à devenir héréditaire, en parti-
culier en orient, nous avons ici la trace d’une autre caractéristique : le médecin était tel par sa lignée,
mais il pouvait aussi être itinérant. la profession se transmettait dans la famille, mais elle n’était pas
toujours pratiquée dans le même endroit. cela pourrait signiier, dans le cas de sergius, qu’il n’est
pas nécessairement « très probable » qu’il soit né à rešʿaynā comme l’écrit baumstark, Lucubra-
tiones, p. 366. on pourrait même supposer, mais avec prudence, qu’il avait déjà reçu le métier par
transmission héréditaire, car si l’on doit en croire Ḥunayn ibn isḥāq, sergius traduisait déjà galien
avant qu’il ne se rende à alexandrie pour ses études (Ḥunain ibn Isḥāq. ̈ber die syrischen und
arabischen Galen-̈bersetzungen, zum ersten Mal herausgegeben und ̈bersetzt von g. bergsträs-
ser, brockhaus, Wiesbaden 1925 [abhandlungen f̈r die Kunde des Morgenlandes, 17/2], p. 12
[arabe], 9-10 [allemand]).
33. damascius, Hist. philos., fragm. 85, p. 213-215 athanassiadi.
34. « ce qu’il aimait en particulier, c’est l’histoire naturelle des plantes […] il renouvela l’usage
de l’hellébore blanc qui avait était perdu depuis longtemps ». damascius, Hist. philos., fragm. 80.85,
p. 204-205 et 214-215 athanassiadi.
35. edition et traduction allemande partielles dans Merx, « proben » ; une édition complète est
maintenant en préparation par robert Hawley (cnrs, paris) et siam bhayro (exeter), sur la base
aussi du nouveau palimpseste qui enrichira vraisemblablement beaucoup notre connaissance de la
version de sergius (cf. bhayro et al., « collaborative research » et « the syriac galen palmpsest »).
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 69
son adaptation du traité sur les Causes du tout d’alexandre d’aphrodise, dans
sa traduction du De Mundo pseudo-aristotélicien et dans son développement
d’un argument sur l’inluence de la lune tiré du troisième livre du traité Sur les
jours critiques de galien. de l’exemplarité du quadrivium en tant que modèle
de l’apprentissage des sciences profanes, sergius est bien conscient, comme le
démontre un passage de son Discours sur la vie spirituelle36. le lien étroit qui relie
tous ces écrits, expressions des diférents intérêts de sergius, a été brillamment
illustré dans le cas de l’astronomie par daniel King37 ; nous espérons ici reformuler
ce lien et l’enrichir, en l’articulant dans une direction supplémentaire.
2.2 La logique
le second intérêt principal qui émerge des œuvres de sergius est la logique,
qu’il étudia à alexandrie sous ammonius38 et à laquelle il a consacré deux
écrits importants, dont l’un est un long commentaire complet des Catégories
d’aristote39, et l’autre une brève introduction au même texte40. l’œuvre logique
de sergius a le plus souvent été considérée en tant que telle41, ou bien mise en
rapport avec le fait que sergius partage le curriculum traditionnel des écoles de
philosophie de l’antiquité tardive ; on a eu donc tendance à la lire isolément,
c’est-à-dire surtout dans une perspective d’histoire de la philosophie, tandis
qu’on n’a pas encore suisamment souligné (et bien qu’il s’ agisse d’un élément
décisif) ce qui poussa sergius à s’ en occuper : la raison de l’engagement de sergius
dans la logique, en fait, c’est la médecine. la logique n’entre pas dans l’œuvre de
l’archiatre en tant que telle, mais comme instrument du raisonnement médical :
l’apprentissage des prémisses théoriques de la science pratique était un passage
crucial pour sergius42. Un indice le révèle dès le début de son ouvrage logique le
plus important : en dédiant le commentaire des Catégories à théodore de Karkh
Ǧuddān, qui nous est inconnu par ailleurs43, sergius rappelle que théodore
36. au par. 80 Fiori (= 81 sherwood) : « géométrie, arithmétique, art des chaldéens [c.-à-d.
astronomie, cf. plus loin] et musique ».
37. King, « origenism ».
38. c’est une découverte d’Henri Hugonnard-roche, qui a reconnu la dette de sergius envers
les commentaires d’ammonius : cf. Hugonnard-roche, La logique d’Aristote du grec au syriaque,
p. 124, 189-190 et 203-231 (commentaire du premier livre de l’œuvre de sergius sur les Catégories).
39. traduction et commentaire de l’introduction et du premier chapitre, avec présentation
des manuscrits, dans Hugonnard-roche, La logique d’Aristote du grec au syriaque, p. 167-231 ; John
Watt en prépare maintenant l’édition critique.
40. étude introductive et traduction de quelques morceaux dans Hugonnard-roche, La logique
d’Aristote du grec au syriaque, p. 143-164. Une édition critique est en préparation par les soins de
sami aydın de l’Université d’Uppsala.
41. c’est le cas des études d’Henri Hugonnard-roche, qui ont analysé l’aspect technique de la
logique sergienne.
42. s. bhayro - s. p. brock, « the syriac galen palimpsest and the role of syriac in the trans-
mission of greek Medicine in the orient », Bulletin of the John Rylands Library 89 (supplement
2013), p. 25-43, ici p. 37-40 en ont souligné très à propos l’importance.
43. son identiication à l’époque moderne est due à l’acribie de Hugonnard-roche, La logique d’Aris-
tote du grec au syriaque, p. 126 n. 4, qui a rappelé que Ḥunayn ibn isḥāq, dans sa lettre sur les traductions de
70 e. Fiori
l’avait aidé pour la traduction des œuvres de galien. de façon très signiicative,
les deux écrits médicaux de sergius que nous possédons (la traduction des livres
vi-viii des Simples de galien et le petit traité sur l’inluence de la lune) sont
dédiés à ce même théodore. c’est donc sous le signe d’un intérêt commun pour
la médecine que les deux collaborèrent, et guidés en cela par l'enseignement d'un
ouvrage de logique. Mais surtout, dans une perspective plus générale, s’ il est vrai
que de par sa profession sergius fut médecin et non philosophe, et qu’il traduisit
les œuvres de galien, c’est justement grâce à ce dernier que nous pouvons
comprendre le rôle de la logique dans la formation médicale. galien consacra
à ce sujet un opuscule fameux, Que l’excellent médecin est aussi philosophe44,
dans lequel il s’ exprime ainsi : « le véritable médecin se révèle être un ami de
la tempérance de même aussi qu’un compagnon de la vérité. par ailleurs, il lui
faut également s’ exercer à la méthode logique pour savoir discerner en combien
d’espèces et de genres se subdivise la totalité des maladies et comment dans
chacun des cas il faut concevoir une indication de traitement »45. ce passage
représente la synthèse de la perspective de galien (laquelle est en accord avec
la conception de la philosophie antique comme “mode de vie”), pour qui le
fait que le médecin soit philosophe signiie avant tout qu’il est vertueux et, par
conséquent, qu’il a des connaissances ordonnées des problèmes qu’il étudie. les
deux composantes sont d’ailleurs inséparables : « s’ il est vrai en efet que pour
découvrir la nature du corps, les diférences des maladies et les indications des
remèdes, il convient de s’ être exercé à la théorie logique, et si, pour se consacrer
assidûment à ces exercices, il convient de mépriser l’argent et de s’ exercer à la
tempérance, alors il possède toutes les parties de la philosophie, la logique, la
physique et l’éthique »46. « et assurément, s’ il est vrai que la philosophie est
nécessaire aux médecins au début de leur apprentissage ainsi que dans la suite de
leur exercice, il est clair que celui quel qu’il soit qui est un médecin accompli, est
également philosophe »47. le motif, ainsi décliné par galien, resta canonique
dans les siècles suivants. on peut encore citer un autre exemple bien que quelque
peu postérieur à sergius mais qui provient du même milieu: l’exposé de Jean
philopon dans son Traité sur l’éternité du monde contre Proclus, où l’alexandrin
galien, identiiait ce théodore comme l’évêque de la ville da Karkh Ǧuddān (cf. Ḥunayn ibn isḥāq, Risāla,
p. 12 [arabe] ; p. 10 [allemand] bergsträsser). il n’y a pas de raison pour ne pas faire coniance à cette infor-
mation de Ḥunayn ; selon J. M. Fiey o.p., Assyrie Chrétienne, Volume III. Bét Garmaï, Bét Aramāyé et
Maišān nestoriens, impr. catholique, beyrouth 1968 (recherches publiées sous la direction de l’institut
de lettres orientales de beyrouth, 42), p. 71-74 cette ville ne fut jamais un siège épiscopal pour les syro-
orientaux ; il se pourrait bien pourtant qu’il y eût là un évêché miaphysite à l’époque de sergius.
44. la chose n’a bien sûr pas échappé à l’attention de Hugonnard-roche, La logique d’Aristote
du grec au syriaque, p. 181 : « la rencontre entre médecine et philosophie est ancienne, on le sait […]
galien, tout particulièrement, soutint que le meilleur médecin devait connaître la philosophie, et
spécialement la logique ».
45. galen., Quod optimus medicus, 1. 59-60 (traduction tirée de : Galien. Tome I. Introduction
générale. Sur l’ordre de ses propres livres. Sur ses propres livres. Que l’excellent médecin est aussi philosophe.
texte établi, traduit et annoté par v. boudon-Millot, les belles lettres, paris 2007 [cUF], p. 290).
46. galen., Quod optimus medicus 1, 60-61 (trad. Galien. Tome I, p. 290-291 boudon-Millot).
47. galen., Quod optimus medicus, 1, 61 (trad. Galien. Tome I, p. 291 boudon-Millot).
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 71
48. philop., De Aet. mundi contra Proclum 9, xvii disc., sol. 5, p. 599.23-600.1 rabe (cf.
Ioannes Philoponus, De Aeternitate mundi contra Proclum, ed. H. rabe, teubner, leipzig 1899
[réimpr. olms, Hildesheim 1963]).
49. philop., In Phys., p. 240.11-17 vitelli (Ioannis Philoponi in Aristotelis Physicorum libros tres
priores commentaria, ed. g. vitelli, reimer, berlin 1887 [cag, xvi]).
50. Hugonnard-roche, La logique d’ Aristote du grec au syriaque, p. 172 est du même avis : il
cite d’abord un passage d’un article de Kathleen Mcvey, qui écrivait : « the inlux of greek learning
into syriac theological education in the ifth century a.d. and the context of the ifth century
christological controversies provide a plausible setting for the introduction of this rhetorical form
[scil. celle du discours judiciaire, comme dans le mēmrā de narsai sur les trois docteurs nestoriens] into
syriac literature » ; Hugonnard-roche rappelle alors que « c’est dans un contexte tout diférent, celui
du savoir scientiique et de la philosophie aristotélicienne, que se place sergius », et non dans celui
de la controverse religieuse; Hugonnard-roche, La logique d’ Aristote du grec au syriaque, p. 173-
174 a même montré que l’introduction de la logique, loin d’être perçue comme urgente, ne se it
probablement pas sans résistances considérables : « sergius exhorte » le lecteur « à relire et persévé-
rer dans l’étude […] et il le presse d’éviter toute critique trop rapide. cet avertissement […] ne cher-
cherait-il pas à prévenir certaines résistances que pourrait rencontrer la réception d’aristote chez les
lecteurs syriaques ? ».
51. daniel King nous a suggéré (dans une communication personnelle) que le sergius “gram-
mairien” qui igure dans l’échange épistolaire avec sévère d’antioche pourrait être sergius de
72 e. Fiori
rešʿaynā (pour une traduction et une étude de cet échange, cf. i. r. torrance, Christology after Chal-
cedon. Severus of Antioch and Sergius the Monophysite, canterbury press, norwich 1988). on lit en
efet dans cette correspondance que ce « sergius » utilise des arguments subtils, lesquels font sou-
vent recours à la logique et pourraient bien être du niveau de notre archiatre. si l’hypothèse de King
est avérée, sergius aurait efectivement utilisé son arsenal logique dans le cadre d’une discussion
christologique. ce qui n’implique pas le fait qu’il ait introduit la logique en syriaque dans ce but.
52. cf. plus haut, n. 38 ; dans plusieurs cours à l’école pratique des Hautes études (2002-2008),
M. Hugonnard-roche a poursuivi une recherche détaillée sur les liens entre sergius et ammonius en
en présentant le résultats à ses auditeurs. on peut lire des brefs comptes-rendus de ces activités dans
H. Hugonnard-roche, « sergius de reshʿayna sur les Catégories d’aristote (syriaque) », École Pra-
tique des Hautes Études. Section des sciences historiques et philologiques. Livret-Annuaire 18 (2004),
p. 56-57 ; 19 (2005), p. 62-63 ; 20 (2006), p. 64-66 ; 21 (2007), p. 48-50 ; et dans id., « sergius de
reshʿayna sur les Catégories d’aristote (syriaque) » Annuaire de l’École Pratique des Hautes Études
(EPHE). Section des sciences historiques et philologiques 139 (2008), p. 36-37 ; et id., « commen-
taires sur aristote (syriaque) », Annuaire de l’École Pratique des Hautes Études (EPHE). Section des
sciences historiques et philologiques 140 (2009), p. 55-56.
53. Hugonnard-roche, La logique d’Aristote du grec au syriaque, p. 189.
54. nous en donnons quelques exemples dans notre édition de la version syriaque des Noms divins,
de la Théologie mystique et des Lettres dionysiennes, voir Dionigi Areopagita. Nomi divini, Teologia
mistica, Epistole : la traduzione di Sergio Rešʿayna (VI secolo), éd. et trad. it. par e. Fiori, peeters, louvain
2014 (csco, 656-657. scriptores syri 252-253).
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 73
l’importance de l’inluence des astres sur la vie humaine, tout en exprimant son
refus d’une astrologie déterministe. le libre arbitre de l’homme est précisément
le thème central du dialogue, dans lequel bardésane airme que certaines choses
échappent au contrôle humain et sont le produit du destin, qui est dirigé par
les “éléments”, tandis qu’il existe par ailleurs des actes qui appartiennent à la
libre volonté de l’homme. en outre bardésane airme, comme sergius, que les
astres sont des créatures pourvues d’une forme de connaissance et d’animation61,
et qu’ainsi ils déterminent certains des événements. l’ainité entre sergius et
bardésane sur ce point n’est pas du tout banale, et c’est encore une fois le mérite
de King d’avoir souligné que leur rapprochement dans le manuscrit british
library Add. 14658, le seul témoin tant du Livre des lois des pays que de la
traduction sergienne du De Mundo, de l’adaptation d’alexandre d’aphrodise
et du texte basé sur les Jours critiques de galien, pourrait ne pas être le fruit du
hasard. King, sur la base d’une intuition d’alberto camplani62, va même jusqu’à
suggérer que le manuscrit pourrait avoir été le produit d’une école “bardésanite”
qui aurait souhaité transmettre les enseignements du maître ; la permanence
de cette école semblerait assez bien attestée63 et sergius pourrait même y avoir
été rattaché personnellement. selon King, « la similarité entre la théologie
bardésanite et la pratique du culte planétaire de Ḥarrān pourrait avoir fait de
celle-ci un lieu approprié ; en outre la ville n’était pas loin de rešʿaynā ». il s’ agit
bien sûr d’une hypothèse, comme King le reconnait64, qui rouvre le problème
souvent débattu d’une école philosophique à Ḥarrān. les limites de cet article
ne nous permettent malheureusement pas de discuter la vraisemblance de cette
suggestion de King. elle nous fait cependant aborder le coté « mésopotamien »
du proil de sergius : celui-ci, tout en étant fondamentalement hellénisant
(bardésane était d’ailleurs lui-même bien versé dans la culture hellénistique),
se montre pénétré par la culture syriaque, qui s’ harmonise parfaitement avec
gorcum & comp, assen 1966 (studia semitica neerlandica, 6) ; a. camplani, « note bardesani-
tiche », Miscellanea Marciana 12 (1997), p. 11-43, et id., « rivisitando bardesane : note sulle fonti
siriache del bardesanismo e sulla sua collocazione storico-religiosa », Cristianesimo nella storia 19
(1998), p. 519-596.
61. pour sergius, cf. Fiori, « l’épitomé », p. 130-133 [t.], p. 145-148 [trad.] et 142-143 [t.],
p. 156-157 [trad.] ; pour bardésane, cf. H. J. W. drijvers, The Book of the Laws of the Countries. Dia-
logue on Fate of Bardaisan of Edessa, van gorcum, assen 1965 (semitic texts with translations, 3),
p. 12 (= p. 548 nau), p. 14 (= p. 550 nau), p. 28-30 (= p. 568 nau), p. 32 (= p. 572 nau).
62. camplani, « rivisitando bardesane », p. 543-544 suggérait qu’au moins une partie de l’an-
thologie transmise par le manuscrit pourrait être dérivée d’une archive de textes écrits par sergius,
ou bien traduits ou tout simplement recueillis par lui : il s’ agirait donc, à l’origine, d’une anthologie
préparée par sergius lui-même.
63. pour les sources voir King, « origenism », p. 205-206.
64. King, « origenism », p. 206-207 : « the continued presence of a “school of bardaisan” in
edessa, or in some other city, in the seventh century when our manuscript was copied is therefore
perfectly within the bounds of possibility » ; « whether or not he [scil. sergius] attached himself to
such a school we cannot say ». Quant à l’hypothèse sur Ḥarrān, il écrit que « it is hardly necessary to
depend upon it ». King proposait déjà Ḥarrān et son culte astrologique comme source possible d’in-
luence pour l’attitude astrologique de sergius dans King, « alexander of aphrodisias », p. 185-186.
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 75
65. nous avons présenté des exemples de cette attitude dans Fiori, « sergius of rešʿaynā and
dionysius », p. 189-194 ; une exposition détaillée des interventions de sergius dans le texte diony-
sien sera fournie dans le commentaire de notre édition de la traduction de sergius (cf. supra n. 54).
66. King, « alexander of aphrodisias », p. 182-183.
67. sergius, Discours sur la vie spirituelle, par. 106.108 Fiori (= 107.109 sherwood).
68. Canones XV, 6, in Acta Conciliorum Oecumenicorum iv/1, p. 248.
69. cf. sergius, Discours, par. 121 Fiori (= 122 sherwood).
76 e. Fiori
par ailleurs “orthodoxes” pour des sujets controversés. bien qu’un ensemble
de doctrines considérées comme peu orthodoxes aient été réunies en 553 dans
un document hérésiologique, un intellectuel pouvait vraisemblablement en
partager quelques points à l’exclusion des autres. parmi ces intérêts pourrait s’
être trouvé celui de l’astrologie, qui pourtant intéressait sergius dans le cadre
de sa pratique médicale et, nous pensons, non pas en tant que doctrine partagée
aussi par origène. d’autant plus qu’il nous faut rappeler avec King70 que deux
contemporains syro-orientaux de sergius écrivirent contre l’astrologie en s’
inspirant du traité perdu de diodore de tarse Contre les mages, ne visant pas
l’origénisme mais la culture astrologique locale mésopotamienne et notamment
bardésane : plutôt qu’origène, c’est sans doute cette culture qui était au centre
des polémiques dans la Mésopotamie du temps de sergius. c’est cette raison
qui a pu pousser l’archiatre, lecteur de bardésane, à une autodéfense. Quoiqu’il
en soit, comme on l’a déjà remarqué (cf. 1.2), à l’époque de sergius tout intérêt
pour origène et évagre pouvait éveiller les suspicions. comme l’attestent les
anathématismes de 553, la doctrine astrologique fut rejetée en tant qu’elle aurait
appartenu à l’origénisme ; être un admirateur d’origène et d’évagre, et croire en
même temps à l’action consciente des astres sur le monde sublunaire, pouvait
certainement se révéler dangereux. il est bien compréhensible que sergius ait
ressenti la nécessité de se défendre.
on a donc constaté que les intérêts de sergius en matière d’astronomie
sont, comme dans le cas de la logique, suscités principalement par la médecine.
d’ailleurs, malgré l’inluence syriaque que l’on pourrait déceler dans son intérêt
pour l’astronomie, son engagement dans cette discipline peut s’ expliquer aussi,
encore une fois, par son appartenance au milieu culturel d’alexandrie. King
a souligné que l’adaptation du texte d’alexandre d’aphrodise Sur les causes du
tout pourrait bien s’ interpréter dans le contexte alexandrin des débats entre
chrétiens et païens sur l’éternité du monde, débats qui furent en efet à l’origine
de la composition du dialogue Ammonius de Zacharie le scholastique – lequel
appartient à la génération de sergius – et des œuvres de Jean philopon contre
proclus et aristote à la génération suivante. sergius va jusqu’à supprimer de son
adaptation toute une partie du traité d’alexandre consacrée à la démonstration
de l’éternité du monde, pour ne pas enfreindre sa croyance71.
si donc c’est le portrait d’un intellectuel alexandrin que nous avons trop
rapidement tracé ici, dont la formation se déroule entièrement à alexandrie, dont
les choix intellectuels et la façon d’afronter les arguments s’ explique par le milieu
alexandrin, c’est que nous voulons illustrer, à présent, que le contexte alexandrin
contemporain est bien la cause profonde du projet spirituel qui oriente toute
l’entreprise de sergius.
72. Une étude détaillé du contenu se trouve in Fiori, « È lui che mi ha donato ».
73. Fiori, « È lui che mi ha donato », p. 43-45 et 54-57; une position contraire est soutenue par
perczel, « the early syriac reception », p. 30.
74. Fiori, « È lui che mi ha donato », p. 51-54.
75. Watt, « From sergius to Mattā », p. 241-246.
76. Watt, « From sergius to Mattā », p. 244 : «sergius looks to be integrating the aristotelian
philosophy […] into a theological cursus ».
77. cf. Watt, « From sergius to Mattā », p. 241 : « we have reason to suppose that he [sergius]
remained […] to some extent true to those alexandrian teachers in seeing aristotle as inferior to a
“more divine” pedagogue. that pedagogue, however, was not plato … but the Holy scriptures as
interpreted by dionysius ».
78 e. Fiori
été faite il y a presque dix ans par paolo bettiolo78). ceci expliquerait en outre
pourquoi l’écrit spirituel de sergius a servi de préface à l’œuvre de denys : mais
nous développerons cette fonction du Discours dans ce qui suit.
3.2. La section pratique
sans revenir sur les détails d’une analyse que nous avons déjà développée
ailleurs79, nous répéterons ici que le Discours se divise en deux parties nettement
distinctes : l’une consacrée à la pratique, l’autre à la gnose80. la division est
bien tirée des traités ascétiques d’évagre. la section pratique (Discours sur
la vie spirituelle, par. 1-66 Fiori = 2-67 sherwood) emploie elle aussi une
partie des catégories d’évagre pour décrire le parcours d’une igure aux traits
ascétiques jusqu’à atteindre l’impassibilité de l’âme. bien qu’on ne trouve
aucune référence à la doctrine des logismoi, c’est bien la progression typiquement
évagrienne « sainteté-courage-justice », suivies par la douceur et la miséricorde,
qui scande le progrès spirituel dans cette partie de l’œuvre. plus encore, ce qui
est remarquable dans cette section, c’est que sergius y conirme l’information
du pseudo-Zacharie sur ses lectures origéniennes : lorsqu’il commente les
citations des écritures qu’il utilise pour décrire la pratique, il recourt souvent à
origène, dont il démontre ainsi une connaissance de première main81.
ce mélange sans précédent de références origéniennes et évagriennes
(qui représente le seul exemple connu d’utilisation directe d’origène chez un
écrivain syriaque) montre clairement, comme nous l’avions anticipé, que c’est
de cette manière, qui n’a rien d’ “origéniste” au sens hérésiologique du terme,
que sergius utilise les deux anciens docteurs pour la construction de sa propre
pensée. plutôt qu'une inluence touchant aux concepts théologiques sur
lesquels allaient bientôt porter les anathématismes de 553, on retrouve chez
sergius la structure même de la conception de la vie ascétique selon évagre et le
modèle exégétique d’origène. il est pourtant signiicatif qu’aucune mention ne
soit faite nulle part des deux docteurs : si l’on considère les années turbulentes
dans lesquelles sergius a composé son œuvre, on est en droit de supposer que
78. p. bettiolo, « scuole e ambienti intellettuali nelle chiese di siria », in c. d’ancona (éd.),
Storia della ilosoia nell’Islam medievale, i-ii, einaudi, torino, vol. i, p. 48-100, ici p. 97-98 : «dif-
icile […] sottrarsi anche all’impressione che lo pseudo-dionigi costituisca quel plato christianus
cui il “platonico” aristotele introduce». John Watt semble pourtant ne pas avoir pris connaissance
de l’étude de bettiolo, bien qu’il connaisse (cf. Watt, « From sergius to Mattā », p. 244 n. 22) un
travail où l’idée de bettiolo est reprise et citée : H. Hugonnard-roche, « platon syriaque », in
M.-a. amir Moezzi - J.-d. dubois - c. Jullien - F. Jullien (éd.), Pensée grecque et sagesse d’Orient.
Hommage à Michel Tardieu, brepols, turnhout 2009 (bibliothèque de l’école des Hautes études.
sciences religieuses, 142), p. 307-322, ici p. 321.
79. pour une analyse détaillée voir Fiori, « È lui che mi ha donato », p. 45-48.
80. nous rappelons en passant qu’il ne s’ agit pas là de la « gnose au nom menteur » qui fut
combattue par les hérésiologues du iie et iiie siècle ; la « gnose » est pour évagre la connaissance de
dieu que l’ascète éprouvé acquiert à la in d’un long chemin ascétique.
81. Une étude complète des parallèles entre origène et sergius se trouve dans Fiori, « È lui che
mi ha donato », p. 46-49. les conclusions de Watt, « von alexandrien nach bagdad », p. 223-226
conirment nos analyses de 2009.
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 79
ce silence lui fut dicté par la prudence (car, comme on l’a dit, la suspicion
d’origénisme “hérésiologique” pesait sur l’ensemble des œuvres d’origène et
évagre).
la deuxième section (Discours sur la vie spirituelle, par. 67-113 Fiori = 68-
114 sherwood) se révèle encore plus intéressante sur ce point, car elle permet de
mettre en évidence la présence d’origène et d’évagre chez sergius à un niveau
plus profond que ne le laisserait penser l’utilisation qu’en fait l’archiatre dans la
première partie.
3.3. La section gnostique (I) : Évagre, Aristote et Denys l’Aréopagite
reprenons ici ces sept points tels que les a analysés Watt84. il conclut à la
présence dans le Discours d’un véritable curriculum à la fois parallèle et alternatif
à celui en vigueur à alexandrie à cette époque :
82. sergius en donne beaucoup d’exemples, cf. sergius, Discours sur la vie spirituelle, par. 100-
111 Fiori (=101-112 sherwood).
83. la précision « exprimables », apparemment superlue, pourrait s’ expliquer par le contraste
avec la connaissance extatique, qui se situe à l’autre bout de l’ascèse et qui, en revanche, ne peut pas
être exprimée par les mots.
84. cette partition est exposée in Watt, « From sergius to Mattā », p. 242-244.
80 e. Fiori
Watt établit donc des correspondances entre ces sept points et autant de
disciplines. ces parallèles, selon lui, révéleraient que sergius avait à l’esprit deux
curriculums asymétriques, dont l’un serait évagrien-dionysien et ascendant,
l’autre aristotélicien et descendant : « sergius voyait sans doute le cursus
évagrien-dionysien comme un parallèle “plus élevé” de l’aristotélicien »86. il
nous semble pourtant que cette analyse, tout à fait correcte dans la distinction
de deux « patterns », puisse être corrigée quant à la distinction ascendant/
descendant ainsi que pour la plupart des identiications proposées. il est possible
à notre avis de voir dans la description de sergius un programme d’avancement
spirituel à la fois plus simple et cohérent :
87. Watt, « From sergius to Mattā », p. 243 n. 19, où il observe l’ainité avec un passage
de ladite Lettre à Mélanie (in W. Frankenberg, Euagrius Ponticus, Weidmannsche buchhandlung,
berlin 1912 [abhandlungen der k̈niglichen gesellschaft der Wissenschaften zu g̈ttingen. phil.-
Hist. Klasse, neue Folge xiii/2], p. 618) où evagre écrit : « il faut savoir combien sont les natures
[…] quels sont les mouvements […] et lesquels parmi eux sont accrus par des causes extérieures ».
88. sur cette expression, qui se trouve aussi chez proclus et denys l’aréopagite, cf. H. lewy,
Chaldaean Oracles and Theurgy : Mysticism, Magic and Platonism in the Later Roman Empire,
nouvelle édition par M. tardieu, institut des études augustiniennes, paris 1978 (publications,
recherches d’archéologie de philologie et d’histoire, 13), p. 165-169 ; c. guérard, « l’hyparxis de
l’Âme et la “Fleur de l’intellect” dans la mystagogie de proclus », in J. pépin - H. d. safrey (éd.),
Proclus, lecteur et interprète des anciens, cnrs-éditions, paris 1987 (colloques internationaux du
cnrs), p. 335-349 ; y. de andia, Henosis. L’union à Dieu chez Denys l’Aréopagite, brill, leiden/
new york/K̈ln 1996 (philosophia antiqua, 71), p. 211-224.
89. sur ce point, qui à première vue pourrait se heurter à la fameuse sentence 87 sur l’« ignorance
ininie » dans le Traité Pratique d’evagre, voir la discussion de bettiolo dans evagrio pontico, Per
conoscere lui. Esortazione a una vergine. Ai monaci. Ragioni delle osservanze monastiche. Lettera ad
Anatolio. Pratico. Gnostico. introduzione, traduzione e note a cura di p. bettiolo, edizioni Qiqajon,
Magnano 1996 (padri orientali), p. 237-239, qui étudie les opinions de Hausherr, guillaumont et
bunge.
82 e. Fiori
90. selon une variante du ms. bibliothèque nationale de France, syriaque 378, f. 45v ܝܬܝܪܐܝܬ
ܐ ܝܕܥܬܐ: non pas, comme traduit Watt, « From sergius to Mattā », p. 243 n. 20, « superabun-
dance (selon la variante de l’édition sherwood, )ܝܬܝܪܝܬof non-knowledge and above knowledge ».
91. ceci n’est pas sans rappeler, au siècle précédant, le projet d’augustin qui, dans beaucoup de ses
écrits, tels le De Ordine, le De Magistro et le De Doctrina christiana, s’ eforce de valoriser l’apprentissage des
sciences profanes dans le sens d’une maturation spirituelle qui discipline, sans la supprimer, la curiosité sa-
vante : « geminus ordo cuius una pars vitae, altera eruditionis est »; cf. aug., De ordine ii.8, 25, dans Sancti
Aurelii Augustini Contra academicos. De beata vita. De ordine. De magistro. De libero arbitrio, W. M. green
- K. d. daur (éd.), brepols, turnhout 1970 (corpus christianorum series latina, 29), p. 164.
92. sergius, Discours sur la vie spirituelle, par. 101-110 Fiori (= 102-111 sherwood), passim.
93. ܬܪܐܐ: ܡܬܬܪܐܐest le pédagogue, le guide.
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 83
il montre sans aucun doute que cha- il est instruit94, grâce à la connaissance
cune des choses qui sont manifestes se exacte qu’il en a acquis, à sortir d’elles,
rapporte à une des réalités qui sont ca- et à travers elles, vers celles qui sont in-
chées, à savoir que toutes les choses vi- visibles […] un intellect de cette sorte ne
sibles ont un rapport de ressemblance comprend pas le genre des plantes de la
et de raison (rationis) avec les réalités même manière que les vendangeurs et
invisibles. par cela, puisqu’il est impos- les vignerons […] car il ne comprend ni
sible pour l’homme vivant dans la chair n’apprend leurs espèces et leurs variétés
de connaître quelque chose des réalités visibles […] il comprend par contre leurs
cachées et invisibles, s’ il n’en a conçu causes cachées, le “d’où” et le “pourquoi”
une image quelconque et une ressem- de telles espèces et des sortes … Lorsqu’il
blance à partir des choses visibles, les a dépassées et que grâce à elles il s’ est
pour cette raison je pense que celui élevé vers la hauteur de la connaissance
qui « a tout fait avec sagesse » a créé des natures cachées et spirituelles, il …
toute espèce des choses invisibles sur dit : tout ce qui est caché et tout ce qui
terre de façon à ce qu’il présente en est manifeste, je l’ai connu (Sag. 7, 21) :
elles un certain enseignement (doc- et il reconnaît aussi sa faiblesse, car ce
trinam) et une connaissance des n’est pas par soi-même qu’il a acquis leur
réalités invisibles et célestes, ain connaissance, mais parce qu’il s’ est mis à
que à travers elles l’intellect (mens) l’école de la sagesse divine.
humain s’ élève jusqu’à l’intelligence
spirituelle et cherche les principes
des choses dans les réalités célestes,
si bien que, une fois instruite par la
Sagesse de Dieu, elle aussi puisse
dire : Ce qui est caché et ce qui est
manifeste, je l’ai appris (Sag. 7, 21).
9495
ce passage se situe au cœur du Discours, car c’est ici que sergius justiie,
par l’intermédiaire de l’exégèse origénienne, ce que nous avons déini comme
l’enrichissement de l’ascétique évagrienne par les sciences profanes (la logique,
le quadrivium et les sciences naturelles). les analogies sont évidentes : à
travers la doctrina divine qui coïncide avec la ratio que les espèces possèdent
en elles-mêmes, l’intellect (mens- )ܡܕܥܐs’élève à la connaissance des natures
spirituelles (sergius) ou à l’intelligence spirituelle (origène). après cela, chez
les deux auteurs, l’intellect reconnait son progrès par les mots de Sagesse 7, 21,
et comprend que c’est grâce à l’instruction de la sagesse de dieu (origène) ou
« à l’école de la sagesse divine » (sergius) qu’il a achevé un tel but. le concept
typiquement évagrien de la connaissance des « raisons » des choses naturelles
est donc approfondi par sergius par le recours à l’enseignement origénien, lequel
d’ailleurs est efectivement à l’origine de la doctrine d’évagre. la raison de ce
retour à la source, c’est surtout la reprise du motif origénien de l’« école divine »,
94. origène, Commentaire sur le Cantique des Cantiques, tome ii, Texte de la version latine de
Ruin. traduction, notes et index par l. brésard - H. crouzel avec la collaboration de M. borret,
éd. du cerf, paris 1992 (sources chrétiennes, 376), t. ii (livres iii-iv), p. 632-636 (le texte est
seulement conservé dans la traduction latine de ruin).
95. sergius, Discours sur la vie spirituelle, par. 101-110 Fiori (= 102-111 sherwood), passim.
84 e. Fiori
sur lequel sergius insiste aussi plus loin : paul monta « jusqu’au troisième ciel,
et fut conduit à l’école ( )ܒܝܬ ܝܘܠܦܢܐdivine du paradis » (Discours sur la vie
spirituelle, par. 115 Fiori = 116 sherwood). on comprend ainsi pourquoi la
référence à origène est fondamentale. c’est en efet par l’intermédiaire de ce
motif qu’on peut découvrir la clé permettant de comprendre la igure qui est au
centre du Discours, qui en est le but, et qui n’a pas été étudiée suisamment : le
maître, à la fois intellectuel et ascète chrétien, dont sergius fait le protagoniste
du progrès spirituel décrit dans le Discours.
Une série de paragraphes dans la section gnostique de l’écrit (Discours sur la
vie spirituelle, par. 92-95 Fiori = 93-96 sherwood) est consacrée à cette igure. il
y est question de l’homme qui a achevé ce parcours spirituel et intellectuel et se
tourne ensuite vers les autres, se penchant sur eux comme sur des enfants, ain de
les instruire en leur transmettant ce qu’il a appris :
cet ascète-savant, après être monté par les degrés de la pratique évagrienne
et avoir acquis une gnose qui est à la fois science théologique et science profane
scholastique devient donc, avant tout, un modèle et un guide pour des disciples
qui vont entreprendre le même parcours, à l’image du christ. pour cette raison
on trouve dans le Discours une inversion entre gnōsis theou et theōria physikē, dont
Watt a remarqué l’apparente incongruité. nous pensons cependant que l’ordre
du discours relète celui de l’enseignement : après l’ascension par la pratique
et la gnose jusqu’au sommet de la contemplation, l’ascète redescend pour
enseigner aux autres96. l’ascèse évagrienne, enrichie par les savoirs scholastiques
alexandrins, devient elle-même école, dans une reformulation simultanément
traditionnelle et novatrice du rapport entre le maître spirituel et son disciple.
traditionnelle dans le contexte alexandrin, car l’idée de maître dessinée
par sergius a une origine ancienne dont les racines plongent dans les débuts
du christianisme intellectuel de la ville et dans l'enseignement (didaskaleion)
institué par clément et d’origène. clément, déjà, dans les Stromates vi.161,1
96. nous reprenons, ici et dans la suite, certaines suggestions de « È lui che mi ha donato», p. 51.
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 85
écrivait que « le gnostique, qui a reçu de dieu la capacité d’aider, est utile aux uns
en leur donnant une formation […] et aux autres en les incitant à l’émulation, et
à d’autres encore en les éduquant et en les instruisant par des préceptes : bien sûr,
il a reçu lui-même ces aides du seigneur ». Marco rizzi remarque que « pour
clément le maître chrétien exerce sa didascalie à l’imitation du seigneur »97.
les parallèles avec la conception de sergius sont évidents, et il n’est pas exclu
qu’une étude plus approfondie permette de retracer d’autres ainités entre les
igures du « pédagogue » chez clément et chez sergius. la didaskalia des deux
pères alexandrins est proche de celle de sergius sur un point fondamental : leur
enseignement n’exclut pas les disciplines profanes, ni même les sciences. clément
ne refuse pas la tradition savante grecque, qu’il considère comme illuminée, bien
que dans une mesure imparfaite, par le logos, et il l’utilise abondamment dans
son œuvre. l’Éloge d’Origène, attribué à grégoire le thaumaturge, nous informe
d’autre part qu’à césarée, avant de faire passer ses élèves à l’étude de l’écriture,
origène enseignait les bases du savoir encyclopédique grec : dialectique,
mathématique, géométrie, astronomie, éthique98. on retrouve là plusieurs des
éléments qui seront répétés dans le Discours de sergius comme part intégrante
d’un curriculum chrétien, où la préparation intellectuelle passe par les sciences
avant d’atteindre la théologie. il reste bien évidemment très important, pour
origène et clément comme pour sergius, que de ces disciplines soit fait un bon
usage chrétien, l’exemple le plus fameux de cette attitude étant conservé dans la
lettre à grégoire d’origène99.
il nous semble crucial aussi de souligner que clément et origène exercèrent
leur magistère en suivant chacun un mode de vie tendanciellement ascétique,
tout en étant des igures “mondaines”, insérées et actives dans la haute société
urbaine de leur temps : que l’on pense aux argumentations de clément dans le
Quis dives salvetur ?, lesquelles présupposent un public aisé, ou aux relations
sociales d’origène dans l’aristocratie de césarée. plus tard, au ive siècle, et
ce qui rend “nouvelle” cette conception du maître est en efet son lien avec
le contexte de l’alexandrie de l’époque de sergius. comme on l’a souligné,
l’archiatre a enrichi le contenu de la gnose évagrienne en lui ajoutant la logique
(laquelle n’était certainement pas inconnue d’évagre lui-même), le quadrivium,
et en donnant une présence signiicative aux sciences naturelles, y compris
la médecine et la botanique. au sommet, il a placé une mystique qui dépasse
désormais évagre pour s’ inspirer de denys. le proil déjà complexe de sergius
se complexiie encore par l’addition d’un nouveau facteur ; en efet, toute
acquisition intellectuelle reçoit son sens de sa inalité ascétique. ce qui nous
amène à poser une question fondamentale : de quel modèle s’ inspire cette igure
de maître, harmonisant sciences profanes, théologie et pratique ascétique, tout
en étant à la fois un intellectuel, un citoyen et un guide spirituel ? nous sommes
persuadés que cette igure n’est pas uniquement idéale, et qu’elle correspond à un
100. p. bettiolo, « dei casi della vita, della pietà e del buon nome. intorno ai “detti” siriaci
di Menandro », in M. s. Funghi (éd.), Aspetti di letteratura gnomica nel mondo antico i, olschki,
Firenze 2003, p. 83-103 : ici p. 98-99.
101. bettiolo, « dei casi della vita », p. 103.
102. Watt, « von alexandrien nach bagdad », p. 224.
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 87
103. e. J. Watts, City and School in Late Antique Athens and Alexandria, Univ. of california
press, berkeley 2006 (transformation of the classical Heritage, 41), p. 224-225.
104. Watts, City and School, p. 230.
105. Zacharie le scholastique, Vie de Sévère. textes syriaques publiés, traduits et annotés
par M.-a. Kugener, in r. grain - F. nau (éd.), Patrologia Orientalis, Firmin-didot, paris 1904
(réimp. anastatique par brepols 1993) t. ii, fasc. 1 n° 6, p. 52-55.
106. Une excellente description d’ensemble se trouve dans Watts, City and School, p. 213-216.
107. cf. par exemple King, « alexander of aphrodisias », p. 173-175.
88 e. Fiori
4. Conclusion
il ne faut cependant pas oublier que tant la description idéale de ce projet
dans le Discours sur la vie spirituelle que sa mise en pratique dans d’autres
ouvrages de sergius sont destinées à un public syriaque. sergius est bel et
bien un intellectuel alexandrin, mais son activité intellectuelle se déroule en
Mésopotamie et elle s’ exprime dans la langue des syriens. on pourrait donc
dire qu’il importa dans une autre culture le modèle intellectuel qui était le sien
et dans lequel il avait été formé.
108. édition et trad. italienne in Zacaria scolastico, Ammonio. introduzione, testo critico, tradu-
zione e commentario a cura di M. Minniti colonna, tipolitograia la buona stampa, napoli 1973.
Un intellectUel alexandrin en MésopotaMie 89
109. par ex. Watt, « From sergius to Mattā », p. 148-149 : « Qenneshre in particular seems
to have been inluenced by the model that sergius created », ce qui amène Watt à parler même de
« success of sergius’ project ». Watt cite ici Watt, « commentary and translation », p. 34 (il s’ agit
en fait des p. 36-37), où l’on retrouve la même argumentation, mais avec plus de nuances.
110. il est donc vrai, dans une certaine mesure, ce qu’airme dimitri gutas, à savoir que le
“projet” de sergius échoua (mais avait-il vraiment un projet organique de difusion du savoir grec
au syriens ?) ; cependant, dans le cas de sergius cela n’est pas dû à l’absence d’un contexte social et
politique adéquat à le recevoir, mais s’ explique par la singularité irrépétible du modèle intellectuel
et spirituel que sergius incarnait. voir d. gutas, Greek Thought, Arabic Culture : the Graeco-Arabic
Translation Movement in Baghdad and Early Abbasid Society (2nd-4th/8th-10th c.), routledge, lon-
don 1998, p. 20-22.
111. cf. plus haut, nn. 62-64.
112. d’autre part, il ne faut pas oublier, comme le suggère Watt, « From sergius to Mattā »,
p. 247, que le modèle de sergius, avec ses traits ascétiques, pourrait avoir été l’un des facteurs qui
facilitèrent l’introduction d’aristote dans les milieux monastiques. d’autre part, les études grecques
étaient inscrites dans le “génome” même de Qenneshre dès les origines du monastère.
113. l’astrologie est même condamnée, dans la génération suivante, par Jacques d’edesse,
comme le rappelle King, « origenism », p. 199.
114. sur ce sujet voir mon « la cultura ilosoica e scientiica greca nella chiesa siro-occiden-
tale (vi-viii secolo) : un tentativo di interpretazione e uno sguardo d’insieme », dans e. vergani
90 e. Fiori
- s. chialà (éd.), L’eredità religiosa e culturale dei Siri-occidentali tra VI e IX secolo, centro ambro-
siano, Milano 2012, p. 117-144, en part. p. 117-122.