Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
DES
PHILOSOPHES ANTIQUES
CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
DICTIONNAIRE
DES
PHILOSOPHES ANTIQUES
publié sous la direction de
RICHARD GOULET
Chercheur au C.N.R.S.
d’Abam(m)on à Axiothéa
1989
© Centre National de la Recherche Scientifique, Paris 1989
ISBN 0-000-00000-0
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 455
Éditions anciennes. Editio princeps : 31 Alde Manuce, « édition Aldine »,
Venise 1508 ; 32 J. B. Camot, (« editio Camotiana », dite « Aldine minor »), Venise
1551 ; 33 Édition de Bâle : Aristotelis de Arte Rhetorica libri tres, Bâle 1546, 240
p. ; 34 Petrus Victorius, Commentarii in tres libros Aristotelis de Arte dicendi,
Firenze 1548 ; 35 M. A. Muret, Aristotelis Rhetoricorum libri duo, Roma 1585. Sur
la tradition médiévale, voir Schneider 23.
(Cette notice a mis à contribution une bibliographie aristotélicienne préparée par Françoise
Caujolle-Zaslawsky.)
ANDRÉ WARTELLE.
PLAN DE LA NOTICE
LES TRADUCTIONS DE LA RHÉTORIQUE
LES COMMENTAIRES
I. COMMENTAIRES ANTIQUES SIGNALÉS PAR LES ARABES.
II. KINDĪ, M. B. MŪSĀ, ĞĀBIR, IBN BADR, IBN AL-HAYŤAM, IBN AL-ṬAYYIB,
BAĠDĀDĪ.
III. ‛ĀMIRĪ (D Xe S. - 992).
IV. FĀRĀBĪ († 950).
A. Le livre de la rhétorique (Kitāb al-ḫaṭāba).
B. Didascalia in Rethoricam Aristotelis ex glosa Alpharabii.
C. Autres textes.
V. AVICENNE († 1037)
A. Des significations du livre Rhêtoriké. Les traits du caractère et les passions de
l’âme.
B. La rhétorique.
C. Autres textes.
VI. AVERROÈS († 1198).
A. Abrégé de la Rhétorique.
B. Le Commentaire moyen à la Rhétorique.
Göttingen 1968, p. 19-26, et 22 W. Strohmann, « Die Schrift des Anton von Tagrit
über die Rhetorik », dans 21, p. 199-216.
Traduction arabe conservée. Version anonyme dont on n’a qu’un seul
manuscrit [BN, Parisinus ar. 2346 (ancien fonds ar. 882 A), fol. 1-65v].
Description matérielle dans Margoliouth 16, p. 377 ; Georr 13, p. 183-189 ; 23 ‛A.
Badawi, « Maḫṭūṭāt Arisṭū fī l-‛arabiyya », RIMA 1, 1955, p. 229 ; 24 J. Kraemer,
« Arabische Homerverse », ZDMG 106, 1956, p. 265 n. 3 ; Lyons 12, t. I, p. XIII,
XXIII-XXIV. Cette copie a été faite sur une autre d’Ibn al-Samḥ († 1027), qui en a
lui-même collationné plusieurs (arabes et syriaque) : sur cet éditeur, les copistes
médiévaux de ce texte, ainsi que leur technique, voir Stern 14, p. 31-33, 41-44, et
Lyons 12, t. I, p. I-XVI, XXVI, XXVII-XXXIII (qui corrige, notamment, certaines
erreurs de Stern) ; Heinrichs 17, p. 313-315. Une remarque marginale du manuscrit
de Paris semble indiquer qu’il a été copié en 1027 ; d’autres portent témoignage
d’une copie de 320 H, d’une collation de 209 H et d’un lecteur de 113 H, ce qui
nous ramènerait à 731 ap. J.-C. (Lyons 12, t. I, p. IV-VI, XXXI ; position plus
nuancée de Heinrichs 17, p. 313-314). L’ancienneté de la traduction est d’ailleurs
confirmée par l’examen de sa terminologie, de son style et de ses contresens (voir
Lyons 12, p. I-II, XVI, XXV, XXVII-XXI ; Badawi 7, p. w-z, y ; Heinrichs 5, p. 51). Il
s’agirait de la « traduction ancienne » des biobibliographes arabes (Heinrichs 5,
p. 51 ; Badawi 7, p. w-z ; Lyons 12, t. I, p. I-VI, XXVII-XXXI ; Dodge 10, t. II, p. 601-
602). Cette traduction semble avoir été faite sur une version syriaque (Badawi 7, p.
y ; Margoliouth 16, p. 376-379, 387 ; Georr 13, p. 186, 188-189 ; Stern 14, p. 42 ;
Lyons 12, t. I, p. II-IV, VIII, XVI, XXV, commentaire ; cf. cependant Heinrichs 17,
p. 313-314). Elle porte, dans le Parisinus ar. 2346, sur les trois livres de Rhét. (la
lacune correspondant à 1412 a 16–1415 a 4 est due à la perte d’un feuillet). L.
Bottin montre cependant, dans 25 Contributi della tradizione greco-latina e arabo-
latina al testo della Retorica di Aristotele, coll. « Studia Aristotelica » 8, Padova
1977, p. 75-85, reproduisant 26 L. Bottin, « La tradizione araba della Retorica di
Aristotele e il problema dell’exemplar decurtatum », Scritti in onore di Carlo
Diano, Bologna 1975, p. 53-62, que des versions réduites de ce texte ont dû
circuler au Moyen Age. La terminologie employée dans la traduction est
incertaine, elle comporte de nombreuses translittérations et est souvent différente
du vocabulaire qui s’établira par la suite ; il est, dans bien des cas, manifeste que
l’original grec n’a pas été compris : Badawi 7, p. w-z, y ; Margoliouth 16, p. 377-
385, 387 ; Lyons 12, t. I, p. I-II, XVI, XXV, XXVII-XXXI, commentaire ; 27 J.
Wansbrough, c.r. de Lyons 12, BSOAS 47, 1984, p. 550-551. Remarques
intéressantes à ce sujet dans Kraemer 24, p. 265-268.
A propos de l’utilisation de la traduction arabe pour l’établissement du texte
grec de Rhét., Lyons 12, p. XXVI, écrit : « It was advanced by Margoliouth and
confirmed by Kassel that the Arabic represents an early and independent Greek
tradition, but although additions can be made to the number of significant readings
quoted by Kassel…, it is apparent that the Arabic makes only a limited
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 459
contribution to the Greek text. » Nous indiquons ici, dans l’ordre chronologique,
les différentes tentatives entreprises dans ce sens :
1) Margoliouth 16, p. 376-387, signale, dans un article fondamental mais non
sans inexactitudes (notamment dans les références à l’édition Bekker), certaines
erreurs manifestes de la traduction arabe, examine ses rapports avec les manuscrits
grecs et la traduction gréco-latine de Guillaume de Moerbeke, conclut que la
traduction arabe est un témoin indépendant important et relève d’intéressantes
variantes.
2) Grignaschi 11, p. 134 n. 3.
3) Pour avoir accès à la traduction arabe de Rhét., le dernier éditeur du texte
grec de ce traité s’est servi de Margoliouth 16, du latin d’Hermann, d’une
traduction allemande du Parisinus ar. 2346 (Livre I et nombreux extraits des
Livres II et III), communiquée à titre privé par E. Panoussi, ainsi que de certains
articles publiés dans Bottin 25. Voir à ce sujet : Kassel 6, p. V, 88-92, 96, 112, 114,
118, 119, 125-126, 127, 129, 131, 134-135, 136-137, 139, 141-142 ; 28 R. Kassel
(édit.), Aristotelis Ars Rhetorica, Berlin/New York 1976, XIX-259 p. Les leçons de
l’arabe qu’il a retenues ont souvent reçu un accueil favorable ; ainsi, par exemple,
dans les c.r. de 29 D. C. Innes, « Towards a text of Aristotle’s Rhetoric », CR 26,
1976, p. 172-173 ; 30 A. C. Cassio, RFIC 106, 1978, p. 86-93 ; 31 M. C.
Nussbaum, AGPh 63, 1981, p. 346-350. Voir aussi Lyons 12, t. I, p. XXVI, XXXIII,
commentaire, qui est, en général, d’accord avec les propositions de l’éditeur
allemand.
4) Bottin 25, 112 p., qui reprend, en les rectifiant parfois, des travaux qu’il
avait publiés antérieurement et leur en ajoute d’autres, a pour objet principal la
restitution de certains passages de Rhét. à partir de la traduction arabe, de la
traduction latine d’Hermann, des versions arabe et latine du Commentaire moyen
d’Averroès (sur ces textes, cf. infra) et de la translatio anonyma vetus.
5) Lyons 12, dernier éditeur du texte arabe, qui se sert d’Hermann, des
philosophes arabes (Didascalia de Fārābī, La rhétorique d’Avicenne,
Commentaire moyen de la Rhétorique d’Averroès : sur ces ouvrages, cf. infra), de
Margoliouth 16, de Kassel 6 et 28, mais non de Bottin 25 ni de Grignaschi 11,
p. 134 n. 3, propose quelques lectures du grec que Kassel n’avait pas faites,
examine celles retenues par ce dernier et avance un certain nombre de conjectures
(Lyons 12, t. I, p. XXVI, XXXIII et commentaire).
La remarque de Badawi 7, édit. de 1959, p. y-k, 239 n. 4, 240 n. 2, selon
laquelle la traduction arabe aurait conservé un long passage de Rhét. III, absent des
manuscrits grecs, a été, à juste titre, rejetée par cet auteur lui-même (Badawi 8,
p. 342-343, et id. 7, édit. de 1979).
Quelques-unes des additions de la traduction arabe proviennent, sans doute, de
scholies grecques : voir Kassel 6, p. 92 ; Bottin 25 ; Lyons 12, t. I, p. 264, 269, qui
rapproche deux passages du texte d’Ibn al-Samḥ des commentaires byzantins du
460 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
e
XII s. de Stéphanos et de l’Anonyme édités par 32 H. Rabe (édit.), Anonymi et
Stephani in Artem rhetoricam commentaria, CAG XXI 2, 1896, XVIII-442 p.
La traduction arabe ancienne a été éditée et imprimée, à deux reprises, dans sa
totalité.
1) Badawi 7, XII-268 p. [table des matières, p. ğ-h ; introduction en arabe, p. w-
1 ; texte arabe, p. 3-255 ; index des noms, p. 256-265 ; index des principaux
concepts (non exhaustif), p. 266-267 ; errata, p. 268 - cette page disparaît dans
l’édition de 1979, les erreurs qu’elle indique ayant été corrigées]. Voir aussi, pour
l’édition de 1959, les errata ajoutés par id. 8, p. 342-343. C.r. en français de
Badawi 7, par 33 G. C. Anawati, MIDEO 6, 1959-1961, p. 260-261. Les limites du
travail de pionnier du savant égyptien ont été soulignées par Lyons 12, t. I, p. XXIII-
XXIV, XXVIII-XXXI, XXXIII. On ajoutera que ‛A. Badawi n’a pas utilisé, pour
remédier aux défauts du Parisinus ar. 2346, la traduction latine d’Hermann et les
commentaires arabes (voir Badawi 7, p. ḥ-ṭ, et id. 8, p. ṭ), sauf dans quelques cas
signalés dans les errata d’id. 8, p. 342-343. Heinrichs 17, p. 312, signale aussi un
article critique, en persan, d’E. Panoussi.
2) Lyons 12, 2 vol., XXXV-404 p., 305 col. (t. I : introduction en anglais, p. I-
XXXIII ; bibliographie, p. XXXIV ; texte arabe, p. 1-224 ; commentaire visant à
dégager les différences entre la traduction arabe et le texte grec et à proposer
certaines lectures de celui-ci, p. 225-404 ; t. II : glossaire grec-arabe, col. 1-158 ;
glossaire arabe-grec, col. 159-305). Lyons a tenu compte, dans son édition, de la
traduction d’Hermann et des commentaires arabes, surtout du Commentaire moyen
de la Rhétorique par Averroès (cf. Lyons 12, t. I, p. XVI-XXIII, XXXIII, apparat
critique du texte arabe, commentaire). C.r. par Heinrichs 17, p. 312-316, et
Wansbrough 27, p. 550-551.
É t u d e s d ’ o r i e n t a t i o n : Lyons 12, introduction ; 34 M. C. Lyons, « On
the Arabic of Aristotle’s Rhetoric », article à paraître, à New York, dans un numéro
spécial de Paideia.
Traduction arabo-latine. Rethorica, publiée en 1256 par Hermann
l’Allemand, constituée principalement de la traduction de la version arabe de Rhét.
et, accessoirement, de quelques explications empruntées aux commentaires de
Fārābī, d’Avicenne et d’Averroès. Sur les manuscrits de ce texte, jamais imprimé,
sa date, son contenu, la réfutation du point de vue de ceux qui l’attribuent à Fārābī
ou à Averroès, voir 35 W. F. Boggess, « Hermannus Alemannus’s Rhetorical
Translations », Viator 2, 1971, p. 236-250. On complétera cet article par les études
suivantes : 1) Lyons 12, t. I, p. XVI-XXIII, XXXIII, apparat critique du texte arabe et
commentaire, examine en détail les rapports de la traduction de Hermann avec le
Parisinus ar. 2346, établit la proche parenté des deux textes, tout en relevant, dans
le premier, les traces d’une tradition manuscrite antérieure ou supérieure à celle du
second, et se sert, sous certaines conditions, du latin pour l’établissement de
l’arabe. 2) Grignaschi 11 apporte, p. 125-127, des précisions sur la date et montre,
p. 134-137, que Hermann s’est appuyé sur des copies différentes d’une seule
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 461
traduction arabe, celle-là même qui est représentée par le Parisinus ar. 2346. 3)
Bottin 25, p. 75-85, établit, toutefois, que la traduction utilisée par l’auteur latin
était un exemplar decurtatum (absence de Rhét. II 15-17, notamment). Bien que 36
B. Schneider, Die mittelalterlichen griechisch-lateinischen Übersetzungen der
aristotelischen Rhetorik, coll. « Peripatoi » 2, Berlin/New York 1971, p. 1-3,
émette des doutes sur l’utilité de la traduction de Hermann pour la critique du texte
grec, Kassel (cf. les références données dans la section sur la « Traduction arabe
conservée ») et Bottin 25 se sont servis d’elle.
LES COMMENTAIRES
II. KINDĪ, M. B. MŪSĀ, ĞĀBIR, IBN BADR, IBN AL-HAYŤAM, IBN AL-ṬAYYIB,
BAĠDĀDĪ.
111, qu’Ibn Abī Uṣaybi‛a († 1270) attribue effectivement à Kindī une Épître
décrivant l’éloquence (Risāla fī ṣifat al-balāġa). L’intérêt de l’école de Kindī pour
Rhét. a été souligné par Peters 2, p. 28 (cf. Dodge 10, t. II, p. 601-602). La seconde
affirmation de Rescher provient de sources erronées (par ex. 42 G. Flügel, Al-Kindî
genannt « der Philosoph der Araber ». Ein Vorbild seiner Zeit und seines Volkes,
dans ADMG I. Band, N° 2, Leipzig 1857, p. 8). Voir, à ce sujet, Steinschneider 1,
p. (87), et Heinrichs 5, p. 107. Sur la place de Rhét. dans la classification des
sciences et, plus particulièrement, dans la logique, on consultera, pour ce qui est de
Kindī, Rescher 40, p. 28-38.
– Muḥammad b. Mūsā (ca 815-873). Selon Rescher 38, p. 106, Abū l-Ğa‛far
Muḥammad b. Mūsā aurait écrit un livre intitulé On the aims (aghrāḍ) of the
Rhetorica. 43 H. Suter, Die Mathematiker und Astronomen der Araber und ihre
Werke…, Amsterdam 1981 (réimpr. de trois publications parues en 1900, 1902 et
1897), p. 21, auquel renvoie Rescher, écrit : « Ein Buch über das Wesen der Rede
(Rhetorik), von Muh. » Cette information vient d’Ibn al-Nadīm qui a : « Kitāb ‛alā
mā’iyyat al-kalām maqāla li-Muḥammad », que Dodge 10, t. II, p. 646, traduit par
« About the essence of speech, a treatise by Muḥammad ». Le mot aġrāḍ de
Rescher n’apparaît donc pas dans ses sources. De plus, on devra se demander si
kalām désigne ici Rhét. (Rescher), la rhétorique (Suter), le discours en général ou
la logique (ce terme et ses dérivés ont parfois été utilisés pour rendre ≥∫z∑ » et ses
dérivés : voir Lyons 12, t. II, col. 90, 276). De toute façon, il n’y aurait rien
d’étonnant à ce que Muḥammad b. Mūsā se soit intéressé à Rhét., les Banū Mūsā
(et leur père) ayant, avec l’appui du calife al-Ma’mūn (813-833), encouragé le
mouvement des traductions et l’acquisition d’ouvrages grecs dans l’Empire
byzantin. De Muḥammad b. Mūsā, Ibn al-Qifṭī († 1248) écrit d’ailleurs qu’il a,
entre autres, collecté des ouvrages de “logique” (Lippert 37, p. 442).
– Le corpus de Ğābir (IXe-Xe s.) comporte le titre suivant : Notre livre dans
lequel nous avons commenté le livre d’Aristote sur la Rhétorique et sur
l’Éloquence en matière de Poésie et de Dialectique. 44 P. Kraus, Jābir ibn
Ḥayyān, Contribution à l’histoire des idées scientifiques dans l’Islam, I : Le corpus
des écrits jābiriens, coll. « Mémoires de l’Institut d’Égypte » 44, Le Caire 1943,
p. 164, n° 2586, auquel nous empruntons cette traduction, remarque qu’« il est
possible que Jābir ait commenté la Rhétorique et la Poétique dans un ouvrage
unique, mais le titre précité est équivoque ».
– Ibn Badr (ca 960-ca 1020), logicien et mathématicien andalou, aurait
composé une série d’abrégés des « huit livres de logique » (donc : Rhét. incluse,
Poét. exceptée) : voir Rescher 38, p. 144-145 ; Ibn al-Qifṭī (Lippert 37, p. 225) ; 45
R. Blachère (trad.), Ṣâ‛id al-Andalusî, Kitâb Ṭabaât Al-Umam. Traduction avec
Notes et Indices précédée d’une Introduction, Paris 1935, p. 128-129.
– Ibn al-Hayṯam (Alhazen) (ca 965-1039). Il aurait, selon Ibn Abī Uṣaybi‛a,
composé une série d’abrégés des « sept livres de logique ». Alors que Rescher 38,
p. 145, considère que cette collection ne devait pas comprendre Rhét.,
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 463
Steinschneider 1, p. (78), paraît admettre – à juste titre, nous semble-t-il – le
contraire.
– Ibn al-Ṭayyib (ca 980-1043) [Abulpharagius Abdalla Benattibus]. Ce célèbre
philosophe nestorien de l’école de Bagdad [à laquelle avait appartenu aussi Ibn al-
Samḥ († 1027), l’éditeur de la traduction arabe de Rhét.], qui recourait volontiers
aux gloses alexandrines, a composé, entre autres, un grand commentaire (tafsīr) de
Rhét., dont on aurait tiré ensuite un abrégé : cf. Rescher 38, p. 155-157, et 46 K.
Gyekye, Arabic Logic. Ibn al-Ṭayyib’s Commentary on Porphyry’s Eisagoge, coll.
« Studies in Islamic Philosophy and Science », Albany (N. Y.) 1979, p. 20. Il est
probable qu’Avicenne et Averroès aient visé le grand commentaire d’Ibn al-Ṭayyib
dans leurs critiques de certains commentateurs antérieurs qu’ils ne nomment pas
(voir les sections V B et VI B de cette notice).
– ‛Abd al-Laṭīf al-Baġdādī (1162-3 à 1231-2). Ce grand admirateur de la
philosophie grecque et de Fārābī s’est intéressé, comme l’attestent plusieurs titres
rapportés par Ibn Abī Uṣaybi‛a, à la tradition aussi bien arabe qu’aristotélicienne
de la rhétorique. Dans ce dernier cas, il devait s’agir, nous semble-t-il, d’abrégés
plus ou moins amples. Pour des informations plus détaillées, on se reportera aux
ouvrages signalés dans Rescher 38, p. 189-191, plus particulièrement à Al-Farabi
de Steinschneider.
Les commentaires perdus, que nous venons de passer en revue, sont donc, pour
la plupart, des abrégés et, dans un cas, particulièrement important, un commentaire
nettement plus ample, la glose d’Ibn al-Ṭayyib. La suite de cette notice, qui
envisagera, après la doxographie de ‛ mirī, les auteurs dont il nous reste encore des
ouvrages consacrés à Rhét., montrera que, pour chacun d’eux, l’on peut aussi
distinguer entre abrégés et commentaires continus (commentaire moyen ou grand
commentaire).
Sur les informations rapportées par les biobibliographes, voir Grignaschi 11,
p. 126-131 ; 50 id., « Les traductions latines des ouvrages de la logique arabe et
l’Abrégé d’Alfarabi », AHMA 47, 1972, p. 45-60 et appendice I A, et
Steinschneider 1, p. (87), qui dénonce l’opinion selon laquelle Fārābī aurait
commenté un commentaire de Rhét. par Alexandre d’Aphrodise. Il reste
actuellement deux textes de Fārābī consacrés in extenso à Rhét. ainsi qu’un certain
nombre de remarques s’y rapportant mais dispersées dans l’œuvre de cet auteur.
1968, p. 176). Quoi qu’il en soit, le prologue, qui constitue la quasi-totalité des
Didascalia, est fait selon un schéma alexandrin [id. 63, p. 192-199 ; id. 11, p. 127-
130, 146 (post-scriptum)]. Voir aussi 64 G. Schoeler, Einige Grundprobleme der
autochthonen und der aristotelischen arabischen Literaturtheorie, Ḥāzim al-
Qarṭāğannī’s Kapitel über die Zielsetzungen der Dichtung und die Vorgeschichte
der in ihm dargelegten Gedanken, coll. « Abhandlungen für die Kunde des
Morgenlandes » 41, 4, Wiesbaden 1975, p. 76-80 (à corriger par 65 id.,
« Berichtigungen und Nachträge », ZDMG 126, 1976, p. *80*-*81*), qui, exposant
rapidement les différents procédés de la persuasion dans les Didascalia, évoque
leurs relations avec la théorie théophrastienne de l’ὑπόκρισις ; 66 W. F. Boggess,
« Alfarabi and the Rhetoric : The Cave Revisited », Phronesis 15, 1970, p. 86-90,
qui, rappelant les origines alexandrines de l’inclusion de Rhet. dans l’Organon,
attire l’attention sur la justification donnée, dans les Didascalia, de cet ordre : la
rhétorique correspondrait à la redescente du philosophe dans la caverne du mythe
de Platon, Rép. VII.
La Declaratio compendiosa, table des matières de Rhét. publiée pendant la
Renaissance, est un extrait, révisé, des Didascalia (Grignaschi 11, p. 142-147 ;
Boggess 35, p. 227-230, 233-236, 246-249).
Édition critique des Didascalia : Grignaschi 11, p. 123-274 [introduction en
français, p. 125-147 ; texte latin et abondante annotation, p. 149-252 ; index des
termes, p. 253-258 ; index des auteurs, p. 259-260 ; index des œuvres et des
citations, p. 261-268 ; œuvres citées dans l’introduction et les notes, p. 269-272 ;
table des matières (Didascalia), p. 273-274]. C.r. par Zimmermann 57, p. 264-265,
Vajda 59, p. 313, et Gätje 59bis, p. 349-351.
Lyons 12, t. I, p. I, XXI, XXVII, apparat critique, commentaire, s’est servi des
Didascalia pour l’établissement du texte arabe de Rhét.
C. Autres textes
Divers textes de Fārābī ne traitant pas exclusivement de la rhétorique ont servi
à retrouver la trace de théories ou d’auteurs antiques autrement inaccessibles. Il en
est ainsi des justifications que donne cet auteur de l’inclusion de la rhétorique et de
la poétique dans l’Organon et du lien établi, à cette occasion, entre l’imagination,
l’imitation et l’action, à l’œuvre surtout dans la poésie, mais aussi dans la
rhétorique ; cf. R. Walzer, « Zur Traditionsgeschichte der aristotelischen Poetik »,
dans 67 id., Greek into Arabic. Essays on Islamic Philosophy, coll. « Oriental
Studies » 1, Oxford 1962, p. 129-136 ; Grignaschi 11, p. 211 n. 1 ; id. 63, p. 184-
185 ; Heinrichs 5, p. 130-154, à rectifier par 68 G. Schoeler, « Der poetische
Syllogismus. Ein Beitrag zum Verständnis der “logischen” Poetik der Araber »,
ZDMG 133, 1983, p. 43-92 ; 69 D. Gutas, « Paul the Persian on the classification of
the parts of Aristotle’s philosophy : a milestone between Alexandria and Bagdad »,
Isl 60, 1983, p. 231-267. De ce complexe, on rapprochera la thèse selon laquelle la
rhétorique et la poétique peuvent exprimer symboliquement, grâce à l’imagination
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 467
et à l’imitation, dans des domaines couverts par les confessions religieuses (milal)
et l’activité des prophètes et des philosophes-rois, des réalités purement
intelligibles ou non, thèse qui est, peut-être, aussi empruntée à des commentaires
anciens et perdus mêlant, au noyau aristotélicien, des idées platoniciennes,
néoplatoniciennes et stoïciennes. Explications et références dans : 70. R. Walzer,
L’éveil de la philosophie islamique, extrait de REIsl 38, 1970, hors série 1, Paris
1971, p. 17-19, 65-68, 73 ; « Al-Fārābī’s Theory of Prophecy and Divination »,
dans Walzer 67, p. 206-219 ; « Platonism in Islamic Philosophy », ibid.,
p. 245-248 ; 71 R. Walzer, « Aspects of Islamic Political Thought : al-Fārābī and
Ibn Xaldūn », Oriens 16, 1963, p. 46-50, 55 ; 72 R. Walzer, « Lost Neoplatonic
Thought in the Arabic Tradition », dans Le néoplatonisme (Colloque CNRS,
Royaumont 1969), Paris 1971, p. 323-328 ; 73 W. Heinrichs, « Die antike
Verknüpfung von phantasia und Dichtung bei den Arabern », ZDMG 128, 1978,
p. 269-298. Cependant, pour 74 H. Daiber, « Semitische Sprachen als
Kulturvermittler zwischen Antike und Mittelalter. Stand und Aufgaben der
Forschung », ZDMG 136, 1986, p. 311-312 ; 75 id., « Prophetie und Ethik bei
Fārābī (gest. 339/950) », dans C. Wenin (édit.), L’homme et son univers au Moyen
Age. Actes du Septième Congrès international de philosophie médiévale (30 août -
4 septembre 1982), coll. « Philosophes médiévaux » 27, Louvain-La-Neuve 1986,
p. 729-753 ; 76 id., « The ruler as philosopher. A new interpretation of al-Fārābī’s
view », MALKAW, Nieuwe Reeks 49, N° 4, 1986, p. 133-149, Fārābī a bien pu ici
élaborer, à partir d’Aristote et d’Alexandre d’Aphrodise, mais sans passer par la
médiation d’un modèle antique, une solution philosophique au problème posé par
la prophétie musulmane. Dans une partie, assez étrange pour la pensée islamique,
de 77 M. Mahdi (édit.), Alfarabi’s Book of Letters (Kitāb al-Ḥurūf). Commentary
on Aristotle’s Metaphysics. Arabic Text edited with Introduction and Notes, coll.
« Recherches publiées sous la direction de l’Institut de Lettres Orientales de
Beyrouth, série I : Pensée arabe et musulmane » 46, Beyrouth 1969, XV-254 p., le
philosophe arabo-turc expose l’histoire de la langue et de la culture, situant la
rhétorique aussi bien vers le début du processus que du côté de sa fin (cf. Heinrichs
73, p. 273-284 ; Gutas 69, p. 257-260 ; 78 G. Vajda, « Langage, philosophie,
politique et religion d’après un traité récemment publié d’Abū Naṣr al-Fārābī », JA
258, 1970, p. 250-260, qui évoque, en passant, des doctrines “politiques” grecques
dont Fārābī se serait inspiré). Enfin, à un passage du Kitāb al-alfāẓ al-musta‛mala
fī l-manṭiq portant sur les différentes sortes de mots (noms, verbes, articles) doit,
sans doute, correspondre un texte antique intégrant et dépassant des idées
d’Aristote (exprimées notamment dans Rhét.), de Denys de Thrace et des stoïciens
(79 H. Gätje, « Die Gliederung der sprachlichen Zeichen nach al-Fārābī », Isl 47,
1971, p. 1-24).
468 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
V. AVICENNE († 1037)
B. La rhétorique
Ce commentaire, beaucoup plus ample que le précédent, constitue la huitième
partie [que nous intitulerons, à la suite de Salem 9, Al-ḫaṭāba (i.e. La rhétorique)]
de la quatrième somme (La logique) du Šifā’. Le philosophe arabo-iranien suit
d’assez près, dans cette Rhétorique, la totalité du texte d’Aristote. On notera
toutefois, au niveau de la structure globale, certaines particularités. Les deux
premiers chapitres de l’ouvrage du Stagirite sont détachés du reste de sorte qu’au
lieu des trois livres de Rhét., Al-ḫaṭāba en comporte quatre. Ceux-ci sont, à leur
tour, divisés en sections ayant, le plus souvent, un titre (ces divisions sont
reproduites, avec quelques infidélités, dans la table des matières de Salem 9 et dans
Langhade 11, p. 24-25). Une section sur les rapports de la rhétorique avec les
autres arts logiques, la démonstration et la dialectique surtout, est sans
correspondant dans la Rhét. Al-ḫaṯāba n’est pas un grand commentaire en ce sens
qu’elle n’est pas divisée en citations textuelles d’Aristote suivies d’explications. Il
s’agit plutôt d’un commentaire moyen (les propos du Maître sont mêlés à ceux qui
les clarifient), mais Avicenne a plus tendance à ajouter des développements
qu’Averroès dans sa scholie du même type. La traduction arabe utilisée est celle
éditée par Ibn al-Samḥ : cf. Salem 9, p. (19)-(23) ; Grignaschi 11, p. 133-137 ;
opinion contraire dans Badawi 7, p. ḥ-ṭ. Quoique aucun nom précis de
commentateurs antérieurs ne soit mentionné, il est certain qu’Avicenne a eu
recours à de tels auteurs : Fārābī et Ibn al-Ṭayyib, sans doute, et, peut-être aussi, à
travers ces derniers ou même directement, des commentateurs antiques. Voir, à ce
sujet, l’alinéa consacré supra (II) à Ibn al-Ṭayyib ; Salem 9, p. (20)-(22) ;
Grignaschi 63, p. 175-176 ; id. 11, p. 132-133, 138, qui remarque, entre autres, que
le livre introductif d’Al-ḥaṭāba rappelle les Didascalia de Fārābī et, du même
coup, les prologues alexandrins. Aux références données par ces auteurs, on
ajoutera le passage où Avicenne signale « certains » (commentateurs ?) qui auraient
évoqué « Criton, auteur du Livre sur l’ornement » (Salem 9, p. 67).
Schoeler 64, p. 73-81 (à rectifier par id. 65, p. *80*-*81*) a exposé rapidement
le système des différents procédés de la persuasion et Würsch 84bis, la
classification des enthymèmes, dans Al-ḫaṭāba. Fareed 53, p. 134-135, notes y
afférentes, fait quelques remarques intéressantes sur la signification du plan d’Al-
ḫaṭāba, mais les chapitres de Rhét. qu’il dit ne pas avoir été commentés le sont en
réalité. Al-ḫaṭāba a, par ailleurs, été utilisé par Lyons 12 (t. I, p. I, XXI, XXIII, XXVII,
apparat critique, commentaire), pour l’établissement de la traduction arabe de Rhét.
470 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
C. Autres textes
A en juger par les indications données par les bibliographies avicenniennes,
d’autres ouvrages pourraient comporter des sections commentant tout ou partie de
Rhét. : par exemple, Mahdavi 84, n° 41, nos 115 et 116, auxquels correspondent 86
G. C. Anawati, Millénaire d’Avicenne. Essai de bibliographie avicennienne, Le
Caire 1950, nos 42, 43, 44 et 31. Mais, tant que ces textes n’auront pas été édités, il
sera difficile d’établir leurs relations exactes avec Des significations du livre
Rhêtoriké (voir V A) et de dire, avec certitude, qu’il ne s’agit pas de passages
semblables à ceux de la Nağāt (une autre encyclopédie avicennienne), où le
philosophe iranien énonce quelques principes de rhétorique en s’inspirant de ses
commentaires proprement dits, mais en ne suivant ni le plan de Rhét., ni le détail
de son argumentation.
A. Abrégé de la Rhétorique
Sur l’Abrégé de Rhét., qui appartient à un ensemble de courts traités sur
l’Organon, on peut faire les mêmes remarques que pour le Kitāb al-ḫaṭāba de
Fārābī : cohérence interne qui lui est propre, point de vue logique prédominant,
introduction de développements étrangers à Aristote, rapports avec Rhét. I surtout.
La thèse de 87 C. E. Butterworth (édit. et trad.), Averroës’ Three Short
Commentaries on Aristotle’s “Topics”, “Rhetoric”, and “Poetics”, coll. « Studies
in Islamic Philosophy and Science », Albany (N. Y.) 1977, préface et introduction,
selon laquelle ce texte serait d’une très grande originalité et concernerait en priorité
les rapports de la philosophie, de la politique et de la religion, notamment en
milieu musulman, a été contestée par 88 L. V. Berman, c.r. de Butterworth 87,
JAOS 102, 1982, p. 562 ; 89 O. Leaman, « Does the interpretation of Islamic
philosophy rest on a mistake ? », IJMES 12, 1980, p. 525-538, repris, avec de
légères modifications, dans 90 id., An Introduction to Medieval Islamic
Philosophy, Cambridge 1985, p. 182-201 ; Schoeler 51, p. 294-301 (Grignaschi 50,
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 471
p. 56-57, en revanche, ne semble pas avoir vu la similitude de l’Abrégé d’Averroès
avec le Kitāb al-ḫaṭāba de Fārābī). Une source antique du court traité n’est donc
pas invraisemblable. Voir, cependant, la réponse de 91 C. E. Butterworth à O.
Leaman, « On Scholarship and Scholarly Conventions », JAOS 106, 1986, p. 728-
732.
Sur la structure et le contenu de l’Abrégé, voir, outre les références précitées,
Butterworth 52, p. 111-136, 297-298.
Cet ouvrage, qui n’a été conservé en arabe que dans deux copies écrites en
caractères hébraïques, a été translittéré en arabe et traduit en anglais par
Butterworth 87, XI-206 p. (préface, p.VII-IX ; introduction, p. 1-41 ; traduction
anglaise de l’Abrégé de Rhét., p. 57-78 ; notes de la préface et de l’introduction,
p. 85-102 ; notes de la traduction de l’Abrégé de Rhét., p. 117-131 ; index des noms
et des œuvres, p. 135-136 ; index des principaux concepts, p. 137-142 ; texte arabe
de l’Abrégé de Rhét., p. 167-199). C.r. par Schoeler 51, p. 294-301 ; par 92 G.
Vajda, Arabica 26, 1979, p. 195-198 ; par ‛A. Badawī dans Revista del Instituto
egipcio de estudios islámicos en Madrid 20, 1979-1980, p. 183-186, et par Berman
88, p. 562-563, qui proposent quelques corrections dans le texte et la traduction.
Pour l’historien de la philosophie soucieux de retrouver des courants de pensée
antique, l’édition et la traduction de Butterworth ont rendu obsolètes les
traductions hébraïques et latines de l’Abrégé de Rhét.
pas directement influencé les auteurs arabes, se sont peut-être appuyés sur les
mêmes sources qu’eux.
MAROUN AOUAD.