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« INTRODUCTION » À L'ARCHÉOLOGIE DU SAVOIR
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328 Michel Foucault
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« Introduction » à L'Archéologie du savoir 329
On trouve sur la feuille qui tient ensemble les feuillets les indications
suivantes :
« Introduction
1. Décrire les énoncés
2. L'existence des énoncés
3. Structure et énonciabilité*
a. Conditions de possibilité
b. Conditions de réalité
4. Mode d'être des énoncés : événement et remanence
Histoire et condition de l'histoire »
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330 Michel Foucault
7. Angèle Kremer-Marietti, M
1974 puis Librairie générale fr
Foucault. Le sens de l'archéolog
81, n° 52, 1983, pp. 601-63. Ic
L. Paltonieri.
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« Introduction » à L'Archéologie du savoir 331
5. Est- il possible de dater cette pochette de couleur rose ? Les Mots et les
Choses est paru en mars 1966 avec quel succès, on le sait. En septembre 1966
Foucault décide de s'installer en Tunisie.
Un cahier à spirales vert (Fonds Foucault - boîte 9 1 , cote 28730) reporte
sur la couverture les indications suivantes :
« Althusser 65
15 VII 66
Tunis 67 »
À l'intérieur, une fiche du Collège de France, plus tardive indique :
« Althusser
Tunis
Discours et énonciabilité
De l'autre côté Gram de Port Royař. »
Les notes sur Althusser (elles portent sur le Pour Marx et sur Lire le
Capitai) datent du séjour à Paris. C'est en effet en septembre 1965 que Louis
Althusser avait envoyé à Foucault son Pour Marx avec la dédicace « Ces
quelques vieilleries ».
À recouper les indications du cahier vert et de la correspondance, il est
possible de dater ces pages avec un peu de précision entre les dernières semai-
nes du mois de septembre et le mois d'octobre 1966.
En novembre, de l'hôtel Dar-Zarouk, Foucault cherche une maison sur
la pente sauvage de la colline de Sidi-Bou-Saïd. « La théorie du discours reste
en friche, 396 pages à refaire » (lettre). Le 16 novembre il écrit : « J'ai trouvé
hier, ce matin, à l'instant, cette définition du discours dont j'avais besoin
depuis des années » (lettre).
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332 Michel Foucault
* *
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« Introduction » à L'Archéologie du savoir 333
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334 Michel Foucault
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« Introduction » à L'Archéologie du savoir 335
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336 Michel Foucault
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« Introduction » à L'Archéologie du savoir 337
Cette question nest pas facile à repérer dans son autonomie ; et sans
doute faut-il toute une élaboration pour pouvoir la poser avec précision. On
peut cependant reconnaître, au moins sur le mode négatif et à titre de pré-
alable, ce qu'exige sa détermination. Il faut essayer d'atteindre les énoncés
dans ce qui les fait exister et subsister indépendamment de tous les trai-
tements qui assurent leur réactualisation effective pour les ressaisir dans cette
dimension qui les rend, d'une façon générale, réutilisables. D'une façon sin
gulière, il faut les affranchir de deux grands types d'opération qui servent
dans la culture occidentale à les réactiver depuis des siècles : la critique et
le commentaire. [17] La critique d'un énoncé le confronte à un ensemble
de règles. Celles-ci peuvent être des règles de validation et permettent de
déterminer dans quelle mesure et par rapport à quoi un énoncé peut être
considéré comme vrai. Elles peuvent être aussi des règles de construction
elles permettent alors de déterminer si l'énoncé est correct, si l'utilisation des
symboles est conforme à la définition qu'on en a donnée, si leur composition
suit en effet les types d'enchaînement qui ont été posés ou reconnus. Cette
critique - qui peut être, selon la nature des éléments qu'elle traite, logique
grammaticale ou rhétorique - introduit toujours l'énoncé dans un univers
de règles considérées comme actuelles, et c'est comme ensemble d'unités à
construire, effectivement construites, et pouvant être de nouveau construites
au moment même où elle s'exerce, que la critique considère les énoncés et
entreprend de les analyser. Elle les situe dans un espace de perpétuelle possi-
bilité où se détermine leur conformité à des règles mais où leur mode d'exis-
tence se trouve nécessairement esquivé.
[18] Le commentaire, lui, a pour fin de transformer l'énoncé en une
série d'autres énoncés. Ces derniers sont chargés de dire ce qui n'était pas dit
dans l'énoncé lui-même : soit qu'il ait pour rôle de cacher une partie de ce
qu'il manifestait cependant à travers les mots ; soit qu'il ait été soumis à des
règles, à des lois, à des déterminations qui ne sont pas seulement celles de sa
construction visible, si bien qu'il faut, pour saisir tous ses rapports internes,
le replacer dans des espaces qui l'enveloppent et qui peuvent être psycholo
giques, historiques, religieux, culturels, etc. ; soit encore qu'il comporte pa
l'ambiguïté de ses symboles ou de sa construction, plusieurs signification
superposées qu'il s'agit de mettre au jour et de formuler chacune pour elle
même ; soit encore qu'on veuille reconstruire à partir de lui l'identité ou les
traits singuliers de celui qui l'a formulé, les circonstances dans lesquelles il a
été articulé, l'objet naturel ou culturel auquel il se rapportait. Mais de tout
façon le commentaire suppose toujours derrière l'énoncé qu'il commente
un autre texte, non encore formulé, mais qui constitue le secret, la vérité
[19] le contenu implicite, ou l'origine de l'énoncé en question. C'est ce text
d'après-coup, mais idéalement plus primitif, cette parole initiale et retirée
que le commentaire a pour tâche de restituer et dont il donne lui-même
comme le corps enfin devenu visible. Si bien que commenter suppose tou-
jours trois étages d'énoncés : au centre, celui qu'on traite ; au-dessus, ce
qu'on dit sur lui ; au fond ce qu'on suppose être dit sous l'énoncé lui-même
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338 Michel Foucault
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« Introduction » à L'Archéologie du savoir 339
[22] 2- L'énonciabilité
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340 Michel Foucault
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« Introduction » à L'Archéologie du savoir 341
rendues nécessaires, alors que les autres seraient sans signification ou sans
utilité et par conséquent demeureraient muettes ; ils en disposent plutôt à
l'intérieur d'un ensemble de choses dites et de choses à dire (même si elles
n'ont jamais encore été dites) ; et cet ensemble - beaucoup moins vaste que
celui des énoncés possibles - constitue le champ réel qui limite et condi-
tionne les énoncés qui apparaissent. L'homme qui parle n'est pas un être
qui d'une part détiendrait avec sa langue un pouvoir infini d'énoncer et qui
d'autre part se trouverait dans des circonstances ou au milieu d'une culture
ou avec la charge d'un passé, d'une mémoire, d'une accoutumance [29] le
contraignant à choisir de préférence ou mieux, exclusivement, tel énoncé aux
dépens de tous les autres ; il ne dispose de son langage qu'à l'intérieur d'un
domaine « d'énonciabilité » qui prescrit les limites de sa parole, et constitue
la condition de réalité de son énoncé. On voit que l'objection et la solution
toute faite qu'on a rencontrées, supposaient l'une et l'autre que les énoncés
effectifs sont prélevés directement sur les possibilités de la langue ; et que
s'ils constituent par rapport à tout ce qui pourrait être dit un sous-ensemble,
les critères qui permettent de définir et les catégories qui autorisent sa des-
cription ne peuvent être empruntés qu'à une réalité extérieure non seulement
à la langue, mais aux énoncés eux-mêmes. Les énoncés effectifs seraient donc
au point de croisement entre un pur espace de possibilité et un principe
externe de réalisation : la limite séparant ce qui « peut » se dire et ce qui est
réellement dit n'a d'autre origine que ce principe externe. Or, il semble au
contraire que chaque énoncé, pris dans sa réalité (chaque énoncé en tant qu'il
est réellement prononcé) appartient [30] à deux systèmes de possibilités :
l'un qui est défini par la langue et qui constitue la « grammaticalité » de
l'énoncé ; l'autre plus restreint qui constitue son « énonciabilité ». Le premier
a sans doute été établi à partir des énoncés réels, mais il permet de construire
n'importe quel type d'énoncés, et le propre d'une grammaire, c'est justement
de pouvoir construire des énoncés acceptables pour les sujets qui parlent la
langue en question. Quant au second, il a été établi à partir des énoncés réels,
mais de telle façon qu'il fasse apparaître ce qu'il y a de commun aux énoncés
étudiés et à ceux-là seulement : c'est un système de possibilité qui ne déter
mine pas les règles d'une construction légitime, mais les lois immanentes aux
seules constructions effectives ; il définit la possibilité réelle d'un énoncé
comment peut-il se faire qu'il ait été réellement prononcé ?
Cette question et l'analyse qui se déploie à partir d'elle ne suppriment
pas pour autant la considération de l'individu qui parle, des circonstances
dans lesquelles il se trouve, et des représentations qu'il peut avoir dans l'esprit.
On [31] sait bien que pour dire « la même chose » deux individus n'emploie-
ront pas les mêmes mots ni les mêmes tournures, et produiront deux énoncés
différents ; on sait bien que selon le contexte extralinguistique la même signifi-
cation peut passer [par] des énoncés qui n'auront peut-être qu'un seul mot
en commun ; on sait bien que le même énoncé peut avoir aussi deux signifi
cations différentes selon les propositions qui l'entourent ou même selon les
représentations de celui qui parle. Tout ceci permet de caractériser l'énoncé
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342 Michel Foucault
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« Introduction » à L'Archéologie du savoir 343
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344 Michel Foucault
Il s'agissait au point de dé
leur existence propre : non p
l'analyse de la langue nous do
événement. Le problème ét
ter. Si fortes l en effet sont
rection ou sa « grammatical
la chose qu'il vise, qu'entre la
il semble ne guère détenir
que pour disparaître aussitô
ou par un accident, n'est-ce
elle-même sans importance
peu considéré le mode d'êtr
se donne sous les espèces de
fait, pour pouvoir le ressaisir
ce qui entoure l'énoncé qu'i
proche support que peuven
lui-même dans cette région
trace, mais quelque chose qu
se maintient dans la forme
les sons ni les traces ne sont
mais ils n'en détiennent pas
a son principe dans l'énoncé
Celui-ci est un événement
et un lieu de naissance qu'il e
- de fixer à l'intérieur d'une
cet événement demeure tou
ne serait-ce qu'à titre de pur
entendue. L'énoncé a une ex
c'est-à-dire aussi l'étonneme
diversité des formes sous le
dimensions qui permettent d
de conservation qui assure
l'enregistrement ou la transc
le papier ; l'affiche ou le liv
de conservation (ce qui cet
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« Introduction » à L'Archéologie du savoir 345
pour durer éternellement, ce qui devait durer jusqu'à une échéance fixe ou
mobile, ce qui devait passer avec l'événement qui l'accompagnait) ; on peut
l'analyser selon les accidents de la conservation (ce que le hasard a maintenu,
au milieu des oublis, des [41] négligences, des désastres et des incendies) ; c
que les hommes ont conservé précieusement dans la pensée que c'était là l
part la plus inoubliable d'eux-mêmes ; (ce qu'ils ont enfoui comme un secret,
ce qu'ils n'ont cessé de répéter) ; on peut l'analyser aussi selon les formes d
la réactivation (ce qui est purement et simplement répété ; ce qui est méta
morphosé dans sa forme sans que la signification change ; ou altéré dans son
sens, indépendamment de toute modification formelle ; ce qui est critiqu
ou admis purement et simplement ; (ce qui est toujours supposé sans être
redit, ce qui doit être réitéré explicitement) ; on peut l'analyser selon les
types d'objectivité dans lesquels les énoncés se trouvent pris (ce qui est consi-
déré comme un objet religieux et sacré ; ce qui est objet de commentaire ou
d'exégèse ; ce qui est objet d'analyse formelle ; ce qui est objet d'explication
causale ; ce qui est objet d'épreuve de validité, ou d'un examen de correction,
ou d'une appréciation esthétique ou morale) ; on peut l'analyser selon les
formes d'intégration dans un corpus d'autres énoncés (quelle place occupe
un énoncé, quelles propositions il [42] commande, quels énoncés auraient
été sans lui impossibles ; quels autres sont indépendants de lui ou contradic-
toires avec lui) ; on peut l'analyser enfin selon les modes d'insertion dans un
univers non verbal (comment il subsiste dans une institution, dans une tech-
nique, dans une pratique nouvelle, dans une conduite mal consciente d'elle-
même, inapte à se formuler ou indifférente à sa propre verbalisation). La
remanence des énoncés n'est pas un phénomène simple, linéaire et qui soit
d'un seul niveau ; elle n'est point constituée par une longue chaîne d'effets
qui se prolongeraient les uns les autres à partir d'un point premier : elle est
un fait immédiatement polymodal. Pour un énoncé, subsister ne revient pas
à maintenir son existence, mais à la différencier, à la multiplier, à la répartir.
L'autre raison d'attention, c'est que la remanence des énoncés n'est pas
comme une annexe de leur existence première. Il n'y a pas d'un côté l'énoncé
dans sa singularité d'événement (irruption d'une série de sons articulés ou
d'un ensemble de gestes produits par un individu à propos [43] d'une occur
rence déterminée) et de l'autre l'ensemble des techniques qui permetten
de le conserver et des situations qui donnent occasion de le répéter. Il n'y
pas séparés l'un de l'autre, la vie précaire de l'énoncé qui dure le temps où i
naît, s'articule et s'achève, puis cette survie, cette post-existence, toute rem-
plie d'aléas, qui peut aussi bien lui garantir une quasi-immortalité, qu'une
chute provisoire dans l'oubli ou encore une irrémédiable disparition. Ce n'est
pas par une addition que l'événement-énoncé est doté d'une remanence. Il
faut plutôt dire qu'on a affaire à un phénomène paradoxal : la remanence
de l'énoncé appartient à sa singularité d'événement. Quand bien même
l'énoncé est lié de la façon la plus forte qui se puisse concevoir à la situation
de celui qui l'articule (comme dans le cas d'un appel qui demande réponse
urgente ou d'un ordre qui doit être exécuté dans l'immédiat) son existenc
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346 Michel Foucault
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« Introduction » à L'Archéologie du savoir 347
choses énoncées, ce qui se dit à propos d'une chose, la chose qui est dan
un énoncé attribuée à une autre, celle qui est prescrite, celle qui est niée
affirmée, - tout ceci n'est pas comme un peuple d'ombres appelé à s'effac
aussitôt ou à se maintenir quelque temps, par une technique, une complicité,
un hasard heureux ; les choses dites ne sont pas les doubles plus ou moin
transitoires de ce sur quoi on les dit ; mais elles forment dans le mond
un ensemble compact, une masse qui s'enchevêtre aux choses elles-mêmes
sa durée [sic] - la durée de l'énoncé ?] s'entrecroise avec [48] leur temp
les rapports qui se nouent en elles forment [pour elles ? grilles ?' avec ceu
que le monde entretient dans son histoire et dans son espace. Les chose
dites ne le sont point au-dessus des choses, et dans ce ciel idéal où des mo
impalpables représentent - comme des doubles, comme des images, comm
des signes, peu importe - ce qu'ils ont à dire ; elles sont dites au milieu d
choses, dans un espace et dans un temps qui se mêlent aux jours et aux nuits,
aux pierres, au sable, à l'herbe et aux étoiles. Elles ne sont donc pas indiff
rentes aux choses ; elles ne les laissent point tranquillement dormir dan
leur mutisme somnolent ; elles viennent les déplacer, les rapprocher, vivre au
milieu d'elles, les bousculer, les recouvrir. Qu'une chose ait été dite sur
brin d'herbe, ou sur l'écume de la mer, n'est pas indifférent à la végétati
de la terre, ni à la patience des vagues. Avant de se demander quel rappor
une proposition peut avoir avec son occurrence, il faut reconnaître que tous
ces énoncés qui sont [49] autant de « choses dites », tout ce murmure qu
s'oublie et se ressasse, est pris dans le battement des choses, et interfère avec
lui. Le problème n'est donc pas tant d'affranchir le langage de ce fameux sta-
tut de « chose » qui dans le bien-penser [ ?] philosophique n'a d'autre valeur,
même aujourd'hui, que péjoration, mais au contraire de bien l'y enfoncer
de s'interroger sur ce mode d'être singulier, qui fait, des énoncés, autant de
« choses rémanentes ».
Une difficulté apparaît aussitôt, à laquelle ne peut pas manquer de s
heurter le projet d'une histoire intrinsèque des énoncés entendus comm
choses rémanentes : c'est qu'ils sont eux-mêmes soumis à une série d'évén
ments qui semble leur être, pour une grande part, extérieure. Qu'un énon
disparaisse avec l'élément qui lui a servi de support, qu'une inscription
s'efface, qu'un manuscrit se perde, qu'une bibliothèque brûle, n'est-ce pa
là un accident qui arrive à la chose dite, mais qui n'est point lié à elle sur un
mode essentiel ? À propos de ces questions inévitables on peut faire un [5
certain nombre de remarques. D'abord, la disparition d'un énoncé n'est p
plus étrangère que sa conservation à son mode d'être intrinsèque, c'est-à
dire à la remanence qui lui est propre. Si on considère un énoncé autref
valorisé et pas d'autres, comme désormais si peu digne d'intérêt qu'on peu
l'abandonner à son sort, si on le tient au contraire pour tellement évide
et familier qu'on ne juge pas utile de le noter, si on choisit délibérémen
d'en effacer toutes les traces, on ne lui fait pas subir des avatars avec lesquel
il n'aurait point de commune mesure ; en fait, on se loge à l'intérieur d
sa remanence. Pouvoir être supprimé, pouvoir tomber dans l'oubli abso
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348 Michel Foucault
* *
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« Introduction » à L'Archéologie du savoir 349
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350 Michel Foucault
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