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Revue de l'histoire des religions

Une tradition essénienne dans le Coran


Marc Philonenko

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Philonenko Marc. Une tradition essénienne dans le Coran. In: Revue de l'histoire des religions, tome 170, n°2, 1966. pp. 143-
157;

doi : https://doi.org/10.3406/rhr.1966.8412

https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1966_num_170_2_8412

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Une tradition essénienne dans le Coran

La question que l'on se propose d'aborder ici est sans doute


assez nouvelle. La question des influences juives sur l'Islam
naissant, elle, ne l'est pas. Dès 1833, Abraham Geiger la
posait avec éclat dans un petit livre très remarquable pour
l'époque2 et, depuis lors, elle a été maintes fois reprise. Qu'il
suffise de citer ici les travaux de Hirschfeld3, de Speyer4 ou
de Torrey5. L'auteur, d'une mise au point relativement
récente, n'hésite pas à conclure : « L'influence du Judaïsme
sur l'Islam ancien doit avoir été très considérable, sinon
décisive »6. Notre étude rejoint donc tout un courant de
recherches qui remonte loin.
Une remarque toutefois, l'Essénisme n'a guère été évoqué
clans ce débat. Plus précisément, il Га été par raccroc, dans la
mesure où l'on croyait devoir déceler sur l'Islam en ses débuts
l'influence de sectes judéo-chrétiennes. Ainsi Renan estimait-il
que par sa doctrine du vrai prophète, l'Islam se rattachait à
« l'esséno-ébionisme »7. (Vest donc par le canal du judéo-
christianisme que l'on imaginait que des influences essé-
niennes avaient pu s'exercer sur l'Islam. Nous ne songeons
nullement à écarter cette possibilité. Le judéo-christianisme
est un des héritiers légitimes de l'Essénisme. Il a fort bien pu
jouer ici le rôle d'un intermédiaire. Il n'en reste pas moins
que, pour ce qui est des origines de l'Islam, on ne songeait

1} Communication présentée devant la Société Ernest-Renan, le 26 février l'J6ť>.


2) A. Geiger, Was hal Mohammed ans dem Judenthume aufgennmmen '.',
Bonn, 1833.
3) H. Hirschfeld, Jiidische Elemente im Koran, Berlin, 1878 ; Beilràge zur
Erklârung des Koran, Leipzig, 1886 ; New Researches into the Composition and
Exegesis of the Koran, London, 1901.
4) H. Speyer, Die biblisr.hen Erzàhlungen im (Joran2, Hildesheim, 1961.
Г>) С ('. Torrey, The Jewish Foundation of Islam, New York, 1033.
6) S. D. Goitein, Jems and Arabs, New York, 10Г)Г>, р. (U)-(il.
7) E. Renan, Marc-Aurèle, Paris, 1899, p. S3, note 1.
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guère à l'Essénisme en tant que tel. Sans doute, du. temps de


Renan, aurait-il été téméraire de supposer un commerce direct
entre l'Islam- et l'Essénisme, alors que- les sources^
d'information sur la; secte juive se: réduisaient, pour l'essentiel; aux,
notices de Philon: et de Josèphe1. Aujourd'hui que, par les
découvertes de la mer Morte, notre connaissance de
l'Essénisme est totalement renouvelée, de- nouvelles possibilités
s'oiïrent à la* critique.- Dès 1950, le R. P; de Vaux -relevait,
chez divers auteurs arabes les traces d'Esséniens cachés sous


le nom- de Maghâria2. Cette piste a été' suivie depuis ; par
plusieurs3. Mais il est/possible, il est utile, il est, croyons-nous,
nécessaire de remonter plus haut. Peut-on relever dans le Coran
même des traces d'influences proprement esséniennes ?
Quelques coups de sonde laissent entrevoir la richesse d'un terrain-
dont l'exploration devrait être menée de pair par.un spécialiste
des questions qoumrâniennes et par un ; islamologue averti4.
On se limitera volontairement ici à une tradition essénienne
dont on voudrait montrer qu'elle a été reprise par le Prophète.

*.-

Le point de départ de •- cette recherche est . fourni par le


Psaume 15K, Nul n'ignore que le Psautier hébreu* comprend;
150 psaumes.. La- version, grecque, dite des Septante, en-
compte' 151. Ce Psaume 15rse trouve être aussi le premier,
psaume d'une collection de cinq psaumes conservés en syriaque

1) Voir cependant A.. Sprenger, Das Leben und die Lehre des Mohammad2,
Berlin, 1869,4. I, p. 18-21..
2) R. de Vaux, A propos des manuscrits de la mer Morte, Revue biblique, 57,
1050, p. 417-429.
.

3) E. Bammel, Hôhlenmenschen, ZeiUchrifl fur die neutestamentliche Wissen-


schaft;4$; 1958, p. 77-88 ; P. Kahle, The Cairo Geniza2, Oxford, 1959, p. 24-25 ;
N. Golb, Who were the Magârïya ?, Journal of the American Oriental Society, 80,
1960, p. .'547-359 ; The Qumran Covenanters and the : Later Jewish Sects, The >~
.Journal of Religion, 41,. 1961, p. 3K-50. Sur un point différent, voir H. Nibley, .
.

Oumran and « The Companions of the Cave », Revue de Qumran, 5, 1965, p. 177-198.
4) Jeme propose de mener cette recherche en collaboration avec mon collègue
strasboursreois, T. Fahd. Signalons deux articles de E. F. F. Bishop, The Qumran.
Scrolls and the Qur'an, The Muslim World, 48, 1958, p. 223-236 ; Qumran and the
preserved/Tablet (s), Revue de Qumran, 5, 1965, p. 253-256. La portée des remarques
de C. Rabin, dans ses Qumran Studies, Oxford, 1957, p. 112-130, est très amoindrie
par son hypothèse paradoxale de l'origine pharisienne des textes de Qoumrân.
UNE TRADITION ESSÉNIENNE DANS LE CORAN 145

et attribués à David. M. Dupont-Sommer voulut bien, en 1958,


me suggérer de les étudier. Le caractère essénien de la
collection m'apparut immédiatement. Dans un article publié
quelques mois plus tard, j'apportais une démonstration de l'origine
essénienne de ces psaumes dont je relevais les expressions
typiquement qoumrûniennes1. En 1963, un jeune savant américain,
.1. A. Sanders, publiait le texte hébreu du Psaume 1512,
puis faisait connaître l'année suivante le texte hébreu du
second et du troisième psaume do la collection syriaque,
trouvés tous trois dans la onzième grotte de Qoumrân3. Cette
découverte apportait une confirmation inespérée à la thèse que
j'avais soutenue quelques années plus tôt. Il va de soi
cependant que l'original des trois premiers psaumes étant maintenant
connu, mon travail appelle, plusieurs retouches ou corrections.
Le Psaume 151 posait un problème particulier. A le lire
attentivement, tel qu'il nous avait été transmis en grec et en
syriaque-, on n'y relevait rien, à la différence des quatre autres,
qui rellétàt les conceptions mystiques de la secte et son
vocabulaire si particulier. Je concluais : « Ce psaume n'a rien
de typiquement essénien »4. Cette conclusion, parfaitement
légitime à ne considérer que les textes grec et syriaque, doit
cependant être écartée maintenant. L'original hébreu du
Psaume 151 comporte, en elïet, un certain nombre de phrases
qui sont absentes des versions grecque et syriaque, sans doute

1) M. Philonenko, L'origine essénienne des cinq psaumes syriaques «le David,


Semilicn, IX, 1959, p. 35-48.
2) Ps. 1 Г>1 in 11 (JPSS*, Zeilschrifl fur die allleslamenlliche Wissenschafl,
7."., 1963, p. 73-*6.
3) Two Non-Canonical Psalms in 11 (JPsa*, Zeilschrifl fur die alteslamentliche
Wissenschafl, 76, 1964, p. Г>7-7Г». On peut maintenant lire l'original hébreu «les
trois psaumes dans l'édition définitive de Sanders, The, Psalms Scroll of Qumrân
Cave 11, Oxford, НИ)!"). La publication du texte hébreu du Psaume 151 a suscité
d'assez nombreuses études. Citons, entre autres, J. Carmignac, La forme
poétique «lu Psaume 151 de la grotte 11, Revue de Oumran, 1, 1983, p. 371-378 ;
\V. II. Broyvnlee, The 11 О Counterpart to Psalm 151, 1-5, Revue de Oumran, 4,
1963, p. 379-387; I. Raiunowitz, The Alleged Orphism <-f 11 QPss 28, 3-12,
Zeilschrifl fur die. allleslamenlliche Wissenschafl, 78, 1964, p. 193-200. La plus
importante est celle d'A. Dupont-Sommer, Le Psaume CLI dans 11 OPsa et le
problème de son origine essénienne, Semilica, XIV, 1 984, p. 25-82. Nous citerons le
Psaume 151 dans la traduction de ce savant.
4) M. Philomenko, L'oriirine essénienne «les cinq psaumes syriaques de
David..., p. 37.
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parce qu'elles avaient été volontairement retranchées de


l'original hébreu par un copiste qui a fait œuvre de censeur.
Ces phrases trouvent leur explication la meilleure dans
l'origine essénienne du Psaume1.
Que l'on nous permette de citer ici ce texte capital :
« Alleluia ! De David, fils de Jessé.
J'étais le cadet de mes frères
et le plus jeune des fils de mon père.
Et (celui-ci) fit de moi le pasteur de son troupeau
et le chef de ses chevrettes.
Mes mains fabriquèrent un instrument de musique
et mes doigts, une lyre ;
et je rendis gloire à Yahvé,
m'étant dit, moi, en moi-même :
« Les montagnes ne Lui rendent-elles pas témoignage ?
Et les collines ne (Le) proclament-elles pas ? »
Les arbres prisèrent mes paroles
et le troupeau, mes poèmes.
Car qui proclamera et qui célébrera
et qui racontera les œuvres du Seigneur ?
L'univers, Eloah le voit ;
l'univers, Lui l'entend, et Lui prête l'oreille.
Il envoya Son prophète pour m'oindre,
Samuel pour me grandir.
Mes frères sortirent à sa rencontre,
eux qui avaient belle forme et bel aspect,
qui étaient de haute taille,
qui avaient de beaux cheveux :
Yahvé Dieu ne les choisit point.
Mais II envoya me prendre de derrière le troupeau,
et II m'oignit de l'huile sainte,
et II fit de moi le prince de Son peuple
et le chef des fils de Son Alliance. »
Montagnes et collines, arbres et troupeaux ! L'auteur du
psaume qoumrânien s'inspire ici sans conteste d'un psaume
canonique, le Psaume 148, 7-10 :
« Louez Yahvé...
Montagnes et vous toutes, collines,
arbres fruitiers et vous tous, cèdres ;
Bêtes sauvages et vous tous, animaux domestiques,
reptiles et oiseaux ailés. »

1) Voir A. Dupont-Sommiîr, art. cil., p. 29.


UNE TRADITION ESSÉNIENNE DANS LE CORAN 147

II est important de reconnaître la source biblique du


psaume qoumrânien, mais l'essentiel esl ailleurs, ('omrae
Sanders Га parfaitement vu et comme A. Dupont-Sommer Га
magistralement démontré, il y a dans ce stique
— les arbres prisèrent mes paroles
et le troupeau mes poèmes -—
une claire allusion à la légende d'Orphée charmant du chant
de sa lyre les arbres et les troupeaux1. (Vest ce David-Orphée
que l'on retrouve sur les fresques de la synagogue de Doura2 et
dans les miniatures de nombreux psautiers chrétiens3.
Peut-être même faudra-t-il se demander dans l'avenir si
l'utilisation du mythe orphique dans l'Essénisme s'est limité
à la reprise d'un seul thème : celui ď « Orphée aux animaux »4.

Nous pouvons maintenant ouvrir le Coran5. David y tient


une place considérable. Il apparaît dans le cortège des
serviteurs de Dieu6 et se trouve, le plus souvent, accompagné de
Salomon7. C'est que le père et le fils sont unis l'un à l'autre
par une commune sagesse. David, pour le Coran, est d'abord un
sage. Ainsi lit-on dans la sourate 38, 19 : « Nous lui avons
renforcé son royaume. Nous lui avons donné la Sagesse (hikma)

1) J. A. SaxNders, Ps. 151 in 11 QPSS..., p. K2-*4 ; The Psalms Send of Qumrân


Cave 11..., p. Gl-63 ; A. Dupont-Sommer, ari. cit., p. .47-40, 42-43, 56-61 ; David-
Orphée, Paris, 1964.
2) E. R. Goodenough, Jeivish Stpnbols in Ihe Grem-Roman Period, New York,
1964, t. IX, p. 89-104.
.4) Voir, par exemple, L. Réau, Iconographie de Varl chrétien, Paris, 1956,
t. II, p. 255. A noter une curieuse enluminure du Psautier de Stuttgart reproduite
dans G. Bandmann, Melancholie und Musik, Kôln-Opladen, 1960, p. 143.
4) II faut ici attirer l'attention sur un hymne attribué à David et conservé dans
le Liber Anliquitalum Biblicarum du Pseudo-Philon. Nous avons essayé do
montrer l'origine essénienne de ce texte dans un article intitulé : Remarques sur
un hymne essénien de caractère gnostique, Semilicn, XI, 1961, p. 43-54. Dans cet
hymne, David, par le chant de sa harpe, maîtrise lVsprit malin, venu du Tartan;,
qui tourmentait Saiil. L'allusion à Orphée, vainqueur par sa lyre des maîtres de
l'enfer, est évidente. On peut trouver là une confirmation supplémentaire de
l'origine essénienne de l'hymne.
5) Nous citerons le Coran dans la traduction fie R. Blachère, Le Coran,
Paris, 1957.
6) Sourate 4, 161 ; 6, «4.
7) Sourates 21, 79 ; 27, 15 ; 34, 10-11.
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et l'art d'arbitrer. » De même dans la sourate 21, 79 : « Nous


fîmes comprendre l'affaire à Salomon (et à David) et, à tous
deux, Nous donnâmes Illumination et Science. » Cette
insistance à souligner la sagesse de David est un peu surprenante.
Selon la littérature rabbinique, en effet, la sagesse de David
était bien inférieure à celle de son fils. Notons, toutefois, que
dans le rouleau des Psaumes découvert à Qoumrân, David se
révèle être un sage ( WDU ) à quiYahvéadonné «un esprit
d'intelligence et d'illumination и1. Cette première rencontre du texte
coranique et du texte qoumrânien n'est sans doute pas fortuite.
Un autre trait important est retenu dans le Coran : David,
adversaire de Goliath2.
Bien entendu, dans le Coran, David apparaît aussi comme
le chantre de Dieu, celui à qui Allah a donné les Psaumes3.
Une sourate de la deuxième période mekkoise mérite de retenir
particulièrement notre attention (38, 16-18) :
« Supporte ce qu'ils disent et mentionne Notre Serviteur David si
plein de faits et toujours en repentance. »
Nous lui avons soumis les montagnes qui, avec lui, glorifient le Seigneur
soir et matin,
et lui avons soumis les oiseaux autour de lui assemblés, et montagnes
et oiseaux envers lui sont déférents. »

Ce thème se trouve repris dans la sourate 21, 79 : « Nous


fîmes comprendre l'affaire à Salomon (et à David) et, à tous
deux, Nous donnâmes Illumination et Science. Nous forçâmes
les montagnes et les oiseaux à Nous exalter, avec David, et
ainsi Nous fîmes. » De même, en 34, 10 : « Certes, Nous avons
donné à David une faveur issue de Nous. « О Montagnes !,
reprenez avec lui ses hymnes et vous aussi, Oiseaux ! »
L'allusion au Psaume 148 est indéniable :
« Louez Yahvé...
Montagnes et vous toutes, collines,
arbres fruitiers et vous tous, cèdres ;
Bêtes sauvages et vous tous, animaux domestiques,
reptiles et oiseaux ailés. »

1)11 QPsa 27, 4.


2) Sourate 2, 252.
3) Sourates 17, Г>7 ; 4, 161.
UNE TRADITION ESSÉNIENNE DANS LE CORAN 149

Les critiques ne s'y sont d'ailleurs pas trompés1. Mais il


y a davantage dans le texte coranique qu'une simple allusion
au Psaume 148. L'idée est que toute la création, soumise à
David, avec lui, glorifie le Seigneur. Cette interprétation si
curieuse — et qui paraît inconnue de la tradition rabbinique —
c'est celle qui, sans doute aucun, apparaît pour la première
fois dans le psaume qoumrànien. Les montagnes qui chantent
avec David, ce sont les montagnes attirées par Orphée, et
ces oiseaux assemblés autour de David, ce sont ceux que
charmait le fils de Calioppe.
Ainsi, comme dans le Psautier qoumrànien, c'est David-
Orphée qui chante dans le Coran.

* **

Notre exégèse trouve une étonnante confirmation dans la


tradition islamique. Les traits de David-Orphée vont
apparaître, avec un relief très accusé, dans certains textes inspirés
des passages coraniques dont nous avons fait état.
Au ixe siècle de notre ère, Tabari, le grand chroniqueur
arabe, glosant la sourate 34, écrit : « Quand les Fils d'Israël
se rallièrent à David, Dieu lui révéla les Psaumes, lui apprit
à travailler le fer et le ramollit pour lui, et ordonna aux
montagnes et aux oiseaux de chanter en sa compagnie quand il
chantait. On dit que Dieu ne donna point à une autre de ses
créatures une voix semblable à la sienne. Quand il récitait
les Psaumes — dit-on — les bètes sauvages s'approchaient si
près de lui que l'on pouvait les prendre par le cou ; elles
étaient tout oreilles pour écouter sa voix. Les démons n'ont
fabriqué les llûtes, les luths, les harpes que sur diverses
tonalités de sa voix »2. N'est-ce point là Orphée, le chantre
divin, tel que le décrit Virgile, « charmant les tigres »3 ou, tel

1) Cf., par exemple, H. Bell, The Çur'an, Edinburgh, 1937, t. I, p. .'Ш, n. 3.


•2) Tabari, Tàrlh, éd. M. J. de Goejo, Leyde, 18Sl-l8s-i, I2, p. Г>Г>2. Je dois
cette traduction de Tabari, ainsi que celle du passage cite plus bas, à mon collègue
et arni T. Fahd.
3) Géorgiques 4, 510.
10
150 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

que le montre Ovide, « assis au milieu d'un cercle de bêtes


sauvages et d'une multitude d'oiseaux »x. Nombreux sont les
monuments figurés qui représentent Orphée jouant de la lyre.
Autour de lui sont assemblés les animaux les plus divers,
le lion, le tigre, le serpent ; des oiseaux parmi lesquels on
reconnaît le paon, l'aigle, la colombe2. Peut-être fera-t-on
remarquer qu'il n'est pas fait mention d'oiseaux dans le texte
arabe de Tabari ? Ils se trouvent cependant dans la version
persane de sa Chronique : « Dieu avait donné à David une belle
voix, de sorte qu'il chantait les psaumes avec des airs si
beaux, que jamais personne n'en avait entendu de pareils.
Or, quand David commençait à chanter des louanges, les
oiseaux du ciel venaient et se plaçaient autour de sa tête et
écoutaient »3.
Le personnage de David-Orphée se retrouve jusque dans
le soufisme. Au XIe siècle, Hujvïrï, un auteur persan, traitant
des principes de l'audition, écrit dans son Kašf al-mahjuh :
« Sache que les principes de l'audition varient selon les
tempéraments, de même que les inclinations sont différentes selon
les cœurs, et que ce serait tyrannie de lui imposer une seule
loi. Les auditeurs se divisent en deux classes : d'une part
ceux qui entendent le sens, d'autre part ceux qui entendent
le son. Il y a beaucoup de bien et beaucoup de mal dans les
deux méthodes. En effet, l'audition de sons agréables produit
une effervescence de l'essence dont est composé l'homme,
vraie si cette essence est vraie, fausse si elle est fausse. Si la
substance d'un homme est mauvaise par nature, tout ce qu'il
entend est mauvais. Tout cela apparaît dans l'histoire de
David. Lorsque Dieu fit de lui son lieutenant, il le doua d'une
voix suave et fit de sa gorge des flûtes et fit des montagnes
ses messages au point que des montagnes et des plaines les
bêtes sauvages et les oiseaux venaient l'écouter, que l'eau
cessait de couler et que les oiseaux tombaient du ciel. On

1) Métamorphoses 10, 143-144.


2) Cf. A. Boulanger, Orphée, Paris, 1925, p. 149-155.
3) Tabari, Chronique, I, 91, éd. IL Zotenberg, Paris, 1867, t. I, p. 426.
UNE TRADITION ESSENIENNE DANS LE CORAN 151

rapporte que les gens restaient dans ce désert (où il chantait)


un mois sans prendre aucune nourriture et les enfants sans
pleurer ni s'allaiter et que, chaque fois qu'ils s'en
retournaient, ils laissaient beaucoup des leurs morts du plaisir
d'écouter sa voix ; une fois, dit-on, il y eut jusqu'à 700 vierges
qui moururent, ainsi que 12 000 vieillards. Alors, lorsque Dieu
voulut séparer ceux qui entendaient le son et suivaient leur
nature des sectateurs de -la vérité et auditeurs de la réalité,
il laissa Iblis agir selon son désir et user de ses ruses, Iblis fit
une flûte et une mandoline et s'installa en face de David.
L'auditoire de David se divisa en deux groupes : les damnés
et les bienheureux. Les premiers allèrent écouter les chants
ď Iblis, les autres restèrent à écouter les accents de David,
('eux qui percevaient le sens n'étaient pas touchés par le
son ( — même) de la voix de David ou d'un autre, car ils ne
voyaient que Dieu : s'ils écoutaient les chants du démon, ils
y voyaient une tentation venue de Dieu, et, s'ils écoutaient la
voix de David, une voie indiquée par Dieu »*.
Ainsi donc, des montagnes et fies plaines les bètes sauvages
et les oiseaux viennent écouter David, et à sa voix l'eau cesse
de couler, et les oiseaux tombent du ciel. Sous les traits de ce
David, n'est-ce point encore Orphée qui se révèle à nous ?
Je n'en veux pour preuve qu'un texte de Sénèque : « Aux
accents de ce poète s'arrêta h; fracas du torrent rapide et,
oubliant de poursuivre sa course, l'onde perdit son impétueux
élan ; quand- les ileuves s'arrêtèrent ainsi, les Bistoniens
éloignés crurent l'Hèbre tari chez les (lètes. La forêt lui amena
elle-même ses oiseaux et les habitants du bois vinrent avec
lui : ceux qui parcouraient les airs, en entendant ses mélodies,
tombaient trahis par leurs forces »2.
Tous les traits appliqués par Sénèque à Orphée, chez
Hujvïrï, se trouvent attribués à David. Non seulement les

1; HnJvîRï, Kašf nl-mah)ub, éd. Žukovskij, Leningrad, 1926, p. 524-525.


M. (1. Lazard, professeur à l'École des Langues orientales, a bien voulu traduire
pour moi ce texte persan. Je l'en remercie bien vivement ici.
2) Hercule sur VŒla, 1036-1047 (traduction L. Hermann, éd. Guillaume Budé).
152: REVUE DE L'HISTOIRE : DES RELIGIONS

bêtes sauvages et les oiseaux sont charmés par la parole de

■-.
l'un et de l'autre, non seulement les fleuves s'arrêtent de couler
pour l'um et pour l'autre, mais encore les oiseaux tombent
du ciel aux pieds de David et d'Orphée qui, ici, ne sont qu'un.
Non seulement /Tabari et Huj vïrï reproduisent le portrait
de David-Orphée, mais ï sur. un point ils l'ont même corrigé.
C'est que tout emprunt n'est jamais mécanique et implique
appropriation et transformation. Alors qu'il n'y avait pas la ;


moindre allusions dans les sourates dont ils s'inspirent à, un
instrument de musique, l'un et l'autre en font mention.. Ils
attribuent' aux démons Г invention de la flûte , de la harpe et
du luth. L'explication- en; est sans doute à chercher, dans un !
certain rigorisme qui, rejette l'instrument, pour ne retenir-
que la ;■ seule voix humaine; Mais, dans notre contexte, cette

.
explication n'est pas pleinement satisfaisante. L'auteur arabe :

.
et l'auteur persan doivent avoir, eu? connaissance d'une
tradition i qui attribuait . le don de la harpe ou de : la cithare au '■
chantre divin. De fait, l'on sait qu'Orphée, sans avoir inventé
la* harpe, l'avait perfectionnée en; lui ajoutant une ou? deux v
cordes, portant ainsi en tout1 cas le nombre de celles-ci à neuf;,
en • conformité avec le ■ nombre des Muses1. Peut-être même ■
l'auteur du Psaume 151, faisait-il de David l'inventeur de lai
harpe,, lorsqu'il^ le- montre fabriquant de ses? mains son*
instrument;
Le fait que les allusions à la dégende d'Orphée soient plus
nettes et plus précises encore au >■ niveau ; de la , Tradition r< que
dans le Coran pose un problème* très délicat; On-, pourrait
certes^ penser que des commentateurs, ayant reconnu en-
David le chantre thrace, aient complété le portrait du?David-~
Orphée coranique. Cette explication ne peut être absolument
écartée; mais elle : reste insuffisante. Ane prendre ici que le
cas de- Tabari, on peut montrer que ce compilateur; a; eu
accès à des sources proprement esséniennes et qu'il a
vraisemblablement connu le Psaume 151.
.

1) Cf. J. Coman, Orphée, civilisateur de Vhumanilé, Paris, 1939, p. 27.


UNE TRADITION ESSÉNIENNE DANS LE CORAN 153

Ce Psaume, rappelons-le, comporte en fait deux. parties.


La première est parfaitement conservée : nous l'avons citée
plus haut. De la seconde partie, nous ne possédons que les
débris des deux premières lignes :
« Commencement des hauts [fa]its (?) de David, après que le
prophète de Dieu l'eut oint.
Alors j'[entend]is un Philistin qui défiait les li[gnes d'Israël...]. »

Le sujet de cette seconde partie du Psaume est donc le


combat de David et de Goliath. Ainsi, dans le même psaume,
David apparaît-il sous les traits du chantre de la mythologie
grecque et sous ceux de l'adversaire de Goliath. Si l'original
hébreu de cette seconde partie du Psaume est
malheureusement perdue, la version des Septante, la version syriaque et la
Velus latina permettent de le restituer en partie. Le texte
de la Velus latina est particulièrement intéressant. On lit
(Psaume 151, 6-7) :
« Je sortis à la rencontre de l'étranger,
et il me maudit par ses idoles ;
mais moi, lui ayant tiré son épée, je lui coupai la tête,
et j'enlevai la honte aux fils d'Israël. »

Dans un manuscrit d'Augsbourg sur lequel A. Dupont-


Sommer a attiré l'attention avec sa perspicacité coutumière,
on trouve après : « Je sortis à la rencontre de l'étranger, et
il me maudit par ses idoles » — c'est-à-dire après le verset 6 —
un verset qui ne figure ni dans la version des Septante ni
dans la version syriaque ni dans les autres manuscrits de la
Velus latina : « Et je lançai contre lui trois pierres sur son
front, par la force du Seigneur, et je l'abattis1. Cette phrase
s'inspire manifestement du récit de / Samuel 17 ; il est
manifeste qu'elle est bien à sa place dans le Psaume, entre le
verset 6 qui montre David se portant à la rencontre du
Philistin et le verset 7 qui le montre tranchant la tête de son
adversaire : entre ces deux actions, le psalmiste ne pouvait
guère éviter de montrer David frappant Goliath de sa fronde.

1) Voir A. Dupont-Sommer, art. cil., p. Г>2-53.


154 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

A. Dupont-Sommer conclut donc à bon droit que « le manus-


« crit d'Augsbourg nous restitue ici, semble-t-il, quelque chose
de l'original hébreu я1. »
Un point est à noter. Le livre de Samuel, parle de cinq
pierres que David ramasse dans le torrent, et c'est seulement
avec une pierre qu'il tue le Philistin. Selon la tradition rabbi-
nique, ces cinq pierres se seraient amalgamées en une seule2.
Selon la tradition retenue dans le manuscrit d'Augsbourg,
et donc sans doute dans l'original hébreu du Psaume 151,
c'est avec trois pierres cette fois que David tue Goliath. Or,
cette tradition midrashique essénienne, c'est celle-là même
que connaît Tabari et qu'il allègue et explique dans son
commentaire du Coran pour le combat de David et Goliath
(sourate 2, 252). Notons d'emblée que, dans son
commentaire, Tabari, tout comme l'auteur du Psaume 151, fait de
David-Orphée l'adversaire du Philistin :. « David dit à son
père : ... Je ne lance pas de pierre de ma fronde contre-quelque
chose sans l'abattre...; j'ai pénétré entre les montagnes et
j'ai trouvé un lion couché ; je l'ai monté et je l'ai tenu par les
oreilles ; il ne s'est pas relevé... ; je marche entre les
montagnes et je chante ; alors, il ne reste pas une seule montagne
qui ne chante avec moi »3. Tabari présente David ainsi :
« David était un homme trapu, (de teint) pâle, les cheveux
clairsemés. Il avait le cœur pur. Son père lui dit : « О mon
« enfant-, nous avons préparé un repas à tes frères, afin qu'ils
« puissent trouver les forces (nécessaires) pour combattre
« l'ennemi; porte-le-leur. Dès que tu le leur auras apporté,
« reviens vite vers moi. » II dit : « Oui. » Puis il partit
emportant le repas de ses frères, son sac en bandoulière dans lequel
il mettait les pierres et sa fronde dont il se servait pour
défendre son troupeau de moutons. En route, une pierre lui
dit : « О David, prends-moi, mets-moi dans ton sac ; tu tueras

1) A. Dupont-Sommer, url. cil., p. Wi.


"Z) Cf. M. Grťtnbaum, Neiie Be.ilràge zur semilisrhen Sagenkunde, Loideri,
1893, p. 192.
3) Tabari, II, p. 278, I. VZ sqq.
UNE TRADITION ESSÉNIENNE DANS LE CORAN 155

« par moi Goliath ; car je suis la pierre de .Jacob. » II la ramassa


et la déposa dans son sac et continua à marcher ; une autre
pierre lui dit : « О David, prends-moi, mets-moi dans ton sac ;
«tu tueras par moi Goliath ; car je suis la pierre d'Isaac. »
II la ramassa et la déposa dans son sac et continua à marcher ;
une troisième pierre lui dit : « О David, prends-moi, mets-moi
«dans ton sac; tu tueras par moi Goliath; car je suis la
« pierre d'Abraham. » II la ramassa et la déposa dans son sac
et continua à marcher я1. Arrive le combat. « David mit les
trois pierres dans la fronde. Il dit en mettant la première :
« Au nom de mon père Abraham » ; la seconde : « Au nom
« de mon père Isaac » ; la troisième : « Au nom de mon
« père Israël. » Après avoir fait tournoyé la fronde, les
pierres sont devenues une seule »2.

*
* *

Mais laissons là Tabari et Hujvïrï. Leurs témoignages


confirment notre exégèse qui découvre un David-Orphée dans
le Coran. Comment rendre compte de cette singulière
présence dans le Saint Livre ?
« Nous forçâmes les montagnes et les oiseaux à Nous
exalter avec David. » C'est à juste titre que l'on a reconnu là
un écho du Psaume 148: Mais il y a davantage ici, et nous
l'avons vu, qu'une simple réminiscence du texte biblique, si
nette soit-elle. Les textes coraniques reprennent
l'interprétation qoumrânienne du Psaume 148 — interprétation attestée
dans le Psaume 151 — : toute la création glorifie le Seigneur
avec David, nouvel Orphée. C'est dire que le Prophète a connu
le Psaume 148 éclairé par une tradition exégétique essé-
nienne. Ceci n'implique pas nécessairement, mais n'exclut
pas non plus qu'il ait eu connaissance du Psaume 151
lui-même. Nous sommes ainsi amené à nous interroger sur

1) Tabari, II, [). '^7Г»-27Н, 1. 44 s


^) Tabari, II, p. -Z7S, 1. '2.'{ sqq.
156 REVUE DE L'HISTOIRE, DES RELIGIONS

le caractère dm Psautier que Muhammad a pu connaître.


Dans le Coran, la seule citation ! expresse du Psautier et
même de tout l'Ancien Testament se trouve être une citation5
du • Psaume 37, 29. On lit, en . effet; dans une sourate de la
deuxième période mekkoise (2Ц 105) : « Nos saints Serviteurs^
hériteront la • terre: » Le verset du * Psaume se trouve repris

;
en 7, 125 : « Moïse dit à son peuple : « Demandez aide à Allah;
« et soyez constants ! La terre est à Allah et 1Г en- fait hériter
« qui i II veut, parmi Ses serviteurs. Laí Fin? heureuse est aux:
!

i
«Pieux II »-> Or, ce verset du? Psaume 37> n'a guère1 retenu
l'attention des rabbins qui le citent rarement1; Par contre, il í
avait certainement reçu г en milieu essénien une
interprétation particulière. Déjà, le verset du Psaume est cité dans le
livre d'Hénoch (5, 7) : « Et pour les élus, il y auralumière, et
« joie et paix, et ils hériteront la terre »2. Mais: il y a plus.
Les découvertes de Qoumrân nous ont rendu un; Commentaire
du Psaume 37. Le verset 29, cité dans le Coran, tombe
malheureusement dans une lacune. Par bonheur," les versets 9 b et 11,
de sens ■ très voisins, nous ; ont ; été - conservés, ainsi : que leur
commentaire;, Voici ce texte : : « Mais ceux qui* espèrent l en
Yahvé, ceux-là posséderont < la terre ( v. , 9 b) .... L'explication '■ de
<

ceci (c'est que) ceux-là sont la Congrégation? de Ses élus, qui ;


accomplissent sa volonté... Mais les -, humbles < posséderont la ■


terre et se délecteront d'un parfait' bonheur (v.,11).
L'explication de ceci concerne la Congrégation des Pauvres, qui
acceptent le temps de l'affliction i et seront; délivrés- de tous les
pièges de Bélial,. et ensuite ils- se délecteront [de] tous les
pl[ai]sirs de la terre, et sera [expulsée toute : aiïli[ction] de ; la
chair, »3.
L'interprétation» communautaire et eschatologique du*
Psaume 37, donnée par le Commentaire qoumranien^ annonce
donc et prépare celle retenue par le texte coranique.
;

1) Voir Strack-Billerbeck, Kommentar zum Neuen Testament aus Talmud


und Midrasch2, Munchen; 1956, t. I, p. 199..
2) Cf. aussi Évangile de Matthieu 5, 5.
3) Traduction A. Dupont-Sommer.
UNE TRADITION ESSÉNIENNE DANS LE CORAN 157

***

Muhammad ne tiendrait-il pas ces traditions, et d'autres


encore, d'un groupe de juifs, de justes, en un mot, disons-le,
d'Esséniens, à La Mekke d'abord, peut-être à Médine ensuite ?
L'hypothèse est permise. Depuis longtemps on s'interroge
sur l'origine des juifs que Muhammad a rencontré en Arabie.
Qui étaient-ils ? D'où venaient-ils ? Quand étaient-ils venus ?
Sans doute cette immigration s'égréna-t-elle au cours des
siècles. Des juifs ont pu s'installer en Arabie très tôt, dès
le vie av. J.-C.1, D'autres, et l'idée est de Nôldeke, seront
venus beaucoup plus tard, fuyant devant les légions romaines
qui, en 70, sous le commandement de Titus, allaient s'emparer
de Jérusalem2. Parmi ces réfugiés, il y avait sans doute des
Esséniens qui abandonnaient le site de Qoumrâri. Certains
fuirent en TransJordanie et se mêlèrent aux judéo-chrétiens3,
d'autres émigrèrent en Arabie. Jusqu'au vne siècle de notre
ère, ils conservèrent vivantes leurs traditions et purent
exercer une influence sur l'Islam naissant.
Ainsi se trouve posé un problème dont les données sont
totalement nouvelles : quelle est la part de l'Essénisme dans
les origines de l'Islam ? Ici encore, les manuscrits de Qoumrân
dissiperont bien des obscurités et apporteront bien des
lumières.
Marc Philonenko.

1) Cf. I. Ben-Zvi, Les origines de l'établissement des tribus d'Israël en Arabie,


LeMuséon, 74, 1961, p. 143-190.
2) Th. Nôldeke, Beitràge zur Kenntnis der Poesie der alien Araber, Hannover,
1864, p. 52-53 ; cf. G. A. Nallino, Ebrei e Gristiani neil' Arabia preislamiea, dans
Raccolta di scrilli editi e inedili, Rome, 1941, t. Ill, p. 101.
3) Cf. О. Cullmann, The Significance of the Qumran Texts for Research into
the Beginnings of Christianity, dans K. Stendahl, The Scrolls and Ihe New
Testament, London, 1958, p. 252, n. .32.

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