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PERCEPTIONS DU TEMPS
DANS LA BIBLE
édité par
PEETERS
LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT
2018
TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII
INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XV
PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
ÉTUDES SUR
LE NOUVEAU TESTAMENT
TROISIÈME PARTIE
AUTRES ÉTUDES
INDEX
RÉSUMÉ
L’exégèse s’intéresse toujours plus à la composition des textes qui permet
de mieux les comprendre. Le Ps 90 est focalisé sur la seule question qu’il
comporte, laquelle sert de clé de lecture. Le thème de la caducité humaine
est articulé à celui du péché et surtout du retour, retour de l’homme appelé
à se détourner de son péché, retour de Dieu qui se détourne de sa colère. En
contrepoint, la discussion critique menée avec Pierre Auffret affronte les
points de méthode les plus décisifs, ceux qui touchent à la détermination des
niveaux d’organisation des textes et à la multiplicité des structures.
ABSTRACT
Exegesis is always more interested in the composition of the texts to bet-
ter understand them. Psalm 90 is focused on the unique question he has,
which is the key to reading. The theme of human obsolescence is hinged to
that of sin and especially back, human back called to turn from his sin, God
back who turns away from his anger. In counterpoint, the critical discussion
conducted with Pierre Auffret faces the most decisive method of points,
those relating to the determination of texts levels of organization and to the
multiplicity of the structures.
1
Paul BEAUCHAMP, Psaumes nuit et jour, Paris, Le Seuil, 1980, 106.
114 ROLAND MEYNET
2
Sur cette question, voir Roland MEYNET, Les huit psaumes acrostiches alphabé-
tiques (Retorica Biblica e Semitica, 6), Rome, Gregorian & Biblical Press, 2015, 7-9 ;
et surtout ID., Le fait synoptique reconsidéré (Retorica Biblica e Semitica, 7), Rome,
Gregorian & Biblical Press, 2015, 13-26.
3
Louis JACQUET, Les Psaumes et le cœur de l’homme : étude textuelle littéraire
et doctrinale, II, Gembloux, Duculot, 1977, 720-721. Déjà Emmanuel PODECHARD,
Le Psautier : traduction littérale, explication historique et notes critiques (BFCTL),
Lyon, Facultés Catholiques, 1954, II, 125-127.
4
Gianfranco RAVASI, Il libro dei Salmi. Commento e attualizzazione, II, Bologna,
EDB, 1985, 877.
5
Luis ALONSO SCHOEKEL – Cecilia CARNITI, I salmi (Commenti biblici), Roma,
Borla, 1992, II, 258 ; or. espagnol, Salmos, Traducción, introducciones y comentario
(Nueva Biblia española), Estella (Navarra), Editorial Verbo Divino, 1994.
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 115
6
Jean-Luc VESCO, Le psautier de David traduit et commenté, II (LeDiv, 211),
Paris, Éd. du Cerf, 2006, 845.
7
Artur WEISER, The Psalms: A Commentary (OTL), London, SCM Press, 1962,
595-603.
8
Tiziano LORENZIN, I salmi. Nuova versione, introduzione e commento (I libri
biblici. Primo Testamento, 14), Milano, Edizioni Paoline, 2001, 358-360.
9
Marc GIRARD, Les psaumes redécouverts. De la structure au sens, II., Montréal,
Bellarmin, 1994, 502-504.
10
Nils W. LUND, Chiasmus in the New Testament : A Study in Formgeschichte,
Chapel Hill, NC, The University of North Carolina Press, 1942, 125-126 (reprint,
Chiasmus in the New Testament : A Study in the Form and Function of Chiastic
Structures, Peabody, MA, Hendrickson Publishers, 1992). Repris par Robert L. ALDEN,
« Chiastic Psalms (II): A Study in the Mechanics of Semitic Poetry in Psalms 51-100 »,
JETS 19 (1976) 191-200, 198-199.
11
Frank-Lothar HOSSFELD – Erich ZENGER, Psalms 2: A Commentary on Psalms 51-
100 (Hermeneia), Minneapolis, MN, Fortress Press, 2005, 419 (original allemand :
Psalmen 51–100 [HThKAT], Freiburg im Breisgau – Basel – Wien, Herder, 2000).
De même Robert ABELAVA, « Le Psaume 90 et les fragilités de l’homme. Une lecture
en contexte africain », RevSR 87 (2013) 1-19, 10-12.
116 ROLAND MEYNET
12
Ce sera l’équivalent de ce que j’ai fait pour Marc Girard : « Analyse rhétorique du
Psaume 51. Hommage critique à Marc Girard », RivBib 45 (1997) 187-226 ; voir aussi
mes recensions de son commentaire des psaumes dans RivBib (1997) 92-96 ; 229-230.
13
Pierre AUFFRET, « Essai sur la structure littéraire du Psaume 90 », Bib 61 (1980)
262-276.
14
Pierre AUFFRET, « L’étude structurelle des psaumes – Réponses et complé-
ments », ScEs 48 (1996) 45-60, 50-53.
15
Pierre AUFFRET, Qu’elle soit vue chez tes serviteurs, ton œuvre ! Étude struc-
turelle de dix-sept Psaumes (Profac, 90), Lyon, Profac, 2006, Chap. XV, « Un cœur
de sagesse. Étude structurelle du Psaume 90 », 263-280.
16
Voir mon Traité de rhétorique biblique (Rhétorique sémitique, 11), Pendé,
Gabalda, 20132 ; dorénavant, Traité.
17
Voir Traité, Chap. 8, « Le centre des compositions concentriques », A. « La
question au centre », 417-435.
18
Ainsi, par exemple, pour L. ALONSO SCHOEKEL – C. CARNITI, I salmi, II, 258,
« colère » – « fureur » (7) et « colère » – « emportement » (11) forment une inclusion
qui permet de délimiter un bloc 7-11. Voir la réécriture de l’ensemble du psaume, p. 138.
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 117
19
Voir Traité, « Les symétries partielles », 219-221.269-278.
20
Voir Traité, Chap. 3, « Les niveaux de composition », 131-215.
118 ROLAND MEYNET
21
P. AUFFRET, « Un cœur de sagesse. Étude structurelle du Psaume 90 »,
274, note 25 : « rnn/śmḥ selon Avishur p. 100.204.234.287.654 ». Voir Yitzhak
120 ROLAND MEYNET
24
C’est pourquoi un chapitre du Traité est consacré aux « Rapports entre éléments
linguistiques » (p. 113-130), aux plans lexical, morphologique, syntaxique, rythmique
et du discours, rapports d’identité et rapports d’opposition, totale ou partielle.
25
Tout le chapitre 5 du Traité est consacré à « La réécriture », pour laquelle des
règles ont été élaborées (285-344).
122 ROLAND MEYNET
1. COMPOSITION
Les deux premiers segments sont des trimembres. Ils sont délimi-
tés par les deux noms divins, « Adonay » et « Dieu » (’ēl), qui font
inclusion, avec la reprise de « toi » ; dans leurs troisièmes membres
« de toujours à toujours » correspond à « de génération en généra-
tion ». Tandis que le premier segment dit la relation entre Dieu et
« nous », le second le présente par rapport à la création28. Dans le
premier segment, l’accompli hāyîtā est considéré avec le prédicat
« refuge » comme l’équivalent d’un « verbe statif » et donc traduit
26
Ainsi se vérifie une fois de plus la loi de la question au centre ; voir Traité,
417-435.
27
Traduit par « car » mais qui pourrait tout aussi bien être rendu par « oui » ;
voir Paul JOÜON, Grammaire de l’hébreu biblique, Rome, Institut biblique pontifical,
2
1965, 164b.
28
Le waw par lequel commence le dernier membre (2c) est ici considéré comme
waw d’apodose et n’est donc pas traduit (Joüon, 176f).
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 123
Nous sommes donc ici devant un chiasme à dix termes. Il n’y a pas de
raison de réduire à trois rapports30 le texte de ces versets qui en pré-
sentent exactement cinq.
29
Voir Joüon, 112a. Il en va de même pour les trois premiers segments du Ps 85 :
« Tu désires, Seigneur ta terre, tu retournes le sort de Jacob... » ; voir Roland MEYNET,
« L’enfant de l’amour (Ps 85) », NRTh 112 (1990) 843-858, 844. Raymond Tournay
traduit : « D’âge en âge, Seigneur, c’est toi qui es notre abri », Le Psautier de Jérusa-
lem, Paris, Éd. du Cerf, 1986, 141.
30
M. GIRARD, Les psaumes redécouverts, II., 504-505 (note d’Auffret).
31
Roland MEYNET, Quelle est donc cette Parole ? Lecture « rhétorique » de
l’évangile de Luc (1–9 et 22–24) (LeDiv, 99 A.B), Paris, Éd. du Cerf, 1979, vol. A,
59-60.130-137.175-177.
124 ROLAND MEYNET
32
Ce terme connote la fragilité de l’homme : « Qu’est-ce que l’humain pour que
tu t’en souviennes et le fils d’adam pour que tu t’en soucies ? » (Ps 8,5).
33
Curieusement, certains passent outre ce verset, n’en disant pas un mot : L. JAC-
QUET, Les Psaumes et le cœur de l’homme, II, 723.726 ; Robert ALTER, The Book of
Psalms: A Translation with Commentary, New York, NY – London, Norton, 2007, 318.
34
Christine FORSTER, Begrenztes Leben als Herausforderung : Das Vergänglich-
keitsmotiv in weisheitlichen Psalmen, Zürich, Pano Verlag, 2000, 137-200, 147, cité
par F.-L. HOSSFELD – E. ZENGER, Psalms 2, 417.
35
Ainsi, entre autres, Hans-Joachim KRAUS, Psalmen, Neukirchen-Vluyn, Neu-
kirchener Verlag, 1960 ; trad. anglaise, Psalms 1–59; Psalms 60–150, Minneapo-
lis, MN, Fortress Press, 1993, II, 215-216 ; G. RAVASI, Il libro dei Salmi, II, 884 ;
J.-L. VESCO, Le psautier de David, 847.
36
Ainsi F.-L. HOSSFELD – E. ZENGER, Psalms 2, 422.
37
Donc aussi « humilier » ; la Septante traduit dakkā’ par tapeinōsis.
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 125
On a trop hâtivement vu dans le v. 3 une allusion à Gn 3,19 : « car tu es
poussière et tu retourneras à la poussière ». Le mot clé « poussière » ne
figure pas en fait dans notre texte. De toute manière, il faudrait limiter le
rapprochement au premier hémistiche : « tu renvoies l’homme à son écra-
sement » ; car la formule du deuxième hémistiche : « et il dit : reviens ! »,
n’évoque pas le retour à la glaise première, ce qui ne serait qu’une plate
répétition de la proposition précédente. Lorsqu’on ne précise pas la direc-
tion, en effet, le verbe « revenir » implique un mouvement vers la per-
sonne qui parle : « convertimini ! »38.
38
Évode BEAUCAMP, Le Psautier (SBi), Paris, Gabalda, 1979, II, 96-97 (je sou-
ligne). Pace G. RAVASI, Il libro dei Salmi, II, 884, nt. 24.
39
L. ALONSO SCHOEKEL – C. CARNITI, I salmi, II, 260.
40
Mayer I. GRUBER (éd.), Rashi’s Commentary on Psalms, Leiden – Boston, MA,
Brill, 2004, 575.577.
41
EMMANUEL, Commentaire juif des Psaumes, Paris, Payot, 1963, 242-244.
126 ROLAND MEYNET
42
EMMANUEL, Commentaire juif des Psaumes, 242.
43
Cité par J.-L. VESCO, Le psautier de David, 847.
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 127
44
Par exemple, David WINTON THOMAS, « A note on zeramtam šena jihejû in
Psalm 90,5 », VT 18 (1968) 267-268 ; Charles WHITLEY, « The Text of Psalm 90,5 »,
Bib 63 (1982) 555-557 ; Matitiahu TSEVAT, « Psalm XC 5-6 », VT 35 (1985) 115-117 ;
Aron PINKER, « The Famous but Difficult Psalm 90:10 », OTE 28 (2015) 497-522.
Voir J.-L. VESCO, Le psautier de David, 848, nt. 1.
45
Le verbe ḥlp est souvent traduit par « passer » (déjà la Septante et la Vulgate) ;
cependant la racine a aussi le sens de « se renouveler » (ainsi F.-L. HOSSFELD – E. ZEN-
GER, Psalms 2, 416.422 ; L. ALONSO SCHOEKEL – C. CARNITI, I salmi, II, 250.252).
46
Voir, par exemple, Ps 76,6 ; Jr 51,39 : « pour qu’ils [...] s’endorment d’un
sommeil éternel, pour ne plus se réveiller ».
47
Le substantif zerem signifie la pluie d’orage qui déferle et dévaste (Is 4,5 ;
30,30 ; Ha 3,10 : « une trombe d’eaux passe »).
48
Le premier mot de 10d est un hapax. La Septante a traduit : kai to pleion autōn
et la Vulgate : et amplius eorum. On a compris : « et les plus nombreuses d’entre
128 ROLAND MEYNET
elles », « la plupart d’entre elles », ou « ce qui vient en plus » (de quatre-vingt années).
Ceux qui suivent le texte hébreu, sans le corriger, interprètent, selon le sens de la racine
rhb, soit par « orgueil », soit par « trouble », « tourment » (Pr 6,3 ; Ct 6,5) ou « agita-
tion » (J.-L. VESCO, Le psautier de David, 850).
49
À quoi on peut ajouter « il est emporté » (4b) et « ton emportement » (9a) qui
sont de même racine.
50
La traduction qui rend le jeu de mots est proposée par G. Ravasi (I salmi, II,
888-889).
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 129
10d Car (tout) s’est déroulé (à) la hâte, et nous nous envolons.
51
Il est étonnant qu’Auffret n’ait pas signalé graphiquement cette récurrence.
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 131
52
Voir p. 124.
132 ROLAND MEYNET
11
Qui conna t la force de ta colère
et comme la crainte-de-toi ton emportement ?
53
Voir Roland MEYNET, « The Question at the Centre: A Specific Device of Rhe-
torical Argumentation in Scripture », dans : Anders ERIKSSON – Thomas H. OLBRICHT –
Walter ÜBELACKER (éd.), Rhetorical Argumentation in Biblical Texts. Essays from the
Lund 2000 Conference (ESEC, 8), Harrisburg, PA, Trinity Press International, 2002,
200-214 ; ID., Traité, 417-435 ; ID., « Rhétorique biblique, rhétorique de l’énigme »,
Rhetorica 33 (2015) 147-180.
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 133
Mî yôdē‘ ‘oz ’appekā
Mî rô’e tok ‘ebrātekā »
Qui comprend la véhémence de ta colère,
qui voit l’impétuosité de ta fureur54 ?
Cette traduction est adoptée par Dhorme et par Osty, qui écrit en
note : « Texte légèrement corrigé » (sic !).
Une telle solution ne fait qu’aplatir le texte. À suivre le texte mas-
sorétique, on peut penser que les deux membres sont plutôt complé-
mentaires. La BJ respecte le texte original : « Qui sait la force de ta
colère et, te craignant, connaît ton courroux ? ». La TOB traduit :
« Qui peut connaître la force de ta colère ? Plus on te craint, mieux on
connaît ton courroux ! ». On lit en note : « Litt. et comme ta crainte,
ton courroux, c.-à-d. ton courroux est bien à la mesure de la crainte que
tu inspires ». J.-L. Vesco traduit : « Qui connaît la force de ta colère ?
Et comme ta crainte est ton emportement ». Et son commentaire ne
laisse pas d’être quelque peu hésitant, en tout cas prudent :
Personne ne peut savoir jusqu’où peuvent aller la force de la colère
divine, la crainte qu’elle inspire et son emportement. On peut aussi com-
prendre que l’attitude que l’homme doit avoir, vu cette imprévisibilité,
c’est de craindre Dieu à la mesure de son emportement, ou encore que la
mesure de l’hommage non rendu à Dieu est la mesure de son jugement55.
Du point de vue grammatical, faut-il considérer – avec Alonso
Schoekel – Carniti, Dhorme, Osty et la BJ – qu’il s’agit d’une seule
phrase qui coordonne ou juxtapose deux questions ? Ou s’agit-il au
contraire de deux phrases distinctes, une question suivie d’une affir-
mation, comme interprètent la TOB et Vesco ?
En hébreu, les deux membres sont coordonnés par « et ». L’unique
verbe régit deux compléments d’objet direct, « la force de ta colère »
et « ton emportement ». Il faut donc comprendre que le verbe n’est pas
répété dans le second membre, que l’on pourrait lire ainsi : « et (qui
connaît) comme la crainte de toi ton emportement ? »56. « La force »
est celle qu’exerce le Seigneur sur l’homme par sa « colère », « la
crainte » est celle que l’homme éprouve envers son Seigneur à cause
de son « emportement ».
54
L. ALONSO SCHOEKEL – C. CARNITI, I salmi, II, 253.266. Ces auteurs suivent
Gunkel et Kraus et sont suivis par G. Ravasi qui rapporte un certain nombre de recons-
tructions (Il libro dei salmi, II, 892).
55
J.-L. VESCO, Le psautier de David, 851.
56
Ainsi Amos HAKHAM, Sefer tehillîm, II, Jérusalem, Mosad ha-Rab Kook, 1988,
165 : « et qui connaît ton emportement comme la crainte de toi ? ».
134 ROLAND MEYNET
57
Plusieurs traduisent par « avoir-pitié » (BJ, Osty, F.-L. HOSSFELD – E. ZENGER,
Psalms 2, 417). Les deux verbes šwb qal et nḥm niphal forment un couple, par
exemple en Jon 3,9-10 : « 9 “Qui sait si Dieu ne reviendra pas et ne se repentira pas,
s’il ne reviendra pas de l’ardeur de sa colère, en sorte que nous ne périssions point ?”
10
Dieu vit ce qu’ils faisaient pour revenir de leur conduite mauvaise. Aussi Dieu se
repentit du mal qu’il avait dit qu’il leur ferait et il ne le fit pas » (ainsi TOB, J.-L. VESCO,
Le psautier de David, 845).
58
Encore un cas, mineur, de question au centre (voir p. 116, note 17).
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 135
+ 1b ADONAÏ, toi
+ TU ES pour nous
:: de
TU ESgénération en génération.
+ TU ES
2 Avant que les montagnes soient enfantées
+ et que tu engendres la terre et le monde,
:: de toujours à toujours toi (tu es) DIEU.
= 3 TU FAIS-REVENIR l’humain à la poussière
= et tu dis : « REVENEZ, à la poussière
FILS d’Adam ! »
FILS
àà la
– 4 Car mille ANNÉES tespoussière
yeux
– comme le JOUR d’hier FILS il est emporté
quand
JOUR
– et une veille dans la nuit.
JOUR
: 5 Tu les submerges, sommeil ILS SONT ;
- (ils sont) comme l’herbe qui se renouvelle.
-6 , elle fleurit et se renouvelle ;
: le soir, elle se fane et sèche.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
. 7 Car nous sommes achevés par ta colère,
. et parnous sommes achevés
ta fureur nous sommes épouvantés.
. Tu as mis sommes achevés
8 nous nous sommes épouvantés devant toi,
nos fautes
. nos secrets nous sommes épouvantés de ta face.
à la lumière
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
– 9 Car tous nos JOURS s’effacent sous ton emportement,
tous nos JOURS
– nous achevons nos ANNÉES comme un soupir.
: 10 Les tous
JOURS nos JOURS nosnos ANNÉES,
de
: en euxJOURS nosnos
soixante-dix ANNÉES,
: et si par miracles
JOURS quatre-vingt
nos ANNÉES ;
[...]
nos JOURS
nos JOURS
+ 12 Compter nos JOURS oui, fais-nous conna tre,
= et nous ferons-venir un cœur de sagesse !
:: 13 REVIENS, YHWH !
Jusqu’à quand ?
:: et REPENS-TOI pour tes serviteurs. tous nos JOURS
+ 14 Rassasie-nous de ta tous nos JOURS
fidélité,
= et nous chanterons et nous nousJOURS réjouirons danstutous nousnosasJOURS
châtiés .
JOURS le malheur
tu nous as châtiés
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
+ 15 Réjouis-nous comme les JOURS le
(où)malheur
tu nous as châtiés,
– les ANNÉES (où) nousFILSavons vu le malheur.
:: 16 Que FILS
QUE SOITsoit vue pour tes serviteurs ton œuvre,
:: et QUE
ta splendeur
SOIT sur leurs FILS !
+ 17 Et QUE SOIT d’ADONAÏ NOTRE DIEU sur nous !
– et l’ouvrage de nos mains assure sur nous
– et l’ouvrage de nos mains assure-le !
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 137
la force COLÈRE
11 Qui CONNAIT la forcela crainte-de-toi COLÈRE
de taEMPORTEMENT
et la forcela crainte-de-toi
comme COLÈRE
ton EMPORTEMENT ?
la crainte-de-toi EMPORTEMENT
de sagesse
+ 12 Compter nos jours de sagesse
oui, FAIS-NOUS CONNAITRE,
= et nous ferons-venir un cœur de sagesse !
:: 13 Reviens, ! serviteurs
tes
tesquand
Jusqu’à serviteurs
?
:: et repens-toi pour tes serviteurs.
+ 14 Rassasie-nous au matin de ta fidélité,
= et nous chanterons et nous nous réjouirons dans tous nos jours.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
+ 15 Réjouis-nous comme les jours (où) tu nous as châtiés,
– les années tes serviteurs
(où) nous avons vu le malheur.
tes serviteurs
:: 16 Que soit vue pour tes serviteurs ton œuvre,
:: et ta splendeur sur leurs fils !
+ 17 Et que soit sur nous !
– et l’ouvrage de nos mains assure sur nous
– et l’ouvrage de nos mains assure-le !
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 139
2. CONTEXTE BIBLIQUE
2.1 Moïse
L’expression « Moïse homme de Dieu » se trouve dans l’introduc-
tion de la bénédiction que Moïse prononce sur les douze tribus : « Et
voici la bénédiction dont Moïse homme de Dieu bénit les fils d’Israël
avant sa mort » (Dt 33,1 ; voir aussi Jos 14,6 ; 1 Ch 23,14 ; Esd 3,2).
La « prière de Moïse » est fortement marquée par la « colère »,
la « fureur » et l’« emportement » de Dieu à cause de la « faute » de
son peuple. De même « le chant de Moïse » en Dt 32, est, par antici-
pation, une longue dénonciation de l’infidélité du peuple, qui aban-
donnera le Seigneur pour suivre les idoles59.
Moïse est aussi celui qui intercède constamment en faveur de son
peuple auprès de Dieu. Après l’apostasie du veau d’or, Moïse demande
au Seigneur : « Reviens de l’ardeur de ta colère et repens-toi du mal
(que tu veux faire) à ton peuple » (Ex 32,12) ; les deux verbes sont
ceux de Ps 90,13.
2.2 Ps 85
Comme Ps 90,3 toute la première partie du Ps 85 joue sur les deux
formes de la racine šûb, « faire revenir », « revenir » : « tu retournes
le sort de Jacob [...] tu te détournes de l’ardeur de ta colère [...]
retournes-nous, Dieu de notre salut [...] voici que toi tu retourneras
nous faire vivre »60.
59
Un certain vocabulaire commun entre les deux poèmes peut aussi conforter leur
rapprochement : « sagesse » (6), « les jours de toujours [...] les années de génération
en génération » (7), « fils d’Adam » (8), « ils ne connaissaient pas » (17), « qui t’a
enfanté [...] qui t’a engendré » (18), « colère » (22), « les malheurs » (23), « ses ser-
viteurs il prendra-en-pitié (yitneḥām) » (36), « pour toujours » (40).
60
Voir R. MEYNET, « L’enfant de l’amour (Ps 85) ».
140 ROLAND MEYNET
3. INTERPRÉTATION
Tout le travail d’analyse de la composition des textes n’a qu’un
but, celui de les comprendre et de les expliquer. Le lecteur des études
textuelles de Pierre Auffret reste la plupart du temps sur sa faim, car
toute son énergie et toute sa peine s’épuisent pratiquement dans
l’étude des structures.
Les symétries de la rhétorique biblique ne sont pas une fin en soi : admi-
rer des structures aussi éblouissantes que les cristaux formés par le gel
sur les vitres ne nous intéresse aucunement. La participation du cher-
cheur est autrement plus profonde que ces abstractions [...] Ouvrant la
porte du sens, cet exercice préserve déjà de ce qui serait purement céré-
bral et alimente une attention vivante61.
61
Paul BEAUCHAMP, « Préface » à R. MEYNET, Quelle est donc cette Parole ?,
12-13.
62
Traité, 417.423 (voir index : « énigme »). Voir aussi R. MEYNET, « Rhétorique
biblique, rhétorique de l’énigme », 147-180.
ANALYSE RHÉTORIQUE DU PSAUME 90 141
3.5 Revenir
Les deux lignes, celle de la brièveté de la vie humaine et celle du
châtiment lié au péché, se croisent et se nouent grâce au thème du
retour. Nos années étant comptées, il n’y a pas de temps à perdre pour
« revenir » de nos fautes et ainsi échapper à la colère divine. Si Dieu
est tellement irrité, c’est sans aucun doute qu’il craint que l’homme se
laisse aller et ne se repente pas tant qu’il en est encore temps. S’il apos-
trophe les fils d’Adam dès le début, les conjurant de « revenir » (3),
c’est qu’il a hâte d’être prié de « revenir » lui-même et de « se repentir »
du malheur qu’il aurait été contraint d’infliger à l’homme. « 23 Pourrais-
je vraiment désirer la mort du méchant, oracle du Seigneur Yhwh ?
N’est-ce pas plutôt qu’il revienne de ses voies et qu’il vive ? [...] 32 Car
je ne désire pas la mort de celui qui meurt, oracle du Seigneur Yhwh.
Convertissez-vous donc et vivez ! » (Ez 18).