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DICTIONNAIRE

DES

PHILOSOPHES ANTIQUES
CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

DICTIONNAIRE
DES

PHILOSOPHES ANTIQUES
publié sous la direction de
RICHARD GOULET
Chercheur au C.N.R.S.

avec une Préface de


PIERRE HADOT
Professeur au Collège de France

d’Abam(m)on à Axiothéa

ÉDITIONS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE


15, Quai Anatole-France – 75700 PARIS

1989
© Centre National de la Recherche Scientifique, Paris 1989

ISBN 0-000-00000-0
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 455
Éditions anciennes. Editio princeps : 31 Alde Manuce, « édition Aldine »,
Venise 1508 ; 32 J. B. Camot, (« editio Camotiana », dite « Aldine minor »), Venise
1551 ; 33 Édition de Bâle : Aristotelis de Arte Rhetorica libri tres, Bâle 1546, 240
p. ; 34 Petrus Victorius, Commentarii in tres libros Aristotelis de Arte dicendi,
Firenze 1548 ; 35 M. A. Muret, Aristotelis Rhetoricorum libri duo, Roma 1585. Sur
la tradition médiévale, voir Schneider 23.
(Cette notice a mis à contribution une bibliographie aristotélicienne préparée par Françoise
Caujolle-Zaslawsky.)
ANDRÉ WARTELLE.

LA RHÉTORIQUE. TRADITION SYRIAQUE ET ARABE

PLAN DE LA NOTICE
LES TRADUCTIONS DE LA RHÉTORIQUE
LES COMMENTAIRES
I. COMMENTAIRES ANTIQUES SIGNALÉS PAR LES ARABES.
II. KINDĪ, M. B. MŪSĀ, ĞĀBIR, IBN BADR, IBN AL-HAYŤAM, IBN AL-ṬAYYIB,
BAĠDĀDĪ.
III. ‛ĀMIRĪ (D Xe S. - 992).
IV. FĀRĀBĪ († 950).
A. Le livre de la rhétorique (Kitāb al-ḫaṭāba).
B. Didascalia in Rethoricam Aristotelis ex glosa Alpharabii.
C. Autres textes.
V. AVICENNE († 1037)
A. Des significations du livre Rhêtoriké. Les traits du caractère et les passions de
l’âme.
B. La rhétorique.
C. Autres textes.
VI. AVERROÈS († 1198).
A. Abrégé de la Rhétorique.
B. Le Commentaire moyen à la Rhétorique.

Elle est doublement intéressante pour le chercheur en histoire de la philosophie


ancienne, car elle permet de mieux établir le texte de Rhét. et pourrait nous
renseigner sur les commentaires perdus de celle-ci. Les bibliographies les plus
systématiques relatives à ce sujet se trouvent dans 1 M. Steinschneider, Die
arabischen Übersetzungen aus dem Griechischen, Graz 1960 [réimpr. de quatre
articles parus en 1889, 1893, 1896, 1891], p. (83)-(84), (86)-(87) ; 2 F. E. Peters,
Aristoteles Arabus. The Oriental Translations and Commentaries on the
Aristotelian Corpus, coll. « Monographs on Mediterranean Antiquity » 2, Leiden
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1968, p. 26-28 ; 3 ‛A. Badawi, La transmission de la philosophie grecque au


monde arabe, coll. « Études de philosophie médiévale » 56, Paris 1968, p. 19-20,
77-78 ; réédition : Paris 1987 (nouvelle pagination, mais le contenu des passages
concernant Rhét. reste inchangé). Toutefois, les informations apportées dans ces
ouvrages étant largement dépassées, il serait bon d’exposer, d’une manière
renouvelée, l’état de la question.

LES TRADUCTIONS DE LA RHÉTORIQUE


Listes chez les biobibliographes arabes. Sur ces listes, qui remontent, pour
l’essentiel, au Fihrist (987-988) d’Ibn al-Nadīm, ainsi que sur les différents points
de vue concernant l’exactitude des informations qu’elles apportent, voir Peters 2,
p. 26-28 ; 4 J. Tkatsch (édit. et trad.), Die arabische Übersetzung der Poetik des
Aristoteles und die Grundlage der Kritik des griechischen Textes, coll. « Akademie
der Wissenschaften in Wien. Philosophisch-historische Klasse. Kommission für
die Herausgabe der arabischen Aristoteles-Übersetzungen » 1, Wien/Leipzig 1928-
1932, t. I, p. 121-125 ; 5 W. Heinrichs, Arabische Dichtung und griechische Poetik.
Ḥāzim al-Qarṭāğannī’s Grundlegung der Poetik mit Hilfe aristotelischer Begriffe,
coll. « Beiruter Texte und Studien » 8, Beyrouth 1969, p. 51, 112-115 ; 6 R. Kassel,
Der Text der aristotelischen Rhetorik. Prolegomena zu einer kritischen Ausgabe,
coll. « Peripatoi » 3, Berlin/New York 1971, p. 91 ; 7 ‛A. Badawi (édit.), Aristotelis
Rhetorica in versione Arabica vetusta. Recognovit et Adnotatione Critica auxit
‛A. B., coll. « Islamica » 23, Le Caire 1959, p. w-ṭ ; réédition : Al-Kuwayt/Beyrouth
1979 ; 8 ‛A. Badawi (édit.), Averroïs Paraphrases in Libros Rhetoricorum
Aristotelis. Recognovit et Adnotatione Critica auxit ‛A. B., coll. « Islamica » 24, Le
Caire 1960 ; réimpr. Al-Kuwayt/Beyrouth s.d., p. ṭ ; 9 M. S. Salem (édit.), Ibn Sīnā
(Avicenne), Al-shifā’, La logique, t. VIII : Rhétorique (Al khaṭâbah), « Publication
du Ministère de l’Instruction Publique (Culture Générale) à l’occasion du
Millénaire d’Avicenne », Le Caire 1954, p. (17)-(23) et, surtout, 10 B. Dodge (trad.
angl.), The Fihrist of al-Nadīm. A Tenth-Century Survey of Muslim Culture, coll.
« Records of Civilization : Sources and Studies » 83, New York/London 1970, t. II,
p. 601-602, 609 ; 11 J. Langhade et M. Grignaschi (édit.), Al-Fārābī, Deux
ouvrages inédits sur la Rhétorique, I : Kitāb al-ḫaṭāba, II : Didascalia in
Rethoricam Aristotelis ex glosa Alpharabi(i), coll. « Recherches publiées sous la
direction de l’Institut de Lettres Orientales de Beyrouth, série 1 : Pensée arabe et
musulmane » 48, Beyrouth 1971, p. 133-139, et 12 M. C. Lyons (édit.), Aristotle’s
Ars Rhetorica. A new edition, with Commentary and Glossary, coll. « Pembroke
Arabic Texts », Cambridge 1982, t. I, p. I-VI, XXVII-XXXI.
Versions syriaques. Ibn al-Samḥ († 1027), éditeur de la seule traduction arabe
de Rhét. encore disponible (cf. infra, « Traduction arabe conservée »), affirme avoir
collationné deux copies arabes avec une version syriaque [13 K. Georr (édit.), Les
Catégories d’Aristote dans leurs versions syro-arabes. Édition de textes précédée
d’une étude historique et critique et suivie d’un vocabulaire technique, Beyrouth
1948, p. 186, 188-189 ; 14 S. M. Stern, « Ibn al-Samḥ », JRAS 1956, p. 42, réimpr.
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dans 15 S. M. Stern, Medieval Arabic and Hebrew Thought, ed. by F. W.
Zimmermann, London 1983 ; Lyons 12, t. I, p. II-IV, VIII]. En outre, ces copies sont
probablement elles-mêmes la traduction d’une version syriaque (16 D. S.
Margoliouth, « On the Arabic Version of Aristotle’s Rhetoric », dans Semitic
Studies in Memory of Rev. Dr. Alexander Kohut, ed. by G. A. Kohut, Berlin 1897,
p. 376-379, 387 ; Badawi 7, p. y, et surtout Lyons 12, t. I, p. XVI, XXV et
commentaire, qui signale un certain nombre de syriacismes) ; cf. cependant 17 W.
Heinrichs, c.r. de Lyons 12, ZGAIW 1, 1984, p. 313-314. L’hypothèse de Tkatsch
4, t. I, p. 75, 96 b-97 a, 121-125, selon laquelle Isḥāq b. Ḥunayn († 910) aurait
rédigé une traduction syriaque, en en révisant, peut-être, une autre de la seconde
moitié du VIe s., et aurait été ainsi à l’origine des traductions arabes, est, d’après
Kassel 6, p. 91, en partie du moins, insuffisamment fondée, d’après Heinrichs 5,
p. 112-115, vraisembable. Voir toutefois Lyons 12, p. XXVII n. 1. Quoi qu’il en
soit, la version syriaque d’Isḥāq ne saurait être la source de la seule traduction
arabe aujourd’hui disponible puisque celle-ci date du VIIIe s. (cf. infra, « Traduction
arabe conservée »).
Par ailleurs, une lettre de Sévère Sébokht (666-667) [description des manuscrits
dans 18 G. J. Reinink, « Severus Sebokts Brief an den Periodeutes Jonan. Einige
Fragen zur aristotelischen Logik », dans R. Lavenant (édit.), III e Symposium
syriacum 1980. Les contacts du monde syriaque avec les autres cultures, Goslar 7-
11 septembre 1980, coll. « Orientalia christiana analecta » 221, p. 99-100], a été
unanimement considérée, pendant longtemps, comme traitant de quelques points
de Rhét. (cf., par ex., Georr 13, p. 25 ; Heinrichs 5, p. 114 ; Lyons 12, t. I, p. I,
XXXI, XXVI ; Peters 2, p. 26 n. 8 ; Tkatsch 4, t. I, p. 75, 96 b, 121), quoiqu’on ait
aussi relevé l’accent mis dans cette épître sur la doctrine du syllogisme (Lyons 12,
t. I, p. XXVI). Selon ibid., p. I, et Tkatsch 4, t. I, p. 75, 96 b, 121, elle présupposerait
une traduction syriaque de Rhét., inférence dont Heinrichs 5, p. 114, conteste la
nécessité. Cette discussion deviendrait sans objet s’il s’avérait – comme le soutient
Reinink 18, p. 97-107 (approuvé dans une note de 18bis S. Brock, « The Syriac
Commentary Tradition » article à paraître dans une monographie du Warburg
Institute de Londres) – que l’intitulé de la lettre ne mentionne pas Rhét. et que son
contenu ne se rapporte pas à Rhét., mais au De interpretatione et aux Premiers
Analytiques.
Enfin, selon 19 M. Breydi, « Précisions historiques autour des œuvres
d’Antoine de Tagrit et des manuscrits de St. Marc de Jérusalem », dans G.
Wiessner (édit.), Erkenntnisse und Meinungen, t. II, coll. « Göttinger
Orientforschungen. I. Reihe : Syriaca » 17, Wiesbaden 1978, p. 15-22, Antoine de
Tagrit, auteur de langue syriaque, ayant vécu dans la première moitié du IXe s.,
aurait peut-être traduit la Rhétorique d’Aristote et utilisé, en tout cas,
abondamment celle-ci dans le premier livre de son ouvrage encore existant, Sur la
science rhétorique. Cf. sur ces questions, 20 J. Bendrat, « Der Dialog über die
Rhetorik des Jakob bar Shakko », dans 21 Göttinger Arbeitskreis für syrische
Kirchengeschichte (édit.), Paul de Lagarde und die syrische Kirchengeschichte,
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Göttingen 1968, p. 19-26, et 22 W. Strohmann, « Die Schrift des Anton von Tagrit
über die Rhetorik », dans 21, p. 199-216.
Traduction arabe conservée. Version anonyme dont on n’a qu’un seul
manuscrit [BN, Parisinus ar. 2346 (ancien fonds ar. 882 A), fol. 1-65v].
Description matérielle dans Margoliouth 16, p. 377 ; Georr 13, p. 183-189 ; 23 ‛A.
Badawi, « Maḫṭūṭāt Arisṭū fī l-‛arabiyya », RIMA 1, 1955, p. 229 ; 24 J. Kraemer,
« Arabische Homerverse », ZDMG 106, 1956, p. 265 n. 3 ; Lyons 12, t. I, p. XIII,
XXIII-XXIV. Cette copie a été faite sur une autre d’Ibn al-Samḥ († 1027), qui en a
lui-même collationné plusieurs (arabes et syriaque) : sur cet éditeur, les copistes
médiévaux de ce texte, ainsi que leur technique, voir Stern 14, p. 31-33, 41-44, et
Lyons 12, t. I, p. I-XVI, XXVI, XXVII-XXXIII (qui corrige, notamment, certaines
erreurs de Stern) ; Heinrichs 17, p. 313-315. Une remarque marginale du manuscrit
de Paris semble indiquer qu’il a été copié en 1027 ; d’autres portent témoignage
d’une copie de 320 H, d’une collation de 209 H et d’un lecteur de 113 H, ce qui
nous ramènerait à 731 ap. J.-C. (Lyons 12, t. I, p. IV-VI, XXXI ; position plus
nuancée de Heinrichs 17, p. 313-314). L’ancienneté de la traduction est d’ailleurs
confirmée par l’examen de sa terminologie, de son style et de ses contresens (voir
Lyons 12, p. I-II, XVI, XXV, XXVII-XXI ; Badawi 7, p. w-z, y ; Heinrichs 5, p. 51). Il
s’agirait de la « traduction ancienne » des biobibliographes arabes (Heinrichs 5,
p. 51 ; Badawi 7, p. w-z ; Lyons 12, t. I, p. I-VI, XXVII-XXXI ; Dodge 10, t. II, p. 601-
602). Cette traduction semble avoir été faite sur une version syriaque (Badawi 7, p.
y ; Margoliouth 16, p. 376-379, 387 ; Georr 13, p. 186, 188-189 ; Stern 14, p. 42 ;
Lyons 12, t. I, p. II-IV, VIII, XVI, XXV, commentaire ; cf. cependant Heinrichs 17,
p. 313-314). Elle porte, dans le Parisinus ar. 2346, sur les trois livres de Rhét. (la
lacune correspondant à 1412 a 16–1415 a 4 est due à la perte d’un feuillet). L.
Bottin montre cependant, dans 25 Contributi della tradizione greco-latina e arabo-
latina al testo della Retorica di Aristotele, coll. « Studia Aristotelica » 8, Padova
1977, p. 75-85, reproduisant 26 L. Bottin, « La tradizione araba della Retorica di
Aristotele e il problema dell’exemplar decurtatum », Scritti in onore di Carlo
Diano, Bologna 1975, p. 53-62, que des versions réduites de ce texte ont dû
circuler au Moyen Age. La terminologie employée dans la traduction est
incertaine, elle comporte de nombreuses translittérations et est souvent différente
du vocabulaire qui s’établira par la suite ; il est, dans bien des cas, manifeste que
l’original grec n’a pas été compris : Badawi 7, p. w-z, y ; Margoliouth 16, p. 377-
385, 387 ; Lyons 12, t. I, p. I-II, XVI, XXV, XXVII-XXXI, commentaire ; 27 J.
Wansbrough, c.r. de Lyons 12, BSOAS 47, 1984, p. 550-551. Remarques
intéressantes à ce sujet dans Kraemer 24, p. 265-268.
A propos de l’utilisation de la traduction arabe pour l’établissement du texte
grec de Rhét., Lyons 12, p. XXVI, écrit : « It was advanced by Margoliouth and
confirmed by Kassel that the Arabic represents an early and independent Greek
tradition, but although additions can be made to the number of significant readings
quoted by Kassel…, it is apparent that the Arabic makes only a limited
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contribution to the Greek text. » Nous indiquons ici, dans l’ordre chronologique,
les différentes tentatives entreprises dans ce sens :
1) Margoliouth 16, p. 376-387, signale, dans un article fondamental mais non
sans inexactitudes (notamment dans les références à l’édition Bekker), certaines
erreurs manifestes de la traduction arabe, examine ses rapports avec les manuscrits
grecs et la traduction gréco-latine de Guillaume de Moerbeke, conclut que la
traduction arabe est un témoin indépendant important et relève d’intéressantes
variantes.
2) Grignaschi 11, p. 134 n. 3.
3) Pour avoir accès à la traduction arabe de Rhét., le dernier éditeur du texte
grec de ce traité s’est servi de Margoliouth 16, du latin d’Hermann, d’une
traduction allemande du Parisinus ar. 2346 (Livre I et nombreux extraits des
Livres II et III), communiquée à titre privé par E. Panoussi, ainsi que de certains
articles publiés dans Bottin 25. Voir à ce sujet : Kassel 6, p. V, 88-92, 96, 112, 114,
118, 119, 125-126, 127, 129, 131, 134-135, 136-137, 139, 141-142 ; 28 R. Kassel
(édit.), Aristotelis Ars Rhetorica, Berlin/New York 1976, XIX-259 p. Les leçons de
l’arabe qu’il a retenues ont souvent reçu un accueil favorable ; ainsi, par exemple,
dans les c.r. de 29 D. C. Innes, « Towards a text of Aristotle’s Rhetoric », CR 26,
1976, p. 172-173 ; 30 A. C. Cassio, RFIC 106, 1978, p. 86-93 ; 31 M. C.
Nussbaum, AGPh 63, 1981, p. 346-350. Voir aussi Lyons 12, t. I, p. XXVI, XXXIII,
commentaire, qui est, en général, d’accord avec les propositions de l’éditeur
allemand.
4) Bottin 25, 112 p., qui reprend, en les rectifiant parfois, des travaux qu’il
avait publiés antérieurement et leur en ajoute d’autres, a pour objet principal la
restitution de certains passages de Rhét. à partir de la traduction arabe, de la
traduction latine d’Hermann, des versions arabe et latine du Commentaire moyen
d’Averroès (sur ces textes, cf. infra) et de la translatio anonyma vetus.
5) Lyons 12, dernier éditeur du texte arabe, qui se sert d’Hermann, des
philosophes arabes (Didascalia de Fārābī, La rhétorique d’Avicenne,
Commentaire moyen de la Rhétorique d’Averroès : sur ces ouvrages, cf. infra), de
Margoliouth 16, de Kassel 6 et 28, mais non de Bottin 25 ni de Grignaschi 11,
p. 134 n. 3, propose quelques lectures du grec que Kassel n’avait pas faites,
examine celles retenues par ce dernier et avance un certain nombre de conjectures
(Lyons 12, t. I, p. XXVI, XXXIII et commentaire).
La remarque de Badawi 7, édit. de 1959, p. y-k, 239 n. 4, 240 n. 2, selon
laquelle la traduction arabe aurait conservé un long passage de Rhét. III, absent des
manuscrits grecs, a été, à juste titre, rejetée par cet auteur lui-même (Badawi 8,
p. 342-343, et id. 7, édit. de 1979).
Quelques-unes des additions de la traduction arabe proviennent, sans doute, de
scholies grecques : voir Kassel 6, p. 92 ; Bottin 25 ; Lyons 12, t. I, p. 264, 269, qui
rapproche deux passages du texte d’Ibn al-Samḥ des commentaires byzantins du
460 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
e
XII s. de Stéphanos et de l’Anonyme édités par 32 H. Rabe (édit.), Anonymi et
Stephani in Artem rhetoricam commentaria, CAG XXI 2, 1896, XVIII-442 p.
La traduction arabe ancienne a été éditée et imprimée, à deux reprises, dans sa
totalité.
1) Badawi 7, XII-268 p. [table des matières, p. ğ-h ; introduction en arabe, p. w-
1 ; texte arabe, p. 3-255 ; index des noms, p. 256-265 ; index des principaux
concepts (non exhaustif), p. 266-267 ; errata, p. 268 - cette page disparaît dans
l’édition de 1979, les erreurs qu’elle indique ayant été corrigées]. Voir aussi, pour
l’édition de 1959, les errata ajoutés par id. 8, p. 342-343. C.r. en français de
Badawi 7, par 33 G. C. Anawati, MIDEO 6, 1959-1961, p. 260-261. Les limites du
travail de pionnier du savant égyptien ont été soulignées par Lyons 12, t. I, p. XXIII-
XXIV, XXVIII-XXXI, XXXIII. On ajoutera que ‛A. Badawi n’a pas utilisé, pour
remédier aux défauts du Parisinus ar. 2346, la traduction latine d’Hermann et les
commentaires arabes (voir Badawi 7, p. ḥ-ṭ, et id. 8, p. ṭ), sauf dans quelques cas
signalés dans les errata d’id. 8, p. 342-343. Heinrichs 17, p. 312, signale aussi un
article critique, en persan, d’E. Panoussi.
2) Lyons 12, 2 vol., XXXV-404 p., 305 col. (t. I : introduction en anglais, p. I-
XXXIII ; bibliographie, p. XXXIV ; texte arabe, p. 1-224 ; commentaire visant à
dégager les différences entre la traduction arabe et le texte grec et à proposer
certaines lectures de celui-ci, p. 225-404 ; t. II : glossaire grec-arabe, col. 1-158 ;
glossaire arabe-grec, col. 159-305). Lyons a tenu compte, dans son édition, de la
traduction d’Hermann et des commentaires arabes, surtout du Commentaire moyen
de la Rhétorique par Averroès (cf. Lyons 12, t. I, p. XVI-XXIII, XXXIII, apparat
critique du texte arabe, commentaire). C.r. par Heinrichs 17, p. 312-316, et
Wansbrough 27, p. 550-551.
É t u d e s d ’ o r i e n t a t i o n : Lyons 12, introduction ; 34 M. C. Lyons, « On
the Arabic of Aristotle’s Rhetoric », article à paraître, à New York, dans un numéro
spécial de Paideia.
Traduction arabo-latine. Rethorica, publiée en 1256 par Hermann
l’Allemand, constituée principalement de la traduction de la version arabe de Rhét.
et, accessoirement, de quelques explications empruntées aux commentaires de
Fārābī, d’Avicenne et d’Averroès. Sur les manuscrits de ce texte, jamais imprimé,
sa date, son contenu, la réfutation du point de vue de ceux qui l’attribuent à Fārābī
ou à Averroès, voir 35 W. F. Boggess, « Hermannus Alemannus’s Rhetorical
Translations », Viator 2, 1971, p. 236-250. On complétera cet article par les études
suivantes : 1) Lyons 12, t. I, p. XVI-XXIII, XXXIII, apparat critique du texte arabe et
commentaire, examine en détail les rapports de la traduction de Hermann avec le
Parisinus ar. 2346, établit la proche parenté des deux textes, tout en relevant, dans
le premier, les traces d’une tradition manuscrite antérieure ou supérieure à celle du
second, et se sert, sous certaines conditions, du latin pour l’établissement de
l’arabe. 2) Grignaschi 11 apporte, p. 125-127, des précisions sur la date et montre,
p. 134-137, que Hermann s’est appuyé sur des copies différentes d’une seule
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 461
traduction arabe, celle-là même qui est représentée par le Parisinus ar. 2346. 3)
Bottin 25, p. 75-85, établit, toutefois, que la traduction utilisée par l’auteur latin
était un exemplar decurtatum (absence de Rhét. II 15-17, notamment). Bien que 36
B. Schneider, Die mittelalterlichen griechisch-lateinischen Übersetzungen der
aristotelischen Rhetorik, coll. « Peripatoi » 2, Berlin/New York 1971, p. 1-3,
émette des doutes sur l’utilité de la traduction de Hermann pour la critique du texte
grec, Kassel (cf. les références données dans la section sur la « Traduction arabe
conservée ») et Bottin 25 se sont servis d’elle.

LES COMMENTAIRES

I. COMMENTAIRES ANTIQUES SIGNALÉS PAR LES ARABES.

L’information rapportée par quelques biobibliographes et, à leur suite, par


plusieurs orientalistes, selon laquelle Alexandre d’Aphrodise aurait composé un
commentaire de Rhét., ne peut pas être considérée comme une preuve de
l’existence d’un tel texte, car il s’agit, semble-t-il, d’une erreur due au déplacement
d’un feuillet dans la plupart des manuscrits du Ta’rīḫ al-ḥukamā’ d’Ibn al-Qifṭī.
Voir, à ce sujet, Steinschneider 1, p. (71), (83)-(84), (86)-(87) ; 37 J. Lippert (édit.),
Ibn al-Qifṭī’s Ta’rīḫ al-ḥukamā’. Auf Grund der Vorarbeiten Aug. Müller’s,
Leipzig 1903, p. 15 ; Heinrichs 5, p. 107. Quoi qu’il en soit, on ne dispose
actuellement d’aucune traduction arabe de commentaires antiques de Rhét. et l’on
pourrait se demander, avec Badawi 7, p. ḥ, si Ibn al-Samḥ ne fait pas allusion, dans
son colophon (traduit dans Lyons 12, t. I, p. III), au peu d’intérêt des Anciens pour
celle-ci. Cependant, certaines remarques de Fārābī, d’Avicenne et d’Averroès
renvoient peut-être à de tels textes : voir IV B, V B, VI B.

II. KINDĪ, M. B. MŪSĀ, ĞĀBIR, IBN BADR, IBN AL-HAYŤAM, IBN AL-ṬAYYIB,
BAĠDĀDĪ.

Les biobibliographes signalent des commentaires de Rhét. par des auteurs


arabes dont on n’a plus aujourd’hui d’ouvrages consacrés à celle-ci. Ces
indications, pour brèves qu’elles soient, intéressent l’histoire de la philosophie
ancienne dans la mesure où elles sont le signe d’une certaine continuité de la
tradition des commentaires portant sur Rhét., tradition qui pourrait bien relier
Fārābī, Avicenne et Averroès à des auteurs antiques. Il n’est, par ailleurs, pas exclu
que réapparaissent, un jour, des manuscrits de ces commentaires perdus. Nous
signalerons ici des informations repérées par la recherche moderne.
– Kindī († vers M IXe s.). Selon 38 N. Rescher, The development of arabic
logic, Pittsburgh 1964, p. 101, et 39 id., « Al-Kindi’s Sketch of Aristotle’s
Organon », NSchol 37, 1963, p. 45 (cet article a été reproduit dans 40 id., Studies in
the History of Arabic Logic, Pittsburgh 1963, p. 28-38), Kindī aurait rédigé un
commentaire ou un abrégé de Rhét. et un commentaire d’un commentaire de Rhét.
par Alexandre d’Aphrodise. Sur la première de ces affirmations, on notera, avec 41
R. J. McCarthy, Al-taṣānīf al-mansūba ilā faylasūf al-‛Arab, Bagdad 1962, p. 50,
462 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

111, qu’Ibn Abī Uṣaybi‛a († 1270) attribue effectivement à Kindī une Épître
décrivant l’éloquence (Risāla fī ṣifat al-balāġa). L’intérêt de l’école de Kindī pour
Rhét. a été souligné par Peters 2, p. 28 (cf. Dodge 10, t. II, p. 601-602). La seconde
affirmation de Rescher provient de sources erronées (par ex. 42 G. Flügel, Al-Kindî
genannt « der Philosoph der Araber ». Ein Vorbild seiner Zeit und seines Volkes,
dans ADMG I. Band, N° 2, Leipzig 1857, p. 8). Voir, à ce sujet, Steinschneider 1,
p. (87), et Heinrichs 5, p. 107. Sur la place de Rhét. dans la classification des
sciences et, plus particulièrement, dans la logique, on consultera, pour ce qui est de
Kindī, Rescher 40, p. 28-38.
– Muḥammad b. Mūsā (ca 815-873). Selon Rescher 38, p. 106, Abū l-Ğa‛far
Muḥammad b. Mūsā aurait écrit un livre intitulé On the aims (aghrāḍ) of the
Rhetorica. 43 H. Suter, Die Mathematiker und Astronomen der Araber und ihre
Werke…, Amsterdam 1981 (réimpr. de trois publications parues en 1900, 1902 et
1897), p. 21, auquel renvoie Rescher, écrit : « Ein Buch über das Wesen der Rede
(Rhetorik), von Muh. » Cette information vient d’Ibn al-Nadīm qui a : « Kitāb ‛alā
mā’iyyat al-kalām maqāla li-Muḥammad », que Dodge 10, t. II, p. 646, traduit par
« About the essence of speech, a treatise by Muḥammad ». Le mot aġrāḍ de
Rescher n’apparaît donc pas dans ses sources. De plus, on devra se demander si
kalām désigne ici Rhét. (Rescher), la rhétorique (Suter), le discours en général ou
la logique (ce terme et ses dérivés ont parfois été utilisés pour rendre ≥∫z∑ » et ses
dérivés : voir Lyons 12, t. II, col. 90, 276). De toute façon, il n’y aurait rien
d’étonnant à ce que Muḥammad b. Mūsā se soit intéressé à Rhét., les Banū Mūsā
(et leur père) ayant, avec l’appui du calife al-Ma’mūn (813-833), encouragé le
mouvement des traductions et l’acquisition d’ouvrages grecs dans l’Empire
byzantin. De Muḥammad b. Mūsā, Ibn al-Qifṭī († 1248) écrit d’ailleurs qu’il a,
entre autres, collecté des ouvrages de “logique” (Lippert 37, p. 442).
– Le corpus de Ğābir (IXe-Xe s.) comporte le titre suivant : Notre livre dans
lequel nous avons commenté le livre d’Aristote sur la Rhétorique et sur
l’Éloquence en matière de Poésie et de Dialectique. 44 P. Kraus, Jābir ibn
Ḥayyān, Contribution à l’histoire des idées scientifiques dans l’Islam, I : Le corpus
des écrits jābiriens, coll. « Mémoires de l’Institut d’Égypte » 44, Le Caire 1943,
p. 164, n° 2586, auquel nous empruntons cette traduction, remarque qu’« il est
possible que Jābir ait commenté la Rhétorique et la Poétique dans un ouvrage
unique, mais le titre précité est équivoque ».
– Ibn Badr (ca 960-ca 1020), logicien et mathématicien andalou, aurait
composé une série d’abrégés des « huit livres de logique » (donc : Rhét. incluse,
Poét. exceptée) : voir Rescher 38, p. 144-145 ; Ibn al-Qifṭī (Lippert 37, p. 225) ; 45
R. Blachère (trad.), Ṣâ‛id al-Andalusî, Kitâb Ṭabaât Al-Umam. Traduction avec
Notes et Indices précédée d’une Introduction, Paris 1935, p. 128-129.
– Ibn al-Hayṯam (Alhazen) (ca 965-1039). Il aurait, selon Ibn Abī Uṣaybi‛a,
composé une série d’abrégés des « sept livres de logique ». Alors que Rescher 38,
p. 145, considère que cette collection ne devait pas comprendre Rhét.,
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 463
Steinschneider 1, p. (78), paraît admettre – à juste titre, nous semble-t-il – le
contraire.
– Ibn al-Ṭayyib (ca 980-1043) [Abulpharagius Abdalla Benattibus]. Ce célèbre
philosophe nestorien de l’école de Bagdad [à laquelle avait appartenu aussi Ibn al-
Samḥ († 1027), l’éditeur de la traduction arabe de Rhét.], qui recourait volontiers
aux gloses alexandrines, a composé, entre autres, un grand commentaire (tafsīr) de
Rhét., dont on aurait tiré ensuite un abrégé : cf. Rescher 38, p. 155-157, et 46 K.
Gyekye, Arabic Logic. Ibn al-Ṭayyib’s Commentary on Porphyry’s Eisagoge, coll.
« Studies in Islamic Philosophy and Science », Albany (N. Y.) 1979, p. 20. Il est
probable qu’Avicenne et Averroès aient visé le grand commentaire d’Ibn al-Ṭayyib
dans leurs critiques de certains commentateurs antérieurs qu’ils ne nomment pas
(voir les sections V B et VI B de cette notice).
– ‛Abd al-Laṭīf al-Baġdādī (1162-3 à 1231-2). Ce grand admirateur de la
philosophie grecque et de Fārābī s’est intéressé, comme l’attestent plusieurs titres
rapportés par Ibn Abī Uṣaybi‛a, à la tradition aussi bien arabe qu’aristotélicienne
de la rhétorique. Dans ce dernier cas, il devait s’agir, nous semble-t-il, d’abrégés
plus ou moins amples. Pour des informations plus détaillées, on se reportera aux
ouvrages signalés dans Rescher 38, p. 189-191, plus particulièrement à Al-Farabi
de Steinschneider.
Les commentaires perdus, que nous venons de passer en revue, sont donc, pour
la plupart, des abrégés et, dans un cas, particulièrement important, un commentaire
nettement plus ample, la glose d’Ibn al-Ṭayyib. La suite de cette notice, qui
envisagera, après la doxographie de ‛ mirī, les auteurs dont il nous reste encore des
ouvrages consacrés à Rhét., montrera que, pour chacun d’eux, l’on peut aussi
distinguer entre abrégés et commentaires continus (commentaire moyen ou grand
commentaire).

III. ‛ĀMIRĪ (D Xe s. - 992).

47 M. Minovi (édit.), Abū’l-Ḥasan Muḥammad al-‛ mirī of Nshābur, As-


Sa‛ādah wa’l-Is‛ād (On seeking and causing happiness)… facsimile of the copy
prepared by M. M., Wiesbaden 1957-1958, ouvrage à caractère doxographique,
contient des citations, plus ou moins fidèles, de Rhét. Quatre sont explicitement
référées à celle-ci (Minovi 47, p. 51, 94, 270, 417). D’autres, assez nombreuses,
sont rapportées à Aristote, mais sans mention de l’intitulé de l’ouvrage concerné :
par exemple, Minovi 47, p. 436-437 – dont certaines particularités
lexicographiques sont plus proches du Commentaire moyen d’Averroès (Badawi 8,
p. 35, 1-38, 18) que de la traduction arabe de Rhét. (Lyons 12, t. I, p. 19, 23-22, 3)
ou du commentaire d’Avicenne (Salem 9, p. 58, 8-61, 15). ‛ mirī s’est servi de la
traduction arabe éditée, plus tard, par Ibn al-Samḥ, mais dont on a ici un témoin
plus ancien. Mais ce n’est peut-être pas sa seule source pour ce qui est de Rhét. : a-
t-il eu recours à des commentaires de celle-ci ? Un examen systématique de cette
question reste à faire. Pour une présentation générale du Kitāb al-sa‛āda wa-l-
464 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

is‛ād, on se reportera à 48 M. Arkoun, « La conquête du bonheur selon Abû-l-


Ḥasan al-‛Âmirî », SI 22, 1965, p. 55-90, et, surtout, 49 A. J. Arberry, « An Arabic
Treatise on Politics », IQ 2, 1955, p. 9-22, qui ne relèvent cependant pas tous les
renvois explicites indiqués plus haut, ni d’ailleurs les citations de Rhét. non
accompagnées de la mention du nom de celle-ci.

IV. FĀRĀBĪ († 950).

Sur les informations rapportées par les biobibliographes, voir Grignaschi 11,
p. 126-131 ; 50 id., « Les traductions latines des ouvrages de la logique arabe et
l’Abrégé d’Alfarabi », AHMA 47, 1972, p. 45-60 et appendice I A, et
Steinschneider 1, p. (87), qui dénonce l’opinion selon laquelle Fārābī aurait
commenté un commentaire de Rhét. par Alexandre d’Aphrodise. Il reste
actuellement deux textes de Fārābī consacrés in extenso à Rhét. ainsi qu’un certain
nombre de remarques s’y rapportant mais dispersées dans l’œuvre de cet auteur.

A. Le livre de la rhétorique (Kitāb al-ḫaṭāba)


Cet ouvrage, conservé dans un recueil de courts traités logiques, serait, selon
Langhade 11, p. 9-23, un texte incomplet constituant le « début du Kitāb al-Ḫaṭāba
(ou Kitāb fī-l-Ḫaṭāba) décrit par les fahāris comme un long commentaire de 20
tomes », et, selon Grignaschi 11, p.130-131, et surtout 50, p. 41 n. 2, p. 45-60,
appendice I A, un abrégé écrit par Fārābī et rattaché, après sa mort, au recueil
susmentionné, que cet auteur aurait laissé inachevé. La ressemblance soulignée par
51 G. Schoeler, « Averroes’ Rückwendung zu Aristoteles. Die ‘Kurzen’ und die
‘Mittleren’ Kommentare zum Organon », BO 37, 1980, p. 297-298, mais passée
sous silence par Grignaschi 50 p. 56-57, entre, d’une part, l’Abrégé de Rhét. par
Averroès et, d’autre part, le Kitāb al-ḫaṭāba, tel qu’il nous est resté, prouve, au
moins, que celui-ci n’est point tronqué. Voir aussi 52 C. E. Butterworth, « The
Rhetorician and His Relationship to the Community : Three Accounts of
Aristotle’s Rhetoric », dans M. E. Marmura (édit.), Islamic Theology and
Philosophy (Mélanges George F. Hourani), Albany (N. Y.) 1984, p. 112-113.
Comme l’a montré Langhade 11, p. 21-27, Kitāb al-ḫaṭāba se rapporte à Rhét. I,
surtout. Une analyse serrée nous a conduit à la conclusion qu’il s’agit plus
précisément d’un commentaire dépendant de la traduction arabe médiévale (sur
celle-ci, voir supra) de Rhét. I, chap. 2 et 3, début (avec utilisation du chap. 1), soit
de l’exposé des principes les plus fondamentaux de la rhétorique. Les
reformulations, les additions, les développements, les déplacements, le point de
vue logique prédominant, etc., témoignent néanmoins d’une grande autonomie à
l’égard de l’ouvrage du Maître.
Brèves analyses de la structure et du contenu du Kitāb al-ḫaṭāba dans
Butterworth 52, p. 111-136, 297-298 ; 53 H. A. Fareed, « Rhetoric in Arabic
Philosophy », Ur, 1982, II-III, p. 131-135 ; Langhade 11, p. 9-27 ; Schoeler 51,
p. 297-298, et, surtout, 54 M. S. Galston, « Al-Fārābī et la logique aristotélicienne
dans la philosophie islamique », dans M. A. Sinaceur (édit.), Aristote aujourd’hui,
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 465
Paris 1988, p. 192-217. Sur la critique de la médecine et de Galien : 55 F. W.
Zimmermann, « Al-Farabi und die philosophische Kritik an Galen von Alexander
zu Averroes », dans A. Dietrich (édit.), Akten des VII. Kongresses für Arabistik und
Islamwissenschaft. Göttingen 15. bis 22. August 1974, AAWG 98, Göttingen 1976,
p. 401-414.
Éditions et traduction française sur les manuscrits de Bratislava et d’Istanbul.
56 J. Langhade (édit. et trad.), « Le Kitāb al-ḫaṭāba d’al-Fārābī », texte arabe
critique et traduction française, MUSJ 43, 1968, p. 61-177 ; Langhade 11, p. 1-121
(introduction en français avec plan détaillé du Kitāb, p. 3-27 ; texte arabe et
traduction française, p. 30-121). C.r. par 57 F. W. Zimmermann, CCM 17, 1974,
p. 263-265 ; 58 G. Vajda, JA 257, 1969, p. 191-194 ; 59 id., Arabica 20, 1973,
p. 311-313 ; 59bis H. Gätje, ZDMG 122, 1972, p. 349-351 ; 60 M. Ullmann, OLZ
72, 1977, col. 193-195. Édition sur le manuscrit de Bratislava seulement : 61 M. S.
Salem (édit.), Abū Naṣr al-Fārābī Kitāb fī l-manṭiq. Al-ḫaṭāba, Le Caire 1976, 68
p. : introduction en arabe, p. 3-5 ; texte en arabe, p. 7-62 ; index des noms, des
villes et des œuvres, p. 63 ; index des principaux concepts, p. 64-66. Salem, qui
fournit une abondante et intéressante annotation, semble néanmoins avoir ignoré
les éditions de J. Langhade.
Traduction russe dans 62 Al-Fārābī, Logicheskie traktaty, Akademia nauk
KazahskoSSR. Institut filosofii i prava, Alma-Ata 1975 : introduction en russe
concernant la totalité de l’ouvrage, p. 7-98 ; traduction en russe du Kitāb al-ḫaṭāba,
p. 439-526 ; notes y afférentes, p. 589-595 ; glossaire pour la totalité de l’ouvrage,
p. 621-665 ; index de celui-ci, p. 666-670.

B. Didascalia in Rethoricam Aristotelis ex glosa Alpharabii


Il est maintenant établi que ces Didascalia sont la traduction entreprise par
Hermann l’Allemand, au cours de la période 1243-1256, du début d’un grand
commentaire de Fārābī, le Šarḥ kitāb Al-ḫaṭāba li-Arisṭūṭālīs, plus précisément du
prologue de cet ouvrage (Ṣadr li-kitāb Al-ḫaṭāba), du textus du commencement de
Rhét. (Rhét. I 1354 a 1-4) et de l’explication de celui-ci. Voir, à ce sujet,
Grignaschi 11, p. 125-133, 136, 146 (post-scriptum), dont les conclusions sont
largement confirmées par les analyses de Boggess 35, p. 227-233, 236, 245-249.
Du reste du Šarḥ, dont Avicenne et Averroès se sont certainement servis (cf. infra
les sections consacrées à ces auteurs), quelques phrases de la Rethorica (sur ce
texte cf. supra, « Traduction arabo-latine ») conservent la trace (Boggess 35,
p. 244-245). L’original, lui-même, quoique très volumineux, s’arrêtait à Rhét. III 9
(Grignaschi 11, p. 131-132). Fārābī s’est sans doute appuyé, dans son
commentaire, sur la traduction arabe ancienne de Rhét. que nous avons déjà
signalée (Grignaschi 11, p. 133-138 ; point de vue différent dans Badawi 7, p. ḥ-ṭ).
En outre, certains renvois peuvent bien concerner des commentaires grecs (cf.
Grignaschi 11, p. 138-139, ainsi que les réserves de Zimmermann 57, p. 264-265 et
de 63 M. Grignaschi, lui-même, « Al-Fârâbî et “l’épître sur les connaissances à
acquérir avant d’entreprendre l’étude de la philosophie” », Türkiyat Mecmuasi 15,
466 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

1968, p. 176). Quoi qu’il en soit, le prologue, qui constitue la quasi-totalité des
Didascalia, est fait selon un schéma alexandrin [id. 63, p. 192-199 ; id. 11, p. 127-
130, 146 (post-scriptum)]. Voir aussi 64 G. Schoeler, Einige Grundprobleme der
autochthonen und der aristotelischen arabischen Literaturtheorie, Ḥāzim al-
Qarṭāğannī’s Kapitel über die Zielsetzungen der Dichtung und die Vorgeschichte
der in ihm dargelegten Gedanken, coll. « Abhandlungen für die Kunde des
Morgenlandes » 41, 4, Wiesbaden 1975, p. 76-80 (à corriger par 65 id.,
« Berichtigungen und Nachträge », ZDMG 126, 1976, p. *80*-*81*), qui, exposant
rapidement les différents procédés de la persuasion dans les Didascalia, évoque
leurs relations avec la théorie théophrastienne de l’ὑπόκρισις ; 66 W. F. Boggess,
« Alfarabi and the Rhetoric : The Cave Revisited », Phronesis 15, 1970, p. 86-90,
qui, rappelant les origines alexandrines de l’inclusion de Rhet. dans l’Organon,
attire l’attention sur la justification donnée, dans les Didascalia, de cet ordre : la
rhétorique correspondrait à la redescente du philosophe dans la caverne du mythe
de Platon, Rép. VII.
La Declaratio compendiosa, table des matières de Rhét. publiée pendant la
Renaissance, est un extrait, révisé, des Didascalia (Grignaschi 11, p. 142-147 ;
Boggess 35, p. 227-230, 233-236, 246-249).
Édition critique des Didascalia : Grignaschi 11, p. 123-274 [introduction en
français, p. 125-147 ; texte latin et abondante annotation, p. 149-252 ; index des
termes, p. 253-258 ; index des auteurs, p. 259-260 ; index des œuvres et des
citations, p. 261-268 ; œuvres citées dans l’introduction et les notes, p. 269-272 ;
table des matières (Didascalia), p. 273-274]. C.r. par Zimmermann 57, p. 264-265,
Vajda 59, p. 313, et Gätje 59bis, p. 349-351.
Lyons 12, t. I, p. I, XXI, XXVII, apparat critique, commentaire, s’est servi des
Didascalia pour l’établissement du texte arabe de Rhét.

C. Autres textes
Divers textes de Fārābī ne traitant pas exclusivement de la rhétorique ont servi
à retrouver la trace de théories ou d’auteurs antiques autrement inaccessibles. Il en
est ainsi des justifications que donne cet auteur de l’inclusion de la rhétorique et de
la poétique dans l’Organon et du lien établi, à cette occasion, entre l’imagination,
l’imitation et l’action, à l’œuvre surtout dans la poésie, mais aussi dans la
rhétorique ; cf. R. Walzer, « Zur Traditionsgeschichte der aristotelischen Poetik »,
dans 67 id., Greek into Arabic. Essays on Islamic Philosophy, coll. « Oriental
Studies » 1, Oxford 1962, p. 129-136 ; Grignaschi 11, p. 211 n. 1 ; id. 63, p. 184-
185 ; Heinrichs 5, p. 130-154, à rectifier par 68 G. Schoeler, « Der poetische
Syllogismus. Ein Beitrag zum Verständnis der “logischen” Poetik der Araber »,
ZDMG 133, 1983, p. 43-92 ; 69 D. Gutas, « Paul the Persian on the classification of
the parts of Aristotle’s philosophy : a milestone between Alexandria and Bagdad »,
Isl 60, 1983, p. 231-267. De ce complexe, on rapprochera la thèse selon laquelle la
rhétorique et la poétique peuvent exprimer symboliquement, grâce à l’imagination
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 467
et à l’imitation, dans des domaines couverts par les confessions religieuses (milal)
et l’activité des prophètes et des philosophes-rois, des réalités purement
intelligibles ou non, thèse qui est, peut-être, aussi empruntée à des commentaires
anciens et perdus mêlant, au noyau aristotélicien, des idées platoniciennes,
néoplatoniciennes et stoïciennes. Explications et références dans : 70. R. Walzer,
L’éveil de la philosophie islamique, extrait de REIsl 38, 1970, hors série 1, Paris
1971, p. 17-19, 65-68, 73 ; « Al-Fārābī’s Theory of Prophecy and Divination »,
dans Walzer 67, p. 206-219 ; « Platonism in Islamic Philosophy », ibid.,
p. 245-248 ; 71 R. Walzer, « Aspects of Islamic Political Thought : al-Fārābī and
Ibn Xaldūn », Oriens 16, 1963, p. 46-50, 55 ; 72 R. Walzer, « Lost Neoplatonic
Thought in the Arabic Tradition », dans Le néoplatonisme (Colloque CNRS,
Royaumont 1969), Paris 1971, p. 323-328 ; 73 W. Heinrichs, « Die antike
Verknüpfung von phantasia und Dichtung bei den Arabern », ZDMG 128, 1978,
p. 269-298. Cependant, pour 74 H. Daiber, « Semitische Sprachen als
Kulturvermittler zwischen Antike und Mittelalter. Stand und Aufgaben der
Forschung », ZDMG 136, 1986, p. 311-312 ; 75 id., « Prophetie und Ethik bei
Fārābī (gest. 339/950) », dans C. Wenin (édit.), L’homme et son univers au Moyen
Age. Actes du Septième Congrès international de philosophie médiévale (30 août -
4 septembre 1982), coll. « Philosophes médiévaux » 27, Louvain-La-Neuve 1986,
p. 729-753 ; 76 id., « The ruler as philosopher. A new interpretation of al-Fārābī’s
view », MALKAW, Nieuwe Reeks 49, N° 4, 1986, p. 133-149, Fārābī a bien pu ici
élaborer, à partir d’Aristote et d’Alexandre d’Aphrodise, mais sans passer par la
médiation d’un modèle antique, une solution philosophique au problème posé par
la prophétie musulmane. Dans une partie, assez étrange pour la pensée islamique,
de 77 M. Mahdi (édit.), Alfarabi’s Book of Letters (Kitāb al-Ḥurūf). Commentary
on Aristotle’s Metaphysics. Arabic Text edited with Introduction and Notes, coll.
« Recherches publiées sous la direction de l’Institut de Lettres Orientales de
Beyrouth, série I : Pensée arabe et musulmane » 46, Beyrouth 1969, XV-254 p., le
philosophe arabo-turc expose l’histoire de la langue et de la culture, situant la
rhétorique aussi bien vers le début du processus que du côté de sa fin (cf. Heinrichs
73, p. 273-284 ; Gutas 69, p. 257-260 ; 78 G. Vajda, « Langage, philosophie,
politique et religion d’après un traité récemment publié d’Abū Naṣr al-Fārābī », JA
258, 1970, p. 250-260, qui évoque, en passant, des doctrines “politiques” grecques
dont Fārābī se serait inspiré). Enfin, à un passage du Kitāb al-alfāẓ al-musta‛mala
fī l-manṭiq portant sur les différentes sortes de mots (noms, verbes, articles) doit,
sans doute, correspondre un texte antique intégrant et dépassant des idées
d’Aristote (exprimées notamment dans Rhét.), de Denys de Thrace et des stoïciens
(79 H. Gätje, « Die Gliederung der sprachlichen Zeichen nach al-Fārābī », Isl 47,
1971, p. 1-24).
468 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

V. AVICENNE († 1037)

A. Des significations du livre Rhêtoriké. Les traits du caractère et les passions


de l’âme
Al-ḥikma al-‛arūḍiyya (ou Kitāb al-mağmū‛), première summa rédigée par
Avicenne, à l’âge de vingt et un ans, comporte, à côté d’autres traités de logique,
un Fī ma‛ānī kitāb Rīṭūrīqā ay al-balāġa fī l-ḥukūma wa-l-ḫaṭāba (Des
significations du livre Rhêtoriké, c’est-à-dire l’éloquence dans les affaires
judiciaires et la rhétorique) et un Fī l-aḫlāq wa-l-infi‛ālāt al-nafsāniyya (Les traits
du caractère et les passions de l’âme). Description du manuscrit et de son
contenu : 80 G. C. Anawati, « La ḥikma ‛arūḍiyya d’Ibn Sīnā », dans Zeki Velidi
Togan (édit.), Proceedings of the Twenty-Second Congress of Orientalists (Istanbul
1951), Leiden 1957, t. II, p. 171-176 ; 81 M. S. Salem (édit.), Ibn Sīnā, Kitāb al-
mağmū‛ aw al-ḥikma al-‛arūḍiyya, fī ma‛ānī kitāb Rīṭūrīqā, Le Caire 1953, p. 3-4,
10-14, à compléter par le c.r. de 82 G. C. Anawati, MIDEO 1, 1954, p. 131-132 ;
83 D. Rémondon (édit. et trad.), « Al-aḫlāq wa-l-infi‛ālāt an-nafsāniyya », dans
Mémorial Avicenne, t. IV : Miscellanea, coll. « Publications de l’Institut français
d’archéologie orientale du Caire », Le Caire 1954, p. 19-22 ; et surtout 83bis D.
Gutas, Avicenna and the Aristotelian Tradition. Introduction to reading Avicenna’s
philosophical works, coll. « Islamic philosophy and theology. Texts and studies » 4,
Leiden/New York/ København/Köln 1988, p. 87-93. Fī ma‛ānī est un résumé de
Rhét. I, avec certaines interversions dans l’ordre des idées et l’omission du dernier
chapitre sur les preuves extra-techniques. Selon Salem 9, p. (19)-(20) et id. 81,
p. 4, 10-12, Avicenne s’est appuyé, dans la rédaction de cet abrégé, sur la
traduction arabe éditée par Ibn al-Samḥ (sur ce texte, cf. supra), ainsi que sur des
commentaires antérieurs. Quant au Fī l-aḫlāq, « il suit directement la phrase qui
termine expressément le dernier chapitre de Logique de la Ḥikma » (Rémondon 83,
p. 19), mais il s’agit, en réalité, d’un abrégé de Rhét. II, chap. 1-10, qui aurait dû,
en principe, être intégré au Fī ma‛ānī, où il semble être annoncé (Salem 81, p. 32-
33). Cette anomalie serait due non à Avicenna, mais à un copiste intermédiaire,
selon Gutas 83bis, p. 92-93, qui ne partage pas, à ce sujet, les hésitations de
Rémondon 83, p. 19-22. Voir aussi, sur cette question, 84 Y. Mahdavi,
Bibliographie d’Ibn Sina, Téhéran 1954, n° 62 (en persan).
Analyse de la structure et du contenu de Fī ma‛ānī, dans Butterworth 52,
p. 111-136, 297-298, à rectifier, pour ce qui est du rattachement de Fī l-aḫlāq à ce
traité, par les références données ci-dessus. Voir aussi 84bis R. Würsch, « Die
Lehre vom Enthymem in der Rhetorik des Aristoteles und ihre Weiterentwicklung
bei Avicenna und Averroes », à paraître dans Argumentationstheorie :
Scholastische Forschungen zu den logischen und semantischen Regeln korrekten
Folgerns. 8. Europäisches Symposion für mittelalterliche Logik und Semantik,
Freiburg im Breisgau (sur la classification des différentes sortes d’enthymèmes) ;
84ter J. Michot, « Avicenne et la destinée humaine. A propos de la résurrection du
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 469
corps », RPhL 79, 1981, p. 468-483 (sur la méthode rhétorique par opposition à la
méthode symbolique) ; Gutas 83bis, p. 292-293 (sur le mot Rītūrīqā).
Fī ma‛ānī a été édité par Salem 81, 86 p. (préface, p. 3-4 ; errata, feuille collée
à p. 5 ; introduction, p. 6-14 ; texte et abondante annotation en arabe, p. 15-76 ;
bibliographie, p. 77-81 ; table des matières, p. 82-86). Fī l-aḫlāq a été édité et
traduit par Rémondon 83, p. 19-29 (introduction, p. 19-22 ; texte arabe, p. 23-26 ;
traduction française, p. 27-29).

B. La rhétorique
Ce commentaire, beaucoup plus ample que le précédent, constitue la huitième
partie [que nous intitulerons, à la suite de Salem 9, Al-ḫaṭāba (i.e. La rhétorique)]
de la quatrième somme (La logique) du Šifā’. Le philosophe arabo-iranien suit
d’assez près, dans cette Rhétorique, la totalité du texte d’Aristote. On notera
toutefois, au niveau de la structure globale, certaines particularités. Les deux
premiers chapitres de l’ouvrage du Stagirite sont détachés du reste de sorte qu’au
lieu des trois livres de Rhét., Al-ḫaṭāba en comporte quatre. Ceux-ci sont, à leur
tour, divisés en sections ayant, le plus souvent, un titre (ces divisions sont
reproduites, avec quelques infidélités, dans la table des matières de Salem 9 et dans
Langhade 11, p. 24-25). Une section sur les rapports de la rhétorique avec les
autres arts logiques, la démonstration et la dialectique surtout, est sans
correspondant dans la Rhét. Al-ḫaṯāba n’est pas un grand commentaire en ce sens
qu’elle n’est pas divisée en citations textuelles d’Aristote suivies d’explications. Il
s’agit plutôt d’un commentaire moyen (les propos du Maître sont mêlés à ceux qui
les clarifient), mais Avicenne a plus tendance à ajouter des développements
qu’Averroès dans sa scholie du même type. La traduction arabe utilisée est celle
éditée par Ibn al-Samḥ : cf. Salem 9, p. (19)-(23) ; Grignaschi 11, p. 133-137 ;
opinion contraire dans Badawi 7, p. ḥ-ṭ. Quoique aucun nom précis de
commentateurs antérieurs ne soit mentionné, il est certain qu’Avicenne a eu
recours à de tels auteurs : Fārābī et Ibn al-Ṭayyib, sans doute, et, peut-être aussi, à
travers ces derniers ou même directement, des commentateurs antiques. Voir, à ce
sujet, l’alinéa consacré supra (II) à Ibn al-Ṭayyib ; Salem 9, p. (20)-(22) ;
Grignaschi 63, p. 175-176 ; id. 11, p. 132-133, 138, qui remarque, entre autres, que
le livre introductif d’Al-ḥaṭāba rappelle les Didascalia de Fārābī et, du même
coup, les prologues alexandrins. Aux références données par ces auteurs, on
ajoutera le passage où Avicenne signale « certains » (commentateurs ?) qui auraient
évoqué « Criton, auteur du Livre sur l’ornement » (Salem 9, p. 67).
Schoeler 64, p. 73-81 (à rectifier par id. 65, p. *80*-*81*) a exposé rapidement
le système des différents procédés de la persuasion et Würsch 84bis, la
classification des enthymèmes, dans Al-ḫaṭāba. Fareed 53, p. 134-135, notes y
afférentes, fait quelques remarques intéressantes sur la signification du plan d’Al-
ḫaṭāba, mais les chapitres de Rhét. qu’il dit ne pas avoir été commentés le sont en
réalité. Al-ḫaṭāba a, par ailleurs, été utilisé par Lyons 12 (t. I, p. I, XXI, XXIII, XXVII,
apparat critique, commentaire), pour l’établissement de la traduction arabe de Rhét.
470 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

Al-ḫaṭāba a été éditée par Salem 9, XLVIII-268 p. : préface en français, p. 1-11,


et en arabe, p. (1)-(8), d’I. Madkour ; introduction de M. S. Salem, p. (11)-(30) ;
texte arabe, p. 1-247 ; index des noms, p. 249-250 ; index des principaux concepts,
p. 251-267 (comporte des lacunes). La préface de Madkour, ainsi que le c.r. de 85
G. C. Anawati, MIDEO 2, 1955, p. 288-290, contiennent un certain nombre
d’inexactitudes relatives au plan : on les rectifiera au moyen des tables des matières
et du texte lui-même.
De brefs extraits d’Al-ḫaṭāba apparaissent dans la Rethorica de Hermann (sur
ce texte, cf. supra « Traduction arabo-latine »), ainsi que le signale Boggess 35,
p. 239, 243-244, 246-247.

C. Autres textes
A en juger par les indications données par les bibliographies avicenniennes,
d’autres ouvrages pourraient comporter des sections commentant tout ou partie de
Rhét. : par exemple, Mahdavi 84, n° 41, nos 115 et 116, auxquels correspondent 86
G. C. Anawati, Millénaire d’Avicenne. Essai de bibliographie avicennienne, Le
Caire 1950, nos 42, 43, 44 et 31. Mais, tant que ces textes n’auront pas été édités, il
sera difficile d’établir leurs relations exactes avec Des significations du livre
Rhêtoriké (voir V A) et de dire, avec certitude, qu’il ne s’agit pas de passages
semblables à ceux de la Nağāt (une autre encyclopédie avicennienne), où le
philosophe iranien énonce quelques principes de rhétorique en s’inspirant de ses
commentaires proprement dits, mais en ne suivant ni le plan de Rhét., ni le détail
de son argumentation.

VI. AVERROÈS († 1198)

Averroès a consacré à Rhét. un abrégé et un commentaire moyen.

A. Abrégé de la Rhétorique
Sur l’Abrégé de Rhét., qui appartient à un ensemble de courts traités sur
l’Organon, on peut faire les mêmes remarques que pour le Kitāb al-ḫaṭāba de
Fārābī : cohérence interne qui lui est propre, point de vue logique prédominant,
introduction de développements étrangers à Aristote, rapports avec Rhét. I surtout.
La thèse de 87 C. E. Butterworth (édit. et trad.), Averroës’ Three Short
Commentaries on Aristotle’s “Topics”, “Rhetoric”, and “Poetics”, coll. « Studies
in Islamic Philosophy and Science », Albany (N. Y.) 1977, préface et introduction,
selon laquelle ce texte serait d’une très grande originalité et concernerait en priorité
les rapports de la philosophie, de la politique et de la religion, notamment en
milieu musulman, a été contestée par 88 L. V. Berman, c.r. de Butterworth 87,
JAOS 102, 1982, p. 562 ; 89 O. Leaman, « Does the interpretation of Islamic
philosophy rest on a mistake ? », IJMES 12, 1980, p. 525-538, repris, avec de
légères modifications, dans 90 id., An Introduction to Medieval Islamic
Philosophy, Cambridge 1985, p. 182-201 ; Schoeler 51, p. 294-301 (Grignaschi 50,
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 471
p. 56-57, en revanche, ne semble pas avoir vu la similitude de l’Abrégé d’Averroès
avec le Kitāb al-ḫaṭāba de Fārābī). Une source antique du court traité n’est donc
pas invraisemblable. Voir, cependant, la réponse de 91 C. E. Butterworth à O.
Leaman, « On Scholarship and Scholarly Conventions », JAOS 106, 1986, p. 728-
732.
Sur la structure et le contenu de l’Abrégé, voir, outre les références précitées,
Butterworth 52, p. 111-136, 297-298.
Cet ouvrage, qui n’a été conservé en arabe que dans deux copies écrites en
caractères hébraïques, a été translittéré en arabe et traduit en anglais par
Butterworth 87, XI-206 p. (préface, p.VII-IX ; introduction, p. 1-41 ; traduction
anglaise de l’Abrégé de Rhét., p. 57-78 ; notes de la préface et de l’introduction,
p. 85-102 ; notes de la traduction de l’Abrégé de Rhét., p. 117-131 ; index des noms
et des œuvres, p. 135-136 ; index des principaux concepts, p. 137-142 ; texte arabe
de l’Abrégé de Rhét., p. 167-199). C.r. par Schoeler 51, p. 294-301 ; par 92 G.
Vajda, Arabica 26, 1979, p. 195-198 ; par ‛A. Badawī dans Revista del Instituto
egipcio de estudios islámicos en Madrid 20, 1979-1980, p. 183-186, et par Berman
88, p. 562-563, qui proposent quelques corrections dans le texte et la traduction.
Pour l’historien de la philosophie soucieux de retrouver des courants de pensée
antique, l’édition et la traduction de Butterworth ont rendu obsolètes les
traductions hébraïques et latines de l’Abrégé de Rhét.

B. Le Commentaire moyen à la Rhétorique


Le Commentaire moyen de Rhét. (Talḫīṣ Kitāb al-ḫiṭāba), rédigé en 1175,
appartient à une série de commentaires du même type consacrés à l’Organon. Il
porte sur l’ensemble de Rhét., à l’exception de Rhét. II 15-17 (cf., à ce sujet, Bottin
25, p. 75-85). De tous les commentaires arabes de Rhét., c’est le plus proche de
celle-ci (cf. Schoeler 51, p. 294-301). Averroès y suit, d’habitude, pas à pas, le
texte d’Aristote, combinant les explications apportées par le commentaire aux
termes du Maître. Les développements auxquels ceux-ci ne sont pas étroitement
mêlés sont rares, quoique les applications aux problèmes suscités par la civilisation
islamique soient fréquentes (injections de concepts, exemples nouveaux, etc.).
L’opinion de Badawi 8, p. ṭ, selon laquelle Averroès ne s’est vraisemblablement
pas appuyé sur la traduction représentée aujourd’hui par le Parisinus ar. 2346,
n’est partagée ni par 93 M. S. Salem (édit.), Ibn Rušd (Averroès), Talḫīṣ Al-ḫaṭāba,
Le Caire 1967, p. 10 de l’introduction, ni par Langhade et Grignaschi 11, p. 26,
133-137, ni par Lyons 12 (t. I, p. I, XXI-XXIII, XXVII, apparat critique,
commentaire), qui montre toutefois que la copie utilisée par le philosophe de
Cordoue devait appartenir à une tradition antérieure ou supérieure à celle du
manuscrit éclectique de Paris et plus proche de la copie dont s’est servi Hermann.
Par ailleurs, l’absence de Rhét. II 15-17 témoigne de l’usage d’un exemplar
decurtatum (Bottin 25, p. 75-85). Averroès a aussi eu recours à Fārābī et, très
probablement, à Avicenne (cf. Salem 93, p. 10-11 de l’introd. ; Grignaschi 11,
p. 131-133 ; Badawi 8, p. y). Le passage final du Commentaire moyen ne saurait,
472 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

en outre, signifier, comme semblent le croire Badawi 8, p. ṭ-y, et, à sa suite,


Grignaschi 11, p. 138, que le philosophe de Cordoue n’a disposé d’aucun
commentaire d’origine grecque. Après avoir souligné les difficultés
d’interprétation de Rhét. III, le Commentateur écrit, en effet (Badawi 8, p. 332 ;
Salem 93, p. 690) : « Espérons que Dieu nous accordera le loisir achevé pour
examiner la quintessence des propos d’Aristote dans ces choses et, en particulier,
dans ce dont il ne nous est parvenu aucun commentaire (šarḥ) d’auteurs
satisfaisants de grands commentaires (li-man yurtaḍā min al-muffassirīn – sur la
signification du mot tafsīr, grand commentaire sur le modèle des scholies
alexandrines, cf. Grignaschi 11, p. 136). » Averroès semble donc admettre que,
pour certaines parties de Rhét., il a disposé à la fois de grands commentaires non
satisfaisants et de grands commentaires satisfaisants [il s’agit peut-être, dans ce
dernier cas, de Fārābī, dont le grand commentaire (šarḥ au sens de tafsīr) s’arrêtait
à Rhét. III 9 : cf. IV B] et que, pour d’autres parties (à partir de Rhét. III 9 ?), il a dû
se contenter de grands commentaires non satisfaisants. Or le terme de tafsīr, grand
commentaire, s’appliquerait mal à Al-ḫaṭāba d’Avicenne qui est plutôt un
commentaire moyen. Aussi les grands commentaires non satisfaisants peuvent-ils
bien être la glose d’Ibn al-Ṭayyib et même des scholies d’origine antique.
Le Commentaire moyen de Rhét. a été édité par Badawi 8, XVI-344 p. [table des
matières, p. ğ-w ; introduction en arabe, p. z-yh ; texte arabe, p. 3-332 ; index des
principaux concepts (non exhaustif), p. 333-338 ; index des noms, p. 339-340 ;
index des œuvres, p. 340 ; errata, p. 341 ; errata (apportés à Badawi 7, édit. de
1959), p. 342-343] et par Salem 93, XXXII-703 p. (introduction en arabe, p. 5-24 ;
texte arabe avec une abondante annotation, p. 1-690 ; index des noms, p. 693 ;
index des principaux concepts (non exhaustif), p. 694-698 ; table des matières,
p. 699-703). C.r. en français de Badawi 8 par 94 G. C. Anawati, MIDEO 6, 1959-
1961, p. 261-263. Les éditions Badawi et Salem sont indépendantes l’une de
l’autre et divergent sur de nombreux points. Il faut donc recourir aux manuscrits
(décrits notamment par 95 C. E. Butterworth et A. A. Haridi (édit.), Averroes,
Middle Commentary on Aristotle’s Topics, coll. « Corpus commentariorum
Averrois in Aristotelem, versionum arabicarum » 1, a [6], « American Research
Center in Egypt », Publ. n° 4, Le Caire 1979, p. 48-50 de l’introd. angl.) ou, au
moins, aux principales éditions partielles et aux traductions du texte. 96 F. Lasinio
(édit.), Il commento medio di Averroe alla Retorica di Aristotele, pubblicato per la
prima volta nel testo arabo, coll. « Pubblicazioni del R. Istituto di studi superiori
pratici e di perfezionamento in Firenze. Sezione di filosofia e filologia. Accademia
orientale » 1, Firenze 1875-1878, 3 fasc., 96 p., a édité une partie du premier livre.
Cf. aussi : 97 A. M. A. Sallam (édit.), Averroes’ Commentary on the third Book of
Aristotle’s Rhetoric. First Edition of the Arabic Text, English Translation, Notes
and Indices (Thèse dactylographiée, Oriel College), Oxford 1952-1953, XI-418 p.
(résumé, p. II-V ; introduction, p. 1-16 ; traduction anglaise, p. 18-125 ; notes
explicatives et historiques, p. 126-249 ; index des exemples arabes, p. 251-255,
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 473
grecs, p. 256-257 ; liste des paragraphes non commentés, p. 258 ; index des noms,
p. 259-262 ; bibliographie, p. 263-267 ; texte arabe, p. 268-418).
La traduction hébraïque du Commentaire moyen de Rhét., achevée en 1337 par
Todros Todrosi [98 J. Goldenthal (édit.), Averrois Commentarius in Aristotelis De
arte rhetorica libros tres, hebraice versus a Todroso Todrosi Arelatensi, nunc
primum ex codice bibliothecae senatoriae lipsiensis cum prolegomenis
copiosissimis edidit J. G., Leipzig 1842, XXXIV-231 p.], a servi de base à Abraham
de Balmes pour sa version latine, maintes fois imprimée au cours de la
Renaissance [la meilleure et la plus accessible de ces éditions étant 99 Aristotelis
opera cum Averrois Commentariis, vol. II : Aristotelis de rhetorica et poetica
Libri, cum Averrois in eosdem paraphrasibus, Venetiis apud Junctas 1562 (réimpr.
Frankfurt am Main 1962), fol. 69-156]. Un certain nombre de passages de
l’ouvrage d’Averroès avaient d’ailleurs déjà été utilisés par Hermann l’Allemand
dans sa Rethorica (sur ce texte cf. supra la section qui lui est consacrée), comme
l’indique Boggess 35, p. 239-244, 246-247. Il n’existe aucune traduction moderne
de la totalité du Commentaire moyen de Rhét., mais on trouvera une version
anglaise du troisième livre dans Sallam 97 et une autre, française, du premier, dans
100 M. Aouad, Averroès, Commentaire moyen de la Rhétorique (Thèse dactylo-
graphiée, Université Paris I), Paris 1981, 2 tomes, CCCXLV-237 p. (t. I : traduction
française du livre un, p. 1-221 ; plan, p. 222-237 ; t. II : introduction, p. IV-CCXLV ;
index arabe-français des noms, des œuvres et des termes, p. CCXLVI-CCLXXXVI ;
index français-arabe des noms, des œuvres et des termes, p. CCLXXXVII-CCCXXIX ;
bibliographie, p. CCCXXX-CCCXLII). La traduction annotée des trois livres est en
cours de préparation.
Lyons 12 (t. I, p. I, XXI-XXIII, XXVII, apparat critique, commentaire), qui utilise
le Commentaire moyen de Rhét. pour l’établissement de la traduction arabe,
examine en détail les rapports de ces deux textes. D’une façon plus générale, les
sources, la méthode et la doctrine du Commentaire moyen de Rhét. ont été
examinés : 1) par 101 P. Thillet, « Réflexions sur la Paraphrase de la Rhétorique
d’Aristote par Averroès », dans Multiple Averroès. Actes du Colloque International
oganisé à l’occasion du 850e anniversaire de la naissance d’Averroès. Paris 20-23
septembre 1976, Paris 1978, p. 105-116 ; 2) par Aouad 100, t. II. Voir aussi 102
C. E. Butterworth, Rhetoric and reason : a study of Averroes’ Commentary on
Aristotle’s Rhetoric (thèse dactylographiée), Chicago (Illinois) 1966, VII-257 p.
L’examen de la tradition syro-arabe de la Rhétorique d’Aristote, que nous
avons envisagée non du point de vue de son intégration dans la civilisation
islamique, mais de celui de son utilité pour l’établissement et la restitution des
textes antiques, n’a donc donné, jusqu’à maintenant, que des résultats parcellaires
et, le plus souvent, de l’ordre du probable. Un grand progrès sera, sans doute,
réalisé par la recherche, lorsque l’on aura comparé systématiquement les données
ici rassemblées aux scholies grecques éditées par Rabe 32, qu’il s’agisse des
fragments ou des commentaires byzantins du XIIe s., commentaires qui, s’ils n’ont
474 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES

pas directement influencé les auteurs arabes, se sont peut-être appuyés sur les
mêmes sources qu’eux.
MAROUN AOUAD.

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