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ADEL SIDARUS

LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-


THÉOLOGIQUE COPTE ARABE
(KITÂB AL-BURHÂN D’ABÛ ŠÂKIR IBN AL-RÂHIB, XIIIe SIÈCLE)*

On sait bien que le XIIIe siècle a été l’âge d’or de la littérature copte
d’expression arabe, et que celle-ci témoigne une érudition aux larges hori-
zons, ouverte aux différentes traditions linguistiques et religieuses, tant an-
ciennes que plus récentes ou contemporaines1. Les sommes théologiques,
évidemment, illustrent le mieux cette vérité2. Deux de leurs auteurs font
d’ailleurs le point sur leurs lectures, ou sur les bibliothèques auxquelles ils
ont eu accès, en leur consacrant des chapitres propres: ch. 2 du Maómû‘
uúûl al-dín (MUD) d’al-Mu’taman Isüâq Ibn al-‘Assâl, rédigé vers 1265, et
ch. 7 du Miúbâü al-ÿulma (MZ) d’Abû al-Barakât Ibn Kabar, resté plus ou
moins incomplet avant sa mort en 13243.
Préparant, de notre côté, l’édition partielle du Kitâb al-Burhân (KB)
d’Ibn al-Râhib (IR)4, nous aimerions présenter déjà les résultats de notre

* Sigles et abréviations en fin d’article.


1 A. SIDARUS, Essai sur l’âge d’or de la littérature copte arabe (XIIIe-XIVe siècles), in Acts of

the Fifth International Congress of Coptic Studies (Washington, D.C. – August 1992), vol. 2, ed.
D. JOHNSON, Roma 1993, pp. 443-462; ID., La Renaissance copte arabe du Moyen Âge, in The
Syriac Renaissance and Others, ed. H. TEULE et al., Leuven 2001 (Eastern Christian Studies, 9),
pp. 311-340.
2 A. SIDARUS, Encyclopédisme et savoir religieux à l’âge d’or de la littérature copte arabe

(XIIIe-XIVe siècle), in Orientalia Christiana Periodica 74 (2008), pp. 347-361.


3 Le relevé des sources de MUD indique un plus grand nombre encore d’auteurs ou

d’ouvrages par rapport à l’inventaire bibliographique établi par l’auteur. Mais on note, en sens
contraire, l’absence de quelques-uns parmi les figurants de celui-ci; voir WADI, Sources MUD
& Dirâsa, pp. 184-189. Sur ces deux sommes, voir les détails sous les sigles respectifs.
4 Il s’agit pour le moment des chapitres logiques préliminaires, QQ. 1-8, pour la collection

Studi e Testi, publiée par la Bibliothèque Vaticane. Nous espérons délivrer par la suite les QQ.
41-43 sur la Christologie, à laquelle les quaestiones préliminaires offrent, dans une large
mesure, une introduction logique et terminologique. Les chapitres sur la théodicée (28-40),
inspirés directement par l’œuvre d’un théologien musulman comme nous le verrons tout de
suite, ont été confiés à Zeus Wellnhofer, dans le cadre d’une thèse de doctorat à la Freie
Universität Berlin. Nous aimerions le remercier ici pour l’envoi de matériel bibliographique
qui nous manquait sur place. L’étude et édition du reste du KB demeurent ouvertes à qui s’y
intéresserait.

Miscellanea Bibliothecae Apostolicae Vaticanae, XVII, Città del Vaticano 2010, pp. 127-163.

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enquête, donnant suite à la première approche que nous avions entreprise


dans la monographie sur l’auteur et son œuvre, publiée il y a plus de trente
ans5. En cours de chemin, nous tenterons de mettre à jour nos connais-
sances sur les figures et les textes que nous rencontrerons et en repérer les
traces chez les deux encyclopédistes de l’époque de notre auteur.
Rappelons brièvement que la somme en question clôt le cycle littéraire
de l’auteur, le plus grand polygraphe et encyclopédiste copte de l’époque,
sinon de tous les temps6. De son ouvrage, il en a fait une triple copie repré-
sentant, d’une certaine manière, une triple édition: 1270, 1281 et 1282. Par
bonheur, la première et la dernière sont conservées dans des codex, res-
pectivement, du Monastère de S. Antoine dans le désert arabique d’Égypte
(lâhût 122) et de la Biblioteca Apostolica Vaticana (Vat. ar. 104; Pl. I).
Nous avons aussi une bonne copie faite directement à partir du deuxième
autographe (Vat. ar. 117, avec un fragment dans le Par. ar. 202; Pl. II), sans
mentionner les nombreux autres témoins7. Dans le présent article, nous
renverrons à peine aux folios du troisième autographe: Vat. ar. 104!
Le KB est divisé en 50 «questions» (masâ’il) de différentes dimensions
et qualités. Elles abordent, sans ordre strict, des questions philosophiques,
doctrinales, canoniques, disciplinaires et cultuelles (Tableau 1). L’auteur
exagère la dimension canonique et disciplinaire dans le sous-titre de l’ou-
vrage: … fí al-qawânín al-mukmala wal-farâ’i¬ al-muhmala («… (portant)
sur les canons accomplies et les prescriptions négligées»)8. Il lui fallait,
certes, distinguer son «Livre de la démonstration», dont le titre se justifie
amplement par la démarche apologétique, des nombreux autres ouvrages
portant le même titre, devenu un peu générique avec le cours des siècles9.

5
SIDARUS, pp. 97-135 (ch. 5). Cette étude servira, du reste, de référence à l’édition elle-
même, pour ne pas surcharger les notes critiques et même l’introduction générale.
6 À part SIDARUS, Ibn al-Râhib, voir EI XII (Supp., 1982), pp. 396a-397a. Nous préparons

de plus une longue notice pour le vol. 3 de CMR (2011), où nous donnons compte de nouvelles
découvertes, de même que des nouveaux travaux sur l’auteur et son œuvre.
7 Pour le détail, voir ch. 6 sur la transmission manuscrite du KB dans SIDARUS, pp. 137-

182. Depuis lors, d’autres copies secondaires ont pu être repérées en Égypte ou à Ýûr ‘Abdín,
sans qu’on puisse les consulter ou en avoir des copies. C’est le cas de même du premier origi-
nal conservé à S. Antoine!
8 L’écrivain mal connu, Faraó-Allâh al-Aæmímí (XIIIe/XIVe s.), reproduit ce sous-titre

pour intituler sa collection canonique, elle aussi, semble-t-il, plagiée (GCAL II, pp. 427-428, §
129). D’après l’unicum de Paris, BnF arabe 25, elle porte le titre de Óâmi‘ al-qawânín al-
mukmala min al-qawânín al-muhmala.
9 Voir sur tout cela: A. M. MAKHLOUF, ‘Burhân’ — a Word on a Journey from the Heart to
the Mind and Back, in ParOr 30 (2005), pp. 281-296; G. ENDRESS, The Defense of Reason: The
Plea for Philosophy in the Religious Community, in Zeitschr. für die Gesch. der Arab.-Islam.
Wissenschaften 6 (1990), pp. 1-49. Dans les milieux coptes, il y avait déjà trois autres ou-
vrages au même titre qui circulaient: un de Pierre évêque de Malig (XIIe siècle), un autre

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Tableau 1 – Kitâb al-Burhân (1270-1271)

A. SYNOPSE DU CONTENU

Partie doctrinale Partie morale et liturgique


Prolégomènes logiques à la christologie Signe de la Croix = Q. 9 [...]
= QQ. 1-8 [...] Questions morales et disciplinaires
Procession du Saint-Esprit = Q. 10 [...] = QQ. 11-15
Théodicée = QQ. 28-40 Eucharistie = QQ. 16-21
Christologie = QQ. 41-43 Pénitence = QQ. 22-23
Prédestination et eschatologie Questions rituelles et liturgiques diverses
= QQ. 44-46 + 50 (ILQ) = QQ. 24-27 [...]
Ordres et ministères sacerdotaux
= QQ. 47
Carême et autres jeûnes = QQ. 48-49

B. DETAILS DE LA PARTIE DOCTRINALE


(Prolégomènes logiques à la christo-
logie)
1. Composé, essence et attributs
2. Présence différentiée de Dieu dans
les créatures
3. L’Union dans le Christ
4. Substance
5. Hypostase
6. Différence entre substance, hypostase
et nature
7. Nature (Questions diverses)
8. La volonté et ses opérations o (9. Le signe de la croix)
10. Procession du Saint-Esprit
[...] o plus bas, col. 1
(Théodicée) : QQ. 28-40 ____________________
(Christologie)
41. Le Christ est Dieu
et Marie est sa mère, etc. (Prédestination et eschatologie)
42. Unité de substance et d’hypostase 44. Le don de la vie et autres dons divins
43. Forme de présence dans le sein 45. Prédestination et décret divin
maternel o 46. Formes de l’immortalité de l’âme [...]
50. Fin du monde et Jugement dernier
(fine)

Comme notre intérêt porte principalement sur les dimensions philoso-


phique et doctrinale de la somme, notre présent travail concernera plutôt
les sources des chapitres correspondants. Du reste, c’est là que se révèle le
mieux l’ouverture intellectuelle ébauchée plus haut (Tableau 2).

anonyme, attribué à un Franc ou un Byzantin et cité longuement dans le KB (infra § 20), et


un troisième attribué à Yaüyâ b. ‘Adí, cité de même par IR mais dans le K. al-Tawâríæ.

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Écritures Saintes
Bien que nous ayons affaire à une somme religieuse, la Bible n’en
constitue pas la source principale. Elle est certes souvent citée, en guise
de confirmation (à l’usage des chrétiens?)10, mais elle ne représente guère
une source première d’inspiration, du moins pour la partie doctrinale qui
nous intéresse ici en premier lieu, exception faite pour ce qui tient des
croyances chrétiennes particulières où le discours rationnel ne peut pas
tellement aider.
À part quelques épisodes notoires de l’A.T., comme le récit de la créa-
tion (Gn 1-2) ou du choix de David comme messie-roi (1 Sm 16, 7-13),
et quelques versets de psaumes, c’est le N.T. que l’auteur invoque le plus
souvent: une demi-centaine de citations, le plus souvent référencées (en
marge) d’après le système de division interne copte. S. Jean et S. Paul
sont de loin les auteurs les plus cités, manifestement à cause du caractère
sapientiel ou philosophique de leurs écrits.
[1] Comme apocryphe, plusieurs extraits de l’Apocalypse d’EZRA (Es-
dras IV) sont transcrits, à la suite d’autres tirés de celle de «Jean l’Évan-
géliste» (Abûøâlamsís, ch. 6), dans la dernière quaestio sur le Jugement
dernier, à propos du Huitième Millénaire ou Parousie du Christ. Elle figure
sous le titre de Nubuwwat ‘Izrah al-Imâm/al-Nabí (fol. 227v).
Il faut encore découvrir si la version en cause correspond à celle supposé-
ment d’origine copte, car il existe de ce texte trois versions arabes, en plusieurs
recensions, d’origine syriaque, grecque et copte. Il faut actualiser à présent les
données de GCAL II, pp. 219-221 (§ 51.2), dans les termes suivants.
L’une des version d’origine syriaque a été étudiée et éd./tr. par Adriana
DRINT, The Mount Sinai Arabic Version of IV Ezra, Leuven 1997 (CSCO 563-
564 = Scr. Ar. 48-49); ID., Some notes on the Arabic Versions of IV Ezra and the
Apocalypse of Baruch in MS Mt. Sinai Arabic Codex 589, in ParOr 24 (1999), pp.
165-177.
D’après les catalogues locaux non publiés, il y aurait plusieurs mss. dans les
couvents coptes: S. Antoine, Anba Bichoï, Dayr al-Muüarraq. Pour S. Macaire,
ms. 391 (Hagiogr. 25), voir le catalogue de U. ZANETTI, pp. 57-58.
De longs extraits de ce texte figurent dans un contexte similaire dans MUD
61, 24-46; 65, 13-16; 70, 43, mais ni l’éditeur ni le traducteur ne se prononcent
sur le caractère de la version employée.
Études et présentations récentes sur le texte en général (versions orientales
comprises): J.-C. HAELEWYCK, Clavis Apocryphorum Veteris Testamenti, Turn-
hout 1998 (Corpus Christianorum), pp. 131-138 (nº 180). Un fragment copte sa-
hidique (ch. XIII, 30-46) y est relevé en p. 135; A.-M. DENIS & J.-C. HAELEWYCK,
10
Dans les parties à caractère philosophique, ces citations forment souvent des gloses
marginales (üawaší), sinon de véritables additions de la 2ème ou 3ème édition.

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Tableau 2 - Synopse des sources du KB


(partie doctrinale)

Écritures Saintes

- AT : qq récits: Création+ Choix de David… – NT (une cinquantaine de citations)


+ Psaumes osurtout : Jean & Paul
[1] Apocalypse d’Ezra (Esdras IV)
————————— —————————

Les Pères de l’Église Théologiens d’expression arabe


[2-4] Cappadociens : les deux Grégoire (Coptes)
(de Nazianze surtout) + Basile [13] Óiróis ibn Baæûm al-Mutaýabbib
[5] Cyrille de Jérusalem (XIIe/XIIIe s.): inconnu d’ailleurs!
[6-7] Athanase et Cyrille d’Alexandrie [14] al-As‘ad Ibn al-‘Assâl (XIIIe s.)
[8] Nestorius (ou ses partisans!) = en tant copiste de plusieurs textes
[9] Jean Damascène (Syro-jacobites)
[10] Compilation anonyme al-Firdaws [15] Yaüyâ Ibn ‘Adí (IXe s.) = source
al-‘aqlí («Le Paradis spirituel») importante !
[11-12] Némésius d’Émèse & Jean Philopon [16] Usýâõ al-Râhib (Bagdad, IXe s.)
(transmission indirecte) (Nestoriens)
[17] ‘Abd-Allâh Ibn al-Ýayyib (m. 1043)
= source importante!
(Melkites)
[18] al-Muætâr Ibn Buýlân (Bagdad etc.,
XIe s.)
[19] ‘Abd-Allâh Ibn al-Fa¬l (Antioche,
XIe s.)
[20] Buýrus b. Nasýâs al-Bayt-Ra’sí
(Capitolias, IXe s.)
(K. al-Burhân, attribué à Sa‘íd Ibn Baýríq)
————————— —————————
Auteurs musulmans Philosophes et sages grecs
(surtout en matière de logique) – Socrate, Platon et Aristote
(Les trois coryphées: par ordre d’importance (mentionnés mais non directement cités)
in KB) – Galien (comme commentateur du Timée
[21] Abû ‘Alí Ibn Sínâ (Avicenne) de Platon dans le texte d’Ibn Baæûm)
[22] Abû al-Naúr al-Farâbí (Alpharabius) [27] Ammonius dit Saccas, néoplaton.
[23] Abû al-Üamíd al-Øazzâlí (Algazel) d’Alexandrie
(logiciens tardifs) (via De natura hominis de Némésius
[24] Abû ‘Abd-Allâh al-Æûnóí ou avatar)
(Cairo, 1194-1249) [28] Hippocrate (Traité sur l’embryon).
[25] Al-Zayn al-Kašší (Iran, ca. 1180-1268) [29] Hermès Trismégiste, De castigatione
[26] Faær al-Dín al-Râzí (Iran, 1149-1209) animae
logicien, exégète et grand mutakallim [30] Cycle littéraire d’Alexandre le Grand:
(base de la Théodicée du KB!) Débat philosophique fictif sur
– apprécié par les écrivains coptes du XIIIe s. l’existence de Dieu (texte d’origine
grecque, VIe/VIIe s.?)

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Introduction à la littérature religieuse judéo-hellénistique: Pseudépigraphes de


l’A.T., Turnhout 2000, vol. I, pp. 815-853.

D’autres apocryphes, se réclamant, eux, de l’autorité des Apôtres, sont


la Didascalie des Apôtres et les Canons Apostoliques. Ils sont plusieurs fois
mentionnés dans la partie liturgique et morale, qui ne nous intéresse pas
directement ici, tout comme dans le Kitâb al-Tawâríæ (KT) du même au-
teur11.

Les Pères de l’Église


Curieusement, plutôt que les Pères de l’Église d’Alexandrie, grecs ou
coptes, ce sont les cappadociens du IVe siècle, Basile et les deux Grégoire,
qui sont le plus fréquemment mentionnés, l’évêque de Nazianze au pre-
mier chef12.
[2] GRÉGOIRE DE NAZIANZE, désigné aussi par IR comme «le Théolo-
gien» (al-Lâhûtí / al-Thâ’ulûøûs), est en effet le Père grec dont l’œuvre a été
la plus traduite, compilée et invoquée en langue arabe, y compris parmi les
Coptes — après peut-être Jean Chrysostome. On ne s’étonnera point donc
de le voir le plus de fois cité dans KB — comme dans KŠ d’ailleurs.
Dans ce cadre, une place spéciale est réservée à un Recueil de 30 Dis-
cours (maymar-s) datable de la 2ème moitié du Xe siècle et largement trans-
mis par la tradition copto-arabe elle-même. Il fait pendant au Recueil des
45 Discours de la tradition grecque (CPG 3010).
GCAL I, pp. 330-332, § 87 (+ II, pp. 47-48, § 13); HMLEM III/1 (1983), pp.
273-289; MZ, pp. 288-290 (nº 4). Voir à présent les différents travaux publiés
dans le cadre du grand projet d’édition de l’œuvre de l’auteur cappadocien,
en cours dans l’Université de Louvain-la-Neuve, et recensés dans BAAC II,
pp. 29-33; CAB I, p. 151 & II, p. 28213. Sur les Discours en particulier, voir J.
GRAND’HENRY – L. TUERLINCKX, La version arabe des Discours de GdN, in Studia
11 Nous sommes en voie d’achever une étude détaillée sur les sources de cet ouvrage, à

présenter au Third International Congress on Eastern Christianity «Knowledge Transfer in


the Mediterranean World» (Cordoue, 2-4 déc. 2010). Nous signalons qu’une première ébauche
d’éd./trad. a été réalisée par Samuel Moawad (Münster); voir l’article sous presse de A. SIDARUS
– S. MOAWAD, Un comput melkite attribuable à Yaüyâ b. Sa‘ íd al-Anýâkí: Extraits conservés dans
le K. al-Burhân…, in Le Muséon 123, fasc. 3-4 (2010).
12 Quelque chose de semblable se passe avec al-Mu’taman Ibn al-‘Assâl dans MUD; voir

WADI, Sources MUD, p. 232 & Dirâsa, p. 185. De même dans MZ, pp. 287-296: parmi la ving-
taine de Pères de l’Église, on ne trouve que deux cités: Athanase et Cyrille, mentionnés en 9ème
et 10ème position — à part Antoine le Grand et Shenute d’Atripé, en 15ème et 16ème position!
13 Noter l’article de J.-M. SAUGET sur la structure de la collection arabe des Discours
(1998).

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Nazienziana, éd. B. COULIE, vol. I, Turhout 2000 (Corpus Christianorum, Scr.


Gr. 41 = Corpus Nazenzenum, 8), pp. 201-226. Édition toute récente (2003) du
Dayr al-Muüarraq (Haute-Égypte), en 2 vols., à partir de mss. de leur collection.
En langue copte même, voir les études et fragments signalés dans: CopEnc,
pp. 1183a-1184b (T. ORLANDI); CPG ad nº 3110-3111 & 3113.1-4.

Signalons d’abord, dans la section 10 de la longue Question VII sur la


Nature, un petit florilège de passages tirés de ces discours (2, 7-8, 11) et
tournant autour de l’idée que la catégorie ou notion en cause ne convient
pas à l’essence divine14. Cette série de textes, où s’entremêle le discours
propre à l’auteur du KB, se termine par le passage conclusif d’un De anima
de la plume de l’auteur copte Óiróis ibn Baæûm, qui va dans le même sens
— souligne IR — et sur lequel nous nous arrêtons plus loin (§ 13).
On pourrait ajouter à ce même recueil de textes grégoriens, une simple
affirmation tirée du Discours sur Basile (ar. 28 = gr. 43) et qui figure dans
la même quaestio, à la fin de la première section (fol. 23v). Ou encore une
sentence sans indication de source, vers la fin de la section 17 (fol. 28v).
À cause de la traduction râtée du mot gréco-copte physikos, nous pensons
qu’IR avait sous les yeux un original copte. En effet, dans la première citation
(fol. 23v), obsédé qu’il est par la question de la Nature, il le rend par «naturel»,
alors que le contexte impose «médecin» (profession parallèle à celle de peintre
ou iconographe) — et la version arabe publiée respecte ce point de vue: laysa
aüadun yakûn ýabíban wa-huwa lâ ya’rif ýabâ’i‘ al-amr⬠(«personne n’est méde-
cin sans qu’il ne connaisse la nature des maladies»)15. En vérité, traduit correc-
tement ou non, nous ne voyons pas comment l’auteur justifie cette observation
dans le contexte du KB où elle figure.

La Q. XLI, la première sur la christologie, portant en particulier sur


Marie, la Mère de Dieu, se termine (fol. 193-194r) sur un long extrait de
la même homélie sur la Nativité ou Discours 2 (gr. 38) déjà référencée16.
Dans un autre contexte, celui de l’union du corps et de l’âme servant
d’analogie à l’union divino-humaine dans le Christ (Q. III/2), nous rencon-
trons quelques passages non identifiés par l’auteur et qui doivent venir du
De anima de Grégoire de Nysse, comme nous verrons par la suite.
Nous avons, enfin, dans Q. XVI/2 (fol. 66v-67r), des passages sur les
espèces eucharistiques attribués à un Grégoire, que nous pensons être le
même, bien que nous n’ayons pas encore identifié l’origine.
14 Position de l’auteur que nous avons explicitée et illustrée en divulguant deux textes
intégrés dans KB (infra §§ 13 & 30).
15 Éd. cit. de Dayr al-Muüarraq, vol. II, p. 194.
16 Ibidem, I, pp. 32-34. Il faut dans ce sens confirmer positivement la conjecture de GRAF
dans GCAL I, p. 331 (milieu de l’alinéa 2).

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[3] De BASILE LE GRAND, «l’auteur de la messe (úâüib al-quddâs)», nous


avons d’abord quelques citations de l’une ou l’autre de ses homélies, au-
thentiques ou non, sur la Nativité, dans deux des questions portant sur la
christologie (QQ. XLII-XLIII).
Dans Q. XLII (fol. 198v), dans la réponse-réfutation (óawâb) à la 8ème
thèse de Nestorius (v. infra), nous trouvons un passage glosé, sans indica-
tion précise. Il s’agit peut-être de l’homélie sur la Nativité, qui est citée ex-
plicitement dans la quaestio suivante: dans la réplique à la 16ème réponse,
il est fait allusion à ce même passage (fol. 200 fine).
Dans Q. XLIII/1 (fol. 204r), nous avons une citation sur le mode de pré-
sence particulier de Jésus dans le sein maternel, extraite d’un «commen-
taire sur la Nativité [évangile de Luc] prononcé à la Nativité» (CPG 3153;
GCAL I, p. 321, § 86.4c).
De Basile, on trouvera aussi dans la partie liturgico-disciplinaire,
plusieurs références aux Canons qui lui sont attribués dans la tradition
copte17. Sinon, il est souvent cité dans KŠ, de même que dans KT.
MUD cite Basile à peine une fois (14, 15), hors des Canons. MZ, pp. 291-292
(nº 7), parle de Basile à la suite des trois Grégoire. Plusieurs autres références
à la tradition copte se trouvent dans la notice générale sur le Basile arabe dans
GCAL I, pp. 319-329 (§ 86) & BAAC II, pp. 27-29. Voir de plus J. NASRALLAH,
«Dossier arabe des œuvres de saint Basile dans la littérature melkite», Proche-
Orient Chrétien 29 (1979), pp. 19-43 (+ 4 pl.). Tradition de langue copte: Co-
pEnc, pp. 351a-352b (C. Detlef G. MÜLLER).

[4] GRÉGOIRE DE NYSSE, parfois désigné comme «le frère de Basile» par
IR même, est cité plusieurs fois dans la longue Q. VII sur la Nature.
D’abord dans Q. VII/1 (fol. 23v), une assertion tirée d’un Kitâb al-Óadal,
certes non authentique, signalé dans GCAL I, p. 334 (§ 88.6) sur la base du
témoignage unique de cette citation.
Puis, dans Q. VII/2, à la suite d’une série de définitions de la Nature
selon Yaüyâ Ibn ‘Adí (infra § 15), nous avons d’autres fort brèves (fol. 23v-
24r) extraites du K. al-Abwâb fí al-ýabí‘a, version arabe du De natura homi-
nis de Némésius d’Émèse, qui lui est attribué. On y reviendra, en traitant
de cette figure (§ 11).
Au même ouvrage appartient le passage de Q. III/2 attribué au Nazan-
zien, comme vu plus haut.
Tradition de langue copte: CopEnc, pp. 1184b-1185a (T. ORLANDI); voir aussi
les références figurant dans CPG/S 3149, 3184, 3192 etc.
Tradition arabe: GCAL I, pp. 332-335 (§ 88); BAAC II, p. 33; MZ, p. 290 (nº
5) + p. 292 (nº 8 Dialogus de anima cum Macrinam = CPG 3149); MUD passim.
17 CPG 2302; CopEnc, p. 459 (R.-G. COQUIN); GCAL I, pp. 606-608 (§ 171).

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 135

[5] De Jérusalem, IR fait mention ténue du patriarche CYRILLE: une


phrase à peine de la 12ème Catéchèse (CPG 3585)18 est citée dans Q. VII/12,
où il est question de la liberté absolue de Dieu, agirait-il même comme
cause (première) d’actes tenant de la nature.
La phrase y précède les citations de deux auteurs musulmans (Farâbí et
Râzí, v. infra) et est reprise dans Q. VII/10, en conclusion à une glose d’IR lui-
même, ajoutée à partir de la 2ème copie autographe de son ouvrage.
À propos de la réception copte, voir CopEnc, pp. 681a-682a (T. ORLANDI),
arabe, voir GACL I, pp. 335-337 (§ 89); BAAC II, p. 33. Sinon, Kírillus al-Maqdisí
n’apparaît ni dans MUD ni dans MZ !

[6-7a] À première vue, IR ne connaît qu’ATHANASE et CYRILLE parmi


les Pères (et patriarches) d’Alexandrie19. Il cite des passages concernant
l’Eucharistie (fol. 67r-68r) extraits d’écrits non identifiés — passages (min
qawl…) formant le deuxième et le troisième des sept textes (maqâla-s) em-
pruntés aux pères grecs ou aux auteurs arabophones, insérés dans Q. XVI,
qui porte précisément sur l’Eucharistie.
Les deux textes paraissent apocryphes; voir respectivement GCAL I, p. 314
(§ 83.11) et GCAL I, p. 362 (§ 94.8). Le premier a été édité par S. Kh. SAMIR,
Maqâla fí al-qurbân al-muqaddas wal-ma‘mûdiyya mansûba ilâ…, in Machriq 66
(1992), pp. 235-24120.
Sur l’Athanase arabe en général, à part les ouvrages de référence courants,
voir du même auteur la série de trois notes dans Úadíq al-Kâhin 13 (Maadi
1973) + BAAC II, pp. 25-26.

[7b] Sinon, CYRILLE D’ALEXANDRIE apparaît ailleurs à plusieurs reprises,


mais alors en liaison avec la question «miaphysite» et les anathèmes pro-
noncés contre Nestorius. Quand il est invoqué à ce propos au début de
Q. VII/8, sa qualité hiérarchique est dûment soulignée: «Cyrille le Grand,
patriarche d’Alexandrie, juge-arbitre (qâ¬í) des conciles, le deuxième dans
la hiérarchie (rutba)». On ne trouve pas alors, ni dans la section suivante
18 Corriger les données sur la version arabe d’après SAMIR, À propos CPG, p. 189.
19 Ibn al-‘Assâl, de son côté, n’en cite aucun dans MUD; WADI, Sources MUD, p. 232 &
Dirâsa, p. 185 (§ 18). Au contraire de ce qu’affirme GRAF (GCAL II, p. 410), aucune œuvre de
Cyrille n’est citée dans le ch. 8; il y est mentionné à peine (§ 167) comme celui à qui se rat-
tachent en dernière instance les «Jacobites», dans un texte d’Ibn al-Ýayyib (cf. infra § 17). Il
ne figure même pas, au contraire d’Athanase, dans le catalogue des écrivains chrétiens au
début de la somme!
20 Rééd. améliorée de la pub. de Risâlat al-Kanísa 9 (Le Caire 1977), pp. 156-161. L’auteur
a démontré que l’original était copte. Mais il ne s’agit pas de véritable «traité», à peine d’ex-
traits d’un écrit non identifié, qui parle aussi du baptême à l’occasion de l’usage qu’on fait de
l’eau sacrée (sic) après la cérémonie respective, en analogie avec ce qu’il est coutume de faire
avec les espèces sacrées de l’eucharistie.

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136 ADEL SIDARUS

nº 9, de citations spécifiques, mais plutôt des considérations sur son action


contre les positions nestoriennes, s’étant distingué à ce titre comme «le
premier à parler d’une nature unique comme attribut (fí waúf) de Notre
Seigneur le Christ». Le tout culmine avec la formule-clé de Cyrille inter-
prétée dans le sens banal de «Dieu le Verbe possède une nature incarnée»
(lillâhi al-kalimati ýabí‘atun mutaóassidatun).
Ces éléments, IR a dû les recueillir d’un florilège ou thesaurus cyrillien en
langue copte, qu’il nomme en arabe Kitâb al-Kunûz. Connu d’ailleurs et corres-
pondant plus au moins au texte grec CPG 521521, il a fait partie du corpus lexi-
cologique de sa Scala, composée quinze ans plus tôt et aujourd’hui perdue22.
On imagine qu’IR a transposé lui-même les bribes de texte en langue arabe, ce
qui expliquerait une telle interprétation hors du contexte réel de la polémique
christologique du temps de Cyrille23.
Caractérisation de l’ouvrage d’après N. CHARLIER, Le Thesaurus de Trinitate
de saint Cyrille d’Alexandrie, in Revue d’Histoire Ecclésiastique 45 (1950), pp.
25-81: écrit à titres variés, datant de la première période de la vie du grand
théologien, avant même la polémique nestorienne, et rédigé suite à la préten-
due demande d’un certain Némésimus (réel ou fictif?). Il y résume largement la
doctrine d’Athanase sur la Trinité.

Si on peut s’étonner devant l’absence totale des premiers théologiens-


philosophes alexandrins, comme Clément ou Origène24, et des autres, on
le sera plus encore en constatant, à propos de la question miaphysite, que
Dioscore n’est point cité ni même invoqué, encore moins le champion du
monophysisme au VIe siècle, Sévère d’Antioche, pourtant exilé en Égypte
et y ayant exercé une grande influence25.
[8] Par contre, on verra NESTORIUS (ou ses partisans!) exposer longue-
21 Cf. GCAL I, pp. 358-359 (§ 94.1); voir aussi p. 571, sur des textes annexes à ce florilège.
22 SIDARUS, p. 71; ID., L’œuvre philologique copte d’Abû Shâkir Ibn al-Râhib, in StChrArHerit,
p. 10.
23 À côté du florilège cyrillien — et des textes bibliques et liturgiques intégrés dans la

scala ecclésiastique de Jean de Samannoud, plus deux autres scalae — IR met à profit trois
récits hagiographiques coptes. Il semble difficile de postuler que ces quatre textes aient été
bilingues, car on ne connaît presque pas de manuscrits bilingues hors de la liturgie et des
écrits philologiques. MZ, p. 292 (nº 10e) mentionne, sans détail, ce K. al-Kunûz.
24 Sur la tradition copto-arabe en particulier, voir Kh. SAMIR, Origen in the Coptic Arabic

Tradition, in CopEnc, pp. 1851b-1852a.


25 CopEnc, pp. 2123b-2125a (L. KNEZEVICH; voir aussi l’index sous son nom); GCAL I, pp.

418-420 (§ 118). Il faut se reporter maintenant aux différents travaux de Youhanna Nessim
Youssef (Melbourne). — Dans le chapitre sur les auteurs chrétiens dans MUD (1, 10), Sévère
figure à côté d’Athanase! Pourtant, aucune œuvre de lui n’est citée dans le corps de l’ouvrage.
Même chose pour Dioscore qui, par contre, n’est même pas mentionné dans le ch. 1! Et GRAF
(GCAL I, pp. 416-417, § 116) indique peu de choses à son compte. MZ, p. 293 (nº 11) cite bien
Sévère, mais non Dioscore!

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 137

ment sa doctrine, dans Q. VIII, contre la dualité d’intention et de volonté


en Christ (sic), et dans Q. XLII, sur l’unité de substance et d’hypostase.
Dans Q. VIII (fol. 42r-42v), IR transcrit un prétendu 2ème Discours
(Qawl), à la suite des sept arguments contre (óawâb) la position dualiste
de l’intention et de la volonté en Jésus-Christ. Il affirme qu’il l’a transcrit
d’un manuscrit de la main d’al-As‘ad Ibn al-‘Assâl, à l’instar d’autres textes
du KB, comme nous le verrons plus bas (§ 14).
Les manuels de référence ne signalent pas d’Orationes à proprement par-
ler, parmi les œuvres du patriarche anathématisé et déposé26. À moins qu’il
s’agisse des Capituala xii contra Cyrilli anthemastismos directa, qui lui sont
attribués (CPG 5761-62 spuria). Ou encore, du Liber irrefutabilis seu Florile-
gium (CPG 5729 fragmenta), dont l’existence réelle était jusqu’à peu niée,
mais est à présent fortement revendiquée par van Roey27. Toutefois, s’agis-
sant de la polémique monothélite, surgie deux siècles après Chalcédoine,
il faudrait penser à une compilation bien plus tardive, syriaque ou arabe,
offrant une compilation de thèses ou opinions doctrinales de confession
nestorienne, du type de celle d’Ibn al-Ýayyib dont nous parlons ici-bas (§ 17).
Cette dernière hypothèse pourrait être renforcée par le fait que les deux
«arguments» qui suivent ledit Discours sont introduits, sans autre précision,
par la mention Burhân õânin lahum («Deuxième argument (avancé) par eux»,
fol. 42v fine) et Burhân õâliõ (fol. 43r; citation allant jusqu’à la fin de la page et
de la question). Or, l’intitulé du Discours déjà avait: Al-Qawl al-õâní lil-Nasýûr,
sic avec l’article, suggérant les Nestoriens dans leur ensemble! Nous nous
sommes demandé un moment s’il n’y avait pas eu une simple chute du segment
graphique final -iyya/iyyín, le mot se rapportant alors à ceux-là et non à leur
éponyme. Mais la même chose se répète dans la citation qui suit! Aurions-nous
affaire avec une forme particulière de désigner collectivement les adeptes de
Nestorius?

Dans Q. XLII, l’une des trois longues questions traitant de la christolo-


gie, nous avons trois arguments (fol. 195v-197r) en faveur de la doctrine
«dualiste» (iõnâ’iyya) en Jésus-Christ, qui sont attribués génériquement à
Nestorius — et réfutés, point par point. Ils sont introduits de la même
manière ambivalente tout juste évoquée: Fal-naðkur nukat lil-Nasýûr wal-
óawâb ‘anhâ («Mentionnons trois arguments (fallacieux/ perfides ?) dus à
Nestorius / aux Nestoriens et leur réfutation»). Ici, le verbe-particule qâlû

26 GRAF n’a pas de notice propre à Nestorius dans GCAL!


27 A. VAN ROEY, Le florilège nestorien de l’Adversus Nestorium de Cyrille d’Alexandrie et du
traité contre Nestorius de Théodote d’Ancyre, in Überlieferungsgeschichtliche Untersuchungen,
hrsg. F. PASCHKE, Berlin 1981 (Texte und Untersuchungen, 125), pp. 573-578. On y trouvera
indiquées les études antérieures de l’auteur sur la question.

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138 ADEL SIDARUS

(au pluriel!), qui ouvre la première citation comme telle, renforce la sus-
picion exprimée dans le cas antérieur qu’il s’agit des adeptes de Nestorius.
Nous ne savons pas de même si ce triple extrait a été emprunté à l’une des
sources suggérées plus-haut, ou bien s’il appartient à la même source du groupe
des trente autres arguments (ici, tantôt nukta, tantôt šubha!) des Nestoriens
(toujours lil-Nasýûr…) qui suivent (milieu du fol. 217r et suivants) et sur les-
quels nous nous arrêterons en parlant d’Abû al-Faraó Ibn al-Ýayyib (§ 17).

[9] Parmi les Pères de l’Église dont les œuvres ont été extraites dans Q.
XVI, sur l’Eucharistie, IR transcrit, en cinquième position (fol. 72r-74v ),
un traité de JEAN DAMASCÈNE, le dernier Père grec — d’époque islamique
déjà (vers 675-760), d’où son nom arabe: Yannah ibn Manúûr ibn Saróûn
(Sergius). Mais IR ne va pas chercher ce texte à l’ouvrage original, l’Expo-
sitio fidei (CPG 8043); il le trouve tel quel dans un manuscrit copié par
al-As‘ad Ibn al-‘Assâl (infra § 14). En effet, cet extrait copto-arabe repré-
sente un cas exceptionnel28, car la consultation des ouvrages de référence
n’indique guère que l’ouvrage en question ou l’auteur lui-même aient été
suffisamment connus des Coptes. Le Damascène n’est mentionné ni dans
MUD ni dans MZ, encore moins dans la fameuse anthologie du XIe siècle,
Kitâb I‘tirâf al-Âbâ’29.
Cet extrait a été déjà présenté par SAMIR Kh., Al-As‘ad Ibn al-‘Assâl copiste de
Jean Damascène à Damas en 1230, in Orientalia Christiana Periodica 44 (1978),
pp. 190-194. Un an plus tard, dans la même revue, nº 45, pp. 166-170, partant
de ce témoin, il a étudié la forme du nom propre: Yannah, dans l’onomastique
arabo-copte30.
Alors que GRAF (GCAL I, pp. 378-379) doute de l’authenticité de l’attribution,
Bonifaz Kotter (Abtei Scheyern, Allemagne) a pu identifier le texte comme cor-
respondant au ch. 86 de l’Expositio, lequel a circulé en grec séparément; BAC,

28Par ailleurs, IR cite Yûüannâ al-Dimašqí (sic) par deux fois dans KT, ch. 4 & 39, mais
sans indications précises et sous une désignation donc différente de celle du KB comme nous
le verrons tout de suite.
29 GCAL II, pp. 378-379 (§ 104); BAC 3 (1979), pp. 64-67; BAAC I, pp. 35-36. Noter l’éd.
anonyme du Dayr al-Muüarraq, 2002 (Min Maæýûýât D.M., 9), à partir de 3 mss. dudit
monastère.
30 Invalidation du témoin toponymique par R.-G. COQUIN, Un monastère de l’Épiphanie

dans le Delta d’Égypte, in Bull. de l’IFAO 87 (1987), pp. 121-123. On notera que le nom arabe
devrait avoir été lu avec imâla (Yanneh), leçon qui se rapproche de la forme copte invoquée.
D’un autre côté, on observe la forme hors de la sphère copte ou copto-arabe. D’abord, l’émi-
nent copiste copte a trouvé le traité en question à Damas! Et puis, GRAF signale, dans GCAL
I, p. 433 (§ 121 fine), un palimpseste du IXe/Xe siècle, où l’index réfère le texte d’un certain
«Yannah al-Ruhâwí» (Jean d’Édesse).

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 139

2/2-3 (1978), pp. 10. Voir son éd./tr. dans Schriften des Johannes von Damaskos,
II, Berlin / New York 1973 (Patristische Texte und Studien, 12), pp. 191-19831.
L’Expositio a été traduite en arabe et est bien connue des milieux melkites;
voir: GCAL I, pp. 377-378 (§ 103) & II, pp. 43-45 (§ 10.4-6) + 57-58 (§ 16.10-11);
HMLEM III/1 (1983), pp. 276-279 + 281. Dans la note de BAC relevée plus haut,
SAMIR Kh. confirme la correspondance, mais remarque que le version du KB
diverge considérablement de celle de l’abbé Antoine de S. Siméon (Xe siècle),
présente dans quatre mss. formant une double famille. Dans le même vol. de
BAC, en annonçant le travail d’édition du texte arabe (pas encore conclu !), M.
Abras (Rome), indique huit mss. au total transmettant le texte du Damascène,
parmi lesquels, celui de Vat. ar. 178 (XIIIe-XIVe s.) représenterait «une tradition
différente»32.
Sur l’auteur dans la tradition arabe et sa relation avec l’islam en général, à
part la notice de la GCAL déjà citée, voir la plus récente mise au point de R.F.
GLEI, John of Damascus / Johannes Damascenus, in CMR I, pp. 295-301. Voir de
plus les références signalées dans CAB I, pp. 157-158, et l’ouvrage important,
ignoré par GLEI, de J. NASRALLAH, Manúûr ibn Saróûn alias Jean Damascène,
Jounieh 1991 (Al-Fikr al-masíüí bayna al-ams wal-yawm, 6)33.

[10] Dans le même chapitre de KB sur l’Eucharistie (fol. 88r), nous


avons dans la 8ème section (maqâla), un bref extrait d’al-Firdaws al-‘aqlí
(«Le Paradis spirituel»): une compilation patristique anonyme, connue
uniquement en arabe mais d’origine grecque et à caractère parénétique,
parfois attribuée à Jean Damascène, d’autres à Grégoire de Nysse. C’est
sans doute dans l’épitomé qu’en a fait al-Úafí Ibn al-‘Assâl qu’IR a trouvé
le texte en cause34.
Deux théologiens chrétiens de l’Antiquité ont légué à la postérité les élé-
ments constitutifs d’une doctrine «monothéiste» (chrétienne, musulmane
et même juive …) concernant, d’une part, l’union de l’âme du corps et, de
l’autre, la création temporelle du monde. Notre auteur copte du Moyen
Âge les a mis à contribution par le biais de la transmission indirecte.
[11] Ainsi le De natura hominis de NÉMÉSIUS D’ÉMÈSE (CPG 3550) four-
nit, indirectement, de longs extraits à IR pour son KB en liaison avec l’union
christique (Q. III/2, fol. 12r-v). L’ouvrage de ce néoplatonicien de tendance
porphyrienne qui écrit vers la fin du IVe siècle, est le premier grand texte

31 Double trad. ital. de l’ensemble du volume à partir de ce texte par A. SICLARI – S. RINALDI

(Parma 1994) et V. FAZZO dans nº 142 de la Collana di Testi patristici (Roma 1998).
32 BAC 2/2-3 (1978), p. 3. Si ce ms. s’avérait être d’origine égyptienne, il pourrait bien être
de la même famille que l’archétype du KB, sinon l’original même, si jamais le ductus se révélait
être du type as‘adí (infra § 14).
33 Remaniement arabe de Saint Jean de Damas: Son époque, sa vie, son œuvre, Harissa

1950 (Les souvenirs chrétiens de Damas, 2).


34 GCAL I, pp. 413-414 (§ 114) & II, p. 397 (§ 6e).

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140 ADEL SIDARUS

chrétien à traiter de l’anthropologie de l’homme. Entre autres, l’auteur y


expose l’union du divin et de l’humain dans la personne de Jésus-Christ,
dans des termes philosophiques s’inspirant de l’enseignement d’Ammo-
nius Saccas sur l’union de l’âme et du corps, dont il transcrit plusieurs
propositions35. La comparaison ou analogie ainsi établie a fait école chez
les théologiens chrétiens de tous les temps, comme en témoigne le succès
de l’œuvre et les avatars qu’elle a connus (malgré le fait qu’il s’agisse plutôt
d’un texte philosophique pur, et même peu orthodoxe du point de vue strict
de la doctrine chrétienne).
C’est ainsi que les ch. 2-3, précisément sur cette question centrale, ont
circulé séparément sous le nom de Grégoire de Nysse (CGP 3219)36, avant
que lui soit attribuée la totalité du texte némésien dans presque toutes les
langues chrétiennes, l’arabe inclus. Jean Damascène aussi, dont l’œuvre
grecque a exercé un grand impact sur la littérature arabe melkite, en a in-
tégré de larges extraits dans l’Exposé de la Foi susmentionné37. Par d’autres
voies, le traité de Némésius ou le remaniement pseudo-grégorien original
a été intégré dans un traité hermétique arabe des environs de 800, le Pseu-
do-Apollonius de Tyane, Le secret de la création ou Livre des causes, traduit
en latin au Moyen Âge.
La présentation la plus récente et approfondie de ce traité et sa postérité
est due à M. CHASE dans DPhA, IV (2006), pp. 625-654 (N17). L’édition qui fait
désormais autorité est celle de M. MORANI, Leipzig 1987 (Bibliotheca Teubne-
riana). Trad. ital. par le même, Salerno 1982; trad. angl. toute récente, abon-
damment annotée, par R.W. SHARPLES et P.J. VAN DER EIJK, Liverpool 2008
(Translated Texts for Historians, 49).
Pour la tradition arabe, à part les pages correspondantes dans l’entrée citée
de DPhA (pp. 652-654, § C, vi), voir: GCAL I, p. 319 (+ II, p. 130, § 38.1a)38; M.
MORANI, La tradizione manoscritta del De natura hominis di Nemesio, Milano
1981, pp. 90-96; mais surtout Kh. SAMIR, Les versions arabes de Némésius de
Homs, in L’eredità classica nelle lingue orientali, a cura di M. PAVAN e U. COZZOLI,
Roma 1986 (Acta encyclopaedica, 5), pp. 99-150. L’auteur y traite aussi de la

35 Nous verrons plus bas (§ 27) que les citations d’Ammonius qui figurent dans la même

question du KB semblent avoir été empruntées précisément à ce texte, même si indirecte-


ment.
36 Celui-ci, à son tour, a donné lieu au curieux Discours capital sur l’âme à Tatien attribué

à Grégoire le Thaumaturge (CGP 1773 spuria), dont une double version arabe, l’une d’elle
attribuée abusivement à Aristote ou encore à Avicenne et plus tard traduite en persan! Il n’y
a pas lieu de développer ici cet aspect. Voir en tout cas la récente étude et édition de Rüdiger
Arnzen, Aristoteles’ De Anima: Eine verlorene spätantike Paraphrase in arab. und pers.
Überlieferung, Leiden 1998 (Aristoteles Semitico-Latinus, 9).
37 MORANI, Tradizione manoscritta (cité quelques lignes plus bas), pp. 104-114.
38 Notice concernant Isüâq b. Üunayn. En vérité, il y aurait 4 versions différentes et la
version en question serait plutôt de son père.

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 141

transmission indirecte. Noter que l’étude de M. ZONTA (1991), signalée dans


DPhA pour la tradition syriaque, contient des éléments intéressants pour la
tradition arabe.
Le traité némésien ou plutôt son avatar grégorien est cité plusieurs fois dans
MUD: deux longs extraits dans 34, 1-16 (le chapitre entier!) et 56, 73-167 fine;
brefs passages dans 52, 9 + 20-21 & 61, 339. Il y est fait mention d’une recension
divisée en 43 chapitres et intitulée K. Ýabí‘at al-insân ou K. al-Ýabí‘a tout court
et est attribuée, comme toujours, à Grégoire de Nysse40. Dans MZ, p. 290 (nº
5e), il prend le titre d’al-Abwâb fí úifat ýabí‘at al-insân; divisé en 23 chapitres
(!?) et sa traduction du grec, y est attribuée, fort justement, à «Üunayn b. Isüâq
al-Mutaýabbib».

[12] JEAN PHILOPON, le dernier grand représentant de l’école d’Alexan-


drie déjà christianisée (vers 490-575), a exercé une grande influence sur
la pensée chrétienne, et monothéiste en général, en matière de création-
contingence du monde. Nous avons pensé un moment qu’IR l’avait copié
d’une manière ou d’une autre lors du traitement du même thème dans plus
d’un endroit dans sa somme, ainsi que dans un bref traité conservé dans
un unicum d’origine copte remontant au XVe siècle. D’autant plus que
celui-ci figure à la suite d’un triple épitomé de textes attribués à l’auteur
alexandrin, toujours en liaison avec la question. Épitomé, du reste, qu’Ibn
al-‘Assâl transcrit dans MUD.
Dans une note sous presse, nous avons exposé et discuté tout cela et
sommes arrivé à la conclusion que, bien que la pensée de notre auteur
copte rejoint, dans ses lignes générales, celle de Philopon, les arguments
sont différents, de même que l’accent que met chaque auteur sur la perti-
nence de telle ou telle argumentation logique pour prouver la même chose.
L’influence du maître gréco-alexandrin de la Basse Antiquité sur la pensée
de son compatriote copto-arabe de l’époque médiévale s’est exercée plutôt
par le biais de la diffusion générique de sa doctrine dans la philosophie
arabe, quelle soit d’origine chrétienne ou musulmane.
Les deux textes en question ont été publiés par G. TROUPEAU respectivement
dans Mémorial André-Jean Festugière, éd. E. LUCCHESI – H. D. Saffrey, Genève
1984 (Cahiers d’Orientalisme, 10), pp. 77-88, et dans Annales Islamologiques,
18 (1982), pp. 37-44 (réédités dans son recueil d’études de Variorum, Aldershot
1995). Le passage de MUD, dont l’origine n’a pas été identifiée par l’éditeur ou le
traducteur constitue le Livre IV. Notre note a pour titre À propos de deux textes
39 Avant même la parution de l’édition de WADI, les correspondances avec l’original grec

avaient été établies par MORANI, Tradizione manoscritta cit., p. 95, puis corrigées tour à tour
par SAMIR, Némésius cit., p. 109 et WADI, Sources MUD, p. 229, n. 11. Nos indications seraient
à présent les plus complètes!
40 Données qui se conjuguent parfaitement avec celles rassemblées par SAMIR dans À
propos CPG, p. 189 (ad nº 3550), et en général dans Versions arabes cit.

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142 ADEL SIDARUS

sur la création-contingence du monde… et apparaîtra dans le prochain numéro


19 de Zeitschr. für die Gesch. der Arab.-Islam. Wissenschaften (Frankfurt a.M.).

Pour rendre compte pleinement de l’érudition patristique de notre ency-


clopédiste copte du XIIIe siècle, on signalera que KŠ puise abondamment
dans cette littérature, qu’il s’agisse d’œuvres authentiques ou apocryphes. À
côté des Pères mentionnés ici, on trouve: Eusèbe de Césarée, Épiphane de
Salamis ou Jean Chrysostome, du côté grec, et du côté syriaque: Éphrem,
Théodore de Mopsueste ou Jacques d’Édesse. On trouvera, de surcroît,
Hippolyte de Rome et Jacques de Saroug parmi les Pères de l’Église dont
les ouvrages sont cités dans KT41.
D’une manière générale, on note une certaine rupture, chez les grands
auteurs de notre âge d’or, avec la tradition nationale antérieure, qu’elle
soit de langue copte ou arabe (traductions et florilèges). Dans ce sens, il
faudrait revoir les considérations de Rubensen sur cette «troisième pé-
riode» d’arabisation de l’héritage ecclésiastique copte42.

Théologiens d’expression arabe


À l’époque islamique, l’arabe a joué le même rôle que le grec, à l’époque
antérieure, comme langue de communication entre les chrétiens de diffé-
rentes appartenances etno-linguistiques ou confessionnelles. Comme nous
l’avons affirmé ailleurs, les Coptes ont été arabisés plus tard que les autres
minorités, mais du même coup, ils «ont pu mettre à profit l’immense tra-
vail déjà réalisé par leurs coreligionnaires des autres confessions, durant
quelques cinq cents ans.»43. On ne s’étonnera donc pas de voir IR recourir
aux ouvrages des auteurs de toute confession dans la mesure où ils servent
son propos.
Dans ce sens, les coptes ne sont pas plus privilégiés que les autres. Ain-
si, ne trouve-t-on aucune trace, dans KB, du grand apologète copte que fut
Sâwírus ibn al-Muqaffa‘, l’évêque d’Ashmunein au Xe siècle et le fondateur
de la littérature copte d’expression arabe. Et que dirait-on des théologiens
contemporains d’IR, tel al-Úafí Ibn al-‘Assâl, Abû al-Æayr Ibn al-Ýayyib ou
Ibn Kâtib Qayúar, dont l’œuvre est antérieure à celle d’IR?44 Le Nomoca-
non du premier est seulement cité, conjointement avec ceux des prélats
41 Noter aussi le texte anonyme en liaison avec Alexandre le Grand (§ 30), qui appartient

en dernière analyse à ladite littérature patristique.


42 S. RUBENSON, Translating the Tradition: Some Remarks on the Arabization of the Patristic

Heritage in Egypt, in Medieval Encounters 2 (1996), pp. 4-14. Nous sommes gré à l’auteur de
nous avoir procuré une copie de son travail.
43 SIDARUS, Essai sur l’âge d’or cit., p. 459; repris et modifié dans Renaissance cit., p. 329.
44 Au contraire de ce qui se passe dans MUD; voir WADI, Sources MUD, pp. 232-233 &

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 143

Gabriel Ibn Turayk et Michel de Damiette, du XIIe siècle, dans la partie


disciplinaire et liturgique45.
[13] Dans la partie doctrinale, IR ne cite qu’un seul auteur copte, et
un auteur de surcroît ignoré de toutes les sources. Il s’agit d’un certain
ÓIRÓIS IBN BAÆÛM AL-MUTAÝABBIB, un praticien donc et, manifestement,
philosophe eu égard au Maómû‘ («somme» ou «ensemble de sommaires/
épitomés») dont le long extrait forme dans KB la longue section 22 de Q.
VII sur la notion de Nature (fol. 30v-32v). Un bref passage avait été invo-
qué plus tôt (section 10, fol. 26v-27r), sous le nom générique d’ «un certain
sage/médecin» (ba‘¬ al-üukamâ’).
Le titre donné à l’extrait principal est «De ce que la nature est propre au
monde créé » . Il s’agit en fait d’un exposé basé sur le Timée naturel/médical de
Galien, qui est conservé uniquement en arabe! Nous avons déjà fait connaître
et analysé ce texte: Une justification du «monophysisme» due à un médecin-phi-
losophe copte du XIIe/XIIIe siècle, in Études coptes IX: Onzième Journée d’études
(Strasbourg, juin 2003), éd. Anne BOUD’HORS et al., Paris 2006 (Cahiers de la
Bibliothèque Copte, 14), pp. 355-366. Plus tard, nous avons proposé de situer
l’auteur vers le milieu ou la deuxième moitié du XIIe siècle: La pré-Renaissance
copte arabe du Moyen Âge (2ème moitié du XIIe, début du XIIIe siècle), in Eastern
Crossroads: Essays on Medieval Christian Legacy, ed. J.P. Monferrer-Salá, Pisca-
taway NJ 2007 (Gorgias Christian Oriental Studies, 1), pp. 191-216, ici p. 205.

[14] Du reste, l’un des célèbres AWLÂD AL-‘ASSÂL, AL-AS‘AD ABÛ AL-FARAÓ
HIBAT-ALLÂH — connu pour un ductus propre, le æaýý as‘adí — lui a fourni
quand même une série de sources copiées (ou remaniées?) par lui-même,
qu’il aurait trouvées, le plus souvent, à Damas. Nous regroupons ici-bas
les données en question, mais non sans souligner qu’elles complètent nos
informations sur les intérêts intellectuels de l’aîné des frères ‘assâlides,
tels qu’évoqués par le simple inventaire de ses ouvrages transmis par les
manuscrits. Bien plus, c’est grâce aux indications éditoriales précises four-
nies par IR que nous sommes en mesure de situer un peu mieux dans le
temps son activité littéraire.
Partant du traité sur l’Eucharistie de Jean Damascène, que nous avons
vu plus haut (§ 9), Samir avait pu indiquer l’année 1230 (627 A.H.) comme
la date la plus ancienne que nous connaissions à ce propos46. Mais comme

Dirâsa, pp. 186-187. Sur la théologie à cette époque, voir SIDARUS, Renaissance cit., pp. 318-
319; première version dans Essai cit., pp. 454-456.
45 SIDARUS, pp. 114-115. On notera que les Canons d’Ibn Turayk, le 70ème patriarche
(1131-1145), ont été entre-temps édités et analysés par Anýûniyûs ‘Azíz Mínâ, Beyrouth –
Rome 1993, 2 vols. (Patrimoine arabe chrétien / al-Turâõ al-‘arabí al-masíüí, 12-13). Sur
l’évêque Michel, voir Sidarus, Pré- Renaissance cit., pp. 198-199.
46 SAMIR, Al-As‘ad Ibn al-‘Assâl copiste cit. ad § 9.

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144 ADEL SIDARUS

nous le rappelions dans la publication de la dispute philosophique sous


l’égide d’Alexandre le Grand (infra § 30), le colophon de la transcription du
texte nous permet de reculer de six années ce terme temporel, le fixant plus
précisément en 1224 (621 A.H.). Al-As‘ad doit être mort avant 1260-1265.
Liste des copies exécutées par al-As‘ad qu’IR transcrit dans KB47:
— Q. VII/22: Óiróis ibn Baæûm, extrait de son Maómû‘, copie sans date (supra
§ 13).
— Q. VII/24: Dispute sur l’existence de Dieu sous l’égide d’Alexandre le Grand,
copie datée de 627 A.H. (1230 A.D.; infra § 30).
— Q. VIII: Nestorius, al-Qawl al-õâní, copie non datée (supra § 8).
— Q. XVI/6: Jean Damascène, chapitre sur l’Eucharistie, copie datée de 621
A.H. (1224 A.D., supra § 9).
Dernière mise au point biobibliographique sur l’auteur par WADI, Dirâsa,
pp. 89-96 & Muqaddima, pp. 465-466 (§ 49). Voir sinon: GCAL II, pp. 403-607
(§ 126); COQUIN, p. 83; CopEnc, p. 1228 (A.S. ATIYA).

[15] Du côté syro-jacobite, chrétiens partageant les mêmes croyances


que les coptes, IR recourt fréquemment à ABÛ ZAKARIYYA YAÜYÂ IBN ‘ADÍ
AL-TAKRÍTÍ (893-974). Successeur de Farâbí à la tête de l’École de Bagdad,
inlassable copiste et traducteur, philosophe et logicien de renom, Ibn ‘Adí a
été le plus grand théologien spéculatif de langue arabe et a été particulière-
ment apprécié par les coptes de la Renaissance littéraire médiévale, jusqu’au
point que la majeure partie de ce domaine de sa production intellectuelle a
été sauvegardée pour la postérité dans leurs compilations ou écrits.
Voir sur ce point en particulier les données éparses de GRAF, dans sa notice
sur l’auteur dans GCAL II, pp. 233-249 (§§ 77-78)48, et de G. ENDRESS, dans sa
bibliographie critique: The Works of Yaüyâ Ibn ‘Adí: An Analytical Inventory,
Wiesbaden 197749. Puis, le chapitre correspondant dans l’ouvrage de Emilio
PLATTI: Yaüyâ Ibn ‘Adí, théologien chrétien et philosophe arabe: Sa théologie de
l’Incarnation, Louvain 1983 (Orientalia Lovan. Analecta, 14), pp. 33-5350. On en
47 Liste certes provisoire, car nous n’avons pas encore lu systématiquement la totalité de

la somme d’IR, encore moins, de ses ouvrages encyclopédiques.


48 Noter surtout le nombre de manuscrits conservés en Égypte, ou bien originaires de là

mais se trouvant dans les fonds de la Vaticane, de la Bibliothèque nationale de France


(CopEnc, pp. 1776b-1883a) ou d’ailleurs. Par ailleurs, un certain nombre de manuscrits
d’origine maronite, en écriture arabe ou en garchouni, sont des copies d’antigraphes copto-
arabes, comme on le constate dans beaucoup d’autres cas.
49 Corrections et compléments par SAMIR Kh. dans BAC 3 (1979), pp. 45-58. On prendra

note qu’à l’une ou l’autre exception près, les éditions de texte annoncées dans cette contribu-
tion n’ont pas pu voir le jour.
50 Il s’agit du § 4 du ch. 1, lequel étudie la figure et les œuvres du personnage d’après le

témoignage des «auteurs arabes chrétiens». Or tous ces auteurs (et ouvrages collectifs) sont
coptes! D’origine copte de même, s’avèrent la plupart des mss. qui transmettent son œuvre.

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retiendra qu’Ibn Kâtib Qayúar et al-Úafí Ibn al-‘Assâl ont fait des épitomés de
certains de ses ouvrages, et que ce dernier s’en est amplement inspiré dans sa
propre production théologique, comme ses deux frères du reste. Dans MUD,
par exemple, ses travaux sont cités ou transcrits une vingtaine de fois et dans
des chapitres entiers: PLATTI, Yaüyâ Ibn ‘Adí cit., pp. 36-46 (analyse détaillée à
transférer maintenant à l’éd. de WADI). Pour le cas d’Ibn Kabar, MZ, voir de
même PLATTI, Yaüyâ Ibn ‘Adí cit., pp. 47-50.
Compléments de bibliographie sur l’auteur et son œuvre: EI XI, pp. 266a-
267a (G. ENDRESS, 2005); DAIBER I, pp. 958-959 (nº 9359-65; add. in Supp., p.
301) & II, pp. 543-545 + Supp, p. 422; CAB I, pp. 172-173 & II, p. 298; COQUIN,
pp. 71-72; BAAC I (1990), pp. 14-22; BAC 3 (1979), pp. 45-63 & 4 (1980), pp.
100-105; RESCHER, pp. 130-134 (§ 29; logique en particulier).
Ajouter: E. PLATTI, YbA, réflexions sur le Kalâm musulman, in StChrArHerit.
(2004), pp. 177-197. Une autre étude de C. BAFFIONI dans le même volume col-
lectif est mentionnée plus bas (elle comporte des indications bibliographiques
supplémentaires!). Voir de plus la thèse de Maîtrise inédite de Nevine Mounir
Tawfiq (Dép. de Philosophie, Fac. des Lettres, Univ. du Caire, vers 2002).
À part les récentes éditions de textes indiquées plus bas, noter: E. PLATTI, La
Grande Polémique anti-nestorienne de YbA., 2 tomes, Louvain 1981-82 (CSCO
427-28 + 437-38 = Scr. Ar. 36-37 + 38-39).
Dans KT, Partie I, on trouve cité un K. al-Burhân qui lui est attribué (GCAL
nº 30; ENDRESS, nº 8.18; BAC 4, §§ 471-74); nous donnons plus d’informations
sur cet ouvrage dans l’article sur cet ouvrage-là51.

Pour revenir à notre KB, PLATTI a méticuleusement examiné les citations


ou extraits qui appartiennent au philosophe-théologien de Bagdad, à partir
du témoin principal: l’autographe tardif conservé à la Vaticane, c’est-à-dire
notre ms. A. Presque tous ont été empruntés à la deuxième partie de la
Réfutation d’Abû ‘Ísâ al-Warrâq, éditée plus tard par PLATTI lui-même.
Al-Warrâq / Yaüyâ Ibn ‘Adí, De l’Incarnation, éd./trad. E. PLATTI, Leuven
1987 (CSCO 490-491 = Scr. Ar. 46-47). Pour la première partie ou la polé-
mique contre la Trinité, voir le texte du contradicteur musulman: D. THOMAS,
Anti-Christian Polemic in Early Islam: Abû ‘Ísâ al-Warrâq’s ‘Against the Trinity’,
edited and translated, Cambridge 1992 (Univ. of Cambridge Oriental Pub., 45).
L’analyse des références (QQ. III, V, VII, XL) se trouve dans PLATTI, op.
cit., pp. 46-47, qu’il faut reporter aujourd’hui à son édition du texte, là où cela
est pertinent. La dernière référence comporte une série de petites erreurs, qui
seront rectifiées dans l’édition de la partie respective52.

Dans la Q. VII sur la Nature, la 2ème section commence (fol. 23v) par
51 Voir plus haut note 11.
52 GRAF signale dans GCAL (p. 240) que des citations se trouvent aussi dans QQ. XVI-XIX,
d’après un épitomé d’Ibn Kâtib Qayúar. C’est un lapsus, car il s’agit en réalité de MUD 16-19,
comme cela avait été déjà repéré par PLATTI, op. cit., p. 34, n. 134.

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146 ADEL SIDARUS

une citation sur la notion en cause due au même auteur sans indication de
source. Platti l’a identifiée comme provenant du traité Fí al-mawóûdât53.
Édition à partir d’un ms. d’Istanbul, avec traduction turque, par M. TÜRKER,
Yaüyâ Ìbn-i ‘Adí’nin varlåklar üakkåndaki makalesi, in Ankara Üniversitesi Dil ve
Tarih-Coórafya Fakültesi Dergisi, 17 (1959), pp. 145-157. Nouv. éd. dans la com-
pilation de Saübân Khulayfât, Maqâlât YbA al-falsafiyya, Amman 1988, pp. 266-
27954. Voir de plus: PLATTI, op. cit., 87-91; C. BAFFIONI, «The Concept of ‘Nature’
in YbA (A Comparison with the Ikhwân al-Safâ’)», in StChrArHerit. (2004), pp.
199-204 (l’auteure ne connaît pas l’exposé dont il est question ici!).

[16] Un coreligionnaire d’Ibn ‘Adí, de Bagdad aussi mais du siècle anté-


rieur, est EUSTATHE LE MOINE (Usýâõ al-Râhib), dont l’Apologie du christia-
nisme — vaguement identifiée comme Kitâb U.R. — est longuement citée
à deux reprises dans KB. Sans autre œuvre chrétienne sinon une homélie
sur la Vierge Marie qui lui est attribuée dans un uncium, cet auteur est
sans doute le traducteur du IXe siècle connu des sources arabes.
Aux références données dans GCAL II, pp. 256-257 (§ 81) et celles complé-
mentaires dans SIDARUS, p. 133, n. 43, il faut ajouter: Ullmann II, pp. 9 + 431;
EI X, pp. 1001b-1002a (G. STROHMAIER, 2000); DAIBER II, p. 58 & Supp., pp.
321-322.

Manifestement sans connaître tous ces travaux, SWANSON a analysé


dernièrement le dossier55, arrivant aux mêmes données établies par GRAF
quant au personnage, et que nous avions avérées à notre tour. Il apporte
toutefois des nouveautés quant à la nature de l’ouvrage et de sa transmis-
sion textuelle, qui s’avère essentiellement copte! Mais surtout, grâce à une
comparaison serrée de quelques passages avec leurs correspondants dans
l’ouvrage de Sâwírus Ibn al-Muqaffa‘ intitulé K. al-Bayân al-muætaúar fí
al-ímân56, il suggère que celui-ci représente en réalité un épitomé ou un re-
maniement de l’autre57. Comme conséquence secondaire, ledit Kitâb Usýâõ

53 PLATTI, op. cit., p. 47. Le traité correspond au nº 5.11 de l’inventaire D’ENDRESS. Nous

avons relevé un passage identique au ch. 12 du K. Manfa ‘a d’IBN AL-FAùL, trad. de Graf, p. 63
(infra § 19). En effet, les deux auteurs se réfèrent à Aristote, Phys. II, 1, d’après les données du
même Graf.
54 Non consulté; cf. DAIBER, nº 9361.
55 M. N. SWANSON, ‘Our Brother the Monk Eustathius’: A ninth-century Syrian Orthodox

Theologian known to Medieval Arobophone Copts, in Coptica 1 (2002), pp. 119-140. Voir aussi
la synthèse du même auteur dans CMR I, pp. 907-910.
56 GCAL II, pp. 312-313, § 99.5. SAMIR Kh. en a donné des extraits dans deux revues égyp-
tiennes entre 1976 et 1984; SWANSON, ‘Our Brother the Monk Eustathius’ cit., p. 123, n. 15.
57 SWANSON s’appuie, entre autres, sur deux travaux académiques réalisés sous son orien-

tation. Il nous a informé dernièrement que l’attribution de l’ouvrage à Ibn al-Muqaffa‘ doit être
rejetée: le K. al-Bayân daterait de la fin du XIe siècle.

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 147

(al-Râhib al-Mašriqí) peut avoir effectivement eu le titre de K. al-Bayân que


lui donne Ibn Kabar dans MZ, p. 321 (nº 17).
La première fois que nous rencontrons le nom d’Eustathe dans KB, c’est
dans Q. XVI sur l’Eucharistie, plus d’une fois mentionnée dans ses pages.
Bien qu’il s’agisse de la partie liturgique, cette question, au contraire des
deux qui la suivent, est éminemment doctrinale. Faisant suite au texte apo-
cryphe d’Athanase le Grand (supra § 6), le 4ème dans l’ordre est celui extrait
de notre Apologie (fol. 68v-72r). Le contenu est pratiquement identique à
celui des extraits qu’a donnés SAMIR du K. al-Bayân al-muætaúar d’Ibn al-
Muqaffa‘ en 1977 déjà58, confirmant sans le savoir l’hypothèse avancée par
SWANSON.
L’autre extrait de l’ouvrage apologétique du moine de Bagdad, bien
plus bref, se trouve dans une des trois longues qaestiones sur la christo-
logie (Q. XLIII/2, fol. 204v-205r), inaugurant une série de trois écrits sur
l’embryon, censés justifier ce qui a été dit de la vie de l’embryon divin dans
le sein de la Vierge Marie; la question a vivement intéressé les théologiens
chrétiens anciens59. Les deux autres sont dus à Hippocrate et au Pseudo-
Hermès, comme nous verrons plus bas. Dans l’Appendice II de l’article de
Swanson (pp. 139-140), le texte transcrit par IR est pris à témoin conjoin-
tement avec deux manuscrits du texte original pour confronter celui-ci
avec l’ouvrage attribué à l’évêque d’Ashmunein.
[17] Grand polygraphe syro-arabe, de Bagdad encore une fois, mais
alors nestorien et de presque deux siècles plus jeune, ABÛ AL-FARAÓ ‘ABD-
ALLÂH IBN AL-ÝAYYIB (m. 1043) est invoqué régulièrement dans KB, moins
abondamment certes que dans KŠ60. En grande partie, dans le même sens,
à savoir: comme commentateur de passages bibliques61, mais ici presque
exclusivement du N.T., en consonance avec l’emploi qu’en fait IR. Par
coïncidence, il s’agit le plus souvent des quaestiones portant sur la Chris-
tologie, QQ. XLI-XLIII!
Il y aurait de plus la série des trente preuves ou propositions (nukat)
des Nestoriens dans Q. XLII (fol. 197r-203r fine), qui font suite aux trois
autres mentionnées sous Nestorius (supra § 8) et qu’IR réfute tour à tour.
Nous pensons que ces «arguments fallacieux» proviennent du traité perdu,

58 SAMIR Kh., As’ila fí al-Qurbân al-muqaddas li-SbM …, in Úadíq al-Kâhin, 17/I (Maadi

1977), pp. 35-53 & 17/II (idem), pp. 39-64.


59 M.-H. CONGOURDEAU, L’embryon et son âme dans les sources grecques (VI e av. JC – V e ap.
JC), Paris 2007 (Monographies [du Collège de France], 26); L. BRISSON – M.-H. CONGOURDEAU –
J.-L. SOLÈRE (éds.), L’Embryon, Formation et Animation: Antiquité grecque et latine, traditions hé-
braïque, chrétienne et islamique, Paris 2008 (Histoire des doctrines de l’Antiquité classique, 38).
60 SIDARUS, p. 90.
61 SIDARUS, p. 130.

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148 ADEL SIDARUS

le Ta‘díd ârâ’ al-nâs fí al-ittiüâd wa-üuóaóuhum (14 ch.), qui nous est connu
des milieux coptes, notamment des Awlâd al-‘Assâl, dont on a souligné les
relations avec IR.
Voir là-dessus GCAL II, pp. 172-173 (§ 51.10). Comme bien observé par
GRAF, il n’est pas sûr que toutes les citations en question de MUD appartiennent
à ce traité. Nous ne pouvons pas nous arrêter ici sur les alternatives avancées.
Notons seulement que, dans le 2ème groupe de citations, il ne s’agit guère du ch.
8 de l’original, mais du 8ème principe (aúl) de l’ouvrage d’al-Úafí Ibn al-‘Assâl que
son frère al-Mu’taman dit transcrire (les références au MUD sont à actualiser
d’après la liste ici-bas).

Il faut rappeler que, d’une manière générale, ce philosophe et théolo-


gien nestorien se trouve être un auteur favori des écrivains coptes de l’âge
d’or de leur production en langue arabe. De toute manière, son ouvrage
Firdwas al-nasrâniyya/al-bí‘a a été le seul en langue arabe à commenter
systématiquement l’ensemble des Livres de la Bible!
GCAL II, pp. 160-176 (§§ 50-51). Compléments in SIDARUS, pp. 90-91, n. 11;
DAIBER I, pp. 433-435 (nº 4380-81); II, pp. 205-206; Supp., pp. 144, 311, 351.
Plusieurs textes édités et/ou traduits par G. TROUPEAU se trouvent rassemblés à
présent dans son recueil d’Études sur le christianisme arabe au Moyen Âge, Al-
dershot 1995 (Variorum Collected Studies Series CS515). Études plus récentes
in: COQUIN, p. 68; CAB I, p. 134-35 & II, p. 270. Noter en particulier l’article de
S. Kh. SAMIR, Place d’Ibn al-Ýayyib dans la pensée arabe, in Bayn al-Nahrayn, 25
(1997), pp. 63-7762.
À propos de la tradition copte, nous avons indiqué, dans les pages de notre
monographie tout juste mentionnée, plus d’une demi-douzaine de références
à GCAL. Il faut actualiser à présent les données suivantes: MZ, pp. 304-305 (nº
15); MUD 8/5 (section entière); 11, 92-101; 19, 28-51; 27, 12-13; 49, 47-51.
Ajouter par ailleurs le cas de Buýrus al-Sadamantí (fl. 1260-70). Non seule-
ment il emploie et cite abondamment l’exégète nestorien dans son Commen-
taire sur la Passion, mais il lui emprunte, tout en l’enrichissant, l’apologie de la
science qui précède son grand commentaire des Évangiles63, en faisant d’elle
l’une des introductions méthodologiques à son propre ouvrage64.

[18] Considéré jusqu’à peu comme nestorien, AL-MUÆTÂR ABÛ AL-ÜASAN

62Article «horriblement massacré», d’après les dires de l’auteur.


63S. Kh. SAMIR, Nécessité de la science: Texte de ‘AbÝ, in ParOr 3 (1972), pp. 241-259 & 5
(1974), pp. 243-279.
64 Kamel William SAMAAN, Le commentaire exégétique du récit de l’Agonie par B.S. (exégète

copte du XIIIe siècle), Intr., éd. crit., trad. fr. et lexique, Rome 1982 (Thèse de doctorat inédite,
Pontificia Universitas Gregoriana, XXXVII + 595 pp.); BUÝRUS AS-SADAMANTÍ, Introduction sur
l’Herméneutique / Al-Muqaddima f í al-Tafsír, éd./trad. P. VAN DEN AKKER, Beyrouth 1972
(Recherches, N.S. – B: Orient Chrétien, 1); A. SIDARUS, Un exégèse copto-arabe du 7e/XIIIe siè-
cle: B. S. et son Traité…, in Bibliotheca Orientalis 35 (1978), pp. 21a-25a.

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 149

IBN BUÝLÂN semble bien avoir été melkite. Philosophe et médecin, il est a
été le disciple d’Ibn al-Ýayyib et, vers le milieu du siècle, a entrepris un
long voyage qui l’a mené jusqu’au Caire, à la fin de 1049, puis à Constan-
tinople, dans l’année tragique du schisme entre Romains et Byzantins
(1054), avant qu’il ne se retire dans un monastère à Antioche, où il est
meurt après 1063.
IR transcrit le traité sur l’Eucharistie commandité justement par le
patriarche Michel Cérulaire, en pleine dispute avec les Romains sur la
question (!). Il suit immédiatement (fol. 75r-87v) celui d’Eustathe le Moine
dont nous venons de parler. Et c’est précisément à partir de ce témoin indi-
rect que GRAF a fait connaître ce texte à partir des trois mss. du Vatican du
KB, texte qui se trouve conservé dans au moins deux autres manuscrits.
G. GRAF, Die Eucharistielehre des …, in Oriens Christianus 35 (1938), pp. 44-
70 + 175-191. — Sur l’auteur en général, voir: GCAL II, pp. 191-195 (§ 55); EI
III, pp. 763a-764b (J. SCHACHT, 1968); GAS III (1970), passim; Ullmann I (1970),
pp. 157-158.
Noter la nouv. éd. du Taqwím al-úiüüa / Tacuini sanitatis par H. ELKHADEM
(Leuven 1990). Traductions récentes de deux maqâma-s par J. DAGHER et G.
TROUPEAU, chez Geuthner: Le banquet des prêtres & Le banquet des médecins
(Paris 2004 & 2007).

[19] Un coreligionnaire contemporain mais d’Antioche, est le grand


traducteur et compilateur ABÛ AL-FATÜ ‘ABD-ALLÂH IBN AL-FAùL, surnommé
«al-Üakím al-Anýâkí» par IR. D’abord une brève citation dans Q. I/1 sur le
composé (fol. 4v). Et puis, une double citation au tout début de la Q. V sur
l’hypostase (fol. 20r), avant les longs extraits sur la matière de la plume
d’Ibn ‘Adí (supra § 15). D’après Graf, celle-ci proviendrait du K. al-Manfa‘a
al-Kabír65, alors que la toute première citation (et éventuellement d’autres
définitions) viendrait de «l’un quelconque de ses textes philosophiques»66.
L’ouvrage mentionné demeure encore inédit, mais GRAF l’a étudié et en
a traduit quelques définitions utiles dans une de ses premières publications,
Psychologische Definitionen… (1913), rééd. à présent par H. KAUFHOLD: G.G.,
Christlicher Orient und schwäbische Heimat: Kleine Schriften, Beyrouth 2005
(Beiruter Texte und Studien, 107a-b), vol. II, pp. 481-502.
Sur l’auteur en général, voir: GCAL II, pp. 52-68 (§§ 16-17); HMLEM III/1
(1983), pp. 191-229 + 404 (add.)67; DAIBER, Supp., p. 309. Voir aussi Kh. SAMIR,
Bibliographie du dialogue islamo-chrétien: Auteurs arabes chrétiens (XIe-XIIe
siècles), in Islamochristiana 2 (1976), pp. 210-214 (§ 22.7).

65 GCAL II, pp. 59-60, § 17.15. Les extraits pourraient venir du ch. 9 ou 65.
66 GCAL II, p. 64, § 28 fine.
67 Du même auteur, voir la notice publiée dans la même année, dans Proche-Orient
Chrétien 33 (1983), pp. 143-159; elle doit reproduire ce qu’il dit dans son manuel.

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150 ADEL SIDARUS

[20] L’ouvrage anonyme «d’un franc (firanó) ou d’un byzantin (rûm)»


fournit à IR quelques développements à Q. III/4 (fol. 14r-16v), sur Dieu,
les quatre éléments et l’union christique. Il s’agit en fait du Kitâb al-Bur-
hân, attribué faussement à SA‘ÍD IBN BAÝRÍQ, le patriarche Eutychius
d’Alexandrie (m. 940), parfois même à Athanase le Grand. En réalité, il
pourrait avoir été rédigé ou compilé, partiellement ou non, par un certain
diacre (ou évêque) melkite de Bayt al-Ra’s (Capitolias, auj. en Jordanie)
au nom de BUÝRUS IBN NASÝÂS AL-BAYT-RA’SÍ. La transmission manuscrite
et la critique interne indiquent la fin du IXe ou le début du Xe siècle pour
la composition de l’ouvrage. Divisé en quatre parties, la première semble
constituer le noyau originel et c’est elle qui porte, parfois seule, le titre de
K. al-Burhân. C’est la partie la plus longue et elle comporte un caractère
doctrinal et apologétique, assez proche de Jean Damascène (supra § 9).
C’est elle précisément qui est longuement citée dans KB68.
Dernière mise au point, avec références détaillées, dans l’article de M. N.
Swanson, Peter of Bayt Ra’s, in CMR I, pp. 902-906. Il faudrait ajouter au travail
cité de M. BREYDY (1985), son autre intitulée Études sur SbB et ses sources, Lou-
vain 1983 (CSCO 450 = Subs. 69), pp. 89-94. Ajouter de même l’éd. d’un extrait,
savamment commenté du point du point de vue de la langue, par Joshua BLAU,
A Handbook of Early Middle Arabic, Jerusalem 2002 (The Max Schloessinger
Memorial Series – Monographs, 6), pp. 85-95 (Text iii).
Sinon, voir: GCAL II, pp. 35-38 (§ 8.3); HMLEM, II/2 (1988), pp. 31-34 & pp.
143-145 (exposés indépendants et non harmonisés!).
L’édition standard, qui se base sur le plus ancien ms. (presque du même âge
que la composition de l’ouvrage) est de P. CACHIA, avec trad. de W. M. WATT, en-
core attribuée à Eutychius of Alexandria, The Book of the Demonstration (Kitâb
al-Burhân), 2 Parts in 4 vols., Louvain 1960-61 (CSCO 192-93 & 209-10 = Scr.
Ar. 20-23).

D’autres auteurs arabes chrétiens figurent parmi les sources du KT.


Nous avons déjà fait allusion à Yaüyâ ibn Sa‘íd al-Anýâkí (n. 10). Deux
autres historiens melkites (!) se trouvent abondamment cités: Sa‘íd Ibn
Baýríq et Maübûb ibn Qusýanýín al-Manbióí. Du côté copte, nous avons
Abû al-Makârim Ibn al-Qulzumí et le réformateur polémique Marqus Ibn
Qunbar, passé par moments à l’Église melkite. Enfin, Abû al-Faær al-Mu-
tanaúúir/Masíüí, un néo-chrétien d’origine juive.

68 Symptomatique de la curiosité scientifique de notre auteur est le fait d’aller lire, sans
préconcept, les ouvrages produits par les coreligionnaires d’autres confessions, même si au
départ il sait qu’ils défendent une doctrine théologique différente sinon opposée. En
l’occurrence, il y a rencontré matière pour étayer ses propres positions quant à la Nature
unique, sans nécessité de trop altérer ou émonder le texte.

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 151

Auteurs musulmans
Ce n’est guère pour leur œuvre spécifique qu’IR cite les coryphées de la
philosophie musulmane: Farâbí, Ibn Sínâ, Øazzâlí. En fonction de ses pré-
occupations théologiques apologétiques, ce sont leurs ouvrages de logique
qui l’intéressent, tout comme les manuels tardifs de cette discipline, ceux
de Faær al-Dín al-Râzí, de Æûnóí et d’al-Zayn al-Kašší.
Dès Q. I/1 sur le composé (murakkab/mu’allaf; fol. 4v), ces auteurs
sont mentionnés en bloc, avec leurs ouvrages respectifs, comme défen-
dant — «ainsi que d’autres» (wa-øayruhum), ajoute IR! — le syllogisme
suivant dont il rejette la validité: «Tout corps est composé, et tout composé
est créé, donc tout corps est créé» (kullu óism mu’allaf wa-kullu mu’allaf
muüdaõ fa-kullu óism muüdaõ)69.
Dans les questions suivantes II et III, on trouve plusieurs propositions ou
syllogismes logiques introduis par des formules génériques type (qíla/yuqâl)
fí al-manýiq, qâla al-mutaqaddimûn/muta’aææirûn et expressions semblables
[21] Nous nous arrêterons sur chacun de ces auteurs, mais disons tout
de suite que ce n’est que dans les ‘Uyûn al-üikma du célèbre ABÛ ALÍ IBN
SÍNÂ (Avicenne), mentionnés en première position70, que nous avons trou-
vé ledit passage littéralement — du moins jusqu’à nouvel ordre. En vérité,
c’est à cet auteur et à ce manuel exclusivement que recourt IR ailleurs dans
sa somme (toujours dans sa 1ère partie sur la logique), que ce soit explici-
tement ou non71. Dans la Q. V sur l’Hypostase, quelques propositions de
l’ouvrage sont citées à la suite d’autres d’Ibn ‘Adí (supra § 15), mais aussi
dans une glose marginale exclusive à la dernière «édition» du KB (fol. 21r).
Ceci nous montre bien l’intérêt qu’avait IR pour ce manuel. Du reste, on
trouve le médecin-philosophe du XIe siècle souvent cité dans la théodicée,
même si via al-Faær al-Râzí72.
Nous rappellerons que l’ouvrage est un classique, ayant été traduit au
Moyen Âge latin sous le titre de Fontes sapientiae. Ibn al-‘Assâl aussi le cite
plusieurs fois dans MUD73.

69 En vue de sauvegarder, prétendument, la divinité éternelle de Jésus-Christ, car IR ne

prétend pas, certes, que son corps ait été éternel ante quo.
70 En fait, dans deux des trois témoins (mss. A et C). Il figure en deuxième position après

le Mûóiz de Khûnóí (v. infra), dans B qui, pour ces débuts de KB, représente — rappelons-le
— un témoin de la première rédaction!
71 Parmi ces dernières, p. ex., nous trouvons quelques-uns des passages cités sans indica-
tion de source.
72 Il est évident qu’IR est éclectique en utilisant la somme théologique de Râzí (infra § 26).
73 WADI, Sources MUD, p. 235 & Dirâsa, p. 188, § 27. Pourtant, les mentions ou citations

font partie, en général, d’ouvrages étrangers à Ibn al-‘Assâl, qui se trouvent intégrés dans sa
somme.

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152 ADEL SIDARUS

Ibn Sínâ, ‘Uyûn al-üikma (Avicennae Fontes Sapientiae), éd. ‘A. R. BADAWÍ,
Le Caire: IFAO, 1954 (Mémorial Avicenne, 5), p. 5. Nouv. éd. ou simple rééd.
Beyrouth 1980. Étude avec trad. allem. par M. MUTHREICH, Theoretische Grun-
dlagen im Gottesbegriff bei Avicenna, Giessen 2000 (Thèse; cf. DAIBER, Supp., p.
214, nº 6576/1). Trad. lat. DAIBER, nº 458 (reprint signalé dans Supp., p. 17)74.

[22] L’ouvrage du «prince des philosophes musulmans», ABÛ AL-NAÚR


AL-FARÂBÍ (Alfarabius), mentionné en dernière position (!) dans la cita-
tion générique d’IR est le ‘Uyûn al-masâ’il, qui a connu une version latine
médiévale, peut-être du célèbre Gérard de Crémone: Flos Alfarabii. On le
retrouve à nouveau dans Q. VII/12 (fol. 27v), où il est question de la liberté
absolue de Dieu même quand il agit comme cause d’actes tenant de la
nature. Le passage fait suite à une double citation de Cyrille de Jérusalem
d’abord (supra § 5) et d’al-Faær al-Râzí ensuite (infra § 26).
L’attribution avait été mise en doute sans grand fondement. À la suite d’une
critique interne poussée, Joep LAMEER arrive à prouver l’attribution contestée:
Al-Farâbí and Aristotelian Syllogistics: Greek Theory and Islamic Pratice, Lei-
den-Boston-Köln 1994 (Islamic Philosophy, Theology and Science – Texts and
Studies, 20), pp. 24-25 + 39. Au sujet de la version latine, voir les indications
de DAIBER, nº 476 & 8020; voir aussi nº 5202a (Supp.). Le témoignage favorable
d’IR vient s’ajouter aux témoins indirects, comme celui, par exemple, de son
compatriote et contemporain Ibn Abí Usaybi‘a.
D’après les indications de Daiber (nº 956), la plus récente édition du texte
devrait être celle de F. ‘Aýâwí, dans son ouvrage Al-Farâbí, faylasûf al-madína
al-fâ¬ila, Beyrouth 1978, pp. 39-49.
Au ch. 7 du MUD, sur la continuité avérée du christianisme à travers le
temps et l’espace, la 3ème section (qawl = §§ 34-51) transcrit de longs passages
du ch. 5 d’un K. ‘Ilm al-üaqâ’iq comme étant de Fârâbí. Pourtant, un ouvrage
avec un tel titre ne semble pas exister dans le cadre de son œuvre.

[23] Quant à ABÛ AL-ÜAMÍD AL-ØAZZÂLÍ (Algazel), «l’Autorité décisive


de l’Islam» (Üuóóat al-Islâm), c’est le manuel de logique intitulé Maqâúid
al-falâsifa, une introduction au bien connu livre Tahâfut al-falâsifa, qui est
mentionné lors de la citation du syllogisme rejeté par IR: en deuxième ou
troisième position selon les manuscrits. Là aussi, même si nous n’avons
pas pu confirmer l’allégation en cause75, on ne peut pas dire qu’IR ait invo-
qué le livre sans le connaître, car il en extrait une double citation à la fin
de la dernière quaestio sur la théodicée, Q. XL sur l’essence et les attributs
en Dieu (fol. 182v-83r).
74 Il nous semble inutile de présenter les grandes figures de la pensée musulmane comme

telles. Nous nous limitons aux ouvrages cités dans KB.


75 AL-ØAZZÂLÍ, Maqâúid al-falâsifa, éd. Sulaymân DUNYÂ, 3e éd., Le Caire 1960.

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 153

À son tour, l’ouvrage est devenu un classique, ayant été traduit, lui aussi,
en latin au XIIe siècle sous le titre d’Intentiones philosophorum; voir DAIBER, nº
3511; cf. nº 3514 (s.v. M. ALONSO, où il s’agit en fait d’une traduction largement
établie à partir de la version latine); cf. de même le nº 465, avec le reprint signalé
dans Supp., p. 18.
Mais là encore, la question de l’authenticité à été soulevée sous le prétexte
que ce manuel représente, en définitive, une mise en arabe remaniée du Dâneš-
nâme d’Avicenne; voir entre autres G. G. HANNA, Die Hochscholastik um eine
Autorität ärmer, in Festschrift für Hermann Heimpel, Göttingen 1972, vol. II, pp.
884-899. Mais comme il a été soutenu de différents côtés, ce constat n’infirme
en rien l’attribution à Øazzâlí. Disons seulement qu’à côté du témoignage de
la traduction latine, qui a été réalisée assez tôt après la parution de l’ouvrage
arabe, nous avons celui de Faær al-Dín al-Râzí, sur lequel nous reviendrons tout
de suite, et d’IR enfin.

Avant d’aborder le dossier plus complexe de Râzí, parlons rapidement


des deux derniers auteurs référencés plus haut.
[24] En premier lieu, FAùL AL-DÍN ABÛ ‘ABD-ALLÂH MUÜAMMAD IBN NÂ-
MÛR AL-ÆÛN(A)ÓÍ (1194-1249), dont le Mûóiz («Précis (de logique») figure
en troisième position dans les manuscrits A et C, mais en première dans
B, comme nous l’avons expliqué plus haut. D’origine persane, il semble
qu’il ait été médecin, en tout cas muftí et qâ¬í, au Caire, s’étant distingué
comme logicien.
GAL I, p. 463 (§ 21) + S I, p. 838; RESCHER, pp. 194-195 (§ 81); ‘Umar Kaüüâ-
la, Mu‘óam al-mu’allifin, 15 vols., Beyrouth 1957-61, ici: vol. 12, p. 73. Le Mûóiz
ne semble pas édité, bien qu’il ait été utilisé dans l’enseignement nord-africain
jusqu’aux temps modernes. Par contre, le Óumal, un autre manuel de logique,
l’a été par Sa‘d Øurâb, Risâlatân fí al-manýiq, Tunis 1976, pp. 27-40.

[25] Vient par la suite ladite «Kaššiyyat al-Zayn». Il s’agit en fait de la


Muqaddima fí al-üikma wal-manýiq de ZAYN AL-‘ÂBIDÍN AL-KAŠŠÍ (ca. 1180-
1268), l’équivalence nous étant fournie lors d’une citation dans Q. XXXIX
sur l’existence et l’unité de Dieu, 2ème prolégomène (fol. 179r). Mais déjà
dans VII/14 (fol. 27v-28r), il cite le logicien pour étayer l’argument selon
lequel la Nature ne peut cesser d’agir, car ses actions tiennent d’un élan
inné et non volontaire.
Al-Zayn aurait été disciple d’al-Faær al-Râzí. On voit que le manuel a
eu du succès (dans les milieux égyptiens en particulier?) pour avoir cir-
culé sous un surnom tiré du nom de l’auteur. Malheureusement, nous n’en
connaissons pas d’édition.
GAL II, p. 280 + S I, p. 84; RESCHER, pp. 191-192 (§ 78). Voir aussi G. GRAF,
Die Philosophie und Gotteslehre des Jaüjâ ibn ‘Adí und späteren Autoren: Skizzen

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154 ADEL SIDARUS

nach meist ungedruckten Quellen, Münster 1910 (Beiträge zur Gesch. der Philo-
sophie des Mittelalters, VIII/7), p. 76.

[26] Le livre de logique de FAÆR AL-DÍN ABÛ ‘ABD-ALLÂH IBN AL-ÆAÝÍB


AL-RÂZÍ qu’IR invoque est al-Âyât (al-bayyinât fí ‘ilm al-manýiq), un manuel
divisé en dix chapitres, dont la nature a été méconnue jusqu’assez récem-
ment, comme d’ailleurs ses autres manuels ou commentaires de logique.
Après les brèves notes de RESCHER, pp. 183-185 (§ 71) & passim, c’est A.
Djavad FALATURI qui a mis cela en valeur la logique chez notre auteur: FDR’s
Critical Logic, in Yâdí-nâme-ye Irâni-ye Monorsky, Téhéran 1969 (Pub. of Te-
hran University, 1241 = Ganjíne-ye Taüqíqât-e Irâni, 57), pp. 51-79 (avec des
éléments bibliogr. intéressants). Bien qu’il s’opposait à logique d’Ibn Sínâ, al-
Faær a longuement commenté son ‘Uyûn al-üikma, texte édité entre-temps en 3
vols. par Aümad al-Üióâzí al-Saqqâ (Téhéran 1994), à part d’autres travaux sur
la logique (cf. DAIBER infra).
Il semble que la seule édition existante des Âyât soit celle intégrée dans le
commentaire qu’en adonné ‘Abd al-Üamíd Ibn Abí al-Üadíd (1191-1257/58),
Šarü al-Âyât al-bayyinât, éd. MUÆTÂR ÓABALÍ, Beyrouth 1996 (non consulté).

En vérité, ce n’est pas tant ce manuel de logique de notre auteur musul-


man, qui a intéressé IR. C’est plutôt sa grosse somme théologique intitulée
K. al-Arba‘ín ‘alâ uúûl al-dín76, laquelle lui a servi de base pour construire
sa théodicée dans KB (QQ. XXVIII-XL)!
En fonction de cela, nous avions consacré, dans notre ouvrage sur Ibn
al-Râhib, tout un appendice sur le personnage et son ouvrage, de même
que sur la modalité de son usage par l’écrivain copte dans son traitement
de la question77. Rappelons brièvement qu’al-Faær al-Râzí (1149-1209)
est un grand polygraphe et mutakallim d’origine persane — comme les
grandes et moins grandes figures que nous avons évoquées jusqu’ici. Parti
d’une position aš‘arite modérée, il s’en écarte, tout en adoptant l’argumen-
tation logique dialecticienne. Au-delà de son impact sur la société musul-
mane, il a été apprécié par les écrivains juifs et chrétiens78, en particulier
par les coptes de l’âge d’or de leur littérature de langue arabe.
76
Quand IR cite le titre in extenso, la partie finale est: f í ahl al-sunna. L’édition la plus
récente de l’ouvrage est celle en 2 vols. d’Aümad al-Üióâzí al-Saqqâ (Beyrouth 1424/2004).
77 SIDARUS, pp. 134-135 + 104-107 (présentation des quaestiones elles-mêmes). On trouve

l’Arba‘ín cité une fois hors de la théodicée, à savoir une brève assertion tirée du ch. 15, dans
une note marginale de la «3e éditon» (fol. 4v), ajoutée postérieurement dans le ms. représent-
ant la «2e édition» (pour la portion en cause).
78 Chrétiens d’Occident inclus; voir A. CORTABARRIA, La connaissance des textes arabes chez
Raymond Martin, in Islam et Chrétienté du midi (XIIIe-XIVe s.), Toulouse 1983 (Cahiers de
Fanjeaux, 18), pp. 279-300, ici p. 285. Rappelons l’impact de ce plus grand arabiste du M.A.
chrétien sur ses confrères dominicains, Thomas d’Aquin inclus… Voir à ce propos le travail
de Ìskenderoólu mentionné tout de suite.

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 155

Données éparses dans GCAL II (cf. vol. V-Index, p. 134b) et dans Graf, Jaüjâ
ibn ‘Adí cit. Pour MUD, où Râzí s’avère être l’auteur musulman le plus apprécié
et son K. al-Arba‘ín, à côté d’autres, souvent cité, voir WADI, Sources MUD, pp.
235-236; Dirâsa, p. 188, § 27. En Orient syriaque, Barhebraeus dit bien de lui,
dans ses Annales (année de son décès 606/1209), et va jusqu’à le comparer à
Origène!79
Après l’apparition de l’excellent article de G.C. ANAWATI dans l’EI I, pp. 770a-
773b (1963), plusieurs études d’ensemble et de détails ont vu le jour; voir: SIDA-
RUS, p. 135, n. 45; DAIBER I, pp. 275-276 (nº 2734-2742); II, pp. 122-123; Supp.,
pp. 86-87 + 336-337. Anawati lui-même a repris son article dans FDR: Éléments
de biographie, in Mélanges Henri Massé, Paris 1963, pp. 1-10 (version arabe dans
Mélanges Taha Husayn, éd. ‘A. R. BADAWI, Le Caire 1962, pp. 193-234).
Notre personnage a été mis en honneur ces derniers temps. Nous signalons
en particulier la récente monographie de Roger ARNALDEZ, FDR, commentateur
du Coran et philosophe, Paris 2002 (Études musulmanes, 37), et l’étude compa-
rative de Muammer Ìskenderoólu, FDR and Thomas Aquinas on the Question
of the Eternity of the World, Leiden 2002 (Islamic Philosophy, Theology and
Science – Texts and Studies, 48). Voir de plus les pub. online de ‘Adi SETIA, The
theologico-scientific research program of the mutakallimun: Intellectual histori-
cal context and contemporary concerns with special reference to FDR (déc. 2005)
& Atomism versus hylomorphism in the kalam of FDR: A preliminary survey of
the Matalib al-‘Aliyyah (déc. 2006).

Il faut souligner qu’IR ne se contente pas de transcrire des pages en-


tières de la somme théologique musulmane dans chaque chapitre de la
théodicée, avant d’en corriger, nuancer ou compléter la doctrine du point
de vue chrétien. Il en connaît bien le contenu jusqu’au point de la citer par
moments dans sa propre somme.
D’abord dans la théodicée elle-même, par exemple dans Q. XL/2 sur l’es-
sence et les attributs en Dieu (fol. 182v), dans un développement appartenant à
l’auteur (wa-li-muúannifihi…), avant les passages de Øazzâlí signalés plus haut.
Mais aussi dans les quaestiones préliminaires. Ainsi dans une note marginale
insérée dans Q. III/1 sur l’union christique ou bien dans Q. VII/12, où il reprend
la Q. XXXVIII/5 à propos de la liberté absolue de Dieu: l’extrait fait suite ici à
une double citation de Cyrille de Jérusalem et d’Abû al-Naúr al-Farâbí, comme
indiqué plus haut.
Signalons, enfin, la mention du K. al-Arba‘ín dans le bref traité d’IR sur
l’avènement du monde, signalé à propos de Philopon (supra § 12).

Notons, pour conclure ce chapitre, que plusieurs autres noms d’auteurs


musulmans apparaissent dans la théodicée de KB, comme Abû al-Üasan
al-Baúrí, le chef de file des mu‘tazilites, Abû al-Üasan al-Aš‘arí, le fondateur
79 ABÛ AL-FARAÓ IBN AL-‘IBRÍ, Muætaúar ta’ríæ al-zamân, éd. A. ÚALÜÂNÍ, 2e éd., Beyrouth
1986, p. 249.

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156 ADEL SIDARUS

de l’école qui porte son nom, Hišâm ibn al-Üakím ou même le tradition-
niste Ibn Hišâm. Ces mentions toutefois n’indiquent pas des références
directes d’IR. Il s’agit d’auteurs figurant dans la somme de Râzí, comme
c’est le cas de même de citations fortuites d’Ibn Sínâ et plus systématiques
des propres Maqâúid de Øazzâlí, ici en tant que représentant éminent des
aš‘arites. Comme nous le disions plus haut, notre théologien persan déve-
loppe ses idées en contrepoint aux différentes écoles du kalâm.
Par ailleurs, nombreux sont les auteurs arabes musulmans auxquels
IR a eu recours, directement ou indirectement, pour son KT — que ce soit
pour la partie astronomique et calendaristique (Khwârizmí, Ibn Yûnus,
Bírûní) ou pour la partie historique (Ýabarí ou ses succédanés).

Philosophes et sages grecs


Nous avons dit à propos des philosophes musulmans qu’à l’exception
d’al-Faær al-Râzí l’intérêt d’IR dans leurs œuvres se limitait à la logique
et à la terminologie utile pour la théologie chrétienne de son temps. À
l’instar des anciens théologiens chrétiens et de la scholastique occidentale
contemporaine, la philosophie grecque n’importe notre encyclopédiste
copto-arabe que comme ancilla fidei. Il ne faut donc pas chercher dans le
KB l’une ou l’autre des grandes œuvres de la philosophie classique ou de
l’Antiquité gréco-romaine.
Les noms du «trio sacré», SOCRATE, PLATON et ARISTOTE, apparaissent
certes mais plutôt dans des citations de textes étrangers à IR. Dans celui
de son coreligionnaire Óiróis ibn Bakhûm, qui se base sur une paraphrase
de GALIEN du Timée de Platon, le Sage d’Athènes est désigné plus d’une
fois comme «divin» (al-Raóul al-muta’allih)80, assumant ainsi une autorité
de prestige. Et nous voyons le Stagirite, invoqué souvent dans les sources
secondaires du KB, prendre une place prédominante dans la dispute fic-
tive que nous allons présenter tout de suite.
À peine un passage de PLATON est directement cité vers la fin de la Q.
XXXVIII de la théodicée, mais sans indication de source. Il s’agit d’un
propos sur les quatre éléments dont nous n’avons pas identifié l’origine et
qui pourrait appartenir, en définitive, à un texte apocryphe ou, encore une
fois, à une source secondaire.
[27] C’est le cas aussi de la série d’énoncés en liaison avec l’union entre
le corps et l’âme et attribués, dans Q. III/1 (fol. 10r), à AMMONIUS dit SAC-

80 Ms. fol. 32r. L’emploi de cet attribut aurait été courant vers la fin de l’École d’Alexandrie;

voir D. SAFFREY, Le chrétien Jean Philopon et la survivance de l’École d’Alexandrie au VIe siècle,
in Revue d’études grecques 67 (1954), pp. 396-410, ici p. 396, n. 3.

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 157

CAS, le philosophe néoplatonicien d’Alexandrie, «le maître de Plotin, le


Sage» (Ustâð Filûýínus al-Üakím), et probablement d’Origène aussi. On
sait qu’Ammonius n’a pas laissé d’écrits, ses idées ayant été transmises par
son disciple Porphyre. Mais là encore, ce n’est pas à cette source qu’IR a
été chercher ces propos mais, sans le dire ou le savoir, au De natura homi-
nis de Némésius d’Émèse, ou l’un de ses avatars, lequel incorpore, comme
nous l’avons vu (§ 11), l’enseignement du Maître sur l’union en question81.
Sur le personnage, voir RAC-Supp., I (1985), pp. 323-332 (M. BALTES, art.
daté de 1979!); DPhA I (1989), pp. 165-168 (art. A140 par R. GOULET, trop caté-
gorique dans ses affirmations!). Sur la tradition syriaque, négligée dans ces
travaux, voir H. DAIBER, A.S. in syrischer Überlieferung, in Oriens Christianus 69
(1985), pp. 73-80.
Significatif du prestige que jouissait Ammonius chez les Coptes à l’époque
arabe, Sâwírus Ibn al-Muqaffa‘, le fondateur de la littérature copto-arabe au Xe
siècle, le mentionne génériquement (sans surnom!) à la suite de Hermès, Platon
et Pythagore! Voir son opuscule Miúbâü al-‘aql, éd. SAMIR KH., Le Caire 1978
(Patrimoine arabe chrétien / Al-turâõ al-‘arabí al-masíüí, 1), p. 21.
Il est intéressant de noter que le premier propos du maître alexandrin cité
dans KB correspond à la citation retenue dans MUD 34, 11, intégrée, elle, dans
le ch. 3 de l’ouvrage attribué à Grégoire de Nysse, comme indiqué plus haut.

[28] Nous avons vu plus haut, à propos d’Eustathe le Moine (§ 16),


que, dans la Q. XLIII sur la présence de Jésus dans le sein de la Vierge, IR
transcrit au ch. 2 des extraits de trois écrits en rapport avec la question de
l’embryon. Le dernier écrit invoqué (fol. 205v-206r) est le Perì gonês D’HIP-
POCRATE, en arabe: K. al-aóinna82.

[29] Juste avant ce traité (fol. 205r fine à 205v), figurent des extraits sur
les «trois puissances» dans l’homme, tirés du ch. 2 d’un écrit arabe attri-
bué à HERMÈS LE SAGE (Hirmis al-Üakím al-fâ¬il) sous le titre de K. Mu‘âta-
bat al-nafs («De castigatione animae»). Il avait été longuement transcrit,
sous le titre alternatif de Risâlat al-Ma‘âní, dans Q. VII, section 23 (fol.
32v-33r): ch. 4, 5 et 9.
La nature et l’origine de cet écrit sapientiel, contenant 14 chapitres, ne
81 GRAF (GCAL II, p. 410) affirme qu’IR aurait tiré les citations en question du K. al-

Manfa ‘a de ‘Abd-Allâh Ibn al-Fa¬l, mis à profit ailleurs dans KB (supra § 19). Cet ouvrage in-
tègre des passages de l’ouvrage némésien attribué à Grégoire de Nysse, comme nous l’avons
dit plus haut; pourtant, nous n’avons pas trouvé nos citations dans les extraits traduits par
GRAF, de l’œuvre en cause. Signalons que la trad. angl. de SHARPLES – VAN DER EIJK (2008) de
l’œuvre némésienne originale, signalée plus haut, indique systématiquement les sources ou
les parallèles helléniques de ces citations d’Ammonius.
82 L’ouvrage a été entre-temps édité, traduit et analysé par M.C. LYONS - J.N. MATTOCK, K.
al-aóinna li-Buqrâý: On Embryos, Cambridge 1978 (Arabic Technical and Scientific Texts, 7).

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158 ADEL SIDARUS

sont pas encore bien établies. Certains admettent une origine néoplatoni-
cienne, hermétique ou manichéenne grecque, d’autres pensent à un au-
teur arabe du IXe siècle imbu de ces courants. Intitulé alternativement K.
Mu‘âðalat ou Zaór/Raóz al-nafs, et attribué parfois à Platon et d’autres fois
à Aristote, sa transmission manuscrite est majoritairement chrétienne.
GCAL I, p. 389; EI III, pp. 479b-481a (M. PLESSNER; rééd. de la 1ère éd.!).
Références complémentaires in: SIDARUS, p. 127, n. 34. Voir de plus DAIBER I, pp.
406-407 & II, pp. 185-186, ainsi que l’analyse de J. KROLL, Die Lehre des Hermes
Trismegistos, in Beiträge zur Gesch. der Philosophie im MA, Münster 1994 (Texte
und Untersuch., XII/2-4), pp. 390-405 (= Anhang: Die arab. Schrift…).
L’écrit a été plus d’une fois édité et traduit, la dernière édition en date
étant celle de ‘Abd al-Raümân Badawí, Al-Aflaýûniyya al-muüdaõa / Neoplato-
nici apud Arabes, Le Caire 1955 (Islamica, 19), pp. 51-116 (rééd. Koweit 1977).
Elle est loin d’être définitive pour diverses raisons, dont l’existence des manus-
crits additionnels que nous listons ici-bas, certes tardifs. Pour la transmission
textuelle indirecte, à part le KB, qui représente un bon témoin, il y a le bref
extrait du ch. 13 qu’on trouve dans MUD 5, 3183.
Et pour clore la question de la réception copte de ce traité hermétique, on
signalera la référence qu’en fait Ibn Kabar dans MZ, p. 297, et celle de Sâwírus
Ibn al-Muqaffa‘ mentionnée il y a peu sous Ammonius. On y ajoutera ce qui est
passé en matière d’hermétisme, en général, dans la littérature de langue copte:
CopEnc, pp. 1223b-1224a (C.W. GRIGGS); Jean-Pierre MAHÉ, Hermès en Haute-
Égypte, II, Québec 1982, pp. 33-34 (Codex VI de Nag Hammadi).
Les nouveaux mss. apparus, à notre connaissance, après l’édition de Ba-
dawí, et non recensés dans les manuels de référence ci-haut mentionnés, sont:
1) Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Or. 426 (garchouni, fol. 99r-
139v); PLATTI, Yaüyâ Ibn ‘Adí cit. ad § 15, p. 26 (note transcrite ipsis verbis dans
BAC 4, 1980, § 488).
2) Wâdí al-Naýrûn, Dayr al-Suryân, Mayâmir 212.2 (olim Lâhût 80, fol.
122v-166v); consultation personnelle.
3) Beyrouth, American University of Beirut, 185.1 (a. 1843); cat. online.
4) Ýûr ‘Abdín, texte signalé dans un ms. de miscellanées commençant par le
Livre de la Colombe de Barhebraeus et se trouvant à Mardin; cat. mss. d’Omid et
Mardin, par Mar AØNÂÝIYÛS IFRÂM I BARSAUM, Saydnaya 2000, p. 176.
5) Bagdad, Dayr al-Muæalliú; SABÂNÛ, Hirmis al-Üakím cit., p. 18;
6) Tyr, Bibliothèque privée non identifiée; ibidem84.

83 On ne peut considérer comme scientifique la récente édition de AÜMAD ØASSÂN SABÂNÛ,

Hirmis al-Üakím bayna al-ulûhiyya wal-nubuwwa: Hirmis mâ nusiba ilayhi wa-mâ kutiba
‘anhu (Damas-Beyrouth: Dâr Qutayba, 1423/2002), pp. 17-68. L’auteur plagie pratiquement
les éditions de BADAWI et de BARDENHEWER en les remaniant à sa volonté!
84 En page 19, Sabânû parle de douze mss. qui auraient servi de base à son édition; pour-

tant, il ne signale que ces deux spécimens en addition aux sept utilisés dans l’édition de
BARDENHEWER. Par pure coïncidence, si l’on joignait à ce total de neufs mss. les trois addition-

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 159

[30] Un autre texte d’origine mystérieuse, en rapport avec le cycle lit-


téraire d’ALEXANDRE LE GRAND, fait suite immédiate à cet écrit de tradition
hermétique (Q. VII, 24ème et dernière section, fol. 33r-38v). Il s’agit d’un
débat philosophique fictif sur l’existence de Dieu ayant eu lieu à Alexan-
drie sous l’égide de son illustre fondateur. Là y interviennent cinq sages ou
philosophes venus d’Orient et d’Occident, parmi eux le précepteur du roi,
Aristote, qui a la part du lion dans cette dispute. Nous avons déjà publié
une analyse, avec édition et traduction, de ce texte original que nous pen-
sons d’origine gréco-byzantine à situer entre le VIe et le VIIe siècle85. Son
contenu indique une période où la pensée philosophique se laisse envahir
par la révélation monothéiste chrétienne, tel qu’on peut l’observer dans les
derniers soubresauts de l’École d’Alexandrie. En vérité, la dispute se situe
dans la ligne de la christianisation de la fameuse rencontre du conquérant
macédonien avec les brahmanes de l’Inde. L’épisode a été récupéré par
les Pères de l’Église, et Pallade d’Hélénopolis (m. 431) en a donné une
version devenue célèbre (CPG 6038), y compris dans le monde musulman
du haut Moyen Âge. En définitive, notre texte et le courant qu’il représente
évoquent plus la littérature patristique de basse époque que la philosophie
grecque à proprement parlé.
IR a si bien assimilé le texte du débat qu’il en cite des passages ailleurs, à
trois reprises au moins: QQ. 28 et 38 de la théodicée et Q. 42 de la christologie.
Signalons à ce propos que le conquérant macédonien, sa biographie, son
Roman et les légendes qui courent autour de sa personne, ont éminemment
intéressé les coptes du Moyen Âge. C’est dans leurs manuscrits que l’ancienne
version arabe chrétienne du Roman, dont les avatars sont nombreux, se trouve
conservée! DOUFIKAR-AERTS en parle dans sa toute récente monographie sur
Alexandre et en prépare la publication86. Et nous-même avons présenté le fruit
de notre recherche parallèle, à la trace du texte singulier d’IR, au Seventh Inter-
national Congress of Arabic Studies (Grenade, sept. 2008)87.

Concluons ce chapitre sur les sources anciennes grecques ou hellé-


niques chez IR, signalant que l’une des sources principales de la partie

nels de la double édition de BADAWI, aucunement signalée (!), on aurait le total de douze!? On
aura noté certes que presque tous les mss. de notre nouvelle liste sont d’origine chrétienne.
85 A. SIDARUS, Un débat sur l’existence de Dieu sous l’égide prétendue d’Alexandre le Grand,

in Arabic Sciences and Philosophy 19 (2009), pp. 247-283.


86 Faustina DOUFIKAR-AERTS, Alexander Magnus Arabicus: A Survey of the Alexander

Tradition through Seven Centuries from Pseudo-Callisthenes to Suri, Leuven 2010 (Mediaevalia
Groningana New Series, 13), pp. 58-73; ID., The Arabic Alexander Romance in the tradition of
Pseudo-Callisthenes [The Coptic Arabic Quzmân Version], ed./tr. with introd. (forthcoming
2011). Informations fournies aimablement par l’auteure.
87 Nous attendions la parution de l’ouvrage susmentionné pour conclure la rédaction de
notre étude.

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160 ADEL SIDARUS

astronomique du KT, est le célèbre Almageste de Ptolémée et, peut-être


aussi, ses Tabulae manuales.

* * *

Nous avons entrepris dans ces pages l’analyse bibliographique d’une


partie de la somme théologique d’un grand représentant de l’âge d’or de la
littérature copte d’expression arabe. Il reste encore à interroger les autres
parties de ce livre, ainsi que les trois autres ouvrages à caractère ency-
clopédique, touchant l’exégèse biblique, l’histoire et la linguistique copte.
Même s’il a s’agit à peine des sources explicitement mentionnées, nous
avons pu déjà apprécier la nature et l’ampleur de l’érudition de l’auteur, où
les sources en langue copte — il convient de le relever — ne sont pas tout
à fait absentes. Ayant continué à fréquenter raisonnablement son œuvre
durant les trente cinq années qui nous séparent de la publication de notre
monographie, nous pouvons confirmer le jugement émis alors:

C’est […] dans l’abondante richesse des sources textuelles — grecques et


patristiques, arabes musulmanes et chrétiennes — qu’il incorpore largement
dans ses propres écrits […], bien plus que dans une pensée originale, que
semble résider la valeur de son œuvre88.

En tout cas, l’œuvre de Nušû’ al-Æilâfa Abû Šâkir Ibn al-Râhib illustre
bien, à notre avis, l’ambiance culturelle et intellectuelle de la société égyp-
tienne du XIIIe siècle, en même temps que le mode d’intégration de la
communauté copte et de ses penseurs dans ce courant national.

88 EI cit. n. 6, p. 396b.

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LES SOURCES D’UNE SOMME PHILOSOPHICO-THÉOLOGIQUE 161

SIGLES ET ABRÉVIATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

BAAC I = Bibliographie des auteurs arabes chrétiens, in BAC 6 (1990), 2ème pagina-
tion (52 pp.; compléments au vol. II de GCAL).
BAAC II = Idem, in BAC 7 (1992), pp. 11-84 (compl. à GCAL I: Apocryphes,
Patrologie et Hagiographie).
BAC = Bulletin d’Arabe Chrétien, 7 vols., Louvain 1976-9289.
CAB = Herman G.B. TEULE – V. SCHEPENS, Christian Arabic Bibliography, in Journal
of Eastern Christian Studies, I = 1990-95: 57 (2005/1-2), pp. 129-174; II = 1995-
2000: 58 (2006/3-4), pp. 265-299.
CMR = Christian-Muslim Relations: A Bibliographical History, ed. D. THOMAS
& B. ROGGEMA, Leiden – Boston 2009 ss. (The History of Christian-Muslim
Relations, 11 ss.)
CopEnc = The Coptic Encyclopedia, ed. Aziz S. ATIYA, 8 vols., New York 1991.
COQUIN = R.-G. COQUIN, Langue et littérature arabes chrétiennes, in Christianismes
orientaux: Introduction à l’étude des langues et des littératures, éd. M. ALBERT et
al., pp. 35-106, Paris 1993 (Initiations au christianisme ancien, 5)90.
CPG = Maurice GEERARD et al., Clavis Patrum Graecorum, 7 vols., Turnhout
1983-2003 (Corpus Christianorum). [Références aux numéros d’ordre des
ouvrages]91.
CSCO = Corpus Scriptorum Christianorum Orientaliun.
DAIBER = Hans DAIBER, Bibliography of Islamic Philosophy, Leiden – Köln – Boston
1999 (Handbuch der Orientalistik – 1. Abteilung, 23).
Supp. = Supplement (2007; vol. 89).
DPhA = Richard GOULET (dir.), Dictionnaire des philosophes antiques, plusieurs
vols. (avec Suppléments concomitants). Paris 1989 ss.
EI = Encyclopédie de l’Islam, nouv. éd. (version franç.), 12 vols., Leiden – Paris
1954-200592.
GAL = Carl BROCKELMANN, Geschichte der arabischen Literatur, 2e éd., 2 vols., Lei-
den 1943-49.
S = Supplementbände, 3 vols., Idem 1937-4293.
GAS = Fuat SEZGIN, Geschichte des arabischen Schrifttums, I ss., Leiden 1967 ss.
GCAL = Georg GRAF, Geschichte der christlichen arabischen Literatur, 5 vols., Città
del Vaticano 1944-53 (Studi e Testi 118, 133, 146-47, 178).

89 Nous renvoyons parfois aux numéros d’ordre des paragraphes (§) qui divisent les no-
tices et informations.
90 Pour ce qui est de la littérature, un précieux complément bibliographique de la GCAL.
91 Il est toujours nécessaire de consulter le Supplément (1998) de même que le vol. III-A

(J. NORET, 2003) pour la période pertinente. Pour les versions arabes, voir aussi SAMIR, À pro-
pos CPG.
92 Nous signalons autant que possible la date, non du volume mais des fascicules où les

articles figurent.
93 On ne manquera de rappeler que le Supplément se rapporte à la 1ère éd. (1909), alors
que la 2e éd. de l’ouvrage principal a été adaptée à celui-là.

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162 ADEL SIDARUS

HMLEM = Joseph NASRALLAH, Histoire du mouvement littéraire dans l’Église mel-


chite, 3 tomes en 6 vols., Louvain 1979-89.
IR = IBN AL-RÂHIB.
KŠ = Kitâb al-Šifâ’ d’IBN AL-RÂHIB.
KT = Kitâb al-Tawâríæ d’IBN AL-RÂHIB.
MUD = AL-MU’TAMAN ABÛ ISÜÂQ IBN AL-‘ASSÂL, Maómû‘ uúûl al-dín / Summa dei prin-
cipi della Religione, éd. WADÍ‘ ABÛLLÍF ‘AWA¬; trad. Bartolomeo PIRONE, 6 vols.,
SOC – Monographiae 6a, 6b, 7a, 7b, 8-9, Jérusalem 1998-200194.
MZ = ŠAMS AL-RI’ÂSA ABÛ L-BARAKÂT IBN KABAR, Miúbâü al-ÿulma, ch. 1-12 [éd.
Samir Kh.], Le Caire 197195.
ParOr = Parole de l’Orient (Kaslik, Liban).
RESCHER = Nicholas RESCHER, The Development of Arabic Logic, Pittsburgh 1964.
SAMIR, À propos CPG = SAMIR Kh., À propos du volume II de la Clavis Patrum Grae-
corum, in Orientalia Christiana Peridodica 43 (1977), pp. 182-197.
SIDARUS = Adel Y. SIDARUS, Ibn ar-Râhibs Leben und Werk: Ein koptisch-arabischer
Encyklopädist des 7./13. Jahrhunderts, Freiburg i.Br. 1975 (Islamkundliche Un-
tersuchungen, 36).
StChrArHerit. = Studies on the Christian Arabic Heritage (in Honour of Father prof.
Dr Samir Khalil Samir at the Occasion of his Sixty-Fifth Birthday), ed. R. EBIED
– H. TEULE, Leuven 2004 (Eastern Christian Studies, 5).
SOC = Studia Orientalia Christiana, Jerusalem (and Cairo): The Franciscan Centre
of Christian Oriental Studies.
ULLMANN I = Manfred ULLMANN, Die Medizin im Islam, Leiden 1970 (Handbuch der
Orientalistik – I. Abteilung – Ergänzungsband VI/1).
ULLMANN II = ID., Die Natur- und Geheimwissenschaften im Islam, Leiden 1972
(Idem, VI/2).
WADI, Dirâsa = WADÍ‘ ABÛLLÍF [‘AWA¬], Dirâsa ‘an al-Mu’taman Ibn al-‘Assâl wa-
kitâbihi Maómû uúûl al-dín wa-taüqíqihi (titre ital. Studio su …), Le Caire –
Jérusalem 1997 (SOC – Monographiae, 5).
WADI, Sources MUD = ID., Les sources du Maómû‘ uúûl al-dín d’al-Mu’taman Ibn
al-‘Assâl, in ParOr 16 (1990-91), pp. 227-238.
WADI, Muqaddima = ID., Muqaddima fí al-adab al-‘arabí al-masíüí lil-Aqbâý, SOC/
Collectanea 29-30 (1996-97), pp. 441-491 (art. nº VI).

94 Les vols. signalés par b sont ceux de l’apparat critique de l’édition. Nous renvoyons aux

chapitres (abwâb) et éventuellement à la division interne originale en sous-chapitres ou sec-


tions (fuúûl), séparée par la barre oblique, puis, après la virgule, à celle en paragraphes établie
par l’éditeur. Plus de détails sur cette somme dans SIDARUS, Encyclopédisme cit., pp. 349-51 +
358.
95 Nous ne renvoyons ici qu’à l’inventaire des auteurs chrétiens et leurs œuvres que con-

stitue le ch. 7 (amplement annoté par l’éditeur). On peut consulter aussi l’édition et traduction
(un peu défectueuse) de W. RIEDEL, Der Katalog der christl. Schriften in arab.r Sprache von Abû
’l-Barakat…, in Nachrichten der Königl. Gesellschaft der Wiss. zu Göttigen – Phil.-Hist. Klasse 5
(1902), pp. 635-706. Plus de détails sur cette somme dans Sidarus, Encyclopédisme cit., pp.
354-56 + 358.

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LES SOURCE SOMME PHILOSOPHI-THÈOLOGIQUE
163
Pl. I - Vat. ar. 104, fol. 132v-133r: K. al-Burha– n, Q. 30 (théodicée).
164
ADEL SIDARUS
Pl. II - Vat. ar. 117, fol. 1v-2r: K. al-Burha– n, prologue avec début d’index

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