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Revue de l'histoire des religions

G. Vajda. Le commentaire d'Ezra de Gérone sur le Cantique des


Cantiques
Nicolas Séd

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Séd Nicolas. G. Vajda. Le commentaire d'Ezra de Gérone sur le Cantique des Cantiques. In: Revue de l'histoire des religions,
tome 178, n°1, 1970. pp. 69-72;

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ANALYSES ET COMPTES RENDUS 69

rablement ; tout redpvient clair et logique. On est beaucoup plus


perplexe, quand on a lu l'ouvrage récent de Daniel Wm. O'Connor,
Peter in Rome (New York-Londres, 1969), bientôt recensé ici. Quoi
qu'il en soit, pour s'en tenir à la documentation figurée, on doit
faire des réserves sur l'interprétation d'un médaillon du tombeau X
(pi. XXIII, 1), qui représenterait la réception d'une femme dans
un collège mystique, une sorte d'initiation (p. 364 et suiv.). Ne
s'agit-il pas de l'accueil d'une défunte dans l'autre monde ? Le
personnage assis à droite tient une sorte de vindicta libératrice,
comme le vieillard de la chambre souterraine sud dans l'hypogée
du Viale Manzoni. L'homme qui lève la main droite, comme le
Soleil, au centre de l'octogone (pi. XXIV), est sans doute le Christ.
Il n'a aucun des attributs d'Hermès, ni le caducée qu'on ne saurait
confondre avec n'importe quelle baguette, ni les ailerons pédestres.
M. Carcopino écrit que sa sandale de droite « paraît bien être ailée »
(p. 365). Pourquoi la droite et pas la gauche ? Il faudrait vérifier
matériellement si la petite tache qu'on distingue à droite du pied
droit sur la photographie — et qui ne ressemble pas à un aileron —
n'est pas une trace d'endommagement. La Cîorgone de ce même
tombeau X n'est pas spécifiquement pythagoricienne (p. 355) :
c'est un motif apotropaïque qu'on trouve couramment dans l'art
funéraire romain.
L'attribution de ces peintures à une secte gnostique reste fort
incertaine. Mais le point de vue de M. Carcopino a l'avantage de
ne pas séparer tout simplement les brebis des boucs. Entre le
paganisme et le christianisme, la gnose a proliféré avec une luxuriance
que les textes et les monuments nous laissent tout juste soupçonner.
On peut n'être pas d'accord avec certaines exégèses du grand
historien. Mais l'hypothèse instigatrice d'utiles controverses est souvent
plus bénéfique que le constat simpliste des évidences matérielles.
Cette seconde édition est donc la bienvenue. On peut seulement
regretter que M. Carcopino n'ait pas discuté dans un appendice
la critique que .1. M. C. Toynbee a faite de son livre dans Gnomon,
29, 1957.
Robert TtTRCAN.

Georges Vajda, Le commentaire d'Ezra de Gérone sur le Cantique,


des Cantiques, Paris, Pardès, Etudes et textes de mystique
juive, 10G9, 1 vol. de 180 p.
Pour les historiens, le sens technique du terme « kabbale » désigne
l'un des courants de l'ésotérisme juif. Ses manifestations écrites
peuvent être datées avec précision. Ses débuts sont à situer aux
environs de 1130, date à laquelle les feuilles du Livre Bahir arrivent
en Provence et y subissent des remaniements. Л partir de cette
époque, nous relevons les traces abondantes d'un centre intellectuel
70 н г: v ri: diî i/histoiiu: di:s hkligions

en Languedoc, qui vers l'i"2D se déplace à (iérone, eu Catalogue.


Depuis les travaux de G. Scholem. le lecteur occidental connaît bien
les noms des maîtres illustres de ces cercles, Isaac l'Aveugle, Ezra
et Azri'el de Gérone, Jacob ben Sheshet, .Moïse hen Nahman.
Si nous voulons approcher à l'état, pur l'enseignement reçu dans
le centre «réronais, Le commentaire .sur le Cantique, des Cantiques
d'Ezra offre certainement un champ d'observation favorable. Ezra
manifeste peu d'estime pour les développements personnels dans le
domaine, doctrinal. Ou'il s'agisse des textes écrits faisant autorité
ou des traditions orales qu'il rédige en écrit pour la première fois,
il se contente presque toujours de. les transmettre tels qu'ils les a
appris auprès de son ( maître pieux », Isaac l'Aveugle. Dans sa première
observation préliminaire, qui constitue, en quelque sorte une
introduction méthodologique à son traité, il précise : « Du moment que
tu tiens par savoir et par tradition les idées -rénérales, ne t'inquiète
pas de leurs détails. Au prix d'un «(rand effort cérébral, tu ne ferais
que te répandre en vains discours et t'exposer ainsi à de nombreux
achoppements » (p. 17). S'il consent à rédiger ce traité, c'est pour
combattre les commentateurs de son époque, qui " ne comprennent
rien à rien, qui ne savent de quel côté <e tourner, qui transforment
les paroles maintes en propos vulgaires, qui découvrent des lacunes
tlaus l'Ecriture, en suppriment et y ajoutent, qui prétendent adjoindre
aux péricopes énoncées sous l'inspiration de l'Esprit Saint des choses
qu'il ne convient, pas d'admettre en pensée, encore moins de les
énoncer et à plus forte raison de mettre par écrit » j). 43). (lomme
le signale. (1. Vajda, cette attaque est dirigée contre le plus illustre
et le plus érudit des commentateurs, Abraham Ibn Ezra en personne
(p. 142). Nous avons ainsi le portrait d'un auteur, qui adopte, le
point de vue intégralement traditionnel, selon lequel l'exégèse de
toute la révélation biblique, n'est lidèle à la doctrine authentique
transmise de génération en généra tion au sein des Sa<,res d'Israël,
que. si elle se déroule simultanément sur plusieurs plans : le plan
théosophique des se/irol, le plan de l'âme en quête de purification
et de retour à sa source incréée, le plan terrestre, social et historique,
expression dramatique des relations entre Dieu et. son peuple (p. 1 i'A-
1 14). Lorsque le Maître j^éronais commente verset par verset le
poème sacré, il s'agit pour lui d'expliquer « un certain nombre de
termes qu'aucune, autre attestation scripturaire ne permet
d'interpréter » et sur lesquels est fondée toute la doctrine ésotérique
dice livre 'p. 17). Il précise (prune partie de ces explications relève
d'une tradition orale, une autre partie se trouve dispersée dans les
A(]<ja<lot et les Midrashim, <c parmi les paroles des Satjes • v'p. 17).
Le commentaire suivi renferme deux grandes digressions :
enumeration des commandements et des interdictions de la Loi avec leurs
motifs, mystiques ou non (p. «5-89), et une étude comparée du récit
de la création d'après la Genèse I-II et le Psaume CIV 'p. 100-1^1).
ANALYSES ET COMPTES RENDl.'S 71

II faut y ajouter d'autres sujets incorporés, non moins importants,


concernant le plan mystique «le l'histoire du irenre humain et d'Israël
(p. :J7-43), le commentaire de Job XVIII, 1-2&, destiné à bien faire
assimiler la doctrine du Cantique et que le kabbaliste compare à
" un pieu sur lequel tout est susperulu » 'p. 4'.)-Г>Г>), le parallèle entre
l'ii'iivre «le la création et la structure architecturale do. la tente, de
la Réunion (p. Г>(.)-71), une spéculation sur les quatre royaumes
accompagnée d'un calcul de l'année messianique, qui achève en
réalité le tableau de l'histoire tle l'humanité ,p. '.)Г> et suiv.). Pour
ce (jui est de la littérature rabbinique ancienne, Ezra, parfait
connaisseur du dépôt agpradique et midrashique, a une prédilection bien
visible pour le PirqPij Rnhhi Eli'ezer. Ouant à la doctrine ésotérique,
il puise dans l'interprétation métaphysique du Se.fer Yesiru, dans le
Livre Bahir et dans l'enseignement oral et écrit de son maître, Isaac
l'Aveugle, nettement marqué par le schéma eosmolo<rique des «piatre
niveaux de la manifestation.
Pour présenter cet ouvrage au lecteur français, G. Vajda a été
amené à établir préalablement un texte hébreu clair, et aussi sûr
que le permettent nos sources actuellement accessibles. Les éditions
imprimées, celle d'Altona 17П4, comme celle «le Jérusalem lUh'.'5-l'.HVl,
fourmillent de leçons fantaisistes et souvent franchement aberrante--.
Cette base solide une fois établie, il ne s'agissait pas seulement de
traduire, mais aussi de photographier les mouvements internes
et les allusions plus ou moins discrètes, qui seules permettent «le
suivre le cheminement île la pensée du kabbaliste. Nous possédons
ainsi un texte intégral, précis, peut-être ardu, mais qui n'est pas
dépourvu «le beauté littéraire. Devons-nous rappeler <{ue lorsqu'il
s'agit de traductions françaises des traités eosmologùpies et
métaphysiques du judaïsme, ce sont l'indigence et Га-peu-près qui régnent,
et que c'est la première fois «pie le lecteur non rompu aux études
rabbiniques peut faire confiance à la traduction proposée ? Ne
voulant pas discontinuer la présentation du texte, G. Vajda a regroupé
ses commentaires sous la forme d'une série importante de notes
annexes. Il s'agit d'une quinzaine de thèmes, comme, la cosmologie,
la signification kabbalistique de la bénédiction, le trône, la sairesse,
le monde <pii vient, la création, la Présence divine, les voix, la Loi
écrite et la Loi orale, les sacrifices, les fins dernières. Ces paires ardues
justifient les leçons adoptée- pour l'établissement du texte hébreu,
réunissent les références concernant les passaires a<riradiques el
midrashiques que sous-entendent les explications d'Ezra. Гпе fois
le terrain ainsi préparé, elles situent les formulations du maître jréro-
nais dans le milieu doctrinal des premiers kahhalistfs, qui permet
une confrontation avec les recherches les {tins récentes de G. Scholem,
Y. Tishby et E. Gottlieb. Notons «pie la lecture la plus fructueuse
de ces petits traités serait probablement de les considérer comme
les prolongements immédiats du chapitre II du «jrand ouvra ire «le
il REVUE DE L HISTOIRE DES RELIGIONS

G. Scholem, Les origines de la Kabbale, qui analyse la plupart de ce?


thèmes dans le cadre du Livre Dahir. L'historien remarquera le côté
méthodique de ces commentaires, dont la note annexe n° IV fournit
un très bel exemple (p. 217-247). L'enquête commence par le Livre
Bahir, viennent ensuite les maîtres languedociens, Jacob Nazir,
Isaac l'Aveugle et leur « vulgarisateur », Asher ben David. Le lien
entre le centre provençal et géronais est assuré par les disciples
directs ď Isaac, par Ezra et Azri'el. Jacob ben Sheshet « généralise »
leurs idées et Nahmanide les appuie avec son autorité à la fois éso-
térique et religieuse. Enfin, dans le Me'irat ' Enayim d'Isaac d'Acco,
G. Va jda retrouve les derniers échos des explications données à voix
basse dans le cercle géronais. Ce cadre, apparemment modeste,
permet à l'auteur de traduire et de publier des extraits importants
provenant des ouvrages difficilement accessibles. Relevons parmi
ceux-ci Г « Explication des Treize Attributs » ď Asher ben David
(p. 217-220), des fragments remarquables sur la métaphysique de
la lumière cueillis dans les traités d'Ezra et Azri'el (p. 253-254),
un midrash ésotérique sur le Psaume XXVII rédigé par Azri'el
(p. 206-26У), des notes d'Ibn Abi Sahula sur les prototypes célestes
(p. 301-302). Les plus importants sont relatifs aux sacrifices (note
annexe n° XIV), et parmi eux le traité inédit intitulé le Mystère
de V offrande, attribué à Azri'el.
Le lecteur de langue française, qui aura parcouru ces analyses
d'un accès souvent difficile, exigera fort logiquement que l'on mette
à sa disposition une traduction digne de ce nom du Pirqêij Rabbi
Eli'ezer, des différentes recensions du Sefer Yesira et du Livre Bahir.
G. Vajda note (p. 192) qu'il serait éminemment souhaitable que les
longues considérations qu'Azri'el inscrit en marge du Hagiga II,
dans son Commentaire sur les Aggadot, soient traduites intégralement.
De même, il affirme (p. 181) qu'une monographie sur Meir ben
Salomon Ibn Abi Sahula, accompagnée de la traduction de son
commentaire sur le Livre Bahir et d'un autre sur le Sefer Yesira,
rendrait service. Ces publications pourraient se réaliser parallèlement
aux grands ouvrages d'érudition de, la collection Pardès, dont les
deux premiers volumes, d'une, qualité exceptionnelle, nous ont
découverts un univers intellectuel inconnu de ces étonnants xne
et хше siècles.
N. Sed.

A. .1. Arberry (edit.), Religion in Ihe Middle East, Cambridge


University Press, 1969, 2 vol., Г : xii -f- 595 p. ; II : xi ■-■ 750 p.
Il ne saurait pas être question de faire une recension détaillée
de ce volumineux ouvrage qui, en deux tomes, compte plus de
1 350 pages et pour lequel A. J. Arberry, assisté de C. F. Beckingham
pour l'islam, de E. I. J. Rosenthal pour le judaïsme et du Rév.

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